ARCHIVES
DE E
NEUROLOGIE
ARCHIVES .
D It
NEUROLOGIE
, REVUE MENSUELLE .
DES MALADES NERVEUSES ET MENTALES
FOND Itl PAR J.-lI. CIIARCOT
1`UISLIIsN SOUS LA DIfIF : C'l'ION DR 1111.
A. JOFFROY
Piolesscur de clinique
des
ma1nùles mentales
à la (-'acuité de médecine
'ie Pm is
V. MAGNAN
Membre de l'Académie
de médecine
Médecin de l'Asile clinique
(Sle-Allllc).
F. RAYMOND
Professeur de clinique
des maladies
du système nerveux
à la Faculté de médecine
de Paris.
COI.LABORITHUI1S PRINCIPAUX
us1 .aan : E(J.), 4RNAUD, BA U1NSKI, BALLET, BLANCHA 1\lJ (II.). BLIN, BOISSIEIl (1".),
310NCOl;n (P.), BOYER (J.), BU1AND (N.), 13111SSAtID (E.), Bli0llAltUEL ('.),
CARRIER (G.), CAUURON, CESTAN, CHARON, CHARPENTIER, ClII\1STlAN,
LULLEHIIE, D.1\JE.1\, OEBOYE (M.), UENY, DUVAL (Mm ? ), FfllÉ (Cn.),
rENAYHtIU, FEltIilElt, FItANCOTTE, GARN1ER (S.), GOMIIAULT, GRASSET, GUURD,
liEI\AYAL, l0[)INDJY, LADAME, LANUOUZY, LEGIIAIN, LEIIOY, L"'OFF,
HABILLE, MAUANDON UE MONTYEL, MARIE (A.), MASSELON, NACGERET (R.),
IIEItIiLEN, M1ERZEJEWSKI, M1RALLIÉ, 31Ol;ItATOFF (W. A.),
IUSGÜaI'E-t : LA1', l'APADAKI, PARIS (A.), PASTUREL, DE PERRY, P1CQIÉ,
PIEII1\ET. PITIIES, RAVIAltT, HAYNEAU, RÉGIS, m : RNA)U) (P.), H £ GNIEII (P.),
111G11FIUP.), HOTH (W.), HOY, SÉGLAS,SGItIEt ! X, SOLLIEII, SOLKHAKOFF.
SOIQUES, TEIULIÉ (11.), l : RHlOLA, VACIIIDE, VALLON, 'IGOliItOUS, V1LLARD,
VOISIN (J.), VURPAS, SV'0`7 (P.).
Rédacteur en chef : BOURNEVILLE
Secrétaires de la rédaction : J.-B. CHARCOT et J. NOIR
Deuxième série, tome XVIII. - 1904.
A\eci7 ligures dans le texte et 11 planches.
PARIS -
BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL
14, rue des Carmes.
1904 II,
Vol. XVIII. Juillet 1904. N° 103.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE,
, .' Médiumnité délirante; i.
1 .
PAR - 1
PAUL SOLLIER, Français BOISSIER,
Médecin du Sanatorium de Bou- Médecin adjoint du Sanatorium ; ''
logne-sur-Seine. ' de Boulogne-sur-Seine.
Au moment où MM. Gilbert Ballet, Dheur et Monnier-Vi-
nard, apportaient leurs observations à la Société médico-
psychologique, nous suivions des cas analogues dont nous
nous proposions aussi de faire l'objet d'une communication.
Il n'y a pas à revenir sur la théorie physiologique du spi-
rilisme 1, mais il faut en compléter le cadre pathologique.
La clinique permet toujours de relever des détails restés
dans l'ombre ou de contrôler au moins les données antérieu-
rement acquises. Depuis les' formes légères du petit som-
nambulisme, ce cadre pathologique comprenait déjà tous les
degrés jusqu'aux plus amples manifestations de la grande
hystérie; mais il faut en élargir les limites et les étendre
du champ de la névrose à celui de la vésanie délirante. ,
L'occultisme sous toutes ses formes est de nos jours plus
en faveur que jamais' au détriment de la santé morale de
ceux qui s'y adonnent avec quelque conviction; aussi
l'hygiène elle-même doit-elle tirer profit des acquisitions de
celte pathologie spéciale. Celle-ci devrait mettre à contribu-
tion l'étude exacte des médiums les plus célèbres et l'expli-
1 Réservant aussi cette question, MM. Ballet et Dheur renvoient le lec-
leur aux chapitres spéciaux de MM. Ch. Richet, Myers et P. Janet. aux-
quels s'est ajouté depuis M. Grasset dans le Spiritisme devant la
Science.
Archives, 2' série, t. XVIII. 1
2 CLINIQUE mentale.
cation rationnelle et critique de leurs exploits. M. Flournoy
a donné le modèle du genre dans Des Indes à la Planète
Mars suivi de Nouvelles observations sur un cas de som-
nambulisme avec glossolalie. Malgré l'apparence étrange-
ment mystérieuse et déconcertante des phénomènes présen-
tés par Mlle Smith, l'auteur est toujours parvenu à en sur-
prendre le point de départ, à en dépister la genèse intime et
le mécanisme naturel, même quand il a dû, pour y réussir,
avoir recours à l'expertise des philologues. S'il a pu ainsi
démontrer l'appareil compliqué des facultés dites supranor-
males de son curieux sujet et en cataloguer les éléments
maladifs, combien serait-il plus facile d'établir le bilan
pathogénique des médiums plus modestes qui se rencontrent
presque partout. La supercherie que l'on reproche si souvent
à ces derniers est elle-même symptomatique, déduction faite
des jongleries de quelques professionnels. Ainsi faudrait-il
éventer le plus possible ces trucs inconscients et parfois si
puérils dont les auteurs eux-mêmes sont les premières
dupes, comme l'a très heureusement entrepris M. P. Janet à
la Société de psychologie en 1902 à propos d'un cas de Plié-
nornènes d'apport.
Au bénéfice de la même prophylaxie il y aurait lieu de
divulguer les accidents causés par la fréquentation des
séances de spiritisme. Charcot, Forel, Vigouroux, Henné-
berg, Donath et Goscheit en ont publié des exemples dans
lesquels il s'agit de personnes, surtout des jeunes filles,
antérieurement saines, devenues hystéro-épileptiques à la
suite de leur participation à des scènes d'évocation d'esprits.
C'est la conséquence forcée de ces pratiques qui constituent
un dressage intensif de l'automatisme, une entraînement
méthodique au dédoublement et à la désagrégation de la
personnalité. Ici elles font éclore ou aggravent la névrose,
ailleurs elles réveillent et systématisent un tendance à la
vésanie qu'une vie régulière et bien dirigée aurait réduite
au silence ou à de favorables proportions. Tels sont les dan-
gers à faire connaître à ceux même, qui, sans autre convic-
tion, ne voient dans ces opérations qu'un innocent jeu de
société.
Pour en revenir aux rapports du spiritisme avec les trou-
bles mentaux, dans la voie ouverte à la Société médico-psy-
chologique en avril 1J03; il serait utile de rechercher les cas
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 3
de délire à forme médianimique et les cas d'aliénation sur-
venant chez les médiums pour voir s'il n'y a pas dans ces
faits un aspect particulier de ce que Flournoy appelle « le
tempérament médiumnique » ? Quoi qu'il en soit, il semble
pour l'instant, que ces troubles mentaux se présentent sous
trois modalités différentes : n
1° Le délire vésanique revêt la forme médianimique, il
constitue sous cette forme toute la maladie dont les éléments
symptomatiques sont représentés par ceux de la médiumnité
elle-même. A quelque groupe nosologique que se rattache
cette maladie mentale, elle se renferme dans les limites de
ce délire, débutant et finissant avec lui. Dans ce cas, le
trouble mental ne diffère de la médiumnité commune que
par l'état d'esprit persistant et par la mauvaise influence
qu'il imprime à la vie sociale du sujet en raison des actes
extravagants auxquels celui-ci peut être entraîné par l'obéis-
sance à ses hallucinations. Dans cette catégorie peuvent se
placer le malade de MM. Ballet et Dheur et notre première
malade.
2° Le délire médianimique n'est que le début, la première
étape plus ou moins courte d'une psychose grave qui dans
la suite revêtira une forme différente. Il peut être soit un
épisode dans l'évolution d'une vésanie, soit une phase tran-
sitoire entre un étal névropatique prodromique et une ma-
ladie mentale confirmée ; ce dont notre second malade serait
un exemple.
3° Un délire vésanique de forme quelconque peut venir
compliquer un cas de médiumnité ordinaire durant depuis un
temps plus ou moins long. Ce délire marque alors un pro-
grès nouveau accompli pour la désorganisation psychique
du sujet. Il peut même constituer le mode de terminaison
naturelle de certaines médiumnités. Cela pourrait être le cas
du malade de MM. Ballet et Monnier-Vinard, comme ce fut
celui de plus d'une célébrité du spiritisme 1..
Il est d'ailleurs curieux de constater que le délire de mé-
diumnité peut naître spontanément, ou si l'on préfère, que
les éléments d'un délire peuvent revêtir d'eux-mêmes la
forme médianimique sans initiation spéciale et surtout sans
Home et ceux que cite sans les nommer Allan Kardec dans le livie e
des médiums, p. 310. ,
4 CLINIQUE MENTALE.
entraînement spirite préalable du sujet. Une seule séance de
table tournante suffit pour mettre le malade de MM. Ballet
et Dheur surla voie rapidement parcourue dans la suite de
la désagrégation mentale. Notre première malade n'avait ja-
mais pris part à aucune pratique spirite avant l'éclosion de
son délire, elle n'en a pas moins. appliqué à tous ses phéno-
mènes hallucinatoires le mécanisme des divers modes de
communication avec « l'au-delà » qui contituent le rituel
classique du spiritisme.
- Observation. I. - Phénomènes hallucinatoires verbaux, psychomo-
teurs, typtologiques et g1'aphomoteurs, Spécialités médianénémi-
ques diverses. Tables tournantes, typtolologie mentale intérieure,
messages écrits et parlés, dessins, révélations inspirées, adup-
taon d'un esprit téléologique. Apostolat et mission morale réfor-
matrice. Tendances mystiques avec érotisme, théomanie raison-
nante. -
L'histoire de la malade peut se diviser en deux phases princi-
pales : l'une comprenant la période antérieure à son entrée en
traitement et son premier séjour au sanatorium de Boulogne;
l'autre correspondant au temps écoulé après sa sortie et à son
second séjour dans l'établissement. Elaboré dans la première
phase le système délirant s'est développé et précisé dans la seconde
pour s'atténuer dans la suite. '
1° Phase. - Rêverie et distraction. - 111 ? Cam... Schtein (nom
que nous lui supposerons pour la commodité de l'exposition), est
âgée de trente-six ans, son intelligence générale paraît brillante au
premier abord quoique plutôt médiocre en réalité. Sa famille
appartient à l'orthodoxie israélite, la religion n'a cependant
occupé qu'une place minime, négligeable même dans son éduca-
tion. Son enfance se serait passée grise et peu caressée auprès d'un
père aimant le faste et le luxe, nerveux, qu'elle a à peine connu;
de soeurs plus âgées qu'elle, mariées longtemps avant elle et d'une
mère au caractère sec avec qui elle ne sympathisait pas. Le natu-
rel terne et positif de cet entourage choquait ses aspirations vers
un idéal encore vague. Pour échapper à cette ambiance qu'elle
jugeait indigne d'elle, Cam... prenait l'habitude de se bercer dans
des romans éthérés dont elle était naturellement le principal per-
sonnage. Absorbée dans ces lointaines rêveries elle préparait son
cerveau graduellement au travail automatique et aux fantaisies
délirantes qui caractérisent son état physique actuel. Sa pensée
était toujours absente, elle était selon sa propre expression « folle-
ment distraite » ce dont on la plaisantait en disant : « Mademoi-
selle Cam... est sortie ».
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 5
A cette époque de sa vie elle entendit parler de spiritisme
par un sien oncle, adepte convaincu. Ces propos l'intéressèrent,
mais elle n'assista jamais à aucune séance, son oncle mourut et
elle ne revint pas de longtemps sur ce sujet.
Toujours lasse de son milieu et toujours plus sentimentale,
Cam... crut réaliser ces rêves en acceptant un mari qu'elle revêtait
d'avance de tous les attributs poétiques et chevaleresque qu'elle
désirait lui voir. Mais plus occupé de ses affaires que d'idéal,
celui-ci lui parut bientôt lamentablement terre à terre. Elle se
trouva la plus incomprise, la plus isolée, la plus malheureuse des
créatures ! Elle prit une grande pitié pour elle-même. Roulant ses
déceptions dans sa pensée,elle commença à orienter ses intermina-
bles méditations vers l'espoir d'un monde meilleur dans une vie
future et s'abima dans des préoccupations d'ordre métaphysique.
Associant à sa propre souffrance celle de l'humanité, elle donna
aussi une couleur philanthropique aux songes dans lesquels elle
se réfugiait à la fois contre de vifs besoins sexuels insuffisamment
satisfaits et contre la « vulgarité d'un époux incapable, croyait-
elle, de partager l'élévation de son âme et de sa tendresse. »
Elle songea à la religion qu'elle connaissait mal et essaya de prier.
Premières hallucinations. Audition d'esprits. - Ainsi confinée
en elle-même, au plus fort de son amertume, Cam... commença à
entendre « une voix très douce qui partait de sa poitrine » vers le
creux épigastrique. Elle l'entendit pour la première fois un jour
qu'elle était restée toute troublée après une altercation avec son
mari. C'était une voix très tendrement encourageante, qui lui
promettait des compensations et des satisfactions dans la suite des
temps. « J'ai tout de suite senti, dit-elle, que ce n'était pas la voix
de ma conscience, c'était bien quelque chose de tout à fait étran-
ger à moi ». Plus les rapports du ménage devenaient difficiles,
plus la voix devenait pressante et nette; mais Cam... ne savait
à qui l'attribuer, quand un nouveau sujet de rancoeur lui vint.
M. Schtein, névropathe lui aussi, surmené par des soucis de
négoce et très déprimé, dut se condamner à une continence abso-
lue, ce qui accrut violemment les griefs de la malade toujours
tourmentée par les exigences de ses sens. La voix plus affectueuse
encore lui devint précieuse. Une saison à Royat mit alors Cam...
en relations avec une dame qui avait fait tourner des tables et qui
l'entretint de ce sujet. L'envie la prit aussitôt d'essayer toute seule
de ce passe-temps ; un guéridon épela sous sa main le nom de son
père. « Elle avait, dit-elle, toujours cru à l'occultisme » sa convic-
tion se fortifia de cet événement, qui lui donna fort à penser sur
1 origine de sa voix, sans qu'elle la reconnût pourtant comme celle
de son père et qui eut une grande influence sur la marche de ses
Phénomènes dans la suite. 0
6 CLINIQUE MENTALE. '-
Au printemps 1901, l'état nerveux du ménage était précaire,
celui de M. Schtein surtout nécessita un séjour en Suisse. Cam...
prodigua pour le soigner un zèle excessif, elle s'épuisa à son che-
vet en veilles superflues. La voix de l'esprit familier l'y suivit, elle
la recherchait d'ailleurs ; la voix louait son abnégation en faveur
d'un homme si peu méritant et approuvait les méditations d'ordre
humanitaire et philosophique encore planes mais tenaces qui l'oc-
cupaient. Cam... commençait déjà à noter « un recueil de ses
pensées », c'étaient des aphorismes sur' la morale de l'amour et
des sentiments en général ; elle songeait aussi à la possibilité
d'améliorer la vie en luttant contre l'égoïsme et la méchanceté des
hommes par la « fondation d'une religion basée sur la bonté »,
elle pensait à cela sans exaltation, seulement en femme qui a
d'elle-même une haute opinion.
Confirmation du médianimisme. Médiumnité parlante. L'occa-
sion se présenta à Cam... de révéler à son mari l'existence de cette
voix dont elle n'avait jamais rien osé dire à personne ; celui-ci
n'hésita pas à lui donner l'assurance que c'était bien réellement
un esprit. Tandis qu'il allait s'améliorant, sa femme, au contraire,
déclinait, elle fut prise de fatigue douloureuse avec insomnie, agi-
tation, chaleur à la tête, angoisse et rêvasseries. Elle dut s'aliter.
M. Schtein veilla il son tour sur elle. Un soir elle se leva en toilette
de nuit, se dressa solennellement devant lui et le fit mettre à
genoux. Elle lui imposa les mains et lui annonça qu'elle sentait
que la voix allait parler. En effet, sans qu'elle sût d'avance ce
qu'elle allait dire, « la voix parla par sa bouche a elle ». Ce fut une
diatribe assez longue contre le pauvre homme qui fut accablé de
reproches : « Je t'ai, dit la voix, donné cette femme si pure et si
bonne, et tu n'as pus su lui donner le bonheur, tu ne l'as jamais
comprise, tu n'es qu'une brute, c'est une mésalliance pour elle,
etc. ». Bref ce fut l'écho de toutes les récriminations que la malade
elle-même ruminait contre lui intérieurement. M. Schtein écouta
religieusement, déjà certain de l'essence supranormale de la vois,
en qui cette fois, à certains détails, il reconnut formellement celle
de sa mère à lui, morte depuis quelques années. Ce fut un nou-
veau trait de lumière pour Cam..., elle avait connu sa belle-mère
quelques mois seulement, mais elle l'admirait beaucoup et gardait
d'elle une grande impression.
Adoption d'un esprit c'/ëo/otMe.La malade était donc fixée
enfin sur l'identité de son consolateur. Ce guide tutélaire qui pre-
nait si bien sa défense était l'esprit de sa belle-mère. Dans l'état
d'éréthisme nerveux où elle était,elle la sentait toujours présente,
il lui suffisait de la désirer pour l'évoquer. Elle le faisait d'ailleurs
à chaque instant à l'instigation même de son mari, qui lui repro-
MEDIUMNITE DELIRANTE. 7
i
cliait à l'occasion de manquer de foi, s'il croyait surprendre quel-
que tiédeur dans sa conviction, et qui se plaisait à consulter aussi
l'esprit de sa mère. Cette hallucination était calmante, modéra-
trice, appaisante, elle se manifestait dans les mauvais moments
auxquels ses promesses semblaient apporter un baume, elle
était de bon conseil et recommandait la femme à l'affection
du mari. Elle constitua le premier personnage téléologique auquel
un autre esprit-guide s'ajoutera bientôt, sans cependant que la
belle-mère passée au second plan disparaisse jamais tout à fait.
Vision.- L'état nerveux de Cam... s'aggrava encore, elle devint
plus agitée, plus absorbée ; un soir, elle sentit un trouble plus pro-
fond et vit une grande lumière se faire devant elle. Dans cette lueur
Dieu lui apparut très nettement entouré de divers personnages
d'essence divine qui semblaient réunis en conseil. Dieu lui adressa
la parole en un langage amical' et lui dit qu'il s'appellerait pour
elle Rarahu. A ce moment elle sentit s'accentuer un sentiment de
défaillance, il lui sembla que sa vie s'en allait; qu'elle s'éteignait
complètement dans un immense désir de mourir, mais Rarahu
lui ordonna de vivre, il lui déclara qu'il pouvait l'emmener avec
lui dans l'Olympe, mais qu'il voulait la laisser sur la terre pour y
accomplir sa mission en propageant la charité et la bonté ». L'ap-
parition s'évanouit, la malade éprouva alors la sensation d'une
« violente déchirure dans le front ». Ce fut si douloureux qu'elle
craignit pendant plusieurs jours d'avoir une lésion au cerveau.
Elle demeura quelque temps abattue, et n'eut jamais d'autres hal-
lucinations de la vue. mais la voix de Rarahu persista, tendant à
se produire plus spontanément que celle de la belle-mère qui était
pourtant souvent évoquée, le mari aidant. Quelques autres voix
s'étaient manifestées à la suite de la vision mais elles avaient vite
disparu ; d'ailleurs une amélioration générale se dessinait, les
deux voix principales elles-mêmes devenaient plus discrètes. Il
fallut bientôt un appel recueilli pour les avoir. Le calme augmenta
de jonr en jour. L'ensemble de ces accidents aigus et de leur con-
valescence avait duré quarante jours, le ménage Schtein revint à
Paiis et Cam... demanda pour achever sa guérison à entrer au
sanatorium où elle arriva le 2 juillet 1901.
Amélioration et dissimulation des phénomènes délirants. Ambi-
tions philanthropiques et littéraires. Préoccupations erotiques. A
ce moment là, Cam... se présente comme une malade en pleine
dépression neurasthénique avec angoisse et malaise nerveux, sans
que rien puisse faire supposer autre chose chez elle. Elle dissimule
en effet avec une persévérance et un succès complets tout ce qui
reste de sou délire et tout ce qui l'aconstituéjusqu'alors. Elle a de
la céphalée, des crises de larmes, une fatigue précoce et doulou-
8 CLINIQUE MENTALE.
reuse au moindre effort, des troubles vasomoteurs, de la tachycar-
die, de l'insomnie et un éréthisme génital qui la gène beaucoup.
Elle est triste et découragée. L'isolement, le repos au lit avec l'ap-
pui d'un traitement moral soutenu la relèvent peu à peu, cette
amélioration se fait par oscillations successives. Elle parle abon-
damment de ses projets d'avenir et se laisse aller librement aux
fantaisies de son imagination dont l'amour et la piété constituent
les matériaux. Elle voudrait trouver un homme qui sût l'aimer
selon ses sentiments à elle, mais cet amour terrestre l'effraie car
elle ne peut pas le concilier avec « la pureté » qui doit rester son
apanage et qui est la condition de sa mission. D'autre part, grâce
à l'instabilité psychasthénique de sa mémoire, l'image mentale de
son mari s'est effacée, elle la reconstitue conforme à ses rêves,
elle lui écrit pour le dresser selon son modèle. Mais les réponses
ont beau être empreintes de toute la tendresse exigée, la seule vue
de l'écriture de M. Schtein comme ses premières visites suffisent
à ramener tous les malaises momentanément, les indécisions
recommencent entre l'amour et la, pureté sacrée. Les choses s'ar-
rangent enfin, les visites du mari sont bien supportées et même
désirées. Les perplexités érotiques font place à de longues disser-
tations sur l'amour. Cam... espère se créer une existence de ten-
dresse^ amoureuse au sein d'un milieu littéraire qu'elle veut grou-
per autour d'elle, tout en exerçant son prosélytisme religieux. Elle
a repris le manuscrit déjà assez touffu de ses pensées et elle y
ajoute de nouvelles maximes. Elle n'aime pas qu'on traite de
.simple passe-temps cette occupation, elle a la prétention de faire
ainsi une oeuvre importante dont le public devra s'émouvoir et qui
lui fera une place dans les belles-lettres. -
Elle discute la valeur des religions, repousse le judaïsme qui ne
répond plus aux élans charitables et mystiques de son âme, elle
veut même améliorer le christianisme. Elle jette sur le papier les
premières bases de la religion de la bonté, elle en compose un
article qu'elle voudrait faire insérer plus tard dans un grand jour-
nal quotidien. Elle est très préoccupée de sa beauté qu'elle sup-
pose très imposante; elle drape sa robe, met une fleur dans ses
cheveux, prend avec les autres malades une attitude pleine de
dignité grave, un peu hautaine même, mais courtoise. Seule dans
sa chambre elle lit des romans et prie longuement. Sauf quelques
inégalités de caractère assez légères, elle fait l'impression d'une
personne tout à fait normale et reprend peu à peu la vie ordinaire.
Elle se prépare à quitter le sanatorium au mois de septembre.
Pendant ces deux mois Cam... n'a jamais'paiié à qui que ce soit
de ses communications avec des esprits dont nous n'étions encore
nullement avertis. Une ou deux fois seulement au cours de nos
causeries, elle avait demandé si nous ne savions rien de l'existence
de « consciences parlantes » et si la conscience au sens religieux
. MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 9
du mot ne pouvait revêtir la forme concrète d'une voix. Soupçon-
nant l'éventualité de quelque hallucination, nous avions alors
cherché, mais en vain, à provoquer des aveux dans ce sens. Elle
disait qu'elle posait simplement cette question pour s'instruire, ce
qui paraissait plus que vraisemblable,étant donnée l'allure toujours
transcendantale de ses sujets de conversation habituels. En par-
lant de son séjour en Suisse, elle mentionnait souvent l'état nerveux
grave pendant lequel elle disait avoir eu du délire et beaucoup
souffert et qu'elle appelait sa fièvre cérébrale. C'est bien plus tard
seulement et par le récit qu'elle nous en fit que nous avons appris
ce qui s'était passé en réalité dans cette période, et su qu'elle avait
encore au sanatorium entendu spontanément d'abord, puis évoqué
en cachette sa belle-mère et Rarahu.
En somme, pendant cette première phase, elle avait sans influence '
extérieure spéciale évolué vers une religiosité extrême et fait ses
premiers pas sans initiation véritable dans le spiritisme actif; elle
a fait parler des tables comme médium typteur; elle a été médium
auditif, parlant et voyant.' Comme tous les médiums, comme
Home, comme lIi°5 Smith entre autres, elle s'impose un apostolat
moralisateur et bienfaisant ; comme eux, elle a ses esprits-guides
et protecteurs : sa belle-mère et Rarahu, qui bientôt s'appellera
Deus. Mais retenons pour l'instant ce nom de Rarahu. Rappelons-
nous que le mysticisme de Cam... est, selon la règle, fortement
empreint d'érotisme à tendance lascive et tendre. Or l'esprit de
Rarahu lui a déjà « promis de devenir son amant céleste » sa
voix est caressante à l'extrême, elle sent qu'elle le chérit passion-
nément.
N'est-il pas naturel qu'il ait pris « pour s'adresser à elle seule »,
il l'a dit, le nom du personnage le plus suave d'une amoureuse
et charmante idylle du roman contemporain, du Mariage de Lotit
Cam... est pourtant sincèrement convaincue qu'elle n'a jamais
entendu ni lu ce nom antérieurement. Mais nous savons qu'elle a
lu les oeuvres de Loti ; ce mot est resté déposé, avec bien d'autres
matériaux analogues, dans le domaine des souvenirs subsconscients
où sa mémoire de névropathe laisse tomber tant de faits et où il a
servi à l'élaboration du roman subliminal que lui racontent ses
hallucinations. Nous avons pu, d'ailleurs, pendant ce premier séjour
constater l'acquisition de notions que plus tard nous avons retrou-
vées complètement oubliées par la mémoire consciente et édifiées
en révélations spirites diverses dont nous pouvions ainsi recon-
naitre l'origine ignorée par la malade.. ? PHASE. - Reprise des phénomènes spirites. Tables tournantes,
auditions, révélations diverses. - Arrivée dans le Sud-Ouest au
commencement de septembre 1904, après quelques jours d'équi-
libre apparent pendant lesquels tout allait si bien qu'elle put faire
10 CLINIQUE MENTALE.
venir sa fille auprès d'elle, Cam..., privée d'une direction suffi-
sante et livrée à la crédulité complaisante de son mari se laissa
peu à peu glisser sur la pente où elle devait reprendre ses
diverses « spécialités médianimiques ». M. Schtein ne demandait
qu'à consulter sa mère, Cam... aimait entendre celle-ci louer sa
« haute pureté » et blâmer la froideur de son fils ; elle regrettait
aussi la voix de Barahu et de temps en temps elle se recueillait et
s'efforçait de l'évoquer pour voir s'il était encore à la portée de son
appel. Si la voix ne répondait pas, elle savait que la table parle-
rait et elle avait des envies terribles de faire tourner son guéridon.
Elle céda.
Très versée à ce moment-là dans ses idées philanthropiques,
rêvant de pacification universelle, elle appelait dans le guéridon
les esprits des hommes qui se sont illustrés dans cet ordre d'acti-
vité. Elle réussit même à désincarner le tsar Nicolas II qui vint
dans le pied du meuble approuver les projets de Cam..., Jésus-
Christ y vint aussi. Ce retour d'entraînement de l'automatisme
ne tarda pas à remettre en action la « spécialité auditive » qai ren-
dit la table moins nécessaire. M. Schtein saluait et prodiguait les
marques de respect quand un esprit se manifestait. Le ménage
s'isolait en de. longues séances pour s'entretenir avec les person-
nages évoqués, Cam... se rappelant plus tard l'étrangeté de ces
aparté en disait « nous avions l'air de deux cabanons ». Malheu-
reusement son exaltation s'en augmenta rapidement, l'insomnie
reparut, ses nuits se passaient à méditer et à enregistrer les pro-
pos des esprits, elle essayait de les écrire, mais ils étaient quel-
quefois dictées avec une telle vélocité que sa main n'arrivait pas à
les tracer en entier; elle appelait son mari qui s'installait à son
chevet pour écouter, il écrivait lui-même sous la dictée des
désincarnés. La voix de Rarahu arrivait de nouveau spontanément,
il était presque toujours là maintenant, se faisant l'interlocuteur
principal, le guide attitré, mais il prenait son vrai nom Deus,
dont il signait tous ses entretiens.
Révélation d'un système théologique. Révélations de mystères scieii-
tifiques. - Pendant ce nouvel intervalle d'activité cérébrale automa-
tique, Cam... reçoit de Deus des quantités de révélations, toutes
en rapport naturellement avec les tendances et l'état d'esprit actuel
de la malade préoccupée de connaître « l'au-delà » de forcer l'ad-
miration respectueuse du monde par l'élévation éthérée de sa per-
sonnalité, de le régénérer par la vulgarisation des principes de
charité. Tandis que les autres esprits parlent surtout au moyen de
la table, Deus plus assidu se manifeste plutôt en auditions ver-
bales psychiques et psychomotrices ou même graphomotrices
« semi-mécaniques ». 11 enseigne ainsi : « Qu'il y a un Dieu pour
chaque système solaire ; le nôtre est régi par Neptune. Neptune se
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 11
manifeste quelquefois à Cam..., une voix sèche et brutale le carac-
térise. A un autre système solaire préside le dieu I ou Zëus, c'est
un dieu sévère, austère et ascétique, il intime quelquefois à
Champs... des injonctions dures au sujet de ses devoirs et des sacri-
fices qu'elle doit consentir. Au-dessus de tous les Dieux plane et
domine Deus, dieu du système solaire de Céphée, le plus grand, le
plus noble, le plus parfait. Son nom signifie Idéal car Deus dérive
de Ideus qui veut dire Idée et idée équivaut à « Bonté-Charité » ; il
a pris intimement pour elle seule le nom de Rarahu dont il ne se
sert presque plus maintenant. Ces diverses divinités étaient celles
qui entouraient le Deus pendant l'apparition en Suisse. Elles
ont toutes compris les souffrances cruelles que Cam... éprouvait
dans son coeur, elles ont compati au défaut d'amour vrai au besoin
immense de tendresse qui la torturait. Saturne s'est offert à l'ai-
mer, mais il exprimait son sentiment matériellement comme un
homme, en lui disant que l'amour est fugace et qu'il faut saisir le
moment qui passe; elle l'a accepté sans sympathie et ne l'a pas
recherché. Deus au contraire l'a conquise par un charme inexpri-
mable, il lui a tenu des propos enivrants en lui promettant d'être à
jamais l'amant spirituel qui lui manque, et de lui révéler des
choses surprenantes. ».
Elle écrit en effet en médium semi-mécanique des communica-
tions ou des prédictions de découvertes astronomiques, physiologi-
ques et médicales ; son mari les admire, il croit fermement à leur
origine surnaturelle et en conserve précieusement les manuscrits.
C'est un fatras mal compris et mal assemblé, résultat de l'élabora-
tion sub-consciente des lectures que nous lui avons vu faire pen-
dant son premier séjour au sanatorium. On y retrouve des rémi-
niscences d'Uranie de Flammarion, de divers feuilletons scientifi-
ques de journaux politiques et de conversations avec d'autres
malades. M. Schtein qui n'a pas vu ces livres ou articles entre les
mains de sa femme, n'admet pas que ce soit des souvenirs non
reconnus par elle, et il s'émerveille de ces facultés divinatoires.
Cam... nie sincèrement avoir rien su antérieurement de tout cela,
ce qui est fortnaturel, car, au moment de ces acquisitions, elle était
en plein état de psychasthénie et dans des conditions excellentes
pour le passage de ses impressions dans la sphère subliminale avec
le minimum de réceptivité de sa mémoire normale. Deus dicte
littéralement.
«Planètes. - Elles sont habitées. Les lois de l'attraction univer-
« selle qui s'applique aux planètes ne s'applique (sic) pas à d'autres
« corps célestes.
" JI01écilles. - Les molécules du corps humain sont toutes dif-
«féretites les unes des autres. Chacune d'elles forme un être
« animé et ils sont tous pareils (sic). Les êtres animés peuvent
12 Z CLINIQUE MENTALE.
« être engendrés par des réactions chimiques d'une façon gêné-
« raie. L'accouchement sera supprimé. Dans une réaction chi-
a mique quandune couleur se produit, elle se forme par la
« création de petits êtres infiniment petits ayant cette couleur.
« Tous les êtres animés peuvent être créés par des réactions chi.
« miques successives, ainsi naissent les spermatozoïdes; l'amour
« physique sera supprimé... La vie existe dans tous les règnes
« de la nature, quand on sort l'écorce d'un arbre il souffre, quand
« un cristal est brisé il se clive et se régénère, il vit ; la sensibilité
« est proportionnelle à l'intelligence de chaque être
« (EU. Dans l'opération de la cataracte, on a actuellement
« tort d'enlever le cristallin, il suffit 3e couper un petit nerf qui y
« aboutit; la substance maladive devenue opaque du cristallin
« cesse ainsi d'y arriver; le cristallin redevient transparent. Il y a
« pour faire cette opération à construire un petit instrument-
« établir - terminé en forme de fourche
z, Râle de l'iris. - L'oeil ne voit pas seulement par la réfraction
« opérée sur le rayon lumineux par le cristallin, l'iris contient
« une foule de petits éléments opérant comme des miroirs. Il y a
« un jeu de réflexion de l'iris à la cornée transparente; un nerf
« optique s'épanouit dans cette partie, et du jeu contradictoire
« des rayons lumineux réfléchis se produit l'impression lumi-
« neuse.
« Oreille. - Le tympan a, à sa partie inférieure, un petit trou
« presque imperceptible, perméable à l'eau et qui joue un grand
« rôle dans l'audition. Si à la naissance de certains enfants
« entendant mal on débouchait ce trou, ou si on en perçait un
« autre à côté, ils entendraient bien. Ce trou n'est pas dans le
« champ visible à l'oeil dans les conditions actuelles; il y aura à
« composer un instrument pour le voir. Le rôle de l'oreille est
« analogue à un instrument de musique. L'oreille a une partie
« insensible dans le lobe (vers l'extérieur de l'oreille). Cela est dû
« à ce que dans cette partie il n'y a pas de mélange de nerfs et
« des muscles ; le nerf cesse là. Il y a plusieurs parties du corps
« où se produit ce même phénomène. Dans la paume de la main
« cette même disposition existe et c'est ainsi que sous Louis XIV
« certaines personnes se- faisaient percer la paume de la main et
« ne souffraient pas au diaphragme, l'insensibilité est presque com-
« plète en certains points, etc »
Une quantité de confidences de cette espèce lui sont faites par
Deus. Il lui donne, entre autres, par psychographie le moyen
d'établir un télescope à un millimètre près et lui en expose la dispo-
sion des lentilles. Elle en reparle souvent en le désignant du nom
de « mon télescope ». Le mari admire toujours.
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. '13 3
Mysticisme. Mission liantienne. Erotisme. - Dans ses entretiens
avec les esprits, il est souvent question aussi de ses souffrances
toujours les mêmes. L'esprit de Jésus-Christ lui cite son propre
exemple et l'exhorte à les supporter, il l'assure que ces tortures
sont purificatrices et la préparent à son apostolat. Elle pense en
effet plus que jamais à répandre sa nouvelle religion. Son oncle
l'ancien spirite, l'y encourage par le pied de la table. Deus par un
message graphomoteur lui prescrit de désigner cette religion par
son prénom en prenant seulement la première syllabe, ce sera la
religion Kamienne. Deus l'écrit par un K, c'est plus solennel que
le simple C de son nom. Elle sera donc l'initiatrice du Kamia-
nisme. Les Kamiens seront pris dans toutes les confessions épu-
rées pour la circonstance de tous les dogmes qui ne concourent
pas à la seule bonté. Pendant le mois d'octobre Cam... s'exalte
beaucoup en en parlant. Très peu d'hommes actuellement adultes
seront dignes de devenir de vrais Kamiens, ils sont trop brutaux
et trop égoïstes, seuls les enfants que l'on va pouvoir élever selon
les principes de la charité intégrale deviendront les vrais fidèles.
La malade se recueille et prie longuement, elle recherche les
gens pieux qui peuvent l'entourer et exhale des malédictions contre
les juifs et les protestants qui ne comprendront pas sa religion.
Elle tient des propos édifiants à une dame et à une jeune fille
dévotes et se sent poussée à leur dire « qu'elle a Dieu en elle » et
que Jésus lui parle, mais elle n'ose pas; elle consulte Deus en
elle-même pour savoir ce qu'elle doit faire. C'est le Dieu ascétique
qui répond très courroucé : « Tu dois le dire, dis-le ». Elle raconte
alors ce qui lui arrive à ces deux personnes qui s'extasient et lui
affirment qu'elle est en état de grâce, qu'elle devrait se faire bap-
tiser. Un prêtre dont elle aime la conversation lui donne le même
conseil et lui propose ses bons offices à cet effet. Elle sort très peu
et lit beaucoup. Un jour qu'elle se repose avec plusieurs personnes
devant l'hôtel où elle loge, un garçon éconduit un vagabond
quémandeur, elle s'indigne, rappelle le mendiant, lui fait l'au-
mône et fait à l'assistance l'apologie de la bonté.
Toute cette exaltation n'allait pas sans augmentation des
malaises nerveux, l'éréthisme génital redevenait particulière-
ment lancinant. Cam... reprenait son mari en grippe, elle lui
reprochait d'être indifférent, impuissant même. Elle se plaignait
de mourir d'amour inassouvi. Sa femme de chambre la surprit
un jour sur son lit, elle était nue et se livrant à l'onanisme; elle
gémissait, elle disait en pleurant « qu'elle succombait, que la
continence la tuait, qu'elle devait être hystérique et qu'on ne la
soignait pas, qu'elle avait peur d'avoir une maladie de la
matrice. »
Elle dut s'aliter encore, on fit venir sa belle-soeur de Paris pour
la soigner. Mais à l'arrivée de cette parente et avant de l'avoir
14 Il CLINIQUE MENTALE.
vue, Cam... prétendit qu'elle avait vu la nuit par clairvoyance
télépathique une lettre que celle-ci écrivait à M. Schtein, cette
lettre était défavorable à la malade et la dénigrait auprès de son
mari. Deus s'en mêlait et lui disait : « Chasse ta belle-soeur, elle
plaint ton mari, elle écrit que tu n'es pas pure ! » et elle mit la
belle-soeur à la porte de sa chambre. La nuit suivante elle divagua
et délira tout haut, mais elle ne se rappelle pas avoir eu aucune
vision, elle eut encore comme en Suisse et comme à chacun de
ses paroxysmes le sentiment de quitter la terre, de sortir de la
vie « dans une agonie très douce ». En même temps elle entendait
la voix caressante de Deus qui l'appelait et voulait l'emmener
dans les régions célestes, elle aurait voulu se laisser aller mais le
Dieu ascétique lui rappelait la mission Kamienne qui exigeait
qu'elle vécut. Un jour pourtant elle crut devoir faire son tesla-
meut.
M. Schtein parti, elle commença à aller mieux, elle accepta les
soins de sa belle-soeur. On profita d'une sérieuse amélioration
pour la ramener à Paris et elle entra de nouveau au sanatorium
le 31 octobre 1901.
i
Second séjour. Etat physique. - A ce moment Cam... est
amaigrie, son teint est mat, pâle, un peu jaune, les traits sont
tirés. Elle garde dans son lit une attitude hiératique, les cheveux
étalés soigneusement sur son oreiller, les yeux brillants, l'air
inspiré, le ton prédicant, elle incarne son rôle d'apôtre. Elle est
constamment en communication avec les esprits, et met autant
d'insistance à nous faire part de ces phénomènes, qu'elle avait
mis de soin à nous les cacher la première fois. Son état physique
est mauvais, elle ne dort pas, l'appétit est nul, elle alterne entre
la prostration et l'excitation avec angoisse et pleurs. Une contra-
riété légère, une lettre, une visite, ou même la représentation
exacte de son mari en pensée seulement augmentent ce malaise
nerveux. Elle éprouve alors une céphalée frontale pénible, avec
serrement dans la poitrine, chaleur et sécheresse de la peau,
pouls contracté, tachicardie, troubles vasomoteurs, bouffées con-
gestives avec picottement au visage surtout aux joues; douleurs
dans les jambes « comme si un fluide acre envahissait les mus-
cles, fourmillements dans les mains, excitation sexuelle avec
contractions saccadées de la vulve et quelquefois spasme vénérien
spontané jusqu'à neuf fois dans la nuit. Cet inconvénient lui est
particulièrement pénible et elle demande du bromure de cam-
phre pour y remédier. Détail à noter, chaque contrariété est
suivie de coliques avec diarrhée. Il suffit qu'elle pense à son mari
pour éprouver de vives douleurs dans les jambes, correspondant
à une douleur pareille dans les joues. Si on lui frotte les jambes
dans ces circonstances, elle a aussitôt mal aux joues, et d'autant
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. '15
plus fort que la friction des jambes est plus énergique. Elle sent
mal ses membres quand elle ne les voit pas. Ils lui font quelque-
fois l'impression d'avoir changé de volume. La sensibilité cutanée
est diminuée par places, cette hypoesthésie est irrégulièrement
distribuée et varie souvent. Le sens stéréognostique est très
altéré. L'automatisme bat son plein sous toutes ses formes. La
mémoire des faits actuels est fugace, le souvenir des phénomènes
hallucinatoires éprouvés dans des périodes semblables est au
contraire très net.
L'ensemble du malaise, - même les douleurs des membres,
s'amende facilement quand on tient à la malade des propos
consolateurs et fermement encourageants, elle est d'ailleurs très
accessible à tout traitement moral efficacement dirigé. Dans ces
mauvais intervalles les paroxysmes sont généralement marqués
par la présence de ce qu'elle applele ses voix stridentes, des voix
de mauvais esprits, elles. durent heureusement peu et s'effacent
dès que l'anxiété diminue. Toutes les autres voix viennent aussi
l'obséder à la fois, elle prévoit leur arrivée, elle les sent « qui font
pression » dans sa tête avant d'éclater. Elle s'efforce de les
chasser et la lutte est pénible. La fin du malaise et le prélude
d'un calme au moins relatif sont marqués par le retour de la voix
tutélaire de Deus ou par celle de la belle-mère qui reprennent
peu à peu le dessus. Aussi sont-elles, surtout celle de Deus,
appelées avec une ardente ferveur. Dans ces périodes de grande
activité symptomatique, les voix inconnues, passagères et les
a voix stridentes » revêtent la forme d'hallucinations auditives
ordinaires, les voix familières conservent plutôt leur caractère
psychique ou psychomoteur; en aucun cas elles ne proviennent
du dehors, d'un point quelconque de l'espace extérieur. C'est
dans la tête ou dans la poitrine qu'elles se font entendre. L'ob-
session des voix diminue progressivement avec la production de
l'affaissement. Aux heures tranquilles, elles sont presque difficiles
à obtenir volontairement, il faut un certain effort de concentration
cérébrale, le secours de la table est dans ce cas même quelquefois
necessaire.
Dessins médianimiques et messages psychographiques mécaniques et
semi-mécaniques. - Au commencement de novembre 1901, après
quelques jours de traitement et de repos complet, les grands
malaises étaient suffisamment amendés, mais l'automatisme per-
sistait. Cam... a une envie pressante de prendre un guéridon pour
causer avec ses esprits, mais elle est maintenue au lit et sait qu'on
ne lui permet pas cette pratique. C'est avec son crayon qui ne
la quitte pas qu'elle s'entretient avec l'au-delà, en écrivant et en
dessinant. Elle a déjà dans le midi, au mois d'octobre, obtenu
un dessin médianimique accompagné d'un message. Ce graphique
16 CLINIQUE MENTALE.
est constitué par un point noir, arrondi, très appuyé, duquel
partent au hasard, de gauche à droite, des lignes sinueuses dont
l'une, au milieu des autres, figure grossièrement un profil de
tête d'homme. Elle- l'a tracé les yeux fermés, machinalement,
sans diriger sa main elle-même, son poignet marchait tout seul;
après l'avoir vu, elle a écrit sous la dictée psychomotrice, en mes-
sage semi-mécanique et sur la même feuille, ce que ces traits
représentaient. C'est Deus lui-même son divin guide. Elle ne veut
pas se séparer de ce dessin, elle le conserve sur elle comme un
précieux talisman, mais elle nous a permis d'en prendre un
calque (/ ! gr. 1). Elle vit maintenant le crayon à la main et au
milieu des conversations de tout ordre que nous avons avec elle,
Cam... s'interrompt souvent, sa main exige qu'elle exécute des
graphiques du même genre, presque tous accompagnés ou suivis
d'une explication écrite. Ces figures et messages sont en rapport
avec ses méditations sur les problèmes théologiques, astiono-
miques et mystiques. Ce sont des représentations hyéroglyplll-
ques et vagues de divinités et de constellations encore inconnues
des hommes, ce sont encore des révélations sur l'élévation de
son origine à elle, sur l'importance de sa mission, sur l'admira-
tion et la tendresse incomparable qu'elle inspire à son protecteur
céleste.
Fig. 1. - Premier dessin médianimique exécuté les yeux fermés
par Cam...
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 17
1
Pour le dessin n° 2 par exemple, après une conversation banale,
Cam... entre en état d'inspiration, elle ferme les yeux. Son crayon
s'applique sur le papier très fortement et y trace sans s'en déta-
cher un ensemble de lignes courbes et de lignes droites; sans
avoir ouvert les yeux elle ajoute des points et une barre intérieure
(fiq.2) qui forment très imparfaitement une figure humaine. Les
yeux toujours fermés, mais après avoir regardé elle écrit mécanique-
ment : « Dessin rare en sa netteté, figure de Dieu antique païen,
xvo siècle avant J.-C. » L'écriture de' ce message est beaucoup
plus régulière, plus vigoureuse, plus large et plus anguleuse que
son écriture habituelle ; elle l'a tracé avec une extrême rapidité
et, l'inspiration continuant, elle ferme aussitôt pour la troisième
fois les yeux et écrit précipitamment sur la même feuille : « Donné
et fait pour le D' Boissier par la future déesse Cam... » Elleregarde
et lit. Le mot « future déesse » l'étonne ; son ambition mystique
ne va pas jusqu'à admettre cette qualification comme une vérité,
elle veut effacer, elle biffe future déesse, mais elle n'ose pas le
supprimer et réécrit déesse.
Archives, 2' série, t. XVIII. 2
l'ig. - Dessin médianimique (novembre 1901).
,1,8 » CLINIQUE MENTALE.
Tous les dessins de cette époque, combinaisons de lignes, où
dominent les courbes sinueuses rehaussées de points sont exécutés
de la même manière, les,points étant ajoutés les yeux fermés.
Chacun d'eux reçoit. son explication sous forme de message méca-
niquement écrit. Tous représentent des constellations, des sym-
boles divins, ou des objets trouvés dans des astres. Un seul, tout
en ét ant constitué des mêmes éléments linéaires est interprété
différemment. Il est inspiré et fait devant l'un de nous que la
malade considère comme sceptique et qui par conséquent est
exposé à la mauvaise humeur de Deus ou à ses sarcasmes ; aussi
l'explication est-elle la suivante : « Un oeuf de poule pondu dans
de la m...de ». L'esprit est bien discourtois; un médium plus
expérimenté aurait attribué cette réponse aux esprits mystifica-
teurs, Mme C... M... se tirera de la même manière de ces mauvais
pas quand elle sera mieux entraînée, pour le moment. Elle
disculpe son protecteur en disant qu'il a voulu simplement se
moquer de notre incrédulité (fig. 3, dessin a). Un autre graphique
analogue (fig. 3, dessin b) se complète du message que voici :
« c'est une constellation. près de Saturne, plutôt au Nord qu'au
Fig. 3 a. - Dessin médianimique exécuté les yeux fermés.
Nous demandons ce qu'il représente :
C... attend la réponse de Dieu (Deus) qui lui dicte :
« Un oeuf de poule pondu dans de la 111... e »
C'est pour se moquer de nous que Deus a fait celte réponse triviale.
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 19
« Sud et qu'on découvrira bientôt au moyen de ton télescope
« celui qu'elle a inventé dans le Midi), on ne la voit pas de la
a terre, elle est superbe d'éclat a. D'autres sinuosités rehaussées
de points (fig. 4, a et b) sont définies l'une, a : « constellation
d'Astor, invisible de la terre », l'autre, b : « épaves d'ossements
de troglodytes trouvées dans Céphée ». La même figure en c nous
montre une élucubration plus compliquée avec cette légende
dictée en style télégraphique : « Constellation derrière Orion,
« habitants doués d'une perspicacité extraordinaire, n'ont qu'un
« sens général : l'entendement, les petits traits fins sont canaux
« inégaux filtrant l'eau au passage et reliant une étoile à l'autre
« sera découverte dans vingt ans au moins - chaque étoile est
« monde perfectionné, astronome qui le découvrira descendra
« de Leveyrier ». Plus enchevêtrée la figure 5 nous est expliquée
Fig. 3 b. Dessin médianimique exécuté les yeux fermés, les points ont
été mis après, mais avant d'avoir rouverl les yeux.
« C'est, dit Deus à Cam, une constellation près de Saturne, plutôt au Nord qu'au
Sud et qu'on découvrira bientôt au moyen de ton telescope (celui qu'elle a inventé),
on ne la voit pas de la terre, elle est superbe d'éclat »
20 CLINIQUE MENTALE.
par quelques mots seulement : « Fouet du gardien de l'Ereb », et
une annotation ajoute : « A manche du fouet ».
La figure 6 nous ramène parmi les divinités en a c'est «, Boutara
« le dieu issu du-soleil et de la terre et régissant le monde
« terrestre sous les ordres de Neptune. Au-dessous de sa tête sont
« diverses régions inexplorées de la terre dont on connaîtra par
«-Cam... un jour les richesses minières multiples contre Afrique
« pays de neige - pays bleu - » Les points qui forment les yeux
et le nez ont été ajoutés, les yeux toujours clos, ainsi que labarre
de la bouche, celle-ci qui a été tracée plus lentement et plus pru-
demment est tremblée. En b nous trouvons un graphique du
même genre toujours des lignes droites surmontées ou entourées
de courbes mais sans addition de points, légendé médianimique :
4 4 « et L.
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 21 1
« C'est Cam... et Deus dans les bras l'un de l'autre priant Dieu le
« Père de bénir leur union » .
Un moment après avoir terminé le dessin de la figure 8, Cam...
écrit de nouveau les yeux ouverts : « Explication du dessin b
donnée correctement par Deus il déesse Cam... sur le devant du
« dessin complémentaire sont indiqués nettement les contours du
« rond du haut du dessin qui implique la contexture d'un banc
« d'huîtres où vont les déesses amoureuses le soir sous la voûte des
« cieux étoilés, .priant Dieu le père, de leur donner des bénédic-
" tt0)is pour la création future d'être divins, dignes de peupler les
« cieux. Deus semble prendre Cam... dans les bras sans la toucher
« pour ne pas froisser son âme pure. Le don des Ames provenant
« du respect mutuel des êtres contrairement aux idées des
11 hommes qui désirent et prennent la chair, puis négligent l'âme ;
« le signe de la décadence d'un peuple provient de la direction
« donnée à la chair périssable par l'âme impérissable. Perfection-
% 4. Dessins exécutés les yeux fermés ; légendes dictées par Deus
après avoir regardé.
Fig. 5. Fouet du gardien de l'Erèb.
A, manche du fnuel.
Fig. G. Dessins médianimiques exécutés les yeux fermés. Deus a dicté
les explications immédiatement après.
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 23
Fig. 7.
24 CLINIQUE MENTALE.
« nement dans l'amonr appelé perfectionnement dans les races.
« Les hommes sont bestials (sic) en amour et leur planète ne se
« perfectionnera que s'ils deviennent meilleurs et prient les dieux
« de les éclairer sur ce point et sur tant d'autres ».
C'est à ce moment que fut tentée une expérience particulière.
Profitant de l'activité actuelle de l'automatisme de Cam.... l'un
de nous lui demanda de tracer, les yeux clos, une ligne longue
et repliée sur elle-même en sinuosités compliquées, et, sans
ouvrir les yeux, de revenir du point terminal de la ligne au point
initial en suivant les mêmes sinuosités. Le résultat fut obtenu
presque exactement sans la moindre difficulté. La seconde partie
de l'expérience devait avoir lieu assez longtemps après, alors que
l'automatisme serait fortement diminué. Le résultat en fut en
effet tout différent, la malade ne put jamais, les yeux fermés,
revenir sur les méandres d'une ligne qu'elle venait de tracer ' (fig. 7).
Ces dessins cessèrent presque complètement de se produire
vers la seconde semaine de novembre. L'état d'esprit toujours
mystique et ambitieux n'est. pourtant pas aussi mégalomane que
ces légendes et explications pourraient le faire croire, ce sont les
esprits qui parlent; Cam... cause de toute chose plus naturellement,
bien qu'elle ajoute foi à toutes ces révélations et à la réalité de
leur provenance surnaturelle. En l'absence des dessins, elle reçoit
encore des communications psychographiques telles que celle-ci :
« C'est toi, m'a dit Dieu pendant mon délire (conscient), qui
« dictera aux hommes leur future conduite; voici pourquoi :
« Ton coeur est infiniment pur, ton âme belle dans toute l'ac-
a ception du mot, car elle est dénuée de tout sot orgueil ; mieux
« qu'aucun être, tu vois que le corps, en tant qu'enveloppe de
« l'âme, est périssable, donc méprisable aux yeux de Dieu, dont
« tu seras le porte-parole devant les hommes.
« La nouveauté dans l'idée à faire vivre c'est la combinaison
« du Moi et de la Vérité - apporte à la Vérité soit la Bonté
« par la vraie Charité, et fais-là connaître aux hommes qui ne la
« pratiquent pas comme il faut, s'ils t'écoutent, tu seras auprès
« d'eux mon intermédiaire; va, fais d'abord des jeunes élèves, je
« te dicterai mes lois au sur et à mesure.
« Ecris plus encore que tu ne parles scripla manient. »
Quelques jours après, elle écrit devant nous, toujours avec une
rapidité vertigineuse, cette page intitulée Naissance (sa naissance
à elle) :
« Delos est une déesse chargée d'envoyer l'étincelle divine dans
« chaque âme; elle prit par erreur l'âme d'une étoile morte,
« nommée depuis Siloë, fille de la beauté et de l'amour ou de
' Sollier. Du sens de la direction dans ses rapports avec l'autonia- ! isme (Bulletin 'de l'Institul géné1'(t1 de psychologie, p. 506). ,
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 25
« céphée et de Dieu. Cette étincelle divine, jetée dans une âme
« humaine, devait jeter la perturbation dans cette âme même par
« la lutte de la matière et de l'essence divine. Kam souffrit toute
« sa vie : enfance, jeunesse, mariage. Le monde, l'argent,
«l'égoïsme, le désir brutal et jamais l'amour. L'enfant voulut
« sortir de son enveloppe mortelle il y a quatre mois (allusion à
« ses sensations de mort éprouvées en Suisse et dans le Midi, à
« l'oppantion de Deus et à sa mission), nous l'en empêchons pour
« qu'elle crée la religion de la Bonté chargée de régénérer le
« monde en perfectionnant le christianisme continué dans le
« Kamianisme. Celle-ci sera (saura pas aujourd'hui - inutile). »
Elle s'est brusquement arrêtée d'écrire, et cette parenthèse indique
assez que Deus se refuse de rien dicter de plus, il ne veut pas que
nous en sachions plus long. Nous insistons pour qu'elle obtienne
la suite, mais elle refuse énergiquement : Non, dit-elle, il est
« terrible, je sens qu'il est en colère. »
Mais, plus tard, elle reprend le crayon et termine : « Sera une
« religion de transition, base de la tolérance. ') Elle ajoute alors
quelques explications orales : « Les enfants seuls seront réelle-
« ment Ifamiens; le tsar (dont elle a évoqué typtologiquement
« l'esprit dans le Midi), sera fou des idées que j'aurai, il m'a pro-
« mis il' ma mort de recueillir mes cendres dans un sarcophage
« d'or ciselé à l'ile Borromée. Les juifs et les protestants réfrac-
« taires seront déportés à Silo qui s'abimera dans les flots. »
Au milieu d'une causerie où nous discutons théologie, elle sent
quel'inspiration va venir; elle prend le crayon et sa main écrit :
« Vous êtes déiste, c'est-à-dire croyez à tous les dieux; or,
«demandez qu'on vous démontre Dieu; or, l'Infini n'est pas
« démontrable, puisque démontrer c'est réduire un fait à des
« faits tangibles et l'infini est intangible. Démontrer quel Dieu' ? Il
« y a : .10 Dieu Infini; 2° Dieu de notre système solaire : Neptune;
3° Dieu du système solaire de Cépliée : Deus. 4° Dieu du sytème
solaire de... »; ici, de nouveau, la communication s'arrête. Deus
refuse de rien dicter de plus. L'écriture de ce message n'est ni
l'écriture ordinaire de Cam... ni celle des révélations qui accompa-
gnent les dessins, surtout les premiers; cette fois, c'est une écri-
ture très verticale, tantôt▶ ramassée, ◀tantôt▶ lâche, avec jambages
allongés.
L'inspiration cesse, elle revient à son état ordinaire et continue
la conversation; il s'agit maintenant de son recueil de pensées,
elle discute un aphorisme à y incorporer et le note, mais avec sa
conscience et sa volonté à elle et de son écriture habituelle sur la
feuille même où elle vient d'enregistrer le message : « Le respect
« est aux coeurs purs ce qu'est l'oxygène aux corps sains, » et,
plus bas, celui-ci : « L'âme est'tout étant essence divine, et c'est
" aux âmes qu'on juge les hommes, non aux corps, seuls signes
26 CLINIQUE MENTALE.
« distinctifs des races, les questions de races sont stupides. » Et
cet autre enfin : « La peine de mort est une oeuvre digne des
« hommes, elle prouve à quel point l'esprit mortel est éloigné de
« l'esprit de Dieu; qui est toute Miséricorde, toute Bonté envers
« les humains; mais ceux-ci se dévoreront entre eux jusqu'à ce
« qu'ils crèvent d'orgueil, tout comme la grenouille se croyant
« le boeuf ! » " . : .. z
La forme et le fond, comme l'écriture de ces pensées cons-
cientes, diffèrent sensiblement de ceux des messages mécaniques
et semi-mécaniques. Cam... considère ces pensées comme des
ébauches qu'elle retouche et ciselle; tandis que. les messages,
malgré, leur, style incomplet et leur extravagance, lui paraissent
des choses sacrées auxquelles elle ne doit rien modifier.
Un autre jour, au cours d'une conversation quelconque, l'esprit
de Deus se manifeste tout à coup, le crayon que Cam... tient tou-
jours « entraîne sa main » et elle écrit très rapidement :
« Dirai docteur secret médecine et bonheur humanité, sur ma-
« ladie contagieuse avec permission de Cam... Cam... permettra
« docteur faire connaître secret sur. fièvre typhoïde, façon isoler
« les malades dans grande cloche de verre. Dirai secret d'Uranie
« pour guérir radicalement fièvre typhoïde comme l'ai révèle à
« celui qui te fit tant souffrir. » Celui qui la fit tant souffrir, c'est
son mari. Celui-ci, en effet, quand il se servait d'elle comme de
son médium ordinaire, avait, par son intermédiaire, consulté
Deus pour guérir la surdité incurable d'un de ses amis.
Deus avait prescrit par la table cinquante centigrammes de
quinine. M. Schtein, qui avait entendu dire qu'on donnait du
sulfate de quinine pour certaines affections de l'oreille (vertige
auriculaire), fut frappé d'admiration; mais, à la même époque,
l'esprit avait ordonné contre la diarrhée d'un autre ami un lave-
ment d'eàu de Cologne qui heureusement ne fut pas administré.
Typtologie mentale. Plusieurs des messages qui précèdent et
notamment le dernier, sont en style télégraphique, c'est la carac-
téristique des messages de certains jours. Cette forme parait être
le mode intermédiaire entre les communications auditives ou
graphiques en langage complet et les communications typtolo-
giques ; ces dernières étant forcément un peu longues à recueillir
exercent la patience de la malade et sont généralement aussi
composées en style incomplet. Comme la plupart des médiums,
Cam... a commencé par la typtologique à bascule, c'est-à-dire par
la table. Aujourd'hui encore, elle aurait volontiers recours à ce
moyen, surtout quand par les autres voies l'esprit fait attendre ses
avis.
Mais, comme ce procédé lui est actuellement interdit et comme
l'activité momentanée de ses centres automatiques en mettent
d'autres à sa disposition, la typtologie s'établit par son fidèle
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 27
crayon. Celui-ci, quand il n'écrit pas, frappe les coups des let-
tres sur la table de chevet ou sur n'importe quoi. Un matin, pen-
dant notre visite, Deus épèle par les frappements du crayon. Il
déclare que l'un de nous a fait, il y a quelques années, partie d'un
comité consistorial à Paris et possède l'âme plusieurs fois
réincarnée d'un ancien prêtre. Le premier fait étant exact, Cam...
triomphe, car, dit-elle, elle l'ignorait absolument, la vérite du
premier fait doit entraîner celle du second. Elle oublie que nous
lui avons parlé de. ce comité lors de son premier séjour; notre
incrédulité la déconcerte et semble irriter Deus.
Le crayon frappe, en effet, avec une certaine violence, il épèle
de nouveau : « Dis à Monsieur... » et s'arrête brutalement, puis il
reprend en coups secs : « Cam... repose-toi. » Déus ne dira plus
rien de la matinée. Les mécréants lui déplaisent, il profère même
plusieurs fois le mot de Cambronne pour l'un de nous qui plai-
santait à son sujet. Ces grossièretés sont monnaie courante en
matière de spiritisme, on les met à l'actif des esprits trompeurs et
des esprits légers. Cam... n'ayant jamais fréquenté les milieux
spirites, bien que ces trivialités soient tout à fait contraires à son
tempérament, excuse Deus et cherche à justifier l'expression de sa
colère. .
Le crayon n'est bientôt plus nécessaire pour frapper les lettres,
un doigt y suffit et enfin,. chose plus intéressante, la typtologie
devient purement mentale. C'est dans la tête, « dans la pensée »,
que les coups des lettres se succèdent sans aucun mouvement
externe. C'est le moyen de communication qui a prévalu pendant
presque tout le mois de décembre. Les lettres sont battues très
vite, le médium a hâte de découvrir le sens de la phrase dictée et
cherche à deviner les mots bien avant qu'ils soient achevés.
Un jour entre autres, pendant ce même mois de décembre 1901,
nous trouvons Cam... de mauvaise humeur; à' la suite - d'une
visite de son mari, elle a mal dormi, elle est énervée, elle a eu
mal aux jambes et de la diarrhée. Toute la matinée, la typtologie
mentale a été très active sans qu'elle ait eu à se recueillir pour
la provoqucr. Le phénomène reprend devant nous. Les lettres suc-
cessivement se confondent dans sa tête : « A, b, c, d, e, f. Elle
poursuit : a, sans laisser continuer, elle cherche à deviner le mot
commençant par fd, cela doit être fais, un sentiment intérieur
d'affirmation lui exprime que c'est bien le mot voulu.
Elle laisse continuer : « a encore, puis a, b, c, d, e, f, h, i, j, le,
1, m, n, o, p, q. r, s, t. Elle s'arrête et pense attentat ? sensation
intérieure de négation, elle pense alors attention ? sensation inlé-
rieure d'affirmation. Elle poursuit alors le mot suivant, toujours
impatiente de devancer la marche du procédé.
La phrase constituée est la suivante : « Fais attention à la clef à
cause de la garde-malade. » Cette fois, cet avis de défiance à
2 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
l'égard d'une garde qu'elle estime et dont elle est très sûre
révolte sa justice, aussi affirme-t-elle que ce n'est pas Deus qui
parle, ce ne peut-être la voix de personne assure-t-elle, et la
voilà sur le chemin d'attribuer les vains propos aux esprits mysti-
ficateurs, comme les vétérans des évocations.
Cette typtologie intérieure va durer pendant des mois, se répé-
tant presque tous les jours à certaines périodes. « Cela m'agace
quelquefois, dit Cam..., alors je fais les mots moi-même, mais je
me trompe, alors Deus recommence lentement, en appuyant les
lettres, et en formant des mots auxquels je ne m'attends pas du
tout. » (A suivre).
ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
Sur les modifications craniennes consécutives aux
atrophies cérébrales unilatérales (hémiplégie infan-
tile).
PAR G. PAUL-BONCOUR.
Dans les encéphalopathies infantiles, l'état du crâne né
doit pas rester inaperçu : il n'est jamais indifférent d'essayer
d'établir les rapports qui existent entre le crâne et le cerveau
et de déterminer l'influence que le contenant peut exercer
sur le contenu ou réciproquement.
Personne ne met en doute que ces rapports ne soient
étroits, mais quelle en est la nature ? Quel en est le degré ?
Quelle est celle des deux parties dont l'action est prépondé-
rante ? Autant de questions, dont on se préoccupe rarement :
peut-être en raison de leur aridité ou de leur complexité,
peut-être aussi parce que leur utilité est ignorée.
Il est un fait que l'étude de la craniolbgie a mis en évi-
dence : la boîte cranienne à l'état normal permet au cerveau
de prendre le développement dont il a besoin. On doit
même ajouter que le contenu peut prendre un développement
exagéré (par exemple dans l'hydrocéphalie,) sans que
le contenant, c'est-à-dire l'enveloppe osseuse, ne cesse de
s'adapter à cette pression intra-cranienne anormale. D'ail-
leurs, sans avoir recours à des exemples pathologiques,
ATROPHIES CÉRÉBRALES UNILATÉRALES. 29
n'est-il pas prouvé que la persistance de la suture métopique
est en relation avec une augmentation normale du volume
cérébral '. Le crâne par cette anomalie continue à remplir
son rôle protecteur sans apporter aucune entrave à la crois-
sance des centres nerveux. Que devient cette loi dans les
cas pathologiques ?
Si une suture prématurément synostosée s'oppose à la
croissance d'un cerveau sain, ce dernier éprouvera quelque
gêne, mais malgré tout, à moins .que toutes les sutures ne
soient synostosées, le cerveau pourra acquérir un développe-
ment normal. Les circonvolutions seront tassées les unes
contre les autres, l'endocrâne en présentera les traces, mais
grâce à une dilatation compensatrice,le développement encé-
phalique se fera dans une direction opposée et le résultat
sera une déformation crânienne ; mais remarquons-le, cette
déformation est la preuve de l'adaptation de la boite cra-
nienne à la pression interne. Nous jugeons inutile d'entrer
dans de longues explications concernant le mécanisme des
déformations consécutives à la synostose prématurée d'une
ou plusieurs sutures, nous renvoyons à une communication
que nous avons faite récemment à la Société d'Anthropo-
logie « sur la morphologie crânienne dans ses rapports avec
les états pathologiques du cerveau ». Nous avons présenté
des pièces et démontré le soin avec lequel il est nécessaire
et d'étudier et d'interpréter les faits.
Ce qu'il importe de savoir c'est que seul un cas de synos-
tose complète et prématurée du crâne est de nature à s'oppo-
ser au développement d'un cerveau sain. Le cas doit être
rare, car ainsi que nous le faisions remarquer antérieure-
ment dans un mémoire sur Le crâne dans les idioties », sur
625 crânes recueillis au musée de Bicêtre, nous n'avons
relevé qu'un seul cas de synostose complète et encore le cer-
veau qui y était renfermé présentait des lésions qui s'oppo-
saient à son développement tout autant que l'inextensibilité
de la boite osseuse.
' Papillault. Salure métopique (Mémoires de la Société d'Auth¡'opo-
logie, 1890).
, Bulletins et Mémoires de la Société d'Anthropologie de Paris, 1902,
page 35.
1 liourneville. Recherches sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie,
compte rendu de Bicêtre pour 1901, page 193.
30 ' ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
Si au contraire les sutures restant libres, il existe un cer-
veau qui ne se développe pas,- qu'adviendra-t-il ? Ce n'est
pas une hypothèse, et le fait se présente constamment : un
petit cerveau s'accompagne d"un petit crâne; tous les cas de
microcéphalie en sont la démonstration.
Quelle que soit la causé première de l'arrêt de développe-
ment des centres nerveux, le forme cranienne n'est-elle
même que l'expression de cet arrêt de développement. C'est
la persistance d'un état cranien infantile, dont l'étrangeté
tient souvent au défaut de proportion qui existe entre le
corps et la tête. La microcéphalie peut s'accompagner d'un
arrêt général de la croissance, constituant alors une va-
riété de nanisme, mais elle peut aussi surmonter un corps
relativement développé et, dans tous les cas, l'étude du crâne
qui en a été faite est démonstrative : la forme, la disposition
des parties osseuses, la valeur des angles pétro-clivien,
inioclivien, clivo-horizontal, basilaire, indiquant l'inclinai-
son de certaines portions craniennes par rapport à l'horizon-
tale, traduisent mathématiquement un retard de crois-
sance.
On nous objectera peut-être que certains caractères ne sont
pas le fait de la persistance d'un état infantile : l'épaisseur
des parois craniennes, par exemple, si remarquable chez
certains microcéphales ! ! C'est une preuve, au contraire, et
une preuve éclatante de l'origine centrale de la microcé-
phalie.
Le cerveau atrophié ne se dilate pas et par suite ne dilate
pas la cavité cranienne, mais en même temps il n'exerce
aucune pression sur l'endocrâne ; aussi le tissu osseux par-
faitement sain continue à s'accroître. La croissance intersti-
tielle des parois craniennes n'est pas limitée par la pression
intra-cranienne, de là son épaisseur parfois inusitée. Ainsi
que nous l'avons écrit antérieurement et ainsi que M. Bour-
neville en a relaté de nombreux exemples, dans tous les cas
où un hémisphère est atrophié, la paroi correspondante est
augmentée d'épaisseur 2. Cette particularité est en relation
1 M. Manouvrier a donné des explications anthropologiques au sujet de
la microcéphalie accompagnée ou non de nanisme que nous conseillons
de consulter pour comprendre tous ces rapports. Nanisme in Société
d'Anthropologie, 16 avril 1896.
' Le crâne dans les idioties.
ATROPHIES CÉRÉBRALES UNILATÉRALES. 31
avec cette loi que partout où la pression est augmentée, l'os
tend à s'amincir (et dans l'hydrocéphalie où elle est à son
maximum on a, en effet, des parois extrêmement minces) et
que là où la pression diminue la paroi s'épaissit. <
La figure 8 et les PL. 1 et II donnent un exemple frappant
de cette modification de la pression intracrânienne au niveau
de la loge frontale.' Le cerveau de Vey... avait une atrophie
double de la partie antérieure des loles frontaux : il en était
donc résulté une diminution de pression dans la loge anté-
rieure et conformément à la loi sus-énoncée, l'os frontal
s'est épaissi ainsi que l'indique la figure 8, où l'on voit la
coupe de cet os.
Dans la microcéphalie où la pression est extrêmement
faible, puisque la masse entière est frappée d'un arrêt de
croissance, l'épaisseur des parois peut être considérable.
L'ossification ayant lieu librement, il en résulte un envahis-
sement des sutures d'autant plus aisé que l'expansion céré-
brale absente ne s'oppose pas à leur occlusion. Dans ces cas
la synostose totale ou très avancée, d'ailleurs extrêmement
rare, n'est donc que secondaire et nullement la cause de l'atro-
phie cérébrale.
Ce qui est vrai pour les cas de microcéphalie l'est égale-
ment pour les cas où le cerveau est atteint d'un retard peu
prononcé de développement.
Si on compare les crânes des idiots à des crânes de sujets
normaux, on constate une diminution des diamètres cra-
niens, mais de plus on remarque, et c'est là un fait encore
plus intéressant car il en donne la raison, un certain nombre
de caractères en rapport avec un stade du développement
cranien nullement approprié à l'âge et à la taille du sujet'.
On dit que le crâne présente quelques caractères infantiles,
c'est très juste car tout n'est pas enfantin, la croissance géné-
rale ayant continué et atténué certains de ces caractères.
L'épaisseur des parois, par exemple, ou encore l'ossifica-
tion de certaines sutures sont la preuve de la dysharmonie
que nous signalons.
Nous avons insisté dans notre mémoire Le Crâne dans les Idioties,
sur le défaut d'expansion cérébrale en vertu duquel les déformations
sont peu accentuées chez les idiots en comparaison de leur nombre. C'est
oujours la même cause qui est en jeu (comme pour la diminution des
diamètres) : le retard de développement.
32 ' ANATOMIE PATHOLOGIQUE. '
Nous pensons que ces explications donnent entière satisfac-
tion, mais en cas qu'il y ait malgré tout des incrédules, nous
allons ajouter les observations suivantes qui sont encore
plus démonstratives car elles reposent sur des cas ayant la
valeur de véritables expériences réalisées par un processus
morbide. '
Nos observations portent sur les crânes de sujets porteurs
d'hémisphères de poids et de volumes différents par suite de
la sclérose atrophique de l'un d'eux.
^ Leur juxtaposition a amené dans la partie du crâne corres-
pondant à chacun d'eux des différences bien accusées : d'une
part un hémicrâne normal, de l'autre un hémicrâne moins
développé, autant de variations qui démontrent que le crâne
s'est adapté de part et d'autre à sa fonction.
Toutes les parties de la boîte crânienne sont loin d'être
également influencées. La surface extérieure ne présente
souvent rien de remarquable, tandis que l'endocrâne subit
des modifications fort appréciables. Mais sur ce dernier
encore, l'influence cérébrale s'exerce inégalement : alors que
la base cranienne subit des transformations accentuées, le
reste de la surface est peu modifié. *
Cela s'explique aisément : plongé dans le liquide céphalo-
rachidien le cerveau en raison' de son poids exerce une action
directe sur la surface inférieure de l'enveloppe cranienne;
que ce poids subisse des variations, la base cranienne pré-
sentera des variations parallèles. -
Nous sommes informés, grâce à des recherches craniolo-
giques patientes, qu'au cours de la croissance, la tête subit
de.nombreuses transformations. Les caractères morpholo-
giques d'un crâne de foetus différent essentiellement de ceux
d'un crâne adulte ; ils sont cependant reliés les uns aux au-
tres et leur apparition n'est pas spontanée mais le résultat
d'une multitude de phénomènes mécaniques, chimiques et
même pathologiques. Comme l'a écrit le Dr Papillault, un
caractère morphologique porte l'empreinte de chacun de ces
phénomènes, même des plus fugitifs 1.
Mais il est non moins évident que cette trace sera d'autant
plus profonde que le phénomène aura agi plus longtemps et
' Etude morphologique de la base du crâne (-1898), Société d'Anthro-
pologie. ,
ATROPHIES CÉRÉBRALES UNILATÉRALES. 33
plus fortement. La portion cranienne répondant à 1'liémi-
sphère malade présentera donc un retard si on le compare
àla partie adjacente donnant asile à un hémisphère sain.
L'une comme l'autre n'auront fait que s'adapter au poids et
au volume de la masse encéphalique qu'ils supportent.
Il est facile d'apprécier par une simple inspection le moin-
dre développement de certaines parties osseuses du côté
malade (diminution de la fosse cérébrale moyenne par
exemple), l'asymétrie de la base crânienne, la scoliose de la
partie médiane de la base, mais cela ne donne aucune notion
précise de l'affaissement en masse de la base (effet direct du
poids cérébral) et de ses différences.
Pour les mettre en évidence, nous avons agi avec nos
crânes comme nous l'avions fait avec un crâne de myxoedé-
mateux au sujet duquel nous avons publié récemment quel-
ques réflexions concernant les déformations de la base dans
les Archives de Neurologie Les crânes ont été dessinés au
stéréographe, puis dans le but de connaître la différence des
angles faits par chacune des voûtes orbitaires et chacun des
rochers avec une ligne commune et nullement influencée par
les variations du poids encéphalique. Nous avons :
1° Mesuré l'angle formé par la rencontre de la ligne suivant
la direction de la voûte orbitaire avec le plan horizontal de la
têle établi par Broca, plan passant par le centre des orbites
et le trou optique.
2° Mesuré l'angle existant entre la ligne suivant la crête
de la pyramide pétreuse du rocher et le clivus (plan de la
face supérieure de l'apophyse basilaire).
Voici les valeurs de l'angle orbito-horizontal :
34 . ' ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
peu accentuée d'autre part ceux qui appartenaient à des
sujets peu avancés en âge. Dans le premier cas la base cra-
nienne a été insuffisamment impressionnée et les'mensura-
tions ne sauraient traduire un arrêt de développement
minime.
Dans le second cas, les inclinaisons diffèrent trop peu
pour avoir une valeur réelle ; mais alors ce n'est pas l'insi-
gnifiance de l'arrêt de développement qui est en cause, c'est
le stade peu avancé de la croissance de l'hémisphère sain
qui rétablit l'égalité. Si l'enfant eût survécu, les différences
d'inclinaison se fussent accusées au fureta mesure de l'aug-
mentation de poids.
L'inclinaison du rocher est indiquée dans le tableau sui-
vant aui donne l'angle nétroclivien.
ATROPHIES CÉRÉBRALES UNILATÉRALES. 35
tissu osseux 1 ; c'était un myxoedémateux, chez lequel l'ori-
fice externe du conduit auditif et le basion (bord antérieur
du trou occipital) normalement à un niveau différent se 1
trouvaient sur un même plan.
Nous allons maintenant signaler quelques variations
morphologiques résultant de l'inégalité de volume des hémi-
sphères. Une première modification qui apparaît, consiste dans
la déviation, la scoliose de la partie médiane de la base cra-
nienne depuis le corps du sphénoïde jusques et y compris
la crête endofrontale. L'apophyse crista-galli est plus ou
moins déviée vers le côté malade. Dans notre mémoire « Le
Crâne dans les Idioties », nous avons déjà attiré l'attention
sur celte anomalie en faisant remarquer d'ailleurs que depuis
de longues années M. Bourneville l'avait notée dans toutes
les descriptions relatives aux nécropsies s'accompagnant
d'hémiatrophies cérébrales.
Sa genèse est simple : lorsque les deux hémisphères se
développent également et simultanément, la pression sup-
portée par l'apophyse crista galli sur ses deux faces est iden-
tique. Qu'un des hémisphères s'atrophie et cesse de se déve-
lopper, qu'arrive-t-il ? Le demi-cerveau sain exerce sa
pression d'une part sur la paroi résistante de la voûte cra-
nienne correspondant à sa face externe, d'autre part, sur
la paroi dépressible formée par la faux du cerveau et la lame
mince recouvrant le tissu spongieux de l'apophyse crista-
galli. Mais toute cette paroi interne se laisse déprimer parla
' pression normale de l'hémisphère sain, qui n'est pas contre-
balancée par une pression en sens contraire. L'hémisphère
au cours de sa naissance agrandit donc sa loge aux dépens de
la loge de l'hémisphère opposé. '
Les déformations de l'apophyse sont les suivantes : elle est
plus ou moins renversée. La face répondant au côté sain est
aplatie et lisse, la face opposée est bombée et renflée; ces
aspects sont à rapprocher de ceux qui se retrouvent sur les
' Archives de Neurologie, 1903 et Comptes rendus de Bicêtre, J903 ;
Paiii-Boi,couit : Mécanisme de quelques déformations crâniennes dans le
myæ'rdème [Société d'Anthropologie, 18 juin 1903).
M. Rt,gnatilt (Compte rendu de l'Association des anatomistes, 1901-
et )1. Ledouble (Traité des variations des os du crâné), rattachent égale)
ment la déviation de l'apophyse à l'inégalité de volume des hémisphères.
36 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
crânes normaux à différents âges : sur un crâne d'adulte
l'apophyse crista-galli est généralement mince et aplatie sur
ses deux faces : .sur un crâne de foetus, elle est, la plupart
du temps, plus ou moins renflée. ,
Dans nos cas, un côté rappelle donc l'aspect normal, tan-
dis que sur le côté opposé on constate la persistance de la
forme foetale. Le renversement parfois complet est l'exagé-
ration d'un mécanisme normal, due à une inégalité de pres-
sion pathologique.
Ajoutons pour aider à la compréhension de ces formes :
1° Que sur un certain nombre de crânes ayant appartenu
à des microcéphales, nous avons constaté l'aspect renflé en
totalité, ce qui n'a rien d'étonnant puisque l'absence de
pression est générale'. 1,
2° Que les hémiplégiques, décédés en bas âge, ne présen-
tent pas de déviation de l'apophyse, ou ils n'en présentent
qu'une très minime puisque l'hémisphère sain n'a pas eu le
temps ou mieux le besoin d'agrandir sa loge.
Une autre conséquence de la déviation de l'apophyse
crista-galli est la diminution de largeur de la fosse ethmoï-
dale répondant au côté malade. En même temps que l'apo-
physe est repoussée, la partie sous-jacente, la lame perpen-
diculaire de l'ethmoïde, dont elle n'est que le prolongement
la suit dans ce mouvement d'où la déviation de cette por-
tion facile à voir lorsqu'on regarde par l'ouverture antérieure
des fosses nasales ; d'où aussi le rétrécissement de la fosse
ethmoïdale.
Enfin, à la partie antérieure, la crête endofrontale est
repoussée du côté malade, si bien que la partie médiane de
l'os frontal considéré par la face externe ne répond en rienà à
la saillie de cette crête osseuse interne.
La différence de pression a amené également une asymé-
tre du corps du sphénoïde. Les deux versants latéraux qui
se continuent avec la face supérieure des grandes ailes ont des
inclinaisons différentes; le versant contribuant à former la
loge de l'hémisphère sain est beaucoup plus oblique que celui
du côté opposé : il tend à la verticalité. La pression plus forte
a modifié aisément le corps de l'os creusé de sinus et amené
' Nous l'avons aussi constaté sur les crânes ayant donné asile â une
porencéphalie double. '
ATROPHIES CÉRÉBRALES UNILATÉRALES. 37
un aspect normal, tandis que du côté répondant à une
moindre pression on a un aspect qui serait normal si le sujet
était encore en bas âge. Par suite de cet aplatissement le
niveau de la naissance de la grande aile, est plus inférieur.
Nous connaissons déjà un certain nombre des phéno-
mènes au moyen desquels la partie saine du -cerveau a
agrandi sa loge et rendu apparent l'arrêt de développement
de la portion osseuse renfermant l'hémisphère malade.
En voici quelques autres : l'expansion cérébrale s'étant
faite dans tous les sens au niveau de la loge moyenne, la
partie antérieure du lobe temporal qui s'introduit sous la
petite aile du sphénoïde, a légèrement repoussé en avant
la grande aile : aussi l'excavation destinée à recevoir le bec
de cette circonvolution a un développement notablement
supérieur du côté sain ; il est parfaitement appréciable à la
vue. -
En arrière la pression cérébrale a produit un véritable
renversement du bord supérieur du rocher en même temps
qu'un léger tassement de cet os : (nous parlons toujours par
comparaison avec le côté malade). Sur certains crânes même,
l'orifice interne du conduit auditif n'est pas aussi régulière-
ment arrondi du côté sain. Nous avons d'ailleurs noté le
fait pour certains trous optiques.
Si on calcule l'angle que fait la ligne du rocher avec la
ligue médiane horizontale, on constate qu'il est plus petit
du côté sain, l'os ayant été été repoussé vers la partie pos-
térieure par suite de l'expansion du cerveau. Voici les angles
obtenus :
38 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
cérébelleux atrophié : les rapports de ce dernier avec la face
postérieure du rocher indiquent donc bien que la résistance
a été minime'.
Les moyens d'agrandissement de la loge antérieure nous
sont connus : inclinaison de la voûte orbitaire, déviation de
l'apophyse crista galli et rétrécissement de la fosse ethmoi-
dale, déviation de la crête endofrontale.
, Au niveau de la voûte orbitaire on observe une autre diffé-
rence entre les deux côtés. Tandis que du côté sain il y a
des impressions digitales profondes et des éminences papil-
laires élevées, du côté malade l'aspect est plus lisse. C'est un
effet de cette lui que' nous avons signalée plus haut, que
partout où la pression diminue la paroi s'épaissit là où elle
est augmentée l'os s'amincit.
Aux circonvolutions les plus pesantes, correspondent des
cavités plus profondes, mais au niveau des sillons qui les
séparent, la pression est nulle et la prolifération osseuse
se faisant librement vient combler le vide qui en résulte. Du
côté malade le cerveau appuie moins sur la voûte orbitaire, et
de plus en raison de la sclérose qui l'atteint et qui ratatine
les circonvolutions, en raison des épaississements méningés
qui sont fréquents, il n'y a pas des intervalles aussi accen-
tuées et les crêtes osseuses n'ont pu s'y insinuer.
Ce n'est donc pas, comme certains cliniciens l'ont dit sans
réflexion, parce que le cerveau exerce une action trophique
directe sur l'os qui le recouvre (ce qui dans le cas d'atrophie
de" cet organe, entraînerait une atrophie des crêtes
osseuses observées normalement) que l'on observe les varia-
tions précédentes. -
Si on considère la voûte crânienne, on s'aperçoit du reste
1 L'inégalité croisée n'est pas absolue, quelquefois les hémisphères
cérébelleux sont égaux; d'autres fois, plus rares, l'atrophie cérébelleuse
existe du même côté que l'atrophie cérébrale. Enfin, souvent, tandis que
les hémisphères cérébraux sont inégaux, les hémisphères cérébelleux
sont égaux. C'est, au moins, ce qui ressort du tableau sur l'Inégalité des
hémisphères cérébraux et cérébelleux, comprenant 90 cas que nous
avons publiés dans notre Compte rendu de 1902 (p. 265-273). Voici
d'ailleurs les chiffres : Inégalité croisée, 37; - inégalité du même côté,
7 ; égalité (des hémisphères cérébelleux) 15. Nous profitons de l'oc-
casion pour signaler une erreur typographique : à la page 27, il faut inter-
vertir les lettres G et D. BouRNEviLLE.
ATROPHIES CÉRÉBRALES UNILATÉRALES. 39
que l'épaisseur de la paroi est plus grande du côté malade.
Pourquoi cet aspect ?
Parce que, comme nous l'avons dit, la pression à ce niveau
est moindre. Toutefois, remarquons-le, la différence d'épais-
seur est peu marquée dans certains cas et nullement compa-
rable à celle qui accompagne les scléroses totales de l'encé-
phale (microcéphalie). Il y a une dernière cause qui doit
entrer en ligne décompte : l'inflammation méningée.
Etant donnés les rapports des membranes avec l'endocrâne
lig. 8. - Coupe de crâne de Vey... (hauteur réelle 14 ; largeur 13).
40 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
cela n'a rien d'étonnant. Mais dans quelle mesure cette
inflammation exerce-t-elle son action sur la croissance de
l'os ? Ce sontlàdes phénomènes complexes sur lesquels nous
ne voulons pas nous'prononcer définitivement. En effet, si
nous avons des crânes où l'inflammation ne parait pas avoir
Fig. 9.
ATROPHIES CÉRÉBRALES UNILATÉRALES. 41
influencé, l'augmentation d'épaisseur (le processus inflam-
matoire ayant été localisé à la partie postérieure du cerveau
et la région frontale ayant néanmoins un épaississement
notable), nous avons aussi d'autres cas où la réalité de cette,
action est hors de doute, par exemple le cas de R ? chez
.lequel l'atrophie des lobes frontaux a laissé un large
Fig. 10.
42 ' ANATOMIE PATHOLOGIQUE. 1,
.espace retro-frontal où des proliférations osseuses en forme
de lamelles constituaient une croissance osseuse anormale et
nettement d'origine inflammatoire.
Sur les fig, 8, 9 et 10, on voit l'atrophie de la partie antérieure
du cerveau; sur la fig. Il où est représentée la coupe du crâne, on
remarquera les saillies placées à la face interne du frontal, qui
sont en forme de lamelles ayant jusqu'à 2 centimètres de hauteur.
Sur la fig. 12, on voit une anomalie assez curieuse, l'agrandisse-
Fig. 11.
ATROPHIES CÉRÉBRALES UNILATÉRALES. 43
ment des trous pariétaux. Nous la signalons non seulement en
raison de sa rareté, mais aussi parce que nous pensons qu'elle est,
comme les proliférations osseuses endofrontales le résultat de
troubles inflammatoires intracrâniens, ayant exagéré la circula-
tion et modifié le cours du sang, de telle sorte que la séance des
trous a été rendue nécessaire. On trouvera des explications très
complètes au sujet de ce cas dans les Bulletins de la Société d'An-
thropologie janvier 1902)......... 1
Fig. 12.
44 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
Ces faits méritent donc d'attirer l'attention et nous espé-
pérons que l'étude d'une série de crânes ayant recouvert des
cerveaux atteints de porencéphalie, pourra apporter quelque
clarté. Là, les faits sont discordants : augmentation d'épais-
seur dans certains cas, aucune modification dans d'autres
.ou même amincissement (du côté atteint), mais comme le
mécanisme qui préside à la porencéphalie est loin d'être élu-
cidé puisqu'on invoque tour à tour des hémorrhagies, des
oblitérations artérielles, de l'hydrocéphalie interne, des
processus inflammatoires, des traumatismes, des arrêts de
l'ig. 13. - Cane de Perr...
ATROPHIES CÉRÉBRALES UNILATÉRALES. 45
développement limités à une zone cranio-cérébrale, des
malformations osseuses, etc., etc., il semble que la diversité
des causes permettra d'expliquer celle des aspects et de fixer
ce point intéressant de la morphologie cranienne.
En résumé, nous avons trouvé au cours de nos recherches
les preuves d'un retard de développement hémi-cranien, lié
au retard de l'expansion hémi-cérébrale. Dans une moitié du
crâne nous avons constaté des caractères analogues à ceux
que nous avons rencontrés chez les microcéphales et les sujets
ayant un faible volume encéphalique. Il y a des modifica-
tions spéciales engendrées par la juxtaposition de deux
hémisphères inégaux, mais le mécanisme est un mécanisme
normal et nullement un effet direct du processus pathologi-
que. ' .
Sur la moitié du crâne insuffisamment développé on
trouve également les troubles d'ossification (épaisseur plus
grande) rencontrés chez les microcéphales, on y trouve
même au niveau de certaines sutures, une synostose plus
avancée en raison de l'arrêt de développement cérébral qui
ne s'oppose pas à leur envahissement par le tissu osseux.
Sur quelques crânes notamment, il est curieux de voir au
fond de la fosse cérébrale moyenne d'un côté une suture
sphéno-temporale dentelée et témoignant de l'activité de
l'accroissement nécessité par un hémisphère sain, de l'autre,
une suture sans dentelures, à demi-synostosée, dont l'obli-
tération traduit l'arrêt de développement de l'hémisphère 1
correspondant. Comme sur nos crânes d'idiots les caractères !
d'infantilisme sont compliqués de caractères d'ossification \
active.
Il nous resterait un long chapitre à écrire sur les modifi-
cations de la surface externe du crâne et de la forme géné-
rale. Nous la ferons ultérieurement et dans un mémoire
spécial, car les modifications relevées sont surtout d'origine
musculaire et analogues à celles que nous avons exposées à
propos des os des membres'. '.
La forme générale est peu transformée en raison des fai-
bles variations de la pression interne et de l'épaississement
des parois. On pourrait s'en étonner eu égard à l'intensité
, Comptes rendus de l31eélre et Bulletin de la Société d'Anthropologie e
1900 et 1901. '
pu. III. Encéphale de Perr... (Voir obs. complète dans le Compte rendu de 1900, P- 61 1
r PL. IV. Encéphale de Perr...
1. ¡ i ARcmvEs, 2' sél'ie, PL. t. XVIII. IV. - Encéphale de PCI'I'... ' 4
50 ' ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
des lésions cérébrales et à la diversité des troubles patholo-
giques. Mais qu'on se rappelle ce que nous écrivions anté-
rieurement à cesujeti : «Il est nécessaire de dire, si l'on veut
bien définir la loi qui règle les rapports du contenant et du
contenu, que le crâne est en rapport non pas avec le cer-
veau mais avec la pression intra-crânienne », et nous en
donnions des exemples. -
La figure 13 et les planches III et IV reproduisent un cas caracté-
ristique. Bien que relativement petit, le crâne de Perre... avait
des dimensions qui faisaient croire à un poids encéphalique beau-
coup plus élevé. Or, il n'atteignait que grammes, mais l'espace
laissé libre entre l'encéphale et les parois crâniennes était occupé
par une quantité considérable de liquide dont la présence suffisait
à maintenir la pression intracrànienne. Les ventricules cérébraux
(voir les Planches qui les représentent dans le n° 64 des Archives de
Neurologie de 1901, où l'observation complète a été publiée, avec
portrait de l'enfant) étaient eux-mêmes distendus par du liquide.
On voit sur les Planches VIII et IX les hémisphères à l'état naturel'
et après leur incision. Le crâne (fig. 13) a une forme régulière.
En général, ceux qui mesurent les anormaux paraissent
oublier .cette loi : ils constatent des modifications dans les
diamètres craniens et immédiatement il en déduisent que le
cerveau est parallèlement modifié. C'est une faute qui devient
grosse de conséquences aussitôt qu'on applique cette façon
d'interpréter les faits. des anormaux d'un degré supérieur.
Avant de terminer, signalons une modification assez fré-
quente, mais non constante : c'est le moindre développement
d'un des côtés du crâne. L'asymétrie est nette et néanmoins
beaucoup de ces crânes avaient été étiquetés plagiocéphales,
ce qui est une erreur, la plagiocéphalie ne s'accompagnant
pas d'un arrêt de développement de l'un des hémisphères.
En tout cas, si l'on conserve à cette forme le nom de plagio-
céphalie, il faut, pour éviter toute confusion, la distinguer
nettement de la plagiocéphalie ordinaire. (Ce mémoire a été
fait avec les crânes recueillis par notre ancien maître,
M. Bourneville, crânes qui sont déposés dans son Musée de
Bicêtre).
' Le crâne dans les idioties, loc. cit.
2 On trouvera un excellent mémoire de M. Manouvrier sur cette ques-
tion dans les Bulletins de la Société d'Anthropologie de l'année 1883
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
1. Spasme essentiel ou idiopathique ; par William Clahencb
Fiske. (The New-York Médical Journal and Philadelphia Médical
Journal, 3 octobre 1903).
Cette névrose, désignée quelquefois sous le nom de tétanie in-
termittente ne se rencontre pas communément chez un sujet tel
que celui dont il s'agit. C'est un jeune homme grand et vigoureux
ayant présenté depuis son enfance des attaques ressemblant à
celles du petit mal. Il fut pris subitement de convulsions intermit-
tentes limitées aux jambes, aux bras et à l'abdomen, et qui d'abord
bilatérales devinrent unilatérales.
Toutes les médications avaient échoué lorque l'auteur eut l'idée
de recourir à la jusquiame, qu'il administra sous la forme de
bromhydrate d'hyoscine en injection sous-cutanée. Le résultat ne
se fit pas attendre et fut très satisfaisant.
L'auteur ne se déclare nullement certain que la guérison soi
définitive ; mais en tout cas le médicament parait être celui qu'il
convient de choisir. R. de IilUSGnAVE-CLAY.
II. L'épilepsie ne peut pas être causée par des états toxémiques ;
par W. HAMILTON Hall. (The Journal of Mental Science. Octobre
1903.)
L'auteur soutient énergiquement la thèse indiquée par le titre
de son mémoire, en se basant principalement sur la banalité
d'une pareille étiologie, et sur les modes de production de l'épilep-
sie dans lesquelles elle ne saurait être invoquée.
. H. DE V1USGItdVE-CL : 1Y.
111. Remarques sur la pathologie des acroparesthésies ; par le prof.
Pick (de Prague).
11 semble souvent que l'irrégularité de distribution des phéno-
mènes sensitifs ne soit qu'apparente ; aussi peut-on se demander
s'il n'existerait pas une certaine constance dans'l'ordre des causes
de cette affection nerveuse. C'est ainsi que dans un cas très signi-
ficatif d'acropareslhésie, l'auteur a prouvé pour ce syndrome une
localisation déterminée : les remarques jointes à l'observation
démontrent qu'on peut à juste titre généraliser les conclusions
tirées de ce cas. Il faut probablement placer le siège des troubles
52 ) REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
donnant lieu aux paresthésies dans la moelle épinière et principa-
lement dans la moitié inférieure de la partie cervicale. (Revue 11eu-
rologique, janvier 1903). E. B.
IV. Sur un cas remarquable de contracture post-hémiplégique;
par les Dr. DEVIC et Gallavardia.
A propos de cetteobservation, les auteurs émettent les réflexions
suivantes : 1° Outre les convulsions précoces qui accompagnent
parfois les hémiplégies avec ictus et les contractures tardives, il
peut se manifester moins de 24 heures après le début d'une hémi-
plégie, une contracture hâtive persistante. 2° Cette contracture
peut envahir un membre, alors que l'autre reste flasque. 3° Dans
l'observation rapportée, la contracture, localisée au membre infé-
rieur était en flexion. 4° La lésion causale consistait en un ramol-
lissement très limité de la capsule interne avec dégénérescence
pyramidale. (Revue neurologique, janvier 1903). E. B.
V. Mydriase unilatérale et corps étranger (épillets d'hordeum
murinum) du conduit auditif externe ; par J. SABRAZLS.
Observation d'un homme de 47 ans dans l'oreille duquel s'insi-
nua un fragment d'épi de graminée pendant qu'il dormait dans
un champ. A la suite de cet accident, cet homme présenta une
mydriase spasmodique unilatérale avec affaiblissement, mais per-
sistance des réflexes pupillaires. 111., Sabrazès pense que celle
mydriase ressortit au réflexe pupillaire sensitif; l'excitation des
terminaisons nerveuses sensitives du conduit par le corps étranger
avec le cortège des sensations désagréables qui l'accompagne esl
le primum movens du réflexe dilatateur de la pupille du côté cor-
respondant. (Revue neurologique). E. B.
VI. Catalepsie symptomatique et rythme de Cheyne-Stokes ; par
A. l3aun.
M. Bauer relate les observations de quatre malades entrés à l'hô-
pital pour : méningite tuberculeuse; cancer de l'oesophage, urémie
lente, hémorrhagie cérébrale au cours d'une néphrite chronique.
Ces malades ont présenté des attitudes cataleptoïdes et la respi-
ration de Cheyne-Stokes. Une inhibition cérébrale profonde semble £ '
être la raison fondamentale de ces deux phénomènes. Ils seraient
des manifestations de l'insuffisance corticale. (Revue neurologique,
mars 1903. % E. B.
VII. Ophtalmoplégie et artério-sclérose; par A. Péchin et M. Rollik.
Observation d'un homme de 64 ans, tabétique, qui présente une
ophtalmoplégie extrinsèque totale et complète à gauche avec abais-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 53
sèment considérable de la vision du même côté par atrophie opti-
que, et à droite ptosis incomplet avec paralysie du droit supérieur.
On attribua pendant la vie, ces troubles au tabes. L'autopsie dé-
montra qu'ils étaient dus à une compression parlacarotide gauche
athéromateuse et très dilatée, du moteur oculaire externe et des
autres nerfs du sinus caverneux. L'artère ophtalmique gauche,
ectasiée elle aussi, comprimait le nerf optique. (Revue neurologique,
mars, 1903). 1 : . B.
VIII. A propos du cytodiagnostic du tabès ; par MM. VIDaL, SICARD,
et BAVAIT.
La lymphocytose est une loi au cours du tabes. Le lymphocyte
est le témoin d'un simple processus d'irritation. Le polynucléaire
seul, traduit par sa présence un état congestif ou inflammatoire,
car il ne peut venir par diapédèse que des vaisseaux sanguins. Les
auteurs ne s'expliquent les résultats opposés obtenus par MM.
Armand-Delille et Camus dans le tabes que par une différence de
technique. (Revue neurologique, mars 1903). E. B.
IX. L'Astasie-abasie labyrinthique ; par Pierre Bonnier.
'L'auteur étudie le cas d'un jeune malade de 11 ans présenté par
Déjerine et A. Thomas à la Société de neurologie comme atteint de
troubles de l'équilibre et qui, selon lui, serait atteint d'astasie-
abasie labyrinthique. M. Bonnier est d'avis que le phénomène pré-
senté par ce malade est de nature purement hystérique, alors que
pour Déjerine et Thomas il y aurait lésion organique sous-corlicale
dont la nature est indéterminée. (Revue neurologique, avril 1903).
E. B.
X. Hémiataxie post-hémiplégique et coordination sous-corticale;
par Ed. CLAP.1RÈE.
Observation d'une malade de 6 ans, hémiplégique gauche, pré-
sentant une hémiataxie assez notable, malgré l'intégrité presque
complète des sensibilités périphériques. Pour l'auteur, il s'agirait
d'une lésion des neurones coordinateurs des noyaux gris sous-cor-
licaux, lésion intéressant les fibres centripètes de la sensibilité non
consciente, et respectant les neurones thalamo-corticaux.
XI. La neurofibrosarcomatose; par le Dr R. CESTAN.
C'est la deuxième observation de tumeur de ce genre rapportée
par M. Cestan. 11 fait, dans ce travail, une étude indiquant la phy-
sionomie clinique, la place en histologie pathologique et la parenté
avec la maladie de Recklinghausen de cette variété de néoplasie. On
peut admettre une transformation maligne primitive des éléments
51 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
du système nerveux d'origine mésodermique, une sarcomatose
primitive et généralisée d'emblée.Mais, les éléments nerveux pro-
prement dits, cellules nerveuses et cylindraxes résistent longtemps
au processus malin. (Revue neurologique, août 1903.) E. B.
XII. Contribution à l'étude de l'anatomie pathologique et de la
pathogénie de la chorée; par St. Kopczynski.
L'auteur rapporte l'observation complète, suivie d'autopsie et
d'examen histologique, d'ailleurs négatif, d'un cas de chorée
mineure de Sydenham chez une jeune fille de dix-sept ans. A pro-
pos de ce cas, l'auteur fait un historique de la maladie et expose
les théories actuellement en présence. (Revue neurologique, août
1903.) E. B.
XIII. Note sur un réflexe adducteur du pied ;
par le De R. H1RSCHBERG.
Le réflexe adducteur du pied consiste dans un mouvement d'ad-
duction de tout le pied et parfois aussi de la cuisse, sans mouve-
ment des orteils, sous l'influence de la friction avec l'ongle du bord
interne du pied. Pour l'auteur, celui-ci serait pathologique et se
rencontrerait dans tous les cas où l'on constate le réflexe de
Babinski. (Revue neurologique, août 1903). E. B.
XIV. Le spasme facial ; ses caractères cliniques distinctifs ;
par Henry Meige.
Ce travail relate dix observations de spasme facial et établit la
physionomie spéciale du spasme et du tic. L'auteur examine
ensuite les opinions de quelques neurologistes français et étran-
gers sur le spasme facial, puis il discute les rapports de cette affec-
tion avec l'hystérie : « Il est peu vraisemblable que le vrai spasme
facial, avec toutes les particularités qui le caractérisent, fasse par-
tie du répertoire de l'hystérie. Elle n'en peut fabriquer que des
contrefaçons mauvaises. Mais qu'un sujet, déjà hystérique, puisse
être par surcroît atteint d'un spasme de la face, voilà une éven-
tualité qu'on doit aussi envisager. » (Revue neurologique, octobre
1903.) E. B.
XV. De la contracture secondaire du releveur de la paupière supé-
rieure dans le cours de la paralysie faciale ; par MM. E. Berger
et R. Loewy.
Dans une publication antérieure (comptes rendus de la Société
de Biologie, 30 mai 1903) les auteurs ont exposé l'importance de
la contracture secondaire du releveur palpébral dans le cours de la
paralysie faciale.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 55
Deux nouveaux cas leur permettent de revenir sur ce symptôme
dont ils exposent la symptomatologie, la physiologie pathologique
et le diagnostic différentiel.
La présence d'une contracture secondaire survenue dans le cours
d'une paralysie faciale aggrave toujours le pronostic à cause de la
prolongation de la durée du lagophtalmos et du danger de com-
plication (kératite xérotique). (Revue neurologique, décembre 1903.)
. E. B.
XVI. Sur la diplégie faciale périphérique ; par le Dr PANEGROSSI,
(Riv. Sp. difren. 1903, fasc. 1, t. II).
Observations cliniques et étude d'ensemble constituant une
véritable monographie de la question. J. S.
XVII. L'acrocianose chronique hypertrophiante ; par M. PLao.
(Nouv. Iconog. de la Salpêtrière, n° 1, 1903.)
Les nombreuses observations cliniques qui constituent à l'heure
actuelle le domaine de l' « acropathologie » peuvent se ramener
à troisformespriucipales : 1° Celle avec prédominance de troubles
sensitifs (acrocyanose chronique à forme sensitive).- -20 La moda-
lité avec atrophie (acrocyanose à forme atrophique). 3° L'acro-
cyanose avec augmentation de volume des parties molles. L'au-
teur présente, avec le résumé des cas publiés antérieurement, une
observation personnelle détaillée d'un cas se rapportant à cette
dernière forme. R. C.
XVIII. Un cas d'hémiatrophie faciale progressive; par CALMETTE et
Pages. (Nouv. Iconog. de la Salpêtriin'c, no 1, 1903.)
Jeune fille de quinze ans atteinte depuis plusieurs années d'une
atrophie progressive de,tous les muscles du côté gauche de la face.
L'examen minutieux permet de constater que la motilité, la sensi-
bilité, les sécrétions, la vasomotricité sont absolument intactes,
et que la trophicité seule est altérée. Ce syndrome clinique per-
met d'éliminer, dans la recherche de la cause de l'affection, aussi
bien la théorie de l'aplasie lamineuse que celle de la lésion ner-
veuse périphérique (facial, sympathique, trijumeau) et d'ad-
mettre que la lésion est nerveuse et qu'elle siège dans les centres
sans qu'il soit encore possible de la localiser plus exactement.
XIX. Trophoedème chronique acquis et progressif; par Smicard et
LAIGNEL-L4.VASTINE, (Nouv. Iconog. de la Salpêtrière, n° 1, 1903.)
Les auteurs pensent qu'il y a lieu de distinguer dans l'affection
décrite par Brissaud et Meige, deux variétés : congénitale, la plus
stable s'installant chronique d'emblée, restant à peu près immo-
56 .REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
bile, type essentiellement héréditaire ou familial; acquise, à symp-
tômes plus variés, à marche susceptible de progression, d'arrêt,
de rétrocession, à genèse apparente (traumatisme ou ^infection).
C'est un cas de cette dernière variété qui est rapporté dans ce
travail. -
XX. Un fait de macrodactylie, par Félix 1,jars. (Nouv. Iconog. de
la Salpêti,ièi-e, n° 1, 1903.)
Jeune fille de treize ans. Aucune hérédité. A la naissance on cons-
tate à la main gauche un médius plus long et plus gros que le
droit. Ces différences de mesure ont été constamment en s'accroîs-
sant : le doigt mesure 15 centimètres de longueur et 12 centimètres
de circonférence, gênant considérablement les mouvements de la
main et n'étant plus justiciable que de l'amputation. Celle-ci est
pratiquée dans la continuité du métacarpien. c'est-à-dire qu'après
désarticulation métacarpo-phalangienne, on procède à la résec-
tion de la tête du métacarpien. Ce procédé déjà préconisé pour
toute élimination de doigtsen général, estparticuliènimentindiqué
dans les cas de gigantisme pour prévenir les déformations ulté-
rieures du moignon qui seraient la conséquence de l'activité de
production du cartilage conjugal de la tête métacarpienne.
XXI. Macrodactylie; par Cailla. (JVouu. Iconog. de Salpêtrière, n° 1. : 1903). -
Chez un garçon de dix-sept ans, hypertrophie constatée à la nais-
sance et qui a toujours suivi une marche progressive. Cette hyper-
ti-opliie intéresse tous les segments du membre supérieur droit avec
maximum aux trois doigts externes et coïncide avec un ensemble
de stigmates de dégénérescence (asymétrie faciale, voûte palatine
ogivale, strabisme). *
XXII. Syringomyélie, arthropathie de l'épaule; par ilRISSAUIJ et URU'
AUDET (Nouv. Iconogr. de la Salpètrière, n° 2, 1903).
Un homme de quarante-neuf ans entre à l'hôpital pour tuberculose
abdominale; outre lessignes de tuberculose pulmonaire on constate
chez lui une arthropathie monstrueuse et indolente de l'épaule
gauche, de l'atrophie musculaire progressive du même memhre et
de la dissociation de la sensibilité aux extrémités des deux mem-
bres supérieurs. Diagnostic de syringomyélie. Mort par tubercu-
lose pulmonaire. Diagnostic vérifié à l'autopsie par la constatation
de lésions de l'articulation scapulo-humérale (énormes végétations
fibro-cartilagineuses) et de la moelle (atrophie des cornes anté-
rieures, foyers lacunaires des deux côtés). R. C.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 57
Un cas de syphilis héréditaire tardive à forme cérébro-
spinale ; par BICHON. (NOllV. Iconogl'. de la Sa/piJI/'iè1'e), n02, 1903),
Un enfant de onze ans, sans antécédents héréditaires connus, bien
portant jusqu'alors, est à la suite d'un traumatisme, atteint de
suppuration osseuse avec fistule de la région pariétale gauche.
Epilepsie jacksonnienne à droite. Trépanation sans amélioration.
Déchéance physique et intellectuelle progressive. Tuberculose
pulmonaire. Mort trois ans après le début de la maladie. L'autopsie
montre une malformation de l'hémisphère cérébral gauche, et des
lésions de méningo-encéphalite s'étendant à presque toute la
région psycho-motrice du même côté. A la face inférieure du
cervelet, de la protubérance et du bulbe, des lésions de méningo-
myélite disséminées sur toute la hauteur de la moelle. L'examen
histologique de ces différentes lésions permet de déterminer leur
nature spécifique. R. C.
XXIV. Un cas de myopathie atrophique progressive avec trou-
bles de la sensibilité; par Lamiom et Porot. (Nouv. ]conogl', de
la Sl1lpêll'iè/'e, n° 2, 1903).
Myopathique typique par son histoire et l'ensemble des carac-
tères cliniques : absence de caractère familial, mais hérédité ner-
veuse, traumatisme à sept ans, début à dix ans par de la parésie et
des douleurs lancinantes, évolution lente, atrophie musculaire
étendue aux quatre membres, fausse bypertrohie des membres
inférieurs, rétractions tendineuses, aboli'.ion des réllexes tendi-
neux et de l'excitabilité électrique. Ce cas présente en outre un
phénomène rarement signalé, des troubles de la sensibilité objec-
tive et subjective, douleurs lancinantes et hypoesthésie cutanée,
phénomène qui permet de le ranger dans la série des cas mixtes
où le système nerveux doit sûrement intervenir. R. C.
XXV. Monstrueuse déformation du tibia droit en fourreau de
sabre chez un tabétique ; par SABmxÈs. (Nouv. Iconogr. de la
Salpêtrière.)
Observation d'un cas de Labes par hérédo-syphilis, présentant
une déformation du tibia dite en fourreau de sabre, rare par son
enormité et qui n'avait pas encore été signalée dans le tabès hérédo-
syphilitique. IL C.
XXVI. Paralysie radiculaire totale du plexus brachial avec hémia-
trophie et parésie de la face. Réflexions sur l'étendue des
anesthésies et sur les troubles trophiques et moteurs de la face
d'origine sympathique) ; par M. P. Courront. (Société médicale
des hôpitaux de Lyon, 20 janvier 1903.) ..
5b REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
L'observation que rapporte l'auteur l'a conduit à étudier la
question des troubles sensitifs et de l'hémiatrophie faciale, d'ori-
gine sympathique,dans certaines paralysies radiculaires.
Il s'agit d'un homme âgé de vingt-cinq ans présentant dans ses
antécédents du rhumatisme avec insuffisance aortique et rétrécis-
sement milral probable par endocardite, qui à la suite d'un violent
traumatisme eut une paralysie radiculaire totale du plexus bra-
chial droit. Elle s'accompagnait d'atrophie des muscles du bras et
de l'épaule avec réaction de dégénérescence, de troubles trophiques
de la peau de la main. Il présentait en outre une anesthésie com-
plète de la main et de l'avant-bras et d'un petit territoire de la
face externe du bras; la sensibilité était conservée à l'épaule et
dans presque tout le bras, les troubles sensitifs n'étaient pas
superposables aux troubles moteurs et trophiques. Il y avait enfin
du myosis droit avec rétraction de la fente palpébrale; une
atrophie considérable de la joue droite avec aplatissement
marqué et asymétrie faciale; une parésie avec diminution de la
contractilité faradique de certains muscles de la face.
Des différents faits mis en évidence dans cette observation l'au-
teur conclut que dans la paralysie radiculaire totale traumatique
du plexux brachial, l'explication de la répartition des troubles
sensitifs doit être cherchée dans des anastomoses et des sup-
pléances, soit à la périphérie (nerfs intercostaux, nerfs du plexus
cervical), soit au niveau de l'origine du plexus; dans cette dernière
hypothèse, l'innervation sensitive de l'épaule et d'une partie du
bras, prendrait son origine plus haut dans la moelle que les-
racines du plexus brachial.
L'hémiatrophie faciale rapide et très accusée s'explique par la
lésion des filets sympathiques des racines du plexus brachial
(dernières paires cervicales et première dorsale.) Le sympathique
a une action trophique sur la face; le centre médullaire etle trajet
des filets qui ont cette fonction, sont très rapprochés de ceux des
filets irrido-moteurs et peut-être identiques à eux.
L'explication la plus vraisemblable de la parésie et de la dimi-
nution de la contractilité faradique de certains muscles de la face,
et de la langue, qui peuvent accompagner cette hémiatrophie,
est celle d'une atrophie de rameaux nerveux moteurs de certains
nerfs craniens sous la dépendance des lésions du sympathique.
G. C.
XXVII. Accidents pseudo-méningitiques à répétition au cours de
l'évolution d'une chorée de Sydenham chez une hystérique; par
M. Barjon. (Lyon médical, 2a janvier 1903, n° 4.)
M. Barjon publie l'observation d'une malade qui, à l'âge de huit
ans et demi, puis à l'âge de dix-sept ans, présenta des accidents
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 59
cérébraux graves qui en imposèrent pour une méningite au cours de
l'évolution d'une chorée de Sydenham.
Ce qui fait l'intérêt de cette observation, c'est d'abord la répéti-
tion des accidents pseudo-méningitiques à grande distance,
puisque huit années séparent les premiers phénomènes des
seconds; ensuite la répétition de ces derniers à trois reprises
différentes à intervalles très rapprochés (deux ou trois jours)...
A chaque poussée pseudo-méningitique les symptômes peuvent
en imposer pour une méningite vraie. Certains indices font cepen-
dant soupçonner la vérité.
Le début brusque, la malade présentait au troisième jour l'aspect
d'une méningite tuberculeuse à la troisième, semaine. L'évolution
rapide, la guérison complète obtenue en quelques jours pour
ainsi dire sans convalescence.
Cette observation présente aussi un autre intérêt, c'est que la
malade réunit à elle seule la plupart des causes prédisposantes et
déterminantes signalées dans des cas analogues. Comme causes
prédisposantes ce sont l'hystérie, la chorée, les manifestations
antérieures du côte des méninges, les causes occasionnelles sont
l'apparition des premières règles et une émotion morale intense,
toutes causes que l'on retrouve dans l'observation publiée par
l'auteur. G. C.
\\VIII. Des formes anormales de la maladie de Parkinson; par
M. Collet (Lyon médical, 1er février 1903, n° 5.
Sans étudier toutes les formes anormales de la maladie de
Parkinson, M. Collet envisage celles qui se distinguent par des
anomalies du tremblement. C'est ainsi que l'auteur distingue les
foi mes suivantes : 1° Maladie de Parkinson sans tremblement, forme
la plus connue de toutes, où les syptômes cardinaux de la maladie
existent bien caractérisés, et où le tremblement seul fait défaut.
` ? ° Maladie de Parkinson à 17-einble ? ? îe ? 2t anormalement étendu.
C'est ainsi que le tremblement peut envahir la tête, le cou,
la mâchoire, les muscles de la face, du pharynx, 'du larynx con-
trairement à ce que prétendent la plupart des auteurs classiques.
3° Maladie de Parkinson a tremblement unilatéral; dans cette
forme le tremblement reste indéfiniment unilatéral. Ce sont ces
cas seulement, dit l'auteur, qu'il faut décrire comme forme anor-
male, car parfois le tremblement peut rester unilatéral, pendant
une et même plusieurs années et se généraliser par la suite. Ces
formes unilatérales à généralisation tardive sont relativement
fréquentes. 4° Maladie de Parkinson à tremblement secondaire
unilalérul. Dans cette forme le tremblement après avoir été géné-
ralisé, se limite brusquement à un côté du corps. M. Collet insiste
sur les trois points suivants : 1° la généralisation souvent très
60 - REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
tardive du tremblement dans la plupart des cas de maladie de
Parkinson à tremblement hémiplégique; 3 la dispartion brusque
et tardive du tremblement dans une moitié du corps, aboutissant
à une forme secondairement unilatérale; 3° l'extension possible du
tremblement à la face, à la langue, à la mâchoire. G. Carrier.
XXIX. Du cas d'hystérie à grandes manifestations. Fièvre hysté-
rique ; par MM. Lannois et Porot. (Lyon médical, 2G juillet 1903.)
MM. Lannois et Porot présentent à titre documentaire l'obser-
vation d'une hystérique qui garda, près d'un an, une fièvre con-
tinue dépassant parfois 41°, des vomissements incoercibles et
quotidiens, présenta du sang et de l'albumine dans les urines et
qui malgré cela, vit son poids augmenter progressivement de
10 kilog.
L'observation publiée par les auteurs est intéressante à cause
de la grande richesse symptomatique du cas (asthénie, vomisse-
ment incoercibles; accès de grande tétanie; troubles nrinaires
fort variés : polyurie ou anurie, albuminurie, hématuries; crises
sudorales en rapport avec l'anurie; fièvre continue); de la longue
durée des symptômes fébriles; de la curieuse suppléance du rein
par la peau; enfin par la conservation paradoxale du poids et de
la santé générale. G. C.
XXX. Contribution à la question de la macro-esthésie, par N.-N.
Iwans\\'. (Obo : .¡'éllié psicleiolrü. VII. 1902.)
11 s'agit de cette erreur d'appréciation du toucher en vertu de
laquelle les objets semblent au malade plus grands et plus gros
qu'ils ne le sont en réalité. (Archives de médecine expéri-
mentale et d'anat. patholog. 1895. 5.) L'auteur en fournit deux
nouvelles observations. Dans les deux cas, la macro-esthésie sur-
vint à la suite de névrite du médian, à la phase de la régénéres-
cence. Il est probable, ajoute M. Iwanow, que les extrémités ner-
veuses qui viennent de se refaire, manquent au début de leur
fonctionnement, de l'exercice pratique qui leur est indispensable
pour leur apprentissage d'adaptation aux conditions ambiantes.
De là des illusions en rapport également avec la répartition diffé-
rente des éléments tactiles néoformés. L'appareil psychique rece-
vant des impressions inusitées, ne parvient pas au premier mo-
ment à les corriger et, par suite, se trompe dans l'évaluation des
dimensions, car plus grand est le nombre des points de contact de
l'objet avec la peau, plus cet objet semble grand.
P. KERAVAL.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
l. Névrite radiculaire subaiguë. Dégénérescences consécutives
dans la moëlle (racines postérieures) et dans les nerfs périphé-
riques (racines antérieures) ; par J. NAGEOTTE.
Une lésion inflammatoire subaiguë des nerfs radiculaires peut t
être le point de départ d'altérations parenchymateuses des racines
postérieures et antérieures et entraîner à sa suite une dégénéres-
cence systématisée des cordons postérieurs et une névrite périphé-
rique motrice. C'est ce que montre l'intéressante observation rap-
portée par M. Nageotte. Une infection portant sur le système ner-
veux central a produit deux foyers dans l'axe cérébro-spinal et en
outre des lésions inflammatoires multiples au niveau de plusieurs
nerfs radiculaires lombo-sacrés. Il existe également une dégéné-
rescence de plusieurs racines sacro-lombaires d'où il résulte : 1° Une
lésion systématisée des cordons postérieurs au-dessous du foyer
de myélite transverse, qui constitue, avec la dégénérescence du
faisceau pyramidal consécutive à la myélite, une sclérose combinée
de la région sacro-lombaire ; 2° Une névrite périphérique. (Revue
neurologique, janvier 1903). E. B.
II. Quelques nouvelles données sur la physiologie des réflexes ten-
dineux ; par le professeur Stciierback.
Inspiré par les travaux dé Max Egger sur la sensibilité osseuse,
le professeur Stcherback a constaté que les vibrations constituent
un excédent spécifique des profondes terminaisons des nerfs mises
en jeu pendant l'acte du réflexe rotulien. En même temps, les
expériences citées semblent prouver qu'à l'aide de vibrations nous
pouvons artificiellement, pour ainsi dire, charger les appareils ré-
flexes de l'énergie nerveuse et de même les décharger artificielle-
ment par des mouvements passifs. (Revue neurologique, janvier
1903). E. B.
111. Du parasite trouvé dans le sang des épileptiques. Son aggluti-
nation par le sérum des animaux infectés et par le sérum des
épileptiques; par M. l3na.
Voici les conclusions de ce travail : Nous sommes autorisés a
dire que l'épilepsie créé le pouvoir agglutinant et qu'il y a un séro-
diagnostic du mal comitial. 0
G2 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Nous sommes désormais en possession de trois procédés pouvant
servir au diagnostic de l'épilepsie : 4° La recherche directe du
parasite dans le sang. 2° Le procédé des cultures (ensemencements
de 1 cent. de sang dans 10 cent, de bouillon). 3° La séro-réaction.
(Revue neurologique, janvier 1903). E. B.
IV. Les lésions du système lymphatique postérieur de la moelle
sont l'origine du processus anatomo-pathologique dutabes; par
MM. P. Marie et G. GUILLAIN.
Intéressant travail montrant que ce qui crée le tabes, ce n'est
pas seulement la névrite, c'est-à-dire la lésion de la racine à sa tra-
versée de la méninge, c'est la lésion de tout le système lympha-
tique postérieur de la moelle, système constitué par la racine pos-
térieure, la pie-mère et le cordon postérieur. En somme, la lésion
initiale du tabès ne serait autre chose qu'une lésion syphilitique
du système lymphatique postérieur de la moelle. Nous savons, en
effet, avec quelle fréquence et quelle prédilection la syphilis crée
des lésions dans les lymphatiques. (Revue neurologique, janvier
1903). E. B.
V. Pression intraartérielle dans la névrose traumatique; par
Lad. Hoskorec (de Prague).
Après avoir exposé les résultats de ses recherches, l'auteur con-
clue que le degré de hauteur de la pression du sang et ses change-
ments éventuels n'ont pas, jusqu'à présent, dans la névrose trau-
matique, l'importance et la valeur que veut leur accorder Strauss.
L'intérêt serait plus grand si nous connaissions la pression du
sang avant le traumatisme et si nous pouvions le poursuivre en
divers temps après le traumatisme. (Revue neurologique, janvier
1903). - E. B.
VI. Atrophie du cervelet et sclérose en plaques; par André Thomas,
M. Thomas a pratiqué l'examen histologique du névraxe d'une
malade ayant présenté une symptomatologie très analogue à celle
de la sclérose en plaques et à l'autopsie de laquelle on avait cru
trouver un ramollissement de la face inférieure du cervelet. L'exa-
men histologique a révélé des lésions très semblables à celles de
l'atrophie olivo ? oizio-cé ? -ébelleuse, mais cependant un peu plus
complexes. (Revue neurologique, février 1903). E. B,
VII. Contribution à l'origine corticale des tremblements; parR.
AIASSALONGO.
M. Massalongo expose ses opinions sur l'origine corticale des
tremblements et des spasmes. Il rapporte l'observation d'uu
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 63
malade chez qui ces phénomènes ont persisté pendant les trois
journées et les trois nuits qui précédèrent la mort. L'examen né-
cropsique montra qu'il s'agissait d'une méningo-encéphalite tuber-
culeuse localisée symétriquement aux circonvolutions fronto-parié-
tales. Cette observation montre donc que des contractions fibril-
laires unilatérales et bilatérales peuvent dépendre exclusivement
de l'excitation des cellules grises de la zone rolandique. (Revue
neurologique, mai 1903). E. B.
VIII. Contribution à l'étude des localisations dans le noyau de l'hy-
poglosse ; par M. et 11m PAR liON (de Bucliarest).
Ces auteurs ont eu l'occasion d'examiner le bulbe d'un malade
mort d'un cancer de la langue ayant détruit une grande partie des
muscles palato-glosse, pharyngo-glosse et amycalo-glosse. Le génio-
glosse, fhyoglosse,le tranverseet le lingual inférieur étaient épar-
gnés. Les auteurs, ayant étudié le noyau de l'hypoglosse chez ce
malade, décrivent, dans le présent article, les altérations qu'ils
y ont constatées. (Revue neurologique, mai 1903). E. B.
IX. Etude sur le phénomène des orteils ; par G. l\IARINESCO.
Cette étude a pour but de donner une explication au phénomène
de Babinski. D'après Marinesco, il faudrait admettre une double
innervavation des muscles, corticale et sous-corticale ; mais tandis
que pour le membre supérieur l'innervation corticale des exten-
seurs serait prédominante, pour le membre inférieur, ce serait celle
des fléchisseurs, et vice-versa. Pour le membre supérieur, l'inner-
vation sous-corticale des fléchisseurs serait plus forte que celle des
extenseurs. Il existerait donc un antagonisme entre l'innervation
corticale et sous-corticale des extenseurs et des fléchisseurs. On
s'expliquerait ainsi pourquoi la plupart des réflexes des membres
inférieurs se passent dans le domaine des extenseurs et pourquoi
dans la paraplégie, l'hypertonie porte souvent sur les muscles
extenseurs du membre inférieur. (Revue neurologique, mai 1903.)
E. B.
X. Fracture de la colonne vertébrale. Lésion spinale limitée à
une minime partie d'étage radiculaire ; par BRISSAUD et BRECY.
Il s'agit d'une observation de fracture de la colonne vertébrale
ayant altéré profondément un étage du cordon spinal, mais limitée
exclusivement à un étage de quelques millimètres d'épaisseur. La
destruction des cellules des cornes antérieures sur une étendue
très limitée avait produit une dégénération également très limitée
dans les racines antérieures correspondantes. Pas de zone d'anes-
thésie : les troubles de sensibilité consistaient uniquement en
64 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
élancements douloureux surtout marqués le long de la face posté-
rieure des avant-bras. (Revue neurologique, juin 1903). E. B.
XI. Lésions de syringomyélie trouvées à l'autopsie d'un paralytique
général; par MM. Joffroy et Gombault.
Etude clinique et anatomopathologique des plus intéressantes
d'un malade âgé de trente-six ans. C'est un cas rare de paralysie
générale développée chez un individu atteint de syringomyélie.
Cette constatation est en faveur de la théorie de Joffroy, d'après
laquelle les diverses causes - parmi lesquelles la syphilis - qui
déterminent la paralysie générale, n'agissent d'une façon efficace
que lorsqu'elles exercent leur action sur un système nerveux pré-
disposé. Dans l'observation relatée par les auteurs, le vice de déve-
loppement s'est traduit par la malformation de l'épendyme mé-
dullaire. (Revue neurologique, septembre 1903.) E. B.
XII. Les manifestations des tumeurs du cervelet; par II. DURHT.
Les conclusions de ce travail sont les suivantes :
1° Dans les tumeurs cérébelleuses, on peut observer : des trou-
bles de l'équilibre (titubation) et du tonus (asthénie, atonie), de
l'incoordination des membres supérieurs, de l'asynergie cérébel-
leuse et de l'exagération des réflexes tendineux. Il s'y joint : une
céphalée occipitale assez caractéristique, de la raideur de la nuque
avec opisthotonos, et, dans quelques cas, des attaques épilepti-
formes, des ictus cérébelleux, des paralysies et contractures. L'in-
tégrité de la sensibilité générale est constante, pathognomonique.
Les troubles intellectuels, s'ils existent, sont consécutifs.
z Il est indispensable au chirurgien, d'établir en outre, le dia-
gnostic cantonal du néoplasme, afin de diriger ses recherches plus
sûrement de ce côté.
Bien que le cervelet semble, d'après les physiologistes contem-
porains, être un organe homogène au point de vue fonctionnel, il
existe cependant quelques symptômes de localisation, selon quela
tumeur occupe le lobe médian, les lobes latéraux, les pédoncules
cérébelleux moyens, ou qu'elle siège vers la partie antérieure de
l'équateur cérébelleux, au voisinage du bulbe. Dans ce dernier cas,
l'analyse des effets de la compression des paires bulbaires, aide le
diagnostic topographique.
11 importe surtout, pour le choix du lieu de l'opération, d'être
fixé sur le côté de la lésion néoplasique. On y parvient en tenant
compte des faits suivants : les effets des lésions cérébelleuses uni-
latérales sont directs et non croisés, comme pour celles des hémis-
phères cérébraux ; les troubles dits cérébelleux (perturbation de
l'équilibre, asynergie, atonie pour les membres inférieurs, ataxie
pour les supérieurs), occupent le côté du corps homonyme à celui
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 65
de la tumeur, ou, en tous cas, y sont prédominants. La chute se
fait le plus souvent du côté de la tumeur. Les phénomènes de
compression suivent la même loi : pour les tumeurs du lobe mé-
dian et du vermis, les troubles occupent les deux côtés du corps.
(Revue neurologique, octobre 1903.) E. B. '
XIII. Note sur un cas de ramollissement du cervelet avec
étude des dégénérescences secondaires; par V. 1\écEL et A.
THéoHant.
Etude d'un malade ayant présenté d'abord un syndrome céré
belleux à l'état de pureté, puis devenu plus complexe par suite de
la production d'autres foyers de ramollissement au niveau du sys-
tème nerveux central. Le malade ayant succombé, l'étude métho-
dique de son système nerveux central fut faite par la méthode de
Marchi. o-
Il s'agit d'un ramollissement surtout central de l'hémisphère
cérébelleux gauche, capable par conséquent de se traduire par
une symptomatologié et des dégénérations nettes. La rareté de
semblables lésions, avec survie suffisante pour la production de
dégénérations secondaires a engagé les auteurs à publier leur cas.
Les coupes en série n'ont révélé que quelques fibres dégénérées
dans le corps restiforme et la dégénérescence d'un certain nombre
de fibres arciformes internes allant aux olives. (Revue neurologique,
octobre 1903.) E. B.
XIV. Note sur l'anatomie pathologique de la myélite aiguë diffuse ;
par MM. E. \VEtLt et L. GALLA YHDIN.
Examen histologique d'un cas de myélite aiguë diffuse avec
maximum au niveau des cordons postérieurs et formation d'une
cavité centrale. Présence au niveau de'ces cordons postérieurs,
dans l'intérieur de la cavité ou ses parois, de très nombreuses cel-
lules d'aspect épithélioïde. Ces cellules sont très volumineuses,
' polyédriques ou arrondies; leur protoplasme est clair, translucide
ou très légèrement granuleux; le noyau, souvent double, est très
petit, arrondi. Ces cellules paraissent tout d'abord s'accumuler
dans la gaine des vaisseaux, puis infiltrent d'une façon diffuse le
tissu nerveux et enfin tombent dans la cavité centrale..
Pour les auteurs, ces cellules épithélioïdes ont la même signifi-
cation et la même origine que celles que l'on trouve dans les dif-
férents processus inflammatoires du système- nerveux. Peut-être
cette transformation des cellules inflammatoires en cellules épi-
thélioïdes se produit-elle surtout dans les cas à évolution subai-
guë, de préférence ceux à allure aiguë ou torpide. (Revue neurolo-
gue, octobre 1903.) E. B.
AMENES, 2' série, t. XVIII. 5
66 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
XV. Sur les manifestations des tumeurs du lobe occipital et du
. lobe temporo-sphénoidal ; par H. Duret.
.M. Duret étudie la manifestation la plus caractéristique des
tumeurs du lobe occipital, Y hémianopsie latérale homonyme. Ce
phénomène se présente rarement à l'état isolé, comme dans les
hémorrhagies et les ramollissements emboliques ; elle est, le plus
souvent, associée à des troubles aphasiques, à la cécité verbale,
ou à des hémiplégies et des hémianesthésies.
Quant aux tumeurs du lobe temporo-sphénoïdal, elles peuvent
produire de la surdité physique ou de la surdité verbale, ou encore
des troubles d'aphasie sensorielle ; dans d'autres cas enfin, des
symptômes de compression des nerfs de la base, des hémiplégies
ou des hémianesthésies. (Revue neurologique, novembre 1903.)
- E. B.
XVI. Tumeur (des plexus choroïdes) du quatrième ventricule avec
vomissements incoercibles et fécaloïdes ; par le Dr J. PAVIOT.
C'est là un symptôme nouveau, non encore signalé. Les vomis-
sements fécaloïdes avaient déjà été observés dans l'hystérie. Le
sujet étudié dans ce travail est un homme de quarante-cinq ans,
dont les vomissements présentaient le caractère « cérébral », c'est-
à-dire s'effectuaient sans effort, comme une sorte de régurgita-
tion, et alternaient avec des hoquets incessants. Ce n'est pas la
violence, mais plutôt la durée des vomissements, qui semble en
cause, pour qu'ils aient fini par être fécaloïdes. Ces vomissements
paraissent avoir été la manifestation grave et unique de la com-
pression des noyaux du pneumogastrique. (Revue neurologique,
novembre 1903). E. B.
XVII. Deux cas de tumeur du nerf auditif; par M. J. LéPIYE.
Le hasard a permis à l'auteur d'observer, à quelques mois de
distance, deux cas de tumeur du nerf auditif, dans le service du
professeur Lépine, et d'en faire l'examen histologique; il s'agis-
sait de deux fibromes. La symptomatologie de ces tumeurs a été
dans les deux observations, à. très peu près, celle d'une lésion
cérébelleuse.
Les tumeurs du nerf auditif sont eucore assez mal connues ; leur
siège ordinaire est dans la fosse cérébelleuse, contre la paroi du
rocher, où le néoplasme s'attache d'ordinaire au niveau du trou
auditif interne. Au point de vue clinique, le principal élément de
diagnostic, celui qui peut les faire distinguer d'un néoplasme céré-
belleux, est l'existence primitive d'une surdité complete, de nature
nerveuse, avec paralysie faciale, suivie à bref délai de symptômes
de tumeur encéphahque. (Revue neurologique, novembre 1903.)
E. B.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 67
XVIII. Méningite terminée par la mort, dans laquelle le myosis
et la suppression de la salive ont été les seuls symptômes.
Autopsie. - Etude de diagnostic par exclusion; par H. ALTS-
CIIUL. (771e Ne w- York Medical Journal, 25 avril 1903.)
Cette intéressante observation, suivie d'une autopsie très
détaillée, se termine par les conclusions suivantes :
1° Une méningite étendue peut exister sans présenter les symp-
tômes ordinaires et caractéristiques de la maladie;
2° La sepsie ne donne pas toujours lieu à des modifications du
pouls et de la température, dont le caractère normal ne suffit pas
pour conclure à l'absence de phénomènes septiques;
3° Une occlusion spasmodique complète de l'uretère, nullement
due à l'engagement de calculs rénaux, peut durer un certain
temps et masquer ainsi l'existence d'une pyonéphrose étendue;
4° Le myosis et la suppression de la salive peuvent être les
premiers symptômes d'une méningite ou d'une myélite;
5° Le raisonnement par exclusion peut nous conduire à des
diagnostics qu'il serait impossible d'établir autrement.
R. DE jIUSGRAVE-CLAY.
six. A propos du soi-disant « Sens des attitudes » ; par CLAPARÈDE.
(Nouv. Iconog.. de la Salpètrière, n° 2, 1903.
Continuation d'une discussion dialectique ouverte entre
MM. Bonnier et Claparède, et dont l'intérêt n'est pas d'ordre
médical.
XX. Lésion ancienne du noyau rouge. Dégénérations secondaires,
par Pierre Marie et G. GUILL.11N ; (Nouv. Iconog. de la Salpêtrière.
n°2, 1903).
Hémiplégie cérébrale infantile, arrêt de développement de tout
le côté gauche. Abolition de l'ouïe, de l'odorat et du goûta droite.
Diminution de l'acuité visuelle du mêmecôté. Mort àcinquanteans
dansle gâtisme après tentatives de suicide. A l'autopsie on neconstate
aucune lésion du cortex ni des méninges, mais une lésion pédon-
culaire intéressant nettement tout le noyau rouge du coté droit,
«véritable destruction expérimentale ». Les coupes sous-jacentes
dénotent une dégénération nettement localisée au pédoncule céré-
belleux, au faisceau central de la calotte et au faisceau longitudi-
nal postérieur. Les lésions médullaires ne paraissent avoir aucun
rapport avec l'hémiplégie infantile, mais dépendre de la syphilis
acquise. L'absence de toute lésion de la voie pyramidale permet-
trait de supposer que l'hémiplégie infantile résulte de la lésion
du noyau rouge et des voies motrices de la calotte. R. C.
68 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
XXI. Un cas de sclérose symétrique des lobes occipitaux; par
Marchand. (IVO2GU. ICO)20g7'. de la S'LlI)Ei9'iP.l'C, n° z, 1903).
Femme épileptique internée depuis vingt-deux ans pour débilité
mentale, mauvais penchants et impulsions violentes. Depuis cinq ans,
augmentation progressive des accès convulsifs, bégaiement et affai-
blissement de la vue réduits à la fin à la vision centrale correspon-
dante au champ des macula, perte de l'orientation. Mort dans le
coma à la suite d'attaques nombreuses. A l'autopsie on constate une
sclérose de toute l'étendue des lobes occipitaux avec maximum
au niveau des scissures calcarines : à l'examen histologique on
distingue seulement quelques tractus fibreux sains qui paraissaient
correspondre aux radiations optiques. Cette observation confir-
merait l'hypothèse de Von Monakow, qui explique la conservation
de la vision centrale dans les cas de lésions des sphères visuelles
parce fait que les fibres correspondant à la macula se dispersent
dans toute l'étendue du territoire cortical de la vision.
Il. CHAHOK.
XXII. Un cas de phocomélie et hémimélie ; par HALBRON. (Nouv.
Icônes', de la Salpélrière, n° 2, 1903).
Malformations nombreuses et très accentuées des différentes
régions osseuses du bassin et des membres inférieurs : à gauche
phocomiélie et hémimélie, adroite hémimélie. H. C.
XXIII. Recherche des microbes de Winogradsky dans un cas
d'ostéomalacie sénile ; par L. Lacomme. (Laboratoire de M. le
Profes. J. Courmont) Société médicale des hôpitaux de Lyon;
2 juin 1903.
M. Lacomme a recherché dans plusieurs observations, entre
autres daus un cas d'ostéomalacie sénile, la véracité des arguments
mis en avant par Pétrone, pour édifier sa théorie pathogène de
l'ostéomalacie. Cet auteur considère comme agents pathogènes,
les ferments nitrificateurs de Winogradsky. Ceux-ci produiraient
dans l'organisme de l'acide nitrique qui par son accumulation
dans le tissu osseux, dissoudrait les sels minéraux, ramollirait les
os et constituerait ainsi les lésions de l'ostéomalacie.
Des recherches auxquelles s'est livré M. Lacomme sur un cas
d'ostéomalacie sénile, il résulte que l'analyse chimique des os lui
a montré qu'ils étaient en grande partie décalcifiés et que leur
teneur en phosphates avait beaucoup diminué. Les urines étaient
moins riches eii phosphates, la maladie touchant à sa fin.
La recherche de l'acide nitrique et de l'acide nitreux daus les
urines et dans les os a été négative. L'analybe bactériologique ne
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 69
lui a donné aucun résultat, il n'a jamais constaté la présence d'un
micro-organisme rappelant les ferments nitrificateurs.
Dans deux autres cas d'ostéomalacie les recherches de l'auteur
ont été négatives.
De ces recherches, M. Lacomme conclut que la théorie présen-
tée par Pétrone quoique fort séduisante manque de bases solides
sur lesquelles elle puisse se fonder; il pense qu'il est plus vrai de
considérer l'ostéomalacie comme un syndrome que comme une
affection indépendante. G. C.
XXIV. Du crâne ostéomalacique; par MM. PAmor et Mauriquand
(Société médicale des hôpitaux de Lyon. 30 juin 1903.)
MM. Paviot et Mauriquand relatent l'histoire d'une malade âgée
de 81 ans chez laquelle ils trouvèrent, outre les signes d'ostéoma-
lacie des côtes, du sternum et de la colonne, des altérations du
crâne.
Le crâne ostéomalacique ne répond pas à un type anatomique
unique. Ses altérations peuvent être ramenées à trois types princi-
cipaux : 1° Dans le premier type, le crâne conserve son aspect,
mais présente une certaine rotondité; les os sont ramollis,
épaissis, il y a un état spongieux vasculaire du diploë, les sutures
disparaissent; les os ont la consistance du carton mouillé. Les sinus
frontaux sont très petits, les sinus sphénoïdaux effacés. 2° Dans le
deuxième type décrit par Hermann Proesch les sutures du crâne sont
ossifiées; les os de la région temporale sont très minces et trans-
parents ; l'artère méningée est logée dans des sillons profonds, mais
la lame osseuse qui la recouvre n'est dans certains endroits pas
plus épaisse qu'une feuille de papier. Ce type serait superposable
au cas publié par les auteurs. 3° Dans le troisième type le crâne
présente une série de bosselures et de dépressions; au palper on a
une sensation de résistance au niveau des bosselures et une sensa-
tion de fontanelles dépressibles. de mastic mou au niveau des
dépressions.
Les altérations du crâne dans l'ostéomalacie sont en général,
rares, cela tient non pas à la rareté de l'ostéomalacie, mais à ce que
la malacie osseuse touche rarement le crâne du moins dans la
forme que l'on observe chez le vieillard.
Les auteurs insistent sur un signe que présenta leur malade,
signe sur lequel a insisté M. Latzko et auquel il attribue une
grande valeur diagnostique : « la contracture des muscles adduc-
teurs avec impossibilité de placer les cuisses en abduction sans
provoquer une crise douloureuse.» MM. Paviot et Mauriquand
pensent qu'il s'agit là d'un phénomène de contraction de défense,
le mouvement imprimé ou commandé déterminant une douleur
du côté des os du bassin, plutôt que d'une contracture des
adducteurs. G. C.
70 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
XXV1» Le liquide céphalo-rachidien dans les processus méningés
subaigus d'origine rhumatismale; par M. Jean LEPINE. (Lyon
médical, 23 août 1903, p. 298.)
Ponction rachidienne chez un malade ayant présenté un acci-
dent rhumatismal, épargnant les articulations lombaires mais
ayant porté son action sur les méninges.
Le liquide était très abondant, sous forte pression, clair; l'aspect
cytologique était normal, la lymphocitose légère, mais il y avait
une quantité tout à fait exceptionnelle de fibrine.
L'auteur insiste sur la proportion insolite de fibrine trouvée
dans le liquide et pense que c'est un point à étudier à l'avenir.
L'abondance de la fibrine dans le liquide céphalo-rachiden qui
n'en contient pas normalement, lui donne à elle seule un carac-
tère phlegmasique qui le différencie du liquide qui accompagne les
processus chroniques.. , G. Carrier.
XXVI. Spondylose rhyzomélique et tuberculose; par MM. Pic et
- BOMBES de Villiers. (Lyon médical, 4 octobre 1903, n° 40.)
MM. Pic et Bombes de Villiers publient les observations de deux
hommes atteints de spondylose rhyzomélique typique, tant au
point de vue clinique qu'anatomique. Ils présentaient en outre
des lésions tuberculeuses multiples, les unes très anciennes, les
autres récentes, toutes d'ailleurs de nature bacillaire incon-
testable.
De ces deux observations, les auteurs pensent pouvoir conclure,
se basant sur les recherches de M. le Prof. Poncet, que les anky-
loses articulaires multiples apparaissent chez ces deux malades,
comme étant très probablement fonction de l'évolution fibro-
formative d'une tuberculose chronique, au même titre que les
scléroses pulmonaires, les symphyses pleurales ou les myocardites
notées d'autre part.
Les deux observations de MM. Pic et Bombes de Villiers sont à
réunir à celle de M. Poncet; elles tendent à démontrer que la
spondylose ryzomélique de Marie peut être de nature tubercu-
leuse. D'autres alfections telles que le rhumatisme vrai, ou de-
rhumatismes infectieux, peuvent très probablement la produire.
mais parmi les affections susceptibles de produire cette polyar-
thrite arikylosante, les auteurs affirment, de par les faits qu'ils
relatent, que la tuberculose joue un rôle. G. C.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
I. Pathologie et traitement de l'épilepsie; par William-H. Thom-
son (The New-York Médical Journal, 8 et 15 novembre 1902.)
Plus on approfondit les caractères essentiels de l'épilepsie, plus
on demeure convaincu qu'elle occupe une place à part parmi les
maladies nerveuses, et que ses facteurs principaux ne lui sont
communs avec aucune d'elles.
La première question à se poser est la suivante :
Qu'est-ce qui constitue l'épilepsie ? ou en d'autres termes, quel
est l'élément invariable dont l'absence peut, en dépit d'analogies
plus ou moins importantes, faire affirmer qu'il ne s'agit pas de
l'épilepsie. Il faut se garder de définir l'épilepsie par les mots
« névrose convulsive » car une définition ne doit contenir que ce
qui est constant dans l'objet défini, et si les convulsions sont fré-
quentes dans l'épilepsie elles ne sont pas nécessaires. Il ne faut pas
non plus parler de « grand mal » ou de « petit mal » non plus
que d'attaques légères ou graves. Dans un cas comme dans l'autre
le malade est épileptique et il n'existe pas d'épilepsie incomplète.
L'idée d'une « décharge » de force nerveuse n'est pas davantage
admissible.
L'auteur, en effet', se propose de montrer que si les phénomènes
convulsifs, dits de décharge, dominent la scène en apparence au
début de l'attaque, ils n'en constituent pas le phénomène initial.
Il faut chercher plus loin que parmi les symptômes variables ; or
il y a un élément qui ne varie jamais dans l'épilepsie vraie, c'est
la soudaineté; d'autres maladies peuvent avoir un début rapide :
seule l'épilepsie est soudaine.
L'auteur est amené ainsi à considérer certains faits fondamen-
taux de la physiologie du système nerveux, car, après tout, la
pathologie n'est pas autre chose qu'une physiologie qui s'accom-
plit dans des circonstances difficiles. Or, la première chose que
cette physiologie nous apprend c'est que, à l'origine de toute
activité nerveuse, on trouve une action afférente, et qu'une acti-
vité spontanée du tissu nerveux est un phénomène inconnu en
physiologie.
Mais cette activité nerveuse d'origine afférente est soumise à
]'inhibition ; mais l'auteur explique que, dans ce travail, il entend
désigner uniquement par le mot inhibition la résistance engen-
drée par l'habitude dans les centres nerveux, à l'égard de toute
réponse efférente Ï1'l'égulièr, en raison de ce fait qu'ils se sont
72 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. -
organisés par l'habitude de manière à réagir vis-à-vis d'une exci-
tation afférente d'une manière unique et bien définie. Toute stimu-
lation afférente rencontre donc immédiatement une inhibition
devenue normale par l'habitude, qui empêche l'excitation indéfinie
de la réponse efférente, laquelle, à l'état normal, ne se fera que de
la manière habituelle. Sans cette inhibition mutuelle, il n'y aurait
ni coordination ni fraction spécifique. Dans ces conditions, ce sont
les fonctions -cérébrales les plus anciennes qui sont aussi le plus
organisées et qui paraissent agir automatiquement.
D'autre part, l'inhibition implique l'existence et l'accumulalion
d'une force nerveuse sur laquelle elle puisse s'exercer. La physio-
logie se charge de nous montrer comment une excitatiqn afférente
unique et en apparence insignifiante peut déterminer une convul-
sion épileptique généralisée ; il suffit de se souvenir du mécanisme
de l'éternuement.
D'ailleurs les réflexes en série qui répondent aux excitations
afférentes s'observent aussi dans les phénomènes mentaux (souve-
nirs éveillés par associations d'idées) et une excitation afférente
purement mentale peut provoquer une attaque d'épilepsie. L'au-
teur estime que les troubles qui accompagnent le début de la
crise épileptique révèlent .une altération de l'inhibition normale,
altération dont l'effet est instantané ; ils ont pour cause une exci-
tation afférente soudaine, anormale parce qu'elle est entièrement
nouvelle ; car seule une excitation de cet ordre peut déranger l'in-
hibition normale. L'auteur est amené à donner de l'épilepsie la
définition suivante :
L'épilepsie est une maladie caractérisée par un trouble brusque de
l'inhibition régulatrice normale qui s'exerce entre les centres nerveux
corticaux, trouble qui est originairement provoqué par une excitation
afférente anormale.
Il montre ensuite que cette théorie n'est contredite par aucun
des faits observés.
Il va sans dire que, au point de vue du traitement, cette théorie
conduit à examiner les malades avec le soin le plus méticuleux
afin de constater, et de supprimer s'il se peut, toutes les causes
d'excitations anormales afférentes. Au point de vue de la thérapeu-
tique pharmaceutique, M. Thomson conseille de retarder le plus
possible l'emploi des bromures dont les effets généraux sont
fâcheux. On pourra renforcer l'action des bromures, et par consé-
quent en diminuer les doses, en ayant recours simultanément à
l'antipyrine.
Le chloral est aussi un adjuvant utile. Mais la médication par
excellence, c'est la vie au grand air.
L'épilepsie est toujours une maladie grave; mais après trente
ans d'expérience, .l'auteur estime que, pour des cas moyens, et
pour des malades qui consentent à persévérer pendant assez long-
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 73
temps dans le traitement, la proportion des.guérisons radicales
n'est pas inférieure à 70 p. 100. R. de lIIUSGR1VE-CLAY.
11. Les résultats de la chirurgie cérébrale dans l'épilepsie et dans
les défectuosités mentales congénitales; par William-D. Sprat-
LING. (Tlae New-Yorlc and Philadelphia Médical Journal, 19 sep-
tembre 1903.) 1
Sur 33 cas d'épilepsie les résultats ont été les suivants : dans
21 cas, aucune amélioration, ni passagère ni permanente; dans
8 cas les attaques ont diminué de fréquence et de gravité, mais
l'intervention chirurgicale n'a constitué qu'une partie du traite-
ment ; dans 3 cas, l'aggravation a été manifeste ; dans 1 cas il y a
eu guérison apparente, mais cette guérison doit légitimement être
attribuée à une autre cause.
Si le tableau des succès chirurgicaux dans l'épilepsie n'est pas
brillant, il est plus sombre encore quand il s'agit des idiots et des
imbéciles.
La statistique donnée par l'auteur porte sur 194 cas, divisés en
deux groupes : le premier groupe (111 cas) donne les résultats
les plus immédiats : le second (83 cas) donne les résultats plus
permanents.
Premier groupe de 111 opérations : 19 morts (17 p. 100) par
suite de l'opération ou peu de temps après elle. - 25 (22,5 p. 100)
résultat nul. - 10 (9 p. 100), résultat insignifiant, non satisfai-
sant, 24 (21,5 p. 100), amélioration (dont la nature est indiquée
dans ce mémoire à propos de chaque cas). 30 (27 p. 100),amé-
lioration de nature non indiquée. 3 (3 p. 100), pas de renseigne-
ments.
Deuxième groupe de 83 opérations : 20 (25 p. 100), morts.
54 (65 p. 100), pas d'amélioration. 9 (10,5 p. 100), amélioration.
L'auteur conclut en disant qu'on ne connaît pas un seul cas de
défectuosité mentale congénitale où l'intervention chirurgicale ait
rétabli un état mental normal. D'ailleurs l'inutilité de ces opéra-
tions est démontrée par leur rareté à l'époque actuelle comparée
avec leur fréquence il y a dix ans. Il faut donc conclure avec
Bourneville que c'est vers le traitement médico-pédagogique qu'il
faut se tourner et que c'est sur lui qu'il faut compter. 0
R. DE Musgrave-Clay.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE
Séance du juin 190.j" Présidence de M. Déjerine.
M. LE Président prononce l'éloge funèbre de M. Gilles de La
Tourette.
M. Marie. A propos du procès-verbal. Chez un sujet atteint du
syndrome que dans leur dernière communication MM. Déjerine,
Thomas et Chiroy ont considéré comme rattaché à une lésion
thalamique, M. Marie n'a trouvé à l'autopsie aucune altération de
la couche optique. 1 ,
M. Déjerine a cependant depuis cette communication autopsié
deux sujets atteints de ce syndrome et trouvé des lésions thala-
miques chez les deux..
Accidents bulbaires d'origine auriculaire.
M. Bonnier présente deux malades atteints de troubles bulbaires
d'origine optique. Dans l'un des cas, le bulbe droit étant intéressé
il y a eu. des phénomènes généraux, dans l'autre c'était le bulbe
gauche et il n'y a eu aucun phénomène d'ordre général. M. Bon-
nier a souvent remarqué que les accidents généraux'accompagnent
surtout les lésions droites du bulbe et non les gauches.
Cécité verbale avec agraphie,
M. Thomas. Chez un malade dont le pli courbe est resté intact
et dont les lésions occupaient une faible portion de la P3 et une
vaste portion de la face interne de la région occipitale (cuneus,
lobule lingual, lobule fusiforme) il y a eu cécité verbale avec
agraphie, mais avec conservation du langage intérieur et possibi-
lité d'épeler le nom d'un objet désigné.
Un cas d'adipose douloureuse.
MM. RAYMOND et.GuiLLAIi présentent une femme de cinquante-
sept ans atteinte d'une hémiplégie droite et d'adipose douloureuse.
L'hémiplégie s'est manifestée il y a un an, l'adipose et les douleurs
ont commencé il y a dix ans. L'adipose est localisée presque
exclusivement à la racine des membres dont le segment ectrome-
lique a conservé son apparence normale ; elle se présente sous
' SOCIÉTÉS SAVANTES. 75
l'aspect de lipomes et d'infiltration graisseuse diffuse. Toutes les
masses adipeuses sont très douloureuses à la pression. Des trou-
bles psychiques existent chez la malade (amnésie, dépression
mélancolique, tentative de suicide, etc.) Le corps thyroïde est
légèrement hypertrophié. Les auteurs pensent que, malgré les
incertitudes de la pathogénie, l'adipose douloureuse doit être
couservée en nosographie. Ce syndrome clinique a peut-être des
rapports avec les lipomes symétriques douloureux, avec certains
oedèmes et pseudo-lipomes d'origine nerveuse. Toutefois ils pensent
que cette association morbide lipomatose localisée surtout à la
racine des membres accompagnée de douleurs et de troubles
psychiques suffit à justifier l'autonomie d'un syndrome rencontré
dans un certain nombre d'observations.
Sciatique d'origine spécifique.
VIJI. Gaocar.Fa et Roussy présentent un malade atteint de scia-
tique qui serait tout à fait banale si elle ne s'accompagnait de
troubles de la sensibilité à topographie radiculaire. L'existence ,
de ces troubles de la sensibilité jointe à la présence d'une lympho-
cytose légère du liquide céphalorachidien et de ce fait que le
malade a eu la syphilis font penser qu'il s'agit là d'une méningite
radiculaire spécifique. ,
Intoxication saturnine avec polynévrite chez un électricien employé
dans une fabrique d'accumulateurs.
GORGES GUILLAIN et LUERMITTE présentent un malade, em-
ployé dans une fabrique d'accumulateurs, qui, peu de temps après
le début de sa profession a présenté des signes multiples de l'in-
toxication saturnine : colique de plomb, néphropathie, accidents
nerveux. La paralysie saturnine a pris une extension grande puis-
que on constate chez cet homme, non seulement l'atteinte des
muscles extenseurs, mais encore la participation du groupe radi-
culaire supérieur aux deux bras. Ces paralysies s'accompagnent
d'amyotrophie et la réaction de dégénérescence est constatée.
Quelques observations de paralysies saturnine chez des ouvriers
employés dans des fabriques d'accumulateurs ont été récemment
signalés par MM. Proust et Debori, Labbé et Ferraud, mais elles
sont encore très rares. Il y a lieu d'insister sur l'application trop
souvent négligée des règlements d'hygiène dans les fabriques.
Paralysie hérèdo-syphilitiquc.
M. F. Rose présente un malade atteint de paralysie sensitivo-
motrice intéressant la plus grande partie des nerfs crâniens du
côté droit et présentant des déformations osseuses multiples.
t6 6 .SOCIÉTÉS SAVANTES.
Ces déformations, remontant en partie à l'enfance, sontsurvenues
à l'occasion de traumatismes insignifiants, soit spontanément et
relèvent ainsi que le montrent les radiographies, d'exostoses et
d'ostéites raréfiantes. Les lésions semblent devoir être rapportées
à la syphylis héréditaire (Exostoses craniennes et générales). A
signaler la localisation rare de l'ostéopathie spécifique aux os de
la main.
Un cas de kyste derrnoïde dus centres nerveux.
MM. RAYMOND et COURTELLEtONT. Un peintre en bâtiments,
bien portant jusqu'à trente-deux ans, fut à partir de cette époque,
pris de céphalie diffuse avec paroxysmes parfois terminés par des
vomissements, d'insomnie avec agitation et de vertiges. A plusieurs
reprises, il eut des étourdissements, avec perte de l'usage des
jambes pendaut une vingtaine de minutes, et de crises épilepti-
formes. L'examen montra une certaine spasmodicité des membres
inférieurs avec démarche spasmodique, et de plus, un peu titu-
bante, un tremblement léger intentionnel, surtout net aux mem-
bres supérieurs, contractions vermiculaires de la langue, parésie
du facial inférieur droit. Tous les réflexes tendineux étaient exa-
gérés, sans clonus net, avec orteil en flexion. Aucun trouble
sensitif vaso-moteur ou trophique. La vue a notablement baissé,
ce qui est dû à une névrite optique par stase papillaire. Pas d'autre
trouble psychique qu'une diminution considérable de la mémoire.
Mort deux ans ans après le début des accidents, après une crise
de céphalée avec vomissements et photophobie. A l'autopsie, kyste
dermoïde volumineux du lobe frontal droit, nodules analogues des
méninges molles cérébro-spinales avec, dans les espaces sous-
arachnoïdiens, des masses de la substance qui remplisssait le kyste.
La ponction lombaire, pratiquée pendant les derniers jours de la
vie, avait montré la présence de cette substance dans le liquide
céphalo-rachidien.
- Spasme professionnel.
MM. GILBERT Ballet, 1. Rose présentant un malade, ciseleur de
son métier, atteint de spasme fonctionnel professionnel se manifes-
tant surtout dans les mouvements exigeant une attention soute-
nue, et cela de deux façons : d'une part lorsque la main droite
tenant le marteau est mise dans l'extension, l'annulaire et le
médius se fléchissent sur le manche de l'instrument, tandis que
l'index en s'étendant s'en écarte; d'autre part, le malade ne peut pas
arrêter les mouvements de cette main quand il veut. Les spasmes
et ces mouvements involontaires n'existent que dans l'acte de
ciseler. -
SOCIETES SAVANTES. 77 ï
Étude de la rétine dans l'amaurose tabétique.
llli. P. Marie et A. LERI. Certains auteurs (Vulpian, Charcot,
Virchow, Ordenëz, Schlaagenhaufer, etc.) placent dans le nerf
optique l'origine de l'atrophie optique tabétique, d'autres (Pofoff,
Moxter, Von Michel, de Grosz, etc.) croient que la lésion primitive
siège dans la rétine et qu'elle consiste dans l'atrophie des cellules
multipolaires ou ganglionnaires, cellules d'origine des libres
optiques. Nous avons coupé les yeux de 11 tabétiques amauroti-
ques et dans tous les cas nous avons trouvé un nombre encore
considérable de cellules ganglionnaires, nombre souvent très
comparable au nombre habituel de ces éléments bien que dans
quatre au moins de ces cas nous n'ayons trouvé dans le nerf
correspondant aucune libre nerveuse et que dans la plupart des
autres le nombre des fibres restantes ait été très minime. La
couche des fibres optiques'de la rétine était dans tous ces cas très
diminuée d'épaisseur, mais nullement proportionnellement ni au
nombre des fibres conservées dans le nerf, ni au nombre des cellules
multipolaires. -
Les autres couches de neurones de la rétine nous ont paru
présenter également le plus souvent des altérations ; en particulier
il existait une diminution du nombre des éléments, mais toutes
ces altérations n'étaient pas plus prononcées que celles qui se'
produisent à la suite de lésions quelconques du nerf optique ou
des extrémités terminales de ses fibres, à la suite d'une lésion du
corps genouillé par exemple. En somme, ces recherches nous
permettent de conclure nettement que l'atrophie optique tabétique
ne commence pas par la rétine.
Elude du nerf optique dans l'amaurose tabétique.
MM. P. Marie et A. UHI, Certains auteurs rapportent cette
amaurose à une altération primitivement parenchymateuse,
d'autres à une névrite interstitielle. Nous avons étudié vingt et un
tabétiques umaurotiques en comparant leurs lésoius à celles de
trois P. G. avec cécité, de deux tabétiques au début, avec cécité
incomplète, de seize tabétiques et dix-huit P. G. sans cécité et
sept syphilitiques sans signes de tabes mais avec ou sans troubles
visuels. Nous avons trouvé dans la plupart des cas un gros épais-
sissement des gaines méningées arachnoïdienne et pie-mérienne
qui recouvrent les voies optiques, épaississement similaire à celui
de la méninge postérieure spinale des tabétiques. Au microscope
les graines méningées nous ont paru infiltrées abondamment de
lymphocytes, non seulement au devant de la portion crânienne des
nerfs, mais également au pourtour de la portion orbitaire. A l'exa-
men des nerfs eux-mêmes, nous avons été frappés de la dispro-
78 SOCIÉTÉS SAVANTES.
portion manifeste de leur volume : certains nerfs qui ne conte-
naient presque plus de fibres avaient conservé un volume égal au
moins à celui d'un nerf normal, alors que les nerfs qui contenaient
encore un nombre relativement considérable de fibres étaient déjà
très réduits et que d'autres nerfs très atrophiés n'avaient plus
que la moitié ou le tiers d'un nerf normal : cette constatation
laissait supposer qu'il devait exister une autre lésion qu'une simple
atrophie sur place des fibres nerveuses. Cette disproportion nous
a été expliquée par l'examen microscopique. Les nerfs volumineux
présentaient une hypertrophie considérable des travées vasculo-
conjonctives que l'on trouve à l'état normal entre les faisceaux
nerveux. Les nerfs de volume très réduit ne présentaient plus au
contraire qu'un semis de nodules fibreux extrêmement nombreux
disséminés sur un fond uniforme, parsemé de cellules névrogliques.
L'examen de cas plus récents nous a montré que ces nodules
représentent autant de vaisseaux oblitérés. Mais le nombre de ces
nodules est hors de proportion avec le nombre des vaisseaux
contenus normalement dans le nerf optique et nous fait penser
qu'une première phase de l'amaurose tabétique est une phase
d'irritation caractérisée par une néoformation vasculaire intense.
A cette phase succède une phase d'oblitération des vaisseaux pré-
existants et néoformés essentiellement chronique ; les fibres
nerveuses disparaissent alors faute d'irrigation sanguine ; à cette
même période des lésions, on voit disparaître les travées conjonc-
tives qui unissaient les modules vasculaires. Cette succession des
lésions est très nette quand on examine des nerfs à des degrés
d'atrophie différents 'ou même quand on examine des portions
différemment altérées d'un même nerf. Elles expliquent que,
comme nous l'avons indiqué, l'amaurose tabétique évolue, suivant
deux périodes consécutives, la première, d'évolution aiguë, géné-
ralement accompagnée de céphalées frontales et de signes d'irrita-
tion du nerf optique, de phosphènes qui peuvent être le point de
départ de troubles mentaux, pendant laquelle le malade perd
toute vision distincte, l'autre, essentiellement chronique, pendant
laquelle les phénomènes aigus ayant disparu, le malade conserve
durant un temps très long des sensations lumineuses. Ces lésions
n'ont rien de spécial à l'atrophie tabétique, ce sont des lésions de
péri et d'endophlébite, de péri et d'endartérite oblitérantes qui
paraissent être la caractéristique de la plupart des affections
syphilitiques tertiaires, de toutes les cirrhoses syphilitiques :
Leur origine vasculaire fait qu'elles sont le plus souvent nette-
ment prédominantes au début au niveau du réseau pie-mérien et
immédiatement au-dessous de la pie-mère, à la périphérie du
nerf. Le passage dp faisceau maculaire, faisceau de la vision
distincte, à la périphérie du nerf dans sa partie rétro-oculaire
explique que toute vision distincte disparaisse rapidement dès le
SOCIÉTÉS SAVANTES. 70
début de l'amaurose. Nous avons retrouvé ces mêmes lésions vas-
culaires prédominantes au pourtour du nerf dans des cas d'altéra-
tions syphilitiques diverses du système nerveux, paralysie générale,
paraplégie spasmodique, etc.
A propos de la théorie du neurone.
M. Durante : - L'auteur reprend avec plus de détails les princi-
paux arguments avancés par les partisans du neurone en faveur
de cette théorie.
La terminaison libre des fibrilles dans les centres, constatée par
R. Y Cajal avec l'aspect ne saurait infirmer les résultats de Agathe
et Bethe par les couleurs d'aniline. Ces techniques sont trop peu
comparables. En tout cas, si un réseau central infirme le neurome,
l'absence de ce réseau ne saurait infirmer la conception du lobule
nerveux polycellulaire. La limitation des dégénérescences secon-
daires n'est pas exacte. Il y a presque toujours altération des neu-
rones voisins (Mobius, Monakow, Piloez, Klippel, Marinesco, Schaf-
fer, Br¡¡unig). Il est vrai que les dégénérescences groupées affec-
tent généralement la forme atrophique. Mais le sens propagateur
des altérations à type Wallérien indique simplement une unité
fonctionnelle que personne ne refuse au lobule nerveux.
La dégénérescence Wallérienne ne prouve pas plus que le neu-
ione est une unité cellulaire, que les indications du bout périphé-
rique d'une artère liée ne signifie que ce vaisseau est constitué par
une seule immense cellule tubulaire. La dégénération autogène n'est
plus une impossibilité depuis que les travaux modernes ont montré
la régénération normalement segmentaire des nerfs après réunion.
Dans cette régénération, la différenciation des neuroblastes
est fonction de l'activité physiologique. Dans la génération auto-
gène le bout périphérique doit se mettre en rapport avec l'influx
nerveux. Par exclusion, ce rapport ne parait pouvoir s'effectuer
que par la périphérie par les anastomoses vraies d'Apathey. La
question de suppléances nerveuses ne saurait être invoquée et ne
cadre pas avec le neurone. Un seul gros tronc du membre ayant
parfois suppléé à toute la sensibilité du membre,il faudrait admet-
treque chaque tronc peut assurer à lui seul toute l'innervation d'un
membre. Ici encore les anastomoses périphériques expliquent seuls
ce phénomène.
Enfin l'étude des dégénérescences et de la dégénération permet
de se demander si le cylindre-axe a vraiment la valeur d'un
conducteur comme un fil de cuivre. La conductibilité du nerf est
une transmission active s'effectuant comme dans une série de
petites piles. Elle peut exister en dehors du cylindre-axe (dégéné-
rions, certaines névrites), par contre la persistance du cylindre-
axe ne comporte pas toujours une intégrité de la conduction
(névrite périaxile, sclérose en plaques). Il y a donc de ce côté à
80 SOCIÉTÉS SAVANTES.
reprendre les recherches. En fait le neurone continue à ne pas être
démontré et les objections ne contredisent en rien la conception
du lobule primitif nerveux ou neurule qui fait rentrer le système
nerveux dans le plan des autres organes et permet d'expliquer les
faits queleneurone laissait inexplicables. Comme dans tout lobule,
les éléments du neurule présentent une dépendance fonctionnelle
absolue (dégén. Wallérienne), mais au contraire une indépendance
très nette vis-à-vis des agents généraux (toxique ou infectieux).
Lésions corticales et sous-corticales minimes avec lésion sotis-épei-
dy maire très prononcée chez deux aphasiques.
MM. P. Marie et LÈR[ présentent les cerveaux de deux aphasi-
ques, l'un moteur, l'autre sensoriel, cliniquement typiques. Chez
l'un d'eux : aucune lésion corticale et seulement une petite lésion
linéaire séparant la couche sous-épendymaire de la substance
blanche d'une partie des circonvolutions rolandiques. Chez l'autre,
ramollissement linéaire très limité de la lèvre supérieure de la'
scissure pariéto-occipitale. Mais dans les deux cas on a constaté
une dilatation considérable du ventricule latéral gauche avec atro-
phie très marquée de la substance blanche de toutes les circonvo-
lutions : dans l'un de ces cas on a constaté de plus l'existence
dans la corne occipitale du ventricule de fausses membranes
réunissant par un pont les parois de ce ventricule et dénotant
l'existence d'un processus épendymaire ou sous-épendymaire.
Ces cas ne sont pas les seuls dans lesquels nous ayons trouvé
une lésion épendymaire manifeste. Il existe une pathologie de
l'épendyme peut-être comparable pour le système nerveux, abstrac-
tion faite de la nature et de la cause des lésions, à ce qu'est la pa-
thologie de l'endocarde pour le coeur.
M. BRISSAUD montre un zona à déposition métamérique typique.
M. GRENET présente un hysléro-lraumatique qui présente une
forme de tremblement hystérique simulant le clonus du pied.
'M. CANTONNENT présente deux cas de goitre exophtalmique avec
torticolis mental et psychasthénie. F. Baissier.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 17 mai 1904. - Présidence DE M. Voisin.
Attaques de pseudo-épilepsie guéries par la suggestion hypnotique.
M. VIAZEMSKY (de Saratow). - Une femme âgée de vingt et un
ans a de fréquentes attaques convulsives. Son pariétal droit pre-
SOCIÉTÉS. SAVANTES. 81
sente, sur une étendue de 4 centimètres de long sur 1 centimètre
de large, une dépression consécutive à un coup de levier reçu il y
a quinze ans. Cette région est douloureuse au toucher. On a porté
le diagnostic d'épilepsie jacksonienne. J'ai pu. grâce à la sugges-
tion hypnotique, faire cesser complètement ces attaques; celles-ci
étaient donc de nature hystérique et non point épileptique. Cette
femme souffrait, en outre, de divers phénomènes pathologiques,
tels que angoisse, affaiblissement de la mémoire, fatigue céré-
brale, insomnie, anorexie, phobies diverses ; tous ces symptômes
ont été supprimés par un traitement hypnotique méthodique et
prolongé.' Chez cette même personne, j'ai pu, par suggestion pen-
dant l'hypnose, produire, à échéance fixe, une anesthésie complète,
à la faveur de laquelle une dent fut extraite sans douleur. A cette
malade, ainsi qu'à quatre autres, j'ai remis mon portrait, et, selon
la suggestion que je leur en ai faite, dès qu'elles souffrent de
quelque malaise nerveux, il leur suffit, pour s'en débarrasser, de
fixer mon portrait pendant trente secondes. Une autre femme.
également hystérique, souffrait d'une douleur permanente à
l'épaule et chacune de ses attaques convulsives était précédée de
l'exaspération de cette douleur. J'ai supprimé cette dernière par
suggestion et, dès lors, les attaques ont complètement disparu. ,
M. Voisin. - Je soigne en ce moment une femme, hystérique.
qui présentait des phobies analogues à celles de la première
malade de M. Viazemsky; dès la troisième séance d'hypnotisme, je
l'ai presque complètement débarrassée d'une phobie de la mort
qui la torturait. `
Un cas particulier d'abasie guéri par la suggestion.
M. Stembo (de Vilna). - Il s'agit d'une enfant de dix ans. A six
ans elle a une affection fébrile qui dura huit jours. Aussitôt après,
elle peut remuer les jambes et marcher sur son lit, sur les bancs,
sur les tables, mais absolument pas, lorsqu'elle est à terre. Quel-
ques mois après, ayant eu la rougeole, elle peut marcher lors-
quelle est terre, mais seulement si quelqu'un lui tient la main,
livrée à elle-même elle ne peut pas faire un pas. Hypnotisée et
suggestionnée elle redevient vite capable de marcher toute seule,
sans aucun appui. Il est probable que cet enfant présentait un
trouble fonctionnel des centres associés et que la suggestion hyp-
notique a ravivé le souvenir du mécanisme de la marche.
D.ux cas de névralgie guéris par la suggestion hypnotique.
M. DAMOGLOU (du Caire). - Un homme de ving-quatre ans
souffre de névralgie temporale droite depuis deux mois ; l'appa-
reil dentaire est indemne ; aucun médicament n'a pu procurer
quelque soulagement; deux séances d'hypnotisme suffisent à faire
Archives, 2" série, t. XVIII. 6
82 SOCIÉTÉS SAVANTES.
disparaître cette névralgie. Une femme de vingt-six ans est retenue
au lit depuis vingt-cinq jours par une sciatique que n'ont pu
modifier ni les médicaments ni les frictions, ni les cautérisations-
après la seconde séance d'hypnotisme, cette malade peut se lever
et marcher; après la troisième, la douleur a disparu.
- Le mal de mer et la suggestion.
M. Bonnet (d'Oran) étudie les influences mécaniques, physiques,
physiologiques et psychologiques qui produisent ou exaspèrent le
mal de mer. S'il est très difficile de s'en préserver totalement, au
moins peut-on l'atténuer ou s'en défendre, dans une certaine me-
sure, par diverses précautions hygiéniques portant principalement
sur la suppression des sensations visuelles et olfactives, la position
horizontale, etc. La crainte du mal de mer, la conviction qu'on
l'aura, l'initiation suggestive inconsciente ont une large part
dans l'étiologie de ce malaise. Contre ces facteurs psychologiques,
la suggestion est tout à fait indiquée. Il est bon de faire les séan-
ces de suggestion à terre pendant les jours qui précèdent l'embar-
quement ou à bord dès le départ. La suggestion a surtout pour
effet de diminuer la sensibilité olfactive et visuelle, ainsi que
d'exalter la résistance physique et morale du sujet.
M. Paul Fartez. - De nombreuses observations classiques mon-
trent que si le mal de mer peut être provoqué par des causes
morales, il peut aussi, une fois installé, être instantanément jugulé
par une émotion quelconque. De même, la ferme croyance qu'on
est immunisé suffit à rendre réfractaire au mal de mer. Je l'ai
expérimenté tout récemment. Il s'agit d'un homme de vingt-cinq
ans. Je l'endors profondément, mais j'évite à dessein de le sug-
gestionner. Convaincu que je lui ai réellement fait les suggestions
qui doivent le préserver du mal de mer, il fait, sans éprouver
aucun malaise, une traversée qui, les fois précédentes, le rendait
extrêmement malade.
Action des excitations mécaniques faibles et répétées
sur l'anesthésie hystérique.
M. Paul 1l.cw. - Chez les hystériques, des excitations faibles,
intermittentes et prolongées produisent, par elles-mêmes et en
dehors de toute suggestion, en vertu d'un phénomène de « som-
mation » ou d'« addition latente », non seulement des contrac-
tures, mais des effets esthésiogènes portant aussi bien sur la sensi-
bilité spéciale que sur la sensibilité générale. Qu'il y ait ou non
transfert, la restauration de l'une des sensibilités taetile, algique
ou theimique entraine celui de la sensibilité spéciale et récipro-
quement. Pour ce qui concerne la sensibilité spéciale, je l'ai sur-
tout étudiée chez les achromatopsiques et les dyschromatopsiques. En
SOCIÉTÉS SAVANTES. 83
général, l'excitation de l'oeil par les couleurs centrales entraine le re-
tour de la vision non seulement pour ces couleurs, mais aussi pour les
couleurs périphériques, tandis que l'excitation pourlescouleurs péri-
phériques ramène la vision pour la couleur employée, quelquefois
aussi pour la couleur complémentaire. Avec tous les excitants
employés j'ai observé les phénomènes décrits à propos de l'action
esthésiogène des métaux, à savoir l'anesthésie de retour, l'anesthésie
post-métallique et les oscillations consécutives. On peut, au moyen
d'excitations faibles et répétées, endormir des malades hémianes-
thésiques en s'adressant à leur côté anesthésique aussi bien qu'à
leur côté sensible ; danF ce cas, le retour de la sensibilité précède
toujours l'invasion du sommeil.
M. BÉRILLON. Ces considérations mettent de nouveau à l'ordre
du jour la très importante question du rôle des agents physiques
dans la production de l'hypnose. Pour alléger notre peine, ren-
forcer notre action et diminuer la résistance du sujet, nous
devrons, de plus en plus, posséder tout un outillage d'appareils et
d'instruments capables d'impressionner les divers sens, tels que
miroirs, interrupteurs, vibrateurs, etc. L'action des bruits faibles,
discontinus et rythmés a d'ailleurs été, de tous temps, utilisé par
les Aïssaouas ou les Derviches. 1
M. Paul FARTEZ. - C'est, en effet, une loi bien connue des psy-
chologues et applicable, non seulement aux hystériques, mais à
tous les individus, en général, à savoir que toute sensation, pourvu
qu'elle soit homogène, uniforme, continue, exclusive et prolongée,
finit par supprimer dans la conscience la perception d'une diffé-
rence et par produire ainsi l'anidéisme, c'est-à-dire un état psy-
chologique très favorable à l'invasion de la suggestion. Dans la
pratique, pour provoquer cet état de suggestionnabilité, je me sers
d'un métronome dissimulé très loin derrière une tenture, ce qui
en assourdit le bruit ; en outre, les battements du métronome ne
sont point séparés par des intervalles isochrones, mais synchrones
au rythme respiratoire du sujet.
M. Paul MAGNIN. Il y a quelques jours, un malade tombait en
état d'hypnose, dans mon cabinet, sous l'influence du bruit inter-
mittent et rythmé que faisaient les bulles d'air enfermées par acci-
dent dans une conduite.
La suggestion impérative.
BRILLON. - Le défaut ou la diminution de la suggestibilité
lient à deux causes. La première est organique et résulte d'un
manque d'aptitude lié à une disposition défectueuse du système
nerveux ; elle se constate chez les idiots, les imbéciles, les sujets
atteints de débilité mentale accentuée ou d'aliénation. La seconde
est d'ordre psychologique et même sociologique; elle se rencontre
Si 1 SOCIÉTÉS SAVANTES.
surtout chez les sujets dont l'intellectualité est très développée.
Ceux-ci réfléchissent, raisonnent, analysent, discutent ; cela leur
donne l'illusion de toutes les compétences ; ils sont pétris d'opi-
nions préconçues et de partis pris. Or, quiconque est la proie
d'une opinion préconçue ressemble psychologiquement au malade
dont le délire est systématisé ; aucun fait, aucun argument,
aucune démonstration ne sont capables de modifier son système ;
et c'est à cette forme de monodéïsme que vient de se heurter la
suggestion persuasive, insinuante et demonstrative. Avec ces
malades, il ne faut ni expliquer, ni justifier le contenu de la
suggestion; il ne faut ni discuter avec eux ni s'acharner à les
convaincre ; la suggestion ne devra tenir aucun compte de leurs
raisons, se faire impérative, autoritaire et imposer l'obéissance
complète, sans conditions.
M. LIO1VFL Dauriac. - C'est ce qu'ont bien compris les différentes
morales. Pour elles, le devoir se présente sous une formule caté-
gorique et brève qui s'impose, avant toute réflexion, par la seule
vertu de sa force impérative.
SOCIETE DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE
DE MOSCOU.
Séance du 17 Janvier 1903 (en mémoire de S. S. KoRSAMrr).
Contribution à l'étude de la psychose de Ia;onsalsoJ'.
S,-A. Soukhanoff et A. BOUTECIIO. - Les rapporteurs ont pré-
senté une revue historique très détaillée de la littérature concer-
nant la psychose polynévrilique, et ont cité un cas personnel de la
psychose de KOHSAKOFF. Malade de quarante-trois ans, coiffeur,
alcoolique, prend le vin depuis longtemps; les dernières années il
le prend quotidiennement et en dosses assez grandes. La syphilis
est réfutée. Au commencement de l'année 1902, pendant une mala-
die fébrile, on observa chez lui des phénomènes de délire alcoolique,
en septembre des accès de vertige ; le 27 septembre un accès épi-
leptique, ensuite de la faiblesse et une certaine élévation de tem-
pérature. Le malade commençait déjà à se rétablir, lorsque subi-
tement, le J 1 octobre, survinrent deux nouveaux accès épilep-
tiques ; le malade était dans un état très lourd; la température
était un peu plus haute que la norme. Lorsque le malade com-
mença il. se rétablir, il se manifesta chez lui un oubli très marque
et, en outre, il commença à raconter des choses qui n'ont pas été.
Le 12 novembre de 1902 on constata du côté du système nerveux
SOCIÉTÉS SAVANTES. 85
des phénomènes de lésion des nerfs périphériques (manque de
réflexes patellaires, douleur à la pression de certains troncs céré-
braux, démarche mal assurée, amaigrissement des extrémités in-
férieures) ; du côté psychique, on remarqua une amnésie très
accusée relativement aux faits courants et récents et des fausses
réminiscences; en même temps sautait aux yeux une certaine
vivacité de la psychique, une expression vive des yeux et de la
face. Dans le cours ultérieur, l'état du malade s'améliora ; les phé-
nomènes névritiques commencèrent à s'affaiblir graduellement,
mais la mémoire restait toujours mauvaise; le malade était oublieux;
racontait des confabulations, quoique moins fantastiques qu'au
commencement. Les rapporteurs considèrent leur cas comme un
cas le plus typique de la psychose de KORSAEOFF. Ensuite, ils ont
fait la revue, autant que possible détaillée, du matériel concernant
la psychose de KoasAorF; ayant basé leurs conclusions sur 200
cas à peu près de la maladie en question, décrits par différents
auteurs, les rapporteurs ont trouvé que, chez les hommes, la psy-
chosedeKoRSAKOFF serencontre approximativement pourunefois et
demie plus souvent que chez les femmes; surtout saute aux yeux ce
fait que la plus grande majorité des cas de psychose de Korsakoff
sont d'origine alcoolique. Dans les trois quart de tous les cas de
la maladie de KORSAKOFF, c'est l'alcool qui doit être envisagé
comme cause principale; si on prend seulement les hommes,
alors on verra que parmi eux le nombre de cas de psychose de
IORS.fEOFF,d'originealcoolique, sera quatre foiset demie plus grand
que le nombre de cette même maladie d'une autre origine ; outre
l'alcoolisme, la psychose de KOHSAKOFF peut être provoquée encore
par la fièvre typhoïde, par l'ictère, par des troubles gastro-intes-
tinaux, par des tumeurs malignes, etc. Concernant l'àge, la psy-
chose de Korsakoff chez les hommes se développe le plus souvent
à l'âge de quarante et un,-quarante-cinq et quarante-six,-ciaquante
ans, et chez les femmes à trente-six,-quarante ans. Certains auteurs
(SCHULTZE, Monkemoller, R911ANN, LuCrERATH) décrivent des cas
de psychose de KOHSAKOFF sans phénomènes cliniques neuritiques,
mais il faut remarquer que dans pas un des cas de ce genre il n'y
avait eu d'examen microscopique des nerfs; ces cas ne sont pas
nombreux et tous ils appartiennent aux hommes. La psychose de
Korsakotf, le plus souvent, laisse des défauts dans l'état psychique
des malades, qui concernent principalement la mémoire. Souvent
dans la maladie de KORSAKOFF on constate la tuberculose, qui mène
le malade à l'issue léthale. La guérison complète est très rare chez
les alcooliques ; elle est même très douteuse. Dans certains cas, on
observe la combinaison de la psychose de Korsakoff avec la polio-
encéphalite de 'VEHNrcEE; dans des cas rares la psychose de Iion-
sakoff peut se compliquer, dans son cours iltérieur, par de vastes
ramollissements dans la région des hémisphères cérébrales, ce qui
86 - SOCIÉTÉS SAVANTES.
n'exclut pas le diagnostic de la psychose de KORSAKOFF. Pour con-
clusion, les rapporteurs ont cité un cas de ce genre, observé à la
Clinique Psychiatrique de Moscou, où il y avait un tableau très
typique de la psychose de Korsakoff (chez un alcoolique d'âge
moyen) ; à la psychose s'est associé un vaste ramollissement dans
les hémisphères cérébraux ; à l'examen microscopique furent cons^
tatés des phénomènes névritiques.
W.-A, ! \1ouRATOFI' voit le principal centre dans la résolution de z
cette question, dans l'autonomie de la psychose de KOHSAKOFF ou
seulement dans l'existence du symptômo-complexus de Korsakoff.
C'est pourquoi il regarde comme thème essentiel la définition des
symptômes différentiels de cette maladie, puisque des troubles de
mémoire analogues peuvent s'observer aussi dans diverses lésions
anatomiques du cerveau, preuve de quoi peut servir le casde S.-A.
SOUKIIA1VOFF, où à l'autopsie furent trouvés de vastes foyers apoplec-
tiques.
BECHTEREFF. Le terme maladie de Eoi,s«koff doit être appliqué,
vu la première description de l'auteur, seulement à la psychose
polinévritique. V.-W. VOROBIEFF indique sur cela qu'il peut exister
trois genres de cas : 4° Lorsque la psychose de Korsakoff apparait
comme entité nosologique pure ; 2° lorsqu'un processus a : .a-
logue est observé dans les lésions organiques du cerveau et 3°
lorsque la maladie de Korsakoff typique est compliquée par des
lésions cérébrales organiques et non provoquées par elles.
W.-P. SEHBSKY remarqua que le cas, sur lequel insiste W.-A.
nIOURATOFG', est peu démonstratif, car, autant qu'on peut le juger
parla brève communication de ce cas, les nerfs périphériques
n'ont pas été examinés. Quant à l'existence des vastes modifica-
tions anatomiques dans le cerveau, cela ne contredit nullement au
diagnostic de la psychose de Ionsaaorr.
M. SEHBSKY envisage la maladie de KOHSAKOFF comme une telle
forme qui, comme, par exemple, la paralysie générale est une asso-
ciation d'un trouble psychique avec des modifications organiques
du système nerveux, Comme endroit de la plus grande concentra-
tion de la lésion dans cette maladie apparaissent les nerfs péri-
phériques, mais cela n'exclut nullement, comme en général dans
les polinévrites, la possibilité des modifications ni du côté de la
moelle épinière, ni du côté du cerveau. Et S.-S. Korsakoff cher-
chait toujours, lui-même, et attirait l'attention des autres, en
examinant la maladie donnée, non seulement surles modifications
dans le système nerveux périphérique, mais aussi dans le système
central et dans le cerveau en particulier. -K. ROTII, A--A- KOR-
Furent faites encore des remarques par W.-K. Roin, A. -A. [OR-
NILOFF, N.-N. BAGENOFF et B'-J. SGÙ11DALOPf. '
SOCIÉTÉS SAVANTES. 87;
Contribution à l'étude de la poliomyélite aiguë (avec présentation]
des préparations).
P.-A. Préobragensky. Malade de vingt-trois ans, sans occupa-
tions définies, alcoolique ; deux mois de cela, a été mordu par un
chien enragé; il subit un cours de traitement des vaccinations
antirabiques ; cinq jours avant l'entrée à l'hôpital, le malade sentit
une faiblesse du membre supérieur droit et puis une gêne de
la respiration. Etat présent : une excitation très vive ; le malade
parle beaucoup. Une paralysie complète avec affaiblissement de
tous les muscles de l'extrémité supérieure droite. Cyanose des, 1
extrémités. Lorsque le malade veut se tenir debout, ses jambes
fléchissent tout de suite et il tombe. Point de réflexes pateliaires.
Une dyspnée. Une salivation exagérée. Issue léthale le même jour, : ¡
A l'autopsie on constata : une myélite aiguë de la région cervi-
cale. Les organes internes étaient normaux. L'examen microsco-
pique démontra dans la région de la corne antérieure droite, au.
niveau des segments cervicaux V.-VIII, une poliomyélite hémor-
rhagique aiguë (d'énormes hémorrhagies, un élargissement des.
vaisseaux, une accumulation des leucocytes, une multiplication
des cellules de la névroglie, son oedème, la dégénérescence des
cellules nerveuses, etc.). Le processus morbide s'était exprimé.
préférenciellement dans la région de l'artère latérale antérieure.
Dans beaucoup d'endroits de la moelle épinière et du tronc céré-
bral on remarquait une grande accumulation de leucocytes (tuber-
cula rabica de l3abès). Dans les ganglions spinaux l'accumulation
des leucocytes, la multiplication des cellules endothéliales, la neu-
ronophagie. L'étude anatomique du cas donné démontre que,
entre ce cas de poliomyélite et les myélites aiguës, il n'y a aucune
différence bien essentielle. Toutes les classifications des myé-
lites ue sont pas sans défauts, car dans la pratique on rencontre
toujours des formes complexes (altération des vaisseaux et des
éléments nerveux). Mais dans une seule et même infection on peut
rencontrer des modifications parenchymateuses et interstitielles les,
plus variables, comme preuve de quoi ont été présentées des pré-
parations d'un autre cas d'hydrophobie : un garçon de quatorze
ans, dix mois de cela, a été mordu par un loup enragé ; le malade
a aussi été soumis au traitement par les injections antirabiques,
il a été amené à l'hôpital le 1. or mars de 1901 en état d'excitation
très marquée, et mourut quelques heures après son entrée à l'hô-
pital. A l'examen microscopique, on constata dans le système ner-
veux central un grand nombre de tubercules rabiques et des mo-
difications interstitielles, insignifiantes. De telle manière donc,
dans une seule et même infection peut s'altérer le tissu intersti-
tiel et le tissu parenchymateux en degrés différents (locus minons,
resistentix). Concernant le caractère spécifique des modifications^
88 BIBLIOGRAPHIE.
dans la- lyssa, on peut, dans ce cas, s'associer à l'opinion de
M. Crocy qui n'envisage pas toutes ces modifications comme spé-
cifiques, contrairement à l'opinion de BABES, de Van-Gehuchten et
d'autres. --
L.-S. Vlli\on n'envisage pas le cas du rapporteur comme polio-
myélite typique, mais plutôt comme un cas de lyssa avec localisa-
tion du processus, entre autres, dans les cornes antérieures
aussi.
A.-A. Korniloff est d'avis que dans le cas du rapporteur existe
une infection générale qui peut donner, et à la méningite et à la
myélite, mais pas à la poliomyélite comme maladie particulière,
comme nous nous la représentons. Pour la poliomyélite est néces-
saire le tableau clinique ainsi que le tableau anatomique, et dans
le cas donné il n'y a rien de caractéristique pour'la poliomyélite.
- W.-A. MooInTOra s'associe à l'opinion de MM. MINOH et Korniloit,
et cite, en abrégé, deux cas de poliomyélite, où il avait trouvé des
modifications tout à fait identiques à celles qui sont observées
dans les encéphalites. G.-J. ROSSOLIMO est d'accord avec l'opinion
du rapporteur. Comme différentes causes peuvent provoquer des
névrites avec certaines particularités, ainsi les diverses infections
peuvent provoquer la poliomyélite, qui peut présenter aussi de
certaines particularités. '
BIBLIOGRAPHIE.
1. Les glandes parathyroïdes. - Etude anatomique et expérimen-
tale ; par M. A. JOUTY (th. Lyon, 1903).
Le but du travail de M. Jouty a été de montrer toute l'impor-
tance fonctionnelle des glandes parathyroïdes, sans préjuger
cependant du rôle qu'elles doivent jouer dans l'économie, et de
donner sur elles tous les renseignements que la physiologie a
fournis. Dans son historique, il montre l'évolution qu'a suivi l'étude
des glandes thyroïdes et parathyroïdes, depuis les recherches clini-
ques de Reverdin (1882) et de Kocher, jusqu'aux travaux de Gley
en 1891.
Les physiologistes avaient été frappés en effet par ce fait que
chez le lapin la thyroïdectomie totale de la glande principale
n'était pas suivie des mêmes accidents que chez d'autres animaux
(chiens, chats, etc.) C'est alors que Gley, en 1891, démontra chez
le lapin la présence de parathyroïdes situées à un centimètre au-
dessous de la glande principale. En enlevant ces glandules en
même temps que la. glande principale, il montra que le lapin,
, BIBLIOGRAPHIE. 89
comme le chien, le chat, etc., meurt après'avoir présenté des
accidents analogues.
A partir de la découverte de Gley, les travaux se multiplient sur
la question des glandules parathyroïdes, entre autres ceux de
Gley, de Moressu, de Vassale et de Generali. Par ces nombreuses
recherches, on est arrivé à démontrer que ces glandules sont
embryologiquement, histologiquementet physiologiquement diffé-
rentes de la glande thyroïde.
Au point de vue embryologique, comme le corps du thymus et
les thyroïdes médianes et latérales, les parathyroïdes sont des
dérivés branchiaux. -
La parathyroïde externe naît par un bourgeon épithélial qui
apparait sur la région dorsale de la troisième fente branchiale. La
parathyroïde interne se développe aux dépens de la région dor-
sale de la quatrième fente branchiale.
Sont annexés aux parathyroïdes, rarement chez l'homme, mais
d'une façon constante chez les animaux : a) des produits thymi-
ques, des grains ou nodules thymiques, il existe un nodule thymi-
que pour chaque glandule parathyroïdienne ; b), les vésicules
ciliées, formations kystiques rencontrées près de la parathyroïde
interne ou au voisinage de son nodule thymique. -
Pendant longtemps, à la suite de la découverte de Sandstrôm
(1880) les histologistes, Bozzi, Schmid, Schafer, etc., ont soutenu
que les parathyroïdes n'étaient que des portions du tissu thyroï-
dien incomplètement développées, mais susceptibles de remplacer
physiologiquement la glande principale. -
Cette théorie de la parenté histologique ne tint pas devant les
recherches de Hofmeister, de Gley, Nicolas, Jacoby, Kohn, etc.,
qui ont montré que le tissu des parathyroïdes une fois formé,
restait toujours le même et ne pouvait se transformer en tissu
thyroïdien.
Leur structure histologique comprend : des cellules polymor-
phes avec grand noyau et protoplasma clair, serrées les unes contre
les autres et formant dans leur ensemble des boyaux pleins, sépa-
rés les uns des autres par du tissu conjonctif servant de support
aux artères et aux veines mais qui est moins abondant que dans
la thyroïde principale.
Les parathyroïdes externes sont entourées d'un tissu conjonctif
qui les isole des tissus avoisinants. Pour la thyroïde interne la
séparation d'avec le tissu thyroïdien est incomplète.
Chez l'homme, la parathyroïde interne est enchassée dans la
glande thyroïde elle-même, le plus souvent près de la surface
interne, elle en est séparée cependant par une gaine conjonctive.
Les parathyroïdes externes pour certains anatomistes (Sands-
trôsem) se trouvent sur la face postérieure, au niveau de la partie
moyenne de la glande thyroïde. , ,
90 BIBLIOGRAPHIE.
Chantemesse et Marie en décrivent deux groupes en' rapport
avec les deux artères thyroïdiennes supérieure et inférieure. En
général, elles ont une coloration brun rougeâtre, légèrement
jaunâtre qui les fait confondre avecle tissu adipeux voisin.
Chez les animaux, M. Jouty n'a fait que reproduire les données
anatomiques déjà connues chez le chien, le chat, le lapin, le mou-
ton, la chèvre, le rat, le cobaye, le cheval, le porc, le singe. Ses
recherches personnelles ont surtout porté sur les oiseaux. Le ré-
sultat de ses dissections (poulet) concorde avec la description que
donne Verdun des parathyroïdes chez les oiseaux, qui possèdent
quatre parathyroïdes, deux de chaque côté.
En général, la situation des parathyroïdes est variable pour
chaque espèce animale, mais affecte pour une espèce donnée un
type presque toujours le même.
Au point de vue expérimentale, les recherches de M. Jouty on !
été faites sur les oiseaux. L'expérimentation chez ces animaux
donne des résultats insconstants à cause de la situation anatomi-
que des parathyroïdes internes qu'on ne peut atteindre parfois.
L'étude expérimentale montre que la parathyroïdectomie totale
est suivie de mort constante après quelques jours, en général
avec des accidents aigus paralytiques (paralysie surtout) ou con-
vulsifs (tétanie, contractures permanentes, accès épileptiques gé-
néralisés). La thyroïdectomie avec parathyroïdectomie est tou-
jours suivie de mort. ' *
Dans les cas de parathyroïdectomie la survie ne peut s'expli-
quer que par le fait d'une.opération incomplète. En effet la per-
sistance d'une seule des glandules peut assurer la survie de l'ani-
mal.
Certaines conditions peuvent modifier l'évolution des accidents
consécutifs à la parathyroïdectomie, en particulier l'age ; chez
les jeunes animaux, les accidents sont beaucoup plus rapides et
plus aigus. :
La transfusion, la saignée et les injections de sérum artificiel,
les médicaments antispasmodiques ont une action palliative. Les
greffes parathyroïdiennes (Cristianni) les injections de suc de pa-
rathyroïdes produisent une action préservatrice ou sédative.
L'auteur a rechercha en outre les modifications observées dans
l'organisme. Il n'y a pas de lésions spécifiques ni des centres ner-
veux, ni des viscères; on y rencontre de l'hypérémie et des hémor-
rhagies plus ou moins étendues. Dans le sang on trouve de la
leucocytose, une anémie légère, une diminution de la résistance
globulaire et de la quantité d'oxygénioglobine. La toxine urinaire
est modifiée d'après Masoin, elle s'élève après la thyroïdectomie;
la courbe de toxicité suit celle des accidents ; enfin la toxicité
s'élève considérablement aux moments des attaques épileptiques et
des accès de polypuée.. z
BIBLIOGRAPHIE. 91
Comparant les troubles consécutifs à la parathyroïdectomie
chez les animaux avec ceux produits par l'ablation de la thyroïde
M. Jouty montre la différence qu'il y a entre eux. Dans la thyroï-
dectomie on a des troubles trophiques affectant une marche chro-
nique, tandis que la parathyroïdectomie est suivie d'un syndrome '
toxique à grand tapage survenant en général en quelques jours
(deux à huit) après l'opération et se traduisant par des symptô-
mes digestif (vomissements, diarrhée) des troubles nerveux : con-
tractures, convulsions épileptiformes, tétanie, par la toxicité du
sérum et l'hypertoxicité des urines. ,
L'auteur termine son intéressant travail par l'étude des trou-
bles consécutifs à l'insuffisance de la fonction parathyroïdienne e
chez l'homme. C'est l'insuffisance parathyroïdienne consécutive
aux opérations de thyroïdectomie.
Ce sont enfin les faits d'insuffisance parathyroïdienne spontanée
recherchés par certains auteurs et dont certains phénomènes con-
vulsifs de l'enfance et certains cas d'éclampsie puerpuérale parais-
sent être la conséquence ." ' G. C..
II. Contribution ci l'étude des échanges nutritifs dans l'acromégalie.
(Contributione la studial schimibiolo nutritive in acromegalie) ;
par A.-C. PAniioN. 50 pages. Bucarest Editiera 1121nerva, 1903.
Voici les conclusions de ce travail :
On trouve constamment dans l'acromégalie des troubles des
échanges nutritifs, Ces troubles sont représentés par une rétention
marquée de certains éléments, savoir :
Il existe une rétention constante et généralement assez impor-
tante du phosphore. Ce même phénomène existe pour le calcium
mais sur ce point de nouvelles recherches sont nécessaires, celles
dejusqu'à présent étant trop peu nombreuses. L'urée est parfois
diminuée, d'autrefois elle oscille autour de la normale. Ce même
fait s'observe pour les clonus, mais ici on trouve aussi le con,
traire, ces sels semblent souvent s'éliminer dans une quantité
dépassant la normale. ,
L'étude des analyses quantitatives des urines nous est d'une
réelle utilité pour connaître l'état du métabolisme dans l'acromé-
galie ; pourtant les résultats qu'il nous donne ne sont qu'approxi-
matifs. Pour avoir des données précises il est nécessaire d'étudier
comparativement les ingesta et les excréta et d'établir le bilan
nutritif. Les recherches faites de cette façon sont jusqu'à présent
peu nombreuses. En ce qui concerne la pathogénie del'acromégalie,
l'étude des échanges nutritifs comme celui de la physiologie de la
glande pituitaire font plus probable la théorie qui soutient que
cette, maladie est due à une exagération de la fonction de cet
organe que celle'd'après laquelle elle serait l'expression des phé-
92 z1) VARIA.
nomènes de déficit. Pourtant cette théorie ne peut être admise
sans réserves.
, L'étude des échanges nutritifs doit nous conduire dans la théra-
peutique de l'acrômégalie, ce traitement devant avoir pour but
de ramener le métabolisme à l'état normal. L'opothérapie thyroï-
dienne ou pituitaire nous semblent contre-indiquée quand il existe
dans l'organisme une rétention du calcium.
Dans les cas avancés l'acromégalie où le calcium a la tendance
de s'éliminer dans une quantité qui dépasse celle ingérée (Fauszk
et Vas) le traitement thyroïdien serait indiqué.
L'apothérapie pituitaire serait indiquée d'une façon rationelle
dans les cas où une tendance à l'élimination exagérée du calcium
et du phosphore coexisterait avec une diminution de l'excrétion
du chlore et de l'azote; mais jusqu'à présent cette modalité de
perturbation du métabolisme cellulaire n'a pas été signalé, il est
pourtant possible qu'elle existe dans les cas avancés d'acromégalie,
L'opothérapie ovarienne semble généralement indiquée et mériterait
d'être essayée.
Les médicaments qui influencent plus énergiquement les échan-
ges nutritif etquitendentàles rameneràlanormale sont l'oxygène,
le nitrate'd'argent et surtout le phosphore. (Moraczewski.) L'étude
des éliminations et surtout le bilan nutritif sont les seuls critériums
certains qui nous indiquent l'action des médicaments.
A. 13EnSTEIN, M. Moltguanoff, S. Soukiianoff.
VARIA.
Traitement DE l'épilepsie par la diète; par Schnitzer.
L'auteur prône la modification apportée par Balint à la diète
oligochlorurique dettichet et Toulouse. Cette modification con-
siste à ne pas dépasser 2 grammes de chlorure de sodium en
vingt-quatre heures et, d'autre part, à donner un pain contenant,
au lieu de sel de cuisine, du bromure de sodium en quantité suffi-
sante pour que sous cette forme le malade prenne 3 grammes de
bromure par vingt-quatre heures, à savoir 400 grammes de pain.
En outre, un litre et demi de lait, 50 grammes de beurre, 3 oeufs
non salés. -
Pareil régime est assez bien supporté pendant six ou huit
semaines et le plus ordinairement le malade est amélioré. Néan-
moins, l'on est obligé d'interrompre quelque temps par suite d'une
répulsion par trop grande. Le plus ordinairement il y a augmen-
tation de poids ; ce régime est recommandable. (Journal de Méde-
cine de Paris, 17 janvier 1904). .
.VARIA. 93
UN CAS DE LÉTHARGIE.
Un cas de léthargie des plus intéressants vient de se présenter
à Harvengt, près de Mons : une jeune fille de 24 ans, Léa Cornu,
est restée endormie pendant trente-sept jours. La jeune fille était
servante, et, à la suite d'une vne émotion, était tombée gravement
malade.Un beau matin, ses parents ne parvinrent point à l'éveiller.
Le médecin constata qu'elle était dans un état cataleptique com-
plet. Tous les moyens' employés n'ont pu la faire sortir de sa
léthargie. Seule une respiration à peu près imperceptible et les
battements du coeur témoignaient que la vie n'avait pas abandonné
le corps. La jeune fille a été nourrie artificiellement au moyen de
lait et d'oeufs. Elle s'est éveillée samedi dernier, sans secousse
aucune. Elle est actuellement très affaiblie et ne se souvient de
rien. (Semeur de l'Oise, 17 avril).
. LES ALIÉNÉS EN LIBERTÉ.
Suicide. - Le 30 avril, vers 7 heures, le cadavre de M. Cessot-
Chadeville, 52 ans, habitant Ecuelle, a été trouvé sur la voie du
chemin de fer, entre Ecuelle et Bragny-sur-Saône, sur le territoire
de Bragny. M. Cessot avait travaillé toute la journée de vendredi
et n'avait pas rentré le soir. Sa femme, prise d'inquiétude, se mit
à sa recherche, aidée de quelques amis, et ce n'est que hier matin
que l'on a découvert le cadavre, dont la tête était reduite en
bouillie. Depuis quelque temps M. Cessot paraissait ne pas jouir de
la plénitude de ses facultés. (Progrès de Lyon, 2 mai.)
- On vient de découvrir à Charmoy-le-Grenant(Côte-d'Or) dit le
Progrès de Lyon du 14 mai, pendu dans une grange, le nommé
Noirot, domestique de ferme. Il a été reconnu que ce malheureux
ne jouissait pas de la plénitude de ses facultés mentales. ,
D'où la nécessité d'hospitaliser tous les aliénés dès le
début, de faciliter cette hospitalisation en assimilant de plus
en plus les asiles à des hôpitaux, quitte à faire venir le
magistrat, le lendemain de l'admission. Ce n'est que dans
ces conditions que l'intervention du pouvoir judiciaire
sera sans, inconvénient. Si, au contraire, elle doit retarder le
placement, elle sera nuisible.
Le crime d'une folle. - Un drame occasionné par la folie s'est
déroulé hier matin, 14, boulevard de la Chapelle. A cette adresse,
habitaient depuis environ six ans les époux Robert. La femme,
née Renard, âgée de cinquante ans, donnait depuis quelque temps
des signes de dérangement cérébral. Hier, vers six heures du
matin, alors que son mari dormait, l'inconsciente se leva douce-
ment, alla dans sa cuisine où elle emplit d'acide sulfurique une
94 VARIA.
soupière du contenu d'un litre, puis, revenant dans la chambre à
coucher, elle versa la soupière sur le visage de son mari. Aux cris
effroyables que poussa M. Robert, des voisins accoururent, et
pendant que les uns s'emparaient de la femme Robert les autres
conduisaient la victime à l'hôpital Lariboisière. M. Robert, a la
tête affreusement brûlée et son état laisse peu d'espoir. (Radical
24 mai). '
Le crime d'une folle. Les époux Justier, domiciliés rue de
Belleville, eussent été très heureux, si Mmo Gabrielle Justier, âgée
de quarante et un ans, eût joui de la plénitude de ses facultés.
Malheureusement, la pauvre femme était faible d'esprit et son
mari, qui exerce la profession de tourneur sur bois et travaille au
dehors, avait dernièrement commencé des démarches pour
obtenir son internement dans une asile d'aliénés. Il craignait, en
effet, qu'en son absence, sa malheureuse compagne, qui se ren-
dait compte de son état, n'attentât à ses jours.
. Comment Mme Justier apprit-elle que son mari avait l'intention
de la faire interner ? On l'ignore. Toujours est-il que mardi soir
elle lui dit à brûle-pourpoint : - Alors, je suis folle ? ... - Mais
non, mais non, chère amie, répondit l'ouvrier. - Si, je le sais,
ne mens pas, s'écria alors Mme Justier. Je suis même une folle
dangereuse, tu vas le voir ! ...
Tout en disant ces mots, elle sortit de son corsage un petit
revolver et, à trois reprises, fit feu sur son mari. Atteint à la tète,
M. Justier s'enfuit en appelant au secours 1... Mais quand les voi-
sins accoururent, la pauvre insensée avait disparu. Le blessé fut
conduit à l'hôpital Saint-Louis où les projectiles purent être
extraits. Prévenu de ce drame, M. Girard, commissaire de police,
ouvrit aussitôt une enquête, mais jusqu'ici le magistrat n'a pu
retrouver la folle. On craint que celle-ci ne se soit suicidée. (Le
Petit Puritien, 24 mars 1904).
La victime avait fait des démarches pour faire interner sa
femme, aliénée. Il serait curieux de savoir si ce n'est pas,
auprès du même commissaire de police qui n'aurait pas
voulu intervenir tant qu'il n'y avait pas eu un acte criminel.
Pour éviter de tels malheurs, il faut faciliter l'admission des
malades dans les asiles, la rendre aussi facile que l'admis-
sion dans les hôpitaux et faire l'enquête administrative ou
judiciaire aussitôt après l'hospitalisation.
Assommé à coups de bâton. - La nuit dernière, 17 septembre,
une fatale méprise fut la cause d'un drame à Lucé, près de
Chartres. Vers deux heures du matin, les époux Matevitie (le mari
jardinier) qui habitent une petite maison, ayant entendu du
bruit, le mari se leva, armé d'un bâton, et sortit sans bruit.
FAITS DIVERS. 95
Ayant trouvé un individu qui tentait d'ouvrir une fenêtre, il lui
asséna sur la tête un formidable coup de bâton qui étendit à
terre l'individu qui perdit son sang ; comme il essayait de se
relever, Maleville continua à le frapper. Aux appels de Mme Male-
ville, du secours vint et on s'aperçut qu'on était en présence d'un
malheureux (ou, nommé Claudius Lhévenin, régisseur du cirque
Amato, installé à Chartres, et qui était sujet à des hallucinations.
Il fut transporté à l'hôpital dans un état désespéré. (Le Matin,
18 septembre).
Sous ce titre : Une désespérée, le Semeur de l'Oise du 20 mars
publie le fait ci-après : t
« Le 13 courant, une femme a été repêchée dans la Seine,
quartier de la Muette, à Paris. Son corps a été déposé à la Morgue
où il vient d'être reconnu comme étant celui de la nommée Gau-
tier Augustine, âgée de vingt-quatre ans, domestique, 3, rue Nicolo,
à Paris. La désespérée était sortie de l'Asile d'aliénés de Clermont le
9 avril dernier, en exécution d'un arrêté de M. le Préfet de Seine-
et-Oise. Elle était à cette époque guérie de la maladie mentale
pour laquelle elle avait été traitée et rien dans ses actes, ses
écrits, ses paroles ne pouvait faire supposer une pareille fin. En
quittant Clermont; la malheureuse s'était rendue chez les soeurs
de Grenelle, 52, rue du Théâtre. »
Ce fait montre combien est délicate la mission des méde-
cins des asiles et explique pourquoi, souvent. ils hésitent à
signer la sortie des malades.
FAITS DIVERS.
Asile de BRON. - Condamnation d'un infirmier. - L'infirmier
de l'asile de Bron, dont nous avons parlé dans notre dernier
numéro, reconnu coupable de coups et blessures sur un fou,
pensionnaire de l'établissement, a été condamné par le tribuual
correctionnel de Lyon, à quatre mois de prison, avec application
de sursis.
Suicide d'un rOU. - Nancy. - Dimanche matin, vers onze heures,
le nommé Antony Gratius, âgé de trente-huit ans, imprimeur,
demeurant rue du Ruisseau, à Nancy, qui ne jouissait plus de ses
facultés mentales, a tenté de tuer sa femme en lui portant un
coup de rasoir au cou. La malheureuse s'échappa et appela à
l'aide. Deux passants accoururent, pénétrèrent dans le logement
et virent Gratius qui se tailladait la gorge. Ce dernier tenta une
96 AVIS A NOS ABONNÉS.
seconde fois de frapper sa femme, mais il en fut empêché à nou-
veau. 11 se porta un second coup.de rasoir puis tomba. Il mourut
peu après. (L'Aurore, 7 juin 1904.)
, Hospice de Bicêtre. M. BOURNEVILLE. Visite et présentation de
malades, le samedi à 9 heures et demie très précises.
- XIV° CONGRÈS DES Médecins aliénistes ET neurologistes DE FRANCE
ET DES pays de langue FRANÇAISE Pau'lm'-7 août 1904). - Le XIV8
Congrès des médecins aliénistes et neurologistes de France et des
pays de langue française se tiendra cette année à Pau du 1er au
7 août sous la présidence de M. le professeur Brissaud.
Adresser les adhésions et communications à M. le Dr Girma
secrétaire général du Congrès, médecin-directeur de l'Asile public
des aliénés de Pau.
Nous prions, dès maintenant, les auteurs de ce Congrès,
de bien vouloir nous envoyer pour le 25 juillet, un résumé
de leurs communications.
AVIS A NOS ABONNÉS. L'échéance du 1 ? JUlLLLT
étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions
instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cesse à
cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le montant
de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce
montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur
localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée :
Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés
par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du
prix de leur renouvellement.
Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la
quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-
mentée des frais de recouvrement, et partir du
15 Juillet. Nous les engageons donc à, nous envoyer DE
SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.
Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos
abonnés defoind1'e à leur lettre de réabonnement et à toutes
leurs réclamations la BANDE de leur journal.
- Nous 1'appelons à nos lecteurs que l'abonnement collec-
tif des Archives de Neurologie et du Progrès Médical
est réduit à 28 francs pour la France et 30 francs pour
l'Étranger. l '
Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.
Evreux, Ch. HtB'...v, imp. - 6-1904.
Vol. XVIII. Août 1904. N° 104.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE.
CLINIQUE DES MALADIES NEUVE USES. - LA SALP1 : TIIIGItE
Deux cas de lèpre nerveuse 1.
Par le professeur RAYMOND
Messieurs,
Je puis, dans ma leçon d'aujourd'hui, grâce à l'obligeance
de mon collègue, M. le professeur agrégé Jeanselme, mettre
sous vos yeux un malade atteint d'une affection relativement
rare dans nos climats, mais qui pourtant, depuis un certain
nombre d'années, depuis surtout que l'expansion coloniale
de la France conduit nombre de nos compatriotes à vivre
dans les pays où la maladie est demeurée endémique, tend à
devenir de plus en plus fréquente. Cette affection, il importe
de la bien connaître parce qu'elle peut se présenter sous des
dehors tels qu'il serait possible de la confondre, au premier
abord, avec des maladies communes du système nerveux
telles que nous en voyons dans cet hospice : on pourrait
donc, si l'on n'était bien au courant de la question, commettre
facilement une erreur de diagnostic très grave dans ses con-
séquences. C'est qu'en effet l'affection que je vise en ce
moment est contagieuse, transmissible du malade à l'homme
sain; elle est redoutable en raison de sa marche presque
fatalement progressive, en raison des altérations profondes
et multiples qu'elle peut produire dans l'organisme; elle a
' Leçon faite à la Salpêtrière le 20 mai 1901, recueillie et publiée par le
"' COi7S1'EMSOUX, chef de clinique adjoint.
Archives, 21 série, t. XVIII. 7
98 clinique nerveuse.
été, au moyen âge, dans notre pays, un objet d'horreur, et.
dans l'imagination populaire son souvenir; son nom seul .1
provoquent encore l'effroi. Pont tant aujourd'hui, je me hâte
de vous le dire, on peut parfois arriver à la guérir presque
complètement. Dans tous les cas/sa pathogénie a été singu-
lièrement éclairée le jour où il a été démontré qu'elie est
engendrée par un microbe lequel, suivant ses lieux d'habitat
et les réactions qu'il provoque dans les tissus donne au
tableau clinique telle physionomie particulière; du même
coup on a compris ce qu'il convenait de faire au point de
vue de la prophylaxie, sans compter que depuis lors la thé-
rapeutique a été orientée dans une voie nouvelle et déjà fruc-
tueuse.
C'est donc; Messieurs, un des syndromes nerveux d'une
affection bacillaire pouvant être beaucoup plus généralisée.
pouvant intéresser d'autres tissus que le tissu nerveux, que
vous allez voir chez le malade que je vais placer sous vos
yeux. Il y a quelques années, j'ai déjà eu l'occasion d'étu-
dier avec vous une autre malade atteinte de la même affec-
tion ; je vous rappellerai également son histoire, et l'examen
de ces deux cas me permettra de vous faire connaître les
aspects principaux sous lesquels-peut se montrer la maladie.
Je vais donc tout d'abord vous dire comment celle-ci a évo-
lué dans les deux cas qui nous occupenl. '
Le malade que je vous présente est un nommé X..., âgé
de cinquante-deux ans. Il a habité pendant de longues
années la Nouvelle-Calédonie où il travaillait dans les mines
de nickel. Ses antécédents héréditaires ne présentent rien
d'intéressant à signaler. Ses parents ont succombé à un âge
avancé; des quinze enfants du ménage, neuf sont morts de
fièvre typhoïde ou d'affections indéterminées; des six vivants
actuellement, cinq sont bien portants, le sixième est notre
malade. ,
Il ne peut pas nous fournir de renseignements sur sa pre-
mière enfance. Deux fièvres typhoïdes, une il vingt et un ans.
l'autre à trente et un ans et une pleurésie survenue à l'âge
de quarante-six ans constitueraient ses seuls antécédents
pathologiques personnels. Il n'a jamais eu de syphilis, de
paludisme ni de dysenterie.
DEUX CAS DE LÈPRE NERVEUSE. 99
Les premiers symptômes qu'il ait constatés ont consisté
en une démangeaison permanente, désagréable mais non
douloureuse, occupant les fosses nasales mais ne s'accompa-
gnant ni d'écoulement, ni de mauvaise odeur, ni d'aucune
déformation; elle persista de 1900 à 1902. En 190` apparu-
rent les premiers accidents sérieux; ils siégeaient à la main
gauche et consistaient en engourdissements suivis bientôt
d'affaiblissement. Limités d'abord au médius et à l'index,
ces symptômes atteignirent ensuite le pouce ; les deux der-
niers doigts ne se prirent que plus tard, ils ne se paralysè-
rent qu'au moment du retour en France, c'est-à-dire en
juin 1903.
A peu près en même temps que ces phénomènes, le malade
voyait les muscles de la main et de l'avant-bras diminuer de
volume et les téguments correspondants prendre une colora-
tion rouge brunâtre.
En février 1903 s'est produite une seconde localisation de
la maladie qui désormais intéresse la face : de violentes dou-
leurs se font sentir du côté droit du cou, du crâne et de la
l'ace; le simple effleurement de ces régions provoque des
crises très pénibles.
Vers la même époque apparut une paralysie faciale inté-
ressant également le côté droit et une éruption occupant la
même région et dont on voit encore quelques traces, bien
qu'elle ait en grande partie rétrocédé. Cette éruption était
érythémato-papuleuse, prédominait du côté droit et intéres-
sait surtout le nez dont le volume avait notablement aug-
menté. Une biopsie faite à Nouméa montra la présence de
nombreux bacilles de Ilansen dans la peau.
C'est alors que le malade s'est décidé à venir en France où
il fut soigné à l'Institut Pasteur, puis par MM. Jeanselme et
Iluet. Les différents traitements auxquels il a été soumis,
l'emploi notamment du collargol. de l'huile de Chaulmoogra,
de l'icthyol et de l'électricité, lui ont procuré une améliora-
tion manifeste et progressive : l'éruption de la face a pâli,
l'oeil droit se ferme mieux, l'anesthésie a diminué, la pres-
sion des nerfs n'est plus douloureuse, les mouvements sont
redevenus normaux à l'épaule, au bras et à l'avant-bras, ce
n'est qu'à la main que l'état est demeuré à peu près iden-
tique.
Procédons maintenant à l'examen des symptômes que
100 CLINIQUE NERVEUSE.
nous observons au membre supérieur gauche d'une part et
à la face d'autre part. '
Le membre supérieur gauche est le siège d'une paralysie
à peu près complète portant sur la main et les muscles de
l'avant-bras; le bras et la ceinture scapulaire sont, au con-
traire, respectés. Aussi le malade se présente-t-il l'avant-bras
gauche fléchi spontanément, mais la main tombante, les
cinq métacarpiens ainsi que les doigts sur le même plan
transversal.
Au repos, les doigts sont allongés, la première phalange
en extension complète, les deux dernières en flexion légère.
Le malade ne peut relever spontanément ni la main ni les
doigts; l'impotence de ces derniers est presque absolue :
l'extension et l'opposition sont tout à fait impossibles, l'ab-
duction, impossible pour les quatre premiers doigta est
vaguement esquissée par l'auriculaire, le mouvement d'ad-
duction n'est qu'ébauché par le pouce. Les mouvements
passifs sont possibles au niveau des doigts sauf la flexion et
l'extension de la première phalange limitées par une raideur
articulaire.
Au niveau du poignet, le seul mouvement que le malade
puisse exécuter spontanément est la flexion de la main sur
l'avant-bras; il y déploie même une certaine force et parfois
la flexion s'accompagne d'une légère adduction : les autres
mouvements font absolument défaut.
Les mouvements de l'avant-bras sur le bras sont possibles,
mais la force musculaire est inférieure à la normale; n'ou-
blions pas d'ailleurs que ces mouvements ont beaucoup
gagné dans ces derniers mois. Il en est de même pour les
muscles de l'épaule et de la ceinture scapulaire : à ce niveau
nous ne constatons aujourd'hui plus rien d'anormal, mais le
malade déclare qu'à sa sortie de l'hôpital Pasteur, il était
incapable de mettre la main derrière le dos.
Un second symptôme attire immédiatement l'attention,
c'est l'atrophie musculaire coexistant avec l'impotence, elle
occupe surtout la main et l'avant-bras. L'aspect de la main
est l'aspect classique de la main simienne avec le pouce sur
le même plan que les autres doigts, la disparition des émi-
nences thénar et hypothénar et l'effacement du creux de la
main.-
A l'avant-bras, cette atrophie n'est pas moins évidente, la
DEUX CAS DE LÈPRE NERVEUSE. 101
t
mensuration montre, entre le côté gauche et le côté droit,une
différence de 3 centimètres 1/2. Au bras la différence est
moins accusée, elle n'est que de 1 centimètre 1/2, mais elle
apparaît à la seule inspection.
Les réflexes sont diminués ou abolis au prorata de l'atro-
phie musculaire : les seuls qui, au niveau du poignet, ne
soient pas complètement perdus sont ceux des fléchisseurs
des doigts et du long extenseur du pouce; encore sont-ils
très faibles.
L'examen de la sensibilité fait constater de gros troubles
objectifs occupant la main et l'avant-bras ; ceux-ci diminuent
de bas en haut. Ils intéressent les trois modes de la sensibi-
lité et affectent, d'une façon générale, une disposition péri-
phérique : la bande moyenne est d'ordinaire la plus atteinte,
c'est là que l'anesthésie prédomine, la bande interne est la
moins touchée des trois. Ces troubles consistent en anes-
thésies et portent surtout sur la sensibilité thermique, la
sensibilité tactile est la mieux conservée. Enfin, la' limite
supérieure des zones anesthésiques est insensible.
Vous pourrez facilement, en jetant un coup d'oeil sur les
schémas que je place sous vos yeux, vous rendre compte de
la disposition de ces troubles de la sensibilité objective.
J'ajoute qu'au niveau de la main, le sens stéréognostique
est très troublé, mais que le sens des attitudes segmen-
taires est conservé. Actuellement, le membre n'est le siège
d'aucune douleur spontanée. Il n'existe pas non plus de
douleur à la pression, contrairement à ce qui se passait
avant le traitement suivi en France; la pression des nerfs,
.leur simple effleurement éveillaient, à ce moment, des dou-
leurs extrêmement vives; aujourd'hui l'indolence est telle
que les nerfs n'ont certainement plus leur sensibilité nor-
male. . "
Mais il est un autre symptôme essentiel que révèle la pal-
pation de la région malade, je veux parler des altérations
objectives dont sont le siège les troncs et les filets nerveux;
l'exploration montre, en effet, qu'ils sont notablement aug-
mentés de volume ; il est aisé de les sentir sous forme de
gros cordons roulant sous le doigt, mais loin que leur
volume soit régulier, ils présentent une série de nouures
irrégulièrement réparties et qui leur donnent une apparence
moniliforme. Ces altérations sont particulièrement accen-
102 CLINIQUE NERVEUSE.
tuées au niveau du cubital et du médian, que l'on peut sentir
dans toute la hauteur du bras; vous sentirez aisément aussi
plusieurs des filets sous-cutanés.
Fig. Il*. Les parties rayées d'un trait vertical correspondent à une
hypoesthésie légère ; - les parties rayées verticalement et obliquement
à une hypoesthésie très accentuée; - les parties noires à une anesthésie
complète; - les parties pointillées à une hyperesthésie. Ces explications
s'appliquent à toutes les figures. "
DEUX CAS DE LÈPRE NERVEUSE. 103
Enfin, Messieurs, les réactions électriques de ces nerfs et
de ces muscles atrophiés sont, vous pouviez le prévoir, pro-
fondément modifiées.
Si maintenant nous passons à l'examen de la face et du
cou, nous relevons encore, de ce côté, nombre de symptômes
Fig 15.
104 , CLINIQUE NERVEUSE.
importants, intéressant à la fois la peau et le système ner-
veux.
Dès l'abord, on est frappé par la pigmentation de la partie
inférieure de la face et du cou. Quant à la partie supérieure
de la face, à peu près normale à gauche, elle est dans sa
partie droite et sur le nez le siège d'un érythème spécial : il
Fir¡. 1 il.
DEUX CAS DE LÈPRE NERVEUSE. 105
est surtout marqué autour de l'oeil et sur le nez et, en ces
deux points il s'accompagne d'une infiltration des tégu-
ments de la région. Le nez est volumineux; on pourrait, à
un examen superficiel, le croire atteint d'acné hypertro-
phique, si la coloration rouge vif de cette affection ne faisait
ici défaut. 1 1
Fig. 17.
tUb CLINIQUE NERVEUSE.
La région sus-orbitaire droite, au niveau de l'émergence du
nerf du même nom, présente une plaque érythémateuse
infiltrante sur les bords de laquelle on remarque encore
plusieurs tubercules. Une autre plaque érythémateuse se
voit à la région sus-orbitaire gauche, elle est séparée de la
Fi-7. 18.
DEUX CAS DE LÈPRE NERVEUSE. 107.
précédente par une bande de peau saine.. La région sous-
orbitaire droite est rouge également.
La paupière inférieure gauche est un peu infiltrée, mais
cette infiltration est beaucoup plus marquée à droite où elle
intéresse aussi la paupière supérieure : cette infiltration est
Fig 1 ! 1.
108 . CLINIQUE NERVEUSE.
assez accentuée pour empêcher l'occlusion complète des
paupières à droite.
A la face, on trouvait, au mois de janvier dernier, une
diminution des réactions faradiques et galvaniques portant
sur les rameaux moyens du nerf facial, l'excitabilité fara-
dique était même abolie pour les rameaux palpébraux et
frontaux. Depuis lors, les modifications qu'ont présentées
ces réactions ont montré que nous assistions à la phase de
réparation d'une DR, laquelle avait été plus prononcée
pour les rameaux supérieurs que pour les moyens.
Au membre supérieur gauche, on constate de la DR très
prononcée dans tout le domaine du nerf cubital et du nerf
médian à la main; dans le domaine antibrachial de ces
nerfs il n'existe que de la DR partielle sur le fléchisseur
commun des doigts. Pour le nerf radial, la DR n'existe que
dans le domaine antibrachial et fait défaut au niveau du
bras. Enfin, les réactions électriques des nerfs musculo-
cutané et circonflexe sont normales.
A part cette inocclusion de cause purement mécanique,
la face n'est plus aujourd'hui le iiège d'aucun trouble mo-
teur : le malade peut siffler, souffler, rire, découvrir ses
dents de façon normale, mais je vous rappelle qu'il n'eu a
pas toujours été ainsi et qu'il a existé une paralysie faciale
droite jusqu'en novembre 1903.
Au point de vue de la sensibilité, l'examen de la face
comme celui du membre supérieur gauche révèlent des trou-
bles profonds. Ceux-ci occupent, d'une façon générale, la
moitié droite de la face dans sa partie supérieure, la moitié
correspondante du cuir chevelu dans son segment antérieur.
Cette zone répond au territoire de distribution des deux
branches supérieures du trijumeau et du nerf auriculo-tem-
poral ; toutefois, elle empiète sur le côté gauche. Ici encore
l'anesthésie porte sur les trois modes de la sensibilité, elle
est moins marquée pour la sensibilité tactile que pour les
deux autres; elle predomine au nez, autour de l'oeil droit et
à l'oreille droite.
La palpation, pratiquée au niveau de la face, n'éveille plus
maintenant aucune sensation douloureuse, mais, comme au
niveau du bras, elle révèle l'augmentation de volume et
l'aspect moniliforme des nerfs périphériques. Cette augmen-
tation de volume ne se rencontre qu'à droite. Elle intéresse
DEUX CAS DE LÈPRE NERVEUSE. 109
notamment les deux branches supérieures du plexus cer-
vical superficiel qui offrent la dimension d'une plume
d'oie et une consistance telle qu'au premier abord on pour-
rait hésiter à reconnaître des filets nerveux; avec un peu
d'attention, on peut encore sentir d'autres rameaux, mais
m'oins volumineux.
L'examen minutieux- du malade ne permet pas de décou-
vrir aucun autre symptôme digne d'être mentionné; les
autres parties du système nerveux aussi bien que tous les
viscères ne présentent rien d'anormal.
Je veux maintenant mettre en parallèle, avec le malade
que je viens de vous présenter, l'observation d'une autre ma-
lade que nous avons eue ici en traitement dans le service
voici quelques années :
Il s'agissait d'une jeune femme de vingt-sept ans, mariée
à un officier colonial et venue à Paris, du Tonkin, pour se
soigner. Elle était entrée à la Salpêtrière le 18 juin 1897. Ses
antécédents héréditaires ne présentaient rien à signaler.
Quant à elle, elle était née à Saïgon et avait été élevée,
depuis l'âge de deux ans, par des religieuses possédant
auprès de Saïgon, à Tiughé. une léproserie entourée d'un
grand parc dans lequel les enfants venaient jouer, risquant
ainsi, malgré une surveillance attentive, de se mettre en
contact avec les lépreux. Mue S... s'est mariée à l'âge de
vingt ans, sans avoir jusqu'alors fait aucune maladie, elle
se fixa alors à Ilanoï. En 1891, survient une première gros-
sesse qui évolue et se termine sans incident. En 1892, au
cours d'une deuxième grossesse, un jour que cette femme
sortait du bain, elle remarqua au niveau des jambes l'exis-
tence de plaques violacées, et rapprocha cette constatation
de ce fait que depuis quelque temps les jambes étaient
quelque peu engourdies; l'éruption n'avait d'ailleurs été
précédée d'aucun phénomène fébrile pas plus que'de dou-
leurs ni de saignements de nez. La grossesse continue et
prend fin de façon normale, mais, six semaines après l'ac-
couchement, la malade devient pâle, anémique, elle se
fatigue très facilement, commence à être mal réglée et à
souffrir du bas-ventre, en même temps que de nouvelles
110 CLINIQUE NERVEUSE.
plaques apparaissent au niveau des bras puis sur la joue
gauche. Les médecins consultés portent le diagnostic
d'eczéma circiné et instituent un traitement ioduré à la suite
duquel les plaques se décolorent, desquament et dispa-
raissent. Mais, les douleurs abdominales augmentant, la
malade vient en Europe : à Marseille, on lui fait d'abord
subir un curetage, de là elle se rend en Suisse pour soigner
son anémie. Les plaques reparaissent et, à Genève, les mé-
decins portent une seconde fois le diagnostic d'eczéma cir-
ciné et de nouveau prescrivent l'iodure de potassium avec le
même succès que la première fois.
En 1893, M,nL, S... retourne à Saïgon, y redevient enceinte
et accouche en 189-4. Aussitôt après, de nouvelles plaques
violacées, siégeant aux membres inférieurs, aux bras et à
la joue gauche font leur apparition, mais cette fois l'éruption
s'accompagne de douleurs dans les jambes, celles-ci consis-
tent en élancements qui des pieds remontent dans les mollets;
de plus, les mains au niveau des éminences thénaret hypothé-
nar, les avant-bras et les jambes sont le siège d'un amaigrisse-
ment manifeste. Au bout de trois mois de traitement par
l'iodure de potassium, la liqueurde Fowler et l'électrisation,
les taches pâlissent et disparaissent. -
En 1895 après une nouvelle grossesse et un nouvel accou-
chement survenu à huit mois, une nouvelle éruption se
montre, plus étendue et plus confluente que les précédentes ;
pour la première fois la malade constate l'anesthésie de cer-
tains territoires cutanés. Le G janvier1896,1V1 ? 5 ? souffrant
de douleurs avec sensations d'engourdissement dans les
pieds et les mains, entre à l'hôpital d'Hanoi où l'on porte le
diagnostic de lèpre anesthésique. La' thermoanesthésie était
dès ce moment assez accentuée pour que la malade ait pu
se faire, sans le sentir, des brûlures assez profondes. Enfin
une cinquième grossesse terminée par un accouchement
normal, le 28 décembre 1896, est suivie d'une nouvelle
poussée des symptômes éruptifs, douloureux, anesthésiques
et aussi' de l'amyotrophie. ,
La situation ne faisait donc que s'aggraver, aussi la malade
se décida-t-elle à revenir en Europe ; le 18 juin elle entrait
à la Salpêtrière. Voici ce que montrait alors l'examen.
Ce qui frappait tout d'abord c'était l'état d'amaigrissement
surtout prononcé au niveau des deux mains. Celles-ci, en un
DEUX CAS DE LÈPRE NERVEUSE. l'il 1
mot, présentaient tous les caractères classiques de la main
simienne avec forme en griffe, disposition des cinq doigts
sur le même plan, disparition des éminences thénar et hypo-
thénar et du creux de la main, gouttières séparant les méta-
carpiens à la face dorsale. Aux avant-bras, l'atrophie portait t
de façon prépondérante sur les extenseurs, en sorte que la
face dorsale de ces segments de membres était tout à fait
plate. Aux membres inférieurs, elle intéressait surtout les
muscles des pieds et les muscles antéro-externes des jambes,
principalement du côté droit, tandis que les mollets et les
muscles des cuisses étaient à peu près respectés. A la face,
l'amaigrissement, peu visible à l'inspection, se traduisait
néanmoins par la difficulté qu'éprouvair la malade à rappro-
cher les sourcils et à fermer l'oeil gauche : celui-ci présentait
en outre de l'épiphora.
Je note en passant qu'il n'existait aucune déformation de
la colonne vertébrale. Quant aux phénomènes parétiques,
ceux-ci rigoureusemt adéquates à l'atrophie musculaire se
manifestaient par une diminution notable de la force mus-
culaire dans les mouvements de flexion des pieds sur les
jambes, d'extension des mains et des doigts, par l'abolition
des mouvements d'opposition, d'adduction et d'abduction
des doigts, d'extension des orteils.
Dans la marche, on remarquait une certaine instabilité,
en même temps que les pieds ne portaient sur le sol que par
le bord externe et la pointe, comme il arrive dans le
steppage.
L'examen des réactions électriques, corroborant les résul-
tats de la clinique, accusait une diminution de l'excitabilité
l'aradique et galvanique dans le domaine du nerf cubital,
surtout au niveau du coude, et de la réaction partielle de
dégénérescence dans les muscles des éminences thénar et
hypothénar, dans les muscles de la région profonde du
mollet, ainsi que dans les muscles innervés par les sciatiques
poplités externes. '
Les réflexes rotuliens présentaient une légère exagération,
variable d'ailleurs suivant les moments, mais on ne trouvait
pas trace de trépidation spinale.
L'inspection de la peau révélait encore la présence de plu-
sieurs symptômes intéressants. C'étaient : à la face antéro-
interne du bras droit, une large macule brunâtre que nous
ll . CLINIQUE NERVEUSE. ,
avons vue depuis desquamer et pâlir jusqu'à présenter la
teinte café au lait très clair - je remarque qu'il n'existait
à ce niveau aucun trouble de sensibilité -; à la face posté-
rieure du coude droit une cicatrice blanchâtre, consécutive
à l'ouverture d'un abcès et datant de cinq à six ans ; à la face
Fis. 20.
DEUX CAS DE LÈPRE NERVEUSE. 113
dorsale du pied gauche un oedème dur et élastique ; au niveau
des deux jambes la peau avait perdu sa souplesse et se montrait
l'eutrée etsèclie, surtout si on la comparait à celle des membres
supérieurs ; enfin, aux pieds, on remarquait de nombreuses
cicatrices de brûlures, surtout au voisinage des malléoles.
Archives, 2- série, t. XVIII. 8
. li. '1
114 CLINIQUE NERVEUSE. i
L'étude de la sensibilité n'était pas moins instructive : les
troubles constatés intéressaient* les trois modes de la sensi-
bilité mais de façon inégale; les schémas que je vous présente
vous permettront de vous rendre aisément compte de leur
répartition, et vous verrez tout à l'heure quelle est l'impor-
tance de ces troubles.
Fig, 22,
DEUX CAS DE LÈPRE NERVEUSE. 115'
J'ajoute enfin, 'Messieurs, que la santé générale était
bonne, que le sommeil et l'appétit étaient normaux et qu'à
part les symptômes spéciaux que je viens d'énumérer, '
l'examen des divers appareils ne présentait rien de parlipu-
lier signaler.. ; i 1 .. ,
L'ir. ? *
I LG CLINIQUE NERVEUSE.
Tel était l'état de la malade lors de son entrée à l'hôpital,
cet état s'est peu modifié pendant son séjour. Je dois pour-
tant mentionner qu'après deux jours d'administration de
liqueur de Fowler nous avons assisté à l'apparition, au niveau
des jambes et des cuisses, d'une éruption formée d'éléments
isolés d'un rouge vineux; celle-ci a persisté pendant une
F ig. 21. i.
DEUX CAS DE LÈPRE NERVEUSE. 11-7
quinzaine de jours, puis a disparu progressivement après
desquamation. A la même époque, le quatrième orteil du
pied gauche est devenu rouge, oedémateux, puis une bulle
5 est formée, remplie d'une sérosité claire, enfin la bulle
s'est ouverte laissant à sa suite une ulcération cratériforme,
1'ér. 25.
lui[8 m CLINIQUE NERVEUSE., 1
laquelle a persisté. Ces symptômes ont été les seuls qui
.soient venus modifier l'état clinique de notre malade.
Si vous comparez entre elles les deux observations que je
viens de rapporter, vous voyez aisément, Messieurs, que de
nombreuses analogies permettent de les rapprocher l'une de
l'autre. Si les localisations sont différentes, nous retrouvons
dans les deux cas le même début insidieux, la même évolu-
tion lente avec tendance à l'extension pour les symptômes
locaux et avec retentissement sur l'état général : quant aux
symptômes cliniques eux-mêmes, ils sont remarquablement
identiques chez le malade que je viens d'examiner sous vos
yeux et chez la femme dont je vous ai résumé l'histoire
Chez l'un comme chez l'autre, ils consistent essentiellement
en troubles moteurs paralytiques débutant par la périphérie
des membres pour remonter peu à peu vers leur racine et
réalisant au niveau des membres supérieurs l'aspect' clas-
sique de la main simienne, en une atrophie musculaire
superposable à la paralysie, en une abolition des réflexes
tendineux en rapport avec l'amyotrophie, dans l'existence
des troubles sensitifs à la fois subjectifs et objectifs, ces
derniers intéressant inégalement les divers modes, de façon
à reproduire une véritable dissociation de la sensibilité, en
troubles trophiques ponvant aller jusqu'à l'ulcération, enfin
en une altération spéciale des nerfs périphériques modifiés
dans leur volume et leur consistance. C'est que ces deux cas
relèvent en réalité d'une seule et même affection, dont je veux
devant vous déterminer la nature ; mais la solution de cette
question ne laisse pas que d'être délicate et nous devrons
analyser de près chacun des éléments que nous fournit la
clinique afin d'y pouvoir répondre de façon affirmative :
aussi dois-je consacrer quelques développements à l'examen
de ce problème du diagnostic de l'affection causale en pré-
sence de laquelle nous nous trouvons.. -
Un des symptômes les plus frappants, dès l'abord, chez nos
deux malades est certainement l'atrophie musculaire, si
accentuée dans les deux cas, et qui mérite de retenir notre
DEUX CAS. DE LÈPRE NERVEUSE. 119
attention. Chez notre femme, elle occupait les membres
supérieurs et les inférieurs, chez cet homme, elle ne porte que
sur le membre supérieur gauche, mais chez l'un comme chez
l'autre, elle donne à la main un aspect caractéristique et que
vous n'ignorez certainement pas, c'est la main en griffe, et
cette apparence évoque immédiatement dans l'esprit l'idée
d'atrophie musculaire myélopathique, d'atrophie du type
Aran-Duchenne. Je place à dessein, sous vos yeux, cette autre
malade atteinte en effet de cette dernière affection : chez
elle comme chez les deux précédents nous avons les mêmes
caractères cliniques objectifs, les mêmes troubles des réac-
tions électriques : vous retrouvez donc ici et là des analogies
frappantes, mais : ce : ne sont pourtant ¡que des analogies et ce
serait une erreur grossière que de porter dans les cas qui
nous occupent le diagnostic d'atrophie musculaire du type
Arau-Duchenne.
Tout d'abord, l'atrophie musculaire myélopathique est
symétrique,, tandis que chez cet homme la main droite est
indemne, mais surtout nous avons relevé chez nos malades
des troubles très marqués de la sensibilité : anesthésies,
hypoesthésies aux divers modes, élancements douloureux,
cuissons, c'est-à-dire autant de phénomènes qui sont étran-
gens à la symptomatologie de l'atrophie musculaire progres-
sive type. Laissez-moi, Messieurs, vous rappeler à ce propos
un passage de mes leçons de 1887 sur les atrophies muscu-
laires. « Je dois ajouter, disais-je, que les premières des-
criptions de l'atrophie musculaires, dans lesquelles on notait
expressément que les troubles de la sensibilité faisaient
défaut, répondent à la réalité des choses. Si, plus tard,
Duchenne (de Boulogne) et d'autres auteurs ont modifié
leur opinion à cet égard, c'est qu'ils ont observé des cas qui
n'étaient plus l'atrophie musculaire type. Je vous ferai
remarquer d'ailleurs : 1° qu'à cette époque les formes fami-
liales n'étaient point encore décrites ; 2° que les caractères
cliniques de l'hystérie, surtout .pour ce qui concerne les
anesthésies, n'étaient pas étudiés; 3° qu'enfin on ne connais-
sait pas la syringomyélie. » Or, toutes les études ultérieures
ont amplement démontré le bien fondé de cette manièire de
voir. Du moment que des troubles de sensibilité un peu
importants sont superposés à l'atrophie musculaire, ce n'est
plus en présence de la maladie type de Duchenne, que vous
120 CLINIQUE NERVEUSE.
vous trouvez. Ici nous n'avons pas à songer à l'adjonction
d'anesthésie '^hystérique, car les anesthésies que nous ren-
controns n'en ont pas les caractères, et nos malades ne pré-
' sentent aucun stigmate d'hystérie. Le diagnostic d'atrophie
musculaire par poliomyélite est donc à rejeter.
Mais il est une autre affection qui se rapproche assez du
l'atrophie musculaire progressive pour que, jusqu'en 1882.
tout au moins sur le terrain clinique, on l'ait confondue avec
cette dernière : je veux parler de la syringomyélie. Vous
n'ignorez pas, Messieurs, de combien d'études cette maladie
a fait l'objet dans ces dernières années et combien variés
sont aujourd'hui les types cliniques décrits par les auteurs.
Il en est un que je veux d'abord retenir, la syringomyélie à
forme d'atrophie musculaire : ici la symptomatologie se
caractérise essentiellement par une atrophie débutant par
les petits muscles des mains et s'accompagnant de troubles
profonds de la sensibilité; or ces signes sont bien ceux que
nous avons rencontrés chez nos malades et la question se
pose par conséquent de savoir si nous n'avons pas affaire à
la syringomyélie.
A vrai dire, la présence et les caractères de l'atrophie mus-
culaire, les troubles des réactions électriques, l'existence de
troubles de la sensibilité objective, leur nature et leurs loca-
lisations sont autant d'éléments qui pourraient au premier
abord faire admettre le diagnostic de syringomyélie : vous
n'ignorez pas en effet que si naguère encore il était classi-
que de croire à la disposition segmentaire des anesthésies
syringomyéliques, des examens ultérieurs ont bien démon-
tré que ces troubles affectent en réalité une répartition radi-
culaire ; d'autre part, bien que chez nos deux malades la
sensibilité tactile soit nettement diminuée, il n'existe pas
moins une véritable dissociation telle que nous en observons
dans bien des cas de cavités médullaires. Mais un pareil dia-
gnostic ne saurait être maintenu si on veut tenir compte de<
autres symptômes que je vous ai mentionnés : en cas de
syringomyélie en effet la symétrie de l'atrophie musculaire
et des anesthésies est de règle, tandis que chez notre homme
la main et l'avant-bras droits sont complètement respectés :
de plus vous avez pu constater chez les deux malades l'ab-
sence de toute déviation rachidienne, c'est-à-dire d'un signe
que nous considérons à bon droit comme constant en cas
DEUX CAS DE LÈPRE NERVEUSE. 121
de syringomyélie; la déformation des mains n'est pas non
plus tout à fait celle que réalise cette dernière affection; du
côté des membres inférieurs, nous n'avons pas constaté
d'exagération des réflexes tendineux, pas plus qu'aucun signe
despasmodicité : bien au contraire, je vous ai, dans la seconde
observation, signalé un steppage en rapport avec la paralysie
des muscles antéro-externes des jambes; j'ajoute que quand
la paralysie faciale s'observe au cours de la syringomyélie
elle respecte le facial supérieur; enfin, Messieurs, je vous
rappellerai l'hypertrophie considérable que nous avons rele-
vée en palpant les nerfs périphériques et qui présente au
point de vue du diagnostic une importance essentielle.
Pour toutes ces raisons nous ne pouvons donc pas nous
arrêtera l'idée de syringomyélie à forme atrophique, mi
il nous reste encore à compter avec les formes anormales;
cette même maladie et ceci m'amène à vous parler de
affection qui a donné lieu à de longues discussions, je va
dire la maladie de Morvan.
Jen'insisterai pas sur la description de l'affection décri le po
la première fois par Morvan sous le nom de paréso-analgésie d
extrémités supérieures. L'association clinique de la paralys
des analgésies et des troubles trophiques pouvant aller jus-
qu'à la chute des phalanges, se montre dans nombre de cas
trop nette pour prêter à la moindre discussion, elle est évi-
dente chez les malades qui font l'objet de cette leçon et nous
pourrions par conséquent prononcer le nom de maladie de
Morvan; mais la question se complique si l'on veut aller
plus loin, préciser la nature et la pathogénie de semblables
symptômes et notamment déterminer leurs rapports avec la
syringomyélie et avec la lèpre. '
Il n'est pas douteux qu'un certain nombre de syringomyé-
lies avérées peuvent réaliser du côté des membres supérieurs
un tableau clinique rappelant de tous points la maladie de
Morvan, aussi quelques auteurs, notamment MM. Joffroy et
Achard ont-ils voulu identifier les deux affections, et ratta-
cher la maladie de Morvan à la syringomyélie, on a même
décrit un type de syringomyélie à forme de maladie de Mor-
van. D'autre part, un médecin fort distingué, M. Zambaco a
défendu celte idée que les malades qui, en Bretagne, avaient
servi à la description de Morvan étaient en réalité des
lépreux, la lèpre affectant dans cette région une forme lar-
122 CLINIQUE NERVEUSE.
vée spéciale, mais demeurant par sa nature et son agent
pathogène identique à l'affection que l'on désigne sous ce
même nom dans d'autres pays. Le même auteur a été plus
loin encore, contestant l'existence de la syringomyélie en
tant que maladie autonome et voulant ne voir dans les cas
de cavités médullaires que la destruction de la substance
grise envahie parle bacille lépreux. Cette dernière opinion,
à vrai dire, n'a pas été généralement admise et les cas rares
dans lesquels le bacille lépreux a été trouvé dans la cavité
syringomyélique sont considérés par la majorité des neuro-
logistes comme de simples et exceptionnelles coïncidences
Après toutes ces discussions, que reste-il alors de la mala-
die de Morvan ? Pour moi, Messieurs, mon opinion aujour-
d'hui bien arrêtée et basée sur l'analyse de nombreuses
observations est qu'il convient de considérer la maladie de
Morvan comme un syndrome pouvant ressortir à des mala-
dies différentes : or je vous ai dit tout à l'heure pourquoi
chez nos malades je repousse l'idée de syringomyélie.
Parmi les symptômes que nous a révélés l'examen de ces
malades il en est un qui certainement a dû frapper votre
attention, à savoir l'hypertrophie des nerfs périphériques; or
nous connaissons une forme de polynévrite qui réalise une
semblable augmentation du volume des troncs nerveux :
devons-nous donc conclure dans le cas présent à l'existence
de la névrite interstitielle hypertrophique ? Je place sous
vos yeux une de nos malades du service atteinte de cette der-
nière affection et que je vous ai présentée dans une de mes
leçons antérieures. Chez elle aussi nous avons des paraly-
sies, des atrophies musculaires, des troubles sensitifs, l'hy-
pertrophie des cordons nerveux et par ces caractères elle se
rapproche des malades qui nous occupent, mais bien des
différences aussi l'en séparent : à la paralysie se joint l'in-
coordination motrice, nous avons des troubles oculaires et
notamment un ptosis accentué; du côté de la colonne verté-
brale nous rencontrons une cypho-scoliose extrêmement
accusée, de plus, cette affection est une maladie familiale :
voilà donc autant de raisons d'éliminer, dans le cas présent,
le diagnostic de névrite interstitielle hypertrophique.
Pourrait-on enfin admettre l'existence d'une névrite toxi-
que ? A cette question je n'hésite pas à répondre par la néga-
tive : la polynévrite saturnine seule présenterait des locali-
DEUX CAS DE LÈPRE NERVEUSE. li3
sations rappelant celles que je vous ai indiquées, mais déjà
à ce point de vue nous constatons des différences; de plus les
polynévrites ne réaliseraient pas une semblable dissociation
de la sensibilité ; enfin nous ne relevons dans les antécédents
de nos malades aucune cause d'intoxication par le plomb
pas plus que par l'alcool.
En présence de quelle affection nous trouvons-nous donc ?
Vous ferez de vous-même, Messieurs, maintenant facilement
la réponse si vous vous souvenez de ce que je vous ai dit à
propos des antécédents de ces malades, à propos aussi de la
signification du syndrome de Morvan. En face d'un tableau
clinique caractérisé par des paralysies-et des atrophies mus-
culaires ayant débuté au niveau des membres par les extré-
mités, par dés troubles de la sensibilité objective intéressant
inégalement les trois modes, et à disposition périphérique,
par des douleurs, par des éruptions et des troubles trophi-
ques du côté de la peau, enfin par l'hypertrophie des troncs
nerveux périphériques, le tout survenant chez un sujet ayant
séjourné dans un pays où la lèpre est endémique , vous
avez assez d'éléments pour affirmer sans crainte d'erreur
que vous avez affaire à un cas de lèpre. '
Mais ce n'est pas assez que d'avoir déterminé la nature de
l'affection en cause dans le cas présent et le diagnostic serait
incomplet si nous ne cherchions à préciser le siège, l'origine
et les conséquences des altérations organiques qui tiennent
sous leur dépendance les divers symptômes que nous a
présentés ce malade. Cette étude me fournira l'occasion
d'insister sur certains points de pathogénie, d'anatomie et
'le physiologie pathologique lesquels ont été élucidés dans
ces dernières années et d'où l'on a pu tirer des déductions
pratiques intéressantes au point de vue de la prophylaxie de
la lèpre.
L'histoire de la lèpre, Messieurs, est fort ancienne, puisque
déjà dans les écrits de Celse on en trouve des descriptions non
douteuses. Importée de l'Inde par l'Egypte en Europe, elle se
répandit pendant les premiers siècles de l'ère chrétienne
dans les diverses parties de l'Empire romain. Plus tard, elle
devint assez commune pour que Charlemagne dût édicter des
lois relatives au mariage des lépreux. Mais c'est sans contre-
124 CLINIQUE NERVEUSE.
dit au moyen âge, à l'époque des croisades, qu'elle présenta
en Europe son maximum de développement. A cette époque
l'idée de contagiosité de la maladie était déjà admise sans
conteste et maints édits du temps concernent l'organisa-
tion des léproseries ; celles-ci représsntaient de véritables
cités : qu'il me suffise de vous rappeler qu'on ne comptait
pas moins de 2.000 lépreux en France et de 19.000 en
Europe. Depuis lors et grâce sans doute à ce sévère isole-
ment, la fréquence de la maladie décrut de façon manifeste,
et dans les siècles suivants on n'en signale plus que des cas
isolés. Pourtant, on s'est demandé si cette disparition n'était
pas plus apparente que réelle, et si la lèpre, au moins dans
ses formes larvées, n'était pas demeurée endémique en cer-
taines régions. Cette opinion, je vous l'ai dit, a été soutenue
notamment par M. Zambaco qui, pour ne parler que de la
France, a affirmé l'existence de certains foyers permanents.
entre autres en Bretagne et aussi en Provence.
Quoi qu'il convienne de penser de cette opinion, l'existence
de la lèpre à l'état endémique dans nombre de régions de
l'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique est bien démontrée, je
vous citerai notamment l'Inde, l'Indo-Chine, le Tonkin, l'An-
nam, la Chine, le Japon, la côte ouest de l'Afrique, le
Mexique, la Nouvelle-Calédonie; or, depuis que les relations
avec ces divers pays sont devenues plus fréquentes, il n'est
pas douteux que la lèpre a présenté dans les régions euro-
péennes une recrudescence manifeste : à Paris nous en
observons régulièrement tous les ans quelques cas dans les
hôpitaux spéciaux Aussi l'étude de la maladie a-t-elle été
reprise simultanément par les médecins des divers états
européens justement désireux de prévenir le retour possible
d'un semblable fléau. .
Il est aujourd'hui bien démontré que la lèpre doit être con-
sidérée comme une maladie à évolution lente mais paroxys-
tique, causée par la pénétration dans l'organisme d'un agent
figuré spécifique, le bacille de Hansen. Au point de vue cli-
nique on distingue deux formes, la forme tégumentaire ou
tuberculeuse et la forme nerveuse, mais il convient encore
de compter avec une forme mixte, laquelle est en réalité la
plus fréquente, c'est celle aussi que je viens de mettre sous
vos yeux.
La nature et la répartition des troubles trophiques que
DEUX CAS DE LÈPRE NERVEUSE. t25
l'on rencontre chez les'lépreux nous sont expliquées par les
localisations du bacille. Celui-ci a-t-il limité son invasion à
la peau, déjà l'on peut observer les lésions dermatologiques
les plus variées, la desquamation, l'ichtyose avec état cyano-
tique, la pigmentation dont la- valeur diagnostique est bien
connue, les troubles de la sécrétion sudorale, l'hypersécré-
tion sébacée à laquelle les anciens médecins savaient déjà
reconnaître la plus grande importance, enfin les altérations
du système pileux, la chute des sourcils par exemple,
laquelle ne fait pas défaut chez notre malade. Dans ces cas,
de même que dans la rhinite ou l'orchite lépreuse, les lésions
sont directement imputables au développement local du
bacille lépreux amenant une réaction de voisinage et trou-
blant en même temps la circulation et la nutrition des tissus
intéressés. Mais il est un autre groupe de troubles trophiques
qui ne relèvent qu'indirectement du bacille de la lèpre et ne
s'expliquent que par les troubles de l'innervation en rapport
avec l'invasion des nerfs périphériques : c'est alors que l'on
assiste à l'apparition de maux perforants, de gangrène sèche
avec résorption des phalanges, de lésions articulaires et
d'atrophies musculaires. Faut-il ajouter que les deux ordres
de troubles trophiques s'associent fréquemment entre eux,
réalisant des déformations et des mutilations variées ; je
vous citerai notamment celles qui portent sur la face et qui
peuvent constituer un masque assez caractéristique pour
permettre de faire le diagnostic à distance.
Quant aux troubles trophiques qui ont été observés chez
les descendants des lépreux, parlois ils sont dus à une con-
tagion directe de la maladie contractée plus ou moins long-
temps après la naissance ; souvent aussi on ne peut les inler- ·
préter que comme des tares dégénératives causées par les
toxines microbiennes ayant influencé ou les générateurs ou
le produit lui-même pendant la gestation, mais rien jusqu'ici
ne nous autorise à admettre la contagion de l'affection elle-
même durant la vie intra-utérine.
Comment maintenant se fait l'apport du bacille chez les
sujets qui prennent la maladie ? Tout fait penser que les
bacilles sont répandus au dehors par les plaies ouvertes et
suintantes que portent les malades infectés, de là ils seraient
transportés accidentellement sur l'épiderme des sujets sains
et pénétreraient dans l'épaisseur de la peau à la laveur des
126 CLINIQUE NERVEUSE. ,\
moindres érosions : je vous signale aussi l'opinion de
M. Sabrazès, lequel a attribué aux moustiques un rôle
important dans la contagion de la lèpre. '
L'agent spécifique de la lèpre est représenté par un ba-
cille long de 5 à 6 ? découvert par Hansen en 1871, et que
ses caractères morphologiques rapprochent du bacille de la
tuberculose. Comme ce dernier, il est entouré d'une couche
de matière grasse qui lui constitue une enveloppe résistante;
ses extrémités sont un peu plus effilées que celles du bacille
de Koch ; il se colore uniformément quand il' est jeune, mais
perd son homogénéité en vieillissant ; une matièremuqueuse,
la glée, réunit un grand nombre de bacilles en une' masse
zoogléique ; les réactions microchimiques sont les mêmes
que celles du bacille de Koch. Toutefois, il diffère de celui-ci
par son extrême abondance, parce qu'aucun microbiologiste
n'a encore réussi à l'inoculer ni aie cultiver, enfin parce que
nous ignorons son habitat en dehors de l'organisme.
Entraîné par le courant sanguin, le bacille qui a pénétré
dans la peau s'arrête au niveau de l'espace lymphatique et y
colonise ; la défense des tissus environnants se traduit par
une prolifération des cellules fixes et un apport de cellules
migratrices, et c'est le groupement de .ces divers éléments
qui constitue le léprome ou nodule lépreux. Ici encore l'ana-
logie avec le tubercule s'impose : au microscope, vous ren-
contrerez d'abord des lymphocytes et des leucocytes poly ou
surtout mononucléaires, mais l'élément caractéristique est
représenté par la cellule lépreuse ou lepraze'llen : - celle-ci,
quatre à cinq fois plus grande que les leucocytes ordinaires,
possède un ou plusieurs noyaux et un protoplasma creusé
de vacuoles dans l'intervalle desquelles apparaissent de véri-
tables amas bacillaires. Les cellules géantes sont remar-
quables par leur volume. Du côté de la paroi vasculaire,
vous ne constaterez que peu de lésions, mais tout autour des
vaisseaux cutanés existe un véritable manchon périvasculaire
correspondant à une des macules de la peau ; enfin, quand les
lésions sont plus confluentes, elles donnent naissance au
tubercule lépreux.
Je viens de/ vous dire, Messieurs, ce qu'est le bacille de
lIaris'en et quelles réactions histologiques 'sa ' présence pro-
DEUX CAS DE LÈPRE NERVEUSE. 127
voque dans les tissus en général et en particulier dans la
peau, laquelle marque le premier stade de l'invasion. Je
veux vous montrer maintenant comment se fait l'infection
du système nerveux. 1 -
Les travaux de tous les auteurs qui ont étudié l'anatomie
pathologique de la lèpre ont démontré que lalésionnerveuse
constante est celle d'une névrite périphérique, laquelle tient
sous sa dépendance la plupart des troubles trophiques mus-
culaires. cutanés, osseux même, ainsi que les troubles sen-
sitifs ; mais par quelle voie se fait l'arrivée du bacille dans
l'épaisseur des cordons nerveux ? On peut bien admettre,
pour certains cas, l'arrivée du bacille par embolies, suivant
les vasa nervorum, mais le plus souvent il s'agit d'une véri-
table névrite ascendante reconnaissant comme point de
départ une macule cutanée et suivant les filets nerveux eux-
mêmes : ainsi se crée une névrite bactérienne. On connaît, à
vrai dire, d'autres névrites bactériennes; llomen en a déter-
miné expérimentalement au moyen du streptocoque et du
pneumocoque ; cliniquement, on a vu chez l'homme l'infec-
tion gagner les nerfs par contact immédiat à la suite de
phlegmons par exemple, mais la névrite lépreuse reste
néanmoins le type le plus parfait de la névrite bactérienne,
les autres névrites étant le plus souvent des névrites
toxiques.
Non seulement par sa nature, mais aussi par son histolo-
gie, la lésion sera bien réellement lépreuse, je veux dire qu'on
y retrouve les réactions histologiques du léprome avec la
cellule lépreuse (leprazellen), la cellule géante et les amas
énormes de bacilles caractéristiques. J'ajoute qu'il s'agit
d'une névrite essentiellement interstitielle. Je vous rappelle
seulement la disposition normale du tissu conjonctif au
niveau des nerfs, l'épinèvre qui entoure le cordon tout entier,
le périnèvre ou tissu périfasciculaire qui enveloppe les fais-
ceaux de fibres et dans lequel cheminent les vaisseaux, enfin
l'endonèvre ou tissu intrafasciculaire pénétrant entre les
fibres nerveuses. Eh bien ! la lésion lépreuse se rencontre en
deux endroits à la fois, dans le tissu périfasciculaire et dans
le tissu intrafasciculaire, c'est vous dire qu'en ce dernier
point elle arrive au voisinage immédiat des tubes nerveux.
On comprend bien alors les conséquences qu'entraînent de
semblables lésions au point de vue de la structure et. du
128 CLINIQUE NERVEUSE.
fonctionnement des tubes nerveux. Agissant à la fois par
compression et aussi par l'action toxique locale des subs-
tances secrétées parle bacille, elles détermineront, selon l'in-
tensité et la rapidité du processus, soit une atrophie de la
fibre nerveuse qui devient plus grêle dans ses éléments, soit
une vraie dégénérescence wallérienne d'un nombre plus ou
moins grand de cylindraxes.
La question se pose enfin, Messieurs, de savoir jusqu'où
peut remonter l'infection spécifique du système nerveux :
peut-elle dépasser les nerfs périphériques et gagner les
centres médullaires ? A cette question plusieurs auteurs ont
répondu affirmativement : voyons sur quels arguments se
fonde cette opinion. Tout d'abord l'idée d'infection médul-
laire consécutive à une névrite périphérique n'est pas inad-
missible : celle-ci aurait été réalisée par Homen avec le pneu-
mocoque. Pour la lèpre, en particulier, certains médecins,
parmi lesquels Babes, Marinesco ont trouvé des bacilles dans
les cellules motrices et dans les cellules sensitives. De plus,
Looft, MM. Jeanselme, Marie ont décrit chez des lépreux une
sclérose des cordons postérieurs dans la région dite endo-
gène. Mais à de pareils arguments on peut faire diverses
objections. Ainsi la présence de bacilles au niveau de la
moelle ne prouve pas leur origine névritique, on peut penser
qu'ils y ont été apportés par la voie sanguine : c'est même
pourquoi les faits de Souza Martins, Camara, Pertona et
Bettencourt, dans lesquels ces auteurs ont rencontré des ba-
cilles de la lèpre dans des moelles de syringomyéliques sont
généralement considérés comme insuffisants pour permettre
d'identifier les deux affections. En outre, les lésions de sclé-
rose décrites au niveau des cordons postérieurs sont trop
analogues à celles que l'on observe dans tous les états ca-
chectiques, ainsi que mon collègue Déjerine l'a fait remar-
quer. Enfin le tissu nerveux ne se refuse pas à faire des
lésions histologiquement spécifiques le tubercule, la
gomme en sont des exemples -- or jamais dans la moelle on
n'a encore rencontré le léprome.
Si pourtant on admet l'infection médullaire consécutive à
la névrite il reste à se demander comment se propage cette
infection. On peut penser d'abord qu'elle gagne l'espace
sous-arachnoïdien et ensuite la moelle, mais mes élèves,
MM. Sicard et Cestan, ont repris les expériences d'infections
DEUX CAS DE LÈPRE NERVEUSE. 129
expérimentales de. poudres inertes, soit dans les espaces
péri-médullaires, soit dans les espaces des' nerfs périphé-
riques,etces expériences semblent démontrer l'indépendance,
à l'état normal, de ces deux groupes d'espaces ; toutefois on
ne saurait assimiler l'envahissement microbien à une infec-
tion de poudres inertes car un bacille peut être capable de
détruire une barrière naturelle qui aurait arrêté les poudres
inertes. On peut admettre aussi la possibilité d'une autre
voie de communication, l'infection gagnant directement la
moelle en épargnant l'espace sous-arachnoïdien. Nous savons
que, dans le tétanos, la toxine remonte de la plaie cutanée
vers les centres nerveux en suivant le nerf et très vaisembla-
blement en remontant dans la gaine de Schwann ; or, dans
la lèpre, on a trouvé des bacilles dans la gaîne de Schwann
et dans les cellules des cornes antérieures ; ne peut-on dès
lors émettre l'hypothèse qu'ils peuvent suivre cette voie que
prend la toxine tétanique. De cette discussion, il faut donc
conclure qu'il convient encore d'attendre et que, tant que
nous ne saurons pas cultiver le bacille de Hansen, tant que
nous ne disposerons pas d'un animal d'expérience, la solu-
tion de ce problème demeurera douteuse. ,
J'en ai fini, Messieurs, avec les considérations relatives à
l'anatomie et à la physiologie pathologiques de la lèpre et
je veux, en terminant, revenir au malade qui fait l'objet de
celte leçon. Connaissant bien maintenant l'affection dont il
est atteint, quel pronostic convient-il de porter dans le cas
présent ? D'une façon générale, vous n'ignorez pas combien
est grave le pronostic de la lèpre. Malgré la lente évolution
de la maladie, bien que celle-ci puisse présenter entre les
poussées paroxystiques de longues périodes d'accalmie, le
plus souvent les lésions et leurs symptômes ont une tendance
redoutable à l'extension et à l'aggravation : aux anesthésies
succèdent les troubles trophiques, les paralysies, les ulcé-
rations et mutilations diverses ; enfin, après de longues
années- la forme nerveuse peut durer vingt, trente et
même quarante ans la maladie aboutit alors à la cachexie
et à la mort.
Heureusement cette évolution progressive n'est pas fatale,
et je vous ai dit l'amélioration importante et régulière dont t
Archives, 2' série, t. xV111. 9
130 CLINIQUE MENTALE.
a bénéficié notre malade dans ces derniers mois. J'ajoute
que cette amélioration, nous sommes en droit d'en attribuer
le mérite aux divers moyens thérapeutiques employés :
l'huile de Chaülmoogra, l'ichtyol, le salicylate de soude ont
donné dans plusieurs cas des succès; ici le collargol a rendu
les plus grands services : nous pouvons espérer enrayer
l'évolution de la maladie chez cet homme et limiter beaucoup
le reliquat des symptômes définifs.
C'est vous dire qu'il convient de lutter avec énergie, puisque
nous disposons de moyens curatifs efficaces, en même temps
que par une prophylaxie sévère nous pouvons prétendre
empêcher la diffusion d'une maladie contagieuse et par
conséquent évitable.
CLINIQUE MENTALE.
Médiumnité délirante 1 ;
r
PAR R
PAUL SOLLIEK, FI(ARÇÇOIS BOISSIER,
Médecin du Sanatorium de Bon- Médecin adjoint du Sanatorium
logne-sur-Seine. de Boulogne-sur-Seine.
Distribution des diverses formes d'automatisme verbal. Rithme ci
versification. - Telles sont les diverses modalités des communica-
tions verbales de Cam... avec les esprits. Elles se succèdent les
unes aux autres, certaines se produisant plus spécialement selon
les états d'esprit ou les états de calme et d'éréthisme nerveux par
lesquels passe la malade. Elles peuvent se mêler et te combiner
les unes aux autres, selon l'identité de l'esprit qui parle et selon Il
les circonstances. Quand plusieurs esprits se suivent, ou quand
un esprit interrompt le discours d'un autre, les derniers usent
généralement d'un mode de communication différent de celui
employé par le premier. Deus, par exemple, appuyant une com-
munication typtologique de Nicolas II emploiera la variété psycho-
motrice verbale. Un même esprit pourra s'interrompre lui-même
sous une forme différente de celle par laquelle il a commence.
1 Archives de ifeceroluyie. Il'' 102.
MEDIUlIINITIi : DÉLIRANTE. 131
Deus encore, faisant une révélation psychographique mécanique
sur un sujet d'ordre général s'interrompra lui-même pour
adresser directement à Cam... une observation psychomotrice
verbale pour un fait d'ordre prive selon cette dernière variété.
Pendant l'amélioration progressive des symptômes, il arrêtera
ainsi lui-même ses propres discours typtologiques mentaux par
des injonctions psychomotrices.
Plusieurs interlocuteurs peuvent pourtant se succéder sans tran-
sition selon le même processus; Jésus-Christ y prenant part un
jour et compatissant affectueusement aux peines de Cam... lui
parle en hallucinations psychiques et Dieu le père prend immé-
diatement après lui la parole de la même manière pour s'excuser
d'avoir 11 la laisser souffrir ainsi. Enfin, la localisation de la voix
varie selon le sentiment qu'elle exprime : « Ces voix, dit la ma-
lade, sont comme une émanation intérieure; elles parlent dans
ma tète quand c'est mon esprit qui travaille, et dans ma poitrine
quand c'est mon coeur. »
L'automatisme verbal peut encore, chez Cam..., sans changer
de modalité physiologique, cesser d'avoir pour elle une signifi-
cation de nature délirante. Pendant les grands malaises paroxys-
tiques, il lui arrive, en effet, d'être intoxiquée par un nom qui se
répète à satiété dans sa tête irrésistiblement. C'est comme un
appel mental qui l'obsède et se fait malgré elle vers quelqu'un
qu'elle désire ou dont elle attend le secours. Une des premières
visites de sa fille l'a laissée très énervée; le nom de cette
enfant s'impose à elle la nuit suivante pendant des heures :
n Estelle, Estelle, Estelle, Estelle... ! » et ce nom se scande vio-
lemment, en syllabes appuyées rythmiquement comme un batte-
ment d'horloge.
Un autre jour, dans des circonstances analogues, c'est le nom
de son beau-frère : « Hoffmann, Hoffmann, Hoffmann ! ... » ou
celui de l'un de nous, ou même celui de son protecteur imagi-
naire : « Deus, Deus, Deus, Deus ! ... » Elle n'attribue celte obses-
sion verbale à aucune personnalité étrangère, elle la sent se faire
dans sa tête et est forcée de la laisser aller, aucun effort de
volonté ne pouvant l'arrêter.
A partir du mois de janvier, d'ailleurs, le rythme et la cadence
qui parfois déjà ont caractérisé certaines de ses auditions,
deviennent une des qualités très fréquentes de ses créations subli-
minales. Assez souvent, nous avons noté dans les révélations
recueillies antérieurement des mots associés par assonnance
comme dans « idéal, Deus, ideus, idée ». A partir du mois de
janvier, les esprits s'essaient à parler en vers, et Gain... elle-même
dans ses écrits conscients est de plus en plus poussée à versifier.
Elle cherche à exprimer en vers tous les sentiments et toules les
idées que naguère elle condensait en style sentencieux pour com-
/'
132 CLINIQUE MENTALE.
poser son recueil de pensées. Ce manuscrit est délaissé pour la
poésie. Son vers est médiocre, comme la plupart des vers spi-
rites. La correction de la mesure n'y est qu'apparente et ne
souffre pas d'examen. Le vers, en effet, vient en quelque sorte
tout seul, sans aucun effort, la rime arrive automatiquement.
Mais l'accent parisien de la malade, avec ses élisions et ses liai-
sons supprimées, lui fait constamment ajouter ou supprimer
un ou plusieurs pieds par alexandrin. En se relisant elle-même,
la cadence brute paraissant juste, elle ne corrige rien. D'autres
malades la secondent pour les corrections. Cette versification
intensive favorise la marche de son automatisme, aussi cherchons-
nous à l'enrayer; mais elle est irrésistiblement attirée et continue
en cachette, malgré tout, à aligner des strophes. Elle en arrive à
une ambition poétique qui s'ajoute à son ambition apostolique,
l'aisance toute machinale avec laquelle elle trouve la métrique et
la consonnance l'enthousiasme et l'exalte. Elle met eu stances
ses états d'âme et ses impressions. Voici, par exemple, une pièce
très intéressante, en ceci qu'elle y parle de « sa voix », sa chère
voix aimante et protectrice, et qu'elle y rend parfaitement le
dédoublement de sa personnalité :
La voix
"écoute .m fond de toi cet esprit qui te charme
. Et qui, du coeur aux yeux fait monter une larme
Sans que sa voix résonne il te parle tout bas
Il t'emmène fort loin des choses d'ici-bas.
- Oui c'est l'esprit divin et non la conscience
Il est distinct de toi, par lui, ta prescience
Semble surnisuiisée et l'esprit éclairé
Sur son aile t'emporte en un monde éthété
Poète, enivre-toi de cette voix si douce
. Vers, un monde inconnu tu sens qu'elle te pousse
Quand on l'entend parler, dans le jour qui décroît
A jamais l'on espère et à jamais l'on croit.
Sceptique méprisant, souris de la faiblesse
De ce coeur de poète amoureux de noblesse
1 D'un monde perverti, sublime paria
Il exhale son àme en un alleluia !
On ne peut mieux décrire en vers une hallucination psychomo-
trice et l'étal d'esprit qui la comporte et qu'elle détermine. Celle
pièce vaut bien d'ailleurs celles que tant de médiums ont
écrites sous la dictée de Victor Hugo ou de Lamartine désin-
carnés, on celles par lesquelles M110 Smith et d'autres exhortaient
leurs auditoires à la vertu ou à la dévotion.
tlédhtmnilé à phénomènes psychiques. Il est enfin une autre
spécialité medianimique à laquelle Cam... n'a pas échappé, c'est
MÉDIUMN1TÉ DÉLIRANTE. 133
celle qui consiste à entrer en contact matériel (matérialisé pour
parler le langage spirite) avec les esprits. C'cst une main légère
qui vient amicalement frôler sa joue; plus fréquemment, elle sent
très distinctement la pression de lèvres sur ses mains et sur sa
bouche. Ce sont les lèvres de Deus. Ces sensations on;. lieu aussi
bien pendant les périodes d'exaltation que dans des intervalles de
calme, elles n'ont disparu que quand l'amélioration a été très pro-
noncée. Elles étaient d'ailleurs très agréablement accueillies.
Manifestations génésiques. Sensations de lévitation. E1'otisme
mystique. - Les troubles de la sensibilité générale revetent aussi
des formes plus spéciales. Les caresses se localisent aussi à la
sphère génitale en sensations voluptueuses qui remontent le long
de son corps et vont souvent jusqu'à l'orgasme vénérien complet.
Elle les décrit : « Deus s'annonce par un état de bien-être particu-
« lier et lui fait ce qu'elle appelle des déclarations enivrantes; tu
« vas, lui dit-il, connaître la caresse divine. Elle éprouve alors un
« frisson divin qui monte de son sexe à sa gorge, elle a des sensa-
« tions de caresses intimes dont-elle reste épuisée. Elle cherche à
« s'isoler et à se recueillir en elle-même pour le rappeler en lui
« adressant les prières tendres à la suite desquelles elle peut le
« posséder ainsi physiquement. Deus touché de sa fidélité la
« possède elle spirituellement. Cette possession est étrange,
« ajoute-t-elle, c'est une immense quiétude qui m'envahit. »
Un autre phénomène se produit aussi assez souvent vers le
déclin des paroxysmes anxieux alors que sa sensibilité interne
est encore altérée, c'est un trouble coenesthesique qui lui donne
l'illusion de la lévitation assez commune d'ailleurs chez les spirites
et les mystiques extatiques. 11 lui semble alors que « sa vie s'en
va », mais sans avoir le sentiment de perdre connaissance ; elle
sent son corps allégé comme s'il ne touchait plus à rien, comme si
elle ne l'avait plus. Elle est enlevée dans l'espace et s'entend géné-
ralement appeler par Deus dans ces moments-là. Elle compare cet
état à l'attente d'une mort imminente et désirée, la mort mystique
qu'elle rêve, c'est comme un enlèvement dans les lymbes. Cette
situation ne dure pas assez longtemps à son gré, tant elle y trouve
de charme, et comme nous l'avons vu plus haut, elle est ramenée
à la realité par la voix de Zeus ou de Deus lui-même qui exige
qu'elle reste sur la terre pour accomplir sa mission.
Cam... s'est l'ait d'autre part une représentation mentale très
nette de Deus : « Je me le figure, raconte-t-elle, comme un être
« grand'et noble, un corps fluide comme la rosée solidifiée,
« une vapeur vivante et une tête dominante; des yeux bleus vert
« clair; une barbe de Dieu assyrien blond roux avec des fils d'ar-
« gent ; une noblesse d'àme d'homme qui s'efface, qui s'oublie
" soi-même sans attendre seulement ma venue, car je demeure
134 CLINIQUE MENTALE. "
« ici pour semer nos idées. Il me dit lui-même de former des
« élèves, car l'ignorance divine des hommes vient de leur manque
» de bonté et de ce qui tue le monde, de : .
« L'argent qui d'un moyen est devenu un but ! Il
Elle ne peut s'empêcher de terminer par un vers, toujours obsé-
dée par une métro manie qui ne cède pas.
Cette figuration de Deus, lui conférant la fluidité vaporeuse d'un
corps céleste, correspond naturellement aux rêves d'amour supra-
terrestres dans lesquelles elle vit dans le moment et laisse voir
aussi par quelques détails de couleur, de teint et de l'orme que les
amours profanes qui l'occupent beaucoup ont fourni une partie
des éléments de ce tableau à son imagination subsconsciente. Le
monde reel renferme en effet deux hommes possesseurs de toutes
les vertus chères à son goût, deux hommes dont elle ne peut déta-
cher sa pensée. Elle entretient même avec l'un d'eux, particulière-
ment complaisant, une correspondance dont elle fait d'ailleurs
presque tous les frais, d'une sentimentalité quintescenciée. L'idée
de ces deux amis charme son coeur, mais la tourmente aussi cruel-
lement en raison des obstacles insurmontables que niellent entre
elle et eux les circonstances et « la pureté sacrée » qui doit élever
sa personnalité au-dessus du commun de l'humanité, cette pureté
dont elle parle toujours comme d'un caractère de sainteté et de
grandeur, mais qui lui cause tant d'indécisions douloureuses pour
la réalisation de ses désirs et qui est plus faite d'appréhension
peut-être et d'impossibilité que de volonté. La pensée de son mari
vient ausi à la traverse de ces sentiments, balottée par de cons-
tantes tergiversations. ◀Tantôt▶ M. Schtein est revêtu de toutes
les qualités imaginaires dont elle pare le modèle de l'amant; ◀tantôt▶
elle le revoit selon la réalité qu'elle a prise en grippe, et déses-
pérée, elle ne parle plus que de divorcer pour attendre de pouvoir
convoler avec un des deux amis qu'elle convoite, et elle reste
cruellement irrésolue entre le désir obsédant de ce divorce et de
ses suites, et l'amour possible et heureux avec son mari.
Deus, au milieu de la perplexité de ces affections, n'est point
jaloux, il garde une sérénité surhumaine tonjours consolatrice et
prometteuse de compensations : « Quelqu'un t'adore qui t'épousera,
c'est Dieu, Deus qui te parle ». D'autres fois même il lui dit qu'il
s'incarnera pour elle en un amour terrestre : « Tu seras heureuse
dans deux mois, lui dit-il un jour où l'idée de divorce la hante, tu
m'aimeras dans la personne de celui que je l'envoie.» Deus arrive
ainsi à se confondre auec ses affections profanes et pas plus qu'elle
il n'y voit une infidélité à son égard, il encourage au contraire ces
sentiments et lui dit une fois en se nommant à la troisième et
impersonnelle personne : « Si Cam... est fidèle à Deus, il la rendra
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 135
« la plus heureuse de toutes les femmes ; il lui laissera sa beauté et
« lui permettra de faire des élèves en semant la vérité. » Cam...
tient en effet énormément à sa beauté qu'elle croit très grande et
très prestigieuse; cependant des doutes cuisants, trop justifiés par
Page d'ailleurs, lui viennentquelquefois à cet égard. Elle les chasse
de son mieux et compte sur cette beauté autant pour l'avenir de
ses amours que pour celui du kamianisme; ce sera une influence
de plus qu'elle prendra sur les masses quand elle ira, comme les
esprits le luicommanùent, « prêcher la charité ct blâmer les vices des
femmes du monde dans des conférences publiques » pour lesquelles
la voix de sa belle-mère vient encore quelquefois lui donner des
encouragements. Elle s'y prépare toujours en se livrant, selon son
expression, à des invocations infinies, heures de solitude et d'orai-
sons en demi extase à la suite desquelles elle versifie plus que
jamais. Elle compose ainsi une prière en vers dont nous n'avons
pas pu obtenir la copie et qui retrace avec beaucoup de vérité le
caractère de son état psychique dans ces moments-là. Assez long-
temps après, elle nous a communiqué sous le même titre une autre
poésie, que nous transcrivons ici pour donner un échantillon de
son étrange fécondité lyrique, et de ses tendances pieuses, bien
(pie ce morceau ne rende pas comme l'autre une situation anor-
male de sa conscience :
La prière
Prier c'est entr'ouvrir son âme
D'où jaillit une pure flamme
Vers celui qu'on ne voit pas
Et qui, seul, sait guider nos pas.
Maître du Monde et de l'Atome,
Au coeur des fleurs voit-on l'arôme ?
Peut-on voir la brise ou l'éther,
L'un dans l'azur, l'autre sur mer ?
Bien qu'invisible on sent l'âme de toute chose
Jouissom donc' des effets sans connaître la cause
Quand nous prions le coeur sur l'infini penché '
Dieu pénètre en nos coeurs et reste aux yeux caché,
L'on sent que sa bonté vous calme et vous console
Préférons le silence à la vaine parole
Au soir, lorsque le jour a fui
Pour mieux s'élever jusqu'à lui.
Deus qui revendique tout ce que Cam... fait de bien et tout ce
qui lui arrive d'agréable, lui affirme que c'est lui qui l'inspire dans
' Ce vers compte un pied de trop « donc » ajouté comme une cheville.
Cela tient à la facilité automatique avec laquelle Cam... versifie. Dans
jouissons, elle prononce joui, comme une seule syllabe, ce qui établit la
cadence. Sa poésie fourmille de fautes semblables.
136 CLINIQUE MENTALE.
ses travaux poétiques, elle l'appelle « sa muse ». Pendant de longs
mois d'ailleurs et même quand la voix se fait plus rare et reste
plus longtemps silencieuse, elle le sent toujours plus ou moins
prêt à se manifester, ce qu'elle exprime en disant : « Je sens lou-
jours que jn suis deux. » Ce sentiment de dédoublement a été très
long à s'effacer.
Evolution. Lutte contre l'automatisme. Amélioration. En somme,
la malade nerveuse, distraite et rèveuse, aigiie de ne pouvoir
autourd'elle laire partager ses enthousiasmes, sa sentimentalité,
et son besoin d'amour physique, se réfugie dans la foi religieuse
sans connaître la religion; elle ébauche un délire d'abord discret
bientôt développé, caractérisé et activé par des essais solitaires de *e
spiritisme auxquels elle se livre spontanément sans rien savoir sur
ce sujet don telle a seulement eu fendu quelquefois pai 1er. lien résulte
une poussée délirante grave. Elle se soigne, entre en convalescence,
guérit grâce à l'isolement et la privation de toute pratique spirite.
Ayant repris sa vie, elle cède de nouveau à l'envie de faire tourner
des tables, son mari approuve ses pratiques, partage ses convic-
tions erronées, ce qui les fortifie. Elle s'exalte Je nouveau, et très
rapidement, par l'entrainement intensif et voulu de ses l'aculiés
médiumniques qui la font retomber dans le même délire plus
étendu encore et plus systématisé que la première fois. Remise en
traitement les gros symptômes se dissipent vite, mais la guérison
avance lentement, progressivement, balottée par des oscillations
entre des intervalles plus ou moins longs de saute apparente et de
courtes rechutes paroxystiques de malaise anxieux à chacun des-
' quels les hallucinations redevenaient actives et nombreuses, et
l'éréthisme sexuel obsédant et douloureux. En dehors des grandes
conceptions délirantes qui n'ont duré que le temps des deux
grandes crises aiguës, les phénomènes hallucinatoires à forme
spirite que nous avons passés en revue au long de cette observa-
tion ont duré pendant toute la marche décroissante de cet état
vésanique. Cette évolution a été complètement remplie par la
lutte que nous avons fait soutenir à Cam ? contre l'automatisme
et le dédoublement de conscience qu'elle subissait. L'attrait
énorme qu'avaient pour elle les communications avec les esprits
ont souvent rendu cette lutte difficile. Comme tous les médiums
elle tient énormément à ses pouvoirs évocateurs, elle y tient d'au-
tant plus que ses esprits familiers, échos des récriminations long-
temps muettes et longuement accumulées dans son travail subli-
minal, ne font que justifier ses plaintes, louer ses aspirations,
satisfaire ses tendances érotiques, approuver ses projets; et que
plusieurs d'entre eux, personnages téléologiques sous la forme
d'hallucinations profitables, s'attribuent même l'amélioration de
ses malaises. Ce fait n'a rien de surprenant, ces hallucinations
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 137
spéciales étant l'expression de l'état de ses centres automatiques
au moment où renaît dans son système nerveux le calme dont elles
soulignent l'apparition. Sur nos instances, tout en croyant ferme-
ment à l'essence surnaturelle de ses interlocuteurs, Cam... reconnait
bientôt le caractère morbide de ce ! tailles de ses conceptions et de
quelques-uns des phénomènes dont elle est le sujet; elle comprend
le danger qui la menace et accepte docilement de s'efforcer de
repousser les voix et de se priver de faire parler son guéridon.
« Elle a peur, dit-elle, des hallucinations qui lui ont donné des
« idées de grandeur et qui l'ont rendue méchante ave
« soeur, mais elle regretterait les autres si elles cessa;
fait. » A mesure que le temps passe elle veut plus fermei
rir et y travaille sincèrement. Elle ne peut pas toujours r
voix par la seule concentration de sa volonté, dans ce (
tout haut pour les clouer ; elle éprouve alors une « pre
« la tête, comme si quelque chose s'y comprimait poui
« et yétait retenu. » Elle finit généralement par triomp
elle en reste abattue avec une forte céphalée. D'autre
cherche « à les concentrer en une seule, celle de Dieu », nom
qu'elle substitue à celui de Deus à mesure qu'elle s'améliore. Les
communications des esprits deviennent ainsi d'abord iutermittentes
et arrivent à demeurer longtemps silencieuses, mais il faut une
surveillance assidue et beaucoup d'encouragements, car la patiente
les regrette vivement. Elle avoue que, livrée à elle-même, elle se
jetterait sur un guéridon avec avidité. Au mois de janvier elle
parle de spiritisme avec plusieurs personnes avec une passion
évidente et leur dit que son désir d'interroger une table est « im-
« périeux comme une morphine ». Le mois de février et de mars
se passent dans les mêmes conditions avec des retours d'halluci-
nations spontanées. L'esprit de l'oncle reparait lui-même. Cam...
nous parle un jour de lui et rappelle que de son vivant il disait que
le spiritisme était une chose sérieuse « et je le dis encore » appuie la
voix psychomotrice de l'oncle dans la tête de sa nièce. Deus surtout t
ne se laisse pas oublier, procédant par typtologie mentale quand il
ne se manifeste pas autrement. Après une crise d'angoisse, sa
voix intervient un jour réconfortante comme d'habitude, sur notre
demande expresse elle la repousse pour nous obéir, mais Deus
s'irrite, et Cam... « ressent un sanglot intérieur, c'est Deus qui
pleure en elle; pourquoi le chasser, implore-t-elle, il est si déli-
cieux, il me calme, nie charme, m'endort, j'embrasse Deus ». Elle
promet néanmoins de ne plus l'appeler, mais elle l'évoque quand
même en cachette et le consulte même quelquefois pour savoir s'il
l'autorise à nous faire certaines confidences. Deus est d'autant
plus difficile à déraciner, qu'il pousse son rôle d'avertisseur tuté-
laire jusqu'à participer au traitement psychique que nous entre-
prenons en employant même les termes et les menaces qui sont
138 CLINIQUE MENTALE.
les nôtres. Au mois de janvier, par exemple, Cam... écoute une
manifestation en typtologie mentale de Deus ; et Deus lui-même
tout à coup interrompt la communication en disant « défendu,
c'est la folie ! » de sa voix psychomotrice. Au mois de février,
dans des circonstances identiques, il dit : « Non, assez, pas d'au-
tomatisme contrôle, toi ! » Comment chasser un esprit qui pousse
le zèle jusque-là ? Il est vrai qu'il s'arrange quelquefois pour faire
tourner ces sages avis en sa faveur, et c'est toujours après quelques
jours de raisonnement particulièrement assidu et ferme de notre
part et après un travail de préparation inconsciente consécutive-
ment mûri que l'hallucination téléologique prend cette attitude
spéciale. Au mois de mars, pour se faire écouter sans éveiller de
scrupules, il se sert de cette introduction : « C'est à travers ton
contrôle que je te parle, ma fille » et un peu plus tard, après une
assez longue période de silence, il s'explique : « Je suis toujours
« là, quand je fais le mort c'est pour que tu ne sois pas effrayée
« et pour passer par ton contrôle, mais je ne suis pas ton incons-
cient », et plus tard encore : « Pour que tu ne t'inquiètes pas de ta
« tête, je passe par ton contrôle, mais je ne suis pas ton incons-
oient ». Deus défend ainsi son identité contre nos arguments. Nous
avons en effet fait comprendre à Cam..., pour contribuer à lui
faire reprendre sa cohésion mentale, que cette voix conseillère
était, en lui tenant ces derniers propos, le produit du travail de
.rétablissement de son contrôle, travail encore inachevé dont l'ex-
pression subliminale arrivait ainsi jusqu'à sa conscience. Il y a
donc encore une certaine révolte de la tendance à l'automatisme
qui se fait jour de cette manière. Cam..., d'ailleurs, se dit encore
trop croyante pour ne pas admettre que cette voix si claire ne
soit pas différente d'elle-même, elle veut garder cette conviction,
même en cherchant à éviter la voix, car elle comprend le danger
qu'il y a pour sa mentalité à en conserver la manifestation. Elle
croit aussi qu'elle l'aura toujours au moins en l'évocant fortement
si elle le désirait absolument, en cela même elle se trompe, car
à partir du mois de juillet, elle n'en parle plus. Pour le moment.
il faut cette évocation spéciale ou l'appoint d'une forte contrariété
pour qu'il prenne la parole, et ces petits incidents suffisentà main-
tenir la foi de la malade. Un jour, par exemple, elle écrit deux
lettres, les met machinalement sous enveloppe, inscrit les adresses
sans vérifier et les jette à la poste. Elle revient très perplexe, con-
vaincue qu'elle a interverti les adresses des destinataires, ce que
le contenu des missives rend particulièrement fâcheux et délicat.
Elle n'en dort pas, mais Deus la rassure et lui affirme qu'elle a
correctement mis chaque lettre dans l'enveloppe et sous l'adresse
qui convenait. Cela la tranquilise, et l'événement, en donnant rai-
son à Deus, fortifie la confiance de Cam... L'état d'esprit de cette
dernière continue à se modifier, elle ne dit plus jamais Deus, elle
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 139
comprend qu'il y a quelque chose d'absurde dans cette dénomi-
nation antique et elle se met à dire Dieu, plus tard même,
elle abandonne cette désignation et ne dit plus que « la voix ».
Ue même, elle ne parle plus de Kamianisme. Elle garde seulement
l'intention de travailler dans sa sphère et dans la littérature, il
propager la bontéet à faireaimer la charité, sa piété reste toujours
aussi fervente, mais plus normale. Depuis le milieu de décembre,
d'ailleurs, son attitude au milieu des autres malaldes est celle
d'une personne parfaitement saine, elle lit, s'occupe de tout, cause
avec chacun de choses indifférentes, d'art, de littérature, quelques
malades plus sympathiques reçoivent seulement quelques confi-
dences au sujet de ses pouvoirs de médium et prennent connais-
sance de ses poésies. Nous seuls sommes dans le secret de ses
anciennes conceptions et de ce qui reste de ses croyances. A partir
du mois d'avril jusqu'au mois de. juillet l'amélioration générale a
progressé sans arrêt. M. Schtein est complètement rentré en grâce
auprès de la malade, celle-ci a passé en Suisse l'été de 1902,
sous la surveillance d'un médecin qui n'a noté aucun phénomène
délirant et s'est seulement occupé de maintenir ses bonnes dispo-
sitions à l'encontre des essais de manoeuvres spirites. .
Pendant toute cette évolution, la mémoire a suivi les fluctua-
tions de l'état mental lui-même. Les souvenirs de tout ce qui
s'était passé pendant la première crise délirante en Suisse, les
souvenirs de tout ce qu'elle avait dit, vu et entendu dans cette
période avaient paru s'effacer pendant l'intervalle relativement sain
de son premier séjour au Sanatorium, duraut lequel elle n'avait,
en tous cas, parlé de rien que de sa très vague fièvre cérébrale.
Tous ces souvenirs se sont, au contraire, réveillés très fidèles et
très précis dans tous leurs détails pendant la seconde bouffée déli-
rante. Cam... a pu, à ce moment, nous décrire sa vision et tout ce
qui l'avait suivie. A son second séjour elle se rappelait en loute
netteté tout ce qui lui était arrivé dans le Midi, ses évocations avec
son mari, son système theologique, ses différends avec sa belle-
soeur. A mesure que son amélioration s'accentuait, tous ces souve-
nirs s'effaçaient pour ne reparaître que dans les périodes paroxys-
tiques qui ravivaient l'activité spirite. On voyait ainsi reparaître et
disparaître ces groupes de souvenirs un peu comme l'auraient fait
ceux.d'un état second, mais avec moins-de netteté et moins brus-
quement. Il y avait chaque fois une transition, une période d'effa-
cement graduel avant la disparition totale. Au moment où ce
changement se produisait on voyait les manifestations délirantes
disparaître de la vie à l'état de veille et alimenter les rêves du
sommeil normal de la nuit; Cam... rêvait de sa belle-mère, de son
oncle, soulignant ainsi la transition entre l'inconscience spirite et
'inconscience normale onirique.
Actuellement tout reste dans l'ordre depuis juillet 1902. Cam...
140 CLINIQUE MENTALE.
ne parle plus de faire tourner des tables, elle n'a plus d'hallucina-
tions, elle a repris une affection normale et vive pour son mari.
Elle cultive la poésie et a fait dans cette voie des progrès sensibles
ses poèmes ne révèlent plus aucune désorganisation psychique, ils
chantent les beautés et la contemplation de la nature, la resigna-
tion à la souffrance, l'édification des âmes et surtout les bienfaits
de la paix. L malade est en effet devenue une ardente adepte des
doctrines de Frédéric l'assy. Elle espère en favoriser la vulgarisa-
tion et c'est dans cette oeuvre que se donne carrrière son ancienne
tendance ù l'apostolat. Elle est d'une piété chrétienne pleine de fer-
veur, de confiance et d'enthousiasme, et a repris tout son goût
pour la vie de famille.
Remarques. Cette observation suggère un certain nom-
bre de considérations intéressantes aux trois points de vue
du spiritisme, du mysticisme et de la psycliiatrie.
Spiritisme. - Si l'on peut appeler « tempérament média-
nimique » l'état psychique qui consiste en la tendance au
dédoublement de la conscience avec activité automatique
indépendante, on peut dire que notre malade l'avait créé et
entretenu prêt à fonctionner par sa manière de vivre et de
penser avant l'explosion absolument spontanée des
phénomènes spirites chez elle. La première voix psychomo-
trice dont elle ignorait au début l'idendité a constitué le
premier fait de celte médiumnité spontanée à la suite de
laquelle se sont succédées dans son cas la plupart des
spécialités médianimiques que tous les sujets spirites ne
possèdent pas toujours en aussi grand nombre. Elle a été
sujet auditif, parlant, voyant, sensitif, psychographe méca-
nique et semi-mécanique, typteur à bascule et typteur
mental. Elle a reçu des messages d'ordre privé, des révéla-
tions scientifiques, médicales et théologiques. Elle a évoqué
des esprits de personnages défunts et de personnages
vivants. Elle a comme les grands médiums interprété ces
pouvoirs dans le sens - de la religion et s'est comme eux
imposé le devoir de répandre la piété et la moralisation selon
le principe du spiritisme officiel qui met en tête des vrais
médiums les médiums chrétiens. Un point que l'on pourrait
mettre en litige, c'est que son esprit guide est un personnage
divin.
Les spirites ont beaucoup discuté la valeur des communi-
cations diverses que beaucoup de sujets des séances courantes
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 14't
ont obtenues. Dieu et Jésus se manifestent souvent dans ces
réunions, mais la question a été tranchée par les orthodoxes
du « spiritualisme ». Ce sont des esprits trompeurs ou des
esprits exaltés qui se donnent comme Dieu ou le Christ à
ces médiums pour les abuser et leur en imposer d'avantage.
Cam... qui n'avait aucune notion de ces doctrines a accepté
sans aucune objection la divinité de plusieurs de ses inter-
locuteurs et surtout celle de son esprit guide.
Les saints occupent souvent aussi la table, le crayon ou la
parole des médiums initiés et sont admis pour eux-mêmes
avec leur propre identité à prodiguer leurs communications
aux spirites réguliers, les anges par contre sont aussi exclus
etleurs manifestations et sont le résultat des mystifications ou
des usurpations de titres d'esprits trompeurs; ceux qui en
sont les interprètes n'en demeurent pas moins des médiums
quoique médiums imparfaits qui se laissent duper par les
désincarnés. Les voyants comme Allyle Couédon qui au point
de vue psychopathologique sont identiques aux médiums,
mais qui sont reniés par les spirites, peuvent avoir comme
personnages téléologiques et esprits protecteurs, des anges,
c'était l'ange Gabriel pour 111"° Couédon. Cette dernière peut
se rapprocher encore des médiums par cette autre particu-
larité que son langage automatique attribué à l'ange Gabriel
se déroulait généralement en vers. Nous avons vu que le lan-
gage automatique de notre malade revêtait souvent cette
forme-là et qu'elle gardait une tendance irrésistible à versifier
et à rimer machinalement. La forme rythmique est donc une
des modalités naturelles du langage automatique. Beaucoup
de voyants se sont exprimés et s'expriment ainsi ; les oracles
de l'antiquité se sont partagés cette habitude avec les devins
du moyen âge, le mot vates ne signifiait-il pas à la fois
poète et devin. Rabelais lui-même n'a-t-il pas fait rendre en
strophes bien cadencées les réponses demandées par
Panurge à la Sibylle de Pauzoust et à Bacbuc.
Si Cam... a accepté comme vrai le fait d'être en communi-
cation avec Dieu, elle a aussi reçu la révélation de tout un
système théologique polythéïste, fantaisiste et de forme à
demi païenne; mais ici il faut faire appel pour l'interprétation
de ces faits à l'élément vésanique. Elle était à ce moment en
plein délire, et le souvenir de ces conceptions ne l'a même
pas suivi dans sa longue convalescence, pendant laquelle se
142 CLINIQUE MENTALE.
sont continuées ses manifestations médiumniques. Celles-ci
ont, il est vrai, persisté à entretenir chez elle des tendances
mystiques et apostoliques plus accentuées peut-être que
chez le commun des médiums et qui confinent à la théoso-
- phie ou mieux à la théomanie, ce qui nous amène à la
deuxième série de nos remarques.
Mysticisme. - Cam... était au moins aussi ignorante en
matière religieuse qu'en matière spirite quand ses premières
tendances se sont organisées en hallucinations et en systèmes
théologiques. Elle ne possédait aucun élément pour discuter
la valeur des messages qu'elle attribuait à Dieu. Ses élucu-
brations subliminales servaient à sa personnalité normale des
chapitres tout faits qu'elle n'a commencé à commenter en
elle-même pour les accorder avec la réalité que, quand
la première exaltation vésanique a pu se dissiper, encore les
souvenirs n'en restaient-ils qu'assez peu précis pour lui
laisser le champ libre de les réduire à des fantaisies supra-
normales, mais dont les contradictions ou les absurdités
tropchoquantes étaient petità petit soigneusementéliminées.
Son ignorance religieuse se montre même dans le choix des
expressions et des éléments acquis et tombés dans le monde
inconscient dont elle désigne et construit les données de son
système théologique pagano-chrétien à base astronomique.
C'est ainsi qu'elle parle sans cesse de former des élèves,
alors qu'un peu plus d'instruction religieuse courante lui
aurait fait choisir le mot disciples dont se servent toujours
les auteurs ecclésiastiques. Elle croit n'avoir jamais entendu
prononcer le nom de Zeiis donné par ses messages à l'une
des divinités de son système. Elle a oublié que c'est le nom
grec de Jupiter qu'elle a lu dans Uranie. Elle se trompe
encore pour Silo dont elle fait une île et où par une associa-
tion verbale inconsciente d'idées elle fait déporter les juifs et
les protestants (une réminiscence des silos où l'on dépose
les disciplinaires rebelles) faisant donner à Silo cette desti-
nation pénitentiaire par son activité subliminale.
C'est après la première atteinte délirante qu'elle a surtout
commencé à s'initier aux notions religieuses courantes et
qu'elle a le plus acquis par ses lectures, c'est aussi à partir
de ce moment-là que son mysticisme mieux éclairé a pris
une forme plus réellement chrétienne et théosophique.
Elle est devenue théosophe sans rien savoir non plus de la
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 143
théosophie cette forme de spiritisme rejetée par le spiritisme
officiel dont elle constitue une sorte de schisme quoiqu'elle
lui soit identique dans son essence.
Lemysticisme deCam... est avant tout un mysticisme théo-
mane. Bien que chez elle l'élément affectif rapproche
son état mental de celui des mystiques purs, elle est aussi
près que possible du cas de Swedenhorg. Ce dernier comme
elle, était tombé dans le délire hallucinatoire après une
longue période de rêveries religieuses, il s'est comme elle
entretenu avec des morts a eu des communications avec les
astres, a causé avec Dieu après une seule hallucination de la
vue; comme elle il a en une mission réformatrice à remplir,
comme elle encore il a profondément regretté ses halluci-
nations quand elles l'ont abandonné à la fin de sa vie. Ils
n'ont différé que sur deux points. C'est d'abord la forme
spirite des communications de Cam..., le mot et le rite du
spiritisme n'existait pas encore du temps de Swedenhorg,
qui aurait pu en être le créateur si les circonstances ambian-
tes avaient dirigé dans cette forme le processus de ses
éléments délirants. L'autre différence réside dans l'érotisme
intense de Cam... auquel Swedenhorg semble avoiréchappéet
qui rapproche Cam... des mystiques purs chez lesquels
l'érotisme est la règle constante. Une troisième différence
d'ordre tout à fait secondaire et qui n'a rien à voir avec la
classification de ces cas consiste dans la diversité du niveau
intellectuel si haut chez le prophète suédois, si moyen chez
Cam... Cette dernière peut se rapprocher aussi de 111"e Smith,
spirite avant tout, mais mystique aussi, pourvue d'un guide
téléologique et animée d'une tendance apostolique active.
En un mot, des cas semblables représentent le point de
jonction du spiritisme pur avec le mysticisme et la théoma-
nie raisonnante. Tous les sujets atteints de semblable état
ayant pu vivre de la vie extérieure normale dans laquelle
ils ont en paix promené leur délire tant que la forme vésa-
nique n'a pas entraîné de leur part soit des actes extrava-
gants ou dangereux, soit une propagande réformatrice ou
prophétique qui les ait rendus trop gênants, Socrate, Car-
dan, Bodin et bien d'autres personnages historiques ont eu
eux aussi une voix téléologique qui eût permis de les com-
parer à ces théomanes. Le nombre de personnes présentant
des prédispositions à ces délires est étonnant quand on y
144 Il CLINIQUE MENTALE.
regarde de près, beaucoup n'y glissent pas, car il faut assez
peu de choses pour les maintenir dans leur équilibre ins-
table et ils sont très accessibles à un traitement moral bien
dirigé. La désagrégation mentale est assez facilement com-
battue par une vie régulière qui favorise la tendance à l'uni-
fication à condition que des pratiques spirites ne viennent
pas la détruire. C'est ainsi que nous avons vu deux fois chez
Cam... la désagrégation'se produire une première fois par
le spiritisme, se réduire, puis se régénérer une seconde fois
par le spiritisme encore et céder enfin sous la privation
continue des pratiques médianimiques.
Flournoy a pu dire : « Prenez un individu ayant dans
sa subconscience des souvenirs, des scrupules, des ten-
dances affectives, des idées à coefficient émotionnel pins ou
moins intense ; mettez-lui en tête, je ne dis pas des convic-
tions, mais simplement des préoccupations spirites, puis
attelez-le à une table ou à un crayon. Pour peu qu'il soit du
tempérament impressionnable, suggestible, désagréable, que
le public appelle la faculté médianimique, il ne se passera
pas. longtemps avant que ses éléments sublimînaux se grou-
pent, s'ordonnent, se compénètrent suivant la forme « per-
sonnelle » à laquelle tend toute conscience, et se traduisent
au dehors en communications qui ont l'air de venir directe-
ment de désincarnés ».
Remarques psychiatriques. Flournoy aurait pu ajouter
aussi : « pour que cette désorganisation atteigne le taux du
délire et arrive presqu'à la vésanie caractérisée avec toutes
ses conséquences et tous ses dangers ». Il est frappant de voir
combien de tels malades entraînent autour d'eux de person-
nes dans leurs erreurs. Les simples spirites ont toujours une
chapelle de spectateurs plus convaincus qu'eux-mêmes, les
théomanes raisonnants comme Swedenborg et tant de pro-
phètes obscurs ou célèbres ont laissé même après leur mort
des foules de disciples qui continuent leur doctrine.
En général ce genre de délire entraîne autour de lui la
folie multiple. Cam... a persuadé son mari, qui homme
relativement instruit, ingénieur ayant des notions de méthode
scientifique, a pendant longtemps partagé toutes ses convic-
tions et assisté en disciple respectueux et ému à la plupart
de ses évocations pendant toute une assez longue période.
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 145
Guérie, Cam... avoue qu'elle et lui avaient l'air de deux illu-
minés et reconnaît que leur attitude était absurde. Il y a là
comme un cas de « folie à deux» dont elle était l'élément
actif et M. Schtein l'élément passif. N'avait-elle pas con-
vaincu aussi des dames et un prêtre qui voulaient la faire
baptiser ? `t
L'observation suivante plus fruste, nous fera mieux voir
encore le danger du spiritisme et des délires consécutifs à
ces exercices d'occultisme dans leurs rapports avec le suicide
et même l'homicide.
OnSOERVATION II. - Hérédité névroputhique. Délire à forme spirite
lions de métaphysique, de réformes sociales, de magie.
Mysticisme, érotisme, auditions d'esprits, visions, migration de
1'tlriie. Dédoublement et perte du moi. Obéissance à des hallucina-
tions théomaniaques impéralives. Tentatives de suicide.
Henri B... étudiant en médecine, marié, père d'une enfant bien
portante, a une hérédité chargée. Son père fort, intelligent mais
nerveux, est mort depuis longtemps. La famille de sa mère compte
plusieurs aliénés. Ses soeurs sont très nerveuses, l'une d'elles est
une giande obsédée phobique.
Dans son enfance, le malade habitué à faire toutes ses volontés,
gàlé et capricieux, a eu des tics, était onycophage et onaniste.
émotif et peu travailleur. 11 n'a reçu qu'une instruction religieuse
insignifiante et jusqu'à vingt-quatre ans est resté matérialiste et
éloigné de toute idée et de toute pratique de piété. A dix-sept ans,
à la chasse, il a eu un violent étourdissement attribué à une inso-
lation, à la suite duquel il a dû s'aliter et dormir longtemps, il a
été à partir de ce jour sujet à des phobies incessantes et surtout
à une agoraphobie d'une rare intensité. Peu causeur, concentré
mais sans rêver, sujet à des superstitions de joueur, sa conduite a
donné lieu à de nombreux écarts, il se sent instable depuis son
étourdissement à la chasse.
En juin 1902, il contracte une dyphtérie grave suivie de para-
lysie et sa névrose s'aggrave ; il prend de l'absinthe pour se don-
ner du courage, abandonne la médecine, compose des vers et des
chansons, fait de la musique, ne veut plus s'occuper que d'art et
ne parle plus que de religion et des problèmes de la survivance de
fâme. En 1898, il avait entendu parler de spiritisme, un peu plus
tard, il avait fait avec ses soeurs des essais de transmission de la
pensée, l'une d'elles ayant pris à cette occasion des crises de nerfs
ils avaient cessé, mais il avait essayé tout seul de faire tourner
une table et y avait réussi sans s'y adonner avec suite. Depuis sa
dyphtérie, il se sentait encore plus changé qu'après son coup de
AncmvLS, 2« série, t. XVIII. 10
146 . CLINIQUE MENTALE.
soleil, il devenait de plus en plus irrégulier dans sa vi , et de plus
en plus désoeuvré, passant des nuits entières àcauser de théosophie
et de réformes morales de la société, avec quelques amis qui n'en
savaient guère plus que lui et mélangeaient dans leurs théories le
spiritisme, la franc-maçonnerie et la magie noire. Les rêves
d'amélioration sociale hantaient surtout le malade à ce moment-là,
il concevait des théories sociales dans lesquelles il représentait
l'humanité par un' triangle, mettant les hommes de génie au som-
met et les inintelligents à la base, il voulait appliquer ce système
de triangulation à la sagesse, à la vertu, à la richesse, à la
piété. 11 lisait des livres religieux, entrait dans les églises et
priait.
En même temps il sentait augmenter ses appétits sexuels qu'il
avait toujours eu très prononcés et qu'il avait toujours largement
satisfaits. Il avait alors plusieurs mailresses, les associait à ses
élucubrations mystiques et sociales. Il voyait des symboles partout
et commençait à s'absorber dans des rêvasseries demi conscientes
d'où il sortait troublé et angoissé comme s'il eut des doutes
sur son existence réelle et comme si son moi devenait incertain.
Il avaità ce moment deux amis, J. L... etA. D... qui jouissaient
de toute sa confiance, mais qu'il ne voyait pas autant que ce qu'il
avait voulu. Il se concentrait pour penser à eux et causer avec eux
en pensée à distance; dans ces absorptions extatiques il les enten-
dit nettement. C'étaient leurs esprits qui se désiucarnaieut à sa
volonté pour lui répondre ou qui lui parlaient spontanément. Cela
ne l'étonnait nullement, c'était la même chose que ce qu'il avait
obtenu antérieurement quand il avait fait tourner des tables.
En mars 1903, il donne des inquiétudes aux siens. Son érotisme
augmente, il est constamment préoccupé et distrait, écoutant les
voix des esprits de ses amis, non content de ses excès sexuels
avec des femmes il aurait été entraîné à des tentatives de pédéras-
tie ; il vit d'ailleurs comme dans un rêve et on commence à le
surveiller.
Les esprits désincarnés de L... et D... deviennent ses conseillers
habituels et lui donnent des explications à son sujet. La vie désor-
donnée qu'il mène afflige les siens, il est pris de remords. L .. et
D... lui reprochent en effet ses débauches et lui disent d'expier ses
fautes par des, pratiques religieuses assidues. L'état d'incertitude
sur sa personnalité qu'il ressent, l'angoisse, L... et D... lui expli-
quent « que son corps n'est qu'une méprisable guenille dont son
esprit doit s'évader. Tu as une sale guenille, ce n'est pas toi-même,
tu verras comme le vrai Henri 13... est beau». Il se demande com-
ment il sortira de sa guenille et rentré chez lui l'envie le prend
brutalement de se jeter par sa fenêtre, il hésite et consulte ses
esprits qui lui disent impérieusement « non ! ». 11 veut s'assurer
que ce n'est pas lui-même qui a dit non et demande à l'esprit z
111EDIU11111TÉ DÉLIRANTE. '147
« est-ce ma guenille ou l'esprit qui dit non ? », réponse : c'est
l'esprit de D... ». Henri est satisfait et s'éloigne de la fenêtre. ' »
La nuit suivante, pendant son insomnie, il voit des phénomènes
lumineux se produire sur les murs de sa chambre, une tête de
chérubin en ivoire, fixée au bas d'un crucifix se détache et s'envole
dans un rayon de lumière, il se met à prier. Le lendemain l'esprit
de D... lui parle dans la tête en hallucinations psychomotrices
comme d'habitude et lui fait des recommandations morales en
l'exhortant à la foi « il faut qu'il fasse un serment à Dieu, les deux
espiits qui l'entretiennent sont les messagers de Dieu, il doit leur
obéir. - Mais, répond-il, j'ai cru jusqu'ici que Dieu n'existait pas.
- Dieu existe, reprend D..., et tu dois faire ce que ta conscience
te commande ». A partir de ce jour il obéit passivement aux
deux esprits.
Il faut qu'il expie ses péchés; un jour, une force mystérieuse
le pousse hors de chez lui, il consulte l'esprit de D... qui lui
dit : Vas au temple maçonnique de la rue Froidevaux accom-
plir ton serment, ne t'inquiète pas, tu vas te tuer pour expier. »
Il va frapper à la porte de la maison désignée, on n'ouvre pas.
Il reste perplexe, l'esprit lui dit de marcher, il repart et sort de
Paris; à la barrière, il hésite; la voix lui dit « à gauche ! » II mar-
che et se trouve devant le mur d'un jardin maraîcher, il y voit
une porte, l'esprit lui dit « entre ». 11 frappe, on ouvre, il demande
à entrer, les jardiniers le prennent pour un employé de la ville
visitant les terrains il vendre de la zône des fortifications et lui
proposent un mètre pour prendre ses mesures, il refuse en
remerciant. on le laisse faire silencieux le tour de l'enclos et il
ressort.
Il rentre dans Paris par une autre porte et revient à la rue Froi-
devaux. Comme il voit des symboles partout, il s'aperçoit que le
trajet accompli forme un triangle et cela doit avoir une significa-
tion mystérieuse. Hue Froidevaux, il frappe de nouveau à la porte
du temple maçonnique, une femme ouvre, il insiste pour entrer,
disant qu'il a un serment à accomplir et veut forcer la consigne,
la concierge le menace de la police, il s'en retourne et les esprits
lui disent qu'ils l'ont empêché de se tuer pour lui donner le temps
de se confesser.
Ils lui reprochent toujours « de tenir à sa vieille guenille ». Dans
la nuit suivante, les esprits, dit-il, ont éteint et rallumé sa veil-
leuse, ce qui le frappe beaucoup ; il lit longuement son livre d'heures
et s'absorbe en oraisons mentales. Le lendemain il court plusieurs
églises à la recherche d'un confesseur, il en trouve un qui lui con-.
seille de faire une retraite dans une trappe. Mais à la fin de sa
confession il voit le prêtre se transfigurer en pape et il voit dis-
tiuctement une étincelle lumineuse frapper son Iront. Il se
demande si c'est la mort qui va l'atteindre. Dans la uuit l'esprit.
148 CLINIQUE MENTALE.
de D... se manifeste et lui dit : «Laisse la la sale guenille dans ton
lit et viens, Henri B... est mort », il sent son âme quitter son corps
mais il la sent égarée.
Il n'a plus la notion de rien et demande où il est. D... répond :
« dans un cadavre de l'hôpital Laënnec ». Il Unit par dormir.
Le lendemain matin, il se réveille au petit jour et l'esprit de sou
père lui apparait sous la lorme d'une trainée lumineuse.
Dans la matinée, il va se promener, une voix, qui n'est plus celle
des deux esprits habituels, lui ordonne d'aller au café prendre une
absinthe pure pour se tuer. H demande quelle est cette voix, l'esprit
de D... répond que c'est Dieu. Henri B... obéit, l'absinthe ne le
tue pas, il se donne alors un violent coup de poing dans la poi-
trine qui l'impressionne comme un coup de poignard, il s'allonge
sur la banquette, mais la mort ne venant pas, il rentre chez lui,la
voix de D... lui tlit : « ne t'inquiète de rien, je m'occuperai de toi. »
On lui fait comprendre la nature maladive de ce qu'il éprouve et
il arrive au sanatorium le 8 avril.
Il s'y montre très inquiet de son état, il a peur de devenir fou et
supplie qu'on le rassure; le matin, il cause normalement, dans
l'après-midi, il êvassa et reste très absorbé. Il se plaint de ne pas
se sentir vivre comme autrefois, il ne se sent plus lui-même. Il ne
sent ni sa tête, ni son corps, ni ses membres. Dans la nuit, il en-
tend l'esprit de D... lui dire « de vider sa guenille », dans le jour,
il est mieux, mais il reste anxieux, il prie, il veut lire des livres
saints, il consulte ses esprits et nous raconte tout ce qui précède.
Bientôt il s'améliore et à mesure que son état se rapproche de la
normale, il oublie son ancien délire et les actes qu'il a accomplis
sous cette influence. Il va et vient, cause et sort avec les autres
malades, fait de la musique et reprend courage.
Au commencement de mai, il redevient absorbé et préoccupé de
métaphysique. 11 a des troubles anesthésiques bizarres, ◀tantôt▶ il
il ne sent pas son corps, ◀tantôt▶ il s'étire et en même temps il sent
et voit ses membres s'allonger comme du caoutchouc. Ce qui l'au-
goisse le plus « c'est lé départ de son âme », cela ne l'étonné pas,
car dit-il, d'après la théorie spirite « il se quitte lui-même pour
aller animer un autre homme », mais cela le fait souffrir, parce
que ce qui reste de lui n'est pas lui-même. Son esprit parti s'en-
vole et flotte dans l'espace; il l'y sent très distinctement. Quelque-
fois son esprit n'est môme pas très loin de lui, il le sent suspendu
à quelques centimètres de sa tête. Il n'a plus de lui-même que son
affection pour les siens; son moi qui l'a fui n'habite plus en lui-
même, il n'y reste que son coeur.
Il parle pour un autre, il est une pure machine à parler, son
cerveau n'est qu'un réflecteur, il est un mannequin animé par un
esprit qui n'est pas la sien, alors que son âme est toujours suspen-
due dans l'espace au-dessus de lui. A l'époque des débauches qui
MÉDIUMNITÉ DÉLIRANTE. 149
lui causent tant de remords, il avait pour signer ses vers et ses
chansons, pris le pseudonyme d'Henri L..., anagramme de son
nom. Actuellement il érige cet Henri L... en personnage distinct
qui est son double, son double exécré et maudit et c'est cet Henri
I ? qui anime son corps ; il voudrait redevenir Henri B... Il le
redevient de temps en temps et se sent beaucoup mieux à ces
moments-là. Il revoit sa vie d'enfant comme celle d'un autre
qu'il aurait beaucoup connu, cette dépersonnalisation le fait
cruellement souffrir. Il ne peut pas rallier son moi d'avant le
coup de soleil ni surtout.son moi d'avant la dyphtérie à son moi
actuel. Le plus douloureux c'est de suivre la migration de. son
moi dans l'espace, il trace même la trajectoire de cette migra-
lion dans un graphique où on voit un point resté au-dessus d'une
ligne normale, c'est Henri B... qui est suspendu dans l'espace
au-dessus de la ligne normale des individualités vivantes et qui
ne peut plus repénétrer en lui-même. Il arrive quelquefois il se
réincarner, mais il a de la peine à reprendre tout à l'ait son âme
qui tend à repartir en arrière quand il est couché sur le dos;
penche la tête en avant pour ramener son moi dans la région
frontale. ,
Il a peur de ne pas reconnaître sa famille quand il la verra.
Après une nouvelle amélioration il reprend ses promenades et cause
volontiers, mais les hallucinations reviennent bientôt. Il monte
dans sa chambre pour mieux écouter les esprits; mais celui de
D... lui interdit de ne nous rien révéler dece que les désincarnés lui
disent. Il revoit un matin l'esprit de son père. Il l'entend quelque-
fois. Il retombe dans ses prières et dans ses extases. Il a un matin
la vision du Christ dans un rayon lumineux au dehors, il
reçoit de lui l'ordre de se jeter par la fenêtre, on doit le retenir et
le surveiller de près. Il devient de plus en plus absorbé et agité. Le
23 mai, sur l'ordre des esprits, il refuse de manger, dans l'après-
midi, Dieu lui parle et lui ordonne de se tuer. Il quitte sa chambre
et essaie de se jeter dans la cage de l'escalier. Ramené dans sa
chambre, il essaie, par mortification et sur l'ordre des esprits, de
boire de son urine et de manger de ses excréments, on l'en empêche.
« C'est Jésus, nous dit-il. qui était en moi et qui m'a dit de me
tuer pour me sacrifiera ma famille que j'ai déshonorée » ; à ce
moment la voix de Dieu lui enjoint de se taire et il refuse de rien
dire de plus. On le transfère le soir même dans une maison
d'aliénés. Il y est devenu de plus en plus délirant. Nous avons su
qn'il avait été excessivement violent et avait tenté d'étrangler un
Sarde-malade. ZD
Chez lui le délire spirite n'a été qu'un épisode établissant
la transition entre son état de névrose antérieur, caractérisé
ho CLINIQUE MENTALE.
par ses grandes phobies ' et son délire vésanique actuel qui
le porte constamment à des tentatives de suicide ou même
à des impulsions homicides quand il obéit à ses hallucina-
tions.
Un des dangers du spiritisme réside précisément dans
cette haine de son corps assez commune aussi chez les mys-
tiques ordinaires, haine de soi qui conduit les malades à la
mutilation volontaire et au suicide, quand ils n'y sont pas
amenés par les simples injonctions de leurs voix°.
Quelle que soit leur marche, ces délires médianimiques
sont toujours caractérisés par un dédoublement bien net de
la personnelité que les malades traduisent par des idées et
des mots très expressifs. Ces malades ne constituent évidem-
ment pas un groupe distinct à classer à part. Dans la discus-
sion du mois d'avril 1903 à la Société Médico-Psychologique,
M. Christian les avait, si nous ne nous trompons pas, incor-
porés parmi les démonomanes. '
Ils ne nous paraissent pourtant pas être des démonomanes.
Les démonomanes, en effet, n'appartiennent pas tous à la
même famille, il est parmi eux des possédés qui sont les uns
des mélancoliques, les autres des persécutés chroniques ; il
est aussi, parmi ces malades, des obsédés et enfin des mys-
ques. Les spirites sont caractérisés surtout par la forme
spéciale de leurs éléments délirants; ils ont au moins ce dé-
tail symptomatique en plus et l'aspect de leurs conceptions
diffère plus ou moins dans sa teneur.
Ils sont en tout cas à rapprocher des démonomanes et font
partie avec les démonomanes et les théomanes raisonnants
de la famille des délirants mystiques.
' Pendant sa longue période de névrose phobique, le malade avait
précisément eu souvent la crainte de se jeter du haut des fenêtres ou
des ponts. Cette image du suicide jadis redouté a pu se fixer dans son
travail subconscient où elle se traduit aujourd'hui par des impulsions à
ces mêmes actes.
* Le danger d'homicide doit aussi entrer en ligne de compte. Récem-
ment les journaux mentionnaient une tentative d'homicide commise sur
sa femme par un spirite qui un esprit avait dit que cette dernière le
trompait. 1 '
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
XXVII. Vomissements incoercibles et fécaloïdes au cours d'une
tumeur des plexus choroïdes duIV° ventricule; par M. J. Paviot
(Société médicale des hôpitaux de Lyon, 13 octobre 1903. .
M Paviot rapporte l'observation d'un malade ayant présenté
comme manifestation rare de tumeur cérébrale des vomissements
poussés jusqu'à l'incoercibilité et au caractère fécaloïde. A l'au-
topsie, on trouva dans le quatrième ventricule, une tumeur
bilobée, avec petite grappe'muriforme en haut. Elle n'avait avec
la substance du plancher ou celle du cervelet, que des rapports
de coutiguité ; elle répondait en somme à une production des
plexus choroïdes, dite « psammome ».
Cette tumeur avait étalé le 4° ventricule, comprimé et diminué
dans le sens antero-postérieur, l'épaisseur du bulbe et de la protu-
bérance, mais nulle part, elle n'avait envahi ou détruit la sub-
stance nerveuse.
L'auteur pense qu'on peut expliquer les vomissements incoer-
cibles par la persistance de l'antipéristaltisme et ce dernier par
l'irritation du noyau des pneumogastriques comprimés dans le
plancher du quatrième ventricule. G. C.RnIE11.
XXVIII. Autocytotoxine spécifique et anti-autocytotoxine dans le
sang des épileptiques ; par C. CirNi. Contribution à la patho-
logie des affections cérebrales toxiques ; pal' W. 1 LTEIt. - Contri-
bution à la question de quelques propriétés soi-disant toxiques
et thérapeutiques du sérum du sang des épileptiques ; par G.
Sala et T. Rossi. - (Nell1'oloyisches Cenlrnlblalt. XXII 1903,
ilos 8, 11, 18, 1903).
M. Ceni a entrepris sur des lapins des expériences ayant pour
but de déterminer si le sérum sanguin des épileptiques est capable
d'engendrer dans l'organisme animal des produits d'un activité assi-
milable à celle d'un des deux principes toxiques ou thérapeutiques
précédemment mis en lumière (Archives de Neurologie, 1903.
I. XVI p. 148). Pour lui, les phénomènes d'intoxication aiguë obser-
vés chez les épileptiques traités par le sérum d'animaux inoculés
au sérum d'épileptiques, ces phénomènes sont à peu près les
152 REVUE D'ANATOMUS ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
mêmes que ceux qu'il a vus quelquefois se produire chez les épilep-
tiques auxquels avait été injecté du sérum d'autres épileptiques.
Sans doute le sérum de lapins inoculés avec du sérum du sans
d'hommes normaux possède certaines propriétés toxiques, qui, en
somme, se trouvent dans le sérum cytotoxique ordinaire; mais si
l'on compare les symptômes toxiques de cette série avec ceux des
cas dans lesquels on'avait l'ait agir du sérum de lapins inoculés au
sérum d'épileptiques, on voit qu'il s'agit d'une pure réaction locale,
bien moins intense que dans les cas précédents. A la suite de l'exa-
men des multiples conditions expérimentales mises en vedette
dans le mémoire. M. Ceni conclut :
Les phénomènes d'intoxication spécifique observés chez les épilepti-
ques à la suite de l'injection de séiuni, tant d'autres épileptiques que
d'animaux inoculés au sérum d'épileptiques, ces phénomènes toxiques
ne doivent point être attribués à une nouvelle quantité de cytotoxine
que l'on aurait introduite dans l'organisme ; il faut les rattachfr a la
substance sensibilisatrice de la cytotoxine qui rend les éléments t'pitep-
togènes plus sensibles à l'égard de l'alexine circulant déjà chez l'épilep-
tique. - Dans le sang des épileptiques circule en même temps, qu'une
autocytotoxme spécifique une antiautocytotoxine. Ce principe antitoxique
n'est cependant point en solution dans le plasma vivant; il existe dans
le sang à l'état latent; il adhère aux éléments cellulaires du sang dont
il est détaché par un processus phagolytique ainsi que l'auteur l'a déjà
prétendu, quant au principe thérapeutique du sérum des épileptiques.
De ces recherches, M. ALTER déduit que certaines maladies du
système nerveux central, au premier rang la paralysie générale et
l'épilepsie, tiennent à ce que sur les substances prél'ormées du sys-
tème nerveux s'accrochent des toxines spécifiques dont l'origine
de fabrication est inconnue, mais qui n'en sont pas moins versées
dans le sang du malade.
Genèse de la paralysie générale. -1 a-t-il production continuedu
poison, celui-ci se combine continuellement au corps même delà
cellule qui s'épuise, subit l'altération régressive, la dégénérescence
progressive. La paralysie générale procède-t-elle par poussées,
c'est que, grâce à des conditions constitutionnelles et cytogéniques
individuelles, il se produit des composés chimiques secondaires
qui sont versés dans la circulation et sont aptes à paralyser pen-
dant assez longtemps la toxine qui y afflue. Cette antitoxine vient-
elle à prédominer; on assiste à une rémission de la paralysie
générale. - Malheureusement il ne s'en produit généralement
qu'une très faible quantité, la cellule n'est que soulagée, elle n'est
pas débarrassée de l'étreinte toxique ; le processus anatomo-patho-
logique reprend, les altérations régressives progressent sans s ar-
rêter, d'où le caractère progressif de la destruction générale.
REVUE D'ANA1'( 'AT110L0GIQUES. 153
Genèse de l'épilepsie. - L'attaque est l'expression directe de l'an-
crage de la toxine dans la cellule nerveuse des divers territoires,
d'où la physionomie multiple des manifestations. Mais, c'est surtout
ici que se forment ces composés antitoxiques secondaires. C'est
ici surtout que cette antitoxine combat victorieusement le composé
toxique du courant sanguin. Quand, pour des raisons individuelles
la formation d'antitoxine et son introduction dans le sang sont de
faible quantité, on a l'état de mal épileptique et les attaques d'épi-
lepsie sllbintmntes; l'épuisement des cellules nerveuses, les dégé-
nérescences de ces cellules. Généralement, par contre, il se produit
assez d'antitoxine pour qu'il s'effctue réparation complète, bien
que passagère, de la vitalité de la cellule.
Cette hypothèse s'appliquerait fort bien à d'autres psychoses
chroniques ou transitoires, à l'hystérie notamment. Elle ouvre la
voie à une thérapeutique spécifique de certaines affections men-
tales. On peut s'efforcer de pousser à la formation de l'antitoxine
endogène, ou d'introduire dans l'organisme des substances exo-
gènes équivalentes. M. ALTER a commencé l'étude chez l'animal,
chez le paralytique, chez le non paralytique, d'infusions, de bouil-
lons cérébraux de concentrationsetde valeursprécises. Ces infusions
produiraient des effets spéciaux bien caractéristiques, des réactions
toutes différentes de celles des solutions chlorosodiques, notam-
ment sur le système nerveux central du paralytique général.
M. ALTEU attendrait également beaucoup des sérums empruntés
àdes animaux infectés par des inoculations progressives de sang
de paralytiques généraux, d'épileptiques, et de l'utilisation du cer-
veau de ces individus dans le même sens.
ml. SALA et Ilossi ont contrôlé les asssertions de M. Ceni de la
façon suivante : Choix préalable de cinq épileptiques sevrés de tout
traitement, soumis à un régime et à un mode d'existence uni-
formes, soit pendant cette période d'observation, soit pendant la
période d'essai sérothérapique, et pesés régulièrement ; contrôle
simultané de leur nourriture et des produits de leur nutrition, et
pendant qn'on faisait agir le sérum et tandis qu'on en suspendait
l'injection. D'autre part saignée aseptique d'autres patients égale-
ment sevrés de tout traitement anti épileptique; c'est à ce sang
qu'était emprunté le sérum soigneusement recueilli et conservé
dans un endroit frais, avec l'aide des méthodes de stérilisation
habituelles (addition d'un peu de camphre). Les injections de sérum
ont été faites aux cinq épileptiques sus-désignés, avec toutes les
précautions aseptiques de rigueur.
Conclusions. 1° Les injections de sérum sanguin provenant d'épi-
leptiques n'ont exercé aucune action bienfaisante sur la marche de l'épi-
lepsie des cinq épileptiques. -2° Elles n'ont jamais déterminé de phé-
nomènes toxiques ni passagers, ni durables ; elles sont demeurées
1S4 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
anodines. - 3° Les mêmes malades soumis au traitement bromuié et à
l'électrisation galvanique (méthode de Mondino) en ont éprouvé des effets
favorables. , P. Kehaval.
XXIX. L'état actuel de l'anatomie pathologique du système
nerveux central, par 1VISSL. (Centmlblatt sur Ne2ueizheill,rtzde.
XXVI. N. F. XIV. 1903).
L'anatomie pathologique des organes centraux s'est, jusque dans
les temps les plus récents, efforcé de déterminer les altérations
des cellules nerveuses et des fibres en insistant surtout sur la loca-
lisation du territoire dans l'enceinte duquel on constatait l'exis-
tence des cellules et fibres nerveuses altérées. Par contre, on ne
s'est préocccupé qu'en seconde ligne de comprendre les processus
histologiques sous-jacents. Or, la revue des travaux de Max Schultze,
Deiters, Gerlach, Meynert, Weigert, Flechsig, Golgi, llissl, dé-
montre pour l'auteur la nécessité de se préoccuper davantage des
problèmes d'histologie pure. Pour arriver à rattacher la modalité
clinique à la lésion, il faut, avant tout, interpréter correctement
tous les éléments histologiques de cette lésion.
Expérimentons. L'expérimentation nous permettra d'observer
les organites histologiques en voie de transformations patholo-
giques, de suivre la genèse,- la décadence, la disparition des cel-
lules et de leurs produits, de rattacher chacun de ces détails
évolutifs aux symptômes cliniques. L'expérimentation n'a-t-elle
pas éclairé les inflammations aiguës, les processus consécutifs au
traumatisme, les phénomènes de réparation des tissus nerveux
détruits. Il nous reste à pénétrer le mécanisme des nombreux pro-
cessus morbides indemmes de toute altération inllammatoire appa-
rente de l'appareil vasculaire, tels que la sclérose en plaques, les
dégénérescences primitives des cordons de la moelle, les altérations
corticales de la démence précoce. De grosses réformes devront
être introduites dans la nomenclature anatomo pathologique.
Les lésions régressives admises, jusqu'ici nous offrent peu d'élé-
ments utilisables. On ne saurait admettre l'existence de l'atrophie
simple ; on ne connaît pas de dégénérescence graisseuse de la cel-
lule nerveuse. Les états dits de tuméfaction trouble ne se voient
ni dans les composants nerveux, ni dans les composants d'autre
nature des organes centraux. Les au très formes d'altérations régres-
sives représentent des modalités terminales de divers processus
pathologiques. ,
Les critiques précédentes s'appliquent mieux encore à la notion
dp-l'inflam1Jlation. Si nous désignons ainsi une lésion du tissu
nerveux s'accompagnant de prolification des ingrédients histolo-
giques non nerveux et de réaction de l'appareil vasculaire sanguin
et lymphatique sous forme d'exsudations, nous n'avons que très
peu de processus morbides à ranger sous cette bannière. Il n'y a, .
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 185
en ce qui concerne les centres nerveux, aucune raison de conserver
l'étiquette d'inflammation interstitielle dans laquelle les vaisseaux
sanguins n'interviendraient pas pour engendrer des processus
exsudatifs.
C'est la technique qui, pendant les dix dernières années, a fait
faire de prodigieux progrès à l'histologie pathologique des centres
nerveux. Mais, le problème le plus important, celui des relations
des cellules, des fibres et de la substance grise, attend encore sa
solution. Nous connaissons bien peu de chose sur l'appareil vas-
culaire et lymphatique.
Le but à atteindre actuellement consiste, non pas à délimiter
rigoureusement, à localiser les éléments nerveux affectés, non
pas à rattacher les signes cliniques à la lésion anatomique, mais
bien à rechercher méthodiquement la nature des processus histolo-
tiques sous-jacents au tableau morbide à différencier les uns des
autres aussi nettement que possible les divers processus d'altéra-
tions histologiques. P. Ji : EHAVAL.
XXX. De la quotité des fibres à myéline d'un cerveau normal et
d'un cerveau paralytique; parK. SCII,\FFEH. (Neurologisch. Central-
glatit, 1\in, 1903).
L'auteur montre, avec de nombreuses figures à l'appui, qu'il y a
des cas de paralysie générale dans lesquels la déchéance des fibres
blanches, ne se propageant pas à l'hémisphère entier, porte sur-
tout sur certaines régions, et en laisse d'autres intactes. Dans
l'espèce, outre les circonvolutions frontales de la base, les circon-
volutions pariétales et temporales (sauf les temporales profondes),
et une partie de l'insula sont particulièrement affectées. Par contre,
les ascendantes, les frontales de la convexité, le lobe occipital, le
coin. la corne d'Ammon, une partie de l'insula sont indemnes de
l'atrophie des fibres. Le processus dégénératif épargne tout à fait
ou relativement les centres sensoriels; les territoires le. plus fré-
quemment et le plus fortement altérés sont ceux que Flechsig
désine sous le nom de centres d'association. L'observation pré-
sente est un exemple de dégénérescence circonscrite localisée des
fibres blanches '.
M. Schalferen possède actuellement une autre de paralysie géné-
rale à la dernière période, où l'hémisphère entier trahit l'atrophie
des fibres. la plus grande qui sepuisse imaginer. Partout les fibres
blanches de l'écorce ont totalement disparu; seule la frontale
ascendante présente en son tiers moyen des fibres myéliniques ru-
dimentaires, mais elle est elle-même excessivement dégénérée. On
peut néanmoins se demander si certains cas d'atrophie diffuse ne
' Voy. Archives de Xenrologie, t. XIV, 1902. p. b7.
156 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
seraient pas au début localisés. La lésion qui semble sous le
microscope la plus diffuse ne pourrait-elle avoir deux modes de
développement ? Un mécanisme au début localisé ? lin mécanisme
dès le début diffus ? Pour résoudre la question, il n'y a qu'à exa-
miner des cas tout à fait récents ou relativement récents.
P. KEHAVAL.
XXXI. Des centres corticaux de l'accommodation ; pari. I. 131ELr1z6Y.
(Oborétié psichialrü, VII, 1902.)
Ingénieuses expériences sur des chiens et des singes, dont nous
ne pouvons qu'indiquer l'idée générale. Après avoir lixé l'oeil, on
enfonce, soit obliquement à travers la cornée, soit dans le plan de
l'équateur, une aiguille assez mince dont le bout doit toucher la
face antérieure du cristallin ou la couronne ciliaire ; son extrémité
extérieure se déplace en sens inverse des changements de volume
du cristallin ; elle est allongée d'un petit chalumeau de 10 centi-
mètres. On excite l'écorce du cerveau.
Quatre zones produiraient un effort de l'accommodation, tdntde
l'oeil du même côté que de l'oeil du côté opposé à l'excitation. L'une
occupe une surface de 1 centimètre 1/2 à 2 centimètres de diamè-
tre dans le tiers postérieur des 2e et 3° pariétales et empiète sur la
région occipitale antérieure (chien et singe). Une petite zone est
située sur le gyrus angulaire (pli courbe), chez le singe seulement.
Une troisième, exclusive aussi au singe, existe à la face interne
de l'hémisphère immédiatement en avant du tiers supérieur de la
fissure calcarone. La quatrième, commune à ces deux animaux,
fort limitée, se trouve dans la circonvolution centrale antérieure
(frontale ascendante) au niveau de l'extrémité du sillon crucial.
Des variétés des conditions expérimentales, il résulte que les
zones occipito-pariétates joueraient très probablement le rôle de
centres réflexes contrairement à la zone de la région motrice-
D'ailleurs l'effort accommodateurpeut êtreégatementprovoqnepar
l'excitation du tubercule quadrijumeau antérieur en un point fort
limité qui occupe la limite de l'acqueduc de Sylvius et du 3° ven-
tricule. Enfin la contraction et la détente du muscle ciliaire
s'effectuent lentement comme il arrive pour les fibres musculaires
lisses. Impossible de noter de relations constantes entre l'excitation
des zones corticales quelconques sus-énoncées et le resserrement
ou la dilatation de la pupille. P. KERAVAL.
(
XXXII. Nouveaux éléments relatifs à la physiologie des réflexes
profonds; par A.-K. Sciitsciiemiak. (Obozrénié psirhialtii, VII,
1902.) Nouvelles contributions à la physiologie des réflexes ten-
dieux : par le même. (Neurolog. Centrulb. XXII, 1903.)
Même article en russe et en allemand. Etude de l'action des
REVUE D'ANA'l'OJIIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 157
vibrations du diapason sur le réflexe du genou chez 4fi lapins.
L'application locale des vibrations à la région de l'articulation du
genou produit des phénomènes spasmodiques marqués qui, pour
une force et une durée données, se peuvent strictement limiter à
l'extrémité en question. On obtient une exagération unilatérale du
réflexe du genou, du clonus de cette articulation, à la percussion
et aux mouvements passifs du genou, du tremblement spasmodi-
que ; tous ces phénomènes se peuvent produire aussi quand on
excite l'autre patte (llyperréllexe croisé). Le clonus du genou en
maints cas atteint les degrés les plus extrêmes et dure pas mal de
minutes ; il apparaît parfois spontanément.
Les vibrations semblent être en réalité les excitants spécifiques
des terminaisons nerveuses profondes qui sont mises en action
pendant les réflexes. Les expériences sont en faveur de l'opinion
que les vibrations chargeraient artificiellement de l'énergie ner-
veuse les appareils réflexes et que la décharge dont elles sont
également l'auteur serait précipitée par les mouvements passifs ou
au moyen de l'immobilité permanente de l'animal.
Si l'un sectionne la moelle à la partie dorsale moyenne, et que
l'on fasse agir les vibrations locales, on obtient l'exagération
unilatérale permanente du réflexe du genou, mais non le clonus
ni le tremblement spasmodique en dépit de plusieurs centaines de
mouvements passifs.
Les expériences de contrôle par l'application des* vibrations sur
les os de la jambe, du bassin, les parties molles de la cuisse, le
crural, fournissent des résultats absolument négatifs ou des phé-
nomènes spasmodiques faibles ; ces derniers seulement dans le
cas où les vibrations sont appliquées près de l'articulation du
genou et s'y peuvent propager, par exemple à la moitié supérieure
de la jambe.
L'immobilité permanente de l'animal normal, qui n'a pas subi
les vibration*, ne produit, durât-elle deux ou trois heures,
aucun effet, tandis qu'un lapin qui les a subies est au bout de
trente à quarante-cinq minutes pris de spasmes. Une immobilité de
six heures produit des symptômes tout à fait analogues à ceux
qui suivent les vibrations mais bien plus faibles.
La mise en charge de l'animal par les vibrations n'exerce pas
d'influence essentielle sur son état général, ni sur le tonus muscu-
laiie. Malgré l'exagération évidente des réflexes tendineux, le clo-
nus du genou, la tonicité des muscles correspondants demeure
assez, souvent invariable ; elle-peut au contraire être affaiblie.
L'application des vibrations à la colonne vertébrale (régions
dorsale inférieure, cervicale, sacrée), entraîne le spasme de tous
les muscles des deux pattes postérieures, surtout accusé quand
1 excitation est localisée à la région dorsale inférieure. Assez sou-
vent la charge demeure en l'espèce très latente : quelques jours
158 REVUE L'ANA'l'0lilE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
par exemple après l'expérience, il faut pratiquer 1.000 à 1.500
mouvements passifs pour dégager le clonus du genou et les trem-
blements spasmodiques. Les vibrations sur la colonne vertébrale
provoquent aussi'du clonus de l'articulation coxo-fémorale.
P. Keraval.
l\I11. Un noyau spécial de la formation réticulée dans la région
supérieure de la protubérance; parW. de l3ECn'rEnw. (Ncvr'olog,
Centrcclbl, XXI, 1902.)
On connaît jusqu'ici le noyau du cordon antérieur ou respi-
ratoire de ulisslawsl;y, le noyau central inférieur de Rolier,. le
noyau réticulaire du tegmentum pontis de Hechterew, le noyau
central supérieur ou médian de ]3eclitei-ev, le noyau inomiaé de
Hechterew, le noyau du faisceau pédonculaire- transverse de Becll-
terew et Kirilzen. En voici un septième, situé au niveau de la pro-
tubérance en arrière du tubercule quadrijumeau postérieur dans
les parties profondes de l'étage supérieur des pédoncules céré-
braux. Le picrocarmin montre que chez le chat il se compose de
grosses cellules multipolaires déjà visibles à l'oeil nu, souvent plus
volumineuses que les cellules motrices des cornes antérieures de
la moelle. 11 occupe les mêmes portions de la formation réticulée
que le noyau central inférieur, c'est-à-dire celles qui représen-
tent les prolongements des faisceaux essentiels du cordon latéral
de la moelle. Aussi peut-on le nommer noyau centrai supérieur
latéral, ou tout court, noyau central supérieur, média), ou mieux
médian. On le trouve également chez le chien et l'homme, mais
chez l'homme les cellules en sont moins grosses et il est moins
prononcé. P. Keraval.
XXXIV. De l'origine et de la nature de la narcose nerveuse;
N. E. WEDEN5KY. 0&o. : )'eHt'e psichiatrü. VII, 1902, 2, 3, Il.
Chaque fibre nerveuse possède deux propriétés fondamentales;
l'excitabilité et la conductibilité. Schiff avait émis la doctrine
qu'elles étaient distinctes de leur nature, car en certaines conditions
on pouvait les désunir, les isoler l'une de l'autre. Gruenhagen dit
l'avoir démontré par l'expérience du nerf dont une partie est
enfermée dans un tube et soumise à un courant de gaz carbonique.
Cette paitie perd son excitabilité, tandis que l'excitation du même
nerf au-dessus du tube transmet le mouvementà travers sa portion
inexcitable, comme si de rien n'était. L'emploi de l'éther, du chlo-
roforme, de l'alcool, etc., a donné le même résultat. Cependant,
si l'expérience est trop prolongée, la conductibilité après avoir
résiste longtemps, disparaît soudain; à ce moment, l'excitabilité de
la portion intoxiquée conserve encore quelque vigueur, bien qu'affai-
blie, pour ensuite disparaître. Si cette situation n'est pas maintenue
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 15u
longtemps, la cessation de l'action toxique permet au nerfderécupé-
rer toutes ses fonctions normales. C'est donc une vraie narcose.
Spillmann, Luchsinger, Efronn, Gad, Sawyer, Potrowsky. Pour
Ilerzen, le nerf possède, indépendamment de son activité fonction-
nelle, une activité électrique propre ; il les aurait désunies.
La prétention d'Herzen est fausse : une méthode exacte, une
règle de comparaison judicieuse le démontrent. Les faits de Gruen-
hagen et autres sont vrais, mais l'interprétation en est vicieuse.
Voici, d'après l'auteur, ce qu'il faut penser.
1° Il convient de cesser d'expliquer par la désunion des deux
(onctions fondamentales du nerf, l'excitabilité et la conductibilité,
les phénomènes observés sous l'influence d'un procédé narcotique
ou autre. 2° Les agents chimiques les plus divers, tout autant que
différents agents physiques, appliqués à un nerf, à une intensité
et pendant un temps connus, provoquent en lui un tableau de
modifications tout à fait analogue à celui qui se développe sous
l'action des substances narcotiques typiques. Par conséquent la
modification du nerf analogue à la narcose doit être appelée d'un
nom pins général, de celui de parabiose, et peut être considérée
comme sa réaction universelle aux opérations les plus diverses.
3" La parabiose, ou narcose, au sens étendu de ce mot, peut être
regardée comme un état d'éréthisme original, persévérant et sta-
hle, et, par suite se localisant à l'endroit où il a pris naissance.
4°. On peut considérer l'inhibition comme une parabiose tempo-
raire provoquée par des éréthismes d'autre source, tandis que la
parabiose serait un état plus ou moins durable d'inhibition qui
possède sacause locale. Au fond ces deux phénomènes pourraient.
bien être de même ordre, tenir à une seule et même modification
des éléments nerveux, aune transformation de l'éréthisme devenu
continu et ferme. P. KERAVAL.
XXXV. Du réflexe sous-épineux, réflexe de l'extrémité supérieure
de l'homme, inconnu jusqu'ici; par Steiner. Du réflexe sous-épi-
neux, par W. Pickett. Réplique à W. Pickett; par Steiner. (Neu-
1'olog, Cenlralblalt. 18. 24. XXI. 1902.) Des réflexes sous-scapu-
laire et pectoral; par \\ ? \1. Bechterew. (Obozrénié psichiatrii.
Yll. 1902.) .
Si l'on frappe un endroit précis de l'omoplate tandis que le bras
pend librement et naturellement le long du tronc en pronation
légère, celui-ci fait un léger mouvement de rotation en dehors,
accompagné d'extension, de l'avant-bras (coaction du triceps bra-
chial). Tel est le réflexe du muscle sous-épineux. Il faut frapper non
où les faisceaux musculaires convergent vers la tête de l'humérus,
mais à 2 ou 3 centimètres de l'angle formé par l'épine de l'omo-
plate et le bord interne de l'omoplate, en se portant diagona-
160 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
lement au bord opposé de cet os : la zone sensible forme un cercle
irrégulier du diamètre d'une pièce de 5 marks. La description pré-
cédente indique que c'est un réflexe d'autant qu'il est exagéré d'un
seul côté dans les cas de lésions anatomiques cérébrales et spino-
cervicales. Ce n'est pas un réflexe mécanique. Il existe constant.
ment à l'état normal et échappe à l'influence mentale du sujet.
L'os n'a rien à voir en l'espèce puisqu'on peut percuter tous les
autres points de l'omoplate en vain. Des expériences à l'aide de la
cocaïne prouvent que la voie centripète est le nerf musculaire sen-
sible, que le réflexe est musculaire. Les aponévroses n'y sont pour
rien, Sternberg ayant démontré l'origine osseuse de tous les phé-
nomènes aponévrotiques, périostiques, articulaires. Chez 10 tabé-
tiques dorsolombaires banaux, malades depuis 8 ans au maximum,
il ne manquait jamais. 11 faut en distinguer le réflexe deltoïdien
produit par la percussion des parties postérieures du deltoide : le
bras s'éloigne du tronc ou s'élève. ,
William Pickett revendique la paternité du réflexe sous-epiueux.
(voy. On the scapulo-humeral reflexe of Bechterew il ! Journal of
nerv. and mental disease mai 1901.) 111. Steiner répond : Vous
avez vu l'effet moteur du sous-épineux, mais vous n'avez pas dé-
celé le réflexe clinique dont la nature a été élucidée par mes
expériences à la cocaïne. °
M. Bechterew indique que dans ses recherches sur le réflexe sca-
pulo-huméral il a attiré l'attention sur la contraction réflexe du
sous-épineux, etc.,etc. Est-ce un réflexe semblable aux autres réflexes
cérébro-spinaux ? La contraction dépend-elle de l'excitation méca-
nique du muscle ? Il faut pour en décider un nombre suffisant
d'observations pathologiques. Sa recherche peut être utile clini-
quement.
Un autre réflexe très important est celui du tendon du grand
pectoral à l'épine de la grande tubérosité de l'humérus. La percus-
sion de l'extrémité de ce tendon fait contracter tout le muscle et
produit l'adduction du membre au torse. Comme il est en partie
recouvert des libres antérieures du deltoïde, qui s'insèrent tout
près de la tubérosité numérale, le même coup de marteau pro-
voque la contraction de lapo1'lion intérieure du deltoide. Le réflexe
du pectoral, fort constant chez les gens bien portants, s'exagère de
concert avec les autres réflexes dans toutes les affections cérébrales
et dans les affections cérébrospinales siégeant au-dessus du ren-
flement cervical. Exagéré dans la paralysie spasmodique et dans
la sclérose latérale amyotrophique, il disparaît dans certains cas
de poliomyélite où la ceinture scapulaire est atteinte.
Lorsqu'il est exagéré, souvent la contraction du grand pectoral
s'accompagne non seulement de celle des faisceaux antérieurs du
deltoïde, mais parfois même de; celle du biceps dont la longue
portion au moment où elle se transforme en tendon passe sous
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 161
l'insertion du pectoral à l'humérus : il y a excitation mécanique de
ce tendon; en un cas par le même mécanisme les segments
antérieurs du trapèze se sont contractés. La position anatomique
du noyau du pectoral indique la localisation de ce réflexe dans la
région des segments cervicaux 4-7. P. KIRAVAL.
XXXVI. La réaction paradoxale des pupilles, avec observation
personnelle de rétrécissement des pupilles sous l'influence de
l'ombre; par J. PILTZ. (Neurolog. Ceatral6. YYI. 1902.) '
Long mémoire dont voici les conclusions :
Io Il existe diverses formes de réaction paradoxale des pu-
pilles. Ce sont : a. La réaction paradoxale des pupilles à l'accommo-
dation. Les pupilles se rétrécissent pour la vision de loin, et se
dilatentpourla fixationd'un objet rapproché, les conditions d'éclai-
rage restant les mêmes. Vysin qui l'a observée l'appelle perversion
de la réaction pupillaire. b. La réaction paradoxale apparente des
pupilles à la lumière. A la suite d'une lésion de l'iris, la contraction
du sphincter irien d'abord déterminée par l'agent lumineux est
suivie d'une dilatation de la pupille ou du coloboma, qui en impose
pour une dilatation d'emblée, par conséquent paradoxale, à la
lumière (Burchard). c. La réaction paradoxale vraie des pupilles à
la lumière. Dilatation des pupilles à la lumière et contraction des
pupilles dans l'ombre. Elle comporte trois espèces : 1° La dilata-
tion à la lumière sans contraction préalable (Morselli, Leitz, Silex);
2° La dilatation à la lumière précédée immédiatement de contrac-
tion (de Bechterew) ; 3° Le rétrécissement de la pupille dans l'om-
bre sans dilatation préalable (Piltz). II. La réaction paradoxale à
l'accommodation n'a jusqu'ici été vue que dans les maladies fonc-
tionnelles du système nerveux central ; la réaction paradoxale
apparente à la lumière n'a été observée qu'en un cas diridectomie ;
la vraie réaction paradoxale à la lumière est un phénomène très
rare qui peut être simulé par la réaction à la convergence, à la
divergence, à l'accomodation, par l'hippus des pupilles, par la
réaction à la chaleur ou réaction sympathique des pupilles, par
la réaction des pupilles sous l'influence de la contraction de l'or-
biculaire. III. Toutes les causes d'erreur étant éliminées, il ne reste
que cinq observations inattaquables de réaction paradoxale des
pupilles à la lumière : celle de Morselli dans la démence paraly-
tique, de Bechterew dans la syphilis cérébrale, de Leitz dans là
méningite tuberculeuse, de Silex dans l'épuisement avec agitation
d'origine traumatique, la mienne dans l'atrophie des nerfs opti-
ques syphilitique. IV. La vraie réactioa paradoxale des pupilles à
lalumièreest un symptôme extrêmement rare qui jusqu'à ce jour
a été observée presque exceptionnellement dans les affections
organiques graves du système nerveux. P. IiEnAVAL. z
Archives, 2- série, t. XVIII. 11
162 SOCIÉTÉS SAVANTES.
XXXVII. La circulation cérébrale pendant le coït; par L.-M. Poos-
SEPE. (06o,M ? cpSte/tM'n. VII. 1902.)
Trois expériences sur des chiennes soumises au mâle avec
tableaux. On lie toutes les branches d'une des carotides sauf la
carotide interne. On prend ensuite la pression du bout central et
du bout périphérique de la carotide à l'aide du kymographe enre-
gistreur, de Ludwig. La pression du bout périphérique n'est autre
que celle des vaisseaux du cercle artériel de Willis; celle du bout
central est la pression de la partie ascendante de l'aorte. Ces deux
pressions se trouvent inscrites sur le ruban sans fin de l'appareil à
l'état de courbes dont l'examen et la comparaison fournissent la
condition des vaisseaux du cerveau. :
Conclusions. - 1° Pendant la copulation, on observe une élé-
vation marquée de la pression générale du sang. 2° On observe
une hyperémie marquée du cerveau. 3° L'acte sexuel total est
caractérisé par une rapide alternance de contractions et de dila-
tations des vaisseaux du cerveau avec chute et élévation de la
pression générale du sang, qui dépendent des divers moments de
cet acte. 4° C'est immédiatement après l'introduction du pénis que
l'on observe le maximum de dilatation des vaisseaux du cerveau
et le maximum d'hyperémie de cet organe. 5° Après la fin du coït,
la pression du sang générale tombe notablement, l'animal est
moins vivant. l'hyperémie cérébrale est moins accentuée.
P. KERAVAL.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE
Séance de juillet 1904. - PRÉSIDENCE DE M. Dêjerine.
Lésions des neurofibrilles dans la paralysie générale.
MM. GILBERT Ballet et LAIGNEL-L,1VASTINE présentent, traitées
par la nouvelle méthode de Cajal, des coupes d'écorces cérébrales
de paralytique général et de tuberculeux pris comme témoin. La
comparaison montre des lésions des neurofibrilles dans les cellules
nerveuses du paralytique, au maximum dans les petites et moyennes
pyramidales. Dans les grandes pyramidales n'existe souvent que
la raréfaction fibrillaire péri-nucléaire. En outre, le feutrage fibril-
laire péricellulaire est moins riche que chez les témoins. En somme,
1 sociétés savantes. 163
le processus de l'encéphalite diffuse lèse la substance achromatique
comme la chromatique.
déviation conjuguée des yeux avec rotation en sens opposé de la tête.
MM. Roussy et GAUCKLER présentent un cas suivi d'autopsie où
on trouva dans l'hémisphère gauche un foyer hémorragique inté-
ressant le tiers externe du thalamus, le segment postérieur de la
capsule interne et empiétant sur le noyau lenticulaire. Dans le
cerveau droit un foyer de dégénérescence secondaire dans la cap-
sule interne (lésion ancienne). Ce cas (sauf pour cette lésion
ancienne) est en tout semblable à celui de Grasset. Ces faits peu .
connus de déviation opposée méritent l'attention. On ne saurait
en effet leur appliquer la théorie récemment émise par le profes-
seur Bard qui n'explique pas tout le phénomène.
Accidents nerveux tardifs du rhumatisme articulaire franc.
M. LHERMITTE présente un malade qui, à la suite d'une polyar-
thrite rhumatismale aiguë, offre divers accidents nerveux : amyo-
trophie des mains, de l'avant-bras, du bras et du quadriceps
fémoral gauche, anesthésie cutanée segmentaire du bras droit et
de la jambe gauche, exagération des réflexes tendineux, et signe
de Babinski à gauche, ongles en verre de montre. Les anesthésies
peuvent être rapportées à l'hystérie ; les amyotrophies peuvent se
classer parmi les atrophies réflexes par lésion articulaire.
Sclérose en plaques chez un infantile myxoedémateux.
MM. HAYMOND et GUILLAIN présentent un jeune infantile myxoedé-
mateux de dix-huit ans porteur de signes évidents de sclérose en
plaques (tremblement intentionnel, parole lente et scandée, nys-
tagmus) et de débilité mentale. La sclérose en plaques est très
rare chez les enfants.
Syringomyélie avec chei1'ornégalie.
MM. RAYNOND et GUILLAIN présentent un syringomyélique ayant
une main hypertrophiée d'aspect pseudo-acromégale. Ces hyper-
trophies pseudo-acromégaliques signalées par Charcot, Brissaud,
Marie, dans la syringomyélie sont rares. L'hypertrophie dans ces
cas peut porter soit sur les os, soit sur les parties molles. La radio-
graphie a montré que dans le cas présenté l'hypertrophie porte
sur les parties molles. Il n'y a pas d'arthropathie en évolution.
Ces hypertrophies peuvent se montrer au début ou tardivement.
Surdité et cécité verbales, aphasie totale, autopsie.
MM. Déjerine et Thomas présentent les pièces d'une malade com-
plètement aphasique avec mutisme opiniâtre, absence absolue de
164 sociétés savantes.
la jargonaphasie des sourds verbaux. Or, le cerveau frontal est
absolument sain. La première et la deuxième temporales étaient
histologiquement altérées, enfin il y avait une grosse lésion du pli
courbe. C'est aux dégénérations secondaires dans les faisceaux
d'association que les auteurs attribuent l'aphasie motrice, consé-
quence indirecte des aphasies sensorielles.
Ncevus avec varices et hypertrophie osseuse.
' MM. GUILLAIN et COURTELLEMONT présentent un sujet atteint d'un
noevus variqueux ostéo-hypertrophique, occupant le membre supé-
rieur droit avec le moignon de l'épaule, la base du cou et le som-
met du thorax, -laissant indemne le creux axillaire. Il semble que
la malformation cutanée occupe toute la zone radiculaire du mem-
bre à l'exception- de la bande correspondant à la septième cervi-
cale. Tous les noevi n'occupent pas une disposition radiculaire;
certains, en effet, ont une topographie périphérique et' d'autres
métamérique.
Troubles auditifs dans les tumeurs cérébrales.
M. Souques, chez un homme atteint de tumeur cérébrale, une
surdité complète et bilatérale, ayant évolué en quelques mois avec
des phénomènes d'irritation unilatérale du trijumeau, avait fait
diagnostiquer une localisation basilaire. A l'autopsie, on ne trouva
qu'une tumeur volumineuse au lobe préfrontal gauche. L'augmen-
tation de pression céphalorachidienne est-elle capable d'abolir
l'audition comme la vision et par quel mécanisme ? 2
Les dégél1émtions du cordon antérieur de la moelle.
MM. P. Marie et GUILLAIN défendent contre une précédente com-
munication de mye Déjerine leurs conclusions premières sur les
dégénérations du cordon antérieur. Consécutivement aux lésious
cérébrales très vastes le tractus de sclérose du faisceau pyramidal
direct, non seulement n'occupe pas la moitié interne du cordon
antérieur; mais il est souvent très minime et fait quelquefois
défaut. Les dégénérations de ce cordon par lésions cérébrales sont
l'exception. Ces dégénérations consécutives aux lésions du mésen-
céphale, du métencéphale, du myélencéphale, déterminent dans
le cordon antérieur une dégénérescence plus volumineuse et plus
étendue pouvant prendre la forme d'un croissant. En effet, dans
ce cordon descendent des fibres « parapyramidales » qui n'appar-
tiennent pas au faisceau pyramidal d'origine corticale bien qu'elles
occupent dans la moelle une situation adjacente.
, F. BOISSIEft.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 165
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 28 mars. - Présidence DE M. BRDNET.
Le décubitus aigu dans la paralysie générale.
M. VIGOUROUX : fait une étude rapide de l'escarre qu'on a consi-
dérée longtemps comme une complication obligatoire de la période
terminale de la paralysie générale. Une opinion très courante et
partagée par de nombreux aliénistes est que l'escarre est évitable
par des soins de propreté et d'hygiène. Mais il en est un certain
nombre que n'empêcheront point des soins minutieux : celles d'o-
rigine cérébrale, médullaire, névritique. L'auteur apporte deux
observations de ces escarres survenues à la suite d'ictus chez des
paralytiques généraux, dont l'un n'est resté alité que trois jours et
l'autre était atteint de rétention d'urine : le décubitus prolongé
dans le premier cas, la macération dans le second ne peuvent donc
être invoqués comme facteurs étiologiques. L'évolution de ces
escarres a été la suivante : d'abord congestion de la région fessière
et production d'une plaque d'érythème qui s'est couverte de phlyc-
tères ; formation d'une croule épidermique recouvrant des tissus
mortifiés ; élimination de ceux-ci, d'où une ulcération anfractueuse
ne suppurant pas; enfin période de réparation rapide. Le pronostic
de ces complications n'est donc pas défavorable. La pathogénie en
a été très discutée : l'auteur pense, avec M. Durante, qu'elles sont
le produit de poussées congestives avec rupture vasculaire dans le
tissu cellulaire sous-cutané, comme il s'en forme dans un peu tous
les organes du paralytique général.
M. Anrraon est de l'avis de M. Vigouroux ; s'il a publié autrefois
que les escarres ne tiennent pas à la maladie mais aux soins que
l'on donne, il s'est aperçu depuis qu'en dehors de la compression
et de la macération on pouvait en observer qui relèvent de troubles
trophiques consécutifs en particulier aux ictus.
M. BRIAND attache une grande importance aux soins de l'infir-
mier dans les variations du nombre des escarres qu'il a pu constater
depuis vingt ans dans son service ; toutefois il ne nie point le rôle
du trouble trophique. '
La prétendue bienveillance des paralytiques généraux.
M. PACTET expose les conditions du meurtre d'un infirmier de
son service par un malade très probablement paralytique général :
la victime avait été saisie par le cou et, en une minute, avait cessé
de vivre : tous les secours et soins médicaux, malgré leur rapidité,
166 SOCIÉTÉS savantes.
furent inutiles. L'autopsie, pratiquée par MM. Brouardel et Soc-
quet, fit admettre la mort par inhibition : il n'y avait en fait de
lésion qu'un certain degré de congestion pulmonaire. A ce propos,
M. Pactet s'élève contre la réputation de bienveillance que l'on
attribue généralement à tort aux paralytiques généraux : ce sont,
au contraire, des êtres très dangereux en raison de leur affaiblis-
sement intellectuel et de leur automatisme impulsif.
MM. BRIAND, CHRISTIAN, Marie sont d'accord avec M. PACTET pour
affirmer que les paralytiques généraux sont souvent des malades
dangereux qu'il faut surveiller spécialement à cet é2ard.
, Du rôle de l'imitation dans la formation d'un délire.
r 11111. VuRpAs et DUPR.1T étudient la formation d'un délire de per-
sécution, à : base religieuse : la malade, une dégénérée, à la suite
de la lecture d'une vie de sainte, se crée de cette sainte un modèle
que tous ses efforts vont tendre à imiter. La conception de cet
idéal a si bien coloré et transformé la mentalité et la vie de la
malade que celle-ci se croit appelée aux mêmes destinées que la
sainte : elle se révèle à plusieurs personnes, les harcèle de ses pro-
jets, les supplie d'obtempérer aux ordres que Dieu leur transmet
par elle. La résistance et le dédain que partout elle trouve la con-
firment dans l'idée d'une persécution diabolique, qui est le point
de départ d'un délire vrai de persécution. Des excentricités com-
mises dans une église la font interner, et l'asile devient un nouvel
aliment à ses théories délirantes.
. Les auteurs montrent comment, chez cette femme impression-
nable, l'intensité des images mentales, la faiblesse des facultés de
critique et d'abstraction ont laissé se créer une émotion intense
qui a polarisé sa vie psychique dans un sens net et défini, com-
ment sa vie s'oriente dès lors autour de ce système, constituant le
délire par imitation. Ce délire est bien différent du délire par con-
tagion où l'imitateur est passif; la malade des auteurs, au con-
traire, est active, originale, dans la création de son modèle.
Trois cas de fragilité des os chez des aliénés.
, MM. MARiEet VIOLLI;T, d'une étude qu'ils ont faite sur les frac-
tures spontanées dans trois cas de psychose organique, tirent les
conclusions suivantes : la fragilité des os peut s'observer chez les
aliénés comme le rachitisme. Elle se manifeste à l'occasion d'actions
musculaires ou de chocs minimes occasionnels. Des fractures par
action musculaire, combinée avec la fragilité des os, peuvent s'ob-
server dans l'épilepsie avec ou sans idiotie. Dans ces cas, les frac-
tures peuvent se produire au lit, au cours de crises convulsives,
sans choc; elles siègent principalement sur les os des membres
nférieurs (tibia, fémur). Dans la paralysie générale, des fractures
SOCIÉTÉS SAVANTES. 167
spontanées peuvent aussi s'observer; l'examen des os montre par-
fois une altération dystrophique générale qui les explique. Ces di-
verses fractures guérissent bien le plus souvent. La radiographie
peut aider beaucoup à leur diagnostic. Leurs causes restent à pré-
ciser ; elles peuvent relever d'altérations locales du squelette
(gommes), de lésions des centres trophiques ou bien de dystrophies
générales diathésiques (syphilis acquise ou héréditaire).
M. CHRISTIAN. - Les fractures spontanées ne sont pas rares au
cours des attaques épileptiques, non plus que les fractures par
action musculaire vive chez des individus normaux. Mais je n'ai
pas vu un seul cas de fracture spontanée chez les nombreux para-
lytiques généraux que j'ai vus passer pendant vingt-cinq ans à Cha-
renton. Les recherches faites avec M. Mabille n'ont montré aucune
altération du système osseux chez de nombreux paralytiques morts
à l'asile de Maréville.
M. Marie. - Des fractures spontanées ont été observées par
plusieurs auteurs chez les paralytiques généraux, par M. Régis
entre autres, qui en a rapporté d'intéressants exemples. M. B.
Séance dit-25 avril. - Présidence de M. Brunet. ,
Aperçu médico-légal sur les troubles mentaux ]Jost-tmumatiques.
MM. Marie et VIOLET, à la suite d'une enquête auprès de leurs
collègues des asiles, ont recueilli une centaine de cas de trauma-
tismes crâniens suivis de troubles mentaux.
Ils en tirent l'aperçu médico-légal suivant : '
1° Par suite des applications de plus en plus fréquentes et éten-
dues de la nouvelle loi sur les accidents du travail, les experts
seront plus souvent appelés à enquêter au sujet de troubles men-
taux ayant suivi immédiatement, ou à longue échéance, des trau-
matismes crâniens. '
2e Au cours des enquêtes, on a pour base d'appréciation les élé-
ments suivants : Nature du traumatisme et ses conditions de réa-
lisation. Caractères de la psychose surajoutée. Date d'apparition
de la psychose par rapport au traumatisme initial. Examen du
sujet au point de vue des stigmates dégénératifs persistants. Etude
des antécédents personnels et surtout héréditaires. Appréciation
des causes de folie de toute nature (chagrins, fatigues, préoccupa-
tions, excès), survenues entre le traumatisme et l'apparition de la
folie. '
3° Parmi les cas où il peut y avoir lieu à expertiser. on peut
citer : les questions d'assurances sur la vie, les traumatismes crâ-
niens survenus chez des soldats en service commandé, la respon-
sabilité des bureaux de placement et des patronages concernant
168 SOCIÉTÉS SAVANTES.
les aliénés sortis guéris des asiles au cas d'accidents survenus chez
l'employeur, coïncidant avec une rechute de folie. Les crimes et
délits commis pendant l'automatisme transitoire qu'on observe
parfois immédiatement après le traumatisme. Les attentats à la pu-
deur, délits d'ivresse, de vagabondage, etc., commis sous l'influence
d'impulsions érotiques, dipsomaniaques, etc., consécutives à un
traumatisme crânien. Enfin les indemnités à accorder à une vic-
time d'accident ordinaire en dehors du travail.
4° Les questions les plus délicates et les plus nouvelles auxquelles
on peut avoir à répondre ont trait aux articles de la loi de 1898
sur les accidents du travail. Outre les questions d'incapacité de
travail actuellement posées, il est à prévoir que dans un avenir
proche, les familles de traumatisés aliénés ' demanderont des
indemnités au sujet des troubles mentaux consécutifs. Ces trou-
bles peuvent être classés sous les titres suivants de la loi.
Incapacité immédiate et passagère de travail par trouble mental
suivi de guérison. Incapacité passagère de travail par trouble men-
tal non suivi de récupération totale des facultés psychiques, d'où
impossibilité d'un travail aussi complexe qu'auparavant. Incapa-
cité immédiate et permanente de travail par psychose incurable.
Incapacité éloignée et permanente de travail par psychose tardive
et incurable. Il importe de s'habituer dès maintenant à envisager
ces questions. - 1. 1
M. Marie fait remarquer combien il est difficile de déterminer
les conséquences psychiques d'un traumatisme crânien. La pré-
disposition, quand elle existe, ne dégage pas toute responsabilité.
M. BRIAND. Il est très difficile, et cependant important pour
l'expert, de connaître l'état psychique antérieur du blessé, les fa-
milles intéressées cachant quelquefois la vérité.
M. V1GOUROUIi. - Les relations pathogéniques d'un trauma-
tisme avec les troubles psychiquessont bien difficiles àétablir; dans
plusieurs cas, l'autopsie n'a révélé aucune lésion attribuable au
traumatisme.
M. BRIAND. J'ai connu un hypochondriaque dont les préoc-
cupations disparurent après qu'il se fût logé une balle dans la tête.
M. Marie. Il y a des cas d'une- extrême difficulté d'interpréta-
tion, ceux par exemple, dans lesquels il s'agit de déterminer dans
quelle mesure un traumatisme a déterminé ou hâté l'apparition ,
des troubles mentaux, et dans la pratique, ce problème se pose
quelquefois.
Un cas de folie ci deux avec infériorité relative de l'organe actif.
MM. Daovnnn et LEvAssoRT communiquent une observation de
folie en partie double évoluant simultanément chez la mère et la
fille. Il s'agit d'un délire polymorphe avec prédominance d'idées
SOCIÉTÉS SAVANTES. 1 69
mystiques et de persécution, développé chez la fille puis adopté
par la mère.
Le cas est intéressant par l'absence des éléments que Lasègue
et Fabret considèrent comme classiques, et sur lesquels ils s'ap-
puient pour faire de la folie à deux une folie communiquée :
a) Relativement à la différence intellectuelle des deux sujets, la
fille, organe actif, est inférieure à la mère, organe passif; outre
qu'elle est plus chargée héréditairement et qu'elle présente des
stigmates plus nets de dégénérescence, son délire est remarqua-
blement empreint de débilité, contrairement à celui de la mère
dont la coordination et l'enchaînement ne laissent rien à désirer.'
b) En ce qui concerne la préexistence du délire chez l'actif, le
cas n'est pas davantage en faveur de la théorie classique, car le
passif manifeste déjà des tendances délirantes évidentes au moment
où se développe le thème délirant commun.
c. Quant à la prééminence du délire de l'actif sur celui du
passif, elle est encore contestable, car la systématisation des idées
délirantes chez l'organe passif donne à son délire une intensité
très marquée.
En réalité, il ne s'agit pas d'une folie communiquée par un actif
à un passif, mais bien d'une folie simultanée avec orientation par
un organe et coordination par l'autre, ces considérations militent
en faveur de la théorie de M. Régis.
Etat obsédant point de départ d'une déformation de l'épaule et suivi
du délire des négations.
M. Privât de FORTUNIÉ rapporte l'observation d'une malade qui,
sous l'influence d'un état hypocondriaque et à l'occasion de trou-
bles de coenesthésie, a pris l'habitude d'exercer des tractions sur
son omoplate. Consécutivement, cette habitude s'est transformée
en besoin, et finalement en obsession continuelle. Une série de
mouvements analogues et également obsédants sont exécutés par
la malade : traction sur le cou, sur les clavicules, compressions
du larynx, des seins, coups donnés à la poitrine, sous le menton,
sur la tête.
Par suite de la répétition des mêmes mouvements, il s'est pro-
duit un relàchement des muscles fixateurs de l'omoplate qui per-
met à la malade de saisir cet os à pleine main. L'omoplate se
déplace avec une très grande facilité et fait saillie sous la peau
comme si elle était libre d'adhérences ; on constate à ce niveau la
présence d'une vaste bourse séreuse.
La mobilité exagérée de l'omoplate jointe à la saillie de son bord
spinal au repos et dans une position des bras intermédiaire aux
positions horizontale et verticale pouvait faire penser tout d'abord
a une paralysie du muscle grand dentelé, mais l'examen électrique
a démontré l'intégrité de la musculature de l'omoplate.
170 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Au point de vue mental et comme, conséquence de la préoccu-
pation continuelle qu'éprouve la malade au sujet de son état phy-
sique, ces mouvements par obsession ont un certain retentissement
en exagérant les troubles de la sensibilité et l'état hypocondriaque.
Ainsi sont nées des idées de suicide et progressivement la malade
est arrivée au délire des négations.
Dans cette observation plusieurs points sont à noter :
1° La genèse de l'état obsédant : dans ce cas il s'agit d'une
obsession acquise ; la malade n'a présenté auparavant aucun
trouble analogue et on ne rencontre chez elle aucun stigmate
d'hystérie. Plus exactement, il s'agit d'une habitude devenue
une obsession. Cette dernière est née à l'occasion de troubles
de la cénesthésie et, à ce point de vue, elle est à rapprocher
des hallucinations devenues obsédantes. De plus l'obsession s'est
présentée sous une forme continue, traduisant un état aboulique
très prononcé. Partant, cet état ne paraît pas susceptible de rétro-
céder ; ,
2° L'influence exercée par l'obsession sur l'état mental : l'idée
de suicide et les idées de négation se sont développées consécu-
tivement aux transformations éprouvées par la malade dans son
organisme. Dans l'espèce on peut dire que s'il ne s'agit pas de la
transformation d'une obsession en délire, néanmoins l'obsession
paraît avoir eu sur l'évolution de ce. dernier une influence déci-
sive ;
3° La tendance même de l'obsession (besoin de tirer), de com-
primer, de cogner les diverses parties de son corps), enfin la
déformation particulière de l'épaule susceptible de simuler une
paralysie du muscle grand dentelé. M. B.
SOCIÉTÉ DE NEUROPATHOLOGIE ET DE PSYCHIATRIE
DE MOSCOU
- . SÉANCE DU 21 FÉVRIER 1903
' Un cas de myolrynie dans la polioence phalo-rnéningite aiguë,
S.-N. DEIÆKTORSKY, - Le malade, de quinze ans, s'adressa à la
Clinique des maladies nerveuses le 11 janvier 1903, se plaignant
sur la faiblesse des muscles du cou et du membre supérieur droit;
en mars de 1902 il avait eu un abcès sur la cuisse gauche. La ma-
ladie actuelle a débuté en juin de 1902. La température a été éle-
vée pendant plusieurs jours. Au commencement ont été paralysées
toutes les quatre extrémités ; ensuite, . les mouvements commen-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 171
cèrent à se restituer graduellement, mais dans la partie supérieure
du tronc des deux côtés et dans le bras droit resta la paralysie
atrophique ; dans la période de l'amélioration des mouvements,
apparurent des tiraillements involontaires des faisceaux muscu-
laires, de la parésie du nerf facial droit dans ses ramifications infé-
rieures et médianes. Des mouvements involontaires dans les
muscles mimiques de la face. L'abaissement de l'ouïe et de la sen-
sibilité osseuse du côté droit. Des mouvements involontaires de la
langue. De la paralysie atrophique des muscles de la partie supé-
rieure du tronc des deux côtés, plus accentuée du côté droit ; de la
paralysie' atrophique du bras droit. L'exagération de l'excitation
mécanique des muscles, qui n'ont pas été soumis à la dégénéres-
cence complète. L'exagération des' réflexes tendineux, du triceps
et du biceps du côté gauche. Une réaction de dégénérescence
complète dans les muscles biceps, deltoïdes scapularis et cucullaris
du côté droit. Dans les autres muscles atrophiés on observe une
diminution très marquée de l'excitabilité électrique galvanique et
faradique. Les mouvements des membres inférieurs sont normaux
et la nutrition suffisante. Les réflexes patillaires et ceux du tendon
d'Achille sont très exagérés des deux côtés. Point de clonus. La
sensibilité n'est pas troublée. Les réflexes cutanés sont assex vifs
et égaux des deux côtés. Dans les muscles de la face, du cou, du
tronc, des membres supérieurs et', en partie, des membres infé-
rieures, on remarque des tiraillements particuliers ; dans certains
muscles, surtout de la face et du cou, on voit un jeu incessant
d'un tempo très accéléré, sur le fond duquel apparaissent de temps
en temps des contractions tétaniques des faisceaux musculaires
isolés, de la durée de quelques -secondes ; dans les autres muscles
on observe préférenciellement des contractions plus lentes, se pro-
pageant d'un faisceau musculaire à l'autre, et envahissant tout le
muscle ; assez souvent on peut voir aussi sur les cuisses des tirail-
lements fibrillaires ordinaires. Pendant le sommeil, les mouve-
ments ne cessent point. Le début aigu de la maladie, son évolution,
l'état du malade, tout cela ne laisse aucun doute que nous avons
affaire ici à une poliomyélite ; puisque ce sont les nerfs bulbaires
qui sont altérés (les nerfs facial, auditif, pneumo-gastrique et, en
partie, le nerf lingual), il faut croire que c'est une polioence phalo-
myélite aiguë. Pourtant, vu cela que la maladie progresse, quoique
lentement, on peut présupposer le commencement d'un processus
chronique. La particularité du cas donné consiste dans cela que
les contractions variables involontaires des faisceaux musculaires
ne sont pas les tiraillements « fibrillaires », mais présentent le
tableau clinique décrit par SCHULTT,E sous le nom de myokymie. Le
rapporteur pense que les phénomènes dé myokymie peuvent
dépendre de l'irritation des cellules nerveuses des cornes anté-
rieures.
H2 Z . SOCIÉTÉS SAVANTES.
Un cas de psychose de Korsakoff.
B.-A. GuiLiAnovsKY. Malade de cinquante trois ans, marié. La
syphilis est réfutée ; le malade buvait quotidiennement environ
une bouteille d'eau-de-vie. Les deux dernières années il se plai-
gnait parfois sur des élancements dans les membres inférieurs
et un sentiment de pince dans les plantes des pieds ; en ce temps
il souffrait aussi du vertige pendant la marche. En été de 1902 et
en automne, la faiblesse des extrémités inférieures s'augmenta
pour autant, qu'il ne pouvait marcher qu'avec l'aide d'nn bâton.
Dans l'état psychique du malade on ne remarquait aucun change-
ment jusqu'au dernier temps, c'est-à-dire jusqu'au 10 janvier de
1903. La veille de ce jour le malade avait bu, mais pas plus qu'à
l'ordinaire; le lendemain matin, lorsque le malade ne s'était pas
encore réveillé, on remarqua chez lui une respiration avec ràle-
ments, un grincement de dents et un tremblement'des membres
supérieurs de courte durée ; le malade était gateux en ce temps;
la face était rouge; trois heures après la conscience éclaircit :
durant un quart d'heure il ne pouvait point parler, quoiqu'il
comprenait tout; ensuite, il commença à parler, mais d'une voix
'nasillarde. Il ressentait une faiblesse générale et particulière
dans les extrémités inférieures. Pendant quatre jours le malade
devait garder son lit; depuis lors on constata chez lui un affaiblis-
sement de mémoire très accentué et une certaine agitation; les
premiers jours il avait des hallucinations auditives; une semaine
plus tard, le malade commença à parler mieux, mais l'affaiblis-
sement de mémoire restait au même degré. Une artériosclérose
pas très accentuée. Le discours un peu intelligible Un affaiblisse-
ment général des muscles de tout le corps. Une faiblesse des deux
membres inférieurs, surtout plus accusée dans le membre gauche
et dans les articulations centrales. Une faiblesse, peu signifiante,
des membres supérieurs. Les réflexes tendineux sont exagérés,
les réflexes plantaires vifs. La conscience de la personnalité est
bien conservée. Le malade ne peut pas bien s'orienter dans son
entourage ; ordinairement, il dit qu'il se trouve dans une maison
appartenant à la couronne, qu'il est arrêté; ◀tantôt▶ il croit se
trouver à la gare ; parfois pense qu'il est à l'hôpital, mais il n'en
est pas sûr. Un affaiblissement très accentué de mémoire, surtout
concernant les événements récents ; constamment le malade
demande les noms des personnes avec lesquelles il parle, mais il
les oublie aussitôt. Sa mémoire concernant les événements des
dix années précédentes est aussi affaiblie, quoique à un degré
moins grand. Il existe chez le malade des fausses réminiscences.
Une certaine faiblesse et lenteur de combinaison.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 173
Sur la question du diagnostic de la psychose de K01'sakotf. '
S.-A. SOUKHAXOFF et A.-A. Boorcrrro. - La psychose polynévri-
tique, d'après l'opinion des rapporteurs,' est une forme morbide
autonome, où les accès psychiques se combinent avec les phéno-
mènes polynévritiques ; ces derniers peuvent être faiblement ex-
primés quelquefois. La psychose de 110RSA60rF le plus souvent est
provoquée par l'alcool ; mais dans ces cas la période initiale de la
maladie n'est pas si accentuée que dans les cas où la psychose de
KORSAKOFF est provoquée par l'ictère, la fièvre typhoïde, la pyohé-
mie, etc., et au début de la maladie on observe un état de con-
fusion mentale. Un état stable et uniforme avec oubli et fausses
réminiscences ou sans ces dernières peut durer des mois et des
années, s'améliorant lentement, même à desconditions favorables :
dans ces cas la personnalité du malade est conservée et sa con-
duite reste plus ou moins régulière. Dans les formes plus graves
et les états plus lourds les fausses réminiscences portent parfois
un caractère fantastique.' La restitutio ad integrum, dans cette
maladie, si même elle est possible, est très rare. La psychose de
KORSAKOFF apparaît comme une réaction du côté du système ner-
veux sur la saturation outre mesure de l'organisme par le poison.
Les toxines terminales, précédant il la manifestation delà psychose
polynévritique et se trouvant en connexion immédiate avec cette
dernière, doivent être identiques en commun, ce qui donne tou-
jours un seul et même tableau fondamental de, maladie. Il faut
différer la perte de mémoire alcoolique de la perte de mémoire
polynévritique ; dans le premier, car l'amnésie se développe graduel -
lement et s'accompagne par la modification correspondante de la
personnalité et des qualités morales. L'existence dans la psychose
de MoxsAorl7 des accès, ressemblant à la confusion mentale pri-
maire, ne contredit nullement l'indépendance de la psychose de
110RSAEOFF et on ne peut pas être d'accord avec l'opinion, par
exemple, de M. Séglas, que la psychose palynévritique appartient t
au groupe d'amentia de Meynert. Dans l'artériosclérose, le trouble
de mémoire porte un caractèré progressif, est accompagné d'une
déchéance très marquée des facultés mentales. Un tableau d'accès
ressemblant, mais pas identique, à la psychose de KORSAKOFF, peut
aussi se développer après l'apoplexie, dans les ambolies cérébrales,
etc. Dans la démence sénile peut aussi être observé un tableau,
ressemblant au tableau de la maladie donnée, mais le diagnostic
différentiel est comparativement facile dans ces cas, vu les phé-
nomènes accessoires (la modification déjà ancienne de la person-
nalité, l'affaiblissement du sens moral, le manque des accès poly-
névritiques, etc.). L'amnésie, parfois avec pgeudoréminiscences.
peut aussi s'observer dans les tumeurs cérébrales ; les rapporteurs
ne réfutent point la .possibilité de l'existence dans certains cas.
174 4 SOCIÉTÉS SAVANTES.
rares il est vrai, de la combinaison de la tumeur cérébrale avec la
psychose de EORSAEOFF (cas de MEYER, MONKE : .IOLLER et KAPLAN); z
ici se rapportent aussi les cas de syphilis cérébrale, où, d'après
l'avis de M. Mouravieff, les fausses réminiscencences portent un
caractère plus lent. Une coexistence, semblable d'accès, peutavoir
lieu aussi dans la paralysie générale. Souvent la psychose de Kaon-
SAKOFF se combine aussi avec la palio-encéphalite hémorrhagique
supérieure (de WERNtCKE) ; en outre, pendant le cours de la mala-
die en question, peuvent s'associer des vastes ramollissements
cérébraux. Les cas de la psychose de KonsAKOFF, sans polynévrites
(SCHULTZE, Luckerata, 1\10NKEMoLLER, Liepmann) ne sont pas démons-
tratifs, car les nerfs périphériques n'ont pas été examinés dans
ces cas. Il existe des troubles psychiques, où il n'y a point de
maladie de KoRsAKoFF, mais où il y a des modifications dans les
nerfs périphériques (ANGLADE, CRISTlANl). Pour la psychose de
IORSAKOFF est absolument nécessaire la coexistence d'un état psy-
chique particulier (amnésie avec fausses réminiscences ou sans ces
dernières, un état psychique comparativement vif) avec des phéno-
mènes polynévritiques.
N.-P. POSTOVSKY indique sur cela que la question sur le rapport
de l'amena de Oleyncrt à la polynévrite est seulement tracée dans
l'étude de la psychose de KonsaxoFxetdoit encore être bien étudiée.
Comment faut-il traiter le cas, où l'amentia apparait non comme
accès temporaire, mais comme phénomène stable ? Ne faut-il pas
l'examiner comme un type II de la psychose de Korsakoff ?
W.-A. u'IOURATOFF démontre sur cela qu'il existe des cas de dé-
mence appoplectique, sans névrites, répétant du côté psychique le
tableau de la maladie de KoRSAKOFF. L'un des phénomènes de cette
forme serties confabulations, et c'est déjà un phénomène de délire
avec coloration de démence. Par conséquent, on ne peut pas affir-
mer qu'il n'y a point de démence dans les psychoses polynévri-
tiques. M. MouRATOFF est porté à limiter les maladies de KopSAMFF ' >
seulement par le cas typique de psychose dans les polynévrites.
W.-P. SERBSKY trouve que dans le cas, dont parle W.-A. 31ouR.&-
TOFF, il y avait une psychose polynévritique très typique, ce qui a
été confirmé par l'examen microscopique des nerfs périphériques,
et le ramollissement du cerveau s'est associé après. Cela donne à
penser que dans le cas de la clinique du professeur BECHTEREFF, où
les nerfs périphériques n'ont pas été examinés, les ramollissements z
ont pu s'associer à la psychose polynévritique. Quant aux fausses
réminiscences, elles ne peuvent pas être envisagées comme délire
absurde.
Un cas de carcomatose de la moelle épinière.
P.-A. PRÉOBRAGENSâY. - La malade, de quatorze ans, entra à
l'hôpital le 5 mars 1901. D'il y a un mois, elle tomba et depuis lors
SOCIÉTÉS SAVANTES. 175 j
commença à se plaindre de sa main droite, quoique tout le temps
elle pouvait travailler. Cinq jours avant l'entrée à l'hôpital, elle
sentit des élancements dans l'omoplate droite ; ensuite, le mem-
bre supérieur droit fut paralysé et la veille de l'entrée à l'hôpital se
développa la paralysie de toutes les extrémités. Une paralysie com-
plète des membres supérieurs et inférieurs ; une anesthésie com-
plete inférieure jusqu'à'la région de la clavicule; manque de
réflexes superficiels et des réflexes profonds dans tous les mem-
bres. Affaiblissement de tous les muscles. Les nerfs crâniens
sont en ordre. Douze heures après son entrée, la malade
mourut. A l'autopsie on constata : une hématomyélie et un ramol-
lissement de la partie cervicale de la moelle épinière. L'examen
microscopique démontra un anguio-saicome, commençant du
fond du quatrième ventricule et se diminuant en direction infé-
rieure ; ayant atteint l'entrecroisement des pyramides, il devient
presque imperceptible : dans le centre de la moelle épinière il
avait l'aspect d'une petite raie : plus loin, la tumeur s'augmentait
beaucoup et envahissait la moitié droite et. en partie, la moitié
gauche de la région cervicale de la moelle épinière : en appro-
chant de la partie inférieure cervicale la néoformation diminue de
nouveau et n'occupe qu'une petite portion dans le centre de la
substance grise et la corne postérieure droite, et en tel aspect elle
va jusqu'à la région dorsale médiane, où s'augmente de nouveau à
l'étendue des deux segments ; puis jusqu'à la région lombaire elle
va en aspect d'une assez petite raie par le long de la corne posté-
rieure droite, où elle disparait progressivement; en outre le° sar-
come occupait encore la pie-mère, principalement dans la région
dorsale médiane. On rencontrait dans la néoformation une quan-
tité considérable de vaisseaux de diverse dimension, en commençant
prr des capillaires et en finissant par des vaisseaux et des cavités
excessivement élargis et remplis de sang ; une quantité de foyers
hémorrhagiques se trouvaient dans la tumeur et aussi au milieu
de la substance nerveuse. On apercevait encore beaucoup de
petites cellules et de fibres, se trouvant dans différents stades de
dégénérescence. La tumeur commençait de la pie-mére. ,
L.-S. MIN OR trouve très intéressant celait que les hémorrhagies
se disposaient dans la moelle épinière en aspect d'îlots; évidem-
ment, une cause quelconque a influé, d'une manière identique,
sur les endroits analogues de la moelle épinière dans différents
niveaux. '
G.-J. PRIBYTKOFF compte très grave la disposition de la tumeur
dans le centre de la moelle épinière, presque partoutsonlong;cela
rappelle une telle dispositiond ans-d'autres processus pathologiques
(la myélite centrale, la myélite infectieuse avec abcès, les hémor-
rhagies indépendantes). '
A.-A. Iioaw.or.orr doute, si l'on peut dire, que les hémor-
176 SOCIÉTÉS SAVANTES.
rhagies en forme d'îlots disséminés, se soient développés simulta-
nément.
M. MOLTCIIANCFP, A. BERNSTEIN, S. SoUKHANOFF.
TREIZIEME SESSION ANNUELLE DE LA'SOCIÉTÉ
D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCIIOLOGIE.
Mardi 21 juin 1904. - PRÉSIDENCE DE M. LE Professeur BEAUN[5
(DE NANCY).
Eloge de Liébeault,
M. VAN RENTERCHEM, fondateur et directeur de l'institut psycho-
thérapeutique Liébeault, à Amsterdam, prononce l'éloge de
Liébeault mort récemment ; il retrace sa vie, ses travaux, son
influence sur le monde médical de i'ancien et du nouveau conti-
nent ; son nom passera à la postérité comme celui d'un homme
ayant bien mérité de l'humanité.
Prias Liébeault.
M. Paul PAREZ présente, au nom du Bureau de la Société, un
rapport sur l'attribution du prix Liébeault. Ce prix est attribué
à M. le Dr .TOURDAN (de Marseille) pour sa thèse : « De l'influence
du rêve sur le délire (essai de psycho-physiologie). »
, Liébeault et l'Ecole de Nancy.
M. BEAuNis expose les conditions dans lesquelles BEnhnEm,
Liégeois et lui-même sont entrés en relations avec Liébeault et
sont devenus ses élèves ; il insiste sur quelques points spéciaux
de l'enseignement de Liébeault, à savoir sur les applications non
seulement thérapeutiques, mais physiologiques et psychologiques
de la suggestion hypnotique.
La suggeslibilité des alcooliques.
M. Bérillon. Les buveurs présentent une suggestibilité
extrême. Cependant, au cours du traitement hypnotique, un
alcoolique cesse d'être hypnotisable ; c'est que, ce jour-là, il
n'était pas à jeun. Dans la pratique, je remets au lendemain ma
séance d'hypnotisme, si l'alcoolique a été intempérant pendant la
demi-journée qui précède sa venue chez moi. Chez les alcooliques,
comme chez les autres malades, j'ai remarqué que la suggestion-
nabilité était en raison directe de la sociabilité.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 177
La cure actuelle de l'alcoolisme.
M. LEGRAIN. - Il m'arrive de Russie des renseignements très
intéressants sur le traitement des alcooliques par l'hypnotisme.
Dans les villes de Saint-Pétersbourg, Moscou, Yaroslavl, Kiev,
Saratoff, Ekatorinoslav, Astrakhan, ont été créés, depuis quelques
années, sous les auspices du gouvernement, des dispensaires ou
curatelles où affluent les malades par centaines, où les soins sont
gratuits et où l'hypnotisme est, sinon le seul, au moins le principal
agent thérapeutique. On exige des alcooliques qu'ils désirent sin-
cèrement être guéris et qu'ils s'abstiennent de tout spiritueux
pendant la durée du traitement. C'est peut-être leur demander un
effort colossal, puisque, le plus souvent, leur volonté est presque
anéantie. Il est vrai qu'on les oblige aussi à accepter une surveil-
lance continuelle. Néanmoins, l'hypnotisme reste un moyen extrê-
mement précieux et efficace dans la cure de l'alcoolisme il donne,
avec une bonne direction mentale, la vigueur nécessaire au main-
tien de la bonne résolution de ne plus boire. Pour empêcher les
rechutes, il faut, bien entendu, les encadrer, dans des Sociétés
d'abstinence ou de tempérance afin qu'ils subissent à l'état de
veille et d'une manière continue, l'influence heureuse d'un bon
milieu.
M. BÉRILLON. - Avec M. MARNAY, j'ai déjà opposé à la docilité
des buveurs russes l'indocilité des buveurs français. En France, la
cure des alcooliques est beaucoup plus difficile et beaucoup moins
durable qu'en Russie; c'est que, chez nous, l'alcoolique s'intoxique
avec des essences aussi variées que néfastes ; en outre, il accepte
rarement de se laisser soigner aussi longtemps qu'il le faudrait
pour arriver à une guérison durable.
L'alcoolisme et son traitement par la suggestion hypnotique.
M. Wiazemsky (de Saratow). - L'alcoolisme a presque toujours
une origine psychique ; aussi convient-il d'étudier avec soin l'état
psychique de chaque malade, pour combattre efficacement le
mal. Le traitement de l'alcoolisme par la suggestion doit être
long ; s'il est maintenu pendant un'an, il donne 92 guérisons p. 100.
Si le traitement dure peu, il donne quelquefois des guérisons
complètes ; mais, le plus souvent, les récidives surviennent. Les
alcooliques sont très suggestionnables et leur guérison est d'au-
tant plus facile qu'ils désirent vivement renoncer à leur funeste
habitude. La suggestion est le seul moyen thérapeutique efficace
contre l'alcoolisme ; aussi convient-il d'en propager l'application.
L'auteur expose ensuite les résultats très satisfaisants qu'il a
obtenus depuis quatre ans,et qui portent sur 319 malades.
Archives, 2. série, t. XVIII. 12
178 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Alcoolique traité avec succès, contre son gré et à son insu, par
suggestion pendant le sommeil naturel.
M. Paul FaREZ. - Un homme de vingt-cinq ans, marié, père de
famille, boit chaque jour un litre de vin, plusieurs bocks de bière,
du rhum, de l'amer, du vermouth et de l'absinthe. Il est ivre plu-
sieurs fois par semaine. D'ordinaire, son ivresse est calme; mais,
quand il a bu plus d'absinthe que de coutume, il se livre à des
scènes violentes : il brise des meubles ou des objets de ménage;
il sort le linge des armoires et le piétine ; il injurie grossièrement
sa femme, la bat et lui fait faire quelques chutes graves ; l'une
d'elles est même suivie d'accouchement prématuré. Son intempé-
rance lui a fait perdre un emploi lucratif; il est devenu incapable
de tout travail et passe ses journées au café. Il refuse de se laisser
soigner d'aucune manière. La suggestion pendant le sommeil
naturel est instituée à son insu. Les scènes violentes cessent au
bout de quelques semaines et l'amélioration s'accentue de mois
en mois. Le traitement est long, comme il doit l'être dans tous
les cas d'alcoolisme ; car la cure ne peut être définitive que si l'on
prend le temps de restaurer la volonté. Au bout de dix-huit mois,
notre homme est tout à fait guéri ; il ne va plus jamais au café et
boit au repas de la bière légère du Nord; il est bon, doux, affec-
tueux et travaille avec zèle. Cette guérison persiste depuis trois
ans et demi. '
En outre de certains alcooliques, il est des obsédés ou des déli-
rants qui, ou bien ne sont pas hypnotisables, ou bien refusent de
se laisser soigner. Grâce à la suggestion pendant le sommeil
naturel, ils peuvent, les uns et les autres, être traités malgié eux
et à leur insu, sans qu'ils résistent en aucune façon. Formulée
pendant cet élat d'hypotaxie physiologique périodique qu'est le
sommeil naturel, la suggestion se montre aussi efficace que si
elle s'adressait à un individu profondément hypnotisé.
Suggestion à l'état de veille et suggestion hypnotique.
M. BOURDON (de Méru). - Si la suggestion à l'état de veille est
efficace, il n'en résulte pas que « tout, comme on l'a dit, est dans
la suggestion » ; il y a influence hypnotique, hypnose sans som-
meil, hypnose fortuite, autohypnotisme spontané, suivant les
diverses expressions proposées par les auteurs. La mise en scène
volontaire ou involontaire provoque l'expectant attention; et la
production préalable de l'influence hypnotique a devancé la sug-
gestion. Toutefois, dans les cas graves, il est indispensable d'ob-
tenir le sommeil non seulement profond, mais prolongé, témoins
les observations rapportées par M. Bourdon : crises somnambu-
liques consécutives à une peur, obsessions, idées fixes, neuras-
thénie et faits de pédagogie suggestive.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 179
Le prophète Samuel.
M. Charles BiNET-SANGLE. - Né dans un pays de vignobles, fils
d'une dévote surémotive qui avait été longtemps stérile, Samuel,
enfant silencieux, hyper-suggestionnable, en proie à des halluci-
nations verbales, est bientôt pénétré de l'idée que le Dieu Iahvé
lui parle et qu'il est son ministre sur la terre ; orgueilleux, sujet
à de violentes colères et à des impulsione morbides, il se rend
coupable d'homicide et engendre deux prévaricateurs. Samuel fut
un dégénéré dont la formule mentale peut se résumer ainsi :
Hypersuggestibilité, verbalisme pathologique, théomégalomanie,
impulsivité. '
Présentation du sthénomèt·e.
M. Paul JOIRE (de Lille) présente un nouvel appareil qui enre-
gistre la force spéciale qui émane de l'organisme vivant, se trans-
met à distance et paraît dépendre du système nerveux. Cette force
varie suivant que l'organisme est sain ou malade et, dans ce der-
nier cas, suivant que la maladie est à son début, à son apogée ou
à son déclin. Ce sthénomètre donnera d'utiles renseignements
dans les divers états morbides et il guidera le praticien dans ses
prescriptions thérapeutiques.
La remémoration périodique des souvenirs musicaux.
M. SwoBODA (de Vienne). - De nombreuses observations m'ont
amené à formuler les lois de la remémoration auditive musicale.
En particulier, cette remémoration est périodique; elle survient,
chez les hommes, au bout de vingt-trois heures ou un multiple de .
vingt-trois et, chez les femmes, au bout de vingt-huit heures ou
un multiple de vingt-huit.
M. Lionel DAURIAC, C'est en vain que j'ai cherché la raison
psychologique des obsessions musicales ; j'incline à croire qu'elles
dépendent d'un rythme physiologique plus ou moins confusément
perdu par la subconscience.
M. BEAUNis. - Je suis tout à fait d'avis que les manifestations
du rythme mental dépendent de phénomènes organiques périodi-
ques ; les uns et les autres, présentent des oscillations soli-
daires. ,
M. BÉRILLON appuie ces observations en invoquant la périodicité
de certains troubles délirants.
Un cas grave d'hystérie.
11. BÉniyLON présente une jeune fille hystérique qui, depuis cinq
ans, avait chaque jour, pendant une quinzaine d'heures, des atta-
ques hystériques d'une gravité et d'une intensité extrêmes, avec
'180 SOCIÉTÉS SAVANTES.
contractures généralisées. Quand l'hystérie atteint de telles pro-
portions, l'hypnotisme, dit-on, ne peut les guérir. Or je suis
parvenu à la. débarrasser de ses crises, à rendre sa sensibilité
normale, à - corriger ses désordres mentaux ; par surcroit, je
m'applique à restaurer sa volonté et à faire oeuvre d'orthopédie
suggestive.
L'hypnotisme et la suggestion à l'état de veille.
. M. Paul Magniez Les fanatiques de la suggestion à l'état de
veille proclament la supériorité de cette dernière, parce qu'elle
s'adresse à la raison, fait appel au contrôle du malade et agit par
persuasion ; ils reprochent à l'hypnotisme de faire 'des sugges-
tions, qui peuvent- être bonnes, mais aussi mauvaises, et d'en-
lever aux malades leur volonté. D'abord, la plupart de ces
malades n'ont plus de volonté; nous ne leur enlevons donc pas ce
qu'il leur manque. En outre, nos suggestions ne sont point subies
passivement mais acceptées à l'état de veille, préalablement à
toute manoeuvre hypnogénique. Reste le contrôle ? mais c'est le
plus souvent ce contrôle persistant qui met obstacle à la guérison
du malade. Si à l'état normal l'impressionnabilité (ou suggestion-
nabilité) est représentée par 1 et la résistance par 2, dans cer-
tains états pathologiques l'impressionnabilité tend vers zéro et
la résistance vers l'infini. Dans ces conditions, les malades sont
dépourvus de suggestibilité ; et aucun isolement, aucune psycho-
thérapie à l'état de veille ne sauraient influencer le malade. Mais,
précisément, l'hypnotisme éteint, non pas la volonté, mais cette
résistance maladive; il enlève ce qui fait obstacle à la suggestion;
, il rend éminemment suggestionnable. C'est ce que comprennent
bien les malades qui ont erré en vain de maison en maison et
n'ont retiré de l'isolement que, quelquefois, l'aggravation de leur
état. Ils viennent nous trouver pour être hypnotisés à fond; et ils
guérissent, précisément, parce que hypnotisés, ils ne peuvent ni
raisonner la suggestion, ni la discuter, ni s'y opposer. C'est alors
le triomphe de la suggestion impérative. D'ailleurs, le sommeil
provoqué, à lui seul, sans aucune suggestion, est un agent a la
fois sédatif et réparateur. Quant à ceux qui prônent les résultats
qu'ils ont obtenus à l'état de veille, ils ont fait de l'hypnotisme
sans le savoir, et sans s'en douter.
Les neurasthéniques dans l'armée.
M. Lux. - A l'occasion des causes les plus diverses, les psychas-
thénies et les dégénérescences latentes se révèlent, témoins de
très nombreuses observations faites par l'auteur au cours de sa
longue carrière, intéressant les gradés ainsi que les non gradés,
et portant sur des cas de : phobies diverses, anxiété, anesthésies,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 181
distractions, amnésies transitoires ou durables, erreurs de sensa-
tions, actes subsconscients. idées fixes, aboulie, entêtement. Ces
troubles neurasthéniques nécessitent souvent des passages de la
cavalerie dans l'infanterie, des congés plus ou moins prolongés,
parfois même des réformes ou des démissions définitives.
' Hypnose et sorcellerie.
M. DEHONCHY. - Les malades qui guérissent parce que leur
médecin leur a prédit ou ordonné, ceux aussi qui guérissent dans
nos campagnes parce qu'un sorcier leur a fait quelque massage
ou quelque bizarre prescription guérissent par auto-suggestion
en vertu de l'état d'attente et de croyance, de la faith healing, en
un mot. Ces malades ne sont pas dans la pleine veille : leur
volonté a abdiqué, leur résistance est suspendue et leur sugges-
tibilité exaltée, ainsi qu'il résulte de plusieurs observations rap-
portées par l'auteur.
Maladie du demi-sommeil.
M. LE Menant des CHESNAIS Une femme de trente ans, neu-
rasthénique et dyspeptique, dort, la nuit, d'un sommeil léger et
particulier. Tandis que son corps repose, son esprit reste constam-
ment éveillé; si elle rêve, elle a conscience qu'elle fait un rêve;
elle s'y complaît et le maintient. Le jour au contraire, elle est
étrangère à tout ce qui l'entoure et vit perpétuellement comme
dans un rêve. Elle présente à la nuque un point hypnogène grâce
auquel elle a été très facilement endormie et rapidement guérie.
Délire hystérique traité par la suggestion hypnotique.
nielle de VAJEWSHA. - Une jeune fille de seize ans et demi va
pour la première fois au théâtre et voit jouer Faust. A la suite de
cela, elle présente des séries d'attaques hystériques avec délire
hallucinatoire en rapport avec la pièce qui l'a impressionnée :
elle est au théâtre, cause avec Dieu, chante et danse pour lui, etc.
Elle devient tellement agitée qu'on doit lui mettre la camisole de
force qu'elle déchire d'ailleurs. Elle laisse aller les matières sous
elle, elle a été, en quelques semaines, complètement guérie par
la suggestion hypnotique. ,
L'ectoscopie et l'ectothérapie cérébrales.
M. Biafciii. L'ectothérapie, en général, repose sur le coeffi-
cient de dilatation que présente chacun de nos organes lorsqu'on
applique pendant quelques secondes de la chaleur, sur la région
cutanée qui le recouvre. Ces modifications de volume et d'éloi-
gnement sont très nettement perçues, surtout pour ce qui con-
cerne le cerveau ; elles sont très utiles au diagnostic et donnent
182 asiles- d'aliénés.
des lumières sur la marche de certaines maladies .cérébrales.
Déjà vérifiée par la phonendoscopie et les rayons Roentgen, cette
ectoscopie vient d'être vérifiée par les rayons Charpentier.
. .. Présentation de malade.
M. Maurice BLOGLI présente une malade atteinte d'épilepsie
unilatérale gauche et qu'il a traitée, en raison de son origine
tuberculeuse probable, par la transfusion capillaire. '
ASILES D'ALIÉNÉS.
ASILES PUBLICS D'ALIÉNÉS 1
ASILES PRIVÉS FAISANT FONCTIONS D'ASILES PUBLICS, QUARTIERS D'HOSPICE
ET MAISONS PARTICULIÈRES
AVEC LES NOMS DES MEDECINS EN CHEF ET MÉDECINS-ADJOINTS
ET LE NOMBRE DES INTERNES.
asiles d'aliénés. 183
184 asiles d'aliénés.
asiles d'aliénés. 185
186 asiles d'aliénés.
asiles d'aliénés. 187 Î
188 asiles d'aliénés.
- asiles d'aliénés. 189
190 asiles d'aliénés.
VARIA. 191
192 VARIA.
Mercredi 3 août, 9 heures du matin : Visite de l'asile des aliénés
de Pau. - Midi : Déjeuner des congressistes offert à l'Asile par
le Conseil général des Basses-Pyrénées. - 3 heures du soir : séance
à l'Asile. - Communications diverses.
Jeudi 4 août : Excursion à Lourdes et au Pic du Grand Ger. -
Départ de la gare de Pau à 8 h. 50 du matin ; arrivée à Lourdes
à 9 h. 55. - Visite de Lourdes. - 11 h. 30 du matin : Ascension
du Pic du Grand Ger (1000 m. d'altitude) en funiculaire. Rendez-
vous à la gare du funiculaire : pour la première montée, à
11 heures; pour la dernière, , avant le déjeuner, à il h. 30.
Midi : Déjeuner organisé pour les Congressistes au Restaurant du
sommet du Pic du Grand Ger. (Prix : 6 francs pour le déjeuner et
l'aller et retour en funiculaire. Les Congressistes munis de la carte
du Congrès n'auront rien à débourser aux guichets du funiculaire.)
2 1e..30 de l'après-midi : Séance au Pic du Grand Ger. - Com-
munications diverses. - Départ de Lourdes à 5 h. 30 et 8 h. 48
du soir.
Vendredi 5 août, 9 heures du matin : (Salle des Fêtes du Palais
d'Hiver). - 3° question (Assistance). - Des mesures à prendre
contre les aliénés criminels. Rapporteur : M. le Dr KERA VAL, médecin
en chef des Asiles de la Seine. - Discussion. - 2 heures de l'après-
midi : Communications diverses. - 8 h. 30 du soir : Séance de
projections. - 10 heures du soir : Réception au Palais d'Hiver par
la Société de Médecine de Pau.
Samedi 6 août : Excursion à Izeste, Eaux-Chaudes et Eaux-
Bonnes. - Départ de la gare de Pau à 9 h. 3 du matin; arrivée à
Izeste à 10 heures. =,40 h. 30 du matin : Séance de Communica-
tions diverses à l'Hôtel de Ville de Louvie. Midi : Déjeuner offert
aux Congressistes à l'Hôtel des Pyrénées, à Izeste, par M. le Pré-
sident du Congrès. - 1 A. 43 de l'après-midi : Départ de la gare
d'Izeste. 1 h. 58 de l'après-midi : Arrivée à Laruns. De Laruns
des voitures conduiront les Congressistes à Eaux-Chaudes par la
gorge du Hourat et de là à Eaux-Bonnes. (Prix : 2 fr. 50.) Arri-
vée à Eaux-Bonnes vers 6 heures. - Fête de nuit; Réception au
Casino d'Eaux-Bonnes à 8 heures du soir.
Dimanche 7 août : D'Eaux-Bonnes à Argelès par le Col d'Au-
bisque. - Départ d'Eaux-Bonnes vers 5 heures' du matin. Tra-
versée du Col d'Aubisque (altitude : 1800 mètres) en automobiles
et voitures diverses. (Prix : 20 francs par personne.) - Longueur
du parcours : 41 kilomètres, en traversant les plus beaux sites
des Pyrénées. - Arrivée à Argelès entre midi et une heure.
Déjeuner offert aux Congressistes par l'Institut physicolhérapique
d'Argelès, servi au Casino par l'Hôtel du Parc. Après le déjeuner,
visite d'Argelès. Dislocation du Congrès a
· - Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.
Evreux, Ch. HtBI8SEY, imp. - 7 -19011'.
Vol. XVIII. Septembre 1904. N° 105.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE.
Note sur la fréquence et sur la distribution des
nsevi chez les aliénés.
PAR
V M, Cil. FÉRÉ, et MIlo A. MOUROUX, ,
Médecin de Bicêtre.- Interne des Hôpitaux de Paris.
On a beaucoup discuté sur l'existence des naevi acquis.
On admet que les hémataugiomes, ou naevi sanguins, sont
constitués par une vascularisation anormale du tégument
limitée en un point du corps, et que cette vascularisation
est congénitale ou développée pendant les premiers mois de
la vie. Cependant l'apparition spontanée de nævi, dans la
seconde moitié de la vie, avait été signalée et l'existence
secondaire de ces noevi discutée. L'étude de 349 sujets obser-
vés de 1898 à t904, dans la première section de la cinquième
division de l'hospice de Bicêtre nous a montré que, chez
les aliénés tout au moins, on observe très fréquemment des
noevi acquis puisque, sur ces 349 sujets dont les plus jeunes
ont au moins'dix-huit ans, nous avons constaté, 279 fois, de
nouvelles productions cutanées. Il s'agissait, le plus souvent,
de taches erectiles, de taches pigmentaires et enfin de mol-
luscums de nouvelle formation.
MM. Gaucher et Barbe 1 ont établi, dans leur article du
Traité de Brouardel et Gilbert : qu'il n'est pas rare de voir,
chez les individus arrivés à la seconde moitié de la vie, de
petits noevi, d'abord punctiformes, qui deviennent peu à peu
lenticulaires et s'accroissent graduellement. Situés, le plus
' Traité de Médecine, de Brouardel et Gilbert, tome III, p. 840.
Archives, 2- série, t. XVIII. 13
194 PATHOLOGIE.
souvent, sur le tronc, ils sont légèrement saillants et présen-
tent une couleur d'un rouge vif ; ils n'ont pas débuté dans
l'enfance, ce sont des naevi acquis.
M. Fournier 1 donne à ces naevi le nom de naevi tardifs ; ce
sont ces productions dont P. Broca 2 admettait déjà l'exis-
tence, chez les gens âgés, dans son Traité des Tumeurs.
Mais, à cette affirmation de l'existence des naevi acquis, on
pouvait opposer l'opinion de Hébra3, cet auteur convient
qu'il est possible que des angiomes surviennent spontané-
ment chez les adultes sans avoir'été précédés d'un noevus
cutané ou sous-cutané. Il conclut, toutefois, que l'élude
des cas observés, jusqu'à présent, démontre que ces faits
doivent être considérés comme extrêmement rares.
M. Delbet '' se range à la même opinion ; pour lui, un fait
domine dans l'étiologie des angiomes : leur congénitalité;
les angiomes secondaires sont, en dehors des angiomes
traumatiques, le plus souvent de petits angiomes sous-
cutanés inaperçus dans l'enfance et qui tendent à s'accroître
chez l'adulte.
On peut objecter, à cette théorie des noevi sous-cutanés
primitifs, que les taches érectiles sont tout à fait superficiel-
les, sans relation, semble-t-il dans les autopsies, avec le tissu
cellulaire sous-cutané. Quanta la fréquence des noevi acquis.
elle est évidente chez les aliénés. Ses modifications de colo-
ration congénitale de la peau : mélanisme, vitiligo, taches
pigmentaires et les difformités de la peau : naevi pigmentai-
res vasculaires, molluscums avaient déjà été signalées plu-
sieurs fois comme plus fréquentes chez les dégénérés. Ces
modifications seraient en rapport avec des troubles d'évolu-
tion du système nerveux. Les naevi acquis ne sont pas moins
fréquents chez ces malades. ,
' Loc. cil. in Traité de Médecine, de Brouardel et Gilbert, p. 8ÍO,
2 P. Broca : Traité des Tumeurs, t. II, p. 207.
3 Hébra : ? Maladies de la Peau, t. II.
`.Traité de Chirurgie, de Le Dentu et Delbet, tome 1, p. li-49.
"· rilandeau : Elude sur les nævi, th. Paris, 1893. - Ch. Féré : -.Etude
sur la fréquence et sur la distribution de quelques difformités de In
peau chez les épileptiques (C. R de la société de biologie, 1893, p 57).-
La famille névropccllciy2ve, théorie lé1'alolo,gique de l'hérédité et de lu
^prédisposition morbides et de la dégénérescence, 2' éd" 1898, p. 306-
DISTRIBUTION DES NÆVI CHEZ LES ALIÉNÉS. 195
Dans un travail précédent, il a été démontré que sur 167 î
épileptiques, il y en avait 142 atteints de lésions cutanées :
196 PATHOLOGIE.
indemmes de troubles mentaux, n'en a trouvé que 34 atteints
de noevi. Le siège des lésions cutanées serait par ordre de
fréquence : -
Tronc.
Membres supérieurs.
Abdomen.
Tète.
Très rarement : Membres supérieurs.
Siège le plus rare : Jambe.
M. Gaucher admet que les nævi existent sur tout le corps
mais, de préférence, sur le tronc ; pour M. Delbet on les
observerait plus fréquemment à la tête. Nos observations
nous ont montré que ces lésions siègent au tronc puis aux
membres supérieurs, contrairement à l'opinion de M. Le
Guiner (thèse de Bordeaux, 9 janvier ! 903), pour cet auteur
les naevi occuperaient : '
Dos.
Poitrine.
Abdomen.
Avec une fréquence à peu près égale, puis, en second
ordre : Membres : faces internes des bras, des cuisses. Dans
aucun cas nous n'avons vu les lésions se localiser à un tra-
jet nerveux. Un fait, déjà signalé par Hébra, est la rareté des
productions cutanées au niveau des membres inférieurs.
Cette rareté existe surtout pour les noevi ; sur les 349 mala-
des observés, il n'y en avait que 47 porteurs de noevi aux
membres inférieurs ainsi répartis :
DISTRIBUTION DES NJEVI CHEZ LES ALIÉNÉS. 197
198 . PATHOLOGIE.
rante à cinquante ans. Le plus. jeune a vingt-huit ans ; le
plus âgé a cinquante-huit ans. Ces malades sont au nombre
de 58. " 1
Résultats totaux : · · · ,
DISTRIBUTION DES NÆVI CHEZ LES ALIÉNÉS. 199
Répartition des molluscums au niveau des membres
inférieurs :
200 PATHOLOGIE.
On peut conclure que, chez les déments séniles, on
rencontre des productions cutanées au niveau des membres
inférieurs dans le rapport de 46, 'la p. 100.
DISTRIBUTION DES NJEVI CHEZ LES ALIÉNÉS. 201
mation s'était faite lentement, en cinq ans. Les deux malades
n'ont eu ni cancer viscéral concommittant, ni transformation
de la tumeur érectile en tumeur maligne.
Ces diverses constatations nous amènent à penser que
l'apparition, même nombreuse, de noevi acquis n'a pas
d'importance pour le diagnostic des tumeurs malignes
comme le voulait Trélat. M. Le Guiner a montré, récem-
ment, que la plupart des micro-hémangiomes apparaissent
tardivement; on les trouve chez des individus ayant dépassé
quarante ans. C'est en effet de quarante à soixante ans que
les noevi et que les taches pigmentaires augmentent de
nombre chez le même malade. La proportion serait, par
malade : .
202 CLINIQUE MENTALE.
il concluait que la pathogénie de ces angiomes était mal
connue, mais que leur développement était observé d'autant
plus rapide que la maladie du foie progressait plus vite.
Nous n'avons pas rencontré d'affection hépatique dans les
cas de naevi multiples, et nous n'avons pas vu que le déve-
loppement des noevi fut plus rapide, ni leur nombre aug-
menté dans les cas de maladie du foie.
CLINIQUE MENTALE,
La phobie du regard ;
Par le Dr P. HARTENBERG
Un des éléments essentiels de la timidité consiste, on le
sait 1, dans le souci qu'ont les sujets du jugement d'autrui
sur leur apparence visible et dans .l'appréhension que ce
jugement ne leur soit défavorable. Aussi les regards. d'autrui
portés sur leur personne leur procurent-ils un sentiment
pénible d'angoisse, d'appréhension et de gêne. Pour les
éviter, ils suivent une tendance naturelle à fuir tout contact
avec leurs semblables, écartent toutes les circonstances qui
pourraient les mettre en vedette, toutes les occasions de se
faire remarquer. C'est là la conduite habituelle des timides.
Ce malaise de se sentir regardé, cette crainte d'affronter
les regards et cette tendance à les fuir peuvent s'exagérer,
dans certains cas, jusqu'à prendre les proportions d'une peur
obsédante, d'une véritable phobie. Ainsi se constitue la
phobie du regard.
Voici, d'après les exemples que j'ai observés, les princi-
pales caractéristiques de la phobie du regard.
Le malade redoute essentiellement d'exposer sa personne
aux regards étrangers. Chaque fois qu'il doit paraître £ ,
' V. Les Timides et la Timidité, par P. Hartenberg. 1 vol. Paris,
Félix Alcan.
LA PHOBIE DU REGARD. 203
en public, affronter la vue de plusieurs ou même d'un seul
de ses semblables, il éprouve un sentiment pénible de
malaise et de gêne. Son coeur bat rapidement, la sueur
froide couvre son corps, ses extrémités se glacent, ses mem-
bres tremblent, son esprit se trouble, ses pensées se brouil-
lent, sa conscience se voile.
Mais il est une partie du corps, dont l'exposition lui est
particulièrement pénible : c'est la face. Les regards fixés sur
sa face lui sont insupportables : ils lui procurent une an-
goisse violente et une souffrance vive.
Enfin, dans sa face même, il est une région infiniment
sensible : ce sont les yeux. Les regards fixés sur ses yeux et
rencontrant ses propres regards le mettent dans un état de
trouble intense. -
La conséquence naturelle de ce malaise et de cette peur,
est que le sujet s'efforcera de se soustraire le plus souvent
à la vue des autres. D'abord, il évitera toutes les occasions
de se montrer, de paraître en public/ Puis, quand il devra
malgré tout payer de sa personne, il fera appel à tous les
moyens pour se dissimuler le plus possible, se soustraire
aux regards. Pour entrer dans un lieu fermé, il ne passera
jamais le premier, mais s'avancera toujours derrière un
autre visiteur. Dans un salon, il se placera de préférence à
contre-jour, dans un coin mal éclairé, à l'abri d'un meuble.
Pour cacher son visage, dont la nudité le fait tant souffrir,
il emploiera une foule de petits artifices. Si c'est un homme,
il se protégera en omnibus, en chemin de fer, par un jour-
nal déployé. Une femme au théâtre ouvrira son éventail,
dans la rue portera une voilette épaisse. Certains se bornent
à tenir la main devant une joue, devant la bouche et le
menton. D'autres encore cherchent à rendre leur visage
immobile, inexpressif comme un masque inanimé. D'autres,
au contraire, affecteront des tics, des expressions artificielles
décontenance. Enfin, pour voiler les yeux, le moyen le plus
simple est de baisser les paupières : ce que les sujets font le
plus souvent. Mais lorsqu'ils sont obligés de regarder un
interlocuteur en face, ils ne le peuvent jamais d'une façon
soutenue, s'en tiennent à lui lancer un coup d'oeil furtif de
temps en temps, avec l'esquivement du regard. Quelques-uns
ne reculent pas de porter des verres bleus ou fumés pour
Protéger leurs prunelles contre les regards d'autrui. ,
204 CLINIQUE MENTALE.
Tel est à peu près, à son degré d'intensité moyenne, la
phobie du regard. Elle peut être moins marquée, et ne se
manifester que par un malaise léger et une angoisse passa-
gère. Mais parfois, elle s'installe à demeure dans la cons-
cience du sujet comme une véritable obsession. Chez l'un
d'eux j'ai même observé un complément hallucinatoire : il
croyait voir toujours devant lui, même quand il fermait ses
paupières, un oeil fixe qui le regardait, semblable à l'oeil de
la conscience dans la légende de Caïn. Parfois aussi elle
s'aggrave en se compliquant d'autres troubles psychiques :
l'anthropophobie, la « Beachtungswahn » ou manie de se
croire observé, des idées de persécution. Dans tous les cas,
la phobie du regard repose sur un fond de timidité : et les
sujets présentent les grands symptômes ordinaires de cette
infirmité sociale.
Cette phobie du regard provient, d'après l'aveu des sujets,
d'une étiologie assez complexe. En ce qui concerne l'ensem-
ble de leur personne, c'est à la honte du corps, à la dysmor-
phophobie 1, à l'appréhension d'être trouvés mal faits ou
ridicules, qu'on peut attribuer leur phobie des regards
étrangers.
Pour le visage et les yeux l'explication est un peu diffé-
rente. Il semble à ces malades qu'exposer ainsi à la vue des
profanes leur visage nu et leurs yeux où se réflète leur pensée
intime et qui trahissent leurs émotions profondes, constitue
une sorte de violation de leur conscience, une sorte de pro-
fanation de leur « moi ». C'est une véritable « pudeur du vi-
sage » qui les pousse à cacher aux regards ce « miroir de
l'âme » qu'est la face.
Ce mécanisme étiologique marque bien la différence qui
sépare la phobie du regard de la phobie de la rougeur. Les
sujets atteints d'éreuthophobie se cachent et souffrent parce
qu'ils rougissent; s'ils ne rougissaient pas, ils ne songeraient
nullement à se dissimuler.
Au contraire, les phobiques du regard, du moins ceux que
j'ai observés, ne rougissaient pas, ou s'ils rougissent, ils ne
se préoccupent nullement de leur rougeur. C'est uniquement
l'exposition de leur face nue et de leurs. prunelles à la vue
d'autrui qui fait l'objet de leur inquiétude. Phobie du regard
1 V. Janet. Les Obsessions et la Psychasthénie. Paris, Alcan, 1903.
LA PHOBIE DU REGARD. 205
et phobie de la rougeur sont donc deux accidents psycho-
émotifs bien distincts. Toutefois, il est possible qu'ils
s'associent dans certains cas pour constituer une forme
mixte. Citons maintenant des exemples.
Observation I. M. II. B..., trente ans, étudiant en pharmacie.
Timide, né de parents timides.
« Mon frère et ma soeur, m'écrit-il, sont des timides. Ma soeur
l'est, je crois, moins que nous, parce qu'elle vit à la campagne, au
milieu de gens simples et parce qu'elle travaille beaucoup. J'ai
perdu mon père et ma mère de bonne heure; je me suis aperçu
qu'ils étaient timides. Ma tante, soeur de notre père, entre les mains
de qui nous tombâmes, était une timide. Ma timidité est donc
bien une affection héréditaire.
« Développement de la timidité. L'éducation aurait pu corri-
ger ma timidité native : celle que j'ai reçue a tout fait pour l'aggra-
ver. Notre tante était pauvre et dévote ; elle nous mit dans une
maison d'éducation tenue par des Assomptionnistes. Le supérieur
était un homme de bien pour qui j'ai conservé une certaine estime.
Mais dans son établissement tout était abject : le logement, la
nourriture, les vêtements, les maîtres, les élèves. J'y reçus une
éducation grossière et j'y contractai des habitudes vicieuses.
« J'étais très intelligent. Le hasard fir que je pus entrer comme
externe dans un collège libre où étudiaient des jeunes gens de
bonnes familles. Je suivais les classes de ce collège et je venais
manger et coucher chez les Assomptionnistes.
c Je devins un brillant élève et l'on me remarqua : J'étais petit,
malingre, mal habillé, sans argent de poche : je souffrais de ces
imperfections. Mais bientôt on sût dans tout le collège que j'appar-
tenais à cette maison mal famée que les Assomptionnistes tenaient
en ville. Je fus couvert de honte et une timidité de plus en plus
angoissante s'empara de moi. Dans le pays, avoir été dans cette
maison constituait une tare indélébile. C'était un repaire de misère
et de honte. Les parents pauvres de la ville et de la campagne y
jetaient leurs enfants ; au bout de peu de temps, les petits s'étio-
laient et mouraient d'épuisement. Ceux qui en sortaient, portaient
sur eux des stigmates de faiblesse et d'infériorité qui les prépa-
raient au malheur. '
Heureusement, un curé qui me connut par la suite me (it entrer
au séminaire où je restai pendant deux ans. Je pris les soins les
plus grands pour cacher mon origine ; mais ce fut en vain : on
'apprit et pour que nul ne l'ignorât, un beau jour, le supérieur
de ce séminaire, une brute qui est aujourd'hui évêque, me le jeta
àla face, en pleine salle d'étude, au milieu de deux cents élèves. Je
crus mourir de honte. Que n'avais-je lu alors le « Rouge et le
206 CLINIQUE MENTALE.
Noir ». J'étais dans le même milieu que Julien Sorel; j'aurais peut-
être acquis sa force de dissimulation et de mépris. Mon caractère
se serait trempé et je serais arrivé à me dompter et à me domp-
ter les autres.
« Phobie du regard. - Mais, à ce moment, j'étais atteint déjà
d'un accident particulier, la peur du regard. J'ai souffert de la
timidité de toutes les façons; j'ai rougi, pleuré, même sans motifs;
j'ai craint de traverser un salon pour saluer la maîtresse de mai.
son, pour inviter une jeune fille à danser ; je n'ose parler haut
dans un restaurant. Mais cela ne m'a/Fecte que peu ; je peux suppri-
mer l'effet en supprimant la cause ; et puis beaucoup ont de ces
transes et ne sont pas malheureux dans l'intimité. Tandis que la
peur du regard, c'est un mal que je porte avec moi, que j'ai tou-
jours là, dans les yeux. Je ne puis supporter qu'on me regarde, et
le regard qui se fixe sur moi je ne puis le soutenir. A sentir les
yeux de quelqu'un qui se posent sur moi, sur mon corps, sur
mon visage, je me trouble et je perds toute pensée. Ce regard
étranger, je le fuis, je l'évite, je le redoute comme une calamité,
comme une arme empoisonnée. Que je sois avec une personne ou
avec plusieurs, avec un ami ou un inconnu, je ne puis supporter
son regard. Je suis incapable de regarder quelqu'un en face, pas
même un enfant, pas même un chien. Dans une conversation, si
c'est moi qui parle, je regarde successivement les yeux, le nez, la
bouche de mon « adversaire », puis je porte les yeux sur un objet
voisin. Tout en discourant, je pense à mon mal et perds le fil de
mes idées. C'est pis lorsqu'on me parle ! Je sais qu'un regard me
couve et que je ne puis soutenir ce regard. Pourtant, je dois
regarder mon interlocuteur, surtout s'il est placé en face de moi,
sinon j'aurais l'air de ne pas l'écouter. Alors, je fixe sa pupille, le
blanc de l'oeil, j'essaie de suivre le mouvement des paupières.
Pendant ce temps, je n'entends rien de ce que l'on me dit. Je suis
forcé de détourner la vue : j'en profite pour me ressaisir et je fais
effort pour comprendre quelques mots. Quand j'ai compris ce que
l'on me veut, je suis un peu distrait de mon obsession : je puis
alors regarder de nouveau, mais aussitôt que je regarde, mon
trouble s'exagère. Mon interlocuteur s'aperçoit bientôt que j'ai
quelque chose qui n'est pas naturel; souvent il perd lui-même
contenance en me regardant. Il m'est arrivé quelquefois de le voir
clignoter des paupières comme pour dissiper un malaise. Cela me
met à la torture : il me semble que je commets une mauvaise
action. Alors, la honte m'envahit, le sang reflue vers le coeuret et
un grand froid me fait frissonner des pieds à la tête. ,
« Cette phobie a été le tourment de ma vie depuis l'heure où
elle a débuté. Elle m'a pris à un moment précis, dans les circons-
tances suivantes : J'avais quatorze ou quinze ans. Je vous ai dit
comment je me trouvais alors, moi, jeune homme pauvre, au
LA PHOBIE DU REGARD. 207
milieu de jeunes gens riches. J'étais très studieux. Le professeur
de science m'aimait beaucoup. Il me prit un jour à part pour me
donner une explication. J'étais placé à sa droite; il portait des
lunettes. A un moment donné, je soulevai une objection. Pour
suivre ce que je lui disais, il me regarda de côté, sans remuer la
tète, en tournant les yeux. Ce regard de travers me troubla; il
produisit dans tout mon être une sensation étrange de stupeur
que je n'avais jamais ressentie. Je continuai mon explication tant
bien que mal ; mais dès cet instant, j'étais pris. La fatalité s'était
abattue sur moi. Du coup, elle avait broyé mon orgueil, détruit
mes illusions, mes rêves d'avenir : elle avait anéanti en moi toute
familiarité, toute amitié, tout abandon. Je devins un malheureux,
souffrant partout, fuyant tout le monde, évitant mes amis, ne
sachant pas m'en faire de nouveaux, désobligeant- les personnes
après me les être conciliées.
remonter tous mes ennuis. Avant cet instant, j'étais timide,- mais
je n'avais pas conscience de ma timidité; j'étais pauvre, mais je
comptais devenir riche; j'étais confiant, j'avais la sourire bon,
facile, j'étais gracieux, je me laissais aimer et j'aimais. Depuis, la
pensée qu'on me regardait et que je ne pouvais regarder en face,
m'a rongé le coeur. Je n'ai plus été capable d'un sentiment tendre,
d'un élan sincère ; j'ai subi toutes les tortures et toutes les humi-
liations ; j'ai souffert à toute heure du jour, j'ai versé la nuit des
larmes de sang, j'ai désespéré de tout. Et voilà quinze ans que cela
dure ! »
Observation II. NI-0 F..., trente-deux ans, nerveuse et impres-
sionnable, grande timidité.
La malade raconte qn'elle souffre depuis l'époque de la puberté
d'une singulière émotion : la peur de paraitre en public et d'être
regardée, Cette peur, grandissant avec les années, est devenue à
l'heure actuelle une véritable torture. Comme elle est tenue, par
la position de son mari, à occuper une situation mondaine, à rem-
plir des devoirs de maîtresse de maison, à recevoir et à faire des
visites, son existence n'est qu'une suite de souffrances sans
nombre.
Lorsqu'elle doit recevoir ou sortir, elle est prise à l'avance d'une
inquiétude anxieuse, tout à fait comparable à celle qui saisit un
artiste, un mal de « trac » dans la journée qui précède une pre-
mière représentation. Puis, le moment venu, où elle se trouve en
présence des personnes, elle ressent une angoisse violente, un
malaise pénible, des palpitations, de la sueur froide, de l'em-
barras de la pensée et de la parole, une envie de fuir et de se
cacher à tous les yeux. '
Ce sont les regards fixés sur son visage qui lui sont les plus
208 CLINIQUE MENTALE.
pénibles. Afin d'être moins aperçue, elle se place toujours à contre-
jour, cache le plus souvent le bas de sa figure dans sa main. Le
plus souvent possible aussi elle se sert de son éventail comme écran,
et pour sortir en dehors, elle porte toujours une voilette épaisse.
Quant à soutenir les regards, elle ne le peut point. Lorsqu'elle
essaye seulement de diriger ses yeux vers ceux de ses interlocu-
teurs, aussitôt ses paupières battent, sa vision se voile et se
trouble, son angoisse redouble. Alors, elle baisse ses paupières et
dissimule son embarras en jouant machinalement avec un objet à
sa portée.
Ce n'est qu'en présence de quelques personnes de son entourage'
qu'elle se sent en confiance et reprend un peu de quiétude. .
La cause de cette phobie du regard, elle l'attribue à sa grande
taille, qui la rend, croit-elle, ridicule. Elle s'imagine aussi qu'on se
moque d'elle par derrière et que toutes les personnes qui la consi-
dèrent l'étudient avec une intention malveillante.
;)Imq F... ne sait pas si elle rougit sensiblement au moment de
son trouble ; en tous cas, elle ne s'est jamais inquiétée de cette
rougeur : toute son émotion provient de se sentir regardée.
A ces deux observations, on pourrait en ajouter une troisième,
possédant ce privilège qu'elle est impériale. Il s'agit en effet
d'Elisabeth de Bavière, impératrice d'Autriche. On sait que l'infor-
tunée souveraine qui devait trouver, à Genève, sous l'arme d'un
assassin, une fin si tragique, présentait à côté d'autres symptômes
psychopathiques dont l'héridité des Vittelsbach justifie suffisamment
l'origine, cette(même phobie du regard jointe à la pudeur du visage
qui la poussait à dissimnler sa face derrière un éventail ou une
ombrelle. Cette impératrice de la solitude, qui rêvait d' « arriver
à faire de soi une île », interposait constamment entre son visage
et les regards « le fameux éventail noir, la trop connue ombrelle,
fidèles compagnons de son existence extérieure, devenus presque
des éléments constitutifs de son apparence corporelle. En ses mains,
ils ne sont pas seulement ce qu'ils sont pour les autres femmes,
mais plutôt de purs emblèmes, armes et boucliers au service de
son véritable « moi ». Qnand elle se trouve très haut, sur le
sommet d'une montagne, baignée de suave solitude et de langueur,
en l'embrassement du soleil, tandis que le grand midi roule sur les
roches, alors seulement elle ferme l'ombrelle qui cache sa tête de
tous côtés, alors seulement de la pâleur de son visage elle abaisse
l'éventail noir. Elle s'exprima là-dessus, une fois, à Lainz. Elle
veut uniquement écarter d'elle la vie extérieure des hommes ?
elle veut préserver son intérieur silence de toute profanation'...
' Elisabeth de Bavière, impératrice d'Aulrielhe; par Constantin Chris-
tomanos. Edition du Mercure de France. 1 voler Paris 1900.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 209
Ces exemples suffisent à bien préciser la physionomie cli-
nique de la phobie du regard. Celle-ci représente, en somme,
une peur morbide, greffée sur un état mental de timidité, à
la façon de la phobie de la rougeur, mais entièrement dis-
tincte de cette dernière, puisque les phobiques du regard ne
craignent point de rougir. C'est une forme particulière de la
classe des phobies sociales ; et comme telle, elle mérite d'être
décrite à part.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
VIVE CONGRES
DES MÉDECINS ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES DE FRANCE
ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE
. (Paît, l"-7 août 1904).
Séance du 1er août (matin).
Le XIV° Congrès des médecins aliénistes et neurologistes
s'est ouvert, le lundi 1 cr août, à 9 heures dans la Salle des
Concerts du Palais d'Hiver, à Pau, sous la présidence de M.
Faisans, maire de la ville, assisté de M. Guibert, préfet des
Basses-Pyrénées, Dr Drouineau, délégué du ministre de l'In-
térieur, M. Pelletier, délégué du préfet de la Seine, et des
représentants des autorités locales. De nombreux médecins
se trouvaient, réunis, attirés par l'intérêt des questions
mises au rapport, et aussi, il faut bien le dire, par le char-
me du pays et des excursions organisées aux environs. L'ac-
cueil qui leur était réservé en ce beau pays de Navarre a été
particulièrement chaleureux. C'est M. Faisans, le maire de
Pau, qui, en ouvrant la séance, a souhaité bon accueil à tous,
et dit l'intérêt qui s'attachait aux travaux du Congrès, même
pour les plus profanes des administrateurs, et a remercié le
bureau d'avoir choisi Pau pour la tenue de ses travaux.
Le. Professeur Bnrssnun, président du Congrès, a remercié
le maire de Pau de ses souhaits et de son bon accueil, affir-
mant ses sympathies pour le Béarn, qui est devenu son pays
d'adoption, et pour le maire de sa capitale, auquel, person-
Archives, 2' série, t. XVIII. 9 4
210 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nellement, il est très attaché. M. Brissaud n'a pas manqué
de faire l'éloge du frère du maire de Pau, le Dr Faisans, mé-
decin des hôpitaux de Paris, qui a conquis auprès de tous
ses confrères de la Société médicale des hôpitaux de Paris
une telle situation que cette Société l'a désigné comme son
représentant devant le Conseil de surveillance de l'Assistance
publique. Le Président remercie ensuite le Préfet pour la
subvention qu'il a inscrite au budget départemental en fa-
veur de l'organisation du Congrès. Il remercie aussi le Dr
Drouineau, délégué du ministre de l'Intérieur, et propose
d'envoyer une adresse de remerciements au Président du
Conseil des ministres, M. Combes, ainsi qu'un salut cordial
au président du ME Congrès des aliénistes et neurologistes,
M. le Professeur Francotte (de Liège), retenu par la maladie
d'un des siens. En terminant, M. Brissaud fait des voeux
pour le succès du Congrès et remercie toutes les personnes
étrangères et les dames qui ont bien voulu honorer de leur
présence gracieuse la séance d'inauguration.
M. le Dr Drouineau prend ensuite la parole pour faire l'éloge
de M. Brissaud et se louer, en tant que représentant du mi-
nistre de l'Intérieur, de cette heureuse circonstance qui lui
permet de saluer dans le président du Congrès des aliénistes
un membre récemment élu du Conseil général des Basses-
Pyrénées. Les Conseils généraux sont les grands maîtres en
aliénation mentale, au point de vue de l'organisation et de
l'installation des asiles, au point de vue des réformes si nom-
breuses et si indispensables que réclame l'assistance des
aliénés. A ce Congrès doit être discutée la très intéressante
question des mesures à prendre à l'égard des aliénés crimi-
nels, dont M. Keraval a présenté le rapport très complet. On
voit, par cet exemple, combien l'alliance intime entre les
médecins aliénistes et les Conseils généraux peut être fécon-
de et combien il serait souhaitable de voir suivre l'exemple
fourui par M. Brissaud, dont les sages conseils et les avis
éclairés seront utiles à ses collègues du Conseil général.
; M. le professeur BRISSAUD prend la parole.
Il parle de M. Théophile de Bordeu, médecin béarnais né à
Izeste. Dans un style où la pureté de la forme le dispute à la
profondeur des idées et une haute science historique et phi-
losophique, M. Brissaud retrace la vie de Bordeu, qui fut.un
précurseur, il inspira Bichat et Pinel. Dès 17 ! f, il annonçait
SOCIÉTÉS SAVANTES. 211
des choses que Claude Bernard et Brown-Séquard contrôlè-
rent cent ans plus tard. Bordeu fut un des encyclopédistes
avec Diderot, d'Alembert, etc., il n'admit jamais le principe
d'autorité dans la foi scientifique, il contrôla, toujours aidé
en cela par une instruction très forte et une connaissance
des philosophes anglais et français. Bordeu a deviné les lo-
calisations cérébrales, que découvrirent à la fin du XIXe siè-
cle, Charcot et Pitres. Il parla même d'ondulations et d'oscil-
lations, c'est-à-dire de la théorie actuelle sur les vibrations.
Il reconnut le rôle trophique des nerfs, dans la vie des
glandes. Claude Bernard et Ludwig n'ont fait que réaliser les
aphorismes de Bordeu dont l'horizon atteint les extrêmes
limites de la neurologie actuelle, M. Brissaud a voulu faire
revivre en Béarn une figure béarnaise. Bordeu fut un pré-
curseur. Les précurseurs ont toujours tort. M. Brissaud a
voulu lui donner la place qu'il doit occuper dans l'histoire
médicale de la France. De longs applaudissements ont salué
la péroraison de ce magnifique discours.
A la suite de ce beau discours, plein d'humour, de verve
et d'exacte documentation, la séance d'inauguration est levée
et rendez-vous est pris pour 11 heures au château de Pau.
Là tous les congressistes et les dames ont pu admirer les z
merveilleuses tapisseries des Gobelins et la fameuse écaille
de tortue qui servit de berceau à Henri IV; du haut de
la tour, un ciel assez clair laissait deviner au loin le magnifi-
que panorama des cimes neigeuses de la chaîne pyrénéenne.
Le soir, une brillante réception au palais d'hiver, par
M. Faisans, maire de Pau, et Mme Faisans, réunissait tous les
congressistes, qui purent admirer les projections photogra-
phiques des plus beaux sites environnants et entendre une
fort belle partie de concert. Pierre Roy.
Séance du 1 ? août (soir). ,
Les démences vésaniques.
M. DENY (de Paris), rapporteur. - Sous le nom de démences
vésaniques, on désigne généralement les états d'affaiblissement
permanent, progressif et définitif des facultés intellectuelles,
morales et affectives, consécutifs aux psychoses. Les démences
vésaniques sont donc des affections essentiellement secondaires, et
212 SOCIÉTÉS SAVANTES.
il semblerait, d'après cette définition, qu'on dût en décrire autant
de types qu'il y a de psychoses pouvant les précéder.
Théoriquement vraie, cette proposition ne l'est plus pratique-
ment, parce que les démences consécutives ou secondaires finissent
toutes à un moment donné par se ressembler et se confondre, au
point qu'il devient très rapidement impossible de reconnaître
l'affection initiale dont elles dérivent. Aussi se borne-t-on, en géné-
ral, à étudier en bloc toutes les démences vésaniques, qu'elles
soient secondaires à la manie, à la mélancolie, aux psychoses dégé-
né2,alives, etc., de même que, sous le nom de démences névro-
siques, on réunit les états démentiels qui succèdent à l'épilepsie, à
la chorée, etc., etc.
Dans le récent traité de pathologie mentale de M. Gilbert-Ballet,
M. Arnaud distingue seulement, suivant la période de la vie à
laquelle elles apparaissent, deux formes, l'une tardive et l'autre
vrécoce, de démence vésanique.
Si séduisante que soit cette conception qui, de l'ancienne entité
morbide de Pinel et d'Esquirol, ne fait plus qu'un simple stade
terminal des psychoses de l'âge mûr ou de la vieillesse (démence
vésanique tardive), de l'adolescence ou de la jeunesse (démence
vésanique précoce), nous ne croyons pas qu'elle corresponde à la
réalité des faits et qu'elle puisse se concilier avec les idées nou-
velles en psychiatrie.
Nous exposerons d'abord les raisons cliniques, anatomiques et
étiologiques qui empêchent de considérer l'affection étudiée, sur-
tout en Allemagne, depuis une dizaine d'années, et aujourd'hui
universellement connue sous le nom de démence précoce -comme
une simple démence vésanique rapide (G. Ballet), consécutive aux
psychoses de l'adolescence; nous examinerons ensuite si la théo-
rie de la démence vésanique tardive est plus justifiée, et s'il n'y
aurait pas lieu, au contraire, de rayer définitivement du cadre des
maladies mentales l'ancien groupe disparate et hétérogène des
démences dites vésaniques ou secondaires.
Française par ses origines, mais incontestablement allemande
par- les développements scientifiques qu'elle a reçus outre-Rhin
depuis une dizaine d'années, la démence précoce est essentielle-
ment caractérisée par un affaiblissement spécial et rapidement
progressif de l'ensemble des facultés intellectuelles, qui atteint de
préférence les jeunes sujets, s'accompagne presque toujours de
troubles psychiques variés et se termine dans l'immense majorité
des cas par la perte complète de la raison.
Le début de l'affection est habituellement marqué par des trou-
bles névropathiques protéiformes (céphalée, neurasthénie, crises
convulsives,' etc.), suivis d'accidents délirants polymorphes, mais
offrant néanmoins certains caractères particuliers. A sa période
d'état, la maladie s'affirme par un affaiblissement caractéristique
SOCIÉTÉS SAVANTES. 2 lu là
des facultés intellectuelles , auquel se surajoutent , dans la
grande majorité des cas, des états de dépression, d'excitation, de
confusion, de stupeur, des conceptions délirantes ou des troubles
sensoriels. L'affaiblissement des facultés qui constitue le symp-
tôme fondamental de la démence précoce, quelle que soit sa
forme, présente des caractères spéciaux qui le différencient nette-
ment des autres états démentiels. Le premier de ces caractères
est d'être primitif, c'est-à-dire qu'il entre le premier en scène et
précède, pour un observateur attentif, toutes les autres manifesta-
tions de la maladie. En second lieu, cet affaiblissement est global,
car il se montre d'emblée diffus et généralisé aux trois grandes
facultés psychiques (sensibilité, intelligence et volonté); mais et
c'est là ce qui lui confère une véritable spécificité, il est électif,
parce que, tout en intéressant l'ensemble des processus psychi-
ques, il ne les atteint ni de la même manière, ni au même degré.
Le déficit intellectuel des déments précoces, en effet, incomplet,
quoique global, au point de vue de l'affection, se manifeste
d'abord dans la sphère des sentiments affectifs et moraux et ne
s'étend que plus tardivement à celle de l'activité volontaire et à
celle des facultés intellectuelles proprement dites, pour devenir
total, lorsque, par les progrès de la maladie, toutes les facultés
sont anéanties.
Cette action élective assigne à la démence précoce une place
distincte à côté des deux autres grandes démences, la paralysie
générule et la démence sénile, puisque, primitives et globales toutes
les trois, elles diffèrent cependant foncièrement en ce que les
facultés sont lésées d'une façon prépondérante dans la démence
précoce, les facultés intellectuelles proprement dites dans la para-
lysie générale, et la volonté dans la démence sénile.
Les troubles de la sphère affective et morale des déments pré-
coces se traduisent par une apathie et une indifférence émotionnelle
absolues. Cette indifférence s'étend à tout et à tous : il n'y a plus
pour de tels malades, ni joie, ni tristesse, ni désir, ni crainte.
Jamais ils ne réclament leur sortie de l'asile où ils sont internés,
ni la visite de leurs parents; ils restent complètement étrangers à
tout ce qui se passe autour d'eux, n'ont plus aucune espèce de
notion des convenances et n'hésitent pas à commettre en public
les actes les plus dégradants.
A ces troubles de la vie affective, qui dénotent une disparition
complète de la sensibilité morale, liée elle-même, bien entendu, à
un affaiblissement déjà notable de l'intelligence, viennent bientôt
s'ajouter des désordres de l'activité motrice et volontaire qui rendent
le tableau de la maladie encore plus saisissant.
Naturellement, c'est par défaut que l'activité volontaire est
troublée, mais la volonté n'est pas seulement lésée comme faculté
de se décider à une action, elle est encore perdue comme pouvoir
214 SOCIÉTÉS SAVANTES.
d'arrêt des mouvements automatiques qui sont presque toujours
conservés et surtout exagérés.
C'est à la réunion de ces troubles de l'activité volontaire et auto-
matique que l'on a donné le nom de syndrome cataconique. Les
principaux éléments de ce syndrome sont des phénomènes d'op-
position plus connus aujourd'hui sous le nom de négativisme; des
phénomènes de docilité auxquels s'applique le terme de suggesti-
bilité, et enfin des stéréotypies. Le négativisme, se caractérise à
son degré le plus léger par sa lenteur, la contrainte et l'hésitation
des mouvements commandés, et plus tard par une inertie et une
inaction complètes. Plongés dans la stupeur, les malades restent
immobiles et comme figés durant des journées entières et dans la
même position et opposent à tous les actes qu'on veut leur faire
exécuter une résistance invincible, conséquence de leur activité
négative. Les manifestations de la suggestibilité consistent ◀tantôt▶.
dans une simple docilité ou une sorte d'activité imilative des
sujets, qui exécutent les actes les plus baroques qu'on leur ordonne,
copient mutuellement leurs poses et leurs attitudes, conservent les
positions qu'on imprime à leurs membres (catalepsie), répètent les
mots prononcés devant eux (écholalie), reproduisent les gestes
qu'ils voient faire (échomimie, éclcopouxie), etc.
L'affinité de ces deux groupes symptomatiques n'est pas contes-
table, car on les voit souvent alterner ou coexister chez les mêmes
malades; tous deux du reste, peuvent être rapportés à un même
processus psycho-pathologique fondamental, la perte de l'activité
volontaire en même temps que la persistance d'une certaine acti-
vité automatique, irraisonnée et inconsciente. La désagrégation
psychique de ces sujets s'accuse encore par l'apparition des phé-
nomènes de stéréotypie qui consistent, comme on sait, dans la
répétition incessante et indéfinie des mêmes gestes, des mêmes
mots, qui s'intercalent dans toutes les phrases, des mêmes gri-
maces et des mêmes tics, des mêmes façons bizarres, affectées ou
maniérées, de parler, de marcher, de s'asseoir, de manger, etc. A
côté des stéréotypies, et comme autres manifestations de l'exagé-
ration de l'automatisme chez les déments précoces, il nous faut
encore signaler leur besoin continuel de mouvements, leurs gesti-
culations désordonnées, sans but, sans troubles émotionnels adé-
quats ; leur impulsivité, leurs fugues irrésistibles, leurs explosions
de rires et de pleurs, etc. Quant aux modifications de la sphère
intellectuelle proprement dite, elles se manifestent par des trou-
bles de l'attention, de la mémoire, de la réflexion, du jugement,
de l'association des idées, etc. ,
Les malades sont incapables de s'appliquer à aucun travail, de
'lire, de fixer leur esprit sur un objet. S'ils conservent en général
assez bien le souvenir des faits anciens, ils ont complètement
perdu la faculté de fixer de nouvelles images, ainsi que cela appa-
SOCIÉTÉS SAVANTES. ' I'J
rait clairement dans leur verbigération écrite ou parlée, leur jar-
gonaphasie, leurs néologismes, etc. La plupart des déments pré-
coces (les déments paranoïdes exceptés) n'ont aucune notion du
temps; ils ne savent ni leur âge, ni le millésime de l'année; leur
langage en outre est d'une incohérence déconcertante qui prouve
que Uassociation, l'enchaînement normal des idées, n'ont plus lieu
que par assonance de certains mots, par des rimes, des synonymes,
et aussi par antithèse, par opposition, l'émission de certains mots
évoquant immédiatement un mot de signification contraire.
Tels sont les principaux aspects sous lesquels peut se présenter
l'affaiblissement des facultés psychiques chez les déments pré-
coces. Cet affaiblissement constitue, ainsi que nous l'avons déjà
signalé, le fondement même de la maladie, ce qui veut dire qu'il
en est à lui seul la condition nécessaire et suffisante.
Lorsqu'il existe à l'état isolé pendant tout le cours de l'affection,
sans conceptions délirantes, sans hallucinations, sans excitation ni
dépression, on se trouve en présence d'une forme atténuée ou
fruste de la maladie (forme simple de M. Sérieux, hébéphrénie miti-
gée de M. Christian). Les autres variétés aujourd'hui classiques de
la maladie, l'hébéph¡'él11e, la catatonie et la démence paranoïde em-
pruntent leur dénomination à la superposition, à cet affaiblisse-
ment intellectuel, de troubles psychiques variés : conceptions
délirantes, hallucinations, états d'excitation, de dépression et de
stupeur que nous allons rapidement passer en revue.
C'est surtout dans l'hébéphrénie et dans la démence paranoïde
de Kraepelin que s'observent des troubles sensoriels et des concep-
tions délirantes. '
Ces conceptions délirantes ne présentent rien de spécial en ce
qui concerne leur contenu : les plus fréquentes sont des idées de
richesse, de grandeur ou de persécution, parfois aussi des idées
hypocondriaques, mystiques, érotiques, etc.; elles sont foncière-
ment polymorphes et asystématiques, au moins dans l'hébéphré-
nie, et la première variété de la démence paranoïde (démence
paranoïde simple), qui comprend les formes décrites en France
sous le nom de délire polymorphe des dégénérés, de délire d'emblée,
etc., en Allemagne sous celui de paranoïa aiguë. Par contre, dans
la deuxième variété de démence paranoïde, forme dans laquelle
Kroepeiin a fait rentrer tous les délires systématisés hallucinatoires,
y compris le délire chronique de Magnan, ces idées délirantes
sont un peu moins mobiles, plus adhérentes et peuvent même
offrir un certain degré de systématisation.
Les réactions psycho-motrices les plus variées (excitation, dé-
pression, stupeur) peuvent s'observer dans toutes les formes de
démence précoce, mais c'est dans la variété catatonique qu'elles
jouent un rôle tout à fait prépondérant.
- Ordinairement passagers, transitoires et éphémères dans l'hébé-
216 SOCIÉTÉS SAVANTES.
phrénie et surtout dans la démence paranoïde, les états d'excita-
tion, de dépression ou de stupeur peuvent, au contraire, persister
sans la moindre modification pendant des semaines, des mois et
des années, dans la catatonie.
L'excitation se traduit par un verbiage incohérent, dans lequel
les mots s'accolent les uns aux autres sans aucune suite (salade de
mots), dont certains sont employés à contre-sens, d'autres déformés
(jargonaphasie), forgés de toutes pièces (néologismes) ou répétés à
satiété (verbigércation). Le désordre qu'on observe dans les discours
des déments précoces excités se retrouve dans leurs attitudes,
leurs actes et toute leur manière d'être. Outre leur physionomie
mobile, leurs cheveux en désordre, les femmes (visées surtout
dans cette description) affectent de se montrer complètement nues,
ou se drapent à l'antique dans leurs couvertures, prennent des
attitudes de sphinx, de prédicateur, d'athlète, etc.
Lorsque à cette agitation motrice fait place une période de
calme et de répit, les malades se dissimulent complètement sous
leurs draps, le tronc et les membres repliés sur eux-mêmes, les
genoux touchant souvent le menton, la tête toujours enfouie au
milieu du lit.
Malgré leur calme apparent, ces malades diffèrent totalement de
celles qui sont réellement en état de dépression ou de stupeur,
parce que, à l'encontre de celles-ci, brusquement, instantanément,
elles s'élancent hors deleur lit et recommencent la série des extra-
vagances signalées plus haut.
Leurs compagnes en état de stupeur, gardent, au contraire,
invariablement la même position : levées ou couchées elles restent
durant tout le jour immobiles, raidies, figées, le plus souvent dans
des attitudes pénibles ou fatigantes, la physionomie inerte, le
regard vague, la tête légèrement inclinée, les bras ramenés le long
du tronc,' les membres ◀tantôt▶ résistants, impossibles à déplacer,
◀tantôt▶ mous, flasques et conservant les attitudes qu'on leur donne.
Insensibles à toutes les excitations extérieures, les malades en
état de stupeur voient, entendent, comprennent, et cependant elles
ne répondent pas aux questions et se montrent incapables d'ouvrir
la bouche, de tirer la langue, de donner la main. Place-t-on entre
les mains d'uue semblable patiente un crayon, un objet quelcon-
que, elle le laisse échapper ou le tient machinalement sans cher-
cher à se rendre compte de son usage, comme dans les cas d'abo-
lition du sens stéréognostique. Cet état d'indifférence et d'incurio-
sité de la main négativiste est une confirmation de la loi de M1L
Brissaud et P. Marie : il prouve que l'appétit de la fonction est
étroitement lié à l'intégrité de son exercice et que, au moins dans
le domaine de l'activité psychique supérieure, la perte des moyens
d'exécution peut entraîner l'oubli même de la fonction paralysée.
- Dans les cas de stupeur complète, les injonctions, les sollicita-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 217
tions les plus pressantes, ne sont suivies d'aucune réaction mo-
trice ou vaso-motrice. On peut alors diriger contre les malades la
pointe d'un instrument tranchant, toucher leurs globes oculaires
ou la pointe de leur langue avec l'extrémité d'une aiguille sans
qu'ils donnent le moindre signe de frayeur. Seule, la réflectivité
automatique persiste, la psyt : ho-7-éflectitité est absente.
Ces états de stupeur, comme ceux d'excitation décrits plus haut,
peuvent s'observer en dehors de la démence précoce, mais c'est
seulement dans cette affection qu'ils se présentent sans relation
avec des idées délirantes ou des hallucinations et indépendamment
de troubles émotionnels.
Quand on interroge, en effet, les malades, dans leur période de
rémission ou dans leurs intervalles lucides, sur la raison des bi-
zarreries de leur conduite et de leurs attitudes, ou bien ils balbu-
tient des raisons insignifiantes, ou bien ils déclarent qu'il leur
était impossible d'agir autrement; mais ce qu'ils n'avouent pas,
parce qu'ils ne s'en rendent pas compte, c'est qu'ils n'en avaient
ni le désir, ni la volonté. Ce qui justifie encore une fois l'opinion
de M. Séglas, que la seule explication plausible des symptômes
catatoniques ne doit pas être cherchée ailleurs que dans le fonds
mental sur lequel ils reposent : fond commun à toutes les variétés
de la maladie et caractérisé surtout par la passivité de l'esprit, la
perte de l'activité intellectuelle, la lenteurdes processus psychiques
et l'affaiblissement progressif de la synthèse mentale.
Il me resterait maintenant, pour compléter le tableau sympto-
matique de la démence précoce, à passer en revue les signes phy-
siques de cette affection, mais comme ils n'ont pas encore acquis
une réelle valeur sémiologique, je me bornerai à signaler les
plus fréquents. Presque tous les auteurs ont constaté une exagé-
ration des réflexes tendineux chez les sujets en état de stupeur ou
de demi-stupeur. Par contre, les réflexes cutanés ont été trouvés
faibles ou abolis dans la moitié environ des cas. Il en est de même
des réflexes lumineux et accommodateurs de la pupille. La pupille
elle-même offre des dimensions variables ; dans un peu plus des
deux tiers des cas le diamètre serait exagéré.
En outre de ces modifications de la réflectivité, on observe,
chez un grand nombre de déments précoces, de la cyanose et du
refroidissement des extrémités, des oedèmes localisés, des infiltra-
tions particulières du tissu cellulaire des extrémités (pseudo-oedè-
mes de Dide), des alternatives d'engraissement et d'amaigrisse-
ment rapides survenant sans cause appréciable (Séglas), du der-
mographisme, des troubles de la menstruation, etc., etc.
Le liquide céphalo-rachidien, contrairement à ce qui se passe
dans la paralysie généaale, ne contient pas d'éléments figurés :
dans quelque cas cependant on a noté l'existence d'une lymphocy-
tose modérée (Camus et Lhermitte). Quant aux urines, elles sont
218 SOCIÉTÉS SAVANTES.
généralement diminuées de volume et présentent presque toujours
une diminution de leur teneur en urée, en phosphates et en chlo-
rures. Plusieurs auteurs ont en outre constaté un retard dans
l'élimination du bleu de méthylène, ce qui semble indiquer une
diminution de la perméabilité rénale.
Les signes physiques que nous venons de passer en revue sont
notablement plus fréquents et plus accusés dans les formes catato-
niques et hébéphrcniques de la démence précoce que dans la forme
paranoïde. Ils appartiennent surtout à la période d'état de la mala-
die et diminuent en nombre et en intensité à la période terminale.
Leur valeur sémiologique est encore actuellement difficile à
préciser; il semble bien, cependant, d'après l'étude comparative
qui a été faite de ces mêmes signes dans quelques autres formes
d'aliénation mentale, qu'ils sont plus nombreux et plus accusés
dans la démence précoce que dans les autres psychoses; mais il
faut reconnaître qu'aucun d'eux, pris isolément, ne saurait être
considéré comme pathognomonique, et que c'est seulement par
leur réunion et leur permanence qu'ils peuvent apporter une utile
contribution au diagnostic.
Quoi qu'il en soit, la symptomatologie de la démence précoce,
telle que nous venons de l'exposer brièvement, est fondée actuel-
lement sur un nombre trop imposant de faits empruntés aux ob-
servateurs de tous les pays, pour que le plus léger doute puisse
s'élever sur la réalité de cette entité morbide. Aussi bien n'est-ce
pas la valeur nosographique de cette affection qui est aujourd'hui
en discussion, mais uniquement son autonomie nosologique.
Beaucoup d'aliénistes, en effet, tout en reconnaissant que la
démence précoce ne laisse rien à désirer au point de vue sympto-
matique, se refusent à la considérer comme une maladie autonome
et tendent à la faire rentrer dans le groupe des folies dégénératives
ou héréditaires, parce qu'elle n'a pas encore pour critérium des
lésions anatomiques indiscutables ou une étiologie spéciale.
« Le problème étiologique, dit M. Gilbert Ballet, me parait, à
l'heure actuelle, le problème capital; la démence précoce est-elle
une psychose accidentelle ou une psychose constitutionnelle ? Voilà
le point vif de la question. Suivant la solution qui interviendra, on
pourra décider si la description de la démence précoce n'est
qu'une amplification nosographiquement plus détaillée de celle
déjà donnée par Morel, ou si, au contraire, l'affection doit être
élevée au rang d'entité nosologique nouvelle. »
On ne saurait nier que, de l'enquête étiologique faite par diffé-
rents auteurs, il est encore bien difficile de tirer des indications
positives sur la pathogénie de la démence précoce ; il nous semble
cependant que parmi les différents facteurs étiologiques le plus
souvent invoqués, il en est deux, au moins, qui méritent de retenir
l'attention. ,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 219
Le premier, c'est que chez un assez grand nombre de déments
précoces, il existe des antécédents héréditaires névropsychopathiques
non douteux; le second, que les causes accidentelles qu'on fait le
plus volontiers intervenir, sont toutes réductibles à un processus
d'auto-intoxication, dont le déterminisme, à la vérité, n'a pu être
encore précisé, mais que l'âge auquel la maladie se développe le
plus souvent permet de rattacher vraisemblablement à un trouble
de la sécrétion des glandes sexuelles (testicules, ovaires), pour un
certain nombre de cas (la grande majorité) et, pour les autres, à
une insuffisance fonctionnelle des glandes hépatiques, rénales,
surrénales, thyroïde, etc.
De ces deux constatations, la première, à nos yeux, signifie
simplement qu'une prédisposition est indispersable au développe-
ment de la démence précoce. A vrai dire, cette prédisposition
aurait pu être admise a priori, personne aujourd'hui ne mettant
en doute qu'une sorte de consentement de l'organisme est néces-
saire pour qu'une maladie s'installe et persiste.
On peut donc considérer comme un fait acquis que si la démence
précoce se montre chez les dégénérés, c'est seulement dans un
petit nombre de cas. Cette constatation ne porte nullement atteinte
à la théorie de l'auto-intoxication ; les tares dégénératives bien
qu'on ait soutenu le contraire s'observent aussi quelquefois
dans la paralysie générale et, cependant, l'origine accidentelle de
cette affection n'en est pas moins proclamée par la grande majorité
des auteurs. La paralysie générale, a déclaré M. Magnan, est la .
plus individuelle des maladies mentales.
Nous avons dit, d'autre part, que, de notre enquête étiologique,
résultait la notion que la prédisposition, héréditaire ou acquise,
avait besoin d'être actionnée par des causes accidentelles pour
réaliser le syndrome clinique de la démence précoce et nous avons
émis l'hypothèse que, sous le couvert de masques divers (excès,
surmenages, traumatismes, chocs moraux, épuisement, etc.), ces
diverses causes, en apparence complexes, formaient un seul fais-
ceaux étiologique dont tous les éléments étaient sous la dépendance
d'un même processus pathogénique. L'étiologie [est, à vrai dire,
impuissante à nous renseigner sur la nature de ce processus mais
peut-être nous sera-t-il possible, en faisant appel à l'ana-
tomie pathologique, de soulever un coin du voile qui le recouvre.
Un point qui semble actuellement à l'abri de toute contestation,
c'est l'existence d'une profonde altération de la cellule nerveuse et
de ses prolongements dans tous les cas de démence précoce (slip-
pel et Lhermitte). On ne manquera pas de nous objecter que la
lésion exclusive du neurone n'a pas, par elle même, une significa-
tion absolue, qu'on l'observe dans tous les états démentiels et
même dans beaucoup de psychoses.
A cette objection, nous répondrons que si la cellule nerveuse est
220 SOCIÉTÉS SAVANTES.
lésée isolément, c'est qu'elle est le terrain par excellence des réac-
tions les plus délicates et les plus -précoces aux imprégnations
toxiques (Dupré) et, d'autre part, qu'il n'est pas absolument dé-
montré que les réactions défensives de l'organisme, qu'on a l'ha-
bitude d'observer dans tous les processus toxi-infectieux aboutissent
à la mort de la- cellule, fassent complètement défaut dans la
démence précoce. 1
MM. Alzheimer, Nissl, Bridier et quelques autres auteurs ont
noté expressément l'existence de lésions vasculaires, et aussi,
d'une infiltration de l'écorce par des corpuscules ronds de dimen-
sions variables, de nature névroglique ou leucocytaire, qui
semblent jouer le rôle de neuronophages vis-a-vis de la cellule
nerveuse.
Cette prolifération de la névroglie n'est, du reste, pas niée par
MM. Klippel et Lhermitte, mais ils la relèguent au second plan,
parce qu'elle était circonscrite et limitée dans les cas qu'ils ont
examinés : mais si cette prolifération n'était pas plus abondante, il
faut peut-être en chercher la cause dans la brusque interruption de
l'affection par une maladie intercurrente, ainsi que le fait s'est
produit chez 3 sur 4 des malades dont ils ont examiné les centres
nerveux.
Après les réserves cliniques que nous venons de faire, il est peut-
être un peu téméraire d'affirmer, avec ces auteurs, que, dans la
démence précoce, la lésion localisée à l'un des tissus de l'encéphale
demeure comme un fait indiscutable... et qu'il y a là une lésion
qui appartient à la démence précoce et non à certaines autres
démences ». Dans l'état actuel de la question nous croyons inutile
d'insister davantage sur l'interprétation que sont susceptibles de
recevoir des altérations dont le siège, la nature et l'étendue prêtent
encore à discussion. Ce qu'il nous est seulement permis de retenir
en nous en tenant aux constatations les plus récentes, c'est l'ana-
logie, pour ne pas dire la complète identité, de ces lésions avec
celles de psychoses dont l'origine toxi-infectieuse ne fait plus de
doute pour personne, comme la confusion mentale et la psychose
polynévritique (G. Ballet). Dans ces deux ordres de faits (psychose
polynévritique et confusion mentale d'une part, démence précoce
del'autre), on note la même intégrité des méninges et des vais-
seaux, la même absence de lésions notables de la névroglie, la
même localisation du processus à la cellule nerveuse dont les angles
sont arrondis, les prolongements plus grêles, le protoplasma gra-
nuleux, le noyau excentriquement déplacé, etc. Il semble donc que,
d'ores et déjà, on soit en droit, au nom de l'anatomie patholo-
gique, de distinguer la démence précoce des folies dites dégénéra-
tives et de les rattacher avec Kroepeliu au groupe des maladies
mentales dues à une auto-intoxication.
Après les considérations qui précèdent, on me pardonnera
SOCIÉTÉS SAVANTES. 221
d'être bref sur les arguments cliniques qui peuvent être invoqués
à l'appui de l'origine auto-toxique de la démence précoce. A con-
sidérer seulement la lente évolution de la maladie, qui n'aboutit
xà la perte complète des facultés qu'après une série de crises
paroxystiques et de rémissions, on ne peut se défendre de penser
à l'intervention d'un processus toxique qui procède par poussées
et n'envahit que progressivement, d'une façon inégale et inter-
mittente, l'ensemble des territoires psychiques. En faveur de
cette hypothèse, militent encore les accès fébriles, les crises con-
vulsives, les états cataleptoïdes, etc., et, dans le même ordre
d'idées, les états de confusion, d'engourdissement, de torpeur,
d'onirisme et de puérilisme qui donnent à la maladie un cachet
si spécial. Mais comme il n'y a là, en réalité, que des présomp-
tions, mieux vaut se cantonner sur le terrain anatomique.'Or,
l'histopathologie actuelle de la démence précoce, même réduite
aux constatations de MM. Klippel et Lhermitte, tend à faire
admettre l'existence d'une altération de la substance grise du cer-
veau, et principalement des zones d'association, par des poisons
vraisemblablement d'origine glandulaire. -"
Nous conclurons donc en disant que la démence précoce, tout
en restant soumise, dans les mêmes limites que la paralysie
générale, à l'inéluctable loi de la prédisposition héréditaire et
acquise, est, au même titre et dans la même mesure que cette
dernière affection, une maladie fortuite et accidentelle .
Après l'exposé qui vient d'être fait des raisons qui nous empê-
chent d'envisager la démence précoce comme une affection secon-
daire ou consécutive à certaines psychoses, ilt-ce même à la
confusion mentale (Régis), et par conséquent d'admettre la
théorie de la démence vésanique rapide, il nous reste à examiner
si la conception de la démence vésanique tardive est plus justifiée.
Pour cela, nous examinerons séparément les trois grands
groupes d'états démentiels consécutifs : 1° aux folies généralisées
(manie, mélancolie, etc.) ; 2° aux psychoses dites des dégénérés
(délire d'emblée, délire polymorphe, paranoïa aigus, etc.); 3° aux
folies systématisées chroniques.
Tous les auteurs sont aujourd'hui d'accord pour reconnaitre
que la manie et la mélancolie dites essentielles ne peuvent plus
être considérées comme des entités morbides et que, par ces
mots, on désigne de simples états syndromiques pouvant tou-
jours être rattachés à la folie maniaque dépressive, à la paralysie
générale, aux folies toxiques, à la demence précoce, à la confu-
sion mentale, etc, Sur 1.000 maniaques suivis pendant de longues
années, dit Krsepelin, je n'en ai observé qu'un seul qui n'ait pas
eu de récidives. Le même auteur et, après lui, M. Sérieux,
M. Capgras, etc., ont également établi que la mélancolie n'exis-
tait, en tant qu'affection autonome, que comme manifestation
222 SOCIÉTÉS SAVANTES.
des processus organiques d'involution sénile et que les états mé-
lancoliques observés pendant la jeunesse ou l'âge adulte, étaient
tous justiciables de la folie maniaque dépressive ou de la démence
précoce, quand ils n'étaient pas liés à la paralysie générale ou
aux folies toxi-infectieuses. La manie et la mélancolie perdant
ainsi toute valeur en tant que types nosologiques, on voudra bien
reconnaître qu'il ne saurait y avoir à proprement parler de
démences post-maniaques ou post-mélancoliques.
Y a-t-il lieu de conserver les démences consécutives aux états
dits dégénératifs décrits sous le nom de délires d'emblée ou
polymorphes, de paranoïa aiguë, etc. ? De l'avis de tous les
auteurs, la terminaison habituelle de ces états serait la guérison.
Nous n'y contredirons pas, mais il faut avouer que ces préten-
dués guérisons ne visent que l'épisode délirant et les troubles
sensoriels qui l'accompagnent. Le plus souvent, les malades sor-
tent de leurs accès délirants, diminués intellectuellement.
Mais comme leur niveau mental, déjà faible congénitalement.
était inconnu du médecin qui les traite, ce déficit passe inaperçu,
et alors deux éventnalités peuvent se produire : ou les malades
quittent l'asile pour y rentrer bientôt avec des accidents analo-
. gués qui, eux-mêmes, disparaissent à leur tour, et ce n'est sou-
vent qu'après trois ou quatre paroxysmes délirants - dont on
méconnaît ordinairement, du reste, les liens de parenté que
l'état démentiel éclate à tous les yeux; ou bien les accalmies ne
sont pas assez franches pour que le malade quitte l'asile, et au
bout de quelques semaines et de quelques mois les manifestations
délirantes se reproduisent et évoluent pour ainsi dire d'une seule
traite vers la démence définitive et incurable. Dans les deux cas,
il ne s'agit donc pas réellement d'une démence secondaire ou ter-
minale, mais d'une démence primaire, - protopathique, précoce,
momentanément masquée par des phénomènes délirants; ceux-ci
sont sujets à des rémissions et peuvent même disparaître tout
comme dans la paralysie générale, mais le. déficit mental sur
lequel ils sont greffés est permanent et s'accentue progressive-
ment pour aboutir au bout de plusieurs années à la perte com-
plète de l'intelligence. Parfois, du reste, les caractères cliniques
de ce déficit intellectuel, qui s'affirme encore par des actes baro-
ques, des tics, des stéréotypies, du négativisme, du collectio-
nisme; des soliloques, de la verbigération, etc., ne laissent aucun
doute sur son origine démentielle.
- Réstent les délires systématisés chroniques. Beaucoup d'auteurs
estimaient autrefois que ces psychoses ne se terminaient jamais
par la démence. On se rappelle l'opposition qu'a rencontrée
M. Magnan pour faire accepter la période démentielle de son délire
chronique à évolution systématique. L'effacement du délire, sa
cristallisation, l'indifférence des malades étaient mis sur le
SOCIÉTÉS SAVANTES. 223
compte de leur long internement et de l'inutilité reconnue par
eux de leurs affirmations délirantes.
Ces faits ne sont plus aujourd'hui envisagés de la même façon :
il est nombre de cas, dit M. Séglas, en parlant des délires systé-
matisés, surtout des variétés dites hallucinatoires, qui arrivent à
une démence véritable, bien qu'incomplète et de caractères parti-
culiers. MM. Sérieux et Masselon admettent également les délires
sysmatisés hallucinatoires aboutissent plus ou moins tardivement
à l'affaiblissement intellectuel; mais sans se prononcer d'une
façon catégorique, ces auteurs hésitent cependant à faire rentrer
les états d'affaiblissement intellectuel consécutifs aux délires sys-
tématisés hallucinatoires dans la variété paranoïde de la démence
précoce. Pour eux, il s'agirait bien là d'une démence secondaire
méta ou post-vésanique. Voilà en somme à quoi se réduirait le
vaste groupe des démences vésaniques que tous les auteurs font
encore figurer dans leurs classifications. Faut-il se ranger à l'opi-
nion de M. Séglas et de M. Sérieux, ou adopter celle de Kroe-
pelin qui soutient que toutes les variétés hallucinatoires de la
paranoïa, y compris le délire chronique de Magnan, doivent être
considérés, au moins à titre provisoire, comme appartenant à la
démence précoce ? En ce qui nous concerne, nous nous sommes
déjà expliqué ailleurs sur cette question, nous n'y insisterons
donc pas. Voici cependant quelques-uns des arguments qui peu-
vent être invoqués en faveur de la théorie de Kroepelin.
Pour juger du niveau intellectuel des malades atteints de délires
systématisés chroniques, il faut étudier le contenu de ces délires
qui, comme on le sait, est presque toujours à bases d'idées hypo-
condriaques, de persécution ou de grandeur. Or, de l'avis de tous
les auteurs, de semblables idées ne peuvent se développer qu'à la
faveur d'un affaiblissement congénital ou acquis, temporaire ou
permanent, des facultés : leur fréquence, en dehors de la folie
systématisée, chez les imbéciles, les débiles et les déments de
toute espèce, le prouve suffisamment pour que nous n'ayons pas
besoin de nous arrêter sur ce point. Il est vrai que les mêmes
auteurs insistent à l'envi sur les caractères différents que présen-
tent ces idées dans les affections que nous venons de citer (imbé-
cillité, débilité mentale, paralysie générale, etc.) et dans la
paranoïa.
Pour démontrer la conservation relative de l'activité intellec-
tuelle chez les paranoïaques, on invoque surtout la systématisa-
tion de leurs délires; leurs conceptions fausses, dit-on, s'enchaî-
nent et se relient les unes aux autres; seul, le point de départ de
ces conceptions repose sur une fiction, mais celles-ci sont logique-
ment déduites les unes des autres et on en conclut à l'intégrité
des facultés syllogistiques de ces malades. 0
En réalité, la systématisation des idées chez ces sujets est loin
224 SOCIÉTÉS SAVANTES.
d'être aussi inattaquable qu'on l'admet généralement (je rappelle
qu'il ne s'agit ici que des variétés hallucinatoires de la paranoïa);
l'échafaudage en est le plus souvent fragile et chancelant; mais,
en admettant-même le parfait agencement de ces échafaudages
délirants, il est bien évident qu'ils ne peuvent s'édifier qu'à la
faveur d'une crédulité et d'une perte complète de la faculté auto-
critique, qui sont les témoins irrécusables d'un affaiblissement
préalable des facultés. Cet affaiblissement, dira-t-on, est congé-
nital, il n'est pas acquis, il n'est donc pas démentiel. Il est pro-
bable qu'en réalité, il est l'un et l'autre. En tout cas, M. Magnan a
signalé l'existence de délires systématisés, en apparence purs de
tout mélange, chez des paralytiques généraux. Son élève,
M. Pécharman, a également relevé plusieurs cas de délire systé-
matisé chez des vieillards, c'est-à-dire chez des sujets dont le cer-
veau est en voie de régression athéromateuse. Délire systématisé
et démence ne peuvent donc pas être considérés comme deux
termes ennemis, contradictoires. D'autre part, la superposition si
fréquente des idées de grandeur aux idées de persécution chez les
paranoïaques n'est-elle pas la preuve irrésusable des progrès de
leur amoindrissement intellectuel ? Et la cristallisation elle-même
de leurs conceptions délirantes, qui tournent dans un cercle de
jour en jour plus étroit, se reproduisent, constamment identiques
à elles-mêmes, qui sont stéréotypées comme on disait autrefois,
ne constitue-t-elle pas un nouvel argument à l'appui de la thèse
que nous défendons ? La stéréotypie délirante des délirants chro-
niques est évidemment un phénomène du même ordre que la sté-
réotypie verbale des déments précoces ; cette répétition monotone
des mêmes mots dans un cas, des mêmes idées dans l'autre,
ne peut être que le fait d'un effacement progressif des images
mentales et de la fixation isolée, automatique, de quelques-unes
seulement d'entre elles dans le champ de la conscience (Masselon),
ce qui revient à dire que la démence est le substratum de ces sté-
réotypies.
Telles sont les principales raisons qui nous semblent justifier
l'introduction dans le cadre de la démence précoce de la plupait
des délires systématisés hallucinatoires chroniques.
Ajoutons, enfin, que la terminaison constante de ces délires par
démence totale, peut encore être invoquée en faveur de la doc-
trine de Kroepelin. Si celle-ci rencontre encore une si grande
opposition,' c'est qu'au dire de certains auteurs il s'écoulerait un
temps parfois considérable entre le début du délire systématisé et
le moment où la démence fait son apparition; il y a là une équi-
voque qui disparaitrait, si tout le monde s'accordait pour donner
au terme de démence la même valeur.
Après Claus, je rappellerai que le mot dementia, en allemand, a
une signification moins absolue que celle qu'on lui attribue en
SOCIÉTÉS SAVANTES. 225
France, « que dans la sixième édition du traité de Kroepelin, le
terme de « démence» est remplacé par celui de « Schwachsinn »
qui signifie simplement : faiblesse d'esprit. En médecine mentale,
plus peut-être encore que dans les autres branches de la méde-
cine, il est nécessaire de définir exactement les termes que l'on
emploie. Comme tous les processus, celui de la démence a un
commencement, un milieu et une fin. En France, on a pris à peu
près l'habitude deréserver le mot « démence » pour désigner exclu-
sivement la phase ultime des déficits intellectuels. En bonne
logique, ce terme doit s'appliquer également aux phases initiales
de ces déficits, lacunaires ou globaux, permanents ou progressifs,
quelle que soit par ailleurs la subtilité que réclame leur consta-
tation ; et cela, jusqu'au jour où les progrès de l'anatomie patho-
logique nous permettront de faire, pour le syndrome clinique de
la démence, ce qui a été si heureusement réalisé par les remar-
quables travaux de Bourneville et de ses élèves, pour le syndrome
clinique de l'idiotie.
En s'appuyant sur ces considérations purement cliniques, on
serait donc en droit de nier aujonrd'hui l'existence des démences
dites vésaniques ou secondaires; mais d'autres raisons peuvent
encore être invoquées en faveur de cette thèse.
.Depuis longtemps, l'anatomie pathologique avait devancé sur
ce point la clinique, en établissant l'existence, dans tous les cas
de démence chronique, de lésions matérielles de la corticalité
cérébrale, et en montrant que l'intensité de ces lésions était tou-
jours en rapport avec la gravité des symptômes : il est donc
bien difficile, pour tout esprit non prévenu, de ne pas admettre
un rapport de causalité entre ces lésions et le tableau symptoma-
tique de la démence. M. Pierret, le premier en France, a soutenu
cette doctrine, qui a été confirmée depuis par un grand nombre
d'observateurs. '
La démence, quelle que soit son origine, dit M. Nissl, a toujours
un substratum anatomique objectivement démontrable : toutes
les démences sont donc foncièrement organiques et diffèrent seu-
lement entre elles par le degré d'intensité du processus de destruc-
tion cellulaire du cortex. A la vérité, MM. Klippel et Lhermitte
ont essayé récemment d'établir une ligne de démarcation entre
les démences vésaniques, en se fondant sur la différence de loca-
lisation des lésions respectives de ces deux groupes d'états démen-
tiels.
D'après cette théorie, « les délires et les démences dites organi-
ques auraient pour caractère anatomique d'atteindre l'ensemble
des tissus qui composent l'encéphale et à côté des lésions du neu-
rone, et de la névroglie (tissu neuro-épithélial) d'entraîner celles
des éléments vasculo-conjonctifs (leucocytes, endothéliums vascu-
laires, cellules conjonctives). « Les délires et les démences vésa-
AMtnvM, 2' série, t. XV111. 15
226 SOCIÉTÉS SAVANTES.
niques seraient liés aux lésions dites fonctionnelles et à l'atrophie
du neurone, tandis que les autres tissus de l'encéphale, à part
parfois la névroglie, ne participeraient pas aux lésions. »
On remarquera qu'à cette différence de siège des altérations ne
correspond aucune différence de nature. Il s'agit toujours de
lésions destructives avec désintégration plus ou moins complète
de la cellule, mais tandis que l'élément noble est seul intéressé
dans un cas. dans l'autre sa gangue vasculo-conjonctive participe
au processus. 1
Dans ces conditions, est-on réellement fondé à séparer aussi
nettement des affections qui reconnaissant un même substratum,
ne différant que par son étendue ? D'autres répondront et, pour
commencer, voici déjà l'opinion de M. Pierret sur la question :
« De toutes les lésions observées au cours des démences, écrit son
élève, M. Bridier, la plus constante est celle de la cellule corticale.
Il ne s'agit pas seulement d'une lésion banale telle que la chroma-
tolyse, mais de la destruction de l'élément et de son remplace-
ment par des amas de noyaux ou tout au moins par une dégéné-
rescence granulo-pigmentaire, » et plus loin : « Au point de vue
'anatomo-pathologique, on ne peut faire de distinction entre les
démences organiques et les démences vésaniques. »
La clinique nous ayant déjà fourni la même réponse, c'est à
cette conclusion que nous nous rallierons, d'autant plus qu'elle
est basée non pas sur l'examen de quelques cas de démence pré-
coce, comme celle de MM. Klippel et Lhermitte, mais sur un
ensemble de faits comprenant les principaux types de démences
classiques, y compris les anciennes démences aiguës curables
d'Esquirol (confusion mentale, stupidité, etc., que nous n'avons
pu étudier ici sous peine de passer en revue toute la pathologie
mentale.
Abstraction faite de ces démences aiguës, nous avons essayé
d'établir que l'ancien groupe disparate et hétérogène des
démences dites vésaniques ou secondaires ne pouvait plus être
maintenu dans les classifications psychiatriques; parmi ces
démences, il en est d'abord plusieurs qui doivent forcément dis-
paraitre, puisque les psychoses dont elles constituaient le stade
terminal ont perdu leur àutonomie; telles sont les démences con-
sécutives aux folies simples, la démence maniaque, la démence
mélancolique, etc. Quant aux deux autres groupes de demences
vésaniques, celles qui sont consécutives aux prétendues psychoses
dégénératives, aux délires systématisés aigus ou chroniques
(variétés hallucinatoires), etc., elles ressortissent toutes aux diffé-
rentes formes de la démence précoce, et par conséquent, appar-
tiennent à la catégorie des démences primitives.
Défalcation faite des démences toxiques et des démences névro-
siques, qui ne rentrent pas dans le cadre de ce travail, on pour-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 227 7
rait, en s'appuyant sur ces données, essayer de grouper au
moins provisoirement les démences organiques (y compris les
anciennes démences vésaniques) en deux grandes classes : celles
qui sont dues à des lésions circonscrites, solitaires ou multiples, et
celles qui reconnaissent pour cause des lésions diffuses et généra-
lisées d'emblée; cette seconde classe paurrait elle-même être sub-
divisée en deux groupes, à la vérité artificiellement séparés, sui-
vant qu'il s'agit des lésions aiguës ou chroniques, réparables ou
destructives.
Ce classement permettrait de réserver une place aux anciennes
démences aiguës curables, qui, nées dans notre pays, ont au
moins autant de peine aujourd'hui à s'y acclimater que la
démence précoce.
M. Parant (de Toulouse). Le rapport de M. Deny, qui devait
traiter' des démences vésaniques en général, est en réalité consacré
presque exclusivement à une forme psychopathique nouvelle,
décrite récemment nous le nom de démence précoce, par la psy-
chiatrie allemande, et que celle-ci prétend devoir être substituée
aux anciennes psychoses.
Cette démence précoce serait caractérisée par un affaiblissement
primitif de l'ensemble des facultés psychiques, indépendamment
de toute autre manifestation morbide. Ces affections mentales,
que l'on appelait jusqu'ici manie, mélancolie, stupeur, confusion
mentale, voire même délire systématisé chronique, etc., bien qu'elles
puissent marquer le début de la maladie et lui imprimer des allu-
res spéciales, ne seraient que des accidents accessoires, épisodi-
ques ; elles ne constitueraient nullement la cause de la démence.
Cette conception ne me parait pas fondée, et pour les raisons
suivantes : elle manque de preuves, et ne repose guère que sur des
affirmations; son étiologie est incertaine, sa pathogénie difficile à
établir; son exposé clinique enfin n'est que partiellement exact.
Il est certain qu'on voit souvent des jeunes gens qui, pour des
causes diverses, indépendantes même de toute influence hérédi-
taire, deviennent aliénés et tombent rapidement dans la démence;
on peut concéder que dans quelques cas, rares, du reste, cette
démence est vraiment primitive ; mais, pour la généralité des faits
rien ne prouve qu'elle soit telle et il y a au contraire de bonnes rai-
sons de soutenir que les manifestations délirantes qui marquent le
début de la maladie et occupent le premier plan de la scène mor-
bide, loin d'être des accidents accessoires, sont des éléments fon-
damentaux et le point de départ de la démence.
La. preuve qu'il en est bien ainsi, c'est que ces manifestations
aboutissent souvent non à la démence, mais à des délires systéma-
tisés chroniques, où l'affaiblissement des facultés n'apparaît que
tardivement; voire même que, dans certains cas, elles se termi-
nent par des guérisons solides et durables. Or, si la démence ne
228 SOCIÉTÉS SAVANTES.
survient qu'après un délire à longue évolution, ce n'est plus de la
démence précoce, et si la guérison se produit sans que les facultés
mentales aient été amoindries, ce n'est même plus de la démence.
M. DIDE (de Rennes). - La démence précoce a actuellement con-
quis droit de cité en pathologie mentale, et la discussion ne parait
porter que sur les limites à assigner à cette affection. Pour ma
part, je pense qu'il y a lieu de réserver l'appellation de démence
précoce à des cas survenant avant l'achèvement du développement
complet de l'individu et caractérisés, au point de vue mental, par
des alternatives d'excitation maniaque et de dépression avec inhi-
bition, ces alternatives étant le plus souvent commandées par des
hallucinations, les unes psychomotrices (excitation), les autres
psycho-inhibitrices (dépression). La maladie évolue rapidement
vers un affaiblissement intellectuel où l'attention et les sentiments
affectifs sont altérés d'une façon précoce.
Il existe, en outre, des formes anormales résultant de l'exagéra-
tion d'un symptôme : les formes catatonique, agitée ou stupide,
en sont les exemples les plus simples. Dans la forme paranoïde,
il existe une période délirante qui peut être la première en date.
Enfin, la démence précoce, simple, non délirante, est une forme
fruste où les états obsédants et impulsifs semblent remplacer les
hallucinations.
Ainsi limitée dans ses grandes lignes, la démence précoce parait
devoir comporter, comme la paralysie générale, des signes physi-
ques dont aucun, considéré isolément, n'est pathognomonique.
mais dont le groupement offre une certaine valeur. Les signes
vasomoteurs sont à citer en première ligne : ce sont le dermogra-
phisme, le pseudo-oedème, le purpura, l'érythème multiforme,
les alternatives de cengestion et d'anémie de la papille. Puis vien-
nent les troubles réflexes : exagération des réflexes tendineux,
diminution de réflexes cutanés, variabilité de l'état moyen de la
pupille. Il faut mentionner encore les troubles génito-urinaires
(troubles de la fonction génitale, modifications de la formule uri-
naire avec oligurie, augmentation de la densité, diminution nota-
ble de l'urée). On peut noter enfin des modifications de la formule
hématologique, aveclégère lymphocytose et augmentation du taux
des éosinophiles.
Au point de vue pathogénique, il semble bien que la démence
précoce soit liée à des phénomènes auto-toxiques, mais certaine-
ment très différents des auto-intoxications hépato-rénales, car le
régime lacté intégral, appliqué à 12 malades pendant cinq mois,
n'a apporté que d'insignifiantes modifications a l'état mental.
Les guérisons signalées résultent probablement, en majeure par-
tie d'erreurs de diagnostic ou doivent être considérées comme des
rémissions, du moins dans la plupart des cas.
M. Duphé (de Paris). - J'ai observé, pour ma part, 2 cas de
- SOCIÉTÉS SAVANTES. 229
de démence précoce à forme catatoniqne, terminés par la guéri-
son. Il s'agit de deux jeunes filles, âgées respectivement de dix-huit
et de vingt-trois ans, qui, après avoir présenté pendant plusieurs
mois le syndrome le plus net et le plus complet de. la catatonie
(raideur, stéréotypie des attitudes et du langage, négativisme, im-
pulsions, etc.), ont absolument guéri sans diminution ultérieure
saisissable de' l'intelligence; la guériaon dure chez l'une depuis un
an et demi, chez l'autre depuis huit mois. L'avenir décidera s'il
s'agit dans ces deux cas de rémission ou de véritable guérison; la
cessation des accidents est en tout cas complète.
Ces faits sont analogues à ceux qu'ont déjà publiés les anciens
aliénistes, et à ceux auxquels faisait allusion tout à l'heure
M. Parant; ils rentrent dans la seconde classe des pseudo-démences
précoces de Régis, celle des psychoses toxiques subaiguës qui attei-
gnent les prédisposés sous des influences encore mal connues. ,
M. Lhermitte (de Paris).- Nous avons examiné, avec lf. Camus
le sang de 30 malades atteints de démence précoce à différentes
périodes de l'affection. Nous avons pu constater, au début de la
maladie, une très légère anémie. En outre, dans la majorité des
cas, on trouve, aux divers stades de l'affection, une leucocytose
très modérée, portant de préférence sur les éléments mononu-
cléés du type moyen.
Nous avons examiné, d'autre part, le liquide céphalo-rachidien
de 20 déments précoces, chez lesquels il n'existait aucun antécé-
dent syphilitique ni aucune cause appréciable d'irritation ménin-
gée. Dans 6 cas, nous avons cependant réncontré une lymphocy-
tose modérée, surtout chez les malades arrivés à la phase de
démence terminale. L'opinion des auteurs qui nient la lymphocy-
tose dans les démences vésaniques nous parait donc trop exclusive
car il y a des faits indiscutables peu nombreux, il est vrai où
la constatation de ce signe, bien qu'encore inexpliquée, ne doit
pas infirmerie diagnostic.
M. Régis (de Bordeaux). J'estime, contrairement à M. Deny
qu'il faut conserver dans les cadres psychiatriques les démences
vésaniques ou secondaires, consécutives aux diverses psychoses
(manie, mélancolie, psychose des dégénérés, etc.). Qu'elles soient
symptomatiques ou non, ces affections sont trop solidement éta-
blies par la tradition pour qu'on puisse mettre leur existence en
doute. Quant à la démence précoce au sens que M. Krâpelin
attache à ce terme, avant de se demander si elle est d'origine
constitutionnelle ou accidentelle, il aurait fallu, à mon avis, démon-
trer la réalité de son existence. Or, parmi les observations qui
ont été publiées sous ce nom, il y a lieu de distinguer deux ordres
de faits : les uns concernent des adolescents plus ou moins tarés
antérieurement qui, parvenus à l'age critique de. la puberté, voient
peu à peu leurs facultés intellectuelles disparaître; c'est la
230 SOCIÉTÉS SAVANTES.
démence précoce, type More) ; les autres ont trait aux déments
catatoniques et paranoides des auteurs allemands, et doivent être
rattachés à la confusion mentale, car, le plus souvent ces préten-
dues formes de la démence précoce se terminent par la guérison.
M. Ballet (de Paris). Au point de vue nosographique et clini-
que, je me rallie à peu près complètement aux conclusions du rap-
porteur ; je repousse donc les critiques que lui a adressées MM. Pa-
rant et Hégis, et loin de nier l'existence de la démence précoce, dont
l'étude, il faui bien le reconnaître, a été complètement négligée en
France pendant de longues années, je déclare au contraire, que
cette affection est extrêmement fréquente. Toutefois, les arguments
invoqués par M. Deny pour démontrer l'origine accidentelle de la
démence précoce ne me semblent pas devoir entrainer la conviction
contre cette théorie, on peut, je crois, faire appel à deux ordres de
raisons, les unes anatomo-pathologiques, les autres étiologiques.
Au point de vue anatomo- pathologique, il y a une grande diffé-
rence entre les lésions trouvées par MM. Klippel et Lhermitte dans
4 cas de démence précoce (diminution du nombre des cellules py-
ramidales, en dehors des zones psychomotrices, sans modification
delà forme cellulaire, avec chromatolyse légère) et les lésions que
j'ai décrites dans la confusion mentale (tuméfaction, gonflement,
modifications de la forme cellulaire des cellules géantes de la
rolandique, avec chromatolyse intense). En vain, M. Deny a tenté
d'identifier des lésions de caractères aussi différents et de se baser
sur cette prétendue analogie histo-pathologiqne de la démence
précoce avec la confusion mentale pour en déduire l'origine toxé-
mique de la première de ces affections. Fussent-elles même com-
parables à celles de la confusion mentale, les lésions signalées par
MM. Klippelet Lhermitte pourraient être encore attribuées à une
intoxication secondaire, tout à fait en dehors de l'affection céré-
brale et sous la dépendance de la stéatose hépatique ou de la
tuberculose pulmonaire notées à l'autopsie, bien plutôt qu'à une
lésion toxique. La diminution du nombre des cellules pyramidales
(Klippel et Lhermitte) semble indiquer une lésion morphologique
congénitale, c'est-à-dire constitutionnelle.
Au point de vue étiologique, M. Deny a bien reconnu l'existence
de l'hérédité névro-psychopathique dans la démence précoce, mais
il en a singulièrement diminué l'importance pathogénique au pro-
fit de l'auto-intoxication. Dans 17 cas de démence précoce, j'ai
trouvé des antécédents héréditaires ou personnels. En dehors de
cet argument statistique, j'ai été surtout impressionné par quel-
ques faits particulièrement éloquents : ce sont deux frères qui ne
vivent pas ensemble, qui ont des professions différentes et qui
deviennent presque en même temps déments précoces, l'un à
vingt-six ans, l'autre à vingt-huit; j'avais déjà cité cet exemple
l'an dernier (Voir Semaine médicale, 1903, p. 255), mais depuis
SOCIÉTÉS SAVANTES. 231
j'ai encore appris qu'un cousin de la même famille avait également
sombré dans la démence précoce. C'est une femme qui, à vingt
ans, est atteinte de la même maladie après une existence invrai-
semblablement orageuse (violée à quatorze ans, mariée, divorcée,
morphinomane, prostituée, etc.), son père, au moment où elle est
née, était en pleine paralysie .générale. C'est un jeune homme,
dément paranoïde de vingt-six ans, dont le frère jumeau, la soeur
ainée, ainsi que le fils de celle-ci, sont également déments pré-
coces.
On répond que la prédisposition héréditaire joue dans la démence
précoce un rôle équivalent à celui que tous les aliénistes lui recon-
naissent dans la paralysie générale; mais qu'on cherche chez les
paralytiques généraux des exemples aussi impressionnants que
ceux que je viens de citer ! Et d'ailleurs, a-t-on pour la démence
précoce un facteur occasionnel aussi fréquent et incontestable que
l'est l'intoxication syphilitique pour la paralysie générale ? Je suis
dégagé de tout préjugé au sujet de la doctrine assurément trop am-
plifiée de la dégénérescence mentale. Je suis donc tout prêt à lui
enlever encore la démence précoce; mais, pour établir que cette
affection est une psychose accidentelle et non constitutionnelle,
nous n'avons jusqu'ici qu'une hypothèse, celle de l'auto-intoxica-
tion. Cette hypothèse répond peut-être à la réalité des faits; toute-
fois, jusqu'ici, on n'a pas fourni, à mon avis, de preuves suffisam-
ment convaincantes de sa légitimité.
De certains caractères psychologiques de la Démence précoce et des
. limites de celte affection .
Le or René 11ASSELON (de Pau). Les caractères psycholo-
giques de la démence précoce permettent de la différencier de
certaines autres formes d'affaiblissement intellectuel primitif à
côté desquels elle vient prendre place pour former le groupe des
démences primitives.
La suggestibilité, I'écliomimie, l'échopraxie, les stéréotypies, la
conservation des attitudes, le négativisme... etc., ne sont que des
symptômes secondaires de cette affection : ils ne sont que les
manifestations de l'affaiblissement intellectuel particulier. Cet
affaiblissement est primitif et consiste en une incoordination intra-
psychique (Stransky) primitive, une désagrégation totale des élé-
ments de l'esprit avec vie autonome de ces éléments. Les états de
confusion que l'on voit survenir au cours de la maladie sont épi-
sodiques ; l'affaiblissement psychique leur est antérieur : aussi ne
peut-on englober la démence précoce dans le groupe des confu-
sions mentales.
Les délires systématisés chroniques hallucinatoires évoluant
vers la démence bien qu'ayant une terminaison identique, ont
232 SOCIÉTÉS SAVANTES.
des caractères psychologiques différents de ceux des déments
précoces : ces délires, y compris le délire chronique de Magnan,
forment le groupe de la démence paranoïde ou paranoïaque,
démence primitive, qui vient se placer à côté de la démence pré-
coce, mais qui est distincte d'elle. Certains débiles qui, sous des
causes banales, tombent dans la démence, présentent des carac-
tères qui ressemblent à ceux des déments précoces : ces malades
rentrent dans la conception de Morel et doivent être exclus du ca-
dre de la démence précoce, psychose accidentelle.
Démences de la puberté.
M. Marie. Parmi les démences de l'adolescence il semble qu'il
y en ait une bien nettement reliée à la puberté, sorte d'avorte-
ment de ce dernier stade de l'évolution individuelle. Cet arrêt
d'évolution éclot sur un terrain souvent prédisposé à l'occasion
d'un processus infectieux incident. Il peut être opposé aux syn-
dromes dégénératifs curables d'une part et aux démences plus
tardives ou secondaires à des altérations psychiques autres.
Il est caractérisé par des anomalies régressives de la sphère
sexuelle.
Sur la démence organique secondaire à quelques délires chroniques
hallucinatoires.
MM. le Dr Marie (de Ville,juif) et Marcel VIOLLET, interne des
asiles de la Seine. Les hallucinations observées chez les déli-
rants chroniques sont parfois unilatérales (perçues par une seule
oreille), ou bien elles paraissent provenir toujours d'une même
direction. Si ces malades présentent plus tard des troubles mo-
teurs et sensitifs post-apoplectiques du même côté que celui où se
produisent les hallucinations, on peut être amené à ne pas consi-
dérer ces faits successifs comme des coïncidences. Nous pensons
que les hallucinations sont, dans ces cas, le produit de l'éréthisme
vasculaire chez des prédisposés, éréthisme précédant et motivant
la lésion circonscrite ultérieure. A l'appui de nos opinions, nous
apportons cinq observations tirées des auteurs et de notre prati-
que personnelle.
Un cas de démence précoce avec autopsie.
MM. Raoul LEROY et LAIGNEL-LA VASTINE présentent les coupes
de l'encéphale et des viscères d'une femme de vingt-trois ans
morte tuberculeuse chronique à l'asile des aliénés d'Evreux en
octobre 1903 et observée dans cet asile depuis juillet 1899. Née
d'un père alcoolique, délirant intermittant, soeur d'une paraly-
tique infantile, réglée à quinze ans, douée d'une intelligence suffi-
sante pour être restée neuf ans domestique dans la même maison,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 233
la malade entre à l'asile avec le diagnostic de « mélancolie avec
hallucinations de la vue ». Négligeante, paresseuse, irritable, écla-
tant de rire et fondant en larmes à chaque instant sans motif, elle
manifeste des idées de grandeur, des idées érotiques et des idées
de persécution. Successivement on note du négativisme, de la cata-
tomie, une rémission de trois mois. puis une obésité énorme en
quelques semaines, un négativisme et une stupeur obsolus, puis
une nouvelle rémission de mai à novembre 1902 et enfin une der-
nière période de stupeur avec accès d'excitation cacatonique. A
l'autopsie, aucune lésion macroscopique en dehors des tubercu-
leuses. Au microscope, on ne voit dans l'écorce cérébrale aucune
lésion des méninges ni des vaisseaux ; il n'existe pas d'inflamma-
tion : les pyramidales géantes sont normales, mais peu nom-
breuses, les grandes pyramidales sont de forme normale avec
chromatolyse centrale ou totale en sont neuronophagées surtout
au niveau du lobule paracentral; à ce niveau seulement les
petites pyramidales sont un peu atteintes ; les autres variétés de
cellules sont normales. Cervelet, protubérance et bulbe paraissent
normaux.
Le foie graisseux, la thyroïde un peu scléreuse, les reins ont les
caractères habituels des viscères trouvés à l'autopsie d'un phthi-
sique. L'écorce cérébrale, comparée à celle d'un phthisique de
même âge parait en différer par deux points : les grandes pyra-
midales sont les plus touchées ; les pyramidales géantes du lobule
paracentral sont plus rares 1.
Séance du 2 août (matin.)
Dès le matin, les Congressistes sont au travail dans la belle salle
du Palais d'Hiver. Et c'est la discussion du rapport du Dr Deny sur
les Démences vésaniques qui se poursuit avec un bel acharnement.
Au seul nombre des orateurs inscrits, on devine l'intérêt de la
question débattue et l'espèce de bravoure qu'il a fallu au rappor-
teur pour attaquer de front les théories régnantes. MM. Doutre-
bente (de Blois), Vallon (de Paris) protestent avec énergie contre
l'importance donnée il la démence précoce ; c'est un nouveau
dogme qui a déjà tous les défauts de celui de la dégénérescence
mentale, qu'il attaque. MM. Colin, Pactet (de Villejuif) sont bien
partisans d'une démence précoce, mais veulent qu'elle soit tou-
jours incurable et n'apparaisse jamais après trente ans. MM. Dide
(de Rennes) Masselon (de Pau) admettent, au contraire, la doc-
trine de Iiraepelin intégralement : le premier insiste sur les signes
physiques de la démence précoce, si utiles pour un prompt dia-
' Travail du laboratoire de M. Gilbert Ballet, à l'Hôtel-Dieu.
234 -il SOCIÉTÉS SAVANTES.
gnostic; le second a voulu démêler les limites psychologiques de
cette affection. Mais avec M. Paul Garnier (de Paris), dont le
secrétaire général lit la déclaration, nous retrouvons toutes les
protestations des classiques et des irréductibles : la démence pré-
coce ne serait plus qu'une sorte d'idiotie retardante.
La discussion est close. Le rapporteur a la parole pour répondre
aux objections : M. Deny s'élève d'abord avec force contre les accu-
sations peu scientifiques qui lui ont été adressées en prétendant
qu'il a voulu détruire, au profit des doctrines allemandes, toute
l'oeuvre de la grande école psychiatrique française. Puis, finement,
spirituellement, avec une grande bonne humeur aimable, le rap-
porteur passe en revue toutes les objections étiologiques, anatomo-
pathologiques sur l'évolution de la démence précoce ; il maintient
énergiquement les conclusions de son rapport sur l'origine acci-
dentelle de la démence précoce, tout en reconnaissant que ce sont
surtout des faits cliniques qu'il a observés, et bien observés, mais
que leur interprétation reste encore hypothétique.
A la séance de l'après-midi, le Président Brissaud tente de ré-
pondre à la demande d'un congressiste qui avait souhaité voir
sanctionner d'un vote définitif l'opinion du Congrès sur la démence
précoce : une telle sanction est impossible et serait peu scientifi-
que ; mais ceux qui ont suivi l'exposé du rapporteur et la dis-
cussion qui a suivi ont certainement gardé, en dehors de leur
opinion antérieure, l'intérêt des observations d'autrui, et le pro-
fesseur Brissaud expose les faits qui lui paraissent définitivement
acquis. -
La parole est donnée à M. le Dr Sano (d'Anvers), rapporteur de
la seconde question sur les localisations des fonctions motrices dans
la moelle : rapport consciencieux, où sont exposés avec précision
tous les faits expérimentaux et cliniques apportés par les diffé-
rents auteurs et par le rapporteur lui-même. C'est là une question
qui passionne vivement tous les neurologistes : MM. Brissaud,
Parhon (de Bucarest), Grasset (de Montpellier), viennent tour à
tour montrer l'intérêt des localisations médullaires et les consé-
quences qui en découleront; tous souhaitent le schéma clair et
précis qui viendra éclairer les divers types de troubles périphéri-
ques à distribution segmentaire, radiculaire, ou à localisation
musculaire individuelle.
Le soir, un grand banquet réunissait près de cent congressistes.
dont un assez grand nombre étaient accompagnés de;leurs dames
et d'autres membres de leurs familles. ·
M. le professeur Brissaud, M. l'inspecteur Drouineau, représen-
tant du ministre de l'Intérieur, M. le Dr Crocq (de Bruxelles), dé-
légué officiel du gouvernement belge, M. Régis (de Bordeaux), tour
à tour, portent des toasts applaudis. Pierre Roy.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 235
Séance du 2 août (soir.)
La localisation des fonctions motrices de la moelle épinière.
M. SAno, rapporteur, rappelle que les localisations motrices dans
le système nerveux ont été étudiées en France par Vulpian et
Hayem, pour la moelle épinière. Depuis, les progrès de technique
ont donné les meilleurs résultats.
Avant 1890, diverses méthodes ont précédé la méthode de
Nissl, telles la méthode de l'anatomie normale et de la dissec-
tion (Féré, Herringham), celles de l'anatomie comparée (Kaiser),
de la physiologie (Ferrier et Yeo, Paul Bert, Marcacci), la mé-
thode anatomo-ctinique (David et Prévost, Hayem et Gilbert).
Mais la méthode expérimentale, seule donne des résultats cer-
tains.
)1. le professeur Nissl (d'Heidelberg), qui a réglementé cette
méthode, cherche à produire une lésion périphérique dans un nerf,
dans un muscle et recherche, après une quinzaine de jours, dans
les cellules des cornes antérieures de la moelle épinière, la « réac-
tion à distance » qui peut s'y être produite ; il décèle cette réac-
tion par la coloration au bleu de méthylène, dite coloration de
Nissl. Cette méthode est « spécifique pour la recherche des loca-
lisations : enlever un muscle et trouver dans la moelle un groupe
de cellules nerveuses en réaction à distance, c'est prouver la rela-
tion fonctionnelle qui unit ce groupement cellulaire à l'innervation
du muscle.
Des erreurs personnelles que chacun peut commettre ne doivent
pas entacher la valeur de la méthode ni faire croire qu'il existe
des contradictions irréductibles entre les résultats obtenus par les
divers expérimentateurs. Rien que le simple numérotage des
racines médullaires peut être une cause d'erreur, étant donné que '
le nombre des racines peut varier de 30 à 37 suivant l'espèce ani-
male et, en particulier, chez les divers animaux de laboratoire
(30 chez le cobaye, 34 chez le lapin, 37 chez le chien, etc.). Des
erreurs nombreuses ont été commises, résultant soit de simples
fautes d'impression, de reproduction défectueuse des figures, soit
de ce que les auteurs de ces recherches délicates, aient, comme
plusieurs l'ont reconnu, péché par inattention.
Les recherches expérimentales, faites dans ces dernières années
avec l'aide de la méthode de Nissl sont nombreuses. Dans une pre-
mière période, les auteurs se sont contentés des sections nerveuses.
Marinesco a aussi démontré que chaque nerf rachidien possède en
général dans la corne antérieure de la moelle épinière, un noyau
principal et des noyaux accessoires; le noyau principal constitue
une masse bien circonscrite excepté pour le médian et le cubital,
236 ' SOCIÉTÉS SAVANTES.
qui ont un noyau principal commun ; chaque nerf spinal tire ses
origines de plusieurs segments médullaires, deux, trois, et même
davantage ; le noyau médian a des fonctions motrices étroitement
liées à l'innervation des territoires dépendant des rameaux posté-
rieurs des nerfs rachidiens, des muscles du dos en particulier.
Knape prétend qu'il n'existe pas dans la moelle, des noyaux
nettement circonscrits, d'où les nerfs des membres tireraient
leur origine, mais différents groupes à fonctions différentes, la
flexion serait localisée aux noyaux latéraux, l'extension aux noyaux
centraux.
Dans une seconde période, on a enlevé les muscles et les résul-
tats furent plus précis ; on découvrit à chaque muscle dans la
moelle un noyau d'innervation déterminé (Parhon, Goldstein,
Sano, Popesco, 111mc Parhon). Van Gehuchten et de Neef amputè-
rent des segments de membres, et découvrirent des localisations
nettes dans la moelle, résultats concordant avec les recherches de
Brissaud, sur la métamérie spinale. L'étude des rapports topo-
graphiques de ces noyaux entre eux dans la moelle fut faite. Ces
multiples découvertes ne se contredisent pas, mais se complètent,
au contraire.
La différenciation profonde du système musculaire trouve son
image dans la différenciation des noyaux médullaires; à chaque
muscle répond un noyau, à chaque groupement fonctionnel muscu-
laire répond un groupement de noyaux, au segment d'un membre
correspond, dans la moelle, une zone qui comprend les noyaux
fonctionnels précédents. Le renflement cervical, par exemple, com-
prend trois zones d'innervation segmentaires répondant aux trois
segments du membre supérieur, bras, avant-bras et main; chacune
de ces zones est subdivisible en groupements nucléaires fonction-
nels répondant les uns à l'extension, les autres à la flexion ; dans
chacun de ces groupements, on peut, enfin, reconnaître l'existence
de noyaux musculaires individuels, répondant chacun à un muscle
isolé et même, pour chacun des muscles complexes, comme le
sterno-cléido-mastoïdien, le quadriceps fémoral, etc., on peut
trouver dans la moelle des noyaux répondant à chacun des grands
faisceaux du muscle.
Il est remarquable de voir que la disposition des noyaux dans
la moelle reproduit la topographie des muscles dans les membres;
c'est ainsi que le noyau du deltoïde entoure le noyau du biceps
dans sa partie supérieure, comme le muscle deltoïde lui-même
enveloppe la partie supérieure du muscle biceps ; de même, le
noyau des adducteurs se trouve en dedans et en arrière du
noyau du quadriceps fémoral, comme les muscles adducteurs
se trouvent eux-mêmes en dehors et en arrière du muscle quadri-
ceps.
Les recherches anatomo-cliniques ont démontré que, chez
SOCIÉTÉS SAVANTES. 237
l'homme, comme chez tous les autres vertébrés, ce plan général
trouve son application. Mais il faut accepter avec réserves les dé-
couvertes anatamo-cliniques : elles ne doivent être admises qu'à
la condition qu'elles concordent avec les données expérimentales.
Il faut, en effet, tenir compte, dans l'anatomie pathologique de la
moelle humaine, des affections qui ont nécessité l'intervention
opératoire, l'amputation d'un membre, par exemple, ainsi que
des affections ou infections associées diverses, intercurrentes ou
terminales.
De plus, les lésions anciennes qui se sont compliquées d'atro-
phie ou de sclérose médullaire, et les lésions destructives de la
substance médullaire (tumeurs, syringomyélies, etc.), ne peuvent
servir de documents pour établir la théorie des localisations : ces
lésions ont, en effet, suffi à elles seules à produire un bouleverse-
ment de la topographie médullaire et à empêcher de faire la part
exacte et à délimiter la situation des altérations secondaires aux
lésions périphériques. Ces cas servent, cependant, à démontrer la
valeur pratique de la théorie des localisations pour l'interprétation
des symptômes morbides. En somme, les cas favorables sont peu
nombreux, et parmi eux un petit nombre seulement ont été étu-
diés, par la méthode de Nissl, dans le but spécial de rechercher
les localisations des fonctions motrices dans la moelle ; aussi -
n'est-il pas possible encore de donner avec certitude, chez l'homme,
la fonction de chacun des noyaux.
Ce que l'on sait, c'est que les noyaux cellulaires sont infiniment
plus nombreux que ceux que l'on décrivait autrefois, c'est-à-dire
les quatre groupes antéro et postéio-interne et postéro-externes
décrits par Waldeyer, et que chaque noyau, loin d'être constitué
par une colonne de cellules ininterrompue et verticale, est consti-
tué par une masse de forme et de situation essentiellement varia-
bles, suivant les niveaux : aussi ces groupements cellulaires ne
peuvent-ils être soigneusement étudiés que sur des coupes sériées,
ce qui nécessite une modification à la méthode, préconisée par
Nissl, l'inclusion préalable des fragments de moelle.
Telle est l'idée qu'une comparaison impartiale des différentes
théories soigneusement exposées permet de se faire. Chacune est
appuyée sur des faits positifs, mais aucune opposition essentielle
n'existe entre elles et il est facile de les coordonner.
M. Grasset (Montpellier) remarque aussi que la question des
localisations motrices chez l'homme n'est pas totalement explorée
et que les théories sont souvent trop exclusives. Trois types de
localisation médullaire sont bien établis : 1° le type à distribution
segmentaire (Brissaud, Van Gehuchten, etc.), dans lequel les trou-
bles périphériques résultant de la lésion médullaire occupent des
zones limitées par des lignes perpendiculaires à l'axe des mem-
bres ; 2° le type à distribution radiculaire (Déjerine) où les troubles
238 SOCIÉTÉS SAVANTES.
occupent des zones limitées par des lignes parallèles à l'axe des
membres ; 3° le type à distribution individuelle musculaire (Sano).
Il n'en résulte pas l'existence des centres contradictoires, mais
bien superposés. C'est l'application à la moelle d'une loi générale
dont on trouve des exemples dans les centres bulbaires et méson
céphaliques : le nerf moteur oculaire commun, par exemple, est
l'analogue d'une racine motrice antérieure de la moelle, et a trois
groupes de centres dont la lésion produit trois types de troubles
périphériques. Le noyau, ou origine réelle du nerf, représente le
centre radiculaire.
Les noyaux qui fragmentent la colonne principale du IIIe ventri-
cule représentent les centres / individuels musculaires, et enfin, les
centres supérieurs, supra-nucléaires (Parinaud) dont la lésion pro-
duit des paralysies associées, bilatérales, lévogyres ou dextro-
gyres des deux yeux, frappant du même coup le droit interne du
côté gauche et le droit externe du côté droit. Ces centres sont ana-
logues aux centres segmenlaires de la moelle. Ainsi le nerf de la
troisième paire a trois ordres de .centres superposés. De même,
dans la moelle, la distribution des troubles périphériques des lé-
sions médullaires à ses centres supra-nucléaires.
M. Parhon (Bucarest) se déclare partisan des idées de M. Sano
et insiste sur la technique indispensable pour bien interpréter ces
faits délicats.
M. BRISS1UD, tout en trouvant' le schéma de M. Grasset ingé-
nieux et clair, pense que dans la comparaison des centres médul-
laires avec les différents centres du nerf moteur oculaire com-
mun, on pourrait, supprimer la chiasmatisation qui le complique
un peu.
M. GILBERT-BALLET lit, au nom de M. Laignel-Lavastine, une com-
munication sur les expériences entreprises pour la localisation mé-
dullaire du grand sympathique. -
Note sur quelques centres sympathiques de la moelle épinière.
M. LAIGNEL-LAVASTING montre le corps d'un chien à qui il enleva
le sympathique thoracique gauche du 30 au 10e communicant. Les
lésions, maxima dans Du', sont comprises entre Uvti et Cvti. Dans
D'I, la corne latérale gauche ne fait plus de saillie; elle ne con-
tient plus que trois cellules en voie de destruction, tandis que la
corne latérale droite contient douze cellules normales. Dans Dv, on
compte pour dix cellules normales dans GLU (corne latérale
droite), seulement cinq cellules altérées dans C L G. Même aspect
dans 1 ?
Dans CVIII la corne antérieure G, beaucoup moins volumineuse
que le D, est comme affaissée sur sa base. Ce qui reste deb C L
contient, par coupe, à A seulement quatre cellules, et dix cellules
SOCIÉTÉS SAVANTES. 239
à D. A la partie externe de la base des C A reste un petit noyau de
cellules fusiformes semblables aux cellules de la C L. Ce noyau, à
G, ne contient, par coupe, que trois cellules, et elles sont presque
complètement détruites, en neuronophagie intense, le noyau homo-
logue D contient au contraire dix cellules normales.
En conclusion : .' '
1° Des neurones de la chaîne sympathique thoracique ont leurs cen-
tres trophiques dans la corne latérale de la moelle dorsale et dans un
noyau latéro-exteme de la corne antérieure de la moelle cervicale
inférieure ;
1° Ce noyau laléro-externe de la base de la corne antérieure de la
moelle cervicale est distinct du noyau postél'O-exte1'ne de la corne
antérieure, dont les cellules sont étoilées '.
Schéma bulbaire.
Le Dr Pierre BONNIER (de Paris). Dans ce schéma sont défini,
topographiquement les principaux offices fonctionnels du bulbe
indépendamment de leur représentation consciente, cérébrale,
avec laquelle on les confond si souvent. Il a été nécessaire de
créer des termes pour ces offices bulbaires, dont la clinique ne note
.que les défaillances, les variations négatives, pour lesquelles seules
existe une terminologie. ,
Ces centres fonctionnels sont : les centres scopostheniques chargés
de la régie du regard, avec toutes ses accommodations ; les cen-
tres statisllcéniques, qui régissent les attitudes de sustentation ; les
centres hypniques et tonostatiques régulateurs de l'état du som-
meil, de la tonicité générale et des réflexes; les centres myosthé-
niques, angiosthéniques, cardiosthérziques, pneumosthéniques, gas-
Iroslhéniques, entérosthéniques .
Les centres manostatiques, hygrostatiques, thermostatiques main-
tiennent le niveau de la pression, de l'hydratation, de la
température intérieures. Les centres encratiques commandent les
sécrétions internes qui, brassées par la circulation, maintiennent
le taux de l'alimentation et de la purgation cellulaires. Les cen-
tres enthimiques entretiennent le bien-être organique ; leurs défail-
lances sont les diverses affres viscérales, celles de la fatigue,
l'anxiété générale. Les centres diacritiques internes commandent
les sécrétions muqueuses, lymphatiques ; et les centres diacriti-
ques externes, le drainage sudoral, urinaire, etc.
' Travail du laboratoire de M. Gilbert Ballet, à 1'llôtel-Dieti.
40 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Séance du mercredi 3 août.
Le mercredi 3 août, les Congressistes ont visité l'Asile Saint-
Luc qui est l'asile départemental des aliénés pour les Basses-
Pyrénées. Cet asile est situé environ à 3 kilomètres de Pau sur
la grande route de Tarbes : il est vaste, bien entouré de prairies
et de champs de culture. L'asile est fort bien entretenu et mis au
courant des acquisitions les plus récentes en matière d'hygiène,
l'infirmerie surtout avec ses salles claires, dallées, aux peintures
lavables, avec ses salles de bains, etc., a valu au De Girma,
médecin-directeur de Saint-Luc toutes les félicitations des visi-
teurs.
Ces félicitations se sont justement renouvelées au moment des
toasts qui terminèrent le banquet offert aux congressistes par le
Conseil général des Basses-Pyrénées. D'abord le préfet, M. Gil-
bert, souhaite la bienvenue à tous les congressistes français et
étrangers; le Dr Valéry-Meunier, président de la commission de
surveillance de l'asile Saint-Luc, insiste à bon droit sur la pros-
périté de l'asile d'aliénés du département des Basses-Pyrénées :
900 malades sont entretenus et soignés dans les meilleures condi-
tions hygiéniques; le chiffre de la mortalité y est extrêmement
réduit et celui des guérisons se montre assez considérable. Tous
ces résultats, l'asile les a obtenus avec ses seules ressources,
grâce à la bonne administration de son directeur-médecin, le
D1' Girma : fondé avec un capital de 300.000 francs, l'asile repré-
sente maintenant une valeur de 2 millions : l'inspecteur général
des asiles, D1' Drouineau, délégué du ministre de l'Intérieur,
insiste à nouveau sur l'oeuvre féconde qui peut résulter de l'union
entre les conseils généraux et l'administration des asiles publics
d'aliénés. M. Brissaud, président du Congrès, montre le progrès
accompli en matière d'assistance des aliénés ; à la fin du
xviii0 siècle, il était de bon ton, parmi les élégantes pari-
siennes, d'aller voir les folles de la Salpêtrière. Aujourd'hui aussi
des dames sont venues dans la demeure des aliénés, mais elles
n'ont fait qu'y accompagner ceux des leurs qui venaient y tra-
vailler à l'amélioration du sort des malades; d'ailleurs elles n'au-
raient pu voir à Saint-Luc aucun de ces instruments de torture,
de ces barreaux, de ces chaînes qui faisaient l'odieux pittoresque
d'une visite à la Salpêtrière il y a plus d'un siècle; à Saint-Luc,
il reste encore une camisole de force, mais c'est le D1' Girma qui
la garde dans son bureau, comme souvenir anachronique et inu-
tilisé. MM. Crocq, Giraud, Doutrebente, portent également de»
toasts applaudis.
Puis, après la photographie d'ensemble des membres du Con-
grès, on se rend au travail au milieu de la prairie ombragée qui
SOCIÉTÉS SAVANTES. 241 t
borde l'asile, fuyant la chaleur de la salle préparée pour la
séance d'après-midi. Seuls, les membres du bureau et quelques
membres de la presse ont une table et des chaises; la majorité
des congressistes s'assied sans façon dans l'herbe. Mais, en ce
cadre inattendu et pittoresque sous le beau ciel du Midi, avec au
loin le clair profil estompé et bleuâtre des Pyrénées lointaines,
le travail apparaît engageant et facile : les communications sont
écoutées attentivement et très sérieusement discutées. Avec les
intéressantes observations présentées par MM. Doutrebente et
Marchand (de Blois), Taty et Giraud (de Lyon), une première dis-
cussion s'engage sur l'étiologie de la paralysie générale, à l'occa-
sion de la statistique de M. Coulonjou (d'Alençon); le sujet n'est
pas nouveau, mais les partisans de la civilisation ou de la syphi-
lisation viennent affirmer leur foi adverse. Puis voici que M. Cru-
chet (de Bordeaux) vient remettre en question toute la théorie
des tics, si nettement établie par Brissaud et Meige, au Congrès de
Grenoble en 1902. En l'absence de son maitre, M. Pitres, M. Cru-
chet se trouve écrasé non pas tant par le nombre de ses contra-
dicteurs que par la valeur des arguments opposés; tour à tour
MM. Meige et Brissaud disent la distinction fondamentale entre le
tic, phénomène psychique, cortical, aux caractères cliniques si
particuliers et le spasme, phénomène organique, si différent
d'allures.
C'est le propre de la science de restreindre progressivement le
sens des mots qu'elle emploie : M. Brissaud adjure éloquemment
ses adversaires d'accepter le progrès réalisé sur cette question
très limitée des tics. Enfin M. Cullerre (de la Roche-sur-Yon)
vient rapporter des observations très détaillées concernant les
troubles moteurs (rétractions, amyotrophies, contractures, etc.)
qui surviennent au cours de psychoses. Ces observations font
tout de suite penser à la forme catatonique de la démence pré-
coce, où ces troubles musculaires s'observent avec une fréquence
tout à fait caractéristique. M. Deny, le rapporteur des démences
vésaniques et le champion déclaré de la démence précoce, ne
manque pas de venir rappeler ces faits, décrits par If,ohlbmanu
dès 1874, comme des symptômes d'ordre exclusivement muscu-
laire, mais justement considérés par Kroepelin comme des phé-
nomènes corticaux. Les faits observés par M. Cullerre confirment
très heureusement la conception de Kroepelin.
Deux cas de délire aigu traités avec succès
par les bains frais.
MM. DOUTREBENTE et Marchand (de l'asile de Blois). Les mala-
des ayant présenté, au cours du délire aigu pyrétique, des troubles
gastro-intestinaux analogues à ceux de la fièvre typhoïde, MM. Dou-
ARCIIIVES, 2' série, t. XVIU. 16
242 SOCIÉTÉS SAVANTES.
trebente et Marchand ont eu l'idée de faire l'application du traite.
ment de la fièvre typhoïde en donnant à leurs malades des bains
de 28° pendant un quart d'heure, au nombre de 6 par jour ; ils
ontadopté le régime lacté absolu et purgatifs salins répétés à petites
doses. Le résultat très favorable obtenu par ce mode de traite-
ment a engagé ces auteurs à en faire la publication.
Lésions de l'écorce cérébrale et cérébelleuse chez une idiote
aveugle-née.
MM. TATY et Giraud présentent les résultats de l'examen fait au
laboratoire du professeur Pierret du cerveau et du cervelet d'une
jeune idiote de quatorze ans, aveugle par suite d'ophtalmie puru-
lente des nonveau-nés, avec lésions plus graves de l'oeil gauche et
des voies optiques gauches, morte de tuberculose dans le service
du Dr Viallon.
L'examen nécropsique des yeux, fait par M. le Dr Louis Dor, a
montré l'existence d'un double leucôme avec disparition de la
rétite et du cristallin à gauche. Dans le cerveau, les lésions cellu-
laires (disparition d'un très grand nombre d'éléments, avec atro-
phie des éléments survivants) sont étendues aux deux hémisphères,
avec un maximum dans les lobes occipitaux et le pôle frontal.
Elles vont en décroissant dans le pli courbe, les circonvolutions
rolandiques et les lobes temporaux. La destruction des éléments
cellulaires est totale dans les scissures calcarines et les deux lèvres
de ces scissures. La vérification des opinions de Herschen est donc
possible même dans des cerveaux atteints d'une lésion généra-
lisée.
Le cervelet est également atteint dans toutes ses parties. Les
lésions y ont le même caractère (destruction d'un très grand nom-
bre d'éléments, atrophie des survivants). Il a semblé aux auteurs
que ces altérations sont prédominantes dans le flocculus gauche,
fait en rapport avec les constatations du D1' L. Dor sur l'atrophie
des flocculus chez les lapins qui ont subi une énucléation.
Quelques réflexions sur l'étiologie de la paralysie générale
dans le département de l'Orne.
M. le Dr COULONJOU. Rappel des constatations antérieures de
divers auteurs, qui tendent à faire de la paralysie une maladie des
peuples civilisés, Statistique des paralysies générales de l'asile
d'Alençon comparée aux statistiques de la plupart des asiles fran-
çais (2 p. 100 au lieu de 15 à 30 p. 100). Examen des causes les
plus fréquemment admises (syphilis et alcoolisme). Or, ces deux
causes existent dans l'Orne, au même degré que partout ail-
leurs. Au contraire, il est un fait bien établi, c'est que dans la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 243
Basse Normandie, la culture intellectuelle est fort en retard, si on
la compare aux autres régions. Ce fait semble venir confirmer la
théorie si rationnelle, qui fait de la paralysie générale une affection
due surtout à l'usure cérébrale, les autres causes étant seulement
occasionnelles. - Réflexions.
Un cas de maladie de Raynaud, suivi de mort, chez une jeune fille
hystérique et tuberculeuse ; examen analomo-pathologique.
M. le Dr COULONJOU. Observation : Jeune fille de dix-sept ans,
enfant assistée, conduite à l'asile d'aliénés pour troubles mentaux,
caractérisés par du mutisme, de la sitiophobie. des tendances à
des actes nuisibles et impulsifs. A son entrée, on constate une
gangrène symétrique des orteils des deux pieds, affectant seule-
ment les phalangettes des trois derniers orteils ; les os sont dénu-
dés et noirs, les tendons ramollis, les parties molles nécrosées.
En outre, signes de tuberculose pulmonaire à la 2e période. Mai-
greur extrême, sitiophobie, ptyalisme, abcès de diverses région-
faisselle, parotide). Thérapeutique reconstituante, gavages, lave-
ments alimentaires. Fièvre vespérale, traitée avec succès par
des lavements de quinine. La parole revient, ainsi que l'appétit; la
gangrène des pieds s'arrête, les pieds bourgeonnent. Mais les
abcès des régions ganglionnaires se multiplient, et la malade
meurt de cachexie septicémique. °
Autopsie : Tuberculose pulmonaire (cavernules des sommets).
Rien d'apparent ailleurs ? Anatomie pathologique : Examen d'un
fragment de sciatique et de poplité externe, et de deux artères (fé-
morale et tibiale postérieure). Résultat négatif. Réflexions :
Hystérie (troubles trophiques) ou tuberculose (intoxication des
centres trophiques par les produits microbiens).
Potiencéphalite supérieure aiguë Itéinoi,2,hagiqzie.
MM. Brissaud et BRÉCY (de Paris). Observation d'une femme
de trente-six ans avec double ptosis, myosis, état somnolent parti-
culier. Le neuvième jour, accélération du pouls et élévation de la
température. Mort subite le lendemain.
Autopsie : Lésions inflammatoires avec hémorrhagies criblant
les parois de l'aqueduc de Sylvius, notamment au niveau des
noyaux de la 3° paire, les tubercules quadrijumeaux, la partie
supérieure de la protubérance. Cette observation est à rapprocher
de celle publiée par Gayet en 1875 et des cas décrits depuis le tra-
vail de Wernicke sou,s le nom de poliencéphalite supérieure aiguë
hémorrhagique. Il s'agirait de lésions assez diffuses avec prédomir
nance au voisinage 'de l'aqueduc, plutôt que d'une maladie réelle-
ment systématisée..... - i, 1 : :
244 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Des rétractions musculaires et de l'amyotrophie consécutives aux
. contractures et aux attitudes stéréotypées dans les Psychoses.
Le Dr A. CULLERItE. Résumé. - Dans les psychoses confu-
sionnelles et stuporeuses, on observe couramment des phénomènes
musculaires spasmodiques, raideurs, contractures, attitudes sté-
réotypées qui, dans un petit nombre de cas peuvent, à la longue,
entraîner dans les muscles intéressés des troubles trophiques plus
ou moins graves, rétractions tendineuses et atrophies musculaires.
Quatre observations détaillées en fournissent des exemples variés.
Ces contractures et ces atrophies musculaires, chez les stupides
et les déments, habituellement curables, mais pouvant, dans quel-
ques cas, devenirdéfinitives, rappellent l'atrophie musculaire des
paralysies hystériques (Charcot, Babinski) et peut-être plus
encore celle que l'on observe à la suite de certains spasmes profes-
sionnels, où l'on voit certains muscles inutilisés pour le travail à
accomplir, mais néanmoins maintenus fortement fléchis en per-
manence, devenir peu à peu le siège d'atrophie et d'une rétraction
définitive (Brissaud). Il s'agit en somme, dans ces cas divers, mais
analogues, d'une véritable maladie de Dupuytren dont la cause,au
lieu d'être la conséquence d'une sorte de traumatisme externe,
est constituée par une irritation permanente exclusivement
intérieure.
'Apropos des modifications de la moelle consécutives aux amputations
de membres chez le Têtard.
. Ji31. BRISSAUD, et BAUER. Lorsque l'on compare la moelle de deux
têtards de même âge ayant subi le même jour la même amputa-
tion, l'un des têtards n'ayant pas régénéré, l'autre régénérant ou
ayant régénéré, on constate une différence manifeste entre les deux
renflements lombaires. 1° Les lésions sont beaucoup plus accen-
tuées et plus nettement délimitées chez le têtard qui ne régénère
pas que ehez le têtard qui régénère ;
2° L'examen du renflement lombaire de têtards qui, amputés des
mêmes segments et en voie de régénération, ont été sacrifiés un
temps plus ou moins long après l'opération permet d'observer la
réparation progressive des régions médullaires causées par l'am-
putation ; .
3° Les amputations de régénérations influent, mais influent peu
sur l'état de la moelle ; elles n'arrêtent guère la réparation des
altérations déterminées par la première amputation. Le nombre
de ces amputations n'a aussi que fort peu d'importance à cet
égard ;
- 44° Cette restauration des lésions de la moelle n'est jamais par-
faite. Il ne s'agit pas ici comme au niveau des membres d'une
SOCIÉTÉS SAVANTES. 245
régénération. Les cellules qui ont été très vivement lésées tendent t
à disparaître grâce à l'intervention de macrophages ; il semble
que ces cellules sont remplacées par des cellules nerveuses sim-
ples, voisines du groupe moteur, qui s'adaptent à de nouvelles
fonctions. On n'observe pas de figures de cariocinèse.
Séance du jeudi 4 août.
Le jeudi 4 août 1904, le Congrès des médecins aliénistes et neu-
rologistes a tenu séance à Lourdes. Sans insister sur l'opportunité
du lieu choisi, étant donnée la spécialisation des congressistes, il
faut bien faire remarquer qu'il s'agissait là surtout d'une superbe
excursion en un très beau pays. Ceci ne veut pas dire qu'il n'y
aurait pas grand intérêt à mener sur lieu l'étude psycho-névropa-
thique de tous les difformes et débiles qui sollicitaient le flair cli-
nique de chaque congressiste, au coin des places ou des rues de
cet immense caravansérail des candidats au miracle. Mais les con-
ditions nécessaires à cette étude seraient bien difficiles à réunir ;
et c'est en simples curieux que ces médecins aliénistes et neuro-
logistes virent, le soir venu, s'égrener avec art, par les pelouses
et escaliers de la basilique, la longue théorie lumineuse des pèle-
rins du diocèse de Limoges. Au sommet du pic du Grand Jer
(1.000 mètres environ), dont l'ascension est singulièrement faci-
litée par un funiculaire, un déjeuner champêtre précède les com-
munications consacrées à la neurologie : M. Claparède (de Genève),
puis M. Schnyder (de Berne), nous entretiennent tour à tour du
sens musculaire et de la suggestibilité des neurasthéniques.
M. Crocq dit l'intérêt qu'il y a à étudier tous ces phénomènes d'ha-
bitude sur lesquels M. Brissaud, l'an dernier, appela l'attention à
Bruxelles. Puis le même auteur vient affirmer le contrôle positif
qu'il a pratiqué de l'étonnant procédé de Mac Conaghey, d'Edim-
bourg : pour faire cesser la crise d'un épileptique, il suffirait de
le coucher sur le côté gauche ! L'essai assurément n'en coûte rien.
M. Foveau de Courmelles dit les mérites du radium en thérapeuti-
que nerveuse.
Sur l'exploration clinique du sens musculaire.
M. le Dr En. Claparède. (de Genève). L'exploration du sens
musculaire participe aux difficultés inhérentes à toutes les déter-
minations de sensibilité : les sujets hésitent, se contredisent et il z
est le plus souvent impossible d'apprécier par un chiffre le degré
d'acuité sensible. Pour mesurer l'état de la sensibilité profonde, il
est le plus simple en clinique, de faire comparer des poids; on peut
aussi faire comparer les volumes de petits cubes de bois de 20 à
246 SOCIÉTÉS SAVANTES.
30 millimètres décote. J'ai remarqué que les malades donnaient
des réponses beaucoup plus précises lorsque, au lieu de leur faire
apprécier successivement avec la même main, deux poids, ou deux
volumes, en permettait une comparaison immédiate en plaçant
simultanément dans chaque main un des poids ou un . des cubes à
apprécier. Dans ce cas il arrive que les malades atteints de
troubles de la sensibilité ou de la motilité trouvent l'un des poids
ou l'un des volumes plus grand que l'autre, même si ces objets
sont égaux. Mais, chose curieuse, un certain nombre d'expériences
nous ont montré qu'il n'y avait aucun parrallélisme entre la force
motrice et la sensibilité du membre, et le sens de l'estimation du
poids ou du volume perçu par ce membre; c'est-à-dire que cer-
tains malades surestiment les poids avec leur bras parétique ou
hypoesthérique, tandis que d'autres le surestiment avec leur bras
sain. Même fait s'observe pour la surestimation du volume. Il
n'y a pas davantage parrallélisme régulier entre la surestimation
du poids et du volume; toutes les combinaisons se sont offertes;
quelques malades surestiment et les poids. et les volumes avec le
bras sain ; d'autres, idem avec le bras malade; d'autres encore
surestiment les cubes et sousestiment les poids avec le bras ma-
lade, etc.
Ces expériences, qui demandent à être continuées et approfon-
dies,, montrent que la complexité des diverses modalités du sens
musculaire est probablement encore plus grande qu'on ne l'a
cru. Un très grand nombre de facteurs sensibles, moteurs, céré-
braux interviennent dans les perceptions de poids, de volume, de
forme, de position. Il est indispensable de connaître leur rôle si
l'on veut arriver à interpréter les résultats fournis par les procédés
usuels d'exploration du sens musculaire.
Examen de la suggestibilité chez les nerveux.
Le Dr SCHNYDER (de Berne). - L'auteur a examiné la suggestibi-
lité chez les nerveux soignés à la clinique du Professeur Dubois, de
Berne, en les soumettant à une électrisation simulée pendant cinq
minutes et en les interrogeant sur leurs sensations. Sur 203 sujets
examinés (t 11 femmes et 192 hommes), la proportion des résul-
tats positifs a été de 54 p. 100. '
L'auteur a rencontré le plus de résultats positifs chez les neu-
rasthémiques, soit 77 p. 100 chez les femmes et 61 p. 100 chez les
hommes. Chez les sujets hystériques, au contraire, les phéno-
mènes de suggestion sont moins fréquents, surtout dans les cas
d'hystérie à symptômes classiques (anesthésie cutanée, conlrac-
Lure, astasie-abasie) : 40 p. 100 de résultats positifs. L'auteur
explique cette particularité par le fait du rétrécissement du champ
des hystériqdes qui les rend réfractaires à des suggestions nou-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 247 l
velles en dehors du système fixe de leurs auto-suggestions
préexistantes.
Le radium en thérapeutique nerveuse.
M. le Dr Foveau de CouauttES, de Paris. Le radium comme
les rayons X et ultra-violets est un analgésique puissant. Depuis
deux ans avec des activités de 140 et 10 000, en application conti-
nue ou fragmentée, l'auteur a constaté l'action sédative sur la
douleur, organique ou cancéreuse, nerveuse ou névralgique. La
suggestion a été diminuée ou supprimée le plus possible, rien
n'étant annoncé aux malades, et l'application du radium succé-
dant toujours à d'autres agents médicamenteux ou physiques qui
s'étaient montrés impuissants.
Certaines névralgies faciales bien étudiées, examinées électri-
quement, anciennes, ont cédé plus ou moins rapidement; certaines
avaient déjà été opérées (élongation ou section des nerfs) sans
succès ; de même une névralgie sciatique. Les douleurs en ceinture
de deux ataxiques ont cédé pour un malade aux, rayons X, pour
l'autre au radium.
Les applications, avec de faibles radio-activités du radium, en
tubes, pommades, certaines argiles naturelles, etc., étant pratiques
et peu coûteuses il y a là un' puissant analgésique à appliquer
couramment en neurologie. -
Les phénomènes morbides d'habitude.
M. CRocQ, de Bruxelles. Les phénomènes d'habitude extrê-
mement fréquents à l'état physiologique le sont plus encore à
l'état pathologique. Si le système nerveux normal se laisse pétrir
par des circonstances extérieures, le système nerveux anormal,
plus suggestible, plus automatique, moins réfréné par le moi cons-
cient, devient l'esclave de l'habitude ; son fonctionnement psychi-
que supérieur se trouve tout entier sous la domination du système
psychique inférieur.
A côté de la douleur d'habitude, décrite par Brissaud, des tics
d'habitude de Meige et Feindel, il y a les phobies d'habitude, les
obsessions d'habitude et aussi les insomnies et les attaques d'habitude.
Les insomnies d'habitude sont très fréquentes ; elles constituent
le reliquat, sur un système nerveux spécial, des iusomnies quel-
conques, que celles-ci soient nerveuses, circulatoires ou toxi-infec-
tieuses. Elles cèdent généralement vite à l'administration des
hypnotiques qui régularisent les fonctions nerveuses en rendant
l'habitude de dormir.
Les attaques d'habitude se rencontrent très fréquemment aussi;
elles sont hystériques ou épileptiques et constituent, comme tous
les phénomènes morbides d'habitude, le reliquat, sur un système
248 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nerveux prédisposé, du même phénomène (qui est ici l'attaque)
provoqué une première fois par une cause tangible et qui se repro-
duit ensuite, sans raison autre que l'habitude. Ici encore, il suffit
souvent de combattre la production du phénomène d'habitude
pour obtenir une guérison définitive. L'auteur rapporte des cas
d'insomnie et d'attaques d'habitude.
Un moyen épilepto-fréazateur héroïque.
M. CaocQ. - Autant il est unanimement reconnu que les attaques
d'épilepsie précédées d'aura peuvent être quelquefois empêchées
par des moyens que les malades mettent du reste eux-mêmes en
usage, tels que la constriction d'un membre; autant on s'incline
devant l'impossibilité d'arrêter un accès lorsqu'il est commencé.
Jusqu'à présent, nous ne pouvions rien en présence d'un malade
en proie à un accès épileptique.
Cette situation est heureusement changée actuellement; il suffit
en effet de placer le malade sur le côté gauche, pendant la période
tonique, pour supprimer la période clonique et voir le patient
revenir bientôt à lui. Ce procédé indiqué succinctement par
Mac Conaghey, d'Edimbourg, constitue un moyen réellement
héroïque d'arrêter les accès. Dans tous les cas, où M. Crocq et son
assistant, M. Marlow, ont eu l'occasion de l'employer, le succès a
été complet.
Ce procédé, d'une simplicité et d'une valeur remarquables, au-
quel M. Crocq donne le nom de laléro-station gauche, paraît capable
non seulement d'arrêter les attaques. mais encore d'en diminuer
la fréquence et l'intensité. On pourrait croire qu'en plaçant le
malade sur le côté droit le résultat sera le même ; il n'en est rien,
la latéro-station droite n'a donné que des insuccès.
Relations cliniques de la cécité avec la paralysie générale
et le tabès.
André LERI (de Paris). La cécité est généralement considérée
comme fréquente dans le tabes et rare dans la paralysie générale.
D'autre part, on admet que les cas de tabes avec cécité sont pres-
que toujours des cas de tabes essentiellement bénin, dans lesquels
les manifestations tabétiques ordinaires sont tout à fait minimes.
Nos recherches dans la littérature et nos observations person-
nelles nous ont convaincu que :
A) Pour ce qui concerne la paralysie générale : 1° la cécité est
rare dans la paralysie générale confirmée avec troubles mentaux
marqués, mais les troubles légers de la vision n'y sont pas rares;
2° la cécité a été assez fréquemment signalée avant l'apparition
des troubles mentaux de la paralysie générale progressive.
B) Pour ce qui concerne le tabes : 1° la cécité est rare dans le
SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 249
tabes confirmé, avec grands symptômes; elle n'est fréquente que
dans le tabes avec symptômes minimes de lésion des cordons pos-
térieurs ; 2° quand la cécité doit survenir, elle survient générale-
ment avant la plupart des symptômes du tabes ; 3° l'affection à
laquelle on donne le nom de « tabes avec cécité » est caractérisée
par une atrophie papillaire assez rapidement complète, accompa-
gnée non seulement de troubles tabétiques minimes, mais très
fréquemment aussi de troubles mentaux minimes tout à fait ana-
logues à ceux du début de la paralysie générale.
En somme, le plus souvent la cécité dite « tabétique » pourrait
être aussi bien considérée comme une cécité « paralytique » si les
troubles mentaux minimes de la méningo-encéphalite diffuse
légère avaient dans la nosographie la même importance que les
troubles physiques et fonctionnels minimes de la méningo-myé-
lite spinale postérieure légère. Le tabes, la paralysie générale et
l'amaurose dite « tabétique » représentent simplement trois loca-
lisations d'un même processus, probablement d'ordinaire syphili-
tique tertiaire, qui peuvent soit s'associer, soit rester plus ou
moins complètement isolées Anatomiquement d'ailleurs l'atrophie
optique du tabes est semblable à celle de la paralysie générale ; il
s'agit, ce semble, d'atrophie secondaire à des lésions de méningite
et de névrite interstitielle à point de départ vasculaire (endo et
péri-artérite et phlébite).
Recherches sur la sensibilité normale de la cornée et de la
. conjonctive.
MM. les D'S C \BANNES et II. ROBll'iEAU 1. Nous avons utilisé
pour l'étude de la sensibilité conjonctivo-cornéenne à la piqûre
des crins de Florence n° 3, coupés en fragments de 8 centimètres
de longueur environ; ces fragments étaient placés dans un tube
stérilisé contenant une solution de cyanure de mercure et ils ne
servaient qu'à une seule personne à la fois. Cet esthésiomètre est
appliqué perpendiculairement sur les membranes précédentes; sa
surface de section, restreinte mais non pointue, déprime mais ne
pénètre pas. Il n'a donc pas les inconvénients de l'aiguille ou de
l'épingle. La sensation ressentie en appliquant l'extrémité du crin
est celle d'une piqûre. Si on incurve le crin en anse, et que l'on
applique cette anse sur l'oeil, on peut étudier la sensation de con-
tact. Pour l'appréciation de la sensibilité thermique, nous nous
sommes servis d'eau chaude ou d'eau froide instillée dans l'oeil au
moyen d'un compte-gouttes à extrémité capillaire. On ne doit
appliquer 'ni le froid intense ni une température supérieure à
60°, on provoquerait une douleur vive, une vraie brûlure.
- 1. Voir thèse de H. Robinevu : Valeur séméiologique de l'anesthésie-
conjonctivale et cornéenne dans '7<er<e. Th. de Bordeaux, 1904.
250 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Voici en quelques mots les résultats de nos recherches, prati.
quées sur près de 80 sujets normaux.
La piqûre de.la cornée est ressentie, en tant que piqûre (ce qui
constitue l'état normal) dans 75 à 80 p. 100 des cas. Dans d'autres
cas (20 à 25 p. 100) la piqûre de la cornée n'est pas nettement
perçue (hypoesthénie) ou bien elle l'est d'une façon anormale,
comme un' contact. Ces anomalies dans l'appréciation exacte de la
piqûre se montrent surtout chez les gens ayant dépassé la qua-
rantaine ou chez des personnes âgées. La sensibilité à la
piqûre de la conjonctive bulbaire reste normale dans des propor-
tions à peu près identiques; elle est cependant moins vive que
celle de la cornée ; de plus, elle possède deux particularités que
l'on ne retrouve pas dans l'étude de la sensibilité cornéenne : a)
elle est plus vive dans la moitié temporale que dans la moitié
nasale ; 6) à côté de points parfaitement sensibles à la piqûre, la
conjonctive possède des points insensibles, dernier fait déjà mis en
lumière par Nagel.
La perception du contact est beaucoup plus obtuse pour la cor-
née que pour la conjonctive. La conjonctive bulbairepercoit mieux
les impressions de contact que ne le fait la cornée, mais cette
dernière apprécie plus vivement la piqûre.
La cornée perçoit moins bien que la conjonctive le froid ou la
chaleur. Nous pouvons même affirmer que la sensibilité ther-
mique de cette dernière membrane est rarement atteinte, à l'in-
verse de ce qu'a avancé Nagel qui refusait à la conjonctive toute
perception thermique.
Ces diverses sensations éprouvées par les malades à la piqûre
au contact, à la température, sont accompagnées de réflexes dont
le plus fréquent (75 à 78 p. 100 des cas) est le clignement réflexe,
puis viennent le larmoiement réflexe (47 p. 100) et l'injection blé-
pharo conjonctivale (20 à 25 p. 100). ,
La cornée est en somme douée d'une sensibilité douloureuse
exquise. Toutes les impressions un peu fortes (contact, tempéra-
ture, etc.), faites à son niveau amènent la douleur, une douleur
vive, très spéciale, rapidement accompagnée de tous les réflexes
de défense (clignement, larmoiement, etc.). Mais elle apprécie mal
les nuances. Sous ce rapport, la conjonctive a plus de discerne-
ment, elle se rapproche davantage de la peau et des autres mu-
queuses. Ce qui montre encore le peu de tendance de la cornée à
la différenciation des diverses impressions, c'est l'expérience sui-
vante que nous avons faite : les deux extrémités libres du crin de
Florence sont placées sur la cornée, à des distances variables, la
cornée n'arrive à percevoir deux sensations et encore d'une façon
restreinte (25 p. 100 des cas environ) que lorque l'écartement très
grand atteint deux points opposés de la périphérie cornéenne.
Cette expérience, qui est l'analogue de celle du compas de Weber
SOCIÉTÉS SAVANTES. 25L
pour la peau, montre encore combien est spéciale, dans ses qua-
lités, la sensibilité de la cornée.
Le climat de Pau et les nerveux.
M. le Dr CROUZET traite de l'action sédative du climat de Pau, et
montre que cette action est bienfaisante non seulement dans les
formes congestives de la tuberculose pulmonaire, mais encore
dans les accidents nerveux qui peuvent survenir au début de cette
maladie. D'autre part cette influence sédative facilite de beaucoup
le traitement des formes ordinaires de la neurasthénie ; enfin elle
est un puissant calmant dans un certain nombre d'autres affec-
tions nerveuses.
Séance du vendredi 5 août.
La question d'assistance, dont M. Keraval était le rapporteur,
présentait un intérêt tout particulier, qui justifiait la présence,
parmi les congressistes, de MM. Drouineau et Pelletier, représen-
tants du ministre de l'Intérieur'et du préfet de la Seine, et venus
pour entendre la discussion sur les mesures à prendre à l'égard des
aliénés criminels. Le rapporteur avait déjà consciencieusement ex-
posé les différentes doctrines, mais leurs représentants ont tenu à
dire eux-mêmes leurs convictions adverses, et nous avons retrouvé
les deux opinions déjà tant de fois exprimées : les uns, MM. Colin,
Pactet, etc., veulent qu'on écarte toute sentimentalité de la ques-
tion des aliénés criminels; une seule chose est à considérer; ce
sont les actes commis et ceux qui peuvent l'être par la suite;
la société a le devoir de se défendre par des mesures toutes
particulières contre des aliénés très différents des autres; il faut t
construire un Asile spécial. D'autres, au contraire, MM. Doutre-
bente, Rey, Parant, etc., disent le danger et les inconvénients de
ces mesures spéciales ; ils se rallient à l'opinion de M. Keraval,
demandant qu'on utilise d'abord toutes les ressources de la loi de
1838 et qu'avant de prendre quelque mesure hâtive, on expéri-
mente ce qu'on a déjà, à savoir l'établissement de Gaillon. On vote;
la majorité est en faveur de l'intervention du pouvoir judiciaire;
l'unanimité ne se retrouve que pour demander le désencombre-
ment des asiles, l'augmentation du personnel médical et infir-
mier, etc. 0
Cette longue et laborieuse discussion du rapport Keraval a
empiété sur la séance de l'après-midi, terminée par d'inté-
ressantes communications, consacrées à la neurologie, de MM.
Brissaud et Brécy, André Léri, Oberthur et Sicard, Cabannes,
Mirallié. etc.
252 SOCIÉTÉS SAVANTES.
La soirée de ce même jour comportait la réception des congres-
sistes au Palais d'Hiver par la Société de médecine de Pau, dont
le président Brissaud est depuis longtemps le membre associé.
Auparavant, M. Sano projeta des schémas et coupes fort intéres-
santes extraites de son rapport sur les localisations médullaires;
M. Deny fit défiler les poses et attitudes stéréotypées les plus
curieuses de ses démentes précoces ; M. Henry Meige nous retraça la
longue histoire artistique des Pierres de tête ; 111111. Ph. Tissié et
Bérillon nous vantèrent les résultats de l'éducation physique et de
la méthode hypnagogique.
' Des mesures à prendre à l'égard des aliénés criminels.
Par le Dr P. KERAVAL,
Médecin en chef de l'asile de Ville-Evrard.
Ce rapport se compose de deux parties. C'est un travail dans
lequel tous les mots portent.
La première partie est consacrée à l'ETUDE HISTORIQUE de la ques-
tion. Il s'agit non d'une sèche énumération'des principauxodocu-
ments, mais d'une étude analytique des opinions des auteurs et
des raisons sur lesquelles chacun d'eux fonde sa manière de voir.
Le procédé d'exhibition des archives examinées trace en même
temps l'évolution des idées; la forme de l'exposition montre
l'origine ainsi que la modalité des décisions adoptées à l'étranger.
Dans la seconde partie l'auteur traite des problèmes A RÉSOUDRE.
On ne peut lire aucun mémoire de ce genre sans se heurter à la
préoccupation invincible et simultanée des aliénés criminels, des
criminels aliénés, des aliénés dangereux, difficiles, vicieux, dé-
pravés.
I. L'aliéné criminel est pour tout le monde un aliéné qui a com-
mis un crime ou un délit sous l'influence de son état mental et
qui, pour ce motif, a été reconnu irresponsable.
II. Le criminel aliéné est par contre, un aliéné qui, devenu
aligné après son crime reste-, par suite, avant tout un criminel.
III. L'aliéné dangereux difficile, vicieux, dépravé, est un aliéné
dont l'état mental fait courir aux aliénés avec lesquels il est
en contact dans l'établissement, des risques, paraît-il, redoutables.
A chacune de ces espèces on tendrait, à l'extrême, à appliquer des
dispositions judiciaires et des dispositions médico-administratives
exceptionnelles.
I. On voudrait notamment que l'aliéné criminel demeurât entre
les mains de l'autorité judiciaire pendant toute sa vie. Séquestré
de piano par elle, il devrait être maintenu tant que le médecin
n'aurait' pas délivré à fin de sa sortie un certificat de guérison
complété par la formule non suspect de rechute.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 253
L'administration préfectorale deviendrait alors une sorte d'ad-
ministration pénitentiaire, elle n'aurait plus qu'une fonction pure-
ment exécutive. Aussi songe-t-on à créer pour l'aliéné criminel un
ou plusieurs asiles régionaux spéciaux, dits asiles d'aliénés crimi-
nels, soumis à un régime particulier, sous la dépendance exclusive
de l'Etat.
M. Keraval fait toucher du doigt les inconvénients de ce système,
à l'aide des mémoires mêmes des auteurs et du texte des argu-
ments les plus intransigeants.
Tous les aliénés criminels ne sont pas dangereux, il s'en faut
de beaucoup. La question se réduit donc à l'examen de chaque cas
particulier par le médecin traitant. Placez si vous voulez les
aliénés criminels sous la domination de l'autorité judiciaire mais
en adoptant le correctif de F. Dubief et Alombert-Coget, c'est-à-
dire l'intervention, pour le placement, la maintenue, et la sortie,
du préaident du tribunal civil jugeant en chambre de Conseil.
Quant à créer pour eux un asile spécial, dit des aliénés crimi-
nels, ce serait inutile et inhumain. Toutefois, comme aux termes
d'une délibération de la Chambre des députés, nous avons à notre
disposition Caillou, comme aussi, il semble que l'étendue et la
gravité des dangers en rapport avec l'internement de ces aliénés
dans les asiles ordinaires varient selon les départements, on pour-
rait, en conservant la loi de 1838, se servir, à titre d'expérience,
de Gaillon, et y étudier pratiquement la valeur des craintes for-
mulées par certains auteurs et par un nombre sérieux de chefs de
service actuellement en fonctions.
M. Keraval a eu l'excellente idée de demander au docteur Raoul
Leroy, le médecin en chef de Gaillon, un mémoire sur l'état pré-
sent de Gaillon et sur son utilisation éventuelle. 11 a fait aussi une
enquête dans les asiles français.
II. Le criminel aliéné exi>te-t-il réellement ? Le criminel aliéné
n'était-il pas déjà aliéné au moment où il a été condamné ? Les
travaux de Colin, Pactet, Taty, P. Garnier, Monod, montrent
qu'on a condamné à tort bien des gens qui s'ils eussent été sou-
mis à un examen médico-légal, eussent été reconnus aliénés, et,
par suite, n'auraient pas été condamnés.
Afin d'éviler des erreurs, il serait grand temps d'appliquer la
réforme Cruppi sur l'instruction et l'expertise obligatoire et con-
tradictoire. Par cette pratique, on criblerait pour ainsi dire les
criminels aliénés; on en déterminerait exactement le quantum. Il,
va de soi qu'en dehors de la question de la nature de la crimina-
lité en général, question réservée, un criminel, sain d'esprit au
moment où il a commis l'acte qui lui est reproché, puisse, comme
n'importe qui, plus tard devenir aliéné, et qu'en ce cas sa qualité
de criminel dominerait sa qualité d'aliéné. Il semble y avoir
accord unanime pour laisser le criminel aliéné à la disposition du
254 SOCIÉTÉS SAVANTES.
pouvoir judiciaire et pour l'interner, comme cela se fait, à Gaillon,
mais jusqu'à sa guérison ou sa déchéance intellectuelle. Gaillon se
composerait, dans ces conditions, de deux parties : 1° une partie
consacrée, comme maintenant, aux criminels aliénés ; 2° une sec-
tion spéciale recevant à titre d'études les aliénés criminels parti-
culièrement difficiles.
III. Il nous reste maintenant' à examiner le sort des aliénés qui,
dans les asiles où ils sont internés, présentent pour les autres
malades un danger à cause de leur attitude ou de leur caractère,
aliénés désignés sous les noms d'aliénés dangereux, difficiles,
vicieux, dépravés. Ceux-là n'ont pas encore eu maille à partir
avec la justice. Au cas même où, dans l'asile, ils se seraient
rendus coupables d'attentats quelconques, leur qualité d'aliénés
ne les fait pas rentrer dans la catégorie des criminels aliénés qui,
au dehors, avant leur internement, ont exécuté crimes et délits.
Et cependant il est une certaine école qui prétend les signaler à
l'autorité judiciaire afin de les cataloguer comme tels et de les
faire bénéficier désormais de la surveillance, judiciaire; il est une
autre école qui, ralliée ou non à la première, voudrait qu'on les
reléguât à l'asile des aliénés criminels.
M. Keraval est opposé à ces deux mesures. Les aliénés internés,
qu'ils soient dangereux ou non, sont des aliénés tout court. Le
mal vient surtout d'un défaut d'organisation des asiles publics. Ils
sont encombrés et manquent souvent de quartiers propres à l'in-
dividualisation du traitement des modalités morbides ; les malades
y sont trop les uns sur les autres. Il faudrait les désencombrer et
pouvoir traiter chacun des caractères pathologiques pour ainsi
dire un à un. A quoi bon expulser dans un asile dit de désinfec-
tion, lieu de douleur et d'incurabilité, selon l'expression de Maran-
don de Montvel, ces malheureux ? Ce qu'il faut principalement,
c'est réformer l'outillage des asiles d'aliénés. En attendant, dans
les cas urgents, on pourrait, sur rapport spécial du médecin,
envoyer à Gaillon quelques types particulièrement dangereux.
Mais le petit asile à proximité du grand, demandé par H. Colin
pour certaines catégories (aliénés vicieux) est préférable. Ce qui
serait encore meilleur, ce serait d'installer dans un asile désen-
combré, mais dilaté, ne contenant pas,plus de cinq cents malades,
la disposition U'Alt-Scherloz, de.Novo Snamensky, de la maison
de santé de l'empereur 11t·.xandre,Ill. En tous cas, la justice n'a
rieu à, voir en cette affaire. .
Mais allons plus loin. N'existerait-il pas des moyens prophylacti-
ques capables d'enrayer la criminalité des aliénés' ? M. Keraval fait
remarquer que si les aliénés étaient plus surveillés au dehors, si
on avait soin de les hospitaliser dès le début de leur affection menr
tale, on les, empêcherait dans l'immense majorité des cas de
devenir, criminels, ou délictueux. Et il passe en revue toute une
SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 255
série de procédés efficaces. Pour prévenir les crimes des aliénés à
l'intérieur des asiles, il suffit de transformer les locaux et d'orga-
niser une surveillance plus radicale, en un mot d'organiser diffé.
remment l'assistance et le traitement des malades dans les hôpi-
taux d'aliénés, de perfectionner. Voici au surplus les conclusions
du rapport.
I. Il faut en première ligne prévenir les crimes et délits des
aliénés avant leur internement.
Pour cela, il convient de prendre toutes les précautions néces-
saires à la séquestration rapide des aliénés. On usera des moyens
de propagande utiles pour dissiper dans le public les préjugés qui
éloignent les malades de nos asiles, et pour mettre en garde contre
les dangers auxquels exposent les aliénés en liberté, en insistant
sur les avantages d'un traitement rapide. On simplifiera les for-
malités de l'admission : le dégrèvement des communes, les admis-
sions provisoires et les placements volontaires gratuits constituent
d'excellentes mesures. On pourrait, au besoin, mettre les familles
et les médecins dans l'obligation de déclarer à l'autorité, avec
certificats à l'appui, les aliénés traités momentanément à domi-
cile ; l'autorité avertie surveillerait les malades.
II. Il est parfaitement possible de prévenir les crimes et délits
des aliénés sortis des asiles par guérison ou par amélioration.
Contre la sortie prématurée, on possède l'open-door, la coloni-
sation familiale, les sorties sous garanties.
La surveillance de l'aliéné en liberté se peut continuer par l'in-
termédiaire des Sociétés de patronage.
La réintégration rapide en cas de rechute est assurée et par cette
surveillance et par les procédés qui viennent d'être énumérés plus
haut.
111. Dispositions judiciaires. Personnellement, nous n'avons
jamais vu de dispositions légales de cette sorte.
a. Nous n'osons cependant point aller à l'encontre de l'interven-
tion du tribunal civil si demandée pour les aliénés criminels depuis
leur crime ou délit jusqu'après leur sortie. Cette intervention n'est,
au demeurant, que la généralisation de l'article 29 de la loi de
1838 (projet Dubief, projet Alombert-Coget, projet M. Olivier,
projet Vallon) ; elle a pour base des expertises médico-légales.
b. En ce qui concerne le criminel aliéné, la réforme de l'expertise
appliquée à tout accusé ou inculpé en précisera la qualité (projet
Cruppi, projet Dubief, projet Alombert-Coget). Le criminel aliéné
étant alors un criminel par dessus tout, qu'il reste sous la surveil-
lance de l'autorité judiciaire, conformément au projet Dubief, aux
propositions Henri Colin, et Alombert-Coget. La sortie de ce genre
de malades demeure, conformément à l'article 29 de la loi de
1838 à la disposition du tribunal civil.
c. Les aliénés dangereux, vicieux, dépravés de nos asiles ne méri-
256 SOCIÉTÉS SAVANTES.
tent, à notre avis, aucune intervention de la magistrature. Le
médecin traitant n'a, s'il le juge convenable, quand ils demandent
leur sortie, qu'à appliquer l'article 29 de la loi de 1838. Pourquoi
mettre ces aliénés dans la même situation que les aliénés qui ont
commis des crimes ou des délits au dehors, alors que, par le
désencombrement des asiles, on a le moyen de s'en tenir à sa
fonction' purement médicale ? -
IV. Dispositions médico-administratives. a. Ne faisons pas
d'asile spécial pour les aliénés criminels ; leur envoi dans cet asile
infligerait aux malades et à leurs familles un déshonneur immé-
rité. Ils sont si peu nombreux et si peu dangereux que tout le
monde réclame la sélection préalable.
Seulement, comme à raison de la désaffectation votée par la
Chambre des députés (1901), Gaillon se trouve à notre disposition.
il est loisible à certains médecins d'expérimenter cet établisse-
ment pour quelques-uns de leurs aliénés criminels particulière-
ment difficiles. Il y a des situations locales à envisager. Mais point
n'est besoin de se lancer systématiquement dans les procédés
d'ordre. pénitentiaire.
6. Si après la réforme de l'expertise, il est démontré qu'il existe
des criminels aliénés, Gaillon est tout indiqué. C'est à cet asile
qu'il appartient de recevoir les criminels aliénés. Propositions
Dubief, Alombert-Coget, Bourneville, Ch. Vallon. Gaillon pourrait
aussi servir à l'examen des inculpés en observation.
- c. Etant donné les imperfections de pas mal d'asiles départe-
mentaux, un devoir étroit s'impose. C'est la réforme complète de
ceux de ces établissements, encombrés, mal distribués qui ressem-
blent plutôt à des prisons qu'à des hôpitaux d'aliénés. Ne faites
donc pas, avant d'avoir pratiqué cette réforme, d'asiles pour les
aliénés dangereux, vicieux, dépravés de nos asiles, d'asile de sûreté
pour les déchets amoraux. Si, quand vous aurez amélioré les asiles
existants, et par là empêché les conflits, crimes, attentats à l'inté-
rieur, par là aussi modifié les sujets difficiles, vous vous trouvez
cependant en présence d'individus réfractaires (cela peut arriver
en certains endroits), vous aurez alors le droit d'envoyer ces indi-
vidus. malfaisants à Gaillon, administrativement, . sans'autre
recours, conformément aux conclusions d'un rapport adminis-
tratifs. Restez médecins.
A Armentières, nous n'avons jamais eu besoin non plus d'au-
cune de ces dispositions médico-administratives.
. M. Pactet (de Villejuif). Je ne saurais me rallier aux conclu-
sions du rapport de M. Keraval. Je suis, en effet, convaincu de
l'utilité d'un établissement spécial, pour les aliénés criminels :
subordonner sa création à un essai préalable dans les asiles réor-
ganisés équivaudrait, selon moi, à un ajournement indéfini de la
réforme. Je ne crois pas davantage que, grâce à la réforme de
SOCIÉTÉS SAVANTES. 257
l'expertise, aucun aliéné ne soit plus jamais envoyé dans les éta-
blissements pénitentiaires. Ce que je désirerais surtout voir recon-
naître d'une façon définitive, c'est la réelle différence qui existe
entre les aliénés criminels et les autres aliénés. Cette différence
réside, selon moi, dans le caractère même de l'acte accompli par
les aliénés de cette catégorie ; cet acte est l'expression de tendances
particulières, inhérentes à la nature de ces sujets, tendances qui
se manifestent à l'occasion de la maladie mentale. Cette concep-
tion est d'ailleurs en tous points conforme à la loi générale de
biologie, qui n'accorde à la maladie que le pouvoir de perturber le
dynamisme des phénomènes existant normalement sans créer
d'éléments nouveaux.
Il n'est pas rare, en effet, de voir deux aliénés présentant les
mêmes conceptions délirantes, les mêmes troubles sensoriels, etc.,
réagir d'une façon différente : l'un pourra se livrer à des homicides,
et faut; n'avoir jamais recours à la violence; celui-ci sera un pas-
sif et celui-là un actif. C'est donc ailleurs que dans les caractères
du délire qu'il faut chercher la cause de ces différences réaction-
nelles. Cette cause réside dans le tempérament, la constitution de
ces sujets. Cela étant, il est légitime d'avoir recours pour ces alié-
nés actifs, violents, à tendances homicides, à un mode particulier
d'assistance, que seul pourra réaliser la création d'un asile spécial
pour les aliénés criminels.
M. Colin (de Villejuif). Je crois également que, même en se
plaçant à un point de vue exclusivement médical, le terme d'alié-
nés criminels doit être conservé, car on peut et on doit admettre
que les deux cas coexistent, la folie d'une part, les tendances cri-
minelles de l'autre (persécutés homicides, faibles d'esprit, incen-
diaires, violateurs, pervertis sexuels, etc., etc.). A côté de ces su-
jets chez lesquels il y a superposition pour ainsi dire de deux états,
l'un morbide, l'autre criminel, il existe une autre catégorie com-
posée de sujets qui sont uniquement des malades, mais qui réa-
gissent à la façon des criminels soit sous l'influence de leurs idées
délirantes, soit à la suite d'une abolition temporaire ou perma-
nente de ? facultés intellectuelles (persécutés, épileptiques, paraly-
tiques généraux, etc.). Pour l'ensemble de ces individus, qui tous
sont à un degré quelconque des malades, mais des malades tou-
jours dangereux et souvent criminels, l'asile spécial s'impose.
Par contre, on ne saurait assimiler aux criminels vrais, ni con-
sidérer comme des aliénés criminels, les aliénés simplement vi-
cieux, paresseux, ivrognes, habitués ou exploiteurs des asiles, si
nombreux dans les grands centres urbains. Pour ces différentes
catégories de malades, je suis partisan de la création de quartiers
spéciaux annexés aux asiles.
C'est dans l'intérêt même des aliénés criminels que doivent être
piises les mesures que je réclame. Actuellement, ces individus sont
Archives, z série, t. XVIII. 17
258 SOCIÉTÉS SAVANTES.
maintenus dans des cellules ou dans des quartiers de force (sûreté
de Bicêtre) ; lorsqu'ils parviennent à reconquérir leur liberté, ils
récidivent et sont réintégrés ◀tantôt▶ dans des asiles, ◀tantôt▶ dans
des prisons, quand on ne les guillottine pas comme Vacher, lequel
a été interné dans différents asiles à la suite d'une première tenta-
tive d'assassinat et de suicide, et qui fit ensuite un nombre consi-
dérable de victimes.
En matière d'assistance des aliénés criminels, il faut renoncer
d'une façon complète au statu quo : le système des quartiers anne-
xés aux prisons, comme en Allemagne, des asiles-prisons, comme
en Italie, des quartiers spéciaux annexés aux asiles, comme en
France, doit être abandonné. Il faut limiter le seul mode rationnel
d'assistance qui ait fait ses preuves, celui de Droadmoor en Angle-
terre ou de Matteawan et Dannemora dans l'Etat de New-York.
En même temps que la création d'un asile central d'Etat ou
d'asiles régionaux, je réclame l'intervention de la magistrature
pour le placement et la sortie des aliénés criminels. A mon sens,
il est absolument indispensable de placer dans cet asile tous les
aliénés ayant commis un crime avant ou après l'apparition de leurs
troubles mentaux.
La question de la mise en liberté de ces malades pourrait être
résolue comme à Broadmoor et à Matteawan, dont les pension-
naires, lorsqu'ils sont mis en liberté après avis du médecin, res-
tent néanmoins soumis à la surveillance de l'Etat.
M. Doutrebente (de Blois). Les mesures à prendre contre les
aliénés criminels sont urgentes si elles concernent les aliénés en
liberté; elles sont déjà prises, et suffisantes, à l'égard des aliénés
criminels hospitalisés dans les asiles publics d'aliénés ordinaires.
Les aliénés, dits criminels, passent inaperçus au milieu des au-
tres aliénés ; rien dans leur manière d'être ou de se conduire n'at-
tire particulièrement l'attention sur eux. Ils sont, en général,
dociles, faciles à diriger et à surveiller. J'ajoute que je n'ai jamais
entendu dire par les autres malades, que lé contact avec les aliénés
criminels leur fût désagréable ou pénible. Cette promiscuité entre
aliénés criminels et aliénés non criminels a paru regrettable à un
certain nombre d'auteurs, partisans des asiles spéciaux pour alié-
nés criminels ; c'est là la manifestation d'une idée propre à ces
auteurs ; mais ce n'est pas le résultat d'une enquête faite auprès
des aliénés non criminels, les seuls intéressés dans la question.
Du reste, ne craignons pas de le dire, l'asile spécial où seraient
accumulés et réunis tous les éléments de désordre et de dangers
ne pourrait être qu'une prison, où on ne tarderait pas à envoyer,
avec les aliénés criminels, tous ceux qui, à l'asile commettraient
.l'acte qualifié d'homicide ou tentative d'homicide. Ce serait une
reculade, un retour aux temps passés, aux anciennes maisons de
force.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 259
Je ne parle pas, avec intention, des criminels devenus aliénés
après condamnation, parce que j'estime que, dans nombre de cas,
il s'agit d'aliénés méconnus, qui n'ont pas fait l'objet d'un examen
médico-légal avant leur comparution en justice. Pour eux comme
pour les autres, l'asile ordinaire suffit, l'asile spécial est inutile.
Reste la question de la responsabilité qui nous incombe quand
nous avons à prendre une décision pour la sortie ou le maintien
d'un aliéné criminel amélioré ou guéri qui demande son exeat. En
pareil cas, il me parait nécessaire de réclamer l'intervention de
l'autorité judiciaire, les magistrats ayant seuls qualité, à mon avis,
pour rendre définitives les mesures d'entrée et de sortie des alié-
nés, quels qu'il soient.
M. Parant (de Toulouse). - La dénomination d'aliénés criminels
est des plus déplorables. Elle assemble deux mots qui ne devaient
pas se trouver réunis, et elle est de nature à entretenir les opi-
nions fausses qui ont cours sur l'internement des aliénés, que la
plupart des gens, au lieu d'y voir une simple hospitalisation, sont
portés plutôt à considérer comme un emprisonnement. Les alié-
nistes devraient éviter avec soin de réunir ces deux mots
ensemble.
Il est inutile, préjudiciable même au bien moral des aliénés, de
créer des asiles spéciaux pour ceux qui ont pu commettre des
actes réputés crimes ou délits. Pour les déments de toute caté-
gorie, cela est absolument inutile ; pour les autres, et comme
corollaire des considérations énoncées à propos de la dénomina-
tion d'aliénés criminels, on les expose à être considérés comme
des prisonniers de droit commun, ce qui sera pour eux une
flétrissure injuste, et l'on en viendra peut-être à dire ainsi d'un
aliéné qu'il a été condamné à la détention dans un asile. Il suffi-
rait, pour les plus difficiles de ces aliénés, aussi bien que pour
certains aliénés persécuteurs, raisonnants, impulsifs, imbéciles,
qui sont supceptibles de troubler le bon ordre d'un asile et d'être
fort désagréables aux autres malades, de créer pour eux des
quartiers tout spéciaux, dut-on même les isoler entièrement.
L'intervention de l'autorité judiciaire dans le placement et la
maintenue des aliénés n'est point désirable. Non seulement elle
n'augmentera pas les garanties que présente l'intervention de
l'autorité administrative, mais plutôt elle contribuera, comme les
mesures précédentes, à assimiler les aliénés à des délinquants,
à des criminels, ce qui sera souverainement déplorable.
M. REY (de Marseille). La dénomination d'aliénés criminels
est sans valeur, puisqu'il n'y a que l'intervention judiciaire, sou-
vent due au hasard, qui puisse faire distinguer cette catégorie
d'aliénés des aliénés simplement dangereux ; seule l'appellation de
criminels aliénés, malgré les erreurs possibles, a une signification.
Quoi qu'il en soit, les uns et les autres peuvent être traités sans
260 SOCIÉTÉS SAVANTES.
inconvénient dans un asile ordinaire. L'internement dans un asile
spécial ne serait justifié, à mes yeux, que pour quelques dégénérés
doués de mauvais instincts, dangereux et absolument irréducti-
bles. -
M. Durai : . J'estime que, pour tous les sujets à criminalité
pathologique, aliénés non délirants, mais dégénérés récidivistes
de l'alcool et de l'homicide, êtres dangereux et antisociaux, la
création d'asiles de sûreté intermédiaires à l'asile ordinaire et à la
prison s'impose.
M. Gnm,\L (de Prémontré). Pour'ma part, je suis partisan de
la création d'un asile spécial destiné non seulement aux aliénés
criminels, mais encore à tous les aliénés reconnus dangereux : le
placement dans cet asile spécial et la mise en liberté de ces ma-
lades seraient ordonnés par l'autorité judiciaire, après avis consul-
tatif du médecin.
M. LE Président met aux voix le voeu suivant :
« 1° Qu'il soit créé d'urgence des asiles spéciaux pour le traite-
ment des aliénés particulièrement dangereux;
» 2° Que l'établissement de Gaillon soit immédiatement utilisé.
sous le simple couvert de la loi de 1838, pour les aliénés dange-
reux dans les asiles, ainsi que pour les aliénés criminels;
» 3° Que l'autorité judiciaire intervienne dans l'internement, le
maintien et la sortie des aliénés criminels ;
* 4° Qu'il soit procédé à la réforme de l'outillage hospitalier des
aliénés, comprenant le désencombrement des asiles, le système
des bâtiments dispersés, la réduction du nombre des malades,
l'élévation de la proportion du personnel des infirmiers et des mé-
decins. » (Adopté.)
Traumatisme et délire alcoolique.
M. MABILLR, rappelant les travaux antérieurs de Dupuytren,
de Leveillé, Lassègue, Mesnet, Voisin, Magnan. Motet, Peronne,
Respaut et Gabriel, relate trois cas de réveil de délire alcoolique,
deux dus à un choc traumatique physique, l'autre attribué a un
choc moral.
Chez les trois malades le délire alcoolique ne s'est développé
que plusieurs jours après le trauma et la privation de tout hquide
alcoolique. Le troisième cas tout particulièrement s'est produit a
la prison de La Rochelle chez un buveur de profession six jours
après l'incarcération.
Tout en admettant que l'organisme s'accommode à l'agent
toxique et que cette accommodation puisse être troublée par une
cause physique ou morale qui vient rompre l'équilibre physiolo-
gique du buveur toujours en puissance d'a'oome, M. Mabille
estime qu'il faut tenir compte plus qu'on ne le fait d'habitude de
SOCIÉTÉS SAVANTES. 261
la suppression brusque des boissons alcooliques chez les buveurs
de profession.
Il se produirait dans ce cas un phénomène analogue à celui
qu'on observe à la suite de la privation brusque de la morphine,
chez les morphinomanes, parfois même du chloral chez ceux qui
en font l'abus. M. Mabille croit qu'il conviendrait, en aliénation
mentale, de ne pas trop négliger ce facteur étiologique tant au
point de vue pathogénique qu'au point de vue thérapeutique>
Le phénomène plantaire combiné. Etude de la réflectivité dans
l'hystérie.
M. CROCQ (de Bruxelles). L'examen des réflexes est considéré
comme peu important dans le diagnostic de l'hystérie ; l'aboli-
tion du réflexe pharyngien, que l'on considérait comme presque
pathognornonique de cette névrose, est actuellement considéré
comme un facteur banal.
Après avoir rappelé l'état de nos connaissances actuelles sur les
réflexes plantaires normaux (réflexes en flexion ou réflexe plan-
taire cortical ; réflexe du fascia lala (BRISSAUD) ou réflexe plan-
taire médullaire ; réflexe plantaire défensif) et les réflexes plantaires
pathologiques (phénomènes des orteils de Babinski ; abduction des
orteils ou signe de l'éventail) l'auteur arrive aux conclusions sui-
vantes, basées sur l'examen minutieux de 100 cas d'hystérie,
choisis parmi les plus typiques.
1° L'abolition du réflexe pharyngien est fréquente dans l'hystérie
(73 p. 100); surtout fréquente dans les formes accompagnées
d'anesthésies (81,81 p. 100), elle se' montre un peu moins souvent
dans les formes à accès (74,60 p. 100), moins encore dans les
paralysies et contractures (65,38 p. 100).
Ce phénomène, se rencontrant dans un grand nombre d'autres
affections et même à l'état normal, constitue un facteur banal peu
propre à établir le diagnostic d'hystérie ;
2° L'exagération des réflexes tendineux (79 p. 100), plus fré-
quente que l'abolition du réflexe pharyngien, constitue un signe
au moins aussi précieux que ce dernier pour établir le diagnostic.
Très fréquente dans les formes à accès (84,12 p. 100) elle est
moins constante que dans les paralysies et contractures (73,07
p. 100), moins encore dans les anesthésies (63,63 p. 100) ;
Son existence dans un grand nombre d'affections toxiques
infectieuses et même à l'état normal ne lui permet cependant pas
d'avoir une valeur pathognomonique ;
3° L'abolition de la sensibilité plantaire est fréquente dans l'hys-
térie 42 p. 100 ; on la rencontre surtout dans les formes accompa-
gnées d'anesthésie (63,63 p. 100), puis viennent les paralysies et
contractures (61,53 p. 100) et enfin les accès (31,74 p. 100).
262 SOCIÉTÉS SAVANTES.
L'anesthésie plantaire, rare dans les autres névroses, constitue
un symptôme digne de remarque ; .
4° L'abolition simultanée du réflexe plantaire cortical ou réflexe
en flexion et du réflexe plantaire médullaire ou réflexe du fascia
lata est très fréquente (59 p. 100) : surtout marquée dans les
formes avec anesthésie (72,72 p. 100) elle se rencontre à peu près
aussi souvent dans les paralysies et contractures (53,73 p. 100), et
dans lés accès (57,14 p. 100) ;
Nous donnons à l'abolition simultanée de ces deux réflexes le
nom de phénomène plantaire combiné.
Ces réflexes étant d'une constance remarquable à l'état normal
leur abolition présente une importance très grande dans le dia-
gnostic de l'hystérie. Aussi croyons-nous pouvoir considérer le
phénomène plantaire combiné comme un signe spécial à l'hys-
térie ;
5° L'anesthésie plantaire n'est pas une condition sine qua non à
l'existence du phénomène plantaire combiné; elle existe souvent
(57,72 p. 100) en même temps que ce phénomène, mais ce der-
nier peut se montrer sans altération de la sensibilité (20,35 p. l00)
de même que l'anesthésie plantaire peut exister sans altération des
réflexes (35,56 p. 100) ; -
6° Le réflexe plantaire profond est souvent exagéré dans l'hys-
térie (50 p. 100) ; quelquefois il est normal (24 p. 100), affaibli
(16 p. 100) ou même aboli (10 p. 100) ;
Ses modifications ne sont pas parallèles à celles des deux autres
réflexes plantaires normaux : si, en effet, son abolition s'accom-
pagne toujours de celle des deux autres, le phénomène plantaire
combiné s'est montré assez souvent avec la conservation (33,90
p. 100) ou même, avec l'exagération (22,03 p. 100) du réflexe
plantaire profond ;
7° Le réflexe abdominal présente des variations inconstantes :
le plus souvent normal (42 p. 100), il peut être aboli (24 p. 100),
exagéré (20 p. 100), ou affaibli (14 p. 100) ;
8° Le clonus du pied n'est pas très rare dans l'hystérie (10 p.
100); celui de la rotule est moins fréquent (5 p. 100); celui du
poignet n'a jamais existé dans nos cas. Surtout fréquent dans les
formes accompagnées de paralysies et contractures (11,53 p. 100),
le clonus du pied est un peu moins commun dans les anesthésies
(9,99 p. 100) et dans les accès (9,52 p. 100) ; tandis que celui de la
. rotule, également le plus fréquent dans les paralysies et contrac-
tures (11,53 p. 100) est assez rare dans les accès (3,17 p. 100) et
nul dans les anesthésies ;
9° Nous n'avons jamais observé le vrai réflexe de Babinski en
extension dans nos cas typiques d'hystéries ; au contraire nous
avons noté dans 8 cas, soit 8 p. 100, le signe de l'éventail. Nous,
croyons donc que ce dernier signe n'a pas une valeur clinique
\ 0
SOCIÉTÉS SAVANTES. 263
aussi importante que celle que l'on doit attribuer au réflexe des
orteils en extension.
L'7 ? t<Mca<t'( ? t physique appliquée au traitement des maladies
mentales.
Le Dr PHILIPPE Tissié. - Après avoir obtenu des résultats heureux
dans le traitement des tics d'origine psycho-motrice et dans celui
d'enfants arriérés par une éducation physique thérapeutiquement
appliquée ; après avoir observé les écoliers dans leurs manifesta-
tions physiques, dans les jeux au plein air et dans leurs manifes-
tations intellectuelles, au cours de leurs études, M. Tissié a été
amené à se demander si l'application des mouvements physiques
d'après la nouvelle méthode psycho-dynamique ne pourrait pas
rendre des services dans le traitement de quelques maladies
mentales surtout chez les adolescents.
M. Tissié s'appuie sur les données suivantes : 1° la gymnastique
doit être respiratoire ; 2° Le mouvement est de la pensée en
action, la pensée est du mouvement en puissance ; 3° le feuillet
externe constitue les centres nerveux : cerveau et moelle épinière ;
les organes sensoriels et la peau ; et par un repli, les poumons ;
4° il existe un antagonisme absolu entre l'attention et la respira-
tion forcées ; il faut en rechercher la cause dans la même origine
du poumon et du cerveau : le feuillet externe; 5° Chaque sujet nait
avec un potentiel nerveux ; il peut l'élever par l'éducation ; ce
potentiel va à la cellule nerveuse, pour la cërébration ; à la cellule
musculaire, pour la musculation ;
G° La fatigue est en raison de l'abaissement du potenliel par
l'acte accompli musculaire, intellectuel ou émotif. La fatigue par
célébration et la fatigue par musculation s'additionnent, elles ne se
soustraient pas mutuellement.
7° La volonté étant le passage du jugement à l'acte, et le juge-
ment ne pouvant s'établir que par l'apport des mémoires-témoins,
la valeur éducative d'un mouvement est en raison directe de celle
des témoignages, c'est-à-dire des représentations psycho-motrices
dont' ce mouvement fixe l'empreinte dans les centres psychiques,
d'où la nécessité de bien connaître la valeur de chaque groupe de
mouvements physiques par rapport à ses fonctions thérapeutiques
et à ses représentations motrices ;
8° Toute animalité qui se développe en vie foetale dans un
milieu resserré : utérus, coque d'oeuf, extériorise la force par
l'affirmation du moi dans le geste en extension, et la fatigue,
par l'abaissement du moi dans le geste en flexion. La raison de
ces deux grands gestes est dans le développement du foetus en
flexion. Cette flexion impose une « gêne » musculaire au foetus. La
détente de ses articulations constitue une impression opposée de,
264 SOCIÉTÉS SAVANTES.
« bien-être », d'où formation, dès la vie intra-utérine, de deux
territoires psycho-moteurs de « gêne)1 et de « bien-être ». Toutes
les impressions de même nature se dirigeront ensuite, automati-
quement, dans-le cours de la vie, vers chaque territoire qui leur
est propre pour constituer les représentations « douleur » (fatigue)
et plaisir (force). L'attitude foetale est prise automatiquement en
flexion dans la douleur, et en extension dans le plaisir. La pre-
mière pensée de l'enfant est son premier mouvement :
9° L'art de tous les pays et de tous les temps a représenté la
douleur en flexion et le plaisir en extension (voir le monument
Aux Morts de Bartholomé ; la femme, en attitude foetale du
premier plan est au maximum de la douleur) : 10° Le retour à
l'attitude foetale en flexion est en raison directe : 1° du degré
de civilisation ; 2° de l'âge ; 3° de l'émotivité, etc., et en raison
inverse du pouvoir d'inhibition acquis par l'éducation. 11° La
société doit protéger la mère depuis le moment de la fécondation
jusqu'à celui de la délivrance.
Forme clinique des tics unilatéraux de la face.
M. CROCHET (de Bordeaux). - Les tics unilatéraux de la face peu-
vent se grouper sous trois grands ordres étiologiques principaux
suivant qu'ils sont : A) D'ordre réflexe douloureux ou non doulou-
l'eux; B) D'ordre organique paralytique ou non paralytique ;
C) D'ordre professionnel. L'auteur'étudie successivement les cinq
formes cliniques de ces tics unilatéraux et montre qu'à chacune
d'elles correspondent des signes particuliers qui permettent d'en
faire le diagnostic.
Le Dispensaire anti-alcoolique de Paris et le traitement
des buveurs d'habitude.
Le Dr Bérillon (de Paris). -Depuis quelques mois le traitement
des alcooliques est entré dans une phase nouvelle. En Russie, les
pouvoirs publics donnant au traitement par la suggestion hypno-
tique une consécration officielle ont provoqué sous le nom d'am-
bulances anti-alcooliques, des consultations où les sujets sont
traités par l'hypnotisme. Ces consultations existent déjà à St-
Péterbourg, à Moscou, Ekaterinoslaw et dans plusieurs autres
villes. Les municipalités ayant fait connaître par voie d'affiches
officielles l'efficacité du traitement par la suggestion hypnotique,
les consultations ont été immédiatement fréquentées par un grand
nombre d'intéressés. -
Il convient de rappeler que c'est en France que ce mouvement à
pris naissance. Personnellement, dans des communications anté-
rieures aux Congrès de Nancy (1896) Grenoble (1902) nous avons
démontré que le traitement le plus efficace des habitudes d'alcoo-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 265
lisme consiste dans la rééducation de la volonté réalisée par un
traitement psychologique.
Les causes qui provoquent l'habitude de boire sont très variées et
la résistance des sujets à l'impulsion est très différente ; la cure
du buveur doit donc reposer, avant tout, sur une étude de psy-
chologie individuelle. Cette étude nécessite de la part du médecin
traitant non seulement des connaissances psychologiques approfon-
dies, mais aussi une compétence spéciale dans l'application de
l'hypnotisme et de la suggestion.
Jusqu'à ce jour, il était presque impossible à un buveur d'habi-
tude de trouver en dehors de l'Asile d'aliénés les divers traite-
ments et la direction morale nécessaires pour arriver à la guérison.
Il en résultait que beaucoup de sujets bien iutentionnés, ne
pouvant interrompre leurs occupations professionnelles sans com-
promettre leur situation et celle de leur famille, renonçaient à
toute tentative de traitement.
C'est pour faciliter le traitement à une nombreuse catégorie de
malades d'autant plus intéressants qu'ils sont conscients de la
gravité de leur état et aussi qu'ils ne présentent pas encore de
troubles mentaux accentués que le dispensaire anti-llcoolique de
Paris a été créé.
Bien qu'il existât depuis plusieurs années, l'inauguration en
a été faite il y a quelques mois sous la présidence de M. Voisin,
médecin à la Salpêtrière, assisté de MM. les Docteurs Legrain,
médecin de Ville-Evrard, et Félix Regnaud, professeur à l'Ecole de
psychologie.
Le traitement appliqué au dispensaire anti-alcoolique est à la
fois psychologique et symptomatique. Il repose sur l'association
de la suggestion hypnotique avec les divers procédés les plus
capables de soutenir l'énergie du malade, de neutraliser les
troubles fonctionnels et d'arriver à la rééducation de sa volonté.
Des stigmates anatomiqucs, physiologiques et psychiques de la dégé-
nérescence chez l'animal, en particulier chez le cheval (étude
clinique.) ,
MM. Fernand RUDLER et C. CHOMEL. La dégénérescence est
caractérisée chez l'animal comme chez l'homme, par un ensemble
de stigmates anatomiques, physiologiques et psychiques qui con-
sistent dans des malformations, des troubles intellectuels, un état
de déséquilibration particulier.
Stigmates physiques ou anatomiques. Anomalies de volume et
de forme du crâne et de la face ; signes fournis par les organes
des sens, la bouche (asymétries dentaires), le tronc et les mem-
bres.
Stigmates physiologiques. 1° Système nerveux, troubles de la
266 SOCIÉTÉS SAVANTES.
motilité, de l'activité réflexe, de la sensibilité, troubles trophi-
ques et vaso-moteurs ; 2° Troubles des fonctions génésiques ;
3° Troubles digestifs, aérophagie, météorisme, perversions diges-
tives. -0 . . .
Stigmates psychiques se rapportant : 1° Aux troubles de la mi-
mique ; 2° Aux actes impulsifs ; 3° A une hérédité nerveuse capi-
talisée ; 4° Aux troubles de la volonté et du caractère ; 5° Aux
phobies et hallucinations.
Cette énumération clinique suffit à établir l'identité entre les
stigmates de dégénérescence du cheval -et ceux que Morel et
Magnan ont décrit chez l'homme. Ces signes n'acquièrent, chez le
cheval comme chez l'homme leur signification que par leur
accumulation. Ils ont la même portée diagnostique et pronostique.
Ils témoignent d'une infériorité individuelle de l'animal considéré
en soi et au point de vue de la reproduction.
La méthode lcypno-pédagogiqzee. '
Ses applications au traitement des habitudes vicieuses chez les ej'(llnts.
Le Dr BÉMLLON. La tendance aux impulsions vicieuses, anti-
sociales, correspond chez l'enfant à l'absence du pouvoir modéra-
teur désigné sous le nom de volonté d'arrêt. En général, l'éduca-
tion normale suffit pour créer la volonté d'arrêt. Mais il se présente
des cas où les procédés habituels d'éducation se montrent insuffi-
sants à réprimer les tendances impulsives. De là la nécessité de
recourir à des procédés spéciaux de dressage. Nos recherches sur
cette question nous ont amené à considérer la suggestion hypno-
tique comme la méthode la plus efficace pour réaliser la rééduca-
tion systématique de la volonté.
Nous avons donné à notre méthode le nom de Méthode hypno-
pédagogique, parce que l'emploi de l'hypnotisme en constitue
l'élément fondamental. Il est, en effet, très intéressant de
constater que les enfants indociles et insociables à l'état de
veille, deviennent immédiatement malléables et éducables, dès
qu'ils sont plongés dans l'état d'hypnotisme.
Pour Magnan, les impulsions irrésistibles ont leur cause dans
un état de déséquilibration de l'axe encéphalo-médullaire. Or,
dans le sommeil normal, et encore plus dans le sommeil provoqué
l'équilibre des fonctions nerveuses tend à se rétablir. C'est proba-
blement par cette action physiologique du sommeil qu'on peut
expliquer l'influence curative de l'hypnotisme.
L'emploi de la méthode hypno-pédagogique repose sur les cinq
principes suivants : 1° Etudier préalablement la suggestibilité
naturelle du sujet, en un mot, faire le diagnostic de la suggestibi-
lité ; 2° Provoquer l'état d'hypnotisme, ou tout au moins un état
de passivité qui s'en rapproche ; 3° Le sujet étant dans l'état d'hyp-
. SOCIÉTÉS SAVANTES. 267
nose, lui imposer une direction morale par des suggestions impé-
ratives; 4° Renforcer la suggestion verbale par des actions
mécaniques, c'est-à-dire par une gymnastique spéciale destinée à
contrarier les mouvements impulsifs. Les détails de la technique
varient nécessairement selon la nature des impulsions ; 5° Après
l'opération, procéder au réveil complet du sujet.
Les impulsions irrésistibles ou les habitudes vicieuses contre
lesquelles l'emploi de la méthode hypno-pédagogique est indiqué
sont : 1° La kleptomanie ; 2° L'onanisme ; 3° Les aberrations et
les perversions sexuelles ; 4° L'onychophagie ; 5° Le mensonge :
6° La paresse ; 7° Les fugues et les impulsions au vagabondage ;
8° L'incontinence d'urine.
La méthode ne donne de bons résultats que chez les sujets doués
d'un certain développement intellectuel. Elle n'est pas applicable
aux idiots ni aux enfants atteints de débilité mentale accentuée.
Nous considérons que dans l'application de la méthode hypno-
pédagogique ce n'est pas la suggestion, mais l'hypnotisme qui
joue le rôle prépondérant. Les guérisons obtenues par cette mé-
thode sont durables. Nous devons ajouter que la méthode hypno-
pédagogique, utilisée par des médecins compétents, est d'une
innocuité absolue et ne comporte aucun inconvénient pour le
sujet soumis au traitement.
Documents figurés représentant d'anciennes pratiques chirurgicales
contre les psychoses.
M. Henry Meige. Communication avec projections. Un assez
grand nombre de figurations artistiques, notamment dans les
écoles flamandes et hollandaises, représentent des opérations chi-
rurgicales sur la tète. M. Henry Meige a recueilli dans les diffé-
rentes collections privées et publiques de l'Europe une trentaine
d'images de ce genre dont il projette les reproductions.
Parfois, il s'agit d'opérations simples, telles que des saignées,
des applications d'emplâtres, destinées à soulager des migraineux,
des neurasthéniques, etc., conformément à la thérapeutique de
l'époque. Mais le plus souvent, il s'agit d'une jonglerie opératoire
pratiquée, par des chirurgiens ambulants et connue sous le nom
^opération des pierres de tête. La croyance populaire attribuait
volontiers les désordres de l'esprit à la présence d'un corps étran-
ger dans le crâne. ◀Tantôt▶ on accusait une guêpe, un taon, un rat
(on parle encore aujourd'hui d'araignée, de hanneton ) Dans les
Pays-Bas, on croyait surtout à la pierre de tête. Des prestidigita-
teurs chirurgicaux ont exploité cette croyance : ils faisaient sur le
iront une légère entaille, tandis qu'ils mettaient sous les yeux du
patient, au bout d'une énorme pince, une pierre préalablement
dissimulée dans le creux de leur main, et qu'ils étaient censés
avoir retirée du crâne.
268 SOCIÉTÉS SAVANTES.
De nos jours encore, nombre d'obsédés décrivent avec un grand
luxe de détails des sensations de corps étrangers (pierres ou
bêles), dans leur tête. Les médecins d'autrefois n'étaient pas éloi-
gnés de croire à la réalité de ces descriptions psychopatiques.
C'était l'époque où les humeurs peccantes refluaient volontiers vers
le cerveau et s'y conglutinaient, pour engendrer toutes les mani-
festations vésaniques. La médecine elle-même contribua donc à
accréditer la croyance aux pierres de tête. Les artistes, Van Bosch,
Van Hemessen, P. Bruegel, de Bry, Brouwer, Teniers, A. Both,
N. Weydmans, Frans Hals le Jeune, etc., et surtout Jean Steen,
qui nous ont laissé des témoignages figurés de ces anciennes pra-
tiques, ont d'ailleurs finement raillé dans leurs oeuvres à la fois
l'excessive crédulité des opérés et l'audacieuse fourberie des opé-
rateurs. '
Névrite et atrophie optique dans l'erysipèle facial1.
Le Dr CABANNES (de Bordeaux). L'érysipèle de la face peut,
dans quelques cas exceptionnels, s'accompagner de lésions du nerf
optique. Nous avons eu l'occasion d'observer récemment un cas
de névrite optique post-érysipélateuse qui s'accompagna très rapi-
dement d'atrophie avec perte absolue de la vision du côté corres-
pondant. Un certain nombre de faits de ce genre ont été publiés
par les auteurs Despagnet, Galezowski, Knaff, Nettleship, Pari-
naud, Pagenstecher, Ramirez, Ripault, etc.
La réalité clinique de la lésion optique (névrite ou atrophie) au
cours de l'érysipèle facial est actuellement sans contestation. Le
mécanisme pathogénique de cette complication est encore l'objet
de quelques controverses : les uns, à l'exemple de Carl, pensent
qu'il y a toujours atrophie directe de la papille sans névrite anté-
cédente : les autres, plus nombreux, incriminent, dans la genèse
des lésions, l'atrophie post-névritique. Nous nous rangeons à cette
dernière interprétation. Voici la façon dont on peut, d'après nous,
expliquer tous les faits. L'érysipèle facial agit sur le nerf optique,
en raison de sa proximité, par la propagation de son inflammation
au tissu cellulaire orbitaire dont les lésions (cellulite orbitaire)
s'étendent consécutivement à la périphérie du nerf optique. Cette
cellulite, qui peut dans des cas très rares amener un véritable
phlegmon suppuré de l'orbite, reste le plus souvent à l'état d'in-
flammation plastique, cliniquement caractérisée par un léger
exorbitisme. Elle agit surtout par compression sur le contenu de
l'orbite et en particulier sur le nerf optique.
Nous pensons que cette compression du nerf, à laquelle s'ajou-
' Voir aussi la thèse d'un de nos élèves, M. FIUVEAU Névrites el
atrophies optiques dans l'éysipèle facial, Bordeaux, 190f.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 269
tent nécessairement des phénomènes inflammatoires par propa-
gation, explique toutes les formes cliniques, suivant que les
lésions mécaniques et inflammatoires prédominent dans l'un
quelconque des deux points faibles du trajet du nerf : a) son
entrée dans l'oeil, où il est resserré dans la gaine scléroticale ;
b) son émergence du trou optique où il est engainé dans un anneau
osseux.
ci) Dans le premier cas, il existe des phénomènes cliniques très
nets : papillite avec ou sans oedème, veines congestionnées tor-
. tueuses, quelquefois trombosées, artères filiformes, quelquefois
suffisions hémorrhagiques de la rétine voisine (le long des veines).
Ultérieurement signes de l'atrophie post-névritique avec ses carac-
tères connus. Dans cette forme, la cécité survient très vite et reste
le plus souvent irrémédiable..
b) Dans le second cas, il survient de l'atrophie optique sans
névrite ni papillite évidente. Le nerf optique blanchit, s'excave, les
vaisseaux papillaires ou rétiniens n'offrent aucune altération ; en
réalité la névrite existe, mais elle est au trou optique et ce qui
domine ici ce sont les phénomènes de compression des fibres
nerveuses qui prennent le pas sur les troubles inflammatoires.
Cliniquement, on trouve ou bien un rétrécissement plus ou
moins concentrique du champ visuel, ou un scotome central des
plus évidents, et tous les signes ordinaires de la névrite rétro-bul-
baire.
Les théories classiques, anciennes et modernes, peuvent donc
malgré leur divergence apparente, être ramenées à la même
explication pathogénique. L'apparence ophtalmoscopique de la
papille dépend uniquement du point du trajet du nerf optique,
plus spécialement atteint (entrée oculaire, passage au trou
optique).
Douleur épigastrique suraiguë dans la neurasthénie.
Le D1' Maurice Page, de Bellevue (Seine-et-Oise). Nous pré-
sentons au Congrès cinq observations de neurasthéniques, chez
lesquels le symptôme dominant est une douleur épigastrique, sur-
venant par crises pour des motifs très divers (émotion, alimenta-
tion, règles, etc.). Cette douleur est ici extrêmement violente,
suraiguë, faisant que les malades se roulent en poussant des cris;
elle a deux sièges principaux et constants, en avant au creux épi-
gastrique, à trois travers de doigt de l'appendice xiphoïde, en
arrière sur la colonne vertébrale au niveau de la 8e dorsale. Ce
syndrome fréquent dans l'ulcus simplex (douleur en coup d'épée)
et qui s'explique par l'érosion des parois stomacales permettant à
l'acide gastrique d'irriter violemment les filets nerveux, nous le
trouvons ici à l'état de phénomène saillant, chez des neurasthé-
270 SOCIÉTÉS SAVANTES.
niques, sans aucune lésion stomacale par conséquent. De l'étude
de ces observations nous croyons pouvoir tirer l'enseignement sui-
vant : '
1° Cette douleur avec ses deux points xiphoïdien et vertébral
caractéristiques, avec son intensité excessive, arrachant des cris
aux malades, accompagnée ou non de vomissements, nous croyons
pouvoir en faire une névralgie du plexus solaire;
2° En présence d'un tel syndrome il importe d'examiner tous les
organes innervés par le plexus solaire et en particulier les organes
génitaux, car une maladie d'un territoire quelconque du solaire
(métrite, rein flottant, antéversion utérine) peut être la cause du'
syndrome. Du moins nous verrons qu'en guérissant ces affections
nous supprimerons du même coup la douleur épigastrique;
3° Il existe des cas où on ne trouve aucune lésion pouvant reten-
tir sur le plexus solaire et où une névrose seule de ce plexus
explique le syndrome névralgique;
4° Contre les crises douloureuses, le traitement général de la
neurasthénie étant institué et les affections concomitantes soignées,
s'il y a lieu, le seul remède qui nous ait donné des résultats satis-
faisants est la faradisation quotidienne, loco dolenti, avec bobine
à gros fil et à faible intensité.
Un cas de polynévrite éthylique ayant évolué sous la fonn3 de
paralysie ascendante. ' "
11\i. OBERT3SUR et ROGER (de Paris). Il s'agit d'une dame âgée
de trente-six ans, vivant dans un milieu d'alcooliques et de dypso-
manes et ayant contracté la passion de l'alcool depuis l'âge de
treize ans. Peu de temps avant de s'aliter elle buvait tous les jours
une bouteille entière de cognac, sans compter le reste. Elle entre
en traitement pour des phénomènes d'amnésie et de confusion. On
constate à ce moment qu'elle a peine à marcher, qu'elle steppe, son
pouls est fréquent, ses réflexes abolis, la pression des masses mus-
culaires n'était pas douloureuse. Le lendemain les membres infé-
rieurs étaient totalement paralysés, les sphincters relâchés, le
pouls très rapide. Très peu de temps après, anurie presque com-
plète ; la température s'élève, les membres supérieurs, le tronc se
prennent à leur tour, et tellement complètement, qu'aucun mou-
vement spontané n'est possible. La respiration est atteinte, les
nerfs mixtes sont absolument paralysés alors que les autres nerfs
bulbaires restent indemnes. Après des alternatives d'aggravation
et d'espoir la malade succombe dans une syncope.
Il s'est agi là, bien qu'il n'y ait pas eu de contrôle anatomique
d'une' polynévrite indiscutable à marche absolument ascendante
extenso-progressive presque entièrement superposable aux cas
princeps de Landry, de Leudet, de Labadie-Lagrave, etc.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 271
Malformations crâniennes et syndrome bulbaire. Enclavement
du bulbe (pièces et photographies).
MM. SMICARD et OBERTIIUR. Le malade qui fait l'objet de cette
communication était un infantile avec malformation crânienne et
aplatissement de la base du crâne, chez lequel se sont développés
sous des influences multiples (troubles de nutrition, hypothyroïdi-
sation, etc.) des phénomènes d'encéphalite chronique avec aug-
mentation de la tension intracrânienne, entraînant une compres-
sion du bulbe et des nerfs bulbaires. De plus, on a trouvé chez lui
une syringomyélie occupant une partie de la moelle cervicale et la
portion supérieure de la moelle dorsale. Peu de temps avant son
entrée à l'hôpital il avait eu une angine probablement diphtérique
à la suite de laquelle, sans doute par polynévrite, les phénomènes
du côté des nerfs crâniens s'étaient singulièrement aggravés.
N'étaient quelques vertiges, quelques vomissements et des cépha-
lées, on aurait pu porter le diagnostic de sclérose latérale amyotro-
puisque avec troubles bulbaires. Le malade ne présentait d'ailleurs
aucun trouble trophique ou sensitif faisant penser à la syringo-
myélie. Le malade mourut subitement quelques jours après son
entrée. Les particularités intéressantes à relever dans ce cas sont
les suivantes : '
1° La longue période pendant laquelle l'encéphale a pu s'adap-
teravec la malformation crânienne puis sous uue influence toxique
ou auLotoxique réagir et provoquer par l'hydrocéphalie un véri-
table étranglement bulbaire dans une gouttière basilaire et un trou
occipital malformé; 2° La polynévrite diphtéritique venant compli-
quer le tableau morbide; 3e L'existence d'une syringomyélie abso-
lument indépendante de l'hydrocéphalie dont la pathogénie peut
s'expliquer soit par un vice de développement soit par une réac-
tion spéciale de la névroglie dans un névraxe prédisposé ; 4° L'en-
clavement du bulbe ayant causé la mort subite, ses rapports
avec l'engagement du cervelet et son mécanisme un peu spé-
cial.
Psyclvasténie et diabète.
MM. OBERTHUR et CHENAIS (de Paris). Comme contribution à
l'étude des rapports du diabète avec les troubles mentaux, les
auteurs insistent sur l'importance de la recherche des signes du
diabète chez toutes les névroses ou les psychonévroses, surtout
lorsqu'il s'agit de malades de souche arthritique. Chez un assez
grand nombre de malades atteints de psychoses dépressives ou
d'états délirants ou confus, ils ont constaté la présence de sucre
en quantité notable. Dans presque tous les cas un régime alimen-
taire sévère joint à la médication appropriée a mené très rapide-
ment la sédation et la disparition des troubles psychiques.
272 sociétés savantes.
De quelques considérations sur les psychoses puerpérales.
M. LE Dr LUCIGIV Picqué (de Paris). Si l'on veut aboutir à des
résultats précis au point de vue de la pathogénie des psychoses
puerpérales, il faut renoncer à en grouper ensemble toutes les
variétés. Lorsqu'on en a distrait les délires tenant à des infections
médicales concomitantes et les délires par intoxication, on se
trouve en présence de deux variétés de délire post-partum vrai :
le délire fébrile et le délire apyrétique.
Aujourd'hui la nature infectieuse de ces délires est parfaite-
ment établie ; comme dans les psychoses post-opératoires fébriles,
l'état infectieux grave constitue la vraie maladie ; le délire n'est
qu'un élément secondaire et surajouté qui ne peut se produire
d'ailleurs que grâce à une prédisposition délirante (dégénéres-
cence mentale).
Le point de départ de l'infection est naturellement l'utérus.
Depuis longtemps M. Picqué pratique l'examen systématique des
organes génitaux de la femme. Par l'intervention il a obtenu
4 guérisons sur 4 (voir thèse Privât). L'utérus n'est pas toujours
le siège de l'affection ; il existe parfois des foyers secondaires :
articulation tibio-tarsienne (Picqué), rein (Evrot), oreille (Idanoff),
méninges (Picqué).
L'étude des psychoses puerpérales fébriles est intéressante au
point de vue thérapeutique et social. Les malades qui en sont 't
atteints ne sont pas des aliénés. Il est incontestable que les malades
ne doivent venir à l'asile que si elles peuvent, comme dans les
asiles de la Seine, y trouver les ressources chirurgicales. L'expé-
rience du Pavillon de chirurgie prouve qu'elles peuvent y guérir
à la fois de l'infection et du délire qui l'accompagne.
Délire de possession par les reptiles, délire de grossesse et entéro-
colite muco-membraneuse.
M. Cb. Mirallié (de Nantes). -L'auteur publie : 1° Une obser-
vation de délire de grossesse. suivie de délire de zoopathie interne.
associée à l'entéro-colite muco-membraneuse, chez une mère de
famille de cinquante-trois ans ; chaque période d'amélioration de
l'entéro-colite amenait une atténuation des idées délirantes ; -
2° Deux observations de délire de grossesse chez des malades pré-
sentant de l'entéro-colite muco-membraneuse.
Rapprochant ses observations de celles de Bechterew (délire de
possession par les reptiles), de Dupré et L. Léri (délire de zoopa-
thie interne), M. Mirallié insiste sur l'importance de l'entéro-colite
muco-membraneuse comme point du départ du délire de posses-
sion. Les sensations subjectives exactes perçues sont interprétées
d'une façon délirante et absurde par une prédisposée. Les mêmes
-SOCIÉTÉS SAVANTES. 273
sensations peuvent donner lieu au délire de grossesse. Enfin il
existe une relation étiologique intime entre ces deux délires qui
peuvent avoir la même origine et même se succéder l'un l'autre.
Bien entendu ces délires de possession et de grossesse n'appa-
raissent que chez les prédisposées. D'autre part, il est probable
que d'autres affections abdominales (utérines, ovariques, etc.)
pourraient, chez des prédisposées, donner lieu aux mêmes
délires.
Séance du samedi 6 août.
Dans la petite salle de l'humble hôtel de ville de Lonvie se tint,
le samedi 6 août, la dernière séance du Congrès : MM. Lannois,
H. Meige, Dupré, Royet, etc., dirent leurs observations. Puis, au
bord du Gave d'Ossau, dans les arbres, le Président Brissaud groupa
sympathiquement par petites tables tous les congressistes conviés
par lui en un charmant déjeuner champêtre. D'Iseste, lieu du
déjeuner, à Eaux-ChaudesetàEaux-Bonnes; d'Eaux-Bonnes àArge-
lès, par le col d'Anbisque, telles furent les dernières et merveil-
leuses étapes du Congrès, officiellement terminé au déjeuner
qu'offrait le dimanche l'Institut physico-thérapeutique d'Argelès,
mais officieusement poursuivi par petits groupes vers Cauterets
ou Gavarnie, vers Bayonne et la côte basque. Pierre Roy.
1rfyotonie avec atrophie musculaire.
M. LANNOIS (de Lyon). Présentation des photographies d'un
malade dont l'observation pourrait aussi bien être intitulée Dlyo-
pathie progressive avec hypertonie que Maladie de Thomsen ruste
avec atrophie musculaire.
Il s'agit d'un malade ayant, depuis quatre ans, de l'atrophie
musculaire à forme segmentaire (avant-bras et jambes) avec parésie
marquée et steppage. Il a de l'abolition des réflexes rotuliens et
une série de phénomènes qui font penser à une maladie de
Thomsen limitée. S'il serre la main, il ne peut plus ouvrir les doigts
qu'avec lenteur; il a la même peine à lâcher son verre, son
couteau. Quand il descend de son lit, il a une contraction dans les
fesses et les muscles postérieurs de la cuisse qui l'obligent à
s'asseoir sous peine de tomber accroupi. Il a de la raideur pour les
premiers mouvements de mastication, de la'gêne pour la première
sécrétion matinale. La réaction myotonique existe chez lui et
l'examen biopsique d'un fragment de muscle montre les lésions
typiques de l'atrophie musculaire.
Des faits de ce genre ont été signalés par Hoffmann, Dana,
Pelitzans, Kornhold, Bernardt, Noguès et Sirol, Rossolimo. Ils
Archives. 2' série, t. XVIII. 18
274 -il SOCIÉTÉS SAVANTES.
sont intéressants en raison de leur rareté et parcequ'ils établissent
un lien entre les myopathies primitives et la maladie de Thomsen
et constituent un bon argument en faveur de la nature myopa-
thique de cette dernière.
Remarques cliniques et thérapeutiques sur quelques tics de l'enfance.
MM. Henry MEME et FEINDEL (de Paris). A l'occasion de plu-
sieurs cas de tics observés chez de jeunes sujets venus à la consul-
tation de M. le professeur Brissaud, à l'Hôtel-Dieu, les auteurs
font un certain nombre de remarques relatives àla symptomologie,
à la pathogénie et au traitement des tics.
1° La précipitation de la parole est très fréquente chez les
tiqueurs ; on observe chez eux ◀tantôt▶ le bredouillemcnt, ◀tantôt▶
des arrêts brusques. La parenté des tics et des troubles'du langage,
tels que le bégaiement, n'est pas douteuse ; elle a sa raison d'être
dans un même état mental ; les mêmes principes de discipline
psycho-motrice sont applicables à ces différents troubles fonction-
nels ;
3° Il y a lieu de distinguer parmi les troubles respiratoires
observés chez les tiqueurs ceux qui sont primitifs et ceux qui sont
secondaires. Certains actes respirateurs brusques sont consécutifs
aux tics des membres supérieurs et du tronc ;
3° Les tics de frappement (coups de poing ou coups de pied que le
sujet se donne à lui-même) sont des phénomènes de même ordre
que les actes de grattage, de morsure (onychophagie, clveiloplcagie);
ils ont pour point de départ une sensation anormale (démangeai-
son, petite douleur) que le sujet cherche à atténuer. L'acte moteur
passe, par répétition, à l'état d'habitude, et continue à se produire,
alors même que la sensation initiale n'existe plus. Les tics de ce
genre peuventètre à leur tour, l'origine de douleurs locales résultant
des chocs réitérés. Bien que ces nouvelles sensations soient la
conséquence même des mouvements nerveux, les sujets ont tou-
jours tendance à croire l'inverse. Il importe de leur démontrer leur
erreur ;
4° Contre la cheilopiaagie et contre l'onychophagie, on peut
recommander l'emploi de la vaseline quininée,. dont l'amertume
est un excellent rappel à l'ordre;
5° Il est notoire que la plupart des petits tics de l'enfance
peuvent être corrigés par une surveillance attentive des parents.
Mais la trop grande faiblesse de l'un ou de l'autre des parents rend
souvent cette correction très difficile ; dans ces cas l'éloignement
familial devient une nécessité absolue ; de même si le tiqueur est
particulièrement rétif aux observations ;
6° Les tiqueurs ne sont pas seulemeni exposés à des troubles de
la fonction motrice. On observe chez eux des troubles fonctionnels
SOCIÉTÉS SAVANTES. 275
viscéraux. Chez les jeunes sujets, une surveillance attentive des
fonctions viscérales s'impose. On arrive à corriger des troubles des
fonctions digestive, sécrétoire, vaso-motrice en faisant fréquem-
ment appel aux interventions du contrôle cortical. C'est par une
éducation bien dirigée que se règle le sommeil, la faim, la miction,
la défécation, etc.. non seulement chez les nouveau-nés, mais
chez les enfants, les adolescents, et même les adultes.
On doit donc envisager une discipline psycho-motrice des muscles
de la vie végétative, et même une discipline psycho-secrétoire.
Migraine ophtalmique avec hémianopsie et aphasie transitoires,.
Hémi'ace succulente. Photophobie et tic de clignement.
M. Henry Meige. Observation d'une malade de soixante-treize
ans atteinte depuis la ménopause d'une migraine accompagnée :
scotome scintillant, céphalalgie, sensations vertigineuses et nau-
séeuses. Les crises s'accompagnent d'hémianopsie et d'aphasie tran-
sitoires, ainsi que de parésie faciale droite et d'engourdissement du
bras droit. A la fin de la crise, somnolence. A la suite d'une série
de ces crises, il reste une légère parésie de la moitié droite de la
face accompagnée d'un certain degré d'oedème (hémiface succulente) .
Enfin, la malade est atteinte d'un clignement des deux yeux, qui
semble avoir eu pour point de départ la photophobie migraineuse,
qui actuellement persiste en dehors des accès, et qui a pris, lui-
même, un caractère obsédant.
M. Henry Meige passe en revue les différentes manifestations
du syndrome de la migraine accompagnée. Tous ces phénomènes
peuvent être attribués à un trouble vasculaire transitoire dont la
localisation doit être discutée. Un angiospasme des ramifications
artérielles de la Sylvienne peut expliquer les troubles de la parole,
la parésie faciale, la sensation d'engourdissement du bras. Mais
pour le scotome, l'hémianopsie, les sensations vertigineuses con-
comitantes, il faut admettre une plus grande extension de l'an-
giospasme. '
D'autre part, la succulence faciale est l'indice d'une participation
des centres vaso-moteurs. Il s'agit d'un ft'op/ioedèmesymptomatique
qu'on peut rattacher à une action des centres sympathiques. On
peut songer aussi à un angiospasme bulbaire, l'accès migraineux
s'accompagnant de phénomènes angoissants. ' .
Il est intéressant de remarquer qu'à de certains moments,
même en dehors des crises migraineuses, la malade, par son facies,
ses attitudes, son langage, sa marche, présente des ressem-
blances cliniques frappantes avec les sujets atteints d'hémiplégie
progressive. i
Le phénomène convulsif palpébral n'est pas un spasme vrai; les
clignements, en effet, peuvent être suspendus' par un effort de
276 SOCIÉTÉS SAVANTES.
volonté et d'attention. Leur éclosion et leur exagération sont en
rapport direct avec la préoccupation photophobique. Ces particu-
larités plaident en faveur du tic; mais il s'agit ici du lie sénile, qui
offre plus de ressemblance avec les spasmes vrais que les tics du
jeune âge, ce qui s'explique par l'infériorité organique des centres
et des conducteurs nerveux chez les vieillards.
Les habitués des Asiles.
Le Dr Marie (de Villejuif, Seine). Les efforts des médecins
aliénistes depuis un siècle ont arraché progressivement à la répres-
sion des catégories nombreuses d'individus désormais considérés
comme malades, et partant irresponsables : des persécutés, des
persécuteurs, des dégénérés, des raisonnants, des processifs, des
paralytiques, etc., diagnostiqués à temps, ont ainsi pris la route
de l'Asile sans passer par le stigmate du jugement et de la con-
damnation consécutive.
La statistique du nombre des aliénés reflète pour une part ces
progrès de la science mentale, qui ne sont pas étrangers à l'aug-
mentation progressive du contingent des asiles. Cependant, un cer-
tain nombre d'individus encore incarcérés pourraient peut-être
bénéficier de mesures les faisant passer des prisons aux asiles, si
un examen psychique méthodique était pratiqué dans ces milieux.
Quoi qu'il en soit, nous voyons ainsi, au cours du siècle, des
catégories importantes d'individus passer de la prison à l'asile :
a) les uns avant jugement lorsqu'un examen médico-légal a per-
mis de faire un diagnostic à temps; les autres, après jugement et
incarcération, la folie étant reconnue après coup ; b) une deuxième
catégorie comprendrait les individus sains au moment de la con-
, damnation, mais atteints de folie plus tard, alors que les précé-
dents étaient des aliénés condamnés parce que méconnus parles
tribunaux; c) une troisième catégorie de cas pourrait être ajou-
tée aux précédentes, c'est celle de ces individus qui, placés une
première fois à l'asile en dehors de tout démêlé avec la justice, y
prennent goût, en quelque sorte, à l'Assistance dont ils deviennent
parasites inoffensifs parfois, ou le plus souvent corrompus au con-
tact dès délinquants classés irresponsables, de qui ils apprennent
l'immunité particulière à laquelle ils peuvent prétendre désormais
et dont ils peuvent ensuite abuser.
, Au point de vue des établissements normaux d'assistance, le mé-
lange de ces diverses catégories nouvelles d'assistés avec le contin-
gent en vue duquel ils sont fondés, menace de les dénaturer dans
leur but d'instruments thérapeutiques et d'hôpitaux de traitement
de plus en plus ouverts. c'est pourquoi il y a lieu d'établir un asile
spécial.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 277
, Les formes fébriles du tabès.
Maurie FAURE (de Lamalou). Il y a des accidents fébriles au
cours du tabes, et des formes fébriles du tabes.
1. Les accidents fébriles du tabes sont en relation avec l'in-
fection des cavités, principalement de la vessie, quelquefois aussi
de l'intestin ou de l'arbre broncho-pulmonaire. Ces accidents sont
surtout fréquents dans les cas de tabes avancés, quoique pouvant
apparaître parfois dans les premières périodes. La cause de l'in-
fection est la stase qui résulte de l'atonie musculaire des parois
abdominales, thoraciques,vésicales, intestinales et bronchiques. Les
soins consistant en : 1° désinfection de la cavité infectée ; 2° réta-
blissement de la tonicité des parois font disparaître ces accidents.
II. Il existe des formes fébriles du tabes, rares et d'allures
variées, mais qu'on pnut ramener à deux types schématiques :
1° Dans le premier type, les poussées d'accidents tabétiques sont
nettement accompagnées de fièvre, et, dans l'intervalle de ces
poussées, la température tend à se rapprocher de la normale.
L'évolution est souvent grave, le malade pouvant mourir, en deux
années environ, d'une sorte de tabes aigu : parfois il s'agit d'un
stade fébrile de début, le malade devenant ensuite semblable au
tabétique ordinaire ; 2° Dans le second cas, il n'y a plus d'accès
fébrile véritable, mais la température est toujours de quelques
dixièmes de degré (37 à 38°) au-dessus de la normale ; cette tem-
pérature s'élève au moindre effort.
Les tabétiques fébriles doivent être soumis au repos absolu, à
l'aération continue, à une alimentation spéciale et à l'hydrothé-
rapie tempérée. Nous ne savons pas si ces formes sont liées à
l'évolution fébrile de la lésion tabétique elle-même ou bien si, plus
probablement, la lésion tabétique et les accidents qu'elle entraine
sont, comme la fièvre, des conséquences parallèles d'un état géné-
ral infectieux dont il faudra préciser, ultérieurement, la nature et
l'origine.
Contribution à l'étude de l'état du fond de l'oeil dans la paralysie
générale. (Résultat de l'examen des paralytiques générales de
l'asile de Saint-Venant.)
MM. 13RlCIIE, PAVIART et Chaudron. - Conclusion : On a trouvé
des lésions du fond de l'oeil chez les paralytiques générales dans
une proportion de 78 p. 100. La majorité de nos malades était
arrivée à un stade déjà avancé de leur affection, ce qui explique
ce pourcentage de beaucoup supérieur à celui trouvé chez les
paralytiques généraux à la 1° période.
278 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Rôle des muscles spinaux dans la marche normale chez l'homme.
Henry LAMY (de Paris). Les muscles spinaux participent à la
marche d'une façon très active. Le fait est signalé par quelques
auteurs (Gerdy, P. Richer) d'une façon sommaire. Je me suis
efforcé de déterminer : 10 A quel moment précis les spinaux
entrent en contraction dans le pas; 2° quels rôles -ils sont appelés
à remplir dans la marche; 3° quel changement d'aspect dans les
reliefs de la musculature du dos correspondent à leur contrac-
tion.
lo Au moment précis où le talon touche le sol, les spinaux du
côté opposé se contractent d'une façon soudaine et énergique.
Cette contraction se maintient du côté oscillant tout le temps de
l'oscillation du membre. Elle cesse au moment où celui-ci touchant
le sol par son talon devient portant à son tour, pour passer du
côté opposé, et ainsi de suite; ,
2° Leur rôle est d'assurer l'équilibration latérale du tronc, de
s'opposer à l'inflexion latérale du rachis vers le côté portant et de
maintenir la verticale passant par le centre de gravité du corps en
dedans du pied de ce côté;
3° La contraction mi-latérale des spinaux s'accuse par un chan-
gement d'aspect dans les reliefs musculaires du dos, assez carac-
téristique pour qu'à la simple inspection de cette région, ainsi que
le montrent les photographies que je vous présente, on puisse
reconnaître quel est le côté portant, quel est le côté oscillant, à
condition qu'on ait affaire à un sujet maigre et musclé.
Contribution à la thérapeutique du Tabes. Le nitrite de soude.
MM. OBERTlIÜR et BOUSQUET (de Paris). Le nitrite de soude qui
a été employé en Italie par Pétrone, en Autriche par Winternitz
et Pal, lesquels ont donné l'an dernier une brillante statistique,
vient d'être essayé par les auteurs d'une manière systématique et
continue. Il semble vraiment qu'il s'agisse là d'un médicament de
choix, agissaut sur les phénomènes douloureux d'une manière
très efficace ; il a été le seul qui puisse arriver à calmer les cas
dans lesquels les douleurs sont particulièrement continues et
rebelles et où toutes les autres thérapeutiques échouent.
De plus le nitrite semble combattre très heureusement les phé-
nomènes d'incoordination ; les cas soumis au traitement par le
nitrite de soude qui ont été rééduqués ont tous fait des progrès
beaucoup plus rapides que les malades non soumis à cette médica-
tion. Le traitement par les piqûres semble supérieur à celui
par ingestion.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 279
Caisse des Retraites.
M. LE Dr DU13OURDIEU (de Lesvellec. Morbihan). Pas n'est
besoin d'être depuis longtemps dans les Asiles pour savoir à quoi
s'en tenir sur le sort fait aux Médecins aliénistes de ces établisse-
ments en ce qui concerne les retraites. Dans un précédent Congrès,
on s'est déjà occupé de cette question et malheureusement
aucune solution favorable n'est intervenue soit à cause de notre
petit nombre, soit par apathie ou indifférence des intéressés, soit
parce qu'elle fut exposée devant une majorité de congressistes
n'ayant nul intérêt à la faire aboutir.
Aujourd'hui que la loi sur les aliénés est près de venir en
discussion et même en attendant qu'elle y vienne, il serait peut-
être bon de reprendre à nouveau ce sujet et de chercher à le solu-
tionner d'une façon pratique. Ce faisant nous revendiquerons
simplement le droit qu'a tout fonctionnaire d'avoir une retraite
assurée pour ses vieux jours et non plus comme actuellement d'être
soumis à des statuts de caisse de retraite où tout n'est qu'aléa,
arbitraire et souvent duperie ; de sorte qu'on est jamais sûr en
entrant dans la carrière de jouir en paix plus tard du fruit de son
travail et de recevoir la récompense des services si chèrement
rendus parfois à la cause de l'humanité et de son pays.
Etude anatomo-pathologique d'un cas de paralysie infantile au point
de vue de la topographie des muscles atrophiés et des localisations
médullaires.
MM. C. PARHON et J. ParInIAi\ (de Bucarest). Nous avons pra-
tiqué l'examen anatomo-pathologique d'un cas de paralysie infan-
tile, quatre-vingts ans après le début de la maladie. Tous les
muscles de la jambe et du pied ainsi que le troisième adducteur,
le biceps crural et la plus grande partie du quadriceps étaient
réduits, microscopiquement au moins, à des masses adipeuses.
Au point de vue de la topographie des atrophies on pourrait
parler dans ce cas d'une topographie segmentaire complète pour
la jambe et le pied, incomplète pour la cuisse. On pourrait de
même soutenir qu'il s'agit d'une topographie nerveuse incomplète
ou d'une topographie radiculaire avec le même caractère. Nous'
ne voulons défendre aucune de ces théories. Nous estimons que la
dernière ne peut être généralisée pour les raisons suivantes :
Il Parce que la paralysie n'intéresse pas toujours tous les muscles
d'un territoire radiculaire; 2° Parce qu'elle envahit souvent des
territoires voisins; 3° Parce que, ainsi que M. lIfARINESCO, l'a mon-
tré récemment, les notions de racine et de segment ne sont pas
exactement superposables. A notre avis on exprime mieux la vérité
et sans rien préjuger en disant que dans la poliomyélite antérieure
280 SOCIÉTÉS SAVANTES.
aiguë on rencontre une topographie spinale des muscles atrophiés.
En mettant en parallèle les muscles malades avec les groupements
cellulaires absents et tenant compte des recherches antérieures
nous concluons que : les groupements postéro-latéral et post-pos-
téro-laléral de la moelle lombo-sacrée sont en rapport avec les
muscles de la jambe et du .pied. Dans les premier et deuxième
segments sacrés les deux groupements centraux innervent les
deux chefs du biceps crural. Dans le cinquième segment lom-
baire, le groupement central innerve le demi-membraneux et pro-
bablement aussi le demi-tendineux. Le quatrième segment, le grou-
pement central est en rapport avec le grand adducteur, le groupe-
ment externe avec le quadriceps.
Contribution à l'étude des représentations motrices du membre in/ë-
rieur dans la moelle épinière de l'homme.
MM. PARHON et GOLDSTEIN. Nous avons étudié la moelle
lombo-sacrée de deux malades dont le premieravait subi la désar-
ticulation de la jambe d'un côté et l'amputation de la cuisse vers
son milieu du côté opposé. Le second avait subi d'un seul côté
cette dernière opération. Le résultat de cette étude confirme d'une
façon générale ceux auxquels sont arrivés Sano, Van Gehuchten,
de Buck, Nelis, De Neef, Bruce, Marinesco, pour la localisation
globale de la jambe et du pied. Dans le groupement postéro-
latéral et post-postéro-latéral on distingue facilement des grou-
pements secondaires représentant, anisi que M. et Mme Parhon
l'ont montré expérimentalement pour la jambe, chez le chien, des
véritables centres musculaires. Pour la cuisse, les lésions sont
minimes dans nos deux cas. Elles correspondent néanmoins aux
groupements où Van Gehuchten et De Neef, chez l'homme, Mari-
nesco, M. et Mme Parhon et nous-même, chez les animaux, plaçons
la localisation des muscles de ce segment. Si l'on tient compte de
ces recherches on doit admettre que : les centres des muscles de
la face postérieure de la jambe sont placés en dedans de ceux de
la région antéro-externe. Le centre du jambier antérieur est le
plus haut situé de tous les centres des muscles de la jambe. Celui
des deux jumeaux est, par contre, celui qui descend le plus bas.
Il est situé en avant de celui du plantaire grêle, du jambier
postérieur et des fléchisseurs. Les centres des premiers sont
placés plus bas que ceux du jambier antérieur et des extenseurs
des orteils. Pour la cuisse, le centre du quadriceps occupe le grou-
pement externe du troisième et du quatrième segment lombaire,
celui du couturier, le groupement antéro-externe du premier de
ces segments. Le centre du grand adducteur occupe le groupement
central du quatrième segment. Dans la partie centrale du troi-
sième se trouvent les centres des deux premiers adducteurs et du
SOCIÉTÉS SAVANTES. 281
droit interne. Dans le cinquième segment, le groupement central
innerve le demi-membraneux et probablement le demi-tendineux.
Dans les deux premiers segments sacrés, il est en rapport avec le
biceps crural (P : 1RIION 8t PAPINIAN). A ce niveau, le groupement
antéro-externe est en rapport avec les muscles fessiers.
Contribution à l'étude du diagnostic et du traitement de quelques
états vertigineux.
Le Dr RoYET. Le diagnostic de la cause des états vertigineux
et de certains troubles de l'équilibre est assez difficile et parfois
impossible. Je crois donc utile de signaler un moyen d'en isoler un
groupe important, surtout que de ce moyen résulte un procédé
pratique de traitement.
Les états vertigineux qui proviennent de troubles de'l'oreille ne
sont pas toujours d'un diagnostic facile d'avec ceux dont l'origine
est dans les centres nerveux; d'autant moins qu'ils peuvent
exister en dehors de diminutions ou de perversions manifestes de
fonctions auditives. Cette absence absolue ou relative de troubles
auditifs peut se trouver en particulier dans les cas qui font l'objet
de cette communication.
Les lésions les plus variées de l'oreille ou de ses annexes
peuvent déterminer des phénomènes de vertige. Contrairement à
ce qu'on pourrait croire, la plupart du temps elles ne siègent pas
dans l'oreille interne.
A la suite de nombreuses recherches anatomiques et cliniques
j'ai reconnu que, très souvent, les états vertigineux sont sous la
dépendance d'une lésion passée inaperçue jusqu'ici; la soudure de
la trompe d'Eustache à la paroi postérieure du naso-pharynx. J'ai.
observé aussi que la destruction de ces lésions amène la dispari-
tion, en général immédiate, de l'état vertigineux.
Il y a donc là un moyen précieux de diagnostic et de traitement
d'une catégorie importante d'états vertigineux.
D'autre part, dans plusieurs cas, j'ai rencontré une association
de cette maladie particulière à d'autres affections du système
nerveux (ictus cérébral, etc.) dont la symptomatologie moins
bruyante se trouvait par le fait masquée et dénaturée. Par le trai-
tement des symphyses salpyngo-pharyngiennes j'ai pu faire dispa-
raitre tout un ensemble de phénomènes surajoutés et rendre pos-
sible un diagnostic exact.
Etant donné cette notion nouvelle, je crois qu'on ne peut juger
avec certitude de l'origine réelle d'un état vertigineux et de sa
signification sans tenir compte de la possibilité de cette cause
particulière et sans l'éliminer d'abord par un traitement ap-
proprié.
282 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Euphorie délirante des Phtisiques. Elude analomo-clinique.
M. E. DUPRÉ. (de Paris). L'état mental des tuberculeux
a déjà fait l'objet d'études nombreuses, mais presque uniquement
cliniques. J'apporte au Congrès l'histoire d'un cas dans lequel
l'observation- clinique de l'état mental ayant été suivie de l'étude
histologique de l'écorce, les relations anatomo-cliniques les plus
directes ont pu être établies entre les symptômes et les lésions.
Il s'agit, en résumé, d'un tuberculeux de trente-trois ans, atteint
de phtisie subaiguë, fébrile, avec infiltration bilatérale étendue,
et cavernulation rapide des sommets, lésions laryngées, cachexie
rapide, etc., mort trois mois après le début des accidents. Durant
touté l'évolution de sa maladie, le sujet, homme d'ailleurs cultivé
et assez intelligent, a présenté, constamment, et à un degré
extrême, les caractères d'ailleurs classiques de la mentalité des
phtisiques subaigus : euphorie, optimisme, inconscience de la
gravité de sa situation, illusions, projets, espoir ferme d'un avenir
facile et heureux, acceptation d'emblée des suggestions rassurantes
et des explications quelconques relatives à ses malaises, etc. Cet
état d'illusionisme euphorique se marque, comme on le sait, chez
ces malades, par le caractère souriant et parfois joyeux de la con-
versation, par l'éclat du regard, par une expression particulière de
béatitude répandue sur le visage, et l'on a souventinsisté sur le péni-
ble contraste qui existe entre les manifestations de cet état mental
et la douloureuse réalité des choses. Le malade meurt dans un
coma asphyxique graduel et rapide. Nécropsie : lésions pulmo-
naires d'infiltration caséeuse classiques. 'Foie et reins gras.
Rate énorme. Coeur mou et petit. Cerveau 1.220 grammes. Aucune
trace de tuberculose méningo-encéphalique.
Léger élargissement des sillons; ventricules un peu dilatés.
Les méninges molles sont manifestement épaissies au niveau des
lobes frontaux, sans adhérences, sans lésions tuberculeuses :
l'épaississement prédomine en certains îlots, d'aspect blanchâtre.
L'examen histologique, pratiqué par le professeur Nissl lui-
même, révèle les altérations suivantes : Méningite hyperplastique,
collogène, simple, ni exsudative, ni inflammatoire, ni spécifique :
aucune diapédèse, à peine quelques rares macrophages clairsemés,
au milieu de la stratification ondulée des fibrilles pie-mériennes.
Légère prolifération de l'endothélium vasculaire, avec pigmenta-
tion jaune disséminée autour de certaines cellules de cet endothe-
lium : quelques cellules en bâtonnet (Stâbchenzellen) au voisinage
immédiat des capillaires. Prolifération à peine marquée de la
névroglie. Lésions profondes et diffuses des cellules nerveuses
frontales : disparition du protaplasme avec dégénérescence en
anneaux épineux, à la périphérie du corps cellulaire : excen-
. BIBLIOGRAPHIE. 283
tricité du noyau, déformation du nucléole, qui se rapetisse et dont
la membrane est plissée. Vacuolisation de certaines cellules pyra-
midales. Dégénération hyaline de la plupart des capillaires. Dans
la substance blanche, lésions de début de putréfaction : lacunes
avec dissolution de la substance médullaire, quelques traînées de
streptobacilles le long de certains vaisseaux. Les mêmes lésions,
mais beaucoup plus discrètes et moins avancées, s'observent dans
les régions moyennes et postérieures du cortex. A ce niveau
simple vascularisation de la pie-mère.
Ces lésions, d'ordre toxique, de date récente, nullement subor-
données d'ailleurs, aux altérations vasculaires, qui sont minimes,
ni aux lésions méningées, qui sont plus anciennes et d'une autre
nature, doivent être dans leur siège cellulaire et leur localisation
frontale, rapprochées du syndrome psychopatique offert par le
malade et invoquées pour l'expliquer. Elles n'existent pas à ce
degré et sous cette forme chez les tuberculeux qui n'ont pas pré-
senté d'état mental particulier (Nissl.)
Cet état mental, d'ordre démentiel, se rapproche par ses carac-
tères des manifestations psychiques des cancéreux morphinisés.
chez lesquels on peut observer la même euphorie optimiste, le
même illusionisme délirant, grâce aux doses élevées et rapidement
croissantes du poison. Cette analogie, entre ces deux états psycho-
pathiques démentiels subaigus chez des cachectiques, est un argu-
ment de plus pour rapporter à une intoxication l'euphorie déli-
rante des phtisiques. Cette intoxication a ses facteurs dans les
poisons bacillaires, l'insuffisance hépatorénale et l'anoxhémie
subaiguë.
Cette observation est intéressante parce qu'elle établit claire-
ment le substratum anatomique de l'état mental si spécial de cer-
tains phtisiques dans les lésions destructives des cellules du lobe
frontal, et parce qu'elle permet de rapporter ces lésions aux pro-
cessus de l'intoxication complexe dont l'organisme est le siège
dans la phtisie pulmonaire subaiguë.
En terminant ses travaux, le Congrès des médecins neu-
rologistes et aliénistes qui s'est tenu à Pau du ter au 7 août,
a décidé que le XV. Congrès se tiendrait en 1905 à Rennes,
sous la présidence du Dr Giraud (de Rouen).
Les questions choisies pour être l'objet de rapports sont
les suivantes : 1° De l'hypochondrie. Rapporteur : Pierre
Roy (de Paris) 2° Les névrites ascendantes. Rapporteur :
Sicard (de Paris) ; La úalnéothémpie dans les maladies
mentales. Rapporteur : Paiuias (d'Albi). ,
BIBLIOGRAPHIE.
I. L'Année psychologique, t. X, 1 vol. in-8° de 680 pages, 48 figures,
Paris, Masson, 1904.
Le tome X de l'Année psychologique vient de paraître à la librai-
rie Masson. Cette publication, bien connue en France et à l'étran-
ger, a été fondée par MM. Beaunis et Binet en 1894. C'est M. Binet,
le directeur du laboratoire de psychologie physiologique de la Sor-
bonne, qui en assume seul, depuis plusieurs années, la charge.
Les dix volumes parus représentent un vaste répertoire de tout ce
qui a été publié de bon et d'utile en psychologie.
On y trouve trois ordres de travaux : 1° des recherches origi-
nales sur la psychologie normale et pathologique ; 2° des comptes
rendus, analyses critiques et approfondies, des recherches les plus
importantes parues en tous pays ; 3° des tables bibliographiques
annuelles, dont chacune comprend environ 2.500 numéros, et in-
diquent tous les ouvrages intéressant non seulement la psycholo-
gie, mais l'anatomie, la psychologie du système nerveux, la patho-
logie nerveuse et mentale.
La composition de ces tables bibliographiques, qui sont admi-
rables de précision, et paraissent trois mois après l'année dont
elles rendent compte, est le résultat d'une collaboration interna-
tionale, dans laquelle l'Année psychologique représente la part de
la France. 1
Le nouveau volume de l'Année psychologique contient comme
mémoires originaux des études de Binet sur Paul Hervieu et sur
le contrôle de la graphologie, une curieuse série d'observations de
Lécaillon sur le sens maternel de l'araignée, une étude toute nou-
velle de Bourdon et Dide sur un cas d'amnésie continue, conte-
nant l'indication de' méthodes utiles pour la pathologie mentale,
et des articles de Larguier sur la mémoire, de Zwaardemaker sur
la sensibilité de l'oreille, de Michel sur Spencer et Renouvier.
Les rédacteurs de l'Année ont introduit dans ce même tome X
une innovation qui sera très goûtée ; c'est une série de revues an-
nuelles, sur des sciences voisines de la psychologie ; revues conte-
nant l'indication détaillée, avec figures, de tout ce qui a paru de
nouveau en 1904. L'histologie a été confiée à F. Henneguy, l'ana-
tomie des centres nerveux à Van Gehuchten, la physiologie du
système nerveux à Fredericq, la pathologie nerveuse et mentale
à Grasset, Pitres, Simon, l'anthropologie 3 Dénicher, la pédago-
gie à Demoor, la criminologie à Lacassagne, etc. Ces revues ont
chacune une moyenne de vingt pages, les noms des signataires
BIBLIOGRAPHIE. 285
répondent de leur valeur. Elles constituent une nouveauté biblio-
graphique, destinée à rendre les plus grands services aux méde-
cins. J. D.
IL Les enfants anormaux au point de vue mental ; leur traitement
et leur éducation ; par G. E. Shuttleworth, M. D. ; deuxième
édition, traduite par le Dr LEY, d'Anvers, vol. in-12 de 170 p.
Bruxelles, J. Lebègue et Cire, 1904.
Dans ce petit volume, le Dr G. E. Shuttleworth, le savant spé-
cialiste qui s'est fait en Angleterre l'avocat infatigable des enfants
anormaux, a résumé tout ce qui avait été tenté jusqu'ici pour
arriver à faire profiter les faibles d'esprit des progrès de la science
moderne. Après avoir rendu hommage aux premiers créateurs de
la méthode médico-pédagogique, aux Séguin, aux Saegert, aux
Güggenbuhl, il étudie rapidement l'organisation des établisse-
ments institués pour les enfants anormaux dans le Royaume-Uni,
les Etats-Unis et plusieurs pays européens.
Il tient à nous mettre en garde contre la confusion que fait
naître le terme de feeble-minded, indiquant en Amérique les idiots
de tous degrés, et ne désignant en Angleterre que les arriérés-
simples. L'auteur nous fait part des nouvelles créations organi-
sées à Londres pour cette dernière catégorie d'enfants, créations
qui ne sont encore en France qu'à l'état de projet lointain, malgré
la vigoureuse campagne menée par M. Bourneville depuis une
quinzaine d'années. x
Suit la classification pathologique des diverses formes de défec-
tuosité mentale, qui nous conduit à l'étiologie, au diagnostic et au
pronostic des divers cas d'idiotie et d'imbécillité.
Après avoir passé en revue les principales indications des traite-
ments général, médical et chirugical, nous arrivons au traitement
éducatif, que nous aurions voulu plus détaillé. Nous retrouvons
dans ce chapitre les mêmes principes, qui ont guidé Séguin pour
l'institution de son éducation physiologique et les mêmes procédés
employés dans le service du Dr Bourneville. Comme tous ceux qui
ont une réelle expérience des enfants idiots, le Dr Shuttleworth,
attribue à l'éducation manuelle et aux jeux une grande importance,
et dans ce chapitre, comme dans le suivant sur l'éducation morale,
tout décèle l'expérience éclairée d'un homme à qui une observation
constante et une pratique journalière ont permis de connaître à
fond les idiots.
Les dernières pages nous entretiennent des résultats et des
conclusions. Là sont effleurées d'importantes questions, telles que
le mariage et la séquestration permanente. L'auteur termine en
montrant la nécessité de suivre toute leur vie les anormaux qui
ont bénéficié du traitement éducatif, et l'obligation qui'incombe
286 BIBLIOGRAPHIE.
aux pouvoirs publics de prendre des dispositions en vue d'éduquer
les imbéciles de la classe pauvre.
C'est grâce au Dl' Ley (d'Anvers) que la 2e édition de l'oeuvre de
Shuttleworth pourra être connue en France. Peut-être qu'en lisant
cette consciencieuse traduction, les incrédules, qui refusent encore
leur confiance à la méthode médico-pédagogique, finiront par en
reconnaître la valeur, puisqu'elle est recommandée par un étran-
ger. J. BOYER.
VARIA.
-* Les Aliénés en LIBERTÉ.
Un fou furieux. Un Allemand du nom de Hermann Kremer
est devenu subitement fou sur un bateau parisien allant à Auteuil.
A un ponton, on voulut le faire descendre, mais il se mit à bous-
culer ceux qui l'entouraient et se jeta dans la Seine. Deux agents
de la brigade fluviale plongèrent aussitôt, et, après quelques
minutes de recherches, ils ramenaient sur la berge, à demi-
asphyxié, l'étranger, qu'ils transportèrent au poste de secours aux
noyés le plus proche ; là on parvint à le rappeler à la vite. - z
Kremer fut ensuite conduit au poste du quartier Saint-Merri, où
M. Lespine, commissaire de police, donna des ordres pour l'en-
voyer à l'infirmerie du Dépôt. Profitant d'un moment d'inattention
de ses gardiens, Kremer s'empara du sabre-baïonnette d'un agent
et attaqua furieusement les gardiens de la paix de service dans le
poste. Deux d'entre eux furent blessés grièvement par le fou
furieux, qu'on ne réussit à désarmer qu'avec peine.
Enfin, à onze heures et demie, six agents le conduisaient au
Dépôt. Près de la grille du Palais de Justice, Kremer, qui depuis
un moment paraissait calme, fut repris d'un accès de fureur. Il
terrassa les gardiens qui l'escortaient, sauta en bas du fiacre,
s'enfuit dans la direction de la Tour Saint-Jacques, renversant sur
son passage tous ceux qui tentaient de l'arrêter. Deux gardiens
de la paix de service rue de Rivoli réussirent à lui barrer le pas-
sage ; le dément changea alors de direction et alla se jeter, en
face du n° 1, rue Saint-Martin, sous les roués d'un omnibus qui
lui broyèrent la poitrine. Hermann Kremer a été transporté à
l'Hôtel-Dieu dans un élat désespéré. (L'Aurore, 26 juillet 1904).
On ne saurait trop recommander aux agents ou aux per-
sonnes intervenantes, en pareil cas, de ne pas avoir de
moments d'inattention, mais de ne pas perdre de vue, un
instant, le malade.
faits DIVERS. 287
Terrible LUTTE avec un FOU.
Le D Rorke, de Long-Island, un homme petit et mince, a été
affreusement maltraité par un forgeron devenu fou. Il s'était rendu
auprès de l'aliéné en compagnie du Dl' Mitchell. Celui-ci fut empoi-
gné par le fou et jeté dans la rue comme une balle. Le Dr liorlce,
malgré son infériorité physique, fit face au forgeron, qui avait
saisi un marteau, puis s'en était dessaisi. Mais le forcené se jeta
sur le médecin avec une violence inouïe et lui martela le visage à
coups de poing. Tandis que le Dr Rorke, subissait ce joli traite-
ment avec un sang-froid admirable, il parvint à tirer de sa poche
une seringue de Pravaz et en injecter le contenu de morphine sous
la peau du fou. L'effet désiré fut obtenu et l'aliéné se laissa
emmener sans résistance à l'asile. La conduite du Dr Rorke n'est-
elle pas admirable, réellement héroïque ? (Journal d'accouchement
du 7 août 1904.)
FAITS DIVERS-
Nécrologie. - M.' le De Ambroise-Eusèbe MORDRE, ex-médecin
en chef de l'asile des aliénés de la Sarthe, membre correspondant
de l'Académie de médecine depuis 1888, des Sociétés de Chirurgie,
médico-psychologique, etc., vient de mourir au Mans.
M. le Dur Mordret avait été reçu docteur en médecine en 1847 7
[Thèse : des hémorragies des fosses nasales, Paris, n° 161]. On con-
nait de lui un Traité pratique des affections nerveuses et anémiques
considérées dans les rapports qu'elles ont entre elles. Paris, 1861,
488 p. ; un rapport sur le service de santé dans la ville du Mans du
19 août 1870 au 20 avril 1871, adressé au ministre de la Guerre.
Le Mans, 1871, 81, 51 p., Monnoyer ; des considérations sur la seit-
sibilité dans ses rapports avec les phénomènes psychiques. (Fragment
d'une élude sur la folie). Paris, 1879, 64 p. ; un mémoire récom-
pensé par l'Académie de Médecine : De la folie à double forme.
Circulaire alterne. Paris, 1883, 225 p.,· etc., etc. 11 laisse un fils,
médecin au Mans, ancien interne des hôpitaux de Paris. (Gazette
Médicale de Paris, 25 juin 1904.)
Asiles d'aliénés. - Mouvements de mai, juin et juillet 1904. -
M. le Dr Boiteux, médecin en chef à l'asile de Clermont (Oise),
promu à la classe exceptionnelle du cadre. M. GEX, directeur
à Saint-Robert (Isère), promu à la classe exceptionnelle du cadre,
- 11. le Dr RAVIAriT, médecin adjoint à Armentières (Nord), promu
à la classe exceptionnelle. M. le De DIDE, médecin adjoint à
Rennes, promu à la classe exceptionnelle du cadre. M. le Dr
z88 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
MASSELON, médecin adjoint à Pau, nommé médecin adjoint à Cler-
mont (Oise), en remplacement de M. le Dr Coupon, mis en dispo-
nibilité sur sa demande. - M. le Dr Truelle, médecin adjoint à
Dun-sur-Auron (Cher), promu à la classe exceptionnelle du cadre.
M. le Dr AuELInE, médecin adjoint à Dun-sur-Auron (Cher),
promu à la 1 re classe du cadre. M. le Dr LcIIIrFE, médecin ad-
joint à Quimper, nommé à Pau. M. le Dr Becte, médecin ad-
joint à Bailleul, promu à la classe exceptionnelle du cadre. M.
le Dr Trénel, médecin adjoint, nommé médecin en chef de la
Colonie familiale d'Ainay-le-Château (Allier). M. le D LwoFe,
médecin en chef à Ainay-Ie-Château, nommé directeur médecin de
l'asile d'aliénés de Moisselles (Seine-et-Oise).
Tentative DE SUICIDE d'un adolescent. Un désespéré de qua-
torze a ? M.Le jeune de quatorze ans, demeurant chez ses
parents, boulevard de la Liberté, à la suite d'une réprimande a
tenté de se suicider. Sa mère s'étant aperçue de sa disparition,
monta au grenier, où elle trouva son fils qui venait de se pendre.
Elle arriva heureusement assez tôt pour couper la corde. L'enfant
a été rappelé à la vie. (Progrès de Lyon, 31 juillet 1904).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
ANGLADE et Jacquin. Rapport médical de l'asile public d'aliénés de
Bordeaux pour l'année 1903. 1 vol. iii-8- de 64 pages. Imp. Gounouilhou.
Bordeaux, 1904.
8B[NET (A.). - L'Année psychologique : 100 année, 1904. 1 vol iii-8- de
680 pages, avec figures dans le texte. Prix : 15 francs. Masson, éditeur,
120, boulevard Samt-Germain.
. 110LLARITS (J.). Clironischer Gelenksrleeumatismus und spondylose
-rlzizomélique. In-8o de 28 pages. lilinische therapeut. Wochenschrift.
Ween.
' MULLER (Edouard). Die multiple sidérose des Gehirns Rucken,
marks. 1 vol. grand in-8, de 394 pages, avec 5 planches hors texte.
Gustav-Fischer, Verlagsbuchhandtung Jena. Prix : 10 marks.
Movimiento de la casa de orales de Santiago en el âno 1903. 1 vol.
in-8- de 286 pages. Imprenta Universitaria, à Santiago. 1904.
Dr ROUSSEL (Albéric). - La Frazzlclinisalion' réhabilitée, 1 volume
- in-18 jésus de 310 pages, avec 12 figures intercalées dans le texte.
Prix : 4 francs. 0. Doin, éditeur.
UGOLOTTI (Ferdinando). Sclerosi cérébrale tuberosa associl1¡la aspe-
ciali attemzio1l'Î di allri organi. In-8° de 30 pages. Riv. di pathologia
nervosa.
Le rédacteur-gérant : Bourneville.
Evreux, Ch. Hh'B8EY, imp. - 8-1904.
Vol. XVIII..Octobre 1904. N° 106.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE.
Obsessions et vie sexuelle;
P\n LE D' E. MARANDON DE MONTYEL,
Médecin en chef de Ville-Evrard.
M. Freud, dans deux mémoires, s'est efforcé de donner à
l'obsession une étiologie toute spéciale. D'après lui, elle
aurait pour cause principale l'accumulation incomplète-
ment satisfaite de l'excitation génésique, tels que le coït
réservé des ménages désireux de ne pas augmenter le
nombre de leurs enfants ou de n'en pas avoir; les caresses
frustes des fiancés : l'impuissance relative des maris dont les
érections insuffisantes ou les éjaculations trop rapides ne
permettent pas à la femme d'aboutir au spasme voluptueux;
l'abstinence provoquée par le veuvage; la suppression
brusque d'habitudes anciennes de masturbation. Il conclut
de ses observations que la 'névrose anxieuse est d'origine
sexuelle et que son étiologie spécifique est l'accumulation
de la tension génésique provoquée par l'abstinence ou l'irri-
tation génésique fruste.
Deux ouvrages viennent de paraître chez nous sur les
obsessions, écrits par des hommes éminents et très au cou-
rant de la question; l'un est signé de MM. Pitres et Régis,
l'autre de M. Pierre Janet. En outre, M. IIartemberg et
M. Gilbert Ballet, au Congrès de Grenoble, ont donné leur avis
sur la doctrine de M. Freud. M. Arnaud n'en parle pas
dans l'intéressant chapitre qu'il a écrit pour le Traité de
pathologie mentale de M. Gilbert Ballet. Il m'a semblé
qu'il ne serait peut-être pas dépourvu d'intérêt de rapporter
ce que ces distingués observateurs ont constaté dans notre
Archives, 2' série, t. XVIII. 19
290 . CLINIQUE mentale.
pays, et de faire connaître ce 'que nous-même nous avons vu
durant une longue pratique de bientôt vingt-neuf ans.
MM. Pitres et Régis ne croient pas à cette origine exclusi-
vement sexuelle des états obsédants. D'ailleurs, les faits par
eux observés leur ont démontré que les obsessions débutent
dans plus de la moitié des cas dès l'enfance ou à l'adoles-
cence, avant la fin de la quinzième année, à un âge par con-
séquent où les pratiques signalées par M. Freud comme la
cause spécifique du mal ne sauraient être incriminées.
D'après M. Pierre Janet, une observation désintéressée
montre que la proposition de M. Freud, qui parait au pre-
mier abord singulière, contient certainement une part de
vérité; car si on peut avoir des renseignements, des aveux
sur la vie sexuelle des malades, on voit qu'elle est presque
toujours troublée, et qu'elle est bien troublée, en effet,
dans le sens qu'indique l'auteur. Il admet donc les faits
signalés par M. Freud, mais il est disposé à les interpréter
de toute autre façon. Les constatations ne lui ont pas
montré que les circonstances extérieures aient toujours
déterminé chez ses malades cette insuffisance du coït au
moment de leurs accès; bien plus, il a eu des aveux signifi-
catifs lui démontrant qu'ils avaient à leur disposition les
moyens d'une satisfaction largement suffisante. Il croit que
ces insuffisances de l'émotion sexuelle ne sont qu'une mani-
festation, un cas particulier de leur insuffisance psycholo-
gique. C'est parce que ces personnes, dit-il, deviennent de
plus en plus incapables de pousser un phénomène psycho-
logique jusqu'à son terme, qu'elles s'arrêtent à moitié
chemin dans cette émotion comme dans les autres. En con-
séquence, il ne croit pas qu'il y ait lieu de faire jouer dans
cette maladie, un rôle spécial aux phénomènes sexuels qui
n'auraient qu'une influence déprimante s'ajoutant simple-
ment aux autres.
Disons aussi qu'au Congrès de Grenoble de 1902, M. Freud
a trouvé deux contradicteurs et pas un défenseur. M. Har-
temberg, qui accepte pourtant la névrose d'angoisse de ce
médecin et juge sa thèse parfaitement légitime, a ajouté
qu'en revanche, il ne pouvait pas accepter avec lui l'étiologie
exclusivement sexuelle de celle-ci et la considérer comme
provoquée toujours^par une détente insuffisante de l'exci-
tation génitale, car, malgré les interrogatoires les plus
OBSESSIONS ET VIE SEXUELLE. 291
insistants, il n'a pas réussi à découvrir toujours chez ses
malades cette cause étiologique qu'il reconnaît n'être pas
rare, mais qui est loin d'être constante. Egalement, M. Gil-
bert Ballet a déclaré qu'il ne pouvait s'associer à la ma-
nière de voir de M. Freud, relativement au rôle que jouerait
la privation des satisfactions sexuelles dans la genèse du
syndrome. Pour son compte du moins, il n'a jamais relevé
une semblable étiologie. , .
Ce que j'ai constaté ne me permet pas non plus d'ac-
cepter l'opinion de M. Freud, pas même appliquée aux seuls
dégénérés, car j'ai connu de nombreux obsédés qui, à
aucun moment, ni avant, ni durant leur maladie, n'avaient
souffert d'une accumulation incomplètement satisfaite de
l'excitation génésique. Par les confidences de leurs femmes
ou de leurs maîtresses, aussi bien que par les leurs qu'elles
confirmaient d'ailleurs, j'ai su qu'ils coïtaient plutôt trop
souvent, que le coït était complet, exécuté sans précaution
pour entraver la fécondation; n'empêche qu'ils étaient bel
et bien obsédés. Par contre, je me suis assuré que la copu-
lation même fréquente et complète, mais anormalement
pratiquée, ou bien le spasme voluptueux obtenu à l'aide de
manoeuvres anormales, avaient une influence considérable.
Parmi les faits que j'ai observés, il en est trois surtout qui
établissent sans conteste que ces pratiques que j'indique ne
sont pas seulement capables d'aggraver le mal existant,
mais de faire apparaître, à un âge déjà avancé, chez des
prédisposés héréditaires, -des obsessions qui jusqu'alors
n'avaient jamais existé. Ces trois observations méritent
d'être rapportées, car elles sont instructives; la mère n'en
conseillera certes pas la lecture à sa fille, je le reconnais et
je ne la lui conseillerai pas à elle-même, mais n'a-t-on pas
dit que la science comme le feu purifiait ce qu'elle touchait,
et puis, j'écris dans un journal scientifique et mon mémoire
n'est destiné ni à corrompre la jeunesse ni à chatouiller les
vieux marcheurs. Honni soit donc qui mal y pense.
OBSERVATION I. - M. X.... quarante-quatre ans, célibataire,
docteur en droit, hérédité maternelle. Développement normal,
rougeole comme seule maladie infectieuse ; de brillantes facultés
intellectuelles. Le début de l'excitation génitale a été précoce.
L'enfant fut placé à onze ans dans une institution de prêtres où
les punitions corporelles étaient en honneur, mais son père avait
292 CLINIQUE mentale.
défendu de les lui appliquer. Au premier camarade fouetté en sa
présence, il éprouva un plaisir jusqu'alors inconnu, sentit sa verge
se raidir et regretta vivement de n'être pas à la place de la vic-
time.'Rentré chez lui, il organisa avec ses soeurs un jeu d'école où
le martinet jouait un grand rôle. Il faisait un élève coupable que
l'ainée, feignait de fouetter en sa qualité de maîtresse de la pen-
sion. L'érection se reproduisit immédiatement, mais l'enfant était
si inconscient de sa signification qu'il se déboutonna, aussitôt la
mère mit fin au jeu et défendit de le recommencer.
. Toujours hanté de son désir d'être frappé sur les fesses, X...
trouva autre chose. Il proposa à plusieurs de ses petits camarades
de se poursuivre et celui qui se laissait prendre, recevait de vigou-
reuses tapes sur le derrière. Il s'arrangeait toujours pour être pris,
car s'il avait plaisir à recevoir des fessées, il n'en avait pas à en
donner. Tous les jours ou à peu près, il se livra à ce plaisir. Au
bout de quelque temps, il n'eut plus besoin de ces artifices pour
amener l'érection ; il lui suffisait de se figurer qu'il était fouetté
pour la produire. ,
Son désir de l'être s'accrut encore, et il commit exprès de graves
manquements à la discipline dans l'espoir qu'on passerait outre à
la défense de son père et qu'on lui administrerait la punition cor-
porelle tant souhaitée. Il n'en fut rien et il s'en désola. Pour se
consoler, il prenait un vif plaisir à toucher le martinet, surtout
quand il venait d'être utilisé. En caresser les tranches lui faisaient
alors passer des frissons dans le corps.
Durant deux ans, la situation resta telle, sans qu'aucun élément
sexuel intervint. Seulement, à treize ans, l'attrait de l'autre sexe
débuta, et X... se sentit attiré vers une jeune femme, aide-cuisi-
nière de la pension, qui avait un enfant de six ans qu'elle corri-
geait assez souvent. Il sembla à X... qu'être fouetté ainsi par elle
serait le suprême bonheur. Il se mit alors à lui faire mille niches
dans l'espoir de la pousser à bout et de recevoir d'elle une correc-
tion, il arriva à ses fins; un jour, elle perdit, en effet, patience,
saisit l'enfant qui s'empressa de n'opposer aucune résistance, et
lui administra deux coups de martinet. Mais elle s'arrêta, car au
lieu des cris qu'elle attendait, elle ne fut pas peu surprise de sentir
le petit lui passer les bras autour de la taille et se pâmer. Il avait
eu son premier spasme voluptueux.
Peu après, X... fut changé de collège et placé comme pension-
naire dans une autre institution où les punitions corporelles étaient
absolument interdites. Là un camarade l'initia à l'onanisme. Il
venait d'avoir quatorze ans. Cette pratique et surtout je crois,
l'absence de tout spectacle de fustigation, modifièrent ses disposi-
tions ; il ne pensa plus qu'à de rares intervalles à être fustigé.
Mais il prit goût par contre à la masturbation.
X... avons-nous dit, était doué d'une intelligence supérieure.
OBSESSIONS ET VIE SEXUELLE. 293
Toutefois, à côté de ses brillantes facultés intellectuelles, existait
une émotivité anormale. Il était très timide et très superstitieux;
puis hyant ouï parler des maladies vénériennes, il en eut une vraie
phobie. Celle-ci, jointe à sa timidité, furent cause qu'il continua
à se masturber encore assez .souvent.'durant ses années d'études
à la faculté, d'autant plus que doué d'un appétit génital notable,
il était pauvre et n'avait guère d'argent pour ses menus plaisirs. Il
pensait de moins en moins au plaisir d'être fouetté.
Reçu docteur en droit, il acquit vite une bonne situation, put
s'offiir des maîtresses et cessa de se masturber ; l'attrait de la fus-
tigation avait disparu. A vingt-sept ans, il contracta une blennor-
rhagie, qui fut bien douloureuse et se compliqua d'une cystite du
col. Il en fut très affecté, et repris de sa phobie des maladies véné-
riennes. Il resta près d'un an avant de trouver une femme qui lui
parut offrir toutes garanties, et pendant ce temps, il retomba dans
la masturbation. Quand il se décida à coïter, à son grand étonne-
ment, il se trouva impuissant. Il fut navré et convaincu qu'il res-
terait toujours tel. A la deuxième tentative avec la même femme,
la même impuissance se reproduisit tout d'abord, mais toutefois
elle ne persista pas, et il retrouva assez vite, toute son ardeur
habituelle. Il attribua, avec raison à l'onanisme sa déconfiture et
s'en abstint désormais. Il s'en trouva bien, car dans ses rappro-
chements consécutifs avec sa maitresse, il n'eut plus aucune dé-
faillance. Il avait recouvré toute sa confiance et toute sa vigueur.
Néanmoins, il souffrait, car il ne pouvait posséder celle-ci qu'à des
intervalles assez espacés et il était obligé de lutter pour ne pas .
retomber dans ses mauvaises habitudes. Il résolut alors d'avoir
une seconde maîtresse, de possession plus facile et finit par la
trouver ; mais quand il la posséda pour la première fois, il eut
une vive appréhension et de nouveau fut impuissant,. cependant
comme avec l'autre, l'habitude ramena la virilité.
Néanmoins, à partir de ce moment, X... perdit toute confiance
et eut une obsession génitale avec angoisse. Ses relations sexuelles
furent empoisonnées. En allant au rendez-vous, il était anxieux,
son coeur battait et il avait des tremblements. Il redoutait d'être
impuissant; l'érection se produisait-elle, il craignait de la perdre
et s'empressait d'en profiter; même durant le coït, tourmenté de
la crainte de ne pas achever, il avait hâte d'arriver au but. Inutile
, de dire que plus d'une fois, ce qu'il redoutait survenait et qu'il en
résultait une aggravation de son obsession.
X... se résigna à rester fidèle, n'osant risquer de nouvelles
mésaventures, d'autant plus qu'avec le temps, il reprit peu à peu
confiance et son obsession s'atténua au point de ne plus guère le
tourmenter. Son appétit génital était amplement satisfait ; il ne se
masturbait plus et ne pensait plus du tout au martinet.
Il en fut ainsi pendant cinq ans. A trente-deux ans, X... dut
294 , CLINIQUE mentale. -
changer de résidence, et se séparer de ses deux maîtresses dont
aucune ne voulut le suivre. Il se trouva donc dans l'obligation,
pour ne pas retomber dans l'onanisme, de nouer des relations
avec une femme nouvelle. L'obsession revint dans toute son in-
tensité avec son cortège d'angoisses, de palpitations cardiaques,
de tremblements et de sueurs froides. Durant toute la première
nuit, le malheureux fut complètement impuissant, mais comme
précédemment, la virilité revint avec l'habitude, toutefois l'idée
obsédante persista à un degré encore plus accusé qu'avec les deux
précédentes maîtresses. X... était, avons-nous dit, superstitieux
dès son enfance : il eut alors la hantise de certaines circonstances
qui lui portaient malheur dans ses relations sexuelles, tels le ven-
dredi et le 13 du mois, d'autres au contraire, heureuses, comme
de prendre par la droite pour se rendre chez son amie et d'entrer
chez elle du pied droit. Néanmoins, il fut plus souvent heureux
que malheureux dans ses rapprochements avec celle-ci, surtout
après un certain temps.
Il lui resta fidèle sept ans, après lesquels nouveau changement
de résidence, encore avec refus de le suivre et nouvelle obligation
d'une autre liaison. Le malheureux X... repassa par les mêmes
transes et les mêmes angoisses, et l'obsession persista encore plus
accusée qu'avec la précédente maîtresse, en outre, ses supersti-
tions s'accrurent en nombre et en intensité. -
Quoi qu'il en soit, il cultivait cette nouvelle liaison depuis cinq
ans et s'en était encore assez bien habitué, quand sa maîtresse
contracta une bionchite qui l'obligea à aller passer l'hiver dans sa
famille à Montpellier. X... resté seul ne se sentit pas le courage
de connaître une autre femme ; il préféra attendre le retour de sa
maîtresse, mais il avait trop compté sur ses forces et il se remit à
se toucher. A la réception de la lettre qui lui annonçait en mai le
retour de son amie, complètement rétablie, il fut saisi d'angoisse,
de palpitations de coeur, et de tremblements, et se sentit repris de
son obsession génitale. Il eut la conviction que c'était fini et que
jamais plus, il ne serait capable de coïter. En effet, c'est ce qui
arriva, et en outre, l'impuissance fut radicale, car maintenant,
quand il essayait de se livrer au plaisir solitaire, le librido étant
demeuré chez lui très ardent, l'obsession survenait et l'érection ne
se produisait pas davantage.
Ce ne fut pas tout. Lui racontant les incidents de son séjour
dans le Midi, sa maitresse lui narra qu'elle avait retrouvée bien
vieillie, mais toujours verte, l'institutrice chez laquelle elle avait
été placée en pension, et à qui sa mère bien à tort avait donné
plein pouvoir sur elle, car elle en avait bien abusé et elle lui fit
une description détaillée des corrections que celle-ci lui adminis-
trait pour la moindre peccadille, avec une serviette mouillée qu'elle
roulait et qu'elle transformait de cette façon en lanière. Ce malen-
OBSESSIONS ET VIE SEXUELLE. 295
contreux récit produisit sur l'infortuné X... une impression pro-
fonde et réveilla en lui plus violent encore qu'autrefois, son désir
éteint depuis si longtemps d'être fouetté, et il prit un plaisir infini
à faire répéter à son amie, les moindres détails des fessées reçues.
Un nouveau supplice commença pour X... Nuit et jour, il fut
obsédé du besoin de se faire fouetter par sa maitresse, mais près
d'elle, pris de honte, il n'osait le demander. Cette lutte angois-
sante, durait depuis quelques jours quand il aperçut un après-
midi dans le couloir qui conduisait aux water-closets de son
appartement, un martinet dont se servait son valet de chambre
pour battre les habits et qu'il avait suspendu à un clou. Il ne fut
plus maître de lui, et certainement, si sa maîtresse avait été là, il
n'aurait plus hésité à solliciter d'elle la fustigation. Il s'empara du
martinet et le porta dans sa chambre, mais il n'eut pas cette fois
le plaisir de se fouetter, car il lui suffit de se toucher les fesses avec
les branches de l'instrument pour amener éjaculation et spasme
voluptueux toujours sans érection.
Il remit le martinet en place et résolut de ne plus s'en servir. Le
lendemain, il recourut au procédé de la serviette mouillée, décrit
par sa maîtresse, car l'obsession de la fustigation était devenue
irrésistible. Ce fut pour lui une volupté de plonger celle-la dans
l'eau, de la tordre et de la rouler en lanière. Plus heureux que la
veille, il réussit ainsi à s'administrer une bonne fessée avant
d'amener l'éjaculation. Le plaisir goûté fut si vif qu'il ne put s'em-
pêcher de le rechercher par la suite deux ou trois fois par semaine
au moins.
Depuis deux mois, X... se livrait à cette flagellation voluptueuse,
quand un accident banal fit éclore une nouvelle obsession plus
gênante. Son habitation était située à l'extrémité d'une très longue
et très étroite avenue. Rentrant chez lui pour dîner, il fut effrayé
par un ivrogne qui tomba sur lui et le renversa à moitié. Il en fut
tout ému. Après son repas, il sortit de chez lui comme d'habitude;
à la perspective de l'avenue, il fut à son grand étonnement
angoissé, eut des tremblements dans les jambes et serait tombé
sans l'appui de sa canne. En longeant les grilles des villas, il se
sentit plus rassuré et put gagner la grande place qu'il traversa
sans la moindre hésitation, mais à l'entrée de la grande rue, très
longue et assez étroite, la même obsession le reprit, plus violente
encore avec en outre des palpitations cardiaques et de l'oppression
respiratoire. Il dut presque s'appuyer aux maisons pour arriver
jusqu'à son cercle. Il prit une voiture pour rentrer.
Le lendemain et les jours suivants, la même phobie angoissante
de toute voie droite et longue se reproduisit et cessait immédiate-
ment, si l'obsédé avait à côté de lui quelqu'un sur qui il pût
compter. Il dut se condamner à ne plus sortir seul. C'est alors que
je le vis et qu'avec une entière franchise sur mes questions, il me
296 CLINIQUE mentale.
fournit tous les détails que j'ai rapportés. Sachant qu'il y avait eu
des aliénés dans sa famille, il était alors obsédé par l'idée qu'il
devenait fou. Je le rassurai, et j'attribuai tous les phénomènes
présentés à l'usage qu'il faisait de la serviette mouillée. Je lui con-
seillai l'hydrothérapie, les exercices physiques, le bromure de
potassium et surtout une chasteté absolue.
Quinze jours de ce traitement suffirent à enrayer presque com-
plètement la phobie, mais si le libido était moins marqué, l'obses-
sion de la flagellation était aussi vive. Au bout d'un mois, dispari-
tion complète de la phobie, toutefois pas grande diminution de
l'obsession de la serviette mouillée; aussi la résistance devenait de
plus en plus pénible et partant de plus en plus difficile. Je restai
trois semaines sans revoir le malade. Quand il revint, il était dans
la prostration, il avait succombé et immédiatement la phobie était
revenue. Une action psychique avait aussi exercé sou influence,
car avant de sortir, il était convaincu qu'il ne pourrait pas des-
cendre seul l'avenue. Je constatai pour la première fois un profond
dégoût de la vie et quelques idées de suicide, n'ayant elles rien
d'impulsif, et inspirées par les tristesses d'une telle existence.
Pour les chasser, je promis une guérison complète. Je n'ai plus
revu X..., mais j'ai su quelques mois après qu'il s'était tué.
Voilà donc un cas où, à aucun moment avant le mal, le
sujet n'a souffert d'une accumulation incomplètement satis-
faite de l'excitation génésique. L'onanisme engendra l'im-
puissance par inhibition avec obsession génitale, puis la
flagellation voluptueuse, la phobie des voies longues et
droites. Bien plus, celle-ci au contraire disparut quand, sur
mes conseils, le sujet resta un certain temps continent, et
c'est alors qu'il souflrît seulement de la cause indiquée par
M. Freud, puisqu'il était obligé de lutter pour résister à son
besoin ardent de volupté, et il lui suffit de satisfaire ce
besoin par la flagellation pour ramener la phobie. Là, on
est plus en droit d'invoquer un excès qu'un manque de
satisfaction.
Observation II. M. Z..., trente-six ans, célibataire, fouction-
naire de l'Etat, est également un héréditaire vésanique. Son père
s'est suicidé sans motif connu, probablement sous l'influence d'une
obsession; une soeur a eu une folie puerpérale dont elle a guéri;
un frère est assez faible d'esprit. Développement régulier, fièvre
typhoïde à douze ans, sans accidents cérébraux bien graves. Intel-
ligence ordinaire; L... a été reçu bachelier à dix-neuf ans, après
deux échecs. Il se touchait au collège, comme les camarades, dit-
il, mais depuis son baccalauréat,,il s'en est complètement abs-
OBSESSIONS ET VIE SEXUELLE. 297
tenu; il avait d'ailleurs une situation de fortune qui lui permettait
d'avoir des maîtresses et d'en changer souvent. Heureusement
pour lui, car il était atteint d'une anomalie génitale par laquelle,
bien que très porté aux plaisirs de l'amour, il était dans l'impossi-
bilité presque absolue d'avoir, même à plusieurs jours d'intervalle,
des rapports avec la même femme.
Au point de vue émotif, L... a été de tout temps un scrupuleux,
craignant toujours de n'avoir pas assez bien fait; recommençant
plusieurs fois les mêmes choses dans la crainte de s'attirer des
reproches. Si par hasard, il avait fauté sans le vouloir, il passait
par des désespoirs angoissants. Après son baccalauréat, il entra
dans une grande administration publique et sa manie des scru-
pules s'accrut encore. Il s'exagéra la responsabilité qui pesait sur
lui.
Dans la vie ordinaire, par un singulier contraste, il était noceur
et gai compagnon de plaisir. Ses scrupules ne le tourmentaient
guère qu'à son bureau. Il aimait aussi les plaisanteries elles bons
mots, et il crut en faire un qui lui suscita des ennuis et ne fut sans
doute pas sans influence sur les troubles psychiques, dont il souf-
frit par la suite. Parmi ses collègues d'administration, il s'en trou-
vait un qui avait le fétichisme des «grosses fesses de femmes et qui
ne s'en cachait pas. Il riait même des plaisanteries des camarades
qui prétendaient que sur les promenades, il prenait mesure de
celles-ci avec sa canne, et choisissait celle qui les avait les plus
fortes. Z... crut être spirituel en le dotant du sobriquet de métro-
cul, qui malheureusement eut un grand succès, car l'autre le prit
très mal. Il fit à Z... des scènes violentes, et sans l'intervention
de leurs amis communs, il l'aurait souffleté. Le scrupuleux Z... en
fut angoissé. Il ne se rencontrait pas avec ce collègue sans avoir
de la suffocation, des palpitations de coeur et des tremblements,
d'autant plus que l'offensé, malgré ses avances et ses excuses, lui
témoignait le plus profond mépris. Aussi fut-il heureux d'appren-
dre qu'un ami influent de sa famille, avait obtenu pour lui une
place à l'administration centrale, à Paris.
Z... était encore tourmenté des ennuis que lui avait suscités le
fétichisme de son camarade, quand il arriva dans la capitale qu'il
ne connaissait pas. Son protecteur le promena par la ville et le
conduisit au Salon qui venait d'ouvrir. A la sculpture il fut ébloui
des nudités qui s'offrirent à ses regards; il ne s'etait jamais occupé
d'art et de sa vie, n'avait mis les pieds dans un musée. La vue de
toutes ces statues de femmes nues, en très grand nombre cette
année-là, le fascina. Jusqu'alors, le visage chez celles-ci avait été
tout pour lui, jamais il n'avait prêté la moindre attention aux
formes du corps. Il découvrait comme un monde nouveau. Sa
curiosité fut plus particulièrement attirée sur la partie, objet de
la prédilection de son collègue dont le souvenir ne l'avait pas
298 CLINIQUE MENTALE.
quitté, et il comprit qu'il avait eu tort ; à son tour, il fut séduit,
Le lendemain et les jours suivants, il revint au Salon, entraîné
comme malgré lui à se repaître du même spectacle. Quand son
congé terminé, il dut rentrer dans son administration, ce fut toute
la journée une souffrance angoissante, jusqu'à l'heure où il put
aller passer quelques instants à la sculpture. Lui aussi désormais
avait le fétichisme des fesses. Il fit alors la connaissance d'une
femme qui mit à sa portée, la partie de son corps, objet de son
fétichisme ; et se livra à la succion buccale avec chatouillement
digital de l'anus et des bourses. Il prit un goût excessif aux ma-
noeuvres de sa aouvelle amie et contrairement à ce qui s'était tou-
jours produit jusqu'alors, au lieu de perdre son ardeur, celle-ci
s'accrut au contraire par la fréquentation. Il fit en conséquence
d'assez nombreux excès sans jamais varier le procédé.
Vite, son état nerveux habituel s'accrut dans de grandes pro-
portions. Son appétit diminua; il eut des maux de tête et des in-
somnies ; ses scrupules fonctionnels devinrent tels, qu'il n'arrivait
à terminer aucun travail. Il s'attira de ses chefs des reproches qui
achevèrent de l'angoisser, d'autant plus qu'ils lui conseillèrent, s'il
se sentait fatigué, de prendre un congé pour se reposer. Le soir
du jour où il reçut ce conseil de ses chefs, il lut dans les journaux,
le dramatique suicide d'une mère qui s'était asphyxiée avec ses
trois enfants. Bien souvent, auparavant, il avait eu occasion de
lire parmi les faits divers des gazettes, des accidents de ce genre,
sans en avoir été jamais ému. Il n'en fut pas de même cette fois.
La mort mystérieuse de son père lui revint en mémoire et pour la
première fois, il se sentit attiré vers le suicide. La nuit, il ne dor-
mait pas, obsédé et angoissé par cette idée contre laquelle il luttait ' ''
avec force, car en somme, il était du nombre des heureux.
Cette obsession eut du moins l'avantage de calmer ses scrupules.
Pour la chasser, il se mit avec ardeur au travail, dès son arrivée
au bureau et n'eut presqu'aucune hésitation. La journée se passa
relativement bien. Ses occupations, la présence des gens, firent
trêve à son mal. Mais le soir, quand il fut seul chez lui, l'obsession
revint aiguë et il passa encore presque toute la nuit à lutter ; seu-
lement sur le matin, épuisé, il s'endormit. Comme la précédente,
la journée ne fut pas mauvaise et il constata plus accusée encore
que la veille. la disparition de ses scrupules et de ses hésitations
au bureau. Redoutant de rester seul, il prit le regrettable parti de
coucher désormais tous les soirs chez sa maitresse, sans lui en
fournir le véritable motif.
Il en résulta, forcément une augmentation des excès sexuels
contre nature. L'obsession s'accentua davantage. Dans la rue, L...
se sentit entraîné à se jeter sous les pas des chevaux ou sous les
roues des tramways; ou dans la Seine en traversant les ponts;
quand il passait devant un armurier ou devant un coutellier, il
OBSESSIONS ET VIE SEXUELLE. 299
avait peine à s'empêcher d'entrer pour acheter une arme et s'en
servir contre lui-même. Il n'osa plus sortir seul, sentant faiblir de
plus en plus sa force de résistance, et prit le parti de se faire
accompagner partout par son valet de chambre en lui prétextant
que depuis quelques jours, il avait des vertiges et craignait de
tomber.
C'est alors que je le vis et qu'il me raconta en détails sa vie.
Comme pour le précédent malade, je tàchai de le rassurer en
mettant tout sur le compte de ses excès génitaux contre nature,
et en lui donnant l'assurance formelle qu'en y renonçant complè-
tement, la guérison était certaine et serait assez proche. Je l'enga-
geai en outre à faire lui aussi de l'hydrothérapie, des exercices
physiques et à prendre du bromure de potassium, car j'ai eu
l'occasion assez souvent, de constater une action favorable de ce
traitement sur les obsédés.
En quelques semaines, une amélioration considérable avait été
obtenue. L... m'apprit alors qu'il quittait Paris. Il en avait assez
de la capitale. Il avait sollicité et obtenu du Ministère, l'autorisa-
tion de permuter avec un collègue de province. Deux mois après,
il m'écrivit pour m'apprendre son complet rétablissement. Je n'ai
'plus eu de ses nouvelles.
De même que X..., à aucun moment, Z... n'a souffert
d'une accumulation incomplètement satisfaite de l'excita-
tion génésique. Mais, dans ce cas, nous voyons une obses-
sion apparaître peu après des habitudes sexuelles contre
nature, s'aggraver avec celles-ci et disparaître par leur ces-
sation.
Observation 111. - Le troisième malade, de nationalité étrangère.
Y..., trente-trois ans, docteur en médecine, célibataire, est comme
les deux autres, un héréditaire vésanique. Il'est fils unique d'une
mère aliénée. Développement normal, toutefois incontinence noc-
turne d'urine jusqu'à treize ans. Comme maladies infectieuses, la
rougeole, les oreillons et la varicelle sans accidents cérébraux.
Très brillantes facultés intellectuelles. Au point de vue émotif, de
tout temps, hypochondrie et sensiblerie excessive. De très bonne
heure, Y... a été porté à observer ses sensations coenesthésiques. à
epier le fonctionnement de ses organes et à s'exagérer ses
moindres indispositions. C'est même cette tendance de son esprit
qui le porta vers les études médicales ; il était entrainé vers ce qui
l'effrayait. Enfin jeune encore, il donna des preuves d'une sensible-
rie excessive qu'il n'a jamais perdue, il dit lui-même en riant,
qu'il a toujours la larme à l'oeil.
De treize à dix-sept ans, il a habité avec son père, fonctionnaire
de la Marine, une colonie intertropicale. Dès son arrivée sous les
300 CLINIQUE MENTALE.
tropiques, son incontinence nocturne d'urine cessa du jour au
lendemain, sous l'influence de la honte. Se trouvant en pays
inconnu, il rougit d'une telle infirmité à son âge ; mais assez
rapidement apparut un autre trouble urinaire qui vite, prit un
grand développement et qui avec l'âge s'est plutôt accru. Y... a
l'urèthre pudique ; non seulement, il ne peut pas uriner dans un
endroit public, mais même dans un cabinet, la porte fermée, la
miction est impossible s'il sait que quelqu'un attend qu'il ait fini
pour prendre sa place. Cette fonction a donc été toujours pour lui
un tourment et une grande gêne. J'appelle l'attention sur ce trouble
physiologique, car on verra plus loin, le rôle considérable qu'il a
joué dans la genèse de l'obsession. r
Sous les tropiques, toutes les femmes du peuple, négresses, mu-
lâtresses, cabresses, marchent pieds nus et en jupes courtes. C'est
dans ce pays et avec sous les yeux cette pittoresque nudité, que la
puberté évolua chez Y... A mesure que celle-ci s'accentuait, il
prenait un plaisir plus vif à ce spectacle; ses premières vagues
aspirations sexuelles s'y associèrent ; aussi à quatorze ans, il
avait contracté pour le garder toujours, le fétichisme des pieds
nus de femmes. Tous ceux que du matin au soir, il avait l'occa-
sion de rencontrer par les rues, ne produisaient pas sur lui la
même impression; les petits et mignons, les maigres et effilés,
n'avaient pour lui. aucun attrait, ceux qu'il aurait voulu prendre
dans ses mains pour les caresser et porter à ses lèvres pour les
couvrir de baisers, étaient les pieds un peu forts, gras, bien cam-
brés, à peau mince et lisse, avec les orteils un peu gros, trapus et
très réguliers; la moindre déviation le dégoûtait. Ce sont encore
ces pieds-là qui seuls le fascinent.
Quand sur son chemin, il rencontrait une femme avec des pieds
répondant à son idéal, il la suivait, s'informait d'elle et l'inscrivait
sur un carnet afin de pouvoir la retrouver et goûter le plaisir de
contempler ceux-ci. Il avait quinze ans depuis un mois, lorsqu'il fit
ses premières armes avec la femme de chambre de sa famille ;
jeune fille de couleur dont les pieds réunissaient toutes les qualités
demandées par lui. Y... renonça de ce jour à l'onanisme, auquel
il s'était livré quelques fois en pensant à l'objet de son fétichisme,
et jamais depuis, il ne s'est touché.
La première fois qu'il partagea la couche de la jeune servante,
il désirait surtout ses pieds, qu'il trouvait adorables, mais igno-
rant la passion de son amant, elle offrit tout d'elle excepté ceux-
ci, et au dernier moment un sentiment de honte retint Y... 11 se
rendit compte que la jeune fille ne comprendrait rien à cette pré-
férence et rirait certainement de lui. Il s'abstint et se contenta en
la possédant, d'avoir présent à l'esprit, l'image de ses pieds.
Par la suite, il en fut toujours de même, non seulement avec
elle, mais encore avec toutes les autres. Le fait est intéressant à
OBSESSIONS ET VIE SEXUELLE. 301 L
signaler, car d'ordinaire, le fétichiste pour obtenir l'érection et le
spasme voluptueux, est obligé d'utiliser l'objet de son fétichisme.
Chez Y..., retenu par la honte, l'image mentale a toujours suffi ;
cependant il faut ajouter que s'il n'osait pas, de peur de prêter à
rire à ses maîtresses, prendre leurs pieds dans ses mains et à plus
forte raison les porter a ses lèvres, au lit, avec les siens, il les
caressait sans cesse de façon à en avoir au moins le contact. Même
pendant le coït, il les cherchait et s'efforçait de les toucher, afin
de faciliter l'éjaculation qui sans cela était très longue à se pro-
duire, longue au point de fatiguer la femme. En outre de son
fétichisme, Y... a, en effet, un retard considérable de l'éjaculation
qui était gênant, avant qu'il eût constaté l'action favorable du
contact des pieds de la femme.
Rentré dans son pays à dix-sept ans, Y... passa ses examens
probatoires avec mention et fit de brillantes études médicales. Il
n'ent plus le plaisir de contempler par les rues des pieds nus de
femmes, et il ignorait complètement comment les avait celles qu'il
choisissait. Ce fut un grand ennui, mais son fétichisme loin de
diminuer, s'accrut; toutefois, il eut de dures déceptions, car il fut
navré de constater qu'en Europe, presque toutes les femmes
avaient les pieds plus ou moins déformés par la chaussure. Il en
changea souvent dans l'espoir de trouver, et n'en rencontra que
peu répondant à peu près à l'idéal qu'il s'était formé sous les tro-
piques. Il eut la chance d'échapper à la syphilis, mais il contracta
quatre blennorrhagies qui, comme on le verra bientôt, ont pris
une part considérable dans la genèse de l'obsession.
Il en fut ainsi jusqu'à trente-trois ans. Il fit alors la connais-
sance d'une fille chez laquelle il eut pour la première fois, le
bonheur depuis son retour dans son pays de trouver des pieds
répondant complètement à son idéal. Celle-ci très intelligente, ne
tarda pas à s'apercevoir de l'étrange fascination qu'exerçaient ceux-
ci sur son amant, et à apprécier tous ses efforts pour y résister.
Elle fit d'abord exprès de multiplier les occasions de les placer
sous ses yeux et quand elle jugea le moment venu, elle demanda
un soir à Y... de lui enlever ses bottines et ses bas, puis comme
c'était en hiver, elle prétendit avoir froid aux pieds et le pria de
les prendre dans ses mains pour les réchauffer. Enfin tandis qu'il
se pâmait à leur contact, elle les porta à ses lèvres, Y... les couvrit
de baisers et immédiatement l'éjaculation se produisit. La honte
qui jusqu'alors l'avait retenu avec toutes les femmes, disparut ; à
partir de ce moment, il ne rougit plus de caresser, d'embrasser et
de lécher les pieds de sa maîtresse. A noter que l'éjaculation spon-
tanée du premier soir ne se reproduisit plus.
Mais la maîtresse de Y... chercha et trouva une position, qui
permettait à son amant de coïter tandis qu'elle lui chatouillait les
bourses et qu'il couvrait de baisers et léchait un de ses pieds. Y...
302 CLINIQUE MENTALE.
ne songea plus à changer, et durant trois mois, il n'eut de rela-
tions sexuelles que de cette façon. A partir du second mois, il
constata une aggravation de ses troubles nerveux. Il fut plus
enclin à se croire sous le coup de quelque grave maladie ; sa sen-
siblerie déjà grande s'accrut encore ainsi que la pudicité de son
urèthre, mais il n'y prêta pas trop grande attention. Vers la lin du
troisième mois, il se rencontra un soir au café avec un officier de
ses amis qu'il était très étonné de ne plus y trouver depuis déjà
un certain temps. Celui-ci lui raconta qu'une unique blennorrhagie
contractée en Algérie, lui avait laissé un rétrécissement qui avait
fini par nécessiter une opération dont il avait failli mourir.
Y... ne put s'empêcher de penser que ses quatre blennorrhagies
seraient bien capables de lui occasionner le mal pour lequel une
seule avait suffi, et il en fut d'autant plus frappé que depuis un
mois, avons-nous dit,- la pudicité de son urèthre, avait encore
augmenté ; toutefois, chez lui, seul, il n'avait jamais éprouve la
moindre gêne et son jet était d'un volume absolument normal. La
nuit, il eut un cauchemar dans lequel atteint d'un rétrécissement
excessif et opéré, il succombait à des complications urémiques et,
angoissé, il se réveilla en sursaut, inondé de sueurs, au moment
même où il allait mourir ; sans y attacher d'importance il se ren-
dormit.
Le lendemain, au réveil, il eut un retard insignifiant de la mic-
tion ; immédiatement il fut pris d'angoisse avec palpitations de
coeur et tremblements, et l'idée s'implanta, obsédante, dans son
esprit qu'il avait un rétrécissement et qu'il ne parviendrait pas à
uriner. Médecin, il apprécia toute l'absurdité d'une telle obsession,
mais il ne réussit pas à chasser l'anxiété ; néanmoins, presque
tout de suite, la miction s'effectua et fut normale. Un immense
soulagement avec sentiment de bien-être s'en suivit.
Y... rattacha ces phénomènes à son cauchemar de la nuit et
crut tout d'abord en être quitte. Pas du tout, l'obsession resta
implantée dans son cerveau et à mesure que s'écoulaient les heu-
res, et qu'approchait le moment d'une nouvelle miction, il se
sentait devenir de plus en plus inquiet et quand il fallut satisfaire
l'envie, la même angoisse obsédante reparut avec soulagement et
bien-être consécutifs comme le matin. L'après-midi et le soir
mêmes manifestations. Toujours il avait l'habitude d'uriner en se
couchant et seulement le matin au réveil ; cette nuit-là, il fut forcé
de se lever vers trois heures, obsédé et angoissé par l'idée que
s'il attendait jusqu'au lendemain matin, il n'urinerait certaine-
ment pas. Et il en fut toujours ainsi depuis.
Dans la matinée, il prit un grand bain tiède de deux heures.
dans l'espoir de calmer cet éréthisme et il n'en retira aucun béné-
fice. Bien qu'il fut certain qu'il ne pouvait pas avoir acquis en
quelques heures un rétrécissement blennorrhagique capable de
OBSESSIONS ET VIE SEXUELLE. 303
gêner sa miction et que d'un autre côté, l'obsession vaincue par la
force du besoin, il urinait normalement, il voulut se fournir à lui-
même la preuve matérielle de la liberté de son canal. Il alla sous
un prétexte quelconque se faire sonder par son collègue de la
clinique chirurgicale qui lui passa la plus grosse sonde sans diffi-
culté.
De cette consultation, résulta une aggravation. L'obsession du
rétrécissement disparut, mais elle fut remplacée par l'obsession
d'un spasme nerveux qui angoissa davantage le malade. Un rétré-
cissement s'opère, se dit-il, mais un spasme nerveux résiste sou-
vent à toute médication, aboutit parfois à la rétention complète et
peut même ne pas laisser passer la sondé, nécessitant ainsi la
ponction de la vessie. Il eut alors une nouvelle obsession, celle de
la lolie de sa mère, car il appréciait à leur juste valeur, toutes les
conjectures extravagantes de son cerveau malade. L'angoisse
devint excessive. La miction s'en ressentit; il survint du bégaie-
ment uréthral ; Y... s'arrêtait plusieurs fois en urinant et le jet
finit par devenir filiforme ; il mit un temps assez considérable à
vider sa vessie. La situation fut dès lors gênante et pénible.
Il se décida à venir à Paris avec sa maîtresse car son obsession
n'avait porté aucune atteinte à sa virilité et il me fut adressé par
un ami commun établi dans sa ville. Parlant très correctement le
français, il me raconta toute sa vie. Comme il me parut très
tourmenté par l'obsession de la folie de sa mère, je commençai
par lui mettre sous les yeux, l'opinion de M. Magnan, que l'obses-
sion n'évolue pas, ne se transforme pas, n'aboutit jamais au délire
proprement dit. En outre, je lui affirmai que jamais l'obsession
uréthrale n'entraine la rétention même imcomplète et que, tou-
jours, plus ou moins lentement, la vessie se vide tout à fait. Il en
éprouva un grand soulagement ; car ses deux plus grandes inquié-
tudes étaient détruites.
En outre, je ne lui cachai pas qu'à mon avis, sa façon de coiter
depuis trois mois était, la cause principale de l'obsession, laquelle
avait pris la forme uréthraie, à cause de son urètthre pudique
depuis la puberté, et avait engendré de si grandes inquiétudes s
par suite de son tempérament de tout temps hypochondriaque.
Hydrothérapie et coit normal modéré, voilà, lui dis-je, toute ma
prescription. Y... fut désolé et après quelques minutes de réfle-
xion, il me déclara franchement que puisqu'il était maintenant
certain de. ne jamais devenir fou et de ne jamais avoir besoin de
se faire ponctionner la vessie, il aimait encore mieux garder son
obsession uréthrale que de se priver des pieds de sa maîtresse. Je
lui proposai alors de venir voir avec moi un des grands spécialistes
de Paris, à son choix, il refusa, me disant que bien que peu versé
dans la connaissance des maladies mentales et nerveuses, qu'il
ne pratiquait pas, sa clientèle étant exclusivement de Médecine
304 CLINIQUE MENTALE.
ordinaire, il avait compris mes raisons, qu'il réfléchirait et qu'il
reviendrait me voir sous peu.
Il revint, en effet, deux semaines après et il était tout joyeux. Il
m'apprit que l'hydrothérapie, la double assurance que je lui avais
donnée et aussi la vie agréable de Paris, avaient amélioré son
obsession au point qu'elle était supportable et qu'il croyait
n'avoir pas besoin de se priver complètement des pieds de sa mai-
tresse. Je me suis habitué, conclut-il, en souriant, à ne pas pou-
voir pisser du tout dehors, j'espère m'habituer aussi à mal pisser
dedans. Je crus devoir le mettre en garde contre la possibilité d'un
retour offensif du mal, et d'une aggravation s'il continuait le
même coït.
Mais, j'acquis une fois de plus la preuve qu'il n'y a rien à obte-
nir des fétichistes. Cinq jours après il retourna dans son pays avec
sa maitresse, me promettant de correspondre avec moi.
Après trois mois, n'ayant pas reçu de nouvelles, j'écrivis à l'ami
commun pour en avoir, dans Je désir bien naturel de suivre un
cas si intéressant. Y... se décida alors à m'annoncer qu'il allait
de mieux en mieux et- qu'il espérait bientôt être complètement
guéri ; ajoutant qu'il avait été contraint par force majeure d'ap-
pliquer toute ma prescription, car peu après le retour, il avait été
abandonné par sa maîtresse que Paris avait séduite.
Voilà, par conséquent, un troisième cas où, à aucun
moment, le sujet n'a souffert de la cause indiquée par
M. Freud. Dans les deux précédents, l'éjaculation était
obtenue par des manoeuvres complètement anormales; la
flagellation fessière à l'aide de la serviette mouillée et la
succion buccale avec chatouillement de l'anus et des
bourses. Là, le coït était naturel, car il y avait pénétration
complète de la verge dans le vagin et émission du sperme
dans cette cavité, seulement il se compliquait d'une position
anormale permettant le chatouillement des bourses et la
satisfaction d'un fétichisme du pied nu. Cette fois encore, le
rapport de cause à effet semble établi par l'apparition de
l'obsession, consécutivement à ce coït bizarre et par sa dis-
parition presque complète après cessation de celui-ci.
M. Freud a, par conséquent, raison d'insister comme il le
fait sur la part considérable qui revient à la vie sexuelle
dans la genèse de l'obsession. Sa double erreur est de sou-
tenir que cette part est entière et'ensuite que c'est seule-
ment l'accumulation incomplètement satisfaite de l'excita-
tion génésique qui produit le mal. Nos trois observations
ASSOCIATIONS PSYCHIQUES ET ÉTATS MÉLANCOLIQUES. 305
démontrent que cette dernière assertion est contredite par
les faits. La première n'est pas moins erronée, et qui n'est
pas un prédisposé vésanique héréditaire, peut rester conti-
nent même en luttant contre Vénus toute entière, à sa proie
attachée, ou au contraire satisfaire largement ses-ardeurs
par les procédés les plus anormaux, s'il devient aliéné, il ne
sera pas un obsédé; il a, au contraire, les plus grandes
chances de le devenir, aussi bien et peut-être plus encore
dans le second cas que dans le premier, s'il a une tare fami-
liale.
La connaissance de la vie sexuelle de l'obsédé n'est donc
pas la satisfaction seulement d'une curiosité scientifique. Il
y a là une indication thérapeutique de tout premier ordre.
J'estime, en effet, que la connaissance complète de cette vie
est indispensable pour la rectifier si elle est anormale, et elle
l'est presque toujours d'une façon ou d'une autre, car il est
exceptionnel qu'elle soit normale chez le dégénéré. On
arrive vite d'ailleurs à en faire comprendre toute l'impor-
tance aux obsédés d'abord dont le trouble intellectuel est
conscient et ensuite à leurs compagnes, et ils ne cachent
rien.
PATHOLOGIE MENTALE
CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE l'Université DE MOSCOU.
Sur les associations psychiques obsédantes de
contraste dans les états mélancoliques.
Par le D' SERGE SOUKHANOFF,
Privat-docent de l'Université de Moscou.
L'organisation neuro-psychique particulière, s'exprimant
par l'apparition chez un individu donné de différents états
psychiques obsédants (idées, représentations, désirs, mou-
vements obsédants, etc.), peut se manifester d'une manière
différente; cela dépend, premièrement, du contenu des pro-
Archives, 2' série, t. XVIII. 20
306 . CLINIQUE MENTALE.
cessus obsédants; secondement, cela dépend aussi de la
profondeur de l'anomalie, dont il est question ici. Comme
nous avons déjà eu l'occasion de le dire plus d'une fois, les
cas les plus légers de la constitution idéo-obsessive s'expri-
ment dans l'existence d'un caractère scz·upulo-izzquiet. L'indi-
vidu possédant un tel caractère est très porté à s'inquiéter à
propos de bagatelles mêmes, peut longtemps penser à ces
dernières; en outre, un tel individu se diffère par un scru-
pule exagéré et une indécision relativement à ses actions et
à ses affaires; il n'est jamais sûr de ses forces, ni de la
régularité de ses décisions ; il est porté souvent à des
doutes, mais, en même temps, généralement il possède un
sens moral plus ou moins développé. C'est justement ce
caractère scrupulo-inquiet qui sert de base indispensable
pour les processus psychiques obsédants exprimés d'une
manière plus accusée, où se rapportent la psychopathie
idéo-obsessive et la psychose idéo-obsessive. Lorsque l'on
observe chez le malade une aggravation des états psychi-
ques obsédants, lorsqu'ils sont abondants et intenses, lors-
qu'ils rendent la conduite du malade irrégulière et le pri-
vent de la possibilité de s'occuper de quelque chose, alors
nous aurons devant nous un cas de psychose, où les états
psychiques obsédants font l'essentiel de la maladie, où ils
sont prédominants et où on ne peut parler d'aucun autre
trouble mental. Outre les états obsédants essentiels, exis-
tent des idées et des représentations obsédantes symptoma-,
tiques, accompagnant une autre organisation neuro-psychi-
que quelconque : par exemple, hystérique ou épileptique,
ou servant d'un des phénomènes accessoires de quelque
psychose (démence précoce, paralysie générale, etc.). La
constitution idéo-obsessive est très portée à se combiner
avec certains états psychopathiques ou nombreux, il est
vrai; chez les personnes souffrant d'états psychopathiques
obsédants se rencontre souvent une inclination à des accès
mélancoliques temporaires. L'évolution de la mélancolie
sur le terrain de la constitution idéo-obsessive donne un
tableau clinique particulier de mélancolie avec idées obses-
sives ; en ayant affaire à de pareils cas, nous avons pu
constater, en questionnant les malades eux-mêmes, qu'ils
avaient eu, encore auparavant, des idées obsessives; dans
certains cas de ce génie, c'est-à-dire dans la mélancolie
ASSOCIATIONS PSYCHIQUES ET ÉTATS MÉLANCOLIQUES. 307
avec états psychiques obsessifs, on pouvait noter dans
l'anamnèse des malades l'existence d'un caractère scrupulo-
inquiet et indécis, servant de manifestation la plus faible
de la constitution idéo-obsessive. La mélancolie s'étant
développée sur le terrain de la constitution que nous avons
en vue, favorise la manifestation plus marquée des états
psychiques obsédants ; parfois il arrive d'observer une com-
binaison particulière de l'état mélancolique très accusé
avec la constitution idéo-obsessive, lorsque chez le malade
prédominent les associations psychiques obsédantes de
contraste. Pour l'explication de notre manière de voir, nous
nous permettons de citer ici un cas s'y rapportant, où
encore avant l'apparition de la maladie on observait chez le
malade un caractère scrupulo-inquiet; les associations
pénibles obsédantes de contraste se sont manifestées chez un
jeune homme dans une des phases mélancoliques de la
psychose circulaire.
Malade, jeune homme, âgé de vingt-six-vingt-sept ans, souffre
d'une psychose circulaire; il a supporté plusieurs accès de manie,
parfois avec un haut degré d'excitation, avec délire et hallucina-
tions ; les accès duraient ◀tantôt▶ plusieurs mois, ◀tantôt▶ ils étaient
plus courts. Dans les intervalles entre les périodes de l'état
maniaque, parfois d'assez longue durée, le malade se trouvait dans
un état de légère dépression. Il se plaignait ordinairement d'une
excitation sexuelle et parfois de pollutions fréquentes. L'une des
périodes de l'état dépressif s'était manifestée dans une forme très
accentuée; un temps il y avait même trouble de conscience ; le
malade se trouvait dans un état de peur et d'inquiétude. Lorsque
la conscience s'éclaircit, se manifesta alors chez le malade un
symptomocomplexus psychique particulier, sur lequel nous nous
permettrons d'attirer l'attention ici. Le malade commence à dire
qu'il entend des paroles et des phrases d'un contenu obscène et
cynique; il les entend dans les bruits qui l'entourent, dans le bruit
des arbres et celui du vent; parfois il entend clairement les paroles
suivantes « Tu es un criminel », quelqu'un dit ces mots d'une voix
nasillarde; d'autres fois, il lui semblait entendre des fragments
de vers, dont le contenu ne le regardait pas et lui était indifférent.
◀Tantôt▶ il eprouvait une sensation comme si sa langue, contre
sa volonté et son désir, prononçait des paroles et des phrases gros-
sières et indécentes; le malade s'inquiétait aussi beaucoup à propos
des idées sacrilèges, exprimées chez lui d'une manière très marquée*.
11 se plaignait de cela qu'il ne voulait nullement prononcer de telles,
paroles et de telles phrases qui contredisaient tout à. fait, sa.
308 CLINIQUE MENTALE.
manière de voir. Les idées obsessives sacrilèges et cyniques le
dominaient surtout pendant la prière. Assez souvent le malade
remarquait un désir obsédant de prononcer (pas haut, il est vrai),
des invectives et de gros mots contre ses parents et contre le méde-
cin qu'il connaissait déjà depuis longtemps; il comprenait très
bien lui-même que ces mots étaient très grossiers et très cyniques.
Le malade insistait sur ce que le désir obsédant de prononcer
ces paroles à l'adresse de ses parents ou des personnes qu'il esti-
mait, était exprimé d'une manière plus accentuée pendantles mou-
vements rapides ou pendant la promenade, lorsqu'il marchait
vite ; au contraire, les mouvements lents aidaient à l'affaiblisse-
ment de ce désir obsédant et de ces représentations obsédantes.
Si le malade, à l'aide de la prière, voulait chasser les pensées obs-
cènes et sacrilèges, alors parfois, en ce temps, il entendait comme
si quelqu'un lui disait : « Prie pour l'assassinat des étudiants, »
ou « Prie pour l'inceste », ou encore quelque chose dans ce genre.
Quelquefois le malade, à l'apparition de telles pensées ou de telles
hallucinations auditives, tâchait de se défendre, en ripostant par
les paroles suivantes : « Ce sont des bêtises, je ne le veux pas. »
◀Tantôt▶ il s'imaginait qu'il avait violé une petite fille et que la police
venait pour le questionner, etc. : mais le malade ajoutait tout de
suite qu'il sait et qu'il comprend bien que cela n'a jamais été. En
général, il faut remarquer que le malade se rapporte d'une ma-
nière critique et qu'il a conscience des fausses sensations auditives
et dee idées obsédantes obscènes et sacrilèges qui ont été citées
plus haut. En outre, le malade se plaint que des illusions
visuelles l'inquiètent beaucoup; il en avait en quantité assez con-
sidérable, et ces illusions étaient parfois très nettes et distinctes,
mais, ordinairement, ces fausses représentations visuelles n'étaient
pas très nettes, le malade croyait voir les têtes, les parties du
corps, les yeux de quelqu'un de ses proches parents, par exemple de
la mère ou des frères, ◀tantôt▶ il lui semblait qu'il voyait le portrait
de son père défunt, en aspect d'un crâne avec des yeux; ces fausses
représentations visuelles pour la plupart étaient passagères, suc-
cédant l'une l'autre. Pendantle dîner, se représentaient au malade
les organes génitaux de ses parents; quelquefois il lui semblait
lorsqu'il prenait le pain dans la bouche, que ce n'était pas du
pain, mais, par exemple, l'oeil de sa mère ou de son frère ; et il se
sentait tellement, parfois, comme s'il mangeait effectivement les
yeux ou les organes génitaux de ses parents; pourtant, tout le
temps il comprenait qu'il n'y avait rien de tout cela en réalité et
que tout cela lui parait à cause de sa maladie. Parfois il voyait
d'une manière obsédante l'acte du coit; d'autres fois, il lui parais-
sait qu'il s'évacuait sur la tête de ses parents ou sur quelque chose
de saint, par exemple sur l'image d'une croix; tout cela le tour-
mentait beaucoup et souvent il tâchait de retenir ses excréments,
ASSOCIATIONS PSYCHIQUES ET ÉTATS MÉLANCOLIQUES. 309
quoi qu'il comprenait que tout cela lui semble à cause de sa ma-
ladie.
Le cas suscité présente un grand intérêt, selon notre avis.
Premièrement, chez notre malade on doit noter l'existence
d'un état de dépression, se combinant avec une masse de
représentations obsédantes et d'idées obsessives les plus
variables. La nomination de ces représentations et de ces
idées « obsédantes » est parfaitement juste et légitime ici,
car le malade comprenait très bien, du moins lorsque le
trouble de conscience temporaire s'était dissipé, toute l'ab-
surdité, toute l'ineptie de telles pensées et de telles repré-
sentations ; il savait qu'il est malade, priait de lui aider et
disait que tous ces mots obsédants, grossiers et obscènes le
vexaient, l'opprimaient, l'agitaient, contredisaient à sa
moralité et apparaissaient pour lui comme quelque chose
d'étranger, ne lui appartenant pas. Par conséquent, il y
avait ici de vraies idées et de vraies représentations obsé-
dantes. Secondement, par leur caractère les unes et les
autres étaient cyniques, obscènes, sacrilèges et grossières ;
dans le cas donné sautent aux yeux les associations obsé-
dantes des idées et des représentations de contraste ;
comme nous l'avons déjà vu plus haut, le malade lui-même
disait que pendant la prière les idées obscènes et indécentes
étaient plus nombreuses ; il remarquait lui-même que les
idées cyniques et obscènes se combinaient dans son esprit,
préférenciellement, avec les parents qu'il- aimait. Troisiè-
mement, il est intéressant de noter encore dans le cas
donné ce fait que les idées obsessives et les représentations
obsédantes s'entremêlaient avec les fausses perceptions des
organes sensoriels ; le malade avait encore en liaison avec
les idées et les représentations obsédantes des illusions et
des hallucinations visuelles et auditives ; c'est curieux de
noter que les illusions et les hallucinations du côté des
organes visuel et auditif se distinguaient aussi par un carac-
tère indécent, obscène et cynique. Ici on pouvait parler
quelquefois de cela que le malade avait des représentations
( obsédantes tellement nettes et intenses qu'elles se transfor-
maient en images hallucinatoires et illusoires, c'est-à-dire
qu'elles revêtaient un caractère sensoriel et se reproduisaient
extérieurement. Dans le cas donné, nous avons l'exemple
d'une forme hallucinatoire des obsessions morbides ; mais il
310 CLINIQUE MENTALE.
n'y avait point ici d'illusions ou d'hallucinations obsédantes;
que notre opinion n'est pas sans fondement, cela se voit,
entre autres, de ce fait que les représentations obsédantes
chez notre malade étaient très nettes et très intenses, et les
images illusoires et hallucinatoires, surtout les images
visuelles, ne l'étaient pas parfois ; le malade avait encore,
certes, de telles hallucinations, par exemple auditives qui
étaient en liaison avec son état mélancolique. Si dans ce cas
il aurait eu des hallucinations obsédante's, alors elles se
seraient distinguées par une plus grande netteté, par une
plus grande intensité que cela a eu lieu chez le malade
donné. Quatrièmement, il est indispensable d'examiner
encore le terrain sur lequel se sont manifestées ces associa-
tions psychiques obsédantes ; d'après notre avis, les états
psychiques obsédants se développent sur le terrain d'une
organisation neuro-psychique congénitale particulière,
lorsque existe la constitution idéo-obsessive. En question-
nant d'une manière plus détaillée le malade lui-même, nous
avons pu nous convaincre dans cela que son caractère se
différait par certaines particularités ; le malade, en somme,
était scrupuleux, indécis, enclin à des inquiétudes ; il n'était
pas toujours sûr de ses actions; il était timide, c'est-à-dire
qu'il possédait le caractère scrupulo-inquiet, que nous
envisageons comme forme la plus faible de la constitution
idéo-obsessive ; c'est donc justement cette organisation
fondamentale qui a servi de base et de terrain pour la mani-
festation des processus psychiques obsédants ; ces derniers
ont surnagé et se sont développés sous l'influence de l'état
mélancolique, qui, relativement à ces processus psychiques
obsédants, apparaît comme moment provocateur. Il est
intéressant que dans les états maniaques que le malade a
supporté il n'y avait point ni d'idées obsessives, ni des
représentations obsédantes; évidemment, l'état d'excitation
avec le cours exagéré des idées influait sur les états obsé-
dants d'une manière dépressive.
Dans le cas sus-cité le malade parle volontiers avec le
médecin de son humeur, de ses associations obsédantes de
contraste, des fausses perceptions du côté de ses organes des
sens; et comme, en outre, le malade était un homme intel-
ligent, habitué à l'auto-observation et à l'auto-analyse, cette
observation apparaît très instructive pour l'investigation de
ASSOCIATIONS PSYCHIQUES ET ÉTATS MÉLANCOLIQUES. 311
la question abordée par nous, à savoir, des associations
psychiques obsédantes de contraste dans les états mélanco-
liques. Bien des malades, chez qui on rencontre les symp-
tômes psychiques cliniques analogues, sont loin de vouloir
parler de si bonne volonté de leurs sensations morbides,
comme le faisait notre malade ; d'autres se gênent d'en parler,
car souvent les associations obsédantes de contraste sont
d'un contenu obscène, indécent et cynique. 1
Dans un cas,* observé à la clinique psychiatrique de
Moscou, les associations obsédantes de contraste, dont nous
parlons, se sont développées chez un malade, de quarante
ans, abusant des boissons fortes ; dans ce cas, après l'abus
de l'alcool, se développa d'une manière aiguë la psychose
mélancolique, en forme' de mélancolie alcoolique, qui,
comme ordinairement, dans, ce cas aussi, était accompa-
gnée d'hallucinations auditives d'un contenu désagréable;
pourtant, bientôt après le début de cette maladie appa-
rurent chez ce malade des idées d'un contenu obscène et
aussi d'autres associations de contraste, liées avec la repré-
sentation des aliments; la conscience du malade était bien
conservée, mais il ne parlait pas volontiers de ses idées
obscènes et indécentes. En questionnant le malade sur son
caractère d'avant, nous apprimes que dans ce cas de psy-
chose alcoolique, c'est-à-dire, de mélancolie alcoolique, le
malade avait aussi un caractère scrupulo-inquiet; il avait,
d'après notre avis, la forme légère de la constitution idéo-
obsessive, qui a servi de terrain pour la manifestation des
associations obsédantes (de contraste) dans l'état mélanco-
lique.
Et dans d'autres cas, s'y rapportant, c'est-à-dire, là, où
nous constatons dans l'état mélancolique des associations
psychiques obsédantes de contraste (des idées et des repré-
sentations obscènes etcyniqûes), en questionnant les malades
eux-mêmes, on parvient à trouver la confirmation de notre
supposition que- de pareilles associations obsédantes ont
leurs racines dans l'existence chez les malades de ce genre
d'un caractère scrupulo-inquiet, c'est-à-dire, dans l'existence
chez eux des états obsédants rudimentaires. Sans doute,
chez les malades de cette catégorie, encore avant la manifes-
tation d'une psychose définie, sont possibles aussi des repré-
sentations, des idées et des peurs obsédantes, exprimées
312 RECUEIL DE FAITS.
d'une manière plus ou moins accentuée, et non seulement le
seul caractère scrupulo-inquiet.
Nous nous permettons de faire les conclusions suivantes :
1. Dans certains cas d'états mélancoliques on observe des
associations obsédantes psychiques de contraste, exprimées
d'une manière très marquée; une telle connexion des symp-
tômes psychiques peut être rencontrée dans le cours de la
période mélancolique de la psychose circulaire, de même
que dans la mélancolie alcoolique; le plus souvent ce symp-
tôme complexus s'observe dans la mélancolie récidivante
avec états psychiques obsédants.
2. Dans les cas où existe la combinaison sus-indiquée des
phénomènes psychiques, on parvient à constater dans
l'anamnèse des malades la présence d'un caractère congéni-
tal scrupulo-inquiet, comme l'une des formes (la plus
légère) de la constitution idéo-obsessive.
3. Parfois dans la coexistence de l'état mélancolique et
des associations psychiques obsédantes de contraste la net-
teté et l'intensité des représentations obsédantes peut
atteindre à un tel degré, que ces dernières revêtent déjà une
coloration sensorielle et mènent à la formation d'une forme
hallucinatoire et illusoire des représentations obsédantes.
RECUEIL DE FAITS.
Des rapports de l'anesthésie avec les rêves et les
cauchemars chez une hystérique ; ;-
Par le Dr Etienne JOURDAN.
Marie-Louise P..., vingt ans, est une hystérique anesthésique
totale. Cette anesthésie a déterminé un accident qui attire immé-
diatement l'attention : ce sont des borborygmes qui se produisent
surtout dans les stations assise et debout, et pour lesquels la
famille, justement émue, s'est décidée à consulter. Mais il est un
autre phénomène qui bien que moins apparent présente cepen-
dant un grand intérêt, ce sont les troubles du sommeil. La nuit,
dès que la malade ferme les yeux, se produisent des rêves et des
L'ANESTHÉSIE AVEC LES RÊVES ET LES CAUCHEMARS. 313
cauchemars très pénibles. Ces rêves gravitent autour de la même
idée : peur de tomber, de s'étouffer. La malade se croit au bord
d'un précipice dans lequel e : le tombe ; elle marche dans un sen-
tier étroit bordé de grands murs qui vont en se resserrant et
l'étouffent ; elle est au bord de la mer et a peur de se noyer ; elle
est couchée et des fantômes se précipitent sur elle et l'étranglent.
Dans cet état, la malade gémit, pousse des cris d'effroi, se soulève
sur son lit, gesticule, s'agite jusqu'au moment où elle se réveille
ou plus exactement, ouvre les yeux ; alors tout disparait.
Ces cauchemars sont, pour ainsi dire, stéréotypés ; ils se produi-
sent dès que les yeux sont fermés et ne disparaissent que lorsque
les yeux se rouvrent. Mais il lui est impossible d'ouvrir elle-même
les yeux ce qu'elle traduit en disant qu'il faut qu'on la
réveille, qu;elle ne peut pas s'éveiller toute seule à moins que la
terreur trop forte ne lui fasse pousser de tels cris que ceux-ci la
réveillent. Une fois réveillée elle garde le souvenir de ses cauche-
mars, mais il est une chose dont elle ne peut se rendre compte, ce
sont les mouvements qu'elle fait. « Je suis horriblement mal dans
mes rêves et je suis d'autant plus effrayée que je ne puis me
réveiller parce que je ne puis faire un mouvement, je ne sens plus
mon corps, on dirait que je suis paralysée. »
Ces rêves ont ceci de caractéristique, c'est que la malade ne peut
d'elle-même ouvrir les yeux; elle sent qu'elle est réveillée, mais
elle ne sait pas où elle est; incapable d'un effort conscient elle
appelle à son aide et demande qu'on lui fasse ouvrir les yeux.
« Dès que mes yeux sont ouverts, je sais où je suis et alors je suis
bien. » Pour la réveiller, il faut agir d'une certaine manière : si on
s'approche d'elle brusquement, si on l'appelle un peu fort on ne z
fait qu'exagérer sa terreur, il faut l'appeler doucement et encore
mieux souffler sur ses yeux, elle les ouvre et tout est fini.
En présence de ces phénomènes et étant donné le diagnos-
tic, jepensais qu'il s'agissait là de somnambulisme spon'ané
comme on en rencontre assez souvent chez les hystériques.
Voulant m'en rendre compte je devais, en provoquant l'hyp-
nose, obtenir les mêmes phénomènes. Voici comment je pro-
cède : je ferme les yeux à la malade (ce qui m'est difficile
les paupières étant maintenues ouvertes par un véritable
spasme; dès que celui-ci est vaincu l'occlusion se maintient) s.
et lui ordonne de dormir. Elle me répond « je ne puis pas,
j'ai peur, je vais tomber, je m'étouffe, je suis mal » et tous
les phénomènes qui caractérisent son sommeil ordinaire,
et que j'ai décrits, se reproduisent. Il est impossible, dans
cet état, de faire une suggestion quelconque à la malade :
314 RECUEIL DE FAITS.
elle s'irrite, se débat, gémit, pousse des cris, se plaint jus',
qu'à ce que, cédant à sa prière, on lui fait ouvrir les yeux,
alors elle est bien et tout disparaît. On peut répéter la chose
à l'infini : les yeux fermés, les cauchemars apparaissent,
pour ainsi dire instantanément, les yeux ouverts ils dispa-
raissent. Demandez à la malade si réellement elle dort : «Je
ne sais pas, mais dès que j'ai les yeux fermés j'étouffe et
j'ai peur ». Ces deux sensations d'étouffement et de terreur,
sont typiques, elles forment, à elles seules, la base du cau-
chemar.
Est-ce bien là du somnambulisme ? Nous ne le croyons pas
et cela pour deux raisons : .
1° Cette malade, dès que ses yeux sont fermés, perd abso-
lument la notion de temps et d'espace : elle ne sait plus où
elle est, elle ne sait plus son âge, elle n'a plus aucune notion
sur son corps, elle ne sait plus où sont ses bras et ses jam-
bes, si elle est debout, assise ou couchée, elle est incapable
d'un effort physique ou intellectuel ; elle croit tout ce qu'on
lui dit parce que « ce doit être puisque vous le dites.... mais
faites-moi ouvrir les yeux et alors je saurais ». Demandez
lui si elle dort « je suis éveillée, mais je suis mal parce que
je n'y vois pas ». Faites-là marcher et fermez-lui les yeux ou
plus simplement empèchez-là de voir ses jambes, elle s'ar-
rête et ne peut tenir debout. Demandez-lui où elle est et fer-
mez-lui les yeux elle ne saura plus. En sorte que par cet acte
simple, l'occlusion des yeux, on arrête sa vie tant physique
que psychique. Dans cet état elle n'obéit à aucune sugges-
tion, ou, si elle y obéit, c'est que « je suis forcé de croire
ce que vous me dites parce que je n'y vois pas ; faites-moi
ouvrir les yeux et alors je me rendrais compte ».
2° Si on détermine l'hypnose par fixation du regard, ce
qui est facile, on obtient alors toutes les réactions qu'on
obtient dans cet état, mais il est un point très important
pour ce qui nous occupe, c'est que, dans ce somnambulisme
provoqué, bien que les yeux soient fermés, la malade ne pré-
sente pas ces frayeurs et ces angoisses qui apparaissent lors-
qu'on se borne simplement à faire l'occlusion des yeux. Dans
ce dernier cas le sujet est absolument rebelle, il se débat,
crie, se plaint, demande instamment à ce qu'on lui ouvre les
yeux. Dans le premier cas, au contraire, il est calme, obéit
passivement aux suggestions qu'on lui fait et ne demande
L'ANESTllESOE AVEC LES RÊVES ET LES CAUCHEMARS. 315 â
pas à ouvrir les yeux ; si on les lui fait ouvrir il ne se rend
pas compte du lieu où il se trouve, ne reconnaît pas les per-
sonnes qui l'entourent, continue à obéir aux suggestions ;
il ne retourne à son état normal que si on le réveille et
alors il ne garde aucun souvenir de ce qui s'est passé.
Les rêves que nous avons décrits ne sont donc le fait ni
du sommeil normal ni du sommeil hypnotique, ils sont étroi-
tement liés à l'anesthésie. En effet, nous l'avons dit, cette
malade est anesthésique totale, elle n'a conservé aucun mode
de sa sensibilité tant externe qu'interne, une seule fonction
lui reste à peu près normale, la vue. Elle n'a de notion de
temps et d'espace que parce qu'elle y voit : elle ne vit que
par un sens, la vue ; celle-ci disparue elle perd toute notion
et croit qu'elle va mourir parce que « je n'y vois plus, je ne
saispas où je suis, je ne sens plus rien, je tombe, je m'étouffe,
je vais mourir ». Lés yeux fermés elle est incapable d'une
pensée, d'un mouvement conscient : elle peut étendre ou plier
un membre, elle peut se soulever sur son lit mais sans s'en
rendre compte, sans le savoir ; on dirait que les connexions
cérébro-bulbaires et cérébro-spinales sont abolies, elle en est
réduite aux réflexes élémentaires. Et c'est parcequ'elle n'a
plus aucune perception consciente tant externe qu'interne
qu'elle ne sait plus ce qu'elle fait, qu'elle croit ne plus exis-
ter. Les rêves ne sont que le résultat de cette, absence de
perception. A l'état normal, la sensation de bien-être est
déterminée par l'équilibre, l'harmonie des fondions organi-
ques ; que cet équilibre soit détruit et deux cas se présen-
tent : ou bien le sujet est éveillé et alors il à la perception
nette, consciente de l'anomalie d'une fonction, il souffre et
peut localiser sa souffrance ; ou bien il dort et alors il ne
peut avoir qu'une perception obscure, subconsciente de sa
souffrance ; des associations plus ou moins bizarres se for-
ment et le résultat en est un cauchemar plus ou moins vio-
lent. Tout le monde connaît les cauchemars liés aux troubles
de la digestion, aux troubles cardiaques, aux troubles intes-
tinaux... chez notre malade il ne se passe pas autre chose
avec cette différence cependant qu'elle ne dort pas.. Il n'y a
qu'une chose qui différencie son état de pseudo-veille de son
pseudo-sommeil c'est, dans' un cas, les yeux ouverts, dans
l'autre, les yeux fermés ; mais dans ces deux états les trou-
bles qu'elle présente sont identiques c'est-à-dire qu'elle est
316 RECUEIL DE FAITS.
toujours anesthésique et que pas plus dans un cas que dans
l'autre elle n'a de perceptions nettes des fonctions qui s'ac-
complissent. Ce qui, à première vue, peut tromper c'est que,
lorsqu'elle* a les yeux ouverts, grâce aux points de repère
qu'elle peut établir, elle semble avoir conscience de ses actes
et partant de vivre ; que la vue vienne à lui manquer, les
points de repère disparaissant de ce fait, elle perd conscience,
elle ne sait plus si elle vit; chez elle tout ce réduit donc à un
sens, à une perception unique, la perception visuelle. Il n'y
a donc pas, à proprement parler, veille ou sommeil, il y a un
engourdissement des centres corticaux et c'est à cet état que
il. Sollier a donné le nom de vigilambulisme, le différenciant
ainsi et du sommeil normal et du sommeil hypnotique.
Ceci étant, comment interpréter les cauchemars que notre
malade présente dès que ses yeux sont fermés ? Par l'anes-
thésie. Nous avons dit que ces cauchemars étaient constitués
par un même sentiment, la peur de tomber, la crainte d'é-
touffer. Or cette malade a perdu sa sensibilité cutanée, mus-
culaire, osseuse de sorte qu'elle n'a plus aucune perception
périphérique : ne sentant plus son corps elle éprouve cette
sensation de chute que chacun a éprouvé au moins une fois
dans la période hypnagogique. N'ayant plus aucune percep-
tion de ses poumons puisqu'elle ne sent pas l'air y pénétrer
« ça s'arrête au fond de la gorge et il ne peut plus descendre.
on dirait que c'est bouché » elle croit s'étouffer. Et comme
on ne tombe et on ne s'étouffe pas sans raison, elle associe
-ses sensations qui ne sont pas, à proprement dit, des sensa-
tions, mais l'interprétation de sensations absentes qui de-
vraient normalement exister, aux causes ordinaires de la
chute ou de l'étouffement d'où les précipices, les murs qui
l'écrasent, les fantômes qui l'étranglent, l'eau qui la noie. Et
- ces phénomènes entrainent avec eux les réactions ordinaires
qui sont la terreur, ici rendue plus intense par ce fait que la
malade, du fait de son anesthésie générale, est incapable,
consciemment, de faire un effort pour se soustraire à ces cau-
ses de mort. Elle ne peut sortir de cet état qu'en ouvrantles
yeux, elle a alors la preuve visuelle qu'elle n'était que le
jouet d'un rêve; mais, pour cela, elle ne sent pas mieux,
elle constate simplement, de visu, l'absence des causes qui
l'effrayaient et avec elles disparaissent toutes les conceptions
subjectives auxquelles elles avaient donné lieu.
L'ANESTHÉSIE AVEC LES RÊVES ET LES CAUCHEMARS. 317
Reste à expliquer un fait qui pourrait militer en faveur
d'un sommeil hypnotique : l'impossibilité de la malade à
ouvrir spontanément ses yeux. Ici encore c'est l'anesthésie
qui nous donnera la clef du phénomène. De par la perte du
sens musculaire, le tonus est modifié, il y a hypotonicité
musculaire. Si on dit à la malade de raidir un bras ou
une jambe, le temps mis à l'exécution de ce mouvement est
beaucoup plus long qu'à l'état normal. De plus ce membre
se raidit d'une façon spasmodique s'accompagnant d'un cer-
tain degré de contracture qu'il est difficile de vaincre, ce qui
étonne étant donné le peu de résistance ordinaire de la malade.
De même lorsque le membre fléchit ou mieux revient à son
état de repos, la flaccidité musculaire est exagérée et rappelle
la paralysie. Il ne se passe pas autre chose pour les paupières.
Ouvertes elles sont maintenues dans cet état par un vérita-
ble spasme au point que la malade elle-même lorsqu'elle
veut dormir, ce qui pour elle revient à fermer les yeux, est
obligée de mettre sa tête basse, de se couvrir de couvertures
et elle n'arrive à les maintenir fermées qu'après plusieurs
essais. Il en est de même lorsqu'on veut baisser les paupières
de la malade ; si on ne les maintient pas fermés quelques
instants, elles se relèvent immédiatement d'un mouvement
automatique ; de même lorsque les paupières sont baissées
il faut les maintenir ouvertes quelques instants si on ne veut
pas les voir se baisser aussitôt. C'est bien là un phénomène
qui tient bien plutôt à la modification du tonus qu'à un état
psychique spécial caractéristique du somnambulisme.
Nous voyons donc que chez le malade dont nous donnons
l'observation, les phénomènes nocturnes que l'on observe
peuvent en imposer, au premier abord, pour du somnambu-
lisme spontané : mais si on les analyse bien on voit que ceux-
ci sont sous la dépendance la plus étroite des troubles de la
sensibilité, troubles qui déterminent un état spécial, état de
défiscience psychique et somatique qui ne peut être rattaché
ni au sommeil normal ni au sommeil hypnotique et que
M. Sollier a différencié en lui donnant le nom de vigilambu-
lisme. Il est un phénomène primordial dans l'hystérie, c'est
l'anesthésie : . c'est elle qui domine tous les phénomènes
observés dans cette névrose et qui les détermine. Le somnam-
bulisme peut s'observer dans l'hystérie, il peut être provo-
qué plus facilement que dans d'autres états par suite de l'ins-
318 ' RECUEIL D'E FAITS.
tabilité psychique de ces malades, mais il n'en est pas moins
un état différent de l'hystérie, et n'a avec elle aucune rela-
tion de cause à effet. L'hystérie est un terrain admirablement
préparé pour l'hypnose, ce qui ne veut pas dire qu'hystérie
et somnambulisme sont des manifestations identiques d'un
même trouble des centres nerveux : tous les somnambules
ne sont pas des hystériques et tous les hystériques ne sont
pas somnambules. C'est là d'ailleurs une question sur laquelle
nous ne voulons pas nous appesantir; tout ce que nous ten-
dons à faire c'est de justifier notre conception des rapports
de l'anesthésie avec les cauchemars que nous avons obser-
vés. Et ce qui nous prouve, et cela il nous semble, d'une
façon décisive, l'exactitude de ce que nous avançons, c'est
que l'intencité de ces cauchemars varie avec l'anesthésie. En
effet, resensibilisant notre malade par la méthode de M. Sol-
lier, la sensibilité tend à reparaître mais d'une façon encore
très instable. Je fais mes séances le soir, or, depuis quelques
jours, les cauchemars qui se produisent invariablement
toutes les nuits diminuent d'intensité et même disparaissent.
Mais l'anesthésie revient rapidement de sorte que si une
séance ne peut avoir lieu, la nuit suivante est agitée par les
cauchemars que j'ai signalés. Et, je tiens à le dire, je ne fais
aucune suggestion à la malade. C'est donc bien l'anesthésie
qui. par ses variations détermine et règle les rêves que j'ai
décrits 1.
De sorte que, en résumé, nous croyons avoir le droit de
dire que les phénomènes psychiques observés chez notre
malade, ne sont ni des manifestations somnambuliques ni
des rêves liés au sommeil normal, mais des manifestations
d'un état psychique spécial créé de toute pièce par l'anes-
thésie.
' Actuellement cette malade est très améliorée : la sensibilité. sauf
quelques points hyperesthésiques est normale. Elle n'en reste pas moins
hypnotisable et depuis le retour de la sensibilité je n'ai plus observé ni
dans le sommeil normal ni dans- le sommeil hypnotique les rêves que
j'ai signalés.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
XXXVIII. Remarques critiques relatives au mémoire de Biels-
chowsky intitulé : Diplopie monoculaire sans causes physiques,
et considérations sur la vision des strabiques ; par E. STOncH.
(Ceatral-Llatt f. Nervenheilh. XXIV. N. F. XII. 1901.)
L'auteur reprend l'observation parue dans les A l'chiv f.Ophthalmo-
log. 1. XLVI, p. 143. Il s'agit d'un jeune homme de dix-huit ans qui
louchait depuis son jeune âge de l'oeil gauche, astliénopique,. en
dedans, mais possédait une vision binoculaire passable. On est
obligé de lui énucléer. l'oeil droit. Quand dix-huit jours aptes l'opé-
ration, on l'examine, il dit voir double de l'oeil gauche qui lui
reste : à gauche et un peu au-dessous de l'objet qu'il fixe, il voit
un fantôme moins net. Pour fixer ce fantôme, son oeil exécute un
déplacement de 5° environ, et à ce moment l'objet vu gagne en net-
teté. Lui fait-on fixer l'image de la flamme dans l'opbthalmoscope,
on constate, au moment où on l'invite à regarder le fantôme de
cette flamme, que la macula' se place du côté de la tempe. Hering
a établi qu'il n'y avait pas, en l'espèce, de cause matérielle à la
genèse de deux images rétiniennes, que la diplopie tenait à un
dédoublement de la pupille ou à une modification saccadée des
coefficients de réfrangibilité des milieux de l'oeil.
M. Storch pense qu'on est obligé d'admettre que l'élément de la
vision en perspective ne se confond pas avec l'élément sentant de
la rétine, qu'il a encore un autre facteur. L'oeil qui louche a une
macula physiologique à lui adaptée à l'appréciation de la pers-
pective sous la direction de la macula de l'oeil sain. Il a pour ainsi
dire deux centres de perception de l'espace : .le sien, celui des
adaptations originelles, et celui que lui a imposé l'oeil normal.
Tant que ce dernier lui imposait de faire attention à ses propres
images, et lui apprenait d'autres rapports, les adaptations origi-
nelles demeuraient inconscientes. Le jour où l'oeil normal a été
enlevé, celles-ci ont repris leur empire..
Il reste à expliquer comment chaque valeur de perspective pou-
vait être associée à une sensation lumineuse. L'histologie moderne
nous a appris que l'excitation la plus limitée de la rétine, se trans-
mettant jusqu'à l'écorce du lobe occipital, doit se diffuser sur un
grand espace, peut-être même se répandre à tout le compartiment
cortical. On ne peut guère ad1lJ.e.ttr¡¡ que l'hypothèse d'une cime
320 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
d'ondes en un point déterminé de l'écorce. Il est évident que cette
cime doit être aiguë quand elle émane de l'excitation de la macula
anatomique, mousse quand elle émane de l'excitation de la macula
physiologique, acquise. On peut ainsi concevoir que, au moment
où la région de l'écorce pseudomaculaire est excitée, la région
corticale de l'endroit de la rétine qui préside à la perspective de
l'image-fantôme, possède aussi assez d'énergie pour animer d'une
sensation lumineuse cette perspective dépourvue de vie par elle-
même. L'endroit de la rétine en rapport avec la pseudomacula est
symétrique à la macula anatomique.
Ce qui donne à cette explication une grande valeur, c'est que
l'image naturelle, émanant de l'image dioptrique sur la rétine,
présentait les phénomènes du' contraste simultané des couleurs;
l'image-fantôme ne les présentait pas, mais elle était comme tra-
versée par la couleur du voisinage. Or, le contraste en question
est l'oeuvre de la rétine. La sensation lumineuse appartenant à
l'image-fantôme est d'origine purement cérébrale et, par suite,
s'ajoute à la sensation colorée du voisinage émanée de l'excitation
rétinienne. P. KEIIA VAL.
XXXIX. Remarques critiques sur le livre de P.-J. Moebius, intitulé :
La bosse des mathématiques ; par W. AHRENS. (Centrulbl, f. A'er-
venheilk. XXIV. N. F. XII, 1901.)
Quelque intéressante que soit cette étude critique, elle doit à
notre avis, céder la place à l'examen ultérieur des faits réclamé
par M. Moebius, ainsi que nous l'avons dit dans notre analyse
de son livre dans le Progrès médical en 1900 ou 1901.
. P. KERAVAL.
XL. Courte communication sur une nouvelle méthode de colora-
tion du système nerveux central; par H.-v. SCHROETTER. (ACli-0-
log. Centralb. XXI. 1902).
Il s'agit de la moelle.
I. - Prenez une solution à 1 ou 2 p. 100 de sulfonalizarinate de
sodium bien conservée. Plongez-y les coupes vingt-quatre heures
si vous voulez. Cette solution vulgairement appelée d'alizarine est
d'un brun qui tire sur le vert. On différencie pendant une demie ou
une minute avec l'eau de source jusqu'à ce que la coupe prenne
une coloration rougeàtre. Mettre alors dans l'alcool absolu,
éclaircir avec n'importe quel agent. La substance grise est brun-
violet, la substance blanche, brun jaune. L'alizarine colore proto-
plasma, noyaux, fibres nerveuses, névroglie.La structure du noyau
et les grains de Nissl de la cellule sont très nets : nets aussi les
mailles et le réseau de la névroglie. La coloration des éléments
conjonctifs va du violet brun au violet; celle de la myéline, du
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 321
jaune à l'orange; les noyaux sont bruns ou violet brun. Les par-
ties dégénérées tranchent, même macroscopiquement, sur les
cordons intacts.
II. Coloration éleétive des manchons de myéline. A une so-
lution de sulfonalizarinate de sodium à 5 p. 100, ajoutez quelques
gouttes d'une solution à 5 p. 100 d'acide oxalique jusqu'à ce que
le liquide devienne jaune-orange. Plongez-y les coupes non trai-
tées, deux ou trois heures. Lavez à l'eau distillée. Placez dans une
solution sodique à 3 p. 1000. Vous obtenez une magnifique teinte
violet rouge : laissez dans ce liquide jusqu'à ce qu'il ne se déta-
che plus de matière colorante. Mettez dans l'alcool absolu. Eclair-
cissez n'importe comment. Les gaines de myéline sont d'un rouge
éclatant ; le reste du tissu est incolore. Seulement la différencia-
tion n'apparaît pas aussi nette à la lumière artificielle qu'à la
lumière du jour. P. KERAVAL.
XLI. Le parallélisme moderne; par G. Moskiewicz. (Centralbl. f.
. JVet'MH/tcA ? XXIV, N. F. XII, 1901.)
Etude très détaillée de la théorie du parallélisme moderne,
c'est-à-dire de la théorie qui dit que l'état physique n'est qu'une
manifestation de l'état psychique, que ce dernier seul possède les
caractères de la réalité (Paulsen, Ebbinghaus, Heymans). L'esprit
et la matière ne sont pas au fond différents l'un de l'autre : ce
que nous appelons le monde extérieur est aussi de nature psy-
chique ; tout ce qui est matériel n'est que le contenu de notre
conscience. Le monde extérieur n'est pour nous qu'une série de
sensations des sens, cela veut dire qu'il émane de l'action sur
notre conscience de phénomènes réels qui nous sont inconnus, et
ces phénomènes réels marchent parallèlement aux effets qu'ils
font sur notre conscience. Une partie de ces phénomènes réels,
nous la trouvons dans les phénomènes psychiques de notre indi-
vidu, puisqu'il nous faut admettre que ces derniers sont la cause
des perceptions enchaînées du cerveau qui évoluent parallèlement
à eux, qu'en un mot les phénomènes psychiques sont identiques
aux processus réels sous-jacents. Il y a. alors parallélisme entre
nos phénomènes psychiques et le décours des perceptions céré-
brales, mais sous la réserve que les premiers sont la cause des
secondes.
Voici dans ces conditions l'image du monde. Nous l'expliquons
par analogie avec ce qui se passe dans notre intimité, parce que
c'est notre intimité que nous connaissons seule. Le monde con-
tient, comme notre propre conscience, une série de processus
psychiques, exerçant les uns sur les autres la plus intime action
réciproque, qui sont analogues à ceux de notre propre conscience.
De même que celle-ci possède des groupes d'idées déterminées
Archives, 2- série, t. XVIII. 21
322 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
- si étroitement unis les uns aux autres qu'ils ne s'associent jamais
à d'autres, de même la conscience universelle contient une série
de membres complets, ayant une existence autonome ; ce sont les
individualités psychiques particulières. Ce détachement de
groupes particuliers de la conscience universelle implique que
chaque individu ne participe plus au mécanisme des phénomènes
de la conscience universelle, qu'il est simplement soumis aux
phénomènes de sa conscience individuelle.
M. Moskiewicz pense que cette théorie a l'avantage de corres-
pondre à l'esprit des sciences naturelles et à l'esprit de la philoso-
phie. Elle correspond à l'esprit des sciences naturelles parce
qu'elle laisse intégralement à celles-ci le droit de tout expliquer
mécaniquement, en faisant intervenir le principe de l'énergie.
Elle correspond à l'esprit de la philosophie parce qu'elle fait droit
aux considérations de la cognition qui doivent former la base de
toute philosophie et qu'elle contente toutes les aspirations de la
philosophie qui tend à la conception unitaire du monde.
P. IiERaI-.1L.
XLII. Observation de thrombose autochtone des sinus; par COOD.
('easrolog. Centrulbl., XXI, 1902.)
Une demoiselle de quarante-trois ans, débile mentale, mais
jusque-là vigoureuse et bien portante, est tout à coup prise
d'attaques épileptiformes, de vertiges, nausées, vomissements et
d'amaurose totale. La tète est très rouge, il existe de la cépha-
lalgie. Absence de raideur de la nuque, de paralysies, de sueurs
hémilatérales, de fièvre. Le second jour, 3 attaques. Le troi-
sième, 23 attaques, obtusion croissante, déviation alternative des
yeux, veines rétiniennes turgescentes, hémiparésie gauche, para-
phasie : rien du côté de la sensibilité, pouls régulier sans len-
teur. Le quatrième, coma : elle ne peut déglutir; parésie du
facial droit, accès subintrants, cyanose faciale et cervicale, sueurs
profuses, fièvre, pouls faible ; elle succombe le lendemain matin.
Le diagnostic hésite entre : hémorrhagies d'une tumeur de la
base jusqu'alors latente au niveau du chiasma, et une thrombose
du sinus longitudinal supérieur. L'autopsie révèle : de l'adipose
généralisée, une thrombose du sinus longitudinal supérieur et des
sinus tranverses, des hémorrhagies dans l'espace sous-araclinoi-
dien, de la pachyméningite hémorrhagique, des apoplexies cipal-
laires de l'écorce et de la substance blanche du cerveau, de l'hy-
drocéphalie interne, un coeur gras, une embolie du lobe inférieur
du poumon droit, la dégénérescence graisseuse des reins et du
foie. Au microscope, on constate des apoplexies capillaires très
pressées dans le lobe occipital, isolées dans le lobe frontal. Dilata-
tion extrême dans le lobe frontal des espaces lymphatiques péri-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 323
vasculaires et péricellulaires. Rien dans les cylindraxes, ni dans
les gaines de myéline. Les tuniques adventices ne sont pas le
sièg; de proliférations des noyaux; pas de prolifération névro-
glique. Fibres des nerfs optiques indemnes. Les cellules nerveuses
offrent tous les stades de la déchéance, en marche décroissante
d'arrière en avant. Mais il n'existe aucun foyer, aucun ramollisse-
ment dans l'écorce ou la substance blanche du cerveau ; nul
signe de processus infectieux; base du cerveau normale... .
P. KERAVAL..
XLIII.1es anomalies de formation du cercle artériel de Willis, leur
fréquence et leur signification chez les aliénés, par N.-A.
\V·souaow. (Obo1'énié psichiatrii, VI, 1901.).
Long travail dans lequel l'auteur étudie successivement l'état
normal et les affections dans lesquelles on rencontre des anoma-
lies de ce genre ainsi que ces anomalies elles-mêmes. Sur 112 affec-
tions mentales diverses on en a rencontré 85. Voir le tableau
détaillé.
Conclusions. 1. Les vaisseaux de la base du cerveau for-
ment deux systèmes, un système antérieur et un système posté-
rieur dont le développement se conforme au développement
embryonnaire du cerveau. Les hémisphères cérébraux avec les
ganglions sous-corticaux procèdent de la vésicule cérébrale pri-
mitive antérieure : ils sont principalement irrigues par le système
antérieur, c'est-à-dire par les branches de la carotide interne ;
seul leur segment postérieur (régions occipitales et une partie des
régions temporales) reçoit le sang du système artériel postérieur
par l'entremise de la cérébrale postérieure. Les dérivés des deux
vésicules primitives postérieures, tubercules quadrijumeaux avec
les pédoncules cérébraux, cervelet et bulbe avec la protubérance,
reçoivent leur sang exclusivement du système postérieur (artères
basilaires, vertébrales, cérébelleuses) abondamment pourvu en
toute cette région d'anastomoses. 2. Chaque artère corticale
constitue une région individualisée parce qu'elle ne possède pas
d'anastomoses suffisamment importantes : il s'en suit qu'une
anomalie de formation d'une artère cérébrale ne peut être équi-
librée par la compensation d'artères voisines. 3. On peu
diviser en deux groupes les anomalies de formation des artères
qui nourrissent les hémisphères cérébraux avec les ganglions
sous-corticaux et qui forment à la base du cerveau le cercle de
Willis ou, plus exactement, l'hexagone. Ce sont des modes de
formation anormaux (anomalies proprement dites) des vaisseaux,
ou des variétés dans le calibre des vaisseaux. 4. On rencontre
bien plus souvent chez les aliénés que chez les gens sains d'esprit
des anomalies de formation du cercle de Willis. Windle a indiqué
324 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
la proportion de 33,5 p. 100 pour les derniers, et de 51,8 p. 100
pour les aliénés. On est autorisé à mettre les anomalies du cercle
de Willis sous le même niveau que les autres signes physiques de
dégénérescence que l'on rencontre chez les aliénés. 5. Ces ano-
malies s'observent au premier chef dans la région de l'artère
cérébrale antérieure qui irrigue la province si importante des
lobes frontaux : proportion : 22,3 p. 100. Elles sont 'donc un peu
plus rares dans le système de la cérébrale postérieure : 17,8
p. 100. 0. Elles sont incomparablement plus fréquentes du
côté gauche : 24,9. 7. Les anomalies particulières à chaque
artère se peuvent résumer ainsi. A. Les cérébrales antérieures
peuvent provenir d'un tronc commun issu d'une des carotides
internes, toujours de la gauche : on observe également des stades
intermédiaires caractérisés par la division prématurée, l'anasto-
mose de l'artère du côté opposé. B. Une des cérébrales antérieures,
presque toujours la gauche, fournit par sa face interne une
branche mince qui graduellement prend un fort développement et
se transforme en l'artere du corps calleux : un degré de plus, et
.celle-ci provient de la communicante antérieure. C. La seule
anomalie constatée sur la communicante antérieure est sa dupli-
cité : cette seconde petite branche se forme au-dessus ou au
dessous de la branche normale. D. La principale anomalie de la
cérébrale postérieure consiste en ce qu'elle provienne, non de la
basilaire, mais de la carotide interne : dans ces conditions un
des hémisphères cérébraux, car il est extrêmement rare que
l'anomalie soit bilatérale, est irrigué par le système artériel anté-
rieur exclusivement. Elle peut encore provenir de tous les points
du côté de l'hexagone compris entre la basilaire et la carotide
interne. 8. Il est rare qu'en l'absence d'anomalies de formation
on rencontre des variétés de calibre des vaisseaux : on n'en a
noté que dans 23,2 p. 100 des cas. Il n'existe pas de différences
essentielles entre le côté droit et le côté gauche. 9. Les artères
du système postérieur, artères basilaire, vertébrales, cérébelleuses,
présentent les modifications .suivantes. A. La vertébrale est un
peu plus souvent plus large à gauche qu'à droite. B. Ce sont les
artères cérébelleuses, notamment les artères cérébelleuses moyenne
et postérieure, qui sont le plus sujettes aux anomalies ; propor-
tion : 52,6 p. 100. La' cérébelleuse supérieure se distingue par une
grande constance mais souvent elle se résout prématurément en
deux branches de l'un ou des deux côtés (22,3 p. 100). L'existence
d'anastomoses abondantes de ce système ne peut guère avoir
d'importance. 10. Quand on lie la carotide interne, il importe
de savoir que la cérébrale postérieure peut émaner de la carotide
interne, à cause des conditions défavorables créées de ce fait an
rétablissement de la circulation du cerveau.- 41. Les anomalies de
vaisseaux du cerveau sont si intimement liées à la question des
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 325
troubles de la circulation et des fonctions de cet organe qu'il faut
faire sur ce sujet de nouvelles recherches, non seulement d'ana-
tomie pathologique et d'anatomie comparée, mais aussi d'embryo-
génie sur le système vasculaire intra-cranien. P. Keraval.
XL1V. De l'excitabilité de la région corticale motrice du cerveau
à la suite de l'attaque d'épilepsie ; par \ ? P. Ussrovr et E.-S.
BORISCHPOLSKY. (Obozréniè psichiati-ii, VI, 1901.)
s
Treize expériences desquelles il résulte ce qui suit :
1° Dans l'immense majorité des cas, il y a hyperexcitabilité.
2° Immédiatement après l'attaque, la région en question est un
peu plus excitable et cette hyperexcitabilité continue à augmenter
pendant quinze à soixante-quinze minutes, puis l'excitabilité tombe
graduellement en quinze ou deux cent dix minutes. - 3° La
chute de l'excitabilité s'effectue d'ordinaire plus lentement que
son exagération. Généralement, l'hyperexcitabilité qui succède à
l'attaque se continue pendant soixante-dix à deux cent cinquante-
cinq minutes : il est plus rare de la voir durer vingt, vingt-cinq,
trente minutes. 4° C'est surtout à la suite d'une seconde atta-
que d'épilepsie chez le même animal que l'on voit baisser l'excita-
bilité de l'écorce; parfois l'excitabilité demeure pendant les pre-
mières minutes ce qu'elle était avant, plus rarement elle s'accroît '
mais alors moins notablement qu'après la première attaque et
pour peu de temps. 5° Parfois, après la diminution de l'excita-
bilité, s'observe une nouvelle hyperexcitabilité suivie à son tour
d'une chute graduelle. 6° L'hyperexcitabilité de la région corti-
cale motrice ne saurait être attribuée à l'hyperexcitabilité des
nerfs périphériques. 7° Elle ne correspond pas rigoureusement
à l'hyperémie corticale : à la suite de l'attaque, la pression du
sang tombe dans le cerveau, celui-ci est en état d'anémie tandis
que l'excitabilité de l'écorce augmente. 8° Il convient de distin-
guer l'excitabilité du nerf de sa conductibilité. Ainsi, pour provo-
quer le mouvement d'une extrémité par le centre psychomoteur,
après l'attaque d'épilepsie, on a besoin de moins rapprocher les
bobines de l'appareil à chariot au moment où l'excitabilité du
nerf périphérique a diminué. P. Keraval.
XLV. Note relative à la question des modifications du caractère à
la suite des lésions du cerveau; par M. Friedmann. {Neurolog.
Centralblalt , XXI, HJ02.;
Parmi un nombre marquant de lapins et de moineaux chez
lesquels l'auteur avait pratiqué piqûres et exérèses du cerveau, il
s'en est trouvé deux qui, à la suite d'une lésion très légère et fort
petite, ont trois semaines après l'intervention, et pendant un
mois, fait preuve d'un caractère indomptable spécial. Ce lapin et
326 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
ce moineau, au lieu d'être intimidés, quasi anxieux, comme leurs
compagnons, étaient positivement furibonds, enragés, agités,
brusques, impétueux, ils troublaient par leurs incessants déplace-
ments, les animaux de leur cage. Sauvages et agressifs pour qui
s'approchait d'eux, ils conservaient la même animosité lorsqu'ils
étaient rassasiés. On les tua sous le chloroforme sept semaines
après l'opération. On trouva une rougeur diffuse de la pie-mère,
mais sans exsudat, et, à la surface du cerveau, une petite cica-
trice plate d'une plaie aseptique. Mais le* cerveau entier était le
siège d'une infiltration lymphoïde de tout le système lymphatique
périvasculaire et péricellulaire, témoignant d'une irritation chro-
nique comparable à ce que l'on voit dans les cas de troubles ner-
veux graves et chroniques consécutifs à la commotion cérébrale.
. P. KERAVAL.
XLVI. Des convulsions rhythmiques et des mouvements automati-
ques chez les hystériques; par W.-M. ËECHTEREW. {Obozréniè
psichiatl'ii, VI, 1901.)
Ces phénomènes constituent des signes "plus ou moins perma-
nents de l'hystérie. La chorée malléatoire de Charcot rentre
moins dans le cadre des mouvements convulsifs plus ou moins
permanents que dans celui des états paroxystiques de nature hys-
térique, qui sont parfois même intimement liés aux attaques
d'hystérie habituelles.
Il est des cas où l'on observe des convulsions rhythmiques pres-
que isolées dont le décours est plus ou moins lent, dont le carac-
tère est permanent, qui, sans interruption, durent des semaines,
des mois, des années, sauf pendant le sommeil où elles cessent
généralement. Il en est d'autres où les mouvements convulsifs
rhythmiques s'interrompent périodiquement pour recommencer
périodiquement et durent ainsi des années.
L'auteur énumère 17 combinaisons différentes de flexions du
tronc en tous sens, de moulinets des bras et des jambes, de mou-
vements continus de la langue, de contraction des sourcils, des
oreilles, des téguments de la tête, de crachement de mots incon-
venants, de tics convulsifs cervico-brachiaux, de hochements
de la tête affirmatifs, négatifs, pendulaires, de soupirs diaphrag-
matiques, de hoquets, renvois, crampes abdominales et pharyn-
gées spasmodiques, de cris monosyllabiques invariables, de con-
vulsions rythmées du plancher de la bouche.
, Chez une jeune fille de dix-huit ans se produisaient des mouve-
ments alternatifs d'élévation de l'une ou de l'autre épaule. Déjà «
à douze ans elle avait été affectée d'un clignotement convulsif des
yeux qui en deux mois avait cédé au K. Br. et aux bains. Cela
commence par la sensation d'un choc dans les épaules et aussitôt
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 327 l
après celles-ci se mettent à se soulever à tour de rôle. Agitation,
pleurs fréquents, sommeil troublé; il arrive même que pendant le'
sommeil la patiente rie aux éclats, pleure; elle a eu aussi une
violente attaque d'hystérie en dormant. Règles très irrégulières;
à ce moment le spasme des épaules augmente; il augmente du
reste avec le temps. Il consiste en l'élévation alternative d'une
omoplate ou de l'autre : ces mouvements de balancier en haut
sont en rapport avec la contraction rythmique du trapèze et du
rhomboïde d'un côté ou de l'autre. Ils n'entravent pas l'action des
mains; ils se calment plutôt pour permettre à celles-ci d'exécuter
un ouvrage compliqué, mais pour récupérer ensuite leur inten-
sité première. L'émotion les exagère toujours ; ils s'affaiblissent
un peu quand on distrait l'attention de la jeune fille. Quelque
hyperesthésie du sein gauche. Champ visuel un peu rétréci des
deux côtés; légère dyschromatopsie surtout à gauche. De même
qu'en d'autres cas les symptômes permanents de l'hystérie sont
peu marqués. Assez souvent le diagnostic de l'hystérie ne se fait
que par l'existence d'attaques antérieures, de syndromes convul-
sifs antécédents du même genre dont la manifestation rapide ou
instantanée contraste avec une cause occasionnelle insignifiante,
voire nulle.
Conclusions. 1° Ces mouvements convulsifs et automatiques
ont une importance aussi grande pour le diagnostic que les con-
vulsions toniques, les contractures hystériques. - 2° Parfois plus
complexes, ils rentrent dans le domaine de la chorée rhythmique
de Charcot. 3° En d'autres cas, ils traduisent des contractions
rhythmiques séparées d'un groupe de muscles déterminés; mouve-
ments automatiques plus simples. 4° D'ordinaire inopinés, ils
succèdent le plus souvent à une attaque d'hystérie, à un choc
psychique; ils surviennent parfois en l'absence de cause occasion-
nelle extérieure. 5° Durée variable : généralement ils durent
sans intcrruption ou avec quelques interruptions des semaines,
des mois, des années et constituent non seulement des signes
paroxystiques, mais des signes plus ou moins permanents de
l'hystérie. G° Ils disparaissent d'habitude plus ou moins rapi-
dement, parfois instantanément, sous une influence psychique et
sous l'action de la suggestion hypnotique qui est un des meilleurs -
moyens de traitement. 7° On les observe de loin en loin dans
les affections organiques du cerveau. Quand il n'existe pas de
signes de ces dernières on doit toujours penser à l'hystérie. Il
faut, par suite, toujours rechercher, en pareils cas, l'état de la
sensibilité, des organes des sens, des réflexes, qui parfois permet
de découvrir l'hystérie. 8° Ces mouvements ont les caractères
suivants : début rapide ou soudain, parfois consécutif à tels ou
tels états hystériques, ou émotifs; invariabilité du type; renforcés
par les émotions morales, affaiblis par la distraction de l'atten- .
328 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
tion, ils cessent ou diminuent au moment où l'on fait exécuter
aux patients des mouvements volontaires pour reparaître avec
leur intensité première quand cessent les mouvements volon-
taires. - P. KERAVAL..
XLVII. Leçons de choses sur la physiologie de la vision corticale;
par H. HITZIG. (Neurolog. Cent1'albl., XXI, 1902.)
Animaux ayant subi des lésions expérimentales de la sphère
visuelle occipitale de Munk.
I. Lésions unilatérales. 1° Le trouble visuel disparaît totale-
ment plus ou moins vite. 2° Toujours le trouble de la vue dis-
paraît d'abord sur la ligne médiane et en bas, de sorte que finale-
ment il ne reste qu'un endroit amblyopique en haut et en dehors.
II. Lésions bilatérales. Ces chiens ont préalablement subi une
première expérience unilatérale; ce n'est que lorsque le trouble
visuel a complètement disparu qu'on a exécuté une seconde opé-
ration partielle sur l'autre hémisphère. 1° Cette seconde opé-
ration fait invariablement reparaître le trouble de la vue de l'oeil
qui a été le premier endommagé. 2° Ce trouble visuel est sou-
vent tout aussi accusé et même plus marqué que celui de l'oeil
qui est à son tour endommagé par la seconde opération. 3° On
observe parfois que le trouble visuel de l'oeil qui correspond au
côté opéré en dernier subit une aggravation ultérieure; il est plus
prononcé le troisième jour et les jours suivants que le second
jour qui suit l'intervention. 4° On n'observe pas les scotomes
circonscrits annoncés par la théorie de Munk : c'est de l'hémio-
pie. 5° Les troubles visuels consécutifs aux extirpations corti-
cales doubles disparaissent eux aussi avec le temps.
Conclusions. La théorie de Munk d'après laquelle tout élé-
ment de la rétine est directement uni à un élément de l'écorce, et
devrait par suite cesser à jamais de fonctionner quand on a sup-
primé l'élément cortical qui lui commande, cette théorie est
fausse. L'absence de scotomes circonscrits indélébiles, et même
de troubles visuels permanents y contredit également.
P. KERAVAL.
XLVIII. Nouvelles communications sur les troubles de perception
des distances en profondeur; par A. PicK. (Neurolog. Centrulbl.,
XX, 1901.)
Une très belle observation montre qu'à la suite d'attaques con-
gestives le paralytique général peut perdre la notion des dis-
tances. Lui présente-t-on, par exemple, une montre, il la voit
bien, mais pour la prendre il étend la main plus loin qu'elle n'est,
en arrière de l'objet et, pour la saisir il est obligé de revenir d'ar-
rière en avant et un peu en dehors. L'objet est-il plus éloigné
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 329
c'est en dedans et en avant de lui qu'il porte la main et recule
successivement d'avant en arrière pour aller à la rencontre de la
montre. Il existait en l'espèce une hémianopsie latérale homo-
nyme qui n'a rien à voir avec le trouble en question et qui peut
exister sans ce trouble.
Les faits montrent encore que l'anomalie de perception des dis-
tances en profondeur est indépendante du trouble de la conscience
consécutif à l'attaque congestive et de l'affaiblissement mental.
Elle doit tenir aux lésions du lobe pariétal, car les singes
auxquels Munk et Schaefer excisent de ce lobe offrent exactement
le même syndrome. Ils voient bien mais ne reconnaissent plus la
position de l'objet dans la profondeur du champ visuel. Observa-
tion identique sur les chiens : Jean Demoor. (Voy. Silziti7gsbeî,.
d. kgl. ]J1'ellss. Acad. d. Wissensch. s. Berlin. Sil2z2g d. phys.
mccthénzat., 14 déc. 1899.) P. KERAVAL.
XLIX. Contribution à l'étude de l'aphasie sensorielle optique; par
M. IIOSENFELD. [Neurolog. Centmlbl., XX, 1901.)
Excellente observation bien analysée. Pas d'aphasie motrice.
Trouble sensoriel acoustique simplement indiqué, notamment
immédiatement après le traumatisme, à la suite d'un vigoureux
coup porté contre la moitié gauche du crâne, qui a laissé le sujet
sans connaissance pendant quelques heures. Aphasie sensorielle
optique. Aphasie tactile. Pas de cécité psychique. Pas d'hémia-
nopsie. Alexie. Agraphie. L'auteur insiste sur ce qui suit.
Dans les cas purs d'aphasie sensorielle optique, il peut aussi
exister de l'aphasie tactile. Alors toutes les notions concrètes qui
sont surtout identifiées par les images commémoratives d'ordre
optique, qui s'apprennent surtout par l'image optique, restent
mortes malgré l'aide du sens du toucher. Impossible d'ailleurs de
dire si c'est la règle parce que les observations ne contiennent pas
assez de détails sur ce point.
Quand on examine le toucher des aphasiques sensoriels opti-
ques, il faut s'attacher principalement à déterminer si les qua-
lités simples du toucher suffisent à l'identification des divers
objets, ou si le tact n'éveille pas des idées relatives à l'espace et à
la vue, et si, alors, ce ne seraient pas ces idées qui aboutiraient à
l'identification de l'objet, à la trouvaille de l'image verbale.
P. KERAVAL.
L. Des terminaisons et connexions centrales des septième et
huitième paires crâniennes ; par N. Wynoui3ow. [Neurolog. Cen-
lralbl. XX. 1 goy..)
Pièces empruntées à un sujet, mort de tuberculose pulmonaire,
ayant, par suite d'une carie du temporal, été, un mois avant sa
330 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
mort, affecté de paralysie périphérique complète des deux branches
du facial droit. Examen des corps optostriés par la méthode de
Marchi, et, par la méthode de Nissl, du territoire qui contient le
noyau de l'ôculomoteur externe ainsi que la portion supérieure du
noyau du facial. Dégénérescence : des branches du facial ; lésions des
deux branches de l'auditif. Voici le résumé des résultats (figures).
I. Dégénérescences intl'acél-éb1'Ules. 1. Celle des racines du
facial peut être suivie jusque dans le noyau du côté correspondant
à la lésion; il existe une faible dégénérescence des fibres qui,
originaires du côté opposé, s'entrecroisent sous le plancher du
quatrième ventricule et rejoignent le genou de la racine du facial
qui correspond au côté lésé. 2. Les cellules du noyau du facial
lésé présentent l'altération secondaire de Nissl et Marinesco.
Aucune altération des noyaux moteurs voisins du trijumeau et de
l'oculomoteur externe. 3. Les mêmes altérations se voient dans
les cellules des portions médiales du noyau du facial du côté
opposé. 4. L'altération secondaire occupe en outre un noyau
autonome non encore décrit. Ce noyau existe au niveau du noyau
réticulaire de la protubérance et des zones internes du noyau du
facial; il est situé en dehors et en avant du noyau de l'oculomoteur
externe et en dedans de la racine du facial, au point où cette racine,
traçant un arc de cercle à convexité externe autour du noyau de
l'oculomoteur externe, quitte le cerveau en décrivant une courbe
convexe en arrière et en dehors. Ce noyau se compose de cellules
motrices tout à fait semblables à celles du noyau classique du
facial. Il me paraît, dit l'auteur, hors de doute qu'il appartienne au
facial. Pour le distinguer du noyau principal ou inférieur au facial,
depuis longtemps connu, on pourrait l'appeler : noyau accessoire ou
supérieur du facial.
II. Connexions de l'auditif. 1. Immédiatement après être
entrées dans le cerveau, les fibres du nerf cochléaire se rendent au
noyau antérieur, au tubercule acoustique, contournent en dehors
et en arrière le corps restiforme, et envoient des fibrilles au noyau
de Deiters ainsi qu'à la racine descendante de l'auditif. Une partie
des fibres s'en va dans le corps trapézoïde où on peut les suivre
jusqu'au niveau du noyau principal ou inférieur du facial et de
l'olive supérieure du côté correspondant. Là, les unes affectent une
direction longitudinale; les autres dépassent le raphé et s'en vont
de l'autre côté. 2. Les fibres du nerf vestibulaire 'dégénérées
sont, du côté lésé, en dedans du corps restiforme; situées entre
celui-ci et la racine descendante du trijumeau, elles arrivent au
noyau de Deiters et à.celui de Bechterew, pour pénétrer, de là, dans
le noyau interne ou postérieur de l'auditif, où les unes sont inter-
rompues, tandis que les autres forment un trousseau distinct qui
dépasse le raphé sous le plancher du quatrième ventricule el serenduu
noyau interne ou postérieur de l'auditif du côté opposé : la plus
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. cL L
grosse partie de ce trousseau parvient ensuite au noyau de Bechterew,
le reste au noyau de Deiters. 3. La grosse olive du côté opposé à
la lésion contient plus de fibres dégénérées que celle du même côté.
4. La dégénérescence descendante des fibres de l'auditif s'étend
à la racine descendante de l'auditif du même côté que la lésion,
ainsi qu'à la substance réticulaire et aux noyaux médians des fais-
ceaux de Burdach des deux côtés symétriquement. De ces noyaux
une partie des fibres se rendent au ruban de Reil, s'entrecoisent et
entrent dans les olives inférieures. A ce niveau, on note une dégé-
nérescence des fibres arciformes externes. Au point le plus éloigné
de l'axe des noyaux qui appartiennent aux faisceaux de Goll et de
Burdach, les fibres dégénérées se groupent dans toutes la substance
blanche restante des faisceaux de Goll ainsi que dans l'angle posiél'o-
médian des faisceaux de Burdach : il y en a autant des deux côtés.
- 5. En montant voici ce que l'on voit. Au niveau des portions les
plus près de l'axe du noyau réticulaire de la protubérance, les
fibres de l'auditif s'entrecroisent et se groupent en deux faisceaux
de forme arrondie presque régulière qui appartiennent à l'effectif
du ruban de Reil latéral ou inférieur, et sont eu dehors du ruban
de Reil principal. La dégénérescence est un peu plus accentuée du
côté correspondant à la lésion. Dans la zone des tubercules quadri-
jumeaux postérieurs la plus voisine de l'axe, au niveau du noyau
central supérieur de Bechterew, le nombre des fibres entrecroisées
décroît ; il en est qui passent dans le ruban de Reil principal, en
nombre à peu près égal pour les deux côtés, et forment graduelle-
ment le ruban de Reil latéral, aussi volumineux de chaque côté.
Les fibres de ce dernier montent jusqu'aux noyaux des tubercules
quadrijumeaux postérieurs et s'entrecroisent en partie au-dessus de
l'aqueduc de Sylvius. Un peu plus en dedans, au niveau des noyaux
des tubercules quadrijumeaux postérieurs, il se produit un nouvel
entrecroisement d'un petit nombre de fibres entremêlées aux fibres
du prédoncule cérébelleux antérieur : c'est le trousseau commis-
sural de Bechterew qui unit entre eux les noyaux vestibulaires.
A cette hauteur, le ruban de Reil principal semble tout à fait'
indemne de dégénérescence : les fibres dégénérées se limitent
au territoire du ruban de Reil latéral ou inférieur, ainsi qu'aux
noyaux des tubercules quadrijumeaux postérieurs, symétriquement
des deux côtés. 6. En dedans des parties supérieures du noyau
réticulaire de la protubérance, au niveau précisé tout à l'heure, on
trouve des fibres dégénérées dans le faisceau longitudinal posté-
rieur. On les suit dans le domaine des tubercules quadrijumeaux
antérieurs, dans le noyau accessoire de l'oculoinoteur commun de
Bechterew : elles sont notablement plus nombreuses du côté de la
lésion. Encore plus en dedans, les diverses parties des couches
optiques ne présentent pas de dégénérescence du tout. -7. Nulle
dégénérescence des fibres acoustiques de Monakow, ce qui signifie
332 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
que les fibres radiculaires de l'auditif ne passent pas directement
dans les fibres acoustiques de Monakow. - P. KERAVAL.
LI. De l'absence des réflexes patellaires en un cas de myélite
dorsale par compression avec dégénérescence des racines posté-
rieures dans la moelle lombaire; par M. MARTELS. (Neurolog.
Cen0'a ? XXI, 1902.)
Un foyer tuberculeux comprime la moelle au niveau du cinquième
segment dorsal depuis 4 mois au moins. Au début les réflexes
étaient exagérés. Ils disparurent complètement quand survint la
paralysie flasque et restèrent absents jusqu'à la mort. A ce niveau
la coupe transverse de l'organe n'est pas complètement altérée : il
existe encore quelques fibres indemnes et le faisceau pyramidal
n'est pas totalement dégénéré. D'ailleurs lorsqu'on piquait les
jambes du malade (il s'agissait d'un homme de trente ans), il
sentait encore.
En revanche, on constate dans la moelle lombaire la dégénéres-
cence de toutes les racines postérieures : elle est surtout accusée
dans les troisième et quatrième segments et principalement dans
leur portion intramédullaire. Quelle est la cause de cette dégéné-
rescence ? Ce n'est point l'intoxication générale de l'organisme : en
' effet, à l'époque où déjà les réflexes étaient absents il n'existait
pas de tuberculose étendue; on en constatait à peine des traces
dans les poumons. Et l'autopsie n'y révèle qu'une tuberculose peu
avancee. Par contre la dégénérescence radiculaire est plus pro-
noncée que dans les cas de ce genre. L'anémie, le marasme, les
accidents du décubitus ne se montrèrent que lorsque l'atteinte des
racines était déjà un fait ancien cliniquement. Peut-on accuser les
toxines produites dans le canal vertébral même par le foyer tuber-
culeux ? La dure-mère et la pie-mère sont indemnes à ce niveau.
Ce ne peut donc être l'effet que de la compression mécanique due
à la stase lymphatique et vasculaire; cette stase tenait à la com-
pression dorsale. Sans compter qu'il y a eu de ce fait (du fait du
foyer) une paralysie spéciale des vasomoteurs médullaires. On en
doit tirer une indication thérapeutique : quand une myélite par
compression récente, incomplète, s'accompagne cependant de la dispa-
rition des réflexes tendineux patellaires, faire une ponction lombaire.
. P. IEnAVAL.
LU. Contribution à l'étude du trajet des fibres du goût; parJ. hnor.
(Neurolog. Cenl1'(/[/¡I., XX, 1901).
Observation, sans autopsie, rapprochée des documents cliniques
et expérimentaux des auteurs. Il s'agit d'un foyer morbide ayant
d'abord atteint la branche motrice de la cinquième paire, puis les
autres branches des cinquième, sixième, quatrième et troisième
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 333
paires : le rameau sensitif du maxillaire inférieur a le moins souf-
fert. L'unilatéralité de la paralysie, notamment du trijumeau,
l'envahissement graduel d'un nerf à l'autre, le caractère de la
douleur, l'action favorable du traitement mercuriel font penser à
une lésion syphilitique et très probablement à une méningite de la
base.
Au moment de son admission le malade était atteint d'une
anesthésiedes branches ophthalmique et maxillaire supérieure du
trijumeau droit et d'une légère hypoesthésie de la branche maxil-
laire inférieure du même nerf. Il existait un faible trouble du
goût sur les deux tiers antérieurs de la langue à droite; l'acide
était perçu comme salé; il y avait un retard dans la perception de
l'amer moins vivement senti que de l'autre côté; l'excitation élec-
trique décelait aussi quelque différence entre les deux côtés. Sous
l'influence du traitement la sensibilité du maxillaire inférieur rede-
vient normale, et, aussitôt, parallèlement, disparaissent les plus
miuimes différences de la fonction gustative. Au moment de son dé-
part, persiste encore un trouble très marqué de la sensibilité dans
le territoire de l'ophthalmique et du maxillaire supérieur; celle
du maxillaire inférieur est presque absolument normale : le goût
est identique sur les deux moitiés de la langue. Cette constatation
a donc la valeur d'une expérience quant au trajet des fibres du
goût dans le maxillaire inférieur. De plus, la diminution du champ
gustatif n'a pas été la même pour les quatre espèces de saveur,
Vintschgau pense qu'il y a lieu d'admettre des fibres spéciales
propres à la perception de l'acide et du sucré, du salé et de l'amer.
Dans les cas nombreux de troubles dans le territoire de la cin-
quième paire, l'ageusie existante ne portait que sur la partie an-
térieure de la langue. La partie postérieure de cet organe serait
pourvue de fibres gustatives à l'aide de la neuvième paire (Vints-
chgau, Hoenigschmied, Ranvier et Drasch, Sandmeyer et Hosen-
berg, Lehmann, Ziehl et Pape). Hermann et Landois prétendent
que les libres du goût ne viennent que par la neuvième paire; elles
pourraient arriver, par celle-ci, jusqu'à la partie antérieure de la
langue, ainsi que le veut Carl. Du ganglion pétreux les fibres, par
le nerf tympanique ou de Jacobson, gagnent le plexus tympani-
que : de là, les unes, par le petit nerf pétreux superficiel, s'en vont
au ganglion otique et, par suite, au nerf lingual, tandis que les
autres, la plus petite partie, par le rameau communiquant du
plexus tympanique, arrivent au ganglion géniculé et, de là, par le
nerf de la septième paire, et la corde du tympan, au lingual droit.
C'est une hypothèse à laquelle Cassirer a essayé d'apporter la
première preuve clinique. Son observasion de parésie des neu-
vième, dixième, onzième et douzième paires du côté gauche n'a
qu'un défaut; c'est qu'il existe une hypoesthésie de la langue et
du palais. Discussion touffue. Variétés individuelles de Gowers,
334. REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Frankl-Hochwart, Wallenberg. Ce dernier auteur croit avoir trouvé
que la pile de noyaux du faisceau solitaire reçoit par devant les
fibres du goût de la cinquième paire, qu'elle est, par conséquent,
la station terminale des libres gustatives issues de divers ganglions.
En ce cas il faudrait admettre que les fibres de la neuvième paire
peuvent, chez certains individus, prendre une part exagérée à la
formation du faisceau solitaire.
Au moment de son départ, le malade avait de la conjonctivite à
droite ainsi qu'un reste de blépharoptose du même côté. On lui
conseilla de porter un bandeau. Il l'enleva. Le lendemain, légère
érosion de la cornée qui bientôt aboutissait à une kératite neuro-
paralytique. La cornée de ces sujets, moins résistante, s'enflamme
au moindre sujet d'irritation (Hippel jeune, Senftleben, Eberth-
Balogh). La blépharoptose et le bandeau constituaient des agents
de protection : la première a guéri ; le malade a eu tort d'enlever
son bandeau. La kératite a guéri sous l'influence de l'atropine et
d'un nouveau monocle.
Enfin on a aussi constaté de la diminution de l'odorat et de la
sécrétion de la muqueuse nasale : on sait que la cinquième paire
communique avec les branches de l'olfactif (Magendie).
P. Keraval.
LUI. Un arrêt de développement du nez; nouveau signe de dégé-
nérescence ; par H. GUDDEN (Neurolog. Centralbl., XXII, 1903).
La narine forme en avant une fente canaliculée qui témoigne
d'un arrêt de développement foetal (figure à l'appui).
P. KERAVAL..
Lit. Influence de l'état mental des parents sur là formation du
sexe de leurs enfants ; par A. LlTKrNS (Obozrénié psichiat1'Ù,
VIII, 1903).
Quand les bactéries se trouvent aux prises avec des conditions
défavorables de sécheresse, de chaleur, de froid, de pénurie de
substances nutritives, elles se multiplient par un autre procédé,
celui des spores qui, plus résistantes, sont susceptibles de vivre
longtemps sans avoir besoin de milieu nutritif. Ces spores sont en
somme conçues au moment où le protoplasma de leurs parents se
trouvait en état d'effort, où il était stimulé par la pénurie des
moyens pour la lutte contre les conditions ambiantes. L'organisme
le plus simple peut donc changer la forme de sa postérité dans le
sens le plus avantageux pour assurer sa perpétuité, selon les con-
ditions qu'il rencontre. Or ce qui excite le protoplasma des orga-
nismes inférieurs à agir ainsi, l'insuffisance des matériaux nutri-
tifs, l'abaissement de la température, la sécheresse, déterminent
les mêmes effets chez les organismes supérieurs; mais ici intervient
la complexité du système nerveux et du développement mental.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 335
Les propriétaires de haras savent que, pour provoquer la multi-
plication des mâles, il faut nourrir les animaux modérément et
faire procéder à la fécondation. Ces conditions semblent pour le
cheval suffisantes pour provoquer dans le système nerveux un état
de tension et d'excitomotricité qui fait concevoir un individu
mille. 1 .
Chez l'homme il s'en faut de beaucoup que le caractère de la
nourriture et le degré de l'activité musculaire constituent des con-
ditions propres à donner au système nerveux la tonicité indispen-
sable à la procréation du mâle. Ce sont, ici, les influences psychi-
ques qui jouent le rôle principal ; elles peuvent être très différentes,
mais ont ceci de commun que, quelque soit le procédé, elles élèvent
l'auto-activité psychique interne. Et celle exagération de l'auto-
activité mentale est l'état du système nerveux qui constitue la con-
dition de la conception de l'individu du sexe masculin. M. Litkens
donne à l'appui l'observation de cinq familles témoignant de cette
proposition. Pour lui, l'influence consciente des générateurs sur
le sexe de leur postérité est indéniable.. Il s'agit maintenant de
déterminer auquel degré un couple donné peut être placé dans des
conditions propre à la suractivité neuropsychique nécessaiie. Ces
conditions varient énormément selon les différents individus, au
prorata des particularités de leur état mental et des conditions de
leur existence ordinaire. P. KERAVAL.
LV. De l'appareil inhibiteur du coeur chez les chiens nouveau-
nés ; par E.-E. GnaTÉ (Obozrénié psichiatrii, VIII, 1903).
Expériences propres à déterminer l'état du développement des
ramifications terminales des fibres inhibitrices du coeur, et celui
du centre inhibiteur du bulbe chez les chiens nouveau-nés.
L'auteur montre que le coeur de ces animaux contient dès la
naissance des éléments nerveux spéciaux dont l'excitation par le
courant d'induction ou par la muscarine provoque un ralentisse-
ment des contractions cardiaques ainsi que l'arrêt du coeur en
diastcle. Il y a donc lieu de croire que l'appareil inhibiteur du
coeur est, chez le jeune chien, déjà apte à fonctionner. Pourquoi,
quand cesse la respiration de l'animal, le coeur continue-t-il, long-
temps à battre sous l'influence de toute excitation nouvelle ? On
l'ignore; le microscope n'a pas trouvé d'explication à cela.
Les fibres inhibitrices du coeur dans le nerf vague sont égale-
ment stimulables chez le chien nouveau-né. Elles le sont moins
avant le quatrième jour de la vie qu'à partir de ce jour, parce
qu'il y a jusqu'alors beaucoup de fibres amyéliniques; mais dès le
quatrième jour le développement des fibres s'effectue.
Le centre inhibiteur bulbaire existe déjà chez le chien nouveau-
né, mais dans le cours des deux premières semaines de la vie il ne
jouit pas de l'excitabilité normale qu'il a ultérieurement. D'ailleurs
336 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
des centres inhibiteurs sont en général faiblement développés chez
les chiens nouveau-nés ; ils n'ont presque pas de centres inhibi-
teurs corticaux.
Ainsi s'expliquent les particularités du coeur extrêmement exci-
table de l'enfant nouveau-né. P. IiEnAVaL.
LVI. Contribution à la pathologie du sentiment de l'impression
consciente; par A. PicK (Neurolog. Centralblatt, XXII, 1903).
Volkelt prétend que toute perception à laquelle se rattache la
cognition s'accompagne de l'impression immédiate de cette con-
naissance et que cette impression jouerait un rôle important dans
le processus de commémoration. Ce n'est pas la clarté, la netteté
des images commémoratives qui constitue l'élément grâce auquel
on reconnaît les choses, c'est le sentiment qu'on a eu de la péné-
tration dans la conscience de leurs images, l'impression spéciale
qui accompagne le phénomène de perception consciente. La cons-
cience du souvenir n'est autre que l'expérience du passé qualifiée
de souvenir. -
Chez l'épileptique et assez souvent aussi chez l'hystérique, il se
produit un état mental particulier pendant lequel, tout en restant
maître de lui, le patient indique que tout lui parait étrange; ce
qui l'entoure n'est pas altéré, n'est pas modifié pour lui, mais il a
l'impression de quelque chose d'étrange ; il semble que ce qui
l'entoure ne lui soit- de rien, il éprouve une sensation bizarre
vague. Cet état est dû à la déchéance de ce sentiment de la péné-
tration dans la conscience des perceptions, à la déchéance de la
qualité du phénomène de la perception consciente (Bekanntheils-
gefuhl, Belwnntheitsqualitoet).
En certains cas de désorientation qui surviennent chez les
anxieux on retrouve cette perturbation en tant que phénomène
primitif; ils reconnaissent difficilement leur entourage, et ce
trouble tient à l'absence de la qualité du phénomène de la con-
naissance, du sentiment de la pénétration consciente. (le trouble
d'emblée produit parfois un état d'angoisse assez fort.
M. Pick a retrouvé cet accident en un cas de neurasthénie
sexuelle; le malade indique qu'il est parfois envahi d'un senti-
ment étrange ; il lui semble que, dans les rues qu'il connaît de-
puis longtemps, tout àcoup tout lui estnouveau. Il a la sensation,
malgré qu'il sache bien que la rue lui est familière depuis long-
temps, de quelque chose de bizarre sur laquelle se développe un
sentiment d'appréhension. P. KERaVAL.
LVII. De l'influence de la musique sur le travail musculaire; par
I. Spirtow (Obozrénié psichialrii, VIII, 1903).
Il faudrait consacrer plusieurs pages à mettre en relief l'extrême
variété des expériences, et leur dispositif. Le résumé bref des cou-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 337
clusions générales de l'auteur exigerait lui-même beaucoup de
place. M. Spirtow a expérimenté sur : un fonctionnaire de
trente-six ans (15 expériences); un étudiant en médecine de
vingt-deux ans (9 expériences) ; ;- un étudiant en mathématiques
de vingt ans (6 expériences; un fonctionnaire de trente-trois
ans (il expériences); une jeune femme mariée de trente ans
(14 expériences) ; enfin une jeune fille de vingt-quatre ans
(8 expériences); en tout 63 expériences.
L'examen de la quantité et du débit du travail effectué sous
l'influence de la musique montre qu'elle n'agit pas toujours sur
l'appareil moteur volontaire comme le voudrais la formule d'après
laquelle une musique gaie augmenterait l'activité de cet appareil,
tandis qu'une musique triste la diminuerait. Il s'en faut de beau-
coup. Dans les cas mêmes où tout porte à croire que la musique
va exciter l'appareil moteur volontaire, dans la danse par exemple,
il ne faut pas du tout s'attendre il ce qu'il en soit ainsi. Pourquoi
en effet supposer que chez tout homme une musique excitante
gaie stimulera infailliblement,' d'un seul coup, avant tout la por-
tion de cet appareil qui doit être occupée au travail prescrit ?
Cela aura lieu chez quelques personnes; chez d'autres c'est moins
le thème musical que l'association harmonique des sons aux con-
ditions du travail qui imprimera à l'appareil musculaire une
extrême activité. Il y a même des cas dans lesquels c'est un mor-
ceau mélancolique qui a présidé à l'augmentation du travail.
Faut-il par suite penser que lorsqu'une musique gaie excite trop
d'éléments, l'appareil moteur volontaire en pâtit, tandis que quand
une musique triste affaiblit certains éléments, l'appareil moteur
volontaire est susceptible de fournir une plus grande somme d'é-
nergie ? Sait-on au reste exactement l'étendue de la dépression dont
une musique triste est capable sur les diverses parties de l'appa-
reil moteur volontaire ? En dehors même de la question des indi-
vidus plus ou moins accessibles à l'influence des thèmes mélanco-
liques ou guerriers, est-ce que vraiment la musique triste contient
en soi exclusivement des éléments d'influence déprimante ? Ne
possède-l-elle pas une association harmonique de sons agréable à
l'organisme qui, par elle-même, indépendamment des émotions et
des images éveillées plus ou moins, à un degré plus ou moins vif,
dans le même instant, peut, à l'instar d'autres sensations agréables,
agir jusqu'à un certain point par l'idée stimulante ? On peut faire
un raisonnement inverse pour lés cas où les conditions du travail
à accomplir étant comparativement faciles, la musique s'est tra-
duite par une diminution du travail, tandis qu'elle a fait accom-
plir une plus grande somme de travail en des conditions où ce der-
nier était pénible. P. KERA V AL.
Archives, 2« série, t. XVIII. 2
338 REVUE d'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
1.I1. Monocéhromatopsie et achromatopsie ; par W. ALTEa (Neurolog.
Cenl1'alblalt, XXII, 1903).
Chez un paralytique général qui est liés probablement hémi-
achromatopsique, se produisent plusieurs accès de monochroma-
topsie pour le vert. Trois de ces accès n'entraînent aucun incon-
vénient à leur suite. Pendant les deux autres, alors que la mono-
chromatopsie rétrocède progressivement il se produit de l'a-
chromatopsie. Nulle trace d'ailleurs d'érythropsie secondaire.
M. ALTER tente l'explication du mécanisme de ces phénomènes par
une théorie nouvelle d'une fonction bi-polaire attribuable au pro-
toplasma des articles externes des cônes. La théorie de la fonction
bi-polaire appartient à M. de Iiu.vowsr,r; elle sera développée dans
un autre travail; nous l'examinerons alors en même temps que
l'application qu'en a faite M. Altéra la dualité du protoplasma en
question. P. KERAYAL.
LX. Du trouble de la marche de flanc chez les hémiplégiques; par
A. SCIIÜLLER. (Neurolog. Cenlralbl. XXII, 1903.)
Pour marcher de flanc ou de côté en allant vers la droite, on
commence par pencher le corps à gauche, on se balance sur la
jambe gauche, on soulève la jambe droite que l'on porte plus loin
vers la droite, puis on redresse le tronc, on place le pied droit sur
le sol à une certaine distance de l'autre ; finalement on soulève la
jambe gauche pour la placer auprès de la jambe droite. On a fait
ainsi un pas à droite.
Chez l'hémiplégique la marche de flanc vers le côté paralysé ne
se distingue pas essentiellement de la marche de flanc normale,
tandis que la marche de côté vers le côté sain est défectueuse.
Supposons un état spasmodique de l'extrémité droite, l'hémiplé-
gique va normalement de côté vers la droite, tandis que pour
. aller vers la gauche il traîne le membre droit au moment où il
doit le rapprocher du membre gauche. Cela tient à ce que la
jambe spasmodique a subi un allongement dû à l'extension de
toutes les articulations du membre inlérieur (Mann). La jambe
droite étant plus longue que la gauche, elle traîne sur le sol au
moment où le patient doit l'attirer vers la jambe gauche; il n'en
est pas ainsi quand il s'agit de rapprocher la jambe gauche de la
jambe droite quand le malade marche de côté vers le côté droit
paralysé. P. KERAVaL.
LXI. Contribution à la psychophysiologie du négativisme; par Il.
Vocn (Cenlrulblult sur Ne1'venhei ? llnde, XXV, N. F. XIV, 1903.)
Le négativisme ou délire d'opposition, est comme tous les au-
tres symptômes catatoniques dû à l'exagération des impressions
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 339 '
corticales. Il est surtout dû à ce que les phénomènes de nutrition
intracorticale qui correspondent à l'exécution d'un mouvement
subsistent chez ces malades après l'exécution de ce mouvement et
empêchent que les phénomènes de nutrition corticale propres au
mouvement suivant ne se substituent à temps aux premiers.
Mais pourquoi cette persévérance du mécanisme psychomoteur
d'un mouvement donné produit-elle un mouvement antagoniste ? ' ?
Cela tient à ce que tout mouvement d'un groupe quelconque de
muscles s'accompagne normalement de l'innervation des muscles
antagonistes. Quand je fléchis l'avant bras sur le bras, mon biceps
se tend aussi bien que mon triceps; si j'accentue ce mouvement
de flexion, la contraction du biceps augmente tandis que celle du
triceps décroît, ce qui n'empêche que pendant tout ce temps ne
subsiste une certaine tension du triceps; s'il n'en était pas ainsi
je ne pourrais interrompre brusquement ce mouvement, ni le ré-
gulariser avec précision. Désignons la contraction du biceps para,
celle du triceps par b ; le processus psychomoteur du centre du
biceps par a', celui du centre du triceps par b'. Quand je dis au
catatonique de continuer à fléchir l'avant-bras, il faut que la con-
traction du biceps augmente (a + x), et que celle du triceps di-
minue (b - y) ; il doit alors se produire dans le centre cortical du
biceps et' + x, et dans le centre cortical du triceps bi - y. Or
l'écorce étant déjà occupée par d'autres phénomènes corticaux qui
ne sont pas encore effacés, le catatonique n'obtiendra pas d'em-
blée ni (il - x, ni bl - y; aussi le mouvement n'a-t-il pas lieu
instantanément. Puis quand a lieu finalement une autre flexion
de l'avant-bras, quand en somme la tension du triceps diminue
(bc y ! , la forte tension du triceps demeure néanmoins aux
aguets, de sorte que, pour un rien, elle reparaît et qu'alors c'est
b qui revient et qui s'oppose à la flexion de l'avant-bras commen-
cée ou en train.
Le catatonique ayant souvent éprouvé la difficulté mécanique
qu'il ressent à obtempérer aux ordres reçus, à cause de l'inter-
vention contre sa volonté de ses antagonistes, il se dit qu'il est
inutile d'essayer, qu'il ne réussisra pas et il en est inquiet, an-
xieux. De là le cachet souvent psychique du négativisme. Le malade
a l'air récalcitrant et de mauvaise humeur. Il peut être assiégé de
toutes sortes de pensées sur le motif, le sens, le but, de cette sujé-
tion motrice; il s'y peut ajouter des idées délirantes, des halluci-
nations sensorielles qu'on prend pour la cause et qui ne sont que
l'effet.
Est-ce que nos idées psychomotrices ne sont pas à nous-
mêmes arrêtées régulièrement et au besoin contrôlées par des idées
antagonistes ? En ce cas, il faudrait se représenter le négativisme
catatonique comme on se représente le mécanisme des instincts
et des phénomènes de la volonté supérieure. P. KERAYAL.
340 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
LXII. Contribution à la connaissance des lésions corticales cir-
conscrites de la région motrice chez l'homme ; par H. Li ? I.
(Newologisches Centralbl. XXII, 1903.)
Un homme de vingt-huit ans reçoit dans le pariétal droit un
coup de couteau à 1 centimètre de la suture sagittale, obhque-
ment dirigé en dehors et en avant sur une étendue de 2 centi-
mètres ; la plaie occupe le plan vertical des deux apophyses mas-
toïdes. La lame a pénétré dans le cerveau de 4 centimètres.
lien résulte des accidents immédiats et consécutifs qui permettent
de constituer la localisation des lésions (figure d'orientation cor-
respondante). M. Lévi procède à une étude critique des symptômes
qui d'ailleurs s'améliorent. Comparant ce cas particulier avec les
observations des auteurs et des expérimentateurs, il arrive aux
conclusions suivantes.
Les lésions corticales du centre de la jambe et les lésions sous-
corticales du centre du bras se traduisent par des troubles de la
motilité, des troubles de la sensibilité, de l'ataxie, de l'atrophie
musculaire.
1. Les troubles de la motilité sont : a, une paralysie complète du
membre supérieur lorsque le foyer se limite à la couronne rayon-
nante ; b, «ne parésie de la jambe lorsqu'il se produit une des-
truction modérément étendue de son centre cortical ; c, des acci-
dents irritatifs et des spasmes susceptibles de rétrocéder.
2. En fait de troubles de la sensibilité, on constate : a, avant tout
des perturbations du sens musculaire et du sens stéréognostique;
b. le malade ne peut localiser les sensations tactiles et thermiques;
il localise moins difficilement les impressions douloureuses. Les
troubles de la sensibilité sont en somme tout aussi graves quand
il y a lésion sous-corticale immédiate de la couronne rayonnante
que quand il s'agit d'une lésion directe de l'écorce.
3. 1,'ataxie tend moins à rétrograder que les autres symptômes.
Il se produit en l'espèce, ce qui a lieu chez l'enfant qui apprend à
marcher, à se saisir des objets, à parler. Il faut, avant que les
mouvements voulus se fassent convenablement, que se déposent
dans les parties du cerveau appelées à remplacer la substance
nerveuse détruite de nouvelles images commémoratives des mou-
vements.
4. Il se produit dans la jambe parétique une atrophie musculaire
précoce qui dépend du foyer cérébral. P. KERAVAL.
LXIII. L'imprégnation des cylindraxes à l'argent; par M' 13 ! tts-
chowsky. (Neurolog. Centralblatl, XXI, 1902). - L'imprégnation
à l'argent des neurofibrilles ; par le même. (Neurolog. Cuoral-
blatt, XXII, 1903).
M. Bieischowsky fait connaître deux procédés :
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 341
Premier procédé. Fixer préalablement les pièces dans une
solution de formol à 10 p. 100 ; effectuer des coupes sur le. micro-
tome à congélation. Ces coupes sont remises dans la solution de
formol à 10 p. 100. On les immerge alors dans une solution de
nitrate d'argent ammoniacale préparée par l'addition à un volume
quelconque de liqueur ammoniacale officinale de gouttes d'une
solution à 10 p. 100 d'AgAz03 suffisantes pour obtenir un préci-
pité blanchâtre que l'on fait disparaître par une nouvelle addition
d'Az H3 : l'odeur doit rester ammonicale. Les coupes sont ensuite
placées dans le formol à 10 p. 100 ; on ajoute de l'eau alcaline,
de façon à obtenir au bout d'un certain temps une coulenr jau-
nâtre. Des immersions successives dans le nitrate et le formol
servent à nuancer la teinte jusqu'à ce que la substance grise ait
un ton brun jaunâtre. On lave alternativement et définitivement
à l'eau distillée. A ce moment, tous les cylindraxes sont brun
foncé ou noir, les cellules jaunâtres ou brunes, le reste des
tissus forme un fond jaunâtre diffus d'un beau contraste. Il faut
alors fixer à l'or ou au platine. (Voir le mémoire).
Par ce procédé, les cellules nerveuses témoignent fréquemment
d'une structure nettement fibrillaire surtout dans les dendrites ;
les cylindraxes de calibre quelconque sont homogènes.
Deuxième procédé. Les coupes ne sont pas directement impré-
gnées de la solution argentique ammoniacale. On plonge les
coupes imbibées de nitrate d'argent dans des solutions ammonia-
cales faibles. (Technique très compliquée à lire dans l'original.)
Cette nouvelle méthode fait apparaître les fibrilles inlra-cellu-
lilires, les cylindraxes et les réseaux de Golgi (figures). Les fibrilles
intra-rellulaires ressemblent énormément à celles qu'a montrées
Bethe. On peut souvent suivre les fibrilles de la portion de cellule
vectrice du noyau à travers le cône originel jusque dans l'axone;
on constate cependant qu'il n'y en a qu'une petite partie qui par-
ticipe à la formation de l'axone. La structure péricellulaire appa-
raît sous forme de réseaux plus ou moins épais entourant le pro-
toplasme cellulaire et les dendrites; cette disposition est iden-
tique à celle des réseaux de Golgi. Ces réseaux en certains types
de petites cellules font le tour de la périphérie du corps de la
cellule et des dendrites à l'état de larges raies noires, dépourvues
de détails plus fins de structure : sont-elles constituées par de la
neurokératine, ou par de la névroglie ? Sont-ce les expansions
terminales péricellulaires directes d'axones venus de loin ? On ne
sait. Le procédé rend visible les cylindraxes des fibres nerveuses
myéliniques ou amyéliniques.
Outre ces éléments fondamentaux de l'écorce du cerveau et du
cervelet, il n'est pas rare de voir, surtout dans l'écorce cérébel-
leuse, des orties tout à fait semblables à celles qu'Apàthy a
décrites chez les invertébrés.
3t2 REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.
En dépit de ces perfectionnements, la méthode a pour inconvé-
nients de colorer simultanément le tissu conjonctif fibrillaire intra
et péri-vasculaire ou méningé; les fibrilles de névroglie surtout
quaud la pièce a été plongée trop tôt dans la solution fixatrice de
formol ; la substance chromophile des cellules, notamment quand
on fait agir trop peu de temps l'ammoniaque sur les fibrilles.
Elle l'emporte sur la méthode de Golgi. Au point de vue de l'his-
thologie fine, elle lui est inférieure pour l'étude anatomique des
fibres des organes centraux. P. KERAVAL.
LXIV. Que sont les corpuscules de Nissl ? par C. Ciienzinski.
(Neurolog. Cenlmlbt., XXII, 1903).
L'examen de coupes longitudinales (antéropostérieures ou trans-
versales) des cellules des cornes antérieures de la moelle du boeuf
traité par la méthode de Nissl (bleu de méthylène, bleu de tolui-
dine ou thiolnine) montre l'absence complète des corpuscules de
Nissl. Le protoplasma tout entier est rempli de raies et non de
granulations, de mottes, d'amas sans ordre de substance colorée.
Partout des fibres formant une touffe autour du noyau; les unes
vont d'un prolongement à l'autre du même côté en dessinant un
arc sensiblement parallèle au bord de la cellule, dont la convexité
regarde le noyau ; les autres vont d'un pôle à l'autre en'entourant
le noyau qu'elles regardent par leur concavité. Ces raies sont
d'ailleurs ondulées et non planes (figures). Chez l'homme les raies
ont généralement l'aspect de chaînes; disposées comme chez le
boeuf, elles sont formées de courts bâtonnets ou fuseaux qui plé-
sentent des intervalles non colorés; il en est de même pour la
moelle du lapin.
Ces dessins n'ont rien de commun avec les fibrilles de Betle ou
d'Apàthy d'ailleurs obtenues par un traitement chimique bien
plus compliqué. Ils se rapprocheraient plutôt du feutrage des
cellules nerveuses de la rétine décrit par Uogiel. Les raies parais-
sent formées des conglomérats de granulations signalés par de
Quervain dans les corpuscules de Nissl. Et les mêmes cellules de
la moelle soumise à des coupes horizontales et transversales
révèlent bien les granulations et mottes de Nissl.
Les granides de Nissl sont donc la coupe optique horizontale des
raies longitudinales (transverses et obliques) qu'on pourrait designer
sous le nom de fibres et qui semblent être les intégrantes absolues
de la cellule nerveuse . P. Ki.raval.
LXV. Les formes pathologiques de la rougeur émotive ; par
IlAttTEMUKHG. (Revue de médecine. Août 1902.)
Trois observations. Dans deux de ces cas, la rougeur émotive,
devenue une obsession pour le sujet, avait engendré un état syn-
revue d'anatomie ET DE physiologie pathologiques. 343
dromique de phobie, avec angoisse, découragement, dégoût de la
vie et même tendance au suicide.
LXVI. De l'élément psychique dans l'hémianesthésie hystérique ;
par 13EwnEu. (Bévue de médecine. Août 1902.)
Dans un article paru antérieurement dans la Revue de médecine
(mars 1901), l'auteur a essayé d'établir que l'anesthésie hystérique
n'est pas une anesthésie vraie, qu'il y a en réalité sensation perçue,
mais qu'elle est aussitôt inhibée par suggestion et entre dans le
domaine de l'inconscient, c'est-à-dire qu'il y a eu en réalité une
amnésie.
Il rapporte dans un nouvel article deux observations d'hémia-
nestésie d'origine organique, mais présentant les caractères cli-
niques des anesthésies hystériques ou psychiques. Ce fait peut
s'expliquer par l'hypothèse qu'un élément psychique est venu se
greffer sur l'élément organique prémonitoire, le malade exagérant
son anesthésie par autosuggestion ; l'examen ultérieur vint confir-
mer cette hypothèse. M. H.
LXX. Du reflexe carpophalangien ; par W. de Bechterew. (06oré-
nié psichiatrii, VII, 1902.) - Du réflexe carpométacarpien, par
le même. (Neurolog. Centralblatl, XXII, 1903.)
Même article en russe et en allemand. Ce réflexe s'observe surtout
dans les cas d'hémiparésie, d'hémiplégie, et en général dans les
paralysies de l'extrémité supérieure d'origine centrale. Prend-on la
main du côté malade dans la sienne, le dos en haut et les troi-
sième et seconde phalanges digitales pendantes, et frappe-t-on
avec le marteau sur le carpe et les parties adjacentes du méta-
carpe, particulièrement sur le côté externe, il se produit des
mouvements de flexion de toutes les phalanges, sauf du pouce.
Quand l'hyperexcitabilité réflexe ést très exagérée, ce même mou-
vement de flexion des phalanges des doigts peut être provoqué
par l'excitation mécanique d'autres parties de la main, entre
autres, des tendons des fléchisseurs.
Ce réflexe carpométacarpien provient de la transmission de
l'excitation des tendons qui couvrent le dos de la main au niveau
- du carpe et de la racine du métacarpe aux fléchisseurs des pha-
langes digitales, entre autres aux interosseux. L'arc réflexe
correspondant occupe le niveau de la première racine thoracique
et des racines cervicales inférieures. Son apparition indique donc
une lésion du neurone moteur central au-dessus du renflement
cervical. On le trouve surtout dans les hémiparésies et hémiplé-
gies organiques d'origine basale, capsulaire ou corticale. La
percussion de la région du carpe et de la partie limitrophe du
métacarpe en fait un réflexe périostiqne et non cutané.
P. 1ERA\'dL.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XXXI. Discussion de quelques nouveaux travaux sur la surdité ver-
bale ; par Il. Lirraianrr. De la localisation des diverses for-
mes de la surdité verbale; par E.-Brscaorr. (Centralbl. f. Nel'-
venheilk. XXIV. N. F. XII. 1901.)
Ce sont les travaux de Déjerine et Sérieux (Revue de psychiatrie,
1898), de Bischoff (Archiv (. psychwt1'ie, 1. XXXU, 1899),deVeraguth
. etKast (Deutsche Zeitschr. f. IYe·venlieillc, t. XVII et XVIII, 1900), de
Thomas (La parole, 1900), qui font les frais de cette étude criti-
que. M. Bischoff critique à son tour la critique de M. Liepmann :
il pense que l'existence de la surdité verbale pure dans le cas de
lésion bilatérale du lobe temporal n'est pas prouvée, qu'elle est
simplement possible. P. Keraval.
XXXII. Une observation de myélite apoplectique; par G. CLaT.o.
(Centralbl. f'. Ne¡'venheilk. XX 1 V. N. F. XII. 1901.)
Il s'agit d'un homme de trente-six ans qui, à la fin de 1899, se
plaignait de douleurs dans les jambes avec affaiblissement du
bras et de la jambe gauches. Il racontait qu'à l'âge de quatorzeà
seize ans, il s'était beaucoup servi d'eau-forte, qu'il avait été mai-
gre et délicat jusqu'à seize ans. Parents âgés de soixante et onze
et soixante-douze ans. Pas d'hérédité neiveuse ni d'antécédents
morbides. Il est marié et père de deux enfants dont l'aîné est bien
portant et le plus jeune a eu une fois une affection pulmonaire ( ? ).
Sa femme a avorté deux fois.
A l'âge de seize ans, il a été atteint d'un abcès dentaire au niveau
de la canine gauche : il souillait alors dans des tubes de laiton qui
étaient placés dans l'eau-forte. Il semble avoir eu, à la suite, un
empyème de l'antre d'Highmore. Vingt et un jours après l'incision,
il était guéri. Deux mois plus tard, un beau matin, sentiment
d'engourdissement de la jambe droite avec paralysie du bras etde
la jambe gauches ; pendant quatorze jours cathétérisme et lave-
ments nécessaires; épreintes vésicales durant quatorze jours en-
core. La jambe gauche se rétablit complètement en cinq mois; la
main gauche s'est simplement améliorée.
On constate actuellement de l'atrophie avec raccourcissement et
raideur de la jambe gauche : le réflexe patellaire y est très exa-
géré, il existe du clonus podalique. Signe de Babinsky à gauche,
point à droite. L'avant-bras gauche est fort maigre ; la sensibilité
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 345
thermique est diminuée, de même qu'à la main de ce côté. Les
rayons de Roentgen témoignent d'un amoindrissement du squelette
en ces deux organes. L'atrophie musculaire est des plus nette à la
face antérieure de l'avant-bras et surtout à l'éminence thénar,
dans les espaces interosseux. Les fléchisseurs du pouce et de l'in-
dex, qui ne fonctionnent pas, ont totalemeut perdu leur excitabi-
lité électrique : les autres muscles, qui ne sont qu'affaiblis, ne
l'ont pas complètement perdue. Myosis à gauche ; réaction des
pupilles à la lumière normale des deux côtés.
On a donc sous les yeux les traces d'une affection spinale aiguë.
L'atrophie de la jambe gauche, sans accidents paralytiques, tient
à ce que l'affection est survenue pendant la période de développe-
ment du sujet. L'atrophie avec paralysie musculaire et ? 011
dégénérative de l'extrémité supérieure gauche indique u]
des cellules des cornes antérieures. Le myosis gauche p<
croire qu'elle est descendue jusqu'à la huitième racine cervi
la première racine dorsale. La paralysie motrice à gauche
pagnée d'un émoussement de la sensibilité à droite, mon
faible que soit ce syndrome de Brown-Séquard, que l'af
dû au début être plutôt diffuse, qu'elle a, la vessie et le
ayant été pris, intéressé plus de la moitié de la coupe tra
Les phénomènes spasmodiques et le signe de Babinsky témoi-
gnent de la participation de la substance des cordons latéraux
des pyramides, et, par conséquent de l'atteinte de la substance
blanche. ,
En somme un foyer de la substance grise de la moelle cervicale,
de la corne antérieure, a occupé l'étendue comprise entre le
septième segment cervical et le premier segment dorsal, et il a
aussi dès l'origine affecté toute la substance blanche du côté
gauche. ,
Quelle en était la nature * ?
Il s'est manifesté une paralysie spinale aiguë portant sur l'appa-
reil moteur du côté gauche, déterminant des troubles de la sensi-
bilité de la jambe droite ainsi qu'une paralysie vésicale et rectale.
Tout s'est rapidement résolu; il n'est resté qu'une paralysie dégé-
nérative de la main gauche et des traces de troubles sensitifs. Cela
ressemble a une hématomyélie. Les phénomènes d'apoplexie spi-
nale ont partiellement rétrocédé dès les premiers temps de l'affec-
tion, dès que la compression due à l'extravasat a cessé, et comme
d'ordinaire, nous ne retrouvons que les résidus. Mais nous ne
retrouvons aucune des causes occasionnelles nécessaires à cette
hémorrhagies. Impossible de penser la poliomyélite : il n'y a pas
eu de stade prodromique fébrile; le processus s'est étendu au delà
du domaine de la substance grise. La rapidité de la marche exclut
une myélite aiguë ordinaire.
L'idée d'une myélite apoplectique se justifie par l'abcès dentaire
346 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
compliqué de suppuration de l'antre d'Highmore. Ce foyer a pu
infecter la molle et déterminer l'inflammation apoplectique, que
les bactéries-aient agi directement ou par leurs toxines. A l'appui
les observations de Mayer (Arbeit, ccus d. Neurolog. Institut cah.,
VII, 1900), et les expériences de Homen et Laitinen, de Widal et
Bezançon : l'inoculation de streptocoques a été suivie de paralysies
soudaines mortelles avec lésions de la moelle ressemblant à celles
de la myélite aiguë. , P. KERAVAL.
XXXIII. Des affections mentales et nerveuses à la période secon-
daire de la syphilis; par M. Scu.ISwvrTSCU. (06oxrézié psichiatrii,
VI, 1901.)
Etude parallèle de 3 observations, caractérisées par : de l'exci-
tation maniaque, de la confusion mentale avec stupeur et cata-
tonie, une paralysie faciale périphérique. Les deux premières
sont évidemment, dit l'auteur, des psychoses syphilitiques secon-
daires. Elles se distinguent cliniquement peu des psychoses toxi-
ques et autotoxiques. En attendant, les renseignements commé-
moratifs, la coexistence simultanée de tels et tels signes, et sur-
tout le succès du traitement spécifique constituent les éléments
les plus importants du diagnostic des troubles syphilitiques de la
sphère nerveuse et mentale. P. Keraval.
XXXIV. De l'ataxie cérébelleuse [aiguë ; par W.-M. 13ECIlTrItEW.
(Ubozrénaé psichiatrii, VI, 1901. - Neurologisch. Ccntmlbt., XXI,
1902.)
Schnitzer dans ses questions de médecine neuropsychique
(Voprossy Navno-psiehitseheslwi J11edilziny, 1901), publie un cas
d'ataxie cérébelleuse aiguë, qui rappelle les observations de l'au-
teur (Obo : ¡l'enié psiclciatrü, 1900), avec cette différence qu'il y a
dans ce cas non alcoolisme chronique, mais tare héréditaire et
syphilis. La cause occasionnelle fut, en l'espèce, une intoxication
par du poisson. Le facteur immédiat fût-il l'empoisonnement de
l'organisme par les produits de la fermentation putride, ou un
épanchement de sang dans le cervelet sous l'influence des efforts
de vomissements ? On ne sait.
En tout cas- le syndrome ataxie cérébelleuse aiguë se développe
non seulement chez les alcooliques, mais en d'autres conditions.
Il y a des raisons de penser que la cause anatomique est une
lésion du cervelet, très probablement d'origine vasculaire. Par
suite toutes les causes et circonstances qui contribuent à léser les
vaisseaux du cervelet, à produire des hémorrhagies, des throm-
boses, des embolies, etc., de cet organe, peuvent engendrer le
syndrome en question. P. KERAYAL.
, REVUE DE pathologie NERVEUSE. 347
XXXV. Observation remarquable d'hémicranie ; par G. FLATAU
(Cezzlrcelblatt f. Nervenheithunde, XXV. N. F. XIII, 1902).
Remarquable complication d'un accès de migraine; par L.
HOEFL1>LUR (Neurolog. Centralbl. , XXII, 1903).
L'observation de M. FLAT.au concerne un homme de quarante-
huit ans, ayant eu, il y a vingt et un ans, une encéphalite infec-
tieuse. Tares héréditaires. A l'âge de seize ans, sous l'influence du
surmenage, il a son premier accès de migraine ophlhalrnique;
celui-ci se complique parfois de paresthésie de la face et du membre
supérieur du côté opposé à la céphalalgie. Finalement il s'y ajoute
de ['aphasie ; impossibilité de trouver les sons qui correspondent
aux mots, d'assembler les images écrites, de les composer. Durée :
près de dix jours; disparition graduelle rapide. 11 y a lieu de
penser à une altération ancienne de certains centres dont dépen-
dent les phénomènes de contracture vasculaire; peut-être s'agit-il
d'altérations fugitives des vaisseaux.
Deux espèces de complications dans l'observation de M. Hall-
MAYR. Chez une femme de cinquante-sept ans, atteinte de migraine
opht1wlmiqlle, un beau jour, l'hénziscotovze Sll1'Vit à la disparition
de l'hémicranie et de tout symptôme cérébral, pendant vingt-six
jours; le champ visuel normal ne se rétablit que graduellement.
Pendant tout ce temps intégrité du sensorium; rien d'hysté-
rique ; aucune simulation. Il est à croire qu'il s'est agi d'une toxine
qui a lésé les cellules des couches nucléaires du nerf optique et
leur parenchyme; l'organisme se réparant, les substances de pré-
servation naturelle du sang reprirent leur empire, et les cellules
des noyaux du nerf se remirent à fonctionner normalement.
Chez la même malade, une autre fois, un violent accès de mi-
graine s'accompagne d'inconscience totale qui dure plus de dix
jours pendant lesquels la patiente vit d'une existence mécanique
(conservation des impressions et des reflexes), dépourvue de tout
phénomène d'association intra-cérébral; amnésie absolue consé-
cutive. Cette combinaison d'un accès de migraine avec un épuise-
ment neurasthénique du cerveau émanait d'énormes soucis,- d'émo-
tions, de surmenage. Cette fois l'agent nocif, trouvant un cerveau
remarquablement préparé, a déterminé sur l'écorce entière un
trouble fonctionnel excessif; nerfs sensoriels, sphère psychomo-
trice et sensorielle ont été affectés, et, quand l'accès de migraine
proprement dit eut cessé, il persista encore des symptômes d'exci-
tation cérébrale. P. Keraval.
XXXVI. Les états d'obnubilation psychique des hystériques et leur
paralogie ; par A. \1'ESTUnnL (Neurolog, CentralGlcclt., XXII.
1903).
A la lumière de quatre observations, l'auteur établit que
348 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
la paralogie constitue un symptôme qui n'est pas du tout uni-
taire puisqu'on le rencontre à un degré très marqué en des trou-
bles psychiques de diverses espèces, tels que : l'hystérie et la
démence précoce. On le note, encore comme prélude du stade
d'agitation de la folie circulaire et, alors, il est produit non pas
par une idéogénèse diminuée, défectueuse ou inexacte, mais par
une exagération de l'idéation. ' ,
Le mécanisme en est du reste différent. Dans les états d'ob1w-
bilation crépusculaire des hystériques, les malades se donnent évi-
demment la peine de réfléchir, ils ont l'air obtus, confus, à demi-con-
scients, se fatiguent à répondre à de longues questions, parlent
lentement comme s'ils sortaient d'un rêve. Ce symptôme est la
suite ou l'escorte de certaines pertubations mentales de l'état
hystérique dont la nature est pour nous tout aussi énigmatique
que l'hystérie même.
Il en est tout autrement chez le catatonique. Ici pas de trouble
de la conscience, pas de sommation, pas d'état crépusculaire; les
réponses absurdes sont extraordinairement rapides, elles partent
comme des balles de pistolets, souvent avant que la question ait
été complètement formulée. La réponse à côté s'accompagne très
fréquemment de verbigération, certaines idées sont doublées de
fusées rhytmiques de nombres ou de mots qui n'ont souvent qu'un
rapport très éloigné, ou n'ont pas de rapport du tout avec la ques-
tion. Les réponses absurdes ne tiennent pas à la perte «permanente
des connaissances et perceptions, elles ne dérivent pas directe-
ment du processus d'abêtissement ; le symptôme est la manifesta-
tion du délire d'opposition (négativisme) de la catatonie.
P. Keraval.
XXXVII. De la valeur diagnostique des irrégularités des bords des
pupilles dans les maladies nerveuses dites organiques ; par
J. Pilez (Neurolog. Cenlralblatt, XII, 1903).
Nous ne pouvons donner que les conclusions des observations
cliniques et des recherches expérimentales de ce mémoire qu'ac-
compagnent d'édifiantes figures.
I. Le bord des pupilles est susceptible de présenter les alté-
rations pathologiques suivantes. Ce sont : a. des irrégularités
temporaires ou variables produites par une mobilité inégale,
variable, de certains segments de l'iris; b. des changements de
positions de la pupille entière; c. des irrégularités constantes du
bord pupillaire. - Il. Toutes ces altérations constituent des phé-
nomènes très fréquents dans la paralysie générale, le tabès dorsal,
la syphilis cérébrospinale. - ici. Elles se montrent aussi dans le
cours d'autres maladies mentales et nerveuses; on ne les observe
qu'exceptionnellement chez l'individu sain. IV. On peut occa-
- REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 349
sionnellement voir survenir dans la catatonie la mobilité passa
gère, ou variable, inégale de certains segments de l'iris. V.
Les irrégularités du bord pupillaire ont une grosse valeur diagnos-
tique incontestable, parce que parfois elles précèdent l'apparition
du signe d'Argyll Robertson et peuvent constituer pour ainsi dire
le stade initial de ce signe. VI. Les altérations de forme de la
pupille que nous produisons expérimentalement étant très sem-
blables en somme aux irrégularités pathologiques du bord de la.
pupille, il y a lieu de supposer que ces dérnières sont simple-
ment l'expression d'un processus pathologique d'excitation, de
parésie ou de paralysie de certains segments de l'iris, produit par
des lésions pathologiques de certains filets des nerfs ciliaires
courts ou longs, ou de leurs noyaux. VU. L'inégale mobilité de
certains segments de l'iris dépend d'une parésie du filet corres-
pondant des nerfs ciliaires : parésie partielle de l'iris. VIII. Les
changements de position de la pupille entière sont l'expression
de la combinaison d'états d'excitation, de parésie ou de paralysie
des différents filets des nerfs ciliaires courts ou longs. IX. Les
irrégularités constantes du bord des pupilles sont l'expression
d'une paralysie définitive de certains segments de l'iris : irido-
plégie partielle. Elles sont, selon toutes probabilités, produites par
des lésions pathologiques des filets pupillaires correspondants ou
de leurs noyaux (atrophie des cellules nerveuses correspondantes).
X. Chez un enfant nouveau-né, j'ai vu la pupille présenter les
formes les plus différentes oe transformant les unes dans les
autres; ce changement continuel de forme de la pupille prouve
que chez le nouveau-né il n'existe parfois pas encore de synergie
dans la mobilité des divers segments de l'iris, que cette synergie
ne se développe que plus tard. P. Keiuval.
XXXVIII. L'attaque convulsive de toux hystérique; par ADaDIE ET
Grenier de CARDENAL (Bévue de médecine, Novembre 1902.)
Observations de trois jeunes filles chez qui la crainte d'une
affection pulmonaire détermina des crises nerveuses alternant
avec des crises de toux. L'absence de lésions pulmonaires, les
stigmates hystériques évidents, l'aura précédant l'apparition de la
toux permettent d'affirmer qu'il s'agit là d'une toux de nature
hystérique. On retrouve dans ces attaques de toux les trois pério-
des : préconvulsive, convulsive, post-convulsive de la grande atta-
que d'hystérie : la période préconvulsive comprenant des auras
sensitives (boule abdominale, gonflement thoracique, constriction
laryngée) ; la deuxième période comprenant une phase tonique
avec immobilisation du thorax, tétanisations des muscles inspi-
ratoires, efforts d'inspirations avec bruits laryngés, et une phase
clonique : convulsions thoraciques et abdominales avec expirations
330 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
longues et convulsives et toux explosive ; la troisième période
enfin correspondant à la période post-convulsive et se terminant
d'ordinaire brusquement. Sans hypnose ni délire, les malades
passent sans transitions de l'état convulsif à l'état normal. M. II.
\11V. Sur un cas de paramioclonus multiplex. Etat psychi-
que spécial; par l3rrTn.wu. (Bévue de médecine. Novembre 1902.)
- M. H.
XL. Hérédosyphylis cérébrale tardive; par L. HAUDnIx. (P&IiCli-
nique de Bruxelles. Novembre 1902.)
Un cas d'hérédosyphilis chez un enfant de dix ans. Des sym-
ptômes fébriles persistant avaient fait croire à une fièvre typhoïde
et ce n'est qu'un examen ultérieur qui permit d'attribuer les troubles
à une lésion syphilitique de la base du crâne.
XLI. Observation de catatonie en relation avec la première mens-
truation ; par H. itIUCna, (Neurolog. Centralbl. XXI. 1902.)
Il s'agit d'une fillette de quinze ans. Plusieurs jours d'agitation
motrice avec délire terrifiant sont suivis de stupeur avec attitudes
et mouvements stéréotypés, mutacisme, refus de nourriture, ,en-
sion des muscles du corps, accès spasmodiques catatoniques
interrompus par la rigidité habituelle. Verbigération quand la
malade parle. L'auteur croit devoir rattacher ces accidents à la
première menstruation, la jeune personne ne paraissant avoir ' à
aucune tare héréditaire, et, tout en étant modérément douée, sem-
blant jouir d'un état mental normal jusqu'alors. L'âge constitue
une rareté pour l'explosion de la catatonie. P. Keraval.
XLIL De la sensibilité de l'arcade zygomatique, comme signe d'af-
fection organique des parties essentielles du cerveau et des mé-
ninges ; par W.-M. llCHTElOEW. (06oj : re't : ! e psiehiutnü, VII,
1902.)
Ce signe aurait de la valeur dans les lésions syphilitiques à
forme de méningo-encéphalite et dans les affections d'origine
vasculaire. Parfois même les processus pathologiques anciens des
parties essentielles du cerveau se trahissent par une sensibilité
marquée de l'arcade zygomatique, très nette dans les cas plus
récents. L'auteur affirme avoir découvert un processus patholo-
gique en foyer par ce procédé, alors que les autres symptômes
étaient en faveur d'un désordre diffus ou même fonctionnel. Cette
sensibilité se peut expliquer par le trait d'union que forme l'ar- t
cade entre deux régions crâniennes : quand on la frappe, elle
ébranle une portion assez notable de la base des enveloppes du
crâne. P. Keraval.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
I. Manie transitoire alcoolique; par E.-N. Iwarrow. (Oborénié
psichiatrii, VI, 1901.)
Il s'agit d'un soldat de vingt-cinq ans ayant brusquement présenté
les symptômes de la manie avec fmeur, le 19 mars 1899 de 11 heures
du soir à 3 heures du matin; il s'endort ensuite d'un profond
sommeil et se réveille sans rien se rappeler de ce qui s'est passé.
A la fin de septembre de la même année, il se réveille à 11 heures
du soir brusquement en criant qu'on lui donne à manger des con-
combres, des melons d'eau, déchire sa chemise, houspille son
matelas; on est obligé de l'attacher et de le maintenir au lit; il se
calme rapidement et s'endort. Le lendemain il dit ne se souvenir
de rien. On le croit épileptique.
Une observation de trois mois démontre qu'il n'a jamais d'atta-
ques, qu'il ne présente aucune anomalie psychique. C'est un
buveur d'ancienne date, porteur de parésie du facial droit, de
tremblements de la langue, des lèvres et des doigts, d'une dévia-
tion en crochet de la langue à droite. Il a bien eu des accès de
manie furieuse instantanés et passagers avec obnubilation de la
conscience, mais sans hallucinations; ce n'était donc pas le délire
hallucinatoire aigu des buveurs. Il ne s'est pas manifesté d'ac-
cidents convulsifs; ce n'était pas de l'épilepsie alcoolique. Il
n'était pas ivre à ce moment; il ne l'avait été ni le jour des
accès, ni la veille. Il n'est pas épileptique. D'où le diagnostic.
P. Kerival.
II. Contribution à l'anatomie pathologique de la maladie de Ba-
sedow : par L. KEDZioR et J. ZANIETOWSKI. (Neurolog. Ccnlrulb.
XX. 1901.
Filehne, Dunlafe et Bienfait ont provoqué chez le lapin les symp-
tômes du goitre exophthalmique en sectionnant les corps restifor-
mes. Voici une observation qui, de concert avec celle de Mendel
(1895), montre une atrophie très accusée du corps restiforme
gauche dans la maladie de Basedow. Les coupes faites au micro-
tome à congélation ou à la main ont été plongées dans une solution'
d'acétate d'urane et d'azotate de potasse, puis colorées au carmin
ammoniacal (solution de Bloch modifiée par Kadyj). Nulle altéra-
tion du cerveau, du cervelet, de la moelle, sauf des foyers d'hé-
morrhagie récents et anciens. Notons qu'il s'agit d'une fillette de
352 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
dix-huit ans, non réglée, malade depuis quatre ans. Par contre,
les parties supérieures du bulbe témoignent a un faible grossisse-
ment de la coloration rouge des faisceaux pyramidaux et des
olives qui contraste avec la couleur jaunâtre des deux corps resti-
formes : le corps restiforme gauche a même une teinte cireuse. Ce
dernier forme un petit ovale d'une dimension près de deux l'ois
inférieure à celle du corps restiforme droit. A un fort grossisse-
ment, le raphé, les noyaux olivaires, les fibres arciformes se dessi-
nent nettement en rouge foncé sur fonds rouge clair; on voit très
bien les fibres du corps restiforme droit, tandis que celles du corps
restiforme gauche sont clairsemées, si rares que l'on croirait
qu'il s'agit de coupes pratiquées à la hauteur du calamus scripto-
rius, où les corps restiformes convergent en arrière, se rappro-
chent, où les fibres diminuent fortement. Le faisceau latéral du
cervelet du côté gauche et le noyau gauche de la dixième paire pa-
raissent aussi plus petits que du côté droit. Les portions moyennes
et inférieures du bulbe sont également asymétriques à gauche,
mais sans différences marquées dans le trajet des fibres.
P. KERAVAL.
III. Convulsions myocloniques dans la paralysie générale pro
gressive; par J.-S. Hermann. (Neurolog. Centralb. XX. 1901).
Il s'agit d'une observation de convulsions myocloniques qui
n'étaient associées ni avec des attaques congestives épiteptifonnes,
ni avec des attaques congestives apoplectiformes. Le diagnostic de
paralysie générale ressort et du tableau clinique, et des lésions
macroscopiques. Les convulsions portèrent plus fréquemment sur
des muscles isolés que sur des groupes de muscles : d'abord uni-
latérales, elles ne devinrent que tardivement bilatérales. Le facial
demeura indemne. A de certains moments les extrémités furent
animées de mouvements involontaires rappelant au plus haut
point les mouvemenls choréiques. La volonté et les émotions
agissaient sur les convulsions de la même manière que sur la
chorée. Ce n'étaient cependant point des mouvements choréiques;
en effet la chorée se manifeste par des mouvements irréguliers,
inopportuns, portant sur divers groupes musculaires en commun
et donnant aux actes un caractère physiologique, avec cette seule
différence qu'ils sont involontaires, irrésistibles. Les muscles
du visage prennent aussi part aux mouvements choréiques, en
déterminant les contorsions de^la physionomie. Chez ce malade,
au contraire, les convulsions occupaient surtout des muscles
isolés qui, par eux-mêmes, n'exercent pas de fonction physiolo-
gique déterminée, tels le sternocléidomastoïdien, certaines paities
des muscles de l'abdomen, des tendons à part. Les convulsions
étaient rapides comme des éclairs, tandis que les mouvements
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 353
choréiques sont beaucoup plus lents. Ce n'étaient pas non plus
des convulsions post-apoplectiques.
La soudaineté de ces convulsions, leur individualisation muscu-
laire, les rapprochent du type de Kemmler, mais elles n'étaient
pas rhythmiques et synchrones aux pulsations du pouls. Elles
n'avaient rien de l'athétose, de la sclérose en plaques : rien non
plus du tic généralisé, la face étant intacte.
Il existait une dégénérescence kystique du rein gaucho. Etaient-ce
des convulsions urémiques ? Elles n'étaient pas épilepliformes, ne
s'accompagnaient pas de perte de connaissance, n'étaient pas sui-
vies de coma; enfin, elles ont duré environ six semaines sans
qu'ily ait eu la moindre perte de connaissance. On n'a observé ni
vomissements, ni modifications du pouls et de la respiration. La
longue persistance des convulsions d'un côté exclusivement, leur
extension en rapport avec la localisation des centres des membres
dans l'écorce, l'absence de convulsions faciales, plaident contre un
trouble moteur toxique. On n'a pas examiné l'urine parla simple
raison que le malade n'a jamais eu d'oedème ni aucun phéno-
mène morbide pouvant faire supposer une affection des reins.
Est-ce de la myoclonie ? Cela y ressemble. L'atteinte de muscles
séparés, de certaines parties de muscles à part, de certains ten-
dons isolément est en sa faveur. On voyait des contractions se
produire sur le sternocléidomastoïdien, le droit de l'abdomen, tels
adducteurs, tels tendons de tels doigts et de tels orteils. C'étaient
des convulsions rapides, soudaines ; même quand le malade était
au repos, les faibles convulsions, qui survenaient alors, étaient, de
temps à autre, interrompues par des mouvements brusques en
éclair. Parfois on observait toute une série desecousses successives
d'un muscle déterminé. Les convulsions faibles ne produisaient
pas d'effet moteur; seules les convulsions fortes, s'étendant simul-
tanément à beaucoup de muscles ou à des groupes musculaires
entiers, faisaient mouvoir l'extrémité correspondante ou les mem-
bres ; les mouvements étaient en ce cas uniformes, liés, c'est-à-
dire que le même mouvement était exécuté plusieurs fois de suite.
Cette particularité nous ramène au tic généralisé, et nous éloigne
des convulsions choréiques. Les muscles de la face étant épargnés,
l'affection côtoie la myoclonie de Friedreich. Ce sujet a aussi pré-
senté des contractions spasmodiques en des muscles homonymes,
mais ni synchrones, ni symétriques s'il arrivait que des convul-
sions bilatérales portassent sur des muscles homonymes, il y avait
entre elles un certain retard. Des convulsions croisées et autres
combinaisons ont été observées également. La volonté n'interrom-
pait pas les phénomènes convulsifs, alors que les émotions les exa-
géraient. Ce qui est propre à la myoclonie, ce sont : les contrac-
tions en éclair, les convulsions de muscles isolés, de portions iso-
lées de muscles, de tendons isolés, l'absence de symétrie et de
Archives, 2' série, t. XV111. ' 23
351 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
simultanéité des contractions. L'absence des réflexes patellaires
tient à ce que la myoclonie est greffée sur la paralysie générale,
qui s'accompagne très souvent de disparition de ces réflexes.
Silvestrini a du reste décrit un cas de myoclonie pure où les
réflexes palellaires faisaient défaut.
Les convulsions myocloniques ont été signalées en qualité d'épi-
phénomènes dans l'hystérie et la neurasthénie (Strùmpell, 111oebius,
Lemoine, Unverricht), dans l'épilepsie (Unverritch, Homén,
Seppilli, Krewer). Myoclonie, chorée, athétose peuvent donc coin,
pliquer d'autres maladies.
Anatomie pathologique et pathogénie. - Friedreich et Unverriclit
imputent le paramyoclonus aux cellules nerveuses des cornes
antérieures de la- moelle. Unverritch attribue l'hémimyoclonus au
cerveau. Minkowski, Grawitz, Krewer font de la myoclonie une
affection cérébrale. Lorsqu'elle se produit dans l'épilepsie, elle
est l'indice de la pénétration en profondeur du processus patholo-
gique, de l'atteinte des grandes cellules nerveuses.
Chez ce malade la myoclonie fut très probablement d'origine
cérébrale. En effet, d'abord unilatérales, les convulsions n'ont
envahi l'autre côte que longtemps après; elles se sont effec-
tuées graduellement d'abord sur le membre inférieur droit, puis,
sur le membre supérieur droit, enfin, dans le môme ordre, plus
tard, à gauche, n'ayant atteint les autres muscles volontaires que
bien longtemps après et à un moindre degré : cette marche cor-
respond à la localisation des centres moteurs de l'écorce. Or, on a
trouvé des kystes sous-arachnoïdiens dans la zone motrice corti-
cale. Bechterew a déjà noté que les attaques congestives épilepti-
formes des paralytiques généraux coïncident fréquemment avec
la présence de kystes sous arachnoïdiens sur les ascendantes.
P. Keraval.
IV. Note sur la rétraction de l'aponévrose polinaire chez les
aliénés ; par Fiai : et Francillon. (Bévue de médecine. Juin 1902.)
La rétraction de l'aponévrose polinaire, déjà signalée dans quel-
ques cas, a été étudiée sur 226 malades d'un service d'aliénés. Il
en a été observé 14 cas, ce qui donne une proportion de 6,19 pour
100. Observée d'après les ' divers cas d'aliénation, c'est chez les
paralytiques généraux que cette anomalie s'est présentée le moins
souvent. Les délirants persécutés ont donné une proportion plus
forte; 14 p. 100; les épileptiques et les déments séniles ont
donné également une proportion assez forte, environ 10 p. 10U;
les imbéciles, 4 et demi p. 100.
11 a été difficile d'établir un rapport entre la maladie mentale et
le début de la rétraction de l'aponévrose. Toutefois la proportion
est moins forte chez les paralytiques que chez les autres aliénés, et.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 355
cette considération que la rétraction aponévrotique se montre chez
eux avant l'apparition des troubles trophiques qui leur sont
propices peut amener à penser que cette anomalie n'est chez tous
ces malades qu'une manifestation commune d'une tare congénitale.
11. H.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
III. Traitement par le trional, et addition au même mémoire : par
'VoLSF. (Centralbl. f. Nervenheilk, XXIV., N. F. XII, 1901.)
Dans un premier travail l'auteur annonce un résultat étonnant
du trional dans la confusion mentale aiguë primitive ou délire
général hallucinatoire. Il administre le premier soir 2 grammes
du médicament, le lendemain, matin et soir, encore 2 grammes,
puis chaque matin et chaque soir de chaque jour 1 gramme au
moins, de façon à rendre le malade somnolent ; on ne le tire de
cette somnolence que pour manger et faire ses besoins. Si des '
hallucinations et de l'agitation surviennent, on élève de nouveau
la dose à 2 grammes. Durée du traitement : douze jours environ.
Le réveil a lieu graduellement en un ou deux jours. Calme, luci-
dité, souvenir de l'état morbide antérieur.
Dans l'appendice, l'auteur communique que la femme qui
faisait l'objet de l'observation III est retombée malade : il est
vrai qu'elle était albuminurique. Deux nouveaux cas traités par le
même procédé comprennent une psychose à rechutes, simplement
calmée, et une manie suivie de catatonie guérie. P. Keraval.
IV. La photothérapie à Paris, Hambourg et Berlin; par L.-lI1.
POUSSEPE. (Obo ? l'énié psicleiatnü, VI, 1901 )
1.C'est surtout à l'étranger que c'est propagé le traitement parla
lumière et la chaleur conjointement. 2. Ce traitement doit être
nommé photothermothérapie, pour le distinguer de la photothé-
rapie. 3. La photothermothérapie est appliquée avec succès à
un nombre énorme d'affections constitutionnelles, de troubles de
la nutrition, de maladies nerveuses. 4. La photothérapie est à
l'étranger appliquée exclusivement par le professeur Finsen, en
Danemark : sa méthode s'est comparativement peu répandue
dans les autres pays. 5. Les hôpitaux russes de photothérapie
le cèdent aux hôpitaux étrangers en dimensions et en confort,
mais ils surpassent ces derniers au point de vue de l'élaboration
scrupuleuse des éléments scientifiques de la question.
' P. 11EFAVAL.
356 , REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. , '
V. Les principes de l'action thérapeutique de l'électricité statique
(franklinisation) ; par S.-1\I. Scnnrzbr. (Oboz1'cllié psichial1'ii, VI,
1901.)
1. L'accumulation d'électricité à la surface de l'organisme
n'exerce aucune influence sur sa vitalité physiologique ou patho-
logique. 2. La tension électrostatique des masses électriques
qui s'accumulent à la surface de l'organisme n'agit pas non plus sur
les fonctions delà peau. - 3. Toutes les méthodes de frankiinisation.
pratiquées en thérapeutique déterminent le passage des masses élec-
triques au sein de l'organisme, parce que celui-ci est le meilleur
conducteur, le plus court chemin par lequel elles arrivent aux
points où elles se neutralisent. 4. Le passage des masses élec-
triques 11 travers les tissus et liquides de l'organisme s'accompagne
fatalement de phénomènes électrolytiques et du développement
de chaleur. 5. Ces deux facteurs tiennent sous leur dépendance
l'augmentation et l'accélération des échanges de la nutrition
générale, et de ceux de la nutrition locale quand on se sert de
l'étincelle et du souffle électriques. Telle est la base de tous les
effets thérapeutiques de la fraulclinisation. P. KERAVAL.
VI. Le traitement à l'acide cacodylique; par II. Smidt. (Neurolog.
Ccnlr'alGlutL, XXI, 1902.)
Revue des travaux correspondants. L'auteur adopte le juge-
mens que lui a transmis par lettre de Vincenti de Milan. « L'em-
ploi hypodermique de ce médicament s'est propagé chez nous,
parce que c'est un procédé commode, aisé à employer, inoffensif,
à la condition qu'on prenne toutes les précautions aseptiques
voulues, dans les cas d'asthénie physique et psychique. C'est en
somme un traitement neuroionique. Il trouve son indication cli-
nique en tant qu'adjuvant d'autres médications toniques et
reconstituantes, pourvu, bien entendu, qu'on n'en attende pas des
miracles. L'injection hypodermique a l'avantage de ne pas mo-
lester l'estomac ni l'intestin. Mais ce n'est pas un spécifique de
quelque affection mentale : il faut pour que la substance agisse
que la psychopathie soit greffée sur un fonds d'asthénie ou d'ané-
mie. » P. 11ER : 1-AL.
VII. Cas d'infantilisme pancréatique ; résultats du traitement,
par Byrom BRAMWELI. (The Scottish Médical and SU1'gical Journal,
vol. XIV, n° 4, avril 1904, p. 321).
A la réunion de la Société médico-chirurgicale, il y a deux ans
(1902), je présentai un malade qui souffrait de ce que je croyais
être jusqu'ici une maladie non décrite, que j'ai dénommée infalll-
lisme pancréatique. A la réunion de mars de la Société, en 190h
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 357 7
je présentai de nouveau le même malade. Un changement remar-
quable dans son état est résulté de l'administration d'extrait pan-
créatique.
Etat avant le traitement (27 décembre 1901). Lorsqu'il fut t
présenté pour la première fois à la Société en février 1902, le
malade était âgé de dix-huit ans et neuf mois, mais il ne sem-
blait pas avoir plus de onze ans ; son développement corporel
avait été évidemment arrêté à l'âge de onze ans ; il avait des
formes parfaites et ne présentait aucun des changements physiques
suggestifs de crétinisme sporadique ; au point de vue mental il
était brillant et intelligent. Avant que le traitement pancréatique
fût commencé, le 27 décembre, sa taille était de 4 pieds 4 1/8
pouces, et son poids 4 « stones » 7 1/2 livres. Pendant neuf ans
avant qu'il n'attirât l'attention, il avait souffert de diarrhée chro-
nique ; le nombre moyen des selles avant le traitement était de
cinq ou six dans les vingt-quatre heures. L'abdomen était gonflé
et tympanique. L'urine ne contenait pas de sucre. La sécrétion
pancréatique fut montrée défectueuse ou complètement absente
par trois méthodes distinctes de recherches, à savoir :
1° Les selles contenaient une quantité considérable de graisse
non digérée; cette graisse non digérée devint beaucoup moindre
après l'administration d'extrait pancréatique.
2° Quand le malade était au régime lacté, le taux de l'acide
phosphorique dans l'urine était considérablement au-dessous de
la normale ; après l'administration d'extrait pancréatique, le taux
de l'acide phosphorique fut accru d'une façon marquée.
Le médecin de ma maison, le Dr David Young, conduisit cette
partie de l'enquête. Il dit que lorsqu'un malade est au régime
lacté, le caséinogène est la source du phosphore de l'urine. Ce
caséinogène est transformé dans l'estomac en paranucléine et une
substance protéique. La paranucléine, qui contient 4 p. 100 de
phosphore, est insoluble; mais quand la paranucléine -vient au
contact du suc pancréatique, elle est décomposée en acide paranu-
cléique et une albumose, qui est soluble. C'est là la source du phos-
phore (acide phosphorique) dans l'urine. Le Dr Young trouva que
le total de l'acide phosphorique dans l'urine dans le cas présent
lorsque le malade était au régime lacté, était extrêmement petit ;
mais que pendant l'administration de l'extrait pancréatique il
subissait un accroissement rapide et très marqué. z
3° Par l'épreuve du professeur Sahli. Cette épreuve consiste en
l'administration de capsules (inventées par le professeur Saldi de
Berne), capsules contenant de l'iodoforme entouré d'une substance
glutoïde, laquelle est insoluble dans la sécrétion gastrique et
intestinale, mais est soluble dans la sécrétion pancréatique. Si la
sécrétion pancréatique est active, la paroi glutoïde de la capsule
est dissoute et l'io ioforme est mis en liberté; l'iode, sous forme
358 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
d'iodites et d'iodates peut alors être mis en évidence dans la salive
en faisant l'épreuve du chloroforme et de l'acide nitrique; l'acide
nitrique met en liberté l'iode, qui donne au chloroforme une cou-
leur rosé* Cette épreuve est une belle manière de démontrer :
premièrement, la longueur du temps pendant lequel les aliments
(c'est-à-dire la capsule) restent dans l'estomac, et, secondement,
si la sécrétion pancréatique est active ou non. Si on n'obtient
aucune réaction iodée dans la salive après l'administration de la
capsule, on peut conclure, ou que la capsule n'a pas quitté l'esto-
mac, ou que la sécrétion pancréatique est ajournée.
Dans le cas présent, après l'administration d'une capsule
d'épreuve, l'iode ne put être découvert dans la salive. Que la cap-
sule eût quitté l'estomac, cela fut cependant prouvé par ce fait
qu'elle fut retrouvée non digérée dans les selles. L'expérience fut
répétée plus d'une fois, et l'activité des capsules fut éprouvée par
une expérience de contrôle. Ces capsules furent données à deux
malades qui n'avaient aucune maladie gastrique ou intestinale;
dans les deux cas, on trouva l'iode dans la salive une heure et
demie après qu'elles avaient été- ingérées. Quand, cependant, on
donna une capsule d'épreuve seule sans aliments, et une dose
(deux drachmes) d'extrait pancréatique deux heures après, on
trouva que la salive contenait de l'iode une heure après que l'ex-
trait pancréatique avait été administré.
Ces trois méthodes d'investigation montraient que la sécrétion
pancréatique était insuffisante ou entièrement absente. Il semblait
probable, par conséquent, que le métabolisme défectueux de la
partie supérieure du tractus gastro-intestinal, la diarrhée, et l'ar-
rêt de développement (l'infantilisme) fussent dus à une sécrétion
pancréatique défectueuse ou suspendue. Les résultats du traite-
ment, l'administration d'un extrait glycérine de pancréas,
ont confirmé cette vue.
Etat après le traitement (mars 1904). Le traitement pancréatique
fut commencé le 27 décembre 1901, et a été continué plus ou
moins régulièrement depuis cette date. Le résultat a été une amé-
lioration remarquable à la fois en ce qui concerne la diarrhée et
la croissance et le développement corporels. 1) Avant le traitement,
il y avait en moyenne cinq ou six évacuations diarrhéiques par
'jour ; actuellement, il y a en moyenne deux évacuations par jour,
dont l'une est moulée. 2) Avant le traitement, le malade dit qu'il
n'avait pas grandi du tout pendant huit ans : pendant les deux
ans qui se sont écoulés depuis que le traitement a été commencé,
il a grandi de 5 -g- pouces, et il a augmenté en poids de 1 a stoneu
8 livres. 3) Le développement sexuel qui, lorsque le malade attira
l'attention, était tout à fait infantile, progresse maintenant d'une
manière normale ; il y a eu une croissance de poils du pubis, et
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TABLEAU
indiquant l'âge, la taille, le poids, etc., dans le cas d'infantilisme pancréatique décrit dans le texte, (i différentes
dates, avant et après le traitement.
360 SOCIÉTÉS SAVANTES.
le pénis et les testicules se sont développés. 4) Le malade a l'air
beaucoup plus vieux, et sa voix, qui était d'une tonalité élevée et
aussi enfantine, est devenue rude et d'une tonalité basse.
On voit l'état du malade avant et après le traitement,'sur les
figures 1 et 2 de la planche XI, qui sont photographiées exacte-
ment sur la même échelle.
Rema q2ces. - Je suis d'avis que ce cas est un type distinct d'in-
fantilisme dû à la sécrétion pancréatique défectueuse ou abolie.
Cette opinion est, je crois, prouvée par les observations faites sur
la sécrétion pancréatique avant- que le traitement ne soit com-
mencé, et par l'amélioration extraordinaire qui a résulté de l'ad-
ministration d'un extrait glycériné de pancréas. Je crois que cet
état est une entité clinique distincte, une nouvelle maladie qui
n'a pas été jusqu'ici reconnue ; et, ce qui est même de plus d'im-
portance, les résultats du traitement semblent montrer la manière
par laquelle la maladie devrait être traitée et par laquelle elle
peut être guérie. Comme je l'ai déjà dit, cet état est tout à fait
distinct du crétinisme sporadique, avec lequel beaucoup de ces
cas ont été sans aucun doute confondus. Le malade ne présentait
aucun des caractères physiques ou mentaux du crétinisme spora-
dique la forme infantile du myxoedème. Des radiographies
furent prises lorsque le malade attira pour la première fois l'atten-
tion ; elles montrèrent que les lignes épiphysaires- qui devraient
le souder entre la seizième et la dix-huitième année (Gray)
étaient alors, à l'âge de dix-huit ans neuf mois, non soudées, par
conséquent que les os étaient' capables de s'accroître encore. Le
tableau suivant montre les résultats du traitement :
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance solennelle du 30 mai. Présidence de M. Brunet.
- rapport de la Commission du Prix Esquirol.
M. VJGOUROUX donne lecture du rapport de la commission du
Prix Esquirol.
Quatre mémoires ont été présentés :
1° Contribution à l'étude de l'évolution clinique et anatomo-
pathologique des traumatismes du crâne guéris chirurgicalement.
2° Des rapports du paludisme et de l'aliénation mentale.
BIBLIOGRAPHIE. 361
3° Contribution à l'étude des névroses et des délires paroxys-
tiques.
4° Les incendiaires.
Le prix est décerné à M. Gimbol, auteur du mémoire n° 4 ; une
mention honorable est accordée à M. Cornu, auteur du mémoire
n° 3.
M. le secrétaire général prononce l'éloge de M. Lunier, ancien
inspecteur général du service des aliénés et ancien président de la
Société médico-psychologique. U. B.
Séance du 27 juin. - Présidence de M. Bonnet.
Suicide et paralysie générale; par 11111. nIARIG et VIOLLET.
On peut dire que : le suicide rare chez les paralytiques généraux
confirmés, peut cependant s'observer à la phase initiale de la ma-
ladie daus les formes dites des hôpitaux ou sans délire de Requin.
Il peut, 'en effet, procéder ◀tantôt▶ d'un état dépressif délirant asso-
cié, ◀tantôt▶ d'une dépression légitime due à la compréhension de
la gravité du mal chez les plus cultivés. A l'Asile on peut encore
observer des réactions suicides à une période plus avancée, mais
elles perdent de plus en plus de leur gravité en tant qu'effet.
On peut cependant observer exceptionnellement le suicide par
conceptions mélancoliques ou de persécutions associées à la der-
nière et surtout le pseudo-suicide à une période avancée de la
maladie : le malade se tuant sans le vouloir, par mégalomanie ou
démence; c'est à ce pseudo-suicide qu'appartient la mort du
paralytique général sautant par la fenêtre avec la conviction qu'il
vole, ou se noyant persuadé qu'il surnagera ; ce dernier cas a été
observé à la colonie familiale de Gheel, où sont placés de nombreux
paralytiques, mais où les autres formes de suicide n'ont pas été
observées chez ces malades.
BIBLIOGRAPHIE.
La Neurasthénie (La Neurasthenia), par LVIGI Cappeletti (de For-
rare), avec préface du Prof. Bonfigli. Manuali Hocpli. Milan, 1904.
Un petit format commode, une division très claire, un texte
précis et d'une lecture agréable, suivi de mille cent trente et un
indications bibliographiques, voici de quoi justifier le succès de
cet élégant petit livre.
Tous les facteurs étiologiques de la neurasthénie sont passés en
362 VARIA.
revue à l'aide de nombreux matériaux et statistiques : civilisation,
race, profession, hérédité, traumatismes, intoxications, etc.
Quant à la symptomatologie, elle est soigneusement décrite,
appareil par appareil (troubles sensoriels, sensitifs, moteurs, cir-
culatoires, respiratoires, digestifs, génito-urinaires, trophiques,
sécrétoires, sématologiques, intellectuels). Après avoir rappelé
les stigmates, les asociations morbides, l'évolution, le pronostic et
le diagnostic de cette affection, l'auteur étudie les diverses théories
pathogéniques qui ont été proposées et les médications qui en
découlent (hygiène prophylactique et thérapeutique ; cure phy-
sique, chirurgicale et pharmaceutique). z
Toutes les théories pathogéniques sont rappelées par Cappeletti :
théories de l'entéroptose (Franz Glénard), de l'auto-intoxication
(Bouchard), - de la neurasthénie envisagée comme maladie des
échanges (Axenfeld et Huchard), théorie de l'épuisement de la
cellule nerveuse (Beard), théorie anatomique et vaso-motrice de
Kaan (neurasthénie héréditaire, neurasthénie acquise par surme-
nage ou par insuffisance des matériaux nutritifs), théorie
mécanique de Maurice de Fleury (neurasthéniques à hypo ou à
hyper-tension). D'autres auteurs ont encore voulu expliquer la
neurasthénie par une action réflexe d'origine castro-intestinale
(Leven), par les troubles vaso-moteurs (G. Dumas), par un
trouble intime dans la nutrition des éléments nerveux (Erb), etc.
En ce qui le concerne, l'auteur pense que, dans l'état actuel de
nos connaissances, c'est dans un trouble primordial des éléments
cellulaires nerveux qu'il faut chercher l'origine de la maladie.
Il insiste sur le régime psychique et somatique, sexuel, diété-
tique, etc., qui convient à tous les neurasthéniques; les différents
moyens physicothérapiques (hydrothérapie sous toutes ses formes,
électricité, bimérithérapie, etc.) sont étudiés avec précision, ainsi
que les différents agents médicamenteux. On voit donc que le
petit manuel justifie amplement l'éloge du préfacier Bonfigli, pro-
mettant qu'il sera utile et à celui qui sait, en tant que compen-
dium excellent de toutes les connaissances sur la matière, et à
celui qui ne sait pas, en tant que guide facile et clair pour l'étude
de la maladie la plus répandue de toutes les affections du système
nerveux. Pierre Roy.
VARIA.
Les aliénés en liberté.
Suicide d'un vieillard. M. Charles Duvry, âgé de soixante-
douze ans, cultivateur, en proie à des troubles cérébraux, s'est jeté
dans la mare située dans sa cour. (Semeur de l'Oise, 27 mai.)
VARIA. · 363
Suicide. Hier matin, vers onze heures, M. le commissaire du
deuxième arrondissement était prévenu-qu'un suicide venait de se
produire, rue de la Préfecture, 105. Ce magistrat se rendit au lieu
indiqué et constata que M. X..., âgé de soixante-sept ans, s'était
pendu. L'enquête a établi que cet homme, malade depuis très long-
temps, ne jouissait plus depuis plusieurs mois de ses facultés et avait
manifesté à plusieurs reprises l'intention de se donner la mort.
(Progrès de Lyon, 31 juillet 1904).
Suicide d'un officier. Le capitaine trésorier Creusat, du
40° régiment d'artillerie, s'est suicidé d'un coup de revolver à la
tempe droite. Il survécut deux heures à ses horribles blessures. Il
était, depuis quelques temps, atteint du délire ^de la persécution.
Cet officier jouissait de l'estime générale dans son régiment.
(L'Aurore, 7 septembre 1904.)
Un fou à la tête dure. Un cercle de badauds se formait hier,
vers midi, boulevard Richard-Lenoir, -devant la porte d'un petit
chalet de nécessité, écoutant'un homme qui s'exprimait ainsi : -.
Mesdames et messieurs, j'ai la tête très dure. Mon assertion
ne suffit certainementpas à vous convaincre, et la toucher ne vous
convaincrait pas davantage. Je ne vais pas casser des pierres avec
ma tête, tout le monde fait cela aujourd'hui. J'ai un truc : je vais
passer à travers la porte du chalet.
Un mouvement de curiosité se produisit parmi les curieux.
Après avoir déposé deux sous devant la tenancière, notre
homme s'enferma. Quelques secondes plus tard, un craquement se
fit entendre et, ainsi qu'il l'avait annoncé, l'homme à la « tête
dure » sortit par la brèche qu'il venait de faire dans le flanc du
chalet. La préposée ne trouva pas, comme bien on pense, cette
expérience de son goût, et elle appela les agents. Ceux-ci condui-
sirent l'homme au poste de police du quartier Saint-Ambroise.
Il fit remarquer que son crâne était intact après le choc qu'il
venait de supporter. - Je suis tombé une fois du premier étage
sur la tête, ajouta-t-il, et je n'ai absolument rien ressenti. D'ail-
leurs, tenez... et, avant qu'on ait pu prévoir son geste, notre
homme avait « traversé » la porte en bois qui donne dans le cou-
loir conduisant au commissariat. C'est pas plus malin que ça,
déclarat-il en se frottant l'occiput.
M. Bottolier-Lasquin, commissaire de police a envoyé le monsieur
à « la tête dure », François Duchemin, trente-deux ans, camelot,
demeurant passage Raoul, à l'infirmerie spéciale pour le faire exa-
miner au point de vue mentale. (Le Journal.)
Un fou mystique. - Depuis quelque temps, 1\1. Emile Bonafoy,
vingt-quatre ans, chaudronnier, 18, rue des Panoyaux, présentait
quelques signes d'aliénation mentale, prétendant à qui voulait
l'entendre, qu'il était amoureux fou d'une femme idéale qui était
364 VARIA.
venue le visiter en rêve. Naturellement les voisins du malheureux
aliéné se gardaient bien de le contredire, et, ce genre de folie ne
paraissant nullement dangereux, ilsy attachaient peu d'importance.
IIier matin, vers dix heures, la concierge de l'immeuble où
habitait le jeune homme, étonnée de ne pas l'avoir vue descendre
à l'heure accoutumée, ut enfoncer la porte de la chambre occupée
par Emile Bonafoy et recula d'horreur devant le spectacle qui se
présentait à ses yeux. Complètement nu, le ventre ouvert et per-
dant ses entrailles, le malheureux fou gisait râlant sur son lit
ensanglanté.
Immédiatement prévenu, M. Tirache, commissaire de police du
Père-Lachaise, se rendit rue des Panoyaux où on lui remit une
lettre laissée par le désespéré dans laquelle ce dernier déclarait au
magistrat qu'il avait été contraint de, s'ouvrir le ventre pour
obéir aux injonctions de sa mystique maîtresse. Emile Bonafoy
qui respirait encore, a été conduit en toute hâte à l'hôpital Tenon
où il fut admis d'urgence dans un état désespéré. (Le Journal).
Evadé d'un hospice. Un c011cic1'gc assommé. - La compassion
est évidemment un sentiment très digne, mais encore faut-il que le
sujet qui en bénéficie soit véritablement intéressant, sans quoi l'on
risque fort, tout en voulant faire du bien, d'aider à la perpétration
de quelque forfait, ainsi que le prouvent, d'ailleurs, 'dit le Journal,
les faits que nous allons raconter.
Il y a environ un an, M. Pierre Prat, âgé de quarante-cinq ans,
ouvrier passementier, habitant rue des Amandiers, à la suite de
scènes violentes auxquelles il se livrait vis-à-vis des siens, sous
l'empire de crises alcooliques, était interné à l'hospice de Villejuif,
sur la demande de sa femme.
Au mois de février dernier, Pierre Prat, trompant la surveillance
de ses gardiens, réussissait à s'évader de la maison de santé et
venait se réfugier chez un de ses cousins, Emile L..., rue de la
Mare, déclarant hautement à qui voulait l'entendre qu'il avait été
victime d'une séquestration arbitraire de la part de sa femms, qui
voulait profiter de son internement pour se débarrasser de l'enfant
que le passementier avait eu de son premier mariage.
Les dires de Pierre Prat, paraissaient assez exacts, puisque, du-
rant l'absence de son mari, Mme Prat avait fait admettre son beau-
fils à l'Assistance publique. Les voisins de M. Emile L... s'émurent
de la situation de l'évadé de Villejuif et adressèrent à qui de droit
une pétition attestant sa parfaite lucidité.
En présence de tant d'assertions, l'administration fit cesser les
recherches qu'elle avait ordonnées en vue de retrouver Pierre Prat,
et, il y a un mois, ce dernier, n'ayant désormais plus rien à craindre,
réintégra le domicile conjugal, rempli, apparemment, des meil-
leures dispositions. -
VARIA. 365
Pendant les quinze premiers jours que le passementier passa
dans sa famille, rien de grave ne se produisit, et Pierre Prat
paraissait définitivement guéri de sa fatale passion. lorsqu'il
rencontra quelques anciens amis, qui l'entraînèrent au cabaret.
Dès lors. tout changea : l'ouvrier passementier reprit ses habi-
tudes d'intempérance et, derechef, des scènes violentes eurent
lieu dans le ménage. Chaque jour, l'alcoolique, furieux, au cours
de ses accès, brutalisait sa malheureuse femme. -
Hier après-midi, les cris de Mme Prat, prirent une telle intensité
que la concierge de l'immeuble, Mme Baumain, quarante ans, aidée
de quelques voisins, enfonça la porte du logement, et arriva à
temps pour délivrer la pauvre femme, que son mari s'apprêtait à
étrangler. Voyant sa victime lui échapper, Pierre Prat, se saisit
d'un énorme gourdin qui se trouvait dans un coin de la pièce et
s'élançant sur Mme Baumain, lui en assénait plusieurs coup sur le
sommet du crâne.
Gravement blessée, la concierge s'affaissa, ensanglantée, pendant
que les témoins de cette scène, après une lutte terrible, réussis-
saient à s'emparer du forcené, qu'ils conduisirent au commissariat
de police du quartier du Père-Lachaise, d'où il a été dirigé sur le
Dépôt. Quant à Mme Baumain, dont l'état est grave, elle a été
transportée à l'hôpital Tenon.
Un assassin de huit ans. Le parquet du Havre vient d'ouvrir
une enquête sur la mort d'une fillette de six ans, Yvonne Garrivet,
qui avait disparu lundi dernier de chez ses parents et qu'on
retrouva le lendemain noyée, près de la digue Saint-Jean. On avait
cru d'abord que l'enfant s'était tuée accidentellement; mais des
propos échappés à un gamin de huit ans, nommé André Tré-
guilly, tirent supposer que celui-ci avait jeté la fillette à l'eau.
C'est sur l'aveu que, pressé de questions, il aurait fait à un parent
d'Yvonne Garrivet, que les magistrats ont ouvert leur enquête.
(Le Temps, 11 septembre.)
Hôpitaux POUR aliénés militaires
Notre confrère Granjux imprimait, il y a quelques jours dans
« le Caducée », le voeu de voir organiser des hôpitaux pour aliénés
dans les lignes d'arrière des armées en campagne. Le transport à
longue distance des militaires frappés d'accidents mentaux pré-
sente, en effet, de tristes inconvénients, surtout au point de vue du
traitement. Nous lisons à ce sujet dans les journaux politiques :
« Trois hôpitaux militaires pour les aliénés vont être organisés à
Irkoust, Kharbiu et Tchita pour faire face aux cas, toujours crois-
sants, de folie qui surgissent actuellement dans l'armée russe en
Extrême-Orient, par suite des conditions climatériques, des excès
de fatigues, des privations et autres causes. (Le Scalpel du 21 août
190.i.) .
366 VARIA.
INSTITUT DE médecine légale ET DE psychiatrie.
A la suite des épreuves subies en fin d'année par les élèves ayant
suivi les cours de l'Institut de médecine légale et de psychiatrie
créé l'année dernière sous la direction de MM. les professeurs
Brouardel et Jeoffroy, ont été diplômés : MM. Eachetta, Bounet,
Dabaux, Fulco, Lande, Laurent, Logez, Pierreson, Pergola,
Pachéco, Rochau, Hamaide, Schunda, Wassilian, Labrousse.
Fédération générale DES instituteurs BELGES
Congrès international de l'enseignement p ? ' : ma : )'e.La Fédération.
Générale des Instituteurs belges a décidé de porter à l'ordre du
jour du Congrès International de l'Enseignement, organisé sous
ses auspices à l'occasion de l'exposition de Liège en 1905, diverses
questions relatives à l'Education des enfants arriérés et anormaux.
Une section spéciale étudiera et discutera ces questions. D'autres
congrès vers la même époque s'occuperont des oeuvres sociales
relatives à l'enfance anormale, mais il appartient à notre Congrès,
essentiellement pédagogique, d'examiner particulièrement les
problèmes nombreux et complexes qui sont à résoudre pendant la
période de scolarité de ces petits déshérités.
Questions proposées : 1° Organisation d'enseignement spécial;
A) Pour arriérés pédagogiques. B)Pour arriérés médicaux; 2° Où et
quand doit se faire l'éducation professionnelle des enfants anor-
maux ? 3° Formation du personnel de l'enseignement spécial ; 4° Quel
est le rôle du médecin ? A) Dans les écoles pour arriérés pédago-
giques. B) Dans les écoles pour arriérés médicaux; 5° Dans quelle
mesure les expériences et les observations faites dans l'enseigne-
ment spécial peuvent-elles profiter au développement des sciences
pédagogiques ?
Adresser toute correspondance à M. Tobie Jockheere, premier
secrétaire adjoint de la Société Protectrice de l'Enfance anormale,
rue de la Senne 64, à Bruxelles (à partir du 1er octobre 1904, rue
de la Buanderie, 36 Bruxelles) ou à M. P. Cnudde, Secrétaire
général du Comité organisateur pour le Congrès International de
Liège, instituteur à Syngem (Belgique).
AUX AMATEURS D'ABSINTHE. - MÉTHODE HYGIÉNIQUE DE LA PRÉPARER
Versez avec lenteur l'absinthe dans le verre
Deux doigts, pas davantage; ensuite saisissez
Une carafe d'eau bien fraîche, et puis versez,
Versez tout doucement d'une façon légère. 1
Que petit à petit votre main accélère
La verte infusion; puis augmentez, pressez
Le volume de l'eau. Mais croyez-moi, cessez
Quand vous aurez jugé la liqueur assez claire
FAITS DIVERS. 367 Î
Laissez-là reposer une minute encor.
Couvez-là d'un regard comme on couve un trésor.
Respirez son' parfum qui donne le bien-être.
Enfin pour couronner tant de soins inouïs
Bien délicatement, prenez le verre, et puis.....
Lancez sans hésiter, le tout par la fenêtre.
FAITS DIVERS.,
Asile public d'aliénés D LESVELLEC (près Vannes).- Une place d'in-
terne titulaire en médecine et deux places d'interne provisoire sont
actuellement vacantes à l'Asile public d'Aliénés de Lesvellec. Les
candidats sont invités à produire à l'appui de leur demande :
1° un extrait de naissance; 2° un certificat d'inscriptions de Doc-
torat au nombre de douze au moins ; 3° un certificat des examens
subis et, s'il y a liéu, du stage qu'ils ont pu faire dans un Asile
(cette dernière condition n'est pas indispensable). Les internes
sont nommés par M. le Préfet du Morbihan, sur la présentation du
Directeur, pour une durée de trois ans. Ils auront, pendant la
durée de leur internat, toutes facilités pour se présenter aux exa-
mens du doctorat auxquels ils seront astreints. Les avantages
consistent en : nourriture (table de première classe du régime des
Asiles) logement, éclairage, chauffage, blanchissage et une indem-
nité annuelle de 700 francs. Les Docteurs en médecine peuvent
poser leur candidature à l'internat. Les internes, devenus docteurs,
continuent leurs fonctions s'ils le désirent. Les internes provi-
soires remplacent, en cas d'absence ou d'empêchement, les titu-
laires avec tous les avantages. Les demandes doivent être adressées
à M. le Directeur de l'Asile de Lesvellec (Morbihan.)
Asile d'aliénés de vILLEJUIF. M. Monteil (Gdgard), préfet de la
Haute-Vienne, est nommé directeur de l'asile public d'aliénés de
Villejuif, en remplacement de M. Lucipia, décédé. M. Monteil est
compris dans la classe exceptionnelle du cadre et recevra, en con-
séquence, à partir du jour de son installation, outre le logement,
le chauffage et l'éclairage dans l'établissement, le traitement de
8.000 francs déterminé parles décrets susvisés de G juin 1863 et
19 octobre 1893.
Asile U'ALL;NÇON. Une place d'interne sera vacante le le' octo-
bre 1904 à l'Asile public d'aliénés d'Alençon. Minimum de scola-
rité : 12 inscriptions de doctorat. Avantages : 800 francs, .loge-
368 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
ments, nourriture, chauffage, éclairage, blanchissage. Labora-
toire et bibliothèque. Adresser les demandes à M. le Dr Charuel,
directeur, médecin en chef.
Un meurtrier DE seize ANS alcoolique. Un meurtre a été
commis au château de Beaulieu, près Sainte-Foy-la-Gironde, dans
les circonstances suivantes. « Deux individus pris de boisson, et
faisant partie d'une troupe de vendangeurs, se sont pris de querelle
pour un motif futile et en sont venus aux mains. Le nommé
Lallivein, quarante-cinq ans, a reçu un coup de couteau dans la
région du coeur et est mort sur le coup. Son meurtrier, nommé
Brousse, seize ans, a pris la fuite. (L'Aurore, du 14 septembre 1904).
Ces jours derniers, une ménagère de Senlis, 111 ? Pasquier, s'est
pendue dans son grenier. Le Dr Pauthier, médecin légiste, a fait
les constatations d'usage. La mort remontait à plusieurs heures.
Cette malheureuse ne jouissait pas de la plénitude de ses facultés
mentales. (Semeur de l'Oise, 14 septembre 1904).
Pari mortel. Un buveur d'absinthe. Dans un débit de la
rue Marc-Seguin, Isidoré Miquel, quarante ans, charron, avait
parié de boire douze absinthes pendant les douze coups de midi.
Il est tombé mort à la septième. (Bonhomme Normand, 26 août,
1er septembre 1904.) .
Mutilation par un enfant. Une fillette de deux ans, demeu-
rant chez ses parents, à Kerlouan (Finistère), a, d'un coup de
couteau, coupé le nez à son petit frère, âgé de 4 mois. (Bonhomme
Normand, 20 août, 4°l'septembre 1904.)
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Annuaire de l'Internat en Médecine des asiles publics d'aliénés du
département de la Seine. 1 vol. in-16 de 104 pages. Librairie Vigot,
frères, 23, place de l'Ecole-de-Médecine. Prix : 2 francs.
Disposizioni sui 12a ? ziconiii e sugli alienali. In-8° de 8 pages. Ditta
Editrice, à lllilano, 1904.
JOLIVFL (Mmo A.). JJicêt1'e autrefois et aujourd'hui. In-16 de 52 pages.
lmp. Baudry. Vesoul, 1904.
UGOLOTTI (Ferdinando). Sulla forma del palallo negli alienati. In-8'
de 8 pages. Iliv. sperimentale de irenatria.
E. W EIL (Antonin-Clerc). La leucocytose en clinique, vol. in-8° de
182 pages avec 4 figures hors texte, librairie Joanin et Ci*, 24, rue de
Condé. 0
Le rédacteur-gérant : Bourneville. ,
Evreux, Ch. H2BIS ? imp. 9-i ! )0.
Vol. XVIII. Novembre 1904. N° 107.
ARCHIVES DE NEURO* " " '"
CLINIQUE NERVEUSE
Epilepsie, pathogénie et indications thérapeutiques.
Seconde Partie : Traitement DE L'EPILEPSIE.
PAR .
LE Dr ALEXANDRE PARIS
Médecin de l'Asile de Marévillp,
Chargé de Cours à la Faculté de Médecine de Nancy'.
Généralités. Le prédisposé à l'épilepsie naît avec un
système nerveux spécialement impressionnable; c'est donc
à diminuer cette impressionnabilité, à modérer l'excitabilité
méningo-encéphalique qu'il faudra tout d'abord s'attacher.
Cela pourra suffire quelquefois, mais il n'en sera pas ainsi
dans un trop grand nombre de cas; nous avons vu, en effet,
qu'il y a encore quelque chose au-dessus de cette impres-
sionnabilité spéciale, ce qui la met en jeu, et la preuve que
l'action sur le terrain méningo-encéphalique n'est pas tou-
jours suffisante pour prévenir l'attaque d'épilepsie nous est
fournie par l'action même du bromure de potassium, consi-
déré à juste titre comme le médicament le plus efficace
jusqu'à ces derniers temps : l'insuccès du bromure de potas-
sium dans beaucoup de cas (la majorité de nos épileptiques
des asiles d'aliénés ont été, sans résultat favorable, saturés
de bromure de potassium avant l'admission dans nos services
et même par nous), son succès relatif dans un certain
nombre de cas, son efficacité définitive dans un petit
nombre de cas, viennent complètement à l'appui de notre
' Voir 190f, n- 98, p. 97 ; n° 99, p. 206.
Archives, 2" série, t. XVIII. 24
370 ' CLINIQUE NERVEUSE.
interprétation. Ils prouvent que le bromure de potassium ne
combat qu'un seul des deux principaux facteurs étiologiques,
qu'il ne modifie que le terrain nerveux préparé ou par orga-
nisation congénitale ou par influence particulière sous l'ac-
tion du corps thyroïde. Son principal effet, diminution de
l'impressionnabilité de l'encéphale, notamment des régions
méningo-corticales du cerveau, et, consécutivement, de
l'irritabilité ou plutôt de l'irritation du bulbe, n'est mani-
feste qu'à la condition que la cause des excitences, qui
émane le plus généralement du corps thyroïde, n'agisse pas
elle-même de façon très intense. S'il en était autrement, le
bromure guérirait toujours; or nous savons que des doses
colossales, de même que des doses moyennes fort longtemps
continuées, ont été prescrites sans succès sérieux et que, au
contraire, une action favorable du bromure a été parfois
promptement obtenue chez des épileptiques affectés d'une
altération sérieuse du corps thyroïde et chez lesquels,
d'après ce que nous apprend la physiologie du corps thy-
roïde, l'impressionnabilité méningo-encéphalique est dimi-
nuée du fait même de la diminution de la fonction de la
glande thyroïde. C'est donc que le bromure ne peut pas
atteindre toutes les causes principales de l'épilepsie ; nous
le voyons remède curatif en quelque sorte dans l'épilepsie
légère, alors que le terrain nerveux épileptogène ne reçoit
pas de fortes excitences, mais seulement remède adjuvant,
certainement très précieux, dans le traitement de l'épilepsie
déterminée par des excitences méningo-encéphaliques
intenses. La place de ce médicament n'en reste pas moins
bien marquée dans tout traitement complet de l'épi-
lepsie.
Si nous ne pouvons pas encore agir avec une force suffi-
samment intense et soutenue sur l'organe d'où partent habi-
tuellement les excitences principales qui mettent en jeu
l'impressionnabilité méningo-encéphalique spéciale, nous
pouvons cependant assez fréquemment, nos observations
cliniques nous permettraient presque de dire toujours,
modérer l'activité fonctionnelle de cet organe, surtout lors-
que, par exemple, elle est stimulée par d'autres organes sur
lesquels une action est plus facile (glandes génitales), et
nous pouvons presque toujours prévenir ou diminuer l'accu-
mulation de secreta (agents d'excitences) dans le sang, soit
ÉPILEPSIE : PATHOGÉNIE ET INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES. 371
par un traitement qui aura pour but une sorte de lavage du
sang, soit par une régularisation de l'activité de tous les
organes d'excrétion, glandes sudoripares, reins, excrétions
intestinales, etc.
Quant aux causes secondaires d'excitences, que nous
avons vues, circonstances aggravantes, dans la pathogénie de
l'épilepsie, toxines d'origine alimentaires ou autres, elles
sont, en général, assez faciles à combattre. Nous pourrons
donc instituer désormais un traitement ralionnel de chacune
des causes de l'épilepsie ; il nous reste à discuter les moyens
thérapeutiques ou hygiéniques à choisir. Avant de parler du
traitement d'une maladie, il faut s'occuper d'abord de pré-
venir cette maladie ; nous commencerons donc par une
étude de la prophylaxie de l'épilepsie.
Prophylaxie. L'hérédité de l'épilepsie est aujourd'hui
affirmée par tous les auteurs ; un grand nombre des 60 épi-
leptiques de notre service sont filles ou petites-filles d'épi-
leptiques (j'ai connu ici, en vingt-cinq ans, de véritables
familles d'epileptiques), la plupart des autres descendent
d'ivrognes ou d'alcooliques, comme beaucoup d'aïeules des
premières, du reste. Cela connu, il semble que l'on devrait
accorder à l'enfant qui naît et même à l'enfant qui va naître
d'épileptique ou d'alcooliques, une attention et une sollici-
tude absolument spéciales afin qu'il ne soit que le moins
possible victime de la tare que lui a infligée au moins un
de ses ascendants. Eh bien, auteurs et praticiens négligent
à cet égard toute prophylaxie rationnelle.
Une prophylaxie efficace peut cependant être instituée
même avant la naissance de l'enfant ; je le montrerai en
prenant comme exemple le foetus dont le père ou la mère
sont épileptiques. Cet enfant est évidemment menacé des
convulsions qui éclatent peu après la naissance et qui font-
de nos jours encore tant de victimes, soit qu'elles tuent,
soit qu'elles laissent des altérations indélébiles qui font des
idiots ou des imbéciles ou des arriérés. Tout nous indique
que nous pouvons et que nous devons faire quelque chose
pour l'en préserver. « L'incubation de l'oeuf humain, pour
évoluer dans de, bonnes conditions, doit se faire dans le
calme et dans la quiétude Et s'il est bon pour tout
citoyen de posséder un casier judiciaire vide, il n'est pas
372 CLINIQUE NERVEUSE.
moins utile de posséder pour bien agir dans la vie un casier
utérin vierge de tout accident», nous dit M. le professeur
Pinard 1. Il est de la plus élémentaire prudence de donner
à la femme enceinte, épileptique ou non, dont le foetus est
menacé d'épilepsie en raison de son ascendance, un régime
spécial et toutes les mesures prophylactiques que nous
prescririons pour un adulte manifestement menacé d'épi-
lepsie et dont nous parlerons plus loin. Cette précaution, dont
l'utilité est incontestable, est cependant habituellement
négligée ; les ouvrages classiques n'en disent, du reste, pas
un mot ; on ne pense au traitement du foetus par traitement
de la mère que lorsqu'il y a crainte de sypllilis.
L'enfant nait d'un père ou d'une mère épileptique, on ne
se préoccupe généralement pas spécialement de la question
« nourrice »; on le laisse nourrir par la mère si elle a du
lait, on lui donne une nourrice si elle n'a pas de lait ou si
elle craint de se déformer et on ne s'attache pas plus au
choix de la nourrice que s'il s'agissait d'un nourrisson nor-
mal, né de parents absolument sains. Il est cependant
démontré, de façon absolument indiscutable, par M. le pro-
fesseur Budin2 notamment, que les moindres troubles ner-
veux chez les nourrices ont un retentissement immédiat sur
les nourrissons. On voit ainsi avec quelle facilité éclateront
les convulsions infantiles chez un sujet né avec une tare
épileptique et dont la nourrice peut être exposée ou sujette
elle-même à des troubles nerveux.
Si la mère est épileptique, il est donc évidemment indiqué
de l'empêcher de nourrir; en ne le faisant pas (on fait plus
généralement le contraire, dans les campagnes au moins),
on expose non seulement l'enfant aux convulsions infan-
tiles, à l'épilepsie précoce, mais la mère à une aggravation
de l'épilepsie' dont elle est atteinte ou à l'aliénation men-
tale qui se développe si facilement chez les nourrices pré-
disposées.
Si la nourrice n'est pas épileptique, il faut lui imposer
néanmoins un régime analogue à celui que nous donne-
rions à une prédisposée, afin de diminuer son impressionna-
bilité et d'éviter ainsi le plus possible toutes les causes
' Revue d'hygiène, janvier 1897.
= Société obstétricale de France, Séance du 11 .avril ]890.
ÉPILEPSIE : PATHOGÉNIE ET INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES. 373
d'excitances anormales du système nerveux de l'enfant.
Il importe de donner à cet enfant prédisposé, plus encore
qu'à tout autre, une nourrice saine, peu émotive, non irri-
table, déterminée à accepter un régime spécial duquel
seront exclus boissons alcooliques et, en général, tous ali-
ments excitants. A défaut de nourrice se prêtant à ces
conditions, mieux vaut, à mon avis, recourir au biberon.
J'insiste à dessein sur cette question du traitement pro-
phylactique de l'épilepsie à instituer, pour ainsi dire, dès
les premiers temps de la vie intra-utérine, car je suis per-
suadé, comme je le disais à propos de la pathogénie des
épilepsies dites secondaires, que les convulsions infantiles,
dont le nombre des victimes est colossal, n'éclatent le plus
souvent que parce que l'enfant a reçu de ses ascendants une
tare que l'on a négligée, que l'on a laissée exposée aux
excitances les plus variées en ne s'occupant pas du régime et
du traitement de la mère ou de la nourrice, ou en prenant
une nourrice au hasard.
Les convulsions de l'enfance ne sont pas autre chose que
de l'épilepsie vraie, dans la grande majorité des cas ; il suffit
pour s'en convaincre de faire une enquête sur les antécédents
de l'enfant au point de vue de l'hérédité et l'on trouvera le
plus souvent, dans son ascendance ou de l'épilepsie ou de
l'alcoolisme et l'on sait avec certitude 'que plus de moitié
des cas d'épilepsie se rencontrent chez des descendants
d'ivrognes ou d'alcooliques. ,
En instituant le traitement dès la vie intra-utérine, non
seulement on peut prévenir dans beaucoup de cas les con-
vulsions de l'enfance et tous les accidents qui en résultent,
mais on place le système nerveux de l'enfant dans de meil-
leures conditions pour supporter les excitances de plus en
plus nombreuses et variées auxquelles il sera de plus en plus
exposé à mesure qu'il avancera en âge ; c'est donc une
atténuation de longue durée que l'on apportera déjà à sa
tare.
Lorsque l'enfant a acquis un certain développement, qu'il
peut quitter le régime lacté complet, on doit maintenir
néanmoins un régime un peu spécial dans lequel le laitage
et les oeufs auront la plus grande place, car les excitances
du système nerveux se multiplient à mesure que le dévelop-
pement physique et intellectuel progresse.
374 CLINIQUE NERVEUSE.
C'est aussi pour prévenir le plus possible les causes secon-
daires d'accroissement de ces excitances que l'on assurera
par des soins de propreté minutieux les fonctions normales
de la peau, que l'on devra veiller à la régularité des évacua-
tions intestinales, rénales, etc., que l'on remédiera sans
retard aux troubles mêmes les plus légers qui éclateraient
du côté des voies digestives.
Les moindres crises d'irritabilité, les moindres variations
d'humeur non motivées, annonçant déjà quelque chose de la
mentalité spéciale qui. constitue chez l'adulte le caractère
épileptique, en quelque sorte première manifestation
bruyante de l'épilepsie (que l'on a tort, à notre avis, de
négliger dans les ouvrages classiques), seront l'indice de la
nécessité d'un traitement préventif plus attentif qu'il sera
prudent de compléter par quelques doses de bromure de
potassium (suivant âge), des laxatifs (manne), etc. Des ver-
mifuges seront évidemment prescrits si quelques symp-
tômes semblent accuser l'existence dans le tube digestif
d'oxyures, de lombrics, etc.
Le travail intellectuel, qui devra rester toujours modéré,
au moins jusqu'après la puberté, sera permis mais surveillé
de façon à ce qu'il ne soit augmenté que d'une manière len-
tement progressive, en raison des progrès de l'âge, et qu'il
soit interrompu à la plus légère apparition de signes de
fatigue cérébrale ou d'obtusion intellectuelle.
L'exercice physique, utile au développement et au jeu
régulier des organes, sera évidemment recommandé, mais à
la condition que l'on interdira tous les exercices qui conges-
tionnent spécialement les centres nerveux ou qui exposent
à des chutes sur la tête ou à des trépidations pouvant avoir
une action facheuse sur le système nerveux, trapèze, sauts,
équitation par exemple.
En raison de l'irritabilité spéciale du système nerveux de
l'enfant prédisposé à l'épilepsie, de l'impressionnabilité con-
génitale qui le porte à la poltronnerie, on éloignera autant
que possible toutes les causes de taquineries, de frayeurs;
c'est assez dire que l'on surveillera attentivement ses rela-
tions avec ses camarades, que l'on veillera même sur son
' C'est à ce titre que je proscrüais l'usage de la voiturette pour pro-
mener l'enfant prédisposé.
EPILEPSIE : PATHOGÉNIE ET INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES. 375
sommeil, de façon à ne pas le laisser, s'il rêve, trop long-
temps en proie à un cauchemar. Ses écarts de caractère ou
de conduite devront être réprimés, mais avec intelligence,
sans brusquerie ni physique ni surtout morale, la répéti-
tion de chocs moraux pouvant avoir des. conséquences aussi
fâcheuses, sinon plus, que la répétition de chocs physiques,
surtout sur un cerveau prédisposé et en voie de développe-
ment et qui reçoit déjà d'autres excitences dont on combat
l'exagération possible par maintes précautions.
Si le traitement prophylactique a été bien surveillé chez
l'enfant, la puberté se passera plus facilement sans accidents
graves.
La puberté, outre les mesures prophylactiques que nous
venons de citer, prescrit des obligations préventives plus
sérieuses en raison de l'éclosion d'une activité fonctionnelle
spéciale que nous avons vue susceptible d'exercer une in-
fluence très fâcheuse sur la prédisposition comme sur l'épi-
lepsie.
A l'approche de la puberté, et pendant quelque temps, il
sera prudent d'atténuer l'impressionnabilité par des doses
plus régulières et plus soutenues de bromure de potassium,
de détourner un peu de l'activité fonctionnelle des glandes
génitales et thyroïde par une stimulation des fonctions d'au-
tres glandes pouvant aussi assurer l'élimination plus rapide
de sécrétions excitantes, glandes sudoripares, rénales, intesti-
nales, etc c'est alors que l'on ajoutera utilement au
bromure les frictions cutanées, frictions sèches matin et soir,
les laxatifs, le régime lacté un peu plus sévère, surtout chez
la jeune fille et même un peu de benzoate de lithine dont
nous montrerons l'utilité plus loin.
11 importera de prévenir aussi toutes les causes d'irritations
ou d'excitation qui peuvent résulter pour les organes géni-
taux de la malpropreté, de fermentations, de parasites, de
la masturbation, etc....
Tant que cette époque particulièrement dangereuse n'est
pas nettement franchie, que le système nerveux ne semble
pas arrivé à une activite ferme et régulière, qu'il ne paraît
pas avoir une orientation fonctionnelle bien nette, il est pru-
dent de ne rien abandonner des mesures préventives. Le t1'a-
vaiL intellectuel sera modéré, autant pour prévenir un sur-
croît d'irritation méningo-cérébrale directe que pour éviter
376 CLINIQUE NERVEUSE. -
les conséquences de la vie sédentaire. Le camphre adminis-
tré, de tempsen temps, chez le garçon; chaque mois à l'appro-
che de l'époque présumée des règles, et pendant une huitaine
au moins, chez la jeune fille, contribuera heureusement à
diminuer l'éréthisme des organes génitaux et du corps thy-
roïde, surtout s'il est associé à un hypnotique selon la pra-
tique de Ricord. Les bains un peu prolongée, par leur action
dépressive, peuvent rendre quelques services, mais je pros-
crirais absolument la douche froide dont les effets ne sont
pas constants.
Peu à peu, lorsque l'adolescent prédisposé approchera de
l'âge adulte, qu'il ne sera plus exposé à se laisser aller à une
folle désespérance, ce dont on s'assurera préalablement au-
tant que possible, on commencera à l'éclairer sur la néces-
sité de continuer à observer une certaine réglementation
hygiénique, qui, du reste, lui pèsera d'autant moins qu'elle
aura été instituée plus tôt. Il est, en effet, extrêmement utile,
à tous égards, de faire pour le prédisposé à l'épilepsie, et
même pour l'épileptique, ce que M. le professeur Brouardel
conseille de faire à l'égard du tuberculeux non voué aune
mort certaine, c'est-à-dire de lui montrer la nécessité d'une
hygiène rigoureuse en lui exposant les conséquences possi-
bles de la négligence, du défaut de précautions, et pour lui-
même et pour son entourage et pour la société et pour sa
descendance ; on le déterminera facilement à suivre une thé-
rapeutique hygiénique en lui montrant les conditions du
succès assuré. -
En lui faisant connaître le caractère habituel de l'épilep-
tique en appelant son attention sur l'instabilité des manifes-
tations psychiques ou de sensibilité de l'épileptique, en lui
montrant ce qu'il présente lui-même de commun avec ce
caractère, en appelant son attention sur les accès d'irritabi-
lité qu'il déplore souvent lui-même, dont il reconnaît le peu
de logique, on l'amène à une hygiène qui le met en garde
contre bien des ennuis qui ne résultent généralement que
d'une irritabilité qu'il chercherait à atténuer, à laquelle il
céderait moins facilement, s'il en connaissait l'origine, s'il
se considérait comme un candidat' la maladie ou comme un
malade ordinaire.
' Caractère qu'il faut, par conséquent, décrire avec soin dans les ouvra-
ges classiques. '
/
ÉPILEPSIE : PATHOGÉNIE ET INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES. 377 Î
Mettre l'épileptique, ou le prédisposé, en état de se mieux
connaître d'apprécier lui-même son caractère, et c'est parce
qu'on ne le fait jamais que j'insiste, c'est évidemment le
déterminer à veiller davantage et sur lui-même et sur sa
descendance, à suivre plus attentivement le traitement qui
atténue l'épilepsie ou la tare épileptique, c'est lui permettre
de mieux protéger sa descendance, de donner ses enfants
tous les soins que nous venons de voir utiles, d'imprimer à
leur éducation une direction, un développement plus en
rapport avac leur constitution originelle. Cette connaissance
de soi-même donnera certainement d'excellents résultats au
point de vue individuel comme au point de vue familial ou
social. C'est ainsi que j'ai pu rendre quelques services en
dessillant les yeux à des malades ou à de simples prédisposés
qui ne s'expliquaient pas les violences et les emportements
auxquels ils se laissaient aller sans mesure pour des futilités
et qui rendaient malheureuses toutes.les personnes obligées
de vivre avec eux.
Quant au régime alimentaire du prédisposé adulte, il
peut être un peu moins rigoureusement ordonnancé, l'épi-
lepsie éclatant surtout dans l'enfance et l'adolescence, mais
les écarts de régime ne pourraient cependant avoir que des
conséquences nuisibles, ne serait-ce que par un effet secon-
daire et passager de renforcement des excitences habituelles,
se traduisant par une exaltation momentanée de la mentalité
caractéristique.
Il est évident que le régime devra être d'autant plus sévè-
rement établï que.la prédisposition s'accusera davantage et
qu'il sera utile de donner de temps en temps bromure de
potassium, trional', si des bizarreries de caractère, une
augmentation de l'irritabilité ou de la sensiblerie, accusant
ou une impressionnabilité plus grande du système nerveux
ou des excitences plus intenses exercées sur le système
nerveux, viennent indiquer que la prédisposition s'aggrave,
que l'épilepsie menace de se manifester par ses grands symp-
tômes classiques. "
Pour la femme, il sera extrêmement important d'assurer la
régularité du retour des époques menstruelles, car cette
1 Dont nous verrons plus loin l'action.
378 CLINIQUE NERVEUSE.
périodicité régulière permettra d'instituer avec plus de succès,
de mieux ordonnancer le traitement préventif de l'exaltation
momentanée de la tare épileptique qui crée un danger spécial
d'évolution de la prédisposition; cette exaltation est bien
accusée par la plus grande fréquence des attaques au moment
des règles chez les épileptiques, et l'on sait aussi que la
première attaque d'épilepsie éclate presque toujours à une
époque menstruelle, double raison pour mieux veiller aux
époques menstruelles sur les femmes seulement prédisposées.
C'est un point thérapeutique qui a toujours été négligé
jusqu'à ce jour et qui mériterait cependant une grande
attention. Ne serait il pas naturel de renforcer le traitement
préventif ou le traitement curatif à l'approche et pendant
toute la durée de la période menstruelle, c'est-à-dire pendant
huit à dix jours par mois, ce que l'on ne fait jamais. Au trai-
tement habituel de la prédisposition ou de l'épilepsie, il serait
utile, d'après la pathogénie que nous avons indiquée, d'ajou-
ter quelquefois des agents d'élimination ou de destruction
des toxines qui peuvent se produire dans le tube digestif
plus à ce moment qu'en temps ordinaire. Je dois dire cepen-
dant que l'on a beaucoup exagéré, dans cesderniers temps, le
rôle de ces toxines; n'est-on pas allé jusqu'à les considérer,
par exemple, comme une des plus grandes causes d'épilepsie
en se basant précisément sur ce que les troubles digestifs
sont assez fréquents chez la femme au moment de l'écoule-
ment des règles et sur la plus grande fréquence des attaques
au même moment ? Mais on oublie, en faisant cette déduc-
tion, que les troubles gastriques sont aussi très fréquents à
la ménopause, ce qui n'empêche pas l'épilepsie de s'atténuer,
parfois même d'une façon absolument surprenante, on oublie
que certaines maladies infectieuses, dans lesquelles prédo-
minent des troubles gastro-intestinaux, comme la fièvre
typhoïde, suspendent l'épilepsie pendant leurs phases d'as-
cension et d'état, on oublie que la castration ovarique, qui
supprime ces troublés gastro-intestinaux périodiques, n'at-
ténue pas toujours bien sensiblementl'épilepsie grave, ce qui
suffirait déjà à montrer la nécessité de' chercher d'autres
causes principales à l'épilepsie. Nous avons, du reste, parlé
déjà un peu de cette question, dans la première partie de
notre travail. Le traitement curatif général que nous insti-
tuons actuellement, et dont nous parlerons plus loin, répond
ÉPILEPSIE : PATHOGÉNIE ET INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES. 37&
suffisamment à toutes les indications secondaires auxquelles
nous venons de faire allusion.
Les relations sexuelles du prédisposé, comme de l'épi-
leptique, doivent être régulièrement modérées; toutes les
causes de stimulation anormale des organes génitaux sont
à éviter, mais il est utile de céder aux sollicitations natu-
. relies, spontanées, la continence imposée pouvant, comme
nous l'avons dit, avoir des conséquences plutôtfâcheuses, une
série d'incitations nuisibles sur l'encéphale ainsi que sem-
blent l'attester les rêves érotiques qui, chez le continent,
précèdent des pollutions nocturnes, qui, chez des épilep-
tiques continents, constituent un signe avant-coureur d'une
attaque d'épilepsie. ,
Les bains un peu prolongés, l'exercice physique, la marche
surtout, exerceront sur le système nerveux et sur les organes
génitaux une action dépressive utile. Faut-il dire après cela
qu'une profession sédentaire, le décubitus prolongé. le tabac,
les plaisirs de la table ne peuvent qu'être nuisibles au pré-
disposé comme à l'épileptique. Le mariage a quelquefois une
influence favorable sur l'épilepsie, et qui- confirme ce que
nous avons dit de la continence ou des excès génésiques,
mais il n'est pas à recommander cependant, en raison de
l'intérêt social.
Je me suis étendu un peu longuement sur le traitement
prophylactique applicable à la prédisposition, à l'épilepsie,
surtout pour faire ressortir l'importance de s'occuper davan-
tage d'un certain nombre de circonstances aggravantes que
l'on néglige habituellement et dont le traitement complète-
rait heureusement le traitement curatif de l'épilepsie qui,
jusqu'à ce jour, ne tendait guère qu'à la suppression de l'at-
taque convulsive. On oublie trop qu'il y a, à côté de l'attaque
convulsive, avant elle, des troubles de l'intelligence et de la
sensibilité, une irritabilité, une sensiblerie, un caractère
spécial qui méritent de retenir l'attention, car ils peuvent
avoir de graves conséquences non seulement pour le prédis-
posé ou le malade mais pour sa famille, pour les personnes
qui sont tenues de vivre avec lui et pour la société. Que l'on
se préoccupe donc, par exemple, autant de l'enfant menacé
d'épilepsie que l'on prend cure de' l'enfant pour lequel on
380 CLINIQUE NERVEUSE.
redoute des accidents de nature syphilitique et l'on rendra,
certes, au moins autant de services au point de vue indivi-
duel et au point de vue social, car 'l'épileptique ne mérite
pas seulement notre sollicitude comme tout malade, nous la
lui devons aussi dans l'intérêt même de la société à laquelle
il fait courir des dangers que les médecins aliénistes ont trop
souvent l'occasionde constater. J'arrive au traitementcnratif
de l'épilepsie : .
Traitement curatif. Tout ce que je viens de dire de la
prophylaxie doit nécessairement servir de base au traite-
ment curatif, qu'il s'agisse d'un enfant, d'un adolescent ou
d'un adulte épileptique, toutes les prescriptions prophylac-
tiques que nous venons d'étudier doivent être appliquées
rigoureusement suivantles indications que nous avons signa-
lées. Mieux elles seront suivips,plus certaine et plus prompte
sera l'efficacité du traitement curatif.
Ce traitement doit répondre pour l'adolescent et l'adulte
aux quatre indications principales : 1° Diminution de l'im-
pressionnabilité méningo-encéphalique; 2° Modération de
l'activité fonctionnelle du corps thyroïde et des glandes
génitales ; 3° élimination régulière de leurs sécrétions;
4° Ecart de toutes les causes complémentaires d'excitence
méningo-encéphalique, développement ou accumulations
accidentels de toxines, etc
Les indications sont moins étendues pour le traitement cu-
ratif de l'épilepsie chez l'enfant; chez lui, en effet, on ne peut
songer à modérer sérieusement l'activité fonctionnelle de la
glande tyroïde sans nuire à son développement physique
et intellectuel. Du reste les causes d'excitation méningo-cor-
ticale du cerveau sont relativement faibles lorsque l'on
impose le traitement prophylactique que nous avons indiqué
et l'on' obtiendra un résultat satisfaisant en complétant ce
traitement par un agent susceptible de diminuer seulement
l'impressionnabilité encéphalique; le bromure de potassium
répondra suffisamment à cette indication. S'il ne donnait
pas les résultats attendus, on pourrait évidemment étendre
un peu le traitement curatif en s'inspirant de ce que
nous allons dire du traitement complet de l'épilepsie chez
l'adulte.
Chez l'adolescent et chez l'adulte, l'impressionnabilité
ÉPILEPSIE : PATHOGÉNIE ET INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES. 381 L
méningo encéphalique est avantageusement combattue par
le bromure de potassium, comme nous l'avons vu et ainsi
que l'attestent les cas déjà assez nombreux où il a suffi
pour faire disparaître les grandes attaques d'épilepsie. Mais
il ne donne parfois que des résultats incomplets ou insigni-
fiants, ainsi que le prouve la présence dans les asiles d'a-
liénés de tant d'épileptiques qui ont été saturés cependant
de bromure de potassium avant d'arriver à l'aliénation
mentale. Chez de tels malades nous avons obtenu des résul-
tats encourageants, quelques-uns relativement bons, en
complétant l'action du bromure de potassium, donné à
chacun des trois principaux repas, par du trional à la dose
de un à deux grammes, suivant les indications individuelles
(excitation cérébrale, insomnie, instabilité simple, etc...),
dose administrée en deux fois à douze heures d'intervalle,
moitié à huit heures et demie ou neuf heures du soir, moitié
le matin à la même heure.
On peut, dans quelques cas, lorsque le bromure occasionne
des accidents cutanés, par exemple, substituer le trional au
bromure de potassium sans compromettre les résultats du
traitement, comme nous avons pu le constater quelquefois;
mais le trional sera toujours un synergique précieux en cas
d'insuffisance d'action de bromure de potassium; ainsi B...,
jeune épileptique, confiée à une gouvernante et une bonne,
rationnellement traitée depuis longtemps par le bromure de
potassium ou les bromures associés, n'en voit pas moins son
affection s'aggraver à tel point que, en janvier 900, un
ami de la famille m'écrit : « l'état de la malade a empiré,
« elle devient méchante, elle jette à la tête des gens ce qui
« se trouve sous sa main; et cela arrive surtout quand elle
« n'a pas de crise. De plus elle mouille son lit et ses vête-
« ments, passe. plusieurs jours sans vouloir se lever, et,
« enfin, elle en est arrivée à ne plus pouvoir prononcer que
«quelques mots »; la gouvernante et la bonne allaient
cesser leurs services. Je conseillai d'ajouter au traitement,
outre quelques laxatifs, trional un gramme à un gramme
cinquante centigrammes, trois à quatre heures après le
repas du soir pour compléter l'effet du bromure. Quelques
semaines après j'apprenais que la malade s'était trouvée très
bien de cette addition, que gouvernante et bonne conti-
nuaient volontiers leurs services. Ce moyen thérapeutique
382 CLINIQUE NERVEUSE.
complémentaire utilisé par elles chaque fois que de l'exci-
tation se produitla jugule immédiatement. '
Il m'a, du reste, permis, dans la même année 1900, de
rendre promptement à sa famille une jeune fille dont l'épi-
lepsie s'était aggravée malgré un long traitement par le
bromure de potassium. Aux symptômes classiques de l'épi-
lepsie s'ajoutaient depuis quelque temps de violents accès
d'agitation avec idées de suicide et même tentatives de sui-
cide. Je fis prendre du trional en plus du bromure de potas
sium, ◀tantôt▶ trois heures après le repas du soir, ◀tantôt▶ soir
et matin, de douze en douze heures, et, bientôt, non seule-
ment les grandes attaques d'épilepsie devenaient plus rares,
mais les troubles psychiques, les idées de suicide et l'excita-
tion se dissipaient totalement et la jeune fille rentrait dans
sa famille fin mai 1900. 11 est quelquefois utile de faire
alterner le bromure de potassium et le trional dans l'ordon-
nancement général du traitement curatif. Les bains un peu
prolongés sont quelquefois aussi des adjuvants utiles.
Quant à la seconde indication « modération de l'activité
fonctionnelle du corps thyroïde et des glandes génitales»,
elle paraît, au premier abord, assez difficile à remplir;
comment, en effet, modérer, en l'état actuel de nos connais-
sances, la fonction du corps thyroïde. Nous avons pensé
résoudre la question, autant que possible actuellement, en
usant de l'action que nous savons pouvoir excercer sur des
organes dont l'activité est en rapport intime avec celle de
la glande thyroïde, les glandes génitales, par exemple; en
modérant l'excitation des organes génitaux, l'activité des
glandes génitales, on doit évidemment modérer dans une cer-
taine mesure l'activité fonctionnelle du corps thyroïde, car
nous avons vu que les modifications physiologues des pre-
mières s'accompagnent de modifications analogues de la
seconde (hyperactivité ovarique et hyperactivité thyroïdienne
des époques menstruelles; - hypoactivité thyroïdienne et
hypoactivité génitale du myxoedémateux; corps thyroïde
rudimentaire et ovaires ou testicules rudimentaires du
crétin complet). Le camphre, le lupulin, les bains un peu
prolongés, les diurétiques et les laxatifs rempliraient en
partie l'indication à la condition que la prophylaxie que
nous avons recommandée soit rigoureusement suivie (et
ÉPILEPSIE : PATHOGÉNIE ET INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES. 383
surtout, par la femme, aux époques menstruelles). Je donne
la préférence au camphre associé à un hypnotique selon la
pratique de Ricord (pilules camphre et thridace âa dix à
quinze centigrammes pour une pilule). Pour bien remplir
l'indication, les pilules devront être données, chez la
femme, au moins quelques jours avant l'époque présumée
des règles. pendant la période menstruelle et quelques
jours après ; elles peuvent sans inconvénients être prescrites
chez l'homme, au moins une quinzaine de jours par mois.
Comme l'épileptique est bien souvent arthritique, que
son irritabilité, ses variations de sensibilité ressemblent
parfois un peu à celles de l'arthritique, je me suis basé sur
ce rapprochement pour rechercher une médication capable
de prévenir l'accumulation dans le sang de sécrétions glan-
dulaires, qui, trop abondantes, ont une action particulière-
ment nuisible sur le terrain épileptogène.
J'ai fixé mon choix sur le benzoate de lithine, afin d'unir
les effets, tous particulièrement à rechercher ici, de l'acide
benzoïque et de la lithine, l'acide benzoïque stimulant, diu-
rétique, diaphorétique, diminuant les sécrétions bronchiques
(et peut-être bien aussi, par relation de voisinage, les sécré-
tions thyroïdiennes), et la lithine ayant une action diuréti-
que puissante. Ce choix me semble assurer la régularité des
excrétions cutanées et rénales, et peut-être modère-t-il en
même temps les sécrétions thyroïdiennes ? Il paraît, du reste,
ratifié par les résultats cliniques que j'ai obtenus. Donné
dans une certaine quantité de liquide, eau, infusion de hou-
blon ou de queues de cerises, ce sel assure une sorte de lava-
ge du sang qui prévient l'accumulation dans le sang de pro-
duits de sécrétion de la glande thyroïde.
La régularité des fonctions de tous les appareils ou orga-
nes d'épuration ou d'excrétion étant indispensable, on
prescrira utilement l'usage de laxatifs.
Les antiseptiques du tube digestif seront utiles si le régi-
me alimentaire n'est pas rationnellement établi, comme nous
l'avons indiqué plus haut, si le régime convenable n'est pas
accepté par le malade pour un motif quelconque (goût ou
situation professionnelle, etc.). Du reste le camphre que l'on
fera prendre de temps en temps, joint à son action dépressive
sur les organes génitaux une certaine action antiseptique
. dont bénéficie un peu le tube digestif ? `
384 CLINIQUE NERVEUSE.
Les améliorations obtenues grâce au régime préconisé par
MM. Richet et Toulouse sont évidemment dues à la suppres-
sion des causes adjuvantes dont nous parlons, à l'atténuation
de circonstances aggravantes ; le traitement préconisé par
ces auteurs remplit ainsi une partie des indications plutôt
secondaires que nous révèle la pathogénie de l'épilepsie. Il
ne sera pas toujours facile de faire accepter un tel régime
dans la pratique courante.
Les injections de sérum, qui donnent à M. Maurice de
Fleury des résultats favorables, agissent aussi contre une
partie des causes de l'épilepsie, contre les causes secondai-
res surtout. Mais ces modes de traitement adjuvant, à recom-
mander dans un service hospitalier, ne peuvent guère rendre
de services dans la pratique ordinaire de la médecine. Le
traitement par injections de sérum ne serait pas toujours
accepté bien longtemps par les malades; il peut occasionner
des accidents, généralement peu graves, je le veux bien,
mais qui suffiront pour le faire rejeter par le malade (ainsi
qui j'ai pu le constater), et auxquels il est inutile d'exposer
un malade quand on peut faire autrement ; enfin c'est un
traitement qui ne peut pas être renouvelé indéfiniment et
qui est peu pratique pour le médecin dont la clientèle est un
peu étendue.
J'estime que nous sommes suffisamment documentés sur
la pathogénie de l'épilepsie pour la rayer du cadre des né-
vroses, et pour la combattre efficacement, surtout si nous
nous attachons enfin à soigner les adultes en les instruisant,
en leur faisant connaître toutes les phases que peut parcou-
rir leur affection et en les amenant non seulement à accepter
toutes les prescriptions mais à donner à leur descendance
dès l'âge le plus tendre, dès la vie inta-utérine même, les
soins dont nous connaissons l'efficacité réelle.
UN meurtrier DE quatorze ANS. Lectoure. Deux jeunes gar-
çons de quatorze ans, s'étant pris de querelle dans la soirée d'hier,
l'un d'eux, nommé Moga, s'arma d'un couteau et en porta un coup
violent à son adversaire, nommé Victor Pujos, qui fut grièvement
blessé au côté droit. Le jeune meurtrier a pris la 1'uite. (L' Aurore i»
29 septembre.)
PHYSIOLOGIE.
Contribution à l'étude des fonctions de la couche
optique.
Par LE D' BENAKY
Médecin de l'hôpital Saint-Charalambe, à Smyrne.
De récents travaux, se basant sur des faits immédiatement
observés et contrôlés par l'autopsie ou simplement déduits
de l'observation clinique et de l'expérimentation, ont établi
que les mouvements mimiques de la face sont sous la dépen-
dance de la couche optique. C'est à ce titre que nous publions
l'observation suivante de tumeur de l'encéphale. Bien que
cette tumeur eût envahi plusieurs organes de l'encéphale,
certains symptômes, néanmoins, ont présenté un tel carac-
tère qu'il serait impossible de ne pas les attribuer à une
lésion de la couche optique.
A... L..., âgée de cinquante-cinq ans, est entrée à l'hôpital,
salle Saint-Pantaléon n° 17, le 15 janvier 1903. Archives de l'hôpi-
tal, feuille d'admission n° 1733. Antécédents personnels ou héré-
ditaires inconnus. La malade garde le décubitus dorsal.
Torpeur intellectuelle très prononcée, dont elle sort avec peine.
Elle donne alors des réponses qui ne paraissent nullement claires.
Ptosis de la paupière droite avec parésie de tous les muscles innervés
par l'oculo-moleur commun et léger strabisme divergent. Le
membre supérieur droit est animé de mouvements spasmodiques-
beaucoup plus marqués dans la position assise de la malade.
Membres inférieurs paralysés. La malade peut avec beaucoup de
peine se tenir debout quand on la soutient ; si non elle a de la
tendance à tomber en arrière. Réflexes augmentés.
L'examen ophtalmoscopique montre de l'étranglement de la
papille avec oedème péripapillaire et plaques atrophiques sur la
papille. Congestion veineuse très accentuée. Petites hémorrhagies
le long des veines dans la partie avoisinant la papille. La malade
ne peut, vu son état intellectuel rien prendre de la main et l'on
est obligé de la nourrir à la cuiller. Le réflexe de la déglutition
Archives, 2» série, t. XVIII. 2
386 PHYSIOLOGIE.
est conservé. Elle ne se salit pas. A son agitation seulement on
comprend qu'elle se sent le besoin d'uriner. ,
Cet état a duré-pendant six jours, puis les symptômes se sont
aggravés. La torpeur intellectuelle s'accentuait de plus en plus. La
malade ne faisait que déchoir et finalement elle entra dans le
coma. Elle eut alors de l'incontinence des urines et des matièles
fécales. Le réflexe de la déglutition était cependant conservé et
l'on pouvait lui faire prendre du lait à la cuiller. La mort eut lieu
dans le coma le 11 février 1903.
Cette malade a présenté un symptôme très curieux. Elle
proférait constamment des menaces, soit quand on lui
prenait la main, soit quand on essayait de la faire marcher
ou pendant qu'on procédait à l'examen ophtalmoscopique.
Bien souvent même quand simplement on lui parlait. Elle
répétait alors à chaque moment : je vous frapperai;
menace qu'elle réaliserait si l'on ne prenait pas garde de lui
tenir les mains. Quand on la laissait libre, en effet, elle
levait la main comme pour frapper à la figure. Elle accom-
pagnait alors ce mouvement d'un sourire forcé et presque
moqueur, accentué de plus par le ptosis de la paupière et le
strabisme externe qui lui donnaient une physionomie toute
particulière. '
Autopsie. Glio-.<(t1'come ayant envahi tout le lobe pariétal droit
et arrivant jusqu'aux méninges sur lesquelles il adhère fortement.
La tumeur se prolonge dans l'intérieur du lobe frontal au-dessous
du ventricule latéral. Cette partie a la forme d'un fuseau qui s'ar-
1 être en avant à trois centimètres de l'extrémité antérieure du lobe
frontal et en arrière au niveau d'une ligne passant par les tuber-
cules quadrijumeaux postérieurs et a envahi le corps strié, la
partie postérieure de la couche optique, toute la capsule interne,
le noyau lenticulaire et une partie de la capsule externe.
Les dégâts causés par la tumeur nous rendent bien compte
des symptômes présentés par la malade tels que les divers
troubles de motilité. Mais il est un symptôme qui attire
spécialement noire attention dans l'histoire de cette malade :
c'est la menace perpétuelle de celle-ci de frapper, menace
qu'elle accompagnait du geste et de la parole pendant que
sa physionomie prenait une expression étrange en dessinant
ce sourire forcé et presque moqueur, phénomènes qui sont
tous du domaine de la mimique. Or, il résulte des travaux
ÉTUDE DES FONCTIONS DE LA COUCHE OPTIQUE. 387 -j
de plusieurs observateurs que les mouvements de la mimique
sont sous la dépendance de la couche optique.
Romberg cite une observation de Stromeyer, où pour
employer ses propres termes, il y avait « conservation des
mouvements des muscler innervés par le facial tandis que
ceux qui résultent des émotions étaient suspendus ». Mais
c'est Notbnagel qui, le premier, a attiré l'attention sur
cette question. Cet auteur a observé un cas avec paralysie
de la mimique du nerf facial gauche. L'homme en question
pouvait faire contracter volontairement les muscles de la
face mais il ne pouvait pas rire. Pendant ie rire, c'est-à-dire
les muscles de la face qui produisent cet acte de la mimique
ne se contractaient pas chez lui. L'autopsie avait montré
une tumeur de la couche optique droite avec destruction de
celle-ci'.
Il existe cependant dans la littérature médicale quelques
observations, où l'on a noté une tendance irrésistible au
rire (abstraction faite des autres états pathologiques de
1 encéphale qui peuvent présenter ce symptôme). La pre-
mière de ces observatiens est due à Oppenheim Les symp-
tômes présentés dans le cas décrit par cet auteur montraient
l'existence d'altérations dans la région de la couche optique.
Il y avait en même temps tendance irrésistible au rire.
Westphal ', qui a observé un cas semblable s'exprime
ainsi : « La gaieté et le bavardage du malade font l'impres-
sion d'un état pathologique. Cependant le rire continuel et
exagéré était le symptôme qui nous a le plus frappé».
Oppenheim et Eisenlohr3 expliquent ce phénomène comme
une conséquence d'irritation de la couche optique,
l3echterew6 a également publié un cas de rire forcé qu'il
avait observé chez une fille de quinze ans. Cet auteur analysant
' Cité par Nothnagel, in Traité clinique du diagnostic des maladies
de l'encéphale, traduit par Keraval. p. 226.
Ilaîzdbiich der Speciellen Pathologie und Thérapie, von Ilermann
\uttu.yel. IT. 1l,111d. die Geschwitlsle des Gehirue, von Oppenheim.
p. 111. J ,
1 Ibid. ,
, lbitl. ·
1 lbid.
Cité par Yimoucopoulo.
388 PHYSIOLOGIE.
les phénomènes présentés par la malade et prenant en con-
sidération le symptôme concomitant du rire forcé conclue
que la lésion devait siéger vers la partie postérieure de la
couche optique. A côté de ces observations où l'autopsie n'a
pu être faite, il y a deux observations où l'autopsie avait
démontré des altérations limitées dans la couche optique.
La première de ces observations est due à Gowers 1. Il s'agit
d'une femme de quarante et un ans ayant éprouvé, il y a six mois
une attaque apoplectique à la suite de laquelle la jambe et le bras
demeurèrent paralysés du côté droit pendant des mois. Au moment
de son admission il existe encore une légère paralysie du segment
inférieur de la face pour l'expression motrice des émotions, mais
non pour les mouvements volontaires. Voici ce que démontrait
l'autopsie : la couche optique gauche présente à sa surface en
avant du tubercule postérieur (pulvinar) une dépression à direction
transversale. La section transverse montre qu'il s'agit d'un foyer
gros comme la moitié d'une noix, plein d'un contenu jaune
ocreux ; il occupe presque le milieu de la couche optique s'éten-
dant en dedans et en arrière jusqu'au tubercule quadrijumeau
antérieur ; en dehors il ne va pas au delà des limites de la couche
optique.
La deuxième observation est due à Yimoucopoulo=, médecin
de la Section des aliénés à l'hôpital Saint-Charalambe. Le malade
en question, cultivateur, âgé de trente ans, avait présenté les
symptômes suivants : Nerf facial droit atteint de parésie en même
temps que de mouvements spasmodiques. Langue déviée à droite.
Membre supérieur droit paralysé, atrophié et atteint de mouve-
ments spasmodiques, principalement dans l'articulation du carpe.
Membre- inférieur droit parésié, oedématié. Phénomènes réflexes
augmentés. Clonus du pied. Signe de Romberg positif. Intelli-
gence obtuse. Le malade a présenté dans les six ou sept derniers
mois de sa vie un rire continuel. La mort survint accidentellement
à la suite d'une entérite aiguë. Diagnostic posé : Polio-encephalite
infantile.
Autopsie. Crâne de microcéphale. Méninges oedématiées. Hémis-
phère célébrai gauche atrophié. La plus grande partie du ceiitie
semi-lunaire détruite et occupé par un kyste rempli de liquide et
' Cité par Nothnagel in Traité clinique, etc., p. 201.
2 Communication faite au 2' Congiùs médical panhellénique (1903)
Ce tiavail a été publié dans la Revue psychiatrique et neurologique
d'Athènes (novembre '1903). On peut également lire un résumé de ce
travail dans la Grèce médicale, 1-15 oct. 1903.
ÉTUDE DES FONCTIONS DE LA COUCHE OPTIQUE. 389
communiquant avec le ventricule latéral droit. Dans la couche
optique gauche, tumeur de la grosseur d'une aveline située dans
l'angle formé par la surface supérieure et interne de la couche
optique. Cette tumeur faisait une légère saillie dans le troisièm e
ventricule.
Ces faits semblent en contradiction avec les cas précé-
demment décrits de Nothnagel et de Gowers qui ont observé
la paralysie des muscles mimiques de la face à la suite
d'altérations pathologiques de la couche optique. Cette
contradiction, cependant ne serait qu'apparente et due sim-
plement à la diversité des symptômes que présentent d'une
manière générale les tumeurs encéphaliques. Ceux-ci, en
effet, peuvent être ou bien des symptômes d'abolition des
fonctions de la partie encéphalique qui en est le siège ou bien
des symptômes d'irritation. « La tumeur de la couche
optique (dit Yimoucopoulo) décrite par Nothnagel a, par
son grand volume occasionné une paralysie des muscles de
la face, soit des phénomènes d'abolition. La tumeur par
contre que nous avons observée, a, par sa petitesse, occa-
sionné des phénomènes d'irritation, d'où contraction irré-
sistible des muscles de la mimique de la face. Il n'est
cependant pas douteux que si le malade restait encore en
vie, la tumeur se développant davantage, aurait occasionné
des symptômes de destruction de la couche optique. »
Il en fut de même de notre malade. La tumeur tout en
ayant envahi la couche optique n'en avait détruit que la
partie postérieure seulement. Les lésions qu'elle avait pro-
voquées dans ce ganglion central n'avaient ainsi produit que
des symptômes d'irritation, qui, en une période ultérieure,
auraient fait place à des symptômes d'abolition des fonc-
tions de la couche optique par l'envahissement total de
celle-ci parla tumeur.
Ces faits prouvent que des processus irritatifs de la couche
optique, quelle qu'en soit la nature, peuvent déterminer des
contractions des muscles mimiques de la face. A ce titre,
cette observation pourrait servir de contribution à l'étude
de la physiologie pathologique de la couche optique.
RECUEIL DE FAITS.
Deux cas de mérycisme;
PAR LES DOCTEURS
RAVIART, F T CAUDRON,
Médecin-Adjoint. Interne,
à l'asile d'Armentières.
Les cas de mérycisme sont-ils rares, les observateurs dé-
daignent-ils de les recueillir; toujours est-il que la littéra-
ture médicale de ces dernières années ne comprend qu'un
fort petit nombre d'études consacrées à ce phénomène. C'est
à peine si, depuis qu'il est étudié en France, on en a publié
plus de deux cents cas, dont les plus connus sont les auto-
observations de Percy, de Laurent, de Cambay, de Raphaél
Blanchard et ceux rapportés par Bourneville et Séglas dans
la si remarquable « Etude Critique », qu'ils ont en 1883-84
consacrée au mérycisme dans les Archives de Neurologie.
Rappelons également le cas observé par Duvivier, dans le
service de M. le professeur Combemale et publié dans l'Echo
Médical du Nord (1900, n° 8, p. 90).
Nos observations sont celles de deux mérycoles aliénés,
seuls malades de l'Asile d'Armentières qui, à notre connais-
sance, aient présenté ce trouble sur près d'un millier de
pensionnaires. Cette fréquence, on le voit, est loin d'attein-
dre celle constatée par Bouchaud en 1883 à l'asile de Lom-
melet, où, sur 571 malades, il comptait 14 mérycoles dont 11
étaient des idiots. Notre première observation est celle d'un
adulte; la seconde, celle d'une fillette de dix-neuf ans, seule
mérycole sur environ cent enfants idiots ou épileptiques.
Observation I. D. B... est né en 1801, de parents sur lesquels
nous n'avons que peu de renseignements, qui, en tout cas, ne sont
pas mérycoles. Il ne présente rien d'anormal du côté de ses facul-
tés intellectuelles jusqu'au moment où, étant au régiment, appa-
DEUX CAS DE MÉRYCISME. 391
raissent des idées délirantes de persécution, sous l'empire des-
quelles, il se livre à des voies de fait contre un supérieur ; conduit
alors au cachot, il met le feu à la paille, se livre à de nombreuses
excentricités; il est réformé peu après.
Sitôt admis à l'asile, ou pose chez lui le diagnostic de mélancolie
avec idées de persécution basées sur des hallucinations de l'ouïe. Son
état ne.s'améliore pas, toujjurs triste, taciturne, inaclif, aussi
incohérent dans ses propos que dans ses actes, répondant d'une
façon absurde aux questions qu'on lui pose, parfois troublé au
point de déchirer ses vêtements, malpropre, sans être cependant
gâteux, il finit par tomber dans l'état démentiel où il se trouve
actuellement.
En 1884, lors de son arrivée à l'asile, D. B... n'était pas méry-
cole, ses dents étaient en excellent état, les digestions paraissaient
s'accomplir normalement. Ce n'est qu'au bout de quelques années
que les troubles survinrent, et à en croire l'entourage, ils seraient
apparus à la suite d'excès commis par le malade; devenu glouton,
le repas terminé, il allait dérober des aliments qu'il avalait avec
voracité; des régurgitations s'en suivirent, le mérycisme apparut,
et, tel il se montra, tel il est depuis environ quinze ans.
La rumination s'est toujours accomplie de la même façon, quo-
tidiennement et après chaque repas. Toujours aussi glouton,
D. B... ne mâche pas ses aliments, les avale presque aussitôt por-
tés à la bouche, et c'est un spectacle curieux de le voir, en peu
d'instants dévorer le contenu de plusieurs assiettes dans lesquelles
pain, viande et légumes sont amoncelés.
Après un laps de temps variant de quelques minutes à deux ou
trois heures, très peu de temps après le repas le plus souvent, la
rumination commence : elle se produit sans effort, la paroi abdo-
minale ne semble pas intervenir, une inspiration assez forte mar-
que simplement le début du phénomène.
D. B... peut à volonté, quand les aliments sont remontés dans
le pharynx, les introduire dans la bouche ou les avaler de nou-
veau. Si c'est à la première alternative qu'il s'arrête, il manifeste,
dès que le bol arrive dans la bouche, les signes du contentement
le plus évident, il passe la langue entre ses lèvres comme s'il
dégustait et nous déclare ensuite : « Quand j'ai fini de manger, je
remange parce que'j'ai du plaisir. » Au moment où il parle, quel-
ques éructations se produisent, puis il continue tranquillement sa
rumination. Plus rarement et lorsqu'il ne se croit pas surveillé,
il va contre un mur, rejette ses aliments dans sa main, se met à
rire et les réingurgite.
D'autres fois, le phénomène ne se produit pas aussi facilement,
notre malade se tire alors la langue avec la main, tousse et fait,
comme il le dit, « repasser le manger. » Le nombre des régur-
gitations est variable, et nous avons remarqué qu'il est en rapport
392 RECUEIL DE FAITS.
avec la nature des aliments ingérés : c'est ainsi que les haricots,
par exemple, sont ruminés plus longuement que les pommes de
terre. -
Tous les aliments liquides ou solides ainsi ruminés, sont bons
au dire du malade. Leur goût n'est, pas modifié, et nous avons pu
nous assurer qu'aucune odeur désagréable ne s'en dégage et qu'ils
n'ont rien de commun avec les matières rejetées brusquement de
l'estomac après un commencement de digestion. D. B... rumine
toute la journée et ce n'est qu'aux approches du repas que le phé-
nomène se ralentit.
La mastication et l'insalivation sont accomplies imparfaitement
chez lui. On peut, du reste, constater l'insuffisance de son système
dentaire ; il n'existe plus de dents au maxillaire supérieur, et, à la
mâchoire inférieure, on ne compte plus que quatre incisives, une
canine et deux molaires. Il a fort peu de salive, les aliments n'en
sont guère imprégnés, et, après les repas, on peut constater la
sécheresse de la langue.
Les joues sont pendantes, et, au moment du repas, elles per-
mettent au malade d'y loger momentanément ce qu'il ne peut ava-
ler de suite. Le réflexe pharyngien est aboli. L'estomac fait une
légère saillie à l'épigastre, il est du reste dilaté et la percussion
montre qu'il s'étend jusqu'à l'ombilic ; il est le siège d'un bruit de
gargouillement qu'il est possible d'entendre à une certaine dis-
tance.
L'intestin parait fonctionner normalement et les selles du malade
sont du reste à peu près normales.
Ce n'est pas à dire cependant qu'il n'existe pas de troubles
digestifs chez lui. La quantité d'aliments qu'il ingère, est telle que
des phénomènes d'intolérance doivent se produire, aussi peut-on
le voir, tandis qu'il se promène dans la cour, rejeter parfois sur
le sol une quantité plus ou moins grande d'aliments incomplète-
ment digérés et dégageant une odeur désagréable, il est fréquent
aussi de retrouver. le matin, son vase de nuit rempli de matières
vomies, nauséabondes, dans lesquels se retrouvent souvent intacts
des aliments provenant de l'avant-dernier repas.
Très probablement des troubles du chimisme stomacal existent
chez ce malade dont l'estomac est dilaté, l'indocilité du sujet ne
nous a malheureusement pas permis de nous en assurer par des
recherches spéciales. Quoi qu'il en soit, l'état général est bon.
D. B... ne souffre pas de son mérycisme; ruminer est peut-être
même pour ce malheureux la seule satisfaction qu'il soit encore
capable d'éprouver.
Observation IL Elle concerne une petite malade entrée à
l'asile en 1893 et morte l'année dernière de tuberculose pulmo-
naire. C'était une fillette de dix-neuf ans, appartenaut à une
DEUX CAS DE MÉRYCISME. 393
famille fortement entachée d'hérédité névropathique, mais dans
laquelle on n'a jamais observé le mérycisme. Elle-même était
atteinte d'idiotie consécutive à des convulsions de l'enfance, elle
était, en outre, sujette à de nombreuses attaques d'épilepsie.
Ce n'est que cinq ou six ans après son entrée que le mérycisme
fut observé chez elle. Nous ne pouvons dire à la suite de quelles
circonstances le phénomène apparut, mais nous savons que A. D...
était devenue à cette époque beaucoup plus gloutonne qu'au
début : elle avalait les aliments sans les mâcher et elle entrait
dans de violentes colères lorsqu'on ne les lui présentait pas asez
vite. De plus, on devait la surveiller d'une façon toute particulière
pour l'empêcher de dérober aux autres malades la viande dont elle
était extrêmement friande. Elle buvait fort peu.
Le mérycisme apparaissait chez elle après chaque repas. Il dé-
butait sitôt après que les aliments étaient ingérés'et il durait pres-
que jusqu'au repas suivant. A toute heure de la journée, on voyait
la malade mâcher ses aliments et on pouvait lire sur son visage
tout le plaisir qu'elle y prenait. Elle allongeait le cou, pi ovoquait
une éructation et les aliments remontaient dans la bouche avec un
bruit de glou-glou. ◀Tantôt▶ A. D... se bornait à les faire revenir
dans la bouche, ◀tantôt▶ elle les rendait dans sa main ou sur le sol,
où elle les reprenait ensuite. Si on essayait alors de les lui retirer,
elle se fâchait.
Les aliments ainsi ruminés revenaient secs et avec leur appa-
rence première ; elle ruminait surtout la viande qu'elle préférait
du reste à toute autre chose. Elle ruminait peu la purée de pois
qu'elle n'aimait pas ou bien elle la rejetait au lieu de la soumettre
à la mastication.
Notons ici qu'à son retour dans la bouche, le bol alimentaire ne
dégageait aucune odeur désagréable. Les liquides étaient éga-
lement ruminés et alors que la malade était au régime lacté
absolu, le mérycisme se produisait. La paroi abdominale ne pré-
sentait pas de contraction appréciable lors du début du phéno-
mène. A. D... ruminait aussi bien debout et assise que couchée.
On n'a jamais remarqué qu'elle ruminât la nuit.
Comme nous le disions au début de cette observation, elle pré-
sentait certains jours de nombreuses attaques d'épilepsie; il nous
parait intéressant de dire ici quelques mots de l'influence de ces
attaques sur le mérycisme. Au moment même de l'attaque, tout
phénomène était naturellement suspendu, mais peu de temps
après sa fin, alors même que la malade étendue à terre était à
peine sortie de la période de torpeur consécutive à la crise, la
rumination recommençait.
Enfin, la tuberculose pulmonaire à laquelle elle succomba n'eut
aucune action sur le mérycisme que l'on put observer jusqu'à la
fin. La toux, si fréquente à ce moment, n'apportait aucun déran-
394 REVUE d'aNATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
gement dans la rumination et ne déterminait pas de vomissements.
Comme chez bon nombre de mérycoles, le système dentaire était
en mauvais état ; de nombreuses dents étaient gâtées, il manquait
quelques molaires. L'estomac était dilaté, fréquemment le siège
d'un bruit de clapotage que l'on entendait à distance et l'ingestion
des liquides était accompagnée d'un glou-glou caractéristique.
La digestion paraissait s'accomplir assez régulièrement, toute-
fois on retrouvait dans les salles des pois verts et des haricots non
modifiés par les sucs digestifs, nous avons déjà dit que notre ma-
lade n'aimait pas ces aliments.
En résumé : chez un aliéné sans antécédents héréditaires
connus et chez une idiote épileptique présentant des antécé-
dents héréditaires d'ordre névropathique,le mérycisme, non
observé chez les ascendants, apparaît chez le premier vers
vingt-huit ans, chez la seconde vers quinze ans, très vrai-
semblablement à la suite d'indigestions dues à leur voracité,
favorisées par le mauvais état de leur appareil dentaire. Le
phénomène se montra avec ses caractères ordinaires, se
produisant sans efforts, agréable aux malades. Il n'était, chez
notre petite malade, influencé ni par les crises d'épilepsie,
ni par l'évolution de la tuberculose pulmonaire ; la toux n')
apportait aucune modification.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
LXVIII. Doigts en valgus; par PAULY. (Bévue de médecine. Dé-
. cembre 1902.) M. H.
LXIX. Un cas de langue double ; par Lrrz. (Médical Record.
1 Mars 190 ? .)
LXX. Difformité congénitale observée chez un enfant de cinq ans
LXXI. De l'influence de l'écorce du cerveau et des ganglions sons
corticaux sur la contraction de l'utérus de la lapine; par 1V.J.
PLOKl1lNSKY. (Obozrénié psichicclnü, VII, 1902.)
Après avoir introduit dans la matrice l'appareil nécessaire à
enregistrer les contractions de l'organe (voir le manuel opératoire
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 395
dans le texte), l'auteur excite le cerveau. Il s'agit de lapines mul-
tipares, à matrice développée, et même grosses. -
I. Il existe dans l'écorce une région utéromotrice située à la 1/2
postérieure de la zone motrice, en dedans, près du bord de l'hé-
misphère, de la scissure interhémisphérique, ou sur ce bord même,
quelquefois un peu en dehors.
L'excitation de cette région renforce les contractions utérines
indépendantes antérieures, en provoque et les rend rhythmiques,
surtout quand on répète l'excitation. Un faible courant électrique
peut rester inactif, mais il agit si on le renforce. De même, dans
les cas où il n'y a' pas de mouvements utérins spontanés, si l'on
excite l'écorce d'arrière en avant, on obtient, juste au moment où
les électrodes touchent larégion indiquée, des contractions rhyth-
miques alternatives. L'excitation réitérée peut entretenir l'inten-
sité des contractions utérines, augmenter la tonicité générale de
l'organe, etc. L'action du centre d'un hémisphère est indépendante
de celle de l'autre..
II. La couche optique est utéromotrice, mais il faut que les élec-
trodes pénètrent dans la profondeur, sur les confins de la portion
antérieure, ou un peu en arrière, entre les parties antérieure et
moyenne : alors l'utérus se contracte énergiquement, plus vive-
ment que lorsqu'on excite l'écorce.
Si l'on tient compte que l'excitation de la couche optique a tou-
jours lieu après celle de l'écorce, c'est-à-dire quand l'organe expé-
rimenté est un peu fatigué, et que néanmoins les contractions
obtenues sont plus énergiques, il s'ensuit que la couche optique
renferme un centre plus puissant que l'écorce. Quelques expériences
semblent démontrer dans la partie antérieure de la couche optique
l'existence d'un centre d'arrêt des contractions utérines.
III. L'excitation des tubercules quadrijumeaux postérieurs a
donné des contractions moins vives que celle de la couche optique.
Celle du noyau caudé et du cervelet est demeurée sans résultat.
Celle du sciatique a par action réflexe fait vivement contracter
l'utérus. Celle du bout central du nerf vague, sectionné au cou, a
aussi agi, mais point l'excitation du bout périphérique. Le plexus
hypogastrique agit également.
Les centres automatiques de l'utérus sont donc subordonnés aux
centres supérieurs cérébrospinaux qui peuvent en renforcer ou en
entraver les contractions, mais par l'intermédiaire des centres pro-
pres de cet organe. P. KERAVAL.
LXXII. Contribution à la localisation de l'hémianesthésie céré-
brale ; par K. Sciiaffer. (Neurolog. Centralbl., XXI, 1902.)
Un malade atteint d'hémiplégie typique avec hémianesthésie
très marquée, présente dans l'hémisphère droit un ramollissement
396 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
des lèvres de la scissure de Sylvius qui plonge et occupe la tête et
le corps du noyau caudé, le segment antérieur et le genou de la
capsule interne. Delà, altérations consécutives en deux directions :
atrophie marquée de la couche optique, dégénérescence descen-
dante des pyramides jusque dans la protubérance, le bulbe et le
côté opposé de la moelle. L'atrophie de la couche optique porte
principalement sur son noyau externe, ou postéro-externe ; elle
tient à l'interruption de la communication entre l'écorce et cet
organe. La couche optique n'est pas directement lésée, car le ra-
mollissement ne s'étend que jusqu'à la couche réticulée ou grilla-
gée d'Arnold. Comme il appert que la lésion n'atteignait guère, en
sus du segment antérieur et du genou de la capsule interne, que
la moitié antérieure de son segment postérieur, et qu'elle a res-
pecté la portion postérieure de ce segment postérieur, seule la
partie motrice de la capsule interne est anéantie; il faut donc
croire, le patient ayant été hémiplégique et hémianesthésique,
qu'aux fibres motrices sont mélangées des fibres sensitives. celles
de la sensibilité cutanée. (Déjerine, E. Long). Figures à l'appui.
P. KERAVAL.
LXXIII. Existe-t-il une régénération autogène des fibres nerveuses 1
Contribution à la théorie du neurone ; par E. Muenzer. (Neuro-
log. Ce ? ztt-alblait. XXI, 1902). Contribution à la question de la
régénération autogène des nerfs; par A. 13;l'IIE. Id. Réplique
à Bethe ; par E. ! \1UENZEI\. (Neurolog. Centralbl. XXII, 1903.)
Au T3° Congrès des Naturalistes et Médecins allemands, Ver-
worn a soutenu que le corps de la cellule avec son prolongement
nerveux et ses dendrites constitue une unité. Nissl a dit le con-
traire : la substance fibrillaire serait autonome, indépendante des
cellules nerveuses. M. Muenzer pense que toutes les fibres qui pro-
viennent d'une cellule nerveuse appartiennent à un neurone; le
neurone comprend toutes les fibres nerveuses sous la dépendance
trophique d'un protoplaste. Au 26e Congrès des Neurologistes et
Aliénistes allemands du Sud-Ouest, de juin 1901 (Bade), Betlie
combat la genèse des fibres nerveuses du neuroblaste, soutient la v
genèse multicellulaire du cylindraxe, et communique des expé-
riences d'après lesquelles le Lout périphérique du sciatique sec-
tionné et tout à fait séparé du bout central se serait régénéré et
aurait recouvré sa fonction. D'après les mêmes expériences de
Muenzer, les fibres nerveuses néoformées constatées dans le bout
périphérique en question tiennent au rétablissement de la conti-
nuité, par l'intermédiaire de la cicatrice, entre le bout périphérique
et les parties centrales, les cellules nerveuses. Il n'existe pas de
régénération autogène des fibres nerveuses. Du tout, répond Bethe,
ces anastomoses extérieures au nerf, je les évite; c'est bien dans le
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 397
bout périphérique même isolé du centre que je trouve des fibres
régénérées composées de manchons de myéline et de cylindraxes.
Ces fibres régénérées ne sont pas entrées du dehors dans le bout
du nerf; ce ne sont pas non plus des fibres venues du bout central
dans le bout périphérique. Je n'ai pas dit cela, termine Muenzer;
j'ai simplement constaté le rétablissemeni par la cicatrice de la
continuité avec les centres nerveux expliquant les fibres néofor-
mées, et sauvegardant la théorie du neurore. La question en est là.
Les détails de la polémique sont à lire dans le mémoire de Muen-
zer. (Fi. ); et les controverses aussi. P. Keraval.
LXXI V. De la genèse sous-corticale de spasmes musculaires isolés.
Contribution à la clinique des tumeurs des tubercules quadriju-
meaux, avec remarques sur le trajet du faisceau central de la
calotte; par J. SORCO. (Neurol. Centralbl, XXI, 1902, lr, 15, iG,
17.) ,)
Observation clinique accompagnée d'étude anatomique et histo-
logique très minutieusement analysée et discutée. Figures.
Cette observation, conclut l'auteur, permettrait d'attribuer aux
foyers sous-corticaux, c'est-à-dire aux centres sous-corticaux, la
faculté de provoquer des convulsions isolées de certains groupes
de muscles, et de croire que ces convulsions, parties de ces cen-
tres, se puissent propager de groupes en groupes musculaires,
voire de muscles en muscles, pour finalement se généraliser
suivant les lois de l'épilepsie Jacksonienne.
Nous possédons en outre assez de points de repère pour sup-
poser qu'il existe dans la région des tubercules quadrijumeaux,
non seulement des faisceaux moteurs, mais des centres moteurs
qui commandent aux muscles des membres, à l'intérieur desquels
(et cette opinion s'impose en présence de faits tels que celui-ci),
chaque muscle, chaque groupe de muscles est tout aussi distinc-
tement représenté que dans l'écorce.
Il est pour le moment impossible de dire si l'excitation de ces
centres donne directement naissance aux convulsions de groupes
musculaires isolés, ou si elle actionne, par mécanisme réflexe, les
centres corticaux. Mais nos connaissances physiologiques actuelles,
édifiées sur l'expérimentation et l'observation clinique relatives aux
formes convulsives en rapport avec les diverses parties du cerveau,
permettent d'exprimer l'opinion que voici.
On sait que l'excitation des centres de l'écorce engendre des
convulsions qui surviennent par accès et se généralisent selon des
lois déterminées, taudis que les convulsions permanentes, la chorée,
1 athétose, les différentes formes de tremblements, émanent non
de l'excitation des contingents corticaux du système moteur, mais
de celle de ses contingents subcorticaux. Les exceptions à cette
398 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
règle, très rares, s'expliquent'd'ailleurs d'une autre manière. De là
l'idée que, dans l 's foyers de la région des tubercules quadrijumeaux,
l'excitation directe des centres moteurs qui occupent celle région est
susceptible de déchaîner des convulsions de muscles et groupes muscu-
laires isolés à forme d'accès ou continues, et que ces convulsions se
peuvent généraliser sous l'action directe de ces centres sous-corticaux
ou par excitation réflexe des centres corticaux..
Il y a lieu de croire à l'intervention réflexe de l'écorce dans la
généralisation des convulsions quand les accès, procédant exacte-
ment d'après les lois de l'épilepsie Jacksonienne, co-intél'Cbsel1t le
facial et l'hypoglosse : si ces deux territoires sont épargnés, comme
dans le cas présent, l'excitation sous-corticale suffit à expliquer
la généralisation convulsive.
Les deux observations publiées par Eisenlohr (Jahrb. d. Hambur-
ger Staatskrankenanstaiten. 1900-1901) et par l'auteur permet-
traient, en l'absence de tout foyer cortical, d'appliquer l'apparition
de convulsions musculaires isolées au diagnostic d'un foyer sié-
geant dans la région des tubercules quadrijumeaux, ce qui ne
veut pas dire que le processus pathologique doive relever des
tubercules quadrijumeaux mêmes. L'essentiel est de savoir que le
foyer affecte la région sise en avant des tubercules quadrijumeaux,
ce que peut faire aussi une tumeur originaire de la couche opti-
que. ' P. KKHAYAL.
LXXV. Des relations du faisceau longitudinal inférieur avec le
ruban de Reil et d'un nouveau système moteur de couronne
rayonnante; par II. Schuetz. (Neurolog. Centrals, XXi, ID02.)
Un idiot privé de la presque totalité de son lobe temporal et de
son lobe occipital a cependant conservé son faisceau longitudinal
inférieur : il est facile de voir qu'il va du pôle occipital, non au
lobe temporal, comme le prétendent les auteurs qui en font un
faisceau d'association, mais au cervean moyen. Fleclisig d'ailleurs
le fait partir de la couche optique. De recherches par 1\1. Schülz
sur des foetus à partir du septième mois et sur l'enfant âgé de
six semaines, il résulterait ce qui suit.
Le faisceau longitudinal inférieur a son plus gros volume au
niveau à' peu près du corps genouillé externe ; il circonscrit la
corne postérieure du ventricule latéral en laissant entre lui et le
ventricule la place nécessaire à la radiation optique de Gratiolet
et au tapetum, se dirige, à la partie supérieure de l'arc qu'il
décrit, de dedans en dehors, à la partie externe du même arc,
d'avant en arrière, enfin, à sa partie inférieure, de dehors en
dedans vers la corne d'Ammon qu'il n'atteint pas; il s'en rappro-
che à mesure qu'il gagne la région occipitale, pour n'aboutir à
l'écorce que dans le gyrus lingual, Il envoie aussi des fibres au
revue d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 399
coin. Les antres circonvolutions du lobe occipital ne sont munies
de fibres myéliques que lorsque la radiation optique de Gratiolet
est myélinisée.
Dans la région du corps genouillé externe, ce faisceau se com-
pose de deux espèces de fibres. 1° En dehols de cet organe, il reçoit
des fibres du nerf optique. 2° Il en reçoit du ruban de Reil. Ces
fibres-ci se séparent de la portion externe du ruban de Reil
médian, au niveau environ du corps genouillé externe, pour se
diriger en dehors; juste au niveau de celui-ci, et immédiatement
au-dessus, elles forment un éventail. Cet éventail affecte quatre
directions : a) celle du faisceau longitudinal inférieur avec lequel
il se confond ; b) celle du tiers antérieur de la première temporale;
c) celle des ascendantes ; d) celle du bord externe du noyau len-
ticulaire. Des détails de la description il résulte que la partie ex-
terne du ruban de Reil projette un faisceau rayonnant qui s'épa-
nouit dans le noyau amygdalien ou la corne d'Amlllon, dans les
parties les plus antérieures de la lèvre temporale, dans les ascen-
dantes, le gyrus lingual, le coin. 'Ce faisceau, identique aux fais-
ceaux protubérantiels de Schlesinger, ou au faisceau moteur du
Ruban de Reil de Hoche, émané des centres olfactifs, optiques,
auditifs, sensitifs du cerveau, est un faisceau primaire moteur
rayonnant. P. KEHAVAL.
Du poids de l'encéphale et de quelques-unes de ses parties
chez le nourrisson et les enfants plus âgés; par H. PIISTER.
(Nellrolog. Centralbl, XXII, 1903.)
Etude de 302 encéphales, 161 de garçons, 141 de filles, dont 228
ont été soumis à des pesées partielles (121 pour les garçons,
)0' ? pour les filles) les enfants sont morts aux âges de une semaine
à quatorze années. Voici les principales conclusions :
I. Le poids moyen de l'encéphale est, quelque soit l'âge, plus
élevé chez les garçons que chez les filles, cette différence, relati-
vement faible au début de la vie, s'accroît plus tard. Ce poids s'ac-
croit au cours du développement chez les deux sexes ; le premier
tiers de l'accroissement pondéral est atteint à la fin du huitième
mois de la vie, le second tiers, dans la première moitié de la troi-
sième année. Le poids total se chiffre chez les garçons par 1350 à
1400 grammes et plus à cinq ans; il est chez les filles de 1280
grammes et plus à trois ans et dépasse chez elles 1300 grammes
à sept ans. A tous les âges le poids total est infiniment variable
selon les individus.
II. Le cervelet, quel que soit l'âge, pèse moins chez la fille que
chez le garçon. Au cours du développement, il s'accroit davantage
cliez les garçons. Chez les enfants du même âge et du même sexe
on relève de remarquables variations dans le poids absolu et même
400 REVUE d'anatomie et DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
relatif de cet organe. Chez les nouveau-nés normaux le* poids
moyen est de 20. grammes; chez , l'adulte il atteint environ
135 grammes pour la femme, presque 150 grammes pour l'homme;
son accroi·sement moyen est donc, au cours du développement,
de près de 120 à 130 grammes. Le cervelet croit donc proportion-
nellement plus vite que l'ensemble de l'encéphale et même que le
.cerveau ; il acquiert le premier et le deuxième tiers de son accrois-
sement total plus rapidement que l'encéphale et même que le cerveau.
Il septuple pendant la vie extra-utérine son poids initial ; il aug-
mente donc bien plus notablement de poids (et de volume) que les
autres parties de l'encéphale, voire que l'encéphale entier. Le cer-
velet étant chez le nouveau-né à peu près les 5,5 p. 100 (le tout
l'encéphale, il atteint chez l'adulte presque les Il p. 100 de ce
dernier; il double donc dans le cours delà vie son chiffre pondéral
relatif.
III. Le poids moyen du cerveau des garçons l'emporte en tout
temps sur celui des filles. Cette différence est chez les enfants âgés
(et chez les adultes) de 50 à 100 grammes et davantage ; d'abord
notablement moindre (elle n'est chez le nonvetu-né que de 6 à
10 grammes), elle atteint au second mois de la vie 20 à 30 gram-
mes. Son accroissement moyen total est de 910 grammes au plus
pour les garçons,'et de 840 grammes au maximum pour les filles.
Il atteint un peu plus lentement son premier tiers que ne le fait
l'encéphale entier. Par suite, la somme totale du poids des hémis-
phères cérébraux' n'est devenue pour les garçons supérieure a
303 grammes, pour les filles supérieure à 280 grammes, qu'à l'âge
de neuf à dix mois. A partir de la, l'accroissement ultérieur est
tel que le second tiers n'en est acquis, à peu près au milieu de la
troisième année, que peu de temps après l'augmentation corres-
pondante du poids total de l'encéphale. Le poids du cerveau est
aussi très variable suivant les individus de méme.1lge. et de même
sexe. 11 n'y a pas dans l'enfance de différence constante de gros-
seur en faveur, d'une moitié déterminée. Mais on trouve presque
toujours des différences de poids entre l'hémisphère droit et l'hé-
misphère gauche, ce dernier pesant le plus souvent cinq à si £
grammes de plus que l'autre. , s, .. !
IV. Le reste de l'encéphale (bulbe, protubérance, tubercules qua-
drijumeaux) qui est de 91 5 chez le nouveau-né, atteint à peu
près 27 à' 28 grammes. La moyenne en est plus forte chez les
garçons. La différence de poids entre les deux sexes parait pres-
que la même avant la puberté, à tous les âges. L'accroissement par
tiers s'effectue dans les deux sexes à peu près comme celui de
l'ensemble de l'encéphale. Tandis que le poids du cervelet qui, chez
le nouveau-né est à peu près 5, 5 p. 100 du poids total de l'encé-
phale, atteint presque Il p. 100 du poids de ce dernier chez l'adulte,
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 4OL L
tandis que le reste de l'encéphale qui n'était d'abord par rapport
à l'encéphale que de 1,6 p. 100 atteint 2 p. 100, le poids relatif du
cerveau proprement dit diminue; il représentait au début 93 p. 100
du poids encéphalique total; il n'en est plus finalement que les
87, p. 100. P. Keraval.
LXXVII. De l'action des rayons du radium sur l'excitabilité des
centres psychomoteurs; par M. N. JUUKOIVSKY. (Oboz ? ,énié psi-
chiatrii, VIII, 1903, novembre.)
Après avoir mis a nu l'une des circonvolutions sigmoïdes du
chien et déterminé l'écartement des bobines de l'appareil du Bois
Reymond qui correspond au courant minimum propre à faire
mouvoir le moins possible le membre antérieur ou le membre
postérieur, on expose avec toutes les précautions voulues la région
psychomotrice à l'action de 10 ou de 15 milligrammes de bromure
de radium. On soumet ensuite la région au courant inducteur et
l'on note quel est alors l'écartement des bobines qui correspond
au courant minimum propre à déterminer les mêmes mouvements.
Six expériences et une expérience-étalon sont minutieusement
décrites.
L'auteur conclut que les rayons du radium augmentent l'excita-
bilité électrique des centres psychomoteurs. Il faut, après l'action
du radium sur la région, un courant moindre pour obtenir les
mêmes mouvements qu'avant l'action du radium. L'intensité de
cette augmentation et sa durée dépendent de la quantité de
radium qu'on a fait agir, et, évidemment, de sa radio-activité.
Après avoir duré un temps plus ou moins long cette hyperexcita-
bilité tombe graduellement; elle tombe quelquefois au-dessous
du degré initial-de l'excitabilité antérieur au début de l'action du
radium, il arrive aussi que tout en tombant elle reste cependant
supérieure à l'affaiblissement de l'excitabilité de l'expérience-étalon
qui suit normalement l'électrisation répétée de l'écorce motrice
sans action à aucun moment du radium. P. Keraval.
LXXVIII. Quelques expériences sur l'action du calcium sur l'écorce
cérébrale; par le Dr Roncoroni (Riu. Sp.,cli fren. 1903, fasc. 1,
t. II). ' - J. S.
LXXIX. La psycholepsie de Janet et la théorie de Storch-Foers-
ter ; par le Dr DE Bues. (Journal de Neurologie, 1904, n° 9.)
On sait que certains psychopathes se plaignent assez souvent que
tout autour d'eux est mort, que rien n'existe plus, que tout est
voilé, obscur, que les objets n'ont plus de relief, qu'ils sont drôles,
étranges, etc. Janet qui a fait de ces états une étude particulière
prétend qu'ils sont dus à une seule et même cause la perte du sen-
ARCIIIVES. 2. série, t. XVIII. 26
402 revue d'anatomie et DE physiologie pathologiques.
liment du réel. Les malades, dit-il, ont la perception du monde exté-
rieur, mais ils ont perdu le sentiment de réalité qui est inséparable
de cette perception. Cet auteur regarde le sentiment du réel comme
une faculté psychique spéciale, mais sans expliquer sur quoi celle-ci
repose. Il mentionne en outre que ces malades ne sentent souvent
plus leur propre personne, se croient morts, etc. Le doute de l'exis-
tence personnelle provient simplement, d'après Janet, de la perte
de la faculté psychique susdite.
Foerster soutient au contraire que les troubles de la conscience
personnelle sont primaires et dérivent de l'utilisation insuffisante
des sensations d'organes et que vu le rôle important que ces sen-
sations jouent dans la perception réelle du monde extérieur, il se
produit aussi des troubles dans l'appréciation de ce dernier.
Stock interprète aussi ce manque de perception du monde exté-
rieur par la dissociation de la myopsyche et de la pathopsycbe,
c'est-à-dire par la dissociation du contenu sensoriel spécifique de
la perception et des sensations organiques correspondantes.
C'est à cette théorie de Foerster-Storch que se rallie l'auteur du
travail que nous analysons, tout en admettant qu'il y a également
une part de vérité dans celle de M. Janet. A côté en effet, ou plutôt
au-dessus de la conscience perceptive, il existerait une conscience
aperceptive, siège des facultés volontaires et morales, et c'est
celle-ci qui serait troublée dans les cas de psychasthénie ou de
psycholepsie visés par Janet.
Quant aux phénomènes d'ordre secondaire qui accompagnent
habituellement la perte du sentiment du réel, ils relèveraient
également les uns des troubles de la perception proprement dite
(obsession de se souvenir, névrose d'angoisse, névrose cérébro-
cardiaque), les autres de ceux de l'aperception (obsessions de doute,
de scrupule, etc.). G. D.
LXXX. Quelques déductions pratiques de la réfutation du neurone;
par le Dr DEBRAY. (Journal de Neurologie, 1904, n° 6.)
Après avoir rappelé que la théorie du neurone ne peut plus se
concilier avec les nouvelles données de l'histologie, de la physio-
logie et de la pathologie nerveuse, l'auteur tire de ces nouvelles
données quelques déductions pratiques intéressantes au point de
vue notamment de la suppléance plus facile des conducteurs ner-
veux détruits, de l'intégrité mieux assurée des centres, de la
régénération plus complète des nerfs sectionnés et de la restau-
ration fonctionnelle des cellules ou des extrémités nerveuses alté-
rées par une infection ou une intoxication, etc. G. D.
LXXXI. Dégénérescence et régénération des terminaisons motrices
des nerfs coupés ; par MM. ODIEn et HERZEN. (Rev. méd. de la
Suisse Romande, 1904, n° 7.)
REVUE d'anatomie-et DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 403
On admet en général, malgré certains faits contradictoires, que
les filaments terminaux d'un nerf moteur séparé des centres dégé-
nèrent jusqu'à leur dernière terminaison. D'après l'examen de
nombreuses préparations provenant de divers cobayes auxquels ils
avaient pratiqué la section du nerf sciatique avec arrachement du
bout central, les auteurs estiment que chez les animaux adultes
la régénération et la néoformation de la presque totalité des
organes moteurs terminaux, après section du tronc nerveux, se
font avec le concours et la participation du tissu musculaire.
G. D.
LXXXII. Nouvelles recherches sur les localisations spinales, par
le Dr P.\nCnON et Mme Parchon. (Journal de Neurologie, 1904,
nos 12 et 13.)
Bien qu'on ne soit pas encore en droit d'affirmer qu'à chaque
muscle corresponde un centre spécial dans la moelle, les recher-
ches exposées dans ce travail viennent confirmer la théorie de
Sano d'après laquelle les localisations spinales sont musculaires.
Cette théorie, d'après les auteurs, se confondrait du reste avec
celle des localisations fonctionnelles. Si on trouve plusieurs mus-
cles pour telle ou telle fonction, c'est parce que celle-ci n'est que la
résultante de plusieurs actions élémentaires qui, elles, sont l'ex-
pression de la fonction d'un muscle isolé. Donc, toutes réserves
faites sur les résultats que peuvent donner de nouvelles recherches,
on peut d'ores et déjà admettre que c'est la fonction qui détermine
la disposition des cellules en groupements principaux et les sous-
divisions de ceux-ci en groupements secondaires, et par conséquent
que les localisations sont fonctionnelles.
Ainsi se trouve vérifiée une fois de plus cette loi fondamentale
de neurologie générale que la fonction fait l'organe. G. D.
LXXXIII. A propos de l'anatomie pathologique de la paralysie
générale; par le Dr l\l.\HAm (Journal de Neurologie, 1904, n° 24.)
Après s'être défendu d'avoir jamais prétendu que les lésions des
vaisseaux de l'écorce cérébrale étaient toujours primitives dans la
paralysie générale, l'auteur déclare que de ses recherches il résulte
seulement que ces lésions vasculaires sont celles qui s'observent le
plus constamment. Il ajoute que jusqu'ici on n'a pas encore publié
un seul cas de paralysie générale indiscutable avec intégrité des
vaisseaux de l'écorce, et d'autre part que si on rencontre parfois
cette lésion dans d'autres phychoses, c'est qu'il s'agit d'anciens
syphilitiques. G. D.
LXXXIV. L'anatomie pathologique de l'idiotie; par Alzheimer.
(Congrès des médecins aliénistes Bavarois, 24 mai 1904, Ansbach),
(Psych. ne1l1'. Wochensch. 9 juillet 1904).
404 revue d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
- Il est démontré actuellement que, sous le nom d'idiolie, on réunit
des processus pathologiques très différents qui ont affecté le cer-
veau avant la naissance ou pendant les premières années. Mais on
est moins avancé touchant la différenciation des diverses maladies
qui déterminent les états d'idiotie.
On connaît bien, grâce à l'observation clinique, le crétinisme et
l'idiotie myxoedémateuse qui relèvent des maladies de la nutrition,
par suppression des fonctions du corps thyroïde. Il n'en est pas de
même au point de vue de la description clinique des autres états
d'idiotie. Au point de vue anatomo-pathologique, on ne peut se
baser, pour la séparation d'espèces nosologiques, sur les résultats
macroscopiques des autopsies : la macroencéphalie et la microencé-
phalie, la macrogyrie et la microgyrie, la porencéphalie et l'hydro-
céphalie ne sont pas des maladies spéciales, mais le résultat de di-
vers processus pathologiques, et ne peuvent donc servir à la déter-
mination d'espèces morbides naturelles. On peut présentement
distinguer :
1° La paralysie générale. Il n'est pas exceptionnel de rencontrer
dans les asiles d'idiots des cas de paralysie générale juvénile, et
surtout chez des sujets primitivement débiles. Doivent être rangés
dans cette catégorie, certains cas d'idiotie méningitique de Bourne-
ville en tant que leur début et leur terminaison ne s'opposent pas
à leur rattachement à la paralysie juvénile.
2° L'idiotie amaurotique. La cause semble en être des processus
dégénératifs (et non inflammatoires) portant plus particulière-
ment sur certains systèmes de faisceaux. Par l'époque de son appa-
rition, son aspect clinique général, sa marche foudroyante, son
caractère familial, l'idiotie amaurotique a des traits bien particu-
liers.
3° La sclérose hypertrophique tubéreuse.
4° L'idiotie consécutive aux lésions circonscrites du cerveau (par
encéphalite, hémorragies traumatiques, blessures du cerveau, en-
dartérites syphilitiques, embolies, tumeurs).
5° Les arrêts de développement. Plus rares qu'on ne l'a dit, ils
sont observés dans la microencéphalie (aspect embryonnaire des
circonvolutions, microgyrie), dans certains cerveaux rappelant
ceux des singes ou des carnivores. 1
6° Processus dégénératifs étendus de diverse nature, mal étu-
diés encore. Enfin certains cas peuvent, peut-être, être rattachées
à l'hébéphrénie (Kraepelin) 1. Paul Sérieux.
(') On trouvera dans le compte rendu du service des enfants de Bicêtre
(1880-1903), de nombreux documents avec figures et planches sur l'ana-
tomie pathologique des idiots. L'auteur aurait pu parler de l'idiotie mon-
golienne qui forme un groupe très distinct. (B.)
REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 405
LXXXV. La rage expérimentale à virus fixe et ses lésions histologi-
ques ; par le Dr Lanme. (Journ. de Neurologie, 1904, u°8 4 et 5).
Des nombreuses expériences faites par l'auteur il ressort :
1° que la rage expérimentale à virus fixe ne produit pas de
lésions spéciales; 2° que le nodule rabique du ganglion est une
manifestation particulière de l'inflammation de cet organe ; 3° que
ni le siège, ni l'intensité des lésions de la rage des laboratoires ne
permettent de faire le diagnostic post mortem de la maladie;
4° que l'anatomie pathologique de la rage due au virus fixe est
l'ensemble de toutes les lésions des enveloppes et de la substance
nerveuse de tout le névraxe; 5° que le mode d'introduction du
virus fixe dans l'organisme n'a pas d'influence sur l'intensité et le
siège des lésions rabiques ; 6° que les légères lésions visibles de la
rage expérimentale doivent être attribuées au fait que l'animal
meurt sidéré avant que ces alternatives aient eu le temps d'évoluer.
C - , G. D.
LXXXVI. Sur le réflexe du fascia lata; par MM. DtûE et C¡OENAI5.
(Journ. de Neurologie, 1902, n° 14.)
De l'examen de l'état du réflexe du fascia lata dans 12 cas de
lésions du cerveau ou des méninges, les auteurs déclarent n'avoir
pu tirer des conclusions bien nettes. Les particularités dignes
d'être notées, c'est que le réflexe du fascia lata était aboli dans
deux cas de compression du cerveau sans altération de l'écorce,
et, dans un autre, où le faisceau sensitivo-moteur était complète-
ment détruit. Il semble donc que les lésions du faisceau moteur
seul n'exercent sur la-production de ce réflexe qu'une influence
assez restreinte se traduisent souvent par de la diminution; que
les lésions destructives du faisceau sensoriel peuvent anéantir ce
réflexe et enfin que la corticalité comprimée peut exercer un pou-
voir d'inhibition sur sa production. '
Par contre, dans la démence précoce, les auteurs ont constaté
une diminution ou une abolition du réflexe du fascia lata avec
conservation des réflexes cutanés, c'est-à-dire un syndrome
qui serait l'inverse du phénomène de Brissaud, et de l'ensemble
de leurs recherches, ils sont portés à croire que, dans les affec-
tions aussi bien corticales que cérébro-spinales, le réflexe du
fascia lata suit une marche tout à fait parallèle à celle de la sen-
sibilité douloureuse, alors que le phénomène des orteils semble
être absolument indépendant îles troubles sensitifs. G. D.
LX.TXVII. Hémimélie et dégénérescence mentale; par 1.. LAnUELLE.
(ltlcll. de la Soc. de rr.êd. mentale de Belgique, juin 1902.)
Il s'agit d'un homme de cinquante-sept ans, qui a fait à l'asile
406 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
d'aliénés de Volières un séjour d'un mois pour une affection
mentale aiguë et qui présentait depuis sa naissance une absence
complète du troisième segment du membre supérieur gauche, en
même temps qu'un certain nombre de stigmates de dégénéres-
cence physique. L'origine de la malformation du membre est
attribuée par le malade à ce que sa mère, étant enceinte, fut
appelée auprès d'une femme qu'on lui avait dit être simplement
malade et qui en réalité venait d'être amputée du bras. La
coexistence de désordres mentaux et de malformations physiques
attribuables à une impression maternelle pendant la grossesse,
a été confirmée récemment par Bourneville.
Cette théorie pathogénique est adoptée par l'auteur, qui n'hé-
site pas à rattacher à une dégénérescence acquise ab utero les
troubles mentaux et les anomalies physiques de son malade.
G. D.
LXXXVIII. Théorie physiologique de l'hystérie ; par le D1' SOLLIER.
(Journ. de Neurologie, 1904, n° 1.)
Dans une conférence faite à la Société belge de neurologie, le
D1" Sollier, après avoir critiqué les théories psychologiques de
l'hystérie, expose la conception physiologique qui porte son nom
et qui consiste, comme on le sait, à considérer cette névrose
comme le résultat d'un phénomène d'arrêt, d'inhibition ou de
sommeil des centres cérébraux. L'anesthésie est la marque, le
sigillum de cet arrêt des centres corticaux; elle disparaît lorsque
ces centres reprennent leur activité pour réapparaître dès que
ceux-ci cessent de fonctionner. Pour réveiller un hystérique c'est-
à-dire pour ramener ses centres cérébraux à l'activité, il faut agir
directement sur eux par injonction, avec ou sans hypnose, soit
indirectement par restauration de la sensibilité au moyen d'exci-
tations mécaniques périphériques. ' '
Au moment où le réveil se produit, le sujet passe brusquement
de l'état de personnalité où il était au moment où il s'est endormi
à celui où il aurait été s'il n'avait jamais été vigilambule.
En même temps se produit un autre phénomène caractéristique,
le retour au sommeil normal, lequel était disparu depuis que les
malades étaient plongés dans une sorte de sommeil patholo-
gique. -
L'auteur réfute ensuite les objections qui ont été faites à sa
théorie, notamment celles qui attribuent à la suggestion ou à l'au-
to-suggestion, les réactions présentées par les sujets qui se réveil-
lent et il termine en signalaut quelques-uns des faits nouveaux,
tant au point de vue physiologique que psychologique, que sa
théorie permet de mettre en évidence (existence d'une cénesthésie
cérébrale, détermination de centres viscéraux, etc.) G. DENY.
revue DE pathologie mentale. 407
LXXXIX. Les syndromes solaires expérimentaux; par M. L.llG;vrEL-
Lavasrme. (Jottnrn. de Neurologie, 1904, n° 8.)
Sous le nom de syndromes solaires, l'auteur désigne l'ensemble
des perturbations viscérales résultant de l'arrachement ou de
l'excitation du plexus solaire. Il distingue expérimentalement un
certain nombre de syndromes solaires de paralysie, d'excitation
ou d'irradiation, et montre que le premier est réalisé surtout en
clinique dans les périlonites, le second dans la colique de plomb et
le troisième, dans l'arrêt du coeur en diastole au cours des coli-
ques hépatiques ou néphrétiques. Il paraît donc légitime mainte-
nant, en clinique, en présence de certains syndromes, d'émettre
au moins l'hypothèse d'une localisation solaire. G. Deny.
XC. Régénération autogène chez l'homme et la théorie du neu-
rone ; par G. Durante (Journ. de Neu1'lllogie, 1904, n° 8.)
A l'autopsie d'une femme atteinte d'un neurone du poignet qui
avait subi cinq ans avant de mourir une résection du nerf médian
depuis la paume de la main jusqu'au tiers supérieur de l'avant-bras,
l'auteur a constaté que les deux bouts du nerf, distants de plus de
vingt centimètres se terminaient tous deux par un volumineux
névrome d'ampulation : ces deux bouts, absolument libres, n'étaient
réunis aux lissus voisins que par un lâche tissu cellulo-adipeux.-
L'examen histologique a montré en outre dans le bout périphé-
rique des tubes nerveux indiscutables dont le nombre augmentait
à mesure qu'on s'éloignait du névrome terminal. Cet exemple de
régénération autogène chez l'homme vient à l'appui de l'opinion
des auteurs qui ont combattu dans ces derniers temps la théorie
du neurone qui devient d'après eux un organisme pluri-cellulaire,
dont chaque élément conserve une indépendance relative, tant à
l'état normal qu'à l'état pathologique. G. DENY.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
IV. Les psychoses des vagabonds; par K. WILMANNS (Ceenlralbicclt
sur Nervenheilhund. XXV. N. F. XIII, 1902.
Etude du vagabond comme individu et des relations entre ses
lacunes congénitales ou acquises et sa conduite antisociale.
Cent vingt-sept sujets, la plupart du sexe masculin; douze
femmes seulement; vingt-deux n'avaient jusqu'ici subi aucune
408 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. z
condamnation correctionnelle. L'ivrognerie acquiert chez eux un
développement inouï.
La plupart d'entre eux sont des imbéciles éréthiques qui, moins
bêtes que'les imbéciles torpides, forment avec les criminels par
habitude une grande famille : c'est pendant les premières années
de leur vie nomade qu'ils manifestent des tendances criminelles;
à la longue ils arrivent à être des vagabonds proprement dits. Il
faut accuser la faiblesse de leur volonté exagérée par l'alcoolisme
chronique. La même pathogénie s'applique à certains hystériques
ayant maints points communs avec l'imbécile éréthique. Il existe,
par contre, des hystériques intelligents qui errent sans travail,
souvent sans ressources, sans compter ceux qui, atteints de syn-
dromes fréquents et graves, côtoient la correctionnelle à laquelle
ils n'échappent qu'à la faveur de leurs épisodes pathologiques ; à
peine sortis des hôpitaux ou des asiles, ils vivent de mendicité,
pour réintégrer à chaque instant les maisons hospitalières.
L'impulsion migratrice est fonction de toutes les agitations psy-
chomotrices; quand. les ressources viennent à manquer, ces ma-
lades deviennent des mendiants et des vagabonds. Cela se voit
dans la démence précoce, la paralysie générale, la folie circulaire
ou périodique. Exemples à l'appui : 4 maniaques, 4 paralytiques.
Soixante-six cas de démence précoce, parmi lesquels six pros-
tituées. Trois groupes : 10 personnalités saines et sédentaires à
l'origine, très ordonnées jusqu'au jour où, entre vingt et trente ans,
se produit une psychose aiguë grave suivie d'incomplète guérison,
et de vagabondage; -2° au début parfaite santé; puis soudain,
ou graduellement, sans cause appréciable, mobilité, instabilité,
irrégularité de la vie, vagabondage; - 3° tares pathologiques
originelles; dès la prime jeunesse, lacunes morales et intellec-
tuelles ; instruction incomplète; impossibilité d'apprendre un mé-
tier, d'où le vagabondage. Etude détaillée.
Rien qui prédispose plus au vagabondage que l'épilepsie, par
l'intermédiaire de la débilité mentale, des fréquents accès convul-
sifs ou syndromes psychiques ; dix-neuf cas.
L'ensemble des espèces précédentes constitue un total de 110.
Reste donc dix vagabonds. Chez cinq d'entre eux, il fut impos-
sible de trouver des éléments cliniques clairs. Les cinq autres se
décomposent en : une affection syphilitique des vaisseaux du cer-
veau ; une psychose de détention; un cas d'imbécile souteneur et
coupable d'effraclion; un cas de criminel-né non aliéné; un cas
de crétin très débile. l'. KIOEAVAL.
V. Contribution à la casuistique de la réaction biologique des
cheveux chez les aliénés; par W. Ueinicke (Ve : <)'c/oa'. Central-
blait, XXII, 1903).
Il s'agit d'une démente précoce de vingt et un ans chez qui
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 409
chaque épisode d'exaltation psychique ? élait, une ou deux [heures
auparavant, précédé de la canitie d'une mèche de cheveux dirigée
du haut du front vers le pariétal gauche. Elle devenait blanc d'ar-
gent. De sortequece phénomène permettait de prédire avec certitude
l'agitation imminente. La couleur blanche persistait pendant la
phase entière, atteignait son maximum à la période d'acmé de
cette dernière et disparaissait ensuite rapidement, parfois dans
les quelques heures qui suivaient la résolution de l'agitation.
Pendant l'agitation les pupilles étaient dilatées. Nulle autre ano-
malie du cheveu. Pas d'anomalies unguéales non plus.
Cette blancheur passagère du cheveu est due à un excès d'air
dans la gaine médullaire. Il y a lieu de croire que le poison fau-
teur à la démence précoce irrite les nerfs trophiques des cheveux,
car à ce moment le cuir chevelu de la région est hyperalgésié.
L'irritation des nerfs trophiques en modifiant la circulation san-
guine et lymphatique des cheveux, en chasse la lymphe; les cel-
lules s'y rétractent, principalement les cellules dentelées de la
gaine médullaire, et forment ainsi des fentes par lesquelles pénètre
une quantité plus considérable d'air atmosphérique. Dès que
cesse l'irritation, les cellules reprennent leur forme primitive, la
gaine médullaire se rétrécit, l'excès d'air est chassé, voire résorbé,
le cheveu reprend sa coloration normale. Pourquoi ce processus
s'est-il limité à une seule mèche ? On l'ignore. P. KERAVAL.
VI. De la pathogénie du délire spécifique du paralytique, contribu-
tion aux recherches de pathologie expérimentale sur la démence
paralytique; par A. WizEL (Neurolog. Cenlral6l, l\II, 4903).
Le délire du paralytique général est un monstre. Tandis que le
délirant systématique, indemne de lacunes intellectuelles, adapte
son délire à la provision d'idées et de notions enregistrées dans
son intelligence, l'accommode aux idées de temps et d'espace
intactes chez lui, le paralytique qui a perdu quantité d'idées
concrètes ou abstraites, spéciales ou générales, qui n'a plus la
notion du temps et de l'espace, émet les conceptions délirantes
les plus exagérées, les plus monstrueuses. D'ailleurs, le paraly-
tique est incapable de rien estimer à sa juste valeur, pas plus les
propriétés objectives de la matière que les choses de l'esprit.
Rien ne l'arrête. La monstruosité du délire de chaque paralytique
dépend des lacunes de son intelligence, de la perte de telles ou
telles idées ou notions'. P. IiswvaL.
VIII. De l'angoisse; par [,ONDE. (Revue de médecine. Août
et octobre 1902.)
Etude séméiologique faite dans le service de M. le professeur
Brissalld : L'angoisse, sauf dansl'angospection, jusqu'ici n'a guère
410 O REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
retenu que l'attention des psychiatres ; l'auteur a eu l'idée de
l'étudier dans les diverses maladies. L'angoisse s'observe : dans les
diverses affections du système nerveux ; dans les affections des
voies respiratoires; dans les maladies du coeur, les affection' !
abdominales, les intoxications et auto-intoxications.
Dans les maladies du système nerveux, l'angoisse a été observée :
dans les paralysies bulbaires, les lésions méningo-encéphaliques
basilaires, les affections médullaires, du cervelet, dans la paralysie
générale, dans les névroses, vertige mental, vertige de Ménière,
névrose d'angoisse, goitre exophtalmique, etc.
Pour les maladies de l'appareil i-espiratoit e, l'angoisse a été notée
dans les lésions des pneumogastriques, la coqueluche, l'asthme, la
névralgie phrénique ; l'angoisse est aussi un des éléments du syn-
drome de la respiration de Cheyne Stokes, l'angoisse laryngée,
l'angoisse d'origine pleurale sont des phénomènes Iréquents.
L'angoisse est un symptôme classique de l'angine de poitrine;
toutes les affections cardio-aortiques peuvent donner lieu à des
variétés d'angoisses assez diverses. Elle accompagne aussi certains
troubles abdominaux, la colique hépatique ou néphrétique, la
dyspepsie. La plupart des intoxications ou auto-intoxications
s'accompagnent d'angoisse, ainsi que les affections qui intéressent
le sympathique.
De cette étude générale l'auteur fait ressortir que l'angoisse peut
apparaître dans deux cas : 1° Quand les centres nerveux qui com-
mandent ce syndrome sont directement atteints : 2° Quand une
affection quelconque retentit par influence sur ces mêmes
centres.
Au point de vue du diagnostic, il est intéressant de rechercher le
point de départ de l'angoisse et principalement de savoir si elle
est d'origine somatique ou psychique ; elle peut souvent mettre
sur la voie d'un trouble somatique. L'angoisse peut revêtir diffé-
rentes formes, elle peut être complète, telle qu'on l'a classique-
ment définie; « Un sentiment de resserrement à la région épigas-
trique accompagné d'une grande difficulté de respirer et d'une
tristesse excessive, » ou bien elle peut apparaître à l'état fruste.
Etat de peur, irritabilité, indécision, insomnie, épigaslralgie,
oppression, lypothymie, etc., peuvent être des signes d'angoisse
fruste. Au point de vue physico-pathologique on peut dire que le
bulbe semble être la région qui produit le phénomène de l'angoisse,
au mpins objectivement. La sensation d'angoisse a sans doute son
point de départ dans l'écorce, mais le phénomène objectif semble
un phénomène bulbaire, et il y aurait lieu de rechercher si certaines
angoisses larvées dont le sujet n'a qu'une conscience vague, mais
qui se manifestent par des signes objectifs frustes de l'angoisse,
ne sont pas des angoisses réflexes où le bulbe seul est intéressé.
Les localisations subjectives de l'angoisse : respiratoire, car-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 411
diaque et pulmonaire, semblent indiquer qu'à ce point de vue c'est
le nerf pneumogastrique qui joue le rôle principal. En considérant
ses ramifications avec le sympathique, et l'expansion de ses pro-
longements peut-être le long des artères des membres et qui expli-
querait l'angoisse d'origine périphérique, ne pourrait-on pas émettre
cette hypothèse que l'angoisse est « l'expression de la souffrance
du neurone pneumo-gastrique sensitif» ? Quant au pronostic de
l'angoisse, il n'a qu'une valeur relative; toutefois on peut dire
qu'en général les maladies organiques mortelles qui donnent de
l'angoisse sont celles qui peuvent se terminer par la mort
subite.
Le traitement de l'angoisse est symptomatique de la lésion qui l'a
produite; dans l'angoisse des neurasthéniques, par exemple, il y
a lieu de traiter d'abord les lésions somatiques qui peuvent la
déterminer. M. H.
IX. L'image mentale morbide ; par VASCRIDE et Vorpas. (Revue de
médecine. Novembre et décembre 1002.)
Les auteurs font ressortir dans cet article l'influence de l'image
mentale dans l'éclosion du délire des malades classés comme dégé-
nérés. L'image mentale peut avoir une intensité telle qu'elle
s'impose à la conscience, arrêtant le libre jeu de toutes les autres
images et finissant par régner en maîtresse chez l'individu.
Le rôle de cette image avec son coefficient représentatif et
émotif a été longuement analysé dans les processus psychiques
des états dégénératifs. Il est étudié successivement chez les tiqueurs,
les obsédés, les invertis sexuels et aussi dans les délires propres
aux dégénérés.
Cette image mentale doit sa physionomie morbide à sa sponta-
néité d'apparition et à l'autonomie propre qu'elle revêt ensuite dans
le cours du délire. Quant à expliquer cette soudaineté d'apparition
aucune loi psychologique ne peut encore le faire. Elle peut s'im-
planter avec son allure spéciale au milieu d'une activité mentale,
qui peut rester par ailleurs très bien ordonnée. Ce sont les sujets
qu'on a appelé dégénérés supérieurs. en donnant le nom à ces
états émotifs de stigmates de dégénérescence. Mais c'est peut-être
trop d'exclusivisme de ranger, d'après ces troubles, des intelli-
gences de premier ordre avec de simples dégénérés. Pour le
moment on ne peut guère ranger ces états émotifs que parmi les
psychopathies qui ne relèvent encore d'aucune classification
spéciale. M. H.
X. Hystérie à forme de paralysie générale ; par Collet et Lepike.
(Revue de médecine. Décembre 1902.) M. H.
412 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XI. La craniométrie chez les aliénés; par 1.- W. PORTOÕCALOW. (0-
l'énié psichialrii, VII, 1902. ·
Revue fort complète dont nous résumons les conclusions. Les
progrès de l'anthropologie doivent se réfléchir sur la psychiatrie.
Les mensurations crâniennes peuvent dans l'avenir apporter à la
biologie et à la sociologie des éléments conclusifs d'ordre scienti-
fique. Mais il faut consolider les bases de la craniométrie. A l'étude
géométrique de la tête il convient d'associer la méthode morpho-
logique de Sergi. La céphalométrie de l'aliéné et ses mensurations
craniennes doivent acquérir un sens clinique, diagnostique et ana-
tomopathologique, voire pathogénétique. Il est indispensable de
distinguer exactement les mesures utiles à la céphalométrie, dp
celles qui conviennent à la craniométrie. L'expérience clinique
devra déterminer les diamètres et autres mesures favorables à la
céphalométrie psychopathologique et ceux qui ressortissent à
l'anthropologie spéciale. Il faut pour la craniométrie des aliénés
s'entendre au préalable sur le nombre des mensurations, les mé-
thodes, la technique d'examen, la manière de se servir des maté-
riaux céphaiométriques, les'conditions de fixation des index
mathématiques, etc. Aux dérivés immédiats des mensurations et
calculs, par la méthode linéaire, il serait désirable de compa-
rer les résultats des données d'autres méthodes. La craniométrie
des aliénés, notamment des dégénérés, épileptiques, imbéciles,
idiots, se trouverait bien de l'adjonction aux diamètres antéro.
postérieurs et transverses, des mesures obliques de Bechterew.
Il serait bon que dans les asiles on censurât systématiquement
le crâne des aliénés, et qu'on dressât la statistique céphalol11é-
trique par formes mentales, tailles, sexes, âges, poids, etc.
. P. Ki,nV.4L.
XII. Des phobies professionnelles. Phobie du Saint-Sacrement,
chez les prêtres; par W.-M. Bechterew. (Obozrénié psichialrii.
VII. 1902.) Centralblatl sur Neraenheillcunde. XXVI. N. F. XIV.
1903). '
11 s'agit d'un prêtre qui appréhende de ne pas porter le Sainl-
Sacrement avec la prudence voulue et de le heurter, ou de laisser
choir quelque objet du service sacré que, dans le rite grec, il est,
pendant la messe, obligé de prendre et de tenir en disant la prière
pour la famille impériale. Pendant tout ce temps, il est inquiet
ressent du tremblement dans les membres, éprouve l'idée fixe
d'une anomalie dans sa personne, et quelque démangeaison. Cela
dure 5 il minutes. Aucune autre cérémonie ne lui cause cettte
obsession, qu'il n'avait pas il y a dix ans. Il a dû cesser de dire la
messe bien que l'obsession ne vienne qu'à propos de cette pratique.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 413
11 ne s'est pas amélioré néanmoins, car l'idée seule qu'il doit effec-
tuer ce cérémonial le plonge dans une crainte irrésistible. Il a
actuellement soixante ans, et ne présente qu'une artériosclérose
légère. Aucune tare héréditaire.
Ce genre de phobie chez des prêtres ne semble pas rare. Le
remède consiste à faire cesser les pratiques rituelles qui causent
cette émotivité; on y joindra, au besoin, un repos professionnel pro i
longé, l'hydrothérapie, les agents médicamenteux qui calment
l'excitabilité nerveuse, la suggestion hypnotique, l'autosuggestion.
Mais cette affection semble assez résistante. P. Keraval.
XIII. La folie hallucinatoire qui se développe à l'occasion d'une
affection commune de l'ouïe ; par W.-M. Bechterew (Obozrénié
psiclaiutrü, VIII, 1903.)
Entre toutes affections des organes des sens, celles de l'ouïe
présentent un terrain particulièrement favorable au développemen t
de troubles mentaux. Ceux-ci, caractérises par des hallucinations
auditives abondantes, se compliquent ultérieurement d'halluci-
nations sensorielles en d'autres organes au moins à l'état épisodi-
que. Les malades de ce genre, le plus ordinairement prédisposés
plus ou moins, conservent souvent la faculté d'apprécier la nature
morbide de leurs hallucinations. Mais en certains cas, ils déli-
rent vraiment et attribuent à leurs hallucinations une origine
étrangère. Dans les quatre observations rapportées à l'appui de
l'excellente description nosographique, il s'agit d'otites moyennes;
M. Bechterew nous fait assister à l'évolution et au mécanisme des
conceptions délirantes; le téléphone, l'électricité, la transmission
télépathique des pensées et des sensations auditives ou autres
interprétations analogues y jouent un grand rôle. Si l'affection
de l'ouïe ne guérit pas, si les hallucinations qu'elle engendre ne
disparaissent pas, le délire se perpétue d'ordinaire pendant de
longues années ; le processus pathologique se complique-t-il, il
subit une autre phase de développement. La guérison dépend du
sort des lésions de l'oreille ; il s'en faut malheureusement de
beaucoup qu'elles se puissent améliorer ou guérir.
P. Keraval.
XIV. Troubles de la sensibilité dans les états neurasthéniques et r
mélancoliques; par M. DUBOIS (de Berne). (Journal de 1'eurolo-
gie, t 90 r, n° 9.)
On a attaché dans ces dernières années une grande importance
pour le diagnostic de la paralysie générale à la constatation de
certains troubles de la sensibilité, notamment d'une hyperesthésie
dans le domaine de la huitième racine cervicale et de la première
dorsale. L'auteur estime qu'il y a là une grosse erreur et à
414 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
l'appui de son opinion il rapporte trois cas de psycho-névrose
simple dans lesquels on a constaté une fois un effacement du
sillon nasolabial avec hypoesthésie des deux pieds, une autre fois
une anesthésie à la face interne du bras et de l'avant-bras avec
diminution du réflexe cutané plantaire, et dans le troisième une
hypoesthésie limitée à la face interne des deux bras et il une moi-
tié des doigts et des orteils. G. D.
XV. Un cas d'association dutabes à la paraysie générale;
par .111;\1..10FFROY et BADAUD.
Si les lésions médullaires postérieures de la paralysie générale
sont d'ordinaire différentes de celles du tabes classique, il n'est
pas impossible qu'à la paralysie générale frappant uniquement le
cerveau, vienne s'associer le tabes proprement dit. Cette associa-
tion pour peu fréquente qu'elle soit, existe parfois; les circons-
tances permettent aux auteurs d'en citer un cas démonstratif et
de conclure uue fois de plus que si le plus ordinairement les dégé-
nérescences postérieures de la moelle dans la paralysie générale
affectent un type spécial s'éloignant plus ou moins du tabes vul-
gaire, il est des cas, néanmoins, où concurremment à la paralysie
générale, évolue un tabes légitime. Dans le premier cas, c'est la
même maladie qui envahit l'ensemble de l'axe cérébro-spinal;
dans le second cas, la paralysie générale du cerveau est purement
et simplement associée au tabes classique de la moelle. (Revue neu-
rologique, novembre 1903.) E. B.
XVI. Constitution idéo-obsessive comme forme psycho-patholo-
gique autonome; par le Dr SOUHI1ANOF.
L'auteur décrit l'état mental des sujets obsédés. Il étudie les
rapports de cet état morbide avec les délires et avec le syndrome
neurasthénique. (Revue neurologique, juin 1903). E. B.
XVII. Délire hypocondriaque de zoopathie interne chez un débile
tabétique, hystérique et gastropathe ; par MM. E. DUPRÉ el
Léopold LÉm.
Intéressante observation d'un héréditaire présentant à la fois :
la débilité mentale, l'hystérie, la neurasthénie avec gastropathie et
des signes de tabes. L'apport à la conscience des incitations cénes-
thésiques les plus variées, détermine chez ce prédisposé l'appari-
tion d'un délire hypocondriaque avec idées de possession et que,
par analogie avec les démonopathies, on peut dénommer un délire
de zoopathie interne. (Revue neurologique, septembre 1903.)
E. B.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 415
XVIII. Tics des lèvres, cheilophagie et cheilophobie; par H. MEIGE.
(Journal de Neurologie, 1903, n° 20.)
En dehors des tics proprement dits qui se distinguent par leur
caractère convulsif, les lèvres sont comme l'occasion et le siège
d'habitudes motrices intempestives dont la plus fréquente est la
cheilophagie. Ces habitudes vicieuses peuvent avoir une origine
mentale ainsi que le prouve l'observation, rapportée dans ce tra-
vail, d'un jeune homme né de parents tiqueurs et tiqueur lui-
même, chez lequel la peur de maintenir les lèvres rapprochées
par suite d'une véritable cheilophobie et l'habitude de renverser
la lèvre inférieure, ont eu pour conséquences la détrication et
finalement l'apparition au niveau de la lèvre inférieure de petites
squames, lesquelles ne laissèrent pas que de lui causer pendant
de longues années les plus grandes inquiétudes. Il suffit de don-
ner au malade le conseil de rapprocher fréquemment ses lèvres
l'une de l'autre et même de les mouiller avec la pointe de la
langue pour le débarrasser de la légère infirmité eten même temps
de sa cheilophobie J. G. D.
XIX. oc Congrès des médecins aliénistes et neurologistes du
S -0. de l'Allemagne (28-29 mai 1904, Baden-Baden) Gerhardt
(Erlangen). La ponction lombaire au point de vue du diagnostic et
de la thérapeutique.
La ponction lombaire est avant tout utile pour résoudre le pro-
blème de l'existence d'une méningite et de sa nature (tuberculeuse,
épidémique, métastatique) ; elle rend des services au diagnostic et
au pronostic dans le typhus, la pneumonie, etc. accompagné de
symptômes cérébraux graves et dans les cas d'abcès cérébraux sus-
ceptibles d'une intervention chirurgicale. Elle est utile encore pour
distinguer la syphilis cérébrale des autres maladies du cerveau et
de la moelle (à l'exception du tabes), pour différencier la paraly-
sie générale des psychoses simples.
Au point de vue thérapeutique la ponction lombaire est employée
dans les cas aigus et subaigus de méningite séreuse, dans la cé-
phalée des syphilitique. ; les résultats sont moins favorables dans
l'hydrocéphalie, les méningites, les tumeurs du cerveau.
Les dangers de la ponction lombaire ne sont pas considérables
(bien qu'on ait publié 26 cas de mort), à condition de régler l'écou-
lement du liquide, de n'en extraire que quelques centimètres cubes
et de ne pas pratiquer la ponction dans les cas de tumeur céré-
brale.
' Voir l'observation que nous avons publiée dans le Compte rendu de
Bicêtre pour 1902, p. 206.
416 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Discussion :
Erb signale l'importance de la ponction lombaire dans les cas
douteux au point de vue de l'étiologie syphilitique.
Schultze a constaté des résultats dans deux cas de méningite.
Hoche annonce la publication prochaine d'un mémoire sur la
question dû à la Clinique de Fribourg.
Nonne a vu une guérison dans un cas d'hydrocéphalie trauma-
tique après des ponctions répétées. Il met en garde (ainsi que
Schultze) contre le danger de la ponction dans le cas de tumeur
cérébrale.
Schünborn a ponctionné 100 malades à la clinique de Ileidelberg.
Chez 25 tabétiques il a trouvé de la lymphocytose dans tous les
cas ; de même dans 13 cas de méningite, et sur 5 cas de sclérose
multiple dans 3 cas. Résultats négatifs dans le tétanos, la carie des
vertébres, les tumeurs cérébrales, les névroses. 11 a fait dans 20 cas
la cryoscopie du liquide, sans résultats constants.
TABLER (lleidelberg). La ponction lombaire chez les en fct7lla. -
L'auteur a fait 120 ponctions. Il préfère, chez l'enfant comme chez
l'adulte, la position couchée. L'opération est bien supportée en gé-
néral, surtout chez les jeunes enfants. On a pu enlever 100 centi-
mètres cubes de liquide dans la méningite épidémique, 650 cen-
timètres cubes de liquide dans l'hydrocéphalie. Dans les cas où
l'on supposait qu'il n'existait pas une augmentation de la quantité
du liquide céphalo-rachidien on a été plus prudent; on observe en
effet, même après l'évacuation d'une petite quantité de liquide, des
symptômes de méningisme.
Au point de vue thérapeutique, on a eu de bons résultats dans
la compression cérébrale, dans l'idiotie post-méningitique.
Nonne (Hambourg). Cas de pseudo-tumeur cérébrale avec guérison.
L'auteur a observé 12 cas d'une affection caractérisée par l'en-
semble symptomatique dû aux tumeurs du cerveau, avec évolu-
tion subaiguë ou chronique, stase papillaire, dont 8 guérirent (deux
ans et demi et trois ans et demi) et 4 se terminèrent par la mort.
Il ne s'agissait ni d'hydrocéphalie, ni de tuberculose. Un des cas
à issue mortelle succomba rapidement après avoir été considéré
comme guéri durant 2 ans ; dans les 3 autres cas, l'autopsie a été
négative. A comparer avec l'hémiplégie sans lésion anatomique
de Jacobson.
ALZHEIMER (Munich). Sur le délire alcoolique fébrile ddlagnan.-
L'auteur en a observé 3 cas terminés par la mort. Autopsie néga-
tive au point de vue des organes autres que le cerveau, qui présen-
tait des lésions des cellules ganglionnaires de l'écorce, des hémor-
ragies punctiformes, de la dégénérescence des laisceaux.
KRAEt'EUN (Munich). Psychiatrie comparée. K. vient de faire des
études de psychiatrie comparée à Java. Au point de vue de l'étio-
logie le climat tropical n'a pas d'action sensible sur les Européens.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 4)7 7
L'action de l'alcool sur ces derniers ne présente rien de de parti-
culier ; les indigènes (qui sont musulmans) n'en boivent pas. En
revanche ils s'intoxiquent avec l'opium : on n'observe pas de psy-
chose due à l'opium; les manifestations dues à l'abus de l'opium
sont moins graves que le morphinisme; on n'observe pas de symp-
tômes dus à l'abstinence. Le bétel n'a point d'action sur le corps
ni sur le cerveau. '
Sur 370 indigènes aliénés, il n'a pas trouvé un paralytique ou un
cas de syphilis cérébrale, tandis que sur 50 aliénés européens il
en a constaté 8 cas. Les processus démentiels jouent le même rôle
qu'en Europe. La folie maniaque-dépressive est plus rare, l'épilep-
sie est fréquente. Dans la folie maniaque-dépressive les accès de
dépression sont plus rares, les idées de culpabilité font défaut; les
accès d'excitation sont plus violents. Dans la démence précoce on
n'observe pas de dépression au début, les idées délirantes sont
rares, les symptômes catatoniques peu accentués, la stupeur pro-
fonde est peu fréquente, de même que la démence complète. Une
maladie spéciale, le Laffa est caractérisée par des mouvements
automatiques imités avec coprolalie. L'Ano% n'est pas une espèce
clinique; il comprend des états d'excitation divers avec tendances
à des actes de violence. Il survient dans la catatonie, l'épilepsie, etc.
PaulS Éamox.
XX. De la réaction pupillaire prolongée aux toxiques comme signe
précoce de la paralysie générale; par 1\11\1. TOULOUSE et VUftPIS.
(Journ. de Neurologie, 19U4, n° 3.)
Il résulte des recherches des auteurs que la modification pupil-
laire consécutive à l'action de l'atropine ou de l'ésérine dure tou-
jours plus longtemps chez les paralytiques généraux que chez les
sujets normaux.
Cette lenteur de l'iris à revenir à son état normal constitue une
des premières manifestations de l'état morbide du système ner-
veux et permet le diagnostic précoce de la paralysie générale.
. G. DENY.
'L'il. Fréquence et évolution des lésions du fond de l'oeil dans la
paralysie générale; par MM. Ravurt et CAUDRON. (Journ. de
Neurologie, 1904, ne 3.)
Chez 38 paralytiques généraux sur 44, les auteurs ont constaté
des lésions du fond de rail (décoloration ou atrophie de la
papille] qui ont évolué parallèlement aux altérations cérébrales
et se sont traduites histologiquement par la prolifération des
éléments névrogliques et conjonctifs de la rétine, de la papille et
du nerf optique, ainsi que par celle des fibres radiées. G. D.
Archives, 2' série, t. XVIII. 27
418 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XXII. Aperçus et démonstrations sur la folie maniaque-dépressive;
par M. Tiiohsen (de Bonn). (Journ. de Neurologie, 1904, n° 2.)
D'après l'auteur il convient de ranger dans la folie maniaque-
dépressive tous les cas de psychose fonctionnelle où une dépres-
sion et une exaltation se réunissent dans une attaque d'une cer-
taine durée laquelle se répète plusieurs fois pendant la vie du
malade. M. Thomsen n'admet l'existence ni d'une manie simple,
ni de la manie périodique, mais il relate un cas de mélancolie
périodique pure et deux cas de folie à double forme non circu-
laire, à accès unique, c'est-à-dire n'appartenant pas à la folie
maniaque dépressive.
M. Thomsen signale encore deux cas de guérison ou d'amélio-
ration considérable de folie maniaque-dépressive, puis il aborde
la question du diagnostic de cette psychose avec la démence pré-
coce.
Ce diagnostic est difficile surtout dans les cas de stupeur : on
admet que dans la catatonie, celle-ci est la conséquence d'un
arrêt « sperrung » et dans la mélancolie d'un retard « hem-
mung » delà volonté; de là quelques différences dans les réac-
tions motrices de ces deux variétés de malades quand on veut
leur faire exécuter des mouvements actifs ou passifs.
Le diagnostic différentiel entre l'agitation maniaque et l'agita-
tion catatonique est plus facile : le catatonique ne se soucie pas
de ce qui l'entoure, le maniaque aperçoit tout et vivement. Le
premier est d'une humeur indifférente, niaise ou puérile; l'hu-
meur du second est gaie ou irascible. L'agitation du catatonique
est -sans but, elle se déroule dans un cadre étroit; celle du
maniaque veut un théâtre plus grand et se montre jusqu'à un
certain point désordonnée; mais ou le diagnostic devient parti-
culièrement difficile et même impossible n'est dans les cas où il
s'agit des formes mixtes de la folie maniaque-dépressive.
. G. D.
XXIII. Troubles dysarthriques permanents chez un enfant épilep-
tique ; par le 1)' DECROLY. (Journ. de Neurologie, 1904, u° 4.) .)
Il s'agit d'un enfant de quatre ans qui est devenu épileptique
au déclin d'une coqueluche. Bientôt après l'intelligence déclina,
le caractère devint sombre et la parole très difficile.
Un traitement iodo-bromuré associé il l'application d'emplâtres
mercuriels sur la nuque amena la diminution des accès épilepti-
ques mais resta sans effet sur la dysarthrie. La persistance de ce
trouble après l'atténuation des autres symptômes fait supposer a
l'auteur que l'irritation corticale, point de départ de l'état comi-
tial, prédomine au niveau du centre du langage.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 419
D'autre part le changement obtenu par l'association du bromure
avec la médication spécifique semble indiquer que cette épilepsie
relève de l'hérédo-syphilis. G. D.
XXIV. De la démence précoce chez les jeunes gens i par le Dr MEims
(Bull. de la Soc. de méd. mentale de Belgique, 1902, nos 104, 105
et 106.) .
Etude clinique basée sur 40 cas de démence précoce observés
sur des sujets de douze à vingt-cinq ans. Sur ces 40 malades,
G étaient atteints de formes plutôt légères de la maladie et n'of-
fraient aucun trouble de l'état émotionnel; l'auteur les considère
comme appartenant au type hébéphrénique de Kraepelin. Les
34 autres étaient atteints, au contraire, de formes graves avec
stupeur ou excitation et doivent être rangés dans la catatonie. La
conception de la démence précoce adoptée par le Dr Meeus
s'éloigne un peu de celle de Kroepelin, pour se rapprocher de
celle de Aschaffenburg, lequel soutient que les formes légères ou
graves ne sont que des degrés d'une même maladie.
Outre l'apparition rapide et constante d'un affaiblissement
intellectuel spécial, la démence précoce serait caractérisée, dans
l'immense majorité des cas, par un état de torpeur ou d'agita-
tion, des moments de lucidité, une singulière association des
idées, des bizarreries extraordinaires dans la vie ordinaire ; puis,
comme symptômes plus immédiats, plus sensibles, des phéno-
mènes moteurs et des anomalies graves dans le domaine de la
volonté. G. D.
XXV. Troubles intellectuels et catatonie; par le Dr PEETERS.
(Bulf. de la Soc. de méd. mentale de Belgique, juin 1902.)
L'observation qui fait l'objet de ce travail est celle d'un homme
de trente-six ans, chez lequel se sont montrés à un haut degré les
symptômes de la catatonie, c'est-à-dire l'immobilité, le mutisme,
la flexibilitas æ1'ea, l'état cataleptique, la suggestibilité; plus
tard, la raideur musculaire, la .verbigération peut-être, si l'on
peut donner ce nom à la répétition des mêmes prières ou de cer-
tains chants chez un malade qui a eu certainement du délire
religieux.
A propos du diagnostic, l'auteur fait remarquer que certains
symptômes catatoniques accompagnent souvent la mélancolie
stupide, en particulier l'immobilité, le mutisme, la raideur par-
ticulière avec flexion difficile des membres, l'état cataleptique, etc.
Mais la physionomie, le maintien du malade n'étaient nullement
en rapport avec un état mélancolique; ce n'était pas davantage
un hystérique, car il ne présentait ni les troubles moteurs, ni les
troubles sensitifs caractéristiques de cette affection.
420 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
Malgré ces considérations et bien que les troubles mentaux
offerts par le malade correspondent assez bien à ceux que Kal-
baum a-assignes à la catatonie, l'auteur hésite à admettre ce
diagnostic, l'existence de la folie catatonique ne lui paraissant
pas encore snffisamment établie. G. D.
XXVI. Considérations sur la catatonie ; par J. CRocQ. (Bull. de la
Soc. de méd. mentale de Belgique, juin 1902.)
Après un exposé historique et critique de la catatonie considérée
comme affection autonome, l'auteur relate les observations de trois
malades présentant entre eux de nombreuses analogies : chez tous
la maladie a débuté par un délire mystique avec agitation motrice
et psychique intense, attitudes pathétiques, hallucinations de la
vue et de l'ouïe; puis s'est déclarée, plus ou moins rapidement,
une période de mélancolie anxieuse entrecoupée de poussées
maniaques, ensuite se sont montrés le mutisme, la cyanose des
extrémités, les attitudes catatoniques; enfin chez les deux plus
anciens l'état démentiel est définitivement constitué. -
« Cette schématisation des trois cas de catatonie que je viens
de rapporter semblerait, a priori, dit l'auteur, prouver l'autonomie
même de la maladie et les défenseurs de cette théorie ne manque-
ront pas de me faire remarquer que je démontre sans le vouloir,
l'existence même de la catatonie.
« Il en serait ainsi si l'évolution symptomatologique que je viens
de décrire, ne répondait qu'aux cas dans lesquels la catatonie
survient... mais il existe un grand nombre d'observations de folie
hystérique ou d'hébéphrénie qui ont évolué comme la catatonie,
lesquels auraient dû conduire à la catatonie, si celle-ci constituait
réellement une entité morbide et qui se sont, au contraire, terminés
soit par la guérison, soit par la démence, sans que des patients
aient, à aucun moment, présenté de phénomènes catatoniques...
La catatonie ne peut donc, à mon avis, être considérée comme une
entité morbide spéciale... elle ne constitue qu'un symptôme pou-
vant se rencontrer dans les états morbides les plus variés ».
G. D.
XXVII. La prédisposition en étiologie mentale ; par le Dr Maras-
DON DE MONTYEL (Journ. de Neurologie, 1904, nos 13 et 14.)
L'auteur s'attache à démontrer dans ce travail que si une pré-
disposition, héréditaire ou acquise, est nécessaire pour le dévelop-
pement des psychoses, celle-ci est cependant incapable à elle seule,
sans le secours de causes occasionnelles, de donner naissance aux
vésanies.
Héréditaire ou acquise, la prédisposition peut être simple ou dé-
générative, mais la seconde, lorsqu'elle est héréditaire, se mani-
- REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 421
festerait toujours par une exaltation des facultés pouvant atteindre
au génie, et quand elle est acquise par un affaiblissement plus ou
moins marqué des mêmes facultés.
La dégénérescence d'origine héréditaire ne mettant pas à l'abri
des causes capables d'engendrer la prédisposition acquise, on pour-
rait observer des cas mixtes résultant de la combinaison des deux
dégénérescences et caractérisés par un mélange d'affaiblissement
et d'exaltation des faculté'.
M. Marandon de Montyel admet en outre que des psychoses dif-
férentes sont dévolues à la prédisposition simple suivant qu'elle est
acquise (manie, hypémanie, confusion mentale et leurs variétés)
ou héréditaire (folie intermittente, périodique, circulaire, à double
forme, délire systématisé progressif, etc.).
Quand à la prédisposition dégénérative, si elle est acquise, elle ne
pourrait donner naissance qu'aux mêmes formes psychopathiques
que la prédisposition simple de même origine; si elle est héréditaire,
aux formes signalées plus haut viendraient s'ajouter les obsessions,
les impulsions, la manie raisonnante et la folie morale. G. D.
XXVIII. Considérations sur l'ampliation des ventricules latéraux
dans les maladies mentales ; par le Dr Marchand (Journ. de Neu-
rologie, 1901. ni10).
En mesurant la quantité de liquide céphalo-rachidien contenu
dans lès ventricules latéraux de 125 cerveaux d'aliénés, l'auteur a
constaté que la capacité de ces cavités était augmentée dans toutes
les démences et surtout dans la démence paralytique. Associée à
une diminution de poids du cerveau, cette ampliation des ventri-
cules latéraux constitue un des meilleurs signes des démences.
Dans la paralysie générale, la pression du liquide céphalo-rachidien
étant accrue, deux causes se surajoutent pour augmenter la capa-
cité des ventricules latéraux : l'atrophie cérébrale, et la pression
exagérée du liquide céphalo-rachidien résultant de la suractivité
des plexus choroïdes enflammés. Dans les autres formes de
démence, la pression du liquide est normale et l'ampliation des
ventricules latéraux est la conséquence de l'atrophie cérébrale.
G. D.
Asile d'aliénés DES P1'RÉNÉES-OItIENT.1LES. Sur la proposition
de M. Maynou, le Conseil d'arrondissement s'associe au voeu émis
par M. le Dr Parés, au Conseil général, dans sa session extraordi-
naire d'octobre 1904 en vue de la construction rapide d'un asile
d'aliénés à Perpignan ou dans le département. (La République des z
Pyrénées-Orientales, il oct.). Tous les départements devraient
avoir leur asile d'aliénés, adultes et un Asile-Ecole pour les enfants
idiots, imbéciles, arriérés, épileptiques, amoraux.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XLIII. Contribution à la psychologie de l'apraxie motrice; par
A. Pieu. (Neuroloy. Centralbl., XXI, 1902.)
Un homme de cinquante-neuf ans perd un beau jour soudain la
faculté de parler, ou il s'exprime tout de travers ; il ne peut lire, les
caractères se brouillant devant ses yeux, écrire car il est incapable
de trouver les traits nécessaires au tracé des lettres; il conserve sa
connaissance, l'ouïe, le mouvement. Trois jours plus tard il est
guéri. Depuis, tous les quinze jours il a les mêmes accès en éprou-
vant de la contracture dans la région massétérine. Un d'entre eux
se borne à des nuages ou à des anneaux de feu devant les yeux;
un autre se traduit par une angoisse subite avec impossibilité de
dire ce qu'il veut. Il y a trois années que cela dure. Un des der-
niers épisodes se manifesta sur la promenade par une sorte de
sommation kaléidoscopique, sans perte de connaissance. Une fois
pendant sa toilette, au moment où il se disposait à aller aux cabi-
nets, envahi brusquement d'un sentiment d'angoisse, d'inquiétude,
d'ambiance bizarre, au lieu de prendre son chapeau, il saisit son
pot de nuit et le porte machinalement aux water-closets où il le
dépose ; il croit à une impulsion consciente. Dans les mêmes con-
ditions, un autre jour, il souille de l'eau qu'il vient de verser dans
un verre, à l'aide de l'eau sale du lavabo, et il s'en aperçoit aus-
sitôt. t.
De l'examen matériel et mental du sujet, l'auteur conclut à
l'apraxie motrice par accès. Il analyse comparativement les faits
de Liepmann (Dus Krccnlcheitsbild dei- Apraxie und 71 ? otoi-iseller
Asymbolie, tirase à part 1900. Ne1l1'olog. Centralbl. 1902, p. 615.
Société de psychiatrie et maladies nerveuses de Berlin. 9 juin 1902).
A rapprocher de l'observation donnée par nous dans Vidée fixe.
(Archives de Neurologie, t. VIII, 1899, p. 30). P. Keraval.
XLIV. Cas insolite de spasme facial ; myokymie limitée au facial
gauche ; par M. BFni\unuur. (Ne1l1'olo[]. Centralbl. XXI, z
Observation de spasme facial tonique primitif avec palpita-
tions musculaires; par L. 1\'EV.IARII. (Neurolog. Centmlbl., XXII.
1903.)
L'observation de Bernhardt concerne une femme de vingt-sept
ans chez laquelle se sont développées à son insu des convulsions
fibrillaires des muscles du côté gauche de la face. Incessantes,
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 423
elles ne produisent pas de mouvements; ce sont des palpitations.
La fente palpébrale du même côté est rétrécie depuis quelques
semaines. Aucune autre anomalie sauf une sclérose de l'oreille
moyenne avec hypo-acousie qui ne gêne guère la conversation.
Guérison sous l'action de courants galvaniques faibles (anode
dans la fosse mastoïdienne) et de K. Bra à petites doses. L'auteur
après avoir examiné l'hypothèse d'une paralysie faciale antécé-
dente, d'une affection protubérantielle ou bulbaire absente, dia-
gnostique la myokymie de Fr. Schultze ou chorée fibrillaire de
Morvan (1890). Observations de G. Hoffmann (1895), C. Meyer,
Buber, (1897), Biancone et Karcher, Wiliamson (1901).
Dans l'observation de M. Newmark qui concerne un étudiant en
médecine de vingt-trois ans, la contracture est un peu plus pro-
noncée, et les palpitations s'étendent au peaucier du cou. Ce jeune
homme aurait eu, il y a sept ans, une affection faciale semblable.
Sa guérison s'effectue en deux temps. Mais deux années plus tard
le patient présente des accidents du côté de la moelle (sclérose
en plaques probable) auxquels il succombe en trois ans.
' P. hERW 'AL.
XLV. Observation de névrite périphérique de l'hypoglosse droit ;
par A. PANSKt. (Neurolog. Centrslbl . XXII. 1903.)
L'auteur l'attribue à une inflammation pharyngienne avec tumé-
faction ganglionnaire. Comparé aux observations de Hoffmann,
Montesano, Erb, Marina, ce cas en diffère par la marche rapide,
par l'absence dans la moitié de la langue atrophiée et dans le
nerf enflammé d'altérations qualitatives de l'excitabilité électri-
que (aucune trace notamment de réaction dégénérative), par
l'absence des convulsions brillaires dans les muscles de la langue
paralysés. Ces deux derniers caractères se retrouvent dans une
observation deIoebius, (Paralysie simultanée de plusieurs nerfs crâ-
niens. Archives de Neurologie, 1889, t. XVII, p. 292). Il s'agissait d'un
jeune garçon de neuf ans affecté de paralysie de plusieurs nerls
craniens d'origine basale, syphilitique ( ? ). Langue déviée à gauche;
la moitié gauche de l'organe plus étroite, plus mince, plus
molle que la moitié droite, n'est le siège d'aucune convulsion
librillaire ; -d'abord il'semble y avoir hyperexcitabilité électrique
du côté hémiatrophique, puis rien de semblable ne se manifeste
plus, bien que 1 hémiatrophie subsiste plusieurs mois encore.
Moebius s'en étonne sans y pouvoir trouver d'explication.
P. Keraval.
XLYI. L'hystérie; par WILLLUI B. YOUNG, de Bnn-Air (Tennessee).
. (Médical News, n° 1613, vol. 83, p. Ji 18.)
L'auteur n'a l'intention de traiter que l'étiologie, l'anatomie
pathologique et le traitement de cette névrose. En ce qui concerne
424 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
l'étiologie, il pense que l'hérédité ne joue qu'un rôle insignifiant,
mais l'imitation consciente ou inconsciente est le plus grand fac-
teur de l'hystérie. L'auteur n'en veut pour .preuve que les grandes
épidémies qui, au moyen âge, ont sévi sur les communautés reli-
gieuses, l'entraînement des croisades, etc. Les faits mêmes qui
semblent nettement causés par l'hérédité sont le plus souvent pro-
duits par l'imitation, par les enfants, des accidents névropathi-
ques de leurs parents. Les faits d'hystérie tardive ne sont pas plus
contradictoires à cette idée qu'à celle de l'hérédité : il est le réveil
de l'imitation mise en réserve dans l'enfance par l'intelligence
inconsciente (inconsciolls mind). Or, les filles vivent plus cons-
tamment en contact avec leurs mères et peuvent ainsi plus aisé-
ment mettre en action leur imitation inconsciente. Ce fait permet,
plus que la doctrine de l'hérédité, de fournir l'explication du plus
grand nombre d'hystériques femmes (20 femmes contre 1 homme).
Au point de vue anatomo-pathologique, l'auteur, pour qui
l'hystérie est une psychose, pense que l'on devrait « trouver les
lésions dans la glande pituitaire », à cause, dit-il, de la ressem-
blance des symptômes de l'acromégalie et de l'hystérie.
Quant au traitement, il doit être avant tout psychique et ten-
dre à divertir le malade et à l'entourer d'une atmosphère de
gaité. 11 serait désirable que la charité commune s'occupe d'éten-
dre les bienfaits de cette cure aux hystériques pauvre. De cette
façon, on verrait décroitre l'hystérie au lieu de la voir s'accroître.
Marcel VIOr.LET.
LVII. Tic convulsif avec coprolalie; par H. 111ORGL DE LITCIIUIELD
(Miunesota). (Médical News, n° 1612, vol. 83, décembre 1883,
p. 1082, 1 lig.)
Dans le tic convulsif ou maladie de Gilles de la Tourette, on
observe des impulsions verbales de diverses natures : onomalo-
pées, cris d'animaux, écholalie, coprolalie, etc. Par un effort de
volonté, le malade pent parfois résister à l'obsession devant le
monde, mais il lui donne libre cours lorsqu'il est seul. Le dia-
gnostic 'est facile à faire lorsque le syndrome est au complet, ce
qui se présente dans le cas rapporté par l'auteur.
Il concerne un jeune homme de dix-huit ans, sans antécédents
héréditaires ni personnels et qui n'a pas eu de convulsions dans
son enfance. Aucun signe physique de dégénérescence, état
général très bon. Début de l'affection à douze ans, par des tics
de la face; ces tics augmentent progressivement de force et
s'étendent à la nuque, puis aux épaules et aux bras qui sont
animés de mouvements violents et simultanés. Deux ans après.
les spasmes de la face sont accompagnés de bruits qui ressem-
blent à « hum » et à « Whoa ». Ces bruits involontaires et qu'il
revue DE pathologie NERVEUSE. 425
ne peut retenir en font la risée de tout le monde. Parfois, ces
bruits sont remplacés par des injures et des mots obscènes.
Traité successivement par les bains, l'électricité, le massage, etc.,
ces traitements n'ont eu aucun résultat. Traité par l'auteur, par
l'isolement et le nitrate d'argent à doses progressives, il fut guéri
de sa coprolalie en trois semaines, les bruits qu'il faisait enten-
dre avaient cessé au bout de deux mois. Tout le syndrome reprit
pendant une semaine à la suite d'un incendie, puis disparut pro-
gressivement pendant huit mois d'isolement pour reprendre gra-
duellement toutes les fois qu'il sort en public.
Marcel Viollet.
\
XLVIII. Un cas de tétanos céphalique avec paralysie faciale et
oculaire, guérison; par G. HALTENIIOLF. (Revue médicale de la
Suisse Romande, 1902, na 9.) , .
Il s'agit d'un enfant de trois ans qui en tombant sur le bout
d'un bâton avec lequel il creusait la terre se fit une plaie à la
partie inférieure de l'orbite droite. Bien qu'une injection de sérum
antitétanique ait été pratiquée deux jours et demie après l'acci-
dent, on vit survenir une paralysie du facial droit et du moteur
oculaire externe gauche accompagnée de raideur de l'orbiculaire
et de trismus. L'auteur attribue la guérison du petit malade à
l'injection préventive de sérum antétanique car bien qu'inférieure
à celle du tétanos traumatique en général, la mortalité du tétanos
céphalique est encore assez élevée (61 p. 100).
Notons eu outre que les cas de tétanos accompagnés de para-
lysies crâniennes sont plus graves que ceux qui évoluent sans cette
complication. Bien que l'examen histologique des nerfs atteints
de paralysie soit resté négatif dans les cas mortels on tend à
admettre que ces paralysies sont le résultat de l'action du poi-
son tétanique sur les centres de la moelle allongée et de la protu-
bérance. G. D.
XLIX. Paralysie faciale : rire et pleurer spasmodiques; localisation
cérébrale ; par M. Piéry. (Société des Sciences médicale, de Lyon, z
3 février 1904.
Observation d'hémiplégie gauche totale avec rire et pleurer spas-
modiques chez une femme de quarante-quatre ans, syphilitique.
A propos de cette observation M. Piéry pose le problème de la
localisation cérébrale du rire et pleurer spasmodiques et de celle
du syndrome : paralysie volontaire avec conservation de l'expres-
sion des émotions.
Il accepte l'hypothèse-de Brissaud qui localise le rire et le pleu-
rer spasmodiques dans le segment antérieur de la capsule interne,
426 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
et non celle de Bechterew, pour qui le symptôme est réalisé par
une lésion de la couche optique.
Dans l'observation de l'auteur la localisation de Brissaud est la
seule en effet qui puisse expliquer à la fois les crises de rire et de
pleurer, et la paralysie faciale disparaissant à l'occasion des mou-
vements de la mimique faciale.
L'interprétation de ces deux syndromes juxtaposés exige même
l'intégrité de la couche optique dont la lésion détermine un
syndrome facial diamétralement opposé à celui en question.
G. C.
L. Un cas de voix eunucoïde datant de l'ictus dans l'hémiplégie;
par M. Grasset (Journ. de Neurologie, 1904, n° 8).
Il s'agit d'une femme de soixante-dix ans qui immédiatement
après un ictus apoplectique suivi d'une hémiplégie classique pré-
senta le phénomène connu sous le nom de voix eunucoïde (voix de
soprano avec impossibilité d'émettre des sons graves) que l'auteur
crut pouvoir attribuer à une paralysie d'origine cérébrale du crico-
thyroïdien.
Cette hypothèse fut confirmée à la fois par l'examen laryngo-
scopique et par l'examen électrique des muscles du larynx.
G. D.
LI. Un cas de tétanos céphalique avec diplégie faciale; par le
1 Dr BOUCH.1UD. (Journ. de Neurologie, 1904, n° 3.)
Il s'agit d'un homme de trente-six ans qui, à la suite d'un accès
d'épilepsie, se fit une plaie à la face dorsale du nez ; quelques
jours plus tard, il fut atteint de trismus avec diplégie faciale et
dysphagie, puis d'accès de dyspnée et finalement succomba dans
une crise de suffocation.
On sait que le tétanos céphalique est dû à l'introduction dans
les tissus du bacille de Nicolaier et de la toxine qu'il élabore.
C'est par une plaie qui siège habituellement dans la région orbito-
temporale mais qui peut être située dans un autre point de la
face et même sur la muqueuse buccale ou pharyngée que s'effectue
l'inoculation.
Il semble bien que, chez le malade en question dont la plaie
occupait la région médiane du nez, la toxine tétanique se soit
propagée par les fibres sensitives des deux nerfs de la cinquième
paire jusqu'aux centres mésocéphaliques et qu'elle ait ainsi pro-
voqué, avec le trismus, une paralysie faciale bilatérale. On n'a
encore donné de ce dernier accident aucune explication satisfai-
sante. G. D.
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 427 I
LII. Un phénomène palpébral constant dans la paralysie faciale
périphérique; par MM. Duruv-DuTEMps et CESTAN. (Journ. de
Neurologie, 1904, nu 3.)
Ce phénomène peut être considéré comme constant puisqu'il
s'est montré dans 15 cas de paralysie faciale périphérique. Voici
en quoi il consiste : le malade, regardant en bas, on lui com-
mande de fermer énergiquement les yeux, on voit alors dans la
paupière supérieure du côté paralysé se relever brusquement
découvrant le globe oculaire qui est convulsé en haut.
Ce phénomène est dû à ce que dans les cas de paralysie faciale,
la paupière supérieure n'étant plus maintenue par l'orbiculaire,
est fortement entrainée en haut pendant les efforts d'occlusion des
yeux, par le globe oculaire qui s'élève à ce moment grâce à un
mouvement associé et inconscient.
Inversement, lorsque l'oeil se dirige en bas, il entraine avec lui
la paupière supérieure qui s'abaisse ainsi fortement, malgré
l'inertie complète de l'orbiculaire.
La même explication s'applique aux mouvements de la pau-
pière inférieure.
Le phénomène palpébral n'est donc, en réalité, que l'amplifica-
tion d'un mouvement normal très peu apparent à l'état physiolo-
gique ; il n'en constitue pas moins un signe spécial il la paralysie
de l'orbiculaire puisqu'il manque dans les lagophtalmies dues à
une autre cause : exopthalmies diverses, maladie de Basedow,
rétractions cicatricielles des paupières, etc. G. D.
LUI. Un cas particulier de paralysie faciale ; par le Dr Bienfait.
(Journ. de Neurologie, 1904, n°2.)
Observation d'un cas de paralysie faciale intéressant en raison
des phénomènes bulbaires qui l'accompagnaient et qui rappe-
laient la symptomatologie de la maladie de Menière. D'après
l'auteur la lésion qui avait déterminé cette paralysie siégeait dans
le conduit auditif interne et intéressait à la fois le nerf facial et le
nerf auditif. G. D.
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
I. Sur l'appréciation des dénonciations et témoignages des hys-
tériques dans la pratique médico légale : par le Dr BlONDI. (Rw.
Sp. difren. 1903. fasc. 1, t. II).
Deux observations, montrant que. dans la pratique, les dénon-
428 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
ciations et témoignages des hystériques peuvent avoir une valeur
tiès variable.
Il est certain que si la fausse dénonciation a un caractère fan-
tastique et romanesque, quand il ne manque ni la lettre anonyme,
ni un certain mystère, le soupçon de mensonge viendra facilement
même à l'esprit du magistrat. Et alors l'expert trouvera souvent
dans l'étude du sujet des troubles plus ou moins profonds de
l'intelligence, des faits d'hallucination, d'auto-suggestion. Il s'agira
dans la plupart de ces cas de forme hystériques graves avec épi-
sodes plus ou moins prolongés de troubles psychiques, parlois
avec des anomalies profondes du caractère, ou perversions
sexuelles.
On rencontrera plus de difficultés, si l'hystérique accusatrice
manque de troubles intellectuels évidents de forme ou de contenu, et
si l'anomalie psychique se limite à un dérèglement de l'imagination,
ou à l'insuffisance plus ou moins complets de sentiments moraux.
Alors la fausse dénonciation prendra plus facilement un caractère
de vraisemblance parce que même devenue inconsciente par un
travail d'auto-suggestiou, elle a toujours son origine dans un pro-
cessus inconscient. Même dans ces cas, il y aura dans la dénonciation
quelque circonstance qui révélera l'imprévoyance et le caractère
superficiel commun aux dégénérés; et d'autre part l'examen du
sujet révèlera des anomalies somatiques, l'obtusion et la perversion
du sens moral. le dérèglement d'imagination qui se traduit par le
mensonge plus ou moins habituel.
En tout cas, l'expert tiendra compte des preuves spécifiques, des
antécédents de l'accusé, des circonstances extrinsèques au fait, de
tout cet ensemble de preuves qui, parallèlement avec les résultats
de l'examen somatique et psychique du témoin ou de la plaignante,
pourront mettre en mesure d'établir un jugement sur chaque cas
particulier.
Si l'on est en face d'une hystérique, pour ainsi dire plus sensitivo-
motrice que psychique, quand on ne rencontre chez elle ni troubles
intellectuels, ni anomalies du caractère, ni dérèglement notable de
l'imagination, ni émotivité, quand son récit n'a rien de romanes-
que, et concorde avec ce qu'on peut voir autre part, que l'expert
ne craigne pas de déclarer que l'on peut faire quelques cas de ses
allégations et le magistrat par une instruction attentive, pourra
ainsi éviter une erreur judiciaire sans tomber d'autre part dans
l'excès de dénier toute créance aux déclarations des hystériques..
J. SECLas.
II. Phases médico-légales de la loi de Vermont en ce qui con-
cerne l'observation des criminels aliénés; par Walter de Berry
(The American Journal of 11lsanity, juillet 1902, p. 103, 115).
L'auteur, après avoir rappelé les erreurs judiciaires, insiste sur-
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 429 9
tout sur la nécessité d'un examen prolongé des coupables qui plai-
dent la folie pendant une période d'observation suffisante à l'asile.
SIMON.
III. Syphilis et divorce ; par Prince A. Morroir. (Médical Neus,
n° 1613, vol. 83, p. 1110.)
Après un bref exposé des cas délicats où le médecin peut être
appelé à formuler un avis au sujet d'une syphilis transmise par
des rapports conjugaux, l'auteur expose qu'en aucun code la con-
tamination vénérienne n'est considérée comme un cas de divorce,
sauf au Kenbucky. Partout ailleurs l'appréciation est laissée au
jugement de la cour, qui fait l'état des circonstances dans les-
quelles la syphilis a été traumatisée, traitant différemment les
conjointes selon qu'il y a eu immoralité, rapports avant le ma-
riage adultère, dans la transmission de la syphilis, ou que la
syphilis contractée en dehors des contacts vénériens, a été igno-
rée du conjoint d'où est partie la transmission (contamination
professionnelle : chancre du sein chez les nourrices, etc.)
L'auteur fait ensuite une revue générale des façons dont la
question est tranchée par les codes des différents pays et ramène
son étude à trois points principaux : contraction du mariage, an-
nulation du mariage, divorce.
En ce qui concerne le premier point, l'existence de la syphilis
chez un des fiancés est suffisante pour empêcher le mariage et
faire rompre les promesses et les engagements.
En ce qui concerne l'annulation du mariage, l'auteur cite des
cas où la contagion syphilitique en a été la cause. Mais on em-
ploya des artilices de procédure ; dans un cas, il est parlé de mal-
formations rendant impossible les rapports sexuels normaux;
dans un autre cas de fraude, l'homme ayant nié la syphilis avant
son mariage.
En ce qui concerne le divorce, la question a été jugée différem-
ment par les médecins, les juristes et les juges qui ont précédé
l'auteur, qui fait porter son étude non seulement sur le code de
son pays mais encore sur celui des autres nations et en particulier
de la France. En France, dit-il, les tribunaux attachent une grande
importance à la question de contamination antérieure ou posté-
rieure au mariage, et font du second cas seul un cas de sépara-
tion.
La femme qui a contracté la syphilis de son mari et qui désire
en faire un sujet de divorce doit prouver : 1° qu'il a la syphilis ; 1°
qu'elle a la syphilis ; 3° que la syphilis de son mari est la cause
de la sienne.
Ces trois points semblent à l'auteur de grands obstacles pour
une demande en divorce, en raison du scandale qu'ils suscitent et
430 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
de la honte qu'ils entraînent pour la femme elle-même. Il en con-
clut que les lois existantes ne sont pas suffisantes pour assurer
la protection à la femme aussi indignement trompée et atteinte
il la fois dans son honneur et dans sa santé. Marcel VIOLLET.
IV. Juges et experts; par A. HOCHE. Juges et experts; par P.
NOECKE. (Neurolog. Centralblatt. XXI. 1902.)
- ' 1
M. Naecke dit : « L'expert sachant indubitablement plus, dans
sa spécialité, que le juge le plus instruit, ce dernier n'a qu'à se
conformer sans réserve à sa décision ». On peut cependant enten-
dre plusieurs experts, et, « dans le cas de désaccord, c'est au col-
lège médical qu'il doit appartenir de trancher le différend. » Afin
que le juge ne soit pas réduit au rôle d'automate, il est à désirer
qu'il possède quelque instruction en matière de médecine meutale
et dans les sciences connexes. (Archiv f. Criminalanthropologie...
1900. III. p. 99.). Frank (Psyclticctn. Wochenschr. 1901, n° 37), in-
siste sur le rôle muet du juge, « puisque le rapport de l'expert met
en évidence l'irresponsabilité du prévenu ». 11 ajoute « qu'il faut
sans délai satisfaire aux conclusions en faveur de l'examen mental
d'un prévenu. »
M. Hoche pense que ces prétentions ne tendent à rien moins,
dans les cas où l'état mental est douteux, qu'à transformer le mé-
decin expert, qui n'est qu'un conseil technique, en un juge rendant
un verdict. Discussion...
M. Naecke répond... Qui niera que l'expert digne de confiance
en sache plus long qu'un profane ? Ce profane doit donc se sou-
mettre à l'appréciation de l'expert, fût-il juge. L'arrêt doit néan-
moins demeurer entre les mains dujuge; il est d'ailleurs bien rare
qu'il soit réduit à juger sans comprendre le rapport de l'expert.
S'il en est ainsi il suspend son jugement ou renvoie l'affaire. Voici,
par exemple, une interdiction demandée pour un paralytique en
rémission qui répond brillamment et ne présente que peu ou pas
de signes physiques. Le médecin affirme que c'est un paralytique.
Le juge doit interdire. C'est au surplus pourquoi les juges doivent
posséder une teinte de la spécialité, bien choisir les experts et en
nommer plusieurs. /L'appel au collège médical s'explique par ceci
que le membre aliéniste de ce collège est généralement un des
psychiatres les plus capables du pays. P. Keraval.
V. Vol avec escalade et effraction Simulation d'aliénation men-
tale. Rapports médico-légaux; par les Drs LEKTZ et de l3ce.
(Bull. de la Suc. de méd. mentale de Belgique, 1902. n° 106.)
VI. Organisation d'un service de médecine mentale dans les pri-
sons ; par le Dr E. 11ASOIN. (Journ. de Neurologie, 1904, n° 11.)
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 431
Les établissements pénitentiaires de la Belgique sont répartis
en trois circonscriptions desservies chacune par un médecin alié-
niste. Lorsque la conduite d'un détenu donne lieu de suspecter
son état mental, le directeur de la prison en avertit le médecin
aliéniste de la circonscription, lequel, après examen du détenu,
adresse un rapport t't l'administration et rédige, s'il y a lieu, un
certificat de collocation dans un asile d'aliénés. Cette organisation,
d'après l'auteur est susceptible de plusieurs améliorations ; il
estime que le médecin ordinaire de la prison est placé dans de
meilleures conditions que le spécialiste, pour procéder à l'exper-
tise des détenus, à la condition, bien entendu, que l'administra-
tion centrale se décide à ne plus introduire dans les prisons que
des médecins possédant des connaissances spéciales en psychia-
trie.
En second lieu M. Masoin se déclare partisan de la création
pour les condamnés reconnus aliénés, de la création d'un asile-
frison, destiné à remplacer les quartiers spéciaux des asiles de
Mons et de Tournai, dans lesquels ces sujets sont actuellement
colloqués. Cet asile-prison serait situé au voisinagne du péniten-
cier central et pourvu d'un quartier spécial d'observation.
Enfin, M. Masoin s'élève contre la prérogative accordée aux
directeurs des prisons lesquels sont actuellement seuls juges de
l'opportunité de soumettre un détenu à une expertise ; il voudrait
que le médecin et le directeur de la prison soient investis tous
deux de ce droit et se missent d'accord sur chaque cas.
G. Deny.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
VIII. Comment faut-il traiter les neurasthéniques; par Glorieux.
(Policlinique 'de Bruxelles. Avril 1902).
L'auteur préconise un traitement familial pour les neuraslhé-
niques et combat le traitement dans un établisssement qui déprime
souvent les malades au lieu de les améliorer. M. H.
IX, De l'application des bains d'air chaud au traitement des aliénés
et des épileptiques ; par I.-S. Gerhainn. (06orénié psichiatrü,
VII, 1902. 6, 7, 8, 11, 12.)
Long mémoire très soigné dans lequel sont successivement
étudiés : 1° Les moyens physiques et médicamenteux employés
dans le traitement de^l'agitation et de l'insomnie chez les aliénés ;
432 " REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
2° L'application des bains d'air chaud au traitement des épilepti-
ques et des aliénés ; 3° L'action de ces bains sur l'insomnie, le
pouls, la respiration, les modifications de poids, l'excrétion
sudorale des aliénés. Nombreuses observations, minutieusement
prises. Nous relevons ce qui suit.
A. Un traitement sudorilique mesuré n'exerce aucune action sur
l'état morbide des épileptiques; une sudation plus intense se traduit
par la recrudescence des accès. Il faut supposer que lorsqu'on
pousse l'excrétion des substances toxiques celle-ci est ensuite
pleinement compensée par l'augmentation de leur production dans
l'organisme, et que, si l'on insiste trop pour les chasser, la
formation du toxique l'emportant sur son excrétion, la maladie
empire.
B. Chez les aliénés, les bains d'air chaud ont sur les bains d'eau
les avantages que voici : 1° Souvent ils agissent plus favorablement
sur l'agitation et l'insomnie que les bains d'eau; 2° Ils tonifient le
coeur, et son ralentissement se continue de quelques heures à
à quelques jours; 3° Le bain d'air coûtemeilleurmarché et n'exige
pas d'installations spéciales ; 4° Le chauffage du bain d'air chaud
à l'aide d'une grande lampe à pétrole s'effectue à peu près en un
quart d'heure ; La quantité des bains de ce genre est illimitée.
P. Keraval.
X. Communications sur le véronal ; par 0. M\TTHEY (Neurolog.
Cenlralbl. XXII, 1903.) Essais cliniques avec le véronal ; par
W. SPIELMlènR (Centralbl. f. Nervenheilk. XXVI. N. F. XIV 1903.)
Expériences avec le véronal dans les états d'agitation des
paralytiques généraux; par K. Abraham (Centrvlbl. f. Nerven-
hâle, XXVII. N. F. XV, 1004).
Administré dans du thé chaud, le véronal par doses de 0,50 à
1 gramme au maximum en une fois, ne doit pas dépasser
3 grammes par jour, sauf peut-être quand on a affaire à une agi-
tation extrême. C'est alors un soporifique et un sédatif excellent. Il
calme ou fait dormir généralement en une demi-heure d'un som-
meil calme, profond, réparateur, qui, même pour des petites doses
de 0, 50 dure six à sept heures. Réveil d'ordinaire agréable ; ce-
pendant pour des doses de 1 gramme il subsiste quelque somno-
lence. il agit plus prômptement que la plupart des autres médica-
ments de ce genre. En dehors de l'accoutumance, dont il est aisé de
triompher en suspendant le médicament il n'a pas, àpart quelques
vertiges et quelque ralentissement du pouls (à 4 grammes),
d'inconvénients (O. Matthey).
C'est, dit à son tour M. Spielmeyer, un bon sédatif et surtout un
hypnotique des plus recommandables. Pris dans du pain azyme,
il ne détermine ni tintouins, ni photopsies, vertiges ou nausées.
REVU ! ; DE THÉRAPEUTIQUE. 433
Même à hautes doses ou à doses longtemps prolongées, il n'agit
sur aucun viscère. Dans le cas d'accoutumance, il suffit de doses
lentement progressives pour venir à bout de l'insomnie; l'incerti-
tude de son action dans l'agitation de la démence précoce tient à
la nature du symptôme. Si, à la dose de 1 gramme il entretient
quelque assoupissement, il suffit de substituer au véronal deux
, lois par semaine de la paraldéhyde ou du trional. Ces inconvénients
sont dépourvus de danger ; le véronal est inoffensif.
Tel n'est pas l'avis de M. Abraham. Il a constaté que maints
paralytiques refusent le véronal ; que l'action de ce médicament
s'affaiblit au bout de plusieurs jours, qu'il peut déterminer des
troubles cardiaques et respiratoires inquiétants, que l'effet en est
inégal. Comme il est difficilement soluble, comme il possède un
goût désagréable, comme il ne'peut être employé en injections
hypodermiques, et qu'en outre il coûte cher, il ne saurait, pense
M. Abraham, être introduit dans la pratique. P. Keraval.
XI. Méningite cérébro-spinale. Traitement par production d'un
abcès de fixation. Guérison; par le Dr PnoBST. (Rev. méd. de la
Suisse romande, 1902, n3 20.) ,
Observation d'un homme de vingt-cinq ans, qui fut pris subite-
ment de céphalalgie, de fièvre, de vomissements avec raideur de
la nuque, convulsions localisées au bras et à la jambe droites, etc.
On posa le diagnostic de méningite cérébro-spinale et on pro-
voqua un abcès de fixation, en pratiquant une injection de téré-
benthine sous la peau de l'abdomen. Dès le lendemain, les
vomissements et les convulsions cessèrent et, un mois après, le
malade était complètement rétabli.
L'auteur, toutefois, ne croit pas pouvoir tirer de ce fait unique
des conclusions positives relativement à l'action curative des abcès
de fixation. G. D.
XII. Notice sur un nouvel appareil pour les fractures de la rotule
chez les convulsionnaires etles aliénés; par le Dr BEESAU. (Bull.
de la Soc. de méd. mentale de Belgique, juin 1902.)
Cet appareil se distingue des autres par deux organes essentiels :
tu une plaque de carton pleine qui s'applique sur la rotule dont
les fragments ont été préalablement rapportés au moyen d'une pla-
que de carton trouée; 2 une ceinture abdominale qui immobilise
toute la partie intérieure du tronc et empêche les soulèvements du
bassin. L'auteur relate trois cas de fracture de la rotule chez un
hystérique, un épileptique et une aliénée, où l'application de cet
appareil a été suivie d'une prompte consolidation. G. D.
Archives, 2° sétie, t. XVIII. 28
ASILES D'ALIENES.
I. De la protection de la fortune des malades dans les établis-
sements d'aliénés. Ce qu'elle est ; ce qu'elle doit être ; par le
Dr SAMUEL Garnier. 14
Il est assez fréquent, surtout dans les maisons de santé, de voir
un tuteur profiter des revenus d'un aliéné interné, se les approprier
et n'en consacrer qu'une petite portion à l'entretien du malade.
L'étude de M. S. Garnier, montre, avec faits à l'appui, la facilité
avec laquelle on peut spolier les aliénés internés, dans la législa-
tion actuelle et la nécessité de reviser la loi de 1838 dans le sens
d'une protection pratique et effective. (Annales nédico-psychologi-
ques, février 1903). E. B.
IL L'Assistance publique des épileptiques ; par le D'' V. Parent.
Dans cet article sont étudiés les progrès récents de l'Assistance
publique des épileptiques aux Etats-Unis d'Amérique et en France
ainsi que l'organisation des colonies fondées pour ces malades,
colonies composées de pavillons petits, se rapprochant du genre
des habitations ordinaires. Dans uue colonie complète, il faut, en
dehors des habitations des assistés : 1° un bâtiment central d'ad-
ministration, où les colons ne devront aucunement avoir affaire;
2° une infirmerie et même un petit hôpital, pour le traitement de
tous les cas de médecine ordinaire ou de chirurgie; 3° des ateliers
de toute sorte.
L'idéal serait qu'une colonie se suffise entièrement à elle-même.
(Annales médico-psychologiques, juin 1903). E. B.
111. Des sorties d'essai et des congés de distraction; par le
ut li0SP1TrIL.
La nécessité des sorties d'essai et des congés de distraction est
évidente et démontrée par l'expérience. Ces deux moyens doivent
désormais faire partie de la thérapeutique générale de la folie, de
par l'indication et sous la responsabilité du médecin traitant. Les
pouvoirs publics et le maire devront être prévenus des sorties
d'essai dépassant un jour. (Annales médico-psychologiques, août
1903). ' E. B.
ASILES D'ALIÉNÉS. 435
IV. Sur l'autonomie d'un Asile public d'aliénés; par le Dr Dumaz.
L'auteur retrace l'histoire de l'Asile de Bassets, près Chambéry.
Un accord va être signé, reconnaissant l'indépendance de l'Asile de
Bassens en matière financière vis-à-vis des deux départements de .
la Savoie et fixant que le prix de journée, poui les malades placés
u'oflice, sera réglé d'après les dépenses ordinaires. L'Asile pourra
accumuler ses bonis annuels jusqu'à 200.000 francs avant que les
départements puissent exiger une diminution proportionnelle de
ce prix. (Annales médico-psychologiques, ocl. 1903). E. B.
V. L'Asile de Galkhausen (près de Cologne) ; par le De de 1)1 ? RE.
(Bull, de la Soc. de méd. ment, de Belgique, 1903, n° 113).
Situé sur un plateau de 110 hectares de superficie (dont 45
boisés), l'asile de Galkhausen a été construit en 1902. Il se compose
de 22 pavillons à un étage avec véranda, pouvant recevoir chacun
/il) malades. Seul lelazaietou infirmerie n'a qu'un rez-de-chaussée.
Lespavillonsont un caractère ditlerentetsontdisposéssanssymétrie
de chaque côté de l'avenue principale. Les cellules sont remplacées
par des chambres d'isolement avec fenêtres aux carreaux épais,
mais sans barreaux. Il n'y a pas de mur de clôture, mais une
simple haie séparant l'asile des propriétés voisines.
La population est de t150 malades avec cinq médecins et 19 gar-
diens, soit un gardien eu moyenne pour 8 ou 9 malades.
Les pensionnaires sont classés d'après leur état d'agitation ; les
agités sont placés dans des pavillons aux portes et aux fenêtres
ICl1nées; les demi-agités sont placés dans des pavillons aux portes
fermées et aux fenêtres ouvertes ; les uns et les autres ne vont z
au jardin qu'accompagnés. Les pavillons des tranquilles ont leurs
portes et fenêtres ouvertes et les malades peuvent circuler libre-
ment dans le jardin.
Uanstes pavillons fermés (40 malades) la surveillance est confiée
il 7 gardiens, dans les pavillons demi fermés à 4 gardiens, et dans
les pavillons ouverts, environ à 2 gardiens.
Lorsqu'un malade s'agite ou délire trop bruyamment on le
traite par l'alitement d'abord, par la chambre d'isolement ensuite,
et enfin par un bain de trois heures renouvelé deux ibis par jour.
Inutile de dire que tous les moyens de contrainte sont supprimés.
G. D.
VI. Statistique clinique des alcooliques traités à l'asile de Bel-Air,
en 1901 et 1902, par le Dr Papadaki. (Rev. méd. de la Suisse-
Romande. 1903, n° 12.)
Sur les 508 malades entrés à l'asile de Bel-Air pendant les
années 1901 et 1902, il y en a 50 pour lesquels l'alcool est indiqué
436 asiles d'aliénés.
comme cause occasionnelle de la psychose et 85 pour lesquels
cette substance a été la cause déterminante et directe de la
maladie. -
Parmi les sujets du premier groupe, on trouve seulement des
épileptiques (34 p. 100) et des paralytiques généraux (20 p. 100).
Les affections du second groupe se répartissent comme suit :
1° Psychoses aiguës : delirium tremens 34, hallucinoses il, délires
atypiques G, délires atypiques avec maladies graves concomi-
tantes 12 ; 2 Etats démentiels : psychoses pol3·névritiques 4,
démences alcooliques avec ou sans épilepsie 18.
La prédominance des hallucinations auditives, la possibilité de
systématiser, la conservation de l'orientation, la fréquence des
symptômes de polynévrite constituent les phénomènes caractéris
tiques de l'hallucinose.
Certaines affections des organes des sens peuvent, peut-être, dans
certains cas, décider de l'éclosion du delirium tremens ou de
l'hallucinose.
Sous la dénomination de délires atypiques il faut entendre les
formes séparément décrites de l'ivresse pathologique et du délire
subaigu transitoire.
Pour toutes ces psychoses, l'internement dans un établissement
installé ad hoc est indiqué. L'expérience a démontré que l'absti-
nence totale et immédiate n'a jamais porté préjudice aux malades.
Les femmes paraissent être atteintes beaucoup plus souvent que
les hommes de la psychose de Korsakoff.
La durée de l'internement à l'asile de Bel-Air, trop brève pour
chaque cas particulier, donne néanmoins pour les années 1901 et
1902 un total de 3.083 journées de malades. Ce chiffre multiplié
par 3 francs (prix du revient d'une journée) représente pour ces
deux années la somme de 11.409 francs consacrée à un traitement
palliatif. G. D.
VII. Visite faite à un certain nombre d'établissements d'aliénés
en Allemagne, Bavière et Autriche; par le Dr de ÎIlAEIOE. (Bull.
de la Soc. de méd. ment, de Belgique, 1902, n" 106.)
Les établissements visités par l'auteur sont ceux d'.ludernacl,
sur le Itllin, de Francfort, de Darmstadt, d'lleppenheim, de
Heidelberg, de Munich, d'Obersendlin, de Trieste et de Zuricli.
Il fournit sur chacun d'eux un certaiu nombre de renseignements
intéressants et termine en disant : « Il est permis de certifier
que, si nous pouvons apprendre bien des choses instructives a
l'étranger et ainsi améliorer et perfectionner certains détails d'or-
ganisation dans les asiles, nous pouvons avec orgueil assurer que
l'étranger peut lui-même venir apprendre chez nous beaucoup
de choses utiles, dont il ignole même l'existence. » G. D.
varia. 437
VIII. Colonie wallonne d'aliénés de Lierneux. Rapport sur la
situation médico-administrative pendant l'année 1901; par le
De Deperon. (Bzzll. de la Soc. de méd. ment, de Belgique, juin 1902).- ""
« Le régime familial, ditl'auteur, évite aux malades trois choses
douloureuses inhérentes à la plupart des asiles : la séquestration,
l'inaction et le contact avec d'autres aliénés.
L'expérience montre que dans les colonies, l'état de la plupart
des malades se modifie avantageusement. Est-ce la société cons-
tante de personnes saines, la présence d'enfants, la visite d'étran-
gers, les relations de familles qui produisent ce résultat ? Toujours
est-il que l'aliéné se prend à s'intéresser, lui aussi à la maison où il
est. Jusque-là perdu dans les grandes salles d'un asile et y vivant
d'une vie artificielle, simple numéro d'un groupement, il n'avait, et
ne pouvait avoir aucune individualité. Dans le milieu familial où il
est seul de son genre et où il est quasi libre, tout change : son
caractère, son énergie, sa volonté s'éveillent. Alors que la seule
issue possible des hospices était la mort, il y a dans la vie de '
famille comme un espoir de guérison et celle-ci ne frit-elle pas
complète, les résultats en seraient encore louables, car faire d'un ,»
malheureux qu'il soit moins malheureux, c'est presque une guéri-
son. » Suivent un certain nombre de renseignements intéressants :
i;i3t aliénés de tous âges et des deux sexes ont été traités à la
colonie de Lierneux depuis sa fondation; 73 sont entrés en 1901.
La proportion des guérisons a été de 4 p. 100; celles des décès de
- 166 p. 100. Les évasions ont été au nombre de 7. Un seul accident
(suicide par submersion) s'esi. produit pendant L'année écoulée.
G. DENY.
VARIA.
Pour les enfants arriérés ou anormaux.
F
A la suite d'une mission confiée au De Gauraud, relative à la
situation des enfants arriérés ou anormaux à l'étranger, et dont
les résultats l'avaient vivement intéressé, M. Chaumier a chargé
M. Marne) Chariot, inspecteur général de l'instruction publique, de
lui fournir un rapport sur la situation au point de vue scolaire des
anormaux physiques, intellectuels ou moraux. Voici le rapport de
M. Marcel Chariot :
Paris, 30 septembre.
Monsieur le ministre,
La loi du 28 mars 1882 dit, dans son article 4, que « l'instruction
primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de six
438 varia.
ans révolus à treize ans révolus ». Mais il est une catégorie d'en-
fants à qui, jusqu'ici, la loi n'a pas été appliquée : ce sont les sujets
qui, soit au pointdevue physique, soit au point de vue intellectuel
ou moral, ne se trouvent pas dans des conditions normales pour
recevoir l'enseignement commun. -
L'instituteur public ne peut accepter ni encore moins garder
dans sa classe des enfants incapables de prendre part aux exercices
scolaires et dont la présence retarderait la marche des études et
serait une cause de désordre, parfois même de scandale. Ces éli-
minations s'imposent dans l'intérêt de l'immense populalion nor-
male des enfants de nos écoles.
Mais ce n'est pas envers celle-là seulement que l'Etat a des
devoirs à remplir. Ses obligations ne sont pas moins strictes, elles
ont même un caractère plus impérieux à l'égard des malheureux
êtres d'exception : anormaux physiques, anormaux intellectuels,
anormaux moraux. La société a sa part deresponsabililé dans des
tares qui sont, le plus souvent, le. résultat de l'hérédité ou du
milieu : elle doit donc prendre à sa charge la réparation ou l'atté-
nuation de ces misères. Et ce qui est son devoir est également son
intérêt. Laissés à l'état de nature, les anormaux ne cesseront, pen-
dant toute leur vie, d'être pour la collectivité une lourde dépense.
Au contraire, habilement et humainement traités par les nouvelles
méthodes scientifiques, ils ne seront plus condamnés à demeurer
irrémédiablement des non-valeurs sociales, des parasites onéreux
et nuisibles, mais ils prendront une part, plus ou moins impor-
tante, dans le travail commun, et un certain nombre d'entre eux
en viendront peut-être un jour à faire, pour la société, presque
autant qu'elle aura fait pour eux.
Le législateur de 1882 n'avait pas méconnu cette conséquence
de principe d'obligation, puisque l'article 4 de la loi du 28 mars
porte, in fine, qu'un « règlement d'administration déterminerales
moyens de donner l'instruction primaire aux sourds-muets et aux
aveugles ». Mais ce règlement, qui reste encore à faire, n'était
destiné, comme on le voit, qu'à deux catégories d'anormaux. Il
laissait de côté tous ces petits êtres, d'une intelligence lente ou
incomplète, qui ne peuvent sans doute s'accommoder de la disci-
pline et des programmes appliqués dans nos écoles ordinaires,
mais qui ne sauraient non plus être confondus avec les idiots elles
crétins, et traités comme des incurables.
Le silence de la loi scolaire à leur égard s'explique surtout par ce
fait qu'il y a Vingt-deux ans les études psycho-physiologiques
n'avaient pas été poussées aussi loin qu'aujourd'hui, et tenaient
moins décompte de la graduation dans le classement des anoma-
lies intellectuelles. Or, c'est précisément l'existence constatée de
toutes ces variétés dans les infirmités mentales, et la détermina-
tion de leur curabilité, qui a donné à l'Etat enseignant la cons-
VARIA. 439
cience de devoirs nouveaux, et qui rend indispensable aujourd'hui
l'élaboration du règlement attendu, dont les dispositions devront
s'étendre à toutes les catégories d'anormaux éducables. '
Même en ce qui concerne les sourds-muets et les aveugles, on est
resté sous l'influence de cette idée ancienne, que le soin de leur
- infirmité relève beaucoup plus de l'assistance que de l'éducation,
et que l'intérêt de la société à leur égard doit se manifester sur-
tout par les secours matériels ou l'hospitalisation. Quant au devoir
de les instruire, l"1tat s'en remettait et s'en remet encore aujour-
d'hui presque exclusivement à des institutions privées, dont la
plupart sont congréganistes. Le tableau ci-dessous donne la répar-
tition actuelle des aveugles et des sourds-muets des deux sexes
entre les diverses maisons d'éducation qui leur sont affectées.
440 VARIA.
Les arriérés intellectuels et moraux perfectibles, dont le nombre
est beaucoup plus considérable que celui des aveugles et des
sourds-muets (on ne l'évalue pas à moins de quarante mille), sont,
au point de vue éducatif, encore plus délaissés.
La situation s'aggrave chaque jour, et, chaque jour, dans les
congrès d'enseignement, d'assistance, de médecine, les voix les
plus autorisées pressent l'Etat de remplir ses obligations. Ce qu'on
lui demande, ce n'est pas de supprimer ou de supplanter l'initiative
privée, ni celle des départements et des communes, à laquelle on
doit déjà tant de fructueux efforts, mais de la-considérer simple-
ment comme une auxiliaire dans l'accomplissement d'une tâche
qu'il ne saurait décliner, et que lui seul d'ailleurs peut embrasser
dans son ensemble.
A quelles méthodes s'arrêtera-t-il ? Quelles classifications éta-
blira-t-il entre les anormaux éducables ? Quel type d'établissement
leur destinera-t-on Comment recrutera-t-il et formera-t-il le per-
sonnel enseignant' ? Comment, pour les élèves sortants, ménagera-
t-il la délicate et périlieuse transition entre l'école et la vie ? Mais
n'aura-t-il pas, au préalable, à faire le recensement, aussi rigou-
reux que possible, des enfants qui ont droit à une de ces éduca-
tions spéciales, et à étudier scrupuleusement les expériences ten-
tées et les résultats obtenus dans les établissements existants.
Quoi qu'il en soit, pour préparer une telle oeuvre, l'Etat a les
éléments nécessaires : les hommes de science, les éducateurs, les
praticiens auxquels il fera appel lui apporteront le concours d'un
savoir, d'une expérience, d'un dévouement auquel aura été rare-
ment fournie une plus belle occasian de servir l'humanité.
Veuillez agréer, etc.
\fncRCEL CHARLOT,
Inspecteur général de l'enseignement
primaire.
Conformément aux conclusions de ce rapport, M. Claumié a
décidé, d'accord avec le président du conseil, d'instituer une com-
mission chargée d'étudier la question. Sont nommés membres de
cette commission :
MM. Léon Bourgeois, député, ancien président du conseil, ancien
ministre de l'Instruction publique, président. Baguer, directeur
de l'Institut départemental des sourds-muets d'Asnières. Bédorez,
directeur de l'enseignement primaire de la Seine. -- Binet, direc-
teur du laboratoire d'études psychologiques à la Sorbonne.
Dr Bourneville, membre du conseil supérieur de l'Assistance
publique. - Bruman, conseiller d'Etat, directeur de l'administra-
tion départementale et communale au ministère de l'Intérieur. -
Marcel Chariot, inspecteur général de l'instruction publique.
VARIA. 441 1
Jacques Cohen, docteur en droit, chef adjoint du cabinet du
ministre de l'Intérieur et des Cultes.
Collignon, directeur de l'institution nationale des sourds-muets.
- Gasquet, directeur de l'enseignement primaire au ministère de
l'Instruction publique. - Jost, inspecteur généralhonoraire de l'ins-
truction publique. -Lacabe, inspecteur primaire il Paris. smala-
pert, professeur de philosophie au lycée Louis-le-Grand.
Mesureur, directeur de l'administration générale de l'Assistance
publique, à Paris. -Henri Monod, directeur de l'assistance et de
l'hygiène publiques au ministère de l'Intérieur. Pissard, inspec- .
leur général des services administratifs au ministère de l'Intérieur.
- Ilobin, directeur de l'institution nationale des jeunes aveugles, à
Paris. De Saint-Sauveur, chef du bureau des établissements de
bienfaisance au ministère de l'Intérieur. -Strauss, sénateur, mem-
bre du conseil supérieur de l'Assistance publique. -1111 Stupuy,
directrice d'école enfantine, il Paris. -dur Jean Gauraud, chargé de
mission, secrétaire.
Nous nous bornerons à noter, pour le moment, que depuis
vingt-cinq ans nous réclamons l'application complète de la
loi du 28 mars 1882, qui doit s'appliquer à tous les enfants,
dans la mesure du possible. Or, comme la très grande majo-
rité est améliorable, notre réclamation est justifiée. Afin
d'arriver à ce résultat, nous avons fait adopter en 1889 par la
commission parlementaire chargée de l'examen du projet de
loi portant revision de la loi du 30 juin 1838, sur les aliénés,
un article imposant aux départements la création d'asiles-
écoles pour les enfants anormaux au point de vue intellectuel
et moral (idiots, amoraux).
M. Chariot semble faire encore une exclusion, au détriment
des idiots et des crétins, ceux-ci de plus en plus rares, croyons-
nous, ceux-là, au contraire, nombreux et quoiqu'on dise
1res améliorables, même à un degré prononcé. Nous avons
réclamé pour tous les anormaux une statistique qui n'a ja-
mais été faite sérieusement.
Si, dans le monde pédagogique, on ne fait que commencer
à s'intéresser aux anormaux intellectuels et moraux, il y a
bien longtemps que les médecins s'en sont occupés, ont
réclamé pour eux des soins spéciaux, et tenté leur éducation.
On ne peut avant un essai prolongé du traitement médico-
pédagogique déclarer un enfant incurable.
442 " VARIA.
Certificats d'Aliénation; SECRET Professionnel
Nous avons exposé les circonstances d'une affaire de séquestra-
tion, dont était saisi le tribunal civil de Lille. Le tribunal vient de
rendre son jugement.
Après avoir rappelé les faits d'internement de M. Houtre, en-
fermé comme fou pendant cinq jours, en janvier dernier, à l'hôpital
Saint-Sauveur, à Lille, ainsi que la peine que l'on a eue, malgré
l'avis du médecin de cet établissement le déclarant sain d'esprit,
à le faire sortir le tribunal estime qu'il n'a existé aucune conni-
vence entre les trois défendeurs, 111 ? Houtre, le docteur Iluart et
M. Krebs, maire d'Ilellemmes, assignés en payement de dommages-
intérêts par M. Houtre.
En ce qui concerne Mue Houtre, le jugement admet sa bonne
foi; quelques jours avant, son mari s'était livré à des violences
extrêmes et avait même, en brisant la lampe -dans un accès de
colère, allumé un commencement d'incendie; elle avait en face
d'elle un alcoolique qui, pour coups à sa femme, avait même été
condamné à treize mois de prison.
Pour ce qui touche le maire, M. Krebs, le tribunal juge que sa
responsabilité n'est pas davantage engagée. Il a agi sur le vu
d'un certificat médical qui lui indiquait un danger imminent.
Mais les juges retiennent une faute à la charge du docteur Iluart,
qui a délivré le certificat sans revoir le malade. En conséquence,
Mme Houtre et M. Krebs, maire d'Hellemmes, sont mis hors de
cause. Quant au docteur Iluart, il est condamné à payer il
M. Houtre la somme de i 000 francs à titre de dommages-intérêts
Cette même affaire a eu, le lendemain, son épilogue devant le
tribunal correctionnel de Lille. Le docteur Masson, de Marq-en
Rareeul, avait adressé à son confrère, le docteur Huart, un certi-
ficat où il déclarait que jadis il avait soigné M. Houtre, et qu'il
avait constaté que, à son avis, c'était un alcoolique invétéré, can-
didat à l'aliénation mentale. Au cours des polémiques que la sé-
questration de M. Houtre provoqua, le docteur Iluart et M. Krebs
publièrent cette lettre. Le parquet a poursuivi le docteur Masson
pour divulgation de secret professionnel. -
Le tribunal, dans son jugement, a déclaré que la règle du
secret est formelle; qu'aucun tempérament ne peut y être
apporté et que, notamment, on ne peut tenir compte du
défaut d'intention de nuire ou du but poursuivi. Dans l'espèce, il
y a lieu de se montrer d'autant plus sévère que le docteur Masson
a ajouté dans sa lettre, comme par une sorte de préméditation :
« Je vous autorise à faire de cette pièce l'usage que vous vou-
drez. » Le tribunal condamne le docteur Masson, pour violation
d'un secret professionnel, à trois `jours de prison avec sursis el
100 francs d'amende. (Le Temps.) .
VARIA. 443
Ce fait montre la nécessité absolue de la part des médecins de
ne pas délivrer de certificats quand ils n'ont pas vu les malades
dans les dernières vingt-quatre heures et surtout quand il s'agit
d'alcooliques chez lesquels il peut se produire une amélioration
rapide.
LES aliénés EN liberté.
Terrible drame DE la folie. A coups de faux. Trois vic-
times. -D'après une dépêche adressée le 13 septembre, de Pal-
lanzana au Petit Parisien, du 14 septembre, un pauvre fou,
nommé Frédéric Zanaii, âgé de trente ans, qui habitait avec ses
parents à Falmenta, a tué son père, sa mère et sa soeur dans des
circonstance terrifiantes. -
Durant la nuit d'avant-hier, se trouvaient réunis dans la cabane
des Zanaii, qui sont pâtres, le père et la mère du fou, sa soeur,
son beau-frère et un oncle. Vers minuit, Frédéric qui était parti-
culièrement agité depuis quelques jours, se leva, alluma une
chandelle de suif et alla réveiller sa soeur, qui dormait.
Tout à coup, des cris terribles retentirent; le fou avait saisi la
jeune femme à la gorge et l'étranglait. Les parents sautèrent hors
du lit, mais Frédéric avait eu le temps de s'emparer d'une faux;
il frappa à la tête sa soeur, dont la cervelle jaillît sur les murs.
Epouvantés, les parents voulurent s'enfuir, mais le iou se plaça
devant l'unique porte de la chaumière et commença à frapper au
hasard autour de lui. Il atteignit sa mère à la poitrine, la mort
fut mtanstanée.
Le père, le corps labouré d'entailles profondes, se réfugia sous
un lit; les autres parents du fou qui assistaient à cette épouvan-
table tuerie le virent bientôt se diriger vers eux, il frappa à la
jambe son -beau-frère et son oncle.
Ce dernier enfin réussit à se jeter sur lui et à le terrasser, mais
après l'avoir frappé à coups de poing au visage pour l'assommer,
il prenait la fuite. Lorsque, le lendemain, les carabiniers de Pallanza
arrivèrent, ils trouvèrent Frédéric couché dans une mare de sang
auprès du corps de son père et de sa mère. On le crut mort, mais
à peine était-il sur le brancard qui devait le transporter qu'il
s'échappait. 11 avait dormi sur le sol auprès du cadavre de ses
parents. Les carabiniers l'ont conduit à l'asile d'aliénés de Novare.
Ainsi qu'on le voit, il n'y a pas malheureusement qu'en
France qu'on retarde l'hospitalisation des aliénés.
Assistance DES IDIOTS.
Assassinat par sa mère d'une idiote aveugle. Au hameau
du Petit-Mont, dit le Progrès de Lyon, du 31 juillet. habitait
une femme Pollet âgée de soixante-dix-huit ans. Cette femme
444 VARIA.
avait avec elle sa fille âgée de quarante ans. La Cille était idiote et ne
pouvait travailler et la mère devenait aveugle. Bien souvent la
pauvre femme se plaignait à ses voisins de sa triste situation : son
âge et son infirmité n'allaient bientôt plus lui permettre de subve-
nir aux besoins de sa fille et aux siens et elle était décidée à se
suicider. Ses voisines la réconfortaient de leur mieux, elles lui fai-
saient comprendre ce que deviendrait sa fille si elle mettait son
funeste projet à exécution. A cela elle répondait invariablement :
« Je la tuerai avec moi. » Hier la malheureuse décida d'en finir.
Les voisins trouvèrent dans l'après-midi les corps des deux femmes
dans une mare.
La gendarmerie prévenue aussitôt se rendit sur les lieux accom-
pagnée du juge de paix, du greffier et de M. le D1' Edouard. Des
premières constatations il résulte que la femme Pollet a noyé sa fille
en se noyant elle môme. Le drame a dû être terrible. L'idiote ne
voulait pas mourir et voulait s'échapper de l'étreinte de sa mère;
mais la malheureuse fut vaincue elles deux femmes roulèrent dans
la mare. Des traces de coups à la tête prouvent surabondamment
cette lutte. La femme Pollet était très estimée dans le pays, où ce
terrible drame a jeté la consternation.
Assistance A domicile : Séquestration et assassinat d'un dément.
D'après une dépêche de Coblentz, 31 juillet au Progrès de Lyon
(31 juillet), un crime effroyable vient d'être commis à Windesheim,
près de Kreuzenach, la célèbre ville d'eau de la Prusse rhénane.
Un incendie ayant éclaté chez le serrurier Stoffel, les pompiers
s'empressèrent d'accourir ; déjà toute la maison était en feu, et il
ne fallait pas songer au sauvetage. Mais des cris plaintifs s'étant
fait entendre dans le brasier, quelques hommes courageux réussi-
rent à pénétrer dans une chambre du rez-de-chaussée.
Au pied d'un lit gisait le cadavre d'un nommé Steyre, beau-
frère du serrurier Stoffel. Chose horrible, les bras et les jambes
du cadavre avaient été sectionnés. Sur le lit étaient fixées des
cordes à moitié calcinées, qui avaient servi à attacher Steyer. et
qui n'avaient lâché leur prisonnier qu'au moment où l'incendie
les atteignait. v
Mais ici se pose une question terrible. Les assassins, près avoir
dépecé leur victime, voulaient effacer les traces du forfait en met-
tant le leu à la maison. Ils durent prendre quelques précautions
préliminaires, c'est ce qui explique la rapidité avec laquelle l'in-
cendie s'est propagé. Steyer aurait donc été tué avant d'être
dépecé. Mais les premiers sauveteurs affirment avoir entendu des
cris et des gémissements. Donc, à ce moment, Steyer était encore
en vie et ses assassins l'auraient dépecé vivant ! .
Les auteurs probables ,du crime ont été arrêtés : le serrurier
Stoffel et son fils. Leur attitude pendant l'incendie fixa les soup-
VARIA. 445
çons. Stoffel est un homme violent, capable d'avoir combiné et
exécuté cet affreux drame. A la suite d'arrangements de famille,
Stoffel avait dû prendre à sa charge son beau-frère Steyer qui
était tombé en enfance. Déjà Stoffel avait été condamné pour avoir,
avec une hache, enfoncé les dents de son beau-frère. Il avait relé-
gué depuis longtemps le malheureux dans une soupente obscure de
sa maison. Stoffel aurait donc commis son crime pour se débar-
rasser de son beau-frère et se libérer en même temps des 'engage-
ments pris pour l'entretien du malheureux. -
, Les miracles.
Voici une pauvre femme. Toutes les maladies se sont abattues
sur elle. Les médecins la déclarent incurable. Or, conformément
au dogme, nous devons croire que les maladies dont elle a été ac-
cablée furent l'effet de la volonté céleste. Elle va à Lourdes et, su-
bitement, Dieu la guérit. S'il la voulait bien portante, pourquoi, pré-
cédemment, l'a-t-il rendue malade ? Pourquoi cette complication ? ` ?
Je sais... Les gens qui prétendent interpréter, de science certaine,
les volontés du Créateur, répondront : « Dieu veut ainsi montrer
sa toute-puissance et son infinie miséricorde. » Ainsi, le Dieu de
ces gens-là est un Dieu qui, pour fournir une semblable démons-
tration, ne trouve pas d'autre moyen que d'accabler en secret une
misérable créature et de lui rendre ensuite publiquement la santé.
Est-ce assez puéril ! Quelle conception grotesque de l'action de la
Divinité 1 (llarduin, Malin, 26 sept. 1904.)
L'alcoolisme en SC4NDI.1VIR.
Ou croit généralement que, en Suède et en Norvège, l'énorme
réduction des débits a enrayé l'alcoolisme. Or M. Legrain, dans les
noies de voyage qu'il a communiquées au Conseil d'administration
de la, Ligue nationale contre l'alcoolisme, a rapporté des impres-
sions toutes différentes.
Le schnaps coule à loisir dans les maisons du monopole, qui sont,
il vrai dire. très peu nombreuses; on ne peut pas y vendre moins
d'un lüre d'alcool à la fois. Mais, déjà, d'autres maisons conces-
sionnaires où l'on en vend au détail se sont établies, et l'on en sert,
il la condition formelle qu'ils mangent, aux consommateurs qui
souvent, font semblant de manger. Et, dans beaucoup d'établisse-
ments où il n'est pas permis de débiter de l'alcool au détail, il est
de règle de s'en laisser « voler » moyennant finances.
On vient dans ces maisons pour manger; mais, de temps en
temps, un consommateur se dirige vers l'armoire, l'ouvre, se sert
un verre d'un liquide dont on peut deviner la nature, l'absorbe en
entier, et revient s'asseoir, manger de nouveau et recommence
aussi souvent qu'il le veut son pèlerinage. Si un agent du fisc sur-
vient, ni vu ni connu. Le tenancier a de l'alcool dans l'armoire pour
446 FAITS DIVERS.
son usage personnel, et il n'en a jamais offert ni versé. On peut
toujours se laisser voler.
Il y a d'ailleurs manière de s'enivrer là où l'on ne peut acheter
qu'un litre au moins. L'alcoolisme se manifeste sous la forme
d'une ivresse massive et bestiale, qui est le résultat du monopole.
Il est vrai que dans les campagnes où l'on peut parfois parcourir
100 kilomètres sans trouver un débit, il est difficile de s'enivrer,
mais alors quand on vient à la ville on songe à se rattraper. Les
paysans et gens du peuple, qui viennent faire leur marché, leurs
provisions, achètent naturellement au moins un litre d'alcool.
Quand ils n'ont pas suffisamment d'argent en poche, ils se coti-
sent, achètent un ou plusieurs litres et retournent chez eux.
Dans ce cas il est rare que la bouteille revienne; elle circule de
mains eu mains, entre deux ou trois individus, jusqu'à ce qu'elle
soit complètement vide et dans les stations avoisinant les villes, les
trains ramènent des quantités considérables d'individus dans une
ivresse comateuse complète.
Le monopole russe a produit ces mêmes effets : on peut acheter
« la petite bouteille » et la consommer au dehors, s'enivrant sur
le trottoir. Eu'sorte que, dans les villes, l'alcoolisme s'étale sur la
\oie publique.
Et d'outre part, l'alcoolisme se développe constamment dans la
bourgeoisie par consommation du punch. Dans les buffets, on voit
de grands samovars remplis d'alcool; là des gens en redingote et
chapeau haut de forme mangent debout des hors-d'oeuvre et se ser-
vent' d'abondantes rasades en puisant dans le samovar. On boit
sans contrôle, et on paie ce qu'on déclare avoir bu.
En tout cas, il est intéressant de noter que les mesures prises en
Scandinavie, bien que très tyranniques, n'ont pas réussi à enrayer
l'alcoolisme. Ce qu'il faut, dit justement M. Toulouse, c'est réfor-
mer l'individu, et non l'opprimer, et ce n'est d'ailleurs pas lâche
facile. (Revue Scientifique, n° 16 du 1"> octobre 1904.)
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. Mouvement de septembre 1904. M. le Dr LÉ-
pinte, ICI' du concours de 1904, nommé médecin adjoint, à Pau;
M. le D1' Auury, médecin adjoint, à Cliilons-sur-Marne, nommé
médecin adjoint à Maréville (Meurthe-et-Moselle), poste créé; M. le
D1' Hoy, 2° du concours 1904, nommé médecin adjoint, à Chialons-
sur-Marne ; M. le D1' médecin adjoint à l'asile d'Auxerre
(Yonne), promu à la ire classe du cadre ; M. le D'" Pocuorr, médecin
FAITS DIVERS. 447
adjoint à l'asile d'aliénés de Saint-l'on (Seine-Inférieure) promu
à la classe exceptionnelle du cadre ; M. le Dr Brunet, médecin ad-
joint à l'asile d'aliénés Saint-Yon (Seine-Inférieure) promu à la
classe exceptionnelle du cadre; M. DUGARDiN (Eugène), chevalier de
la Légion d'honneur, a été nommé Directeur de l'asile d'aliénés de
Bailleul (Nord) par arrêté du 13 septembre 1904 (poste créé) ; M. le
D' CllocnEAux, Directeur-médecin à l'asile d'aliénés de la Charité
(Nièvre) a été nommé médecin en chef à l'asile d'aliénés de Bail-
leul (Nord) par arrêté du 19 septembre ! 904.
La tradition naguère, était de nommer des médecins directeurs,
chose naturelle puisqu'il s'agit d'établissements consacrés aux
malades. Dans ces dernières années on tend à déroger à cette
habitude, ce qui ne contribuera pas à faciliter le recrutement des
médecins.
Nécrologie. Nous avons le regret d'annoncer la mort du
Dr DUHAMEL, interne à l'asile d'aliénés de Montdevergues, décédé
le 9 septembre 1904 à l'âge de vingt-sept ans, à la suite d'une
longue et douloureuse maladie.
Noire jeune confrère qui se destinait à la carrière des asiles
avait le 8 novembre 1903 soutenu brillamment sa thèse de doctorat
devant la faculté de Montpellier sur La situation des aliénés dans le
comtat Venaissain et dans Vaucluse de 1680 à 1901. Cette étude très
consciencieuse et très intéressante est un document précieux pour
l'étude de l'histoire dcs asiles en général et plus particulièrement
des progrès accomplis daus cette région de la France au point de
vuc de l'hospitalisation et du traitement des aliénés.
Aux obsèques de notre regretté confrère qui ont eu lieu à Avi-
gnon assistaient les autorités du département, le personnel de
l'asile et un grand concours d'amis. -
Le 1)1' l'iclieuot, médecin en chef de l'établissement, a prononcé
un discours dans lequel il a fait l'éloge de son élève et lui a adressé
en termes émus un dernier témoignage d'estime et de regrets
affectueux au nom du Corps médical, des administrateurs, du per-
sonnel et des malades de l'asile.
- 111. Alphonse Raoul, directeur de l'asile départemental d'alié-
nés du Hhône, vient de mourir à l'âge de soixante-deux ans.
M. ltaoul fut successivement sous-préfet de Saint-Girons et de Brive,
puis secrétaire général des Côtes-du-Nord, maire de Mazères et
conseiller général des Hautes-Pyrénées. Il avait été en outre,
inspecteur de l'Assistance publique à Paris et directeur de l'asile
d'aliénés de.Montdevergue (Vaucluse).
Les aliénées enceintes. Nous avons annoncé, dans un précé-
dent numéro, qu'une jeune femme internée à l'asile d'aliénés de
Clermont, Mme Gaillard, de Honquerolles, avait nais au monde en
cadette un enfant que l'on trouva mort étouffé dans un linge. Cette
448 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
mère infortunée a succombé elle-même ces jours derniers, probable-
ment aux suites de ses couches, et son enterrement a eu lieu aujour-
d'hui jeudi à Agnetz. (Le Semeur de l'Oise, 30 sept. 1904.)
Cetexemple qui s'ajoute à tant d'autres, montre la nécessité
d'une surveillance des aliénéesenceintes, plus rigoureuse en-
core que celle des autres aliénées et d'un examen fréquent
. de leur état puerpéral.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Clvrck (I'IERCE) ET IiIO\TCOIIEItS' (AL1\). - Suggestions and plans for
psychopalhic tards. pavillons and hospilals for american ciliés. In-8°
de 10 pages avec planches. (AlIlel'ican Journal ofliisaizily..)
D ONATII (JULIUS). - flie Be £ leulung des cholius der J,11)ilel)sie. ln-8» de
38 pages. Vogel à. Leipzig.
DONATII (JULIUS). Pupillenpritfitng und llîil)ille7ti-eaZ-Iioiioîz. ln-8^ de
30 pages. lIlonalsschl'if'l sur psychiatrie und Neurologie.
Dipe (31AURICE). /Jel'malo-l'syehies. ]n-8° du 38 pages. Iinp. Simon it
Bennes. .
l'II IXCOTTE (Xatier). - Considérations sur l'éliologie et la pathogénie
de la névrose l7ocumccliqzte. In-8° de 20 pages. llayez à brucelles,
Godlewski (.1.).- Les neurasthénies. 1 vol. in 16 de 3H pages. Librai-
rie Maloine, 25-27, rue de l'Ecole-de-Médecine. Prix : 4 fr.
IiruLrlni`u (F.). Expérimental sludies in mental cleficie7zcy. I ! r8^ de
JU pages. (Américain Journal of 11syclwlogy.)
L'index philosophique. Publication annuelle de la Revue de philosophie,
dirigée par 111. E. I'I;7LLAL13E. Premier volume iii-8- de 350 pages, prix :
10 francs, C. NAUD, 3, rue Racine, Paris. Contenant 4.623 titres biblio-
graphiques d'ouvrages et articles de revues, relatifs à la philosophie et
aux sciences annexes (biologie, neulologie, psychiatrie, sociologie, crime
et pénalité) parus en 1902 en Europe et en tlmérique, par nl. N. Vescmoa,
chef des travaux du laboratoire de Psychologie expérimentale de l'Asile
de Villejuif, et le C'' voit BoeclI.IK, de Stettin. Le deuxième volume, qui
eu en préparation, contiendra non seulement les titles des ouvrages et
articles de revues de l'année 1903, mais encore une brève analyse de tous
ceux qui intéressent plus particulièrement les philosophes. L'Index Phi-
losophique comble une lacune dans la littérature et la publicité [rail-
cuise. Il a sa place marquée dans la bibliothèque de tout vrai travailleur
11r ? UAIIT (Georges). - De la chorée de Ilunli7zglo7t. In-8° de 20 pages.
Yander llaegllen. Galld, -
Siccaiuu (1'IEIlo-DIEGo). - Co7zsicle7ocio7zi su la fisiopalolonia c su 1(t
leoria del lie. lit-8- de 32 pages. MarcheIi à Ancolla.
Le rédacteur-gérant : f3ounnevu.LE.
Evreux, CI,. Ilémsssr, imp. - 10-100fit
Vol. XVIII. Décembre 1904. N" 108.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
MÉDECINE LÉGALE.
Pyromanie et puberté. -Examen médico-légal d'une
jeune incendiaire;
Par LE D' Raoul LEROY,
Médecin-adjoint de l'Asile des aliénés d'Evreux.
« Toutes les fois qu'à la campagne, dans un village, dans
une commune, des incendies se répètent à des intervalles
rapprochés, c'est qu'il existe un garçon, une fille à dévelop-
pement intellectuel ou physique incomplet, idiot, imbécile
ou épileptique; c'est sur cet infirme que doivent porter les
soupçons. » Telle est la proposition que formule Motet dans
son article Pyromanie du Dictionnaire Jaccoud.
L'état mental des incendiaires est, en effet, tout spécial.
Les médecins légistes savent que, dans l'immense majorité
des cas, les prévenus arrêtés pour incendies sont de minus
habens. Les pays qui fournissent le plus d'aliénés sont ceux
où les incendiaires sont les plus nombreux et nous avons
attiré l'attention sur le grand nombre d'incendies criminels
se produisant en Normandie parallèlement à la dégénéres-
cence alcoolique de cette région 1.
Les débiles incendiaires mettent le plus souvent le feu
par vengeance ou pour s'amuser de la vue d'un spectacle
terrifiant; rares sont ceux qui agissent sous l'influence
d'une obsession les poussant irrésistiblement' à l'incendie.
Dans ces derniers, on voit ordinairement la pyromanie
' Raoul LEROY. Contribution' à l'étude de l'alcoolisme en 11'or-
mandie. Le bilan de l'alcoolisme dans l'Eure au XIX' siècle. (Recueil des
travaux de la Société libre de l'Eure, année 1901).
Archives, 2' série, t. XVIII. 29
450 MÉDECINE LÉGALE. ' ' "
éclater à l'occasion de la puberté. Telle est l'observation de
la malade dont nous publions l'examen médico-légal. Il
s'agit d'une jeune fille de quinze ans qui, en trois jours,
alluma trois incendies chez sa patronne. Cette personne,
tarée héréditairement, avait été poussée par une obsession
véritable avec tous ses caractères classiques, obsession sur-
venue brusquement lors de l'établissement des menstrues.
Je soussigné, etc.
Au commencement de mai 1904, trois incendies éclataient en
trois jours dans la maison de la veuve M..., épicière à Broglie
(Eure), incendies n'ayant occasionné, du reste, que des dégâts
peu importants. Le feu prenait toujours dans des circonstances
mystérieuses et les gendarmes ne savaient sur qui faire porter les
soupçons lorsque, en interrogeant la petite bonne de mis M..., ils
remarquèrent que celle-ci se troublait et semblait fortement
impressionnée. Engagée à dire la vérité entière, la jeune fille
avoua ce qui suit : .
« Le lundi 2 mai, à ma rentrée d'une inhumation où Mme M...
m'avait envoyée, j'ai pris une allumette dans la cuisine avec l'in-
tention de mettre le feu. Après m'être déshabillée, je suis entrée
dans la chambre à sucre où j'ai mis le feu aux brosses en chien-
dent déposées sur les sacs de sucre, puis je suis descendue net-
toyer le jupon de ma patronne. Environ une demi-heure après, en
remontant le vêtement, j'ai vu que les appartements étaient rem-
plis de fumée et en ai informé Mme M... Hier, 4 mai, vers neuf
heures du matin, j'ai pris une allumette qui était sur la table de
nuit dans la chambre de 1\11110- M..., je suis entrée dans la chambre
de son fils et ai mis le feu à un journal qui était sous la bibliothè-
que, j'ai ensuite fermé la porte et suis descendue nettoyer le ma-
gasin...
« Vers les cinq heures du soir, étant seule à travailler dans la
cour, j'ai pris une allumette dans une boite qui était sur la che-
minée dans la petite cuisine, suis montée au grenier où étaient les
balais, ai frotté l'allumette et ai mis le feu aux balais. Lorsque j'ai
vu qu'ils flambaient, j'ai fermenta porte et suis descendue conti-
nuer mon ouvrage. Environ une demi-heure après. j'ai aperçu, de
la cour, la fumée qui sortait de la toiture, c'est alors que j'ai dit
que le feu devait encore être dans le grenier. »
. Cette jeune bonne de quinze ans, fille de parents fort honora-
bles, n'avait aucun motif, ni aucun intérêt, à allumer ainsi des
incendies chez sa patronne où elle était placée depuis cinq jours
seulement. Les renseignements fournis sur elle étaient excellents
et on doit écarter toute idée de vengeance.
Quand elle fut invitée à compléter ses aveux et à faire connaître
PYROMANIE ET PUBERTÉ. EXAMEN D'UNE INCENDIAIRE. 451
le mobile de ses actes, l'inculpée répondit : « Quelque chose de
surnaturel me poussait à mettre le feu ».
Quoiqu'on fit pour la persuader, elle resta inébranlable et
répéta invariablement les mêmes paroles.
Cette absence bien constatée de tout sujet de haine et de ven-
geance, cet acharnement dans l'exécution de l'acte criminel, cette
obligation d'une force étrangère à laquelle elle était obligée de
céder émurent M. le juge d'instruction de Bernay, qui demanda
l'examen médico-légal de la prévenue. -
Les résultats auxquels nous sommes arrivés prouvent surabon-
damment le bien fondé des scrupules de l'honorable magistrat.
G... Emilienne, âgée de quinze ans, est née le 21 mars 1888 à
Bosc-Morel, canton de Broglie (Eure).
Les antécédents héréditaires sont les suivants :
Côté paternel. Grand-père paternel mort à soixante-six ans
de tuberculose pulmonaire, sobre, de caractère très violent, colères
excessives.
Grand'mère paternelle : soixante-huit ans, bonne santé.
Cousin germain paternel : bizarre, détraqué, ayant fait à quia-
torre ans des fugues non motivées. - ,
Père : intelligent, pondéré, bonne conduite, sans stigmates phy-
siques de dégénérescence.
Côté maternel Grand-père maternel mort à cinquante-huit ans
de maladie de vessie, sobre. Grand'mère maternelle : s'est suicidée
à soixante-deux ans.
Mère : atteinte de coxalgie ; très nerveuse, très émotive, sans vo-
lonté, se laissant facilement aller au découragement. Il n'existe
dans la famille ni idiots, ni épileptiques.
L'inculpée a donc une tare héréditaire très lourde, surtout du
côté maternel. Ce fait a une très grande importapce pour expli-
quer son état mental.'Elle a trois soeurs âgées de neuf'ans, six
ans et huit mois jouissant toutes d'une bonne santé, mais la
seconde a présenté des convulsions.
Emilienne naquit à terme lorsque son père avait vingt ans et sa
mère dix-huit ; elle commença à marcher à treize mois, à parler à
quinze mois et fut propre de bonne heure.
L'enfant contracta la rougeole à cinq ans et n'eut pas d'autres
maladies infantiles.
Sa santé physique n'a jamais rien laissé à désirer, sauf de grands
maux de tête survenant quelquefois après les repas et semblant
dus à une digestion difficile.
La jeune prévenue fréquenta l'école des Soeurs de Broglie de
cinq à douze ans, c'était une enfant peu intelligente ayant de la
difficulté à apprendre et n'ayant jamais pu écrire correctement.
Son caractère très vif, très violent, se faisait souvent remarquer par
une absence complète d'équilibre, par de violentes impulsions ; « il
4S3 MÉDECINE LÉGALE.
lui prenait, dit son père, des envies de rire ou des envies déjouer
qui n'avaient plus de fin, on aurait dit qu'elle riait ou qu'elle jouait
par agacement. »
A l'Age de treize ans, c'est-à-dire en 1902, la jeune fille présenta
à différentes reprises des accès de somnambulisme nocturne. Elle se
levait la nuit, se promenait dans toute la maison et retournait se
coucher sans conserver au réveil le moindre souvenir de cet acte
automatique.
De tout temps, du reste, son sommeil était agité, entrecoupé de
rêves; ses parents l'entendaient de leur chambre rire souvent aux
éclats.
Emilienne.se plaça à treize ans chez 'Mme L..., rentière à Broglie
et resta vingt mois dans cette place (mai 1902 à janvier 1904) à la
complète satisfaction de sa maîtresse. « Je n'ai jamais eu à me
plaindre d'Emilienne, elle travaillait bien, était très convenable
et avait bon caractère. » .
Tous les renseignements s'accordent, en effet, à considérer l'in-
culpée comme une jeune fille bonne, bien élevée, travailleuse,
d'une honnêteté et d'une moralité irréprochables. Rien ne faisait
prévoir qu'elle serait un jour en prison et la chose resterait inex-
plicable sans la lumière que la psychiatrie jette sur cette affale.
Vers la lin de février ! 901, une fonction physiologique apparut
chez Emilienne, la menstruation s'établit. Les premières règles
eurent lieu le 28 février et s'accompagnèrent de troubles nerveux
(énervement, céphalée, insomnie). Les secondes règles se passè-
rent sans incident (28 mars-3 avril) ; Les troisièmes règles commen-
cèrent le 23 avril et furent exceptionnellement longues, durant jus-
qu'au 2 mai, date du premier incendie. ' .
Le 29 avril, c'est-à-dire cinq jours après le début des menstrues,
la prévenue perdit tout à fait le sommeil ; « il lui semblait voir
constamment du feu autour de son lit ». Le 30, il lui vint soudai-
nement dans l'esprit l'idée de mettre le {eu; la jeune fille repousse
cette pensée comme abominable. Le lendemain, nouvelle obsession
plus nette et plus violente.
Le 2 mai, vers les dix heures du matin, en revenant d'un enter-
rement, Emilienne est reprise de la pensée, cette fois impérieuse et
inéluctable, d'allumer un incendie; elle lutte de toutes ses forces
contre celte volonté étrangère qui s'impose à son esprit, elle tremble
des pieds ci La tète, son cour se gonfle, ses oreilles bourdonnent.
L'idée obsédante envahit tout le champ de la conscience, chasse
toutes les autres préoccupations et détermine une telle angoisse
douloureuse qu'incapable de résister Emilienne s'avoue vaincue,
prend une allumette et après avoir changé de vêtement, va mettre
le feu à un paquet de brosses de chiendent. Elle ressent alors un
extrême soulagement et une détente agréable consécutive.
Telle est la façon dont les choses se sont passées, et les mêmes
PYROMANIE ET PUBERTÉ. - EXAMEN D'UNE INCENDIAIRE. 453
phénomènes d'obsession et de lutte angoissante se sont reproduits
exactement lors du deuxième et troisième incendies, sauf un sou-
lagement consécutif moins net.
Nous nous trouvons certainement ici en présence d'une crise de
pyromanie classique : obsession consciente avec impulsion irrésistible
donnant lieu à une résistance d'intensité variable.
C'est à la prison d'Evreux où la prévenue a été transférée que
nous avons eu l'occasion de l'examiner à plusieurs reprises. Emi-
lienne G... est une jeune fille de taille moyenne, à la physionomie
douce et sympathique. Elle présente quelques stigmates physiques
de dégénérescence peu accusés (grand lobule de l'oreille, léger
prognathisme du maxillaire supérieur, voûte palatine ogivale).
Aucun trouble de la sensibilité, aucun symptôme d'hystérie.
Au point de vue intellectuel, l'inculpée, sans être à proprement
parler une débile, a certainement un niveau inférieur à la
moyenne ; elle a peu de mémoire et ne possède que des notions
sommaires. , ,
La sensibilité affective est bien développée chez elle, elle n'a
jamais cherché à faire de la peine à qui que ce soit et ne se mon-
trait pas brutale envers les animaux ; elle manifeste d'excellents
sentiments à l'égard de ses parents et se montre, à la prison,
bonne, soumise et obéissante ; elle s'occupe très régulièrement.
Emilienne ne manifeste pas beaucoup d'émotion de se voir en
prison tout en éprouvant un profond regret des actes qui lui sont
reprochés. Elle a conscience, en effet, qu'elle est la victime d'une
force involontaire.
Lorsqu'on lui demande d'exprimer les sensations qu'elle éprou-
vait sous l'influence de l'obsession, elle emploie des termes très
expressifs et très vrais :
« J'ai mis le feu parce que je ne pouvais faire autrement. »
« Cette idée m'a prise subitement, j'allais, c'était impossible de
résister ».
« C'était plus fort que moi, je marchais malgré moi ».
Il est difficile d'admettre que l'inculpée ait été capable de com-
poser un pareil système et de s'appuyer justement sur des faits
scientifiques admirablement établis aujourd'hui mais dont la con-
naissance lui est formellement interdile. Elle aurait pu se borner
à invoquer un entraînement quelconque, mais il y a loin de cette
formule banale qu'adoptent certains individus à cette révélation de
faits exceptionnels qui s'enchaînent logiquement, scientifiquement
et qui, réunis, constituent la symptomatologie d'une affection
mentale.
Bien que soumise à une force qui opprimait sa volonté, la pré-
venue agissait avec prudence et déployait une certaine habileté
pour ne pas être prise en flagrant délit. Cette particularité se ren-
contre et il n'existe aucune incompatibilité entre l'obéissance du
434 MÉDECINE LÉGALE.
patient à l'obsession et l'instinct de conservation qui lonctionne pa-
rallèlement sans qu'il y ait absorption de l'un par l'autre.
Il faut remarquer qu'Emilienne ne prenait qu'une seule allu-
mette à la fois, juste ce qui lui était nécessaire pour un incendie.
Elle donne pour motif qu'elle cédait à la passion du moment sans
avoir l'idée qu'elle pourrait bientôt recommencer. Cette obligation,
bien que susceptible de différentes interprétations, confirme natu-
rellement la forme intermittente de ses obsessions. En effet, l'acte
consommé, elle retrouvait le 'calme et se croyait débarrassée ;
mais un nouvel accès se produisant, elle revenait à ses allures pri-
mitives.
Nous considérons Ja prévenue comme une dégénérée héréditaire
chez laquelle l'apparition de la puberté a déterminé. l'éclosion de
l'obsession pyromaniaque. Cette notion des rapports de la puberté
avec l'impulsion a été admise de tout temps. Il n'est pas jusqu'au
théâtre qui n'ait mentionné ces relations et Ibsen, dans un de ses
drames les plus connus le Canard sauvage, met en scène une jeune
fille de quatorze ans qui, poussée d'abord par son évolution pubé-
rale à l'incendie, finit ensuite par se suicider.
Dans ces conditions, nous considérons l'inculpée comme irres-
ponsable de l'acte qui lui est reproché.
Nos conclusions sont donc les suivantes :
4 Emilienne G... présente du fait de sa lourde hérédité mor-
bide un état de dégénérescence mentale caractérisé par des stig-
mates physiques, la faiblesse de l'intelligence, des impulsions cons-
cientes irrésistibles ;
2° La puberté a déterminé chez elle l'éclosion de l'obsession à
mettre le feu dite pyromanie, obsession dont elle présente tous les
symptômes classiques ; -
3° Emilienne G... est entièrement irresponsable.
Cette observation est intéressante à plus d'un titre
Notons la double hérédité morbide ancestrale, concentrant
ses tares sur la jeune malade, -alors que son père est
indemne et sa mère peu touchée.
L'absence de toutes défectuosités morales.
Le peu d'importance des stigmates physiques.
L'apparition brusque de l'obsession pyromaniaque, non
pas à l'apparition de la puberté, mais lors des troisièmes
règles.. »
Celles-ci furent longues et abondantes. La jeune fille per-
dait depuis cinq jours, lorsqu'elle éprouva l'obsession.
Il est permis de supposer que le facteur anémie est venu
jouer un rôle dans la rupture de l'équilibre mental de la
jeune prédisposée.
ASILES D'ALIÉNÉS.
Aliénés criminels et asiles spéciaux.
Par LE D' V. BOURDIN,
médecin en chef de l'asile d'aliénés du Mans (Sar6e).
L'accident arrivé à notre collègue, le Dr Vallon, le distingué
médecin de l'Asile clinique, ramène l'attention sur la ques-
tion du régime des aliénés dangereux et criminels. Il est
bon,' croyons-nous, lorsqu'un malheureux événement se
produit, d'en tirer tous les enseignements qu'il comporte.
La question des aliénés criminels a été longuement traitée,
comme on sait, en août dernier, au Congrès des aliénistes et
neurologistes, tenu à Pau. Deux doctrines partagent les spé-
cialistes : les uns voudraient que les aliénés de cette caté-
gorie fussent séparés des malades ordinaires et placés dans
des asiles spéciaux, qui n'existent point en France à l'heure
actuelle; les autres, qui croient voir des difficultés à ces
mesures d'exception, demandent le maintien du stalu quo,
ou tout au moins, avant la construction d'asiles spéciaux, la
mise à l'essai de l'établissement de Gaillon (Eure), dont un
quartier était déjà réservé aux criminels devenus aliénés en
cours de peine. La prison de Gaillon ayant été désaffectée
par un vote de la Chambré, rien ne s'oppose en effet à cette
transformation.
Sans essayer de mettre d'accord les partisans de l'un et
l'autre système, nous croyons qu'il convient de bien préciser
la question avant d'adopter une solution quelconque. Cer-
tains aliénés homicides sont parfaitement inoffensifs à
l'asile; nous avons, pour notre compte, pu rendre à la
liberté, sans inconvénient, un parricide interné depuis dix
ans, et complètement guéri. En raison de son crime, on
avait toujours reculé devant l'idée d'une sortie. D'autres,
456 asiles d'aliénés.
qui n'ont jamais commis au dehors le moindre délit, sont
manifestement dangereux à l'asile et deviendraient crimi-
nels s'ils en trouvaient l'occasion. Nous soignons en ce
moment un mégalomane qui, persuadé qu'il est Dieu, exige
sa sortie, promettant sa divine protection au médecin si sa
mise en liberté peut attirer des ennuis à celui-ci; ne voyant
rien venir, il nous déclara un matin qu'il nous avait con-
damné à mort et qu'il allait, de ses propres mains, exécuter
sa sentence souveraine. Des mesures de protection spéciales
doivent être prises depuis ce jour à son égard.
En réalité, nous croyons qu'il faut s'en tenir à la distinc-
tion clinique en aliénés présumés curables et incurables.
Aux premiers, l'asile avec ses moyens d'isolement peut suf-
fire, comme le soutenait M. Keraval au Congrès de Pau;
pour les autres, lorsqu'ils sont dangereux, qu'ils aient été.
ou non criminels, l'asile spécial s'impose, et nous nous en
déclarons partisan dans ces limites. Le Dr Vallon nous sem-
ble avoir émis une pensée analogue, lorsque au Congrès il
proposait que l'asile spécial fût réservé à ceux des aliénés
criminels qui troublent constamment la tranquillité des
asiles et nécessitent des mesures de répression en opposi-
tion avec la conception moderne de l'asile-hôpital.
Que l'on ne nous objecte pas qu'on ne peut savoir si ces
aliénés sont particulièrement dangereux, et que tous peu-
vent le devenir à un moment donné. Il est hors de conteste
que le médecin d'asile, après un certain temps de séjour
d'un malade, sait parlaitement si ce malade est à redouter;
c'est moins chez l'aliéné une affaire de troubles morbides
que de caractère, et l'observation quotidienne des infir-
miers, jointe à la sienne propre, suffira dans la plupart des
cas à fixer définitivement le médecin. Ce ne sera pas parce
que certains aliénés auront eu des périodes d'agitation
durant lesquelles ils se seront montrés plus ou moins vio-
lents, que ces malades seront étiquetés dangereux; beau-
coup de ceux-là, redevenus calmes, sont inoffensifs et peu-
vent être occupés sans danger; il suffit à leur égard de
prendre des précautions durant la phase d'excitation. On
devra plutôt tenir compte des actes commis au dehors, des
menaces faites et prouvées, des renseignements fournis par
la famille ou les voisins; au besoin, une enquête spéciale
devra pouvoir être ordonnée et faite, avec le concours du
ALIÉNÉS CRIMINELS ET ASILES SPÉCIAUX. 457
médecin, avant que tel aliéné soit classé dans les dangereux.
Surtout on devra attendre un certain minimum de temps
d'observation, minimum à fixer, avant de requérir l'admis-
sion à l'asile spécial.
Qui prononcera cette'admission ? A notre avis, ce ne peut
être que l'autorité judiciaire. On a dit que cette interven-
. tion de la justice était fâcheuse, que les magistrats n'auraient
point la compétence nécessaire, et que si un médecin civil
éprouve déjà de l'hésitation pour délivrer un certificat à fin
d'internement, à plus forte raison une décision analogue
.prise par un magistrat ne devrait offrir aucune garantie.
Toutes ces considérations ont leur valeur; mais, à notre
avis, l'arrêt de la justice ne devrait être rendu qu'après un
temps donné d'examen du malade à l'asile, et bien plus, son
intervention ne se produirait qu'à la demande même du
médecin traitant. C'est lorsque celui-ci jugerait que le ma-
lade n'offre que peu ou point de chances de guérison, qu'il
est dangereux, soit par les faits qui lui sont imputés alors
qu'il était en liberté, soit par les tendances qu'il a manifes-
tées à l'asile, ce n'est qu'alors que le médecin solliciterait
de la justice le transfert à l'asile spécial.
Mais il est indispensable que la responsabilité du médecin
soit dégagée dans une mesure de ce genre; et l'autorité
administrative, loin de couvrir le médecin, s'appuierait
nécessairement sur le certificat ou le rapport délivré par
celui-ci. Or, s'il nous est possible de prendre entière la res-
ponsabilité d'un traitement, il ne nous appartient pas de
décider quelle mesure il convient d'appliquer pour mettre la
société à l'abri des atteintes d'un criminel ou d'un individu
susceptible de le devenir. L'autoritéjudiciaire, au contraire,
a toute qualité pour trancher la question; le médecin n'in-
tervient que comme conseil, comme partie plaignante, si
l'on veut; le juge, avant de prononcer l'envoi à l'asile spécial
de l'aliéné qui lui est signalé comme dangereux, aurait
naturellement pour devoir de se renseigner aussi complète-
ment que possible . auprès des familles, des municipali-
tés, etc. Il pourrait même ordonner le maintien à l'asile-
hôpital si les faits ne lui paraissaient pas probants.
Envisageons maintenant, de façon sommaire, ce que
pourra être l'asile spécial. A vrai dire, la question de l'orga-
nisation détaillée de cet asile ne pourra être étudiée que
458 asiles D ALIENES.
lorsque le principe de sa création aura été admis. On peut
pourtant supposer qu'on y fera peu de traitement. Les ma-
lades dangereux sont par définition même peu faciles à trai-
ter et, de plus, en cas d'amélioration ou de guérison, on peut
toujours craindre une rechute, se traduisant chez l'aliéné
meurtrier par un nouvel homicide. Dans ces conditions, il
serait difficile de blâmer l'administration qui refuserait,
malgré l'avis du médecin, d'accorder la sortie. Pour le par-
ricide, dont nous avons parlé, nous n'avons obtenu la mise
en liberté qu'en proposant que cet homme restât soumis à
une certaine surveillance de la part du maire de son village,
et qu'il fût visité d'office, de temps à autre, par un médecin*
de la localité. %
Si l'on ne fait pas de traitement dans l'asile spécial, on
est en droit de redouter qu'il ne diffère guère d'une prison.
Et dès lors nous nous défierons de ces asiles nouveaux, s'ils
doivent ressembler à certains asiles dits de sûreté que l'on
trouve annexés à des asiles ordinaires. Nous avons eu l'oc-
casion de visiter récemment, à l'étranger, un de ces quartiers
de sûreté, et nous sommes resté glacé d'effroi devant ces
murailles d'une hauteur démesurée, ces portes munies
de solides barreaux de fer contre lesquels se pressaient de-
malheureux déments à la figure hâve, les poings serrés, se
répandant en imprécations et en menaces contre leur méde-
cin devenu leur geôlier, presque leur bourreau. Le confrère
qui nous accompagnait nous déclara qu'il ne pénétrait
jamais dans ce quartier, assuré qu'il n'en sortirait pas
vivant. La précaution nous parut sage en effet, mais nous
avons peine à croire que ce soit là l'idéal du traitement ( ? )
pour aliénés dangereux.
Le but de cet article est de soumettre à l'appréciation de
nos collègues une solution plus humaine, en même temps
que tout aussi efficace pour la sécurité générale. Cette me-
sure, c'est la relégation.
La relégation, c'est-à-dire le transfert à vie dans une terre
lointaine, est applicable, depuis la loi de 1885, aux récidi-
vistes ayant encouru des peines déterminées. Mais il existe
dans cette loi un article (art. 18, loi du 27 mai 1885) en
vertu duquel un condamné peut être dispensé provisoire-
ment ou définitivement de la relégation pour cause d'infir-
mités ou de maladies. L'aliénation est une de ces maladies;
aliénés criminels ET asiles spéciaux. 459
aussi le nombre des simulateurs a-t-il subi une singulière
recrudescence depuis la mise en vigueur de la loi, ainsi que
le signalait le Dr Garnier, il y a quelques années. Exempter
de la relégation un criminel parce qu'il est aliéné, nous parait
une erreur, explicable encore en 1885 lors de la promulga-
tion de la loi, mais qui n'a plus de raison d'être aujourd'hui.
Actuellement., en effet, l'on tend à placer les aliénés inof-
fensifs en colonies qui leur assurent une bien plus grande
somme de liberté. Ces colonies conviennent surtout aux
aliénés inoffensifs et regardés comme incurables, la colonie
n'étant pas à proprement parler un, instrument de traite-
ment.-Lorsque ces malades viennent à s'agiter, on les réin-
, tègre dans un asile ordinaire, dit fermé, et la menace seule
de cette réintégration a souvent suffi à les calmer.
Ne pourrait-on transformer de même en colons, dans
quelqu'une de nos lointaines possessions, les aliénés dange-
reux ? Loin de la métropole, l'idée de l'évasion cesserait vite
de les hanter; ils pourraient accomplir la, sous la surveil-
lance de gardiens spéciaux, un travail utile et rémunérateur
et ils jouiraient d'une liberté relative que ne leur donnera
jamais l'asile spécial créé dans la mère-patrie. Un bâtiment
central serait annexé à la colonie, et servirait à la fois d'in-
firmerie et de lieu de refuge temporaire pour les aliénés trop
turbulents -pendant leurs accès» d'agitation. La relégation
étant perpétuelle, la Société recevrait toutes les garanties
d'ordre et de sécurité qu'elle est en droit d'exiger.
Nous disons que la relégation de l'aliéné dangereux doit
être à vie : il est impossible, à notre avis, de l'admettre
autrement. Même si le malade venait à guérir ou du moins .
s'améliorer notablement, nous pensons qu'il devrait rester à
la colonie, où l'on pourrait le séparer de ses compagnons,
lui attribuer une concession de terre à cultiver, etc. ; mais
admettre la possibilité d'un retour, c'est s'exposer à des
revendications passionnées de la part des familles, à des
attaques de journaux, poursuites contre les médecins, etc.,
et surtout à de nouveaux crimes en cas de rechute. Et puis,
la justice ne peut prononcer la relégation que pour un temps
déterminé, soit un nombre donné d'années, soit la vie
entière; elle ne peut condamner un malade à l'asile spécial
jusqu'à sa guérison, ce terme n'ayant en définitive qu'une
valeur conventionnelle.
460 asiles d'aliénés.
C'est précisément en raison de toutes ces considérations
que la construction de l'asile spécial sur sol français est
grosse de périls. On n'a déjà que trop de tendance dans le
public à considérer les asiles actuels comme des bastilles
modernes, malgré tous les progrès réalisés dans l'hospitali-
sation des aliénés : que dira-t-on de l'asile spécial ? Réflé-
chissons-y bien : l'établissement dé maisons de ce genre
dans notre pays de franche liberté soulève de bien sérieuses
objections, et nous craignons que nos collègues qui font
cette proposition m'aient pas suffisamment envisagé les
dangers d'ordre moral qu'elle présente. '
Pour résumer nos idées, nous conclurons :
, I. Le maintien dans les asiles ordinaires des aliénés dan-
gereux est inadmissible. C'est un élément de trouble qui ·
apporte une réelle entrave au bon fonctionnement de ces
établissements et à la cure des malheureux qui doivent y
être traités. ,
II. L'asile spécial s'impose, à condition qu'on y place ceux
des aliénés criminels qui sont restés dangereux et ne parais-
sent point curables après un temps suffisant d'observation;
et aussi les aliénés non criminels, mais réellement vicieux
et intraitables, jugés dangereux par le médecin d'asile-
hôpital et susceptibles de devenir criminels, à coup sûr inso-
ciables. t
III. L'établissement de ces asiles spéciaux dans la métro-
pole est peu pratique et soulève une foule d'objections.
IV. La relégation à vie des aliénés dangereux est la solu-
tion la plus acceptable; elle sera prononcée par un tribunal
après enquête.
V. L'asile spécial n'a de raison d'être qu'à condition
d'être annexé à une colonie d'aliénés criminels; ces malades
en effet ont droit dans la mesure du possible à bénéficier des
'progrès réalisés dans le régime des aliénés incurables.
Les Archives de Neurologie sont ouvertes à toutes les opinions
scientifiques. Aussi n'avons-nous pas hésité à donner l'hospitalité
au très intéressant travail de M. le Dr Bourdin, tout en faisant des
réserves expresses sur la création d'asiles spéciaux pour les alié-
nés dits criminels et sur la rélégation. 13.
CLINIQUE NERVEUSE.
Imbécillité; hémiplégie gauche; épilepsie; état de
mal mort; atrophie considérable de l'hémisphère
cérébral droit. 1
Par BOURNEVILLE ET Reine MAUGERET
Sommuhe. Père et sa famille, rien de particulier. Petite cou-
sine, hémiplégie gauche congénitale. Mère, rien. Grand-père
paternel, mort de tuberculose ( ? ). Oncle et tante maternels, excès de
boisson. Attire tante, crises de nerfs. Autre tante, intelligence
médiocre, cataracte. - Cousine germaine, épileptique. Pas de
consanguinité- Egaille d'âge.
Conception, grossesse, accouchement, naissance, rien de particu-
lier .
Première dent à huit mois; dentition complète à deux ans et
demi. Début de la marche, de la parole, de la propreté ci dix
mois. Etat de mal convulsif à onze mois, pendant trois jours :
prédominance des convulsions à gauche : Hémiplégie gauche con-
sécutiue et arrêt de l'intelligence. Suppressio/i de la marche
qui ne l'evient qu'a cinq ans. Coqueluche à quatre ans. Début
de l'épilepsie à deux ans et demi; accès sériels.
Etat du malade à Ventrée : Hémiplégie gauche, atrophie et con-
fracture. - Marche des accès. Etal de mal, élévation progressive
de la température : mort. Température et poids après décès.
lrozsce. Asymétrie de la base du ci-dize : rétrécissement des
fosses à drode; épaississement notable du frontal et du pariétal
droits. - Atrophie considérable de l'hémisphère cérébral droit;
des nerfs et des artères de la base de l'encéphale; Dégénéra-
tions secondaires.
Persistance du thymus. Tubercules cicatrisés. Ilypertro-
phie du cceur. Ilydatides des testicules.
Ham... (Jean-Marie), né le 18 août 1886 à Milhac de Nontrou
(Dordogne), est entré à 131célre le-13 mars 1903, et y est décédé le
23 octobre 1903.
462 recueil DE faits.
Antécédents. (Renseignements fournis par son père et par sa tante
maternelle). Père, cinquante-deux ans, terrassier, exempté du ser-
vice militaire par un frère sous les drapeaux; il n'a eu ni convul-
sions, ni chorée, ni fièvre typhoïde, ni rhumatismes, ni derma-
toses, ni syphilis. Il a fait, avant son mariage, quelques excès de
boisson, mais est actuellement très sobre, ne fume pas, est de
caractère doux, n'a pas de migraines. Son père, potier, mort il
soixante-sept ans de pneumonie, était sobre. Sa mère, morte à
soixante-dix-sept ans de vieillesse, ni démente, ni paralytique,
était sobre. Grands-parents paternels sobres, morts, ni déments,
ni paralysés, le grand-père à quatre-vingt-dix-sept ans, la grand
mère à soixante-dix. Grand-pare7tls maternels, morts, le grand
père à soixante-dix ans, la grand'mère à soixante-huit; pas de
détails sur eux. Une tante paternelle, morte on ne sait de quoi,
aurait eu deux enfants bien portants. Deux oncles et une tante ma-
lernels, décédés/de maladie inconnue, n'auraient pas eu d'attaques.
Deux frères et une scc2cr, bien portants, sobres, n'ont pas eu de con-
vulsions ; leurs enfants, six garçons et deux filles, sont en bonne
santé et n'ont pas eu de convulsions. Une cousine au second degré,
du côté maternel, est venue au monde paralysée du côté gauche;
elle a beaucoup de peine à marcher, mais ne serait pas arriérée et
n'aurait pas d'accès. Dans le reste de la famille, rien autre à signa-
ler.
MÈRE, morte à quarante-cinq ans. il y,a un an, de « chlorose »,
elle toussait beaucoup, avait beaucoup maigri, était jaune pâle,
avait eu une perte un mois avant sa mort; elle n'avait eu ni con-
vulsions, ni fièvre typhoïde, ni rhumatismes, ni dermatoses, ni
syphilis; elle était très sobre, d'un caractère très doux, et n'avait
pas de migraines. Son père est mort à quarante-sept ans, de tuber-
culose suivant son gendre, d'un cancer « dans le côté gauche » suri-
vant sa fille; on ne croit pas qu'il fut buveur. Sa mère, âgée de
soixante-treize ans, est bien portante, sauf un affaiblissement de
la vue. Pas de renseignements sur les grands-parents paternels et
maternels. Pas d'oncles et tantes ni paternels ni maternels. Trois
frères, dont l'un fait de nombreux excès de boisson, les deux autres
sont mariés et comme leurs enfants sont bien portants. Quatre
sce7crs : l'une mariée, sans enfants, est morte usée par la bois-
son ; les trois autres sont bien portantes, sobres, et deux d'entre
elles ont des enfants également sains; de ces trois soeurs vivantes,
l'une aurait eu des crises de nerfs mal déterminées, dans lesquelles
elle ne perdait pas connaissance; une autre, celle qui donne une
partie de ces renseignements, est calme, d'une intelligence mé-
diocre, parait avoir une cataracte de la première enfance, a eu, de
dix à treize ans des fièvres intermittentes dans son pays (près de
Lannion), qu'elle a quitté à dix-neuf ans, elle a quatre enfants bien
imbécillité, hémiplégie gauche, épilepsie. MAL mort. 463
portants. Huit neveux et deux nièces en bonne santé; une nièce de
dix-sept ans, épileptique. Dans le reste de la famille, rien à signa-
ler d'anormal. Pas d'autre épileptique.
Pas de consanguinité. Père et mère, tous deux des Côtes-du-
Nord, mais de communes différentes. Égalité d'âge.
Quatre enfants : 1° garçon mort du croup à un an, pas de con-
vulsions ; 2° garçon, dix-huit ans. pas de convulsions, bien portant,
sert les maçons; 3° le malade; 4° fille, neuf ans, pas de convulsions.
Le malade. - Rien de particulier à la conception. Rien non plus
à signaler pendant la grossesse, ni traumatismes, ni ennuis, ni
troubles morbides d'aucune sorte, ni maladies infectieuses. Parez
miers mouvements du foetus à quatre mois et demi. Accouchement
à terme naturel, parle sommet; durée du travail, six heures; pas
de chloroforme; quantité des eaux de l'amnios normale. Pas d'as-
phyxie à la naissance, pas de circulaire autour du cou. L'enfant
semblait bien portant et pesait cinq livres et demie; ses premiers
cris ont été naturels. Allaitement au sein par la mère; sevrage à
deux ans. Première dent à huit mois. Dentition complète à deux
ans et demi. Début de la parole, de la marche et de la propreté à
dix mois. Pas de renseignements sur la date de la fermeture des
' fontanelles.
A onze mois, l'enfant, qui jusque-là était absolument normal, eut
des convulsions. Il resta trois jours sans connaissance, « il y avait
des moments où il était raide comme un bout de bois » ; pas de
détails sur les secousses cloniques, mais les convulsions Précloml-
nuient du côté gauche; les yeux n'auraient pas été tournés; il y eut
des évacuations involontaires. Après ces trois jours de convulsions,
l'enfant resta paralysé du côté gauche; c'est quatre à cinq jours
après ( ? ) que l'on constata la raideur du bras et de la jambe; le
pied n'aurait jamais été tourné.
Auparavant, IL.. était très fort, et le père affirme qu'il marchait
seul depuis une dizaine de jours : à partir de ce moment, il ce<sa
de marcher pour ne plus remarcher qu'à cinq ans. Avant les convul-
sions, le père répète que son enfant était intelligent, prononçait
quelques mots tels que papa, maman, riait, s'amusait, était cares-
sant ; après les convulsions, il perdit les quelques mots qu'il pronon-
çait, il ne jouait plus et paraissait triste. Son sommeil resta bon..
On ne sait à quelle cause attribuer ces convulsions. Il n'y en aurait,
d'ailleurs, jamais eu d'autres.
Vers deux ans et demi, apparurent des accès épileptiques. Ces
accès survenaient par séries, surtout au moment des changements
de température ; d'autres fois, trois mois s'écoulaient sans qu'il
s'en produisit. Le maximum des accès parait avoir été de six en
464 RECUEIL DE faits.
vingt-quatre heures. Mais le père peut mal préciser la marche de
la maladie. Il semble cependant qu'avec l'âge les accès soient deve-
nus moins fréquents. Ils étaient aussi bien nocturnes que diurnes.
Aucun renseignement sur les accès nocturnes. En ce qui concerne
les accès diurnes, pas d'aura, pas de cri; l'enfant ne tombait pas,
mais s'appuyait seulement sur ce qui se trouvait à sa portée. ou bien
s'asseyait. Le côté droit restait tout à fait indemne. Du côté gauche,
il y avait un tremblement très prononcé du membre inférieur; il
s'agit, d'après ce que montre le père, de trépidation avec frappe-
ment du talon sur le sol; le bras ne tremblait pas. A la fin de la
crise qui durait environ deux minutes, il y avait deux ou trois
secousses cloniques, à amplitude assez large, dans le bras gauche,
mais aucune dans la jambe gauche. Aucune modification du côté
droit. Aucune non plus à la face, pas de congestion, pas de dévia-
tion des yeux. Un peu de bave filante. Ni miction, ni défécation
involontaires. A la fin de l'accès, l'enfant parfois « rigolait », sou-
riait, d'autres fois avait quelques larmes ; mais aussitôt la crise
passée, il redevenait tel qu'auparavant.
Le caractère de l'enfant est très doux. Pas d'accès de colère. Pas
de mauvais instincts, vol, gourmandise, salacité, pyromanie, clas-
tomanie. Pas d'onanisme. Pas de turbulence. Les fonctions diges-
tives sont normales, mais l'enfant bave en mangeant; pas de cons-
tipation ni de diarrhée, ni rumination, ni gâtisme. Pas de vers
intestinaux. Pas de bronchite ni d'hémoptysie. La sensibilité géné-
rale est normale. Au point de vue sensoriel, l'enfant verrait moins
bien de l'oeil gauche; mais aucune différence en ce qui concerne
l'odorat ni l'ouïe. Jamais d'hallucinations ni de folie. Les senti-
ments affectifs sont développés : l'enfant est obligeant, et aime
bien son père et ses frères et soeurs. Il n'est- pas impressionnable.
Pas de renseignements sur des vertiges possibles. 11 ne se plaint
jamais de la tète. Ni grincements de dents, ni grimaces, ni tics.
Le sommeil est bon, sans rêves, ni cauchemars, ni accès de cris;
pas d'attaques de sommeil, pas de somnambulisme. Très peu de
mémoire, pas de raisonnement. L'enfant est allé à l'école de sept à
quatorze ans. il n'apprenait rien, mais on le gardait, parce que ses
crises n'attiraient pas l'attention : il n'y est plus allé et est resté
seul à la chambre depuis la mort de sa mère (il y a un an) « parce
qu'il est trop vieux »; il ne sait ni lire ni écrire.1 Aucune aptitude
particulière. Il ressemble à son père physiquement, et à sa mère
psychiquement. Pas de renseignements sur les traitements suivis;
sa mère le conduisait au dispensaire Furtado-Heine et lui donnait
les médicaments délivrés. Aucun traitement depuis trois ans. Une
seule maladie infectieuse, la coqueluche à quatre ans. Pas d'acci-
dents scrofuleux, ni de rachitisme. Aucun traumatisme céphalique
ou autre. -
IMBÉCILLITÉ, HÉMIPLÉGIE GAUCHE, ÉPILEPSIE. 4G5
Température ci l'entrée (t3-18 mars). '
466 RECUEIL DE FAITS.
lantes. Joues régulières, légèrement rosées. Bouche assez grande,
horizontale. Lèvres et langue peu épaisses. GoÛt normal. Voûte pa-
latine profonde, légèrement ogiyale. Luette et pharynx normaux ;
amygdales peu volumineuses; pas de végétations adénoïdes. Pro-
gnathisme du maxillaire-supérieur avec les dents très serrées et
quelques caries; au maxillaire inférieur, rien de particulier, quel-
ques caries. Mastication normale. Menton rond, sur le même plan
que le maxillaire supérieur. Oreilles normalement implantées, un
peu écartées du crâne ; hélix normal, assez bien ourlé, léger tuber-
cule de Darwin; anthélix, tragus et antitragus normaux; lobule
non adhérent. Ouïe bonne. ,
Cois : circonférence, 29 centimètres. Corps thyroïde normal.
Membres supérieurs. Le membre supérieur gauche est atrophié,
les masses musculaires ont presque disparu. Il est cyanose et froid,
surtout au niveau de l'extrémité. Un léger duvet le recouvre. Le
bras est collé au tronc; l'avant-bras fléchi sur le bras angle droit,
et en pronation ; la main légèrement fermée, le pouce en dedans.
Le membre entier présente une contracture presque invincible ; les
mouvements spontanés y sont trop insuffisants pour permettre à
l'enfant de s'en servir utilement. La sensibilité y est diminuée au
tact, à la température, à la douleur. Pas d'hémichorée, ni d'hémi-
athétose. Sur les mains, les mêmes taches que sur le visage. -
Le membre supérieur droit est normal.
Membres inférieurs . - Le membre inférieur gauche est atrophié
comme le supérieur, aussi bien dans sa longueur que dans son
volume. Un léger duvet le recouvre de même. La cuisse est en
extension sur le bassin, la jambe en extension sur la cuisse, le
pied en extension sur la jambe. Le membre entier est paralysé et
en état de contracture. La sensibilité y est diminuée au tact, à la
température, à la douleur.- Réflexe rotulien exagéré; trépidation
spinale. Réflexe de Babinski en extension. La marche se fait pres-
que en équinisme, le talon touchant à peine la terre. L'enfant couit
rarement, et le saut lui est difficile (Fig. 14).
Thorax régulier. Respiration costo-abdominale. Rien d'anormal
à la percussion et à l'auscultation des poumons ; de même qu'à
celles du coeur. Pouls plein et vibrant. Abdomen : rien d'anormal
à la palpation et à la percussion du foie, de la rate, des fosses
iliaques. Les deux côtés du tronc sont à peu près semblables.
Organes génitaux et puberté. La lèvre supérieure, la lèvre in-
férieure, les joues, le menton, sont glabres; dans les aisselles,
quelques poils roux : thorax sur les deux faces, ventre et fesses,
glabres ; sur le pénil, quelques poils roux frisés; verge, longueur
9 cm. 5, circonférence 8 cm. 5 ; bourses normales ; testicules, du
volume d'une noix, le gauche est plus petit ; périnée et anus, gla-
bres ; les membres supérieur et inférieur droits, glabres; les mem-
bres supérieur et inférieur gauches, recouuerts d'un léger duvet.
IMBÉCILLITÉ, HÉMIPLÉGIE GAUCHE, ÉPILEPSIE. 467
Au point de vue fonctionnel, peu de chose à signaler. Les fonc-
tions digestives s'accomplissent bien ; l'enfant a bon appétit, il pré-
fère le lait au vin, digère bien, a des selles régulières mais avec
tendance à la constipation ; ne gâte jamais. La respiration est
normale. La sensibilité générale est diminuée du côté gauche.
Intelligence très peu développée. Parole naturelle, mais l'enfant
ne fait que répondre aux questions qui lui' sont posées, et cela
toujours à voix basse.
Poids à l'entrée, 38 kilog. 600. Taille, 9"'48. Les urines ne
contiennent ni sucre, ni albumine.
^Traitement : hydrothérapie ; élixir polybromuré, de 1 à 3 cuille-
rées ; école.
Fig. 14. - Ham... en mars 1903.
468 RECUEIL DE FAITS.
Mars. Ni accès ni vertige. Avril : un vertige. Mai : ni
accès ni vertige.
Juin. - Un accès, un vertige. 12, juin, l'enfant est revacciné avec
succès. Le caractère de l'enfant est sombre, doux et timide; il se
borne à répondre quand on lui parle, mais jamais n'entame la
conversation de lui-même, et parle toujours à voix basse. Il n'est
pas du tout affectueux, ni avec les autres ni avec les infirmiers ;
il est même indifférent pour tout le monde. Il serait un peu sour-
nois. Il se laisse guider avec docilité et n'est pas grossier. Il s'est
habitué facilement dans le service, et on ne l'a jamais vu pleurer;
mais il ne rit ou sourit que rarement, rien ne parait le distraire.
Il procède lui-même à tous les soins de sa toilette, bien qu'avec un
peu de maladresse et de nonchalance. Il n'a ni tics ni manies.
Son sommeil est régulier, sans cauchemars ni hallucinations. Lors
de ses accès, il dit avoir un peu mal à la tête, mais seulement s'il
est interrogé, car il ne se plaint jamais. Lors de son entrée, il a
été placé dans la troisième classe. Eu ce qui concerne la lecture, il
a été mis à la deuxième partie du syllabaire Regimbeau, phrases
de lecture courante, bonne articulation. Ecriture mal assurée, un
peu tremblée. En calcul, il ne fait que l'addition, lit et écrit des
nombres comprenant des centaines. Aucune notion d'histoire ni
de géographie. Connaissances usuelles peu développées : il a quel-
ques notions sur les couleurs, sur les animaux les plus communs,
sur les métiers, sur les légumes et quelques céréales. Depuis son
entrée, il a fait quelques progrès; il est docile et attentif, fait
preuve de beaucoup de bonne volonté et s'applique de son mieux.
Sa tenue est bonne, son caractère bon et serviable, il ne taquine
jamais ses camarades :
Juillet.- Deux accès, deux vertiges. Août - Un accès, pas
de vertige. Septembre : Ni accès, ni vertige.
Octobre. Les accès reparaissent et deviennent, à partir du 18,
plus fréquents qu'ils n'ont jamais été ils se produisent surtout la
nuit. On en compte 27 du 14octobre au 23..
Le 23, l'enfant qui en a eu plusieurs dans son dortoir, est trans-
féré à l'infirmerie, à 7 heures et demie du matin. Sa température
à 8 heures du matin est de 37°,7. A 9 heures, un accès, qui dure
environ deux minutes. De 9 heures à 2 heures de l'après-midi, ni
accès ni vertige ; l'enfant dort, de 10 heures à midi, la tempéra-
ture à ce moment est de 38° ; aucun malaise apparent, mais l'en-
fant, interrogé, accuse un léger mal de tête. A plusieurs reprises,
lotions vinaigrées et sinapismes. Vers 2 heures de l'après-midi,
nouvel accès, qui est le début d'un état de mal : 7 accès se succè-
dent, à intervalle de dix minutes ou un quart d'heure. Lors du
premier, la température est de 37°,G au moment du ronflement,
de 37°,9, un quart d'heure après, de 37°8 deux heures après.
L'enfant sent venir les crises : « Cela va me reprendre, dit-il, les
IMBÉCILLITÉ, HÉMIPLÉGIE. ÉTAT DE MAL ÉPILEPTIQUE. 469
doigts me piquent », et aussitôt, il est pris d'un tremblement géné-
ral, les secousses sont plus fortes du côté gauche, la bouche est légè-
rement convulsée, sans déviation accusée ni à droite ni à gauche,
le nez est pincé, les paupières battent vivement, les yeux sont
demi-ouverts, non injectés, les pupilles sont fortement dilatées,
surtout la droite, la face est congestionnée. Presqu'aussitôt l'ac-
cès terminé, l'enfant pâlit. Pendant les accès, il conserve son
entière connaissance, interrogé à plusieurs reprises, il répond, bien
qu'avec difficulté à cause des secousses ; on lui demande s'il
souffre, il répond : « Oui, un peu, j'étouffe et j'ai mal à la tête. »
Lors de l'approche d'un accès. il dit encore : « Je voudrais bien
m'empêcher de trembler de la sorte, mais je ne peux pas me rete-
nir ». Les 7 accès successifs sont semblables, et se produisent à
environ dix minutes d'intervalle; ni bave, ni mousse, pas d'évacua-
tion involontaire d'urine ou de matière ni pendant ni après. Tempé-
rature prise lors d'un accès : au moment du ronflement, 37°,6 ;
cinq minutes après l'accès, 38°,2 ; un quart d'heure après l'accès,
38°,5. Traitement : lotions vinaigrées, sinapismes, bain sinapisé,
lavements purgatifs, une cuillerée d'élixir polybromuré, inhala-
tions de nitrite d'amyle. Un peu après 5 heures, huitième accès ;
subitement, l'enfant se congestionne, le cou et les oreilles sont
d'un rouge pourpre, la figure boursouflée, les yeux légèrement
injectés, les lèvres noirâtres; mêmes secousses des membres et
même battements des paupières que dans les accès précédents, sans
non plus de morsure de la langue, ni de bave, ni mousse ; mais
cette fois un fort bruit de déglutition, et une évacuation abondante
succédant à un' second lavement, le premier n'avait pas agi.
L'accès dure deux minutes environ. Le malade se plaint fortement
à trois ou quatre reprises, mais cette fois il avait perdu connais-
sance. Brusquement, le visage pâlit, les membres s'allongent, et
l'enfant rend le dernier soupir à 5 h. 20 du soir.
470 RECUEIL DE FAITS.
Tableau des accès et des vertiges.
ÉTAT DE MAL, MORT. 471 I
ques dizièmes de degré sous l'influence de l'accès (Voir pour com-
paraison le tableau de la T. à l'entrée, p. 465).
Autopsie, faite le 25 octobre 1903 à 10 heures du matin, soit qua-
rante-une heures après décès.
Cou. = Persistance du thymus (37 grammes). Corps thyroïde,
14 grammes.
Thorax. Poumons fortement congestionnés; le droit présente
des cicatrices de tubercules, il n'en existe pas à gauche.
C031l1' énorme (250 grammes), surchargé de graisse. Pas de per-
sistance du trou de Botal. Pas de lésions valvulaires. Dilatation
assez sensible de l'aorte.
Abdomen. - Rien de particulier à l'estomac, ni à l'intestin, ni à
l'appendice, lequel mesures 12 centimètres de longueur. Rien non
plus au pancréas ni à la rate. Foie volumineux et très congestionné;
la vésicule biliaire ne présente rien de spécial et ne contient pas
de calculs. Reins se décortiquant facilement et n'offrant pas de
lésions. Rien de particulier aux capsules surrénales ni aux organes
minaires. Le testicule gauche présente, sur l'épididyme, une hyda-
tide pédiculée, dont le pédicule mesure presque un centimètre, et
à son pôle antérieur, une hydatide sessile. Sur le testicule droit,
même disposition, mais le pédicule est moins long.
Tète. Cuir chevelu assez épais, un peu congestionné. Crâne :
dur, épais, très épais même dans sa moitié droite, correspondant
au foyer cérébral (le frontal droit mesure 9 millimètres, le pariétal
6 millimètres) ; la moitié gauche est notablement moins épaisse (le
frontal gauche mesure 3 millimètres, le pariétal 3 millimètres). La
moitié droite de l'occipital participe à cette hypertrophie osseuse
(1-"ig. 15).
Il n'y a pas de plaques transparentes sur la moitié droite, hyper-
trophiée du crâne, tandis qu'il en existe de nombreuses-sur la
moitié gauche. Le frontal, dans toute sa moitié droite et la partie
voisine du frontal gauche (légèrement hypertrophiée) ainsi que le
pariétal et l'occipital droits sont gras et d'un gris violacé, indice
d'nne congestion intense. La suture coronale et les deux ou trois
centimètres antérieurs de la suture interpariétale sont peu dente-
lées, le reste de cette suture et la suture pariéto-occipilale sont
très dentelées.
Extérieurement l'occipital fait une saillie notable sur le pariétal
à gauche, très légère à droite.
Une grande quantité de liquide s'écoule lors de l'enlèvement du
cerveau; une certaine quantité s'écoule encore à l'incision de la
dure-mère. La fosse orbitaire est rétrécie par suite de l'épaisseur
considérable du frontal. Apophyse crista-galli mince, triangulaire,
presque collée contre la fosse orbitaire droite. Apophyses clinoïdes
antérieures effacées, les postérieures au contraire très volumi-
472 RECUEIL DE FAITS.
neuses. Fosse occipitale droite un peu moins longue que la gauche.
Pie-mère légèrement vascularisée sur les deux hémisphères, et
d'une façon générale. Glande pituitaire, un peu grosse et un peu
dure. -
Cerveau. - A l'examen du cerveau, ce qui frappe immédiate-
ment, c'est l'atrophie très considérable de l'hémisphère droit. Nerf
olfactif droit, aplati et gris. Nerf optique droit, et surtout
la bandelette beaucoup plus petit que le gauche (PL. V).
Tubercule mamillaire droit, gris et aplati, trois fois au moins plus
petit que le gauche. Artère communicante droite beaucoup plus petite
que la gauche; il en est de même de la sylvienne, de la cérébrale
Fig. 15. - Crâne de Ham...
SCLÉROSE ATROPHIQUE DE L'HÉMISPHÈRE DROIT. 473
antérieure, de la cérébrale postérieure. Les faces internes des lobes
frontaux sont accolées l'une à l'autre.
Le bulbe et la protubérance sont bien moins larges et moins
bombés à droite qu'à gauche; la pyramide antérieure droite est
tout à fait effacée.
La coupe des pédoncules cérébraux montre que le droit est d'au
moins un quart plus petit que le gauche. L'atrophie porte sur la
largeur et davantage sur la hauteur.
Le cervelet et l'isthme pèsent 137 grammes. L'hémisphère céré-
bel/eux droit (73 gr.) est considérablement plus volumineux que le
gauche atrophié (43 gr.) (l. V, VI).
Voici d'ailleurs leurs dimensions : ... -
474 RECUEIL DE FAITS.
.
très diminuées sans être sclérosées. Tout le lobe temporal est
atteintde sclérose ve1'micellée. En résumé la lésion forme un demi-
cercle, comprenant : 10 le lobe frontal ; 2° le lobe temporel; 3° les
plis pariétaux inférieur et supérieur et le pli courbe, demi-cercle
qui encadre la frontale et la pariétale ascendantes. (PL. VIII et IX).
La Planche VI montre une longue bande noire répondant
à la scissure interhémisphérique : elle tient à l'ABSENCE Du
corps calleux, sur laquelle nous reviendrons.
sclérose atrophique CROISÉE : cerveau ET CERVELET. 475
a. L'affaiblissement de l'intelligence peut être rattaché ici
à l'imbécillité : physionomie peu expressive, air timide, ne
soutenant pas le regard ; peu de'spontanéité ; nonchalance ;
caractère doux, affectivité médiocre, indifférence pour tout le
monde. La volonté est faible, l'enfant se laisse guider avec
docilité. Il sait syllaber mais non lire couramment; il écrit
passablement, fait l'addition, s'habille, se lave, mange seul,
Tous ses actes sont lents partie à cause de son état mental,
partie à cause de sa paralysie. Les notions usuelles sont assez
limitées.
b. L'hémiplégie gauche (fig. 14) est nettement caracté-
risées, au membre supérieur les mouvements spontanés sont
à peu près nuls; la contracture très prononcée, dans la
flexion pour le coude et la main, s'oppose presqu'absolu-
ment aux mouvements provoqués. La température y est
diminuée. Il en est de même de la sensibilité dans ses
divers modes. Notons enfin l'atrophie ou mieux l'arrêt de
développement du système musculaire bien mis en évidence
par les mensurations et la fig. 15.
Le membre inférieur gauche offre les mêmes particula-
rités. La seule différence consiste en ce que la contracture
s'est faite dans l'extension.
Le pied a l'attitude du pied bot équin. Les mensuretions
montrent que tous le membre est atrophié, à un moindre
degré toutefois que le membre supérieur.
Notons encore la petitesse relative du testicule gauche et
la présenced'un duvet assez abondant sur les membres du
côté paralysé, alors que le côté sain estglabre, particularités
qui se rencontrent fréquemment, mais non toujours dans
l'hémiplégie cérébrale infantile.
c. L'épilepsie a débuté à deux ans et demi. Les accès
chez les hémiplégiques sont quelquefois isolés, le plus sou-
1876, p. 163) ; 7ëH ? )e ? e infantile suivie d'épilepsie partielle : étal de
mal épileptique, mort : foyer ancien intéressant les circonvolutions
frontale et pariétale ascendantes et le lobe pariétal (Soc. Anatomique,
1876, p. 558) , - Notes cliniques sur l'épilepsie partielle (Icono ! ! 1' pho-
loger. de la Salpêtrière, 1878, t. II; mémoire de 90 pages avee 10 plan-
ches et 2 figures) ; Dans sa thèse intitulée : De l'épilepsie dans l'hé-
miplégie spasmodique' infantile. 1882 (avec 2 pl. et 5 fig.), un de nos
internes, M. Vuillamier, a repris notre description, en l'accompagnant de
16 observations recueillies dans notre service et mises par nous à sa dis-
position : Epilepsie partielle, (Progrès médical. 1879. p. 299. etc.) ;
Voit la collection des Comptes rendus de Bicètre. de 1880 à 1903, passim.
476 RECUEIL DE FAITS.
Hémiplégie. - Mens ! l1'((tions.
ÉTAT DE MAL EPILEPTIQUE, TEMPÉRATURE. 477
mence épileptique, sauf encore si l'hémiplégie est d'origine
méningo-encéphalitique, auquel cas la démence peut se pro-
duire. Les épileptiques hémiplégiques, comme Ham..., sont
sujets à des états de mal épileptique, de même que les épi-
septiques ordinaires, et peuvent y succomber. C'est le cas
de l'enfant dont nous venons
de relater l'histoire. Mais,
fréquemment, quand ils
sont .parvenus à un certain
âge, vingt-cinq, trente ans,
s'ils ont survécu aux états de
mal, on voit les accès s'éloi-
gner et enfin disparaître :
le malade reste avec son
idiotie ou son imbécillité,
ou son arriération mentale
et son hémiplégie. Maintes
fois, tant à la Salpêtrière,
quand nous remplaçions
Deiasiauve qu'à Bicêtre,
lorsqu'il s'agissait de mala-
des de ce genre n'ayant
qu'une arriération intellec-
tuelle ou un faible degré
d'imbécillité, nous avons pu
les faire passer des sections
d'aliénés dans les divisions
de l'hospice comme infir-
mes incurables.
L'état de mal épileptique
n'a offert, ici, que la pre-
mière période ou période
convulsive, composée seulement de 8 accès, ces derniers com-
pliqués d'une cyanose très prononcée et s'est terminé par la
mort en quelques heures. La température n'a monté que jus-
quà39,9 (fg. 16). Souvent elle s'élève à un chiffre supérieur.
D'autres fois, après la période convulsive, après la cessation
des accès, la température s'abaisse jusqu'à la normale (fig. 16),
puis elle se relève plus ou moins vite, monte au delà de 40°
et le malade succombe '(période méningitique) . Enfin, dans
d'autres cas, les accidents méningitiques disparaissent,
Fig. 16. - Tracé de la température
- de l'état de mal de Il ...
478 . RECUEIL DE FAITS.
la température s'abaisse progressivement une seconde fois
et le malade guérit.
III. L'autopsie est du plus haut intérêt.
a. Le crâne, voûte et base, est asymétrique. Sa moitié
droite est moins longue et notablement plus étroite que la
gauche, l'hémisphère cérébral droit extrêmement atro-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 49
phié ne l'ayant pas provoquée à se développer. Entre cet
hémisphère atrophié et la partie correspondante de la calotte
crânienne, il existait un espace considérable. Cet espace
était comblé, comme il arrive en pareille circonstance et
comme nous en avons rapporté maints exemples : 1° par une
hypertrophie des os dont l'épaisseur était le double des os
correspondants du côté gauche (fig. 15) ; elle prédominait au
niveau du frontal ; 2° par une accumulation considérable du
liquidecéphalo-1'Ctchidien. (Voir le numéro de juillet, p. 39,
fig. 8, et PL. 1 et II, un cas analogue : Hypertrophie compen-
satrice des os du crâne répondant à une atrophie considé-
rible des lobes frontaux). ,
Les détails que nous avons donnés dans la relation de
l'autopsie nous dispensent d'insister longuement sur le cer-
veau lui-même, Nous nous contenterons de dire qu'il s'agit
làd'un bel exemple de sclérose atrophiqtteintéressant l'resque
tout l'hémisphère cérébral droit, avec atrophie croisée du
cervelet et compliqué, lésion rare, d'une absence complète du
corps calleux '. '
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
' PATHOLOGIQUES.
XCI. Gliome volumineux du lobe frontal gauche; destruction
presque complète de la troisième frontale, absence de phéno-
mènes moteurs et d'aphasie, oedème papillaire de l'oeil droit,
vision diminuée; amélioration par la ponction lombaire; par
MM. Charvet etl3..1NCEL. (Lyon médical, n° 15, 10 avril 1904.)
Observation intéressante dans laquelle l'évolution d'un gliome
volumineux du lobe frontal gauche a été presque complètement
latente, en dehors de troubles intellectuels vagues et de phéno-
mènes papillaires. Les auteurs insistent sur l'absence des phéno-
mènes moteurs et d'aphasie, malgré la destruction presque com-
plète de la troi- sième frontale gauche, et surtout sur l'améliora-
tion apportée aux phénomènes visuels par la ponction lombaire.
' Nous en donnons la description il l'explication des Planches.
480 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Des faits qu'ils rapportent, il semble d-écouler que, dans les cas
où il existe des symptômes nets mais diffus de tumeur cérébrale,
la simple ponction lombaire peut améliorer certains symptômes
(céphalée, diminution de l'acuité visuelle, hébétude) et doit ètie
conseillée. G. C.
XCII. Signe de Kernig et signe de Lasègue. Pathogénie du signe
de Kernig; par M. Piéry. (Lyon médical, n° 17, p. 696.)
Pour M. Piéry, la pathogénie du signe de Kernig peut se fur-
muler ainsi : « Ce signe est dû. à la contracture de défense des
muscles fléchisseurs de la cuisse, qui réagissent à l'élongation
douloureuse des nerfs enflammés de la queue de cheval (branche
d'origine du grand nerf sciatique), élongation engendrée, par la
flexion forcée de la cuisse sur le bassin, la jambe étendue (posi-
tion de Kernig). Deux observations. G. C.
XCIII. Lésions de l'écorce cérébelleuse chez les paralytiques géné-
raux ; par MM. TATY et JEANTY. (Soc. des Se. méd. de Lyon, 8 juif.
1903.)
De l'étude des préparations portant sur huit sujets et compa-
rables entre elles, et de Jeur comparaison avec le cervelet d'un
décapité de vingt-cinq ans, MM. Taty et Jeanty ont constaté les
faits suivants :
L'altération et la raréfaction constante des cellules de Pmkinja,
altération allant de la chromatolyse ordinaire à la destruction totale.
La couche des grains est touchée, mais sa lésion est moins appa-
rente. La couche moléculaire est également atteinte. La méninge
est, en général, peu malade. Les altérations vasculaires sont
rares. On trouve rarement des leucocytes autour des vaisseaux.
.Autour des cellules de Purkinje atteintes et à la place des dis-
parues, on constate la présence des éléments, dont la forme, la
coloration et les dimensions se rapportent au type décrit par
MM. Lannois et Paviot dans leur étude sur l'atrophie du cervelet.
Ces éléments sont disséminés sur une certaine épaisseur. On en
reconnaît dans la couche des grains, dans la zone moléculaire. La
plupart de ces éléments ont le caractère des leucocytes, dans cer-
taines préparations, le processus neuronophagique apparait net-
tement. D'après MM. Taty et Jeanty, le cervelet participe au pro-
cessus morbide, fait déjà signalé par Roecke, mais la réaction
paraît moins intense que dans le cerveau et se montre surtout au
voisinage de la couche dp Purkinje. 11 leur a semblé que les formes
du type tabes moteur présentaient les lésions les plus considé-
rables et les plus caractéristiques. G. C.
REVUE D'ANATOMIE ET DE . PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 481
XCIV. Recherches bactériologiques sur le sang des épileptiques;
par MM. Lwnois et LESfKUR. (Société médicale des Hôpitaux de
Lyon, 3 novembre 1903.)
Des recherches auxquelles se sont livrés les auleurs et qui ont
porté sur 9 malades, ils arrivent aux mêmes conclusions que
Besta en Italie. « Dans le'sang des épileptiques en crise, on ne
trouve aucun élément microbien. » Il n'y.a donc pas lieu de
décrire, comme l'a fait M. Bra, un streptocoque de l'épilepsie.
. G. C. '
XCV. Idiotie microcéphalique ; épilepsie; asymétrie cérébrale ;
microgyrie; ulégyrie; cuir chevelu suggestif d'atavisme; par
J. 1VOLAN (Clinicnl and palholog. Notes, in Journal of Mental
Science, janv. 1904, p 69).
U.C..., âgé de quarante et un ans, admis à l'asile au sortir
d'une maison de refuge, le 4 août 1902, mort d'épilepsie le
22 décembre 1902. On n'a pu avoir aucun renseignement anté-
rieur.
Son apparence physique aurait réjoui le coeur d'un évolution-
niste, car au premier aspect il était un spécimen parfait du
type simien. Sa face arrêtée dans sa croissance était dirigée en
avant; sa figure grossière et ricanante semblait sortir d'entre ses
grandes oreilles difformes. Le crâne un peu en retrait était enve-
loppé dans un cuir chevelu mal ajusté, sur lequel les cheveux noirs
et raides poussaient en crêtes. Il progressait au moyen d'un mou-
vement de côté, conservant son équilibre en étendant ses avant-
bras allongés. Il laissait échapper des sons spasmodiques, sans
signification, semblables à des grognements. Dans ses habitudes
personnelles il était dépravé au plus haut point, montrant un
dédain absolu des besoins de la nature. Son appétit vorace était
manifestement satisfait par l'ingestion d'une matière quelconque.
Il n'y avait rien qui appelât un commentaire spécial dans la nature
de ses accès épileptiques, qui étaient fréquents et sévères. Il était
sourd et muet. Il ne donnait aucun indice de sens sexuel, autre
que de tâtonner gauchement dans le voisinage de ses organes
génitaux. L'examen relatif à ses facultés mentales avait aussi un
résultat presque négatif. On ne pouvait dire qu'il possédât aucune
des facultés intellectuelles sauf au degré le plus rudimentaire.
D'où, en décrivant son aspect on énonçait qu'il était au premier
abord du type simien, mais son intelligence était infiniment
au-dessous de celle possédée par les singes anthropoïdes ordi-
naires. Il prouvait manifestement la forcé de la thèse du Dr Ire-
land, que l'intelligence d'un singe est très différente de celle d'un
idiot, la jauge de l'intelligence simienne ne peut pas être atteinte
Archives, 2' série, t. XVIII. 31
,482 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
simplement en déduisant tant de l'intelligence humaine. H. C...,
était aussi loin au-dessous du niveau intellectuel du singe moyen,
que ce'dernier est inférieur au spécimen hautement développé,
qui fait en ce moment les délices et l'admiration d'un music-hall
de Londres, où dans un costume d'ordonnance, sans tache, il
déguste avec une évidente appréciation et avec distinction le menu
élaboré qui est placé devant lui. H. C..., s'il avait été placé
devant un tel repas, aurait apporté son appétit vorace pour
l'exercer, non sur les mets seuls, mais sur le linge de table, la
verrerie et la coutellerie, et de préférence aurait probablement
essayé ces derniers comme hors-d'oeuvre. Pendant le temps de
son séjour ici, il réclama l'attention entière des serviteurs pour
l'empêcher de manger des ordures et des tripailles, et de mettre
d'autre manière, sans le savoir, sa vie en danger, par des actions
dénuées de sens.
Autopsie. - L'état général des organes n'appelait aucune
remarque spéciale. Dans l'estomac, cependant, on trouva une
, boule de matière ingérée, consistant principalement en grossière
fibre à matelas. Cette masse, qui reproduisait la forme de l'esto-
mac, montrant nettement une grande et une petite courbures,
pesait 10 onces. Elle était complètement libre de toute attache
avec les parois du viscère, et sa présence daus son intérieur ne
semblait pas avoir donné naissance à aucun état inflammatoire,
bien qu'elle dût y avoir été de longs mois, car le malade n'avait
pas eu d'occasion de se procurer les fibres à l'asile (cette masse
a été présentée) (Egagropile).
Le cuir chevelu, comme il a été déjà indiqué, était anormal, assez
flottant sur le crâne ; les cheveux, arrangés en crêtes hérissées cou-
rant dans la direction sagittale, arrangement lui donnant l'aspect
observé dans quelques carnivores. Une partie du cuir chevelu est
montrée (voyez planche I, fig. 1), et aussi des préparations micros-
copiques de ce cuir chevelu; et l'examen de l'un et des autres tend
à confirmer la théorie qui considère cet état comme le résultat
possible d'un développement rétrograde, plutôt que d'un simple
« cuir chevelu hypertrophié », c'est-à-dire un cuir chevelu qui
avait été destiné à couvrir un crâne de grosseur normale. J'attire
une attention spéciale sur la coupe montrant la section, qui a
été préparée par mon dernier assistant, le Dr J.-II. Thompson,
lequel rencontra beaucoup de difficulté pour faire la préparation,
à cause de son extrême dureté. Son effort, cependant, a été entiè-
rement couronné de succès, et a le mérite de la nouveauté ; car le
' Consul, à l'Hippodrome.
; L'hypertrophie n'était pas de l'énorme variété signalée par les
1),- Me Dowall et Cowan. Dans leurs cas, le cuir chevelu était converti en
de grands plis rugueux.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 483
D° 13obertson déclare qu'il n'a été fait, autant qu'il le sache,
aucune section de cuirs chevelus anormaux.
Le crâne à première vue ne présentait pas d'autre anomalie
marquée que son petit volume et son asymétrie exagérée, le côté
gauche étant plus petit que le droit. La synostose était complète.
Un examen attentif révélait, en outre des caractères ordinaires
d'un crâne microcéphale (os frontal étroit et allant en pente,
fosses temporales profondes, fosses ethmoidades étroites, condyles
occipitaux saillants, sinus frontaux larges, os de la face progna-
thiques, arcade dentaire étroite), de petits espaces correspon-
dant aux éminences frontales, montrant de nombreuses dépres-
sions qui causaient un aspect poreux. A cet espace de chaque côté
la dure-mère était quelque peu adhérente; de la même manière
l'arachnoïde était adhérente à la dure-mère par un arrangement
cribriforme ; une production villeuse la couvrait, dans une étendue
correspondant à l'emplacement des aires osseuses poreuses.
Cerveau. Vu en place, l'asymétrie des hémisphères céré-
braux était tout de suite apparente. Une disproportion anormale
était aussi évidente entre le cerveau et le cervelet, le dernier étant
gros à l'excès par rapport au premier. Enlevé, l'organe pesait
seulement 20 onces.
Les circonvolutions de l'hémisphère gauche présentaient une
apparence vermiforme ; les sillons béants et éloignés ; les circon-
volutions semblaient être contournées en nombreux petits cercles,
chacune étant diminuée en volume, si bien qu'il y avait l'état
complexe de la microgyrie et de l'ulégyrie ; les érosions à la sur-
face et les indurations cicatricielles qui caractérisaient la der-
nière, étant bien marquées (voir planche I, fig. 2).
Scissures. Les scissures de Sylvius et de Rolando étaient
normales de direction et, relativement, dans leurs dimensions,
mais dans chaque hémisphère la scissure rolandique commençait
en un point postérieur au milieu de la ligne de la scissure longi-
tudinale, d'où le résultat que les lobes frontaux étaient anormale-
ment grands. Environ 3/8 seulement de la scissure pariéto-occi-
pitale, étaient visibles sur la surface externe.
Hémisphère gauche. Lobe frontal : circonvolution frontale
ascendante assez bien développée ; circonvolutions supérieure et
moyenne, normales de position mais mal formées ; circonvolution
inférieure très atrophiée, les sillons par conséquent baillanls et
très irréguliers. Lobe pariétal : la circonvolution ascendante,
comme la frontale ascendante, assez bien développée, mais à
l'extrémité supérieure montrant de la minceur. Le lobule pariétal
supérieur rétréci, atrophié, et irrégulier ; le premier sillon annexé,
bien marqué, comme l'étaient aussi les deux divisions du lobule
pariétal inférieur. Lobe occipital : circonvolutions petites et irrégu-
lières. A cause de l'atrophie et du retrait des circonvolutions dans
484 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
la partie antérieure du lobe il y avait une constriction marquée qui
rejetait en saillie la portion occipitale. Lobe temporo-sphénoïdal
gauche : circonvolution supérieure très réduite, avec béance résul-
tante des sillons ; circonvolutions inférieure et moyenne au-des-
sous du développement normal.
Hémisphère DROIT. Lobe frontal : circonvolution ascendante
bien marquée, tandis que le reste du lobe était à peu près nette-
ment différencié, (par les'sillons pré-rolandique, frontal supérieur
et frontal inférieur), en les 3 circonvolutions frontales, qui toutes
étaient bien développées. Lobe pariétal droit : circonvolutions
et sillons normaux dans leur position, et, en tant que comparés
avec la région correspondante du côté gauche, bien développés.
Lobe occipital droit : circonvolution moyenne particulièrement
bien développée.'Toutes.les divisions de ce lobe montraient leurs
rapports avec les lobes pariétal et temporo-sphénoïdal, très claire-
ment, par les différents sillons annexés.
Remarques. Ce cas d'idiotie congénitale est un excellent spéci-
men des conditions anormales qui donnent naissance à la vraie
microcéphalie, aussi bien qu'à ces changements pathologiques,
auxquels les erreurs du développement dans la structure rendent
particulièrement exposée la fine organisation du tissu cérébral' et
de la fonction cérébrale. Cliniquement, un cas d' « amentia »
primitive essentielle ne peut pas être particulièrement attrayant;
cependant l'examen pathologique de tels cas est fascinant pour
ceux qu'intéresse l'étude du cerveau comme organe de l'esprit. Il
"est satisfaisant de voir que récemment, à la fois chez nous et à
l'étranger, un nouvel intérêt a jeté beaucoup de lumière nouvelle
sur les erreurs fondamentales qui produisent celle-ci et les états
alliés, et si nous ne pouvons pas guérir l'idiodie, nous pouvons
du moins apprendre la leçon de ses maux. Il a été dit avec vérité,
quoique « pas » par un Irlandais, « que la grande majorité des
imbéciles et des idiots vivant actuellement devraient avoir été trai-
tées il y a trois générations ». Nous devons être d'accord sur la
vérité de cette observation, et ainsi par une étude plus minutieuse
de ces infortunées créatures qui trouvent leur voie dans nos
asiles,
« Leurs tètes quelquefois si petites, qu'il n'y a pas d'espace pour l'es-
[prit :
.Quelquefois si grandes, qu'il n'y a pas d'esprit pour un tel espace »,
puissions-nous poser les fondements scientifiques de telles mesures
'préventives qui puissent tendre à diminuer le nombre des idiots
et des imbéciles dans trois générations d'ici.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 485
XCVI. Sur un cas de torticolis congénital avec autopsie et examen
histologique du système nerveux; par MM. Gallavardin et Savy.
(Lyon médical. 22 Novembre 1903, p. 767).
Les auteurs relatent une observation : *
Cliniquement. Torticolis congénital très accentué avec hémiatro-
phie cranio-faciale.
Autopsie. Transformation tendineuse, raccourcissement et rétrac-
tion extrême du chef sternal du sterno-cléido-mastoïdien (8 centi-
mètres au lieu de 18 centimètres). Atrophie musculaire simple du
chef claviculaire. Pas d'apparence cicatricielle, pas trace d'héma-
tome ancien, ni d'adhérences inflammatoires périmusculaires.
Examen histologique du système nerveux : Aucune lésion dans
le système nerveux périphérique (filets du spinal, tronc du sympa-
thique cervical, ganglions cervicaux inférieur et supérieur).
Pas de lésion du noyau bulbaire du spinal. Atrophie très marquée
de la corne antérieure de la moelle cervicale supérieure. (Noyau u
cervical du spinal). "
MM. Gallavardin et Savy concluent de cette observation : 1° que
les lésions macroscopiques ou microscopiques qu'ils ont constatées
au niveau du muscle sterno-cléido-mastoïdien dans ce cas de tor-
ticolis congénital ne leur semblent pas en faveur de l'origine mus-
cataire locale (traumatique ou infectieuse), de cette affection;
2- que l'absence de lésions au niveau du système nerveux périphé-
rique (filets du spinal, tronc et ganglions du sympathique cervical)
ne permet pas non plus d'attribuer cette affection à une lésion
névritique; 3° qu'il existe une lésion médullaire « collatérale » du
torticolis congénital, l'atrophie de la corne antérieure de la moelle
cervicale supérieure c'est-à-dire du noyau d'origine du spinal cer-
vical ; 4° que la signification exacte de cette lésion reste encore à
préciser. ' ' ' '
Il est possible qu'il s'agisse d'une lésion médullaire primitive,
tenant sous sa dépendance les altérations musculaires et l'hémia-
trophie cranio-faciale; cette interprétation très vraisemblable,
qu'aucun argument ne permet de rejeter définitivement, ferait du
torticolis congénital l'analogue de la paralysie infantile. Mais il est
possible que cette lésion ait seulement la valeur d'une atrophie
rétrograde consécutive à une malformation ou à une Jésionprimi-
tive du muscle. G. C. -
XCV11. Hémiplégie immédiate consécutive à la ligature des caro-
tides ; par M. BUTTER. (Lyon Médical. 27 décembre 1903,
p. 996). 1 .
M. Beutter publie une observation recueillie dans le service de
M. le professeur Poncet d'un cas d'hémiplégie consécutive à la''
486 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
ligature de la carotide primitive, pendant l'extirpation d'une
tumeur maligne adhérente. Cette observation est intéressante à
deux titres : d'abord parce que l'hémiplégie fut constatée presque
immédiatement après la ligature, contrairement à ce qui eut lieu
dans tous les autres cas publiés ; puis, parce que cette hémiplégie
eut une prédominance marquée pour le membre supérieur.
' Le cas que l'auteur présente autorise à rejeter les théories qui
incriminent la thrombose ou la coagulation; l'hémiplégie s'étant
déclarée immédiatement après la ligature, un caillot n'aurait pas
eu le temps de se former. " -
Doit-on incriminer l'anémie mécanique ou la congestion par
paralysie des vaso-moteurs lésés dans la ligature de la carotide,
ou par la ligature des jugulaires interne et externe droites.
Sans trancher la question l'auteur pense que le début immédiat
et l'amélioration rapide sont eu faveur des deux hypothèses. On
peut admettre, que dans certains cas, le cercle de M'illis est irrégu-
lièrement développé, que les communicantes antérieure et posté-
rieure peuvent être insuffisamment perméables, et que ce n'est que
peu à peu qu'elles se laissent dilater pour suppléer à l'insuffisance
de la circulation dans un territoire donné de la masse encépha-
lique. Ceci expliquerait la guérison graduelle de l'hémiplégie dans
l'observation en-question.
Pour expliquer le second point intéressant, c'est-à-dire la pré-
dominance de la paralysie au membre supérieur, l'auteur pense
que le fait est dû à la sensibilité plus ou moins grande des cellules
nerveuses suivant qu'elles sont préparées à des fonctions plus déli-
cates. Il en serait ainsi pour les centres moteurs du membre supé-
rieur. ' G. C.
XCVIII. Lésions du cervelet dans quelques formes d'aliénation men-
tale ; par BRIDIER (Lyon Médical, 2 janvier 1904, n° 4).
S'appuyant sur de précédentes recherches anatomo-patholo-
giques faites sur les démences, lui permettant de différencier par
les seules lésions histologiques du cerveau, certains types anato-
miques différents rattachables à telle ou telle démence, M. Bridier
a cherché, dans ce nouveau travail à décrire des types anatomiques
différents de lésions cérébelleuses dans les démences paralytiques,
sénile, vésanique. Dans deux cas de démence sénile il a constaté
des proliférations névrogliques abondantes autour dès cellules de
Purkinjé; dans une démence rapide chez une syphilitique il a
trouvé des lésions cellulaires et l'existence d'éléments analogues
aux cellules de Purkinje, mais plus petits et doublant en dessous
la couche normale de ces cellules ; enfin dans une démence à
longue évolution, les altérations morphologiques étaient notables
et allaient jusqu'à la destruction cellulaire.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 487
- Ces faits semblent de nature à légitimer la nécessité d'un examen
minutieux du cervelet des aliénés, mais sont en trop petit nombre
pour en tirer une conclusion. G. C.
XCIX. Sur la teneur en sucre du liquide Céphalo-rachidien ; par
MM. LANOts et BONDON (Bulletin soc. méd. des Hop. de Lyon. 31 mai
1904, p. 192). ,
De leurs recherches qui portent sur 17 examens de liquide
céphalo-rachidien les auteurs arrivent aux conclusions suivantes :
1° Le corps réducteur qui existe dans le liquide céphalo-rachi-
dien est bien du glycose, il donne avec la phénylliydrazine une
ozazone caractéristique du glycose.
2° La teneur en glycose du liquide céphalo-rachidien varie dans
des limides très étroites; elle est de 0,40 à 0,50 p. 1000.
3° La fixité de ce chiffre, qui est la moitié du taux du glycose du
sang normal, et le tiers de celui du sérum, est un argument en
faveur de l'opinion' qui voit dans le liquide céphalo-rachidien un
liquide de sécrétion et non de transsudation simple. Il est probable
que le sucre joue un rôle dans la nutrition des éléments nerveux
avec lesquels il est en contact.
4° Le taux du sucre peut s'élever dans certaines conditions
pathologiques; dans le diabète les auteurs ont trouvé 1 gr. 22 et
1 gr. 05, soit 2 et 3 fois plus de sucre que dans le liquide céphalo-
rachidien normal. G. Carrier.
C. Acromégalie : Splanchnomégalie ; gros coeur : mort par asys-
tolie (Sans lésion orificielle cardiaque ni néphrite) ; par MM. J.
Paviot et M. Beutter (Bull. Soc. 111éd. des Hôp. de Lyon, 31 mai
1904, p. 198).
L'intérêt de cette observation réside dans les deux points sui-
vants :
1° Gros coeur chez une acromégalique, l'ayant conduite à la mort
dans le syndrome asystolique.
2° Bruits cardio-pulmonaires déterminés par ce gros coeur dans
le parenchyme pulmonaire voisin.
Pour expliquer le premier point, on pourrait admettre dans ce
cas, qu'à un moment donné c'est la disproportion même de l'organe
central de la circulation qui fait apparaître l'asystolie, comme le
gros coeur, quelque soit sa cause, essouffle le porteur et crée une
asystolie transitoire et courte en présence de l'effort. Le coeur acro-
mégale, grandissant lentement mais indéfiniment, arriverait à
créer une asystolie définitive par un mécanisme analogue, mais
qui échappe dans son intensité.
Les auteurs font ce rapprochement sans donner au phénomène
une véritable explication. Ils attirent simplement l'attention sur
488 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
ces deux points : 1° L'acromégalie avec splanchnomégalie peut
conduire à l'asystolie et à la mort, du seul fait d'un gros coeur.
2° Les bruits que ce gros coeur détermine dans le parenchyme
pulmonaire voisin par son volume et par l'augmentation de calibre
parallèle de l'aorte et de la pulmonaire, peuvent arriver à simuler
des bruits de lésions orificielles, mais n'existant point en réalité.
- G. C.
CI. Un cas d'anecéphalie avec amyélie; par BmssAUD'et BRUANUET.
(Nouv. Iconogr. de la Sulpétrière. iN" 3. 1903.)
Description anatomique d'un monstre humain mort-né de sept
mois et demi, présentant des malformations très accentuées des
cavités crânienne et rachidienne, et de plus une hernie ombiii-
cale renfermant une grande quantité des viscères abdominaux.
Capsules surrénales normalement développées. Pas d'adhérences
amniotiques. Les autres parties de l'organisme sont normales. Les
auteurs n'ont rien trouvé qui put éclairer la pathogénie des alté-
rations constatées. R. C.
Cil. Paraplégie cervicale incomplète par tumeur gliomateuse de
la moelle avec pachyméningite néoplasique, par Spillmann et
Hoche. (Nouv. leronogr. de la Salpétrière. N° 3.1903.)
Jeune fille de dix-neuf ans, sans hérédité pathologique. Dou-
leurs débutant à la racine du membre supérieur droit, irradiant
vers l'extrémité. Atrophie progressive des muscles. Complications
de broncho-pneumonie. Mort. A l'autopsie on découvre une tu-
meur volumineuse siégeant au niveau des VIII0 racine cervicale
et Ire dorsale et produisant comme une véritable section graduelle
et progressive de l'axe nerveux. Cette observation, dans laquelle
l'évolution néoplasique ne s'est manifestée que, par un tableau cli-
nique restreint, montre la grande difficulté dû diagnostic des tu-
meurs intramédullaires qui, surtout lorsqu'il survient un état phieg-
riratique intercurrent, peuvent en imposer par la polynévrite infec-
tieuse. R. C.
CIII. Sur une forme rare d'hémimélie radiale intercalaire ; par
KLIPPEL et BADAUD. (Nouv. Iconogr. de la Sulpétulèrc. IV° 4.
1903.)
11 s'agit d'un cas de malformation portant sur deux régions sy-
métriques des membres supérieurs avec atténuation du côté
droit atrophie des phalanges et des métacarpiens avec exten-
sion, aux régions .musculaires et aux vaisseaux correspondants. A
l'occasion de cette observation, les auteurs présentent quelques
remarques critiques tendant à démontrer l'insuffisance des expli-
cations pathogéniques mises en. avant jusqu'à ce jour (hérédité,
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 4890
traumatisme, etc.), et la nécessité de chercher une voie nouvelle
qui puisse conduire à des connaissances positives... mais comme
le reconnaissent les auteurs eux-mêmes cette conclusion n'est pas
une explication. R. C.
CIV. Une observation d'abcès du cerveau ; par IIermonC. Goiidinier
(Amez·icun Journzal o/' Izzsuzzily, I, 03, p. 441-446. 1 planche). S.
CV. Tumeur cérébrale chez une femme de soixante-dix-huit ans T
par J.-D. Madison (Tlie American Journal of Insanity, I, 03,
p. 447-455. 1 planche). S.
CVI. L'écorce motrice; par Clarence-B. FARRAR (The American
Journal of Insanüy, I, 03, p. 477-514). ,
L'article commence par un long historique où l'on peut rele-
ver cette remarque relativement à la délimitation de la zone
motrice que des ressemblances de configuration (sillons par ex.}
sont insuffisantes pour affirmer en anatomie comparée l'identité
fonctionnelle de deux régions. Chezl'homme, la zone motrice serait
avant tout prérolandique. L'étude histologique proprement dite,
comprend ensuite une vingtaine de pages. Simov.
CVII. Une observation de tumeurs adiénales métastatiques dans-
la deuxième frontale et la frontale ascendantes gauches; par
Walter CIIANNIiliG et. Wallace-R. KNOWLTO" (The Ame1"icanJoumat
of Insunily, I, 03, p. 515-525. 3 planches).
Après l'exposé clinique et anatomo-pathologique (la moelle ne
parait pas avoir été examinée) du fait, courte revue bibliogra-
phique. Noter comme signes de tumeur des lobes frontaux : la
raideur de la nuque, la stupeur, etc. SIUOiJ. ,
. 1 -
CVIII. Contribution à l'étude du sang dans la folie maniaque
dégressive; par Yessie-Weston Fisiier (Tlie American Journal or
Insmily, IV. 03, p. 559-381). ' ,
1° Résumé des recherches antérieures.
2" Analyse détaillée de 5 observations personnelles.
3° Conclusions : a) pas de modifications pathognomoniques du
sang dans les phases maniaques de la folie maniaque dépressive ? r
b) l'anémie n'est pas un facteur causal ni même n'accompagne pas
toujours cette psychose ; c) l'hémoglobine et les globules rouges
sont souvent, sinon toujours, accrues pendant un accès d'agita-
tion ; d) un certain degré de leucocytose accompagne presque
constamment l'activité psychomotrice et l'auteur a même tendance
à y voir un effet de celle-ci. D'autre part, un accroissement de
poids accompagne l'amélioration de l'état mental. ' Simon, ',
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
LIV. Sur les Hémispasmes de la face. Hémispasme facial vrai, lié-
mispasme hystérique ; par MM. Lannois et PoROT (Lyon médical
7 lévrier 1904, n° 6).
Dans ce travail, MM. Lannois et Porot ont cherché à différencier
d'iniquement certains spasmes unilatéraux de la face, les uns cio-
niques et intermittents. les autres toniques et permanents. Les
premiers, dont ils rapportent cinq observations sont pour eux de
véritables spasmes présentant les caractères cliniques et l'allure
évolutive d'une affection organique, ils leur donnent le nom dhé-
mispasme facial vrai; les seconds (deux observations), contractures
anciennes ou récentes de la face, étaient des manifestations sur-
venant chez des hystériques en mal de contracture, ils les appel-
lent hémispasme facial hystérique.
L'hémispasme facial vrai se caractérise par les symptômes prin-
cipaux suivants : a) Secousses toujours unilatérales.&) Les secous-
ses n'atteignent que les muscles innervés par le facial.-c) Les
secousses sont toujours cloniques, groupées en séries arrivant par-
fois à la production de véritables accès pouvant aller jusqu'à la
tétanisation du muscle. d) Les secousses échappent à l'influence
de la volonté et persistent souvent pendant le sommeil. -e) Inexpres-
sion de l'hémispasme; c'est-à-dire qu'il ne répond à aucune des
expressions courantes de la physionomie.
La mimique bizarre et complexe de l'hémispasme n'est pas en
rapport avec un geste, une idée ou un sentiment, mais est en rap-
port avec un territoire nerveux périphérique, celui de la VIle paire.
Ces différents symptômes différencient nettement l'hémispasme du
tic. A ces caractères de première importance, s'en ajoutent quel-
ques autres secondaires : Les manifestations auriculaires, 1 héliiis-
pasme coïncide fréquemment avec une diminution de l'ouïe du
même côté, des bourdonnements d'oreille. L'hémispasme facial
vrai ne s'accompagne jamais de douleurs au moment des accès. On
trouve quelquefois une diminution nette de la sensibilité à la piqûre
dans le territoire cutané du trijumeau.
Ces données cliniques permettent d'affirmer le caractère orga-
nique de l'hémispasme facial vrai; il traduit la réaction motrice
du nerf facial. Au point de vue pathogénique, les auteurs tendent
à admettre la théorie reflexe, le centre de réflexion est au niveau
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 491
du bulbe, la voie centrifuge motrice est représentée (par la Vil0
paire, c'est le trijumeau qui représente la voie centripète.
En général, on retrouve en effet dans l'étiologie des malades, de
violentes névralgies faciales ou dentaires, affection ou lésion ayant
intéressé quelques-unes des terminaisons de la V" paire.
Ces affections ont pu produire, à la longue, des lésions dégéné-
ratives du nerf sensitif, et par un processus de névrite ascendante
retentir dans le bulbe sur les noyaux d'origine de la Vile paire.
L'hémispasme facial vrai, non douloureux, ales caractères d'une
manifestation nerveuse organique systématisée. Il est essentielle-
ment différent des manifestations motrices psycho-mentales du tic
et de l'hystérie. Du fait de sa systématisation anatomique, de son
étiologie et de ses caractères cliniques, il touche en certains cas à
l'épilepsie jacksonienne, en d'autres à l'hémispasme douloureux.
Les hémispasmes hystériques sont en général d'un diagnostic fa-
cile ; leur début est assez caractéristique; ils surviennent à la suite
d'une émotion, quelquefois à la suite d'un traumatisme (hystéro-
traumatisme). La recherche des stygmates oriente complètement le
diagnostic. Le seul diagnostic' auquel on puisse songer est la
paralysie faciale suivie de contracture. G. Carrier.
LV. De la forme la plus habituelle des modifications de l'intelli-
gence et du caractère qui peuvent résulter des maladies du nez
et du cerveau; par M. Noyer (Société d'anthropologie de Lyon,
7 février 1903.)
Des troubles psychiques se présentent assez souvent au cours
des maladies du nez ; ils peuvent avoir des formes variées, mais
eu général se rapportent à un type caractérisé, par une légère ob-
nubilation intellectuelle et une incapacité marquée de diriger les
opérations mentalesdont les conséquences sont : L'impossibilité
de saisir rapidement la signification des excitations venues de
l'extérieur ou de l'intérieur. C'est un défaut d'attention, une asym-
bolie passagère; une très grande difficulté à réveiller rapidement
les images de mémoire. L'absence de frein à la cérébration auto-
matique qui déterminera une sorte d'état de rêve. Une sensation
de dépression physique et morale très accentuée. Enfin un état
d'angoisse constant qui, chez l'adulte à l'état de veille, détermine
de l'anxiété et de l'irritabilité, une tendance mélancolique pronon-
cée et, pendant le sommeil, des rêves pénibles et des cauchemars.
Chez l'enfant de l'agitation sans but et des phénomènes moteurs,
chorée, tics, etc., et aussi des peurs nocturnes. G. C.
LVI. La parésie spasmodique des vieillards athéromateux; par
MM. Pic et Bonnamour. (Société médicale des Hôpitaux, 10 fé-
vrier 1903.) .
492 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
MM. Pic et Bonnamour mettent en évidence un type clinique
rarement observé et qui est constitué par une parésie spasmo-
dique naissant insidieusement, progressant sans bruit et évoluant
constamment sans ictus, sans troubles de la sensibilité.
Les malades présentent, en outre presque toujours des signes
centraux ou périphériques d'athérome artériel. C'est pour cette
raison qu'ils désignent ce syndrome clinique sous le nom de
parésie spasmodique des vieillards atheromateux.
A la période d'état, la démarche parêto-spasmodique coïncide
avec le syndrome spasmodique habituel : hypertonie musculaire,
contracture, exagération des réflexes rotuliens, souvent trépida-
tion épileptoïde et clonus de la rotule. Les réflexes cutanés sont
souvent normaux; signe de Babinski inconstant. Pas de troubles
de la sensibilité. Le psychisme est rarement intact, on constate
généralement un affaiblissement intellectuel avec rire et pleurer
spasmodiques, dysarthne. On trouve, en outre constamment des
signes d'athérome. La terminaison a lieu quelquefois par
cachexie progressive, parfois par un ictus intercurrent, enfin,
plus souvent, par une complication intercurrente (pneumonie où
broncho-pneumonie).
A l'autopsie, on constate au cerveau l'existence de lacunes de
désintégration, siégeant, en général, dans les noyaux gris cet-
traux, de préférence dans les noyaux lenticulaires; parfois dans
les cas d'ictus, on trouve de petits foyers de ramollissement cap-
sulaire. Les lésions de la moelle ne sont jamais bien syetérna-
tisées ; elles sont plutôt un peu diffuses dans le cordon latéral et
même dans les faisceaux postérieurs. Ces lésions sont variables
d'étendue et de siège suivant les sujets et suivant la hauteur
d'une même moelle. Sans l'affirmer, les auteurs pensent que ces
lésions sont en connexion avec des altérations vasculaires. Il
s'agit en somme dans la majorité des cas d'une sclérose com-
binée postérô-latérale.
MM. Pic et Bonnamour admettent que leurs observations consti-
tuent en quelque sorte une synthèse de deux ordres de faits, les
uns mis en évidence par Demange en 1885, sous le nom de tabes
spasmodique sénile, où il étudie surtout les lésions médullaires;
les autres mis récemment en lumière par MM. Marie et Ferrand,
qui font jouer un rôle exclusif aux lésions lacunaires et centrales
du cerveau. Ils pensent que le syndrome parésie spasmodique est
fonction de la lésion médullaire et non de la lésion cérébrale.
Les lésions cérébrales, dans leurs observations, tiennent sous leur
dépendance, sinon les phénomènes parétiques, du moins les trou-
bles encéphaliques tels que les vertiges, les ictus, la démence,
les phénomènes pseudo-bulbaires, le rire et le pleurer spasmodi-
ques.
Interprétant ces différents faits, ils croient que chez des vieil-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 493
lards athéromateux, on peut observer des phénomènes cérébraux z
qui sont directement fonction des troubles circulatoires et des
scléroses médullaires, sous la dépendance des mêmes causes qui
ont produit l'artério-sclérose. Ils comparent ces scléroses médul-
laires autochtones aux diverses scléroses viscérales si fréquentes à
un âge avancé.
Le diagnostic devra être fait avec toutes les paraplégies spas-
modiques d'origine encéphalique ou médullaire ; ces diverses
causes éliminées, on pourra penser, chez un vieillard athéroma-
teux, à cette variété de sclérose polyfasciculaire pseudo-systéma-
tique. ' G. Carrier,
LVII. Surdité verbale par lésion temporale droite; par M. MOL-
lard. (Société nationale de médecine de Lyon, 27 avril 1903.)
Il s'agit d'un malade atteint d'une hémiplégie 'droite présentant
en même temps une aphasie complète, motrice et sensorielle
(surdité verbale).
En présence de pareils symptômes, le diagnostic semblait être :
vaste ramollissement de l'hémisphère gauche intéressant à la fois
les centres moteurs et les centres du langage, particulièrement le
lobe temporal. A l'autopsie, on trouva, en effet, un ramollisse-
ment de l'hémisphère gauche qui expliquait l'hémiplégie droite,
mais dont la localisation ne pouvait donner l'aphasie totale
observée et la surdité verbale. Les lésions trouvées sur l'hémi-
sphère droit, qui consistaient en un ramollissement du lobe tem-
poral droit, des premières et deuxièmes frontales, ainsi que de la
face inférieure du lobe frontal, expliquaient au contraire les
troubles sensoriels. "
L'auteur fait remarquer que ces cas sont. rares, il rappelle
quatre observations publiées, une de Küssmaul, de Touche, de
Koster et une récente de M. Joffroy. Dans ces quatre observa-
tions, les malades étaient des gauchers vrais ou corrigés (obs. de
M. Joffroy). Sans affirmer que son malade soit un gaucher,
M. Mollard met en évidence cette association de lésions tout à
fait exceptionnelle et telle, qu'il est difficile au clinicien de la
soupçonner. G. C.
LVIII. Un cas d'acromégalie avec diabète. - Tumeur du corps
pituitaire; MM. J03SERAND et Bériel. (Société médicale des hôpi-
taux de Lyon. ter décembre 1903).
Il s'agit de l'observation d'une jeune femme de 30 ans, sans
aucun antécédent pathologique, ayant présenté une acrqmégalie
,fruste mais assez typique ne déterminant pas de véritables diffor-
mités et s'accompagnant de diabète évident. La mort est survenue
brusquement en 24 heures avec des accidents imprévus ne rappe-
494 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
lant pas le coma diabétique; (céphalée plus vive, en une nuit appa-
rition d'amblyopie avec paralysie totale des muscles extrinsèques
et intrinsèques des globes et des releveurs de la paupière, pas de
trouble de la respiration, coma terminal.
Al'autopsie la plupart des organes étaient sains; le thymus était
plus visible que normalement. Il y avait une tumeur du corps
pituitaire faisant une saillie hémisphérique au-dessus de la selle
turcique, la loge osseuse etait dilatée et les sinus caverneux refoulés
de chaque côté. La base de l'encéphale était comprimée et la
tumeur y avait déterminé la formation d'une cupule aplatissant
complètement le chiasma des nerfs optiques. La face antérieure de
la protubérance dans sa moitié gauche présentait une petite
dépression hémisphérique régulière due à un petit bourgeon qui
faisait saillie à la face postérieure de la selle turcique.
Les auteurs appellent l'attention sur la coexistence du diabète,
fait signalé par Marie dans un tiers ou même la moitié des cas. -
Ils rappellent les diverses hypothèses données pour expliquer
cette association sans prendre part dans le débat.
Intervention de lésions du pancréas (Dallemaque, Hauseman)
d'une part; trouble de la secrétion interne de l'hypophyse d'autre
part; enfin la théorie de Loeb qui fait jouer le plus grand rôle aux
compressions exercées par la tumeur sur les centres nerveux, en
particulier sur le tuber cinereum qui contiendrait des centres dont
la lésion donne lieu à la glycosurie. G. C.
LIX. Arthropathies et Ostéopathies tabétiques ; par M. DESTOT.
(Société nationale de médecine de Lyon. 14 décembre 1903)
D'après M. Destot on peut décrire deux formes de troubles tro-
phiques tabétiques. Les uns, tout à fait au début, caractérisés par
la régression du squelette primitif et l'ossification irritative des
tissus parostaux; les autres qui se montrent au décours du tabès
et où on ne voit que la résorption du squelette avec membres de
polichinelle. L'auteur insiste sur ce fait que la radiographie permet
de faire le diagnostic à début osseux. G. C.
LX.Deux cas de Chorée chronique : 1° Chorée congénitale molle.-
2° Chorée héréditaire de Huntington; par MM. AVDRY et POIIOT.
(Société médicale des hôpitaux de 1.110n. 15 décembre 1903).
La première observation est celle d'un enfant de 5 ans qui pré-
senta des mouvements choréiques dès les premiers actes physiolo-
giques volontaires un peu complexes (marcher, manger). Lesmou-
vements choréiques se voyaient aussi bien au repos que pendant
les différents mouvements. Il présentait en outre un état propulsif,
et un besoin incessant de mouvement. Il y avait absence de spasmes,
de contractures; l'état intellectuel était normal.
' REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 495-
Les auteurs rangent ce cas dans le groupe des chorées dites con-
génitales, et de l'athétose double, qui pour la plupart des auteurs
(Freud, Rosenthal, Lannois) est rattaché aux affections spasmo-
paralytiques de l'enfance, aux diplégies cérébrales infantiles.
M. Lannois dans saclassification des chorées arythmiques (1893) le
range dans les chorées symptomatiques.
Les auteurs, à l'exemple de M. Gilbert Ballet, étiquètentleurcas
chorée congénitale motte et le rangent dans le groupe des chorées
congénitales, qui, pour eux comme pour M. Ballet, peuvent exister
sans spasme. ' ,
Dans l'étiologie de cette variété de chorée congénitale on relève
généralement un accident de la grossesse ou surtout un accouche-
ment laborieux, ce qui existait dans le cas publié par les auteurs.
L'anatomie pathologique n'en est pas encore au point; mais dans
tous ces cas de chorée congénitale, qu'elle soit spasmodique ou
molle, le caractère chronique et congénital, la coexistence fré-
quente des troubles intellectuels font penser qu'il s'agit bien d'une
affection organique. -
Dans la seconde observation il s'agit d'un malade âgé de 40 ans
atteint de chorée chronique d'Huntington dont le caractère héré-
ditaire et familial est des plus net (le père du malade et un de ses
frères étaient atteints de manifestations choréiques). Il présentait
en outre une paralysie avec atrophie du membre inférieur droit,
vraisemblablement d'origine médullaire, et due à un foyer de po-
liomyélite. 1 G. C.
LXI. Trophoedème hystérique; par MM. LANNOis et Lançon (Journal
des médecins praticiens de Lyon, 31 décembre 1903).
Deux observations de trophoedème hystérique ; l'une chez une
jeune fille de quinze ans d'une durée relativement courte ; l'autre
chez une jeune fille de vingt et un ans qui a été de très longue
durée. G. C.
LXII. Trophoedème chronique chez une épileptique; par Lannois
(Soc. méd. des Hôpitaux de Lyon, 22 mars 1904).
Le cas de troplroedéme chronique rapporté par M. Lannois est
intéressant par la coïncidence de l'épilepsie. Il rappelle que l'épi-
lepsie parait, dans un certain nombre de cas, déterminer des
oedèmes plus ou moins transitoires, tel le cas de Teissier et Lecreux
et celui plus récent de Féré.
Dans son observation l'oedéme ne semble pas sous l'influence de
la névrose, mais ces trophoedèmes isolés ne s'en rattachent pas
moins à la famille névropathique.
Cette tare nerveuse, dit l'auteur, expliquerait la fragilité anor-
male, fragilité congénitale probablement, des centres trophiques-
496 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
conjonctifs, cause première du trophoedéme. Il ajoute que si l'on
songe que dans les oedèmes névropathiques, il y a, d'une part, des
troubles vaso-moteurs marqués, que d'autre part, l'oedéme etl'adi-
pose sous-cutanée masquent souvent les lésions dans les amyotro-
phies d'origine médullaire, on peut tendre à admettre que ces
.centres hypothétiques de la trophicité conjonctive doivent siéger
près des centres trophiques des muscles et des centres vaso-
moteurs, vraisemblablement à la base et à la partie la plus externe
de la corne antérieure. G. Carriep.
.LXIII. Ostéomalacie sénile. Forme nerveuse; par MM. V. Chap-
. PET et G. MOURIQUAND (Soc. méd. des Hôpitaux de Lyon, 22 mars
1904). r
Une observation dont l'intérêt réside dans la forme nerveuse de
l'ostéomalacie présentée par le malade. Les symptômes nerveux
consistaient en une paraplégie (contracture douloureuse des adduc-
teurs) et de l'exagération des réflexes.
Les auteurs pensent que l'hypothèse la plus vraisemblable est
celle de l'inflammation du conduit vertébral ; il leur a été donné
d'observer dans plusieurs autopsies d'ostéomalaciques une con-
gestion marquée des méninges avoisinant les corps vertébraux.
Sans tirer aucune conclusion des recherches histologiques entre-
prises sur les moelles d'individus ayant présenté les signes cli-
niques de l'ostéomalacie nerveuse, ils ont trouvé dans trois cas
des lésions médullaires coustantes : une dégénérescence myélinique
disséminée dans les différents cordons. Ils pensent que cette alté-
ration évidente peut expliquer suffisamment et la paraplégie
incomplète présentée par les divers malades observés et l'exagé-
ration si marquée de leurs réflexes. G. C.
LXIV. Gigantisme et acromégalie ; par LANNOis et P. Roy.
(Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière. 1\° 3. 1903.)
Géant de 2m,12 mort à trente-six ans acromégalique et diabéti-
que. L'examen anatomique et histologique montre, outre les dé-
formations squelettiques et l'existence d'une tumeur pituitaire
volumineuse, quelques particularités intéressantes : plaques os-
seuses méningées spinales, tuberculose pulmonaire, hypertrophie
.énorme du corps thyroïde, gigantisme viscéral, diabète.
IL Gunnov.
LXV. Gigantisme précoce avec développement précoce des organes
génitaux; par IIUDOVERNIG et PAPOVIK. (Nouv. Iconogr. de la Sal-
pêtrière. N° 3. 1903.)
Observation d'un garçon de six ans, mesurant lm,40 et présen-
tant du côté des organes génitaux le développement d'un adulte.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 491 -1
LXVI. Hypertrophie congénitale d'une main; par Arr.n'r. (Nouv.
Icoi2ogi,. de la Salpét/'ièl'e. N° 3. 1903.)
Hypertrophie portant à la fois sur les parties molles et sur le
squelette, mais,relativement beaucoup plus accentuée sur les par-
ties molles, ce qui permettrait de ranger ce cas dans une catégorie
intermédiaire entre l'éléphantiasis congénitale et l'hypertrophie
vraie. R. C.
LXVII. Spasmes et tremblements chez des psychasténiques ; par
Raymond et Janet. (\-ozcv. Iconogr. de la Salpétriêre. N° 4.
1903.)
A l'occasion de deux cas nouvellement observés, les professeurs
R... et J... continuent la discussion diagnostique tendant à établir
le tableau clinique de la névrose spéciale dite psychasthénique.
LXVIII. Tic tonique du membre supérieur droit; par IiUDLn.
zone. Iconogr. delà Salpétriêre. N° 4. J 913.)
Jeune homme a hérédité vésanique et névropathique, léger trau-
matisme à la main droite à l'âge de quatre ans, évolution régu-
lière, à l'âge de dix-huit ans est pris d'un tremblement de la main
droite qui le gêne pour écrire, à ce trouble s'ajoute de la gêne dans
les mouvements du bras, puis une altitude vicieuse du membre
qui reste en formation et peu à peu s'accuse de l'exagération du
creux sous-claviculaire et de l'effacement des pectoraux et quel-
qu'atrophie du biceps. Le malade'ne présente aucun trouble de la
conscience, aucune affection organique, il est seulement émotif et
violent, il s'efforce de corriger son infirmité, continue à exercer son
métier de mécanicien et fait six mois de service militaire sans se
plaindre. Le Dr R... l'améliore par un traitement rééducateur.
. R. C.
1,XiX. Infantilisme myxoedémateux et maladie de Recklinghausen ;
par Meige et FEINDEL. (Nouv. lcolluur de la Silpêlricre. M 4.
1903.)
L'observation chez un même sujet jeune fille de dix-huit ans
des symptômes cliniques de deux affections différentes, résul-
tant de l'insuffisance de deux glandes étroitement solidaires dans
leur évolution et leur activité physiologique est une intéressante
démonstration des synergies organiques, qui conduit les auteurs
à poser ce problème pathogénique : « La neurofibromatose peut-
elle être invoquée pour expliquer les insuffisances fonctionnelles
qui s'observent chez nombre d'infantiles et qui portent sur les
glandes thyroïde, pituitaire, surrénales, sexuelles; ou bien la ma-
ARCIIlVES, 21 série, t. XVIII. 32
498 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.-
ladie de Recklinghausen n'est-elle qu'un mode de dystrophie du
tissu nerveux et cutané qui, dans certains cas, vient se surajouter
aux autres dystrophies (cutanées, osseuses, vasculaires, glandu-
laires) si souvent alliées à l'infantilisme et dont la cause commune
nous échappe encore. Li. C.
LXX. Langue cérébriforme chez un aliéné alcoolique ; par le i
Dr Levi BIANCHINI. (Nous. Icorangn. de IJ Salpétriêre. N° 4. 1903.)
Un homme ne présentant aucune tare héréditaire - s'était tou-
jours montré normal au point du physique et mental est pris
tout à coup de troubles qui proviennent de la confusion mentale.
Cet accès guérit, un deuxième se produit un an après, puis un
troisième accompagné de manifestations convulsives. Le sujet pré-
sente comme particularité intéressante, une conformation anor-
male de la surface supérieure de la langue, qui est creusée de sil-
lons longitudinaux et transverses profonds, donnant à l'aspect de
l'organe celui d'un cerveau en réduction : pas de lésions muscu-
laires. R. C.
LXXI. Nouvelles remarques sur l'akathisie ; par HASKOYEC (Noltv.
- Iconogr. de la Salpétriêre. N° 5. 1903.) »,
A la suite d'un premier travail de l'auteur, Raymond et Janet
publièrent deux observations d'akathisie qu'ils identifièrent àcelles
relatées par H... et qu'ils placèrent sous ladépendance de l'aboulie
professionnelle des psychasténiques. H... expose - en comparant
la symptomatologie des quatre.cas que s'il y a analogie au
point de vue clinique, il n'en est pas de même au point de vue pa-
thogénique : les cas observés par l'auteur appartiendraient à la
sphère des lésions motrices primaires, ceux de Raymond et Janet
à la sphère émotive dont les lésions affectives primaires sont sui-
vies par des lésions motrices secondaires. R. C.
LXXII. Le pseudo-oedème catatonique ; par Dite. (1'o2lU. Iconogr.
de la Sulpélniére. 1 ? 6. 1903.)
Résumé : Nous supposons, au point de vue pathogénique, qu'il
s'agit : -
1° Pour le myxoedème, d'une lésion thyroïdienne primitive
retentissant ensuite sur le cerveau et la trophicité générale.
2° Pour le trophoedème d'une dystrophie probablement complexe.
Ici le retentissement cérébral est inconstant. - 3° Pour l'adipose
douloureuse, d'une dystrophie atteignant probablement d'emblée
plusieurs glandes vasculaires sanguines etayant un retentissement
cérébral très fréquent. 4° Pour le pseudo-oedème catatonique,
d'un trouble cérébral probablement primitif et atteignant ultéiieui'e-
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. *- 499
ment d'abord d'une façon dynamique puis créant des lésions pro-
bablement durables dans le corps thyroïde et d'autres glandes vas-
culaires sanguines. H. C.
LXXIII. Tics et stéréotypies de léchage chez l'homme et chez le
cheval; par Hurdler et CUOM¡¡L (Noitu. Iconogr. de la S Ipé(niè : 'e,
n° 6, 1903).
Intéressante étude de clinique comparée dont voici les conclu-
sions :
De même qu'il existe chez les équidés, des tics véritables, com-
parables sinon identiques aux tics humains de même nature, il
existe chez eux une variété d'habitudes motrices vicieuses de
léchage, des stéréotypies parakinétiques de léchage, dontles mani-
festations objectives présentent les plus grandes analogies avec les
troubles de même genre observés chez l'homme.
Tics et stéréotypies se rencontrant également chez des animaux
présentant à la fois des troubles psychopatiques et des stigmates
physiques analogues aux tares physiques ou psychiques de dégé-
nérescenceconstatées chez les humains. L'habitude morbide de
léchage, ne revêtant pas l'apparence convulsive n'est pas un tic,
c'est une stéréotypie. Il existe d'ailleurs entre les stéréotypies et les
tics du cheval le même degré de parenté morbide qu'entre les
stéréotypies et les tics de l'homme.
Les stéréotypies de léchage du cheval reconnaissent le même
mécanisme pathogénique que les stéréotypies de l'homme ; un
acte volontaire, le léchage, déterminé par la gourmandise, devient
anormal par sa fréquence et sa répétition et semble- acquérir l'au-
tomatisme. De plus les lésions de la bouche, des troubles de la
dentition, peuvent se rencontrer à l'origine des stéréotypies, aussi
bien que des tics, chez le cheval aussi bien que chez l'homme.
il. C.
-REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
XIII. Section du sympathique cervical pour une maladie de
Basedow; par M. JAUOULAY. (Société natianltle de médecine de
Lyon, 6 avril 1903.)
M. Jaboulay présente une jeune fille de vingt ans, chez laquelle
il a pratiqué la section du sympathique cervicale en 1898, pour
une maladie de Basedow.
L'observation a été publiée en détails dans la chirurgie du
grand sympathique. Il existait une exophtalmie exceptionnelle,
500 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
le signe de Groefe, la convergence était impossible. Tachycardie :
120; tremblement considérable; le cou mesurait 35 centimètres;
troubles digestifs, diarrhée, troubles menstruels.
La partie inférieure du ganglion cervical supérieur a été résé-
quée. L'amélioration a été immédiate. Actuellement, il n'y a plus
d'exophtalmie, la paupière supérieure suit le globe, la conver-
gence se fait facilement. 11 existe encore un peu de tachycardie :
100, et un souffle au premier temps à la pointe. Il n'y a plus de
tremblement. La diarrhée a disparu. Il n'existe aucun trouble
trophique. Pas de troubles vaso-moteurs. Le cou a diminué de
3 centimètres. G. C.
XIV. Sur un cas de neuromyélite optique aiguë; par MM. \VEILL
et G.4.LL.\YAnDiN. (Lyon médical, 9 août 1903.)
L'observation publiée par MM. Weill et Gallavardin est intéres-
'sante à un double titre : elle contribue à fixer le syndrome clini-
que de la double névrite optique évoluant au cours d'une myélite
aiguë; de plus, l'étude des lésions observées semble donner une
conception nouvelle de l'association de ces deux actes morbides.
Observation résumée : paraplégie ayant débuté insidieuse-
ment, sans cause étiologique connue, devenue totale en huit à
dix jours et réalisant le tableau d'une section médullaire com-
plète ; impotence absolue, anesthésie totale, tactile, douloureuse,
thermique, musculaire, remontant jusqu'à trois travers de doigt
au-dessus du sein; abolition des réflexes cutanés et tendineux,
incontinence des matières fécales et de l'urine (guérison de l'in-
continence par les cathétérismes systématiquement rapprochés).
Eschare fessière.
Amaurose bilatérale, ayant débuté un mois et demi après le
début de la myélite, devenue totale en quelques jours et ayant
présenté ultérieurement une légère amélioration. Broncho-pneu-
monie terminale.
A l'autopsie et à l'examen microscopique on trouve : une myé-
lite aiguë diffuse très intense de la moelle dorsale inférieure et du
renflement lombaire, une névrite optique double. Des lésions
légères de névrite périphérique (sciatique poplité externe). Enfin,
une encéphalite interstitielle diffuse.
Pour expliquer la nature des rapports qui unissent les deux
termes principaux de l'affection, myélite aiguë et névrite optique,
de nombreuses hypothèses ont été mises en avant.
Wharton Jones, le premier, émit une théorie vaso-motrice; il
prétend que les lésions du nerf optique sont consécutives à des
troubles circulatoires rétiniens et rétro-bulbaires, qui eux-mêmes
sont sous l'influence des lésions médullaires dorsales superieures
intéressant les origines du sympathique cervical.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. SOI
Albutt invoque une méningite ascendante se basant sur les cas
semblant relever d'une origine traumatique. Katz tend à admettre
qu'il s'agit d'une inflammation localisée simultanément en deux
endroits différents. MM. Weill et Gallavardin pensent qu'il s'agit
d'un processus inflammatoire, d'origine indéterminée, mais plus ou
moins généralisé à tout le système nerveux. '
Ces neuromyéhtes optiques aiguës ne seraient qu'un syndrome
anatcmo-clinique, dû à la prédominance, en certains points
(moelle, nerfs optiques), d'altérations généralisées à tout le sys-
tème nerveux, tout comme d'autres syndromes, la psychose
polynévritique par exemple, peuvent être considérés comme
étant l'expression de la prédominance des lésions en d'autres
points (nerfs, encéphale). G. Carrier.
XV. Arthropathie nerveuse traitée par la résection; par PATEL et
CAVAILLON. (Nouu. Icozzogo. delà 8(ilpéti,ièi,e. c\o 4. 1903.)
Cas d'artropathie trophique avec ouverture de l'articulation
tibiotarsienne conduisant à uneinterventionchirurgicale. L'analyse
des symptômes cliniques conduit d'autre part à formuler le dia-
gnostic d'arthropatie nerveuse sur un fond de tabes frustes, elles
résultats de l'opération pratiquée sans anesthésie par M Jaboulay
sont en faveur de la chirurgie conservatrice. IL C.
XVI. Névrome adipeux diffus du médian. Résection, régénération
autogène; par Durante. (Nouv. Iconogr. de la S Upélrtere. 1903.)
Observation anatomique concernant un névrome diffus du mé-
dian avec infiltration adipeuse ayant nécessité une large résection
de ce nerf. L'autopsie pratiquée quatre ans après l'opération per-
met de constater les signes suivants : Ecartement de deux bouts
mesurant 'dix-sept centimètres. Bout périphérique persistant avec
névrome terminal et présence de fibres nerveuses présentant tous
les stades entre les tubes protoplasmiques embryonnaires et les
fibres nerveuses adultes. Fibres jeunes de néoformation. Cylin-
draxes nets mais moins nombreux et plus souvent interrompus
que dans le bout central. L'auteur fait remarquer que cette obser-
vation « est en opposition avec la loi de Waller et la doctrine du
neurone et confirme les travaux récents montrant que le nerf est,
non pas formé par un prolongement cellulaire central, mais cons-
titué par une chaîne de neuroblastes périphériques relativement
indépendants ».
XVII. Le traitement des aliénés; par Charles-G. Wagner (The Ame-
ricaza Journal v('Insanity, IV, 03, p. 621-627.)
Généralités : le désespoir, la démoralisation, les suicides, consé-
quences des anciens asiles, prisons ; -, -influence calmante du luxe ;
502 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
les clôtures entretiennent les idées d'évasion ; ce que coûte la
déchéance en chronicité; les dépenses pour les cas aigus repré-
sentent par suite autant d'économies pour-la société. Simon.
XVIII. Plan graduel et systématique d'exercice au dehors pour les
déments vésaniques ; par Chester-L. CARLISTE (The Amel ican
Journal of Insanity, IV, 03, p. 63 i-L1).
Amélioration des aliénés quand on s'en occupe, et notamment
des démences consécutives aux l'ormes mélancoliques, même de
la démence précoce. Smox.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XXIX. L'alcoolisme en Bretagne; par Ducrest DE VILLENEUVL.
(Nouv. Icone{]. de la Sclp2Lriérc. i\° 3. 1903.)
La légende et l'histoire s'accordent à montrer que les Bretons
ont toujours eu la passion des boissons alcooliques. Contre cette
tare ancestrale, il n'y aurait d'autre remède que la suppression des
débits d'alcool. il. C.
XXX. Rapport du tabes avec la paralysie générale ; par CURIONI.
(Nouv. Iconogr. de la Salpllriène. i'\° 5. 1903.)
Le tabes et la paralysie générale sont-ils une seule et même
maladie dominée par la syphilis, ou bien y a-t-il lieu de différen-
cier le tabes vrai des lésions tabetiformes de la paralysie progres-
sive La question est en débat et ce n'est point, comme le dit
l'auteur, une observation isolée qui pourra faire pencher la ba-
lance dans un sens ou dans l'autre ; mais la rareté même des cas
publiés sur les associations tal1eto-parü lytiques est une raison de
les recueillir avec intérêt.
Observation. Femme de cinquante-huit ans. A eu cinq enfants
dont trois sont morts : deux très jeunes et un idiot de vingt-un ans.
Pas d'antécédents spécifiques prouvés. Il y a trois ans, troubles de
la vue : signe de Romberg. Depuis lors, affaiblissement intellec-
tuel progressif Attaque apoplectiforme et embarras de la parole.
Mélange d'idées de satisfaction puérile et de persécution. A gau-
che, déviation de la face, dilatation pupillaire. A droite, ptosis et
strabisme divergent. Abolition des réflexes pupillaires, rotuliens et
plantaires. Troubles de la sensibilité et des fonctions vésicales.
Epanchement pleural. Arythmie. Mort. A l'autopsie, lésions mé-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 503
ningo-corticales de la paralysie générale. Du côté de la moelle,
lésions des méninges du canal épendymaire et des cordons posté-
rieurs qui peuvent être considérés comme intermédiaires entre
celles du tabes vrai et du pseudo-tabes Dans le cerveau comme
dans la moelle, abondance de prlasmazellen, disséminés entre des
leucocytes polynucléaires et des lymphocytes. R. C.
XXXI. Adipose sous-cutanée symétrique et segmentaire chez une
démente alcoolique et hérédo alcoolique ; par DENY et LcPnv.
(Nouu. leonogr. de la S dpétrière. N° 5. 1903.)
Observation qui tendrait à démontrer qu'à côté des infections
^scarlatine, variole, rougeole...) invoqués jusqu'ici pour expliquer
la pathogénie des dystrophies conjonctive-; acquises, il y a lieu
d'accorder un certain rôle aux intoxications et en particulier à
l'alcoolisme chronique.
XXXII. Délire alcoolique continu par SOU¡\11 \NorF et WËDEKSKY
(Nouv. /cuH07r. de Ia, Salpolrière, n° 6, 1903).
Les auteurs cherchent à établir la symplomalologie particulière
du délire alcoolique continu en vue de le différencier des autres
psychoses alcooliques. Les particularités de cette forme seraient :
Durée plus longue. Accès de delirium tremens antérieurs. Hallu-
cinations et illusions auditives, quelquefois hallucinations olfac-
tives, visuelles et tactiles. Pas de délire systématisé. Pas d'affai-
blissement intellectuel progressif. Contractions idio-musculaires et
lésions fréquentes de l'organe auditif. R. C.
,
XXXIII. Les fous au Brésil; par Rmnen (The American Journal of
Insanity, I, 03, p. z7-392).
1°Notions générales sur le Brésil : Nature riche; peuple oisif,
pauvre, abstinent. Mais abus de café; sensualité, tremblements,
sénilité précoce. Alcoolisme. Malaria.
2° Un aliéné pour 800 ou 15.000 habitants, selon les contrées,
ces différences de statistique étant des différences d'hospitalisa-
tion.
3° Description de l'hôpital de Rio-de-Janeiro : planchers admi-
rablement cirés, etc. ; puis de ceux de San Salvador et de San
Paulo. Sinon.
XXXIV. Contribution à la chimie de la dégénérescence nerveusé
dans la paralysie générale et autres maladies mentales; par
Isador Il. ComnL, Journal of Insanity, I, 03, p. 393-416).
Deux parties dans ce travail : 1° Un résumé des recherches anté-
rieures de même nature, de ce qu'on sait actuellement de la
804 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
chimie des dégénérescences nerveuses, à la fois d'après l'étude du
métabolisme (sang et urine), du liquide cérébro-spinal, et du tissu
nerveux lui-même ;.2°les recherches personnelles de l'auteur, tech-
nique et conclusions, parmi lesquelles la plus nette parait celle-ci :
la présence de choline dans le liquide céphalo-rachidien permet
d'affirmer une affection organique.
Noter enfin 21 indications bibliographiques. Sinon.
XXXV. Des dermatoses chez les aliénés ; par James-Mac-Far-
lane WtNFiELD (The Americun Journal of Insanity. 1, 03, p. 417-
426). S.
XXXVI. Un cas de démence précoce avec autopsie ; par William-
Rush DUNTON (The -4rnei-icit Journal of ]nsanity, I, 03, p. 42ï-
439. 4 planches).
Altérations cellulaires distribuer à tout le cerveau, mais surtout
marquées au niveau de la première frontale. Oiromoiyse centrale,
légère pigmentation jaune pale, légère atrophie cellulaire ; atro-
phie, dislocation et gonflement du noyau, plissement de la mem-
brane nucléaire; endo-nucléole. Les couches profondes sont les
plus atteintes. Mêmes altérations des cellules motrices. Légère
augmentation des cellules de névroglie. Phagocytose bien marquée
et désintégration cellulaire considérable. Pas d'altérations des
fibres à myéline ni des vaisseaux. Smon.
XXXVII. Paralysie générale aiguë avec une observation, histoire
clinique et anatomie pathologique ; par'' Stewart PATON et
G.-Y. Husu (The American Journal of Insanity. p. 4JÎ-41J. 2 plan-
ches).
On trouve d'abord au début de l'article un court historique avec
la classification de Lissaner des cas anormaux de paralysie géné-
rale : 1° Paralysie générale avec localisation des lésions aux por-
tions postérieures des hémisphères ; 2° Paralysie générale avec
prédominance céribelleuse des lésions et des. symptômes ; 3° Para-
lysie générale à forme aiguë; 4° Paralysie générale compliquant un
tabes, avec délire hallucinatoire, etc. '
L'observation et la description des lésions paraissent pouvoir
prêter à discussion. Retenir toutefois la conclusion : à la forme
foudroyante, exceptionnelle de la paralysie' générale, correspon-
draient également des lésions spéciales. Simon.
XXXVIII. Les progrès de la psychiatrie en Grande-Bretagne en
1902; par ll.-H. Urguiiait (The American Jotl1'1lal of Insanily,
IV, 03, p. 593-599).
Les questions passées en revue sont les suivantes : Folie pella-
- REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 505
greuse (Warpocke). La syphilis comme cause de folie (Mott :
pas de syphilis, pas de paralysie générale). - Tuberculose et dysen-
terie dans les asiles d'aliénés. - Infirmiers de nuit. Ecoles d'lIIf1r-
miers. Laboratoires (ilobertson : toute aliénation chez un sujet
normal est conséquence d'une intoxication préexistante). - Pre-
miers troubles mentaux (leur traitement dans les hôpitaux géné-
raux, etc.) Nourriture des aliénés. La question des statis-
tiques. etc., etc. - SI\10N.
XXXIX. Folie puerpérale ; par Robert Jones (The American Jour-
nal of Insanity, IV, 03, p. 601-620).
1° Etudes statistiques : pour 100 femmes internée de quinze à
quarante-cinq ans, 75 environ en état de grossesse, d'accouche-
ment, de puerpéralité ou de lactation. Proportion parmi elles des
naissances illégitimes. Rôle de la primiparité, etc.
2° Epoque de début des troubles mentaux, et forme de l'aliéna-
tion selon celle-ci. Pas de folie spéciale pour la grossesse ou la
lactation, dit l'auteur; mais il a tendance à rattacher à la partu-
rition, et à la période immédiatement voisine un délire avec agita-
tion, illusions, hallucinations et prédominance d'idées érotiques et
religieuses - qu'il considère comme une entité nosologique spé-
ciale- et dont on trouve au chapitre Symptomatologie, p. 60j et
suivantes, une description riche en détails intéressants. -
3° Idées de suicide, infanticides au cours des folies puerpérales.
Age. Fréquence des antécédents héréditaires (50 p. 100). Pro-
nostic. - Pathogénie. - Traitement et revue des principales ques-
tions qui peuvent se poser à l'aliéniste : faut-il provoquer l'avor-
tement ? etc. On trouve, sur tous ces points, dans l'article de Il.
Jones, outre l'opinion personnelle de l'auteur, et les données sta-
tistiques sur lesquelles elle repose, un résumé des conclusions
d'autrui sur le même sujet. ' Smox.
XL. Des facteurs héréditaires dans l'épilepsie; par R.-E. DoRAN
(The American Journal of Instlnitll, VU, 03, p. 61-i3).
Statistiques portant sur 1.300 cas. Conclusions : 1° Difficulté de
ces recherches. On trouve cependant des névroses variées ou de
l'alcoolisme dans 46,5 p. 100 des cas ; 2° Alcoolisme, épilepsie et
folie combinés paraissent responsables de 38,5 p. 100 des cas ; 3°
l'alcoolisme paternel existait dans 18 p.'100 des cas ; 4° les mala-
dies sans relation avec le système nerveux paraissent n'exercer
qu'une influence héréditaire faible; 5° conclusion la plus intéres-
sante, mais qu'on ne trouve nettement exposée qu'au cours de
l'article : plus la tare héréditaire est forte, plus l'épilepsie est pré-
coce. SIMON.
806 ' SOCIÉTÉS SAVANTES.
XLI. Nature et genèse de l'illusion vésanique; par J.-W. \VIIE ! lRY
- (The American Journal of Iiisaizily, VU, 03, p 89-96.)
L'auteur aboutit à la définition suivante de l'illusion vésanique :
une idée née dans la cérébration inconsciente ; projetée dans la
conscience par intervalles; crue aveuglément et vivement défendue
par son auteur, mais qui ne peut par aucun autre être acceptée
comme vraie. - Il est malheureusement impossible de résumer
les nombreuses remarques d'observation fine qu'on rencontre d'au-
tre part au cours de l'article.- S lu 0 ?
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 31 octobre 1904. Présidence de M. CIIIIISTIAN.
. M. Christian. Vous avez tous appris, avec une profonde dou-
leur, l'attentat dont M. Vallon a été victime. J'ai le plaisir de vous
apprendre que l'état de notre collègue est devenu meilleur et je
vous propose de lui adresser les félicitations de notre Société.
(adopté).
Etiologie de la démence précoce.
MM Rodbinowitch et Piiulpin dans une étude spéciale sur l'état
de l'appareil circulatoire chez 31 sujets atteints de démence pré-
coce, ont noté chez la grande majorité de leurs malades, l'abaisse-
ment habituel de la tension artérielle qui oscillait entre 13 et 14
centimètres et demi, quelquefois même descendait à 12 centimètres
hypotension artérielle qu'ils attribuent en grande partie à la
déchéance organique vers laquelle évoluent plus ou moins rapide-
ment les sujets atteints de démence précoce.
Leur enquête leur a fait trouver parmi leurs 31 malades, 7 cas
de rétrécissement mitral pur, associé chez tous à une tuberculose
pulmonaire très légère, circonscrite et stationnaire, compliquée en
outre chez 4 sujets d'un arrêt de développement considérable de
l'organisme.
Ils admettent que, dans certains cas, il doit y avoir une relation
entre ces trois éléments : le rétrécissement mitral pur, la dystro-
phie tuberculeuse et la démence précoce qu'ils ont trouvés trop
SOCIÉTÉS SAVANTES. ' 507
particulièrement réunis dans leurs observations pour qu'il n'y ait
pas quelquefois plus qu'une simple coïncidence.
La démence vésanique. n'est pas une démence.
MM. ToULOUSE etDFMAYE, après avoir défini ce qu'ils entendaient
comme démence et dont ils donnent comme type la démence para-
lytique, admettent qu'à la fin des vésanies, il n'y a pas véritable-
ment démence, mais confusion, c'est-à-dire impossibilité de se
servir des connaissances antérieures qui, néanmoins, persistent.
Par une série de questions simples, on arrive à faire ressortir ces
connaissances antérieures. La démence précoce n'est, elle-même,
qu'une confusion car on ne l'observe jamais au début, et parfois,
transitoirement seulement.
M. Christian fait remarquer que personne ne défend plus guère
la folie vésanique.
M. AItNAUD. -Je viens chicaner M. Toulouse sur sa définition de
la démence. La démence de la paralysie générale ne peut prêter à
confusion avec la démence vésanique. M. Toulouse veut qu'il n'y
ait pas affaiblissement intellectuel chez les vésaniques chroniques,
je ne suis pas de son avis. La confusion mentale a été appelée au
début démence aiguë. Il est difficile d'établir, comme le veut M. Tou-
louse une ligne de démarcation entre la démence et l'affaiblisse-
ment intellectuel. '
M. DtNY. Je veux tâcher de concilier MM. Toulouse et Arnaud.
Dans l'état actuel de la science, la solution serait d'admettre en
France le mot de démence aiguë avec notion de curabilité.
M. TOULOUSE. Je ne voudrais pas avoir l'air d'enfoncer des
portes ouvertes, je réagis contre l'habitude d'employer : démence
vésanique, dans les certificats.
M. Duphé. Baillarger avait déjà établi la distinction que
M. Toulouse indique entre la démence et les pseudo-démences. Je
ne suis pas d'avis de prodiguer le mot de démence qui doit conser-
ver son cachet d'incurabilité. -
M. DOU'111 : BENTE. En ayant l'air de s'éloigner de Kroepelin et
s'élonner du chaos qu'il a construit, M. Toulouse, se rapproche
de Kroepelin et de M. Masselon. Son exemple du paralytique général
dément est, en outre, mal choisi, à cause des rémissions de la pa-
ralysie générale.
M. CHRISTIAN. Je suis de l'avis de M. Doutrebente. Jamais per-
sonne n'a nié que l'incurabilité ne fut la caractéristique de la
démence vraie.
M. DE1ÎY. - Je dirai à M. Toulouse que le symptôme confusion
n'a jamais uniquement servi pour faire le diagnostic de démence
précoce, mais surtout d'affaiblissement intellectuel.
M. TOUr.oUSE. - M. Dupré fait remarquer avec raison que Bail-
508 * SOCIÉTÉS SAVANTES.
larger avait déjà décria ces différences avant moi, d'autres l'ont fait
aussi. Quant à M. Doutrebente, je lui répondrai que le terme
démence paralytique est bien accepté par tout le monde comme le
type le plus complet, le plus noir des démences. Quant aux rémis-
sions, elles sont la plupart du temps des erreurs de diagnostics.
Je ne comprends pas le gâtisme comme un signe de démence. La
confusion mentale est souvent le seul symptôme invoqué pour
faire le diagnostic de démence vésanique.
Paralysie générale et pachyméningite gommeuse.
MM. DOUTItE\BE\TE et Marchand communiquent une nouvelle
observation dans laquelle on constate des lésions syphilitiques
cérébrales surajoutées à celles de la paralysie générale.
Il s'agit d'un homme de quarante ans, syphilitique depuis l'âge
de vingt et un ans, qui présente les signes classiques de laparaly-
sie générale. Le malade mourut après avoir présenté les symptômes
du délire aigu. A l'autopsie, on constata, en outre des lésions
habituelles de la méningo-encéphalite diffuse, une pachyméningite
localisée au niveau du sinus longitudinal supérieur. L'examen his-
tologique montra qu'il s'agissait d'une pachyméningite gommeuse
en pleine évolution.
M. Doutrbbente. Permettez-moi d'ajouter un mot : huit hom-
mes n'ont pas pu arrêter mon malade et j'ai été, je l'avoue obligé
d'employer la camisole de force.
M. CHRISTIAN. Sans étrangler le malade ?
M. DOUTREBENTE. - C'est vrai.
Puérilisme mental guéri par suggestion.
M. LEROY présente l'observation d'une malade hystérique, chez
qui les accès convulsifs sont remplacés par des crises de puéri-
lisme : zézaiement enfantin, onomatopées, jeux du premier âge,
larmes faciles, etc. Ces accès disparurent après l'établissement
tardif des règles.
M. Dupré. Il faut distinguer entre le puérilisme et l'infantilisme.
L'hystérie joue, en effet, un rôle important dans la genèse de ces
accès de puérilisme.
Singulières cachettes d'une aliénée.
M. Leroy présente l'observation d'une vieille délirante chronique
qui collectionnait les sujets les plus divers et les plus saugrenus,
dans son rectum et dans son vagin. Dans l'énumération de ces
objets on trouve pêle-mêle des couteaux, des clous, des cailloux,
des peignes, des boites de fer contenant des cheveux, des timbres
'des épingles, etc.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 509
Une surveillance attentive suffisait à peine pour empêcher la mise
en place de ces singulières collections, dans cette encore plus sin-
gulière cachette. MARCEL Briard.
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE
Séance du 3 novembre 1904. Présidence DE M. DEJERINE.
M. LE Président prononce l'éloge funèbre de M. Gombault.
Sclérodermie.
M. Muet présente une malade dont la main gauche, les doigts,
une longue bande sur toute l'étendue du bras et de l'avant-bras et
le sein sont atteints de sclérodermie. L'électrisation par la haute
fréquence n'a amené qu'un résultat peu appréciable. 1,'électro-
lyse, au contraire, a produit une amélioration très notable.
Ilémol'l'hagie cérébro-méningée à symptômes l1u ! ningi/iques.
MM. Achard et RAMOnD. - Le diagnostic entre l'hémorrhagie
méningée et la méningite est parfois difficile, même après la ponc-
tion lombaire. Le liquide extrait peut, en effet, présenter à la fois
la coloration hémitique et la leucocytose, soit. que l'hémorrha-
gie ait secondairement déterminé une réaction leucocytaire, soit
que la méningite ait donné lieu à une diffusion sanguine. , 1
Chez une femme de 33 ans, frappée subitement d'une attaque
épileptiforme, nous avons observé une série de symptômes ménin-
giliques : attitude en chien de fusil, raideur de la nuque, signe de
Kernis, vomissements, fièvre (38° 6). Les attaques épileptiformes
se répétèrent avec une grande fréquence, laissant après elles une
hémiplégie droite. La mort survint dans le coeur, avec une tempé-
rature de 40° 9, six jours après le début des accidents. Une ponc-
tion lombaire avait donné un liquide jaune ambré, renfermant,
outre de nombreux globules rouges, quelques-uns polynucléaires,
de grands mononucléaires et sm tout des lymphocytes. On pou-
vait songer à la méningite tuberculeuse qui débute parfois chez
l'adulte par des attaques épileptiformes. Or l'autopsie montre un
foyer d'hémorrhagie du lobe frontal gauche, rompu sous les mé-
ninges qui étaient inondées de sang. ,
111 yocysmie.
M. Marie désigne par ce vocable le tremblement musculaire
ondulatoire vermiculaire, ressemblant à un grouillement de vers
10 SOCIÉTÉS SAVANTES.
et qui se produit sur le membre inférieur des deux cotés dans
l'hémiplégie organique récente du quinzième au vingt et unième
jour. Le fait que ce tremblement fibrillaire est bilatéral et se pro-
duit seulement ou surtout au niveau des membres inférieurs tient
à ce que ceux-ci reçoivent tous les deux beaucoup plus de fibres
venant d'un seul hémisphère que les membres supérieurs.
Maladie bleue et cyanose rétinienne.
M. Babinski présente un petit garçon atteint de maladie bleue
et montre des aquarelles reproduisant les veines dilatées et noi-
râtres du fond de l'oeil. Malgré cette cyanose locale, la vision ne
souffre aucun trouble chez ce jeune sujet.
L'hippas dans la chorée.
M. CRUCHFT (de Bordeaux) a noté la fréquence de l'hippus dans
le cas de méningite tuberculeuse, de tumeur du cervelet, d'ophtal-
moplégie ancienne, il l'a toujours rencontré dans la chorée, tandis
qu'il manquait dans la maladie des tics. Il croit, à l'encontre de
certains auteurs, à l'existence de ce phénomène et attire l'atten-
tion sur les causes d'erreur auxquelles 1'lippus peut donner lieu
dans la recherche du réflexe lumineux.
M. HASKOYEK (de Prague), dans une communication sur : le syn-
drorrze tlcalantique de Déjel'ine et ses formes bénignes, émet un avis
conforme à celui de MM. Déjerine et Thomas. Dans une seconde
communication, il note le cas de deux jumeaux atteints l'un d'épi-
lepsie, l'autre de migraine ophtalmique.
M. Oddv (de Marseille) communique un cas de lésion de l'épicone
dans une plaie de la moelle.
M. Lannois (de Lyon), à propos de la remarque de Crocq, a fait
pratiquer systématiquement dans son service le décubitus gauche
pendant toutes les crises d'épilepsie. L'attaque est toujours plus
courte dans cette attitude. F. ROISSIER. -
SOCIÉTÉ D'IlI'Pl\OLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 25 octobre 1904. Présidence DE M. JULES Voisin.
Le facteur efficace en Icypnotliérapie.
M. E. de GErEasLau (de Gothembourg Suède) rapporte divers
cas dans lesquels la suggestion expressément dirigée conlre cer-
tains troubles fonctionnels ayant échoué, l'amélioration, puis la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 511
guérison survinrent à la suite de simples séances de sommeil.
Donc l'hypnotisme, indépendamment de toute suggestion, possède
par lui-même une indéniable puissance thérapeutique.
M. BERILLON. Chez la plupart de nos névropathes, il y a désé-
qnilibre fonctionnel entre le cerveau et la moelle épinière. Le
sommeil normal rétablit l'équilibre; l'hypnose fait de même.
L'action de cette dernière se manifeste même par des signes
objectifs, par exemple, augmentation de la tension sanguine et,
consécutivement, chaleur aux mains et aux pieds. L'hypnotisme
est curatif en soi, en dehors de toute suggestion; il suffit, à lui
seul, à guérir des symptômes qui n'ont pas été visés par les sug-
gestions exprimées.
M. Paul Magnin. Les mélancoliques anxieux sont, au début,
très peu accessibles aux suggestions. Des séances successives de
sommeil améliorent assez vite leur état, et alors, la suggestion les
impressionne. A ces malades on ordonne, d'ordinaire, de fortes
doses de préparations opiacées; dès lors, n'est-il pas rationnel de
les soumettre à une cure de sommeil ? J'ai soigné un peintre déco-
rateur atteint d'accès de confusion mentale; il sortait complète-
ment de son état de confusion après une demi-heure de sommeil
provoqué, en dehors de toute suggestion. De même, dans certaines
formes de l'hystérie, les malades sont peu accessibles à l'hétéro-
suggestion ; mais, par le fait qu'ils dorment, ils détruisent d'eux-
mêmes leurs autosuggestions.
Un cas de trac chez un musicien.
M. Paul FAREZ. - M. X..., élève du Conservatoire, a obtenu un
premier accessit au concours de 1902. A l'approche du concours
de 1903, il est pris de trac, toutes les fois qu'il joue en public;
alors, il ne pense plus qu'à ne pas faire de fausse note, il ne se
préoccupe que du mécanisme et le sentiment artistique manque
totalement; aussi, au concours de 1903, il n'a pas de nomination.
Comme il est travailleur et bien doué, il persévère en 1904. Chez
lui ou à la classe, il joue en artiste, de manière à mériter de grands
éloges; en présence d'un ou de plusieurs étrangers, non seulement
il se sent démonté et désorienté, mais il s'arrête court, incapable
de continuer à jouer. Dans ces conditions, il ne parait pas possible
qu'il affronte de nouveau le concours. Mais alors, il devra quitter
le Conservatoire; il aura la honte de rentrer dans sa ville natale
comme un « fruit sec », après avoir trompé les espérances de ses
concitoyens; sa carrière d'artiste est brisée, etc... Obsédé par ces
idées, il voit avec terreur s'approcher la date fatale; il devient
sombre et taciturne, ne dort plus, mange à peine et désespère sa
famille par ses lettres éplorées. Quatre jours avant le concours, il
annonce à son père sa détermination de se tuer. Le père accourt
512 2 SOCIÉTÉS SAVANTES.
à Paris, affolé, et me l'amène. Après une première séance d'hyp-
notisme, M. X... prend part à une répétition dans une salle de
concert. Asa grande stupéfaction, il joue facilement, avec entrain,
sans hésitation, trouble ou appréhension; en même temps, ses
idées noires l'ont quitté; il est tout à fait calme et confiant; il ne
redoute plus l'époque du concours. La veille de celui-ci, nous fai-
sons une nouvelle séance ; et, au jour dit, on lui décerne, à l'una-
nimité, le premier des seconds prix. Le voilà tout désigné pour
un brillant premier prix en 1905; il ne manquera pas de recourir
encore à l'hypnotisme pour être en possession de tous ses moyens.
M. Voisin. - J'ai soigné jadis une jeune fille qui préparait les
examens de l'hôtel de ville. Quoique travailleuse et intelligente,
elle avait été plusieurs fois refusée ; chaque fois qu'elle paraissait
devant les examinateurs, elle était prise de' trac et ne pouvait
faire aucune réponse. Je l'ai soignée par l'hypnotisme et elle a
passé très facilement ses deux brevets. Elle est devenue une excel-
lente institutrice et n'a souffert d'aucun trouble nerveux pendant
dix-huit ans. Ces jours-ci, à la suite de préoccupations, de clia-
grins et de surmenage, elle a de nouveau présenté un état névro-
palhique dont je l'ai débarrassée par la suggestion. Qu'il s'agisse
de trac chez les musiciens, chez les acteurs ou chez les écoliers,
c'est par l'hypnotisme qu'on le traite efficacement.
M. BERILLON. C'est surtout chez les musiciens qu'apparaît le
trac. A vrai dire, la musique fait appel à la névropathie, l'entre-
tient et la développe; je parle surtout des exécutants. Ceux-ci se
surmènent sans répit, du matin au soir, ils sont étrangers à tout
ce qui se passe autour d'eux; leur culture générale est souvent
médiocre, pourrie pas dire nulle; obsédés par tel air, tel passage,
ils sont comme monoidéisés par une idée fixe; et, ainsi, ils se
déséquilibrent. Chez eux les diverses formes de trac rentrent dans
ces phobies dont j'ai déjà, il y a longtemps, signalé le caractère
professionnel. On les guérit en simulant, pendant l'hypnose, avec
tous ses détails, la scène qui, d'ordinaire, provoque le trac.
M. Lionel DAURIAC. - Il est très très vrai que la musique, par
elle-même, porte au déséquilibre nerveux. La musique, en effet,
est excitatrice d'émotions : les natures musicales prennent plaisir
à reproduire cette émotion et ainsi ils surmènent leur émotivité.
Aussi, je recommande toujours aux musiciens : ne personnifiez
pas votre morceau, ne vous laissez pas prendre par votre émotion,
oubliez-vous vous-même, passez du subjectif à l'objectif, mette/ :
en valeur les grandes lignes de la composition musicale que vous
interprétez, etc. Les exécutants se créent un mode d'excitation
qui les isole du monde extérieur; la pratique même de leur art les
mène au nervosisme. Il n'en est pas de même des compositeurs,
car ceux ci s'objectivent, et la pratique correcte'de la composition
exige la pleine possession de soi-même.
VARIA. 513
La suggestion mentale et les rayons Blondlot, par M. NAOUM KOTIK
(d'Odessa). -
Un cas de claire audition, par M. PEWNI1ZKY (de Saint-Péters-
bourg).
Influence de la suggession hypnotique sur le sexe des nouveau-
nés, par M. FELDMANN (de Saint-Péterbourg).
(Ces trois manuscrits sont renvoyés à l'examen de MM. Aragon,
Binet Sanglé, Lionel Dauriac et Paul Farez).
VARIA.
L'affaire DE l'asile DEVANTES. -
Il y a deux semaines, tous les journaux ont raconté la mort d'un
aliéné de l'asile de Nantes en donnant à ce fait un titre sensation-
nel. D'après cela, on aurait pu croire que le malade avait été ou
étranglé par ses gardiens ou étouffé par suite de leur incurie ou de
leur imprudence. '
Nous avons demandé des renseignements dans le but de con-
naître l'exacte vérité et voici ce que nous avons appris :
Pendant plusieurs jours, le nommé E..., âgé de 40 ans, quittant
à chaque instant son domicile, avait fait du scandale dans la ville
de \antes et occasionné des attroupements par ses discours et ses
actes extravagants. Il s'était rendu chez deux armuriers, M. Bri-
chet, rue de la Fosse, et M. Aubron, rue Contrescarpe, leur récla-
mant violemment un fusil qu'il disait leur avoir remis. Les jour-
naux avaient parlé de lui dans leur chronique locale et la police
arrêta enfin E... alors qu'il vagabondait de nouveau dans les rues.
Au poste il se montra très surexcité, incohérent, se disant mar-
chand de vins en gros, acheteur de toute la récolte de la contrée
dont une partie fui avait déjà été livrée et dont le reste allait lui
être expédié sous peu, etc., etc.
Le docteur Bahuaud, appelé à constater son état, délivra un cer-
tificat et E... fut conduit à l'asile Saint-Jacques le 9 octobre, où il fut
reconnu atteint de manie, peut-être par alcoolisme, mais sans
signes de paralysie générale.
Comme au dehors, il se montra agité, violent, avec le même
délire, il fallut le maintenir le jour et la nuit par les moyens ordi-
naires de contention . On le laissait cependant parfois libre de tous
ses mouvements. Le lundi 17 octobre, vers cinq heures du soir, il
put ainsi se faufiler dans le dortoir d'un pavillon qui n'a qu'un
rez-de-chaussée, brisa le grillage d'une croisée et passa dans le
parc des hommes pensionnaires. Les gardiens le retrouvèrent là,
Archives. 2' série. t. XVIII. 33
Hi r
514 -il VARIA.
le ramenèrent dans sa section et au moment du coucher, après lui
avoir mis la camisole, le recouvrirent des pieds à l'abdomen avec
de nombreux balins servant de garniture aux lits de gâteux, et
assujettirent ces balins avec des bandes de toile remontant du bas
à la tête du lit. Ils avaient spontanément agi ainsi pour empêcher
le malade d'avoir froid et de de se découvrir durant la nuit.
Le 18, à huit heures et demie du matin, E... était encore main-
tenu au lit par les mêmes moyens; il eut soudain une syncope.
Le premier gardien de la section, qui venait de rentrer de permis-
sion, partit effaré à la recherche de l'interne de garde, criant par-
tout que E... venait d'être étouffé dans son lit. Quand le médecin
en chef arriva quelques minutes après, E... était mort et déjà
débarrassé de toutes les entraves.
Le docteur Biaute ordonna aux gardiens de remettre toutes
choses en l'état et fut convaincu alors que ses prescriptions habi-
tuelles n'avaient pas été suivies et qu'on n'avait tenu aucun
compte des recommandations qu'il adresse si fréquemment à son
personnel. '
Le corps de E... ne portait cependant aucune trace de violence.
Le malade avait été vu pendant la nuit par le veilleur qui n'avait
remarqué que son insomnie, ses paroles incohérentes et son agita-
tion ; un des gardiens lui avait vers sept heures présenté un mor-
ceau de pain dans lequel il avait grignoté quelques bouchées et sur
lequel l'empreinte de ses dents était apparente.
Le malaise était donc postérieur et avait été subit, comme le
gardien l'avait rapporté; la mort ne parut donc pas au docteur
Biaute pouvoir être sûrement attribuée à une suffocation par
compression des organes thoraciques.
Mais en raison du bruit propagé dans tout l'hospice par le pre-
mier gardien, le médecin en chef ordonna le transport de E... à
l'amphithéâtre avec les plus grandes précautions et remit à vingt-
quatre heures la signature du bulletin de décès.
Le 19, à huit heures et demie du matin, il constate qu'un écou-
lement très abondant de sang avait eu lieu par les narines et que
de l'emphysème soulevait les tissus du cou et de la partie supé-
rieure du thorax. En présence de ces phénomènes qui seuls n'au-
raient pas suffi pour démontrer la mort accidentelle par suffoca-
tion, mais qui en auraient été des signes certains pour le vulgaire,
la famille, les amis, les curieux qui auraient cherché à voir le
cadavre et le garçon d'amphithéâtre, le docteur Biaute dit dans
la déclaration de décès que la cause ne pouvait être déterminée que
par l'autopsie et, dans le rapport au préfet, qu'il avait constaté à
l'égard de E... une application de moyens de contention contraire
a ses prescriptions habituelles, qu'une syncope rapidement suivie
de mort était survenue et qu'il fallait demander au parquet l'au-
topsie nécessaire pour préciser la cause du décès.
VARIA. 515
L'autopsie fut pratiquée le 20, quarante-huit heures après le
décès par M. le docteur Ollive, professeur de clinique médicale de
l'Ecole de Nantes. Le médecin légiste ne constata extérieurement
aucune marque de violences, ne trouva d'autres lésions internes
que celles d'une aortite chronique et après s'être enquis de tout ce
qui s'était passé, n'attribua la mort de E... qu'aux effets de la grave
affection organique si visible sur les pièces anatomiques.
La justice n'avait donc plus à intervenir et, le corps de E... pou-
vait êlre inhumé, sans qu'on ait la crainte, à cause des bruits qui
auraient couru, de voir dans la suite surgir des dénonciations.
Mais si l'oeuvre de la justice était terminée, il restait à l'adminis-
tration des hospices, et c'est ainsi qu'ont pensé avec raison quelques
journaux ayant raconté la fin de cette triste histoire, le devoir de
punir disciplinairement ceux qui avaient gravement manqué aux
règles de patience, de mansuétude et de traitement que le docteur
Biaute, de l'aveu de tous, ne cesse d'inculquer aux agents de tout
ordre, depuis les simples infirmiers jusqu'aux surveillants en
chefs. -
C'est là, d'ailleurs, qu'en est actuellement l'affaire. L'administra-
tion des hospices a recherché les fautes commises et les responsa-
bilités encourues, elle y est poussée encore par les frères de E...
qui, s'en rapportant aux conclusions de l'autopsie, exigent seule-
ment une sanction disciplinaire exemplaire à l'égard de ceux qui,
par défaut de surveillance ou mauvaise application des moyens de
contention, ont méconnu toutes les prescriptions médicales dans
les soins qu'on doit aux aliénés.
PSYCHOLOGIE DES émeutes. -
A. Manzoni,' dans Ses Fiancés, a décrit avec un grand soin
l'état mental des foules durant les émeutes. Nous croyons
intéressant de reproduire cette description 1.
Dans les émeutes populaires, il y a toujours un certain nombre
d'hommes qui, soit un effet de la violence de leurs passions, soit
par une persuasion fanatique, un dessein criminel, un infernal
amour de destruction, font tout ce qu'ils peuvent pour pousser les
choses au pire. Ils proposent ou appuient les projets les plus bar-
bares ; ils attisent le feu chaque-fois qu'il semble se ralentir.
Rien n'est jamais trop violent pour eux ; ils voudraient que le
tumulte n'eut ni mesure ni fin. Mais, pour servir de contre-poids, il
y a toujours un certain nombre d'autres hommes qui, peut-être avec
la même ardeur et la même obstination, s'appliquent à obtenir
l'effet contraire, ceux-ci portés d'amitié ou de partialité pour les
personnes qu'on menace, ceux-là sans autre impulsion qu'une
' Manzoni, Les Fiancés, trad. Hev. Dusseuil. Bibliolh. Charpentier.
516 VARIA.
pieuse et soudaine horreur du sang et du crime. Que le ciel les
bénisse ! Dans chacun de ces partis opposés, encore bien qu'il n'y
ait jamais de mesures concertées d'abord, la conformité des
volontés fait naître un concours subit dans les opérations. Ce qui
compose ensuite la masse et même le matériel du tumulte, c'est un
vaste mélange d'hommes qui. par .des nuances et des gradations
infinies, tiennent à l'une et à l'autre de, ces extrémités ; un peu
échauffés, un peu coquins, penchant un peu vers une certaine jus-
tice comme ils l'entendent, un peu affamés de voir quelque bonne
scélératesse, prompts à la férocité et à la miséricorde, à l'adoration
et à l'exécration, selon que l'occasion se présente d'éprouver l'un
ou l'autre sentiment; avides à chaque instant de savoir, de croire
quelque chose d'étrange; éprouvantle besoin de crier, d'applaudir
o,u de hurler contre quelqu'un.
Qu'il vive ! et qu'il meure ! sont les mots qu'ils aiment à jeter.
Si l'un a réussi à leur persuader qu'un tel n'a pas mérité d'être
écartelé, on n'a pas besoin de dépenser plus de paroles pour les
convaincre qu'il est digne d'être porté en triomphe. Acteurs, spec-
tateurs, instruments, obstacles, tout va selon le vent : prompts
aussi à se taire quand personne ne leur donne le mot, à se désister
quand les instigateurs manquent ; à se débander quand plusieurs
voix d'accord et non contredites ont dit : « Allons nous-en », et à
s'en retourner chez eux en se demandant l'un à l'autre : a Qu'est-
ce donc ? » Toutefois, comme, en de telles occurences, cette masse
a la plus grande force, qu'elle est la force même, chacun des deux
partis actifs use de toute son habileté pour l'attirer à lui, pour
s'en rendre maître. Ce sont comme deux âmes ennemies qui com-
battent pour entrer dans ce vaste corps et le faire mouvoir. C'est
à qui saura le mieux répandre les bruits les plus propres à exciter
les passions, à diriger les mouvements en faveur de l'une ou de
l'autre intention ; c'est à qui saura le plus à propos trouver les
nouvelles qui excitent l'indignation ou la tempèrent, mettre enjeu
les espérances et les craintes ; c'est à qui saura trouver le cri qui,
répété de bouche en bouche, exprime, atteste et forme en même
temps le voeu du plus grand nombre, pour l'un ou pour l'autre
parti.
Nous avons fait tout ce longbavardage pouren venir à dire que,
dans la lutte entre les deux partis qui se disputaient le voeu du
peuple rassemblé en foule devant la maison du vicaire l'apparition
d'Antonio Ferrer donna presque en un instant un grand avantage
au parti des modérés, qui avaient visiblement le dessous. Si ce
secours avait encore un peu tardé d'arriver, il n'aurait plus eu ni
la force ni un but pour combattre. L'homme était agréable à la
multitude à cause de ce tarif de son invention si favorable aux
acheteurs, et à cause de son héroïque résistance contre tout rai-
sonnement contraire. Les esprits déjà portés en sa faveur étaient
VARIA. 517
maintenant encore plus touchés de la courageuse confiance d'un
vieillard qui, sans gardes, sans appareil, venait trouver et affron-
ter une multitude courroucée et tumultueuse. Cet avis qu'il venait
prendre le vicaire pour le conduire en prison, faisait ensuite un
admirable effet. La fureur contre ce malheureux se serait soulevée
plus terrible encore si l'on était venu la braver et si l'on n'y. avait
voulu faire aucune concession ; mais avec cette promesse de satis-
faction, ou, pour le dire à la milanaise, avec cet os danslabouche,
elle s'apaisait un peu et donnait place aux autres sentiments
opposés qui naissent dans une grande partie des esprits.
Les partisans de la paix, ayant repris haleine, secondaient Ferrer
de cent manières : ceux qui se trouvaient près de lui, en excitant
à chaque moment par leurs applaudissements, l'applaudissement
public, et cherchant en même temps à faire un peu reculer le
monde pour ouvrir un passage au carrosse; les autres en applau-
dissant, en répétant et en faisant courir ses paroles ou celles qui
paraissaient les meilleures qu'il pût dire, en imposant silence aux
furieux obstinés et en tournant contre eux la nouvelle passion de
la mobile assemblée : « Qui est celui qui ne veut pas qu'on dise vive
Ferrer ? Tu ne voudrais donc pas, hé ! que le pain soit à bon marché ?
Ce sont des coquins, ceux qui ne veulent pas d'une justice de chré-
tiens ; et il y en a parmi ceux qui crient plus fort que les autres
pour faire sauver le vicaire. En prison, le vicaire ? vive Ferrer ! place
à Ferrer ! » Le nombre de ceux qui parlaient ainsi allant toujours
en augmentant le nombre du parti contraire diminuait sans cesse.
Les premiers en vinrent même a donner sur les doigts à ceux
qui voulaient tout ruiner, à les maltraiter, à leur retirer les outils
des mains. Ceux-ci écumaient de rage, menaçaient même, cher-
chaient à se relever ; mais la cause du sang était perdue; le cri
qui dominait, c'était : « Prison, justice, Ferrer ! » Après unecourte
lutte, ceux-ci furent vaincus; les autres s'emparèrent de la porte,
et, pour la défendre contre de nouveaux assauts et pour préparer
l'entrée à Ferrer. L'un d'eux, en criant au travers (car les fentes
n'y manquaient pas), avertit les gens de la maison qu'il était venu
du secours, et que le vicaire eut à se tenir prêt « pour aller tout de
suite... en prison. Hein ! vous comprenez !
Est-ce ce Ferrer qui aide à faire les ordonnances ? demanda à un
de ses voisins notre Renzo, qui se souvint du aiclil Ferrer que le
docteur lui avait montré au bas de la fameuse ordonnance que l'on
sait, et qu'il lui avait fait sonner à l'oreille.
- Justement, le grand chancelier, lui répondit-on.
C'est un galant homme, n'est-il pas vrai ? -
C'est bien plus, vraiment, qu'un galant homme ! C'est lui qui
avait mis le pain à bon marché ; ils ne l'ont pas voulu, et mainte-
nant il vient chercher le vicaire pour le mener en prison, parce
qu'il n'a pas agi selon la justice. ».
518 VARIA.
Il est inutile de dire que Renzo fut aussitôt pour Ferrer. Il vou-
lait aller à sa rencontre. La chose n'était pas facile; mais avec ses
coups de pied, ses coups de coude de montagnard, il parvint à se
faire jour et à se porter au premier rang, juste à côté de la voi-
ture. La voiture avait déjà pénétré dans la foule ; dans ce moment
elle était arrêtée par un de ces écueils inévitables et fréquents dans
une telle promenade.
Le vieux Ferrer présentait ◀tantôt▶ à l'une, ◀tantôt▶ à l'autre des
portières, une figure tout humble, toute douce, tout aimable, une
figure qu'il avait toujours tenue en réserve pour le jour où il vien-
drait à se trouver en présence de don Philippe IV ; mais il fut con-
traint de la dépenser en cette occasion. Il parlait aussi, mais le
bruit et le bourdonnement de tant de voix, les vivat même qu'on
poussait pour lui ne laissaient entendre qu'à peine et bien peu de
ces discours. Il s'aidait aussi du geste : ◀tantôt▶ il portait le bout de
ses doigts unis sur ses lèvres pour y prendre un baiser que ses
mains en s'ouvrant aussitôt, distribuaient à gauche et il droite
comme pour rendre grâce de la bienveillance que lui témoignait le
public ; ◀tantôt▶ il les allongeait et les agitait lentement' hors de la
portière pour demander un peu de place; ◀tantôt▶ il les baissait
poliment pour demander un peu de silence. Quand il en avait uu
peu obtenu, les plus voisins entendaient et répétaient ses paroles :
« Pain, abondance. Je viens pour faire justice; un peu de place, de
grâce. » Etouffé ensuite et comme suffoqué du bourdonnement de
tant de voix, de la vue de tant de ligures enflammées, de tant de
regards fixés sur lui, il se tirait un moment en arrière, gonflait
ses joues, en chassait le vent à grand bruit, et se disait à part :
PO}'11 ! i vida, que de gentes ! (sur ma vie, que de monde ! )
« Vive Ferrer ! N'ayez pas peur. Vous êtes un brave homme. Du
pain ! du pain ! .
Oui du pain ! du pain ! répondit Ferrer.
Abondance ! je vous le promets, moi » ; et il mettait la main
sur son coeur. « Ouvrez-moi le passage, ajoutait-il ensuite en
criant de toutes ses forces, je viens pour le mener en prison, pour
lui infliger un juste châtiment. » Et il ajouta a voix bien basse :
Si est aculpable (s'il est coupable).
Se baissant ensuite vers son cocher, il lui disait, en hâte : Ade-
lante, Pedro, si puedes (en avant, Pedro, si tu peux).
Le cocher souriait aussi au peuple avec une politesse affectueuse
comme s'il avait été un grand personnage ; et avec une grâce inef-
fable ; il promenait lentement, le fouet à droite et à gauche, pour
demander aux voisins incommodes de se ranger et de se retirer
un peu sur les côtés. « De grâce, disait-il aussi, Messieurs, un peu
de place, un tant soit peu, à peine de quoi passer. »
En attendant, les officieux les plus actifs s'employaient pour
faire le passage demandé avec tant de grâce.
VARIA. 519
Quelques-uns, devant les chevaux, font retirer le monde avec
de bonnes paroles, en leur mettant les mains sur la poitrine, en
les poussant doucement : « la, la, un peu déplace, messieurs. »
Les autres faisaient le même manège aux deux côtés du carrosse
pour qu'il pût courir sans effleurer les pieds ni caresser les
visages; accident qui, outre le mal qui aurait pu en résulter,
aurait fait courir de .grands risques à la popularité d'Antonio
Ferrer.
Renzo, qui avait été quelques instants à regarder avec complai-
sance cette respectable vieillesse, un peu troublée par le chagrin,
tourmentée par la fatigue, mais animée par la sollicitude embellie,
pour ainsi dire, par l'espérance d'arracher un homme à des
angoisses mortelles ; Renzo, dis-je, laissa de côté toute idée de
retraite. Il résolut de prêter main-forte à Ferrer, et de ne pas
l'abandonner jusqu'à-ce qu'il fut venu à bout de ses desseins. Il se
mit aussitôt avec les autres à faire faire place, et il n'était, certes,
pas un des plus paresseux. Un passage s'ouvre. « Avancez, avan-
cez », disaient quelques-uns au cocher en se retirant ou en courant
en avant pour faire ranger le monde un peu plus loin. « Adelan/e
presto, coa juicio, (en avant, vite, avec précaution) » lui dit aussi
le patron ; et le carrosse se mit en mouvement.
Au milieu des saluts qu'il prodiguait à l'aventure au public.
Ferrer en adressait certains autres de remerciement, avec un sou-
rire d'intelligence, à ceux qu'il voyait s'employer pour lui : Plus d'un
de ces sourires fut adressé à Renzo, qui, en vérité, les méritait
bien, et servait en ce jour le grand chancelier mieux que ne l'aurait
pu faire le plus intrépide de ses secrétaires. Le jeune montagnard
extravaguait de joie de cette politesse; il lui semblait presque
qu'il s'était lié d'amitié avec Antonio Ferrer.
La voiture, une fois en mouvement, poursuivit sa route avec
plus ou moins de lenteur, et non sans s'arrêter de temps à autre.
Le trajet était très court; mais eu égard au temps qu'on y mettait,
il aurait semblé un petit voyage même à qui n'aurait pas eu la
sainte hâte de Ferrer. Le peuple se pressait, s'agitait en avant, en
arrière, à droite, à gauche du carrosse, comme des dauphins
autour d'un vaisseau qui s'avance, battu par la tempête. Le fracas
était plus perçant, plus discordant, plus étourdissant que celui de
la tempête. Ferrer, en regardant ◀tantôt▶ d'un côté, ◀tantôt▶ de l'autre,
en s'agitant et en gesticulant toujours, cherchait à -entendre
quelque chose pour régler là-dessus ses réponses. Il voulait, pour
mieux faire, entamer la conversation avec cette troupe d'amis;
mais la chose était difficile, la plus difficile peut-être qu'il eût
encore rencontrée dans ses longues années de service à la grande
chancellerie. De temps en temps pourtant, quelque mot, quelque
phrase même répétée par l'assemblée sur son passage, se faisait
entendre comme l'éclat d'une grosse fusée domine le bruit confus
520 VARIA.
d'un feu d'artifice. Lui, ◀tantôt▶ en se mettant en quatre pour
répondre d'une manière satisfaisante à ces cris, ◀tantôt▶ criant de
toute la force de ses poumons les mots qu'il savait devoir être les
mieux accueillis, ou que quelque nécessité subite semblait deman-
der, leur parla tout le long de la rue : « Oui, messieurs, pain,
abondance. Je le mènerai en prison; il sera châtié..., si esta cul-
pable (s'il est coupable). Oui, oui, je l'ordonnerai, moi; le pain à
bon marché. Asi es... Cela est ainsi, veux-je dire. Le roi notre
Seigneur ne veut pas que ses fidèles sujets souffrent la faim. Ox, ox,
guardaos. (Ho ! ho ! prenez garde.) Qu'on ne vous fqsse pas de mal,
messieurs. Pedro, adelante con juicio (Pedro, en avant, avec pré-
caution), abondance, abondance ! un peu de place par charité.
Pain ! Pain ! en prison ! en prison ! Qu'est-ce... ? » demandait-il
ensuite à un homme qui avaitjeté la moitié de son corps dans la
portière pour lui hurler un conseil, une demande, un applaudisse-
ment, n'importe quoi. Mais celui-ci sans vouloir entendre le
« Qu'est-ce ? » avait été tiré brusquement en arrière par un autre
qui le voyait sur le point d'être écrasé sous les roues. A travers les
acclamations réitérées, à travers aussi quelque frémissement
d'opposition qui se faisait entendre çà et là, mais qui était aussitôt
comprimé, voilà que Ferrer arriva enfin à la maison, grâce surtout
à ses bons auxiliaires.
Les autres qui, comme nous l'avons dit, étaient là avec les
mêmes bonnes intentions, avaient, en attendant, travaillé à faire
et à refaire un peu de vide. Prière, exhortation, menace, ils avaient
tout employé; ils poussent, ils pressent, ils foulent aux pieds deçà
et delà avec ce redoublement d'ardeur et de force que donne tou-
jours l'approche d'une issue désirée. Ils étaient parvenus a partager
la foule en deux, et ensuite à rejeter les deux files en arrière, si
bien qu'entre la porte et le carrosse, qui s'arrêta devant, il y avait
un petit espace libre. Renzo, qui, en faisant un peu le batteur
d'estrade et un peu le guide, était arrivé avec le carrosse, put
trouver place dans l'un de ces deux remparts d'officieux qui fai-
saient en même temps face au carrosse et servaient de digues aux
deux flots frémissants de peuple. En aidant à en soutenir une avec
ses puissantes épaules, il se trouva très bien placé pour voir.
Ferrer respira en voyant la place libre et la porte encore fermée,
ou, pour mieux dire, pas encore ouverte.
Du reste les gonds étaient plus qu'ébranlés dans leurs fonde-
ments ; les huisseries en éclats, brisées, enfoncées, fendues vers le
milieu, laissaient voir par une large brèche un bout de cadenas
tordu, forcé et presque arraché, qui, pour ainsi dire, les tenait
jointes ensemble. Un officieux s'était mis à ce pertuis à crier qu'on
ouvrit, un autre accourt pour ouvrir la portière du carrosse; le
vieillard met la tête dehors, se lève, et s'appuyant de la main sur
le bras de ce digne homme, il pose le pied sur le marchepied.
VARIA, 521
La foule se soulève de tous côtes pour voir; mille figures, mille
nez sont à l'air. La curiosité et l'attention générale font naitre un
moment de silence. Ferrer s'arrête en ce moment sur le marche-
pied ; il promène ses regards autour de lui, s'incline pour saluer
le peuple, met la main' sur le coeur et crie : « Pain et justice ! » »
Revêtu de sa toge, la tête haute, la démarche assurée, il descend à
travers les acclamations qui montent jusqu'au ciel.
Les gens de la maison avaient, en attendant, ouvert la porte, où,
pour mieux dire, avaient fini d'arracher le cadenas et les anneaux
déjà' chancelants. Ils firent une ouverture pour donner l'entrée à cet
hôte si désiré, en mettant toutefois un grand soin il borner l'ouver-
ture à l'espace que son corps pouvait occuper. « Vite, vite, disait
celui-ci, ouvrez-bien, que je puisse entrer; et vous, en braves gens
contenez le peuple, et ne le laissez pas venir derrière moi..., pour
l'amour du ciel... ! Préparez un peu de passage pour ◀tantôt, à l'ins-
tant. Aïe, aïe ! messieurs, un moment, disait-il ensuite aux gens
de la maison ; doucement avec cette porte; laissez-moi passer. Hé,
mes côtes ! je vous recommande mes côtes. Fermez, maintenant.
Non, hé, hé ! ma robe ! ma robe ! Elle serait restée prise entre les
jointures si Ferrer n'en avait pas retiré avec précipitation la
queue. Elle parut comme la queue d'un serpent qui, poursuivi se
cache dans un trou.
Les portes, refermées du mieux que l'on pouvait, étaient, en
attendant, étayées par derrière avec des supports. Au dehors, ceux
qui s'étaient constitués gardes du corps de Ferrer travaillaient des
épaules, des bras et de la voix à maintenir la place vide, en priant
du fond du coeur leur seigneur Dieu qu'il eût bientôt fait.
« Vite, vite, disait encore celui-ci dans la maison, sous leportique,
aux serviteurs qui l'entouraient essoufflés et criant : soyez béni !
Ah ! Excellence ! Oh ! Excellence ! Juste ciel ! Excellence ! 1
Vite, vite, répétait Ferrer; où est ce cher homme ? »
Le vicaire descendait l'escalier, demi entraîné, demi porté par
les autres domestiques, pâle comme la mort.
Quand il vit son sauveur, il poussa un grand soupir ; il lui revint
un peu de pouls, il lui courut un peu de vie dans les jambes, un peu
de couleur sur les joues, et il se hâta d'arriver devant Ferrer en
disant : « Je suis dans les mains de Dieu et, de votre Excellence.
Mais comment sortir d'ici ? nous sommes entourés de toutes parts
de gens qui veulent ma mort.
Vengea con migo, llsted (venez avec moi) et prenez courage. Ma
voiture est là dehors : vite, vite. » Il le prend par la main et le con-
duit vers la porte en le rassurant durant tout le trajet, mais en
disant en son coeur : Aqui està et busilis ! Dios nos valga ! (Voici le
point difficile, que Dieu nous soit en aide). -
La porte s'ouvre; Ferrer sort le premier; l'autre le suit, tout
rapetissé, cramponné, collé à cette toge protectrice comme un
822 2 - VARIA. ,
petit enfant à la jupe de sa mère. Ceux qui avaient maintenu la
place libre lèvent aussitôt les mains, agitent leurs chapeaux, ils
font en quelque sorte un nuage pour soustraire le vicaire à la vue
dangereuse de la multitude. Celui-ci entre le premier dans le car-
rosse et se tapit dans un coin. Ferrer monte ensuite; la portière se
ferme. Le peuple entrevoit, sait, devine ce qui est arrivé, et il
envoie un bruit confus d'applaudissements et d'imprécations.
La partie du voyage qui restait à faire semblait la plus difficile
et la plus dangereuse. Mais le voeu public pour laisser aller le
vicaire en prison s'était suffisamment manifesté : et pendant que
la voiture s'était arrêtée plusieurs de ceux qui avaient favorisé
l'arrivée de Ferrer s'étaient encore plus appliqués à préparer et à
maintenir un chemin au milieu de la foule; le carrosse put au
retour, courir avec un peu plus de vitesse et sans intervalles. A
mesure qu'il s'avançait les deux foules rangées. sur les côtés se
confondaient ensemble et se réunissaient derrière.
Ferrer, à peine assis, s'était baissé pour avertir le vicaire qu'il
se tint bien caché dans le fond, et qu'il ne se laissât point voir,
pour l'amour du ciel ; mais l'avis était inutile.....
LE martyrologe DES asiles. L'attentat de l'Asile clinique.
La série rouge dont nos asiles s'ensanglantent se poursuit avec
une désolante persistance, depuis quelques mois; avec les moits
tragiques des infirmiers victimes des malheureux insensés qu'ils
soignaient à Paris, puis à Villejuif, nous avons eu à déplorer les
attentats contre les médecins aliénistes :
Celui de M. le Dr Devay, à Lyon, tout d'abord, pour ne pas
remonter plus loin ; ici, l'intervention du savant chirurgien
Jaboulay, parvint à sauver notre collègue, frappé dans des condi-
tions analogues.
Le DrVorster, frappé de même d'un poignard au ventre, périt,
il y a quelques mois, dans son asile, en Allemagne, de la.. main
d'un de ses malades ; et voici qu'à l'asile clinique, le Dr Vallon
tombe frappé d'une lame à la nuque, le mardi 4 octobre, à dix
heures du matin, au cours de sa visite médicale.
Hâtons-nous de dire que les conséquences de l'attentat n'ont
pas été aussi graves qu'on l'a craint tout d'abord et avec raison.
Tout danger pour la vie est écarté aujourd'hui. Notre ami et
dévoué collaborateur ne présente plus qu'un affaiblissement de la
motilité dans le côté droit du corps et une diminution de la sensi-
bilité dans le côté gauche, accidents en voie d'amélioration.
L'instrument de l'attentat est une lame effilée, longue de
8 centimètres, solidement emmanchée, dont l'origine n'est pas
encore établie : vient-elle du dehors ? fut-elle dérobée à l'éplu-
chérie ? l'enquête l'établira; toujours est-il que le malade la tint
VARIA. z3 3
cachée dans son béret tous ces jours derniers, préméditant son
acte 1.
Il avait été, par M. Vallon même, soustrait aux poursuites judi-
ciaires comme irresponsable.
M. Vallon, depuis vingt ans, s'est spécialement consacré à
l'étude des délicats problèmes de la médecine légale ; il tombe
victime, à la fois de son dévouement professionnel de médecin
d'asile et de son apostolat médico-légal. Le malade qui l'a frappé
avait été deux fois sauvé par lui des -condamnations que ses actes
dangereux entraînaient, mais dont son état psychique morbide le
fit déclarer indemne.
. LES établissements d'aliénés ET LE pari mutuel.
La commission extraparlementaire du pari mutuel a examiné la
question de principe suivante : les établissements d'aliénés doi-
vent-ils être considérés comme oeuvres de bienfaisance et appelés,
à ce titre, à bénéficier du prélèvement de 2 p. 100 opéré en faveur
de ces oeuvres sur les sommes engagées au pari mutuel ? La com-
mission, à l'unanimité, a déclaré que les charges résultant de la
construction et de l'entretien des établissements d'aliénés étaient
essentiellement départementales et qu'il était impossible d'assi-
miler ceux-ci aux oeuvres de bienfaisance pour lesquelles la loi de
1893 a stipulé un prélèvement sur le pari mutuel. (L'Aurore du 21
novembre 1904).
LES dangers DE l'hypnotisme.
Sous ce titre : Une affaire d'hypnotisme, le Progrès de Lyon du
3 novembre, raconte ce qui suit : Le tribunal correctionnel de Dôle,
avait à connaître en sa dernière audience d'une espèce comme
on dit au Palais assez particulière et que nos tribunaux n'ont
pas eu à juger souvent jusqu'ici. Voici sommairement exposée l'af-
faire dont il s'agit :
Un jeune boulanger de notre ville, le sieur Victor Latcha, âgé
de vingt-deux ans, originaire de Montbéliard (Doubs), se livrait,
en amateur, depuis trois années, aux pratiques mystérieuses de
l'hypnotisme et de la suggession mentale, pratiques dans lesquelles
il avait obtenu, il faut le reconnaître, certains succès. C'est ainsi
qu'à Dôle, où il travaillait depuis quelques mois, chez M. Natt,
boulanger, il avait expérimenté ses connaissances en hypnose sur
maints et maints jeunes gens de la ville.
Au mois de juillet dernier, le jeune Henri Bertaut, âgé de seize
ans, fils d'un honorable conseiller municipal de Dôle, se prêtait
bénévolement aux expériences successives de Latcha, mais bientôt
ce nouveau sujet tombait en des crises d'hystérie répétées, avec
' Voir les nos il et 43 du Progrès médical de 1904
S24 faits divers.
aggravation de catalepsie, anesthésie et troubles qui l'obligèrent à
garder le lit deux mois durant et desquels il parait à peine guéri
aujourd'hui.
Plainte fut donc portée par le père du jeune malade; une enquête
' laborieuse intervint et finalement, après qu'une expertise médico-
légale eût été ordonnée, laquelle fut confiée à M. le docteur Jour-
niac, médecin à l'asile de Saint-Ylie, l'hypnotiseur en question se
voyait poursuivi, à la reqnéte du Parquet, pour violences sur la
personne d'autrui, violences ayant entraîné pour la victime une
incapacité de travail de plus de vingt jours.
A l'audience, l'inculpé ne nie pas les pratiques auxquelles il se
livrait depuis quelques années, mais il essaie d'expliquer- que le
jeune Berthaux était plutôt prédisposé à l'hystérie. Il ajoute qu'au-
cun des sujets qu'il a endormi n'a éprouvé le moindre trouble.
L'interrogatoire terminé, M. Couchepin, procureur de la Républi-
que, dans un lumineux et très savant réquisitoire, qui a duré près
d'une heure, regrette tout d'abord que la loi soit désarmée en
France vis-à-vis de l'hypnotisme, tandis que certains pays étran-
gers, comme la Russie, l'Allemagne, le Danemark et l'Autriche
possèdent des lois et règlements restrictifs de la liberté desdites
pratiques.
M. le procureur lit ensuite de longs extraits du livre de Gilles
de la Tourette où des cas semblables à celui du jeune Berthaux
sont relevés, des personnes qui de santé excellente jadis ont vu
leur état général physiologique et mental pérécliteretlamort même'
les atteindre après avoir servi de champs d'expériences à des hyp-
- notiseurs, tels que Donato et autres exhibitionnistes. En consé-
quence le ministère public demande une condamnation sévère au
tribunal, duquel il attend un verdict qui fera, il l'espère, jurispru-
dence en la matière. L'affaire a été en délibéré mardi et le juge-
ment intervenu jeudi a condamné Latcha à 200 francs d'amende
et aux frais qui, vu l'expertise médicale et les enquêtes prélimi-
naires, seront assez élevées pour le condamné.
FAITS DIVERS.
Asiles d'aliénés. Mutations octobre 1901. M. le D1' JLWPATÉ,
docteur-médecin à Naugeat (Haute-Vienne), nommé en la même
qualité à La Charité (Nièvre). \I. le D' BROQUÈRE, directeur-méde-
cin à Laval (Mayenne), nommé en la même qualité à Naugeat
(Haute-Vienne). -111. le Dl' Pain, médecin-adjoint à Laval (Mayenne),
nommé directeur médecin du même établissement. - JI. le D' NOL1,
BULLETIN bibliographique. lui25
directeur-médecin à St-Illan (Lozère), nommé à la classe excep-
tionnelle du cadre à partir du le, octobre 1904. M. le Dr COLIN,
médecin en chef des asiles d'aliénés de la Seine, promu à la 2° classe
du cadre. - M. le De VIALLON, médecin en chef à l'asile d'aliénés-
de Brou (Rhône), promu à la 2° classe du cadre. - M le Du
Lépine, médecin-adjoint à l'asile d'aliénés de Pau, nommé en la
même qualité à Brou. M. le De JUQLELIER, 4° du concours de
1904, nommé médecin-adjoint de l'asile d'aliénés de Laval (Mayenne).
Asiles d'aliénés, - Nominations et promotions. Mouvement de nou.
M. le Dr Cornu, 4° du concours 1904 nommé médecin-adjoint à
Pau en remplacement de M. le Dr Lépine nommé à Bron. - M. le
Dr Vernet, médecin en chef à l'asile de Maréville, promu à la
classe exceptionnelle du cadre. M. le Dr LwoFr., médecin-direc-
teur de l'asile de Moisselles, nommé médecin en chef de l'asile de
Maison-Blanche (Seine), en remplacement de M.' le D1' Taguet
admis à faire valoir ses droits à la retraite et nommé médecin en
chef honoraire. M. le Dr TRE.,iEL, médecin en chef à Ainay-le-
Château, nommé directeur-médecin à l'asile de Moisselles. -111. le
D' Bonnet, médecin en chef à l'asile Saint-Robert, nommé méde-
cin en chef à la colonie familiale à Ainay-le-Chàteau. M. le
Dr Caperas, médecin-adjoint à l'asile de Dury (Somme), nommé
médecin-adjoint à la colonie familiale à Dun-sur-Auron. - 11. le' 1
D Dupain, médecin en chef de l'asile de Vaucluse, promu à la pre-
mière classe du cadre. M. le D' DEZIHRTE, médecin-adjoinl à
Bailleul, nommé médecin-adjoint à Laval en remplacement de
M. le De Pain nommé directeur-médecin.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
G.wneie. - Rapport médical pour l'année 1903 de l'asile dépa1'lemen-
tal d'aliénés de Dijon. 1 vol. de 102 pages. Jl11p. Sirodot-Carré, Dijon,
1904.
HL'GEOBLEK (J.) . Ecoles régionales pour les sourds-muets et les aveu- ! /les. In-8» de 22 pages. Imp. Starck à Lyon.
Marie (A.). Névrose et paralysie générale. In-S° de 24 nages. Imp.
Severeyns. Bruxelles, 1904.
T/te Seguin pltysiolo,qical School. In-So de 36 pages.
N'oBiNs (L. J.). Ansgervahlle 11'er/ce. Band V. Nietzsche, 1904. 111..
4.50. Librairie J.-A. Barths, à Leipzig.
EXPLICATION DES PLANCHES
Les Planches (p. 40), PL. II (p. 47), Pt., III (p. 48), Pt.. IY (p..1,9)
ont été intercalées dans le texte et décrites dans la relation de l'au-
topsie.
Planche Y. Base de l'encéphale de ¡¡am... (\'oir p. 473). - Elle
montre l'atrophie de l'hémisphère droit et de hémisphère cérébelleuse
gauche. 1 , -
Planche VI. Face convexe de l'encéphale : Mi,eux que la précédente,
cette planche montre très nettement le degré d'atrophie de l'hémisphère
cérébral droit. '
Planche VII. Hémisphère cérébral gauche : face interne. F', frontale
interne, avec un pli sinueux, F", faisant une saillie notable sur le plan
de F' LP, lobe paracentral. CCC, pli doublant la circonvolution
du corps calleux, cachée par le trigone Tg et le septum lucidum; il
aboutit en arrière au lobe paracentral. Tgp, pilier postérieur du tri-
gone ( ? ). - Scnx, partie du sillon calloso-marginal. CS, tète du corps
strié, dont l'autre partie est cachée par le trigone Tg. CO, couche
optique. NO, nerf optique. - PC, pédoncule cérébral. - il, incisure
temporale très marquée. -, CII, circonvolution de l'hippocampe, -
LQ, lobe carré. C, coin. - LO, lobe occipital. L, f, lobe fusiforme très
volumineux. T', troisième temporale.
Planche VIII. Hémisphère droit : face convexe. LF. lobe frontal;
toutes ses circonvolutions sont atteintes de sclérose atrophique à un
degré extrêmement prononcé. FA, PA, frontale et pariétale ascen-
dantes paraissant confondues (Voir PL. IX). - SS. Scissure de Sylvius
très distincté. En écartant ses lèvres on voit le lobule de l'insula très
atrophié. La digitation antérieure, très atrophiée, existe dans toute sa
longueur. La deuxième dotation est réduite à une courte crête. Les
autres digitations ont disparu, d'où une surface plane, d'aspect un peu
vitreux. LT, lobe temporal, dont les circonvolutions sont extrême-
ment atrophiées, P', lobule pariétal supérieur. - P'- lobule pariétal
inférieur. LO, lobe Qccipital.
Planche IX. Hémisphère cérébral droit : face convexe. - L'hémis-
phète est renversée en dehors afin de bien mettre en évidence la frontale
et la pariétale ascendantes confondues sur la Planche VIII, ainsi que le
sillon de Rolando, SR.
Planche X. Hémisphère droit : face interne. LF, lobe frontal. F'.
portion de la première frontale ou frontale interne. - LP, lobe para-
central. ' CCC, circonvolution du corps calleux. CC, corps calleux
très réduit. -, CS, corps strié. f0, couche optique. PC, pédoncule
cérébral.
Planche XI. Hémisphère droit : face inférieure. LO, lobe orbi-
taire. LT, lobe temporal composé de circonvolutions très atrophiées.
- LO, lobe occipital. ·
Le rédacteur-gérant : Bourneville.
!
ARCHIVES DE NEUROLOGIE, 1904, T. XVIII. 1 PL. V.
t
Archives DE NEUROLOGIE, 1904, T. XVIII. PL. VI.
Archives -de NEUROLOGIE, 1904, T. XVIII. PL. VII,
Archives de neurologie, 1904, T. XVIII. PL. VIIbis.
acenes DE NEUROLOGIE, 1904, T. XVIII. PL. VIII.
umes ue wuun.o,re, 1904, T. XVIII. Pr, lx.
Archives de neurologie. 1904, T. XVIII. PL. X.
1 HCIlI \'E" DE NEUROLOGIE, 1 ! )0-l, 'l'. XVIII. PL. XI.
1
TABLE DES MATIERES
Abasie. Un cas particulier d' guéii i
par la suggestion, par Stembo,881.
Abcès. Voir Cerveau.
Accidents bllbaiues. D'origine au-
l'lculalre, par Bonmer, 71.
ACC011110DArI0\. Voir Centres cor-
ticaux.
AcnlloMATOPsIE. Voir Jlonochrolna-
lopsie.
Acide CACODYLIQUE. Le traitement à
t ? par Smult. 356.
ACIIOCY.1-NOSE chronique hypeitro-
phiante, par Péhu, 55.
Acromégalie. Contribution à l'étude
des échanges nutritifs dans 1 ?
par Paillon, 91. : : Splanchno-
. mégalie; gros coeur; mort par
asvstohe, par Paviot et Beutter,
487. Un cas d'- avec diabète.
Tuineui du corps pituitaire, par
Josserand et Beriel, 493. - soir
Gigantisme.
Acropaiiesthésies. Remarques sur
la pathologie des -, par Plclc,
51.
Adipose. Un cas d'- douloureuse,
par Raymond et Guillain, 74. >
Affections céhlbrales. Contribution
à la pathologie des -- toxiques
par Alter, 151. Des - mentales
et nerveuses à la période secon-
daire de la syphilis, par Schai-
kewitsch, 33G.
Agiuphie. Voir Cécité verbale.
AKATIIISIE. Nouvelles remarquables
sur 1 ? pa. Haskovec, 498.
Alcoolisme. La cure actuelle de
l ? par Legrain, 177. L'- en
Scandinavie, 445. L'- en Breta-
gne, par Ducrest Je Villeneuve,
502. Drames de l ? 524.
Alcooliques. Voir Suggestibilité.
- traités avec succès. - traites
avec succès, contre son gré et il
son insu. par suggestion pondant t
le sommeil naturel, par Farez,
178..
Aliénés. Les - en liberté, 93. -
Voir Os. Des mesures à prendre à
l'égard - CI iminels, par Keraval.
252. Contribution à la casuistique
de la léaction biologique des
cheveux des -, par Heinicke,
408. - Voir Crazzionzélrie. - Voir
Bains. Visite faite à un certain,
nombre d'établissement zen
Allemagne, Bavière et Autriche,
par de Maèie, 436. Colonie wal-
lonne ci,- de Lierneux; par De-
peron, 437. Les - en liberté,
if3. Les - enceintes, pli. -
criminels et asiles spéciaux, par
Boudin, 454. Le traitement des
, par Wagner, 501. Les derma-
toses chez les -, par Vinfield.
504. Singulières cachettes d'une
- , par Leroy, 508. Evasion d'un
- assassin, 513. 1
Amadrose. Voir Rétine. Etude du
nerf optique dans 1' tabétique,
par P. Marie et Léri. 77.
.1w·cLIE. Voir Anencéphalie .
Anatomie pathologique. L'état ac-
tuel de l ? du système nerveux
central, par Nissl. 154.
A : 'EI\CEPII ,"LIE. Un cas d'- avec
amyélie, par Brissaud et Bruan-
det, 488.
Anesthésie. Action des excitations
mécaniques faibles et repétées
sur l'- hystérique, par .\laânin,
82. Des rapports de l'- avec les
rêves et les cauchemars chez une
hystérique, par Jourdan, 312.
Angoisse. De l ? par Londe, 409.
Année PSYCIIOLOGIQUE. L'- -, 284.
Appareil. Notice sur un nouvel
pour les fractures de la rotule
chez les convulsionnaires et les
aliénés, par Beesau, 433.
Aphasie. Contribution à l'étude de
l'- sensorielle optique, par Ho-
senfeld, 329.
Aphasiques. Voir Lésions corticales.
Aponévrose. Note sur la rétraction
de l'- palmaire chez les aliénés,
par Féré et Francilien, 351.
Apraxie motrice. Contribution à la
psychologie de l ? par Pick,
422.
ë28 table DES matières
Argent, Voir Cylindraxes. - Voir
Neuro fibrilles.
A RTIflt0l ,l III E«Voir Syringomyélie.
AnTEllIO-SCLÉIi05E. Voir Ophtalmo-
Pléyie.
Aktuopatuies et Ostéopathies tabé-
tiques, par Destot, 494. ner-
veuse traitée par la résection,
par Patel et Cavaillon, 501.
Asile ' de Bron : condamnation
d'un infirmier.- d'aliénés : noms
des médecins en chef, des méde-
cins adjoints et nombre des.in-
ternes, 182. Les habitués des -
par Marie, 276. d'aliénés :
mouvements de mai, juin et juil-
let 1904. 287. - public d'aliénés
de Lesvellec. 367. d'aliénés de
Villejuif, 367. - d'Alençon. 367.
- d'aliénés des PjTénées-OI ien-
tales, 421. De la protection de la
fortune des malades dans les -
d'aliénés, par S. Garnier. 434.
Des sorties d'essai et des congés
de distractions dans les d'alié-
nés, par Hospital, 434. Sur l'au-
tonomie d'un public d'aliénés,
par Dumas. 435. L'- 'de Galk-
hausen, par de Maëre, 435. Sta-
tistique clinique des alcooliques
traités à l'- de Bel-Air en 1901
et 1902, par Papadaki, 435. -
d'aliénés. Mouvement de septem-
bre 1904, 416. - d'aliénés. Muta-
tions d'octobre et novembre, 525.
L'affaire de l'- de Nantes : 514.
L'attentat de 1'- clinique, 523.
Assistance des idiots ; 4-i3. - à
domicile : Séquestration et assas-
siiiat d'un dément, 444.
Astasie-abasie labyrinthique, par
Bcnnier, 53.
Ataxie. De l'- cérébelleuse : aiguë,
par Bechterew, Ï46.
Atrophies, cérébrales unilatérales,
par Paul-Boncour. 28.
AUTOC\'TOTOXIIOE spécifique et anti
dans le coma des épileptiques :
par Ceni. 150.
Bains. De l'application des d'air
chaud au traitement des aliénés
et des épileptiques, par Ger-
main, 431.
Basedow. Contribution à l'anatomie
pathologique de la maladie de - -1
par Kedzior, 351. Section du
sympathique cervical pour une
maladie de -, par Jaboulay, 499.
Bielscuowsivy. Voir Diplopie
Bulbe. Voir Malformations Cra-
tiennes.
Buveurs. Voir Dispensaire.
Calcium. Quelques expériences sur
l'action du sur l'écorce céré-
brale, par Ronconon, 401.
Caractère. Note relative à la ques-
tion des modifications du - à la
suite des lésions du cerveau, par
Fiiedmann, 325.
Catalepsie symptomatique et rythme
de Cheyne-Stokes, par Bauer. 52.
Catatonie. Observation de en
relation avec la première mens-
truation, par Mucha, 350.
Voir Troubles intellectuels. Con-
sidérations sur la -, par Cracq,
420.
Cauchemars. Voir Anesthésie.
Cécité verbale avec agraphie : par
Thomas, 74. Voir' Surdité.
Voir Paralysie.
Centres nerveux. Voir Kyste. Des
corticaux de l'accommodation,
par Bielitzky. 156.
Certificats d'aliénation. Secretpro-
fessionnel, 442.
Cerveau. Voir Caractère. Une ob-
servation d'abcès du , par
Gordinier, 4S9. Voir Maladie.
CERVELET. Atrophie du et sclérose
en plaques, par Thomas, 62.
Voir Tumeurs. Noie sur un cas
de ramollissement du avec
étude des dégénérescences secon-
daires, par Négel, 65. Lésions
du dans quelques formes
d'aliénation mentale, pai Bri-
dier. 486.
Chéilophagie. Voir Tics.
CHCILOPHOBIE. Voir Tics.
CHEIIt01fI : G : ILIE. Voir Syringomyélie.
Cheval. Voir Dégénérescence.
Cheveux. Voir Aliénés.
CHEYNE-STOKES. Von Catalepsie.
CHOMEE. Contribution à l'étude de
l'anatomie pathologique et de la
pathogénie de la - par Kopc-
zynslii, ù4. Accidents pseudo-mé-
ningitiques à répétition au cours
de l'évolution d'une de Syden-
ham chez un hystérique, pai
Barjon, 58. Deux cas de chro-
nique, congénitale molle ,
héréditaire de Iliintiii.1toil; par
Audry et Porot, 494.
COEUR. De l'appareil inhibiteur du
TABLE DES MATIÈRES. 529 9
chez les chiens nouveau-nés
par Gartié, 335.
COIT. Voir Circulation.
Colonne vertébrale. Fracture de la
- -. Lésion spinale limitée à une
minime partie d'étage radiculaire,
par Brissaud et Brecy, 63.
Congrès. XIV°. des médecins
aliénistes et neurologistes de
France et des pavs de langue
française (Pau, 1 ? 7 août 1904),
96, 191, 209. XXIII» des méde-
cins aliénistes et neurologistes
du S.-O. de l'Allemagne, 415.
Conjonctive. Voir Sensibilité.
Constitution IDCO-OUSESSIVE comme
forme psycho-pathologique auto-
nome, par Soukhanoff, 414.
Contracture. Sur un cas remarqua-
ble de post-hémiplégique, par
Devic et Gallavardia, 52. Voir
Paralysie.
Convulsions. Des rythmiques et
des mouvements automatiques
chez les hystériques, par Bechte-
rew, 326. Voir Paralysie géné-
rale.
Coprolalie. Voir Tics.
Cornée. Voir Sensibilité.
Corps étranger. Voir Mydriase.
Couche optique. Contribution à
l'étude des fonctions de la ?
par Benaky, 385.
Circulation. La cérébrale pen-
dantle coït, par Poussèpe, '162.
Crâne. Du ostéomalacique, par
Paviot et Mauriquand, 69.
CRANIO : uÉTRIE. La- chez les aliénés,
par Portougalow, 412.
CYLINDRAXES. - L'imprégnation des
- à l'argent, par Bielschowsky,
340.
Cytodiagnostic - Voir Tabès.
Di'.cUBirus. Voir Paralysie générale.
Dégénérescences secondaires. Voir
Cervelet. Voir Noyau rouge.
Des stigmates anatomiques, phy-
siologiques et psychiques de la
chez l'animal, en particulier
chez le cheval, par Rudler et Cho-
mel. 265.
Délire. Voir Imitation. Etat obsé-
dant point de départ d'une défor-
mation de l'épaule et suivi du
des négations, par Privât de For-
tunié, 169. hystérique traité
par la suggestion hypnotique, par
fililo de Majewska, 181. Deux cas
Archives, 2° série, t XVIII.
de - aigu traités avec succès par
les bains frais, par Doutrebente
et Marchand, 541. Traumatisme
et alcoolique, par Mabille. 260.
- de possession par les reptiles,
- de grossesse et entéro-colite
muco-membraneuse. par Mirallié,
272. De la pathogénie du spé-
cifique du paralytique, contribu-
tion aux recherches de pathologie
expérimentale sui la démence pa-
ralytique, par Wizel, 409. -
hypocondriaque de zoopalhie in-
terne chez un débile tabétique,
hystérique et gastropathe, par
Dupré et Lévi, 414. alcoolique
continu, par Soukhanoff et Mle-
densky, 503.
Démences. Les - vésaniques, par
Deny, 211. De certains caractères
psychologiques de la - précoce
et des limites de cette affection,
par Masselon, 231. de la pu-
berté, par Marie, 232. Sur la -
organique secondaire à quelques
délires chroniques hallucinatoi-
res, par Marie, 232. Un cas de
précoce avec autopsie, par Leroy
et Laignel-Lavastine, 232. De la
précoce chez les jeunes gens,
par Mefus, 419. Un cas de pré-
coce, avec autopsie, par Dunton,
504. Etiologie de la - précoce,
par ltoubinomtch et Phulpin, 506.
La vésanique n'est pas une
démence, par Toulouse et Demaye,
507.
Déments vésaniques. Plan graduel
et systématique d'exercice au
dehors pour les ? par Carlisle.
Adipose sous-cutanée symétrique
et segmcntaire chez une alcoo-
lique et hérédo-alcoolique, par
Deny et Le Play, 503 :
Dermatoses. Voir Aliénés.
Diabète. Voir Pschastéaie. Voir
Acromégalie
DIÈTE. Voir Epilepsie.
Difformité congénitale observée
chez un enfant de cinq ans, 394.
DiPLÉGiE. Sur la faciale périphé-
rique, par Panegrossi, 55.
Diplopie. Remarques critiques rela-
tives au mémoire de Bielschowsky
intitulé : monoculaire sans cau-
ses physiques, et considérations
sur la vision des strabiques, par
Storch, 319.
Dispensaire. Le anti-alcoolique
34
530 TABLE DES MATIÈRES.
de Paris et le traitement des bu-
veurs d'habitude, par Bérillon,
261.
DOIGT en valgus, par Pauly, 39f.
COULEUR. - Voir Neurasthénie.
Ecorce cérébrale. Lésions de l ?
et cérébelleuse chez une idiote
aveugle-née, par Taty et Giraud,
242. De l'influence de l'- et
des ganglions sous-corticaux sur
la contraction de l'utérus de la
lapine, par Plokhinsky, 394. Lé-
sions de l'- cérébelleuse chez
les paralytiques généraux, par
Taty et Jeanty, 480. L'- motuce,
par Farrar, 489.
ECOLES régionales pour les sourds-
muets et les aveules, par Huen-
tobler, 525.
ECTOSCOPIE L'- et l'ectothérapie
cérébrales, par Biafchi, 181.
Education physique. L ? appli-
quée au traitement des maladies
mentales, par Tissié, 263.
Electricité statique Les principes
de l'action thérapeutique de l'-
- , par Schatzky, 356.
Emeutes Psychologie des -, 515.
Encéphale. Du poids de l'- et de
quelques-unes de bes parties chez
le nourrisson et les enfants plus
âgés, par Pfister, 399.
Entants Anormaux. Les au
point de vue mental; leur traite-
ment et leur éducation, par Shut-
tleworth; traduite, par Ley, 285.
Pour les ? 437.
Epaule. Voir Syringomyélie. -Voir
Délire.
Epilepsie. L'- ne peut pas être
causée par des états toxémiques,
par Holl, 50. Pathologie et traite-
ment de l ? par W. Thomson.
70 Les résultats de la chirurgie
cérébrale dans l'- et dans les
défectuosités mentales congéni-
tales, par W. Spratling, 73. Trai-
tement de l'- par la diète, par
Schnitzer, 92. Voir Excitabi-
lité. -, pathogénie et indications
thérapeutiques, par Paris, 369.
Des facteurs héréditaires dans
l ? par Doran, 505. ,
EPILEPTIQUES. Voir Sang. - Voir
Alltocytotoxine. - Voir Sang.
Voir Bains. L'assistance publique
des -, par Parent, 13 1.
Erysipèle. Voir Névrite.
ESQUIHOL. Rapport sur le prix -,
par Vigouroux, 360
Etats vertigineux. Contribution à
l'étude du diagnostic et du traite-
ment de quelques - -, par Hoyet,
281. Sur les associations psychi-
ques obsédantes de contraste dans
les mélancoliques, par Soukha-
noff, 305
Euphorie délirante. Voir Phtisi-
ques. 1
Excitabilité. De l'- de la région
corticale motrice du cerveau à la
suite de l'attaque d'épilepsie. par
Ossipow et Borischpolsky,-325
Face. Voir Paralysie.
Faisceau longitudinal. Voir Reil.
Fibres. De la quotité des à myé-
line d'un cerveau normal et d'un
cerveau paralytique, par Schaffer,
155 Contribution à l'étude du
trajet des du goût, par Kron,
332. Existe-t-il une régénération
autogène des - nerveuses ? Con-
tribution il la théorie du neurone,
pat Muenzer, 396.
Fièvre hystérique Voir Hystérie.
Folie. Un cas de à deux avec
infériorité relative de l'organe
actif, par Dromard et Levassort,
168. La hallucinatoire qui se
développe à l'occasion d'une affec-
tion commune de l'ouie, par Bech-
terew, 413. Aperçus et démons-
trations sur la maniaque dé-
pressive, par Thomsen, 418. - 1
Voir Sang. puerpérale, par
Jones, 505.
Fou. Un furieux, 286. Terrible
lutte avec un , 287. Un -à la
tête dure, 363. Un - mysti-
que, 363. Les - au Brésil/par
Ridder, 503.
Fractures. Voir Colonne verlé
broie.
Gigantisme et acromégalie, par Lan-
nois ei Roy, 496. précoce avec
développement précoce des or-
ganes génitaux, par lludovernig
et Papovlk, 496.
Glandes. Les parathyroïdes.
Etude anatomique et expérimen-
tale, par Jouty, 88.
Gliome. Voir Ponction lombaire.
Goût. Voir Fibres.
Habitude. Des phénomènes morbi-
des d ? par Crocq, 't7.
TABLE DES MATIÈRES. â31 1
Ht,11[ \ : -IESTHÉSIE. De l'élément psy-
chique dans l'- hystérique, par
Bernheim, 343. Contribution à la
localisation del'cérébiate, par
Scliaffer, 395.
Hlmiataxie post-hémiplégtque et
coordination sous-corticale, par
Clapaiède. 53.
HÉmATROPIIIE. Un cas d'- faciale
progressive, par Calmette et Pa-
gens, 55. Voir 7< : ra ? e.
Hémicranie. Observation remarqua-
ble d ? par Flatau, 347.
IIÉwnÉme. Voir Phocomélie. - et
dégénérescence mentale, par La-
melle, 405. Sur une forme lare
d' radiale intercalaire, par Klip-
pelet Rabaud, 488.
Hémiplégie immédiate consécutive à
la ligature des carotides, par
Beutter, 485.
Hémiplégiques. Du trouble de la
marche chez les -, par Schuller,
338.
IIÉ\IISP.1531ES Sur les de la face,
par Lannois et Porot, 490.
Hémobuhagie cérébro-méningée à
symptômes méningitiques, par
Achard et Ramond, 509
fiMOEDO&YpmLis cérébrale tardive,
par Haudrix, 350.
Hippus. L'- dans la chorée, par
Cruchet, 510.
Hôpitaux pour aliénés militaires,
365.
Hypnothéuapie. Le facteur efficace
en -. par Geijerslam, 510.
Hypnotisme. L'- et la sgugestion à
l'état de veille, par Magnin. Les
dangers de l ? 51 ! .
Hvpnose et sorcellerie, par Demon-
chy, 181.
HYPOGLOSSE. Contribution à l'étude
des localisations dans le noyau
de l ? par Parhon, 63.
Hystérie. Du cas d'- à grandes
manifestations. Fièvre hystérique,
par Lannois et Porot, 60. Un cas
grave d ? par Bérillon. z
Voir Phénomène plantaire. Théo-
rie physiologique de l ? par
Sollier, 406. - à forme de para-
lysie générale, par Collet et Le-
pine, 411. L' par Young, 423.
Hystérique Voir Chorée. - Voir
Anesthésie. Voir Convulsions.
Les états d'obnubilation psychi-
que des - et leur paralogie, par
WestphaJ, 347. Sur l'appréciation
des dénonciations et témoignages
des dans la pratique médico-
légale, par Biondi, 427.
Idiotie. L'anatomie pathologique
de l ? par Alzheimer, 403. -
microcéphahque, épilepsie, asy-
métrie cérebrale, microgyrie, ulé-
gyrie, cuir chevelu suggestif
d'atavisme, par Nolan, 481.
Illusion vésanique. Nature et ge-
nèse de 1 ? par Wlierrv. 506.
Image mentale morbide, par Vas-
chide et Vurpas, 411.
1.IBÉCILITÉ; hémiplégie gauche : épi-
lepsie; état de mal; mort; atro-
phie considérable de l'hémisphère
cérébral droit, par Bournemlle et
MIlo Maugeret, 461.
Imitation. Du rôle de l'- dans la
formation d'un délire, par Vurpas
et Duprat, 166.
Impression consciente. Contribution
à la pathologie du sentiment de
l ? par Pick, 336.
Infantilisme. Cas d'- pancréatique,
résultat du traitement, par Bram-
well, 356. myxoedémateux et
maladie de Recklinghausen, par
Meige et Feindel, 497. Infirmiers,
brutalités, 513.
Institut de médecine légale et de
psychiatrie, 366.
Instituteurs. Fédération générale
des - belges, 366.
Intoxication saturnine avec polyné-
vrite chez un électricien, par G.
Guillain et Lhermitte, 75.
JANET. La psycholepsie de et la
théorie de Storch-Foerster, par
de Buck. 401.
Juges ET experts, par Hoche, 430.
par Noecke, 430.
KERNIG. Signe de , pathogénie,
par Piéry, 480.
KoRSAKoFF. Contribution à l'étude
de la psychose de - par Sou-
khanoff et Boutenko, 84, 173. Un
cas de psychose de -, par Guil-
liarovsky, 172.
Kyste. Un cas de dermoide des
centres nerveux, par Raymond et
Courtellemont, 76,
Langue. Un cas de double, par
Leitz, 394. cérébriforme chez
532 TABLE DES MATIÈRES.
un aliéné alcoolique, par Bian-
chmi, 498.
LASÈGNE. Signe de -, par Iliéry,
480.
Léchage. Voir Tics :
Lèpre. Deux cas de - nerveuse,
par Raymond, 97.
Lésions corticales et sous-corticales
minimes avec - sous-épendy-
maire très prononcée chez deux
aphasiques, par P. llarie et Lén.
80. Contribution à la connais-
sance des corticales circon-
scrites de la région motrice chez
l'homme, par Lévi, 340. Voir
Cervelet. -
Léthargie. Un cas de -, 33.
LIÉBEACLT. Eloge de -, par Van
Renterchem, 176. Prix -, par
Farez, 176. et l'Ecole de
Nancy, par Beaunis, 176.
LIQUIDE céphalo-rachidien. Le
dans les processus méningés
subaigus d'origine rhumatismale,
par J. Lépine, 70. Le sur la te-
neur en sucre du -, par Lannois
et Boulud. 487.
Lobe. Voir Tumeurs. - Voir Sclé-
rose.
Localisations spinales. Nouvelles
recherches sur les -, par M. et
Mm. Parchon, 403.
1,IACRODACTYLIE. Un fait de -, par
Lejars, 56. , par Cayla, 56.
5lACM-ESTHÉsiE. Contribution à la
question de la-, par Iwanow, 60.
Main. Hypertrophie congénitale
d'une -, par Apert. 497
MAL de mer. Le et la suggestion,
par Bonnet, 82.
Maladie du demi-sommeil, par Le
Menant des Cliesnais, 181. -
Voir Raynaucl. - mentales. Voir
Education physique. - nerveu-
ses. Voir Pupilles. Voir Base-
dow. De la forme la plus habi-
tuelle des modifications de l'in-
telligence et du caractère qui
peuvent résulter des - du nez et
du cerveau, par Royet, 491.
Voir Recl,linghausen. - bleue et
cvanose rétinienne, par Babinski,
510.
Malformations crâniennes et syn-
drome bullaire. Enclavement du
bulbe, par Sicard et Oherthur, 271.1
Manie transitoire alcoolique, par
Iwanow, 351.
Martyrologe des asiles. L'attentat
contre 1\1. Wallon, 5 : 12.
;\IÉDIUII1E délirante, par Paul Sol-
lier et Boissier (F.), 1, 130.
Méningite. terminée par la mort,
dans laquelle le myosis et la sup-
]Jlessioll de la salive ont été les
seuls symptômes Autopsie. Etude
de diagnostic par exclusion, par
Altschul, 67. - cérébro-spinale
Traitement par production d'un
abcès de fixation. Guétison, par
Probst, 433.
Merycisme. Deux cas de -. -par
Raviait et Caudron, 390
Méthode hypno-pédagogique. Ses
applications au traitement des
habitudes vicieuses chez les en-
fants. par Berillon. 266. Courte
communication sur une nouvelle
de coloration du système
nerveux central, par Schroetter,
320.
Meurtrier. Un - de quatorze ans,
384.
Migraine ophtalmique avec hémia-
nopsie et aphasie transitoires.
Hémiface succulente. Photopho-
bie et tic de clignement, par
Meige, 275. Remarquable compli-
cation d'un accès de par Koefl-
mayr, 347.
Miracles. Les -. 445.
MoeBIus. Remarques critiques sur le
livie de P--J Moebllls, intitulé :
La Bosse des Mathématiques, par
Ahrens, 320.
Moelle. Voir Névrite. Les lésions
du système lymphatique posté-
rieur de la - sont l'origine du
piocessus anatomo-pathologique
du tabes, par Marie (P.) et Guil-
lain, 62. Les dégénérations du
cordon antérieur de la -, par
P. Marie et Guillain, 164. Un cas
de carcomatose de la - épinière,
par Préobragensky, 174. La locali-
sation des fonctions motrices de
la épinière, par Sano, 235.
Kote sur quelques centres sympa-
thiques de la - épinière, par
Laignel-Lavastine, 238. A propos
des modifications de la con-
sécutives aux amputations de
membres chez le tétard, par
Brissaud et Bauer, 244. Contri-
bution à l'étude des représenta-
tions motrices du membre infé-
rieur dans la de 1 homme, par
TABLE DES MATIÈRES. 533
Parhon et Goldstein, 280.
Voir Réflexes.
IOI'WCI ! RO[ \TOPS¡¡; et achromatop-
sie, par Alter, 338.
Moyen epilepto-frenateur héroïque,
par Crocq, 218.
Muscles. Rôle des - spinaux dans
la marche normale chez l'hom-
me, par Lamy, 1-178.
Musique. De l'influence de la -
sur le travail musculaire, par
Spirtow, 336
Mydriase unilatérale et corps étran-
ger du conduit auditif externe,
Sabrazès, 52.
Myéline. Voir Fibres.
Myélite. Note sur l'anatomie pa-
thologique de la aigu ëdifftisel
par Weill et Gallavardin, 65
- Voir Réflexes. Une observation
de apoplectique, parFlatau,344
par Marie, 509.
lloor,mnE. Voir Spasme.
Myokynif. Un cas de dans la po-
hoencéphalo-méningite aiguë, par
Delektorsky, 170.
MyopATHiE. Un cas de atrophi-
que progressive avec troubles de
la sensibilité, par Lamion et Po-
rot, 57. ,
Miosis. Voir Méningite.
Myotonie avec atrophie musculaire,
par Lannois, 273.
MYXOEDEMATEUX. Voir Sclérose.
Voir Infantilisme.
Narcose. De l'origine et de la na-
ture de la nerveuse, par We-
densky, 158.
NÉCROLOGIE Mordret, 287. Duha-
mel, 447. Raoul, 447.
Négativisme. Contribution iL la psy-
cho-physiologie du -, par Vogt,
338. '
Nerf auditif. Voir Tumeur. op-
tique. Voir Amaurose. Contribu-
tion à la question de la régéné-
ration autogène des -, par Be-
the. Réplique, par Muenzer, 396.
Dégénérescecne et' régénération
des terminaisons motrices des -
coupés, par Odier et Ilerzen, 402.
Nerveux. Voir Suggestibilité. Le
climat de Pau et les -, par
Clouzet, 251.
Neurasthénie Douleur épigastri.
que suralguc dans la , par
Page, 269.La-, parCappeletti,361.
Neurasthéniques. Les - dans l'ar-
mée, par Lux, 180. Comment
faut-il traiter les -9 par Glorieux,
431.
NEUROFIDRILLES. L'imprégnation à
l'argent des -, par Bielschowsky,
340.
NEUROFIBROS.1RCOMnTOSE. La , par
Cestan, 53.
NEUROMYELITE. Sur un cas de op-
tique aiguë, par Weill et Galla-
vaidin.
Neurone. A propos de la théorie du
- , par Durante, 79. Quelques dé-
ductions pratiques de la réputa-
tion du -, par Debray, 402. Ré-
génération autogène chez l'hom-
me et la théorie du -, par Du-
Faute, 407. '
Xevr algie. Deux cas de - guéris
par la suggestion hypnotique,
par Damoglou, 81.
Névrite radiculaire subaigue. Degé-
. nérescences consécutives dans la
moelle (racines postérieures) et
dans les nerfs périphériques (ra-
cines antérieures), par Nageotte,
61. et atrophie optique dans
l'érysipèle facial, par Cabannes,
268. Observation de - périphéri-
que de l'hypoglosse droit, par
Dan : ,kl, 423.
NEVROSE adipeux diffus du médian.
Résection, régénération autogène,
par Durante, 501.
Névrose. Pression intraartérielle
dans la traumatique, par Has-
kovec, 62. - et paralysie géné-
rale, par A Marie, 526.
NEZ. Un arrêt de développement du
- , nouveau signe de dégénéres-
cence, par Gudden, 334. - Voir
Cerveau.
u'ISSI. Que sont les corpuscules de
- ? par Chenzinskl, 342.
NITRITE DE SOUDE. Voir Tabès.
NOEVI. Note sur la fréquence et sur
la distribution des chez les
aliénés; parFéré etAmouroux, 193.
NOEVUS avec .varices et hypertro-
phie osseuse, par Guillain et
Courtellemont, 161.
Noyau rouge. Lésion ancienne du
. Dégénérations secondaires,
par P Marie et Guillaln. 67.
spécial. Voir Protubérance.
013NUI31L ? TION. Voir Hystérique.
Obsessions et vie sexuelle, par Ma-
randon de Montyel, 289.
634 TABLE DES MATIÈRES.
OEIL. Voir Paralysie générale.
OPHTAL110PLÉGIE et arténo-sclérose,
par Péchin et Rollin, 32.
ORTEILS. Etude sur le phénomène
des -, par l\1armesco. 63.
Os Trois cas de fragilité Iles -
chez des aliénés, par Marie et
Violet. 166.
OSTÉGIALACIE. Voir 1Vinofj1'(ldsky.
Ostéomalacie sénile Forme l1l 1'-
veuse, par Chappet et \lourl-
quand, 496.
Ostéopathies. Voir Arllaropallaies
OuiE. Voir Folie.
Paires crâniennes. Des terminai-
sons et connexions centrales des
septième et huitième -, par wu-
roubow, 329.
Parallélisme. Le moderne, par
Moskiewicz, 321.
Paralysie. De la contracture secon-
daire du releveur de la paupière
supérieure dans le cours de la
faciale, par Berger et Loewy, 54.
- radiculaire totale du plexus
brachial avec hémiatrophie et
parésie de la face, par Courmont,
57. hérédo-syphililique, par
Rose, 75. Lésions des neurolibril-
les dans la générale, par Bal-
let et Laignel-Lavastine, 162. Le
décubitus aigu dans la géué-
rale, par Vigouroux, 165. Quel-
ques réflexions sur l'étiologie de
la - générale dans le départe-
ment de l'Orne, par Coulonjou,
2-i2. Relations cliniques de la cé-
cité avec la générale et le ta-
bès, par Léri, 248. Contribution
à l'étude de l'état du fond de
l'oeil, dans la générale, par
Briche, Raviart et Caudron, 277.
Etude anatomo-pathologique d'un
cas de - infantile au point de
vue de la topographie des mus-
cles atrophiés et des localisations
médullaires, par Parhon et l'api-
nian, 279. Convulsions myocloni-
ques dans la générale progres-
sive, par Hermann, 352. Suicide
et - générale, par Marie et Viol-
let, 361. A propos de l'anatomie
pathologique de la générale.
par blahaini, 403. générale
Voir Réaction pupillaire. Fré-
quence et évolution des lésions du
fond de l'oeil dans la - générale,
par Raviart et Caudron, 417.
faciale : rire et pleurer spasmo-
ditlues localisation cérébrale,
par 425 - faciale. Voir
Phénomène palpébral. Un cas
particulier de - facial, par Bien-
fait. 427 Contribution à la chimie
de la dégénérescence nerveuse
dans la - génél ale et autres ma-
ladies mentales, par Corial, 503.
aiguë, par Rusk, 504. géné-
rale et pachyméningite gom-
meuse. par Doutrebente, 508.
Paralytique général. Voir .S7j)'1)i-
gomyélie. La prétendue bienveil-
lance du -, par Pactet. 163.
Voir Ecorce cérébelleuse.
P1RA1170CLO\US multiplex. Sur un
cas de -. Etat psychique spé-
cial, par Brtrand, 330.
Paraplégie cervicalemcomplète par
tumeur gliomateuse de la moelle
avec pachyméningite néoplasique,
par Spillmann et Hoche, 188.
Parésie. Voir Paralysie. La - spas-
modique des vieillards athéro-
mateux, par Pic et Bonnamour,
491.
Pari mutuel. Les établissements
d'aliénés et le -, 524.
PARld1\S01\. Des formes anormales
'de la maladie de , par Collet, t,
59.
PAU. Voir Nerveux
Phénomène plantaire combiné. Etude
de la réflectivité dans l'hystérie,
par Ci-ocq, 261. Un - palpébral
constant dans la paralysie faciale
périphérique, par Dupuy-Du-
temps et Cestan, 427.
Phobie. La du regard, par Har-
temberg, 202. Des profession-
nelles. - du Saint- Sacrement
chez les prêtres, par Bechterew,
412.
Phocomélie Un cas de et hémi-
mélie, parllalbron, 68.
Photophobie. Voir migraine.
PHOTOTIlI : R.\l'oe La à Paris, Ham-
bourg et Berlin, par Poussèpe,
3jj.
Phtisiques. Euphorie délirante des
. Etude anatomo-chnique, par
Dupré. 282. '
Pied. Voir liéflexe.-
Plexus choroïdes. Voir Vomisse-
ments
POLIE1\CtI'H \LITE supérieure aiguë
hémorrhagique, par Brissaud et
Brécy, 243.
1
TABLE DES MATIÈRES. 535 5
YOLI011SI.LITE. Contribution l'étude
dis la - aiguë (avec présentation
de préparations), par Préobra-
]en>ky, 87.
Polynévrite. Voir Intoxication. Un
cas de - éthylique ayant évolué
sous la forme'de paraljsie asceti-
dante, par Oberthuret Roger, 270.
Ponction lombaire La au point
de vue du diagnostic et de la
thérapeutique ; par Gerhardt, +la.
Gliome volumineux du lobe fron-
tal gauche ; amélioration par la
- , par Charvet et Bancel, 47U.
Prédisposition. La en étiologie
mentale, par Marandon de Mon-
tel, 420,
Prisons. Organisation d'un service
de médecine mentale dans les -,
par Masoin, 430
Processi s méningés. Voir Liquide
céphato1'Clchidien
Protubérance. Un noyau spécial de
la formation réticulée dans la
région supéneuie de la -, par
Bechterew, 155.
PsEUDO-OEDÈ\fE Le catatom-
que, par Dide, 198.
Pseudo-épilepsie. Voir Suggestion
hypnotique
PS1'Cfi\sTÉWE et diabète, par Ober-
thur et Chenal ? °il. 1.
Psyciiasténiques. Voir r l;ljas);2es.
Psychiatrie Les progrès de la -
en Giande-Btetagne en 190, par
Urqullart, 504.
Psychologie DES émeltes, pal' Man-
zoni, 516
Psychose Voir l : orsalo ? - Voir
Rétractions musculaires. Docu-
ments figurés représentant d'an-
ciennes pratiques chirurgicales
contre les -, par Meige, 267. De
quelques considérations sur les
- puerpérales, par Picqué. 273.
Puérilisme mental guéri par sug-
gestion, par Leroy, 509.
Pupilles. La réaction paradoxale
des -, avec observation person-
nelle de rétrécissement des
sous l'influence de l'ombre, par
Piltz. 101 De la valeur diagnos-
tique des irrégularités des bords
des - dans les maladies ner-
veuses dites organiques, par
Piltz, 348.
P\RO1 llE et puberté. Examen mé-
dico-légale d'une jeune incendiaire
par Leroy, f 19.
Radium. Le - en thérapeutique
nerveuse, par Foveau de Cour-
melles, 247. De l'action des rayons
du - sur l'excitabilité des'cen-
tres psychomoteurs, par Jou-
hon·sl : y, 401.
Rage La - expérimentale à virus
fixe et ses lésions histologiques,
par Ladame, 405.
Rapport médical pour l'année 1903
à l'asile départemental de Dijon,
par Garmer, 525 · ! R,\Y1'AD. Un cas de maladie de-
suivi de mort chez une jeune
fille hystérique et tuberculeuse,
par Coulotijou, 2.3
Réaction pLp[LHi3E De la pro-
longée aux toxiques comme si-
gne précoce de la paralysie géné-
rale, par Toulouse et Vurpas, 417.
RC1,Llr,L.IIAUSEN. Voir Maladie de -.
]\ÜLECTI\ 1111. Voir Phénomène plan-
laire.
Réflexe. Note sur un - adducteur
du pied, par Kirschberg, 3f,
Quelques nouvelles donnée sur la
physiologie des- tendineux, par
btchebàclc, 61 Nouveaux élé-
ments relatifs à la physiologie
des - profonds, par Schterbak,
156. Nouvelles contributions à la
physiologie des - tendmeux, par
Scliterbak, 156. Du - sous-épi-
lieux, - (le l'extrémité supérieure
de l'homme, inconnu jusqu'ici,
par Siettier. 159. Du - sous-épi-
neux. par Pickett, 159 - sous-
épmeux. Réplique à Pichett. par
Stemer, IJ9. lies - sous-scapu-
faire et pectoral, par Bechterew,
159. Ue l'absence des patellai-
res en un cas de myélite dorsale
par compression avec dégénéres-
cence des racines postérieures
dans la moelle lombaire, par
Bartels, p. 33 : : ? Du carpopha-
Idnglen. par Bechtet'ew, 3î3. Sur
le - du fascia lata, par Dide et
Chénals, 405.
Regard. Voir Phobie.
HEIL. Des relations du faisceau lon-
gmulmal mférieur avec le ruban
de - et d'un nouveau système
moteur de couronne rayonnante,
par Schuetz, 398. '
RCIIE'lORATlO, La périodique des
souvenirs musicaux, 1),ii,Swobo(la,
179.
Rétine. Etude de la dans l'amau-
536 TABLE DES MATIÈRES.
rose tabétique, par P. Marie et
Lei, 17.
Rétractions musculaires. Des - et
de l'amyotrophie consécutives 1
aux contractures et aux attitudes
stéréotypées dans les psychoses,
par Cullerre, 214.
Retraites. Caisse des -, par Du-
bonrdieu, 279.
RLvEs Voir Anesthésie
Rhumatisme. Accidents nerveux tar- 1
difs du - articulaire franc, par Il
Lhermitte, 163. !
Rougeur émotive. Les formes pa-
thologiques de la-, par liaiteni-
berg, 342.
SAMUEL. Le prophète -, par Binet-
Sanglé, 179.
Sang. Du païasite trouvé dans le -
des épilepiidues. Son agglutina-
tion par le sérum des animaux
infectés et par le sérum des épi-
leptiques, par Bra, 61. -, voir
Aulocytotoxine. Contribution à
la question de quelques proprié-
tés soit-disant toxiques et théra-
peutiques du Lérum du - des
épilepliques, par Sala et Rossi.
151. Recherches bactériologiques
sur le - des épilepliques, par
Lannois et Lesieur, 481. Contri-
bution il l'étude du - dans la
folie maniaque dégressive, par
Ficher, 489.
Sciatique d'origine spécifique, par
Gauchler et Roussy, 75
Sclérodermie, par Huet, 509.
Sclérose en plaques. Voir Cezaelet.
Un cas de - symétrique des lobes
occipitaux, par Marchand, 68.
en plaques chez un infantile m yxoe-
démateux, par Raymond et Guil-
lain, 163.
Schéma bulbaire, par Bonnier, 239.
Sens des attitudes. A propos du
soi-disant - , par Claparède,
67. Sur l'exploration clinique du
musculaire, par Claparède,
245.
Sensibilité. Voir Myopathie. Re-
cherches sur la - normale de la
cornée et de la conjonctive, par
Cabannes et Robineau, 249. De
la - de l'arcade zygomatique,
comme signe d'affection organi-
que des parties essentielles du
cerveau et des méninges, par
Bechterew, 350.
Sexe. Influence de l'état mental des
parents sur la formation du -
de leurs enfants, par Lltlsens,
334.
Sinus. Voir 1'/¿1'ombose.
Sorcellerie. Voir Hypnose.
Srlsne essentiel ou idbpathique,
- par F¡,ke, 51. Le - facial ; ses
caractères cliniques dlstictifs, par
Meige, 54. - professionnel, par
G. Ballet et Rose, 76. De la ge-
nèse sous-corticale de - muscu-
laires isolés. Contribution à la
clinique des tumeurs des tubei-
cules quadrijumeaux avec remar-
ques sur le trajet du faisceau
central de la calotte, par Sorgo,
397. Cas insolite de - facial,
myokymle limitée au facial gau-
che ; par Bernhardt, 422. Obsei-
vation de - fac : al tonique pri-
mitif avec palpitations muscu-
laires, par Newmatk, 122. et
tremblements chez les psychas-
tuniques, par Raymond et Janet.
497.
SP L -i IÇ CIIN 0,M É G, Li r. Voir AE)'07né-
galie.
SPOiI'D1'LOSE rkyzomélique et tuber-
culose, par Pic et Bombes de
Violiers, 70.
Sucre. Voir liquide céphalo-rachi-
dien.
Suggestibilité. La des alcooli-
ques. par Berillon, 176. Examen
de la - chez les nerveux, par
Schnyder, 246.
Suggestion hypnotique. Attaques de
pseudo-épilepsie guéries par la
, par Viazemsky, 80. -; voir
Abasie. - ; voir Névralgie ;
voir Mal de me1'. La impéra-
live, par Bérillon, 83. - voir
Alcoolique. à l'état de veille et
- hypnotique, par Bourdon, 178.
; voir Hypnotisme. voir
Délire.
Suicide d'un fou, 95. Tentative de
- d'un adolescent, 288. -. Voir
,Pw'al ! Jsie générale. - d'un vieil-
lard, gaz. , 363. - d'un officier,
363
Surdité et cécité verbales. aphasie
totale ; autopsie, 1)ai, Déjeriiie et
Thomas. Discussion de quelques
nouveaux travaux sur la ver-
bale, par Liepmann, 3... De la
localisation des diverses formes
de la - verbale; par Biscl1ofT,
TABLE DES MATIÈRES. 537
3». - verbale par lésion tempo-
laie droite, par Mollard, 493.
Sthénomètue. Présentation du -,
par Joü e, 179.
Storch-Foersier. Voir JA11ET.
Sydenium. Voir Chorée.
Syndromes solaires. Les - expéri-
mentaux, par Laignel-Lavastme,
407.
Syphilis. Un cas de - héréditaire
tardive à forme cérébro-spinale,
par Richon, 57. - Voir Affections
mentales. et divorce, par Mor-
rouir, 4'9.
Syringomyélie, arthropathie de l'é-
paule, par Brissaud et l3uandet,
56. Lésions de - trouvées à l'au-
topsie d'un paralytique général,
par Joffroy et Gombault, 64,
avec chéiromégahe, par Raymond
et Guillain, 163.
Système lymphatique. Voir Moelle
nerveux ; voir Anatomie pa-
thologique. nerveux ; voir Mé-
tlzocle.
Tabès. A propos du cytodiagnostic
du , par Widal, Sicard et Ra-
vaut, 53. -. Voir Moelle. -.
Voir Paralysie générale. Les
formes fébriles du -, par Faure.
` ? i7. Contribution à la thérapeu-
tique du-. Le nilrite de soude,
par ObeOhur et Bousquet, 278.
Un cas d'association du à la
paralysie générale, par Joffroy et
Rabaud, 414. Happort du - avec
la paralysie générale, par Cu-
rioui, 502.
'l'aDi : ryoe. Monstmeuse déforma-
tion du tibia droit en fourreau de
sabre chez un , par Sabrazès,
57. - -
'l'É1AOS. Un cas de céphalique
avec paralysie faciale et oculaire ;
guérison, par Haltenhoff, 425. Un
cas de céphalique avec diplégie
faciale, par Bouchaud, 426.
Thrombose. Observation de auto-
chtone des sinus, par Good. 322.
Tibia. Voir Tabétique.
Tics. Forme clinique des - unila-
téraux de la face, par Cruchet,
264. Remarques cliniques et thé-
rapeutiques sur quelques de
l'enfance, par Meige et Femdel,
274. - de clignement, voir Jli-
graine. des terres, chéilopha-
gle, chéilophobie, par Meige. 415.
- convulsif avec coprolalie, par
Morel de Litchfield, 4 ? 1 - to-
nique du membre supérieur
droit, par Rudler, 497. - et sté-
réotypies de léchage chez l'hom-
me et chez le cheval, par Rudler
et Chomel, 499
Toriicolis. Sur un cas de - con-
génital avec autopsie et examen
instologique du système nerveux,
par Gallavardin et Savy, 482.
Toux hystérique L'attaque convul-
sive de -, pat Abadie et Grenier
cie Gardenal. 349.
Trac. Un cas de -- chez un musi-
cien. par Farez, 511.
Traumatisme. Voir Délire.
Tremblements. Contribution à l'o-
rigine corticale des -, par Mas-
salongo, 62. -
Trional. Traitement par le -, et
addition au même mémoire, par
Wolff, 355
ÏROPHOEDKME chronique acquis et
progressif, par Sicard et Laigncl-
Lavastme, 55.
TROPIlOEDÈ\1E hystérique, par Lan-
nois et Lançon, 495, chronique
chez une épileptique, par Lan-
nois. 493.
Troubles. Voir Tumeurs. Aperçu
médico-légal sur les mentaux
post-traumatiques, par Marie et
Viollet, 167. Nouvelles commu-
nications sur les de percep-
tion des distances en profondeur,
par Pick, 328. de la sensibilité
dans les étals neurasthéniques et
mélancoliques, par Dubois, il ?
dysarthriques permanents chez
un enfant épileptique. par De-
croby, 418. - intellectuels et ca-
tatome, parPeeters, 419.
TUBERCULOSE Voir Spondytose.
Tumeurs. Les manifestations des
du cervelet, par Duret, 64. Sur
les manifestations des du lobe
occipital et du lobetemporo-spté-
noidal, par Duret, 66. - (des
plexus choroldes) du quatrième
ventricule avec vomissements
incoercibles et fécaloides. par
Paviot, 66. Deux cas de du
nerf auditif, par Lépine, 60.
Voir Vomissements. Troubles au-
ditifs dans les cérébrales, par
Souques, 161. cérébrale chez
une femme de soixante-dix-huit
ans, par Madison, 4S9. Une ob-
538 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
servation, de - métastatiques
dans la deuxième frontale et la
frontale ascendante gauches, par
Channing et Kno\\'Hon, 489. -
du corps pituitaire. Voir Acromé-
galie.
Vagabonds. Les psychoses des -,
par Wilmanns, 407.
Ventricules L1'rÉRALX. Considéra-
tions sur l'ampllatiou des
dans les maladies mentales, par
Marchand, 421.
Vermont. Phases médico-légales de
la loi de - en ce qui concerne
l'observation des criminels alié-
nés, par de Berry, 428. '
Véronal. Communications sur le-,
parMatthey, 432. Essais cliniques
avec le -, par Spielmeyer, 432.
Expériences avec le dans les
états d'agitation des paralytiques
généraux, pal Abraham, 432.
VIE sexuelle. Voir Obsessions.
Vision corticale. Leçons de choses
sur la physiologie de la -, par
Hnzy, 38.
Vol avec escalade et effraction. Si.
mulation d'aliénation mentale.
itapp0[ts médico-légauv, par
Leutz et de lloeck, 430.
Vomissements incoercibles et féca-
loïdes au cours d'une tumeur des
plexus choroïdes du II" venturi-
. cule, par l'amut, 130.
Voix eunucoïde. Un cas de - de
l'ictus dans l'hémiplégie, par
Grasset, 426.
"\VILLIS. Les anomalies de formation
du cercle artériel de -. leur fré-
quence et leur signification chez
les aliénés, par Wyroubow, 323.
VlIVOGRADSRY. Recherche des mi-
crobes de dans un cas d'ostéo-
malacie sénile, par Lacomme, 68.
Yeux. Déviation conjugée des
avec rotation en sens opposé de
la tête, par Roussy et Gauckler,
163.
TABLE DES AUTEUllS ET DES COLLABORATEURS
Abadie, 349.
Abraham, 432.
Achard, 509.
Ahrens. 320.
Alter. 151, 338.
AItschul, 61.
Alzheimer, 403.
Amouroux, 193.
Appert, 497.
Au(f¡'y, 494.
Babll1sJ¡j.510
Ballet, 76. inti ? .
Dancel, i 79.
Barjon, 58.
Bartels, 332.
Bauer. 52. 244.
Beaunis, 176.
Becheterew, 15,Q, 160,
326, 343, 346, 350,
413.
Benaky. 385.
Berger', 54.
Bénel, 493.
Bernhardt, 422.
Bernheim, 343.
Berillon. 83, 176, 179,
26.. 266.
Bertrand, 350.
Berry (de), 428.
Baesau, 433.
Beutter, 18b, 489.
Biafchi, 181.
Biancliini, 498.
Biehtzky, 156.
Bielschowsky, 340.
Bienfait, 427.
Binet-Sanglé, 179.
BiondJ. 427.
Bischoff, 344.
Bloch, 182.
Boech, 430.
Boissier, 1, 130.
Bombes de Villiers, 70.
Bonnamour. 491.
Bonnet, 82.
Bonnier, 53, 74. 239.
Bouchaur1, 426.
Boudin, 455.
Boulud, 487.
Bourdon, 178.
Bournemlle, 161.
Bousquet, 278.
Boutenko, 84, 173.
Bra, 61.
Bramvwe)).3a6.
Brecy, 63, 243
Brioche, 217.
Bridier, 486.
Brissaud, 56, 63, 243,
214, 488.
Bruandrt. 56, 488.
Bruck (de), 101.
CabannNs, 2 19, 268.
Calmette, 55.
Cappeletti, 361.
Carliste, 502.
Caudron, 27;, 390, 417.
Cavaillon, 501.
Cayla, 56.
Ceni, 151.
Cestan. 53.
Chanl1lng, 489.
Chappet, 496.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 53G
Char\-et,479.
Chénais, 271, .10.ï.
Chenzinski, 3j
Chome], 26 ? 199
Cliristian, 166, 167, 506,
Claparède, 53, 67, 215.
Clarence, 51.
Collet, 57, 411.
Corial, 503.
Coulonjou, 2.2, 243.
Courmont, 57.
Courtellemont, 7, 10...
Ciocq, 247, 248, 201,
420
Crouzet, 251.
Cruchet, 264, 510.
Cullerre. 244.
Curioni, 502.
Damoglou, SI.
Debray, 402.
Decrofy, 418.
Déjerine. 74, J63.
Delektorsky, 170.
Demaye, 507.
Demuuchy, 181.
Deny, 503.
Deperon. 437.
Dest.t, 194.
Devic, 5 ? .
Dide, 405, 498.
Doran, 505.
Doutrebente, 241, 508.
Dubois, 413.
Dubourdieu, 279.
Ducrest de Villeneuve,
502.
Dumas, 435.
Dunton. 504.
Duprat, 166.
Dupré, 2S ? , 414..
Dupuy-Dutemps, 427.
Durante, 79, 407, 501.
Duret, G4, 6G.
Farez, S.-3, S8, liG, 17S,
511.
Farrar, 489.
Faure, 277. 1.
Feinrtel,°ï1, 497.
Féré, 193, 354.
Fisher, 489.
Flatau, 344, 317.
Foveau de Courmelles,
247.
Francillon, 354.
Freulmann, 323.
Gallavardin, 52, 65, .85,
500.
Garnier, 43L
Gartié, 335. '
Gauchier, 71, 163. i
Geljerslam, J10.
Gerhardt, 415.
Germain, 431.
Gnaud,2t2.
Glorieux, 431.
Goldstein, 280.
Gumbault, 61.
Good, 322.
Gordinier, 489.
Grasset, 420.
Grenier de Cardenal,
318.
Gulden, 334.
Guillain, 62, 67, 74, 75,
z163, 164.
Guiliaro\"sky, 172.
Halbran, 68.
Hall, 50. -
Haltenhoff, 425.
Hartemberg, 202, 342.
Haslcovec, 62, 498.
Haudnx, 350.
Heil1lcke, 408.
Hermann, 352.
Hirschberg, 54.
Ilitzig, 328.
Hoche, 430.
Hoeflmayr, 347.
Hospital, 131.
Hudovernich, 496.
Huet, 509.
IwanofT, 60.351.
Jaboulet, 499.
Janet, 197.
Jeanty, 480.
Joffroy, G H.i.
Joire, 179.
Jones, 505.
Josserand, 493. « '
Joukowsky, 401.
Jourdan, 312.
Jouty, 88.
Kedzior, 351.
Kéraval, 252.
Klippel, 488.
Knowlton, 489,
Kopczynsl<l, Õi.
Kron, 332.
Lacomme, 68.
Ladame, 405.
Laynel-Lavastine, 65.
162, 232, 238, 407.
Lamion, 57.
Lamy, 278.
Lançon, 495.
Lannois, 60, 73, 481,
487, 491,495,496.
Lamelle, 405.
Legrain, 117.
Leitz, 394.
Lhermitte, 75, lfi3.
Lejars, 56
Le .Menant des Ches-
nais, 181.
Le Play, 503.
Lentz, 430.
Lépine, 66, 70, 411.
Léri, 77, 80, 248.
Leroy. 232, 449, 508.
Lesieur, 481.
Lém. 3f0, 414.
Litchfield (de), 424.
Litkens, 335.
Loevy. 154.
Londe, 409.
Lux, 180.
Mabille, 260.
Madison, 489.
Maere (de) 435, 436.
Magnan, 82. 83,180.
dlahaim, 403.
Majewska (de), 181.
Maiandon de Montyel,
289, 420.
Marchand, 68, 241, 421,
508.
Marie (P.), 62. 67. 74,
77, 80, 164, 166, 167.
Marie, 232, 276, 361,
509.
Marinesco, 63.
111assalonno, 62.
Nlasselon, 231.
11latthey, S3 ? .
11laugeret, 461.
Mauriquand, 69, 496
Méeus, 419.
Meige, 54. 267,274,275,
415, 497.
Miralhé, 272.
Mollard, 493.
Morroir, 429.
Mosloewicz, 321.
Mucha, 350.
Jluenzer, 396.
Nageotte, 61
Negel, G5.
Newmark, 422.
1 riissJ, 154.
540 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Noecke, 430.
Nolan, 481.
Oberthur, 270, 271, 278.
Odier, 402.
Ossipow, 323.
Pactet, 165.
Panegrossi, 55
Page, 269.
Pagès, 55
Panski, 423.
Fapadaki, 435.
Papman, 279.
Papovik, 96
Parchon (\I. etbim), 403,
Parent, 434.
Parhon, 63,91,279,280.
Paris, 369.
Pâte),501.
Parton. 504.
Paul-Boncour, 28.
Pauly, 394.
Paviot, 66, 69, 151, 487.
Peeters, 419.
Péchin, 52.
Péhu, 55.
Pfister, 399
Phulpin, 506.
Pic, 70, 491
Ptclc, 1, 3 ? S, 336, 422.
Pickett, 160.
Picqué, 272.
Piéiy, 425. 480.
Piltz, 1, 61. 348.
Ploldllnsky, 339.
Porot, 57, 60, 490, 494.
Portougalow, 412.
Poussèpe, 162. 355.
Préobrajensky, 87, 174.
Privât de Fortunié, 169.
Probst. 433
Rabaud, 414, 488.
Ramond. 509
Havant, 53.
Raviart, 390. ? ï7, 417.
Raymond, 74, 76, 97,
163, 497.
Renterchem (van). 167
Bichon, 57.
Riddler, 503.
Robineau, 219 - ~
Roger, 270.
Rollin, 5 ?
Honcoroni. 401.
Rose, 75, 76
Rosenfeld. 329.
Rossi, 151.
ltoubinowitch, 506.
Rouss ? 74, 163.
Roy, 211, 496.
Iloyet, 281. 491.
Rudler, 265, 497. 499,
Rusk, 504 I
Sabrazès, 57.
Sala, 151.
Satio, 235.
Savy. 4S. -
Schaffer, 155, 39.
Schaihewitscli, 316.
Schatzky, 356
Schnyder, 246
Schroetter, 321.
Schuetz, 398.
Schuller, 338.
Shuttleworth, 285.
Sicard 53, 55, : ! 72
Smidt, 356..
Sollier, 1, 130, 406.
Sorgo, 397.
Soukhanoff. 81, 173.
305, 414
Souques, 164.
Spielmeyer, 43.
Shillrrann, 4SS.
SpirtoW , 33G
Spratling, î3
Stecherbach, 61, 156.
Steiner, 159.
Stembo, 81.
Storch. 319.
Swoboda, 179.
Taty. 2+, 450.
'fliéoliari, G5.
Thomas, 62, 74, 163.
1'homsen, U8.
Thomson, 70.
Tissié. 263.
Toulouse, 417,507.
Urquhart, 504
Vaschide, 411.
Viazemski, 80.
Viollet, 166, 16. 232,
361.
Vigouroux, 1G,3G0.
Vont. 338 '
Voisin, 81
Vurpas, 166, 411, 417.
Wagner, 501 '
Walter, 428.
Wedensky, 158, 503.
Weill, 65, 300
Wesphal, 347.
Wherry, 506.
Wiazemsky. 1 i i.
Widal. 53.
Wilmanns, 407.
Winfield, 504.
Wizel, 409.
Wolll' 355.
\\y'roubom, 323, 329.
Young\, 423.
Zal1leto\\'old,' 351.
Evreux, Cli H€mesev, imp.