(1896) Archives de neurologie [2ème série, tome 02, n° 07-12] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1896) Archives de neurologie [2ème série, tome 02, n° 07-12] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

REVUE MENSUELLE

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

Fondée par J.-M. CHARCOT

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE MM.

A. JOFFROY

Professeur de clinique

des

maladies mentales

à la Faculté de médecine

de Pans.

V. MAGNAN

Membre de l'Académie

de médecine

Médecin de l'Asile clinique

(Ste- : lune).

F. RAYMOND

Professeur de clinique

des maladies

1 du système nerveux

à la Faculté de médecine

de Paris.

COLLABORATEUR1- PRII\C1PAUX

l11\1. BAB1NSICI, BALLET, IILANCIIARD (11.), BLIN,

13111AND (\1.), BIIISSAUD (E.), BltOIIAIIUEL (P.), CA61lISET,

CATSAITAS, CIIABBEIIT, CIIIIISTIAIN, CULLEIIIIE, DAIIIN.

UEBOVE (M.), DENY, DEVAY, UUCAIP DUFOUR, DUVAL (6fA7111A8), FERRIER,

FRANCOTTE, GILLES DE LA TOUltETTE, G.\1lNLm (S.), GOMBAULT, GRASSET,

lIIItSCiIISEIiG, ICI : ItAVAL(P.), ICLIPPEL, LAIWOUZY, L\VOFF, MANIIElIEII.

61A1tANU0\ DE MONTYEL, 11.11tIIS, 1111f : liZGJR\VSICY, IUSGIIA VE-CLAY. NOllt,

PIEIIItE'r, PITRES, l'LNAr,. HÉGIS, ltEGNABI) (P.), BGGNIEB (P.), IIIGLllm (l'.),

IIOUIIINOVITCH, 110TlI (\V.),SI ? GLAS, SEGUIN (1 ? C.), SÉ111CUX, SOLLLLm, SOUQUES,

SOIIBY (J.), TEINTURIER (E.), TlIUL1E (H.), TOULOUSE (E.), \'ALLON (Gu.),

VILLAITD, VOISIN (J.), nON (P.).

Rédacteur en chef : nOUIINr¡VILLE

Secrétaire de la rédaction : J.-II. CHARCOT

Dcssinatell1' : LEUBA

Deuxième série, tome II. 1896.

.\\CG ligures clans le texte et planches.

PARIS

BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL

110, ¡'IW des CW'IIW ?

1896

Vol. II. Juillet 1896. N° 7.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

THÉRAPEUTIQUE.

L'INCONTINENCE D'URINE ET SON TRAITEMENT

PAR LA SUGGESTION ;

Par le D' A. CULLEtt111 ?

Directeur-médecin de l'Asile d'aliénés de La Roche-sur-Yon.

Notre but, en écrivant les pages qui vont suivre, est d'ap-

porter une simple contribution au traitement d'abord, et

accessoirement à la clinique de l'Incontinence essentielle

d'urine. En l'espace de quatre années, nous avons traité vingt-

quatre enfants ou jeunes gens incontinents par la suggestion

hypnotique, et la rapidité avec laquelle les premiers sujets

soumis à ce traitement ont été débarrassés d'une infirmité

aussi dégoûtante et en même temps aussi désastreuse au point

de vue économique pour les familles pauvres, n'a pas été étran-

gère à l'affluence subséquente de nouveaux malades qui

presque tous ont bénéficié à leur tour de cette méthode thé-

rapeutique.

Chemin faisant nous avons pris note quand il nous a été

possible des antécédents héréditaires et personnels des

malades, et des particularités cliniques qui ont plus particu-

lièrement attiré notre attention chez chacun d'eux et, bien que

très incomplets, ces documents ne sont pas sans présenter

quelque intérêt scientifique. C'est le côté étiologique et

pathogénique que nous aborderons d'abord ; nous exposerons

ensuite nos observations avec les remarques cliniques et les

résultats thérapeutiques qu'elles comportent.

Archives, 2" série, t. II. 1

2 THÉRAPEUTIQUE.

1. Un point à peu près fixé, le seul peut-être sur lequel

ou s'entende à l'heure actuelle, c'est que l'incontinence d'urine

dite essentielle, c'est-à-dire qui n'est symptomatique ni de l'épi-

lepsie, ni d'une affection organique des centres nerveux, est la

manifestation d'un état névropathique le plus souvent héré-

ditaire ; c'est selon l'expression très heureuse de M. L. Gui-

non', un stigmate bénin de l'hérédité nerveuse et psychique.

Bien que Trousseau en ait, à une époque déjà ancienne,

signalé l'importance, la démonstration de cette vérité étiolo-

gique est cependant peu avancée et les faits sur lesquels elle

s'appuie sont encore peu nombreux.

L'étude de trente-cinq cas d'incontinence a permis à

M. L. Guinon de constater que l'hérédité nerveuse sous toutes

ses formes se rencontre d'une facon constante dans les anté-

cédents des individus atteints de cette infirmité. Il y a relevé

l'alcoolisme du père, l'hystérie de la mère, toutes les variétés

de la neurasthénie et de l'hypocondrie chez les divers membres

de la famille, ainsi que les psychoses, les diverses formes du

délire, l'épilepsie, les convulsions, le strabisme et la débilité

mentale.

Dans les antécédents héréditaires de quinze sujets inconti-

nents que contient la thèse de M. J. Janet 2, on peut de même

constater l'alcoolisme, l'hystérie, la neurasthénie, l'hypocon-

drie, le nervosisme sous diverses formes, la folie, le suicide,

la paralysie générale, la déséquilibration mentale, les convul-

sions.

Nos propres observations n'apportent qu'un contingent res-

treint de faits de même ordre mais uniquement, à notre avis,

parce qu'il nous a été impossible, le plus souvent, de recueil-

lir des renseignements circonstanciés sur les antécédents héré-

ditaires de nos malades. Nous avons cependant relevé, comme

les auteurs précédents, l'alcoolisme du père, l'hystérie, la

déséquilibration mentale, divers accidents névropathiques de

la mère, et chez les collatéraux la dégénérescence, l'idiotie et

les convulsions.

Si nous cherchons à dégager, à l'aide du petit nombre des

faits sus-visés, la fréquence relative de ces tares héréditaires

1 L. Guinon. De l'incontinence d'urine des enfants. Thèse de

Paris, 1889.

1 J. Janet. Les troubles ]Jsychopathiques de la miction. Thèse de Paris,

1890.

TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 3

et à ce point de vue les observations de la thèse de M. J. Ja-

net sont des plus intéressantes nous voyons se présenter

en première ligne toutes les formes, précises ou vagues, du

nervosisme et de la déséquilibration mentale, surtout l'hypo-

condrie. L'alcoolisme et l'hystérie viendraient ensuite; puis,

en dernière ligne seulement, les psychoses proprement dites.

Nous pouvons en conclure que les incontinents urinaires ne

sortent pas en général des familles d'aliénés mais bien plutôt

des familles de névrosiques. Ils n'en présentent pas moins très

souvent des incorrections psychopathiques, mais elles abou-

tissent rarement à la folie confirmée.

Il nous faut mentionner maintenant une particularité bien

intéressante que nous avons à dessein laissée de côté parce

qu'elle mérite d'être envisagée à part, c'est l'extrême fréquence

' de l'hérédité similaire, directe ou collatérale, de l'incontinence.

L'hérédité directe est la plus fréquente. Dans quelques cas,,le

nombre des incontinents appartenant à la même parenté est

tel que cette infirmité revêt les caractères d'une véritable

maladie familiale. Parmi les observations de M. J. Janet, on

trouve six cas d'hérédité similaire et quatre dans les nôtres

d'ailleurs assez pauvres en renseignements commémoratifs.

Dans l'observation XIX ;de la thèse de l'auteur précédent, nous

voyons un jeune incontinent dont le père avait eu la même

infirmité jusqu'à quatorze ans et qui comptait en outre cinq

oncles et tantes ayant tous pissé au lit dans leur enfance. Dans

notre observation IV ci-après, nous trouvons un père inconti-

nent ayant quatre de ses enfants atteints de la même infir-

mité.

L'étude des antécédents personnels des incontinents n'est

pas moins significative. Il en est très peu qui puissent être

considérés comme normaux. Bien que certains cliniciens

repoussent la notion de dégénérescence comme étrangère à

la pathologie, il nous semble impossible, dans la circons-

tance actuelle, de ne pas y faire appel, sous peine de ne rien

comprendre à l'enchaînement des manifestations sympto-

matiques dont l'incontinence n'est qu'un simple anneau. Si

la nature de ce symptôme a été si longtemps méconnue, n'esl-

ce pas précisément parce qu'on l'a relégué dans le domaine de

la pathologie commune ou de la chirurgie, en s'obstinant en

faire une affection autonome et surtout locale ? N'hésitons

donc pas à dire que les incontinents appartiennent en majorité

4 THÉRAPEUTIQUE.

à la classe des dégénérés dont ils présentent le plus souvent

les stigmates physiques, et en particulier les malformations du

crâne, de la face, de la voûte palatine et des oreilles. Les

troubles névropathiques auxquels ils sont sujets débutent sou-

vent par les convulsions de l'enfance, les accidents pseudo-

méningitiques, pour se continuer par les somnambulismes,

l'hystérie, la neurasthénie, l'hypocondrie et les obsessions. Au

point de vue psychique, ils parcourent la gamme entière des

états dégénératifs depuis l'idiotie et la débilité mentale jus-

qu'à la déséquilibration simple des individus doués ou non de

facultés supérieures.

, S'il est toutefois quelque manière d'être qui leur soit propre

dans cette multiplicité de conditions pathologiques banales,

c'est, au point de vue somatique, la tendance aux névropa-

thies génito-urinaires dont la pollakiurie si fréquente chez

beaucoup d'incontinents est la première manifestation' ; et au

point de vue psychique, l'émotivité que révèle leur physiono-

mie timide et craintive, avant-coureur de l'hypocondrie future

et des angoisses de l'aboulie et du doute. Une petite case doit

leur être réservée aussi dans le cadre de la folie morale, quel-

ques-uns des jeunes incontinents se montrant sournois, indis-

ciplinés, méchants, menteurs, impulsifs, et prématurément

vicieux.

Enfin fait capital à l'appui de notre manière de voir, le plus

souvent l'incontinence échappe à l'action des causes occasion-

nelles, car chez la majorité des sujets, elle existe dès la nais-

sance. Elle apparaît donc, à priori, au moins chez ceux-là,

comme exclusivement conditionnée par un fonctionnement

imparfait du système nerveux. Et chez ceux dont l'inconti-

nence se manifeste à une époque plus ou moins tardive, les

causes occasionnelles invoquées ne jouent que le rôle secon-

daire d'agents provocateurs.

Et en effet, le début du syndrome ne survient pas indiffé-

remment à tous les âges ; il affectionne trois époques princi-

pales : le premier âge, s'il succède sans transition à l'inconti-

nence physiologique du nourrisson ; la période comprise entre

sept et huit ans, et celle qui s'étend de la dixième à la quator-

, Le professeur Guyon a souvent rencontré cette relation de l'inconti-

nence infantile et des accidents ultérieurs de même ordre, en particulier

les pertes séminales. Voyez aussi à ce point de vue la thèse de J. Janet,

précédemment citée.

TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 5

zième année. Or il est très remarquable que les affections ner-

veuses de l'enfance d'origine héréditaire ont précisément les

mêmes époques d'apparition. D'après les statistiques de Bri-

quet, Clopatt et autres', l'hystérie infantile est particulièrement

fréquente avant trois ans ; puis vers sept ans, et enfin de dix

à treize ans. Vers sept ans, âge de la puberté cérébrale selon

l'heureuse expression de Lasègue, se montrent certaines

méningites, certaines épilepsies symptomatiques de lésions

encéphaliques. Dans la période qui suit la dixième année la

boîte cranienne se développe et se consolide ; l'épilepsie idio-

pathique fait son apparition. Toutes ces coïncidences tendent

à démontrer, en définitive, que l'incontinence urinaire, se

manifestant aux époques d'opportunité morbide créées par

l'évolution du système nerveux, est bien le résultat d'une tare

névropathique héréditaire.

II. En ce qui concerne la pathogénie de l'incontinence,

nous pouvons négliger les théoriesphysiologiques etchimiques.

Ecartons d'abord ces dernières. L'une suppose la présence dans

l'urine d'un excès de sels suffisant pourirriterla vessie. Fût-elle

plausible qu'elle ne saurait s'appliquer qu'à certaines inconti-

nences très passagères. L'autre vise les adénoïdiens, les enfants

dont le système amygdalien hypertrophié met obstacle à la

respiration nasale (Major, Grônbech) gênant ainsi l'hématose

et produisant une intoxication carbonique qui aurait pour con-

séquence la miction involontaire. Mais tous les incontinents

sont loin d'être atteints de végétations adénoïdes ou d'amyg-

dales hypertrophiées et tous les adénoïdiens ne pissent pas au

lit. Chez ceux qui le font, il ne s'agit vraisemblablement que

d'une simple coïncidence. Ils cumulent, avec le stigmate du

lymphatisme exagéré, le stigmate de l'hérédité névropathique.

Quant aux théories physiologiques, l'une, on le sait, est

basée sur l'irritabilité vésicale et l'autre sur l'atonie du sphinc-

ter uréthral. Ces deux théories se contredisent. On pourrait

toutefois supposer que l'irritabilité existe dans certains cas et

l'atonie dans d'autres : mais l'irritabilité n'est plus guère

défendue par personne. Le professeur Guyon et ses élèves ont

brillamment soutenu la cause de l'atonie qui serait facile à

constater par le cathétérisme. Chez les incontinents, l'explora-

teur parcourrait tout le canal et franchirait le sphincter sans

' Voy. Gilles de la Tourette. Traité de l'hystérie, 189à ? ..

6 THÉRAPEUTIQUE.

résistance et en ne transmettant à la main que de faibles sen-

sations. Pourtant l'existence de cette atonie a été niée. Quoi

qu'il en soit, réelle ou non, elle est incapable à elle seule de

fournir une explication satisfaisante de l'incontinence urinaire.

Si le sphincter est atone, il l'est aussi bien le jour que la nuit ;

cependant les incontinents diurnes sont rares. D'autre part,

pourquoi l'incontinent nocturne, en admettant que le sommeil

engourdisse sa vigilance à l'égard de son sphincter, ne se

réveille-t-il pas aussitôt que l'accident se produit ? Non seule-

ment il n'est pas réveillé à ce moment même, mais encore il

ne l'est pas le plus souvent par la sensation désagréable d'hu-

midité et de froid qui en est la conséquence.

De toute-façon, il faut donc faire appel à une cause plus

haute, et cette cause.ne peut être cherchée que dans un fonc-

tionnement vicieux du système nerveux central. De là les

théories psychologiques.

La plus simple de toutes consiste à ne voir dans l'inconti-

nence qu'un défaut d'éducation. Elle est due à M. Bérillon.

Pour cet auteur, l'incontinence nocturne de l'enfant n'est le

plus souvent que l'incontinence normale du nouveau-né pro-

longée. Chez ce dernier, la volonté, qui n'existe pas encore, ne

peut intervenir pour mettre en jeu les muscles de Guthrie et de

Wilson chargés de fermer la vessie et aussitôt que ce réservoir

est distendu par une certaine quantité d'urine, les muscles lisses

se contractent et en provoquent l'évacuation. Par l'éducation,

on obtient vers le quinzième mois que l'enfant apprenne à

résister pendant le jour au besoin d'uriner, et vers la troisième

année au plus tard, l'incontinence nocturne disparait d'elle-

même. Quand elle persiste au delà de cette limite, l'infirmité

est constituée 1. Si cette théorie peut s'appliquer à quelques

faits d'incontinence, si réellement quelques enfants continuent t

à pisser au lit après la troisième année par simple paresse céré-

brale, elle est insuffisante dans la majorité des cas. Elle laisse

en effet de côté tous les incontinents tardifs et tous'ceux dont

le sommeil présente des caractères pathologiques.

Un fait extrêmement important, en effet, et qui a frappé la

plupart des observateurs, c'est que le sommeil de beaucoup

d'incontinents n'est pas normal. Les uns ont comme les épilep-

1 Bérillon . Le traitement psychique de l'incontinence nocturne

d'urine. Revue de l'hypnotisme, 1894.

TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 7

tiques, le sommeil lourd et profond, les autres ont le sommeil

onirodynique et agité des. hystériques. Déjà J.-L. Petit avait

cherché dans ces faits d'observation les causes de l'incontinence.

Pour lui les rêveurs pissent au lit par suite d'un rêve de

miction et les dormeurs profonds, parce que la sensation qui

précède l'envie d'uriner n'est pas assez forte pour les réveiller.

Mais nous pouvons aller plus loin et affirmer que chez cer-

tains malades au moins, cette sensation n'est même pas

perçue. Les incontinents diurnes nous en fournissent une

preuve très plausible. Ceux-ci, quoique rares, existent ; ils

guérissent, comme les autres, par la suggestion hypnotique ;

Liébeault en cite plusieurs cas ; nous en présentons un nous-

mème dans le sujet de l'observation XX. Ce jeune garçon est

pris à quatorze ans d'incontinence diurne dont il n'a conscience

qu'en voyant l'urine couler sous ses pieds. Même chose se

passe vraisemblablement chez les incontinents nocturnes à

sommeil profond ; chez eux, le phénomène de la miction est

soustrait au contrôle de ce qui subsiste de la personnalité cons-

ciente pendant le sommeil. Si comme le dit M. L. Guinon, le

réflexe cérébral qui, en temps normal, dirige le centre médul-

laire de la miction fait défaut et que le cerveau ne régisse plus

la moelle, c'est parce qu'il existe une sorte d'inhibition de ce

centre et que les impressions qui lui arrivent de la vessie ne

sont pas assimilées, n'entrent plus dans le champ de la cons-

cience personnelle. Il s'agit donc d'un phénomène analogue à

celui qui se passe chez l'hystérique analgésique qui ne sent

pas les piqûres. Comme l'anesthésie de ce dernier, la miction

involontaire de l'incontinent est une sorte d'énorme distraction.

Cette comparaison de l'incontinent et de l'hystérique n'est

d'ailleurs pas une hypothèse gratuite. L'état mental de certains

enfants nerveux ressemble en effet beaucoup à celui des hysté-

riques à stigmates. Leur attention est excessivement distraite,

leur mémoire vague et infidèle. Ils ne distinguent qu'impar-

faitement les faits de conscience des faits d'imagination. Bref,

une partie de leur activité psychique semble échapper au con-

trôle de leur personnalité consciente faiblement et imparfaite-

ment constituée. Les enfants menteurs répondent à ce type.

Pour nous, les incontinents rentrent dans une catégorie

voisine et ce ne sont pas les seules particularités par

lesquelles ils se rapprochent des hystériques, comme nous le

verrons plus loin.

8 THÉRAPEUTIQUE.

S'emparant de ces deux faits d'observation, la lourdeur du

sommeil et les rêves mictionnels, M. J. Janet en a fait la base

d'une ingénieuse théorie qu'il applique à tous les cas d'incon-

tinence. Pour lui, les incontinents nocturnes sont avant tous

des polJakiuriques nocturnes qui, sous l'influence de l'envie

d'uriner, rêvent qu'ils urinent en effet soit contre un arbre,

soit dans leur vase de nuit, selon que leur rêve les promène à

la campagne ou les laisse vaquer à leurs occupations habi-

tuelles ; et ils s'inondent, absolument comme le dormeur à qui

il survient une pollution sous l'influence d'un rêve érotique.

S'ils ne se réveillent pas, c'est parce qu'ils dorment trop pro-

fondément.

Cette explication est très séduisante mais elle ne doit pas à

notre avis être généralisée à tous les cas ; car la constance des

rêves mictionnels n'est pas démontrée. Beaucoup d'inconti-

' nents rêvent; mais comme nous l'avons fait remarquer précé-

o demment leurs rêves sont loin d'avoir toujours les caractères

idylliques que leur attribue M. J. Janet. Ce sont souvent des

rêves agités, de vrais cauchemars qui se produisent dans la

toute première période du sommeil et qui ont le caractère

pénible des rêves des neurasthéniques et aussi des hystériques.

Quoi qu'il en soit, la théorie de l'auteur n'est pas en contradic-

tion avec celle que nous avons exposée précédemment ; elles

se complètent plutôt l'une l'autre. Si, comme les hystériques,

les incontinents sont distraits, comme elles ils peuvent aussi

avoir des idées fixes subconscientes qui se manifestent par un

rêve approprié.

Il existe d'ailleurs une affinité réelle entre l'hystérie et l'in-

continence. Certains incontinents sont dès l'enfance somnam-

bules ou hystériques ; il s'en trouve un cas dans nos observa-

tions. Beaucoup le deviennent plus tard ; dans la thèse de

M. Janet, on en trouve plusieurs exemples, et chose curieuse,

ces malades présentent souvent des syndrômes hystériques en

rapport avec leur infirmité première. 1

On a constaté que les hystériques atteints de polyurie ont

presque toujours eu dans leur enfance de l'incontinence

nocturne d'urine'. Ainsi que le fait observer M. Souques, cela

indique déjà l'habitude de préoccupations urinaires. Il est

évident, dit cet auteur, qu'un jeune sujet qui pisse au lit, a

1 Erhardt. De la polyurie hystérique. Thèse de Paris, 1893.

TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 9

l'idée fixée sur sa triste infirmité. Si plus tard il devient hysté-

rique, cette idée fixe, consciente ou subconsciente, pourra

grandir, envahir l'esprit et devenir naturellement l'origine

d'une hypersécrétion urinaire.

« La filiation; toute logique, continue-t-il, est facile à con-

cevoir. Les incontinents nocturnes urinent sinon plus, du

moins plus souvent, que les sujets normaux. Presque toujours

ils ont des besoins fréquents et impérieux pendant le jour. Or

uriner souvent ou uriner beaucoup sont deux choses que

l'usage confond ensemble. L'enfant qui a de l'incontinence

nocturne, qui a des mictions fréquentes et impérieuses diurnes,

croit en réalité qu'il urine plus que normalement. L'enchaîne-

ment logique des choses doit le conduire plus tard à la

polyurie'. »

Beaucoup d'incontinents sont, en effet, pollakiuriques.

comme M. J. Janet l'a bien fait ressortir dans son travail et

j'ai eu l'occasion de constater que quelques-uns sont polydip,-m

siques. Ce symptôme se rencontre chez les sujets des observai «-

tions XI et XXIII ci-après. La seule interprétation plausible de\

cette polydipsie qui entraine évidemment une polyurie corré-

lative est celle que donne M. Souques de la polyurie des hys-

tériques eux-mêmes.

Encore un point qui rapproche les incontinents des hysté-

riques, c'est qu'ils se rencontrent souvent sur le même terrain

étiologique. Si, en effet, le plus grand nombre des inconti-

nents pissent au lit depuis leur enfance, il en est un certain

nombre dont l'infirmité débute après une grande frayeur, une

émotion vive, un traumatisme, une maladie aiguë, ou la misère

physiologique.

En résumé, pour nous, l'incontinence qui débute dans l'en-

fance est due à un trouble fonctionnel du cerveau avant

quelque rapport avec ce qu'on observe dans l'état mental des

hystériques. Il consiste en un défaut de. synthèse psychique,

avec automatisme exagéré, que d'ailleurs la miction involon-

taire soit due à une sorte de distraction, de non-assimilation

de la sensation de besoin envoyée au cerveau par la moelle,

ou à des préoccupations urinaires subconscientes engendrant

des rêves mictionnels.

1 A. Souques. Coielrib. il l'élude du rôle des idées fixes dans la palho-

génie de la polyurie hystérique. (Archiv. de Neur., déc. 1894.) .

10 O THÉRAPEUTIQUE.

III. Nous ne voudrions pas abuser des rapprochements,

mais comment ne pas enregistrer celui qui résulte de l'effet de

la suggestion sur l'incontinence ? Est-il une preuve plus

démonstrative de la nature psychique de ce syndrome et de

son analogie avec certains troubles psychiques de l'hystérie ? : '

Une seule suggestion suffit parfois pour supprimer d'une ma-

nière durable une incontinence remontant à de nombreuses

années et cette efficacité merveilleuse d'un procédé purement

moral est assurément ce qu'il y a de plus intéressant dans une

affection contre laquelle la thérapeutique a déployé de tout

temps ses plus ingénieuses comme ses plus formidables res-

sources, et on sait avec quel succès !

De ces procédés thérapeutiques quasi innombrables, nous

ne parlerons pas sinon pour dire que quand ils ont parfois

réussi, ce n'est que par suggestion indirecte. L'électrisation du

sphincter uréthral elle-même, si prônée aujourd'hui, n'agit

sans doute pas autrement. Il est assurément plus simple et

plus sûr d'employer la suggestion directe. Elle a donné les

mêmes résultats favorables à tous les médecins qui l'ont em-

ployée ; elle est d'un emploi sûr, facile, inoffensif et fournit,

en somme, une solution élégante d'un des plus difficiles pro-

blèmes de la thérapeutique.

Sans entrer dans l'historique de la question, que nous avons

traitée ailleurs ', nous rappellerons seulement que M. Liébeault

a obtenu 72 p. z100 de guérisons. M. Bérillon est arrivé, lui

aussi, à une proportion de 70 p. 100. Le Dr Ringler, de Com-

brement (Suisse) n'a obtenu que 47 p. 100 de succès, mais ce

résultat, quoique moins satisfaisant que les précédents, est

encore de beaucoup supérieur à ce qu'on obtenait avec les

anciennes méthodes. De nombreux médecins, entre autres

MM. Stembo, de Wilna, Bernheim, A. Voisin, Pitres, L. Gui-

non, dont les noms se présentent à notre mémoire, sans avoir

publié de statistiques de guérisons, ont cependant reconnu

l'efficacité de la méthode suggestive.

Des 24 sujets que nous avons traités par la suggestion hyp-

notique, 20 ont été guéris ; 2 ont été améliorés et 2 seulement

n'ont obtenu aucun bénéfice durable du traitement. Cette sta-

tistique nous donne une proportion de 83 p. 100 de guérisons ;

elle repose, il est vrai, sur un nombre restreint de cas ; mais

1 A. Cullerre. La thérapeutique suggestive, 1 vol. in-12. Paris, 1893.

TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. ils

en admettant qu'elle représente une série exceptionnellement

heureuse, elle n'en démontre pas moins, avec les statistiques

des auteurs précédents, que l'incontinence essentielle d'urine

est, dans la grande majorité des cas, justiciable de la sugges-

tion hypnotique.

Je rappellerai en deux mots le manuel opératoire. Le sujet

est commodément installé dans un fauteuil ; on le rassure par

quelques paroles bienveillantes et on l'encourage en faisant

miroiter à ses yeux l'espoir d'une guérison prochaine. Après

quoi on l'endort par la fixation du regard aidée de la sugges-

tion. Quand je dis a on l'endort » c'est pour employer une

expression consacrée, car le degré d'hypnose où se trouve le

sujet m'a paru de peu d'importance. La plupart, d'ailleurs,

conservent le souvenir des suggestions qu'on leur donne, et

nous en avons vu ne fermer les yeux que par obéissance et qui

ne guérissaient pas moins bien que les autres. Alors intervient

la suggestion curative dont la formule doit varier selon les cas :

ne pas pisser au lit, sentir le besoin et se réveiller aussitôt;

s'éveiller à une heure déterminée pour uriner; penser en s'en-

dormant qu'il ne faut pas uriner au lit. Au besoin, comme le

conseille M. Bérillon on peut provoquer par suggestion une

insomnie destinée à habituer le cerveau à percevoir le besoin

d'uriner. Bientôt l'insomnie disparaît d'elle-même et le sujet,

habitué à surveiller sa vessie, continue à le faire tout en dor-

mant.

Tantôt la guérison est immédiate ou tout au moins prompte;

tantôt elle se fait attendre quelques semaines. Quelquefois la

guérison survient d'elle-même après la suppression du traite-

ment qui n'a paru donner aucun résultat. Il faut aussi comp-

ter de temps en temps avec les rechutes. Tous les âges sont

justiciables de la méthode suggestive; le plus jeune de nos

malades avait six ans et le plus âgé vingt-trois ans. Dès l'âge

de trois ans elle est applicable.

Nous n'insisterons pas sur ces développements que la lec-

ture de nos observations et des commentaires qui les accom-

pagnentrend inutiles, et nous passons immédiatement à l'exposé

sommaire des faits cliniques qui servent de base à ce travail.

Mais une chose que l'on ne saurait trop répéter, a'est que ce

traitement est à la portée de tous les praticiens. Il ne demande

ni préparation, ni éducation, ni surtout d'initiation spéciales.

On peut, en l'employant, on doit même, dirions-nous, réussir

't2 THÉRAPEUTIQUE.

du premier coup. Sans doute un homme versé dans l'hypno-

logié pratique et habitué de longue main à manier la sugges-

tion obtiendra peut-être des résultats plus brillants et plus

nombreux tout d'abord ; mais l'apprentissage se fait vite et il

suffit d'un peu de tact et de pratique pour y passer maître. Il'

en est de même de toutes les médications, et pour ne pas sor-

tir du domaine de la psychiatrie, ne sait-on pas que la médi-

cation opiacée ou bromurée par exemple, est d'autant plus

héroïque qu'elle est maniée par des mains plus expertes ? Ce

qui n'empêche pas que tout médecin, quelle que soit d'ailleurs

son expérience personnelle, se croie autorisé à employer la

morphine et le bromure, et s'efforce de se familiariser avec le

maniement de ces puissants remèdes.

Nos observations se divisent en trois groupes : a) guérisons ;

b) améliorations ; c) insuccès.

A. - Guérisons.

Observation l.-V..., garçon de onze ans. Son père est mort

de tuberculose pulmonaire; sa mère est sourde, un peu rhumati-

sante ; cinq frères et soeurs dont quatre plus jeunes.

Enfant chétif, peu développé, pâle, très émotif, portant au cou

des ganglions volumineux. Il urine au lit depuis la première en-

fance ; n'a jamais eu de convulsions, ni d'accidents cérébraux. Sa

mère me l'amène parce qu'étant dans la misère, elle ne sait com-

ment parer aux conséquences désastreuses pour elle de cette infir-

mité, le linge et la literie lui faisant défaut.

10 mars 1892.- Endormi par la fixation du regard aidée de la

suggestion; sommeil profond avec oubli au réveil. Suggestion :

« Il ne pissera plus au lit; sentira toujours quand il aura besoin et

se réveillera aussitôt pour se lever. »

A partir de ce moment l'enfant a été complètement débarrassé

de son infirmité; sa santé s'est ensuite améliorée, et il a pu être

placé comme petit domestique.

28 juillet 1893. - Sa mère me le ramène parce que depuis dix

jours il aété repris trois fois de son infirmité, ce que j'attribue à la

fatigue causée par les travaux de la moisson et sans doute aussi à

l'absorption d'une trop grande quantité de boisson. Suggestion

comme ci-dessus suivie de succès.

29 octobre z Il a uriné le 27, ce qui ne lui était pas arrivé

depuis juillet. Nouvelle suggestion. >

lor avril 9896.-La guérison s'est maintenue sans aucun acci-

dent depuis la date précédente. -'

TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 13

Il s'agit d'un enfant chétif et très émotif quoique peu taré

au point de vue nerveux, dont l'incontinence est due vraisem-

blablement à l'inhibition du centre cérébral de la miction

occasionnée par des préoccupations urinaires.

Une seule séance de suggestion suffit à rétablir le méca-

nisme troublé du réflexe cérébro-médullaire et la guérison est

obtenue. Les deux petites rechutes dues à des causes acciden-

telles n'ont eu aucune suite fâcheuse et ont cédé elles aussi à

une simple suggestion.

Observation II. - 0. B..., fille de treize ans. Père vivant, nor-

mal ; mère cinquante-six ans, profondément neurasthénique; soeur

souffreteuse et hystérique ; frère d'une santé passable, autre frère

idiot à la suite de convulsions. '

Enfant grande et forte, d'aspect florissant, non réglée, névro-

pathe, sujette aux migraines (céphalées accompagnées de vomis-

sements), souffrant beaucoup de l'estomac. Elle a commencé à

uriner au lit à partir de sept ans, à la suite d'une fièvre muqueuse.

On me l'amène dans le courant d'avril 1892. A la suite de quelques

séances de suggestion un mieux notable se produit.

18 juin z Elle n'a pas uriné au lit depuis trois semaines.

4 juillet.- Elle a eu une légère miction nocturne involontaire il

y a huit jours et une autre la nuit dernièie. Suggestion : « Ne plus

pisser au lit. Cette séance n'est suivie d'aucun succès et pour

cause d'absence le traitement est interrompu. Elle ne revient que

le 2 mars 1893; les séances de suggestion sont alors reprises.

9.- Deux nuits sèches seulement depuis le 2.

23. - Sept nuits sèches, du 9 au 16, puis rechute complète.

30. -Trois nuits sèches depuis le 23.

6 avril. Trois nuits sèches depuis le 30. Les nuits où elle se

mouille, c'est peu de chose.

13. Une seule nuit mouillée depuis le 6.

18 mai. Aucun accident depuis cinq semaines; les règles sont

survenues pour la première fois dans l'intervalle, sans causer de

troubles.

21 décembre 1893.- Elle revient parce que depuis quelques jours

elle a des névralgies faciales à accès réglés et qu'il lui est arrivé

d'avoir de temps à autre des nuits mouillées. Suggestion comme

précédemment suivie d'un heureux résultat.

27 juin 1895.- La mère m'annonce que sa fille est parfaitement

guérie et qu'elle est devenue très forte. Deux fois seulement depuis

1893, pendant la période menstruelle, il lui est arrivé de se

mouiller légèrement la nuit.

14 THÉRAPEUTIQUE.

Ce cas est fort différent du précédent. Il s'agit d'une fille à

antécédents héréditaires graves, devenue incontinente à

sept ans à la suite d'une maladie aiguë, et réagissant capri-

cieusement sous l'influence de la suggestion qui tantôt est

efficace, tantôt n'est suivie d'aucun résultat. Finalement force

reste au traitement, mais c'est au moment où survient une

crise, l'apparition des règles, qui a pu favoriser l'action de la

suggestion grâce à la détente nerveuse qui l'a accompagnée.

Des auto-suggestions contraires contribuaient sans doute à con-

trarier l'efficacité de la suggestion hypnotique.

Observation 111. H..., garçon de huit ans. Père mort de tu-

berculose pulmonaire; mère dont le moral laisse à désirer, trois

soeurs assez chétives dont une recueillie dans un orphelinat, pisse

aussi au lit. Enfant assez développé, strabique : d'une bonne santé

habituelle; n'ayant eu ni convulsions, ni maladies graves, il pisse

au lit depuis sa naissance.

10 novembre 1892. Endormi par suggestion aidée de la fixation

du regard; attitudes calaleptoïdes. Suggestion : Ne plus piaser

au lit, sentir le besoin d'uriner et se réveiller aussitôt. »

13. Pas d'accident depuis le 10.

17. Une seule nuit mouillée depuis le 13.

20. Pas d'accident depuis de 17.

24. Deux nuits mouillées depuis le 20.

27. Deux nuits mouillées depuis le 24. Suggestion addition-

nelle : < Penser en s'endormanl qu'il ne faut pas pisser au lit. »

Le traitement est continué pendant les mois de décembre et

janvier 1893 à raison de deux séances par semaine; il y a neuf

nuits mouillées pendant le mois de décembre et pendant le mois

de janvier cinq nuits mouillées seulement. Une seule séance de

suggestion a eu lieu en février qui n'a compté que trois nuits

mouillées. La mère le considérant comme guéri, ne l'avait pas

ramené. Il se réveillait la nuit pour faire dans son vase.

27 avril 1893. Sa mère m'annonce qu'il est guéri.

En 1894, cet enfant a été pris de péritonite tuberculeuse et

a succombé à cette maladie.

Observation IV. te. V..., garçon de quatorze ans. Père névro-

pathe, ayant été atteint lui-même jusqu'à vingt ans d'inconti-

nence d'urine contre laquelle il a essayé tous les traitements sans

résultats. Il allait jusqu'à passer les nuits tout habillé et assis pour

lutter contre son infirmité; si, vaincu par la fatigue, il se couchait

à l'aube, aussitôt il pissait dans son lit. Rien que guéri, il a tou-

TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 15

jours eu une grande difficulté à retenir ses urines et quand le

besoin se fait sentir, il doit le satisfaire immédiatement. Mère

normale. Huit enfants : une grande fille de seize ans ayant été

atteinte d'incontinence nocturne et qui a guéri spontanément

après l'établissement de la menstruation; une seconde fille qui a

eu de temps en temps quelques mictions involontaires; deux

garçons atteints d'incontinence complète; une fille qui a eu des

convulsions. Les autres enfants, en bas âge, se portent bien.

Enfant assez fort d'apparence, un peu pâle; n'ayant fait aucune

maladie grave. Sommeil agité; il rêve beaucoup. Il pisse au lit

depuis deux ans. Au commencement il y avait quelques rares inter-

mittences, mais maintenant c'est régulier et continu. Aucune

précaution n'empêche la miction involontaire de se produire,

même l'abstinence complète d'aliments et de boisson le soir.

8 décembre 1893. Endormi eu un quart de minute par la

suggestion aidée de la fixation du regard, catalepsie suggestive,

mouvements automatiques; suggestion de ne plus pisser au lit, de

retenir son urine, de sentir le besoin et de se réveiller. Il reviendra

deux fois par semaine.

31. Le tiers des nuits a été humide depuis le 8; il fait très

froid, ce qui peut contribuer à entraver l'action du traitement.

18 janvier 1894. A eu cinq nuits mouillées mais très peu,

depuis le 31 décembre.

1er février. Pas d'accident depuis le 18 janvier.

A partir de ce moment la guérison est obtenue et l'enfant

ne m'ayant pas été ramené, je crois pouvoir en conclure qu'elle

s'est maintenue.

Observation V. A Y..., garçon de onze ans (frère du sujet de

l'observation précédente). Il pisse au lit depuis un an.

10 décembre 1893. Endormi par la fixation du regard. Au bout

d'un quart de minute les globes oculaires se convulseut en haut et

les paupières se ferment. Catalepsie suggestive. Mouvements auto-

matiques. Suggestion de ne plus pisser au lit, de se réveiller et de

se lever.

17. Aucun résultat; 21. Une seule nuit sèche ; 31. Une

seule nuit mouillée depuis le 21.

28 janvier 1894. N'a pissé que deux fois et extrêmement peu,

depuis le mois dernier.

L'enfant ne s'est pas représenté depuis. Comme son frère, il

habite la ville et m'aurait été ramené vraisemblablement en

cas de rechute. Les sujets de ces deux observations appartien-

16 THÉRAPEUTIQUE.

neni à une famille où l'incontinence est héréditaire et se

développe tardivement. Des indications qui nous sont fournies,

on peut inférer que les mictions involontaires sont le' résultat

de rêves mictionnels, au moins chez le père et l'aîné des fils,

puisqu'elles se produisent dans la période hypnogogique qui

suit le coucher.

Observation VI. L. V..., fille de treize ans. Aucun renseigne-

ment sur sa famille que je n'ai vue qu'une fois et que je n'ai pas eu

le loisir d'interroger. Elle vient toute seule et fait 20 kilomètres

aller et retour pour se soumettre au traitement chaque semaine.

Enfant assez bien développée, quoique fluette, non réglée,

d'aspect assez intelligent. Elle n'a pas eu de convulsions, n'a fait

aucune maladie. Elle pisse au lit depuis sa naissance, et toutes les

nuits à de rares exceptions près.

16 mars 1893. Hypnose et suggestion appropriée.

23. Quatre nuits sèches sur huit.

10 avril. Deux nuits mouillées seulement depuis dix-huit jours.

27. Six nuits mouillées depuis le 10.

4 mai. Deux nuits mouillées depuis le 27.

11. Trois nuits mouillées depuis le 4.

18. -Pas d'accidents depuis le il. A partir de ce moment la

guérison s'est maintenue.

Avril 1894. Apparition des règles sans accident.

Août. Fièvres intermittentes paludéennes, cachexie commen-

çante, aménorrhée, retour de l'incontinence nocturne. L'enfant

revient seulement le 11 novembre me consulter, son état de santé

l'en ayant empêchée plus tôt. Je la trouve grandie, plus forte, l'air

d'une jeune fille. Elle me fait part des particularités précédentes

et manifeste un véritable chagrin de sa rechute. On reprend le

traitement. Hypnose avec attitudes cataleptoïdes.

Du 12 novembre au le, décembre le résultat est nul.

8 décembre. Deux nuits sèches seulement dans la semaine.

15. Cinq nuits sèches.

Janvier 1895. Plus de mictions involontaires, la malade se

considère comme guérie et ne revient plus.

Cette observation est intéressante en ce qui concerne

l'action de la suggestion : il semble qu'elle n'ait aucune prise

d'abord sur le mal puis tout d'un coup l'incontinence cesse et

la guérison est obtenue. Ce phénomène est assez fréquent ; il

semble indiquer qu'il faut parfois un certain temps au cerveau

pour s'assimiler l'idée suggérée. A remarquer aussi la rechute

survenue à la suite de fièvres intermittentes.

TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 17

Observation VII. F. M..., sept ans, fille unique. Père tuber-

leux, mère normale, intelligente, bien portante.

Enfant chétive, d'un tempérament lymphatique marqué. Elle

urine au lit depuis quelques mois seulement et d'une façon irrégu-

lière, environ deux à trois fois par semaine. Enfant peu développée

pour son âge.

16 février 1893. Première hypnose suivie de la suggestion

appropriée. Pas de miction involontaire jusqu'au 3 mars.

4 mai. Du 3 mars au 2 mai, pas de miction involontaire. Les

deux dernières nuits ont été mouillées.

27 mai. Pas d'accident depuis le 4.

Juillet. La guérison se maintient.

28 décembre. Cette enfant à la suite d'une bronchite aiguë a

eu quelques nuits mouillées, mais tout est rentré dans l'ordre.

1er avril 1896. La guérison s'est maintenue depuis 1893.

Encore un cas où une légère rechute se produit à la suite

d'une maladie aiguë. -

Observation VIII. S. N..., garçon de treize ans. Parents arthri-

tiques, aucune tare dans la famille. Cet enfant qui n'urinait au lit

que de temps en temps, surtout l'hiver, pisse maintenant toutes

les nuits. L'intelligence est paresseuse et le moral est incorrect

dans une certaine mesure. C'est un déséquilibré. Tous les remèdes

essayés ont échoué..

10 avril 1893. Il est légèrement influencé par la fixation du

regard, bien qu'il eût déclaré qu'il serait réfractaire à toute tenta-

tive d'hypnotisation. Suggestion : * Ne plus pisser au lit, etc. »

13. - Toutes les nuits sèches depuis le 10.

16. Toutes les nuits sèches depuis le 13.

27. Une seule nuit mouillée depuis le 16, à la suite de l'ab-

sorption d'une grande quantité d'eau.

4 mai. Pas d'accident.

5 juin. Il a eu la rougeole depuis la dernière séance. Malgré

cela l'incontinence ne s'est pas reproduite. Il est considéré comme

guéri par sa famille.

13 février 1894. J'apprends qu'à part quelques nuits mouillées

en octobre dernier, la guérison s'est maintenue.

A noter chez ce garçon l'incontinence d'abord intermittente,

et survenant l'hiver. On pourrait supposer avec J.-L. Petit qu'il

s'agit d'un enfant paresseux à se lever, n'obéissant pas aux

premiers avertissements de sa vessie. La suite de l'observation

montre qu'il n'en est rien, puisque l'infirmité devient continue.

Archives, 2° série, t. Il. 2

18 ô THÉRAPEUTIQUE.

Il est beaucoup plus rationnel de supposer que le froid

engendre de la pollakiurie et que ce phénomène provoque à son

tour l'incontinence par l'intermédiaire d'un rêve mictionnel.

Observation IX. - V. X..., fille de treize ans. La mère, qui me

l'amène, n'habite le pays que depuis peu de temps, et ne me four-

nit aucun renseignement tuile. La jeune fille urine au lit depuis la

naissance, mais ce n'est qu'à partir de sept ans que l'infirmité s'est

enracinée. Auparavant ça ne lui arrivait que de temps en temps; à

partir de ce moment, elle pisse au lit continuellement. Quelle que

soit l'heure où on la réveille pour la faire lever, on la trouve

mouillée.

Fille d'aspect assez florissant, réglée depuis un an, sans fatigue

mais irrégulièrement. Elle se plaint habituellement de l'estomac

et a souvent des maux de tête. A part ces indispositions, sa santé

est bonne et elle n'a jamais fait de maladies graves.

27 juillet 1893. - Endormie par le procédé habituel; hypnose

légère. Suggestion de ne plus pisser au lit, de sentir le besoin et

de se réveiller aussitôt.

30 juillet. -Nuits sèches depuis le 27. Elle s'est réveillée chaque

nuit entre minuit et une heure et s'est levée pour uriner.

7 août. Deux nuits mouillées depuis le 30 juillet.

13. Toutes les nuits sèches.

20. Toutes les nuits sèches. Ne revenir qu'en cas de retour de

l'incontinence. Je n'ai pas revu cette malade.

Il s'agit comme on le voit d'une jeune fille névropathe,

incontinente dès le bas âge, mais dont l'infirmité s'aggrave à

partir de sept ans, époque où le développement cérébral subit

une poussée. Le traitement agit d'une façon rapide et vraisem-

blablement définitive, car la mère n'eût pas manqué de me

ramener la malade.

Observation X. T. U..., fille de treize ans. Père normal; mère

lymphatique; tante ayant pissé au lit jusqu'à quinze ans. Ça lui

arrivait toutes les nuits et plusieurs fois.

Enfant chétive, anémique, très lymphatique (bronchites répétées,

gros nez, grosses lèvres), très en retard dans son développement

physique. Intelligence normale. Elle a été très propre de trois à

dix ans. A partir de dix ans, sommeil agité, inquiet; il fallait la

faire lever, sans quoi elle pissait au lit. Beaucoup de rêves, de

cauchemars. De temps en temps elle pissait au lit malgré les pré-

cautions. Il y a six mois son père, employé au chemin de fer a été

victime d'un accident grave dont elle a été vivement émue. A partir

de ce moment elle pisse au lit plusieurs fois par semaine. Ça lui

TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 19

arrive plusieurs fois de suite, puis il y a un intervalle. La mère ne

peut dire exactement ce qui se passe car l'enfant, très humiliée de

son infirmité, la dissimule autant que possible.

16 novembre 1893. Hypnose rapide; tendance aux contractures

cataleptoïdes. Suggestion d'être propre et de se réveiller. Elle

reviendra deux fois par semaine.

3 décembre. Deux nuits mouillées seulement depuis le 16 no-

vembre. La mère me fait observer que son sommeil est devenu très

calme. Elle dort de neuf heures du soir au matin sans se réveiller.

Auparavant son sommeil était entrecoupé de rêves et elle se

réveillait à chaque instant dans la crainte de pisser au lit. Elle ne

reviendra qu'une fois par semaine. ,

30 avril 1894. Depuis près de cinq mois l'enfant n'avait pas

uriné au lit et on la considérait comme guérie, mais la semaine

dernière ayant été prise d'angine avec fièvre, elle a pissé au lit deux

fois.

22 juillet. Elle n'a pas eu de nouvelles nuits mouillées depuis

le 30 avril jusqu'au 15 juillet. Depuis ce moment, elle s'est sur-

menée pour la préparation de son certificat d'études et cette

semaine elle a pissé trois fois au lit. Suggestion.

23 août. Deux nuits mouillées à quinze jours d'intervalle.

Symptômes hy¡,té1'ifo1'11ws; sensation de boule remontant de l'esto-

mac à la gorge. Douleurs de ventre. Elle n'est pas encore réglée.

Pas d'anesthésie, ni de rétrécissement du champ visuel.

29 novembre. Six nuits mouillées depuis le 18 sans autre cause

apparente que le changement de boisson (vin blanc), cependant la

mère s'est aperçue que son sommeil était agité de rêves et lourd

au point qu'on a de la peine à la réveiller.

31 décembre. Six nuits mouillées pendant ce mois. Le sommeil

est meilleur et la suggestion est présente à l'esprit de l'enfant

pendant son sommeil car le matin elle est persuadée qu'elle s'est

levée alors qu'elle a dormi tout d'une traite.

31 janvier 1895. Aucun accident pendant ce mois. La santé

physique s'est sensiblement améliorée; elle a bonne mine et bon

appétit.

28 février. La guérison se maintient sans accident, l'enfaut se

lève régulièrement une fois par nuit. Elle a pu boire du lait le soir

sans inconvénient.

1er avril 1896. La guérison s'est maintenue.

L'influence d'nne émotion vive et très nette dans la patho-

génie du cas précédent. Cette enfant, lymphatique et névro-

pathe, onirodynique, m'a été amenée depuis pour des troubles

hystériques en rapport avec l'évolution menstruelle. L'inconti-

20 THÉRAPEUTIQUE.

nence ne s'est pas reproduite. A noter cette présence, pendant

le sommeil, de l'idée suggérée, qui lui fait croire le matin à

son réveil, qu'elle s'est levée pendant la nuit.

Observation XL C..., garçon de dix ans. Père mort d'une

tumeur de l'oeil. Mère normale. Soeur bien portante, frère ayant eu

des convulsions.

Enfant assez développé, mais pâle et d'aspect fatigué. Jamais de

maladies graves. Intelligent, il a déjà son certificat d'études. Bon

sommeil sans rêves. Très altéré, buvant énormément, ce qui pré-

occupe sa mère. Il pisse au lit depuis sa naissance.

28 octobre 1894. Hypnose légère. Suggestion de ne plus pisser

au lit, de sentir le besoin, de se réveiller.

4 novembre. Il n'a pas pissé au lit depuis la dernière séance.

Il se réveille trois fois par nuit pour uriner. Sa mère trouve que

c'est bien souvent. Suggestion : continuer à sentir le besoin d'uriner

mais ce besoin sera de moins en moins fréquent.

11 novembre. Pas d'accident. Il ne se réveille qu'une fois par

nuit ou même pas du tout.

25. Persistance de la guérison. Sa mère me le ramène parce

qu'il lui arrive encore de se lever la nuit. Elle voudrait qu'il n'ait

pas besoin de toute la nuit. Suggestion appropriée suivie d'un ré-

sultat satisfaisant.

1 ? avril. 1896. La guérison continue à être parfaite

depuis 1894.

Cet enfant, à peu près normal, présente cependant un phé-

nomène très significatif ; la polydipsie, dont l'origine psychique,

provoquée par les préoccupations nées de l'incontinence, ne

nous semble pas douteuse. C'est une forme originale du rôle

énorme de l'automatisme psychologique subconscient chez les

enfants, et chez les enfants nerveux en particulier. Par là se

trouve confirmée la justesse du rapprochement que nous avons

fait entre l'état mental des incontinents et celui des hysté-

riques. Il convient de-remarquer encore ici l'extrême suggesti-

bilité du sujet chez qui la suggestion fait disparaître successive-

ment l'incontinence et la pollakiurie et enfin supprime tout

besoin d'exonération entre le lever et le coucher.

Observation XII. M. B... fille de quatorze ans. Père d'une

intelligence peu développée. Mère présentant des incorrections

morales. Nombreux enfants en bas âge.

Enfant assez grande mais fluette et pâle; non réglée. Pas de

maladies graves. Elle pisse au lit toutes les nuits depuis quatre ans. '

TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 21

Avant elle était absolument propre et la mère ne sait à quelle

cause attribuer réclusion de cette infirmité.

18 février 1895. Hypnose légère. Suggestion de ne plus pisser

au lit. de sentir le besoin et de se réveiller.

24. Une seule nuit mouillée depuis le 18.

28. Deux nuits mouillées depuis le 24.

7 mars. Pas d'accident depuis le 28 février. Elle se réveille

jusqu'à trois fois la nuit pour uriner.

4 avril. Aucun accident. Guérison.

1e'' avril 1896. La guérison s'est maintenue sans aucun

accident, l'enfant est placée comme domestique et on est content

de son service.

Cette jeune fille n'a été prise qu'à dix ans d'incontinence

sans cause provocatrice appréciable; elle est guérie en quelques

séances.

Observation XIII. - A. R... jeune homme de dix-neuf ans. Il

nous dit ne connaître aucune tare nerveuse dans sa famille, ses

frères et soeurs sont bien portants.

Garçon robuste, bien développé, n'ayant fait aucune maladie

grave. A huit ans il a eu la rougeole et depuis cette époque il pisse

au lit. Ça lui arrive plusieurs nuits de suite vers deux heures du

malin, environ, puis vient une période de quelques nuits sèches.

Son infirmité lui étant très préjudiciable pour se placer comme

domestique, il me prie d'essayer de l'en débarrasser.

24 février 1895. - Hypnose obtenue sans difficulté. Catalepsie

suggestive, pas d'amnésie au réveil. Suggestion de ne plus pisser

au lit, de sentir le besoin et de se réveiller.

3 mars. - Une seule nuit mouillée depuis le 24 février. Il se

réveille très bien la nuit maintenant quand il a besoin.

10. Pas d'accident. Il n'a plus besoin de se lever la nuit

et garde très bien ses urines jusqu'au matin.

31. - Deux nuits mouillées à huit jours d'intervalle depuis

le 10 mars. La. miction involontaire s'est produite vers quatre

heures du matin.

21 avril. Trois nuits mouillées depuis le 31 mars, à la suite de

grandes fatigues.

26 mai. Deux nuits mouillées depuis le 21 avril. Une autre

fois il lui est arrivé de commencer à pisser mais il s'est réveillé

aussitôt.

24 juin. Une nuit mouillée dans ce mois.

le, avril 1896. Ce garçon est guéri de son infirmité.

Très intéressante observation d'un garçon pissant encore au

22 THÉRAPEUTIQUE.

lit à dix-neuf ans et dont l'infirmité a succédé à la rougeole. Il

est très vite amélioré et finalement guéri par la suggestion.

L'incontinence tardive n'est pas très rare; on l'observe chez

quelques militaires et il est fâcheux que les médecins de

l'armée aient été privés du droit de leur appliquer le traitement

suggestif, le seul à peu près qui soit en mesure de les guérir.

Observation XIV. G..., garçon de treize ans. Pas de rensei-

gnements sur sa famille; il m'est envoyé par une personne

charitable.

Enfant chétif, maigre et peu développé pour son âge. Il est

intelligent, a bon appétit et ne serait pas maladif. Il pisse au lit

depuis sa naissance, mais jusqu'à dix ans, ça ne lui arrivait que

deux ou trois fois par semaine, tandis que maintenant c'est toutes

les nuits.

10 mars 1895. Hypnose légère, catalepsie suggestive, sugges-

tion appropriée à son état.

17. Trois nuits mouillées depuis le 10.

31. Trois nuits mouillées depuis le 1 i, mais il se mouille très

peu comparativement au temps qui a précédé le traitement.

28 avril. Cinq nuits mouillées pendant ce mois. Une sixième

fois il a commencé la miction mais s'est réveillé aussitôt.

26 mars. - Trois nuits mouillées depuis le 28 avril; une fois il

avait bu de la bière le soir.

30 juin. Cinq nuits mouillées très légèrement.

Juillet. Une seule miction involontaire.

OM(. Pas d'accident.

14 octobre. - L'enfant est complètement guéri ; il revient me

trouver pour une plaque de tricophytie du cuir chevelu. Depuis, la

guérison s'est maintenue.

La guérison s'est fait attendre assez longtemps chez ce

malade sans qu'on entrevoie pour quel motif. Je soupçonne

pourtant des antécédents familiaux fâcheux. A noter l'aggra-

vation survenue vers la dixième année.

Observation XV. R. S.. , fille de quinze ans. Sa famille n'est

pas exempte de tares nerveuses.

Forte fille rousse, très fraîche, d'aspect florissant, d'une intelli-

rence ordinaire, d'une bonne santé habituelle, exempte jusqu'ici

de maladies graves. Fréquentes poussées congestives vers la tête,

aucun stigmate d'hystérie. Elle a été propre de un an à quatre ans,

mais à quatre ans elle s'est mise à pisser au lit sans cause connue.

On a essayé tous les remèdes, même les plus extravagants, sans

résultat. Réglée depuis un an d'une façon irrégulière. A partir de

TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 23

l'apparition des règles elle est restée deux mois sans uriner au lit,

mais ensuite l'infirmité est revenue comme auparavant. Ça lui

arrive à peu près toutes les nuits, et plus on la fait lever plus elle

pisse au lit.

22 mars 1895. Hypnose légère. Suggestion de ne plus uriner

au lit, d'avoir un sommeil léger, sans rêves, de sentir le besoin

d'uriner et de se réveiller aussitôt.

29. Trois nuits mouillées depuis le 22. Les autres nuits elle

s'est réveillée.

7 avril. Trois nuits mouillées depuis le 29 mars. Réglée en

ce moment.

14. Deux nuits mouillées depuis le 7.

21. - Pas d'accident. Elle ne se réveille plus la nuit, mais

au moment du réveil, elle est prise d'un besoin douloureux d'uri-

ner avec pollakiurie passagère.

28. Un peu fatiguée, céphalalgie, urines chargées, dépo-

sant abondamment. Fatigues physiques peut-être excessives. Deux

nuits mouillées.

12 mai. Aucun accident. L'état physique est meilleur, les

règles régulières; le teint s'est éclairci, les traits sont plus intelli-

gents. Sa mère la considère comme guérie et ne la ramènera qu'en

cas de rechute.

11 août. Elle revient navrée. Depuis quinze jours son infirmité

l'a reprise sans qu'elle soupçonne pourquoi. Ses règles reviennent

tous les vingt jours depuis deux mois, mais cela ne semble pas

avoir d'influence sur les mictions involontaires. Suggestion.

30 septembre. Elle est de nouveau guérie et m'envoie un

enfant atteint d'incontinence pour que je le débarrasse lui aussi

de cette infirmité.

Aucune observation ne montre mieux que celle-là l'origine

psychique de l'incontinence. Plus on fait lever le sujet la nuit

pour éviter l'accident, et plus il se produit, le réveil provo-

qué n'étant qu'une suggestion indirecte à uriner de plus en

plus. Par contre la suggestion contraire « ne plus uriner » est

immédiatement efficace, et à un point tel que lorsque la

malade, à son lever, veut uriner volontairement, elle ne peut

le faire sans souffrance.

La rechute doit ètre mise sur le compte du trouble de la

menstruation, les sensations utérines anormales ayant éveillé,

par contiguïté, des préoccupations vésicales et l'association

d'idées subconscientes qui donne naissance aux mictions invo-

lontaires.

A noter aussi l'heureuse transformation survenue dans la

24 THÉRAPEUTIQUE.

physionomie après la disparition de l'incontinence. Un. certain

nombre de malades, en effet, au plein de l'affection, ont le

faciès fatigué, d'une pâleur terreuse, avec un air d'obtusion

tout particulier, qui milite en faveur de l'existence d'un état

mental anormal. Chez ces sujets on voit au sur et à mesure

que l'amélioration s'accentue, la physionomie s'éclaircir et

prendre un air de santé et de vivacité intellectuelle qui con-

traste singulièrement avec l'aspect antérieur.

Observation XVI. J. il.... vingt-trois ans, domestique, enfant

naturel, réformé pour faiblesse d'esprit; aspect robuste et bien

portant; léger goitre; traits épais et inintelligents. N'a pu rien

apprendre à l'école.

Il a toujours pissé au lit depuis son enfance; on le faisait cou-

cher dans les granges sur la paille pour qu'il ne souille pas les lits.

8 décembre 1895. Hypnose rapide; attitudes cataleptoïdes, pas

d'amnésie au réveil. Suggestion : ne plus pisser au lit, sentir le

besoin et se réveiller.

45. Les quatre premiers jours de la semaine, maux de tête,

épistaxis, vomissements, grande excitation cérébrale. La première

nuit il s'est réveillé deux fois ; la seconde de même, la troisième il

n'a pas dormi ; la quatrième et la cinquième il s'est réveillé au

matin seulement. La sixième il a eu une légère miction involon-

taire ; la septième a été sèche. En somme six nuits sèches sur

sept.

29. Une seule nuit mouillée depuis le 15.

26 janvier 1896. Quatre nuits mouillées dans ce mois, mais

très peu; 29 février. Pas d'accident.

31 m( ! 1's. - Pas d'accident. Considéré comme guéri par son

maître qui ne le ramènera qu'en cas de rechute.

Le sujet de l'observation précédente est un dégénéré de la

famille des débiles arrivé à l'âge d'homme sans que l'inconti-

nence ait disparu. Il est tellement suggestible que la première

séance d'hypnose est suivie d'accidents nerveux inquiétants.

Guérison rapide et qui semble devoir être durable.

Observation XVII. A. D... garçon de quatorze ans; domes-

tique. Aucun renseignement sur sa famille.

Enfant vigoureux mais trapu, surmonté d'une très grosse tête,

dents irrégulières et mal plantées, voûte palatine irrégulière. Intel-

ligent, sachant lire et écrire. De deux à trois ans il a souffert de

rachitisme, mais a guéri. A trois ans a eu quelques attaques con-

vulsives avec perte de connaissance qui ne se sont pas reproduites.

TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 25

Depuis deux ans il pisse au lit toutes les nuits. Auparavant ça ne

lui arrivait que de temps en temps.

22 décembre 1895. Hypnose avec catalepsie suggestive. Sugges-

tion : « Ne plus pisser au lit; se lever une fois la nuit pour faire. »

29. Une seule nuit mouillée dans la semaine et c'est la der-

nière.

12 janvier 1896. Cet enfant est complètement débarrassé de

son incontinence et on ne le ramènera qu'en cas de rechute.

Encore un dégénéré avec cette circonstance aggravante qu'il

a eu des accidents convulsifs dans sa première enfance. Malgré

cela la guérison est prompte et parait devoir être définitive.

Observation XVIII. C. C..., garçon de six ans. La mère semble

bien portante; aucun renseignement sur la famille.

Cet enfant est d'apparence normale; il a marché à quatorze

mois et n'a jamais fait de maladie. Le jour, il éprouve très fré-

quemment le besoin d'uriner et doit le satisfaire immédiatement

(pollakiurie) ; il ne fait pas dans ses vêtements. Il a toujours pissé

au lit mais cela lui arrive de plus en plus souvent et maintenant

c'est chaque nuit.

22 décembre 1895. Hypnose obtenue par simple suggestion

verbale; catalepsie suggestive. Suggestion : ne plus pisser au lit,

sentir le besoin et se réveiller.

29. Une seule nuit sèche dans la semaine.

5 janvier 1896. Trois nuits sèches dans la semaine. Il se

réveille vers quatre heures du matin et appelle.

12. Quatre nuits sèches dans la semaine.

19. Cinq nuits sèches.

2 février. Une seule nuit mouillée depuis le 19. Il se réveille

tous les matins et tout fier de n'avoir pas pissé au lit il le fait

remarquer à sa mère avec contentement.

1er avril. Cet enfant est guéri de son incontinence.

Malgré son jeune âge, cet enfant bénéficie du traitement par

une amélioration progressive suivie d'une guérison complète.

Comme chez beaucoup d'autres, on voit l'incontinence inter-

mittente seulement dans la première enfance, devenir de plus

en plus fréquente à mesure qu'il grandit et que son intelligence

se développe. La cause en est évidemment dans les auto-sugges-

tions que lui procurent les préoccupations nées de son infir-

mité.

Observation XIX. M. T..., garçon de onze ans. Père et mère

26 THÉRAPEUTIQUE.

d'apparence normale; huit enfants dont deux atteints d'inconti-

nence nocturne, un qui a guéri spontanément à quinze ans et notre

jeune malade. Il pisse au lit depuis sa naissance et toutes les nuits.

Il semble ne pas y avoir d'heure réglée pour la production du

symptôme; quelquefois ça lui estdéjà arrivé à dix heures du soir.

Jamais de maladies graves; dans sa première enfance, bronchites

dont il ne se sent plus. Il a des oxyures vermiculaires pour lesquels

aucun traitement n'a été essayé. Ses parents me l'amènent parce

qu'ils voudraient le placer comme domestique, et que son infirmité

s'y oppose.

1>

4 février 1896. Forte appréhension de l'enfant que j'ai de la

peine à rassurer. Il ne s'endort pas; il faut lui tenir les yeux fer-

més. Suggestion : ne plus uriner au ht; sentir le besoin et se

réveiller.

16. Trois nuits humides cette semaine. Ferme toujours les

yeux par pure obéissance. Même suggestion.

23. Quatre nuits mouillées depuis le 16. Sommeil très lourd ;

on a une grande peine à le réveiller. Suggestion : se réveiller

facilement une fois par nuit; ne plus faire au lit.

1er mars. Deux nuits humides seulement.

1er avril. Guérison.

Chez cet enfant la guérison est obtenue, pourrait-on dire par

suggestion à l'état de veille, aucun signe d'hypnose n'ayant été

constaté chez lui. L'occlusion des yeux suffit donc à produire

une certaine passivité cérébrale suffisante pour développer la

suggestibilité du sujet.

Observation XX. T. S..., quatorze ans. Aucun renseignement

sur la famille. Garçon d'aspect bien portant et intelligent, atteint

d'une claudication d'origine indéterminée. Il est apprenti cordon-

nier depuis huit mois. Depuis un mois, il est pris d'incontinence

surtout diurne. Il ne s'en aperçoit qu'à l'urine qui coule par terre

et mouille son pantalon. Il n'a pissé au lit qu'une seule fois. La

station assise prolongée, la compression du ventre par la forme ou

la chaussure jouent-elles un rôle dans la production de cette infir-

mité ? C'est ce qu'on ne saurait dire au juste.

9 février 1896. - Hypnose légère avec catalepsie suggestive.

Suggestion : « Il retiendra ses urines sans difficulté et éprouvera

toutes les deux heures le besoin d'uriner qu'il s'empressera de

satisfaire. »

13. Il n'a pas uriné involontairement le 11, mais il l'a fait

tous les autres jours.

17. Deux journées sèches depuis le 13.

23. Il n'a pissé involontairement que deux fois cette semaine.

\

TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 27

1er mars. Il ne se mouille plus le jour mais a pissé au lit une

fois cette semaine.

1er avril. Cet enfant est guéri et ne reviendra qu'en cas d'ac-

cident. l.

L'incontinence diurne de cet enfant est survenue d'une façon

singulière. Il est probable que l'occupation nouvelle pour lui

d'apprenti cordonnier avec les conséquences qu'elle entraine

(compression de la région hypogastrique,.adduction forcée des

cuisses), a été le point de départ d'une sorte d'inhibition du

centre cérébral correspondant à la fonction urinaire. A remar-

quer que l'enfant ne sent pas sa vessie se vider. On ne peut

invoquer ici la théorie du rêve mictionnel, ni aucun processus

actif de nature équivalente. Il s'agit bien évidemment d'un

phénomène analogue aux paralysies psychiques. Il parait en

être de même chez tous les incontinents diurnes, dont l'infir-

mité se présente souvent sous la forme continue. Et à ce pro-

pos, nous ferons remarquer qu'on la rencontre chez quelques

aliénés qui ne sont pas de vulgaires gâteux, mais de véritables

névropathes atteints d'incontinence essentielle : émotifs, abou-

liques, obsédés, persécutés hypocondriaques. Humiliés, hon-

teux de cette disgrâce, ils emploient les moyens les plus bizarres

pour s'y soustraire ; il en est qui se lient la verge et s'occasion-

nent ainsi des lésions plus ou moins graves. Chez une femme

à accès périodiques de délire systémalisé roulant sur les fonc-

tions sexuelles, l'incontinence redoublait à chaque accès et

s'accompagnait de vaginisme. Nous n'avons pas essayé la

suggestion chez ces malades, mais nous nous proposons de le

faire quand la chose sera possible.

Revenons à notre jeune sujet ; il a été promptement guéri

de son incontinence par la suggestion. Liébeault a obtenu quel-

ques guérisons de ce genre, entre autres chez deux femmes

qui perdaient constamment leur urine nuit et jour à la suite

de fausses couches. Il s'agissait peut-être chez ces malades de

véritable incontinence hystérique.

B. Améliorations.

Observation XXI. Bée..., fille de douze ans. Père normal;

mère nerveuse; ils ont plusieurs autres enfants dont la santé ne

m'est pas connue.

Enfant petite, d'aspect chétif, non réglée, pissant au lit depuis

trois ans seulement. C'est venu sans cause connue. Elle urine une

28 THÉRAPEUTIQUE.

première fois presque aussitôt couchée, et deux ou trois fois ensuite

dans le cours de la nuit. Elle rêve beaucoup et s'agite dans son lit

surtout au commencement de la nuit.

L'examen physique révèle des stigmates hystériques ; analgésie

cutanée et rétrécissement du champ visuel diminué de moitié et à

peu près également des deux côtés.

8 décembre 1892. Sommeil accompagné d'amnésie au réveil et

de phénomènes cataleptoïdes. Suggestion ; ne plus pisser au lit;

sentir le besoin et se réveiller aussitôt.

11. Deux nuits sèches depuis le 8.

15. Deux nuits sèches depuis le 11.

18. Les trois nuits ont été sèches.

26. - Deux nuits mouillées depuis le 18. Ses parents remarquent

qu'elle se réveille quand elle a envie, brusquement. Elle rêve en-

core parfois, et c'est à ce moment qu'il lui arrive de se mouiller.

Je lui suggère d'avoir un bon sommeil calme, sans rêves.

26 janvier 1893. Une seule nuit mouillée depuis un mois,

23 février. Quatre nuits mouillées depuis le 26 janvier.

16 mars. Rechute depuis huit jours; nouvelle suggestion, suivie

de succès. -

22 mai. -- Les parents viennent me déclarer qu'ils la considèrent

comme améliorée, car depuis deux mois elle n'a eu que trois nuits

mouillées. Ils la mettent en apprentissage et ne pourront plus l'a-

mener.

18 février 1894. L'enfant est restée cinq mois complètement

guérie; mais depuis septembre elle a recommencé à se mouiller de

temps en temps, deux ou trois fois par mois en moyenne. Ça lui

arrive toujours les jours où elle est excitée soit par une contrariété,

soit par un plaisir : on voit qu'elle est énervée; elle ne veut pas se

coucher. Une demi-heure après qu'elle est au lit, elle se mouille ; le

reste de la nuit est bon. Depuis le commencement du mois ça lui

arrive souvent. Elle a le sommeil très agité : elle a des cauchemars,

du vigilambulisme; elle se lève les yeux ouverts, va au lit de ses

parents, leur parle, veut sortir. On a beaucoup de peine à la faire

recoucher. Suggestion appropriée.

mars. Une seule nuit mouillée depuis le 18 février. Elle se

réveille spontanément et se lève pour uriner.

18. Quatre nuits mouillées depuis le 4.

1e'' avril. Une seule nuit mouillée.

8. Pas d'accidents.

14 octobre. A eu deux ou trois nuits mouillées chaque mois

depuis avril. Cela coïncide avec des coliques (molimen menstruel en

voie de préparation) et un redoublement de rêves et de cauchemars.

1896 Depuis cette époque j'ai eu l'occasion de revoir plusieurs

fois ses parents qui m'out affirmé qu'elle allait très bien.

TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 29

Malgré l'attestation des parents, nous ne rangeons pas cette

malade dans la catégorie des guéris. L'action incomplète de la

suggestion est vraisemblablement due à ce qu'elle a été fré-

quemment neutralisée par une auto-suggestion plus forte, ce

qui s'explique d'autant mieux que la malade est, malgré son

jeune âge, une hystérique à stigmates.

Observation XXII. M. C.... fille de treize ans. Mère morte de

tuberculose, père souffreteux, de mine tuberculeuse.

Enfant chétive, scrofuleuse, ganglions suppurés au cou à sept

ans; abcès avec nécrose du radius gauche et de l'orbite droit.

Tout cela a guéri, laissant de profondes cicatrices. En ce moment

elle se porterait assez bien. Sommeil normal; elle rêve parfois

tout haut de ses jeux. Elle pisse au lit depuis sa naissance. Le père

pense qu'elle fait deux fois par nuit, vers minuit et cinq heures du

matin.

29 septembre 1895. Hypnose légère avec catalepsie suggestive.

Suggestion : « Sentir le besoin d'uriner et se réveiller; ne plus

pisser au lit. "

6 octobre. Deux nuits sèches, les autres beaucoup moins

mouillées.

14. Ça va beaucoup mieux; semaine presque entièrement

sèche ; le père n'est même pas sûr qu'il y ait eu des mictions invo-

lontaires.

21. Semaine mauvaise; six nuits mouillées sur sept.

28. Une seule nuit mouillée celte semaine.

3 novembre. Toutes les nuits mouillées sauf une.

10. Trois nuits sèches sur sept.

Les semaines se succèdent ainsi alternativement bonnes et

mauvaises. Du 1er au 21 décembre, pas une seule nuit mouillée; du

21 décembre au 5 janvier, quelques nuits avec miction involon-

taire, mais c'est très peu de chose.

26 avril 1896. L'enfant revient. Elle allait très Dien et avait

été placée comme domestique, mais le retour trop fréquent de

l'incontinence l'a obligée à se retirer. On reprend le traitement.

La suite de cette opération est des plus intéressantes; je

crois devoir la donner ici :

3 mai. Elle a uriné extrêmement peu, mais ça lui est arrivé

chaque nuit depuis le 26 avril. Son père s'est aperçu que c'est tou-

jours dans le cours d'un rêve terrifiant. L'enfant étant endormie

nous raconte qu'elle rêve de la bonne saur, du cachot noir plein de

rats et qu'elle a très peur. Son père nous apprend alors qu'elle a

été pendant un certain temps placée dans un orphelinat et que pour

30 THÉRAPEUTIQUE.

la punir de son infirmité, la religieuse la faisait coucher seule dans

un cabinet noir. Nous suggérons alors à l'enfant que le cachot, les

rats, -la bonne soeur n'ont jamais existé, qu'ils sont effacés de sa

mémoire, qu'elle n'y rêvera plus jamais ; qu'elle aura un bon som-

meil et qu'elle se réveillera.quand elle aura envie d'uriner.

. 15 juin 1896. L'enfant ne m'ayant pas été ramenée, je crois

pouvoir en conclure qu'elle est de nouveau entrée dans une période

satisfaisante.

C. INSUCCÈS.

Observation XXIII. - A. B... garçon de neuf ans. Père bien

portant; intelligent, mais buveur; mère normale. Plusieurs

enfants que je connais tous et qui sont normaux.

Cet enfant urine au lit depuis dix-huit mois seulement. Tout

d'abord cela n'arrivait que de temps en temps, mais il y a un an

à la suite d'une fièvre violente accompagnée de symptômes céré-

braux ayant fait craindre une méningite qui heureusement ne s'est

pas développée, il s'est mis à pisser au lit d'une façon continue.

Divers traitements ont été essayés sans résultat.

10 octobre 1892. Enfant intelligent, mais indiscipliné, pâle,

d'aspect chétif. Endormi par suggestion. Hypnose accompagnée

d'amnésie au réveil. Suggestion : «Ne pissera plus au lit; quand il

aura besoin, il le sentira et se réveillera aussitôt. »

18 Les cinq premières nuits sèches; les deux dernières

mouillées.

22. Deux nuits mouillées depuis le 18.

28. Une seule nuit mouillée depuis le 22. Hier, cet enfant a eu

encore un de ces accès de fièvre avec état quasi comateux dont le

diagnostic est incertain.

3 novembre. Toutes les nuits mouillées depuis le 28.

L'enfant a eu depuis cette date une véritable polydipsie; on ne

pouvait l'empêcher de se gorger d'eau. Suggestion : « N'avoir soif

qu'aux repas, ne plus pisser au lit. »

17. Six nuits mouillées depuis le 3.

Cet enfant habitant au loin et les résultats ne paraissant pas

concluants, les parents m'avertissent qu'ils attendront pour conti-

nuer le retour de la belle saison.

Du 10 avril au 11 mai, les séances sont reprises à intervalles

assez irréguliers. Bien qu'il y ait eu une période de quatorze jours

sans accidents, les parents se lassent et cessent de me l'amener.

Mars 1896. L'enfant urine toujours au lit. A la suite d'un

traitement ordonné par un sorcier (eau ferrée) il est resté quinze

jours sans pisser au lit, puis ça a recommencé. On se propose de

me l'amener de nouveau.

TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 31

C'est sans doute dans les accidents cérébraux survenus à plu-

sieurs reprises chez cet enfant et qui ne sont peut-être que de

l'hystérie infantile qu'il faut chercher la cause de l'insuccès.

Il est évidemment suggestible, mais des auto-suggestions plus

fortes apportent incessamment à la traverse du traitement un

élément perturbateur. La polydipsie intense qui se manifeste

chez cet enfant en même temps qu'un redoublement de l'in-

continence apporte à cette manière de voir un argument très

plausible.

Observation XXIV. P. G..., douze ans fils unique. Père mort

de tuberculose du rachis ; mère morte de paralysie à cinquante-

quatre ans. '

Enfant délicat, pâle et chétif, peu intelligent et ne profitant

guère de l'école malgré sa bonne volonté. Extrêmement émotif. Il

pisse au lit toutes les nuits depuis sa naissance.

24 juillet 1895. - Emotivité excessive, il pleure, est agité de

spasmes; j'ai beaucoup de peine à le rassurer et à le calmer.

Hypnose légère ; suggestion de ne plus pisser au lit, de sentir le

besoin et de se réveiller.

28. Deux nuits sèches sur quatre.

5 août. Quatre nuits sèches sur sept.

12. - Une seule nuit sèche dans la semaine. Le traitement est

continué jusqu'au 28 octobre avec un résultat médiocre ; la moitié

des nuits sont sèches seulement. A cause de la distance et de

l'hiver, les parents décident de cesser le traitement jusqu'au retour

de la belle saison.

Nous enregistrons cet insuccès sans commentaires. Peut-être

une persévérance plus grande eût-elle triomphé à la longue;

mais il n'a pas dépendu de nous que le traitement fût continué.

Nous croyons deviner chez cet enfant comme chez le précédent

une auto-suggestibilité excessive neutralisant les effets de la

suggestion thérapeutique.

IV. Nous résumerons en quelques mots les conclusions

qui nous paraissent découler des développements dans lesquels

nous sommes entrés dans le cours de ce mémoire.

L'incontinence essentielle d'urine des enfants et des adoles-

cents est un stigmate névropathique en général bénin, mais

qui parfois est l'avant-coureur d'affections nerveuses plus ou

moins graves, neurasthénie, hystérie, hypocondrie, obsessions

mentales, ayant toutes pour fondement des préoccupations ou

des idées fixes relatives à la fonction urinaire.

: 1 THÉRAPEUTIQUE.

Les sujets qui en sont atteints appartiennent à des familles

où la tare névropathique se fait sentir sous les formes les plus

diverses, mais où ne paraît pas dominer l'aliénation mentale

proprement dite. Ils présentent souvent les signes de la dégé-

nérescence physique et morale.

L'incontinence est transmissible par hérédité similaire. Dans

quelques cas, par le nombre d'individus atteints de la même

parenté, elle revêt les caractères d'une véritable maladie fami-

liale.

L'incontinence est l'effet d'un trouble psychique analogue

à quelques-uns de ceux que l'on observe dans l'hystérie. Le

mécanisme de la production de ce phénomène morbide paraît

consister au début en une sorte de distraction cérébrale. Le

centre mictionnel oublie sa fonction ou ne ressent pas les inci-

tations parties de la moelle; ou encore est frappé d'inhibition

par quelque excitation périphérique. La conséquence de cette

défaillance psychique, quelle qu'en soit d'ailleurs la cause, est

la miction involontaire.

Ce phénomène à son tour frappe l'imagination du sujet,

engendre des préoccupations constantes qui s'infiltrent dans sa

vie psychique subconsciente et provoquent des auto-sugges-

tions ou des rêves qui ont pour effet d'aggraver le mal et d'en

augmenter de plus en plus la fréquence.

La suggestion hypnotique est le traitement le plus rationnel

et le plus efficace de l'incontinence. Il parait amener la gué-

rison dans au moins les trois quarts des cas. Le degré d'hyp-

nose du sujet est sans grande importance. Un état de simple

passivité psychique avec yeux maintenus fermés, paraît suffire

à l'action de la suggestion. Elle se montre efficace à tous les

âges, mais en général son effet parait d'autant plus sûr que le

sujet est plus âgé.

Même chez ceux qui ne guérissent pas, l'action de la sugges-

tion est évidente; mais elle est neutralisée par des auto-sugges-

tions plus fortes. Les malades de cette catégorie sont les plus

tarés au point de vue du système nerveux; on constate parfois

chez eux les stigmates de l'hystérie.

Les traitements pliarmaceuliques ou chirurgicaux préconisés

contre l'incontinence n'agissent, pour la plupart quand ils

agissent, que par suggestion indirecte.

RECUEIL DE FAITS.

HALLUCINATIONS SUCCÉDANT A DES OBSESSIONS

ET A DES IDÉES FIXES.

Par le D' LARROUSSINIE, médecin de Castel-d'Andorte,

Membre correspondant de la Société ,¡¡Mico-Psychologlque.

La malade qui fait le sujet de notre observation a, depuis son

enfance, présenté des obsessions, du doute pathologique.

La mère de X... était, paraît-il, très nerveuse, très sensible ; il y

a, du côté maternel, beaucoup de nerveux. De quel genre de ner-

vosisme s'agit-il ? II nous a été impossible de le savoir. Le père du

malade s'est pendu; il était très hypocondriaque, et fut profondé-

ment affecté de l'état de son fils.

Dès sa jeuuesse, X... a offert ses phénomènes psychiques qui se

sont peu à peu développés et ont abouti à la crise dont nous allons

retracer les phases. Quand il était en pension, il avait toujours

peur de mal faire, soit au point de vue de ses travaux, soit au point

de vue de sa conduite. Il ressentait, nous dit-il, une angoisse des

plus pénibles quand il avait achevé un devoir et qu'il devait le

remettre à son professeur; il fallait qu'on lui « arrachât des mains »

sa copie qu'il ne pouvait se décider à donner à son maître, ne fai-

sant que la relire; son coeur, dit-il, battait violemment, il avait des

étouffements; en un mot, il avait de l'angoisse précordiale; la

crainte d'avoir mal fait sa tâche était telle, son tourment était si

grand, qu'il ne prenait pas part, le plus souvent, aux jeux de ses

camarades; il les quittait pour songer aux fautes qu'il craignait

d'avoir commises dans ses travaux d'écolier.

De même pour sa conduite; n'avait-on rien à lui reprocher au

point de vue de la discipline, de la tenue, etc..., voilà ce qui le

tourmentait sans cesse, et si une observation lui était faite, la pec-

cadille qui la lui avait attirée prenait à ses yeux des proportions

énormes. Dès cette époque aussi, X... avait de la zoophobie. La

crainte qu'il ressentait des chiens était telle, qu'il s'enfuyait quand

il en apercevait un.

Plus tard, le doute pathologique s'accrut; quand X... écrivait une

lettre, il ne cessait de la relire de peur d'avoir commis des erreurs.

Archives, 2e série, t. II. 3

34 RECUEIL DE FAITS.

Souvent, il avait à peine le temps de la mettre sous enveloppe

pour l'heure du courrier, quand il la portait lui-même à la poste,

après l'avoir mise à la boite, il revenait à plusieurs reprises sur ses

pas pour s'assurer qu'il ne s'était pas trompé, qu'il ne l'avait pas

jetée à côté de la boîte, qu'il ne l'avait pas laissé tomber; il se de-

mandait s'il avait bien affranchi sa lettre; cela le préoccupait

outre mesure; chaque fois qu'il écrivait, les mêmes faits se renou-

velaient.

La peur de mal faire qu'il avait, étant jeune, persiste et devient

plus forte. Il craint de blesser les siens ou ses amis ; il s'informe

sans cesse s'il n'a rien dit ou rien fait qui puisse être désagréable à

quelqu'un. Il s'imagine que telle ou telle de ses connaissances

prend à son égard une attitude réservée, et aussitôt il se persuade

qu'il est coupable envers elle.

Peu à peu, cet état s'aggrave sans cause adjuvante apparente.

X... a, en effet, une bonne situation; il est entouré d'affection par

les siens, ne peut avoir de craintes pour l'avenir. Quoi qu'il en soit,

ses préoccupations morbides prennent plus d'intensité, et il en

arrive à s'imaginer qu'il va être accusé de divers crimes. Par

exemple, il est persuadé qu'on le poursuivra parce qu'il a lutiné

quelque peu une jeune fille qui, avait-il dit, était enceinte (ce qui

n'était pas). On va l'accuser d'avoir déshonoré cette personne,

quoiqu'il n'ait pas eu avec elle de rapports sexuels. Il craint aussi

d'être arrêté comme prévenu d'un crime qui a été commis dans

son quartier il y a deux ans, crime dont on n'a pas découvert les

auteurs.

Enfin, il a des impulsions dangereuses; c'est ainsi qu'il dit à un

ami de le quitter parce qu'il « a envie de le frapper d'un coup de

couteau ».

La zoophobie persiste. Quelques jours avant que nous l'exami-

nions, le malade, frôlé par un chien, crut avoir été mordu et se

montra en proie à une vive anxiété. Quand nous le voyons, X...

est très anxieux. Mais (nous insistons sur ce point) il n'a pas d'hal-

lucinations. Il nous supplie de le rassurer. « On va, dit-il, m'accu-

ser d'être un criminel, dire que j'ai voulu tuer cette jeune fille »

(il s'agit de la jeune fille dont il a été question plus haut) ; il pro-

teste de son innocence. Nous lui demandons si on l'accuse réelle-

ment, s'il entend qu'on lui adresse des reproches. 11 nous répond

négativement. « On ne me dit rien, déclare-t-il, mais j'ai peur

d'être pris pour un assassin ; j'ai peur qu'on m'accuse de m'être

approché de celte femme pour la tuer. n On le voit, les idées déli-

rantes ont progressé; le malade ne dit plus qu'on va lui reprocher

d'avoir eu des rapports avec cette jeune fille, mais bien qu'on va

le soupçonner de meurtre.

Le délire du doute persiste. X... nous remet un billet dans

lequel il nous fait part de son état ; mais quelques heures après,

HALLUCINATIONS SUCCÉDANT A DES OBSESSIONS, ETC. 35

il nous prie de le lui rendre parce qu'il a pu, croit-il, a écrire des

choses compromettantes pour lui ».

L'anxiété devient de plus en plus vive et le malade se jette, un

jour, à genoux devant nous, demande grâce parce qu'on veut, dit-

il, le faire tuer pour qu'il expie son prétendu crime. Il veut échap-

per au déshonneur, au supplice, et cherche à se suicider en tentant t

de se précipiter à terre du haut d'une table, de se jeter la tête

contre les murs. Les tentatives de suicide se renouvellent sans cesse

et les précautions les plus minutieuses doivent êtreprises.

X... se montre persuadé qu'on va le livrer aux plus affreuses tor-

tures ; il craint qu'on ne l'enterre vivant; son état d'anxiété est

inexprimable ; il est pâle, tremblant, couvert d'une sueur froide,

haletant. Le délire a suivi, si nous pouvons nous exprimer ainsi,

une marche ascendante.

La crainte d'être inhumé vivant ne quitte pas le malade ; il dit

qu'on a creusé une tombe dans le jardin. Nous lui demandons s'il

a vu creuser cette tombe, ou s'il a enlendu quelque chose. « Je n'ai

rien vu ni rien entendu, nous répond-il ; mais je suis certain qu'on

m'imposera le supplice d'être enterré vivant, parce que c'est le

plus cruel qui existe. »

Deux jours après nous avoir fait part de cette idée délirante, il

nous déclare avoir entendu, pendant la nuit précédente, des

hommes creuser la fosse à lui destinée. L'anxiété est des plus

vives.

Un peu de calme survient; mais bientôt le délire reparait. X...

reste persuadé que sa fosse est prêle ; il l'entend creuser; mais il

s'imagine alors qu'on fait ces funèbres préparatifs parce qu'on

veut l'empoisonner ainsi que sa famille. Pour échapper aux souf-

frances que provoquera le poison et pour ne pas avoir la douleur

de voir mourir les siens, il cherche à se suicider. Comme on lui

enlève son couteau de table, il s'écrie qu'on prend cette mesure

parce qu'on l'accuse de vouloir assassiner quelqu'un ; il se déses-

père, proteste de son innocence.

Un autre jour, les personnes chargées de le surveiller causant

des supplices que les prisonniers des Pavillons Noirs ont eu à en-

durer, il s'imagine qu'elles se concertent pour lui couper les testi-

cules, lui arracher les yeux, etc. La nuit suivante, il entend des

voix qui lui disent : « On va te supplicier ; on va te traiter comme

on a traité nos prisonniers au Tonkin, »

Tout est pour X... un sujet de crainte. On remplit un réservoir,

il dit qu'on va le noyer ; on brise une lampe, il se montre persuadé

qu'on l'a fait exprès pour l'accuser d'avoir cassé cet objet; son

garde déchire une manche de sa chemise, aussitôt il se plaint vive-

ment de ce que cet homme s'est déchiré pour faire croire qu'il

avait été battu par lui. '

Les craintes d'empoisonnement persistent. a J'ai peur, nous dit

36 RECUEIL DE FAITS.

le malade, que vous m'ayez fait venir auprès de vous pour nous

empoisonner, ma famille et moi ; je crains qu'on attire ici les

miens pour mettre ce projet à exécution. » Au moment oùX...

nous parle ainsi, il n'a pas d'hallucinations.

Mais bientôt apparaissent de nouveau des hallucinations de

l'ouïe. Le malade entend son beau-frère, sa soeur : « Vous voyez

bien, nous dit-il, que j'avais raison; on va tuer ces malheureux. »

Il crie à sa soeur : « Va-t'en, ne reste pas ici, sauve-toi, on veut

t'empoisonner. » Il ne cesse de l'entendre parler, il s'imagine

qu'elle lui demande à le voir, et il s'écrie : « Va-t'en, ne viens pas

auprès de moi, ils te tueraient. » Enfin, sous l'influence de sesidées

délirantes, il refuse de se nourrir et nous devons recourir à la

sonde oesophagienne.

Les hallucinations de l'ouïe deviennent plus intenses; il entend

des voix qui disent à sa soeur : « Ton frère est un criminel. n

« Vous laissez ainsi parler de moi à ma soeur, nous dit-il; vous

voyez bien, cependant, que je n'ai commis aucune mauvaise ac-

tion. » Puis, s'adressant à sa soeur : « Ne les crois pas, ils mentent.

Ils m'accusent parce qu'ils veulent me tuer. Ils cherchent tous les

prétextes pour se débarrasser de moi. » Il entend crier : « A bas le

criminel ! On le menace, dit-il, parce qu'il a eu des relations avec

une femme beaucoup plus âgée que lui. « C'est un crime moral,

lui disent les voix; tu dois mourir pour l'expier. »

Mais à peine nous a-t-il fait part de cela, qu'il se repent de nous

avoir mis au courant de l'intimité qui a existé entre cette personne

et lui. Nous le voyons plusieurs fois dans la journée; il est angoissé,

anxieux, se reproche d'avoir livré un seeret qu'il aurait dû garder.

« Que penserait-elle de moi, ajoute-t-il, si elle savait cela ? »

Le lendemain matin, l'anxiété est plus vive encore. Il entend sa

maîtresse lui dire qu'elle l'accusera d'avoir jeté une femme à l'eau

(il s'agit du crime qui avait été commis près de chez lui il y a

quelques années). « Vous m'avez déshonorée en racontant ce qui

s'est passé entre nous, luicrie-t-elle; je me vengerai. »

Cet état persiste pendant plusieurs jours. Le malade ne mange

pas parce qu'il entend son père lui défendre de se nourrir. (Ce

dernier était mort depuis quelques jours; il s'était suicidé). Enfin,

peu à peu, l'anxiété se calme et X. ne parle plus. Il reste halluciné;

mais, dit-il, entend et communique avec les voix par « l'esprit ».

Il a deux sortes de voix. Les unes, selon ses expressions, « lui

parlent bas, les autres lui parlent par l'esprit». Quand on lui dit

de causer avec son père, on voit ses lèvres remuer, mais on ne

l'entend prononcer aucune parole. 11 continue à entendre ainsi son

père et sa soeur, et à leur répondre; jamais il n'a eu d'hallucina-

tions de la vue.

Cette situation se prolonge pendant un mois; puis, peu à peu, les

symptômes s'amendent. X... est aujourd'hui guéri. L'avenir nous

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 37

apprendra, si, comme il y a lieu de le craindre, il ne surviendra

pas de rechute. ,

En résumé, nous nous sommes trouvé en présence d'un

dégénéré héréditaire, lequel a eu des accidents qui se ren-

contrent fréquemment chez cette sorte d'individus. Mais, ce

qui, chez X..., vous parait digne d'attirer l'attention, c'est

cette sorte d'objectivité du délire. '

Le malade craint d'être accusé, il ne cesse d'avoir des

doutes ; il croit qu'on veut le tuer, le livrer à d'affreux sup-

plices ; peu à peu, ces idées prennent corps, pour ainsi dire;

le sens de l'audition entre en jeu, et X..., entend des paroles

qui se rapportent à son délire. Les voix viennent à l'appui de

sa pensée. Comme il le disait lui-même, ce ne sont plus des

suppositions qu'il fait, ce n'est plus une certitude morale qu'il

possède ; mais il a une certitude physique. On lui dit : « Tu

vas être frappé », et le « on » se change bientôt en une per-

sonne connue qui se venge de lui. Sa maîtresse lui crie : « Tu

as parlé de nos relations ; je t'accuserai d'être un criminel. »

Puis, peu à peu, l'amélioration se fait. Mais, là encore, la

marche suivie est curieuse ; les voix deviennent intérieures;

plus de cris, elles parlent « par l'esprit » ; alors, le malade

est moins anxieux. Enfin, tout se calme, et la guérison sur-

vient. Cette guérison se maintiendra-t-elle ? Ainsi que

nous l'avons dit, nous ne pouvons malheureusement pas

l'assurer.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

I. Athétose double. Leçon clinique de M. le professeur SPEHL,

recueillie par M. le D1' F. SANO.

Observation d'une femme de trente-sept ans, sans antécédents

héréditaires, bien portante jusqu'à un an et qui eut à cette

époque des convulsions dont la cause resta ignorée. Jusqu'à l'âge

de six ans elle n'a pu que se trainer sur les pieds et les mains,

elle avançait à quatre pattes. Jamais elle n'a pu s'habituer à mar-

cher avec des béquilles, elle leur préfère des bâtons. C'est seule-

38 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ment vers cette époque que la malade commença à parler. A

douze ans, elle fut réglée pour la première fois. Pas de paralysie

des sphincters. Au repos, cette malade ne présente pas de mouve-

ments anormaux (fig. 1).

Quant à ceux qui se produisent à l'occasion du jeu normal des

muscles ils présentent les caractères suivants : ils sont involon-

taires ; incoordonnés; non oscillatoires; lents et atteignent l'ex-

trême limite de l'excursion articulaire.

Ces mouvements s'apaisent pendant le repos et cessent complè-

tement pendant le sommeil.

Si on fait marcher la malade (fig. 2 et 3), on constate l'extension

permanente du pied et des orteils, l'extension des mains, puis du

tronc : tout le corps se met en extension exagérée quand la malade

est debout; puis s'opère la flexion du tronc quand elle veut avancer.

Là malade remédie à cette flexion exagérée par l'usage d'un bâton

(fig. 4) qui lui assure la stabilité que les mouvements incoordonnés

des membres rendent très précaire.

. Cette démarche n'est ni paralytique, ni hémiplégique, ni ataxique,

ni spastique, ni choréique. C'est la démarche athétosique désignée

par Charcot sous le nom de démarche de gallinacés.

Fig. 1.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 09

40 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

L'athétose est tantôt consécutive à une affection organique de

l'encéphale, tantôt primitive. Elle peut être limitée à un membre,

à une moitié du corps ou bien généralisée. Les cas d'athétose

double sont assez rares. On n'en connaît pas la lésion détermi-

nante. On a signalé la sclérose cérébrale; d'autres fois on a soup-

çonné une altération du faisceau postérieur du segment posté-

rieur de la capsule interne; d'autres fois encore on n'a rien trouvé

du tout. C'est dire que l'on ignore totalement le mécanisme phy-

siologique des manifestations. (Journ. de Neurologie, 1896.) G.I).

IL La chirurgie CRANIO-EYCÉPFI : 1LIQUE ; par le Dr A. LAURENT (de

Bruxelles). (Journal de neurolog., 1895, n° 5.)

Dans cette leçon de médecine opératoire, l'auteur estime que,

seules les lésions encéphaliques superficielles, limitées, d'origine

traumatique ou otique, sont justiciables de l'intervenlion chirurgi-

cale. Il passe ensuite en revue les perfectionnements apportés dans

ces dernières années à l'appareil instrumental et aux méthodes

opératoires ainsi qu'aux différents procédés de cranioplastie et dé-

crit minutieusement la craniectomie circulaire péricranienne de Dru-

mont, la craniectomie circulaire péricranienne de Gersung, et la cra-

niectomie hémicranienne de Doyen. G. DENY.

III. HÉStAT0TtIYÉLIE DU cône terminal; par M. F. RAYMOND, profes-

seur de clinique des maladies du système nerveux. Leçon faite il

la Salpêtrière, le 24 mai 1895, recueillie par M. Souques, chef de

clinique. (Nouv. Iconographie de la Salptïrière, 1895, n° 5.)

Un homme âgé de trente-cinq ans, maçon, indemne de tare ner-

veuse héréditaire, ni alcoolique, ni syphilitique, ni athéromateux,

Fig. 5.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 41

ayant cependant dans ses antécédents personnels certaines absen-

ces comitiales accompagnées d'automatisme ambulatoire, ressent

brusquement, pendant son travail, une violente douleur aux reins.

Il tombe, perd connaissance et ne revient à lui que six heures

après. Il a alors une hyperesthésie générale extrême et un délire

qui dure deux jours. Après un séjour de six semaines dans un

hôpital de province, grande amélioration, l'hyperesthésie a dis-

paru, il reste une douleur localisée aux lombes et quelques symp-

tômes qui seront énumérés plus loin. Ce malade entre plus tard à

la Salpètrière, en sort après un séjour de quelque temps, puis y

rentre une seconde fois un an environ après le début de son affec-

tion. Voici à ce moment les symptômes qu'il présente : tout

d'abord le syndrome morbide est limité au bassin et aux membres

inférieurs. Aux membres inférieurs, la motilité est intacte, il n'y a

ni atrophie, ni incoordination musculaire, cependant les réflexes

sont très diminués, La sensibilité, au contraire, est altérée : dou-

leur à la région lombaire, que la pression réveille ou accroît,

anesthésie symétrique localisée. C'est là le point le plus important,

on trouve de chaque côté deux zones d'anesthésie complète. Une

première zone, zone cruro-fessière, qui comprend la partie infé-

rieure de la région fessière, et une zone ano-périnéo-scrotale, qui

comprend l'anus, le périnée, la verge, le scrotum. Les muqueuses

participent à l'anesthésie, c'est ainsi que le malade ne sent rien

quand on le sonde ; il ne sent rien non plus lorsqu'il éjacule, car

l'appétit génital ainsi que l'érection sont conservés, mais la sensa-

tion voluptueuse est abolie. Enfin il y a incontinence des urines et

des matières fécales. Bien noter que les zones anesthésiées sont

symétriques et qu'elles ont, de chaque côté, même forme et

même étendue.

Cette description clinique peut, en dernière analyse, se résumer

ainsi : paralysie de la vessie et du rectum, anesthésie des régions

ano-génitales et de la partie moyenne de la face postérieure de la

cuisse ainsi que de la partie inférieure de la région fessière corres-

pondante. Les nerfs intéressés dans ces perturbations pathologi-

ques sont les nerfs de la vessie et du rectum, d'une part, et les

nerfs petits sciatiques et honteux internes, d'autre part; ou bien

la lésion est intra-médullaire, et alors elle intéresse les centres

médullaires de ces nerfs, ou bien elle est intra-spinale et dans ce

cas elle intéresse les filets radiculaires de ces mêmes nerfs. Pour

M. le Dr Raymond il n'y a pas de doute à avoir, c'est la première

supposition qui répond à la réalité. En effet, si l'on admet une

lésion extra médullaire intéressant les filets radiculaires des nerfs

en question, c'est-à-dire certains nerfs de la queue de cheval, il

faudrait que cette lésion intéressât symétriquement les racines de

tous ces nerfs, à l'exclusion des si nombreux autres cordons ner-

veux qui constituent la queue de cheval. Il est impossible d'ad-

43 ) REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

mettre une semblable sélection : donc le foyer est localisé dans le

cône terminal, qui renferme, on le sait, les centres ano-vésical et

génito-spinal. M. Raymond rappelle des cas analogues à celui

qu'il vient d'exposer, le cas d'Oppenhuim entre autres. Il termine

en établissant que la lésion doit être un hématome. Le début

brusque des accidents à la suite d'une sorte d'ictus, qui se rappro-

che des attaques d'apoplexie, semble bien l'indiquer. CAMUSET.

IV. NOTE SUR UNE déviation DE la COLONNE vertébrale, SE RENCON-

TR4NT CHEZ UN GRAND NOMBRE D'INDIVIDUS BIEN PORTANTS ; par

M. Paul Richer, chef du laboratoire de la clinique des maladies

du système nerveux, à la Salpêtrière. (Nouv. iconographie de la

Salpêtrière, 1895, n° 3.)

Les recherches de M. Richer ont porté sur quarante individus

âgés de vingt à quarante ans, choisis parmi des hommes bien

constitués, des modèles d'atelier pour la plupart. M. Richer ne

s'est occupé que des trois points suivants : 1° la rectitude de la

colonne vertébrale ; 2° la conformation postérieure du thorax ;

3° l'horizontalité des épaules. Les premier et troisième points sont

simples et ne demandent pas d'explication préliminaire, le

deuxième point, lui, exige d'être bien fixé. Quand on regarde le

thorax par sa face postérieure, on voit qu'il est recouvert en haut

par le scapulum entouré de muscles puissants, et qu'en bas il est

masqué par deux masses musculaires ; la masse des muscles spi-

naux en dedans, celle du grand dentelé en dehors et en haut. Le

grand dorsal est uniformément étendu sur toute la région. Entre

les muscles spinaux et le grand dentelé il existe un espace étroit,

triangulaire, à sommet en haut et en dedans. En ce point la cage

thoracique n'est séparée de la peau que par le corps mince du

grand dorsal. Or, la profondeur de ce sillon triangulaire est en

rapport avec le développement du thorax, elle s'accuse d'autant

plus que la cage thoracique est déprimée, elle est effacée presque

si le plan osseux est saillant.

Ceci établi, voici les résultats des observations de l'auteur : sur

les quarante sujets, pas un seul ne présentait à la fois une recti-

tude parfaite du rachis, une conformation thoracique postérieure

semblable des deux côtés, et les épaules exactement situées au

même niveau. Si on étudie séparément les trois points convenus,

on constate que le rachis n'est réellement droit que chez deux

sujets et que chez les trente-huit autres il présente une incurvation

latérale dorso-lombaire à convexité tournée à gauche. On cons-

tate aussi que la conformation thoracique postérieure n'est symé-

trique que chez un seul sujet, et que le plus souvent il existe une

dépression fort nette à droite, en sorte qu'on peut établir que,

presque toujours, le thorax présente une voussure du côté de la

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 43 3

convexité de la courbure rachidienne. On constate enfin en troi-

sième lieu, que la hauteur des épaules est inégale chez trente-huit

sujets sur quarante. Il n'y a pas de règle générale quant à la pré-

dominance de la hauteur d'une des deux épaules, relativement à la

courbure rachidienne. ·

M. Richer fait observer ensuite que, de ses recherches, il ré-

sulte qu'il existe une véritable scoliose dorso-lombaire gauche, chez

les individus réputés normaux, laquelle scoliose est parfaitement

caractérisée par les signes classiques de toutes les scolioses :

incurvation du rachis, déformation du thorax, inégalité du

niveau des épaules. Remarquer que la scoliose physiologique des

auteurs est tout' autre que celle qui vient d'être étudiée dans cet

article, elle siège seulement au dos, elle est tournée à droite et

l'épaule droite est la plus haute. Il faudrait donc pour résoudre

cette question, multiplier les observations. Je dirai en terminant,

que M. Richer tend à attribuer l'irrégularité morphologique qu'il

signale, à la fréquence habituelle de la station hanchée droite,

laquelle met les épaules, le thorax et la colonne vertébrale, dans

les conditions d'asymétrie, précisément semblables à celles qui

prédominent chez les individus qu'il a observés. C.

V. DU RAPPORT DE L'ECZÉMA CHRONIQUE AVEC L'ANESTHÉSIE DE LA PEAU ;

par le professeur Stookovenloff (de Kieff). (Nouv. iconographie

de la Salpêtrière, 1895, n° 3.)

Partant de ce principe que la peau est un organe intimement

lié avec le système nerveux, l'auteur suppose que les centres tro-

phiques de la peau, organe de la sensibilité, sont situés, avec les

centres trophiques des nerfs de la sensibilité, dans les ganglions

intervertébraux, et que les nerfs trophiques accompagnent les

nerfs de la sensibilité. Il déduit de cette supposition que les trou-

bles trophiques de la peau doivent être accompagnés, au moins

fréquemment, de troubles de la sensibilité. C'est pourquoi l'on

doit, dans certaines affections de la peau, dans l'eczéma chronique,

par exemple, examiner avec soin la sensibilité des sujets.

Ayant donc étudié systématiquement, à ce point de vue, un

nombre important d'eczémateux, le professeur Stoukovenkoff a pu

constater que la plupart d'entre eux présentaient les troubles

sensitifs caractéristiques de l'hystérie. Exposé des observations.

La- conclusion finale est que l'eczéma est souvent un symptôme

de l'hystérie, et qu'on ne doit attribuer aux irritations extérieures

qu'une importance secondaire équivalente à celle 'qu'on leur

accorde dans l'apparition des autres symptômes de l'hystérie.

C.

44 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

VI. Zona généralisé A la PRESQUE totalité DE la MOITIÉ gauche DU

corps; par M. Edmond Fournier, interne des hôpitaux. (Nouv.

iconographie de la Salpêtrière, 1895, n° 3.)

Observation. Une femme de vingt-trois ans, exempte d'anté-

cédents' neuropathiques personnels ou héréditaires, mais ayant

quand même un passé pathologique défavorable : scarlatine,

fièvre typhoïde, péritonite, hystérectomie, etc. Cette femme, en

traitement à Saint-Louis, présente un zona extraordinaire par son

étendu e, il s'étend, en effet, de l'épaule à la partie moyenne de la

cuisse correspondante, le membre supérieur est envahi jusqu'au

pouce. Cette affection s'est établie par le fait d'une série de zones

développées successivement, chaque éruption étant précédée de

violentes douleurs névralgiques.

L'auteur ne connaît pas de cas semblable, il affirme cependant

que cette éruption, quelque vaste qu'elle soit, n'en est pas moins

un véritable zona. Elle présente les trois grands caractères du

zona : 18 l'unilatéralité absolue; 2° la distribution anatomique

parallèle à certains troncs nerveux ; 3° le caractère névralgique

des douleurs. C.

VII. UN nouveau TYPE d'hémiplégie alterne (HYPOGLOSSE gauche ET

MEMBRES droits; par l\1me Anna Goukovsky, d'Odessa). (Nouv.

iconographie de la Salpêtrière, 1895, n°3. )

Les types d'hémiplégie alterne admis jusqu'ici sont : 1° le type

Millard-Gluber intéressant le facial d'un côté, les membres de

l'autre; 2° le type de Weber, caractérisé par la paralysie de la

troisième paire d'un côté et des membres de l'autre. Ces formes

d'hémiplégie indiquent une lésion protubérantielle et peuvent pré-

senter diverses variétés. L'auteur expose une observation qui

doit, d'après lui, faire admettre un nouveau type d'hémiplégie

alterne. Suit la relation détaillée de l'observation avec

l'autopsie complète. L'observation peut se résumer ainsi : hémiplé-

gie complète des membres du côté droit, sans paralysie faciale,

sans aphasie motrice ou sensorielle, fait qui exclut déjà toute

lésion centrale ou pédonculaire. La lésion ne pouvant exister qu'au

delà du point où le facial est dissocié du faisceau des membres. En

outre, paralysie complète avec déviation à gauche et atrophie de

toute la moitié gauche de la langue, donc la lésion siégeait au

noyau de l'hypoglosse ou au-dessous, par conséquent dans la région

bulbaire. En résumé, la lésion intéressait à la fois l'hypoglosse

gauche et le faisceau moteur droit, elle ne pouvait donc se rencon-

trer ailleurs que dans le sillon qui sépare l'olive de la pyramide à

droite, à la partie supérieure de celle-ci, avant l'entre-croisement

des pyramides. L'autopsie justifia le diagnostic, on trouva au lieu

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 45

indiqué un foyer de ramollissement, suite d'artérite. Il existe donc

un type d'hémiplégie croisée caractérisé par la paralysie de

l'hypoglosse d'un côté, et celle des membres du côté opposé. C.

VIII. OPHTALMOPLÉGIE EXTERNE BILATÉRALE ET HÉMIPLÉGIE DROITE, CON-

SECUTIVE A la rougeole; par M. le Dr Raymond. Leçon faite à la

Salpêtrière le 14 juin 1895 et recueillie par M. le Dr A. Souques,

chef de clinique. (Nouv. incolzogl·. de la Salpêtrière, 1895, n° 5.)

Dissertation clinique sur le cas d'un enfant, à antécédents per-

sonnels névropathiques, qui, dans le cours d'une rougeole, fut

atteint d'une hémiplégie droite avec ophtalmoplégie externe

double, en même temps que la marche est titubante. Le syndrome

nerveux s'était établi progressivement sans ictus, et après avoir

subi une période d'aggravation, il tendait à rétrocéder. Quel est le

siège et la nature de la lésion cause de ce syndrome ? M. le

Dr Raymond rappelle d'abord certaines notions anatomiques géné-

ralement admises aujourd'hui : le moteur oculaire commence à

son origine dans la colonne de substance grise située au-dessous

de l'aqueduc de Sylvius et dans les parois du troisième ventricule.

Cette colonne n'est qu'une série de centres successifs, desti-

nés aux divers muscles de l'oeil. En avant, sous la paroi du

troisième ventricule, sont les centres des muscles accomoda-

teurs et des muscles de l'iris. Sous l'acqueduc de Sylvius et d'ar-

rière en avant sont les centres des muscles droit externe, rele-

veur de la paupière, droit supérieur, droit inférieur, petit

oblique, enfin le centre du pathétique. Tous ces centres occupent

la partie supérieure de la protubérance, ils sont peu éloignés des

tubercules quadrijumaux, des pédoncules cérébelleux supérieurs et

du thalamus. Ils sont situés de chaque côté de la ligne médiane,

ceux d'un côté presque en contact avec ceux du côté opposé. On

sait aussi que les fibres des pyramides s'épanouissent dans la pro-

tubérance en fascicules séparés les uns des autres par des fibres

transversales venues principalement des pédoncules cérébelleux

moyens. Ces notions anatomiques posées, on comprend qu'un

foyer situé au-dessous de l'aqueduc, de manière à intéresser les

noyaux gris et les fibres pyramidales du côté gauche, respectera

les centres accommodateurs et photo-moteurs, alors qu'il produira

une ophtalmoplégie externe bilatérale, puisque les centres des

muscles moteurs de l'oeil sont contigus, ceux d'un côté touchant

presque ceux de l'autre côté, et qu'il produira en même temps une

hémiplégie droite, par suite de la destruction ou de la compression

des fibres pyramidales du côté gauche. Ce même foyer produira

aussi du nystagmus et de la titubation, à cause du voisinage des

pédoncules cérébelleux supérieur et moyen. Une telle lésion pro-

duira donc, en fin de compte, tous les symptômes relevés chez

46 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'enfant, sujet de l'observation. La conclusion est donc que le jeune

malade est atteint de une ou de plusieurs lésions en foyer, à la

partie supérieure de la protubérance, derrière l'aqueduc de Sylvius

el à gauche. Quant à la pathogénie des lésions, M. Raymond

l'explique par une artérite infectieuse déterminée par la rougeole.

Se basant enfin sur les dispositions anatomiques des artères

venues du tronc basilaire et destinées aux noyaux d'origine des

nerfs de la région, il arrive à préciser les rameaux du tronc basi-

laire, sur lesquels l'artérite s'est développée, et qui sont ainsi

devenus le point de départ de tout le processus pathologique.

Cuiusisr.

IX. CONTRIBUTION A la nature HYSTÉRIQUE DE la tétanie DES

femmes ENCEINTES; par MM. Gilles delà TOURETTE et 130LOGNt : SI.

(Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, 1895, n° 5.)

M. le or Raymond disait en 1886 : La tétanie n'est pas une

entité morbide, c'est un syndrome appartenant à divers états patho-

logiques, et l'hystérie joue un rôle considérable dans son dévelop-

pement. Les auteurs, pour confirmer cette opinion, qui s'est du

reste rapidement répandue, rapportent l'observation suivante :

Une femme de trente et un ans, à antécédents nerveux hérédi-

taires et personnels prononcés, convulsions fréquentes jusqu'à

l'âge de trois ans ; à la puberté, crises de tétanie, lesquelles dis-

paraissent jusqu'à son mariage à l'âgé de vingt ans. Mais pendant

ce laps de temps, elle a divers accidents de nature certainement

hystérique. Cette femme eut plusieurs grossesses, à chacune d'elles,

elle eut des crises de tétanie. Ces crises étaient annoncées quelques

heures d'avance par du malaise, des bouffées de chaleur, la sensa-

tion de boule à la gorge, puis les mains devenaient absolument

insensibles, ensuite les membres supérieurs, et dans certaines crises

les membres inférieurs également, se raidissaient et se contractu-

raient très violemment, ils étaient le siège de douleurs plus ou

moins vives, et la peau insensible, auparavant, était au contraire

hypéresthésiée. Ces crises se ressemblaient toutes , mais elles

étaient plus ou moins longues et plus ou moins violentes. Dans

l'intervalle des grossesses , elles manquaient, mais elles étaient

remplacées par des manifestations hystériques diverses, enfin la

malade présentait de nombreux stigmates permanents de la

névrose. Camuset.

X. UN cas DE gangrène cutanée D'ORIGINE hystérique;

par M. VEUILLOT. (Noitu. Iconog. de la Salpêtrière. 1895, n° 5.)

Homme de vingt ans, père inconnu, mère hystérique. Comme

antécédents personnels : rougeole, fièvre typhoïde, syphilis, trau-

matisme grave, hystérie qui s'accuse quelque temps après la syphi-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 47

lis et le traumatisme, et qui se manifeste surtout par de grandes

crises convulsives. Ce malade se présente à Saint-Louis porteur

d'une ulcération à la cuisse gauche. Cette plaie a 8' centimètres de

longueur sur 3 centimètres de largeur, elle est atone, superficielle

et grisâtre, ses bords sont un peu surélevés et durs. Toutes les par-

ties voisines sont le siège d'un oedème blanc. L'ulcération aurait

commencé par un bouton qui aurait augmenté de volume, puis

l'escarre centrale serait tombée, tout se serait passé sans douleur.

Nombreux stigmates d'hystérie : plaques d'anesthésie, point dou-

loureux épiglottique, anesthésie bucco-pharyngienne, rétrécisse-

ment du champ visuel, etc. Traitement : potions et poudres

inertes dénommées solution d'iodure et poudre de fulminate; la

plaie est isolée par un appareil plâtré inamovible. Guérison

rapide sous l'influence du seul traitement psychique. C.

XI. UN cas DE myopathie primitive progressive (type facio-scapulo-

huméral) avec pseudo-hypertrophie DES muscles des membres infé-

rieurs ET attitude vicieuse extraordinaire; par les D1'5 Glorieux

et Van Gehuciiten.

L'histoire des myopathies est loin d'être éclaircie. Après avoir

été divisées en formes multiples, les amyotrophies myopathiques

ont été de nouveau réunies en une forme unique. Bien plus, il

paraît que la distinction entre myopathies d'origine neurotique

et myopathies d'origine musculaire n'est pas si nettement tran-

chée qu'on aurait pu le croire tout d'abord et qu'entre les deux

formes extrêmes d'amyotrophie progressive on pourrait trouver

des formes intermédiaires, telle l'amyotrophie forme Charcot-Marie;

due manifestement à des lésions nerveuses avec réaction de dgé-

nérescence et contractions librillaires, mais offrant de commun

avec les myopathies primitives de survenir dans l'enfance et d'avoir

le caractère familial. Chez l'intéressant malade dont l'histoire fait

l'objet du présent mémoire, on croit avoir affaire, à ne considérer

que les membres inférieurs, à un cas de paralysie pseudo-hypertro-

phique ou myosclérosique de Duchenne. En ne tenant compte, au

contraire, que de l'atrophie considérable des muscles de l'épaule

et du bras des deux côtés, jointe à la parésie de certains muscles

de la face, on rangerait ce cas de myopathie daus le groupe des

myopathies atrophiques progressives ou dans le type facio-scapulo-

huméral de Landouzy-Déjerine; preuve nouvelle que les deux types

d'atrophies myopathiques, la myopathie atrophique progressive et

la myopathie pseudo-hypertrophique, ne constituent pas deux enti-

tés morbides distinctes. Du reste, l'atrophie musculaire des

membres supérieurs n'est pas localisée exclusivement aux muscles

de l'épauleet dubras; elle adéjàenvahi quelques musclesde l'avant-

bras et marche insensiblement vers une myopathie généralisée.

48 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Remarque importante, chez ce malade, les muscles de la région

sacro-lombaire sont normaux, ce qui semble prouver, à l'évidence,

que la lordose lombaire qui a existé chez lui depuis l'àge de quinze

ans jusqu'à vingt-huit ans, et qui est un des symptômes les plus

précoces des cas de myopathie primitive intéressant les membres

inférieurs, ne peut être attribuée, comme on le fait généralement

à l'atrophie des muscles sacro-lombaires. Celte lordose est due uni-

quement à la faiblesse des muscles fessiers et des muscles de la

région postérieure de la cuisse, muscles qui sont les extenseurs du

bassin sur le fémur. (Revue neurologique, avril 1896.) E. B.

XII. SUR UN cas d'atrophie DE la langue dans LE MAL DE POTT

sous-occipital; par le Dr P. Marie.

Il s'agit d'un homme atteint de mal de Pott sous-occipital dès

l'enfance et chez qui existe un certain degré d'atrophie et de paré-

sie des muscles de la langue, ce qui n'est pas fréquent dans celte

affection.

Cette atrophie et cette parésie linguales ne semblent pas avoir

présenté une marche progressive. (Revue neurologique, avril 1896.)

XIII. L'hérédité ET l'étiologie des névroses; par le Dl' SIGM. FREUX.

L'auteur s'adresse spécialement aux disciples de Charcot pour

faire valoir quelques objections contre la thèse étiologique des

névroses qui nous a été transmise par le maître. On sait que d'après

cetle théorie, l'hérédité nerveuse est, pour les affections névrosiques

la seule cause vraie et indispensable, les autres influences éliolo-

giques ne devant aspirer qu'au nom d'agents provocateurs.

Tout d'abord M. Freud commence son travail par une innova-

tion nosographique. Pour lui les grandes névroses se divisent en

deux groupes : dans le premier se trouvent l'hystérie et la névrose

des obsessions, cette dernière étant liée à l'hystérie plus étroite-

ment qu'on ne croirait. Dans le second groupe, on trouve la névras-

thénie de Beard, laquelle se décompose en deux élats fonctionnels

séparés par l'étiologie, comme par l'aspect symptomatique, la

névrasthénie propre et la névrose d'angoisse. Ce premier point

établi, il range les influences étiologiques des névroses en trois

classes :

1° Conditions qui sont indispensables pour la production de l'af-

fection mais qui sont de nature universelle et se rencontrent dans

l'étiologie de diverses affections ; 2° causes concurrentes ou acces-

soires ; 3° causes spécifiques, aussi indispensables que les conditions

mais de nature étroite et qui n'apparaissent que dans l'étiologie de

l'affection de laquelle elles sont spécifiques.

Or, dans la pathogénèse des grandes névroses, l'hérédité remplit

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 49

le rôle d'une condition puissante dans tous les cas,' indispensable

dans la plupart, mais qui ne saurait se passer de la collaboration

des causes spécifiques. L'expérience montre que l'hérédité et les

causes spécifiques peuvent se remplacer par le côté quantitatif, que

le même effet pathologique sera produit par la concurrence d'une

éliologie spécifique très sérieuse avec une disposition médiocre ou

d'une hérédité nerveuse chargée avec une influence spécifique

légère. Alors on peut admettre qu'il se rencontre des cas de névroses

où on cherchera en vain un degré appréciable de disposition héré-

ditaire, pourvu que ce manque soit compensé par une puissante

influence spécifique. Comme causes concurrentes ou accessoires des

névroses, on peut énumérer tous les agents banals rencontrés ail-

leurs sans qu'aucun d'eux, pas même le surmenage intellectuel,

entre régulièrement ou nécessairement dans l'étiologie des névroses.

Quelles sont donc ces causes spécifiques des névroses ? est-ce une

seule ou y en a-t-il plusieurs ? Tout en étant persuadé que sa

théorie évoquera GO un orage de contradictions de la part des mé-

decins contemporains », l'auteur maintient, appuyé sur un examen

laborieux des faits, que chacune des grandes névroses énumérées a

pour cause immédiate un trouble particulier de l'économie ner-

veuse et que ces modifications pathologiques fonctionnelles recon-

naissent comme source commune la vie sexuelle de l'individu,

soit désordre de la vie actuelle, soit événements importants de la

vie passée.

On a toujours admis les désordres sexuels parmi les causes de la

nervosité, mais ou les a subordonnés à l'hérédité, alors que l'au-

teur élève ces influences sexuelles au rang des causes spécifiques.

La névrasthéme propre (fatigue, sensation de casque, dyspepsie

flatulente, paresthésies spinales, faiblesse sexuelle, etc.) ne recon-

naît comme étiologie spécifique que l'onanisme immodéré ou les

pollutions spontanées; la névrose d'angoisse (irritabilité, état d'at-

tente anxieuse, phobies, attaques d'angoisse complètes ou rudi-

mentaires, de peur, de vertige, tremblements, sueurs, congestion,

dyspnée, tachycardie, etc...) est l'effet spécifique de l'abstinence

forcée, du coït imparfait ou interrompu, d'une irritation génitale

fruste.

La cause spécifique de l'hystérie est un souvenir qui se rapporte

à la vie sexuelle, mais qui offre deux caractères de la dernière

importance : l'événement duquel le sujet a gardé le souvenir incon-

scient, est une expérience précoce de rapports sexuels avec irritation

véritable des parties génitales, suité d'abus sexuel pratiqué par une

autre personne, et la période de la vie qui renferme cet événe-

ment funeste est la première jeunesse, les années jusqu'à l'âge

de huit à dix ans, avant que l'enfant soit arrivé à la maturité

sexuelle.

La névrose d'obsessions relève d'une cause spécifique très ana-

' Archives, 2e série, t. IL 4

80 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

logue à celle de l'hystérie. On y trouve aussi un événement sexuel

précoce, arrivé avant l'âge de la puberté, duquel le souvenir devient

actif pendant ou après cette époque. Il n'y a qu'une différence qui

semble capitale. Il y avait au fond de l'étiologie hystérique un

événement de passivité sexuelle, une expérience subie avec indiffé-

rence ou effroi ; dans la névrose d'obsessions, il s'agit, au contraire,

d'un événement qui a fait plaisir, d'une participation avec jouis-

sance aux rapports sexuels. Les idées obsédantes réduites à leur

expression la plus simple, ne sont pas autre chose que des repro-

ches que le sujet s'adresse à cause de cette jouissance sexuelle anti-

cipée, mais des reproches défigurés par un travail psychique

inconscient de transformation et de substitution. (Revue neurolo-

gique, mars 1896.) E. B.

XIV. Angiome simple du cervelet; parle D'' L. IIEx1'OEN.

Chez une femme de quarante ans, morte des suites presque

immédiates d'une fracture du crâne, l'autopsie montra, en dehors

des lésions dépendant de la fracture, les modifications suivantes

dans l'hémisphère droit du cervelet : à l'ouverture du quatrième

ventricule par une incision médiane au travers du vermis et de la

valvule de Vieussens, on voit, à demi enfouie dans la partie droite

de la paroi supérieure de ce ventricule, quatre petites tumeurs de

2 à 4 millimètres de diamètre, de couleur rouge foncé, l'épendyme

paraît normal à leur niveau. La surface de section du vermis

montre quelques nodules semblables dont un ou deux ont été inci-

sés : l'incision donne issue à du sang.

La surface externe de l'hémisphère droit du cervelet présente

de-ci et de-là de semblables tumeurs qui soulèvent la pie-mère sans

que cette dernière soit modifiée à leur niveau, diverses sections de

cet hémisphère cérébelleux révèlent la présence de semblables

tumeurs dans l'intérieur de la masse cérébelleuse : dans la subs-

tance blanche centrale sont de larges cavités irrégulières, subdivi-

sées, dans lesquelles il est facile de reconnaître des vaisseaux san-

guins 'dilatés. A la loupe, on peut distinguer de nombreuses cavités

plus petites. Il n'y a que du sang dans ces nodules et cavités : du

reste, aucune extravasation sanguine.

L'examen histologique montra qu'il s'agissait là d'angiomes

simples dans un hémisphère cérébelleux contenant des capillaires

et des veines irrégulièrement formés et anormalement dilatés. Au

niveau des lames superficielles, les lames de substance grise étaient

amincies, probablement sous l'influence de la pression. De plus, à

quelque distance des sacs angiomateux les cellules de Purkinje

avaient disparu, peut-être par suite du trouble apporté dans la

circulation.

Cet angiome du cervelet n'avait déterminé aucun trouble fonc-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 1)1

tionnel jusqu'à l'accident mortel qui le fit découvrir. (Americalz

journal of insanity, janvier 1896.) E. B.

XV. Étude SUR QUELQUES points DE pathologie cérébrale;

par le D'' A. MEYER.

Sur vingt cerveaux d'épileptiques dont l'auteur a fait l'examen

macroscopique et histologique, sept montraient des lésions dis-

tinctes, dont plusieurs pouvaient être incriminées comme causes

de l'épilepsie. En attendant un travail plus étendu sur ce sujet,

l'auteur résume l'examen histologique des deux principaux cas.

Dans le premier, l'épilepsie a été déterminée par deux kystes

appartenant à une forme spéciale de gliome et situés, l'un dans

l'écorce cérébrale, au niveau de la partie moyenne de la seconde

circonvolution frontale, l'autre sur le plancher du quatrième ven-

tricule.

Dans le second cas il s'agissait d'épilepsie avec hémiplégie infan-

tile, l'autopsie révéla l'existence d'une vaste poche kystique située

au niveau de la partie moyenne de la pariétale ascendante du côté

gauche et pénétrant largement dans l'hémisphère en déterminant

une vaste perte de substance des ganglions de la base et du lobe

temporal. L'auteur termine son travail par quelques considérations

intéressantes sur la dégénérescence et la régénération des cellules

ganglionnaires. (American journal of insanity, octobre 1895.)

E. B.

XVI. L'hypoplasie DU COEUR chez les débiles; par WULFF.

(Allg. Zeilschr. f. Psych., LI, 2.)

La constatation de la petitesse relative du coeur chez les faibles

d'esprit a entraîné M. Wuln'àde longues recherches sur les rapports

entre le poids du coeur et celui du corps, entre le poids du cerveau

et le poids du corps, et par suite sur ces deux rapports formulés à

l'état de norme proportionnelle chez l'individu sain d'esprit et chez

l'individu faible d'esprit. D'où l'expression d'un nouveau rapport.

L'auteur conclut à une disproportion entre le coeur et le cerveau,

qui entraîne une irrigation défectueuse de ce dernier; le cerveau

ne peut donc conserver son rang quand il y a hypoplasie car-

diaque. P. K.

XVII. NEUROTABESALCOOLIQUE,SYPIIIL1TIQUE ou MERCURIEL; par A. SOLDA

(Neurolog. CelztrcLlbl., XIV, 1895 )

11 s'agit d'un dipsomane de vingt-six ans, infecté par la syphilis

en 1892, atteint la même année de polynévrite avec toute sorte de

signes physiques et intellectuels de la dégénérescence des alcoo-

liques. A lami-1893, les troncs nerveux sont tuméfiés, douloureux

52 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

spontanément et à la pression, la démarche est incertaine; on

constate 1 : signe de Romberg, la réaction dégénérative, la dispa-

rition des réflexes patellaires, finalement une paralysie complete

des jambes. Accidents qui rétrocèdent sous l'influence d'onctions

mercurielles énergiques. Le malade sort et se remet à boire; les

accidents reviennent. On le séquestre; tout disparaît. Enfin il suc-

combe à une dernière débauche. Aussi, s'agit-il, probablement

d'une névrite ou d'un pseudo-tabes alcoolique. P. K.

XVIII. Comme QUOI IL est légitime DE séparer DE la neurasthénie UN

SYNDROME SPÉCIAL SOUS LE NOM DE NÉVROSE ANXIEUSE', par S. FREUD.

(Neurol. CfHt)'6 ? XIV, 1895.)

L'auteur en dénombre les éléments. Ce sont : une exagération

extrême de la sensibilité à l'égard des bruits qui empêche tout

sommeil; une perpétuelle appréhension aboutissant soit' à des

accès d'angoisse physique (palpitations, dyspnée, sueurs, tremble-

ments), soit à des accès d'angoisse psychique, le plus souvent à un

accès d'angoisse complet; des terreurs nocturnes, des vertiges, des

phobies de toutes variétés, des troubles digestifs, des paresthésies

associées en un cortège comparable à celui de l'aura hystérique;

des hallucinations ou des illusions. L'hérédité joue le rôle primor-

dial dans sa genèse. La cause déterminante est, chez la femme,

l'éveil du besoin sexuel à demi ou non satisfait; chez l'homme les

pratiques tendant à l'accomplissement incomplet du coït; pour les

deux sexes, la masturbation et le surmenage. Il y a soustraction

d'une partie des éléments matériels de l'orgasme vénérien qui

devaient être perçus par le psûchê ; ces forces s'emploient anorma-

lement à d'autres activités (voir p. 48). P. K.

XIX. Observation d'hystérie avec accidents d'akinésie DOULOUREUSE;

par A. PANI30CK. (Neurolog. Cenlral6l., XIV, 1895.)

Jeune garçon de douze ans, issu de mariage consanguin (parents

sujets à des céphalalgies); onanisme, étude exagérée du Talmud.

On constate un spasme pharyngien croupal, avec anesthésie pha-

ryngienne, douleurs dans les mains puis céphaliquesou abdominales,

et finalement convulsions cloniques des membres supérieurs, zones

hystérogèues le long de la colonne vertébrale et au niveau de la

ceinture scapulaire; les attaques cessent quand on comprime les

testicules. Diminution des réflexes tendineux dans les membres

inférieurs, surtout à gauche; exagération des réflexes crémaslé-

riens ; hyperesthésie générale. Il existe dans les extrémités et le

tronc, surtout au ventre, des douleurs persistantes, s'exaspérant à

certains mouvements. Les douleurs abdominales forcent le patient

à se tenir couché ou debout, ou bien à s'asseoir sur un plan incliné

REVUE<-DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 53

afin d'éviter la flexion du tronc qui exagère les douleurs. Les dou-

leurs dans les extrémités inférieures empêchent le malade de mar-

cher, à fortiori de courir, les mouvements volontaires exaspérant

les douleurs. Pour se mettre au lit, quand il sent venir les attaques,

il fléchità peinela cuisse, s'appuie à l'aide d'un coude sur l'oreiller,

tire à lui le tronc et finalement les jambes après lui. Pour se lever

du lit, il laisse pendre lesjamhes mais non complètement, soulève

ensuite le tronc avec circonspection en s'appuyant solidement sur

les mains, afin d'éviter toule flexion du tronc. Aucune altération

musculaire. Depuis quelque temps, il ne peut plus lire, sinon il

ressent des douleurs dans les yeux.

Tous les auteurs tiennent l'akinésie douloureuse pour une affec-

tion dynamique rentrant dans l'hystérie, mais ils veulent en faire

une nouvelle psychopathie. Pour nous c'est un trouble d'origine

hystérique, rien de plus. En effet, en quelques cas l'auto-suggestion

l'aggrave; quant aux cas en apparence purs, il en est pour eux

comme pour l'astasie-abasie seule, c'est une forme d'hystérie

monosymptomatique. A plus forte raison, quand l'akinésie dou-

loureuse s'accompagne, comme ici, d'accidents nets d'hystérie. La

thérapeutique électrique ou pharmaceutique, ne nous a pas plus

qu'aux autres donné de résultats. La cautérisation de la colonne

vertébrale a fait cesser les convulsions, diminué les douleurs, amé-

lioré les mouvements, mais d'une façon toute passagère.

P. KERAVAL.

XX. D'une forme DE NIsVItITE l'RODL 1T1 : PAIt des affections vasculaires :

par H. Sciilesinglr. (Neurolog. Ccnl1'albl" XIV, 1895.)

Observation de polynévrite consécutive à iarlérile oblitérante du

vasa nervorum : autopsie, figures. Il s'agit d'un homme de

soixante-neuf ans, tout à fait bien portant, non syphilitique.

D'abord douleurs avec affaiblissement de la jambe gauche et né-

vralgie intercostale du même côté ; neuf mois plus tard, aggrava-

tion avec exaspération, par poussées; hypertrophie du ventricule

gauche. Puis, soudain, paralysie des extenseurs successivement des

deux membres supérieurs et des muscles péroniers; plus tard

encore, parésie du triceps et du deltoïde; finalement, paralysie

avec atrophie rapide de la plupart des muscles des extrémités avec

contractures. Diminution de l'excitabilité électro-faradique, réac-

tion dégénérative de plusieurs muscles, diplopie, sensation defroid

intense et.continue dans les jambes ; paralysies dissociées du sens

de la température et de la douleur dans le dos. Paralysie de tous

les modes de la sensibilité aux extrémités les plus reculées des

membres, troncs nerveux un peu sensibles à la pression; muscles

très sensibles. Violentes douleurs spontanées dans tous les mem-

bres. Troubles passagers de la vessie et du rectum. Accidents du

54 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

décubitus aigu au niveau de l'olécrâne droit. Evolution chronique-

progressive. Durée totale : un an. Autopsie : emphysème pulmo-

naire, léger athérome des gros vaisseaux. Dégénérescence très

accusée des vasa nervorum; il existe dans tous les tronqs nerveux

une prolifération du tissu conjonctif endoueural, un recoquillement

partiel des trousseaux nerveux dégénérés. Dans les artères, il y a

épaississement de trois tuniques, rétrécissement et obturation de

leurs lumières, thrombose de quelques-unes. Les veines sont

également lésées. Dégénérescence ascendante des nerfs jusqu'aux

cellules des cornes antérieures. Dégénérescence des racines posté-

rieures et dégénérescence ascendante consécutive des cordons pos-

térieurs. Inflammation dégénérative des muscles dont les vaisseaux

sont très altérés.

Cette observation a pour complément une autre observation

identique. Suit une élude clinique et critique à la lumière d'obscr-

vations empruntées à la bibliographie. P. KERAVAL.

XXI. UNE complication DE l'irritation spinale CHEZ LES SYP111LITI-

QUES; par M. Friedmann. (Neurolog. Centrabl., XIV; 1895.)

Les neuropathies fonctionnelles des syphilitiques s'accompagnent

plus fréquemment qu'on ne le croit de lésions organiques, qui,

sans être forcément malignes, entretiennent, en s'établissant sur

un point faible quelconque du corps, une tendance au rappel de

l'affection fondamentale disparue. Telle est l'irritation spinale qui

chez le syphilitique se mon'.re accompagnée des lésions locales les

plus diverses en soi légères mais constituant autant d'épines orga-

niques. L'auteur croit que l'irritation spinale commune s'accom-

pagne aussi souvent de petites lésions locales centrales et périphé-

riques, qu'il y a lieu de soupçonner en pareil cas l'importance pri-

mordiale de semblables lésions en réalité primigènes, autonomes,

causes réelles de l'irritation spinale et premiers éléments d'un

tabes par exemple. En tout cas, il faut se demander si la névrose

n'a pas un rapport purement accidentel avec les troubles locaux, et

si les deux éléments (fonctionnel et organique) ont une source com-

mune dans la syphilis.

Les troubles locaux n'apparaissent que dans le cours et dans la

sphère de l'irritation spinale; ce rapport n'est pas purement acci-

dentel, mais il est difficile d'établir que l'irritation spinale soit

sous la dépendance de la syphilis. Quant aux troubles locaux, ils

appartiennent à ceux qu'il faut imputer à la syphilis. Voici, par

exemple une perturbation locale à peine progressive du sens ther-

mique relevant non d'une syringomyélie, mais d'une lésion cen-

trale organique qui est apparue avec l'irritation spinale (obs. I).

- Voici encore une allure mobile du phénomène du genou, dont les

oscillations sont de cause centrale (obs. Il).'Ici, ce sont des anes-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 55

thésies digitales tenant à une légère névrite de la branche termi-

nale sensible du pouce gauche, et non à une névrose fonctionnelle

(obs. III) ; là, c'est une névrite indéniable survenant chez un homme

vigoureux et bien portant qui n'a eu jusqu'alors que des malaises

neurasthéniques à forme d'irritation spinale. Tous ces accidents

supposent des altérations compliquant, en l'absence du diabète ou

de l'albumine, l'irritation spinale généralisée. II reste cependant à

déterminer le degré de fréquence avec lequel l'irritation spinale

syphilitique donne naissance à des complications locales, et le

rapport des mêmes complications avec l'irritation spinale considérée

comme névrose généralisée. C'est une question semblable à celle

qui se pose pour les cas dans lesquels on trouve à l'autopsie des

syphilitiques deux ou plusieurs processus anatomiques distincts,

telle une sclérose des cordons postérieurs tabétique type avec de

l'endartérite ou de la méningite chronique, telle encore de la neu-

rasthénie alcoolique avec des névrites ou des ataxies. P. K.

XXII. Paralysie PROGRESSIVE dans LE jeune AGE ET paralysie PRO-

GRESSIVE (tabès) des gens mariés ; par F. Lûhrmann. (Neurolog.

Ceatral6G., XIV, 1895.)

Observation I. - Paralysie générale à forme démentielle chez

une fillette de dix-neuf ans, vierge; aucun signe de syphilis héré-

ditaire ou acquise, aucune tare héréditaire. Autopsie confirmative.

Observation II. Paralysie générale chez le mari à cinquante

ans (mégalomanie, syphilis), et chez la femme à quarante-quatre

ans (infection syphilitique, forme démentielle). Autopsies confir-

matives.

Observation 111. - Paralysie générale tabétique, démence, mort,

chez le mari; chez la femme, signes physiques, commémoratifs et

intellectuels de paralysie générale tabétique syphilitique, accidents

de gomme osseuse; Kl; amélioration. P. K.

XXIII. Paralysie dans LE domaine DU NERF péronier, dans la para-

LYSIE générale; par Moeli. (Neurolog. Centralbl., XIV, 1895.)

Cinq observations de paralysie périphérique attestée par l'état

de l'excitabilité électrique et la limite de la paralysie. Deux autop-

sies témoignant d'une certaine déchéance des fibres nerveuses

dans les racines postérieures lombaires et sacrées; intégrité des

racines antérieures et des cornes antérieures. Comme dans tous ces

cas, on a constaté le signe de Westphal, il y a lieu de croire que la

paralysie péronière tenait à une lésion de la moelle lombaire, qu'il

y avait, par suite, tabes sous-jacent. P. K.

00 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXIV. Observation DE mutité hystérique; par B. Worotynsky.

(Neurolog. Centmlbl., XIV, 1895.)

Observation ayant ceci de remarquable que la mutité dura dix-

huit mois, et que la guérison en eut lieu rapidement, après la troi-

sième séance de.suggestion verbale à l'état de veille. Il s'agit d'une

jeune fille de vingt et un ans, ayant présenté les atlaques et les

stigmates caractéristiques de l'hystéro-épilepsie, et finalement le

mutisme, avec, aphonie, hypoesthésie pharyngienne. On place les

électrodes d'un fort courant faradique des deux côtés du cou dans

la région du larynx et on pratique la suggestion verbale. En même

temps, on emploie la suspension pour rétablir la sensibilité, sup-

primer l'amblyopie de l'oeil droit et réinstaller l'activité sensorielle

de ce côté. C'est, comme le dit l'auteur, un traitement de « tour

de force t. P. K.

XXV. Les yeux DU neurasthénique ; par J. ALTAQ.1S. (L Siglo medico,

mars 1895.) ,

Le trouble le plus habituel est l'impossibilité de fixer longtemps

le regard, surtout pour la lecture et l'écriture, malgré une percep-

tion parfaite des caractères et une acuité visuelle intacte. Si le ma-

lade persiste il éprouve bientôt de la douleur dans les globes ocu-

laires et les orbites, une sensation pénible de tension dans le

front, les tempes, la nuque, puis dans tout le cuir chevelu, enfin

des bourdonnements d'oreille, du vertige même, et quelquefois

une certaine dépression et un obscurcissement de l'intelligence.

Cette asthénopie accommodative est due à ce que les muscles de

l'oeil subissent le même processus de fatigue douloureuse et pré-

coce que les autres muscles de l'économie, diminution progres-

sive du pouvoir contractile, amiosthénie par amoindrissement de

l'influx nerveux. Moins constantes sont les mouches volantes qui se

produisent surtout après des écarts de régime; et les accidents

transitoires" simulant ceux du glaucome, dureté des globes, dou-

leur à la pression, cercles irisés aulour des objets lumineux, dou-

leur pendant les mouvements de l'oeil, tout cela dû à la congestion

passagère des procès ciliaires par suite de troubles vaso-moteurs

neurasthéniques. F. BOISSIER.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

I. Camphre monobromé OU bromure DE camphre.

Sous ce titre, M. G. Maurange a publié dans le n° 40 de la

Gazette hebdomadaire la note suivante qui rappelle l'attention

sur un médicament dont l'efficacité, incontestable dans un

grand nombre de maladies, principalement celles du système

nerveux, est mieux reconnue ailleurs que chez nous.

Solubilité. - Insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool, la glycé-

rine, les huiles fixes et volatiles, l'éther.

Propriétés thérapeutiques. Abaisse la température diminue le

nombre des pulsations cardiaques, ralentit la respiration. Anaphro-

disiaque. Atténue les actions réflexes. A ce dernier titre a été

préconisé dans le tétanos, l'épilepsie (Bourneville). Serait un

excellent médicament contre le priapisme de l'ataxie locomotrice,

surtout en cas d'intolérance gastrique. Quelques auteurs lui attri-

buent une action excitante du système nerveux (Oinhart) : cette

opinion est démentie par les expériences de Bourneville et Lawson.

C'est au contraire un bon hypnotique, dont l'action est assez fidèle.

Les insomnies des diabétiques sont, en particulier, heureusement

influencées par les injections sous-cutanées de bromure de

camphre. Enfin il y aurait un antagonisme partiel entre la stry-

chnine et le bromure de camphre (Valent ! y Vivo, cité d'après

Bourneville et Bricon)'.

Dose usuelle. Chez l'adulte : 10 à 50 centigrammes par

injection jusqu'à 2 grammes en vingt quatre heures.

Effets de L'INJECTION. a) Immédiats. Localement très vive

douleur, surtout si l'on emploie la formule de Bourneville. Cette

douleur ne persiste pas cependant au delà d'une demi-heure. Avec

une formule de base huileuse, la cuisson est moins vive. b) Eloi-

gnés. L'effet hypnotique se produit généralement une heure

après l'injection de 30 à 40 centigrammes de camphre monobromé.

L'élimination, assez rapide, se fait par les reins (Rabuteau) et par la

muqueuse bronchique. L'abaissement de la température se pro-

Bourneville et P. Bricon. Manuel des injections sous-cutanées.

88 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

duit au moment de l'hypnose. - Localement il n'y a ni indurations,

ni complications inflammatoires (abcès, etc.), même chez les dia-

bétiques, à condition que l'opérateur, l'opéré, l'instrument aient

été rigoureusement aseptisés.

formules .

REVUE DE THERAPEUTIQUE.

59

Nous avons suspendu pendant une semaine, puis recommencé

de la même façon jusqu'à ce jour.

Observation IL Chiffl... Suzanne, née le 10 octobre 1891, à

Paris, est entrée à la Fondation Vallée, le 31 octobre 1895, elle est

atteinte d'épilepsie avec accès et vertiges.

60 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

à ceux que nous avons précédemment rapportés ils nous

semblent de nature à apporter la conviction dans l'esprit des

praticiens et les amener à essayer de leur côté ce médicament

dont ils devront prolonger l'administration pendant des mois

ou même des années, s'ils veulent en obtenir un vrai bénéfice;

du reste, cette prolongation est la même pour tous les médica-

ments employés dans l'épilepsie. BOURNEVILLE.

LE traitement de l'épilepsie par L'OPIUM ET LE bromure; par

LINEE. (Allg. Zeitschr. f. Psychiatrie, t. LII, fasc. 4.)

Flechsig a fait connaître en 1893 un nouveau mode de traite-

ment de l'épilepsie basé sur l'administration de l'opium à doses

croissantes (jusqu'à 1 gramme, ls ? 0) pendant six semaines, et

sur la suppression brusque de ce médicament qui est remplacé

par le bromure (7,50). Cette nouvelle médication a déjà donné

lieu à de nombreux travaux de la part de Salzburg, de Benneke,

de Slein, de Frange), de Hebold, de Stembo, de Wulff. Ce dernier

auteur (mai 1895), a traité dix-neuf épileptiques par l'opium et le

bromure : deux n'ont pu tolérer l'opium, cinq ont vu complète-

ment disparaître leurs attaques, huit les ont vu diminuer; chez

quatre il n'y a eu aucun résultat. En Hollande, V. Ziegenweidt a

obtenu des améliorations notables.

Les recherches de l'auteur ont porté sur sept malades (six hom-

mes et une femme) atteints d'épilepsie idiopathique avec- troubles

psychiques consécutifs aux accès. On a donné l'opium à l'état pur

(opium à 12 p. 100 de morphine); la première semaine, 0,20 par

jour Jes trois premiers jours et 0,30 les quatre autres; la deuxième

semaine, 0,40 ; la troisième semaine, 0,60; la quatrième semaine,

0,80; la cinquième semaine, 1 gramme ; la sixième semaine, 1,20.

Après la sixième semaine, suppression brusque de l'opium, qui

est remplacé par les trois bromures (7,50 en trois doses par jour).

Pendant l'administration de l'opium, il y a eu une légère aug-

mentation du nombre des accès. Une fois la médication bromurée

instituée, les accès ont cessé chez un malade et ne se sont pas

reproduits (depuis trois mois) ; chez deux autres des accès ont

éclaté dans les premiers jours puis ont disparu. Deux autres épilep-

tiques ont vu leurs accès diminuer de fréquense.

Au point de vue psychique l'influence du traitement paraît

avoir été favorable : humeur plus paisible, disparition des phases

d'agitation. Les troubles provoqués par l'administration de

l'opium, à haute dose, ont été sans gravité : vomissemenls chez

deux malades seulement, à la suite d'une dose de 1.20. La consti-

pai ion a été notée à partir de la dose de 0,60.

Les phénomènes d'abstinence dus à la suppression brusque de

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 61

l'opium ont été insignifiants et 0,10 d'opium associésauxbromures,

ont sufn pour les faire disparaître. Si tous les malades ont bien

supporté le traitement opiacé et sa suppression, il n'en est pas de

même pour le traitement consécutif par les bromures. On a eu a

noter des manifestations toxiques intéressant le cerveau qui se

sont développées avec rapidité, en deux jours, et reproduisaient

le tableau clinique de la paralysie générale à sa période termi-

nale. Chez un malade dont le coeur était le siè ! 2 : e de lésions de

dégénérescence, se produisit une paralysie aiguë du coeur qui

entraîna la mort. Chez un autre la mort survint à la suite de deux

accès épileptiques intenses. Il faut donc diminuer la doge de bro-

mure habituellement indiquée en raison de la susceptibilité parti-

culière du système nerveux qui a subi le traitement opiacé à haute

dose. Il va sans dire que la méthode de Flechsig ne peut être

appliquée que dans un asile. P. Sérieux.

III. Sur LE traitement DE l'épilepsie d'après la AfÉTIi9DEDEFLECFISIG;

par HABBAS. (Allg. Zeilschr. f. Psychiatrie, t. LU, fasc. 4.)

Gowers avait déjà essayé d'associer la morphine aux bromures,

mais sans en obtenir de bons résultats. Les effets favorables qur;

donne l'opium dans le traitement des psychoses donnèrent à

Flechsig l'idée de l'employer dans l'épilepsie. Quant au second

point de la méthode, à savoir la suppression brusque de l'opium

c'est encore l'observation clinique qui a déterminé Flechsig à

l'essayer. Il avait remarqué en effet qu'il obtenait de bons résultats

dans certaines maladies chroniques, la pananoïa par exemple, en

cessant brusquement l'opium donné à la dose de 1 gramme et en

le remplaçant par le bromure. Nombre d'expérimentateurs ont,

après Fechsig, essayé la médication par l'opium et le bromure.

Les résultats ont été contradictoires ; cependant, en général, le

traitement en question aurait donné a ta plupart des observateurs

des améliorations notables. Binswanger s'en déclare très satisfait

surtout dans l'épilepsie des jeunes gens.

Au point de vue du mode d'action de cette médication Salzburg

pense, avec Flechsig, qu'on peut admettre : 1° que l'opium agit

favorablement en diminuant la température du cerveau et les mu-

tations nutritives qui s'y produisent; 2° que l'excitabilité du cerveau

est amoindrie; 4° que l'opium augmente la quantité de sang con-

tenue dans le cerveau, ce qui a pour résultat, postérieurement,

d'augmenter aussi la quantité de bromure qui est contenue dans

cet organe.

L'auteur a traité seize malades (onze femmes et cinq hommes),

par la méthode de Flechsiu. Tous ces sujets avaient été soumis

entièrement au traitement bromure, et cela sans résultat. On a

employé la poudre d'opium aux doses suivantes : 0,10 trois fois

62 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

par Jour, pendant quatorze jours; puis 0,20 trois fois par jour

dans la seconde quinzaine ; ensuite 0,30 également trois fois par

jour, dans la troisième quinzaine. Le bromure (7,50) a ensuite

remplacé l'opinm supprimé brusquement. Au cours de l'adminis-

tration de l'opium les accès augmentèrent de fréquence chez qua-

torze sujets ; le poids du corps diminua chez neuf sujets et un

mois après chez six autres. Les règles cessèrent dans la plupart

des cas. Dans six cas on observa des nausées et des vomissements.

Comme symptômes d'abstinence, survenus au moment de la sup-

pression brusque de l'opium, on a noté des vomissements. Pendant

la période du traitement bromuré, les accès ont diminué de nom-

bre. Ils ont complètement disparu dans douze cas, et ne se sont

pas reproduits depuis deux ans, chez trois malades. Chez cinq

autres ils ne se sont reproduits qu'après six ou dix mois à la suite

de la diminution des doses de bromure. Les résultats n'ont pas été

aussi favorables chez l'homme que chez la femme. La médication

de Flechsig a une action favorable sur l'état mental des épilepti-

ques ; une malade a été, à ce point de vue, considérablement amé-

liorée. '

L'auteur reproduit la proportion des améliorations et des guéri-

sons dues à la méthode en question, d'après les observations de

Wulff, de Benneke et les siennes :

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 63

malades pendant plus d'une année et ses conclusions sont les

suivantes :

1° La méthode de Flechsig n'amène pas la guérison de l'épilep-

sie ; 2° elle présente cependant l'avantage d'amener un répit favo-

rable dans les attaques ; 3° de plus elle calme les malades

irritables en même temps qu'elle égaie les malades ayant une

tendance à la dépression mélancolique.

Par la cessation des accès et des autres symptômes inquiétants,

les malades redeviennent aptes à jouer un rôle actif dans la vie ;

il y a intérêt à reprendre le traitement tous les deux ou trois mois,

s'il donne des résuliats. (American journal of insanity, oct. 1895.)

E. B.

V. EMPLOI DE l'électricité dans LE traitement DES maladies

mentales ; par le Dr Irwin NEFF.

Certaines formes de folie, en particulier celles qui dépendent

d'agents toxiques ou de modifications organiques du système ner-

veux, sont accompagnées de changements dans l'excitabilité élec-

trique, ou nerveuse, ou musculaire; dans ces cas l'électricité peut t

aider au diagnostic.

L'emploi' thérapeutique de l'électricité peut aussi donner de

bons résultats, surtout dans les folies primitives.

Dans certains cas l'électricité peut rendre des services comme

agent de suggeslion.

Le choix du courant est déterminé par les règles ordinaires indi-

quées dans les ouvrages d'électrothérapie. (American journal of

insanity, janvier 1896.) E. B.

VI. DU SULFATE DE DUBOÏSINE DANS LE TRAITEMENT DE LA PARALYSIE

générale ; par M. X. FRANCOTTE. (Journal de neurologie, n° 5, 1896.)

Il résulte de ce travail basé sur quatre observations que la

duboisine jouirait d'une réelle efficacité contre le tremblement de

la paralysie générale. Cette efficacité, il est vrai est assez éphémère

car deux ou trois jours après la cessation du médicament le trem-

blement reparait. La duboisine atténue aussi mais d'une façon

moins prononcée, la rigidité musculaire ou les malaises qui l'ac-

compagnent ; elle parait sans action contre la faiblesse et les dou-

leurs. Son usage, même prolongé, n'entraîne aucun inconvénient.

Laduboisine devra être prescrite en granules de demi-milligramme

dont on fera prendre au malade de trois à six par jour. G. D.

VU. Revue DE thérapeutique appliquée au traitement DES maladies

mentales ; par M. LAILLER.

Résumé aussi documenté qu'intéressant des divers travaux pu-

64 li. REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

])liés sur les nouveaux agents médicamenteux introduits comme

sédatifs et hypnotiques, au cours de ces dernières années, dans

la thérapeutique des maladies nerveuses : le chloralose, le sul-

t'onal, la paraldehyde, le méthylal, le somnal, la duboisine.

Ces divers travaux ayant été deja analysés ici, pour la plupart,

nous n'aurons pas à y revenir. --

On peut, avec l'auteur, se demander quel est l'avenir de ce

groupe de médicaments qu'il est possible, à la rigueur, de consi-

dérer comme synergiques.

Ces médicaments ont tous des propriétés indéniables, mais il est

prématuré d'affirmer qu'ils sont acquis pour toujours à la théra-

peutique. Leur nombre pourrait, sans doute, être moindre ; mais,

en somme, ne peut-il pas y avoir avantage, en cas d'insuccès, à ne

par rester désarmé, à connaître des agents qui, dans une médica-

tion, peuvent se substituer l'un à l'autre et même s'entr'aider ?

(Annales médico-psychologiques, décembre 1895.) E. B.

VIII. Alimentation thyroïdienne dans LES troubles mentaux ;

par le Dr CLARKE.

L'auteur a expérimenté l'alimentation thyroïdienne dans les cas

d'aliénation mentale à forme chronique.

Si le nombre des expériences est encore trop petit pour que des

faits absolus puissent être établis, plusieurs résultats frappants ont

elé ms en lumière. '

La nutrition cellulaire est activée, modifiée d'une façon indubi-

table et le processus d'autointoxication qui existe dans quelques

cas, sinon dans tous les cas de maladie mentale, se trouve entravé.

Pour que des chances d'amélioration existent, il faut que la vita-

lité du malade soit assez forte pour triompher de la fièvre pro-

duite par l'alimentation thyroïdienne, sinon le malade s'affaiblirait,

déclinerait rapidement. ,

D'autre part, de même qu'à la suite des améliorations survenues

dans les affections mentales chroniques au cours d'une maladie

aigueë, il se produit la plupart du temps des rechutes soudaines,

de même il est difficile d'espérer encore par la nourriture thyroï-

dienne une modification permanente. (American journal of insa-

nity, oct. 1895.)

Ceux de nos lecteurs que la médication thyroïdienne intéressent

plus particulièrement trouveront dans les précédents volumes des

Archives de nombreux renseignements. E. BLIN.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ i\11D ICO- P SYC HO LO G 1Q DE.

Séance du 30 mai 1896. Présidence DE M. Charpentier.

Influen : a et folie.

M. Laroussinie communique une observation tendant à prouver

que l'intluenza peut déterminer un accès de folie.

MM. Vallon et Christian font des réserves sur la relation que

l'auteur cherche à établir entre l'inlluenza et la psychose.

Séance du 20 ({m'il, - Présidence DE M. Charpentier.

Distribution des récompenses.

Le prix Esquirol est partagé entre MM. JSCOVESCO et Battier.

internes à Villejuif, pour leur mémoire ayant pour titre : Du délire

de jalousie.

Prix Aubanel. Une récompense de 1,000 francs est attribuée à

MM. Tatty et Toy, chefs de clinique à la faculté de Lyon. La

Société met au concours pour 1897 la question suivante : Des auto-

intoxications dans les délires.

Séance du 1 ? juin. Présidence DE M. Charpentier.

Note sur le rôle de la mémoire dans la folie du doute.

M. SOLLOER. - On ne comprend pas bien il quoi tiennent les

formes qu'on observe dans les obsessions qui paraissent se déve-

lopper sur un fonds commun qui semble être l'émotivité morbide.

Les divers troubles qui accompagnent les obsessions : aboulie,

troubles sensitifs, anesthésiques, etc., ont servi de base à des clas-

sifications qui, toutes, sont justes à un certain point de vue. Parmi

ces troubles, il" en est un sur lequel on n'a pas insisté beaucoup,

c'est l'affaiblissement de la mémoire. Cependant le défaut de mé-

moire peut expliquer certains cas de folie du doute, tels'que

Archives, 21 série, t. IL 5

66 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ceux où le sujet après avoir fait une chose se figure ne l'avoir z

pas faite et va, à plusieurs reprises, vérifier s'il l'a réellement

faite. Dans ces cas, j'ai toujours constaté un trouble plus ou

moins prononcé de la mémoire, tant pour apprendre des choses

nouvelles que pour évoquer des anciennes, trouble apparaissant

souvent antérieurement à l'obsession.

II y a lieu aussi de distinguer deux espèces de douleurs, les uns

se figurent n'avoir pas fait une chose qu'ils ont faite; les autres se

figurent avoir peut-être fait une chose ordinairement blâmable

qu'ils n'ont pas faite. Dans ce cas, c'est l'oubli de certaines des

circonstances tant extérieures qu'intérieures dans lesquelles le

sujet s'est trouvé, un défaut de continuité dans ces souvenirs, qui

fait qu'il comble les lacunes avec les actes qu'il craint de com-

mettre, actes qu'il est incapable de reconnaître n'avoir pas exé-

cutés. L'abstention volontaire ne saurait être incriminée dans ce

cas, car, bien au contraire, le sujet apporte toute son attention à

s'entourer de précautions pour vérifier l'exactitude de ce qu'il

craint. La perception extérieure, surtout dans le premier cas où il

ne s'agit pas de grossières impressions sensorielles, n'est jamais

assez troublée non plus pour expliquer ces cas. La volonté n'a rien

à y voir. Il reste donc seulement le trouble de la mémoire pour en

expliquer le développement.

L'aliénation mentale en Tunisie.

M. Voisin a pu constater, dans le cours d'une visite faite, en Tu-

nisie, au quartier d'hospice Saquiti, réservé aux aliénés, que le

délire alcoolique y était inconnu. Le délire haschischique y est, au

contraire, très fréquent. On n'y trouve pas davantage de tabé-

tiques, ni de paralytiques généraux, malgré l'extrême fréquence de

la syphilis. L'épilepsie est rare. Les aliénés entrent et sortent de

l'établissement sans aucune autre formalité que la décision du

médecin traitant. Il n'existe pas de cellules. Les agités sont attachés

à une chaîne.

M. Vallon. Il serait intéressant qu'une statistique basée sur

des faits précis vînt confirmer l'absence de la paralysie générale

malgré la fréquence de la syphilis.

M. RITTI fait remarquer qu'il en est de même en Serbie.

M. Roubinowitch pense que la Société pourrait intervenir auprès

du médecin traitant pour avoir des renseignements statistiques.

Variété du délire des persécutions.

M. raLner, revenant sur les faits qu'il a déjà indiqués, demande

qu'on mette, de nouveau, à l'ordre du jour, les questions qu'il a

SOCIÉTÉS SAVANTES. 67

déjà posées à ce sujet et auxquelles il n'a pas été répondu d'une

manière suffisante. Plus on observe de faits, ajoute-t-il, plus on

trouve de cas mixtes de délire de persécution prêtant à la confu-

sion ; Nombreuses sont les espèces qui tiennent du délire de la per-

sécution et de la mélancolie. Il serait fort important de les étu-

dier. \Iarcei BRIGAND.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DU NORD-EST DE L'ALLEMAGNE

Deuxième session A ZOPPOT. 1er juillet 1895.

M. Siemens ouvre la séance.

M. ICA1 SER, directeur de l'asile de Dziekanka. Communication

sur le nouvel asile provincial de Dziekanka et sur le développement de

l'assistance des aliénés dans la province de Posen.

Le début de l'assistance des aliénés dans la province remonte

à 1833, époque de la fondation de l'asile de Leutsus en Silésie,

suivie de la fondation de l'asile de Owinsk (1838). Ce dernier, ins-

tallé dans un ancien couvent, eut au début une centaine de mala-

des. 70 aliénés étaient traités au quartier d'hospice de Posen :

quelques autres étaient placés dans un établissement privé. La

province fit en 1869 l'acquisition d'un domaine de 45 hectares, où

fut construit un asile (1874) suivant le système ducorridor; la popu-

lation était de 500 malades. En 1891-92 le manque de places néces-

sita la construction de deux pavillons, chacun pour 40 malades ;

ces pavillons furent construits sur le modèle des pavillons d'Alt-

Scherbitz. L'encombrement obligea la province à construire un

second asile en se basant sur la proportion d'un lit pour 1,000

habitants, c'est-à-dire de 1,800 lits pour toute la province, chiffre

encore insuffisant puisque la loi du 11 juin 1891, mise en vigueur

le 1er avril 1893, a rendu obligatoire l'assistance des aliénés, des

épileptiques et des idiots indigents.

La construction du nouvel asile commença en octobre 1891 et le

20 octobre 1894 eut lieu l'inauguration. Le domaine acheté a une

superficie de 300 hectares, dont 21 pour le terrain d'assiette de

l'établissement, et 21 pour un parc. Le nombre des bâtiments est

de 33 dont 20 réservés aux malades qui sont au nombre de 600. On

y adopté l'organisation de l'asile d'Alt-Scherbilz, c'est-à-dire que

l'établissement se compose de deux parties : asile fermé (350 mala-

des) et colonie ouverte, sans grilles (système de l'open-door) pour

200 malades. La colonie se compose de trois villas pour chaque

68 SOCIÉTÉS SAVANTES.

division, avec une population variant de 33 à 44 malades par

villa. L'asile fermé comprend pour chaque division :

SOCIÉTÉS SAVANTES. 69

Dr Deiiio. Altérations des cellules ganglionnaÍ1'es dans les into,7.Í-

cations.

Depuis 1881, un certain nombre d'auteurs russes (Danillo, Popow,

Tschisch) ont étudié les altérations des cellules provoquées par des

intoxications expérimentales. Leurs conclusions ont été critiquées

par Kreyssig qui a montré qu'il s'agissait en réalité de modifica-

tions artificielles dues au durcissement par les sels de chrome. Plus

tard Stiglilz, dans l'intoxication saturnine, et Saratschow dans le

morphinisme chronique sont arrivés à des résultats positifs. Les

travaux de Nissl et des auteurs qui ont appliqué sa méthode (Sandi,

Vas et Schaffer) sont des plus importants : ils ont limité leurs

recherches aux grandes cellules motrices de la corne antérieure et

décrit les altérations de ces éléments dans les intoxications par le

plomb, l'arsenic, le phosphore, la. cocaïne, la nicotine, l'antipyrine,

l'alcool.

Nissl pense que les cellules ganglionnaires à fonction physiolo-

gique spécifique doivent avoir une morphologie différente. Aussi

en outre de leurs résultats anatomo-pathologiques, les expériences

en question pouvaient donner lieu à d'autres constatations. La

diversité de l'action qu'exerce sur les centres nerveux les différents

poisons doit, au cas où la manière de voir de Nissl est exacte, se

traduire par les altérations de différents groupes cellulaires. L'ac-

tion pharmacologique de certains poisons nerveux étant bien

connue, on pouvait ainsi obtenir des renseignements' sur différents

points intéressant la physiologie du système nerveux central. Dans

ces expériences on ne peut utiliser que les intoxications aiguës :

d'abord on sait que pour les intoxications chroniques leur marche

pst fort différente au point de vue clinique; en outre il y un grand

nombre de modifications secondaires (lésions de la moelle consta-

tées par J\11nnich dans l'anémie grave) ; enfin les stades terminaux

des dégénérescences des cellules ganglionnaires sont difficiles à

différencier. L'auteur a étudié spécialement l'empoisonnement aigu

par la strychnine déjà abordé par Nissl. Les recherches ont porté

sur deux lapins. Les grandes cellules motrices présentaientla modi-

fication spéciale décrite, sous le nom -de pyenomorphen Zustand

(Nissl. Neural. Centralbl., 1895, 1). Les altérations portaient surtout

sur la substance chromophile et sur le noyau. D'autres cellules de

la corne antérieure étaient également intéressées. Les lésions por-

taient surtout sur les cellules du groupe moyen de la région dor-

sale. Les cellules des ganglions spinaux étaient normales, de

même celles de la corne postérieure. Les noyaux des cellules du

bulbe étaient eux aussi altérés. (Allg. Zeitsch1'. f. Psychiatrie, t. LU,

fasc. 3.) .. Paul Sérieux.

70 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Lez RÉUNION DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE

DE LA PROVINCE RHÉNANE

Présidence DU professeur PEL2fANN. - Bonn, 15 juin 1895.

M. PELMANN lit un rapport sur un certain nombre de brochures

dirigées contre les asiles d'aliénés et les médecins aliénistes. Ces

publications se sont multipliées dans ces dernières années, surtout

dans le Wurtemberg. Un infirmier de l'asile de Zurich a même

publié ses « Souvenirs critiques ».

Une discussion s'engage au sujet du procès intenté aux frères

Alexianer. Ces religieux dirigent à Aix-la-Chapelle un asile d'aliénés

qui a été le théâtre de faits scandaleux. La Société adopte une

résolution flétrissant les pratiques en usage dans cet établissement,

pratiques qui sont en contradiction formelle avec l'état actuel de la

science psychiatrique. Elle insiste sur la nécessité de la direction

médicale des asiles d'aliénés, opinion adoptée par le congrès des

médecins aliénistes allemands (Francfort-sur-Mein, 25 mai 1893).

1. M. HERTZ. Le « Wahizsiiin », la « Ven'ttc/ft/t6t< » et la « Para-

noïa ». (Le travail sera publié in extenso ultérieurement.)

2. M. STEINER. Traumatisme cranien et artériosclérose des vaisseaux

du cerveau. Un homme de cinquante-six ans, un an après avoir

subi un traumatisme à la tempe gauche devient amnésique ; deux

ans et demi après l'accident on constate un état d'affaiblissement

intellectuel à marche progressive, intéressant surtout la mémoire.

Les radiales sont un peu dures, les mains tremblent légèrement.

Pas de syphilis, pas d'alcoolisme. La démence a lentement pro-

gressé durant trois ans; par intervalles quelques accès d'excitation.

Puis survint un ictus apoplectique avec hémiplégie droite passa-

gère, troubles de la parole. Mort par pneumonie. A l'autopsie, pie-

mère opaque, ses vaisseaux sont rigides, pas d'adhérences. Les

artères du cerveau sont le siège d'altérations profondes : épaissis-

sement, transformation calcaire, rigidité. Les ramifications termi-

nales dans la substance grise sont elles-mêmes gravement modi-

fiées dans leur structure. La substance grise des hémisphères ne

présente pas de lésions macroscopiques. Nombreux foyers de ramol-

lissement, anciens et petits, dans la substance blanche. L'aorte est

épaissie. Rein droit normal. En résumé, sclérose généralisée et très

intense des artères du cerveau. Cette artério-sclérose est-elle une

conséquence du traumatisme crânien antérieur ou bien la sclérose

due à l'âge a-t-elle été activée par l'accident, c'est ce qu'il est

SOCIÉTÉS SAVANTES. 71

malaisé de décider. Il faut considérer tout ce processus comme une

atrophie cérébrale par artério-sclérose, très analogue aux cas

que Alzheimer a séparés, l'année passée, de la paralysie générale.

Discussion : M. OEBFKE demande si l'on peut affirmer que le ma-

lade en question n'était ni un alcoolique, ni un syphilitique.

M. STEI1VER. Sûrement non.

M. ZACIIEIt. Les cas de Friedemann auxquels on a comparé

l'observation qui précède ne sont pas tout à fait identiques. Dans

ces cas il s'agirait de lésions vasculaires siégeant dans l'écorce seu-

lement et ayant déterminé des foyers d'apoplexie.

3. M. Schultze. Les états de sommeil pathologiques et la nnrco-

lepsie.-Chez une malade de l'asile de Bonn se produit subitement t

et par accès un besoin invincible de dormir. Comme cette femme

a eu antérieurement une attaque d'épilepsie et comme on aobservé

chez elle l'apparition subite d'accès de confusion hallucinatoire

suivis d'amnésie complète, M. Schultze pense que les accès de som-

meil sont de nature épileptique et voit dans son observation la con-

firmation de ce fait, à savoir que la narcolepsie, contrairement à

ce qui a été dit (Gelineau), n'est qu'un symptôme et non une

maladie spéciale. Il insiste sur l'importance de ces cas au point de

vue médico-légal, et rapporte l'histoire d'un veilleur de chemin de

fer qui, atteint de narcolepsie, fut trouvé endormi pendant ses

heures de service.

Discussion : M. Steiner demande quels sont les signes caracté-

ristiques de la narcolepsie et comment se comportent les pupilles.

M. SCHULTZG. Gelineau décrit sous le nom de narcolepsie une

névrose spéciale, se caractérisant par un besoin intense, subit, de

dormir, besoin qui se reproduit à des intervalles plus ou moins

longs. Gelineau ne parle pas de l'état des pupilles.

4. L : 1NGRCUTER. Présentation de tatouages de criminels.- L'auteur

a recueilli ses tatouages dans la prison d'Eberbach (arrondissement

de Wiesbaden) qui renferme 200 hommes et une vingtaine de

femmes, parmi lesquels de nombreux criminels d'habitude. L...,

dont les conceptions se rapprochent plus de celles de Lombroso

que de celles des adversaires de ce dernier, pense qu'on est auto-

risé à isoler de la foule des éléments anti-sociaux, un groupe de

criminels-nés ou mieux de criminels instinctifs. Mais ce groupe est

peu considérable si on n'y range que les sujets que caractérisent

nettement leurs antécédents héréditaires psychopathiques, leurs

signes de dégénérescence psychiques et somatiques et l'absence de

troubles intellectuels proprement dits.

Les stigmates des criminels instinctifs sont assez rarement

réunis en bloc chez le même sujet. On les rencontre au contraire

7° SOCIÉTÉS SAVANTES.

isolés ou groupés de différentes façons parmi les membres du

grand groupe des criminels d'habitude, croupe qui renferme les

criminels instinctifs, sans qu'on puisse établir une ligne de démar-

cation précise entre les deux classes de criminels. Bien que dans

un petit nombre de cas seulement, il soit possible de trouver des

tares héréditaires, les symptômes . qui distinguent une grande

partie, des criminels d'habitude des sujets normaux, paraissent

congénitaux, sans cependant qu'il s'agisse d'une maladie mentale

proprement dite et sans supprimer toute responsabilité. Le milieu

ne joue qu'un rôle secondaire dans le développement du criminel.

Celte manière dç voir ne saurait paraître exagérée aux aliénistes

qui savent la puissance prodigieuse de l'hérédité. Il est vraisem-

blable que l'on n'aurait pas besoin de recourir si souvent à l'ata-

visme si l'on avait des renseignements plus précis sur l'hérédité

des délinquants.

On a décrit un grand nombre de signes spécifiques de la crimi-

' ? alité, les uns psychologiques, les autres biologiques, sans parler

des signes de dégénérescence somatique. Dans les prisons, c'est

surtout par les sentiments affectifs que les détenus se distinguent

des sujets normaux; on observe aussi des anomalies aux points de

vue biologique et physiologique.

L... reconnaît l'exactitude de l'opinion admise par la majeure

partie des auteurs allemands, à savoir que les signes physiques

n'ont pas, dans la criminalité, l'importance que leur attribue Lom-

broso. La question n'a d'ailleurs pas été encore suffisamment étu-

diée, faute d'une méthode correcte. Les causes d'erreur sont nom-

breuses. L... a cependant été étonné du nombre considérable

de déformations du crâne. En revanche, en recherchant dans des

cas particuliers les signes dits caractéristiques de la criminalité, il

n'a pu trouver le complexus somatique attribué au criminel-né.

L... se propose d'étudier un point particulier, souvent discuté,

et qui prête à des considérations anatomiques, physiologiques et

psychologiques, le tatouage. Le tatouage est une habitude répandue

par toute la surface du globe, surtout chez les peuples non civilisés.

Les anciens Germains, les Gaulois se tatouaient pour effrayer leurs

ennemis et le tatouage d'aujourd'hui, qui s'est perpétué souvent

dans certaines classes de la société (marins, montagnards), parait

être une survivance d'habitudes ancestrales ; on voit en effet parmi

les motifs des tatouages, des sirènes, des serpents couronnés et

autres animaux fantastiques qui rappellent les légendes du moyen

âge. Le tatouage a toujours été pratiqué par les criminels, mais

dans ces derniers temps il s'est répandu encore davantage dans

cette catégorie de sujets. On rencontre en effet moins de tatouages

chez les détenus âgés que chez les jeunes.

Pour Lombroso le tatouage est un signe spécifique du criminel-né.

'De même pour Kurella. Leppmann n'y voit qu'une coïncidence

SOCIÉTÉS SAVANTES. 73

fortuite. Langreuter insiste surtout sur ce point que le tatouage

est fréquent chez les criminels, alors que précisément pour eux il

constitue un danger en permettant de reconstituer leur identité. Il

y voit une manière de symbole, une manifestation à moitié incons-

ciente et instinctive de l'esprit de corps, qui se produit même aux

dépens de l'intérêt personnel du criminel. Les facteurs qui poussent

un individu à se faire tatouer sont en outre surtout développés

chez les criminels, à savoir : le besoin d'imitation, la vanité, l'éro-

tisme, la fanfaronnade. Il faut y joindre encore l'ennui, les occa-

sions qui se présentent en prison, etc. '

L'habitude du tatouage est si répandue chez les détenus que l'on

peut vraiment parler d'une tendance spécifique, du moins chez les

sujets du sexe masculin, car chez les femmes le tatouage est rare

et se rencontre surtout chez les prostituées. Sur 206 détenus, Lan-

greuter a relevé 75 sujets tatoués, c'est-à-dire une proportion de

36 p. 100. On n'a guère relevé de proportion plus considérable,

sauf chez les détenus militaires en France et en Italie. Il faut, dit

l'auteur, se montrer prudent dans la recherche des tatouages chez

les détenus, si l'on veut éviter une épidémie de tatouages.

Sur les 206 détenus examinés (mai 1895) il y avait 126 réci-

divistes, proportion énorme. La proportion des sujets tatoués était

de 23 p. 100 chez les détenus condamnés pour, la première fois, et

de 48 p. 100 chez les récidivistes.

De l'examen comparé de 125 détenus tatoués observés par lui,

l'auteur conclut que les sujets obscènes sont très fréquents, qu'il y

a parfois combinaison de sujets religieux et érotiques, que les

tatouages observés par lui présentent une ressemblance frappante

avec ceux étudiés par d'autres auteurs, qu'il existe dans certains

cas une obtusion de la sentibilité (fait invoqué pour expliquer le

tatouage). Souvent il a relevé des proverbes. Le siège des tatouages

est de préférence à l'avant-bras, à la main, au bras, aux doigts.

On les rencontre moins souvent sur la poitrine, le ventre, les

jambes. Parmi les tatoués il y avait : 66 criminels d'habitude,

.24 criminels d'occasion et 32 criminels par passion. Chez 35 sujets

le tatouage avait été exécuté en prison. Trois détenus s'étaient

tatoués eux-mêmes.

En lésumé, les criminels d'habitude ont une grande tendance à

se faire tatouer et les criminels instinctifs présentent une prédi-

lection particulière' pour les tatouages étendus, extraordinaires

ou obscènes. (Allg. Zeitscler. f. Psychiatrie, t. LU, fasc. 3.)

' Paul SÉRIEUX.

BIBLIOGRAPHIE.

I. blanuel pratique des méthodes d'enseignement spéciales aux

enfants anormaux (sourds-muets, aveugles, idiots, bègues, etc.);

par les Drs HAMON du FocGERAY et COUETOUx, préface du Dr Bouit-

NEVILLE. (Bureaux du Progrès Médical.)

Sous la dénomination d'enfants anormaux, on entend les enfants

atteints de diverses infirmités portant soit sur les organes des sens,

soit sur les centres nerveux et produisant des modifications va-

riables dans leur développement physique, moral et intellectuel.

Si incomplètes que soient les statistiques officielles relatives aux

différentes catégories d'enfants anormaux, elles font cependant

ressortir quelle est leur importance numérique et quel intérêt so-

cial s'attache aux questions d'assistance, de traitement et d'éduca-

tion de ces enfants.

En effet, le nombre des sourds-muets en France, est de 350 en

moyenne, par année, pour les hommes âgés de vingt ans.

Pour les aveugles, le chiffre le plus faible auquel leur nombre

ait été évalué est de 38,000.

Quant aux idiots, bien que la statistique générale soit encore à

faire, leur nombre peut approximativement être évalué à plus de

50,000, et peut-être est-il bien supérieur.

Enfin la statistique dressée par M. Chervin père permet d'évaluer

à près de 130,000 le nombre des bègues.

Les enfants anormaux de toutes les catégories, le livre de

MM. Hamon du Fougeray et Couëtoux le démontre d'une façon

péremptoire, sont susceptibles d'être améliorés, relevés, instruits.

Malheureusement, l'éducation spéciale il donner aux enfants

anormaux est encore inconnue de la plus grande partie du public

médical ou enseignant.

Les auteurs, en vulgarisant les notions éparses dans un grand

nombre de publications trop abstraites, en montrant ce qui se fait

ou se peut faire pour relever les anormaux à la dignité d'hommes,

les rendre capables de subvenir à leur subsistance et les rappro-

cher le plus possible des citoyens ordinaires, ont comblé une lacune

et rendu le plus grand service à la fois aux infirmes et à ceux qui

s'y intéressent.

Ce livre s'adresse à tous les médecins, à tous les éducateurs, pro-

fesseurs et instituteurs, à tous ceux, en un mot, qu'intéressent et

BIBLIOGRAPHIE. 75

que doivent intéresser les questions d'assistance et d'enseignement.

Tous les médecins, en particulier, devraient être familiarisés

avec l'ensemble des connaissances indispensables pour comprendre

ce que sont en réalité ces diverses infirmités et apprécier les mé-

thodes qui leur sont appliquées.

C'est au médecin qu'incombera le plus souvent le devoir et la

responsabilité d'indiquer la conduite à tenir en face d'un enfant

anormal ; c'est à lui qu'on demandera quelles sont les institutions

où se pratique l'éducation spéciale nécessaire à chacun des états

anormaux, quelles sont les formalités nécessaires pour l'admission

des enfants dans ces institutions, etc., et l'intervention éclairée du

médecin deviendra capitale pour l'avenir intellectuel de l'enfant

si, au lieu de perdre un temps précieux dans l'expectative d'une

guérison hypothétique au moment de la formation de l'enfant, il

institue lui-même dans la famille, ou fait commencer de bonne

heure dans une institution spéciale l'éducation ou le traitement

médico-pédagogique, sans laisser la maladie s'aggraver et devenir

plus difficilement guérissable.

C'est, en effet, une notion bien mise en relief par MM. Hamon

'du Fougeray et Couëtoux que, pour tous les anormaux, aveugles,

sourds-muets, idiots ou arriérés, il faut intervenir le plus tôt pos-

sible, afin d'empêcher que l'enfant, plus ou moins délaissé, ne

contracte de mauvaises habitudes contre lesquelles il faudra lutter,

en outre de la maladie ou de l'infirmité primitive.

Les auteurs ont étudié chaque infirmité en particulier en l'exa-

minant sous ses différents points de vue. C'est ainsi que chaque in-

firmité, dans un exposé clair et précis, a été étudiée tout d'abord

au point de vue physiologique, en en monti ant les conséquences

physiques, morales et intellectuelles.

Ensuite, après un résumé historique, ont été décrites les méthodes

proposées : pour les sourds-muets, méthode mimique et méthode

orale, qui est la méthode de choix; pour les aveugles, méthode

Braille; pour les idiots, traitement médico-pédagogique, employé

à Bicêtre ; enfin pour les bègues, méthode du Dr Chervin.

Puis, ont trouvé leur place divers chapitres sur la statistique, les

institutions où se pratique actuellement l'éducation spéciale, avec

les renseignements utiles pour l'admission des enfants. Enfin a

été présenté l'aperçu de la législation appliquée en France à ces

divers infirmes.

En résumé, nous ne saurions faire un meilleur éloge de cet ou-

vrage qu'en citant les paroles, flatteuses dans une bouche aussi

autorisée, qui terminent la préface documentée de M. Bourneville :

« Par l'exposé de la situation des enfants anormaux, ce qu'elle est

et ce qu'elle doit être, 11f11. les D9 Hamon du Fougeray et Couëtoux

ont fait plus qu'un utile et bon livre : ils ont accompli une bonne

action. » E. BLm.

76 . VARIA.

IL Contribution à l'étude de l'insomnie chez les aliénés, son trai-

tement par les disulfones; par M. le Dr A. Bohn, interne à l'asile

de Maréville. (Thèse de doctorat, Nancy).

M. Bohn passe en revue les diverses théories relatives au som-

meil ; il indique les principales conditions que doivent remplir les

hypnotiques destinés aux aliénés et résume les avantages et les

inconvénients de ceux qui jusqu'à ce jour ont été employés de

préférence dans les asiles : chloral seul ou associé aux bromures,

à la morphine, opium etses dérivés, sulfonal, chloralose, etc., etc.

Puis il s'attache plus spécialement à l'étude clinique du trional et

du tétronal, à leurs effets dans les diverses formes que peut revêtir

l'aliénation mentale.

D'après ses conclusions, basées sur trente observations, le trional

et le tétronal sont des hypnotiques puissants, dont l'action, facile à

obtenir dans la plupart des maladies mentales, est assez variable

dans la manie hystérique, la manie puerpérale, la dégénérescence

mentale, et devient à peu près nulle dans la folie alcoolique. Ils

Combattent souvent à la fois l'insomnie et l'excitation diurne.

1 « Le trional et le tétronal ont sensiblement une action ideu-

tique. Les effets secondaires fâcheux qui surviennent parfois après

l'administration de ces médicaments, sont très passagers et peu

dangereux. Le trional et le tétronal ont une action hypnotique

beaucoup plus rapide que le sulfonal dont ils dérivent. » .

Ces deux médicaments ont été prescrits habituellement à des

doses variant de 1 à 3 grammes, en potion. A. Paris.

VARIA.

CONCOURS POUR LES places DE médecins adjoints dans LES asiles

publics d'aliénés.

Région de Paris. Jury : le professeür Joffroy, f3eltrudc,

Dericq, Doutrebente; Pelrucci. 5 places, 7 candidats.

Région de Lille. Jury : MM. Keraval, Adam, Boiteux, Pilleyre,

Castiaux, professeur. 5 candidats, 5 places.

Région de Nancy. Jury : le professeur Simon, VerneL,

Gallopain, Guyot; Paris. 4 candidats.

Région de Lyon. Jury : mu. le professeur Pierret, Lallemand,

Lapoiole, Dumas; Brun. 3 candidats.

VARIA. 77 -1

Région de Montpellier. -Jury : M\i, le professeur Mairet, Maunier,

Rey, Bonbila; Guillemin.

Région de Bordeaux. Jury : MM. Régis, Caillau, Girma, Dour-

sout ; Pons. 3 candidats.

Région de Toulouse. Jury : MM. le professeur André, Nicouland,

Ramadier, llialfilâtre. 3 places, 4 candidats.

Les présidents délégués sont : pour Paris et Lyon : M. l'inspec-

teur A. Regnard; pour Lille et Nancy, M. l'inspecteur Napias;

pour Bordeaux, Toulouse et Montpellier, M. l'inspecteur Drom-

neau. Les concours s'ouvriront à Lyon, Lille et Montpellier le

5 mai; à Toulouse le 7; à Paris, Nancy et Bordeaux le 11.

Le concours pour le poste de médecin adjoint des asiles (région

du Nord) s'est terminé par la nomination des quatre candidats

suivants : MM. Deswarte, ! lIUS1N, Briche, SfKGER. Le sujet de

l'épreuve écrite était le suivant : Cordon postérieur de la moelle.-

Les questions restées dans l'urne étaient : Circonvolutions céré-

brales, nerf pneumogastrique. L'épreuve orale a eu pour sujet :

Erysipèle, symptômes et traitement. Les autres questions proposées

étaient : Rougeole, symptômes et diagnostic; Péricardite, symp-

tômes et traitement. Les épreuves cliniques ont eu lieu à l'asile

d'Armentières.

' Le concours de la région de Lyon, qui a été exceptionnellement

brillant (les deux premiers candidats ayant obtenu 85 et 84 points

sur 90), vient de se terminer. Ont été admis, par ordre de mérite :

MM. Toy, Roux, DoDERO. La question écrite : Cordon postérieur de

la moelle. Question orale : Signes et diagnostic du mal de Bright.

Les candidats admis sont pour la région de Montpellier : .'

MM. CAVALIÉ (1er) et Cossa (2°). Epreuve écrite : Nerf optique;

épreuve orale : Localisation cardiaques du rhumatisme ; fracture de

côtes; pour la région de Toulouse : 1\IM. Papillon (1er), 1\hIGNAL (2°)

et BAUDRON (3e), Epreuve écrite : Méninges cérébrales; épreuve orale :

Complications de la fièvre typhoïde, luxations de l'épaule; pour la

région de Bordeaux : MM. HOUEIX de la Brousse et MAHON (ea; çuo),

TERRA DE (3e). Epreuve écrite : Quatrième ventricule; épreuve orale :

Artériosclérose ; othématome au point de vue chirurgical; pour la

région de Nancy (médecins-adjoints) : MM. LEVET (le'), SANTE-

noise (2e) et Lalanne (3°). Epreuve écrite : Faisceau pyramidal ;

.épreuve orale : Formes cliniques de l'urémie. Pour la région

de Paris : 11114. Lcaov (1 cr), BARUTH (2e), Cour.oN (3e), THIBAUD (4°),

DARIN (5°). Epreuve écrite : Nerf moteur oculaire externe; épreuve

orale : Varioloïde; épreuve sur titres; les candidats sauf un n'ont

présenté que leur thèse.

Les renseignements qui précèdent montrent d'une façon

évidente que le dernier concours régional a été supérieur aux

précédents. A mesure que l'expérience se continuera, les

78 H varia.

résultats seront assurément meilleurs à la condition toutefois

que dans les promotions qui ont lieu l'administration supérieure

se montre absolument équitable, place au premier rang les

services rendus ; à la condition aussi que les places les plus

avantageuses, qui devraient être justement données aux méde-

cins expérimentés, ne soient [plus données à d'anciens admi-

nistrateurs, des fonctionnaires qui n'ont aucune connaissance

médicale et ignorent complètement ce qu'est un asile d'aliénés,

en quoi consiste son fonctionnement.

L'augmentation du nombre des candidats, qui s'accentuera

quand l'administration le voudra en donnant des garanties

sérieuses, la qualité des épreuves qui, nous assure-t-on, ont été

supérieures à celles des concours précédents, bonnes en géné-

ral, quelquefois très bonnes, sont autant de circonstances qui

nous paraissent favorables au concours régional. Dans toutes

les régions l'un des professeurs de la Faculté de médecine

faisait partie du jury. C'est aux Facultés provinciales, qui ont

intérêt à la décentralisation, à défendre l'organisation actuelle,

à engager quelques-uns de leurs élèves à travailler d'avance

en vue des futurs concours, comme d'autres travaillent pour

les concours des hôpitaux.

C'est avec M. Léon Bourgeois, alors sous-secrétaire d'Etat, et

avec M. Monod que nous avons contribué à l'organisation du

concours régional. Les résultats acquis les encourageront cer-

tainement à maintenir ce mode de concours et leur fourni-

ront des arguments sérieux pour le défendre si cela était

nécessaire. B.

Enfants arriérés améliorés : SECOURS A DOMICILE

L'enfant Ferra..., âgé de dix-huit ans, atteint d'imbécillité

amélioré notablement, bon apprenti brossier, pourrait être

renvoyé, il sait le métier de brossier d'une façon convenable.

Toutefois, comme sortant de Bicêtre, on ne lui donnera qu'un

salaire insuffisant probablement pour faire face à ses besoins.

Son père, hystérique, refuse de lui venir en aide et sa mère

est à Ville-Evrard comme aliénée, d'où la nécessité d'avoir un

crédit qui permettrait de donner un secours quotidien de 0,50,

0,60, 0,75 ou 1 franc, aux malades de cette catégorie et comme

le prix de journée à Bicêtre est de 2 fr. 25, il en résulterait

une économie sérieuse ou l'on pourrait faire face à d'autres

besoins, soulager d'autres misères. Bien des fois, nous avons

BULLETIN bibliographique. 79

signalé cette modeste réforme à la Commission de surveillance

des asiles, aux membres de la Commission du Conseil général

et nous leur avons même présenté au cours de [leurs visites

annuelles des exemples d'adolescents qui pourraient être ren-

voyés mais à la condition d'avoir un secours. Les faits de ce

genre montrent une fois de plus la nécessité d'un crédit spécial

et d'une Société de patronage.

FAITS DIVERS.

Journalistique. Nous avons reçu les cinq premiers numéros

de Archivio delle psicopatie sexuali, revue hi-mensuelle de psycho-

logie, psychopathologie humaine et comparée, de médecine

légale, etc., dirigée par le Dr P. Penta et rédigée par R. P. Capano

et P. Nucio. Rome, Naples.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Auvrsnv (M.). Les tumeurs cérébrales. Volume in-8°, de 467 pages,

avec 29 figures dans le texte. Prix : 8 francs. Paris, 1896. Librairie

J.-B. Baillière et fils.

Ciiipault (A.), BItAQUEIIAIE (J.), DEMOULIN (A.Î, DALEIM (E.). Travaux

de neurologie chÏi'll1',r¡icale (1895). Volume in-8°, de vm-352 pages.

Prix : 5 francs. - Librairie L. Battaille et C ?

Darin (IL). Rapports de l'alcoolisme et de la folie. Prophylaxie

et traitement des alcooliques. Volume In-8°, de ( ? 1 pages. Prix :

3 francs. Paris, 1896. Librairie J.-B. Baillière et fils.

Mirallié (Ch.). - De l'Aphasie sensorielle. - Volume in-81, de 220 pa-

ges, avec nombreuses figures dans le texte. Paris, 1896. Librairie

G. Steinheil.

Morel (J.). L'enseignement professionnel des gardiens des asiles

d'aliénés devant la Société de médecine mentale de Belgique. Bro-

chure in-8°, de 16 pages. Gand, 1896. Imprimerie Eug. Vander

Haeghen.

Motet (A.). Duchenne (de Boulogne) et son oeUV1'e. Brochure

in-8°, de 31 pages. Pans, 1896. Librairie Masson et C".

Nonne und BERCLIN, Ueber Contraclur-und Lâzmungs-Zuslïxânde

der exlei-iore)z und interionezz Augen-J11uskeln bel Hystérie. - Brochure

in-8°, de 36 pages. Leipzig, 1896. Verlan von A. Langkammer.

PIFRACCINI (A.). Grado eslrenzo di dolicocefalia. Brochure in-8°,

de 4 pages. Macerata, 1896. Archivio di Psichialria.

Roubinovitcii (J.). Des variétés cliniques de la folie en France et en

Allemagne, avec une préface par M. le professeur JOFFROY. Volume

80 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

'in-81, de 276 pages. Prix : 5 francs. Paris, 1896. Librairie Octave

Doin, 8, place de l'Odéon.

Santé DE Sanctis. F. Sogni e il sonno. Volume in-8° carré de

217 pages. Roma, 1896. Societa éditrice Dante Alighieri.

SETH SCOTT Bisnop. The dilalor in discases of the air Passages and

the Ear. - Brochure in-8° de 4 pages, avec 2 figures. Chicago, 1895.

Journal of Préventive Review.

Suuro.eworsru. Menlally- Déficient children. Volume in-8°, relié

de xiv-1 îO pages, avec 5 figures. tendon, 1895. H.-K. Lewis.

-. ·l'nr american YEArt-13001 OF medicine A\D SURGCRY being a ye(t-1,y cligesl

, ? nf scicnlific progress and aullronilalive opinion in ail branches of Me-

'rlicina and surgery. dl'awn (1'0111 ,joal'1wls, alitl texte boolrs,

,, Volume in-S° de 1,183' pages, avec 33 planches et nombreuses figures.-

.1'hrladelpltia, 1896. - W. B. Saunders.

Veriioogen (P..). Sur les troubles digestifs el hystériques. Volume

in-8° de'184 pages. Bruxelles, 1896. Imprimerie llayoz et Cie.

AVIS A NOS ABONNÉS. - L'échéance du 1er JUILLET

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cessera

et celte' date, de nous envoyer le plus tôt possible le mon-

tant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu, de la somme versée.

Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, à partir du

20 juillet. Nous les engageons donc à nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés dejoind1'e à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations, la bande de leur journal.

Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collectif

des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 30 francs pour la France et l'Étranger.

. Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.

Evrcu)" Cil. IlF'uI5sPY, unp. - 706.

Vol. II. Août 1896. N° 8.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

ANATOMIE. z

' - 1

SUR LE GROUPEMENT DES FIBRES ENDOGÈIIti4

DE LA MOELLE DANS LES CORDONS POSTERIEURS;

Par )1. le D' lll.wu f)UOUI;,

Ancien iritei ne des hôpitaux. ,

TRAVAIL DE L\ \ CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈ\lE NERVEUX.

Laboratoire de )1. le professeur Raymond, il la Salpêtrière.

I.

L'existence des fibres endogènes dans les cordons pos-

térieurs de la moelle est une notion qui n'est plus absolument

de date récente, puisque déjà en 1866 M. le professeur Bou-

cliard' parlait après Todd, Gratiolet et autres, de fibres com-

missurales entrant dans la constitution de ces mêmes cordons.

Mais c'est seulement dans ces dernières années qu'une étude

plus approfondie en a été faite par les histologistes soit dans

de récentes publications 2, soit dans des communications à la

Société de biologie ".

On admet actuellement, surtout depuis les recherches de von

Lenhossek sur les cellules particulières de la substance grise

' Bouchard. Archives générales de médecine, 1866.

2 Gombault et Philippe. - 1 l'ch ives de médecine expérimentale, 1894.

3 Déjerine et Soitas. llullelin de la Société de Biologie, 15 juin 1895.

Déjerine et Spiller. Idem, 27 juillet.

Voii Lenhossek. JDer feinere l3art des Xervensyslems.

Archives, te série, t. IL 6

82 ANATOMIE.

de la moelle, dénommées cellules des cordons, que ces fibres

sont les prolongements de neurones dont l'élément noble ne

serait autre que ces mêmes cellules des cordons. Mais si l'on

se reporte aux descriptions des auteurs, 'quant à la situation

topographique de ces faisceaux, on s'aperçoit rapidement que

l'accord- est loin d'être fait. De plus, s'il est établi que ces

fibres représentent des voies commissurales, reliant entre eux

des étages superposés de la moelle, il semble que jusqu'ici on

n'ait attribué à'ces faisceaux qu'un trajet assez court, d'où le

nom de fibres commissurales courtes qui leur a été donné.

Plus loin on verra que nous attirons l'attention non seule-

ment sur la topographie de ces faisceaux, mais aussi sur la

longueur du trajet de quelques-uns d'entre eux.

Tout récemment une interprétation en partie semblable à la

nôtre a été esquissée avec grandes réserves par un auteur alle-

mand, Hoche ', qui n'ose encore se prononcer sur le point

de savoir s'il s'agit dans ses deux cas de fibres endogènes des-

cendantes, les seules que nous ayons en vue dans cette étude,

ou de filets radiculaires descendants à long trajet.

Nous avons eu l'occasion d'étudier dans le laboratoire de

notre maître, M. le professeur Raymond, les altérations histo-

logiques que présentait la moelle d'une malade morte avec

une .compression des nerfs de la queue de cheval. Mettant t h

profit cette observation et la rapprochant d'autres publiées

antérieurement, nous avons essayé de contrôler et de concilier

l'opinion de nos prédécesseurs. Sans y être absolument par-

venu nous avons été amené à la suite de cette étude sur le

trajet des faisceaux endogènes dans les cordons postérieurs à

fournir une interprétation, pas absolument neuve sur tous les

points, mais qui nous a paru cadrer le mieux avec un certain

nombre de faits.

Dès maintenant nous tenons à déclarer que nous n'essayons

pas d'expliquer tous les faits disparates signalés antérieure-

ment et qu'on pourrait nous opposer. Il en est en désaccord

avec la manière de voir que nous avons déjà fait pressentir

dans une communication à la Société de biologie 2. De ceux-là

est par exemple le cas Darkschewitch '' où à la suite de com-

1 docile. - Neiirologisches Cenlralblall, 15 février 180G.

- Dufour. Bulletin de la Société de Biologie, 2 mai 189G.

3 I)a ? scUeNitcL. i\'eunolo ! /isches Cenlrulbloll, 1" janvier 1896.

DES FIBRES ENDOGÈNES DE LA MOELLE. 83 ,

pression des racines postérieures lombo-sacrées par un carci-

nome, les cordons postérieurs sont représentés dégénérés dans

toute leur étendue, sans même qu'il soit fait mention d'une

zone intacte correspondant au centre ovale de Flechsig. Mais

à côté de ces exceptions, nous avons trouvé tout un groupe

d'observations qui se complètent l'une l'autre et qui nous ont

paru légitimer notre interprétation.

Dans une question beaucoup plus simple et qui ne peut être

séparée de celle que nous éludions, la même difficulté se pré-

sente, nous faisons allusion ici à l'existence ou à la non-exis-

tence tout au moins chez l'adulte de filets radiculaires descen-

dants dans les cordons postérieurs. Existent-ils réellement ? et

si leur présence est constante pourquoi ne les retrouve-t-on

pas dégénérés dans tous les cas où les racines postérieures

sont lésées ? Tel est le point sur lequel les auteurs sont encore

en divergence d'opinions. Il est de toute nécessité ici pour

l'étude même que nous avons entreprise de donner un résumé

de cette question.

II.

Kôlliker1, Ramon y Cajal 2, van Gehuchten 3 décrivent aux

racines postérieures deux branches, une ascendante, l'autre

descendante à court trajet. A côté de cette donnée fournie

par l'embryologie, l'anatomie et l'histologie si l'on met en

regard l'expérimentation, le désaccord commence. Tooth 4 chez

les singes, Singer chez les chiens ne constatent pas la pré-

sence de dégénération descendante dans la moelle à la suite

de sections des racines postérieures. Au contraire, Odi et

Rossi s, Bordez ? Marinesco 8 opérant de la môme façon des

chiens, des cobayes ou des chats, la mentionnent.

Veut-on s'en rapporter aux examens anatomo-patholo-

' Küllilcer. Zeilsclznifl sur 11-iasr.nsclrafl Zool., LI, 1890.

2 Hamon y Cajal. - Allatamische" .rI1lei[jel', V, 1891. l.

3 Gehuchten (van). Le système nerveux de l'homme.

* Tooth. Lectures of seciindary clegeneraliou of spinal Card, London,

1889. '

5 Singer. Silzungsb. den 1\ïen. Akad., 1881.

' Odi et Bossu. Archiv. ilal. de Biologie, 1890.

' Berdez. Revue médicale de lu Suisse Romande, mai 1892.

" Marinesco. Comptes rendus de la Société de Biologie, juin 1894

84 ANATOMIE.

giques, même difficulté pour savoir si chez l'homme adulte

ces fibres radiculaires descendantes existent réellement.

Sottas', NaoeotLC2 parlent de ces filets descendants alors

que Souques 3, Gombault et Philippe1, Margul1es ne les

retrouvent pas °. -

Voilà donc un fait, simple en apparence, qui toujours,

semble-t-il, devrait se résoudre par l'affirmative ou la néga-

tive et qui donne lieu à des constatations absolument oppo-

sées. Quoi d'étonnant que dans une étude plus complexe.

lorsqu'il s'agit de fibres endogènes, de faisceaux dont la topo-

graphie, la longueur, l'existence même sont encore en litige,

on. retrouve les mêmes hésitations et de véritables contradic-

tions. L'observation que nous allons rapporter, rapprochée de

faits antérieurs, nous a donné une conviction et a inspiré nos

conclusions. Ce sont celles-là que nous essaierons de développer.

Il s'est agi dans notre cas d'un enduthéliome ayant comprimé

les racines rachidiennes inférieures de la moelle depuis la

troisième lombaire inclusivement. La compression opérée len-

tement a duré environ cinq ans laissant intacte la moelle, le

cône terminal jusqu'à sa partie inférieure. La tumeur présen-

tait un volume considérable et remplissait le canal lombo-

sacré mesurant 0 ? L7 de longueur, sur 0 ? 04 de largeur dans

son milieu.

La description clinique de la maladie, son évolution', la

nature histologique 8 de la tumeur ont été décrites par nous

ailleurs ; nous ne ferons que rapporter ici l'examen des élé-

ments nerveux.

III.

Examen histologique. Les racines postérieures ont été

coupées isolément, colorées à l'acide osmique, à l'éosine et au

1 Sottas. Revue de médecine, 1893.

* Kageotte. Revue neurologique, 1895.

' Souques. Bulletin de la Société de Biologie, mai 1895.

` Gombault et Philippe. Loc. cit.

5 Margulies. - Neurulogisches CeetmvlhZull, 15 avril 1896.

" M"" Déjerine et Thomas (Soc. de Biologie, 27 juin 1895) ont pu cons-

tater chez un adulte l'existence d'nne branche descendante des racines

postérieures.

7 Dufour. - Thèse Paris, 1896.

8 Dufour. Bulletin de la Société .lnaloll11qllr, février 1896. z

DES FIBRES endogènes DE la moelle. 85

picro-carmin; elles présentent une diminution des tubes de

myéline d'autant plus étendue qu'on a affaire à des racines

plus inférieures. Les lésions radiculaires sont plus accentuées

du côté gauche que du côté droit. Elles s'atténuent en remon-

tant, laissant intactes les deux premières lombaires. Les

racines sacrées présentent des altérations presque absolument

destructives. Dans les racines lombaires, on trouve encore un

grand nombre de filets nerveux conservés. Les coupes de la

moelle ont été colorées par les méthodes habituelles, picro-

carmin, Azoulay, Marchi, Pal. Toutes ces colorations nous

ont donné des renseignements comparatifs.

Cône terminal (fig. 6 schématique). Dans la figure 6 représen-

tant une coupe' tout à fait inférieure,

nous n'avons représenté en pointillé

dans les cordons postérieurs que les

parties qui sont restées saines, toutes

les autres régions de ces mêmes cor-

dons sont atteintes par ]a dégénéres-

cence. Les cordons antéro-Iatéraux sont

normaux. On voit sur cette coupe que

les parties restées indemnes occupent

le voisinage immédiat du septum pos-

térieur et cela dans ses deux moitiés antérieure et postérieure.

La zone postérieure n'est autre que le triangle médian et posté-

rieur figuré déjà par Sehullze1 dans un cas de fracture et de luxa-

tion du corps de la troisième vertèbre lombaire ayant amené une

compression des nerfs de la queue de cheval, figuré également

conserve par Eisenlohr 2,dans une méningite chronique de la queue

de cheval, et décrit au contraire comme ayant subi la dégénérescence

secondaire descendante dans des cas de compression de la moelle

siégeant assez haut l3arbacci Iloclie 4. ?

C'est sur ce triangle médian que MM. Gombault et Philippe 5 ont

particulièrement attiré l'attention dans un récent mémoire très

remarquable, ainsi que sur l'interprétation à lui donner au sujet

de l'ollgille de ses fibres, interprétation qui, on le verra ne con-

corde pas entièrement avec la nôtre.

Sur la même coupe on aperçoit également à la partie anté-

' Schultze. Arcli. sur Psychiatrie, 1883.

' Eisenlohr. Xeurologisches CeielnulLlall, 1884.

3 Barbacci. Lo Sperimenlale, 1891.

4 Hoche. l,oc. cil.

' Gombault et Philippe. Loc. cil.

Fig. 6.

86 ANATOMIE.

rieure une région médiane et garnie de tubes il myéline ; cette

zone décrite habituellement par les auteurs comme cornu-commis-

surale, mérite par son siège au voisinage du septum plus que des

cornes postérieures et pour la différencier de sa disposition à un

réseau plus élevé de porter ici le nom de zone ou de faisceau sulco-

commi=sural postérieur ou encore seplo-commissural.

Coupe au niveau de la cinquième paire sacrée \fig. 7 '). La

bande intacte de tubes à myéline s'étend ainsi qu'on peut le voir,

de chaque côté du septum sur une assez faible largeur, depuis la

périphérie de la moelle en arrière jusqu'à la commissure postérieure

en avant où elle finit en pointe.

On voit de plus sur cette figure non schématique que la dé1Óéné,

rescence envahit tout le reste des cordons postérieurs.

Coupes entre la cinquième paire sacrée et la deuxième sacrée.

Sur les différentes coupes comprises entre ces deux hauteurs, les

deux zones saines médianes existent toujours, l'une antérieure, l'autre

postérieure. La postérieure répond au centre ovale de Flechsig,

mais se continue vers la périphérie qu'elle atteint, ce qui n'est pas

encore la disposition classique de ce centre, ainsi qu'il est repré-

senté àégtsi à un niveau plus élevé (fia. 8).

Coupe au niveau de la première paire sacrée (fig. 9). La zone

antérieure répond à la description habituelle du champ cornu-

commissural. Elle répond bien ici à la corne postérieure et à la

commissnre.

Au moment où la zone postérieure atteint l'angle postéro-iulerne

du cordon postérieur, elle le contourne et borde sa branche pos-

térieure sur un trajet assez court. Nous retrouverons plus haut

cette disposition angulaire.

1 Nous remercions notre ami Vincent, qui a bien voulu se charger de

l'exécution de nos dessins.

Fin. 7.

DES FIBRES ENDOGÈNES DE LA MOELLE. 87 1

Coupes entre les premières racines sacrées et la troisième paire lom-

baire. La disposition est la même que précédemment, mais en

plus des régions sus-indiquées les zones radiculaires se peuplent

rapidement en remontant des filets radiculaires nouveaux amenant

des tubes sains, qui viennent remplir les portions externes et

moyennes des cordons postérieurs.

Coupe au niveau de la troisième racine lombaire (fin. 10). - A

partir de la quatrième lombaire et au niveau de la troisième lom-

])aire (fig. 10), le centre ovale de Flechsig apparait occupant son

siège habituel sans prolongement postérieur ni angulaire. La zone

Fig. 8.

Fig. L'

Fiv. 10.

OS ANATOMIE.

antérieure dite cornu-commissurale exisle toujours mais déjà con-

fondue avec les fibres radiculaires qui ont fait leur apparition. Il

est donc difficile sur ce seul cas de le différencier du groupe de ces

fibres radiculaires.

Mais si l'on se reporte à d'autres observations on peut admettre

que celle zone a subi un déplacement vers les parties latérales

franchement adjacentes à la commissure et à la base des cornes

postérieures et laissant entre elles et le septum un espace dégé-

néré occupé actuellement par les fibres altérées des racines sacrées.

Coupe au niveau de la deuxième lombaire et au-dessus (/'vg. 11).

Sur ces coupes les fibres de notre groupe postérieur qui for-

maient le centre ovale de Flechsig, se sont de nouveau rapprochées

de la périphérie et pour la deuxième fois, forment le faisceau angu-

laire dont nous avons parlé plus haut.

Ici cependant la branche postérieure et transversale s'allonge,

alors que la branche interne et perpendiculaire à celle-ci diminue.

Le même aspect se représente sur des coupes de la première lom-

o baire et d/uxième dorsale.

Même disposition que sur la coupe précédente pour la zone

cornu-commissurale.

En remontant dans la moelle les filets radiculaires prennent

une telle extension, qu'il devient impossible de distinguer ce qui

appartient au trajet inlra-médullaire des racines postérieures de ce

qui releve des faisceaux endogènes. Toutes ces fibres sont en con-

tact immédiat et on ne peut pour l'étude que nous poursuivons,

retirer aucune preuve de l'examen de nos coupes. Nous arrêterons

donc ici la descriplionïtistolo¡;ique de notre cas.

Nous nous contenterons de signaler que sur les'coupes supé-

rieures la zone dégénérée occupe exactement dans le cordon

Fifl. 11.

DES FIBRES ENDOGÈNES DE LA MOELLE. 89

de Goll la place qui a été constatée maintes fois à la suite des

lésions des racines lpmbo-sacrées ou de leur 'section expéri-

mentale.

IV.

Avant de donner les raisons qui nous ont déterminé dans

l'interprétation de notre cas et de développer nos conclusions,

il est indispensable de rapprocher ce fait d'autres antérieurs

qui ne sont qu'une confirmation du nôtre ou une contre-

épreuve. Si l'on veut bien se reporter à la lecture de l'obser-

vation de MM. Souques et Marinesco ', on sera frappé ainsi

que nous l'avons été nous-mème de l'identité des examens

histologiques.il s'agissait dans le fait rapporté par ces auteurs

d'une malade morte à la suite de la compression des nerfs

de la queue de cheval. Or notre description est à peu près

calquée sur la leur et nous nous contenterons de citer le pas-

sage qui a trait à une coupe de la région lombaire moyenne,

et à celle faite au niveau de la deuxième paire dorsale. i

Région lombaire mo/enc.< Lesdcuxzones cornu-commissurales

qui, dans la région précédente, se touchaient sur la ligne médiane

sont ici très écartées, l'une de l'autre, de sorte qu'elles sont sépa-

rées par une surface dégénérée. Quant aux deux bandelettes

médianes (centre ovale) on voit ici qu'elles ont reculé vers la péri-

phérie de la moelle. Elles siègent à peu près à l'union du quart

postérieur avec les trois quarts antérieurs du septum médian. »

C'est, on le voit, exactement la description qui peut s'adapter

au point de passage représenté entre nos figures 10 et 11 et

que nous avons constatée sur nos préparations.

Au niveau de la douzième racine dorsale, apparaît encore

la même concordance avec l'aspect que nous avons constaté

nous-mêmes et qu'on peut voir dans la figure 11.

« Nos bandelettes médianes (centre ovale) touchent la périphé-

rie de la moelle toujours séparées l'une de l'autre par le septum

médian. Elles sont un peu plus minces que dans la région précé-

dente. Sur l'extrémité postérieure de chacune d'elles vient s'im-

planter perpendiculairement une nouvelle bandelette saine bor-

dant le segment postérieur de la circonférence de la moelle. De

telle sorte que l'image déterminée par cette rencontre peut être

1 Souques et Marinesco. Presse médicale, 1895.

90 ANATOMIE.

représentée par deux angles droits adjacents et regardant en séns

inverse (l'un à droite, l'autre à gauche). »

Il est inutile d'insister plus longuement sur la parfaite simi-

litude des deux observations, mais ce qui à notre avis n'est

pas le moins important, c'est que les auteurs précédents n'ont

pas cherché à donner d'interprétation de la disposition observée

par eux; cette constatation sans commentaires a pour nous

d'autant plus de valeur,

A côté de cette preuve directe, les deux cas récemment

publiés par Hoche' fournissent en quelque sorte une contre-

épreuve.

Dans deux cas de compression de la moelle assez haut placée

quatrième et sixième cervicale dans l'un, au-dessous de la

huitième cervicale dans l'autre, l'auteur représente sur 'ses

figures une dégénérescence descendante dans les cordons pos-

térieurs.

Cette dégénérescence est topographiquement absolument

superposable aux zones restées intactes dans le fait de

MM. Souques et Marinesco et dans le nôtre où avait eu lieu

une dégénérescence radiculaire ascendante ayant épargné les

régions que nous étudions. A partir de la 110 paire dorsale et

seulement pour ce qui a trait à notre zone postérieure les

figures de Hoche mériteraient d'être placées en regard des

nôtres. Plus loin nous dirons comment nous comprenons les

schémas de l'auteur allemand et nous expliquerons comment

nous les entendons à la région dorsale supérieure et dans les

régions inférieures où il y a absence de dégénération dans la

zone cornu-commissurale. Pour le moment qu'il nous suffise

de constater l'existence de fibres à dégénération descendante

ou à long trajet dans les cordons postérieurs.

V.

Dans ces observations nous étudierons séparément deux

régions non dégénérées à la suite de compressions radicu-

laires, toutes deux médianes, l'une antérieure, l'autre pos-

térieure.

Mais auparavant et puisque nous allons parler de fibres endo-

gènes et de faisceaux commissuraux des cordons postérieurs, il

1 Hoche. - Loc. cil.

DES FIBRES ENDOGÈNES DE LA MOELLE. ui l

est de toute nécessité d'établir par des documents ou des opi-

nions antérieures que ces faisceaux ne peuvent être ni des

filets radiculaires descendants, ni des filets radiculaires émanés

de ces derniers rameaux coccygiens dont Rauberl a dit qu'ils

ne pouvaient être vus au moins pour le second que microsco-

piquement.

1° Les faisceaux endogènes des cordons postérieure ne doi-

vent pas être confondus avec les filets radiculaires descendants.

Nous nous permettons de renvoyer pour la défense de cette

opinion au très habile plaidoyer de MM. Gombault et Philippe 2

que nous ne pourrions qu'affaiblir.

Nous nous contenterons seulement de rappeler que si

Schultze 1 avait pensé pouvoir attribuer à la lésion des racines

une dégénération descendante en virgule, M. Tooth a bien

montré que celle-ci ne se produisait chez les singes qu'après

une section transversale de la moelle et non après la section

isolée des racines.

Un autre expérimentateur, Bordez qu'on a coutume à tort

d'opposer à Tooth, s'exprime ainsi : « La partie interne du

cordon postérieur n'est pas uniquement formée par des fibres

radiculaires. Après section de quatre paires rachidiennes en

commençant par la 3e sacrée, la partie interne du cordon pos-

térieur n'est pas uniquement formée par des fibres radiculaires

La zone limitant le sillon médian postérieur est restée libre de

dégénérescence jusqu'à la partie supérieure du cône médul-

laire. »

Pour lui l'origine de ces fibres se trouverait dans la subs-

tance grise. Hâtons-nous de dire que cet auteur admet con-

curremment l'existence de filets radiculaires descendants, mais

ceux-ci se trouvent dans la région moyenne dos cordons posté-

rieurs. De plus, de l'avis de tous les auteurs les fibres radicu-

laires descendantes sont toujours des branches à trajet très

court.

Nous citerons également l'avis de MM. Déjerine et Sottes '*

à propos d'un cas de destruction des racines inférieures depuis

1 JIW1J/wlo ! )i,\c1/Cs Jahrbucli, 1893.

' Gombault et Philippe. Loc. cil.

3 Schulize. Loc. cil.

. Bel ! lez, Loc. cil.

- Déjerine et Sottas. Société de Biologie, 15 juin 1895.

92 ANATOMIE.

la quatrième lombaire inclusivement : « Dans toute la portion

de la moelle située au-dessous de la troisième racine lombaire

le cordon postérieur était complètement dégénéré sauf dans

une zone assez large, bordant la commissure grise et se pro-

longeant en pointe le long du col de la corne postérieure. Il

existait de plus une petite bande saine le long du septum mé-

dian. Il est très important de signaler que l'étendue de ces

zones saines augmentait à mesure que l'on se rapprochait de

la terminaison de la moelle, car cette circonstance prouve que

les fibres saines n'étaient pas des rameaux descendants venus

des fibres radiculaires^ saines sus-jacentes, mais bien des fibres

d'origine médullaire. » Voilà un premier point suffisamment

établi; si les filets radiculaires descendants existent, ils ne

sauraient être conl'ondus avec les faisceaux endogènes anté-

rieur ou postérieur. Ils n'en ont surtout à la région infé-

rieure ni la topographie, ni la longueur au moins pour le

postérieur. '

2° Les faisceaux dits endogènes dans les cordons postérieurs

ne représentent pas le trajet intra-médullaire des derniers filets

coccygiens. Que les filets coccygiens existent et suivent en

remontant dans la moelle un trajet très voisins de celui- des

racines sacrées, nul doute à cet égard. Mais dans les cas de

compression de la moelle et non plus de racines, dans ces cas

où la compression siégeait assez haut pour qu'il ne puisse plus

être question de dégénérescence traumatique, il est impossible

d'admettre que les régions dégénérées dans le sens descendant

ne le fussent pas à la suite de la lésion destructive de la moelle

et dans ce cas il ne peut être question de filets coccygiens.

Quon se reporte aux observations déjà signalées de Barbacci, de

Hoche où consécutivement à une lésion destructive de la

moelle, variant comme hauteur entre la sixième dorsale et la

huitième cervicale' et l'on ne pourra comprendre les dégénéra-

tions descendantes de tous ces cas que par la présence dans les

cordons postérieurs de fibres descendantes à long trajet.

Dans les descriptions données par ces auteurs, ces fibres se

prolongeaient manifestementjusqu'à la partie terminale de la

moelle et dans le cône terminal en se groupant en descendant

vers le sillon interne et postérieur et tout à fait en bas le long

de la partie la plus postérieure du sillon médian.

La longue distance à laquelle se produit la dégénérescence

doit de même faire écarter toute explication par la dégénères

DES FIBRES ENDOGÈNES DE LA MOELLE. 93

cence traumatique de Schiefferdecker ' admise également par

Kahler et Pick 2.

Les arguments précédents ne sont en quelque sorte que néga-

tifs ; expérimentalement on sait d'une façon positive que les

fibres endogènes existent dans la moelle. On lit dans van

Ge7azccLen, page 20o : « Ehrlich et Brieger en 1884 ont montré

qu'une ligature temporaire de l'aorte abdominale (expérience

de Stenson) amène la mort de la substance grise de la moelle

lombaire... Ils ont trouvé chez des animaux, qui avaient sur-

vécu quelques semaines à cette expérience, outre la dégéné-

rescence des fibres des racines antérieures et d'un grand nom-

bre de fibres du cordon antéro-latéral... une zone de fibres en

dégénérescence au sommet du cordon postérieur tout près de

la commissure grise, p ,

Voyons maintenant comment il faut comprendre le trajet

des fibres endogènes dans la moelle : voie d'union courte pour

toutes ses fibres ou courte pour les unes, longue pour les

autres.

1° Fibres à court trajet. Nous allons étudier d'abord les

fibres groupées dans la zone appelée communément, cornu-

commissurale, qui répondent à notre premier système de fibres

endogènes groupe antérieur ou à court trajet.

L'établissement de ce premier groupe et sa nature endogène

sont des mieux établis. M. Marie constatant l'intégrité de

cette zone dans le tabes, a émis l'hypothèse qu'elle est com-

posée de fibres endogènes. Pour lui la pellagre, maladie d'ori-

gine endogène détermine des lésions au niveau de la zone

cornu-commissurale et dans d'autres régions dont nous repar-

lerons. Carl Mayer pense aussi que dans les cas de destruc-

tion de la queue de cheval, les libres radiculaires n'existent

qu'en petit nombre dans la zone cornu-commissurale. On

devait donc retrouver ces fibres dans notre cas, elles existent

1 SchielIerùecker. - L'ebel' régénération und degencralion Rackel/-

marlis.

2 Kahler et Pick. - Vil'c1ww's .ll'chio" LXIII. Archiv. {il 1 , Psychiatrie.

1880.

J Marie. - Leçons sur les maladies de la moelle, 1892. Semaine médi-

cale, 1891. Gazelle des hôpitaux, 1891.

' Carl llayer. - Jahrbuch ritn Psucliialrie und Sel'venheilklllldc, 13d.

XIII. '

9 1 ANATOMIE.

en effet et nous avons déja insisté sur leur disposition un peu

particulière sur laquelle nous reviendrons après avoir montré

qu'il s'agit bien de fibres courtes.

Dans une observation du mémoire de MM. Gombault et Phi-

lippe au-dessous d'une myélite transverse traumatique siégeant t

au niveau du renflement lombaire, on trouve : un triangle

vide de fibres, dont la pointe atteint la commissure postérieure,

mais plus bas ce triangle se restreint dans sa direction antéro-

postérieure à mesure qu'on descend et sur la coupe la plus

inférieure, la pointe reste environ à égale distance de la com-

missure et du bord postérieur de la moelle D, voilà donc un

territoire qui non seulement change de forme mais aussi

diminue de volume aiusi qu'on peut s'en assurer sur les figures

données par ces auteurs. En route les fibres de la région anté-

rieure disparaissent en partie et sont remplacées par d'autres

saines. Elles n'avaient par conséquent qu'un trajet assez

court.

Quant aux faits ou consécutivement à des lésions radiculaires,

à côté des lésions ascendantes de la moelle, existait une zone

cornu-commissurale respectée, ceux-là sont assez nombreux.

Témoin notre observation, une de Schultze, celle de Souques

et Marinesco.

Ces fibres courtes dans les cas de compression de la moelle

ne devront dégénérer qu'au voisinage de la lésion et dès qu'on

s'en éloignera on ne devra plus les rencontrer.

C'est effectivement ce qu'a représenté Hoche. Dans les

régions inférieures de la moelle, seul le faisceau postérieur a

subi la dégénérescence, la zone antérieure cornu-commissu-

rale est saine ; mais au voisinage de la lésion, dans la région

dorsale supérieure, que voyons-nous ? une dégénérescesce en

virgule semblable à celle décrite par Schultze, dégénérescence

qui s'arrête assez tût.

Aussi entre la dégénérescence en virgule à la région cervicale

et la dégénérescence cornu-commissurale des régions infé-

rieures, nulle différence quant à la signification; il s'agit de

régions occupées par des fibres à trajet assez court et qui chan-

gent de place suivant la hauteur où on les examine. Nous avons

déjà insisté sur leur présence au voisinage du septum dans le

cône médullaire, d'où le nom de faisceau sulco-commissural.

Dans la région sacrée nous les avons montrées sulco-cornu-

commissurales, et devenant cornu-commissurales à partir de

DES FIBRES ENDOGÈNES DE LA MOELLE. 95

la région lombaire moyenne. 11111. Dé,jerine et Spiller' men-

tionnent cette zone comme intacte jusqu'à la hauteur de la

troisième racine lombaire, et dans leur cas à la hauteur de la

première paire lombaire la zone cornu-commissurale est dégé-

nérée, il n'y avait plus de fibres endogènes.

Le même fait s'est reproduit sur nos coupes et sur celles de

MM. Souques et Marinesco, la dégénérescence ascendante

refoule latéralement les fibres endogènes à ce niveau troisième

lombaire.

La zone cornu-commissurale en remontant se déplace en

quelque sorte de dedans en dehors, du septum vers les cornes

postérieures.

C'est pour cette raison qu'à la région dorsale supérieure et

cervicale nous leur assimilons la virgule de Schultze, et c'est

ce que semblent prouver les figures de Hoche où à la région de

la virgule de Schultze celle-ci est représentée dégénérée.

De cette virgule de Schultze nous ne dirons rien après

MM. Gombault et Philippe, qui en ont fait une étude très

approfondie quant à sa situation et aux modifications que

celle-ci peut subir et à son trajet toujours assez court ; nous ne

pouvons que nous ranger à l'avis de ces auteurs.

En résumé notre premier système représente un trajet com-

missural court, dégénérant vers le bas à la suite de compres-

sion de la moelle, ou restant intact lors de lésions localisées

aux racines postérieures.

Les faisceaux de ce système n'atteignant pas la périphérie

de la moelle, restent cantonnés au voisinage soit du sillon

postérieur, soit de la commissure, soit de la base des cornes

postérieures.

Ils forment un groupe de fibres endogènes antérieur, et, sui-

vant les étages auxquels on les considère, il peut être appelé :

Sulco-commissural postérieur au niveau du cône terminal ;

Sulco-cornu-commissural dans la région sacrée;

Cornu-commissural à la région lombaire et dorsale infé-

rieure.

Plus haut, c'est à ce système qu'appartient le faisceau virgule

de Schultze.. ,

D'une façon générale les fibres occupent la partie interne

des filets radiculaires qui pénètrent dans la région où on les

1 Déjerine et Spiller.- Bulletin de la Société de Biologie, juillet 1895.

96 AN1'r0lZI.

considère placées à la région cervicale entre les faisceaux de

Burdach et de .Goll ; à la région sacrée à la partie tout à fait

interne du cordon postérieur.

Il y a peut-être là au point de vue fonctionnel une dispo-

sition particulière qui fait supposer que ces fibres mettent en

connexion la moelle d'une part, les filets radiculaires d'autre

part, et non deux étages superposés de la substance grise

médullaire'.

2° Du deuxième système de fibres endogènes à direction des-

pendante.

Fibres à long trajet. Jusqu'ici les auteurs n'ont décrit

que des voies commissurales courtes ; le deuxième système de

fibres que nous allons étudier est le postérieur et par l'étendue

de ses dégénérescences mérite le nom de système à long trajet.

Bien entendu ce n'est pas sur la présence seule de fibres à

myéline intacte dans les cas de lésions des nerfs de la queue

de cheval que l'on peut exclusivement s'appuyer. La preuve

de l'existence de ces fibres ne peut être fournie que par les

cas de dégénérescence descendante consécutive à une lésion

médullaire haut placée.

Barbacci 2 montre qu'à la suite d'une compression au niveau

de la sixième dorsale la dégénérescence descend manifeste-

ment presque dans le cône terminal en se groupant près du

septum.

Hoche publie deux faits où cette même dégénération s'étend

depuis la première dorsale jusqu'au cône terminal. Son exis-

tence est donc bien réelle et contrôlée par ce fait que dans

notre cas et d'autres à la suite de lésions des nerfs de la queue

de cheval ces mêmes zones dégénérées sont au contraire

retrouvées intactes. i

Le trajet suivi par ce faisceau varie suivant la hauteur de

son parcours, mais quel que soit le niveau il est toujours en

bordure du cordon postérieur soit de la périphérie postérieure,

soit de la périphérie interne, c'est-à-dire du septum.

A la région cervicale et dorsale supérieure il se trouve à la

périphérie des cordons postérieurs presque au voisinage de

l'angle posterouatérieu à la région dorsale moyenne il se

- 1 '

1 Dans la zone cornu-commissurale, en plus des fibres endogènes à

dilectiun descendante, il en existe à direction ascendante.

' Barbacci Loc. cil.

DES FIBRES ENDOGÈNES DE LA MOELLE. 97 1

dirige vers le septum; à la région dorsale inférieure il devient t

angulaire ayant une branche transversale le long de la circon-

férence postérieure de la moelle et une branche postéro-

interne le long du septum. Au niveau de la troisième paire

lombaire la branche transversale disparaît et l'interne cons-

titue le centre ovale de Flechsig. A la région sacrée le centre

se déplace de nouveau en arrière, redevient angulaire pour se

terminer en forme de triangle médian décrit par 11OI. Gombault

et Philippe.

Donc faisceau postérieur, faisceau angulaire, centre ovale

de Flechsig, triangle médian de Gombault et Philippe ne sont

que les différentes étapes topographiques d'un même groupe

de fibres et représente la voie endogène à long trajet des

cordons postérieurs.

Le déplacement de ce faisceau ne s'opérant qu'à la péri-

phérie, on comprend très bien qu'à aucun moment il n'ait à

couper les fibres radiculaires dans la moelle. Chemin faisant

il reçoit les rameaux transversaux provenant des différents

étages de la moelle et en perd probablement sur son parcours;

mais le point sur lequel nous avons tenu à insister, c'est que

dans des cas bien observés, on a vu la dégénérescence aller de

la région cervicale jusqu'à la partie terminale de la moelle. La

continuité de ce faisceau peut facilement échapper à cause de

sa situation tout à fait périphérique et du nombre très restreint

des fibres qui le composent mais cette continuité est trop

nette dans notre cas, dans celui de MM. Souques et Marinesco

et ceux de Hoche pour qu'elle ne soit pas interprétée de cette

façon.

Arrivé à la fin de cette étude voyons quelles lésions seront

la conséquence d'une compression de la moelle.

Suivant la hauteur, on trouvera deux champs dégénérés à

direction descendante : l'un court l'antérienr ; l'autre long et

postérieur. Des deux l'antérieur est le plus important quant

au nombre de ses fibres avec exception possible pour la région

tout à fait inférieure de la moelle (cône terminal).

Une compression de la région cervicale ou dorsale supé-

rieure se traduira par la dégénération du faisceau virgule de

Schultze, accompagnée sur toute la hauteur de la moelle de la

dégénération descendante de notre faisceau à long trajet. Si la

compression siège plus bas la virgule de Schultze sera rem-

placée par les zones cornu-commissurales dont nous avons

Archives, 2" série, t. II. 7

98 ANATOMIE. '

indiqué les différentes positions et il y aura toujours le faisceau

à long trajet.

Au point de vue des lésions tabétiques on pourrait expliquer

par cette manière de voir pourquoi, outre l'intégrité souvent

constatée de la zone cornu-commissurale dont nous avons

parlé plus haut, on trouve intact également le centre ovale de

Flechsig et, à la région cervicale seulement, la zone postéro-

externe des cordons postérieurs, ainsi que l'ont signalé Strum-

pell et Marie.

Nous croyons pouvoir en terminant apporter les conclusions

suivantes :

1° La présence de filets radiculaires descendants dans les

cordons postérieurs n'est pas encore absolument démontrée

chez l'adulte; mais même si leur présence ne pouvait être mise

en doute, elle n'infirmerait pas l'existence de fibres endogènes à

dégénération descendante dans ces mêmes cordons postérieurs;

2° On peut considérer deux systèmes de fibres descendantes

dans le cordon postérieur dites fibres endogènes ou commis-

surales. L'un de ces systèmes antérieur est à court trajet;

l'autre postérieur a un trajet très long au moins pour une

partie de ses fibres.

Nota. - Nos figures schématiques, n'ayant la prétention

que d'attirer l'attention sur une disposition topographique, ne

représentent nullement le volume exact des faisceaux que nous

étudions.

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PATHOLOGIE NERVEUSE.

NOTE SUR UN CAS DE PACHYMÉNINGITE HÉMORRAGIQUE

PRISE POUR UNE PARALYSIE GÉNÉRALE;

Par le D' F. BOISSIER,

Ancien interne des Agiles d'aliénés de la Seine.

Peu de lésions nerveuses sont d'un diagnostic plus générale-

ment obscur que la pachyméningite hémorragique cérébrale.

Qu'elle complique une paralysie générale ou un alcoolisme

invétéré; qu'elle survienne chez un aliéné chronique, ou chez

un vieil athéromateux ; qu'elle soit enfin la seule manifestation

morbide apparente chez un diathésique plus ou moins latent,

elle est trop souvent méconnue et réduile à une surprise d'au-

topsie.

C'est au moins, ce qu'avec une frappante unanimité, pro-

clamaient les anciens auteurs qui l'avaient si bien décrite au

commencement du siècle (Pinel, Nosographie Philosophique,

p. z), lorsque le cadavre révélait leur méprise. «. Il nous

semble impossible, dit Rostan, de distinguer cette maladie du

ramollissement; même marche graduelle, identité des symp-

tômes. Les signes précurseurs manqueut, mais cela arrive

souvent dans le ramollissement'. » Durand Fardel avoue « qu'il

lui parait à peu près impossible d'éviter une erreur 2 », et

Gendrin insinue qu'on ne saurait distinguer cette lésion dont

les signes se confondent avec ceux de tant d'autres 3. Plus lard

en des travaux tels que ceux de Binet (180G) et Brunet (18SU),

on ne trouve pas dans leurs nombreuses observations l'indica-

' Rostan ? tec/t< : <'f;/te.< sur le ramollissement du cerveau. Paris, 1823.

, Durant ! Fardet.Rec/tercAeM;' le ramollissement du cerveau. Pari ?

1823.

1 Gendrin. - Traduction des maladies de V encéphale cl'fl6ercnonzGie.

Paris, 1895.

UN CAS DE PACHYMÉNINGITE HÉMORRAGIQUE. 101

lion que le diagnostic ait été exactement fait. Par contre

Béhier ' se félicite comme d'une chose rare d'avoir reconnu

une pachyméningite du vivant de son malade; il se plait à

énumérer les difficultés surmontées grâce à la longue durée

de son cas, à l'unilatéralité de la lésion, et à la rigueur de

l'examen des phénomènes ; mais il a dû dégager minutieuse-

ment les conditions différentielles de la paralysie agitante, de

la sclérose en plaques, de la paralysie générale et de l'hémor-

ragie cérébrale vulgaire, « Cette dernière, ajoute-t-il, s'accom-

pagne moins souvent de convulsions et de contractures » ;

mais que de fois ne voit-on pas l'hématome à néomembrane

évoluer avec des accidents convulsifs insignifiants et sans

aucune contracture S'agit-il d'un cerveau chroniquement

malade, on est naturellement conduit à croire à une simple

progression du mal primitif ; s'agit-il au contraire d'un encé-

phale primitivement sain, on pense, selon la systématisation

ou la diffusion relatives des signes à une tumeur ou à un

ramollissement. En présence d'une invasion soudaine, impré-

vue, on hésite entre une apoplexie commune, quelquefois

même, si les antécédents et commémoratifs font défaut, à un

coma urémique ou diabétique. Enfin quand l'évolution est

particulièrement lente et graduelle, on risque d'incriminer à

tort une paralysie générale dont il n'y a en réalité pas l'ombre,

comme le montrent plusieurs observations publiées dans divers

recueils, entre autres dans les Annales médico-physiologiques.

C'est ce qui a eu lieu pour notre malade; la marche, le grou-

pement, l'aspect des symptômes ont trompé quatre médecins

différents entre les mains desquels il est successivement passé.

Observation. Victor S..., concierge, quarante-deux ans, était

un homme de belle stature et de la plus robuste apparence, muscu-

lature puissante, face large et colorée, barbe et chevelure touffues

et soyeuses d'un châtain clair, peau fine et saine. Son père, vieil

attbritiffue, est atteint d'un asthme rebelle, la mère assez bien

portante est une ancienne migraineuse, un peu obèse. Une soeur

serait morte à vingt-quatre ans d'une affection cérébrale dont je

n'ai pu établir la nalure. S... n'a pas eu de maladies graves autres

que les fièvres éruplives communes de l'enfance.

Sur aucun point des téguments, pourtant délicats et peu velus, on

ne peut trouver ni cicatrice, ni tache suspecte; pas un ganglion

engorgé, pas une aspérité osseuse du tibia, rien nulle part qui

Béliier. 7'«c/;yh ! e) : t<iy'<e cérébrale. Paris, 1873.

102 PATHOLOGIE NERVEUSE.

puisse évoquer l'idée d'une ancienne syphilis; marié jeune, il a eu

de beaux enfants, sa femme n'a jamais fait de fausse couche;

l'enquête la plus rigoureuse d'ailleurs permet d'affirmer avec certi-

tude l'absence de cette maladie. Victor. S... a toujours élé d'un

caractère plutôt froid, sérieux. timide et bienveillant. Rangé, scru-

puleux même, assidu à son travail, il était seulement enclin, si on

le poussait à bout, à des colères très vives avec congestion de la

face, et qui, aussi fugaces que violentes, cessaient immédiatement

non sans laisser un peu de malaise, mais sans accrimonie et sans

méchanceté. Au régiment il ne se grisait pas, mais buvait d'habi-

tude un peu, quoiqu'il ne s'en trouvât pas bien. Dans la suite il

n'a fait aucun excès de boisson, et malgré un usage modéré mais

régulier de liqueurs ou de vin, il est considéré dans son milieu

comme très sobre. « Le sang à la tête, voilà son point faible », une

colère, une faligue, une émotion engendrent une céphalée grava-

tive à laquelle il est sujet depuis des années et qu'exagère le

moindre écart de régime; la tête devient chaude et douloureuse,

les yeux tendus, les pommettes rouges. Il demande à chaque

instant des bains de pieds sinapisés. Rien d'inquiétant jusqu'au

commencement de 1892, c'est à ce moment que l'état devient

mauvais. La tète lui tourne quand il fait des efforts, les emporte-

ments deviennent plus fréquents et plus pénibles pour lui; il sent

qu'il devient nerveux. A la fin de cette même année son caractère

est altéré, il devient mou, indifférent, abandonne son travail, il est

plus irritable que jamais, et perd beaucoup de son initiative. Il est

distrait, absorbé, oublie facilement ce qu'il doit faire et se défie

lui-même de sa mémoire, il a des étourdissements fréquents, et sa

tête le fait constamment souffrir. Il parle lentement parce que

souvent sa langue fourche. Le 8 août 1893 survient un vertige

intense à la suite duquel le côté gauche reste plus faible ; il

persiste de l'hébétude, S... répond aux questions tout de travers et

avec un rire niais. Deux jours après se produit une attaque apo-

plectiforme avec perte complète de connaissance. La face est

empourprée, la respiration stertoreuse, il se produit au début

quelques tressaillements convul.Mfs légers, puis un peu de rigidité

des membres, laissant la place à un coma profond avec résolution

musculaire qui dure près de deux jours. Le réveil de la motilité et

de la conscience se fait peu à peu; mais en même temps se déve-

loppe une agitation incohérente avec illusions, hallucinations mul-

tiples, visions d'ennemis, terreurs, menaces, appels aux secours,

tentatives de fuite et de défense furieuse. La faiblesse musculaire

entrave heul eusemenlles violences; mais ces faits nécessitent le

placement de Victor S... à Sainte-Anne où il arrive le 13 août.

Il y reste alité, quoique très turbulent, pendant trois jours.

Bientôt l'agitation tombe graduellement. Le calme survenu laisse

voir une obtusion intellectuelle identique à celle d'un paraly-

UN CAS DE PACHYMÉNINGITE HÉMORRAGIQUE. 103

tique général assez avancé. Le certificat d'internement émanait

d'un médecin praticien des plus distingués et portait : « paralysie

générale avec ictus apoplectiforme ». A l'arrivée ce diagnostic fut

accepté. Au bout de deux semaines la rémission était suffisante

pour permettre à S... de rendre quelques menus services en rapport

avec l'infériorité de son état intellectuel, et il fut revu pour le

certificat de quinzaine par le Dr D... suppléant de M. Magnan

alors en congé. Le malade comprend qu'il est à l'hospice, il ne se

péoccupe pas de sa situation, il ignore la date du jour et du mois,

il a de la peine à retrouver le millésime, ses facultés sont nota-

blement affaiblies, il perd sa casquette, égare son mouchoir et ses

objets de poche. Les efforts pour se rappeler sont le plus souvent

infructueux, les souvenirs anciens sont mieux conservés. Il reste

propre et poli, mais sans initiative, hébété avec un air de vague

béatitude. Interrogé sur son passé il parle volontiers de son

service militaire, se donne comme un soldat modèle, « le meilleur

cavalier du régiment, il a donné des leçons d'équitation à la fille

d'un général », allégation que nous prîmes (à tort) pour l'indice

d'idées de satisfaction sinon de grandeur'. Il se trou\ heureux a

l'asile et ne s'inquiète pas des siens. La parole est traînante et

chantonnante, les voyelles sont irrégulièrement scandées; dès que

l'éloculion s'accélère les syllabes s'embarrassent, les mots compli-

qués ne peuvent pas être prononcés. Le masque est sans expression

comme figé; les réflexes sont ralentis notablement des deux

côtés, la faiblesse musculaire assez sensible, un peu plus marquée

à droite. La démarche est indécise, quelque peu vacillante,

impossible quand le malade ferme les yeux.

Les pupilles sont très inégales, la gauche est plus dilatée, elles en

réagissent que faiblement à la lumière et à l'accommodation. Les

mains sont gourdes et tremblottantes, l'écriture malaisée avec des

lettres et des mots oubliés. S... est considéré comme un paralyti-

que général sans délire. Cet état se mainlint quelques semaines,

une amélioration relative laissa donner une permission de deux

jours qui se passa bien, rien de nouveau ne parut en septembre, ni

en octobre.

Le 7 novembre survint le soir un nouvel ictus apoplectiforme,

moins grave pourtant que le premier; le lendemain malin S...

essaya de se lever, il demeurait assis penché du côté droit; on le

recoucha (bains de pieds sinapisés, calomel 0,501. Il recommença

de nouveau à se remettre, mais avec un accroissement évident des

signes démentiels, lorsque le 30 novembre il fut frappé d'un troi-

sième ictus plus intense que jamais, avec perte absolue de connais-

1 Nous avons su plus tard que le malade était en 'effet excellent écuyer

et avait appris à mouler à cheval aux enfants d'un général dont il était

alors l'ordonnance.

loi PATHOLOGIE NERVEUSE.

sance, pouls à 102 et température 38° le matin et 41°,4 le soir, mort

dans le coma pendant la nuit.

Autopsie vingt-six heures après la mort. Crâne normal comme

épaisseur, et sans adhérence pathologique de la dure-mère aux os.

Les sinus sont gorgés de sang noir.

La dure-mère présente au premier abord un aspect tendu et

une coloration ardoisée (due au sang épanché au-dessous et vu

par transparence) ; incisée à droite le long de la faux, celte mem-

brane laisse écouler une masse de caillots noirs avec un sérum

jaunâtre, puis des caillots rouges d'apparence plus récente et qui

formaient une couche plus profonde que les caillots noirs. Tout ce

sang est contenu dans une poche membraneuse qni tapisse la

cavité arachnoïdienne sur toute l'étendue de la convexité de l'hé-

misphère.

La néomembrane est d'une couleur uniformément brune, elle est

assez friable, mesure à peine un quart de millimètre d'épaisseur;

très lisse sur sa face externe qui se détache facilement de la dure-

mère.

L'hématome s'est donc créé un large espace entre la dure-mère

et l'hémisphère qui se trouve aplati sur toute l'étendue de sa face

convexe et refoulé vers la faux et vers la base. Ouverte à gauche,

la dure-mère laisse voir exactement la même disposition, même

néomembrane avec épanchement sanguin occupanlla même capa-

cité et la même étendue ; il y a de part et d'autre près de 300gram-

mes de sang caillé. Les vaisseaux de la néomembrane ne [sont pas

visibles à l'oeil nu.

La dure-mère débarrassée decelle-ci, conserve sa couleur nacrée

et son poli, elle n'est pas augmentée d'épaisseur, et ne présente à

l'oeil nu aucune modification spéciale. L'arachnoïde un peu plus

difficile à dégager de la fausse membrane est légèrement épaissie

et opaline sur quelques points de la convexité, et a pris une leinle

rougeâtre; elle n'adhère nulle part aux parties sous-jacentes. La

première fortement injectée, rouge foncé, ecchymotique en divers

points, est libre de toute adhérence au cerveau, elle s'enlève sans

happer à la substance grise dont elle n'entraîne pas la moindre

parcelle.

Le cerveau, sous la double compression exercée des deux côtés

de dehors en dedans et de haut en bas par le sang auquel il a dû

céder une large place, est refoulé symétriquement vers la ligne

médiane et vers la hase contre lesquelles il est appliqué avec force.

Il est aminci au point de former un angle aigu tout le long de son

bord supérieur et un bec à chaque extrémité, sa coupe est devenue

tout à fait triangulaire. Réduit aux trois quarts de son volume

normal il est pâle et exsangue et parait avoir subi un commence-

ment d'atrophie en masse, mais ne montre pes trace de ramollis-

sement. Les circonvolutions sont déformées, serréesles unes contre

UN CAS DE PACHYJUÉNIKGITE HÉMORRAGIQUE. 105

les autres et aplaties. Aupalpercomme à la coupe les hémisphères

tassés par la compression ont une consistance plus ferme et plus

dense qu'à l'état ordinaire. Une série de sections méthodiques ne

montrent aucune lésion dans le cerveau proprement dit; la subs-

tance corticale est amincie surtout à la face externe. La pie-mère

cérébelleuse est injectée, le cervelet et le bulbe sont indemnes.

A noler une petite hémorragie intra-protubérantielle toute récente,

constitués par quelques gouttes de sang encore rouge exlravasé et

infiltré dans le tissu nerveux dans le voisinage du noyau réticulé.

Pas trace d'épendymite dans aucun des ventricules. Le bec du

calamus est parfaitement lisse et intact.

On trouve deux très petits nodules d'alhérome dans le tronc

basilaire, et quelques petites plaques de même nature sur la crosse

de l'aorte. Les poumons sont passivement congestionnés à la base.

le coeur commence à se charger de graisse le long des coronaires.

Rien de particulier à noter pour les autres organes.

Il n'y avait donc pas de lésions macroscopiques de paralysie

générale ; pas de granulations du calamus, lésion si précoce

dans cette maladie; pas d'adhérences leptoméningées ; pas de

dégénérescences caractéristiques, altérations que l'on aurait

certainement trouvées, la première surtout, chez un paraly-

tique aussi avancé que le paraissait notre malade. On pouvait

par conséquent nier l'existence de cette affection; ce que

l'examen histologique, fait plus tard par M. Antheaume, est

venu confirmer. Il était pourtant difficile d'éviter une erreur

dans un cas si bien caractérisé en apparence. L'âge du patient,

la diffusion des signes, leur progression régulière, leur aggra-

vation après les ictus sans localisation spéciale, ne pouvaient

nous égarer dans le sens d'une tumeur, d'une hémorragie

cérébrale ou d'un ramollissement; mais, avec l'état intellec-

tuel, ces constatations faisaient fatalement croire à une para-

lysie générale pure et simple à marche rapide, sans délire et

terminée en quelques mois par des ictus répétés ; comme nous

en avions eu récemment plusieurs dans le service, contrôlées

par l'autopsie.

L'étiologie seule aurait pu nous faire réfléchir ; il n'y avait

pas de syphilis ; et la paralysie générale sans syphilis est

tellement rare que, devant cette absence confirmée, nous

aurions pu hésiter. ,

Mais quelle était alors l'origine de la pachyméningite ? Je

rappelle que le malade était un arthritique héréditaire, un

type de ce que nos anciens auraient appelé la diathèse congés-

106 PATHOLOGIE NERVEUSE.

tive, qu'avec cela il était en voie d'artério-sclérose, que plu-

sieurs gros troncs avaient laissé voir les premières atteintes

d'un athérome naissant. Enfin l'examen microscopique ulté-

rieur a montré l'endartérite des vaisseaux de la pie-mère. Le

sujet ne faisait pas d'excès, n'était pas catégoriquement

alcoolique, mais le simple usage courant de liqueurs et de vin

pur suffisait sur un pareil terrain pour déterminer les plus

fâcheux accidents, soit vers le foie ou les reins, soit vers l'en-

céphale comme la chose a eu lieu.

Il est à remarquer que dans ce cas l'arachnoïde, la pie-mère

et ses vaisseaux, bien plus altérés que la dure-mère paraissent

avoir joué un rôle autrement important que cette dernière.

Ceci viendrait à l'appui des faits et de l'opinion exprimée par

Bondurant dans son excellent mémoire sur la pachyméningite

hémorragique interne'. Sur les huit cas d'hématomes subdu-

raux de cet auteur, un s'est produit chez un paralytique géné-

ral, un chez un alcoolique chronique, trois chez des vieillards

athéromateux, et trois autres plus intéressants chez des sujets

relativement jeunes (vingt-six ans, trente-six ans, quarante et

un ans) présentant seulement quelques petites plaques clair-

semées d'athérome dans quelques gros troncs artériels et un

peu d'endartérite invisible à l'oeil nu dans les vaisseaux de la

pie-mère. M. Bondurant pose de nouveau la question de la

nature de l'hématome et de la néomembrane pachyméningi-

tiques. Il se range entièrement à l'opinion ancienne quelque

peu modifiée. On sait que pour Serres, Rostan, Abercrombie,

Andral, Blandin, Cruveilher, etc., l'hémorragie était primitive,

le caillot s'organisait dans sa couche contiguë à la paroi des

méninges et l'inflammation de la dure-mère était due à l'irri-

tation causée par le sang épanché. Après Baillarger2, avec

Hescl, Virchow 3, Charcot et Vulpian 1., Lancereaux 5, Piro-

tais, Christian, Pauvert s, etc., la proposition fut renversée,

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UN CAS DE PACHYMÉNINGITE HÉMORRAGIQUE. 107

l'inflammation de la dure-mère devint le fait initial, elle

engendrait la néomembrane dont les vaisseaux sans consis-

tance devenaient à leur tour la cause de l'hémorragie. Aujour-

d'hui, plus éclectique, on est porté à admettre les deux origines

selon les cas. Mais en Amérique surtout et en Angleterre avec

Bervan, Lewis, Clouston, Wiglesworth, Dercum, IIoyt, Wit-

taker, etc., on tend à admettre comme la règle l'hémorragie

arachnoïdienne primitive, suivie d'organisa lion du caillot

contre les parois, et inflammation secondaire de la dure-mère ' ;

on compare même ce processus à l'organisation du caillot au

contact de la paroi vasculaire dans le thrombus. Tel est l'avis

soutenu par Bondurant qui termine son mémoire par ces

mots : « En somme l'hémorragie méningée est le fait essentiel,

et si l'inflammation de la pie-mère et de ses vaisseaux est

admise comme présentant un caractère de chronicité, le terme

de leploméningile chronique hémorragique est mieux approprié

que la dénomination communément adoptée. » Sur les huit

cas du travail cité cette inflammation n'a jamais fait défaut,

alors que celle de la dure-mère était insignifiante ou nulle.

D'autre part cette disproportion inflammatoire entre ces

deux méninges est constante dans la grande majorité des cas

et notamment dans ceux où l'hématome complique une para-

lysie générale, un alcoolisme chronique ou un athérome

avancé. Elle se retrouve dans notre cas : endartérite des

vaisseaux de la pie-mère, arachnoïde épaissie et rougeàtre par

places, dure-mère indemne.

La néomembrane encore en voie d'organisation formée de

leucocytes, de cellules conjonctives allongées, de masses fibri-

neuses et d'amas pigmentaires contenait des vaisseaux mi-

croscopiques dont la finesse ne paraissait pas en rapport avec

l'abondance et l'étendue de l'épanchement. Celui-ci a dû se

produire, il est vrai, par intervalles répétés, mais pendant des

espaces de temps assez courts et tout porte à attribuer cette

hémorragie aux vaisseaux chroniquement atteints de la pie-

mère. Les artères malades des centres nerveux étaient en effet

' Wiglesworth en des travaux très documentés appuie cette opinion

sur un nombre considérable d'autopsies. Pour lui chez les aliénés chro-

niques les vaisseaux méninirés, privés de soutien par le fait de l'atrophie

du cerveau, faiblissent et se laissent distendre; chez les sujets congestIfs

c'est la pression artérielle continue ou répétée qui engendre l'altération

de ces vaisseaux et cause l'hémorragie, sans inflammation préalable des

méninges et surtout de la dure-mère. (Journal of Mental Science, 1888 )

108 PHARMACOLOGIE.

suffisamment enclines à la rupture chez notre sujet ; je n'en

veux pour preuve que l'hémorragie intra-protubérantielle

constatée à l'autopsie, et qui, du moins, ne pouvait rien avoir

à faire avec la néomembrane. L'observation précédente doit

donc venir à l'appui de celles de Bondurant.

Pour conclure : dans une telle situation clinique, quand le

cerveau est intéressé sur toute sa convexité par un hématome

dont la compression bilatérale est symétriquement distribuée

et entrave d'une façon régulière la circulation capillaire au

moins dans toute la couche corticale correspondante, le dia-

gnostic parait impossible et doit en tout cas rester obscur

même en pesant rigoureusement chacun des symptômes. Enfin,

en présence de malades supposés atteints de paralysie géné-

rale à marche rapide avec ictus multiples, s'il y a quelque

sujet d'hésitation étiologique ou clinique, il faut dans le dia-

gnostic réserver une place à l'hématome subdural.

PHARMACOLOGIE.

CONSIDÉRATIONS SUR LA RICHESSE ALCOOLIQUE

DES BOISSONS USUELLES ET DE QUELQUES PRÉPARATIONS

PHARMACEUTIQUES ;

Par M. P. YVON,

Chef du laboratoire de tlidi-apetilicltie de la Clinique des maladies nerveuses

à la S,dpêlrièl'c.

Parmi Pes questions que le médecin pose au malade pour

établir son diagnostic, il en est une des plus importantes et

qui n'est jamais omise, celle de savoir si ce malade prend ou

non de l'alcool et, en cas d'affirmative, il désire en connaître

au moins approximativement la quantité.

Souvent il est assez difficile d'être exactement renseigné soit

que la question ne soit pas posée d'une manière suffisamment

claire pour le malade, soit qu'elle soit mal comprise par lui.

LA RICHESSE ALCOOLIQUE DES BOISSONS USUELLES. d09

l'our la plupart des malades en effet, surtout pour ceux qui

composent la clientèle hospitalière, le mot alcool désigne uni-

quement l'alcool absorbé en nature, sous forme de spiritueux

sucrés ou non, ils négligent entièrement celui qui existe dans

les boissons fermentées qui entrent d'une manière à peu près

générale dans notre alimentation. Nous allons voir que, de ce

chef, la quantité d'alcool absorbé est bien plus grande qu'on ne

le croit généralement, et qu'elle surpasse de beaucoup celle

qu'on peut ingérer, en dehors des repas, sous forme de spi-

ritueux.

Je ne veux pas ici entrer dans des considérations physiologi-

ques et étudier si l'action nocive produite par l'alcool absorbé

sous ces deux formes est identique ; le problème est du reste

résolu. Je désire seulement rechercher quelle quantité d'alcool

on peut absorber en vingt-quatre heures, par suite de l'inges-

tion des boissons usuelles ou des préparations pharmaceu-

tiques.

Tout d'abord il est indispensable de rappeler la teneur en

alcool des différentes boissons et des médicaments ; les chif-

fres que nous donnerons sont rapportés à l'alcool absolu, à

100° centésimaux.

Le tableau suivant indique la proportion pour 100, en

volume, que renferment les principales boissons :

110 O PHARMACOLOGIE.

Spiritueux sucrés (liqueurs, ratafias, crèmes, élixirs, etc.).

Ces liquides sont divisés en quatre catégories d'après les

proportions respectives d'alcool, de sucre et d'eau qu'elles ren-

ferment, les substances aromatiques n'entrant pas en ligne

de compte. -

LA RICHESSE ALCOOLIQUE DES BOISSONS USUELLES. 111

paré avec l'alcool à 60° : dose 1 à 3 cuillerées à café par jour

représentant 3 à grammes d'alcool : l'élixir amer ou antiscro-

fuleux de Peyrilhe ou teinture de gentiane alcaline préparé avec

l'alcool à 60° : dose 5 à 10 grammes, soit 3 à 6 grammes d'al-

cool parvinât-quatreheures. L'élixir parégorique ou teinture d'o-

piuIZ caznpJtrée est préparé avec l'alcool à 60° : 2 cuillerées à

café ou 10 grammes, renfermant 0sr,0o d'extrait d'opium. La

dose est de il à 3 cuillerées a café par jour soit 3 à 9 grammes

d'alcool.

Parmi les élixirs sucrés, citons : l'élixiJ' de Garus employé

comme stomachique à la dose de 2 a 3 cuillerées à potage par

jour. Il renferme 6 grammes d'alcool par cuillerée à potage.

L'élixir de pepsine est moins alcoolique, il ne contient que

â ? ? 0 d'alcool par cuillerée à potage : Os ? 78 par cuillerée à

café.

Enfin il existe un assez grand nombre de préparations phar-

maceutiques dont nous pourrions citer des exemples qui sont

désignées sous les noms d' élixirs de liqueurs, etc.; ils ren-

ferment une proportion d'alcool encore inférieure à celle que

nous venons d'indiquer, et cet alcool provient des teintures

alcooliques qui entrent dans leur composition à doses peu éle-

vées ; ces élixirs renferment une proportion d'alcool qui ne

dépasse pas 1s ? 20 à la ? 80 par cuillerée à potage, soit Os',40

à 0sur,60 par cuillerée à café.

Vins médicinaux. Les vins médicinaux renferment une

quantité d'alcool moindre que les teintures ; mais comme ils

sont employés à doses plus élevées, ils introduisent en réalité

une assez forte proportion d'alcool dans l'économie.

Le Codex prescrit pour la préparation de vins médicinaux :

1° le vin rouge et le vin blanc de France renfermant environ

10 p. 100 d'alcool ; cette proportion étant insuffisante pour

assurer la conservation du produit, on y ajoute une quantité

déterminée d'alcool; 2° le vin de Lunel renfermant environ

15 p. '100 d'alcool; 3° le vin de Grenache titrant environ

lbp. 100; 41 les autres vins de liqueurs, en particulier le malaga

dont nous avons plus haut indiqué la richesse alcoolique. Les

principaux vins médicinaux sont les suivants :

Vin -rhalybé, préparé avec le vin de Grenache à 15 p. 100. La

dose moyenne est de 2 cuillerées à bouche par jour, soit

'10 grammes, renfermant 6 grammes d'alcool.

Vin de gentiane. Ce vin est préparé avec le vin rouge à

11 PHARMACOLOGIE.

10 p. 100 ; additionné à 60 grammes d'alcool à 60° par litre ;

ce qui porte sa teneur à 13,6 p. 100. Ce vin est administré par

verres à Bordeaux dont la contenance est de 50 centimètres

cubes correspondant à 7 grammes d'alcool. La dose quotidienne

étant de 2 verres à Bordeaux, le malade absorbera donc

14 grammes d'alcool. Le vin de gentiane au malaga renferme

15 p. 100 d'alcool ; soit 15 grammes pour deux verres à

Bordeaux.

Vin de quinquina au Bordeaux. Il est préparé au vin rouge

à 10 p. 100 additionné par litre de 100 grammes d'alcool à

60° ce qui porte sa richesse à 160 grammes d'alcool par litre

soit 8 grammes par verre à Bordeaux et à 16 grammes pour

deux verres, dose quotidienne habituelle.

Le vin de quinquina au malaga est à 15 p. 100 ; les deux

verres à Bordeaux ne représentent donc que 15 grammes d'al-

cool. Les vins de Colombo, de coca, etc., sont préparés avec du

vin de Grenache à 15 p. 100 ; 1 verre à bordeaux renferme donc

7s1', 50 d'alcool, ce qui correspond a 1S grammes pour la dose

quotidienne.

Les renseignements qui précèdent nous permettent d'évaluer

et de comparer les diverses quantités d'alcool introduites quo-

tidiennement dans l'économie par l'ingestion des boissons habi-

tuelles, des spiritueux et des médicaments.

La quantité de vin absorbée en vingt-quatre heures par un

adulte en bonne santé peut sans exagération être fixée à une

bouteille; soit 66 centilitres : ce vin présente en moyenne une

richesse alcoolique de 10 p. 100, ce qui fait une quantité d'al-

cool absolu égale à 66 centimètres cubes. Pour faciliter les

comparaisons, nous adopterons indifféremment comme unité le

gramme ou le centimètre cube ; l'erreur sera tantôt dans un

sens tantôt dans un autre, suivant qu'il s'agira de boissons et

de spiritueux ou de préparations pharmaceutiques ; elle est du

reste peu considérable'et compensée par la moyenne peu élevée,

que nous adoptons de 66 centilitres de vin ingéré en vingt-

quatre heures.

Nous indiquerons dans le tableau suivant à quel volume ou

poids des diverses boissons, spiritueux ou médicaments corres-

pond cette moyenne de 66 centilitres de vin.

Volume ou poids des diverses boissons, spiritueux ou médi-

camenls nécessaires pour représenter 66 centimètres cubes d'al-

cool ci 100° contenus dans 66 centilitres de vin à 10 p. 100.

LA RICHESSE ALCOOLIQUE DES BOISSONS USUELLES. 113

114 PHARMACOLOGIE.

REVUE DE MÉDECINE LEGALE. 115

absolue ou simplement en modérer l'usage, il devra tout d'a-

bord s'enquérir du mode d'alimentation habituel de ce malade

et évaluer la proportion d'alcool qu'il absorbe de ce chef; il

lui sera ensuite facile d'apprécier, en consultant le tableau que

nous avons dressé, la quantité qui proviendra des préparations

pharmaceutiques qu'il jugera utile de prescrire; cette quantité

est toujours peu élevée et le plus souvent négligeable.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

1. Expertise 5rl : DICO-LG.1LG sur un cas DE tentative d'homicide ;

par les 0'" VERGA Giov. Ih1'1'[s1'\, vice-directeur du Mamcome de

Monlbello et Mari Lt;ei\ceco, directeur de l'hôpital de Buato

Cersizio. (L'Anonzczlo, novembre et décembre 1894, Gennaio

IS95.)

Exposé des faits. D... Roberto, vingt-trois ans, employé de

bureau, désespéré de l'abandon de sa maîtresse, se rendit chez elle

et lui tira deux coups de revolver. Elle ne fut pas atteinte, mais, de

peur, elle perdit connaissance et tomba par terre. La scène se pas-

sait dans une auberge appartenant au père de la jeune fille, une

ligne de chemin de fer pasoail à côlé de l'auberge.Roberto, croyant

avoir tué son amie, s'appliqua son revolver sur la tempe et par

deux fois pressa la gâchette, mais l'arme ne partit pas. Il sortit

alors en courant, s'engagea sur la voie du chemin de fer et se pré-

cipita sous un wagon d'un train en marche. Il eut dû être broyé,

par un hasard extraordinaire, il se fit seulement deux blessures,

dont une seule très grave au bras gauche.

Antécédents héréditaires et personnels de Roberto. Dans la

branche maternelle, déséquilibrés nombreux et deux aliénés véri-

tables. Du côté paternel, ni aliéné, ni épileptique, mais le père est

sourd et ivrogne.

Quant à Roberto, convulsions dans l'enfance, incontinence noc-

turne d'urine assez longtemps. D'un caractère expansif, très Lai,

très bruyant pendant l'enfance, il devint progressivement triste et

mélancolique, s'isolant de ses camarades. En même lemps irascible

et très émotif.

11 présentait des particularités bizarres, il souffrait si l'on parlait

un peu haut à côté de lui; c'est au point qu'il devait s'en aller si

116 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

on ne baissait pas le ton. Intelligent, il fut bon écolier et ensuite

bon employé, sentiments moraux et altruistes bien développés. A

vingt ans il devient l'amant d'une jeune fille de quinze ans, leurs

relations durèrent trois ans, il voulait l'épouser, mais pendant une

absence qu'il fit, sa maîtresse le trompa. Certain, à son retour, d'a-

voir été trahi, il voulut rompre dignement et sans bruit, mais le

jour même il retournait chez son ancienne amie et la suppliait de

renouer leurs relations. Celle-ci refusa et demeura inflexible. A

partir de ce moment le malheureux Roberto ne vécut plus. 11 errait

dans sa demeure, sombre, les yeux hagards, ne mangeant pas, ne

dormant pas.

Tel il fut pendant trois jours, ne confiant ses angoisses à per-

sonne. Le soir du troisième jour, il prit un revolver et se rendit

chez sa maîtresse où eût lieu la scène que l'on sait.

Quand on le releva blessé, on le trouva très calme, il raconta

avec un sang-froid extraordinaire qu'il venait de tuer sa maîtresse

et qu'il avait ensuite cherché à se tuer lui-même. Porté à l'hôpital

il ne manifesta aucune douleur pendant qu'on le pansait. On vint

alors lui dire que sa maîtresse n'avait pas été atteinte et qu'elle

était saine et sauve, à cette nouvelle il enlra dans une violente

crise d'agitation, criant, cherchant à se lever et demandant la

mort. Le lendemain, comme il était plus calme, on lui amputa le

bras. Les dix premiers jours qui suivirent l'opération, il demeura

dans un état mélancolique bien caractérisé, puis il redevint nor-

mal. Guéri il ne conservait plus qu'un souvenir très confus de ses

tentatives d'homicide et de suicide, il ne s'expliquait pas comment

il avait pu commettre de tels actes. Il avait cependant écrit plu-

sieurs lettres quelque temps avant la catastrophe, dans l'une il

menaçait sa maîtresse de la tuer, dans l'autre adressée à ses

parents, il écrivait : « J'ai l'esprit perdu... Dieu me pardonne... le

mal que je vais faire est odieux, mais c'est plus fort que moi, il

faut que je le fasse. »

Etat actuel de Roberto. - Homme robuste et bien constitué. Les

auteurs donnent toutes ses mesures anthropométriques. Plusieurs

signes de dégénérescence : bosses frontales très développées et très

rapprochées. Asymétrie faciale très prononcée, ptosis à gauche, les

pupilles réaiusseul inégalement à la lumière, l'ouïe est moins déve-

loppée d'un côté que de l'autre, enfin le sujet rougit avec une faci-

lité exirême. L'état mental est redevenu normal, mais on a vu plus

haut qu'il présentait des caractères de dégénérescence en harmo-

nie parfaite avec les stigmates physiques précités. A partir de

ce point, cet important et intéressant rapport médical prend la

forme d'un plaidoyer en faveur de Roberto, mais d'un plaidoyer

purement scientifique, élayé sur la psychologie plus encore que

sur la clinique. Les auteurs, qui se proclament disciples de

M. Ribot, fout, du reste, de la psychologie positive. Roberto,

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 117

disent-ils, est un héréditaire vésanique, c'est un maltoïde porteur

de signes physiques et psychiques de dégénérescence. Ainsi prédis-

posé il est précisément éprouvé par l'amour et la jalousie, deux

des plus puissants fadeurs écologiques de la folie ; il devait suc-

comber. Roberto devint aliéné à partir du moment où il sut que

sa maîtresse le trahissait, on levoil en effet, dès ce moment, mélan-

colique, anxieux, il veut mourir, il est surexcité, il ne mange ni ne

dort plus. Cet état va s'aggravant pendant trois jours et aboutit à

la catastrophe finale. Chez lui, la douleur morale paralyse le pouvoir

inhibiteur et laisse libres les impulsions morbides qui doivent

mettre un terme à cetle situation douloureuse et réellement insup-

portable. Et voilà que tout à coup se transforme la personnalité

morale de cet homme, jusqu'alors doux et affectueux. Il est main-

tenant homicide et suicide, mais qui nierait que ce ne soit là de

la vraie folie ? S'il eût été un véritable criminel, on trouverait

dans ses antécédents des signes de criminalité latente, bien loin de

là, tous ceux qui l'ont connu s'accordent pour faire de lui un gar-

çon foncièrement honnête. Et puis, dans la perpétration de son

acte a-t-il cherché à s'assurer l'impunité' ? Nullement, il ne s'est

à aucun moment préoccupé des conséquences de son acte. Mieux

encore, après avoir tiré sur sa maîtresse, il a cherché à se tuer

lui-même. Et à propos de ce suicide manqué, on sait mainte-

nant que le plus souvent le suicide est le fait d'un cerveau dérangé.

Une autre preuve de la folie de Hohel'lo; c'est son altitude après

la scène, il est calme, tranquille, et étonne par son sang-froid, son

insensibilité physique aussi milite en faveur de la folie. Qu'on n'in-

voque pas la préméditation, ce serait puéril, nous savons tous, à

notre époque, que les aliénés peuvent combiner leurs projets avec

une habileté souvent remarquable. Il avait conscience de ce qu'il

faisait, pourrait-on dire encore, mais la conscience ne détermine

pas l'actuation, elle la suit « comme l'ombre suit le voyageur »

(Ribot).

En somme donc, Roberto était aliéné à l'époque où il a commis

les actes qu'on lui reproche et il est, par suite, complètement

irresponsable. Ces conclusions furent adoptées par le tribunal

qui prit, à l'égard du prévenu, un arrêté de non-lieu, sentence qui

fut ensuite confirmée par la cour d'appel devant laquelle le minis-

tère public en avait rappelé. Camuset.

II. EXPERTISE médico-légale SUR l'état mental DE V..., accusé

d'homicide. Equivalent psychique DE l'hystérie; DISI\01.1 UYSTÉ-

mQUE; par le De Ruggero 1'.\,%IBROril, direcleur du manicome de

Ferrare. (Ferraro, Tipografa dell' Eridano, 1S9.)

Dans las01rée du 12 février 1895, un certain V... jeta d'un pont,

dans le Reno, le jeune M... Le meurtrier, arrêté et mis en prison,

118 ô REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

fut atteint d'un accès de folie aigué. Il fallut l'envoyer au manicome

de Ferral'I', et le médecin directeur de cet établissement, le DrTam-

broni, fut chargé par le tribunal d'étudier sou état mental. Le

médecin expert devait tout particulièrement répondre aux ques-

tions suivantes : 1° Quelle est la maladie mentale dontV... semble

avoir été subitement atteint ? - 2° V... était-il aliéné quand il

jeta M... dans le Iteno ? - Quel rapport y a-t-il entre l'état mental

actuel de V... et son état mental au moment du meurtre ? V...

enfin ne serait-il pas un simulateur ? .

Nos confrères les aliénisles italiens ont coutume de donner de

grands développements à leurs rapports médico-légaux, ils entrent

dans tous les détails, exposent les théories médicales et philosophi-

ques régnantes, les discutent, invoquent l'autorité des savants

italiens et étrangers, si bien, que leurs rapports sont de véritables

dissertations cliniques très intéressantes souvent. Je crois que cela

est dû à l'influence de Lomhroso et de ses élèves, on retrouve tou-

jours dans ces études médico-légales les idées du chef de l'Ecole

d'anthropologie criminelle. Le rapport du D1' Tombroni est un

exemple de ces intéressantes éludes médico -psychologiques,

je suis obligé de l'analyser très succintement, je vais m'efforcer

cependant d'en faire ressortir tous les points importants.

V..., célibataire, vingt ans, est porteur d'une très lourde tare

héréditaire. ,

Son père, à cause de ses excentricités, n'était appelé que le fou.

Une grand'tante paternelle était idiote de naissance, on croit

qu'elle mourut assassinée par son frère, grand-oncle de V... par

conséquent, un aïeul paternel, mort au manicome de Bologne. Un

frère enfin ful enfermé pendant huit mois au manicome de Ferrure.

Cinq autres frères ou soeurs morts en bas âge. Quant à V..., il fut

toujours irritable et inslable, il changea plusieurs fois de métier,

il passait avec la plus grande facilité de la joie à la tristesse, et

réciproquement. Il était tantôt actif, exubérant, tantôt apathique

et déprimé. Il eut la fièvre typhoïde et depuis resta sujet aux maux

de tète. Il présentait des parliculal ités bizarres, ainsi il avait hor-

reur de monter sur des lieux élevés. Dès son enfance, il s'était livré

à des actes excentriques ; fugues de la maison paternelle, sérénades

données à des femmes, etc. Il était musicien et jouait de l'orgue

avec passion. Enfin, comme son père, on l'avait surnommé le fou.

A noter que dans le= jours qui précédèrent le meurtre, il fut encore

plus bizarre qu'à l'ordmaire.

Voici la relation de la scène du meurtre : V.... le 12 février,

s'était rendu chez un certain villageois d'un hameau vôi·iu au

neveu duquel il donnait des leçons d'orgue, le jeune M... Lui et

M... étaient deux amis, mais ce jour-la ils eurent une discussion au

sujet d'une affaire d'orgues. V... aurait vendu un orgue apparle-

nant à M... et il ne voulait pas lui en remettre le prix. Les deux

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. W

jeunes gens sortirent et passèrent la journée ensemble, mais M...

ne cessa de tourmenter V... et de lui réclamer son argent. Pour

rentrer ils s'engagèrent sur un pont qui traversait le Reno. A ce

moment leur discussion avait dégénéré en querelle. V... obsédé

donne à son ami l'ordre de se taire, celui-ci n'en fit rien, au con-

traire. V... en le reconduisant, avait pour but véritable d'aller

voir sa maîtresse qui habitait le villaue de M... M... le savait et il

savait aussi combien V... était amoureux de sa maîtresse Ernes-

tine. Au lieu de se taire, il menaça V... d'aller dire à son Ernestine

qu'il l'avait trompée avec une aulre femme. Cette histoire était

fausse, mais Ernestine très jalouse la croirait vraie etelle romprait

avec V..., ce dernier en était certain. Aussi à cette menace devinl-

il tout à fait furieux, il se jeta sur son compagnon, le souleva et le

jeta à l'eau. Après quoi il continua son chemin, alla chez Ernes-

tine, se rendit ensuite chez d'autres personnes, fil même une

affaire commerciale, car il vendit un orgue, enfin à 11 heures du

soir, très gai, chantant il se mit en route pour rentrer chez lui.

Le surlendemain li. février, il fit visite à des voisins, on remar-

qua qu'il était très gai, il dansait, il chantait, comme s'il eût été

ivre. Les jours suivants il parut tranquille, il s'informait de ce

qu'était devenu son ami M... Il alla un soir à un bal et s'y montra

d'abord gai et expansif, mais à un moment donné il devint

sombre et s'isola dans un coin. Interrogé sur la cause de celte

brusque tristesse, il répondit que la disparition de son ami l'in-

quiétait beaucoup, puis il se remit à rire età danser. Cependant il

ne tarda pas à être soupçonné, et le 21 février, il fut arrêté et

emprisonné malgré ses protestations d'innocence. Après quelques

jours d'incarcération, il changea d'attitude et s'avoua coupable, il

entra dans tous les détails du meurtre, disant que depuis la soirée

du 12 il ne vivait plus et que ses aveux le soulageaient. ? IL., affir-

mail-il, par ses réclamations persistantes, « l'avait fait sortir de

son bon sens ».

Vers la fin de mars, V... en prison devint tout à coup furieux,

criant, se démenant et déchirant ses vêtements, refusant enfin

toute nourriture. On dut l'envoyer au manicome. Voici son état à

son arrivée : la face est pâle, l'air hagard, les yeux sont convulsés

en haut, les pupilles dilatées, la tête est fortement étendue en

arrière par le fait de la contraction des muscles de la nuque. Les

muscles des membres sont très rigides et le malade immubile sur

son lit ne réagit à aucune sorte d'excitation. Anesthésie et anal-

gésie généralisées, les sens spéciaux sont, sinon abolis, du moins

très diminués. Les réflexes tendineux sont exagérés, les réflexes

pharyngiens et palpébraux abolis. Les mâchoires fortement ser-

rées. V... n'a aucune conscience de ce qui se passe autour de lui,

absorbé par des hallucinations de toutes sortes, il est par leur fait

en proie à un délire bizarre et incohérent. Tantôt sa physionomie

120 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

exprime la haine, ses traits sont contracté*, il fait de violents et

inutiles efforts pour parler, il n'arrive qu'à émettre des sons inar-

ticulés ou bien de véritables hurlements, à la fin il prononce le ntot v

bourreau. Peu après la scène change, sa physionomie se traus-

forme, ses traits se détendent, sa mimique est celle d'un homme

en extase devant un spectacle qui. le charme, il se soulève radieux,

envoie un baiser et se laisse retomber sur son lit. Alors nouveau

changement, il prend l'aspect d'un homme terrifié par l'épouvante,

il se débat et cherche à fuir. Cet état grave s'amenda petit à petit

et finit, après un certain temps, par se dissiper complètement.

L'accès aigu élait fini, mais l'état mental restait très défectueux :

erreurs de personnalité, idées de persécution à l'égard des parents

d'Ernestine. Pour cette dernière il n'a que des paroles d'amour,

ses sentiments pour elle relèvent d'un véritable érotisme morbide.

Si l'on cherche à lui faire raconter l'histoire du meurtre, il se perd,

confond les dales, oublie les fails les plus importants et insiste sur

des détails souvent imaginaires, son récit n'est, en somme, qu'un

mélange de fails réels et de divagations. Un élément précieux de

diagnostic est une lettre qu'il écrivit du manicome. On y lit qu'il

se sentait comme éveillé d'un long sommeil tout rempli d'halluci-

nations et d'idées délirantes, qu'il se trouvait dans un endroit qu'il

n'avait jamais vu, qu'il ne savait ni comment, ni pourquoi il y

était, qu'il ne connaissait personne, que tout lui semblait étrange.

En réalité, il n'avait plus aucun jugement et il ne savait plus inter-

préter ses sensalions, sous ce rapport un enfant était plus habile

que lui. A la longue les perversions psychiques disparurent pourtant,

et V... redevint tel ou à peu près qu'il était avant son accès de folie.

C'est à ce moment alors qu'il est redevenu calme et raisonnant

que le Dr Tambroni relève toutes les particularités physiques et

mentales qu'il présente, je les énumérerai seulement. Tous les

organes sont sains et fonctionnent bien, sauf le système nerveux;

on ne constate pas dans les urines l'inversion des proportions des

phosphates. Crâne volumineux, face asymétrique, oreilles sessiles,

palais ogival et asymétrique, etc. Motilité normale, réflexes

tendineux exagérés, réflexes palpébraux et pharyngien abolis.

Toutes les variétés de la sensibilité générale sont affaiblies, les

sens spécieux ont une acuité inférieure à la normale, achroma-

topsie, rétrécissement du champ visuel. Pour les particularités

psychiques : l'attention est difficile à fixer et peu soutenue,

l'idéalion est lente, le jugement incomplet ou erroné, la mémoire

très affaiblie. Les sentiments affectifs sont au contraire très vifs. Il

est enfin très sensible à la suggestion. -

D'après lout ce qui précède il est facile de conclure à l'état

mental véritable de V... Nous trouvons en effet un jeune homme

fortement héréditaire présentant tous les stigmates somatiqueset

psychiques de la dégénérescence. En plus, l'ensemble des symptômes

REVUE DE MÉDECINE LEGALE. 121

observés chez lui indique d'une façon certaine l'hystérie. V... est

un dégénéré hystérique et il a le caractère des hystériques. -

L'accès de folie dont il été atteint est, on l'a vu par ladescriplion

clinique qui en est donnée ci-dessus, un accès de confusion mentale

hallucinatoire. L'auteur préférerait le dénommer accès de distzoëca.

- Quant au meurtre du 12 février, non seulement V... ne l'a pas

prémédité, mais il n'avait pas son libre arbitre quand il l'a

commis. Tout le démontre, le passé de l'accusé aussi bien que le

peu de gravité de la provocation. De quelle espèce de maladie men-

tale V... etait-il 1 donc atteint ce moment. - V... n'était évidemment

atteint, ni de manie, ni de mélancolie, ni de paranoïa, il a simple-

ment agi sous l'influence d'une impulsion éclose subitement dans

son cerveau déséquilibré. Il a agi en épileptique ou en hystérique.

L'épilepsie doit être écartée puisqu'il n'a jamais présenté de mani-

festation de celle affection, son acle est donc dû à l'hystérie. Chez

lui, les centres supérieurs, inhibiteurs, n'ont pu ni juger, ni arrêter

l'impulsion instinctive et l'actuation s'est effectuée à la façon d'un

réflexe simple, sans contrôle. C'est en résumé là un fait d'hystérie

morale non convulsive. V...,son meurtre accompli, a.cherché à égarer

les soupçons, il a atfeclé l'indifférence et même la gaité. Ce n'est

pas chose rare dans l'hystérie, après les scènes les plus drama-

tiques, les hystériques redeviennent brusquement calmes et raison-

nants. Il était très naturel à V... de chercher à cacher son acte

homicide, mais après quelques jours de prison il l'a avoué spon-

tanément, sans lâcher de s'excuser, sans inventer, par exemple,

une provocation grave de la part de V..., comme n'eût pas manqué

de le faire un vulgaire malfaiteur. Et le Dr Tambrom termine en

donnant, comme conclusion à son rapport, les réponses suivantes

aux questions posées par le tribunal : 1° La maladie mentale dont

V...fut atteint à la prison est une psychose de nature hystérique,

caractérisée par les symptômes de la confusion moniale halluci-

natoire; 2° Au moment du meurtre V... était dans un état parti-

culier de perversion de sa personnalité, véritable hystérie mentale,

qui lui enlevait la liberté de ses actes; 3° L'état mental actuel de

V..., son état mental au moment du meurtre ne sont que deux

manifestations différentes d'une même entité pathologique, l'hys-

térie ; 4° L'accès d'aliénation présenté par V... n'avait rien de

simulé. Ces conclusions furent admises par le tribunal. Camuset.

Ill. LES manifestations DES foules pendant LE cours DE l'année 1893;

par M. G. ZUCC.RELLI. (L'Anomalo, 1894-1895.)

Les manifestations des foules sont du domaine de l'anthropologie

criminelle et elles doivent, par conséquent, être étudiées dans

l'nul1.wlo qui est un journal d'anthropologie crimiuelle, de psy-

chiatrie et de médecine légale.

122 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE

Dans le cours de 1893. on a pu observer trois manifestations

importantes de foules en délire pour ainsi dire. Ainsi, on vit à

Bilonlo une foule criminelle, à Naples une foule mystique et à

Trani ainsi qu'à Corato une foule enlhousiaste. A Bilonto, la foule

fil brûler un olficier des finances trop zélé qui voulait s'opposer au

libre exercice d'une fête religieuse très populaire. Un certain jour,

à Naples, on accourut de tous côtés pour voir la madone, qui par

une illusion d'oplique semblait se refléter sur les vitres de l'hôpital

des Pèlerins. A 'l'rani et à Corato enfin, une foule immense acclama

et porta aux nues les démocrates Cavalotti et tmbriani.Eil bien,

on peut dire que de ces trois foules, la première était surtout ata-

vique, la seconde sceptique et la troisième fervente et clairvoyante

à la fois. On retrouve cependant au fond de ces manifestations

d'essences différentes des caractères communs, ainsi ce besoin et

cetle espérance du bonheur qui se rattachent au sentiment égoïste

de conservation, lequel est la base de la vie psychique, aussi bien

de l'homme individuel que de l'agglomération humaine. Dans les

trois cas, c'est la force de la solidarité collective qui entre en jeu,

c'est-à-dire la suggestion et l'imitation. Enfin, il faut reconnaître

que dans ces circonstances diverses, les foules sont toujours ltllplé-

gnées d'un peu de mysticisme.

Ces phénomènes présentés par la foule sont très complexes, on

peut cependant, de nos jours, en étudier les principaux facteurs.

La foule de Bilonto était particulièrement atavique a avancé l'auteur,

et il le prouve. Les masses populaires vivent surtout, dit-il, par les

sentiments, les émotions, et non par le raisonnement froid et

logique. Or, à Bitouto la foule se trouve irritée par le fait d'une

opposition violente au libre exercice d'une cérémonie consacrée

par la tradition et qu'elle regarde comme une chose excellente

par elle-même. Elle perd de suite la force directrice, naturelle-

ment bien faible d'ailleurs, qu'elle possède sur ses déterminations,

force directrice que la raison acquise met physiologiquement en

jeu. Il en résulte qu'elle n'obéit plus qu'à ses instincts les plus bas,

les instincts primitifs de l'humanité. C'est en somme l'atavisme

qui règne et qui se résout par les actes les plus violents. Pendant

ces états transitoires ou lout au moins d'affaiblissement considé-

rable, de l'activité modératrice (mémoire, réflexion, délibération),

la suggestion criminelle trouve un terrain des plus propices. La

volonté d'un seul alors, qu'il soit criminel-né ou criminel d'occa-

sion, pourvu qu'elle soit formulée d'une façon brève et énergique,

suffit pour entraîner la volonté de tous. Et c'est ainsi que pour

cette foule en délire, l'incendie, le meurtre, le bûcher enflammé...

deviennent l'oeuvre vertigineuse d'un in-tant.

La seconde foule était surtout sceptique. A notre époque, le

véritable sentiment religieux est chose bien rare et la croyance en

Dieu devient de plus en plus languissante. La croyance aux mira-

REVUE DE MÉDECINE LEGALE. 123

cles, elle, persiste davantage,mais elle n'est qu'une notion tradition-

nelle ou mieux seulement une simple reviviscence atavique. A

Naples, la foule accourait pour voir l'apparition de la Madone, c'est

surtout la conséquence de la curiosilé naturelle à la nation ita-

lienne. Tout ce qui est mystérieux, fantastique, intéresse la foule,

et puis elle obéissait sans s'en rendie compte, au besoin d'entrete-

nir, de caresser celte espérance de bonheur qui réside au coeur de

tous les hommes, à ce besoin aussi de se réconforter en commun

au milieu de la vie. Mais qu'il y a loin de là à ces actes d'énergie

et de sacrifice, à ces actes héroïques quoique parfois d'une cruauté

extrême que leur foi profonde inspirait aux hommes du moyen

âge. L'intervention de la science aurait bien vite fait voir à celte

foule sceptique au fond que le phénomène mystérieux qui l'atti-

rait n'était en réalité qu'un simple phénomène d'optique. Et les

prêtres l'ont bien compris, ils ont senti que le terrain n'était pas

assez solide pour construire dessus et ils n'ont même pas cherché

à exploiter le soi-disant miracle.

A Trani et à Corato la foule a été particulièrement fervente et

clairvoyante, on ne peut le nier. Son enthousiasme pour deux

démocrates est la preuve, non pas d'un sentimentvague et aveugle

mais bien d'un sentiment profond et éclairé parla conscience. Les

masses populaires ont prouvé, en effet, qu'elles avaient l'idée pré-

cise des besoins naturels de l'homme ainsi que de son activité créa-

trice. Elles ont démontré qu'elles possédaient la claire conception

de ce que devrait être la justice humaine et qu'elles avaient la

notion scientifique de la vertu et du vice, du mérite et du démé-

rite, de la responsabilité de chacun à l'égard de tous, ainsi que de

la responsabilité de la collectivité entière à l'égard de chaque

individu, la notion de la pitié et de la prévoyance pour les faibles.

La foule enfin, a fait voir que selon elle, la vraie gloire était

pour les hommes qui se consacrent à la recherche et à la défense

du bien général. Ces hommes sont, en effet, les vrais saints des

temps modernes. Cette foule enthousiaste est certainement plus

avancée dans l'évolution que les foules des temps passés. Mieux

que ses devancières elle comprend la justice qu'elle espère. Il ne

lui faut plus le Dieu ancien, le Dieu terrible et vengeur, elle ne

demande qu'un Dieu de bouté et de justice, c'est la science qui le

lui donnera. Camuset.

IV. Les aliénés criminels A l'étranger ; par le Dr RINGS.

L'auteur étudie avant tout le fonctionnement des asiles de Broad-

mooi et de Perlh, en Angleterre, car en Europe c'est l'Angleterre

qui a créé les premiers asiles pour les aliénés criminels. L'asile de

Broadmoor, situé dans le comté de Berkshire, à une trentaine de

milles de Londres, contient 640 malades soit ],81 hommes et

124 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

159 femmes. L'auteur a été frappé du grand nombre de femmes

ayant commis un infanticide sous l'influence de la folie puerpérale

et a été étonné de voir considérer ces malades comme aussi dange-

reuses envers la société que celles qui s'étaient rendues coupables

d'homicide ordinaire. Depuis trente ans qu'il est ouvert, l'asile de

Broadmoor, a reçu i,097 malades.

L'asile de Perlh, pour les aliénés criminels, est une dépendance

de la Prison générale. Le nombre des malades n'y est que de 55,

soit 40 hommes et 15 femmes. '

Alors que les épileptiques et les paralytiques généraux four-

nissent un contingent élevé aux asiles ordinaires, ils sont rares ici.

- En effet, il n'y a que deux épilepliques, et depuis treize ans que cet

asile est fondé il ne s'y est rencontré que quatre cas de paralysie

générale. Les deux principales critiques formulées par l'auteur

contre les asiles d'aliénés criminels anglais sont : 1° L'extrême

rigueur montrée à l'égard des femmes ayant tué leur enfant dans

un accès de manie puerpérale; en effet, si ces malheureuses

n'avaient personne pour s'occuper de leur sort après leur guérison,

elles risqueraient fort de rester à l'asile toute leur vie.

2° La seconde critique est qu'en somme, le système, tel qu'il est

appliqué, ne sépare pas d'une façon permanente l'aliéné criminel

de l'aliéné ordinaire : en effel, à l'expiration du temps de sa

condamnation, l'aliéné criminel cesse d'être considéré comme tel

et est évacué sur l'asile du district dans lequel son crime a été

commis. En plus de ces deux [asiles anglais, l'auteur a visité le

quartier spécial de Bicêtre dont l'aspect prison l'a frappé, et le

quartier spécial de Gaillon. Il n'a pu avoir de renseignements sur

les trois asiles pour aliénés criminels dont la créalion vient d'être

décidée en Italie. 11 n'y a pas d'aulre asile d'aliénés criminels en

Europe. (American journal of insanity, oct. 1895.) E. B.

V. Exhibitionniste condamné par les tribunaux ;

par le Dr A. VIGOU11OUX.

Bel exemple d'impulsion irrésistible qui montre, contrairement

au dire de quelques auteurs, que les exhibitions peuvent avoir lieu

souvent en plein jour et par devant témoins. Ce cas intéressant

prouve aussi combien le code pénal est impuissant à réprimer les

actes d'immoralité de celte nature. Malgré ses cinq condamnations

antérieures, le malade en question continuera, dès l'expiration de

sa peine, à être un danger pour la 11101 ale publique. Et de fait,

l'auteur, depuis la rédaction de cette observation, a appris que

E... sorti de prison le 14 janvier 1895, a recommencé à exhiber le

3 février. Il a élé arrêté de nouveau. (Annales médico-psycholo-

giques, avril 1896.) E. B.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

I. Des idées impératives ; discussion de l'article de Ilack Tuke

paru sous ce titre dans le Brain en 1894. (braira, été et automne

1895.) .

M. HuGLiNu-jACKsoN a vu de nombreux cas d'obsessions sem-

blahles aux « idées impératives » de Back Tuke. I ! les croit souvent

dues à la fixation des fantaisies du rêve par une altération morbide

légère survenue ou aggravée dans le cerveau pendant le sommeil.

Elles sont compatibles avec un état mental sain et ne diffèrent des

idées normales que par le degré. Il n'admet dans ce cas ni état

mental négatif, ni état mental positif isolé. L'état mental négatif

absolu n'existe que dans la démence complète et le coma.

M. SAVAGE n'approuve pas le terme d' « idées impératives D, chez

beaucoup de sujets elles ne sont nullement impulsives et n'ont

aucune influence sur les actes; elles comportent presque toujours

une prédisposition héréditaire, mais sont provoquées par une cause

occasionnelle, choc ou série de chocs moraux, chagrins, soucis,

surmenage. Suit une riche collection de cas d'obsessions et de

phobie ? . Il y a dans ces cas une combinaison de troubles fonction-

nels organiques et de réactions moniales anormales; celles-ci sont

les équivalents psychiques de ceux-là.

M. Mercier a constaté souvent déjà qu'un désordre grave de

l'esprit peut exister chez un individu nullement aliéné. Le germe

de cet état pathologique existe loujours dans la vie normale sous la

forme des petites obsessions anodines qui surviennent dans des

circonstances déterminées (occupations manuelles) où l'attention

est incomplètement absorbée. Entre ces faits normaux et les états

pathologiques les plus intenses; il y a tous les degrés. L'auteur

esquisse une théorie physiologique de l'obsession basée sur les rap-

ports mutuels des centres supérieurs et moyens.

M. rllcti\-l3aown.r. fait de la question un historique détaillé et

richement documenté, montrant qu'à l'étranger et en France

surloul elle a été anciennement et complètement étudiée; il relate

de nombreuses guérisons par l'hypnotisme, et tout en reconnais-

.saut la valeur élioiogique de l'hérédité, il proteste contre l'usage

immodéré du mot dégénéré. « L'abus actuel de ce terme laisse

croire qu'il désigne tous ceux qui ne sont pas conformes à quelque

126 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

type sauvage primitif possédant un syslème nerveux imparfai-

tement développé'. » F. Borssrca.

II. Sur la syphilis du système nerveux; par J. Mickle.

(Brain, printemps, été et automne 1895.)

Ce long mémoire est une revue générale complète de la question.

L'auteur examine d'abord les formes étendues : pour la paralysie

générale il expose et discute toutes les statistiques et toutes les opi-

nions ce qui avec ses données personnelles le range avec ceux qui

en font une affection parasyphilitique. Il étudie ensuite les ménin-

gilets cérébro-spinales par infiltration gommeuse diffuse ; les acci-

dents nerveux rapides des véroles séniles; les altérations mentales

dues à l'intoxication par les produits du virus syphilitique; les cépha-

lées, les insomnies de la syphilis crânienne et intracrauieune. Un

chapitre spécial traite de l'liérédo-53philis, de ses formes spinale et

cérébrale, des hémiplégies graves après traumalismes anodins, de

la paralysie générale infanlile. La seconde partie est consacrée

aux myélopalhies par lésions vertébrales, par syphilomes des enve-

loppes ou de la moelle elle-même; aux méningites spinales; aux

lésions radiculaires, aux méningomyélites, au ramollissement de

la moelle, aux phénomènes labél1furllles. Enfin un long chapitre

résume les discussions et statistiques du tabès, affection parasyphi-

litique, les arlbropallrie alaxiques sont rapprochées des arlhriles

syphilitiques tertiaires. Viennent enfin une étude très complète

avec discussion' des épilepsies syphilitiques et hérédo-syptniitiques

et des névralgies syphilitiques. Ce mémoire est .surtout un travail

de critique très richement documenté, et accompagné de nom-

breux faits et idées personnels. F. Boissier.

III. CRANtOTOMOE dans la IICfioCLPH.1L1F; par F. Marron y Alonzo.

(sigle medtco, janvier 1895.)

Malgré les statistiques pessimistes et un insuccès persistant, l'au-

teur est convaincu que la craniotomie est appelée à rendre des

services. 125 opérations ont été publiées avant la sienne ; sur les

85 exposées par M. Bourneville etfaites en France, il y a eu 13 dé-

cès. Sur les 33 faites aux Etals-Unis jusqu'en 1893, il y a eu 14

décès. En somme 20 p. 100 de décès; de nombreux résultats nuls,

et un minime pouicenlage d'amélioration*. Il n'y a pointant pas

lieu d'en désespérer tout à fait; il faut arriver pouvoir choisir les

cas opérables. 11 y a des microcéphalies très diverses comme élio-

logie et comme forme anatomique; et parmi les différentes calé-

' 11. Ilack Tuke étant mort depuis la publication de cet article, la dis-

cussion se trouve close.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 127

n-ories, deux surtout sont importantes au point de vue opératoire :

1° celles où un cerveau frappé d'arrêt de développement est primi-

tivement petit et conséquemment recouvert d'un petit crâne, ici

l'opération est super ! lue j 2° celles où il s'est produit une ossifica-

tion prématurée des sutures sur un cerveau capable d'un certain

développement. Ici l'intervention est plausible au moins dans cer-

taines conditions en modifiant les procédés et dispositions opéra-

toires selon les situations individuelles. , Pour certains cas une

intervention mal dirigée peut laisser une compression fibreuse

tout aussi nuisible que celle qu'on a voulu faire cesser. Enfin il ne

faut pas perdre de vue que les idiots généralement mal déve-

loppés, malingres et doués d'un mauvais état général sont aussi

mal disposés que possible à résister au sirock et autres accidents

chiruigicaux. Il faut parer à ces inconvénients. 1° La craniololllie

ne doit s'adresser qu'à des enfants aussi vigoureux et bien nourris

que possible et avec l'autorisation formelle ou sur la demande des

parents; 2° ne pas opérer les deux côtés dans la même séance,

afin de gagner du temps et de diminuer les chances du choc;

3° ne pas opérer sous sa seule responsabilité, et ne pas promettre

aux parents une amélioration assurée; 4° opérer de préférence les

cas accompagnés d'attaques épileptiformes, de contractures, rigi-

dité ou paresies.

Le point essentiel serait de pouvoir choisir les microcéphales par

ossification prématurée primitive, et sans lésions profondes de

l'encéphale. Il faudra pour cela arriver à perfeclionner les moyens

de diagnostic, ce qui n'est pas impossible. En résumé, la cranio-

tomie est encore sub judice et n'a pas dit son dernier mot.

H. C..., enfant de neuf mois, grands parents tous vivants et

bien portants, parents sains (issus de germains), une soeur du père

idiote, deux cousins épilepliques, un frère aîné du malade rub iste

et intelligent. Accouchement normal et pas de fontanelles à la

naissance; peu d'accroissement de la tête pendant ces neuf mois,

développement du corps régulier. A trois mois première crise épi-

leptiforme, attaques très fréquentes depuis lors, jusqu'à 20 par

jour; l'intervalle sans crises le plus long a été de dix-neuf jours.

Aspect hébété, j'enanlne reconnail pas sa mère, n'articule pas un

son, ne peut se tenir sur son séant; regard stupide ; pas de parésie

ni de strabisme. Diagnostic : idiotie par ossification prématuiée;

les parents demandent une opération, celle-ci parait applicable au

moins à l'élément convulsif qu'elle peut amender, et peut-être

dans une petite mesure au développement intellectuel. Le 4 août

189, avec l'asepsie la plus rigoureuse, la craniotomie linéaire lut

pratiquée du côté droit (plus déprime que le gauche). Malheureu-

sement un accident grave de chloroforme interrompit l'opération,

l'enfant fut à grand'peine rappelé à la vie, et il fallut l'anesthésier

de nouveau à l'éther. Une bande osseuse de trois pouces anglais et

128 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

demi de long sur un quart de pouce de large fut enlevée avec le

forceps rongeur de Keen parallèlement à la suture sagittale. Mais

l'incident chiiurgical avait mis l'enfant dans de mauvaises condi-

tions ; il mourut trente heures après. L'auteur déplore ce contre-

temps persuadé que le cas était de ceux que l'on doit opérer.

F. BoissiER.

IV. DE l'impulsion : sa définition, ses formes et sa valeur

psychologique; par le Dr BOURDI\.

4.

L'auteur accepte, en la modifiant un peu, la définition de

M. Magnan : « L'impulsion est un mode d'activité cérébrale qui

pousse à des actes que la volonté est impuissante à empêcher. »

L'impulsion se présente sous divers aspects, qui constituent autant

de variétés :

1° Impulsion consciente qui, elle-même, se divise en plusieurs

modalités : a) l'impulsion est précédée de l'idée de l'acte à accom-

plir sous forme d'obsession, nette, consciente, de suffisamment

longue durée, et laissant au sujet le temps d'apercevoir les consé-

quences de l'acte qu'il va fatalement exécuter. Dans cette forme,

l'impulsion, à proprement parler, se trouve être l'intermédiaire

entre l'obsession et l'acte ; c'est, en quelque sorte, la décharge

motrice. Celle forme d'impulsion se rencontre chez les dégénérés

supérieurs de Magnan, les hystériques; b) l'idée qui précède l'acte

est moins nette et se trouve fournie par une émotion violente de

l'âme, une passion atteignant d'emblée son paroxysme chez un

sujet prédisposé et le déterminant à des actes extrêmes. Cette forme,

qui constitue ce qu'on a appelé la folie morale, la folie des actes,

se rencontre chez les dégénérés, chez les hystériques ; c) dans une

dernière forme, l'idée antérieure est presque nulle, tant elle est

brève et fugace, fournie par une association plus ou moins étrange

d'idées, et avant que le jugement ait pu intervenir, l'acte est

accompli. Celte forme se rencontre chez les dégénérés, les hysté-

riques, les débiles, les semi-imbéciles ;

2° Impulsion inconsciente. Ce genre d'impulsions se rencontre

surtout chez les épileptiques : ce qui est inconscient, c'est l'idée

causale, qui n'est pas toujours immédiatement antérieure à l'acte,

mais souvent bien plus ancienne et impossible à retrouver dans

les antécédents du malade. L'ictus épileptique, inconnu dans sou

essence, a pour effet de supprimer le souvenir du fait accompli.

Mais on conçoit qu'il n'est pas possible d'affirmer que la conscience

n'a pas existé au moment précis de l'exécution de l'acte : l'auteur

croit même que la volonté est intervenue également, si minime

qu'ait élé son rôle, et s'appuie, pour soutenir cette idée, sur les

caractères mêmes de l'acte de l'épiieptique, qui n'est jamais illogique,

quelque odieux qu'il soit, et qui n'est que trop en accord avec le

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 129

caractère agressif et méchant que l'épileptique manifeste en dehors

même des accès.

L'impulsion inconsciente ne se rencontre pas seulement chez

les épileptiques, mais aussi chez les hypnotisés : dans ce cas, l'ictus,

au lieu d'être spontané comme chez les épileptiques, est provoqué

et l'idée causale est suggérée par un esprit étranger au moi;

3° A la suite de ces deux formes d'impulsion vraie, s'en placent

d'autres moins nettes, moins bien différenciées, qui rentrent dans

le cadre de ce que 'l'auteur a appelé les fausses impulsions, celles

qui sont la conséquence logique d'un faux raisonnement, fût-ce un

raisonnement d'aliéné. Il en existe plusieurs variétés : a) l'acte

s'explique par une hallucination antécédente, comme cela se voit

chez la plupart des aliénés, certains intoxiqués et hystériques ;

b) l'acte est dû à une conception délirante, comme chez certains

aliénés, persécutés persécuteurs non hallucinés, certains hysté-

riques ; c) le désordre des idées a entraîné le désordre des actes,

comme dans l'excitation maniaque, la paralysie générale au début,

l'hystérie; d) l'impulsion s'explique par une faiblesse intense, con-

génitale ou acquise, de l'idéation en même temps que de la volition :

c'est ce qu'on voit chez l'enfant, l'imbécile, l'idiot, les déments de

toutes variétés ;

4° Enfin l'hystérie forme un type mixte où se rencontrent tantôt

des impulsions vraies de toutes formes, conscientes ou inconscientes,

tantôt de fausses impulsions dues à une hallucination antérieure,

ou au désordre des actes, ou encore à la faiblesse de l'idéation

(caprices, associations puériles des idées). (Annales médico-psycho-

logiques, avril 1896.) E. B.

V. NOTE POCR SERVIR A L'HISTOIRE DES TROUBLES gastriques de L'ÉPI-

LEPSIE ET DE L'HÉRÉDITÉ MORBIDE PROGRESSIVE; par M. FÉRÉ. (Joum.

de Neurologie, 1896, n° 6.)

Les troubles de l'appareil digestif ne sont pas seulement des

agents provocateurs de l'épilepsie, ils figurent aussi quelquefois

parmi les manifestations paroxystiques de cette névrose; en d'autres

termes, les crises gaslralgiques, entéralgiques, les coliques, etc.,

peuvent suppléer les accès convulsifs. A l'appui de cette assertion,

M. Féré rapporte l'observation d'une jeune fille de dix-huit ans,

sujette à des absences qui, depuis deux ans, éprouve une fois par

mois des crises caractérisées par une douleur brusque que la malade

compare à celle que pourrait produire un noeud coulant en fil de

fer serré brusquement : elle se sent coupée en deux instantanément;' ·

elle est étonnée par le choc et reste ensuite abasourdie quelques

minutes.

Les crises douloureuses ne laissent après elles aucun trouble,

quelquefois seulement un peu de diarrhée; dans leurs iule rvalle

Archives, 2° série, t. II. 9

130 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

les fonctions gastro-intestinales s'accomplissent régulièrement, sauf

un peu de constipation.

Les premières crises n'ont frappé la malade que par la douleur,

mais bientôt elle a remarqué que le choc était précédé par un

phénomène constant : un flux de salive lui remplit la bouche immé-

diatement avant la constriction. ,

Depuis un an environ sont survenues des secousses dans les

membres inférieurs, secousses qui se manifestent en séries tous les

deux ou trois mois. Cette malade a présenté en outre, à deux

reprises, un véritable accès convulsif avec chute, cri, perte de

connaissance et écume buccale. Pas de stigmates d'hystérie.

La brusquerie et l'instantanéité des douleurs ventrales, la coïn-

cidence des vertiges et de crises convulsives prouvent bien la

nature épileptique des accidents présentés par cette jeune fille.

Ajoutons que sa grand'mère migraineuse a eu des paralysies

locales transitoires et que sa mère est également atteinte de

migraine ophtalmique avec troubles paralytiques et convulsifs.

Chez la petite fille, les incidents ont présenté d'emblée le caractère

épileptique. L'hérédité est progressive. DERNY.-

VI. Psychoses DE la vieillesse (observation de délire raisonnant

de' persécution chez une femme âgée de soixante-treize ans) ;

par le Dr Régis.

Dans son remarquable mémoire au Congrès de Bordeaux sur les

psychoses de la vieillesse, M. Ritti a mis en lumière les caractères

du délire systématisé classique chez le vieillard, de la psychose

progressive à éclosion tardive. L'intéressante observation publiée

par l'auteur apporte une contribution nouvelle à l'étude des

psychoses de la vieillesse en établissant la possibilité chez le

vieillard d'une forme de délire de persécution, non encore signalée

à cet âge.

Il s'agit d'un cas de délire systématisé de persécution raisonnant,

des dégénérés ou des persécutés persécuteurs, avec ses caractères

typiques (vraisemblance, logique et fixité d'emblée du délire,

absence d'hallucinations, tendances persécutrices et processives, etc.)

chez une femme de soixante-treize ans, jusque-là indemne de tout

accident vésanique. (Annales médico-psychologiques, avril 1896.)

E. B.

VII. REVUE DES SIGNES DE dégénérescence ET DES MÉTHODES DESTINÉES

A les enregistrer; par le D1' A. Meyeu.

La valeur pratique de nos connaissances actuelles sur les signes

de dégénérescence a été peut-être exagérée par ceux qui croient

avoir trouvé dans ces signes de dégénérescence une phrénologie

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. '131

scientifique. Il est probable que, pour longtemps encore, l'étude

des capacités mentales bénéficiera plus de l'examen des manifes-

tations psychiques que dé celui des formes physiques de l'individu; -

aussi voyons-nous l'étude des prétendus signes de dégénérescence

n'être pas d'une importance pratique pour l'aliéniste.

Il n'en est pas moins vrai que le médecin doit se faire une idée

personnelle sur la question s'il veut tenir un rôle d'expert, s'il veut

examiner sciemment un problème qui devient de plus en plus

important, à savoir la question du mariage pour ceux qui sont

affligés de signes de dégénérescence. Certes tous les points de ce

problème sont encore à l'heure actuelle purement théoriques, mais

pourquoi ? uniquement parce que nous n'avons pas de connais-

sances suffisantes sur les faits qui servent de base à l'influence de

l'hérédité, sur les lois de sa naissance et de son développement.

Que l'aliéniste, chaque jour en présence de l'énigme de la dégé-

nérescence héréditaire, trouve plus que quiconque, dans cette

élude, un intérêt profond, cela ne fait pas de doute; mais plus que

tout autre aussi, de même que le criminologiste, il a besoin de se

garder sévèrement contre des conclusions prématurées.

Pour faciliter l'étude des signes de dégénérescence et la compa-

raison des résultats obtenus, l'auteur expose en détail la méthode

systématique nécessaire pour la recherche complète de ces signes.

Les stigmates sont divisés en trois groupes : .

1° Déviations morphologiques du type normal comprenant les

déviations des proportions générales du corps, les asymétries et les

formes particulières de différentes parties;

2° Les déviations fonctionnelles du type normal comprenant les

innervations anormales ou les irrégularités du développement;

3° Les stigmates purement psychiques.

Cette énumération complète des stigmates de dégénérescence

et des méthodes destinées à les enregistrer est accompagnée des

schémas explicatifs. (American joumul of iltsanilg, janv. 1896.)

Il E. B.

VIII. Contributions A l'étiologie ET A la pathologie générales

DE la folie; par le 01' Aies HRDLICA.

I. Relations étiologiques entre la tuberculose et la folie. Les

statistiques de l'auteur montrent qu'il existe des formes de tuber-

culose héréditaire ou autre chez 40 à 50 p. 100 des aliénés et

chez 55 à 60 p. 100 des aliénées. La tuberculose joue donc, par

rapport à la folie, un rôle étiologique dont il faut tenir compte.

IL Troubles de l'odorat dans la folie. Les troubles de l'olfaction

ont peu attiré l'attention des cliniciens; ils sont cependant notables

car, sur 400 malades examinés à cet égard, l'auteur a trouvé 30

132 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

p. 100 des malades chez lesquels existait une anosmie plus ou moins

complète; cette anosmie a été observée, la plupart du temps, dans

les cas les plus récents et les plus légers d'aliénation. Dans la folie

de nature épileptique, l'anosmie fut trouvée complète dans 57 à 72

p. 100 des cas.

III. Réflexes dans la folie. - L'auteur a examiné les réflexes

rotuliens et les réflexes de l'iris (accommodation à la lumière et à

la distance). Ces derniers sont bien moins souvent modifiés que les

réflexes rotuliens, lesquels sont exagérés fréquemment.

IV. Achromatopsie. Alors que Noyes, dans son traité sur les

maladies des yeux, trouve 5 cas pour 100 d'achromatopsie chez

les hommes et 2 pour 100 chez les femmes, l'auteur sur 400 malades

examinés, n'a rencontré de l'achromatopsie que chez deux hommes

et une femme, et encore ces trois cas étaient incomplets. (American

journal of insanity, janvier 1896.) E. B.

IX. UN cas DE folie morale; par le D'' Gorton.

Histoire clinique intéressante d'un cas type de folie morale. A

propos de ce cas, l'auteur remarque que l'appellation de « folie

morale » est impropre, en ce sens que le mot a moral » parait

mettre en avant des perversions dans la sphère génitale, perver-

sions qui ne font pas toujours partie intégrante de la folie morale.

La folie morale étant une des affections mentales qui mettent le

plus en contact médecins et magistrats, il y aurait intérêt à trouver

pour elle une appellation qui ne prête à aucune confusion. (Ame-

rican journvl of insaitity, octobre 1895.) . E. B.

X. Délire CHRONIQUE ET alcoolisme aigu; par le Dr E.ST.\1AN.

Cas intéressant dont les conclusions sont les suivantes : 1° l'alcoo-

lisme aigu peut se greffer sur le délire chronique et la totalité des

symptômes peut être mise par erreur sur l'alcoolisme aigu simple;

2° dans un pareil cas, la guérison de l'alcoolisme aigu peut dimi-

nuer l'intensité du délire chronique, mais ce dernier ne guérit pas;

3° un tel malade peut être assez pénétrant pour tirer parti du dia-

gnostic du médecin et cacher son délire chronique. (American

journal of insanily, octobre 1895.) ' E. B.

XI. Troubles moteurs dans la folie; par le D1' Richardson.

L'auteur attire l'attention sur les connexions intimes qui existent

généralement dans la folie entre les fonctions motrices et les acti-

vités purement intellectuelles de l'écorce. Les diverses modalités de

l'activité fonctionnelle de l'écorce forment un tout harmonieux et

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 1 33

la perversion du a moi », dans la folie, est l'indice d'une perturba-

tion générale de l'écorce. Et si, parfois, les signes d'altération cor-

ticale paraissent se limiter à certaines zones intellectuelles, il ne

faut pas trop se presser d'établir des limites dans l'influence que ce

désordre peut avoir sur les autres modes d'activité corticale; cette

délimitation est presque impossible en raison de l'unité, de l'indivi-

sibilité de l'énergie corticale. Les éléments moteurs sont constitués

par des cellules de forme spéciale, mais ces cellules ne sont pas

limitées dans des zones spéciales de l'écorce. Aussi les différents

modes de l'activité corticale paraissent-ils être dus bien plus à des

cellules de formes différentes, répandues dans les diverses couches

de l'écorce plutôt qu'à la distribution de ces cellules dans des

zones spéciales de la surface corticale. (American journal of insa-

nity, octobre 1895.) E. B.

XII. Relations DE l'alcoolisme ET DE la folie; par le Dr BANNISTEn.

Les conclusions de l'auteur sur le rôle de l'alcool dans la produc-

tion de la folie sont les suivantes : 1° les excès d'alcool produisent

la folie; 2° ces excès sont la cause directe d'au moins 10 à 12 p. 100

des cas d'aliénation mentale, et la cause indirecte de beaucoup

d'autres cas qu'on ne rapporte pas à une influence alcoolique ;

3° « boire modérément » est un terme indéfini qui explique la dif-

ficulté d'utiliser les statistiques sur les effets de l'usage modéré de

l'alcool dans la production de la folie.

Il n'y a, cependant, aucune raison de croire qu'un usage modéré

de l'alcool doive conduire à un trouble mental un individu normal

et même, à priori, la physiologie semblerait faire présumer le con-

traire. Quant aux victimes d'une tare héréditaire ou névropathique,

il n'y a aucun doute que l'usage modéré de l'alcool n'ait chez elles

des effets désastreux. (American journal of insanity, janvier 1896.)

E. B.

XIII. DE la prophylaxie DE la TUBERCULOSE dans LES asiles d'aliénés;

par OIEHC6LIN. (Allg. Zeitsch. f. Psychiatrie, t. LII, fasc. 4.)

On s'occupe beaucoup en Allemagne de la prophylaxie de la

tuberculose dans les asiles d'aliénés. Au congrès des médecins alié-

nistes allemands de Weimar (1891), Botel a fait un rapport sur

la question concluant à ce que les mesures recommandées par

Cornet et Relier contre la propagation de la tuberculose fussent

appliquées dans les asiles : séparation des tuberculeux des autres

malades durant la nuit; désinfection des crachats, du linge, des

meubles, des locaux ; examen soigneux des maladies ; instructions

spéciales données au personnel.

La question a été également mise à l'étude au congrès de Ha-

'134 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

novre (1892). Wulff, à propos de la contagion de la tuberculose

dans les asiles d'idiols, a recommandé d'examiner fréquemment les

malades afin de pouvoir les isoler à temps.

Le préfet de police de Berlin a adressé aux établissements d'alié-

nés privés une note sur les mesures prophylactiques à prendre

contre la tuberculose : isolement, crachoirs spéciaux, désinfection,

etc. Une circulaire ministérielle du 5 février 1892 ordonne aux

directeurs des asiles d'aliénés de prendre des mesures contre la

contagion de la tuberculose; tous les malades doivent être fré-

quemment examinés à ce poiut de vue, au moins une fois par an.

L'auteur a étudié la question dans un asile neuf, bien aménagé

au point de vue hygiénique. Le nombre des décès par tuberculose

a été de 20,37 p. 100 en 1892, de 24,24 p. 100 en 1893 et de 24

en 1894.

La question des mesures à prendre contre les ravages que cause

la tuberculose dans les asiles est complexe. L'isolement complet

des tuberculeux peut avoir, pour certains, de fâcheux résultats au

point de vue de leur état mental. D'autre part peut-on se contenter

d'isoler les tuberculeux qui gardent le lit, et pour ceux qui sont

levés de les faire coucher dans un dortoir spécial en les laissant en

contact avec les autres malades dans la journée ? Il est certains

quartiers où les tuberculeux ne devraient jamais être admis, par

exemple le pavillon de traitement qui renferme une grande pro-

portion de malades curables, où l'attention du personnel est occu-

pée par les soins à donner aux sujets atteints de psychoses aiguës,

où se trouvent des aliénés affaiblis, qui refusent les aliments et qui,

par suite, sont plus exposés que d'autres à contracter la tubercu-

lose. Dans les asiles qui ne possèdent pas de pavillon d'isolement

pour les maladies contagieuses on sera contraint de faire aménager

une station pour les tuberculeux dans le quartier des infirmes.

L'examen fréquemment renouvelé des aliénés au point de vue de

la tuberculose est une mesure bonne en théorie peut-être, mais

qui ne donne guère de résultais en pratique. Le contrôle des

variations de poids des malades peut fournir d'utiles indications.

L'éducation du personnel a aussi besoin d'être faite pour per-

mettre de dépister la tuberculose. Comme crachoirs, les meilleurs

sont des crachoirs en verre de 5 kilogrammes, solides, faciles à

nettoyer, lourds. L'auteur conclut en demandant que les aliénés

atteints de tuberculose soient séparés des autres malades même

pendant le jour. Là où la chose ne sera pas réalisable, il faut au

moins que les tuberculeux ne séjournent pas au milieu des

malades curables dans les quartiers de traitement.

P. Sérieux.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONGRÈS ANNUEL DES MÉDECINS ALIÉNISTES ALLEMANDS

TENU A HAMBOURG LES 13 ET 14 SEPTEMBRE 1895.

Séance du 13 septembre.

M. Siemens. Sur la question de la réforme'du régime des aliénés

en Allemagne et plus particulièrement en Prusse. L'auteur insiste

sur les conditions défectueuses dans lesquelles se trouvent les nom-

breux aliénés traités dans des établissements dirigés par des ecclé-

siastiques. L'attention des médecins a depuis longtemps été attirée

sur cette question sans que des réformes sérieuses aient été appor-

tées à des errements déplorables. Les scandales qui se sont pro-

duits récemment à l'asile d'Aix-la-Chapelle ont de nouveau ému

l'opinion publique. Dans cet établissement qui a une population

de plusieurs centaines d'aliénés et d'épileptiques, il n'existe pas de

médecin résident et le traitement est en réalité dirigé par des

religieux propriétaires de l'asile. Les médecins attachés soi-

disant à l'établissement n'y viennent faire qu'une courte visite

et n'ont aucune autorité. Il en est de même dans la plupart des

établissements dirigés par des pasteurs : asiles d'idiots, d'épilep-

tiqnes ou d'aliénés. Wildermuth et Schlisp ont, il y a plnsieurs

années, montré que les malades de ces asiles, même des plus con-

sidérables d'entre eux, n'avaient que des soins médicaux fort

insuffisants. Dans un asile de plusieurs centaines de malades, les

aliénés n'étaient l'objet d'aucun traitement sérieux, le médecin ne

venant même pas quotidiennement faire sa visite. Dans un autre

établissement dirigé par.un ecclésiastique et dont la population est

de 187 malades, le service médical est confié à un médecin prati-

cien qui touche un traitement de 300 marks.

Il serait nécessaire que tous les médecins aient des notions de

psychiatrie; et pour cela il faudrait que l'enseignement clinique

des maladies mentales devint obligatoire et que la psychiatrie fil

partie du programme des examens. Une autre réforme consistait

à augmenter le nombre des infirmeries des asiles, à améliorer leur

situation, à rendre leur service moins pénible. 11 conviendrait

aussi de séparer les malades curables des incurables en construi-

136 SOCIÉTÉS SAVANTES.

sant pour ces derniers des établissements spéciaux dont le prix de

revient pourrait être moins élevé que celui des asiles de traitement;

le prix de journée pourrait y être également notablement réduit.

Pour ce qui concerne les aliénés criminels, le mieux serait de

créer des établissements régionaux qui leur seraient réservés. En

leur absence il convient de construire des annexes aux établisse-

ments de correction et aux dépôts de mendicité de façon à épar-

gner aux aliénés des asiles le contact pénible de vagabonds et de

délinquants qui modifient d'une façon fâcheuse la physionomie

d'un établissement et empêchent de mettre en pratique l'open-door.

Ce n'est pas tout que d'augmenter le nombre du personnel de

surveillance, il est encore indispensable d'augmenter le nombre

des médecins si l'on veut traiter les malades.

Au point de vue de la réforme de la législation des aliénés,

l'auteur se félicite de voir que dans les projets qui ont été propo.

sés on n'a pas cherché à mettre des obstacles à l'entrée des aliénés

dans les asiles. On a, par contre, insisté sur l'augmentation des me-

sures de surveillance et de contrôle des asiles d'aliénés. Cette exten-

sion du droit de contrôle de l'autorité devra se manifester dans les

conditions imposées à ceux qui voudront ouvrir un asile privé. On

devrait exiger du médecin responsable des garanties au point de

vue de sa compétence spéciale et n'accorder en son absence

aucune autorisation, fût-ce à un ecclésiastique, à une société de

bienfaisance, etc. Le médecin responsable doita\oir une instruc-

tion solide au point de vue de la médecine mentale, avoir été

pendant plusieurs années assistant dans un asile. Il ne peut être

remplacé que par un médecin présentant les mêmes garanties et

dont le gouvernement doit avoir le droit d'agréer ou de refuser la

nomination.

Ce n'est pas seulement dans les asiles privés qui reçoivent des

malades incurables, mais encore dans les hospices d'incurables

que le médecin doit être tenu à la résidence. Au-dessus de 100 ma-

lades on doit exiger un médecin à demeure. Si le nombre des

malades augmente, des assistants deviennent nécessaires. On a

admis un nouveau mode de contrôle que l'on réclamait depuis

longtemps, la visite de commissions de surveillance qui doivent

inspecter l'établissement une fois par an, avec l'assistance du mé-

decin d'arrondissement (Kreisphysicus, médecin fonctionnaire).

Les aliénés traités dans des familles étrangères doivent être égale-

ment surveillés. La visite régulière des asiles privés par le Kreisphy-

sicus offrirait des garanties sérieuses pour les malades et pour les

établissements eux-mêmes, si ces médecins avaient des notions

plus étendues en psychiatrie. On a demandé que l'examen de Kreis-

physicus porte entre autres sur des questions de médecine mentale

et que les candidats aient fait un stage dans un asile. On devrait

enfin créer, à la direction des affaires médicales du ministère des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 137

cultes, un bureau où seraient centralisées toutes les affaires con-

cernant l'existence des aliénés. Ce bureau devrait être dirigé par

un homme cornpétant. Les asiles publics doivent, eux aussi, être

inspectés, afin de donner satisfaction à l'opinion publique.

M. ZiNN, après avoir rappelé les attaques récentes dont les asiles

d'aliénés et les médecins aliénistes, ont été l'objet à la suite dus

faits scandaleux qui se sont passés à l'établissement d'Aix-la-Cha-

pelle, lit un rapport sur les réformes qu'il y a lieu d'apporter dans

le régime des aliénés. Il commence par déclarer que la situation

des aliénés en Allemagne ne craint pas la comparaison avec celle

qui est faite à ces malades dans les autres pays. Il rappelle l'appré-

ciation portée sur les asiles d'aliénés allemands par un éminent

aliénisle anglais, G. A. Tucker qui, il y a une dizaine d'années, a

consacré trois ans à visiter les asiles étrangers et en particulier les

asiles allemands, et a pu prendre ainsi une connaissance très

approfondie de l'installation de ces établissements et de toute l'or-

ganisation de l'assistance des aliénés en Allemagne. Dans son

grand travail pa ! u en 1887, Lunacy in many Land (p. 698), M. Tucker

arrive aux mêmes conclusions que Beard qui a visité en 1880 les

asiles de l'Europe : « Pour ce qui est, dit Tucker, des méthodes de

surveillance, des soins et du traitement des aliénés dans les éta-

blissements publics ou privés, la Grande-Bretagne l'emporte sur

tous les autres pays d'Europe. Après la Grande-Bretagne vient l'Al-

magne, qui, sur ce point, a fait des progrès tellement rapides,

qu'elle ne tardera pas à égaler la Grande-Bretagne. Après l'Alle-

magne vient la France... » Depuis l'époque à laquelle écrivait

M. Tucker, les progrès réalisés dans l'assistance des aliénés ont été

considérables : on a créé de nouveaux asiles, on a organisé l'assis-

tance familiale, on a fondé des sociétés de patronage, etc., etc.

Les réformes véritablement utiles que demande l'assistance des

aliénés sont tout autres que celles dontl'opinion publique se préoc-

cupe. Le plus grand uombre des asiles allemands sont encombrés

de malades; pour quelques-uns d'entre eux l'encombrement est

devenu une véritable calamité. Quand un asile voit sa population

augmenter au delà des limites fixées par sa superficie, par l'amé-

nagement des bâtiments, des services généraux, etc., un grand

nombre d'inconvénients se produisent, comme le prouve l'expé-

rience de tous les jours. Les malades tranquilles s'agitent, la guéri-

son des sujets curables est compromise et souvent même rendue

impossible. L'encombrement d'un asile d'aliénés offre en outre des

dangers sérieux pour les malades, les médecins et le personnel de

surveillance. Comme l'a très justement dit M. Ludwig, « l'encom-

brement, quand il dépasse certaines limites, n'est pas autre chose

qu'une succession de mauvais traitements, de jour et de nuit, pour

les aliénés, aussi bien au point de vue de leur état psychique qu'au

point de vue de leur état mental. C'est en réalité tromper l'espoir

138 " SOCIÉTÉS SAVANTES.

et la confiance des malades et de leur famille, c'est anéantir le zèle

et l'ardeur au travail du médecin, dont les efforts deviennent vains;

c'est un moyen sûr de décourager les bons infirmiers, de les pous-

ser à négliger leur service, et, d'autre part, de fournir des excuses

aux brutalités des mauvais serviteurs ». En réalité, un asile

encombré d'une façon permanente est, en dépit du « traitement

libre » et de tous les progrès de ces trente dernières années,

presque analogue aux renfermeries de fous du commencement du

siècle 1.

Au point de vue des aliénés criminels on attend encore unesolu-

'tion qui donne satisfaction aux voeux des aliénistes. Actuellement

nous devons garder dans nos asiles, au moins en Prusse, un grand

nombre de criminels d'habitude ou criminels instinctifs devenus

aliénés. On a bien fondé une section d'aliénés comme annexe à la

prison de Moabit; mais ce quartier spécial d'observation réserve

aux détenus soupçonnés de folie n'a pas d'autre résultat que d'aug-

menter le nombre des aliénés criminels que l'on envoie dans nos

asiles. Il faut protester, dans l'intérêt des malades contre la pré-

sence des aliénés criminels au milieu de ceux-ci.

Au point de vue de l'utilité qu'il y aurait à exiger des médecins

des notions de psychiatrie, on est généralement d'accord. On

devrait exiger des candidats un stage de six mois dans un asile,

faire entrer la psychiatrie dans le programme des matières des

examens. Il serait utile aussi d'exiger des médecins qui veulent

entrer au service de l'Etat comme Kreisphysicus d'avoir rempli les

fonctions d'assistant dans un asile d'aliénés. La chose est d'ailleurs

exigée en Saxe, dans le Wurtemberg et le duché de Bade. L'auteur

termine en insistant sur la nécessité de détruire les préjugés qui

règnent encore dans l'opinion publique sur l'assistance des aliénés.

Il faut faire l'éducation du public et lui donner, en toute occasion,

des notions exactes sur les maladies mentales et leur traitement.

Le président propose au congrès les conclusions suivantes qui

sont adoptée-5 à l'unanimité :

I. Le Congrès des médecins aliénistes allemands déclare de

nouveau considérer comme un devoir impérieux pour l'Etat et les

autorités provinciales, de poursuivre l'exécution complète des

réformes du régime des aliénés réclamées au Congrès de Frankfort,

à l'unanimité. Les conclusions votées à ce congrès étaient ainsi

conçues : ,

Les asiles d'aliénés (curables ou incurables), d'épileptiques,

d'idiots qui ne sont pas soumis à la direction d'un médecin respon-

1 Les critiques formulées par l'auteur sont applicables dans toute

leur sévérité à la plupart des services des asiles d'aliénés de la Seine.

P. S.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 139

sable ne donnent pas satisfaction aux exigences de la science, de

l'expérience et de l'humanité.

Les malades incurables ont besoin de soins comme les curables.

Il est donc du devoir des autorités d'hospitaliser et de traiter

dans des établissements soumis à une direction médicale, les

aliénés, les idiots et les épileptiques.

Tous les établissements de ce genre appartenant à des particu-

liers ou à des congrégations religieuses doivent être dirigés par un

médecin responsable et être soumis à la surveillance des autorités.

Les médecins ayant des connaissances théoriques et pratiques en

psychiatrie, ils devront être agréés par l'Etat.

L'Etat a le devoir de donner aux étudiants en médecine, dans de

meilleures conditions qu'actuellement, une instruction théorique

et pratique. La psychiatrie doit faire partie du programme des

examens, et un stage d'un semestre dans une clinique des maladies

mentales doit être exigé des candidats (Comptes rendus du Congrès

de 1893).

A ces conclusions de 1893, le Congrès de 1895 ajouleles suivantes :

II. L'examen pour les fonctions de médecin-fonctionnaire

(Kreisphysicus) doit comprendre une épreuve de psychiatrie.

L'examinateur doit être un médecin aliéniste.

III. L'encombrement excessif de nombre d'asiles allemands

et en particulier des asiles prussiens est une source d'inconvénients

graves et de dangers pour les malades, les médecins etle personnel

de surveillance. Il est urgent d'aviser afin de parer à ces dangers.

IV.-La présence d'aliénés criminels (criminels devenus aliénés)

dans les asiles est nuisible aux autres malades : elle rend difficile

le « traitement libre », et constitue un danger pour la sécurité

publique en raison des facilités d'évasion.

V. Il y a lieu de créer au ministère une division spéciale du

« service des aliénés », ayant à sa tête un aliéniste secondé par

d'autres médecins aliénistes.

MM. Grashey et LUDWIG sont désignés pour faire un rapport sur

la question du personnel de surveillance, pour le prochain Con-

grès.

M. Cramer. Signification du phénomène du genou en psychiatrie,

au point de vue du diagnostic et du pronostic. L'auteur a recueilh

de nombreux documents sur cette question dans divers asiles. Après

avoir rappelé brièvement l'historique du phénomène du genou,

résume l'état actuel de nos connaissances sur la nature et la signi-

fication de ce signe, et décrit les procédés qui doivent être em-

ployés pour le rechercher. Cramer étudie les formes diverses d'alié-

nation mentale dans lesquelles il a rencontré le phénomène du

140 SOCIÉTÉS SAVANTES.

genou ; ses observations sont au nombre de z.. Il formule ainsi

ses conclusions : -

1° Parmi tous les aliénés, il n'y a que les paralytiques généraux

chez lesquels on trouve des modifications caractéristiques du signe

du genou, dans des proportions déterminées; -

2° Parmi les sujets non paralytiques, c'est dans les psychoses à

processus actif que l'on trouve, en proportion relativement faible,

des modifications du phénomène du genou. Le plus souvent le

réflexe est exagéré ;

3° L'absence du réflexe du genou chez un aliéné, doit, si l'on a

éliminé l'alcoolisme, l'épuisement consécutif aux étals d'agitation,

et les lésions graves du système nerveux, éveiller le soupçon de

paralysie générale. C'est donc en général un signe dont le pro-

nostic est mauvais;

4° La perte du signe du genou dans la convalescence de la manie,

dans la manie chronique, dans le cours des formes aiguës de la

paranoïa (amentia, confusion aiguë, délire hallucinaloire aigu, folie

aiguë, etc.) et dans les psychoses alcooliques, n'a de signification

fâcheuse au point de vue du pronostic que si elle s'ajoute à des

symptômes de collapsus ;

5° L'exagération du phénomène du genou n'a de signification

défavorable pour le pronostic que lorsqu'elle accompagne l'idiotie,

l'affaiblissement intellectuel, la paralysie des pupilles et autres

symptômes de la paralysie générale ;

6° L'exagération du réflexe rotulien n'a d'importance au point de

vue du diagnostic que dans des cas exceptionnels ;

7° L'exagération du réflexe rotulien peut, par exemple, associée

d'autres signes, servir à différencier la manie d'états analogues

faisant parlie du groupe des paranoïas aiguës;

8° Au cours de la paranoïa chronique, l'exagération du réflexe

rotulien peut faire redouter, quand elle accompagne d'autres symp-

tômes, un épisode aigu, une nouvelle exacerbation ;

9° La neurasthénie parait s'accompagner toujours de l'exagéra-

tion des réflexes ;

10" Les cas de paralysie générale dans lesquels on observe le

signe de Westphall, paraissent évoluer plus lentement, affecter de

préférence une forme dépressive et se compliquer plus rarement

d'accès d'agitation ;

ii° La perte du réflexe du genou, après une atlaque épileptique,

permet d'éliminer la simulation. 11 n'en est pas de même de l'exa-

gération du réflexe.

Discussion. M. Koppen fait quelques remarques à propos de

l'emploi du procédé de Jeudrassik pour la recherche du phénomène

du genou. Ce procédé n'agit pas en augmentant l'excitabilité des

centres nerveux; il agit, au contraire, directement sur le qua-

SOCIÉTÉS SAVANTES. -l4L

driceps, comme on peut s'en convaincre en plaçant la main sur ce

muscle; la tonicité du quadriceps est augmentée. Le tonus, artifi

ciellement exalté, du muscle extenseur de la cuisse que déterminent

les contractions des muscles fléchisseurs des doigts et des mains,

facilite la production du réflexe patellaire. D'autre part, l'exagéra-

tion du tonus peut mettre obstacle à la production de ce réflexe,

qui ne peut ainsi se manifester qu'à la faveur d'une tonicité déter-

minée du quadriceps. La perte du réflexe à l'état physiologique,

doit vraisemblablement être attribuée à des états passagers de

contracture musculaire. L'absence du réflexe du genou dans la

manie chronique, la paranoïa, la mélancolie, n'est qu'un phéno-

mène passager, à moins qu'il ne faille en voir la cause dans une

tendance à la contracture qui a été méconnue. Quand le réflexe

patellaire manque d'une façon permanente, il faut penser à une

lésion organique des cordons postérieurs ou des nerfs qui sont en

rapport avec ces faisceaux. M. Koppen émet des doutes, en raison

des considérations qui précèdent, sur les chiffres traduisant la

fréquence de l'absence du réflexe du genou dans les psychoses

fonctionnelles.

M. Smith fait observer que, grâce à l'appareil de Sommer, on

peut éliminer toute cause d'erreur subjective dans l'appréciation

du phénomène du genou. Smith fait usage, depuis un an, de cet

appareil, qui enregistre avec précision toutes les particularités du

phénomène. Il est convaincu que loules les recherches sur les ré-

flexes qui sont faites sans cet appareil, n'ont pas de valeur au point

de vue scientifique ; on constate en effet, en s'en servant, que le

réflexe existe en réalité alors qu'il paraît faire défaut et, d'autre

part, qu'il est normal, alors qu'il paraît exagéré. Smith conseille

donc à tous ceux qui veulent faire des recherches sur le phénomène

du genou cet appareil très simple qui peut en outre servir pour

d'autres recherches, par exemple la détermination de la courbe

que trace le membre inférieur dans le mouvement de pendule. Il

considère cette détermination comme très importante pour le dia-

gnostic et le pronostic. (Présentation de courbes.)

M. Tuczek attire l'attention sur les conséquences pratiques de ce

fait, à savoir que l'intensité du phénomène du genou varie avec

certaines conditions physiologiques antérieures. Après une longue

marche, le phénomène du genou est habituellement exagéré; de

sorte que lorsqu'on examine pour la première fois des malades

nouvellement admis qui ont fait un long trajét à pied pour venir à

l'asile, on observe souvent une exagération des réflexes. Pour ap-

précier à sa juste valeur la signification de ce signe, il convient

donc de ne pas tenir compte seulement de la qualité de ce phéno-

mène, mais de sa constance ; un examen fréquemment renouvelé

est indispensable.

142 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Mendel est surpris du nomhre considérable d'observations

dans lesquelles l'auteur de la communication a noté l'absence du

réflexe patellaire. Depuis qu'on connaît ce signe, il l'a recherché

chez chacun des aliénés qu'il a examinés. Dans le cours de ces vingt

années, il n'a pas rencontré un seul cas de psychose fonctionnelle

dans lequel faisait défaut le réflexe du genou. Il va sans dire qu'on

a éliminé les cas compliqués de diabète, d'alcoolisme, de morphi-

nisme, etc.

Dans un cas seulement, observé avec Westphall, il y avait ab-

sence du phénomène du genou. Celait un cas de manie simple,

récent. Le malade guérit et put reprendre ses fonctions de profes-

seur à la satisfaction de tous. Deux ans après il revenait à l'asile

paralytique général.

Souvent il m'est arrivé de mettre eu évidence le réflexe du

genou dans des cas où des confrères avaient noté l'absence de

ce réflexe.

Pour ce qui concerne la démence sénile, on sait que le réflexe

patellaire peut disparaître à un âge avancé; mais il n'est pas

démontré qu'il s'agisse là d'un trouble fonctionnel, puisqu'on con-

naît la fréquence de la « névrite dégénérative » chez les vieillards.

M. MOELI remarque l'absence du signe de Westphall dans les cas

de psychoses séniles rassemblés par l'auteur. Sur 21 malades qu'il

observe actuellement et qui présentent le signe de Westphall sans

qu'on puisse l'attribuer ni au tabes ni à la paralysie générale, il

reste, après élimination des alcooliques et des sujets atteints de

névrites, un certain nombre de patients qui présentent le signe en

question d'une façon permanente. Parmi eux se trouvent six dé-

ments séniles, sans que l'on puisse nier pour tous la possibilité

d'une paralysie générale tardive. On ne peut attribuer le signe de

Westphall chez ces sujets à aucune altération anatomique connue,

en raison de l'absence d'autres symptômes. L'examen microsco-

pique, dans trois de ces cas, a bien décelé quelques particularités :

épaississement des méninges, augmentation du tissu de soutène-

ment avec diminution du nombre des vaisseaux dans les cordons

postérieurs. Mais ces lésions sont banales chez les vieillards et, chez

les sujets en question, elles n'étaient pas très prononcées. Les modi-

fications dans l'aspect des cellules ganglionnaires, particulièrement

dans les cornes antérieures étaient peu accentuées.

En résumé, il faut convenir que le signe de Westphall peut exis-

ter sans lésions bien prononcées. '

M. NEISSEIi. Dans toutes les recherches qui portent sur l'état des

réflexes, il faut tenir compte, si l'on veut avoir des résultats précis,

de l'étatde la tonicité musculaire au moment de l'examen. D'après

les documents qui nous ont été présentés, l'absence du réflexe pa-

tellaire parait un signe des plus importants en faveur de la para-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 143

lysie générale; au contraire, la valeur de l'exagération de ce phé-

nomène pour le diagnostic de cette même affection, parait

insignifiante. C'est du moins l'opinion qui a paru prévaloir quand

M. Sommer a parlé de la signification du signe de Westphall. Sans

doute il est de la plus haute importance, en raison de l'absence

fréquente du phénomène du genou dans la paralysie générale, de

mettre en lumière la valeur de ce signe. Mais il ne faut pas vouloir

diminuer la signification, au point de vue du diagnostic, de l'exa-

gération du phénomène du genou, sous prétexte que ce signe peut

se rencontrer assez fréquemment chez des sujets non paralytiques.

Il faut tenir compte des conditions spéciales dans lesquelles se

manifeste l'exagération du réflexe du genou. En résumé, chez un

malade qui n'est pas profondément épuisé, une exagération notable

du phénomène du genou peut servir au diagnostic de la paralysie

générale. Il importe seulement de s'assurer de l'état de relâche-

ment complet des muscles.

M. IIIOELI insiste sur ce fait que dans les cas qu'il a observés,

l'absence des réflexes n'était pas liée à la paralysie générale.

M. JOLLY fait remarquer qu'un certain nombre des opinions con-

tradictoires qui ont été émises peuvent être expliquées si l'on

tient compte que les recherches des auteurs ont porté tantôt sur

des malades au cours même de leur accès, tantôt sur des sujets en

voie d'amélioration ou guéris. Il est fréquent d'observer des modi-

ficalions passagères dans l'état des réflexes, qui sont dues à des

modifications du tonus.

M. Cramer est d'accord avec M. Koppen et M. Tuczek sur la néces-

sité d'examiner à différentes reprises l'état des réflexes chez un

même sujet. Il répond à M. Smith qu'il connaît l'appareil de Som-

mer et ses avantages, mais qu'il lui était difficile de s'en servir,

étant donné qu'un grand nombre d'aliénés ne se seraient pas

prêtés aisément à des recherches exécutées à l'aide de cet appareil.

Après la séance, les membres du Congrès visitent l'hôpital d'Ep-

pendorf.

- Séance du 14 septembre.

Le Congrès se réunit à l'asile de Friedrichsberg. A l'ouverture

de la séance, M. Reye, médecin en chef, souhaite la bienvenue à

l'assemblée et fait un court historique du développement de l'éta-

blissement.

M. Koppen. La folie des quérulanls au point de vue nosologique et

médico-légal. L'auteur insiste sur l'importance pratique qu'il y a

pour les médecins aliénistes à échanger leurs vues sur la question

du délire des quérulanls et signale, parmi les travaux récemment

parus sur ce point, le livre de M. IIitzie.

144 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Les reproches du public qui, par suite d'une confusion due au

mot de « querulantenwahnsinn » (folie des réclamations), s'ima-

gine que le diagnostic de maladie mentale repose essentiellement

sur les nombreuses réclamations de ces sujets; ces reproches ne

sont pas fondés : aucun spécialiste n'a considéré le fait de Q ré-

clamer » comme une maladie mentale; celle-ci a été diagnostiquée

en se basant sur l'existence d'autres symptômes pathologiques.

Cependant, en raison de la confusion que le mot en question éveille

dans l'esprit du public, il y aurait lieu de ne pas s'en servir devant

les tribunaux, ainsi qu'on l'a déjà fait d'ailleurs. Tous les cas de

délire des quérulants ne doivent pas être rangés dans la paranoïa.

D'autres malades aussi peuvent persécuter les autorités, fatiguer

les tribunaux, échafauder des idées délirantes d'une façon assez

logique, et conserver leur activité malgré la longue durée de la

maladie. Au point de vue étiologique certains cas doivent une em-

preinte spéciale au traumatisme, à la sénilité, à l'alcoolisme. Il

faut donc ranger certains cas de délire des persécuteurs dans la

paranoïa, d'autres dans la folie des dégénérés, dans l'imbécillité,

d'autres encore dans l'alcoolisme ou dans la folie traumatique.

Mais en raison des classifications diverses des maladies mentales on

pourra toujours employer le mot de folie des quérulants comme

dénomination d'ensemble pour un groupe de faits d'ailleurs non

identiques enlre eux au point de vue clinique.

M. Koppen insiste sur quelques symptômes particuliers au point

de vue de leur signification médico-légale comme preuve d'une

maladie mentale. Tels sont le nombre des mémoires, la conduite

des malades, l'aspect de ses manuscrits. Mais la démonstration ne

peut venir que de la mise en évidence d'autres troubles pathologi-

ques, et avant tout de conceptions délirantes. Le médecin doit

montrer comment le malade est arrivé à créer ses idées délirantes

et indiquer ce qui différencie celles-ci de la réalité. Il verra ainsi que

les faux souvenirs, les exagérations innombrables, la reproduction

infidèle des faits jouent un grand rôle. Souvent les faits sont déna-

turés d'une façon extraordinaire; souvent aussi les connaissances

si étendues des questions de droit qu'on a attribuées à ces maladies

se réduisent à une connaissance superficielle des numéros des para-

graphes, des pages, alliée à une compréhension tout à fait fausse

du contenu. L'intelligence des malades est d'ailleurs fréquemment

affaible. Ils ont tout au plus une certaine facilité de langage quand

ils parlent du sujet qui leur tient à coeur, mais avec cela ils sont

incapables de s'en tenir à la question en cause; leurs preuves con-

sistent dans une pure logomachie et non dans une argumentation

basée sur des faits. Ajoutons, comme il a été dit plus haut, qu'il y a

souvent une certaine débilité mentale. Une question difficile à ré-

soudre est de savoir s'il y a des « quérulants » sains d'esprit. Michel

Kohlhaas, personnage historique, peut être rangé parmi ces der-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 145

niers; il signaitses manifestes du titre de « Représentant du Christ».

Pour l'aliéniste qui connaît les tares héréditaires des quérulants,

ces sujets seront toujours marqués d'une empreinte psychopatholo-

gique, mais cette empreinte psychopathologique ne peut tenir lieu

de preuve démonstrative devant les tribunaux.

La folie des quérulants est susceptible de rémissions; peut-être

même peut-on voir des améliorations et aussi des guérisons. La

rétrocession passagère des manifestations maladives, surtout sous

l'influence du repos à l'asile, doit être présente à l'esprit de l'expert

qui a sous les yeux un rapport fait au moment où la psychose était

dans sa plus grande activité.

Discussion : M. MEKDEL. Des considérations de l'orateur précé-

dent il résulte qu'une série de psychoses différentes peuvent pré-

senter ce symptôme, 1' « obsession des réclamations ». Je suis par-

faitement d'accord avec lui sur ce point. Mais il faudrait tirer de

ces constatations cette conclusion à savoir qu'il n'y a pas de ma-

ladie mentale spéciale, caractérisée par la manie des réclamations.

Il n'y a pas plus de « folie des quérulants » qu'il n'y a une

kleptomanie, une pyromanie, etc. Abandonnons donc un mot qui

ne prête qu'à des confusions. Dans les cas où l'on voit la manie des

réclamations constituer le symptôme prédominant, il ne faut pour

justifier son diagnostic s'appuyer sur le fait des réclamations. Il

faut montrer que le malade est un aliéné, est atteint d'une alfec-

tion mentale, et qu'un des symptômes de cette affection est la

manie des réclamations et non pas chercher à prouver qu'il

y a maladie mentale en invoquant le fait des réclamations.

M. Bruns signale que, assez souvent, c'est un déni de justice réel

dont le malade a souffert, qui a été le point de départ de l'affec-

tion. Souvent on ne tient pas suffisamment compte dans les rap- -

ports de ce point de départ positif; on tient toutes les affirmations

du malade pour mensongères, ce qui irrite profondément celui-ci

et aggrave son état. L'expert lui-même peut être victime de cette

erreur, en ce sens que son autorité est diminuée quand, plus tard,

il est démontré que le point de départ de l'affection n'était pas

imaginaire. Bruns pense aussi qu'il est préférable d'abandonner le

mot de « querulantenwahnsinn », mais il faut avouer qu'il est des

cas dans lesquels, en l'absence de toute idée délirante, le fait de

réclamer constitue à lui seul le symptôme unique et un symptôme

pathologique. Le côté maladif de la conduite du patient consiste

dans la façon avec laquelle il poursuit sans cesse ses revendications,

sans souci de sa famille, de sa fortune et de sa réputation, dans

l'impossibilité où il est de se résigner au déni de justice qu'il pré-

tend avoir essuyé, dans le besoin d'occuper durant des années

les autorités, la presse, le pays tout entier avec ses petites his-

toires, besoin qui s'accompagne d'une certaine mégalomanie. Voilà

Archives, 2° série, t. II. 10

1 iG SOCIÉTÉS SAVANTES.

la note maladive et il est possible d'en convaincre le public. A ce

point de vue on ne peut considérer Kohlhaas comme un persé-

cuteur sain d'esprit, lui qui a ravagé tout un territoire parce qu'on

avait maltraité deux de ses chevaux.

M. MITTENZWEIG ne partage nullement l'opinion de M. Mendel. 11

y a de véritables persécuteurs aliénés, il y a un a querulan-

tenwahnsinn », et il y a aussi d'autres malades qui présentent cer-

taines particularités des persécuteurs. J'ai par exemple observé un

paralytique général persécuteur. Il n'y a pas lieu non plus d'aban-

donner la conception de la folie des quérulants parce que cette

conception n'a pas été acceptée par le public. Il y a des sujets

atteints de paranoïa dont les réclamations prennent une place si

prépondérdnte que leurs idées délirantes, de persécution ou de

grandeur, passent presque inaperçues. Le délire dans la folie des

persécuteurs ne se traduit pas qualitativement. parce que son con-

tenu ressemble assez aux conceptions normales. C'est une raison de

plus pour attacher grande importance à son mode de développe-

ment et à sa quantité. En effet, l'intensité et l'extension croissante des

idées de persécution montrent le caractère maladif des symptômes,

et ce qui importe au point de vue médico-légal.

M. Neisser n'admet pas, comme on l'a affirmé, qu'il y ait tou-

jours dans la maladie en question des conceptions délirantes pro-

prement dites. On rencontre de nombreux cas. très démonstratifs,

qui prouvent le contraire. Dans l'observation qu'il a rapportée, et

que le rapporteur a plusieurs fois citée et qu'il a classée lui-même

dans le délire des persécuteurs, il n'y avait, par exemple, aucune

trace d'idée délirante. Ce qui élait maladif, c'était l'intensité des

sentiments affectifs. Au point de vue médico-légal il fallait en con-

séquence, comme l'a formulé tout à l'heure Mendel, démontrer

l'existence d'une maladie mentale en s'appuyant sur la symptoma-

tologie et le développement du cas en question dans son entier. Le

mot de « querulantenwahn » (délire des quérulentsj est évidem-

ment mauvais, et je ne l'ai point employé puisqu'il n'y avait pas

de délire.

M. l'HOMSEN voudrait voir disparaître la dénomination de « que-

rulantenwahnsinn ». La plupart des cas auxquels on l'applique

appartiennent en effet au groupe de la paranoïa. Quand il s'agit

d'états périodiques, de formes circulaires, l'excitation est le sym.

plôme primaire, les réclamations ne viennent qu'après. Dans ces

cas avec la disparition de l'accès d'excitation maniaque on observe

une guérison ou une amélioration notable de la folie des récla-

mations.

M Mescuede pense qu'il convient de rayer le mot de « querulan-

tenwahu » de la nomenclature psychiatrique. Pour désigner ce

symptôme on pourrait dire « querulirsucht » (obsession des récla-

sociétés savantes. 14-1 I

mations). L'affirmation de Siemerling que la maladie en question

ne survient que chez des débiles me parait contestable. Elle n'est

pas d'accord avec ce fait, signalé par la rapporteur et admis par

différents auteurs, que la folie des persécuteurs peut se rencontrer

dans différentes conditions et qu'enfin elle est curable dans quel-

ques cas exceptionnels. D'ailleurs on voit souvent des malades qui

ne présentent point de signes de débilité mentale et dont la cause

première de l'affection tient plutôt à un sentiment très intense des

torts subis lié à une énergie de la volonté et à une intelligence

solide. -

M. 111TZIG n'admet pas que la folie des persécuteurs ne soit pas

une forme clinique, qu'il n'y ait pas de « querulantenwahnsinn ».

Sil'on veut exprimer par là que la maladie peut avoir des facteurs

étiologiques différents, on peut en dire autant de presque toutes

les formes cliniques. Si, en outre, on invoque cet argument qu'il

y a nombre de maladies mentales dans lesquelles on constate le

fait de c réclamer », je répondrai que 'l'obsession de réclama-

tions est, comme les hallucinations, la dépression, etc., un symp-

tôme qui, là comme ailleurs, ne peut suffire à lui seul au diagnostic.

Y a-t-il pour la folie des persécuteurs, comme pour les autres

dénominations de maladies mentales, un ensemble de symptômes

typiques, dont le cornplexus réalise un type morbide caractéris-

tique ? On est obligé de répondre par l'affirmative. On laisse de

côté évidemment les cas dans lesquels la manie des réclamations

n'est qu'un symptôme accessoire. Il faut en conséquence conserver

le mot de « querulantenwahn ».

M. KOPPEN répond aux orateurs précédents qu'il est lui aussi

convaincu qu'une partie des persécuteurs doivent être rangés dans

le groupe de la paranoïa, mais il veut insister sur ce point qu'on

ne peut admettre également, parmi les formes de la paranoïa, les

cas dans lesquels le délire processif ne constitue qu'une phase dans

toute l'évolution de la maladie, et dans lesquels les idées délirantes

passent au second plan, dans le tableau clinique, devant la prédo-

minance des anomalies du caractère d'une personnalité congénita-

lement anormale et souvent aussi faible d'esprit. Ces sujets sont

des imbéciles, des dégénérés dans le sens de Magnan. M. Koppen

constate que M. Mendel est d'accord avec lui sur les points les plus

importants. Si je conserve le mot de « querulantenwahnsinn »

comme appellation générale, tout en refusant à ce mot de repré-

senter une forme clinique unique et tout en le rejetant au point de

vue médico-légal, c'est que je crois devoir tenir compte des vues

très divergentes des auteurs en ce qui concerne la classification

des maladies mentales. C'est aller trop loin que de dire qu'il n'y a

pas de folie des réclamations, car cette expression est appuyée sur

des observations cliniques excellentes. A 111. Bruns je répondrai

148 SOCIÉTÉS SAVANTES.

qu'à mon sens le seul fait de « réclamer sans cesse » ne peut au

point de vue médico-légal constituer une preuve de folie. L'absence

de toute considération de fortune, d'argent, se rencontre chez des

sujets quérulants », mais qui au point de vue légal ne peuvent

être considérés comme aliénés. La preuve de la maladie il faut la

tirer de la présence d'autres troubles maladifs, de conceptions déli-

rantes. 1

M. Siemerling. Le fait que le délire des persécuteurs a des

facteurs étiologiques divers ne prouve rien contre l'unité de la

forme clinique que ce mot désigne. Ce délire peut constituer une

phase au cours de diverses psychoses, mais il est avant tout une

variété clinique de la paranoïa. Cette forme apparaît sur un fond

de débilité mentale, parfois très accentuée. Les interprétations sur

lesquelles s'appuient les malades sont parfois impossibles à con-

trôler ; elles ne constituent d'ailleurs pas le symptôme maladif, ce

sont les réactions pathologiques qu'elles provoquent qu'il faut con-

sidérer.

La folie des persécuteurs, qu'il s'agisse de la forme clinique spé-

ciale désignée habituellement sous ce nom ou des états passagers

survenant au cours d'autres psychoses, peut s'améliorer, elle peut

même guérir. P. Sérieux.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 29 juin 1896. Présidence de M. Charpentier.

Variétés cliniques de délire de persécution. M. Falret. Il existe

un délire de persécution classique, à quatre périodes et, si Lasègue

a vu seulement la période d'état, en revanche, il faut admettre

aujourd'hui les quatre périodes si bien décrites par M. Magnan.

Mais ce délire de persécution classique, à quatre périodes, n'est

qu'une variété clinique du délire de persécution.

Le délire de persécution se présente, en effet, sous plusieurs

formes cliniques et l'on peut admettre cinq variétés. Nous connais-

sons déjà les délirants chroniques. Ils offrent des caractères assez

différents de ceux des persécutés-persécuteurs, pour qu'on puisse

les classer l'un et l'antre dans deux groupes différents.

En outre, ne doit-on pas admettre une variété alcoolique, puis-

que les alcooliques sont l'objet de tant d'idées de persécution dans

leurspantophobies, leurs zoopsies, leurs hallucinations terrifiantes ?

Il existe aussi des formes mixtes, celle où les caractères dés mélan-

SOCIÉTÉS SAVANTES. '1.49

coliques anxieux sont unis aux caractères des persécutés ; je veux

parler de la catégorie des malades, que vous désignez sous le nom

de mélancoliques à idées de persécution. Enfin les persécutés dégé-

nérés de M. Magnan constitueraient une dernière variété très

importante.

Après avoir admis ces cinq variétés de délirants chroniques, de

persécuteurs raisonnants, d'alcooliques, de mélancoliques à idées

de persécution et de persécutés dégénérés de M. Magnan, il reste

huit points sur lesquels je dois appeler l'attention, et sur lesquels

il serait intéressant de discuter.

D'abord, avant tout, se pose la question de l'hérédité. Dès qu'il

y a de l'hérédité, le délire de perséculion devient, pourM. Magnan,

le délire des dégénérés. Mais il faut admettre que tous les persé-

cutés sont des dégénérés et qu'il n'y a, par conséquent, pas lieu de

distinguer le délire de persécution du délire des dégénérés.

Si nous envisageons les hallucinations de l'ouïe, nous voyons

qu'elles sont constantes dans certaines variétés : elles constituent

même un symptôme capital et prédominant. Mais apparaissent-

elles à la première ou à la deuxième période du délire chronique,

l'absence d'hallucinations auditives est un caractère des persécu-

teurs raisonnants, que M. Magnan a fait passer de la classe des

persécutés dans celle des dégénérés.

La même question se pose pour les hallucinations de la sensibi-

lité générale et les hallucinations génitales. A quelle période

apparaissent-elles ? Est-ce au début ? - Il faut admettre qu'elles

apparaissent à la deuxième et à la troisième période. Cependant

elles n'existent pas chez tous les persécutés : ici se pose encore la

question du rapport des idées de grandeur et des hallucinations

génitales.

Quand se produisent les hallucinations de la vue, l'on doit soup-

çonner un élément étranger, tel que l'alcoolisme ou toute autre

intoxication. Les hallucinations de la vue sont caractérisées par ce

fait qu'elles sont des phénomènes subjectifs, et que les malades ne

croient pas à leur réalité extérieure.

Quel est le rôle séméiologique du délire de grandeur ? Est-il

constant ? Il l'est, d'après M. Magnah ; mais il est tardif dans

un cerlain nombre de cas, et c'est un élément additionnel qui

n'efface pas les idées de persécution. Le malade affiche hautement

ses idées de persécution ; mais il dissimule ses idées de grandeur :

on dirait qu'il en a honte. La dissimulation des idées de grandeur

est fréquente, et ce délire apparaît souvent très tard. 11 n'est pas

constant, ainsi que l'a dit M. Magnan, pour qui le délire de gran-

deur et le délire de persécution ont la même valeur séméiologique.

Il faut donc atténuer la valeur séméiologique du délire de grandeur.

Enfin la démence est loin de composer le tableau clinique de la

dernière période. A ce moment, c'est plutôt un simple affaiblisse-

'1JO SOCIÉTÉS SAVANTES.

ment intellectuel qu'une extinction des facultés. Il n'est pas rare

de voir des persécutés, âgés de quatre-vingts ans, qui présentent

encore une certaine activité intellectuelle, et qui sont loin d'être

des déments.

J'aborde maintenant la question de l'évolution du délire de per-

sécution, et en particulier de son début : On admet trois espèces

de début : le plus souvent le délire s'annonce chez l'enfant, qui a

un caractère inquiet, méfiant, bizarre. Mais, pour M. Magnan,

c'est là le délire des dégénérés. Le délire de persécution peut

débuter par l'hypocondrie. M. Magnan a nié ce début. Enfin le

délire de persécution éclate à l'âge adulte, et d'emblée : c'est là

l'opinion de M. Magnan. C'est aussi le début brusque par le vertige

mental ou ictus cérébral de Lasègue. On peut objecter que la

plupart des persécutés font porter leurs idées de persécution sur

des sujets anciens et qu'il est bien difficile de constater le moment

exact où éclate le délire. J'admets pour ma part que le plus souvent

le délire s'annonce, dès l'enfance, par une inquiétude, une méfiance,

un caractère soupçonneux et inquiet.

Existé-t-il des rapports entre les variétés du début et les variétés

cliniques des périodes ultérieures ? Quels sont-ils ? tel est le problème

à résoudre.

Si l'on considère combien les caractères différentiels des mélan-

coliques et des persécutés s'effacent chez les persécutés auto-per-

sécuteurs, ou mélancoliques à idée de persécution, comment

englober avec M. Magnan les mélancoliques persécuteurs raison-

nants, en un mot, tous les représentants des diverses variétés

cliniques, dans le cadre des persécutés dégénérés dont il grossit le

nombre, au détriment des autres variétés. La théorie des dégéné-

rescences de Morel, si elle est excellente comme théorie de

pathologie générale, est, en revanche, singulièrement nuisible en

pathologie spéciale, et surtout en clinique.

A l'époque où vivait Lasègue, on voyait des persécutés partout;

aujourd'hui il faut distinguer les variétés du délire de persécution.

Le délire de persécution chronique a pour caractère l'incurabilité.

Cependant certaines formes guérissent : quelles sont-elles ? Ce sont

les persécuteurs dégénérés, s'il faut en croire M. Magnan : la trans-

formation des délires chez les dégénérés, transformation si rapide

qu'elle est une véritable prestidigitation, est insuffisante pour la

solution du problème. Parmi les persécutés, les uns guérissent, les

autres ne guérissent pas : le pronostic varie suivant les variétés cli-

niques. « Délire de persécution » est un diagnostic insuffisant : cette

formule brute est appelée à disparaître. Aujourd'hui, ce qu'il faut

diagnostiquer, c'est la forme clinique du délire. Puisque l'anatomie

pathologique nous manque, au moins formulons un diagnostic

exact et précis qui nous permette de porter un pronostic, auquel

l'avenir ne donne aucun démenti.

BIBLIOGRAPHIE. 151

M. CHARPENTIER. - Chercher à porter un pronostic, fondé sur un ici

diagnostic exact et précis, c'est risquer des erreurs, à moins qu'il

ne s'agisse d'un délire de persécution d'origine toxique. On sait

que chez les malades atteints de délire de persécution, sans forte

ténacité, chez les malades jeunes ou frappés à la suite d'un ictus

ou d'une émotion, il est permis de porter un pronostic favorable.

Et cependant quels autres caractères avons-nous pour distinguer

les variétés cliniques et modifier le pronostic suivant ses variétés ?

M. ARNAUD. - On en pourrait' dire autant de toutes les formes

mentales. M. Charpentier exagère l'insuffisance de nos moyens

d'investigation, de nos éléments de diagnostic et de pronostic. Si

nos éléments d'appréciation étaient aussi peu sérieux que le prétend

M. Charpentier, nous nous tromperions plus souvent.

MARCEL 13RIAND.

BIBLIOGRAPHIE.

III. Clinique des Maladies du Système nerveux ; par le professeur

Raymond. (Paris, 1896, 0. Doin, éditeur.)

M. le professeur Raymond publie la série des leçons qu'il a pro-

fessées à l'hospice de la Salpêtrière pendant l'année 1894-1895. Sui-

vant l'exemple de son maître, M. le professeur Charcot, M. Ray-

mond rassemble en un volume des plus instructifs les sujets de ses

leçons, résumant une année d'enseignement à la Salpêtrière.

Cette première série de leçons est divisée en deux parties dis-

tinctes. La première partie est surtout historique. Dans sa leçon

d'ouverture, M. le professeur Raymond, rendant hommage à la

mémoire de son maître, avait fait sentir à ses auditeurs le travail

considérable qu'il avait accompli. Toute sa carrière passée à la

Salpêtrière fut occupée par lui à explorer cette mine inépuisable,

et à en étudier minutieusement les divers filons.

Tout d'abord il s'attache à la vérification et à la démonstration

des recherches de Fritsch et Iitzig sur les localisations cérébrales ; -,

il établit l'exactitude des recherches de Turck, et ainsi l'anatomie

pathologique sert à l'élablissement et à la séparation des types cti-

niques. Par sa méthode anatomo-clinique, Charcot contribue à

séparer les diverses scléroses et établit l'existence de la sclérose

latérale amyotrophique.

L'étude de l'hystérie et de l'hypnotisme occupe plus parlicu-

d3ï ! BIBLIOGRAPHIE.

fièrement la seconde partie de sa vie. La description de l'attaque

hystérique, l'étude de l'hystérie interparoxyslique, l'importance et

la valeur des stigmates de la névrose, constituent les points les

plus saillants de ses travaux. Mais pour bien comprendre l'oeuvre

de Charcot, pour bien saisir toute la portée de ses travaux, ce

n'est pas'avec nos idées actuelles qu'il faut le juger; il faut se

reporter au temps où il travaillait lui-même, et le juger au milieu

même de son époque.

C'est cette époque que nous décrit magistralement M. le profes-

seur Raymond, en un style clair et précis, plein d'aperçus nets et

d'une critique sûre et judicieuse. Cette époque peut se diviser en

quatre périodes : Bell inaugure la première, qui s'étend jusqu'en

1850 ; pendant la seconde la pathologie médullaire est rénovée et

se constitue sur de nouvelles bases anatomo-cliniques. La troisième

période commence avec l'élude des localisations cérébrales, et

sétend jusqu'à l'époque actuelle où domine l'étude de la structure

fine des éléments nerveux.

A cette oeuvre de reconstitution, fait suite l'étude des cas cli-

niques que M. le professeur Raymond a eus à sa disposition. Sui-

vant la méthode de son maître, M. Raymond étudie d'abord lon-

guement le cas clinique, et profile de ces cas pour étudier dans ses

points essentiels, dans ses discussions les plus actuelles, l'état de la

science sur la maladie observée. C'est ainsi qu'il passe en revue la

paralysie bilatérale du deltoïde par élongation des deux nerfs cir-

conflexes, la compression hémorragique du plexus brachial, et les

paralysies radiculaires du plexus brachial.

La treizième leçon est consacrée à la paralysie radiculaire sen-

sitive du plexus brachial : chapitre d'actualité qui montre l'impor-

tance que doivent prendre en neuropalhologie l'élude des troubles

radiculaires, susceptibles d'expliquer des phénomènes morbides

insolites, et souvent en apparence inexplicables. L'étude des lésions

de la queue de cheval comprend deux intéressantes leçons. Deux

exemples cliniques servent de point de départ. M. Raymond en

profite pour étudier complètement ce sujet si négligé dans les

traités classiques. Après une symplomatologie très détaillée, il

insiste sur les groupements cliniques variables suivant la localisa-

tion différente de la lésion. L'important en effet est le diagnostic

topographique exact qui seul permet une intervention chirurgicale.

A côté vient se ranger tout naturellement, éclairant et complé-

tant les leçons suivantes, l'analyse d'un cas d'hémorragie du cône

terminal. Un cas de syndrome de Brown-Sequard complète cette

étude médullaire.

La pathologie bulbo-protubérantielle est aussi soigneusement

étudiée. Successivement le professeur Raymond s'attache à la

démonstration des phénomènes bulbaires de la syrl11gomyélie, à

l'ophlalmoplégie externe bilatérale; suit l'étude d'une variété

BIBLIOGRAPHIE. 153

spéciale de paralysie alterne caractérisée par une hémiplégie droite

avec une paralysie du moteur oculaire externe gauche.

La maladie de Charcot fait l'objet de deux intéressantes leçons.

M. le professeur Raymond refait l'histoire et la description com-

plète de la sclérose latérale amyotrophique, puis il cherche à

éclairer l'anatomie pathologique encore si discutée à l'aide des

découvertes récentes sur la structure fine de l'axe cérébro-spinal.

L'auteur se trouve ensuite. naturellement amené à discuter les

rapports de cette affection avec la paralysie labio-glosso-laryngée de

Duchenne (de Boulogne) dont il montre un exemple à ses lecteurs.

La paralysie pseudo-bulbaire forme une transition toute natu-

relle pour arriver à-l'étude du cerveau. Nous signalerons particu-

lièrement l'étude si complète et si intéressante de l'étiologie et du

traitement de l'épilepsie Bravaisjacksonnienne. Etablir nettement

la nature de l'affection, préciser le siège exact de l'affection consti-

tuent un point capital, puisque de leur exactitude dépend l'inter-

vention chirurgicale.

L'hérédité en palhologie nerveuse constitue un chapitre toujours

ouvert, et des plus intéressants, puisqu'il domine et règle en partie

la neuropathologie. C'est surtout sur les psychoses que l'hérédité

montre son action toute spéciale. Similaire ou dissemblable, elle

imprime d'une lare ineffaçable tout individu qu'elle frappe. Com-

ment l'expliquer ? Beaucoup de théories ont été proposées. Après

une discussion des plus sévères, M. Raymond voit dans l'hérédité

un des attributs de la cellule.

L'étude des myoclonies forme deux chapitres intéressants de cet

ouvrage. Entre les types cliniques, il existe des types intermédiaires

nombreux permettant de passer insensiblement du simple au com-

plexe. Tremblement fibrillaire, paramyoclonus multiplex, chorée

fibrillaire, chorée électrique, tics non douloureux de la face, ma-

ladie des tics, ne sont que des expressions d'un même groupe

morbide, la myoclonie, produits de l'état de dégénérescence.

Deux leçons sur les délires et fugues ambulatoires chez les épilep-

tiques, les hystériques et les dégénérés terminent le volume.

Celte analyse rapide montre l'importance du recueil de leçons

de M. le professeur Raymond. Nous aurions voulu insister davan-

tage sur chaque point, et montrer davantage toute leur valeur.

'Une réflexion nous console : ce livre est indispensable à tous les

neuropathologistes et a sa place marquée auprès de tout praticien.

Ch. Mirallié.

VARIA.

Congrès DE médecine mentale ET NERVEUSE.

(7e Session. Nancy, 1896.)

Le septième Congrès des aliénistes et neurologistes se tiendra à

Nancy, du 1 ? au 6 août 1896, dans un amphithéâtre de l'Institut

analomique, rue Lionnois, 23, où le secrétariat se trouvera égale-

ment transporté pendant la durée du Congrès. Le programme est

ainsi composé : 1

Samedi 1 CI' août. Matin, 10 heures : séance solennelle d'ouver-

ture, dans une galerie de la salle Poirel, rue Victor-Poirel.

Soir, 2 heures : Première question du programme. Pathogénie et

physiologie pathologique de l'hallucination de l'ouïe. Rapporteur,

M. le Dr Séglas. Discussion.

Dimanche 2 août. Excursion à Maréville, visite de l'asile. Ban-

quel offert aux congressistes par l'Administration de l'asile.

Lundi 3 août. Matin, 9 heures : Discussion du premier rapport

(suite). Soir, 2 heures : Deuxième question du programme. De

la sémeiologie des tremblements. Rapporteur, M. le D'' Lamacq.

Discussion. -

Mardi, 4 août. Matin, 9 heures : Troisième question du pro-

gramme. De l'internement des aliénés dans les établissements

spéciaux. Thérapeutique et législation. Rapporteur, M. le 1), Paul

Garnier. Discussion. Soir, 2 heures : Suite de la discussion des

rapports. Communications diverses. Soir, 7 heures : Banquet

par souscription du Congrès.

Mercredi 5 août. Matin, 9 heures : Communications diverses.

Soir. : Excursion aux environs de Nancy.

Jeudi 6 août. Matin, 9 heures : Communications diverses.

Soir, 2 heures : Communications diverses. Soir, 9 heures : Récep-

lion à l'Hôtel de Ville par la Municipalité. Clôture du Congrès '.

Les Compagnies de l'Est, Midi, Orléans, Nord et Paris-Lyon-

Méditerranée accordent aux Membres du Congrès une réduction

1 Les membres du Congrès de Médecine mentale et nerveuse, qui

voudraient prolonger leur séjour à Nancy, pourront également, s'ils sont

adhérents, paiticiper aux travaux et aux excursions du Congrès de Méde-

cine interne qui s'ouvre à Nancy le G août, sous la présidence de

M. le professeur Pitres.

VARIA. 155

de 50 p. 100 sur le tarif ordinaire. La durée de la validité de ces

billets est du 28 juillet au 10 août pour la Compagnie du Midi, du

28 juillet au 11 août inclus pour les autres Compagnies. Pour

bénéficier de ces avantages, chaque adhérent au Congrès devra, avant

le 11 juillet au plus tard, faire parvenir à M. le professeur Pitres,

président du Congrès, 119, cours d'Alsace-Lorraine, à Bordeaux,

une note indiquant exactement avec ses nom, prénoms, profession,

adresse l'indication précise de son itinéraire sur chacun des réseaux

intéressés, c'est-à-dire le nom de la gare où il doit emprunter ce

réseau et celui de la gare où il doit le quitter. Par exemple, de

Bordeaux-Bastide à Paris (Orléans) et de Paris (Est) à Nancy.

Les membres du Congrès recevront en temps opportun les bons

de remise individuels. Ils sont priés de se conformer très exacte-

ment à ces indications et de se hâter d'envoyer leur note de ren-

seignements, la liste devant en être irrévocablement close le

11 juillet au soir.

Atrocités D'UNE alcoolique DU grand monde.

On écrit de Londres :

« Une scène navrante s'est produite à l'audience de la cour de

police de Ramsgate, à l'occasion d'une poursuite intentée contre

M Spalding, femme du colonel Spalding, assignée pour violences

exercées sur ses enfants.

« Ces violences sont manifestes. Il est établi que 111° Spalding

avait pris la féroce habitude de frapper ses enfants et de les charger

de liens en les enfermant dans sa cave par les temps les plus froids

et les plus humides. A cet égard, huit domestiques ont apporté

devant la cour les témoignages les plus probants.

« Chacun de ces domestiques ajoutait, sans doute comme cir-

constance atténuante, que \I° Spalding se livrait habituellement

à la boisson et se trouvait en état d'ivresse tous les jours à partir

de midi. Il n'y avait pas à en douter, à considérer in1-0 la colonelle

écumant de colère dans le « dock ».

« Celte femme du monde, reçue chez la reine et chez la prin-

cesse de Galles, a eu devant la justice une telle attitude, que le

magistrat a été obligé de la faire expulser par les agents de

police. Jamais ivrognesse ramassée dans les ruelles de Whitechapel

n'avait tenu à l'égard de la cour et des témoins un langage aussi

ordurier. Les expressions les plus ignobles, les formules du

ruisseau sortaient comme par torrent des lèvres de cette mondaine.

Elle s'est exaltée jusqu'à frapper au visage le policeman qui la

conduisait à sa cellule. Le procès de cette triste alcoolique a dû

être ajourné. Le colonel Henry Spalding est un officier du plus

grand mérite, que l'on ne saurait assez plaindre d'avoir associé sa

vie à celle d'une telle virago. » (Le Républicain Orléanais, 7 juillet.)

15G VARIA. 1

Nécessite DE L'ASSISTANCE des épileptiques.

Le Petit Va ? , du 10 juillet rapporte les deux faits suivants :

« Au sortir du poste central de police, à 11 heures du soir, un

marchand de chansons esttombé sur la place Gambetta d'une

attaque d'épilepsie. Quelques passants l'ont secouru et il a pu

regagner un instant après son domicile rue Nicolas-Laugier. Ce

malheureux est, à chaque instant, relevé dans un coin de la voie

publique. Il serait assurément beaucoup mieux placé dans un hos-

pice ou une maison de refuge. Pourquoi ne pas le renvoyer chez

lui, dans son pays, où il pourra être plus utilement secouru. Cet

épileptique n'est à Toulon que depuis quelques mois.

« Un jeune garçon de treize ans, Eugène T..., habitant le quar-

tier Valbourdin, a été pris aussi hier, vers midi et demi, d'un accès

épileptique sur la place de l'Eglise au Pont-du-Las. Cet enfant a

reçu des soins au poste de police du faubourg. » -

Ces faits montrent combien l'assistance publique est défectueuse

dans notre pays. Us ne sont pas à l'honneur de nos adminislrations

qui se disent et se croient républicaines, mais ne comprennent pas

leurs devoirs.

Asile DES aliénés DE la ROC1JE-SUR-YON : quartiers d'enfants;

LEUll FONCTIONNEMENT EN 1894.

Les divisions d'enfants continuenl à fonctionner d'une façon satis-

faisante. Depuis plusieurs mois déjà celle des garçons est au com-

plet; elle compte 21 sujets, dont 4 de la Charente-Inférieure;

celle des filles en a 16, dont une du département précédent, elle

ne tardera pas sans doute à avoir elle aussi toutes les places occu-

pées.

La santé des enfants est excellente et aucune maladie incidente

digne d'être notée ne s'est montrée parmi eux dans le cours de

l'année 1894, à part quelques manifestations de la scrofule et de

la tuberculose inséparables de l'état constitutionnel de quelques-

uns d'entre eux. Nous avons poursuivi dans la mesure compalible

avec les moyens dont nous pouvions disposer l'éducation de ces

jeunes malades et je vais sommairement exposer les résultats obte-

nus :

Garçons. Sur sept enfants gâteux à leur entrée, cinq sont

devenus propres, un s'est amélioré à ce point de vue, un seul n'a

pu être éduqué. Il convient de dire qu'il était atteint d'un déran-

gement gaslro-inleslinal dès longtemps réfractaire à tout traite-

ment et qui n'a cédé qu'aux grands lavages du tube digestif usités

depuis peu sous le nom d'entéroclysme. ,

Un enfant qui est entré ne sachant pas marcher a appris à le

faire. Plusieurs ont appris à s'habiller seuls et à aider l'infirmière

VARIA. 157

dans les soins du ménage. Plusieurs ont appris à manger seuls, à

se servir de la fourchette et de la cuiller, ou de cette dernière seu-

lement. Huit enfants ont pris part aux exercices de gymnastiques

par la méthode Pichery; les progrès ont été remarquables pour

trois, bons pour trois autres, et assez bons pour les deux derniers.

L'un des enfants du premier groupe a été transformé tant au point

de vue physique que moral et ne serait plus reconnaissable pour

quiconque ne l'aurait connu qu'avant son entrée.

Grâce au bon vouloir d'un de nos pensionnaires adultes, ancien

instituteur, une petite classe a été fréquentée par six enfants dont

quatre étaient absolument illettrés : un a appris à lire et à écrire,

un à lire, un à épeler, 1 à reconnaître ses lettres. Les deux autres,

qui avaient déjà des notions primaires assez développées se sont

perfectionnés dans l'arithmétique et les exercices de grammaire.

Enfin, trois enfants ont été occupés à divers travaux, l'un à la

ferme, un autre au jardin, le troisième atteint de surdité a appris

à coudre et fait quelques petits travaux sous la direction de l'infir-

mière. Comme résultat thérapeutique positif, je signale la guérison

d'un jeune hystéro-épileptique qui, atteint de crises convulsives

formidables à son entrée, en a été complètement débarrassé au

bout de quelques mois. Cet enfant, qui n'est pas idiot, pourra

sortir bientôt et se placer comme petit domestique de ferme, sachant

fort bien conduire les boeufs.

Filles.-Sur cinq enfants gâteuses, quatre ont été rendues com-

plètement propres; une seule n'a pu être éduquée. La plupart ont

appris à se vêtir seules; plusieurs qui, en arrivant, mangeaient

avec leur mains, ont appris à se servir de la fourchette et de la

cuiller. Toutes actuellement mangent proprement et seules.

Quatre ont appris à travailler; trois, qui n'avaient jamais tenu

une aiguille, 'cousent aujourd'hui d'une façon très convenable, tant

leurs progrès ont été remarquables; une s'est perfectionnée. Aucun

essai d'instruction n'a pu être tenté faute d'un personnel ad hoc.

Une jeune épileptique qui, à son entrée, avait plusieurs attaques

d'épilepsie par jour et élait tombée dans un abrutissement pro-

fond, a été complètement guérie. Depuis plusieurs mois elle n'a

pas eu d'attaques, malgré la suppression de tout traitement. Ce cas,

ainsi que celui du jeune garçon précédemment cité, prouve quels

services peuvent rendre nos divisions d'enfants au seul point de vue

médical sans parler du côté philanthropique de la question.

CULLERRE.

Progrès de la psychiatrie en Amérique; par le D' Js. COWLES.

L'auteur résume par les propositions suivantes les conditions de

cet avancement :

« 1° Nos hôpitaux devraient être placés sous une direction médi-

158 VARIA.

cale de même qu'ils sont institués pour des occupations médicales.

Leur autorité directrice devrait les gouverner de façon à encoura-

ger l'efficacité professionnelle de l'état-major médical, ce qui im-

plique le choix des médecins uniquement d'après leurs capacités,

en même temps qu'une installation libérale de bibliothèques et de

laboratoires, nécessaires aux travaux scientifiques.

« 2° Il faut réagir par tous les moyens possibles contre une spécia-

lisation étroite en demandant une éducation plus complète en

médecine générale et en favorisant les études neurologiques et

psychologiques. De la sorte, tout ce qui louche à la neurologie

serait dans une union intime avec la médecine générale et pro-

gresserait selon la loi qu'Herbert Spencer appelait la tendance à

la pénétration de toutes les spécialités dans la science médicale.

Cette tendance serait singulièrement renforcée par le développe-

ment des études biologiques.

« 3° Tout en nous efforçant d'aller chercher dans le domaine géné-

ral de la médecine tout ce qui pourrait servir à nos travaux spé-

ciaux, il serait nécessaire aussi d'appeler à l'aide les connaissances

psychologiques les plus récentes. Ainsi notre mission spéciale

deviendrait l'étude des problèmes les plus hauts et les plus difficiles

de la vie humaine dans la préservation et la restauration de la

santé de l'intelligence. » (Ame1'ican journal of insanity, janvier

1896.) E. B.

La nécessité d'un service psychiatrique dans LES prisons ;

par le Dl' J. Monel.

Depuis la création d'un service médical psychiatrique dans les

prisons belges, l'auteur a eu, à diverses reprises, l'occasion de

montrer combien des réformes sont urgentes dans nos lois

pénales.

En effet, parmi les criminels il s'en trouve une catégorie qui ne

sont ni absolument aliénés, ni absolument responsables. Leur place

n'est nullement dans la prison, encore moins dans un asile d'aliénés.

Pour cette catégorie d'individus s'impose la création d'institutions

spéciales où ils seraient l'objet d'un traitement prophylactique du

crime. Ces institutions donneraient asile aux alcooliques, aux né-

vrosés, aux affaiblis intellectuels, aux dégénérés qui ont agi con-

trairement aux lois morales et sociales. (American journal of

insanity, octobre 1895.) E. B.

FAITS DIVERS.

Un drame dans un asile d'aliénés. - On mande de Nantes qu'un

drame s'est produit hier matin à l'asile d'aliénés de Nantes. Un

ancien marin nommé Henri Paré, âgé de quarante-quatre ans,

était interné dans l'asile malgré de nombreuses protestations de

sa part. Il s'était même échappé plusieurs fois. Il était d'ailleurs

considéré comme extrêmement dangereux. A deux reprises il avait

blessé ses gardiens. Hier matin un gardien se présenta dans sa

cellule. Mais le fou élait parvenu pendant la nuit à se débarrasser

de sa camisole de force et à déboulonner une barre de fer de sa

lucarne.

Lorsque le gardien pénétra dans sa cellule, le fou le frappa vio-

lemment à la tête d'un coup de barre. D'autres gardiens accouru-

rentau secours de leur collègue, mais il était trop tard : le malheu-

reux a été relevé mourant. (Journaux politiques, 8 juin 1896.)

Une dangereuse mûnomane. Une fillette de treize ans vient

d'être mise à la disposition du parquet. Depuis quelques semaines

elle a entendu des voix qui lui commandent impérieusement

d'allumer des incendies sous peine de mourir d'uné mort affreuse.

Sa folie se déclara pour la première fois chez M. Dreyffus, négo-

ciant, rue Léopold-Bourg, où elle était entrée en apprentissage.

Trois fois en deux jours elle tenta d'incendier la maison de son

patron. Quand, après une enquête rapide, des soupçons graves se

portèrent sur elle, la fillette fondit en larmes et conta sincèrement

l'histoire de ses voix. a J'ai éprouvé, dit-elle, un grand soulagement

de leur avoir obéi. J'avais beaucoup souffert en leur résistant. »

(Petit Va2-, 12 mai 1896.)

Aliénés EN liberté. Un nommé Marius Bousquet, de Ourmerson

de Sainle-Radeâôude près Rodez, âgé de dix-sept ans, a avec un

rasoir coupé la tête de sa nièce âgée de sept mois, puis après s'est

porté deux coups de rasoir à la gorge. On pense à un acte de folie.

(Intransigeant du 17 juillet.)

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. ? l'¡jÉc'lIilOI (J.). Reclierches bibliographiques, statistiques et cliniques

1 sti ? 'lês' maladies : mentales d'origine traumatique. - Volume in-8° de ? 189 pages. --Paris, 1896. Librairie H. Jouve. ? - BOÜR : 11LLE. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,

l'hysté¡;ie;.¡etJjdiotie ? Volume in-S° de LXXI-254 pages. Tome XV

c . 1$90 .i. . = ? Pri : °7 francs Pour nos abonnés : 5 francs. Ë

Fraxcotte (X.). De/la symptomatologie et du diagnostic de la pa-1

ralysie gétxërc6le ? Brochure in-8° de 13 pages. Gand, lys9¡¡. Im-

primerie E. Vander : JIaeghen.

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tion allemande par LAURENT (mu Volume in-8° de vi-758 pages.

Prix : 20 francs. Paris, 1896. Librairie A. Alaloine.

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gra fiche. Brochure in-8° de 20 pages. Napoli, 1896. Tipografia

délia « Riforma Medica -. , n 0

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

Evreuv. Cil. Uéiussey, iuy. - SOC.

Vol. II. Septembre 1896. N° 9.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLW'IQUf NERVEUSE'.

1

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS

PAR LA RÉÉDUCATION DES MOUVEMENTS (méthode de rrcakel);

Par le D' Roueres HIRSCHBEBG.

I. En 1890 au 63° Congrès des médecins allemands à

Brème, le D" Frenkel fit une courte communication sur le trai-

tement des mouvements ataxiques '. Cette communication

paraît avoir passé complètement inaperçue et ne souleva

aucune discussion. L'idée dominante que le tabes dorsalis est

une maladie fatalement progressive et irrémédiable dans toutes

ses manifestations cliniques était tellement puissante, que

malgré la haute autorité du professeur Leyden, qui plus tard 2

donna son approbation à la méthode préconisée par Frenkel,

elle a longtemps rencontré l'indifférence la plus absolue dans

le monde médical. N'est-ce pas une ironie bien amère du

destin, que les deux méthodes la suspension et la rééduca-

tion des mouvements qui jusqu'à présent ont seules donné

des résultats réellement appréciables dans le traitement du

tabes dorsalis, aient eu tant de peine à se frayer un chemin ?

La suspension a dû attendre sept ans avant que le professeur

Raymond vint la tirer de l'oubli immérité. Fait digne de

1 D' Frenkel. Die Thérapie ataclischel' Bewegungsslbrungen. Munch.

Medic. Vochenschrift, 1890, n° 52.

't-eyden. Ueber die Behantllung der Tubes tlonsualis. Berl. Min..

Wochènschr., 1892, n° 17.

Archives, 2° série, t. Il. 11 i

162 CLINIQUE NERVEUSE.

remarque, c'est encore au même maître que nous devrons

d'avoir développé en France la méthode de Frenkkel.

Pendant les vacances de l'année '1890, le Dr Frenkel nous

fit part dans son sanatorium des maladies nerveuses, à cette

époque à Horn (Suisse), -de ses idées sur le traitement de

l'ataxie des mouvements et nous montra un malade, chez lequel

il a obtenu des résultats très encourageants.

Pendant les années 1891-92 nous avons étudié cette mé-

thode à l'hôpital Cochin dans le service de notre regretté maître

Dujardin-Beaumetz. Dans notre travail paru en janvier 1893,

nous avons exposé le principe de ce traitement, nous avons

donné un manuel opératoire pour le traitement de l'ataxie des

jambes et posé quelques indications et contre-indications.

En 1894, paraît un travail sur le même sujet du Dr Ostankoff 2,

fait dans la clinique du professeur Bechterew à Saint-Peters-

bourg. Cet auteur a obtenu des résultats identiques aux nôtres.

Avec la nouvelle publication du D'' Frenkel, parue l'année

dernière toute la bibliographie de la question est épuisée.

Dans notre travail actuel, basé sur une expérience de plus

de cinq ans, nous nous proposons de reprendre la question

pour compléter la méthode et reviser sur certains points les

indications et les contre-indications. Nous publions ici neuf

nouvelles observations de tabes dorsalis.

Quatre de ces malades ont été soignés par nous à la Salpê-

trière dans le service de M. le professeur Raymond. Les autres

cinq proviennent de notre clientèle privée.

II. Avant d'entrer dans la description de la méthode,

nous croyons utile de s'entendre sur la dénomination de la

méthode. Dans notre premier travail nous l'avons appelée :

gymnastique raisonnée, voulant dire par là que le malade

devait comprendre le sens des mouvements. Nous nous ren-

dons à la critique du D1' Frenkel4, qui craint avec juste raison

qu'on ne confonde sa méthode avec la gymnastique, qui n'a

absolument rien à voir dans sa méthode de traitement. Le

. Rubens Ilirschberg. Traitement mécanique de l'ataxie locomotrice.

Bulletin génér. de thérap., 30 janvier 1893. -

' P. Ostankoff. Nevrologuilscheski Viestnik, t. II, fasc. 3, 189t.

3 D' Frenkel. Die Behandlung der Alaxie der obel'en Exlremilalen.

Zeitschr. f. klin. Med., t. XXVIII. fasc. 1 et 2, p. 32.

' D' Frenkel. Loc. cil.

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 163

professeur Leyden l'appelle traitement compensatoire. Dans

son travail récent le D'' Frenkel propose de nommer sa mé-

thode : compensalorische Uebungsthe1'apie. Il nous semble que

le nom le plus clair. et le plus simple est celui dont notre

maître le professeur Raymond se sert : méthode de rééducation

des mouvements. Cette dénomination a encore le grand avan-

tage d'indiquer le principe même du traitement.

III. La méthode de rééducation des mouvements a pour

but de corriger l'incoordination motrice dans le tabès. Le prin-

cipe de cette méthode est basé sur ce fait, que le tabétique-

ataxique est capable de réapprendre par des efforts de volonté

à coordonner ses mouvements. Pour y arriver, l'ataxique

devra exécuter des exercices spéciaux, qui seront différents,

selon les particularités de chaque cas et selon le degré de l'in-

coordination. On trouvera plus loin la description des exer-

cices auxquels nous avons soumis nos malades. Quels que

soient ces exercices, ils devront toujours être exécutés lente-

ment, aussi régulièrement que possible et d'une façon réfléchie.

Le malade doit comprendre le sens et l'utilité de chaque exer-

cice. Quand on étudie de près l'incoordination motrice chez les

tabétiques, on est frappé de ce fait que les malades ont littéra-

lement oublié quels muscles il faut contracter pour exécuter

tel ou tel mouvement. On est donc 'obligé de lui enseigner,

comment il faut s'y prendre pour s'asseoir, pour se lever, pour

se tourner, etc. De là une analyse détaillée de chaque mouve-

ment, que le malade aura à exécuter. Pour obtenir des résul-

tats favorables on ne devra pas appliquer schématiquement les

mêmes exercices chez tous les malades. Il faut préalablement

étudier les particularités de l'incoordination dans chaque cas

spécial et choisir des exercices propres à corriger les défauts

constatés.

Les exercices dont on se sert pour corriger l'incoordination

chez les tabétiques rentrent dans trois groupes de- mouve-

ments : * ..

Contractions musculaires simples : flexion, extension, abduc-

tion, etc. ,

Mouvements coordonnés simples : lever la jambe à une cer-

taine hauteur, llécbir l'avant-bras sur le bras à des degrés dif-

férents, etc.

1) j

1 Leytlell. - I,nc. cil. '

164 ' " CLINIQUE NERVEUSE.

Mouvements coordonnés compliqués : marcher, s'asseoir,

écrire et en général tous les exercices plus ou moins com-

pliqués. -

Pour le traitement de l'ataxie des jambes on a recours aux

exercices suivants : 1° Exercices au lit (le malade étant couché) ;

2° Exercices debout. '

Ces derniers se subdivisent en : a. Exercices d'équilibre sta-

tique ; b. Exercices de locomotion.

Exercices au lit. Le malade étant couché sur un lit ou

sur un canapé, les jambes nues, la tête soulevée pour qu'il

puisse voir ses jambes. Dans cette position il devra exécuter

successivement dans l'ordre de leur complexité la série des

mouvements suivants : .-

1° Flexion, extension, abduction et adduction d'un pied,

ensuite de l'autre pied, et puis simultanément le même mou-

vement avec les deux pieds; 2° Mouvement de rotation du pied

dans l'articulation tibio-tarsienne. Le malade doit décrire un

cercle avec le bout du pied; 3° Flexion du genou. - Pendant

ce mouvement la cuisse ne doit pas faire d'oscillations à gauche

et à droite; 4° Fléchir la cuisse sur le bassin, le genou étant

fléchi. ?

5° Adduction et abduction de la cuisse. Pendant ce mouve-

ment ? 3 genou est fléchi, la plante du pied repose sur le plan

du lit, le bassin est immobilisé. Le malade doit exécuter le

mouvement sans saccades et en quatre temps : abduction,

retour à la ligne médiane, adduction et de nouveau retour à

la ligne médiane. ?

6° Lever la jambe d'une seule pièce, sans faire de mouvements

de zigzag; 7° la jambe étant levée faire des mouvements d'ad-

duction et d'abduction dans l'articulation coxo-fémorale ; 8° la

jambe étant levée, faire avec celle-ci des mouvements de rota-

tion dans l'articulation coxo-fémorale en décrivant avec le pied

un cercle;

9° Les jambes sont allongées et rapprochées l'une de l'autre,

on invite le malade de s'asseoir dans son lit, sans s'appuyer

sur ses mains et sans que les jambes bougent ; 10° le même

mouvement avec cette différence que le malade est couché dans

une position horizontale.

On comprend aisément le but de ces exercices. Le malade

doit apprendre à dominer ses contractions musculaires et par

conséquent arriver à pouvoir exécuter tous ces mouvements

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 165

avec une régularité aussi parfaite que l'homme bien portant.

Au début le, malade surveillera avec les yeux attentivement

ses mouvements, mais au sur et à mesure qu'il les fera plus

régulièrement on lui demandera de ne pas regarder ses jambes

pendant qu'il fait les exercices, et enfin il devra faire les exer-

cices les yeux fèrmés.

, Les exercices au lit constituent la première partie du traite-

ment par la méthode de Frenkel. Chez le tabétique qui ne

marche plus, la période des exercices au lit durera naturelle-

ment plus longtemps que chez celui qui marche encore. Mais

quel que soit le degré de l'incoordination motrice, les malades

retireront le plus grand bénéfice de ces exercices.

Exercices debout. Pour ces exercices on choisira une pièce

grande, claire, non encombrée de meubles, avec un parquet

non ciré ou recouvert d'un tapis cloué. Le malade devra être

légèrement vêtu. Pour les dames, nous avons adopté un sys-

tème de culottes de gymnastique. Au début du traitement il est

très important que les malades puissent voir leurs jambes.

Exercices d'équilibre statique. Le malade est debout, le

médecin se tient à côté de lui. Si le malade ne marche plus on

le soutiendra à l'aide de la ceinture de Frenkel. Si le malade

ne peut se tenir debout qu'à l'aide d'une canne, on lui per-

mettra l'usage de la canne au moins au début du traitement.

1° Rester debout immobile, les pieds un peu écartés, les

mains appliquées sur la couture du pantalon. Rester dans cette

position une à deux minutes; 2° le même exercice les pieds

joints ; 3° étant debout les pieds écartés, exécuter avec les bras

des mouvements de gymnastique (projection des bras en avant,

en haut et en bas).

4° Le même exercice les pieds joints ; 4° fléchir le corps en

avant, à gauche, en arrière et à droite, en décrivant avec la

tête un cercle; 6° le même exercice les pieds étant joints;

7° s'accroupir et se relever lentement ;

8° Le même exercice les pieds étant joints ; 9° plier le corps

en avant et tâcher d'arriver avec les bouts des doigts au bout

des pieds; 10° le même exercice les pieds joints ; 11° se tenir sur

la pointe des pieds; 12° le même exercice les pieds joints;

13° se tenir debout les genoux fléchis ;

14° Le même exercice les pieds rapprochés ; 15° en se tenant t

les genoux fléchis exécuter avec les bras des mouvements de

166 . ' CLINIQUE NERVEUSE.

gymnastique; z,161, se tenir sur une jambe ; 17° en se tenant

sur une jambe fléchir légèrement le genou. -

Exercices de locomotion. - 1° En se tenant debout avancer

lentement un pied de la longueur d'un pas. Ramener ce pied

de nouveau en place, en le soulevant d'un seul coup. Placer le

même pied en arrière et le ramener de nouveau en place.

Déplacer le pied latéralement de la longueur d'un pas et le

ramener'ensuite en place. Pour que cet exercice se fasse avec

plus de régularité on fera bien de dessiner avec de la craie les

contours de la semelle juste à l'endroit, où le malade aura à

placer son pied. Ces exercices seront répétés alternativement

avec chaque pied.

2° Placer un pied devant l'autre sur la' même ligne et rester

en équilibre; 3° faire vingt pas en avant, en posant doucement t

les pieds, en' touchant le sol avec toute la surface de la plante

du pied. Le malade doit compter ses pas à haute voix; 4° mar-

cher sur une ligne tracée ; 5° marcher à reculons ; 6° marcher

latéralement ; 7° marcher à grands pas; 8° marcher les genoux

' fléchis; 9° marcher sur la pointe des pieds ; 10° marche sur

commandement avec arrêt brusque ou changement brusque de

direction; 11° marche avec obstacles. On pose par terre des

morceaux de bois à égale distance l'un de l'autre. Le malade

doit marcher entre ces morceaux sans les déplacer;

, '10 Se lever d'une chaise sans s'aider des mains. S'asseoir

lentement sans se laisser tomber; '13° s'exercer à monter et

descendre un escalier sans se tenir à la rampe.

' Les exercices que nous venons d'énumérer contiennent,

comme on le voit les éléments de nos mouvements usuels.

Néanmoins le médecin ne devra pas se tenir schématiquement

à ces exercices. On pourra d'ailleurs les varier et combiner à

l'infini, choisir de préférence celui-ci ou celui-là selon les par-

ticularités de l'incoordination motrice dans chaque cas de

tabes. Nous ne saurons trop le répéter, que l'essentiel dans

tous ces exercices, ce qui les distingue de la gymnastique,

c'est que le malade doit appliquer toute son attention à les

exécuter avec une régularité parfaite. Chaque exercice devra

être répété aussi souvent, jusqu'à ce que le malade soit par-

venu à masquer pour ainsi dire son incoordination motrice,

c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il ait appris l'exercice en question

le plus parfaitement possible.

Aux tabétiques qui ne marchent que difficilement on recom-

traitement DE l'ataxie DANS LE TABES DORSALIS. Ib7

mandera en dehors des exercices le repos au lit. Les malades

qui marchent encore relativement bien ne doivent pas non

plus trop se fatiguer. On leur recommandera, que même en

dehors des exercices, ils devront marcher d'après les règles

qu'on leur aura indiquées pendant les exercices.

Nous sommes forcés d'ouvrir ici une parenthèse sur la sen-

sation de la fatigue chez les tabétiques. Nous étions le premier

à appeler l'attention sur la manière bizarre, comment la

fatigue se manifeste chez le tabétique Dans la période pré-

ataxique les malades accusent presque toujours une fatigue

rapide et qui n'est nullement en rapport avec la quantité de

force musculaire dépensée. On voit même des tabétiques qui

éprouvent de la fatigue sans avoir marché (sensation de cour-

bature, de lourdeur, de plomb dans les membres). A cette

période d'hyperesthésie succède une période d'anesthésie à la

fatigue. Le malade n'éprouve aucune fatigue même après une

marche de plusieurs kilomètres. Le D'' Frenkel nous a récem-

ment montré une tabétique qui pouvait sans éprouver aucune

fatigue tenir le bras en l'air pendant vingt et vingt-cinq

minutes ! Il existe encore une troisième catégorie de tabétiques,

qui ont un retard considérable dans la perception de sensation

de fatigue. En effet nous avons observé des malades qui ne se

sentaient nullement fatigués après avoir fait une très longue

promenade, mais qui le lendemain de cette promenade avaient

une courbature musculaire générale. Cette courbature durait

généralement vingt-quatre, mais parfois quarante-huit heures.

Ces modifications dans la perception du sens de fatigue sont

de la première importance dans notre méthode de traitement.

En effet le tabétique, qui n'est pas averti par la fatigue, est

porté à dépenser une trop grande quantité de force musculaire

sans réparer la perte par le repos.

Le médecin devra donc exactement prescrire au malade pen-

dant combien de temps il pourra marcher ou exécuter n'im-

porte quel autre travail musculaire. Beaucoup de tabétiques

sont portés à des exagérations à cetgard. Ainsi quelques-uns

de mes malades qui, avant de suivre notre traitement, se con-

damnaient à un repos presque absolu et nullement justifié, se

livraient, à peine avaient-ils un peu amélioré l'incoordination

1 Rubens Hirschberg.- Loc. cil., p. 8. Le cas publié par le Dr Frenkel

est postérieur à notre publication (,N'eiii-ol. Centrb., n° 13, 1893).

168 clinique NERVEUSE.

et repris confiance dans leurs jambes, à des promenades d'une

longueur insensée, et ils étaient tout heureux de ne pas sentir

de fatigue au bout de leur promenade. Eh bien, il faut avertir

les malades que ces exagérations leur sont très nuisibles.

Les exercices en présence du médecin devront être faits éga-

lement avec beaucoup de prudence en tenant compte de l'état

général du malade et de sa résistance. En dehors de la dépense

de force musculaire que nécessitent les exercices, il y a encore

un autre élément de fatigue qui n'est pas sans importance. Chez

tous les tabétiques les exercices produisent par suite de la ten-

sion d'esprit une grande fatigue cérébrale. Cependant au sur et

à mesure qu'ils se familiarisent avec les exercices, cette fatigue

cérébrale se fait de moins en moins sentir.

Nous avons l'habitude de faire durer la séance au début du

traitement une demi-heure, et nous n'avons jamais dépassé

la durée d'une heure, en comptant là dedans le repos entre

chaque exercice. Les séances auront lieu journellement, et,

si les circonstances le permettent, surtout chez des malades

alités, deux fois par jour.

IV. Théorie de la méthode. Avant d'analyser les résul-

tats obtenus chez nos malades, nous croyons utile d'exposer

ici la théorie de la méthode de rééducation des mouvements.

Mais d'abord éliminons la part qui revient à la suggestion dans

l'amélioration qu'on obtient chez les tabétiques par cette mé-

thode de traitement.

Dans notre premier travail sur le même sujet nous avons

insisté sur ce.fait, que tous les symptômes cliniques que pré-

sente un tabétique ne doivent pas être mis uniquement sur le

compte du tabes dorsalis, que notamment le symptôme ataxie

est souvent aggravé par un état mental, neurasthénique, qui

se traduit cliniquement par des appréhensions, une peur exa-

gérée de tomber. Naturellement cette peur fait paraître

l'incoordinalion motrice plus grave qu'elle ne devraitêtre delà

part des lésions organiques. L'amélioration rapide qu'on cons-

tate parfois chez les ataviques dès les premières séances de

traitement est incontestablement d'ordre moral. En relevant

le courage du malade, en lui faisant espérer l'amélioration du

symptôme le plus gênant de sa maladie, on triomphe rapide-

ment des troubles neurasthéniques qui compliquent et aggra-

vent le symptôme ataxie. Mais là s'arrêtent aussi les effets de

la suggestion. -

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 169

Après une~période d'amélioration relativement rapide de

l'incoordination, le traitement entre dans une deuxième pé-

riode, pendant laquelle la coordination renaît avec une len-

teur désespérante. Chaque pas en avant n'est obtenu qu'au

prix de longues et pénibles séances, et une certaine améliora-

tion n'est appréciable qu'après des semaines de traitement.

On reconnaîtra que ce ne sont pas là les caractères d'une

amélioration par la suggestion mentale. Nous allons mainte-

nant voir par quel mécanisme se fait chez le tabétique la réé-

ducation des mouvements.

On est loin d'être fixé sur la nature et le siège anatomique

de l'incoordination motrice. Les théories qui considèrent ce

symptôme comme une manifestation de la parésie musculaire

(Pierret), des contractures (Ommus), de la diminution du to-

nus musculaire (Debove) ont confondu la conséquence de l'in-

coordination avec sa cause. Quant à la théorie des centres et

des conducteurs d'une coordination motrice défendue par

Charcot et par Erb, on doit reconnaître avec Leyden et Ray-

mond que la logique physiologique s'oppose à l'existence de

pareils centres, distinctement des centres et des conducteurs

de la motilité et de la sensibilité en général. La coordination

n'est pas une fonction peur se, mais un arrangement harmo-

nieux des mouvements pour atteindre un but voulu. C'est une

fonction de toute la sphère psychomotrice de l'écorce céré-

brale, c'est-à-dire un acte conscient et voulu. La théorie sensi-

tive de Leyden, qui subordonne l'incoordination motrice aux

troubles de la sensibilité, a certainement gagné du terrain

depuis que nous connaissons mieux les troubles de la sensibi-

lité articulaire et musculaire dans le cours du tabes. Il est

certain que dans la période ataxique la sensibilité musculo-

articulaire est toujours altérée. On a opposé à cette théorie les

hystériques, atteints d'anesthésies profondes et qui ne sont

cependant pas ataxiques; et les malades atteints de la maladie

de Friedreich, c'est-à-dire, des ataxiques sans troubles de la

sensibilité. Selon nous les hystériques ne peuvent pas comp-

ter, car le mécanisme des anesthésies mentales est très com-

pliqué. On pourrait dire des hystériques qu'ils sentent sans

sentir. Surtout leur anesthésie musculaire et articulaire est

sujette à caution. Quant aux Friedreich's, ce ne sont pas des

incoordonnés dans le sens comme le sont les tabétiques. On

devrait trouver un autre mot pour caractériser les troubles de

170 CLINIQUE NERVEUSE.

l'équilibre, dont ces malades souffrent. Puis sans pouvoir être

pour le moment affirmatif nous avons des raisons pour ad-

mettre chez les Friedreich's des troubles de la sensibilité mus-

culo-articulaire,'surtout dans la période avancée de la maladie.

- A notre avis l'argument le plus sérieux contre la subordina-

tion absolue de l'incoordination motrice à l'anesthésie mus-

culo-articulaire, est qu'il n'existe aucune relation proportion-

nelle entre le degré de l'ataxie et les troubles de la sensibilité

musculo-articulaire. On peut seulement affirmer que le tabé-

tique-ataxique présente toujours des altérations de la sensibi-

lité musculo-articulaire. Mais il n'existe pas de relation'intime

de cause à effet entre les troubles de la motilité et les troubles

de la sensibilité dans le tabes. Néanmoins, comme nous le

verrons plus loin, c'est encore cette théorie qui explique le

mieux l'amélioration de la coordination qu'on obtient par la

méthode de Frenkel.

" Nous avons dit plus haut que la coordination était une fonc-

tion cérébrale. Il était donc logique d'incriminer l'encéphale

dans la production de l'incoordination motrice. C'est surtout

Jendrassik' qui a défendu l'origine cérébrale du tabes. Selon

lui le symptôme ataxie est le résultat des altérations qu'il a

constatées dans le système des fibres d'association corticales.

11 faut dire que les altérations des fibres constatées par Jen-

drassik n'ont pas été confirmées dans tous les cas de tabes. Cette

théorie est aussi en contradiction avec les résultats de notre

méthode de traitement. En effet, si chez les tabétiques les

fibres d'association indispensables pour la coordination sont

détruites, la rééducation de la coordination serait impossible.

Or, il n'en est rien. Nos observations prouvent que le .tabé-

tique peut dans une certainemesure par des exercices spéciaux

récupérer la coordination de ses mouvements. L'intégrité des

fonctions cérébrales est même une condition essentielle pour

la réussite de notre traitement. '

Voici comment nous expliquons les effets de la méthode de

Frenkel. Nous avons dit que la coordination était une fonction

cécébrale. En plus elle n'est pas innée, mais s'acquiert dans'le

courant de la vie et au sur et à mesure do nos besoins. C'est

par des exercices répétés que nous apprenons à rester debout,

à marcher, courir, nager, faire des mouvements coordonnés

' 'Jendrassik. Detils. klin. Med., t. XLII1, 1888.

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 171

avec les bras, etc : C'est là l'éducation de nos appareils mo-

teurs. Il y a naturellement une grande différence entre le mé-

canisme de l'éducation de la coordination chez l'enfant et'chez

une grande personne. Dès l'enfance nous apprenons les mou-

vements qui nous, sont indispensables selon le milieu dans

lequel nous vivons. L'enfant apprend la coordination pour

ainsi dire sans raisonnement et au prix de nombreux échecs

et de chutes multiples. Une grande personne au contraire sera

prudente, raisonnera, se fera une théorie du mouvement

coordonné, qu'elle aura à apprendre. Demandez à un Véni-

tien, quand est-ce qu'il a appris à nager, il vous répondra

qu'il ne le sait pas, qu'il a ça de naissance, parce que dans le

milieu dans lequel il vit la nage est aussi indispensable que

pour nous la marche. Mais ceux qui ont appris à nager dans

un âge, quand on est capable de se,rendre compte, savent

qu'il leur fallait pour cela beaucoup d'exercices, d'attention et

de bonne volonté. -

L'analyse des mouvements coordonnés démontre que ce ne

sont pas des mouvements automatiques, mais conscients et

intentionnels. L'habitude seule fait que dans les mouvements

que nous répétons journellement, l'intervention de la volonté

devient tellement minime, que nous croyons les exécuter sans

le contrôle de notre conscience. Mais en réalité il n'en est

rien, puisque, nous le savons bien, si les conditions exté- -

rieures changent, le cerveau en est immédiatement averti par

les organes des sens (la vue, le toucher, la sensibilité mus-

culo-articulaire), et la coordination s'adapte alors aux condi-

tions modifiées. Il s'ensuit que pour une coordination par-

faite l'intégrité de nos organes des sens est indispensable.

Pour ne pas compliquer la question nous n'envisagerons que

la vue, le tact et la sensibilité musculo-articulaire particuliè-

rement engagés dans l'acte de coordination. Chez l'homme

bien portant en vertu du principe du partage du travail tous

les organes des sens ont leur part dans la coordination. Si par

suite de maladie le concours d'un des organes fait défaut, les

autres organes devront le suppléer, autrement la coordination

ne pourra pas se faire. C'est ainsi que chez l'aveugle le toucher

et la sensibilité musculo-articulaire suppléent la vue dans la

coordination, et chez le tabétique les yeux cherchent à com-

penser les troubles de la sensibilité tactile et de la sensibilité

musculo-articulaire.

172 CLINIQUE NERVEUSE. '

On sait que les organes qui, par les circonstances, sont

appelés à un surcroit de travail peuvent atteindre un très haut

degré d'affinement. Ainsi le toucher chez les aveugles, la sen-

sibilité musculo-articulaire dans certains métiers, comme par

exemple chez les employés des postes, qui en soupesant sur

la main les lettres peuvent distinguer des différences de poids,

imperceptibles pour des personnes, qui ne sont pas habituées

à ce genre de travail. La danseuse de ballet, le virtuose du

piano, le jongleur doivent avoir la sensibilité musculo-articu-

laire d'une finesse extraordinaire. Physiologiquement parlant,

en quoi consiste l'affinement de la sensibilité ? Il est possible

que les appareils terminaux de la sensibilité, situés dans la

peau, dans les muscles, les tendons, les ligaments, les cap-

sules articulaires à force d'exercice acquièrent une sensibilité

plus exquise. Il est cependant plus probable, comme l'admet

Frenkel ', que dans ces cas d'une finesse extraordinaire de la

sensibilité ce sont plutôt les centres psycho-moteurs de l'é-

corce cérébrale qui, à force d'habitude, c'est-à-dire d'exercice

répété, arrivent pour accomplir la coordination à se contenter

d'impressions minimes venues de la périphérie. z

Revenons aux tabétiques. Si l'ataxique est capable d'un

effort de volonté, c'est-à-dire si son intelligence n'est pas

altérée, et s'il n'est pas aveugle, nous savons maintenant par

quel mécanisme il pourra refaire l'éducation de sa coordina-

tion motrice. Qu'on se rappelle ce que nous avons dit de la

méthode de rééducation des mouvements et on comprendra

facilement que les exercices raisonnés et souvent répétés ont

pour but de compenser par la vue et par une attention plus

grande les troubles de la sensibilité musculo-articulaire. Le

fait est que de lui-même et sans s'en douter, le tabétique

ataxique cherche à compenser les défauts de sa sensibilité

musculo-articulaire. La démarche du tabétique est tout à fait

caractéristique à cet égard. Pour avoir plus de stabilité il immo-

bilise le corps, il élargit la base de sustention, en écartant les

jambes et en plaçant les pieds au dehors. Pour remédier à la

mauvaise sensibilité de l'articulation du genou, il la supprime,

en tendant la jambe au maximum et en avançant la jambe

d'une seule pièce. Pour s'orienter dans l'espace, il est forcé de

1 Frenkel. - Die Thérapie tact, Rewegungsslurungen. nlünch. Medic.

Wochenschr., 1890, n" 52.

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 173

surveiller par la vue l'extrémité en mouvement. Pour la même

raison les mouvements de l'ataxique sont de grande amplitude,

car ce sont les seuls, qu'il est capable de sentir. Il lui faut aussi

une grande concentration de l'attention, puisque pour arriver

à coordonner les mouvements avec une sensibilité affaiblie, le

cerveau devra déployer une plus grande activité.

Ainsi la méthode de traitement de Frenkel ne fait qu'aider

la nature. Elle enseigne à l'ataxique, comment il doit s'y

prendre pour déjouer les troubles de sa sensibilité musculo-

articulaire et arriver à coordonner ses mouvements avec une

sensibilité défectueuse. Les limites de l'amélioration de l'in-

coordination chez un tabétique par la méthode de Frenkel

sont données par les troubles de la sensibilité musculo-arti-

culaire. Mais quel que soit le degré de ces troubles une certaine

amélioration de l'incoordination sera toujours possible, à con-

dition qu'on n'institue pas le traitement en plein développe-

ment rapide de la maladie, on verra que dans les cas de tabes

aigu, et dans la période d'aggravation rapide des phénomènes

ataxiques la rééducation des mouvements ne doit pas être

appliquée. En voici la raison : Tant que le processus tabétique

est en développement rapide, le malade ne pourra pas com-

penser les troubles de la sensibilité, puisque ces troubles chan-

gent et s'aggravent pour ainsi dire tous les jours. Le malade

est continuellement en lutte avec des nouveaux phénomènes

morbides, et c'est alors que son incoordination se développe

très rapidement. Mais qu'il se produise une trêve dans le pro-

cessus pathologique, ou que ce processus soit très lent, ou que

la maladie s'arrête définitivement, le malade s'adaptera plus

facilement à ses troubles de la sensibilité musculo-articulaire,

et arrivera dans l'acte de coordination à les compenser. Le

résultat sera une amélioration de la coordination motrice,

Mais ce n'est pas là une amélioration dans le sens d'une rétro-

cession des lésions anatomo-pathologiques du tabès. Ce n'est

qu'une compensation devenue possible grâce à l'accalmie du

processus morbide.

Tous les auteurs (Frenkel, Ostankoff) qui ont appliqué notre

méthode de traitement ont constaté chez les tabétiques une

certaine amélioration de la sensibilité musculo-articulaire.

Cependant ce serait tout à fait faux de subordonner l'améliora-

tion de la coordination chez les tabétiques à cette amélioration

de la sensibilité. Chez nos malades nous avons toujours vu,

174 CLINIQUE NERVEUSE.

que la sensibilité ne s'améliorait que très tardivement, long-;

temps après que le malade avait déjà obtenu une très grande

amélioration de ses mouvements.

Cette amélioration de la sensibilité s'explique par le fait

que même dans les cas les plus avancés de tabes la sensibilité

musculo-articulaire n'est jamais complètement éteinte. Elle

n'est que quantitativement modifiée et peut être tellement

affaiblie que le malade n'aura conscience que des mouvements

de très grande amplitude, qu'on imprimera aux articulations,

Les exercices de Frenkel arrivent à la longue à améliorer cette

sensibilité affaiblie par le même mécanisme, par lequel la sen-

sibilité se perfectionne chez l'homme bien portant, comme

nous l'avons exposé plus haut. Comme chez l'homme bien

portant, le cerveau du tabétique arrive à force d'habitude,

c'est-à-dire d'exercice,' à apprécier les impressions affaiblies

que lui transmettent les fibres nerveuses sensitives altérées.

Les exercices les yeux fermés ont précisément pour but d'amé-

liorer la sensibilité musculo-articulaire.

V. Analyse DES observations. Nous croyons inutile

d'insister sur le diagnostic chez nos malades. Là-dessus il ne

peut y avoir aucun doute : dans toutes nos observations il

s'agit de tabes dorsalis le plus caractérisé. Nous voudrions

seulement dire quelques mots sur des particularités sympto-

matiques, que nous avons eu l'occasion d'étudier sur nos

malades, notamment : la distribution inégale des phénomènes

tabétiques des deux côtés du corps, et le phénomène d'hype- ? 'esthésie plantaire. ' ' '

Généralement, on admet que le tabes frappe les deux côtés

du corps d'une façon symétrique.1 Le professeur Fournier ' est

le seul auteur qui à notre connaissance mentionne des cas;

dans lesquels l'incoordination motrice était développée, d'une

façon-inégale dans les deux jambes. Or, si on étudie les tabé-

tiques de près', on peut se convaincre, que les troubles tabé-

tiques ne se manifestent, jamais au même degré dans les deux

côtés du corps. On peut même dire plus. Dans la grande majorité

des cas c'est le côté gauche qui est plus affecté que le côté droit.

Sur nos neuf malades on n'en trouvera qu'une seule (Cas. V)

chez laquelle la jambe droite était plus incoordonnée que la

' Fournier. Alaxie locomotrice d'origine syphilitique. Paris, 1882,

p. 333. , ,

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 1 75

jambe gauche. Ce n'est pas seulement l'ataxie qui est plus

développée à gauche.

Chez nos malades, les symptômes avec une disposition

unilatérale sont situés à gauche. Observation I : paresthé-

sies au pied gauche et sensation de corset à gauche. Observa-

TION VII : arthropathie au genou gauche. Observation VIII :

blépharoptose à z<7 gauche et un certain degré d'incoordina-

tion à la main gauche. Observation IX : incoordination à la

main gauche. Notre Observation II est le plus bel exemple

d'un tabes avec hémiataxie. Cette hémiataxie est aussi une

gauche. ·

Les cas dans lesquels le professeur Fournier a constaté de

l'inégalité dans la répartition des symptômes tabétiques,

avaient également le côté gauche plus affecté que le côté

droit.

Le traitement des ataxiques par la méthode de Frenkel fait

ressortir encore davantage l'infériorité de la jambe gauche

chez le tabétique. C'est toujours celle-ci qui s'améliore le moins

vite. C'est cette jambe que le malade qualifie de mauvaise.

C'est la jambe gauche qui lui « refuse d'obéir». Il nous semble

qu'on pourrait expliquer cette prédominance du tabes du côté

gauche du corps par ce fait, que même chez l'homme bien por-

tant, excepté les gauchers, le côté gauche du corps est moins

coordonné que le côté droit, de sorte que les mêmes lésions qui.

ont pour conséquence de troubler la coordination, auront plus

de prise sur les organes qui déjà dans des conditions normales

possèdent une coordination moindre que les organes situés à

droite. ' .

Nous avons constaté chez tous nos malades un phénomène

particulier d'hyperesthésie plantaire, qui ne nous semble pas

avoir jusqu'à présent attiré l'attention des cliniciens, et que

nous avons appelé le phénomène plantaire1. Voici en quoi ce

symptôme curieux consiste. Si on- fait avec le bord de l'ongle

une friction rapide le long de la plante du pied, comme on pro-

cède ordinairement pour provoquer le réflexe plantaire/ cetté

légère friction produit chez les malades parfois une douleur

tellement vive, qu'ils poussent des cris et retirent violemment

la jambe. Cette sensasion se produit indépendamment de l'anes-

1 Elirschberj. Sur un phénomène plantaire chez le tabétique

Revue de Neurologie, 1895.

176 clinique NERVEUSE.

thésie tactile plantaire, et elle a lieu tantôt instantanément,

tantôt avec un certain retard.

Dans ce dernier cas, et s'il n'y a pas d'anesthésie tactile, le

malade accuse d'abord la sensation tactile de la friction, et ce

n'est que quelques instants après qu'il ressent la douleur.

Toujours douloureuse, cette sensation est cependant différem-

ment traduite par les malades. Le plus souvent c'est une

« écorchure avec un instrument tranchant » ; tantôt c'est une

« brûlure avec du fer rouge » tantôt c'est un « poignard qu'on

enfonce dans les chairs ». Un de nos tabétiques qui avait de

l'hyperesthésie au froid, disait qu'on lui enfonçait un morceau

tranchant de glace dans la plante du pied. La sensation dou-

loureuse, provoquée par la friction ne disparaît pas brusque-

ment, mais persiste pendant quelques instants et ne s'éteint

que peu à peu.

Au point de vue de l'incoordination motrice, le symptôme

le plus important pour nous, on peut diviser nos malades en

deux catégories : Les impotents, c'est-à-dire ceux qui ne mar-

chent plus et sont confinés au lit (OBS. II, III et VI) ;

Les malades qui marchent encore, mais avec plus ou moins

de difficultés, étant forcés d'être soutenus pendant la marche

(les malades de nos six autres observations).

Disons tout de suite que quel que fût le degré de l'ataxie

avant le traitement, tous nos malades ont été améliorés d'une

façon remarquable. Dans l'OBSERVATION II l'amélioration est

telle qu'on peut considérer l'ataxie chez cette malade comme

complètement guérie. Il est vrai qu'au moment où nous

avons entrepris le traitement, elle n'était qu'hémiataxique.

Néanmoins, l'incoordination motrice élait telle que la malade

était incapable de se tenir debout et à plus forte raison de faire

un pas. Actuellement, elle marche comme tout le monde, et

fait sans appui, sans canne des longues promenades, après avoir

été confinée au lit pendant six ans 1

Dans l'OBSERVATION III, quoique moins brillante à première

vue, l'àmélioration est pourtant encore plus remarquable que

dans le précédent cas, si on considère l'état d'impotence

absolue dans lequel nous avons trouvé la malade. Elle était

incapable de s'asseoir, ni de se retourner dans son lit. Désordre

le plus complet dans les mouvements des jambes. Les deux

pieds dans la position de varo-équin, et impossibilité absolue

de les redresser par des contractions volontaires. Impossibilité

traitement DE l'ataxie dans LE tabès DORSALIS. 177

absolue de se tenir debout, même soutenue par deux hommes.

Grâce aux exercices nous sommes arrivés à faire marcher cette

malade. Il est vrai qu'il fallut pour cela presque un an de trai-

tement, et même maintenant, elle ne peut marcher qu'en s'ap-

puyant sur le bras de quelqu'un et sur une canne. Mais rien

que le fait qu'un tel degré d'incoordination motrice peut être

modifié ne prouve-t-il pas toute la valeur considérable de la

méthode de Frenkel comme moyen de corriger l'ataxie des

tabétiques ?

L'Observation VI, dans laquelle il s'agit également d'un

tabétique presque impotent est intéressante à plusieurs points

de vue. D'abord il s'agit dans ce cas d'un tabes qui a évolué

très rapidement. En moins de deux ans le malade est arrivé à

ne plus pouvoir marcher, ni même se tenir debout tout seul.

L'âge du malade était également peu favorable pour tenter une

rééducation de la coordination. Puis le malade n'a pu se sou-

mettre à notre traitement que pendant trois semaines. Néan-

moins nous avons obtenu chez lui un résultat très appréciable

puisque, au moment de nous quitter, il pouvait se tenir

debout tout seul, et marcher pendant quelques minutes en

s'appuyant sur le bras de quelqu'un.

Tous nos autres malades, quoique fortement incoordonnés,

appartiennent à la catégorie des ataxiques, qui au moment

où nous avons entrepris chez eux le traitement marchaient

encore. Tous ces malades ont retiré du traitement le plus

grand bénéfice. Dans ce groupe nous insistons surtout sur les

Observations I et VIII. Le malade de l'OBSERVATION I est par-

venu à pouvoir si bien coordonner ses mouvements que sa

démarche a presque complètement perdu les caractères d'une

démarche pathologique. Actuellement, il sort tout seul dans

les rues les plus encombrées de Paris et peut marcher pendant

vingt-cinq à trente minutes sans éprouver le besoin de s'as-

seoir. Chose plus remarquable encore, le signe de Romberg

qui était très prononcé chez lui a presque complètement

disparu. Le malade peut se tenir debout et marcher les yeux

fermés.

L'Observation VIII est intéressante par la gravité des phé-

nomènes ataxiques, que le malade présentait au début du trai-

tement, ainsi que par la rapidité avec laquelle l'incoordina-

tion motrice s'est atténuée à la suite des exercices. Après six

semaines de traitement ce malade pouvait à l'aide d'une canne

Archives, 2° série, t. II. 12 -

178 clinique NERVEUSE.

circuler seul dans l'appartement, et faire des petites prome-

nades dehors d'une durée d'une demi-heure. D'après les lettres

que nous recevons de ce malade, qui habite la province, son

ataxie s'améliore de plus en plus grâce aux exercices qu'il con-

tinue à faire tous les jours.

La malade de l'OBSERVATION IV mérite une place à part.

Quand nous avons entrepris le traitement, elle était déjà en

voie de rapide amélioration. On ne peut donc pas juger jusqu'à

quel point chez cette malade notre traitement doit être incri-

miné dans la disparition du symptôme ataxie. En effet, cette

malade a quitté l'hospice de la Salpêtrière complètement gué-

rie de son ataxie, tout en conservant les symptômes cardinaux

de tabes dorsalis. Au dire de cette malade elle s'améliorait

beaucoup plus rapidement sous l'influence des exercices, qu'a-

vant notre traitement.

Nous ne trouvons rien de particulier à relever chez nos

autres malades. Ce sont des tabétiques chroniques avec ataxie

moyenne. Chez tous l'incoordination motrice a été améliorée

d'une façon plus ou moins considérable après un traitement

d'une durée moyenne de deux mois.

Parallèllement avec l'amélioration de l'ataxie, on constate

chez nos malades une certaine amélioration des troubles de la

sensibilité. Cependant il faut reconnaître qu'il s'agit chez nos

malades plutôt d'amélioration subjective, et qu'objectivement

à part l'atténuation du signe de Romberg, on constate peu de

changement dans les troubles de la sensibilité. Les douleurs

fulgurantes sont favorablement intluencées par les exercices.

Les crises deviennent certainement plus rares et généralement

moins intenses. Tous les malades affirment qu'ils sentent

mieux leurs jambes, qu'ils les « perdent moins » dans le lit,

que les jambes sont moins froides et moins engourdies. Les

malades se plaignent moins de différentes paresthésies : sen-

sation de bandes trop serrées, de jambes en coton, de rai-

deur, etc. Nous n'avons jamais constaté chez nos malades à la

suite de notre traitement des modifications objectives dans les

troubles de la sensibilité cutanée. En revanche la sensibilité

profonde (musculo-articulaire) est favorablement influencée

par notre méthode de traitement.

Quelques-uns de nos malades sentaient certainement mieux

les mouvements qu'on imprimait à leurs articulations. Cepen-

dant il serait faux de subordonner l'amélioration de l'ataxie à

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 1 I 9

l'amélioration de la sensibilité musculo-articulaire. Il y a des

malades chez lesquels l'ataxie s'améliore, pendant que les

troubles de la sensibilité ne subissent aucune modification

(Ces. III, VI et VIII). Chez nos malades, chez lesquels nous

avons observé une amélioration de la sensibilité profonde, cette

amélioration n'avait lieu que très tardivement, longtemps

après que l'ataxie était déjà notablement améliorée. Il n'existe

donc aucune relation directe entre l'amélioration de l'ataxie et

et de la sensibilité musculo-articulaire. Nous avons expliqué

plus haut, comment nous comprenons le mécanisme de cette

amélioration de la sensibilité profonde chez les tabétiques.

Bien que la méthode de Frenkel n'ait d'autre prétention

que de corriger l'incoordination motrice chez le tabétique, il

est incontestable que tous les symptômes présentés par le

malade sont favorablement influencés par le traitement. L'état

général devient manifestement meilleur. Les malades repren-

nent espoir, deviennent plus gais, se promènent plus volon-

tiers, vaquent à leurs affaires, etc.

Certains symptômes du tabes qui ne sont nullement en

relation avec l'incoordination motrice ont cependant été nota-

blement améliorés sous l'influence 'delà rééducation des mou-

vements.

Dans l'OBSERVATION I, atténuation considérable de la sensa-

tion de constriction dans le côté gauche de la poitrine.

Observation III, atténuation des crises laryngées, qui devien-

nent plus rares et moins intenses. Observations VII, VIII

et IX, amélioration de l'incontinence d'urine'

Indications ET contre-indications. - Il serait certaine-

ment encore prématuré de poser actuellement les indications

et les contre-indications de la méthode de Frenkel. Pour pou-

voir le faire d'une façon plus ou moins définitive on devrait

disposer d'un nombre de cas plus considérable. Il vaut mieux

être en attendant réservé à cet égard. Il y a quatre ans nous

avons, dans notre travail sur le même sujet, appelé l'attention

pour la première fois sur cette question si importante. L'expé-

rience de ces dernières années nous a mieux fait connaître les

indications et les contre-indications de la méthode de Frenkel.

Mais nous répétons que cette question est loin d'être épuisée.

Comme dans toute méthode de traitement et peut-être même

plus que dans n'importe quelle autre méthode de traitement,

pour juger de sa valeur réelle, il faut choisir des cas capables

180 CLINIQUE NERVEUSE.

de bénéficier des bienfaits de ce traitement, et en éliminer

ceux chez lesquels le traitement ne pourra avoir aucun effet

ou même être dangereux.

Indications. En faisant abstraction de tous les autres

symptômes de tabes, quel que soit le degré d'incoordination

tabétique on peut l'améliorer par une rééducation des mouve-

ments. Donc le degré d'incoordination ne présente ni une in-

dication, ni une contre-indication spéciale. Parfois même un

degré moindre d'ataxie se prête moins à l'amélioration qu'une

incoordination très prononcée. Tout dépendra dans ces cas de

l'évolution de la maladie. Si la maladie évolue rapidement le

résultat de notre traitement sera à peu près nul. Si au con-

traire nous nous trouvons en présence de ces cas si fréquents

de tabes, qui ne se développent que très lentement, ou encore

mieux si le processus morbide s'est arrêté temporairement ou

définitivement, le résultat du traitement sera excellent, et peu

importe alors le degré d'ataxie. Il n'y a que la durée du traite-

ment qui sera plus longue, si l'incoordination est plus pro-

noncée. Dans l'observation III il fallait plus d'un an de traite-

ment pour que la malade réapprenne à marcher.

Toutes conditions égales des sujets jeunes, intelligents,

avec un état général qui n'a pas trop souffert, s'amélioreront

plus rapidement que des malades vieux, qui ont perdu toute

énergie, qui ne sont pas capables d'un effort soutenu de vo-

lonté, qui sont d'humeur triste ou affaiblis et cachectisés par

la maladie.

Le traitement par la rééducation des mouvements n'est in-

diqué que dans la période d'ataxie du tabes. Selon nous il n'a

aucune raison d'être dans la période préataxique, car dans cette

période le malade est complètement maitre de tous les mouve-

ments nécessaires pour la vie habituelle, et nous ne croyons

pas que les exercices compliqués qu'on pourrait apprendre

aux préataxiques les préserveraient de l'incoordination mo-

trice. Les exercices de Frenkel n'ont qu'un but c'est de corriger

l'ataxie ; par conséquent, pour profiter de ce traitement le ta-

bétique doit être ataxique. Tout à l'heure nous verrons qu'il

y a même des tabétiques chez lesquels la méthode de Frenkel

doit être formellement interdite dans la période préataxique.

Contre-indications. En thèse générale, la méthode de

Frenkel sera contre-indiquée chez, tout malade auquel les

exercices physiques violents sont nuisibles. Par conséquent les

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 181

tabétiques-ataxiques avec un mauvais état général ou atteints

de maladies organiques graves ne pourront pas profiter de ce

traitement. C'est surtout chez les cardiaques que ce traitement

sera interdit. On sait avec quelle fréquence on rencontre chez

les tabétiques des vices du coeur. Il ne faut donc jamais né-

gliger d'examiner soigneusement le coeur des tabétiques qu'on

veut soumettre au traitement de Frenkel.

Parmi les troubles propres au tabes qui défendent le traite-

ment de Frenkel nous devons placer en première ligne les lé-

sions articulaires. Nous avons publié l'histoire d'un tabétique

qui s'est arraché pendant les exercices les ligaments croisés

d'un genou fortement recourbé (genu recurvatum). On a vu

dans notre observation VII un degré insignifiant d'arthro-

pathie s'aggraver considérablement au point de rendre la

marche impossible à la suite de notre traitement. Les troubles

articulaires forment donc une contre-indication absolue du 11'ai-

tement de Frenkel. La fragilité des os serait également une

contre-indication de notre traitement.

Les tabétiques aveugles ne pourront pas être soumis à notre

traitement. Nous avons vu plus haut de quelle importance est

le concours de la vue dans la rééducation des mouvements. On

comprendra ainsi facilement pourquoi les aveugles en seront

exclus. De même les tabétiques atteints de troubles psychiques

n'arriveront pas à corriger leur ataxie par la méthode de

Frenkel, car le concours de l'intelligence et de la volonté du

malade est indispensable pour la réussite du traitement.

Dans le tabes à évolution aiguë, trop rapide la rééducation

des mouvements n'est d'aucune utilité. Si on se trouve en pré-

sence d'un pareil cas, on fera mieux d'attendre. On ne devra

commencer les exercices que quand la maladie sera arrivée à

la période d'état ou de progrès lent, chronique. En effet nos

exercices ont pour but de compenser les troubles de la sensi-

bilité musculo-articulaire et cutanée pour que le malade puisse

coordonner ses mouvements avec le concours d'une sensibilité

défectueuse. Or si la sensibilité s'aggrave tous les jours, comme

c'est le cas dans le tabes à marche rapide, comment le malade

pourra-t-il arriver à s'adapter à ces troubles, qui ne restent

pas constants. Il s'épuisera inutilement dans la lutte sans pou-

voir arriver coordonner ses mouvements. Même dans le tabes

chronique à évolution lente, l'aggravation se fait souvent par

des poussées. En examinant les malades pendant ces poussées

182 CLINIQUE NERVEUSE.

on constate toujours une aggravation de la sensibilité mus-

culo-articulaire. Nous conseillons donc de s'abstenir de tout

exercice, même de la marche, pendant ces périodes. On fera

mieux de laisser reposer les malades. Au bout de quelques

jours de repos on pourra reprendre les exercices et le malade

s'adaptera très vite à ses nouveaux troubles de la sensibilité.

Nous avons dit plus haut que dans la période préataxique

notre traitement n'est d'aucune utilité. Puisque nous sommes

au chapitre des contre-indications, nous devons mentionner

qu'il y a des tabétiques préataxiques chez lesquels les exer-

cices pourraient être nuisibles. Ce sont ces tabétiques avec des

paresthésies pénibles et de l'hyperesthésie musculaire. Con-

trairement à la période ataxique pendant laquelle les malades

ont souvent de l'anesthésie à la fatigue musculaire, ces préa-

taxiques se sentent épuisés et courbaturés après le moindre

effort musculaire, ils se sentent lourds, les jambes en plomb,

ils accusent des contractions et des crampes. Chez cette caté-

gorie des tabétiques-préataxiques nous jugeons la méthode de

Frenkel non seulement indifférente, mais directement nui-

sible, car les exercices exténuent les malades sans aucune

utilité pour eux.

Observation 1. Tabes dorsalis. Développement rapide de l'ataxie.

Amélioration considérable de l'incoordination après trois mois de

traitement.

0. R... âgé de quarante-trois ans, négociant. Le père est mort

à soixante-cinq ans d'une maladie de coeur, la mère est morte à

l'âge de cinquante-sept ans d'une apoplexie foudroyante. Un des

frères du malade est atteint d'une myélite syphilitique. Les autres

frères sont arthritiques, mais bien portants.

Antécédents personnels. - Le malade était toujours d'une excel-

lente santé et n'a jamais fait de maladie grave. A l'âge de dix-

huit ans, il a eu un bouton sur la verge (chancre ? ), qu'il n'a pas

fait soigner et qui a disparu au bout de quelques jours. Jamais

d'accident secondaires, ni tertiaires. Marié depuis dix ans. Quelque

temps après le mariage, sa femme fit une fausse couche de six

semaines. Elle a eu depuis trois enfants, dont deux sont morts en

bas âge d'affections pulmonaires.

Début du tabes. - A l'âge dé vingt-cinq ans, le malade avait

des douleurs insignifiantes aux extrémités inférieures, qui avaient

le caractère des douleurs fulgurantes. Ces douleurs, peu gênantes

d'ailleurs, qu'il attribuait au rhumatisme, se répétaient de temps

eh temps jusqu'à l'âge de trente-neuf ans. A cette époque à la

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 183

suite d'un grand chagrin et d'un surmenage physique (le malade

veillait son enfant malade pendant une dizaine de nuits) une forte

crise de douleurs fulgurantes dans les jambes éclata. Le professeur

Germain Sée diagnostiqua tabès dorsalis malgré l'absence à cette

époque du signe de Westphal. Il conseilla des douches froides et

de l'antipyrine à haute dose (le malade a absorbé en un mois

80 grammes d'antipyrine). A la suite de ce traitement les douleurs

fulgurantes ne se montrèrent plus pendant trois ans.

En juin 1892 sensation de cuirasse qui lui serre la poitrine prin-

cipalement du côté gauche. En juillet de la même année, le malade

s'est aperçu qu'en descendant une côte il ne pouvait pas modérer

ses mouvements. Au mois d'août de la même année il marchait

déjà très difficilement en s'appuyant sur une canne. Les jambes

étaient lourdes et le pied gauche lui semblait être enserré dans

uuétau. A cette époque la digestion se faisait mal et le malade

..rait très mauvaise mine. En octobre 1892, il fait une cure à la

Malou, qui ne lui procure aucun soulagement. On lui fait ensuite

pendant dix-huit mois des injections hypodermiques avec de l'ex-

trait testiculaire. Elles n'ont aucune influence sur ses jambes, dont

l'incoordination s'aggrave de plus en plus. Au dire du malade et

de son entourage l'état général s'est sensiblement amélioré à la

suite de ce traitement. En août 1893, le malade fait à Aix-la-Cha-

pelle une cure antisyphilitique mixte et intense d'une durée d'un

mois. Celte cure reste sans aucune influence sur les symptômes de

tabès. '

Le malade n'a jamais eu de diplopie, ni de blépharoptose. A

aucun moment de sa maladie, il n'a eu aucun trouble du côté de

la vessie, ni du rectum. Il n'a jamais eu non plus de l'impuissance

génésique. '

Etat actuel (5 janvier 1894). Le malade est de haute taille,

robuste, bien musclé. Il a toutes les apparences d'une parfaite

santé. Très intelligent. Humeur calme et égale.' Il a seulement

souvent des idées noires et envisage tristement son avenir.

Rien d'anormal dans la conformation de la tête. Le malade ne

présente aucun stigmate physique de dégénérescence. Il n'y a

pas de blépharoptose. Les pupilles sont moyennement et égale-

ment dilatées des deux côtés. Elles réagissent bien à la lumière et

à l'accommodation. 11 n'y a ni strabisme, ni'diplopie, ni nystagmus.

Le malade distingue bien les couleurs. Son acuité visuelle est

bonne. Du côté de l'ouie, du goût de l'odorat, de la langue, des

dents rien de particulier. .

Extrémités supérieures. Un peu d'ahkylose à l'articulation

scapuio-humérale droite qui date de l'enfance. Au reste rien d'anor-

mal ni dans la sensibilité, ni dans la motilité des membres supé-

rieurs. '

Au tronc il est à noter une sensation très pénible de constrictibn

184 , CLINIQUE NERVEUSE.

dans la région thoracique gauche. Aucun trouble du côté de la

vessie, ni du rectum. Pas d'impuissance génésique. Le ,éflexe se ? ,otaz

est vif des deux côtés.

Extrémités inférieures. Le réflexe rotulien est aboli des deux

côtés, ainsi que le réflexe plantaire.

Sensibilité. Le sens du toucher est aboli à la plante des deux

pieds, sur le reste des extrémités le malade sent et localise bien

le moindre frôlement de la peau. Retard dans la perception de

la douleur aux plantes des pieds. Ce retard existe, quoique moins

prononcé jusqu'aux genoux. Au-dessus des genoux, il n'y a plus

de retard. - Les différences de température (le chaud et le froid)

sont bien distinguées. Il y a un peu d'hyperesthésie au froid.

Phénomène plantaire. Le passage rapide avec l'ongle du pouce

le long de la plante des pieds provoque une douleur vive, qui

arrache un cri au malade. Cette douleur persiste pendant un cer-

tain temps.

La sensibilité profonde (articulaire musculaire) est très troublée

dans toutes les articulations des extrémités inférieures. Les yeux

fermés, le malade ne reconnaît pas la position qu'on donne à ses

pieds et aux jambes. Dans les articulations des genoux et des

hanches il ne sent que les grands mouvements.

Incoordination motrice. Le malade exécute assez bien les mou-

vements au lit. Il se lève sans trop de difficultés d'un siège. Il ne

peut pas se lever ayant les pieds joints.

Debout. Quand le malade est debout ses pieds sont agités par

des mouvements continuels. Il ne peut pas se tenir debout les

pieds joints. 11 ne peut pas non plus se tenir sur une seule jambe.

Aussitôt qu'il ferme les yeux, il chancelle et tombe.

Locomotion. Le malade n'a pas la démarche classique de

l'ataxique. Il ne frappe pas le sol avec le talon, il ne déplace pas

non plus la jambe d'une seule pièce. Il a plutôt la démarche titu-

bante, peu sûre. Il place le pied avec précaution, comme s'il

marchait sur de la glace. Le moindre obstacle le fait trébucher.

Après avoir marché pendant quelques minutes, les jambes devien-

nent lourdes, et il a toutes les peines du monde à se traîner. Dans

la rue, il doit donner le bras à quelqu'un et s'appuyer sur une

canne. Ainsi soutenu, il peut parcourir un demi-kilomètre et après

il est forcé de se reposer. Même dans son appartement il se sert

d'une canne pour marcher. La jambe gauche a tous les mouvements

plus incoordonnés que la droite.

Le malade a de temps en temps des douleurs fulgurantes aux

pieds et dans les jambes. La crise dure parfois plusieurs jours et

empêche le malade de dormir. La phénacétine calme les douleurs.

Rien d'anormal aux organes internes. L'appétit et le sommeil sont

bons.

Commencement du traitement le 5 janvier 1894. Pendant un

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 185

mois nous avons fait faire au malade des exercices tous les jours,

et ensuite pendant six mois nous avons eu des séances ensemble

trois fois par semaine. Le mal ade faisait cependant tous les jours

les exercices. Après trois mois de traitement, l'amélioration était

telle qu'il n'existait presque plus d'incoordination motrice. Le

malade sortait seul avec une canne, et faisait plusieurs kilomètres

par jour. La démarche est devenue régulière et sûre. Quand on

le voyait marcher, on ne se serait pas douté que cet homme était

atteint de tabes dorsalis.

Il a appris à faire correctement tous les exercices, même les

plus difficiles (se tenir sur une jambe, marcher sur la pointe des

pieds, marcher à reculons, marcher les genoux fléchis, etc.). Le

signe de Romberg s'est atténué à un tel point, que le malade peut

rester debout les yeux fermés et "même les pieds joints. Il peut

marcher les yeux fermés et dans l'obscurité. Le seul exercice qu'il

n'a pas pu apprendre c'est la course. Le malade ne peut toujours

pas courir. Les douleurs fulgurantes se montrent moins souvent

et sont beaucoup moins intenses. Le malade souffre également

moins de sa cuirasse. La sensibilité profonde (musculo-articulaire)

s'est beaucoup améliorée quoique plus lentement que l'incoordina-

tion motrice. Nous n'avons constaté cette amélioration qu'au bout

de six mois de traitement.

Le malade, a} anl1es yeux fermés, sent maintenant parfaitement

les moindres mouvement, qu'on imprime aux genoux et aux articu-

lations coxo-fémorales. Seuls les troubles dans les articulations

des pieds n'ont pas bougé.

Nous avons revu le malade le 8 avril 1896 et nous avons constaté

que l'amélioration s'est maintenue.il n'est survenu aucun nou-

veau symptôme de tabes. Il y a toujours de l'insensibilité motrice

dans les articulations des pieds. Le malade nous dit y qu'il a des

jours où il marche moins bien, mais en général l'amélioration

obtenue l'année dernière s'est même, à son avis, accentuée.

(A suivre. )

RECUEIL DE FAITS.

Deux OBSERVATIONS DE TROUBLES VASO-MOTEURS

D'ORIGINE HYSTÉRIQUE;

Par Marcel 111AN(1EI111EK,

Interne 'des Asiles de la Seine.

- Les deux observations qui suivent de troubles vaso-moteurs

d'origine hystérique ont été tout récemment recueillies à l'asile

Sainte-Anne, sous l'inspiration de notre éminent et très honoré

maître, M. le Dr Magnan. Elles concernent, l'une, un oedème

angio-neurotique de la main; l'autre, des crises de frissons et

d'horripilations, avec dermographisme. *

L'oedème, qui fait le sujet de notre première observation,

est cet oedème bleu de Charcot qui envahit le plus souvent un

membre déjà paralysé ou contracturé, et offre, outre sa colo-

ration spéciale, une consistance dure, élastique, gardant mal

l'empreinte du doigt. Nous allons retrouver tous ces caractères,

aujourd'hui classiques, avec quelques variations et migrations

intéressantes. A rapprocher une des observations de E. Wils

et D. Cooper ', et surtout une de Higier2.

Juliette L..., vingt-sept ans, élevée dès l'âge de quatre ans aux

Enfants-Assistés, prétend avoir des crises nerveuses depuis l'âge de

dix ans. Elle entre en 1890 dans le service de Charcot, qui observe

sur elle l'oedème bleu, décrit par lui chez d'autres malades quelque

temps auparavant. Elle passe de là dans le service de M. Jules Voi-

sin, y reste deux ans et demi, est transférée à l'asile de Prémontré,

puis retourne chez elle à Brancourt (Aisne), où elle passe trois

mois, dit-elle, sans attaque. Mais à la suite d'une chute, l'état ner-

veux devient plus accentué encore, les crises recommencent. En

novembre 1895 la malade réapparaît à la Salpêtrière, chez M. Ray-

mond où les crises se chiffrent par 3 environ par semaine, et, le

1 E. Wils et D. Cooper. Brain, 1893.

* Higier. S7cl·l'élersbu·'s IVocheîischi,ifi, 1894.

TROUBLES VASO-MOTEURS D'ORIGINE HYSTÉRIQUE. 187

27 février 1896, elle entre à l'asile- Sainte-Anne, service de l'Ad-

mission. "

De taille moyenne, brune, elle est bien constituée, et présente

quelques-uns des stigmates physiques ordinaires de dégénéres-

cence. Légère asymétrie faciale, rétrécissement de la voûte pala-

tine, mâchoire inférieure carrée, dents légèrement crénelées,

développement du tubercule de Darwin à droite, adhérence du

lobule auriculaire des deux côtés.

Ordinairement calme, la malade est, à certains moments parti-

culièrement excitée. Elle a même été renvoyée de la Salpêtrière

comme « dangereuse dans-une salle de malades ».

En effet, dès les premiers jours, nous la voyons, vieille habituée

des hôpitaux, attirer l'attention sur elle par des crises de grande

hystérie, avec contorsions, grands mouvements- de ilexion et d'ex-

tension du tronc, vociférations, puis phase de somnambulisme,

avec hallucinations visuelles. Les crises se répètent à des inter-

valles irréguliers, mais de plus en plus rares à mesure que se pro-

longe le séjour à l'asile. Les contrariétés, la crainte des douches,

la suggestion, agissent puissamment sur leur production.

Caractère bizarre, mobile ; très peureuse, très émotive. Efforts

d'attention pénibles. Assez coquette, prétend qu'elle n'a que vingt-

trois ans. Perte fréquente de la mémoire, d'un moment à l'autre.

Aurait eu autrefois, - lof. Janet a bien voulu nous renseigner sur

ce point, des bouffées de délire mélancolique pendant lesquelles

le gavage à la sonde aurail été nécessaire.

Amyoslhénic généralisée. Parésie flasque des muscles fléchisseurs

et extenseurs des mains, qui ne peuvent ni l'une ni l'autre dépla-

cer l'aiguille du dynamomètre. De plus, contracture passagère par

intervalles, des fléchisseurs de la main gauche. Un tremblement

généralisé à petites oscillations, et d'ailleurs à rythme variable,

apparaît à certains moments (émotions, recherches médicales pro-

longées).

Aneslhésie à distribution très irrégulière : tout le côté gauche,

et le membre supérieur droit, en manche de veste. En arrière ne

persiste que la sensibilité du rachis et de la face postérieure de la

cuisse droite. Hyperesthésie ovarienne des deux côtés ; hyperesthé-

sie rotulienne aussi des deux côtés. Autres points hystérogènes sur

le dos de la main gauche et au niveau de la pointe du coeur.

Aneslhésie pharyngée. Parésie du droit externe gauche, hypéres-

thésie rétinienne. A l'ophtalmoscope, papille normale. Rétrécisse-

ment du champ visuel. Les tracés pris à l'appareil enregistreur

montrent un rythme 1 espiratoire normal. Au moment du rire, assez

fréquent, l'inspiration devient fortement bruyante et d'un timbre

rauque tout spécial. Pouls et température normaux. Urine de

quantité normal, non albumineuse. - Transpiration accentuée à

l'aisselle droite. La chemise est parfois absolument trempée.

188 RECUEIL DE FAITS.

Description de la main malade. - On est, dès le premier abord,

frappé par l'oedème très prononcé de la main gauche, que la

malade nous montre en la soulevant de l'autre main, restée seule

potente. La main est en continuation recliligne avec l'avant-bras,

qui, lui, est en pronation légère. Tout mouvement qui tendrait à

l'extension de l'articulation du poignet est possible, mais très

douloureux. La main est prise en entier, de 5 centimètres au-des-

sus du pli radio-carpien à l'extrémité des doigts. Ceux-ci tuméfiés,

sont raidis, les phalanges en extension, les extrémités légèrement

recourbées vers la paume. De plus ils se tiennent quelque peu

éloignés les uns des autres. Le pouce, également éloigné des

autres doigts, et en légère flexion, regarde la face palmaire.

L'oedème est dur. Le doigt donne sans doute une empreinle, et

une teinte blanche, mais l'une et l'autre disparaissent quelques

secondes après, 7 environ, sans laisser de traces. La coloration de

la peau est à peu près normale, avec marbrures rosées.

L'oedème n'est pas assez circonscrit au pourtour des articulations

pour qu'on puisse penser à un rhumatisme articulaire. L'immobi-

lité, la raideur de la main tout entière donneraient plutôt l'impres-

sion du phlegmon profond, et ce qui prête surtout à l'illusion,

c'est la prédominance de l'oedème sur la face dorsale. Là même,

se prolongeant sur l'avant-bras, se voit une forte cicatrice, répon-

dant à peu près à la ligne médiane du membre, d'une longueur de

9 centimètres et de 7 millimètres environ dans sa plus grande lar-

geur. C'est la trace de l'incision qu'avait pratiquée, en 1889, un

chirurgien, dans ce pseudo-phlegmon, et d'où du sang pur s'était

seul écoulé. D'ailleurs maintenant les piqûres ne laissent sourdre

que du sang noir. La face palmaire est également enflée, car

les plis digitopalmaires et digitaux forment comme autant de

brides entre lesquelles la peau bombe fortement.

La main est le siège d'une douleur vague, qui n'est plutôt qu'une

gêne, une pesanteur désagréable. La malade se plaint « qu'elle lui

fait mal au roeur » et empêche tout sommeil, ce qui est d'une singu-

lière exagération. Et cependant l'anesthésie y est complète, les

sensibilités à la pression, à la douleur, aux variations de tempéra-

ture étant totalement abolies. Un courant galvanique, de même

sens et de même intensité, est beaucoup plus vivement ressenti du

côté droit.

Quelques jours après, la main ne désenflant pas, nous l'exami-

nons après une exposition au froid un peu prolongée. L'oedème

présente alors une teinte générale nettement rosée, tachetée, au

milieu à peu près de la face dorsale, d'un piqueté rougeâtre. Les

doigts, toujours tuméfiés, sont d'un rouge accentué. Pas de chan-

gement de consistance. La blancheur à la pression s'efface aussi-

tôt. - D'autre part, une compression assez forte par un bandage

très serré, au pli du coude, donne, au bout de quatre minutes

TROUBLES VASO-MOTEURS D'ORIGINE HYSTÉRIQUE. 189

environ, une cyanose accentuée de la main et de l'avant-bras. La

coloration générale est alors d'un violet pâle, avec, par endroits, des

îlots arrondis, les uns d'un rose brique, les autres bleutés, dessinant t

ainsi des marhrures de nuances diverses. La circonférence de la

main a augmenté encore d'un centimètre. Sensation de fourmille-

ments, de lourdeur. Aucun changement d'altitude. Enfin l'élé-

'vation de la main, maintenue un certain temps, produit sur l'avant-

bras et principalement sur la face antérieure les mêmes taches

rouges brique, sur fond légèrement cyanosé. L'expérience est

interrompue au bout d'un quart d'heure, la malade accusant une

sensation de malaise cardiaque « une boule dans le sein gauche »

et étant prise d'éructations, ce qui lui arrive d'ailleurs assez sou-

vent par accès. A ce moment la température locale s'est abaissée

de 0°,8.

Mais la couleur rosée n'est pas la seule que puisse revêtir sponta-

nément la main oedématiée. Ayant en effet un matin, demandé à

la malade, au cours du sommeil provoqué, si la main n'avait pas

été d'un bleu plus net, nous ne sommes pas peu surpris de voir,

dans la journée même, apparaître cet oedème en l'espace de très

peu de temps, toujours à la main gauche. Enflée comme à l'ordi-

naire, elle présente alors une teinte générale bleu violacée, avec

marbrures de nuances plus foncées qui remonte un peu au-dessus

du pli radio-carpien, s'accuse au niveau de la face dorsale des ârli-

culations métacarpo-phalangiennes, et s'atténue sur les doigts,

légèrement rosés au contraire. De-ci de-là, des taches d'un rouge

brique dont la teinte se fond graduellement avec les parties envi-

ronnantes. La cyanose, très nette également sur la face palmaire,

remonte même sur la face antérieure de l'avant-bras. Une pres-

sion do 10 au sphygmomètre de Chéron donne une tache blanche

qui disparait quatre secondes après. A ce moment une pression de

ce genre sur la face dorsale provoque aussitôt la contracture des

fléchisseurs des doigts.

Deux heures après environ, la teinte bleue violacée vire au lilas,

et l'oedème disparaît, un peu plus lard, presque complètement.

Mais la main, même désenflée, présente un aspect spécial : elle est

souvent de coloration grisâtre, d'un gris lilas, surtout prononcé à

la base des doigts et, de plus, le centre de la face dorsale forme

une saillie arrondie d'oedème, d'empâtement chronique de la

dimension d'une pièce de 5 francs, dont l'aspect lisse, la teinte

blanc rosé, la consistance dure sont invariables. Les contours de

cette petite éminence se fondent avec les parties voisines. II y a là

un point extrêmement douloureux à la pression. Les doigts, à

musculature atrophiée, sont amincis.

En résumé, nous avons eu l'occasion d'observer : 1° l'état

normal, avec cependant persistance de cet épaississement

190 RECUEIL DE FAITS.

central ; 2° l'oedème avec coloration ordinaire de la peau, ou

plutôt coloration rosée; 3° l'oedème violacé (oedème caméléo-

nien de Higier). L'apparition de chacune de ces formes s'ac-

compagnerait, au dire de la malade, d'une sensation spéciale :

dans le cas d'oedème rosé, des fourmillements des doigts ; dans

le'cas d'oedème bleu, des élancements, particulièrement aux

mains, et semblant provenir du pli du coude ( ? ). C'est, ordi-

nairement, une sensation de chaleur qu'on retrouve dans le

premier cas, et de froid dans le second.

. Voici d'ailleurs la succession de ces différentes phases pen-

dant une période d'observation de douze jours.

27 avril. Une attaque, à la suite de laquelle la main commence

à enfler. Le massage, régulièrement pratiqué, n'empêche pas le

gonflement, qui, le 27 au soir, est bien accentué. Un ruban métrique,

faisant le tour de la main, et placé transversalement, au niveau du

pli d'opposition du pouce, donne 22 centimètres, alors que, du

côté sain, on n'obtient que 19 centimètres. Coloration normale,

légèrement rosée. Température de la main gauche, 24°,2 ; de la

main droite, 29°,2. - De chaque côté, au niveau de la queue du

sourcil, une plaque d'oedème assez régulièrement arrondie (3 centi-

mètres transversalement, 3 centimètres et demi en largeur) et de

coloration normale. La malade, triste, maussade, s'est impa-

tientée toute la journée, invectivant infirmières et malades. Sitôt

qu'on s'occupe d'elle, tout cesse comme par enchantement.

28. La main est toujours oedématiée, et présente les mêmes

dimensions que la veille. Sur la large bande rosée ; cicatricielle,

signalée plus haut, 8 ou 9 petites plaies elliptiques, transversales

et de la largeur même de la bande, encore toutes saignantes. La

malade se serait, la veille, fait frotter la main ave; une telle

vigueur que « la peau en aurait craqué ». Les mouvements bien

restreints cependant de la main ont déterminé la forme de ces

petites plaies. T. G. 21°,3; T. D., 2 ? 2.

29. L'oedème commence à diminuer légèrement. - T. G.

19°, G ; T. D., 260,4.

30. A 10 heures du matin, la main est totalement désentlée,

et la malade commence à pouvoir coudre. Néanmoins la préhen-

sion de certains objets présente des difficultés : il y a toujours,

nous l'avons dit, de la parésie et des fléchisseurs et des extenseurs.

Dans la journée : T. G. 27°,8; T. D., 28°,7.

1er mai. Une attaque, après laquelle la main gauche est très

peu enflée, sauf l'empalement central mentionné plus haut, qui

persiste toujours. Mais il y a eu transfert, et c'est à la main droite

d'être maintenant tuméfiée, rosée, vaguement douloureuse. Les

doigts sont gros, rouges, totalement raidis. La flexion ou l'exten-

TROUBLES VASO-MOTEURS D'ORIGINE HYSTÉRIQUE. 191

sion du poignet, très douloureuses, sont très difficiles à réaliser.

Anesthésie complète du membre. - Dimensions : G, 19; D. 21 1/2.

- T. G. 26°,5 ; T. D., 25°,6. 'Ce transfert, survenu sans sugges-

tion préalable, s'est, au dire de la malade, produit déjà une fois à

la Salpêtrière. '

La compression au pli du coude, l'élévation du membre donnent,

au bout de trois à quatre minutes, les mêmes signes physiques et

fonctionnels observés à gauche, quelques jours auparavant, dans

les mêmes conditions.

2. -Rien de particulier à gauche. A droite, l'oedème est un peu

plus accentué. D = 22. Douleurs vagues à la face palmaire du bout

des doigts. Sensation de froid telle que la malade expose sa main

au soleil durant toute la journée. T. G. 24° ; T. D. 27°.

3. A gauche, rien de changé. A droite, on trouve toujours

D = 21 1/2. - T. G. 25°,2 ; T. D. 25°,6. Apparition des règles.

4. Le matin, la malade refuse de se laisser masser la main,

crie, trépigne. Quelques heures après, la main droite, complè-

tement désenflée, présente sa teinte ordinaire, sauf une teinte

légèrement violacée au niveau de l'articulation métacarpo-pha-

1.`nôienne du troisième doigt. Mouvements normaux. T. G. 24°,6 ;

T. D. 25°,6. ' .

5. La malade, après avoir ressenti des picotements sur le front.

au niveau des sourcils et des paupières, présente subitement une

tuméfaction douloureuse au palper de certaines régions de la face,

ce qui lui donne une physionomie bizarre, la rend tout à fait

méconnaissable. C'est, sur le front, un oedème rigoureusement

médian, de forme régulièrement arrondie. Ce sont les sourcils

devenus de nouveau oedématiés, dans toute leur partie externe ; ce

sont les plis naso-géniens, qui sont effacés, les joues qui sont

bouffies, la lèvre supérieure enfin, qui, fortement tuméfiée, s'avance

de 1 centimètres et demi environ au-devant du niveau de la lèvre

inférieure. La mastication et surtout la parole sont difficiles. La

prononciation est tout à fait viciée. La malade très irritable pleure,

répète qu'elle ne guérira pas, etc. T. G. 28°,1 ; T. D. 26°. Tem-

pérature du sourcil : 30°,3.

Les zones anesthésiques présenlent leur ordinaire disposition, si

ce n'est que, au membre supérieur gauche, l'anesthésie en manche

de veste s'est réduite en une anesthésie en gant, la sensibilité

reparaissant au-dessus du poignet.

Le soir, apparition d'une plaque d'oedème blanc, très légèrement

rosée, au-dessus de l'arcade crurale gauche, au niveau du canal

inguinal. Douleur excessive à la pression, alors que la région symé-

trique, du côté sain, est absolument indolore.

6.- Le matin, la malade est endormie par l'occlusion des pau-

pières et le commandement. On lui suggère d'être désentlée au

réveil. Dans la journée, la face redevient normale, à l'exception

192 RECUEIL DE FAITS.

d'une, légère bouffissure qui persiste à la queue du sourcil, de

chaque côté. - T. G. 29°,5; T. D. 31°,2.

Une légère pression exercée, pour en évacuer le pus, sur un petit

furoncle, de la face externe du bras droit, provoque une large

plaque d'urticaire douloureux, cuisante comme une aiguille, et qui

disparaît quelques heures après. -

~" 7. La joue est tuméfiée, particulièrement au niveau de l'angle

de la mâchoire, si bien qu'il semblerait, à première vue, qu'il y a

une double adénopathie sous-maxillaire, surtout prononcée du

côté droit. La bouche s'ouvre normalement, mais les mouvements

de mastication sont considérablement gênés. Les mouvements de

diduction et antéro-postérieurs du maxillaire inférieur sont dou-

loureux ainsi que les mouvements de haut en bas, particulièrement

à droite. La malade serre moins facilement les dents de ce côté.

T. G. 23 ? ; T. D., 26°,8. Les mains sont moites; la gauche est

très particulièrement mouillée de sueurs. Les traces d'oedème

persistent toujours aux sourcils. 1

8. La malade, ayant entendu dire qu'on la photographierait

aujourd'hui, se trouve subitement enfler de la main gauche (oedème

blanc rosé), et de la face.

9. 2 attaques convulsives de suite, après lesquelles la main

gauche est presque désentlée. D = 20 1/2. T. G. 29°,6 ; T. D.,

30°,8. L'oedème persiste aux sourcils, la température y est

de 33°, 3.

Dans la journée, à 4 heures, apparition, nous ne savons en l'es-

pace de combien de temps de l'oedème cyanotique typique tou-

jours à la main gauche, et se prolongeant sur une partie de la face

antérieure de l'avant-bras.

10. Il a de lui-même complètement disparu.

Notons que ces oedèmes blancs, en îlots, se sont accompagnés.

comme ceux des mains, de paralysie des muscles sous-jacents (diffi-

cultés de la mastication, de la déglutition, etc.).

S'il n'y a pas lieu d'insister sur le diagnostic aujourd'hui

banal -- de l'oedème bleu avec le phlegmon, puisque, dit Thi-

bierge, il « suffit d'avoir lu la description de Charcot pour le

reconnaître à première vue et à distance », il n'en est pas de

même de ces oedèmes blancs, multiples, à répétition. On ne

pourrait guère les confondre, il est vrai, qu'avec les dèmes

aigus de Quincke. On se basera, pour ces derniers, sur le rap-

port de la température avec leur apparition, les antécédents

rhumatismaux, l'absence d'accidents hystériques. Encore ceux-

ci ont-ils été notés dans un certain nombre d'observations, et

auraient-ils pu, pour quelques auteurs, être notés dans toutes,

s'ils avaient été suffisamment recherchés. Les oedèmes hvsté-

TROUBLES VASO-MOTEURS D'ORIGINE HYSTÉRIQUE. '193

riques peuvent être produits et guéris par l'hypnose. Nous

venons même de les voir suscités par la simple.suggestion

verbale, chez une personne, il est vrai, éminemment sugges-

tionnable, et depuis longtemps familiarisée avec la plupart des

procédés de recherche médicaux. A ce point même que l'on

pourrait penser tout phénomène subconscient mis à part

à une véritable simulation chez un sujet très enclin à se

rendre intéressant, s'il était possible, pour un prédisposé

naturellement,-de susciter artificiellement, en un temps relati-

vement court, un oedème par friction, pression, ou quelque autre

procédé. Le champ est si vaste des simulations hystériques !

La pathogénie de l'oedème bleu est encore moins élucidée.

M. Alélékoff l'a étudiée ici môme'. La vaso-motricité arté-

rielle, la vaso-motricité veineuse -, la transsudation séreuse

sont les trois facteurs peut-être indépendants les uns des

autres 3, dont les combinaisons diverses donnent, soit la syn-

cope blanche, soit la cyanose simple, soit la cyanose avec

oedème. Pour ce dernier cas, on ne peut que se rallier à l'opi-

nion d'Alélékoff. Le spasme des vaisseaux produit une gêne de

la circulation dans les artères comme dans les veines, et la

transsudation suit la stase sanguine, ce que favorise l'immo-

bilité du membre parésié ou contracturé. Nous pensons en

outre que, à la distension des capillaires dans l'oedème de teinte

blanc mat, ou normale, ou'rosée, vient surtout s'ajouter la

vaso-dilatation des veinules dans l'oedème bleu proprement dit.

Les placards violacés et rougeâtres signalés plus haut, et que

nous avons retrouvés également prononcés dans maints oedèmes

de mélancoliques, n'indiquent sans doute qu'une différence de

degré dans cette vaso-dilatation.

Pour ce qui est du spasme artériel, nous avons pu, en effet,

avec le sphygmométrographe de Philadelphien, constater une

forte hypertension à la radiale. Tandis que, du côté sain,

l'écrasement complet de l'artère est obtenu avec une pression

de 12e de mercure, et le maximum d'amplitude de la pulsation

avec une pression de 8, sur la main enflée il faut une pression

de 17 dans le premier cas, et de 14 dans le second. La ligne

d'ascension est alors très courte, dicrotisme nul, ligne de des-

' A. Alélékoff. Archives de Neurologie, mai 1896.

1 lîanvier. Compte rendu de l'Académie des Sciences, janvier 1895.

3 Roger et Josué. Société de biologie, juillet 1895.

Archives, 2e serie, t. II. 13

194 . RECUEIL DE FAITS.' '

cente 'très allongée. A droite, la forme de la pulsation est

normale. <A ce moment P = 84. - Nous avons obtenu les

mêmes résultats quelle que fût la coloration de l'oedème.

D'autre part, la stase capillaire doit amener un notable

refroidissement local, le rayonnement de la main étant consi-

dérable par rapport à sa masse, et le tissu adipeux sous-cutané

peu abondant, dans le cas particulier. Les mensurations de la

température locale, faites chaque jour sur la face dorsale, nous

- ont donné les résultats suivants : quand la main gauche est

désenflée, elle peut présenter, comparativement avec la main

droite, une différence de 1 à 2° en plus ou en moins. Quand

elle s'oedématie, la différence, toujours en moins, peut varier

del à 7°, l'écart étant d'autant plus considérable que la tempé-

rature extérieure est plus basse. Lors de la crise d'oedème à la

main droite, il y a eu d'abord abaissemeut deJ ? par rapport

à ,la gauche, restée normale, et, le lendemain, reprise de, la

température ordinaire. Il ne nous a pas été donné d'observer

les'relations de ces températures locales avec la température

générale, la malade étant restée apyrétique. Quant à l'élévation

physiologique de la température vespérale, elle tendrait plutôt

à atténuer les différences.

TROUBLES VASO-MOTEURS D'ORIGINE HYSTÉRIQUE. 191>

méningite, un est enfermé. à l'asile de Vaucluse et un dernier, de

sept ans, est scrofuleux.

Antécédents personnels. Aurait eu une première crise déli-

rante dès l'âge de sept ans ; ces crises seraient devenues de plus

en plus fiéquentes, de plus en plus graves, et maintenant le

malade devient, dans ces accès^ fort dangereux, brise tout ce qui

lui tombe sous la main. Entré à la Salpêtrière en 1889-1890, puis

à l'Asile clinique (25 juin 1890) avec le diagnostic suivant : Dégéné-

rescence mentale avec attaques hystéro-épileptiques graves, suivies de

troubles intellectuels et d'actes violents et automatiques. Points hysté-

rogènes. Relâché de Bicêlre, il reparaît une seconde fois à l'Asile

clinique le 16 juin 1892 pour son excitation et ses impulsions au

moment de ses paroxysmes convulsifs, puis une troisième fois le

5 juillet 1893, sa mère réclamant son internement. Transféré à Ville-

Evrard, il en sort le 25 mars 1894, n'ayant plus dé crises depuis six

mois. Ebauche d'attaque le 25 mai. Attaque complète le 18 juin, à

la suite de laquelle, sommé par un [agent de la sûreté de l'aider

à l'arrestation d'un voleur armé d'un revolver, il parvient bien à

s'emparer de l'arme, mais en échange assène àl'agent un violent

coup de poing. Traduit en justice, il est déclaré irresponsable sur

le rapport de M. leur Vallon, et du coup reparaît dans les asiles, où

nous le retrouvons (mai 1893) en pleine dépression mélancolique,

après une série d'accès. Enfin le 3 mars 1896, dans l'impuissance

d'exercer quelque profession que ce soit, et d'ailleurs d'un caractère

très mobile, trop aisément excitable, et sans nul esprit de suite,

il reprend de lui-même le chemin de l'Asile clinique, escomptant

sans doute son transfert à Ville-Evrard, dont il parait apprécier le

séjour tout particulièrement.

Etat actuel. C'est un homme de forte taille, bien musclé,

brun, à traits plutôt réguliers. Dents assez bien implantées ;

incisives supérieures légèrement crénelées. -Nous le voyons, dès

les premiers jours, mobile et changeant, prendre en affection

certains infirmiers, en haine les autres, s'impatienter souvent,

réclamer avec persistance son transfert, prétextant c qu'il s'ennuie

beaucoup ». Les crises qui auraient débuté à l'âge de sept ans,

consécutivement à une intervention chirurgicale sur les bourses ( ? )

s'élèvent à cinq ou six par jour à certains moments, mais ne se

produisent guère que deux fois par semaine maintenant. Chute,

avec cri, convulsions toniques et cloniques, arc de cercle, puis phase

délirante durant une heure, pendant laquelle le malade chante,

pleure, gesticule, exhale ses colères contre les infirmiers qui lui ont

déplu. Pas de morsure de la langue, quoi qu'il en dise. Pas de

perte d'urine. '

Sensibilité tactile, seulement conservée en avant, du côté gauche,

suivant une surface limitée en bas par le pli de l'aine et en haut

196 RECUEIL DE FAITS.

une horizontale menée par l'ombilic. Thermoesthésie conservée

seulement dans la moitié inférieure de la même région. En arrière

la sensibilité est limitée à une petite surface carrée répondant à

peu près à l'omoplate gauche, et à une zone plus vaste comprenant

les fesses et les faces postérieures et internes de la moitié supé-

rieure des cuisses, des deux côtés. Abolition du réflexe pharyngé,

du réflexe cornéen. La pression sur l'hypocondre gauche fait

bondir le malade.

Frissons. Ce sont les crises de frissons qui frappent surtout.

Brusquement se produit un tremblement aussitôt généralisé, et

après quelques secondes de frissons apparaît une poussée, généra-

lisée aussi, de petites élevures, dont est couverte la peau du thorax

antérieur, de l'abdomen, des membres, du cou, du front et même

du cuir chevelu. Ces petites éminences miliaires, d'une hauteur

d'un millimètre environ, examinées à la loupe, montrent toutes

en leur centre un poil, petit Ou gros, long ou court. En certains

endroits, au niveau du coude, par exemple, les follicules moins

nombreux et plus gros sont encore plus sensibles. C'est une érec-

tion de follicules pilo-sébacés, « une chair de poule » si géné-

ralisée qu'elle donne à toute la peau un aspect gaufré. Il y a, de

plus, un redressement des poils, qui rappelle « la limaille de fer se

dressant sous l'action de l'aimant (Barthélemy). La paume des

mains, la face plantaire des pieds où manquent les glandes sébacées

sont indemnes. Inutile aussi de dire que l'apyrexie est complète.

Ces crises de frissons peuvent se répéter à intervalles très rappro-

chés. Nous en avons noté vingt dans l'espace d'une heure, environ

une centaine dans la journée. En revanche le malade traverse des

périodes de huit à dix jours sans en éprouver. L'accès commencerait,

à ce qu'il prétend, « par un coup dans les reins, un mal au coeur » ;

il éprouverait une sensation d'angoisse, de mort prochaine, une

peur indéfinissable, puis une lourdeur spéciale c lui descendrait

dans les bourses ». Le frisson arrive ensuite, avec sensation d'horri-

pilation, le malade « sent ses cheveux D. Chose curieuse il n'y a pas,

à proprement parler, de sensation de froid. Durée moyenne de

l'accès, 20".

Ces frissons arrivent sans cause bien définie : pendant le repas,

dans un bain même chaud, dans le lit quand on découvre le ma-

lade. D'autre part la nuit, il esl réveillé à cinq ou six reprises diffé-

rentes, même s'il est bien couvert, s'il a bien chaud. Il se rendort

sitôt après. Enfin, il n'est pas rare de voir à un premier frisson, à peine

fini, s'en ajouter un second, et même un troisième en véritables

accès sub-intrants. Pas de dypsnée, nulle douleur, ni trace de

gêne quelconque.

Le pouls donne un tracé graphique à l'ordinaire normal : ligne

d'ascension droite, sommet aigu, ligne de descente d'inclinaison

TROUBLES VASO-MOTEURS D'ORIGINE HYSTÉRIQUE. 197

moyenne, interrompue en son tiers par une légère surélévation,

ébauche de dicrotisme. Pendant le frisson, il est notablement

moins élevé tout en conservant la même forme générale, et sa fré-

quence est diminuée légèrement.

Le dermographisme, avant qu'il ait été constaté médicalement,

était ignoré du malade. On le suscite facilement aujourd'hui en

passant un crayon mousse, ou simplement l'ongle, sur la peau de

la face antérieure ou postérieure du thorax (lieu d'élection). Sitôt

après, au milieu d'une indolence parfaite d'ailleurs, la trace appa-

raît sous forme d'une raie blanche, qui rapidement s'élargit en

bandelette : celle-ci rosée, légèrement foncée sur les bords, flanquée

de chaque côté d'une zone rougeâtre s'étendant sur une largeur de

3 à 4 milimètres. Trois quarts de minute après environ, la partie

médiane de la bandelette se fonce; les bords sont plus manifeste-

ment rouges. Il y a déjà légère surélévation. Au bout de trois minutes

à peine, la ligne a grossi, gonflé, pris un relief arrondi à l'extré-

mité « atteint le volume d'un cordonnet enfilé sous la peau »

(Barthélemy). En frictionnant légèrement, la surélévation devient

moins nette, mais persiste, la rougeur s'étend plus loin, mais reste

bien accentuée.

Un quart d'heure après, la surélévation s'affaisse, diminue de

longueur, disparaît. Au toucher on perçoit encore cependant une

légère saillie, insensible à la vue. Une demi-heure après, la rougeur

est encore visible, avec une légère zone pâle sur les bords.

Le dermographisme peut être suscité à quelque moment que ce

soit de la journée, et tous les jours, pendant tout le temps que le

malade passe à l'asile. D'autre part, L... prétend ne pouvoir man-

ger de poisson, sans que survienne une crise d'urticaire qui peut

durer huit jours.

Hyperhydrose. Les deux mains sont, par endroits, rouge violacé,

et cette teinte, variable avec les moments de l'examen, est surtout

accentuée sur la face dorsale; la face palmaire est humide, gluante,

également des deux côtés.

Elles sont sujettes à des crises paroxystiques de sueurs, égale-

ment bilatérales. Le malade ressentirait à certains moments une

sensation de froid aux mains, et c'est alors qu'il y aurait transpi-

ration. Ces crises ne coïncident pas avec les frissons, elles arrive-

raient plutôt après. Les pieds transpirent facilement, été comme

hiver. Enfin le malade attire l'attention sur ce fait que la

transpiration est très abondante à l'aisselle, tout particulièrement

à l'aisselle droite. On y voit, en effet, perler de grosses gouttes de

de sueur. Pas de ptyalisme; pas de sécrétion nasale exagérée.

Les émotions dans lesquelles il sent « le sang lui monter à la

tête », peuvent déterminer : soit des frissons qui peuvent alors se

répéter plusieurs fois de suite sans intervalle, soit une véritable

198 RECUEIL DE FAITS.

attaque. Elles n'ont en tout cas aucune influence sur l'hyperhy-

drose. ,

Ajoutons que le malade ne présente aucune trace d'une intoxi-

cation quelconque. La recherche des signes de l'alcoolisme, qui est

trop de tradition dans le service de l'Admission pour avoir été né-

gligée lors des entrées successives du malade, reste nulle. On ne

peut penser à une intoxication alimentaire chronique, chez un

individu n'ayant jamais éprouvé de troubles digestifs, et dont l'état

général, d'ailleurs, est excellent.

Il y a donc chez ce malade, en plus de troubles sécrétoires

(hyperhydrose) indépendants, en partie du moins, des phéno-

mènes vasculaires proprement dits, des troubles vaso-moteurs

que l'on peut attribuer : 1° pour le dermographisme, à la

paralysie des artérioles, suivie de ralentissement du sang dans

les veinules et de diapédèse, avec effacement consécutif du

calibre des vaisseaux (c'est l'oedème d'abord congestif, puis

anémique de Renaut); 2° pour les accès de frissons, au contraire,

à la contraction brusque, spasmodique, généralisée, de ces

mêmes artérioles cutanées ; en effet, qu'il y ait fièvre ou non,

l'ischémie est en rapport étroit avec le frissonnement et l'hor-

ripilation qui l'accompagne. ,

Ce sont là, au demeurant, avec les oedèmes circonscrits,

quelques-unes des modalités diverses par où se manifeste cette

prédisposition singulière des hystériques aux angio-neuroses,

cette véritable diathèse vaso-motrice (M. Gilles de la Tourette),

qui s'ajoute si souvent aux diathèses de contracture ou de

paralysie '.

Nous prions instamment nos lecteurs dont, l'abonne-

ment est expiré depuis le 1er JUILLET, de bien vouloir

nous faire parvenir le montant de leur abonnement en

une valeur sur Paris ou un mandat postal.

Pour ceux d'entre eux qui sont aussi abonnés au

PROGRÈS MÉDICAL, le prix des deux journaux

RÉUNIS est de 30 francs pour la France et l'Étranger.

1 Voir : Bourneville et P. Regnard. - Iconogr. pliologr. de a Salpé-

trière, passim.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES DE FRANCE

ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE.

SESSION DE NANCY.

Le Congrès de Médecine mentale et de Neurologie s'est

ouvert le 111 août, à Nancy, dans une galerie de la salle Poi-

rel. M. Stéhelin, préfet de Meurthe-et-Moselle, présidait, assisté

de M. le Dr Pitres (de Bordeaux) et de il. Vernet (de Maréville),

secrétaire général. M. le Préfet a ouvert la séance par le dis-

cours suivant qui mérite d'être reproduit.

Messieurs,

Je ne dois qu'à mes fonctions et à votre courtoisie l'honneur

d'ouvrir officiellement le septième Congrès des médecins aliénistes

et neurologistes de France et des pays de langue française. Nous

sommes heureux de compter dans nos rangs des délégués de la

Belgique, notre excellente voisine, et de la Suisse, République

soeur de la nôtre; la Russie même doit être représentée parmi

vous; on peut dire d'elle que son langage est parfois français et

que son coeur l'est toujours.

La présidence éphémère dont vous m'avez investi ne m'impose

que de courts et faciles devoirs. Vous attendez de moi de ne pas

vous infliger un discours où mon incompétence tenterait vaine-

ment d'aborder les redoutables problèmes réservés à votre science

et à votre dévouement. Je n'ai garde d'oublier que je parle de-

vant des mailres, que l'ombre de l'éminent Charcot plane sur

cette assemblée, que vos réunions étaient présidées hier par un

de ses plus chers et plus brillants élèves, M. le docteur Joffroy, .

professeur à la Faculté de Paris, et qu'elles le seront dans un ins-

tant par un autre de ses disciples, M. le docteur Pitres, le jeune et

savant doyen de la Faculté de médecine de Bordeaux. Je n'ai,

garde, non plus, d'oublier que je parle au milieu de professeurs et.,

de médecins qui donnent leur travail et leur vie à la lutte, trop

souvent inégale, entreprise et soutenue. contre le mal le plus ter-

200 SOCIÉTÉS SAVANTES.

rible dont l'homme puisse être atteint, parce qu'il est le signe de

son amoindrissement moral ou de sa déchéance intellectuelle.

Mais u'est-il pas permis d'espérer que la bataille longue et per-

sévérante nous ménage des victoires et que les maladies mentales

et nerveuses bénéficieront à leur tour des grandes et récentes dé-

couvertes dont l'immortel Pasteur a eu le mérite et dont la France

a eu la gloire ?

Chaque jour s'éclairent et se précisent l'étude intime du sys-

tème nerveux, la notion des résistances dont une nutrition expéri-

mentée peut doter l'oganisme humain, et le choix des armes les

plus propres à combattre les infiniment petits, nos adversaires les

plus redoutables.

L'ennemi, démasqué aujourd'hui, est plus facile à vaincre ; l'his-

toire naturelle des microbes et des bacilles se complète avec une

rapidité rare et se développe avec une sûreté toute scientifique ;

la physiologie de leurs sécrétions est magistralement fixée; aussi

vous ne tarderez pas à nous informer des réactions qu'elles déter-

minent sur le mécanisme nerveux et des moyens de les prévenir

ou de les réprimer.

Pour rendre votre labeur plus fécond et mieux faire fructifier

vos semailles, vous demandez instamment l'étroite communauté

de la chaire et de la clinique ; M. le docteur J oll'roy, à l'ouverture

de votre précédent Congrès, traduisait ce désir en termes entraî-

nants et bien faits pour convaincre. Nous souhaitons avec lui que,

pour le bien de la science et des malades, on arrive à resserrer

partout, dans un égal sentiment de conciliation et d'entente, les

liens qui doivent unir l'enseignement et la pratique des maladies

nerveuses et mentales.

Si ce voeu se réalise, vous aurez, Messieurs, un succès de plus à

porter à un avoir déjà bien largement rempli.

Cet avoir s'est récemment et grandement enrichi ; vous avez

trouvé, dans les derniers travaux des écoles française et italienne

sur l'hérédité, les dégénérescences et leurs causes, la raison de

mesures préventives dont l'expérience a prouvé l'utilité et l'impor-

tance, et auxquelles l'avenir ajoutera son contingent de décou-

vertes et d'améliorations. Vous marchez ainsi, d'un pas ferme et

assuré, dans la voie montante du progrès et nous entrevoyons le

jour où vos efforts, vos recherches, l'élan que vous donnent vos

assises annuelles, vous conduiront à des résultats encore plus décisifs

et défendront l'humanité contre la plus attristante de ses misères.

C'est sous l'inspiration de cette pensée et de cette espérance,

qu'à vous tous, soldats illustres ou éprouvés de cette rude et saine

campagne, je souhaite la plus cordiale des bienvenues au nom du

département qui vous accueille et de Nancy qui vous reçoit.

Je dois aussi vous remercier d'avoir choisi notre cité comme le

siège de votre Congrès. Je n'aurai qu'ailleurs aucune peine à trouver

SOCIÉTÉS SAVANTES. 201

et j'aurai quelque fierté à dire les motifs de cette détermination

que vous avez prise à Bordeaux avec un ensemble qui nous touche.

Vous avez voulu, d'abord, répondre au dessein qu'avaient formé

d'anciens camarades devenus des collègues autorisés.

Il ne vous déplaisait pas ensuite de vous réunir à côté d'un des

asiles les plus peuplés de France, de l'ancienne « renfermerie » qui

a pris peu à peu la forme et les proportions d'un village, de ce

vaste établissement que nous nous efforçons d'agrandir et d'amé-

liorer encore avec le concours d'un personnel modeste et dévoué

qui mérite le témoignage public que je lui apporte.

Vous avez tenu aussi, Messieurs, à vous rapprocher d'une Faculté

qui n'est pas étrangère au culte passionné que provoque l'étude des

maladies nerveuses ; elle a vu éclore ici, sous la poussée d'un esprit

vigoureux et sympathique, une façon d'école qui ne manque ni

d'intérêt ni d'éclat.

Enfin, messieurs, et je suis sûr d'être l'écho de vos sentiments les

plus vibrants et les plus profonds, vous avez entendu, en venant à

Nancy, au seuil de la frontière, vous mêler aux membres d'une

Université qui est l'héritière de l'Académie de Strasbourg et aux

professeurs d'une école de médecine qui a repris avec énergie et

qui porte avec dignité le drapeau enlevé aux mains des maîtres de

la Faculté alsacienne. Ces maitres étaient, les Sédillot, les Stolz,

les Schutzenberger, les Tourdes : cette école était illustre là-bas !

Il appartient à d'autres de dire si elle l'est redevenue ici ; mais il

m'appartient du moins d'affirmer que nous entourons notre Faculté

de médecine, d'affection et d'estime, parce qu'elle est restée fidèle

à ses grandes traditions, qu'elle a pieusement gardé la religion des

souvenirs, parce que, aux confins de la Patrie, elle soutient avec

honneur le bon renom de la France et qu'elle évoque, jusque dans

le domaine pacifique de la science, un passé qui n'est pas sans

grandeur et un avenir qui n'est pas sans espoir.

Après ce discours, chaleureusement accueilli, M. le président,

le Dr Pitres, a prononcé l'allocution d'usage et insisté sur

l'alliance de la Médecine mentale et de la Neurologie, pour

répondre à certaine tentative que nous avons signalée dans le

n° 31 du Progrès médical (p. 74).

Nous reproduisons le texte complet de ce discours, aussi

remarquable par le fonds que par la forme. M : Pitres a fait un

exposé complet des raisons de tous genres qni militent en'

faveur de l'union des aliénistes et des neurologistes. L'accueil

fait à ce discours indiquait, en quelque sorte, que la question

était tranchée. Nous ne pouvons que nous en féliciter dans

l'intérêt des médecins qui étudient l'une ou l'autre des deux

grandes sections des maladies du système nerveux. Nous nous

202 SOCIÉTÉS SAVANTES..

en félicitons également au point de vue de la science et de

l'avenir du Congrès. ,

Dans des réunions particulières, les aliénistes de carrière

ont résolu de provoquer tous' les ans, au cours des Congrès

annuels, une réunion dans laquelle ils discuteront les questions

professionnelles qui les concernent plus spécialement. Ils ont

décidé aussi que tous les aliénistes qui assisteraient à cette

réunion devront s'engager à faire acte d'adhésion au Congrès.

C'est là une bonne résolution. Voici maintenant le discours

de notre ami, le professeur Pitres. ,

Messieurs,

Je remercie bien sincèrement M. le préfet de lfeurthe-et-lfoselle,

des paroles aimables qu'il vient d'adresser au corps médical. Ce n'est

pas la première fois que nous recueillons dans nos Congrès l'ex-

pression de la sympathie des représentants des pouvoirs publics et

chaque fois que cela nous arrive, nous en éprouvons un grandejoie.

Vivant au milieu des malades, connaissant mieux que personne

leurs besoins matériels et moraux, nous avons tout naturellement

le grand désir de voir aboutir les réformes qui nous paraissent de

nature à adoucir l'amertume de leur situation.

Or, nous savons par expérience qu'aucune modification sérieuse

et utile ne peut être apportée à leur sort que par l'accord intime

et confiant des administrateurs et des médecins. Aussi sommes-nous

toujours heureux de voir les hommes, que leurs hautes fonctions

appellent à prendre part à la direction des affaires de l'assistance

publique, s'intéresser à nos travaux et nous encourager à pour-

suivre l'oeuvre philanthropique dans laquelle nous sommes leurs

collaborateurs les plus dévoués, et, j'oserai le dire, leurs conseil-

lers les plus sûrs.

Messieurs, le Congrès des médecins aliénistes etneuroglistes dont

nous allons ouvrir la Vlle session, dans cette belle et patriotique

ville de Nancy qui nous a généreusement offert l'hospitalité, est

maintenant entré dans les moeurs. Fondé en 1890, il a depuis cette

époque tenu régulièrement ses séances annuelles, et de plus en

plus affirmé sa vitalité par le nombre et la qualité des travaux qui

lui ont été soumis. La collection de ses actes renferme à côté d'une

foule de mémoires originaux et de discussions intéressantes des

rapports étendus et détaillés dont quelques-uns sont de véritables

chefs-d'oeuvre. Il est ainsi devenu un organe très important de dif-

fusion des sciences psychiatriques et neurologiques.

Créé en 1890, par les médecins aliénistes seuls, il devait tout

d'abord n'y être traité que des questions se rattachant directement

à la psychiatrie.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 203

Avec une conception très nette des conditions qui favorisent les

progrès et la science, ses fondateurs et ses premiers adhérents ont'

décidé d'en ouvrir l'accès à ceux de leurs confrères qui, sans être

des aliénistes de carrière, s'occupent plus particulièrement de l'é-.

tude si complète et si attachante des maladies du système ner-1

veux. Ceux-ci ont saisi avec empressement l'occasion qui leur était

offerte de lier des relations plus étroites avec les succeseeurs'et les'

émules des Pinel, des Esquirol, des Marc, des More), des Calnieil,

des Baillarger. Ils ont renoncé au projet qu'ils avaient formé de

créer un congrès de neurologie^ et se sont groupés avec joie

autour des maîtres éminents et des praticiens distingués qui se

sont acquis une juste notoriété dans la science des maladies men-

tales et de la médecine légale des aliénés. Le Congrès de médecine

mentale est alors devenu le Congrès des médecins aliénistes et

neurologistes de France et des pays de langue française.

Est-ce un bien ? Je le crois fermement. La division en deux' t

groupes séparés de l'armée des travailleurs s'occupant des mala-

dies nerveuses et mentales est tout à fait artificielle. Elle ne repose

sur aucune idée générale. Elle est en opposition avec la nature,

même des choses. Scientifiquement elle est irrationnelle. Pratique-

ment, elle aurait pour résultat, si elle était rigoureusement main-

tenue, de fréquenter l'étude des maladies qui sont unes et ne peu-

vent être bien connues que si on les envisage dans l'ensemble de

leurs manifestations dans la série entière de' leur évolution.

Remarquez, en effet, que la plupart des maladies mentales ne sont,

représentées dans les asiles d'aliénés que par des types accentués ou

compliqués dontles formes atténuées ou simples se rencontre ni cou-

ramment dans la pratique civile ou dans les hôpitaux, de telle sorte

qu'onserait exposéà n'avoirque des notionsincomplètes etparcon-

séquent erronées sur la paralysie générale, l'épilepsie, l'hystérie, la

neurasthénie, la chorée, etc., si on ne connaissait ces maladies que

par les cas qu'on peut observer dans les maisons spécialement con-

sacrées, au traitement des maladies mentales.

Inversement, il y aune foule de maladies, de syndromes ou d'épi-

sodes morbides qui, par leur nature, appartiennent en propre à la'

médecine mentale, et qu'on n'a jamais ou presque jamais l'occa-

sion d'observer dans les asiles d'aliénés; tels sont, par exemple, les

délires toxiques transitoires, les délires fébriles, les obsessions psy-

chiques conscientes, etc.

Enfin, il y a un bon nombre de maladies mixtes, qui s'accompa-

gnent parfois mais non pas toujours de perturbations psychiques et,

qui devraient conséquemment figurer tantôt dans le groupe des

cas appartenant aux neurologistes, tantôt dans celui ressortissant

aux aliénistes; de ce nombre sont la sclérose en plaques, le tabes,

le ramollissement cérébral et la paralysie générale elle-même dont

la variété non délirante est d'une incontestable fréquence : -

204 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Pour ces raisons, il est indispensable de compléter les unes par

les autres les recherches des neurologisles et celles des aliénistes.

Elles sont absolument solidaires. Elles marchent de pair. Elles ont

les mêmes objets, les mêmes tendances, les mêmes méthodes, le

même but. Elles ne doivent pas être séparées.

Cela est si vrai qu'il s'est toujours établi une sorte de pénétration

continue entre les études de pathologie mentale et celles de patho-

logie nerveuse, si bien que les grandes découvertes qui ont été

faites dans l'un de ces domaines n'ont jamais beaucoup tardé à

étendre leur influence sur l'autre.

C'est d'ailleurs là, il faut bien le reconnaître, un fait très général.

Nous puisons incessamment autour de nous des idées, des notions,

des doctrines qui ne nous appartiennent pas et dont nous nous

servons comme si elles étaient notre bien. Les sciences d'observa-

tion progressent beaucoup plus par les emprunts qn'elles font ainsi

de côté et d'autre aux sciences voisines que par les découvertes de

leurs propres adeptes. Un exemple, qui touche par un côté aux

rapports de la neuroglie et de la psychiatrie, nous est fourni par

l'histoire de ce qui s'est passé sous nos yeux lorsque se sont établies

dans la pathologie du système nerveux les doctrines de la dégéné-

rescence et, un peu plus tard, dans la pathologie mentale, celle de

l'infection.

Il y a une trentaine d'années, un aliéniste de carrière qui était

en même temps un observateur et un grand philosophe, Morel,

étudiant les conditions de production des maladies mentales, com-

prit le rôle capital que joue dans leur genèse l'hérédité patholo-

gique. Il traça dans ses leçons cliniques et dans son admirable

ouvrage sur les dégénérescences de l'espèce humaine,les principales

lois de l'hérédité dégénératrice. Cette notion, tirée uniquement de

l'étude des maladies mentales et appliquée uniquement par Morel

à J'étiologie des psychopathies et des nevroses, gagna bien vite du

terrain. Elle s'étendit à toutes les maladies nerveuses et les neuro-

logistcs en firent l'application à une foule d'états morbides dont

ils ignoraient jusqu'alors les véritables causes, tout comme s'ils en

avaient été les créateurs.

- Pendant que la doctrine de la dégénérescence s'étendait ainsi de

la pathologie mentale à la pathologie nerveuse, la microbiologie

préparait dans le silence des laboratoires les merveilleuses expé-

riences dont les résultats devaient quelques années plus lard péné-

trer triomphalement dans la médecine générale, transformer la

chirurgie par l'application des procédés antiseptiques et boule-

verser toutes nos connaissances sur la pathogénie des maladies

infectieuses.

, On ne pensait pas tout d'abord que la révolution dût se propa-

ger au delà des maladies générales, fébriles, épidémiques. Mais

bientôt nous apprîmes, non sans étonnement, que la rage était

SOCIÉTÉS SAVANTES. 205

.produite par un poison organique dont l'action nocive, épargnant

la plupart des tissus de l'économie, portait d'une façon élective sur

certains éléments des centres nerveux. Un peu plus tard, des expé-

riences rigoureuses démontrèrent que le tétanos était le résultat

de l'empoisonnement des centres bulbo-protubérantiels par des

toxines sécrétées par le bacille de Nicolaïes, et que les paralysies

diphtériques étaient dues à l'intoxication de la moelle épinière et

de la moelle allongée par les poisons engendrés par le bacille de

Loeffler.

Puis on nous montra que l'injection, dans le sang d'animaux

bien portants, de certains bouillons de culture microbiennes, pri-

vées ou non par le filtrage de leurs éléments figurés, pouvaient

donner lieu à des paraplégies franches, à des myélites infectieuses

aiguës.

On comprit alors que le système nerveux n'échappait pas aux

lois générales de l'infection et les neurologistes s'attachèrent à étu-

dier ses réactions et ses altérations en présence des agents micro-

biens. Ils reprirent avec des idées nouvelles, l'étude des névrites,

'des myélites, des encéphalites et reconnurent la fréquence de leur

origine infectieuse.

Ils constatèrent que le bacille de Hausen végétait de préférence

dans les nerfs périphériques où sa présence déterminait les troubles

sensitifs, les atrophies musculaires, les ulcères trophiques des extré-

mités caractérisant les formes anesthésique, atrophique et muti-

lante de la lèpre; que des névrites périphériques diffuses, irrégu-

lièrement disséminées succédaient assez souvent à l'intoxication

typique et se développaient parfois insidieusement dans le cours de

la tuberculose pulmonaire.

Que, dans beaucoup de cas, les inflammations aiguës de la moelle

et du cerveau étaient manifestement provoquées par des microbes

ou par des toxines microbiennes, et que même certaines lésions

organiques des centres nerveux, telles que celles de la paralysie

infantile, de la péri-encéphalite, de la sclérose en plaques étaient la

conséquence probable d'infections anciennes ayant déterminé des

lésions locales indélébiles. Enfin, des statistiques aussi importantes

par le nombre des cas sur lesquels elles portaient, que par l'auto-

rité scientifique de leurs auteurs, montrèrent que le tabes avait des

rapports de causalité avec la syphilis et que loin d'être, comme on

le pensait communément, une maladie constitutionnelle dérivant

de l'hérédité arthritique, il représentait vraisemblablement, lui

aussi, une des formes par lesquelles peut se manifester l'infection

des centres nerveux. ·

En même temps ils étudièrent de près l'étiologie des névroses

et contrairement aux opinions anciennes et d'après lesquelles

l'hystérie, l'épilepsie, la neurasthénie étaient des maladies héré-

ditaires, ils établirent que dans certains cas elles succédaient

'206 .SOCIÉTÉS SAVANTES.

manifestement à des empoisonnements infectieux de l'organisme.

Les aliénistes qui étaient restés jusque-là étrangers au mouve-

. ment qui se passait auprès d'eux, commencèrent à se préoccuper

sérieusement des doctrines nouvelles qui jetaient un jour si im-

prévu sur la pathogénie des maladies nerveuses et à en appliquer

les principes à l'étude, de l'étiologie des maladies mentales. Leurs

travaux se succédèrent alors rapidement. Les recherches que firent

plusieurs d'entre eux sur les rapports de la syphilis et de la para-

lysie générale, recherches dont une bonne partie a été communi-

quée aux Congrès de médecine mentale de 1890 et 1891, ouvriront

la voie. Le remarquable rapport de MM. Régis et Chevalier-Lavaure

sur les psychoses par auto-intoxication, mit en lumière des faits

de nature à frapper tous les esprits non prévenus, et la plupart des

médecins aliénistes reconnaissent aujourd'hui que beaucoup de

cas de psychoses pures, de confusion mentale primitive, de manie,

.de mélancolie, de folies soit typhoïdiques ou soit grippales sont

engendrées ou tout au moins occasionnellement provoquées par

des infections accidentelles des centres nerveux.

Ainsi, dans cette question limitée, mais extrêmement impor-

tante de l'étiologie des maladies mentales et nerveuses, les alié-

nistes et les neurologistes se sont rendus à courte échéance de

mutuels services. Les premiers ont conçu et fixé la doctrine de la

dégénérescence qui s'est bientôt étendue à toute la pathologie

nerveuse, les seconds ont préparé l'accès dans la médecine mentale

de la doctrine de l'infection, doctrine dont ils avaient puisé les

éléments dans la médecine générale, laquelle les avait empruntés

aux travaux de laboratoire de notre illustre Pasteur et de ses

élèves.

La morale de ceci, c'est que nous avons tous intérêt à ne pas

nous enfermer dans des spécialisations trop étroites et trop exclu-

sives, à élargir le plus possible notre horizon. Un neurologiste

aurait une culture insuffisante s'il ne se tenait au courant des

progrès qui s'accomplissent tous les jours dans le domaine de la

psychiatrie et un aliéniste se priverait de précieux éléments d'en-

seignement s'il ne suivait d'un oeil attentif et curieux les recher-

ches qui se font dans le domaine de la neurologie.

Je ne veux pas, Messieurs, retarder plus longtemps l'ouverture

de vos travaux. Permettez-moi cependant, avant de terminer,

d'adresser de chaleureux remerciements à ceux de nos collègues

qui ont pris une part active à l'organisation de notre Congrès,

notamment à notre cher et éminent président de la session der-

nière, M. le professeur Joffroy, qui nous a puissamment aidés de

ses conseils et de son expérience, à M. le docteur Vernet, qui,

exerçant provisoirement et en quelque sorte sans mandat officiel

les difficiles fonctions de secrétaire général, s'est attaché avec un

dévouement au-dessus de tout éloge à nous préparer la réception

.SOCIÉTÉS SAVANTES. 207

dont le programme est entre vos mains, et à les rapporteurs

qui ont rédigé les remarquables monographies dont vous avez

déjà apprécié la valeur. ,. -

Permettez-moi aussi de vous remercier du très grand honneur

que vous m'avez fait en me confiant la présidence du- présent

Congrès. ,

Je vous en exprime ma profonde gratitude.

Au cours de la séance on apporte à M. le Président une

dépêche ainsi conçue : '

Les aliénistes de Moscou félicitent leurs collègues français à

l'occasion du septième Congrès des neurologistes et leur souhai-

tent le plus grand succès. 1

Signé : D's Korsakoff, Sowei, Maggillavitch, Kokusky,

Stoupine, Senudaloff, Thérian, Worobiefl, Pétroil, Sackanoff,

Stretzoff. · ' , "

Dans l'après-midi, à l'Institut anatomique, on a nommé

présidents d'honneur : M. le ministre de l'intérieur, M. MoNOD,

directeur de l'Assistance publique à ce ministère. M. STÉHÉLIN,

préfet de Nancy, M. HEYDENREICH, doyen de la Faculté de

Nancy, M.le professeur Bernheim (de Nancy), M.'le Dr MEN-

DELSOHN (de Saint-Pétersbourg) et M. le Dr LADAME (de

Genève). ,

Il est ensuite procédé à la nomination des membres qui doi-

vent assister le président. Sont nommés vice-présidents : .'

MM. Vallon et LAPOINTE; secrétaire général : M. -Vernet;

secrétaires des séances : MM. SELIGMAN et HARTENBERGER.

M. Régis, secrétaire général trésorier du précédent Congrès

apporte le compte financier du précédent exercice qui se chiffre

par un excédent de 708 francs.

Aussitôt après l'arrêté des comptes, il est procédé à la dis-

cussion du rapport de M. SÉGLAS sur les hallucinations de

l'ouïe. ' .

Pathogénie et physiologie pathologique des hallucinations de l'ouïe.'

M. le Dr Séglas. - « Un homme, dit Esquirol, qui a la convic-

tion entière d'une sensation actuellement perçue alors que nul

objet extérieur propre à exciter cette sensation n'est à la portée de

ses sens, est dans un état d'hallucination. » .. ' ,

La caractéristique de l'hallucination, dit Me Séglas, est'donc de

créer l'apparence d'un objet extérieur actuel, qui n'existe pas en

208 ' .SOCIÉTÉS SAVANTES. 1

réalité. C'est donc une forme pathologique de la perception voisine

et distincte de l'illusion d'une part, de l'interprétation délirante de

l'autre; par des exemples, l'auteur établit une opposition entre ces

différents phénomènes et passe ensuite à la distinction des hallu-

cinations proprement dites, des phénomènes décrits sous les noms

de fausses hallucinations (Michea), d'hallucinations psychiques

(Baillarger), de pseudo-hallucinations (Hagen, Kaudinky, Hoppe)

et d'hallucinations aperceptives (Kalbaum).

S'appuyant sur l'observation clinique, l'auteur passe en revue, à

propos des hallucinations de l'ouïe, successivement leur contenu,

leur point de départ, leur localisation sensorielle et leur degré de

complexité. De même qu'il existe trois degrés de perceptions

consécutives à l'impression auditive, il y a trois degrés dans l'hallu-

cination.

11 est des malades qui disent entendre des sons, de simples bruits

de nature indécise qu'ils traduisent par des onomatopées ou jugent

par comparaison (perception auditive brute). D'autres perçoivent

des sons diti'érenciés qu'ils rapportent aux objets qu'ils croient les

produire (perception auditive différenciée). D'autres enfin entendent

des voix articulant des mots qui représentent des idées diverses,

mais déterminées (perception auditive verbale). L'origine de

ces différents phénomènes hallucinatoires peut être périphérique

ou centrale.

Les hallucinations périphériques sont celles dans lesquelles le

processus hallucinatoire reconnaît à son origine une excitation de

la périphérie de l'appareil sensoriel correspondant.

La cause première de cette excitation peut résider dans l'appareil

sensoriel lui-même ou se trouver en dehors du sujet dans le monde

extérieur. D'où la division des hallucinations périphériques en hallu-

cinations périphériques objectives et hallucinations périphériques

subjectives.

Enfin, qu'il s'agisse d'hallucinations périphériques objectives ou

subjectives, l'excitation initiale peut porter sur l'appareil sensoriel

correspondant à l'hallucination ou sur un appareil sensoriel diffé-

rent. Ces hallucinations peuvent être ainsi distinguées en directes et

indirectes ou réflexes (Kahlbaul11).

Quant à la question controversée des hallucinations auditives

centrales, c'est-à-dire n'ayant comme point de départ aucune exci-

tation périphérique, objective ou subjective, l'auteur admet l'hypo-

thèse de l'origine intellectuelle par automatisme cérébral ou résul-

tant d'un système d'idées délirantes, lorsque l'on ne peut invoquer

ni une lésion crânienne ou cérébrale, ni une cause toxique ou

asthénique.

Pour l'hallucination périphérique, l'auteur aborde ensuite la

question de localisation sensorielle. Les bruits, lesparoles que l'hallu-

cinée dit entendre, peuvent, en effet, être perçus par les deux

SOCIÉTÉS SAVANTES. 200 r',

oreilles comme dans l'audition normale, l'hallucination est alors

bilatérale. D'autres fois, la perception hallucinatoire n'intéresse, au

dire des sujets, qu'une des moitiés symétriques du sens de l'ouïe,

elle ne se fait que par une seule oreille. C'est l'hallucination unila-

térale ou dédoublée de Michea.

Enfin, il est des cas complexes où l'hallucination auditive ne

constitue qu'un élément épisodique à titre de combinaison ou d'asso-

ciation hallucinatoire. Il peut y avoir association concordante des

troubles hallucinatoires, l'oeil voyant le personnage que l'oreille

entend par exemple, c'est une association des différentes sphères

sensorielles, mais il peut y avoir associations entre phénomènes de

même ordre, c'est alors l'hallucination dialoguée, la double voix

de More ! . Cette association s'accompagne parfois d'un certain anta-

gonisme entre les deux voix, il peut même y avoir dissociation

d'un côté à l'autre, l'oreille droite entendant un interlocuteur, la

gauche entendant la voix opposée. L'antagonisme n'existe pas

seulement entre hallucinations verbales de même nature, mais il

peut s'établir entre hallucinations verbales, motrices et auditives.

Quand il n'y a pas antagonisme, il y a généralement écho d'une

sphère hallucinatoire par rapport à l'autre; par exemple la sphère

psycho-motrice répétant l'hallucination auditive ou l'inverse (écho-

lalie hallucinatoire). Le rapporteur cite ainsi un cas, publié par nous,

d'hallucinations psycho-motrices graphiques combinées à des hallu-

cinations auditives initiales, le malade écrivant automatiquement

et inconsciemment sous la dictée de ses hallucinations de l'ouïe.

Au point de vue physio-palhologiquo l'auteur passe en revue les

différentes théories de l'hallucination : théorie périphérique ou sen-

sorielle ; théorie d'origine intellectuelle; théorie psycho-sensorielle

et théorie physiologique de l'éréthisme des centres corticaux.

Quel que soit le point de départ admis, l'intervention du centre

sensoriel cortical du sens considéré est indispensable pour que

l'hallucination se produise dans la conscience avec tous les carac-

tères de la réalité objective. La théorie de l'hallucination regardant

comme nécessaire l'intervention constante des centres corticaux est

donc, en réalité, celle qui rend le mieux compte du phénomène,

d'après les données anatomiques et physiologiques actuelles.

M. Séglas termine son rapport par des considérations psycholo-

giques sur le rôle des images mentales, leur extériorisation et leurs

lois psychologiques d'association. Arguant des obscurités qui

subsistent encore sur nombre de points relatifs à la psycho-physio-

logie de l'audition normale, l'auteur s'abstient d'émettre une

théorie générale de l'hallucination de l'ouïe, se contentant de reve-

nir sur la seule notion définitivement acquise de l'intervention

nécessaire des centres corticaux dans la production de l'hallucina-

tion. « Savoir, c'est connaître que l'on ignore, » conclut-il en ter-

minant. , <

Archives, 2° série, t. Il. 14

210 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Vallon. Sur la pathogénie des hallucinations de l'ouïe,

mon opinion peut se résumer ainsi : toute hallucination est un

phénomène d'origine centrale, cérébrale ; il n'y a pas d'halluci-

nation d'origine périphérique sensorielle. Les preuves de la propo-

sition que j'avance peuvent se tirer et de la physiologie et de la

pathologie. La plupart des psychologues considèrent l'hallucination

comme une exagération maladive du phénomène normal de la

représentation mentale, comme une représentation mentale exté-

riorisée. Or, cette proposition n'est pas exacte ou du moins ne con-

tient qu'une partie de la vérité. A l'état normal, nous avons la

faculté de nous représenter mentalement un objet auquel nous

pensons; cette faculté acquiert parfois une vivacité exceptionnelle.

Certaines personnes sont capables d'évoquer un souvenir avec une

force telle que l'objet se projette au dehors, s'extériorise. Il est des

peintres qui peuvent faire pour ainsi dire poser devant eux un

modèle déjà vu ou créé parleur imagination. 11 est des musiciens

qui, extériorisant leur pensée, arrivent à entendre un morceau de

musique déjà entendu, un air au sur et à mesure qu'ils le com-

posent. Dans certains cas, cette représentation mentale extériorisée

prend une intensité telle qu'elle devient presque incoercible et

échappe pour ainsi dire à l'action prématurée de la volonté; la

représentation mentale extériorisée s'impose avec une persistance

obsédants ! . Cet état est voisin de la maladie, mais n'est pas encore

l'état pathologique. Jusque-là, le sujet se rend compte qu'il est

facteur actif dans la production du phénomène, que celui-ci vient

de lui et non du dehors. Mais un pas de plus et l'état pathologique

est constitué : le phénomène se détache du moi, de la personna-

lité ; le malade n'a plus conscience qu'il joue un rôle actif dans la

production de ce qu'il voit uu de ce qu'il entend; il a franchi le Ru-

bicon ; il est sorti de l'état physiologique pour tomber dans l'état

pathologique. C'est cette inconscience de l'origine de la sensation,

qui, à mon avis, caractérise l'hallucination. En un mot, pour que

l'hallucination soit constituée, il ne suffit pas, comme le pensent la

plupart des psychologues, qu'il y ait extériorisation de la représen-

tation mentale, il faut encore que le sujet perde conscience de ce

phénomène. Comme on le voit, le passage se fait insensiblement

de l'état physiologique à l'état pathologique; la représentation

mentale se transforme progressivement par une série d'opérations

pour aboutir à l'hallucination; or, tous ces phénomènes successifs

sont essentiellement de nature cérébrale : il est donc logique de

considérer l'hallucination elle-même comme un trouble d'origine

cérébrale.

Une autre preuve delà nature cérébrale, et purement cérébrale,

des hallucinations se déduit de ce fait qùe les hallucinations

sont constamment en rapport intime avec les idées délirantes

du malade. C'est ce qui se passe, par exemple, dans le délire

SOCIÉTÉS SAVANTES. 211

des persécutions. Après une phase d'inquiétude vague, qui dure

souvent longtemps et revêt parfois les caractères d'un délire

hypocondriaque, le malade est pris d'une hallucination de l'ouïe.

Or, celles-ci correspondent aux idées qui le dominent depuis

longtemps; il y a un lien étroit entre elles et le délire : ce qui

indique bien encore leur origine cérébrale, leur caractère purement

psychique.

Le grand argument qu'on a fait valoir en faveur de l'origine

périphérique possible des hallucinations, c'est l'existence d'halluci-

nations unilatérales chez les individus atteints d'une maladie de

l'oreille du côté correspondant. Mais, si on examine de près tous

ces faits, on ne tarde pas à se convaincre qu'ils sont passibles d'une

interprétation tout autre que celle qu'on en a donnée, qu'il s'agit

là de sensations subjectives interprétées et non de véritables hallu-

cinations. Voici une observation qui montre bien la pathogénie et

la nature du phénomène improprement désigné sous le nom d'hallu-

cination d'origine périphérique ou sensorielle. Un homme est

atteint d'une perforation des deux tympans, son ouïe s'affaiblit

considérablement en même temps; il entend dans les oreilles des

bourdonnements, des sifflements, etc.; mais il se rend bien compte

de l'origine de ces bruits, il comprend bien qu'ils sont liés aux

lésions de ses oreilles. Pendant longtemps, pendant des mois, cette

conscience de son état persiste. Plus tard, sous l'influence de cha-

grins divers, il tomba dans un état mélancolique; bientôt sur - ? ce

fond mélancolique se développent des idées de persécution, en un

mot il devient malade du cerveau. Alors, mais alors seulement, il

interprète d'une façon délirante les sensations auditives qu'anté-

rieurement il appréciait à leur juste valeur; il se figure que ce sont

des gens qui lui sifflent dans les oreilles, qui lui disent des choses

désagréables. Ce qui s'est passé chez mon malade fait comprendre

le mécanisme des prétendues hallucinations unilatérales d'origine

périphérique. La maladie auriculaire donne lieu à une sensation

subjective, c'est-à-aire sans objet et celle-ci est interprétée par le

malade. Dans tous ces cas de lésions auriculaires, il se produit, en

somme, une impression subjective qui, est transmise au cerveau et

appréciée par celui-ci correctement ou incorrectement, suivant qu'il

est lui-même sain ou malade. On voit donc qu'il n'y a pas, à pro-

prement parler, d'hallucination d'origine périphérique.

On m'objectera encore les faits dans lesquels l'hallucination audi-

tive reconnaît comme point de départ, une excitation de l'appareil

auditif, venue de l'extérieur. M. Séglas a cité l'exemple d'une

femme qui, en entendant fermer une porte, s'est enlendu appeler

« vieille pouilleuse». Mais, dans ce cas là, il s'agit d'une personne

hallucinée habituellement et l'on ne peut pas dire que l'excitation

produite par le bruit de la porte a créé l'hallucination ; elle ne fait

évidemment que la provoquer.

212 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Depuis Esquirol, on définit l'hallucination une perception sans

objet. L'hallucination, en effet, consiste à sentir alors que rien

n'impressionne le sens, c'est une sensation moins l'impression qui

la produit habituellement; en un mot, ce qui caractérise l'halluci-

nation, c'est l'absence d'impression. Donc, tout phénomène qui a

pour origine une impression quelconque, par définition, n'est pas

une hallucination. Dans l'illusion aucontraire, il y une impression

sensorielle et c'est précisément sur ce caractère qn'est basée la

différence entre l'illusion et l'hallucination. Or, dans les phéno-

mènes que l'on désigne sous le nom d'hallucinations d'origine

périphérique, il y a, comme dans l'illusion, une impression péri-

phérique ; sans doute il existe une différence dans le lieu et dans

le mode d'impression, mais enfin il y a impression, en sorte que la

prétendue hallucination d'origine périphérique se rapproche plus

de l'illusion que de l'hallucination.

En résumé, dans tous les faits désignés sous le nom d'hallucina-

tion d'origine périphérique, il, s'agit de phénomènes différents de

l'hallucination; à des choses différentes, il importe, sous peine de

confusion, de donner des noms différents. A l'hallucination

psychique seule, il faut réserver le nom d'hallucination ; à la pré-

tendue hallucination d'origine périphérique qui n'a que les appa-

rences de l'hallucination, qui n'est qu'une psc2cdo-Ienllucivalion,

qu'une fausse hallucination, il convient d'appliquer l'appellation de

sensation subjective interprétée, laquelle indique bien l'origine et la

nature du phénomène.

La synthèse des troubles de la sphère auditive peut être repré-

sentée par le tableau suivant :

Troubles.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 213

214 SOCIÉTÉS SAVANTES.

réaction d'un centre moteur qui donne, sous l'influence de l'exci-

tation, tout ce qu'il peut donner, qui se comporte toujours de la

même façon, sous l'influence des excitants, quels qu'ils soient

(pathologiques ou électriques). L'hallucination auditive, à la sup-

poser fonction du centre auditif, supposerait une sélection parti-

culière parmi les multiples impressions emmagasinées. Au reste,

les affections qui s'accompagnent le plus souvent d'épilepsie corti-

cale (paralysie générale, tumeurs) ne sont pas celles qui donnent

le plus souvent naissance aux hallucinations auditives. De même,

celles dans la symptomatologie desquelles ces hallucinations

tiennent une grande place (délire de persécution) ne donnent pas

naissance à de l'épilepsie partielle. Donc, je crois la comparaison

plus spécieuse et plus séduisante que vraie.

En fait, l'hallucination auditive est un phénomène beaucoup plus

' complexe que l'épilepsie corticale, beaucoup plus intellectuel. Je me

trouve ainsi amené à prendre la théorie intellectuelle, telle du

moins qu'on la peut concevoir aujourd'hui, c'est-à-dire comme

impliquant l'intervention nécessaire dans les phénomènes halluci-

natoires de centres multiples, de tous ceux qui sont nécessaires à

l'évocation des images dont l'ensemble et la synthèse réalisent la

fausse perception. Indirectement, d'ailleurs, on peut prouver, par

la clinique, l'intervention de ces multiples éléments corticaux

(psychiques) dans la pathogénie des hallucinations. Qu'il s'agisse

des hallucinations des mystiques ou des persécutés, des hystéri-

ques ou des gens sains en apparence, même des alcooliques, on

retrouve, derrière et au-dessous, un état mental passager ou du-

rable, évident ou plus ou moins latent, qui les conditionne et les

explique.

En résumé, messieurs, je pense que le rôle du centre auditif,

bien que nécessaire, n'est pas suffisant pour produire l'hallucina-

tion auditive. Il n'intervient, dans la règle, que d'une façon secon-

daire et, dans tous les cas, accessoire. L'hallucination n'est pas un

simple délire des sensations, « c'est un véritable délire dans le sens

le plus général du mot ».

M. Régis rappelant les premières observations publiées par lui

d'hallucinations unilatérales, rapporte une nouvelle observation

dans laquelle l'hallucination se produit en écho, s'exacerbe à l'oc-

casion de nouvelles sensations réelles et n'exclut pas l'état de cons-

cience. Entendant un morceau de musique, par exemple, elle le

perçoit normalement, mais cette impression perçue se réveille

ensuite spontanément reproduisant d'une façon tyrannique les

sons déjà entendus, d'autant plus nettement que d'autres bruits

quelconques réels se font entendre au moment de cette sorte

d'hallucination- écho consciente. La lésion périphérique constatée

était une otite catarrhale. Des bourdonnements eutotiques mar-

quaient généralement le début des phénomènes hallucinatoires.

' SOCIÉTÉS SAVANTES. 2t8 NJ

' M. PAUL Garnier. En entendant M. Régis, j'ai compris mieux

que jamais la nécessité de s'entendre, au préalable, sur la véri-

table valeur des mots, et je ne pouvais m'empêcher de penser que

la plupart des phénomènes que notre collègue décrivait comme

autant de caractères d'une hallucination appartiennent, en réalité,

à l'illusion.

Voici un malade qui a des bruits dans les oreilles et ne peut

entendre une musique militaire, par exemple, sans que son oreille

soit désagréablement affectée, que les bruits s'accroissent et se

transforment. Est-ce là une hallucination vraie ? Il me semble diffi-

cile de l'admettre.

C'est une illusion subjective, rien de plus. En effet, il y a là, iL

l'origine du phénomène, une sensation réelle; l'oreille, influencée

pathologiquement, entend; d'abord bourdonnante, chantante

ensuite, elle finit par devenir bavarde, passez-moi le mot... Des

voix sont entendues, mais elles sont nées de bruits transformés et

ce point de départ sensoriel me suffit pour dire que la perception

n'étant pas sans objet, il ne peut y avoir hallucination au point de

vue clinique, cette différenciation entre l'illusion et l'hallucina-

tion est de la plus haute importance. L'existence ou l'absence

d'hallucination est un des plus précieux éléments de diagnostic.

Nous savons tous que le persécuté-persécuteur en reste presque

toujours à des illusions et des interprétations délirantes, tandis que

le malade atteint de délire chronique ou psychose systématique

progressive a nécessairement des hallucinations de l'ouïe. Je crois

que nous devons considérer comme réel le phénomène dénommé :

illusion, et je répéterai à ce propos la définition de Lasègue :

l'illusion est à l'hallucination ce que la médisance est à la

calomnie.

M. PARISOT (de Nancy) présente le cerveau d'un malade qui était

atteint pendant sa vie d'épilepsie partielle et qui présentait en

même temps des hallucinations de la vue et de l'ouie. Celles-ci se

montraient habituellement après les crises épileptiformes et

duraient pendant deux ou trois jours; quelquefois elles rempla-

çaient ces crises et paraissaient en être les équivalents sensoriels.

A l'autopsie, on a trouvé une tumeur située au niveau du lobe

frontal. La zone rolandique et le lobe temporal n'étaient le siège

d'aucune altération. -

M. Wladimir SERBSFI. - Je veux insister sur la théorie des hallu-

dilations psychiques, due à un auteur russe, Karvinski. Les alié-

nistes oublient toujours dans l'encéphale les centres sous-corticaux.

Or, Meynert pense que la perception réelle est toujours fondée sur

la perception de ces centres. Leur défaut de participation abou-

tirait non plus à une perception réelle, mais à une représentation \

sans objet. Dans les hallucinations, non seulement l'écorce, mais

216 SOCIÉTÉS SAVANTES.

les centres sous-corticaux sont troublés. M. Karvinski a développé

la théorie de Meynert ; dans les hallucinations psychiques, pseudo-

hallucinations, ou hallucinations motrices, le malade n'entend pas

ou ne voit pas comme un homme normal; il voit seulement menta-

lement, il n'entend pas le son extérieur, mais il entend seulement

dans sa tête comme un langage intérieur. Dans ces cas, les centres

sous-corticaux ne prennent aucune part dans la production des

phénomènes psychiques, c'est l'écorce seule qui les produit. Ainsi

les perceptions vraies exigent l'intervention de l'écorce et des

centres sous-corticaux, les hallucinations psychiques, celles de

l'écorce seule.

MM.MARiEetBoNNET.Fatt clinique pour servir à l'étude anatomo-

pathologique des hallucinations . Les auteurs s'appuyant sur une

autopsie de délirant chronique développent l'hypothèse d'une cor-

rélation possible entre certains phénomènes hallucinatoires et cer-

taines lésions corticales tardives. La lésion terminale des centres

sensoriels serait l'aboutissant d'un processus antérieur, d'éré-

thismes se traduisant tout d'abord par des hallucinations détermi-

nées. A défaut de documents anatomo-cliniques nombreux néces-

sitant une observation de longue haleine, les auteurs rappellent des

cas analogues déjà publiés (cas de Garnier, Linon', Féré, etc.).

MM. Vallon et Marie. - Sur un cas de délire chronique religieux

à hallucinations auditives et visuelles. - C'est l'observation d'un

délirant systématique mystique halluciné de l'ouïe à la suite d'un

coup de revolver à la tempe, tentative de suicide commise dans la

période d'inquiétude. Le malade entend un ennemi différent logé

dans chacune de ses oreilles, mais il perçoit alternativement chacun

d'eux des deux oreilles à la fois. Parvenu à la deuxième phase de

son évolution, il contemple des visions consolantes divines. Elles

sont peu nombreuses et toujours les mûmes, Dieu, la Vierge,

radieuses, immobiles et muettes, en un mot totalement différentes

des visions de l'alcoolique et en quelque sorte exclusives des hallu-

cinations auditives avec lesquelles elles alternent. Jamais les visions

ne parlent et on ne peut voir les ennemis qui parlent. Il semble y

avoir irradiation et alternance entre les deux éréthismes visuel et

auditif.

On en pourrait tirer des déductions au point de vue de laséméio-

logie spéciale et du mécanisme psychique des délires chroniques

mystiques.

. M. Séglas termine en résumant le débat. M. Vallon, parlant des

hallucinations périphériques, a réclamé un nom à part, et propose

celui de pseudo-hallucinations ; mais c'est là une expression qui

prêterait à confusion avec des phénomènes analogues, mais dis-

tincts, décrits par Kandwisky. Ce sont pour Kandwisky des repré-

sentations mentales fixes et persistantes, mais ne s'extériorisant

SOCIÉTÉS SAVANTES. 217

pas ; on les pourrait confondre avec les hallucinations motrices

étudiées par Séglas, dont elles diffèrent également ; c'est ce qui est

arrivé à Baillarger, qui décrit ensemble ces deux ordres de phéno-

mènes sous le nom d'hallucinations psychiques.

Celles décrites par Séglas correspondraient plutôt aux hallucina- \

lions de Kramer (motrices). M. Séglas considère les causes péri-

phériques comme tout à fait secondaires, tout en reconnaissant les

cas de Régis comme étant des hallucinations au sens de Tamburini.

Il se refuse à admettre 1'utiilatéraliLé hallucinatoire comme per-

mettant de défendre l'hypothèse d'une dissociation fonctionnelle

des deux hémisphères.

La raison des divergences d'interprétations et des difficultés d'en-

tente en ce qui concerne la distinction des hallucinations d'origine

périphérique et des illusions ou interprétations délirantes, tient à

ce qu'il existe des définitions et des théories différentes et il s'agi-

rait de se mettre d'accord sur une terminologie commune.

Tamburini considère comme hallucinatoire tout phénomène de /

perception ne reposant pas sur une cause réelle extérieure au ma- I

lade. Partant, les perceptions fausses basées sur des phénomènes l

réels, mais se passant dans les organes mêmes du malade, sont t

hallucinatoires; c'est cette théorie que le rapporteur a tout d'abord \

admise implicitement.

M. Pitres clôt le débat et la séance après avoir soumis au Con-

grès quelques curieux cas d'hallucination chez les amputés perce-

vant leur membre absent comme toujours existant ct soumis à leur

volonté. Il a observé 32 amputés; beaucoup ont une sorte de pied

fantôme au bout de leur moignon pour lequel ils prennent des

précautions, comme craignant le froissement dans les foules ou la

morsure par des chiens.

Cette fausse sensation tient, non à des habitudes psychiques seu-

lement, mais aussi à certains états de cicatrice hétérotopique, car les

modifications périphériques imprimées au moignon modifient l'illu-

sion comme par exemple le port du pilon ou son absence. Weir-Mit-

chell a démontré par de curieuses expériences que l'on peut faire

réapparaitre par l'éleclrisation le pied fantôme dans l'esprit de

vieux amputés qui en avaient perdu le souvenir; l'électrisation de

la cicatrice suffit souvent à faire réapparaître l'illusion.

M. Pitres a fait l'inverse et a fait disparaître le membre fantôme

chez des amputés ayant l'illusion précitée, et cela à l'aide d'un

procédé exactement inverse de celui de Weir Mitlcuell. Il cocaïnise

la cicatrice du moignon à l'extrémité duquel le malade objective

un pied imaginaire ; l'injection cocaïnique sous la cicatrice sup-

prime subitement l'illusion et toute représentation mentale du pied

fantôme devient et demeure impossible pendant toute la durée de

l'influence cocaïnique.

318 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Séance du lundi 3 août (matin). Présidence de M. Pitres.

Communications diverses.

M. Chocq a étudié l'hérédité croisée d'après l'expérimentation sur

les poulets particulièrement. Il a croisé deux races très différentes

et note que les coqs ressemblaient identiquement aux mères,

tandis que les poules ressemblaient aux pères. Pour éviter l'objec-

tion d'influence d'imprégnations antérieures, l'auteur a pris des

animaux vierges élevés par lui-même. Il a toutefois noté l'influence

manifeste de la vue seule sur les caractères morphologiques de la

descendance. Une poule séparée entièrement d'un coq de race

différente eut des poussins ayant quelques caractères de ce coq,

qui avait été placé en cage à portée de sa vue.

M. A. Voisin rapporte une observation détaillée de céphalée opi-

niatl'e avec lypémanie, idées et tentatives de suicide, liées à une mé-

ningite et à un lac séreux comprimant les circonvolutions frontale

et pariétale ascendantes gauches.

Cette malade fut traitée et guérie par l'opération de la cra-

niectomie, pratiquée par M. le Dr Péan. M. Voisin a été conduit à

celte intervention opératoire audacieuse et couronnée de succès

par l'observation antérieure d'une malade assez semblable, mais

qui mourut non opérée et qui fut trouvée à l'autopsie, atteinte

de pachyméningite localisée à la région fronto-pariétale droite.

M. A. Voisin donne ensuite lecture au nom de M. le Dr CLAUDE,

d'une série d'expériences sur les animaux, au sujet des myélites

consécutives à l'action de toxines microbiennes . L'auteur a expéri-

menté à ce point de vue la toxine du bactérium-coli, celles des

microbes diphtéritique et tétanique et du bacille pyocyanique.

M. CROCQ lit un travail sur l'acrocyanose que nous reproduisons

in extenso : .-

Avant de décrire le syndrome que nous désignons sous le

nom d'acrocyanose, il est nécessaire de dire quelques mots sur

deux maladies qui ont avec elle certaines ressemblances; nous

voulons parler de la maladie de Raynaud et de l'oedème bleu de

Charcot. Raynaud, dans sa thèse inaugurale, en 1862, a le

premier décrit une série de troubles circulatoires aboutissant à

la gangrène symétrique des extrémités. Ces phénomènes que

l'on désigne souvent sous le nom de maladie de Raynaud, se

présentent sous deux formes différentes : l'asphyxie locale et la

gangrène symétrique. L'asphyxie locale est, d'après l'auteur, le

premier degré de la gangrène quoiqu'elle puisse également se

manifester isolément sans que la personne qui en est atteinte

SOCIÉTÉS SAVANTES. 219

ne présente jamais aucun phénomène de gangrène. L'asphyxie

locale des extrémités peut revêtir deux formes distinctes que

Raynaud a appelées : la syncope locale et l'asphyxie locale

proprement dite.

Dans la syncope locale, l'extrémité pâlit, devient exsangue,

se refroidit, la sensibilité disparait et la partie atteinte reste

comme paralysée. Ce phénomène se produit ordinairement

symétriquement dans un ou plusieurs doigts; il se montre par

accès qui durent quelques instants, une heure ou même plus.

Les accès apparaissent souvent sans cause provocatrice, appré-

ciable ou bien à l'occasion d'une émotion, d'un léger abaisse-

ment de la température; ils ne s'accompagnent d'aucune dou-

leur, mais quelquefois il se produit à leur suite une réaction

avec sensation d'onglée.

Dans l'asphyxie locale, les extrémités prennent une teinte

cyanotique, soit blanc bleuâtre, soit ardoisée, soit même noi-

râtre ; la moindre pression détermine l'apparition d'une tache

blanche qui disparaît relativement lentement. Il n'y a en

général pas d'oedème et la sensibilité est abolie. La douleur

est presque constante, c'est un engourdissement pénible, une

sensation de brûlure, des élancements; après l'accès se déclare

une période de réaction avec fourmillements insupportables,

puis la peau reprend insensiblement sa coloration normale.

Dans l'intervalle des accès la peau présente un aspect sain. Ces

deux formes d'asphyxie locale peuvent s'associer et alterner ;

dans certains cas atypiques les douleurs sont surtout marquées

alors que les troubles circulatoires paraissent insignifiants.

La gangrène symétrique débute, d'après Raynaud, par une

des formes précédentes. Les doigts deviennent violacés, les

douleurs deviennent de plus en plus fortes. Puis une petite

phlyctène se montre, s'ouvre, persiste quelques jours et se cica-

trise. L'accès est terminé; mais bientôt les mêmes phéno-

mènes se reproduisent. Chaque ulcération laisse à sa place une

cicatrice dure, blanche, déprimée, qui à la longue donne au

doigt un aspect chagriné. Cet aspect parcheminé peut aussi se

produire sans phlyctènes : la peau prend alors une coloration

jaune en un endroit, elle se dessèche et se ride.

La gangrène peut encore se produire sans phlyctène : l'ongle

et la phalange deviennent noirs, un cercle inflammatoire appa-

raît autour des parties mortifiées, l'escarre se détache et la ci-

catrisation s'opère rapidement. La partie mortifiée est en

220 0 SOCIÉTÉS SAVANTES.

général beaucoup moins grande qu'on pourrait le croire : le

plus souvent la partie qui se détache n'a que 1 ou 2 milli-

mètres d'épaisseur. Mais les phénomènes gangreneux se repro-

duisent, les doigts s'effilent, s'indurent, les ongles sedéforment.

D'après Raynaud cette maladie comprend trois périodes : la

période d'invasion caractérisée par l'asphyxie locale, durant de

quelques jours à un mois; la période d'état, accompagnée

d'accès de douleur et de gangrène, durant une dizaine de jours;

la période d'élimination des escarres durant de vingt jours à

dix mois.

C'est la forme aiguë de la maladie; dans la forme chronique,

les accès sont intermittents, moins graves et ne se reproduisent

que rarement. La maladie de Raynaud est une affection du

sexe féminin; elle se produit généralement entre dix-huit et

trente ans. On l'a rencontrée chez des névropathes, des alcoo-

liques, des tuberculeux, des syphilitiques, des diabétiques, le

froid, les émotions, les troubles menstruels ont paru en être

souvent la cause.

L'oedème bleu, décrit pour la première fois par Charcot, en

1884, débute ordinairement brusquement, à la suite d'un trau-

matisme physique ou moral, par une paralysie, une parésie ou

une contracture d'un ou de plusieurs membres ; bientôt les

parties atteinles prennent une coloration d'un rouge vineux ou

d'un bleu noirâtre, elles sont le siège de douleurs parfois très

intenses et d'un oedème cutané très marqué. La pression déter-

mine une tache blanche et un godet qui s'effacent assez douce-

ment ; la température des membres atteints est abaissée de

plusieurs degrés. L'oedème bleu est permanent mais quelquefois,

après avoir disparu, il revient périodiquement; il n'occupe

généralement qu'un seul membre et siège toujours à son extré

mité. Les observations d'oedème bleu sont jusqu'à présent peu

nombreuses ; les auteurs sont loin d'être d'accord au sujet

de la pathogénie de cette affection. Charcot la croit duc à un

spasme des vaso-moteurs, Pitres l'attribue à leur paralysie,

Gaksewicz aune lésion de l'endothélium, Alelehofî admet,

avec la majorité des auteurs, que l'oedème bleu dépend d'un

spasme vasculaire, mais il fait remarquer que l'oedème estpré-

cédé de paralysie, de parésie ou de contracture du membre

atteint, conditions qui favorisent la stase et l'oedème; car la

1 Ilelelioir. Archives de A'ct'o/oyt'e, 1896.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 221

circulation du sang dans les veines est due non seulement à

l'action aspiratrice du coeur et de la cage thoracique, mais aussi

à la contracture des muscles qui chassent le sang des veines

pourvues de valvules dansune seule et même direction,c'est-à-

dire vers le coeur. C'est pourquoi, dans les cas passagers, la

disparition de l'oedème suit la disparition de la paralysie ou de

la contracture ; dans les cas durables, au contraire, les veines

se dilatent de plus en plus, les artères sont dans un état de

spasme permanent et la lésion des parois vasculaires se produit

sous la forme d'un gonflement et d'un décollement de l'endo-

thélium, d'hémorragies dans l'épaisseur des parois vasculaires

et de lésions cellulaires périvasculaires. Plus tard surviennent

des lésions des nerfs dont la nutrition est perturbée. Toutes

ces lésions ont été constatées par Alelekoff dans un cas d'oe-

dème bleu qu'il a eu l'occasion d'autopsier.

Le pronostic de l'oedème bleu est favorable pour les cas

passagers, il est grave pour les cas durables, à cause des

lésions profondes qu'il provoque après un certain temps.

Le traitement de cette affection doit s'adresser à l'hystérie.

La maladie à laquelle nous donnons le nom d'acl'ocyailosP

n'est ni la maladie de Raynaud, ni l'oedème bleu de Charcot,

quoiqu'elle se rapproche par certaines particularités de ces

deux affections.

L'acrocyanose débute insensiblement : la malade s'aperçoit

un jour que ses mains et ses pieds sont plus violacés qu'aupa-

ravant ; la coloration cyanotique existe d'une manière perma-

nente, mais elle est quelquefois plus accentuée à certains

moments de la journée ; la cyanose existe sur toute l'étendue

des mains; vers le poignet elle diminue insensiblement; elle

est également très accentuée aux orteils, mais à la face dorsale

du pied elle diminue progressivement. Cette coloration vio-

lacée est surtout marquée à la face dorsale des mains et des

pieds, leur face palmaire et plantaire est moins bleue et leur

coloration se rapproche plutôt du rouge. Ces modifications de

couleur s'accompagnent d'altérations de la calorification locale

et de la sudation : le dos des pieds et des mains est glacé et

sec, tandis que leur face plantaire et palmaire est recouverte

d'une abondante transpiration. La pression détermine, comme

dans la maladie de Raynaud et comme dans l'oedème bleu, une

tache blanche qui ne se dissipe que lentement.

Le phénomène de l'asphyxie locale ou du doigt mort peut se

222 2 SOCIÉTÉS SAVANTES.

montrer parfois mais il est plutôt rare. Si l'on couvre forte-

ment les extrémités atteintes, le refroidissement et la cyanose

n'en persistent pas moins.

L'acrocyanose peut persister pendant des mois sans aucune

tendance à la production-de phlyctènes ou de gangrène ; elle

~est susceptible de guérir et ne constitue pas un phénomène

grave. Elle diffère de la maladie de Raynaud par son carac-

tère permanent, par l'abssnce d'asphyxie locale et par l'ab-

sence de tendance à la production de phlyctène ou de gan-

grène ; elle se distingue de l'oedème bleu de Charcot par

l'absence d'oedème, de paralysie, de parésie et de contracture.

L'état général du malade est excellent, sa température nor-

male. Dans les deux cas que nous avons eu l'occasion d'ob-

server, l'acrocyanose s'est développée chez des hystériques ;

aussi croyons-nous que ces phénomènes dépendent des troubles

circulatoires vaso-moteurs provoqués par la névrose hysté-

rique. -

La première malade que nous avons eu l'occasion d'observer était

alitée, à l'hôpital Saint-Pierre, dans le service de notre maître,

M. le professeur Rommelaere. Elle était âgée de vingt ans et était

entrée à l'hôpital en novembre 1895, pour un rhumatisme ai ticulaire

aigu. Son hérédité était peu chargée : mère morte en couche, père,

âgé de soixante-dix ans, bien portant; deux frères et soeurs bien

portants, un frère mort en bas âge.

Comme antécédents personnels, elle ne signalait quedes accidents

hystériques. Elle était bien réglée. Pendant le cours de son rhuma-

tisme, nous constatâmes des accès hystériques, du tremblement

émotionnel passager, un rétrécissement du champ visuel et des

plaques d'anesthésie. Environ quinze jours après son entrée à l'hô-

pital, Philomène van D... commença à tousser, l'examen de la

poitrine dénota une pleurésie droite avec épanchement.

Au commencement de janvier 1891, nous fûmes frappés par la

coloration spéciale des extrémités qui présentaient tous les signes

de ce que nous avons appelé l'acrocyanose. Cette particularité exis-

tait, au dire de la malade, depuis deux mois, et avait débuté in-

sensiblement ; la cyanose était permanente quoiqu'un peu plus

accentuée à certains moments de la journée; les douleurs étaient

insignifiantes, la sensibilité persistait, peut-être était-elle diminuée,

mais elle n'était sûrement pas profondément altérée. Philomène eut

encore dans la suite des accès d'hystérie; sa pleurésie guérit; mais

l'acrocyanose resta toujours identique. La malade quitta l'hôpital

en avril complètement guérie de son rhumatisme articulaire et de

sa pleurésie, mais toujours hystérique et acrocyanotique.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 223

La seconde malade chez laquelle nous avons constaté l'acrocya-

nose, vint nous trouver en février dernier pour être guérie de ses

attaques de nerfs; elle était âgée de vingt-deux ans et avait des

crises hystériques depuis environ trois ans. Comme antécédents

héréditaires, il n'y avait que de l'hystérie du côté de la mère; elle

était enfant unique.

Comme antécédents personnels, rien que l'hystérie. La malade

portait tous les stigmates de la névrose. Elle était bien réglée. La

coloration cyanotique des mains nous frappa aussitôt; elle était

identique à celle qu'avait présentée Philomène van D... Leur face

dorsale était froide et sèche, leur face palmaire était recouverte

d'une transpiration froide. Les orteils et la partie adjacente du

pied présentaient les mêmes caractères. La sensibilité était nor-

male aux extrémités. La malade affirma être atteinte de cette

infirmité depuis un an environ; elle dit que ses mains et ses

pieds avaient insensiblement changé de couleur, qu'ils s'étaient

refroidis, et que leurs faces palmaire et plantaire étaient conti-

nuellement humides. Elle n'avait jamais ressenti de véritables dou-

leurs dans les extrémités atteintes, tout au plus avait-elle perçu

quelques fourmillements; jamais ces extrémités ne reprenaient leur

coloration ordinaire, jamais la cyanose ne s'était manifestée sous

forme d'accès, jamais il n'y avait eu de phlyctènes ni d'oedèmes.

Nous instituâmes un traitement antihystérique : antispasmodiques,

hydrothérapie, électrothérapie, traitement moral et hygiénique.

Les symptômes névrosiques s'amendèrent rapidement; les mains

et les pieds récupérèrent insensiblement leur coloration et leur

température normales; au bout de deux mois de traitement, la ma-

lade ne présentait plus aucun symptôme morbide.

, Ces deux observations montrent bien ce qu'il faut entendre,

à notre avis, par acrocyanose : c'est une cyanose des extrémi-

tés, ressemblant à celle de la maladie de Raynaud et à celle

de l'oedème bleu de Charcot, mais en diférant par plusieurs

caractères importants. Tandis que la cyanose de Raynaud se

manifeste par accès suivis d'une période de réaction, qu'elle

s'accompagne souvent de douleurs très vives, qu'elle alterne

avec la syncope locale, qu'elle favorise la production de

phlyctènes et de gangrènes, qu'elle amène l'abolition de la

sensibilité cutanée des parties atteintes, l'acrocyanose est per-

manente, donne lieu à des douleurs peu intenses, ne s'accom-

pagne le plus souvent pas de syncope locale, ne provoque pas

l'apparition de phlyctènes «ou de gangrènes et ne produit

aucune abolition de la sensibilité. L'oedème bleu de Charcot se

caractérise par une cyanose avec oedème accompagnant une

234 Il. SOCIÉTÉS SAVANTES.

paralysie, une parésie ou une contracture et donnant lieu à

des douleurs très intenses; l'acrocyanose au contraire se

montre sans oedème, sans paralysie, sans parésie, sans dou-

leurs bien intenses.

La maladie de Raynaud,-comme l'oedème bleu de Charcot et

comme l'acrocyanose, reconnaissent toutes trois pour cause des

perturbations des centres nerveux, mais cette dernière affection

nous semble être plus spécialement un phénomène hystérique

vaso-moteur. On trouvera certes des cas atypiques au sujet

desquels il sera difficile de se prononcer ; il n'en est pas moins

vrai que l'acrocyanose typique existe. Son pronostic est essen-

tiellement bénin et son traitement, dans les cas analogues à

ceux que nous avons observés, se résume dans la médication

antinerveuse.

M. Ballet, en son nom, et en celui de M. 13¡USS.\UD, rend compte

des résultats de ses recherches histologiques sur les centres médul-

laires dans les cas de section de nerfs périphériques (sciatiques) et

anémie de la moelle, par compression de l'aorte abdominale

chez le cobaye. Dans ce dernier cas, il y a une paraplégie plus

ou moins durable, selon la durée de la compression. L'examen

microscopique, par le procédé de Nissl, montre que la cellule

quadrangulaire, qui est à bords concaves, avec noyau central, dans

l'état normal, perd ses granulations chromatophiles (exode du

noyau), s'arrondit, rompt ses prolongements, et aboutit à une

forme en sac, avec confusion finale du kinétoplasma et du tropho-

plasma. On peut observer différents degrés de ces altérations, sui-

vant qu'on provoque une anémie complète ou par reprises. Con-

trairement à l'opinion de M. Marinesco, il n'y a pas de différence

sensible, selon que la dégénérescence suit une section périphé-

rique ou une anémie spéciale.

A la suite d'une observation de paralysie générale de longu

durée, avec autopsie confirmative de M. le Dr Lapointe, une discus-

sion s'engage sur la question de l'évolution anormale et des

rémissions ou intermissions dans la méningo-encéphaiite.

MM. Charpentier, Régis, Séglas et Doutrebente y prennent part.

M. Annaux rappelle que les adhérences et les épaississements

méningés sont loin d'être significatifs à l'autopsie, étant donné

même que l'examen histo'.ogique n'est pas encore caractéristique,

tant qu'on ne sera pas d'accord sur la nature parenchymateuse ou

interstitielle du processus type. 1

M. Vallon. -Les cas de paralysie générale à longue durée, sans

être très fréquents, ne sont cependant pas aussi rares qu'on le

SOCIÉTÉS SAVANTES. 225

croit communément. Mais, à cet égard, il convient de distinguer

deux ordres de faits. La longue durée de la paralysie générale

tient le plus souvent à ce que sa marche, au lieu d'être progres-

sive présente des rémissions, c'est-à-dire des périodes pendant

lesquelles la plupart des symptômes s'atténuent plus ou moins ou

des intermissions, c'est-à-dire des phases où tous les symptômes

disparaissent pour constituer des guérisons temporaires. A côté de

ces cas il en est d'autres plus rares dans lesquels la maladie, sans

s'amender, à proprement parler, s'arrête à une certaine période,

se cristallise pour ainsi dire pendant des années. Il n'y a pas

alors rémission, encore moins intermission mais simplement arrêt

dans l'évolution. J'ai observé un certain nombre de faits de cet

ordre et j'ai dans mon service quelques paralytiques arrêtés

depuis plusieurs années, dont un depuis dix ans. Un de mes an-

ciens internes en a fait le sujet de sa thèse. Il serait très impor-

tant de pouvoir établir le pronostic de ces évolutions anormales.

Je ne crois pas qu'il existe de signes permettant de l'établir,

cependant je crois qu'elles sont bien plus fréquentes dans la

variété maniaque. Quant aux arrêts, ils surviennent généralement

dans la deuxième période, lorsque les malades prennent de l'em-

bonpoint.

M. SELIGM1N, au nom de MM. RAYMOND et Souques, donne lecture

d'une note sur la paraplégie spasmodique familiale et une autre sur

l'épilepsie partielle dans l'acromégalie. Les examens microscopiques

ont été faits dans ces différents cas. En particulier, l'acromégali-

que à épilepsie partielle fut trouvé porteur d'une tumeur de la

glande pituitaire comprimant la base crânienne. Les auteurs, en

raison de la constance, aujourd'hui reconnue, des altérations de la

glande pituitaire, estiment que l'épilepsie jacksonienne doit être

rangée parmi les complications fréquentes de l'acromégalie.

M. DOUTREBENTE communique la première partie d'un travail

(1189-1827) suri' Hospitalisation des épileptiques, idiots et aliénés dans

le département de Loir-et-Cher. Il montre successivement les alié-

nés placés avec les détenus politiques et condamnés ordinaires dans

les anciens couvents de Blois, à la maison d'arrêt, puis à la maison

de réclusion des Saintes-Mariés, et placés enfin, en 1827, dans un

petit asile situé malheureusement en un point où l'agrandissement

était impossible (bureau de bienfaisance actuel), en face le château

'de Blois, visité par le Congrès de 1892.

M. le Dr Doutrebente passe rapidement en revue certaines

pièces historiques très intéressantes, établissant que l'administra-

tion révolutionnaire avait organisé le secours représentatif en

argent à domicile pour les épileptiques, qui ne pouvaient être

maintenus dans les hôpitaux ordinaires.

M. le Dr RouBY cite un cas d'hallucination analogue à celui de

ARCHIVES, 2° série, t. H. 18

226 SOCIÉTÉS SAVANTES.

]\lUe Couesdon, cette personne de Paris'qui communique depuis six

mois environ avec l'ange Gabriel. La malade, qui fait le sujet de

cette observation, est atteinte de folie hystérique. Elle jouit d'une

très bonne santé et les symptômes hystériques sont très peu mar-

qués. Pendant treize années, M11" X... est atteinte d'hallucinations

de l'ouïe pendant le jour, et pendant la nuit elle entend des in-

jures et des accusations diverses; de plus, pendant la nuit, les

hallucinations de l'ouïe se compliquent d'hallucinations du sens

génital. En 1880, les hallucinations du sens génital cessent brus-

quement, à la suite d'une grande vision pendant laquelle un

ange, grand comme un homme, en robe blanche, une belle figure,

lui apparaît et lui dit : c Je serai tout pour toi et je ferai des

miracles en ta faveur; il a pâli de plus en plus et s'est évanoui. »

Depuis cette époque, M"0 X... est en communication avec l'ange

Raphaël et cause avec.lui, comme 1111° Couesdon cause avec l'ange

Gabriel. Si Mlle X... est seule, la conversation est silencieuse ; mais

si quelqu'un la prie de parler à l'ange, 1111° X... fait ses demandes

à haute voix et nous avons alors les conversations suivantes : Vou-

lez-vous demander à l'ange s'il fera beau temps demain ? ! \IUe X...

interroge l'ange : * Ange Raphaël fera-t-il beau temps demain ? »

Un temps de silence pendant lequel bill° X... écoute, puis elle

répond : « L'ange répond qu'il fera beau. » Ainsi de suite, toutes

les demandes et toutes les réponses se font de même. Comme il

arrive qu'une fois sur deux les faits se produisent comme elle les

annonce, quelques-unes de mes malades et d'autres personnes ne

sont pas éloignées de croire qu'elle dit vrai et qu'elle communique

avec l'ange Raphaël. En lisant les anecdotes racontées dans les

journaux au sujet de AIII° Couesdon, j'ai pensé que mon cas de

folie était similaire à celui de cette voyante et qu'il était intéres-

sant de les comparer.

Séance du 3 août (soir).

deuxième QUESTION.DU programme.

Séméiologie des tremblements.

M. le Dr Lucien LAMACQ. - On dit qu'une partie du corps tremble

quand elle décrit une série d'oscillations rythmiques de part et

d'autre de sa position d'équilibre ; non seulement les membres

peuvent être atteints mais encore les paupières, les yeux, les lèvres,

la langue, la mâchoire, la rotule...

Pour faciliter l'étude des tremblements, on peut les classer de la

façon suivante : 1° tremblements au repos (paralysie agitante) ;

2° tremblements dans les mouvements volontaires (sclérose en pla-

ques) ; 3° contractions anormales au repos (chorées); 4° contrac-

tions anormales dans les mouvements (ataxie).. ,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 227 7

On peut distinguer, en outre, selon l'intensité :

228 SOCIÉTÉS SAVANTES.

dits normaux que chez les nerveux constatés. L'auteur aborde enfin

l'étude des tremblements associés entre eux ou combinés à des

mouvements anormaux.

En résumé, la valeurséméiologique des tremblements est variable

parce qu'il y a de nombreuses formes de transition entre les divers

-types décrits, parce que certaines formes sont encore mal définies

et mal connues. Ils peuvent, dans beaucoup d'affections, n'être

qu'une manifestation épisodique sans grande importance. D'autres

fois, au contraire, ils constituent un symptôme de haute valeur

quand leur présence est constante dans une affection. Il serait utile

aussi de savoir dans quel cas le tremblement est un symptôme pure-

ment fonctionnel, dans quel cas il est la manifestation précise

d'une lésion organique. Il est impossible aujourd'hui de rien dire

à ce sujet de bien scientifique.

Le tremblement à forme vibratoire est extrêmement fréquent chez

des sujets en apparence normaux. Peut-être est-on en droit de

considérer le tremblement émotif, le neurasthénique et celui du

goitre exophtalmique comme une simple accentuation de ce trem-

blement que l'on rencontre chez plus de 40 p. 100 des personnes

en bonne santé.

Le tremblement de la paralysie générale parait vraiment carac-

téristique, au moins sur les tracés graphiques où l'on observe les

« décharges » sur lesquelles a insisté M. Chambard.

Quant à la trépidation épileptoïde, sa valeur séméiologique est

très grande, parce que sou aspect clinique est nettement défini et

que, de plus, elle correspond d'une façon presque absolument con-

stante à la sclérose des cordons latéraux. ,

M. Delmas communique une observation, recueillie dans son ser-

vice hydrothérapique de Saint-André, de tremblement et spasme

rythmé, avec stigmates hystériques tardifs, chez un jeune homme

de dix-neuf ans, paraissant avoir pour origine un traumatisme

remontant à cinq années. Guérison du spasme rythmé au bout de

deux mois et demi par l'hydrothérapie et la médication bromurée.

En voici les conclusions : 1° le tremblement et les spasmes rythmés,

dont nous venons de vous exposer l'histoire, semblent bien appar-

tenir à la catégorie de .ceux ayant pour cause première un trau-

matisme initial, mais avec cette circonstance rare, que le trauma-

tisme était bien antérieur au début du spasme rythmé. Et, par un

concours fortuit, celui-ci a accusé tardivement son caractère hysté-

rique, bien après son propre début; 2° il est donc sage dans tout

état névrosique plus ou moins obscur, dans ses origines et sa nature

propre, de réserver son jugement, et comme le recommandent

Charcot et ses savants successeurs, de songer toujours à l'hystérie,

avant d'asseoir son diagnostic définitivement ; 3° peut-être pour-

rait-on conclure encore de ce fait que, dans ses nombreuses trans-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 229

formations et manifestations locales, l'hystérie met le plus souvent

en jeu tour à tour l'ensemble du système nerveux céphalo-rachidien

et, sympathique, d'où l'indication naturelle pour combattre ces

manifestations plus efficacement, de s'adresser de préférence à des

thérapeutiques généralisant elles-mêmes leurs effets à tout l'orga-

nisme ; 4° dans le cas présent, bien que six mois se soient écoulés

depuis la guérison du spasme rythmé, on ne peut l'affirmer qu'avec

réserve de l'avenir, l'hystérique restant à l'état latent; 5° l'action

sédative et tonique tout à la fois de la médication hydriatique,

obtenue par certaines formules et secondée par les préparations

bromurées a été trop lente et graduelle, pour ne pas la considérer

comme ayant agi méthodiquement, et non pas seulement selon un

mode impressionniste accidentel ou par simple suggestion.

M. CeocQ fils. - Je ne suis pas de l'avis de M. Lamacq sur l'exis-

tence des tremblements à l'état normal ; je crois que les sujets que

l'on considère comme normaux et chez lesquels on a constaté du

tremblement étaient, en réalité, des neurasthéniques ou des alcoo-

liques. Je ferai remarquer, du reste, que M. Lamacq a expérimenté

sur des méridionaux, qui sont pour la plupart entachés de nervo-

sisme ou d'alcoolisme; c'est pour cela sans doute qu'il a rencontré

une proportion égale de trembleurs dans le sexe masculin et dans

le sexe féminin. Cette proportion, j'en suis convaincu, rerait modi-

fiée si l'on expérimentait sur les habitants du Nord. En Belgique,

en particulier, il y a beaucoup plus d'hommes qui tremblent que de

femmes, parce que les femmes sont peu émotives et que les hommes

sont souvent des alcoolisés. Ce qui démontre encore que l'alcoo-

lisme joue un rôle dans la production de ce tremblement, c'est que

celui-ci est beaucoup moins fréquent dans les classes aisées que

dans les classes pauvres où les habitudes d'intempérance sont plus

répandues.

En ce qui concerne les tremblements atypiques ou les associa-

tions des tremblements avec des mouvements ataxiformes et cho-

réiformes signalés par M. Lamacq, je crois que dans le plus grand

nombre des cas ils doivent être attribués à la coexistence de l'hys-

térie avec une affection organique..Chez une malade atteinte de

sclérose en plaques que j'ai observée et qui présentait, en dehors

du tremblement typique de cette affection, des mouvements aryth-

miques, j'ai pu faire disparaître par la suggestion les mouvements

anormaux surajoutés au tremblement de la sclérose en plaques; je

me crois donc autorisé à dire que les premiers relevaient de l'hys-

térie et je ne suis pas éloigné de croire qu'il en est souvent ainsi.

M. PARISOT. - nu tremblement chez les normaux. L'auteur

signale un dispositif spécial pour déceler le tremblement qui existe

chez tous les gens normaux, même à l'état de complet repos. L'ap-

pareil est dû à M. Meyer. ,

230 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. MEYER s'est mis gracieusement à la disposition des membres

du Congrès pour leur montrer son appareil très ingénieux, très

simple. Il a pris un certain nombre de tracés venant à l'appui de

la communication de M. Parisot.

M. Bernheim. Du traitement des tremblements par l'hypnotisme.

= Quels sont, parmi les divers tremblements, ceux qui sont cura-

bies ? Voici le résultat de ce que j'ai observé. Le tremblement hys-

térique, à moins qu'il ne se soit éternisé, est toujours curable

par suggestion : exemple, une fillette avait un tremblement de la

main droite ; elle ne pouvait marcher par suite d'une douleur

plantaire; ces accidents étaient survenus à la suite d'une émotion.

Je l'ai guérie par suggestion et non par hypnotisme.

Il en est de même de la chorée hystérique; ce n'est pas une

vraie chorée; c'est une chorée par imitation, par auto-suggestiun.

La chorée vraie résiste à la suggestion; on peut cependant dimi-

nuer \'amplitude des mouvements choréiques ; on fait disparaître

ce qui est névropathique ; on enlève ce qu'il y a de trop, au bout de

six semaines, après l'évolution de la maladie infectieuse qui sem-

ble être la cause de la chorée de Sydenham. Parfois la chorée s'é-

ternise par mise en branle de l'état nerveux : la suggestion arrête

alors le branle.

Le paramyoclonus multiplex récent est aussi curable de celte

façon ; l'entl'aZnemcnt suggestif à l'état de veille produit la guérison.

Le paramyoclonus mulliplex est en germe dans les secousses d'im-

patience de certaines personnes. A l'état de maladie, s'il n'est pas

ancien, incrusté dans les centres nerveux, il guérit par suggestion.

Dans la sclérose en plaques on peut aussi réussir par l'hypnose

et la suggestion à supprimer le phénomène tremblement inten-

tionnel ; ce symptôme n'est donc pas inhérent à la maladie orga-

nique : il peut être déterminé dynamiquement par les lésions. Dans

2 cas j'ai vu ainsi le tremblement disparaître.

Les tremblements pftst-hémiptégiques cèdent souvent aussi à la

suggestion. J'ai vu un homme atteint d'hémiplégie avec un trem-

blement à type de paralysie agitante. L'action psychique de l'ai-

mant a guéri ce tremblement..

Je ne voudrais pas dire cependant que tous les tremblements

post-hémiplégiques soient accessibles à la suggestion.

Les tremblements alcooliques et saturnins sont accessibles à la

suggestion.

Dans la paralysie agitante, le tremblement résiste absolument à

la suggestion : il est lié aux lésions organiques.

Dans la maladie de Basedow, on ne supprime pas davantage le

tremblement par suggestion.

MM. SABRAzÈs et Cabanes. - Nystagmus vibratoire de nature hys-

térique provoqué dans l'hypnose. - Le nystagmus s'observe parfois

SOCIÉTÉS SAVANTES. 231

spontanément dans l'hystérie. Ce nystagmus vibratoire ne ressemble

nullement aux oscillations inégales et assez lentes se produisant

surtout dans les positions extrêmes du regard qu'on observe dans

la sclérose en plaque. Le strabisme interne qui l'accompagne est

très remarquable parce qu'il persiste dans la vision éloignée, car

s'il est possible normalement de loucher en fixant un objet proche,

le fait est tout à fait extraordinaire quand l'un des yeux regarde

au loin. Ce nystagmus est accessible à la suggestion comme les

autres manifestations de la névrose. On peut le provoquer expéri-

mentalement chez des hystériques, alors que normalement il est

d'une simulation impossible.

M. A. Voisin signale ensuite quatre observations de malades

non hystériques, avec vibrations musculaires involontaires, per-

ceptibles à l'oreille à distance et incoercibles. Dans ces cas le

tremblement s'accompagne de bruits de craquement perceptibles

à distance.

M. GARNIER rappelle les études de M. Lefiliâtre surle tremblement

des alcooliques et signale l'intérêt de l'enregistrement des tracés

pour déceler l'action convulsivante des essences alcooliques (absin-

the, anis, etc.), dont l'ingestion produit des décharges spasmodiques

musculaires, lesquelles se traduisent dans le .tracé sphygmogra-

phique par des oscillations particulières plus vastes, accidentant

le tracé ondulé régulier et monotone de l'alcoolique simple non

absinthique.

M. Vallon. Un de mes élèves a trouvé, chez les paralytiques

généraux, un tracé à peu près identique à celui découvert chez les

absinthiques.

M. Régis. -Ces décharges ataxiformes, existant dans la paralysie

générale ne sont donc pas pathognomoniques des alcooliques absin-

thiques. ,

M. GARNIEit. J'ai voulu dire que le tracé des alcooliques absin-

thiques n'était pas identique à celui des alcooliques ne buvant pas

de l'absinthe.

M. Doutrebente. Je tiens à faire remarquer à M. Garnier que

ce qu'il met sur le compte de l'absinthe doit être mis sur celui de

l'essence d'anis et de l'essence de badiane qui entrent dans la

constitution des absinthes, à l'exclusion de l'absinthe vraie.

M. Parant appelle l'attention sur le tremblement de la langue

de certains mélancoliques, que l'auteur a remarqué être généra-

lement d'origine infectieuse. Quand on observe ce tremblement en

masse lent et comparable à celui d'une petite masse gélatineuse,

chez des mélancoliques on peut pronostiquer un état curable, non

héréditaire, mais plutôt infectieux.

232 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Charpentier, à propos des mélancoliques précités invoque

comme cause d'intoxication secondaire, même chez les mélanco-

liques héréditaires, les auto-infections par désordres gàstro-intes-

tinaux.

M. Régis va plus loin que-M. Parant et estime que le tremble-

ment lent de la langue est pathognomonique de toutes les étiolo-

gies infectieuses des psychoses non seulement mélancoliques mais

maniaques, y compris le délire aigu dont le pronostic est loin

d'être favorable, alors que M. Parant considérait ce signe comme

indice de curabilité.

M. Pitre5, revenant sur l'opinion de M. Bernheim concernant

l'action des aimants purement psychique selon lui, rappelle une

expérience de Schiff à laquelle il a assisté à la Salpê trière et qui

démontre l'action magnétique, indépendamment de l'action psy-

chique indiscutable. Avec une barre de fer doux entourée d'un

solénoïde, Schiff examina les malades de Charcot, lançant le cou-

rant à l'insu des malades et.de tout le monde et aimantant le fer

à volonté il releva l'action magnétique dans les cas d'aimantation

par le courant à l'exclusion de toute intluence sur les malades en

l'absence de courant et partant d'aimantation. Au sujet des malades

signalés par M. A. Voisin et présentant des contractions mus-

culaires bruyantes pouvant aller jusqu'à une sorte de claquement

tendineux, M. Pitres rappelle les sujets analogues offrant ce phé-

nomène susceptible d'être produit volontairement et déjà connus

parmi les médinms spirites, dits médiums frappeurs. Chez eux les

coups frappés soi-disant dans l'obscurité par l'esprit évoqué ne sont

autres que des bruits tendineux voulus ou inconscients, tout à fait

comparables aux bruits musculaires signalés par M. Voisin à pro-

pos des tremblements.

Séance du mardi 4 août (matin). Présidence DE M. Vallon.

TROISIÈME QUESTION DU PROGRAMME.

De l'internement des aliénés.

M. le Dr Paul GAai\IER. Considéré au double point de vue de

la thérapeutique et de la législation, l'internement des aliénés est

l'une de ces questions majeures qui se replacent, à de courts inter-

valles, comme par l'effet d'une nécessité admise par tous, sous le

champ de l'attention et de la discussion. '

Aucune n'est plus propre, en tous les cas, à servir de base aux

débats d'un Congrès de neurologistes et d'aliénistes ; et, si l'on peut

accorder qu'il est des sujets plus neufs, il faut dire aussi qu'il n'en

est point pour faire intervenir de plus graves intérêts et pour sou-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 233

mettre de plus sérieux problèmes à l'esprit du pliilosophe, du

législateur, du moraliste et du médecin.

Dans l'occurrence présente, il convient, pourtant, de lui recon-

naître un défaut : elle est infiniment trop vaste; autour d'elle gra-

vitent tant de sous-questions, qu'un volume ne suffirait pas à en

donner l'exposé complet. L'auteur a su tourner la difficulté d'une

aussi lourde tâche, en touchant successivement les principaux

points sur lesquels il importait d'orienter des discussions qui ne

sauraient manquer d'être utiles et fécondes.

Après un rapide historique de la question, il traite, en clinicien,

l'opportunité de l'internement en ce qui concerne chaque catégorie

particulière de malades ; c'est ainsi qu'il étudie successivement à

ce point de vue, le maniaque, le mélancolique, le paralytique, le

persécuté, les dégénérés et congénitaux, les convulsifs (épilepsie,

hystérie), alcoolisés et déments au sujet de ces derniers, il

signale l'amélioration entreprise par la série de colonies familiales

d'hospitalisation. On peut ramener à 17 points la conclusion du

rapport de M. Garnier.

I. Dans l'état actuel de nos connaissances en psychiatrie, l'iso-

lement reste comme la meilleure et la plus essentielle des mesures

à appliquer dans la plupart des cas au traitement de la folie. Son

efficacité est d'autant plus grande qu'il est effectué à une date

plus proche du debut de l'affection.

Il. - La qualification de dangereux appliquée à tel ou tel aliéné

ne suffit pas comme critérium d'internement, car on doit hospita-

liser également les malades avant qu'ils n'aient troublé l'ordre ou

menacé la vie de leurs semblables.

III. Les progrès réalisés en pathologie mentale et dans l'hos-

pitalisation spéciale tendent à la suppression des marques de con-

traste physique.

IV. - Les nécessités du traitement moral et pharmaceutique

exigeraient que les malades confiés à chaque chef de service fus-

sent beaucoup moins nombreux afin de pouvoir être suivis et étu-

diés de plus près.

V. Le traitement moral ne semble pas pouvoir prendre pour

base le système de l'intimidation par la menace ou l'application

d'une punition. Il emprunte sa principale valeur à l'autorité de

la parole du médecin et aux manifestations d'une bienveillance

affectueuse et inlassable que beaucoup d'aliénés savent encore

apprécier.

VI. Si l'asile moderne doit se faire riant, perdre de plus en

,plus le sombre aspect des établissements d'autrefois, s'annexer des

exploitations agricoles et donner,' dans la mesure du possible, à

l'aliéné l'image de la vie sociale, à laquelle son délire a contraint

234 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de l'arracher, l'expérience n'est pas suffisamment faite relative-

ment à l'utilité des visites à volonté sans aucune réserve quant à la

période et aux phases de la maladie et sans fixation aucune de

jour et d'heure, comme le voudrait une nouvelle méthode.

Vil. Les sorties provisoires ou à titre d'essai dont on ne peut

méconnaître les inconvénients au point de vue administratif et

relativement aux manifestations de la capacité civile, présentent

pourtant des avantages prédominants en permettant d'opérer une

transition utile et d'octroyer la liberté en quelque sorte à titre

conditionnel.

VIII. Les plus grandes réserves sont commandées quand il

s'agit d'autoriser la sortie de certains malades que la logique

même de leur délire rend éminemment dangereux, les délirants

persécutés, par exemple, dont les efforts de dissimulation peuvent

parvenir à tromper le médecin et l'amener à croire à la disparition

de conceptions morbides, alors que celles-ci se cachent seule-

ment.

IX. - La diminution constatée, ces dernières années, dans la

proportion des guérisons est plus apparente que réelle et semble

due à l'encombrement de nos asiles par des chroniques dont l'in-

curabilité est, le plus souvent, causée par le retard apporté à l'in-

ternement.

X. La division de nos établissements spéciaux en asiles de

traitement et en asiles d'incurables présente plus d'inconvénients

que d'avantages et ne répond pas au progrès moderne. Mais il

importe de désencombrer les asiles des affaiblis et des séniles qui

n'y sont pas à leur place et pour lesquels l'assistance doit créer

des hospices que rien n'oblige à placer sous le régime de la loi sur

les aliénés.

Xi. - L'aliéné convalesçent ou guéri ne doit pas être abandonné

à ses propres ressources, à sa sortie de l'asile. Le surveiller affec-

tueusement, le protéger, le secourir est l'oeuvre qui se recommande

le plus à nos institutions de bienfaisance, soit publiques, soit pri-

vées, et il y a lieu de donner un développement beaucoup plus

grand à nos sociétés de patronage.

XII. La loi du 30 juin 1838, « pure dans l'intention qui l'a

inspirée, bonne dans son principe, sage dans ses dispositions », a

été un progrès considérable. Les exemples de séquestrations arbi-

traires attribuées à ses prétendues défectuosités ne résistent pas à

l'examen.

XIII. Rien n'établit que l'autorité administrative et la science

médicale auxquelles cette loi attribue un rôle prépondérant et d'ail-

leurs.logique,-dans l'internement des aliénés,' aient été inférieures

SOCIÉTÉS SAVANTES.' 235

à leur mission contrôlée au surplus par l'intervention obligatoire

de l'autorité judiciaire.

XIV. - Si des faits du genre de ceux que les adversaires de

la loi du 30 juin 1838 ont cités', mais sans les appuyer des

moindres preuves, pouvaient se produire, ils seraient imputables,

non à la loi elle-même, mais à l'oubli de ses dispositions fonda-

mentales.

XV. - Le principe essentiel de la loi votée par le Sénat (inter-

vention judiciaire) se heurte à d'insurmontables difficultés et

n'augmente pas les garanties réelles contre la violation de la liberté

individuelle.

XVI. La loi du 30 juin 1838, suffisante à ce point de vue, l'est

moins à celui des précautions relatives à la sortie d'aliénés dange-

reux suspects de rechute. Elle estheureusement complétée par les

articles 36, 37, 38, 39 et 40 du projet.

XVII. Il y aurait lieu d'étendre aux délirants alcooliques réci-

divistes les précautions précitées.

M. Charpentier pense que les malades à ne pas interner dans les

asiles ordinaires mais relevant d'asiles spéciaux sont : certains cas

de tentatives de suicide, certains déments séniles ou précoces, les

épileptiques sains d'esprit et les épileptiques lucides et délinquants;

les hystériques de la même catégorie, les idiots qui ne sont que

des infirmes comme les sourds-muets et aveugles, beaucoup d'im-

béciles non délinquants ni dangereux et les arriérés qui réclament

des maisons d'éducation spéciales ; un grand nombre de délin-

quants irresponsables se rencontrant dans les folies du caractère :

folie morale, manie raisonnante, aliénés persécuteurs ou halluci-

nés, enfin alcooliques délirants récidivistes qu'il faut transformer

en individus judiciaires. Ces individus ont besoin les uns de mai-

son d'assistance, les autres de maison de surveillance, d'autres de

maison de contention : les services à domicile, les placements

familiaux, les colonies agricoles, des hospices spéciaux, des refuges,

asiles de travail et sociétés de patronage doivent être étudiés et

développés dans ce but. Le rôle de la punition, suivant l'auteur,

n'est pas à rejeter, car il est salutaire comme moyen de discipliner

ces malades ; c'est par suite de la confusion actuelle de ces malades

avec les malades ordinaires dans les asiles, qu'il est permis de

défendre l'application des mesures coercitives disciplinaires qui

sont indispensables dans l'asile de sûreté dont la loi prochaine

peut nous doter.

M. TATY (de Lyon) défend la cause, condamnée par M. Paul Gar-

nier, de la division des asiles en asiles de traitement et asiles d'in-

curables ; il pense qu'en modifiant ces termes décourageants, on

peut soutenir en théorie le principe d'une division des établisse-

236 SOCIÉTÉS SAVANTES. ,

ments d'assistance aux aliénés en hôpitaux de maladies aiguës et

asiles de maladies chroniques.

Il ne se dissimule pas les difficultés pratiques d'une pareille

séparation. Les problèmes qui se posent sont de deux ordres : l'un

est un problème économique, pénible à résoudre, comme toutes

les questions d'argent, mais dont on peut aider la solution par cette

considération développée par M. le professeur Pierret, au Congrès

de Lyon et à la Société d'Economie politique; l'autre est un pro-

blème législatif. L'hôpital de maladies aiguës ne peut rendre de

services qu'à la condition d'être largement ouvert, non plus dans

le sens de l'asile aux portes ouvertes de M. Marandon de Montyel,

mais dans celui qui est indiqué dans les projets législatifs nouveaux,

hôpital ouvert aux malades eux-mêmes qui pourraient y demander

personnellement leur admission, ouvert aux familles et aux auto-

rités qui pourraient y placer leurs malades sans les lenteurs

actuelles si nuisibles, ouvert, enfin dans les limites convenables

aux étudiants en médecine, qui pourraient y venir puiser cet ensei-

gnement clinique spécial, plus étendu, qu'on réclame de tous

côtés, et dont M. le président de la Cour de Bordeaux deman-

dait l'année dernière d'étendre le bénéfice même aux étudiants en

droit. -

M. DOUTREBENTE. Rapport entre la guérison de la folie et la

durée de la maladie avant l'admission. - Les malades soumis aux

soins des médecins d'asile le sont trop souvent longtemps après le

début du mal. M. Doutrebente n'en veut pour preuve que le résul-

tat de ses recherches statistiques. La moyenne de la maladie avant

l'admission pour les malades entrés à l'asile de Blois pendant l'es-

pace de seize ans a été trouvée de onze mois et six jours. Dans ces

conditions, on aurait mauvaise grâce à reprocher aux aliénistes

leur impuissance relative, après les avoir placés dans la quasi-

impossibilité d'obtenir des guérisons par le retard mis à l'inter-

nement.

Alors, on n'a pas le droit de dire que l'assistance des aliénés et

leur traitement après onze mois de maladie est unleurre, un trompe

l'oeil, une mesure sociale inefficace parce qu'elle conduit trop sou-

vent à l'incurabilité, à l'augmentation du stock des assistés et à

l'encombrement des asiles.

M. Giraud ne croit pas qu'il y ait intérêt à demander deux cer-

tificats médicaux pour l'admission d'un malade faisant l'objet d'un

placement volontaire. Ce danger d'un certificat unique est une

erreur de diagnostic; ce qu'il faut examiner c'est la compétence

du médecin certificateur, et on peut exiger des études spéciales,

comme on tend à le demander pour les expertises. M. Garnier a

exposé la nécessité d'établissements pour aliénés délinquants. Il

faut distinguer, car,à côté des aliénés vraiment dangereux se trou-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 237

vent des malades victimes d'une erreur judiciaire sur lesquelles

M. Garnier a appelé l'attention du Congrès d'Anthropologie crimi-

nelle de Bruxelles et pour lesquels il n'est pas besoin de mesures

spéciales. M. Giraud termine en disant qu'il a été heureux de lire

le chapitre du rapport concluant à la nécessité d'un patronage des

aliénés convalescents ; il est non moins heureux d'annoncer au

Congrès qne l'essai de patronage tenté en Seine-Inférieure depuis

1889 est en pleine réussite.

M. LAPOINTE. Dans le traitement des aliénés la thérapeutique

ordinaire est peu de chose. Ce qui est de la plus haute importance

c'est le traitement moralisateur dont l'élément le plus important

est le travail surtout au grand air.

M. Marie. Au risque de tomber dans des redites, après la note

de M. Taty, je pense qu'on ne saurait trop insister sur cette ques-

tion vitale de la distinction entre aliénés aigus et chroniques. Elle

seule donnera la solution de la situation actuelle intolérable des

médecins d'asiles écrasés par des contingents de 500 à 600 malades,

dont les trois quarts échappent à toute action thérapeutique spé-

ciale par leur état de chronicité qui les voue à une incurabilité

fatale, et par l'impossibilité où est le médecin de les connaître.

Noyés parmi ces chroniques, les aigus curables eux-mêmes en

souffrent. Il faut donc éliminer les chroniques, je ne dis pas incu-

rables ; pour ce faire, la colonisation agricole est insuffisante.

Aucun moyen d'assistance ne saurait être repoussé et la colonie

familiale répond à des catégories de malades très distinctes de

celles que l'on pourrait éliminer par la colonisation agricole. Quant

à l'exclusion de ces chroniques éliminés de la loi d'assistance et

du budget des aliénés, ce serait une mesure étroite et funeste. La

loi de 1838 est une loi de protection à l'action tutélaire de laquelle

nos malades ont droit ; d'ailleurs, les éléments sont de catégories

très diverses et le passage à l'asile est un principe emprunté à

l'Ecosse qu'on doit énergiquement maintenir. L'aliéniste seul doit

juger de ces questions de diagnostic de psychoses tardives, de

démence simple ou de combinaison des deux.

A l'appui de la distinction nécessaire des maladies en aiguës et

chroniques avec établissements d'assistance différents, on peut

citer les statistiques sans réplique de Letcheworth (Congrès de'

Denver, 1892), le pourcentage des guérisons d'un asile où aigus et

chroniques sont mêlés, est moindre que la moyenne combinée

d'un asile d'aigus et d'une colonie de chroniques bien organisée.

L'action déprimante de l'asile pour certains chroniques qui n'ont

plus à y recevoir de traitement sérieux est démontré par l'asylum

dementia décrit par les auteurs anglais et le réveil des malades

replacés en un milieu familial normal après évacuation de l'asile.

Enfin les préventions contre le placement familial doivent tomber

238 SOCIÉTÉS SAVANTES.

après l'expérience faite en France depuis quatre ans sur 500 ma-

lades, l'expérience de l'Ecosse depuis 1803 (2,000 malades) et les

essais analogues de Liernieux, Ekaterniolon, etc.

En Angleterre, le principe est si bien adopté, qu'on l'applique

même à la sortie conditionnelle des aliénés criminels et dange-

reux. ,

M. Paris. A propos d'observations de malades violées et

enceintes guéries d'un accès d'aliénation consécutif avant l'accou-

chement, estime qu'il y aurait quelque chose à faire pour mettre

le médecin en situation de respecter à la fois et la loi et les pres-

criptions humanitaires ou sociales de sa conscience. Peut-être y

aurait-il lieu de formuler le voeu que la loi qui régit les aliénés

soit complétée par un article à peu près ainsi conçu :

Toute personne guérie d'un accès d'aliénation mentale qui

demande à prolonger momentanément son séjour dans un asile jus-

qu'à sa guérison d'une maladie physique transmissible ou en

raison d'un état passager qu'elle aurait intérêt à cacher ou pour

lequel le secret médical peut être engagé, peut, après avis motivé

d'un médecin soumis d'une façon strictement confidentielle au

Préfet et au Procureur de la République, être retenue dans l'éta-

blissement.

M. le Dur RouBY lit un mémoire sur ]ïnlc1'llcment des aliénes en

Angleterre. Il expose, en premier lieu, qu'il existe en Angleterre

des pensionnaires libres, c'est-à-dire des aliénés qui ont été admis

sans apporter avec eux ni certificat de médecin, ni demande d'un

parent, ni pièce officielle quelconque ; ils y sont entrés par l'effet

seul de leur volonté ; un homme, ancien aliéné se promenant

dans Londres, se sentit tout à coup envahir par une impulsion

homicide ; il héla le cocher d'une voiture et se fit conduire dans

l'asile où il fut reçu sans certificats. Dans l'hôpital de Bethléem qui

renferme 260 malades environ, la proportion des pensionnaires

libres est considérable ; cinquante-quatre pensionnaires en 1894

étaient entrés librement. Cette disposition des pensionnaires,

libres a donc fait ses preuves. En France, tout le monde est d'ac

cord pour l'admettre ; les divers rapporteurs des nouveaux projets

de loi l'ont acceptée et inscrite comme article de loi. Sans

attendre de vote de la nouvelle loi on pourrait demander aux

pouvoirs publics de voter un article de loi, à ce sujet. Dans une

seconde partie relative à la substitution de l'autorité judiciaire à

l'autorité administrative pour l'internement, le D'' Rouby raconte

que les médecins anglais trouvent des inconvénients sérieux à

l'application de cette loi ; le Dr Smith Perey a publié une brochure

contenant un grand nombre de faits relatifs à l'entrée des malades

pour montrer tous les ennuis apportés aux parents, aux médecins

et aux malades eux-mêmes, par l'application de la loi nouvelle;

SOCIÉTÉS SAVANTES. 239

il ajoute que l'expérience a démontré en Angleterre, qu'il y avait

parmi les magistrats, beaucoup de négligence et une grande inca-

pacité, et que si les années suivantes l'insuffisance et la pénurie

volontaire des juges restaient les mêmes, il serait difficile de ne

pas tourner la loi, sans manquer à tout sentiment humain. - Au

sujet de la vie des aliénés dans les asiles et des agréments dont on

peut les entourer, le Dr Rouby croit que, sauf quelques rares excep-

tions concernant des maniaques aigus, on peut entourer les ma-

lades de tout le confortable et de tout le luxe dont ils jouissent t

dans leur famille ; de plus, qu'on peut permettre aux familles de

vivre avec leurs malades des journées entières, de les faire sortir

au dehors de la maison de santé, mais qu'il ne faut pas permettre

aux alcooliques et à certains hallucinés qui réclament résolument

leur sortie, de voir trop souvent leurs parents, le départ des parents

amenant des scènes d'exaspération et de violence et l'exacerbation n

des symptômes de folie. Au lieu d'admettre, comme M. Marandon

de Montyel, les visites à volonté pour tous, il ne faut admettre la

chose que pour certains malades, le plus grand nombre, et en

exclure les autres. Enfin, au sujet du traitement des alcooliques

aliénés, le Dr Rouby dit que pour obtenir la cure radicale, ce n'est

pas seulement trois ou même six mois d'internement qui sont

nécessaires, mais au moins une ou même deux années, mais que

dans l'état actuel des choses ce traitement est impossible et qu'on

ne peut faire un abstinent d'un dipsomane, tant que les magistrats

pourront accorder la sortie à ces pauvres malheureux lorsqu'ils

demanderont à sortir par la voie du tribunal ; que par conséquent,

l'hôpital des ivrognes.de Ville-Evrard sera inutile tant qu'une nou-

velle loi ne permettra pas d'interner les dipsomanes le temps né-

cessaire.

, Séance du mardi 4 août (soir). -

M. BOURNEVILLE. - La question que nous discutons est l'une des

plus importantes de l'assistance et du traitement «des malades alié-

nés. L'internement ou mieux le placement des aliénés dans les asiles

s'impose dansla grande majorité des cas. Pourles malades pauvres

ou peu aisées, il est presque toujours indispensable.

Cet internement doit se faire aussi près que possible du début

de la folie, car, pour elle, comme pour toutes les autres maladies,

les chances de guérison sont, on ne saurait trop le répéter, d'au-

tant plus grandes que l'intervention médicale est plus rapide. Pour

nous, médecins, c'est une vérité banale. Mais il n'en est pas de

même pour les. Conseils généraux et pour les Administrations

départementales. ,

Il faut que les Conseils généraux et les..préfets sachent que ce

placement précoce réalise une économie pour les finances de

l'Assistance publique, en permettant de guérir un plus grand

40 SOCIÉTÉS SAVANTES.

nombre de malades ; que, plus le placement est retardé, moins il

il y a de chances de guérison ; que le malade, dont le placement

n'est accordé que tardivement, devient souvent incurable et reste

alors pendant de longues années à la charge du département.

M. Pierret, dans le temps, et plusieurs des orateurs qui m'ont pré-

cédé, en ont bien exposé les raisons. Nous n'avons pas à revenir

sur les motifs qui militent en faveur de l'isolement, qui justifient

cette grave mesure si douloureuse pour les familles. Nous voterons

donc les deux premières conclusions du rapport.

La loi distingue deux sortes de placements : les placements d'office

et les placements volontaires.

Les placements d'office entraînent des formalités souvent longues,

sauf dans les cas de péril public, évident pour tous et nombre de

préfets ont trop de tendance à attendre la production d'un fait grave.

Les placements volontaires peuvent, au contraire, être effectués,

d'urgence. Malheureusement les maires, les conseils généraux, les

préfets n'en veulent guère entendre parler. A Paris, les place-

ments volontaires deviennent de plus en plus nombreux, bien

qu'ils ne le soient pas autant qu'ils le devraient, parce que les

familles ne sont pas renseignées, parce que beaucoup de médecins

ignorent qu'ils peuvent envoyer directement les malades aux asiles

comme à l'hôpital, les prescriptions légales accomplies.

M. Garnier a fait au sujet des certificats des médecins, indispen-

sables pour le placement, des remarques judicieuses. J'ai fait copier

un certain nombre d'entre eux, que je me propose de publier et

de commenter, en les comparant à ce qu'ils devraient être, s'ils

étaient conformes aux prescriptions de la loi.

Si vous voulez rapprocher l'asile de l'hôpital, si vous voulez rap-

procher les aliénés des malades ordinaires, il faut rendre. les pla-

cements faciles, prompts, comme pour l'hôpital. Alors moins de

résistance des familles, moins de résislance des malades, puisque

l'idée de Maison de santé aura remplacé l'idée de prison, l'idée de

Bastille moderne.

Par conséquent, il faut écarter l'intervention de la magistrature,

la formalité du jugement qu'on avait voulu faire intervenir. J'ac-

cepte les conclusions XIII et XV de M. P. Garnier qui répondent à

cette partie de ma discussion.

L'intervention de la magistrature, après le placement, par suite

des nombreuses garanties exigées par la loi du 30 juin 1838 : visite

du préfet ou de son délégué, ou du délégué du ministre de l'Inté-

rieur ; visite du maire de la commune, du juge de paix du canton,

du procureur de la République. Malheureusement, ces sages pres-

criptions de la loi ne sont pas remplies. Ainsi, dans notre service,

nous n'avons jamais vu que la Commission de surveillance et la

Commission d'assistance du Conseil général, accompagnées des

représentants du préfet.' Maire, juge de paix, procureur, sont

SOCIÉTÉS SAVANTES. 241

demeurés invisibles. Dès lors que les difficultés de l'admission sont

levées, que le malade est en mesure d'être soigné, j'attache moins

d'importance aux formalités ultérieures. Il m'importe peu que la

magistrature intervienne. Dans la pratique, si son intervention

e-L facile et peu coûteuse dans certains départements, il n'en serait

plus de même à Paris, Lyon, Marseille, etc., où il y a des place-

ments quotidiens nombreux ; d'où des difficultés et des dépenses,

et ces dépenses seraient mieux appliquées à l'amélioration du sort

des malades qu'à payer de nouveaux magistrats.

Sur ce point, M. Garnier a bien fait de rappeler ce que disait à

la Chambre des députés,le 6 janvier 1837, M. de Gasparin, ministre

de l'Intérieur : « Les mesures de précaution relatives à l'isolement

des aliénés demandent ordinairement une extrême célérité, une

prudence, une discrétion qui se concilient difficilement avec la len-

leur et la solennité des formes judiciaires et qui sont faciles et na-

turelles aux opérations administratives. »

Le placement est décidé. Il convient que le malade soit envoyé

directement à l'asile. 11 en est ainsi dans un certain nombre de dé-

parlements. Dans d'autres, il n'en est pas de même, et nous avons

le regret de dire que le département de Aleurtlie-et-lloselle fait

partie de ce dernier groupe. Les aliénés de ce département sont

conduits à la Maison départementale de secours. Ils sont placés,

les aliénés aux vénériens, les aliénées aux vénériennes. C'est un

reste de l'ancien état barbare, où aliénés, vénériens et filles-mères

étaient considérés comme des criminels, des gens en dehors de

l'humanité, ne méritant ni soins, ni pitié.

Ce mélange des aliénés avec les vénériens a de multiples incon-

vénients. Parmi ces derniers, il en est qui s'amusent des fous :

c'est pour eux un sujet de distraction. On nous a raconté que cer-

tains s'amusaient à doucher les aliénés au visage avec l'irrigateur.

C'est une réminiscence des douches de punition, qui ont été de mode

trop longtemps, mais qui, nous osons l'espérer, n'existent plus

dans aucun de nos asiles et auxquelles certainement n'a recours

aucun des membres du Congrès.

Lorsque, dans cette Maison déparlementale de Nancy, les aliénés

sont agités, parlent, crient, comme ils sont dans le même dortoir

que les vénériens qu'ils gênent, dont ils troublent le repos, on peut

se demander ce qui arrive.

Et ce séjour se prolonge, nous a-t-on assuré, trois, quatre, quinze

jours et même davantage. Nous ne saurions donc trop insister pour

que l'administration supérieure veille à l'exécution de sescirculaires,

qui prescrivent l'envoi direct à l'asile.

Quant aux aliénés arrêtés sur la voie publique, soit qu'on les

considère comme vagabonds, comme errants ou qu'on les sup-

pose ivrognes, la situation qui leur est faite dans la plupart des

villes et entre autres à Nancy, est'vraiment déplorable. On les

Archives, `3 série, t. II. 16

242 SOCIÉTÉS SAVANTES.

conduit au violon. Ce dépôt comme la plupart des violons, est fait

pour aggraver la folie et pour propager les maladies contagieuses.

Aussi devrait-on réclamer au point de vue de l'humanité et de

l'hygiène publique une organisation de ces dépôts dans les condi-

tions qu'exige l'hygiène. -

Nous sommes d'accord pour réclamer le placement à l'Asile.

Alors, un devoir s'impose : cet internement doit être bénéficiable

au malade. Nos asiles doivent être le moyen de traitement par

excellence. Pour cela le nombre des malades de ces établisse-

ments, celui de chaque service doivent être limités. Dans beau-

coup d'asiles, le nombre des médecins, par rapport à la population

des malades est beaucoup trop limité, ce qui rend tout traitement

sérieux très difficile. 11 en est ainsi dans plusieurs asiles de la Seine,

par exemple à Villejuif, où il n'y a que deux médecins en chef et

deux médecins adjoints pour 1,500 malades et quelquefois davan-

tage. Il en est ainsi à Marévitte, où pour 1,700 aliénés il n'y a que

deux médecins en chef. L'organisation des asiles doit être essen-

tiellement médicale, comme cela existe dans beaucoup de pays

étrangers, Angleterre, Etats-Unis, Allemagne, etc.

Pour jUotifier l'internement, il ne faut pas créer de grandes ren-

fermeriez comme Maréville, comme Villejuif. Il ne faut pas d'en-

combrement qui jette le désordre, rend inutiles tous les traitements,

diminue dans des proportions considérables le nombre des guéri-

sons : c'est ce qui a lieu dans la Seine.

' Nous avons visité le violon de Nancy le 3 août avec notre ami le

professeur Spillmann. Il se compose de six cellules analogues mesurant

environ 2 mètres de long, 1m,60 de large, 2 mètres de haut. J'rou à la

turque; lit de camp en planches collé contre le mur, rebord formant

cadre pour empêcher les « arrêtés » de tomber, élevé de 50 centimètres s

au-dessus du sol bitumé. " Autrefois, nous dit le brigadier qui nous

accompagne, le lit était plus haut, en tombant les ivrognes se blessaient. »

On ne donne pas de paille : quelquefois mais « rarement on délivre de

vieilles couvertures dont on ne se serl plus ». Quand il n'y a pas assez

de places, on met deux individus dans la même cellule ! Deux cellules

sont au ? 'M-e-c/t6f ! Mëe. Elles ont une petite ouverture avec barreaux el

grillage au-dessus de la porte. Quatre cellules sont dans la cave; on

y descend par un escalier de vingt marches, éclairé au tournant par un

bec de gaz. Trois des cellules n'ont aucun éclairage ; la quatrième a un

très étroit soupirail donnant sur le dehors et fournissant un mince filet

de lumière. Le trou à la turque est remplacé par une tinette. Il s'agit là,

comme on le voit, de véritables cachots. Une installation aussi abomi-

nable est une honte pour une ville comme Nancy. Quelque peu dignes

de pitié que peuvent paraître les mendiants, les ivrognes, ce sont des

êtres humains ; mais on place là des malades, arrêtés dans le tas, des

prévenus que la société traite comme elle ne traite pas les criminels.

Nous n'insisterons ni sur la promiscuité (deux par cellules), ni sur la

transmission des maladies infectieuses. Nous y reviendrons. B.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 243

L'encombrement entraîne à sa suite les mauvais traitements,

l'emploi de la camisole, des entraves, des liens de toute sorte,

ce qui habitue les gardiens et les gardiennes à la dureté envers

les malades. Alors le véritable isolement, l'isolement médical, n'est

pas réalisé. L'internement n'est plus une mesure d'assistance :

c'est une mesure de police, une mesure de répression. Les aliénés,

dans ces conditions, sont moins bien traités que les criminels. Et,

contre ces pratiques, nous, les défenseurs-nés des malades, nous

ne saurions trop protester. Ces considérations visent les conclu-

sions IV, V, VIII et IX du rapport de M. Garnier, auxquelles nous

nous associons.

Dans son compendieux rapport, 31. Garnier s'écartant quelque

peu de la question principale, s'occupe des asiles pour les aliénés

criminels, des asiles pour les incurables, des asiles d'alcooliques,

des sociétés de patronage et des séquestrations arbitraires.

En ce qui concerne les asiles pour les aliénés dits criminels, il y

a une confusion dans l'esprit de beaucoup de personnes. Il convient

de distinguer : 1° Les criminels devenus aliénés; 2° les aliénés dits

criminels.

Pour les criminels devenus aliéné*, il faut des quartiers spéciaux.

Il en existe pour les hommes à Gaillon; il n'y en a pas, croyons-

nous, pour les femme-. Il faudrait en créer un, multiplier même

ces quartiers, si cela est nécessaire Nous sommes tous d'accord

sur leur utilité.

En ce qui concerne les aliénés dits criminels, c'est-à-diru qui

n'ont jamais eu de condamnation, mais ont commis un acte

réputé criminel sous l'influence de leur délire, ce sont des ma-

lades; il faut les placer dans les asiles, en prenant les précautions

que nécessite la forme particulière de leur délire. C'est là une ques-

tion spéciale difficile à traiter incidemment, et qu'il conviendrait

de mettre de nouveau à l'ordre du jour de l'un des futurs Congrès.

Je laisserai aussi de côté la question des asiles d'incurables. Elle aussi

pourrait faire l'objet d'un rapport et d'une discussion générale.

Quant aux asiles d'alcooliques, il en a été longuement parlé au

Congrès de Clermont-Ferrand. Cette question a été posée peut-

être prématurément. Il est indispensable, en effet, d'obtenir au

préalable une loi qui permette l'internement des ivrognes de pro-

fession et le prolongement de l'internement pour les alcooliques

délirants, dont les troubles intellectuels ont disparu.

On s'est agité beaucoup autour de cette question, et on a perdu

de vue une réforme, à notre avis, plus urgente : la création d'asiles

pour l'ensemble des aliénés, dont les aliénés alcooliques. Les

aliénés devraient passer avant les ivrognes, avant les criminels.

Il nous parait inutile de revenir sur les Sociétés de patronage

qui ont été l'objet d'une discussion intéressante, sur le rapport de

notre collègue, M. Giraud, dans l'un des précédents congrès. Je

244 SOCIÉTÉS SAVANTES.

me contenterai de rappeler que c'est à Maréville qu'a été fondée,

en 1848, grâce aux ellorls de More), la troisième Société de patro-

nage qui continue de fonctionner*. ,

Quant aux séquestrations illégales, nous nous bornons à faire

remarquer qu'elles sont impossibles dans les asiles publics. C'est

ailleurs qu'il faut en chercher des exemples, entre autres danser-

tains couvents. Tout le monde se rappelle l'histoire récente d'un

commissaire de police, qui se débarrassa de sa femme en l'inter-

nant dans un couvent de Caen.

En résumé : 1° Nécessité du placement immédiat des aliénés dans

les asiles ; - 2° envoi direct des malades à l'asile ; : 3° organisa-

tion des asiles de manière à justifier l'internement, c'est-à-dire en

vue du traitement, partant désencombrement; 4° limitation du

nombre des malades pour chaque médecin ; - 50 personnel secon-

daire instruit professionnellement; sociétés de patronage pour

aider le malade guéri ou amélioré, pour éviter des rechutes et par-

tant des dépenses nouvelles.

Nous, médecins, je le redis, nous sommes, je crois, unanimes

sur tous ces points. Il faut profiter de l'occasion que nous four-

nissent les congrès pour propager ces idées, faire pénétrer nos

convictions sur la nécessité de ces réfot mes qui n'ont pour but que

le bien des malades et qui sont au bénéfice des finances départe-

mentales, dans l'esprit des membres des commissions de surveil-

lance, des membres des conseils généraux et des préfets.

M. DELMAS, après avoir fait l'éloge mérité du remarquable rap-

port de M. Garnier, s'appesantit sur les points suivants : Pour lui,

non seulement tous les mélancoliques ne doivent pas être internés,

ainsi que le reconnaît le rapporteur, mais il en est de même de

certains états aigus dans lesquels une guérison rapide permet au

malade d'échapper à la déchéance morale qu'implique toujours le

séjour dans un asile. Il cite à l'appui deux exemples : une manie

alcoolique aiguë guérie au bout de huit jours et un cas d'hystérie

grave avec tentatives réitérées de suicide guérie en six semaines.

Bien d'autres exemples pourraient être cités par lui. De même les

'mélancoliques simples se trouvent mieux au milieu de simples

nerveux non obsédés eux-mêmes que parmi leurs pareils, car ces

derniers, tous égoïstes mentaux, se complaisant dans leurs idées

' Nous profitons de l'occasion pour signaler nos rapports sur les Sociétés

de patronage et les discussions auxquelles ils ont donné lieu : 1° Créa-

tion de Sociétés de patronage pour les aliénés sortant des asiles, fait au

Conseil supérieur de l'assistance publique. Fascicule n° 35 où se trouve

Va discussion ; 2° Rapport sur le projet de statuts d'une Société de patro-

nage pour les aliénés sortis guéris des asiles de la Seine. (Procès-verbaux

de la Commission de surveillance des asiles de la Seine, J89J.) Voir aussi

les. procès-verbaux relatifs à la discussion et Arcli. de Neurologie, passim.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 245

malades, ne se prêtent aucun secours mutuel. D'où la conclusion à

ses yeux, qu'il y a lieu de créer des annexes où les malades seraient

mis en observation et traitement temporaire avant de conclure

à l'internement légal. Le second point développé par M. Delmas

est le suivant : Invoquant les progrès remarquables dus à la spé-

cialisation dans la chirurgie générale (Médecine et Chirurgie), il

estime qu'il en sera de même en médecine'mentale le jour où l'on

affectera des asiles ou des services spéciaux et distincts aux états

aigus et chroniques et qu'on séparera ces services distincts de ceux

des idiots-épileptiques dégénérés et de ceux des chroniques céré-

braux simples. Il cite à l'appui l'exemple brillant de l'Ecole de la

Salpêtrière et les beaux résultats obtenus à Bicêtre par M. Bourne-

ville chez les idiots, les épileptiques et les simples dégénérés.

Enfin il applaudit au projet de créer des asiles spéciaux pour les

aliénés criminels n'ayant aucune désignation infamante et permet-

tant par l'ampleur de leur organisation de garder ces aliénés incu-

rables mêmes jusqu'à leur mort malgré leur apparence de guérison.

M. ARNAUD de (Vanves). La discussion qui vient de s'engager

aujourd'hui sur la question des aliénés dits criminels dure depuis

un bon demi-siècle, puisqu'elle a pris naissance sur des débats

préparatoires de la loi de 1838. Elle a été bien souvent reprise

depuis, et, j'ai été frappé du manque de précision de ces discus-

sions successives. M. Bourneville a distingué tout à l'heure les cri-

minels devenus aliénés, des aliénés qui deviennent criminels, ou

mieux qui commettent des actes réputés crimes ou délits. Il faut

encore distinguer, dans cette dernière catégorie, les aliénés incon-

testés (mélancoliques, persécutés, hallucinés, paralytiques géné-

raux), et les irréguliers, les pervers, les vicieux, ceux qui ont un

pied dans le crime et un pied dans la folie, ces sujets dont les

magistrats, pas plus que M. Garnier et M. Charpentier, ne savent

que faire. Il ne me parait pas possible de confondre dans un

même asile de sûreté, dans un même asile-prison, des sujets aussi

différents. La distinction que je réclame cxiste d'ailleurs pratique-

ment eu Angleterre et en Ecosse, dont l'exemple est si souvent

invoqué.

M. Gr,. SEncsKt.A propos de l'excellent rapport de M. Garnier,

je voudrais lui demander si, la méthode du traitement des aliénés

par le séjour au lit est appliquée par les aliénistes français. En

Russie on a fait des essais de ce genre dans 4 ou 5 asiles et on n'a

eu qu'à se louer des résultats obtenus. Dans ces asiles tous les ma-

lades entrants et surtout atteints d'une affection aiguë, les excités,

les mélancoliques avec idées de suicide et refus d'aliments, sont

mis au lit sous la surveillance d'un garde pendant un à six jours et

plus, si c'est nécessaire. La condition essentielle de ce traitement

est de placer les malades non pas dans des .chambres isolées, mais

dans des dortoirs : une cinquantaine de malades distribués dans

246 SOCIÉTÉS SAVANTES.

2 à 3 pièces par exemple forment de celle façon un quartier

d'observation. Les entrants se voyant entourés par des malades

couchés ne résistent généralement pas et ne cherchent pas à quil-

ter leurs lits : bientôt ils finissent par se considérer comme ma-

lades et restent tranquilles; il est rare qu'on soit obligé d'avoir

recours aux gardiens pour les maintenir au lit pendant une heure

ou deux. Les résultats qu'on a obtenus par cette méthode à la cli-

nique psychiatrique de Moscou sont surprenants. Sans parler des

punitions nous n'avons jamais eu recours aux moyens de coerci-

tion, mais nous avions des cellules aux murs épais et aux vitres

incassables. Depuis ces dernières années nos malades sont traités

par le séjour au lit et les cellules sont devenues inutiles. Autrefois

nous cherchions à construire des cellules de plus en plus solides et

bien appropriées, maintenant nous songeons à les détruire et à

les utiliser dans un but lout autre que la contention des malades.

M. Paris, de l'asile de Maréville-Nancy, après avoir relaté deux

cas dont la solution l'avait singulièrement embarrassé, formule le

voeu que la loi qui régit les aliénés soit complétée par un article

ainsi conçu : « Toute personne guérie d'un accès d'aliénation men-

tale qui demande à prolonger momentanément son séjour dans un asile

d'aliénés, jusqu'à guérison d'une maladie physique transmissible

ou en raison d'un état passager qu'elle aurait intérêt à tenir secret

ou pour lequel le secret médical peut être engagé, peut, après avis

motivé du médecin, soumis d'une façon strictement confidentielle

an Préfet ou au Procureur de la République, être retenue dans un

établissement de ce genre. La durée de la prolongation sera limi-

tée autant que possible. » Une telle addition ne ferait, à notre sens,

qu'accentuer le caractère d'assistance de cette loi sur les aliénés

que l'on ne considère généralement et que l'on n'interprète trop

souvent que comme loi de police.

M. GRNIER. Il y a dans l'argumentation de M. Charpentier

des arguments spécieux. Ce qui a trait aux actes simplement dé-

raisonnables est souvent du domaine de l'aliénation mentale.

M. Charpentier a trouvé comme une contradiction dans ce que

j'ai dit des asiles desûreté; eh bien je serai d'avis que des pratiques

disciplinaires fussent mises en vigueur dans ces asiles parce qu'il

s'agit d'individus spéciaux, pseudo-aliénés, qui suscitent moins

de sympathie que les véritables aliénés. Que veut faire de ces

scories de la société, de ces fous moraux qui seraient comme des

déchets sociaux, M. Charpentier ?

M. Taty est disposé à penser qu'il y a utilité à faire la scission en

maladies chroniques et aiguës. Mais la différence n'est que dans

les mots; les chroniques sont en réalité des incurables.

M. Giraud a contesté la nécessité d'un double certificat. Et cepen-

dant pour rassurer l'opinion publique, deux signatures valent mieux

qu'une. De quelle façon peuplera-t-on les asiles spéciaux, demande

SOCIÉTÉS SAVANTES. 247

M. Giraud ? Ce qui caractériserait les décisions de cet ordre ce

serait le caractère dangereux de l'individu.

M. Rouby a parlé de l'hospitalisation des aliénés en Angleterre

et nous a cité des laits extrêmement curieux.

M. Delmas a demandé l'annexion aux asiles d'aliénés d'une an-

nexe où les prétendus aliénés seraient en observation. Je n'en

vois pas la nécessité. A chaque entrée on procède à une surveillance

préliminaire.

M. Bourneville a fait des objections à l'idée des asiles spéciaux;

mais il ne nous dit pas ce qu'il faut faire des irréguliers, des délin-

quants, des fous moraux; j'en resterai à l'idée des asiles de sûreté

puur les aliénés dangereux incapables d'être amendés, commettant

incessamment des olfenses sociales.

M. BOUISNEVILLE. Il faudrait consacrer à cette question un

rapport et une discussion générale ; elle ne peut être traitée et à

plus forte raison tranchée incidemment.

M. Régis. - Je suis d'avis que dans d'autres régions que Paris,

l'alcoolisme influe relativement peu sur le nombre d'aliénés, à

Bordeaux, par exemple. Je partage l'avis de M. Garnier sur les

asiles-prisons.

M. Garnier. Nous avons sur la question des asiles-prisons et

des sujets qu'il faut y placer, des lumières suffisantes pour nous

dispenser d'aborder encore ce sujet. En somme l'ensemble de

notre rapport a été adopté, et je propose le voeu suivant :

Le Congrès, considérant que la loi de 1838, à conserver en tant

que loi fondamentale sauvegardant la sécurité individuelle, doit

être modifiée dans le but de défendre la société contre les aliénés

dangereux, certains délirants alcooliques récidivistes et les délin-

quants considérés comme types intermédiaires entre la raison et la

folie, propose que : 1° la loi de 1838 soit conservée dans ses dispo-

sitions générales; 2° qu'elle soit modifiée par la création d'asiles

de sûreté destinés à enfermer les individus précités qui n'y entre-

raient et n'en sortiraient qu'en vertu d'un jugement éclairé par

les conclusions d'une commission spéciale.

MM. Charpentier et ARMAND considèrent ce voeu comme inop-

portun.

[Ainsi que l'a fait remarquer avec juste raison, M. Garnier

lui-même, il ne s'est agi là que d'un vote d'ensemble impli-

quant que le Congrès remerciait le rapporteur de son intéres-

sant travail. Il ne s'ensuit pas que la majorité du Congrès fasse

sienne les dix-sept conclusions du rapport. Personnellement,

si cela avait été possible, nous aurions discuté à fond plusieurs

de ces conclusions, et en particulier combattu la conception

des asiles-p ? 'iso71s.]

248 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Elections. - Le Congrès, avant de passer aux communications

diverses, se réunit pour le choix de son bureau pour la session de

Toulouse : M. RITTI est nommé président.

Questions proposées. Les questions adoptées sont :

1° Diagnostic différentiel de la paralysie générale. - Rapporteur,

M. ARNAUD (de Vanves) ; -

2° De l'hystérie infantile. Rapporteur à désigner.

3° De l'organisatiom du service médical dans les asiles. Rap-

porteur, M. Doutrebente (de Blois).

Congrès de 1898. Marseille est, en principe, désigné comme

siège du Congrès de 1898.

Séance du mercredi 5 août (matin).

Cas d'hyperostose crânienne chez une femme épileptique. Observation,

pièce anatomique, épreuves photographiques et moulage en plâtre.

111. le Dr Pichenot, médecin en chef de l'asile de Montdevergues

(Vaucluse). - La malade, née en avril 185'z, a été placée à l'asile

à l'âge de dix-neuf ans, comme atteinte depuis longtemps d'hydro-

céphalie et d'attaques d'épilepsie fréquentes, avec agitation conco-

mittante, cris, vociférations, impulsions méchantes, tendances au

suicide, à mettre le feu et à se brûler elle-même. Pas d'antécédents

héréditaires, pas d'affections antérieures. A l'âge de neuf ans, trau-

matisme à la région frontale et quelque temps après, à ce niveau

(suivant la mère), une petite grosseur qui s'est développée peu à

peu. Premières crises d'épilepsie à quinze ans, c'est-à-dire six ans

après l'accident. La tumeur a toujours continué à se développer

pendant tout le temps de son séjour à l'asile. Mensurations relevées

en 1893 seulement : circonférence 62centimètres; diamètre occipito-

frontal, 195 millimètres; diamètre bi-pariétal, 185 millimètres;

diamètre du menton au sommet de la tumeur frontale, 246 milli-

mètres. Pas de signes apparents de dégénérescence physique,

intelligence rudimentaire constituant l'imbécillité. Pendant long-

temps, crises d'épilepsie violentes, avec impulsions dangereuses,

depuis quelques années moins fréquentes et réduites souvent à de

simples vertiges en même temps que la malade devenait plus

calme, plus sociable. Elle tombait généralement sur le siège, jamais

sur la tête. Décédée à l'âge de quarante ans, par suite d'accidents

méningés hémorragiques consécutifs à des crises d'épilepsie subin-

trantes.

Autopsie. - Cuir chevelu hypertrophié, surtout au niveau des

tumeurs pariétale et frontale, hypertrophie qui contribue à accen-

tuer beaucoup les déformations produites par l'hyperostose. Sec-

tion du crâne très laborieuse. Méninges épaissies. Hémorragie

méningée en nappe.

Poids de l'encéphale, 1,305 grammes; poids du cerveau, 1,080

SOCIÉTÉS SAVANTES. 249

grammes; poids du cervelet, 225 grammes. Substance cérébrale

généralement ramollie. Circonvolutions normales. Ventricules

anormalement développés. Les coupes ne font constater aucune

lésion ou tumeur interne pouvant expliquer l'épilepsie. L'hyperos-

tose a pour siège principal le frontal et les pariétaux. Poids du

squelette osseux de la tête 2 kg. 649 qui joint à celui de l'encé-

phale et des parties molles donne pour la tête un poids total

dépassant 4 kilogrammes. Tissu osseux de la calotte crânienne très

condensé, dur comme de l'ivoire. Epaisseurs des parois :

Bosse fronto-pariétale droite, 4 centimètres et demi; bosse

fronto-pariétale gauche, 3 centimètres; région frontale antérieure,

2 centimètres et demi à3 centimètres. Région occipito -pariétale de

8 millimètres à 1 centimètre. Epaisseur maxima de la voûte cra-

nienne, 5 centimètres. Disparition des sutures fronto-pariétale et

interpariétale. Sur la partie antérieure externe de la calotte cra-

nienne, on constate un amas de villosités ou pointes osseuses don-

nant à ce tissu osseux un aspect spongieux. L'hyperostose s'est

développée extérieurement et la cavité crânienne, au lieu d'être

diminuée de volume se trouve plutôt augmentée. Sur le maxillaire

inférieur on ne trouve pas trace de grosses molaires. L'examen

des autres os du squelette n'a fait constater aucune hyperostose

ou exostose pouvant laisser présumer la syphilis. La malade était

vierge. Après lecture de l'observation, M. Pichenot a fait passer

sous les yeux de ses collègues le crâne préparé; un moulage en

plâtre de la tête fait avant l'autopsie et une série de photographies

représentant le sujet avant et après décès ainsi que les coupes

osseuses du crâne, toutes pièces qui ont permis de très bien appré-

cier ce cas si remarquable, extraordinaire même, d'hyperostose

crânienne.

M. BERILLON. Le traitement des buveurs d'habitude par la sug-

gestion hypnotique. Création d'un centre d'arrêt.- Chez les buveurs

qui se déclarent impuissants à renoncer à leurs habitudes et à se

soustraire à l'influence du milieu, il y a un grand intérêt à recourir

à l'intervention de la suggestion hypnotique. En créant un centre

d'arrêt, on arrive assez facilement à réagir contre l'impulsion du

buveur. Il reconnaît qu'au moment où il va céder à son habitude il

éprouve une sensation de résistance intime à l'impulsion. Cette

résistance lui permet de se ressaisir et il arrive à supprimer tous

les excès alcooliques auxquels il se livrait d'une façon presque

inconsciente.

Des psychopathies gastriques.

M. SOLLIER (de Paris). La nouvelle variété de psychopathie

gastrique sur laquelle je désire appeler aujourd'hui l'attention

consiste essentiellement dans une appréhension de la digestion,

une sorte de phobie, qui pousse les malades à redouter les effets

250 SOCIÉTÉS SAVANTES.

que l'ingestion des aliments ou leur digestion gastrique sont capa-

bles de produire (étouffements, palpitations, vertiges, congestion

cérébrale), pouvant même entraîner la mort. Le début a lieu,d'une

manière insidieuse, sous un prétexte quelconque. L'appétit, peut

être conservé, mais présente .toujours des irrégularités (inappé-

tence complète, alternant avec des accès de boulimie). Les sujets,

par suite de leur appréhension de mal digérer, restreignent leur

alimentation sous tous les rapports (choix des aliments et quantité),

et perdent vite l'habitude de manger. Ils en arrivent même à ne

plus savoir les mouvements nécessaires à la mastication et à la

déglutition. Ils essaient de tous les régimes, de tous les médica-

ments, et chaque tentative, après avoir été suivie d'une améliora-

lion au début, ne tarde pas à laisser reparaître les mêmes troubles.

Les malades ne songent plus absolument qu'à leur alimentation et

à leur digestion, prenant toutes les précautions imaginables pour

préparer et faciliter cette digestion, et arrivent ainsi à se faire

une existence à part plus ou moins compliquée. Ils restreignent

non seulement leurs fonctions digestives, mais tout le champ de

leur activité physique, intellectuelle et morale. Le plus souvent,

d'ailleurs, leur entourage contribue à entretenir cet état mental,

cette appréhension.

La relation qui existe entre le système nerveux central et l'ap-

pareil digestif est mise en évidence, outre l'état mental, par des

troubles de sensibilité de la zone gastrique, et par le retentisse-

ment de toutes les impressions digestives dans le cerveau, que

signalent eux-mêmes les malades. Cet état peut s'accompagner de

rumination et parfois même de vomissements. L'état général n'est

pas altéré; le sommeil est ordinairement assez bien conservé. Ii

y a parfois une dilatation passagère de l'estomac, et souvent de la

constipation.

Le pronostic n'est pas très grave au point de vue de la vie, mais

il est sérieux en raison du trouble apporté dans l'exercice de toutes

les fonctions de l'existence. La durée de cette affection peut être

extrêmement longue. Le diagnostic doit être fait avec l'anorexie

hystérique, l'anorexie mentale, la dilatation de l'estomac, les

diverses dyspepsies. Le seul traitement consiste à soustraire le

sujet à l'influence de son entourage qui est le plus souvent fâcheux,

puis à lui redonner l'habitude de s'alimenter normalement en le

forçant d'emblée à ingérer la quantité nécessaire d'aliments, et en

le rassurant sur les suites que doit avoir l'alimentation qu'il est

habitué à redouter.

Délire des persécutions à double forme.

M. Vallon. On sait que l'on distingue deux sortes de persé-

cutés : les persécutés raisonnants ou persécutés (type Falret) et les

SOCIÉTÉS SAVANTES. 251

persécutés hallucinés, persécutés typLasègue, dont les délirantes

chroniques de M. Magnan conslituent la variété la plus commune.

Chez les persécutés hallucinés, le délire a une évolution progres-

sive, il passe par des phases successives : inquiétude vague pouvant

aller jusqu'à l'hypocondrie, interprétations délirantes, hallucina-

tions, systématisation du délire, choix du ou des persécuteurs,

souvent migrélomanie. Chez les persécutés raisonnants, le délire

peut varier d'intensité, présenter des rémissions et des exacerba-

tions. étendre sa sphère à un plus ou moins grand nombre de faits

ou de personnes, mais il ne subit pas de transformations très pro-

noncées, il conserve toujours les mêmes caractères primitifs. Les

persécutés type Lasègue arrivent toujours à avoir des hallucina-

tions, surtout de l'ouïe et de la sensibilité générale; les persécutés

type Falret, au contraire, n'en ont jamais. Telles sont les différences

radicales qui séparent les persécutés du type Falret des persécutés

du type Lasègue; ce sont là des types bien connus, je n'y insiste pas.

Il est un point seulement que je veux mettre en lumière et sur

lequel on n'insiste pas assez, ce sont les actes de ces deux catégo-

ries de malades. Les persécutés raisonnants ne sont dangereux que

pour quelques personnes, souvent que pour une seule personne.

Ainsi j'ai dans mon service un ingénieur qui accuse quelqu'un de

lui avoir volé une invention; pendant des années il n'a persécuté

que cette personne; puis il a étendu la sphère de son animosité

maladive à un juge d'instruction qu'il accuse de s'être laissé

acheter par son voleur; mais en dehors de son prétendu voleur et

du magistrat il n'en veut à qui que ce soit, il n'est dangereux

pour personne. Les persécutés hallucinés quand ils ont fait choix,

d'un ou de plusieurs persécuteurs deviennent spécialement dange-

reux pour ces personnes, mais indépendamment de cela ils sont

dangereux pour tout le monde. Ils peuvent, sous l'influence de

leurs hallucinations, frapper le premier venu. En un mot, chez les

persécutés raisonnants, les actes processsifs sont conditionnés par

l'événement qui a été le point de départ de leur délire et s'adres-

sent aux personnes qui ont été mêlées à cet événement ou à des

faits connexes; chez les persécutés hallucinés, les violences sont

surtout conditionnées par les hallucinations du moment. Ce fait a

une importance pratique : on peut toujours savoir à l'avance pour

qui les persécutés raisonnants sont dangereux et par conséquent

préserver ces personnes, pour les persécutés hallucinés on peut,

quand ils ont fait choix d'un persécuteur, prévoir le danger à en-

courir par ces personnes, mais de plus j'insiste sur ce point, il y a

toujours à craindre des actes violents conditionnés par les hallu-

cinations du moment.

Donc, voilà deux types de persécutés bien différents l'un de

l'autre par l'évolution du délire, par l'absence ou la présence

d'hallucinations, enfin par leurs actes ou plus exactement par les

252 SOCIÉTÉS SAVANTES.'

causes de leurs actes. Eh bien, dans ces dernières années, j'ai

observé un malade chez lequel on trouva réunies'ces deux formes

du délire des persécutions, qui est à la fois un raisonnant, tantôt

comme halluciné. Ce cas me parait mériter la désignation de

délire des persécutions à double forme. Les faits de ce genre doivent

être très rares, car pour ma part, c'est le seul que j'ai observé dans

ma pratique déjà longue.

M. Régis. Paralysie générale et neurasthénies L'association

de la paralysie générale et de la neurasthénie peut se faire à toutes

les époques de la maladie. Il y a plus qu'on ne le croit générale-

ment de difficultés de diagnostic entre la neurasthénie et la para-

lysie générale. Ce qui doit dominer pour établir le diagnostic, c'est

la recherche de la syphilis. L'hérédité cérébrale est une présomp-

tion de paralysie générale, tandis que l'hérédité vésanique ou né-

viopathique est une présomption de neurasthénie. L'embarras de

la parole et la démence n'ont pas exactement les mêmes carac-

tères dans la neurasthénie et la paralysie générale; enfin, le trai-

tement par les douches froides améliore la neurasthénie, tandis

qu'il ne donne pas de résultats dans la paralysie générale ou même

donne un coup de fouet à la maladie.

M. Pierre PARISOT. De quelques troubles psychiques, et particu-

lièrement de la transformation de la personnalité au cours de la

démence sénile. - 11, Des troubles psychiques indépendants de toute

vésanie peuvent se produire au cours de la démence sénile; 2° ces

troubles (transformation de la personnalité, conceptions déli-

rantes, actes anormaux) sont dus à la reviviscence d'états psy-

chiques antérieurs sous l'influence d'une véritable suggestion

spontanée ou provoquée. Ils offrent des caractères particuliers qui

permettent de les distinguer du délire vésanique proprement dit;

3° un certain degré d'involution sénile du cerveau peut réaliser

les conditions d'auto-suggestibilité qui donnent lieu à ces troubles

psychiques.

MM. Pierre PARISOT et Lvy. - Démence sénile et toxicité uri-

naire. 1° Dans les cas de démence sénile simple, c'est-à-dire

sans délire, que nous avons observés, la toxicité urinaire a varié

dans de notables proportions, sans que le fonds démentiel en ait

été influencé; 2° dans nos cas de démence sénile avec délire vésa-

nique (maniaque ou hypocondriaque), l'apparition du délire a

toujours été précédée d'un abaissement notable de la toxicité uri-

naire, abaissement qui nous a permis de prévoir à plusieurs

reprises la réapparition des accès délirants.

M. EIV1NCOTTE. Du sulfate de Duboisine comme moyen de com-

battre le refus des aliments chez les paralytiques généraux. M. Fran-

cotte a employé avec succès le sulfate de Duboisine contre l'agita-

tion des paralytiques généraux. Chez plusieurs paralytiques en

stupeur et refusant obstinément les aliments, il a fait cesser la

SOCIÉTÉS SAVANTES. 253

sitiophobie par des injections sous-cutanées de sulfate de Duboisine

Le médicament est resté sans effet dans la sitiophobie liée à d'autres

formes d'aliénation mentale. La dose employée pour les injections

sous-cutanées a été un tiers de seringue d'une solution titrée à

4 p. 1.000

M. LIMACQ. Les équivalents de la migraine. Lecture d'une

observation dans laquelle des crises de névralgies alternaient avec

la migraine et étaient suivies, comme dans la migraine, d'ano-

rexie et de torpeur cérébrale.

M. Laurent. Analyse des troubles psychiques de l'opium fumé.-

Les troubles causés par l'opium fumé durèrent des effets de l'opium

absorbé en nature. Le fumeur d'opium éprouve d'abord de l'exci-

tation, puis le sommeil, la lassitude, l'hyperesthésie de la peau. Il

y a impossibilité de l'hypnose chez les fumeurs d'opium. L'opium

est-il un facteur de criminalité ? M. Laurent ne connaît pas de

cas de crimes pouvant être attribués à l'opium, et on ne peut pas

non plus l'invoquer comme cause de nullité d'un acte. C'est un

poison, mais dont les effets seraient, au point de vue de la méde-

cine légale, beaucoup moins dangereux que ceux de l'alcool.

M. Lourent. Communication sur les miracles de Tilly. Courte

communication, dans laquelle l'auteur insiste sur la fixité des hallu-

cinations dans le délire mystique observé. '

MM. A. Pitres et E. Régis. - La phobie de la rougeur. Les

anthopotogistes ont établi que le phénomène de la rougeur est,

par ses côtés essentiels, un phénomène d'ordre psychique. Nous

voudrions montrer qu'il peut aussi, dans;certains cas, devenir le

point de départ d'un état d'esprit particulier allant jusqu'à l'ob-

session, à la phobie. Il y a à cet égard comme une échelle de gra-

dation, et nous pouvons, au point de vue de l'effet moral produit

par la rougeur, admettre trois degrés ou catégories : 1° la rougeur

simple ou des gens normaux; 2° la rougeur émotive, tantôt tempo-

raire et due à une cause accidentelle, climatérique ou pathologique,

.tantôt permanente et due à une prédisposition spéciale, au tempé-

rament (nervosisme, arthritisme, tuberculose, hérédité); 3° la rou-

geur obsédante ou phobie de la rougeur (Er,vlhrophobie),

L'obsession de la rougeur parait être surtout spéciale au sexe

masculin, à la jeunesse', aux émotifs héréditaires, aux neurasthé-

niques, aux dégénérés à stigmates, rarement aux hystériques. La

tendance à rougir remonte à l'enfance, mais l'obsession ne débute

qu'après la puberté, généralement à l'occasion d'un incident

fortuit. Les crises de rougeur, en dehors des circonstances adju-

vantes, toujours les pêmes, ont pour cause immédiate une pen-ée

secrète, une appréhension quelconque, surtout celle de rougir.

Même, seule, elle obsède les malades, et c'est ainsi qu'il leur arrive

de rougir dans la solitude, au souvenir d'un fait désagréable, ou

d'un obstacle difficile à surmonter pour leur timidité. Les crises de

254 'SOCIÉTÉS SAVANTES.

rougeur ont, à quelques nuances près, des caractères physiques et

psychiques identiques. Ce qui domine dans l'état des sujets, c'est

que cette tendance à rougir les rend très malheureux et leur crée

une situation mentale des plus pénibles. Ils sont véritablement

obsédés par l'idée de leur infirmité et ne pensent plus qu'à ça,

malgré tous leurs efforts pour s'en affranchir. Ce qui augmente

leur souffrance, c'est que, comme la plupart des obsédés, ils la

cachent à tous, sauf au médecin, à qui ils ouvrent leur âme ulcérée,

lui parlant de leurs obsessions avec une émotion angoissante,

comme un supplice de tous les instants, qui empoisonne littérale-

ment leur existence. Aussi ces malheureux ne vivent pas de la vie

de tout le monde. Ils fuient tout contact, tout plaisir, s'enfermant

dans une solitude sombre et farouche, songeant à en finir par le

suicide, s'ils ne guérissent pas; tombant, s'ils sont intelligents et

instruits, dans le pessimisme amer et subtil, si fréquent chez les

neurasthéniques supérieurs.

Ce qu'il y a de vraiment curieux, ce sont les artifices auxquels ont

recours les malades pour empêcher ou pour dissimuler leur crise de

rougeur. Leur moyen habituel, pour essayer de s'empêcher de rou-

gir, c'est de penser à autre chose, de « s'attentionner ailleurs »,

comme ils disent. Ils sont loin de réussir toujours. Pour cacher leur

rougeur, ils usent de divers procédés, plus ingénieux les uns que

les autres (faire semblant de lire un journal, se couvrir le visage

avec les mains, se moucher bruyamment, s'essuyer la figure, se

baisser comme pour ramasser un objet, s'abriter sous un parapluie,

surtout boire). Quatre de nos sujets sur sept se livraient à la boisson,

dans le double but de se donner de l'assurance, « du toupet », et

de rendre moins sensible, par la coloration artificielle produite par

l'alcool, leurs bouffées de rougeur.

Mais ce ne sont là que des palliatifs. Ce que voudraient surtout

ces malheureux, c'est ou ne plus rougir, ou masquer leur rougeur

d'une façon constante. Ils conçoivent à cet égard toutes sortes de

combinaisons étranges qu'ils proposent aux médecins. Tel ce ma-

lade demandant à l'un de nous « si on ne pourrait donner à son

teint une nuance feu permanent en infiltrant entre la première et

la deuxième peau un liquide quelconque, absolument comme on

fait pour un tatouage; seulement au lieu d'être bleu, ce serait

rouge ». Tel cet autre malade qui, après une application de sang-

sues et le simulacre d'une ligature de la carotide qu'il avait récla-

mée, ne se sentant pas amélioré, désire maintenante un change-

ment de cerveau, une extraction de cerveau ».

L'obsession de la rougeur est en général des plus tenaces. Ce

n'est que dans un cas où la peur de la rougeur s'est trouvée liée à

l'hystérie, que nous avons pu obtenir quelque résultat du traite-

ment en particulier par la médication psychique. Chez nos autres

malades, qui étaient ou neurasthéniques ou dégénérés, nous

SOCIETES SAVANTES. ZOO

n'avons rien obtenu et ils semblent voués à perpétuité à leur

obsession.

MM. SPILLMAN1V et Etienne. - Paralysie générale consécutive à une

intoxication suraiguë par les vapeurs d'huile d'aniline. - M. Etienne

communique au nom de M. S... et au sien, une observation de

paralysie générale à évolution irrégulière, survenue chez un

employé de droguerie, à la suite d'une intoxication suraiguë extrê-

mement grave par les vapeurs d'huile d'aniline avec ictus apoplec-

tique, cyanose, état de collapsus, pouls ralenti et très faible,

pupilles dilatées; puis, quelques jours plus tard, persistance d'une

teinte verdâtre de la peau et coloration noire des urines. Dès ce

moment les troubles psychiques et moraux apparurent et abou-

tirent à l'état actuel caractérisé par des ictus apoplectiques répétés,

des troubles de l'intelligence, de la parole, de la mémoire, des

sentiments affectifs entrecoupés de rémission très marquée.

M. ETIENNE. Monoplégie faciale d'origine capsulaire. M. Etienne

présente l'observation d'un homme atteint d'une monoplégie faciale

avec déviation compliquée de la face et des yeux. A l'autopsie, on

ne trouve pour expliquer ces phénomènes qu'une destruction pro-

fonde de toute la partie antérieure de la capsule blanche interne

due à une hémorragie. Comparant cette lésion à celle qu'a signalée

M. Parisot (partie postérieure du faisceau géniculé), l'auteur conclut

que le. passage du faisceau facial dans la capsule interne n'est pas

identique chez tous les individus.

M. SEELIG3tANN dit avoir également observé dans le service de

M. Bernheim (de Nancy) un malade dont la paralysie faciale recon-

naissait pour cause une lésion de la capsule interne.

Présentation d'une malade. M. BERNHEIM présente une apha-

sique qui sans hésiter, récite une prière ou chante une chanson, et

qui dans la conversation ne trouve pas ses mots. La parole automa-

tique existe, la parole volontaire est lésée. La lésion n'a donc pas

atteint le pied de la troisième circonvolution frontale gauche. Cette

malade est suggestible, et est mise, sur l'ordie qui lui a été donné,

en état de sommeil hypnotique.

Présentation de pièces. Cerveaux d'aphasiques; par M. Bernheim.

Crânes et cerveaux d'hydrocéphales ; par M. Il4USIIALTER. Ces

pièces sont préparées avec le plus grand soin et accompagnées de

photographies très démonstratives. L'un des cas, surtout, est remar-

quable par son volume.

M. BOURNEVILLE. Médication thyroïdienne : action sur la crois-

sance et en particulier sur la taille. - L'auteur présente une série

de tracés de la température, du poids et de la taille, concernant

plusieurs groupes de malades : 1° des enfants atteints de myxoedème

infantile; 2° des enfants idiots et arriérés atteints de nanisme;

3° des enfants atteints d'obésité. Des tableaux et des tracés mis

sous les yeux des membres du Congrès, il ressort que l'adminis-

2S6 FAITS DIVERS.

tration de la glande thyroïde du mouton par la voie stomacale,

soit à l'état naturel, soit en capsules ou en tablettes, a une action

remarquable sur la croissance, et en particulier sur le développement

de la taille. Cette nouvelle communication confirme nos publi-

cations et nos communications antérieures an Congrès de 1895, à

..lartSociété de biologie et à la Société médicale des hôpitaux au

cours de cette année. Nous donnerons ce travail in extenso au

33ecùejl'des travaux du Congrès.

' C;.<"

^'après cette communication, le président, M. le professeur

Eitres, résume les travaux du Congrès remercie les vice-pré-

'sidents, MM. Vallon et LAPOINTE, et le secrétaire général,

M. VERNET, du concours actif qu'ils lui ont prêté. Son discours

clôt la session de Nancy du Congrès.

BOURNEVILLE et A. Marie.

Asiles d'aliénés. Nominations et mutations : M. le Dr Cn.\I\U¡ : L,

médecin-adjoint à l'asile deFains (Meuse), est nommé en la même

qualité à l'asile de Châlons-sur-Mal'lle en remplacement de M. le

D'' Journiac (19 mai 1896) ; AI. le D'' Leroy est nommé médecin-

adjoint de l'asile de Quimper (poste créé), si juin 1896;-hl. le

De BARUK est nommé médecin-adjoint à l'asile de Lesvellec (Mor-

bihan) en remplacement de M. le Dr Fenayrou, appelé en la même

qualité à l'asile de Blois; M. le Dr LEVET est nommé médecin-

adjoint de l'asile de Fains en remplacement de M. Charuel, appelé

en la même qualité à l'asile de Châlons-sur-Marne (17 jnin 1896);

- M. le D'' Santenoise est nommé médecin-adjoint à l'asile de Dôle

en remplacement de M. Ilamel, appelé en la même qualité à l'asile

Saint-Yon (17 juin) ; 11. le D Maupali, médecin-adjoint de l'asile

d'Armentières, est promu à la Ire classe du cadre à partir du

lcr juillet (10 juillet); -1\1. le Dr Garnier, directeur-médecin de

l'asile de Dôle est promu à la classe exceptionnelle à partir du

le, juillet (10 juillet); - 1\1. le D1' KERAVAL, dilecteur médecin de

l'asile d'A rmentières, est promu à la Ire classe du cadre à partir du

1cr juillet (20 juillet) ; M. le D'' ADAM, médecin en chef de l'asile

de Clermont (Oise), est promu à la ire classe du cadre à partir du

101' juillet 1896 (29 juillet) ; - 1. le Dr 13ELLOT, directeur-médecin

de l'asile de Brenty, est promu à la 2° classe du cadre à partir du

1er juillet 1896 (29 juillet); - M. le Dr W atnorr, médecin-adjoint de

l'asile de Dijon, eL promu à la 1 ? classe du cadre à partir du

leur août 1896 (S août 1896).

Le t'edttt;<ettr-er6[ ? t< ; BOUREVILLE.

1 ? vreux, Ch. Iléwssn5-, imp. 996.

Vol. II. Octobre 1896.. N° 10.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE

TROUBLES MOTEURS PRÉCÉDANT L'ARTICULATION

DE LA PAROLE CHEZ UN DÉGÉNÉRÉ;

Par le Dr Xavier PLANAT.

Nous avons eu l'occasion d'observer récemment à l'Asile cli-

nique, un malade chez lequel l'émission de la parole était liée

à des phénomènes convulsifs, dont l'ensemble complexe et la

physionomie très spéciale nous ont paru dignes d'attirer l'at-

tention. Nous devons à notre éminent maître, 1V. le D' lZanan,

qui a bien voulu conserver ce sujet dans son service et nous

aider de ses conseils, d'avoir pu l'étudier à loisir et recueillir

sur lui les renseignements suivants :

Adolphe K..., qui est âgé de dix-neuf ans, est entré à l'Admission

le 9 mai 1896 ; il venait directement de l'hôpital Saint-Antoine.

M. Brissaud, dans le service duquel il était interné, avait dû le ren-

voyer à causes des violences journalières auxquelles il se livrait

sur d'autres malades de la salle. > , . .

Les antécédents héréditaires de K... nous .apprennent peu de

choses ; les informations que nous avons pu recueillir émanent du

malade lui-même et de son correspondant à Paris ; nous les don-

nons donc sous toute réserve. Sa famille d'origine israélite était,

depuis longtemps établie à Odessa ; le père qui est brocanteur ne

serait pas buveur et paraît .exempt de toute tare névropathique ;

la mère n'a jamais eu d'accidents convulsifs et semble bien équi-

librée ; deux soeurs également bien portantes et deux frères, dont

l'un marié et l'autre encore enfant n'auraient présenté jusqu'ici

aucun accident pathologique sérieux ; un troisième est mort de

la diphtérie en bas âge.

Archives, 2e série, t. II. j 7

2§8 · CLINIQUE mentale.

A. K... avait douze ans lorsque son père, pris du désir de faire

fortune, se décida à abandonner la Russie avec sa famille. Il se

dirigea d'abord vers l'Allemagne et fit un séjour de trois mois à

Berlin ; mais ne trouvant pas là les conditions qu'il cherchait, il

gagne Hambourg où il s'embarque à destination de Buenos-Ayres.

Le jeune A. K... avait bien accompagné ses parents à Hambourg

mais il s'était refusé à partir avec eux « préférant, dit-il, être seul ».

On lui procura du travail chez un fabricant de cigarettes, mais

bientôt, trouvant la besogne trop assujettissante, il regagna Berlin

où, pendant huit mois il mène une existence misérable, tour à

tour occupé et sans emploi et très fréquemment dans le dénuement

le plus complet ; c'est de là qu'il écrit à ses parents qui lui envoient

la somme nécessaire pour aller les rejoindre. Arrivé dans la Répu-

blique Argentine, A. K... s'emploie à faire valoir une ferme dont

sa famille avait entrepris l'exploitation; mais son séjour à la cam-

pagne fut de courte durée, car ses parents ayant rencontré une

occasion avantageuse, reviennent à Buenos-Ayres où lui-même

trouve à s'occuper en fabriquant de nouveau des cigarettes.

Il y avait un an et demi qu'il habitait la République Argentine

lorsqu'un jour, se trouvant chez un de ses oncles et ayant soif, il

prit une bouteille qu'il crut contenir du vin et la porta à ses lèvres;

mais à peine avait-il bu une gorgée qu'il lâcha le flacon la bouche

horriblement brûlée; nous ne sommes pas fixés sur la nature du

liquide corrosif qui n'a d'ailleurs laissé aucune cicatrice ; quoi qu'il

en soit, bien qu'immédiatement secouru, des symptômes bruyants

se manifestèrent, les lèvres devenaient énormes et étaient cou-

vertes d'escarres, la langue boursouflée ne pouvait se mouvoir et

il ressentait à la poitrine une brûlure intense.

K..., dans les premiers moments qui avaient suivi l'accident, était

resté sous le coup d'une terreur profonde ; par la suite, bien que

rassuré par son entourage sur les conséquences de son aventure,

il continua à se livrer à un violent désespoir. Lorsqu'il put parler,

c'est-à-dire cinq ou six jours après l'accident, ses parents qui

n'avaient jamais remarqué chez lui le plus léger trouble de la

parole, furent fort étonnés en s'apercevant qu'il bégayait ; petit à

petit son bégaiement augmenta et bientôt il fut précédé de mani-

festations spasmodiques qui, suivant une marche progressive,

gagnèrent d'abord la tête et le tronc, puis les bras et enfin les

jambes. Au bout de vingt-cinq jours, l'affection resta stationnaire

et depuis, avec quelques variations sans importance, elle est restée

telle que nous l'observons aujourd'hui.

Après une convalescence assez longue, K... put se remettre à

travailler ; mais son caractère, assombri, était complètement

changé ; sa pénible infirmité lui rendait la vie insoutenable. Un

jour, ayant lu dans un journal espagnol, qu'il existait à Paris un

Institut où l'on traitait et guérissait le bégaiement il voulut s'y

TROUBLES moteurs DE l'articulation DE la parole. 259

rendre sur-le-champ. Comme il n'y avait pas à Buenos-Ayres de

bateau en partance pour la France, il résolut de profiter d'un

vapeur à destination de Londres, mais comme ses ressources

étaient des plus modestes, on l'engagea en qualité de domestique.

En Angleterre nous le retrouvons tour à tour à Londres ou à Glas-

gow, ne manquant jamais de travail et économisant le plus pos-

sible. Au bout de deux ans il avait amassé un petit pécule qui lui

permit de gagner la France et de subvenir aux premiers frais.

Arrivé à Paris, il se fait conduire immédiatement à l'Institut des

bègues, objectif de sa longue et opiniâtre odyssée ; malheureuse-

ment il ne fut pas en mesure de réaliser les conditions da son

admission. On lui donna alors l'idée de se présenter à la Salpê-

trière où il fut reçu dans le service de M. le professeur Raymond ;

renvoyé au bout de quelques jours il fut admis à Saint-Antoine

dans le service de M. Brissaud qui a bien voulu, très obligeamment

nous renseigner sur l'attitude de K... pendant son séjour dans cet

hôpital, séjour qui dura du mois de janvier au mois de mai. Le

malade s'était parfaitement comporté durant les premiers temps,

mais ayant appris à jouer, le jeu devint bientôt chez lui une pas-

sion telle qu'il quittait à peine les cartes pour prendre ses repas ;

lorsqu'il perdait il était de mauvaise humeur, les plus innocentes

plaisanteries le mettaient hors de lui et il entrait dans de violentes

colères impulsives ; à plusieurs reprises il aurait menacé et frappé

d'autres malades, bref il devenait dangereux. Dans ces conditions

son séjour ne pouvant se prolonger dans un hôpital ordinaire, il

fut transféré à Sainte-Anne où il entre avec le certificat suivant de

M. Brissaud, attestant «que K... est atteint de tic et bégaiement

spasmodique, sorte d'aura convulsive, avec crises d'exaltation,

colères impulsives ; qu'il se livre journellement à des voies de fait

sur d'autres malades de la salle absolument inoffensifs. Névrose

complexe de dégénérescence. »

A. K... est un garçon de moyenne tailla, assez bien constitué,

quoique son système musculaire soit relativement peu développé

pour son âge, la tête petite est cependanl assez bien conformée,

la face est un peu aplatie. les pommettes saillantes, le front est

bas, les fentes palpébrales étroites, il présente en outre quelques

stigmates banals de dégénérescence tels que la voûte palatine

ogivale, un léger degré d'asymétrie faciale, une adhérence anor-

male du lobule de l'oreille ; ces signes sont d'ailleurs peu accusés,

et c'est surtout l'ensemble de la physionomie qui donne à première

vue, sans qu'on puisse l'analyser nettement, l'impression qu'on se

trouve en présence d'un être physiquement et intellectuellement

amoindri. -

Il est né à terme et nous ne retrouvons dans ses antécédents per-

sonnels aucun accident pathologique grave ; il n'a pas eu de con-

vulsions dans l'enfance et il aurait été épargné par les maladies

260 CLINIQUE mentale.

infectieuses habituelles à cet â2e ; la fonction du langage s'est déve-

loppée chez lui sans qu'on puisse noter quoi que ce soit d'anormal

dans la date de son apparition ou dans le cours de son évolution

et on n'a relevé chez ses ascendants directs aucun trouble de la

parole. Il n'a jamais eu de vertiges ni d'accidents convulsifs d'au-

cune sorte et n'a jamais présenté non plus de mouvements cho-

réiformes. La sensibilité générale est intacte et nous n'avons trouvé

aucune défaillance dans le fonctionnement de ses organes senso-

riels. Pas de syphilis. Pas d'alcoolisme. Actuellement l'état général

est excellent, et sauf quelques troubles dyspeptiques intermittents,

suite probable de l'empoisonnement dont il faillit être victime, il

est aussi bien portant que possible.

Au point de vue intellectuel, certaines facultés sont, chez lui,

bien développées ; c'est ainsi qu'il a montré de bonne heure une

certaine aptitude pour les langues et dans son existence cosmopo-

lite il a pu se tirer rapidement d'affaire ; il ne cherchait jamais,

d'ailleurs, à se perfectionner et il se contentait de ce que les

hasards de la vie courante lui apprenaient; toutes les notions qu'il

a acquises offrent, d'ailleurs, cet aspect de décousu et d'inachevé ;

outre le russe et l'hébreu qu'il connaissait avant son départ d'O-

dessa, il apprit successivement en Allemagne et en Angleterre, la

langue du pays pendant les séjours qu'il y faisait, l'espagnol pen-

dant qu'il habitait la République Argentine, et il commence à se

faire comprendre assez bien en français. La mémoire normalement

développée pour les langues, présente des défaillances surprenantes

pour les dates, les noms propres, les faits récents; il ne se rap-

pelle pas, par exemple, à quelle époque il est venu en France et

c'est avec beaucoup de peine qu'on lui fait préciser la durée de son

séjour à la Salpêtrière ; il ne se souvient pas non plus sur quel

bateau il est venu de Buenos-Ayres à Londres.

Le goût musical est très prononcé chez lui et sous ce rapport il

est très au-dessus de la moyenne.

Dans sa conduite, on relève d'étranges contradictions; c'est ainsi

qu'après avoirdirigé tous ses efforts avec une ténacité et une énergie

extraordinaires en vue de se faire traiter à Paris, il s'accommode

très bien delà paisible existence des hôpitaux et ne réclamerait pas

de traitement si on ne l'obligeait à s'y soumettre. On ne comprend

pas non plus, aisément, pour quelle raison il a voulu rester en Alle-

magne au moment du départ de sa famille pour la République

Argentine. La faculté d'attention, susceptible de s'exercer avec

fruit sur certains sujets, est totalement dépourvue de résistance sur

d'autres. Nous relevons, quant au jugement, au cours de son aven-

tureuse existence, de nombreux faits qui prouvent que la plupart

de ses actes, tout au moins avant l'accident, étaient provoqués par

ses caprices et que le raisonnement et la réflexion n'y prenaient

aucune part.

TROUBLES MOTEURS DE l'articulation DE la parole. 261

Nous n'avons trouvé aucune anomalie dans la sphère des senti-

ments moraux ; ses facultés affectives paraissent seulement médio-

crement développées.

Nous avons vu, au cours de son histoire, qu'il avait pu, dans cer-

tains cas, faire preuve d'une volonté tenace, cette faculté nous a

paru toutefois susceptible de subir, sous l'influence de causes sou-

vent insignifiantes, des intermittences plus ou moins passagères

dans son fonctionnement. Pour ce qui est de l'émotivité facilement

éveillée chez lui, nous aurons l'occasion d'en parler longuement

avec les troubles moteurs que nous allons décrire.

Les phénomènes spasmodiques qui constituent l'intérêt principal

de l'histoire pathologique de ce malade, sontintimement et unique-

ment liés, ainsi que nous l'indiquions au début de cette note, à la

manifestation de la pensée sous la forme dulangateparlé. Voici dans

quelles circonstances ils surviennent et les caractères objectifs que

l'on observe. Si l'on adresse au malade K... une question quel-

conque, on voit tout aussitôt sa physionomie prendre un aspect

spécial de contrainte et de gêne; les yeux deviennent fixes; le

front se plisse, attirant en haut les sourcils, le droit principale-

ment, la lèvre supérieure est soulevée par les zygomatiques plus à

droite qu'à gauche ; la lèvre inférieure est également tendue en

avant ; une sorte de sifflement s'échappe entre les arcades dentaires

serrées par la contraction des masséters ; les ailes du nez battent;

la langue s'immobilise dans la bouche ; la tête est légèrement

attirée en arrière et un peu du côté gauche, le cou et le tronc se

raidissent ; les sterno-cléido-mastoidiens entrent en contraction,

puis l'onde convulsive gagnant les pectoraux, les grands dentelés,

tous les muscles du thorax, atteint parfois dans sa marche pro-

gressive, ceux de la paroi abdominale; le rythme respiratoire est

profondément modifié et l'aspect du patient offre les apparences

physiques d'un sujet soumis à un effort violent.

En même temps que l'action convulsivante fait entrer les masses

musculaires du cou et de la poitrine dans une phase en quelque

sorte tétanique, elle atteint le membre supérieur ; l'avant-bras

en demi-flexion, un moment immobile, est d'abord vivement pro-

jeté en bas et un peu en avant, puis il se fléchit et dessine, sans

pour cela revenir à l'extension complète au-devant de l'abdomen

et de la poitrine, une série de [flexions et de déflexions saccadées

et rapides ; les mouvements de l'avant-bras droit ont pour effet de

faire parcourir, à plusieurs reprises, à la main du même côté,

toute l'étendue du membre supérieur gauche contre lequel elle

s'applique dans les allées et venues de sa course convulsive'.

' Il est toutefois possible d'obtenir le transfert des mouvements spas-

modiques à gauche, il suffit de tenir le bras droit du malade sans le serrer,

les mouvements de flexion et d'extension se montrent alors dans l'avant-

bras gauche, mais cependant bien plus atténués qu'à droite.

, 262 CLINIQUE mentale.

La plupart du temps l'épaule gauche, simultanément avec la

droite, éprouve une secousse brusque qui la soulève; tout peut se

borner là, mais fréquemment aussi le bras se contracte et s'étend,

et la main est, comme du côté opposé, brusquement projetée en

bas, en avant et un peu en dedans; toutefois la série des mouve-

ments à grande amplitude décrits par l'àvant-bras droit, n'existe

pas à gauche.

Les membres inférieurs, sauf lorsque le malade est dans le décu-

bitus dorsal, sont susceptibles de prendre part aux secousses qui

agitent le reste du corps : d'une façon générale, les accidents con-

vulsifs y affectent une forme atténuée et parfois le malade étant

assis ou même debout, peuvent faire complètement défaut. Ils con-

sistent en mouvements de flexion et d'extension peu marqués et

de très faible amplitude à la cuisse et à la jambe, plus accentués

aux pieds qui, tour à tour, étendus ou fléchis, portent bruyam-

ment contre le sol, tantôt par la pointe, tantôt parle talon; excep-

tionnellement le pied complètement soulevé, retombe à plat. Ces

phénomènes ont lieu à gauche comme à droite, mais toujours

alternativement.

Si la question que l'on a posée au malade, comporte une réponse

un peu longue qui l'oblige à réfléchir, si surtout il est un peu»

impressionné, la phrase partagée par les phénomènes moteurs, sort

en quelque sorte en lambeaux; en effet dès que les manifestations

convulsives ont pris naissance, c'est-à-dire dès que le maladea voulu

parler, il s'est butté contre le commencement du mot qu'il veut pro-

noncer, et ses efforts pour le proférer s'accusenten même temps que

les troubles respiratoires et l'agitation des membres s'accroissent,

puis tout à coup l'obstacle cède, un mot ou deux, quelquefois un

membre de phrase, toujours dits correctement, sont prononcés en

même temps que le patient exhale un soupir de soulagement. Puis

il vient se heurter aux mêmes difficultés avec la continuation de

sa phrase qui parvient à sa fin après une série d'interruptions.

Parmi les lettres, aucune n'a paru avoir d'action perturbatrice

spéciale; si on lui fait répéter les plus difficiles, après les avoir soi-

même prononcées, il n'éprouve, pour aucune, le moindre effort; de

même pour les mots composés de manière à rendre leur pronon-

ciation très ardue et qui sont proférés avec aisance. Les troubles

de la parole ne se montrent pas d'ailleurs plus fréquents à l'occa-

sion des voyelles que des consonnes.

Lorsque K... est arrêté devant le commencement d'un mot, il

n'en répétera pas coup sur coup les premières syllabes, ainsi que

cela a lieu si souvent chez les bègues ordinaires, seulement une

sorte de sifflement à timbre très bas sort entre les arcades den-

taires, précédant l'émission du mot ou de la phrase qui se déta-

chent, le moment venu, comme projetés : on dirait d'un ressort qui

se déclenche. Pour peu que l'interrogatoire se prolonge, on verra

TROUBLES moteurs DE l'articulation DE la parole. 263

bientôt s'accentuer les phénomènes spasmodiques avec une vio-

lence rapidement progressive ; à chaque nouveau membre de

phrase qui tend à s'extérioriser, les secousses augmentent d'inten-

sité, les pieds s'étendent et se fléchissent alternativement, l'ampli-

tude des mouvements cloniques du bras droit s'exagère; en vain,

dans ce cas, le malade essaie de modérer ce mouvement si carac- ;.

téristique en appliquant le plus fortement qu'il le peut, sa main

contre les plis de son vêtement, en tâchant d'entrelacer ses doigts

à ceux de la main du côté opposé, l'avant-bras continue à parcou-

rir son arc de cercle habituel par saccades précipitées.

Au contraire, lorsqu'on le prie de chanter, ce qu'il fait volon-

tiers, il n'éprouve aucun trouble du langage, aucune secousse con-

vulsive dans les territoires musculaires, habituellement si prompts

à entrer en contraction à la moindre manifestation verbale.

L'intensité des accidents convulsifs est susceptible d'éprouver les

différences de degré les plus grandes; à côté du type le plus fré-

quent et qui est celui que nous avons longuement décrit, d'autres

modalités peuvent être observées.

C'est ainsi que dans certains cas la phase convulsive limite son

action à la tête qui se raidit et à une secousse brusque qui par-

court le tronc et les bras, .parfois même la tête seule est affectée,

d'autres fois, mais presque exceptionnellement, nous avons pu

noter simplement un peu d'hésitation après laquelle la phrase très

courte, dans ce cas, s'échappait dans un soupir; plus souvent, il

existait une simple atténuation des phénomènes convulsifs, et le

malade exprimait ce qu'il avait à dire dans un langage que cou-

pait, à intervalles plus ou moins rapprochés, un sorte de hoquet.

Dans tous les cas, l'ordre d'apparition des phénomènes ne varie

pas. D'abord la phase convulsive précédant l'émission de la parole

qui est elle-même suivie d'une sensation profonde de soulagement

et de bien-être. La durée des troubles moteurs est loin d'être fixe,

et il serait impossible d'assigner, d'une façon invariable, le laps de

temps pendant lequel ils exercent leur action. En moyenne, ils

ne dépassent pas trois à quatre secondes ; exceptionnellement,

nous les avons vus durer six à sept secondes, et dans des circons-

tances capables de produire une émotion profonde, ils sont sus-

ceptibles de se prolonger plus longtemps encore.

Pendant que le malade est sous le coup des manifestations con-

vulsives, il éprouve toujours une sensation de gêne et d'oppres-

sion qui se retrouve d'ailleurs en d'autres circonstances : si on lui

adresse une question, il éprouve le besoin impulsif d'y répondre

sur-le-champ, et si on lui ordonne de ne faire connaître ce qu'il a

à dire qu'à un moment donné, il obéit parfaitement, mais la même

sensation d'anxiété qui se manifeste à l'occasion des phénomènes

spasmodiques se produit et ne se dissipe qu'après que le malade a

parlé ou un temps relativement long.

264 CLINIQUE mentale.

Les troubles respiratoires se montrent en même temps que les

phénomènes convulsifs des membres : la cage thoracique est

presque immobilisée, elle laisse cependant s'échapper peu à peu

l'air que contiennent les poumons, et le malade'est dans l'impossi-

bilité d'utiliser pour parler, ainsi que cela a lieu à l'état physiolo-

gique, cet air qui se fait de plus en plus rare ; la plupart du temps,

au moment où l'expiration, quoique très ralentie par la tétanisa-

tion des muscles respiratoires, va être complète, l'obstacle cède et

le malade profite du peu d'air qui s'échappe encore pour proférer

sa phrase, et cela fait, il prend une ample inspiration, mais les

mêmes troubles recommencent et selon la succession des mêmes

phases tant que le malade voudra parler.

Parmi les causes susceptibles d'agir sur les phénomènes moteurs

que nous venons de décrire, figurent en première ligne les in-

fluences morales : la vue d'un inconnu, une question adressée

brusquement et pour laquelle on réclame une réponse immédiate,

une réprimande insignifiante, la colère surtout, toutes causes en

un mot, capables de l'érnotionner, fût-ce légèrement, provoqueront

chez lui, lorsque la parole tendra à se manifester, des accidents

convulsifs plus ou moins accentués, selon que la cause perturba-

trice aura été plus ou moins profondément ressentie.

Plus la connaissance d'une langue est familière au malade plus

les accidents spasmodiques sont atténués, c'est ainsi qu'interrogé

en allemand qu'il prétend bien connaître, on remarque une diffé-

rence sensible dans les réactions motrices ; elles ne vont pas d'ail-

leurs jusqu'à disparaître complètement et sont susceptibles de se

réveiller sous l'influence des causes émotionnelles.

Les conditions atmosphériques influent, selon K..., sur la vio-

lence plus ou moins grande de son tic; pour nous, nous l'avons

toujours trouvé d'une façon constante plus exagéré le soir que le

matin. Il existe toutefois des périodes pendant lesquelles le ma-

lade, se trouvant toujours dans les mêmes conditions, les troubles

de la parole et les accidents convulsifs disparaissent complètement;

d'autres fois, au con ! raire, ils sont exagérés sans qu'on puisse lo-

giquement attribuer à ces changements, qui n'affectent d'ailleurs

aucune intermittence régulière, une cause quelconque.

Quelques modifications peu marquées mais cependant sensibles

et constantes au moins jusqu'ici se sont montrées dans l'état de

A. K... depuis son entrée à l'Asile clinique. Les troubles moteurs

étaient, à son arrivée, très accusés, très violents et pour peu que le

malade fût ému on assistait dès qu'il voulait parler au spectacle

d'une incoordination musculaire généralisée. Après quelque temps

de séjour sous l'influence des encouragements, de la promesse for-

melle qu'il guérirait et surtout après quelques essais de gymnas-

tique vocale, les mouvements spasmodiques montrèrent une ten-

dance à diminuer d'intensité; celte tendance s'accenlua de plus en

TROUBLES MOTEURS DE l'articulation DE la parole. 265

plus, mais le degré de fréquence est resté à peu près le même. Ce-

pendant les intermittences durant lesquelles le malade peut par-

ler sans effort et sans mouvements convulsifs semblent se faire

depuis quelque temps plus fréquentes.

Les troubles de la parole dont nous venons d'esquisser les

principaux caractères peuvent-ils être rapportés sans conteste

possible au bégaiement ! La majorité des signes observés

plaide assurément en faveur de cette manière de voir; la dis-

parition dans le chant de tout phénomène défectueux, les

troubles respiratoires très accusés et jusqu'aux périodes d'exa-

cerbation et de rémission. Ce sont là autant de symptômes

classiques et des plus nets chez notre malade. Le mode de

début de l'affection dont le traumatisme moral causé par une

violente frayeur semble avoir été l'occasion est également des

plus habituels et nombreux sont les exemples de sujets deve-

nus bègues à la suite d'une vive émotion. Mais ces accidents

sont survenus chez notre malade à un âge où il n'est pas habi-

tuel d'observer leur début. On sait en effet que « le bégaiement

apparaît dans la première enfance, de trois à sept ans ; quel-

quefois un peu plus tard mais très rarement après l'âge de

onze ou douze ans ' 1 n.

Or, chez notre malade, les troubles de la parole ne sont sur-

venus que vers quatorze ans et, fait très important sur lequel

nous avons des renseignements très catégoriques, rien n'avait

fait précédemment supposer chez lui un état d'infériorité ou

de vulnérabilité spéciale dans la fonction du langage. D'autre

part son bégaiement, considéré en lui-même, n'a pas non plus

les caractères du type le plus communément observé.

La phrase encadrée et divisée par les phénomènes convul-

sifs se développe correctement aussitôt que l'obstacle a cédé,

il n'y a jamais de répétition et de prononciation défectueuse

des mots, et les lettres qui sont pour le bègue ordinaire l'objet

d'une articulation particulièrement ardue n'ont jamais offert

pour notre malade la moindre difficulté.

Les troubles moteurs associés au bégaiement ne sont pas

extrêmement rares, mais ils affectent un polymorphisme tel

chez le même sujet, des variations individuelles si grandes

qu'ils n'ont pas été jusqu'ici, au moins à notre connaissance,

systématisés en une description méthodique; on s'est contenté

' D' Chervin. Bégaiement et autres défauts de prononciation, page 35.

266 CLINIQUE mentale.

de les signaler au cours de l'histoire pathologique des malades

qui en étaient affectés. Toutefois les accidents convulsifs pré-

sentés par K... semblent offrir assez de caractères spéciaux

dans leur mode d'apparition, assez de constance dans leur

manifestation et dans leur manière d'évoluer pour qu'il y ait

lieu de les rapprocher des entités nosologiques qui présentent

ave'c eux des analogies morphologiques.

A l'aspect extérieur du malade et en assistant aux phases

d'agitation musculaire, on songe naturellement à la maladie

des tics convulsifs telle que l'ont décrite MM. Gilles de la Tou-

rette et G. Guinon. De nombreux caractères cependant l'en

différencient et pour ne s'appuyer que sur la forme des acci-

dents convulsifs les secousses sont dans la maladie des tics

plus brusques, plus rapides, elles ont même un caractère

franchement explosit; en second lieu, elles représentent tou-

jours l'ébauche de mouvements volontaires ou réflexes, elles

restent souvent localisées à la face, enfin elles s'accompagnent

d'ordinaire d'un état mental spécial qui trouve son expression

fréquente dans des syndromes épisodiques de l'histoire des dé-

générés, l'écholalie et la coprolalie. Le paramyoclonus mul-

tiple avec d'autres caractères communs tels que l'influence des

impressions morales et des excitations périphériques sur

le plus ou moins d'agitation musculaire présente des analogies

dans le mode de début qui est émotionnel, mais les signes qui

peuvent servir à les différencier de l'affection présentée par

K... sont nombreux. En première ligne le début par les

membres inférieurs et l'intégrité presque constante de la face

qui est en général respectée; le pouvoir qu'a la volonté d'arrê-

ter les mouvements lorsqu'on l'ordonne au malade et enfin le

fait que les mouvements volontaires font cesser immédiate-

ment les convulsions dans les groupes musculaires qui y

prennent part, ce sont là autant de signes de première impor-

tance qui permettent, malgré certaines apparences de forme

de faire promptement la distinction.

On trouverait parmi les autres myoclonies : chorée de Du-

bini, chorée électrique de Enock-Bergeron, chorée fibrillaire

de Morvan, etc., dont la différenciation à titre d'entité noso-

logique est contestée, étant donné qu'elle ne formerait selon

certains avis (Paul Blocq) que des modalités diverses de la

maladie de Friedreich, un aspect extérieur présentant une

assez grande ressemblance avec les accidents convulsifs dont

TROUBLES moteurs DE l'articulation DE la parole. 267

K... est affecté, le diagnostic serait du reste toujours, aisé à

cause de l'action spécifique du langage articulé dans la pro-

duction des troubles moteurs.

On a décrit des tics hystériques et leurs apparences sont des

plus variées, mais ils présentent des rapports avec les mani-

festations convulsives décrites par Gilles de la Tourette et

comme dans cette dernière affection ils ont un sens et expri-

ment la tendance à des mouvements coordonnés.

Le terrain sur lequel se sont développés les troubles divers

que nous avons décrits n'est pas d'ailleurs un terrain hysté-

rique. On ne relève rien tant dans les antécédents héréditaires

de K... que dans ses antécédents personnels qui puisse faire

soupçonner l'existence de cette névrose. Il n'existe aucune

anesthésie dans le domaine de la sensibilité générale et l'exa-

men du champ visuel permet de conclure à l'intégrité fonc-

tionnelle absolue de la vision; nous n'avons noté aucun trouble

dans les autres organes sensoriels et il ressort des renseigne-

ments qu'il n'y a jamais eu de paralysie, de contracture ou d'ac-

cidents convulsifs autres que ceux dont nous venons de parler.

Bien que l'hérédité de K... soit peu chargée, au moins

d'après les informations que nous avons eues, il n'en est pas

moins nettement un dégénéré. Son aspect extérieur et les

tares physiques diverses que nous avons notées au cours de

l'observation parlent en faveur de cette manière de voir, et il y

a d'ailleurs correspondance chez lui entre les déchéances phy-

siques et les stigmates mentaux.

Dans le domaine moral, il est un émotif, et sous ce rapport

son bégaiement renseigne très exactement sur son degré d'im-

pressionnabilité ; il est d'autre part sujet à des colères impul-

sives ; a des crises d'exaltation et depuis quelque temps pour

un motif futile, il est entré dans un état voisin de la dépres-

sion mélancolique. Au point de vue intellectuel, ses facultés,

normalement développées sur certains points, présentent sur

d'autres des lacunes étranges ; le fonctionnement de la mé-

moire chez K... en est un exemple ; d'autre part son existence

migratrice, aventureuse, dominée souvent par les impressions

du moment, nous fournit une preuve de plus de sa déséquili-

bration. Enfin, bégaiement et tic sont deux stigmates trop

communs et trop importants de la dégénérescence mentale

pour qu'il soit nécessaire d'insister sur leur signification

pathologique.

268 CLINIQUE mentale.

K... présente en outre à l'état d'ébauche un phénomène que

l'on pourrait rapprocher de certains syndromes épisodiques et

que nous avons signalé au cours de l'observation. Il s'agit du

besoin impulsif de répondre sur-le-champ qu'éprouve le ma-

- lade : lorsqu'on lui a fait une question si on lui ordonne de ne

rien dire, jusqu'à ce qu'on l'y autorise, il éprouve une véri-

table gêne et une sorte d'oppression qui ne cesse qu'après un

certain temps où lorsqu'on l'a autorisé à prendre la parole. Ce

fait rappelle, très atténuées, certaines obsessions des onomato-

manes qui ne sont soulagés qu'après avoir satisfait au besoin

de proférer la phrase ou tout le mot qui tend à s'extérioriser.

Quant au mécanisme qui préside à la production des troubles

complexes que nous avons décrits, on ne peut en risquer qu'une

explication tout hypothétique. Cependant l'examen du ta-

bleau clinique présenté par le malade K..., éveille logique-

ment par certains traits, certaines ressemblances, l'idée que

des conditions analogues à celles qui règlent l'éveil et le déve-

loppement des manifestations épileptiques, peuvent entrer en

jeu dans la genèse des accidents que nous avons observés.

Hâtons-nous de dire que nous n'avons pas l'intention de

rattacher, de près ou de loin, soit à l'épilepsie essentielle, soit

à l'épilepsie symptomatique, les manifestations diverses éprou-

vées par le malade K..., et nous ne jugeons même pas qu'il

soit nécessaire, après les développements accordés à l'obser-

vation, d'insister sur les caractères différentiels respectifs des

deux affections. Nous ne faisons intervenir ici l'épilepsie que

.comme terme de comparaison, dont les apparences extérieures

vont nous servir de point de repère, pour montrer l'analogie évo-

lutive possible des deux processus qui, quoique complètement

différents dans le fond, affectent dans leur marche des carac-

tères communs. Bien que les accidents présentés par notre

malade soient assurément sous la dépendance de troubles

fonctionnels et que l'épilepsie jacksonienne soit par définition

symptomatique, c'est le mécanisme décrit pour cette affection

que nous allons avoir en vue dans l'intérêt de la netteté de la

démonstration.

L'ordre d'envahissement des territoires atteints par l'épi-

lepsie jacksonienne est expliqué par la disposition topogra-

phique des divers centres moteurs à la surface de la zone

rolandique; dans le type facial, par exemple, la superposition

des trois centres moteurs de la face, du membre supérieur, du

TROUBLES MOTEURS DE l'articulation DE la parole. 269

membre inférieur, rend compte de l'apparition successive des

accidents convulsifs : « ... l'onde remonte de l'extrémité infé-

rieure de la frontale ascendante jusqu'à l'extrémité supérieure

de cette circonvolution. Dans le type brachial, le rayonne-

ment de l'onde envahit d'abord la face, dont le centre est situé

au-dessous du centre brachial ; puis le membre inférieur, dont

le centre est situé au-dessus. Mais comme le centre du membre

inférieur est plus éloigné du centre brachial que ne l'est le

centre facial, c'est le centre facial que la progression de l'onde

intéresse d'abord * . »

Ceci dit, si nous nous reportons à la description clinique des

accidents présentés par K..., voici brièvement résumé ce que

nous trouvons : à l'occasion unique du langage parlé appa-

raissent des phénomènes spasmodiques débutant par la face,

puis envahissant successivement le cou, la poitrine, les mem-

bres supérieurs et les membres inférieurs qui passent par une

phase tonique et une phase clonique; à la face la période to-

nique existe seule; de plus les troubles moteurs affectent une

localisation sinon franchement hémiplégique au moins beau-

coup plus marquée à droite. C'est l'observation de l'ordre

d'envahissement par le processus convulsivant des différents

groupes musculaires qui nous a donné l'idée d'une analogie

possible de mécanisme avec celui de l'attaque d'épilepsie jack-

sonienne ; il y a d'ailleurs correspondance entre les faits cli-

niques et l'hypothèse anatomique : si, en effet, on veut bien

admettre un trouble provoqué par l'élaboration de la phrase

dans le centre de l'articulation des mots, il sera logique de

supposer qu'après avoir gagné le centre des mouvements de la

face qui lui est contigu, l'onde spasmodique remonte le long

de la frontale et de la pariétale ascendantes faisant entrer

successivement en action les centres moteurs du tronc, du

membre supérieur et du membre inférieur.

Nous nous en tiendrons là, dans l'assimilation pathogé-

nique que nous avous tenté de faire. Malgré quelques appa-

rences de forme avec l'épilepsie jacksonienne les manifesta-

tions convulsives de K... sont de nature complètement

différente et nous croyons avoir assez longuement développé

leur histoire pour que la confusion ne soit pas possible.

C'est à la dégénérescence mentale que nous rapportons les,

1 Bl'issaud, - Epilepsie ,jacksonienne,in Traité de médecine, t. VI, p. 85.

270 asiles d'aliénés.

divers accidents que nous venons de relater; le tic et le bé-

gaiement en sont des stigmates classiques; ils se sont déve-

loppés sur un terrain très propre à les recevoir, mais l'un et

l'autre ont manifesté chez K...'un certain nombre de carac-

tères qui les éloignent beaucoup des types connus et décrits;

c'est pour cela que nous avons pensé qu'il y avait quelque

intérêt à signaler ces formes rares de la déséquilibration

cérébro-médullaire 1.

ASILES D'ALIÉNÉS.

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK

RAPPORT DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE POUR L'EXERCICE

fiscal 1894. (Imprimé en août 1895.)

(Analysé par le D' DARIN.)

UN MOT D'EXPLICATION

Dans la république fédérative des Etats-Unis, chacun des Etats a

son organisation politique particulière et sa législature à part

(Sénat et Chambre des représentants), qui édicte, pour tout ce

qui n'est pas du ressort fédéral, des lois promulguées par le gou-

verneur et valables dans l'étendue de l'Etat. L'Etat de New-York

a environ 6 millions d'habitants, sur une étendue de 1° : 7,U00 kilo-

mètres carrés. (Cette surface équivaut à peu près à celle de nos

anciennes provinces : Ile-de-France, Picardie, Normandie, Orléa-

nais et Bourgogne réunies, soit les 24 centièmes de la superficie

actuelle de la France). La population y est donc moins dense que

la nôtre, 47 habitants par kilomètre carré, au lieu de 71 en

moyenne ici.

En ce qui concerne les aliénés, ce n'est qu'en 1867 que la légis-

lature de l'Etat soumit l'inspection des asiles publics à un corps

officiel, appelé « Board of State Commissioners of public Charities »,

qui était chargé en même temps de surveiller tous les établisse-

'. Cette intéressante observation pourrait être rapprochée des nombreux

cas de tics compliqués de troubles de la parole, recueillis dans le service

des enfants de L31cêtre par un de nos collaborateurs. (J. Noir, Elude sur

les tics, 1893.) (Note de la rédaction.)

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 271

ments de charité et de correction (excepté les prisons) recevant

des secours de l'Etat. Ce n'est qu'en 1873 que le même corps, dé-

signé sous le nom de State Board of Charities, fut autorisé à visiter

en outre les établissements privés.

Enfin, c'est en 1889 que la législature nomma la Commission

actuelle du service des aliénés. Mais celle-ci resta en conflit d'attri-

butions avec le Bureau de charités, qui était chargé par la loi de

visiter 50,000 personnes assistées, et en plus tous les asiles d'aliénés

concurremment avec la commission spéciale.

En 1894, on proposa un amendement à la constitution pour faire

cesser ce conflit d'attributions et cet amendement, ratifié par le

peuple, institue la commission du service des aliénés comme corps

constitutionnel c'est-à-dire la rend indépendante du parlement,

mais tout en laissant (chose bizarre) la surveillance des asiles

d'idiots et d'épileptiques au bureau de charités. En même temps,

la constitution a reconnu le droit légal qu'a une commission volon-

taire (non officielle) d'inspecter les asiles d'aliénés, et le rapport

de cette dernière (signé de la présidente) est annexé à celui de la

commission d'Etat, qui le transmet directement à la législature.

Le Dr Mac Donald, président de cette commission, a bien voulu

nous envoyer un exemplaire de son rapport pour l'exercice fiscal

1894. C'est un gros volume de 700 pages, rempli de documents inté-

ressants. Nous allons essayer d'en donner une idée.

Disons tout de suite que le nombre des aliénés inspectés dans

l'état de New-York s'élevait au le, octobre 1894, à 19,088, sans

compter des idiots et épileptiques, 2,275, et la plupart des alcoo-

liques qui sont soignés dans des asiles spéciaux (un seul a reçu

261 malades en quinze mois).

La commission, en transmettant à la législature, son sixième

rapport annuel, observe qu'elle a dû en multiplier les détails pour

donner satisfaction à tous les intérêts, à ceux de l'Etat qui veille au

bien-être des aliénés, des médecins et administrateurs, comme à ceux

des contribuables qui payent une taxe spéciale pour ce service.

1 On demandera quelle nécessité a fait incorporer dans la Constitution

de l'Etat cette Commission ainsi que le Bureau de Charités et celui des

Prisons ? 'C'est que, depuis vingt-cinq ans, le nombre et la fortune des

institutions d'assistance publiques et privées, ont augmenté dans une

proportion énorme. A la fin de 1893, on estimait la valeur de tous leurs

domaines à environ 421 millions; la somme totale dépensée par elles,

dans la même année, était de 102 millions. Ces institutions sont très

puissantes. Il fallait donc que les Conseils chargés de leur contrôle fussent

assurés de pouvoir remplir leurs fonctions avec une pleine indépendance,

grâce au privilège d'une inamovibilité constitutionnelle. D'autre part, on

n'a pas à craindre leur despotisme, car tous les détails d'organisation et

d'administration relèvent de la législature, la constitution n'accordant

aux commissions qu'un rôle de surveillance et de contrôle.

272 2 asiles d'aliénés. '

Ce rapport se divise en sept parties principales relatives : 1° au

système d'Etat; 2° au système de comté; 3° au système privé

autorisé; 4° à des généralités sur ces divers systèmes; 5° aux sta-

tistiques ; 6° aux voeux formulés par la commission. Enfin la sep-

tième partie est une sorte d'annuaire des asiles.

- ) .

Première partie. Système d'Etat.

Le gouvernement tend à centraliser le service des aliénés. Il a

déjà neuf établissements (y compris un hôpital réservé aux cri-

minels fous) qu'on appelle hôpitaux d'Etat par opposition aux

asiles de comtés qui sont administrés par les municipalités. Ces

derniers ne sont plus actuellement qu'au nombre de six (quatre

pour la ville de New-York et deux pour Kings County) et la com-

mission espère voir cesser bientôt cette exception, car l'adminis-

tration en est lamentablement inférieure à celle de l'Etat, sauf en

ce qui concerne les soins médicaux, la discipline et la propreté.

Il existe, en outre, dix-huit établissements privés autorisés, ren-

fermant 819 malades. -

Entretien des malades. Jusqu'en 1893, il n'y avait pas d'uni-

formité dans l'établissement des budgets des hôpitaux. La com-

mission y a remédié en partie, et ses réformes se sont traduites,

pour l'exercice fiscal 1894, par une économie de 1 million et demi,

c'est-à-dire de près de 160 francs par tête, tout en alimentant et

traitant les malades avec une ample libéralité. (Les dépenses

prévues pour l'année 1895 sont de 9,600,000 francs en chiffres

ronds. En estimant la valeur de la propriété imposable de l'Etat

à 21 milliards 500 millions, il faudra la frapper d'une taxe d'en-

viron 0 fr. 045 p. 100 pour l'assistance des aliénés.)

Régime alimentaire. La commission, préoccupée du bien-être

des malades et désireuse d'unifier leur régime alimentaire, a de-

mandé au professeur Flint, le physiologiste bien connu, une for-

mule destinée à servir de base uniforme. La ration journalière de

chaque malade doit se composer de :

Viandes, avec os (comprenant des viandes salées, du poisson

frais et salé, volailles) 12 onces = 340 grammes;

Farine de blé (pain) ou de maïs ou macaroni, 12 onces =

340 grammes;

Pommes de terre, 340 grammes; lait, 453 grammes; oeufs,

56 grammes;

Sucre, 56 grammes; beurre, 56 grammes; fromage, 30 grammes;

riz, 43 grammes;

Fèves ou pois (secs), 43 grammes; café (en grains grillés),

24 grammes; thé noir, 3 gr. 5. Les fruits et légumes de saison ne

doivent pas être négligés. Tous les directeurs approuvent ces

données, en réservant le régime extra pour des cas spéciaux, qui

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 273

doit être prescrit par les médecins, et reconnaissent, avec la com-

mission, qu'il est avantageux, à tous les points de vue, de n'acheter

que des denrées de première qualité.

Constructions, réparations, etc. - Les hôpitaux d'Etat datent : le

premier, de 1836; le deuxième, de 1857; le troisième, de 186b; le

quatrième, de 1867; le cinquième et le sixième, de 1870; le sep-

tième, de 1879; le huitième, de 1887, et le neuvième, de 1891.

Ils ont coûté à édifier, réparer, etc., 70 millions.

L'expérience montre que l'augmentation annuelle des aliénés,

dans les neuf hôpitaux, varie de 200 à 400. Ce dernier chiffre a été

fortement dépassé l'an dernier, et, étant donnée la crise finan-

cière, qui tend à exagérer l'influence de quelques-unes des causes

reconnues de la folie, il est raisonnable de supposer une progres-

sion encore plus forte l'an prochain. Il faut donc construire encore

pour loger tous ces malades. La sagesse veut qu'on prévoie une

augmentation de 600 pour 1896, ce qui, à raison de 2,750 francs

par tête, exigera 1,650,000 francs de constructions nouvelles et

permettra d'en hospitaliser 9,753 (ou 10,303 en comptant les cri-

minels fous).

Projet pour spécialiser le traitement des cas curables. Jusqu'à

ces dernières années, l'administration était absorbée par le souci

de loger un nombre sans cesse croissant de malades (il a décuplé

en vingt ans); il fallait construire, réparer, améliorer les bâtiments

existants, assurer le bien-être des pensionnaires, soigner les affec-

tions intercurrentes, maintenir l'ordre et la discipline, etc. Bref,

les directeurs étaient obligés de consacrer surtout leurs efforts à

leurs fonctions administratives et négligeaient forcément la thé-

rapeutique. Mais, la folie étant une maladie souvent curable, la

commission conseille d'annexer à chacun des huit hôpitaux d'Etat

(le neuvième étant réservé aux criminels), deux bâtiments séparés

pouvant loger 25 hommes et 25 femmes, choisis parmi les malades

offrant le plus d'espoir de guérison, et qui seraient largement

pourvus de tout ce que la science considère comme nécessaire au

traitement curatif de l'aliénation mentale.

Projet de création d'un laboratoire pathologique. - Un autre voeu

de la commission, c'est l'établissement d'un institut pathologique,

. dépendant des hospices d'aliénés, qui serait dirigé par un professeur

spécial et où les médecins pourraient se livrer à des recherches

anatomiques, physiologiques et pathologiques sur le cerveau et

le système nerveux. Ce voeu a été approuvé par tous les directeurs.

Substitution d'infirmières aux infirmiers dans les salles d'hommes.

Après des essais favorables dans les réfectoires, les vestiaires,

etc., la commission croit qu'il y aurait avantage à employer exclu-

sivement des femmes pour le service des aliénés, sauf pour les

besognes trop pénibles. L'expérience a montré que le recrutement

en est facile. (On pousse en Amérique le scrupule des mots assez

Archives, 2° série, t. II. 18

274 asiles d'aliénés.

loin pour que l'on conseille de remplacer la dénomination d'At-

tendant par celle de Nuise, de même que la loi a opposé le nom

d'hôpital à celui d'asile.)

Malades payants. Aux malades non indigents, on fait payer

environ 2 fr. 65 par jour. Il y a intérêt pour l'Etat à être sévère

sur ce point afin d'éviter l'encombrement. Par contre, la commis-

sion conseille de ne jamais demander plus de 50 francs par

semaine aux pensionnaires privés, pour ne pas avoir à subir leurs

exigences, etc.

Uniformisation des traitements et salaires. - La commission

voudrait encore qu'on fît un classement des médecins, etc., de

manière à établir partout des traitements uniformes et variables

suivant la classe; de même pour les salaires des employés.

Proportion des guéri sons. - Jadis, on divisait les fous en aigus et

chroniques et l'on reléguait ceux-ci dans les dépôts de mendicité

ou les hospices d'incurables. La loi de 1890, fit transférer plus de

2,000 cas de ces derniers dans les hôpitaux d'Etat; on aurait pu

croire alors que cette accession allait diminuer le chiffre des gué-

risons. Pas du tout : de 1885 à 1889, le taux moyen de celles-ci

était de 5,8 p. 100; de 1890 à 1894, il a été de 6,8 p. 100, soit au

contraire une augmentation de 1 p. 100 des guérisons, ce qui

prouve que les aliénés dits chroniques ne sont pas des incurables.

Criminels fous.- On a construit un hôpital d'Etat pour les cri-

minels fous, permettant de séparer ceux qui ont été acquittés ou

non jugés parce qu'ils étaient aliénés au moment où ils commirent

leurs attentais, de ceux qui sont devenus fous pendant qu'ils subis-

saient leurs peines. Ces derniers font tous leurs efforts pour s'évader

- surtout ceux qui ont commis des attentats contre la propriété-

et il semble que la maladie mentale exagère leur adresse et leurs

ruses naturelles. De là la difficulté de les retenir prisonniers dans

un établissement qui a plutôt le caractère d'un hôpital que celui

d'une prison. En fait, les évasions et les tentatives d'évasion sont

très fréquentes. D'autre part, les autres ne sont pas réellement

des criminels et, n'étaient leurs tendances dangereuses, on pour-

rait les traiter tout à fait comme des fous ordinaires. Or, ces deux

catégories de malades vont sans cesse en augmentant et la place

manque déjà pour les interner. On pourrait transférer à d'autres

hôpitaux d'Etat les condamnés devenus fous, quand ils sont arrivés

à l'expiration de leur peine; ou bien agrandir l'hôpital spécial ; ou

bien encore adjoindre à des prisons d'Etat des bâtiments destinés

aux criminels fous. C'est cette dernière solution que conseille la

commission.

RAPPORTS SPÉCIAUX DES HÔPITAUX D'ÉTAT

Ces rapports sont établis sur un plan uniforme, d'après le for-

mulaire suivant proposé par la commission :

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 275

1. Exposer, d'une manière générale, les opérations de l'hôpital

pour l'exercice fiscal 1894, indiquant le nombre et le genre des

bâtiments édifiés ou complétés durant l'année, ou actuellement en

cours d'exécution; les réparations extraordinaires, etc.; le nombre

des malades présents au début de l'exercice, les admis, les con-

gédiés, guéris, améliorés et stationnaires, les morts, le nombre

total des malades traités et la population journalière moyenne

pendant l'année.

2. Indiquer séparément le but et le chiffre des allocations spé-

ciales accordées à l'hôpital par la législature de 1894, et leur

somme totale, ainsi que les dépenses déjà faites.

3. Crédits demandés pour l'exercice 1895, avec la justification

de chacun d'eux.

4. Donner le coût per capela, par année et par semaine, pour

les soins, le traitement médical, l'entretien et le transfert des

fous indigents aux hôpitaux d'Etat, les honoraires des médecins,

les salaires des employés, les réparations ordinaires et acciden-

telles, etc.

5. Donner la proportion des guérisons relativement au nombre

des admissions, à la population journalière moyenne, au nombre

total des malades traités et au nombre des congédiés pendant l'an-

née fiscale.

G. Donner la proportion des décès relativement aux mêmes

conditions.

7. Indiquer le nombre total des alcooliques, morphinomanes,

etc., congédiés durant l'année, et dire s'ils sont guéris ou non alié-

nés dans votre rapport annuel.

8. Parmi les renvoyés comme guéris pendant l'année précé-

dente, indiquer combien ont été réadmis jusqu'au 30 septembre

1894. '

9. Comment se comporte le conseil d'administration relativement

aux visites et à l'inspection de l'hôpital ? Donner le nombre des

visites faites par chaque administrateur pendant l'année fiscale.

10. Indiquer sur quelles bases se règlent le choix et les appoin-

tements des médecins, ainsi que les promotions dans le service

médical.

11. Indiquer le nombre des médecins par rapport au nombre

des malades, aussi bien exclusivement qu'inclusivement des méde-

cins en chef et des internes.

12. Le nombre des médecins est-il suffisant, selon vous, pour

assurer à tous les cas curables le degré de traitement spécialisé

qu'exigent ces cas et, sinon, dans quelle mesure faudrait-il l'aug-

menter ?

13. Indiquer les appointements et les bonifications des différentes

classes des fonctionnaires résidents.

14. Les appointements et suppléments des médecins suffisent-

276 asiles d'aliénés.

ils, selon vous, pour recruter et maintenir dans le service des méde-

cins compétents et autorisés ?

15. Les employés de l'hôpital sont-ils mécontents de l'inégalité

de leurs traitements comparativement à ceux des employés de

même grade dans les autres -hôpitaux de l'Etat ? Ne devrait-on

pas, à votre avis, établir l'uniformisation des soldes ?

16. Dans quelle proportion le médecin en chef (directeur tou-

jours), consacre-t-il réellement sou temps aux soins médicaux des

malades et combien de temps donne-t-il approximativement à la

partie administrative de ses fonctions ?

17. Serait-si possible ou à propos, selon vous, de séparer la

partie strictement médicale de la partie administrative et quelles

seraient les objections, si vous en voyez, à une semblable divi-

sion ?

18. Combien, parmi les médecins de l'hôpital, ont des grades

universitaires (collège graduâtes) ?

19. Quelle est la proportion des médecins de l'hôpital ayant

suivi avant de se spécialiser, les cliniques d'un hôpital général ?

20. Les .internes reçoivent-ils une instruction spéciale en méde-

cine et pathologie mentales, neuro-anatomie et dans l'usage des

instruments de précision, surtout le microscope, l'ophtalmoscope,.

etc.; si oui, qui leur donne cet enseignement et à quel degré ?

21. Donner la liste des instruments de précision, des instru-

ments de chirurgie et appareils médicaux possédés par l'hôpital ?

22. Indiquer la nature et l'importance des appareils hydrothé-

rapiques de l'hôpital et la mesure de leur utilisation pour le trai-

tement des malades.

23. Fait-on à l'hôpital des leçons cliniques sur les maladies men-

tales à des étudiants en médecine et autres; si oui, qui les fait et

dans quelle mesure ? Avez-vous, parmi vos médecins, des profes-

seurs attachés à des écoles médicales ?

24. Dire la nature et l'importance des bibliothèques médicale

et générale de l'hôpital. Donner la liste des ouvrages de médecine

acquis pendant l'année fiscale et des abonnements aux publica-

tions médicales et générales.

25. S'il y a un ou plusieurs médecins de l'hôpital qui aient fait

quelques publications médicales ou psychologiques, en donner

l'indication.

26. Dans quelle mesure, des médecins du dehors, spécialistes ou

autres, ont-ils été demandés pour des consultations à l'hôpital ?

Serait-il à propos, selon vous, d'avoir un corps de médecins con-

sultants ?

27. Décrire la marche suivie habituellement à l'admission d'un

malade, en ce qui concerne les examens pour déterminer l'état

mental et physique du sujet, l'enregistrement des entrées, les dis-

positions pour l'observation spéciale, etc.

assistance DES aliénés dans l'état DE NEW-YORK. 277

28. Fait-on régulièrement des autopsies à l'hôpital ? Si oui, qui

les fait et dans quelle mesure ?

29. A quel degré se font les examens ophtalmoscopiques sur les

sujets entrant à l'hôpital ?

30. Fait-on (et dans quelle mesure) les examens du sang et de

l'urine ? Dire aussi comment on procède pour les examens, uté-

rins.

31. Apprend-on aux infirmiers et infirmières de l'hôpital à

faire l'hydrothérapie, le massage, etc. Si oui, qui leur donne cette

instruction et dans quelle mesure ? ,

32. Y a-t-il un dentiste attaché à l'établissement ?

33. Donner le détail des facilités spéciales, structurales et autres

(s'il y en a), ainsi que les méthodes usitées pour le traitement

spécial des cas curables.

- 34. De même, pour les moyens de distraction et d'amusement

offerts aux malades, dire la nature et la fréquence de ces distrac-

tions.

35. Indiquer les facilités pour les occupations à l'intérieur, spé-

cialement en ce qui concerne les arts et les industries mécaniques,

ainsi que pour les occupations au dehors, jardinage, culture, etc.

36. Indiquer les divers genres d'occupations et le nombre

moyen des malades qui prennent part à chacun d'eux, durant

l'année.

37. Se sert-on de moyens mécaniques pour se rendre maîtres

des malades ? Si oui, quels sont ces moyens, y compris les draps

de protection et dans quelles circonstances y recourt-on ? 2

38. Exposer vos idées sur la convenance et la valeur de la con-

trainte mécanique dans le traitement de la folie.

39. Emploie-t-on comme substituts de ces moyens de contrainte

les médicaments dits dépressifs'de la motricité ou d'autres. Si oui,

dans quelles circonstances ?

40. Recourt-on à l'hôpital au « système des portes ouvertes » ;

si oui, dans quelle mesure ?

41. Exposer vos idées basées sur l'expérience et l'observation

personnelles ou autrement, sur la valeur du système des portes

ouvertes ».

42. Dire si l'on a renoncé (et dans quelle mesure) à l'usage des

garde-fenêtres. Serait-il désirable, ou même serait-il possible, selon

vous, d'en abandonner généralement l'emploi ?

43. Dans quelle mesure utilise-t-on les promenoirs à air libre ou

la cour d'exercice enclos de murs, s'il y en a à l'hôpital ? Dire ce

que vous pensez de leur nécessité et de leur utilité ? 2

44. Indiquer la proportion, relativement au nombre des malades

des infirmiers et infirmières, à l'exclusion des surveillants géné-

raux ; et séparément, la même proportion des gardiens et gar-

diennes de jour et de nuit.

278 asiles d'aliénés.

45. Emploie-t-on des infirmières dans les salles d'hommes; si

oui, dans quelle proportion ?

46. Yaurait-il avantage, selon vous, à substituer des infirmières

aux infirmiers pour les salles d'hommes et jusqu'à quel point pour-

rait-on faire cette substitution ?

47. Indiquer séparément le minimum et le maximum des salaires

de ces employés et d'après quelle règle on les augmente ; indiquer

aussi tous les suppléments et faveurs qui leur sont accordés, y

compris le vêtement, les heures de service, les congés et si, dans

votre opinion, ces avantages sont suffisants pour assurer un bon et

durable service ?

48. Indiquer la différence proportionnelle (tant p. 100) des

salaires payés aux infirmiers et aux infirmières.

49. Donner le nombre total de ces employés des deux sexes au

30 septembre 1894 et le chiffre des démissions et des renvois pen-

dant l'année ; les causes principales de ces renvois et démissions,

avec votre avis sur les moyens qui permettraient de les réduire au

minimum.

50. Ces employés ont-ils des logements en dehors des salles ; si

oui, dans quelle mesure ?

51. Les chambres à part seraient-elles un moyen d'assurer un

meilleur service, si on les procurait à toute cette catégorie d'em-

ployés ?

52. L'hôpital a- t-il organisé un enseignementpourlesinfirmiers;

si oui, depuis quand, par qui est-il dirigé, son but, les sujets ensei-

gnés et le temps d'étude exigé; y admet-on les deux sexes ?

53. Les rations alimentaires actuelles sont-elles, à votre avis,

suffisantes en quantité, qualité et variété, pour satisfaire pleine-

ment aux besoins des pensionnaires; les facilités pour la prépara-

tion et le service des repas sont-elles suffisantes pour assurer les

meilleurs résultats, au double point de vue du bien-être des malades

et de l'économie ?

54. Serait-ce, selon vous, un moyen de favoriser la guérison des

malades, comme d'assurer une plus grande économie que d'enga-

ger des cuisiniers d'ordre supérieur à ceux qu'on emploie actuelle-

ment ou conseilleriez-vous un chef qui surveillerait et dirigerait

la préparation et la cuisson des aliments pour les malades, avec

assez de subordonnés sous ses ordres pour assurer un bon service

de cuisine ?

55. Y a-t-il à l'hôpital des réfectoires communs; si oui, dans

quelle mesure et quels sont, à votre avis, les avantages de ces réfec-

toires comparés à ceux des salles ?

56. Faites-vous parfois manger les deux sexes dans un réfectoire

commun et considérez-vous cette communauté comme dési-

rable ?

57. Avez-vous des dortoirs communs à l'li0pital; si oui, dans

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 279

quelle mesure et pour quelle catégorie de malades ? Favorisez-vous

cette disposition et dans ce cas, pour quelles raisons ? Quel

sont, à votre avis, le maximum et le minimum de malades que

l'on peut réunir dans un dortoir avec sécurité et convenablement.

58. Utilisez-vous les bains pulvérisés (spray) ou en pluie ? Si oui,

dans quelle mesure et quels sont, selon vous, les avantages de ce

système comparativement à celui des baignoires ?

59. Exposer les règles suivant lesquelles on donne des bains

aux malades, en ce qui concerne la fréquence, le renouvellement

et la température de l'eau, la fourniture des serviettes, etc. ; y a-t-

il un médecin chargé de la surveillance des bains et dans quelle

mesure exerce-t-il cette surveillance ?

60. Combien l'hôpital fournit-il de serviettes à rouleau propor-

tionnellement au nombre des malades ? Donne-t-il aussi des essuie-

mains individuels et dans quelle mesure ? Jusqu'à quel point serait-

il possible, selon vous, de substituer ces derniers aux serviettes à

rouleau ? N'y a-t-il pas des raisons sanitaires en faveur de cette

substitution ?

Voilà donc une série de 60 questions auxquelles doit répondre

chacun des neuf médecins-directeurs (superintendants). Mais par

une disposition curieuse et qui facilite les comparaisons, les neuf

rapports, au lieu de présenter un ensemble continu, se trouvent

fragmentés en 60 parties, chacun répondant tour à tour aux 60 ques-

tions précédentes.

Nous laisserons de côté les trois premières qui n'offrent pas d'in-

térêt pour nous.

4. Le prix de revient de chaque malade est très variable sui-

vant les hôpitaux. Le plus bas est de 695 francs par an et le plus

élevé de 1,174 francs. La moyenne pour les neuf hôpitaux est de

920 francs, soit 2 fr. 82 par jour.-

5. Proportion des guérisons : .'

280 ASILES d'aliénés.

6. Proportion des décès :

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 281

15. On ne se plaint guère de la différence des traitements selon

les hôpitaux ; cependant la majorité des directeurs pensent qu'il

vaudrait mieux les uniformiser.

16 et 17. Le médecin en chef est toujours médecin-directeur. La

moitié de son temps au moins est prise pour les soins adminis-

tratifs. En général, on répond qu'il ne serait pas possible de

séparer les deux fonctions.

18. Instruction universitaire. Sur plus de GO médecins, 19 seu-

lement ont fait des études classiques. Un seul est désigné comme

bachelier ès arts (A. B.). (Faut-il en conclure que les autres n'ont

pas de titres analogues ? )

19. La plupart ont été dans des hôpitaux généraux avant de se

spécialiser.

20. Généralement le médecin en chef et ses adjoints instruisent t

les jeunes médecins en faisant leurs visites. Ces derniers ont pour

la plupart, suivi les cours spéciaux des professeurs de pathologie

mentale. Us savent se servir plus ou moins du microscope et de

l'ophtalmoscope ; mais, en général, pas de cours méthodiques à

l'hôpital.

21 et 24. Les listes d'instruments et les bibliothèques ne sont pas

très considérables.

22. On utilise fréquemment les douches et les bains, dont l'ins-

tallation n'est pas parfaite partout.

23. Sur les 9 médecins en chef, 4 sont professeurs dans des col-

lèges médicaux de villes voisines (Albany, Syracuse, etc.). Quelque-

fois, d'autres professeurs viennent faire des leçons cliniques à

l'hôpital. 1.

25. Quelques médecins ont publié des articles et des observations

dans les journaux de médecine mentale et deux ou trois dirigent

même ces journaux.

26. On appelle quelquefois des médecins du dehors en consul-

tation ; les familles des malades ont d'ailleurs toute liberté à cet

égard. Il y a divergence d'opinion sur l'utilité d'un corps de méde-

cins consultants.

27. Examen à l'admission. Les formules à remplir sont géné-

ralement semblables aux nôtres. Mais en voici une autre bien plus

complète que donne l'un des rapports pour les cas spéciaux :

282 11) asiles d'aliénés.

affection cérébrale ou spinale, hystérie, épilepsie, hypocondrie,

chorée, migraine ou neurasthénie ?

Si oui, à quel âge et à la suite de quelles circonstances ?

Le malade a-t-il quelque parent qui ait commis des actes de sui-

cide, d'immoralité ou d'excentricité ou un délit quelconque...

~ En avait-il d'adonnés à l'ivrognerie ou à des habitudes ana-

logues ?

En avait-il d'atteints d'idiotie, d'imbécillité, de crétinisme, de

surdi-mutité, ou morts subitement d'apoplexie ou de convulsions,

ou présentant des anomalies ou des irrégularités physiques ?

Les parents ou grands-parents étaient-ils consanguins, il quel

degré ?

L'un était-il beaucoup plus âgé que l'autre ? Leurs âges au mo-

ment du mariage ?

Avaient-ils ou venaient-ils d'avoir quelque maladie sérieuse à

l'époque de la conception ?

Ont-ils jamais eu la syphilis ?

Auquel de ses parents ressemble le malade, physiquement et

mentalement ?

Conditions de la propre famille du malade...

Historique du malade. - Enfance.

Etat de la mère pendant la grossesse, en ce qui concerne : ma-

ladies, lésions, chagrins, surmenage, etc...

La délivrance s'est-elle effectuée normalement et au temps voulu ?

L'enfant a-t-il été blessé pendant l'accouchement ?

A-t-il eu des convulsions ? Si oui, quelles en ont été les consé-

quences ?

A-t-il eu des terreurs nocturnes ? De la faiblesse des sphincters ?

Autres anomalies...

A quel âge a-t-il percé des dents ? commencé à marcher ? à parler ?

Quelles maladies de l'enfance a-t-il eues ?

Comment progressait-il dans l'instruction ? Quelles branches

offraient-elles une difficulté spéciale ?

A quel âge les signes de la puberté devinrent-ils manifestes ?

Quel était, auparavant, l'état mental et physique ? Quels change-

ments sont-ils survenus pendant et après cette période ? ' !

Les manifestations de l'instinct sexuel ont-elles été précoces ? Pré-

ciser l'âge...

Y a-t-il eu des perversions dans ces manifestations ?

Cet instinct a-t-il été satisfait ? Si oui, de quelle façon ? Mastur-

bation ? Depuis quand ? De quelle manière ?

Comment cette période a-t-elle été franchie par d'autres mem-

bres de la famille ?

A-t-il jamais montré de la haine pour le sexe opposé ?

assistance DES aliénés dans l'état DE NEW-YORK. 283

Age adulte.

Etat de la constitution ?

Le malade a-t-il été atteint : de fièvre typhoïde ou intermittente,

de méningite, lésions de la tête, coup de soleil, chlorose ou anémie,

rhumatisme, rachitisme, chorée, fièvres éruptives, désordres chro-

niques de l'appareil digestif, syphilis, scrofule, tuberculose, satur-

nisme ?

S'il a eu quelques-unes de ces affections, quelles en furent les

particularités ? Les conséquences ?

Le malade a-t-iljamais de grands troubles vaso-moteurs (rougeur

de la face, pâleur, palpitations, oppression précordiale, angine de

poitrine ?

A-t-on observé chez lui des anomalies de la vision ou de l'ouïe ?

A-t-il éprouvé de l'intolérance pour les liqueurs alcooliques, les

drogues, la haute température ou le tabac ?

A-t-il été sujet aux céphalalgies ? Leur siège et leur genre ? ` ?

A-t-il été sujet aux névralgies ? aux'trémulations musculaires ?

Tremblements ? .

Etait-il très excitable, dépressible ou irritable en état de santé,

et ces conditions duraient-elles quelque temps ? Y

Le naturel du malade était-il variable parfois ou périodique-

ment ? avec ou sans raison ? à quelles occasions ?

Son caractère était-il ferme ou non ? Etait-il sociable, égoïste,

insouciant, religieux, blasphémateur, avare, extatique ? 1

Etait-il retenu dans son langage ? Modeste ? De tenue soignée ?

Etait-il envieux, vindicatif, haineux, phlegmatique ?

Y a-t-il quelque chose de continuellement pénible dans son état

social, au sujet de la profession, du ménage, de la parenté ?

Le malade s'est-il surmené de quelque façon ?

Impuissance... Pollutions...

Femmes.

Etat de la menstruation, relativement à l'époque, à la durée, à

la quantité et aux symptômes ? ` ?

Grossesses, nombre, date de la première, fréquence, avortement ? ' !

Ont-elles présenté des anomalies pendant, à la délivrance ou après ?

La malade se portait-elle mieux qu'à l'ordinaire pendant ses

grossesses, ou était-elle pire ? '1

Hémorragies ? Leur fréquence, leur abondance et leurs causes ? '1

Leurs résultats ? Lésions des organes génitaux ? Maladies des

organes génitaux ?

Historique du désordre mental.

Les causes supposées : a) d'après le malade ; 6) d'après ses

proches ?

284 li. asiles d'aliénés.

Durée des causes ?

Le trouble actuel est-il la première attaque ou d'autres ont-elles

précédé ? 1

Décrire les crises précédentes ?

Le développement a-t-il-été brusque ou graduel ?

" t1-t-on observé quelques perversions des facultés mentales ?

Fatigue intellectuelle ? Changement dans les sentiments ou les

affections ? Dans le caractère ? Agitation ? Irritabilité ? ' ?

Existait-il une disposition douloureuse 7 Une douceur insolite ?

Tristesse prolongée ? Crainte de devenir fou ? Dégoût de l'exis-

teuce ?

Grandeur anormale ou exagération des choses ?

Forte application au travail ou aux affaires ?

Désir de voyager ? Désir de disparaître ?

Tendances hostiles, abus de confiance ?

A-t-il manifesté de la déloyauté ? Est-il devenu menteur ?

A-t-il manifesté une raude jalousie ? Des sentiments d'insécurité ?

Crainte de dangers ? Désintéressement ? Importunité ?

Etat du sommeil juste avant l'apparition du désordre mental ?

A-t-on observé quelque anomalie au réveil ?

Quelles étaient les conditions de la nutrition ? Evacuations ? Mens-

truation ?

Y a-t-il eu do la céphalalgie ? Du vertige ? De l'aura ? Des sensa-

tions précordiales ? De la dysesthésie ?

Trouble de la parole ? Pouvoir de l'attention ? Mémoire ?

Le malade se rappelait-il mieux lés événements passés que les

récents ? '

A-t-il eu des appétits impérieux ou des désirs spéciaux ?

A-t-on observé des signes d'apoplexie ? Des attaques épileptiques ?

Les prodromes sont-ils apparus continus ou intermittents ?

Se sont-ils montrés successivement ?

Le malade a-t-il menacé ou commis quelque violence sur lui-

même ou sur d'autres ?

Qu'est-ce qui parait affecter de quelque manière son état actuel ?

Examen physique.

Taille... Poids... Etat de la nutrition... De la circulation...

Correspondance du développement physique avec l'âge...

Signes de sénilité prématurée...

Forme du crâne...

Mensurations :

Circonférence...

Protubérance occipitale, racine du nez...

Oreille, menton, oreille..

Oreille, front, oreille...

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 285

Oreille, oreille...

Oreille, point le plus saillant de la tête, oreille...

Diamètres :

Protubérance occipitale, racine du nez...

Protubérance occipitale, menton...

Oreille, oreille...

Ecartement maximum des os malaires...

Ecartement des angles de la mâchoire inférieure...

Signes de dégénérescence :

Crâne... Yeux... Nez... Oreilles... Bouche... Face... Squelette

et extrémités... Organes génitaux... Cheveux...

Divers :

Pouls, température, respiration, langue...

Essais de :

La vue, l'ouïe, du goût, de l'odorat, de la sensibilité, des

réflexes, des fonctions motrices, des fonctions sécréloires,

salivation, sueur, du système gastro-intestinal.

Urine :

Couleur, consistance, odeur, réaction, densité.

Urine anormale : urée, phosphates, chlorures, oxalates, albu-

mines, moules, sucre, etc.

Condition trophique de la peau.

Examen des organes thoraciques... Coeur... Poumons..

Examen des organes abdominaux (y compris le bassin chez la

femme)...

Elat de la coordination... attitude... expression...

Manières d'être... Seul... En compagnie.

Sommeil.

Examen psychique.

Caractère et ses modifications... Conditions qui l'affectent ?

Tendances... Impulsions... Idéation... Idées fixes...

Sensibilité psychique... Compréhension... Raison... Logique...

Pouvoir d'attention... Sentiments moraux... esthétiques...

Empire sur soi-même... Endurance psychique...

Jugement... Mémoire... Désirs... Affections... Illusions...

Hallucinations... Erreurs...

' (Voilà un cadre bien riche et qui peut servir à stimuler le zèle de

nos élèves.)

28. Les autopsies se font presque partout, avec l'autorisation des

familles, sous la direction des médecins du service. Le chiffre en

est très variable : sur 10 p. 100 des décès dans tel hôpital jusqu'à

65 p. 100 dans tel autre. On examine généralement les organes des

trois grandes cavités; rarement on ouvre le canal spinal.

29. Partout, on ne fait l'examen ophtalmoscopique à l'entrée,

qu'en cas d'indications spéciales.

86 asiles d'aliénés.

30. L'examen de l'urine, à l'admission, est à peu près général.

Celui du sang est rare. (Dans un rapport, on lit : « Nous ne sommes

pas encore parvenus à déterminer la proportion exacte des héma-

ties relativement aux corpuscules blancs. ») L'examen utérin, quand

il est indiqué, est confié à la femme médecin.

- 31. Les médecins font partout un cours aux infirmiers, dans

lequel on enseigne le massage, l'hydrothérapie, etc. Nous n'avons

pas de masseur, dit l'un des rapports.

32. Il n'y a pas de dentistes attachés aux hôpitaux. C'est une

lacune qu'il faudrait combler, disent les rapports. Ce sont les fa-

milles qui en font venir en cas de besoin.

33. Les facilités spéciales, structurales ou autres, pour le traite-

ment des cas aigus, paraissent généralement assez médiocres. Les

infirmeries sont insuffisantes. On demande même des chambres

individuelles pour les cas très aigus. Les médecins font tout ce

qu'ils peuvent pour suppléer aux défectuosités des hôpitaux, sous

ce rapport.

34. Les moyens de distraction sont nombreux : danses une fois

par semaine, concerts, représentations théâtrales, bateaux de plai-

sance à vapeur, jeux variés, courses en traîneau l'hiver, pianos,

billards, etc., etc. Il y a aussi des écoles pour les malades, ce qui

les occupe, etc.

35. On emploie les malades aux différents travaux de menuise-

rie, boulangerie, buanderie, cordonnerie, couture, etc. Les jar-

dins et les champs en occupent aussi un bon nombre. L'étendue

du domaine varie de 40 à 400 hectares.

36. Environ 50 p. 100 denos malades (dit un rapport) subissent

un genre de traitement spécial à cet hôpital, ce que nous appelons

le traitement du repos. 23 p. 100 se composent de vieillards, d'in-

firmes et de pensionnaires payants. Le reste travaille volontaire-

ment (126 hommes et 131 femmes sur un millier de malades). Dans

les autres hôpitaux, on compte plus de 60 p. 100 de malades tra-

vailleurs.

37. Parmi les moyens de contrainte, on n'a guère conservé que

les draps de protection (système formulé par Miss Crâne sur les con-

seils du Médecin-Directeur de Middletown State Hospital) et, encore

deux hôpitaux y ont-ils renoncé, comme à la camisole de force, etc.

38. On est généralement partisan du non-restraint ; cependant

on admet que, dans certains cas, les moyens de protection méca-

niques sont indispensables ; leur prohibition absolue serait aussi

absurde que celle de l'alimentation forcée.

39. Les médicaments sédatifs ne sont jamais employés pour

remplacer les moyens mécaniques de contrainte. On s'en sert

(l'hyosciamine par exemple) pour calmer l'excitation psychique avec

impulsion motrice considérable, c'est-à-dire en raison de leurs

effets thérapeutiques.

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 287

40. Le système des portes ouvertes n'est absolu dans aucun hôpi-

tal ; on l'applique seulement à certaines salles, soit pour environ

le cinquième des malades.

41. Tous les rapports sont favorables à ce système, à la condi-

tion d'avoir assez de gardiens : 2 maximum de liberté et minimum

de contrainte. n

42. On n'est pas, en général, partisan de la suppression totale

des barreaux ou grillages aux fenêtres. Quelques hôpitaux y ont

cependant renoncé pour certaines salles ou les ont remplacés par

des treillages métalliques peu visibles.

43. Il n'y a guère que dans l'hôpital destiné à recevoir les cri-

minels fous qu'il existe des cours entourées de murs pour faire

prendre l'air à ces malades. Partout ailleurs, on préfère de longues

promenades avec un nombre suffisant de gardiens. De petits es-

paces clos sont très nuisibles, parce qu'ils agissent comme cause

d'excitation pour les malades troublés et disposent les gardiens à

se relâcher dans leur surveillance.

44. On compte, en général, 1 gardien pour 7 à 10 malades. La

nuit, il y a un surveillant pour 40 à 80 hommes et une surveillante

pour environ le même nombre de femmes. La proportion varie

donc du simple au double suivant les hôpitaux.

45. Dans six des neuf hôpitaux, on a essayé l'emploi des femmes

pour les réfectoires, les salles de convalescence, etc., et l'on est

généralement satisfait de leurs services.

46. La plupart des rapports sont favorables à l'emploi des

femmes dans les quartiers d'hommes, sauf pour les agités et pour

les travaux trop pénibles ; c'est-à-dire qu'elles pourraient repré-

senter presque les trois quarts du personnel masculin.

47. Le détail de ces salaires ne nous paraît pas bien intéressant;

la moyenne générale suffit.

Les hommes touchent de 100 à 180 francs par mois.

Les femmes touchent de 70 à 120 francs par mois.

L'augmentation étant rapide et progressive, suivant leur instruc-

tion, etc.

Ils paient leur uniforme. Les heures de loisir et les congés sont

assez larges.

48. Les salaires des hommes et des^ femmes n'étant pas uni-

formes, le rapport ne l'est pas davantage. Cependant, en général,

les femmes touchent environ 70 p. 100 du salaire des hommes.

49. Les démissions sont assez fréquentes, par insuffisance de la

solde, disent les rapports. Les renvois ne sont pas très nombreux,

ils sont plutôt motivés par l'insubordination et l'ivrognerie que par

les mauvais traitements envers les malades.

50 et 51. Une partie des employés ont des chambres indépen-

dantes des salles, et quelquefois dans des bâtiments à part (un

pour les hommes, un pour les femmes).

z88 ASILES d'aliénés.

Suivant les rapports, ce serait une bonne mesure de généraliser

cette indépendance. Un roulement assurerait les services de nuit,

etc., etc.

52. Tous les hôpitaux ont organisé un cours pour l'instruction

des infirmiers et infirmières. Ce sont les médecins qui en sont

chargés à tour de rôle. Le cours dure généralement deux ans et il

a lieu une fois par semaine pendant les six mois d'hiver et de

printemps. On y enseigne les éléments de l'anatomie, physiologie,

hygiène, bandages et pansements, l'hydrothérapie, le massage, etc.

A l'expiration du cours, on délivre un certificat d'aptitude à ceux

qui passent de bons examens.

53. Le régime alimentaire, établi d'après M. Flint, paraît très

suffisant en quantité, qualité et variété. Les malades (presque sans

exception) augmentent rapidement et largement de poids peu

après leur admission. On pourrait donner plus de latitude aux

médecins pour modifier le régime extra des malades.

54. Réponses affirmatives et générales à cette question. En payant

plus cher les cuisiniers chefs, on en aurait de meilleurs et l'on

réaliserait des avantages économiques et autres.

55. Presque partout, il y a des réfectoires communs. Il y aurait

intérêt à généraliser cette mesure (avec les restrictions nécessaires) :

1° Leur proximité des cuisines permet de servir les plats plus

chauds : 2° la surveillance et la discipline sont simplifiées ; 3° Il y

a économie d'aliments, de service et enfin diversion pour les ma-

lades.

56. Réfectoires séparés pour les hommes et les femmes, en géné-

ral. Quelquefois les repas ont lieu en commun pour les deux sexes;

par exemple : ceux qui sont à l'infirmerie, ou ceux qui ont des

emplois dans l'hôpital. La plupart des rapports ne voient pas

d'avantages à étendre cette mesure.

57. Presque partout, il y a des dortoirs plus ou moins spacieux

pour les malades calmes et les déments ; de plus petits pour ceux

qui réclament plus de surveillance. Un des rapports demande des

chambres spéciales pour les cas curables. En général, on trouve

qu'il ne faut pas associer plus de 75 lits ni moins de 3.

58. Les bains pulvérisés ou en pluie sont installés presque par-

tout, sans être parfaits. On les préfère généralement aux bains

ordinaires, sauf pour les femmes dont la modestie s'en effarouche.

- Ils sont plus économiques, plus commodes, plus propres, la

même eau ne pouvant servir deux fois.

59. Les malades sont baignés au moins une fois par semaine et

chaque fois qu'il est nécessaire pour les malpropres. Les gâteux

ont régulièrement deux bains à l'éponge par semaine. Les bains

ordinaires sont à 36° C. Le spray est plus chaud, mais l'eau se

refroidit par la pulvérisation et frappe le corps du sujet à une

température très agréable, c'est-à-dire à environ celle du sang.

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 289

Ponr les baignoires l'eau est toujours renouvelée. Chaque ma-

lade a sa serviette personnelle pour chaque bain. Les médecins ne

président pas toujours à l'administration des bains; mais il y a

des chefs compétents (hommes et femmes).

60. Presque partout il y a des serviettes à rouleau, une pour 4 à

10 malades, que l'on change trois à quatre fois par jour. Mais on

préfère les serviettes individuelles, qui sont partout en usage pour l'

les bains et on voudrait les généraliser pour des raisons sani-

taires.

Nous aurions bien des remarques à faire sur différents

points de cette première partie de l'analyse si intéressante de

M. le D'' Darin. Nous nous bornerons à quelques-unes. Rele-

vons en premier lieu le passage (p. 274) relatif à la tendance

manifestée par la Commission des aliénés de l'Etat de New-

York, à considérer les aliénés dits criminels comme des ma-

lades ordinaires et partant à douter de l'utilité de l'asile

d'aliénés criminels, ce qui fournit un argument de fait contre

la création, chez nous, d'un asile pour les aliénés dits cri-

minels. Pour cette catégorie de malades les quartiers de cel-

lules, bien ogranisés, bien surveillés - et il en existe, par

exemple à Saint-Robert (Isère)- nous ont toujours paru suffi-

sants. La Sûreté de Bicêtre, véritable prison, qui est bien suffi-

sante pour les aliénés criminels de la Seine deux mots qui

jurent d'être accolés n'empêche pas les évasions. Cette Sûreté,

qui plaît peut-être à certains, nous paraît une abomination et

nous n'avons jamais cessé depuis vingt ans d'en demander la

démolition, sans succès d'ailleurs. -En second lieu, nous

devons signaler dans le questionnaire (p. 282) tout ce qui a

trait à l'examen des organes'génitaux, du développement de

la puberté, etc. Les conseillers municipaux de Paris qui, en

mars 189b, ont cherché, dans un but politique, à présenter

comme inutiles, indignes et même obscènes nos procédés

d'examen, conformes à l'enseignement clinique qui se fait

partout, ont fait preuve, non seulement de mauvaise foi, mais

d'ignorance. S'ils daignent jeter un coup d'oeil sur le docu-

ment qui précède, peut-être seront-ils plus réservés dans

l'avenir. B.

(A suivre.)

Archives, ` ? ° série, t. II. 19 9

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXVI. SUR LES affections DE la' QUEUE DE cheval A PROPOS DE deux

cas DE ces affections; par nI. RAYfoND, professeur de clinique

des maladies du système nerveux. (Nouvelle iconographie de la

Salpêtrière, 4899 n 2.)

Ces leçons recueillies par M. Lévi, interne du service, constituent

une véritable monographie des affections de la queue de cheval.-

Il est indispensable, pour l'intelligence de la description de ces

affections, d'avoir présentes à l'esprit des dispositions anatomiques

de la partie inférieure de la moelle dans le canal rachidien, aussi

M. Raymond débute-t-il par un exposé d'anatomie. Il rappelle les

lieux d'émergence du renflement lombaire des racines nerveuvses

destinées à former laqueue de cheval, le trajet de ces racines dans

le canal, leurs rapports, etc. Il énumère les muscles innervés par

les diverses branches des plexus lombaire et sacré, etc. Ce qu'il y a

d'essentiel dans toute cette anatomie, au point de vue actuel, peut

se résumer ainsi : les muscles adducteurs de la cuisse, ceux de ses

faces antérieure, externe et interne, sont innervés par les nerfs

crural et obturateur émanés tous deux du plexus lombaire ; les

mnscles fessiers, ceux de la région postérieure de la cuisse, ceux

de la jambe et du pied, ainsi que le sphincter anal, le releveur de

l'anus et la vessie, sont innervés par des branches venues 'du

plexus sacré.

Deux cas peuvent se présenter : ou l'affection, quelle que soit sa

nature, retentit à la fois sur les nerfs qui forment la queue de che-

val et sur le cône terminial, ou ben elle intéresse exclusivement le

cône terminal. Dans le premier cas, les symptômes provoqués sont :

une paralysie douloureuse ordinairement très incomplète et limitée

à certaines régions musculaires, une anesthésie cutanée assez net-

tement circonscrite, des troubles de la miction et de la défécation.

A ces symptômes primordiaux s'en ajoutent d'autres secondaires

et inconstants : troubles trophiques, certains troubles génitaux,

certaines modifications des réflexes tendineux et des réactions élec-

triques. Quelques mots sur les principaux caractères de ces symp-

tômes :

1° Troubles de la sensibilité. La douleur, ordinairement loca-

lisée à la région sacrée, s'irradie plus ou moins aux membres infé-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 291

rieurs. Elle est irrégulièrement intermittente, parfois continue,

mais dans tous les cas elle présente des exacerbations, elle n'a

pour ainsi dire jamais le caractère fulgurant. L'anesthésie est

constante, toujours circonscrite, assez souvent symétrique. Il est de

règle qu'elle occupe la muqueuse vésicale et rectale, le scrotum,

la verge ou la vulve, le pourtour de l'anus et la région fessière infé-

rieure. Elle peut être limitée à ces seules régions, mais habituelle-

ment elle gagne le membre inférieur et souvent alors elle se limite

à la face postérieure de la cuisse et de la jambe, régions innervées

par le nerf petit sciatique émané du plexus sacré. On saisit bien

ici l'utilité des considérations anatomiques exposées tout d'abord;

par les régions, par les muscles intéressés, on reconnaît le point de

la moelle atteint par la lésion. On observe ordinairement encore

divers troubles paresthésiques, engourdissements, fourmillements,

sensation d'un corps étranger dans le rectum, etc.

2° Troubles de la motilité. - Ils se résument en la paralysie de

certains groupes de muscles des membres inférieurs. La paralysie

se borne presque toujours aux muscles postérieurs de la cuisse et

de la jambe, tous muscles innervés par des branches du plexus

sacré. Par suite, la démarche est plus ou moins pénible et difficile,

mais elle n'a rien de caractéristique. Certains malades doivent

s'appuyer sur un aide, d'autres stcppent simplement. Jamais on

n'observe d'incoordination dans la marche, c'est à peine si parfois

l'on rencontre, et à un faible degré, le signe de Romberg. Enfin il

peut arriver que des muscles paralysés s'atrophient.

3° Troubles génilo-urinaires. - Les troubles génito-urinaires et

du rectum ne manquent jamais. Les troubles urinaires sont carac-

térisés par de l'ischémie paradoxale : rétention, par suite de para-

lysie et d'anesthésie de la vessie, et incontinence, par suite de

paralysie du sphincter, la vessie pleine. Les troubles génitaux sont

variables : impuissance, absence du spasme, de l'éjaculation, etc.

Tels sont les principaux symptômes observés quand la lésion

retentit à la fois sur les nerfs de la queue de cheval et sur le cône ter-

mina ! . Quand ce dernier seul est atteint, la queue de cheval res-

tant indemne, la symptomatologie ne comprend que les seuls symp-

tômes génito-urinaires et rectaux sus-énoncés. Ce qui s'explique

par la situation du centre médullaire génital et urinaire, à la partie

supérieure du cône terminal.

Le pronostic des affections de la queue de cheval découle de tout

ce qui vient d'être dit : anatomie et symptomatologie. Le chapitre

consacré au pronostic par M. Raymond est un des plus étendus, il

renferme de nombreuses remarques cliniques ingénieuses et déli-

cates, obligé d'être bref, je ne peux que le signaler.

L'étiologie se résume en trois termes : tumeurs, traumatismes,

myélite et méningite. Si la cause est un traumatisme, il y a perte

de connaissance immédiate, puis revenu à lui le malade s'aperçoit

292 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

qu'il est paralysé des membres inférieurs. Cette paralysie se dis-

sipe ou diminue ensuite, en partie au moins. Si au contraire la

cause est une tumeur, le début sera naturellement lent et le pre-

mier symptôme est le symptôme douleur. Cette douleur va rare-

ment en s'aggravant. Du reste les douleurs et les anesthésies peu-

vent diminuer, avec le temps^ en étendue et en intensité, et c'est

pourquoi on n'observe pas les complications vésicales si graves

qui terminent si souvent le processus morbide des affections de la

moelle, autres que celles de ses parties tout à fait inférieures. A

signaler le traitement chirurgical de ces affections, possible aujour-

d'hui avec l'antisepsie et la connaissance qu'on a des susdites affec-

tions. Il existe plusieurs cas de guérison authentique à la suite de

l'intervention chirurgicale.

Deux observations servent de préface à cette intéressante étude

de M. Raymond, elles se ressemblent beaucoup, voici le résumé de

la première qui est, dans le texte, exposée avec bien plus de détails

que la seconde.

Femme âgée de quarante-six ans, antécédents héréditaires

inconnus, ni rhumatisante, ni alcoolique, ni syphilitique, bonne

santé habituelle. Cette femme était blanchisseuse et passait toutes

ses journées au lavoir, continuellement mouillée et faisant un tra-

vail très pénible. Début de la maladie il y a deux ans environ par

des douleurs vagues dans la région lombaire et aux jambes, sur-

tout du côté gauche. Quelque temps après paralysie flasque de la

jambp gauche survenue brusquement, puis rétention d'urine. La

paralysie se dissipe en partie et progressivement la malade arrive

à présenter le tableau clinique actuel noté à son entrée à la Sal-

pêtrière. Troubles de la sensibilité ; Douleurs lancinantes, par-

tant de la fesse gauche et s'irradiant dans tout le membre inférieur

gauche, ces douleurs sont irrégulièrement intermittentes et les

crises durent huit à quinze jours. Autre douleur en ceinture au

niveau de la région lombaire. Hyperesthésie cutanée au niveau de

la cuisse et de la fesse gauche se manifestant au moindre attouche-

ment. Anesthésie du périnée et de la face interne de la fesse gau-

che, ainsi que du bord externe du pied gauche. L'anesthésie s'étend

à la muqueuse de l'urètre, de la vessie, de la vulve à gauche et

du rectum. Incontinence d'urine. En somme l'ensemble des trou-

bles sensitifs peut s'exprimer ainsi : anesthésie douloureuse à dis-

tribution bien définie. - Troubles de la motricité et de la trophi-

cité : Le pied gauche est tombant et en extension forcée, non pas

par suite de contracture, mais par suite de paralysie, c'est un pied

bot paralytique. Atrophie marquée de tout le membre inférieur

gauche. Exagération des réflexes rotuliens. Marche en steppage.

M. Raymond analyse tous ces symptômes et il conclut à l'exis-

tence d'une lésion qui siégerait au niveau de la seconde vertèbre

lombaire. Il s'agit sans doute d'une plaque de méningite. A notre

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 293 3

époque, ajoute le professeur, les cas bien tranchés comme celui-

ci n'offrent pas de difficulté, le diagnostic en est facile. CAMUSET.

XXVII. LE sein HYSTÉRIQUE; par M. Gilles DE LA TOUItETTE, professeur

'agrégé à la Faculté de Paris, médecin des hôpitaux. (Nouv. Iconog.

de la Salpêtrière, 1895, n° 2.) 1

M. Gilles de la Tourette donne d'abord, en quelques pages, l'his-

torique de cette question et il prouve par des citations que le sein

hystérique a été depuis longtemps observé et décrit. C'est Wilis le

premier qui, en 1678, en a tracé un tableau clinique exact et qui

en a compris la nature.

Le sein hystérique est un type d'hystérie localisée. Il reconnaît

souvent pour cause déterminante les traumatismes du sein qui

agissent en influençant l'état mental des sujets. On l'observe aussi

assez fréquemment chez les femmes qui présentent des zones hyper-

esthésiques du vagin ou du col utérin. En dehors de ces deux

circonstances, il n'y a plus à noter, au point de vue étiologique,

que les causes banales des accidents hystériques. On n'en a pas

rencontré un seul cas chez l'homme.

C'est une affection peu connue, surtout des chirurgiens, certains

d'entre eux la nient même, mais elle est beaucoup plus fréquente

qu'on ne le suppose. Elle est presque toujours unilatérale et essen-

tiellement caractérisée par une augmentation temporaire ou perma-

nente du volume du sein, avec une hyperesthésie considérable de la

peau qui recouvre cet organe. Il s'agit donc, en réalité, d'une zone

hyperesthésique hystérogène dont l'exaltation aboutit le plus sou-

vent à un paroxysme convulsif. Au moment des crises, il se produit

des phénomènes vaso-moteurs locaux qui vont de la congestion

simple à l'oedème et même à la gangrène de la peau.

L'hyperesthésie est excessivement développée, le moindre frotte-

ment l'exaspère, alors que parfois une pression large, forte et con-

tinue la modère. Les émotions vives provoquent également les

crises, les époques menstruelles aussi. Le sein alors grossit encore,

il est le siège d'élancements très douloureux. A ce moment appa-

raissent des symptômes généraux de l'hystérie, strangulation,

troubles céphaliques, etc., et enfin viennent parfois, non toujours,

les convulsions.

La tuméfaction ne se borne pas toujours à la durée des paroxys-

mes, quand surtout la maladie est ancienne, elle est permanente alors

mais elle s'exagère encore pendant les crises. Il y a dans ces cas oedème

du tissu cellulaire, oedème qui peut devenir dur et se localiser, ce

qui donne à la palpation la sensation d'une ou de plusieurs tumeurs

adhérentes et grosses comme des oeufs de poule. Suivant l'impor-

tance des troubles vaso-moteurs, la peau est blanche, rosée ou vio-

lacée. Enfin il peut y avoir ulcération de la peau, le mamelon peut

294 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

même tomber, on a alors des plaies fistuleuses avec engorgement

des ganglions de l'aisselle, ce qui donne au sein hystérique toutes

les apparences du sein cancéreux. L'erreur a été souvent commise,

elle est encore commise même en l'absence de plaies ulcérées,

alors qu'il y a seulement tuméfaction, douleur et rougeur. Le dia-

gnostic est pourtant facile, mais malheureusement on connaît peu

l'affection.

Il existe, dans la littérature médicale, deux exemples remar-,

quables de seins hystériques guéris par miracle. Le premier cas

est celui de la demoiselle Coivin, il date de 1716. Cette femme,

quarante jours après un violent traumatisme du sein, eut des

vomissements de sang et des faiblesses, puis son sein gauche devint

dur, enflé, douloureux, violet. Plus tard il s'ulcéra, le mamelon

tomba et le cancer ne fit plus de doute. Cette malade, une nuit,

fut brusquement frappée d'hémiplégie et elle demeura grabataire

avec des accidents de décubitus. Douze ans après le début de l'af-

fection, elle fut guérie instantanément, quant à la paralysie, en

quelques jours, quant aux plaies, après s'être vêtue d'une chemise

qui avait touché le tombeau du diacre Pâris et après avoir mis sur

son cancer de la terre prise sur la tombe du célèbre janséniste.

Le second cas est celui de la demoiselle Augier (1707). Le cancer

du sein et la paraplégie duraient depuis vingt-cinq ans. La malade

guérit aussitôt qu'on l'eut transportée sur le tombeau de M. Rousse.

CAMUSET.

»VIII. névralgie DE la VIII" racine POSTERIEURE cervicale droite,

RÉSECTION INTRA-RACHIDIENNE DE CETTE racine ET DES racines sus ET

SOUS-JACENTES. GUÉRISON OPÉRATOIRE ET FONCTIONNELLE ; pal' MM. A.

Chipault et A. DEÜOULIN. (Nouv. Iconog. de la Salpêl1'iè¡'e, 1895,

lie 2.)

OBSERVATION. - Homme de trente-quatre ans, sans antécédents

héréditaires ni personnels importants; garçon de bureau, est pris

en 1891, sans cause appréciable, d'une douleur au bord interne du

petit doigt droit. Cette douleur s'aggrava et devint permanente

avec des exacerbations provoquées surtout par les contacts, elle

remontait alors en éclair le long de la face interne du bras. Tous

les traitements restèrent impuissants. L'élongation de la branche

dorsale cutanée du cubital et plus tard la section du cubital dans

la gouttière épitrochléenne aggravèrent plutôt la situation. En

1894, le malade en était presque au marasme, tant il souffrait. La

douleur était continuelle et consistait en un fourmillement exces-

sivement pénible localisé au petit doigt et à la partie interne de la

main. Toutes les dix minutes à peu près, sans motif, cette douleur

prenait une intensité excessive et remontait le long de la face

interne de l'avant-bras jusqu'au coude. Il existait aussi une zone

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 295

d'anesthésie tactile occupant la peau de la portion interne de la

main et de celle d'une partie de la longueur des doigts correspon-

dants. Les auteurs pratiquèrent l'arrachement total de la branche

dorsale cutanée du cubital ; résultat nul.

On avait jusqu'à ce moment diagnostiqué une simple névralgie

du cubital, après un examen attentif, ce diagnostic fut rectifié. La

zone hyperesthésique correspondait, non au territoire cutané d'un

nerf, mais au territoire cutané d'une racine, la vm. racine cervi-

cale, lequel territoire comprenait les deux doigts internes, la par-

tie interne de la main et deux bandes antibrachiale et brachiale,

l'une antérieure passant un peu en dedans du tendon du biceps,

l'autre postérieure passant sur la partie interne de l'olécrâne. Ce

territoire est bien différent de celui du cubital. L'erreur provenait

de ce que l'on avait pris la bande postérieure, seule accusée par

le malade pour une névralgie du cubital, alors qu'un examen at-

tentif démontra que le cubital n'était, en réalité, pas douloureux

en cette région. A noter que le membre était en partie oedématié

et que les muscles innervés par le cubital étaient atrophiés, con-

séquence de l'intervention chirurgicale sur le cubital à son passage

dans la gouttière.

On décida de tenter la résection de la racine postérieure de la

VIII. paire, ainsi que celle des racines postérieures sus et sous-

jacente. Cette délicate et audacieuse opération fut pratiquée par les

auteurs avec un plein succès. Ils sectionnèrent les racines au niveau

de leur sortie de la moelle, et pour ne pas laisser les extrémités

des nerfs sectionnés flotter dans l'espace sous-dure-mérien, ils

firent une seconde section au niveau du passage des racines à tra-

vers la dure-mère. Malgré le soin avec lequel les opérateurs avaient

établi leurs points de repère, ils n'étaient pas certains d'être réel-

lement tombés sur la racine de la vin0 paire. Pour s'en assurer,

ils excitèrent avec l'électricité la racine antérieure eorrespondante

devenue visible après la section de la racine postérieure. Les résul-

tats de cette grave opération furent des plus heureux, la plaie gué-

rit sans accident, les douleurs disparurent rapidement et rapide-

ment aussi le membre se remit à fonctionner normalement.

CAMUSET.

XXIX. Deux cas de myélite transverse AIGUË; par M. le Dr 1. NAGEOTTE,

chef des travaux d'anatomie pathologique à la clinique de la

Salpêtrière. (Nouv. Iconog. de la Salpêtrière, 1895, n° 6.)

Il s'agit de deux cas de myélite transverse aiguë observés dans

le service de M. le Dr Raymond. Ces deux myélites présentent les

mêmes symptômes et les mêmes lésions macroscopiques, mais le

microscope fait découvrir des différences importantes entre les

deux processus anatomiques morbides. En l'un des cas il faut, en

296 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

effet, reconnaître une affection syphilitique, en l'autre une infec-

tion non déterminée, mais de nature non syphilitique certaine.

Première observation . - Femme, trente et un ans, non syphili-

tique. En janvier 1892, paraplégie flasque complète, qui s'établit

en une quinzaine de jours sans phémonène prémonitoire. Paraly-

sie des sphincters. Troubles dissociés de la sensibilité remontant

jusqu'au niveau d'un plan passant par l'épigastre ; quelques régions

ont conservé leur sensibilité normale, d'autres ne sentent plus les

piqûres, d'autres la chaleur, le contact, etc. Les réflexes cutanés

sont en partie conservés. Vaste eschare sacrée. L'état général de-

vient rapidement très mauvais, mort le 28 février.

Autopsie. Tous les organes sains, sauf la moelle et les méninges

spinales. Plaque molle, blanchâtre, circonscrite, constituée par du

pus infiltré dans les mailles de l'arachnoïde et qui occupe toute la

hauteur du renflement lombaire. Les veines postérieures de la

moelle sont très congestionnées. A l'oeil nu, la moelle paraît nor-

male, sauf une coloration insuffisamment foncée de la substance

grise. Au microscope, on constate l'existence d'un grand foyer de

myélite au niveau duquel les tissus ne se colorent pas par la mé-

thode de Pal et qui sont, par conséquent, dépourvus de myéline.

Ce foyer en forme de fuseau, commence vers la deuxième racine

dorsale et se termine vers la huitième racine dorsale, il occupe

spécialement la substance grise, mais empiète par place sur les

différents cordons. Dans ce foyer les vaisseaux sont très conges-

tionnés, irrégulièrement dilatés, ils sont entourés de nombreux

corps granuleux. Ils sont aussi traversés par de très nombreux leu-

cocytes polynucléaires, lesquels se répandent dans le tissu voisin.

On voit aussi dans les parois des vaisseaux des éléments embryon-

naires à noyaux réguliers et à protoplasma très réduit, ce sont ces

éléments qui caractérisent les lésions vasculaires des myélites sy-

philitiques, mais dans le cas actuel ils sont relativement rares,

alors qu'ils sont excessivement nombreux dans la syphilis nerveuse.

On' voit les cylindres-axes à peine déformés, entourés ou non de

myéline, dans le dernier cas la myéline est boursouflée, lésée. Les

cellules nerveuses sont aussi atteintes, mais non profondément. En

somme la caractéristique de la lésion consiste en la surabondance

de leucocytes polynucléaires, la lésion est donc de nature pyogène.

Quelle est la nature de cette infection pyogénique ? L'état de putré-

faction du cadavre n'a pas permis de la reconnaître.

Deuxième observation. Femme, quarante ans, sans antécédents

héréditaires, syphilitique avérée depuis dix ans et ayant éprouvé

des accidents nerveux syphilitiques, enlre autres une hémiplégie

faciale avec troubles de la sensibilité des membres inférieurs, -dont

on obtint la guérison après trois mois de traitement spécifique.

En 1892, après quelques phénomènes prémonitoires consistant en

douleurs violentes dans les deux jambes, douleurs survenant par

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 297

crises, cette femme devint, en cinq ou six jours, complètement

paraplégique. La paraplégie était flasque et s'accompagnait d'anes-

thésie absolue. L'anesthésie remontait jusqu'au niveau d'un plan

passant par la quatrième vertèbre dorsale, elle comprenait tous les

modes de la sensibilité, les réflexes cutanés n'en étaient pas moins

conservés. Malgré la paralysie des membres inférieurs, il survenait

parfois des soubresauts, des mouvements brusques spontanés dans

ces extrémités, le même phénomène avait également été observé

chez la malade de la première observation. Rétention complète

des urines et des matières fécales. OEdème marqué des membres

inférieurs et du ventre. Cette malade, comme la précédente,

tomba rapidement en marasme et mourut en décembre 1892.

Autopsie. Lésions syphilitiques au foie. De nombreux nerfs

périphériques présentent de l'hyperplasie du tissu conjonctif, mais

les fibres nerveuses sont saines. Cette lésion est de nature syphili-

tique. Les centres nerveux, sauf la moelle et les méninges, sont

indemnes. A l'oeil nu, la moelle est simplement congestionnée, les

méninges sont également très hypérémiées. Au microscope, vaste

foyer de myélite à forme très irrégulière, commençant au niveau

de la huitième paire cervicale et finissant au niveau de la neu-

vième paire dorsale. A certains endroits, ce foyer envahit à peu

près toute la section de la moelle, mais ses contours sont très irré-

guliers et il se localise surtout à la substance grise. Dans toute son

étendue, les vaisseaux sont gorgés de sang, mais cette congestion

ne dépasse pas les limites du foyer et partout, dans la moelle saine,

les vaisseaux nourriciers ont leur calibre libre. Les lésions vascu-

laires consistent en une infiltration, parfois énorme, de cellules

embryonnaires à noyaux régulièrement arrondis, accumulés

presque exclusivement dans la tunique adventice. On ne voit pour

ainsi dire pas de leucocytes polynucléaires. On trouve, veis le

milieu du foyer, de petits territoires mal colorés par le carmin, ce

sont de vrais petits foyers de nécrose, de ramollissement. Ils ne ren-

ferment que des vaisseaux vides et un détritus friable. Le tissu

médullaire, dans le foyer de myélite, est représenté par des corps

granuleux, serrés les uns contre les autres et par un pointillé

formé par la coupe des cylindres-axes dépouillés de leur myéline,

mais non détruits. Les cellules nerveuses sont altérées, mais non

détruites non plus. La pie-mère est partout épaissie et infitrée d'é-

léments embryonnaires. Tout ce processus morbide est sous l'in-

fluence des vaisseaux, la prolifération excessive des cellules em-

bryonnaires à noyaux ronds, la présence de nombreuses lésions

syphilitiques siégeant ailleurs que dans la moelle, démontre que la

lésion qui siège dans celle-ci, est aussi de nature syphilitique.

On voit, en résumé, que malgré la similitude d'allure et la res-

semblance dans l'ensemble des lésions, ces deux myélites sont,

l'une non syphilitique et l'autre syphilitique. A noter que, malgré

298 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

qu'il soit de nature syphilitique, l'immense foyer de myélite de la

seconde malade, est réellement un foyer inflammatoire à évolu-

tion aiguë et remarquablement rapide. Camuset.

XXX. Myopathie ATROPHIQUE PROGRESSIVE chez UN HYSTÉRIQUE atteint

d'incontinence d'urine ; par M. GASNE, interne des hôpitaux.

(Nouvelle iconographie de la Salpêtrière, 1895, n° 6.)

Ce cas est un exemple de ces associations morbides où se com-

plaît l'hystérie :

Observation. - Atrophie musculaire chez un homme de qua-

rante-quatre ans avec déformation. Début, il y a dix-huit mois,

par le membre supérieur gauche. Prédominance sur les muscles

de l'épaule gauche et sur ceux de la jambe droite, face légèrement

atteinte, hypertrophie de certains muscles, réflexes conservés, réac-

tions électriques normales. Troubles de la sensibilité nettement

hystériques, incontinence d'urine également rapportée à l'hysté-

rie. L'auteur pense qu'il s'agit d'une myopathie sans aucune

lésion nerveuse centrale ou périphérique. Il se base sur le carac-

tère normal des réflexes et des réactions électriques, sur la persis-

tance de faisceaux contractiles dans les muscles dégénérés et sur

l'apparence hypertrophique de certains muscles très atteints,

laquelle fausse hypertrophie est due à une prolifération considé-

rable du tissu fibreux. Quant aux troubles de la sensibilité, qui

manquent dans la myopathie, ils sont dus à l'hystérie associée,

chez le malade, à l'affection musculaire. Il en est de même pour

les soubresauts musculaires. Il reste l'incontinence d'urine, à la

vérité très rare dans l'hystérie, elle serait due, dans le cas actuel,

à une paralysie du sphincter vésical indépendante de toute lésion

organique. En effet, en explorant la vessie avec une sonde métal-

lique, le malade ayant les yeux bandés, celui-ci ne sent pas la

sonde et n'accuse rien ; donc il y a anesthésie des muqueuses. On

peut aussi distendre la vessie au moyen d'une injection d'eau sans

provoquer de contraction de l'organe ; donc l'incontinence n'est

pas due à une contracture du corps de la vessie. Elle est due à la

paralysie du sphincter juxtaposé à la muqueuse anesthésiée, et

elle est de nature hystérique. Dernière considération : l'inconti-

nence est surtout nocturne. -Cette incontinence d'urine d'origine

hystérique est à noter. CanrUSET.

XXXI. ETUDE morphologique sur la maladie DE Parkinson : par

MM. Paul Richer et Henry Meige. (Nouv. iconog. de la Salpêtrière,

1895, n° 6.)

Les grands signes de la maladie de Parkinson sont tellement

caractéristiques, qu'on fait ordinairement le diagnostic à première

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 299

vue et qu'on néglige d'examiner les sujets nus ; il en résulte que

bien des particularités intéressantes de la morphologie de ces

malades échappent aux observateurs. Ce sont ces particularités

que les auteurs font ressortir en relatant une observation inédite

et en reproduisant les photographies de vieux malades connus de

la Salpêtrière.

L'observation est celle d'une femme âgée de cinquante-huit ans,

le cas est tout à fait classique, sauf en un point, la malade a tou-

jours froid. On sait que c'est le contraire qui s'observe chez presque

tous les malades, ils éprouvent une sensation de chaleur pénible

et se découvrent en dormant. Nue, on voit que cette femme offre

des modifications importantes dans la direction des différents axes

de son corps. J'ai précisément rendu compte dans les Archives

de Neurologie d'un travail d'un des auteurs, M. Richer, sur les

attitudes du corps dans lequel les divers axes, axes de la tête, du

cou, du tronc, etc., étaient étudiés à l'état physiologique. On

sait qu'à l'état physiologique l'axe du tronc est oblique de haut en

bas et d'arrière en avant, il forme avec l'axe des membres infé-

rieurs un angle obtus ouvert en arrière. Chez la malade ce même

angle se trouve ouvert en avant. C'est là la cause des antépulsions

de la paralysie agitante. C'est également la raison pour laquelle

les sujets fléchissent les genoux. Les autres axes du corps sont étu-

diés de la même façon que l'axe du tronc et chacun d'eux donne

lieu à des déductions intéressantes. Vient ensuite l'examen de la

rigidité musculaire, à laquelle aucun muscle de la vie de relation

n'échappe. Chaque muscle est en outre animé de petites vibrations

dues aux contractions isolées et successives des fibrilles, ces con-

tractions sont indépendantes du tremblement, elles paraissent,

aux auteurs, être la cause de la rigidité continue, caractéristique

de l'affection, laquelle comme le croyait Vulpian, serait due à un

léger degré de contracture et non à un état myopathique spécial.

Les auteurs terminent leur travail par cette dernière considéra-

tion. C.

XXXII. Gomme syphilitique DOUBLE DE la MOELLE épinièrk ayant

DÉTERMINÉ UN SYNDROME DE BRONN-S1;QUARD BILATÉRAL AVEC DISSO-

CIATION SYR(NGOMY1LIQUE ; par MM. V. HANOT, professeur agrégé,

médecin de l'hôpital Saint-Antoine et Henry Meunier, interne

des hôpitaux. (Nouv. iconogr. de la Salpêtrière, 1896, n° 2.)

Travail important et d'assez grande étendue, riche en considéra-

tionscliniques, anatomiques et physiologiques surlamoelleépinière.

OBSERVATION - Homme, quarante-cinq ans, antécédents hérédi-

taires mal connus, bonne santé habituelle, syphilis trois ans avant

l'éclosion des accidents actuels. Depuis le chancre jusqu'à présent

sauf une roséole, pas d'autres manifestations diathésiques que des

300 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

gommes de la peau il y a un an. Début par un ictus apoplectique

sans perte de connaissanee. Quatre jours après, à l'hôpital, on

note les symptômes suivants : paraplégie flasque absolue, les deux

bras ne sont pas paralysés, mais faiblesse musculaire marquée

dans le bras gauche. Les muscles interscapulaires et de la nuque

contractures. Sensibilité tactile conservée aux membres inférieurs,

mais affaiblie et retardée, sensibilités thermique et algésique abo-

lies. Au tronc anesthésie complète qui s'arrête à gauche au niveau

de la troisième côte, au-dessus existe une zone d'hyperesthésie de

2 centimètres environ de hauteur, puis la sensibilité devient nor-

male. A droite, l'anesthésie s'arrête à la deuxième côte, c'est-à-

dire moins bas qu'à gauche, puis zone hyperesthésique et au

dessus enfin la sensibilité est normale. Les réflexes rotuliens

complètement abolis. Incontinence d'urine, constipation. Sens

spéciaux intacts, mais inégalité des pupilles. Aggravation rapide

de l'état général, accidents de décubitus aigu et mort quatre jours

après l'arrivée.

Autopsie. Dans aucun organe on ne trouve de lésions tuber-

culeuses. Les altérations sont toutes médullaires, à l'oeil nu on

constate l'existence de deux noyaux gommeux situés de part et

d'autre du sillon médian antérieur au niveau des régions cervicale

inférieure et dorsale supérieure, le droit un peu plus élevé que

l'autre, et deux prolongements de ramollissement central dépas-

sent en haut et en bas l'étage des tumeurs proprement dites. En

outre la dure-mère adhère intimement à la moelle au niveau des

gommes. A l'examen histologique, on constate que la pie-mère,

au niveau des gommes etdans une certaine étendue autour d'elles,

est infiltrée de noyaux embryonnaires, et que les vaisseaux péri-

médullaires sont également infiltrés de ces mêmes petits éléments,

au point que, par places, leur lumière est effacée. Quant aux

tumeurs, elles sont exclusivement constituées par des cellules em-

bryonnaires pressées les unes contre les autre. Les cordons médul-

laires ont subi une certaine dégénérescence dans le voisinage des

gommes, mais sans systématisation. Leur lésion dominante est la

sclérose embryonnaire, il s'agit là d'une dégénérescence provoquée

par la réaction inflammatoire. La substance grise est particulière-

ment désorganisée par les tumeurs qui occupent son épaisseur. On

y trouve aussi de vraies gommes miliaires.

Les gommes syphilitiques de la moelle étant très rares, on se

demande s'il s'agit bien ici de gommes syphilitiques plutôt que de

gommes tuberculeuses.

Les auteurs conviennent que le diagnostic anatomique se base

surtout sur les lésions vasculaires périphériques, qui sont

évidemment syphilitiques, et aussi sur l'absence de tubercules dans

les viscères. En réalité, la nature syphilitique des lésions médul-

laires est certaine.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 301

Cette observation renferme bien des points intéressants. D'abord

il est surprenant qu'une lésion aussi étendue et aussi destructive ne

se soit manifestée que dix jours avant la mort. Cette anomalie

s'explique, la lésion au début a pu n'intéresser que les cornes

antérieures sur un point limité, respectant les faisceaux pyrami-

daux et le cordon postérieur. L'ictus s'explique par un arrêt

brusque de l'irrigation d'un étage transversal de la moelle, où l'au-

topsie a, en effet, montré l'endartérite oblitérante de plusieurs gros

vaisseaux. Quant aux troubles de la sensibilité, on les comprend en

remarquant que les deux tumeurs équivalent à une section véri-

table de la moitié antérieure de la moelle, chacune des tumeurs

est ainsi la cause du syndrome de Brown-Séquard pour la moitié

de la moelle qui la renferme. Plus encore, les tumeurs n'étant pas

au même niveau, atteignent supérieurement deux racines diffé-

rentes, les troubles moteurs et sensitifs sont également dénivelés à

la périphérie. 11 reste à expliquer la zone d'hyperesthésie trouvée

de chaque côté du tronc, immédiatement au-dessus des régions

anesthésiées, la chose est difficile sans le secours d'un schéma, je me

contenterai de dire que la racine sensitive située immédiatement

au-dessus des régions lésées de la moelle est respectée dans son

trajet d'entrecroisement intra-médullaire, mais elle côtoie néces-

sairement la tumeur, le schéma le fait comprendre, et dans ce

point elle est irritée par le voisinage du foyer, de là l'hyperes-

thésie du territoire innervé. Les troubles syringomyéliques, eux,

ont une explication moins compliquée. On admet que la sensibi-

lité tactile, après avoir fait étape dans la substance grise de la

colonne postérieure, gagne l'encéphale par des systèmes commis-

suraux, et que les autres sensibilités, thermiques et douloureuses

ne quittent pas la substance grise. Cette donnée explique la disso-

ciation de la sensibilité des régions inférieures, puisque dans tout

l'étage de la lésion les portions médianes et postérieures des cor-

dons sont relativement respectées, et que ce sont ces parties de la

moelle qui renfeiment les systèmes commissuraux. L'anesthésie

complète des régions plus élevées a sa cause dans ce fait, que les

impressions sensitives des susdites régions aboutissent précisément

à l'étage des lésions lesquelles, on l'a vu, ont désorganisé la subs-

tance grise. C : 1NUSET.

XXXIII. Syringomyélie avec anesthésie locale; par M. le profes-

seur F. RAYMOND, médecin de la Salpêtrière. (Nouv. iconogr.

de la Salpêtrière, 1896, n° 1). (Leçon recueillie par M. le Dr J.-B.

CHARCOT, chef de clinique.)

Observation. Femme, trente-huit ans, père tombé en démence

à un âge peu avancé, soeur morte de méningite. Elle a eu cinq en-

fants, quatre ont succombé ou sont venus au monde mort-nés. Il y

302 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

a sept ans, douleurs sourdes dans l'épaule gauche, avec fourmille-

ments dans les mains, survenant à l'époque des règles. Plus tard un

panaris absolument indolore. Un peu après, c'est-à-dire il y a un

an seulement, faiblesse considérable des membres supérieurs avec

atrophie musculaire généralisée. En quelques semaines la malade

-devient complètement impotente, puis troubles vésicaux et rectaux.

Au mois d'octobre 1896, la malade était dans l'état suivant : état

général satisfaisant, paralysie complète des membres et du tronc

avec atrophie musculaire intense généralisée, les muscles de la tête

et du cou seuls avaient échappé à l'atrophie. Incontinence d'urine

'et constipation, anesthésie totale superficielle étendue à presque

tout le tégument externe, anesthésie des tissus sous-jacents, eschare

profonde à extension rapide.

En résumé donc, c'est le tableau clinique classique de la syrin-

gomyélie, sauf sous le rapport de l'anesthésie qui est totale, alors

que dans cette affection on note, non pas toujours, mais presque

toujours la dissociation de la sensibilité : analgésie, thermo-anes-

thésie et conservation de la sensibilité tactile. Le professeur main-

tient pourtant le diagnostic de syringomyélie. L'affection, lente au

début, a pris ces temps derniers une allure rapide. Il expose les

observations connues de syringomyélie avec anesthésie complète.

Dans les autopsies on constatait le plus souvent que le processus

cavitaire s'étendait aux cordons postérieurs et latéraux. Le cas

actuel est, dit-il, à ajouter aux cas déjà publiés, car il ne s'agit pas

d'une complication hystérique, l'anesthésie de l'hystérie a des

caractères sui generis.

La malade mourut peu après, par suite d'une infection dont le

point de départ fut l'eschare. La partie supérieure de la moelle est

diffluente, tout le tissu a un aspect lacunaire spécial. L'examen

histologique sera fait et publié plus tard. C.

XXXIV. La syphilis héréditaire DE la MOELLE ÉPINIÈRE; par M. GILLES

DE la TOURETTE, professeur agrégé de la Faculté de médecine,

médecin des hôpitaux. (Nouv. iconogr. de la Salpêtrière, 9S9G,

ni 2 et 3.)

La syphilis héréditaire de la moelle est une question encore mal

connue et qui n'a, du reste, été étudiée que dans ces derniers temps.

Son existence est indéniable, il en existe des observations éparses

dans la littérature, et l'auteur en a rassemblé un certain nombre

d'inédites dans le travail actuel.

La syphilis peut frapper la moelle à trois périodes de l'existence :

pendant la vie intra-utérine, pendant la première enfance, pendant

l'adolescence et l'âge adulte. Elle est dite congénitale, précoce,

tardive. Quand la syphilis médullaire héréditaire est congénitale,

l'enfant est souvent mort-né, la lésion consiste alors en uneruéningo-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 303

myélite diffuse embryonnaire. Ordinairement on trouve en même

temps diverses autres lésions syphilitiques, des arrêts de développe-

ment par exemple, mais c'est surtout l'hépatite interstitielle diffuse

qui se rencontre avec la myélite. A noter que si les observations de

syphilis héréditaire congénitale de la moelle sont rares, il ne s'en-

suit pas que cette manifestation médullaire de la syphilis, elle,

soit rare. On la rencontrerait certainement souvent si on la cher-

chait chez les mort-nés syphilitiques, mais on n'a pas l'habitude de

se livrer à cette recherche.

Anatomiquement, le processus embryonnaire passe à l'état adulte,

et c'est la sclérose qui en est l'aboutissant. On la retrouve presque

toujours dans le cerveau, mais elle peut se localiser exclusivement

dans la moelle pour produire des paraplégies spasmodiques

indemnes de symptômes cérébraux concomitants. Lorsque la

syphilis touche la moelle dans la première enfance, et pendant

l'adolescence et l'âge adulte, le cerveau peut encore participer au

processus, c'est ordinairement le mésocéphale qui est atteint. Dans

les formes médullaires pures, c'est surtout la moelle cervicale qui

est touchée, cependant il existe des cas où la localisation s'est faite

uniquement sur la moelle lombo-sacrée.

Dans les cas de syphilis précoce ou tardive, les types cliniques

deviennent variés. La raison en est dans ce fait biologique qu'à

mesure que le sujet avance en âge. les tissus se différencient de

plus en plus et prennent une individualité fonctionnelle plus mar-

quée. L'infiltration embryonnaire, base du processus, tend aussi à

se collecter et à aboutir aux gommes. De plus il se joint probable-

ment de l'artérite gommeuse proprement dite. En somme, le

champ clinique s'élargit de plus en plus, et il semble qu'à part sa

grande tendance à rester encéphalo-médullaire, indice de la géné-

ralisation initiale du processus, la syphilis médullaire héréditaire

précoce et surtout tardive ne diffère pas sensiblement des expres-

sions si variées de la syphilis acquise. - Telles sont les conclusions

du travail de M. Gilles de la Tourette, qui les a, du reste, formulées

lui-même, en leur donnant une plus grande extension dans le

dernier chapitre de cette étude. C.

XXXV. UN cas dk tabès SUPÉRIEUR avec conservation DES

RÉFLEXES; par M. E. LENOBLE, interne de la clinique des maladies

nerveuses. (Nouv. iconogr. de la Salpêtrière, 1896, n° 1.)

Observation. Femme, vingt-huit ans, père et mère tubercu-

leux, probablement tuberculeuse elle-même, ni éthylique ni

syphilitique. Début de l'affection il y a trois ans par de l'amblyopie,

plus tard quelques douleurs fulgurantes dans les membres infé-

rieurs et dans le membre supérieur gauche, sensation de compres-

sion du thorax en ceinture. Actuellement : ni paralysie, ni atrophie

304 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. ,

musculaire, la marche n'est pas ataxique, mais elle est moins

assurée, et la malade vacille dans l'obscurité sans cependant pré-

senter le signe de Romberg. Conservation des réflexes patellaires.

Absence de troubles de la sensibilité générale et spéciale, sauf en

ce qui concerne la vue. La malade voit les objets troubles, confus,

elle n'a plus de diplopie. L'examen ophtalmoscopique fait cons-

tater une paralysie incomplète des troisièmes paires gauche et

droite et complète de la sixième paire droite. Les pupilles sont iné-

gales et ne réagissent pas sous l'influence de la lumière. La papille

est décolorée, les artères y sont petites et les veines très volumi-

neuses. Les douleurs fulgurantes des membres, la constriction en

ceinture du thorax ont, pour ainsi dire, disparu, mais il existe

quelques douleurs à type fulgurant dans la région occipitale. Les

principaux viscères enfin sont sains, sauf les poumons, les sommets

sont très suspects.

A quelle affection a-t-on affaire ? Trois diagnostics doivent être

discutés : la tuberculose cérébrale, la syphilis cérébrale, le tabes

supérieur.

La méningite bacillaire de la base, intéressant les nerfs moteurs

de l'oeil n'est pas admise par l'auteur, parce que surtout la malade

n'a jamais présenté de symptômes méningitiques, jamais de vomis-

sements, etc. L'auteur rejette également l'hypothèse de la syphilis,

parce qu'on ne la retrouve pas dans les antécédents de la malade,

ni dans ceux de son mari, parce que l'examen du fond de l'oeil

n'indique pas la présence d'une lésion syphilitique du cerveau,

parce qu'il n'y a pas eu de prodromes céphaliques, etc. Reste donc

le tabès supérieur qui est bien l'affection dont est atteinte la ma-

lade, d'après M. Lenoble. Le tabes n'atteint pas les seuls syphili-

tiques, expose-t-il, et tous les symptômes observés chez la malade,

ainsi que leur mode de succession constituent l'expression clinique

du tabes de la partie supérieure de la moelle. C.

XXXVI. DE la cataphorèse électrique; par le professeur F.-P.

SGOBBO, de l'Université de Naples.

11 existe une substance qui a la propriété de modifier l'excita-

bilité de l'écorce cérébrale, la cocaïne. D'autre part il parait

admis que le courant électrique est capable de transporter avec lui

une substance médicamenteuse, jusqu'à un organe quelconque,

par exemple, sur lequel la substance médicamenteuse produira

directement ses effets physiologiques ordinaires (cataphorèse). Ce

sont ces propositions que l'auteur veut contrôler expérimentale-

ment. Il a, pour cela, institué une série d'expériences directes sur

des chiens, afin de résoudre le problème qu'il formule ainsi lui-

même : On imhibe la tête d'un animal d'une solution de cocaïne,

laquelle solution est mise en communication avec le pôle positif

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 305

d'un appareil galvanique, on fait passer le courant à travers la tête

de l'animal en appliquant l'électrode négative sur une partie de son

corps plus ou moins éloignée de la tête; l'action de la cocaïne se

fait-elle sentir à travers la peau, l'os cranien et les méninges sur

l'écorce grise du cerveau ? Naturellement, l'auteur recherche

d'abord directement, au moyen d'une première expérience, si

l'excitabilité électrique du cerveau est réellement diminuée et

même abolie, quand on imbibe l'écorce grise d'une solution de

cocaïne.

Voici les conclusions auxquelles il est arrivé : 1° la cocaïne ap-

pliquée sur l'écorce cérébrale (gyrus sigmoïde), diminue et à la fin

annihile l'excitabilité cérébrale; 2° la cataphorèse électrique céré-

brale avec la cocaïne ne modifie pas directementl'excitabilité céré-

brale quand on fait agir le courant à travers le cuir chevelu, l'os

et les méninges; 3 il arrive que la cataphorèse électrique avec la

cocaïne influe sur le cerveau, mais l'alcaloïde ne parvient pas

directement à l'écorce grise, en traversant la peau, l'os et les mé-

ninges ; il n'y arrive qu'indirectement, par le torrent circulatoire,

pour y exercer son action spéciale ; 4 l'os cranien est certainement

le plus puissant obstacle qui s'oppose à la cataphorèse, ce qu'on

démontre en enlevant un disque de l'os et en remettant ensuite les

parties molles à leur place; on obtient alors une diminution de

l'excitabilité, parce que le courant électrique n'a plus à traverser

que le cuir chevelu et les méninges. (Rivista clinica e terapeutica.

Naples, 1895, n°9.) C.

XXXVII. Tremblement hystérique simulant LE tremblement DE la

maladie DE Parkinson; par le professeur DE RENzI, de l'Univer-

sité de Naples. (Leçon clinique faite à l'Université de Naples.)

Observation. Jeune fille, dix-neuf ans, rien de notable dans

les antécédents héréditaires et personnels. A la suite d'une vive

frayeur : hémiplégie avec anesthésie du côté gauche et tremble-

ment du membre supérieur également du côté gauche. Puis con-

tracture de Ja main gauche qui disparait alors que le tremblement

se manifeste au membre supérieur droit. La suggestion aidée de

l'électricité fait disparaître complètement l'hémiplégie et l'anes-

thésie, cette dernière au membre inférieur seulement. Marche

normale. Les membres supérieurs, le gauche principalement, sont

continuellement agités par un tremblement oscillatoire régulier,

les secousses étendues et irréguiières y sont peu fréquentes. Le

tremblement cesse pendant le sommeil, les mouvements intention-

nels l'exagèrent. Zone d'anesthésie comprenant, du côté gauche,

tout le membre supérieur, l'épaule, la moitié de la tête et du cou.

Ilypereslhésie ovarienne double. Anesthésie complète de la con-

jonctive, même sur la cornée ; champ visuel très rétréci à gauche ;

Archives, 2e série, t. II. 20

306 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

dyschromatopsie. L'olfaction, l'ouïe, le goût sont abolis à gauche.

Rien de notable à l'examen électrique.

La guérison de l'hémiplégie par la suggestion, l'anesthésie,

l'hyperesthésie ovarienne, les altérations du sens de la vue et des

autres sens spéciaux militent, chez cette malade, en faveur de

l'hystérie. Le tremblement est pourtant le tremblement typique

de la paralysie agitante. Ya-t-il donc, chez cette jeune fille, maladie

de Parkinson et hystérie à la fois ? Le professeur de Renzi ne le

pense pas, l'absence de la rigidité caractéristique des muscles de

la face et du tronc, la marche normale, la flexion des doigts (qui

existe et que j'ai oublié de signaler plus haut avec les autres symp-

tômes), l'impuissance de la belladone, qui améliore toujours,

paraît-il, le tremblement de la maladie de Parkinson, tous ces

phénomènes cliniques ne se rencontrent jamais dans la paralysie

agitante. Il s'agit donc, en résumé, d'un tremblement hystérique

particulier, simulant le tremblement si caractéristique de la ma-

ladie de Parkinson. (Riviste clinica e terapeutica. Naples, 1895, n° 3.)

Camuset.

XXXVIII. Trois cas DE HOQUET hystérique; clinique du Dr de Renzi,

de Naples.

Premier cas. Femme, vingt-neuf ans, mariée, tare nerveuse

héréditaire, mais jamais d'accidents nerveux avant le phénomène

morbide actuel. Opération de la symphyséotomie et dix mois après,

à la suite de l'influenza, hoquets continuels avec sensation d'une

boule dans la gorge.

Traitement prolongé par les injections de morphine sans résultat.

La malade se décide à aller se faire soigner à Naples, elle est

obligée de faire un long voyage pour se rendre dans cette ville. Le

soir du premier jour de son entrée dans le service du Dr de Renzi,

guérison spontanée qui se maintient.

Deuxième cas. Femme mariée, trente-six ans. Influenza, et à

la suite hoquets incoercibles avec éructations, spasmes cloniques

du diaphragme et convulsions hystériques. Guérison rapide et défi-

nitive au moyen de courants faradiques appliqués à l'épigastre.

Troisième cas. Jeune fille, vingt-deux ans. Emotion violente

et à la suite hoquets continuels, hémi-hypoesthésie gauche, anes-

thésie des conjonctives et dyschromatopsie hystérique. Guérison de

tous ces phénomènes hystériques par la suggestion hypnotique.

En résumé, dans le premier cas la guérison est due au change-

ment de milieu et à l'isolement, un long voyage y est aussi pour

quelque chose.

Dans le troisième cas, la guérison est due à la suggestion et dans

le second également, en grande partie du moins, car les courants

faradiques n'ont pas dû avoir une action curative bien puissante.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 307

A noter que dans deux de ces trois observations de hoquet

hystérique, les malades étaient convalescents de l'iniluenza, preuve

nouvelle de l'influence de cette affection sur le système nerveux,

influence admise, du reste, par tous les cliniciens. (Rivista clinica

e terapeutica. Napoli, 1895, n° 2.) C.

XXXIX. UN cas DE POLIOENCLPGALOMYELITE; par le Dr COVONE.

Intéressante étude sur un cas de polioeucéplralomyélite qui

s'écarte sous certains rapports du type classique de cette affection.

L'auteur fait d'abord remarquer que la polioencéphalomyélite,

maladie peu fréquente, peut être envisagée comme une combi-

naison des trois entités nosologiques : l'atrophie musculaire

spinale progressive, la paralysie labio-glosso-laryn,ée et l'ophtal-

moplégie externe. Je résume succinctement l'histoire de son malade.

Observation. N..., soixante-dix-sept ans, sans antécédent

pathologique d'aucune sorte, robuste vieillard qui n'a jamais été

malade, n'a jamais fait d'excès et n'a même jamais, dans sa longue

existence, éprouvé d'émotions sérieuses. En 1891, pendant les

fortes chaleurs du mois d'août, N... un jour s'était endormi dans

un champ, à l'ombre; il fut réveillé par une sensation pénible de

piqûre et de gonflement à la langue. Puis il s'aperçut qu'il avait

de la peine à prononcer certains mots.

C'était le début d'une affection qui, à partir de ce moment,

évolua progressivement. Voici l'énumération, dans leur ordre d'ap-

parition, des phénomènes morbides observés : En cinq mois la

difficulté d'articuler certains mots se généralise, langage difficile et

défectueux. En janvier 1892, faiblesse dans le bras gauche. Très

peu après, début d'un ptosis à gauche. En trois mois le membre

affaibli se paralyse complètement et la paralysie s'accompagne

d'atrophie musculaire. En janvier 1893, nouveaux accidents : la

tête ne peut se maintenir droite, elle est fléchie en avant sur la

poitrine, sialorrhée abondante et continuelle. En mars, même

année, paralysie et atrophie du membre supérieur droit et de

l'épaule. Au moment où l'auteur le voit, le malade est dans un

état vraiment misérable. Articulation des mots impossible. Sia-

lorrhée excessive. Abolition des mouvements de l'orbiculaire des

lèvres, paralysie presque complète des muscles masticateurs. Langue

difforme, elle a trois pointes, une médiane et deux latérales,

l'atrophie musculaire l'a rendue excessivement mince, elle reste

accolée au plancher de la bouche, presque immobile, comme un

lambeau de chair inerte. Ophtalmoplégie externe avec tous ses

symptômes qui donne à la physionomie un aspect étrange. Les

mouvements réflexes et d'accommodation de la pupille sont con-

servés, les muscles ciliaires et iridiens ne sont donc pas atteints, ce

qui démontre, entre parenthèse, que l'ophtalmoplégie est externe.

308 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Paralysie et ail ophie considérable des muscles du cou, de la nuque

surtout, du dos, du thorax, des membres supérieurs. Les membres

inférieurs sont faibles mais non atrophiés. Les réflexes tendineux,

abolis aux membres supérieurs, sont normaux aux inférieurs. Sur

tous les muscles atrophiés, contractions fibrillaires très marquées

au moindre choc. Sensibilité conservée, douleur au côté gauche du

thorax, sensation de chaleur interne, le malade ne peut conserver

ses couvertures au lit, même l'hiver. Excitabilité électrique propor-

tionnée au degré d'atrophie des muscles. Même dans les muscles

les plus atrophiés on ne note pas l'inversion de la formule. Le

pouls bat à 65-70 pulsations. Les fonctions de nutrition s'accom-

plissent bien. Le malade succombe en décembre 1893, dans un

accès de dyspnée.

L'auteur affirme qu'il s'agit bien là d'un cas de polioencéphalo-

myélite : on y trouve l'atrophie musculaire progressive, la paralysie

tabto-glossa-laryngée et l'ophtalmoplégie externe, mais le processus

morbide est évidemment irrégulier. Le premier symptôme observé

est la glossoplégie qui marque le début de la paralysie labio-glosso-

laryngée, le bulbe est donc atteint en premier lieu, et de là l'af-

fection est à la fois ascendante et descendante, puisque d'une part

se manifeste l'ophtalmoplégie, et d'autre part l'atrophie musculaire

progressive. Nous arrivons ici à une dissertation clinique, claire

et intéressante; la valeur des symptômes, leur signification, au

point de vue anatomo-pathologique, sont exposées et disculées. Il

est facile d'établir qu'il existe une lésion systématisée de différentes

parties de la colonne formée par les noyaux moteurs superposés

au bulbe, à la protubérance et à la moelle. Les cordons médul-

laires sont indemnes puisqu'il n'y a ni contracture, ni exagération

des réflexes tendineux, ni troubles vésicaux ou rectaux. Ce sont

précisément ces caractères que Charcot indiquait comme les

caractères distinctifs de la polioencéphalomyélile.

L'auteur explique comment ou peut comprendre anatomique-

ment la propagation de la lésion des noyaux moteurs supérieurs

de la moelle aux noyaux moteurs du bulbe, et la propagation de la

lésion de ces derniers aux noyaux d'origine de la troisième paire,

ce qui l'amène à rappeler les données anatomiques modernes sur

ces noyaux. Ils sont nombreux et situés les uns au-dessus des autres

formant une colonne située derrière le plancher du troisième ven-

tricule et plus haut derrière l'aqueduc de Sylvius. Cette disposition

explique l'indépendance des paralysies qui atteignent certains

muscles de l'oeil innervés par le moteur commun et qui respectent

certains centres innervés cependant par le même nerf, etc. Je

noterai encore l'exposé des paralysies bulbaires, les unes syndro-

miques de certaines entités neuropathiques, comme l'atrophie

Aran-Duchenne, par exemple, les autres indépendantes, les autres

causées par des lésions doubles en foyer. Exposé analogue à propos

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 309

de l'ophtalmoplégie externe qui peut dépendre du tabes, d'une

lésion cérébrale localisée, d'une compression du moteur commun,

etc., etc.

Revenant à son observation, l'auteur avoue que le début de

l'affection par la paralysie bulbaire inférieure fait de son cas un

cas unique dans la science, il faudrait le dénommer polioencépha-

lomé(ite à début glossoplégique. Guinon et Parmentier ont affirmé,

dit-il, que la polioencéphalomyélite débutait toujours et indiffé-

remment, soit par l'ophtalmoplégie, soit par l'atrophie musculaire

progressive, mais ce n'est pas là une vérité intangible, l'observation

actuelle démontre, d'une façon inconteslable, que cette affection

peut également débuter par les symptômes de la paralysie glosso-

labiale.

Dernière remarque : Dans le cas de M. Corvoue, comme dans

tous les cas publiés jusqu'à présent. l'étiologie de la poliencéphalo-

rnyélite reste absolument inconnue. (Rivista clinica e terapeutrca,

1895, Il' 1.) Camuset.

.\L. l'ACHY)IÍNINGITE CERMCALK hypertrophique : Leçon clinique

du professeur de Renzi.

Observation. Homme, trente-huit ans, malade depuis sept

ans. Rien à relever dans les antécédents. Voici son état actuel : les

deux bras, surtout le gauche, ne peuvent être soulevés volontaire-

ment. Le cou est un peu rigide. Les muscles deltoïdes des deux

côtés, mais surtout ceux du côté gauche, ainsi que le sterno-mas-

toidien droit sont atrophiés ; contractions fibrillaires sur ces

muscles. Réflexe rotulien exagéré. Excitabilité électrique diminuée

dans les muscles des membres supérieurs. La sensibilité au lou-

cher et à la douleur diminuée aux mains et aux avant-bras. Dou-- z

leur vague continuelle à la nuque et fourmillements aux deux

mains. Inégalité fréquente des pupilles qui sont assez souvent

dilatées. Certaine difficulté dans la miction. On voit que ce

malade présente des phénomènes de paraplégie et d'atrophie mus-

culaire et des altérations de la sensibilité. On pense d'abord qu'il

est atteint d'atrophie musculaire progressive, type Araii-Duelientie5

mais le professeur de Renzi démontre qu'il est atteint de pachy-

méningite cervicale hypertrophique. En effet, le malade présente

nombre de symptômes qui n'existent pas dans l'atrophie muscu-

laire progressive. La paraplégie brachiale, la roideur du cou, la

douleur persistante à la nuque, les altérations de la sensibilité,

l'inégalité pupillaire, etc. En plus, les muscles atrophiés ne sont

pas ceux qui sont atteints ordinairement dans l'atrophie progres-

sive. Eu somme, il s'agit dans ce cas d'une inflammation de la

dure-mère qui, hypertrophiée, comprime la moelle à l'instar d'un

anneau fibreux. (Rivista clinica e lerapeulica, 1895, n° 2.) C.

310 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XLI. Saturnisme chronique avec paralysie des nerfs radiaux ; par

' le professeur DE RENZI, de l'Université de Naples (Leçon clinique

du professeur DE Renzi.)

Observation. Femme, trente-sept ans, marchande ambulante

de jouets d'enfants. A l'âge de vingt et un ans, à la suite d'une

peur, cette femme avait eu un brusque arrêt des règles, puis des

coliques violentes avec constipation tenace. Il y à un mois, encore

à la suite d'une peur, elle eut de la fièvre pendant dix jours, puis

des coliques violentes et de la constipation. En même temps, elle

éprouvait des douleurs dans les bras et elle n'ouvrait plus facile-

ment les mains. A l'examen actuel, à la clinique : mains à demi

fléchies sur les avant-bras, doigts à demi fléchis, le pouce en adduc-

tion. Les mouvements d'extension des mains et des doigts impos-

sibles. Les avant-bras peuvent facilement se mettre en supination.

Excitation faradique abolie dans les muscles extenseurs de l'avant-

bras, l'excitation galvanique est conservée. La malade est triste et

irritable. Aucun autre trouble nerveux. Bord libre des gencives

saignant, ramolli et bleuâtre. Plomb dans les urines. On dénote

aussi la présence du plomb à la peau au moyen du sulfure de

sodium.

Il est évident que la malade est empoisonnée par le plomb, elle

s'est intoxiquée en vendant des jouets peints avec des couleurs

contenant des sels plombiques. Quant aux phénomènes paralyti-

ques, on ne peut guère les attribuer à l'hystérie, la paralysie hys-

térique est une paralysie psychique, pour ainsi dire, qui se loca-

lise mal anatomiquement, qui ne se fixe pas sur un système mus-

culaire, par exemple, à l'exclusion d'autres systèmes musculaires.

On ne peut non plus songer à une paralysie a (l'igo1'e, laquelle est

ordinairement unilatérale et le supinateur est atteint comme les

autres muscles. Il s'agit donc, sans conteste, d'une paralysie satur-

nine. (Rivista clinica e terapezelica. Naples, 1896, 110 2.) C.

11.11. Syphilis cérébrale ; parle professeur DE l3EVZr, de l'Université

de Naples. (Leçon clinique du professeur DE RENZI.)

Observation. Jeune homme, vingt et un ans, cuisinier. Sy-

philis il y a trois ans, trois mois ( ? ) après, gomme au front. Il y a

deux mois, attaque d'apoplexie et à la suite hémiplégie droite. Dis-

parition rapide de la paralysie au moyen d'injections sous-cuta-

nées de bichlorure de mercure. Le malade ayant suspendu ses

injections, nouvelle attaque d'apoplexie il y a deux jours. Depuis,

perte de la parole, asymétrie de la face et stupeur. Amené à la

clinique en cet état, on note la pléiade ganglionnaire des syphili-

tiques et un état de stupeur. Il n'y a aucun phénomène paralytique,

cependant les mouvements intentionnels sont lents et un peu incer-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 311 I

tains et les muscles de la face du côté gauche se contractent un

peu moins que ceux du côté droit. La sensibilité au tact et à la

douleur est conservée. Réflexes rotuliens exagérés, surtout à gau-

che. Le malade ne peut pas parler, mais il semble entendre, urines

involontaires. La situation reste telle pendant deux jours. On diag-

nostique une syphilis cérébrale, diagnostic que l'autopsie vint

bientôt confirmer. On trouva, en effet, une pachyméningite et

une leptoméningite chroniques, fibreuses, de la voûte et d'une partie

de la base, une artérite diffuse avec artério-sclérose, et des petits

foyers de ramollissement cérébral, enfin des hémorragies puncti-

formes multiples dans la couche optique gauche. La nature de ces

lésions indique la syphilis d'une façon certaine. (Rivista clinica e

terapcutica, Naples, 1896, n° 2.) C.

XUIL Myélite par infection BLE ! VNORRI3AGRIQUE; par le Dr CIPRIANI.

Jeune fille de quatorze ans, forte et bien portante, une soeur

hystérique, il y a un an, blennorrhagie non soignée. Sans pro-

drome aucun, cette jeune fille est prise brusquement de para-

plégie, assise elle s'aperçoit qu'elle ne peut plus se lever. Voici les

signes morbides qu'on note à ce moment : les membres inférieurs

complètement paralysés, inertes, réflexes rotuliens diminués. Anes-

thésie absolue des mêmes membres, la malade ne les sent pas.

T = 38°. Rétention d'urine. Intelligence intacte. L'auteur diag-

nostique un foyer de myélite à la région dorsale, suite d'une infec-

tion blennorrhagique. c

Voici la marche de l'affection, à partir de ce début. La réten-

tion d'urine dura seulement cinq jours, elle fut remplacée par

l'incontinence pendant six mois, puis elle guérit complètement. La

constipation du début fit place à l'incontinence des matières fécales,

qui guérit aussi en cinq à six mois. Les diverses sensibilités repa-

rurent progressivement dans les membres inférieurs, plus rapide-

ment à droite qu'à gauche, le septième mois tous les troubles sen-

sitifs avaient disparu. Quant à la motilité, le membre inférieur

droit s'améliora le premier et la paralysie y avait complètement

disparu le cinquième mois. La motilité ne revint dans le membre

gauche que plus tardivement, elle se rétablit petit à petit pendant

sept mois, puis à ce moment l'amélioration resta stationnaire, le

pied était toujours inerte. L'excitabilité faradique redevint petit à

petit normale, mais les muscles moteurs du pied gauche ne réa-

gissaient que légèrement. On nota pendant le cours de cette mala-

die, surtout dans les premiers temps, de fortes contractions des

muscles du membre inférieur gauche, principalement la nuit, pen-

dant le sommeil. 11 ne se produisit jamais de troubles trophiques. Le

point intéressant de cette myélite est dans son étiologie. Il ne semble

pas douteux qu'il y ait eu un foyer circonscrit de myélite à la por-

312 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

tion dorsale de la moelle, l'hystérie n'est pas en cause. Du reste,

on hypnotisa la malade sans résultat. L'auteur admet que ce foyer

de myélite est dû à l'infection blennorrhagique. Il a fait des recher-

ches bibliographiques qu'il reproduit au grand complet. Je ne peux

le suivre dans cette partie de- son travail, je ne citerai que quel-

ques-uns des travaux qu'il analyse, les plus importants ; ainsi

les expériences de Vidal et Besançon : injections de cultures de

spectrocoques à des cobayes qui meurent paraplégiques, la moelle

est altérée. Expériences analogues de Thoinot, avec des cultures

de bacterium coli, résultats semblables. Communication de Gras-

set au congrès de Bordeaux, sur l'action des infections diverses sur

la moelle, etc.. Les observations du professeurItaymond : blennor-

rhagie, arthrite du genou gauche, atrophie musculaire généralisée,

cachexie et mort par myélite, etc..

Tous ces travaux, ces expériences, ces observations démontrent

que le processus blennorrhagique, dit l'auteur, peut se généraliser

et se localiser ensuite sur beaucoup d'organes et qu'il n'épargne

pas la moelle. Mais quelle est la pathogénie des accidents médul-

laires de la blennorrhagie ? Le gonocoque a la propriété de provo-

quer de graves lésions dans les organes revêtus de muqueuses, le

microbe et les toxines qu'il produit, peuvent facilement traverser

l'épithélium des muqueuses altérées, pénétrer dans les tissus et

être entraînés ensuite par le courant sanguin ou lymphatique

dans les parties les plus éloignées de l'organisme, d'où l'infection

générale de celui-ci et la production de foyers divers dans la moelle

et ailleurs. En réalité, le revêtement épithélial des muqueuses offre

le plus souvent un obstacle insurmontable au passage des microbes,

mais enfin il arrive aussi, pour une raison ou pour une autre, que

cet obstacle soit franchi et l'infection se produit. Il faut, en résumé,

se garder d'envisager la blennorrhagie, malgré l'opinion de cer-

tains auteurs, comme une affection toujours locale. (Rivista clinica

c terapeulica, Naples, 1896, n° 3.) G11USIïI'.

XHV. Hystérie. Souffle cardiaque NERVEUX. OEDÈME des extrémités

inférieures; parle professeur de RENZI, de l'Université de Naples.

(Clinique du professeur de Renzi.)

Observation. Jeune fille de vingt-trois ans, réglée depuis

l'âge de dix-huit ans. Bonne santé habituelle jusqu'au début de la

maladie actuelle, qui remonte à trois ans et qui fut marqué par

une douleur à la région précordiale. Depuis quelque temps, at-

taques convulsives qui se répètent tous les soirs. Actuellement :

embonpoint conservé, lèvres cyanosées, les joues et les extrémités

sont violacées. OEdème considérable des pieds et des jambes avec

température très basse de la peau. A l'auscultation du coeur, souffle

systolique fort et prolongé, plus accentué à la pointe. Foie et rate

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 313

normaux. Urines normales. Réflexes patellaires exagérés, les autres

réflexes normaux. L'attaque convulsive du soir dure une ou deux

heures. Toules les formes de la sensibilité sont intactes, si ce n'est

la sensibilité à la douleur qui est très vive. La malade se plaint de

faiblesse dans les membres inférieurs, de céphalalgie frontale et

d'une sensation d'étranglement. Hyperesthésie ovarienne. Facultés

intellectuelles bien développées. Caractère extraordinairement

mobile, la malade passe avec la plus grande facilité de la tristesse

à la joie, d'un mutisme persistant à une loquacité intarissable.

La question est de savoir si le souffle cardiaque et 1"oedème des

membres inférieurs dépendent d'une affection cardiaque ou de

l'hystérie seule. Le souffle indiquerait une insuffisance mitrale,

mais alors le coeur devrait être hypertrophié. On ne peut songer à

un souffle anémique, le sang examiné ayant été trouvé normal.

Le professeur Renzi diagnostiqua donc un souffle nerveux, pour lui

le coeur est sain. Il a précisément décrit le souffle nerveux

dès 1878. L'oedème également est d'origine nerveuse, s'il tenait

à une lésion du coeur, comme il est considérable, il y aurait hv-

pertrophie de l'organe et stase sanguine dans le foie et dans les

reins, or ces viscères sont absolument sains. La suite de la maladie

prouva, du reste, que le diagnostic était exact, il s'agissait bien, en

effet, d'un souffle cardiaque nerveux et d'un oeJème bleu hyté-

rique. (Rivista clinica e terape2tticca; Naples, 1896, na 5.) C.

XLV. SUR la paralysie diphtéritique ; par W. GOOD : 1LL.

(Brain, été et automne 1895.)

De 1892 à 1893, l'auteur a observé à Eastern Hospital 1,071 cas

de diphtérie. Sur ce nombre 362 malades sont morts avant d'avoir

eu le temps de devenir paralysés. Sur les 709 cas restants, il y a eu

125 paralysies dont 17 mortelles. Parmi ces 125 cas le sexe était

masculin 55 fois et féminin 70 fois; 96 malades avaient moins de

dix ans; 25 étaient entre dix et vingt ans, 3 entre vingt et trente,

et un seul entre quarante et cinquante. La maladie n'a jamais

débuté avant le septième jour et jamais après le quarante-neuvième.

Les fausses membranes avaient presque toujours disparu avant

l'application de la paralysie; dans 10 cas seulement elles duraient

encore. La paralysie a débuté parle voile du palais seul 67 fois, par

le palais seul ou accompagné 75 fois. Elle a été très limitée dans

66 cas et très généralisée dans 16 cas. La paralysie ciliaire, qui a

pu échapper chez les très jeunes sujets, a été trouvée 56 fois; celle

des membres inférieurs 52 fois; des muscles de l'oeil 26 fois; des

membres inférieurs 21 fois; du larynx 11 fois; du diaphragme

10 fois. Celle des nerfs vagues est rare. F. BoISSIER. 0

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

- PATHOLOGIQUES.

I. SUR UN C\S DE tumeur cérébrale ET SUR LES rapports DES TUMEURS

du cerveau avec LES troubles psychiques; par le De Luhrmann.

(Allg. Zeitschr. f. Psychiatrie, t. LU, fasc. 4.)

Les tumeurs du cerveau peuvent donner lieu à des troubles psy-

chiques dont la physionomie clinique est bien différente. Dans la

plupart des cas on constate un affaiblissement intellectuel plus ou

moins considérahle, de l'hébétude avec des périodes d'excitation ;

plus rarement se manifestent des états de confusion avec hallucina-

tions. Quand les signes ordinaires des lésions en foyer du cerveau

font défaut ou sont peu accentuées, une erreur de diagnostic peut

aisément être commise.

L'auteur rapporte un cas dans lequel une tumeur cérébrale a pu,

pendant plusieurs mois, simuler une psychose aiguë, un état de

confusion hallucinatoire avant qu'on ait pu établir un diagnostic

exact. Il s'agit d'un jeune homme robuste qui, six ans après avoir

eu la syphilis, est pris subitement d'une attaque convulsive ; celle-

ci ne laisse pas de traces. Mais une deuxième attaque survient, qui

est suivie de troubles psychiques (inquiétude, anxiété). Un accès

de confusion aiguë éclate qui dure quatre mois et nécessite l'inter-

nement du malade. Pendant cette période il passe d'abord par une

phase d'excitation maniaque, plus tard il est déprimé. Enfin il

paraît en voie de guérison quand une rechute se produit et alors

se manifestent des symptômes caracteristiques d'une lésion en foyer

(maux de tête, parésies, troubles de la parole). Ces symptômes dispa-

raissent sous l'influence du traitement antisyphilitique et à l'ob-

tusion due à la compression du cerveau succède un accès naniaquc

qui dure quelques mois et se termine par la guérison.

De cette observation l'auteur conclut qu'une tumeur du cerveau

peut rester longtemps sans provoquer des symptômescérébraux puis

peut simuler une psychose aiguë. Chez le sujet en question la

tumeur existait dès le début des troubles psychiques et ne s'est pas

montrée consécutivement à leur apparition, c'est ce que démontre

l'apparition de phénomènes convulsifs avant l'éclosion de la psy-

chose. On peut conclure aussi de cette observation que certaines

lésions en foyer du cerveau sont capables de déterminer certains

troubles psychiques et plus particulièrement des états maniaques.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 315

On a cherché récemment à expliquer l'aspect clinique particulier

de ces symptômes en foyer, comme on l'a fait pour les symptômes

somatiques. '

Westphal a signalé l'humeur fantasque de ces malades ; Bern-

hardt insiste sur l'allure enfantine et le langage puéril des sujets

porteurs d'une tumeur de la région antérieure : il note aussi une

tendance au sommeil. Jastrowilz déclare qu'il est une forme de

trouble psychique, un état de démence avec excitation et exubé-

rance (ztorica)qu'il n'a rencontré que dans les cas de tumeur des

circonvolutions frontales. Le malade observé par M : Lührmauu pré-

sentait lui aussi, dans la seconde période de sa maladie, une forme

d'excitation maniaque avec tendances aux plaisanteries et à toutes.

sortes d'actes puérils. '

Dans le cas en question peut-on penser à une tumeur siégeant

dans la région antérieure du cerveau ? Ce qui permet de l'admettre

ce sont les violents maux de tête siégeant au niveau de la tempe

gauche, la sensibilité très accusée à la percussion d'une région

limitée au niveau de la tempe gauche, les phénomènes de parésie

(troubles de l'articulation, parésie dans le domaine du nerf facial

droit et de l'hypoglosse). Le siège de la tumeur paraît donc avoir

été dans l'hémisphère gauche au niveau des circonvolutions fron-

tales. P. SÉRIEUX.

II. UN cas DE lésion DE la bandelette OPTIQUE ET DU pédoncule

CÉRÉBRAL; par le Dr E. lllau.tNE. (Joum. de Neurol., 1896, n° 10.)

Observation d'un jeune homme de vingt-sept ans, n'ayant pas eu

la syphilis, chez lequel s'établit lentement, sans convulsions, une

hémianopsie droite puis une hémiparésie droite avec contractures.

Du côte parésié les réflexes sont exagérés mais la sensibilité est

innervée dans tous ses modes. Aucun stigmate d'hystérie. Réaction

hémiopique de la pupille à la lumière. Bien qu'il n'y ait pas eu

d'autopsie, l'auteur se voit autorisé à placer le siège de la lésion

au niveau de la bandelette optique et du pédoncule cérébral du

côté gauche et voit qu'il s'agit d'un tubercule. G. DENY.

III. L'apophyse styloïde chez LES anormaux ET chez LES normaux ;

par M. A. %UCC : 1RELLI. (L'Anomalo, novembre et décembre 1895,

Gennaio 1895.)

L'auteur ayant remarqué que certains crânes, parmi ceux qui i

composent sa collection, étaient pourvus d'apophyses styloïdes très

volumineuses, sans qu'ils aient appartenu pour cela à des sujets

avancés en âge, se rappelant en outre que ces apophyses donnent

insertion à des masses musculaires particulièrement développées

chez les criminels, pensa qu'une étude comparative de ces apo-

316 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

physes pourrait donner des résultats intéressants. En effet, il

résulte de ses recherches que l'apophyse styloïde est surtout déve-

loppée, en longueur et en épaisseur, chez les criminels, et en

général chez les anormaux. C.

IV. PLAGIOCÉPHALIE ET asymétrie EN général, fréquence, DEGRÉS,

extension; par M. G. ZUCCARELLI. (L'Anomalo, novembre et dé-

cembre 1894, Gennaio 1895.)

Au début de l'anthropologie criminelle moderne, les adversaires

de l'Ecole prétendaient que les stigmates physiques n'avaient

aucune valeur parce qu'on les trouvait aussi bien sur les criminels

que sur les non criminels. On fit facilement justice de cette objection

en démontrant que les stigmates s'observaient avec une bien plus

grande fréquence chez les criminels que chez les non criminels.

Mais il ne faut pas considérer seulement la fréquence des signes

anthropologiques, il, faut considérer aussi leurs divers degrés, c'est-

à-dire noter s'ils sont profonds, superficiels, s'ils sont plus ou moins

prononcés, etc. Pour la plagiocéphalie en particulier, il faut voir

si elle ne se complique pas de plagiprosopie (si elle s'étend à la face).

Voici du reste les principaux principes qui doivent guider l'obser-

vateur : on doit négliger les signes anthropologiques lrès légers,

parce qu'ils sont très fréquents chez les normaux, la nature a pour

ainsi dire horreur de la symétrie parfaite. Les signes légers doivent

êtres pris on considération s'ils sont multiples. Les signes plus pro-

noncés d'un degré doivent être notés, même s'ils sont isolés. Les

signes très prononcés ont une grande valeur clinique, laquelle

augmente encore s'ils sont accompagnés d'autres stigmates sié-

geaut sur d'autres parties du corps. Il faut enfin tenir grand

compte du degré d'extension de l'anomalie, et c'est ainsi qu'on

doit admettre, par exemple, une plagiocéphaiie frontale ou anté-

rieure ; une plagiocéphalie occipitale ou postérieure; une plagio-

céphalie fronto-pariétale ; une plagiocéphalie occipito-pariétale;

une plagiocéphalie hémicraniale. Chacune de ces plagiocéphalies

peut être droite ou gauche, elle peut aussi être compensée ou ne

pas l'être. Elle peut enfin être limitée au crâne seul, ou s'étendre

à la face (plagioprosopie), au thorax, à tout le tronc. C.

LA LÉSION DE L'OSTÉITE déformante DE PAGET; par MM. GILLES

delà TOURETTE ET MAITINESCO. (Nouv. Iconog. de la Salpêtrière,

1895, n" 4.)

L'auteur a déjà émis l'hypothèse que les altérations osseuses de

la maladie de Paget étaient des troubles trophiques dépendant de

lésions médullaires. Il donne, dans cet ai ticle, les résultats de deux

autopsies nouvelles de malades atteints de l'ostcite de Paget et il

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 317

termine par cette conclusion : Ces cas nouveaux n'infirment ni ne

corroborent notre opinion ancienne dont la consécration réclame

de nouveaux faits.

ire autopsie. - La moelle semblait normale à l'oeil nu, on ne l'a

pas examinée au microscope à l'état frais. Après l'avoir durcie, on

trouve des lésions des cordons postérieurs qu'aucun trouble, pen-

dant la vie, n'avait pu faire prévoir. En effet, sur toutes les coupes

on voit dans les cordons postérieurs, avec raréfaction légère des

fibres nerveuses avec un peu d'épaississement du tissu de soutène-

ment. Ce n'est pas cependant une véritable sclérose. La zone radi-

culaire moyenne est partout respectée. Le reste de la moelle semble

intact sauf cependant une certaine raréfaction encore des fibres à

myéline dans les cordons latéraux.

2e autopsie. - Les nerfs périphériques sont à l'oeil nu, considéra-

blement augmentés de volume. La moelle présente les mêmes

allérations que celles trouvées dans l'autopsie précédente, et en

plus, une congestion consfdérable de la substance grise antérieure

et postérieure. Quant aux nerfs hypertrophiés, ils ont leurs fibres

nerveuses normales, mais ils sont oedématiés et leur tissu conjonctif

est hyperplasié, C.

VI. La pelade POST-ÉPILEPTIQUE; par M. CH. Féré, médecin de

Bicêtre. (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, 1895, na 4.)

Les troubles trophiques du système pileux, à la suite de chocs

nerveux, ont été observés principalement sous forme de canitie,

mais aussi sous forme d'alopécie.

M. Féré a souvent observé, chez les épileptiques de Bicêtre, des

plaques de pelade qui guérissaient généralement vite et sans trai-

tement. On peut supposer que ces troubles trophiques sont d'ori-

gine nerveuse, mais il est difficile de le démontrer. Pourtant, quand

les attaques sont rares et que la pelade apparaît peu après l'une

d'elles, on a quelque raison de croire qu'il y a entre la crise et la

pelade une relation de cause à effet. Voici deux observations qui

rentrent dans cette catégorie d'exemples démonstratifs.

Un ancien épileptique qui, depuis qu'on le traitait avec les bro-

mures, ne tombait plus que tous les deux, trois ou quatre mois,

qui en revanche avait alors plusieurs attaques très rapprochées et

très violentes, resta une fois quatre mois et demi sans aucune

manifestation comitiale. Il eut ensuite quatre grandes crises en

moins de vingt-quatre heures, à la suite desquelles il dut garder le

lit. Au bout de deux jours on s'aperçut que son oreiller était cou-

vert de cheveux et on constata qu'il était porteur de plaques de

pefede, lesquelles s'étaient produites rapidement. Elles guérirent

seules en quelques semaines. La seconde observation a la plus

grande analogie avec celle que je viens de résumer. , C.

318 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

VU. Infantilisme chez la FEMME; par M. Henry MEIG : è.

(Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, 1895, n° 4.)

, Le terme infantilisme doit être réservé pour désigner un syndrome

morphologique caractérisé par la conservation, chez l'adulte, des

- formes extérieures de l'enfance, et la non -apparition des caractères

sexuels secondaires. L'infantilisme s'observe toujours chez les indi-

vidus dont l'appareil sexuel a subi un arrêt dans son évolution. Il

est congénital ou acquis, quand l'arrêt de développement est extra-

utérin. On connaît les signes de l'infantilisme : face arrondie,

lèvres charnues, visage glabre, torse cylindrique, membres pote-

lés, etc. L'infantilisme existe isolé ou associé à d'autres affections

dystrophiques dont les plus connues sont le myxoedème infantile

le nanisme, l'idiotie, etc. Un état mental infantile accompagne

toujours la malformation corporelle. L'infantilisme existe chez la

femme comme chez l'homme. Suit l'observation intéressante d'une

femme de trente-un ans atteinte d'infantilisme.

L'infantilisme n'est pas la seule anomalie morphologique qui

s'observe chez la femme, à la suite de malformations génitales.

Au féminisme qui apparait chez le jeune homme, correspond chez

la femme une anomalie inverse, le masculisme ou virilisme. Cette

forme corporelle est caractérisée par l'adjonction des attributs

sexuels secondaires du mâle chez un individu du sexe féminin.

C.

VIII. Malformation des organes génitaux. Infantilisme ET FI111-

NISME chez un épileptique ; par M. P.-C.-J. VAN BRERo, médecin

de l'asile des aliénés à Buitenzorg (Java). (Nouv. Iconog. de la

Salpêtrière, 1895, n° 4.)

Observation. Jeune Javanais de vingt-deux ans, épileptique,

un peu dément. Le corps est allongé et enveloppé de graisse, peu

musclé, figure ronde, imberbe, la peau est glabre partout, il n'y

ade poil nulle part. Taille 1m,59. Le crâne est asymétrique. Voix

d'enfant. Bassin large, fesses bien développées. Organes génitaux

atrophiés. Ils sont surtout déformés, et par suite de la soudure de

la peau de la verge avec celle du scrotum, ils rappellent les organes

génitaux de la femme. Il s'agit donc, en somme, d'un de ces

cas que M. Paul Bicher rattache à l'hermaphrodisme antique. -

Mais aucune description ne saurait remplacer la photographie du

sujet qui est jointe à l'article de M. Van Brero. C.

IX. Sur un cas DE fragilité des os ; par le 1)" Gvv vN.

On a déjà signalé dans les maladies chroniques du système ner-

veux central, et particulièrement dans la folie, des changements

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 319

morbides du côté du système osseux, qui augmentent la fragilité

des os, surtout des côtes, et exposent les malades à des fractures,

à l'occasion du plus léger traumatisme.

Les conditions pathologiques de ce processus sont encore assez

obscures : peut-être y a-t-il là des troubles trophiques dus à des

modifications du système sympathique ou bien ces troubles sont-ils

plus directement en rapport avec les altérations des cordons pos-

térieurs.

Dans l'observation relatée par l'auteur, il s'agit d'un malade

atteint de délire mélancolique et qui reçut d'un autre malade un

coup de pied sur la poitrine. Le coup de pied avait été donné avec

le pied nu et le malade ne parut pas sur le moment être incom-

modé de ce traumatisme. Toutefois il fut obligé de s'aliter, puis

déclina rapidement et mourut cinq jours après cet accident.

A l'autopsie on trouva dix-neuf fractures de la cage thoracique.

Le nombre et la localisation de ces fractures diverses n'avait pu

être diagnostiqué pendant la vie. (Amel'ican journal of insan ily,

janvier 1896.) E. 13LIN.

X. L'action DU LIQUIDE thyroïdien SUR LE SYSTÈME nerveux central;

par le Dr HASKOVEC.

Au moyen de nombreuses expériences kymographiques, l'auteur

a pu constater qu'un ou deux centimètres cubes de liquide thyroï-

dien produit, après l'injection intraveineuse, l'accélération du pouls

et une diminution de la pression sanguine iutra-artérielle. L'accé-

lération du pouls paraît être un effet de l'excitation du centre

des nerfs accélérateurs dans le bulbe.

Quant à la diminution de la pression sanguine inlra-artérielle,

elle n'est pas exclusivement d'origine bulbaire et peut dépendre

aussi, ou bien des centres spinaux, ou bien de la périphérie même.

(Revue Neurologique, avril 1896.) E. B.

XI. Sur l'origine DE l'amyotrophie tabétique ; par le D'' E. SCHAFFER.

L'auteur cherche la cause de la divergence des opinions des

auteurs relatives à l'origine de l'amyotrophie tabétique, dans ce

fait que les méthodes tinctoriales employées jusqu'à présent étaient

seulement capables de déceler les degrés les plus élevés de l'affec-

tion cellulaire.

Avec la méthode de Nissl, on peut, à l'heure actuelle, déceler

des altérations fines et primitives de la cellule. Ce sont précisé-

ment ces altérations fines et primitives que l'auteur a rencontrées

dans un cas de tabes : aussi place-t-il la cause de l'amyotrophie

tabétique dans l'affection des cellules (rophomotrices des cornes

antérieures.

320 REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.

Si l'on trouve dans le tabes des altérations périphériques remar-

quables, c'est que le trouble résultant des altérations les plus pri-

mitives, dites dynamiques, des cellules trophomotrices, se montre

à la périphérie quant à la nutrition. Quant à l'innervation, l'affec-

tion lente du centre trophique ne produit pas l'altération des fibres

- nerveuses périphériques dans toute leur longueur, de la cellule

jusqu'aux terminaisons, parce que le trouble trophique résultant

de la diminution de l'énergie vitale de la cellule nerveuse se

montre au point le plus périphérique ; mais que l'affection cellu-

laire s'accentue, et les changements de la périphérie se répandront

aussi en direction cellulipète.

M. Schaffer propose de distinguer deux catégories d'affections

de la corne antérieure : 1° la vulgaire poliomyélite, maladieaiguë,

détruisant d'une manière véhémente et complète non seulement

les cellules mais aussi tous les autres éléments histologiques de la

corne antérieure : c'est une affection du centre trophique, qui

produit l'altération de la voie motrice périphérique en toute sa

longueur. L'expression clinique de cette forme, c'est l'amaigrisse-

ment rapide, les secousses fibrillaires et la réaction de dégénéres-

cence ;

2° Des affections de la corne antérieure débutant par des altéra-

tions très fines, difficiles à prouver au début avec le microscope.

Ces affections sont quelques formes de la myopathie, des amyo-

trophies toxiques, et l'amyotrophie tabétique.

L'expression clinique de ces altérations lentes et progressives des

cellules, c'est l'amyotrophie, qui ne montre ni secousses fibrillaires

ni réaction de dégénérescence. (Revue Neurologique, février 1896.)

E. B.

XII. DE l'influence DE l'inanition sur LES animaux NOUVEAU-NUS

ET en particulier SUR LE POIDS ET LE développement DE L'ENCÉ-

PHALE ; par W. DE BECHTEREIY. (Neurolog. Centralbl., XIV, 48'J5.)

1° Plus tôt l'on commence lïnanitiation de l'animal nouveau-né,

plus vite il succombe ; 2° Quand on tolère l'ingestion d'eau, les

animaux paraissent pouvoir se maintenir plus longtemps ; un petit

chien dura au moins trente jours ; 3° Dans quelques cas le poids

du corps commence à baisser dès le premier jour, et cela progres-

sivement jusqu'au jour de la mort pendant lequel il décroît rapi-

dement. Quand l'abstinence est commencée dans les premières

heures qui suivent le part, le poids décroît progressivement et sa

chute subit une descente brusque avant la mort ; 4° Plus le nou-

veau-né est jeune, moindre est la perte absolue (pourcentage) du

poids par la mort d'inanition ; 5° Si l'on tient compte, dans les

calculs, du rapide accroissement des organismes durant les pre-

miers jours qui suivent le part, la perte en poids du nouveau-né

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 321

inanitié semble colossale comparée aux nouveau-nés normalement

nourris de la même portée ; 6° Chez les animaux nouveau-nés ina-

nitiés, tous les organes prennent plus ou moins part, cerveau com-

pris, à la déchéance pondérale. Celle de l'encéphale est cependant

proportionnellement moindre que celle des autres organes. La

déchéance pondérale la plus forte appartient, entre toutes les par-

ties de l'encéphale, aux hémisphères cérébraux, c'est la cervelle

qui souffre le moins. Toutes les déchéances viscérales paraissent

plus grands, lorsqu'on compare le poids des nouveau-nés ina-

nitiés à celui des animaux normalement nourris de la même

portée ; 7° L'encéphale de tous les nouveau-nés inanitiés parait, à

l'autopsie, fortement hypérémié ; sa consistance est plus faible, il

exhale une odeur sui generis qui rappelle celle des gaz de la putré-

faction, et cela, alors même qu'on a soin de pratiquer l'autopsie

dès que l'animal a rendu le dernier soupir. La substance grise est

particulièrement hypérémiée; 8° Au microscope, on y trouve des

altérations histologiques propres à la mort par inanition, c'est-à-

dire la névrose par coagulation, désagrégation de la myélite, retard

dans le développement des manchosmyéliniques pour les systèmes

dont le développement n'était pas encore commencé avant la

période d'inanitiation; 9° En outre l'ouverture palpébrale s'effec-

tue moins vite, plus tard aussi se manifeste l'excitabilité des centres

corticaux moteurs ; 10° D'après l'observation correspondante d'un

assez grand nombre d'enfants nouveau-nés morts d'abstinence et

d'épuisement, ces résultats (sauf ceux du § 9) peuvent s'appliquer

à l'espèce humaine. P. K.

XIII. Contribution A L'ANATOMIE pathologique DE la névralgie DU

trijumeau; par A. SOENSER. (Neurolog. Centralbl., XIV, 1895.)

Cinq observations de malades auxquels après avoir successive-

ment réséqué plusieurs branches du trijumeau, on dut recourir à

l'extirpation du ganglion de Gasser qui seule mit fin aux crises

douloureuses. L'examen anatomique de l'organe révèle soit une

lésion scléreuse, soit une dégénérescence amyloïde des cellules, et

dans tous les cas, l'atrophie des fibres et cellules. P. K.

XIV. DES CONVULSIONS ET DE l'amnésie observées chez LES pendus

ramenés A la VIE; par LUIIRMAmN. (Allg. Zeitschr. f. Psychiatrie,

t. LU, f. l,p. 185-195.)

Après le retour à la vie de sujets pendus on observe parfois des

convulsions, de l'amnésie, des troubles psychiques passagers, et

l'amélioration de psychoses antérieures. Ces faits ont été étudiés

en Allemagne par J. Wagner, V. Hofmann, Moebius. Wagner pré-

tend que les convulsions et l'amnésie sont dues aux modifications

Archives, 2° série, t. II. 21

322 REVUE d'anatomie ET DE physiologie PATHOLOGIQUES.

produites dans le cerveau par l'asphyxie et par la compression des

carotides ; il les considère donc comme causées par une excitation

physique du cerveau. Moebius pense que cette interprétation ne

peut être appliquée à tous les cas, mais de l'examen des cas anté-

rieurement publiés et de ses propres observations il conclut qu'il

s'agit parfois d'hystérie traumatique; il tient donc les manifes-

tations ci-dessus (crampes et amnésie) pour des troubles hysté-

riques, c'est-à-dire d'origine psychique. Moebius, à la théorie

mécanique de Wagner, oppose une manière de voir qui fait des

émotions accompagnant la pendaison le facteur principal.

Seydel a publié récemment un nouveau cas qui porte à 27 le

nombre des observations connues, et qui ne paraît pas devoir être

rattaché à l'hystérie. L'auteur rapporte deux cas personnels. Un

des sujets fut pris, après sa tentative de pendaison, de convulsions

généralisées qui durèrent environ une heure et demie et s'accom-

pagnèrent de perte des réflexes pupillaire et cornéen, de perte de

la conscience et d'émission involontaire d'urine. L'amnésie fut

complète, jusqu'au lendemain, pour la tentative de suicide et les

événements qui la suivirent. L'autre patientent, après la pendaison,

deux attaques de plusieurs minutes de durée séparées par un court

intervalle; l'amnésie s'étendit à la tentative de suicide et aux

incidents consécutifs.

Les attaques observées chez le premier malade présentaient les

symptômes cardinaux d'un accès dû à une excitation physique du

cerveau, d'une manifestation épileptique (perte du réflexe cornéen,

des réflexes pupillaires, abolition de la conscience; émission invo-

lontaire d'urine, hyperthermie 38°,2). Il faut noter cependant que

la crise avait été caractérisée par une crise de larmes. S'agissait-il

d'hystérie ? L'hérédité du malade est chargée; mais on n'a pas

relevé chez lui de stigmates hystériques. L'auteur conclut en défi-

nitive à l'hypothèse qui fait des accès convulsifs et de l'amnésie

des phénomènes relevant d'une altération mécanique subie par le

cerveau.

Pour le deuxième sujet, il n'en est pas de même. L'hystérie

parait être en cause. Le patient a eu antérieurement des attaques

paraissant de nature hystérique; il présente des troubles caracté-

ristiques de la sensibilité ; l'accès consécutif à la pendaison n'a pas

eu la soudaineté des manifestations épileptiques; le malade se

laissait tomber à terre et l'inconscience n'était pas totale. Quant à

l'épilepsie alcoolique elle peut, chez les deux sujets, être élimi-

née.

L'auteur pense que l'interprétation de Wagner, qui nie la nature

hystérique des accès convulsifs et de l'amnésie chez les pendus

rappelés à la vie, doit s'appliquer à la majorité des cas. Mais il en

est qui sont susceptibles d'une explication différente et qui doivent

être attribuées à l'hystérie. Il importe aussi de se rappeler qu'on a

SOCIÉTÉS SAVANTES. 323

observé d'autres signes d'hystérie (hémianalgésie et rétrécissement

du champ visuel) après des tentatives de strangulation.

L'auteur rapporte enfin l'observation d'un mélancolique qui,

rappelé à la vie aptes une tentative de pendaison, parut très obnu-

bilé pendant plusieurs jours et perdit la mémoire de sa tentative et

de la période consécutive. Il n'y eut pas d'accidents convulsifs.

Dans les trois cas dont il s'agit l'amnésie rétroactive n'a pas été

très étendue puisqu'elle ne porte que sur la tentative de suicide.

Mais chez certains sujets la lacune de la mémoire a été plus consi-

dérable et a porté sur plusieurs heures antérieurement à l'acte. Il

est important de ne pas oublier, au point de vue médico-légal,

l'existence de cette période d'amnésie rétroactive ; les observations

de Weslphal et de Wagner sont à ce point de vue très démonstra-

tives. P. SÉRIEUX.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET DES NEUROLOGISTES

SESSION de NANCY. Excursions ET visites.

Les membres du Congrès ont visité le vieil asile de Maréville

le dimanche 2 août. Nous n'en ferons pas la description aujour-

d'hui. Peut-être, plus tard, donnerons-nous une idée des cons-

tructions faites dans ces dernières années. La population de

l'asile est de 1,708 malades, dont 801 hommes et 827 femmes.

Dans ce nombre figurent 16 enfants (8 garçons et 8 filles).

Lorsque nous avons visité l'asile en 1886, il y avait 150 goi-

treux. Il parait qu'il n'y ena plus que23 (17 femmes et 6 hommes).

L'asile renferme 229 aliénés de la Seine (119 hommes et

110 femmes). Le personnel de l'asile se compose d'un direc-

teur administratif, M. Denizet, de deux médecins en chef, M. le

D'' Paris, notre distingué collaborateur et M. le D'' Vernet, qui

a rempli, avec beaucoup de zèle, les fonctions de secrétaire

général du Congres, enfin de 4 internes, nommés par un con-

324 SOCIÉTÉS SAVANTES.

cours sur titres'. Il n'y a pas de pharmaciens; la pharmacie est

faite par les religieuses, ce qui est contraire à la loi et parait

singulier dans un asile de plus de 1,700 malades 2.

L'encombrement existe aussi à l'asile. Il serait curieux de con-.

naître le cube d'air des dortoirs. Partant, il y aurait danger

d'augmenter encore le nombre des bâtiments. En effet, un jour

viendra où les conseils généraux des départements des Vosges,

de la Haute-Saône, du territoire de Belfort, comprendront

qu'il est inhumain d'envoyer si loin de leurs familles, leurs

aliénés et se décideront à construire un asile à eux, chez eux.

Des asiles comme celui de Maréville, à mesure que leur popu-

lation s'accroît, deviennent de moins en moins des asiles de

traitement et le nombre des guérisons diminue. Le nombre

des médecins est tout à fait insuffisant, il est impossible aux

médecins même les plus dévoués de traiter 800 malades : c'est

4 médecins qu'il faudrait. Ils auraient encore plus de 400 ma-

lades, chiffre supérieur à celui que les médecins ont à soigner

dans la plupart des autres pays.

Il est à regretter que l'administration de l'asile n'ait pas

songé à faire distribuer aux congressistes une notice sur l'asile,

les rapports médico-administratifs sur l'exercice 1898, un plan

de l'asile et la statistique détaillée de la population et de sa

répartition. Dans les précédents Congrès une partie de ces docu-

ments avait été remise à tous à l'arrivée dans l'asile. Mieux

vaudrait les mettre à la disposition des membres du Congrès

dès la première séance. Ils auraient le temps, avant la visite,

de se faire une idée de l'asile et leur visite serait plus fructueuse.

A Nancy, la tâche était facile. Il aurait suffi de réimprimer :

1° le Mémoire historique, statistique et médical sur l'asile de

Maréville, publié par Archambault, en 1847, dans les Mémoires

de la Société des Sciences de Nancy ; 2° L'asile de Maréville, son

état sanitaire et son régime alimentaire, parle D'' J. Giraud ; 3

3° le règlement du service intérieur; d'y ajouter un exposé suc-

' Par suite de la situation de l'asile tout près d'une Faculté de méde-

cins, ilserait préférable d'organiser un concours avec des épreuves ana-

logues à celles des internes de la Seine ou mieux des internes des hôpi-

taux de Nancy.

g II n'y a pas non plus de pharmacien à l'hôpital civil. Les lacunes de

ce genre donnent aux étrangers une singulière idée de notre organisa-

tion hospitalière. "

' Revue raid, de l'Est, 1880.

SOCJ £ EPLS SAVANTES. 325

cinct des constructions faites de 1880 à 1896, des améliorations

réalisées durant la même période et de terminer par les der-

niers rapports administratifs et médicaux. Souhaitons que le

Bureau du Congrès de 1897 se préoccupe de cette question et

prenne, à temps, les mesures nécessaires pour pouvoir docu-

menter les visiteurs de l'asile de Braqueville.

A midi, un banquet de soixante-douze couverts, offert aux

congressistes par l'administration de l'asile dans le pensionnat

Sainte-Anne, les a réunis dans cette construction encore

récente et non encore terminée, établie sur un plateau, d'où

l'on a une vue extrêmement pittoresque dans la plupart des

directions. La vaste salle était ornée de drapeaux tricolores, les

uns français, les autres russes. Le banquet était présidé par

M. Stéhelin, préfet, ayant à sa droite M. Denizet, directeur

de l'asile; à sa gauche, M. Demonet, président de la commission

administrative de l'asile.

Au champagne, M. Stéhelin se lève. Dans une galante péro-

raison, il souhaite la bienvenue aux dames, les charmes et la

parure de ce banquet, dit-il, qui inaugure si joyeusement le

pensionnat Sainte-Anne. M. Stéhelin adresse de cordiaux

remerciements aux maîtres de la science qui font partie du

congrès. Les applaudissements couvrent la voix de M. le préfet;

lorsque le silence est rétabli, il continue ainsi :

Si la maison où nous sommes est bien neuve, l'établissement

dont elle relève est bien vieux, mais malgré son âge il n'a jamais

connu un honneur égal à celui de votre visite; il a connu par

contre des vicissitudes nombreuses dont l'histoire nous a gardé le

souvenir.

Il y a exactement trois siècles, la charité privée élevait à Mare-

ville un refuge pour les pestiférés. Après des fortunes bien

diverses et cent cinquante ans plus tard, ce refuge devenait la

« renfermerie » dont je vous parlais hier; l'hôpital se transfor-

mait en prison et cette prison s'appelait successivement : maison

de correction et maison de fous.

Une société policée et barbare y enfermait sur lettres de cachet,

par les ordres d'un prince ou la volonté des familles, les malheu-

reux dont il lui plaisait de se défaire. Parmi eux se trouvaient des

aliénés et ils étaient plus avantageusement traités que des crimi-

nels. On entendait, nuus rapporte la chronique naïve et apeurée, on

entendait au dehors « le bruit des fers et les cris des victimes ' 1 ..

1 Cela rappelle le « Cri de la Salpêtrière ».

3 : 26 SOCIÉTÉS SAVANTES.

C'étaient bien là les bastilles des malades; elles furent forcées

en même temps que la forteresse parisienne sous le souffle puis-

sant de la Révolution et par le génie bienfaisant, énergique el

doux du plus glorieux de vos précurseurs. C'est alors, en effet que

Pinel ouvrait les portes des asiles à ceux qui ne pouvaient rentrer

dans le monde sans péril pour lui ; c'est alors qu'à Bicêtre et à la

Salpêtrière il délivrait les déments de leurs chaînes et qu'on les

relevait de leur dégradation. Maréville était bientôt obligé à son

tour de rendre ses prisonuiers et de ne conserver que les fous

dangereux authentiques. A la même époque, la France, affranchie

et délivrée, signait la Déclaration des Droits de l'homme, l'inalié-

nable patrimoine de nos libertés publiques.....

Après le discours de M. le préfet, M. Pitres se lève et exprime

ses remerciements pour l'accueil sympathique fait aux congres-

sistes à Nancy. 11 ajoute que le souvenir de cette charmante

journée ne s'effacera pas de la mémoire des assistants et dit

qu'il est profondément ému en parlant de cet asile de Maré-

ville, qui a tant intéressé les médecins aliénistes qui l'ont

visité. Ce ne sont pas tant les circonstances d'ordre social dont

a parlé M. le préfet, dit M. Pitres, qui nous touchent particu-

lièrement ; nous sommes surtout entraînés par le souvenir des

savants qui ont étudié et fixé les types de la folie, et qui

restent encore aujourd'hui des modèles. J'aime à penser que

les traditions antérieures se perpétueront à Maréville, et que

l'établissement continuera à marcher dans la voie de progrès

oùil s'est engagé. Il termine en portant un toast à M. le préfet, à

M. le directeur, à M. le piésidentde la commission administra-

tive de l'asile, ainsi qu'aux médecins en chef de l'établissement.

M. Demonet, président de la commission administrative,

prend à son tour la parole en ces termes :

Messieurs,

Je lève mon verre à la santé de M. Denizet, directeur de l'asile

de Maréville et à celle des docteurs Paris et Vernet, médecins eu

chef de l'établissement. Je n'aurais jamais osé prendre la parole

devant une assemblée '-i considérable, composée de savants illustres

et de sommités médicales, si je ne regardais comme un devoir im-

périeux de rendre hommage, au nom de la commission de sur-

veillance, à l'administration sage et éclairée de notre directeur, à

la science et au dévouement de nos médecins en chef.

Certes, je n'oublierai pas le précieux concours apporté par M. le

préfet. C'est son éloquence si persuasive, inspirée par sa grande

SOCIÉTÉS SAVANTES. 327

pitié pour nos malheureux frères dégénérés, qui a obtenu du con-

seil général de Meurthe-et-Moselle, les ressources importantes qui

nous étaient indispensables.

C'est grâce à tous ces concours généreux, grâce au parfait

accord qui existe entre l'administration du département, les ser-

vices de l'asile et la commission de surveillance, que nous avons

pu réaliser à Maréville des améliorations si désirées ; que les vieux

bâtiments, où l'air et la lumière pénétraient à peine, font succes-

sivement place à des constructions neuves, spacieuses et aérées où

sont appliquées les règles d'une sage hygiène ; que le pensionnat

de Sainte-Anne, non encore complètement terminé, mais dont la

création était réclamée depuis longtemps par les familles des ma-

lades, a pu être édifié.

Malheureusement, nous le reconnaissons, il nous reste encore

beaucoup à faire : amener des eaux de source en plus grande

abondance ; développer les installations hydrothérapiques ; élever

un pavillon exclusivement réservé aux enfants; et tant d'autres

choses encore !

C'est, guidés par les précieuses indications des inspecteurs géné-

raux, parle dévouement éclairé de l'administration, par l'habileté

professionnelle et la science de nos médecins, que nous poursui-

vrons sans relâche des améliorations dans tous les services. Aux

médecins de soulager et guérir ; à nous, ignorants des sciences

médicales, de rechercher les moyens d'assurer aux malheureux

privés de la raison le plus de bien-être possible.

Je souhaite que partout, comme à Maréville, existe une entente

aussi complète et aussi féconde entre l'administration, les méde-

cins et la commission de surveillance. Je suis heureux de procla-

merbien haut celte bonne harmonie qui règne ici, et je vous in-

vite, messieurs, à boire à la santé de M. le préfet Stéhelin, de

M. le directeur Denizet et de MM. les médecins en chef de l'a-ile,

les docteurs Paris et Vernet.

Enfin M. le Dr Vernet remercie les précédents orateurs des

paroles élogieuses qu'ils ont eue pour le personnel de l'établis-

sement. Il termine en levant son verre en l'honneur du

nI' Pitres.

L'excursion projetée à Luxeuil n'a pu avoir lieu. Elle a été

remplacée par une visite aux hauts fourneaux et aciéries de

Pompey, près Nancy. Les congressistes ont été reçus par le

directeur, M. Fould, qui a tenu à leur faire visiter lui-même

ses immenses usines et à leur donner ;,chemin faisant tous les

renseignements relatifs à leur fonctionnement. A la fin de

cette visite, très intéressante non seulement au point de vue

scientifique mais aussi au point de vue hygiénique et social,

328 BIBLIOGRAPHIE.

M. Fould a offert un lunch à ses nombreux invités, enchantés

des spectacles variés qui venaient de se succéder sous leurs

yeux et de l'aimable accueil qui leur avait été fait.

- - BOURNEVILLE.

SOCIÉTÉ MËDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 27 juillet 1896. - Présidence de M. PAUL Mohi : au

Après lecture et adoption du procès-verbal de la dernière séance,

il est procédé à l'élection de M. Soukanof, médecin de la clinique

psychiatrique de Moscou, candidat au titre de membre associé

étranger. M. B.

BIBLIOGRAPHIE.

III. Manuel de séméiologie des maladies [mentales à l'usage des méde-

cins, des médecins légistes et des étudiants; par le professeur Enrico

itIORSELLi. Vol. Il (Examen psychologique des aliénés), p. vn-82,

avec gravures. - Vallardi éditeur, Milan 1895.

Le premier volume de cet ouvrage[contenant l'examen anamne3-

tique, anthropologique et physiologique des aliénés est aujourd'hui

bien connu et dans les mains de tous les aliénistes. C'est une oeuvre

désormais classique. L'auteur nous en donne aujourd'hui la conti-

nuation dans le second volume consacré à l'examen psychologique

des aliénés. On comprend qu'il me soit impossible, dans les limites

assignées à ce compte rendu, d'exposer l'analyse complète d'un

travail aussi important; je ne puis qu'en donner un aperçu très

général qui, je l'espère, suffira à inspirer à nos lecteurs le désir de

lire et de connaître en son entier un livre d'un caractère tout à t'ait

original.

Il comprend deux chapitres qui représentent le quatrième et le

cinquième de l'ouvrage entier. Dans le premier (séméiologie syn-

thétique), se trouve exposée la manière de pratiquer l'examen

psychologique complet d'un aliéné; dans le second (séméiologie

analytique), l'auteur s'applique à classer et à coordonner les maté-

BIBLIOGRAPHIE. 329

riaux fournis par l'examen psychologique du malade, d'après un

schéma analytique des fonctions psychiques, de façon à permettre

d'établir en quoi consistent les effets produits par la maladie ou

l'anomalie mentale dans l'ensemble des éléments constitutifs de la

personnalité.

Le premier de ces chapitres est divisé en trois sections dont

l'une est comme une sorte d'introduction. L'auteur y insiste sur

l'importance de l'examen clinique en psychiatrie, comme le seul

capable de mettre en relief les symptômes spécifiques consistant

essentiellement dans des altérations du processus mental. Ce qui

ne veut nullement dire que les recherches par la méthode dite expé-

rimentale soient à négliger totalement, mais à réduire à la place

qui leur revient. A cet égard, je ne puis qu'applaudir à l'opinion

du professeur Morselli, et comme lui je suis bien convaincu que

c'est « se bercer d'illusions que de croire pouvoir connaître l'esprit

humain avec le pléthismographe, le sphygmographe, le cranio-

mètre, la balance, l'éprouvette et l'ophtalmoscope ». Je signalerai

encore, comme un des chapitres les plus remarquables du volume,

tout le développement des vues originales de l'auteur sur la nature

de la folie, comme maladie ou anomalie de la personnalité

humaine en tant que synthèse dernière d'un organisme sentant et

réagissant.

La seconde section de ce même chapitre contient l'examen des

différentes méthodes de recherches psychologiques en psychiatrie,

la méthode objective (ou éjective pour employer le terme de l'au-

leur) étant la seule qui puisse être utile au clinicien; puis l'exposé

des cinq opérations méthodiques de la séméiologie psychiatrique,

l'inspection, l'interrogatoire, les preuves matérielles (écrits, des-

sins, etc...), les preuves expérimentales, enfin l'enquête près des

témoins journaliers.

Nous arrivons ainsi à une troisième section qui a trait aux don-

nées objectives, éjectives de l'examen psychique. L'auteur s'occupe

d'abord des états psychiques et de leur expression, en comprenant

sous cette dénomination tous les effets, transitoires ou permanents,

de réaction, transformations ou traces d'un changement fonc-

tionnel des centres psychiques. Quant aux éléments qui consti-

tuent l'expression d'un état psychopathique, ils dépendent des con-

ditions fondamentales de l'organisme humain et se répartissent

ainsi en cinq catégories : morphologiques, anatomiques, physiolo-

giques, psychologiques et anthropologiques.

Puis vient l'étude détaillée de l'aspect extérieur de l'aliéné, de

son attitude, de sa démarche, de sa physionomie et de la mimique

émotionnelle; celle du langage mimique, articulé, écrit ou figuré.

Je ne fais que signaler ces différents paragraphes, très complète-

ment Iraités, dont la lecture est des plus utiles au point de vue pra-

tique. Il en est de même du suivant relatif à la conduite de l'aliéné,

330 BIBLIOGRAPHIE.

qui est en même temps une des parties les plus originales du

volume, que l'auteur semble avoir mis tous ses soins à traiter et où

il s'est montré le plus personnel. Nous trouvons là un exposé très

intéressant de la physio-psychologie, et des loisdela psychopatho-

logie, des critérium qui serviront à l'examen de la conduite de

l'aliéné, des différents facteurs morbides et des modifications de

cette conduite en rapport soit avec l'unité 'systématique des ten-

dances (dyspraxies générales), soit avec chaque tendance en par-

ticulier (dyspraxies en particulier).

Le second chapitre (cinquième de l'ouvrage entier) comprend

l'étude des troubles élémentaires de l'esprit, classés en quatre

grands groupes : 1° les conditions morbides de laconscience; 2° de

l'intelligence; 3° des sentiments; 4° de la volonté.

Tel est le plan général du livre du professeur Morselti. Mais cette

esquisse rapide ne peut donner qu'une idée bien imparfaite de son

importance. Quand on l'a lu attentivement, on ne sait ce qu'on

doit louer le plus, l'activité et la persévérance scientifiques de

l'écrivain, l'étendue de son érudition tant en psychiatrie pure que

dans les sciences afférentes, les vues élevées et originales, toujours

suggestives, en même temps que le caractère pratique des méthodes

qu'il expose, la clarté de ses descriptions.

C'est là en un mot une oeuvre digne de son auteur, un des repré-

sentants les plus autorisés de 1 Ecole italienne, et qui, à elle seule,

eût suffi à lui assigner une place parmi les maîtres de la psychia-

trie. J. SÉGLAS.

IV. Le tremblement; élude séméiotique ; par le Dr Pikiiaccini

(de Macerata).

Après avoir cité les définitions du tremblement en général don-

nées par différents auteurs (Moebius, Littré, Picot), M. Pieraccini le

définit : « Un mouvement involontaire permanent ou venant par

accès d'assez longue durée, caractérisé par des oscillations spon-

tanées, fréquentes et rythmiques, intéressant les muscles de la vie

de relation, compatibles dans une certaine mesure avec les mou-

vements volontaires et se développant autour d'un certain axe de

direction dans un plan unique. » Il s'attache à distinguer les trem-

blements des trémulations et des frissons. Il distingue le tremble-

ment en général et partiel; parle du tremblement congénital dont

il croit avoir observé un exemple et du tremblement par imitation.

En général, il a observé plus fréquemment le tremblement chez

les prédisposés héréditaires, les convalescents, les débilités et les

anémiques. Parmi les causes déterminantes, le typhus, les fièvres

intermittentes invétérées, les excès sexuels, l'onanisme, les fatigues

excessives, les émotions, la peur, les substances toxiques, les causes

réflexes et les traumatismes.

VARIA. 331

La classification la plus rationnelle lui semble être celle qui divise

les tremblements en intentionnels et en non-intentionnels, on y recourt

pour simplifier le diagnostic et pour faire le diagnostic différentiel.

Il critique les classifications de Moebius, de Picot et celle de Dé-

mange, dont le principal défaut lui semble être d'avoir réuni dans

le même groupe le tremblement sénile et celui de la paralysie

agitante.

L'auteur distingue avant tout les tremblements proprement dits, ou

typiques, des trémulations localisées. Dans un premier groupe dit trem-

blements primaires, il étudie successivement le tremblement sénile,

le tremblement hystérique, les tremblements par intoxication (alcoo-

lique, mercuriel, saturnin, etc.), avec graphiques à l'appui.

Dans un deuxième groupe : tremblements secondaires ou sympto-

maliques, il étudie la sclérose en plaques, la paralysie agitante, le

goitre exophtalmique et les tremblements de quelques autresmala-

dies nerveuses (polynévrites, tumeurs et commotions cérébrales,

épilepsie, maladie de Friedreich, etc.). Sous le nom de tremble-

ments localisés, il passe en revue le nystagmus, l'athétose, l'iris

trémulant, le tremblement glosso-labié et des cordes vocales.

L'auteur résume dans les propositions suivantes la physio-patho-

logie des tremblements : i° le mécanisme du tremblement ne peut

être considéré comme le même dans tous les tremblements; 2° les

tremblements sont en principe d'origine centrale, cérébrale et

cérébro-spinale, rarement d'origine purement spinale ; 3° la nature

et le siège des lésions anatomiques ou fonctionnelles varient dans

les divers tremblements; 4° ces lésions donnent naissance à un

ensemble de faits paralytiques et spasmodiques qui, associés en

différentes proportions, contribuent à déterminer les diverses mo-

dalités des tremblements.

Et, d'après Stéphan, il conclut : 9 ° que les manifestations du

tremblement intentionnel de la sclérose multiple dépend de la

localisation cérébrale de foyers sclérotiques; 2° que l'existence de

foyers sclérostiques dans le thalamus optique provoque peut-être

l'apparition du tremblement. L'auteur termine par quelques con-

sidérations sur le diagnostic différentiel, le pronostic et le batte-

ment des tremblements. IIL\1\1E ELMEDICI.

VARIA.

ASSISTANCE DES rl'ILEPTIQUES

Sous ce titre : « Oulrages il uii gendarme, l'Impartial de l'Est du

2 aoîll, rapporte le fait suivant : Jean-Emile Venner, âgé de trenta

332 VARIA.

ans, horloger à Nancy, a outragé le gendarme Volmard, qu'il

avait rencontré sur le pont du chemin de fer de la rue de Mont-

Désert le 27 juillet dernier. Un rassemblement s'était produit sur

ledit pont autour de Venner, qui, étant ivre, occasionnait du

scandale. L'un des passants dit tout à coup : « Voilà un gen-

darme ! »

Je l'em... ! s'écria Venner, en s'approchant du gendarme Vol-

mard, qu'il outragea grossièrement et bouscula, en menaçant de

le faire révoquer. Le prévenu voulait emmener lui-même le gen-

darme devant son capitaine, afin, disait-il, de le faire punir sévè-

rement pour l'avoir interpellé et invité à aller se coucher.

Venner est un malheureux épileptique qui a plusieurs crises par

jour ; son état l'empêche de se livrer au travail et il occupe ses loi-

sirs à vendre des lunettes. Il n'a pas d'antécédents judiciaires et

déclare qu'il ne se souvient pas le moins du monde de la scène du

27 juillet. Le tribunal le condamne à 16 francs d'amende.

LUTTE CONTRE l'alcoolisme.

Le 24 juin, dans la salle de la Société d'encouragement pour

l'industrie, rue de Rennes,à à Paris, avaitlieu la séance générale de

la Société contre l'usage des boissons spiritueuses (siège social, 5,

rue de Pontoise, à Paris). On sait que cette société, fondée l'année

dernière, a été la première en France à proclamer le principe très

raisonnable de ['abstinence des spiritueux en préconisant au con-

traire l'usage exclusif et modéré des boissons fermenlées. C'était

un progrès manifeste sur les anciennes sociétés de Tempérance

qui, n'ayant pas eu le soin d'assigner, chose difficile d'ailleurs, des

limites précises à la modération, laissaient le champ libre pour les

fantaisies de chacun. C'était d'autre part un tempérament aux in-

tentions fort légitimes, mais trop absolues et difficilement accep-

tables quant à présent, des abstinents totaux désireux d'implanter,

en notre pays de vigne, le régime exclusif de l'eau.

Cette façon nouvelle de comprendre la lutte contre l'alcoolisme

a fait son chemin très rapidement et nous ne sommes pas surpris

qu'elle ait rencontré la faveur du public. La tentative était d'autant

plus intéressante qu'elle devait atteindre tout spécialement, en

vertu des statuts de la société, la jeunesse française..L'une des

formes de l'activité de cette société est, en effet, la création de

sections cadettes dans les écoles, dunt l'instituteur devient l'âme.

C'est à elle que revient l'honneur d'avoir réalisé pratiquement la

lutte scolaire contre l'alcoolisme.

Le Dr Legrain, médecin en chef à l'asile de Ville-Evrard, prési-

dait la réunion. Il a fait l'historique des travaux de l'année. Nous

en avons retenu que la société compte 1,800 membres et 27 sec-

tions à Paris et en province (Nîmes, Montauban, Lorient, Le Havre,

varia. 333

Toulouse, etc.). Il existe déjà 13 sections scolaires. C'est un fort

beau résultat, sur lequel nous nous faisons un devoir d'appeler

l'attention de nos lecteurs. Il est urgent que tous les citoyens con-

vaincus de l'imminence du péril favorisent des efforts aussi utiles.

Nous rappellerons que la cotisation annuelle est de 1 franc seule-

ment. La séance a été terminée par une conférence chaleureuse-

ment applaudie, faite par M. mariner, professeur à l'école des

Hautes-Etudes, sur le rôle de l'Université dans la lutte contre l'alcoolisme

INFLUENCE DES émotions morales SUR LE physique.

Cette influence bien connue des médecins et qui explique la

plupart des guérisons prétendues miraculeuses n'a pas échappé

aux littérateurs. Nous en trouvons un exemple dans le livre

d'Eugène Pelletan intitulé La naissance d'une ville (p. z

et 179). L'un des personnages, le juge de paix, avait une peur

épouvantable des orages. Il était venu de son château de la

Chaillevette à Royan déjeuner chez son greffier. Un orage

montait, s'annonçait menaçant. Il donna l'ordre d'atteler.

Voici comment Pelletan raconte la cause de la peur des orages

chez son juge.

« Le juge redoutait singulièrement cette révolution météorolo-

gique particulière au pays, car il possédait autrefois un père

galant qui avait séduit une jeune fille et l'avait ensuite aban-

donnée. Tu ne mourras que par le feu du ciel, avait crié la vic-

time dans son désespoir.

« Or, à quelque temps de là, un bouvier conduisait son bétail,

après une nuit d'orage, à la lisière des marais de Chenaumoine;

il rencontra un cheval enfoncé jusqu'au poitrail dans une fon-

drière de la chaussée, et sur le cheval un cavalier immobile comme

la statue du commandeur. Il reconnut le père de Jérôme Lalande ;

il l'appela, le cavalier ne répondit pas ; il le tira par le bras, le

cavalier roula d'un bloc sur l'herbe. Il était mort, le cheval était

mort aussi ; le corps de l'un, pas plus que le corps de l'autre, ne

portait de trace de blessure ; la justice en conclut que tous les

deux avaient dû périr d'un coup de tonnerre. Depuis ce jour le

juge de paix regardait la foudre comme une malédiction en

quelque sorte héréditaire, d'autant plus qu'il avait le même péché

que son père sur la conscience. Aussi, chaque fois que le ciel gron-

dait, il courait chercher un refuge dans une cachette obscure pra-

tiquée au fond de son alcôve... » ,

Le juge ordonna de faire atteler pour rentrer vite à la Chail-

levette.

;-};j4 FAITS DIVERS.

« La voiture arriva au château de Chaillevette, au moment où

un violent coup de tonnerre annonçait l'ouverture de l'ora2e. Le

juge bondit de sa prison, avec la légèreté d'un jeune homme ; la

violence de l'émotion semblait avoir guéri sa paralysie. »

' Thèses DE la faculté DE médecine DE LYON (Année scolaire 1895-96),

RELATIVES A L\ NEUROLOGIE ET A L\ PSYCHIATRIE.

M. Bouveyr'on (Alexandre) : Des affections cérébrales d'origine obs-

tétricale et de leur interprétation pathogénique. M. Gauthier

(Jean) : Du traitement de l'ataxie locomotrice par la suspension. -

M. Chazalou (Joseph) : Des ictus laryngés. M. Fâche (O.-G.-J.) :

De la neurasthénie et de son traitement par les exercices physiques.-

M. Paloque (Paul) : De la suggestion ci l'état de veille. Neutralisation

des dangers et influence favorable de l'agglomération des névropathes

par son emploi thérapeutique. M. Colin (Jean) : Contribution ci

l'élude d'une forme spéciale de vomissements nerveux. 1\1. Serrigny

(René) : Psychoses génitales. Contribution ci l'étude des troubles men-

taux dépendant des affections utérines. M. Roux (Joanny) : Des

rapports de l'hémianopsie latérale droite et de la cécité verbale.

M. Geysen (Hector) : De la mort inopinée ou rapide chez les t'pt7ep-

tiques. M. Auguin (Gabriel) : Signification clinique du ménin-

gisme clans la grippe. M. Tiberi (Colbert) : Le suicide dans l'hé-

rédité mentale.

FAITS DIVERS.

UN rou dangereux. M. Bouteillier, commissaire de police, a

débarrassé, hier après-midi, la ville de Clichy d'un fou, Jules Diot,

âgé de quarante ans, cantonnier, qui, au moment de ses crises,

constituait un danger pour la sécurité publique. Déjà, plusieurs fois,

il avait tiré des coups de revolver par la fenêtre de son logement,

situé 51, rue Martre, et lancé des pavés sur les gens qu'il rencon-

trait. Hier matin, travaillant tranquillement avec plusieurs ouvriers,

à la démollition du vieux marché, il fut pris tout à coup d'une crise,

et, saisissant un revolver dans sa poche, en tira quatre coups sur

un de ses camarades de travail, M. Toussaint Damien, âgé de qua-

rante et un ans, qui s'affaissa bientôt, la cuisse gauche traversée

par une balle. Tandis que sur son désir on transportait le blessé à

son domicile, 23, rue de la Providence, le fou s'enfuyait, passait

FAITS DIVERS. 335

chez lui d'où il tirait de nouveaux coups de feu par la fenêtre, puis

prenait la fuite sans qu'on pût retrouver sa trace.

L'après-midi, tandis que quatre agents étaient réunis au rond-

point du boulevard Victor-Hugo, notre homme s'embusquaitderrière

un kiosque de journaux, et de là tirait sur eux six coups de son

arme, sans heureusementatteindre personne. Cela fait, il s'enfuyait

dans la direction du pont de Levallois, où il put être rejoint parles

gardiens de la paix. Conduit devant M. Bouteillier, ce magistrat,

après l'avoir interrogé, n'a pas hésité à l'envoyer à l'infirmerie

du Dépôt. (La Justice, 18 août 1896.) Cet envoi, fait en temps

opportun, aurait évité ces graves accidents. On conçoit difficile-

ment que cette mesure n'ait pas été prise plus tôt.

Suicide D'UN enfant DE TREIZE ANS (EpÍ1Utl, 5 juillet). - « Le

nommé Emile Cremel, âgé de treize ans, demeurant chez ses

parents, cultivateurs à Vaudeville, a été trouvé pendu à une poutre

du grenier à fourrages de la maison qu'il habitait. La veille, ce jeune

garçon, qui avait travaillé à la vigne depuis le matin, était revenu

à la maison vers quatre heures du soir pour soigner le bétail et,

sans être vu de personne, était monté au grenier où il avait mis fin

à ses jours. On ignore quels sont les motifs qui l'ont poussé à se

donner la mort; on croit que c'est dans un accès de folie subite

qu'il a pris cette fatale résolution ; il ne paraissait pas jouir,

du reste, de la plénitude de ses facultés. (La Justice, du 7 juillet).

Les aliénés EN liberté. - On annonce que lady Mary Bligh, la

troisième fille du comte de Darnley, vient de se noyer dans un

étang à Cobharn-Park, près de Grayerend. Il paraît que la malheu-

reuse jeune fille était depuis longtemps en proie à des accès de

mélancolie. (La Justice, 9 juillet.)

Assistance PUBLIQUE DES épileptiques. Sous ce titre : Un mari

assassin, la Justice, du 30 juillet, publie la dépêche suivante de

Reims : « Un crime abominable a été commis hier soir dans la rue

de Cormicy. Là, habitait la famille Lecot : le mari, âgé de vingt-

quatre ans, ouvrier paveur; la femme, âgée de vingt-trois, et leur

petite fille, qui vient d'avoir deux ans. Vers dix heures et quart,

Lecot rentra ivre au logis et, tout en soupanl, chercha querelle à

sa femme. La discussion devint bientôt des plus violentes, et des

voisins déclarent avoir entendu Lecot dire à sa femme : « Tu vas

y passer Si tu ne veux pas mourir, sors ! Une demi-heure après,

Lecot sortait de chez lui en criant : Q Au secours) ma pauvre femme

vient de se tuer ! a Et il courait au commissariat voisin, où il racon-

tait que sa femme s'était suicidée.

et trouva, en effet, la malheureuse étendue sans vie sur le plan-

cher ; elle avait la carotide complètement tranchée. Le magistrat

336 BULLETIN bibliographique.

acquit bientôt la conviction que Lecot avait tué sa femme; la vic-

time était enceinte de six mois. Lecot, qui passe pour s'adonner à

la boisson, est sujet à des crises d'épilepsie. » - On aurait évité

cette « double mort en quelque sorte, en plaçant cet épileptique

qui, maintenant sera interné probablement jusqu'à sa mort, sans

- compter qu'il faudra assister son enfant. Ces réflexions s'appliquent

également au fait cité à la page 331 .

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

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G. Masson.

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par MM. Charcot, Bouchard, Brissaud et Silva.

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MELLO-BAHRETO. La fièvre jaune. Sa pallioqéîiie el son traitement.

Brochure in-8° de 23 pages. Saint-Paul, 1896. Typografm di

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Zurich, 1896. Brulsdruckerel Bericluhans.

SEEUGMANN (A.). Contribution à l'étude des troubles mentaux

consécutifs aux opérations gynécologiques. - Volume in-il de 67 pages.

Nancy, 1896. Imprimerie' A. Crépin-Leblond.

Le rédacteur-gérant : BOUfINEVILLE.

Evreux, Ch. FIEmsser, imp. - 1090.

Vol. II. Novembre 1896. N° 11.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE,

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS

PAR LA RÉÉDUCATION DES MOUVEMENTS (méthode de ]j'reniieZ) 1;

Par le D' RUBENS HIRSCHBERG.

Observation II. Tabès dorsalis. Ataxie d'emblée. Hémiataxie

gauche. Confinée au lit depuis le mois d'avril 1888. Guérison com-

plète du symptôme ataxie y compris le signe Romberg après quatre

mois de traitement.

A. F... âgée de cinquante-neuf ans, couturière, entrée à la Sal-

pêtrière le 3 avril 1888, salle Reyer (petite), lit n° 8.

Sans hérédité neuro ni psychopathique. J'usqu'à l'âge de vingt

et un ans la malade était d'une très bonne santé. Syphilis à l'âge

de vingt et un ans, pour laquelle elle suit un traitement d'une

durée de six semaines. A l'âge de vingt-quatre ans elle a eu un en-

fant bien portant, qui est mort à l'âge de dix-sept ans d'une affec-

tion cardiaque. Elle a un fils âgé actuellement de trente et ans

et qui est bien portant. La malade nie d'avoir jamais fait des excès

alcooliques. Pendant plusieurs années névralgies faciales qui reve-

naient par crises et duraient jour et nuit. La malade n'a jamais

eu de crises du nerfs. ' -

Début de la maladie. - Quelques mois avant de tomber malade,

étant à table, la malade se mit tout d'un coup à loucher et à voir

double. Les personnes qui étaient avec elle,, en étaient effrayées

et lui disaient qu'elle avait les yeux « tout de travers » comme une

mourante. Cette crise de diplopie n'a duré qu'une minute, et ne

s'est plus jamais renouvelée. Vers la fin de mars 1888 la malade

1 Voir Archives de Neurologie, n° 9.

Archives, 2e serie, t. II. 22

338 CLINIQUE NERVEUSE.

étant à son travail fut subitement prise de fourmillements dans le

creux des mains et à la plante des pieds. Ces fourmillements ont

persisté pendant trois jours. Au bout du troisième jour la malade

en voulant se lever le matin de son lit, s'est aperçue que ses jambes

- ne la portaient pas et elle s'est affaissée par terre. Cependant elle

n'était pas paralysée, puisqu'elle se rappelle bien qu'elle pouvait

remuer ses jambes au lit. C'est dans cet état qu'elle fut transportée

à la Salpêtrière dans le service de M. Charcot. Pendant le premier

temps de son séjour à l'hospice, la malade eut de fortes douleurs

fulgurantes aux quatre extrémités. Ces douleurs siégeaient à fleur

de peau et le moindre frôlement, même le contact du drap, lui

arrachaitdes cris. Cependant la forte pression surl'endroit doulou-

reux calmait plutôt la douleur. A cette époque la malade ne pou-

vait pas se tenir sur ses jambes, ni se servir de ses mains. On était

forcé de la nourrir. Peu à peu les troubles dans les extrémités supé-

rieures diminuèrent, mais pendant longtemps encore la malade ne

pouvait ni éctire, ni coudre. Pendant la première année de sa

maladie; elle avait des douleurs en ceinture et la sensation de cui-

rasse en fer. A cette époque difficultés d'uriner, jamais d'inconti-

nence. Forte constipation. La malade est restée une fois vingt-

quatre jours sans aller à la garde-robe.

Etal actuel (2 décembre 1894). - La malade très intelligente, a

l'air plus jeune que son âge. Depuis des années elle n'a plus eu

de douleurs fulgurantes et elle semble jouir d'une bonne santé

générale.

Aucune paralysie aux muscles des yeux, ni à ceux de la face.

Rien de particulier du côté de la langue, des dents, du goût, de

l'odorat, de l'ouïe.

Les deux pupilles sont en myosis et égales de deux côtés. La

droite ne réagit pas du tout à la lumière, la gauche faiblement.

Toutes deux réagissent bien à l'accommodation.

Extrémités supérieures. On ne trouve plus que très peu de

choses aux extrémités supérieures. La sensibilité et la force muscu-

laire sont intactes. Il y a un peu d'incoordination des mouvements

dans les doigts de la main gauche visible surtout quand la malade

se boutonne ou fait un noeud à son jupon.

Extrémités inférieures. Les deux jambes sont également et

uniformément amaigries. La force musculaire est bonne. Un peu

plus faible cependant dans la jambe gauche. Rien d'anormal aux

articulations.

Sensibilité. Il n'y a aucun trouble de la sensibilité cutanée.

La malade sent le moindre frôlement. La perception de la douleur

n'est pas retardée. Le chaud et le froid sont également bien sentis.

Sensibilité musculaire et articulaire. < :

Jambe droite. Dans cette jambe la malade sent tous les mou-

vements qu'on imprime aux différentes articulations de cette jambe.

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 339

Les yeux fermés, elle exécute tous les mouvements régulièrement

sans saccades.

Jambe gauche. Ici la malade ne sent pas du tout les mouve-

ments qu'on imprime aux articulations de la jambe. Les yeux fer-

més, elle exécute les mouvements très irrégulièrement.

Phénomène plantaire. Une friction rapide et superficielle avec

l'ongle le long de la plante du pied provoque une vive douleur qui

dure pendant plus d'une minute. Ce phénomène est également pro-

noncé à gauche et à droite.

Motilité.

Jambe droite. Il n'y a aucun trouble d'incoordination dans

celte jambe. La malade exécute tous les mouvements avec une

régularité absolue, les yeux ouverts ainsi que les yeux fermés.

Jambe gauche. Le pied gauche se trouve dans une position

de varo-equin par suite d'un relâchement des muscles antéro-ex-

ternes de la jambe. Ce n'est qu'avec beaucoup de peme que la

malade arrive à redresser le pied. Les mouvements de cette jambe

sont fortement incoordonnés. Cette incoordination apparaît sur-

tout quand la malade doit exécuter des mouvements tant soit peu

compliqués. L'incoordination est naturellement fortement exagé-

rée par l'occlusion des yeux.

Station debout. La malade ne peut pas se tenir debout, Soute-

nue des deux côtés elle se laisse tomber de tout le poids de son

corps. Elle ne touche le sol qu'avec le pied droit, en rejetant le

corps fortement en arrière. La jambe gauche ballotte, comme si

elle était complètement paralysée et ne touche le sol qu'avec la

pointe du pied. Une fois debout la malade est incapable de con-

tracter un seul muscle de cette jambe. On les sent du reste com-

plètement flasques.

Quand la malade est assise elle ne touche le sol qu'avec le pied

droit. Le pied gauche n'appuie par terre qu'avec la pointe et un

peu avec le bord externe.

Locomotion. La malade ne marche pas. Soutenue des deux

côtés sous les bras elle saute sur sa jambe droite, ou glisse sur le

pied droit. La jambe gauche balance dans tous les sens et reste

complètement inerte.

Réflexes. Les réflexes rotuliens et cutanés plantaires sont

absents des deux côtés. -Pas de troubles du côté de la vessie, ni

du rectum. Rien d'anormal aux organes thoraciques et abdo-

minaux. L'appétit, le sommeil et l'état général sont bons.

Commencement du traitement le 2 décembre 1894. La malade

apprend assez vite à exécuter les exercices au lit. Son pied varo-

équin est également vite corrigé. Mais quant à la station debout

et à la marche, les progrès sont plus lents. Ce n'est que pénible-

ment et grâce à une énergie et une intelligence vraiment merveil-

leuses de la malade qu'elle arrive peu à peu par des efforts de vo-

340 CLINIQUE NERVEUSE.

lonté à amener des contractions dans les muscles de la jambe

gauche. On commence à sentir une certaine résistance dans cette

jambe. Elle apprend successivement à exécuter toute la gamme

des exercices. A partir du moment où elle commence à s'appuyer

convenablement sur la jambe gauche le progrès devient de nou-

veau très rapide. Voici quel était son état le 1 ? avril : la malade

marche dans la salle seule, sans canne. Elle s'assoit et se lève sans

difficulté. A l'aide d'une canne elle se promène dans la cour de

1 hospice.

A partir de ce moment la coordination s'améliore de plus en

plus.

La malade reste debout et marche les yeux fermés. La marche

est devenue tout à fait normale. Cependant un certain degré d'in-

sensibilité articulaire et musculaire persiste toujours dans la jambe

gauche. Dans le courant de juin la malade fait même des courses

relativement grandes. Ainsi elle traverse toute seule la cour de

l'hospice se rend à la gare d'Orléans à pied pour prendre l'omni-

bus, s'en va toute seule en ville voir une amie qui habite au cin-

quième et rentre le soir seule à l'hospice à pied depuis la gare

d'Orléans.

15 mai 1896. La malade peut être considérée comme complè-

tement guérie de son ataxie.

Observation nI.- Tabès dorsalis. Ataxie d'emblée. Impotence com-

plète et confinement au lit par suite d'une incoordination motrice

absolue des membres inférieurs. Fréquentes crises gastriques et

laryngées qui empêchent souvent le traitement. Amélioration notable

de l'incoordination motrice après cinq mois de traitement.

C. G..., couturière, âgée de quarante-sept ans, entrée à la Sal-

pêtrière le 17 décembre 1891. Salle Reyer (petite), lit 11' 4. Sans

hérédité neuropathique.

Antécédents personnels. La malade avait toujours une excel-

lente santé. Réglée depuis l'âge de dix ans et demi. Mariée depuis

l'âge de vingt-deux ans. Elle n'a jamais été enceinte.. Elle nie la

syphilis. Cependant son mari est mort ataxique à l'âge de qua-

rante-huit ans en 1883. L'infection syphilitique chez la femme est

donc probable. La malade n'a jamais fait d'excès d'aucun genre.

Début de la maladie. -En 1889, quelques mois avant.la mort de

son mari, la malade a commencé à sentir des douleurs aux reins

surtout du côté gauche. Ces douleurs revenaient par crises, duraient

une journée et donnaient à la malade des vomissements qui du-

raient tant que' persistaient les douleurs qui étaient atroces. Ces

douleurs n'augmentaient pas avec les mouvements. Ces crisesdeve-

naient de plus en plus fréquentes, d'abord elles revenaient tous les

quatre mois, ensuite tous les mois.

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 341

. En juin et juillet 1891, la malade en descendant un escalier avait

la sensation comme si elle tombait dans le vide, son corps était

entraîné en avant et elle ne pouvait modérer ses pas. Elle n'est

cependant jamais tombée. A cette époque déjà elle pouvait diffici-

lement marcher dans l'obscurité, et dans l'obscurité il lui était im-

possible de descendre un escalier. Les yeux ouverts elle marchait

encore très bien et elle n'éprouvait aucune fatigue en faisant même

de grandes courses.

Le 13 décembre de la même année, la malade éprouvait une

grande difficulté pour marcher dans sa chambre. Elle s'est cou-

chée le soir comme d'habitude et le lendemain en voulant se lever

elle s'est aperçue que ses jambes ne la. portaient pas et elle éprou-

vait des douleurs dans les aines comme si on l'écartelait. Le 17 du

même mois, elle rentre à la Salpêtrière dans le service du profes-

seur Charcot. Un mois après elle avait la sensation de cuirasse et

de ceinture en plomb. Au mois de juin de l'année suivante crise

gastrique violente avec vomissements qui a duré huit jours. On a

eu recours à la morphine pour calmer la malade. De temps en

temps, douleurs fulgurantes dans les cuisses et aux orteils. La ma-

lade eprouvait à cette époque des difficultés pour uriner.

Depuis son entrée à l'hospice elle n'a plus quitté le lit.

Il y a trois ans la malade a eu pour la première fois une crise

laryngée des plus graves. Elle éprouvait une douleur violente à la

partie supérieure de la poitrine, la respiration était pénible et

sifflante ; elle suffoquait, la face était cyanosée, toux coqueluchoïde,

inspiration bruyante. La première crise a duré vingt minutes ( ? ).

Depuis un an et demi ces crises se répètent tous les trois mois et

semblent être provoquées par le froid. Depuis un mois la voix de la

malade a changé de timbre. Voix d'enfant. Au mois de juillet de

l'année dernière une crise violente laryngée était accompagnée de

perte de connaissance qui a duré deux heures ( ? ).

Etat actuel (le 2 décembre 1894). La malade est fortement

obèse, elle nous dit d'avoir beaucoup engraissé depuis qu'elle est

malade. La face est bien colorée.

La mémoire n'a pas souffert. L'intelligence est normale, l'humeur

calme.

Pas de paralysie aux muscles des yeux, ni de la face. Les

pupilles sont d'un diamètre moyen et égales des deux côtés.

Absence des réflexes pupillaires à la lumière et à l'accommodation.

Pas d'achromatopsie, ni de strabisme, ni de nystagmus.

Rien de particulier à la langue, au goût, à l'odorat. La malade a

toutes ses dents.

Troubles de la sensibilité.- Le toucher. - La malade ne sent pas

le frôlement, ni la pression sur toute la surface des extrémités

inférieures y compris la plante des pieds. Seule une plaque située à

la partie externe des genoux et grande comme une pièce de

342 CLINIQUE NERVEUSE.

5 francs a conservé la sensibilité tactile. L'anesthésie tactile se

répand sur le tronc et s'arrête à la hauteur de la troisième côte.

Aux bras, aux mains, au cou et à la figure, le tact est normal et

très net. ·

Il existe une plaque d'hyperesthésie à la pression le long de la

colonne vertébrale, à la hauteur des cinq premières vertèbres spi-

nales.

Paresthésies. Fourmillements fort désagréables aux orteils des

deux pieds. Sensation de crampes aux pieds.

Phénomène plantaire. La friction rapide et légère avec l'ongle

le long de la plante des pieds provoque une douleur intense qui

arrache des cris à la malade.

Sensibilité à la douM) ? Retard considérable dans la perception

de la piqûre d'épingle : de trente secondes sur la surface des pieds

et à la plante, de trente à vingt secondes à la jambe jusqu'au

genou. A la cuisse de cinq à trois secondes, et diminue à mesure

qu'on se rapproche de la racine des membres. Excepté à la plante

des pieds, il y a aussi un peu d'hypoesthésie de la douleur. Aux

plaques en dehors des genoux où le toucher est conservé, il n'y a

pas non plus de retard dans la perception de la douleur. Pas de

retard au tronc, mais partout où le toucher est aboli la sensibilité

à la piqûre est affaiblie. Aux bras, aux mains, à la figure, au cou

la piqûre est vivement et rapidement ressentie.

Thermosilcésie. Un peu d'hypoeslhésie au froid aux extrémités

inférieures. Sur le reste du corps la sensation de la température

est normale.

3lotilité. - Les muscles des bras et des jambes sont bien con-

servés et la force musculaire est très bonne. Rien de particulier aux

articulations.

Extrémités supélieures. - La sensibilité profonde (articulaire et

musculaire) est à peine troublée. Cependant les mouvements des

doigts présentent un certain degré d'incoordination motrice. La

malade ne peut ni coudre ni écrire, ni saisir des objets fins comme

épingles, petits boutons, etc. C'est avec beaucoup de peine qu'elle

arrive à boutonner sa blouse, à faire un noeud à ses jarretières.

Elle peut cependant couper sa viande, elle mange et boit toute seule.

Extrémités inférieures. - Le sens articulaire et musculaire est

profondément atteint dans toutes les articulations des extrémités

inférieures. Les yeux fermés, la malade ne sait pas où sont ses

jambes et elle n'a aucune notion de la position qu'on leur donne

dans l'espace. Les mouvements sont fortement incoordonnés. Les

deux pieds se trouvent dans la position de varo-equin, les orteils,

excepté le grand orteil, sont fortement fléchis. Le moindre effort

pour faire un mouvement quelconque augmente encore davantage

le varo-équin et la flexion des orteils par suite d'une forte contrac-

tion des muscles postérieurs de la jambe.

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 3}3

La malade n'est pas capable de rester debout. Si on la maintient

dans une position verticale, elle a la sensation de tomber dans un

précipice. Elle pousse des cris d'angoisse. Si on la déplace, elle

laisse les jambes en arrière qui s'enchevêtrent. Debout elle n'est

pas capable de faire un mouvement quelconque avec ses jambes.

Réflexes. Les réflexes rotuliens et plantaires sont absents.

Il n'y a pas de trouble du côté de la vessie, ni du rectum. La ma-

lade est réglée toutes les trois semaines.

Les bruits du coeur sont un peu sourds, mais sans souffle patho-

logique, ni des faux pas. Rien aux poumons. Rien aux organes

abdominaux. Le sommeil, l'appétit et l'état général sont bons.

Commencement du traitement le 2 décembre 1891. Le cas se

présentait comme très peu favorable au traitement par la réédu-

cation des mouvements. D'abord la malade ne marchait plus du

tout depuis plusieurs années. On ne pouvait pas la faire tenir

debout, même soutenue par deux hommes à l'aide de la ceinture

de Frenkel. La malade était donc arrivée au degré du nec plus

ultra de l'ataxie. Ajoutons à cela les indispositions fréquentes de la

malade, qui faisaient que pendant des semaines nous étions forcés

d'interrompre le traitement, tantôt les règles, tantôt des crises

gastriques d'une violence extrême, une autre fois de l'influenza à

répétition, qui rendait pendant six semaines tout traitement impos-

sible.

Pour les mouvements au lit cela allait encore. Dans l'espace

d'un mois la malade a appris a dominer assez convenablement les

contractions musculaires des jambes. Elle corrige bien la position

vicieuse des pieds, et même quand elle fait un mouvement coor-

donné compliqué, par exemple, fléchir le genou pendant que la

cuisse reste en position verticale, son pied ne se renverse plus. Au

début du traitement quand elle essayait de relever le pied gauche,

le renversement du pied droit s'accentuait davantage et vice versa.

Maintenant (au bout d'un mois de traitement) cela n'a plus lieu.

La malade se sent plus légère. Elle peut se retourner et s'asseoir

dans son lit. Elle sent mieux ses jambes, qui ne sont plus pour elle

un corps étranger lourd et encombrant. Disons tout de suite

qu'aussitôt que l'amélioration de la coordination commençait à se

manifester, la malade parlait tout de suite d'une bonne et d'une

mauvaise jambe. C'est la gauche qui était la mauvaise jambe. En

effet la coordination s'améliorait beaucoup plus lentement dans

celle jambe que dans la jambe droite.

Mais la partie la plus difficile du traitement commençait à partir

du moment, où il fallait que la malade apprenne à se tenir debout.

Malgré ses efforts de volonté, les deux pieds étaient en forte posi-

tion de varo-équin, les genoux chancelaient à gauche et à droite,

et exténuée la malade se laissait tomber lourdement sur le fauteuil.

Cependant à force d'exercices et d'une patience, dont nous avons

344 CLINIQUE NERVEUSE.

droit d'être fiers, nous sommes tout de même parvenu à faire

tenir la malade convenablement droite. Nous passons alors aux

exercices de marche. Soutenue par deux personnes, la malade

apprend à faire des.pas. Au début de ces exercices, il fallait faire

asseoir la malade après tous les cinq, six pas. La malade était fati-

guée, et fatiguait souvent les personnes qui la soutenaient, puis-

qu'elle s'appuyait de tout le poids de son corps énorme. Mais peu à

peu les pas deviennent plus solides, puisque la malade fatiguait

beaucoup moins les personnes qui la menaient. Au commencement

du mois de juin 1895, la malade pouvait en s'appuyant avec une

main le long des lits et soutenue par une personne de l'autre côté,

faire le tour de la salle (une cinquantaine de pas) sans avoir besoin

de s'asseoir.

Ce résultat, quoique moins brillant en apparence que dans le

cas précédent, peut être considéré comme absolument remar-

quable, vu non seulement la gravité exceptionnelle de l'incoordi-

nation motrice, mais aussi en considération de toutes les circons-

tances défavorables qui rendaient un traitement régulier impos-

sible.

Le plus difficile du reste est fait chez cette malade et nous sommes

persuadés que sa marche pourra être encore considérablement

améliorée.

Excepté un certain amaigrissement, nous n'avons constaté aucune

modification dans les autres symptômes du tabes. Notamment les

troubles de la sensibilité cutanée et profonde (articulaire, muscu-

laire) sont restés sans modification.

- 15 mai 1896. La malade à appris à marcher en s'appuyant

sur le bras de quelqu'un d'un côté et sur une canne de l'autre. Elle

se lève seule de sa chaise. Elle peut rester debout sans aucun appui

pendant deux à trois minutes.

Observation IV. Tabes dorsalis à marche rapide. Développement

rapide de l'incoordination motrice. Au moment du commencement

du traitement la malade était déjà très améliorée. Après deux mois

de traitement la malade peut être considérée comme guérie de son

ataxie motrice.

M. B..., âgée de trente et un ans, modiste et fille galante, céliba-

taire, entrée à la Salpêtrière le 16 juin 1894, s'est bien portée dans

son enfance. Depuis l'âge de dix-neuf ans la malade se fatiguait

beaucoup dans les lieux de plaisir, se couchant à 4 heures du

matin. Atteinte à cette époque d'une chorée qui se développa d'une

façon lente et graduelle, commençant par les membres supérieurs

et s'étendant peu à peu aux membres inférieurs. La chorée dispa-

rut au bout d'un an en laissant subsister un blépharospasme des

deux côtés que la maladu présente encore aujourd'hui. En 1891

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. ù4t)

légère fièvre typhoïde. En 1892 la malade étant forcée de marcher

beaucoup et de se fatiguer, commence à sentir une certaine lassi-

tude dans les jambes. A cette époque aucun autre phénomène mor-

bide n'apparaît. Vers le mois de septembre 1893 la malade ressent

des douleurs violentes dans les deux genoux, qui disparaissent au

bout d'une quinzaine de jours et laissent après elles une sensation

de lourdeur dans les genoux. En décembre 1893 cette lourdeur des

senoux s'accentue, la faiblesse des jambes augmente plus particu-

lièrement dans la jambe gauche qui bientôt est incapable de la

porter. Depuisce moment la faiblesse va en augmentant, les jarrets

fléchissent et la démarche est peu assurée, presque titubante. A

ce moment la malade souffre de crampes dans les jambes très dou-

loureuses. La faiblesse augmente toujours, les douleurs en ceinture

apparaissent, douleurs peu violentes, plutôt gênantes, faisant sans

cesse croire à la malade qu'elle a un corset trop serré. Elle souffre

d'un froid continu, d'un engourdissement aux membres inférieurs.

Elle perd les jambes dans son lit. Quand elle marche elle ne sent

pas bien le sol et croit toujours ne pas toucher [la semelle de ses

bottines, comme si celles-ci n'étaient pas complètement entrées. A

cette époque l'incoordination se révèle, surtout quand la malade

descend ou monte un escalier. Elle ne peut plus bien mesurer la

hauteur des marches, ni proportionner ses mouvements, aussi lui

arrive-t-il de tomber fréquemment. La vue se trouble, un léger

brouillard apparaît devant les yeux. Elle n'a pas eu de diplopie, ni

aucun autre trouble oculaire. La malade n'a présentéaucun trouble

du côté de la vessie. Il y a deux ans elle avait des sensations de

corps étranger dans le rectum avec des besoins fréquents et impé-

rieux d'aller à la selle. Parfois elle ne sentait pas les matières

partir.

La malade nie la syphilis. Elle n'a jamais abusé de boissons

alcooliques. Elle ne s'est jamais livrée à des excès génésiques et a

toujours exercé sa profession galante sans enthousiasme.

Etat actuel (le 16 juin 1894). - La malade dit avoir beaucoup

maigri dans ces derniers mois. L'intelligence est assez vive. La mé-

moire est bonne. La malade est d'un tempérament calme. Depuis

un an, elle a eu de fréquents chagrins qui ont assombri son carac-

tère, mais qui n'ont pas été jusqu'à la mélancolie.

Les paupières sont tombantes et couvrent plus de la moitié de la

cornée; de plus elles sont animées de battements irréguliers et ra-

pides qui cessent au bout de quelques secondes (blépharospasmus).

Il n'y a pas de diplopie, ni de strabisme. Les pupilles sont puncti-

formes, légèrement déformées. Elles présentent le signe d'Argyll-

Roberlsou. Il n'y a pas de retrécissement du champ visuel, pas de

dyschromatopsie, pas de lésion du fond de l'aeil.

L'ouïe est légèrement affaiblie du côté gauche. La malade n'a

jamais eu de bourdonnements. Il y a une légère altération du goût.

po G CLINIQUE NERVEUSE.

Depuis le commencement de la maladie il lui semble que tout ce

qu'elle mange ou boit a un mauvais âoi7l. Les dents se cassent

facilement ou se déchaussent, la malade en a ainsi perdu deux.

Membres supérieurs ne présentent aucune altération du côté de la

sensibilité ni de la motilité.

Membres inférieurs. - Sensibilité au tact normale. A la piqûre :

la malade ne peut sur les membres inférieurs distinguer la sensa-

sation qu'elle ressent. Si par exemple, on lui fait une piqûre sur

le cou-de-pied elle a d'abord une sensation vague : Vous me tou-

chez, » dit-elle, et puis au bout de quelqués secondes : a Vous me

piquez. »

T/te''moM<Aë6'M normale.

Phénomène plantaire. La friction rapide avec l'ongle le long de

la plante des pieds produit une forte douleur qui « va jusqu'au

coeur » et persiste pendant un certain temps

La sensibilité profonde (articulaire, musculaire) présente peu d'al-

térations appréciables. Les yeux fermés, la malade apprécie avec

peu de précision les positions qu'on fait prendre aux articulations des

membres inférieurs, et exécute les yeux ouverts avec les jambes,

très régulièrement, tous les mouvements qu'on lui ordonne.

L'incoordination motrice est considérable quand la malade est

debout et surtout quand elle marche. Debout la malade ne peut

pas se tenir immobile dans la station verticale. Le signe de Rom-

berg est très net. En marche le pied est lancé en avant sans fléchir

le genou, et retourne ensuite comme par son propre poids, le talon

frappe fortement le sol, parfois les pieds s'enchevêtrent et font

chanceler la malade qui manque de tomber, tourne sur elle-même.

Il lui est impossible de descendre ou de monter des escaliers.

L'incoordination est plus accentuée dans la jambe gauche que dans

la droite.

Les réflexes rotuliens et plantaires sont complètement abolis.

Aucuns troubles des sphincters.

Coeur et poumons normaux. Estomac un peu dilaté.

Commencement du traitemeut le 29 avril 1895.

La malade faisant très régulièrement tous les mouvements au lit,

no us limitons ce traitement aux exercices debout et exercices de marche.

Dès les premiers jours du traitement, le progresse fait rapidement

sentir. La malade apprend très vite tous les exercices. Elle a perdu

une grande partie de son appréhension. Elle se promène seule sans

canne dans le jardin. Au bout d'un mois de traitement sa dé-

marche a presque complètement perdu le caractère ataxique. La

malade arrive à faire de longues promenades toute seule. Elle se

sent d'aplomb sur ses jambes, les genoux ne fléchissent plus.

Le 15 juin la malade est sortie pour faire une course en ville.

Elle est allée à pied de l'hospice de la Salpêtrière jusque dans la

rue Monge, et elle est rentrée le soir seule il l'hospice.

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 347

Ce résultat rapide doit être attribué à ce fait que la malade

était, déjà en voie d'amélioration quand nous avons entrepris le

traitement. Dans ces conditions, elle a naturellement grâce aux

exercices, plus rapidement refait l'éducation de ses mouvements.

Il est certain que sans notre traitement la période de convalescence

aurait été beaucoup plus longue chez cette malade, puisque comme

elle le disait elle-même, elle n'osait marcher de peur de tomber, et

puis elle nesavait pas comment s'y prendre pour restaurer la

coordination de ses mouvements.

Maigre la disparition presque complète de l'incoordination mo-

trice, la malade reste néanmoins tabétique : elle conserve le signe

de Westphal, le signe d'Argyll-Robertson, le phénomène plantaire.

Le signe de Romberg est très atténué, mais jusqu'à un certain

degré il existe toujours. La malade ne tombe pas quand elle a les

yeux fermés, cependant son corps chancelle toujours un peu.

Quand elle marche les yeux fermés, la démarche est moins sûrc

et moins régulière. Elle tâtonne avec les pieds.

La malade a quitté la Salpêtrière au mois d'août 189a, et nous

n'avons plus eu de nouvelles d'elle.

Observation V. Tabès dorsalis. Développement rapide de l'ataxie

motrice. Deux mois de traitement. Amélioration notable de l'incoor-

dination motrice.

M. R... âgée de vingt-six ans, couturière, entréeà la Salpêtrière

(service de M. Brissaud), le 27 octobre 1893. Sans hérédité neuro

ni psychopathique.

Antécédents personnels. - A1'âe de quatorze ans, fièvre typhoïde

Réglée après sa fièvre typhoïde et régulièrement. Syphilis à

dix-sept ans (chancre, roséole), suit pendant trois mois un traite-

ment mercuriel.

Début de la maladie. En août et septembre 1892 douleurs ful-

gurantes dans les jambes et à la partie inférieure des cuisses, dou-

leurs fréquentes presque continuelles, sans rémission nocturne. Ces

crises durèrent pendant une semaine et rendaient la malade inca-

pable d'aucun travail, la privaient complètement de sommeil. Ces

accidents cessent brusquement.

En février 1893 premiers symptômes d'ataxie. Troubles de la

marche débutant par de la fatigue; lassitude dans les membres

inférieurs à la fin de la journée. Ces accidents vont progressant

pendant une quinzaine de jours. La malade incapable de sortir

seule cesse de vaquer à ses occupations. Elle s'adonne alors à un

travail assis de couture pendant dix heures par jour, pour lequel

elle n'éprouve aucune gène.

Elle entre à la Salpêtrière présentant nettement la plupart des

signes de tabes (Westphal, Romberg), impossibilité de marcher

348 CLINIQUE NERVEUSE.

sans appui et sans se tenir aux meubles, légers troubles de la vue

amaurose passagère). Soumise alors au traitement par l'iodure de

potassium et à la suspension (tous les deux jours pendant trois

minutes). Le 14 février 1894 la malade dit ressentir manifestement

une grande amélioration dans la marche. Les douleurs fulgurantes

ont cependant reparu depuis son entrée à l'hospice.

Etat actuel (26 avril 1895). L'aspect général de la malade est

bon. Elle a conservé son appétit. L'intelligence est moyenne,

l'humeur très égale, plutôt gaie. Aucune anomalie, aucun trouble

trophique de la peau ou de ses annexes, les dents sont saines.

Inégalité pupillaire. - La pupille droite est très dilatée. La vision

est. réduite de ce côté. L'oeil gauche est normal. Immobilité pupil-

laire pour la lumière et pour l'accommodation. A l'examen ophlal-

moscopique, les papilles des deux côtés sont blanches, crayeuses. La

malade souffre d'une amblyopie légère qui date depuis le début de

sa maladie, mais ne l'a jamais gênée pour sa vision rapprochée et

ne l'a pas empêchée d'exercer sa profession. Les yeux sont facile-

ment larmoyants. Du côté de l'ouïe quelques troubles se manifes-

tant par des vertiges fréquents, une ou deux fois suivis de chutes,

la malade n'ayant pu se soutenir et se retenir après un meuble.

A côté de'ces étourdissements, quelques bourdonnements d'oreille.

Sensibilité. Retard général de la perception des sensations

tactiles, douloureuses et thermiques sauf pour la face. Ce retard

est de deux à trois secondes pour les membres inférieurs. On cons-

tate de l'hypoesthésie sur toute la surface tégumentaire sauf à la

plante des pieds, où la sensibilité est assez vive. Aux jambes la

sensibilité est obtuse. Le pincement et la piqûre sont toujours con-

fondus. Tous ces troubles existent aussi au tronc, mais peut-être

moins accentués qu'aux membres inférieurs. Les douleurs fulgu-

rantes reparaissent depuis deux ou trois mois avec une mtensité

moindre qu'en septembre 1892, mais par périodes de huit à dix

jours, séparées par des intervalles de rémission au moins aussi

longs. Ces douleurs, toujours localisées aux pieds et aux jambes, ne

dépassent pas le genou, empêchent souvent la malade de dormir

et la réveillent au milieu de la nuit. Un peu de céphalée pendant

ces périodes de crises.

Le phénomène plantaire est très prononcé des deux côtés (la fric-

tion avec l'ongle le long de la plante du pied provoque une douleur

très vive).

La sensibilité profonde (articulaire, musculaire) est très affectée.

Les yeux fermés la malade n'a aucune notion sur la position qu'on

donne à ses articulations, ni du degré de contraction de ses muscles.

Si on croise ses jambes, elle ne sait pas quelle jambe est dessus,

laquelle dessous. Le pied droit est légèrement renversé en varo-

équin.

Les différents mouvements des jambes au lit ^flexion, extension,

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 349

etc., etc.) sont fortement désordonnés. L'incoordination augmente

considérablement à l'occlusion des veux. Etant assise la malade se

lève brusquement en repoussant la chaise avec les mollets.

La malade étant debout regarde fixement ses pieds , qui sont

ouverts en dehors, la pointe en abduction et relevée ainsi que tout

le bord externe, les orteils sont écartés les uns des autres, ne tou-

chent pas le sol et l'appui se fait uniquement sur le talon et une

partie du bord interne du pied. Tous ces phénomènes d'incoordi-

nation et les positions anormales sont plus accentuées du côté droit

du corps. La force musculaire est intacte. Le signe de Romberg est

très prononcé.

Locomotion. La marche, quoique moins gênée qu'autrefois,

s'exécute par pas rapides, brusques. Quand la malade s'arrête pour

changer de direction, elle se retient à un lit voisin pour opérer ce

mouvement. Elle marche en frappant du talon le sol et en dépla-

çant la jambe d'une seule pièce, de temps en temps, les genoux

fléchissent brusquement. Le moindre obstacle la fait trébucher; la

malade tombe souvent.

Les réflexes sont totalement abolis. Le réflexe rotulien, comme

le réflexe plantaire. Pas de troubles du côté des sphincters.

Commencement du traitement le 27 avril 1895.-Après deux mois

de traitement, qui consistent dans des exercices au lit, debout et

de locomotion la malade apprend à marcher sans appui. Elle sort

seule, fait des promenades dans le jardin, monte et descend les

escaliers. Elle sent ses jambes plus déliées. Depuis longtemps, elle

n'est plus tombée, ce qui lui arrivait fréquemment auparavant.

Après deux mois de traitement, malgré une amélioration incon-

testable de l'incoordination motrice, la malade exécute assez cor-

rectement tous les exercices, même les plus compliqués, il n'y a

aucune modification du côté des troubles de' la sensibilité, tant

cutanée, que profonde (articulaire, musculaire). Le signe de Rom-

berg reste toujours aussi prononcé qu'avant le traitement.

15 mai 1896. L'amélioration que nous avons obtenue l'année

dernière se maintient, mais ne s'est pas accentuée. La démarche est

toujours fortement ataxique. Cependant la malade affirme qu'elle

se sent plus ferme sur ses jambes. Elle marche sans canne, sort

dans le jardin, fait des petites promenades, etc.

Observation VI. Tabes dorsalis. Développement très rapide de la

maladie et surtout de l'incoordination motrice. Amélioration sen-

sible de l'ataxie motrice après un mois de traitement.

M. F..., âgé de soixante-neuf ans, ancien directeur d'hôpital. Le

père du malade était alcoolique, mort à l'âge de quarante ans. La

mère du malade était nerveuse, elle est morte à l'âge de quarante-

neuf ans d'une maladie de coeur. Une soeur du malade était atteinte

350 CLINIQUE NERVEUSE.

de tabes dorsalis dès l'âge de vingt-sept ans. Elle est morte à la

Salpêtrière à l'âge de quarante-cinq ans d'une pneumonie.

Antécédents personnels. - Dans sa jeunesse le malade souffrait

de diarrhée, mais il n'a jamais fait de maladie grave. Il n'a pas

abusé d'alcool, et n'a pas en de syphilis. Il y a quatre ans, pendant

deux ans et demi, excès vénériens dans des conditions particulière-

ment anormales (coït debout).

Début du tabès. Il y a dix ans le malade avait souvent des maux

de reins qui revenaient par crises et duraient plusieurs jours.

En 1889 diplopie passagère. Au mois d'août 1893 douleurs fulgu-

rantes dans les cuisses, dans les jambes et aux orteils. A cette

époque le malade marchait encore très bien, même dans l'obscu-

rité. En juin 1894 la démarche devient défectueuse. Le malade

monte difficilement l'escalier, les pieds s'enchevêtrent pendant la

marche. A la même époque forte constipation et difficulté d'uriner.

La démarche s'aggrave rapidement. Lesjambes sont constamment

engourdies. Sensation de ceinture et de corset en fer. Vers la fin de

l'année 1894, le malade ne peut plus marcher seul, ni se tenir

debout. Pour faire quelques.pas dans sa chambre, il est forcé de

s'appuyer sur le bras de quelqu'un et de se servir d'une canne.

Depuis deux mois de temps en temps douleurs fulgurantes dans

les avant-bras et dans les bras. Fourmillements et engourdisse-

ment dans les doigts et les mains.

Etal actuel (le b mai 1895). Le malade est bien conservé pour

son âge. Malgré l'envahissement rapide du tabès, l'état général est

resté bon. Le malade mange et dort bien. L'intelligence et la

mémoire n'ont pas souffert. Il a conservé son humeur gaie. Il rit

seulement un peu trop facilement et à propos de rien.

Rien de particulier aux muscles de la face, des yeux, à la langue,

aux dents, du côté du goût, de l'odorat.

Pupilles sont égales et d'une dilatation moyenne. La droite réagit it

bien à la lumière et à l'accommodation. La gauche n'agit pas du tout

à la lumière, et ne réagit que très lentement à l'accommodation.

Ouïe. Le malade n'entend pas bien depuis quelques mois. Le

tic tac de la montre n'est pas du tout perçu à droite, même si on

applique la montre contre l'oreille. A gauche le bruit de la montre

est entendu à une distance de 2 centimètres de l'oreille.

Extrémités supérieures. Sensibilité. Le malade dit qu'il a le

toucher moins fin, il sent les objets comme à travers un gant.

Cependant l'examen des différents modes de sensibilité cutanée

donne des résultats négatifs. Les yeux fermés il reconnaît bien les

objets qu'on lui fait toucher. Engourdissement et fourmillements

aux doigts et aux mains.

La sensibilité profonde est normale. Il n'y a pas d'incoordina-

tion dans les mouvements usuels. Cependant le malade se plaint

qu'il écrit moins facilement.

TRAITEMENT DE'L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 3S1

Extrémités inférieures. - Les jambes sont uniformément mai-

grès, mais la force musculaire est bonne. Rien aux articulations.

Sensibilité. - Excepté à la plante du pied gauche le sens du [en-

cher est normal sur tout le corps. Retard dans la perception de la

douleur aux extrémités inférieures. Hyperesthésie au froid aux

jambes et sur tout le corps, excepté les bras, le cou et la face.

Phénomène plantaire. La friction rapide avec l'ongle du pouce

sur la plante des pieds produit une douleur très vive. Cette douleur

persiste pendant une minute à peu près. L'application du froid il

la plante des pieds produit une sensation de brûlure tellement forte

que le malade pousse des cris de douleur.

La sensibilité profonde (articulaire musculaire) est profondément t

altétée. Le malade ayant les yeux fermés ne reconnaît pas la posi-

tion qu'on donne à ses articulations et il n'a aucune notion des

contractions musculaires.

Motilité. Couche. Tout les mouvements, même les plus sim-

ples, sont fortement incoordonnés. Le malade ne peut pas s'as-

seoir dans son lit sans s'appuyer sur ses mains. S'il essaie de le

faire, ses jambes se lèvent en l'air, surtout la gauche.

Assis. Etant assis sur une chaise, le malade ne peut pas se

mettre debout seul. Si on lui aide, on constate que ses genoux se

redressent brusquement par un mouvement de ressort et son corps

est projeté en avant. Une fois debout, les jambes du malade sont

agilées par des mouvements continuels. Le corps se balance dans

tous les sens, des fléchissements des genoux ont lieu avec des

redressements brusques. Les yeux fermés le malade tombe comme

une masse.

Locomotion. - La marche est tout à fait impossible. Soutenu

des deux côtés sous les bras, le'malade essaie bien de faire un pas

en avant, mais il lève démesurément la jambe, la lance par terse e

avec le bord externe du pied Les pieds se lèvent. Tout d'un coup

une jambe se lève malgré lui. Le corps reste en arrière. Brusque-

ment le corps est repoussé par un mouvement de ressort en haut

et en avant. On dirait que le malade est agité par des mouvements

de la grande chorée. Les jambes se croisent, les pieds s'enchevè-

trent et le malade s'abandonne aux personnes qui le soutiennent.

On porte le malade pour le mettre dans la petite voiture de pro-

menade.

Réflexes. Les réflexes rotuliens, plantaires et crémastériens

sont abolis des deux côtés.

Il n'y a pas de troubles du côté de la vessie, ni du rectum. 11 rr'v

a qu'une constipation opiniâtre. Rien d'anormal à l'examen des

organes internes.

Commencement du traitement le 9 mai 1895. - On n'aurait pas pu

imaginer un cas moins favorable pour notre méthode. L'âge du

malade, la rapidité avec laquelle les symptômes tabétiques se sont

332 CLINIQUE NERVEUSE.

développés, l'intensité des phénomènes ataxiques, autant de fac-

teurs des plus défavorables pour la rééducation de la coordination.

Néanmoins nous avons en peu de temps (le malade ne pouvait

malheureusement pas rester à Paris, qu'un mois), en un mois,

- obtenu un résultat absolument remarquable pour ce malade, puis-

qu'il est arrivé à pouvoir s'asseoir et se lever tout seul, marcher

dans sa chambre seul à l'aide d'une canne. Descendre l'escalier

d'un étage, en donnant le bras et en s'appuyant sur la rampe. Faire

des petites promenades en donnant le bras à sa femme et en s'ap-

puyant sur une canne. Dans sa dernière lettre (septembre 1895), sa

femme nous écrit de Dieppe, qu'on l'amène avec sa petite voiture

sur la plage, où il se promène au bras de sa femme.

Comme bien on pense, nous avons eu les mêmes difficultés

à vaincre pour amener le malade à dominer les contractions

désordonnées de ses muscles. C'est au prix d'efforts énormes,

vraiment étonnants pour un homme de cet âge, qu'il est peu il.

peu parvenu à exécuter les différents mouvements dont se

composent nos exercices. Aussitôt que l'amélioration a com-

mencé à se manifester, on a toute suite pu s'apercevoir que la

jambe gauche obéissait moins et restait plus désordonnée dans

ses mouvements que la jambe droite.

Le traitement a eu chez ce malade une influence manifeste

sur sa constipation. Dès les premiers jours du traitement, le

malade n'avait plus besoin d'avoir recours aux purgatifs. Ac-

tuellement, il a des selles régulières tous les jours. Les

troubles de la sensibilité cutanée et profonde (musculaire,

articulaire) sont restés sans modifications. Pendant tout" le

temps qu'a duré le traitement, le malade n'a pas eu de crise

de douleurs fulgurantes.

Observation VU. Tabes dorsal. Développement rapide de l'in-

coordination motrice. Grande amélioration après deux mois et demi

de traitement.

P. F..., âgé de quarante-neuf ans. Magistrat. Son père est gout-

teux. Sa mère était toujours très nerveuse. Il y a quatre ans elle a

eu une attaque d'apoplexie, et elle est maintenant hémiplégique.

Le malade a un frère qui souffre de la goutte. '

Antécédents personnels. - Le malade était toujours d'une santé

très robuste. A l'âge de dix-sept ans il a eu un chancre, dont la

nature n'a pas été bien établie. Il n'a jamais eu de manifestations

secondaires, ni tertiaires de syphilis, Dans sa jeunesse il a beau-

coup abusé des alcools. Le malade était toujours très émotif. La

TRAITEMENT DE L'ATAXtE DANS LE TABES DORSALIS. 353

moindre émotion lui occasionnait un tremblement des mains. Il

est marié. Sa femme n'a jamais fait de fausse couche. Il a deux

enfants, dont l'ainé souffre de diarrhées chroniques. Il y a cinq

ans, le malade souffrait d'insomnie. Il avait la nuit des idées tristes,

il sanglotait, parlait de sa mort prochaine, qu'il allait être atteint

de paralysie générale. Pendant des nuits entières sa femme était

forcée de le consoler. En 1888, premières douleurs fulgurantes dans

la peau des cuisses et des fesses. Ces crises deviennent avec le

temps fréquentes. A la même époque ténesme rectal. Sensation de

corps étranger dans le rectum. En 1890, le malade qui était excel-

lent marcheur s'aperçoit qu'il se fatigue facilement. La marche

lui devient pénible. Il a la sensation comme si la chaussure était

trop étroite et comme s'il marchait sur du galet. Paresthésies aux

fesses. Le malade a la sensation d'être assis sur un hémisphère

qui fait balancer son corps dans tous les sens. Engourdissement des

fesses.

En 1893, à la suite d'un séjour au bord de la mer, pendant lequel

le malade restait beaucoup dans l'eau en péchant la crevette, il

sentait en marchant une raideur dans les jambes. En essayant de

courir il s'aperçoit que la course lui est impossible. En 1894, le

malade marchait encore seul. En janvier 1895, le malade tombe

dans sa chambre et se contusionne le genou gauche. Le genou enfle

et le malade est forcé de s'aliter pendant huit jours et de rester

sur une chaise longue pendant un mois. A partir de ce moment la

marche s'aggrave rapidement. Le malade ne sort plus seul. On est

forcé de le soutenir, et il s'appuie en même temps sur une canne.

Il pouvait ainsi avec beaucoup de peine parcourir 300 mètres.

Etat actuel (le20 mai 1895). - Le malade est un homme robuste,

bien musclé, avec un embonpoint très prononcé. L'intelligence et

la mémoire n'ont pas souffert. Très émotif. La moindre contrariété

le fait éclater de colère. ,

Yeux. Pas de ptosis. Diplopie à distance. Les deux objets se

trouvent horizontalement l'un à côté de l'autre. Parésie ( ? ) du droit

externe gauche. Pas de strabisme. Les deux pupilles sont égales et

très rétrécies. Signe d'Argyll Robertson. Elles régissent bien à l'ac-

commodation. Le malade distingue bien les couleurs. Rien du côlé

de l'ouïe, du goût, de l'odorat, des dents, de la langue. '

Extrémités supérieures. Les mains sont agitées d'un tremble-

ment aussitôt qu'il fait un effort quelconque ou s'il est émotionné.

11 n'existe pas d'autres troubles de motilité, ni de sensibilité aux

membres supérieurs. Rien d'anormal au tronc, excepté une petite

région anesthésiée des deux côtés de la marge anale. Les fonctions

du rectum se font normalement.

Vessie. - Il n'y a ni rétention, ni incontinence. Il n'existe qu'un

certain degré d'anesthésie urétrale ou au col de la vessie, puisque

le malade ne sent pas quand il urine, ni quand il a fini d'uriner. Il

Archives, 2e série, t. IL 23

3S4 CLINIQUE NERVEUSE.

faut qu'il voie, ou qu'il entende pour savoir s'il urine. Pas d'im-

puissance génésique. Le réflexe scrotal est très vif des deux côtés.

Extrémités inférieures. Sensibilité.-Le frôlement n'est pas senti

sur la surface des jambes, y compris la plante des pieds, jusqu'à la

hauteur du ligament de Poupart. La forte pression est sentie par-

tout. La piqûre d'épingle est perçue avec un certain retard surtout

à la pfante des pieds. Ce retard va en diminuant à mesure qu'on

se rapproche de la racine des. membres inférieurs. Le froid est

bien senti sur toute la surface des jambes, le chaud moins nette-

ment.

Phénomène plantaire. La friction rapide avec le bord de l'on-

pie le long de la plante du pied occasionne une vive douleur. Cette

douleur se produit avec un certain retard et persiste pendant plu-

sieurs secondes.

Articulations. Le genou est fortement enflé. Il y a même un

peu d'oedème le long de la face antérieure du tibia. On constate de

l'hydarthrose dans cette articulation. Le bord articulaire interne du

tibia est hypertrophié. Il n'y a pas de mobilité anormale dans l'ar-

ticulation, ni de suhluxation. Quand le malade se tient debout, on

constate un certain degré de genu z·ec2trvatztrn à gauche, et en mar-

chant le malade doit produire des tiraillements sur les ligaments

croisés de cette articulation. Comme nous l'avons vu plus haut, l'ori-

gine de cette arthropathie est manifestement traumatique. Les

autres articulations ne présentent rien d'anormal.

Les muscles des jambes sont très bien développés et la force

musculaire est considérable.

La sensibilité profonde (articulaire, musculaire). - Les yeux fer-

més le malade n'a aucune notion sur.la position qu'on fait prendre

à ses articulations, et il ne sait pas apprécier le degré de contrac-

tion de ses muscles.

Motilité. Couché. L'incoordination motrice est considérable,

même pour les mouvements les plus simples (flexion, extension,

adduction, abduction). Elle est plus accusée dans la jambe gauche

que dans la droite.

Debout. Le malade ne peut pas se lever seul de sa chaise. Il

reste debout les pieds écartés, la pointe dirigée en dehors. 11 tient

les bras écartés du corps et regarde fixement ses pieds. De temps

en temps les genoux fléchissent brusquement et les pieds sont con-

tinuellement agités de mouvements. Le pied gauche a des ten-

dances à se renverser en dedans. Impossibilité de rester debout les

pieds rapprochés. Impossibilité de se tenir sur un pied.

Aussitôt que le malade ferme les yeux; il tombe comme une

masse.

Lncomotion. Le malade ne peut pas marcher seul. Il donne le

bras et s'appuie sur une canne. La démarche est franchement

ataxique. Le malade regarde attentivement ses pieds. Il déplace la

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 385

jambe d'une seule pièce, jette le pied en dehors et frappe lourde-

ment du talon le sol.

Les réflexes rotuliens et plantaires sont abolis.

L'examen des organes internes ne donne aucun résultat.

Commencement du traitement le 20 mai 1895. Le malade a

suivi notre traitement pendant deux mois. Voici quels résultats

nous avons obtenu : le malade s'assoit et se lève sans aucune diffi-

culté et sans regarder ses pieds. Dans la rue il marche seul sans

donner le bras en s'appuyant sur sa canne. Il peut ainsi marcher

pendant trois quarts d'heure à uno heure. La démarche n'est plus

lourde, comme elle était auparavant. Le malade ne frappe presque

plus le sol avec le talon. Il monte et descend bien les escaliers. En

marchant dans la rue, le malade n'a plus besoin de regarder ses

pieds. Dans un appartement il peut marcher sans canne. Le malade

exécute avec une très grande régularité tous nos exercices.

L'arthropathie du genou gauche n'a pas été modifiée par le traite-

ment. L'anesthésie tactile des jambes s'est un peu améliorée. Elle

existe cependant toujours aux plantes des pieds. Il y a une légère

amélioration dans la sensibilité musculo-articulaire de la jambe

droite. Ainsi dans l'articulation du genou et dans l'articulation coxo-

fémorale le malade apprécie assez bien les mouvements qu'on im-

prime dans ces articulations, pourvu que ces mouvements soient

d'une grande amplitude. Dans l'articulation du pied droit et dans

toutes les articulations de la jambe gauche le malade sent qu'on

imprime des mouvements à ses articulations, mais il ne sait pas

quels sont ces mouvements et il se ,trompe continuellement. Le

signe de Romberg a notablement diminué. Appuyésur sacanne, le

malade peut rester debout les yeux fermés, il peut même pendant

ce temps fléchir les genoux. Les autres symptômes tabétiques sont

restés sans modification.

D'après les nouvelles que nous avons du malade, l'arthropa-

thie du genou gauche a beaucoup augmenté et rend la marche

très difficile.

Observation VIII. Tabes dorsalis. Développement rapide de l'in-

coordination motrice. Amélioration notable après quarante séances

de traitement.

M. M... âgé de quarante ans, négociant. Son père était goutteux,

il est mort à l'âge de soixante-six ans d'une attaque apoplectique.

La mère du malade est bien portante, mais très nerveuse. Le

grand-père paternel est mort aliéné. Dans la famille maternelle, il

y a également de l'aliénation mentale. Le malade a deux frères qui

sont bien portants.

Antécédents personnels. - Le malade était toujours maigre et

350 CLINIQUE NERVEUSE.

d'une santé délicate, mais il n'a jamais fait de maladie grave. Il

s'est beaucoup surmené dans sa vie. et pour ses affaires il devait

beaucoup marcher. Il n'a jamais fait d'excès de boissons ni véné-

riens. It n'a pas eu de syphilis. Marié depuis douze ans. Sa femme

a eu une fausse-couche de trois mois. Il a trois enfants, dont l'aîné

est atteint de crises nocturnes d'hystéro-épilepsie.

Début de la maladie. En 1887 douleurs fulgurantes aux pieds,

principalement aux orteils. Mais déjà quelques mois auparavant le

malade souffrait de temps en temps de douleurs dans le rectum,

après les selles, après avoir uriné et parfois après le coït. En 1890

sensation de ceinture. En septembre 1891, le malade tombe de

bicyclette et se fracture le péroné de la jambe droite avec luxation

du pied. A la suite de cet accident il reste couché pendant six

semaines. Pendant toute cette période crises de douleurs fulgu-

rantes atroces à l'endroit de la fracture. Au mois de mars 1893 le

malade sent de la gêne en marchant. La jambe gauche restait en

arrière. A cette époque le signe de Romberg existait déjà, puisque le

malade tombait en se lavant la figure pendant la toilette. L'incoor-

dination motrice dans les jambes se développe très rapidement.

Vers la fin de l'année 1892 le malade ne pouvait plus marcher seul

sans s'appuyer sur le bras de quelqu'un. Depuis six mois il ne peut

plus du tout marcher seul, même dans son appartement. Depuis

dix-huit mois de temps en temps incontinence nocturne des urines.

Le jour des envies fréquentes et des fausses envies d'uriner. Consti-

pation opiniâtre depuis le début de la maladie. Depuis septembre

1893 chute de la paupière gauche. Depuis la même époque impossi-

I)ilité des rapports sexuels, parsuite d'une anesthésie tactile de la

verge. Le malade a des érections normales, mais il ne sent pas le

contact de la femme.

Etat actuel (12 mai 1895). Le malade est de grande taille,

maigre, la coloration de la peau est d'un pâle verdâtre. Le malade

s'occupe activement de ses affaires. Son intelligence etsa mémoire

n'ont pas souffert. Il dort et mange bien.

La paupière gauche recouvre plus que la moitié du globe oculaire.

Le malade peut parun effort de volonté corriger ce léger degré de

ptosis. 11 n'y a pas de diplopie, ni de strabisme. Le malade distingue

bien les couleurs. Les pupilles sont égales des deux côtés, moyenne-

ment dilatées et réagissent, quoique lentement, à la lumière. Elles

réagissent bien à l'accommodation. Rienànoter ducôtédel'ouie, du

goût de l'odorat, des dents et de la langue.

Extrémités supérieures. -Tous les modes de la sensibilité cutanée

sont intacts.

La sensibilité profonde (articulaire) est troublée aux articulations

des doigts des deux mains, mais surtout à la main gauche. Le ma-

lade n'a aucune notion des mouvements qu'on imprime aux doigts

dans les deux dernières articulations (phalangette sur phalangine,

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 357

phalangine sur phalange). La sensibilité dans l'articulation méta-

carpo-phalangienne est normale, ainsi que dans les autres articu-

lations des membres supérieurs.

Aucun trouble d'incoordination motrice dans tous les mouve-

ments des mains et des bras. L'écriture du malade n'est pas

changée.

Extrémités inférieures. Sensibilité. - Anesthésie tactile sur toute

la jambe droite jusqu'au pli inguinal; le toucher est normal sur le

dos du pied gauche, sur une plaque grande comme la main au

mollet et sur la surface antérieure de la cuisse. Sur le reste de la

jambe gauche anesthésie tactile.

Anesthésie tactile sur toute la surface de la verge et du scrotum.

La piqûre d'épingle est peiçue avec un certain retard surtout à la

plante et sur le dos des pieds. Ce retard est moins prononcé sur

les jambes jusqu'aux genoux. Un peu d'hypoesthésie à la piqûre, sans

retard de la perception, aux deux cuisses. Le froid et le chaud sont

bien sentis.

Phénomène plantaire. La friction rapide avec l'ongle le long

de la plante du pied produit une sensation de douleur très vive. Ce

phénomène se produit avec un certain retard et persiste pendant

quelques secondes.

Les jambes sont maigres, mais la force musculaire est bien con-

servée. Rien d'anormal aux articulations. Quand le malade est

couché, le pied gauche prend la position de varo-équin par suite

d'un relâchement des muscles antéro-externes delà jambe. Par un

effort de volonlé le malade parvient à corriger cette position.

vicieuse du pied, mais aussitôt que l'attention du malade n'est pas

dirigée de ce côté, le pied retombe.

La sensibilité profonde (articulaire, musculaire) est profondément

troublée aux deux jambes. Si on lui croise les jambes, le malade,

ayant les yeux fermés, ne sait pas quelle jambe est dessus, laquelle

dessous. Il n'a aucune notion sur la position qu'on imprime à ses

articulations, et il ne sait pas apprécier le degré de contraction

des muscles des jambes (les yeux fermés naturellement). Tous les

mouvements des jambes au lit, même les plus simples, sont très

irréguliers et avec beaucoup d'écart.

1 Assis. Le malade étant assis, les genoux sont rejetés au

dehors, les cuisses en abduction, le pied gauche renversé. Pour se

lever de son siège le malade se cramponne avec les mains sur les

bords du fauteuil, ses genoux vacillent à gauche et à droite et il

redresse brusquement les genoux. Pour s'asseoir il ne fléchit pas

les genoux, mais se laisse tomber les jambes raides. Les pieds

volent en l'air quand il tombe dans le fauteuil. ·

Debout. Le malade ne peut pas rester debout seul. Il faut le

soutenir. Le pied gauche reste tordu et ne touche le sol qu'avec le

bord externe. Les deux pieds sont continuellement agités de mou-'

358 CLINIQUE NERVEUSE.

vements. De temps en temps la pointe du pied se relève et le ma-

lade pivote sur les talons. Quand on invite le malade de fléchir les

genoux, il les fléchit alternativement l'un après l'autre. Le signe

de Romberg est très prononcé.

Locomotion. En marchant le malade surveille attentivement

ses pieds, aussitôt qu'il lève les yeux, le pied gauche se renverse et

le malade tombe. Il n'a pas la démarche caractéristique des tabé-

tiques. Il ne frappe pas du talon le sol. Il a au contraire l'air de

toucher à peine le sol. Le malade met avec précaution le pied en

avant en laissant le corps en arrière. Il a l'air de marcher sur de

la glace. Pendant la marche les genoux fléchissent brusquement,

tantôt une jambe refuse de suivre, et le malade reste comme collé

sur place. Sans être soutenu le malade n'ose pas faire un pas.

Même soutenu il ne peut monter, ni descendre un escalier. On est

obligé de le porter.

Les réflexes rotulien, plantaire et crémastérien sont complète-

ment abolis.

Les organes thoraciques et abdominaux ne présentent aucune

anomalie. Constipation. Légère incontinence des urines le jour et

surtout la nuit. Le malade mouille souvent sa chemise.

Commencement du traitement le 12 mai 189b. Le malade n'a pu

suivre notre traitement que pendant quarante jours. Néanmoins

et malgré l'intensité de son incoordination motrice, il a été consi-

dérablement amélioré. Voici quel était l'état du malade avant son

départ. Il exécute assez bien tous les mouvements au lit. Au lit le

pied gauche ne se renverse plus.

Le malade s'assoit et se lève, sans canne, sans qu'on le sou-

tienne et sans qu'il ait besoin de regarder ses pieds. Le malade

marche assez convenablement à l'aide d'une canne dans la rue. On

n'a pas besoin de le soutenir. Il peut ainsi parcourir quinze cents

mètres. En marchant avec une canne, il n'a pas besoin de regarder

ses pieds. Dans l'appartement et dans le jardin il peut faire une

centaine de pas sans canne. 11 peut rester debout les pieds joints.

Il peut se tenir pendant quelques secondes sur une jambe. Enfin il

exécute assez bien tous les exercices. Le malade monte et descend

des escaliers en se tenant à la rampe, même les escaliers sans tapis

et cirés. En s'appuyant sur sa canne, il peut rester debout les

yeux fermés. Le ptosis est presque imperceptible.

On constate à l'examen une légère amélioration de la sensibilité

musculo-articulaire. Si on lui croise les jambes, il reconnaît main-

tenant quelle jambe est dessus, laquelle est dessous. Le malade

ayant les yeux fermés, reconnaît la position qu'on donne à son

articulation coxo-fémorale et à l'articulation du genou, si les mou-

vements imprimés aux articulations ont une grande amplitude.

L'articulation tibio-tarsienne est aussi anesthésique qu'au début du

traitement. L'amélioration de la sensibilité profonde est à peu près

TRAITEMENT DE l'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 359

égale à gauche et à droite. Depuis quelque temps la malade n'a

plus d'incontinence nocturne des urines, il n'a plus non plus

mouillé sa chemise le jour.

Les autres symptômes du tabes sont restés sans modifications.

15 mai 1896. D'après les nouvelles que nous recevons du

malade qui habite la province, l'état du malade va toujours en

s'améliorant. Il marche de mieux en mieux. Le malade continue les

exercices tous les jours.

Observation IX. Tabès dorsalis. Développement très lent de

l'incoordination motrice. Amélioration considérable de l'ataxie loco-

motrice après six semaines de traitement.

M. M..., âgé de cinquante-deux ans, fonctionnaire. Le grand-

père paternel est mort de paralysie générale. Pas d'autre hérédité

neuro ou psychopathique.

Antécédents personnels. - N'a jamais fait de maladie grave. Pen-

dant une dizaine d'années, excès alcooliques. Excès vénériens dans

la jeunesse. N'a pas eu de syphilis. Marié à l'âge de trente ans. Un

an après le mariage,' sa femme fit une fausse couche. Elle a eu

depuis trois enfants, dont le plus jeune est mort d'une méningite à

l'âge de cinq ans.

Début du tabes.- En 1882, le malade sentait ses jambes lourdes,

il lui semblait qu'il marchait sur du coton. Il n'était pas très ferme

sur ses jambes. A cette époque sensation de ceinture serrée et dou-

leurs fulgurantes dans les intestins. En même temps : affaiblisse-

ment de la puissance génésique et incontinence des urines. Signe

de Romberg dès le début. En 1885, douleurs fulgurantes dans les

pieds, les jambes et dans les trois derniers doigts de la main

gauche. En 1891, à la suite de quatre séances de suspension, amé-

lioration des symptômes vésicaux et des douleurs intestinales.

Jusqu'en 1893 le malade marchait et sortait seul. Il pouvait

ainsi faire encore plusieurs kilomètres. Cependant ses genoux Ilé-

cliissaieut souvent et il tombait fréquemment. Au mois de

juin 1893 le malade se fait une entorse légère au pied gauche, qui

le retient au lit pendant une dizaine de jours. A partir de ce

moment le malade n'ose plus sortir seul. Il se fait accompagner et

s'appuie au bras de la personne qui l'accompagne. Dès le début

de la maladie, c'était toujours la jambe gauche qui était la plus

mauvaise, elle lui obéissait toujours moins que la droite.

Etat actuel (5 juillet 1895. Le malade est de grande taille,

robuste. L'état général est excellent. Le malade dort et mange

bien. Très intelligent et d'humeur calme égale. Rien de particulier

dans la conformation de la tête, aucune asymétrie au crâne, ni à

la face; aucun stigmate physique de dégénérescence.

Yeux. - Pas de blépharoptose, ni de strabisme. Pas de diplopie.

360 CLINIQUE NERVEUSE. y

Les pupilles sont moyennement dilatées et égales des deux côtés.

Elles réagissent lentementà lalumière, mais très bien à l'accommo-

dation. Le malade a la vue bonne et distingue très bien les cou-

leurs. L'ouïe, le goût, l'odorat, la langue, les dents ne présentent

rien de pathologique. -

- E4xt ? -éniités supérieures. La sensibilité tactile, thermique et à

la douleur eat normale des deux côtés. La sensibilité profonde arti-

culaire et musculaire est normale dans le bras et dans la main

droite.

Main gauche. - Le malade ayant les yeux fermés ne sent pas

les positions qu'on donne aux doigts de cette main dans toutes les

articulations des doigts, ni les mouvements qu'on imprime à la

main sur l'avant-bras. Les moindres mouvements dans l'articu-

lation cubitale et scapulo-humorale du même côté sont parfai-

tement sentis. Il y a un certain degré d'incoordination dans les

mouvements de la main gauche. De temps en temps la malade a

des douleurs fulgurantes daus les trois derniers doigts de la main

gauche.

Extrémités inférieures. Sensibilité. Le toucher est normal

sur toute la surface des jambes, excepté à la plante des pieds, où

le malade sent un peu moins nettement. Il y a un certain retard

dans la perception de la douleur, surtout à la plante des pieds, où

ce retard est de quatre à cinq secondes. A mesure qu'on monte le

long des jambes ce retard diminue. Il disparaît à la hauteur des

genoux. Le malade n'a pas de thermo-anesthésie.

Phénomène plantaire. Le passage rapide de l'ongle le long de

la plante des pieds provoque une vive douleur (une cuisson), qui

persiste pendant plus d'une minute. Le malade croit que je l'ai

brûlé avec un thermocautère.

' La sensibilité profonde (musculaire articulaire) est très peu trou-

blée ; excepté à l'articulation des pieds, où le malade ne senl pas

les mouvements qu'on leur fait prendre. Aux genoux le malade

sentie moindre mouvement. Aux hanches le malade ne sent que

les mouvements à grande amplitude. Les petits écarts sont mal

appréciés, surtout les mouvements d'adduction et d'abduction de

la cuisse. Ces troubles sont à peu près égaux à gauche et à droite.

Les muscles sont bien conservés et la force musculaire est consi-

dérable. Rien d'anormal aux articulations.

Incoordinaton.- Couché. Quand le malade lève la jambe

droite d'une seule pièce, il se produit un mouvement de rotation

en dehors dans l'articulation coxo-fémorale, la pointe du pied est

dirigée en dehors. Ce phénomène est plus prononcé dans la jambe

gauche, puisqu'elle est violemment entraînée en dehors. Si le ma-

lade fait des abductions et adductions avec la cuisse, le genou étant

fléchi, il se produit des mouvements d'oscillation du genou à

gauche et à droite que le malade ne peut pas empêcher. En même

TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 361

temps, on constate que les muscles du mollet sont agités par des

contractions fibrillaires. Etant couché la tête basse, si le malade

essaie de s'asseoir sans s'appuyer de ses mains les jambes se sou-

lèvent, surtout la gauche.

Debout. Le malade ne peut pas rester debout les pieds joints.

Les jambes et les pieds sont agités de mouvements. Le pied gauche

tourne, malgré le malade, sur le talon et se place la pointe en

dehors. Les pieds se soulèvent sur les talons et le malade tombe en

arrière. Si le malade essaie de fléchir le corps en avant les

genoux fléchissent brusquement. C'est le genou gauche qui fléchit

le premier. Le malade s'assoit lourdement et se lève difficilement.

Le signe de Romberg est très prononcé.

Locomotion. Le malade peut marcher seul sans canne. La dé-

marche est franchement ataxique. Il talonne fortement. Le pied

gauche est placé avec le talon en dedans, la pointe dirigée en

dehors. Dans la rue, pour monter ou descendre un escalier, le ma-

lade prend le bras de la personne qui l'accompagne et s'appuie sur

une canne. Les réflexes rotuliens, plantaires et crémastériens sont

totalement abolis. ,

Le malade est constipé. Le jour il est forcé d'uriner souvent. La

nuit il a parfois de l'incontinence d'urine.

Aux organes internes rien de pathologique.

Commencement du t ? -aiteineizl le 5 juillet 1805. - Après six

semaines de traitement amélioration considérable de l'incoordi-

nation motrice. Le malade peut maintenant marcher seul pendant

plus d'une heure et demie, sans ressentir trop de fatigue après. La

démarche a complètement changé de caractère. Il ne frappe plus

le sol avec les talons. Il s'applique à marcher sur la partie anté-

rieure de la plante du pied. Il n'éprouve plus aucune difficulté

pour se lever et s'asseoir. Le .malade trouve que son corps est

devenu plus léger. Il monte sans difficulté les escaliers. Enfin il fait

tous les exercices avec beaucoup de régularité. Seul le signe de

Romberg n'est pas modifié.

La sensibilité profonde des articulations des pieds est toujours

aussi troublée qu'au début du traitement. L'incontinence vésicale

a été également favorablement influencée par le traitement. Le

jour le malade reste trois, quatre heures sans uriner. Depuis long-

temps il n'a plus eu d'incontinence la nuit.

ASILES D'ALIÉNÉS.

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YÛRK1

RAPPORT DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE POUR L'EXERCICE

fiscal 1894. (Imprimé en août 1895.)

(Analysé par le D DA121N.)

Deuxième partie. SYSTÈME DES asiles DE comtés (New-York, 4,

et Kings, 2).

La commission insiste sur l'urgente nécessité de rattacher ces

asiles (comme l'ont été ceux des 58 autres comtés de l'Etat de

New-York) au système gouvernemental. Si ce transfert n'est pas

possible, il faudrait au moins les soumettre à un conseil spécial,

pour les détacher du service de Charité et de correction.

La commission d'Etat exerce son contrôle sur tous les systèmes.

La municipalité a l'administration de ses asiles : deux médecins

directeurs généraux gouvernent l'un les quatre asiles de New-York,

l'autre les deux asiles de Kings Couuty.

Dans le courant de l'année 1891, le New-York Herald ayant

accusé l'administration de fautes graves, le maire de New-York

prescrivit une enquête dont, au termes de la loi devait être chargée P,

la commission d'Etat présidée par le D1' nlac-Donald ; L'attorney

général y assiste de droit. Le bureau des Charités et des corrections

s'y fit leprésenter par son président et d'autres membres. Enfin, le

New-York Herald y envoya également un délégué. Dans ces con-

ditions, l'enquête ne pouvait manquer d'être sérieuse.

Près de 100 témoins déposèrent sous serment et tous les docu-

ments réunis forment un ensemble de 5,730 pages.

Nous croyons devoir résumer les résultats de cette enquête, ce

qui nous dispensera de donner les réponses aux soixante questions

posées aux directeurs généraux des asiles, comme elles l'avaient

été aux directeurs des hôpitaux d'Etat, avec certaines modifica-

tions imposées par la différence des systèmes.

1 Voir Archives de Neurologie, n° 10.

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 363

Les accusations formulées par le New-York Herald se groupent

sous 16 chefs principaux : ,

1. On reproche à la commission de Charités et de Corrections

de négliger ses devoirs et responsabilités, d'avoir commis des in-

fractions aux lois de l'Etat, d'avoir fait des virements de fonds,

etc. L'enquête a établi, en effet, que cette commission négligeait

les visites et les inspections des asiles. La loi a voulu que l'admi-

nistration des asiles d'aliénés fût absolument distincte de celle

des établissements de correction ; on ne s'y est pas conformé.

2. On reproche au corps médical son incompétence, son insuf-

fisance et la négligence de ses devoirs. L'enquête le justifie abso-

lument. Le directeur général et les deux médecins en chef sont

signalés, en particulier, pour leurs mérites considérables et les

autres médecins sont généralement dignes d'éloges. La façon dont

ils s'acquittent de leurs fonctions est d'autant plus méritoire que

leurs appointements avec les accessoires (logement, ameublement,

nourriture etc.) ne répondent pas à la somme de devoirs et de

responsabilités qui leur incombent. Il

Indiquons, à ce propos, les traitements du personnel médical

pour les établissements de New-York, ceux des médecins des asiles

de Kings étant un peu inférieurs.

364 asiles d'aliénés.

qu'un pour 16 malades, la proportion étant de 1 pour 7 dans les

hôpitaux de l'Etat. Ils se plaignent de leurs salaires et de la nour-

rilure, et les infirmières viennent même de signer une pétition à

ce sujet. L'enquête insiste sur l'ensemble des qualités qu'exige un

bon infirmier. -

- -'4. La nourriture des malades est insuffisante en quantité, qua-

lité et variété, mal préparée et mal servie. C'est exact d'une

manière générale. On a soumis le régime réglementaire à l'exa-

men du professeur Flint, qui l'a reconnu suffisant, mais il n'a pu

naturellement se prononcer sur la qualité et la préparation des

aliments, ni sur l'exécution du programme. Quant au régime des

malades, il l'a jugé insulfisant comme variété. L'enquête a ap-

pris qu'on achetait bon nomhre d'articles à une maison qui fournit

aux établissements de charité et de correction, et que leur qualité

ne répond pas aux besoins des aliénés.

5. Le vêtement, le coucher et l'ameublement pour les malades

est insuffisant en quantité et de qualité inférieure. Reconnu

exact. En particulier, une'grande proportion des lits consistent eu

paillasses communes ; toutefois, on tend à leur substituer des cou-

chettes en fer et des matelas de crin.

6. On ne donnerait pas les stimulants alcooliques nécessaires au

traitement des malades. - Accusation légère qui tient probable-

ment à ce que le médecin en chef seul a le droit de prescrire ce

genre de stimulants et qu'il y a eu deux ou trois fois du retard dans

leur administration.

7. L'organisation des bains est insuffisante et on ne les donne

pas convenablement.

C'est vrai pour l'établissement qu'on vient d'acquérir à Ward'

Island ; mais, en général, l'organisation et l'administration des

bains, sont suffisantes. Toutefois l'enquête a appris que dans le

quartier des hommes, on avait parfois baigné plusieurs malades

dans la même eau.

8. Les instruments et appareils médicaux seraient fort insuffi-

sants. - L'arsenal, tout varié qu'il soit, est loin en effet d'être

aussi complet qu'il devrait l'être. Cependant, le Dr Dent, médecin

en chef, a déclaré qu'il n'avait jamais eu la moindre difficulté à

obtenir les instruments que pouvait nécessiter telle ou telle opé-

ration particulière.

9. Le scorbut régnerait dans les asiles, par suite de l'insuffisance

du régime. La vérité est qu'on voit, de temps en temps, des cas

sporadiques, chez des sujets dont les facultés digestives sont alté-

rées au point d'entraver l'assimilation d'aliments suffisants comme

quantité et variété ou chez ceux qui refusent de se nourrir. Chaque

fois que ces cas se sont présentés (comme cela arrive dans les

grands asiles) on les a promptement traités par une médication

appropriée et un changement de régime.

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 36S

10. On a signalé la mort d'un malade par des doses exagérées

de drogues puissantes. En effet. une femme recevait de temps

en temps, jusqu'à 7 gr. 20 de morphine à la fois ; 0 gr. 60 d'hyos-

cyamine ; 5 gr. 5 de chloral. Le médecin qui a prescrit ces doses

dit que la malade avait une tolérance remarquable pour ces dro-

gues, etc. La commission ne peut admettre ces raisons et blâme

absolument ces doses excessives, bien que la mort n'ait probable-

ment pas été due à leurs effets immédiats.

11. On n'isolerait pas convenablement les sujets atteints de

maladies infectieuses, négligence qui aurait entraîné au moins un

cas de mort. -En effet, on n'a pas toujours, faute de place, isolé

des sujets atteints de phtisie pulmonaire. Le cas de mort se rap-

porte à une femme accouchée dans une salle où il y avait des éry-

sipèles. On en fait remonter la responsabilité à la doctoresse char-

gée de l'accouchement. Dans un autre cas, la victime aurait été

infectée avant son admission.

12. On aurait fait faire à des malades femmes des travaux exces-

sifs et peu compatibles avec leur sexe. Dans un asile, on a, il

est vrai, fait blanchir des murs à la chaux par certaines femmes

fortes et vigoureuses. Mais, la commission n'a pas retrouvé sur

leurs mains les lésions que l'accusation signalait comme des effets

corrosifs de la chaux. On a d'ailleurs renoncé à cette pratique.

On a prétendu aussi que certaines femmes avaient eu de l'hygroma

des genoux après le frottement des parquets. Mais l'hygroma se

produit souvent sans cause apparente, et le travail en question

n'excède pas les forces de la femme, à la condition d'être modéré.

13. On a dû abandonner un asile délabré pour transférer les

malades dans un autre avant que celui-ci fût complètement amé-

nagé, d'où beaucoup d'incommodités et de fatigues imposées aux

pensionnaires et au personnel. Le fait est vrai, mais tout est

rentré dans l'ordre aujourd'hui.

14. Il y aurait eu des internements illégaux et des détentions

prolongées indûment après la guérison des malades.

La commission n'a pu découvrir aucun fait justifiant ces accusa-

tions.

15. Les asiles ne présenteraient pas des facilités suffisantes pour

la distraction et l'occupation des malades. C'est exact pour cer-

tains asiles qui restent, sous ce rapport, fort au-dessous des

moyens dont disposent les hôpitaux de l'Etat.

16. Les asiles seraient beaucoup trop encombrés. - En effet, le

directeur général reconnaît que les asiles renferment actuelle-

ment 2,500 malades de plus qu'ils n'en peuvent contenir. Les lits

se touchent dans les dortoirs, etc., etc. Les bâtiments sont défec-

tueux. Dès 1891, la législature avait autorisé la ville de New-York

à contracter un emprunt de 2 millions et demi pour faire de nou-

velles constructions et réparer les anciennes; on a commencé les

366 ASILES d'aliénés.

travaux et il faut espérer que l'on remédiera bientôt aux vices

signalés et qui ne sont que trop réels.

17. La commission ne s'est pas tenue à l'examen des points

saillants des accusations du Herald; elle a voulu étudier tous les

détails de l'administration et elle est convaincue que les défauts

relevés tiennent au système lui-même et qu'on n'y remédiera

qu'en rattachant les asiles municipaux aux hôpitaux d'Etat.

Le budget de l'assistance des aliénés est alimenté par une taxe

spéciale. Or, la ville de New-York contribue aux dépenses de tous

les aliénés de l'Etat et sa part se monte à environ 45 p. 100 du

total, c'est-à-dire à 3 millions par an, en chiffres ronds; mais il

faut qu'elle paie en outre pour ses propres aliénés. C'est donc une

double taxation '. Mais elle a le droit de confier à l'Etat le soin

et l'entretien de ses fous; ce qui serait tout à la fois une économie

pour les contribuables et un bienfait pour les aliénés. Et pourquoi

refuser à ceux-ci de meilleurs soins et plus de chances de guérison ?

Beaucoup d'entre eux raisonnent et jugent sainement en dehors

de leurs aberrations mentales, et ne sont pas insensibles aux bons

et aux mauvais traitements. En outre, ils sont victimes d'une

maladie qui, à l'inverse des autres, exige en règle générale la pri-

vation de la liberté comme nécessaire à la guérison. C'est là ce

qui- autorise l'Etat à édicter pour eux des mesures spéciales. Les

aliénés sont particulièrement les pupilles de l'Etat et ils sont à

son égard dans une relation semblable à celle des enfants envers

leurs parents, c'est là un principe admis par toutes les nations

civilisées. Les caractériser comme des pauvres, simplement parce

qu'ils reçoivent l'assistance publique, et se borner à leur accorder

les soins qu'on donne ordinairement aux indigents, serait d'une

injustice flagrante. Il ne faut pas oublier que beaucoup d'entre

eux ont été des contribuables jusqu'au début de leur maladie. Le

terme de pauvre ne peut donc convenir qu'à un petit nombre de

ces malheureux. Beaucoup s'ils avaient une autre affection, seraient

soignés chez eux ou par leurs proches. Ils représentent toutes les

couches sociales, etc., etc.

C'est un fait bien connu que l'Etat est toujours plus large et

1 L'entretien de ses propres aliénés a coûté (en 1893-94) à New-York

4,500,000 francs. Outre les 3 millions représentant sa part dans les dépenses

des aliénés de l'État, elle a payé 45 p. J00 des constructions nouvelles,

réparations, etc. Soit 2,250,000 francs. Puis ses propres constructions

1,500,000. Total 11,400,000 francs. le calcul montre que le rattachement

des Asiles à. l'État économiserait à la ville 3,300,000 francs par an.

La loi a autorisé la ville de New-York à soigner elle-même ses aliénés,

parce que la ville a construit des asiles spéciaux au lieu de maintenir

les fous dans les dépôts de mendicité, comme cela avait lieu dans les

autres comtés de l'État, avant la promulgation de la loi sur l'assistance

des aliénés.

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS l'ÉTAT DE NE1V-YURIC. 367 î

plus libéral, en matière d'assistance, que ne le. sont les autorités

locales. En d'autres terme», l'expérience a montré partout que

plus les rapports sont intimes entre le pouvoir créditeur et la loca-

lité où doivent se dépenser les crédits ouverts pour les besoins

d'assistance, plus le pouvoir est parcimonieux. Et, de fait, les

aliénés ont toujours souffert de l'administration locale. La commis-

sion émet donc le voeu que les asiles de comtés soient rattachés le

plus tôt possible au système des hôpitaux d'Etat.

Troisième partie. - Etablissements privés S

Ces établissements doivent, comme chez nous, être autorisés par

le gouvernement et sont placés sous la surveillance de la commis-

sion d'Etat, qui impose aussi un questionnaire auquel doivent

répondre tous les directeurs successivement. Le rapport de cette

année signale le danger des maisons consacrées au traitement des

maladies nerveuses qui échappent à la surveillance de la commis-

sion et qui devraient être également soumises à l'autorisation gou-

vernementale. Il y a, dans l'état de New-York, 18 établissements

privés d'aliénés, pouvant recevoir depuis 12 malades jusqu'à 375,

volontaires ou d'office. La population journalière moyenne a été

de 863 dont 142 guéris (10,45 p. 100) et 95 morts (11,01 p. 100).

La commission classe, sous le nom d'ineb ? ,itiles (enivrés) les alcoo-

liques, les morphinomanes, etc. L'établissement pouvant contenir

375 pensionnaires a eu, dans l'année, 12 hommes et 2 femmes ine-

brialcs, devenus fous, dont 9 sortis guéris et 5 améliorés.

Dans les 17 autres, il y a eu 14 inebriates, non aliénés, et sortis

plus ou moins améliorés.

Tous ces établissements réunis n'ont reçu, dans l'année, que

3 fous congédiés comme guéris l'année précédente. Ils comptent

36 médecins (soit 1 par 24 malades). Quelques-uns sont proprié-

taires et ont des médecins adjoints ou des consultants. La plupart

résident dans l'établissement ou ses dépendances.

Ces maisons rivalisent de zèle pour les soins et le traitement des

malades, électricité, hydrothérapie perfectionnée. - Jeux variés,

musique, théâtre, danses, promenades, etc., etc. ' ' *

Elles utilisent, en général, les draps de protection et la camisole

comme moyens de contrainte mécaniques qui, dans certains cas,

« sont aussi nécessaires que les attelles ou les appareils inamovibles

pour les fractures ».

Jamais les sédatifs, narcotiques, etc., ne sont prescrits comme

substituts de ces moyen de contrainte.

Pour les exercices et les promenades à l'air libre, on n'a point,

dans ces établissements, de petits espaces clos, qui peuvent avoir

leur utilité dans les grands asiles publics, à la condition d'être

gazonnés et ombragés.

368 ASILES d'aliénés.

En moyenne, il y a 1 gardien ou infirmier pour 3 malades. La

surveillance de nuit s'exerce à tour rôle.

En général on n'emploie pas de femmes dans les quartiers

d'hommes; cependant, dans un établissement, il y a une soeur de

charité dans chaque salle et des femmes dans les réfectoires. La

plupart des rapports ne sont pas favorables à la substitution des

femmes aux infirmiers. Les autres reconnaissent ses avantages

dans certains cas.

Les salaires des employés varient beaucoup suivant les maisons.

Les hommes reçoivent depuis 70 francs jusqu'à 150 francs par

mois; les femmes ne dépassent guère 100 francs. Cependant les

infirmiers qui ont suivi des cours spéciaux, peuvent gagner jusqu'à

300 francs. Le nombre en est d'ailleurs fort limité et leur recrute-

ment, dit un rapport, est fort difficile à New-York. Sur 280 em-

ployés environ, il y a eu beaucoup de renvois et de démissions

pendant l'année : métier pénible et pas très bien rémunéré.

Les malades des deux sexes n'ont généralement pas de réfec-

toires communs. On n'approuve pas cette communauté. Cependant

dans les petits établissements, on les réunit parfois à la table de

famille.

Prix de la pension par semaine. Le minimum varie générale-

ment de 50 francs à 375 francs par semaine. Le plus grand établis-

sement a 6 p. 100 de malades gratuits. Par contre, son prix maxi-

mum est de 750 francs par semaine, voilà ses deux extrêmes. La

maison estime ses frais à 50 francs par tête. Elle perd sur environ

la moitié de ses pensionnaires. L'ensemble des 18 établissements

a reçu, dans l'année, 70 malades volontaires, 43 hommes, 27

femmes.

Cinquième partie. Documents statistiques

Ils sont très nombreux et occupent près du tiers du rapport.

Nous n'en extrairons que les plus généraux.

ASSISTANCE DUS ALIÉNES DANS L'ETAT DE NE'Y-YORK. : 169

3ïO

ASILES D ALIENES.

Les recettes pour l'année fiscale 1894. (Impôts, pensionnaires,

payants, etc.)

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 371

372 ASILES D'ALIÉNÉS.

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 373

374 asiles d'aliénés.

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 375

376 asiles d'aliénés.

Durée de l'internement

des malades restant

Durée alléguée de la folie antérieurement en traitement il la fin

il l'admission îles malades reçus pendant de l'année fiscale 1894

l'année 18lHe (dans les hôpitaux d'Etal). (30 septembre).

ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS l'ÉTAT DE NEW-YORK. 377

Lieux de naissance.

Sur les 4,001 malades admis en t80t, 2,320 étaient nés aux États-Unis.

Le reste est de toutes nationalités, mais surtout du Canada, 107 ; de

l'Angleterre, 117 ; de l'Allemagne, 422 ; de l'lrlaude, 633 ; de la France, 22.

Traitements et salaires du personnel des quatre asiles de New-York.

(BUDGET DE 1895.)

378 ASILES d'aliénés.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XIV. Des GUÉRISONS tardives; par le De Cuatelin.

Les deux observations citées tout au long par l'auteur montrent

qu'il ne faut jamais se hâter de donner un certificat d'incurabilité.

Il s'agit de deux malades qui, après un séjour de huit années à l'asile,

furent rendus à leur famille sans que leur état mental se fût beau-

coup modifié. L'auteur eut l'occasion de les voir quelques années

plus lard, et fut surpris de les trouver guéris.

L'histoire de ces deux malades montre bien qu'il faut se garder

d'oublier dans les asiles les aliénés, même les plus incurables en

apparence, de les condamner, en quelque sorte, à l'internement

perpétuel. Lorsque, malgré tous les efforts du médecin, un cas

devient décidément chronique, c'est souvent un devoir, si l'état du

malade permet de le faire sans danger pour lui-même ou pour

autrui, de tenter un essai de sortie lorsque les circonstances per-

sonnelles s'y prêtent.

La guérison restera toujours une très rare exception, mais beau-

coup se trouveront fort bien de ce retour à la vie de famille. Il est

certain qu'un grand nombre de ces chroniques et de ces incurables

tranquilles qui encombrent les asiles pourraient avec beaucoup

d'avantage être gardés à domicile, ou placés en pension chez des

étrangers, ou enfin colonisés.

Dans l'asile, ils glissaient plus ou moins fatalement sur la pente

qui conduit à la démence; dehors, ils ont bien plus de chances d'y

échapper. {Annales médico-psychologiques. Juin 1896.) E. B.

XV. Revue critique suit la PSYCHOSE POLYNEVIUTIQUE ;

par le D1' G.-C. Ferrari.

L'auteur remarque d'abord que le premier mémoire de Korsa-

off (1887), travail qui n'a jamais été traduit du russe, avait pour

titre : Un trouble de l'activité psychique dans la paralysie alcoolique

et ses relations avec les troubles analogues dans la névrite multiple

non alcoolique; que le deuxième mémoire (1890), aussi en russe,

avait pour titre : Quelques cas d'une cérébropalhie spéciale dans la

380 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

névrite multiple; et que ce n'est qu'en écrivant en allemand,

quelque temps après, qu'il inventa le nom de « psychose polyné-

vritique », bientôt remplacé par celui de « cérébropathie psychique

toxhoemique ».

En outre, avant 1887, d'autres auteurs : Joffroy )i882), Fischer

(1882), Strümpell (1883), Bernhardt (1886), Oppenheim, la même

année, avaient signalé la présence de troubles mentaux chez les

alcooliques et, de plus, loin d'admettre leur relation avec la polyné-

vrite, ils avaient attribué leur origine à l'altération des centres

nerveux.

Ensuite Korsakoff avait décrit trois formes, d'ailleurs ordinaire-

ment coexistantes et peu distinctes entre elles :

La première, diminution de l'irritabilité de la sphère psychique;

la deuxième, confusion et illusions sur l'espace, le lieu et la

situation ; -- la troisième, amnésie aiguë des événements récents

surtout, tandis que les faits anciens peuvent rester tout à fait

vivaces.

En un mot, la maladie de Korsakoff, consiste principalement, au

point de vue mental, en une amnésie. Mais cette amnésie ne se

rencontre pas uniquement dans des cas de polynévrite. En ell'et

on la trouve dans :

1° Cas de névrite multiple due à l'alcoolisme;

Cas de névrite multiple due à d'autres causes;

3° Cas d'alcoolisme sans névrite.

4° Cas dans lesquels les facteurs étiologiques d'une névrite

existent sans que la névrite se soit produite.

5° Après une psychose aiguë, ainsi que le prouve une observa-

tion du Dr Neisser (1889).

De plus, non seulement cette amnésie peut rencontrer une étio-

logie autre que la polynévrite, mais encore, de par ses caractères

propres, on est conduit à lui donner une origine certaine dans les

centres nerveux. j)

En effet, le trouble de la mémoire qui constitue presque en entier

la maladie de Korsakoff a été dénommé : amnésie antérograde

(Charcot); amnésie antérograde de conservation (Sollier); amnésie

d'évocation (Colella : psychose polynévntique, Naples 1894).

Elle suit les règles données par Ribot pour la régénération et la

reconstitution de la mémoire.

Il y a dissociation des processus de perception et d'aperception

(Wundt), c'est-à-dire que ce n'est pas tant un trouble de la mémoire

qu'une altération de l'attention : « L'oubli dépend plutôt pour moi,

dit un des malades de Colella, du manque de l'intérêt que je porte

habituellement aux faits environnants. »

Or, si, comme Wundt et Rastian l'ont bien montré, on considère

que l'attention est une manifestation de la volonté, et si, d'autre

part, on se souvient que Kroepelin a prouvé que les poisons dits

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 381

nervins agissent principalement sur la volonté, on voit à l'altéra-

tion de quelle partie du système nerveux l'on doit attribuer la pro-

duction du nouveau syndrome décrit par Korsakoff.

En fin de compte, conclut Ferrari, c'est à tort que l'on a consi-

déré la psychose polynévritique comme une maladie per se. (The

alienist and neurologist. Janvier 1896.) E. la. ).

XVI. Trois cas de perversion sexuelle; par le Dr Lee HOWARD.

L'auteur rapporte, sans commentaires, les observations suivantes.

1° Un musicien de quarante ans (père tuberculeux, mère névro-

pathe), est pris à l'âge de vingt ans et après une crise hystérique

de l'envie soudaine de pratiquer l'onanisme buccal. Il regardait

l'ingeslion de sperme comme un stimulant puissant. Ni pédérastie,

ni sodomie. Le besoin était chez lui si fort qu'il disait qu'à l'occasion

il ne reculerait pas devant un crime pour se satisfaire. C'était un

alcoolique, mort tuberculeux.

2° Une femme de trente-neuf ans, ayant pratiqué l'onanisme et

le saphisme depuis son enfance, s'est mariée à vingt ans. Elle

n'éprouve aucun plaisir dans ses rapports avec son mari, car il lui

faut à chaque coït un individu différent. A n'importe quelle heure

du jour ou de la nuit elle sort tout à coup pour ramener un

homme qui lui pratique l'onanisme après le coït.

Elle a, un jour, volé le pantalon d'un de ses hôtes et en le cares-

sant elle éprouve l'orgasme vénérien. Une autre fois elle a été

arrêtée pour vol d'un pantalon dans un magasin.

3° Un garçon de seize ans qui volait des truies pour les caresser

en secret. Il aimait les odeurs de fumier et de boue. Il ne se mas-

turbait pas, mais il avait des pollutions nocturnes en évoquant

l'image d'une truie en train de se vautrer dans la boue. (The alie-

nist and neurologist. Janvier 1896.) E. B.

XVII. Etat présent DE l'aliénation mentale DANS LE üASSACIIUSETTS

par le D1' SAXHORN.

Au recensement de 1893, le Massachusetts a fourni 2,500,000 ha-

bitants : la population a doublé depuis trente ans.

Mais alors qu'il y a trente ans il n'y avait que 2,500 aliénés, il y

en a 7,500 à l'heure actuelle, c'est-à-dire que le nombre des aliénés

a triplé. Pendant cette période de temps, six asiles publics ont été

construits il grands frais, sans compter de nombreux asiles privés.

Le nombre des admissions par année est, en moyenne de 2,200

sur lesquelles 1,500 malades sont admis pour la première fois; ces

derniers donnent une statistique de 30 guérisons pour 100.

L'auteur se félicite des résultats obtenus par la commission spé-

ciale instituée en 1879, pour l'examen des malades à interner.

(Amrt'ican journal ofinsanity. Avril 1896.) E. fiLIN,

382 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XVIII. Stigmates DE dégénérescence; par le D1' Iflvitl NEEF.

L'auteur publie quelques cas cliniques destinés à montrer la pré-

sence de signes physiques de dégénérescence dans les psychoses

-dégénératives.

Il termine son étude par un tableau d'histoire familiale qui met

bien en évidence les résultats funestes de la consanguinité et la

transmission fatale des défectuosités mentales et physiques. (Amc-

Tican journal ofinsanily. Avril 1896.) E. B.

XIX. Folie épileptique; par le Dl' G. ]\a;UN.\N.

Toutes les psychoses peuvent se présenter dans l'épilepsie et être

modifiées légèrement par l'état épileptique coexistant, telles la

mélancolie, la manie, la confusion mentale aiguë, la catatonie, la

démence paralytique, mais ce ne sont pas là de véritables psychoses

épileptique ? .

L'épilepsie larvée de Morel ou épilepsie masquée des auteurs

anglais parait à l'auteur la forme la plus pure de l'équivalent

psychique de la crise épileptique.

Il y a, chronologiquement, cinq variétés d'aliénation mentale

dues à l'épilepsie : la folie préépileptique, l'équivalent psychique de

l'attaque, la folie postépileptique, la folie intermédiaire à deux

attaques et la démence épileptique.

La folie épileptique produit environ 4,5 p. 100 des cas de folie et

il est probable que seul l'équivalent psychique de l'attaque est

plus fréquent qu'on ne l'indique ordinairement, cela d'autant

mieux que souvent l'équivalent psychique de l'attaque se manifeste

sous forme d'une perversion morale, dipsomanie, exhibition,

kleptomanie, sans compter les impulsions homicides.

Les psychoses épileptiques sont caractérisées par leur extrême

violence, les hallucinations primitives, l'apparition brusque des

symptômes : toutefois, même en démence, les épileptiques con-

servent leur caractère sournois et perfide. (American journal of

insanity. Avril 1890.) E. B.

XX. Inversion sexuelle CHEZ l'homme; par le Dr Havelock ÉLUS.

Lorsque l'instinct sexuel fait son apparition chez l'adolescent, il

est beaucoup moins spécialisé qu'il ne le deviendra plus tard; non

seulement il n'est pas encore, d'une façon définie, dirigé vers une

fin sexuelle spécifique mais le sexe de son objet peut encore être

incertain.

Max Dessoir, dans une récente étude psychologique de la vie

sexuelle, arrive à cette conclusion « qu'un sentiment sexuel non

différencié est normal, en général, pendant les premières années

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 383

de la puberté, de treize à quinze ans chez les garçons et de douze

à quatorze chez les filles. Plus tard, cette non différenciation est

pathologique. Il ajoute qu'à cet âge précoce, l'émotion sexuelle

n'est pas encore localisée dans les organes sexuels. » L'auteur, qui

partage cette opinion, estime que la vie de pension joue un certain

rôle dans le développement de l'inversion sexuelle. Lorsque les

jeunes gens quittent la pension, ils se trouvent mêlés aux hommes

et aux femmes, et leur instinct sexuel se dirige en général vers la

voie normale, alors que s'effacent ces affections de pension dont

on ne saurait quelquefois dire si elles sont de l'amitié ou de l'amour.

Mais un certain nombre de gaiçons restent insensibles à l'in-

fluence de la femme : on peut les regarder comme de vrais invertis

sexuels.

La classification des variétés d'inversion sexuelle est chose diffi-

cile ; doit-on regarder tous les cas comme acquis ou tous les cas

comme congénitaux ?

Laissant de côté les cas plus ou moins morbides dans lesquels des

vieillards plus ou moins impuissants sont attirés par des enfants,

l'auteur estime que l'inversion sexuelle acquise est rare et que dans

presque tous les cas on trouve un élément congénital.

Il n'adopte d'autre classification que la distinction clinique entre

l'inversion simple et l'hermaphrodisme psycho-sexuel, la première

classe comprenant tous les individus qui ne sont attirés sexuelle-

ment que par leur propre sex.e, la seconde classe comprenant ceux

qui sont attirés par les deux sexes.

Après avoir cité de nombreux exemples des deux catégories,

l'auteur se réserve d'examiner, dans une prochaine publication le

traitement de l'inversion sexuelle et l'attitude de la loi à l'égard de

cette perversion. (Anzerican journal of insanity. Avril 1896.)

E. B.

XXI. La folie PARALYTIQUE. - Conférence donnée à la réunion

scientifique d'Anvers, par le U'' PEETERS. (Bztll. de la Soc. illed.

ment, de Belgique, juin 189.)

XX11. pSEUDO-l'ARALYSIE générale A symptomatologie incomplète ;

par le Dol Francotte. (Bdl. de la Soc. ilIed. ment, de Belgique,

juin 1893.)

On trouvera dans cette note l'observation de deux malades

ayant des habitudes alcooliques, qui ont présenté tous deux un

délire mégalo-maniaque, absurde, exagéré et changeant, accom-

pagné de modifications pupillaires, mais sans trouble marqué de

la parole. L'un de ces malades a guéri complètement, et cette gué-

rison se maintient depuis trois ans. L'autre avait déjà présenté un

accès de délire ambitieux quinze ans avant son entrée à l'asile, il

384 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

s'agissait donc, chez lui, d'nne récidive à longue échéance, fait qui

ne saurait s'observer dans la paralysie générale vraie. Il s'agissait

donc, dans ces deux cas, d'accidents alcooliques ayant revêtu le

masque de la paralysie générale progressive. G. DENY.

XXIII. LES établissements POUR LE traitement des BUVEURS en AN-

GLETERRE ET aux Etats-Unis. Projets DE création d'asiles D'ALCOO-

LIQUES EN AUTRICUE et EN France; par le D` P. Sérieux. (l1l/ll.

de la Soc. de Méd. ment, de Belgique, juin 1895.)

XXIV. Troubles psychiques après l'opération DE la cataracte; par

R. Lowy. (Allg. Zeitschr. f. Psychiatrie, t. LU, fasc. 1, p. 166-184.)

\

Le médecin aliéniste a rarement l'occasion d'observé; des

troubles psychiques consécutivement à l'opération de la cataracte;

d'abord parce que ces psychoses sont peu fréquentes, et ensuite

parce qu'elles évoluent, souvent rapidement, dans les cliniques

d'ophtalmologie. Aussi est-ce aux oculistes qu'on doit les premières

observations de ce genre. Siehel, en 1863, en a observé trois cas,

caractérisés par un état de mécontentement, un besoin de disputes,

des plaintes à propos des mauvais traitements qu'ils subissaient;

les malades courent en vociférant, veulent rentrer à la maison,

parlent d'une façon incohérente, veulent arracher leur pansement,

insultent l'entourage. Ces troubles ne se produisent que le soir et

durent toute la nuit. L'auteur rappelle les observations de Lanne,

de Magne, de Arlt, de Schmid-Rimpler, de Schnabels, de Lande-

berg, etc., dont il reproduit les points intéressants. Il insiste sur le

travail de Frankl-Hochwart qui a étudié 27 cas de ce genre et les a

classés en quatre groupes :

1° Confusion hallucinatoire chez des sujets âgés de trente à

soixante ans ; 2° confusion simple chez des séniles ; 3° psy-

choses chez des alcooliques chroniques; 4° confusion chez des

individus cachectiques, suivie de mort.

Le premier groupe est caractérisé, d'après Frankt-Honhwart, par

l'apparition d'hallucinations terrifiantes, d'un état d'anxiété et de

confusion. Il importe de faire remarquer que dans tous les cas où il

s'est agi de malades jeunes les troubles psychiques ont duré long-

temps, parfois leur apparition a été tardive; enfin le pronostic a

été peu favorable.

Le second proupe (psychoses séniles) comprend des formes à

évolution plus rapide, à symptômes moins bruyants et à pronostic

meilleur.

Dans le troisième groupe prédominent les hallucinations ; le

pronostic est favorable (psychoses chez des sujets alcooliques).

Enfui le quatrième groupe comprend les délires d'inanition.

Frankl-Hochwart fait jouer un rôle important dans la patho-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 385

génie des troubles psychiques observés aux lésions des nerfs du

globe oculaire. Il rappelle le rapport qui existe entre les affections

des nerfs (névralgies) et les psychoses et les faits déjà connus de

troubles psychiques consécutifs à des blessures du globe de l'oeil. Il

tient compte aussi des influences morales (crainte de perdre com-

plètement la vue), de l'âge avancé, du séjour dans l'obscurité, du

repos absolu, de l'isolement complet.

L'auteur donne une observation personnelle dans laquelle on

peut relever divers facteurs étiologiques, entre autres l'ignorance

dans laquelle se trouvait le malade qu'il dût rester dans l'obscurité

après l'opération. Or, ce patient, comme la plupart des sujets qui

se présentent à la consultation des cliniques, appartenait aux

classes sociales inférieures; il était d'un âge avancé. Il arrive à la

clinique persuadé qu'on va lui rendre la vue immédiatement et

après l'opération le voilà plongé dans une nuit permanente, il lui

faut garder le repos le plus complet; autour de lui on observe

le silence. La situation dans laquelle il se trouve contraste violem-

ment avec ce qu'il attendait. D'où des réactions variées : défiance,

colère, anxiété, idées de persécution.

Il faut tenir compte aussi du genre de vie antérieur du patient.

A Pavie et à Innsbriick où les malades viennent en grande partie

des campagnes voisines, les psychoses ne sont pas rares après l'opé-

ration de la cataracte. Il n'en est pas de même à Turin, où la

plupart des opérés viennent de la ville même ; le séjour à l'hôpital

n'est pas, comme pour les sujets précédents, un brusque change-

ment dans leur manière de vivre.

On ne peut admettre que les psychoses en question soient seule-

ment un chapitre des délires séniles : Frankl-Hochwart les a

observées chez des sujets jeunes; en outre il y a des différences au

point de vue clinique.

Récemment Mendel a placé l'opération de la cataracte parmi les

moments étiologiques du délire hallucinatoire, qui n'a rien à voir

avec le délire des séniles. P. Sérieux.

XXV. Observation DE paralysie générale a forme CIBCUL41RG ;

par FpOENKEL. (Nezrrolog. Central., XIV, 1895.)

Malade observé pendant cinq ans et demi, de 1875-1889. Autop-

sie. L'observation peut être ainsi divisée : 1° mélancolie pendant

six mois, puis santé apparente de quatre semaines ; 2° manie avec

mégalomanie, et périodes dépressives, avec idée d'empoisonne-

ment, puis amélioration pendant cinq mois et demi ; sortie ;

3° stade d'alternance journalière d'idées délirantes expansives et

dépressives, puis agitation persistante avecsymptômes de démence;

4° calme graduel, suspension des conceptions délirantes et des

hallucinations de l'ouïe ; 5° extrême agitation, idées persistantes

Archives, 2° série, t. II. 25

386 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

de grandeur, instincts destructeurs, impulsifs pendant quatre mois.

Repos pendant un mois ; 6° mobilité extrême et quotidienne de

l'humeur (deux mois), puis, dépression profonde ét persistante

(deux mois), calme pendant un mois; 7° signes physiques de

paralysie générale avec déchéance (trois mois); pendant sept mois,

démence progressive, attaques épileptiformes, mort rapide de

pneumonie. Autopsie confirmative. P. K.

XXVI. Observation DE paralysie générale infantile; par BRESLER.

(Neurolog. Cenlralbl., XIV, 1895.)

Fillette de treize ans et demi. Parait avoir eu d'abord une choréee

vraie et non des accidents choréiques consécutifs à un ictus apo-

plectique passé inaperçu. Paralysie générale démentielle, arrêt

de développement consécutif à l'explosion de la maladie. Tare

héréditaire, et peut-être syphilis héréditaire (foie un peu plus volu-

mineux que normalement, parsemé de taches jaunes du diamètre

d'une pièce de cinquante centimes). Pendant les attaques conges-

tives on constatait un nouveau symptôme; pendant que les globes

oculaires se tournent d'un côté, au même moment la tête se tourne

promptement du côté opposé (déviation croisée alterne). P. K.

XXVII. NOTE sur l'imbécillité; par M. le Dr COGNETTI DE AIARTITS.

(Extrait de la Poglia medica, 3e année, n° 7.)

L'imbécillité a beaucoup de degrés, d'une part elle confine à l'i-

diotie ; mais, d'autre part, elle arrive à se rapprocher de l'intelli-

gence normale. Dans ce dernier cas, elle n'est pas toujours facile

à reconnaitre, aussi n'est-il pas surprenant de voir qu'on adme,

parfois de ces sortes d'imbéciles supérieurs, pour ainsi dire

Les examens médicaux qu'ils ont subis avant d'être incorporés,

n'ont pas permis de reconnaître les imperfections de leur état men-

tal. Qu'arrive-t-il alors ? Ces individus ne peuvent, ni apprendre le

métier militaire, ni se plier à la discipline. Toujours en faute, tou-

jours punis, ils passent vite pour mauvais sujets. Il faut que ces

malheureux soient par hasard, pour une raison ou pour une autre,

envoyés dans un hôpital, pour qu'on les étudie sérieusement. On

les soumet là à un examen véritablement médical et anthropolo-

gique, et quand on a reconnu chez eux une infériorité mentale ou

des perversions psychiques incompatibles avec le service militaire,

on les propose pour la réforme. L'auteur a pu recueillir à l'hôpital

de Spezia, pendant le courant de l'année, trois exemples de ce

genre. Il s'agit de trois marins de l'Etat.

1° L..., vingt-trois ans, une soeur grabataire par le fait d'une

maladie nerveuse ancienne. Lorsqu'il habitait avec sa famille, il lui

arrivait souvent de se lever la nuit et de se livrer à des excentri-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 387

cités. Le jour il abandonnait son travail et allait se cacher dans des

endroits où on ne pouvait le trouver. A quinze ans, troubles uri-

naires particuliers ; dès qu'il se sentait le besoin d'uriner, il fallait

qu'il se satisfit où qu'il se trouvât. Au service, il ne put apprendre

la manoeuvre du canon. Mou, paresseux, arrogant, mauvais sujet

sans cesse puni. - Ce jeune homme présente de nombreux signes

physiques et psychiques de dégénérescence : grande envergure,

trop grande, oreilles en anse, sensibilité tactile amoindrie dans

toute une moitié du corps, mancinisme, etc. Physionomie stupide,

mimique exagérée, surtout la mimique de la face; tic particulier

des lèvres produisant une sorte de sifflement, d'où son surnom de

le Siffleur. Par ses lettres on reconnait qu'il était crédule à l'excès,

dépourvu de jugement et de tout sens critique. En résumé, c'était

un sujet inintelligent, paresseux, étourdi, querelleur.

2°R..., vingt-un ans, parents ivrognes et de mauvaises moeurs.

Enrôlé dans les torpilleurs,il neputapprendrelarnauceuvre. Lavue

seule du costume de plongeur lui causait une angoisse indicible, il

pleurait et refusait de le vêtir. Il devint bientôt mélancolique et

apathique. Une fois il voulut se laisser mourir de faim, une autre

fois, il chercha à se sauver. Tous ses camarades, croyait-il, étaient

ligués contre lui. - R... aussi présentait de nombreux stigmates

de dégénérescence physiques et mentaux, des tics de la face entre

autres. Facies sans expression, conceptions difficiles, lentes et, du

reste, rares, pas de mémoire, bégaiement de l'écriture (transposi-

tion et oubli continuels des lettres en écrivant).

3° G..., vingt ans. Père alcoolique. Trois frères, l'un homicide,

l'autre condamné pour rapt d'une jeune fille, le troisième sourd

et presque idiot. Ce G... dès son arrivée au service se montra arro-

gant, sans tenue, brutal, batailleur. Observé à l'hôpital, on trouve

chez lui de l'asymétrie faciale et un grand nombre d'autres stig-

mates de dégénérescence.

En résumé, chez ces trois individus, on note de l'hérédité mor-

bide, de forts signes physiques et psychiques de dégénérescence,

des tics entre autres, dont Charcot a signalé la tréquence chez les

imbéciles. Et comme conclusion, l'auteur se demande s'il ne serait

pas bon d'exclure de l'armée ces sujets atteints d'imbécillité lé-

gère, mais qui ne sont pas capables de faire un service militaire

convenable. Dans ce cas, c'est à l'anthropologie criminelle qu'il

faudrait s'adresser pour les reconnaître.

Enfin M. Coquetti termine son étude par l'exposé de cette théo-

rie : chez les imbéciles qui confinent à l'homme normal, le moi

inconscient prédomine et il n'est que passagèrement remplacé par

le moi conscient. C'est pourquoi ce qui est congénital l'emporte

chez eux sur ce qui est acquis, d'où les actes de violence, d'où la

déséquilibration mentale, d'où enfin le peu de responsabilité de

ces sujets. Camuset. -

388 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 1

XXVIII. Diagnostic, pronostic ET prophylaxie DE la folie; par FIEL-

ding BLAnDFonD. (BI'itish médical Journal, 6-20 avril 1895.)

Après une étude méthodique des symptômes différentiels des

principales classes de délires et affections mentales avec déduction

aupoint de vue pronostic, l'auteur examine la question de l'accrois-

sement du nombre des aliénés dans les asiles en Angleterre (2,245

de plus en 1894 qu'en 1893), en tenant compte de la plus grande

viabilité des aliénés dans les asiles mieux organisés, de la diminu-

tion des cures par le retard à l'internement, etc. Passant à l'étude

des causes de la folie il étudie, particulièrement l'hérédité, ses

degrés et conséquences et en tire des conséquences pratiques au

point de vue de la contre-indication des mariages. L'alcool comme

cause déterminante fréquente fait aussi l'objet de quelques dévelop-

pements, ainsi que ses conséquences au point de vue de la descen-

dance.

L'auteur divise les enfants dégénérés en précoces et arriérés.

Les petits prodiges, trop souvent méconnus dans les écoles en

tant que dégénérés, en puissance de folie latente doivent être l'ob-

jet d'une instruction médico-pédagogique non moins minutieuse

que les arriérés, pas de surmenage scolaire surtout.

Plus tard, on voit souvent chez ces sujets survenir l'accès de folie

sous des influences occasionnelles minimes : grossesses, pertes

d'argent, ces dernières parfois tout à fait sur le tard vers la pé-

riode de la régression sénile commençante. A l'école l'enfant peu

sociable, taciturne et un peu sauvage doit attirer, l'attention des

maitres qui le doivent pousser aux jeux et exercices physiques col-

lectifs ; les parents et les maîtres devront s'efforcer de développer

en lui les sentiments altruistes en refrénant ses tendances mor-

bides à l'égoïsme solitaire. A. Marie.

XXIX. DES symptômes oculaires dans la paralysie générale ET DE

leur valeur CLINIQUE; pal' BEV.\N-LEWIS. (l3ritislc médical Journal,

2 mars 1896.)

L'auteur, s'appuyant sur les localisations d'Heusen, Walkers et

V. Gellucliter., étudie les différents troubles oculaires qu'on observe

dans la périencéphalile diffuse et leur relation avec les .scléroses de

noyaux centraux correspondants. Il conclut en classant en 5 grou-

pes distincts à ce point de vue les cas de paralysie générale des

aliénés :

Premier groupe. Caractérisé par la mydriase paralytique avec

iridoplégie partielle réflexe exagération de l'excitabilité muscu-

laire, trémulation excessive de la face et des organes de la parole;

démence profonde avec optimisme marqué.

Deuxième groupe. Mydriase avec iridoplégie passagère faisant

REVUE DE pathologie mentale. 389

place à la cyclôpégie; dès le début : excitabilité musculaire sans

contractures; -embarras de la parole, accès fréquents d'excitation

avec crises convulsives; évolution fatale rapide; antécédents syphi-

litiques prépondérants.

Troisième groupe. Myosis avec iridoplégie réflexe totale,

absence ou forte atténuation du réflexe patéllaire, manque d'équi-

libre, ataxie et anesthésie, articulation des mots très difficile,

optimisme morbide et excitation;

Quatrième groupe. Symptômes oculaires tardifs : mydriase

paralytique, iridoplégie réflexe partielle à la lumière seulement;

paralysie ataxique des extrémités des membres inférieurs; ataxie

faciale marquée avec trouble extrême de la parole; crises épilep-

tiformes amenant un affaiblissement intellectuel profond.

Cinquième groupe. Pas de symptômes oculaires fixes nets.'Pas

de contractures ni de trouble de la motilité ni de la sensibilité;

marche et articulation des mots assez bien conservées; attaques

épileptiformes rares; démence progressive très accentuée dès le

début. A. M.

XXX. DE l'état mental dans L4 maladie DE BSEDOW;

par A. 1\ ! .IUDE. (British médical Journal, 28 septembre 1895.)

S'appuyant sur 20 cas, l'auteur signale le plus communément,

avec Russell Reyuolds, une sorte de < chorée des idées ., une irri-

tabilité de caractère avec incapacité de fixer l'attention et la

mémoire, ainsi qu'une certaine tendance à la dépression mélan-

colique, et parfois des idées de persécution mal systématisées. La

manie a été observée et serait d'un pronostic particulièrement

grave. A. Marie.

XZI. L'homicide au point DE VUE DE l'anthropologie

criminelle; par ieD''René SESfEL.41GNE.

Revue critique intéressante sur le livre de M. Enrico-Ferri.

Ce dernier auteur estime que : in dans la vie criminelle, chez

l'homme et chez les animaux, il n'y a qu'une différence de degré ;

2° chez les animaux comme chez les peuplades sauvages, les pra-

tiques les plus atroces ne sont pas le résultat de tendances spéci-

fiques ; on les observe parmi les races les plus douces; 3° l'aversion

morale et juridique contre le meurtre n'est qu'à l'état embryon-

naire chez les peuplades sauvages, de même que chez les animaux,

elle suit, comme toute manifectation psychologique, la lente évo-

lution de la société humaine; 4° la justice au sens moral et juri-

dique du mot, loin d'être éternelle et absolue, est essentiellement

relative et variable; 5 le meurtre de son semblable a de profondes

racines dans l'organisme, non seulement humain, mais animal;

390 REVUE DE pathologie mentale.

c'est un résnltat naturel des causes physio-psychologiques, phy-

siques et sociales. Partant de ce dernier principe, M. Enrico Ferri

étudie la constitution organique des criminels et expose les recher-

ches anthropométriques faites sur 1,711 délinquants, aliénés ou

normaux. -

~Ses conclusions sont les suivantes : 1° tous les délinquants homi-

cides n'offrent pas, au point de vue organique et psychique l'en-

semble des caractères qui distinguent leur physionomie morale ;

2° les anomalies psychiques et organiques offrent un rapport

intime de causalité et de connexion; souvent même elles coïncident;

3° il existe, tant du côté organique que psychique, des caractères

si nets qu'à eux seuls ils suffisent pour établir le facteur anthropo-

logique ou individuel de l'homicide; mais au point de vue spécial

de la décision pénale, les deux séries de symptômes sont indispen-

sables et se complètent mutuellement; 4° tous les caractères psy-

chiques de l'homicide ne se résument en une expression d'égoïsme

antisocial apathique et sauvage, suite d'arrêt de développement,

de dégénérescence régressive ou de processus pathologique, et

représentant un état psychique semblable à celui de l'humanité

primitive; entre les homicides nés et les homicides aliénés, les dif-

férences de caractère psychologique sont plus nombreuses que

les analogies. On peut distinguer parmi les aliénés : a) ceux qui

offrent un état congénital (folie morale, épilepsie, imbécillité),

déterminant, comme chez les homicides nés, une anomalie fonda-

mentale et primitive de la trempe morale; b) ceux qui ne présen-

tent ces symptômes que par suite de troubles survenus dans leur

activité psychique; 6° au point de vue social, la criminalité est un

degré de dégénérescence plus profond et plus dangereux que la

folie. De cette étude, une nécessité s'impose : la création d'établis-

sements spéciaux où soient mis dans l'impossibilité de nuire et de

procréer, les individus présentant « ces états psychiques semblables

à ceux de l'humanité primitive ». (Annales médico-psychologiques,

août 1896.) E. BL : N.

XXXII. Vêtements ET APPAREILS PROTECTEURS ÉTRANGES PORTÉS DE JOUR

ET DE NUIT PAR UN DÉGÉNÉRÉ PERSÉCUTÉ; par M. LE l' 1LLIA1'RE,

ancien interne des asiles de la Seine, lauréat de la Faculté de

médecine. (Nouv. iconographie de la Salpêtrière, z, n° 3.)

Il s'agit d'un déséquilibré avec idées de persécution, idées de

grandeur, troubles de la sensibilité générale, et dont le délire ne

présente pas d'évolution systématique ; cet aliéné entreprit un

voyage en Amérique sous l'influence de ses idées délirantes, et, à

partir de l'époque de son départ jusqu'au moment actuel où on l'ob-

selve à l'asile clinique, il se couvrit progressivement d'une quan-

tité considérable de vêtements bizarres, dans le but de se garantir

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 391

d'influences malfaisantes. En réalité il divaguait sur les troubles de

la sensibilité générale qu'il ressentait. Voici l'énumération des

vêtements et appareils curieux dont il faisait usage à son retour en

France. Pendant le jour il portait : 4° un plastron de caoutchouc

dorsal ; 2° un plastron de caoutchouc sternal ; 3° un morceau de

porcelaine enveloppé dans du papier sur la poitrine, pour se pro-

téger les bronches; 4° plusieurs couches de papier collé sur le

thorax ; 5° une cuirasse de fer-blanc qui pesait près de 7 kilogram-

mes ; 6° des genouillères en cuivre; 7° une rotonde par-dessus le

tout, elle était en caoutchouc et pesait 4 kilogrammes. La nuit, il

ajoutait aux protecteurs précédents des cylindres en cuivre, un

casque en cuivre, un masque en plomb, des brassards, etc. En

somme, son équipement complet pesait 29 kilogrammes 160 gram-

mes. Son but était de s'isoler des causes extérieures. C'est également

pour se protéger contre ces mêmes causes extérieures, qu'il avait

fait creuser et cimenter un trou cylindrique dans son jardin, et

qu'il s'y mettait plusieurs heures de la journée complètement nu.

Une fois dans son trou, il en fermait la partie supérieure au moyen

d'une cloche à melon, il restait là tant que le soleil durait. C.

XXXIII. POLLUTIONS nocturnes ET épilepsie. D'une sorte DE PHÉNO-

MÈNE ÉPILEPTIQUE PARTICULIÈRE; LA PETITE ATTAQUE ÉPILEPTIQUE

erotique avec éjaculations; par M. A. ZUCCARELLI. (L'Ano1nalo,

novembre à décembre 1894, Gennaio 1895.)

L'auteur veut établir qu'il existe, au point de vue clinique, une

forme particulière d'attaque épileptique, caractérisée par des rêves

érotiques accompagnés d'éjaculations répétées. Son étude est

basée sur deux observations identiques. Il a observé et soigné deux

hommes qui présentaient, d'une façon remarquable, la manifesta-

tion épileptique en question. Ces deux hommes étaient très

intelligents mais excitables et très émotifs, ils étaient héréditaires

dans le sens que nous donnons en France à cette expression héré-

ditaire en langage médical. En plus leur vie n'était qu'une succes-

sion de deux états mentaux, de natureopposée, alternant régulière-

ment entre eux ; à une période d'expansion et d'activité succédait,

chez eux, une période de dépression et d'impuissance, et toujours

ainsi. Ces deux malades étaient sujets, sous l'influence surtout des

changements atmosphériques brusques, à des phénomènes épilep-

tiques nocturnes particuliers. Ils avaient des rêves pénibles, sortes

de cauchemars terrifiants. Ils étaient tourmentés, maltraités, sans

pouvoir se défendre, et à la fin on se livrait sur eux il des actes

lubriques honteux et. révoltants, alors ils avaient des éjaculations 1

qui se répétaient plusieurs fois en très peu de temps. Ils s'endor-

maient ensuite, tantôt d'un sommeil profond, comateux, tantôt

d'un sommeil léger et agité, preuve d'un certain degré de surexcita-

392 . REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

tion mentale. Pendant les soirées qui précédaient les nuits dans

lesquelles les accidents nerveux se manifestaient, les malades

étaient d'une activité mentale excessive et anormale. Ces phéno-

mènes morbides se répétaient deux ou trois nuits consécutives,

mais leur intensité décroissait progressivement, et à leur suite

s'établissait une période de dépression qui durait plusieurs

semaines parfois. En dehors de ces crises les malades présentaient

quelques particularités notables, ainsi il leur arrivait de se mettre

tout à coup à travailler fébrilement, comme poussés par une force

irrésistible, et ils produisaient en peu de temps des oeuvres litté-

raires ou scientifiques remarquables. Il leur arrivait aussi d'être pris

subitement -par le besoin irrésistible de satisfaire leur instinct

génital, et il fallait que sans retard ils trouvent une femme.

L'auteur, étudiant les diverses particularités de ces observations,

conclut à la nature épileptique des phénomènes morbides noc-

turnes. Ainsi, la cause occasionnelle des accès (les perturbations

atmosphériques), leurs prodromes (la suractivité intellectuelle

notée dans les soirées qui les précédaient), les antécédents hérédi-

taires des sujets (l'un d'eux avaitson père atteint d'épilepsielarvée).

En résumé donc il s'agit de petites décharges épileptiques, l'ictus

épileptique est caractérisé dans ces cas par une excitation peu

intense et peu diffusible des centres psychiques avec retentis

sement sur lcsglandes séminales. - CAMUSET.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE

I. LES résultats favorables DE la CRAnIECT011lE dans UN cas de

DÉBILITÉ MENTALE ET DE FOLIE MORALE; par A. S ? 1NUOCK. (A'e ! f)'0/0.

Ceniralbl., XIV, 1895.)

. L'observation concerne un jeune garçon de quatorze ans. Signes

craniens de dégénérescence; impossibilité d'apprendre à lire, à

écrire, à compter. Pararniiésie, incapacité d'un travail soutenu, pas

de sentiments affectifs, vagabondage, tendances à voler et à mentir,

langage inconvenant, fainéantise, impudicité.

Une section pratiquée sur le cuir chevelu révèle au niveau de

l'oreille droite une adhérence de la peau au crâne, on trépane la

surface correspondante du pariétal sur une assez large étendue; on

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 393

constate de l'oedème de la substance grise corticale couverte d'une

sorte de gelée. On applique le courant faradique qui détermine

des convulsions des groupes musculaires correspondants. A la suite

de cette opération, tous les troubles de perversion morale et alfec-

tive cessent, ainsi que les obsessions coprolaliques ou autres et les

impulsions. Le jeune homme devient travailleur, poli, sociable,

convenable. ' P. K.

IL Du TRÉPAN ET DE LA PONCTION VERTÉBRALE DANS L1 PARAYSIE

générale; par John Turner. (British médical journal, 2 mai 1896.)

L'auteur conclut de ses observations que même dans les cas de

paralysie générale avancée la pression intra-cranienne n'est pas

exagérée contrairement à ce qu'ont soutenu CI. Shaw et B. Tuke.

Le liquide céphalo-rachidien recueilli par ponction ne semble pas

contenir de produits inflammatoires. A. M.

III. Traitement CIILItURGIC.4L DE L'IDIOTE, par SHUTLIENOILTIL.

(British médical journal, 28 septembre 1895.)

L'idiotie microcéphale suivant l'auteur et après examen des

différents travaux parus sur la question, parait pouvoir tirer un

bien plus grand bénéfice de l'éducation pédagogique que de l'in-

tervention opératoire. Il admet toutefois l'opportunité du traite-

ment dans certains cas de compression, par suite de traumatisme

par exemple, ou dans certains cas d'hypertrophie hydrocéphalique.

Il cite un cas d'Anderson où le trépan fit merveille chez un hérédo-

syphilitique imbécile etépileptique. Pour lui d'ailleurs l'opération

ne vaut qu'à la condition d'être accompagnée de la médico-pédago-

gie. Dans le numéro précédent du 21 septembre, Telford Smith

signale le résultat final négatif de deux opérations de craniectomie

dans l'idiotie. A. M.

IV. Résultat DE la section du trijumeau ; par WILLIAM TURNER.

(British médical journal, 23 novembre 18'J.)

L'auteur rappelle les expériences de Gaule sur le lapin. Il

dit avoir observé lui-même dans nombre de cas une opacité

légère de la dornée, tendant d'ailleurs il diminuer quelque temps

après l'opération. Il ne semble donc pas prouvé que le ganglion de

Gasser exerce sur la cornée une influence trophique prépondérante.

De l'examen des observations et des nécropsies il semble résulter

que les soi-disant troubles trophiques seraient plutôt des symptô-

mes d'infection secondaire dus à une.,action septique pouvant

remonter à l'époque de l'opération. D'ailleurs on trouve dans les

auteurs (Richardson, Krause. Doyen) des cas confirmatifs de cette

394 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

absence de troubles trophiques cornéens, malgré l'ablation du

ganglion de Gasser. A. lVi.

. V. Crétinisme ET extrait thyroïdien ; par 11,USTHON Parker.

(British médical journal, 8 février 1896.)

C'est le cas d'un enfant de six ans et demi arrêté dans son deve-

loppement, avec le faciès typique du crétin qui fut soumis pendant

huit mois au traitement par les tablettes d'extrait thyroïdien. On

obtint une atténuation sensible de la sclérodermie et de l'infiltra-

tion du tissu cellulaire. L'enfant reste inintelligent et arrêté dans

son développement. Les doses d'extrait durent d'ailleurs être très

modérées en raison de l'intolérance et des accidents diarrhéiques

et fébriles. Le même numéro contient des remarques intéressantes

sur le sérum antitétanique par Trevelyan,sur le sérum antisyphili-

tique par Barling, et sur l'extrait thyroïdien contre le myxoedème

par Georges Murray. A. M.

VI. Hypertrophie DU corps thyroïde ET MYXOEDÈME; par IIUGaSilTx.

(British médical foumal) 4 janvier 1896.

Observation d'une malade de vingt-six ans sans antécédents héré-

ditaires analogues; atteinte depuis la dix-septième année de goitre

avec cxophtalmic ; à l'apparition des règles altération de la santé

générale, chute des cheveux, altérations cutanées, difficulté de la

parole, criesthésie. En mars 1895, la malade dans cet état fut sou-

mise au traitement par l'xelrait thyroïde de mouton à la dose quo-

tidienne de dix grains. En sept mois disparition des symtûmes

murbides et retour à la santé. A. 111.

VII. Sur LE traitement DE la mélancolie; par H. Reyner.

(Brilish médical journal, 28 septembre 1895.)

La partie originale de cet article nous paraît être ce qui con-

cerne le traitement moral. Il s'agit d'abord d'opérer la recherche

prudente mais minutieuse de l'idée principale qui préoccupe et

déprime le malade; lorsqu'on a pu gagner sa confiance, on attaque

la destruction dans l'esprit du malade des conceptions erronées

qui le plongent dans l'anxiété; le réveil de l'émotivité normale

vient ensuite, mais il faut se garder des commotions et des chocs

émotionnels qui peuvent provoquer une rechute; la vue des

parents à la phase de convalescence produit parfois une crise salu-

taire. Le point de vue religieux et l'intimidalion sont des éléments

à double tranchant bien délicats à mettre en oeuvre; s'il y a délire

avec hallucination il faut se garder de le heurter de front, mais

rassurer et soutenir le malade en lui promettant du secours.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 395

Physiquement l'auteur préconise parallèlement le massage de la

tête, particulièrement celui des veines pour activer la circulation

en retour, au même point de vue il recommande une gymnastique

respiratoire tendant à développer l'inspiration profonde. L'électro-

thérapie et l'hydrothérapie comme moyens généraux et comme

moyens d'améliorer l'état trophique de l'encéphale, l'extrait thy-

roïdien à la dose provoquant de légères poussées fébriles qui, sui-

vant Clouston sont d'un salutaire effet.

Enfin il favorise tous les émonctoires dans leurs fonctions,

(peau, reins, intestins), stimule l'estomac et lutte contre la cons-

tipation toujours si opiniâtre. A. M.

VIII. LE quebracho dans LE MÉL\NCOLOE ET LES états DE stupeur;

par le D1' G. ICIERaarr.

Penzoldt a trouvé que le quebracho et ses alcaloïdes, à petites

doses, ont des effets marqués pour augmenter la fréquence des

mouvements respiratoires.

Aussi, la mélancolie et certaines phases de dépression parais-

sant exercer une action inhibitoire sur l'innervation cardiaque, en

même temps que s'accompagner de symptômes thoraciques se

manifestant par des sortes d'attaques de suffocation avec anxiété

précordiale, l'auteur a-t-il expérimenté le quebracho dans ces cas

particuliers et en a retiré de bons résultais.

Chez une femme, en particulier, atteinte de mélancolie avec

anxiété précordiale, le quebracho, à la dose de un demi-drachme

toutes les deux heures, n'eut pas seulement une action favorable

sur la dyspnée, mais améliora très notablement l'état de dépres-

sion mélancolique, si bien que, sous l'état de dépression présenté

par la maladie il son arrivée, on put constater un délire mégalo-

maniaque jusque-là ignoré. (The alielllst and neu/'ologist, avril 189G.)

E. 13.

IX. Traitement DE la folie EN dehors DES établissements publics;

par le Dr F. Roi311sori.

La question de savoir si un malade est mieux traité dans un

asile ou hors d'un asile, est encore controversée.

Alors que de nombreux auteurs sont d'avis que l'asile possède

par lui-même des vertus curatives certaines, d'autres auteurs,

parmi lesquels Weir lllitchel (de Philadelphie), prétendent que les

malades sont mieux traités hors l'asile que dans l'asile. Il est un

fait certain, c'est que le traitement le plus mauvais est celui qu'on

fait au domicile même du malade. La première condition est

donc d'éloigner le malade de chez lui, mais qu'en faire ? Beau-

coup de familles se répugnent à l'envoyer dans un asile public, et

396 bibliographie.

même dans un asile privé,et cependant l'auteur préconise les petits

asiles privéscomine réalisantles meilleures conditionsdetraitement.

Il est cependant possible, dans certaines conditions de fortune,

et dans certaines formes mentales déterminées, d'instituer une mé-

thode favoTablo de traitement, hors de la maison et sans avoir

- recours aux asiles : ce mode de traitement consiste à placer le ma-

fade.dans un sanatoriun, ou une pension de famille, assisté d'un

médecinspécialisteet d'un infirmier expérimenté. Cette méthode est

très pénible pour le médecin et pour l'infirmier qui se trouvent

forcés d'exercer une direction mentale et morale de tous les ins-

tants à leur malade mais elle est féconde en résultats et lorsqu'on

a la patience et la persévérance de la mener à bout, elle se montre

supérieure aux autres modes de traitement. (timerican journal of

insanit, avril 1896.) E. l3Lt>v.

X. Quelques remarques sur LES applications DU trional ;

par le D'' L. Ruiiru (Journ. de Neurologie, 1896, n° 14.)

L'auteur de ce travail considère le trional comme complètement

inoffensif même lorsque l'usage en est continué pendant longtemps.

D'une façon générale il trouve exagérées les applications de ce

médicament généralement employé en pédiatrie; pour un enfant

de dix ans il conseille dedonner au maximum une dose de Os ? 75.

On augmente beaucoup l'activité du trional en le prescrivant dans

une assez grande quantité de liquide aussi chaud que possible. Chez

l'adulte, on ne doit donner ni moins de 1 gramme, ni plus de lsr,50

à la fois; on ne devra recourir que très rarement à la dose de

2 grammes, et on n'emploie celle de 3 grammes que chez les alié-

nés. On peut habituellement n'administrer le trional qu'un jour sur

deux. Comme le sulfonal le trional doit être pris de deux à quatre

heures avant de se mettre au lit.

Lorsque l'insomnie est liée à des douleurs, on fera bien d'associer

ce médicament à la morphine, l'antipyrine, etc. G. D.

BIBLIOGRAPHIE.

V. Rapports de l'alcoolisme et de la folie. Prophylaxie et traite-

ment des alcooliques, par le Dr H. Darin. (Paris, 1896. J.-B. Bail-

lière et fils, éditeurs.)

En 1875, la production del'alcool de vin à 90° était de 764,690 hec-

tolitres; eu 1893, on voit la production totale des alcools arriver

à l'énorme quantité de 2,476,387 hectolitres.

bibliographie. 397

La production de l'absinthe a plus que doublé en huit ans. En

France, 700,000 bouilleurs de cru distillent une grande quantité

de mauvaise eau-de-vie et les produits alcooliques sont distribués

aux consommateurs par l'intermédiaire d'environ 450,000 débitants

ou cabaretiers, dont 30,000 pour Paris ce qui représente un sur un

peu moins de trois maisons.

Forcément cette production intense de l'alcool est la résultante

d'une consommation effrayante : en 1830, la consommation

moyenne par tête était de 1 litre et demi d'alcool à 90° par an; en

1885, elle est pour Paris de 27 litre*.

Les faits précédents se rapportent à la France, mais la même

progression s'observe dans tous les pays civilisés.

Sur la toxicité des divers alcools, en particulier des alcools supé-

rieurs, les travaux de tous les expérimentateurs sont unanimes et

de tous les poisons mulliplesqui serventàlafabrication des diverses

liqueurs, l'absinthe peut être considérée comme le type.

A cette consommation effrénée d'alcool correspond un dévelop-

pement simultané des affections alcooliques : ainsi en 1835, Esqui-

rol trouve à Charenton 8 p. 100 d'aliénés alcooliques; en 1864,

Lagarosse arrive, dans le même asile, au chiffre de 24 p. 100 et il

l'heure actuelle, les statistiques de M. Magnan montrent que sur

100 hommes admis dans les asiles, plus de 35 y sont poussés direc-

tement par l'alcool, sans compter les malheureux dégénérés, vic-

times de l'alcoolisme des ascendants.

Et si l'on remarque, avec M. Garnier et bien d'autres, que l'in-

toxication alcoolique est, avec le surmenage, un des facteurs patho-

géniques les plus puissants de la paralysie générale, on voit, en

somme, que l'alcoolisme intervient pour une grande part dans la

montée énorme de l'aliénation mentale, qui va, rien que pour

le département de la Seine, d'un millier de malades internés au

commencement de ce siècle, à 12,500 à l'heure actuelle.

Enfin les statistiques montrent que plus d'un cinquième des

rejetons d'alcooliques ne sont pas aptes à vivre et sont perdus pour

la société. C'est une cause de dépopulation que la France, en par-

ticulier, ne doit pas mépriser. Si l'on ajoute les vices de conforma-

tion, les stigmates physiques de dégénérescence, la débilité physique

dont sont atteints les descendants des alcooliques, on arrive à

cette conclusion que l'hérédo-alcoolisme se traduit par la perte

d'un tiers du capital humain. Le capital intellectuel n'est pas

moins entamé : tous les dégénérés, les fous moraux, les fous alcoo-

liques, les impulsifs, épileptiques et autres, sont des êtres inutiles

ou dangereux.

Aux causes de dépopulation créées par l'alcool, il faut ajouter la

progression du nombre des suicides d'origine alcoolique qui, en

France, est vraiment effrayante : dans nos départements du nord,

le nombre de ces suicides s'est élevé de 137 à 868 par an, dans l'in-

398 bibliographie.

tervalle de 1874 à 1888, c'est-à-dire que la proportion a sextuplé en

quinze ans.

Voilà donc un mal qui, dans presque toute l'Europe, augmente

constamment le nombre des fous dans les asiles, des vagabonds

dans les dépôts de mendicité, des criminels dans les prisons; qui

fait progresser le chiffre des suicides, tout en diminuant celui des

naissances ; qui ruine les jeunes générations. Partout le cri d'alarme

a été jeté et la lutte s'est organisée; en France elle s'organise.

L'observation montre que les peuples qui ont réussi à faire rétro-

grader l'alcoolisation avec ses terribles conséquences ont recouru

soit à des mesures fiscales, soit à une législation spéciale contre les

alcools, soit enfin à des moyens moraux : tels sont les divers sys-

tèmes de l'augmentation des impôts sur l'alcool, de la rectification

des alcools, de la suppression du privilège des bouilleurs de cru,

de la réduction du nombre des débits, des systèmes de licence de

Goeteborg et de Ber-en, du système suisse ou monopole de l'Etat,

de la prohibition, de la législation pénale, des sociétés de tempé-

rance. De l'expérience acquise à l'étranger, quelles conclusions la

France pourra-t-elle tirer pour sa préservation ? ·

Tout d'abord les impôts doivent être maintenus, aussi bien parce

qu'ils constituent une source de revenus difficile à remplacer que

parce qu'ils entrent en ligne parmi les moyens efficaces auxquels

on peut recourir pour restreindre la consommation. Mais du mo-

ment que l'on permet la vente de l'alcool, il incombe à l'Etat le

devoir rigoureux de veiller à ce que les alcools de mauvaise prove-

nance ne puissent être mis en vente et, pour cela, la suppression du

privilège des bouilleurs de cru et le monopole pris par l'Etat de la

rectification des alcools s'imposent. Après avoir diminué la toxicité

du produit, il faut songer à en restreindre la consommation en

frappant l'alcool et les boissons alcooliques d'un impôt considé-

rable, en exonérant presque complètement les boissons peu alcoo-

liques, comme le vin, le cidre, la bière et complètement les

boissons non alcooliques, le café, le thé, le cacao.

. Mais pour arriver à édicter de semblables mesures, il serait

nécessaire d'établir en France des sociétés de tempérance, car

aucune mesure n'est capable de combattre avec efficacité l'alcoo-

lisme, si elle n'est soutenue par l'opinion publique.

Relativement aux sociétés de tempérance, il est intéressant de

noter que toutes celles qui se sont fondées sur le principe de la

modération dans l'usage des boissons fermentées ont échoué, et

que toutes celles qui sont arrivées à de bons résultats dans l'oeuvre

de sauvetage des ivrognes, ont pris pour base l'abstinence absolue

de toute boisson alcoolique.

Malheureusement il faudra beaucoup de temps avant qu'on

réussisse à arrêter ce fléau social, mais déjà l'élan est donné : la

Chambre a relevé la laxe sur les eaux-de-vie et entamé le privilège

BIBLIOGRAPHIE. 399

des bouilleurs de cru; elle a voté en principe le monopole de

l'alcool. Le Conseil général de la Seine a décidé la création d'un

asile spécial pour les buveurs 1. L'initiative privée a créé une dizaine

de restaurants de tempérance. La société contre l'abus des boissons

spiritueuses a déjà réuni un grand nombre de membres. On peut

dire que l'assistance des alcooliques est créée.

Tel est le résumé trop court du livre de M. Darin, livre des plus

intéressants, livre utile rempli de faits et d'observations, et dont la

lecture s'impose à tous ceux qu'intéresse la lutte contre l'une des

causes les plus puissantes qui puissent produire la décadence

nationale. » E. BLIN.

VI. L'âme humaine : Iconographie de l'invisible fluidique.

A l'heure où la science officielle, enfin ébranlée par les affirma-

tions de savants courageux, semble vouloir prêter l'attention aux

expériences tentées dans le domaine de l'inconnu (inconnu dont le

mystère sera peut-être révélé demain), il importe de signaler l'ou-

vrage du Dr H. Baraduc : L'âme humaine, ses mouvements, ses

lumières, et l'iconographie de l'invisible fluidique, paru chez Carré.

La matière étant délicate nous transcrirons une partie de la

communication lue à la Société de médecine de Paris en juin 1890.

Les psychicones ou images de l'esprit. M. BARADuc présente

son nouveau livre l'Ame humaine, ses mouvements et ses lumières.

De cette double étude expérimentale de l'âme faite par ses mou-

vements enregistrés par l'aiguille biométrique, et par ses lumières

invisibles icunographiant et impressionnant la plaque photogra-

phique, il a détaché un chapitre spécial relatif aux psychicones,

nom qu'il donne aux images créées par notre esprit sur la plaque.

Dans un précédent ouvrage sur la Force vitale, il avait en effet

montré que les mouvements d'attraction et de répulsion de l'ai-

guille de son appareil biométrique, en présence de la main, déce-

laient les mouvements invisibles à notre élat d'âme vitale, et don-

naient la formule de notre tempérament vital.

C'est le manomètre qu'il emploie pour mesurer la force de vie en

nous relativement à la direction d'un traitement électrique, comme

le thermomètre donne le degré de la fièvre. (La Force vitale, notre

corps fluidique, sa forme biométrique, Carré éd.)

Dans l'iconographie qu'il décrit, il a trouve avec la plaque une

nouvelle méthode d'enregistrer les mouvements de l'âme par leur

propre lumière et d'avoir la signature personnelle respective de

chacun de ces mouvements.

La plaqne dans ses mains est devenue le loyal témoin intermé-

1 Tout semble indiquer, au contraire, que le cinquième asile sera con-

sacré aux aliénés, et ce sera sage.

400 BIBLIOGRAPHIE.

diaire entre l'homme et le cosmos invisible, qui enregistre les com-

munications ayant lieu entre eux, dans cette zone qu'il appelle l'at-

mosphère fluidique de l'âme humaine..

M. Baraduc s'est donc principalement occupé dans cette confé-

rence de la force vitale condensée dans le corps humain, de ce

corps fluidique appelé par lui SoMoD, capital-vie, nuage de force vitale

condensé en nous. C'est cette nuée odique de vivante lumière qui

prend la forme, l'image que notre esprit lui donne, grâce à sa

faculté imaginative. '

Le psychicone est donc la nuée odique de force vitale imaginée en

forme, par l'imagination psychique. C'est une création de l'esprit

indépendante du corps matériel, dont elle sort pour se produire sur la

plaque.

Les psychicones sont caractérisés par l'absence de traits de lignes,

ils sont une relation de lumière, une forme nuageuse de nuée

odique, par points, pois, estompages, picturages ; la pellicule

impressionnée ne présente pas le relief des portraits photogra-

phiques ordinaires.

Comment on obtient un psychicone. En dehors de son emploi

habituel en photographie, la plaque photographique ordinaire est

un agent de réception des mouvements lumineux invisibles à l'oeil,

obtenus dans l'obscurité, ou avec la lumière rouge.

Sa faculté photochimiquè est remarquable ; elle peut être utili-

sée à enregistrer des vibrations connues, telles que celles de l'élec-

tricité ou des vibrations inconnues, c'est-à-dire les grandes anses

elliptiques du Zoo-Ether, et en particulier les images créées par l'es

prit humain, les psychicones.

. Avec ou sans électricité, onpeut projeter suruneplaque dansl'ob-

scurité, une image bien imaginée, façonnée, modulée par l'esprit.

Celui-ci doit donc concevoir mentalement avec puissance et net-

teté, l'image à laquelle il va donner un corps fluidique et sous une

douce.pression de la volonté, cette image s'évacue par la main et

vient se graphier sur la plaque.

Pour aider son extériorisation, une faible tension, comme le

souffle ou le vent électrique, peut être employée intermédiaire-

ment entre la main (le corps se trouvant dans un bain d'électricité

statique positive) et la plaque, située en dehors à l'état neutre.

Quant à la vibration lumineuse en elle-même, c'est de la force

vitale-animique. dont la graphie est nettement différente des forces

voisines électriques, électro-neuriques, et que l'on peut obtenir

indépendamment d'elles.

Eu résumé : l'esprit imagine une image, la module avec la force

vitale humaine, se voile dans une forme qui l'exprime et l'exté-

riore sous cette forme qui se graphie sur la plaque à laquelle la

main l'abandonne. Les conclusions de ce que nous venons de dire

sont :

BIBLIOGRAPHIE 401

1° Physique. La plaque impressionnée offre unesignature diffé-

rente suivant qu'elle l'est par l'électricité ou par les effluves de la

main. Ces effluves présentent une forme en rapport avec l'image

tentée lorsqu'elle est puissamment voulue ou modulée, et extério-

rée.

2° Psychologique. -La constatation de la possibilité d'une image

estompée d'une façon plus ou moins énergique suivant l'opérateur

et la durée de l'opération (deux minutes à une heure), montre l'in-

tervention d'un tiers facteur par rapport au corps et à la force

vitale de l'âme, c'est-à-dire l'intervention de l'esprit créateur.

3° Pathologique, A ce point de vue la communion fluidique

avec l'invisible montre le danger de la contagion fluidique, de

l'envahissement des âmes faibles par les émanations fortes, par les

influences errantes vécues, car aucune des émanations humaines

ne se perd parmi ces nuages de vie exhalés.

Comme conséquence on comprend ces aura, ces vapeurs, ces

envahissements et le parasitarisme fluidique, figuré sous le nom de

diabolisme ; enfin la réalité objectivale des formes hallucinatrices

entrenues en lui, par le fou lui-même, lesquelles inversement nour-

rissent sa folie, c'est-à-dire le parasite fluidique.

4° Philosophique. Le monde des formes, expérimentalement

démontré, vient confirmer ou infirmer les différents systèmes phi-

losophiques, qui se trouvent maintenant dominés par la notion

suivante : L'esprit, actuellement inaccessible expérimentalement en

lui-même, reste comme une pensée intime cachée au fond de nous,

mais il se voile dans la forme iconographiable de notre lumière de

vie qu'il modèle pour se manifester sur une plaque sensible, ainsi

donc l'expérience même prouve que l'Orne humaine, l'âme psychique

est mouvement, lumière et création.

- Selon toute probabilité, le volume du Dr Baraduc soulèvera

d'ardentes polémiques. Il ne nous appartient pas de prendre parti;

mais toute tentative loyale est digne d'intéresser les savants

et ceux qui aiment l'amour de la vérité. S. A.

VI. De l'aphasie sensorielle ; par Ca. Mirallié. (Stenheil, 1896.)

Le très important travail de M. Marallié a trait à un des points

les plus intéressants et les plus controversés de la pathologie ner-

veuse.

Les études sur l'aphasie se sont multipliées depuis Broca. Avec

Trousseau, Duval, Jaccoud, Charcot, etc., la symptomatologie et la

clinique de l'aphasie ont été bien établies. Wernickeen 1874, usant

avec plus de rigueur de la méthode anatomo-clinique découvre

l'aphasie sensorielle que Kussmaul ne tarde pas à diviser en cécité

et en surdité verbales. En 1881, quatre centres sont anatomique-

ment déterminés correspondant à quatre modalités du langage : le

. Archives, 2° série, t. IL. 26

401 BIBLIOGRAPHIE.

centre de Broca ou de l'aphasie motrice au pied de la troisième

circonvolution frontale gauche, celui de Wernicke ou de la surdité

verbale à la partie postérieure de la première temporale gauche,

celui de l'agraphie placé par Exner au pied de la deuxième frontale

gauche et enfin celui de la cécité verbale, symptôme qui fut nette-

ment localisé au pli courbe gauche dans la première autopsie faite

par IL Déjerine.

Les causes de l'aphasie sont le plus souvent le ramollissement

cérébral parfois l'hémorragie et les tumeurs.

La lésion peut porter sur le centre cortical (aphasies corticales)

ou sur les fibres qui relient les centres d'images motrices, visuelle

ou auditive aux centres généraux correspondants (aphasies sous-

corticales). Les Allemands ont créé un groupe tout schématique

d'aphasies transcorticales où les relations entre les divers centres

du langage et le centre de l'idéation seraient interceptées. Les

formes corticales sont les plus fréquentes.

L'aphasie sensorielle fut décrite, pour la première fois, par Wer-

nicke en 1874. Il entendait sous ce nom, un syndrome caractérisé

par la perte de compréhension de la parole entendue et lue avec

paraphasie et agraphie. La lésion de ce syndrome porterait sur le

tiers postérieur de la première circonvolution temporale et la partie

adjacente de la deuxième.

liussmaul dédoubla le syndrome de Wernicke en appelant cécité

verbale la partie de la compréhension de l'écriture avec paraphasie

et agraphie mais avec conservation de la parole parlée. Charcot

admit la surdité etla cécité verbale mais en fit des symptômes abso-

lument indépendants de l'aphasie et de l'agraphie ayant leurs

lésions à des points différents, et il expliqua leur coïncidence par

des lésions multiples.

M. Mirallié, se basant sur de nombreuses et minutieuses obser-

vations, combat avec de solides arguments l'opinion de Charcot. Il

admet une seule aphasie sensorielle, caractérisée essentiellement

par la perte de la compréhension des mots entendus ou surdité

verbale, la perte de la compréhension des mots lus ou cécité ver-

bale, la paraphasie et l'agraphie. Au début, la surdité et la cécité

verbales coexistent nettement, mais plus tard l'une prédomine sans

que l'autre disparaisse cependant complètement, selon que la

lésion s'étend du côté de la première temporale ou du côté du pli

courbe.

Le début de l'aphasie sensorielle peut être une attaque d'apo-

plexie, ou bien il peut être brusque sans attaque, ou encore l'aphasie

s'installe lentement et progressivement.

A \a.période d'état, la surdité verbale domine la scène clinique,

le malade entend distinctement mais ne comprend pas les mots

prononcés devant lui. Le degré de surdité verbale peut être plus ou

moins grand, mais presque toujours le malade reconnaît son nom

BIBLIOGRAPHIE. 403

prononcé devant lui, parfois son prénom et les noms de ses pro-

ches, mais plus rarement. Le nom propre fait en effet partie de

l'individu. M. Mirallié insiste sur les faibles degrés d'aphasie senso-

rielle qui passent inaperçus lorsque les malades ne sont pas obser-

vés méthodiquement.

La récité verbale est à la vision, ce que la surdité verbale est à

l'audition. L'auteur fait remarquer qu'il faut borner souvent la

cécité verbale à la parole écrite et que cette cécité n'existe pas par-

fois pour les symboles. Ainsi un malade, incapable de lire les mois

« République Française », les prononçait aussitôt en présence d'un

cartouche renfermant les lettres R. F.

Le malade atteint de cécité verbale ne peut lire ni l'imprimé ni

le manuscrit; s'il écrit, il ne peut se relire. '

Le degré de cécité verbale est encore très variable; le plus sou-

vent le malade conserve la faculté de lire son nom ou quelques

mots spéciaux toujoursles mêmes pour tous les malades (prénoms,

noms de la femme et des enfants, de la ville natale, du métier). Il

n'y a que dans les formes intenses que le malade perd la faculté

de reconnaître les lettres. *

La parole parlée est altérée, mais d'une façon différente de celle

de l'aphasie motrice.

Le sensoriel, selon la définition de Déjerine est « un verbeux,

un loquace, mais son langage est incohérent », le phrase se com-

pose de mots détournés de leur sens (paraphasie) mélangés de

mots forgés de toutes pièces (jargonaphasie). La parole répétée et la

lecture à haute voix sont très défectueuses et présentent les mêmes

caractères que la parole spontanée.

L'écriture de l'aphasique sensoriel est toujours très troublée à la

période d'état.

L'écriture spontanée est impossible; mais bien que le malade ne

puisse spontanément écrire une seule lettre, il tracera le plus sou-

vent son nom. Le sensoriel ne peut écrire sous la dictée, et s'il

copie il cherche péniblement à retracer les lettres comme s'il

copiait un dessin.

L'hémiopie homonyme latérale droite constitue encore un symp-

tôme fréquent et presque constant de l'aphasie sensorielle.

De l'hénziaclaromatopsic précéderait, fort souvent, d'après Vialet,

l'hémiopie.

La motilité est généralement intacte. L'intelligence est toujours

assez affaiblie. La mimique est aussi affaiblie en raison directe des

troubles intellectuels.

Tels sont les signes cliniques que présente un malade frappé d'une

lésion de la zone du langage qui occupe les circonvolutions d'en-

ceinte de la scissure de Sylvius. Il offre toujours une altération du

langage intérieur et par suite des altérations manifestes ou latentes

de toutes les modalités du langage (parole, audition, lecture, écriture).

404 BIBLIOGRAPHIE.

Il existe aussi des aphasies pures, mais ce ne sont pas des aphasies

vraies. Ces aphasies motrices sous-corticales, cécité verbale pure,

surdité verbale pure, ont leur siège en dehors de la zone du langage

intérieur, elles ne portent que sur une modalité du langage et n'en-

traînent jamais l'agraphie.

Le diagnostic de l'aphasie consiste : 1° à reconnaître l'aphasie

des troubles qui peuvent la simuler ; 2° à distinguer entre elles ses

diverses variétés. Le diagnostic avec les troubles du langage des

paralytiques généraux, bulbaires, pseudo-bulbaires, de la sclérose

en plaques, est facile. Au premier abord un aphasique sensoriel

peut passer pour un sourd ou un dément, mais l'erreur ne résiste

pas à un examen même superficiel.

Cependant dans certaines paralysies générales on peut constater

des aphasies vraies, si une lésion de la maladie existe au niveau du

centre du langage. L'hystérie, dans certains cas très rares, donne

lieu à de l'aphasie sensorielle.

L'aphasie sensorielle diffère de l'aphasie motrice. Le sensoriel est

verbeux, le moteur n'a que peu de mots à sa disposition. La cécité

verbale est moins accusée et la surdité verbale n'existe pas chez

le moteur. L'agraphie est totale chez le sensoriel, il écrit son nom,

mais comme un emblème en faisant sa signature. Il copie l'imprimé

comme un dessin et le reproduit en imprimé; tandis que le moteur

copie l'imprimé en manuscrit.

L'aphasique moteur sous-cortical ne parle pas spontanément et ne

peut répéter la parole entendue ni lire, mais il comprend, peut

écrire et répondre en écrivant.

Dans les aphasies sensorielles pures (cécité verbale pure, surdité

verbale pure), le langage intérieur est conservé et le malade peut

parler spontanément. .

L'aphasie transcorticale est hypothétique.

Il existe encore un trouble désigné par Bertin sous le nom de

dyslexie qui consiste en l'impossibilité pour le malade de compren-

dre ce qu'il lit après quelques mots de lecture. Cette affection facile

à distinguer de l'aphasie sensorielle vraie, tiendrait à un trouble

fonctionnel au niveau du pli courbe.

M. Mirallié aborde ensuite l'étude de l'agraphie qui joue un rôle

si considérable dans le diagnostic des aphasies.Il combat l'opinion

de Charcot et d'lxner qui affirmaient l'existence d'un centre moteur

autonome graphique. M. Mirallié adopte les opinions de Wernicke,

Kussrnaul, Lichtheim, Gowers, Déjerine, Freud, Oppenheim, etc.,

qui prétendent que toute altération d'un centre d'images du lan-

gage entraîne l'agraphie.

L'auteur passe en revue les arguments émis en faveur de l'hypo-

thèse d'un centre de l'agraphie et établit que les arguments psycho-

physiologiques ne reçoivent l'appui d'aucun fait clinique nettement

observé. <

BIBLIOGRAPHIE. 40S

Pour donner plus de force à son hypothèse, M. Mirallié, après

avoir critiqué les arguments en faveur du centre de l'agraphie,

expose ceux contraires à l'exislence de ce centre. Se basant sur la

clinique, il affirme que l'agraphie pure, non reliquat d'une aphasie

motrice ou sensorielle, est encore à démontrer. Il cite l'observation

de M. Bar où l'autopsie révéla une seule lésion localisée au pied de

la deuxième frontale (localisation de l'agraphie de Charcot). Ce

malade aurait dû être atteint d'agraphie pure, mais fobservation

indique des troubles de la parole avec ceux de l'écriture. Enfin

M. Mirallié a fait des expériences au moyen de cubes sur lesquels

des lettres étaient dessinées. S'il existait un centre d'agraphie

permettant de coordonner les mouvements nécessaires pour tracer

des lettres, les malades atteints d'agraphie pourraient former des

mots avec ces cubes, les mouvements destinés à tracer les lettres

n'étant plus nécessaires. Or, chez tous les malades, l'agraphie exis-

tait tout aussi bien pour ce genre d'écriture typographique que

pour l'écriture ordinaire. Donc, dit M. Mirallié, l'agraphie ne résulte

pas d'une perte de prétendues images graphiques mais bien de la

perte de la notion du mot. Rien n'autorise actuellement à admettre

un centre de l'agraphie.

L'anatomie de la zone du langage est ensuite minutieusement

exposée par l'auteur. Voici ce qu'il entend sous ce nom avec M. Dé-

jerine : c'est la plus grande partie de la'circonvolution d'enceinte

de la scissure de Sylvius : pied de la troisième frontale, centre des

images motrices d'articulation; partie postérieure des première et

deuxième temporales centre des images auditives; pli courbe, cen-

tre des images visuelles. Ces diverses parties sont reliées entre elles

par des fibres blanches, d'autres fibres les réunissent aux autres

régions corticales, d'autres traversent le corps calleux et vont à

l'autre hémisphère.

De toute la corticalité de la zone du langage partent des fibres

de projections venues des cellules pyramidales. Les mieux connues-

sont celles de la troisième frontale qui forment le faisceau pédiculo-

frontal de Pitres, occupent le genou de la capsule interne formant

son extrémité antérieure, le bord interne du pied du pédoncule

puis arrivent aux noyaux moteurs du bulbe. Cette zone du langage

est irriguée par l'artère sylvienne et ses branches.

Les aphasies vraies sont produites par les lésions de cette zone du

langage, tous les modes du langage sont atteints et le langage inté-

rieur est altéré. Les aphasies pures résultent d'une lésion des fibres

de conduction centripète ou centrifuge ; la zone du langage étant

intacte, il y a intégrité du langage intérieur.

Le remarquable travail de M. Mirallié se termine par un recueil

de 62 observations dont beaucoup sont inédites qui forment une

base solide aux opinions que défend l'auteur.

Certaines de ces observations s'accompagnent de dessins des

406 ' VARIA.

lésions du cerveau, de reproductions de l'écriture altérée des ma-

lades. Les plus intéressantes sont : l'observation 59 (personnelle)

ayant trait un malade atteint de cécité verbale et littérale totale

avec agraphie dans laquelle le malade ne reconnaît et ne peut

écrire que son nom. -

L'observation 60 dans laquelle le malade, atteint d'aphasie sen-

sorielle complète, est agraphique et ne peut écrire avec des cubes

alphabétiques. Il présente une paraphasie et une jargonaphasie

très marquée. Ce même malade, qui ne peut répéter les paroles

dites de la Marseillaise, les prononce distinctement en chan-

tant. -

Enfin, signalons la très curieuse observation 62 (inédite), recueillie

avec M. Escat dans le service de M. Gaucher. Le malade est atteint

de cécité verbale pure. Très bon dessinateur, il dessine très bien

spontanément une tête et est incapable de copier correctement un

modèle de tête et même de dessiner d'après nature une simple

sonnette. Les figures de ces dessins reproduites au cours de l'obser-

vation sont des plus intéressantes.

Les mémoires du genre de celui de M. Mirallié ne se jugent pas

à la suite d'une analyse, ils sont le résultat d'une connaissance trop

exacte de la clinique et de l'anatomie cérébrales pour ne pas

perdre beaucoup dans un résumé fût-il très long et très conscien-

cieux. / J. Noir.

VARIA.

Les peintres DE la médecine (Ecoles flamande et hollandaise).

LES opérations sur la tète; par M. Henry Meige. (Nouv. Iconog.

de la Salpêl21ère, 1895, nos 4 et 5.)

C'est là une de ces 'études médicales et artistiques que M. Meige,

érudit et artiste à la fois, s'entend si bien à rendre attrayantes. Je

n'ai pas la prétention de l'analyser, elle est très étendue et se prête

mal à l'analyse, mais je tiens à la signaler comme une des plus

intéressantes parmi les intéressantes études du même genre, que

l'on trouve dans presque tous les numéros de la Nouvelle Icono-

graphie. On y voit intercalés dans le texte d'excellents dessins re-

présentant les tableaux plus ou moins connus, dont on a ainsi à

VARIA. 407

la fois la reproduction, l'histoire et l'interprétation critique.

M. Meige, le titre de son travail l'indique, a recherché dans les

différents musées les tableaux et les gravures des anciennes écoles

flamande et hollandaise, représentant des scènes de pratique chi-

rurgicale. Limitant ensuite son sujet, il n'a gardé, de ces repro-

ductions de l'art chirurgical, que celles qui avaient trait à la chi-

rurgie de la tête. Les tableaux de cette sorte sont, parait-il, assez

nombreux et on peut les ranger par catégories. Ainsi, il y a d'abord

de nombreux tableaux qui représentent des extractions de dents :

on trouve toujours au moins un Dentiste dans chaque musée d'Eu-

rope. Le Louvre possède le Dentiste de Girerd Don, qui est un véri-

table chef-d'oeuvre. Il existe aussi quelques reproductions d'opéra-

tions pratiquées sur les yeux, mais les opérations pratiquées sur le

crâne ont joui particulièrement d'une grande vogue artistique;

M. Meige, jusqu'à présent, en a déjà réuni douze exemples trouvés

dans les différents musées d'Europe, et qui tous méritent d'être

étudiés au point de vue médical, artistique et anecdotique. C'est,

en réalité, les douze études de ces douze tableaux ou gravures qui

constituent le fond de son travail.

Eh bien, ces douze tableaux ou gravures représentent presque

tous d'une façon indéniable des scènes d'extraction de pierres de la

télé.

Qu'est-ce donc que ces p ! 'e ? ? s de la tête ? M. Mêlée va nous

l'apprendre. Il est une locution familière dont on fait un usage

fréquent, lorsqu'on veut dire de quelqu'un que son fonctionnement

psychique laise à désirer : a Il a, dit-on, un hanneton ou une amci-

gnée dans le cerveau, » ou encore : «. Il a un grain dans la tête. »

Autrefois, dans certains pays, on se servait, et on se sert encore

dans quelques contrées du Nord, pour exprimer la même idée,

d'une locution analogue : « Il a une pierre dans la tête. » Or, nous

n'étonnerons personne en disant qu'il s'est trouvé jadis nombre de

charlatans pour démontrer que la locution exprimait un fait positif,

qu'il existait réellement des pierres dans la tête et la cervelle des

gens atteints]de certaines maladies, lesquelles gens guérissaient dès

qu'on était parvenu à leur arracher leurs pierres, si bien que l'ex-

traction des pierres de tête devint à un moment donné une véri-

table industrie. Comme conclusion, tous ces tableaux et toutes ces

gravures qui représentent des scènes d'extraction de pierres de la

tête sont des oeuvres satiriques et philosophiques, dont plusieurs

ont en outre une grande valeur artistique, et M. Meige expose l'his-

toire et fait la critique des douze exemples qu'il a recueillis, parmi

lesquels je citerai le Chirurgien de Village de Jan Sauders (van

Hemessen), du musée du Prado de Madrid ; les gravures de Pierre

Bruegel le Vieux, du musée d'Amsterdam, de Nicolas Weijdmans;

du cabinet des estampes du muséum d'Amsterdam, etc.

Camuset.

408 VARIA.

Guérisons prétendues miraculeuses au MOXT SAINT-MICHEL

Nous avons trouvé dans l'Hisloire du Mont Saint-Michel de

Deschamps du Manoir un certain nombre de faits intéressants,

concernant la guérison, réputée miraculeuse, de plusieurs

personnes atteintes d'affections nerveuses et en particulier

d'hystérie. Nous croyons utile d'en placer la relation sous les

yeux de nos lecteurs.

« Aux frères habitant le mont Saint-Michel, le frère Robe ? t

et les autres frères serviteurs du bienheureux Vit01', près Bnyeux.

« Notre frère Hugues, neveu de l'abbé de Lon... * que vous con-

naissez parfaitement, puisqu'il a été élevé parmi vous, a éprouvé

une chose inouïe, dont la singularité a frappé ici tout le monde.

Un mardi, pendant la messe matinale, il fut pris d'un mal de tête

et se retira dans sa cellule, où il éprouva tout à coup une crise de

la maladie que les médecins appellent épilepsie, d'un mot grec, ou

mal sacré, parce qu'elle affecte les parties nobles de l'homme,

comme la tête et l'esprit, et que nous nommons vulgairement mal

caduc, parce qu'il fait tomber. Un frère, hors de lui, accourut me

chercher au cloître, où j'étais par hasard occupé à écrire. Nos

frères, qui avaient fini l'office, accoururent aussi près de lui, avec

la croix et l'eau bénite. Nous nous mimes à genoux pour réciter les

psaumes de la pénitence; puis je le fis porter à l'église au pied de

l'autel de saint Nicolas. Là, nous récitâmes encore les sept psaumes

pénitentiaux, les litanies et les trentes psaumes d'avant l'office de

nuit. Troublé et agité, Hugues poussait des gémissements lamenta-

bles et entendait des voix pleines de reproches.

« On le porta à l'infirmerie, et on appela deux célèbres médecins

qui se trouvaient alors à Bayeux. Leur art resta inutile, et les accès

se répétaient chaque jour, de manière à ce que je ne pouvais pas

le quitter. Dans une situation si triste, il n'avait pas perdu cette

légèreté, cette étourderie, ce penchant à la bouffonnerie, qui m'a-

vaient tant contristé et que vous lui avez connus autrefois

« Vingt-sept jours se passèrent de la sorte; Je vingt-huitième,

après le souper, je retournai près de lui comme à l'ordinaire, et je

m'assis devant son lit. Etonné de son silence, j'entr'ouvris les

rideaux, et je le trouvai privé de sentiment. Un peu après, il poussa

un profond soupir, et dans l'espace d'une heure, il eut trois crises

horribles, pendant lesquelles des voix mystérieuses lui criaient de se

recommander aux prières de ses frères, pour fléchir le courroux de

Dieu.

« J'appelai quatre religieux, et on apporta solennellementle corps

' Lonensis abbattis.

VARIA. 409

de Notre-Seigneur pour lui donner la sainte communion. La plus

grande partie de la nuit fut calme et silencieuse; puis les crises

recommencèrent. Je fis aussitôt éveiller toute la communauté,

pour qu'elle vint prier avec nous. Pendant que nous récitions les

psaumes, il me dit : « Dites à nos frères d'aller se reposer, parce

« que je suis délivré pour cette fois par la miséricorde de mon Dieu,

« et je ne serai repris que dans trois jours. » Une grande anxiété

avait éteint sa légèreté native, et je profitai de ces bonnes disposi-

tions pour l'avertir de faire un retour complet sur lui-même et de

confesser tous ses péchés passés, surtout ceux qui avaient été pour

lui une cause de tourment dans cette vision si terrible. Il le fit de

toute son âme, et je lui donnai les meilleurs avis qu'il me fut pos-

sible.

a Le troisième jour, après avoir assisté à l'office du matin hors

du choeur, il vint au chapitre se prosterner aux pieds des religieux,

le coeur ému et l'âme brisée, puis il reçut la discipline avec une

humilité admirable, tous les moines passèrent ce jour dans les

larmes, distribuant leur dîner aux pauvres et donnant de plus un

denier à chacun. Dans une nécessité si pressante, nous voulûmes

honorer Jésus-Christ dans la personne du pauvre, et nous fimes

entrer à l'infirmerie un indigent qui dîna avec notre frère et reçut

deux deniers. La journée fut consacrée à la prière, et notre frère

communia à une messe qui fut dite pour lui. Après que nous eûmes

pris notre réfection, j'allai rejoindre le malheureux Hugues, qui,

as>is et tremblant, sentit la main de Dieu s'appesantir sur lui. Il

tomba sans connaissance, et quoiqu'il n'eût pas les violentes agita-

tions des premières crises, il se roidissait et écumait. Je fis venir

la communauté qui se mit en prière : tout à coup sa main droite

s'ouvrit et il fit trois signes de croix. Nous continuions à psalmo-

dier, et nous l'entendions dire en se frappant la poitrine : « Mon

a Dieu, mon Dieu ! que je suis pressé ? des bêtes cruelles m'atta-

« quent... mais elles se retirent... » Il ajouta un peu après, quand

nos frères se furent rendus au choeur pour l'office du soir : « J'ai

«vu entrer par cette petite porte un horrible homme noir, aux

« yeux flamboyants, le feu lui sortait par la bouche, et il traînait à

« sa suite deux chiens affreux, qui jetaient le feu par la gueule

« pour me consumer. J'ai bien combattu ces ennemis, et je suis

« parvenu à les mettre en fuite, en donnant un coup à chacun

«d'eux. » Je compris que les trois coups qu'il avait donnés étaient

les trois signes de croix qu'il avait faits. Il gisait sur son lit, brisé

de terreur et de fatigue, et, la nuit suivante, il eut une nouvelle

crise tout aussi épouvantable, pendant laquelle il fil un grand signe

de croix. Il me dit quand elle fut passée : a J'ai vu trois hommes

c armés de lances d'un feu qui sentait le soufre, entrer dans ma

« cellule pour me percer; mais avec la croix que je tenais à la

« main, je les ai dispersés. » D'abondantes larmes coulaient sur les

lr'10 VARIA.

joues amaigries par la souffrance et enflammées par la fièvre.

Pour le consoler, je lui parlai de nos divines Ecritures et du mystère

adorable de la Trinité. Il m'écoutait attentivement, quand soudain

il ferma les yeux et sembla perdre connaissance ; cependant il

tenaitles mains jointes et élevées vers le ciel. Nous nous mimes il

réciter le symbole de saint Athanase, et comme nous le répétions

une seconde fois, vers la moitié, il ouvrit les yeux et s'écria :

« Gloire à vous, ô mon Dieu ! gloire à vous, ô mon Dieu ! » Nous

nous hâtâmes d'achever le symbole, et Hugues me pria de faire

venir près de son lit tous les religieux du mont Saint-Michel qui

résident ici. Quoique j'eusse quelque répugnance à interrompre

avant matines le sommeil de nos frères, que j'avais envoyés se

reposer comme de coutume, je cédai à ses vives instances, et dès

qu'ils furent réunis : « De la part de Dieu, dit-il, de la part de saint

« Michel et de saint Vigor, notre excellent patron, ne retournez

« point au Mont pendant la prélature de celui qui en est mainte-

« nant abbé. Si vous y retournez habiter, vous aurez une mauvaise

« fin et une mort affreuse, le Seigneur vous prouvera la vérité de

« ces paroles. » Je renvoyai alors nos cinq frères du mont se reposer

sur leurs lits; mais voyant Hugues repris d'un nouvel accès, je

les rappelai et nous récitâmes de nouveau le symbole de saint

Athanase. Après le Gloria Patri, Hugues s'assit sur son lit, en s'é-

criant : « Que le Seigneur soit béni ! qu'il soit à jamais béni ! me

« voilà entièrement guéri ; je puis me lever et agir comme vous ! » »

Et en effet nous vîmes sur son visage je ne sais quelle marque

divine de santé, et celui qui un instant auparavant était étendu

sous les étreintes de la maladie et dans les angoisses de la mort,

paraissait dans la joie et dans une santé florissante. Aussi nous

nous empressâmes de réciter le Te Deum. Depuis lors, il se porte

parfaitement, et il bénit, par ses paroles et par son changement de

conduite, le Seigneur qui l'a frappé et guéri, le Seigneur dont il a

senti la main, et auquel soit honneur, gloire et puissance dans les

siècles des siècles ! Amen. » (Deschamps du Manoir. Histoire du Mont

Saint-Michel, au péril de la mer et du ii2o ? zt.Tombelaine, 3° édition,

1877, p. 321.) ,

« Le manuscrit n° 34 rapporte la guérison d'une femme pamly-

tique, qui voyant tout le monde courir au-devant de la châsse de

saint Aubert, apportée processionnellement du mont à la cathé-

drale d'Avranches, se mit à invoquer le saint pontife avec ferveur.

Elle s'était placée près de la porte de la ville, et, quand les Saintes

Reliques passèrent devant elle au sortir d'Avranches, elle se trouva

subitement guérie. » (Deschamps du Manoir. Histoire du Mont Saint-

Michel, p. 320.)

« La première, du 4 mai 1560, est celle d'une jeune fille de Saint-

VARIA. 411

Sylvain-en-Caux, nommée Thomasse George, dont la main ne pou-

vait s'ouvrir, Comme elle faisait dire la messe, le prêtre faisant

« la dernière élévation du corps de Notre-Seigneur, la main luifut

a ouverte aussi facilement que si jamais elle n'avait été fermée. »

« Ce fut également une Bretonne qui obtint le troisième miracle.

Guillemette, femme de Jeau Leredde, de Cancale, fut délivrée d'une

possession le 29 janvier 1595.

« La quatrième de ces guérisons est celle du 14 juillet 1594.

Jean Tellevast, de Carneville, au diocèse de Coutances, était, comme

Guillemette Leredde, possédé du Démon, qui le harcelait horri-

blement. Sa mère, son frère et un de ses cousins le conduisirent

au mont, lié et emmenolté. Dom Payem, promoteur de l'abbaye,

l'exorcisa, et il fut si complètement délivré du malin esprit, qu'il

laissa ses liens au pied de l'image de saint Michel... » (Deschamps.

Histoire du Mont Saint-Michel, p. 330.)

Ces faits s'ajoutent à ceux que nous avons déjà rapportés

en maintes circonstances et justifient les opinions soutenues

par notre illustre maître Charcot, dans un de ses derniers tra-

vaux : La foi qui guérit , que nous avons publié dans les A 1'-

chives de Neurologie (t. XXV, p. 72, 1893), et que nous réimpri-

mons actuellement pour la Bibliothèque diabolique. B.

Séquestration D'UN aliéné.

Le parquet de Cambrai vient d'être saisi d'une grave affaire de

séquestration qui s'est passée à Soncourt. La dénonciation affir-

mait que, dans une grande ferme de cette commune, un jeune

homme, qui était revenu du régiment l'esprit oblitéré, était

séquestré par ses parents depuis six ans. Le procureur de la Répu-

blique de Cambrai et le juge d'instruction, accompagnés d'un

médecin légiste, se sont rendus aussitôt à la ferme désignée, et ont

procédé à une enquête. Ils trouvèrent, en effet, l'idiot dans une

chambre obscure, située à l'extrémité de la ferme.

Un air méphitique régnait dans ce taudis infect. Le pauvre

insensé était couché sur une paillasse pourrie par ses déjections.

Il n'avait pour tout vêtement qu'un mauvais maillot de coton

dont les trous laissaient voir le corps décharné et sale, complète-

ment replié sur lui-même. Les membres inférieurs sont ankylosés.

Il semble privé de l'usage de la parole et ne répond que par des

cris gutturaux aux questions qui lui sont posées. En résumé, c'est

un être retourné à l'état sauvage.

A la vue des gendarmes, il s'est mis à rire et a poussé des petits

cris de joie. Le pauvre idiot a été transporté immédiatement à

l'hôpital Saint-Julien, à Cambrai. Aucune mesure n'a encore été

prise contre les parents dénaturés. (La Justice, du 12 oct.)

41 2 VARIA.

Il s'agit là, non pas d'un malade atteint d'idiotie, maladie

congénitale ou de l'enfance, mais d'un malade devenu aliéné.

Les séquestrations illégales de ce genre entrainent la res-

ponsabilité, non seulement de la famille, mais encore du

maire de la commune et du préfet du département. Les com-

munes, les administrations départementales, les conseils

généraux, placent trop souvent les considérations financières

au-dessus des questions d'humanité. On entoure les place-

ments des aliénés dans les asiles de trop de difficultés admi-

nistratives. On ne veut ordonner le placement que si le malade

est dangereux, a commis des attentats contre les personnes

et contre la propriété. C'est au ministère de l'intérieur qu'il

appartient de faire cesser ces séquestrations arbitraires et

barbares en donnant des instructions formelles à ses préfets,

en leur rappelant que la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés

est au premier chef une LOI DE bienfaisance.

Assistance DES enfants IDIOTS.

Nous avons reçu la lettre suivante qui mérite d'attirer l'at-

tention des médecins et des administrateurs.

3 octobre 1896.

Monsieur et très honoré confrère,

Je vous prie d'abord de m'excuser si je viens vous déranger au

milieu de vos nombreuses occupations, mais il s'agit d'une oeuvre

d'humanité et d'une question qui relève de votre compétence bien

connue en matière de phrénologie infantile. Je voudrais savoir s'il

existe quelque part un asile où pour une modique somme, sinon

gratuitement, on puurrait recueillir une enfant de quinze ans

demeurée arriérée par suite d'une méningite survenue dans la

première enfance, et ayant en outre un bras et une jambe frappés

d'impotence fonctionnelle. La mère, divorcée, n'a pour toute res-

source que des journées de couture (75 centimes par jour); elle est

obligée d'abandonner chez elle cette enfant qui a déjà été victime

de deux tentatives de viol. Il est facile de prévoir ce qui finira par

arriver ; cette situation est intolérable et il n'existe dans ce pays

aucun moyen d'y remédier.

Si on connaissait un établissement voulant se charger de ce genre

de malade on pourrait solliciter la charité de quelques familles et

même s'adresser à l'administiaUon pour avoir un secours et cons-

tituer un trousseau ou donner quelque argent. J'espère que vous

VARIA. 413 là

me pardonnerez mon importunité en faveur du motif et que vous

voudrez bien m'honorer d'une réponse.

Recevez, monsieur et très honoré confrère, l'expression de mes

meilleurs sentiments. Dr E. d'A...

Ce fait plaide d'une façon éclatante en faveur de l'hospita-

lisation et du traitement des idiots enfants, adolescents et

adultes.

Loi interdisant LE mariage aux épileptiques ET aux IMBECILES.

La Médecine Moderne (n° du 26 août 1896) rapporte d'après le

Medieo-su1'gieal Bulletin que la législature du Connecticut a voté

une loi interdisant à tout homme ou femme épileptique, imbécile

ou faible d'esprit, de se marier ou de vivre ensemble comme mari

et femme, quand la femme est âgée de moins de quarante-cinq ans.

La pénalité est un emprisonnement de trois ans au moins. Toute

personne qui aidera à cette union sera passible d'une amende de

1,000 dollars ou d'un emprisonnement d'un an.

L'application absolue de cette loi nous paraît difficile. Elle

est facile quand il s'agit des idiots proprement dits, des imbé-

ciles à un degré prononcé et des épileptiques incurables plus

ou moins aliénés, qui, tous, sont des gens peu mariables.

En ce qui concerne les épileptiques qui ont des accès rares,

ne troublant que passagèrement leurs facultés intellectuelles,

et les épileptiques qui n'ont que des accès nocturnes, dont la

maladie est pour ainsi dire ignorée du public, la loi est diffi-

cilement applicable. Dans ces conditions, si le conjoint sain

n'a pas été prévenu de l'existence de l'épilepsie, le divorce

devrait être de droit.

Pour ce qui est des faibles d'esprit, il y a une très grande

difficulté à l'application de la loi, car il faudrait préciser où

la faiblesse d'esprit commence et où elle finit.

Les équipées DU petit Janot : Hippophilie.

Edouard Janot, un galopin haut comme une botte, à la physio-

nomie rusée, a treize ans. On ne lui en donnerait pas huit. Il est

poursuivi à la 9° chambre correctionnelle du tribunal de la Seine

pourvoi d'un cheval et d'une voiture.

Le 21 juillet dernier dans la matinée, au marché de Joinville-le-

Pont, Edouard Janot détela le cheval d'un charcutier, M. Morin,

sous le nez d'une dame que ledit charcutier avait chargée de gar-

der son attelage. Ensuite, prenant le cheval par la bride, le petit

r'1P Il FAITS DIVERS.

bonhomme se rend chez un charron, M. Honnot, et il lui emprunte

une voiture soi-disant de la part d'un client, M. Bouet.

Peu de temps après, tandis que le charcutier réclamait en vain

son cheval à tous les échos, le charron apprenait de son client que

celui-ci n'avait envoyé personne lui emprunter une voiture. Alors

commença la chasse au voleur. Dans la soirée, Edouard Janot fut

rencontré promenant en voiture un de ses camarades. Le cheval

était à moitié fourbu. La pauvre bête avait reçu plus de coups de

trique qu'elle n'avait mâché de grains d'avoine. Lejeune prévenu,

qui n'en et pas à son premier vol, reconnaît en souriant avec fierté

les faits qui lui sont reprochés.

Son père, M. François Janot, un très honorable charretier, a

été cité devant le tribunal. Ce brave homme refuse absolumen t

de reprendre le mauvais garnement.

Ce gamin-là, dit-il, est incorrigible. C'est la quatrième fois

qu'il se fait arrêter pour vol de chevaux et de voitures qu'il aban-

donne sur la voie publique après s'être promené toute la journée.

Je demande qu'il soit envoyé dans une maison de correction et

qu'on lui apprenne un métier.

Alors le moutard : Un métier, mais j'en connais un, celui de

cocher. Le tribunal acquitte le jeune Edouard comme ayant agi

sans discernement, mais il l'envoie dans une maison de correction

jusqu'à sa vingtième année. (Petit Journal, 27 août 1896.)

Le petit Janot nous paraît un malade. Ce n'est pas un cas

exceptionnel ; il appartient à la catégorie de ceux qui ont la

manie de voler les chiens ; c'est là une variété de kleptoma-

nie. Sa place n'est pas dans une maison de correction où il

deviendra pire, mais dans un établissement médico-pédago-

gique. La grande majorité des enfants envoyés en correction

sont des malades.

FAITS DIVERS.

Jeune mystique. Dans les Aventures de ma vie, de Henri Ho-

chefort, nous lisons (p. 37, t. I) le passage suivant : « Une autre

soeur de mon père, la baronne d'Almais de Curnieux, qui vivait

avec elle, mourut littéralement de faim et d'épuisement à la suite

d'un carême où elle avait jeûné au bas mot trente jours sur qua-

rante. Elle nous écrivait des lettres où, comme dans les Faux-

Bonshommes, il n'était question que de sa mort et où elle nous indi-

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 415

quait la place de tous les objets que nous trouverions dans ses

tiroirs après son décès. »

Asiles d'aliénés. Nominations et promotions. M. le Dr PHCUAR-

MAN, médecin adjoint de l'asile de Clermont, est promu à la

frétasse du cadre à partir du 16 juillet; - M. le Dr Cnocaaes,

médecin adjoint à l'asile de Bailleul, est élevé à la Ire classe du

cadre à partir du 1er septembre ; M. le Dr Charuel, médecin

adjoint J'asile de Châlons-sur-Marne, est élevé à la 1'c classe à

partir du ICI' septembre ; M. le D'' UAMEL, médecin adjoint à

l'asile de Saint-Yon est élevé à la 1 ? classe du cadre à partir du

1er septembre 1896 ; M. le D'' Beutz, médecin adjoint à l'asile de

Dury, est élevé à la 1 ? classe du cadre à partir du lor septembre

t8 ! J6; M. le Dr TOULOUSE, médecin-adjoint à l'Asile clinique

(Sainte-Anne), est élevé à la classe exceptionnelle à partir du

t°' octobre.

Zuccarelli e Mauceri. 3° Dente molare (considetto del semio

délia mascella supeniore studialo in 271 crazzi. - Brochure in-8° de

20 pages. Homa, 1896. Tipogralia dell Unione cooperativa éditrice.

Buley (P.) et EwfXG (J.). A contribution to the study of' acide

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Kensington, 1896. -Chezl'auteur.

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. Le rédacteur-gérant : Dotn : OEYlLLE.

Eireux, Ch. Htaissry, imp. - 1196.

Vol. II. Décembre 1896. N° 12.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE MENTALE.

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES A ÉVOLUTION PROGRESSIVE

ET A SYSTÉMATISATION DITE PRIMITIVE1 1

A. MARIE, cr Cu. VALLON,

Médecin en chef de la colonie Médecin en chef de l'Asile

de 1)un sur-Auron. 6 de Villejuif.

(C Les conceptions délirantes présentent en général, dit

J-Iarcé 2, l'empreinte du milieu dans lequel vit le malade et

varient singulièrement selon l'époque, les préjugés sociaux,

les idées régnantes. Dans les temps antiques, les lypéma-

niaques se croyaient poursuivis par la colère des Euménides

ou des dieux infernaux, ou atteints par les flèches de Diane :

au moyen âge, la croyance aux sorciers, aux esprits diabo-

liques, aux revenants, donnait aux monomanies un aspect

caractéristique. De nos jours, des formes gouvernementales

nouvelles, une surveillance plus grande exercée sur tous les

citoyens et, dans un autre ordre d'idées, des découvertes mer-

veilleuses en chimie, en physique, ont substitué aux idées

superstitieuses du moyen âge la crainte des persécutions de la

1 Cet article est le résumé d'un chapitre sur les Psychoses mystiques

en collaboration avec M. le D' Vallon pour l'Encyclopédie Leallié. Il nous

a paru d'actualité d'en extraire ces lignes après le Congrès-de Nancy où

les délires hallucinatoires ont été étudiés et, il leur propos, une obser-

vation répondant au type que nous décrivons.

3 Marcé. Traité pratique des maladies mentales. Paris, 1862, p. 366.

Archives, 2e série. t. IL 27

418 CLINIQUE MENTALE.

police et cette croyance, si commune chez les hallucinés,

qu'on les tourmente à l'aide de l'électricité. La forme du délire

change donc avec les siècles, mais au fond les éléments du

délire restent les mêmes.

Moreau (de Tours)' dit de même : On ne délire générale-

ment que dans le cercle de ses idées et de ses croyances.

« Autrefois, sous l'empire des idées superstitieuses, qui

régnaient alors sans contrôle, il se rencontrait des hommes

sérieux et véritablement instruits qui croyaient avoir des rap-

ports immédiats avec la Divinité, être en relation avec les

esprits célestes, les anges, bons et mauvais, recevoir d'eux

les inspirations, ne rien penser, ne rien dire, ne rien faire

que sous leur dictée et par leurs ordres. Aujourd'hui, ces

aberrations ne s'observent plus que chez de pauvres diables

qui sont nés et ont vécu toute leur vie dans un dénûment

physique et moral complet, bien plus privés, encore, de la

nourriture de l'âme que de celle du corps. Non plus que les

possédés ou démoniaques, les illuminés mystiques, théo-

sophes, etc., etc., ne se voient plus guère que parmi les

pauvres d'esprit.

« Les idées fixes, les hallucinations sont partout, toujours,

chez tous les hommes, petits et grands, savants et ignorants,

le même fait morbide, la traduction phénoménale, interne ou

externe, d'une lésion somatique que le milieu moral ambiant t

peut faire varier dans ses manifestations extérieures, dans la

forme, mais non dans sa nature intrinsèque. »

« L'aspect, disent aussi MM. Magnan et Sérieux 2, sous lequel

se présente le malade atteint de délire chronique varie, non

seulement, suivant la période de la psychose, mais encore,

avec ses croyances, son éducation, le milieu social dans lequel

il a vécu, ses préoccupations habituelles. Il emprunte à ces

divers éléments, pour édifier son délire et lui donner lamarque

de son individualité propre.

« Nous voyons ainsi. d'un côté, le délire du moyen lige, avec

ses croyances superstitieuses, de l'autre, le délire moderne uti-

lisant les progrès de la science'et l'industrie, et en rapport avec

les luttes politiques et l'organisation sociale nouvelles. »

Le facteur sociologique, trop souvent négligé en pathologie

1 Moreau de Tours. Psychologie morbide, p. 221, 222.

' Magnan et Sérieux. Délire chronique, p. 98.

v DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 4t9

mentale, nous semble avoir une importance non moindre en

ce qui concerne l'aliéné qu'en ce qui concerne le criminel.

Les progrès de l'anthropologie ont démontré son importance

majeure. Cette influence des milieux sur les psychoses nous

parait nettement démontrée en particulier par les psychoses

mystiques; les caractères différentiels que le délire emprunte

aux temps, aux lieux et aux croyances ambiantes loin d'être

superficiels et de pure forme, apparaissant d'autant plus

profonds qu'on les étudie de plus près.

Rappelons le tableau comparatif de l'évolution parallèle des

deux variétés de psychose décrites par les auteurs précédents.

1° Période commune d'incubation. Inquiétudes vaques.

420 0 ' CLINIQUE MENTALE.

Les mélancoliques poursuivis par le démon perdent progres-

sivement du terrain jusqu'au jour où le diable installé dans

leur corps blasphème victorieusement par leur bouche; les

démonopathes qui nous occupent maintenant sont bien aussi

en lutte avec l'esprit malin, mais, eux, lui tiennent tête et, au

bout d'un temps plus ou moins long, finissent par triompher

de ses maléfices, grâce le plus souvent d'ailleurs à quelques mys-

térieux soutiens dont la divine origine finit par leur être révélée.

Dieu et ses saints, et non plus Satan, s'expriment par leur

bouche ; mais auparavant on observe ici, en règle, des troubles

sensoriels multiples, essentiels et primitifs, les troubles psy-

chomoteurs étant secondaires, tardifs et moins constants.

Parmi les démonomanes, il importe donc de distinguer,

comme l'a fait très justement M. H. Dagonet', plusieurs

genres de malades. ,

1° Démonomanie externe. Les sujets ont avec le diable

des rapports externes. Ce ne sont pas de vrais possédés ; mais,

ils voient le diable, ils l'entendent, ils le touchent, ils le sentent ;

seulement ils ne le portent pas dans leurs corps; ce sont des

hallucinations et des illusions d'une nature spéciale.

2° Démonomanie interne. -Les malades sont véritablement

possédés, ils sont convaincus qu'ils portent le diable dans

leur corps.

Il faut en effet distinguer la possession et l'obsession. Dans

la première, le démon s'est emparé complètement de l'indi-

vidu ; dans la second, il ne se livre qu'à des persécutions super-

ficielles.

C'est à la première catégorie de M. Dagonet qu'appar-

tiennent nos persécutés religieux. Ce sont des obsédés.

La distinction au début, entre ces différentes sortes de démo-

nomanes est loin d'être une chose facile; l'observation de

l'évolution consécutive est parfois indispensable pour un dia-

gnostic précis. En effet, chez les persécutés, les troubles de la

sensibilité générale et viscérale peuvent être assez accentués

au début, pour simuler des phénomènes de possession vraie.

Certains de ces malades se plaignent que l'on détruit leurs

organes, qu'on leur arrache les os, qu'on leur suce le sang,

ou que leurs ennemis sont entrés en possession de leurs cavi-

tés viscérales, qu'ils respirent dans leur poitrine, parlent dans

leur estomac, etc.

Il. Dagonet. Traité des maladies mentales, 1896, p. 237.

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 421

Ces conceptions délirantes se rapprochent, on le voit, de

celles des mélancoliques chroniques religieux ; elles en dif-

fèrent cependant par certains côtés, en particulier par ce fait

que, quel que soit l'acharnement de leurs ennemis, et les

dégâts commis dans leur organisme, ces malades trouvent tou-

jours le moyen de s'en défendre ou de les réparer après coup.

La distinction que nous nous attachons à mettre ici en

lumière, a été faite, non seulement, par les aliénistes modernes,

à l'exemple de M. Dagonet, mais encore par les écrivains reli-

gieux.

Dans les vieux traités d'exorcismes on trouve très nette-

ment exposée la distinction entre les Obsédés et les Possédés

vrais.

Fernel, dans l'édition de 1679, donne une série d'observa-

tions personnelles d'individus obsédés par le démon, et d'autres

véritablement possédés : « Ceci dit, afin qu'on cognoisse, que

tantôt les diables entrent dedans nos corps et les brouillent

par tourments insolites; tantôt, aussi, ils n'entrent point

dedans, mais agitent du dehors, les humeurs du corps '.» Dom

Calmet (1746), signale de plus les transformations successives

de ces divers états dépressifs qu'il dénomme indistinctement

hypocondriaques (obsédés et possédés). Les uns (mélancoliques

V1'ais) arrivent à se figurer qu'ils sont de terre, de neige, de

glace, etc. (idées de négation). Les autres, au contraire (per-

sécutés), deviennent cardinaux, papes, etc. (mégalomanie

religieuse). Ils parlent alors et agissent en conséquence 2.

La raison de ces évolutions opposées, avec un point de

départ, en apparence commun, réside dans la nature même des

deux sortes de délire. Ce point a été développé par MM. Séglas

et Besançon dans leur étude sur l'antagonisme des idées déli-

rantes chez les aliénés . 0

Tandis que le mélancolique démonophobe se regarde

d'avance, comme perdu, le persécuté obsédé pense facilement

à une défense possible, car il a, en somme, l'instinct de la

conservation personnelle plutôt exagéré au contraire. Aussi,

reste-t-il toujours le même lorsqu'il délire, et présente-t-il un

délire convergent sur lui-même, par suite de l'origine primi-

1 C.-J. Fernelii. Opéra, Genevoe, 1679, 1. II, cil. xvi, p. 802, 803.

2 Cité par M. Doutrebante. Discussions sur le Délire chronique,

S. M. P., octobre 1886. ,

3 Séglas et Besançon. Ann. Méd. l'sch., janvier 1889.

422 CLINIQUE MENTALE.

tive des idées délirantes et des troubles psycho-sensoriels qui

les accompagnent.

Ces troubles primitifs de l'idéation s'appuient, souvent, sur

des phénomènes sensoriels mais ne représentent, en somme,

que l'exagération, la traduction délirante des tendances parti-

culières natives de l'individu. Ces troubles de la sensibilité

générale n'entament pas la personnalité et n'en déterminent

pas d'emblée, la dissociation, les organes ne se détruisent pas;

mais, toujours attaqués, ils résistent toujours.

Les conditions organiques de la personnalité subsistent

intactes; il en est de même des conditions affectives; les ten-

dances émotionnelles de ces malades ne changent pas de carac-

tère, elles ne font plutôt que s'accentuer. Si bien qu'en somme,

il n'y a pas métamorphose, mais plutôt exagération dans le

même sens des tendances personnelles '.

Chez les mélancoliques, en revanche, il n'y a pas, à propre-

ment parler, d'idée d'attaque et par suite de défense, de résis-

tance. C'est eux-mêmes qu'ils accusent et les troubles psycho-

moteurs initiaux montrent que les lésions de la volonté sont

primitivement dominantes chez eux, aussi sont-ils vite vaincus

et possédés, tandis que les autres, obsédés et persécutés par le

démon, se fortifient, au contraire, progressivement dans la

résistance.

Comme le dit justement M. Cotard : « Le délire se greffe

moins aisément sur les lésions de la volonté, que sur celles de

la sensibilité. Cela est évident, puisque les sens externes sont

la principale origine de la connaissance, la seule, suivant une

célèbre école philosophique. Les lésions de la volonté pro-

duisent plutôt une altération de la personnalité qu'une altéra-

tion de la connaissance. Maine de Biran a insisté avec raison

sur le rôle important de l'effort volitionnel dans la constitution

du moi.

« Il est évident que la même disposition cérébrale qui nous

fait attribuer une origine externe au mouvement centripète des

sensations doit nous faire attribuer une origine interne, au

mouvement centrifuge des volitions. Cette origine entrevue, le

moi se modifie et s'altère par les lésions psycho-motrices,

comme le milieu se modifie et s'altère sous l'influence des

lésions psycho-sensorielles. »

1 Séglas. Idées de négation, 21. ans. Méd. l'sclt., série 7, t. X,

juillet 1889.

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 423

Aussi ne doit-on pas être étonné que l'antagonisme des idées

ait, chez les mélancoliques possédés, des conséquences tout

autres que chez les persécutés religieux; entrainant d'emblée,

chez eux des lésions, du dédoublement de la personnalité.

C'est un point très délicat, car il faut bien distinguer le

vrai dédoublement de la personnalité qui se produit chez le

mélancolique possédé par deux puissances contraires et déjà

même, atteint dans sa personnalité, déjà dédoublé, lorsqu'il

n'est possédé que par une seule. Ce dédoublement subjectif

des vrais possédés, est bien différent du dédoublement apparent,

objectif des persécutés mystiques, à hallucinations dialoguées,

ou idées de sens contraire. Chez ces derniers, qu'ils n'aient

que des ennemis, ou qu'ils aient aussi des défenseurs, tout se

passe de la même façon, en dehors d'eux, dans le monde exté-

rieur. Ils assistent, toujours identiques à eux-mêmes, à un

combat qui se passe hors d'eux-mêmes, et présententspulement,

avec des troubles sensoriels différents, de nouvelles altéra-

tions parallèles de la connaissance,

S'il y a dédoublement à cette période, il porte sur le

monde extérieur, mais la personnalité n'est ni anéantie ni

diminuée. On peut même dire que ce dédoublement n'est alors

qu'apparent, car tout en se plaignant d'entendre leur pensée

volée, formulée par le diable, ces malades reconnaissent com-

plètement qu'elle est toujours leur. Ce n'est, en somme,

qu'une variété d'hallucinations auditives, dialoguées. un écho

de la pensée.

Les hallucinations psycho-sensorielles si importantes dans

ces formes offrent quelques caractères qui les différencient t

de celles des persécutés ordinaires non religieux. Samt',

dans son travail sur l'application des méthodes naturelles à

l'étude de la psychiatrie, signale comme particularités de son

dèlire religieux à forme exaltée la prédominance d'hallucina-

tions visuelles aux dépens des troubles auditifs prédominant au

contraire dans les autres formes de délires systématisés primi-

tifs.

c Ces individus, écrit Calmeil ! , ont, comme ils le disent,

reçu des inspirations divines, ils se voient appelés à réformer

une religion universelle, à donner des leçons de civilisation

1 Samt. - Die Xalurwissens f. Méthode in l'sychial., Berlin, 1874,

38-2.

2 Calmeil. De la Folie, t. I, p. 37-82.

424 CLINIQUE, MENTALE.

aux divers souverains de l'Univers ; ils se disent des envoyés

de Dieu, de grands prophètes, ont la prétention d'être invul-

nérables, immortels, d'être assez puissants pour ressusciter

les morts, pour lancer l'ire de Dieu sur la terre, pour hâter la

fin du monde, etc., etc.

« Ils aperçoivent, dans la lune et dans le soleil, des taches,

des nuages, des emblèmes, dont ils s'évertuent à donner l'ex-

plication ; ils se trouvent face à face avec des anges 1'esplen-

dissants de clarté; ils écrivent des codes de morale, des évan-

giles, sous la dictée du Saint-Esprit, ou des fils de Dieu,

s'enivrent de l'harmonie céleste, de senteurs qui n'ont rien

de commun avec les odeurs terrestres, enfin, le firma-

ment s'ouvre devant leurs yeux ébahis, ils contemplent il loisir le

trône du créateur et la splendeur des chérubins et du Para-

dis ;.... ils voient des météores enflammés, des êtres mystérieux ,

de% animaux' emblématiques, etc., accompagnés d'éclairs, de

tonnerre et d'éclats de trompettes.....

t Beaucoup de ces visionnaires, dit encore Calmeil, s'éton-

nent de n'avoir jamais entendu proférer une seule parole aux

êtres mystérieux qui leur apparaissent et qui se contentent,

disent-ils, de leur exprimer leurs intentions, leur volonté par

un langage muet. »

C'est qu'en effet chez nos mystiques l'éréthisme des centres

cortico-optiques, semble l'emporter sur celui du centre audi-

tif. Or, chez les persécutés types, l'hallucination visuelle est

bien plus rare que celle de l'ouïe, aussi Lasègue niait-il qu'on

pût la rencontrer autrement qu'à titre exceptionnel, sympto-

matique, par exemple, d'alcoolisme surajouté'.

On verra par ce qui suit combien les hallucinations visuel-

les, que nous avons en vue, diffèrent de celles de, l'alcoolisme,

avec lesquelles elles ne pourraient' être que difficilement con-

fondues. Les visions des mystiques sont, d'ailleurs, de deux

ordres : terrifiantes ou consolantes; répondant au double courant

antagoniste d'attaque et de défense ; les premières consistent

en apparitions diaboliques où les malades voient Satan sous

des formes diverses, ou bien des spectres et des revenants.

Ces spectacles lugubres sont d'ailleurs communs aux démono-

manes persécutés et aux mélancoliques possédés ; ils sont

généralement combinés à des interprétations délirantes mul-

tiples, mais portant surtout encore sur des illusions visuelles.

' Legrand du Saulle et J. Falvet ont développé la même idée.

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 425

L'un de nos malades assistant à un orage voit dans les jeux de

lumière et dans les nuées sombres, opposées, la lutte de Satan

contre Dieu et publie sur ce sujet un poème de 300 vers.

Un autre, cité par Sémerie ', voit un chat et comprend

que c'est le Diable.

C U A X r MIRACULEUX X

Vision d'un Démon sous la forme d'un chat.

, Sons la foi me d'un chat giis, aux lunes perdait es,

Et dont le Christ m'a dit : Voilà la liston

,1 Que tu m'as demandée en tes rêves folâtres. »

Sans nul doute, j'ai vu l'esprit le plus félon !

Un instant, tout Iremblant, j'ai regardé le traître,

Qui, devant moi, courbé restait tranquillement.

Puis, je l'ai Il sans bruit s'enfuir par la fenêtre.

Le Chiist me soutenait en ce CI "cillement ! ! !

Le tableau légendaire de la tentation de saint Antoine et

les représentations mystiques souvent renouvelées de ses

visions offrent un exemple frappant et typique de ce genre de

phénomènes hallucinatoires. Ces troubles manifestes dans la

sphère visuelle n'excluent point constamment ceux des autres

sphères, en particulier ceux de la sphère auditive, mais ces

derniers semblent presque toujours rester au second plan, élé-

mentaires souvent et comme accessoires. De ce nombre sont

. les interprétations sinistres données à certains bruits, tels que

les aboiements nocturnes des chiens, les cris lugubres des

hiboux, coïncidant avec des visions sataniques.

Suivant les divagations communes aux anciens démonolàtres,

le diable sentait le roussi, le soufre (hallucinations olfactives).

Il emportait à travers les airs ceux qu'il avait ensorcelés,

après les avoir métamorphosés en bouc ou autre animal (hal-

lucinations de la sensibilité générale). Il leur faisait manger

des mets diaboliques au sabbat (gustation) et s'accouplait avec

eux en incubes et succubes (sensibilité génitale).

Comme les précédentes, les hallucinations consolantes anta-

gonistes paraissent prédominer dans la sphère visuelle. Ce

sont, le plus souvent, des visions radieuses et resplendissantes

de lumière; les personnages en sont généralement immobiles;

quelquefois aussi c'est la figure d'un tableau, ou une statue

' Sémerie. Th. Paris 1867, p. 35.

/1 il 6 CLINIQUE MENTALE.

longtemps contemplée antérieurement, ou seulement un per-

sonnage d'image pieuse; leur attitude fixe, l'expression de la

physionomie, un simple geste parfois permettent au malade de

comprendre la signification et le but de l'apparition. La révé-

lation peut aussi être rendue plus explicite par la vision de

mots écrits, à[l'exemple du Mané, 'l'hekel, Phares de Balthazar.

Généralement, les phénomènes se combinent, le personnage

apparaît tenant, par exemple, en mains des tables où se lit

une inscription. Ici encore, l'hallucination visuelle principale

s'accompagne toutefois d'hallucinations accessoires autres.

C'est ainsi que certains visionnaires croient entendre un accom-

pagnement de musique séraphique, en même temps qu'ils per-

çoivent des odeurs d'encens et de myrrhe. C'est aussi au cours

de leurs contemplations que les illuminés, ravis d'extase par

l'apparition radieuse, s'imaginent être enlevés de terre et

transportés par lévitation au sein de la divinité. C'est là un

trouble de la sensibilité générale analogue à celui du trans-

port au sabbat des démonopathes. On peut même observer,

au cours de ces phénomènes extatiques, des troubles de la

sphère génitale pouvant aller jusqu'à l'orgasme vénérien.

Il n'est pas jusqu'à la sensibilité gustative qui ne puisse par-

ticiper à ces désordres, comme ces mystiques qui croient

savourer dans leur extase la manne céleste. Les auteurs reli-

gieux ont décrit ces goûts et odeurs mystiques qui accom-

pagnent les visions et révélations de l'extase '.

« Enfin, dit Calmeil, ces monomaniaques arrivent à tomber z

dans une abstraction d'eux-mêmes telle qu'ils n'ont plus la

conscience de ce qui se passe dans leur intellect. Ils croient,

en s'écoutant parler, n'être pas moins passifs que s'ils étaient

dépourvus de tète (hallucinations motrices).

« Ils offrent cependant cette particularité que, constam-

ment, leurs idées se rapportent à l'objet principal de leur

délire (à la différence des conceptions des mélancoliques chro-

niques contrastant avec le caractère et les idées habituelles

1 Odeur spirituelle. C'est lorsque Dieu fait sentir une odeur d'une

suavité inefTable, soit que cette suavité soit infuse dans l'intérieur de

t'ame, ou dans l'imagination, ou dans l'odorat du corps qui est pénétré

de parfums et d'odeurs très agréables.

Goût spirituel. Il consiste dans une très douce expérience que

l';ime fait de la bonté divine; le corps goûte aussi quelquefois des saveurs

tièb douces 1.

' Lettres spirituelles sur l'oraison.

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 427 I

auxquels elles s'opposent). Ces malades répètent les oracles

d'une voix intérieure qui n'est autre que l'inspiration immé-

diate du délire. »

Ils peuvent, par une sorte d'extériorisation, objectiver cette

articulation inconsciente hors d'eux-mêmes et attribuer leurs

propres paroles à leurs visions ou aux êtres réels qui les

entourent.

« Une ancienne religieuse croyait que ses chats parlaient

plusieurs langues. Elle montra à Calmeil l'un d'eux qui récitait

parfaitement, disait-elle, les prières latines qu'elle prononçait

elle-même continuellement'. » Le fidèle compagnon de saint

Antoine était doué de la même faculté, Fane de Balaam éga-

lement 2.

3c période. (Théomanie.) - Au début, les hallucinations

effrayantes de l'obsession démoniaque prédominent; mais

avec le temps les hallucinations consolantes antagonistes se

multiplient jusqu'à ce qu'elles l'emportent et que les extases

réitérées pour ainsi dire à volonté donnent au malade la con-

viction qu'il est en communication suivie avec sa divinité tuté-

laire, avec son Sauveur. C'est alors qu'apparaissent générale-

ment les phénomènes psycho-moteurs secondaires, constituant

une sorte de possession théomaniaque dont nous allons étudier

les caractères. Ces phénomènes psycho-moteurs diffèrent donc

essentiellement par leur mode d'apparition des phénomènes

analogues primitifs des mélancolies religieuses. Ils sont consé-

cutifs aux phénomènes psycho-sensoriels et on peut leur appli-

quer la théorie de M. Paul Garnier : l'hallucination (psycho-

motrice dans l'espèce) surgit alors en vertu d'une sollicitation

provoquée par le travail syllogistique sous-jacent, ayant pro-

gressivement préparé le malade à une interprétation vers

laquelle tout son être moral est tendu 3.

Cette mégalomanie diffère également de la pseudo-mégalo-

manie des mélancoliques chroniques parvenus à la phase que

Cotard a désignée sous le nom de délire d'énormités pour la

distinguer du vrai délire des grandeurs. Les pseudo-mégalomanes

ne sont pas seulement infinis dans le temps mais aussi dans

' Calmeil. De la Folie, t. I.

2 La zoophilie et la foi aux métempsychoses découlent naturellement

de l'objectivation de l'articulation mentale qui fait attribuer aux bêtes un

langage humain.

' P. Garnier. De la Mégalomanie, th. de Paris.

428 CLINIQUE MENTALE.

l'espace, ils n'étaient rien, ils en arrivent à être tout, Dieu et le

diable en même temps; mais loin que cette énormité soit une

compensation au délire mélancolique elle en marque au con-

traire le degré le plus excessif... et reste toujours empreinte de

sa teinte caractéristique. La couleur du délire et l'histoire de

l'affection rendent donc la confusion presque impossible.

Enfin, la théomanie qui nous occupe diffère aussi de la méga-

lomanie de certaines formes modernes, où le malade arrive à

se croire Dieu mais par une série de déductions délirantes sans

phénomènes psycho-moteurs sous-jacents. Il y a entre ces deux

sortes de théomanes une différence analogue à celle qui sépare

le religieux croyant du' métaphysicien déiste '.

On le voit donc, le moi, en se dédoublant tardivement ici,

laisse l'individualité première non amoindrie, au contraire, la

personnalité surajoutée ne survenant que tard, se greffe sur

une mentalité antérieurement exagérée par un long éréthisme

sensoriel; enfin, au lieu d'être en opposition les deux éléments

réalisent des tendances convergentes. Ce dédoublement est

donc la conséquence de l'hyperthophie du moi, au lieu d'être

la cause de sa désagrégation. Aussi, les phénomènes psycho-

moteurs se mettent-ils d'accord avec les troubles sensoriels

prédominants en dernier lieu (visions consolantes) et la couleur

nouvelle des idées délirantes (théomanie).

Tantôt ces malades conservent la notion de leur unité psy-

chique et se croient les intermédiaires entre la divinité et le

genre humain; ce sont les papes, les messagers de Dieu; ses

représentants, ses secrétaires, il leur dicte ses volontés (hallu-

cinations de l'ouïe et motrices combinées) et ils les répètent.

Tantôt ils sont directement inspirés et croient à une sorte

d'incarnation en eux, de possession divine, comme on l'a dit

(hallucinations motrices seules). Dans l'un et l'autre cas, il

s'établit une sorte de dialogue entre le patient, représenté par

1 Un malade que nous observons (voir Traité des maladies mentales,

P. Ball, éd. 1891) offre un exemple très net de ce genre de théomanie.

Il n'est d'ailleurs pas passé par la phase de démonopathie qui est pour

ainsi dire de règle dans les déines religieux vrais. Ce n'est que parvenu

à la mégalomanie, lorsqu'il a ajouté à ses titres celui de « Dieu tout-puis-

sant de l'univers infini », qu'il a décoré son ancien persécuteur du nom

de démon, c'est une sorte de démonopathie rétrospective. Signalons

comme trait d'union entre ci; cas et ceux qui nous occupent l'altération

du langage parlé et de l'écriture avec conservation parallèle du langage

normal. (Voir Marie. Etude sur quelques symptômes des délires systé-

matisés, obs. l.) . ' ,

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 429

son lobe frontal, et le mystérieux interlocuteur cantonné dans

le cerveau moteur.

Le premier pose des questions auxquelles le second, con-

sulté, répond automatiquement. Un dynamisme psycho-

moteur est réalisé, conscient, mais involontaire chez les uns,

inconscient et involontaire chez les seconds (inspirés).

Les Jansénistes théomanes entendaient dicter les termes de

leurs discours, soit intérieurement, soit au dehors de l'oreille,

Montgeron a noté qu'ils n'étaient pas tous contraints de répéter

tout haut ce qu'ils s'entendaient dire par l'esprit qui leur

adressait la parole. Ceux qui, en improvisant, croyaient obéir

tout simplement à l'impulsion du souffle divin, méconnaissant

jusqu'à leurs propres idées, différaient à peine de ceux qui

s'imaginaient parler sous la dictée d'autrui. C'étaient les

mêmes idées à eux, méconnues par eux et perçues par eux,

que débitaient tout haut, ces improvisateurs hallucinés. Le

même malade peut, d'ailleurs, passer de l'un à l'autre de ces

états, parlant automatiquement, tantôt à son insu, tantôt

consciemment.

« Il leur arrive quelquefois, dit Montgeron, que dans la

durée du même discours, les théomanes éprouvent successive-

ment trois différentes manières d'être conduits dans ce qu'ils

doivent dire. Ils commencent, par exemple, un discours dans

la seule vue de faire part, aux personnes présentes, des idées

qui viennent de les saisir d'une manière qu'ils sentent être

surnaturelle ; mais après avoir exprimé pendant quelques

moments ces idées le mieux qu'ils ont pu, en cherchant les

termes dans leur esprit, tout à coup, les expressions leur sont

dictées intérieurement, pendant quelque temps ; après quoi ils

se voient derechef abandonnés à leur génie, et peu après ils

s'étonnent de sentir que leur bouche parle sans consulter

leur volonté, ni leur intelligence ; ce qui ne dure ordinaire-

ment qu'un temps assez court ; ensuite de quoi ils sont encore

quelquefois rendus à eux-mêmes, pour exprimer le surplus

des pensées qui leur ont été données '.

« Le dynamisme, dit Cotard, est d'abord limité aux sphères

de l'automatisme ; alors les éléments liés aux images sensi-

bles ou abstraites réalisent pour le malade les êtres, les per-

sonnalités ayant une vie propre dans son cerveau comme son

1 Carré de Montgeron, t. il. Calmeil, De la Folie, 2' vol., p. 354.

430 CLINIQUE MENTALE.

moi, mais en dehors de lui. Plus tard le dynamisme gagne la

sphère du moi lui-même, c'est alors que se produit la méga-

lomanie. L'hyperkinésie automatique était extériorisée, l'hy-

perkinésie devenant volitionnelle, fait que le moi s'attribue la

toute puissance. Souvent, d'ailleurs, il y a confusion entre le

moi et le non moi,

« Les inspirés, les mystiques, les prophètes, les messies,

en communication directe avec Dieu, par la convergence de

de la volition et de l'automatisme, en arrivent très ordinaire-

ment, à se croire eux-mêmes Dieu '. »

La nature exacte de tous ces phénomènes est loin d'être

facile à expliquer. La confusion est fréquente avec les hallu-

cinations auditives, car les malados désignent ces phénomènes

d'articulation mentale, sous le nom de voix, tout comme les

hallucinations de l'ouïe. On peut obtenir parfois d'eux, des

explications suffisantes, les malades spécifient qu'ils n'enten-

dent pas les réponses à leurs questions, dans l'oreille; ou bien

s'ils les entendent, ils les sentent monter de l'épigastre, du

ventre, ou du larynx, où ils localisent souvent la présence de

l'être surnaturel. Dans ces cas, on peut parfois observer des

mouvements faibles de la langue et des lèvres, qui lèvent t

tous les doutes.

Il semble à ces malades qu'on leur parle en pensée ; ils

croient converser d'âme à âme, avec des interlocuteurs invisi-

bles, ils n'entendent que des voix secrètes, intérieures, qui ne

font pas de bruit, il y a dans leur esprit comme deux sortes

de pensées, les unes qu'ils savent leur appartenir, les autres,

au contraire, qu'ils attribuent à d'autres. Si on observe à leur

insu ces malades, au milieu de leurs monologues, on remar-

que qu'ils remuent souvent les lèvres en ayant l'air d'écouter

' et qu'ils répondent ensuite ; ils font ainsi les demandes et les

réponses, mais les unes sont prononcées à haute voix et les

autres murmurées à voix basse.

« Il arrive parfois que les choses vont plus loin et que les

demandes et les réponses, comme cela a quelquefois lieu dans

les rêves, sont faites assez haut pour que l'on puisse entendre

les unes, et les autres. J'ai remarqué que dans des cas de ce

genre, les aliénés affectent deux voix différentes : l'une est la

voix ordinaire, l'autre une sorte de voix gutturale qui rend

' Cotard. Origine psycho-motrice du délire, Congrès de 1889,

6 août.

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 431

très difficiles à entendre les mots prononcés de cette façon.

Cette seconde voix devient d'autant plus sonore et plus claire

que le malade est plus surexcité '. »

Inversement le phénomène peut être assez atténué pour

qu'il ne soit pas saisi par l'observateur, ni même par le malade

qui, inconscient de ses propres mouvements imperceptibles

d'articulation, parle alors de voix éî31gastitqzie ou pharyn-

gienne.

il. Janet, après avoir remarqué que chez ces sortes de

malades il y a comme deux personnalités, dit qu'elles vivent

d'ordinaire en assez bon accord et ne se persécutent pas réci-

proquement (à la différence du dédoublement des mélanco-

liques). Les malades sont même assez fiers de ce détraquement

et se plaisent à consulter sur toutes les circonstances de la vie

la petite affaire qu'ils croient avoir au coeur et à l'estomac et

qui leur donne de bons conseils (Deluze)... Ils ont des col-

loques amicaux avec une surintelligence qui parle par leur

propre bouche (Bertrand). Une malade du D'' Despine ne fait

rien sans consulter intérieurement un bon génie auquel elle

se sent forcée d'obéir. Une malade de Charpignon ne peut

répondre sans dire : < je vais consulter l'autre... c'est l'ange

chargé de m'éclairer et de me garder, etc. »

Mais, comme le dit encore M. Baillarger 2 , quand nous

prononçons mentalement des paroles, ce n'est pas à l'intérieur

du crâne, mais bien au pharynx, qu'elles semblent être pro-

noncées. Nous faisons alors involontairement une sorte

d'effort comme celui qui a lieu lorsqu'on parle à haute voix.

Si l'effort est plus grand, ce n'est plus du pharynx, mais de la

poitrine et même du ventre que les paroles paraissent sortir.

Il y a dans ce cas comme un commencement de ventriloquie

sans émission de son ou avec un son si faible qu'il n'est perçu

que par le malade.

* Si on admet que l'halluciné prononce réellement des pa-

roles la bouche fermée comme le font les ventriloques ;

enfin, si on se rappelle que le malade a perdu la conscience

que tout cela vient de lui, peut-être concevra-t-on jusqu'à un

certain point ce phénomène en apparence si étrange de voix

épigastriques. »

1 Baillarger. Automatisme psychique et mémoire sur les hallucina-

lions.

2 Baillarger T. I, p. 310 et 311.

132 CLINIQUE MENTALE.

On peut rapprocher de ce qui précède les lignes suivantes de

Calmeil « L'individu (le théomane), entend souvent l'esprit

de Dieu parler dans sa poitrine et il improvise avec plus ou

moins de chaleur. Quelquefois l'improvisation a lieu dans une

langue que personne n'a le don d'entendre... Tous ces acci-

dents semblent confirmer de plus en plus aux yeux des théo-

manes leur don de prophétie, l'importance de leur mission

ou de la grâce dont ils sont devenus possesseurs. »

« L'illuminé, dit également Moreau (de Tours), se sent iden-

tifié à la Divinité et il le dit. Mais ce n'est pas une prétention

de sa part, ce n'est même pas l'énoncé d'une opinion intime,

d'une conviction : c'est, tout simplement, l'affirmation d'un

fait intérieur, la révélation de ce qui se passe au fond de sa

conscience. A ce fait intérieur, se rattachent toutes ses pen-

sées, toutes ses opinions, comme à un guide qui ne saurait

l'induire en erreur, puisque ce guide est Dieu lui-même 2. »

Chez ces malades, la pensée se confond tellement avec celle

d'autrui, qu'elle semble ne plus leur appartenir; ce qu'ils pen-

sent, comme ce qu'ils écrivent, leurs paroles leurs actions,

même, ils rapportent tout à l'être dont ils subissent l'influence

et qui s'est identifié à eux. Un malade de J. Moreau (de Tours)3 3

parlait tout haut et prétendait ensuite que c'était une voix

qu'il entendait. Si on lui tenait les lèvres fermées, il a en-

tendait encore la voix, et on sentait très distinctement les lè-

vres remuer sous les doigts, * On influence ma pensée, dit un

autre malade du même auteur, on me fait parler malgré moi. »

« L'explication de ces phénomènes de l'illuminisme, se

trouve, écrit M. Caro, dans une théorie complète du sommeil

et .du 1'êve. Tous les systèmes mystiques ne sont-ils pas, plus

ou moins, des songes éveillés ? Le mysticisme n'est-il pas le

rêve éternel de l'orgueil, ou de l'amour qui aspirent à faire de

l'homme un Dieu 1. Esquirol avait dit de même : « Le malade

rêve tout éveillé,il donne un corps aux produits de son enten-

lement". »

Dès la période intermédiaire où les deux courants délirants

1 Calmeil. T. I, p. 83, lig. 19.

2 Moreau de Tours. l'sych. morbide, p. 237.

3 J. Moreau de Tours. Du Hachisch et de l'aliénation mentale.

Paris, 1845, p. 351.

' .1. Moreau de Tours. l'sych. morbide, p. 228, 239.

r. Esquirol. - toc. cil., p. 192.

DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 433

contraires se contre-balancent en quelque sorte, les troubles

psycho-moteurs peuvent apparaître. On peut alors observer

la coexistence ou l'alternative, la possession complète par le

démon, puis parle bon esprit, les idées de grandeurs naissantes

alternant avec les idées de persécution primitives.

Schuele a signalé des cas de ce genre (p. z153). Nous rappel-

lerons à ce sujet une observation de M. le D'' Baratou, citée

par MM. Séglas et Besançon (p. 25). La malade sent en elle

deux esprits. Un bon qui lui veut du bien, un mauvais qui lui

veut du mal..... leurs voix parlent dans sa tète elle se rend

bien compte que ce n'est pas quelqu'un qui lui parle à l'o-

reille. Ces deux esprits contraires qui la possèdent tour à tour

la font agir malgré elle Quand elle est en possession du

mauvais esprit, elle pleure, se récrie, résiste, mais malgré

elle est forcée d'agir suivant la volonté de l'esprit. Un obsédé

cité par J. Bodin' était aussi hanté par des esprits qui diri-

geaient toutes ses actions. Tantôt, il sentait un contact à son

oreille dextre, « alors il faisait le ml, » au contraire, se sen-

tait-il conduit par « l'oreille sénestre », il faisait le bien.

Le diagnostic de ces cas avec les formes périodiquement al-

ternantes des psychoses non progressives est très difficile.

M. Ritti 2 rapporte des exemples de la dernière catégorie.

Une de ces observations empruntée à Morel en imposerait faci-

lement à première vue, pour un délire religieux à systématisa-

tion primitive et progressive. Le diagnostic n'est pas moins

délicat entre la forme qui nous occupe et les cas de vésanies

combinées tels que ceux rapportés par M. Séglas3. Nous ajoute-

rons à ce qui précède le résumé succinct de quelques faits

cliniques, que nous ferons suivre d'observations empruntées

aux auteurs et de citations des anciens historiographes.

« C'est chez les monomanes religieux, dit Baillarger, qu'il

faut chercher les hallucinations de la vue les plus compliquées.

Chez eux l'imagination déploie, pour ainsi dire, toutes ses

richesses et enfante les plus merveilleux tableaux.

« Une femme de la Salpêtrière voit tout à coup descendre du

1 J. Bodin. Démonomanie des sorciers, 1. I, en. il.

5 -M. Ritti. Traité de la folie il double forme, 1883, obs. XVII,XIX,

XXX, XXXI.

, Séglas. An. Mu. Ps/clz. janv. 1888, et Dericy, th. Paris, De la

coexistence de plusieurs délires, obs. XIII, 1886.

Archives, 2e série, t. II. 28

434 CLINIQUE MENTALE.

ciel un vaisseau lumineux, où Dieu' lui apparaît entouré de

toute la cour céleste.

« Un autre monomane religieux, qui a déjà eu plusieurs accès

pour lesquels il a été conduit à Bicêtre, éprouve pendant sa

maladie les visions les plus compliquées, il voit les générations

futures passer successivement sous ses yeux et se dérouler

devant lui, les plus magnifiques tableaux. » (Histoire d'un

fou guéri deux fois par les médecins et une fois sans eux.)

Un malade de Lélut entendait depuis longtemps des paroles

très distinctes à l'épigastre, paroles très différentes « de celles

que l'on perçoit par l'oreille, et bien faciles à distinguer de ces

dernières ». Ce malade entendit ainsi, une nuit, la voix de

Dieu partant d'un disque de lumière. La vision dura trois

quarts d'heure. (Lelut. Démon de Socrate, p. 280. Baillar-

ger, p. 3âi.)

Un malade, que nous avons cité avec M. Vallon au Congrès

de Nancy, est un délirant systématique mystique halluciné de

l'ouïe à la suite d'un coup de revolver à la tempe, tentative

de suicide commise pendant la période d'inquiétude.

Il entend un ennemi différent logé dans chacune de ses

oreilles, mais il perçoit alternativement chacun d'eux des

deux oreilles à la fois.

Parvenu à la deuxième phase de son évolution, il contemple

des visions consolantes divines; elles sont rapides, peu fré-

quentes et toujours les mêmes, Dieu, la Vierge, radieuses,

immobiles et muettes, en un mot totalement différentes des

visions de l'alcoolique, et, en quelque sorte, exclusives des

hallucinations auditives avec lesquelles elles alternent.

Jamais les visions n'articulent un mot et on ne peut voir les

ennemis qui parlent. Il semble y avoir irradiation et alter-

nance entre les deux éréthismes visuel et auditif, le premier

tendant à se substituer au deuxième à mesure quc les idées

théomaniaques d'inspiration divine se confirment (mégalo-

manie).

Désormais Dieu l'inspire sans lui parler, et il écrit des

avertissements à différents personnages, les avisant de catas-

rophes imminentes si on ne l'écoute pas. Ces écrits sont

émaillés de signes hébraïques (le malade est israélite).

(A suivre.)

ASILES D'ALIÉNÉS.

DE L'HOSf'I'f.lf.lS.1'f10 ? DES ALIÉNÉS, DES ÉPILEPTIQUES

ET DES IDIOTS, DANS LE DÉPARTEMENT DE LOIR-ET-CHER;

Par le D' DOUTREBENTE. ! ' 1 : E M 1 È It E PAR TI E , 1-195-182-1 7

Un travail d'ensemble sur le service des aliénés a été publié

en 1874 par les Inspecteurs généraux, 1111. Constans, Lunier et t

vumesml ; on y trouve des renseignements aussi nombreux

que précis sur la condition des aliénés en France, à cette

époque, et un aperçu historique sur la connaissance et l'évo-

lution des maladies mentales, depuis les temps les plus recu-

lés jusqu'à nos jours.

L'histoire locale, il ne pouvait en être autrement, été

simplement ébauchée pour chaque département; le Loir-et-

Cher n'a pas été mieux partagé que les autres départements,

car, pour la période qui a précédé l'organisation de l'asile

actuel, on lui avait accordé les cinq lignes suivantes :

« Avant 1827, les aliénés de Loir-et-Cher étaient placés dan-

la maison de réclusion de Blois. Le 27 décembre lâ° ? 7, ils

furent transférés au nombre de 22 dans les bàtiments du

bureau de bienfaisance, et, le 6 avril 1846, dans l'asile cons-

truit par le département. »

Nous avons pensé qu'il y avait là une lacune à combler dans

l'histoire locale et qu'il était utile de grouper tous les docu-

ments dispersés soit aux archives départementales, au bureau

de bienfaisance, soit à l'asile départemental ou à la maison

d'arrêt et tous les renseignements inédits que le hasard nous

a parfois fait découvrir et ceux provenant de collaborateurs

aussi distingués que généreux, tels que le Dr Dufay,

Louis BelLon, avocat à Blois ; Bourgeois, archiviste de Loir-et-

Cher et son suppléant, IL Jacques Soyer, aujourd'hui : 1

436 asiles d'aliénés.

Bourges et enfin l'infatigable et toujours amoureux d'histoire

locale, le céramiste A. Thibault, de la Chaussée-Saint- Victor.

Au commencement du siècle et jusqu'en 1825, l'hospitali-

sation fut toujours provisoire, informe et absolument insuffi-

sante ; elle consistait en quelques mesures de police alors que,

déjà à Paris et en province, des installations spéciales aux

aliénés apparaissaient sous l'influence de la généreuse impul-

sion provoquée par Pinel, en 1792. Les aliénés étaient libres,

ou en cas de danger imminent, enfermés à la prison de Blois,

considérée comme un dépôt de sûreté, et à titre provisoire,

en vertu de l'article 3 de la loi de sûreté générale du

24 août 1790. Il est toutefois certain qu'un essai d'hospitali-

sation a été tenté dans l'ancien couvent des Capucins de

Blois'; on y donna asile aux aliénés et aux incurables, à partir

de 1795, à titre provisoire, c'était une maison dite de réclu-

sion. Les aliénés et les incurables remplacèrent aux Capucins

« les prêtres non assermentés trop âgés pour être déportés ».

La preuve du séjour des aliénés et des incurables au cou-

vent des Capucins nous a été démontrée par M. Louis Bel-

ton, qui nous a fourni l'extrait suivant des registres de la

municipalité de Blois : « Le 28 fructidor an VIII, la munici-

palité de Blois décrète le transfert à la maison des Capucins,

dite de réclusion, d'un aliéné furieux déjà détenu à la maison

d'arrêt, sur la plainte du sieur Fourbet, concierge, et après

procédure faite par le juge de paix, pour l'aliéné y recevoir

tous les secours que son état exige et que l'humanité réclame en

sa faveur. » Cette philanthropique conclusion démontre que

dans l'ancien couvent des Capucins, les aliénés étaient mieux

installés, mieux soignés et dans de meilleures conditions qu'à

la maison d'arrêt ; ils ne devaient pas y rester bien long-

temps, car en 1806 le domaine fit abandon à la ville de Blois

de l'immeuble et des terrains pour l'installation du nouveau

cimetière, devenu déjà pour nous, l'ancien, dont il ne restera

plus trace dans quelques années.

M. Bourgeois, archiviste de Loir-et-Cher, a bien voulu nous

faire l'abandon des notes suivantes que nous reproduisons

in extenso, car elles renseigneront le lecteur sur une période

encore bien inconnue, quoiqu'elle date d'hier :

' Le couvent des Capucins était situé dans l'espace compris entre la

butte, la gare, l'usine Poulain, la banque de France. La loute de Blois

à Herbault modifiée en 1891-92 le traverse.

DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 437 I

Un des premiers soucis des administrations locales de la Révo-

lution fut ['organisation de l'assistance publique.

Il y avait tout à faire, l'administration révolutionnaire ne pou-

vait suivre et copier l'administration royale. En effet, sollicité dès

le 12 novembre 1791 au sujet d'une fille épileptique, le Directoire

répond qu'il lui est impossible de la placer faute d'établissement spé-

cial, qu'il y aurait danger à la faire entrer dans un des autres hôpi-

taux et qu'il faut attendre que le projet d'une maison d'incurables

(c'est ainsi que l'on désigne fréquemment les futurs asiles) soit exécuté.

Le principe de spécialisation est invariable; car le 14 avril 1792,

deux enfants placés à l'hôpital général sont rendus à leurs parents

sur le rapport de l'administrateur, parce qu'ils tombent du mal

caduc, avec un secours de 7 fr. par mois.

Ce système de secours représentatif en argent dont il a été beau-

coup parlé au Congrès des aliénistes de Blois, devint du reste la

règle, en ce qui concerne les épileptiques; jusqu'à l'an II on vise

bien encore dans l'attribution de ces secours l'absence d'établisse-

ment ; mais même après l'organisation d'une maison de réclusion,

l'administration départementale persiste, avec sagesse, à traiter

différemment des aliénés, les épileptiques non aliénés. La règle des

secours représentatifs était, dans ce cas, si bien établie que les

administrations subalternes croyaient à un fonds spécial et que la

municipalité de 1\lontrichard, le 22 ventôse an II1, demandait sa

part « aux fonds destinés au soulagement des épileptiques » pour

trois de ses concitoyens et que le Directoire était obligé de rectifier

cette information, donnée pourtant par le représentant du peuple

Laurenceau, et d'inviter la municipalité à porter simplement ses

trois épileptiques au tableau des citoyens ayant droit à la bien-

faisance nationale.

Il n'était pas possible d'user du même procédé avec les aliénés

proprement dits. Conformément aux anciennes habitudes, on les

plaça d'abord dans les prisons et un rapport du district sur l'état

des prisons de Blois signale le mélange des fous et des criminels.

Plus tard, lorsqu'il fut organisé une maison de détention pour les

prêtres réfractaires, aux Carmélites, on plaça les aliénés dans ce

nouvel établissement. Mais, à [la date du 25 thermidor an III, la

commune de Blois se plaignit que la présence de deux fous

incommodait et troublait le repos des autres détenus. Et le

11 fructidor an III, le directoire du département arrêta qu'à la dili-

gence du directoire du district et du procureur-syndic il serait fait

dans la ci-devant maison des Capucins de Blois une visite à l'effet

de constater quel est le local de ladite maison qui est le plus sus-

ceptible de fournir un logement pour les individus attaqués de folie

et quelles sont les réparations ou constructions qui seraient néces-

saires pour mettre ce local en état de remplir ce genre de destina-

tion et d'évaluer le coût des réparations et constructions.

438 asiles d'aliénés.

L'aménagement ne tarda pas, car à la date du. 4 nivô=e an IV,

moins de six mois après, nous voyons le gardien de la mai,on de

réclusion des ci-devant capucins demander une augmentation de

traitement, vu le renchérissement des denrées. A partir de ce

moment, on trouve de nombreuses demandes ou arrêtés de place-

raient : ce sont des épileptiques incendiaires, c'est le fils d'un no-

taire de 1110ntl'ichard dont le père ne veut pas prononcer le terrible

mot de folie ou aliénation et parle de maladie incurable; c'est un

garçon de Paris, sourd-muet, épileptique, fou dangereux et trou-

1>lanL la tranquillité des habitants.

Cependant j'ai lieu de croire que pendant un an environ jus-

qu'au mois de nivôse an V, il n'y eut là qu'une sorte d'installation

provisoire. Peut-être ne préparait-on une cellule qu'à chaque

entrée ; peut-être les Capucins n'étaient-ils encore qu'un lieu de

dépôt non encore aménagé et approprié; peut-être les locaux pré-

parés étaient-ils devenus insuffisants ; car c'est le 23 nivôse an V

seulement que l'Administration centrale du département reçoit

les plans et devis dressés par l'ingénieur ordinaire pour t'éfabtis-

. sèment de loges dans le cloître des Capucins pour y transférer les

fous provisoirement déposés dans la maison de détention des Car-

mélites.

23 nivôse an V. « Vu le plan et devis des ouvrages ou cons-

tructions de loges dans le cloître de la maison des ci-devants

capucins de cette commune servant de maison de réclusion, dressé

le 4 nivôse dernier par le citoyen Cendrier, ingénieur ordinaire à

Blois, sur la réquisition de l'Administration municipale de cette

commune, la soumission du citoyen Guillon, entrepreneur de

travaux publics sous la date du 6 du même mois portant assigna-

tion de faire lesdits ouvrages aux prix qui seront réglés par ledit

ingénieur sur les mémoires qui lui en seront présentés et enfin une

lettre de l'Administration municipale de Blois du 7 dudit mois qui

en transmettant les dits plans, devis et soumissions, invite l'Admi-

nistration centrale à charger le dit citoyen Guillon seul soumission-

naire des ouvrages dont il s'agit ; '

« Vu la nécessité indispensable de construire différentes loges

pour renfermer les fous qui sont provisoirement déposés dans la

maison de détention des ci-devant Carmélites où ils ne doivent-

pas rester sans compromettre la santé des détenus de cette maison ;

« Considérant qu'il est urgent et que l'humanité commande de

procurer à ces infortunés une détention sûre et salubre, qu'à cet

effet, il doit être mis en usage, les moyens les plus prompts pour

y parvenir ;

« Considérant enfin queconformémentaux dispositionsdc laIeLLre

du ministre de l'Intérieur, du 8 ventôse an IV, concernant l'adju-

dication des travaux des routes, ceux dont il s'agit peuvent se faire

en vertu de soumissions ;

DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 439

« L'administration arrête : que les loges à construire dans la mai-

son de réclusion de cette commune conformément aux plans et devis

du c. Gendier, ingénieur ordinaire, le seront par le c. Guillon en

vertu de la soumission précitée et que ces ouvrages seront payés

sur le mémoire qu'il en fournira, préalablement réglé par ledit in-

génieur, qu'à cet effet il sera demandé au ministre de l'Intérieur

d'ouvrir un crédit à cette administration pour le montant desdits

ouvrages. »

A partir de cette date les arrêtés de placement se multiplient;

c'est un malheureux maniaque dont les accès sont tels qu'il casse

les cordes dont on prétend le lier, détériore les murs des locaux ou

on le renferme et insulte les femmes ou les enfants après lesquels

il court dans un moment de liberté; ce sont encore de malheureuses

épileptiques aliénées ou incendiaires, et dès le 22 mesidor an V il

ne reste plus qu'une place aux Capucins; l'encombrement ne dut

pas durer, car le 29 on accepte une ex-religieuse de soixante et un

ans qui cherche à se détruire et s'est précipitée dans un puits ; ce

sont encore des épileptiques agités par des accès dangereux ; c'est

une autre épileptique qui, placée à l'hospice de Vendôme, trouble

la tranquillité de l'établissement et incommode les malades et les

militaires blessés; une autre épileptique qui a mis le feu chez elle

et menace ses enfants en bas âge; c'est un aliéné atteint d'idées

ambitieuses, qui se croit le comte Thibault, le premier comte de

Blois, etc.

Deux points sont encore à signaler dans ce premier essai d'assis-

tance aux aliénés. Malgré les sentiments depitiéet de solidarité qui

animent les hommes de cette époque, on constate encore une cer-

taine rigueur vis-à-vis d'eux (qui tient, peut-être, à ce qu'on les

croit tous incurables). Si l'on a préparé pour eux une maison spé-

ciale à Blois, en attendant leur transfert, c'est encore dans les pri-

sons des districts qu'on les détient. Cette maison de refuge même

est qualifiée officiellement de maison de réclusion, et le rédacteur

d'un arrêté de placement, par un lapsus salami peut-être signifi-

catif, écrit un jour, un tel accusé de folie.

Quant aux motifs qui déterminaient le placement, c'est soit l'in-

digence, soit le danger. En janvier 1 193, le Directoire refuse de

secourir une fille attaquée de la vue et presque en démence parce

sa famille est en état de subvenir à ses besoins. Cependant avec le

cours du temps les accommodements se ménagent et le 27 messidor

an VI, nous voyons interner un aliéné, du reste, dangereux, dont

les neveux offrent de payer cent francs par an pour sa pension.

Au reste le danger social est la principale cause de l'interne-

ment ; l'administration n'oublie jamais de le mentionner comme

nécessaire de le soustraire à la société, de le séquestrer de la société,

disent les arrêtés, très dangereux à laisser dans la société ». « Il est

indispensable pour le bien de la société d'en écarter le citoyen. »

440 ' asiles d'aliénés.

Ces placements se font d'ordinaire surpétition des parents, con-

firmée par des certificats de la commune et une enquête. J'en

trouve un cependant sur une lettre du Directeur du Jury de l'ar-

rondissement de Blois « pour assurer la tranquillité publique en

donnant des bornes à la liberté » du soi-disant comte Thibaut.

Telle est l'histoire de ce premier asile de Blois ; avant de s'arrê-

ter sur le plateau de Saint-Lazare, il devait parcourir encore bien

des étapes.

En 1806, les aliénés et les incurables durent quitter la

maiscn des Capucins pour être placés, à titre provisoire, dans

l'ancien couvent des Saintes-Maries, où sont installés aujour-

d'hui les bureaux de la préfecture, les postes, le télégraphe et

les archives départementales. Le couvent des Saintes-Mariés,

dames visitandines, ou de la Visitation, avait d'abord servi

pendant la Révolution, de prison pour les détenus politiques,

puis de grenier d'abondance et enfin d'arsenal. En 1802, il fut

question d'y transporter l'hospice général de Vienne, mais

cette idée n'ayant pas été adoptée, on y caserna la gen-

darmerie, en '1804, mais à titre provisoire, en attendant une

installation spéciale qui lui fut attribuée dans la rue de la

Levée. A ce moment le Domaine fit abandon des Saintes-

Maries au département pour y organiser un Dépôt de mendi-

cité, projet souvent mis à l'étude et qui n'a pas encore reçu

commencement d'exécution. Un membre de l'administration

municipale de Blois espérait même, il y a quelques années,

l'annexer à l'asile départemental actuel, et en tout cas, le

faire construire dans l'enclos où s'élève l'hospice des épilep-

tiques non aliénés, inauguré lors du Congrès de médecine

mentale, à Blois, en 1892. Le dépôt de mendicité n'ayant pas

remplacé la gendarmerie aux Saintes-Mariés, on y installa,

provisoirement, les aliénés et les incurables.

En 1S`6, enfin, après de longs débats et de nombreuses

critiques et protestations, le conseil général de Loir-et-Cher

décida que la préfecture y serait transportée.

Les prisons de Blois continuaient à donner asile aux aliénés

et c'est provisoirement, partiellement et d'une façon intermit-

tente, qu'on les trouvait aux Capucins et aux Saintes-Maries

associés aux incurables. Suivant un historien local' auquel

nous faisons trop souvent des emprunts, pour le citer à

1 4

1 Bergevin et Dupré, Histoire de Blois, 2 vol., Blois, 1846.

DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 441

chaque instant, les prisons de Blois se composaient de cachots

étroits et infects où l'on entassait pêle-mêle les malheureux

détenus; c'était une horrible et insalubre geôle (il n'y a rien

de changé), qui, en 1793, ne suffisait plus à loger les prison-

niers politiques; ils furent alors placés dans les couvents de

Blois, transformés en repaires de terreur. En 180G, le couvent

des Cordeliers fut démoli en partie pour l'agrandissement de

la prison et l'église devint un préau ; ce couvent avait été sup-

primé en 1787 par M. de Thémines qui y avait placé pendant

quelques années les Nouvelles- Catholiques dont la maison

venait d'être démolie pour l'établissement du Marché-Neuf.

De 1793 à 1806, le couvent des Cordeliers donnait asile à une

compagnie d'invalides.

Le 18 macs 1817, le préfet de Loir-et-Cher prit un arrêté

instituant une commission de surveillance du régime intérieur

des prisons qui ne fut définitivement installée qu'en jan-

vier 1818. Un mois après, le 1 ? mars, la commission signale

au préfet « qu'à la Maison de réclusion, autrement dite des

foux, les détenus sont traités comme des criminels tant aux

vêtements qu'à la nourriture, que sans être coupables d'aucun

délit, leur détention n'est causée que par leurs infirmités,

qu'il serait utile et humain d'adoucir leur sort par une nour-

riture plus convenable à leur situation, que les draps man-

quent également surtout pour les fous, qui en sont privés

quand les leurs sont au blanchissage ». Sept mois après, le

19 septembre 1818, la commission fut appelée par le préfet à

l'effet d'aviser aux moyens d'améliorer le sort des individus

détenus comme fous et épileptiques; elle réclama une alloca-

tion de 2,800 francs pour achat de lits, couvertures, matelas,

vin, viande et l'installation d'une petite infirmerie pour deux

et trois malades ; la signature d'un médecin, le Dr Desfray,

figure pour la première fois au registre des délibérations. Les

aliénés n'étant pas tous à la maison de réclusion, il y en avait

encore aux Saintes-Mariés, la commission de surveillance des

prisons en avait aussi la charge et déclarait qu'ils étaient aussi

mal placés dans un endroit que dans l'autre.

L'administration préfectorale et le conseil général commen-

çaient à s'émouvoir et il était question d'installer tous les

aliénés dans le cloître du faubourg de Vienne, mais la com-

mission de surveillance des prisons se montrait hostile à ce

projet ; elle affirmait que cet emplacement serait rapidement

Il- il. ? asiles d'aliénés. '

insuffisant et qu'il était préférable de faire une organisation

spéciale et plus vaste en utilisant et en aménageant l'ancien

couvent des Saintes-Mariés, situé dans d'excellentes conditions

d'aération et de salubrité. La commission de surveillance des

prisons avait d'ailleurs chargé le D'' Desfray de faire un rap-

- port sur la façon déplorable dont les aliénés étaient traités à

la prison et aux Saintes-Mariés et sur les nombreux inconvé-

nients qu'il y aurait à les placer dans le cloître de Vienne et

plus tard, parlant du rapport du Dl' Desfray, elle disait :

« L'ordre et la clarté qui rognent dans ce rapport, la nécessité

indispensable de vastes bâtiments séparés par des cours, tout

enfin, dans ce rapport, a convaincu la commission que le

cloître situé en Vienne et appartenant à l'hôpital ne pouvait

convenir, par le peu d'étendue qu'aurait l'établissement,

même en y adjoignant les maisons voisines; elle désirerait que

la partie du projet qui établissait une maison sanitaire sur les

aliénés dans la Maison des Saintes-Mariés, pût recevoir son

exécution, si M. le préfet et le conseil général trouvaient dans

leurs ressources les moyens nécessaires pour y parvenir. »

Les plaintes, les doléances, les réclamations de la commis-

sion de surveillance se heurtaient à des considérations budgé-

taires et surtout à l'absence de sentiments humanitaires, à

l'oubli ou à l'ignorance du grand principe de la solidarité

humaine, en matière d'assistance publique, principalement à

l'égard des aliénés et des infirmités mentales ; les aliénés ins-

piraient encore de l'horreur, de la crainte et, la superstition

aidant, on croyait encore (certains y croient toujours) que

leur maladie était due à leurs fautes passées ou originelles, à

la puissance diabolique ou à la vengeance divine !

Quoi qu'il en soit, les projets de construction ou d'aménage-

ment d'un établissement spécial dans le cloître de Vienne ou

dans le couvent des Saintes-Mariés furent abandonnés et défi-

nitivement classés, c'est-à-dire oubliés. Cet abandon ne faisait.

pas droit aux exigences d'un service qui s'imposait quand

même à l'attention de l'administration départementale.

La commission de surveillance se montrait toujours vigi-

lante et inquiète à l'égard des aliénés ; elle persistait dans ses

bonnes intentions, nous en avons la preuve dans une délibé-

ration prise après la communication d'une lettre de M. le préfet

lui proposant d'établir la maison des fous à la maison d'arrêt.

Le 4 avril 1825, la Commission rappelait à M. le préfet que la

DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 'l43

translation partielle des fous et des épileptiques à la maison

des Saintes-Maries n'avait été faite que pour cause de l'exi-

guïté, de l'insalubrité et de l'incommodité des logements de la

prison, où l'on proposait de les admettre tous; elle se décla-

rait prête, cependant, à recueillir les aliénés, mais tout à fait,

à titre provisoire. Les avis des membres de la commission de

surveillance et leurs justes observations, devaient enfin trouver

un écho, car, à la date du 13 avril 1825, huit jours après,

M. de Saint-Luc, préfet de Loir-et-Cher, prenait l'initiative

d'un projet d'hospitalisation des aliénés et des épileptiques

dans un local autre que celui de la prison ou des Saintes-

Mariés; il s'adresse aux administrateurs du bureau de bienfai-

sance et leur demande s'ils ne pourraient pas recevoir dans

leur maison les aliénés et épileptiques qui ne doivent pas

rester à la maison de réclusion.

Le 18 avril 1825, les administrateurs du bureau de bienfai-

sance, après en avoir conféré avec leurs dames religieuses,

comprirent rapidement les vues humanitaires qui faisaient

agir M. de Saint-Luc, ils acceptèrent, au moins en principe,

de se charger des épileptiques et des aliénés ; mais ils formu-

lèrent immédiatement les conditions nécessaires à leur accepta-

tion, en les termes suivants :

1° L'hospice des aliénés pourra être construit dans les dépen-

dances du bureau de bienfaisance suivant un plan dressé

par l'architecte du département, plan qui devra être soumis

aux administrateurs dudit bureau, avant la mise à exécutioaz;

2° C'est aux frais du département que seront faites toutes

les constructions et distributions ;

3° Désormais l'hospice des Aliénés, une fois établi sur le

terrain du bureau de bienfaisance, fera partie intégrante de la

maison centrale des soeurs de charité attachées à ce bureau,

lesquelles seront chargées de desservir ledit hospice, sous la

surveillance immédiate de leur administration;

4° Le gouvernement des aliénés et des épileptiques cessera

d'être confié à la commission administrative des prisons pour

faire partie à l'avenir des attributions de l'administration du

bureau de bienfaisance;

5° Cette dernière administration se chargera de faire traiter,

nourrir, soigner, habiller et surveiller les aliénés et les épilep-

tiques pour, et moyennant les sommes que le département

consacre à cet usage sur les allocations du conseil général,

444 Il asiles d'aliénés.

lesquelles sommes seront versées dans la caisse du receveur

des pauvres.

MM. Risse, Amaury, Huet et Gault, administrateurs, avaient

signé les conditions nécessaires à leur acceptation.

Le 3 mars 1826, le préfet de Loir-et-Cher expédie au bureau

~de bienfaisance le plan du nouvel hospice et en même temps

une lettre d'avis avec l'affiche de l'adjudication des travaux

à faire dans les terrains du bureau de bienfaisance. Cette

manière de procéder a le don d'étonner les administrateurs et

suscite de leur part une sorte de protestation; quatre jours

après cette communication, le 6 mars, ils écrivent au préfet

pour lui recommander la lecture de leur lettre du 14 avril 1825

contenant l'énumération des conditions nécessaires, appuyées

d'ailleurs par le conseil municipal; ils réclament enfin la rédac-

tion d'un acte ou d'un contrat déterminant les charges, condi-

tions, engagements et obligations de chaque partie, le départe-

ment d'une part et le bureau de bienfaisance d'autre part; ils

se plaignent, et à juste titre, de ne pas avoir reçu à temps,

avant l'adjudication, communication du plan des travaux à

adjuger.

Le 15 mars, sans retard, le préfet répond qu'il est préma-

turé de faire un traité avant d'avoir soumis un projet de traité

au conseil général, qu'il serait même inconvenant de prendre

un engagement dans de pareilles conditions. « Le ministre de

l'intérieur connaît votre lettre du 18 avril 1825, disait-il,

ainsi que la délibération du conseil municipal du 7 mai

suivant, j'ai donné un avis conforme au voeu exprimé par vous

et ce conseil, en prescrivant l'exécution du projet, le ministre

a également entendu approuver les conditions dont vous parlez. »

Par le même courrier M. Pinault, architecte, recevait l'ordre

de communiquer ses plans aux administrateurs du bureau.

En construisant le nouvel hospice dans les jardins du bureau

de bienfaisance, trop en arrière malheureusement du grand

bâtiment faisant face à la place Victor-Hugo et au bas du rocher

qui domine les jardins, M. Pinault avait dû se heurter à des

fins de non-recevoir, mais il se trouva aux prises avec d'autres

difficultés en raison de la nature du terrain friable et d'allu-

vion sur lequel devaient s'élever les bâtiments ; il fallut faire

des fondations extraordinaires, et par suite, il écrivait au préfet

que le nouveau local ne serait pas habitable avant le mois de

juillet 1827.

DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 445

Si les aliénés étaient mal à la prison, il y en avait qui gué-

rissaient quand même, car à la date du 15 septembre ·1S ? G,

nous avons trouvé une lettre du préfet informant le maire de

Blois, qu'il y avait, à la maison de réclusion, deux aliénés

guéris, qu'il devait faire une proposition de sortie et que, il

l'avenir, il devait exiger des médecins un rapport trimestriel

sur chaque malade.

En prévision du départ des aliénés de la maison de réclusion,

le préfet réclame, le 27 septembre, au maire de Blois un état

bien établi, déterminant les dépenses propres aux aliénés en

les séparant complètement de celles des prisonniers.

Le 10 octobre z1826, le préfet, pour faire droit aux justes

réclamations des administrateurs , prend enfin un arrêté ,

conformément aux conditions nécessaires imposées par eux,

appuyées par le conseil municipal et approuvées par le ministre

de l'intérieur. En vertu de cet arrêté, l'hospice des aliénés et

épileptiques faisait désormais partie intégrante de la maison

centrale des soeurs de charité attachées à ce bureau. Les

dépenses à faire pour constructions, distributions et la trans-

lation des malades, le seraient aux frais du département.

Toutes les dépenses pour le traitement, nourriture, habille-

ment, entretien et surveillance des aliénés et épileptiques

seraient remboursées au bureau de bienfaisance à l'aide des

allocations spéciales votées par le conseil général'. Il était

encore dit, dans l'arrêté, que les admissions des malades, à

l'hospice des aliénés, se feraient à la suite d'une décision

administrative, lorsque l' interdiction aurait été prononcée et

après constatation minutieuse de l'infirmité et de l'indigence

du sujet, l'hospice étant uniquement destiné et 1'éservé aux

indigents. On est en droit de se demander où et comment ceux

qui n'étaient pas indigents pouvaient se faire soigner même à

leurs frais !

En communiquant cet arrêté aux administrateurs, le préfet

leur recommandait la rédaction d'un règlement du service

intérieur, à l'état de projet, pour le joindre au règlement géné-

ral à soumettre à l'approbation du ministre de l'intérieur; il

leur conseillait de consulter les lumières de leurs médecins,

ces derniers ayant d'ailleurs à régler leurs visites journalières,

les prescriptions alimentaires et pharmaceutiques, la prohibi-

tion de tous moyens de rigueur ou de répression autres que

l'usage de la camisole, dite.gilet de force, dont seuls ils pour-

. 16 asiles d'aliénés.

ront prescrire l'emploi ainsi que la réclusion absolue; les méde-

cins pourraient autoriser les parents des malades à les visiter,

mais l'entrée de l'établissement serait rigoureusement interdite

aux personnes qui n'y seraient conduites que par la barbare

curiosité de voir les fous..

Toutes ces recommandations du préfet étaient inspirées par

le besoin de faire rapidement droit aux exigences d'une hospi-

talisation si longtemps négligée en Loir-et-Cher ; elles sont

toutes sages, prndentes, déjà mûres et remplies de vérités

bonnes à dire encore, de nos jours, à ceux qui ont la naïveté,

pour ne pas dire plus, de rire à la vue d'un aliéné ou d'un

ivrogne.

Les administrateurs se mirent rapidement à l'oeuvre et fai-

saient parvenir au prél'et le projet de règlement de service

intérieur le 19 mars 1827 ; ils y joignirent nombre de considé-

rations générales fort remarquables; ils n'avaient pas manqué

de consulter les membres du conseil de santé. Les médecins

avaient donné leur avis par écrit, etn'avaient pas ménagé leurs

observations et leurs regrets; l'hospice spécial avait été cons-

truit trop rapidement, ils n'avaient eu connaissance du plan

qu'au moment de la mise en adjudication des travaux, le local

était insuffisant, les épileptiques n'étaient pas séparés des

aliénés alors que, même pour les aliénés, il eût fallu deux ou

trois subdivisions; ils regrettaient l'absence d'un quartier à part

pour les convalescents, ils faisaient enfin remarquer qu'on

avait négligé d'établir pour chaque sexe une petite infirmerie

d'au moins quatre lits; qu'il n'y avait pas de buanderie et

d'étendoir.

Les administrateurs du bureau de bienfaisance constataient

enlin que l'hospice ainsi installé serait toujours et de plus en

plus insuffisant et placé en un lieu où il serait impossible do

l'agrandir. Ayant librement formulé leurs regrets, les adminis-

trateurs essayaient de tirer le meilleur parti de la situation et,

dans l'impossibilité de faire mieux et plus grand, ils démon-

traient que des améliorations étaient possibles et nécessaires

dans l'aménagement nouveau et que ces améliorations devaient t

être comprises dans les frais de premier établissement et à la

charge du département, sans aucune confusion possible avec

les revenus des pauvres de la ville. C'est ainsi que le départe-

ment aurait à fournir un mobilier complet et un premier

DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 447 -1

approvisionnement de vêtements; ils proposaient d'établir,

comme suit, le traitement annuel du personnel :

448 8 asiles d'aliénés.

disparaître une des causes les plus fatales et les plus contraires

au traitement des maladies mentales. Que de gens ignorent ou

font semblant d'ignorer que la guérison de la folie peut s'obte-

nir en faisant traiter les malades au début ! Que de gens

aussi attendent que tout espoir de guérison soit perdu, pour

- confier leur malade aux soins des spécialistes ! L'asile des alié-

nés n'est pas encore regardé comme un lieu de traitement,

c'est une sorte de garderie, de Bastille moderne où malgré

tout et en dépit designorants ils sont soignés, choyés, aimés et

respectés ; ce sont des infortunés, dont on a peur au dehors,

s'ils sont dangereux, et dont on rit, se moque ou abuse quand

ils sont doux et inoffensifs.

Les membres du conseil de santé du bureau de bienfaisance

exprimèrent le voeu : « que les individus atteints d'un premier

accès de folie ou de fureur fussent, en cas d'indigence, admis

dans l'hospice des aliénés pour y être traités, avec l'autorisa-

tion du préfet ». « Ce n'est pas, disaient-ils, dans les premiers

moments de l'invasion de la folie que l'on s'occupe de faire

interdire l'individu atteint de folie; il faut même pour y par-

venir, qu'on ait eu le temps de recueillir un certain nombre de

faits capables de motiver un jugement et, jusque-là, on essaie

des remèdes dont il résulte parfois une prompte guérison.

S'il n'existe pas un lieu où ces individus, qui ne sont encore

que des malades, puissent recevoir le traitement qui leur con-

vient, on peut craindre que l'état de folie ne se perpétue par

le défaut de soins ; il paraîtrait naturel de les faire traiter

d'abord dans les divers hospices des départements ; mais il

parait que dans ces maisons rien n'est disposé, ni prévu pour

recevoir les aliénés et que leur présence y est même sujette à

beaucoup d'inconvénients. »

Le 13 juillet 1827, le préfet renvoyait aux administrateurs

du bureau de bienfaisance leur projet de règlement du service

intérieur après l'avoir approuvé et à la date du 13 août sui-

vant il prenait l'arrêté prescrivant le transfert des aliénés, de

la prison, dite maison de réclusion, dans le local spéciale-

ment construit dans les jardins du bureau de bienfaisance.

Article premier. Les individus admis jusqu'à ce jour, à titre

de secours, comme aliénés et épileptiques dans la maison dite de

réclusion seront transférés dans le local construit pour les recevoir

dans le jardin du bureau de bienfaisance de Blois.

rRT. 2. Cet établissement piend le nom d'hospice des aliénés.

DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 449

Il n'y sera admis que des individus du département, atteints de

folie ou d'épilepsie à un degré susceptible de produire l'aliénation

mentale et dans un état d'indigence absolue.

PART. 3. Le nombre des places dans ledit hospice est fixé à

vingt-quatre. Ces places seront affectées à chacun des arrondisse-

ments dans la proportion suivante :

450 asiles d'aliénés.

soumis au Conseil général leur rapport du 19 mars, le projet

de règlement du service intérieur et le devis des nouvelles

constructions réclamées par eux. Le Conseil général rendait

pleine justice à la sagesse de leurs vues et avait voté les fonds

nécessaires pour une pompe et un hangar, mais considérait

comme superflue la construction d'une infirmerie ; il pensait

aussi que les frais de construction d'une buanderie n'incom-

bait pas au département. Par le même courrier, le préfet en-

voyait la copie de son arrêté du 15 août et du règlement revêtu

de son approbation.

Le préfet de Loir-et-Cher priait aussi M. le maire de Blois

de faire mettre en bon état le mobilier des aliénés et épilep-

tiques, avant leur transfert au nouvel hospice.

17 sept. Les administrateurs du bureau de bienfaisance

font parvenir au préfet leurs regrets à propos de la décision du

Conseil général relativement à l'infirmerie et à la buan-

derie ; ils déclarent, en outre, que M. le préfet ayant fixé

au le, octobre la date d'ouverture du nouvel hospice des alié-

nés, il leur sera à peu près impossible à cette date de répondre

aux exigences d'un pareil service qui réclame, pour entrer en

activité, une organisation encore incomplète et des choses

« dont nous avons besoin », disaient-ils, « dans le plus bref

délai, espérant que vous aurez la bonté d'y pourvoir, dont

détail suit » :

1° Installation de deux fourneaux dans la cuisine ;

2° Installation d'étagères et de tablettes aulour de la cuisine

pour y placer la vaisselle et les ustensiles divers, qui d'ailleurs ne

sont pas encore achetés

3° Une table de cuisine et un billot ;

4° Les médecins réclament, dans chaque chauffoir, une table en-

tourée de bancs pour que les aliénés et épileptiques, qui en sont

susceptibles, puissent manger en commun et que chacun puisse

manger la portion qui lui est destiuée et que cette portion ne soit

pas arrachée aux plus faibles par les plus avides.

5° Installation d'un fourneau pour chauffer les bains afin de rem-

placer le cylindre qui dégage du gaz carbonique dans un local fort

restreint.

6° Installation d'une lingerie dans une sorte de grenier sous le

toit, à défaut d'un autre local plus convenable.

7° L'inventaire dos meubles, vêtements et objets à coucher mis à

notre disposition par M. le Préfet démontre que tout est prévu en

DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 451

quantité insuffisante et que des fournitures neuves doivent être

faites en plus comme suit :

6 bois de lits suivant l'indication de nos médecins.

4 grands baquets ferrés.

10 vestes de laine, 10 vestes de toile.

10 gilets de laine, 10 gilets de toile.

10 pantalons de toile.

Le 21. - Préfet à maire de Blois. Je vous notifie mon

arrêté du 13 août pour l'organisation du nouvel hospice des

aliénés. Il y aura 24 places, ce nombre est déjà atteint au-

jourd'hui et réparti entre les trois arrondissements. Ce ne

sera pas un lieu de dépôt pour les cas urgents ; les individus

arrêtés pour démence ou autrement, seront déposés à la mai-

son de police municipale. » 1

Le même jour, la même communication était faite aux admi-

nistrateurs du bureau de bienfaisance.

Pour faire droit dans une certaine mesure aux dernières

réclamations des administrateurs le préfet invitait aussi le

maire de Blois à faire livrer au nouvel hospice, en dehors

des objets compris à l'inventaire du mois d'avril, tous les

objets d'habillement réclamés par le bureau de bienfaisance à

la date du 17 septembre (à l'exception des meubles) en opé-

rant un prélèvement au magasin de la prison.

22. Le préfet envoie au maire de Blois des instructions

détaillées concernant l'arrêté du 13 août : les demandes de

placement seront inscrites sur un registre spécial, mais seule-

ment quand elles seront accompagnées des pièces exigées par

l'article 5 et de la soumission indiquées en l'article G.

Le certificat d'indigence à l'appui de ces demandes ne devait

être délivré qu'en cas d'indigence absolue.

22 octobre 1827. L'administration du bureau de bienfai-

sance, composée de MM. Amaury, Norais, de Chauvelin, Gault

et Fleury, procède à la nomination des personnes attachées au

nouvel hospice des aliénés et fixe leurs traitements ou salaires

annuels :

Médecins. MM. Desparanches et Desfray alternaient par

semestre et recevaient chacun 200 fr.

Une SOEW' de charité. Logée, nourrie et 450 fr. par an.

Un receveur comptable. M. Giroud, 500 fr. par an.

Un infirmier . Le sieur Michel, Louis Gaultier, recevait

452 asiles d'aliénés.

200 fr. par an et nourri avec les aliments préparés pour les

aliénés.

Une infirmière. La nommée Dion, Marie, épouse du con-

cierge, le sieur Duchemin, logée, non nourrie et 200 fr.

- Une domestique. Nourrie comme l'infirmier avec po fr.

de gages ; elle serait choisie et changée à son gré par madame

la supérieure.

26. Le préfet donne son approbation à toutes les décisions

prises le 22 par les administrateurs du bureau de bienfai-

sance.

Les concierge et infirmière n'ayant pas accepté la situation

qui leur était faite avaient été remplacés séance tenante par le

sieur Jean Morand, tisserand à Blois, et sa femme. Anne

Rétif.

26 décembre 1827. Préfet à maire de Blois : « L'hospice

des aliénés est prêt à recevoir les aliénés et les épileptiques

détenus à la maison dite de réclusion, veuillez donner les

ordres pour que le transfert ait lieu vendredi 28 courant. »

Procès-verbal du transfert. Aujourd'hui 28 décembre

1827, à 2 heures de l'après-midi, l'administration du bureau

de bienfaisance prévenue que le maire de Blois avait donné

des ordres pour faire opérer le transfèrement des aliénés et des

épileptiques dans le nouveau local qu'ils doivent habiter, s'est

rendue dans le dit local accompagnée de MM. les médecins et

du greffier-comptable du nouvel hospice ; elle a reçu à la dite

heure, conduits par les sieurs Delrue et Marchandeau, agents

de police, les individus dont les noms suivent :

DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 453

En faisant la remise de ces individus, les agents de police

susnommés ont déclaré que l'enfant C. W. dont les vêtements

n'étaient pas prêts, serait amené ultérieurement.

L'administration s'étant fait représenter le contrôle des

aliénés et épileptiques a reconnu que tous les individus ci-des-

sus dénommés étaient inscrits sur ledit contrôle, qui portait

en outre les noms de L. V., B. M. G. A. C. Ces trois

individus étaient morts avant le transfert, il en résulte qu'au

lieu de 24 il n'y en avait plus que 2'I.

L'administration, de concert avec MM. les médecins, a im-

médiatement fait placer lesdits individus dans les locaux qui

leur étaient affectés.

La soeur chargée du service intérieur a reçu de M ? la

supérieure les instructions nécessaires pour la direction du

service, et de MM. les médecins les indications à suivre pour

le régime sanitaire et alimentaire.

MM. les médecins sont entrés aussitôt en fonctions, en pro-

cédant immédiatement à la visite des individus transférés, en

constatant leur état et en inscrivant sur la feuille de visites

les prescriptions à suivre à l'égard de chacun d'eux,

Quant au régime alimentaire, il a été convenu que, pour ne

pas déranger l'ordre de comptabilité, il continuerait d'y être

pourvu par le fournisseur des prisons jusqu'au 31 du courant

inclusivement et que ce service demeurerait à la charge du

bureau de bienfaisance à partir du 1er janvier 1828. Le con-

cierge, l'infirmier et l'infirmière chargés de garder et soigner

les aliénés et les épileptiques ont pareillement été mis en exer-

cice à l'instant même, et le greffier comptable a reçu l'ordre

de préparer immédiatement les registres et écritures prescrites

pour la tenue journalière de la comptabilité du nouvel hos-

pice.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XLVI. Un cas DE mal DE POTT suivi DE guérison ; par le De MUS.\lEC1.

Les causes diverses et nombreuses, qui peuvent produire le mal

de Pott, agissent en fin de compte selon deux modes différents :

ou elles compriment la moelle d'une manière mécanique, ou elles

déterminent une myélite transverse localisée. Le résultat est tou-

jours le même, il consiste en des troubles multiples du fonction-

nament de la moelle. Voici un cas remarquable de mal de Pott dû

à une affection des vertèbres et qui se termina par la guérison.

Observation. Jeune garçon, douze ans, non héréditaire,

rougeole et influenza les années précédentes, bonne constitution.

Fin 1894, manifestation d'une douleur au rachis qui s'exaspérait

quand le malade marchait ou faisait de grands mouvements. Peu

après la marche devint difficile, et l'enfant se mit à se courber,

enfin en moins d'un an la paralysie des membres inférieurs

devint complète. Réflexes conservés, mais pour les provoquer

il faut une excitation très forte, douloureuse même.

Tout mouvement volontaire est impossible, on peut provoquer des

mouvements réflexes en pinçant la peau de la plante des pieds.

Sensibilité normale, ventre fortement distendu, comme s'il exis-

tait de l'ascite, ce qui est dû à ce que la respiration s'effectue

uniquement par le type abdominal. Rien de notable aux membres

supérieurs, sens spéciaux normaux. La seconde vertèbre dorsale

fait une saillie prononcée et la pression en cet endroit produit

une forte douleur. Les oreilles sont rouges et chaudes, et cette

particularité se manifeste avec intermittence, une oreille est rouge

pendant que l'autre est pâle, puis la première devient pâle et la

seconde routie, et ainsi de suite. Les fonctions nutritives s'accom-

plissent toutes bien. L'auteur compare cet ensemble symptomatique

au tableau clinique classique de la compression de la moelle, et

il fait voir qu'il s'agit chez ce malade d'une lésion localisée de la

moelle au niveau de la seconde vertèbre dorsale. La symptomato-

logie, dit-il, chez notre malade est absolument telle qu'elle serait

si on avait sectionné la moelle en ce point avec un bistouri.

La respiration diaphragmatique s'explique par ce fait que le

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 455

nerf phrénique fonctionne, alors que les nerfs des muscles thora-

ciques sont paralysés, la lésion siège en effet au-dessous de l'origine

du plexus brachial. Les fonctions urinaires ne sont pas troublées

parce que la compression de la moelle siège bien au-dessus du

centre urinaire.

En somme, le diagnostic de la compression de la moelle à

l'endroit sus-indiqué est évident. Quelle est la cause de la

compression ? Après avoir rejeté la supposition de tubercules

médullaires ou de tubercules du caual vertébral, l'auteur opine

pour une carie vertébrale. Il s'agit donc d'un mal de Pott véritable

ou spondylarthrocace. La médication usuelle : immobilisation du

tronc, révulsifs au niveau de la lésion, faradisation des muscles

paralysés, etc., aboutit à une guérison complète.

Les guérisons du mal de Pott ne sont, du reste, pas rares ; les

compressions de la moelle qui en dépendent sont, après les com-

pressions d'origine syphilitique, celles qui guérissent le plus

souvent. Laraisonenestdanscefaitque la compression ne provoque

pas toujours dans la moelle des lésions bien importantes. Il arrive

qu'on note, pendant la vie, tous les signes de la compression, et

qu'à l'autopsie, la moelle parait saine à l'oeil nu, et le microscope

fait voir que, malgré une paraplégie absolue, bien peu de fibres

nerveuses pourtant sont désorganisées. (Rivista clinica e te1'(lpeutica.

Naples, 1896, na ? ) CAMUSET.

XLVII. UN cas de tremblement par suite d'auto-intoxication

stomacale ; par M. le Dr JANNONI.

Il se produit parfois dans l'intérieur du tube digestif, quand les

fonctions digestives sont troublées, des toxines dont l'action nocive

se fait sentir sur tout l'organisme, principalement sur le système

nerveux central, exemple : le vertige à slomaco lceso, les convul-

sions d'origine gastrique, la chorée électrique et même l'épilepsie

partielle gastrique. L'auteur publie un cas de tremblement qui est

également la conséquence d'une auto-intoxication stomacale.

Observation. Homme, quarante-trois ans, bien portant autrefois

et non héréditaire, mais souffrant depuis quelque temps de trou-

bles digestifs dus sans doute à des excès de table anciens. Estomac

dilaté, anorexie, éructations, douleur épigastrique, vomissements,

céphalalgie. Depuis un an, nouveau phénomène morbide : de

temps en temps, surtout après des écarts de régime, sortes de

crises de tremblement durant une demi-heure et plus. Ce tremble-

ment est partiel, il siège tantôt sur une partie du corps, tantôt sur

une autre, ainsion l'observe auxmembres inférieurs, aux supérieurs,

au tronc, à la face ; parfois il siège sur toute une moitié latérale

du corps et même il peut être croisé. Il est aussi d'une intensité

variable, il commence par être très rapide, puis il se ralentit, ou

t56 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

inversement. Quand il est lent, on peut compter le nombre des

oscillations par minute, quand il est rapide, la chose n'est plus

possible. Un traitement approprié commence la guérison des

troubles dyspeptiques et le tremblement disparait avec eux.

L'auteur rappelle les cas connus dans la science ayant avec le cas

actuel plus ou moins d'analogie et il termine en résumant les

travaux modernes sur les toxines qui se forment dans le tube

digestif de l'homme et des animaux, principalement quand les

fonctions digestives ne s'accomplissent pas physiologiquement.

(Rivista clinica e lerapeulica. Naples, 1806, n° 6.) C.

XLVI11. Névrite tuberculeuse SYMÉTRIQUE ; par le Dr RENZI,

professeur de clinique à l'Université de Naples.

Observation. Homme, trente-cinq ans, en traitement à la

clinique, atteint de tuberculose aux sommets des poumons, caverne

certaine à droite.

Ce malade est pris brusquement et sans cause appréciable de

violentes douleurs dans la partie postérieure des deux jambes. Le

moindre mouvement des membres, la moindre pression les exas-

pèrent. Les jours suivants un peu de tuméfaction du mollet

gauche avec léger oedème au niveau des malléoles du même côté.

Les douleurs sont du reste un peu plus fortes à gauche. L'examen élec-

trique fait constater, dans les deux jambes, une légère diminution

del'excitabilitégalvaniqueetfaradique. -Traitement : repos absolu,

frictions au chloroforme. En quelques jours amélioration marquée,

et quand enfin le malade sortit de l'hôpital, il marchait très bien

et ne souffrait plus du tout.

Le professeur insiste sur la forme symétrique de l'affection en

laquelle il voit une névrite symétrique. Cette névrite ressemble aux

névrites qu'on observe assez fréquemment chez les diabétiques. 11

ajoute que les névrites ne sont pas rares chez les tuberculeux ; il les

croit causées par les toxines tuberculeuses qui, comme des travaux

récents l'ont démontré, ont une grande part dans la pathogénie

des diverses manifestations cliniques de la tuberculose. (Rivista

elinica e tempeutiea, 1895, n° 1, Naples.) C.

Lli. DYSURIE spasmodique nautique; par M. le Dr LEOnAl2D0 Co-

GNETTI DE Martiis. (Extrait de la Gazera degli ospedali e délie

cliniche, 1895, n° 9.)

Observation. Un marinier, vingt-trois ans, aspect robuste,

sans tare héréditaire. Emotion violente à la suite de laquelle il est

sérieusement malade un mois. Très superstitieux, il a, la nuit, seul

et en pleine campagne, une hallucination. Il voit devant lui un

« esprit à forme humaine » qui disparaît à son approche. L'année

suivante, employé des douanes, il est obligé d'embarquer. Dès qu'il

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 451

est à bord, il lui est impossible d'uriner, il faut le débarquer. Plus

tard, il doit à nouveau faire du service a la mer, mais sur un navire

à l'ancre et ne naviguant pas. Le trouble urinaire reparaît, mais

un peu différent. L'urine est chassée de la vessie, mais le jet s'arrête

brusquement, alors que le réservoir est encore à moitié plein. Le

médecin du bord constate à plusieurs reprises la réalité du fait.

Ce jeune homme est alors envoyé à l'hôpital de Spezia où il est

observé méthodiquement : caractère émotif, sensibilités générale

et spéciale normales; le sens de la vue, étudié d'une façon toute

particulière, est normal et fonctionne très bien. Pas de calcul dans

la \ essie. Analyse minutieuse de l'urine qui ne donne aucun résultat

intéressant. Il s'agit donc d'une dysurie spasmodique, d'un spasme

du col.

L'auteur cherche à en établir la pathogénie. Il expose d'abord la

physiologie de la miction telle qu'on la connaît à notre époque, il

résume et compare les principales théories anatomiques et physio-

logiques sur l'innervation de la vessie, sur les réflexes urinaires ;

médullaire et cérébraux, insistant sur le pouvoir inhibiteur de ces

derniers, etc. Je ne retiendrai que les parties originales de la théorie

qu'il propose lui-même pour expliquer le spasme du col vésical.

Pour que la miction s'accomplisse normalement, il faut, dit-il, que

l'appareil musculaire entier de la vessie entre en même temps en

contraction, les muscles expulseurs (de l'urine), aussi bien que le

sphincter. Il faut, en plus, que la contraction s'accomplisse dans le

sens péristaltique, sinon le col se contracte seul et il y a spasme.

Or. quand les centres réflexes urinaires ont été hyperexc;tés, ils

provoquent des contractions dans le sens antipéristaltique. Dans le

cas actuel, ce sont les mouvements du bateau qui troublent le fonc-

tionnement des centres réflexes et qui, par suite, provoquent le

spasme du col. C'est ainsi que sur un navire à l'ancre et bougeant

peu, la miction se fait à moitié, tandis que sur un navire en marche,

les mouvements étant étendus et nombreux, la miction est tout à

fait impossible. Il se passe là, en somme, ce qui se passe dans un

trouble analogue du rectum, dû également à des contractions anti-

péristaltiques de l'organe, et qu'on désigne sous le nom de consti-

pation nautique. C.

L. DE l'incontinence nocturne d'urine; par M. le Dr GOGNETTI DE

MARTIIS. (Extrail de ]a Puglia medica, 3e année, n° 5.)

Pour l'expliquer, deux théories surtout ont de nombreux parti-

sans : 1° l'incontinence est due à une hyperesthésie de la vessie

qui ne permet à l'organe de ne tolérer qu'une quantité donnée

d'urine; 2° elle est due à une hyperexcitabilité des muscles de la

vessie; quand ceux-ci sont distendus au delà d'un certain degré, ils

se contractent. Ces théories sont toutes deux, on le sait, passibles

458 REVUE DE pathologie nerveuse.

de bien des objections, l'auteur les rejette l'une et l'autre et se

rallie à la théorie psychique défendue principalement par le

Dr Fiorani. L'incontinence nocturne, dit-il, n'est que le sornnwnbu-

lisme de la vessie. Voici les raisons sur lesquelles il se base : le

sommeil n'est pas le repos du système nerveux confiai exclusive-^

ment, mais bien une fonction biologique générale d'ordre végé-

statif. Il comporte trois degrés; le sommeil ordinaire, le rêve et le

somnambulisme. Les excitants ordinaires de l'organisme, comme

le besoin d'uriner, par exemple, provoquent le réveil, dans le som-

meil simple. Dans le rêve, les impulsions au mouvement, si elles

provoquent l'acte provoquent en même temps le réveil. Dans le

somnambulisme qui comporte un sommeil intense avec conserva-

tion plus ou moins marquée de la conscience, certains actes volon-

taires sont possibles sans amener le réveil. L'incontinence d'urine

ne peut donc se manifester que pendant ce troisième degré du som-

meil, le somnambulisme. Remarquer aussi que cette infirmité ne se

rencontre guère que chez les sujets nerveux et souvent héréditaires.

La théorie psychique admise, on doittraiterl'incontinence comme

on traite le somnambulisme, par le procédé du cordon antisom- ? M[M6 ! <H</M6 (Fiorani). Ce médecin aurait obtenu déjà une gué-

rison remarquable et l'auteur en expose un nouvel exemple :

Observation. S..., marin de l'Etat, est atteint, depuis son

enfance, d'incontinence d'urine; il a suivi de nombreux traitements

mais sans résultat. Aucune lésion vésicale ou urétrale, pas de

calcul, les urines sont normales. Entré à l'hôpital, la première

nuit il urine au lit. Le lendemain soir, couché, on lui applique le

cordon antisomnambulique. C'est un lacet de 2 mètres de lon-

gueur. On l'attache, par une de ses extrémités, à la main gauche

du sujet, on lui fait longer le lit et sortir par la partie inférieure

du meuble. On attache à son autre extrémité un sac contenant

50 grammes de sable sec, on produit ainsi une traction légère. Le

sujet n'eut pendant la nuit qu'une seule miction involontaire et qui

finit par le réveiller. Le lendemain soir on mit 100 grammes de

sable dans le sac, et le sujet se réveilla, dans la nuit, chaque fois

qu'il eut besoin d'uriner. Il en fut de même les nuits suivantes.

Il put. enfin reprendre son service, guéri, par un moyen d'une

simplicité extrême, d'une infirmité pénible et répugnante. Le

lecteur se demandera, sans doute, si ce succès thérapeutique n'est

pas dû à l'autosuggestion plutôt qu'au cordon antisolnnambulique.

C.

LI. Dissertation sur un cas peu commun DE maladie nerveuse; par

le Dr L. AB13 MONDI, médecin chef de la marine royale italienne,

(Spezia, 1895. Tip. Edit. Il Lavoro.)

Observation. Un jeune homme de vingt et un ans, ni alcoo-

lique, ni syphilitique, ni héréditaire, est incorporé dans l'armée en

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 459

mars 1893. Il est alors vigoureux et bien portant, mais il aurait en

une enfance très maladive et, à neuf ans, des douleurs rhumatis-

males. Dès son arrivée à la caserne, angine grave très probable-

ment diphthéritique qui nécessite un long séjour à l'hôpital. Quelque

temps après, il retombe malade à nouveau ; faiblesse, douleurs

dans les membres, dans les inférieurs surtout, mauvais état géné-

ral. On l'envoie à l'hôpital de Spezia, dans le service du D1' Abba-

mondi, qui relève les particularités cliniques suivantes :

Dépression, faiblesse générale, muqueuses décolorées, ganglions

lymphatiques engorgés, muscles flasques. Les muscles extenseurs,

d'une façon générale, ont à peu près conservé leurs forces, les

muscles fléchisseurs au contraire sont affaiblis. Légère atrophie

musculaire aux membres inférieurs. Arthropathie spéciale siégeant

à chaque genou, qui donne aux membres inférieurs une forme

réellement très bizarre. Quand le malade est couché ou assis, les

genoux semblent normaux; quand il est debout, la cuisse forme

avec la jambe un angle obtus ouvert en avant, la tuberosilé tibiale

ainsi que les condyles femoraux repoussés en arrière occupent le

creux poplité qui, par suite, a disparu. Il résulte, de cette demi-

luxation, que l'axe de chaque membre inférieur est représenté par

une ligne courbe à concavité assez prononcée et antérieure. La

courbe est assez prononcée, pour que la taille du malade varie de

4 à 5 centimètre-, selon que celui-ci est debout ou couché. Le

malade peut marcher, mais avec peine et en steppant; la marche

ne produit dans les genoux ni douleurs, ni craquements. La sta-

tion debout est possible un moment, mais très pénible ; si les yeux

sont clos, le sujet oscille et tomberait. L'action de monter et de

descendre les escaliers ne s'effectue qu'avec le secours de la rampe

et d'un bâton : à noter que les mouvements sont bien coordonnes.

Douleurs dans les membres, surtout dans 'les inférieurs, mais,

sans le type fulgurant. Sensation de compression en ceinture vers la

base du thorax. Point douloureux à la pression au niveau de la

quatrième vertèbre lombaire. Les muscles atrophiés sont un peu,

douloureux à la pression. Des orteils à un plan voisin de l'ombilic,

abolition de la sensibilité thermique et de la sensibilité à la dou-

leur, en plus la sensibilité tactile est abolie dans les membres

inférieurs. Sensation de marcher sur du velours. Excitabilité élec-

trique très diminuée dans les fléchisseurs, conservée dans les ex-

tenseurs. Réflexes, les uns conservés, les autres abolis ou diminués ;

le réflexe pharyngien persiste, celui du genou est seulement dimi-

nué d'un seul coté. Rien d'anormal du côté des sens spéciaux, pas

de troubles vésicaux, ni rectaux.

A l'hôpital, l'affection au lieu de rétrocéder s'aggrave rapidement. L.

Le niveau de l'anesthésie remonte, les membres supérieurs devien-

nent' de plus en plus douloureux, leurs muscles s'atrophient, et

enfin une arthropathie semblable à celle des genoux commence il

160 REVUE DE PATHOLOGIE NEItVEUSE.

e manifester aux coudes. Dans l'extension forcée de l'avant-bras,

J'ulécràne tend à se porter en avant du côté des fléchisseurs, en

soi te que le bras fait avec l'avant-bras un angle très obtus ouvcrt

en arrière et que l'axe du membre, clans son ensemble, représente

une courbe à concavité postérieure. On tente, et inutilement, tous

les traitements. Le malade est réformé à la fin de 1893 et il rentre

dans sa famille. Deux ans après, 1895, l'auteur apprend que son

ancien malade est tout à fait guéri, mais il ne peut se procuter

aucun détail sur la marche de l'affection depuis la fin de 1893.

Le point le plus intéressant de celte observation consiste évidem-

ment- en l'apparition de ces arthrites bizarres des genoux et des

coudes. Comme elles se sont manifestées dès le début de l'affec-

tion, et pour d'autres raisons encore, ou doit les considérer comme

des arthropathies nerveuses. L'auteur recherche alors l'entité noso-

logique à laquelle on devrait rattacher ce cas, il passe successive-

ment en revue les diverses affections de la moelle, aucune d'elles

ne répond au tableau symptomatique résumé ci-dessus. Il discute

ensuite la possibilité de l'hystérie, il cite même un cas qui ne

manque pas d'analogie avec le cas actuel, et qui certainement dé-

pendait de la grande névrose. Sans se rallier à l'idée de l'hystérie,

il ne la repousse pas absolument. 11 arrive enfin à étudier l'hypo-

thèse d'une polynévrite infectieuse, hypothèse qui lui parait bien

être l'expression de la vérité. La cause en serait l'angine diphté-

rilique qui a précédé de très peu le début des accidents. Les

arthropathies seraient ainsi sous la dépendance, non plus d'une

lésion médullaire, mais de lésions nerveuses multiples périphé-

riques disséminées dans les tissus péri et intra-articulaires. Il ne

se dissimule pas cependant que, dans les polynévrites toxiques,

certains phénomènes existent qui n'existaient pas chez son malade,

ou qui n'existaient qu'à un degré trop léger. Ainsi les paralysies

n'étaient pas assez prononcées, les muscles pas assez douloureux à

la pression, etc. Pour toutes ces raisons, il proposerait d'admettre

une polynévrite toxique fruste. En fin de compte, il donne son obser-

vation comme très intéressante, ce qui est vrai, mais il n'affirme

pas son diagnostic d'une façon absolue. CAMUSET.

LII. DE l'influence DES TROUBLES DE l'innervation sur la localisa-

TION ET LA MARCHE DES AFFECTIONS INCFCTIEUSES pal' MM. les

Drs TRAMBASTI, professeur libre de pathologie générale et

C. ComsA, assistant à la chaire de pédiatrie de l'Université de

Florence. (Lo Sperimentale. Section de biologie, 3e fascicule,

1895.) ,

Travail effectué à l'Institut des hautes études de Florence.

Les auteurs rappellent que l'on discute depuis longtemps sur l'in-

lluence que le système nerveux peut avoir sur la localisation et la

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. -16l

marche des processus infectieux, sans que la question soit aujour-

d'hui résolue. Ils font l'historique des travaux effectués sur ce

sujet et montrent que les expériences n'ontjamais porté que sur le

tissu cellulaire sous-cutané. On provoque la paralysie vaso-mo-

trice, soit dans un membre en sectionnant son tronc nerveux, soit

dans l'oreille du lapin en extirpant le ganglion cervical supérieur

de cet animal, après quoi on fait agir divers microbes patliu-

gènes dans les régions ainsi paralysées, au moyen d'injections

sous-cutanées.

m.Trall1basti et Cornba, après beaucoup d'autres, on t voulu appor-

ter quelques documents nouveaux pour la résolution de cette inte-

ressante question et ils ont entrepris une série d'expériences dans

ce but, mais leur technique diffère de celle de leurs devanciers. Ils

ont cherché, eux, quelle influence a la paralysie vaso-motrice d'un

organe splanchnique sur la localisation et la marche d'un proces-

sus infectieux agissant sur cet organe, et leurs expériences ont

porté sur le rein. Antonelli avait déjà, avant eux, voulu savoir s'il

existait une relation quelconque entre les troubles de l'innervation

du rem et la localisation et l'évolution d'un processus infectieux

dans ce viscère, et il était arrivé à cette conclusion, que la suppres-

sion de l'innervation du 1 ein ne favorise pas la localisation des

agents infectieux dans celte glande.

Les auteurs, après avoir exposé et critiqué les données anato-

maques modernes sur l'origine, le trajet et les rapports des nerfs

rénaux, regardent comme établi que ces nerfs viennent du tronc

coeliaque, mais qu'ils s'entremêlent aux mailles d'un lacis ner-

veux inextricable situé entre l'artère et la veine rénales et que là

ils envoient des ramuscules à la tunique adventice de ces vaisseaux.

Il n'est donc pas possible de sectionner en cet endroit les vrais

nerfs rénaux, les nerfs qui président à la sécrétion de l'urine. C'est

pourtant ce que faisait, ou du moins ce que croyait faire Antoneili.

La vérité est que pour être certain de produire la paralysie vaso-

motrice, il faut extirper le plexus ca;liaque. Mais comme l'extirpa-

tion du ganglion coeliaque inférieur seul suffit pour provoquer des

altérations importantes dans le rein, et qu'elle laisse aux animaux

en expérience une survie assez prolongée, c'est à l'extirpation de

ce seul ganglion inférieur que les auteurs eurent recours. Voici la

façon dont ils rendent compte de leurs expériences.

Extirpation du ganglion coeliaque inférieur sur cinq lapins. Deux

d'entre eux sont réservés comme témoins. Aux trois autres on

injecte, après un laps de temps variable, dans la veine marginale

de l'oreille, des quantités variables de bouillon de culture de strep-

tocoques de l'érysipèle. Même opération sur sept autres lapins,

deux sont réservés comme témoins; on injecte aux cinq autres du

bouillon de culture de staphylocoques dorés pyogènes. Sur ces

douze animaux, on n'en sacrifie qu'un seul, le dixième jour; les

li 6 4-) REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

onze autres meurent spontanément dans un temps qui varie de

deux à vingt-huit jours à partir du moment de l'injection. Les

principaux organes sont ensuite, après durcissement, examinés au

microscope.

Voici maintenant les conclusions de ces expériences : quand,

après avoir produit la paralysie vaso-motrice dans le rein, on

injecte dans le sang des microbes pathogènes, ces microorganis-

mes se localisent toujours de préférence dans le rein. L'absence de

toute localisation morbide dans le foie prouve, incidemment, que

le ganglion coeliaque inferieur n'est pas un centre d'innervation

important pour ce viscère. Les localisations rénales font défaut

chez les lapins réservés comme témoins, c'est-à-dire chez les lapins

opérés mais non inoculés. La lésion du centre d'innervation du

rein constitue donc une prédisposition à la localisation des micro-

organismes pathogènes qui peuvent se trouver accidentellement

dans le sang. Comme corollaire : l'immunité d'un tissu, par rap-

port à une infection, est liée à l'intégrité du système nerveux de ce

tissu.

En résumé donc, la paralysie vaso-motrice qui, pour beaucoup

d'auteurs, pour Aulonelli en particulier, serait un élément protec-

teur par rapport aux infections, détermine au contraire dans les

tissus des conditions de moindre résistance à l'égard de celles-ci. A

noter; en terminant, que dans les expériences de 111L'framl>asti et

Comba la prédisposition du rein à l'infection était d'autant plus

certaine que l'extirpation du ganglion coeliaque inférieur, par

lequel passent presque tous les nerfs qui vont au rein, détermine,

outre la paralysie vaso-motrice, des altérations profondes du tissu

rénal lui-même, comme l'hypérémie et la dégénérescence granu-

leuse et hyaline des divers éléments anatomiques de la glande.

CAMUSE ?

LUI. Recherche HISTORIQUE sur la crampe DES écrivains. (Bulletino

delle scienze mediche. 13ologna, 1896, n° de mars.)

Puisque l'on fait de nos jours à la graphologie l'honneur de

l'élever à la hauteur d'une science, il n'est pas sans intérêt de

signaler une particularité que présentait l'écriture de l'empereur

Auguste. Auguste, quand un mot était trop long pour être écrit en

entier à la fin d'une ligne, ne pouvait pas se décider à le scinder

en deux parties, de façon à reporter la seconde partie au commence-

ment de la ligne suivante, comme c'était l'habitude déjà. Il l'écrivait

en entier sur la même ligne, qu'il était obligé de prolonger en en

changeant la direction, en la recourbant en bas. C'est Stevonius,

l'historien de l'époque impériale, qui nous apprend cette particu-

larité, mais il nous en apprend une autre bien plus, intéressante

au point de vue médical. Octave Auguste, parait-il, était atteint

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 463

d'une sorte de rigidité et de contracture de l'index droit qui lui

rendait parfois l'écriture très difficile. Il était obligé de porter à

l'index un anneau en corne. Cet anneau remplissant l'espace laissé

libre entre le style, la plume d'alors, et l'index, permettait à

celui-ci de maintenir, malgré son impotence, le style fixé. Cette

infirmité n'était sans doute autre que notre crampe des écrivains

actuelle. L'accusation qui pèse sur les plumes d'acier, d'en être la

cause déterminante, est donc mal fondée.

Il parait, toujours d'après Stevonius, qu'Auguste était aussi

affligé d'un grand nombre d'affections et d'infirmités diverses, et

qu'il souffrait un peu de partout, ce qui ne l'empêchait pas de

garder toujours et en toute occasion son regard fier et domina-

teur et sa physionomie digne et calme. Camuse.

LIV. UN nouveau facteur étiologique DE la céphalée, la céphalée

produite par LE changement DE résidence; par le D1' Pieraccini.

(Lo Sperimentale. Firenze, 1895, n° 1.)

11 existe des personnes robustes, d'une excellente santé, exemptes

de toute tare névropathtque héréditaire ou acquise qui, chaque

fois qu'elles quittent leur résidence habituelle, pour aller dans cer-

taines aulres régions, sont immédiatement prises d'une céphalée

pénible et opiniâtre, mais qui se dissipe dès qu'elles retournent

chez elles. Le U'' Pieraccini prétend qu'il s'agit, dans ce ras, d'une

céphalée sui generis et il la dénomme céphalée par changement de

résidence. Cette affection, dit-il, n'est notée nulle part, elle n'est

pas cependant très rare et les individus, qui en sont atteints, se

rendent souvent très bien compte de sa nature et il eu est même

qui soutiennent à leur médecin, lequel se perd dans des recherches

minutieuses, que leur mal de tête est simplement la conséquence

« du changement d'air ». Voici quelques exemples :

1° S..., cinquante ans, cuisinier, homme robuste et d'une excel-

lente santé, exempt de toute tare nerveuse héréditaire ou acquise,

ni alcoolique, ni syphilitique, habitait depuis longtemps un petit

village du Val-d'Elsa, dont l'altitude n'est que de 100 mètres su-

périeure à celle de Florence. S... un jour quitta son pays pour

aller se fixer à Florence, comme cuisinier dans une maison bour-

geoise. Deux jours après son arrivée, céphalée très douloureuse

localisée principalement à la région frontale. Quelques prescrip-

tions hygiéniques, pomme les promenades fréquentes au grand air,

par exemple, ne produisent pas la moindre amélioration. La

céphalée se compliqua même d'autres phénomènes morbides :

pupilles dilatées et peu sensibles à l'action de la lumière, vertiges,

nausées. Les fonctions de la vie végétative et les (fonctions psy-

chiques s'effectuaient normalement. Un tiaitement antisyphili-

tique est proposé, mais le malade affirmait d'abord qu'il n'avait

164 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

jamais eu la vérole, ensuite que sa céphalée était due à son séjour

à Florence, et qu'elle guérirait dès qu'il serait rentré dans son

pays. Quelques années auparavant il avait éprouvé les mêmes souf-

frances, et dans les mêmes circonstances. Tous les remèdes avaient

échoué, sou retour au pays l'avait guéri de suite. Il voyait bien,

ajoutait-il, qu'il allait être obligé de quitter Florence, ce qui

^'affligeait fort, parce qu'il aimait celte ville et parce qu'il tenait

beaucoup à sa place. Et malgré tout le déplaisir qu'il en éprouva,

S... en effet rentra dans ses montagnes et deux jours après il était

guéri.

2° Un cultivateur du Val d'Elsa, d'une bonne santé habituelle,

non névropathe, travaillait toute l'année aux environs de son

village, mais il était obligé, d'aller de temps en temps Iravaillcr à

des terres situées assez loin de chez lui sur des hauteurs. Or, dès

qu'il arrivait en ces endroits, il était pris d'une céphalée qui se

dissipait aussitôt qu'il rentrait chez lui.

3° Une dame de Porto-Longone. dans l'ile d'Elbe était prise de

céphalée chaque fois qu'elle quittait son ! le pour aller sur le con-

tinent, et ensuite, pendant les douze ou quinze jours qu'elle passait

habituellement à Pioinbiiio.

4° Un médecin,âgé de trente ans, très robuste et d'une bonne

santé. exerçait la médecine à Florence et aux environs. Cinq on

six fois par an, il était obligé d'aller à Mantoue. Aussitôt qu'il arri-

vait dans cette ville, il ressentait une céphalée intense, qui se dissi-

pait dès qu'il la quittait.

ego Un négociant florentin souffrait, chaque fois qu'il allait an

marché de Livourne, d'une céphalée très pénible.

60 Un autre Florentin, qui s'était établi à Livournepour plusieurs

années, ne pouvait s'approcher de la mer sans être pris d'hémicra-

nio.Aussi logeait-il très loin du port et avait-il grand soin de ne

pas aller du côté de la plage.

Dans ces observations, auxquelles il seiait facile d'ajouter

d'autres faits analogues, il s'agit, dit M. Pieraccini, d'une céphalée

spéciale, idiopathique, qui n'entre dans aucune des classes des

céphalées admises par les auteurs. En effet, peut-on la rattacher à

l'hystérie ? Il faudrait admettre alors que cette névrose peut se

manifester par un unique symptôme, et ne s'accompagner d'aucun

de ses stigmates connus, ce qui n'est pas soutenable. Peut-on la

mettre sur le compte d'une sorte d'auto-suggestion, la crainte d'être

atteint de maux de tête, en arrivant dans certains endroits, provo-

quant l'apparition de ceux-ci ? Mais alors, comment expliquer, par

cette hypothèse ingénieuse, l'apparition de la première attaque de

céphalée, alors que le sujet ne pouvait avoir aucune appréhension ?

Peut-on en faire un symptôme de la nostalgie ? Non, puisque les

malades, sujets des observations précédentes, ne sont pas nostal-

giques, et que même plusieurs d'entre eux aiment la ville qui leur

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 465

est malsaine et qu'ils ne la quittent qu'à regret. On ne peut pas

davantage, les observations le démontrent, invoquer les modifica-

tions dans le genre dévie et les changements d'habitudes. La vérité

est que cette céphalée est idiopathique.

L'auteur se défend pourtant de vouloir créer une nouvelle entité

nosologique, il déclare qu'une telle prétention serait ridicule, la

céphalée qu'il décrit n'a de spécifique que la nature de sa cause;

elle est produite exclusivement par un changement de résidence,

d'habitat, et elle guérit aussitôt que sa cause disparait, c'est-à-

dire aussitôt que le malade retourne dans sa résidence habi-

tuelle. Il est même probable que si le malade luttait, c'est-à-

dire que s'il persistait à demeurer malgré ses douleurs de tête,

celle-ci finiraient par disparaître avec le temps, mais les observa-

tions confirmatives du fait manquent encore.

La céphalée par changement de résidence s'observe aussi bien

chez les femmes que chez les hommes ; on ne sait pas, pour le

moment, si elle peut atteindre les enfants. Les prédisposés aux

affections nerveuses ne semblent pas y être plus sujets que les per-

sonnes normales, indemnes de toute tare héréditaire ou person-

nelle. Quant à sa pathogénie, M. Pieraccini l'ignore, et il n'ose

risquer aucune hypothèse sur le mécanisme de ce phénomène

morbide. Cette céphalée est-elle l'effet de l'influence sur l'orga-

nisme de changements brusques dans la pression atmosphérique ?

Est-elle la conséquence du régime des vents de la région laquelle

est pour cela insalubre pour certaines personnes à idiosyncrasie

spéciale ? Tient-elle à des parlicularités dans l'état hygrométrique

de l'air ou à l'état électrique, ou à la température ? On ne sait. On

ne sait même pas si elle coïncide avec un état anémique, ou au

contraire avec un état byprémique de l'encéphale; et, à ce sujet,

l'examen ophtalmoscopique aiderait à résoudre la question.

En somme, il n'était pas inutile d'attirer l'attention sur cette

céphalée sui geraeris, dont, il faut l'espérer, l'histoire se complétera

avec le temps. Camuset.

LV. DES polynévrites EN rapport avec LES lésions secondaires ET

LES LÉSIONS PRIMITIVES DES CELLULESNERVEUSES ; par M. l iti,,iFsco.

L'auteur, dans un travail du plus haut intérêt, accompagné de

figures démonstratives et de considérations sur l'histologie de la

cellule nerveuse, montre que les polynévrites déterminent dans

les centres .nerveux des lésions constantes mais d'origine se-

condaire : ces lésions constituent la réaction nécessaire d'un

centre en souffrance et ce n'est ni le hasard ni l'infection qui les

produisent. Elles obéissent à des lois fixes que l'on pourra un

jour déterminer.

Ces altérations secondaires ressemblent à celles que réalise la

Archives, 2" série, t. II. 30

66 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

section nerveuse, c'est-à-dire qu'il y a dissolution partielle ou com-

plète des éléments chromatopUles, surtout de la couche périnu-

cléaire, que le noyau est excentrique, que les prolongements

proioplasmiques contiennent moins de substance chromatique, en

d'autres termes que la lésion porte essentiellement sur le

kinétoplasma. Les racines antérieures, les nerfs eux-mêmes, sur un

certain trajet, sont intacts, tandis que la lésion périphérique porte

surtout sur les ramuscules nerveux ou sur les troncs d'émer-

gence. La lésion cellulaire est, par suite, produite à distance.

Les lésions secondaires des centres médullaires dans les polyné-

vrites, bien que comparables à celles que provoque la section d'un

nerf dans son centre d'origine, sont cependant moins aiguës,

moins intenses pendant un certain temps, ce qui explique qu'elles

ont pu passer inaperçues. Enfin, dans les polynévrites comme dans

les lésions des centres nerveux consécutives à la section nerveuse,

il y a à distinguer également deux périodes : la 1'° où les éléments

cliromatopliiles subissent une dissolution plus ou moins complète,

réaction à distance du nerf lésé, et la 2 ? que l'on pourrait

nommer la phase poliomyélitique des polynévrites et dans laquelle

le protoplasma subit des modifications notables. A partir de ce

moment la lésion névritique est irréparable. (Revue neurologique,

avril 1896.) E. B.

LVI. Contribution ST1TIST1QUE A L\ symptomatologie DU tabès

DORSAUS ; par le Dr Simerka.

D'après les observations de 52 tabétiques, l'auteur a dressé la

table suivante où les symptômes sont rangés selon leur fréquence : -.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 467

468 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Toute l'observation clinique du malade pourrait se résumer

dans la phrase qu'il répète sans cesse : « j'entends que vous parlez,

mais je ne comprends pas ; je pourrais compter les syllabes, mais

je n'en saisis pas le sens. » 11 existe aussi une amusie à peu près

complète. -

Le diagnostic n'est pas douteux : on se trouve en présence

d'une aphasie scnsoreille simple, aphasie de réception dans laquelle

la faculté de comprendre le langage parlé est seule perdue. Le

langage intérieur est parfait. C'est un cas de surdité verbale avec

amusie. Le diagnostic delà lécion est assez difficile à préciser : un

seul renseignement négatif à noter, c'est l'absence de crises

épilepliformes pouvant faire penser a une irritation méningée par

une tumeur comprimant ou ayant détruit la région de la surdité

verbale. Quant au diagnostic du siège de la lésion, l'intégrité du

langage intérieur permet d'admettre l'intégrité du centre cortical

de la surdité verbale, par conséquent la lésion serait sous-corticale,

et comme l'ouïe est respectée et qu'il n'y a pas de surdité psy-

chique, la localisation de la lésion serait sur le faisceau unissant

le centre de réception commun des sensations auditives au centre

spécialisé pour la réception du langage articulé. En résumé, bel

exemple de surdité verbale de conductibilité ou, en acceptant la

terminologie de M. Déjerine, de surdité verbale pure. (Revue neu-

1'ologique, juin 1896.) E. B.

LVIII. La chorée variable des dégénérés; par le 1)' BRIS5,1UD.

Tous les médecins qui s'occupent plus spécialement de maladies

nerveuses ont vu quelques types de ces chorées inconstantes, iné-

gales, intermittentes, généralement de très longue durée, qui ne

sont ni la chorée de Sydenham, ni la chorée d11untington et qui

sont cependant des chorées parfaitement authentiques, bien qu'on

soit embarrassé pour les désigner par un nom : ces chorées en-

globent la plupart des troubles moteurs vulgairement et vague-

ment désignés sous le nom de mouvements nerveux.

La similitude des cas a engagé l'auteur à les grouper, à les dé-

signer sous le nom de chorée variable, la variabilité étant la véri-

table caractéristique de l'affection par rapport à l'évolution régu-

lière de la chorée de Sydenham et à l'évolution progressive de la

chorée chronique.

Un autre caractère de la chorée variable, bien mis en relief

dans les quatre observations publiées dans ce travail, c'est que

chez les malades atteints de cette affection, il n'est pas question

seulement de tempérament nerveux familial comme dans la chorée

de Sydenham, ni de l'hérédité similaire qui est comme une spéci-

ficité causale inhérente à la chorée chronique : on se trouve, dans

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 469

cette affection, en présence de dégénérés, en prenant le mot dans

son acception la plus précise.

En résumé, la chorée variable, véritable « caprice de la fonction

musculaire », représente un de ces désordres passagers dont la dé-

générescence mentale est coutumière. (Revue neurologique, juil-

let 1896.) Is. B.

LIX. SUR LE degré DE fréquence DES paralysies laryngées CHEZ les

hémiplégiques; par le Dr Simeriu.

L'auteur a fait l'examen laryngoscopique de-23 hémiplégiques

qui, par l'existence soit de troubles du langage, notamment de

dysarthrie, soit de dysphagie ou de paralysie du voile du palais,

semblaient devoir offrir des troubles laryngés. Or, chez 19 de ces

malades, l'examen n'a révélé aucun trouble des mouvements des

cordes vocales; chez 4 seulement il y avait quelques troubles inté-

ressant la corde vocale droite. Les recherches de l'auteur sont con-

firmatives de l'opinion de Semon et Horsley d'après laquelle la

rareté des paralysies laryngées chez les hémiplégiques tient à ce

que chacune des cordes vocales est innervée à la fois par les deux

hémisphères. (Revue neurologique, juin 1896.) E. B.

LX. Leçon sur les réflexes; par le Dr HDGHES.

L'auteur admet l'existence hypothétique de fibres reliant le cer-

veau aux cornes antérieures de la moelle et expliquant l'action de

la volonté, qui peut exagérer, diminuer ou abolir les réflexes (vé-

sical, rectal, vénérien, etc.). (The alienist and neurologist, jan-

vier 1896.) E. B.

LOI, HÉ\t.1T031Y1 : LIES PRIMAIRES TRAUMATIQUES ET NON TRAUMATIQUES ;

par le Dr OUTTEN.

L'auteur a fait une enquête aux Etats-Unis sur la question. Les

résultats en sont comparés avec les cas publiés par Gowers, Krafft-

Ebiug, Raymond, Nimor, Van Gresen, etc. II arrive à conclure que

l'existence d'hémorragies intra-médullaires non compliquées de

traumatismes, c'est-à-dire médicales, n'a pas encore été démontrée

d'une façon certaine. Par suite les assertions doivent être exactes

de Charcot et Flayem. qm ont soutenu que le ramollissement de la

moelle précède toujours l'hémorragie et que l'hématomyélie pri-

maire est une impossibilité. (The alienist and neurologist, jan-

vier 1896.) E. B.

LX11. Note SUR L'AC131LLODY-NIE hystérique; par le Dr Feré.

L'auteur cite deux observations qui établissent la possibilité d'une

achillodynie hystérique, et c'est peut-ètre même la seule douleur

du tendon d'Achille qui mérite le nom d'achillodynie. L'existence

de la névralgie des tendons dans l'hystérie est d'autant plus inté-

470 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ressante à connaître qu'en raison des réactions motrices qu'elle

enlraîne, elle peut s'associer d'autres symptômes indicateurs de

lésions synoviales ou articulaires. Les craquements articulaires et

synoviaux, par exemple, sont facilement provoqués par des con-

tractions exécutées dans une attitude défectueuse ou forcée et on

peut les voir se manifester aussi bien aux membres qu'au tronc.

Une telle association combinée avec les formes si variées de l'oe-

dème neuro-paralytique pent être féconde en erreurs de diagnos-

tic. (Revue neurologique, juin t896.) E. B.

LX111. La topographie DE L.INESI'1131E P07TIQU1's ;

par le or A. CIII1'AULT,

Dans une récente étude, l'auteur a insisté sur l'origine mixte,

radiculaire et médullaire des symptômes sensitivo-moteurs dans

un grand nombre de traumatismes ou de tuberculoses vertébrales,

en exprimant l'espoir qu'il serait possible d'arriver à dissocier cli-

niquement ce qui, parmi ces symptômes, revient à la moelle, ou

ce qui revient aux racines.

Dans le présent travail, il Lente celte dissociation pour un groupe

bien déterminé de faits, pour les maux de Pott avec symptômes

sensitifs objectivement appréciables. Il

Si l'on met de côté 7 cas douteux, l'auteur, sur 22 cas, a

rencontré : 1° dans 7 cas, des symptômes sensitifs à topographie

nettement radiculaire; 2° dans G cas des troubles sensitifs à topo-

graphie médullaire ; 3° dans 2 cas, les symptômes sensitifs se dis-

sociaient d'une manière tout il fait nette en deux parts, l'une

radiculaire, l'autre médullaire, qui se juxtaposaient ou se superpo-

saient sans se confondre.

Celte détermination clinique présente une véritable importance

anatomo-pathologique, pronostique et thérapeutique : impor-

tance anatomo-pathologique, parce que l'examen du malade suffit

pour clore le débat sur le siège des lésions nerveuses poltiques et

autorise à dire qu'elles portent tantôt sur les racines, tantôt sur la

moelle, tantôt sur l'une et l'autre à la fois. Importance pronos-

tique parce qu'une lésion radiculaire est toujours fonctionnelle-

ment moins grave qu'une lésion médullaire. Importance thérapeu-

tique enfin, parce que le chirurgien, qui ne peut rien contre les

lésions médullaires, peut, dans un très petit nombre de cas de

lésions radiculaires, être autorisé à intervenir. (Revue neurologique,

mai 1896.) ' E. D.

LXIV. DE LA DEFORMATION ET DE la paralysie DE la LUETTE

COMME SIGNE DE DÉGÉNÉRESCENCE; par le Dr DAN.\.

Les anomalies de développement se montrent fréquemment sur

la ligne médiane.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 471

L'auteur ayant remarqué que souvent la luette présentait quel-

que anomalie de forme ou de direction a examiné plus spéciale-

ment cet organe chez un nombre déterminé de malades et de

sujets sains. Sur 154 sujets sains, la luette ne fut trouvée anormale

que dans 13 cas p. 100, allongée dans\ 5 cas, bifide dans 2 cas,

double dans 1. Chez 57 malades atteints de maladies nerveuses,

la luette était 3 fois bifide, 13 fois déviée, 1 fois double, soit anor-

male dans 22 cas p. 100. Chez 108 aliénés la luette fut trouvée

anormale chez 53, soit une proportion de 50 p. 100; l'anomalie la

plus fréquente était la déviation à gauche.

La proportion est encore plus forte dans les formes dégénéra-

tives de la folie, si bien que la proportion des déformations de la

luette augmente avec la proportion des signes de dégénérescence.

Examinés au point de vue de l'innervation, les muscles de la

luette se contractaient dans 73 cas p. 100 chez des sujets normaux

et dans 47 p. 100 seulement chez les aliénés.

De son travail, l'auteur tire la conclusion que la déformation et

plus particulièrement la déviation de la luette constituent, en

même temps que le défaut d'innervation, un stigmate analomique

et physiologique de dégénérescence. (American journal of 121siiiiity,

avril 189G.) E. B.

LXV. Contribution au diagnostic DE la syringomyélie ; par Bregman.

(Neurolog. Centralbl., XIV, 1895.)

Etude analytique d'un malade de vingt-sept ans chez lequel il

existait une paralysie partielle masquée hémiliatérale de la sensi-

bilité, avec cyanose et sensibilité au froid de la main gauche,

hémidrose, hygroma trophique de la bourse séreuse et crânienne.

Les symptômes étant localisés au membre supérieur et à la moitié

supérieure du thorax permettent de conclure il une syringomyélie

cervicale et cervico-thoracique supérieure. M. Bregman discute le

diagnostic avec l'hystérie, la névrite périphérique du radiculaire,

la pachyméningite, la carie de la colonne vertébrale, le tabes

dorsal, la lèpre. Il conclut à la gliomatose plutôt qu'à l'existence

d'une cavité réelle dans une corne postérieure. P. K.

LXVI. Communications casuistiques; par L. Bruns.

(Neurolog. Ceaztralbl., XIV, 1895.)

Singulier titre qui condamne à l'obscurité, grâce à la négligence

des faiseurs de tables, six études de première importance d'ailleurs

mal divisées.

1° Pathologie et pronostic de la paralysie des tambours. Il y en

aurait trois types. Le premier, le plus fréquent, consiste en une

paralysie du long extenseur du pouce gauche avec parésie des

472 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

muscles de l'éminence thénar, et surtout de l'adducteur, du court

fléchisseur et du court abducteur, qui sont fréquemment atrophiés.

- Second type, bien plus rare. Paralysie du long fléchisseur du

pouce gauche. Parfois aussi les muscles de l'éminence thénar, ont

atteints, du moins dans un cas (Zander), le malade ne pouvant

fléchir la première phalange du pouce. Troisième type, très rare.

Paralysie simultanée des longs fléchisseurs et extenseurs : émi-

nence thénar toujours atteinte et atrophiée. L'auteur signale

un cas de guérison, pourvu que l'on cesse et pour toujours l'exer-

cice du tambour, à la première apparition des phénomènes de

névrite, aux premières douleurs musculaires. Il donne aussi une

nouvelle observation relevant du troisième type. Parésie du long

extenseur et du long fléchisseur du pouce, une légère faiblesse de

l'éminence thénar. Ténosynovite hypertrophique de Erb au

niveau du tendon de l'extenseur.

2° Paralysie partielle du nerf cubital gauche par' pression du

coude chez un xylographe. Les graveurs sur bois appuient leur

coude gauche et le côté interne de celui-ci sur la table, ils com-

priment ainsi le cubital, et cependant, chez eux, les paralysies

sont très rares ; ils ont d'ordinaire des douleurs dans la région du

coude gauche et des épaississements périostiques des os.

3° Paralysie du radial, par pression, pendant la narcose chloro-

formique. Opération de myomes utérins, laparotomie ayant

duré plusieurs heures, le radial droit a été comprimé à l'endroit

où il contourne la partie externe du bras par la tige longitudi-

nale de l'appui-tête. En voie de guérison. (Voy, Pernic, Centmtblalt.

f. Chirurgie, et Remak, Deutsche Zeitseh1'. f. Nez·venheillc,1V).

4° Encéphalite prolubérantielle aiguë non suppurée ou apoplexie

tardive de la protubérance. Observation chez un garçon de

treize ans. Paralysie du facial et de l'oculomoteur externe droits.

avec paresthésie gauche, anesthésie, ataxie ou tremblement

intentionnel. Cette association symptomatique permet de conclure

à l'atteinte de la région de la calotte dans la moitié droite de la

protubérance, à la région des noyaux de l'oculomoteur externe et

du facial. D'autre part, il y a paralysie du droit interne gauche,

comportant aussi les mouvements nécessités pour la convergence et

blépharoptose gauche, indiquant que la lésion empiète sur la gauche;

dès le troisième jour, en effet, il y a paralysie complète de toutes

les brancbesexlernes de l'oculomoteur commun gauche, tandisque

l'oculomoteur externe et le pathétique demeurent intacts. La

région des pyramides parait envahie le jour suivant. Il y a lieu de

craindre un tubercule ou un gliome. Tout à coup, le neuvième

jour, se produit une amélioration, et, trois mois après le début

de l'affection, il ne reste qu'une parésie très légère du facial infé-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 473 à

rieur droit. Guérison. De là le litre de l'observation. (Vov.

Oppenheim. Deutsche medic. Wo¡;flCnsch1'i(t, 1895, G, et Deutsche

Zeitschr. f. Nervenheilk, VI. 13011singer. Feslschrift R. I'irchow's,

t. II.)

5° Hémiplégie et aphasie gono¡'1'héique. - Il s'agit d'une jeune

femme de vingt ans, infectée par son mari et atteinte successive-

ment d'urNtrite, d'endométrite, de pénmélnte et de salpingite

gauche. C'est alors que, sans prodromes, soudain, il se produit des

convulsions épileptiformes de la moitié droite du visage, la langue,

la mâchoire, les membres du même côté. Plusieurs accès convul-

sifs ont lieu coup sur coup ; aphasie consécutive et, quelques jours

après, hémiplégie droite totale, y compris le facial inférieur, la

langue, les muscles du pharynx et les masticateurs. Clonus

achilléen et diminution de la sensibilité à droite. L'aphasie est

motrice et totale et cependant l'intelligence est conservée, lecture

impossible, parfaite conscience. Tout disparait moins l'hémiplégie

des membres; if s'installe de la contracture avec exagération des

réflexes. L'aphasie prend la forme d'aphasie transcorticale de

Wernicke et Lichtheim, et, par les exercices appropriés, elle entre

en voie de guérison. Conclusion : il s'est effectué des embolies daus

la sylvienne gauche dont les trois premières branches corticales,

et peut-être aussi celles de la capsule interne et des ganglions cé-

rébraux, ont été obturées. Ces embolies ont eu pour origine une

thrombose des organes du bassin due à l'inflammation gonor-

rhéique, soit par action directe de gonococcus, soit par coagula-

tion sanguine purement inflammatoire, peut-être par les deux

mécanismes. Mais à coup sûr il ne s'agissait point d'un thrombus

inflammatoire produit par les pyococci, car il n'y a eu ni fièvre,

ni méningite, ni abcès.

6° Observation d'acromégalie traitée à l'extrait de corps thyroïde.

Femme de vingt-quatre ans, atteinte d'acromégahe-type. On

lui administre des tablettes de corps thyroïde dont on ignore

d'ailleurs la dose. Sous leur influence, l'état général s'améliore ;

la céphalalgie, les douleurs, les paresthésies des doigts disparais-

sent, ceux-ci récupèrent leur mobilité, la malade se remet aux

fins ouvrages de femme, porte encore son alliance. Apparaît alors

l'amaigrissement caractéristique de l'alimentation thyroïdienne

(Leichtenstern). Le volume des membres ne subit cependant aucun

changement. Bientôt s'installent des battements de coeur, suivis de

chlorose et d'affaiblissement. On cesse le suc thyroïdien, alitant

') la malade et lui administrant du fer. Le coeur paraît se calme¡' (il

existe encore 100 pulsations), mais les paresthésies et douleurs

des extrémités reprennent. On adjoint au repos au lit et à une

alimentation forte, les tablettes de corps thyroïde.

P. Keiiwal.

474' li REVUE DE MÉDECINE LEGALE.

LXVII. DE la maladie L'AMOK des Malus ; par Chr. R : 15ClI.

(Neuroloy. CentralGl., XIV, 1895.)

y

La fréquence relative de celle maladie limitée à la race malaise

et son caractère endémique qui, de temps à autre parait en cer-

taines régions, telles que Macassar, les Célèbes, revêtir la forme

épidémique, plaident contre l'opinion d'Ellis qui en fait une psycho-

pathie épileptique. On s'expliquerait plus aisément la furia brutale

de l'amolc par le canal de la suggestion ou de l'imitation.

M. Hasch en appelle au jumping (du Nord de l'Amérique), au

myriachit (de Sibérie), au mali-mali des Tagalais (de Manille), au

latah (des Malais), états caractérisés par des impulsions quabi

réflexes. Otto Stoll leur attribue, notamment aux deux derniers,

une influence suggestive. Histoire de l'héroïsme impétueux des

Malais de Macassar (S. Semler), histoire du latah des Siamois ;

influence de la suggestion (l3astian, van Brero) ; leur balltcln

est une sorte de myospasie impulsive, mais provoquée, sorte de

suggestion hystérique par contact somatique (Francfurter).

P. KERAVAL.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE

VI. Rapport IÉDICO-LÉG1L sur un militaire déserteur atteint

d'automatisme ambulatoire; par MM. Alfred Fournier, S.-Ch.

Kohne et Gilles DE la 1'OUBETrr.. (Nouv. iconogr. de la Salpétrière,

1895, n° 6).

M. X... a des antécédents héréditaires vésaniques très chargés,

on compte plusieurs aliénés parmi ses ascendants et son père et sa

mère sont cousins germains. Trois de ses frères sont morts de

méningite en bas âge. Lui-même a eu des convulsions dans son

enfance. Il est d'une intelligence très bornée et n'a pas pu faire

ses classes, en outre il a eu des terreurs nocturnes et est sujet à des

accès intermittents de mélancolie de courte duree. Sa famille qui

est dans une belle situation de fortune, le plaça dans différentes

maisons de commerce, il s'y montra bon employé, mais deux fois

il quitta brusquement ses patrons sans raison, sans savoir pour-

quoi et revint chez lui. On l'engagea alors dans l'espérance que la

discipline militaire, le rendrait plus staLle. Très bon soldat au

régiment, on croyait qu'il allait faire sa carrière dans l'armée,

REVUE DE MEDECINE LEGALE. 4/0

mais il s'enleva toute chance d'avancement en entrant dans les

infirmiers, et cela tout à coup, sans préméditation. Puis un jour

qu'il était attablé à la cantine, il se leva, sortit de la caserne par

escalade, au lieu de sortir naturellement par la porte, ce qui lui

était facile, et se sauva à l'étranger. Quinze jours après il tenta de

se tuer en se tirant une balle de revolver dans la région frontale.

La balle glissa et la plaie fut insignifiante. Guéri, il partit brusque-

ment encore une fois de la ville où il était et se rendit ailleurs,

après avoir erré longtemps dans la campagne. Sa famille vint le

chercher et le ramena en France. M. X... était donc déserteur,

mais l'autorité militaire soupçonnant, ajuste titre, l'intégrité de

ses facultés mentales, le fit examiner par des médecins. Les experts

n'eurent pas de peine à prouver que X... était un aliéné hérédi-

taire, qu'il présentait des syndromes de la folie héréditaire, entre

autres l'impulsion au suicide et l'automatisme ambulatoire. - J'ai

oublié de noter qu'il avait fait, avant son entrée au régiment,

plusieurs tentatives de suicide. A la question, pourquoi voulez-

vous vous tuer ? 11 répondait « Je suis de ceux qui n'auraient

jamais dû exister », et à cette autre question, pourquoi vous sau-

vez-vous toujours ? « Je n'en sais rien, c'est plus fort que moi. »

M. X... fut placé en observation à l'hôpital et réformé ensuite.

C 11U5ET.

VII. La FOLIE DI.NS ses rapports avec la responsabilité criminelle ;

par le De H. MAUDSLEY.

L'auteur, dans une discussion intéressante de la question si sou-

vent traitée de la responsabilité légale des aliénés, montre que si

le critérium légal de la responsabilité n'a pas changé, il s'est

cependant modifié en pratique, en ce sens que certains juges ne

recherchent plus seulement si l'inculpé a eu connaissance de la

nature de son acte, s'il a pu reconnaître que son acte était

répréhensible, mais encore s'il a été capable de le diriger, de con-

trôler sa conduite. (The alienist and neurologist. Avril 1890.)

E.B.

VIII. La responsabilité civile DES PERVERTIS sexuels ;

par le De 11'lane Hamilton.

Après avoir rappelé quelques causes célèbres, l'auteur rapporte

l'histoire d'une jeune femme, fort riche, d'une éducation parfaite,

de la plus grande rigidité de moeurs, vivant avec sa famille et qui,

à l'occasion d'un désordre utérin banal, fit la connaissance d'une

doctoresse en médecine beaucoup plus âgée qu'elle. Cette dernière

finit par subjuguer complètement sa malade avec laquelle des

relations sexuelles s'établirent et bientôt elle se fit donner d'im-

portantes sommes d'argent.

476 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

L'auteur, consulté par la famille, estima que l'allégation de

folie eu égard à la jeune femme, ne serait pas acceptée par un

jury ordinaire, et voulut faire poursuivre la doctoresse, mais la

famille recula devant le scandale. C'est ainsi qu'il est malheureux-

sèment fréquent de voir, dans des cas de ce genre, les familles

accepter très volontiers le qualificatif de folie pour des actes qu'ils

se refusent à dénoncer à la justice. L'auteur estime que lorsque

des rapports entre personnes du même sexe sont arrivés au

point d'annihiler toute idée de famille, le médecin peut poser le

diagnostic d'état mental interdisant toute liberté de disposer de sa

fortune et même dans ces cas le médecin devrait porter les faits à

la connaissance d'un juge spécial qui ferait procéder à la sépara-

tion des invertis. (American journal of iusanily. Avril 1896

, I, 13.

IX. Folie ET responsabilité criminelle ; par II. MAUDSLEY.

(Bl'liish médical Journal, 28 septembre 1896.)

La note de l'auteur se prêtepenaun résumé, tout est à citer,

mais il y a lieu de signaler qu'il s'élève nettement contre l'abus

que l'on tend à faire de la théorie de la dégénérescence. La

thé"rie de More], pour lui, avait une vraie valeur scientifique qui

manque aux extensions ultérieures qu'elle a reçues et qui y ont

fait ranger côte à côte les déviations psychiques les plus délicates

et l'idiotie la plus profonde. L'expression dégénéré est ainsi deve-

nue, suivant l'auteur, un mot vide de sens précis, alors qu'une

médecine légale les équivoques ne sauraient être admises. L'au-

teur défend la responsabilité atténuée et s'élève contre le vieux

critérium juridique de l'irresponsabilité absolue fondée sur le libre

arbitre des philosophes. A, M.

X. ÉPILEPTIQUE ou simulateur ET criminel. Expertise médico-

légale; par le D' G. MOTTI, médecin du Manicôme d'Averso.

(ft11101'[jl ! gni, 1895, n° de juillet.)

Il s'agit d'une expertise très facile au sujet d'un cas d'épilepsie

avec troubles mentaux caractéristiques ; ce qui la complique un

peu, c'est que deux médecins, appelés d'abord à émettre leur avis,

avaient déclaré qu'il n'était pas impossible que l'accusé ne fût un

simulateur. Je veux signaler à nouveau le soin extrême que nos

confrères italiens apportent à leurs expertises, ils en font de véri-

tables cours cliniques. Ainsi, ce rapport du Dr Motti est très étendu,

il comprend l'anthropologie complèle de l'accusé et une vraie

1-çoti sur les troubles mentaux dans l'épilepsie, avec examen cri-

tique des principales propositions qui ont cours dans la science,

sur ce sujet; et pourtant, encore une fois, le cas est des plus

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 477 Î

simples, comme on peut en juger par ce résumé succinct de l'his-

toire du prévenu :

Vox, âgé aujourd'hui de vingt-six ans, est né de parents d'âges

très différents. Il eut dans son enfance une hydrocéphalie et faillit

mourir; il guérit cependant, mais pour devenir un type parfait de

dégénéré impulsif et d'épileptique. Il a toujours été paresseux,

ivrogne, libertin, querelleur et surtout impulsif, dès l'âge de douze

ans il avait affaire avec la justice : maintes fois condamné pour

délits divers, surtout pour rixes, il purgeait une dernière condam-

nation à la prison de Bari quand il commit l'acte agressif qu'on

lui reproche, et que sa situation de prisonnier rendait d'une

gravité extrême. Le directeur de la prison l'interrogeait un jour,

sans raison aucune, il se jeta sur lui et il l'eût tué s'il n'avait été

secouru. Il était dans un état de fureur extraordinaire, on le mit

dans une cellule de sûreté. Après quelques instants il se précipita

sur le gardien chef, qu'on dut protéger à son tour. Peu après il

tomba en convulsions et présenta une attaque typique d'épilepsie

convulsive. Revenu à lui il avait complètement perdu le souvenir

des scènes qui venaient d'avoir lieu.

Le Dr Motti commence son rapport par une étude anthropolo-

gique presque minutieuse de Vox, il relève ses moindres anoma-

lies physique,. Il recherche ensuite les anomalies psychiques

c'est une analyse complète du fonctionnement psychique de

cet accusé. Il insiste suitout sur les nombreux actes impulsifs

qu'il a pu connaître, en se renseignant sur ses antécédents, et il

fait voir qu'il a le caractère épileptique au plus haut degré. Il ne lut

est pas difficile de démontrer, en résumé, que le prévenu a des

attaques d'épilepsie convulsives et psychiques et qu il était en crise

psychique lors de son dernier attentat. Quant au rapport de ses

confrères, il ne veut pas les juger, seulement il rappelle que ces

médecins ne sont pas aliénistes.Il dit aussi que si Vox est un simu-

lateur, il est un simulateur d'une belle force, quoiqu il n'ait ni

intelligence ni instruction, car dès son enfance il a pu simuler

l'épilepsie convulsive, le caractère épileptique et l'épilepsie psy-

chique.

Conformément aux conclusions du Dr MOLLI, le tribunal prit un

arrêté de non lieu à l'égard de Vox.

Je voudrais reproduire la fin du rapport pour faire ressortir les

opinions de la plupart des ahénistes italiens, je ne puis que relever

quelques phrases : « Malheureusement, dans ce beau pays d'Italie,

qui donna le jour à J.-B. de la Porte, le père de l'anthropologie

criminelle et auxLombroso, Morcelli, Ferrai, etc., ses dignes disci-

ples, on ne comprend pas ou on ne veut pas comprendre, que la

plus grande partie des criminels ne sont que des individus mala-

des... Il ne peut entrer dans l'esprit de ceux qui nous gouvernent

de placer à la tête des prisons des médecins, surtout des médecins

478 8 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

criminalistes, au lieu d'y placer des ignorants, des hommes qui ne

connaissent ni la médecine, ni la psychologie... Une prison est un

hôpital; comme les autres hôpitaux, elle renferme des malades,

des êtres bien malheureux, mais non des coupables. »

CAMUSE.

XI. Contribution AL A question DE l'apprlcication MÉDICO-L1 : GALE des

délits sexuelles; par A. Hoche. (Nem ologie-Ce ? il7,(ilbl, VX. 1896.)

Ce mémoire commence par la description d'un exhibitionniste : il H

s'agit d'un médecin qui, le soir, s'approchait des dames ou de;.

groupes de dames sans cavaliers, autant que possible en se pla-

çant sous un réverbère, écartait vivement son long manteau et

montrait son corps nu, la partie supérieure de celui-ci n'étant que

peu vêtue et les parties génitales était découvertes, sans rien dire

et sans être autrement aggressif. Quelque temps qu'il fit, il appa-

raissait ainsi chaussé de hautes bottes, éclairant au besoin ce

tableau par l'inflammation d'allumettes à flammes de bengale,

quelquefois aussi il sonnait, de bon matin, aux habitations et

exhibait ce spectacle à la bonne qui venait ouvrir ; enfin il se

montrait aussi dans ce costume, du dehors, aux dames qui occu-

paient la fenêtre. C'était chez lui une impulsion instinctive Ï1'I'ésÍ.l-

tible, tout en ayant conscience de lagravité de ses actes, il croit qu'ils

n'étaient pas sans faire plaisir à ses vis-à-vis notamment aux

servantes qui, loin d'être effrayées, étaient réjouies de son aspect.

Cette idée lui causait à lui le même plaisir mental que lorsqu'il

essayait d'exciter l'imagination féminine par la lecture de poésies

obscènes ou la présentation de gravures de même genres.

A propos de l'inversion du sens génital, M. Hoche craint que

l'on se laisse circonvenir par l'exagération toute naturelle de ces

soi-disant investis ; les livres publiés sur eux, ils les ont lus et s'en

font des boucliers en même temps que des bréviaires. Ne seraient-ils

pas plutôt des pédérastes, tout comme les nombreux éleves des

internats et des séminaires ? « Tous les éléments de l'amour homo-

« sexuel mâle se manifeste dans des conditions extrinsèques déter-

« minées chez des individus jeunes n'étant ni névropathes, ni

« corrompus, ni dépravés, à l'état idéal au besoin ; c'est une sorte

« de loi. L'existence de cet amour seul ne permet donc nullement

« de conclure à une disposition psychique morbide. » Ce qu'il

paraît y avoir de plus dans l'inversion véritable, c'est la complète

frigidité du sujet à l'égard de l'autre sexe. Cette frigidité parait uu

avoir toujours existé (on prononce alors le mot d'inversion congé-

nilale), ou s'être montrée à une epoque déterminée (on dit que

l'inversion est acquise). Le diagnostic n'est-il pas bien fragile puis-

qu'il repose sur la mémoire du coupable. Ce qui semble le plus

probable, continue l'auteur, c'est que quand on s'est dégoûté de la

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 479

femme par des excès, ou lorsque de détestables pratiques dans les

lupanars, en dégoûtant l'individu, en l'entraînant à l'impotence

psychique, lui font craindre le coït normal, ce ne sont point là des

mobiles excusables expliquant les actes conjugaliformes de l'in-

version (apparent) ; on ne saurait de cette apparence, de cette pré-

tendue régularité, conclure une origine psychopathique. Avant

de modifier les lois (§ 175 du code pénal) pour les invertis, on ferait

mieux de se convaincre que les invertissent tous, sansexception, des

individus pathologiques. L'enthousiasme de M. de KrairL-Eleiii,,

doit céder devant un appel au bon sens. P. REKAWAL.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

XV. L'us\ge de la formaline en neurologie; par : \1. le D1' F1SH.

L'emploi de la formaline, appelée aussi formalose ou formol,

tend à se répandre dans la technique neurologique.

La formaline est une solution à 40 p. 100 du gaz aldéhyde for-

mique dans l'eau.

Dès 1883, Low appela l'attention sur l'action antiseptique de l'al-

dehyde formique.

En 1896, Blum reprit la question et motilia, à côté du pouvoir

antiseptique de la formaline, le parti qu'on pouvait tirer pour le

durcissement ou la conservation des pièces histologiques, de la pro-

priété que possède ce corps de rendre la gélatine insoluble. Depuis,

de nombreux auteurs ont étudié le rôle de la formaline comme

antiseptique et agent de durcissement. A côté de son bon marché,

]a formall11e présente sur l'alcool )'d\anta ? e de ne pas être inflam-

mable, de ne pas autant réduire le volume des tissus et de ne pas

détruire aussi vile leur coloration naturelle. De plus, elle dissout

certains sels beaucoup plus facilement que l'alcool : aussi les pièces

qui ont été durcies dans la formaline peuvent-elles être colorées

facilement par les divers procédés de coloration employés dans la

technique neurologique.

La combinaison de la formaline avec les autres agents de dur-

cissement n'a pas encore été étudiée. L'autour a obtenu de bons

480 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

résultats dans le durcissement du tissu nerveux, en employant le

mélange suivant :

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 48l t

représentent les cylindres des cellules de Purkinje. Ces fibres des-

cendantes se distribuent dans les éléments de la substance grise

au voisinage du raphé, soit du côté opposé soit du même côté,

puis se mettent en relation avec les cellules de l'étage supérieur de

la protubérance, établissant ainsi une connexion en partie croisée,

en partie directe, entre le cervelet et les cellules du « tegmentum

pontis » ;

4° Faisceau interne du pied du podoncule. - D'après les recher-

ches de l'auteur, une partie au moins des fibres corticales se ter-

minent au niveau de la protubérance dans les cellules de la

substance grise du même côté, établissant ainsi une communica-

tion entre la zone rolandique cérébrale et l'écorce cérébelleuse;

5° Substance grise réticulaire du toit de la protubérance, formée

en partie par des cellules géantes médianes, en partie par de

petites cellules. Les prolongements protoplasmiques des cellules

situées près du raphé s'eliti-e-croiseiiL avec les cellules de la subs-

tance réticulaire du côté opposé, formant ainsi, au niveau du teg-

mentum une commissure protoplasmiquc. Les cylindres des cel-

lules de la substance réticulaire croisent eu partie le raphé et se

dirigent en partie vers une direction opposée, formant quelques

fibres arquées internes;

6° Fibres collatérales du faisceau longitudinal postérieur : elles

passent en partie dans les noyaux des fasciculus teres, en partie

aux éléments de la substance réticulaire du toit;

7° Névroglie. Les éléments de la névroglie de la protubérance

peuvent être divisés en cellules à longs prolongements, cellules à

courts prolongements et cellules coudées. (The alienist neurologist,

avril 1896.) E. B.

XVII. Etude sur la voûte palatine; par le Dr l3ooDY.

D'après le Or Talbot, dans les races civilisées la voûte palatine

est plus haute que chez les populations non civilisées et la hauteur

de la vOl1Le palatine indiquerait une disposition nerveuse hérédi-

taire. L'auteur a repris l'étude de la voûte palatine chez les di-

verses races humaines. Après l'énoncé de ses recherches, il pose

sans la résoudre, la question de savoir quels sont les rapports entre

la folie et l'état de dégénérescence de la voûte palatine. (American

journal of i ? zsa7zity, avril 1896.) E. B.

XVIII. LE nouveau procédé DE coloration DE la névroglie de CARL

VEIGERT; pai le Dr VOLDENG.

L'auteur a expérimenté la nouvelle méthode de coloration de la

névroglie que Weigert a fait connaître en novembre 1895, méthode

qui a permis à ce dernier de montrer que les prétendus prolon-

Arciiives, 2° série, t. II. 31

482 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

gements des cellules de Deilers ne sont pas des prolongements et

que les fibres de la névroglie s'enroulent autour des cellules de la

névroglie sans avoir de connexion directe avec la cellule elle-

même. Cette méthode a l'avantage de ne colorer que le tissu né-

vroglique et laissera possibilité de colorer postérieurement la prépa-

ration avec l'une des autres méthodes de coloration, de Marchi, de

Golgi, de NissI, à 1'liématoxline' au carmin. (American journal of

insaniti, avril 1896.) E. B.

Xi. Quelques recherches physiologiques sur LE SENS de L1 vue

CHEZ DEUX ENFANTS OPÉRÉS DE CATARACTE DOUBLE CONGÉNITALE; par

11111. Vurpas et 1 ? ccr.r.

Les auteurs ont eu l'occasion d'observer deux enfants, âgés l'un

de cinqans, l'autre de quatreans et demi, atteints tous deux de cata-

racte congénitale, et d'étudier expérimentalement, après l'opéra-

tion sur ces deux sujets, les phénomènes psychiques dus à l'acqui-

sition du sens de la vue.

Malheureusement ces enfants, en raison de leur état intellectuel,

n'ont pu fournir que des renseignements assez restreints, ce qui

n'a pas permis de vérifier certaines des conclusions mentionnées

par les observateurs, et relatives à la notion de l'espace, aux idées

que les aveugles se font des couleurs, de la lumière, à la perception

immédiate ou non de la forme des corps, du relief, etc. D'autre

part, les conditions psychologiques étaient mieux respectées, car

les sujets n'étant pas avertis de ce qu'on attendait d'eux, réagis-

saient d'une façon plus naturelle et plus vraie, sans que la con-

naissance de ce qui devait se passer et l'imagination aient couru

le risque d'entacher d'erreur les résultats.

Dans ces conditions, les résultats de ces intéressantes observations

ont été les suivants :

1° La lumière ne provoque pas, à l'origine, de phénomènes dou-

loureux, ainsi que l'avaient pensé certains auteurs, et la première

sensation qu'elle engendre n'est pas une sensation pénible ;

2° La vision ne fournit, à l'origine, aucun renseignement, ni sur

la direction, ni sur la distance; elle ne permet pas de reconnaître

les corps, sur lesquels les autres sens nous avaient déjà renseignés,

et elle n'est d'abord, pour le sens musculaire, qu'un auxiliaire

inutile;

3° La privation congénitale du sens de la vue ne gêne pas autant

qu'on pourrait le penser, le sujet atteint de cette affection, en rai-

son de la suppléance d'un sens par un autre;

4° Lorsque la vision a été rendue à ces deux jeunes aveugles, ils

ne s'en servirent aucunement et continuèrent à agir dans le monde

extérieur tout comme par le passé. Il était étrange de voir l'obsti-

nation que mettaient ces enfants à ne pas vouloir se servir de leurs

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 483

yeux, el combien peu de plaisir ils manifestaient d'avoir acquis la

vision.

Ainsi la vision n'étant d'aucune utilité pour qui n'a jamais vu, et,

d'autre part, devenant le sens le plus commode, le plus nécessaire

pour qui est habitué à voir, il s'ensuit qu'à part la lumière et la

couleur, qui semblent bien être des perceptions naturelles, et qui,

toutes seules, d'ailleurs, ne donneraient aucun renseignement sur

la façon de se diriger dans le monde extérieur, toutes les autres

perceptions visuelles sont acquises; que, par conséquent, elles ne

sont pas primitives, mais secondaires, et qu'elles sont le résultat

d'associations d'idées et de sensations, ce qui est la base de l'ac-

quisition des perceptions. Pourvoir, il faut apprendre à interpréter

les images perçues.

La vue est donc un sens de perfectionnement infiniment utile et

même nécessaire pour l'éducation de l'être, et la connaissance du

milieu qui l'entoure, mais non indispensable comme le seraient la

sensibilité générale et tactile ou le sens musculaire, dont la priva-

tion enti allierait des conséquences graves, et sans lesquels la vue

perdrait sa valeur. (Annales médico-psychologiques, août 1896.)

E. B.

XX. UN cas D'IlYD110\IiVINGOCÈLI : SICItliC. l : \lilfiN .1N.1T0)LIlIUC ir ms-

rotoGlDl ? par M. le D1' UMBERTO Rossi. (Lo Sperimentale. Sezioue

biologica. Firenze, 1895, fasciculo 11.)

Etude d'anatomie pathologique très détaillée effectuée à l'Institut

anatomique de Florence.

Il s'agit de l'autopsie d'un enfant affecté de spina bifida et qui

ne vécut que cinq jours. Le cadavre ne présentait extérieurement t

rien d'anormal, sauf à la région sacrée, où il existait une poche

cutanée, qui communiquait avec le canal vertébral ouvert à ce

niveau. Elle renfermait un liquide roussàtre et la plus grande

partie des nerfs de la queue de cheval, lesquels, sortis du canal

vertébral parla solution de continuité, se perdaient dans les parois

de la poche. Voici le résumé de l'autopsie :

Squelette. Crâne normal. La troisième côte droite adhère

vers sa partie moyenne avec la quatrième, et son extrémité ster-

nale est bifurquée. Solution de continuité dans la paroi posté-

rieure du canal rachidien, de la cinquième vertèbre lombaire à la

troisième sacrée, de 15 mm de largeur. Au-dessus une petite lame

cal tildgineuse fait saillie dans le canal rachidien, elle adhère à la

face postérieure du corps des deuxième et troisième vertèbres lom-

baires.

Axe cérébro-spinal. La moelle épinière, longue de 10 centi-

mètres et demi, est dépourvue du renflement lombaire, elle a la

forme d'un cône régulier, sa largeur en haut est do 18 millimètres,

484 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

et elle a 3 millimètres à la région lombaire. Elle est bifurquée au

niveau des deuxième et troisième vertèbres lombaires par suite de

la présence de la lame cartilagineuse. Vue de côté et en arrière,

elle présente iplusieurs particularités. Elle ne se continue pas en

haut avec le bulbe, elle s'aplatit rapidement et se place devantlui ;

le bulbe, lui, dirigé en arrière et'on bas, fait une forte saillie en

arrière d'elle. Le bulbe est tout à fait anormal, sa longueur

é ? ale 2 centimètres et sa largeur 1 centimètre. Il est régulière-

ment cylindrique. Il se continue en haut avec la protuhirance et se

termine en bas par une extrémité libre ; sa face antérieure est, on

l'a vu, accolée à la moelle. La protubérance très élevée tend

à la verticale. Le cervelet est déformé et asymétrique, il est

situé très en avant, à noter qu'il n'existe aucun vestige de la faux

du cervelet. Cerveau mal conformé. Sur l'hémisphère droit, au

fond de la scissure sylvienne, en arrière, fente de 1 centimètre de

longueur sur 4 millimètres de largeur, qui aboutit au ventricule

latéral. La scissure interpariétale trop longue est de 6 centimètres,

elle est parallèle au bord supérieur de l'hémisphère et elle aboutit

à l'extrémité du lobe temporo-occipital. Sur l'hémisphère gauche,

cette scissure très anormale aussi, commence à la scissure post-

centrale et aboutit à la pointe du lobe occipital. Elle est très pro-

fonde. D'une façon générale, circonvolutions et scissures des

deux hémisphères s'écartent toutes, plus ou moins, du type

normal.

Pour l'examen histologique de la moelle, des coupes ont été pra-

tiquées de bas en haut, en séries, à partir de la quatrième paire

cervicale. A ce niveau, la disposition des substances blanche et

grise est normale, il existe seulement un peu d'asymétrie entre les

deux moitiés latérales de la moelle et le canal central est très

large. Ce dernier s'élargit de plus en plus à mesure qu'il se rap-

proche du bulbe. Au niveau du renflement cervical, apparition

derrière lui d'une cavité. Plus haut apparition d'une masse de

substance nerveuse qui adhère aux cordons postérieurs et

qui est, on le comprend, la coupe de l'extrémité inférieure

du bulbe. Comme elle n'adhère à la moelle que par sa partie

moyenne, il en résulte l'existence de deux encoches latérales, et

la pièce sous le microscope a la forme d'un 8. En continuant à

étudier les coupes de plus en plus élevées, on note successivement :

l'agrandissement du canal central et de la cavité qui le suit et

avec laquelle il finit par se confondre. Une série de petits trous,

disposés sur la ligne médiane d'avant en arrière, se forme dans la

masse adhérente. Les encoches latérales s'effacent progressivement.

Le canal central augmenté de la cavité placée derrière lui et les

trous en ligne droite médiane, signalés plus haut, finissent par se

confondre, d'où la production d'une scissure profonde qui partage

la pièce en deux moitiés latérales. Puis, plus haut encore, cette

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 488

scissure s'élargit et eu même temps devient de moins en moins

profonde, elle arrive enfin à constituer le plancher du quatrième

ventricule. Dernière anomalie à signaler, la pyramide droite

est double. A noter aussi une lésion accidentelle, un foyer

hémorragique ancien dans la partie inférieure droite du bulbe.

L'auteur fait suivre cette description de diverses considérations.

Selon lui, l'absence de la faux du cervelet est l'expression d'un

trouble pathologique important, cette anomalie s'accompagnerait

toujours de modifications très graves dans la structure de l'enrè-

phale. La porencéphalie est le résultat d'un processus qui a évolué,

pendant la vie intra-utérine, dans les parois de la vésicule de

l'hémisphère, et qui a dû être aidé dans son action par la sura-

bondance du liquide céphalo-rachidien. Les anomalies des deux

scissures interpariétales, toujours d'après l'auteur, n'ont pas encore

été décrites chez l'homme, cette disposition a seulement été notée

chez les Lémuriens.

Les particularités présentées par le bulbe et la moelle semblent

dépendre les unes des autres. La surabondance du liquide céphalo-

rachidien a provoqué la dilatation anormale du canal central.

Puis, ce liquide trop abondant a dilacéré les parois du canal central

et pénétré le tissu nerveux, dans le point rendu le moins résistant

par le fait de la présence d'un ancien foyer hémorragique. C'est

ainsi que s'explique la grande scissure de la facepostétieure du

hulbe.

En somme, ce fait méritait d'être publié à cause des caractères

singuliers de certaines anomalies de structure de l'axe cérébro-

spiual, et aussi parce qu'il apporte une contribution importante

aux faits analogues rapportés par d'autres auteurs, et qui dé-

montrent que le spina bifida qui se révèle à l'extérieur par la pré-

sence seulement d'une poche cutanée plus ou moins développée,

peut être accompagné de profondes altérations du système ner-

veux central incompatibles avec la vie. CMUSET.

XXL DE L1 distribution fonctionnelle DES RC1,NES MOTRICES D15 LES

muscles DES membres, recherches expérimentales; par I. le

DOswaLDE POLI,IfANTL.LO Spel'iment< ! le, seztone biologica. Firenze,

1894. Fasciculo III.)

Recherches effectuées au laboratoire de physiologie de Gênes,

sous la direction du Dr Il. Oddi. '

Ce sujet a déjà été étudié par d'autres physiologistes, mais ils

sont arrivés à des conclusions contradictoires. L'auteur a replis

les expériences anciennes ; il en a institué de nouvelles et de l'en-

semble de ses recherches il résulte les propositions suivantes :

1° L'innervation des membres est systématisée dès la sortie des

nerfs de la moelle ; ainsi les fibres motrices qui émergent de la

486 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

moelle à un même niveau, se rendent à des muscles synergiques, et

concourent ainsi à des mouvements associés. -2° Ces mouvements

associés dus à la contraction simultanée de plusieurs muscles, ou

de plusieurs faisceaux de fibres musculaires appartenant à des

muscles différents, et qu'on provoque au moyen de l'excitation

d'une racine motrice unique, ces mouvements associés, dis-je,

coustiluent toujours un mouvement complet ou bien exécutent une

fonction donnée. - 3° C'est ainsi qu'une racine unique met en

mouvement des muscles antagonistes, mais concourant à un mou-

vement complexe donné ou à une fonction donnée. Exemple : le

saut. 4° Chez des animaux divers, si on excite la même racine,

alors que le mode de dislribution des divers filets nerveux donnés

par celle-ci estanaiogue chez ces animaux, on n'obtient cependant

pas exactement les mêmes résultats. 5° Ces résultats sont en

rapport avec les instincts et habitudes des animaux en expérience.

Exemple : excitation de la seconde racine sacrée du chien ; résultat :

mouvements latéraux de la queue, habituels aux chiens qui

veulent caresser. Excitation de la même racine du chat; Résultat :

cette flexion saccadée de la queue, sorte d'ondulation, qui indique

la colère chez le chat. 6° L'intensité des effets musculaires varie

selon les habitudes et instincts des animaux en expérience. Ainsi

l'excitation de la seconde racine lombaire chez le chien, et de la

quatrième lombaire chez le chat, produisent l'acte du 'saut chez

les deux animaux ; mais si le courant dont/m se sert pour exciter

les racines chez le chien et chez le chat a la même intensité,

l'acte du saut a pourtant une intensité bien plus grande chez le

chat, animal sauteur par excellence, 'que chez le chien. -7° Ce

qui conduit à admettre que, par une longue habitude de certains

actes musculaires, il s'établit des conditions fonctionnelles telles,

qu'elles rendent plus efficace l'influence des centres supérieurs. On

comprend ainsi comment certains actes, qui paraissent être des

actes d'ordre psychique, peuvent s'effectuer indépendamment de

l'influence du cerveau. 8° La distribution fonctionnelle des ra-

cines motrices fait comprendre l'action rapide et si bien ordonnée

des centres, elle fait également comprendre ce phénomène

d'ordre pathologique, la paralysie ou parésie d'une fonction, alors

que les groupes musculaires qui l'exécutent normalement, restent

indemnes de paralysie ou de parésie. CAMUSET.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DU NORD-EST DE L'ALLEMAGNE

TROISIÈME RÉUNION A ZOPPOT, LE 13 JUIN 1896

M. Sommer (Allenber;). Prédisposition névropathique et difformités

du crâne. (Sera publié ultérieurement.)

Discussion. M. FREYMum. D'après ses observations person-

nelles, les malformations du crâne seraient très rares chez les

sujets nerveux. Il va sans dire qu'il distingue la nervosité de la

prédisposition aux troubles psychiques. D'ailleurs les difformités

crâniennes présentées par M. Sommer proviennent toutes de

sujets aliénés.

M. Sommer. Fréquemment des individus, qui plus tard devien-

dront aliénés, présentent déjà dès leur enfance des signes de

neurasthénie qui peuvent facilement passer inaperçus. Or ces

enfants sont porteurs de difformités crâniennes. La neurasthénie

acquise doit être laissée de côté dans cette question.

M. Freymuth. Une éducation défectueuse joue fréquemment

un rôle dans le développement de la neurasthénie même hérédi-

taire. Il en est de celle-ci comme de la tuberculose héréditaire : la

transmission par le contact a son importance.

M. Sommer. Même dans la tuberculose la contagion n'est pas

tout : la maladie frappe de préférence les enfants dont l'organisme

est peu résistant. Dans deux familles tarées au point de vue névrol

pathique et possédant de nombreux enfants, il n'a pas trouvé un

seul crâne normal.

M. lViescuEO. S'il est exact que dans 91 cas pour 100 les diffor-

mités crâniennes doivent être attribuées au mécanisme de l'accou-

chement, que reste-t-il pour les autres causes de ces malfor-

mations ?

M. Mercklin (Lauenburg). L'instruction des infirmiers des asiles.-

La question du personnel de surveillance des asiles d'aliénés est

très complexe. : aussi convient-il d'en étudier les différents chapi-

tres dans des rapports et des discussions spécialement consacrées à

chacun d'eux. L'auteur s'attachera à traiter la question de l'ins-

488 SOCIÉTÉS SAVANTES.

truction professionnelle des infirmiers. A la centralisation des cours

dans un asile déterminé par pays ou par province, il préfère la

création, dans chaque asile, d'écoles avec enseignement régulier

et méthodique (examens, etc.). Le directeur de l'asile doit conser-

ver le droit légitime de choisir son personnel. Avant d'accepter le

projet de la création d'écoles provinciales d'infirmiers, il faut atten-

dre les résultats que fourniront Ips expériences tentées dans

certaines provinces. L'auteur communique les résultats d'un ques-

tionnaire qu'il a adressé aux asiles allemands et étrangers sur

l'instruction du personnel de surveillance (février 1896). A cette date

les asiles étaient nombreux dans lesquels il n'existait pas de cours

destinés aux infirmiers ; mais la question était à l'étude dans la

plupart. Partout où cet enseignement spécial est donné on en con-

sidère les résultats comme satisfaisants. Il entre dans quelques

détails sur la nature des cours faits à Lauenburg. On esquisse

l'historique des asiles d'aliénés et du personnel de surveillance, on

donne quelques notions élémentaires d'anatomie et l'on enseigne

qnels soius exigent les malades en général et les aliénés en

particulier. On évite autant que possible de donner aux confé-

rences une tournure académique ; on interroge fréquemment ; on

enseigne parla vue, on fait des exercices pratiques ; on traite tous les

sujets qui peuvent se présenter dans la clinique journalière. Pour

terminer on fait passer aux élèves un examen, on leur donne des

répétitions par groupes de 3 à 5. Il n'y a pas de raisons pour

distribuer aux élèves un manuel. M. Merchlin insiste sur la nécessité,

en outre de l'instruction professionnelle, d'élever le niveau du per-

sonnel par des cours, des conférences, des bibliothèques. Des exa-

mens officiels passés devant ces commissions nommées parla Société

dés aliénistes allemands, la distribution de diplômes, auraient

pour résultat de stimuler le zèle des élèves.

Discussion. M. Meschede. Le nombre des heures d'enseignement

par semaine est sujet à de grandes variations. Le chiffre qui lui

semble préférable est de deux à trois heures. L'enseignement en com-

mun des hommes et des femmes ne lui parait pas dangereux. Dans son

asile les infirmières sont employées dans la division des hommes.

A son arrivée à Konigsberg, tout le personnel était féminin,

même dans les quartiers d'agités, et les résultats de cette pratique

étaient excellents.

M. Siemens. Dans les asiles à personnel non laïque, on trou-

vait jadis et on trouve encore maintenant, un certain nombre

de femmes employées dans les quartiers d'hommes. Uamerow

s'est élevé contre l'emploi des religieuses dans les asiles en géné-

ral, et plus particulièrement dans les quartiers d'hommes ; il insiste

sur l'absence de force physique qui a amené les religieuses à recou-

rir à des chiens dressés à attaquer par derrière les aliénés,(MarévjJJe),

SOCIÉTÉS SAVANTES. 4M9 9

et conclut à la nécessité de la séparation absolue des sexes pour

les malades et le personnel.

1.11ERCKr,IN.- Une heure de cours par semaine suffit, si l'on veut

que les auditeurs puissent s'assimiler les questions traitées. Dans

les asiles ou l'enseignement était donné simultanément aux deux

sexes, on a dû ultérieurement faire des cours séparés.

M. l\IEScllEDE trouve inutile l'enseignement de l'histoire et de la

géographie que l'on donne dans certains établissements.

M. Siemens prie ses collègues de mettre obstacle aux permuta-

tions incessantes du personnel de surveillance d'asile' en asile, en

s'engageant à ne pas accepter d'infirmiers provenant d'une autre

établissement. Chaque asile doit recruter soi-même son personnel.

M. Sommer. C'est ce qui se passe à Allenberg.

MM. R\BBAS et MESCHEDE sont aussi pastisans, en principe, de

cette manière de faire.

M. DEHIO (Lauenberg). Les quartiers de surveillance. - Depuis

que Gudden a formulé, en 1885, les principes qui doivent présider

à l'organisation d'un quartier de surveillance, on s'est à diverses

reprises, occupé de cette question au sein des sociétés de psychia-

trie et en dernier lieu au congrès des médecins aliénâtes du

Sud-Ouest de l'Allemagne, à Karlsruhe (1893). Lesdeux rapporteurs

furent d'accord pour considérer le quartier de surveillance comme

l'organisme le plus important d'un asile d'aliénés. Cette concep-

tion amena un encombremeut dans ces quartiers de surveillance.

Tandis que Gudden se contentait, pour le nombre de lits de cette

section, d'un chiffre équivalent à 10 p. 100 de la populalion totale,

Pactz réclame la proportion de 15 p. 100. Lasection de surveillance

de Lauenberg, qui compte 36 lits pour les deux sexes, sur une

population de 6U0 malades, correspond a la proportion de 12 p. 100,

mais elle renferme actuellement de 40 à 50 malades (15,8 à

18,3 p. 100). Les deux rapporteurs du Congrès de Karlsruhe ont

insisté sur la nécessité d'avoir, pour les agités alités, une salle

spéciale, séparée de la section de surveillance proprement dite. C'est

ce qui a été fait à Lauenburg, et dans quelques mois une salle de

huit lits sera réservée à ces malades. Une fois éliminés les agités et

les infirmes alités, la section de surveillance comprendra 35 mala-

des, c'est-à-dire restera encombrée, car il faut réserver des lits

pour les aliénés entrants. Les sujets atteints de maladies inciden-

tes sont traités dans le quartier des infirmes. Les aliénés « inso-

ciaux », ceux qui sont sujets à des accès d'agitation sous l'influence

d'hallucinations, d'idées de grandeur, etc., sont soumis au traite-

ment par le lit dans le quartier de surveillance. On peut se passer

d'une salle de réunion. Sur les 12 malades non traités par le repos

au lit, il en est 2 qui s'occupent aux travaux du ménage, les autres

trouvent a s'occuper sans troubler le repos de ceux qui sont alités.

490 SOCIÉTÉS SAVANTES.

On a proposé récemment divers types de quartier de surveillance

que l'on peut classer comme suit : 1° Le type Gudden. Deux salles

communiquant entre elles, sans salle de réunion, avec une salle de

bains, des closets et des chambres d'isolement. Le quartier de

surveillance de Lauenburg répond à ce type.

2° Le type lazaret. Les deux salles sont séparées par des chambres

d'isolement (ou la salle de bains, le closet, la chambre de réunion)

et un vestibule.

3° Le type Alt-Scherbitz caractérisé par le nombre et la disposi-

tion spéciale des chambres de réunion.

DNno conclut ainsi : 1. Le type Gudden a donné jusqu'ici des ré-

sultats satisfaisants. 2. Les sujets agités et atteints de maladies

incidentes doivent être traités dans des sections spéciales et non

dans le quartier de surveillance. 3° Il doit y avoir, non seule-

ment dans des locaux voisins, mais dans la salle même : une bai-

gnoire, un closet, un lavabo. 4° Une chambre d'examen médical

dans laquelle le malade peut être conduit, couché dans son propre

lit, est indispensable. 5° Un médecin ou un surveillant en chef

doit résider dans le pavillon.

Discussion. M. Meschede. Il y a déjà longtemps qu'on a parlé

de l'utilité de la création de quartiers spéciaux de surveillance, et

la littérature, même non contemporaine, fournit des documents

sur ce point. Il a vu jadis une section spéciale de surveillance

installée à Schwetz ; le closet était remplacé par une chaise percée

à fermeture hermétique. Il et opposé à l'installation d'une bai-

gnoire dans la salle, pour des raisons hygiéniques.

M. Dehio. M. Sioli a étudié à Karlsruhe l'histoire du dévelop-

pement dus quartiers de surveillance, aussi a-t-il passé cette

question sous silence. C'est néanmoins à Gudden que revient le

mérite d'avoir, le premier en Allemagne, donné des principes

précis sur la construction, l'aménagement, l'organisation d'un

quartier de surveillance. DEHIO critique l'usage des chaises percées

qui peuvent ne pas répandre de mauvaise odeur par elles-mêmes,

mais dont les alentours sont souvent souillés. Il n'est pas partisan

des baignoires mobiles. Pour ce qui est d'une baignoire fixe placée

dans la salle, il est évident qu'on ne s'en servira que pour les bains

prolongés et non pour les simples bains de propreté. Cet aména-

gement n'a d'ailleurs entraîné aucun inconvénient, soit à Wurz-

bourg, soit dans d'autres asiles.

M. MERC6LIN est aussi contre l'installation d'une baignoire dans

la salle. Les malades sont mis au bain pour leur agitation; celle-ci

se prolonge une fois qu'ils y sont placés, pendant un certain

temps; il vaut donc mieux donner ces bains dans une salle spéciale.

Une salle de réunion est inutile.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 491

M. Freymuth, qui a une grande expérience des bains prolongés,

recommande vivement l'installation de baignoires fixes dans les

salles, système adopté à Eppendorf, et dont il est très satisfait.

M. 11t1'.nctr.m fait observer que les malades traités à Eppendorf

ne sont pas en général des aliénés et que l'administration des bains

dans la salle peut être une cause de trouble.

M. FREY (Schwetz). Désodorisation par lu formaline. La forma-

line est une solution aqueuse de gaz formaldéhyde employée depuis

trois ans environ comme désinfectant. Elle est utile surtout dans

les cas où l'on ne peut se servir de la vapeur d'eau, pour la désin-

fection des livres, matelas, chambres, plaies, pour la conservation

et le durcissement des préparations anatomiques. Certains expéri-

mentateurs considèrent la formaline comme supéiieure au sublimé.

En outre de son pouvoir désinfectant, la formaline possède une

autre propriété, celle de détruire les mauvaises odeurs, sans les

remplacer, comme le font le saprol, le solutol, le crésol, par une

autre odeur désagréable. Frey a expérimenté la formaline contre

les sueurs fétides des pieds, à l'asile de Schwetz, sur 40 sujets,

dont 13 gravement atteints, et chez lesquels le traitement par les

lavages savonneux, les poudres salicylées, l'acide chromique

n'avaient pas donné de résultats. Les badigeonnages des pieds

avec une solution de formaline à 2 p. 100 supprimèrent rapide-

ment toute mauvaise odeur. La formaline agit en empêchant le

développement des bactéries dans la sueur, en donnant heu, par sa

combinaison avec les produits odorants de celle-ci, à des substances

inodores, et, enfin, en atténuant l'hypéridro-e. La formaline, en

solution à 2 ou 3 p. 100, est précieuse dans les salles d'autopsie,

pour enlever l'odeur des mains. Son prix est de 3 fr. 75 le kilo-

gramme.

M. GOHLMANN (l\enstadt). Présentations sur l'ancctonzie patholo-

gique de l'écorce. Daus le premier cas, il s'agit d'un paralytique

généial qui, en outre des symptômes habituels, a présenté des

mouvements parliculiers de la tête et de la partie supérieure du

corps, du nystagmus et le pseudo-phénomène de Graefe. Le micros-

cope fait constater, au niveau du lobule orbitaire, de l'insula et

des rolandiques, une richesse énorme et pathologique des vais-

seaux avec des altérations des parois vasculaires. Ces lésions, dis-

tinctes de celles que l'on tiouve dans la syphilis, peuvent être

caractérisées comme une périeucéphalitc angiomateuse. Au niveau

des points lésés il y avait une atrophie des fibres tangentielles et

des éléments nerveux avec une prolifération de la névroglie.

Dans la moelle, légère dégénération des cordons latéraux et pos-

térieurs.

Le second cas concerne un sujet atteint de paralysie générale

traumatique, développée vingt ans après un traumatisme crânien,

492 BIBLIOGRAPHIE.

et alors que, depuis plusieurs années, s'était manifestée une para-

lysie complète des extrémités du côté gauche, suivie ensuite d'une

hémiplégie partielle droite. Atrophie complète des extenseurs des

deux bras, contracture en flexion au niveau des articulations des

extrémités; pupilles rétrécies, réagissant mal, pas de trouble de la

parole, réflexe du genou normal. Démence accentuée avec idées

hypocondriaques. Autopsie. Kyste assez volumineux de la couche

optique et de la moelle allongée; kystes nombreux et peu étendus,

cicatrices dans l'écorce de l'hémisphère droit, avec lésions diffuses

généralisées. Moelle : poliomyélite antérieure chronique dans la

partie cervicale; plus bas, degénératlon du faisceau pyramidal

fauche et du vaisseau de Turck droit.

Troisième cas : démence sénile avec paralysie agitante et dimi-

nution de la motilité des yeux et des extrémités. Autopsie. Artério-

sclérose du cerveau, ramollissement de la substance blanche du

lobe occipital, lacune du pont; nombreux petits foyers de ramol-

lissement sous la substance grise, disposés parallèlement à la sur-

face de l'écorce. Moelle : dégénération des cordons de Goll et des

cordons antéro-fatéraux.

La particularité intéressante, dans ces diverses observations,

consiste dans les altérations d'un territoire vasculaire limité.

Paul SÉRIEUX.

BIBLIOGRAPHIE.

VIII. Voies conductrices du cerveau et de la moelle épinière; par

V. M. 131CII-IEREI'r. (T. le', 2° édition avec 302 dessins intercales

dans le texte. Saint-Pétersbourg, chezRicker, 1896.)

Dans cette première partie de son ouvrage M. Bechtereff étudie

les différentes méthodes employées en histologie cérébrale et les

faisceaux qui composent le cerveau et la moelle épinière. L'ordre

adopté par l'auteur est très rationnel. Les fibres nerveuses étant

destinées établir des rapports bien déterminés entre les divers

foyers de la substance grise et à relier ces derniers au système ner-

veux périphérique, il semble très commode de décrire la marche

de chaque faisceau en le suivant à travers les régions qu'il est

appelé à unir. Dans ce but Bechteetf divise la totalité de la subs-

tance grise en quatre parties principales : substance grise de la

moelle, celle du tronc cérébral, celle du cervelet avec ses noyaux

et celle des hémisphères cérébraux. Cette dernière partie com-

prend les deux noyaux : coudé et lenticulaire.

VARIA. 493

En rapport avec cette division l'auteur étudie successivement les

fibres de la moelle épinière, y compris celles des racines posté-

rieures et antérieures; les fibres du tronc cérébral ainsi que les

faisceaux qui unissent les différentes parties de cette région entre

elles et avec les autres territoires de l'encéphale; les fibres du

cervelet, c'est-à-dire celles qui mettent en rapport le cervelet avec

la substance grise médullaire et les noyaux du tronc cérébral de

même que celles qui unissent les différentes parties du cervelet

entre elles; enfin, les fibres des hémisphères cérébraux qui com-

prennent : a, les faisceaux unissant l'écorce hémisphérique et les

noyaux centraux avec la substance grise médullaire et les noyaux

du tronc cérébral (système des libres de projection), et b, faisceaux

reliant entre eux les divers territoires des hémisphères cérébraux

(système de fibres d'association). J. ROUBIVOVITCH.

VARIA.

Question de priorité. Rectification DE M. PAUL Richer au SUJET DE

SON ARTICLE : NOTE SUR UNE DÉVIATION DE LA COLONNE VERTÉBRALE

SE RENCONTRANT CHEZ UN GRAND NOMBRE D'INDIVIDUS BIEN PORTANTS.

(nous. Iconog. de la Salpêtrière, 1895, n° 6.)

M. le Dr Paul Richer a publié dans la Nouvelle Iconographie de la

Salpétrière (1895, n° 3) un article sur une déviation particulière du

rachis, article que j'ai analysé dans les Archives de Neurologie

(189G, n° de juillet). Il paraît que M. le D'' Clozier (de Beauvais)

avait lui aussi traité le même sujet, ou, tout au moins, un sujet

analogue. Il en avait même fait l'objet d'une communication à

l'Académie de médecine, en 1893, sous ce litre : Asymétrie acquise

entre les deux moitiés latérales du corps humain. M. le Dr P. Richer

ne l'ignorait pas, et il avait signalé le travail de M. le Dr Clozier

dans une note jointe au manuscrit de son article de la Nouvelle Ico-

nographie de 1895, mais, par suite d'une erreur typographique, sa

note fut supprimée lors de la mise en pages. C'est ce qu'il explique

aujourd'hui dans le numéro G de la Nouvelle Iconographie, année

1895. Il concède donc volontiers, en somme, la priorité à M. le

Dr Clozier, mais il profite de la circonstance pour rappeler que les

conclusions auxquelles M. le Dr Clozier est arrivé diffèrent beau-

coup des siennes sur certains points.

En effet, la cause de l'asymétrie est, pour M. Clozier, la dilata-

tion ou la verticalité de l'estomac ; elle est tout autre pour

494 VARIA.

M. P. Richer. Les deux observateurs sont d'accord en ce qui con-

cerne l'abaissement de l'épaule droite, mais la déformation thora-

cique n'est pas la même pour tous les deux. L'incurvation latérale

du rachis c"t dorso-lombaire pour M. Richer, elle est dorsale seu-

lement pour M. Clozier. Enfin, ce dernier signale des malforma-

tions du bassin et du membre inférieur droit, lesquelles n'ont pas

été observées par M. Richer. Cvmuset.

Encombrement DE l'asile de VILI.Is.IUI et des autres asiles

DE LI Seine.

Les atermoiements apportés depuis plusieurs années à la

construction du V° asile de la Seine, alors que ce département

est obligé de transférer dans les asiles des departements la

moitié de ses aliénés, c'est-à-dire plus de six mille, sans

compter l'encombrement de ses propres asiles, nous a amené

à proposer à la Commission de surveillance de faire une visite

de nuit à l'asile de Vaucluse. En second lieu, nous avons jugé

utile de faire, comme rapporteur du budget de Villejuif, une

visite de nuit à cet asile et de consigner nos constatations

dans notre Rapport. Voici en quels termes nous l'avons fait à

la séance de juillet de la Commission.

« L'encombrement qui existe dans nos asiles préoccupe depuis

bien des années l'Administration, la Commission de surveillance et

le Conseil général. La lecture à chacuue de nos séances, par notre

président, du mouvement de la population de nos asiles nous rap-

pelle sans cesse cette triste situation. Toutefois les chiffres sont

insuffisants à donner une idée des inconvénients de cet encombre-

ment qui a atteint, en quelque sorte, sa limite extrême. La cons-

tatation quotidienne de l'encombrement de notre service de Bicêtre

et des nombreux désagréments qui en résultent pour les enfants et

le personnel, et une visite que nous avons faite, il yadeux ans, au

moment du coucher des malades à l'asile de Bron près Lyon nous

avait suggéré l'idée de proposer à la Commission de remplacer ses

visites habituelles, faites de jour, par des visites faites de nuit.

« Nous avons hésité longtemps àvous faire cotte proposition. Nous

craignions que n'en saisissant pas tout d'abord l'opportunité, vous

ne voyiez là qu'un surcroit de fatigues non justifiées. Enfin, con-

vaincu que l'intérêt des malades, que le bon fonctionnement de

nos asiles et l'économie des finances départementales ne pouvaient

qu'en bénéficier, nous nous sommes décidé à l'approche de notre

dernière visite à vous faire notre proposition. Nous ne vous rappel-

lerons pas le triste spectacle, pour employer une expression mo-

dérée, dont vous avez été témoins à l'asile de Vaucluse dans la

soirée du 30 juin.

VARIA. 495

dont le chiffre de la population n'est pas moins exagéré que celui

de l'asile de Vaucluse, nous avons voulu constater par nous-même

quelle était, la nuit, la situation des différents quartiers. L'encom-

brement étant toujours plus accusé dans le service des femmes,

c'est celui-ci que nous avons visité.

« Nous avons trouvé dans les premiers quartiers, un certain nom-

bre de malades couchés sur les matelas déposés directement sur

le parquet, que vous avez vus lors de votre visite à l'asile de Ville-

juif. Nous devons dire à ce propos que M. le Directeur de l'asile a

demandé au budget additionnel de 189G, l'ouverture d'un crédit de

1,280 francs pour l'achat de 80 lits en fer conformes au modèle de

Ville-Evrard. Celte modification, qui va être prochainement réa-

lisée puisque vous venez de voter le crédit, sera très avantageuse

aux malades et rendra l'aspect des dortoirs un peu moins désa-

gréable, par suite de l'uniformité des lits.

« Dans l'un des quartiers nous avons vu un certain nombre de ma-

lades, couchées sur des matelas. Dans le quartier des semi-agitées,

l'encombrement est aussi grand que possible. Une seule veilleuse a

la surveillance du dortoir du rez-de-chaussée et des deux dortoirs

du premier; si elle est retenue auprès d'une malade, elle ne peut

remédier au désordre et aux accidents qui peuvent se produire sur

un autre point.

« Aux agitées chaque cellule n'était occupée que par une seule ma-

lade. Le couloir des cellules du rez-de-chaussée et celui des cellules

du premier étage étaient garnis sur presque toute leur étendue de

matelas sur lesquels étaient couchées, nues ou découvertes, un cer-

tain nombre de -malades, tandis que d'autres se promenaient au

milieu d'elles criant et gesticulant. Nous' devons dire que les ma-

lades des cellules étaient presque toutes debout se promenant

dans leur cellulc ou le visage collé contre le judas de la porte. Il

en résulte que, l'agitation se communiquant de maladeen malade,

loin de s'amender leur folie s'aggrave.

« Dans le dortoir des agitées, situé au premier étage, nous avons

retrouvé le même spectacle qu'à Vaucluse : non. seulement il y a

une rangée de matelas longitudinalement, mais les deux rangées

de lits ordinaires comprennent un supplément de lits qui parfois

sont contigus.

énergiques, en nous les signalant, contre ses deux jeunes voisines

qui se livraient à des pratiques obscènes '. Une autre malade, en

chemise, la poitrine apparente, à genoux sur son lit, était injuriée,

1 Nous avons trouvé là un nouvel argument en faveur de la thèse que

nous soutenons et qui consiste à ne placer qu'un lit en face de chaque

trumeau.

49G VARIA.

menacée de violences par ses voisines qui l'accusaient d'aller de

lit en lit pour les embrasser et les toucher. Pour tout ce quartier

des agitées (190 malades) - un enfer, - il n'y a qu'une veilleuse !

« Au quartier des gâteuses, même encombrement. De plus,

comme à Vaucluse, les malades, couchées sur les matelas déposés

sur le parquet en double ou simple file indienne, ont leur vase de

nuit au niveau du visage. L'infirmière de jour de ce quartier,

faute de place, couche dans le vestibule.

« Pour atténuer l'encombrement des dortoirs, on couche, sur des

matelas, des malades dans les lavabos, dans les salles de réunion.

L'enlèvement, le matin, de tous ces matelas avec leurs draps et

leurs lits, et leur replacement, le soir, imposait un surcroit de tra-

vail à tout le personnel.

« Le tableau imparfait et bien an-dessous de la réalilé que nous

venons de tracer, aurait été encore bien plus triste si nous avions

fait notre visite quelques jours plus tôt. En effet, le transfert de

47 malades avait diminué l'encombrement.

« La Commission et l'Administration ont été frappées de suite de

l'insuffisance du personnel de veille dans certains quartiers et de

la surveillance générale qui devrait être faite par une socts-s2tnueil-

lante. Avec une sous-surveillante de veille, qui accompagnerait la

veilleuse quand il est nécessaire d'aller chercher l'interne de

garde, on éviterait les accidents comme celui qui s'est produit ré-

cemment à l'asile de Ville-Evrard, qui a nécessité l'intervention de

la Commission et obligé l'Administration à sévir.

« Votre visite de nmt2 a eu pour résultat de vous faire proposer

par l'Administration une augmentation du personnel. Bien que ce

ne soit là qu'un palliatif, on doit s'en féliciter. La surveillance

laissera moins à désirer; les chances d'accidents seront diminuées.

* En provoquant une visite de nuit de la Commission, nous avions

un but plus important. En vous rendant témoin d'un « spectacle

épouvantable, à donner des cauchemars », pour employer les ex-

pressions de deux de nos collègues, d'un « spectacle dont nous

ne nous doutions pas, » suivant les expressions de notre vénéré

président, en vous faisant constater une « situation pleine de

périls », pour nous servir des termes de M. Le Roux, nous voulions

vous fournir des arguments péremptoires à l'effet d'intervenir au-

près de l'Administration et du Conseil général pour hâter la mise

en train, d'urgence, du 5° asile, pour en pousser activement la

construction ; pour l'étude d'un programme d'ensemble des asiles

1 A l'asile de Vaucluse, les malades des dortoirs de 8 lits situés dans

les combles sont abandonnées à elles-mêmes sans surveillance. N'y a-t-il

pas là un danger constant ? -

2 Dans l'État de New-York les commissaires vont, chaque mois, faire

une visite de jour et une visite de nuit.

FAITS DIVERS 497 -1

nécessaires et l'examen des voies et moyens pour la construction

du 6e asile.

« Dans ces derniers temps, on s'est plus préoccupé des prisonniers

et des prisons que des aliénés des malades - et des asiles. Les

alcooliques ont été aussi l'objet d'un souci particulier. Votre visitede

nuit à l'asile de Vaucluse aidera l'Administration à défendre l'assis-

tance des aliénés, non pas d'une catégorie d'aliénés, mais de tous les

aliénés. Si la Commission du Conseil général veut bien, elle aussi,

transformer une ou plusieurs de ses visites de jour en visites de nuit,

elle n'hésitera pas à réclamer du Conseil général les crédits néces-

saires pour remédier à une situation vraiment lamentable. »

Comme quoi la LOI sur l'interdiction DES représentations publiques

d'hypnotisme devrait Cire modifiée; par le Dr CROCQ fils. (Journal

de Neurologie et d'llgplzologie, juillet 1896.)

Après avoir établi que l'hypnotisme simulé présente les mêmes

dancers que l'hypnotisme vrai, M. Crocq émet le voeu dans ce

travail que la loi qui interdit en Belgique les représentations

publiques d'hypnotisme vise non seulement les représentations

réelles, mais encore les représentations simulées des magnétiseurs

de tréteaux. G. D.

FAITS DIVERS.

L\ -tCYCLETTE DINS LES asiles d'aliénés. La maison d'aliénés

de Ka hmazov, dans le Michigan, a muni tous ses malades valides

de bi vclettes, t depuis l'introduction du cheval de fer dans le

traiter ent des diverses formes d'aliénation mentale on a noté,

paraît ,1, les meilleurs résultats et une amélioration remarquable

dans 1 aat d'un grand nombre de pauvres déments. (Echo de Paris,

20 oel bre 1896.) C'est un nouvel agent physique de traitement

qui vi nl s'ajouter à ceux que nous possédons.

En IfiNE51LNT professionnel DES infirmiers ET DES infirmières

dans AsILES. Nous devons appeler l'attention de nos lecteurs

sur h liscus-joii concernant l'enseignement professionnel du per-

sonn secondaire des asiles, qui figure aux pages 4S7-489. Nous

ci,oy( pour notre compte que deux heures de cours théorique et

une deux heures de cours pratique par semaine sont néces-

saire L'expérience faite dans les quatre Ecoles municipales de

Paris et des quatre écoles annexées aux asiles montre qu'il n'y a

atieu,, inconvénient à ce que ce cours soit suivi en même temps

Archives, 2° série, t. II. 32

498 faits divers

par les hommes et par les femmes. Signalons en passant l'em-

ploi d'infirmières dans l'asile de Koenigsberg ! . - Quant au pro-

gramme à suivre, nous croyons que ceux des Écoles municipales

et des Écoles départementales peuvent servir de base.

Tus journal or nervous and mental diseases L'administration

annonce les changements suivants pour l'annéol897. Editeurs :

D', Char. L. Dana, D'-F.-X. Dercum; DI' Ph. Combs Knopps ; -

D'' Char.-K. Mills; D'' Jas-J. Putnam; D'' B. Sachs; D' M.-Atien,

Slarr. - Collaborateurs; D' Plnlip lleiromtzet DI' Wm.-G. Spiller

Dr Char Henry Brown, 25, West 45 th St., à New-York.

Asile clinique (3ainte-Atiiie. - Clinique des maladies mentales :

le professeur A. JOPRROY. Mercredi et samedi, à 0 Ji. 1/2.

Hospice DE la Salpêtrière. Clinique des maladies du Système

nerveux. M. le professeur R.YMoND; le mardi et le vendredi à4 h. 1/2 ;

- Lundi à 10 h. 1/2, séméiologie des maladies du système nerveux.

D''J. B. Charcot et Souques;- mardi 10 h., policlinique par le pro-

fesseur Ih)111oncl; - mercredi, 10 h. 1/2, histologie normale et.

pathologique du système nerveux, D1' Philippe ; jeudi, 10 h. 1/2

éleetrodiagnosfie et électrothérapie, par leD'' 1111et; samedi

10 h. 1/2, alternativement, psychologie clinique, DJauet; Examen

de l'oreille, du larynx et du nez, des yeux, Drs Gellé, Cartaz et

Sauvineau.

LES drames DE l'alcoolisme. Un domestique de ferme, Lucien

Debril, âge de vingt-six ans, au service de M. Lamerant-Coisne,

au bas du Crocq, à Armentières, a tenté d'assassiner une jeune

fille de dix-huit ans, nommée Marie Vaudenabeele, servante chez

M. Victor Bouché, rue de Niepce. Ce jeune homme, qui courtisait

la jeune fille, avait été écoiiduit par elle, et en avait gardé un

violent ressentiment. Hier, vers cinq heures et demie, posté dans

unchamp situé derrière le jardin de M. Bouché, U vit la jeune fille

sortir des cabinets, escalada la haie et s'élançant sur Marie Van-

denabeele, la frappa à la nuque d'un coup de couteau. La lame

se brisa et la jeune fille s'enfuit dans la cuisine basse.

Debril, la poursuivant, s'arma d'un autre couteau et la frappa à

coups redoublés. La jeune fille tomba en appelant au secours et le

meurtrier s'enfuit il travers champs. Prévenue par M. Bouché, la

police rechercha de suite Debril Le meurtiier fut arrêté rue des

Promenades, à Armentières, à l'estaminet de la Lyre d'Argent, tenu

par M. Duthoit, où il s'était réfugié. Le coupable, interrogé par le

commissaire de police, a manifesté le regret de ne pas avoir tué

Voir Arch. de Nell1'ol.. l8rJG, 1. 11, p. 273 et notre Rapport sur le

budget de l'asile de ! 7 ? Mt ? pour 1897, p. 271.

FAITS DIVERS. 499

cette jeune fille et son intention de recommencer. Marie Vandena-

beele porte neuf blessures, quatre à la nuque et cinq aux mains.

Elles sont graves. Debrll, qui a déjà été enfermé pour folie alcoo-

lique, était renvoyé depuis deux jours et avait bu constamment

depuis son congé. On devra donc déterminer son degré de res-

ponsabilité. (Petit Parisien, 3 septembre 1896.)

- Le nommé Victor Beuret, âgé de trente et un ans, marié et

père de famille, cultivateur à la Rivière, fut trouvé pendu dans sa

maison. On attribue ce suicide à un accès de folie alcoolique.

{Petit Parisien, 2 septembre 1896.) - Voilà deux faits encore qui

montrent la nécessité, pour tous (médecins, administrateurs, con-

seillers de tout genre, députés, etc.), d'étudier vite et d'appliquer

avec vigueur les mesures indispensables pour entraver les désastres

dus à l'alcoolisme.

Réclame curieuse ET originale. - Nous avons reçu le prospectus

suivant, orné de vignettes, représentant entre autres le roi

Léopold.

JlIIffio FQEDORA GALLIANI

Chiromancienne, Somnambule, Cartomancienne.

Diplômée à la clinique du Dr Ciiarcot, professeur de magnétisme à la Salpètriêre (Paris).

Dévoile le présent, le passé et l'avenir, par le moyen du sommeil hyp-

notique et des sciences occultes, par les cartes et les lignes de la mam,

suivant la méthode de Cagliostro et de M"° Lenormand.

Conjurations astrologiques suivant les méthodes assyriennes et clial-

déennes. Science divinatoire parles tarots des Gypsies. Miroir magique

d'Allan Kardec !

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Consultations de 9 heures du matin ci 10 heures du soir.

11, rue de Bavière, 11, au premier. Liège (Outre-Meuse).]

Les charlatans et les somnambules belges, comme ceux de notre

pays d'ailleurs, ne manquent pas de cynisme et d'effronterie pour

attirer les sots et les ignorants.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

CAlIAGNET (L.-Alph.). - Arcanes de la vie future dévoilés. 4 volumes

in-18 colombier. - Librairie Vigot, frères, 10, rue Monsieur-le-Prince.

llALi.AGnn (t''r.). ne la nature de l'épilepsie (11tutles SUl' la physio-

logie pathologique de l'attaque épileptique). Volume in-8''do 182 pages.

- Prix : 5 fr. - Paris, 1897. - Société d'éditions scientifiques.

Roux (1.). - La sensation douloureuse (Étude psychologique). liro-

chiure in-8° de 23 pages. - L\on, 1896. - Imprimerie Walteiier et C ?

Toui.ousF (Ed.). l'izclite1e 1 ) ? (ï 11.co.-I)Weliolorliqite sur les rapports de

la supériorité intellectuelle avec la uéorapallrie. - 1. IntroductIOn géné-

rale : Emile Zon. Volume m-18 de XIV-215 pages. - Prix : 3 fr. 50. -

Pans, 1896. - Société d'éditions scientifiques.

VLHKFT. Rupporl sur la division des hommes de l'Asile de l1l{ll'eville

pour Vannée 1895.

Voir en supplément le Catalogue de Livres au rabais.

ÉTRENNES MEDICALES.

A l'approche du Il, Janvier, nous signalons à nos lecteurs,

comme pouvant être données en étrennes à des confrères ou à des

étudiants en médecine, les collections suivantes publiées par la

librairie du Progrès médical :

LES OEUVRES COMPLÈTES DE J.-M. CHARCOT.

Comprenant 13 volumes, qui contiennent : f Les maladies du système

l1erveux (3 volumes). - 2° Les localisations cérébrales. - 31 Les

maladies des poumons et du système vasculaire. - Il Maladies du foie,

des voies biliaires et des reins. - 5° Maladies des vieillards, goutte et

rhumatisme. - 6" Maladies infectieuses, maladies de la peau ; k,/sles

hydatiques, </tf't'apeu/t ? He. 7° Hémorragies cérébrales', hypnotisme,

No ? & ? e ? 81 Clinique des maladies du système nerveux

(2 volumes). 9° Les leçons du mardi à la Salpêtrière (2 volumes).

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, Prix relié demi-chagrin, 90 fr.

BOURNEVILLE.

Recherches cliniques et thérapeutiques, sur l'épilepsie, l'hystérie et

l'idiotie. - Compte rendu annuel du service des épileptiques et des

enfants idiots et arriérés de llicdtre (1850-lSrJa), L6 volumes m-8", ornés

de nombreuses figures et planches.

Prix broché, 50 fr., au lieu de 81 fr.

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Publiée sous la direction du D' llOLnNE\ ILLe.

Tome 1. Recueil des mémoires, notes et observations sur l'idiotie.

Tome II. Rapports et mémoires sur le Sauvage de l'Aveyron. -

Tome nI. Rapports et mémoires sur l'éducation des enfants normaux

et anormaux, par E. Séguin. -- Tome IV. Assistance, traitement et

éducation des enfants idiots et arriérés ([(apport au Congrès de Lyon

par Bourneville). Tome V. Manuel pratique des méthodes d'en-

seignement, spéciales aux enfants anormaux (sourds-muets, aveugles

idiots, bègues, etc.), par Du FOUGER \ et Courroux, préface du

D' BOURNEVILLE.

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502 AVIS A NOS ABONNÉS

BIBLIOTHÈQUE DIABOLIQUE.

(Collection Bourneville).

Il Le Sabbat des sorciers. 2" La possession de Fci2roiçe Fontaine. -

3° Jean Wierr (2 volumes). 4° La possession de .femme Ferry.

5° Soeu;' Jeanne des Anges. - 6° Procès de la dernière sorcière brûlée

iL Ge; : eNC. 7° Barbe Buvée (possession des Ursulines d'Auxonne). -

81 La roi qui guérit, par Charcot.

Prix broché, 23 fr., au lieu de 37 fr. 50

Prix relié demi-chagrin, 40 fr., au lieu de 64 fr. 50

Ces prix ne comprennent pas le port qui est facturé en plus,

emballage gratuit.

Pour les collections demandées reliées, nous réclamerons un

délai de huit jours pour l'expédition. - Nous pouvons livrer ces

reliures au gré de l'acheteur, au point de vue de la couleur.

l'our plus amples renseignements concernant les collections

énoncées ci-dessus, demander le catalogue général, qui est

expédié franco. -

AVIS A NOS ABONNÉS. L'échéance du 31 DÉ-

CEMBRE étant l'une des plus importantes de l'année, nous

prions instamment nos souscripteurs dont l'abonnement ces-

sera à celte date, de nous envoyer le plus tût possible le mon-

tant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.

Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, et moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-

mentée des frais de recouvrement, à partir du

15 Janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer DE

SUITE leur renouvellement par un mandat-posle.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés de joindre et leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations, la bande de leur journal.

Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collectif

des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 30 francs pour la France et l'Etranger.

Le rédacteur-gérant : LiOURNEVILLE.

TABLE DES MATIERES

.\CHYLLOD\oe hystérique, par rér6,

469.

AcrsocYxvosr, par Crocq, 218.

Alcoolique. Richesse. - des bois-

sons usuelles et de quelques pré-

parations pharmaceutiques, par

Yvon, 108. Atrocité d'une -, 153.

Alcoolisme - et folie par Bannister,

133; par Darin, 396, - Lutte

contre l' -, 332.

Aliénation mentale en Tunisie, par

A. Voisin, 66; en Iassachu8etts,

par Sanborn, 381.

Aliénés criminels, par Riggs, 123.

Réforme du régime des - en Al-

lemagne, par Siemens, 135 -, en

liberté, 159, 335. Internement des-

par P. Garnier, 232; Charpentier,

235 ; Taty, 235; Doutrebente, 236;

fiiraud, 236; Lapoitite, 237 ; Marie,

237 ; Paris, 238 : Rouby, 238; Bour-

neville, 239 ; Delmas, 241 ; Arnaud,

245; Serbsky, 245. Séquestration

d'un -, 411.

AME humaine, par Baraduc, 3'J9.

A\IOIL L' - des Malais, par Itascll,

474.

Amyotrophie tabétique, par Schall'er,

319.

Anesthésie pottique, par Chipault,

f70.

Aphasie sensorielle,parllirallié, iOl.

Apophyse STYLO(DE chez les anor-

maux, par Zuccarelli, 315.

Articulation. Troubles moteurs pré-

cédant l' - de la parole, par Pla-

llat, 257.

Asile d'aliénés de Dzienkanka, par

Kayser, 67. - de la Roche-sur-

Yon, 156. Drame dans un -, 159,

415. - et hospitalisation des allé-

nés épileptiques et idiots dans le

département de Loir-et-Cher, par

Doutrebente 435. Encombrement

des -, par Camuset, 491. -, par 1

Bourneville, 497.

Askinésie douloureuse dans l'hysté-

rie, par Spandock, 52.

Assistance des épileptiques, 156, 331, L,

335. - des aliénés dans l'état de

New- York, par Darin, 370, 362.

des idiots, 412.

Ataxie. Traitement de l'- dans le

tabes dorsales, par Hirschberg,

161, 337.

AlnÉTosc double, par Spehl et Sano,

37.

Automatisme ambulatoire, par Four-

nier (A.), Kohne et Gilles de la

Tourette, 474.

Bandelette 01' 1 Inu. Lésion de la -

et du pédoncule cérébral, par 11a-

haine, 315.

Ii.lSDO`5'. Etat mental dans la ma-

ladie de -, par llaudle, 389.

Bibliographie, 156, 3 ! >t. 492.

Bicyclette dans les asiles d'aliénés,

497.

Camphre monobromé, par Bourne-

ville, 57.

C4suisliQurs. Communications -,

par Bruns, 471.

Ca'ral'nosiaE électrique, par Sgobbo,

301.

Cataracte. Recherches physiologi-

q"escltez descnfdntsopérés de-

double congénitale, par Vurpas

et Egëli, 153.

CELLULES Etat des - ganglionnaires

dans les intoxications, par Dehio,

69.

Céphalée opiiiiàtreivec lypiéinatiie,

par A. Voisin, 218. Un nouveau

facteur etiologique de la -, par

Pieraccini, 463.

CÊHÊllHAL. Quelques points de pa-

thologie , par Meyer, 51. Tumeur

- par Luhrmann. 314.

Cerveau. Voies conductrices du

TAULE DES MATIERES.

501 i

et de la moelle, par de Bechterew,

492.

Czevcm.t..lny ome simple du -,pal'

llektoon, 50.

Ciiuiuugie crinioencéplialique, par

A. Laurent, 40. -

Chorée variable des dégénérés, par

Bnssaud, 108.

Coeur. Hypertrophie du-chez les

débiles, par Wulf, 51.

Coloration de la névroglie par le

procédé de Wei.-ert, par VolrIeng,

481.

Concours des médecins adjoints des

asiles, 76.

Congrès annuel des médecins alié-

llistes allemands, par Sérieux, t35.

- de médecine mentale de France

et des pays de langue française, à

Nancy, 154, 199, 323.

Crampe des écrivains, 402.

Crâne. Prédispositions nevropathi-

tiques et difformité ? du -, par

Sommer, 487.

Gn.1\IGCTOIIC dans la débilité men-

tale, par Spaiiboci, 3\)2.

CBA111OTOIiIE dans la 111lcrocéphalie,

par Marron y Alonzo, 126.

Dégénéré persécuté par Lefilliâtre.

390.

Dégénérescence. Signes de -, par

A. vleyer, 130.

Délire des persécutés, par Falret,

66, - chronique et alcoolisme

aigu, par Eastman, 132 ; Neef, : J8'1.

- chronique religieux, par Vallon

et A. Marie. 21G; Séglas. 216;

Pitres, 247. - des persécutés à

double forme, par Vallon, 250.

Démenti : sénile et toxicité urinaire,

par Pansot et Lévy, `3 ? ? .

Diphtérique. P,Llalysle -, par Goo-

dall, 318.

IJUUOISINL. Sulfate de - dans la pa-

ralysie générale, par Frallcotte, 63,

252.

Dysuiiic nautique, par de Jlartiis, 456.

Ecorce. Anatomie pathologique de

l' -, par Gohlmann, 491.

I'C7L)IA chronique et anesthésie de

la peau, par StoukovcnlolT, 'i3.

Electricité dans les maladies men-

tales, par Nell. 63.

11,toiioN,s. Influence des - sur le

physique, 333.

E : \FAI\T'" anormaux. Enseignement

spécial aux -, par Ilamon du

Fongeray et Coueloux, 74.

ENI'AY[S arriérés. Secours à domi-

cile, 78.

Epilepsie. Traitement de l' - par

l'opium et le bromure, par Linke,

60. Traitement de il- par la mé-

thode de par Habbas, 61 ;

Davenport, ! i2. Troubles L'antri-

ques dans l' -, par Féré, 120.

Epileptique. Folie , par Kicrnan,

382.

Ewrsmonmsnccondamnépar Voyou-

roux, 124 .

Expertise médico-légale, par Verga

et Mari Francesco, Ilà.

Folie. Etiologie et pathologie gé-

nérale de la -, par llrdlil.a, 131.

- morale, par Gorton, 132. Trou-

bles moteurs dans la -, par Ri-

cl¡a['(lson, 132. - et alcoolisme,

par Banmster, 133 - paralytique,

par Peeters, : 383. Diagnostic de la

, parBlandford, 388. Traitement

de la - hors les établissements

publics, par Robinson, 395.

IOrs111LIE. Usage de la- en neuro-

logie, par Fish, 479. Désodonsa-

tion de la-, par Frey, 491.

Fou dangereux, 334. î.

Foules. (les - en 1893.

par Zuiccarelli, 121.

Gangrène cutanée d'origine hyaté-

nque, par Veuillot, 46.

GW rma.,\lamfestationsdesoranes

- , par van Brero, 318.

Genou. Phénomène du - enpsychiâ-

trie, par Cramer, 139.

Guérisons tardives, par "Chàtohn,

379.

Hallucinations succédant à des or

sessions et Idéc : , fixes, par La-

roussmie, 33. Pathogénie et phy-

siologie des - de l'ouïe , par

Séglas, 207; Vallon, 212; G. Bal-

let, 213. Etude anatomo-patIJOlo-

gique des- par Mal ie et Bonnet,

216. -, par Houb\,225.

IIE\lAl'Ollyj,J.OE du cône terminal par

liaymond et Souques, f0. - pri-

maires traumatiques, par Ontten,

469.

IlIbllPLÉG[C a1terue, pal' Goul,ovshi,

14.

If : rscnm : : croisée, par Crocq, 218.

TABLE DES MATIERES.

sus

Ilmuot>tnmc, il3.

Homicide en anthropologie crimi-

nelle, par Spmelalgne.

HOQUET hystérique, par de Renzi,

306.

Hospitalisation des aliénés, épilep-

tiques et idiots en Loir-et-Cher,

par DOl1tlebente, -225.

1LE sacrée, par Rossi,

483.

J ! YI'8nObIOsE crânienne chez les épi-

leptiques, par Plcheuot, 248.

Hastérie. Souffle cardiaque et -,

par de Renzi, 312.

Iuccs illilléntives. 425,

Idiotie. Traitement chirurgical de

l ? par Shutllewol'lh, 93.

Imbécillité. Note sur l ? par de

Martns, 386.

Impulsion. De 1 ? par Bourdin, 128.

Inanition chez les animaux nou-

veau-nés, par de Dechterew, 320.

Incontinence d'urine. Traitement par

la suggestion, par A. Cullere, I. -

Nocturne, par de Jlartts, 457. ? MOE chez la femme, par

illelge, 318.

Infectieuses. Influence des troubles

de l'innervation sur les maladies

- , par Traiiibasti et Combes, iGO.

brlR1lIERs. Instruction des - dans

les asiles, par Mercklin, 187.

eliez les aliénés, son traite-

ment par les <lisulfones, par Lohn.

76.

l',VERSION sexuelle chez l'homme.

par Ellis, 3S2.

Luette. Déformation de la- comme

signe de dégénérescence, par

Dana, t70.

Mariage. Loi interdisant le - aux

épileptiques et imbéciles, 413.

Mal de 1'01'1'. Atrophie de la langue

dans le - sous-occipital, par P.

.Marie, 48.

Expertises -, par

Verga et Francesco, 115. Exper-

tises -, par Tambroni, 117.

Mélancolie. Traitement de la-, par

Iteyuer, 3D i.

Mémoire dans la folie du doute, par

Sollier, 65.

Mentales. Traitement des maladies

- , par Lailler, 63. Manuel de sé-

meiotogie des maladics -pal' Mor-

sellai, 328.

Miraclleuses. Guérisons prétendues

- du Mont Saint-Michel, 40S.

Moelle. Groupement des fibres en-

dogènes de la-, par Dufour, 81 .

Gomme syphilitique de la-, par

Ilanot, 299. Syphilis héréditaire

de la -, par Gilles de la 'l'ou-

rette, 302. Voies conductrices du

cerveau et de la -, par de Bech-

terew, 192.

llloaonmnr dangereuse, 159.

Mutité hystérique, par Worotinsky,

5G.

M\ élite transverse aiguë, par Na-

geotte, 295. - par infection blen-

nonhagtque, par Clpnanl, 311.

Myopathe progressive, par Giolleux

et van Gehuchten, 47. - chez un

hystérique, par Gasne, 298.

Mystique. Jeûne -, 414.

Nerveuse, Cas peu commun de -,

par Abbamondl, ibs.

Neurasthénie et neviose anxieuse,

par Freud, 52. - et paralysie gé-

nérale, par Régis, 252.

cunnsmt : wnur.. Les yeux du -,

par .\ltabas, 5G.

NEUROTABES alcoolique, syphilitique,

etc., par Nolda, 51.

NÉVRALGIE de la huitième racine pos-

térieure droite, opérée et guérie,

par Chipault et Demoulll1, 29L-

du trijumeau par S'enger, 321.

NÉIIITE par affection vasculaire, par l'

Schlesinger. - tuberculeuse sy-

métrique, par de Henzl, 4G.

Né\ roses. Hérédité et etiologie des

- , par Freud, 48.

KvsTAGML's provoqué par l'hypnose,

par Sabrazès et Cabanes, 230.

OI'IITALIIOPLG1E externe, par Ray-

mond et Souques, 46.

Opium. Troubles dus il l'- fumé,

par Laurent, 253.

Os. Fragilité des -, par Eyman,

3l S.

obrll'ir déformante de Paget, par

Gilles de la Tourette et \larinesco,

31G.

1 PACIIY'lÉl\Il\Gll'E hémorragique prise

pour une paralysie générale, par

liatssier, 100. - cervicale Inper-

trophique, par de lieiizi, 309.

Paralysie générale du jeune âge,

par Lullrmann, 55. Paralysie du

506

TABLE DES MATIERES.

nerf péronier dans la -, par

1\lallt, JJ. - u lonue lurée, par

Laponne, Charpentier, Régis, Sé-

las. Doutrebnle, Arnaud, Val-

1on, 2°i. - due dt l'inloxtcatton,

pai des vapeurs d'aniline, par

Spillmann rtEtirnllC, 22 ? Prndo-

- , par )nancotte, 353. - u forme

ctrculaire, lar lr<enl : el, 38 ? -

infantil, lmr Rresler,3SG. symp-

tomvs oculaires cle la-, Itar 13n-

vau l.evis, 3SS. Trépanation dans

la - har 'l'urner, 393.

PAII'l.\&11 S LAIIHGI r.<; chr ? les hé-

miplégiques, pai Simerka, 469.

Paiimnson. Morphologie de la ma-

)adiedM,parMeig'e.298.

l'E1HRr.S dl' la médecme pal' Meige,

406.

Pelade lost-élilelique, par l'éré,

317.

Pendus. Convulsions et amnésie

olter les -, par l.uhrnan, 321.

PEHY[ : HS)0 ! <SE.\LhLLE,pa['))Owa)'d,

381.

Phobie de la rougeur, par Pitres et

Régis. 253

I'LAfIOCEt'IIA.IE, ltar Zuccarelli, 316.

l'OLI01 : \Cül'lInL0lI,Lr'r'E, har Covoue,

307.

Pollu'iions nocturnes et épilepsie,

par Guccarellt, 391.

l'ot ? n : wta. 1)es-- par 1\Iarinesco,

465.

I'ot.w : vrsmyue. Psa choses , par

l'el l'an, 379.

POnT DE lm;o.s. Anatomie fine, par

Pusateri, 480.

Po'rT.Uncasden)a)de,sun'ide

guerison, par Musmeei, 454.

PsYcniATKinenAm6r)q)]c,parCow)es,

tu7.

Psocmnmnrc. Sereice - dans les

prisons par Moiel, 158.

Psychiques. Troubles après l'o-

pération de la catat acte, lar l.owy,

384.

PSYCIiOPATIlIr.S gastriques, par Sol-

ltei , 2 19.

Psychoses religieuses à évolution

progressive et systématique, par

A. Marie et Vallon, 417.

Quebbaciio dans la mélancolie, par

Kiernan, 395.

()n'.KULEMS.Fo)iedes,parKop-

peu, 143.

QuE)EUECtiEYAL.An'ectioisde)a,

par Raymond, 291.

Racines motrices. IJlbtliuutlon fonc-

tlUlll1elle des - clans les muscles,

par Polmanti. 485.

Réflexes. Leçons sur les -, par

lIufihes, 4601

1181'0SABILI ilL Folie et -, par

57à. - (les pervertis

sexuels, par llatntlton, >7G.

Saturnisme chronique avec para-

lvsie des radiaux, par de Henni,

310.

Sein hystérique, par Gilles de la

Tournette, 293.

Sexuels. Délits -, par Hoche, 478.

Simulateurs et criminels, par Molli.

476.

Société Mé(IICO-1SYCO]Ogl([Ue, par

Itriand, 65, 148, 328. - psychique

du Nord-Est de l'Allemagne. par

Sérieux, 67. - psychique de la

province rhénane, par Sérieux, 70.

Sommeil pathologique et narcolepsie,

par Schultze, 71.

Spinale. Irritation chez les syphi-

litulues, par Friedmann, 54.

Surdité verbale, par Hélot, Iloude-

ville et Halipré, 407.

Surveillance. Quartiers de -, par

Dehio, 489.

Syphilis du système nerveux, par

Itchle, 126. - cétéhrale, par de

ISenzi, 310.

5lRt\(.0)IYI.LIt : , par Raymond, 301 -.

par f3remnn, 171.

Système nerveux. Cliniques des ma-

ladies du -. par llamoncl, 151.

Tares. Un cas de - supérieur, par

Lenoble. 303. - Contribution sta-

tistique il la symptomatologie du

- , par SI111el'lw, 466. ,

Tatouages ries criminels, par Lan-

greuter, 71.

Tétanie, Nature hystérique de la

chez les lemmes enceintes, par

Gilles de la Tourette et Bolognesi,

46.

Thérapeutique. Revue de -, 57.

Thyroïdien. Alimentation ne dans

les troubles mentaux, par CIarl.e,

64. De la médication ? ne, de son

action sur la croissance, etc.. par

Bourneville, 255. Action du liquide

- sur le système nerveux central,

par llaskovec, 310. Extrait - et

crétinisme, par Paiker, 394. Corps

- et myatlùme, par liughsmith,

39>-

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

307

Traumatisme crânien, par Stemer,

70.

Tremblements. Séméiologie des ,

par f.amacd, ? 26 : Delmas, 2 ? S;

Crocq, 229; l'arisot, 220. Traite-

ment des - par l'hypnotisme,

par 13ernlieim, ` ? 30; Garuier, ? 31.

hystérique simulant la mala-

,lie cie Pall<Inson, par de leI17l,

30a. 1 ? tiofoie les -, par Pierac-

cm, 330. -par anto-mtovication

stomacale, par Jannoni, 155.

Trijumeau. Section du , par Tur-

lier, 393.

'l'RIO : UL, par Ruheman, 390.

Tuberculose dans les asiles, par

)[ercklin, 68, 133.

VA0-.%IOTEURS. Tronhles - tl'QI ig-ine

hy161'i'lne, par Manlieimer, 186.

Vertébrale. Déviation de la colonne

- chez des individus bien por-

tanls, par P. ! licher, 12.

Vieillesse. Psychoses de la -, par

Régis, 130.

Voûte palatine. Etude sur la -,

par L3omly, \81.

Zona généralisé, par E. Fournier,

Il i.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Abbamondl, ia,

Alonw, 12ü.

Altabas, 56.

.\rnaud, 21, 245.

Ballet (Gilbert), 213.

l3annister, 133.

Baraduc, 399.

ltechterew(tle),3 ? G, 192.

.lJel'l1helln, ' ! 30.

Buvan Lewis, 388.

Blantlford, 388.

li passim.

Ilohn, 70.

Itoissler, 100.

Bolognesi, 46.

Bonnet. 210.

Boody, 481.

Bourdiii, 128.

lloul'1lev1l1e, 57, 7'r, `33'J,

` ? 5 ? iJî.

llregman, 4.7 J .

Brers (van), 31S.

Bresler, 380.

Buand, 65.

Brisaud, 46S

Bruns, 471.

Cabanes, 230.

Cumuset, 494.

Charpentier, 221, 235.

Chaplin, 379.

Cllip,ullt (.%.), 291, 170.

Cipriaiii, 311.

Chirke, 04.

Combes, f00.

Coûtions, 7 Í.

Covoue, 30î.

Covvles, 157.

Cramer, 139.

Croc,2 ! 8,229.

Cullerre, 1.

Dalla, 170.

Uarlu, 270, 396.

Davenport, 62. '

Dehio, 69, 489.

Delmas, 128,2l.i.

DemouUu, 294.

Deny, passim.

Doutrebente, 221. 225,

236, 435.

DLIl·0 ! Ir, ôt.

Eastmanll, 132.

Fggh, 482.

Elhs, 382.

Etienne, 2 ? ï.

gyman, 318.

Falret, 66.

Féré, 129, 317, >69.

Ferrari, 379.

Fish, 479.

Fournier (v.), i i f.

Fournier (E.), il.

Francesco, 115. '

Fl\lIlCOlte, 63, 3 ? 353.

L ? l'cud, '1,8, 52.

Crey, É91.

li'dedmann, 55.

' Lrcenlcel, 385.

Garnier (P.), 231, 232

Gasne, 298.

Gehuchten (van), 17.

Gilles de la 'l'ourette 16,

293, 302, 310, .71.

Giraul, 236.

Glorieux, 47.

Goliliiiatiii, 491.

D08

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Goodall, 313.

GOl'ton, 132.

Goukorski, 44.

Halipré, 467.

Halmllon, 475.

Hamon du Fougerav, i

7'1.. 1

Hanot, 299.

lIaskovec, 319.

])(-);toen,50.

Ilelot 467.

llirsciIherg, 161, 337.

Hoche, 478.

Ilourieville, 467

Howard, 381.

Hrilicl : a, 131.

Hughes, 469.

Hu'ghsmith, 394.

.laclaon ! H.). 12.ï.

Jnnnom, 455.

Kayser, 67.

Kèraval, passim.

Kiernan, 395.

Khone,t71.

Koppen, 143.

L ! ) ! ))er,G3.

Lamacq, 226.

Langreiiter, 71.

Laponlte, 237.

Lairoussinie, 33.

Laurent, 40, 253.

Lrfilliâtre, 390.

Lennble, 303.

Lévv, 252.

Llnk ? 60.

Lowv, 38'r.

I,nllrmanu,JS, 31'r, 321.

Mahaine, 315.

Manheiuier, 186.

Marie (A.), 210, 237,

l17.

Dlarie (l'.), 13.

Marinesco, 31G, 'FG ?

llartüs (de), 38G, 4SG,

4j7.

Mande, 3S9.

Maudslcv, 475.

Meige, 298, 318, 400.

Mercier, 125.

Mercklin, 08, 133.

Mever (A.), 51, 130.

Mickle. 126.

Jltln Rromvell, 125.

\¡II'aillé, 401.

iloeh, 55.

)lorel, 158.

llorselli, 328.

Molli, 476.

Musmeci, 454.

Naneooe, 29J.

i'lel ? 63, 382.

Xoida,j ! .

Ou tien, 469.

Paris, 238.

t'artsot, 239, a2.

Parlwl', 394. J

1't ? lers, 383.

l'Icllenot, 21¡8.

l'leracciul, 330, 463.

Pitres, 217, 253.

Planât, 257.

('aimant ! , 118b.

Pusaten, .80.

Rabbas, 61.

liavtnonrl (.), '0, 43,

131, 2 ! J l, 301.

Régis. 130,224,352,253.

Renzi (rie), 305, 306, 309,

310.312, 1¡5ü. ! Jevner 3 ! J4

IIlèhal'llwl1 : 133.

Richer (P.), 42.

Hig-gs, J23.

Itobmson, 395.

liossi, 483.

](oubv,225,23S.

liuhemann, 396.

Sabrazès, 230.

Sanborn, 381.

Sano, 37.

Savane, 125

Sehnfier, 319.

Sclllesuyer, 53.

Schultze, 71.

Sé ! ! ldq, 207, 216,221.

Sémelayne, 38 ! ).

Sel'iJslu, 2'15.

Sérieux, 07.

Sg-ohho, 30\.

Shutlieworth, 393.

Siemens, 136.

Snnerka, 466, 569.

Sfengei, 321.

Sollier, 65, 249.

Sommer, 487.

Souques, ID, 4.').

Spanllocl : , 5'3, 392.

Spehl, 37.

Spillmann, 255.

Steiner, 70.

Stoukovenloff, 43.

Tambloni, 117.

Taty, 235.

Tram hast), 460.

Turncr, 393.

Vallon, 210, 210, 224,

2J0, 417.

Verna, 115.

Veuillot, 46.

Vlg01lrOU, 12L

Voisin (A.), 66, 218.

Voldeng, 481.

Vurpas, f82.

\01'OI,VI751CV, 5G.

Wulf, 51.

Yvon, 108. ? Ilccarelll, 121, 31, 310,

391.

( : 11. JJR1SSFY, iml. - ly-0G.