ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
REVUE MENSUELLE
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
Fondée par J.-M. CHARCOT
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE MM.
A. JOFFROY
Professeur de clinique
des
maladies mentales
à la Faculté de médecine
de Pans.
V. MAGNAN
Membre de l'Académie
de médecine
Médecin de l'Asile clinique
(Ste- : lune).
F. RAYMOND
Professeur de clinique
des maladies
1 du système nerveux
à la Faculté de médecine
de Paris.
COLLABORATEUR1- PRII\C1PAUX
l11\1. BAB1NSICI, BALLET, IILANCIIARD (11.), BLIN,
13111AND (\1.), BIIISSAUD (E.), BltOIIAIIUEL (P.), CA61lISET,
CATSAITAS, CIIABBEIIT, CIIIIISTIAIN, CULLEIIIIE, DAIIIN.
UEBOVE (M.), DENY, DEVAY, UUCAIP DUFOUR, DUVAL (6fA7111A8), FERRIER,
FRANCOTTE, GILLES DE LA TOUltETTE, G.\1lNLm (S.), GOMBAULT, GRASSET,
lIIItSCiIISEIiG, ICI : ItAVAL(P.), ICLIPPEL, LAIWOUZY, L\VOFF, MANIIElIEII.
61A1tANU0\ DE MONTYEL, 11.11tIIS, 1111f : liZGJR\VSICY, IUSGIIA VE-CLAY. NOllt,
PIEIIItE'r, PITRES, l'LNAr,. HÉGIS, ltEGNABI) (P.), BGGNIEB (P.), IIIGLllm (l'.),
IIOUIIINOVITCH, 110TlI (\V.),SI ? GLAS, SEGUIN (1 ? C.), SÉ111CUX, SOLLLLm, SOUQUES,
SOIIBY (J.), TEINTURIER (E.), TlIUL1E (H.), TOULOUSE (E.), \'ALLON (Gu.),
VILLAITD, VOISIN (J.), nON (P.).
Rédacteur en chef : nOUIINr¡VILLE
Secrétaire de la rédaction : J.-II. CHARCOT
Dcssinatell1' : LEUBA
Deuxième série, tome II. 1896.
.\\CG ligures clans le texte et planches.
PARIS
BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL
110, ¡'IW des CW'IIW ?
1896
Vol. II. Juillet 1896. N° 7.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
THÉRAPEUTIQUE.
L'INCONTINENCE D'URINE ET SON TRAITEMENT
PAR LA SUGGESTION ;
Par le D' A. CULLEtt111 ?
Directeur-médecin de l'Asile d'aliénés de La Roche-sur-Yon.
Notre but, en écrivant les pages qui vont suivre, est d'ap-
porter une simple contribution au traitement d'abord, et
accessoirement à la clinique de l'Incontinence essentielle
d'urine. En l'espace de quatre années, nous avons traité vingt-
quatre enfants ou jeunes gens incontinents par la suggestion
hypnotique, et la rapidité avec laquelle les premiers sujets
soumis à ce traitement ont été débarrassés d'une infirmité
aussi dégoûtante et en même temps aussi désastreuse au point
de vue économique pour les familles pauvres, n'a pas été étran-
gère à l'affluence subséquente de nouveaux malades qui
presque tous ont bénéficié à leur tour de cette méthode thé-
rapeutique.
Chemin faisant nous avons pris note quand il nous a été
possible des antécédents héréditaires et personnels des
malades, et des particularités cliniques qui ont plus particu-
lièrement attiré notre attention chez chacun d'eux et, bien que
très incomplets, ces documents ne sont pas sans présenter
quelque intérêt scientifique. C'est le côté étiologique et
pathogénique que nous aborderons d'abord ; nous exposerons
ensuite nos observations avec les remarques cliniques et les
résultats thérapeutiques qu'elles comportent.
Archives, 2" série, t. II. 1
2 THÉRAPEUTIQUE.
1. Un point à peu près fixé, le seul peut-être sur lequel
ou s'entende à l'heure actuelle, c'est que l'incontinence d'urine
dite essentielle, c'est-à-dire qui n'est symptomatique ni de l'épi-
lepsie, ni d'une affection organique des centres nerveux, est la
manifestation d'un état névropathique le plus souvent héré-
ditaire ; c'est selon l'expression très heureuse de M. L. Gui-
non', un stigmate bénin de l'hérédité nerveuse et psychique.
Bien que Trousseau en ait, à une époque déjà ancienne,
signalé l'importance, la démonstration de cette vérité étiolo-
gique est cependant peu avancée et les faits sur lesquels elle
s'appuie sont encore peu nombreux.
L'étude de trente-cinq cas d'incontinence a permis à
M. L. Guinon de constater que l'hérédité nerveuse sous toutes
ses formes se rencontre d'une facon constante dans les anté-
cédents des individus atteints de cette infirmité. Il y a relevé
l'alcoolisme du père, l'hystérie de la mère, toutes les variétés
de la neurasthénie et de l'hypocondrie chez les divers membres
de la famille, ainsi que les psychoses, les diverses formes du
délire, l'épilepsie, les convulsions, le strabisme et la débilité
mentale.
Dans les antécédents héréditaires de quinze sujets inconti-
nents que contient la thèse de M. J. Janet 2, on peut de même
constater l'alcoolisme, l'hystérie, la neurasthénie, l'hypocon-
drie, le nervosisme sous diverses formes, la folie, le suicide,
la paralysie générale, la déséquilibration mentale, les convul-
sions.
Nos propres observations n'apportent qu'un contingent res-
treint de faits de même ordre mais uniquement, à notre avis,
parce qu'il nous a été impossible, le plus souvent, de recueil-
lir des renseignements circonstanciés sur les antécédents héré-
ditaires de nos malades. Nous avons cependant relevé, comme
les auteurs précédents, l'alcoolisme du père, l'hystérie, la
déséquilibration mentale, divers accidents névropathiques de
la mère, et chez les collatéraux la dégénérescence, l'idiotie et
les convulsions.
Si nous cherchons à dégager, à l'aide du petit nombre des
faits sus-visés, la fréquence relative de ces tares héréditaires
1 L. Guinon. De l'incontinence d'urine des enfants. Thèse de
Paris, 1889.
1 J. Janet. Les troubles ]Jsychopathiques de la miction. Thèse de Paris,
1890.
TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 3
et à ce point de vue les observations de la thèse de M. J. Ja-
net sont des plus intéressantes nous voyons se présenter
en première ligne toutes les formes, précises ou vagues, du
nervosisme et de la déséquilibration mentale, surtout l'hypo-
condrie. L'alcoolisme et l'hystérie viendraient ensuite; puis,
en dernière ligne seulement, les psychoses proprement dites.
Nous pouvons en conclure que les incontinents urinaires ne
sortent pas en général des familles d'aliénés mais bien plutôt
des familles de névrosiques. Ils n'en présentent pas moins très
souvent des incorrections psychopathiques, mais elles abou-
tissent rarement à la folie confirmée.
Il nous faut mentionner maintenant une particularité bien
intéressante que nous avons à dessein laissée de côté parce
qu'elle mérite d'être envisagée à part, c'est l'extrême fréquence
' de l'hérédité similaire, directe ou collatérale, de l'incontinence.
L'hérédité directe est la plus fréquente. Dans quelques cas,,le
nombre des incontinents appartenant à la même parenté est
tel que cette infirmité revêt les caractères d'une véritable
maladie familiale. Parmi les observations de M. J. Janet, on
trouve six cas d'hérédité similaire et quatre dans les nôtres
d'ailleurs assez pauvres en renseignements commémoratifs.
Dans l'observation XIX ;de la thèse de l'auteur précédent, nous
voyons un jeune incontinent dont le père avait eu la même
infirmité jusqu'à quatorze ans et qui comptait en outre cinq
oncles et tantes ayant tous pissé au lit dans leur enfance. Dans
notre observation IV ci-après, nous trouvons un père inconti-
nent ayant quatre de ses enfants atteints de la même infir-
mité.
L'étude des antécédents personnels des incontinents n'est
pas moins significative. Il en est très peu qui puissent être
considérés comme normaux. Bien que certains cliniciens
repoussent la notion de dégénérescence comme étrangère à
la pathologie, il nous semble impossible, dans la circons-
tance actuelle, de ne pas y faire appel, sous peine de ne rien
comprendre à l'enchaînement des manifestations sympto-
matiques dont l'incontinence n'est qu'un simple anneau. Si
la nature de ce symptôme a été si longtemps méconnue, n'esl-
ce pas précisément parce qu'on l'a relégué dans le domaine de
la pathologie commune ou de la chirurgie, en s'obstinant en
faire une affection autonome et surtout locale ? N'hésitons
donc pas à dire que les incontinents appartiennent en majorité
4 THÉRAPEUTIQUE.
à la classe des dégénérés dont ils présentent le plus souvent
les stigmates physiques, et en particulier les malformations du
crâne, de la face, de la voûte palatine et des oreilles. Les
troubles névropathiques auxquels ils sont sujets débutent sou-
vent par les convulsions de l'enfance, les accidents pseudo-
méningitiques, pour se continuer par les somnambulismes,
l'hystérie, la neurasthénie, l'hypocondrie et les obsessions. Au
point de vue psychique, ils parcourent la gamme entière des
états dégénératifs depuis l'idiotie et la débilité mentale jus-
qu'à la déséquilibration simple des individus doués ou non de
facultés supérieures.
, S'il est toutefois quelque manière d'être qui leur soit propre
dans cette multiplicité de conditions pathologiques banales,
c'est, au point de vue somatique, la tendance aux névropa-
thies génito-urinaires dont la pollakiurie si fréquente chez
beaucoup d'incontinents est la première manifestation' ; et au
point de vue psychique, l'émotivité que révèle leur physiono-
mie timide et craintive, avant-coureur de l'hypocondrie future
et des angoisses de l'aboulie et du doute. Une petite case doit
leur être réservée aussi dans le cadre de la folie morale, quel-
ques-uns des jeunes incontinents se montrant sournois, indis-
ciplinés, méchants, menteurs, impulsifs, et prématurément
vicieux.
Enfin fait capital à l'appui de notre manière de voir, le plus
souvent l'incontinence échappe à l'action des causes occasion-
nelles, car chez la majorité des sujets, elle existe dès la nais-
sance. Elle apparaît donc, à priori, au moins chez ceux-là,
comme exclusivement conditionnée par un fonctionnement
imparfait du système nerveux. Et chez ceux dont l'inconti-
nence se manifeste à une époque plus ou moins tardive, les
causes occasionnelles invoquées ne jouent que le rôle secon-
daire d'agents provocateurs.
Et en effet, le début du syndrome ne survient pas indiffé-
remment à tous les âges ; il affectionne trois époques princi-
pales : le premier âge, s'il succède sans transition à l'inconti-
nence physiologique du nourrisson ; la période comprise entre
sept et huit ans, et celle qui s'étend de la dixième à la quator-
, Le professeur Guyon a souvent rencontré cette relation de l'inconti-
nence infantile et des accidents ultérieurs de même ordre, en particulier
les pertes séminales. Voyez aussi à ce point de vue la thèse de J. Janet,
précédemment citée.
TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 5
zième année. Or il est très remarquable que les affections ner-
veuses de l'enfance d'origine héréditaire ont précisément les
mêmes époques d'apparition. D'après les statistiques de Bri-
quet, Clopatt et autres', l'hystérie infantile est particulièrement
fréquente avant trois ans ; puis vers sept ans, et enfin de dix
à treize ans. Vers sept ans, âge de la puberté cérébrale selon
l'heureuse expression de Lasègue, se montrent certaines
méningites, certaines épilepsies symptomatiques de lésions
encéphaliques. Dans la période qui suit la dixième année la
boîte cranienne se développe et se consolide ; l'épilepsie idio-
pathique fait son apparition. Toutes ces coïncidences tendent
à démontrer, en définitive, que l'incontinence urinaire, se
manifestant aux époques d'opportunité morbide créées par
l'évolution du système nerveux, est bien le résultat d'une tare
névropathique héréditaire.
II. En ce qui concerne la pathogénie de l'incontinence,
nous pouvons négliger les théoriesphysiologiques etchimiques.
Ecartons d'abord ces dernières. L'une suppose la présence dans
l'urine d'un excès de sels suffisant pourirriterla vessie. Fût-elle
plausible qu'elle ne saurait s'appliquer qu'à certaines inconti-
nences très passagères. L'autre vise les adénoïdiens, les enfants
dont le système amygdalien hypertrophié met obstacle à la
respiration nasale (Major, Grônbech) gênant ainsi l'hématose
et produisant une intoxication carbonique qui aurait pour con-
séquence la miction involontaire. Mais tous les incontinents
sont loin d'être atteints de végétations adénoïdes ou d'amyg-
dales hypertrophiées et tous les adénoïdiens ne pissent pas au
lit. Chez ceux qui le font, il ne s'agit vraisemblablement que
d'une simple coïncidence. Ils cumulent, avec le stigmate du
lymphatisme exagéré, le stigmate de l'hérédité névropathique.
Quant aux théories physiologiques, l'une, on le sait, est
basée sur l'irritabilité vésicale et l'autre sur l'atonie du sphinc-
ter uréthral. Ces deux théories se contredisent. On pourrait
toutefois supposer que l'irritabilité existe dans certains cas et
l'atonie dans d'autres : mais l'irritabilité n'est plus guère
défendue par personne. Le professeur Guyon et ses élèves ont
brillamment soutenu la cause de l'atonie qui serait facile à
constater par le cathétérisme. Chez les incontinents, l'explora-
teur parcourrait tout le canal et franchirait le sphincter sans
' Voy. Gilles de la Tourette. Traité de l'hystérie, 189à ? ..
6 THÉRAPEUTIQUE.
résistance et en ne transmettant à la main que de faibles sen-
sations. Pourtant l'existence de cette atonie a été niée. Quoi
qu'il en soit, réelle ou non, elle est incapable à elle seule de
fournir une explication satisfaisante de l'incontinence urinaire.
Si le sphincter est atone, il l'est aussi bien le jour que la nuit ;
cependant les incontinents diurnes sont rares. D'autre part,
pourquoi l'incontinent nocturne, en admettant que le sommeil
engourdisse sa vigilance à l'égard de son sphincter, ne se
réveille-t-il pas aussitôt que l'accident se produit ? Non seule-
ment il n'est pas réveillé à ce moment même, mais encore il
ne l'est pas le plus souvent par la sensation désagréable d'hu-
midité et de froid qui en est la conséquence.
De toute-façon, il faut donc faire appel à une cause plus
haute, et cette cause.ne peut être cherchée que dans un fonc-
tionnement vicieux du système nerveux central. De là les
théories psychologiques.
La plus simple de toutes consiste à ne voir dans l'inconti-
nence qu'un défaut d'éducation. Elle est due à M. Bérillon.
Pour cet auteur, l'incontinence nocturne de l'enfant n'est le
plus souvent que l'incontinence normale du nouveau-né pro-
longée. Chez ce dernier, la volonté, qui n'existe pas encore, ne
peut intervenir pour mettre en jeu les muscles de Guthrie et de
Wilson chargés de fermer la vessie et aussitôt que ce réservoir
est distendu par une certaine quantité d'urine, les muscles lisses
se contractent et en provoquent l'évacuation. Par l'éducation,
on obtient vers le quinzième mois que l'enfant apprenne à
résister pendant le jour au besoin d'uriner, et vers la troisième
année au plus tard, l'incontinence nocturne disparait d'elle-
même. Quand elle persiste au delà de cette limite, l'infirmité
est constituée 1. Si cette théorie peut s'appliquer à quelques
faits d'incontinence, si réellement quelques enfants continuent t
à pisser au lit après la troisième année par simple paresse céré-
brale, elle est insuffisante dans la majorité des cas. Elle laisse
en effet de côté tous les incontinents tardifs et tous'ceux dont
le sommeil présente des caractères pathologiques.
Un fait extrêmement important, en effet, et qui a frappé la
plupart des observateurs, c'est que le sommeil de beaucoup
d'incontinents n'est pas normal. Les uns ont comme les épilep-
1 Bérillon . Le traitement psychique de l'incontinence nocturne
d'urine. Revue de l'hypnotisme, 1894.
TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 7
tiques, le sommeil lourd et profond, les autres ont le sommeil
onirodynique et agité des. hystériques. Déjà J.-L. Petit avait
cherché dans ces faits d'observation les causes de l'incontinence.
Pour lui les rêveurs pissent au lit par suite d'un rêve de
miction et les dormeurs profonds, parce que la sensation qui
précède l'envie d'uriner n'est pas assez forte pour les réveiller.
Mais nous pouvons aller plus loin et affirmer que chez cer-
tains malades au moins, cette sensation n'est même pas
perçue. Les incontinents diurnes nous en fournissent une
preuve très plausible. Ceux-ci, quoique rares, existent ; ils
guérissent, comme les autres, par la suggestion hypnotique ;
Liébeault en cite plusieurs cas ; nous en présentons un nous-
mème dans le sujet de l'observation XX. Ce jeune garçon est
pris à quatorze ans d'incontinence diurne dont il n'a conscience
qu'en voyant l'urine couler sous ses pieds. Même chose se
passe vraisemblablement chez les incontinents nocturnes à
sommeil profond ; chez eux, le phénomène de la miction est
soustrait au contrôle de ce qui subsiste de la personnalité cons-
ciente pendant le sommeil. Si comme le dit M. L. Guinon, le
réflexe cérébral qui, en temps normal, dirige le centre médul-
laire de la miction fait défaut et que le cerveau ne régisse plus
la moelle, c'est parce qu'il existe une sorte d'inhibition de ce
centre et que les impressions qui lui arrivent de la vessie ne
sont pas assimilées, n'entrent plus dans le champ de la cons-
cience personnelle. Il s'agit donc d'un phénomène analogue à
celui qui se passe chez l'hystérique analgésique qui ne sent
pas les piqûres. Comme l'anesthésie de ce dernier, la miction
involontaire de l'incontinent est une sorte d'énorme distraction.
Cette comparaison de l'incontinent et de l'hystérique n'est
d'ailleurs pas une hypothèse gratuite. L'état mental de certains
enfants nerveux ressemble en effet beaucoup à celui des hysté-
riques à stigmates. Leur attention est excessivement distraite,
leur mémoire vague et infidèle. Ils ne distinguent qu'impar-
faitement les faits de conscience des faits d'imagination. Bref,
une partie de leur activité psychique semble échapper au con-
trôle de leur personnalité consciente faiblement et imparfaite-
ment constituée. Les enfants menteurs répondent à ce type.
Pour nous, les incontinents rentrent dans une catégorie
voisine et ce ne sont pas les seules particularités par
lesquelles ils se rapprochent des hystériques, comme nous le
verrons plus loin.
8 THÉRAPEUTIQUE.
S'emparant de ces deux faits d'observation, la lourdeur du
sommeil et les rêves mictionnels, M. J. Janet en a fait la base
d'une ingénieuse théorie qu'il applique à tous les cas d'incon-
tinence. Pour lui, les incontinents nocturnes sont avant tous
des polJakiuriques nocturnes qui, sous l'influence de l'envie
d'uriner, rêvent qu'ils urinent en effet soit contre un arbre,
soit dans leur vase de nuit, selon que leur rêve les promène à
la campagne ou les laisse vaquer à leurs occupations habi-
tuelles ; et ils s'inondent, absolument comme le dormeur à qui
il survient une pollution sous l'influence d'un rêve érotique.
S'ils ne se réveillent pas, c'est parce qu'ils dorment trop pro-
fondément.
Cette explication est très séduisante mais elle ne doit pas à
notre avis être généralisée à tous les cas ; car la constance des
rêves mictionnels n'est pas démontrée. Beaucoup d'inconti-
' nents rêvent; mais comme nous l'avons fait remarquer précé-
o demment leurs rêves sont loin d'avoir toujours les caractères
idylliques que leur attribue M. J. Janet. Ce sont souvent des
rêves agités, de vrais cauchemars qui se produisent dans la
toute première période du sommeil et qui ont le caractère
pénible des rêves des neurasthéniques et aussi des hystériques.
Quoi qu'il en soit, la théorie de l'auteur n'est pas en contradic-
tion avec celle que nous avons exposée précédemment ; elles
se complètent plutôt l'une l'autre. Si, comme les hystériques,
les incontinents sont distraits, comme elles ils peuvent aussi
avoir des idées fixes subconscientes qui se manifestent par un
rêve approprié.
Il existe d'ailleurs une affinité réelle entre l'hystérie et l'in-
continence. Certains incontinents sont dès l'enfance somnam-
bules ou hystériques ; il s'en trouve un cas dans nos observa-
tions. Beaucoup le deviennent plus tard ; dans la thèse de
M. Janet, on en trouve plusieurs exemples, et chose curieuse,
ces malades présentent souvent des syndrômes hystériques en
rapport avec leur infirmité première. 1
On a constaté que les hystériques atteints de polyurie ont
presque toujours eu dans leur enfance de l'incontinence
nocturne d'urine'. Ainsi que le fait observer M. Souques, cela
indique déjà l'habitude de préoccupations urinaires. Il est
évident, dit cet auteur, qu'un jeune sujet qui pisse au lit, a
1 Erhardt. De la polyurie hystérique. Thèse de Paris, 1893.
TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 9
l'idée fixée sur sa triste infirmité. Si plus tard il devient hysté-
rique, cette idée fixe, consciente ou subconsciente, pourra
grandir, envahir l'esprit et devenir naturellement l'origine
d'une hypersécrétion urinaire.
« La filiation; toute logique, continue-t-il, est facile à con-
cevoir. Les incontinents nocturnes urinent sinon plus, du
moins plus souvent, que les sujets normaux. Presque toujours
ils ont des besoins fréquents et impérieux pendant le jour. Or
uriner souvent ou uriner beaucoup sont deux choses que
l'usage confond ensemble. L'enfant qui a de l'incontinence
nocturne, qui a des mictions fréquentes et impérieuses diurnes,
croit en réalité qu'il urine plus que normalement. L'enchaîne-
ment logique des choses doit le conduire plus tard à la
polyurie'. »
Beaucoup d'incontinents sont, en effet, pollakiuriques.
comme M. J. Janet l'a bien fait ressortir dans son travail et
j'ai eu l'occasion de constater que quelques-uns sont polydip,-m
siques. Ce symptôme se rencontre chez les sujets des observai «-
tions XI et XXIII ci-après. La seule interprétation plausible de\
cette polydipsie qui entraine évidemment une polyurie corré-
lative est celle que donne M. Souques de la polyurie des hys-
tériques eux-mêmes.
Encore un point qui rapproche les incontinents des hysté-
riques, c'est qu'ils se rencontrent souvent sur le même terrain
étiologique. Si, en effet, le plus grand nombre des inconti-
nents pissent au lit depuis leur enfance, il en est un certain
nombre dont l'infirmité débute après une grande frayeur, une
émotion vive, un traumatisme, une maladie aiguë, ou la misère
physiologique.
En résumé, pour nous, l'incontinence qui débute dans l'en-
fance est due à un trouble fonctionnel du cerveau avant
quelque rapport avec ce qu'on observe dans l'état mental des
hystériques. Il consiste en un défaut de. synthèse psychique,
avec automatisme exagéré, que d'ailleurs la miction involon-
taire soit due à une sorte de distraction, de non-assimilation
de la sensation de besoin envoyée au cerveau par la moelle,
ou à des préoccupations urinaires subconscientes engendrant
des rêves mictionnels.
1 A. Souques. Coielrib. il l'élude du rôle des idées fixes dans la palho-
génie de la polyurie hystérique. (Archiv. de Neur., déc. 1894.) .
10 O THÉRAPEUTIQUE.
III. Nous ne voudrions pas abuser des rapprochements,
mais comment ne pas enregistrer celui qui résulte de l'effet de
la suggestion sur l'incontinence ? Est-il une preuve plus
démonstrative de la nature psychique de ce syndrome et de
son analogie avec certains troubles psychiques de l'hystérie ? : '
Une seule suggestion suffit parfois pour supprimer d'une ma-
nière durable une incontinence remontant à de nombreuses
années et cette efficacité merveilleuse d'un procédé purement
moral est assurément ce qu'il y a de plus intéressant dans une
affection contre laquelle la thérapeutique a déployé de tout
temps ses plus ingénieuses comme ses plus formidables res-
sources, et on sait avec quel succès !
De ces procédés thérapeutiques quasi innombrables, nous
ne parlerons pas sinon pour dire que quand ils ont parfois
réussi, ce n'est que par suggestion indirecte. L'électrisation du
sphincter uréthral elle-même, si prônée aujourd'hui, n'agit
sans doute pas autrement. Il est assurément plus simple et
plus sûr d'employer la suggestion directe. Elle a donné les
mêmes résultats favorables à tous les médecins qui l'ont em-
ployée ; elle est d'un emploi sûr, facile, inoffensif et fournit,
en somme, une solution élégante d'un des plus difficiles pro-
blèmes de la thérapeutique.
Sans entrer dans l'historique de la question, que nous avons
traitée ailleurs ', nous rappellerons seulement que M. Liébeault
a obtenu 72 p. z100 de guérisons. M. Bérillon est arrivé, lui
aussi, à une proportion de 70 p. 100. Le Dr Ringler, de Com-
brement (Suisse) n'a obtenu que 47 p. 100 de succès, mais ce
résultat, quoique moins satisfaisant que les précédents, est
encore de beaucoup supérieur à ce qu'on obtenait avec les
anciennes méthodes. De nombreux médecins, entre autres
MM. Stembo, de Wilna, Bernheim, A. Voisin, Pitres, L. Gui-
non, dont les noms se présentent à notre mémoire, sans avoir
publié de statistiques de guérisons, ont cependant reconnu
l'efficacité de la méthode suggestive.
Des 24 sujets que nous avons traités par la suggestion hyp-
notique, 20 ont été guéris ; 2 ont été améliorés et 2 seulement
n'ont obtenu aucun bénéfice durable du traitement. Cette sta-
tistique nous donne une proportion de 83 p. 100 de guérisons ;
elle repose, il est vrai, sur un nombre restreint de cas ; mais
1 A. Cullerre. La thérapeutique suggestive, 1 vol. in-12. Paris, 1893.
TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. ils
en admettant qu'elle représente une série exceptionnellement
heureuse, elle n'en démontre pas moins, avec les statistiques
des auteurs précédents, que l'incontinence essentielle d'urine
est, dans la grande majorité des cas, justiciable de la sugges-
tion hypnotique.
Je rappellerai en deux mots le manuel opératoire. Le sujet
est commodément installé dans un fauteuil ; on le rassure par
quelques paroles bienveillantes et on l'encourage en faisant
miroiter à ses yeux l'espoir d'une guérison prochaine. Après
quoi on l'endort par la fixation du regard aidée de la sugges-
tion. Quand je dis a on l'endort » c'est pour employer une
expression consacrée, car le degré d'hypnose où se trouve le
sujet m'a paru de peu d'importance. La plupart, d'ailleurs,
conservent le souvenir des suggestions qu'on leur donne, et
nous en avons vu ne fermer les yeux que par obéissance et qui
ne guérissaient pas moins bien que les autres. Alors intervient
la suggestion curative dont la formule doit varier selon les cas :
ne pas pisser au lit, sentir le besoin et se réveiller aussitôt;
s'éveiller à une heure déterminée pour uriner; penser en s'en-
dormant qu'il ne faut pas uriner au lit. Au besoin, comme le
conseille M. Bérillon on peut provoquer par suggestion une
insomnie destinée à habituer le cerveau à percevoir le besoin
d'uriner. Bientôt l'insomnie disparaît d'elle-même et le sujet,
habitué à surveiller sa vessie, continue à le faire tout en dor-
mant.
Tantôt▶ la guérison est immédiate ou tout au moins prompte;
◀tantôt▶ elle se fait attendre quelques semaines. Quelquefois la
guérison survient d'elle-même après la suppression du traite-
ment qui n'a paru donner aucun résultat. Il faut aussi comp-
ter de temps en temps avec les rechutes. Tous les âges sont
justiciables de la méthode suggestive; le plus jeune de nos
malades avait six ans et le plus âgé vingt-trois ans. Dès l'âge
de trois ans elle est applicable.
Nous n'insisterons pas sur ces développements que la lec-
ture de nos observations et des commentaires qui les accom-
pagnentrend inutiles, et nous passons immédiatement à l'exposé
sommaire des faits cliniques qui servent de base à ce travail.
Mais une chose que l'on ne saurait trop répéter, a'est que ce
traitement est à la portée de tous les praticiens. Il ne demande
ni préparation, ni éducation, ni surtout d'initiation spéciales.
On peut, en l'employant, on doit même, dirions-nous, réussir
't2 THÉRAPEUTIQUE.
du premier coup. Sans doute un homme versé dans l'hypno-
logié pratique et habitué de longue main à manier la sugges-
tion obtiendra peut-être des résultats plus brillants et plus
nombreux tout d'abord ; mais l'apprentissage se fait vite et il
suffit d'un peu de tact et de pratique pour y passer maître. Il'
en est de même de toutes les médications, et pour ne pas sor-
tir du domaine de la psychiatrie, ne sait-on pas que la médi-
cation opiacée ou bromurée par exemple, est d'autant plus
héroïque qu'elle est maniée par des mains plus expertes ? Ce
qui n'empêche pas que tout médecin, quelle que soit d'ailleurs
son expérience personnelle, se croie autorisé à employer la
morphine et le bromure, et s'efforce de se familiariser avec le
maniement de ces puissants remèdes.
Nos observations se divisent en trois groupes : a) guérisons ;
b) améliorations ; c) insuccès.
A. - Guérisons.
Observation l.-V..., garçon de onze ans. Son père est mort
de tuberculose pulmonaire; sa mère est sourde, un peu rhumati-
sante ; cinq frères et soeurs dont quatre plus jeunes.
Enfant chétif, peu développé, pâle, très émotif, portant au cou
des ganglions volumineux. Il urine au lit depuis la première en-
fance ; n'a jamais eu de convulsions, ni d'accidents cérébraux. Sa
mère me l'amène parce qu'étant dans la misère, elle ne sait com-
ment parer aux conséquences désastreuses pour elle de cette infir-
mité, le linge et la literie lui faisant défaut.
10 mars 1892.- Endormi par la fixation du regard aidée de la
suggestion; sommeil profond avec oubli au réveil. Suggestion :
« Il ne pissera plus au lit; sentira toujours quand il aura besoin et
se réveillera aussitôt pour se lever. »
A partir de ce moment l'enfant a été complètement débarrassé
de son infirmité; sa santé s'est ensuite améliorée, et il a pu être
placé comme petit domestique.
28 juillet 1893. - Sa mère me le ramène parce que depuis dix
jours il aété repris trois fois de son infirmité, ce que j'attribue à la
fatigue causée par les travaux de la moisson et sans doute aussi à
l'absorption d'une trop grande quantité de boisson. Suggestion
comme ci-dessus suivie de succès.
29 octobre z Il a uriné le 27, ce qui ne lui était pas arrivé
depuis juillet. Nouvelle suggestion. >
lor avril 9896.-La guérison s'est maintenue sans aucun acci-
dent depuis la date précédente. -'
TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 13
Il s'agit d'un enfant chétif et très émotif quoique peu taré
au point de vue nerveux, dont l'incontinence est due vraisem-
blablement à l'inhibition du centre cérébral de la miction
occasionnée par des préoccupations urinaires.
Une seule séance de suggestion suffit à rétablir le méca-
nisme troublé du réflexe cérébro-médullaire et la guérison est
obtenue. Les deux petites rechutes dues à des causes acciden-
telles n'ont eu aucune suite fâcheuse et ont cédé elles aussi à
une simple suggestion.
Observation II. - 0. B..., fille de treize ans. Père vivant, nor-
mal ; mère cinquante-six ans, profondément neurasthénique; soeur
souffreteuse et hystérique ; frère d'une santé passable, autre frère
idiot à la suite de convulsions. '
Enfant grande et forte, d'aspect florissant, non réglée, névro-
pathe, sujette aux migraines (céphalées accompagnées de vomis-
sements), souffrant beaucoup de l'estomac. Elle a commencé à
uriner au lit à partir de sept ans, à la suite d'une fièvre muqueuse.
On me l'amène dans le courant d'avril 1892. A la suite de quelques
séances de suggestion un mieux notable se produit.
18 juin z Elle n'a pas uriné au lit depuis trois semaines.
4 juillet.- Elle a eu une légère miction nocturne involontaire il
y a huit jours et une autre la nuit dernièie. Suggestion : « Ne plus
pisser au lit. Cette séance n'est suivie d'aucun succès et pour
cause d'absence le traitement est interrompu. Elle ne revient que
le 2 mars 1893; les séances de suggestion sont alors reprises.
9.- Deux nuits sèches seulement depuis le 2.
23. - Sept nuits sèches, du 9 au 16, puis rechute complète.
30. -Trois nuits sèches depuis le 23.
6 avril. Trois nuits sèches depuis le 30. Les nuits où elle se
mouille, c'est peu de chose.
13. Une seule nuit mouillée depuis le 6.
18 mai. Aucun accident depuis cinq semaines; les règles sont
survenues pour la première fois dans l'intervalle, sans causer de
troubles.
21 décembre 1893.- Elle revient parce que depuis quelques jours
elle a des névralgies faciales à accès réglés et qu'il lui est arrivé
d'avoir de temps à autre des nuits mouillées. Suggestion comme
précédemment suivie d'un heureux résultat.
27 juin 1895.- La mère m'annonce que sa fille est parfaitement
guérie et qu'elle est devenue très forte. Deux fois seulement depuis
1893, pendant la période menstruelle, il lui est arrivé de se
mouiller légèrement la nuit.
14 THÉRAPEUTIQUE.
Ce cas est fort différent du précédent. Il s'agit d'une fille à
antécédents héréditaires graves, devenue incontinente à
sept ans à la suite d'une maladie aiguë, et réagissant capri-
cieusement sous l'influence de la suggestion qui ◀tantôt▶ est
efficace, ◀tantôt▶ n'est suivie d'aucun résultat. Finalement force
reste au traitement, mais c'est au moment où survient une
crise, l'apparition des règles, qui a pu favoriser l'action de la
suggestion grâce à la détente nerveuse qui l'a accompagnée.
Des auto-suggestions contraires contribuaient sans doute à con-
trarier l'efficacité de la suggestion hypnotique.
Observation 111. H..., garçon de huit ans. Père mort de tu-
berculose pulmonaire; mère dont le moral laisse à désirer, trois
soeurs assez chétives dont une recueillie dans un orphelinat, pisse
aussi au lit. Enfant assez développé, strabique : d'une bonne santé
habituelle; n'ayant eu ni convulsions, ni maladies graves, il pisse
au lit depuis sa naissance.
10 novembre 1892. Endormi par suggestion aidée de la fixation
du regard; attitudes calaleptoïdes. Suggestion : Ne plus piaser
au lit, sentir le besoin d'uriner et se réveiller aussitôt. »
13. Pas d'accident depuis le 10.
17. Une seule nuit mouillée depuis le 13.
20. Pas d'accident depuis de 17.
24. Deux nuits mouillées depuis le 20.
27. Deux nuits mouillées depuis le 24. Suggestion addition-
nelle : < Penser en s'endormanl qu'il ne faut pas pisser au lit. »
Le traitement est continué pendant les mois de décembre et
janvier 1893 à raison de deux séances par semaine; il y a neuf
nuits mouillées pendant le mois de décembre et pendant le mois
de janvier cinq nuits mouillées seulement. Une seule séance de
suggestion a eu lieu en février qui n'a compté que trois nuits
mouillées. La mère le considérant comme guéri, ne l'avait pas
ramené. Il se réveillait la nuit pour faire dans son vase.
27 avril 1893. Sa mère m'annonce qu'il est guéri.
En 1894, cet enfant a été pris de péritonite tuberculeuse et
a succombé à cette maladie.
Observation IV. te. V..., garçon de quatorze ans. Père névro-
pathe, ayant été atteint lui-même jusqu'à vingt ans d'inconti-
nence d'urine contre laquelle il a essayé tous les traitements sans
résultats. Il allait jusqu'à passer les nuits tout habillé et assis pour
lutter contre son infirmité; si, vaincu par la fatigue, il se couchait
à l'aube, aussitôt il pissait dans son lit. Rien que guéri, il a tou-
TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 15
jours eu une grande difficulté à retenir ses urines et quand le
besoin se fait sentir, il doit le satisfaire immédiatement. Mère
normale. Huit enfants : une grande fille de seize ans ayant été
atteinte d'incontinence nocturne et qui a guéri spontanément
après l'établissement de la menstruation; une seconde fille qui a
eu de temps en temps quelques mictions involontaires; deux
garçons atteints d'incontinence complète; une fille qui a eu des
convulsions. Les autres enfants, en bas âge, se portent bien.
Enfant assez fort d'apparence, un peu pâle; n'ayant fait aucune
maladie grave. Sommeil agité; il rêve beaucoup. Il pisse au lit
depuis deux ans. Au commencement il y avait quelques rares inter-
mittences, mais maintenant c'est régulier et continu. Aucune
précaution n'empêche la miction involontaire de se produire,
même l'abstinence complète d'aliments et de boisson le soir.
8 décembre 1893. Endormi eu un quart de minute par la
suggestion aidée de la fixation du regard, catalepsie suggestive,
mouvements automatiques; suggestion de ne plus pisser au lit, de
retenir son urine, de sentir le besoin et de se réveiller. Il reviendra
deux fois par semaine.
31. Le tiers des nuits a été humide depuis le 8; il fait très
froid, ce qui peut contribuer à entraver l'action du traitement.
18 janvier 1894. A eu cinq nuits mouillées mais très peu,
depuis le 31 décembre.
1er février. Pas d'accident depuis le 18 janvier.
A partir de ce moment la guérison est obtenue et l'enfant
ne m'ayant pas été ramené, je crois pouvoir en conclure qu'elle
s'est maintenue.
Observation V. A Y..., garçon de onze ans (frère du sujet de
l'observation précédente). Il pisse au lit depuis un an.
10 décembre 1893. Endormi par la fixation du regard. Au bout
d'un quart de minute les globes oculaires se convulseut en haut et
les paupières se ferment. Catalepsie suggestive. Mouvements auto-
matiques. Suggestion de ne plus pisser au lit, de se réveiller et de
se lever.
17. Aucun résultat; 21. Une seule nuit sèche ; 31. Une
seule nuit mouillée depuis le 21.
28 janvier 1894. N'a pissé que deux fois et extrêmement peu,
depuis le mois dernier.
L'enfant ne s'est pas représenté depuis. Comme son frère, il
habite la ville et m'aurait été ramené vraisemblablement en
cas de rechute. Les sujets de ces deux observations appartien-
16 THÉRAPEUTIQUE.
neni à une famille où l'incontinence est héréditaire et se
développe tardivement. Des indications qui nous sont fournies,
on peut inférer que les mictions involontaires sont le' résultat
de rêves mictionnels, au moins chez le père et l'aîné des fils,
puisqu'elles se produisent dans la période hypnogogique qui
suit le coucher.
Observation VI. L. V..., fille de treize ans. Aucun renseigne-
ment sur sa famille que je n'ai vue qu'une fois et que je n'ai pas eu
le loisir d'interroger. Elle vient toute seule et fait 20 kilomètres
aller et retour pour se soumettre au traitement chaque semaine.
Enfant assez bien développée, quoique fluette, non réglée,
d'aspect assez intelligent. Elle n'a pas eu de convulsions, n'a fait
aucune maladie. Elle pisse au lit depuis sa naissance, et toutes les
nuits à de rares exceptions près.
16 mars 1893. Hypnose et suggestion appropriée.
23. Quatre nuits sèches sur huit.
10 avril. Deux nuits mouillées seulement depuis dix-huit jours.
27. Six nuits mouillées depuis le 10.
4 mai. Deux nuits mouillées depuis le 27.
11. Trois nuits mouillées depuis le 4.
18. -Pas d'accidents depuis le il. A partir de ce moment la
guérison s'est maintenue.
Avril 1894. Apparition des règles sans accident.
Août. Fièvres intermittentes paludéennes, cachexie commen-
çante, aménorrhée, retour de l'incontinence nocturne. L'enfant
revient seulement le 11 novembre me consulter, son état de santé
l'en ayant empêchée plus tôt. Je la trouve grandie, plus forte, l'air
d'une jeune fille. Elle me fait part des particularités précédentes
et manifeste un véritable chagrin de sa rechute. On reprend le
traitement. Hypnose avec attitudes cataleptoïdes.
Du 12 novembre au le, décembre le résultat est nul.
8 décembre. Deux nuits sèches seulement dans la semaine.
15. Cinq nuits sèches.
Janvier 1895. Plus de mictions involontaires, la malade se
considère comme guérie et ne revient plus.
Cette observation est intéressante en ce qui concerne
l'action de la suggestion : il semble qu'elle n'ait aucune prise
d'abord sur le mal puis tout d'un coup l'incontinence cesse et
la guérison est obtenue. Ce phénomène est assez fréquent ; il
semble indiquer qu'il faut parfois un certain temps au cerveau
pour s'assimiler l'idée suggérée. A remarquer aussi la rechute
survenue à la suite de fièvres intermittentes.
TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 17
Observation VII. F. M..., sept ans, fille unique. Père tuber-
leux, mère normale, intelligente, bien portante.
Enfant chétive, d'un tempérament lymphatique marqué. Elle
urine au lit depuis quelques mois seulement et d'une façon irrégu-
lière, environ deux à trois fois par semaine. Enfant peu développée
pour son âge.
16 février 1893. Première hypnose suivie de la suggestion
appropriée. Pas de miction involontaire jusqu'au 3 mars.
4 mai. Du 3 mars au 2 mai, pas de miction involontaire. Les
deux dernières nuits ont été mouillées.
27 mai. Pas d'accident depuis le 4.
Juillet. La guérison se maintient.
28 décembre. Cette enfant à la suite d'une bronchite aiguë a
eu quelques nuits mouillées, mais tout est rentré dans l'ordre.
1er avril 1896. La guérison s'est maintenue depuis 1893.
Encore un cas où une légère rechute se produit à la suite
d'une maladie aiguë. -
Observation VIII. S. N..., garçon de treize ans. Parents arthri-
tiques, aucune tare dans la famille. Cet enfant qui n'urinait au lit
que de temps en temps, surtout l'hiver, pisse maintenant toutes
les nuits. L'intelligence est paresseuse et le moral est incorrect
dans une certaine mesure. C'est un déséquilibré. Tous les remèdes
essayés ont échoué..
10 avril 1893. Il est légèrement influencé par la fixation du
regard, bien qu'il eût déclaré qu'il serait réfractaire à toute tenta-
tive d'hypnotisation. Suggestion : * Ne plus pisser au lit, etc. »
13. - Toutes les nuits sèches depuis le 10.
16. Toutes les nuits sèches depuis le 13.
27. Une seule nuit mouillée depuis le 16, à la suite de l'ab-
sorption d'une grande quantité d'eau.
4 mai. Pas d'accident.
5 juin. Il a eu la rougeole depuis la dernière séance. Malgré
cela l'incontinence ne s'est pas reproduite. Il est considéré comme
guéri par sa famille.
13 février 1894. J'apprends qu'à part quelques nuits mouillées
en octobre dernier, la guérison s'est maintenue.
A noter chez ce garçon l'incontinence d'abord intermittente,
et survenant l'hiver. On pourrait supposer avec J.-L. Petit qu'il
s'agit d'un enfant paresseux à se lever, n'obéissant pas aux
premiers avertissements de sa vessie. La suite de l'observation
montre qu'il n'en est rien, puisque l'infirmité devient continue.
Archives, 2° série, t. Il. 2
18 ô THÉRAPEUTIQUE.
Il est beaucoup plus rationnel de supposer que le froid
engendre de la pollakiurie et que ce phénomène provoque à son
tour l'incontinence par l'intermédiaire d'un rêve mictionnel.
Observation IX. - V. X..., fille de treize ans. La mère, qui me
l'amène, n'habite le pays que depuis peu de temps, et ne me four-
nit aucun renseignement tuile. La jeune fille urine au lit depuis la
naissance, mais ce n'est qu'à partir de sept ans que l'infirmité s'est
enracinée. Auparavant ça ne lui arrivait que de temps en temps; à
partir de ce moment, elle pisse au lit continuellement. Quelle que
soit l'heure où on la réveille pour la faire lever, on la trouve
mouillée.
Fille d'aspect assez florissant, réglée depuis un an, sans fatigue
mais irrégulièrement. Elle se plaint habituellement de l'estomac
et a souvent des maux de tête. A part ces indispositions, sa santé
est bonne et elle n'a jamais fait de maladies graves.
27 juillet 1893. - Endormie par le procédé habituel; hypnose
légère. Suggestion de ne plus pisser au lit, de sentir le besoin et
de se réveiller aussitôt.
30 juillet. -Nuits sèches depuis le 27. Elle s'est réveillée chaque
nuit entre minuit et une heure et s'est levée pour uriner.
7 août. Deux nuits mouillées depuis le 30 juillet.
13. Toutes les nuits sèches.
20. Toutes les nuits sèches. Ne revenir qu'en cas de retour de
l'incontinence. Je n'ai pas revu cette malade.
Il s'agit comme on le voit d'une jeune fille névropathe,
incontinente dès le bas âge, mais dont l'infirmité s'aggrave à
partir de sept ans, époque où le développement cérébral subit
une poussée. Le traitement agit d'une façon rapide et vraisem-
blablement définitive, car la mère n'eût pas manqué de me
ramener la malade.
Observation X. T. U..., fille de treize ans. Père normal; mère
lymphatique; tante ayant pissé au lit jusqu'à quinze ans. Ça lui
arrivait toutes les nuits et plusieurs fois.
Enfant chétive, anémique, très lymphatique (bronchites répétées,
gros nez, grosses lèvres), très en retard dans son développement
physique. Intelligence normale. Elle a été très propre de trois à
dix ans. A partir de dix ans, sommeil agité, inquiet; il fallait la
faire lever, sans quoi elle pissait au lit. Beaucoup de rêves, de
cauchemars. De temps en temps elle pissait au lit malgré les pré-
cautions. Il y a six mois son père, employé au chemin de fer a été
victime d'un accident grave dont elle a été vivement émue. A partir
de ce moment elle pisse au lit plusieurs fois par semaine. Ça lui
TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 19
arrive plusieurs fois de suite, puis il y a un intervalle. La mère ne
peut dire exactement ce qui se passe car l'enfant, très humiliée de
son infirmité, la dissimule autant que possible.
16 novembre 1893. Hypnose rapide; tendance aux contractures
cataleptoïdes. Suggestion d'être propre et de se réveiller. Elle
reviendra deux fois par semaine.
3 décembre. Deux nuits mouillées seulement depuis le 16 no-
vembre. La mère me fait observer que son sommeil est devenu très
calme. Elle dort de neuf heures du soir au matin sans se réveiller.
Auparavant son sommeil était entrecoupé de rêves et elle se
réveillait à chaque instant dans la crainte de pisser au lit. Elle ne
reviendra qu'une fois par semaine. ,
30 avril 1894. Depuis près de cinq mois l'enfant n'avait pas
uriné au lit et on la considérait comme guérie, mais la semaine
dernière ayant été prise d'angine avec fièvre, elle a pissé au lit deux
fois.
22 juillet. Elle n'a pas eu de nouvelles nuits mouillées depuis
le 30 avril jusqu'au 15 juillet. Depuis ce moment, elle s'est sur-
menée pour la préparation de son certificat d'études et cette
semaine elle a pissé trois fois au lit. Suggestion.
23 août. Deux nuits mouillées à quinze jours d'intervalle.
Symptômes hy¡,té1'ifo1'11ws; sensation de boule remontant de l'esto-
mac à la gorge. Douleurs de ventre. Elle n'est pas encore réglée.
Pas d'anesthésie, ni de rétrécissement du champ visuel.
29 novembre. Six nuits mouillées depuis le 18 sans autre cause
apparente que le changement de boisson (vin blanc), cependant la
mère s'est aperçue que son sommeil était agité de rêves et lourd
au point qu'on a de la peine à la réveiller.
31 décembre. Six nuits mouillées pendant ce mois. Le sommeil
est meilleur et la suggestion est présente à l'esprit de l'enfant
pendant son sommeil car le matin elle est persuadée qu'elle s'est
levée alors qu'elle a dormi tout d'une traite.
31 janvier 1895. Aucun accident pendant ce mois. La santé
physique s'est sensiblement améliorée; elle a bonne mine et bon
appétit.
28 février. La guérison se maintient sans accident, l'enfaut se
lève régulièrement une fois par nuit. Elle a pu boire du lait le soir
sans inconvénient.
1er avril 1896. La guérison s'est maintenue.
L'influence d'nne émotion vive et très nette dans la patho-
génie du cas précédent. Cette enfant, lymphatique et névro-
pathe, onirodynique, m'a été amenée depuis pour des troubles
hystériques en rapport avec l'évolution menstruelle. L'inconti-
20 THÉRAPEUTIQUE.
nence ne s'est pas reproduite. A noter cette présence, pendant
le sommeil, de l'idée suggérée, qui lui fait croire le matin à
son réveil, qu'elle s'est levée pendant la nuit.
Observation XL C..., garçon de dix ans. Père mort d'une
tumeur de l'oeil. Mère normale. Soeur bien portante, frère ayant eu
des convulsions.
Enfant assez développé, mais pâle et d'aspect fatigué. Jamais de
maladies graves. Intelligent, il a déjà son certificat d'études. Bon
sommeil sans rêves. Très altéré, buvant énormément, ce qui pré-
occupe sa mère. Il pisse au lit depuis sa naissance.
28 octobre 1894. Hypnose légère. Suggestion de ne plus pisser
au lit, de sentir le besoin, de se réveiller.
4 novembre. Il n'a pas pissé au lit depuis la dernière séance.
Il se réveille trois fois par nuit pour uriner. Sa mère trouve que
c'est bien souvent. Suggestion : continuer à sentir le besoin d'uriner
mais ce besoin sera de moins en moins fréquent.
11 novembre. Pas d'accident. Il ne se réveille qu'une fois par
nuit ou même pas du tout.
25. Persistance de la guérison. Sa mère me le ramène parce
qu'il lui arrive encore de se lever la nuit. Elle voudrait qu'il n'ait
pas besoin de toute la nuit. Suggestion appropriée suivie d'un ré-
sultat satisfaisant.
1 ? avril. 1896. La guérison continue à être parfaite
depuis 1894.
Cet enfant, à peu près normal, présente cependant un phé-
nomène très significatif ; la polydipsie, dont l'origine psychique,
provoquée par les préoccupations nées de l'incontinence, ne
nous semble pas douteuse. C'est une forme originale du rôle
énorme de l'automatisme psychologique subconscient chez les
enfants, et chez les enfants nerveux en particulier. Par là se
trouve confirmée la justesse du rapprochement que nous avons
fait entre l'état mental des incontinents et celui des hysté-
riques. Il convient de-remarquer encore ici l'extrême suggesti-
bilité du sujet chez qui la suggestion fait disparaître successive-
ment l'incontinence et la pollakiurie et enfin supprime tout
besoin d'exonération entre le lever et le coucher.
Observation XII. M. B... fille de quatorze ans. Père d'une
intelligence peu développée. Mère présentant des incorrections
morales. Nombreux enfants en bas âge.
Enfant assez grande mais fluette et pâle; non réglée. Pas de
maladies graves. Elle pisse au lit toutes les nuits depuis quatre ans. '
TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 21
Avant elle était absolument propre et la mère ne sait à quelle
cause attribuer réclusion de cette infirmité.
18 février 1895. Hypnose légère. Suggestion de ne plus pisser
au lit. de sentir le besoin et de se réveiller.
24. Une seule nuit mouillée depuis le 18.
28. Deux nuits mouillées depuis le 24.
7 mars. Pas d'accident depuis le 28 février. Elle se réveille
jusqu'à trois fois la nuit pour uriner.
4 avril. Aucun accident. Guérison.
1e'' avril 1896. La guérison s'est maintenue sans aucun
accident, l'enfant est placée comme domestique et on est content
de son service.
Cette jeune fille n'a été prise qu'à dix ans d'incontinence
sans cause provocatrice appréciable; elle est guérie en quelques
séances.
Observation XIII. - A. R... jeune homme de dix-neuf ans. Il
nous dit ne connaître aucune tare nerveuse dans sa famille, ses
frères et soeurs sont bien portants.
Garçon robuste, bien développé, n'ayant fait aucune maladie
grave. A huit ans il a eu la rougeole et depuis cette époque il pisse
au lit. Ça lui arrive plusieurs nuits de suite vers deux heures du
malin, environ, puis vient une période de quelques nuits sèches.
Son infirmité lui étant très préjudiciable pour se placer comme
domestique, il me prie d'essayer de l'en débarrasser.
24 février 1895. - Hypnose obtenue sans difficulté. Catalepsie
suggestive, pas d'amnésie au réveil. Suggestion de ne plus pisser
au lit, de sentir le besoin et de se réveiller.
3 mars. - Une seule nuit mouillée depuis le 24 février. Il se
réveille très bien la nuit maintenant quand il a besoin.
10. Pas d'accident. Il n'a plus besoin de se lever la nuit
et garde très bien ses urines jusqu'au matin.
31. - Deux nuits mouillées à huit jours d'intervalle depuis
le 10 mars. La. miction involontaire s'est produite vers quatre
heures du matin.
21 avril. Trois nuits mouillées depuis le 31 mars, à la suite de
grandes fatigues.
26 mai. Deux nuits mouillées depuis le 21 avril. Une autre
fois il lui est arrivé de commencer à pisser mais il s'est réveillé
aussitôt.
24 juin. Une nuit mouillée dans ce mois.
le, avril 1896. Ce garçon est guéri de son infirmité.
Très intéressante observation d'un garçon pissant encore au
22 THÉRAPEUTIQUE.
lit à dix-neuf ans et dont l'infirmité a succédé à la rougeole. Il
est très vite amélioré et finalement guéri par la suggestion.
L'incontinence tardive n'est pas très rare; on l'observe chez
quelques militaires et il est fâcheux que les médecins de
l'armée aient été privés du droit de leur appliquer le traitement
suggestif, le seul à peu près qui soit en mesure de les guérir.
Observation XIV. G..., garçon de treize ans. Pas de rensei-
gnements sur sa famille; il m'est envoyé par une personne
charitable.
Enfant chétif, maigre et peu développé pour son âge. Il est
intelligent, a bon appétit et ne serait pas maladif. Il pisse au lit
depuis sa naissance, mais jusqu'à dix ans, ça ne lui arrivait que
deux ou trois fois par semaine, tandis que maintenant c'est toutes
les nuits.
10 mars 1895. Hypnose légère, catalepsie suggestive, sugges-
tion appropriée à son état.
17. Trois nuits mouillées depuis le 10.
31. Trois nuits mouillées depuis le 1 i, mais il se mouille très
peu comparativement au temps qui a précédé le traitement.
28 avril. Cinq nuits mouillées pendant ce mois. Une sixième
fois il a commencé la miction mais s'est réveillé aussitôt.
26 mars. - Trois nuits mouillées depuis le 28 avril; une fois il
avait bu de la bière le soir.
30 juin. Cinq nuits mouillées très légèrement.
Juillet. Une seule miction involontaire.
OM(. Pas d'accident.
14 octobre. - L'enfant est complètement guéri ; il revient me
trouver pour une plaque de tricophytie du cuir chevelu. Depuis, la
guérison s'est maintenue.
La guérison s'est fait attendre assez longtemps chez ce
malade sans qu'on entrevoie pour quel motif. Je soupçonne
pourtant des antécédents familiaux fâcheux. A noter l'aggra-
vation survenue vers la dixième année.
Observation XV. R. S.. , fille de quinze ans. Sa famille n'est
pas exempte de tares nerveuses.
Forte fille rousse, très fraîche, d'aspect florissant, d'une intelli-
rence ordinaire, d'une bonne santé habituelle, exempte jusqu'ici
de maladies graves. Fréquentes poussées congestives vers la tête,
aucun stigmate d'hystérie. Elle a été propre de un an à quatre ans,
mais à quatre ans elle s'est mise à pisser au lit sans cause connue.
On a essayé tous les remèdes, même les plus extravagants, sans
résultat. Réglée depuis un an d'une façon irrégulière. A partir de
TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 23
l'apparition des règles elle est restée deux mois sans uriner au lit,
mais ensuite l'infirmité est revenue comme auparavant. Ça lui
arrive à peu près toutes les nuits, et plus on la fait lever plus elle
pisse au lit.
22 mars 1895. Hypnose légère. Suggestion de ne plus uriner
au lit, d'avoir un sommeil léger, sans rêves, de sentir le besoin
d'uriner et de se réveiller aussitôt.
29. Trois nuits mouillées depuis le 22. Les autres nuits elle
s'est réveillée.
7 avril. Trois nuits mouillées depuis le 29 mars. Réglée en
ce moment.
14. Deux nuits mouillées depuis le 7.
21. - Pas d'accident. Elle ne se réveille plus la nuit, mais
au moment du réveil, elle est prise d'un besoin douloureux d'uri-
ner avec pollakiurie passagère.
28. Un peu fatiguée, céphalalgie, urines chargées, dépo-
sant abondamment. Fatigues physiques peut-être excessives. Deux
nuits mouillées.
12 mai. Aucun accident. L'état physique est meilleur, les
règles régulières; le teint s'est éclairci, les traits sont plus intelli-
gents. Sa mère la considère comme guérie et ne la ramènera qu'en
cas de rechute.
11 août. Elle revient navrée. Depuis quinze jours son infirmité
l'a reprise sans qu'elle soupçonne pourquoi. Ses règles reviennent
tous les vingt jours depuis deux mois, mais cela ne semble pas
avoir d'influence sur les mictions involontaires. Suggestion.
30 septembre. Elle est de nouveau guérie et m'envoie un
enfant atteint d'incontinence pour que je le débarrasse lui aussi
de cette infirmité.
Aucune observation ne montre mieux que celle-là l'origine
psychique de l'incontinence. Plus on fait lever le sujet la nuit
pour éviter l'accident, et plus il se produit, le réveil provo-
qué n'étant qu'une suggestion indirecte à uriner de plus en
plus. Par contre la suggestion contraire « ne plus uriner » est
immédiatement efficace, et à un point tel que lorsque la
malade, à son lever, veut uriner volontairement, elle ne peut
le faire sans souffrance.
La rechute doit ètre mise sur le compte du trouble de la
menstruation, les sensations utérines anormales ayant éveillé,
par contiguïté, des préoccupations vésicales et l'association
d'idées subconscientes qui donne naissance aux mictions invo-
lontaires.
A noter aussi l'heureuse transformation survenue dans la
24 THÉRAPEUTIQUE.
physionomie après la disparition de l'incontinence. Un. certain
nombre de malades, en effet, au plein de l'affection, ont le
faciès fatigué, d'une pâleur terreuse, avec un air d'obtusion
tout particulier, qui milite en faveur de l'existence d'un état
mental anormal. Chez ces sujets on voit au sur et à mesure
que l'amélioration s'accentue, la physionomie s'éclaircir et
prendre un air de santé et de vivacité intellectuelle qui con-
traste singulièrement avec l'aspect antérieur.
Observation XVI. J. il.... vingt-trois ans, domestique, enfant
naturel, réformé pour faiblesse d'esprit; aspect robuste et bien
portant; léger goitre; traits épais et inintelligents. N'a pu rien
apprendre à l'école.
Il a toujours pissé au lit depuis son enfance; on le faisait cou-
cher dans les granges sur la paille pour qu'il ne souille pas les lits.
8 décembre 1895. Hypnose rapide; attitudes cataleptoïdes, pas
d'amnésie au réveil. Suggestion : ne plus pisser au lit, sentir le
besoin et se réveiller.
45. Les quatre premiers jours de la semaine, maux de tête,
épistaxis, vomissements, grande excitation cérébrale. La première
nuit il s'est réveillé deux fois ; la seconde de même, la troisième il
n'a pas dormi ; la quatrième et la cinquième il s'est réveillé au
matin seulement. La sixième il a eu une légère miction involon-
taire ; la septième a été sèche. En somme six nuits sèches sur
sept.
29. Une seule nuit mouillée depuis le 15.
26 janvier 1896. Quatre nuits mouillées dans ce mois, mais
très peu; 29 février. Pas d'accident.
31 m( ! 1's. - Pas d'accident. Considéré comme guéri par son
maître qui ne le ramènera qu'en cas de rechute.
Le sujet de l'observation précédente est un dégénéré de la
famille des débiles arrivé à l'âge d'homme sans que l'inconti-
nence ait disparu. Il est tellement suggestible que la première
séance d'hypnose est suivie d'accidents nerveux inquiétants.
Guérison rapide et qui semble devoir être durable.
Observation XVII. A. D... garçon de quatorze ans; domes-
tique. Aucun renseignement sur sa famille.
Enfant vigoureux mais trapu, surmonté d'une très grosse tête,
dents irrégulières et mal plantées, voûte palatine irrégulière. Intel-
ligent, sachant lire et écrire. De deux à trois ans il a souffert de
rachitisme, mais a guéri. A trois ans a eu quelques attaques con-
vulsives avec perte de connaissance qui ne se sont pas reproduites.
TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 25
Depuis deux ans il pisse au lit toutes les nuits. Auparavant ça ne
lui arrivait que de temps en temps.
22 décembre 1895. Hypnose avec catalepsie suggestive. Sugges-
tion : « Ne plus pisser au lit; se lever une fois la nuit pour faire. »
29. Une seule nuit mouillée dans la semaine et c'est la der-
nière.
12 janvier 1896. Cet enfant est complètement débarrassé de
son incontinence et on ne le ramènera qu'en cas de rechute.
Encore un dégénéré avec cette circonstance aggravante qu'il
a eu des accidents convulsifs dans sa première enfance. Malgré
cela la guérison est prompte et parait devoir être définitive.
Observation XVIII. C. C..., garçon de six ans. La mère semble
bien portante; aucun renseignement sur la famille.
Cet enfant est d'apparence normale; il a marché à quatorze
mois et n'a jamais fait de maladie. Le jour, il éprouve très fré-
quemment le besoin d'uriner et doit le satisfaire immédiatement
(pollakiurie) ; il ne fait pas dans ses vêtements. Il a toujours pissé
au lit mais cela lui arrive de plus en plus souvent et maintenant
c'est chaque nuit.
22 décembre 1895. Hypnose obtenue par simple suggestion
verbale; catalepsie suggestive. Suggestion : ne plus pisser au lit,
sentir le besoin et se réveiller.
29. Une seule nuit sèche dans la semaine.
5 janvier 1896. Trois nuits sèches dans la semaine. Il se
réveille vers quatre heures du matin et appelle.
12. Quatre nuits sèches dans la semaine.
19. Cinq nuits sèches.
2 février. Une seule nuit mouillée depuis le 19. Il se réveille
tous les matins et tout fier de n'avoir pas pissé au lit il le fait
remarquer à sa mère avec contentement.
1er avril. Cet enfant est guéri de son incontinence.
Malgré son jeune âge, cet enfant bénéficie du traitement par
une amélioration progressive suivie d'une guérison complète.
Comme chez beaucoup d'autres, on voit l'incontinence inter-
mittente seulement dans la première enfance, devenir de plus
en plus fréquente à mesure qu'il grandit et que son intelligence
se développe. La cause en est évidemment dans les auto-sugges-
tions que lui procurent les préoccupations nées de son infir-
mité.
Observation XIX. M. T..., garçon de onze ans. Père et mère
26 THÉRAPEUTIQUE.
d'apparence normale; huit enfants dont deux atteints d'inconti-
nence nocturne, un qui a guéri spontanément à quinze ans et notre
jeune malade. Il pisse au lit depuis sa naissance et toutes les nuits.
Il semble ne pas y avoir d'heure réglée pour la production du
symptôme; quelquefois ça lui estdéjà arrivé à dix heures du soir.
Jamais de maladies graves; dans sa première enfance, bronchites
dont il ne se sent plus. Il a des oxyures vermiculaires pour lesquels
aucun traitement n'a été essayé. Ses parents me l'amènent parce
qu'ils voudraient le placer comme domestique, et que son infirmité
s'y oppose.
1>
4 février 1896. Forte appréhension de l'enfant que j'ai de la
peine à rassurer. Il ne s'endort pas; il faut lui tenir les yeux fer-
més. Suggestion : ne plus uriner au ht; sentir le besoin et se
réveiller.
16. Trois nuits humides cette semaine. Ferme toujours les
yeux par pure obéissance. Même suggestion.
23. Quatre nuits mouillées depuis le 16. Sommeil très lourd ;
on a une grande peine à le réveiller. Suggestion : se réveiller
facilement une fois par nuit; ne plus faire au lit.
1er mars. Deux nuits humides seulement.
1er avril. Guérison.
Chez cet enfant la guérison est obtenue, pourrait-on dire par
suggestion à l'état de veille, aucun signe d'hypnose n'ayant été
constaté chez lui. L'occlusion des yeux suffit donc à produire
une certaine passivité cérébrale suffisante pour développer la
suggestibilité du sujet.
Observation XX. T. S..., quatorze ans. Aucun renseignement
sur la famille. Garçon d'aspect bien portant et intelligent, atteint
d'une claudication d'origine indéterminée. Il est apprenti cordon-
nier depuis huit mois. Depuis un mois, il est pris d'incontinence
surtout diurne. Il ne s'en aperçoit qu'à l'urine qui coule par terre
et mouille son pantalon. Il n'a pissé au lit qu'une seule fois. La
station assise prolongée, la compression du ventre par la forme ou
la chaussure jouent-elles un rôle dans la production de cette infir-
mité ? C'est ce qu'on ne saurait dire au juste.
9 février 1896. - Hypnose légère avec catalepsie suggestive.
Suggestion : « Il retiendra ses urines sans difficulté et éprouvera
toutes les deux heures le besoin d'uriner qu'il s'empressera de
satisfaire. »
13. Il n'a pas uriné involontairement le 11, mais il l'a fait
tous les autres jours.
17. Deux journées sèches depuis le 13.
23. Il n'a pissé involontairement que deux fois cette semaine.
\
TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 27
1er mars. Il ne se mouille plus le jour mais a pissé au lit une
fois cette semaine.
1er avril. Cet enfant est guéri et ne reviendra qu'en cas d'ac-
cident. l.
L'incontinence diurne de cet enfant est survenue d'une façon
singulière. Il est probable que l'occupation nouvelle pour lui
d'apprenti cordonnier avec les conséquences qu'elle entraine
(compression de la région hypogastrique,.adduction forcée des
cuisses), a été le point de départ d'une sorte d'inhibition du
centre cérébral correspondant à la fonction urinaire. A remar-
quer que l'enfant ne sent pas sa vessie se vider. On ne peut
invoquer ici la théorie du rêve mictionnel, ni aucun processus
actif de nature équivalente. Il s'agit bien évidemment d'un
phénomène analogue aux paralysies psychiques. Il parait en
être de même chez tous les incontinents diurnes, dont l'infir-
mité se présente souvent sous la forme continue. Et à ce pro-
pos, nous ferons remarquer qu'on la rencontre chez quelques
aliénés qui ne sont pas de vulgaires gâteux, mais de véritables
névropathes atteints d'incontinence essentielle : émotifs, abou-
liques, obsédés, persécutés hypocondriaques. Humiliés, hon-
teux de cette disgrâce, ils emploient les moyens les plus bizarres
pour s'y soustraire ; il en est qui se lient la verge et s'occasion-
nent ainsi des lésions plus ou moins graves. Chez une femme
à accès périodiques de délire systémalisé roulant sur les fonc-
tions sexuelles, l'incontinence redoublait à chaque accès et
s'accompagnait de vaginisme. Nous n'avons pas essayé la
suggestion chez ces malades, mais nous nous proposons de le
faire quand la chose sera possible.
Revenons à notre jeune sujet ; il a été promptement guéri
de son incontinence par la suggestion. Liébeault a obtenu quel-
ques guérisons de ce genre, entre autres chez deux femmes
qui perdaient constamment leur urine nuit et jour à la suite
de fausses couches. Il s'agissait peut-être chez ces malades de
véritable incontinence hystérique.
B. Améliorations.
Observation XXI. Bée..., fille de douze ans. Père normal;
mère nerveuse; ils ont plusieurs autres enfants dont la santé ne
m'est pas connue.
Enfant petite, d'aspect chétif, non réglée, pissant au lit depuis
trois ans seulement. C'est venu sans cause connue. Elle urine une
28 THÉRAPEUTIQUE.
première fois presque aussitôt couchée, et deux ou trois fois ensuite
dans le cours de la nuit. Elle rêve beaucoup et s'agite dans son lit
surtout au commencement de la nuit.
L'examen physique révèle des stigmates hystériques ; analgésie
cutanée et rétrécissement du champ visuel diminué de moitié et à
peu près également des deux côtés.
8 décembre 1892. Sommeil accompagné d'amnésie au réveil et
de phénomènes cataleptoïdes. Suggestion ; ne plus pisser au lit;
sentir le besoin et se réveiller aussitôt.
11. Deux nuits sèches depuis le 8.
15. Deux nuits sèches depuis le 11.
18. Les trois nuits ont été sèches.
26. - Deux nuits mouillées depuis le 18. Ses parents remarquent
qu'elle se réveille quand elle a envie, brusquement. Elle rêve en-
core parfois, et c'est à ce moment qu'il lui arrive de se mouiller.
Je lui suggère d'avoir un bon sommeil calme, sans rêves.
26 janvier 1893. Une seule nuit mouillée depuis un mois,
23 février. Quatre nuits mouillées depuis le 26 janvier.
16 mars. Rechute depuis huit jours; nouvelle suggestion, suivie
de succès. -
22 mai. -- Les parents viennent me déclarer qu'ils la considèrent
comme améliorée, car depuis deux mois elle n'a eu que trois nuits
mouillées. Ils la mettent en apprentissage et ne pourront plus l'a-
mener.
18 février 1894. L'enfant est restée cinq mois complètement
guérie; mais depuis septembre elle a recommencé à se mouiller de
temps en temps, deux ou trois fois par mois en moyenne. Ça lui
arrive toujours les jours où elle est excitée soit par une contrariété,
soit par un plaisir : on voit qu'elle est énervée; elle ne veut pas se
coucher. Une demi-heure après qu'elle est au lit, elle se mouille ; le
reste de la nuit est bon. Depuis le commencement du mois ça lui
arrive souvent. Elle a le sommeil très agité : elle a des cauchemars,
du vigilambulisme; elle se lève les yeux ouverts, va au lit de ses
parents, leur parle, veut sortir. On a beaucoup de peine à la faire
recoucher. Suggestion appropriée.
mars. Une seule nuit mouillée depuis le 18 février. Elle se
réveille spontanément et se lève pour uriner.
18. Quatre nuits mouillées depuis le 4.
1e'' avril. Une seule nuit mouillée.
8. Pas d'accidents.
14 octobre. A eu deux ou trois nuits mouillées chaque mois
depuis avril. Cela coïncide avec des coliques (molimen menstruel en
voie de préparation) et un redoublement de rêves et de cauchemars.
1896 Depuis cette époque j'ai eu l'occasion de revoir plusieurs
fois ses parents qui m'out affirmé qu'elle allait très bien.
TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 29
Malgré l'attestation des parents, nous ne rangeons pas cette
malade dans la catégorie des guéris. L'action incomplète de la
suggestion est vraisemblablement due à ce qu'elle a été fré-
quemment neutralisée par une auto-suggestion plus forte, ce
qui s'explique d'autant mieux que la malade est, malgré son
jeune âge, une hystérique à stigmates.
Observation XXII. M. C.... fille de treize ans. Mère morte de
tuberculose, père souffreteux, de mine tuberculeuse.
Enfant chétive, scrofuleuse, ganglions suppurés au cou à sept
ans; abcès avec nécrose du radius gauche et de l'orbite droit.
Tout cela a guéri, laissant de profondes cicatrices. En ce moment
elle se porterait assez bien. Sommeil normal; elle rêve parfois
tout haut de ses jeux. Elle pisse au lit depuis sa naissance. Le père
pense qu'elle fait deux fois par nuit, vers minuit et cinq heures du
matin.
29 septembre 1895. Hypnose légère avec catalepsie suggestive.
Suggestion : « Sentir le besoin d'uriner et se réveiller; ne plus
pisser au lit. "
6 octobre. Deux nuits sèches, les autres beaucoup moins
mouillées.
14. Ça va beaucoup mieux; semaine presque entièrement
sèche ; le père n'est même pas sûr qu'il y ait eu des mictions invo-
lontaires.
21. Semaine mauvaise; six nuits mouillées sur sept.
28. Une seule nuit mouillée celte semaine.
3 novembre. Toutes les nuits mouillées sauf une.
10. Trois nuits sèches sur sept.
Les semaines se succèdent ainsi alternativement bonnes et
mauvaises. Du 1er au 21 décembre, pas une seule nuit mouillée; du
21 décembre au 5 janvier, quelques nuits avec miction involon-
taire, mais c'est très peu de chose.
26 avril 1896. L'enfant revient. Elle allait très Dien et avait
été placée comme domestique, mais le retour trop fréquent de
l'incontinence l'a obligée à se retirer. On reprend le traitement.
La suite de cette opération est des plus intéressantes; je
crois devoir la donner ici :
3 mai. Elle a uriné extrêmement peu, mais ça lui est arrivé
chaque nuit depuis le 26 avril. Son père s'est aperçu que c'est tou-
jours dans le cours d'un rêve terrifiant. L'enfant étant endormie
nous raconte qu'elle rêve de la bonne saur, du cachot noir plein de
rats et qu'elle a très peur. Son père nous apprend alors qu'elle a
été pendant un certain temps placée dans un orphelinat et que pour
30 THÉRAPEUTIQUE.
la punir de son infirmité, la religieuse la faisait coucher seule dans
un cabinet noir. Nous suggérons alors à l'enfant que le cachot, les
rats, -la bonne soeur n'ont jamais existé, qu'ils sont effacés de sa
mémoire, qu'elle n'y rêvera plus jamais ; qu'elle aura un bon som-
meil et qu'elle se réveillera.quand elle aura envie d'uriner.
. 15 juin 1896. L'enfant ne m'ayant pas été ramenée, je crois
pouvoir en conclure qu'elle est de nouveau entrée dans une période
satisfaisante.
C. INSUCCÈS.
Observation XXIII. - A. B... garçon de neuf ans. Père bien
portant; intelligent, mais buveur; mère normale. Plusieurs
enfants que je connais tous et qui sont normaux.
Cet enfant urine au lit depuis dix-huit mois seulement. Tout
d'abord cela n'arrivait que de temps en temps, mais il y a un an
à la suite d'une fièvre violente accompagnée de symptômes céré-
braux ayant fait craindre une méningite qui heureusement ne s'est
pas développée, il s'est mis à pisser au lit d'une façon continue.
Divers traitements ont été essayés sans résultat.
10 octobre 1892. Enfant intelligent, mais indiscipliné, pâle,
d'aspect chétif. Endormi par suggestion. Hypnose accompagnée
d'amnésie au réveil. Suggestion : «Ne pissera plus au lit; quand il
aura besoin, il le sentira et se réveillera aussitôt. »
18 Les cinq premières nuits sèches; les deux dernières
mouillées.
22. Deux nuits mouillées depuis le 18.
28. Une seule nuit mouillée depuis le 22. Hier, cet enfant a eu
encore un de ces accès de fièvre avec état quasi comateux dont le
diagnostic est incertain.
3 novembre. Toutes les nuits mouillées depuis le 28.
L'enfant a eu depuis cette date une véritable polydipsie; on ne
pouvait l'empêcher de se gorger d'eau. Suggestion : « N'avoir soif
qu'aux repas, ne plus pisser au lit. »
17. Six nuits mouillées depuis le 3.
Cet enfant habitant au loin et les résultats ne paraissant pas
concluants, les parents m'avertissent qu'ils attendront pour conti-
nuer le retour de la belle saison.
Du 10 avril au 11 mai, les séances sont reprises à intervalles
assez irréguliers. Bien qu'il y ait eu une période de quatorze jours
sans accidents, les parents se lassent et cessent de me l'amener.
Mars 1896. L'enfant urine toujours au lit. A la suite d'un
traitement ordonné par un sorcier (eau ferrée) il est resté quinze
jours sans pisser au lit, puis ça a recommencé. On se propose de
me l'amener de nouveau.
TRAITEMENT DE L'INCONTINENCE D'URINE PAR SUGGESTION. 31
C'est sans doute dans les accidents cérébraux survenus à plu-
sieurs reprises chez cet enfant et qui ne sont peut-être que de
l'hystérie infantile qu'il faut chercher la cause de l'insuccès.
Il est évidemment suggestible, mais des auto-suggestions plus
fortes apportent incessamment à la traverse du traitement un
élément perturbateur. La polydipsie intense qui se manifeste
chez cet enfant en même temps qu'un redoublement de l'in-
continence apporte à cette manière de voir un argument très
plausible.
Observation XXIV. P. G..., douze ans fils unique. Père mort
de tuberculose du rachis ; mère morte de paralysie à cinquante-
quatre ans. '
Enfant délicat, pâle et chétif, peu intelligent et ne profitant
guère de l'école malgré sa bonne volonté. Extrêmement émotif. Il
pisse au lit toutes les nuits depuis sa naissance.
24 juillet 1895. - Emotivité excessive, il pleure, est agité de
spasmes; j'ai beaucoup de peine à le rassurer et à le calmer.
Hypnose légère ; suggestion de ne plus pisser au lit, de sentir le
besoin et de se réveiller.
28. Deux nuits sèches sur quatre.
5 août. Quatre nuits sèches sur sept.
12. - Une seule nuit sèche dans la semaine. Le traitement est
continué jusqu'au 28 octobre avec un résultat médiocre ; la moitié
des nuits sont sèches seulement. A cause de la distance et de
l'hiver, les parents décident de cesser le traitement jusqu'au retour
de la belle saison.
Nous enregistrons cet insuccès sans commentaires. Peut-être
une persévérance plus grande eût-elle triomphé à la longue;
mais il n'a pas dépendu de nous que le traitement fût continué.
Nous croyons deviner chez cet enfant comme chez le précédent
une auto-suggestibilité excessive neutralisant les effets de la
suggestion thérapeutique.
IV. Nous résumerons en quelques mots les conclusions
qui nous paraissent découler des développements dans lesquels
nous sommes entrés dans le cours de ce mémoire.
L'incontinence essentielle d'urine des enfants et des adoles-
cents est un stigmate névropathique en général bénin, mais
qui parfois est l'avant-coureur d'affections nerveuses plus ou
moins graves, neurasthénie, hystérie, hypocondrie, obsessions
mentales, ayant toutes pour fondement des préoccupations ou
des idées fixes relatives à la fonction urinaire.
: 1 THÉRAPEUTIQUE.
Les sujets qui en sont atteints appartiennent à des familles
où la tare névropathique se fait sentir sous les formes les plus
diverses, mais où ne paraît pas dominer l'aliénation mentale
proprement dite. Ils présentent souvent les signes de la dégé-
nérescence physique et morale.
L'incontinence est transmissible par hérédité similaire. Dans
quelques cas, par le nombre d'individus atteints de la même
parenté, elle revêt les caractères d'une véritable maladie fami-
liale.
L'incontinence est l'effet d'un trouble psychique analogue
à quelques-uns de ceux que l'on observe dans l'hystérie. Le
mécanisme de la production de ce phénomène morbide paraît
consister au début en une sorte de distraction cérébrale. Le
centre mictionnel oublie sa fonction ou ne ressent pas les inci-
tations parties de la moelle; ou encore est frappé d'inhibition
par quelque excitation périphérique. La conséquence de cette
défaillance psychique, quelle qu'en soit d'ailleurs la cause, est
la miction involontaire.
Ce phénomène à son tour frappe l'imagination du sujet,
engendre des préoccupations constantes qui s'infiltrent dans sa
vie psychique subconsciente et provoquent des auto-sugges-
tions ou des rêves qui ont pour effet d'aggraver le mal et d'en
augmenter de plus en plus la fréquence.
La suggestion hypnotique est le traitement le plus rationnel
et le plus efficace de l'incontinence. Il parait amener la gué-
rison dans au moins les trois quarts des cas. Le degré d'hyp-
nose du sujet est sans grande importance. Un état de simple
passivité psychique avec yeux maintenus fermés, paraît suffire
à l'action de la suggestion. Elle se montre efficace à tous les
âges, mais en général son effet parait d'autant plus sûr que le
sujet est plus âgé.
Même chez ceux qui ne guérissent pas, l'action de la sugges-
tion est évidente; mais elle est neutralisée par des auto-sugges-
tions plus fortes. Les malades de cette catégorie sont les plus
tarés au point de vue du système nerveux; on constate parfois
chez eux les stigmates de l'hystérie.
Les traitements pliarmaceuliques ou chirurgicaux préconisés
contre l'incontinence n'agissent, pour la plupart quand ils
agissent, que par suggestion indirecte.
RECUEIL DE FAITS.
HALLUCINATIONS SUCCÉDANT A DES OBSESSIONS
ET A DES IDÉES FIXES.
Par le D' LARROUSSINIE, médecin de Castel-d'Andorte,
Membre correspondant de la Société ,¡¡Mico-Psychologlque.
La malade qui fait le sujet de notre observation a, depuis son
enfance, présenté des obsessions, du doute pathologique.
La mère de X... était, paraît-il, très nerveuse, très sensible ; il y
a, du côté maternel, beaucoup de nerveux. De quel genre de ner-
vosisme s'agit-il ? II nous a été impossible de le savoir. Le père du
malade s'est pendu; il était très hypocondriaque, et fut profondé-
ment affecté de l'état de son fils.
Dès sa jeuuesse, X... a offert ses phénomènes psychiques qui se
sont peu à peu développés et ont abouti à la crise dont nous allons
retracer les phases. Quand il était en pension, il avait toujours
peur de mal faire, soit au point de vue de ses travaux, soit au point
de vue de sa conduite. Il ressentait, nous dit-il, une angoisse des
plus pénibles quand il avait achevé un devoir et qu'il devait le
remettre à son professeur; il fallait qu'on lui « arrachât des mains »
sa copie qu'il ne pouvait se décider à donner à son maître, ne fai-
sant que la relire; son coeur, dit-il, battait violemment, il avait des
étouffements; en un mot, il avait de l'angoisse précordiale; la
crainte d'avoir mal fait sa tâche était telle, son tourment était si
grand, qu'il ne prenait pas part, le plus souvent, aux jeux de ses
camarades; il les quittait pour songer aux fautes qu'il craignait
d'avoir commises dans ses travaux d'écolier.
De même pour sa conduite; n'avait-on rien à lui reprocher au
point de vue de la discipline, de la tenue, etc..., voilà ce qui le
tourmentait sans cesse, et si une observation lui était faite, la pec-
cadille qui la lui avait attirée prenait à ses yeux des proportions
énormes. Dès cette époque aussi, X... avait de la zoophobie. La
crainte qu'il ressentait des chiens était telle, qu'il s'enfuyait quand
il en apercevait un.
Plus tard, le doute pathologique s'accrut; quand X... écrivait une
lettre, il ne cessait de la relire de peur d'avoir commis des erreurs.
Archives, 2e série, t. II. 3
34 RECUEIL DE FAITS.
Souvent, il avait à peine le temps de la mettre sous enveloppe
pour l'heure du courrier, quand il la portait lui-même à la poste,
après l'avoir mise à la boite, il revenait à plusieurs reprises sur ses
pas pour s'assurer qu'il ne s'était pas trompé, qu'il ne l'avait pas
jetée à côté de la boîte, qu'il ne l'avait pas laissé tomber; il se de-
mandait s'il avait bien affranchi sa lettre; cela le préoccupait
outre mesure; chaque fois qu'il écrivait, les mêmes faits se renou-
velaient.
La peur de mal faire qu'il avait, étant jeune, persiste et devient
plus forte. Il craint de blesser les siens ou ses amis ; il s'informe
sans cesse s'il n'a rien dit ou rien fait qui puisse être désagréable à
quelqu'un. Il s'imagine que telle ou telle de ses connaissances
prend à son égard une attitude réservée, et aussitôt il se persuade
qu'il est coupable envers elle.
Peu à peu, cet état s'aggrave sans cause adjuvante apparente.
X... a, en effet, une bonne situation; il est entouré d'affection par
les siens, ne peut avoir de craintes pour l'avenir. Quoi qu'il en soit,
ses préoccupations morbides prennent plus d'intensité, et il en
arrive à s'imaginer qu'il va être accusé de divers crimes. Par
exemple, il est persuadé qu'on le poursuivra parce qu'il a lutiné
quelque peu une jeune fille qui, avait-il dit, était enceinte (ce qui
n'était pas). On va l'accuser d'avoir déshonoré cette personne,
quoiqu'il n'ait pas eu avec elle de rapports sexuels. Il craint aussi
d'être arrêté comme prévenu d'un crime qui a été commis dans
son quartier il y a deux ans, crime dont on n'a pas découvert les
auteurs.
Enfin, il a des impulsions dangereuses; c'est ainsi qu'il dit à un
ami de le quitter parce qu'il « a envie de le frapper d'un coup de
couteau ».
La zoophobie persiste. Quelques jours avant que nous l'exami-
nions, le malade, frôlé par un chien, crut avoir été mordu et se
montra en proie à une vive anxiété. Quand nous le voyons, X...
est très anxieux. Mais (nous insistons sur ce point) il n'a pas d'hal-
lucinations. Il nous supplie de le rassurer. « On va, dit-il, m'accu-
ser d'être un criminel, dire que j'ai voulu tuer cette jeune fille »
(il s'agit de la jeune fille dont il a été question plus haut) ; il pro-
teste de son innocence. Nous lui demandons si on l'accuse réelle-
ment, s'il entend qu'on lui adresse des reproches. 11 nous répond
négativement. « On ne me dit rien, déclare-t-il, mais j'ai peur
d'être pris pour un assassin ; j'ai peur qu'on m'accuse de m'être
approché de celte femme pour la tuer. n On le voit, les idées déli-
rantes ont progressé; le malade ne dit plus qu'on va lui reprocher
d'avoir eu des rapports avec cette jeune fille, mais bien qu'on va
le soupçonner de meurtre.
Le délire du doute persiste. X... nous remet un billet dans
lequel il nous fait part de son état ; mais quelques heures après,
HALLUCINATIONS SUCCÉDANT A DES OBSESSIONS, ETC. 35
il nous prie de le lui rendre parce qu'il a pu, croit-il, a écrire des
choses compromettantes pour lui ».
L'anxiété devient de plus en plus vive et le malade se jette, un
jour, à genoux devant nous, demande grâce parce qu'on veut, dit-
il, le faire tuer pour qu'il expie son prétendu crime. Il veut échap-
per au déshonneur, au supplice, et cherche à se suicider en tentant t
de se précipiter à terre du haut d'une table, de se jeter la tête
contre les murs. Les tentatives de suicide se renouvellent sans cesse
et les précautions les plus minutieuses doivent êtreprises.
X... se montre persuadé qu'on va le livrer aux plus affreuses tor-
tures ; il craint qu'on ne l'enterre vivant; son état d'anxiété est
inexprimable ; il est pâle, tremblant, couvert d'une sueur froide,
haletant. Le délire a suivi, si nous pouvons nous exprimer ainsi,
une marche ascendante.
La crainte d'être inhumé vivant ne quitte pas le malade ; il dit
qu'on a creusé une tombe dans le jardin. Nous lui demandons s'il
a vu creuser cette tombe, ou s'il a enlendu quelque chose. « Je n'ai
rien vu ni rien entendu, nous répond-il ; mais je suis certain qu'on
m'imposera le supplice d'être enterré vivant, parce que c'est le
plus cruel qui existe. »
Deux jours après nous avoir fait part de cette idée délirante, il
nous déclare avoir entendu, pendant la nuit précédente, des
hommes creuser la fosse à lui destinée. L'anxiété est des plus
vives.
Un peu de calme survient; mais bientôt le délire reparait. X...
reste persuadé que sa fosse est prêle ; il l'entend creuser; mais il
s'imagine alors qu'on fait ces funèbres préparatifs parce qu'on
veut l'empoisonner ainsi que sa famille. Pour échapper aux souf-
frances que provoquera le poison et pour ne pas avoir la douleur
de voir mourir les siens, il cherche à se suicider. Comme on lui
enlève son couteau de table, il s'écrie qu'on prend cette mesure
parce qu'on l'accuse de vouloir assassiner quelqu'un ; il se déses-
père, proteste de son innocence.
Un autre jour, les personnes chargées de le surveiller causant
des supplices que les prisonniers des Pavillons Noirs ont eu à en-
durer, il s'imagine qu'elles se concertent pour lui couper les testi-
cules, lui arracher les yeux, etc. La nuit suivante, il entend des
voix qui lui disent : « On va te supplicier ; on va te traiter comme
on a traité nos prisonniers au Tonkin, »
Tout est pour X... un sujet de crainte. On remplit un réservoir,
il dit qu'on va le noyer ; on brise une lampe, il se montre persuadé
qu'on l'a fait exprès pour l'accuser d'avoir cassé cet objet; son
garde déchire une manche de sa chemise, aussitôt il se plaint vive-
ment de ce que cet homme s'est déchiré pour faire croire qu'il
avait été battu par lui. '
Les craintes d'empoisonnement persistent. a J'ai peur, nous dit
36 RECUEIL DE FAITS.
le malade, que vous m'ayez fait venir auprès de vous pour nous
empoisonner, ma famille et moi ; je crains qu'on attire ici les
miens pour mettre ce projet à exécution. » Au moment oùX...
nous parle ainsi, il n'a pas d'hallucinations.
Mais bientôt apparaissent de nouveau des hallucinations de
l'ouïe. Le malade entend son beau-frère, sa soeur : « Vous voyez
bien, nous dit-il, que j'avais raison; on va tuer ces malheureux. »
Il crie à sa soeur : « Va-t'en, ne reste pas ici, sauve-toi, on veut
t'empoisonner. » Il ne cesse de l'entendre parler, il s'imagine
qu'elle lui demande à le voir, et il s'écrie : « Va-t'en, ne viens pas
auprès de moi, ils te tueraient. » Enfin, sous l'influence de sesidées
délirantes, il refuse de se nourrir et nous devons recourir à la
sonde oesophagienne.
Les hallucinations de l'ouïe deviennent plus intenses; il entend
des voix qui disent à sa soeur : « Ton frère est un criminel. n
« Vous laissez ainsi parler de moi à ma soeur, nous dit-il; vous
voyez bien, cependant, que je n'ai commis aucune mauvaise ac-
tion. » Puis, s'adressant à sa soeur : « Ne les crois pas, ils mentent.
Ils m'accusent parce qu'ils veulent me tuer. Ils cherchent tous les
prétextes pour se débarrasser de moi. » Il entend crier : « A bas le
criminel ! On le menace, dit-il, parce qu'il a eu des relations avec
une femme beaucoup plus âgée que lui. « C'est un crime moral,
lui disent les voix; tu dois mourir pour l'expier. »
Mais à peine nous a-t-il fait part de cela, qu'il se repent de nous
avoir mis au courant de l'intimité qui a existé entre cette personne
et lui. Nous le voyons plusieurs fois dans la journée; il est angoissé,
anxieux, se reproche d'avoir livré un seeret qu'il aurait dû garder.
« Que penserait-elle de moi, ajoute-t-il, si elle savait cela ? »
Le lendemain matin, l'anxiété est plus vive encore. Il entend sa
maîtresse lui dire qu'elle l'accusera d'avoir jeté une femme à l'eau
(il s'agit du crime qui avait été commis près de chez lui il y a
quelques années). « Vous m'avez déshonorée en racontant ce qui
s'est passé entre nous, luicrie-t-elle; je me vengerai. »
Cet état persiste pendant plusieurs jours. Le malade ne mange
pas parce qu'il entend son père lui défendre de se nourrir. (Ce
dernier était mort depuis quelques jours; il s'était suicidé). Enfin,
peu à peu, l'anxiété se calme et X. ne parle plus. Il reste halluciné;
mais, dit-il, entend et communique avec les voix par « l'esprit ».
Il a deux sortes de voix. Les unes, selon ses expressions, « lui
parlent bas, les autres lui parlent par l'esprit». Quand on lui dit
de causer avec son père, on voit ses lèvres remuer, mais on ne
l'entend prononcer aucune parole. 11 continue à entendre ainsi son
père et sa soeur, et à leur répondre; jamais il n'a eu d'hallucina-
tions de la vue.
Cette situation se prolonge pendant un mois; puis, peu à peu, les
symptômes s'amendent. X... est aujourd'hui guéri. L'avenir nous
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 37
apprendra, si, comme il y a lieu de le craindre, il ne surviendra
pas de rechute. ,
En résumé, nous nous sommes trouvé en présence d'un
dégénéré héréditaire, lequel a eu des accidents qui se ren-
contrent fréquemment chez cette sorte d'individus. Mais, ce
qui, chez X..., vous parait digne d'attirer l'attention, c'est
cette sorte d'objectivité du délire. '
Le malade craint d'être accusé, il ne cesse d'avoir des
doutes ; il croit qu'on veut le tuer, le livrer à d'affreux sup-
plices ; peu à peu, ces idées prennent corps, pour ainsi dire;
le sens de l'audition entre en jeu, et X..., entend des paroles
qui se rapportent à son délire. Les voix viennent à l'appui de
sa pensée. Comme il le disait lui-même, ce ne sont plus des
suppositions qu'il fait, ce n'est plus une certitude morale qu'il
possède ; mais il a une certitude physique. On lui dit : « Tu
vas être frappé », et le « on » se change bientôt en une per-
sonne connue qui se venge de lui. Sa maîtresse lui crie : « Tu
as parlé de nos relations ; je t'accuserai d'être un criminel. »
Puis, peu à peu, l'amélioration se fait. Mais, là encore, la
marche suivie est curieuse ; les voix deviennent intérieures;
plus de cris, elles parlent « par l'esprit » ; alors, le malade
est moins anxieux. Enfin, tout se calme, et la guérison sur-
vient. Cette guérison se maintiendra-t-elle ? Ainsi que
nous l'avons dit, nous ne pouvons malheureusement pas
l'assurer.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
I. Athétose double. Leçon clinique de M. le professeur SPEHL,
recueillie par M. le D1' F. SANO.
Observation d'une femme de trente-sept ans, sans antécédents
héréditaires, bien portante jusqu'à un an et qui eut à cette
époque des convulsions dont la cause resta ignorée. Jusqu'à l'âge
de six ans elle n'a pu que se trainer sur les pieds et les mains,
elle avançait à quatre pattes. Jamais elle n'a pu s'habituer à mar-
cher avec des béquilles, elle leur préfère des bâtons. C'est seule-
38 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
ment vers cette époque que la malade commença à parler. A
douze ans, elle fut réglée pour la première fois. Pas de paralysie
des sphincters. Au repos, cette malade ne présente pas de mouve-
ments anormaux (fig. 1).
Quant à ceux qui se produisent à l'occasion du jeu normal des
muscles ils présentent les caractères suivants : ils sont involon-
taires ; incoordonnés; non oscillatoires; lents et atteignent l'ex-
trême limite de l'excursion articulaire.
Ces mouvements s'apaisent pendant le repos et cessent complè-
tement pendant le sommeil.
Si on fait marcher la malade (fig. 2 et 3), on constate l'extension
permanente du pied et des orteils, l'extension des mains, puis du
tronc : tout le corps se met en extension exagérée quand la malade
est debout; puis s'opère la flexion du tronc quand elle veut avancer.
Là malade remédie à cette flexion exagérée par l'usage d'un bâton
(fig. 4) qui lui assure la stabilité que les mouvements incoordonnés
des membres rendent très précaire.
. Cette démarche n'est ni paralytique, ni hémiplégique, ni ataxique,
ni spastique, ni choréique. C'est la démarche athétosique désignée
par Charcot sous le nom de démarche de gallinacés.
Fig. 1.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 09
40 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
L'athétose est ◀tantôt▶ consécutive à une affection organique de
l'encéphale, ◀tantôt▶ primitive. Elle peut être limitée à un membre,
à une moitié du corps ou bien généralisée. Les cas d'athétose
double sont assez rares. On n'en connaît pas la lésion détermi-
nante. On a signalé la sclérose cérébrale; d'autres fois on a soup-
çonné une altération du faisceau postérieur du segment posté-
rieur de la capsule interne; d'autres fois encore on n'a rien trouvé
du tout. C'est dire que l'on ignore totalement le mécanisme phy-
siologique des manifestations. (Journ. de Neurologie, 1896.) G.I).
IL La chirurgie CRANIO-EYCÉPFI : 1LIQUE ; par le Dr A. LAURENT (de
Bruxelles). (Journal de neurolog., 1895, n° 5.)
Dans cette leçon de médecine opératoire, l'auteur estime que,
seules les lésions encéphaliques superficielles, limitées, d'origine
traumatique ou otique, sont justiciables de l'intervenlion chirurgi-
cale. Il passe ensuite en revue les perfectionnements apportés dans
ces dernières années à l'appareil instrumental et aux méthodes
opératoires ainsi qu'aux différents procédés de cranioplastie et dé-
crit minutieusement la craniectomie circulaire péricranienne de Dru-
mont, la craniectomie circulaire péricranienne de Gersung, et la cra-
niectomie hémicranienne de Doyen. G. DENY.
III. HÉStAT0TtIYÉLIE DU cône terminal; par M. F. RAYMOND, profes-
seur de clinique des maladies du système nerveux. Leçon faite il
la Salpêtrière, le 24 mai 1895, recueillie par M. Souques, chef de
clinique. (Nouv. Iconographie de la Salptïrière, 1895, n° 5.)
Un homme âgé de trente-cinq ans, maçon, indemne de tare ner-
veuse héréditaire, ni alcoolique, ni syphilitique, ni athéromateux,
Fig. 5.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 41
ayant cependant dans ses antécédents personnels certaines absen-
ces comitiales accompagnées d'automatisme ambulatoire, ressent
brusquement, pendant son travail, une violente douleur aux reins.
Il tombe, perd connaissance et ne revient à lui que six heures
après. Il a alors une hyperesthésie générale extrême et un délire
qui dure deux jours. Après un séjour de six semaines dans un
hôpital de province, grande amélioration, l'hyperesthésie a dis-
paru, il reste une douleur localisée aux lombes et quelques symp-
tômes qui seront énumérés plus loin. Ce malade entre plus tard à
la Salpètrière, en sort après un séjour de quelque temps, puis y
rentre une seconde fois un an environ après le début de son affec-
tion. Voici à ce moment les symptômes qu'il présente : tout
d'abord le syndrome morbide est limité au bassin et aux membres
inférieurs. Aux membres inférieurs, la motilité est intacte, il n'y a
ni atrophie, ni incoordination musculaire, cependant les réflexes
sont très diminués, La sensibilité, au contraire, est altérée : dou-
leur à la région lombaire, que la pression réveille ou accroît,
anesthésie symétrique localisée. C'est là le point le plus important,
on trouve de chaque côté deux zones d'anesthésie complète. Une
première zone, zone cruro-fessière, qui comprend la partie infé-
rieure de la région fessière, et une zone ano-périnéo-scrotale, qui
comprend l'anus, le périnée, la verge, le scrotum. Les muqueuses
participent à l'anesthésie, c'est ainsi que le malade ne sent rien
quand on le sonde ; il ne sent rien non plus lorsqu'il éjacule, car
l'appétit génital ainsi que l'érection sont conservés, mais la sensa-
tion voluptueuse est abolie. Enfin il y a incontinence des urines et
des matières fécales. Bien noter que les zones anesthésiées sont
symétriques et qu'elles ont, de chaque côté, même forme et
même étendue.
Cette description clinique peut, en dernière analyse, se résumer
ainsi : paralysie de la vessie et du rectum, anesthésie des régions
ano-génitales et de la partie moyenne de la face postérieure de la
cuisse ainsi que de la partie inférieure de la région fessière corres-
pondante. Les nerfs intéressés dans ces perturbations pathologi-
ques sont les nerfs de la vessie et du rectum, d'une part, et les
nerfs petits sciatiques et honteux internes, d'autre part; ou bien
la lésion est intra-médullaire, et alors elle intéresse les centres
médullaires de ces nerfs, ou bien elle est intra-spinale et dans ce
cas elle intéresse les filets radiculaires de ces mêmes nerfs. Pour
M. le Dr Raymond il n'y a pas de doute à avoir, c'est la première
supposition qui répond à la réalité. En effet, si l'on admet une
lésion extra médullaire intéressant les filets radiculaires des nerfs
en question, c'est-à-dire certains nerfs de la queue de cheval, il
faudrait que cette lésion intéressât symétriquement les racines de
tous ces nerfs, à l'exclusion des si nombreux autres cordons ner-
veux qui constituent la queue de cheval. Il est impossible d'ad-
43 ) REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
mettre une semblable sélection : donc le foyer est localisé dans le
cône terminal, qui renferme, on le sait, les centres ano-vésical et
génito-spinal. M. Raymond rappelle des cas analogues à celui
qu'il vient d'exposer, le cas d'Oppenhuim entre autres. Il termine
en établissant que la lésion doit être un hématome. Le début
brusque des accidents à la suite d'une sorte d'ictus, qui se rappro-
che des attaques d'apoplexie, semble bien l'indiquer. CAMUSET.
IV. NOTE SUR UNE déviation DE la COLONNE vertébrale, SE RENCON-
TR4NT CHEZ UN GRAND NOMBRE D'INDIVIDUS BIEN PORTANTS ; par
M. Paul Richer, chef du laboratoire de la clinique des maladies
du système nerveux, à la Salpêtrière. (Nouv. iconographie de la
Salpêtrière, 1895, n° 3.)
Les recherches de M. Richer ont porté sur quarante individus
âgés de vingt à quarante ans, choisis parmi des hommes bien
constitués, des modèles d'atelier pour la plupart. M. Richer ne
s'est occupé que des trois points suivants : 1° la rectitude de la
colonne vertébrale ; 2° la conformation postérieure du thorax ;
3° l'horizontalité des épaules. Les premier et troisième points sont
simples et ne demandent pas d'explication préliminaire, le
deuxième point, lui, exige d'être bien fixé. Quand on regarde le
thorax par sa face postérieure, on voit qu'il est recouvert en haut
par le scapulum entouré de muscles puissants, et qu'en bas il est
masqué par deux masses musculaires ; la masse des muscles spi-
naux en dedans, celle du grand dentelé en dehors et en haut. Le
grand dorsal est uniformément étendu sur toute la région. Entre
les muscles spinaux et le grand dentelé il existe un espace étroit,
triangulaire, à sommet en haut et en dedans. En ce point la cage
thoracique n'est séparée de la peau que par le corps mince du
grand dorsal. Or, la profondeur de ce sillon triangulaire est en
rapport avec le développement du thorax, elle s'accuse d'autant
plus que la cage thoracique est déprimée, elle est effacée presque
si le plan osseux est saillant.
Ceci établi, voici les résultats des observations de l'auteur : sur
les quarante sujets, pas un seul ne présentait à la fois une recti-
tude parfaite du rachis, une conformation thoracique postérieure
semblable des deux côtés, et les épaules exactement situées au
même niveau. Si on étudie séparément les trois points convenus,
on constate que le rachis n'est réellement droit que chez deux
sujets et que chez les trente-huit autres il présente une incurvation
latérale dorso-lombaire à convexité tournée à gauche. On cons-
tate aussi que la conformation thoracique postérieure n'est symé-
trique que chez un seul sujet, et que le plus souvent il existe une
dépression fort nette à droite, en sorte qu'on peut établir que,
presque toujours, le thorax présente une voussure du côté de la
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 43 3
convexité de la courbure rachidienne. On constate enfin en troi-
sième lieu, que la hauteur des épaules est inégale chez trente-huit
sujets sur quarante. Il n'y a pas de règle générale quant à la pré-
dominance de la hauteur d'une des deux épaules, relativement à la
courbure rachidienne. ·
M. Richer fait observer ensuite que, de ses recherches, il ré-
sulte qu'il existe une véritable scoliose dorso-lombaire gauche, chez
les individus réputés normaux, laquelle scoliose est parfaitement
caractérisée par les signes classiques de toutes les scolioses :
incurvation du rachis, déformation du thorax, inégalité du
niveau des épaules. Remarquer que la scoliose physiologique des
auteurs est tout' autre que celle qui vient d'être étudiée dans cet
article, elle siège seulement au dos, elle est tournée à droite et
l'épaule droite est la plus haute. Il faudrait donc pour résoudre
cette question, multiplier les observations. Je dirai en terminant,
que M. Richer tend à attribuer l'irrégularité morphologique qu'il
signale, à la fréquence habituelle de la station hanchée droite,
laquelle met les épaules, le thorax et la colonne vertébrale, dans
les conditions d'asymétrie, précisément semblables à celles qui
prédominent chez les individus qu'il a observés. C.
V. DU RAPPORT DE L'ECZÉMA CHRONIQUE AVEC L'ANESTHÉSIE DE LA PEAU ;
par le professeur Stookovenloff (de Kieff). (Nouv. iconographie
de la Salpêtrière, 1895, n° 3.)
Partant de ce principe que la peau est un organe intimement
lié avec le système nerveux, l'auteur suppose que les centres tro-
phiques de la peau, organe de la sensibilité, sont situés, avec les
centres trophiques des nerfs de la sensibilité, dans les ganglions
intervertébraux, et que les nerfs trophiques accompagnent les
nerfs de la sensibilité. Il déduit de cette supposition que les trou-
bles trophiques de la peau doivent être accompagnés, au moins
fréquemment, de troubles de la sensibilité. C'est pourquoi l'on
doit, dans certaines affections de la peau, dans l'eczéma chronique,
par exemple, examiner avec soin la sensibilité des sujets.
Ayant donc étudié systématiquement, à ce point de vue, un
nombre important d'eczémateux, le professeur Stoukovenkoff a pu
constater que la plupart d'entre eux présentaient les troubles
sensitifs caractéristiques de l'hystérie. Exposé des observations.
La- conclusion finale est que l'eczéma est souvent un symptôme
de l'hystérie, et qu'on ne doit attribuer aux irritations extérieures
qu'une importance secondaire équivalente à celle 'qu'on leur
accorde dans l'apparition des autres symptômes de l'hystérie.
C.
44 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
VI. Zona généralisé A la PRESQUE totalité DE la MOITIÉ gauche DU
corps; par M. Edmond Fournier, interne des hôpitaux. (Nouv.
iconographie de la Salpêtrière, 1895, n° 3.)
Observation. Une femme de vingt-trois ans, exempte d'anté-
cédents' neuropathiques personnels ou héréditaires, mais ayant
quand même un passé pathologique défavorable : scarlatine,
fièvre typhoïde, péritonite, hystérectomie, etc. Cette femme, en
traitement à Saint-Louis, présente un zona extraordinaire par son
étendu e, il s'étend, en effet, de l'épaule à la partie moyenne de la
cuisse correspondante, le membre supérieur est envahi jusqu'au
pouce. Cette affection s'est établie par le fait d'une série de zones
développées successivement, chaque éruption étant précédée de
violentes douleurs névralgiques.
L'auteur ne connaît pas de cas semblable, il affirme cependant
que cette éruption, quelque vaste qu'elle soit, n'en est pas moins
un véritable zona. Elle présente les trois grands caractères du
zona : 18 l'unilatéralité absolue; 2° la distribution anatomique
parallèle à certains troncs nerveux ; 3° le caractère névralgique
des douleurs. C.
VII. UN nouveau TYPE d'hémiplégie alterne (HYPOGLOSSE gauche ET
MEMBRES droits; par l\1me Anna Goukovsky, d'Odessa). (Nouv.
iconographie de la Salpêtrière, 1895, n°3. )
Les types d'hémiplégie alterne admis jusqu'ici sont : 1° le type
Millard-Gluber intéressant le facial d'un côté, les membres de
l'autre; 2° le type de Weber, caractérisé par la paralysie de la
troisième paire d'un côté et des membres de l'autre. Ces formes
d'hémiplégie indiquent une lésion protubérantielle et peuvent pré-
senter diverses variétés. L'auteur expose une observation qui
doit, d'après lui, faire admettre un nouveau type d'hémiplégie
alterne. Suit la relation détaillée de l'observation avec
l'autopsie complète. L'observation peut se résumer ainsi : hémiplé-
gie complète des membres du côté droit, sans paralysie faciale,
sans aphasie motrice ou sensorielle, fait qui exclut déjà toute
lésion centrale ou pédonculaire. La lésion ne pouvant exister qu'au
delà du point où le facial est dissocié du faisceau des membres. En
outre, paralysie complète avec déviation à gauche et atrophie de
toute la moitié gauche de la langue, donc la lésion siégeait au
noyau de l'hypoglosse ou au-dessous, par conséquent dans la région
bulbaire. En résumé, la lésion intéressait à la fois l'hypoglosse
gauche et le faisceau moteur droit, elle ne pouvait donc se rencon-
trer ailleurs que dans le sillon qui sépare l'olive de la pyramide à
droite, à la partie supérieure de celle-ci, avant l'entre-croisement
des pyramides. L'autopsie justifia le diagnostic, on trouva au lieu
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 45
indiqué un foyer de ramollissement, suite d'artérite. Il existe donc
un type d'hémiplégie croisée caractérisé par la paralysie de
l'hypoglosse d'un côté, et celle des membres du côté opposé. C.
VIII. OPHTALMOPLÉGIE EXTERNE BILATÉRALE ET HÉMIPLÉGIE DROITE, CON-
SECUTIVE A la rougeole; par M. le Dr Raymond. Leçon faite à la
Salpêtrière le 14 juin 1895 et recueillie par M. le Dr A. Souques,
chef de clinique. (Nouv. incolzogl·. de la Salpêtrière, 1895, n° 5.)
Dissertation clinique sur le cas d'un enfant, à antécédents per-
sonnels névropathiques, qui, dans le cours d'une rougeole, fut
atteint d'une hémiplégie droite avec ophtalmoplégie externe
double, en même temps que la marche est titubante. Le syndrome
nerveux s'était établi progressivement sans ictus, et après avoir
subi une période d'aggravation, il tendait à rétrocéder. Quel est le
siège et la nature de la lésion cause de ce syndrome ? M. le
Dr Raymond rappelle d'abord certaines notions anatomiques géné-
ralement admises aujourd'hui : le moteur oculaire commence à
son origine dans la colonne de substance grise située au-dessous
de l'aqueduc de Sylvius et dans les parois du troisième ventricule.
Cette colonne n'est qu'une série de centres successifs, desti-
nés aux divers muscles de l'oeil. En avant, sous la paroi du
troisième ventricule, sont les centres des muscles accomoda-
teurs et des muscles de l'iris. Sous l'acqueduc de Sylvius et d'ar-
rière en avant sont les centres des muscles droit externe, rele-
veur de la paupière, droit supérieur, droit inférieur, petit
oblique, enfin le centre du pathétique. Tous ces centres occupent
la partie supérieure de la protubérance, ils sont peu éloignés des
tubercules quadrijumaux, des pédoncules cérébelleux supérieurs et
du thalamus. Ils sont situés de chaque côté de la ligne médiane,
ceux d'un côté presque en contact avec ceux du côté opposé. On
sait aussi que les fibres des pyramides s'épanouissent dans la pro-
tubérance en fascicules séparés les uns des autres par des fibres
transversales venues principalement des pédoncules cérébelleux
moyens. Ces notions anatomiques posées, on comprend qu'un
foyer situé au-dessous de l'aqueduc, de manière à intéresser les
noyaux gris et les fibres pyramidales du côté gauche, respectera
les centres accommodateurs et photo-moteurs, alors qu'il produira
une ophtalmoplégie externe bilatérale, puisque les centres des
muscles moteurs de l'oeil sont contigus, ceux d'un côté touchant
presque ceux de l'autre côté, et qu'il produira en même temps une
hémiplégie droite, par suite de la destruction ou de la compression
des fibres pyramidales du côté gauche. Ce même foyer produira
aussi du nystagmus et de la titubation, à cause du voisinage des
pédoncules cérébelleux supérieur et moyen. Une telle lésion pro-
duira donc, en fin de compte, tous les symptômes relevés chez
46 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
l'enfant, sujet de l'observation. La conclusion est donc que le jeune
malade est atteint de une ou de plusieurs lésions en foyer, à la
partie supérieure de la protubérance, derrière l'aqueduc de Sylvius
el à gauche. Quant à la pathogénie des lésions, M. Raymond
l'explique par une artérite infectieuse déterminée par la rougeole.
Se basant enfin sur les dispositions anatomiques des artères
venues du tronc basilaire et destinées aux noyaux d'origine des
nerfs de la région, il arrive à préciser les rameaux du tronc basi-
laire, sur lesquels l'artérite s'est développée, et qui sont ainsi
devenus le point de départ de tout le processus pathologique.
Cuiusisr.
IX. CONTRIBUTION A la nature HYSTÉRIQUE DE la tétanie DES
femmes ENCEINTES; par MM. Gilles delà TOURETTE et 130LOGNt : SI.
(Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, 1895, n° 5.)
M. le or Raymond disait en 1886 : La tétanie n'est pas une
entité morbide, c'est un syndrome appartenant à divers états patho-
logiques, et l'hystérie joue un rôle considérable dans son dévelop-
pement. Les auteurs, pour confirmer cette opinion, qui s'est du
reste rapidement répandue, rapportent l'observation suivante :
Une femme de trente et un ans, à antécédents nerveux hérédi-
taires et personnels prononcés, convulsions fréquentes jusqu'à
l'âge de trois ans ; à la puberté, crises de tétanie, lesquelles dis-
paraissent jusqu'à son mariage à l'âgé de vingt ans. Mais pendant
ce laps de temps, elle a divers accidents de nature certainement
hystérique. Cette femme eut plusieurs grossesses, à chacune d'elles,
elle eut des crises de tétanie. Ces crises étaient annoncées quelques
heures d'avance par du malaise, des bouffées de chaleur, la sensa-
tion de boule à la gorge, puis les mains devenaient absolument
insensibles, ensuite les membres supérieurs, et dans certaines crises
les membres inférieurs également, se raidissaient et se contractu-
raient très violemment, ils étaient le siège de douleurs plus ou
moins vives, et la peau insensible, auparavant, était au contraire
hypéresthésiée. Ces crises se ressemblaient toutes , mais elles
étaient plus ou moins longues et plus ou moins violentes. Dans
l'intervalle des grossesses , elles manquaient, mais elles étaient
remplacées par des manifestations hystériques diverses, enfin la
malade présentait de nombreux stigmates permanents de la
névrose. Camuset.
X. UN cas DE gangrène cutanée D'ORIGINE hystérique;
par M. VEUILLOT. (Noitu. Iconog. de la Salpêtrière. 1895, n° 5.)
Homme de vingt ans, père inconnu, mère hystérique. Comme
antécédents personnels : rougeole, fièvre typhoïde, syphilis, trau-
matisme grave, hystérie qui s'accuse quelque temps après la syphi-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 47
lis et le traumatisme, et qui se manifeste surtout par de grandes
crises convulsives. Ce malade se présente à Saint-Louis porteur
d'une ulcération à la cuisse gauche. Cette plaie a 8' centimètres de
longueur sur 3 centimètres de largeur, elle est atone, superficielle
et grisâtre, ses bords sont un peu surélevés et durs. Toutes les par-
ties voisines sont le siège d'un oedème blanc. L'ulcération aurait
commencé par un bouton qui aurait augmenté de volume, puis
l'escarre centrale serait tombée, tout se serait passé sans douleur.
Nombreux stigmates d'hystérie : plaques d'anesthésie, point dou-
loureux épiglottique, anesthésie bucco-pharyngienne, rétrécisse-
ment du champ visuel, etc. Traitement : potions et poudres
inertes dénommées solution d'iodure et poudre de fulminate; la
plaie est isolée par un appareil plâtré inamovible. Guérison
rapide sous l'influence du seul traitement psychique. C.
XI. UN cas DE myopathie primitive progressive (type facio-scapulo-
huméral) avec pseudo-hypertrophie DES muscles des membres infé-
rieurs ET attitude vicieuse extraordinaire; par les D1'5 Glorieux
et Van Gehuciiten.
L'histoire des myopathies est loin d'être éclaircie. Après avoir
été divisées en formes multiples, les amyotrophies myopathiques
ont été de nouveau réunies en une forme unique. Bien plus, il
paraît que la distinction entre myopathies d'origine neurotique
et myopathies d'origine musculaire n'est pas si nettement tran-
chée qu'on aurait pu le croire tout d'abord et qu'entre les deux
formes extrêmes d'amyotrophie progressive on pourrait trouver
des formes intermédiaires, telle l'amyotrophie forme Charcot-Marie;
due manifestement à des lésions nerveuses avec réaction de dgé-
nérescence et contractions librillaires, mais offrant de commun
avec les myopathies primitives de survenir dans l'enfance et d'avoir
le caractère familial. Chez l'intéressant malade dont l'histoire fait
l'objet du présent mémoire, on croit avoir affaire, à ne considérer
que les membres inférieurs, à un cas de paralysie pseudo-hypertro-
phique ou myosclérosique de Duchenne. En ne tenant compte, au
contraire, que de l'atrophie considérable des muscles de l'épaule
et du bras des deux côtés, jointe à la parésie de certains muscles
de la face, on rangerait ce cas de myopathie daus le groupe des
myopathies atrophiques progressives ou dans le type facio-scapulo-
huméral de Landouzy-Déjerine; preuve nouvelle que les deux types
d'atrophies myopathiques, la myopathie atrophique progressive et
la myopathie pseudo-hypertrophique, ne constituent pas deux enti-
tés morbides distinctes. Du reste, l'atrophie musculaire des
membres supérieurs n'est pas localisée exclusivement aux muscles
de l'épauleet dubras; elle adéjàenvahi quelques musclesde l'avant-
bras et marche insensiblement vers une myopathie généralisée.
48 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Remarque importante, chez ce malade, les muscles de la région
sacro-lombaire sont normaux, ce qui semble prouver, à l'évidence,
que la lordose lombaire qui a existé chez lui depuis l'àge de quinze
ans jusqu'à vingt-huit ans, et qui est un des symptômes les plus
précoces des cas de myopathie primitive intéressant les membres
inférieurs, ne peut être attribuée, comme on le fait généralement
à l'atrophie des muscles sacro-lombaires. Celte lordose est due uni-
quement à la faiblesse des muscles fessiers et des muscles de la
région postérieure de la cuisse, muscles qui sont les extenseurs du
bassin sur le fémur. (Revue neurologique, avril 1896.) E. B.
XII. SUR UN cas d'atrophie DE la langue dans LE MAL DE POTT
sous-occipital; par le Dr P. Marie.
Il s'agit d'un homme atteint de mal de Pott sous-occipital dès
l'enfance et chez qui existe un certain degré d'atrophie et de paré-
sie des muscles de la langue, ce qui n'est pas fréquent dans celte
affection.
Cette atrophie et cette parésie linguales ne semblent pas avoir
présenté une marche progressive. (Revue neurologique, avril 1896.)
XIII. L'hérédité ET l'étiologie des névroses; par le Dl' SIGM. FREUX.
L'auteur s'adresse spécialement aux disciples de Charcot pour
faire valoir quelques objections contre la thèse étiologique des
névroses qui nous a été transmise par le maître. On sait que d'après
cetle théorie, l'hérédité nerveuse est, pour les affections névrosiques
la seule cause vraie et indispensable, les autres influences éliolo-
giques ne devant aspirer qu'au nom d'agents provocateurs.
Tout d'abord M. Freud commence son travail par une innova-
tion nosographique. Pour lui les grandes névroses se divisent en
deux groupes : dans le premier se trouvent l'hystérie et la névrose
des obsessions, cette dernière étant liée à l'hystérie plus étroite-
ment qu'on ne croirait. Dans le second groupe, on trouve la névras-
thénie de Beard, laquelle se décompose en deux élats fonctionnels
séparés par l'étiologie, comme par l'aspect symptomatique, la
névrasthénie propre et la névrose d'angoisse. Ce premier point
établi, il range les influences étiologiques des névroses en trois
classes :
1° Conditions qui sont indispensables pour la production de l'af-
fection mais qui sont de nature universelle et se rencontrent dans
l'étiologie de diverses affections ; 2° causes concurrentes ou acces-
soires ; 3° causes spécifiques, aussi indispensables que les conditions
mais de nature étroite et qui n'apparaissent que dans l'étiologie de
l'affection de laquelle elles sont spécifiques.
Or, dans la pathogénèse des grandes névroses, l'hérédité remplit
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 49
le rôle d'une condition puissante dans tous les cas,' indispensable
dans la plupart, mais qui ne saurait se passer de la collaboration
des causes spécifiques. L'expérience montre que l'hérédité et les
causes spécifiques peuvent se remplacer par le côté quantitatif, que
le même effet pathologique sera produit par la concurrence d'une
éliologie spécifique très sérieuse avec une disposition médiocre ou
d'une hérédité nerveuse chargée avec une influence spécifique
légère. Alors on peut admettre qu'il se rencontre des cas de névroses
où on cherchera en vain un degré appréciable de disposition héré-
ditaire, pourvu que ce manque soit compensé par une puissante
influence spécifique. Comme causes concurrentes ou accessoires des
névroses, on peut énumérer tous les agents banals rencontrés ail-
leurs sans qu'aucun d'eux, pas même le surmenage intellectuel,
entre régulièrement ou nécessairement dans l'étiologie des névroses.
Quelles sont donc ces causes spécifiques des névroses ? est-ce une
seule ou y en a-t-il plusieurs ? Tout en étant persuadé que sa
théorie évoquera GO un orage de contradictions de la part des mé-
decins contemporains », l'auteur maintient, appuyé sur un examen
laborieux des faits, que chacune des grandes névroses énumérées a
pour cause immédiate un trouble particulier de l'économie ner-
veuse et que ces modifications pathologiques fonctionnelles recon-
naissent comme source commune la vie sexuelle de l'individu,
soit désordre de la vie actuelle, soit événements importants de la
vie passée.
On a toujours admis les désordres sexuels parmi les causes de la
nervosité, mais ou les a subordonnés à l'hérédité, alors que l'au-
teur élève ces influences sexuelles au rang des causes spécifiques.
La névrasthéme propre (fatigue, sensation de casque, dyspepsie
flatulente, paresthésies spinales, faiblesse sexuelle, etc.) ne recon-
naît comme étiologie spécifique que l'onanisme immodéré ou les
pollutions spontanées; la névrose d'angoisse (irritabilité, état d'at-
tente anxieuse, phobies, attaques d'angoisse complètes ou rudi-
mentaires, de peur, de vertige, tremblements, sueurs, congestion,
dyspnée, tachycardie, etc...) est l'effet spécifique de l'abstinence
forcée, du coït imparfait ou interrompu, d'une irritation génitale
fruste.
La cause spécifique de l'hystérie est un souvenir qui se rapporte
à la vie sexuelle, mais qui offre deux caractères de la dernière
importance : l'événement duquel le sujet a gardé le souvenir incon-
scient, est une expérience précoce de rapports sexuels avec irritation
véritable des parties génitales, suité d'abus sexuel pratiqué par une
autre personne, et la période de la vie qui renferme cet événe-
ment funeste est la première jeunesse, les années jusqu'à l'âge
de huit à dix ans, avant que l'enfant soit arrivé à la maturité
sexuelle.
La névrose d'obsessions relève d'une cause spécifique très ana-
' Archives, 2e série, t. IL 4
80 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
logue à celle de l'hystérie. On y trouve aussi un événement sexuel
précoce, arrivé avant l'âge de la puberté, duquel le souvenir devient
actif pendant ou après cette époque. Il n'y a qu'une différence qui
semble capitale. Il y avait au fond de l'étiologie hystérique un
événement de passivité sexuelle, une expérience subie avec indiffé-
rence ou effroi ; dans la névrose d'obsessions, il s'agit, au contraire,
d'un événement qui a fait plaisir, d'une participation avec jouis-
sance aux rapports sexuels. Les idées obsédantes réduites à leur
expression la plus simple, ne sont pas autre chose que des repro-
ches que le sujet s'adresse à cause de cette jouissance sexuelle anti-
cipée, mais des reproches défigurés par un travail psychique
inconscient de transformation et de substitution. (Revue neurolo-
gique, mars 1896.) E. B.
XIV. Angiome simple du cervelet; parle D'' L. IIEx1'OEN.
Chez une femme de quarante ans, morte des suites presque
immédiates d'une fracture du crâne, l'autopsie montra, en dehors
des lésions dépendant de la fracture, les modifications suivantes
dans l'hémisphère droit du cervelet : à l'ouverture du quatrième
ventricule par une incision médiane au travers du vermis et de la
valvule de Vieussens, on voit, à demi enfouie dans la partie droite
de la paroi supérieure de ce ventricule, quatre petites tumeurs de
2 à 4 millimètres de diamètre, de couleur rouge foncé, l'épendyme
paraît normal à leur niveau. La surface de section du vermis
montre quelques nodules semblables dont un ou deux ont été inci-
sés : l'incision donne issue à du sang.
La surface externe de l'hémisphère droit du cervelet présente
de-ci et de-là de semblables tumeurs qui soulèvent la pie-mère sans
que cette dernière soit modifiée à leur niveau, diverses sections de
cet hémisphère cérébelleux révèlent la présence de semblables
tumeurs dans l'intérieur de la masse cérébelleuse : dans la subs-
tance blanche centrale sont de larges cavités irrégulières, subdivi-
sées, dans lesquelles il est facile de reconnaître des vaisseaux san-
guins 'dilatés. A la loupe, on peut distinguer de nombreuses cavités
plus petites. Il n'y a que du sang dans ces nodules et cavités : du
reste, aucune extravasation sanguine.
L'examen histologique montra qu'il s'agissait là d'angiomes
simples dans un hémisphère cérébelleux contenant des capillaires
et des veines irrégulièrement formés et anormalement dilatés. Au
niveau des lames superficielles, les lames de substance grise étaient
amincies, probablement sous l'influence de la pression. De plus, à
quelque distance des sacs angiomateux les cellules de Purkinje
avaient disparu, peut-être par suite du trouble apporté dans la
circulation.
Cet angiome du cervelet n'avait déterminé aucun trouble fonc-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 1)1
tionnel jusqu'à l'accident mortel qui le fit découvrir. (Americalz
journal of insanity, janvier 1896.) E. B.
XV. Étude SUR QUELQUES points DE pathologie cérébrale;
par le D'' A. MEYER.
Sur vingt cerveaux d'épileptiques dont l'auteur a fait l'examen
macroscopique et histologique, sept montraient des lésions dis-
tinctes, dont plusieurs pouvaient être incriminées comme causes
de l'épilepsie. En attendant un travail plus étendu sur ce sujet,
l'auteur résume l'examen histologique des deux principaux cas.
Dans le premier, l'épilepsie a été déterminée par deux kystes
appartenant à une forme spéciale de gliome et situés, l'un dans
l'écorce cérébrale, au niveau de la partie moyenne de la seconde
circonvolution frontale, l'autre sur le plancher du quatrième ven-
tricule.
Dans le second cas il s'agissait d'épilepsie avec hémiplégie infan-
tile, l'autopsie révéla l'existence d'une vaste poche kystique située
au niveau de la partie moyenne de la pariétale ascendante du côté
gauche et pénétrant largement dans l'hémisphère en déterminant
une vaste perte de substance des ganglions de la base et du lobe
temporal. L'auteur termine son travail par quelques considérations
intéressantes sur la dégénérescence et la régénération des cellules
ganglionnaires. (American journal of insanity, octobre 1895.)
E. B.
XVI. L'hypoplasie DU COEUR chez les débiles; par WULFF.
(Allg. Zeilschr. f. Psych., LI, 2.)
La constatation de la petitesse relative du coeur chez les faibles
d'esprit a entraîné M. Wuln'àde longues recherches sur les rapports
entre le poids du coeur et celui du corps, entre le poids du cerveau
et le poids du corps, et par suite sur ces deux rapports formulés à
l'état de norme proportionnelle chez l'individu sain d'esprit et chez
l'individu faible d'esprit. D'où l'expression d'un nouveau rapport.
L'auteur conclut à une disproportion entre le coeur et le cerveau,
qui entraîne une irrigation défectueuse de ce dernier; le cerveau
ne peut donc conserver son rang quand il y a hypoplasie car-
diaque. P. K.
XVII. NEUROTABESALCOOLIQUE,SYPIIIL1TIQUE ou MERCURIEL; par A. SOLDA
(Neurolog. CelztrcLlbl., XIV, 1895 )
11 s'agit d'un dipsomane de vingt-six ans, infecté par la syphilis
en 1892, atteint la même année de polynévrite avec toute sorte de
signes physiques et intellectuels de la dégénérescence des alcoo-
liques. A lami-1893, les troncs nerveux sont tuméfiés, douloureux
52 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
spontanément et à la pression, la démarche est incertaine; on
constate 1 : signe de Romberg, la réaction dégénérative, la dispa-
rition des réflexes patellaires, finalement une paralysie complete
des jambes. Accidents qui rétrocèdent sous l'influence d'onctions
mercurielles énergiques. Le malade sort et se remet à boire; les
accidents reviennent. On le séquestre; tout disparaît. Enfin il suc-
combe à une dernière débauche. Aussi, s'agit-il, probablement
d'une névrite ou d'un pseudo-tabes alcoolique. P. K.
XVIII. Comme QUOI IL est légitime DE séparer DE la neurasthénie UN
SYNDROME SPÉCIAL SOUS LE NOM DE NÉVROSE ANXIEUSE', par S. FREUD.
(Neurol. CfHt)'6 ? XIV, 1895.)
L'auteur en dénombre les éléments. Ce sont : une exagération
extrême de la sensibilité à l'égard des bruits qui empêche tout
sommeil; une perpétuelle appréhension aboutissant soit' à des
accès d'angoisse physique (palpitations, dyspnée, sueurs, tremble-
ments), soit à des accès d'angoisse psychique, le plus souvent à un
accès d'angoisse complet; des terreurs nocturnes, des vertiges, des
phobies de toutes variétés, des troubles digestifs, des paresthésies
associées en un cortège comparable à celui de l'aura hystérique;
des hallucinations ou des illusions. L'hérédité joue le rôle primor-
dial dans sa genèse. La cause déterminante est, chez la femme,
l'éveil du besoin sexuel à demi ou non satisfait; chez l'homme les
pratiques tendant à l'accomplissement incomplet du coït; pour les
deux sexes, la masturbation et le surmenage. Il y a soustraction
d'une partie des éléments matériels de l'orgasme vénérien qui
devaient être perçus par le psûchê ; ces forces s'emploient anorma-
lement à d'autres activités (voir p. 48). P. K.
XIX. Observation d'hystérie avec accidents d'akinésie DOULOUREUSE;
par A. PANI30CK. (Neurolog. Cenlral6l., XIV, 1895.)
Jeune garçon de douze ans, issu de mariage consanguin (parents
sujets à des céphalalgies); onanisme, étude exagérée du Talmud.
On constate un spasme pharyngien croupal, avec anesthésie pha-
ryngienne, douleurs dans les mains puis céphaliquesou abdominales,
et finalement convulsions cloniques des membres supérieurs, zones
hystérogèues le long de la colonne vertébrale et au niveau de la
ceinture scapulaire; les attaques cessent quand on comprime les
testicules. Diminution des réflexes tendineux dans les membres
inférieurs, surtout à gauche; exagération des réflexes crémaslé-
riens ; hyperesthésie générale. Il existe dans les extrémités et le
tronc, surtout au ventre, des douleurs persistantes, s'exaspérant à
certains mouvements. Les douleurs abdominales forcent le patient
à se tenir couché ou debout, ou bien à s'asseoir sur un plan incliné
REVUE<-DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 53
afin d'éviter la flexion du tronc qui exagère les douleurs. Les dou-
leurs dans les extrémités inférieures empêchent le malade de mar-
cher, à fortiori de courir, les mouvements volontaires exaspérant
les douleurs. Pour se mettre au lit, quand il sent venir les attaques,
il fléchità peinela cuisse, s'appuie à l'aide d'un coude sur l'oreiller,
tire à lui le tronc et finalement les jambes après lui. Pour se lever
du lit, il laisse pendre lesjamhes mais non complètement, soulève
ensuite le tronc avec circonspection en s'appuyant solidement sur
les mains, afin d'éviter toule flexion du tronc. Aucune altération
musculaire. Depuis quelque temps, il ne peut plus lire, sinon il
ressent des douleurs dans les yeux.
Tous les auteurs tiennent l'akinésie douloureuse pour une affec-
tion dynamique rentrant dans l'hystérie, mais ils veulent en faire
une nouvelle psychopathie. Pour nous c'est un trouble d'origine
hystérique, rien de plus. En effet, en quelques cas l'auto-suggestion
l'aggrave; quant aux cas en apparence purs, il en est pour eux
comme pour l'astasie-abasie seule, c'est une forme d'hystérie
monosymptomatique. A plus forte raison, quand l'akinésie dou-
loureuse s'accompagne, comme ici, d'accidents nets d'hystérie. La
thérapeutique électrique ou pharmaceutique, ne nous a pas plus
qu'aux autres donné de résultats. La cautérisation de la colonne
vertébrale a fait cesser les convulsions, diminué les douleurs, amé-
lioré les mouvements, mais d'une façon toute passagère.
P. KERAVAL.
XX. D'une forme DE NIsVItITE l'RODL 1T1 : PAIt des affections vasculaires :
par H. Sciilesinglr. (Neurolog. Ccnl1'albl" XIV, 1895.)
Observation de polynévrite consécutive à iarlérile oblitérante du
vasa nervorum : autopsie, figures. Il s'agit d'un homme de
soixante-neuf ans, tout à fait bien portant, non syphilitique.
D'abord douleurs avec affaiblissement de la jambe gauche et né-
vralgie intercostale du même côté ; neuf mois plus tard, aggrava-
tion avec exaspération, par poussées; hypertrophie du ventricule
gauche. Puis, soudain, paralysie des extenseurs successivement des
deux membres supérieurs et des muscles péroniers; plus tard
encore, parésie du triceps et du deltoïde; finalement, paralysie
avec atrophie rapide de la plupart des muscles des extrémités avec
contractures. Diminution de l'excitabilité électro-faradique, réac-
tion dégénérative de plusieurs muscles, diplopie, sensation defroid
intense et.continue dans les jambes ; paralysies dissociées du sens
de la température et de la douleur dans le dos. Paralysie de tous
les modes de la sensibilité aux extrémités les plus reculées des
membres, troncs nerveux un peu sensibles à la pression; muscles
très sensibles. Violentes douleurs spontanées dans tous les mem-
bres. Troubles passagers de la vessie et du rectum. Accidents du
54 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
décubitus aigu au niveau de l'olécrâne droit. Evolution chronique-
progressive. Durée totale : un an. Autopsie : emphysème pulmo-
naire, léger athérome des gros vaisseaux. Dégénérescence très
accusée des vasa nervorum; il existe dans tous les tronqs nerveux
une prolifération du tissu conjonctif endoueural, un recoquillement
partiel des trousseaux nerveux dégénérés. Dans les artères, il y a
épaississement de trois tuniques, rétrécissement et obturation de
leurs lumières, thrombose de quelques-unes. Les veines sont
également lésées. Dégénérescence ascendante des nerfs jusqu'aux
cellules des cornes antérieures. Dégénérescence des racines posté-
rieures et dégénérescence ascendante consécutive des cordons pos-
térieurs. Inflammation dégénérative des muscles dont les vaisseaux
sont très altérés.
Cette observation a pour complément une autre observation
identique. Suit une élude clinique et critique à la lumière d'obscr-
vations empruntées à la bibliographie. P. KERAVAL.
XXI. UNE complication DE l'irritation spinale CHEZ LES SYP111LITI-
QUES; par M. Friedmann. (Neurolog. Centrabl., XIV; 1895.)
Les neuropathies fonctionnelles des syphilitiques s'accompagnent
plus fréquemment qu'on ne le croit de lésions organiques, qui,
sans être forcément malignes, entretiennent, en s'établissant sur
un point faible quelconque du corps, une tendance au rappel de
l'affection fondamentale disparue. Telle est l'irritation spinale qui
chez le syphilitique se mon'.re accompagnée des lésions locales les
plus diverses en soi légères mais constituant autant d'épines orga-
niques. L'auteur croit que l'irritation spinale commune s'accom-
pagne aussi souvent de petites lésions locales centrales et périphé-
riques, qu'il y a lieu de soupçonner en pareil cas l'importance pri-
mordiale de semblables lésions en réalité primigènes, autonomes,
causes réelles de l'irritation spinale et premiers éléments d'un
tabes par exemple. En tout cas, il faut se demander si la névrose
n'a pas un rapport purement accidentel avec les troubles locaux, et
si les deux éléments (fonctionnel et organique) ont une source com-
mune dans la syphilis.
Les troubles locaux n'apparaissent que dans le cours et dans la
sphère de l'irritation spinale; ce rapport n'est pas purement acci-
dentel, mais il est difficile d'établir que l'irritation spinale soit
sous la dépendance de la syphilis. Quant aux troubles locaux, ils
appartiennent à ceux qu'il faut imputer à la syphilis. Voici, par
exemple une perturbation locale à peine progressive du sens ther-
mique relevant non d'une syringomyélie, mais d'une lésion cen-
trale organique qui est apparue avec l'irritation spinale (obs. I).
- Voici encore une allure mobile du phénomène du genou, dont les
oscillations sont de cause centrale (obs. Il).'Ici, ce sont des anes-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 55
thésies digitales tenant à une légère névrite de la branche termi-
nale sensible du pouce gauche, et non à une névrose fonctionnelle
(obs. III) ; là, c'est une névrite indéniable survenant chez un homme
vigoureux et bien portant qui n'a eu jusqu'alors que des malaises
neurasthéniques à forme d'irritation spinale. Tous ces accidents
supposent des altérations compliquant, en l'absence du diabète ou
de l'albumine, l'irritation spinale généralisée. II reste cependant à
déterminer le degré de fréquence avec lequel l'irritation spinale
syphilitique donne naissance à des complications locales, et le
rapport des mêmes complications avec l'irritation spinale considérée
comme névrose généralisée. C'est une question semblable à celle
qui se pose pour les cas dans lesquels on trouve à l'autopsie des
syphilitiques deux ou plusieurs processus anatomiques distincts,
telle une sclérose des cordons postérieurs tabétique type avec de
l'endartérite ou de la méningite chronique, telle encore de la neu-
rasthénie alcoolique avec des névrites ou des ataxies. P. K.
XXII. Paralysie PROGRESSIVE dans LE jeune AGE ET paralysie PRO-
GRESSIVE (tabès) des gens mariés ; par F. Lûhrmann. (Neurolog.
Ceatral6G., XIV, 1895.)
Observation I. - Paralysie générale à forme démentielle chez
une fillette de dix-neuf ans, vierge; aucun signe de syphilis héré-
ditaire ou acquise, aucune tare héréditaire. Autopsie confirmative.
Observation II. Paralysie générale chez le mari à cinquante
ans (mégalomanie, syphilis), et chez la femme à quarante-quatre
ans (infection syphilitique, forme démentielle). Autopsies confir-
matives.
Observation 111. - Paralysie générale tabétique, démence, mort,
chez le mari; chez la femme, signes physiques, commémoratifs et
intellectuels de paralysie générale tabétique syphilitique, accidents
de gomme osseuse; Kl; amélioration. P. K.
XXIII. Paralysie dans LE domaine DU NERF péronier, dans la para-
LYSIE générale; par Moeli. (Neurolog. Centralbl., XIV, 1895.)
Cinq observations de paralysie périphérique attestée par l'état
de l'excitabilité électrique et la limite de la paralysie. Deux autop-
sies témoignant d'une certaine déchéance des fibres nerveuses
dans les racines postérieures lombaires et sacrées; intégrité des
racines antérieures et des cornes antérieures. Comme dans tous ces
cas, on a constaté le signe de Westphal, il y a lieu de croire que la
paralysie péronière tenait à une lésion de la moelle lombaire, qu'il
y avait, par suite, tabes sous-jacent. P. K.
00 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XXIV. Observation DE mutité hystérique; par B. Worotynsky.
(Neurolog. Centmlbl., XIV, 1895.)
Observation ayant ceci de remarquable que la mutité dura dix-
huit mois, et que la guérison en eut lieu rapidement, après la troi-
sième séance de.suggestion verbale à l'état de veille. Il s'agit d'une
jeune fille de vingt et un ans, ayant présenté les atlaques et les
stigmates caractéristiques de l'hystéro-épilepsie, et finalement le
mutisme, avec, aphonie, hypoesthésie pharyngienne. On place les
électrodes d'un fort courant faradique des deux côtés du cou dans
la région du larynx et on pratique la suggestion verbale. En même
temps, on emploie la suspension pour rétablir la sensibilité, sup-
primer l'amblyopie de l'oeil droit et réinstaller l'activité sensorielle
de ce côté. C'est, comme le dit l'auteur, un traitement de « tour
de force t. P. K.
XXV. Les yeux DU neurasthénique ; par J. ALTAQ.1S. (L Siglo medico,
mars 1895.) ,
Le trouble le plus habituel est l'impossibilité de fixer longtemps
le regard, surtout pour la lecture et l'écriture, malgré une percep-
tion parfaite des caractères et une acuité visuelle intacte. Si le ma-
lade persiste il éprouve bientôt de la douleur dans les globes ocu-
laires et les orbites, une sensation pénible de tension dans le
front, les tempes, la nuque, puis dans tout le cuir chevelu, enfin
des bourdonnements d'oreille, du vertige même, et quelquefois
une certaine dépression et un obscurcissement de l'intelligence.
Cette asthénopie accommodative est due à ce que les muscles de
l'oeil subissent le même processus de fatigue douloureuse et pré-
coce que les autres muscles de l'économie, diminution progres-
sive du pouvoir contractile, amiosthénie par amoindrissement de
l'influx nerveux. Moins constantes sont les mouches volantes qui se
produisent surtout après des écarts de régime; et les accidents
transitoires" simulant ceux du glaucome, dureté des globes, dou-
leur à la pression, cercles irisés aulour des objets lumineux, dou-
leur pendant les mouvements de l'oeil, tout cela dû à la congestion
passagère des procès ciliaires par suite de troubles vaso-moteurs
neurasthéniques. F. BOISSIER.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
I. Camphre monobromé OU bromure DE camphre.
Sous ce titre, M. G. Maurange a publié dans le n° 40 de la
Gazette hebdomadaire la note suivante qui rappelle l'attention
sur un médicament dont l'efficacité, incontestable dans un
grand nombre de maladies, principalement celles du système
nerveux, est mieux reconnue ailleurs que chez nous.
Solubilité. - Insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool, la glycé-
rine, les huiles fixes et volatiles, l'éther.
Propriétés thérapeutiques. Abaisse la température diminue le
nombre des pulsations cardiaques, ralentit la respiration. Anaphro-
disiaque. Atténue les actions réflexes. A ce dernier titre a été
préconisé dans le tétanos, l'épilepsie (Bourneville). Serait un
excellent médicament contre le priapisme de l'ataxie locomotrice,
surtout en cas d'intolérance gastrique. Quelques auteurs lui attri-
buent une action excitante du système nerveux (Oinhart) : cette
opinion est démentie par les expériences de Bourneville et Lawson.
C'est au contraire un bon hypnotique, dont l'action est assez fidèle.
Les insomnies des diabétiques sont, en particulier, heureusement
influencées par les injections sous-cutanées de bromure de
camphre. Enfin il y aurait un antagonisme partiel entre la stry-
chnine et le bromure de camphre (Valent ! y Vivo, cité d'après
Bourneville et Bricon)'.
Dose usuelle. Chez l'adulte : 10 à 50 centigrammes par
injection jusqu'à 2 grammes en vingt quatre heures.
Effets de L'INJECTION. a) Immédiats. Localement très vive
douleur, surtout si l'on emploie la formule de Bourneville. Cette
douleur ne persiste pas cependant au delà d'une demi-heure. Avec
une formule de base huileuse, la cuisson est moins vive. b) Eloi-
gnés. L'effet hypnotique se produit généralement une heure
après l'injection de 30 à 40 centigrammes de camphre monobromé.
L'élimination, assez rapide, se fait par les reins (Rabuteau) et par la
muqueuse bronchique. L'abaissement de la température se pro-
Bourneville et P. Bricon. Manuel des injections sous-cutanées.
88 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
duit au moment de l'hypnose. - Localement il n'y a ni indurations,
ni complications inflammatoires (abcès, etc.), même chez les dia-
bétiques, à condition que l'opérateur, l'opéré, l'instrument aient
été rigoureusement aseptisés.
formules .
REVUE DE THERAPEUTIQUE.
59
Nous avons suspendu pendant une semaine, puis recommencé
de la même façon jusqu'à ce jour.
Observation IL Chiffl... Suzanne, née le 10 octobre 1891, à
Paris, est entrée à la Fondation Vallée, le 31 octobre 1895, elle est
atteinte d'épilepsie avec accès et vertiges.
60 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
à ceux que nous avons précédemment rapportés ils nous
semblent de nature à apporter la conviction dans l'esprit des
praticiens et les amener à essayer de leur côté ce médicament
dont ils devront prolonger l'administration pendant des mois
ou même des années, s'ils veulent en obtenir un vrai bénéfice;
du reste, cette prolongation est la même pour tous les médica-
ments employés dans l'épilepsie. BOURNEVILLE.
LE traitement de l'épilepsie par L'OPIUM ET LE bromure; par
LINEE. (Allg. Zeitschr. f. Psychiatrie, t. LII, fasc. 4.)
Flechsig a fait connaître en 1893 un nouveau mode de traite-
ment de l'épilepsie basé sur l'administration de l'opium à doses
croissantes (jusqu'à 1 gramme, ls ? 0) pendant six semaines, et
sur la suppression brusque de ce médicament qui est remplacé
par le bromure (7,50). Cette nouvelle médication a déjà donné
lieu à de nombreux travaux de la part de Salzburg, de Benneke,
de Slein, de Frange), de Hebold, de Stembo, de Wulff. Ce dernier
auteur (mai 1895), a traité dix-neuf épileptiques par l'opium et le
bromure : deux n'ont pu tolérer l'opium, cinq ont vu complète-
ment disparaître leurs attaques, huit les ont vu diminuer; chez
quatre il n'y a eu aucun résultat. En Hollande, V. Ziegenweidt a
obtenu des améliorations notables.
Les recherches de l'auteur ont porté sur sept malades (six hom-
mes et une femme) atteints d'épilepsie idiopathique avec- troubles
psychiques consécutifs aux accès. On a donné l'opium à l'état pur
(opium à 12 p. 100 de morphine); la première semaine, 0,20 par
jour Jes trois premiers jours et 0,30 les quatre autres; la deuxième
semaine, 0,40 ; la troisième semaine, 0,60; la quatrième semaine,
0,80; la cinquième semaine, 1 gramme ; la sixième semaine, 1,20.
Après la sixième semaine, suppression brusque de l'opium, qui
est remplacé par les trois bromures (7,50 en trois doses par jour).
Pendant l'administration de l'opium, il y a eu une légère aug-
mentation du nombre des accès. Une fois la médication bromurée
instituée, les accès ont cessé chez un malade et ne se sont pas
reproduits (depuis trois mois) ; chez deux autres des accès ont
éclaté dans les premiers jours puis ont disparu. Deux autres épilep-
tiques ont vu leurs accès diminuer de fréquense.
Au point de vue psychique l'influence du traitement paraît
avoir été favorable : humeur plus paisible, disparition des phases
d'agitation. Les troubles provoqués par l'administration de
l'opium, à haute dose, ont été sans gravité : vomissemenls chez
deux malades seulement, à la suite d'une dose de 1.20. La consti-
pai ion a été notée à partir de la dose de 0,60.
Les phénomènes d'abstinence dus à la suppression brusque de
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 61
l'opium ont été insignifiants et 0,10 d'opium associésauxbromures,
ont sufn pour les faire disparaître. Si tous les malades ont bien
supporté le traitement opiacé et sa suppression, il n'en est pas de
même pour le traitement consécutif par les bromures. On a eu a
noter des manifestations toxiques intéressant le cerveau qui se
sont développées avec rapidité, en deux jours, et reproduisaient
le tableau clinique de la paralysie générale à sa période termi-
nale. Chez un malade dont le coeur était le siè ! 2 : e de lésions de
dégénérescence, se produisit une paralysie aiguë du coeur qui
entraîna la mort. Chez un autre la mort survint à la suite de deux
accès épileptiques intenses. Il faut donc diminuer la doge de bro-
mure habituellement indiquée en raison de la susceptibilité parti-
culière du système nerveux qui a subi le traitement opiacé à haute
dose. Il va sans dire que la méthode de Flechsig ne peut être
appliquée que dans un asile. P. Sérieux.
III. Sur LE traitement DE l'épilepsie d'après la AfÉTIi9DEDEFLECFISIG;
par HABBAS. (Allg. Zeilschr. f. Psychiatrie, t. LU, fasc. 4.)
Gowers avait déjà essayé d'associer la morphine aux bromures,
mais sans en obtenir de bons résultats. Les effets favorables qur;
donne l'opium dans le traitement des psychoses donnèrent à
Flechsig l'idée de l'employer dans l'épilepsie. Quant au second
point de la méthode, à savoir la suppression brusque de l'opium
c'est encore l'observation clinique qui a déterminé Flechsig à
l'essayer. Il avait remarqué en effet qu'il obtenait de bons résultats
dans certaines maladies chroniques, la pananoïa par exemple, en
cessant brusquement l'opium donné à la dose de 1 gramme et en
le remplaçant par le bromure. Nombre d'expérimentateurs ont,
après Fechsig, essayé la médication par l'opium et le bromure.
Les résultats ont été contradictoires ; cependant, en général, le
traitement en question aurait donné a ta plupart des observateurs
des améliorations notables. Binswanger s'en déclare très satisfait
surtout dans l'épilepsie des jeunes gens.
Au point de vue du mode d'action de cette médication Salzburg
pense, avec Flechsig, qu'on peut admettre : 1° que l'opium agit
favorablement en diminuant la température du cerveau et les mu-
tations nutritives qui s'y produisent; 2° que l'excitabilité du cerveau
est amoindrie; 4° que l'opium augmente la quantité de sang con-
tenue dans le cerveau, ce qui a pour résultat, postérieurement,
d'augmenter aussi la quantité de bromure qui est contenue dans
cet organe.
L'auteur a traité seize malades (onze femmes et cinq hommes),
par la méthode de Flechsiu. Tous ces sujets avaient été soumis
entièrement au traitement bromure, et cela sans résultat. On a
employé la poudre d'opium aux doses suivantes : 0,10 trois fois
62 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
par Jour, pendant quatorze jours; puis 0,20 trois fois par jour
dans la seconde quinzaine ; ensuite 0,30 également trois fois par
jour, dans la troisième quinzaine. Le bromure (7,50) a ensuite
remplacé l'opinm supprimé brusquement. Au cours de l'adminis-
tration de l'opium les accès augmentèrent de fréquence chez qua-
torze sujets ; le poids du corps diminua chez neuf sujets et un
mois après chez six autres. Les règles cessèrent dans la plupart
des cas. Dans six cas on observa des nausées et des vomissements.
Comme symptômes d'abstinence, survenus au moment de la sup-
pression brusque de l'opium, on a noté des vomissements. Pendant
la période du traitement bromuré, les accès ont diminué de nom-
bre. Ils ont complètement disparu dans douze cas, et ne se sont
pas reproduits depuis deux ans, chez trois malades. Chez cinq
autres ils ne se sont reproduits qu'après six ou dix mois à la suite
de la diminution des doses de bromure. Les résultats n'ont pas été
aussi favorables chez l'homme que chez la femme. La médication
de Flechsig a une action favorable sur l'état mental des épilepti-
ques ; une malade a été, à ce point de vue, considérablement amé-
liorée. '
L'auteur reproduit la proportion des améliorations et des guéri-
sons dues à la méthode en question, d'après les observations de
Wulff, de Benneke et les siennes :
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 63
malades pendant plus d'une année et ses conclusions sont les
suivantes :
1° La méthode de Flechsig n'amène pas la guérison de l'épilep-
sie ; 2° elle présente cependant l'avantage d'amener un répit favo-
rable dans les attaques ; 3° de plus elle calme les malades
irritables en même temps qu'elle égaie les malades ayant une
tendance à la dépression mélancolique.
Par la cessation des accès et des autres symptômes inquiétants,
les malades redeviennent aptes à jouer un rôle actif dans la vie ;
il y a intérêt à reprendre le traitement tous les deux ou trois mois,
s'il donne des résuliats. (American journal of insanity, oct. 1895.)
E. B.
V. EMPLOI DE l'électricité dans LE traitement DES maladies
mentales ; par le Dr Irwin NEFF.
Certaines formes de folie, en particulier celles qui dépendent
d'agents toxiques ou de modifications organiques du système ner-
veux, sont accompagnées de changements dans l'excitabilité élec-
trique, ou nerveuse, ou musculaire; dans ces cas l'électricité peut t
aider au diagnostic.
L'emploi' thérapeutique de l'électricité peut aussi donner de
bons résultats, surtout dans les folies primitives.
Dans certains cas l'électricité peut rendre des services comme
agent de suggeslion.
Le choix du courant est déterminé par les règles ordinaires indi-
quées dans les ouvrages d'électrothérapie. (American journal of
insanity, janvier 1896.) E. B.
VI. DU SULFATE DE DUBOÏSINE DANS LE TRAITEMENT DE LA PARALYSIE
générale ; par M. X. FRANCOTTE. (Journal de neurologie, n° 5, 1896.)
Il résulte de ce travail basé sur quatre observations que la
duboisine jouirait d'une réelle efficacité contre le tremblement de
la paralysie générale. Cette efficacité, il est vrai est assez éphémère
car deux ou trois jours après la cessation du médicament le trem-
blement reparait. La duboisine atténue aussi mais d'une façon
moins prononcée, la rigidité musculaire ou les malaises qui l'ac-
compagnent ; elle parait sans action contre la faiblesse et les dou-
leurs. Son usage, même prolongé, n'entraîne aucun inconvénient.
Laduboisine devra être prescrite en granules de demi-milligramme
dont on fera prendre au malade de trois à six par jour. G. D.
VU. Revue DE thérapeutique appliquée au traitement DES maladies
mentales ; par M. LAILLER.
Résumé aussi documenté qu'intéressant des divers travaux pu-
64 li. REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
])liés sur les nouveaux agents médicamenteux introduits comme
sédatifs et hypnotiques, au cours de ces dernières années, dans
la thérapeutique des maladies nerveuses : le chloralose, le sul-
t'onal, la paraldehyde, le méthylal, le somnal, la duboisine.
Ces divers travaux ayant été deja analysés ici, pour la plupart,
nous n'aurons pas à y revenir. --
On peut, avec l'auteur, se demander quel est l'avenir de ce
groupe de médicaments qu'il est possible, à la rigueur, de consi-
dérer comme synergiques.
Ces médicaments ont tous des propriétés indéniables, mais il est
prématuré d'affirmer qu'ils sont acquis pour toujours à la théra-
peutique. Leur nombre pourrait, sans doute, être moindre ; mais,
en somme, ne peut-il pas y avoir avantage, en cas d'insuccès, à ne
par rester désarmé, à connaître des agents qui, dans une médica-
tion, peuvent se substituer l'un à l'autre et même s'entr'aider ?
(Annales médico-psychologiques, décembre 1895.) E. B.
VIII. Alimentation thyroïdienne dans LES troubles mentaux ;
par le Dr CLARKE.
L'auteur a expérimenté l'alimentation thyroïdienne dans les cas
d'aliénation mentale à forme chronique.
Si le nombre des expériences est encore trop petit pour que des
faits absolus puissent être établis, plusieurs résultats frappants ont
elé ms en lumière. '
La nutrition cellulaire est activée, modifiée d'une façon indubi-
table et le processus d'autointoxication qui existe dans quelques
cas, sinon dans tous les cas de maladie mentale, se trouve entravé.
Pour que des chances d'amélioration existent, il faut que la vita-
lité du malade soit assez forte pour triompher de la fièvre pro-
duite par l'alimentation thyroïdienne, sinon le malade s'affaiblirait,
déclinerait rapidement. ,
D'autre part, de même qu'à la suite des améliorations survenues
dans les affections mentales chroniques au cours d'une maladie
aigueë, il se produit la plupart du temps des rechutes soudaines,
de même il est difficile d'espérer encore par la nourriture thyroï-
dienne une modification permanente. (American journal of insa-
nity, oct. 1895.)
Ceux de nos lecteurs que la médication thyroïdienne intéressent
plus particulièrement trouveront dans les précédents volumes des
Archives de nombreux renseignements. E. BLIN.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ i\11D ICO- P SYC HO LO G 1Q DE.
Séance du 30 mai 1896. Présidence DE M. Charpentier.
Influen : a et folie.
M. Laroussinie communique une observation tendant à prouver
que l'intluenza peut déterminer un accès de folie.
MM. Vallon et Christian font des réserves sur la relation que
l'auteur cherche à établir entre l'inlluenza et la psychose.
Séance du 20 ({m'il, - Présidence DE M. Charpentier.
Distribution des récompenses.
Le prix Esquirol est partagé entre MM. JSCOVESCO et Battier.
internes à Villejuif, pour leur mémoire ayant pour titre : Du délire
de jalousie.
Prix Aubanel. Une récompense de 1,000 francs est attribuée à
MM. Tatty et Toy, chefs de clinique à la faculté de Lyon. La
Société met au concours pour 1897 la question suivante : Des auto-
intoxications dans les délires.
Séance du 1 ? juin. Présidence DE M. Charpentier.
Note sur le rôle de la mémoire dans la folie du doute.
M. SOLLOER. - On ne comprend pas bien il quoi tiennent les
formes qu'on observe dans les obsessions qui paraissent se déve-
lopper sur un fonds commun qui semble être l'émotivité morbide.
Les divers troubles qui accompagnent les obsessions : aboulie,
troubles sensitifs, anesthésiques, etc., ont servi de base à des clas-
sifications qui, toutes, sont justes à un certain point de vue. Parmi
ces troubles, il" en est un sur lequel on n'a pas insisté beaucoup,
c'est l'affaiblissement de la mémoire. Cependant le défaut de mé-
moire peut expliquer certains cas de folie du doute, tels'que
Archives, 21 série, t. IL 5
66 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ceux où le sujet après avoir fait une chose se figure ne l'avoir z
pas faite et va, à plusieurs reprises, vérifier s'il l'a réellement
faite. Dans ces cas, j'ai toujours constaté un trouble plus ou
moins prononcé de la mémoire, tant pour apprendre des choses
nouvelles que pour évoquer des anciennes, trouble apparaissant
souvent antérieurement à l'obsession.
II y a lieu aussi de distinguer deux espèces de douleurs, les uns
se figurent n'avoir pas fait une chose qu'ils ont faite; les autres se
figurent avoir peut-être fait une chose ordinairement blâmable
qu'ils n'ont pas faite. Dans ce cas, c'est l'oubli de certaines des
circonstances tant extérieures qu'intérieures dans lesquelles le
sujet s'est trouvé, un défaut de continuité dans ces souvenirs, qui
fait qu'il comble les lacunes avec les actes qu'il craint de com-
mettre, actes qu'il est incapable de reconnaître n'avoir pas exé-
cutés. L'abstention volontaire ne saurait être incriminée dans ce
cas, car, bien au contraire, le sujet apporte toute son attention à
s'entourer de précautions pour vérifier l'exactitude de ce qu'il
craint. La perception extérieure, surtout dans le premier cas où il
ne s'agit pas de grossières impressions sensorielles, n'est jamais
assez troublée non plus pour expliquer ces cas. La volonté n'a rien
à y voir. Il reste donc seulement le trouble de la mémoire pour en
expliquer le développement.
L'aliénation mentale en Tunisie.
M. Voisin a pu constater, dans le cours d'une visite faite, en Tu-
nisie, au quartier d'hospice Saquiti, réservé aux aliénés, que le
délire alcoolique y était inconnu. Le délire haschischique y est, au
contraire, très fréquent. On n'y trouve pas davantage de tabé-
tiques, ni de paralytiques généraux, malgré l'extrême fréquence de
la syphilis. L'épilepsie est rare. Les aliénés entrent et sortent de
l'établissement sans aucune autre formalité que la décision du
médecin traitant. Il n'existe pas de cellules. Les agités sont attachés
à une chaîne.
M. Vallon. Il serait intéressant qu'une statistique basée sur
des faits précis vînt confirmer l'absence de la paralysie générale
malgré la fréquence de la syphilis.
M. RITTI fait remarquer qu'il en est de même en Serbie.
M. Roubinowitch pense que la Société pourrait intervenir auprès
du médecin traitant pour avoir des renseignements statistiques.
Variété du délire des persécutions.
M. raLner, revenant sur les faits qu'il a déjà indiqués, demande
qu'on mette, de nouveau, à l'ordre du jour, les questions qu'il a
SOCIÉTÉS SAVANTES. 67
déjà posées à ce sujet et auxquelles il n'a pas été répondu d'une
manière suffisante. Plus on observe de faits, ajoute-t-il, plus on
trouve de cas mixtes de délire de persécution prêtant à la confu-
sion ; Nombreuses sont les espèces qui tiennent du délire de la per-
sécution et de la mélancolie. Il serait fort important de les étu-
dier. \Iarcei BRIGAND.
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DU NORD-EST DE L'ALLEMAGNE
Deuxième session A ZOPPOT. 1er juillet 1895.
M. Siemens ouvre la séance.
M. ICA1 SER, directeur de l'asile de Dziekanka. Communication
sur le nouvel asile provincial de Dziekanka et sur le développement de
l'assistance des aliénés dans la province de Posen.
Le début de l'assistance des aliénés dans la province remonte
à 1833, époque de la fondation de l'asile de Leutsus en Silésie,
suivie de la fondation de l'asile de Owinsk (1838). Ce dernier, ins-
tallé dans un ancien couvent, eut au début une centaine de mala-
des. 70 aliénés étaient traités au quartier d'hospice de Posen :
quelques autres étaient placés dans un établissement privé. La
province fit en 1869 l'acquisition d'un domaine de 45 hectares, où
fut construit un asile (1874) suivant le système ducorridor; la popu-
lation était de 500 malades. En 1891-92 le manque de places néces-
sita la construction de deux pavillons, chacun pour 40 malades ;
ces pavillons furent construits sur le modèle des pavillons d'Alt-
Scherbitz. L'encombrement obligea la province à construire un
second asile en se basant sur la proportion d'un lit pour 1,000
habitants, c'est-à-dire de 1,800 lits pour toute la province, chiffre
encore insuffisant puisque la loi du 11 juin 1891, mise en vigueur
le 1er avril 1893, a rendu obligatoire l'assistance des aliénés, des
épileptiques et des idiots indigents.
La construction du nouvel asile commença en octobre 1891 et le
20 octobre 1894 eut lieu l'inauguration. Le domaine acheté a une
superficie de 300 hectares, dont 21 pour le terrain d'assiette de
l'établissement, et 21 pour un parc. Le nombre des bâtiments est
de 33 dont 20 réservés aux malades qui sont au nombre de 600. On
y adopté l'organisation de l'asile d'Alt-Scherbilz, c'est-à-dire que
l'établissement se compose de deux parties : asile fermé (350 mala-
des) et colonie ouverte, sans grilles (système de l'open-door) pour
200 malades. La colonie se compose de trois villas pour chaque
68 SOCIÉTÉS SAVANTES.
division, avec une population variant de 33 à 44 malades par
villa. L'asile fermé comprend pour chaque division :
SOCIÉTÉS SAVANTES. 69
Dr Deiiio. Altérations des cellules ganglionnaÍ1'es dans les into,7.Í-
cations.
Depuis 1881, un certain nombre d'auteurs russes (Danillo, Popow,
Tschisch) ont étudié les altérations des cellules provoquées par des
intoxications expérimentales. Leurs conclusions ont été critiquées
par Kreyssig qui a montré qu'il s'agissait en réalité de modifica-
tions artificielles dues au durcissement par les sels de chrome. Plus
tard Stiglilz, dans l'intoxication saturnine, et Saratschow dans le
morphinisme chronique sont arrivés à des résultats positifs. Les
travaux de Nissl et des auteurs qui ont appliqué sa méthode (Sandi,
Vas et Schaffer) sont des plus importants : ils ont limité leurs
recherches aux grandes cellules motrices de la corne antérieure et
décrit les altérations de ces éléments dans les intoxications par le
plomb, l'arsenic, le phosphore, la. cocaïne, la nicotine, l'antipyrine,
l'alcool.
Nissl pense que les cellules ganglionnaires à fonction physiolo-
gique spécifique doivent avoir une morphologie différente. Aussi
en outre de leurs résultats anatomo-pathologiques, les expériences
en question pouvaient donner lieu à d'autres constatations. La
diversité de l'action qu'exerce sur les centres nerveux les différents
poisons doit, au cas où la manière de voir de Nissl est exacte, se
traduire par les altérations de différents groupes cellulaires. L'ac-
tion pharmacologique de certains poisons nerveux étant bien
connue, on pouvait ainsi obtenir des renseignements' sur différents
points intéressant la physiologie du système nerveux central. Dans
ces expériences on ne peut utiliser que les intoxications aiguës :
d'abord on sait que pour les intoxications chroniques leur marche
pst fort différente au point de vue clinique; en outre il y un grand
nombre de modifications secondaires (lésions de la moelle consta-
tées par J\11nnich dans l'anémie grave) ; enfin les stades terminaux
des dégénérescences des cellules ganglionnaires sont difficiles à
différencier. L'auteur a étudié spécialement l'empoisonnement aigu
par la strychnine déjà abordé par Nissl. Les recherches ont porté
sur deux lapins. Les grandes cellules motrices présentaientla modi-
fication spéciale décrite, sous le nom -de pyenomorphen Zustand
(Nissl. Neural. Centralbl., 1895, 1). Les altérations portaient surtout
sur la substance chromophile et sur le noyau. D'autres cellules de
la corne antérieure étaient également intéressées. Les lésions por-
taient surtout sur les cellules du groupe moyen de la région dor-
sale. Les cellules des ganglions spinaux étaient normales, de
même celles de la corne postérieure. Les noyaux des cellules du
bulbe étaient eux aussi altérés. (Allg. Zeitsch1'. f. Psychiatrie, t. LU,
fasc. 3.) .. Paul Sérieux.
70 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Lez RÉUNION DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE
DE LA PROVINCE RHÉNANE
Présidence DU professeur PEL2fANN. - Bonn, 15 juin 1895.
M. PELMANN lit un rapport sur un certain nombre de brochures
dirigées contre les asiles d'aliénés et les médecins aliénistes. Ces
publications se sont multipliées dans ces dernières années, surtout
dans le Wurtemberg. Un infirmier de l'asile de Zurich a même
publié ses « Souvenirs critiques ».
Une discussion s'engage au sujet du procès intenté aux frères
Alexianer. Ces religieux dirigent à Aix-la-Chapelle un asile d'aliénés
qui a été le théâtre de faits scandaleux. La Société adopte une
résolution flétrissant les pratiques en usage dans cet établissement,
pratiques qui sont en contradiction formelle avec l'état actuel de la
science psychiatrique. Elle insiste sur la nécessité de la direction
médicale des asiles d'aliénés, opinion adoptée par le congrès des
médecins aliénistes allemands (Francfort-sur-Mein, 25 mai 1893).
1. M. HERTZ. Le « Wahizsiiin », la « Ven'ttc/ft/t6t< » et la « Para-
noïa ». (Le travail sera publié in extenso ultérieurement.)
2. M. STEINER. Traumatisme cranien et artériosclérose des vaisseaux
du cerveau. Un homme de cinquante-six ans, un an après avoir
subi un traumatisme à la tempe gauche devient amnésique ; deux
ans et demi après l'accident on constate un état d'affaiblissement
intellectuel à marche progressive, intéressant surtout la mémoire.
Les radiales sont un peu dures, les mains tremblent légèrement.
Pas de syphilis, pas d'alcoolisme. La démence a lentement pro-
gressé durant trois ans; par intervalles quelques accès d'excitation.
Puis survint un ictus apoplectique avec hémiplégie droite passa-
gère, troubles de la parole. Mort par pneumonie. A l'autopsie, pie-
mère opaque, ses vaisseaux sont rigides, pas d'adhérences. Les
artères du cerveau sont le siège d'altérations profondes : épaissis-
sement, transformation calcaire, rigidité. Les ramifications termi-
nales dans la substance grise sont elles-mêmes gravement modi-
fiées dans leur structure. La substance grise des hémisphères ne
présente pas de lésions macroscopiques. Nombreux foyers de ramol-
lissement, anciens et petits, dans la substance blanche. L'aorte est
épaissie. Rein droit normal. En résumé, sclérose généralisée et très
intense des artères du cerveau. Cette artério-sclérose est-elle une
conséquence du traumatisme crânien antérieur ou bien la sclérose
due à l'âge a-t-elle été activée par l'accident, c'est ce qu'il est
SOCIÉTÉS SAVANTES. 71
malaisé de décider. Il faut considérer tout ce processus comme une
atrophie cérébrale par artério-sclérose, très analogue aux cas
que Alzheimer a séparés, l'année passée, de la paralysie générale.
Discussion : M. OEBFKE demande si l'on peut affirmer que le ma-
lade en question n'était ni un alcoolique, ni un syphilitique.
M. STEI1VER. Sûrement non.
M. ZACIIEIt. Les cas de Friedemann auxquels on a comparé
l'observation qui précède ne sont pas tout à fait identiques. Dans
ces cas il s'agirait de lésions vasculaires siégeant dans l'écorce seu-
lement et ayant déterminé des foyers d'apoplexie.
3. M. Schultze. Les états de sommeil pathologiques et la nnrco-
lepsie.-Chez une malade de l'asile de Bonn se produit subitement t
et par accès un besoin invincible de dormir. Comme cette femme
a eu antérieurement une attaque d'épilepsie et comme on aobservé
chez elle l'apparition subite d'accès de confusion hallucinatoire
suivis d'amnésie complète, M. Schultze pense que les accès de som-
meil sont de nature épileptique et voit dans son observation la con-
firmation de ce fait, à savoir que la narcolepsie, contrairement à
ce qui a été dit (Gelineau), n'est qu'un symptôme et non une
maladie spéciale. Il insiste sur l'importance de ces cas au point de
vue médico-légal, et rapporte l'histoire d'un veilleur de chemin de
fer qui, atteint de narcolepsie, fut trouvé endormi pendant ses
heures de service.
Discussion : M. Steiner demande quels sont les signes caracté-
ristiques de la narcolepsie et comment se comportent les pupilles.
M. SCHULTZG. Gelineau décrit sous le nom de narcolepsie une
névrose spéciale, se caractérisant par un besoin intense, subit, de
dormir, besoin qui se reproduit à des intervalles plus ou moins
longs. Gelineau ne parle pas de l'état des pupilles.
4. L : 1NGRCUTER. Présentation de tatouages de criminels.- L'auteur
a recueilli ses tatouages dans la prison d'Eberbach (arrondissement
de Wiesbaden) qui renferme 200 hommes et une vingtaine de
femmes, parmi lesquels de nombreux criminels d'habitude. L...,
dont les conceptions se rapprochent plus de celles de Lombroso
que de celles des adversaires de ce dernier, pense qu'on est auto-
risé à isoler de la foule des éléments anti-sociaux, un groupe de
criminels-nés ou mieux de criminels instinctifs. Mais ce groupe est
peu considérable si on n'y range que les sujets que caractérisent
nettement leurs antécédents héréditaires psychopathiques, leurs
signes de dégénérescence psychiques et somatiques et l'absence de
troubles intellectuels proprement dits.
Les stigmates des criminels instinctifs sont assez rarement
réunis en bloc chez le même sujet. On les rencontre au contraire
7° SOCIÉTÉS SAVANTES.
isolés ou groupés de différentes façons parmi les membres du
grand groupe des criminels d'habitude, croupe qui renferme les
criminels instinctifs, sans qu'on puisse établir une ligne de démar-
cation précise entre les deux classes de criminels. Bien que dans
un petit nombre de cas seulement, il soit possible de trouver des
tares héréditaires, les symptômes . qui distinguent une grande
partie, des criminels d'habitude des sujets normaux, paraissent
congénitaux, sans cependant qu'il s'agisse d'une maladie mentale
proprement dite et sans supprimer toute responsabilité. Le milieu
ne joue qu'un rôle secondaire dans le développement du criminel.
Celte manière dç voir ne saurait paraître exagérée aux aliénistes
qui savent la puissance prodigieuse de l'hérédité. Il est vraisem-
blable que l'on n'aurait pas besoin de recourir si souvent à l'ata-
visme si l'on avait des renseignements plus précis sur l'hérédité
des délinquants.
On a décrit un grand nombre de signes spécifiques de la crimi-
' ? alité, les uns psychologiques, les autres biologiques, sans parler
des signes de dégénérescence somatique. Dans les prisons, c'est
surtout par les sentiments affectifs que les détenus se distinguent
des sujets normaux; on observe aussi des anomalies aux points de
vue biologique et physiologique.
L... reconnaît l'exactitude de l'opinion admise par la majeure
partie des auteurs allemands, à savoir que les signes physiques
n'ont pas, dans la criminalité, l'importance que leur attribue Lom-
broso. La question n'a d'ailleurs pas été encore suffisamment étu-
diée, faute d'une méthode correcte. Les causes d'erreur sont nom-
breuses. L... a cependant été étonné du nombre considérable
de déformations du crâne. En revanche, en recherchant dans des
cas particuliers les signes dits caractéristiques de la criminalité, il
n'a pu trouver le complexus somatique attribué au criminel-né.
L... se propose d'étudier un point particulier, souvent discuté,
et qui prête à des considérations anatomiques, physiologiques et
psychologiques, le tatouage. Le tatouage est une habitude répandue
par toute la surface du globe, surtout chez les peuples non civilisés.
Les anciens Germains, les Gaulois se tatouaient pour effrayer leurs
ennemis et le tatouage d'aujourd'hui, qui s'est perpétué souvent
dans certaines classes de la société (marins, montagnards), parait
être une survivance d'habitudes ancestrales ; on voit en effet parmi
les motifs des tatouages, des sirènes, des serpents couronnés et
autres animaux fantastiques qui rappellent les légendes du moyen
âge. Le tatouage a toujours été pratiqué par les criminels, mais
dans ces derniers temps il s'est répandu encore davantage dans
cette catégorie de sujets. On rencontre en effet moins de tatouages
chez les détenus âgés que chez les jeunes.
Pour Lombroso le tatouage est un signe spécifique du criminel-né.
'De même pour Kurella. Leppmann n'y voit qu'une coïncidence
SOCIÉTÉS SAVANTES. 73
fortuite. Langreuter insiste surtout sur ce point que le tatouage
est fréquent chez les criminels, alors que précisément pour eux il
constitue un danger en permettant de reconstituer leur identité. Il
y voit une manière de symbole, une manifestation à moitié incons-
ciente et instinctive de l'esprit de corps, qui se produit même aux
dépens de l'intérêt personnel du criminel. Les facteurs qui poussent
un individu à se faire tatouer sont en outre surtout développés
chez les criminels, à savoir : le besoin d'imitation, la vanité, l'éro-
tisme, la fanfaronnade. Il faut y joindre encore l'ennui, les occa-
sions qui se présentent en prison, etc. '
L'habitude du tatouage est si répandue chez les détenus que l'on
peut vraiment parler d'une tendance spécifique, du moins chez les
sujets du sexe masculin, car chez les femmes le tatouage est rare
et se rencontre surtout chez les prostituées. Sur 206 détenus, Lan-
greuter a relevé 75 sujets tatoués, c'est-à-dire une proportion de
36 p. 100. On n'a guère relevé de proportion plus considérable,
sauf chez les détenus militaires en France et en Italie. Il faut, dit
l'auteur, se montrer prudent dans la recherche des tatouages chez
les détenus, si l'on veut éviter une épidémie de tatouages.
Sur les 206 détenus examinés (mai 1895) il y avait 126 réci-
divistes, proportion énorme. La proportion des sujets tatoués était
de 23 p. 100 chez les détenus condamnés pour, la première fois, et
de 48 p. 100 chez les récidivistes.
De l'examen comparé de 125 détenus tatoués observés par lui,
l'auteur conclut que les sujets obscènes sont très fréquents, qu'il y
a parfois combinaison de sujets religieux et érotiques, que les
tatouages observés par lui présentent une ressemblance frappante
avec ceux étudiés par d'autres auteurs, qu'il existe dans certains
cas une obtusion de la sentibilité (fait invoqué pour expliquer le
tatouage). Souvent il a relevé des proverbes. Le siège des tatouages
est de préférence à l'avant-bras, à la main, au bras, aux doigts.
On les rencontre moins souvent sur la poitrine, le ventre, les
jambes. Parmi les tatoués il y avait : 66 criminels d'habitude,
.24 criminels d'occasion et 32 criminels par passion. Chez 35 sujets
le tatouage avait été exécuté en prison. Trois détenus s'étaient
tatoués eux-mêmes.
En lésumé, les criminels d'habitude ont une grande tendance à
se faire tatouer et les criminels instinctifs présentent une prédi-
lection particulière' pour les tatouages étendus, extraordinaires
ou obscènes. (Allg. Zeitscler. f. Psychiatrie, t. LU, fasc. 3.)
' Paul SÉRIEUX.
BIBLIOGRAPHIE.
I. blanuel pratique des méthodes d'enseignement spéciales aux
enfants anormaux (sourds-muets, aveugles, idiots, bègues, etc.);
par les Drs HAMON du FocGERAY et COUETOUx, préface du Dr Bouit-
NEVILLE. (Bureaux du Progrès Médical.)
Sous la dénomination d'enfants anormaux, on entend les enfants
atteints de diverses infirmités portant soit sur les organes des sens,
soit sur les centres nerveux et produisant des modifications va-
riables dans leur développement physique, moral et intellectuel.
Si incomplètes que soient les statistiques officielles relatives aux
différentes catégories d'enfants anormaux, elles font cependant
ressortir quelle est leur importance numérique et quel intérêt so-
cial s'attache aux questions d'assistance, de traitement et d'éduca-
tion de ces enfants.
En effet, le nombre des sourds-muets en France, est de 350 en
moyenne, par année, pour les hommes âgés de vingt ans.
Pour les aveugles, le chiffre le plus faible auquel leur nombre
ait été évalué est de 38,000.
Quant aux idiots, bien que la statistique générale soit encore à
faire, leur nombre peut approximativement être évalué à plus de
50,000, et peut-être est-il bien supérieur.
Enfin la statistique dressée par M. Chervin père permet d'évaluer
à près de 130,000 le nombre des bègues.
Les enfants anormaux de toutes les catégories, le livre de
MM. Hamon du Fougeray et Couëtoux le démontre d'une façon
péremptoire, sont susceptibles d'être améliorés, relevés, instruits.
Malheureusement, l'éducation spéciale il donner aux enfants
anormaux est encore inconnue de la plus grande partie du public
médical ou enseignant.
Les auteurs, en vulgarisant les notions éparses dans un grand
nombre de publications trop abstraites, en montrant ce qui se fait
ou se peut faire pour relever les anormaux à la dignité d'hommes,
les rendre capables de subvenir à leur subsistance et les rappro-
cher le plus possible des citoyens ordinaires, ont comblé une lacune
et rendu le plus grand service à la fois aux infirmes et à ceux qui
s'y intéressent.
Ce livre s'adresse à tous les médecins, à tous les éducateurs, pro-
fesseurs et instituteurs, à tous ceux, en un mot, qu'intéressent et
BIBLIOGRAPHIE. 75
que doivent intéresser les questions d'assistance et d'enseignement.
Tous les médecins, en particulier, devraient être familiarisés
avec l'ensemble des connaissances indispensables pour comprendre
ce que sont en réalité ces diverses infirmités et apprécier les mé-
thodes qui leur sont appliquées.
C'est au médecin qu'incombera le plus souvent le devoir et la
responsabilité d'indiquer la conduite à tenir en face d'un enfant
anormal ; c'est à lui qu'on demandera quelles sont les institutions
où se pratique l'éducation spéciale nécessaire à chacun des états
anormaux, quelles sont les formalités nécessaires pour l'admission
des enfants dans ces institutions, etc., et l'intervention éclairée du
médecin deviendra capitale pour l'avenir intellectuel de l'enfant
si, au lieu de perdre un temps précieux dans l'expectative d'une
guérison hypothétique au moment de la formation de l'enfant, il
institue lui-même dans la famille, ou fait commencer de bonne
heure dans une institution spéciale l'éducation ou le traitement
médico-pédagogique, sans laisser la maladie s'aggraver et devenir
plus difficilement guérissable.
C'est, en effet, une notion bien mise en relief par MM. Hamon
'du Fougeray et Couëtoux que, pour tous les anormaux, aveugles,
sourds-muets, idiots ou arriérés, il faut intervenir le plus tôt pos-
sible, afin d'empêcher que l'enfant, plus ou moins délaissé, ne
contracte de mauvaises habitudes contre lesquelles il faudra lutter,
en outre de la maladie ou de l'infirmité primitive.
Les auteurs ont étudié chaque infirmité en particulier en l'exa-
minant sous ses différents points de vue. C'est ainsi que chaque in-
firmité, dans un exposé clair et précis, a été étudiée tout d'abord
au point de vue physiologique, en en monti ant les conséquences
physiques, morales et intellectuelles.
Ensuite, après un résumé historique, ont été décrites les méthodes
proposées : pour les sourds-muets, méthode mimique et méthode
orale, qui est la méthode de choix; pour les aveugles, méthode
Braille; pour les idiots, traitement médico-pédagogique, employé
à Bicêtre ; enfin pour les bègues, méthode du Dr Chervin.
Puis, ont trouvé leur place divers chapitres sur la statistique, les
institutions où se pratique actuellement l'éducation spéciale, avec
les renseignements utiles pour l'admission des enfants. Enfin a
été présenté l'aperçu de la législation appliquée en France à ces
divers infirmes.
En résumé, nous ne saurions faire un meilleur éloge de cet ou-
vrage qu'en citant les paroles, flatteuses dans une bouche aussi
autorisée, qui terminent la préface documentée de M. Bourneville :
« Par l'exposé de la situation des enfants anormaux, ce qu'elle est
et ce qu'elle doit être, 11f11. les D9 Hamon du Fougeray et Couëtoux
ont fait plus qu'un utile et bon livre : ils ont accompli une bonne
action. » E. BLm.
76 . VARIA.
IL Contribution à l'étude de l'insomnie chez les aliénés, son trai-
tement par les disulfones; par M. le Dr A. Bohn, interne à l'asile
de Maréville. (Thèse de doctorat, Nancy).
M. Bohn passe en revue les diverses théories relatives au som-
meil ; il indique les principales conditions que doivent remplir les
hypnotiques destinés aux aliénés et résume les avantages et les
inconvénients de ceux qui jusqu'à ce jour ont été employés de
préférence dans les asiles : chloral seul ou associé aux bromures,
à la morphine, opium etses dérivés, sulfonal, chloralose, etc., etc.
Puis il s'attache plus spécialement à l'étude clinique du trional et
du tétronal, à leurs effets dans les diverses formes que peut revêtir
l'aliénation mentale.
D'après ses conclusions, basées sur trente observations, le trional
et le tétronal sont des hypnotiques puissants, dont l'action, facile à
obtenir dans la plupart des maladies mentales, est assez variable
dans la manie hystérique, la manie puerpérale, la dégénérescence
mentale, et devient à peu près nulle dans la folie alcoolique. Ils
Combattent souvent à la fois l'insomnie et l'excitation diurne.
1 « Le trional et le tétronal ont sensiblement une action ideu-
tique. Les effets secondaires fâcheux qui surviennent parfois après
l'administration de ces médicaments, sont très passagers et peu
dangereux. Le trional et le tétronal ont une action hypnotique
beaucoup plus rapide que le sulfonal dont ils dérivent. » .
Ces deux médicaments ont été prescrits habituellement à des
doses variant de 1 à 3 grammes, en potion. A. Paris.
VARIA.
CONCOURS POUR LES places DE médecins adjoints dans LES asiles
publics d'aliénés.
Région de Paris. Jury : le professeür Joffroy, f3eltrudc,
Dericq, Doutrebente; Pelrucci. 5 places, 7 candidats.
Région de Lille. Jury : MM. Keraval, Adam, Boiteux, Pilleyre,
Castiaux, professeur. 5 candidats, 5 places.
Région de Nancy. Jury : le professeur Simon, VerneL,
Gallopain, Guyot; Paris. 4 candidats.
Région de Lyon. Jury : mu. le professeur Pierret, Lallemand,
Lapoiole, Dumas; Brun. 3 candidats.
VARIA. 77 -1
Région de Montpellier. -Jury : M\i, le professeur Mairet, Maunier,
Rey, Bonbila; Guillemin.
Région de Bordeaux. Jury : MM. Régis, Caillau, Girma, Dour-
sout ; Pons. 3 candidats.
Région de Toulouse. Jury : MM. le professeur André, Nicouland,
Ramadier, llialfilâtre. 3 places, 4 candidats.
Les présidents délégués sont : pour Paris et Lyon : M. l'inspec-
teur A. Regnard; pour Lille et Nancy, M. l'inspecteur Napias;
pour Bordeaux, Toulouse et Montpellier, M. l'inspecteur Drom-
neau. Les concours s'ouvriront à Lyon, Lille et Montpellier le
5 mai; à Toulouse le 7; à Paris, Nancy et Bordeaux le 11.
Le concours pour le poste de médecin adjoint des asiles (région
du Nord) s'est terminé par la nomination des quatre candidats
suivants : MM. Deswarte, ! lIUS1N, Briche, SfKGER. Le sujet de
l'épreuve écrite était le suivant : Cordon postérieur de la moelle.-
Les questions restées dans l'urne étaient : Circonvolutions céré-
brales, nerf pneumogastrique. L'épreuve orale a eu pour sujet :
Erysipèle, symptômes et traitement. Les autres questions proposées
étaient : Rougeole, symptômes et diagnostic; Péricardite, symp-
tômes et traitement. Les épreuves cliniques ont eu lieu à l'asile
d'Armentières.
' Le concours de la région de Lyon, qui a été exceptionnellement
brillant (les deux premiers candidats ayant obtenu 85 et 84 points
sur 90), vient de se terminer. Ont été admis, par ordre de mérite :
MM. Toy, Roux, DoDERO. La question écrite : Cordon postérieur de
la moelle. Question orale : Signes et diagnostic du mal de Bright.
Les candidats admis sont pour la région de Montpellier : .'
MM. CAVALIÉ (1er) et Cossa (2°). Epreuve écrite : Nerf optique;
épreuve orale : Localisation cardiaques du rhumatisme ; fracture de
côtes; pour la région de Toulouse : 1\IM. Papillon (1er), 1\hIGNAL (2°)
et BAUDRON (3e), Epreuve écrite : Méninges cérébrales; épreuve orale :
Complications de la fièvre typhoïde, luxations de l'épaule; pour la
région de Bordeaux : MM. HOUEIX de la Brousse et MAHON (ea; çuo),
TERRA DE (3e). Epreuve écrite : Quatrième ventricule; épreuve orale :
Artériosclérose ; othématome au point de vue chirurgical; pour la
région de Nancy (médecins-adjoints) : MM. LEVET (le'), SANTE-
noise (2e) et Lalanne (3°). Epreuve écrite : Faisceau pyramidal ;
.épreuve orale : Formes cliniques de l'urémie. Pour la région
de Paris : 11114. Lcaov (1 cr), BARUTH (2e), Cour.oN (3e), THIBAUD (4°),
DARIN (5°). Epreuve écrite : Nerf moteur oculaire externe; épreuve
orale : Varioloïde; épreuve sur titres; les candidats sauf un n'ont
présenté que leur thèse.
Les renseignements qui précèdent montrent d'une façon
évidente que le dernier concours régional a été supérieur aux
précédents. A mesure que l'expérience se continuera, les
78 H varia.
résultats seront assurément meilleurs à la condition toutefois
que dans les promotions qui ont lieu l'administration supérieure
se montre absolument équitable, place au premier rang les
services rendus ; à la condition aussi que les places les plus
avantageuses, qui devraient être justement données aux méde-
cins expérimentés, ne soient [plus données à d'anciens admi-
nistrateurs, des fonctionnaires qui n'ont aucune connaissance
médicale et ignorent complètement ce qu'est un asile d'aliénés,
en quoi consiste son fonctionnement.
L'augmentation du nombre des candidats, qui s'accentuera
quand l'administration le voudra en donnant des garanties
sérieuses, la qualité des épreuves qui, nous assure-t-on, ont été
supérieures à celles des concours précédents, bonnes en géné-
ral, quelquefois très bonnes, sont autant de circonstances qui
nous paraissent favorables au concours régional. Dans toutes
les régions l'un des professeurs de la Faculté de médecine
faisait partie du jury. C'est aux Facultés provinciales, qui ont
intérêt à la décentralisation, à défendre l'organisation actuelle,
à engager quelques-uns de leurs élèves à travailler d'avance
en vue des futurs concours, comme d'autres travaillent pour
les concours des hôpitaux.
C'est avec M. Léon Bourgeois, alors sous-secrétaire d'Etat, et
avec M. Monod que nous avons contribué à l'organisation du
concours régional. Les résultats acquis les encourageront cer-
tainement à maintenir ce mode de concours et leur fourni-
ront des arguments sérieux pour le défendre si cela était
nécessaire. B.
Enfants arriérés améliorés : SECOURS A DOMICILE
L'enfant Ferra..., âgé de dix-huit ans, atteint d'imbécillité
amélioré notablement, bon apprenti brossier, pourrait être
renvoyé, il sait le métier de brossier d'une façon convenable.
Toutefois, comme sortant de Bicêtre, on ne lui donnera qu'un
salaire insuffisant probablement pour faire face à ses besoins.
Son père, hystérique, refuse de lui venir en aide et sa mère
est à Ville-Evrard comme aliénée, d'où la nécessité d'avoir un
crédit qui permettrait de donner un secours quotidien de 0,50,
0,60, 0,75 ou 1 franc, aux malades de cette catégorie et comme
le prix de journée à Bicêtre est de 2 fr. 25, il en résulterait
une économie sérieuse ou l'on pourrait faire face à d'autres
besoins, soulager d'autres misères. Bien des fois, nous avons
BULLETIN bibliographique. 79
signalé cette modeste réforme à la Commission de surveillance
des asiles, aux membres de la Commission du Conseil général
et nous leur avons même présenté au cours de [leurs visites
annuelles des exemples d'adolescents qui pourraient être ren-
voyés mais à la condition d'avoir un secours. Les faits de ce
genre montrent une fois de plus la nécessité d'un crédit spécial
et d'une Société de patronage.
FAITS DIVERS.
Journalistique. Nous avons reçu les cinq premiers numéros
de Archivio delle psicopatie sexuali, revue hi-mensuelle de psycho-
logie, psychopathologie humaine et comparée, de médecine
légale, etc., dirigée par le Dr P. Penta et rédigée par R. P. Capano
et P. Nucio. Rome, Naples.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Auvrsnv (M.). Les tumeurs cérébrales. Volume in-8°, de 467 pages,
avec 29 figures dans le texte. Prix : 8 francs. Paris, 1896. Librairie
J.-B. Baillière et fils.
Ciiipault (A.), BItAQUEIIAIE (J.), DEMOULIN (A.Î, DALEIM (E.). Travaux
de neurologie chÏi'll1',r¡icale (1895). Volume in-8°, de vm-352 pages.
Prix : 5 francs. - Librairie L. Battaille et C ?
Darin (IL). Rapports de l'alcoolisme et de la folie. Prophylaxie
et traitement des alcooliques. Volume In-8°, de ( ? 1 pages. Prix :
3 francs. Paris, 1896. Librairie J.-B. Baillière et fils.
Mirallié (Ch.). - De l'Aphasie sensorielle. - Volume in-81, de 220 pa-
ges, avec nombreuses figures dans le texte. Paris, 1896. Librairie
G. Steinheil.
Morel (J.). L'enseignement professionnel des gardiens des asiles
d'aliénés devant la Société de médecine mentale de Belgique. Bro-
chure in-8°, de 16 pages. Gand, 1896. Imprimerie Eug. Vander
Haeghen.
Motet (A.). Duchenne (de Boulogne) et son oeUV1'e. Brochure
in-8°, de 31 pages. Pans, 1896. Librairie Masson et C".
Nonne und BERCLIN, Ueber Contraclur-und Lâzmungs-Zuslïxânde
der exlei-iore)z und interionezz Augen-J11uskeln bel Hystérie. - Brochure
in-8°, de 36 pages. Leipzig, 1896. Verlan von A. Langkammer.
PIFRACCINI (A.). Grado eslrenzo di dolicocefalia. Brochure in-8°,
de 4 pages. Macerata, 1896. Archivio di Psichialria.
Roubinovitcii (J.). Des variétés cliniques de la folie en France et en
Allemagne, avec une préface par M. le professeur JOFFROY. Volume
80 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
'in-81, de 276 pages. Prix : 5 francs. Paris, 1896. Librairie Octave
Doin, 8, place de l'Odéon.
Santé DE Sanctis. F. Sogni e il sonno. Volume in-8° carré de
217 pages. Roma, 1896. Societa éditrice Dante Alighieri.
SETH SCOTT Bisnop. The dilalor in discases of the air Passages and
the Ear. - Brochure in-8° de 4 pages, avec 2 figures. Chicago, 1895.
Journal of Préventive Review.
Suuro.eworsru. Menlally- Déficient children. Volume in-8°, relié
de xiv-1 îO pages, avec 5 figures. tendon, 1895. H.-K. Lewis.
-. ·l'nr american YEArt-13001 OF medicine A\D SURGCRY being a ye(t-1,y cligesl
, ? nf scicnlific progress and aullronilalive opinion in ail branches of Me-
'rlicina and surgery. dl'awn (1'0111 ,joal'1wls, alitl texte boolrs,
,, Volume in-S° de 1,183' pages, avec 33 planches et nombreuses figures.-
.1'hrladelpltia, 1896. - W. B. Saunders.
Veriioogen (P..). Sur les troubles digestifs el hystériques. Volume
in-8° de'184 pages. Bruxelles, 1896. Imprimerie llayoz et Cie.
AVIS A NOS ABONNÉS. - L'échéance du 1er JUILLET
étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions
instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cessera
et celte' date, de nous envoyer le plus tôt possible le mon-
tant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce
montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur
localité, qui leur remettra un reçu, de la somme versée.
Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés
par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du
prix de leur renouvellement.
Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la
quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-
mentée des frais de recouvrement, à partir du
20 juillet. Nous les engageons donc à nous envoyer DE
SUITE leur renouvellement par un mandat-poste.
Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos
abonnés dejoind1'e à leur lettre de réabonnement et à toutes
leurs réclamations, la bande de leur journal.
Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collectif
des Archives de Neurologie et du Progrès Médical
est réduit à 30 francs pour la France et l'Étranger.
. Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.
Evrcu)" Cil. IlF'uI5sPY, unp. - 706.
Vol. II. Août 1896. N° 8.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
ANATOMIE. z
' - 1
SUR LE GROUPEMENT DES FIBRES ENDOGÈIIti4
DE LA MOELLE DANS LES CORDONS POSTERIEURS;
Par )1. le D' lll.wu f)UOUI;,
Ancien iritei ne des hôpitaux. ,
TRAVAIL DE L\ \ CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈ\lE NERVEUX.
Laboratoire de )1. le professeur Raymond, il la Salpêtrière.
I.
L'existence des fibres endogènes dans les cordons pos-
térieurs de la moelle est une notion qui n'est plus absolument
de date récente, puisque déjà en 1866 M. le professeur Bou-
cliard' parlait après Todd, Gratiolet et autres, de fibres com-
missurales entrant dans la constitution de ces mêmes cordons.
Mais c'est seulement dans ces dernières années qu'une étude
plus approfondie en a été faite par les histologistes soit dans
de récentes publications 2, soit dans des communications à la
Société de biologie ".
On admet actuellement, surtout depuis les recherches de von
Lenhossek sur les cellules particulières de la substance grise
' Bouchard. Archives générales de médecine, 1866.
2 Gombault et Philippe. - 1 l'ch ives de médecine expérimentale, 1894.
3 Déjerine et Soitas. llullelin de la Société de Biologie, 15 juin 1895.
Déjerine et Spiller. Idem, 27 juillet.
Voii Lenhossek. JDer feinere l3art des Xervensyslems.
Archives, te série, t. IL 6
82 ANATOMIE.
de la moelle, dénommées cellules des cordons, que ces fibres
sont les prolongements de neurones dont l'élément noble ne
serait autre que ces mêmes cellules des cordons. Mais si l'on
se reporte aux descriptions des auteurs, 'quant à la situation
topographique de ces faisceaux, on s'aperçoit rapidement que
l'accord- est loin d'être fait. De plus, s'il est établi que ces
fibres représentent des voies commissurales, reliant entre eux
des étages superposés de la moelle, il semble que jusqu'ici on
n'ait attribué à'ces faisceaux qu'un trajet assez court, d'où le
nom de fibres commissurales courtes qui leur a été donné.
Plus loin on verra que nous attirons l'attention non seule-
ment sur la topographie de ces faisceaux, mais aussi sur la
longueur du trajet de quelques-uns d'entre eux.
Tout récemment une interprétation en partie semblable à la
nôtre a été esquissée avec grandes réserves par un auteur alle-
mand, Hoche ', qui n'ose encore se prononcer sur le point
de savoir s'il s'agit dans ses deux cas de fibres endogènes des-
cendantes, les seules que nous ayons en vue dans cette étude,
ou de filets radiculaires descendants à long trajet.
Nous avons eu l'occasion d'étudier dans le laboratoire de
notre maître, M. le professeur Raymond, les altérations histo-
logiques que présentait la moelle d'une malade morte avec
une .compression des nerfs de la queue de cheval. Mettant t h
profit cette observation et la rapprochant d'autres publiées
antérieurement, nous avons essayé de contrôler et de concilier
l'opinion de nos prédécesseurs. Sans y être absolument par-
venu nous avons été amené à la suite de cette étude sur le
trajet des faisceaux endogènes dans les cordons postérieurs à
fournir une interprétation, pas absolument neuve sur tous les
points, mais qui nous a paru cadrer le mieux avec un certain
nombre de faits.
Dès maintenant nous tenons à déclarer que nous n'essayons
pas d'expliquer tous les faits disparates signalés antérieure-
ment et qu'on pourrait nous opposer. Il en est en désaccord
avec la manière de voir que nous avons déjà fait pressentir
dans une communication à la Société de biologie 2. De ceux-là
est par exemple le cas Darkschewitch '' où à la suite de com-
1 docile. - Neiirologisches Cenlralblall, 15 février 180G.
- Dufour. Bulletin de la Société de Biologie, 2 mai 189G.
3 I)a ? scUeNitcL. i\'eunolo ! /isches Cenlrulbloll, 1" janvier 1896.
DES FIBRES ENDOGÈNES DE LA MOELLE. 83 ,
pression des racines postérieures lombo-sacrées par un carci-
nome, les cordons postérieurs sont représentés dégénérés dans
toute leur étendue, sans même qu'il soit fait mention d'une
zone intacte correspondant au centre ovale de Flechsig. Mais
à côté de ces exceptions, nous avons trouvé tout un groupe
d'observations qui se complètent l'une l'autre et qui nous ont
paru légitimer notre interprétation.
Dans une question beaucoup plus simple et qui ne peut être
séparée de celle que nous éludions, la même difficulté se pré-
sente, nous faisons allusion ici à l'existence ou à la non-exis-
tence tout au moins chez l'adulte de filets radiculaires descen-
dants dans les cordons postérieurs. Existent-ils réellement ? et
si leur présence est constante pourquoi ne les retrouve-t-on
pas dégénérés dans tous les cas où les racines postérieures
sont lésées ? Tel est le point sur lequel les auteurs sont encore
en divergence d'opinions. Il est de toute nécessité ici pour
l'étude même que nous avons entreprise de donner un résumé
de cette question.
II.
Kôlliker1, Ramon y Cajal 2, van Gehuchten 3 décrivent aux
racines postérieures deux branches, une ascendante, l'autre
descendante à court trajet. A côté de cette donnée fournie
par l'embryologie, l'anatomie et l'histologie si l'on met en
regard l'expérimentation, le désaccord commence. Tooth 4 chez
les singes, Singer chez les chiens ne constatent pas la pré-
sence de dégénération descendante dans la moelle à la suite
de sections des racines postérieures. Au contraire, Odi et
Rossi s, Bordez ? Marinesco 8 opérant de la môme façon des
chiens, des cobayes ou des chats, la mentionnent.
Veut-on s'en rapporter aux examens anatomo-patholo-
' Küllilcer. Zeilsclznifl sur 11-iasr.nsclrafl Zool., LI, 1890.
2 Hamon y Cajal. - Allatamische" .rI1lei[jel', V, 1891. l.
3 Gehuchten (van). Le système nerveux de l'homme.
* Tooth. Lectures of seciindary clegeneraliou of spinal Card, London,
1889. '
5 Singer. Silzungsb. den 1\ïen. Akad., 1881.
' Odi et Bossu. Archiv. ilal. de Biologie, 1890.
' Berdez. Revue médicale de lu Suisse Romande, mai 1892.
" Marinesco. Comptes rendus de la Société de Biologie, juin 1894
84 ANATOMIE.
giques, même difficulté pour savoir si chez l'homme adulte
ces fibres radiculaires descendantes existent réellement.
Sottas', NaoeotLC2 parlent de ces filets descendants alors
que Souques 3, Gombault et Philippe1, Margul1es ne les
retrouvent pas °. -
Voilà donc un fait, simple en apparence, qui toujours,
semble-t-il, devrait se résoudre par l'affirmative ou la néga-
tive et qui donne lieu à des constatations absolument oppo-
sées. Quoi d'étonnant que dans une étude plus complexe.
lorsqu'il s'agit de fibres endogènes, de faisceaux dont la topo-
graphie, la longueur, l'existence même sont encore en litige,
on. retrouve les mêmes hésitations et de véritables contradic-
tions. L'observation que nous allons rapporter, rapprochée de
faits antérieurs, nous a donné une conviction et a inspiré nos
conclusions. Ce sont celles-là que nous essaierons de développer.
Il s'est agi dans notre cas d'un enduthéliome ayant comprimé
les racines rachidiennes inférieures de la moelle depuis la
troisième lombaire inclusivement. La compression opérée len-
tement a duré environ cinq ans laissant intacte la moelle, le
cône terminal jusqu'à sa partie inférieure. La tumeur présen-
tait un volume considérable et remplissait le canal lombo-
sacré mesurant 0 ? L7 de longueur, sur 0 ? 04 de largeur dans
son milieu.
La description clinique de la maladie, son évolution', la
nature histologique 8 de la tumeur ont été décrites par nous
ailleurs ; nous ne ferons que rapporter ici l'examen des élé-
ments nerveux.
III.
Examen histologique. Les racines postérieures ont été
coupées isolément, colorées à l'acide osmique, à l'éosine et au
1 Sottas. Revue de médecine, 1893.
* Kageotte. Revue neurologique, 1895.
' Souques. Bulletin de la Société de Biologie, mai 1895.
` Gombault et Philippe. Loc. cit.
5 Margulies. - Neurulogisches CeetmvlhZull, 15 avril 1896.
" M"" Déjerine et Thomas (Soc. de Biologie, 27 juin 1895) ont pu cons-
tater chez un adulte l'existence d'nne branche descendante des racines
postérieures.
7 Dufour. - Thèse Paris, 1896.
8 Dufour. Bulletin de la Société .lnaloll11qllr, février 1896. z
DES FIBRES endogènes DE la moelle. 85
picro-carmin; elles présentent une diminution des tubes de
myéline d'autant plus étendue qu'on a affaire à des racines
plus inférieures. Les lésions radiculaires sont plus accentuées
du côté gauche que du côté droit. Elles s'atténuent en remon-
tant, laissant intactes les deux premières lombaires. Les
racines sacrées présentent des altérations presque absolument
destructives. Dans les racines lombaires, on trouve encore un
grand nombre de filets nerveux conservés. Les coupes de la
moelle ont été colorées par les méthodes habituelles, picro-
carmin, Azoulay, Marchi, Pal. Toutes ces colorations nous
ont donné des renseignements comparatifs.
Cône terminal (fig. 6 schématique). Dans la figure 6 représen-
tant une coupe' tout à fait inférieure,
nous n'avons représenté en pointillé
dans les cordons postérieurs que les
parties qui sont restées saines, toutes
les autres régions de ces mêmes cor-
dons sont atteintes par ]a dégénéres-
cence. Les cordons antéro-Iatéraux sont
normaux. On voit sur cette coupe que
les parties restées indemnes occupent
le voisinage immédiat du septum pos-
térieur et cela dans ses deux moitiés antérieure et postérieure.
La zone postérieure n'est autre que le triangle médian et posté-
rieur figuré déjà par Sehullze1 dans un cas de fracture et de luxa-
tion du corps de la troisième vertèbre lombaire ayant amené une
compression des nerfs de la queue de cheval, figuré également
conserve par Eisenlohr 2,dans une méningite chronique de la queue
de cheval, et décrit au contraire comme ayant subi la dégénérescence
secondaire descendante dans des cas de compression de la moelle
siégeant assez haut l3arbacci Iloclie 4. ?
C'est sur ce triangle médian que MM. Gombault et Philippe 5 ont
particulièrement attiré l'attention dans un récent mémoire très
remarquable, ainsi que sur l'interprétation à lui donner au sujet
de l'ollgille de ses fibres, interprétation qui, on le verra ne con-
corde pas entièrement avec la nôtre.
Sur la même coupe on aperçoit également à la partie anté-
' Schultze. Arcli. sur Psychiatrie, 1883.
' Eisenlohr. Xeurologisches CeielnulLlall, 1884.
3 Barbacci. Lo Sperimenlale, 1891.
4 Hoche. l,oc. cil.
' Gombault et Philippe. Loc. cil.
Fig. 6.
86 ANATOMIE.
rieure une région médiane et garnie de tubes il myéline ; cette
zone décrite habituellement par les auteurs comme cornu-commis-
surale, mérite par son siège au voisinage du septum plus que des
cornes postérieures et pour la différencier de sa disposition à un
réseau plus élevé de porter ici le nom de zone ou de faisceau sulco-
commi=sural postérieur ou encore seplo-commissural.
Coupe au niveau de la cinquième paire sacrée \fig. 7 '). La
bande intacte de tubes à myéline s'étend ainsi qu'on peut le voir,
de chaque côté du septum sur une assez faible largeur, depuis la
périphérie de la moelle en arrière jusqu'à la commissure postérieure
en avant où elle finit en pointe.
On voit de plus sur cette figure non schématique que la dé1Óéné,
rescence envahit tout le reste des cordons postérieurs.
Coupes entre la cinquième paire sacrée et la deuxième sacrée.
Sur les différentes coupes comprises entre ces deux hauteurs, les
deux zones saines médianes existent toujours, l'une antérieure, l'autre
postérieure. La postérieure répond au centre ovale de Flechsig,
mais se continue vers la périphérie qu'elle atteint, ce qui n'est pas
encore la disposition classique de ce centre, ainsi qu'il est repré-
senté àégtsi à un niveau plus élevé (fia. 8).
Coupe au niveau de la première paire sacrée (fig. 9). La zone
antérieure répond à la description habituelle du champ cornu-
commissural. Elle répond bien ici à la corne postérieure et à la
commissnre.
Au moment où la zone postérieure atteint l'angle postéro-iulerne
du cordon postérieur, elle le contourne et borde sa branche pos-
térieure sur un trajet assez court. Nous retrouverons plus haut
cette disposition angulaire.
1 Nous remercions notre ami Vincent, qui a bien voulu se charger de
l'exécution de nos dessins.
Fin. 7.
DES FIBRES ENDOGÈNES DE LA MOELLE. 87 1
Coupes entre les premières racines sacrées et la troisième paire lom-
baire. La disposition est la même que précédemment, mais en
plus des régions sus-indiquées les zones radiculaires se peuplent
rapidement en remontant des filets radiculaires nouveaux amenant
des tubes sains, qui viennent remplir les portions externes et
moyennes des cordons postérieurs.
Coupe au niveau de la troisième racine lombaire (fin. 10). - A
partir de la quatrième lombaire et au niveau de la troisième lom-
])aire (fig. 10), le centre ovale de Flechsig apparait occupant son
siège habituel sans prolongement postérieur ni angulaire. La zone
Fig. 8.
Fig. L'
Fiv. 10.
OS ANATOMIE.
antérieure dite cornu-commissurale exisle toujours mais déjà con-
fondue avec les fibres radiculaires qui ont fait leur apparition. Il
est donc difficile sur ce seul cas de le différencier du groupe de ces
fibres radiculaires.
Mais si l'on se reporte à d'autres observations on peut admettre
que celle zone a subi un déplacement vers les parties latérales
franchement adjacentes à la commissure et à la base des cornes
postérieures et laissant entre elles et le septum un espace dégé-
néré occupé actuellement par les fibres altérées des racines sacrées.
Coupe au niveau de la deuxième lombaire et au-dessus (/'vg. 11).
Sur ces coupes les fibres de notre groupe postérieur qui for-
maient le centre ovale de Flechsig, se sont de nouveau rapprochées
de la périphérie et pour la deuxième fois, forment le faisceau angu-
laire dont nous avons parlé plus haut.
Ici cependant la branche postérieure et transversale s'allonge,
alors que la branche interne et perpendiculaire à celle-ci diminue.
Le même aspect se représente sur des coupes de la première lom-
o baire et d/uxième dorsale.
Même disposition que sur la coupe précédente pour la zone
cornu-commissurale.
En remontant dans la moelle les filets radiculaires prennent
une telle extension, qu'il devient impossible de distinguer ce qui
appartient au trajet inlra-médullaire des racines postérieures de ce
qui releve des faisceaux endogènes. Toutes ces fibres sont en con-
tact immédiat et on ne peut pour l'étude que nous poursuivons,
retirer aucune preuve de l'examen de nos coupes. Nous arrêterons
donc ici la descriplionïtistolo¡;ique de notre cas.
Nous nous contenterons de signaler que sur les'coupes supé-
rieures la zone dégénérée occupe exactement dans le cordon
Fifl. 11.
DES FIBRES ENDOGÈNES DE LA MOELLE. 89
de Goll la place qui a été constatée maintes fois à la suite des
lésions des racines lpmbo-sacrées ou de leur 'section expéri-
mentale.
IV.
Avant de donner les raisons qui nous ont déterminé dans
l'interprétation de notre cas et de développer nos conclusions,
il est indispensable de rapprocher ce fait d'autres antérieurs
qui ne sont qu'une confirmation du nôtre ou une contre-
épreuve. Si l'on veut bien se reporter à la lecture de l'obser-
vation de MM. Souques et Marinesco ', on sera frappé ainsi
que nous l'avons été nous-mème de l'identité des examens
histologiques.il s'agissait dans le fait rapporté par ces auteurs
d'une malade morte à la suite de la compression des nerfs
de la queue de cheval. Or notre description est à peu près
calquée sur la leur et nous nous contenterons de citer le pas-
sage qui a trait à une coupe de la région lombaire moyenne,
et à celle faite au niveau de la deuxième paire dorsale. i
Région lombaire mo/enc.< Lesdcuxzones cornu-commissurales
qui, dans la région précédente, se touchaient sur la ligne médiane
sont ici très écartées, l'une de l'autre, de sorte qu'elles sont sépa-
rées par une surface dégénérée. Quant aux deux bandelettes
médianes (centre ovale) on voit ici qu'elles ont reculé vers la péri-
phérie de la moelle. Elles siègent à peu près à l'union du quart
postérieur avec les trois quarts antérieurs du septum médian. »
C'est, on le voit, exactement la description qui peut s'adapter
au point de passage représenté entre nos figures 10 et 11 et
que nous avons constatée sur nos préparations.
Au niveau de la douzième racine dorsale, apparaît encore
la même concordance avec l'aspect que nous avons constaté
nous-mêmes et qu'on peut voir dans la figure 11.
« Nos bandelettes médianes (centre ovale) touchent la périphé-
rie de la moelle toujours séparées l'une de l'autre par le septum
médian. Elles sont un peu plus minces que dans la région précé-
dente. Sur l'extrémité postérieure de chacune d'elles vient s'im-
planter perpendiculairement une nouvelle bandelette saine bor-
dant le segment postérieur de la circonférence de la moelle. De
telle sorte que l'image déterminée par cette rencontre peut être
1 Souques et Marinesco. Presse médicale, 1895.
90 ANATOMIE.
représentée par deux angles droits adjacents et regardant en séns
inverse (l'un à droite, l'autre à gauche). »
Il est inutile d'insister plus longuement sur la parfaite simi-
litude des deux observations, mais ce qui à notre avis n'est
pas le moins important, c'est que les auteurs précédents n'ont
pas cherché à donner d'interprétation de la disposition observée
par eux; cette constatation sans commentaires a pour nous
d'autant plus de valeur,
A côté de cette preuve directe, les deux cas récemment
publiés par Hoche' fournissent en quelque sorte une contre-
épreuve.
Dans deux cas de compression de la moelle assez haut placée
quatrième et sixième cervicale dans l'un, au-dessous de la
huitième cervicale dans l'autre, l'auteur représente sur 'ses
figures une dégénérescence descendante dans les cordons pos-
térieurs.
Cette dégénérescence est topographiquement absolument
superposable aux zones restées intactes dans le fait de
MM. Souques et Marinesco et dans le nôtre où avait eu lieu
une dégénérescence radiculaire ascendante ayant épargné les
régions que nous étudions. A partir de la 110 paire dorsale et
seulement pour ce qui a trait à notre zone postérieure les
figures de Hoche mériteraient d'être placées en regard des
nôtres. Plus loin nous dirons comment nous comprenons les
schémas de l'auteur allemand et nous expliquerons comment
nous les entendons à la région dorsale supérieure et dans les
régions inférieures où il y a absence de dégénération dans la
zone cornu-commissurale. Pour le moment qu'il nous suffise
de constater l'existence de fibres à dégénération descendante
ou à long trajet dans les cordons postérieurs.
V.
Dans ces observations nous étudierons séparément deux
régions non dégénérées à la suite de compressions radicu-
laires, toutes deux médianes, l'une antérieure, l'autre pos-
térieure.
Mais auparavant et puisque nous allons parler de fibres endo-
gènes et de faisceaux commissuraux des cordons postérieurs, il
1 Hoche. - Loc. cil.
DES FIBRES ENDOGÈNES DE LA MOELLE. ui l
est de toute nécessité d'établir par des documents ou des opi-
nions antérieures que ces faisceaux ne peuvent être ni des
filets radiculaires descendants, ni des filets radiculaires émanés
de ces derniers rameaux coccygiens dont Rauberl a dit qu'ils
ne pouvaient être vus au moins pour le second que microsco-
piquement.
1° Les faisceaux endogènes des cordons postérieure ne doi-
vent pas être confondus avec les filets radiculaires descendants.
Nous nous permettons de renvoyer pour la défense de cette
opinion au très habile plaidoyer de MM. Gombault et Philippe 2
que nous ne pourrions qu'affaiblir.
Nous nous contenterons seulement de rappeler que si
Schultze 1 avait pensé pouvoir attribuer à la lésion des racines
une dégénération descendante en virgule, M. Tooth a bien
montré que celle-ci ne se produisait chez les singes qu'après
une section transversale de la moelle et non après la section
isolée des racines.
Un autre expérimentateur, Bordez qu'on a coutume à tort
d'opposer à Tooth, s'exprime ainsi : « La partie interne du
cordon postérieur n'est pas uniquement formée par des fibres
radiculaires. Après section de quatre paires rachidiennes en
commençant par la 3e sacrée, la partie interne du cordon pos-
térieur n'est pas uniquement formée par des fibres radiculaires
La zone limitant le sillon médian postérieur est restée libre de
dégénérescence jusqu'à la partie supérieure du cône médul-
laire. »
Pour lui l'origine de ces fibres se trouverait dans la subs-
tance grise. Hâtons-nous de dire que cet auteur admet con-
curremment l'existence de filets radiculaires descendants, mais
ceux-ci se trouvent dans la région moyenne dos cordons posté-
rieurs. De plus, de l'avis de tous les auteurs les fibres radicu-
laires descendantes sont toujours des branches à trajet très
court.
Nous citerons également l'avis de MM. Déjerine et Sottes '*
à propos d'un cas de destruction des racines inférieures depuis
1 JIW1J/wlo ! )i,\c1/Cs Jahrbucli, 1893.
' Gombault et Philippe. Loc. cil.
3 Schulize. Loc. cil.
. Bel ! lez, Loc. cil.
- Déjerine et Sottas. Société de Biologie, 15 juin 1895.
92 ANATOMIE.
la quatrième lombaire inclusivement : « Dans toute la portion
de la moelle située au-dessous de la troisième racine lombaire
le cordon postérieur était complètement dégénéré sauf dans
une zone assez large, bordant la commissure grise et se pro-
longeant en pointe le long du col de la corne postérieure. Il
existait de plus une petite bande saine le long du septum mé-
dian. Il est très important de signaler que l'étendue de ces
zones saines augmentait à mesure que l'on se rapprochait de
la terminaison de la moelle, car cette circonstance prouve que
les fibres saines n'étaient pas des rameaux descendants venus
des fibres radiculaires^ saines sus-jacentes, mais bien des fibres
d'origine médullaire. » Voilà un premier point suffisamment
établi; si les filets radiculaires descendants existent, ils ne
sauraient être conl'ondus avec les faisceaux endogènes anté-
rieur ou postérieur. Ils n'en ont surtout à la région infé-
rieure ni la topographie, ni la longueur au moins pour le
postérieur. '
2° Les faisceaux dits endogènes dans les cordons postérieurs
ne représentent pas le trajet intra-médullaire des derniers filets
coccygiens. Que les filets coccygiens existent et suivent en
remontant dans la moelle un trajet très voisins de celui- des
racines sacrées, nul doute à cet égard. Mais dans les cas de
compression de la moelle et non plus de racines, dans ces cas
où la compression siégeait assez haut pour qu'il ne puisse plus
être question de dégénérescence traumatique, il est impossible
d'admettre que les régions dégénérées dans le sens descendant
ne le fussent pas à la suite de la lésion destructive de la moelle
et dans ce cas il ne peut être question de filets coccygiens.
Quon se reporte aux observations déjà signalées de Barbacci, de
Hoche où consécutivement à une lésion destructive de la
moelle, variant comme hauteur entre la sixième dorsale et la
huitième cervicale' et l'on ne pourra comprendre les dégénéra-
tions descendantes de tous ces cas que par la présence dans les
cordons postérieurs de fibres descendantes à long trajet.
Dans les descriptions données par ces auteurs, ces fibres se
prolongeaient manifestementjusqu'à la partie terminale de la
moelle et dans le cône terminal en se groupant en descendant
vers le sillon interne et postérieur et tout à fait en bas le long
de la partie la plus postérieure du sillon médian.
La longue distance à laquelle se produit la dégénérescence
doit de même faire écarter toute explication par la dégénères
DES FIBRES ENDOGÈNES DE LA MOELLE. 93
cence traumatique de Schiefferdecker ' admise également par
Kahler et Pick 2.
Les arguments précédents ne sont en quelque sorte que néga-
tifs ; expérimentalement on sait d'une façon positive que les
fibres endogènes existent dans la moelle. On lit dans van
Ge7azccLen, page 20o : « Ehrlich et Brieger en 1884 ont montré
qu'une ligature temporaire de l'aorte abdominale (expérience
de Stenson) amène la mort de la substance grise de la moelle
lombaire... Ils ont trouvé chez des animaux, qui avaient sur-
vécu quelques semaines à cette expérience, outre la dégéné-
rescence des fibres des racines antérieures et d'un grand nom-
bre de fibres du cordon antéro-latéral... une zone de fibres en
dégénérescence au sommet du cordon postérieur tout près de
la commissure grise, p ,
Voyons maintenant comment il faut comprendre le trajet
des fibres endogènes dans la moelle : voie d'union courte pour
toutes ses fibres ou courte pour les unes, longue pour les
autres.
1° Fibres à court trajet. Nous allons étudier d'abord les
fibres groupées dans la zone appelée communément, cornu-
commissurale, qui répondent à notre premier système de fibres
endogènes groupe antérieur ou à court trajet.
L'établissement de ce premier groupe et sa nature endogène
sont des mieux établis. M. Marie constatant l'intégrité de
cette zone dans le tabes, a émis l'hypothèse qu'elle est com-
posée de fibres endogènes. Pour lui la pellagre, maladie d'ori-
gine endogène détermine des lésions au niveau de la zone
cornu-commissurale et dans d'autres régions dont nous repar-
lerons. Carl Mayer pense aussi que dans les cas de destruc-
tion de la queue de cheval, les libres radiculaires n'existent
qu'en petit nombre dans la zone cornu-commissurale. On
devait donc retrouver ces fibres dans notre cas, elles existent
1 SchielIerùecker. - L'ebel' régénération und degencralion Rackel/-
marlis.
2 Kahler et Pick. - Vil'c1ww's .ll'chio" LXIII. Archiv. {il 1 , Psychiatrie.
1880.
J Marie. - Leçons sur les maladies de la moelle, 1892. Semaine médi-
cale, 1891. Gazelle des hôpitaux, 1891.
' Carl llayer. - Jahrbuch ritn Psucliialrie und Sel'venheilklllldc, 13d.
XIII. '
9 1 ANATOMIE.
en effet et nous avons déja insisté sur leur disposition un peu
particulière sur laquelle nous reviendrons après avoir montré
qu'il s'agit bien de fibres courtes.
Dans une observation du mémoire de MM. Gombault et Phi-
lippe au-dessous d'une myélite transverse traumatique siégeant t
au niveau du renflement lombaire, on trouve : un triangle
vide de fibres, dont la pointe atteint la commissure postérieure,
mais plus bas ce triangle se restreint dans sa direction antéro-
postérieure à mesure qu'on descend et sur la coupe la plus
inférieure, la pointe reste environ à égale distance de la com-
missure et du bord postérieur de la moelle D, voilà donc un
territoire qui non seulement change de forme mais aussi
diminue de volume aiusi qu'on peut s'en assurer sur les figures
données par ces auteurs. En route les fibres de la région anté-
rieure disparaissent en partie et sont remplacées par d'autres
saines. Elles n'avaient par conséquent qu'un trajet assez
court.
Quant aux faits ou consécutivement à des lésions radiculaires,
à côté des lésions ascendantes de la moelle, existait une zone
cornu-commissurale respectée, ceux-là sont assez nombreux.
Témoin notre observation, une de Schultze, celle de Souques
et Marinesco.
Ces fibres courtes dans les cas de compression de la moelle
ne devront dégénérer qu'au voisinage de la lésion et dès qu'on
s'en éloignera on ne devra plus les rencontrer.
C'est effectivement ce qu'a représenté Hoche. Dans les
régions inférieures de la moelle, seul le faisceau postérieur a
subi la dégénérescence, la zone antérieure cornu-commissu-
rale est saine ; mais au voisinage de la lésion, dans la région
dorsale supérieure, que voyons-nous ? une dégénérescesce en
virgule semblable à celle décrite par Schultze, dégénérescence
qui s'arrête assez tût.
Aussi entre la dégénérescence en virgule à la région cervicale
et la dégénérescence cornu-commissurale des régions infé-
rieures, nulle différence quant à la signification; il s'agit de
régions occupées par des fibres à trajet assez court et qui chan-
gent de place suivant la hauteur où on les examine. Nous avons
déjà insisté sur leur présence au voisinage du septum dans le
cône médullaire, d'où le nom de faisceau sulco-commissural.
Dans la région sacrée nous les avons montrées sulco-cornu-
commissurales, et devenant cornu-commissurales à partir de
DES FIBRES ENDOGÈNES DE LA MOELLE. 95
la région lombaire moyenne. 11111. Dé,jerine et Spiller' men-
tionnent cette zone comme intacte jusqu'à la hauteur de la
troisième racine lombaire, et dans leur cas à la hauteur de la
première paire lombaire la zone cornu-commissurale est dégé-
nérée, il n'y avait plus de fibres endogènes.
Le même fait s'est reproduit sur nos coupes et sur celles de
MM. Souques et Marinesco, la dégénérescence ascendante
refoule latéralement les fibres endogènes à ce niveau troisième
lombaire.
La zone cornu-commissurale en remontant se déplace en
quelque sorte de dedans en dehors, du septum vers les cornes
postérieures.
C'est pour cette raison qu'à la région dorsale supérieure et
cervicale nous leur assimilons la virgule de Schultze, et c'est
ce que semblent prouver les figures de Hoche où à la région de
la virgule de Schultze celle-ci est représentée dégénérée.
De cette virgule de Schultze nous ne dirons rien après
MM. Gombault et Philippe, qui en ont fait une étude très
approfondie quant à sa situation et aux modifications que
celle-ci peut subir et à son trajet toujours assez court ; nous ne
pouvons que nous ranger à l'avis de ces auteurs.
En résumé notre premier système représente un trajet com-
missural court, dégénérant vers le bas à la suite de compres-
sion de la moelle, ou restant intact lors de lésions localisées
aux racines postérieures.
Les faisceaux de ce système n'atteignant pas la périphérie
de la moelle, restent cantonnés au voisinage soit du sillon
postérieur, soit de la commissure, soit de la base des cornes
postérieures.
Ils forment un groupe de fibres endogènes antérieur, et, sui-
vant les étages auxquels on les considère, il peut être appelé :
Sulco-commissural postérieur au niveau du cône terminal ;
Sulco-cornu-commissural dans la région sacrée;
Cornu-commissural à la région lombaire et dorsale infé-
rieure.
Plus haut, c'est à ce système qu'appartient le faisceau virgule
de Schultze.. ,
D'une façon générale les fibres occupent la partie interne
des filets radiculaires qui pénètrent dans la région où on les
1 Déjerine et Spiller.- Bulletin de la Société de Biologie, juillet 1895.
96 AN1'r0lZI.
considère placées à la région cervicale entre les faisceaux de
Burdach et de .Goll ; à la région sacrée à la partie tout à fait
interne du cordon postérieur.
Il y a peut-être là au point de vue fonctionnel une dispo-
sition particulière qui fait supposer que ces fibres mettent en
connexion la moelle d'une part, les filets radiculaires d'autre
part, et non deux étages superposés de la substance grise
médullaire'.
2° Du deuxième système de fibres endogènes à direction des-
pendante.
Fibres à long trajet. Jusqu'ici les auteurs n'ont décrit
que des voies commissurales courtes ; le deuxième système de
fibres que nous allons étudier est le postérieur et par l'étendue
de ses dégénérescences mérite le nom de système à long trajet.
Bien entendu ce n'est pas sur la présence seule de fibres à
myéline intacte dans les cas de lésions des nerfs de la queue
de cheval que l'on peut exclusivement s'appuyer. La preuve
de l'existence de ces fibres ne peut être fournie que par les
cas de dégénérescence descendante consécutive à une lésion
médullaire haut placée.
Barbacci 2 montre qu'à la suite d'une compression au niveau
de la sixième dorsale la dégénérescence descend manifeste-
ment presque dans le cône terminal en se groupant près du
septum.
Hoche publie deux faits où cette même dégénération s'étend
depuis la première dorsale jusqu'au cône terminal. Son exis-
tence est donc bien réelle et contrôlée par ce fait que dans
notre cas et d'autres à la suite de lésions des nerfs de la queue
de cheval ces mêmes zones dégénérées sont au contraire
retrouvées intactes. i
Le trajet suivi par ce faisceau varie suivant la hauteur de
son parcours, mais quel que soit le niveau il est toujours en
bordure du cordon postérieur soit de la périphérie postérieure,
soit de la périphérie interne, c'est-à-dire du septum.
A la région cervicale et dorsale supérieure il se trouve à la
périphérie des cordons postérieurs presque au voisinage de
l'angle posterouatérieu à la région dorsale moyenne il se
- 1 '
1 Dans la zone cornu-commissurale, en plus des fibres endogènes à
dilectiun descendante, il en existe à direction ascendante.
' Barbacci Loc. cil.
DES FIBRES ENDOGÈNES DE LA MOELLE. 97 1
dirige vers le septum; à la région dorsale inférieure il devient t
angulaire ayant une branche transversale le long de la circon-
férence postérieure de la moelle et une branche postéro-
interne le long du septum. Au niveau de la troisième paire
lombaire la branche transversale disparaît et l'interne cons-
titue le centre ovale de Flechsig. A la région sacrée le centre
se déplace de nouveau en arrière, redevient angulaire pour se
terminer en forme de triangle médian décrit par 11OI. Gombault
et Philippe.
Donc faisceau postérieur, faisceau angulaire, centre ovale
de Flechsig, triangle médian de Gombault et Philippe ne sont
que les différentes étapes topographiques d'un même groupe
de fibres et représente la voie endogène à long trajet des
cordons postérieurs.
Le déplacement de ce faisceau ne s'opérant qu'à la péri-
phérie, on comprend très bien qu'à aucun moment il n'ait à
couper les fibres radiculaires dans la moelle. Chemin faisant
il reçoit les rameaux transversaux provenant des différents
étages de la moelle et en perd probablement sur son parcours;
mais le point sur lequel nous avons tenu à insister, c'est que
dans des cas bien observés, on a vu la dégénérescence aller de
la région cervicale jusqu'à la partie terminale de la moelle. La
continuité de ce faisceau peut facilement échapper à cause de
sa situation tout à fait périphérique et du nombre très restreint
des fibres qui le composent mais cette continuité est trop
nette dans notre cas, dans celui de MM. Souques et Marinesco
et ceux de Hoche pour qu'elle ne soit pas interprétée de cette
façon.
Arrivé à la fin de cette étude voyons quelles lésions seront
la conséquence d'une compression de la moelle.
Suivant la hauteur, on trouvera deux champs dégénérés à
direction descendante : l'un court l'antérienr ; l'autre long et
postérieur. Des deux l'antérieur est le plus important quant
au nombre de ses fibres avec exception possible pour la région
tout à fait inférieure de la moelle (cône terminal).
Une compression de la région cervicale ou dorsale supé-
rieure se traduira par la dégénération du faisceau virgule de
Schultze, accompagnée sur toute la hauteur de la moelle de la
dégénération descendante de notre faisceau à long trajet. Si la
compression siège plus bas la virgule de Schultze sera rem-
placée par les zones cornu-commissurales dont nous avons
Archives, 2" série, t. II. 7
98 ANATOMIE. '
indiqué les différentes positions et il y aura toujours le faisceau
à long trajet.
Au point de vue des lésions tabétiques on pourrait expliquer
par cette manière de voir pourquoi, outre l'intégrité souvent
constatée de la zone cornu-commissurale dont nous avons
parlé plus haut, on trouve intact également le centre ovale de
Flechsig et, à la région cervicale seulement, la zone postéro-
externe des cordons postérieurs, ainsi que l'ont signalé Strum-
pell et Marie.
Nous croyons pouvoir en terminant apporter les conclusions
suivantes :
1° La présence de filets radiculaires descendants dans les
cordons postérieurs n'est pas encore absolument démontrée
chez l'adulte; mais même si leur présence ne pouvait être mise
en doute, elle n'infirmerait pas l'existence de fibres endogènes à
dégénération descendante dans ces mêmes cordons postérieurs;
2° On peut considérer deux systèmes de fibres descendantes
dans le cordon postérieur dites fibres endogènes ou commis-
surales. L'un de ces systèmes antérieur est à court trajet;
l'autre postérieur a un trajet très long au moins pour une
partie de ses fibres.
Nota. - Nos figures schématiques, n'ayant la prétention
que d'attirer l'attention sur une disposition topographique, ne
représentent nullement le volume exact des faisceaux que nous
étudions.
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PATHOLOGIE NERVEUSE.
NOTE SUR UN CAS DE PACHYMÉNINGITE HÉMORRAGIQUE
PRISE POUR UNE PARALYSIE GÉNÉRALE;
Par le D' F. BOISSIER,
Ancien interne des Agiles d'aliénés de la Seine.
Peu de lésions nerveuses sont d'un diagnostic plus générale-
ment obscur que la pachyméningite hémorragique cérébrale.
Qu'elle complique une paralysie générale ou un alcoolisme
invétéré; qu'elle survienne chez un aliéné chronique, ou chez
un vieil athéromateux ; qu'elle soit enfin la seule manifestation
morbide apparente chez un diathésique plus ou moins latent,
elle est trop souvent méconnue et réduile à une surprise d'au-
topsie.
C'est au moins, ce qu'avec une frappante unanimité, pro-
clamaient les anciens auteurs qui l'avaient si bien décrite au
commencement du siècle (Pinel, Nosographie Philosophique,
p. z), lorsque le cadavre révélait leur méprise. «. Il nous
semble impossible, dit Rostan, de distinguer cette maladie du
ramollissement; même marche graduelle, identité des symp-
tômes. Les signes précurseurs manqueut, mais cela arrive
souvent dans le ramollissement'. » Durand Fardel avoue « qu'il
lui parait à peu près impossible d'éviter une erreur 2 », et
Gendrin insinue qu'on ne saurait distinguer cette lésion dont
les signes se confondent avec ceux de tant d'autres 3. Plus lard
en des travaux tels que ceux de Binet (180G) et Brunet (18SU),
on ne trouve pas dans leurs nombreuses observations l'indica-
' Rostan ? tec/t< : <'f;/te.< sur le ramollissement du cerveau. Paris, 1823.
, Durant ! Fardet.Rec/tercAeM;' le ramollissement du cerveau. Pari ?
1823.
1 Gendrin. - Traduction des maladies de V encéphale cl'fl6ercnonzGie.
Paris, 1895.
UN CAS DE PACHYMÉNINGITE HÉMORRAGIQUE. 101
lion que le diagnostic ait été exactement fait. Par contre
Béhier ' se félicite comme d'une chose rare d'avoir reconnu
une pachyméningite du vivant de son malade; il se plait à
énumérer les difficultés surmontées grâce à la longue durée
de son cas, à l'unilatéralité de la lésion, et à la rigueur de
l'examen des phénomènes ; mais il a dû dégager minutieuse-
ment les conditions différentielles de la paralysie agitante, de
la sclérose en plaques, de la paralysie générale et de l'hémor-
ragie cérébrale vulgaire, « Cette dernière, ajoute-t-il, s'accom-
pagne moins souvent de convulsions et de contractures » ;
mais que de fois ne voit-on pas l'hématome à néomembrane
évoluer avec des accidents convulsifs insignifiants et sans
aucune contracture S'agit-il d'un cerveau chroniquement
malade, on est naturellement conduit à croire à une simple
progression du mal primitif ; s'agit-il au contraire d'un encé-
phale primitivement sain, on pense, selon la systématisation
ou la diffusion relatives des signes à une tumeur ou à un
ramollissement. En présence d'une invasion soudaine, impré-
vue, on hésite entre une apoplexie commune, quelquefois
même, si les antécédents et commémoratifs font défaut, à un
coma urémique ou diabétique. Enfin quand l'évolution est
particulièrement lente et graduelle, on risque d'incriminer à
tort une paralysie générale dont il n'y a en réalité pas l'ombre,
comme le montrent plusieurs observations publiées dans divers
recueils, entre autres dans les Annales médico-physiologiques.
C'est ce qui a eu lieu pour notre malade; la marche, le grou-
pement, l'aspect des symptômes ont trompé quatre médecins
différents entre les mains desquels il est successivement passé.
Observation. Victor S..., concierge, quarante-deux ans, était
un homme de belle stature et de la plus robuste apparence, muscu-
lature puissante, face large et colorée, barbe et chevelure touffues
et soyeuses d'un châtain clair, peau fine et saine. Son père, vieil
attbritiffue, est atteint d'un asthme rebelle, la mère assez bien
portante est une ancienne migraineuse, un peu obèse. Une soeur
serait morte à vingt-quatre ans d'une affection cérébrale dont je
n'ai pu établir la nalure. S... n'a pas eu de maladies graves autres
que les fièvres éruplives communes de l'enfance.
Sur aucun point des téguments, pourtant délicats et peu velus, on
ne peut trouver ni cicatrice, ni tache suspecte; pas un ganglion
engorgé, pas une aspérité osseuse du tibia, rien nulle part qui
Béliier. 7'«c/;yh ! e) : t<iy'<e cérébrale. Paris, 1873.
102 PATHOLOGIE NERVEUSE.
puisse évoquer l'idée d'une ancienne syphilis; marié jeune, il a eu
de beaux enfants, sa femme n'a jamais fait de fausse couche;
l'enquête la plus rigoureuse d'ailleurs permet d'affirmer avec certi-
tude l'absence de cette maladie. Victor. S... a toujours élé d'un
caractère plutôt froid, sérieux. timide et bienveillant. Rangé, scru-
puleux même, assidu à son travail, il était seulement enclin, si on
le poussait à bout, à des colères très vives avec congestion de la
face, et qui, aussi fugaces que violentes, cessaient immédiatement
non sans laisser un peu de malaise, mais sans accrimonie et sans
méchanceté. Au régiment il ne se grisait pas, mais buvait d'habi-
tude un peu, quoiqu'il ne s'en trouvât pas bien. Dans la suite il
n'a fait aucun excès de boisson, et malgré un usage modéré mais
régulier de liqueurs ou de vin, il est considéré dans son milieu
comme très sobre. « Le sang à la tête, voilà son point faible », une
colère, une faligue, une émotion engendrent une céphalée grava-
tive à laquelle il est sujet depuis des années et qu'exagère le
moindre écart de régime; la tête devient chaude et douloureuse,
les yeux tendus, les pommettes rouges. Il demande à chaque
instant des bains de pieds sinapisés. Rien d'inquiétant jusqu'au
commencement de 1892, c'est à ce moment que l'état devient
mauvais. La tète lui tourne quand il fait des efforts, les emporte-
ments deviennent plus fréquents et plus pénibles pour lui; il sent
qu'il devient nerveux. A la fin de cette même année son caractère
est altéré, il devient mou, indifférent, abandonne son travail, il est
plus irritable que jamais, et perd beaucoup de son initiative. Il est
distrait, absorbé, oublie facilement ce qu'il doit faire et se défie
lui-même de sa mémoire, il a des étourdissements fréquents, et sa
tête le fait constamment souffrir. Il parle lentement parce que
souvent sa langue fourche. Le 8 août 1893 survient un vertige
intense à la suite duquel le côté gauche reste plus faible ; il
persiste de l'hébétude, S... répond aux questions tout de travers et
avec un rire niais. Deux jours après se produit une attaque apo-
plectiforme avec perte complète de connaissance. La face est
empourprée, la respiration stertoreuse, il se produit au début
quelques tressaillements convul.Mfs légers, puis un peu de rigidité
des membres, laissant la place à un coma profond avec résolution
musculaire qui dure près de deux jours. Le réveil de la motilité et
de la conscience se fait peu à peu; mais en même temps se déve-
loppe une agitation incohérente avec illusions, hallucinations mul-
tiples, visions d'ennemis, terreurs, menaces, appels aux secours,
tentatives de fuite et de défense furieuse. La faiblesse musculaire
entrave heul eusemenlles violences; mais ces faits nécessitent le
placement de Victor S... à Sainte-Anne où il arrive le 13 août.
Il y reste alité, quoique très turbulent, pendant trois jours.
Bientôt l'agitation tombe graduellement. Le calme survenu laisse
voir une obtusion intellectuelle identique à celle d'un paraly-
UN CAS DE PACHYMÉNINGITE HÉMORRAGIQUE. 103
tique général assez avancé. Le certificat d'internement émanait
d'un médecin praticien des plus distingués et portait : « paralysie
générale avec ictus apoplectiforme ». A l'arrivée ce diagnostic fut
accepté. Au bout de deux semaines la rémission était suffisante
pour permettre à S... de rendre quelques menus services en rapport
avec l'infériorité de son état intellectuel, et il fut revu pour le
certificat de quinzaine par le Dr D... suppléant de M. Magnan
alors en congé. Le malade comprend qu'il est à l'hospice, il ne se
péoccupe pas de sa situation, il ignore la date du jour et du mois,
il a de la peine à retrouver le millésime, ses facultés sont nota-
blement affaiblies, il perd sa casquette, égare son mouchoir et ses
objets de poche. Les efforts pour se rappeler sont le plus souvent
infructueux, les souvenirs anciens sont mieux conservés. Il reste
propre et poli, mais sans initiative, hébété avec un air de vague
béatitude. Interrogé sur son passé il parle volontiers de son
service militaire, se donne comme un soldat modèle, « le meilleur
cavalier du régiment, il a donné des leçons d'équitation à la fille
d'un général », allégation que nous prîmes (à tort) pour l'indice
d'idées de satisfaction sinon de grandeur'. Il se trou\ heureux a
l'asile et ne s'inquiète pas des siens. La parole est traînante et
chantonnante, les voyelles sont irrégulièrement scandées; dès que
l'éloculion s'accélère les syllabes s'embarrassent, les mots compli-
qués ne peuvent pas être prononcés. Le masque est sans expression
comme figé; les réflexes sont ralentis notablement des deux
côtés, la faiblesse musculaire assez sensible, un peu plus marquée
à droite. La démarche est indécise, quelque peu vacillante,
impossible quand le malade ferme les yeux.
Les pupilles sont très inégales, la gauche est plus dilatée, elles en
réagissent que faiblement à la lumière et à l'accommodation. Les
mains sont gourdes et tremblottantes, l'écriture malaisée avec des
lettres et des mots oubliés. S... est considéré comme un paralyti-
que général sans délire. Cet état se mainlint quelques semaines,
une amélioration relative laissa donner une permission de deux
jours qui se passa bien, rien de nouveau ne parut en septembre, ni
en octobre.
Le 7 novembre survint le soir un nouvel ictus apoplectiforme,
moins grave pourtant que le premier; le lendemain malin S...
essaya de se lever, il demeurait assis penché du côté droit; on le
recoucha (bains de pieds sinapisés, calomel 0,501. Il recommença
de nouveau à se remettre, mais avec un accroissement évident des
signes démentiels, lorsque le 30 novembre il fut frappé d'un troi-
sième ictus plus intense que jamais, avec perte absolue de connais-
1 Nous avons su plus tard que le malade était en 'effet excellent écuyer
et avait appris à mouler à cheval aux enfants d'un général dont il était
alors l'ordonnance.
loi PATHOLOGIE NERVEUSE.
sance, pouls à 102 et température 38° le matin et 41°,4 le soir, mort
dans le coma pendant la nuit.
Autopsie vingt-six heures après la mort. Crâne normal comme
épaisseur, et sans adhérence pathologique de la dure-mère aux os.
Les sinus sont gorgés de sang noir.
La dure-mère présente au premier abord un aspect tendu et
une coloration ardoisée (due au sang épanché au-dessous et vu
par transparence) ; incisée à droite le long de la faux, celte mem-
brane laisse écouler une masse de caillots noirs avec un sérum
jaunâtre, puis des caillots rouges d'apparence plus récente et qui
formaient une couche plus profonde que les caillots noirs. Tout ce
sang est contenu dans une poche membraneuse qni tapisse la
cavité arachnoïdienne sur toute l'étendue de la convexité de l'hé-
misphère.
La néomembrane est d'une couleur uniformément brune, elle est
assez friable, mesure à peine un quart de millimètre d'épaisseur;
très lisse sur sa face externe qui se détache facilement de la dure-
mère.
L'hématome s'est donc créé un large espace entre la dure-mère
et l'hémisphère qui se trouve aplati sur toute l'étendue de sa face
convexe et refoulé vers la faux et vers la base. Ouverte à gauche,
la dure-mère laisse voir exactement la même disposition, même
néomembrane avec épanchement sanguin occupanlla même capa-
cité et la même étendue ; il y a de part et d'autre près de 300gram-
mes de sang caillé. Les vaisseaux de la néomembrane ne [sont pas
visibles à l'oeil nu.
La dure-mère débarrassée decelle-ci, conserve sa couleur nacrée
et son poli, elle n'est pas augmentée d'épaisseur, et ne présente à
l'oeil nu aucune modification spéciale. L'arachnoïde un peu plus
difficile à dégager de la fausse membrane est légèrement épaissie
et opaline sur quelques points de la convexité, et a pris une leinle
rougeâtre; elle n'adhère nulle part aux parties sous-jacentes. La
première fortement injectée, rouge foncé, ecchymotique en divers
points, est libre de toute adhérence au cerveau, elle s'enlève sans
happer à la substance grise dont elle n'entraîne pas la moindre
parcelle.
Le cerveau, sous la double compression exercée des deux côtés
de dehors en dedans et de haut en bas par le sang auquel il a dû
céder une large place, est refoulé symétriquement vers la ligne
médiane et vers la hase contre lesquelles il est appliqué avec force.
Il est aminci au point de former un angle aigu tout le long de son
bord supérieur et un bec à chaque extrémité, sa coupe est devenue
tout à fait triangulaire. Réduit aux trois quarts de son volume
normal il est pâle et exsangue et parait avoir subi un commence-
ment d'atrophie en masse, mais ne montre pes trace de ramollis-
sement. Les circonvolutions sont déformées, serréesles unes contre
UN CAS DE PACHYJUÉNIKGITE HÉMORRAGIQUE. 105
les autres et aplaties. Aupalpercomme à la coupe les hémisphères
tassés par la compression ont une consistance plus ferme et plus
dense qu'à l'état ordinaire. Une série de sections méthodiques ne
montrent aucune lésion dans le cerveau proprement dit; la subs-
tance corticale est amincie surtout à la face externe. La pie-mère
cérébelleuse est injectée, le cervelet et le bulbe sont indemnes.
A noler une petite hémorragie intra-protubérantielle toute récente,
constitués par quelques gouttes de sang encore rouge exlravasé et
infiltré dans le tissu nerveux dans le voisinage du noyau réticulé.
Pas trace d'épendymite dans aucun des ventricules. Le bec du
calamus est parfaitement lisse et intact.
On trouve deux très petits nodules d'alhérome dans le tronc
basilaire, et quelques petites plaques de même nature sur la crosse
de l'aorte. Les poumons sont passivement congestionnés à la base.
le coeur commence à se charger de graisse le long des coronaires.
Rien de particulier à noter pour les autres organes.
Il n'y avait donc pas de lésions macroscopiques de paralysie
générale ; pas de granulations du calamus, lésion si précoce
dans cette maladie; pas d'adhérences leptoméningées ; pas de
dégénérescences caractéristiques, altérations que l'on aurait
certainement trouvées, la première surtout, chez un paraly-
tique aussi avancé que le paraissait notre malade. On pouvait
par conséquent nier l'existence de cette affection; ce que
l'examen histologique, fait plus tard par M. Antheaume, est
venu confirmer. Il était pourtant difficile d'éviter une erreur
dans un cas si bien caractérisé en apparence. L'âge du patient,
la diffusion des signes, leur progression régulière, leur aggra-
vation après les ictus sans localisation spéciale, ne pouvaient
nous égarer dans le sens d'une tumeur, d'une hémorragie
cérébrale ou d'un ramollissement; mais, avec l'état intellec-
tuel, ces constatations faisaient fatalement croire à une para-
lysie générale pure et simple à marche rapide, sans délire et
terminée en quelques mois par des ictus répétés ; comme nous
en avions eu récemment plusieurs dans le service, contrôlées
par l'autopsie.
L'étiologie seule aurait pu nous faire réfléchir ; il n'y avait
pas de syphilis ; et la paralysie générale sans syphilis est
tellement rare que, devant cette absence confirmée, nous
aurions pu hésiter. ,
Mais quelle était alors l'origine de la pachyméningite ? Je
rappelle que le malade était un arthritique héréditaire, un
type de ce que nos anciens auraient appelé la diathèse congés-
106 PATHOLOGIE NERVEUSE.
tive, qu'avec cela il était en voie d'artério-sclérose, que plu-
sieurs gros troncs avaient laissé voir les premières atteintes
d'un athérome naissant. Enfin l'examen microscopique ulté-
rieur a montré l'endartérite des vaisseaux de la pie-mère. Le
sujet ne faisait pas d'excès, n'était pas catégoriquement
alcoolique, mais le simple usage courant de liqueurs et de vin
pur suffisait sur un pareil terrain pour déterminer les plus
fâcheux accidents, soit vers le foie ou les reins, soit vers l'en-
céphale comme la chose a eu lieu.
Il est à remarquer que dans ce cas l'arachnoïde, la pie-mère
et ses vaisseaux, bien plus altérés que la dure-mère paraissent
avoir joué un rôle autrement important que cette dernière.
Ceci viendrait à l'appui des faits et de l'opinion exprimée par
Bondurant dans son excellent mémoire sur la pachyméningite
hémorragique interne'. Sur les huit cas d'hématomes subdu-
raux de cet auteur, un s'est produit chez un paralytique géné-
ral, un chez un alcoolique chronique, trois chez des vieillards
athéromateux, et trois autres plus intéressants chez des sujets
relativement jeunes (vingt-six ans, trente-six ans, quarante et
un ans) présentant seulement quelques petites plaques clair-
semées d'athérome dans quelques gros troncs artériels et un
peu d'endartérite invisible à l'oeil nu dans les vaisseaux de la
pie-mère. M. Bondurant pose de nouveau la question de la
nature de l'hématome et de la néomembrane pachyméningi-
tiques. Il se range entièrement à l'opinion ancienne quelque
peu modifiée. On sait que pour Serres, Rostan, Abercrombie,
Andral, Blandin, Cruveilher, etc., l'hémorragie était primitive,
le caillot s'organisait dans sa couche contiguë à la paroi des
méninges et l'inflammation de la dure-mère était due à l'irri-
tation causée par le sang épanché. Après Baillarger2, avec
Hescl, Virchow 3, Charcot et Vulpian 1., Lancereaux 5, Piro-
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UN CAS DE PACHYMÉNINGITE HÉMORRAGIQUE. 107
l'inflammation de la dure-mère devint le fait initial, elle
engendrait la néomembrane dont les vaisseaux sans consis-
tance devenaient à leur tour la cause de l'hémorragie. Aujour-
d'hui, plus éclectique, on est porté à admettre les deux origines
selon les cas. Mais en Amérique surtout et en Angleterre avec
Bervan, Lewis, Clouston, Wiglesworth, Dercum, IIoyt, Wit-
taker, etc., on tend à admettre comme la règle l'hémorragie
arachnoïdienne primitive, suivie d'organisa lion du caillot
contre les parois, et inflammation secondaire de la dure-mère ' ;
on compare même ce processus à l'organisation du caillot au
contact de la paroi vasculaire dans le thrombus. Tel est l'avis
soutenu par Bondurant qui termine son mémoire par ces
mots : « En somme l'hémorragie méningée est le fait essentiel,
et si l'inflammation de la pie-mère et de ses vaisseaux est
admise comme présentant un caractère de chronicité, le terme
de leploméningile chronique hémorragique est mieux approprié
que la dénomination communément adoptée. » Sur les huit
cas du travail cité cette inflammation n'a jamais fait défaut,
alors que celle de la dure-mère était insignifiante ou nulle.
D'autre part cette disproportion inflammatoire entre ces
deux méninges est constante dans la grande majorité des cas
et notamment dans ceux où l'hématome complique une para-
lysie générale, un alcoolisme chronique ou un athérome
avancé. Elle se retrouve dans notre cas : endartérite des
vaisseaux de la pie-mère, arachnoïde épaissie et rougeàtre par
places, dure-mère indemne.
La néomembrane encore en voie d'organisation formée de
leucocytes, de cellules conjonctives allongées, de masses fibri-
neuses et d'amas pigmentaires contenait des vaisseaux mi-
croscopiques dont la finesse ne paraissait pas en rapport avec
l'abondance et l'étendue de l'épanchement. Celui-ci a dû se
produire, il est vrai, par intervalles répétés, mais pendant des
espaces de temps assez courts et tout porte à attribuer cette
hémorragie aux vaisseaux chroniquement atteints de la pie-
mère. Les artères malades des centres nerveux étaient en effet
' Wiglesworth en des travaux très documentés appuie cette opinion
sur un nombre considérable d'autopsies. Pour lui chez les aliénés chro-
niques les vaisseaux méninirés, privés de soutien par le fait de l'atrophie
du cerveau, faiblissent et se laissent distendre; chez les sujets congestIfs
c'est la pression artérielle continue ou répétée qui engendre l'altération
de ces vaisseaux et cause l'hémorragie, sans inflammation préalable des
méninges et surtout de la dure-mère. (Journal of Mental Science, 1888 )
108 PHARMACOLOGIE.
suffisamment enclines à la rupture chez notre sujet ; je n'en
veux pour preuve que l'hémorragie intra-protubérantielle
constatée à l'autopsie, et qui, du moins, ne pouvait rien avoir
à faire avec la néomembrane. L'observation précédente doit
donc venir à l'appui de celles de Bondurant.
Pour conclure : dans une telle situation clinique, quand le
cerveau est intéressé sur toute sa convexité par un hématome
dont la compression bilatérale est symétriquement distribuée
et entrave d'une façon régulière la circulation capillaire au
moins dans toute la couche corticale correspondante, le dia-
gnostic parait impossible et doit en tout cas rester obscur
même en pesant rigoureusement chacun des symptômes. Enfin,
en présence de malades supposés atteints de paralysie géné-
rale à marche rapide avec ictus multiples, s'il y a quelque
sujet d'hésitation étiologique ou clinique, il faut dans le dia-
gnostic réserver une place à l'hématome subdural.
PHARMACOLOGIE.
CONSIDÉRATIONS SUR LA RICHESSE ALCOOLIQUE
DES BOISSONS USUELLES ET DE QUELQUES PRÉPARATIONS
PHARMACEUTIQUES ;
Par M. P. YVON,
Chef du laboratoire de tlidi-apetilicltie de la Clinique des maladies nerveuses
à la S,dpêlrièl'c.
Parmi Pes questions que le médecin pose au malade pour
établir son diagnostic, il en est une des plus importantes et
qui n'est jamais omise, celle de savoir si ce malade prend ou
non de l'alcool et, en cas d'affirmative, il désire en connaître
au moins approximativement la quantité.
Souvent il est assez difficile d'être exactement renseigné soit
que la question ne soit pas posée d'une manière suffisamment
claire pour le malade, soit qu'elle soit mal comprise par lui.
LA RICHESSE ALCOOLIQUE DES BOISSONS USUELLES. d09
l'our la plupart des malades en effet, surtout pour ceux qui
composent la clientèle hospitalière, le mot alcool désigne uni-
quement l'alcool absorbé en nature, sous forme de spiritueux
sucrés ou non, ils négligent entièrement celui qui existe dans
les boissons fermentées qui entrent d'une manière à peu près
générale dans notre alimentation. Nous allons voir que, de ce
chef, la quantité d'alcool absorbé est bien plus grande qu'on ne
le croit généralement, et qu'elle surpasse de beaucoup celle
qu'on peut ingérer, en dehors des repas, sous forme de spi-
ritueux.
Je ne veux pas ici entrer dans des considérations physiologi-
ques et étudier si l'action nocive produite par l'alcool absorbé
sous ces deux formes est identique ; le problème est du reste
résolu. Je désire seulement rechercher quelle quantité d'alcool
on peut absorber en vingt-quatre heures, par suite de l'inges-
tion des boissons usuelles ou des préparations pharmaceu-
tiques.
Tout d'abord il est indispensable de rappeler la teneur en
alcool des différentes boissons et des médicaments ; les chif-
fres que nous donnerons sont rapportés à l'alcool absolu, à
100° centésimaux.
Le tableau suivant indique la proportion pour 100, en
volume, que renferment les principales boissons :
110 O PHARMACOLOGIE.
Spiritueux sucrés (liqueurs, ratafias, crèmes, élixirs, etc.).
Ces liquides sont divisés en quatre catégories d'après les
proportions respectives d'alcool, de sucre et d'eau qu'elles ren-
ferment, les substances aromatiques n'entrant pas en ligne
de compte. -
LA RICHESSE ALCOOLIQUE DES BOISSONS USUELLES. 111
paré avec l'alcool à 60° : dose 1 à 3 cuillerées à café par jour
représentant 3 à grammes d'alcool : l'élixir amer ou antiscro-
fuleux de Peyrilhe ou teinture de gentiane alcaline préparé avec
l'alcool à 60° : dose 5 à 10 grammes, soit 3 à 6 grammes d'al-
cool parvinât-quatreheures. L'élixir parégorique ou teinture d'o-
piuIZ caznpJtrée est préparé avec l'alcool à 60° : 2 cuillerées à
café ou 10 grammes, renfermant 0sr,0o d'extrait d'opium. La
dose est de il à 3 cuillerées a café par jour soit 3 à 9 grammes
d'alcool.
Parmi les élixirs sucrés, citons : l'élixiJ' de Garus employé
comme stomachique à la dose de 2 a 3 cuillerées à potage par
jour. Il renferme 6 grammes d'alcool par cuillerée à potage.
L'élixir de pepsine est moins alcoolique, il ne contient que
â ? ? 0 d'alcool par cuillerée à potage : Os ? 78 par cuillerée à
café.
Enfin il existe un assez grand nombre de préparations phar-
maceutiques dont nous pourrions citer des exemples qui sont
désignées sous les noms d' élixirs de liqueurs, etc.; ils ren-
ferment une proportion d'alcool encore inférieure à celle que
nous venons d'indiquer, et cet alcool provient des teintures
alcooliques qui entrent dans leur composition à doses peu éle-
vées ; ces élixirs renferment une proportion d'alcool qui ne
dépasse pas 1s ? 20 à la ? 80 par cuillerée à potage, soit Os',40
à 0sur,60 par cuillerée à café.
Vins médicinaux. Les vins médicinaux renferment une
quantité d'alcool moindre que les teintures ; mais comme ils
sont employés à doses plus élevées, ils introduisent en réalité
une assez forte proportion d'alcool dans l'économie.
Le Codex prescrit pour la préparation de vins médicinaux :
1° le vin rouge et le vin blanc de France renfermant environ
10 p. 100 d'alcool ; cette proportion étant insuffisante pour
assurer la conservation du produit, on y ajoute une quantité
déterminée d'alcool; 2° le vin de Lunel renfermant environ
15 p. '100 d'alcool; 3° le vin de Grenache titrant environ
lbp. 100; 41 les autres vins de liqueurs, en particulier le malaga
dont nous avons plus haut indiqué la richesse alcoolique. Les
principaux vins médicinaux sont les suivants :
Vin -rhalybé, préparé avec le vin de Grenache à 15 p. 100. La
dose moyenne est de 2 cuillerées à bouche par jour, soit
'10 grammes, renfermant 6 grammes d'alcool.
Vin de gentiane. Ce vin est préparé avec le vin rouge à
11 PHARMACOLOGIE.
10 p. 100 ; additionné à 60 grammes d'alcool à 60° par litre ;
ce qui porte sa teneur à 13,6 p. 100. Ce vin est administré par
verres à Bordeaux dont la contenance est de 50 centimètres
cubes correspondant à 7 grammes d'alcool. La dose quotidienne
étant de 2 verres à Bordeaux, le malade absorbera donc
14 grammes d'alcool. Le vin de gentiane au malaga renferme
15 p. 100 d'alcool ; soit 15 grammes pour deux verres à
Bordeaux.
Vin de quinquina au Bordeaux. Il est préparé au vin rouge
à 10 p. 100 additionné par litre de 100 grammes d'alcool à
60° ce qui porte sa richesse à 160 grammes d'alcool par litre
soit 8 grammes par verre à Bordeaux et à 16 grammes pour
deux verres, dose quotidienne habituelle.
Le vin de quinquina au malaga est à 15 p. 100 ; les deux
verres à Bordeaux ne représentent donc que 15 grammes d'al-
cool. Les vins de Colombo, de coca, etc., sont préparés avec du
vin de Grenache à 15 p. 100 ; 1 verre à bordeaux renferme donc
7s1', 50 d'alcool, ce qui correspond a 1S grammes pour la dose
quotidienne.
Les renseignements qui précèdent nous permettent d'évaluer
et de comparer les diverses quantités d'alcool introduites quo-
tidiennement dans l'économie par l'ingestion des boissons habi-
tuelles, des spiritueux et des médicaments.
La quantité de vin absorbée en vingt-quatre heures par un
adulte en bonne santé peut sans exagération être fixée à une
bouteille; soit 66 centilitres : ce vin présente en moyenne une
richesse alcoolique de 10 p. 100, ce qui fait une quantité d'al-
cool absolu égale à 66 centimètres cubes. Pour faciliter les
comparaisons, nous adopterons indifféremment comme unité le
gramme ou le centimètre cube ; l'erreur sera ◀tantôt▶ dans un
sens ◀tantôt▶ dans un autre, suivant qu'il s'agira de boissons et
de spiritueux ou de préparations pharmaceutiques ; elle est du
reste peu considérable'et compensée par la moyenne peu élevée,
que nous adoptons de 66 centilitres de vin ingéré en vingt-
quatre heures.
Nous indiquerons dans le tableau suivant à quel volume ou
poids des diverses boissons, spiritueux ou médicaments corres-
pond cette moyenne de 66 centilitres de vin.
Volume ou poids des diverses boissons, spiritueux ou médi-
camenls nécessaires pour représenter 66 centimètres cubes d'al-
cool ci 100° contenus dans 66 centilitres de vin à 10 p. 100.
LA RICHESSE ALCOOLIQUE DES BOISSONS USUELLES. 113
114 PHARMACOLOGIE.
REVUE DE MÉDECINE LEGALE. 115
absolue ou simplement en modérer l'usage, il devra tout d'a-
bord s'enquérir du mode d'alimentation habituel de ce malade
et évaluer la proportion d'alcool qu'il absorbe de ce chef; il
lui sera ensuite facile d'apprécier, en consultant le tableau que
nous avons dressé, la quantité qui proviendra des préparations
pharmaceutiques qu'il jugera utile de prescrire; cette quantité
est toujours peu élevée et le plus souvent négligeable.
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
1. Expertise 5rl : DICO-LG.1LG sur un cas DE tentative d'homicide ;
par les 0'" VERGA Giov. Ih1'1'[s1'\, vice-directeur du Mamcome de
Monlbello et Mari Lt;ei\ceco, directeur de l'hôpital de Buato
Cersizio. (L'Anonzczlo, novembre et décembre 1894, Gennaio
IS95.)
Exposé des faits. D... Roberto, vingt-trois ans, employé de
bureau, désespéré de l'abandon de sa maîtresse, se rendit chez elle
et lui tira deux coups de revolver. Elle ne fut pas atteinte, mais, de
peur, elle perdit connaissance et tomba par terre. La scène se pas-
sait dans une auberge appartenant au père de la jeune fille, une
ligne de chemin de fer pasoail à côlé de l'auberge.Roberto, croyant
avoir tué son amie, s'appliqua son revolver sur la tempe et par
deux fois pressa la gâchette, mais l'arme ne partit pas. Il sortit
alors en courant, s'engagea sur la voie du chemin de fer et se pré-
cipita sous un wagon d'un train en marche. Il eut dû être broyé,
par un hasard extraordinaire, il se fit seulement deux blessures,
dont une seule très grave au bras gauche.
Antécédents héréditaires et personnels de Roberto. Dans la
branche maternelle, déséquilibrés nombreux et deux aliénés véri-
tables. Du côté paternel, ni aliéné, ni épileptique, mais le père est
sourd et ivrogne.
Quant à Roberto, convulsions dans l'enfance, incontinence noc-
turne d'urine assez longtemps. D'un caractère expansif, très Lai,
très bruyant pendant l'enfance, il devint progressivement triste et
mélancolique, s'isolant de ses camarades. En même lemps irascible
et très émotif.
11 présentait des particularités bizarres, il souffrait si l'on parlait
un peu haut à côté de lui; c'est au point qu'il devait s'en aller si
116 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
on ne baissait pas le ton. Intelligent, il fut bon écolier et ensuite
bon employé, sentiments moraux et altruistes bien développés. A
vingt ans il devient l'amant d'une jeune fille de quinze ans, leurs
relations durèrent trois ans, il voulait l'épouser, mais pendant une
absence qu'il fit, sa maîtresse le trompa. Certain, à son retour, d'a-
voir été trahi, il voulut rompre dignement et sans bruit, mais le
jour même il retournait chez son ancienne amie et la suppliait de
renouer leurs relations. Celle-ci refusa et demeura inflexible. A
partir de ce moment le malheureux Roberto ne vécut plus. 11 errait
dans sa demeure, sombre, les yeux hagards, ne mangeant pas, ne
dormant pas.
Tel il fut pendant trois jours, ne confiant ses angoisses à per-
sonne. Le soir du troisième jour, il prit un revolver et se rendit
chez sa maîtresse où eût lieu la scène que l'on sait.
Quand on le releva blessé, on le trouva très calme, il raconta
avec un sang-froid extraordinaire qu'il venait de tuer sa maîtresse
et qu'il avait ensuite cherché à se tuer lui-même. Porté à l'hôpital
il ne manifesta aucune douleur pendant qu'on le pansait. On vint
alors lui dire que sa maîtresse n'avait pas été atteinte et qu'elle
était saine et sauve, à cette nouvelle il enlra dans une violente
crise d'agitation, criant, cherchant à se lever et demandant la
mort. Le lendemain, comme il était plus calme, on lui amputa le
bras. Les dix premiers jours qui suivirent l'opération, il demeura
dans un état mélancolique bien caractérisé, puis il redevint nor-
mal. Guéri il ne conservait plus qu'un souvenir très confus de ses
tentatives d'homicide et de suicide, il ne s'expliquait pas comment
il avait pu commettre de tels actes. Il avait cependant écrit plu-
sieurs lettres quelque temps avant la catastrophe, dans l'une il
menaçait sa maîtresse de la tuer, dans l'autre adressée à ses
parents, il écrivait : « J'ai l'esprit perdu... Dieu me pardonne... le
mal que je vais faire est odieux, mais c'est plus fort que moi, il
faut que je le fasse. »
Etat actuel de Roberto. - Homme robuste et bien constitué. Les
auteurs donnent toutes ses mesures anthropométriques. Plusieurs
signes de dégénérescence : bosses frontales très développées et très
rapprochées. Asymétrie faciale très prononcée, ptosis à gauche, les
pupilles réaiusseul inégalement à la lumière, l'ouïe est moins déve-
loppée d'un côté que de l'autre, enfin le sujet rougit avec une faci-
lité exirême. L'état mental est redevenu normal, mais on a vu plus
haut qu'il présentait des caractères de dégénérescence en harmo-
nie parfaite avec les stigmates physiques précités. A partir de
ce point, cet important et intéressant rapport médical prend la
forme d'un plaidoyer en faveur de Roberto, mais d'un plaidoyer
purement scientifique, élayé sur la psychologie plus encore que
sur la clinique. Les auteurs, qui se proclament disciples de
M. Ribot, fout, du reste, de la psychologie positive. Roberto,
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 117
disent-ils, est un héréditaire vésanique, c'est un maltoïde porteur
de signes physiques et psychiques de dégénérescence. Ainsi prédis-
posé il est précisément éprouvé par l'amour et la jalousie, deux
des plus puissants fadeurs écologiques de la folie ; il devait suc-
comber. Roberto devint aliéné à partir du moment où il sut que
sa maîtresse le trahissait, on levoil en effet, dès ce moment, mélan-
colique, anxieux, il veut mourir, il est surexcité, il ne mange ni ne
dort plus. Cet état va s'aggravant pendant trois jours et aboutit à
la catastrophe finale. Chez lui, la douleur morale paralyse le pouvoir
inhibiteur et laisse libres les impulsions morbides qui doivent
mettre un terme à cetle situation douloureuse et réellement insup-
portable. Et voilà que tout à coup se transforme la personnalité
morale de cet homme, jusqu'alors doux et affectueux. Il est main-
tenant homicide et suicide, mais qui nierait que ce ne soit là de
la vraie folie ? S'il eût été un véritable criminel, on trouverait
dans ses antécédents des signes de criminalité latente, bien loin de
là, tous ceux qui l'ont connu s'accordent pour faire de lui un gar-
çon foncièrement honnête. Et puis, dans la perpétration de son
acte a-t-il cherché à s'assurer l'impunité' ? Nullement, il ne s'est
à aucun moment préoccupé des conséquences de son acte. Mieux
encore, après avoir tiré sur sa maîtresse, il a cherché à se tuer
lui-même. Et à propos de ce suicide manqué, on sait mainte-
nant que le plus souvent le suicide est le fait d'un cerveau dérangé.
Une autre preuve de la folie de Hohel'lo; c'est son altitude après
la scène, il est calme, tranquille, et étonne par son sang-froid, son
insensibilité physique aussi milite en faveur de la folie. Qu'on n'in-
voque pas la préméditation, ce serait puéril, nous savons tous, à
notre époque, que les aliénés peuvent combiner leurs projets avec
une habileté souvent remarquable. Il avait conscience de ce qu'il
faisait, pourrait-on dire encore, mais la conscience ne détermine
pas l'actuation, elle la suit « comme l'ombre suit le voyageur »
(Ribot).
En somme donc, Roberto était aliéné à l'époque où il a commis
les actes qu'on lui reproche et il est, par suite, complètement
irresponsable. Ces conclusions furent adoptées par le tribunal
qui prit, à l'égard du prévenu, un arrêté de non-lieu, sentence qui
fut ensuite confirmée par la cour d'appel devant laquelle le minis-
tère public en avait rappelé. Camuset.
II. EXPERTISE médico-légale SUR l'état mental DE V..., accusé
d'homicide. Equivalent psychique DE l'hystérie; DISI\01.1 UYSTÉ-
mQUE; par le De Ruggero 1'.\,%IBROril, direcleur du manicome de
Ferrare. (Ferraro, Tipografa dell' Eridano, 1S9.)
Dans las01rée du 12 février 1895, un certain V... jeta d'un pont,
dans le Reno, le jeune M... Le meurtrier, arrêté et mis en prison,
118 ô REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
fut atteint d'un accès de folie aigué. Il fallut l'envoyer au manicome
de Ferral'I', et le médecin directeur de cet établissement, le DrTam-
broni, fut chargé par le tribunal d'étudier sou état mental. Le
médecin expert devait tout particulièrement répondre aux ques-
tions suivantes : 1° Quelle est la maladie mentale dontV... semble
avoir été subitement atteint ? - 2° V... était-il aliéné quand il
jeta M... dans le Iteno ? - Quel rapport y a-t-il entre l'état mental
actuel de V... et son état mental au moment du meurtre ? V...
enfin ne serait-il pas un simulateur ? .
Nos confrères les aliénisles italiens ont coutume de donner de
grands développements à leurs rapports médico-légaux, ils entrent
dans tous les détails, exposent les théories médicales et philosophi-
ques régnantes, les discutent, invoquent l'autorité des savants
italiens et étrangers, si bien, que leurs rapports sont de véritables
dissertations cliniques très intéressantes souvent. Je crois que cela
est dû à l'influence de Lomhroso et de ses élèves, on retrouve tou-
jours dans ces études médico-légales les idées du chef de l'Ecole
d'anthropologie criminelle. Le rapport du D1' Tombroni est un
exemple de ces intéressantes éludes médico -psychologiques,
je suis obligé de l'analyser très succintement, je vais m'efforcer
cependant d'en faire ressortir tous les points importants.
V..., célibataire, vingt ans, est porteur d'une très lourde tare
héréditaire. ,
Son père, à cause de ses excentricités, n'était appelé que le fou.
Une grand'tante paternelle était idiote de naissance, on croit
qu'elle mourut assassinée par son frère, grand-oncle de V... par
conséquent, un aïeul paternel, mort au manicome de Bologne. Un
frère enfin ful enfermé pendant huit mois au manicome de Ferrure.
Cinq autres frères ou soeurs morts en bas âge. Quant à V..., il fut
toujours irritable et inslable, il changea plusieurs fois de métier,
il passait avec la plus grande facilité de la joie à la tristesse, et
réciproquement. Il était ◀tantôt▶ actif, exubérant, ◀tantôt▶ apathique
et déprimé. Il eut la fièvre typhoïde et depuis resta sujet aux maux
de tète. Il présentait des parliculal ités bizarres, ainsi il avait hor-
reur de monter sur des lieux élevés. Dès son enfance, il s'était livré
à des actes excentriques ; fugues de la maison paternelle, sérénades
données à des femmes, etc. Il était musicien et jouait de l'orgue
avec passion. Enfin, comme son père, on l'avait surnommé le fou.
A noter que dans le= jours qui précédèrent le meurtre, il fut encore
plus bizarre qu'à l'ordmaire.
Voici la relation de la scène du meurtre : V.... le 12 février,
s'était rendu chez un certain villageois d'un hameau vôi·iu au
neveu duquel il donnait des leçons d'orgue, le jeune M... Lui et
M... étaient deux amis, mais ce jour-la ils eurent une discussion au
sujet d'une affaire d'orgues. V... aurait vendu un orgue apparle-
nant à M... et il ne voulait pas lui en remettre le prix. Les deux
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. W
jeunes gens sortirent et passèrent la journée ensemble, mais M...
ne cessa de tourmenter V... et de lui réclamer son argent. Pour
rentrer ils s'engagèrent sur un pont qui traversait le Reno. A ce
moment leur discussion avait dégénéré en querelle. V... obsédé
donne à son ami l'ordre de se taire, celui-ci n'en fit rien, au con-
traire. V... en le reconduisant, avait pour but véritable d'aller
voir sa maîtresse qui habitait le villaue de M... M... le savait et il
savait aussi combien V... était amoureux de sa maîtresse Ernes-
tine. Au lieu de se taire, il menaça V... d'aller dire à son Ernestine
qu'il l'avait trompée avec une aulre femme. Cette histoire était
fausse, mais Ernestine très jalouse la croirait vraie etelle romprait
avec V..., ce dernier en était certain. Aussi à cette menace devinl-
il tout à fait furieux, il se jeta sur son compagnon, le souleva et le
jeta à l'eau. Après quoi il continua son chemin, alla chez Ernes-
tine, se rendit ensuite chez d'autres personnes, fil même une
affaire commerciale, car il vendit un orgue, enfin à 11 heures du
soir, très gai, chantant il se mit en route pour rentrer chez lui.
Le surlendemain li. février, il fit visite à des voisins, on remar-
qua qu'il était très gai, il dansait, il chantait, comme s'il eût été
ivre. Les jours suivants il parut tranquille, il s'informait de ce
qu'était devenu son ami M... Il alla un soir à un bal et s'y montra
d'abord gai et expansif, mais à un moment donné il devint
sombre et s'isola dans un coin. Interrogé sur la cause de celte
brusque tristesse, il répondit que la disparition de son ami l'in-
quiétait beaucoup, puis il se remit à rire età danser. Cependant il
ne tarda pas à être soupçonné, et le 21 février, il fut arrêté et
emprisonné malgré ses protestations d'innocence. Après quelques
jours d'incarcération, il changea d'attitude et s'avoua coupable, il
entra dans tous les détails du meurtre, disant que depuis la soirée
du 12 il ne vivait plus et que ses aveux le soulageaient. ? IL., affir-
mail-il, par ses réclamations persistantes, « l'avait fait sortir de
son bon sens ».
Vers la fin de mars, V... en prison devint tout à coup furieux,
criant, se démenant et déchirant ses vêtements, refusant enfin
toute nourriture. On dut l'envoyer au manicome. Voici son état à
son arrivée : la face est pâle, l'air hagard, les yeux sont convulsés
en haut, les pupilles dilatées, la tête est fortement étendue en
arrière par le fait de la contraction des muscles de la nuque. Les
muscles des membres sont très rigides et le malade immubile sur
son lit ne réagit à aucune sorte d'excitation. Anesthésie et anal-
gésie généralisées, les sens spéciaux sont, sinon abolis, du moins
très diminués. Les réflexes tendineux sont exagérés, les réflexes
pharyngiens et palpébraux abolis. Les mâchoires fortement ser-
rées. V... n'a aucune conscience de ce qui se passe autour de lui,
absorbé par des hallucinations de toutes sortes, il est par leur fait
en proie à un délire bizarre et incohérent. ◀Tantôt▶ sa physionomie
120 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
exprime la haine, ses traits sont contracté*, il fait de violents et
inutiles efforts pour parler, il n'arrive qu'à émettre des sons inar-
ticulés ou bien de véritables hurlements, à la fin il prononce le ntot v
bourreau. Peu après la scène change, sa physionomie se traus-
forme, ses traits se détendent, sa mimique est celle d'un homme
en extase devant un spectacle qui. le charme, il se soulève radieux,
envoie un baiser et se laisse retomber sur son lit. Alors nouveau
changement, il prend l'aspect d'un homme terrifié par l'épouvante,
il se débat et cherche à fuir. Cet état grave s'amenda petit à petit
et finit, après un certain temps, par se dissiper complètement.
L'accès aigu élait fini, mais l'état mental restait très défectueux :
erreurs de personnalité, idées de persécution à l'égard des parents
d'Ernestine. Pour cette dernière il n'a que des paroles d'amour,
ses sentiments pour elle relèvent d'un véritable érotisme morbide.
Si l'on cherche à lui faire raconter l'histoire du meurtre, il se perd,
confond les dales, oublie les fails les plus importants et insiste sur
des détails souvent imaginaires, son récit n'est, en somme, qu'un
mélange de fails réels et de divagations. Un élément précieux de
diagnostic est une lettre qu'il écrivit du manicome. On y lit qu'il
se sentait comme éveillé d'un long sommeil tout rempli d'halluci-
nations et d'idées délirantes, qu'il se trouvait dans un endroit qu'il
n'avait jamais vu, qu'il ne savait ni comment, ni pourquoi il y
était, qu'il ne connaissait personne, que tout lui semblait étrange.
En réalité, il n'avait plus aucun jugement et il ne savait plus inter-
préter ses sensalions, sous ce rapport un enfant était plus habile
que lui. A la longue les perversions psychiques disparurent pourtant,
et V... redevint tel ou à peu près qu'il était avant son accès de folie.
C'est à ce moment alors qu'il est redevenu calme et raisonnant
que le Dr Tambroni relève toutes les particularités physiques et
mentales qu'il présente, je les énumérerai seulement. Tous les
organes sont sains et fonctionnent bien, sauf le système nerveux;
on ne constate pas dans les urines l'inversion des proportions des
phosphates. Crâne volumineux, face asymétrique, oreilles sessiles,
palais ogival et asymétrique, etc. Motilité normale, réflexes
tendineux exagérés, réflexes palpébraux et pharyngien abolis.
Toutes les variétés de la sensibilité générale sont affaiblies, les
sens spécieux ont une acuité inférieure à la normale, achroma-
topsie, rétrécissement du champ visuel. Pour les particularités
psychiques : l'attention est difficile à fixer et peu soutenue,
l'idéalion est lente, le jugement incomplet ou erroné, la mémoire
très affaiblie. Les sentiments affectifs sont au contraire très vifs. Il
est enfin très sensible à la suggestion. -
D'après lout ce qui précède il est facile de conclure à l'état
mental véritable de V... Nous trouvons en effet un jeune homme
fortement héréditaire présentant tous les stigmates somatiqueset
psychiques de la dégénérescence. En plus, l'ensemble des symptômes
REVUE DE MÉDECINE LEGALE. 121
observés chez lui indique d'une façon certaine l'hystérie. V... est
un dégénéré hystérique et il a le caractère des hystériques. -
L'accès de folie dont il été atteint est, on l'a vu par ladescriplion
clinique qui en est donnée ci-dessus, un accès de confusion mentale
hallucinatoire. L'auteur préférerait le dénommer accès de distzoëca.
- Quant au meurtre du 12 février, non seulement V... ne l'a pas
prémédité, mais il n'avait pas son libre arbitre quand il l'a
commis. Tout le démontre, le passé de l'accusé aussi bien que le
peu de gravité de la provocation. De quelle espèce de maladie men-
tale V... etait-il 1 donc atteint ce moment. - V... n'était évidemment
atteint, ni de manie, ni de mélancolie, ni de paranoïa, il a simple-
ment agi sous l'influence d'une impulsion éclose subitement dans
son cerveau déséquilibré. Il a agi en épileptique ou en hystérique.
L'épilepsie doit être écartée puisqu'il n'a jamais présenté de mani-
festation de celle affection, son acle est donc dû à l'hystérie. Chez
lui, les centres supérieurs, inhibiteurs, n'ont pu ni juger, ni arrêter
l'impulsion instinctive et l'actuation s'est effectuée à la façon d'un
réflexe simple, sans contrôle. C'est en résumé là un fait d'hystérie
morale non convulsive. V...,son meurtre accompli, a.cherché à égarer
les soupçons, il a atfeclé l'indifférence et même la gaité. Ce n'est
pas chose rare dans l'hystérie, après les scènes les plus drama-
tiques, les hystériques redeviennent brusquement calmes et raison-
nants. Il était très naturel à V... de chercher à cacher son acte
homicide, mais après quelques jours de prison il l'a avoué spon-
tanément, sans lâcher de s'excuser, sans inventer, par exemple,
une provocation grave de la part de V..., comme n'eût pas manqué
de le faire un vulgaire malfaiteur. Et le Dr Tambrom termine en
donnant, comme conclusion à son rapport, les réponses suivantes
aux questions posées par le tribunal : 1° La maladie mentale dont
V...fut atteint à la prison est une psychose de nature hystérique,
caractérisée par les symptômes de la confusion moniale halluci-
natoire; 2° Au moment du meurtre V... était dans un état parti-
culier de perversion de sa personnalité, véritable hystérie mentale,
qui lui enlevait la liberté de ses actes; 3° L'état mental actuel de
V..., son état mental au moment du meurtre ne sont que deux
manifestations différentes d'une même entité pathologique, l'hys-
térie ; 4° L'accès d'aliénation présenté par V... n'avait rien de
simulé. Ces conclusions furent admises par le tribunal. Camuset.
Ill. LES manifestations DES foules pendant LE cours DE l'année 1893;
par M. G. ZUCC.RELLI. (L'Anomalo, 1894-1895.)
Les manifestations des foules sont du domaine de l'anthropologie
criminelle et elles doivent, par conséquent, être étudiées dans
l'nul1.wlo qui est un journal d'anthropologie crimiuelle, de psy-
chiatrie et de médecine légale.
122 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE
Dans le cours de 1893. on a pu observer trois manifestations
importantes de foules en délire pour ainsi dire. Ainsi, on vit à
Bilonlo une foule criminelle, à Naples une foule mystique et à
Trani ainsi qu'à Corato une foule enlhousiaste. A Bilonto, la foule
fil brûler un olficier des finances trop zélé qui voulait s'opposer au
libre exercice d'une fête religieuse très populaire. Un certain jour,
à Naples, on accourut de tous côtés pour voir la madone, qui par
une illusion d'oplique semblait se refléter sur les vitres de l'hôpital
des Pèlerins. A 'l'rani et à Corato enfin, une foule immense acclama
et porta aux nues les démocrates Cavalotti et tmbriani.Eil bien,
on peut dire que de ces trois foules, la première était surtout ata-
vique, la seconde sceptique et la troisième fervente et clairvoyante
à la fois. On retrouve cependant au fond de ces manifestations
d'essences différentes des caractères communs, ainsi ce besoin et
cetle espérance du bonheur qui se rattachent au sentiment égoïste
de conservation, lequel est la base de la vie psychique, aussi bien
de l'homme individuel que de l'agglomération humaine. Dans les
trois cas, c'est la force de la solidarité collective qui entre en jeu,
c'est-à-dire la suggestion et l'imitation. Enfin, il faut reconnaître
que dans ces circonstances diverses, les foules sont toujours ltllplé-
gnées d'un peu de mysticisme.
Ces phénomènes présentés par la foule sont très complexes, on
peut cependant, de nos jours, en étudier les principaux facteurs.
La foule de Bilonto était particulièrement atavique a avancé l'auteur,
et il le prouve. Les masses populaires vivent surtout, dit-il, par les
sentiments, les émotions, et non par le raisonnement froid et
logique. Or, à Bitouto la foule se trouve irritée par le fait d'une
opposition violente au libre exercice d'une cérémonie consacrée
par la tradition et qu'elle regarde comme une chose excellente
par elle-même. Elle perd de suite la force directrice, naturelle-
ment bien faible d'ailleurs, qu'elle possède sur ses déterminations,
force directrice que la raison acquise met physiologiquement en
jeu. Il en résulte qu'elle n'obéit plus qu'à ses instincts les plus bas,
les instincts primitifs de l'humanité. C'est en somme l'atavisme
qui règne et qui se résout par les actes les plus violents. Pendant
ces états transitoires ou lout au moins d'affaiblissement considé-
rable, de l'activité modératrice (mémoire, réflexion, délibération),
la suggestion criminelle trouve un terrain des plus propices. La
volonté d'un seul alors, qu'il soit criminel-né ou criminel d'occa-
sion, pourvu qu'elle soit formulée d'une façon brève et énergique,
suffit pour entraîner la volonté de tous. Et c'est ainsi que pour
cette foule en délire, l'incendie, le meurtre, le bûcher enflammé...
deviennent l'oeuvre vertigineuse d'un in-tant.
La seconde foule était surtout sceptique. A notre époque, le
véritable sentiment religieux est chose bien rare et la croyance en
Dieu devient de plus en plus languissante. La croyance aux mira-
REVUE DE MÉDECINE LEGALE. 123
cles, elle, persiste davantage,mais elle n'est qu'une notion tradition-
nelle ou mieux seulement une simple reviviscence atavique. A
Naples, la foule accourait pour voir l'apparition de la Madone, c'est
surtout la conséquence de la curiosilé naturelle à la nation ita-
lienne. Tout ce qui est mystérieux, fantastique, intéresse la foule,
et puis elle obéissait sans s'en rendie compte, au besoin d'entrete-
nir, de caresser celte espérance de bonheur qui réside au coeur de
tous les hommes, à ce besoin aussi de se réconforter en commun
au milieu de la vie. Mais qu'il y a loin de là à ces actes d'énergie
et de sacrifice, à ces actes héroïques quoique parfois d'une cruauté
extrême que leur foi profonde inspirait aux hommes du moyen
âge. L'intervention de la science aurait bien vite fait voir à celte
foule sceptique au fond que le phénomène mystérieux qui l'atti-
rait n'était en réalité qu'un simple phénomène d'optique. Et les
prêtres l'ont bien compris, ils ont senti que le terrain n'était pas
assez solide pour construire dessus et ils n'ont même pas cherché
à exploiter le soi-disant miracle.
A Trani et à Corato la foule a été particulièrement fervente et
clairvoyante, on ne peut le nier. Son enthousiasme pour deux
démocrates est la preuve, non pas d'un sentimentvague et aveugle
mais bien d'un sentiment profond et éclairé parla conscience. Les
masses populaires ont prouvé, en effet, qu'elles avaient l'idée pré-
cise des besoins naturels de l'homme ainsi que de son activité créa-
trice. Elles ont démontré qu'elles possédaient la claire conception
de ce que devrait être la justice humaine et qu'elles avaient la
notion scientifique de la vertu et du vice, du mérite et du démé-
rite, de la responsabilité de chacun à l'égard de tous, ainsi que de
la responsabilité de la collectivité entière à l'égard de chaque
individu, la notion de la pitié et de la prévoyance pour les faibles.
La foule enfin, a fait voir que selon elle, la vraie gloire était
pour les hommes qui se consacrent à la recherche et à la défense
du bien général. Ces hommes sont, en effet, les vrais saints des
temps modernes. Cette foule enthousiaste est certainement plus
avancée dans l'évolution que les foules des temps passés. Mieux
que ses devancières elle comprend la justice qu'elle espère. Il ne
lui faut plus le Dieu ancien, le Dieu terrible et vengeur, elle ne
demande qu'un Dieu de bouté et de justice, c'est la science qui le
lui donnera. Camuset.
IV. Les aliénés criminels A l'étranger ; par le Dr RINGS.
L'auteur étudie avant tout le fonctionnement des asiles de Broad-
mooi et de Perlh, en Angleterre, car en Europe c'est l'Angleterre
qui a créé les premiers asiles pour les aliénés criminels. L'asile de
Broadmoor, situé dans le comté de Berkshire, à une trentaine de
milles de Londres, contient 640 malades soit ],81 hommes et
124 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
159 femmes. L'auteur a été frappé du grand nombre de femmes
ayant commis un infanticide sous l'influence de la folie puerpérale
et a été étonné de voir considérer ces malades comme aussi dange-
reuses envers la société que celles qui s'étaient rendues coupables
d'homicide ordinaire. Depuis trente ans qu'il est ouvert, l'asile de
Broadmoor, a reçu i,097 malades.
L'asile de Perlh, pour les aliénés criminels, est une dépendance
de la Prison générale. Le nombre des malades n'y est que de 55,
soit 40 hommes et 15 femmes. '
Alors que les épileptiques et les paralytiques généraux four-
nissent un contingent élevé aux asiles ordinaires, ils sont rares ici.
- En effet, il n'y a que deux épilepliques, et depuis treize ans que cet
asile est fondé il ne s'y est rencontré que quatre cas de paralysie
générale. Les deux principales critiques formulées par l'auteur
contre les asiles d'aliénés criminels anglais sont : 1° L'extrême
rigueur montrée à l'égard des femmes ayant tué leur enfant dans
un accès de manie puerpérale; en effet, si ces malheureuses
n'avaient personne pour s'occuper de leur sort après leur guérison,
elles risqueraient fort de rester à l'asile toute leur vie.
2° La seconde critique est qu'en somme, le système, tel qu'il est
appliqué, ne sépare pas d'une façon permanente l'aliéné criminel
de l'aliéné ordinaire : en effel, à l'expiration du temps de sa
condamnation, l'aliéné criminel cesse d'être considéré comme tel
et est évacué sur l'asile du district dans lequel son crime a été
commis. En plus de ces deux [asiles anglais, l'auteur a visité le
quartier spécial de Bicêtre dont l'aspect prison l'a frappé, et le
quartier spécial de Gaillon. Il n'a pu avoir de renseignements sur
les trois asiles pour aliénés criminels dont la créalion vient d'être
décidée en Italie. 11 n'y a pas d'aulre asile d'aliénés criminels en
Europe. (American journal of insanity, oct. 1895.) E. B.
V. Exhibitionniste condamné par les tribunaux ;
par le Dr A. VIGOU11OUX.
Bel exemple d'impulsion irrésistible qui montre, contrairement
au dire de quelques auteurs, que les exhibitions peuvent avoir lieu
souvent en plein jour et par devant témoins. Ce cas intéressant
prouve aussi combien le code pénal est impuissant à réprimer les
actes d'immoralité de celte nature. Malgré ses cinq condamnations
antérieures, le malade en question continuera, dès l'expiration de
sa peine, à être un danger pour la 11101 ale publique. Et de fait,
l'auteur, depuis la rédaction de cette observation, a appris que
E... sorti de prison le 14 janvier 1895, a recommencé à exhiber le
3 février. Il a élé arrêté de nouveau. (Annales médico-psycholo-
giques, avril 1896.) E. B.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
I. Des idées impératives ; discussion de l'article de Ilack Tuke
paru sous ce titre dans le Brain en 1894. (braira, été et automne
1895.) .
M. HuGLiNu-jACKsoN a vu de nombreux cas d'obsessions sem-
blahles aux « idées impératives » de Back Tuke. I ! les croit souvent
dues à la fixation des fantaisies du rêve par une altération morbide
légère survenue ou aggravée dans le cerveau pendant le sommeil.
Elles sont compatibles avec un état mental sain et ne diffèrent des
idées normales que par le degré. Il n'admet dans ce cas ni état
mental négatif, ni état mental positif isolé. L'état mental négatif
absolu n'existe que dans la démence complète et le coma.
M. SAVAGE n'approuve pas le terme d' « idées impératives D, chez
beaucoup de sujets elles ne sont nullement impulsives et n'ont
aucune influence sur les actes; elles comportent presque toujours
une prédisposition héréditaire, mais sont provoquées par une cause
occasionnelle, choc ou série de chocs moraux, chagrins, soucis,
surmenage. Suit une riche collection de cas d'obsessions et de
phobie ? . Il y a dans ces cas une combinaison de troubles fonction-
nels organiques et de réactions moniales anormales; celles-ci sont
les équivalents psychiques de ceux-là.
M. Mercier a constaté souvent déjà qu'un désordre grave de
l'esprit peut exister chez un individu nullement aliéné. Le germe
de cet état pathologique existe loujours dans la vie normale sous la
forme des petites obsessions anodines qui surviennent dans des
circonstances déterminées (occupations manuelles) où l'attention
est incomplètement absorbée. Entre ces faits normaux et les états
pathologiques les plus intenses; il y a tous les degrés. L'auteur
esquisse une théorie physiologique de l'obsession basée sur les rap-
ports mutuels des centres supérieurs et moyens.
M. rllcti\-l3aown.r. fait de la question un historique détaillé et
richement documenté, montrant qu'à l'étranger et en France
surloul elle a été anciennement et complètement étudiée; il relate
de nombreuses guérisons par l'hypnotisme, et tout en reconnais-
.saut la valeur élioiogique de l'hérédité, il proteste contre l'usage
immodéré du mot dégénéré. « L'abus actuel de ce terme laisse
croire qu'il désigne tous ceux qui ne sont pas conformes à quelque
126 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
type sauvage primitif possédant un syslème nerveux imparfai-
tement développé'. » F. Borssrca.
II. Sur la syphilis du système nerveux; par J. Mickle.
(Brain, printemps, été et automne 1895.)
Ce long mémoire est une revue générale complète de la question.
L'auteur examine d'abord les formes étendues : pour la paralysie
générale il expose et discute toutes les statistiques et toutes les opi-
nions ce qui avec ses données personnelles le range avec ceux qui
en font une affection parasyphilitique. Il étudie ensuite les ménin-
gilets cérébro-spinales par infiltration gommeuse diffuse ; les acci-
dents nerveux rapides des véroles séniles; les altérations mentales
dues à l'intoxication par les produits du virus syphilitique; les cépha-
lées, les insomnies de la syphilis crânienne et intracrauieune. Un
chapitre spécial traite de l'liérédo-53philis, de ses formes spinale et
cérébrale, des hémiplégies graves après traumalismes anodins, de
la paralysie générale infanlile. La seconde partie est consacrée
aux myélopalhies par lésions vertébrales, par syphilomes des enve-
loppes ou de la moelle elle-même; aux méningites spinales; aux
lésions radiculaires, aux méningomyélites, au ramollissement de
la moelle, aux phénomènes labél1furllles. Enfin un long chapitre
résume les discussions et statistiques du tabès, affection parasyphi-
litique, les arlbropallrie alaxiques sont rapprochées des arlhriles
syphilitiques tertiaires. Viennent enfin une étude très complète
avec discussion' des épilepsies syphilitiques et hérédo-syptniitiques
et des névralgies syphilitiques. Ce mémoire est .surtout un travail
de critique très richement documenté, et accompagné de nom-
breux faits et idées personnels. F. Boissier.
III. CRANtOTOMOE dans la IICfioCLPH.1L1F; par F. Marron y Alonzo.
(sigle medtco, janvier 1895.)
Malgré les statistiques pessimistes et un insuccès persistant, l'au-
teur est convaincu que la craniotomie est appelée à rendre des
services. 125 opérations ont été publiées avant la sienne ; sur les
85 exposées par M. Bourneville etfaites en France, il y a eu 13 dé-
cès. Sur les 33 faites aux Etals-Unis jusqu'en 1893, il y a eu 14
décès. En somme 20 p. 100 de décès; de nombreux résultats nuls,
et un minime pouicenlage d'amélioration*. Il n'y a pointant pas
lieu d'en désespérer tout à fait; il faut arriver pouvoir choisir les
cas opérables. 11 y a des microcéphalies très diverses comme élio-
logie et comme forme anatomique; et parmi les différentes calé-
' 11. Ilack Tuke étant mort depuis la publication de cet article, la dis-
cussion se trouve close.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 127
n-ories, deux surtout sont importantes au point de vue opératoire :
1° celles où un cerveau frappé d'arrêt de développement est primi-
tivement petit et conséquemment recouvert d'un petit crâne, ici
l'opération est super ! lue j 2° celles où il s'est produit une ossifica-
tion prématurée des sutures sur un cerveau capable d'un certain
développement. Ici l'intervention est plausible au moins dans cer-
taines conditions en modifiant les procédés et dispositions opéra-
toires selon les situations individuelles. , Pour certains cas une
intervention mal dirigée peut laisser une compression fibreuse
tout aussi nuisible que celle qu'on a voulu faire cesser. Enfin il ne
faut pas perdre de vue que les idiots généralement mal déve-
loppés, malingres et doués d'un mauvais état général sont aussi
mal disposés que possible à résister au sirock et autres accidents
chiruigicaux. Il faut parer à ces inconvénients. 1° La craniololllie
ne doit s'adresser qu'à des enfants aussi vigoureux et bien nourris
que possible et avec l'autorisation formelle ou sur la demande des
parents; 2° ne pas opérer les deux côtés dans la même séance,
afin de gagner du temps et de diminuer les chances du choc;
3° ne pas opérer sous sa seule responsabilité, et ne pas promettre
aux parents une amélioration assurée; 4° opérer de préférence les
cas accompagnés d'attaques épileptiformes, de contractures, rigi-
dité ou paresies.
Le point essentiel serait de pouvoir choisir les microcéphales par
ossification prématurée primitive, et sans lésions profondes de
l'encéphale. Il faudra pour cela arriver à perfeclionner les moyens
de diagnostic, ce qui n'est pas impossible. En résumé, la cranio-
tomie est encore sub judice et n'a pas dit son dernier mot.
H. C..., enfant de neuf mois, grands parents tous vivants et
bien portants, parents sains (issus de germains), une soeur du père
idiote, deux cousins épilepliques, un frère aîné du malade rub iste
et intelligent. Accouchement normal et pas de fontanelles à la
naissance; peu d'accroissement de la tête pendant ces neuf mois,
développement du corps régulier. A trois mois première crise épi-
leptiforme, attaques très fréquentes depuis lors, jusqu'à 20 par
jour; l'intervalle sans crises le plus long a été de dix-neuf jours.
Aspect hébété, j'enanlne reconnail pas sa mère, n'articule pas un
son, ne peut se tenir sur son séant; regard stupide ; pas de parésie
ni de strabisme. Diagnostic : idiotie par ossification prématuiée;
les parents demandent une opération, celle-ci parait applicable au
moins à l'élément convulsif qu'elle peut amender, et peut-être
dans une petite mesure au développement intellectuel. Le 4 août
189, avec l'asepsie la plus rigoureuse, la craniotomie linéaire lut
pratiquée du côté droit (plus déprime que le gauche). Malheureu-
sement un accident grave de chloroforme interrompit l'opération,
l'enfant fut à grand'peine rappelé à la vie, et il fallut l'anesthésier
de nouveau à l'éther. Une bande osseuse de trois pouces anglais et
128 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
demi de long sur un quart de pouce de large fut enlevée avec le
forceps rongeur de Keen parallèlement à la suture sagittale. Mais
l'incident chiiurgical avait mis l'enfant dans de mauvaises condi-
tions ; il mourut trente heures après. L'auteur déplore ce contre-
temps persuadé que le cas était de ceux que l'on doit opérer.
F. BoissiER.
IV. DE l'impulsion : sa définition, ses formes et sa valeur
psychologique; par le Dr BOURDI\.
4.
L'auteur accepte, en la modifiant un peu, la définition de
M. Magnan : « L'impulsion est un mode d'activité cérébrale qui
pousse à des actes que la volonté est impuissante à empêcher. »
L'impulsion se présente sous divers aspects, qui constituent autant
de variétés :
1° Impulsion consciente qui, elle-même, se divise en plusieurs
modalités : a) l'impulsion est précédée de l'idée de l'acte à accom-
plir sous forme d'obsession, nette, consciente, de suffisamment
longue durée, et laissant au sujet le temps d'apercevoir les consé-
quences de l'acte qu'il va fatalement exécuter. Dans cette forme,
l'impulsion, à proprement parler, se trouve être l'intermédiaire
entre l'obsession et l'acte ; c'est, en quelque sorte, la décharge
motrice. Celle forme d'impulsion se rencontre chez les dégénérés
supérieurs de Magnan, les hystériques; b) l'idée qui précède l'acte
est moins nette et se trouve fournie par une émotion violente de
l'âme, une passion atteignant d'emblée son paroxysme chez un
sujet prédisposé et le déterminant à des actes extrêmes. Cette forme,
qui constitue ce qu'on a appelé la folie morale, la folie des actes,
se rencontre chez les dégénérés, chez les hystériques ; c) dans une
dernière forme, l'idée antérieure est presque nulle, tant elle est
brève et fugace, fournie par une association plus ou moins étrange
d'idées, et avant que le jugement ait pu intervenir, l'acte est
accompli. Celte forme se rencontre chez les dégénérés, les hysté-
riques, les débiles, les semi-imbéciles ;
2° Impulsion inconsciente. Ce genre d'impulsions se rencontre
surtout chez les épileptiques : ce qui est inconscient, c'est l'idée
causale, qui n'est pas toujours immédiatement antérieure à l'acte,
mais souvent bien plus ancienne et impossible à retrouver dans
les antécédents du malade. L'ictus épileptique, inconnu dans sou
essence, a pour effet de supprimer le souvenir du fait accompli.
Mais on conçoit qu'il n'est pas possible d'affirmer que la conscience
n'a pas existé au moment précis de l'exécution de l'acte : l'auteur
croit même que la volonté est intervenue également, si minime
qu'ait élé son rôle, et s'appuie, pour soutenir cette idée, sur les
caractères mêmes de l'acte de l'épiieptique, qui n'est jamais illogique,
quelque odieux qu'il soit, et qui n'est que trop en accord avec le
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 129
caractère agressif et méchant que l'épileptique manifeste en dehors
même des accès.
L'impulsion inconsciente ne se rencontre pas seulement chez
les épileptiques, mais aussi chez les hypnotisés : dans ce cas, l'ictus,
au lieu d'être spontané comme chez les épileptiques, est provoqué
et l'idée causale est suggérée par un esprit étranger au moi;
3° A la suite de ces deux formes d'impulsion vraie, s'en placent
d'autres moins nettes, moins bien différenciées, qui rentrent dans
le cadre de ce que 'l'auteur a appelé les fausses impulsions, celles
qui sont la conséquence logique d'un faux raisonnement, fût-ce un
raisonnement d'aliéné. Il en existe plusieurs variétés : a) l'acte
s'explique par une hallucination antécédente, comme cela se voit
chez la plupart des aliénés, certains intoxiqués et hystériques ;
b) l'acte est dû à une conception délirante, comme chez certains
aliénés, persécutés persécuteurs non hallucinés, certains hysté-
riques ; c) le désordre des idées a entraîné le désordre des actes,
comme dans l'excitation maniaque, la paralysie générale au début,
l'hystérie; d) l'impulsion s'explique par une faiblesse intense, con-
génitale ou acquise, de l'idéation en même temps que de la volition :
c'est ce qu'on voit chez l'enfant, l'imbécile, l'idiot, les déments de
toutes variétés ;
4° Enfin l'hystérie forme un type mixte où se rencontrent ◀tantôt▶
des impulsions vraies de toutes formes, conscientes ou inconscientes,
◀tantôt▶ de fausses impulsions dues à une hallucination antérieure,
ou au désordre des actes, ou encore à la faiblesse de l'idéation
(caprices, associations puériles des idées). (Annales médico-psycho-
logiques, avril 1896.) E. B.
V. NOTE POCR SERVIR A L'HISTOIRE DES TROUBLES gastriques de L'ÉPI-
LEPSIE ET DE L'HÉRÉDITÉ MORBIDE PROGRESSIVE; par M. FÉRÉ. (Joum.
de Neurologie, 1896, n° 6.)
Les troubles de l'appareil digestif ne sont pas seulement des
agents provocateurs de l'épilepsie, ils figurent aussi quelquefois
parmi les manifestations paroxystiques de cette névrose; en d'autres
termes, les crises gaslralgiques, entéralgiques, les coliques, etc.,
peuvent suppléer les accès convulsifs. A l'appui de cette assertion,
M. Féré rapporte l'observation d'une jeune fille de dix-huit ans,
sujette à des absences qui, depuis deux ans, éprouve une fois par
mois des crises caractérisées par une douleur brusque que la malade
compare à celle que pourrait produire un noeud coulant en fil de
fer serré brusquement : elle se sent coupée en deux instantanément;' ·
elle est étonnée par le choc et reste ensuite abasourdie quelques
minutes.
Les crises douloureuses ne laissent après elles aucun trouble,
quelquefois seulement un peu de diarrhée; dans leurs iule rvalle
Archives, 2° série, t. II. 9
130 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
les fonctions gastro-intestinales s'accomplissent régulièrement, sauf
un peu de constipation.
Les premières crises n'ont frappé la malade que par la douleur,
mais bientôt elle a remarqué que le choc était précédé par un
phénomène constant : un flux de salive lui remplit la bouche immé-
diatement avant la constriction. ,
Depuis un an environ sont survenues des secousses dans les
membres inférieurs, secousses qui se manifestent en séries tous les
deux ou trois mois. Cette malade a présenté en outre, à deux
reprises, un véritable accès convulsif avec chute, cri, perte de
connaissance et écume buccale. Pas de stigmates d'hystérie.
La brusquerie et l'instantanéité des douleurs ventrales, la coïn-
cidence des vertiges et de crises convulsives prouvent bien la
nature épileptique des accidents présentés par cette jeune fille.
Ajoutons que sa grand'mère migraineuse a eu des paralysies
locales transitoires et que sa mère est également atteinte de
migraine ophtalmique avec troubles paralytiques et convulsifs.
Chez la petite fille, les incidents ont présenté d'emblée le caractère
épileptique. L'hérédité est progressive. DERNY.-
VI. Psychoses DE la vieillesse (observation de délire raisonnant
de' persécution chez une femme âgée de soixante-treize ans) ;
par le Dr Régis.
Dans son remarquable mémoire au Congrès de Bordeaux sur les
psychoses de la vieillesse, M. Ritti a mis en lumière les caractères
du délire systématisé classique chez le vieillard, de la psychose
progressive à éclosion tardive. L'intéressante observation publiée
par l'auteur apporte une contribution nouvelle à l'étude des
psychoses de la vieillesse en établissant la possibilité chez le
vieillard d'une forme de délire de persécution, non encore signalée
à cet âge.
Il s'agit d'un cas de délire systématisé de persécution raisonnant,
des dégénérés ou des persécutés persécuteurs, avec ses caractères
typiques (vraisemblance, logique et fixité d'emblée du délire,
absence d'hallucinations, tendances persécutrices et processives, etc.)
chez une femme de soixante-treize ans, jusque-là indemne de tout
accident vésanique. (Annales médico-psychologiques, avril 1896.)
E. B.
VII. REVUE DES SIGNES DE dégénérescence ET DES MÉTHODES DESTINÉES
A les enregistrer; par le D1' A. Meyeu.
La valeur pratique de nos connaissances actuelles sur les signes
de dégénérescence a été peut-être exagérée par ceux qui croient
avoir trouvé dans ces signes de dégénérescence une phrénologie
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. '131
scientifique. Il est probable que, pour longtemps encore, l'étude
des capacités mentales bénéficiera plus de l'examen des manifes-
tations psychiques que dé celui des formes physiques de l'individu; -
aussi voyons-nous l'étude des prétendus signes de dégénérescence
n'être pas d'une importance pratique pour l'aliéniste.
Il n'en est pas moins vrai que le médecin doit se faire une idée
personnelle sur la question s'il veut tenir un rôle d'expert, s'il veut
examiner sciemment un problème qui devient de plus en plus
important, à savoir la question du mariage pour ceux qui sont
affligés de signes de dégénérescence. Certes tous les points de ce
problème sont encore à l'heure actuelle purement théoriques, mais
pourquoi ? uniquement parce que nous n'avons pas de connais-
sances suffisantes sur les faits qui servent de base à l'influence de
l'hérédité, sur les lois de sa naissance et de son développement.
Que l'aliéniste, chaque jour en présence de l'énigme de la dégé-
nérescence héréditaire, trouve plus que quiconque, dans cette
élude, un intérêt profond, cela ne fait pas de doute; mais plus que
tout autre aussi, de même que le criminologiste, il a besoin de se
garder sévèrement contre des conclusions prématurées.
Pour faciliter l'étude des signes de dégénérescence et la compa-
raison des résultats obtenus, l'auteur expose en détail la méthode
systématique nécessaire pour la recherche complète de ces signes.
Les stigmates sont divisés en trois groupes : .
1° Déviations morphologiques du type normal comprenant les
déviations des proportions générales du corps, les asymétries et les
formes particulières de différentes parties;
2° Les déviations fonctionnelles du type normal comprenant les
innervations anormales ou les irrégularités du développement;
3° Les stigmates purement psychiques.
Cette énumération complète des stigmates de dégénérescence
et des méthodes destinées à les enregistrer est accompagnée des
schémas explicatifs. (American joumul of iltsanilg, janv. 1896.)
Il E. B.
VIII. Contributions A l'étiologie ET A la pathologie générales
DE la folie; par le 01' Aies HRDLICA.
I. Relations étiologiques entre la tuberculose et la folie. Les
statistiques de l'auteur montrent qu'il existe des formes de tuber-
culose héréditaire ou autre chez 40 à 50 p. 100 des aliénés et
chez 55 à 60 p. 100 des aliénées. La tuberculose joue donc, par
rapport à la folie, un rôle étiologique dont il faut tenir compte.
IL Troubles de l'odorat dans la folie. Les troubles de l'olfaction
ont peu attiré l'attention des cliniciens; ils sont cependant notables
car, sur 400 malades examinés à cet égard, l'auteur a trouvé 30
132 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
p. 100 des malades chez lesquels existait une anosmie plus ou moins
complète; cette anosmie a été observée, la plupart du temps, dans
les cas les plus récents et les plus légers d'aliénation. Dans la folie
de nature épileptique, l'anosmie fut trouvée complète dans 57 à 72
p. 100 des cas.
III. Réflexes dans la folie. - L'auteur a examiné les réflexes
rotuliens et les réflexes de l'iris (accommodation à la lumière et à
la distance). Ces derniers sont bien moins souvent modifiés que les
réflexes rotuliens, lesquels sont exagérés fréquemment.
IV. Achromatopsie. Alors que Noyes, dans son traité sur les
maladies des yeux, trouve 5 cas pour 100 d'achromatopsie chez
les hommes et 2 pour 100 chez les femmes, l'auteur sur 400 malades
examinés, n'a rencontré de l'achromatopsie que chez deux hommes
et une femme, et encore ces trois cas étaient incomplets. (American
journal of insanity, janvier 1896.) E. B.
IX. UN cas DE folie morale; par le D'' Gorton.
Histoire clinique intéressante d'un cas type de folie morale. A
propos de ce cas, l'auteur remarque que l'appellation de « folie
morale » est impropre, en ce sens que le mot a moral » parait
mettre en avant des perversions dans la sphère génitale, perver-
sions qui ne font pas toujours partie intégrante de la folie morale.
La folie morale étant une des affections mentales qui mettent le
plus en contact médecins et magistrats, il y aurait intérêt à trouver
pour elle une appellation qui ne prête à aucune confusion. (Ame-
rican journvl of insaitity, octobre 1895.) . E. B.
X. Délire CHRONIQUE ET alcoolisme aigu; par le Dr E.ST.\1AN.
Cas intéressant dont les conclusions sont les suivantes : 1° l'alcoo-
lisme aigu peut se greffer sur le délire chronique et la totalité des
symptômes peut être mise par erreur sur l'alcoolisme aigu simple;
2° dans un pareil cas, la guérison de l'alcoolisme aigu peut dimi-
nuer l'intensité du délire chronique, mais ce dernier ne guérit pas;
3° un tel malade peut être assez pénétrant pour tirer parti du dia-
gnostic du médecin et cacher son délire chronique. (American
journal of insanily, octobre 1895.) ' E. B.
XI. Troubles moteurs dans la folie; par le D1' Richardson.
L'auteur attire l'attention sur les connexions intimes qui existent
généralement dans la folie entre les fonctions motrices et les acti-
vités purement intellectuelles de l'écorce. Les diverses modalités de
l'activité fonctionnelle de l'écorce forment un tout harmonieux et
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 1 33
la perversion du a moi », dans la folie, est l'indice d'une perturba-
tion générale de l'écorce. Et si, parfois, les signes d'altération cor-
ticale paraissent se limiter à certaines zones intellectuelles, il ne
faut pas trop se presser d'établir des limites dans l'influence que ce
désordre peut avoir sur les autres modes d'activité corticale; cette
délimitation est presque impossible en raison de l'unité, de l'indivi-
sibilité de l'énergie corticale. Les éléments moteurs sont constitués
par des cellules de forme spéciale, mais ces cellules ne sont pas
limitées dans des zones spéciales de l'écorce. Aussi les différents
modes de l'activité corticale paraissent-ils être dus bien plus à des
cellules de formes différentes, répandues dans les diverses couches
de l'écorce plutôt qu'à la distribution de ces cellules dans des
zones spéciales de la surface corticale. (American journal of insa-
nity, octobre 1895.) E. B.
XII. Relations DE l'alcoolisme ET DE la folie; par le Dr BANNISTEn.
Les conclusions de l'auteur sur le rôle de l'alcool dans la produc-
tion de la folie sont les suivantes : 1° les excès d'alcool produisent
la folie; 2° ces excès sont la cause directe d'au moins 10 à 12 p. 100
des cas d'aliénation mentale, et la cause indirecte de beaucoup
d'autres cas qu'on ne rapporte pas à une influence alcoolique ;
3° « boire modérément » est un terme indéfini qui explique la dif-
ficulté d'utiliser les statistiques sur les effets de l'usage modéré de
l'alcool dans la production de la folie.
Il n'y a, cependant, aucune raison de croire qu'un usage modéré
de l'alcool doive conduire à un trouble mental un individu normal
et même, à priori, la physiologie semblerait faire présumer le con-
traire. Quant aux victimes d'une tare héréditaire ou névropathique,
il n'y a aucun doute que l'usage modéré de l'alcool n'ait chez elles
des effets désastreux. (American journal of insanity, janvier 1896.)
E. B.
XIII. DE la prophylaxie DE la TUBERCULOSE dans LES asiles d'aliénés;
par OIEHC6LIN. (Allg. Zeitsch. f. Psychiatrie, t. LII, fasc. 4.)
On s'occupe beaucoup en Allemagne de la prophylaxie de la
tuberculose dans les asiles d'aliénés. Au congrès des médecins alié-
nistes allemands de Weimar (1891), Botel a fait un rapport sur
la question concluant à ce que les mesures recommandées par
Cornet et Relier contre la propagation de la tuberculose fussent
appliquées dans les asiles : séparation des tuberculeux des autres
malades durant la nuit; désinfection des crachats, du linge, des
meubles, des locaux ; examen soigneux des maladies ; instructions
spéciales données au personnel.
La question a été également mise à l'étude au congrès de Ha-
'134 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
novre (1892). Wulff, à propos de la contagion de la tuberculose
dans les asiles d'idiols, a recommandé d'examiner fréquemment les
malades afin de pouvoir les isoler à temps.
Le préfet de police de Berlin a adressé aux établissements d'alié-
nés privés une note sur les mesures prophylactiques à prendre
contre la tuberculose : isolement, crachoirs spéciaux, désinfection,
etc. Une circulaire ministérielle du 5 février 1892 ordonne aux
directeurs des asiles d'aliénés de prendre des mesures contre la
contagion de la tuberculose; tous les malades doivent être fré-
quemment examinés à ce poiut de vue, au moins une fois par an.
L'auteur a étudié la question dans un asile neuf, bien aménagé
au point de vue hygiénique. Le nombre des décès par tuberculose
a été de 20,37 p. 100 en 1892, de 24,24 p. 100 en 1893 et de 24
en 1894.
La question des mesures à prendre contre les ravages que cause
la tuberculose dans les asiles est complexe. L'isolement complet
des tuberculeux peut avoir, pour certains, de fâcheux résultats au
point de vue de leur état mental. D'autre part peut-on se contenter
d'isoler les tuberculeux qui gardent le lit, et pour ceux qui sont
levés de les faire coucher dans un dortoir spécial en les laissant en
contact avec les autres malades dans la journée ? Il est certains
quartiers où les tuberculeux ne devraient jamais être admis, par
exemple le pavillon de traitement qui renferme une grande pro-
portion de malades curables, où l'attention du personnel est occu-
pée par les soins à donner aux sujets atteints de psychoses aiguës,
où se trouvent des aliénés affaiblis, qui refusent les aliments et qui,
par suite, sont plus exposés que d'autres à contracter la tubercu-
lose. Dans les asiles qui ne possèdent pas de pavillon d'isolement
pour les maladies contagieuses on sera contraint de faire aménager
une station pour les tuberculeux dans le quartier des infirmes.
L'examen fréquemment renouvelé des aliénés au point de vue de
la tuberculose est une mesure bonne en théorie peut-être, mais
qui ne donne guère de résultais en pratique. Le contrôle des
variations de poids des malades peut fournir d'utiles indications.
L'éducation du personnel a aussi besoin d'être faite pour per-
mettre de dépister la tuberculose. Comme crachoirs, les meilleurs
sont des crachoirs en verre de 5 kilogrammes, solides, faciles à
nettoyer, lourds. L'auteur conclut en demandant que les aliénés
atteints de tuberculose soient séparés des autres malades même
pendant le jour. Là où la chose ne sera pas réalisable, il faut au
moins que les tuberculeux ne séjournent pas au milieu des
malades curables dans les quartiers de traitement.
P. Sérieux.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
CONGRÈS ANNUEL DES MÉDECINS ALIÉNISTES ALLEMANDS
TENU A HAMBOURG LES 13 ET 14 SEPTEMBRE 1895.
Séance du 13 septembre.
M. Siemens. Sur la question de la réforme'du régime des aliénés
en Allemagne et plus particulièrement en Prusse. L'auteur insiste
sur les conditions défectueuses dans lesquelles se trouvent les nom-
breux aliénés traités dans des établissements dirigés par des ecclé-
siastiques. L'attention des médecins a depuis longtemps été attirée
sur cette question sans que des réformes sérieuses aient été appor-
tées à des errements déplorables. Les scandales qui se sont pro-
duits récemment à l'asile d'Aix-la-Chapelle ont de nouveau ému
l'opinion publique. Dans cet établissement qui a une population
de plusieurs centaines d'aliénés et d'épileptiques, il n'existe pas de
médecin résident et le traitement est en réalité dirigé par des
religieux propriétaires de l'asile. Les médecins attachés soi-
disant à l'établissement n'y viennent faire qu'une courte visite
et n'ont aucune autorité. Il en est de même dans la plupart des
établissements dirigés par des pasteurs : asiles d'idiots, d'épilep-
tiqnes ou d'aliénés. Wildermuth et Schlisp ont, il y a plnsieurs
années, montré que les malades de ces asiles, même des plus con-
sidérables d'entre eux, n'avaient que des soins médicaux fort
insuffisants. Dans un asile de plusieurs centaines de malades, les
aliénés n'étaient l'objet d'aucun traitement sérieux, le médecin ne
venant même pas quotidiennement faire sa visite. Dans un autre
établissement dirigé par.un ecclésiastique et dont la population est
de 187 malades, le service médical est confié à un médecin prati-
cien qui touche un traitement de 300 marks.
Il serait nécessaire que tous les médecins aient des notions de
psychiatrie; et pour cela il faudrait que l'enseignement clinique
des maladies mentales devint obligatoire et que la psychiatrie fil
partie du programme des examens. Une autre réforme consistait
à augmenter le nombre des infirmeries des asiles, à améliorer leur
situation, à rendre leur service moins pénible. 11 conviendrait
aussi de séparer les malades curables des incurables en construi-
136 SOCIÉTÉS SAVANTES.
sant pour ces derniers des établissements spéciaux dont le prix de
revient pourrait être moins élevé que celui des asiles de traitement;
le prix de journée pourrait y être également notablement réduit.
Pour ce qui concerne les aliénés criminels, le mieux serait de
créer des établissements régionaux qui leur seraient réservés. En
leur absence il convient de construire des annexes aux établisse-
ments de correction et aux dépôts de mendicité de façon à épar-
gner aux aliénés des asiles le contact pénible de vagabonds et de
délinquants qui modifient d'une façon fâcheuse la physionomie
d'un établissement et empêchent de mettre en pratique l'open-door.
Ce n'est pas tout que d'augmenter le nombre du personnel de
surveillance, il est encore indispensable d'augmenter le nombre
des médecins si l'on veut traiter les malades.
Au point de vue de la réforme de la législation des aliénés,
l'auteur se félicite de voir que dans les projets qui ont été propo.
sés on n'a pas cherché à mettre des obstacles à l'entrée des aliénés
dans les asiles. On a, par contre, insisté sur l'augmentation des me-
sures de surveillance et de contrôle des asiles d'aliénés. Cette exten-
sion du droit de contrôle de l'autorité devra se manifester dans les
conditions imposées à ceux qui voudront ouvrir un asile privé. On
devrait exiger du médecin responsable des garanties au point de
vue de sa compétence spéciale et n'accorder en son absence
aucune autorisation, fût-ce à un ecclésiastique, à une société de
bienfaisance, etc. Le médecin responsable doita\oir une instruc-
tion solide au point de vue de la médecine mentale, avoir été
pendant plusieurs années assistant dans un asile. Il ne peut être
remplacé que par un médecin présentant les mêmes garanties et
dont le gouvernement doit avoir le droit d'agréer ou de refuser la
nomination.
Ce n'est pas seulement dans les asiles privés qui reçoivent des
malades incurables, mais encore dans les hospices d'incurables
que le médecin doit être tenu à la résidence. Au-dessus de 100 ma-
lades on doit exiger un médecin à demeure. Si le nombre des
malades augmente, des assistants deviennent nécessaires. On a
admis un nouveau mode de contrôle que l'on réclamait depuis
longtemps, la visite de commissions de surveillance qui doivent
inspecter l'établissement une fois par an, avec l'assistance du mé-
decin d'arrondissement (Kreisphysicus, médecin fonctionnaire).
Les aliénés traités dans des familles étrangères doivent être égale-
ment surveillés. La visite régulière des asiles privés par le Kreisphy-
sicus offrirait des garanties sérieuses pour les malades et pour les
établissements eux-mêmes, si ces médecins avaient des notions
plus étendues en psychiatrie. On a demandé que l'examen de Kreis-
physicus porte entre autres sur des questions de médecine mentale
et que les candidats aient fait un stage dans un asile. On devrait
enfin créer, à la direction des affaires médicales du ministère des
SOCIÉTÉS SAVANTES. 137
cultes, un bureau où seraient centralisées toutes les affaires con-
cernant l'existence des aliénés. Ce bureau devrait être dirigé par
un homme cornpétant. Les asiles publics doivent, eux aussi, être
inspectés, afin de donner satisfaction à l'opinion publique.
M. ZiNN, après avoir rappelé les attaques récentes dont les asiles
d'aliénés et les médecins aliénistes, ont été l'objet à la suite dus
faits scandaleux qui se sont passés à l'établissement d'Aix-la-Cha-
pelle, lit un rapport sur les réformes qu'il y a lieu d'apporter dans
le régime des aliénés. Il commence par déclarer que la situation
des aliénés en Allemagne ne craint pas la comparaison avec celle
qui est faite à ces malades dans les autres pays. Il rappelle l'appré-
ciation portée sur les asiles d'aliénés allemands par un éminent
aliénisle anglais, G. A. Tucker qui, il y a une dizaine d'années, a
consacré trois ans à visiter les asiles étrangers et en particulier les
asiles allemands, et a pu prendre ainsi une connaissance très
approfondie de l'installation de ces établissements et de toute l'or-
ganisation de l'assistance des aliénés en Allemagne. Dans son
grand travail pa ! u en 1887, Lunacy in many Land (p. 698), M. Tucker
arrive aux mêmes conclusions que Beard qui a visité en 1880 les
asiles de l'Europe : « Pour ce qui est, dit Tucker, des méthodes de
surveillance, des soins et du traitement des aliénés dans les éta-
blissements publics ou privés, la Grande-Bretagne l'emporte sur
tous les autres pays d'Europe. Après la Grande-Bretagne vient l'Al-
magne, qui, sur ce point, a fait des progrès tellement rapides,
qu'elle ne tardera pas à égaler la Grande-Bretagne. Après l'Alle-
magne vient la France... » Depuis l'époque à laquelle écrivait
M. Tucker, les progrès réalisés dans l'assistance des aliénés ont été
considérables : on a créé de nouveaux asiles, on a organisé l'assis-
tance familiale, on a fondé des sociétés de patronage, etc., etc.
Les réformes véritablement utiles que demande l'assistance des
aliénés sont tout autres que celles dontl'opinion publique se préoc-
cupe. Le plus grand uombre des asiles allemands sont encombrés
de malades; pour quelques-uns d'entre eux l'encombrement est
devenu une véritable calamité. Quand un asile voit sa population
augmenter au delà des limites fixées par sa superficie, par l'amé-
nagement des bâtiments, des services généraux, etc., un grand
nombre d'inconvénients se produisent, comme le prouve l'expé-
rience de tous les jours. Les malades tranquilles s'agitent, la guéri-
son des sujets curables est compromise et souvent même rendue
impossible. L'encombrement d'un asile d'aliénés offre en outre des
dangers sérieux pour les malades, les médecins et le personnel de
surveillance. Comme l'a très justement dit M. Ludwig, « l'encom-
brement, quand il dépasse certaines limites, n'est pas autre chose
qu'une succession de mauvais traitements, de jour et de nuit, pour
les aliénés, aussi bien au point de vue de leur état psychique qu'au
point de vue de leur état mental. C'est en réalité tromper l'espoir
138 " SOCIÉTÉS SAVANTES.
et la confiance des malades et de leur famille, c'est anéantir le zèle
et l'ardeur au travail du médecin, dont les efforts deviennent vains;
c'est un moyen sûr de décourager les bons infirmiers, de les pous-
ser à négliger leur service, et, d'autre part, de fournir des excuses
aux brutalités des mauvais serviteurs ». En réalité, un asile
encombré d'une façon permanente est, en dépit du « traitement
libre » et de tous les progrès de ces trente dernières années,
presque analogue aux renfermeries de fous du commencement du
siècle 1.
Au point de vue des aliénés criminels on attend encore unesolu-
'tion qui donne satisfaction aux voeux des aliénistes. Actuellement
nous devons garder dans nos asiles, au moins en Prusse, un grand
nombre de criminels d'habitude ou criminels instinctifs devenus
aliénés. On a bien fondé une section d'aliénés comme annexe à la
prison de Moabit; mais ce quartier spécial d'observation réserve
aux détenus soupçonnés de folie n'a pas d'autre résultat que d'aug-
menter le nombre des aliénés criminels que l'on envoie dans nos
asiles. Il faut protester, dans l'intérêt des malades contre la pré-
sence des aliénés criminels au milieu de ceux-ci.
Au point de vue de l'utilité qu'il y aurait à exiger des médecins
des notions de psychiatrie, on est généralement d'accord. On
devrait exiger des candidats un stage de six mois dans un asile,
faire entrer la psychiatrie dans le programme des matières des
examens. Il serait utile aussi d'exiger des médecins qui veulent
entrer au service de l'Etat comme Kreisphysicus d'avoir rempli les
fonctions d'assistant dans un asile d'aliénés. La chose est d'ailleurs
exigée en Saxe, dans le Wurtemberg et le duché de Bade. L'auteur
termine en insistant sur la nécessité de détruire les préjugés qui
règnent encore dans l'opinion publique sur l'assistance des aliénés.
Il faut faire l'éducation du public et lui donner, en toute occasion,
des notions exactes sur les maladies mentales et leur traitement.
Le président propose au congrès les conclusions suivantes qui
sont adoptée-5 à l'unanimité :
I. Le Congrès des médecins aliénistes allemands déclare de
nouveau considérer comme un devoir impérieux pour l'Etat et les
autorités provinciales, de poursuivre l'exécution complète des
réformes du régime des aliénés réclamées au Congrès de Frankfort,
à l'unanimité. Les conclusions votées à ce congrès étaient ainsi
conçues : ,
Les asiles d'aliénés (curables ou incurables), d'épileptiques,
d'idiots qui ne sont pas soumis à la direction d'un médecin respon-
1 Les critiques formulées par l'auteur sont applicables dans toute
leur sévérité à la plupart des services des asiles d'aliénés de la Seine.
P. S.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 139
sable ne donnent pas satisfaction aux exigences de la science, de
l'expérience et de l'humanité.
Les malades incurables ont besoin de soins comme les curables.
Il est donc du devoir des autorités d'hospitaliser et de traiter
dans des établissements soumis à une direction médicale, les
aliénés, les idiots et les épileptiques.
Tous les établissements de ce genre appartenant à des particu-
liers ou à des congrégations religieuses doivent être dirigés par un
médecin responsable et être soumis à la surveillance des autorités.
Les médecins ayant des connaissances théoriques et pratiques en
psychiatrie, ils devront être agréés par l'Etat.
L'Etat a le devoir de donner aux étudiants en médecine, dans de
meilleures conditions qu'actuellement, une instruction théorique
et pratique. La psychiatrie doit faire partie du programme des
examens, et un stage d'un semestre dans une clinique des maladies
mentales doit être exigé des candidats (Comptes rendus du Congrès
de 1893).
A ces conclusions de 1893, le Congrès de 1895 ajouleles suivantes :
II. L'examen pour les fonctions de médecin-fonctionnaire
(Kreisphysicus) doit comprendre une épreuve de psychiatrie.
L'examinateur doit être un médecin aliéniste.
III. L'encombrement excessif de nombre d'asiles allemands
et en particulier des asiles prussiens est une source d'inconvénients
graves et de dangers pour les malades, les médecins etle personnel
de surveillance. Il est urgent d'aviser afin de parer à ces dangers.
IV.-La présence d'aliénés criminels (criminels devenus aliénés)
dans les asiles est nuisible aux autres malades : elle rend difficile
le « traitement libre », et constitue un danger pour la sécurité
publique en raison des facilités d'évasion.
V. Il y a lieu de créer au ministère une division spéciale du
« service des aliénés », ayant à sa tête un aliéniste secondé par
d'autres médecins aliénistes.
MM. Grashey et LUDWIG sont désignés pour faire un rapport sur
la question du personnel de surveillance, pour le prochain Con-
grès.
M. Cramer. Signification du phénomène du genou en psychiatrie,
au point de vue du diagnostic et du pronostic. L'auteur a recueilh
de nombreux documents sur cette question dans divers asiles. Après
avoir rappelé brièvement l'historique du phénomène du genou,
résume l'état actuel de nos connaissances sur la nature et la signi-
fication de ce signe, et décrit les procédés qui doivent être em-
ployés pour le rechercher. Cramer étudie les formes diverses d'alié-
nation mentale dans lesquelles il a rencontré le phénomène du
140 SOCIÉTÉS SAVANTES.
genou ; ses observations sont au nombre de z.. Il formule ainsi
ses conclusions : -
1° Parmi tous les aliénés, il n'y a que les paralytiques généraux
chez lesquels on trouve des modifications caractéristiques du signe
du genou, dans des proportions déterminées; -
2° Parmi les sujets non paralytiques, c'est dans les psychoses à
processus actif que l'on trouve, en proportion relativement faible,
des modifications du phénomène du genou. Le plus souvent le
réflexe est exagéré ;
3° L'absence du réflexe du genou chez un aliéné, doit, si l'on a
éliminé l'alcoolisme, l'épuisement consécutif aux étals d'agitation,
et les lésions graves du système nerveux, éveiller le soupçon de
paralysie générale. C'est donc en général un signe dont le pro-
nostic est mauvais;
4° La perte du signe du genou dans la convalescence de la manie,
dans la manie chronique, dans le cours des formes aiguës de la
paranoïa (amentia, confusion aiguë, délire hallucinaloire aigu, folie
aiguë, etc.) et dans les psychoses alcooliques, n'a de signification
fâcheuse au point de vue du pronostic que si elle s'ajoute à des
symptômes de collapsus ;
5° L'exagération du phénomène du genou n'a de signification
défavorable pour le pronostic que lorsqu'elle accompagne l'idiotie,
l'affaiblissement intellectuel, la paralysie des pupilles et autres
symptômes de la paralysie générale ;
6° L'exagération du réflexe rotulien n'a d'importance au point de
vue du diagnostic que dans des cas exceptionnels ;
7° L'exagération du réflexe rotulien peut, par exemple, associée
d'autres signes, servir à différencier la manie d'états analogues
faisant parlie du groupe des paranoïas aiguës;
8° Au cours de la paranoïa chronique, l'exagération du réflexe
rotulien peut faire redouter, quand elle accompagne d'autres symp-
tômes, un épisode aigu, une nouvelle exacerbation ;
9° La neurasthénie parait s'accompagner toujours de l'exagéra-
tion des réflexes ;
10" Les cas de paralysie générale dans lesquels on observe le
signe de Westphall, paraissent évoluer plus lentement, affecter de
préférence une forme dépressive et se compliquer plus rarement
d'accès d'agitation ;
ii° La perte du réflexe du genou, après une atlaque épileptique,
permet d'éliminer la simulation. 11 n'en est pas de même de l'exa-
gération du réflexe.
Discussion. M. Koppen fait quelques remarques à propos de
l'emploi du procédé de Jeudrassik pour la recherche du phénomène
du genou. Ce procédé n'agit pas en augmentant l'excitabilité des
centres nerveux; il agit, au contraire, directement sur le qua-
SOCIÉTÉS SAVANTES. -l4L
driceps, comme on peut s'en convaincre en plaçant la main sur ce
muscle; la tonicité du quadriceps est augmentée. Le tonus, artifi
ciellement exalté, du muscle extenseur de la cuisse que déterminent
les contractions des muscles fléchisseurs des doigts et des mains,
facilite la production du réflexe patellaire. D'autre part, l'exagéra-
tion du tonus peut mettre obstacle à la production de ce réflexe,
qui ne peut ainsi se manifester qu'à la faveur d'une tonicité déter-
minée du quadriceps. La perte du réflexe à l'état physiologique,
doit vraisemblablement être attribuée à des états passagers de
contracture musculaire. L'absence du réflexe du genou dans la
manie chronique, la paranoïa, la mélancolie, n'est qu'un phéno-
mène passager, à moins qu'il ne faille en voir la cause dans une
tendance à la contracture qui a été méconnue. Quand le réflexe
patellaire manque d'une façon permanente, il faut penser à une
lésion organique des cordons postérieurs ou des nerfs qui sont en
rapport avec ces faisceaux. M. Koppen émet des doutes, en raison
des considérations qui précèdent, sur les chiffres traduisant la
fréquence de l'absence du réflexe du genou dans les psychoses
fonctionnelles.
M. Smith fait observer que, grâce à l'appareil de Sommer, on
peut éliminer toute cause d'erreur subjective dans l'appréciation
du phénomène du genou. Smith fait usage, depuis un an, de cet
appareil, qui enregistre avec précision toutes les particularités du
phénomène. Il est convaincu que loules les recherches sur les ré-
flexes qui sont faites sans cet appareil, n'ont pas de valeur au point
de vue scientifique ; on constate en effet, en s'en servant, que le
réflexe existe en réalité alors qu'il paraît faire défaut et, d'autre
part, qu'il est normal, alors qu'il paraît exagéré. Smith conseille
donc à tous ceux qui veulent faire des recherches sur le phénomène
du genou cet appareil très simple qui peut en outre servir pour
d'autres recherches, par exemple la détermination de la courbe
que trace le membre inférieur dans le mouvement de pendule. Il
considère cette détermination comme très importante pour le dia-
gnostic et le pronostic. (Présentation de courbes.)
M. Tuczek attire l'attention sur les conséquences pratiques de ce
fait, à savoir que l'intensité du phénomène du genou varie avec
certaines conditions physiologiques antérieures. Après une longue
marche, le phénomène du genou est habituellement exagéré; de
sorte que lorsqu'on examine pour la première fois des malades
nouvellement admis qui ont fait un long trajét à pied pour venir à
l'asile, on observe souvent une exagération des réflexes. Pour ap-
précier à sa juste valeur la signification de ce signe, il convient
donc de ne pas tenir compte seulement de la qualité de ce phéno-
mène, mais de sa constance ; un examen fréquemment renouvelé
est indispensable.
142 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Mendel est surpris du nomhre considérable d'observations
dans lesquelles l'auteur de la communication a noté l'absence du
réflexe patellaire. Depuis qu'on connaît ce signe, il l'a recherché
chez chacun des aliénés qu'il a examinés. Dans le cours de ces vingt
années, il n'a pas rencontré un seul cas de psychose fonctionnelle
dans lequel faisait défaut le réflexe du genou. Il va sans dire qu'on
a éliminé les cas compliqués de diabète, d'alcoolisme, de morphi-
nisme, etc.
Dans un cas seulement, observé avec Westphall, il y avait ab-
sence du phénomène du genou. Celait un cas de manie simple,
récent. Le malade guérit et put reprendre ses fonctions de profes-
seur à la satisfaction de tous. Deux ans après il revenait à l'asile
paralytique général.
Souvent il m'est arrivé de mettre eu évidence le réflexe du
genou dans des cas où des confrères avaient noté l'absence de
ce réflexe.
Pour ce qui concerne la démence sénile, on sait que le réflexe
patellaire peut disparaître à un âge avancé; mais il n'est pas
démontré qu'il s'agisse là d'un trouble fonctionnel, puisqu'on con-
naît la fréquence de la « névrite dégénérative » chez les vieillards.
M. MOELI remarque l'absence du signe de Westphall dans les cas
de psychoses séniles rassemblés par l'auteur. Sur 21 malades qu'il
observe actuellement et qui présentent le signe de Westphall sans
qu'on puisse l'attribuer ni au tabes ni à la paralysie générale, il
reste, après élimination des alcooliques et des sujets atteints de
névrites, un certain nombre de patients qui présentent le signe en
question d'une façon permanente. Parmi eux se trouvent six dé-
ments séniles, sans que l'on puisse nier pour tous la possibilité
d'une paralysie générale tardive. On ne peut attribuer le signe de
Westphall chez ces sujets à aucune altération anatomique connue,
en raison de l'absence d'autres symptômes. L'examen microsco-
pique, dans trois de ces cas, a bien décelé quelques particularités :
épaississement des méninges, augmentation du tissu de soutène-
ment avec diminution du nombre des vaisseaux dans les cordons
postérieurs. Mais ces lésions sont banales chez les vieillards et, chez
les sujets en question, elles n'étaient pas très prononcées. Les modi-
fications dans l'aspect des cellules ganglionnaires, particulièrement
dans les cornes antérieures étaient peu accentuées.
En résumé, il faut convenir que le signe de Westphall peut exis-
ter sans lésions bien prononcées. '
M. NEISSEIi. Dans toutes les recherches qui portent sur l'état des
réflexes, il faut tenir compte, si l'on veut avoir des résultats précis,
de l'étatde la tonicité musculaire au moment de l'examen. D'après
les documents qui nous ont été présentés, l'absence du réflexe pa-
tellaire parait un signe des plus importants en faveur de la para-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 143
lysie générale; au contraire, la valeur de l'exagération de ce phé-
nomène pour le diagnostic de cette même affection, parait
insignifiante. C'est du moins l'opinion qui a paru prévaloir quand
M. Sommer a parlé de la signification du signe de Westphall. Sans
doute il est de la plus haute importance, en raison de l'absence
fréquente du phénomène du genou dans la paralysie générale, de
mettre en lumière la valeur de ce signe. Mais il ne faut pas vouloir
diminuer la signification, au point de vue du diagnostic, de l'exa-
gération du phénomène du genou, sous prétexte que ce signe peut
se rencontrer assez fréquemment chez des sujets non paralytiques.
Il faut tenir compte des conditions spéciales dans lesquelles se
manifeste l'exagération du réflexe du genou. En résumé, chez un
malade qui n'est pas profondément épuisé, une exagération notable
du phénomène du genou peut servir au diagnostic de la paralysie
générale. Il importe seulement de s'assurer de l'état de relâche-
ment complet des muscles.
M. IIIOELI insiste sur ce fait que dans les cas qu'il a observés,
l'absence des réflexes n'était pas liée à la paralysie générale.
M. JOLLY fait remarquer qu'un certain nombre des opinions con-
tradictoires qui ont été émises peuvent être expliquées si l'on
tient compte que les recherches des auteurs ont porté ◀tantôt▶ sur
des malades au cours même de leur accès, ◀tantôt▶ sur des sujets en
voie d'amélioration ou guéris. Il est fréquent d'observer des modi-
ficalions passagères dans l'état des réflexes, qui sont dues à des
modifications du tonus.
M. Cramer est d'accord avec M. Koppen et M. Tuczek sur la néces-
sité d'examiner à différentes reprises l'état des réflexes chez un
même sujet. Il répond à M. Smith qu'il connaît l'appareil de Som-
mer et ses avantages, mais qu'il lui était difficile de s'en servir,
étant donné qu'un grand nombre d'aliénés ne se seraient pas
prêtés aisément à des recherches exécutées à l'aide de cet appareil.
Après la séance, les membres du Congrès visitent l'hôpital d'Ep-
pendorf.
- Séance du 14 septembre.
Le Congrès se réunit à l'asile de Friedrichsberg. A l'ouverture
de la séance, M. Reye, médecin en chef, souhaite la bienvenue à
l'assemblée et fait un court historique du développement de l'éta-
blissement.
M. Koppen. La folie des quérulanls au point de vue nosologique et
médico-légal. L'auteur insiste sur l'importance pratique qu'il y a
pour les médecins aliénistes à échanger leurs vues sur la question
du délire des quérulanls et signale, parmi les travaux récemment
parus sur ce point, le livre de M. IIitzie.
144 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Les reproches du public qui, par suite d'une confusion due au
mot de « querulantenwahnsinn » (folie des réclamations), s'ima-
gine que le diagnostic de maladie mentale repose essentiellement
sur les nombreuses réclamations de ces sujets; ces reproches ne
sont pas fondés : aucun spécialiste n'a considéré le fait de Q ré-
clamer » comme une maladie mentale; celle-ci a été diagnostiquée
en se basant sur l'existence d'autres symptômes pathologiques.
Cependant, en raison de la confusion que le mot en question éveille
dans l'esprit du public, il y aurait lieu de ne pas s'en servir devant
les tribunaux, ainsi qu'on l'a déjà fait d'ailleurs. Tous les cas de
délire des quérulants ne doivent pas être rangés dans la paranoïa.
D'autres malades aussi peuvent persécuter les autorités, fatiguer
les tribunaux, échafauder des idées délirantes d'une façon assez
logique, et conserver leur activité malgré la longue durée de la
maladie. Au point de vue étiologique certains cas doivent une em-
preinte spéciale au traumatisme, à la sénilité, à l'alcoolisme. Il
faut donc ranger certains cas de délire des persécuteurs dans la
paranoïa, d'autres dans la folie des dégénérés, dans l'imbécillité,
d'autres encore dans l'alcoolisme ou dans la folie traumatique.
Mais en raison des classifications diverses des maladies mentales on
pourra toujours employer le mot de folie des quérulants comme
dénomination d'ensemble pour un groupe de faits d'ailleurs non
identiques enlre eux au point de vue clinique.
M. Koppen insiste sur quelques symptômes particuliers au point
de vue de leur signification médico-légale comme preuve d'une
maladie mentale. Tels sont le nombre des mémoires, la conduite
des malades, l'aspect de ses manuscrits. Mais la démonstration ne
peut venir que de la mise en évidence d'autres troubles pathologi-
ques, et avant tout de conceptions délirantes. Le médecin doit
montrer comment le malade est arrivé à créer ses idées délirantes
et indiquer ce qui différencie celles-ci de la réalité. Il verra ainsi que
les faux souvenirs, les exagérations innombrables, la reproduction
infidèle des faits jouent un grand rôle. Souvent les faits sont déna-
turés d'une façon extraordinaire; souvent aussi les connaissances
si étendues des questions de droit qu'on a attribuées à ces maladies
se réduisent à une connaissance superficielle des numéros des para-
graphes, des pages, alliée à une compréhension tout à fait fausse
du contenu. L'intelligence des malades est d'ailleurs fréquemment
affaible. Ils ont tout au plus une certaine facilité de langage quand
ils parlent du sujet qui leur tient à coeur, mais avec cela ils sont
incapables de s'en tenir à la question en cause; leurs preuves con-
sistent dans une pure logomachie et non dans une argumentation
basée sur des faits. Ajoutons, comme il a été dit plus haut, qu'il y a
souvent une certaine débilité mentale. Une question difficile à ré-
soudre est de savoir s'il y a des « quérulants » sains d'esprit. Michel
Kohlhaas, personnage historique, peut être rangé parmi ces der-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 145
niers; il signaitses manifestes du titre de « Représentant du Christ».
Pour l'aliéniste qui connaît les tares héréditaires des quérulants,
ces sujets seront toujours marqués d'une empreinte psychopatholo-
gique, mais cette empreinte psychopathologique ne peut tenir lieu
de preuve démonstrative devant les tribunaux.
La folie des quérulants est susceptible de rémissions; peut-être
même peut-on voir des améliorations et aussi des guérisons. La
rétrocession passagère des manifestations maladives, surtout sous
l'influence du repos à l'asile, doit être présente à l'esprit de l'expert
qui a sous les yeux un rapport fait au moment où la psychose était
dans sa plus grande activité.
Discussion : M. MEKDEL. Des considérations de l'orateur précé-
dent il résulte qu'une série de psychoses différentes peuvent pré-
senter ce symptôme, 1' « obsession des réclamations ». Je suis par-
faitement d'accord avec lui sur ce point. Mais il faudrait tirer de
ces constatations cette conclusion à savoir qu'il n'y a pas de ma-
ladie mentale spéciale, caractérisée par la manie des réclamations.
Il n'y a pas plus de « folie des quérulants » qu'il n'y a une
kleptomanie, une pyromanie, etc. Abandonnons donc un mot qui
ne prête qu'à des confusions. Dans les cas où l'on voit la manie des
réclamations constituer le symptôme prédominant, il ne faut pour
justifier son diagnostic s'appuyer sur le fait des réclamations. Il
faut montrer que le malade est un aliéné, est atteint d'une alfec-
tion mentale, et qu'un des symptômes de cette affection est la
manie des réclamations et non pas chercher à prouver qu'il
y a maladie mentale en invoquant le fait des réclamations.
M. Bruns signale que, assez souvent, c'est un déni de justice réel
dont le malade a souffert, qui a été le point de départ de l'affec-
tion. Souvent on ne tient pas suffisamment compte dans les rap- -
ports de ce point de départ positif; on tient toutes les affirmations
du malade pour mensongères, ce qui irrite profondément celui-ci
et aggrave son état. L'expert lui-même peut être victime de cette
erreur, en ce sens que son autorité est diminuée quand, plus tard,
il est démontré que le point de départ de l'affection n'était pas
imaginaire. Bruns pense aussi qu'il est préférable d'abandonner le
mot de « querulantenwahnsinn », mais il faut avouer qu'il est des
cas dans lesquels, en l'absence de toute idée délirante, le fait de
réclamer constitue à lui seul le symptôme unique et un symptôme
pathologique. Le côté maladif de la conduite du patient consiste
dans la façon avec laquelle il poursuit sans cesse ses revendications,
sans souci de sa famille, de sa fortune et de sa réputation, dans
l'impossibilité où il est de se résigner au déni de justice qu'il pré-
tend avoir essuyé, dans le besoin d'occuper durant des années
les autorités, la presse, le pays tout entier avec ses petites his-
toires, besoin qui s'accompagne d'une certaine mégalomanie. Voilà
Archives, 2° série, t. II. 10
1 iG SOCIÉTÉS SAVANTES.
la note maladive et il est possible d'en convaincre le public. A ce
point de vue on ne peut considérer Kohlhaas comme un persé-
cuteur sain d'esprit, lui qui a ravagé tout un territoire parce qu'on
avait maltraité deux de ses chevaux.
M. MITTENZWEIG ne partage nullement l'opinion de M. Mendel. 11
y a de véritables persécuteurs aliénés, il y a un a querulan-
tenwahnsinn », et il y a aussi d'autres malades qui présentent cer-
taines particularités des persécuteurs. J'ai par exemple observé un
paralytique général persécuteur. Il n'y a pas lieu non plus d'aban-
donner la conception de la folie des quérulants parce que cette
conception n'a pas été acceptée par le public. Il y a des sujets
atteints de paranoïa dont les réclamations prennent une place si
prépondérdnte que leurs idées délirantes, de persécution ou de
grandeur, passent presque inaperçues. Le délire dans la folie des
persécuteurs ne se traduit pas qualitativement. parce que son con-
tenu ressemble assez aux conceptions normales. C'est une raison de
plus pour attacher grande importance à son mode de développe-
ment et à sa quantité. En effet, l'intensité et l'extension croissante des
idées de persécution montrent le caractère maladif des symptômes,
et ce qui importe au point de vue médico-légal.
M. Neisser n'admet pas, comme on l'a affirmé, qu'il y ait tou-
jours dans la maladie en question des conceptions délirantes pro-
prement dites. On rencontre de nombreux cas. très démonstratifs,
qui prouvent le contraire. Dans l'observation qu'il a rapportée, et
que le rapporteur a plusieurs fois citée et qu'il a classée lui-même
dans le délire des persécuteurs, il n'y avait, par exemple, aucune
trace d'idée délirante. Ce qui élait maladif, c'était l'intensité des
sentiments affectifs. Au point de vue médico-légal il fallait en con-
séquence, comme l'a formulé tout à l'heure Mendel, démontrer
l'existence d'une maladie mentale en s'appuyant sur la symptoma-
tologie et le développement du cas en question dans son entier. Le
mot de « querulantenwahn » (délire des quérulentsj est évidem-
ment mauvais, et je ne l'ai point employé puisqu'il n'y avait pas
de délire.
M. l'HOMSEN voudrait voir disparaître la dénomination de « que-
rulantenwahnsinn ». La plupart des cas auxquels on l'applique
appartiennent en effet au groupe de la paranoïa. Quand il s'agit
d'états périodiques, de formes circulaires, l'excitation est le sym.
plôme primaire, les réclamations ne viennent qu'après. Dans ces
cas avec la disparition de l'accès d'excitation maniaque on observe
une guérison ou une amélioration notable de la folie des récla-
mations.
M Mescuede pense qu'il convient de rayer le mot de « querulan-
tenwahu » de la nomenclature psychiatrique. Pour désigner ce
symptôme on pourrait dire « querulirsucht » (obsession des récla-
sociétés savantes. 14-1 I
mations). L'affirmation de Siemerling que la maladie en question
ne survient que chez des débiles me parait contestable. Elle n'est
pas d'accord avec ce fait, signalé par la rapporteur et admis par
différents auteurs, que la folie des persécuteurs peut se rencontrer
dans différentes conditions et qu'enfin elle est curable dans quel-
ques cas exceptionnels. D'ailleurs on voit souvent des malades qui
ne présentent point de signes de débilité mentale et dont la cause
première de l'affection tient plutôt à un sentiment très intense des
torts subis lié à une énergie de la volonté et à une intelligence
solide. -
M. 111TZIG n'admet pas que la folie des persécuteurs ne soit pas
une forme clinique, qu'il n'y ait pas de « querulantenwahnsinn ».
Sil'on veut exprimer par là que la maladie peut avoir des facteurs
étiologiques différents, on peut en dire autant de presque toutes
les formes cliniques. Si, en outre, on invoque cet argument qu'il
y a nombre de maladies mentales dans lesquelles on constate le
fait de c réclamer », je répondrai que 'l'obsession de réclama-
tions est, comme les hallucinations, la dépression, etc., un symp-
tôme qui, là comme ailleurs, ne peut suffire à lui seul au diagnostic.
Y a-t-il pour la folie des persécuteurs, comme pour les autres
dénominations de maladies mentales, un ensemble de symptômes
typiques, dont le cornplexus réalise un type morbide caractéris-
tique ? On est obligé de répondre par l'affirmative. On laisse de
côté évidemment les cas dans lesquels la manie des réclamations
n'est qu'un symptôme accessoire. Il faut en conséquence conserver
le mot de « querulantenwahn ».
M. KOPPEN répond aux orateurs précédents qu'il est lui aussi
convaincu qu'une partie des persécuteurs doivent être rangés dans
le groupe de la paranoïa, mais il veut insister sur ce point qu'on
ne peut admettre également, parmi les formes de la paranoïa, les
cas dans lesquels le délire processif ne constitue qu'une phase dans
toute l'évolution de la maladie, et dans lesquels les idées délirantes
passent au second plan, dans le tableau clinique, devant la prédo-
minance des anomalies du caractère d'une personnalité congénita-
lement anormale et souvent aussi faible d'esprit. Ces sujets sont
des imbéciles, des dégénérés dans le sens de Magnan. M. Koppen
constate que M. Mendel est d'accord avec lui sur les points les plus
importants. Si je conserve le mot de « querulantenwahnsinn »
comme appellation générale, tout en refusant à ce mot de repré-
senter une forme clinique unique et tout en le rejetant au point de
vue médico-légal, c'est que je crois devoir tenir compte des vues
très divergentes des auteurs en ce qui concerne la classification
des maladies mentales. C'est aller trop loin que de dire qu'il n'y a
pas de folie des réclamations, car cette expression est appuyée sur
des observations cliniques excellentes. A 111. Bruns je répondrai
148 SOCIÉTÉS SAVANTES.
qu'à mon sens le seul fait de « réclamer sans cesse » ne peut au
point de vue médico-légal constituer une preuve de folie. L'absence
de toute considération de fortune, d'argent, se rencontre chez des
sujets quérulants », mais qui au point de vue légal ne peuvent
être considérés comme aliénés. La preuve de la maladie il faut la
tirer de la présence d'autres troubles maladifs, de conceptions déli-
rantes. 1
M. Siemerling. Le fait que le délire des persécuteurs a des
facteurs étiologiques divers ne prouve rien contre l'unité de la
forme clinique que ce mot désigne. Ce délire peut constituer une
phase au cours de diverses psychoses, mais il est avant tout une
variété clinique de la paranoïa. Cette forme apparaît sur un fond
de débilité mentale, parfois très accentuée. Les interprétations sur
lesquelles s'appuient les malades sont parfois impossibles à con-
trôler ; elles ne constituent d'ailleurs pas le symptôme maladif, ce
sont les réactions pathologiques qu'elles provoquent qu'il faut con-
sidérer.
La folie des persécuteurs, qu'il s'agisse de la forme clinique spé-
ciale désignée habituellement sous ce nom ou des états passagers
survenant au cours d'autres psychoses, peut s'améliorer, elle peut
même guérir. P. Sérieux.
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
Séance du 29 juin 1896. Présidence de M. Charpentier.
Variétés cliniques de délire de persécution. M. Falret. Il existe
un délire de persécution classique, à quatre périodes et, si Lasègue
a vu seulement la période d'état, en revanche, il faut admettre
aujourd'hui les quatre périodes si bien décrites par M. Magnan.
Mais ce délire de persécution classique, à quatre périodes, n'est
qu'une variété clinique du délire de persécution.
Le délire de persécution se présente, en effet, sous plusieurs
formes cliniques et l'on peut admettre cinq variétés. Nous connais-
sons déjà les délirants chroniques. Ils offrent des caractères assez
différents de ceux des persécutés-persécuteurs, pour qu'on puisse
les classer l'un et l'antre dans deux groupes différents.
En outre, ne doit-on pas admettre une variété alcoolique, puis-
que les alcooliques sont l'objet de tant d'idées de persécution dans
leurspantophobies, leurs zoopsies, leurs hallucinations terrifiantes ?
Il existe aussi des formes mixtes, celle où les caractères dés mélan-
SOCIÉTÉS SAVANTES. '1.49
coliques anxieux sont unis aux caractères des persécutés ; je veux
parler de la catégorie des malades, que vous désignez sous le nom
de mélancoliques à idées de persécution. Enfin les persécutés dégé-
nérés de M. Magnan constitueraient une dernière variété très
importante.
Après avoir admis ces cinq variétés de délirants chroniques, de
persécuteurs raisonnants, d'alcooliques, de mélancoliques à idées
de persécution et de persécutés dégénérés de M. Magnan, il reste
huit points sur lesquels je dois appeler l'attention, et sur lesquels
il serait intéressant de discuter.
D'abord, avant tout, se pose la question de l'hérédité. Dès qu'il
y a de l'hérédité, le délire de perséculion devient, pourM. Magnan,
le délire des dégénérés. Mais il faut admettre que tous les persé-
cutés sont des dégénérés et qu'il n'y a, par conséquent, pas lieu de
distinguer le délire de persécution du délire des dégénérés.
Si nous envisageons les hallucinations de l'ouïe, nous voyons
qu'elles sont constantes dans certaines variétés : elles constituent
même un symptôme capital et prédominant. Mais apparaissent-
elles à la première ou à la deuxième période du délire chronique,
l'absence d'hallucinations auditives est un caractère des persécu-
teurs raisonnants, que M. Magnan a fait passer de la classe des
persécutés dans celle des dégénérés.
La même question se pose pour les hallucinations de la sensibi-
lité générale et les hallucinations génitales. A quelle période
apparaissent-elles ? Est-ce au début ? - Il faut admettre qu'elles
apparaissent à la deuxième et à la troisième période. Cependant
elles n'existent pas chez tous les persécutés : ici se pose encore la
question du rapport des idées de grandeur et des hallucinations
génitales.
Quand se produisent les hallucinations de la vue, l'on doit soup-
çonner un élément étranger, tel que l'alcoolisme ou toute autre
intoxication. Les hallucinations de la vue sont caractérisées par ce
fait qu'elles sont des phénomènes subjectifs, et que les malades ne
croient pas à leur réalité extérieure.
Quel est le rôle séméiologique du délire de grandeur ? Est-il
constant ? Il l'est, d'après M. Magnah ; mais il est tardif dans
un cerlain nombre de cas, et c'est un élément additionnel qui
n'efface pas les idées de persécution. Le malade affiche hautement
ses idées de persécution ; mais il dissimule ses idées de grandeur :
on dirait qu'il en a honte. La dissimulation des idées de grandeur
est fréquente, et ce délire apparaît souvent très tard. 11 n'est pas
constant, ainsi que l'a dit M. Magnan, pour qui le délire de gran-
deur et le délire de persécution ont la même valeur séméiologique.
Il faut donc atténuer la valeur séméiologique du délire de grandeur.
Enfin la démence est loin de composer le tableau clinique de la
dernière période. A ce moment, c'est plutôt un simple affaiblisse-
'1JO SOCIÉTÉS SAVANTES.
ment intellectuel qu'une extinction des facultés. Il n'est pas rare
de voir des persécutés, âgés de quatre-vingts ans, qui présentent
encore une certaine activité intellectuelle, et qui sont loin d'être
des déments.
J'aborde maintenant la question de l'évolution du délire de per-
sécution, et en particulier de son début : On admet trois espèces
de début : le plus souvent le délire s'annonce chez l'enfant, qui a
un caractère inquiet, méfiant, bizarre. Mais, pour M. Magnan,
c'est là le délire des dégénérés. Le délire de persécution peut
débuter par l'hypocondrie. M. Magnan a nié ce début. Enfin le
délire de persécution éclate à l'âge adulte, et d'emblée : c'est là
l'opinion de M. Magnan. C'est aussi le début brusque par le vertige
mental ou ictus cérébral de Lasègue. On peut objecter que la
plupart des persécutés font porter leurs idées de persécution sur
des sujets anciens et qu'il est bien difficile de constater le moment
exact où éclate le délire. J'admets pour ma part que le plus souvent
le délire s'annonce, dès l'enfance, par une inquiétude, une méfiance,
un caractère soupçonneux et inquiet.
Existé-t-il des rapports entre les variétés du début et les variétés
cliniques des périodes ultérieures ? Quels sont-ils ? tel est le problème
à résoudre.
Si l'on considère combien les caractères différentiels des mélan-
coliques et des persécutés s'effacent chez les persécutés auto-per-
sécuteurs, ou mélancoliques à idée de persécution, comment
englober avec M. Magnan les mélancoliques persécuteurs raison-
nants, en un mot, tous les représentants des diverses variétés
cliniques, dans le cadre des persécutés dégénérés dont il grossit le
nombre, au détriment des autres variétés. La théorie des dégéné-
rescences de Morel, si elle est excellente comme théorie de
pathologie générale, est, en revanche, singulièrement nuisible en
pathologie spéciale, et surtout en clinique.
A l'époque où vivait Lasègue, on voyait des persécutés partout;
aujourd'hui il faut distinguer les variétés du délire de persécution.
Le délire de persécution chronique a pour caractère l'incurabilité.
Cependant certaines formes guérissent : quelles sont-elles ? Ce sont
les persécuteurs dégénérés, s'il faut en croire M. Magnan : la trans-
formation des délires chez les dégénérés, transformation si rapide
qu'elle est une véritable prestidigitation, est insuffisante pour la
solution du problème. Parmi les persécutés, les uns guérissent, les
autres ne guérissent pas : le pronostic varie suivant les variétés cli-
niques. « Délire de persécution » est un diagnostic insuffisant : cette
formule brute est appelée à disparaître. Aujourd'hui, ce qu'il faut
diagnostiquer, c'est la forme clinique du délire. Puisque l'anatomie
pathologique nous manque, au moins formulons un diagnostic
exact et précis qui nous permette de porter un pronostic, auquel
l'avenir ne donne aucun démenti.
BIBLIOGRAPHIE. 151
M. CHARPENTIER. - Chercher à porter un pronostic, fondé sur un ici
diagnostic exact et précis, c'est risquer des erreurs, à moins qu'il
ne s'agisse d'un délire de persécution d'origine toxique. On sait
que chez les malades atteints de délire de persécution, sans forte
ténacité, chez les malades jeunes ou frappés à la suite d'un ictus
ou d'une émotion, il est permis de porter un pronostic favorable.
Et cependant quels autres caractères avons-nous pour distinguer
les variétés cliniques et modifier le pronostic suivant ses variétés ?
M. ARNAUD. - On en pourrait' dire autant de toutes les formes
mentales. M. Charpentier exagère l'insuffisance de nos moyens
d'investigation, de nos éléments de diagnostic et de pronostic. Si
nos éléments d'appréciation étaient aussi peu sérieux que le prétend
M. Charpentier, nous nous tromperions plus souvent.
MARCEL 13RIAND.
BIBLIOGRAPHIE.
III. Clinique des Maladies du Système nerveux ; par le professeur
Raymond. (Paris, 1896, 0. Doin, éditeur.)
M. le professeur Raymond publie la série des leçons qu'il a pro-
fessées à l'hospice de la Salpêtrière pendant l'année 1894-1895. Sui-
vant l'exemple de son maître, M. le professeur Charcot, M. Ray-
mond rassemble en un volume des plus instructifs les sujets de ses
leçons, résumant une année d'enseignement à la Salpêtrière.
Cette première série de leçons est divisée en deux parties dis-
tinctes. La première partie est surtout historique. Dans sa leçon
d'ouverture, M. le professeur Raymond, rendant hommage à la
mémoire de son maître, avait fait sentir à ses auditeurs le travail
considérable qu'il avait accompli. Toute sa carrière passée à la
Salpêtrière fut occupée par lui à explorer cette mine inépuisable,
et à en étudier minutieusement les divers filons.
Tout d'abord il s'attache à la vérification et à la démonstration
des recherches de Fritsch et Iitzig sur les localisations cérébrales ; -,
il établit l'exactitude des recherches de Turck, et ainsi l'anatomie
pathologique sert à l'élablissement et à la séparation des types cti-
niques. Par sa méthode anatomo-clinique, Charcot contribue à
séparer les diverses scléroses et établit l'existence de la sclérose
latérale amyotrophique.
L'étude de l'hystérie et de l'hypnotisme occupe plus parlicu-
d3ï ! BIBLIOGRAPHIE.
fièrement la seconde partie de sa vie. La description de l'attaque
hystérique, l'étude de l'hystérie interparoxyslique, l'importance et
la valeur des stigmates de la névrose, constituent les points les
plus saillants de ses travaux. Mais pour bien comprendre l'oeuvre
de Charcot, pour bien saisir toute la portée de ses travaux, ce
n'est pas'avec nos idées actuelles qu'il faut le juger; il faut se
reporter au temps où il travaillait lui-même, et le juger au milieu
même de son époque.
C'est cette époque que nous décrit magistralement M. le profes-
seur Raymond, en un style clair et précis, plein d'aperçus nets et
d'une critique sûre et judicieuse. Cette époque peut se diviser en
quatre périodes : Bell inaugure la première, qui s'étend jusqu'en
1850 ; pendant la seconde la pathologie médullaire est rénovée et
se constitue sur de nouvelles bases anatomo-cliniques. La troisième
période commence avec l'élude des localisations cérébrales, et
sétend jusqu'à l'époque actuelle où domine l'étude de la structure
fine des éléments nerveux.
A cette oeuvre de reconstitution, fait suite l'étude des cas cli-
niques que M. le professeur Raymond a eus à sa disposition. Sui-
vant la méthode de son maître, M. Raymond étudie d'abord lon-
guement le cas clinique, et profile de ces cas pour étudier dans ses
points essentiels, dans ses discussions les plus actuelles, l'état de la
science sur la maladie observée. C'est ainsi qu'il passe en revue la
paralysie bilatérale du deltoïde par élongation des deux nerfs cir-
conflexes, la compression hémorragique du plexus brachial, et les
paralysies radiculaires du plexus brachial.
La treizième leçon est consacrée à la paralysie radiculaire sen-
sitive du plexus brachial : chapitre d'actualité qui montre l'impor-
tance que doivent prendre en neuropalhologie l'élude des troubles
radiculaires, susceptibles d'expliquer des phénomènes morbides
insolites, et souvent en apparence inexplicables. L'étude des lésions
de la queue de cheval comprend deux intéressantes leçons. Deux
exemples cliniques servent de point de départ. M. Raymond en
profite pour étudier complètement ce sujet si négligé dans les
traités classiques. Après une symplomatologie très détaillée, il
insiste sur les groupements cliniques variables suivant la localisa-
tion différente de la lésion. L'important en effet est le diagnostic
topographique exact qui seul permet une intervention chirurgicale.
A côté vient se ranger tout naturellement, éclairant et complé-
tant les leçons suivantes, l'analyse d'un cas d'hémorragie du cône
terminal. Un cas de syndrome de Brown-Sequard complète cette
étude médullaire.
La pathologie bulbo-protubérantielle est aussi soigneusement
étudiée. Successivement le professeur Raymond s'attache à la
démonstration des phénomènes bulbaires de la syrl11gomyélie, à
l'ophlalmoplégie externe bilatérale; suit l'étude d'une variété
BIBLIOGRAPHIE. 153
spéciale de paralysie alterne caractérisée par une hémiplégie droite
avec une paralysie du moteur oculaire externe gauche.
La maladie de Charcot fait l'objet de deux intéressantes leçons.
M. le professeur Raymond refait l'histoire et la description com-
plète de la sclérose latérale amyotrophique, puis il cherche à
éclairer l'anatomie pathologique encore si discutée à l'aide des
découvertes récentes sur la structure fine de l'axe cérébro-spinal.
L'auteur se trouve ensuite. naturellement amené à discuter les
rapports de cette affection avec la paralysie labio-glosso-laryngée de
Duchenne (de Boulogne) dont il montre un exemple à ses lecteurs.
La paralysie pseudo-bulbaire forme une transition toute natu-
relle pour arriver à-l'étude du cerveau. Nous signalerons particu-
lièrement l'étude si complète et si intéressante de l'étiologie et du
traitement de l'épilepsie Bravaisjacksonnienne. Etablir nettement
la nature de l'affection, préciser le siège exact de l'affection consti-
tuent un point capital, puisque de leur exactitude dépend l'inter-
vention chirurgicale.
L'hérédité en palhologie nerveuse constitue un chapitre toujours
ouvert, et des plus intéressants, puisqu'il domine et règle en partie
la neuropathologie. C'est surtout sur les psychoses que l'hérédité
montre son action toute spéciale. Similaire ou dissemblable, elle
imprime d'une lare ineffaçable tout individu qu'elle frappe. Com-
ment l'expliquer ? Beaucoup de théories ont été proposées. Après
une discussion des plus sévères, M. Raymond voit dans l'hérédité
un des attributs de la cellule.
L'étude des myoclonies forme deux chapitres intéressants de cet
ouvrage. Entre les types cliniques, il existe des types intermédiaires
nombreux permettant de passer insensiblement du simple au com-
plexe. Tremblement fibrillaire, paramyoclonus multiplex, chorée
fibrillaire, chorée électrique, tics non douloureux de la face, ma-
ladie des tics, ne sont que des expressions d'un même groupe
morbide, la myoclonie, produits de l'état de dégénérescence.
Deux leçons sur les délires et fugues ambulatoires chez les épilep-
tiques, les hystériques et les dégénérés terminent le volume.
Celte analyse rapide montre l'importance du recueil de leçons
de M. le professeur Raymond. Nous aurions voulu insister davan-
tage sur chaque point, et montrer davantage toute leur valeur.
'Une réflexion nous console : ce livre est indispensable à tous les
neuropathologistes et a sa place marquée auprès de tout praticien.
Ch. Mirallié.
VARIA.
Congrès DE médecine mentale ET NERVEUSE.
(7e Session. Nancy, 1896.)
Le septième Congrès des aliénistes et neurologistes se tiendra à
Nancy, du 1 ? au 6 août 1896, dans un amphithéâtre de l'Institut
analomique, rue Lionnois, 23, où le secrétariat se trouvera égale-
ment transporté pendant la durée du Congrès. Le programme est
ainsi composé : 1
Samedi 1 CI' août. Matin, 10 heures : séance solennelle d'ouver-
ture, dans une galerie de la salle Poirel, rue Victor-Poirel.
Soir, 2 heures : Première question du programme. Pathogénie et
physiologie pathologique de l'hallucination de l'ouïe. Rapporteur,
M. le Dr Séglas. Discussion.
Dimanche 2 août. Excursion à Maréville, visite de l'asile. Ban-
quel offert aux congressistes par l'Administration de l'asile.
Lundi 3 août. Matin, 9 heures : Discussion du premier rapport
(suite). Soir, 2 heures : Deuxième question du programme. De
la sémeiologie des tremblements. Rapporteur, M. le D'' Lamacq.
Discussion. -
Mardi, 4 août. Matin, 9 heures : Troisième question du pro-
gramme. De l'internement des aliénés dans les établissements
spéciaux. Thérapeutique et législation. Rapporteur, M. le 1), Paul
Garnier. Discussion. Soir, 2 heures : Suite de la discussion des
rapports. Communications diverses. Soir, 7 heures : Banquet
par souscription du Congrès.
Mercredi 5 août. Matin, 9 heures : Communications diverses.
Soir. : Excursion aux environs de Nancy.
Jeudi 6 août. Matin, 9 heures : Communications diverses.
Soir, 2 heures : Communications diverses. Soir, 9 heures : Récep-
lion à l'Hôtel de Ville par la Municipalité. Clôture du Congrès '.
Les Compagnies de l'Est, Midi, Orléans, Nord et Paris-Lyon-
Méditerranée accordent aux Membres du Congrès une réduction
1 Les membres du Congrès de Médecine mentale et nerveuse, qui
voudraient prolonger leur séjour à Nancy, pourront également, s'ils sont
adhérents, paiticiper aux travaux et aux excursions du Congrès de Méde-
cine interne qui s'ouvre à Nancy le G août, sous la présidence de
M. le professeur Pitres.
VARIA. 155
de 50 p. 100 sur le tarif ordinaire. La durée de la validité de ces
billets est du 28 juillet au 10 août pour la Compagnie du Midi, du
28 juillet au 11 août inclus pour les autres Compagnies. Pour
bénéficier de ces avantages, chaque adhérent au Congrès devra, avant
le 11 juillet au plus tard, faire parvenir à M. le professeur Pitres,
président du Congrès, 119, cours d'Alsace-Lorraine, à Bordeaux,
une note indiquant exactement avec ses nom, prénoms, profession,
adresse l'indication précise de son itinéraire sur chacun des réseaux
intéressés, c'est-à-dire le nom de la gare où il doit emprunter ce
réseau et celui de la gare où il doit le quitter. Par exemple, de
Bordeaux-Bastide à Paris (Orléans) et de Paris (Est) à Nancy.
Les membres du Congrès recevront en temps opportun les bons
de remise individuels. Ils sont priés de se conformer très exacte-
ment à ces indications et de se hâter d'envoyer leur note de ren-
seignements, la liste devant en être irrévocablement close le
11 juillet au soir.
Atrocités D'UNE alcoolique DU grand monde.
On écrit de Londres :
« Une scène navrante s'est produite à l'audience de la cour de
police de Ramsgate, à l'occasion d'une poursuite intentée contre
M Spalding, femme du colonel Spalding, assignée pour violences
exercées sur ses enfants.
« Ces violences sont manifestes. Il est établi que 111° Spalding
avait pris la féroce habitude de frapper ses enfants et de les charger
de liens en les enfermant dans sa cave par les temps les plus froids
et les plus humides. A cet égard, huit domestiques ont apporté
devant la cour les témoignages les plus probants.
« Chacun de ces domestiques ajoutait, sans doute comme cir-
constance atténuante, que \I° Spalding se livrait habituellement
à la boisson et se trouvait en état d'ivresse tous les jours à partir
de midi. Il n'y avait pas à en douter, à considérer in1-0 la colonelle
écumant de colère dans le « dock ».
« Celte femme du monde, reçue chez la reine et chez la prin-
cesse de Galles, a eu devant la justice une telle attitude, que le
magistrat a été obligé de la faire expulser par les agents de
police. Jamais ivrognesse ramassée dans les ruelles de Whitechapel
n'avait tenu à l'égard de la cour et des témoins un langage aussi
ordurier. Les expressions les plus ignobles, les formules du
ruisseau sortaient comme par torrent des lèvres de cette mondaine.
Elle s'est exaltée jusqu'à frapper au visage le policeman qui la
conduisait à sa cellule. Le procès de cette triste alcoolique a dû
être ajourné. Le colonel Henry Spalding est un officier du plus
grand mérite, que l'on ne saurait assez plaindre d'avoir associé sa
vie à celle d'une telle virago. » (Le Républicain Orléanais, 7 juillet.)
15G VARIA. 1
Nécessite DE L'ASSISTANCE des épileptiques.
Le Petit Va ? , du 10 juillet rapporte les deux faits suivants :
« Au sortir du poste central de police, à 11 heures du soir, un
marchand de chansons esttombé sur la place Gambetta d'une
attaque d'épilepsie. Quelques passants l'ont secouru et il a pu
regagner un instant après son domicile rue Nicolas-Laugier. Ce
malheureux est, à chaque instant, relevé dans un coin de la voie
publique. Il serait assurément beaucoup mieux placé dans un hos-
pice ou une maison de refuge. Pourquoi ne pas le renvoyer chez
lui, dans son pays, où il pourra être plus utilement secouru. Cet
épileptique n'est à Toulon que depuis quelques mois.
« Un jeune garçon de treize ans, Eugène T..., habitant le quar-
tier Valbourdin, a été pris aussi hier, vers midi et demi, d'un accès
épileptique sur la place de l'Eglise au Pont-du-Las. Cet enfant a
reçu des soins au poste de police du faubourg. » -
Ces faits montrent combien l'assistance publique est défectueuse
dans notre pays. Us ne sont pas à l'honneur de nos adminislrations
qui se disent et se croient républicaines, mais ne comprennent pas
leurs devoirs.
Asile DES aliénés DE la ROC1JE-SUR-YON : quartiers d'enfants;
LEUll FONCTIONNEMENT EN 1894.
Les divisions d'enfants continuenl à fonctionner d'une façon satis-
faisante. Depuis plusieurs mois déjà celle des garçons est au com-
plet; elle compte 21 sujets, dont 4 de la Charente-Inférieure;
celle des filles en a 16, dont une du département précédent, elle
ne tardera pas sans doute à avoir elle aussi toutes les places occu-
pées.
La santé des enfants est excellente et aucune maladie incidente
digne d'être notée ne s'est montrée parmi eux dans le cours de
l'année 1894, à part quelques manifestations de la scrofule et de
la tuberculose inséparables de l'état constitutionnel de quelques-
uns d'entre eux. Nous avons poursuivi dans la mesure compalible
avec les moyens dont nous pouvions disposer l'éducation de ces
jeunes malades et je vais sommairement exposer les résultats obte-
nus :
Garçons. Sur sept enfants gâteux à leur entrée, cinq sont
devenus propres, un s'est amélioré à ce point de vue, un seul n'a
pu être éduqué. Il convient de dire qu'il était atteint d'un déran-
gement gaslro-inleslinal dès longtemps réfractaire à tout traite-
ment et qui n'a cédé qu'aux grands lavages du tube digestif usités
depuis peu sous le nom d'entéroclysme. ,
Un enfant qui est entré ne sachant pas marcher a appris à le
faire. Plusieurs ont appris à s'habiller seuls et à aider l'infirmière
VARIA. 157
dans les soins du ménage. Plusieurs ont appris à manger seuls, à
se servir de la fourchette et de la cuiller, ou de cette dernière seu-
lement. Huit enfants ont pris part aux exercices de gymnastiques
par la méthode Pichery; les progrès ont été remarquables pour
trois, bons pour trois autres, et assez bons pour les deux derniers.
L'un des enfants du premier groupe a été transformé tant au point
de vue physique que moral et ne serait plus reconnaissable pour
quiconque ne l'aurait connu qu'avant son entrée.
Grâce au bon vouloir d'un de nos pensionnaires adultes, ancien
instituteur, une petite classe a été fréquentée par six enfants dont
quatre étaient absolument illettrés : un a appris à lire et à écrire,
un à lire, un à épeler, 1 à reconnaître ses lettres. Les deux autres,
qui avaient déjà des notions primaires assez développées se sont
perfectionnés dans l'arithmétique et les exercices de grammaire.
Enfin, trois enfants ont été occupés à divers travaux, l'un à la
ferme, un autre au jardin, le troisième atteint de surdité a appris
à coudre et fait quelques petits travaux sous la direction de l'infir-
mière. Comme résultat thérapeutique positif, je signale la guérison
d'un jeune hystéro-épileptique qui, atteint de crises convulsives
formidables à son entrée, en a été complètement débarrassé au
bout de quelques mois. Cet enfant, qui n'est pas idiot, pourra
sortir bientôt et se placer comme petit domestique de ferme, sachant
fort bien conduire les boeufs.
Filles.-Sur cinq enfants gâteuses, quatre ont été rendues com-
plètement propres; une seule n'a pu être éduquée. La plupart ont
appris à se vêtir seules; plusieurs qui, en arrivant, mangeaient
avec leur mains, ont appris à se servir de la fourchette et de la
cuiller. Toutes actuellement mangent proprement et seules.
Quatre ont appris à travailler; trois, qui n'avaient jamais tenu
une aiguille, 'cousent aujourd'hui d'une façon très convenable, tant
leurs progrès ont été remarquables; une s'est perfectionnée. Aucun
essai d'instruction n'a pu être tenté faute d'un personnel ad hoc.
Une jeune épileptique qui, à son entrée, avait plusieurs attaques
d'épilepsie par jour et élait tombée dans un abrutissement pro-
fond, a été complètement guérie. Depuis plusieurs mois elle n'a
pas eu d'attaques, malgré la suppression de tout traitement. Ce cas,
ainsi que celui du jeune garçon précédemment cité, prouve quels
services peuvent rendre nos divisions d'enfants au seul point de vue
médical sans parler du côté philanthropique de la question.
CULLERRE.
Progrès de la psychiatrie en Amérique; par le D' Js. COWLES.
L'auteur résume par les propositions suivantes les conditions de
cet avancement :
« 1° Nos hôpitaux devraient être placés sous une direction médi-
158 VARIA.
cale de même qu'ils sont institués pour des occupations médicales.
Leur autorité directrice devrait les gouverner de façon à encoura-
ger l'efficacité professionnelle de l'état-major médical, ce qui im-
plique le choix des médecins uniquement d'après leurs capacités,
en même temps qu'une installation libérale de bibliothèques et de
laboratoires, nécessaires aux travaux scientifiques.
« 2° Il faut réagir par tous les moyens possibles contre une spécia-
lisation étroite en demandant une éducation plus complète en
médecine générale et en favorisant les études neurologiques et
psychologiques. De la sorte, tout ce qui louche à la neurologie
serait dans une union intime avec la médecine générale et pro-
gresserait selon la loi qu'Herbert Spencer appelait la tendance à
la pénétration de toutes les spécialités dans la science médicale.
Cette tendance serait singulièrement renforcée par le développe-
ment des études biologiques.
« 3° Tout en nous efforçant d'aller chercher dans le domaine géné-
ral de la médecine tout ce qui pourrait servir à nos travaux spé-
ciaux, il serait nécessaire aussi d'appeler à l'aide les connaissances
psychologiques les plus récentes. Ainsi notre mission spéciale
deviendrait l'étude des problèmes les plus hauts et les plus difficiles
de la vie humaine dans la préservation et la restauration de la
santé de l'intelligence. » (Ame1'ican journal of insanity, janvier
1896.) E. B.
La nécessité d'un service psychiatrique dans LES prisons ;
par le Dl' J. Monel.
Depuis la création d'un service médical psychiatrique dans les
prisons belges, l'auteur a eu, à diverses reprises, l'occasion de
montrer combien des réformes sont urgentes dans nos lois
pénales.
En effet, parmi les criminels il s'en trouve une catégorie qui ne
sont ni absolument aliénés, ni absolument responsables. Leur place
n'est nullement dans la prison, encore moins dans un asile d'aliénés.
Pour cette catégorie d'individus s'impose la création d'institutions
spéciales où ils seraient l'objet d'un traitement prophylactique du
crime. Ces institutions donneraient asile aux alcooliques, aux né-
vrosés, aux affaiblis intellectuels, aux dégénérés qui ont agi con-
trairement aux lois morales et sociales. (American journal of
insanity, octobre 1895.) E. B.
FAITS DIVERS.
Un drame dans un asile d'aliénés. - On mande de Nantes qu'un
drame s'est produit hier matin à l'asile d'aliénés de Nantes. Un
ancien marin nommé Henri Paré, âgé de quarante-quatre ans,
était interné dans l'asile malgré de nombreuses protestations de
sa part. Il s'était même échappé plusieurs fois. Il était d'ailleurs
considéré comme extrêmement dangereux. A deux reprises il avait
blessé ses gardiens. Hier matin un gardien se présenta dans sa
cellule. Mais le fou élait parvenu pendant la nuit à se débarrasser
de sa camisole de force et à déboulonner une barre de fer de sa
lucarne.
Lorsque le gardien pénétra dans sa cellule, le fou le frappa vio-
lemment à la tête d'un coup de barre. D'autres gardiens accouru-
rentau secours de leur collègue, mais il était trop tard : le malheu-
reux a été relevé mourant. (Journaux politiques, 8 juin 1896.)
Une dangereuse mûnomane. Une fillette de treize ans vient
d'être mise à la disposition du parquet. Depuis quelques semaines
elle a entendu des voix qui lui commandent impérieusement
d'allumer des incendies sous peine de mourir d'uné mort affreuse.
Sa folie se déclara pour la première fois chez M. Dreyffus, négo-
ciant, rue Léopold-Bourg, où elle était entrée en apprentissage.
Trois fois en deux jours elle tenta d'incendier la maison de son
patron. Quand, après une enquête rapide, des soupçons graves se
portèrent sur elle, la fillette fondit en larmes et conta sincèrement
l'histoire de ses voix. a J'ai éprouvé, dit-elle, un grand soulagement
de leur avoir obéi. J'avais beaucoup souffert en leur résistant. »
(Petit Va2-, 12 mai 1896.)
Aliénés EN liberté. Un nommé Marius Bousquet, de Ourmerson
de Sainle-Radeâôude près Rodez, âgé de dix-sept ans, a avec un
rasoir coupé la tête de sa nièce âgée de sept mois, puis après s'est
porté deux coups de rasoir à la gorge. On pense à un acte de folie.
(Intransigeant du 17 juillet.)
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. ? l'¡jÉc'lIilOI (J.). Reclierches bibliographiques, statistiques et cliniques
1 sti ? 'lês' maladies : mentales d'origine traumatique. - Volume in-8° de ? 189 pages. --Paris, 1896. Librairie H. Jouve. ? - BOÜR : 11LLE. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie,
l'hysté¡;ie;.¡etJjdiotie ? Volume in-S° de LXXI-254 pages. Tome XV
c . 1$90 .i. . = ? Pri : °7 francs Pour nos abonnés : 5 francs. Ë
Fraxcotte (X.). De/la symptomatologie et du diagnostic de la pa-1
ralysie gétxërc6le ? Brochure in-8° de 13 pages. Gand, lys9¡¡. Im-
primerie E. Vander : JIaeghen.
FnwcoTTE (X.). Pseudo-paralysie générale alcoolique il symptoma-
tologie incomplète (mégalomanie alcoolique). - Brochure in-8° de 13 pa-
ges. Gand, 1895. Imprimerie Vander Haeghen.
- Francotte (X.). -Le réflexe radio-bicipital. Brochure in-8° de 9 pa-
ges.- Gand, 1896. - Imprimerie Vander Haeghen.
FRANCOTTE (X.). Du sulfate de Duboisine dans le traitement de la
paralysie a( ! ilante. Brochure in-8° de 5 pages. - Bruxelles, 1896.
Imprimerie GOIX et G10.
IIamon du FOUGERAY et Couetoux (L.). - Manuel pratique des mé-
thodes d'enseignement spéciales aux enfants anormaux. Volume in-8°
de xv-288 pages. Prix : 5 francs.
Krafft-Ebing. Traité clinique de psychiatrie, traduit sur la 5° édi-
tion allemande par LAURENT (mu Volume in-8° de vi-758 pages.
Prix : 20 francs. Paris, 1896. Librairie A. Alaloine.
Massant (J.). Recherclies expérimentales sur le degré de toxicité
de l'urine des aliénés. Brochure in-8' de lu pages. - Gand, 1896.
Imprimerie Vander Haeghen.
MORSELLI (E.). Nota sulla pricosi cocainica e sue vaniela noso-
gra fiche. Brochure in-8° de 20 pages. Napoli, 1896. Tipografia
délia « Riforma Medica -. , n 0
Le rédacteur-gérant : Bourneville.
Evreuv. Cil. Uéiussey, iuy. - SOC.
Vol. II. Septembre 1896. N° 9.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLW'IQUf NERVEUSE'.
1
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS
PAR LA RÉÉDUCATION DES MOUVEMENTS (méthode de rrcakel);
Par le D' Roueres HIRSCHBEBG.
I. En 1890 au 63° Congrès des médecins allemands à
Brème, le D" Frenkel fit une courte communication sur le trai-
tement des mouvements ataxiques '. Cette communication
paraît avoir passé complètement inaperçue et ne souleva
aucune discussion. L'idée dominante que le tabes dorsalis est
une maladie fatalement progressive et irrémédiable dans toutes
ses manifestations cliniques était tellement puissante, que
malgré la haute autorité du professeur Leyden, qui plus tard 2
donna son approbation à la méthode préconisée par Frenkel,
elle a longtemps rencontré l'indifférence la plus absolue dans
le monde médical. N'est-ce pas une ironie bien amère du
destin, que les deux méthodes la suspension et la rééduca-
tion des mouvements qui jusqu'à présent ont seules donné
des résultats réellement appréciables dans le traitement du
tabes dorsalis, aient eu tant de peine à se frayer un chemin ?
La suspension a dû attendre sept ans avant que le professeur
Raymond vint la tirer de l'oubli immérité. Fait digne de
1 D' Frenkel. Die Thérapie ataclischel' Bewegungsslbrungen. Munch.
Medic. Vochenschrift, 1890, n° 52.
't-eyden. Ueber die Behantllung der Tubes tlonsualis. Berl. Min..
Wochènschr., 1892, n° 17.
Archives, 2° série, t. Il. 11 i
162 CLINIQUE NERVEUSE.
remarque, c'est encore au même maître que nous devrons
d'avoir développé en France la méthode de Frenkkel.
Pendant les vacances de l'année '1890, le Dr Frenkel nous
fit part dans son sanatorium des maladies nerveuses, à cette
époque à Horn (Suisse), -de ses idées sur le traitement de
l'ataxie des mouvements et nous montra un malade, chez lequel
il a obtenu des résultats très encourageants.
Pendant les années 1891-92 nous avons étudié cette mé-
thode à l'hôpital Cochin dans le service de notre regretté maître
Dujardin-Beaumetz. Dans notre travail paru en janvier 1893,
nous avons exposé le principe de ce traitement, nous avons
donné un manuel opératoire pour le traitement de l'ataxie des
jambes et posé quelques indications et contre-indications.
En 1894, paraît un travail sur le même sujet du Dr Ostankoff 2,
fait dans la clinique du professeur Bechterew à Saint-Peters-
bourg. Cet auteur a obtenu des résultats identiques aux nôtres.
Avec la nouvelle publication du D'' Frenkel, parue l'année
dernière toute la bibliographie de la question est épuisée.
Dans notre travail actuel, basé sur une expérience de plus
de cinq ans, nous nous proposons de reprendre la question
pour compléter la méthode et reviser sur certains points les
indications et les contre-indications. Nous publions ici neuf
nouvelles observations de tabes dorsalis.
Quatre de ces malades ont été soignés par nous à la Salpê-
trière dans le service de M. le professeur Raymond. Les autres
cinq proviennent de notre clientèle privée.
II. Avant d'entrer dans la description de la méthode,
nous croyons utile de s'entendre sur la dénomination de la
méthode. Dans notre premier travail nous l'avons appelée :
gymnastique raisonnée, voulant dire par là que le malade
devait comprendre le sens des mouvements. Nous nous ren-
dons à la critique du D1' Frenkel4, qui craint avec juste raison
qu'on ne confonde sa méthode avec la gymnastique, qui n'a
absolument rien à voir dans sa méthode de traitement. Le
. Rubens Ilirschberg. Traitement mécanique de l'ataxie locomotrice.
Bulletin génér. de thérap., 30 janvier 1893. -
' P. Ostankoff. Nevrologuilscheski Viestnik, t. II, fasc. 3, 189t.
3 D' Frenkel. Die Behandlung der Alaxie der obel'en Exlremilalen.
Zeitschr. f. klin. Med., t. XXVIII. fasc. 1 et 2, p. 32.
' D' Frenkel. Loc. cil.
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 163
professeur Leyden l'appelle traitement compensatoire. Dans
son travail récent le D'' Frenkel propose de nommer sa mé-
thode : compensalorische Uebungsthe1'apie. Il nous semble que
le nom le plus clair. et le plus simple est celui dont notre
maître le professeur Raymond se sert : méthode de rééducation
des mouvements. Cette dénomination a encore le grand avan-
tage d'indiquer le principe même du traitement.
III. La méthode de rééducation des mouvements a pour
but de corriger l'incoordination motrice dans le tabès. Le prin-
cipe de cette méthode est basé sur ce fait, que le tabétique-
ataxique est capable de réapprendre par des efforts de volonté
à coordonner ses mouvements. Pour y arriver, l'ataxique
devra exécuter des exercices spéciaux, qui seront différents,
selon les particularités de chaque cas et selon le degré de l'in-
coordination. On trouvera plus loin la description des exer-
cices auxquels nous avons soumis nos malades. Quels que
soient ces exercices, ils devront toujours être exécutés lente-
ment, aussi régulièrement que possible et d'une façon réfléchie.
Le malade doit comprendre le sens et l'utilité de chaque exer-
cice. Quand on étudie de près l'incoordination motrice chez les
tabétiques, on est frappé de ce fait que les malades ont littéra-
lement oublié quels muscles il faut contracter pour exécuter
tel ou tel mouvement. On est donc 'obligé de lui enseigner,
comment il faut s'y prendre pour s'asseoir, pour se lever, pour
se tourner, etc. De là une analyse détaillée de chaque mouve-
ment, que le malade aura à exécuter. Pour obtenir des résul-
tats favorables on ne devra pas appliquer schématiquement les
mêmes exercices chez tous les malades. Il faut préalablement
étudier les particularités de l'incoordination dans chaque cas
spécial et choisir des exercices propres à corriger les défauts
constatés.
Les exercices dont on se sert pour corriger l'incoordination
chez les tabétiques rentrent dans trois groupes de- mouve-
ments : * ..
Contractions musculaires simples : flexion, extension, abduc-
tion, etc. ,
Mouvements coordonnés simples : lever la jambe à une cer-
taine hauteur, llécbir l'avant-bras sur le bras à des degrés dif-
férents, etc.
1) j
1 Leytlell. - I,nc. cil. '
164 ' " CLINIQUE NERVEUSE.
Mouvements coordonnés compliqués : marcher, s'asseoir,
écrire et en général tous les exercices plus ou moins com-
pliqués. -
Pour le traitement de l'ataxie des jambes on a recours aux
exercices suivants : 1° Exercices au lit (le malade étant couché) ;
2° Exercices debout. '
Ces derniers se subdivisent en : a. Exercices d'équilibre sta-
tique ; b. Exercices de locomotion.
Exercices au lit. Le malade étant couché sur un lit ou
sur un canapé, les jambes nues, la tête soulevée pour qu'il
puisse voir ses jambes. Dans cette position il devra exécuter
successivement dans l'ordre de leur complexité la série des
mouvements suivants : .-
1° Flexion, extension, abduction et adduction d'un pied,
ensuite de l'autre pied, et puis simultanément le même mou-
vement avec les deux pieds; 2° Mouvement de rotation du pied
dans l'articulation tibio-tarsienne. Le malade doit décrire un
cercle avec le bout du pied; 3° Flexion du genou. - Pendant
ce mouvement la cuisse ne doit pas faire d'oscillations à gauche
et à droite; 4° Fléchir la cuisse sur le bassin, le genou étant
fléchi. ?
5° Adduction et abduction de la cuisse. Pendant ce mouve-
ment ? 3 genou est fléchi, la plante du pied repose sur le plan
du lit, le bassin est immobilisé. Le malade doit exécuter le
mouvement sans saccades et en quatre temps : abduction,
retour à la ligne médiane, adduction et de nouveau retour à
la ligne médiane. ?
6° Lever la jambe d'une seule pièce, sans faire de mouvements
de zigzag; 7° la jambe étant levée faire des mouvements d'ad-
duction et d'abduction dans l'articulation coxo-fémorale ; 8° la
jambe étant levée, faire avec celle-ci des mouvements de rota-
tion dans l'articulation coxo-fémorale en décrivant avec le pied
un cercle;
9° Les jambes sont allongées et rapprochées l'une de l'autre,
on invite le malade de s'asseoir dans son lit, sans s'appuyer
sur ses mains et sans que les jambes bougent ; 10° le même
mouvement avec cette différence que le malade est couché dans
une position horizontale.
On comprend aisément le but de ces exercices. Le malade
doit apprendre à dominer ses contractions musculaires et par
conséquent arriver à pouvoir exécuter tous ces mouvements
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 165
avec une régularité aussi parfaite que l'homme bien portant.
Au début le, malade surveillera avec les yeux attentivement
ses mouvements, mais au sur et à mesure qu'il les fera plus
régulièrement on lui demandera de ne pas regarder ses jambes
pendant qu'il fait les exercices, et enfin il devra faire les exer-
cices les yeux fèrmés.
, Les exercices au lit constituent la première partie du traite-
ment par la méthode de Frenkel. Chez le tabétique qui ne
marche plus, la période des exercices au lit durera naturelle-
ment plus longtemps que chez celui qui marche encore. Mais
quel que soit le degré de l'incoordination motrice, les malades
retireront le plus grand bénéfice de ces exercices.
Exercices debout. Pour ces exercices on choisira une pièce
grande, claire, non encombrée de meubles, avec un parquet
non ciré ou recouvert d'un tapis cloué. Le malade devra être
légèrement vêtu. Pour les dames, nous avons adopté un sys-
tème de culottes de gymnastique. Au début du traitement il est
très important que les malades puissent voir leurs jambes.
Exercices d'équilibre statique. Le malade est debout, le
médecin se tient à côté de lui. Si le malade ne marche plus on
le soutiendra à l'aide de la ceinture de Frenkel. Si le malade
ne peut se tenir debout qu'à l'aide d'une canne, on lui per-
mettra l'usage de la canne au moins au début du traitement.
1° Rester debout immobile, les pieds un peu écartés, les
mains appliquées sur la couture du pantalon. Rester dans cette
position une à deux minutes; 2° le même exercice les pieds
joints ; 3° étant debout les pieds écartés, exécuter avec les bras
des mouvements de gymnastique (projection des bras en avant,
en haut et en bas).
4° Le même exercice les pieds joints ; 4° fléchir le corps en
avant, à gauche, en arrière et à droite, en décrivant avec la
tête un cercle; 6° le même exercice les pieds étant joints;
7° s'accroupir et se relever lentement ;
8° Le même exercice les pieds étant joints ; 9° plier le corps
en avant et tâcher d'arriver avec les bouts des doigts au bout
des pieds; 10° le même exercice les pieds joints ; 11° se tenir sur
la pointe des pieds; 12° le même exercice les pieds joints;
13° se tenir debout les genoux fléchis ;
14° Le même exercice les pieds rapprochés ; 15° en se tenant t
les genoux fléchis exécuter avec les bras des mouvements de
166 . ' CLINIQUE NERVEUSE.
gymnastique; z,161, se tenir sur une jambe ; 17° en se tenant
sur une jambe fléchir légèrement le genou. -
Exercices de locomotion. - 1° En se tenant debout avancer
lentement un pied de la longueur d'un pas. Ramener ce pied
de nouveau en place, en le soulevant d'un seul coup. Placer le
même pied en arrière et le ramener de nouveau en place.
Déplacer le pied latéralement de la longueur d'un pas et le
ramener'ensuite en place. Pour que cet exercice se fasse avec
plus de régularité on fera bien de dessiner avec de la craie les
contours de la semelle juste à l'endroit, où le malade aura à
placer son pied. Ces exercices seront répétés alternativement
avec chaque pied.
2° Placer un pied devant l'autre sur la' même ligne et rester
en équilibre; 3° faire vingt pas en avant, en posant doucement t
les pieds, en' touchant le sol avec toute la surface de la plante
du pied. Le malade doit compter ses pas à haute voix; 4° mar-
cher sur une ligne tracée ; 5° marcher à reculons ; 6° marcher
latéralement ; 7° marcher à grands pas; 8° marcher les genoux
' fléchis; 9° marcher sur la pointe des pieds ; 10° marche sur
commandement avec arrêt brusque ou changement brusque de
direction; 11° marche avec obstacles. On pose par terre des
morceaux de bois à égale distance l'un de l'autre. Le malade
doit marcher entre ces morceaux sans les déplacer;
, '10 Se lever d'une chaise sans s'aider des mains. S'asseoir
lentement sans se laisser tomber; '13° s'exercer à monter et
descendre un escalier sans se tenir à la rampe.
' Les exercices que nous venons d'énumérer contiennent,
comme on le voit les éléments de nos mouvements usuels.
Néanmoins le médecin ne devra pas se tenir schématiquement
à ces exercices. On pourra d'ailleurs les varier et combiner à
l'infini, choisir de préférence celui-ci ou celui-là selon les par-
ticularités de l'incoordination motrice dans chaque cas de
tabes. Nous ne saurons trop le répéter, que l'essentiel dans
tous ces exercices, ce qui les distingue de la gymnastique,
c'est que le malade doit appliquer toute son attention à les
exécuter avec une régularité parfaite. Chaque exercice devra
être répété aussi souvent, jusqu'à ce que le malade soit par-
venu à masquer pour ainsi dire son incoordination motrice,
c'est-à-dire jusqu'à ce qu'il ait appris l'exercice en question
le plus parfaitement possible.
Aux tabétiques qui ne marchent que difficilement on recom-
traitement DE l'ataxie DANS LE TABES DORSALIS. Ib7
mandera en dehors des exercices le repos au lit. Les malades
qui marchent encore relativement bien ne doivent pas non
plus trop se fatiguer. On leur recommandera, que même en
dehors des exercices, ils devront marcher d'après les règles
qu'on leur aura indiquées pendant les exercices.
Nous sommes forcés d'ouvrir ici une parenthèse sur la sen-
sation de la fatigue chez les tabétiques. Nous étions le premier
à appeler l'attention sur la manière bizarre, comment la
fatigue se manifeste chez le tabétique Dans la période pré-
ataxique les malades accusent presque toujours une fatigue
rapide et qui n'est nullement en rapport avec la quantité de
force musculaire dépensée. On voit même des tabétiques qui
éprouvent de la fatigue sans avoir marché (sensation de cour-
bature, de lourdeur, de plomb dans les membres). A cette
période d'hyperesthésie succède une période d'anesthésie à la
fatigue. Le malade n'éprouve aucune fatigue même après une
marche de plusieurs kilomètres. Le D'' Frenkel nous a récem-
ment montré une tabétique qui pouvait sans éprouver aucune
fatigue tenir le bras en l'air pendant vingt et vingt-cinq
minutes ! Il existe encore une troisième catégorie de tabétiques,
qui ont un retard considérable dans la perception de sensation
de fatigue. En effet nous avons observé des malades qui ne se
sentaient nullement fatigués après avoir fait une très longue
promenade, mais qui le lendemain de cette promenade avaient
une courbature musculaire générale. Cette courbature durait
généralement vingt-quatre, mais parfois quarante-huit heures.
Ces modifications dans la perception du sens de fatigue sont
de la première importance dans notre méthode de traitement.
En effet le tabétique, qui n'est pas averti par la fatigue, est
porté à dépenser une trop grande quantité de force musculaire
sans réparer la perte par le repos.
Le médecin devra donc exactement prescrire au malade pen-
dant combien de temps il pourra marcher ou exécuter n'im-
porte quel autre travail musculaire. Beaucoup de tabétiques
sont portés à des exagérations à cetgard. Ainsi quelques-uns
de mes malades qui, avant de suivre notre traitement, se con-
damnaient à un repos presque absolu et nullement justifié, se
livraient, à peine avaient-ils un peu amélioré l'incoordination
1 Rubens Hirschberg.- Loc. cil., p. 8. Le cas publié par le Dr Frenkel
est postérieur à notre publication (,N'eiii-ol. Centrb., n° 13, 1893).
168 clinique NERVEUSE.
et repris confiance dans leurs jambes, à des promenades d'une
longueur insensée, et ils étaient tout heureux de ne pas sentir
de fatigue au bout de leur promenade. Eh bien, il faut avertir
les malades que ces exagérations leur sont très nuisibles.
Les exercices en présence du médecin devront être faits éga-
lement avec beaucoup de prudence en tenant compte de l'état
général du malade et de sa résistance. En dehors de la dépense
de force musculaire que nécessitent les exercices, il y a encore
un autre élément de fatigue qui n'est pas sans importance. Chez
tous les tabétiques les exercices produisent par suite de la ten-
sion d'esprit une grande fatigue cérébrale. Cependant au sur et
à mesure qu'ils se familiarisent avec les exercices, cette fatigue
cérébrale se fait de moins en moins sentir.
Nous avons l'habitude de faire durer la séance au début du
traitement une demi-heure, et nous n'avons jamais dépassé
la durée d'une heure, en comptant là dedans le repos entre
chaque exercice. Les séances auront lieu journellement, et,
si les circonstances le permettent, surtout chez des malades
alités, deux fois par jour.
IV. Théorie de la méthode. Avant d'analyser les résul-
tats obtenus chez nos malades, nous croyons utile d'exposer
ici la théorie de la méthode de rééducation des mouvements.
Mais d'abord éliminons la part qui revient à la suggestion dans
l'amélioration qu'on obtient chez les tabétiques par cette mé-
thode de traitement.
Dans notre premier travail sur le même sujet nous avons
insisté sur ce.fait, que tous les symptômes cliniques que pré-
sente un tabétique ne doivent pas être mis uniquement sur le
compte du tabes dorsalis, que notamment le symptôme ataxie
est souvent aggravé par un état mental, neurasthénique, qui
se traduit cliniquement par des appréhensions, une peur exa-
gérée de tomber. Naturellement cette peur fait paraître
l'incoordinalion motrice plus grave qu'elle ne devraitêtre delà
part des lésions organiques. L'amélioration rapide qu'on cons-
tate parfois chez les ataviques dès les premières séances de
traitement est incontestablement d'ordre moral. En relevant
le courage du malade, en lui faisant espérer l'amélioration du
symptôme le plus gênant de sa maladie, on triomphe rapide-
ment des troubles neurasthéniques qui compliquent et aggra-
vent le symptôme ataxie. Mais là s'arrêtent aussi les effets de
la suggestion. -
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 169
Après une~période d'amélioration relativement rapide de
l'incoordination, le traitement entre dans une deuxième pé-
riode, pendant laquelle la coordination renaît avec une len-
teur désespérante. Chaque pas en avant n'est obtenu qu'au
prix de longues et pénibles séances, et une certaine améliora-
tion n'est appréciable qu'après des semaines de traitement.
On reconnaîtra que ce ne sont pas là les caractères d'une
amélioration par la suggestion mentale. Nous allons mainte-
nant voir par quel mécanisme se fait chez le tabétique la réé-
ducation des mouvements.
On est loin d'être fixé sur la nature et le siège anatomique
de l'incoordination motrice. Les théories qui considèrent ce
symptôme comme une manifestation de la parésie musculaire
(Pierret), des contractures (Ommus), de la diminution du to-
nus musculaire (Debove) ont confondu la conséquence de l'in-
coordination avec sa cause. Quant à la théorie des centres et
des conducteurs d'une coordination motrice défendue par
Charcot et par Erb, on doit reconnaître avec Leyden et Ray-
mond que la logique physiologique s'oppose à l'existence de
pareils centres, distinctement des centres et des conducteurs
de la motilité et de la sensibilité en général. La coordination
n'est pas une fonction peur se, mais un arrangement harmo-
nieux des mouvements pour atteindre un but voulu. C'est une
fonction de toute la sphère psychomotrice de l'écorce céré-
brale, c'est-à-dire un acte conscient et voulu. La théorie sensi-
tive de Leyden, qui subordonne l'incoordination motrice aux
troubles de la sensibilité, a certainement gagné du terrain
depuis que nous connaissons mieux les troubles de la sensibi-
lité articulaire et musculaire dans le cours du tabes. Il est
certain que dans la période ataxique la sensibilité musculo-
articulaire est toujours altérée. On a opposé à cette théorie les
hystériques, atteints d'anesthésies profondes et qui ne sont
cependant pas ataxiques; et les malades atteints de la maladie
de Friedreich, c'est-à-dire, des ataxiques sans troubles de la
sensibilité. Selon nous les hystériques ne peuvent pas comp-
ter, car le mécanisme des anesthésies mentales est très com-
pliqué. On pourrait dire des hystériques qu'ils sentent sans
sentir. Surtout leur anesthésie musculaire et articulaire est
sujette à caution. Quant aux Friedreich's, ce ne sont pas des
incoordonnés dans le sens comme le sont les tabétiques. On
devrait trouver un autre mot pour caractériser les troubles de
170 CLINIQUE NERVEUSE.
l'équilibre, dont ces malades souffrent. Puis sans pouvoir être
pour le moment affirmatif nous avons des raisons pour ad-
mettre chez les Friedreich's des troubles de la sensibilité mus-
culo-articulaire,'surtout dans la période avancée de la maladie.
- A notre avis l'argument le plus sérieux contre la subordina-
tion absolue de l'incoordination motrice à l'anesthésie mus-
culo-articulaire, est qu'il n'existe aucune relation proportion-
nelle entre le degré de l'ataxie et les troubles de la sensibilité
musculo-articulaire. On peut seulement affirmer que le tabé-
tique-ataxique présente toujours des altérations de la sensibi-
lité musculo-articulaire. Mais il n'existe pas de relation'intime
de cause à effet entre les troubles de la motilité et les troubles
de la sensibilité dans le tabes. Néanmoins, comme nous le
verrons plus loin, c'est encore cette théorie qui explique le
mieux l'amélioration de la coordination qu'on obtient par la
méthode de Frenkel.
" Nous avons dit plus haut que la coordination était une fonc-
tion cérébrale. Il était donc logique d'incriminer l'encéphale
dans la production de l'incoordination motrice. C'est surtout
Jendrassik' qui a défendu l'origine cérébrale du tabes. Selon
lui le symptôme ataxie est le résultat des altérations qu'il a
constatées dans le système des fibres d'association corticales.
11 faut dire que les altérations des fibres constatées par Jen-
drassik n'ont pas été confirmées dans tous les cas de tabes. Cette
théorie est aussi en contradiction avec les résultats de notre
méthode de traitement. En effet, si chez les tabétiques les
fibres d'association indispensables pour la coordination sont
détruites, la rééducation de la coordination serait impossible.
Or, il n'en est rien. Nos observations prouvent que le .tabé-
tique peut dans une certainemesure par des exercices spéciaux
récupérer la coordination de ses mouvements. L'intégrité des
fonctions cérébrales est même une condition essentielle pour
la réussite de notre traitement. '
Voici comment nous expliquons les effets de la méthode de
Frenkel. Nous avons dit que la coordination était une fonction
cécébrale. En plus elle n'est pas innée, mais s'acquiert dans'le
courant de la vie et au sur et à mesure do nos besoins. C'est
par des exercices répétés que nous apprenons à rester debout,
à marcher, courir, nager, faire des mouvements coordonnés
' 'Jendrassik. Detils. klin. Med., t. XLII1, 1888.
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 171
avec les bras, etc : C'est là l'éducation de nos appareils mo-
teurs. Il y a naturellement une grande différence entre le mé-
canisme de l'éducation de la coordination chez l'enfant et'chez
une grande personne. Dès l'enfance nous apprenons les mou-
vements qui nous, sont indispensables selon le milieu dans
lequel nous vivons. L'enfant apprend la coordination pour
ainsi dire sans raisonnement et au prix de nombreux échecs
et de chutes multiples. Une grande personne au contraire sera
prudente, raisonnera, se fera une théorie du mouvement
coordonné, qu'elle aura à apprendre. Demandez à un Véni-
tien, quand est-ce qu'il a appris à nager, il vous répondra
qu'il ne le sait pas, qu'il a ça de naissance, parce que dans le
milieu dans lequel il vit la nage est aussi indispensable que
pour nous la marche. Mais ceux qui ont appris à nager dans
un âge, quand on est capable de se,rendre compte, savent
qu'il leur fallait pour cela beaucoup d'exercices, d'attention et
de bonne volonté. -
L'analyse des mouvements coordonnés démontre que ce ne
sont pas des mouvements automatiques, mais conscients et
intentionnels. L'habitude seule fait que dans les mouvements
que nous répétons journellement, l'intervention de la volonté
devient tellement minime, que nous croyons les exécuter sans
le contrôle de notre conscience. Mais en réalité il n'en est
rien, puisque, nous le savons bien, si les conditions exté- -
rieures changent, le cerveau en est immédiatement averti par
les organes des sens (la vue, le toucher, la sensibilité mus-
culo-articulaire), et la coordination s'adapte alors aux condi-
tions modifiées. Il s'ensuit que pour une coordination par-
faite l'intégrité de nos organes des sens est indispensable.
Pour ne pas compliquer la question nous n'envisagerons que
la vue, le tact et la sensibilité musculo-articulaire particuliè-
rement engagés dans l'acte de coordination. Chez l'homme
bien portant en vertu du principe du partage du travail tous
les organes des sens ont leur part dans la coordination. Si par
suite de maladie le concours d'un des organes fait défaut, les
autres organes devront le suppléer, autrement la coordination
ne pourra pas se faire. C'est ainsi que chez l'aveugle le toucher
et la sensibilité musculo-articulaire suppléent la vue dans la
coordination, et chez le tabétique les yeux cherchent à com-
penser les troubles de la sensibilité tactile et de la sensibilité
musculo-articulaire.
172 CLINIQUE NERVEUSE. '
On sait que les organes qui, par les circonstances, sont
appelés à un surcroit de travail peuvent atteindre un très haut
degré d'affinement. Ainsi le toucher chez les aveugles, la sen-
sibilité musculo-articulaire dans certains métiers, comme par
exemple chez les employés des postes, qui en soupesant sur
la main les lettres peuvent distinguer des différences de poids,
imperceptibles pour des personnes, qui ne sont pas habituées
à ce genre de travail. La danseuse de ballet, le virtuose du
piano, le jongleur doivent avoir la sensibilité musculo-articu-
laire d'une finesse extraordinaire. Physiologiquement parlant,
en quoi consiste l'affinement de la sensibilité ? Il est possible
que les appareils terminaux de la sensibilité, situés dans la
peau, dans les muscles, les tendons, les ligaments, les cap-
sules articulaires à force d'exercice acquièrent une sensibilité
plus exquise. Il est cependant plus probable, comme l'admet
Frenkel ', que dans ces cas d'une finesse extraordinaire de la
sensibilité ce sont plutôt les centres psycho-moteurs de l'é-
corce cérébrale qui, à force d'habitude, c'est-à-dire d'exercice
répété, arrivent pour accomplir la coordination à se contenter
d'impressions minimes venues de la périphérie. z
Revenons aux tabétiques. Si l'ataxique est capable d'un
effort de volonté, c'est-à-dire si son intelligence n'est pas
altérée, et s'il n'est pas aveugle, nous savons maintenant par
quel mécanisme il pourra refaire l'éducation de sa coordina-
tion motrice. Qu'on se rappelle ce que nous avons dit de la
méthode de rééducation des mouvements et on comprendra
facilement que les exercices raisonnés et souvent répétés ont
pour but de compenser par la vue et par une attention plus
grande les troubles de la sensibilité musculo-articulaire. Le
fait est que de lui-même et sans s'en douter, le tabétique
ataxique cherche à compenser les défauts de sa sensibilité
musculo-articulaire. La démarche du tabétique est tout à fait
caractéristique à cet égard. Pour avoir plus de stabilité il immo-
bilise le corps, il élargit la base de sustention, en écartant les
jambes et en plaçant les pieds au dehors. Pour remédier à la
mauvaise sensibilité de l'articulation du genou, il la supprime,
en tendant la jambe au maximum et en avançant la jambe
d'une seule pièce. Pour s'orienter dans l'espace, il est forcé de
1 Frenkel. - Die Thérapie tact, Rewegungsslurungen. nlünch. Medic.
Wochenschr., 1890, n" 52.
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 173
surveiller par la vue l'extrémité en mouvement. Pour la même
raison les mouvements de l'ataxique sont de grande amplitude,
car ce sont les seuls, qu'il est capable de sentir. Il lui faut aussi
une grande concentration de l'attention, puisque pour arriver
à coordonner les mouvements avec une sensibilité affaiblie, le
cerveau devra déployer une plus grande activité.
Ainsi la méthode de traitement de Frenkel ne fait qu'aider
la nature. Elle enseigne à l'ataxique, comment il doit s'y
prendre pour déjouer les troubles de sa sensibilité musculo-
articulaire et arriver à coordonner ses mouvements avec une
sensibilité défectueuse. Les limites de l'amélioration de l'in-
coordination chez un tabétique par la méthode de Frenkel
sont données par les troubles de la sensibilité musculo-arti-
culaire. Mais quel que soit le degré de ces troubles une certaine
amélioration de l'incoordination sera toujours possible, à con-
dition qu'on n'institue pas le traitement en plein développe-
ment rapide de la maladie, on verra que dans les cas de tabes
aigu, et dans la période d'aggravation rapide des phénomènes
ataxiques la rééducation des mouvements ne doit pas être
appliquée. En voici la raison : Tant que le processus tabétique
est en développement rapide, le malade ne pourra pas com-
penser les troubles de la sensibilité, puisque ces troubles chan-
gent et s'aggravent pour ainsi dire tous les jours. Le malade
est continuellement en lutte avec des nouveaux phénomènes
morbides, et c'est alors que son incoordination se développe
très rapidement. Mais qu'il se produise une trêve dans le pro-
cessus pathologique, ou que ce processus soit très lent, ou que
la maladie s'arrête définitivement, le malade s'adaptera plus
facilement à ses troubles de la sensibilité musculo-articulaire,
et arrivera dans l'acte de coordination à les compenser. Le
résultat sera une amélioration de la coordination motrice,
Mais ce n'est pas là une amélioration dans le sens d'une rétro-
cession des lésions anatomo-pathologiques du tabès. Ce n'est
qu'une compensation devenue possible grâce à l'accalmie du
processus morbide.
Tous les auteurs (Frenkel, Ostankoff) qui ont appliqué notre
méthode de traitement ont constaté chez les tabétiques une
certaine amélioration de la sensibilité musculo-articulaire.
Cependant ce serait tout à fait faux de subordonner l'améliora-
tion de la coordination chez les tabétiques à cette amélioration
de la sensibilité. Chez nos malades nous avons toujours vu,
174 CLINIQUE NERVEUSE.
que la sensibilité ne s'améliorait que très tardivement, long-;
temps après que le malade avait déjà obtenu une très grande
amélioration de ses mouvements.
Cette amélioration de la sensibilité s'explique par le fait
que même dans les cas les plus avancés de tabes la sensibilité
musculo-articulaire n'est jamais complètement éteinte. Elle
n'est que quantitativement modifiée et peut être tellement
affaiblie que le malade n'aura conscience que des mouvements
de très grande amplitude, qu'on imprimera aux articulations,
Les exercices de Frenkel arrivent à la longue à améliorer cette
sensibilité affaiblie par le même mécanisme, par lequel la sen-
sibilité se perfectionne chez l'homme bien portant, comme
nous l'avons exposé plus haut. Comme chez l'homme bien
portant, le cerveau du tabétique arrive à force d'habitude,
c'est-à-dire d'exercice,' à apprécier les impressions affaiblies
que lui transmettent les fibres nerveuses sensitives altérées.
Les exercices les yeux fermés ont précisément pour but d'amé-
liorer la sensibilité musculo-articulaire.
V. Analyse DES observations. Nous croyons inutile
d'insister sur le diagnostic chez nos malades. Là-dessus il ne
peut y avoir aucun doute : dans toutes nos observations il
s'agit de tabes dorsalis le plus caractérisé. Nous voudrions
seulement dire quelques mots sur des particularités sympto-
matiques, que nous avons eu l'occasion d'étudier sur nos
malades, notamment : la distribution inégale des phénomènes
tabétiques des deux côtés du corps, et le phénomène d'hype- ? 'esthésie plantaire. ' ' '
Généralement, on admet que le tabes frappe les deux côtés
du corps d'une façon symétrique.1 Le professeur Fournier ' est
le seul auteur qui à notre connaissance mentionne des cas;
dans lesquels l'incoordination motrice était développée, d'une
façon-inégale dans les deux jambes. Or, si on étudie les tabé-
tiques de près', on peut se convaincre, que les troubles tabé-
tiques ne se manifestent, jamais au même degré dans les deux
côtés du corps. On peut même dire plus. Dans la grande majorité
des cas c'est le côté gauche qui est plus affecté que le côté droit.
Sur nos neuf malades on n'en trouvera qu'une seule (Cas. V)
chez laquelle la jambe droite était plus incoordonnée que la
' Fournier. Alaxie locomotrice d'origine syphilitique. Paris, 1882,
p. 333. , ,
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 1 75
jambe gauche. Ce n'est pas seulement l'ataxie qui est plus
développée à gauche.
Chez nos malades, les symptômes avec une disposition
unilatérale sont situés à gauche. Observation I : paresthé-
sies au pied gauche et sensation de corset à gauche. Observa-
TION VII : arthropathie au genou gauche. Observation VIII :
blépharoptose à z<7 gauche et un certain degré d'incoordina-
tion à la main gauche. Observation IX : incoordination à la
main gauche. Notre Observation II est le plus bel exemple
d'un tabes avec hémiataxie. Cette hémiataxie est aussi une
gauche. ·
Les cas dans lesquels le professeur Fournier a constaté de
l'inégalité dans la répartition des symptômes tabétiques,
avaient également le côté gauche plus affecté que le côté
droit.
Le traitement des ataxiques par la méthode de Frenkel fait
ressortir encore davantage l'infériorité de la jambe gauche
chez le tabétique. C'est toujours celle-ci qui s'améliore le moins
vite. C'est cette jambe que le malade qualifie de mauvaise.
C'est la jambe gauche qui lui « refuse d'obéir». Il nous semble
qu'on pourrait expliquer cette prédominance du tabes du côté
gauche du corps par ce fait, que même chez l'homme bien por-
tant, excepté les gauchers, le côté gauche du corps est moins
coordonné que le côté droit, de sorte que les mêmes lésions qui.
ont pour conséquence de troubler la coordination, auront plus
de prise sur les organes qui déjà dans des conditions normales
possèdent une coordination moindre que les organes situés à
droite. ' .
Nous avons constaté chez tous nos malades un phénomène
particulier d'hyperesthésie plantaire, qui ne nous semble pas
avoir jusqu'à présent attiré l'attention des cliniciens, et que
nous avons appelé le phénomène plantaire1. Voici en quoi ce
symptôme curieux consiste. Si on- fait avec le bord de l'ongle
une friction rapide le long de la plante du pied, comme on pro-
cède ordinairement pour provoquer le réflexe plantaire/ cetté
légère friction produit chez les malades parfois une douleur
tellement vive, qu'ils poussent des cris et retirent violemment
la jambe. Cette sensasion se produit indépendamment de l'anes-
1 Elirschberj. Sur un phénomène plantaire chez le tabétique
Revue de Neurologie, 1895.
176 clinique NERVEUSE.
thésie tactile plantaire, et elle a lieu ◀tantôt▶ instantanément,
◀tantôt▶ avec un certain retard.
Dans ce dernier cas, et s'il n'y a pas d'anesthésie tactile, le
malade accuse d'abord la sensation tactile de la friction, et ce
n'est que quelques instants après qu'il ressent la douleur.
Toujours douloureuse, cette sensation est cependant différem-
ment traduite par les malades. Le plus souvent c'est une
« écorchure avec un instrument tranchant » ; ◀tantôt▶ c'est une
« brûlure avec du fer rouge » ◀tantôt▶ c'est un « poignard qu'on
enfonce dans les chairs ». Un de nos tabétiques qui avait de
l'hyperesthésie au froid, disait qu'on lui enfonçait un morceau
tranchant de glace dans la plante du pied. La sensation dou-
loureuse, provoquée par la friction ne disparaît pas brusque-
ment, mais persiste pendant quelques instants et ne s'éteint
que peu à peu.
Au point de vue de l'incoordination motrice, le symptôme
le plus important pour nous, on peut diviser nos malades en
deux catégories : Les impotents, c'est-à-dire ceux qui ne mar-
chent plus et sont confinés au lit (OBS. II, III et VI) ;
Les malades qui marchent encore, mais avec plus ou moins
de difficultés, étant forcés d'être soutenus pendant la marche
(les malades de nos six autres observations).
Disons tout de suite que quel que fût le degré de l'ataxie
avant le traitement, tous nos malades ont été améliorés d'une
façon remarquable. Dans l'OBSERVATION II l'amélioration est
telle qu'on peut considérer l'ataxie chez cette malade comme
complètement guérie. Il est vrai qu'au moment où nous
avons entrepris le traitement, elle n'était qu'hémiataxique.
Néanmoins, l'incoordination motrice élait telle que la malade
était incapable de se tenir debout et à plus forte raison de faire
un pas. Actuellement, elle marche comme tout le monde, et
fait sans appui, sans canne des longues promenades, après avoir
été confinée au lit pendant six ans 1
Dans l'OBSERVATION III, quoique moins brillante à première
vue, l'àmélioration est pourtant encore plus remarquable que
dans le précédent cas, si on considère l'état d'impotence
absolue dans lequel nous avons trouvé la malade. Elle était
incapable de s'asseoir, ni de se retourner dans son lit. Désordre
le plus complet dans les mouvements des jambes. Les deux
pieds dans la position de varo-équin, et impossibilité absolue
de les redresser par des contractions volontaires. Impossibilité
traitement DE l'ataxie dans LE tabès DORSALIS. 177
absolue de se tenir debout, même soutenue par deux hommes.
Grâce aux exercices nous sommes arrivés à faire marcher cette
malade. Il est vrai qu'il fallut pour cela presque un an de trai-
tement, et même maintenant, elle ne peut marcher qu'en s'ap-
puyant sur le bras de quelqu'un et sur une canne. Mais rien
que le fait qu'un tel degré d'incoordination motrice peut être
modifié ne prouve-t-il pas toute la valeur considérable de la
méthode de Frenkel comme moyen de corriger l'ataxie des
tabétiques ?
L'Observation VI, dans laquelle il s'agit également d'un
tabétique presque impotent est intéressante à plusieurs points
de vue. D'abord il s'agit dans ce cas d'un tabes qui a évolué
très rapidement. En moins de deux ans le malade est arrivé à
ne plus pouvoir marcher, ni même se tenir debout tout seul.
L'âge du malade était également peu favorable pour tenter une
rééducation de la coordination. Puis le malade n'a pu se sou-
mettre à notre traitement que pendant trois semaines. Néan-
moins nous avons obtenu chez lui un résultat très appréciable
puisque, au moment de nous quitter, il pouvait se tenir
debout tout seul, et marcher pendant quelques minutes en
s'appuyant sur le bras de quelqu'un.
Tous nos autres malades, quoique fortement incoordonnés,
appartiennent à la catégorie des ataxiques, qui au moment
où nous avons entrepris chez eux le traitement marchaient
encore. Tous ces malades ont retiré du traitement le plus
grand bénéfice. Dans ce groupe nous insistons surtout sur les
Observations I et VIII. Le malade de l'OBSERVATION I est par-
venu à pouvoir si bien coordonner ses mouvements que sa
démarche a presque complètement perdu les caractères d'une
démarche pathologique. Actuellement, il sort tout seul dans
les rues les plus encombrées de Paris et peut marcher pendant
vingt-cinq à trente minutes sans éprouver le besoin de s'as-
seoir. Chose plus remarquable encore, le signe de Romberg
qui était très prononcé chez lui a presque complètement
disparu. Le malade peut se tenir debout et marcher les yeux
fermés.
L'Observation VIII est intéressante par la gravité des phé-
nomènes ataxiques, que le malade présentait au début du trai-
tement, ainsi que par la rapidité avec laquelle l'incoordina-
tion motrice s'est atténuée à la suite des exercices. Après six
semaines de traitement ce malade pouvait à l'aide d'une canne
Archives, 2° série, t. II. 12 -
178 clinique NERVEUSE.
circuler seul dans l'appartement, et faire des petites prome-
nades dehors d'une durée d'une demi-heure. D'après les lettres
que nous recevons de ce malade, qui habite la province, son
ataxie s'améliore de plus en plus grâce aux exercices qu'il con-
tinue à faire tous les jours.
La malade de l'OBSERVATION IV mérite une place à part.
Quand nous avons entrepris le traitement, elle était déjà en
voie de rapide amélioration. On ne peut donc pas juger jusqu'à
quel point chez cette malade notre traitement doit être incri-
miné dans la disparition du symptôme ataxie. En effet, cette
malade a quitté l'hospice de la Salpêtrière complètement gué-
rie de son ataxie, tout en conservant les symptômes cardinaux
de tabes dorsalis. Au dire de cette malade elle s'améliorait
beaucoup plus rapidement sous l'influence des exercices, qu'a-
vant notre traitement.
Nous ne trouvons rien de particulier à relever chez nos
autres malades. Ce sont des tabétiques chroniques avec ataxie
moyenne. Chez tous l'incoordination motrice a été améliorée
d'une façon plus ou moins considérable après un traitement
d'une durée moyenne de deux mois.
Parallèllement avec l'amélioration de l'ataxie, on constate
chez nos malades une certaine amélioration des troubles de la
sensibilité. Cependant il faut reconnaître qu'il s'agit chez nos
malades plutôt d'amélioration subjective, et qu'objectivement
à part l'atténuation du signe de Romberg, on constate peu de
changement dans les troubles de la sensibilité. Les douleurs
fulgurantes sont favorablement intluencées par les exercices.
Les crises deviennent certainement plus rares et généralement
moins intenses. Tous les malades affirment qu'ils sentent
mieux leurs jambes, qu'ils les « perdent moins » dans le lit,
que les jambes sont moins froides et moins engourdies. Les
malades se plaignent moins de différentes paresthésies : sen-
sation de bandes trop serrées, de jambes en coton, de rai-
deur, etc. Nous n'avons jamais constaté chez nos malades à la
suite de notre traitement des modifications objectives dans les
troubles de la sensibilité cutanée. En revanche la sensibilité
profonde (musculo-articulaire) est favorablement influencée
par notre méthode de traitement.
Quelques-uns de nos malades sentaient certainement mieux
les mouvements qu'on imprimait à leurs articulations. Cepen-
dant il serait faux de subordonner l'amélioration de l'ataxie à
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 1 I 9
l'amélioration de la sensibilité musculo-articulaire. Il y a des
malades chez lesquels l'ataxie s'améliore, pendant que les
troubles de la sensibilité ne subissent aucune modification
(Ces. III, VI et VIII). Chez nos malades, chez lesquels nous
avons observé une amélioration de la sensibilité profonde, cette
amélioration n'avait lieu que très tardivement, longtemps
après que l'ataxie était déjà notablement améliorée. Il n'existe
donc aucune relation directe entre l'amélioration de l'ataxie et
et de la sensibilité musculo-articulaire. Nous avons expliqué
plus haut, comment nous comprenons le mécanisme de cette
amélioration de la sensibilité profonde chez les tabétiques.
Bien que la méthode de Frenkel n'ait d'autre prétention
que de corriger l'incoordination motrice chez le tabétique, il
est incontestable que tous les symptômes présentés par le
malade sont favorablement influencés par le traitement. L'état
général devient manifestement meilleur. Les malades repren-
nent espoir, deviennent plus gais, se promènent plus volon-
tiers, vaquent à leurs affaires, etc.
Certains symptômes du tabes qui ne sont nullement en
relation avec l'incoordination motrice ont cependant été nota-
blement améliorés sous l'influence 'delà rééducation des mou-
vements.
Dans l'OBSERVATION I, atténuation considérable de la sensa-
tion de constriction dans le côté gauche de la poitrine.
Observation III, atténuation des crises laryngées, qui devien-
nent plus rares et moins intenses. Observations VII, VIII
et IX, amélioration de l'incontinence d'urine'
Indications ET contre-indications. - Il serait certaine-
ment encore prématuré de poser actuellement les indications
et les contre-indications de la méthode de Frenkel. Pour pou-
voir le faire d'une façon plus ou moins définitive on devrait
disposer d'un nombre de cas plus considérable. Il vaut mieux
être en attendant réservé à cet égard. Il y a quatre ans nous
avons, dans notre travail sur le même sujet, appelé l'attention
pour la première fois sur cette question si importante. L'expé-
rience de ces dernières années nous a mieux fait connaître les
indications et les contre-indications de la méthode de Frenkel.
Mais nous répétons que cette question est loin d'être épuisée.
Comme dans toute méthode de traitement et peut-être même
plus que dans n'importe quelle autre méthode de traitement,
pour juger de sa valeur réelle, il faut choisir des cas capables
180 CLINIQUE NERVEUSE.
de bénéficier des bienfaits de ce traitement, et en éliminer
ceux chez lesquels le traitement ne pourra avoir aucun effet
ou même être dangereux.
Indications. En faisant abstraction de tous les autres
symptômes de tabes, quel que soit le degré d'incoordination
tabétique on peut l'améliorer par une rééducation des mouve-
ments. Donc le degré d'incoordination ne présente ni une in-
dication, ni une contre-indication spéciale. Parfois même un
degré moindre d'ataxie se prête moins à l'amélioration qu'une
incoordination très prononcée. Tout dépendra dans ces cas de
l'évolution de la maladie. Si la maladie évolue rapidement le
résultat de notre traitement sera à peu près nul. Si au con-
traire nous nous trouvons en présence de ces cas si fréquents
de tabes, qui ne se développent que très lentement, ou encore
mieux si le processus morbide s'est arrêté temporairement ou
définitivement, le résultat du traitement sera excellent, et peu
importe alors le degré d'ataxie. Il n'y a que la durée du traite-
ment qui sera plus longue, si l'incoordination est plus pro-
noncée. Dans l'observation III il fallait plus d'un an de traite-
ment pour que la malade réapprenne à marcher.
Toutes conditions égales des sujets jeunes, intelligents,
avec un état général qui n'a pas trop souffert, s'amélioreront
plus rapidement que des malades vieux, qui ont perdu toute
énergie, qui ne sont pas capables d'un effort soutenu de vo-
lonté, qui sont d'humeur triste ou affaiblis et cachectisés par
la maladie.
Le traitement par la rééducation des mouvements n'est in-
diqué que dans la période d'ataxie du tabes. Selon nous il n'a
aucune raison d'être dans la période préataxique, car dans cette
période le malade est complètement maitre de tous les mouve-
ments nécessaires pour la vie habituelle, et nous ne croyons
pas que les exercices compliqués qu'on pourrait apprendre
aux préataxiques les préserveraient de l'incoordination mo-
trice. Les exercices de Frenkel n'ont qu'un but c'est de corriger
l'ataxie ; par conséquent, pour profiter de ce traitement le ta-
bétique doit être ataxique. Tout à l'heure nous verrons qu'il
y a même des tabétiques chez lesquels la méthode de Frenkel
doit être formellement interdite dans la période préataxique.
Contre-indications. En thèse générale, la méthode de
Frenkel sera contre-indiquée chez, tout malade auquel les
exercices physiques violents sont nuisibles. Par conséquent les
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 181
tabétiques-ataxiques avec un mauvais état général ou atteints
de maladies organiques graves ne pourront pas profiter de ce
traitement. C'est surtout chez les cardiaques que ce traitement
sera interdit. On sait avec quelle fréquence on rencontre chez
les tabétiques des vices du coeur. Il ne faut donc jamais né-
gliger d'examiner soigneusement le coeur des tabétiques qu'on
veut soumettre au traitement de Frenkel.
Parmi les troubles propres au tabes qui défendent le traite-
ment de Frenkel nous devons placer en première ligne les lé-
sions articulaires. Nous avons publié l'histoire d'un tabétique
qui s'est arraché pendant les exercices les ligaments croisés
d'un genou fortement recourbé (genu recurvatum). On a vu
dans notre observation VII un degré insignifiant d'arthro-
pathie s'aggraver considérablement au point de rendre la
marche impossible à la suite de notre traitement. Les troubles
articulaires forment donc une contre-indication absolue du 11'ai-
tement de Frenkel. La fragilité des os serait également une
contre-indication de notre traitement.
Les tabétiques aveugles ne pourront pas être soumis à notre
traitement. Nous avons vu plus haut de quelle importance est
le concours de la vue dans la rééducation des mouvements. On
comprendra ainsi facilement pourquoi les aveugles en seront
exclus. De même les tabétiques atteints de troubles psychiques
n'arriveront pas à corriger leur ataxie par la méthode de
Frenkel, car le concours de l'intelligence et de la volonté du
malade est indispensable pour la réussite du traitement.
Dans le tabes à évolution aiguë, trop rapide la rééducation
des mouvements n'est d'aucune utilité. Si on se trouve en pré-
sence d'un pareil cas, on fera mieux d'attendre. On ne devra
commencer les exercices que quand la maladie sera arrivée à
la période d'état ou de progrès lent, chronique. En effet nos
exercices ont pour but de compenser les troubles de la sensi-
bilité musculo-articulaire et cutanée pour que le malade puisse
coordonner ses mouvements avec le concours d'une sensibilité
défectueuse. Or si la sensibilité s'aggrave tous les jours, comme
c'est le cas dans le tabes à marche rapide, comment le malade
pourra-t-il arriver à s'adapter à ces troubles, qui ne restent
pas constants. Il s'épuisera inutilement dans la lutte sans pou-
voir arriver coordonner ses mouvements. Même dans le tabes
chronique à évolution lente, l'aggravation se fait souvent par
des poussées. En examinant les malades pendant ces poussées
182 CLINIQUE NERVEUSE.
on constate toujours une aggravation de la sensibilité mus-
culo-articulaire. Nous conseillons donc de s'abstenir de tout
exercice, même de la marche, pendant ces périodes. On fera
mieux de laisser reposer les malades. Au bout de quelques
jours de repos on pourra reprendre les exercices et le malade
s'adaptera très vite à ses nouveaux troubles de la sensibilité.
Nous avons dit plus haut que dans la période préataxique
notre traitement n'est d'aucune utilité. Puisque nous sommes
au chapitre des contre-indications, nous devons mentionner
qu'il y a des tabétiques préataxiques chez lesquels les exer-
cices pourraient être nuisibles. Ce sont ces tabétiques avec des
paresthésies pénibles et de l'hyperesthésie musculaire. Con-
trairement à la période ataxique pendant laquelle les malades
ont souvent de l'anesthésie à la fatigue musculaire, ces préa-
taxiques se sentent épuisés et courbaturés après le moindre
effort musculaire, ils se sentent lourds, les jambes en plomb,
ils accusent des contractions et des crampes. Chez cette caté-
gorie des tabétiques-préataxiques nous jugeons la méthode de
Frenkel non seulement indifférente, mais directement nui-
sible, car les exercices exténuent les malades sans aucune
utilité pour eux.
Observation 1. Tabes dorsalis. Développement rapide de l'ataxie.
Amélioration considérable de l'incoordination après trois mois de
traitement.
0. R... âgé de quarante-trois ans, négociant. Le père est mort
à soixante-cinq ans d'une maladie de coeur, la mère est morte à
l'âge de cinquante-sept ans d'une apoplexie foudroyante. Un des
frères du malade est atteint d'une myélite syphilitique. Les autres
frères sont arthritiques, mais bien portants.
Antécédents personnels. - Le malade était toujours d'une excel-
lente santé et n'a jamais fait de maladie grave. A l'âge de dix-
huit ans, il a eu un bouton sur la verge (chancre ? ), qu'il n'a pas
fait soigner et qui a disparu au bout de quelques jours. Jamais
d'accident secondaires, ni tertiaires. Marié depuis dix ans. Quelque
temps après le mariage, sa femme fit une fausse couche de six
semaines. Elle a eu depuis trois enfants, dont deux sont morts en
bas âge d'affections pulmonaires.
Début du tabes. - A l'âge dé vingt-cinq ans, le malade avait
des douleurs insignifiantes aux extrémités inférieures, qui avaient
le caractère des douleurs fulgurantes. Ces douleurs, peu gênantes
d'ailleurs, qu'il attribuait au rhumatisme, se répétaient de temps
eh temps jusqu'à l'âge de trente-neuf ans. A cette époque à la
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 183
suite d'un grand chagrin et d'un surmenage physique (le malade
veillait son enfant malade pendant une dizaine de nuits) une forte
crise de douleurs fulgurantes dans les jambes éclata. Le professeur
Germain Sée diagnostiqua tabès dorsalis malgré l'absence à cette
époque du signe de Westphal. Il conseilla des douches froides et
de l'antipyrine à haute dose (le malade a absorbé en un mois
80 grammes d'antipyrine). A la suite de ce traitement les douleurs
fulgurantes ne se montrèrent plus pendant trois ans.
En juin 1892 sensation de cuirasse qui lui serre la poitrine prin-
cipalement du côté gauche. En juillet de la même année, le malade
s'est aperçu qu'en descendant une côte il ne pouvait pas modérer
ses mouvements. Au mois d'août de la même année il marchait
déjà très difficilement en s'appuyant sur une canne. Les jambes
étaient lourdes et le pied gauche lui semblait être enserré dans
uuétau. A cette époque la digestion se faisait mal et le malade
..rait très mauvaise mine. En octobre 1892, il fait une cure à la
Malou, qui ne lui procure aucun soulagement. On lui fait ensuite
pendant dix-huit mois des injections hypodermiques avec de l'ex-
trait testiculaire. Elles n'ont aucune influence sur ses jambes, dont
l'incoordination s'aggrave de plus en plus. Au dire du malade et
de son entourage l'état général s'est sensiblement amélioré à la
suite de ce traitement. En août 1893, le malade fait à Aix-la-Cha-
pelle une cure antisyphilitique mixte et intense d'une durée d'un
mois. Celte cure reste sans aucune influence sur les symptômes de
tabès. '
Le malade n'a jamais eu de diplopie, ni de blépharoptose. A
aucun moment de sa maladie, il n'a eu aucun trouble du côté de
la vessie, ni du rectum. Il n'a jamais eu non plus de l'impuissance
génésique. '
Etat actuel (5 janvier 1894). Le malade est de haute taille,
robuste, bien musclé. Il a toutes les apparences d'une parfaite
santé. Très intelligent. Humeur calme et égale.' Il a seulement
souvent des idées noires et envisage tristement son avenir.
Rien d'anormal dans la conformation de la tête. Le malade ne
présente aucun stigmate physique de dégénérescence. Il n'y a
pas de blépharoptose. Les pupilles sont moyennement et égale-
ment dilatées des deux côtés. Elles réagissent bien à la lumière et
à l'accommodation. 11 n'y a ni strabisme, ni'diplopie, ni nystagmus.
Le malade distingue bien les couleurs. Son acuité visuelle est
bonne. Du côté de l'ouie, du goût de l'odorat, de la langue, des
dents rien de particulier. .
Extrémités supérieures. Un peu d'ahkylose à l'articulation
scapuio-humérale droite qui date de l'enfance. Au reste rien d'anor-
mal ni dans la sensibilité, ni dans la motilité des membres supé-
rieurs. '
Au tronc il est à noter une sensation très pénible de constrictibn
184 , CLINIQUE NERVEUSE.
dans la région thoracique gauche. Aucun trouble du côté de la
vessie, ni du rectum. Pas d'impuissance génésique. Le ,éflexe se ? ,otaz
est vif des deux côtés.
Extrémités inférieures. Le réflexe rotulien est aboli des deux
côtés, ainsi que le réflexe plantaire.
Sensibilité. Le sens du toucher est aboli à la plante des deux
pieds, sur le reste des extrémités le malade sent et localise bien
le moindre frôlement de la peau. Retard dans la perception de
la douleur aux plantes des pieds. Ce retard existe, quoique moins
prononcé jusqu'aux genoux. Au-dessus des genoux, il n'y a plus
de retard. - Les différences de température (le chaud et le froid)
sont bien distinguées. Il y a un peu d'hyperesthésie au froid.
Phénomène plantaire. Le passage rapide avec l'ongle du pouce
le long de la plante des pieds provoque une douleur vive, qui
arrache un cri au malade. Cette douleur persiste pendant un cer-
tain temps.
La sensibilité profonde (articulaire musculaire) est très troublée
dans toutes les articulations des extrémités inférieures. Les yeux
fermés, le malade ne reconnaît pas la position qu'on donne à ses
pieds et aux jambes. Dans les articulations des genoux et des
hanches il ne sent que les grands mouvements.
Incoordination motrice. Le malade exécute assez bien les mou-
vements au lit. Il se lève sans trop de difficultés d'un siège. Il ne
peut pas se lever ayant les pieds joints.
Debout. Quand le malade est debout ses pieds sont agités par
des mouvements continuels. Il ne peut pas se tenir debout les
pieds joints. 11 ne peut pas non plus se tenir sur une seule jambe.
Aussitôt qu'il ferme les yeux, il chancelle et tombe.
Locomotion. Le malade n'a pas la démarche classique de
l'ataxique. Il ne frappe pas le sol avec le talon, il ne déplace pas
non plus la jambe d'une seule pièce. Il a plutôt la démarche titu-
bante, peu sûre. Il place le pied avec précaution, comme s'il
marchait sur de la glace. Le moindre obstacle le fait trébucher.
Après avoir marché pendant quelques minutes, les jambes devien-
nent lourdes, et il a toutes les peines du monde à se traîner. Dans
la rue, il doit donner le bras à quelqu'un et s'appuyer sur une
canne. Ainsi soutenu, il peut parcourir un demi-kilomètre et après
il est forcé de se reposer. Même dans son appartement il se sert
d'une canne pour marcher. La jambe gauche a tous les mouvements
plus incoordonnés que la droite.
Le malade a de temps en temps des douleurs fulgurantes aux
pieds et dans les jambes. La crise dure parfois plusieurs jours et
empêche le malade de dormir. La phénacétine calme les douleurs.
Rien d'anormal aux organes internes. L'appétit et le sommeil sont
bons.
Commencement du traitement le 5 janvier 1894. Pendant un
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 185
mois nous avons fait faire au malade des exercices tous les jours,
et ensuite pendant six mois nous avons eu des séances ensemble
trois fois par semaine. Le mal ade faisait cependant tous les jours
les exercices. Après trois mois de traitement, l'amélioration était
telle qu'il n'existait presque plus d'incoordination motrice. Le
malade sortait seul avec une canne, et faisait plusieurs kilomètres
par jour. La démarche est devenue régulière et sûre. Quand on
le voyait marcher, on ne se serait pas douté que cet homme était
atteint de tabes dorsalis.
Il a appris à faire correctement tous les exercices, même les
plus difficiles (se tenir sur une jambe, marcher sur la pointe des
pieds, marcher à reculons, marcher les genoux fléchis, etc.). Le
signe de Romberg s'est atténué à un tel point, que le malade peut
rester debout les yeux fermés et "même les pieds joints. Il peut
marcher les yeux fermés et dans l'obscurité. Le seul exercice qu'il
n'a pas pu apprendre c'est la course. Le malade ne peut toujours
pas courir. Les douleurs fulgurantes se montrent moins souvent
et sont beaucoup moins intenses. Le malade souffre également
moins de sa cuirasse. La sensibilité profonde (musculo-articulaire)
s'est beaucoup améliorée quoique plus lentement que l'incoordina-
tion motrice. Nous n'avons constaté cette amélioration qu'au bout
de six mois de traitement.
Le malade, a} anl1es yeux fermés, sent maintenant parfaitement
les moindres mouvement, qu'on imprime aux genoux et aux articu-
lations coxo-fémorales. Seuls les troubles dans les articulations
des pieds n'ont pas bougé.
Nous avons revu le malade le 8 avril 1896 et nous avons constaté
que l'amélioration s'est maintenue.il n'est survenu aucun nou-
veau symptôme de tabes. Il y a toujours de l'insensibilité motrice
dans les articulations des pieds. Le malade nous dit y qu'il a des
jours où il marche moins bien, mais en général l'amélioration
obtenue l'année dernière s'est même, à son avis, accentuée.
(A suivre. )
RECUEIL DE FAITS.
Deux OBSERVATIONS DE TROUBLES VASO-MOTEURS
D'ORIGINE HYSTÉRIQUE;
Par Marcel 111AN(1EI111EK,
Interne 'des Asiles de la Seine.
- Les deux observations qui suivent de troubles vaso-moteurs
d'origine hystérique ont été tout récemment recueillies à l'asile
Sainte-Anne, sous l'inspiration de notre éminent et très honoré
maître, M. le Dr Magnan. Elles concernent, l'une, un oedème
angio-neurotique de la main; l'autre, des crises de frissons et
d'horripilations, avec dermographisme. *
L'oedème, qui fait le sujet de notre première observation,
est cet oedème bleu de Charcot qui envahit le plus souvent un
membre déjà paralysé ou contracturé, et offre, outre sa colo-
ration spéciale, une consistance dure, élastique, gardant mal
l'empreinte du doigt. Nous allons retrouver tous ces caractères,
aujourd'hui classiques, avec quelques variations et migrations
intéressantes. A rapprocher une des observations de E. Wils
et D. Cooper ', et surtout une de Higier2.
Juliette L..., vingt-sept ans, élevée dès l'âge de quatre ans aux
Enfants-Assistés, prétend avoir des crises nerveuses depuis l'âge de
dix ans. Elle entre en 1890 dans le service de Charcot, qui observe
sur elle l'oedème bleu, décrit par lui chez d'autres malades quelque
temps auparavant. Elle passe de là dans le service de M. Jules Voi-
sin, y reste deux ans et demi, est transférée à l'asile de Prémontré,
puis retourne chez elle à Brancourt (Aisne), où elle passe trois
mois, dit-elle, sans attaque. Mais à la suite d'une chute, l'état ner-
veux devient plus accentué encore, les crises recommencent. En
novembre 1895 la malade réapparaît à la Salpêtrière, chez M. Ray-
mond où les crises se chiffrent par 3 environ par semaine, et, le
1 E. Wils et D. Cooper. Brain, 1893.
* Higier. S7cl·l'élersbu·'s IVocheîischi,ifi, 1894.
TROUBLES VASO-MOTEURS D'ORIGINE HYSTÉRIQUE. 187
27 février 1896, elle entre à l'asile- Sainte-Anne, service de l'Ad-
mission. "
De taille moyenne, brune, elle est bien constituée, et présente
quelques-uns des stigmates physiques ordinaires de dégénéres-
cence. Légère asymétrie faciale, rétrécissement de la voûte pala-
tine, mâchoire inférieure carrée, dents légèrement crénelées,
développement du tubercule de Darwin à droite, adhérence du
lobule auriculaire des deux côtés.
Ordinairement calme, la malade est, à certains moments parti-
culièrement excitée. Elle a même été renvoyée de la Salpêtrière
comme « dangereuse dans-une salle de malades ».
En effet, dès les premiers jours, nous la voyons, vieille habituée
des hôpitaux, attirer l'attention sur elle par des crises de grande
hystérie, avec contorsions, grands mouvements- de ilexion et d'ex-
tension du tronc, vociférations, puis phase de somnambulisme,
avec hallucinations visuelles. Les crises se répètent à des inter-
valles irréguliers, mais de plus en plus rares à mesure que se pro-
longe le séjour à l'asile. Les contrariétés, la crainte des douches,
la suggestion, agissent puissamment sur leur production.
Caractère bizarre, mobile ; très peureuse, très émotive. Efforts
d'attention pénibles. Assez coquette, prétend qu'elle n'a que vingt-
trois ans. Perte fréquente de la mémoire, d'un moment à l'autre.
Aurait eu autrefois, - lof. Janet a bien voulu nous renseigner sur
ce point, des bouffées de délire mélancolique pendant lesquelles
le gavage à la sonde aurail été nécessaire.
Amyoslhénic généralisée. Parésie flasque des muscles fléchisseurs
et extenseurs des mains, qui ne peuvent ni l'une ni l'autre dépla-
cer l'aiguille du dynamomètre. De plus, contracture passagère par
intervalles, des fléchisseurs de la main gauche. Un tremblement
généralisé à petites oscillations, et d'ailleurs à rythme variable,
apparaît à certains moments (émotions, recherches médicales pro-
longées).
Aneslhésie à distribution très irrégulière : tout le côté gauche,
et le membre supérieur droit, en manche de veste. En arrière ne
persiste que la sensibilité du rachis et de la face postérieure de la
cuisse droite. Hyperesthésie ovarienne des deux côtés ; hyperesthé-
sie rotulienne aussi des deux côtés. Autres points hystérogènes sur
le dos de la main gauche et au niveau de la pointe du coeur.
Aneslhésie pharyngée. Parésie du droit externe gauche, hypéres-
thésie rétinienne. A l'ophtalmoscope, papille normale. Rétrécisse-
ment du champ visuel. Les tracés pris à l'appareil enregistreur
montrent un rythme 1 espiratoire normal. Au moment du rire, assez
fréquent, l'inspiration devient fortement bruyante et d'un timbre
rauque tout spécial. Pouls et température normaux. Urine de
quantité normal, non albumineuse. - Transpiration accentuée à
l'aisselle droite. La chemise est parfois absolument trempée.
188 RECUEIL DE FAITS.
Description de la main malade. - On est, dès le premier abord,
frappé par l'oedème très prononcé de la main gauche, que la
malade nous montre en la soulevant de l'autre main, restée seule
potente. La main est en continuation recliligne avec l'avant-bras,
qui, lui, est en pronation légère. Tout mouvement qui tendrait à
l'extension de l'articulation du poignet est possible, mais très
douloureux. La main est prise en entier, de 5 centimètres au-des-
sus du pli radio-carpien à l'extrémité des doigts. Ceux-ci tuméfiés,
sont raidis, les phalanges en extension, les extrémités légèrement
recourbées vers la paume. De plus ils se tiennent quelque peu
éloignés les uns des autres. Le pouce, également éloigné des
autres doigts, et en légère flexion, regarde la face palmaire.
L'oedème est dur. Le doigt donne sans doute une empreinle, et
une teinte blanche, mais l'une et l'autre disparaissent quelques
secondes après, 7 environ, sans laisser de traces. La coloration de
la peau est à peu près normale, avec marbrures rosées.
L'oedème n'est pas assez circonscrit au pourtour des articulations
pour qu'on puisse penser à un rhumatisme articulaire. L'immobi-
lité, la raideur de la main tout entière donneraient plutôt l'impres-
sion du phlegmon profond, et ce qui prête surtout à l'illusion,
c'est la prédominance de l'oedème sur la face dorsale. Là même,
se prolongeant sur l'avant-bras, se voit une forte cicatrice, répon-
dant à peu près à la ligne médiane du membre, d'une longueur de
9 centimètres et de 7 millimètres environ dans sa plus grande lar-
geur. C'est la trace de l'incision qu'avait pratiquée, en 1889, un
chirurgien, dans ce pseudo-phlegmon, et d'où du sang pur s'était
seul écoulé. D'ailleurs maintenant les piqûres ne laissent sourdre
que du sang noir. La face palmaire est également enflée, car
les plis digitopalmaires et digitaux forment comme autant de
brides entre lesquelles la peau bombe fortement.
La main est le siège d'une douleur vague, qui n'est plutôt qu'une
gêne, une pesanteur désagréable. La malade se plaint « qu'elle lui
fait mal au roeur » et empêche tout sommeil, ce qui est d'une singu-
lière exagération. Et cependant l'anesthésie y est complète, les
sensibilités à la pression, à la douleur, aux variations de tempéra-
ture étant totalement abolies. Un courant galvanique, de même
sens et de même intensité, est beaucoup plus vivement ressenti du
côté droit.
Quelques jours après, la main ne désenflant pas, nous l'exami-
nons après une exposition au froid un peu prolongée. L'oedème
présente alors une teinte générale nettement rosée, tachetée, au
milieu à peu près de la face dorsale, d'un piqueté rougeâtre. Les
doigts, toujours tuméfiés, sont d'un rouge accentué. Pas de chan-
gement de consistance. La blancheur à la pression s'efface aussi-
tôt. - D'autre part, une compression assez forte par un bandage
très serré, au pli du coude, donne, au bout de quatre minutes
TROUBLES VASO-MOTEURS D'ORIGINE HYSTÉRIQUE. 189
environ, une cyanose accentuée de la main et de l'avant-bras. La
coloration générale est alors d'un violet pâle, avec, par endroits, des
îlots arrondis, les uns d'un rose brique, les autres bleutés, dessinant t
ainsi des marhrures de nuances diverses. La circonférence de la
main a augmenté encore d'un centimètre. Sensation de fourmille-
ments, de lourdeur. Aucun changement d'altitude. Enfin l'élé-
'vation de la main, maintenue un certain temps, produit sur l'avant-
bras et principalement sur la face antérieure les mêmes taches
rouges brique, sur fond légèrement cyanosé. L'expérience est
interrompue au bout d'un quart d'heure, la malade accusant une
sensation de malaise cardiaque « une boule dans le sein gauche »
et étant prise d'éructations, ce qui lui arrive d'ailleurs assez sou-
vent par accès. A ce moment la température locale s'est abaissée
de 0°,8.
Mais la couleur rosée n'est pas la seule que puisse revêtir sponta-
nément la main oedématiée. Ayant en effet un matin, demandé à
la malade, au cours du sommeil provoqué, si la main n'avait pas
été d'un bleu plus net, nous ne sommes pas peu surpris de voir,
dans la journée même, apparaître cet oedème en l'espace de très
peu de temps, toujours à la main gauche. Enflée comme à l'ordi-
naire, elle présente alors une teinte générale bleu violacée, avec
marbrures de nuances plus foncées qui remonte un peu au-dessus
du pli radio-carpien, s'accuse au niveau de la face dorsale des ârli-
culations métacarpo-phalangiennes, et s'atténue sur les doigts,
légèrement rosés au contraire. De-ci de-là, des taches d'un rouge
brique dont la teinte se fond graduellement avec les parties envi-
ronnantes. La cyanose, très nette également sur la face palmaire,
remonte même sur la face antérieure de l'avant-bras. Une pres-
sion do 10 au sphygmomètre de Chéron donne une tache blanche
qui disparait quatre secondes après. A ce moment une pression de
ce genre sur la face dorsale provoque aussitôt la contracture des
fléchisseurs des doigts.
Deux heures après environ, la teinte bleue violacée vire au lilas,
et l'oedème disparaît, un peu plus lard, presque complètement.
Mais la main, même désenflée, présente un aspect spécial : elle est
souvent de coloration grisâtre, d'un gris lilas, surtout prononcé à
la base des doigts et, de plus, le centre de la face dorsale forme
une saillie arrondie d'oedème, d'empâtement chronique de la
dimension d'une pièce de 5 francs, dont l'aspect lisse, la teinte
blanc rosé, la consistance dure sont invariables. Les contours de
cette petite éminence se fondent avec les parties voisines. II y a là
un point extrêmement douloureux à la pression. Les doigts, à
musculature atrophiée, sont amincis.
En résumé, nous avons eu l'occasion d'observer : 1° l'état
normal, avec cependant persistance de cet épaississement
190 RECUEIL DE FAITS.
central ; 2° l'oedème avec coloration ordinaire de la peau, ou
plutôt coloration rosée; 3° l'oedème violacé (oedème caméléo-
nien de Higier). L'apparition de chacune de ces formes s'ac-
compagnerait, au dire de la malade, d'une sensation spéciale :
dans le cas d'oedème rosé, des fourmillements des doigts ; dans
le'cas d'oedème bleu, des élancements, particulièrement aux
mains, et semblant provenir du pli du coude ( ? ). C'est, ordi-
nairement, une sensation de chaleur qu'on retrouve dans le
premier cas, et de froid dans le second.
. Voici d'ailleurs la succession de ces différentes phases pen-
dant une période d'observation de douze jours.
27 avril. Une attaque, à la suite de laquelle la main commence
à enfler. Le massage, régulièrement pratiqué, n'empêche pas le
gonflement, qui, le 27 au soir, est bien accentué. Un ruban métrique,
faisant le tour de la main, et placé transversalement, au niveau du
pli d'opposition du pouce, donne 22 centimètres, alors que, du
côté sain, on n'obtient que 19 centimètres. Coloration normale,
légèrement rosée. Température de la main gauche, 24°,2 ; de la
main droite, 29°,2. - De chaque côté, au niveau de la queue du
sourcil, une plaque d'oedème assez régulièrement arrondie (3 centi-
mètres transversalement, 3 centimètres et demi en largeur) et de
coloration normale. La malade, triste, maussade, s'est impa-
tientée toute la journée, invectivant infirmières et malades. Sitôt
qu'on s'occupe d'elle, tout cesse comme par enchantement.
28. La main est toujours oedématiée, et présente les mêmes
dimensions que la veille. Sur la large bande rosée ; cicatricielle,
signalée plus haut, 8 ou 9 petites plaies elliptiques, transversales
et de la largeur même de la bande, encore toutes saignantes. La
malade se serait, la veille, fait frotter la main ave; une telle
vigueur que « la peau en aurait craqué ». Les mouvements bien
restreints cependant de la main ont déterminé la forme de ces
petites plaies. T. G. 21°,3; T. D., 2 ? 2.
29. L'oedème commence à diminuer légèrement. - T. G.
19°, G ; T. D., 260,4.
30. A 10 heures du matin, la main est totalement désentlée,
et la malade commence à pouvoir coudre. Néanmoins la préhen-
sion de certains objets présente des difficultés : il y a toujours,
nous l'avons dit, de la parésie et des fléchisseurs et des extenseurs.
Dans la journée : T. G. 27°,8; T. D., 28°,7.
1er mai. Une attaque, après laquelle la main gauche est très
peu enflée, sauf l'empalement central mentionné plus haut, qui
persiste toujours. Mais il y a eu transfert, et c'est à la main droite
d'être maintenant tuméfiée, rosée, vaguement douloureuse. Les
doigts sont gros, rouges, totalement raidis. La flexion ou l'exten-
TROUBLES VASO-MOTEURS D'ORIGINE HYSTÉRIQUE. 191
sion du poignet, très douloureuses, sont très difficiles à réaliser.
Anesthésie complète du membre. - Dimensions : G, 19; D. 21 1/2.
- T. G. 26°,5 ; T. D., 25°,6. 'Ce transfert, survenu sans sugges-
tion préalable, s'est, au dire de la malade, produit déjà une fois à
la Salpêtrière. '
La compression au pli du coude, l'élévation du membre donnent,
au bout de trois à quatre minutes, les mêmes signes physiques et
fonctionnels observés à gauche, quelques jours auparavant, dans
les mêmes conditions.
2. -Rien de particulier à gauche. A droite, l'oedème est un peu
plus accentué. D = 22. Douleurs vagues à la face palmaire du bout
des doigts. Sensation de froid telle que la malade expose sa main
au soleil durant toute la journée. T. G. 24° ; T. D. 27°.
3. A gauche, rien de changé. A droite, on trouve toujours
D = 21 1/2. - T. G. 25°,2 ; T. D. 25°,6. Apparition des règles.
4. Le matin, la malade refuse de se laisser masser la main,
crie, trépigne. Quelques heures après, la main droite, complè-
tement désenflée, présente sa teinte ordinaire, sauf une teinte
légèrement violacée au niveau de l'articulation métacarpo-pha-
1.`nôienne du troisième doigt. Mouvements normaux. T. G. 24°,6 ;
T. D. 25°,6. ' .
5. La malade, après avoir ressenti des picotements sur le front.
au niveau des sourcils et des paupières, présente subitement une
tuméfaction douloureuse au palper de certaines régions de la face,
ce qui lui donne une physionomie bizarre, la rend tout à fait
méconnaissable. C'est, sur le front, un oedème rigoureusement
médian, de forme régulièrement arrondie. Ce sont les sourcils
devenus de nouveau oedématiés, dans toute leur partie externe ; ce
sont les plis naso-géniens, qui sont effacés, les joues qui sont
bouffies, la lèvre supérieure enfin, qui, fortement tuméfiée, s'avance
de 1 centimètres et demi environ au-devant du niveau de la lèvre
inférieure. La mastication et surtout la parole sont difficiles. La
prononciation est tout à fait viciée. La malade très irritable pleure,
répète qu'elle ne guérira pas, etc. T. G. 28°,1 ; T. D. 26°. Tem-
pérature du sourcil : 30°,3.
Les zones anesthésiques présenlent leur ordinaire disposition, si
ce n'est que, au membre supérieur gauche, l'anesthésie en manche
de veste s'est réduite en une anesthésie en gant, la sensibilité
reparaissant au-dessus du poignet.
Le soir, apparition d'une plaque d'oedème blanc, très légèrement
rosée, au-dessus de l'arcade crurale gauche, au niveau du canal
inguinal. Douleur excessive à la pression, alors que la région symé-
trique, du côté sain, est absolument indolore.
6.- Le matin, la malade est endormie par l'occlusion des pau-
pières et le commandement. On lui suggère d'être désentlée au
réveil. Dans la journée, la face redevient normale, à l'exception
192 RECUEIL DE FAITS.
d'une, légère bouffissure qui persiste à la queue du sourcil, de
chaque côté. - T. G. 29°,5; T. D. 31°,2.
Une légère pression exercée, pour en évacuer le pus, sur un petit
furoncle, de la face externe du bras droit, provoque une large
plaque d'urticaire douloureux, cuisante comme une aiguille, et qui
disparaît quelques heures après. -
~" 7. La joue est tuméfiée, particulièrement au niveau de l'angle
de la mâchoire, si bien qu'il semblerait, à première vue, qu'il y a
une double adénopathie sous-maxillaire, surtout prononcée du
côté droit. La bouche s'ouvre normalement, mais les mouvements
de mastication sont considérablement gênés. Les mouvements de
diduction et antéro-postérieurs du maxillaire inférieur sont dou-
loureux ainsi que les mouvements de haut en bas, particulièrement
à droite. La malade serre moins facilement les dents de ce côté.
T. G. 23 ? ; T. D., 26°,8. Les mains sont moites; la gauche est
très particulièrement mouillée de sueurs. Les traces d'oedème
persistent toujours aux sourcils. 1
8. La malade, ayant entendu dire qu'on la photographierait
aujourd'hui, se trouve subitement enfler de la main gauche (oedème
blanc rosé), et de la face.
9. 2 attaques convulsives de suite, après lesquelles la main
gauche est presque désentlée. D = 20 1/2. T. G. 29°,6 ; T. D.,
30°,8. L'oedème persiste aux sourcils, la température y est
de 33°, 3.
Dans la journée, à 4 heures, apparition, nous ne savons en l'es-
pace de combien de temps de l'oedème cyanotique typique tou-
jours à la main gauche, et se prolongeant sur une partie de la face
antérieure de l'avant-bras.
10. Il a de lui-même complètement disparu.
Notons que ces oedèmes blancs, en îlots, se sont accompagnés.
comme ceux des mains, de paralysie des muscles sous-jacents (diffi-
cultés de la mastication, de la déglutition, etc.).
S'il n'y a pas lieu d'insister sur le diagnostic aujourd'hui
banal -- de l'oedème bleu avec le phlegmon, puisque, dit Thi-
bierge, il « suffit d'avoir lu la description de Charcot pour le
reconnaître à première vue et à distance », il n'en est pas de
même de ces oedèmes blancs, multiples, à répétition. On ne
pourrait guère les confondre, il est vrai, qu'avec les dèmes
aigus de Quincke. On se basera, pour ces derniers, sur le rap-
port de la température avec leur apparition, les antécédents
rhumatismaux, l'absence d'accidents hystériques. Encore ceux-
ci ont-ils été notés dans un certain nombre d'observations, et
auraient-ils pu, pour quelques auteurs, être notés dans toutes,
s'ils avaient été suffisamment recherchés. Les oedèmes hvsté-
TROUBLES VASO-MOTEURS D'ORIGINE HYSTÉRIQUE. '193
riques peuvent être produits et guéris par l'hypnose. Nous
venons même de les voir suscités par la simple.suggestion
verbale, chez une personne, il est vrai, éminemment sugges-
tionnable, et depuis longtemps familiarisée avec la plupart des
procédés de recherche médicaux. A ce point même que l'on
pourrait penser tout phénomène subconscient mis à part
à une véritable simulation chez un sujet très enclin à se
rendre intéressant, s'il était possible, pour un prédisposé
naturellement,-de susciter artificiellement, en un temps relati-
vement court, un oedème par friction, pression, ou quelque autre
procédé. Le champ est si vaste des simulations hystériques !
La pathogénie de l'oedème bleu est encore moins élucidée.
M. Alélékoff l'a étudiée ici môme'. La vaso-motricité arté-
rielle, la vaso-motricité veineuse -, la transsudation séreuse
sont les trois facteurs peut-être indépendants les uns des
autres 3, dont les combinaisons diverses donnent, soit la syn-
cope blanche, soit la cyanose simple, soit la cyanose avec
oedème. Pour ce dernier cas, on ne peut que se rallier à l'opi-
nion d'Alélékoff. Le spasme des vaisseaux produit une gêne de
la circulation dans les artères comme dans les veines, et la
transsudation suit la stase sanguine, ce que favorise l'immo-
bilité du membre parésié ou contracturé. Nous pensons en
outre que, à la distension des capillaires dans l'oedème de teinte
blanc mat, ou normale, ou'rosée, vient surtout s'ajouter la
vaso-dilatation des veinules dans l'oedème bleu proprement dit.
Les placards violacés et rougeâtres signalés plus haut, et que
nous avons retrouvés également prononcés dans maints oedèmes
de mélancoliques, n'indiquent sans doute qu'une différence de
degré dans cette vaso-dilatation.
Pour ce qui est du spasme artériel, nous avons pu, en effet,
avec le sphygmométrographe de Philadelphien, constater une
forte hypertension à la radiale. Tandis que, du côté sain,
l'écrasement complet de l'artère est obtenu avec une pression
de 12e de mercure, et le maximum d'amplitude de la pulsation
avec une pression de 8, sur la main enflée il faut une pression
de 17 dans le premier cas, et de 14 dans le second. La ligne
d'ascension est alors très courte, dicrotisme nul, ligne de des-
' A. Alélékoff. Archives de Neurologie, mai 1896.
1 lîanvier. Compte rendu de l'Académie des Sciences, janvier 1895.
3 Roger et Josué. Société de biologie, juillet 1895.
Archives, 2e serie, t. II. 13
194 . RECUEIL DE FAITS.' '
cente 'très allongée. A droite, la forme de la pulsation est
normale. <A ce moment P = 84. - Nous avons obtenu les
mêmes résultats quelle que fût la coloration de l'oedème.
D'autre part, la stase capillaire doit amener un notable
refroidissement local, le rayonnement de la main étant consi-
dérable par rapport à sa masse, et le tissu adipeux sous-cutané
peu abondant, dans le cas particulier. Les mensurations de la
température locale, faites chaque jour sur la face dorsale, nous
- ont donné les résultats suivants : quand la main gauche est
désenflée, elle peut présenter, comparativement avec la main
droite, une différence de 1 à 2° en plus ou en moins. Quand
elle s'oedématie, la différence, toujours en moins, peut varier
del à 7°, l'écart étant d'autant plus considérable que la tempé-
rature extérieure est plus basse. Lors de la crise d'oedème à la
main droite, il y a eu d'abord abaissemeut deJ ? par rapport
à ,la gauche, restée normale, et, le lendemain, reprise de, la
température ordinaire. Il ne nous a pas été donné d'observer
les'relations de ces températures locales avec la température
générale, la malade étant restée apyrétique. Quant à l'élévation
physiologique de la température vespérale, elle tendrait plutôt
à atténuer les différences.
TROUBLES VASO-MOTEURS D'ORIGINE HYSTÉRIQUE. 191>
méningite, un est enfermé. à l'asile de Vaucluse et un dernier, de
sept ans, est scrofuleux.
Antécédents personnels. Aurait eu une première crise déli-
rante dès l'âge de sept ans ; ces crises seraient devenues de plus
en plus fiéquentes, de plus en plus graves, et maintenant le
malade devient, dans ces accès^ fort dangereux, brise tout ce qui
lui tombe sous la main. Entré à la Salpêtrière en 1889-1890, puis
à l'Asile clinique (25 juin 1890) avec le diagnostic suivant : Dégéné-
rescence mentale avec attaques hystéro-épileptiques graves, suivies de
troubles intellectuels et d'actes violents et automatiques. Points hysté-
rogènes. Relâché de Bicêlre, il reparaît une seconde fois à l'Asile
clinique le 16 juin 1892 pour son excitation et ses impulsions au
moment de ses paroxysmes convulsifs, puis une troisième fois le
5 juillet 1893, sa mère réclamant son internement. Transféré à Ville-
Evrard, il en sort le 25 mars 1894, n'ayant plus dé crises depuis six
mois. Ebauche d'attaque le 25 mai. Attaque complète le 18 juin, à
la suite de laquelle, sommé par un [agent de la sûreté de l'aider
à l'arrestation d'un voleur armé d'un revolver, il parvient bien à
s'emparer de l'arme, mais en échange assène àl'agent un violent
coup de poing. Traduit en justice, il est déclaré irresponsable sur
le rapport de M. leur Vallon, et du coup reparaît dans les asiles, où
nous le retrouvons (mai 1893) en pleine dépression mélancolique,
après une série d'accès. Enfin le 3 mars 1896, dans l'impuissance
d'exercer quelque profession que ce soit, et d'ailleurs d'un caractère
très mobile, trop aisément excitable, et sans nul esprit de suite,
il reprend de lui-même le chemin de l'Asile clinique, escomptant
sans doute son transfert à Ville-Evrard, dont il parait apprécier le
séjour tout particulièrement.
Etat actuel. C'est un homme de forte taille, bien musclé,
brun, à traits plutôt réguliers. Dents assez bien implantées ;
incisives supérieures légèrement crénelées. -Nous le voyons, dès
les premiers jours, mobile et changeant, prendre en affection
certains infirmiers, en haine les autres, s'impatienter souvent,
réclamer avec persistance son transfert, prétextant c qu'il s'ennuie
beaucoup ». Les crises qui auraient débuté à l'âge de sept ans,
consécutivement à une intervention chirurgicale sur les bourses ( ? )
s'élèvent à cinq ou six par jour à certains moments, mais ne se
produisent guère que deux fois par semaine maintenant. Chute,
avec cri, convulsions toniques et cloniques, arc de cercle, puis phase
délirante durant une heure, pendant laquelle le malade chante,
pleure, gesticule, exhale ses colères contre les infirmiers qui lui ont
déplu. Pas de morsure de la langue, quoi qu'il en dise. Pas de
perte d'urine. '
Sensibilité tactile, seulement conservée en avant, du côté gauche,
suivant une surface limitée en bas par le pli de l'aine et en haut
196 RECUEIL DE FAITS.
une horizontale menée par l'ombilic. Thermoesthésie conservée
seulement dans la moitié inférieure de la même région. En arrière
la sensibilité est limitée à une petite surface carrée répondant à
peu près à l'omoplate gauche, et à une zone plus vaste comprenant
les fesses et les faces postérieures et internes de la moitié supé-
rieure des cuisses, des deux côtés. Abolition du réflexe pharyngé,
du réflexe cornéen. La pression sur l'hypocondre gauche fait
bondir le malade.
Frissons. Ce sont les crises de frissons qui frappent surtout.
Brusquement se produit un tremblement aussitôt généralisé, et
après quelques secondes de frissons apparaît une poussée, généra-
lisée aussi, de petites élevures, dont est couverte la peau du thorax
antérieur, de l'abdomen, des membres, du cou, du front et même
du cuir chevelu. Ces petites éminences miliaires, d'une hauteur
d'un millimètre environ, examinées à la loupe, montrent toutes
en leur centre un poil, petit Ou gros, long ou court. En certains
endroits, au niveau du coude, par exemple, les follicules moins
nombreux et plus gros sont encore plus sensibles. C'est une érec-
tion de follicules pilo-sébacés, « une chair de poule » si géné-
ralisée qu'elle donne à toute la peau un aspect gaufré. Il y a, de
plus, un redressement des poils, qui rappelle « la limaille de fer se
dressant sous l'action de l'aimant (Barthélemy). La paume des
mains, la face plantaire des pieds où manquent les glandes sébacées
sont indemnes. Inutile aussi de dire que l'apyrexie est complète.
Ces crises de frissons peuvent se répéter à intervalles très rappro-
chés. Nous en avons noté vingt dans l'espace d'une heure, environ
une centaine dans la journée. En revanche le malade traverse des
périodes de huit à dix jours sans en éprouver. L'accès commencerait,
à ce qu'il prétend, « par un coup dans les reins, un mal au coeur » ;
il éprouverait une sensation d'angoisse, de mort prochaine, une
peur indéfinissable, puis une lourdeur spéciale c lui descendrait
dans les bourses ». Le frisson arrive ensuite, avec sensation d'horri-
pilation, le malade « sent ses cheveux D. Chose curieuse il n'y a pas,
à proprement parler, de sensation de froid. Durée moyenne de
l'accès, 20".
Ces frissons arrivent sans cause bien définie : pendant le repas,
dans un bain même chaud, dans le lit quand on découvre le ma-
lade. D'autre part la nuit, il esl réveillé à cinq ou six reprises diffé-
rentes, même s'il est bien couvert, s'il a bien chaud. Il se rendort
sitôt après. Enfin, il n'est pas rare de voir à un premier frisson, à peine
fini, s'en ajouter un second, et même un troisième en véritables
accès sub-intrants. Pas de dypsnée, nulle douleur, ni trace de
gêne quelconque.
Le pouls donne un tracé graphique à l'ordinaire normal : ligne
d'ascension droite, sommet aigu, ligne de descente d'inclinaison
TROUBLES VASO-MOTEURS D'ORIGINE HYSTÉRIQUE. 197
moyenne, interrompue en son tiers par une légère surélévation,
ébauche de dicrotisme. Pendant le frisson, il est notablement
moins élevé tout en conservant la même forme générale, et sa fré-
quence est diminuée légèrement.
Le dermographisme, avant qu'il ait été constaté médicalement,
était ignoré du malade. On le suscite facilement aujourd'hui en
passant un crayon mousse, ou simplement l'ongle, sur la peau de
la face antérieure ou postérieure du thorax (lieu d'élection). Sitôt
après, au milieu d'une indolence parfaite d'ailleurs, la trace appa-
raît sous forme d'une raie blanche, qui rapidement s'élargit en
bandelette : celle-ci rosée, légèrement foncée sur les bords, flanquée
de chaque côté d'une zone rougeâtre s'étendant sur une largeur de
3 à 4 milimètres. Trois quarts de minute après environ, la partie
médiane de la bandelette se fonce; les bords sont plus manifeste-
ment rouges. Il y a déjà légère surélévation. Au bout de trois minutes
à peine, la ligne a grossi, gonflé, pris un relief arrondi à l'extré-
mité « atteint le volume d'un cordonnet enfilé sous la peau »
(Barthélemy). En frictionnant légèrement, la surélévation devient
moins nette, mais persiste, la rougeur s'étend plus loin, mais reste
bien accentuée.
Un quart d'heure après, la surélévation s'affaisse, diminue de
longueur, disparaît. Au toucher on perçoit encore cependant une
légère saillie, insensible à la vue. Une demi-heure après, la rougeur
est encore visible, avec une légère zone pâle sur les bords.
Le dermographisme peut être suscité à quelque moment que ce
soit de la journée, et tous les jours, pendant tout le temps que le
malade passe à l'asile. D'autre part, L... prétend ne pouvoir man-
ger de poisson, sans que survienne une crise d'urticaire qui peut
durer huit jours.
Hyperhydrose. Les deux mains sont, par endroits, rouge violacé,
et cette teinte, variable avec les moments de l'examen, est surtout
accentuée sur la face dorsale; la face palmaire est humide, gluante,
également des deux côtés.
Elles sont sujettes à des crises paroxystiques de sueurs, égale-
ment bilatérales. Le malade ressentirait à certains moments une
sensation de froid aux mains, et c'est alors qu'il y aurait transpi-
ration. Ces crises ne coïncident pas avec les frissons, elles arrive-
raient plutôt après. Les pieds transpirent facilement, été comme
hiver. Enfin le malade attire l'attention sur ce fait que la
transpiration est très abondante à l'aisselle, tout particulièrement
à l'aisselle droite. On y voit, en effet, perler de grosses gouttes de
de sueur. Pas de ptyalisme; pas de sécrétion nasale exagérée.
Les émotions dans lesquelles il sent « le sang lui monter à la
tête », peuvent déterminer : soit des frissons qui peuvent alors se
répéter plusieurs fois de suite sans intervalle, soit une véritable
198 RECUEIL DE FAITS.
attaque. Elles n'ont en tout cas aucune influence sur l'hyperhy-
drose. ,
Ajoutons que le malade ne présente aucune trace d'une intoxi-
cation quelconque. La recherche des signes de l'alcoolisme, qui est
trop de tradition dans le service de l'Admission pour avoir été né-
gligée lors des entrées successives du malade, reste nulle. On ne
peut penser à une intoxication alimentaire chronique, chez un
individu n'ayant jamais éprouvé de troubles digestifs, et dont l'état
général, d'ailleurs, est excellent.
Il y a donc chez ce malade, en plus de troubles sécrétoires
(hyperhydrose) indépendants, en partie du moins, des phéno-
mènes vasculaires proprement dits, des troubles vaso-moteurs
que l'on peut attribuer : 1° pour le dermographisme, à la
paralysie des artérioles, suivie de ralentissement du sang dans
les veinules et de diapédèse, avec effacement consécutif du
calibre des vaisseaux (c'est l'oedème d'abord congestif, puis
anémique de Renaut); 2° pour les accès de frissons, au contraire,
à la contraction brusque, spasmodique, généralisée, de ces
mêmes artérioles cutanées ; en effet, qu'il y ait fièvre ou non,
l'ischémie est en rapport étroit avec le frissonnement et l'hor-
ripilation qui l'accompagne. ,
Ce sont là, au demeurant, avec les oedèmes circonscrits,
quelques-unes des modalités diverses par où se manifeste cette
prédisposition singulière des hystériques aux angio-neuroses,
cette véritable diathèse vaso-motrice (M. Gilles de la Tourette),
qui s'ajoute si souvent aux diathèses de contracture ou de
paralysie '.
Nous prions instamment nos lecteurs dont, l'abonne-
ment est expiré depuis le 1er JUILLET, de bien vouloir
nous faire parvenir le montant de leur abonnement en
une valeur sur Paris ou un mandat postal.
Pour ceux d'entre eux qui sont aussi abonnés au
PROGRÈS MÉDICAL, le prix des deux journaux
RÉUNIS est de 30 francs pour la France et l'Étranger.
1 Voir : Bourneville et P. Regnard. - Iconogr. pliologr. de a Salpé-
trière, passim.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES DE FRANCE
ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE.
SESSION DE NANCY.
Le Congrès de Médecine mentale et de Neurologie s'est
ouvert le 111 août, à Nancy, dans une galerie de la salle Poi-
rel. M. Stéhelin, préfet de Meurthe-et-Moselle, présidait, assisté
de M. le Dr Pitres (de Bordeaux) et de il. Vernet (de Maréville),
secrétaire général. M. le Préfet a ouvert la séance par le dis-
cours suivant qui mérite d'être reproduit.
Messieurs,
Je ne dois qu'à mes fonctions et à votre courtoisie l'honneur
d'ouvrir officiellement le septième Congrès des médecins aliénistes
et neurologistes de France et des pays de langue française. Nous
sommes heureux de compter dans nos rangs des délégués de la
Belgique, notre excellente voisine, et de la Suisse, République
soeur de la nôtre; la Russie même doit être représentée parmi
vous; on peut dire d'elle que son langage est parfois français et
que son coeur l'est toujours.
La présidence éphémère dont vous m'avez investi ne m'impose
que de courts et faciles devoirs. Vous attendez de moi de ne pas
vous infliger un discours où mon incompétence tenterait vaine-
ment d'aborder les redoutables problèmes réservés à votre science
et à votre dévouement. Je n'ai garde d'oublier que je parle de-
vant des mailres, que l'ombre de l'éminent Charcot plane sur
cette assemblée, que vos réunions étaient présidées hier par un
de ses plus chers et plus brillants élèves, M. le docteur Joffroy, .
professeur à la Faculté de Paris, et qu'elles le seront dans un ins-
tant par un autre de ses disciples, M. le docteur Pitres, le jeune et
savant doyen de la Faculté de médecine de Bordeaux. Je n'ai,
garde, non plus, d'oublier que je parle au milieu de professeurs et.,
de médecins qui donnent leur travail et leur vie à la lutte, trop
souvent inégale, entreprise et soutenue. contre le mal le plus ter-
200 SOCIÉTÉS SAVANTES.
rible dont l'homme puisse être atteint, parce qu'il est le signe de
son amoindrissement moral ou de sa déchéance intellectuelle.
Mais u'est-il pas permis d'espérer que la bataille longue et per-
sévérante nous ménage des victoires et que les maladies mentales
et nerveuses bénéficieront à leur tour des grandes et récentes dé-
couvertes dont l'immortel Pasteur a eu le mérite et dont la France
a eu la gloire ?
Chaque jour s'éclairent et se précisent l'étude intime du sys-
tème nerveux, la notion des résistances dont une nutrition expéri-
mentée peut doter l'oganisme humain, et le choix des armes les
plus propres à combattre les infiniment petits, nos adversaires les
plus redoutables.
L'ennemi, démasqué aujourd'hui, est plus facile à vaincre ; l'his-
toire naturelle des microbes et des bacilles se complète avec une
rapidité rare et se développe avec une sûreté toute scientifique ;
la physiologie de leurs sécrétions est magistralement fixée; aussi
vous ne tarderez pas à nous informer des réactions qu'elles déter-
minent sur le mécanisme nerveux et des moyens de les prévenir
ou de les réprimer.
Pour rendre votre labeur plus fécond et mieux faire fructifier
vos semailles, vous demandez instamment l'étroite communauté
de la chaire et de la clinique ; M. le docteur J oll'roy, à l'ouverture
de votre précédent Congrès, traduisait ce désir en termes entraî-
nants et bien faits pour convaincre. Nous souhaitons avec lui que,
pour le bien de la science et des malades, on arrive à resserrer
partout, dans un égal sentiment de conciliation et d'entente, les
liens qui doivent unir l'enseignement et la pratique des maladies
nerveuses et mentales.
Si ce voeu se réalise, vous aurez, Messieurs, un succès de plus à
porter à un avoir déjà bien largement rempli.
Cet avoir s'est récemment et grandement enrichi ; vous avez
trouvé, dans les derniers travaux des écoles française et italienne
sur l'hérédité, les dégénérescences et leurs causes, la raison de
mesures préventives dont l'expérience a prouvé l'utilité et l'impor-
tance, et auxquelles l'avenir ajoutera son contingent de décou-
vertes et d'améliorations. Vous marchez ainsi, d'un pas ferme et
assuré, dans la voie montante du progrès et nous entrevoyons le
jour où vos efforts, vos recherches, l'élan que vous donnent vos
assises annuelles, vous conduiront à des résultats encore plus décisifs
et défendront l'humanité contre la plus attristante de ses misères.
C'est sous l'inspiration de cette pensée et de cette espérance,
qu'à vous tous, soldats illustres ou éprouvés de cette rude et saine
campagne, je souhaite la plus cordiale des bienvenues au nom du
département qui vous accueille et de Nancy qui vous reçoit.
Je dois aussi vous remercier d'avoir choisi notre cité comme le
siège de votre Congrès. Je n'aurai qu'ailleurs aucune peine à trouver
SOCIÉTÉS SAVANTES. 201
et j'aurai quelque fierté à dire les motifs de cette détermination
que vous avez prise à Bordeaux avec un ensemble qui nous touche.
Vous avez voulu, d'abord, répondre au dessein qu'avaient formé
d'anciens camarades devenus des collègues autorisés.
Il ne vous déplaisait pas ensuite de vous réunir à côté d'un des
asiles les plus peuplés de France, de l'ancienne « renfermerie » qui
a pris peu à peu la forme et les proportions d'un village, de ce
vaste établissement que nous nous efforçons d'agrandir et d'amé-
liorer encore avec le concours d'un personnel modeste et dévoué
qui mérite le témoignage public que je lui apporte.
Vous avez tenu aussi, Messieurs, à vous rapprocher d'une Faculté
qui n'est pas étrangère au culte passionné que provoque l'étude des
maladies nerveuses ; elle a vu éclore ici, sous la poussée d'un esprit
vigoureux et sympathique, une façon d'école qui ne manque ni
d'intérêt ni d'éclat.
Enfin, messieurs, et je suis sûr d'être l'écho de vos sentiments les
plus vibrants et les plus profonds, vous avez entendu, en venant à
Nancy, au seuil de la frontière, vous mêler aux membres d'une
Université qui est l'héritière de l'Académie de Strasbourg et aux
professeurs d'une école de médecine qui a repris avec énergie et
qui porte avec dignité le drapeau enlevé aux mains des maîtres de
la Faculté alsacienne. Ces maitres étaient, les Sédillot, les Stolz,
les Schutzenberger, les Tourdes : cette école était illustre là-bas !
Il appartient à d'autres de dire si elle l'est redevenue ici ; mais il
m'appartient du moins d'affirmer que nous entourons notre Faculté
de médecine, d'affection et d'estime, parce qu'elle est restée fidèle
à ses grandes traditions, qu'elle a pieusement gardé la religion des
souvenirs, parce que, aux confins de la Patrie, elle soutient avec
honneur le bon renom de la France et qu'elle évoque, jusque dans
le domaine pacifique de la science, un passé qui n'est pas sans
grandeur et un avenir qui n'est pas sans espoir.
Après ce discours, chaleureusement accueilli, M. le président,
le Dr Pitres, a prononcé l'allocution d'usage et insisté sur
l'alliance de la Médecine mentale et de la Neurologie, pour
répondre à certaine tentative que nous avons signalée dans le
n° 31 du Progrès médical (p. 74).
Nous reproduisons le texte complet de ce discours, aussi
remarquable par le fonds que par la forme. M : Pitres a fait un
exposé complet des raisons de tous genres qni militent en'
faveur de l'union des aliénistes et des neurologistes. L'accueil
fait à ce discours indiquait, en quelque sorte, que la question
était tranchée. Nous ne pouvons que nous en féliciter dans
l'intérêt des médecins qui étudient l'une ou l'autre des deux
grandes sections des maladies du système nerveux. Nous nous
202 SOCIÉTÉS SAVANTES..
en félicitons également au point de vue de la science et de
l'avenir du Congrès. ,
Dans des réunions particulières, les aliénistes de carrière
ont résolu de provoquer tous' les ans, au cours des Congrès
annuels, une réunion dans laquelle ils discuteront les questions
professionnelles qui les concernent plus spécialement. Ils ont
décidé aussi que tous les aliénistes qui assisteraient à cette
réunion devront s'engager à faire acte d'adhésion au Congrès.
C'est là une bonne résolution. Voici maintenant le discours
de notre ami, le professeur Pitres. ,
Messieurs,
Je remercie bien sincèrement M. le préfet de lfeurthe-et-lfoselle,
des paroles aimables qu'il vient d'adresser au corps médical. Ce n'est
pas la première fois que nous recueillons dans nos Congrès l'ex-
pression de la sympathie des représentants des pouvoirs publics et
chaque fois que cela nous arrive, nous en éprouvons un grandejoie.
Vivant au milieu des malades, connaissant mieux que personne
leurs besoins matériels et moraux, nous avons tout naturellement
le grand désir de voir aboutir les réformes qui nous paraissent de
nature à adoucir l'amertume de leur situation.
Or, nous savons par expérience qu'aucune modification sérieuse
et utile ne peut être apportée à leur sort que par l'accord intime
et confiant des administrateurs et des médecins. Aussi sommes-nous
toujours heureux de voir les hommes, que leurs hautes fonctions
appellent à prendre part à la direction des affaires de l'assistance
publique, s'intéresser à nos travaux et nous encourager à pour-
suivre l'oeuvre philanthropique dans laquelle nous sommes leurs
collaborateurs les plus dévoués, et, j'oserai le dire, leurs conseil-
lers les plus sûrs.
Messieurs, le Congrès des médecins aliénistes etneuroglistes dont
nous allons ouvrir la Vlle session, dans cette belle et patriotique
ville de Nancy qui nous a généreusement offert l'hospitalité, est
maintenant entré dans les moeurs. Fondé en 1890, il a depuis cette
époque tenu régulièrement ses séances annuelles, et de plus en
plus affirmé sa vitalité par le nombre et la qualité des travaux qui
lui ont été soumis. La collection de ses actes renferme à côté d'une
foule de mémoires originaux et de discussions intéressantes des
rapports étendus et détaillés dont quelques-uns sont de véritables
chefs-d'oeuvre. Il est ainsi devenu un organe très important de dif-
fusion des sciences psychiatriques et neurologiques.
Créé en 1890, par les médecins aliénistes seuls, il devait tout
d'abord n'y être traité que des questions se rattachant directement
à la psychiatrie.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 203
Avec une conception très nette des conditions qui favorisent les
progrès et la science, ses fondateurs et ses premiers adhérents ont'
décidé d'en ouvrir l'accès à ceux de leurs confrères qui, sans être
des aliénistes de carrière, s'occupent plus particulièrement de l'é-.
tude si complète et si attachante des maladies du système ner-1
veux. Ceux-ci ont saisi avec empressement l'occasion qui leur était
offerte de lier des relations plus étroites avec les succeseeurs'et les'
émules des Pinel, des Esquirol, des Marc, des More), des Calnieil,
des Baillarger. Ils ont renoncé au projet qu'ils avaient formé de
créer un congrès de neurologie^ et se sont groupés avec joie
autour des maîtres éminents et des praticiens distingués qui se
sont acquis une juste notoriété dans la science des maladies men-
tales et de la médecine légale des aliénés. Le Congrès de médecine
mentale est alors devenu le Congrès des médecins aliénistes et
neurologistes de France et des pays de langue française.
Est-ce un bien ? Je le crois fermement. La division en deux' t
groupes séparés de l'armée des travailleurs s'occupant des mala-
dies nerveuses et mentales est tout à fait artificielle. Elle ne repose
sur aucune idée générale. Elle est en opposition avec la nature,
même des choses. Scientifiquement elle est irrationnelle. Pratique-
ment, elle aurait pour résultat, si elle était rigoureusement main-
tenue, de fréquenter l'étude des maladies qui sont unes et ne peu-
vent être bien connues que si on les envisage dans l'ensemble de
leurs manifestations dans la série entière de' leur évolution.
Remarquez, en effet, que la plupart des maladies mentales ne sont,
représentées dans les asiles d'aliénés que par des types accentués ou
compliqués dontles formes atténuées ou simples se rencontre ni cou-
ramment dans la pratique civile ou dans les hôpitaux, de telle sorte
qu'onserait exposéà n'avoirque des notionsincomplètes etparcon-
séquent erronées sur la paralysie générale, l'épilepsie, l'hystérie, la
neurasthénie, la chorée, etc., si on ne connaissait ces maladies que
par les cas qu'on peut observer dans les maisons spécialement con-
sacrées, au traitement des maladies mentales.
Inversement, il y aune foule de maladies, de syndromes ou d'épi-
sodes morbides qui, par leur nature, appartiennent en propre à la'
médecine mentale, et qu'on n'a jamais ou presque jamais l'occa-
sion d'observer dans les asiles d'aliénés; tels sont, par exemple, les
délires toxiques transitoires, les délires fébriles, les obsessions psy-
chiques conscientes, etc.
Enfin, il y a un bon nombre de maladies mixtes, qui s'accompa-
gnent parfois mais non pas toujours de perturbations psychiques et,
qui devraient conséquemment figurer ◀tantôt▶ dans le groupe des
cas appartenant aux neurologistes, ◀tantôt▶ dans celui ressortissant
aux aliénistes; de ce nombre sont la sclérose en plaques, le tabes,
le ramollissement cérébral et la paralysie générale elle-même dont
la variété non délirante est d'une incontestable fréquence : -
204 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Pour ces raisons, il est indispensable de compléter les unes par
les autres les recherches des neurologisles et celles des aliénistes.
Elles sont absolument solidaires. Elles marchent de pair. Elles ont
les mêmes objets, les mêmes tendances, les mêmes méthodes, le
même but. Elles ne doivent pas être séparées.
Cela est si vrai qu'il s'est toujours établi une sorte de pénétration
continue entre les études de pathologie mentale et celles de patho-
logie nerveuse, si bien que les grandes découvertes qui ont été
faites dans l'un de ces domaines n'ont jamais beaucoup tardé à
étendre leur influence sur l'autre.
C'est d'ailleurs là, il faut bien le reconnaître, un fait très général.
Nous puisons incessamment autour de nous des idées, des notions,
des doctrines qui ne nous appartiennent pas et dont nous nous
servons comme si elles étaient notre bien. Les sciences d'observa-
tion progressent beaucoup plus par les emprunts qn'elles font ainsi
de côté et d'autre aux sciences voisines que par les découvertes de
leurs propres adeptes. Un exemple, qui touche par un côté aux
rapports de la neuroglie et de la psychiatrie, nous est fourni par
l'histoire de ce qui s'est passé sous nos yeux lorsque se sont établies
dans la pathologie du système nerveux les doctrines de la dégéné-
rescence et, un peu plus tard, dans la pathologie mentale, celle de
l'infection.
Il y a une trentaine d'années, un aliéniste de carrière qui était
en même temps un observateur et un grand philosophe, Morel,
étudiant les conditions de production des maladies mentales, com-
prit le rôle capital que joue dans leur genèse l'hérédité patholo-
gique. Il traça dans ses leçons cliniques et dans son admirable
ouvrage sur les dégénérescences de l'espèce humaine,les principales
lois de l'hérédité dégénératrice. Cette notion, tirée uniquement de
l'étude des maladies mentales et appliquée uniquement par Morel
à J'étiologie des psychopathies et des nevroses, gagna bien vite du
terrain. Elle s'étendit à toutes les maladies nerveuses et les neuro-
logistcs en firent l'application à une foule d'états morbides dont
ils ignoraient jusqu'alors les véritables causes, tout comme s'ils en
avaient été les créateurs.
- Pendant que la doctrine de la dégénérescence s'étendait ainsi de
la pathologie mentale à la pathologie nerveuse, la microbiologie
préparait dans le silence des laboratoires les merveilleuses expé-
riences dont les résultats devaient quelques années plus lard péné-
trer triomphalement dans la médecine générale, transformer la
chirurgie par l'application des procédés antiseptiques et boule-
verser toutes nos connaissances sur la pathogénie des maladies
infectieuses.
, On ne pensait pas tout d'abord que la révolution dût se propa-
ger au delà des maladies générales, fébriles, épidémiques. Mais
bientôt nous apprîmes, non sans étonnement, que la rage était
SOCIÉTÉS SAVANTES. 205
.produite par un poison organique dont l'action nocive, épargnant
la plupart des tissus de l'économie, portait d'une façon élective sur
certains éléments des centres nerveux. Un peu plus tard, des expé-
riences rigoureuses démontrèrent que le tétanos était le résultat
de l'empoisonnement des centres bulbo-protubérantiels par des
toxines sécrétées par le bacille de Nicolaïes, et que les paralysies
diphtériques étaient dues à l'intoxication de la moelle épinière et
de la moelle allongée par les poisons engendrés par le bacille de
Loeffler.
Puis on nous montra que l'injection, dans le sang d'animaux
bien portants, de certains bouillons de culture microbiennes, pri-
vées ou non par le filtrage de leurs éléments figurés, pouvaient
donner lieu à des paraplégies franches, à des myélites infectieuses
aiguës.
On comprit alors que le système nerveux n'échappait pas aux
lois générales de l'infection et les neurologistes s'attachèrent à étu-
dier ses réactions et ses altérations en présence des agents micro-
biens. Ils reprirent avec des idées nouvelles, l'étude des névrites,
'des myélites, des encéphalites et reconnurent la fréquence de leur
origine infectieuse.
Ils constatèrent que le bacille de Hausen végétait de préférence
dans les nerfs périphériques où sa présence déterminait les troubles
sensitifs, les atrophies musculaires, les ulcères trophiques des extré-
mités caractérisant les formes anesthésique, atrophique et muti-
lante de la lèpre; que des névrites périphériques diffuses, irrégu-
lièrement disséminées succédaient assez souvent à l'intoxication
typique et se développaient parfois insidieusement dans le cours de
la tuberculose pulmonaire.
Que, dans beaucoup de cas, les inflammations aiguës de la moelle
et du cerveau étaient manifestement provoquées par des microbes
ou par des toxines microbiennes, et que même certaines lésions
organiques des centres nerveux, telles que celles de la paralysie
infantile, de la péri-encéphalite, de la sclérose en plaques étaient la
conséquence probable d'infections anciennes ayant déterminé des
lésions locales indélébiles. Enfin, des statistiques aussi importantes
par le nombre des cas sur lesquels elles portaient, que par l'auto-
rité scientifique de leurs auteurs, montrèrent que le tabes avait des
rapports de causalité avec la syphilis et que loin d'être, comme on
le pensait communément, une maladie constitutionnelle dérivant
de l'hérédité arthritique, il représentait vraisemblablement, lui
aussi, une des formes par lesquelles peut se manifester l'infection
des centres nerveux. ·
En même temps ils étudièrent de près l'étiologie des névroses
et contrairement aux opinions anciennes et d'après lesquelles
l'hystérie, l'épilepsie, la neurasthénie étaient des maladies héré-
ditaires, ils établirent que dans certains cas elles succédaient
'206 .SOCIÉTÉS SAVANTES.
manifestement à des empoisonnements infectieux de l'organisme.
Les aliénistes qui étaient restés jusque-là étrangers au mouve-
. ment qui se passait auprès d'eux, commencèrent à se préoccuper
sérieusement des doctrines nouvelles qui jetaient un jour si im-
prévu sur la pathogénie des maladies nerveuses et à en appliquer
les principes à l'étude, de l'étiologie des maladies mentales. Leurs
travaux se succédèrent alors rapidement. Les recherches que firent
plusieurs d'entre eux sur les rapports de la syphilis et de la para-
lysie générale, recherches dont une bonne partie a été communi-
quée aux Congrès de médecine mentale de 1890 et 1891, ouvriront
la voie. Le remarquable rapport de MM. Régis et Chevalier-Lavaure
sur les psychoses par auto-intoxication, mit en lumière des faits
de nature à frapper tous les esprits non prévenus, et la plupart des
médecins aliénistes reconnaissent aujourd'hui que beaucoup de
cas de psychoses pures, de confusion mentale primitive, de manie,
.de mélancolie, de folies soit typhoïdiques ou soit grippales sont
engendrées ou tout au moins occasionnellement provoquées par
des infections accidentelles des centres nerveux.
Ainsi, dans cette question limitée, mais extrêmement impor-
tante de l'étiologie des maladies mentales et nerveuses, les alié-
nistes et les neurologistes se sont rendus à courte échéance de
mutuels services. Les premiers ont conçu et fixé la doctrine de la
dégénérescence qui s'est bientôt étendue à toute la pathologie
nerveuse, les seconds ont préparé l'accès dans la médecine mentale
de la doctrine de l'infection, doctrine dont ils avaient puisé les
éléments dans la médecine générale, laquelle les avait empruntés
aux travaux de laboratoire de notre illustre Pasteur et de ses
élèves.
La morale de ceci, c'est que nous avons tous intérêt à ne pas
nous enfermer dans des spécialisations trop étroites et trop exclu-
sives, à élargir le plus possible notre horizon. Un neurologiste
aurait une culture insuffisante s'il ne se tenait au courant des
progrès qui s'accomplissent tous les jours dans le domaine de la
psychiatrie et un aliéniste se priverait de précieux éléments d'en-
seignement s'il ne suivait d'un oeil attentif et curieux les recher-
ches qui se font dans le domaine de la neurologie.
Je ne veux pas, Messieurs, retarder plus longtemps l'ouverture
de vos travaux. Permettez-moi cependant, avant de terminer,
d'adresser de chaleureux remerciements à ceux de nos collègues
qui ont pris une part active à l'organisation de notre Congrès,
notamment à notre cher et éminent président de la session der-
nière, M. le professeur Joffroy, qui nous a puissamment aidés de
ses conseils et de son expérience, à M. le docteur Vernet, qui,
exerçant provisoirement et en quelque sorte sans mandat officiel
les difficiles fonctions de secrétaire général, s'est attaché avec un
dévouement au-dessus de tout éloge à nous préparer la réception
.SOCIÉTÉS SAVANTES. 207
dont le programme est entre vos mains, et à les rapporteurs
qui ont rédigé les remarquables monographies dont vous avez
déjà apprécié la valeur. ,. -
Permettez-moi aussi de vous remercier du très grand honneur
que vous m'avez fait en me confiant la présidence du- présent
Congrès. ,
Je vous en exprime ma profonde gratitude.
Au cours de la séance on apporte à M. le Président une
dépêche ainsi conçue : '
Les aliénistes de Moscou félicitent leurs collègues français à
l'occasion du septième Congrès des neurologistes et leur souhai-
tent le plus grand succès. 1
Signé : D's Korsakoff, Sowei, Maggillavitch, Kokusky,
Stoupine, Senudaloff, Thérian, Worobiefl, Pétroil, Sackanoff,
Stretzoff. · ' , "
Dans l'après-midi, à l'Institut anatomique, on a nommé
présidents d'honneur : M. le ministre de l'intérieur, M. MoNOD,
directeur de l'Assistance publique à ce ministère. M. STÉHÉLIN,
préfet de Nancy, M. HEYDENREICH, doyen de la Faculté de
Nancy, M.le professeur Bernheim (de Nancy), M.'le Dr MEN-
DELSOHN (de Saint-Pétersbourg) et M. le Dr LADAME (de
Genève). ,
Il est ensuite procédé à la nomination des membres qui doi-
vent assister le président. Sont nommés vice-présidents : .'
MM. Vallon et LAPOINTE; secrétaire général : M. -Vernet;
secrétaires des séances : MM. SELIGMAN et HARTENBERGER.
M. Régis, secrétaire général trésorier du précédent Congrès
apporte le compte financier du précédent exercice qui se chiffre
par un excédent de 708 francs.
Aussitôt après l'arrêté des comptes, il est procédé à la dis-
cussion du rapport de M. SÉGLAS sur les hallucinations de
l'ouïe. ' .
Pathogénie et physiologie pathologique des hallucinations de l'ouïe.'
M. le Dr Séglas. - « Un homme, dit Esquirol, qui a la convic-
tion entière d'une sensation actuellement perçue alors que nul
objet extérieur propre à exciter cette sensation n'est à la portée de
ses sens, est dans un état d'hallucination. » .. ' ,
La caractéristique de l'hallucination, dit Me Séglas, est'donc de
créer l'apparence d'un objet extérieur actuel, qui n'existe pas en
208 ' .SOCIÉTÉS SAVANTES. 1
réalité. C'est donc une forme pathologique de la perception voisine
et distincte de l'illusion d'une part, de l'interprétation délirante de
l'autre; par des exemples, l'auteur établit une opposition entre ces
différents phénomènes et passe ensuite à la distinction des hallu-
cinations proprement dites, des phénomènes décrits sous les noms
de fausses hallucinations (Michea), d'hallucinations psychiques
(Baillarger), de pseudo-hallucinations (Hagen, Kaudinky, Hoppe)
et d'hallucinations aperceptives (Kalbaum).
S'appuyant sur l'observation clinique, l'auteur passe en revue, à
propos des hallucinations de l'ouïe, successivement leur contenu,
leur point de départ, leur localisation sensorielle et leur degré de
complexité. De même qu'il existe trois degrés de perceptions
consécutives à l'impression auditive, il y a trois degrés dans l'hallu-
cination.
11 est des malades qui disent entendre des sons, de simples bruits
de nature indécise qu'ils traduisent par des onomatopées ou jugent
par comparaison (perception auditive brute). D'autres perçoivent
des sons diti'érenciés qu'ils rapportent aux objets qu'ils croient les
produire (perception auditive différenciée). D'autres enfin entendent
des voix articulant des mots qui représentent des idées diverses,
mais déterminées (perception auditive verbale). L'origine de
ces différents phénomènes hallucinatoires peut être périphérique
ou centrale.
Les hallucinations périphériques sont celles dans lesquelles le
processus hallucinatoire reconnaît à son origine une excitation de
la périphérie de l'appareil sensoriel correspondant.
La cause première de cette excitation peut résider dans l'appareil
sensoriel lui-même ou se trouver en dehors du sujet dans le monde
extérieur. D'où la division des hallucinations périphériques en hallu-
cinations périphériques objectives et hallucinations périphériques
subjectives.
Enfin, qu'il s'agisse d'hallucinations périphériques objectives ou
subjectives, l'excitation initiale peut porter sur l'appareil sensoriel
correspondant à l'hallucination ou sur un appareil sensoriel diffé-
rent. Ces hallucinations peuvent être ainsi distinguées en directes et
indirectes ou réflexes (Kahlbaul11).
Quant à la question controversée des hallucinations auditives
centrales, c'est-à-dire n'ayant comme point de départ aucune exci-
tation périphérique, objective ou subjective, l'auteur admet l'hypo-
thèse de l'origine intellectuelle par automatisme cérébral ou résul-
tant d'un système d'idées délirantes, lorsque l'on ne peut invoquer
ni une lésion crânienne ou cérébrale, ni une cause toxique ou
asthénique.
Pour l'hallucination périphérique, l'auteur aborde ensuite la
question de localisation sensorielle. Les bruits, lesparoles que l'hallu-
cinée dit entendre, peuvent, en effet, être perçus par les deux
SOCIÉTÉS SAVANTES. 200 r',
oreilles comme dans l'audition normale, l'hallucination est alors
bilatérale. D'autres fois, la perception hallucinatoire n'intéresse, au
dire des sujets, qu'une des moitiés symétriques du sens de l'ouïe,
elle ne se fait que par une seule oreille. C'est l'hallucination unila-
térale ou dédoublée de Michea.
Enfin, il est des cas complexes où l'hallucination auditive ne
constitue qu'un élément épisodique à titre de combinaison ou d'asso-
ciation hallucinatoire. Il peut y avoir association concordante des
troubles hallucinatoires, l'oeil voyant le personnage que l'oreille
entend par exemple, c'est une association des différentes sphères
sensorielles, mais il peut y avoir associations entre phénomènes de
même ordre, c'est alors l'hallucination dialoguée, la double voix
de More ! . Cette association s'accompagne parfois d'un certain anta-
gonisme entre les deux voix, il peut même y avoir dissociation
d'un côté à l'autre, l'oreille droite entendant un interlocuteur, la
gauche entendant la voix opposée. L'antagonisme n'existe pas
seulement entre hallucinations verbales de même nature, mais il
peut s'établir entre hallucinations verbales, motrices et auditives.
Quand il n'y a pas antagonisme, il y a généralement écho d'une
sphère hallucinatoire par rapport à l'autre; par exemple la sphère
psycho-motrice répétant l'hallucination auditive ou l'inverse (écho-
lalie hallucinatoire). Le rapporteur cite ainsi un cas, publié par nous,
d'hallucinations psycho-motrices graphiques combinées à des hallu-
cinations auditives initiales, le malade écrivant automatiquement
et inconsciemment sous la dictée de ses hallucinations de l'ouïe.
Au point de vue physio-palhologiquo l'auteur passe en revue les
différentes théories de l'hallucination : théorie périphérique ou sen-
sorielle ; théorie d'origine intellectuelle; théorie psycho-sensorielle
et théorie physiologique de l'éréthisme des centres corticaux.
Quel que soit le point de départ admis, l'intervention du centre
sensoriel cortical du sens considéré est indispensable pour que
l'hallucination se produise dans la conscience avec tous les carac-
tères de la réalité objective. La théorie de l'hallucination regardant
comme nécessaire l'intervention constante des centres corticaux est
donc, en réalité, celle qui rend le mieux compte du phénomène,
d'après les données anatomiques et physiologiques actuelles.
M. Séglas termine son rapport par des considérations psycholo-
giques sur le rôle des images mentales, leur extériorisation et leurs
lois psychologiques d'association. Arguant des obscurités qui
subsistent encore sur nombre de points relatifs à la psycho-physio-
logie de l'audition normale, l'auteur s'abstient d'émettre une
théorie générale de l'hallucination de l'ouïe, se contentant de reve-
nir sur la seule notion définitivement acquise de l'intervention
nécessaire des centres corticaux dans la production de l'hallucina-
tion. « Savoir, c'est connaître que l'on ignore, » conclut-il en ter-
minant. , <
Archives, 2° série, t. Il. 14
210 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Vallon. Sur la pathogénie des hallucinations de l'ouïe,
mon opinion peut se résumer ainsi : toute hallucination est un
phénomène d'origine centrale, cérébrale ; il n'y a pas d'halluci-
nation d'origine périphérique sensorielle. Les preuves de la propo-
sition que j'avance peuvent se tirer et de la physiologie et de la
pathologie. La plupart des psychologues considèrent l'hallucination
comme une exagération maladive du phénomène normal de la
représentation mentale, comme une représentation mentale exté-
riorisée. Or, cette proposition n'est pas exacte ou du moins ne con-
tient qu'une partie de la vérité. A l'état normal, nous avons la
faculté de nous représenter mentalement un objet auquel nous
pensons; cette faculté acquiert parfois une vivacité exceptionnelle.
Certaines personnes sont capables d'évoquer un souvenir avec une
force telle que l'objet se projette au dehors, s'extériorise. Il est des
peintres qui peuvent faire pour ainsi dire poser devant eux un
modèle déjà vu ou créé parleur imagination. 11 est des musiciens
qui, extériorisant leur pensée, arrivent à entendre un morceau de
musique déjà entendu, un air au sur et à mesure qu'ils le com-
posent. Dans certains cas, cette représentation mentale extériorisée
prend une intensité telle qu'elle devient presque incoercible et
échappe pour ainsi dire à l'action prématurée de la volonté; la
représentation mentale extériorisée s'impose avec une persistance
obsédants ! . Cet état est voisin de la maladie, mais n'est pas encore
l'état pathologique. Jusque-là, le sujet se rend compte qu'il est
facteur actif dans la production du phénomène, que celui-ci vient
de lui et non du dehors. Mais un pas de plus et l'état pathologique
est constitué : le phénomène se détache du moi, de la personna-
lité ; le malade n'a plus conscience qu'il joue un rôle actif dans la
production de ce qu'il voit uu de ce qu'il entend; il a franchi le Ru-
bicon ; il est sorti de l'état physiologique pour tomber dans l'état
pathologique. C'est cette inconscience de l'origine de la sensation,
qui, à mon avis, caractérise l'hallucination. En un mot, pour que
l'hallucination soit constituée, il ne suffit pas, comme le pensent la
plupart des psychologues, qu'il y ait extériorisation de la représen-
tation mentale, il faut encore que le sujet perde conscience de ce
phénomène. Comme on le voit, le passage se fait insensiblement
de l'état physiologique à l'état pathologique; la représentation
mentale se transforme progressivement par une série d'opérations
pour aboutir à l'hallucination; or, tous ces phénomènes successifs
sont essentiellement de nature cérébrale : il est donc logique de
considérer l'hallucination elle-même comme un trouble d'origine
cérébrale.
Une autre preuve delà nature cérébrale, et purement cérébrale,
des hallucinations se déduit de ce fait qùe les hallucinations
sont constamment en rapport intime avec les idées délirantes
du malade. C'est ce qui se passe, par exemple, dans le délire
SOCIÉTÉS SAVANTES. 211
des persécutions. Après une phase d'inquiétude vague, qui dure
souvent longtemps et revêt parfois les caractères d'un délire
hypocondriaque, le malade est pris d'une hallucination de l'ouïe.
Or, celles-ci correspondent aux idées qui le dominent depuis
longtemps; il y a un lien étroit entre elles et le délire : ce qui
indique bien encore leur origine cérébrale, leur caractère purement
psychique.
Le grand argument qu'on a fait valoir en faveur de l'origine
périphérique possible des hallucinations, c'est l'existence d'halluci-
nations unilatérales chez les individus atteints d'une maladie de
l'oreille du côté correspondant. Mais, si on examine de près tous
ces faits, on ne tarde pas à se convaincre qu'ils sont passibles d'une
interprétation tout autre que celle qu'on en a donnée, qu'il s'agit
là de sensations subjectives interprétées et non de véritables hallu-
cinations. Voici une observation qui montre bien la pathogénie et
la nature du phénomène improprement désigné sous le nom d'hallu-
cination d'origine périphérique ou sensorielle. Un homme est
atteint d'une perforation des deux tympans, son ouïe s'affaiblit
considérablement en même temps; il entend dans les oreilles des
bourdonnements, des sifflements, etc.; mais il se rend bien compte
de l'origine de ces bruits, il comprend bien qu'ils sont liés aux
lésions de ses oreilles. Pendant longtemps, pendant des mois, cette
conscience de son état persiste. Plus tard, sous l'influence de cha-
grins divers, il tomba dans un état mélancolique; bientôt sur - ? ce
fond mélancolique se développent des idées de persécution, en un
mot il devient malade du cerveau. Alors, mais alors seulement, il
interprète d'une façon délirante les sensations auditives qu'anté-
rieurement il appréciait à leur juste valeur; il se figure que ce sont
des gens qui lui sifflent dans les oreilles, qui lui disent des choses
désagréables. Ce qui s'est passé chez mon malade fait comprendre
le mécanisme des prétendues hallucinations unilatérales d'origine
périphérique. La maladie auriculaire donne lieu à une sensation
subjective, c'est-à-aire sans objet et celle-ci est interprétée par le
malade. Dans tous ces cas de lésions auriculaires, il se produit, en
somme, une impression subjective qui, est transmise au cerveau et
appréciée par celui-ci correctement ou incorrectement, suivant qu'il
est lui-même sain ou malade. On voit donc qu'il n'y a pas, à pro-
prement parler, d'hallucination d'origine périphérique.
On m'objectera encore les faits dans lesquels l'hallucination audi-
tive reconnaît comme point de départ, une excitation de l'appareil
auditif, venue de l'extérieur. M. Séglas a cité l'exemple d'une
femme qui, en entendant fermer une porte, s'est enlendu appeler
« vieille pouilleuse». Mais, dans ce cas là, il s'agit d'une personne
hallucinée habituellement et l'on ne peut pas dire que l'excitation
produite par le bruit de la porte a créé l'hallucination ; elle ne fait
évidemment que la provoquer.
212 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Depuis Esquirol, on définit l'hallucination une perception sans
objet. L'hallucination, en effet, consiste à sentir alors que rien
n'impressionne le sens, c'est une sensation moins l'impression qui
la produit habituellement; en un mot, ce qui caractérise l'halluci-
nation, c'est l'absence d'impression. Donc, tout phénomène qui a
pour origine une impression quelconque, par définition, n'est pas
une hallucination. Dans l'illusion aucontraire, il y une impression
sensorielle et c'est précisément sur ce caractère qn'est basée la
différence entre l'illusion et l'hallucination. Or, dans les phéno-
mènes que l'on désigne sous le nom d'hallucinations d'origine
périphérique, il y a, comme dans l'illusion, une impression péri-
phérique ; sans doute il existe une différence dans le lieu et dans
le mode d'impression, mais enfin il y a impression, en sorte que la
prétendue hallucination d'origine périphérique se rapproche plus
de l'illusion que de l'hallucination.
En résumé, dans tous les faits désignés sous le nom d'hallucina-
tion d'origine périphérique, il, s'agit de phénomènes différents de
l'hallucination; à des choses différentes, il importe, sous peine de
confusion, de donner des noms différents. A l'hallucination
psychique seule, il faut réserver le nom d'hallucination ; à la pré-
tendue hallucination d'origine périphérique qui n'a que les appa-
rences de l'hallucination, qui n'est qu'une psc2cdo-Ienllucivalion,
qu'une fausse hallucination, il convient d'appliquer l'appellation de
sensation subjective interprétée, laquelle indique bien l'origine et la
nature du phénomène.
La synthèse des troubles de la sphère auditive peut être repré-
sentée par le tableau suivant :
Troubles.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 213
214 SOCIÉTÉS SAVANTES.
réaction d'un centre moteur qui donne, sous l'influence de l'exci-
tation, tout ce qu'il peut donner, qui se comporte toujours de la
même façon, sous l'influence des excitants, quels qu'ils soient
(pathologiques ou électriques). L'hallucination auditive, à la sup-
poser fonction du centre auditif, supposerait une sélection parti-
culière parmi les multiples impressions emmagasinées. Au reste,
les affections qui s'accompagnent le plus souvent d'épilepsie corti-
cale (paralysie générale, tumeurs) ne sont pas celles qui donnent
le plus souvent naissance aux hallucinations auditives. De même,
celles dans la symptomatologie desquelles ces hallucinations
tiennent une grande place (délire de persécution) ne donnent pas
naissance à de l'épilepsie partielle. Donc, je crois la comparaison
plus spécieuse et plus séduisante que vraie.
En fait, l'hallucination auditive est un phénomène beaucoup plus
' complexe que l'épilepsie corticale, beaucoup plus intellectuel. Je me
trouve ainsi amené à prendre la théorie intellectuelle, telle du
moins qu'on la peut concevoir aujourd'hui, c'est-à-dire comme
impliquant l'intervention nécessaire dans les phénomènes halluci-
natoires de centres multiples, de tous ceux qui sont nécessaires à
l'évocation des images dont l'ensemble et la synthèse réalisent la
fausse perception. Indirectement, d'ailleurs, on peut prouver, par
la clinique, l'intervention de ces multiples éléments corticaux
(psychiques) dans la pathogénie des hallucinations. Qu'il s'agisse
des hallucinations des mystiques ou des persécutés, des hystéri-
ques ou des gens sains en apparence, même des alcooliques, on
retrouve, derrière et au-dessous, un état mental passager ou du-
rable, évident ou plus ou moins latent, qui les conditionne et les
explique.
En résumé, messieurs, je pense que le rôle du centre auditif,
bien que nécessaire, n'est pas suffisant pour produire l'hallucina-
tion auditive. Il n'intervient, dans la règle, que d'une façon secon-
daire et, dans tous les cas, accessoire. L'hallucination n'est pas un
simple délire des sensations, « c'est un véritable délire dans le sens
le plus général du mot ».
M. Régis rappelant les premières observations publiées par lui
d'hallucinations unilatérales, rapporte une nouvelle observation
dans laquelle l'hallucination se produit en écho, s'exacerbe à l'oc-
casion de nouvelles sensations réelles et n'exclut pas l'état de cons-
cience. Entendant un morceau de musique, par exemple, elle le
perçoit normalement, mais cette impression perçue se réveille
ensuite spontanément reproduisant d'une façon tyrannique les
sons déjà entendus, d'autant plus nettement que d'autres bruits
quelconques réels se font entendre au moment de cette sorte
d'hallucination- écho consciente. La lésion périphérique constatée
était une otite catarrhale. Des bourdonnements eutotiques mar-
quaient généralement le début des phénomènes hallucinatoires.
' SOCIÉTÉS SAVANTES. 2t8 NJ
' M. PAUL Garnier. En entendant M. Régis, j'ai compris mieux
que jamais la nécessité de s'entendre, au préalable, sur la véri-
table valeur des mots, et je ne pouvais m'empêcher de penser que
la plupart des phénomènes que notre collègue décrivait comme
autant de caractères d'une hallucination appartiennent, en réalité,
à l'illusion.
Voici un malade qui a des bruits dans les oreilles et ne peut
entendre une musique militaire, par exemple, sans que son oreille
soit désagréablement affectée, que les bruits s'accroissent et se
transforment. Est-ce là une hallucination vraie ? Il me semble diffi-
cile de l'admettre.
C'est une illusion subjective, rien de plus. En effet, il y a là, iL
l'origine du phénomène, une sensation réelle; l'oreille, influencée
pathologiquement, entend; d'abord bourdonnante, chantante
ensuite, elle finit par devenir bavarde, passez-moi le mot... Des
voix sont entendues, mais elles sont nées de bruits transformés et
ce point de départ sensoriel me suffit pour dire que la perception
n'étant pas sans objet, il ne peut y avoir hallucination au point de
vue clinique, cette différenciation entre l'illusion et l'hallucina-
tion est de la plus haute importance. L'existence ou l'absence
d'hallucination est un des plus précieux éléments de diagnostic.
Nous savons tous que le persécuté-persécuteur en reste presque
toujours à des illusions et des interprétations délirantes, tandis que
le malade atteint de délire chronique ou psychose systématique
progressive a nécessairement des hallucinations de l'ouïe. Je crois
que nous devons considérer comme réel le phénomène dénommé :
illusion, et je répéterai à ce propos la définition de Lasègue :
l'illusion est à l'hallucination ce que la médisance est à la
calomnie.
M. PARISOT (de Nancy) présente le cerveau d'un malade qui était
atteint pendant sa vie d'épilepsie partielle et qui présentait en
même temps des hallucinations de la vue et de l'ouie. Celles-ci se
montraient habituellement après les crises épileptiformes et
duraient pendant deux ou trois jours; quelquefois elles rempla-
çaient ces crises et paraissaient en être les équivalents sensoriels.
A l'autopsie, on a trouvé une tumeur située au niveau du lobe
frontal. La zone rolandique et le lobe temporal n'étaient le siège
d'aucune altération. -
M. Wladimir SERBSFI. - Je veux insister sur la théorie des hallu-
dilations psychiques, due à un auteur russe, Karvinski. Les alié-
nistes oublient toujours dans l'encéphale les centres sous-corticaux.
Or, Meynert pense que la perception réelle est toujours fondée sur
la perception de ces centres. Leur défaut de participation abou-
tirait non plus à une perception réelle, mais à une représentation \
sans objet. Dans les hallucinations, non seulement l'écorce, mais
216 SOCIÉTÉS SAVANTES.
les centres sous-corticaux sont troublés. M. Karvinski a développé
la théorie de Meynert ; dans les hallucinations psychiques, pseudo-
hallucinations, ou hallucinations motrices, le malade n'entend pas
ou ne voit pas comme un homme normal; il voit seulement menta-
lement, il n'entend pas le son extérieur, mais il entend seulement
dans sa tête comme un langage intérieur. Dans ces cas, les centres
sous-corticaux ne prennent aucune part dans la production des
phénomènes psychiques, c'est l'écorce seule qui les produit. Ainsi
les perceptions vraies exigent l'intervention de l'écorce et des
centres sous-corticaux, les hallucinations psychiques, celles de
l'écorce seule.
MM.MARiEetBoNNET.Fatt clinique pour servir à l'étude anatomo-
pathologique des hallucinations . Les auteurs s'appuyant sur une
autopsie de délirant chronique développent l'hypothèse d'une cor-
rélation possible entre certains phénomènes hallucinatoires et cer-
taines lésions corticales tardives. La lésion terminale des centres
sensoriels serait l'aboutissant d'un processus antérieur, d'éré-
thismes se traduisant tout d'abord par des hallucinations détermi-
nées. A défaut de documents anatomo-cliniques nombreux néces-
sitant une observation de longue haleine, les auteurs rappellent des
cas analogues déjà publiés (cas de Garnier, Linon', Féré, etc.).
MM. Vallon et Marie. - Sur un cas de délire chronique religieux
à hallucinations auditives et visuelles. - C'est l'observation d'un
délirant systématique mystique halluciné de l'ouïe à la suite d'un
coup de revolver à la tempe, tentative de suicide commise dans la
période d'inquiétude. Le malade entend un ennemi différent logé
dans chacune de ses oreilles, mais il perçoit alternativement chacun
d'eux des deux oreilles à la fois. Parvenu à la deuxième phase de
son évolution, il contemple des visions consolantes divines. Elles
sont peu nombreuses et toujours les mûmes, Dieu, la Vierge,
radieuses, immobiles et muettes, en un mot totalement différentes
des visions de l'alcoolique et en quelque sorte exclusives des hallu-
cinations auditives avec lesquelles elles alternent. Jamais les visions
ne parlent et on ne peut voir les ennemis qui parlent. Il semble y
avoir irradiation et alternance entre les deux éréthismes visuel et
auditif.
On en pourrait tirer des déductions au point de vue de laséméio-
logie spéciale et du mécanisme psychique des délires chroniques
mystiques.
. M. Séglas termine en résumant le débat. M. Vallon, parlant des
hallucinations périphériques, a réclamé un nom à part, et propose
celui de pseudo-hallucinations ; mais c'est là une expression qui
prêterait à confusion avec des phénomènes analogues, mais dis-
tincts, décrits par Kandwisky. Ce sont pour Kandwisky des repré-
sentations mentales fixes et persistantes, mais ne s'extériorisant
SOCIÉTÉS SAVANTES. 217
pas ; on les pourrait confondre avec les hallucinations motrices
étudiées par Séglas, dont elles diffèrent également ; c'est ce qui est
arrivé à Baillarger, qui décrit ensemble ces deux ordres de phéno-
mènes sous le nom d'hallucinations psychiques.
Celles décrites par Séglas correspondraient plutôt aux hallucina- \
lions de Kramer (motrices). M. Séglas considère les causes péri-
phériques comme tout à fait secondaires, tout en reconnaissant les
cas de Régis comme étant des hallucinations au sens de Tamburini.
Il se refuse à admettre 1'utiilatéraliLé hallucinatoire comme per-
mettant de défendre l'hypothèse d'une dissociation fonctionnelle
des deux hémisphères.
La raison des divergences d'interprétations et des difficultés d'en-
tente en ce qui concerne la distinction des hallucinations d'origine
périphérique et des illusions ou interprétations délirantes, tient à
ce qu'il existe des définitions et des théories différentes et il s'agi-
rait de se mettre d'accord sur une terminologie commune.
Tamburini considère comme hallucinatoire tout phénomène de /
perception ne reposant pas sur une cause réelle extérieure au ma- I
lade. Partant, les perceptions fausses basées sur des phénomènes l
réels, mais se passant dans les organes mêmes du malade, sont t
hallucinatoires; c'est cette théorie que le rapporteur a tout d'abord \
admise implicitement.
M. Pitres clôt le débat et la séance après avoir soumis au Con-
grès quelques curieux cas d'hallucination chez les amputés perce-
vant leur membre absent comme toujours existant ct soumis à leur
volonté. Il a observé 32 amputés; beaucoup ont une sorte de pied
fantôme au bout de leur moignon pour lequel ils prennent des
précautions, comme craignant le froissement dans les foules ou la
morsure par des chiens.
Cette fausse sensation tient, non à des habitudes psychiques seu-
lement, mais aussi à certains états de cicatrice hétérotopique, car les
modifications périphériques imprimées au moignon modifient l'illu-
sion comme par exemple le port du pilon ou son absence. Weir-Mit-
chell a démontré par de curieuses expériences que l'on peut faire
réapparaitre par l'éleclrisation le pied fantôme dans l'esprit de
vieux amputés qui en avaient perdu le souvenir; l'électrisation de
la cicatrice suffit souvent à faire réapparaître l'illusion.
M. Pitres a fait l'inverse et a fait disparaître le membre fantôme
chez des amputés ayant l'illusion précitée, et cela à l'aide d'un
procédé exactement inverse de celui de Weir Mitlcuell. Il cocaïnise
la cicatrice du moignon à l'extrémité duquel le malade objective
un pied imaginaire ; l'injection cocaïnique sous la cicatrice sup-
prime subitement l'illusion et toute représentation mentale du pied
fantôme devient et demeure impossible pendant toute la durée de
l'influence cocaïnique.
318 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Séance du lundi 3 août (matin). Présidence de M. Pitres.
Communications diverses.
M. Chocq a étudié l'hérédité croisée d'après l'expérimentation sur
les poulets particulièrement. Il a croisé deux races très différentes
et note que les coqs ressemblaient identiquement aux mères,
tandis que les poules ressemblaient aux pères. Pour éviter l'objec-
tion d'influence d'imprégnations antérieures, l'auteur a pris des
animaux vierges élevés par lui-même. Il a toutefois noté l'influence
manifeste de la vue seule sur les caractères morphologiques de la
descendance. Une poule séparée entièrement d'un coq de race
différente eut des poussins ayant quelques caractères de ce coq,
qui avait été placé en cage à portée de sa vue.
M. A. Voisin rapporte une observation détaillée de céphalée opi-
niatl'e avec lypémanie, idées et tentatives de suicide, liées à une mé-
ningite et à un lac séreux comprimant les circonvolutions frontale
et pariétale ascendantes gauches.
Cette malade fut traitée et guérie par l'opération de la cra-
niectomie, pratiquée par M. le Dr Péan. M. Voisin a été conduit à
celte intervention opératoire audacieuse et couronnée de succès
par l'observation antérieure d'une malade assez semblable, mais
qui mourut non opérée et qui fut trouvée à l'autopsie, atteinte
de pachyméningite localisée à la région fronto-pariétale droite.
M. A. Voisin donne ensuite lecture au nom de M. le Dr CLAUDE,
d'une série d'expériences sur les animaux, au sujet des myélites
consécutives à l'action de toxines microbiennes . L'auteur a expéri-
menté à ce point de vue la toxine du bactérium-coli, celles des
microbes diphtéritique et tétanique et du bacille pyocyanique.
M. CROCQ lit un travail sur l'acrocyanose que nous reproduisons
in extenso : .-
Avant de décrire le syndrome que nous désignons sous le
nom d'acrocyanose, il est nécessaire de dire quelques mots sur
deux maladies qui ont avec elle certaines ressemblances; nous
voulons parler de la maladie de Raynaud et de l'oedème bleu de
Charcot. Raynaud, dans sa thèse inaugurale, en 1862, a le
premier décrit une série de troubles circulatoires aboutissant à
la gangrène symétrique des extrémités. Ces phénomènes que
l'on désigne souvent sous le nom de maladie de Raynaud, se
présentent sous deux formes différentes : l'asphyxie locale et la
gangrène symétrique. L'asphyxie locale est, d'après l'auteur, le
premier degré de la gangrène quoiqu'elle puisse également se
manifester isolément sans que la personne qui en est atteinte
SOCIÉTÉS SAVANTES. 219
ne présente jamais aucun phénomène de gangrène. L'asphyxie
locale des extrémités peut revêtir deux formes distinctes que
Raynaud a appelées : la syncope locale et l'asphyxie locale
proprement dite.
Dans la syncope locale, l'extrémité pâlit, devient exsangue,
se refroidit, la sensibilité disparait et la partie atteinte reste
comme paralysée. Ce phénomène se produit ordinairement
symétriquement dans un ou plusieurs doigts; il se montre par
accès qui durent quelques instants, une heure ou même plus.
Les accès apparaissent souvent sans cause provocatrice, appré-
ciable ou bien à l'occasion d'une émotion, d'un léger abaisse-
ment de la température; ils ne s'accompagnent d'aucune dou-
leur, mais quelquefois il se produit à leur suite une réaction
avec sensation d'onglée.
Dans l'asphyxie locale, les extrémités prennent une teinte
cyanotique, soit blanc bleuâtre, soit ardoisée, soit même noi-
râtre ; la moindre pression détermine l'apparition d'une tache
blanche qui disparaît relativement lentement. Il n'y a en
général pas d'oedème et la sensibilité est abolie. La douleur
est presque constante, c'est un engourdissement pénible, une
sensation de brûlure, des élancements; après l'accès se déclare
une période de réaction avec fourmillements insupportables,
puis la peau reprend insensiblement sa coloration normale.
Dans l'intervalle des accès la peau présente un aspect sain. Ces
deux formes d'asphyxie locale peuvent s'associer et alterner ;
dans certains cas atypiques les douleurs sont surtout marquées
alors que les troubles circulatoires paraissent insignifiants.
La gangrène symétrique débute, d'après Raynaud, par une
des formes précédentes. Les doigts deviennent violacés, les
douleurs deviennent de plus en plus fortes. Puis une petite
phlyctène se montre, s'ouvre, persiste quelques jours et se cica-
trise. L'accès est terminé; mais bientôt les mêmes phéno-
mènes se reproduisent. Chaque ulcération laisse à sa place une
cicatrice dure, blanche, déprimée, qui à la longue donne au
doigt un aspect chagriné. Cet aspect parcheminé peut aussi se
produire sans phlyctènes : la peau prend alors une coloration
jaune en un endroit, elle se dessèche et se ride.
La gangrène peut encore se produire sans phlyctène : l'ongle
et la phalange deviennent noirs, un cercle inflammatoire appa-
raît autour des parties mortifiées, l'escarre se détache et la ci-
catrisation s'opère rapidement. La partie mortifiée est en
220 0 SOCIÉTÉS SAVANTES.
général beaucoup moins grande qu'on pourrait le croire : le
plus souvent la partie qui se détache n'a que 1 ou 2 milli-
mètres d'épaisseur. Mais les phénomènes gangreneux se repro-
duisent, les doigts s'effilent, s'indurent, les ongles sedéforment.
D'après Raynaud cette maladie comprend trois périodes : la
période d'invasion caractérisée par l'asphyxie locale, durant de
quelques jours à un mois; la période d'état, accompagnée
d'accès de douleur et de gangrène, durant une dizaine de jours;
la période d'élimination des escarres durant de vingt jours à
dix mois.
C'est la forme aiguë de la maladie; dans la forme chronique,
les accès sont intermittents, moins graves et ne se reproduisent
que rarement. La maladie de Raynaud est une affection du
sexe féminin; elle se produit généralement entre dix-huit et
trente ans. On l'a rencontrée chez des névropathes, des alcoo-
liques, des tuberculeux, des syphilitiques, des diabétiques, le
froid, les émotions, les troubles menstruels ont paru en être
souvent la cause.
L'oedème bleu, décrit pour la première fois par Charcot, en
1884, débute ordinairement brusquement, à la suite d'un trau-
matisme physique ou moral, par une paralysie, une parésie ou
une contracture d'un ou de plusieurs membres ; bientôt les
parties atteinles prennent une coloration d'un rouge vineux ou
d'un bleu noirâtre, elles sont le siège de douleurs parfois très
intenses et d'un oedème cutané très marqué. La pression déter-
mine une tache blanche et un godet qui s'effacent assez douce-
ment ; la température des membres atteints est abaissée de
plusieurs degrés. L'oedème bleu est permanent mais quelquefois,
après avoir disparu, il revient périodiquement; il n'occupe
généralement qu'un seul membre et siège toujours à son extré
mité. Les observations d'oedème bleu sont jusqu'à présent peu
nombreuses ; les auteurs sont loin d'être d'accord au sujet
de la pathogénie de cette affection. Charcot la croit duc à un
spasme des vaso-moteurs, Pitres l'attribue à leur paralysie,
Gaksewicz aune lésion de l'endothélium, Alelehofî admet,
avec la majorité des auteurs, que l'oedème bleu dépend d'un
spasme vasculaire, mais il fait remarquer que l'oedème estpré-
cédé de paralysie, de parésie ou de contracture du membre
atteint, conditions qui favorisent la stase et l'oedème; car la
1 Ilelelioir. Archives de A'ct'o/oyt'e, 1896.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 221
circulation du sang dans les veines est due non seulement à
l'action aspiratrice du coeur et de la cage thoracique, mais aussi
à la contracture des muscles qui chassent le sang des veines
pourvues de valvules dansune seule et même direction,c'est-à-
dire vers le coeur. C'est pourquoi, dans les cas passagers, la
disparition de l'oedème suit la disparition de la paralysie ou de
la contracture ; dans les cas durables, au contraire, les veines
se dilatent de plus en plus, les artères sont dans un état de
spasme permanent et la lésion des parois vasculaires se produit
sous la forme d'un gonflement et d'un décollement de l'endo-
thélium, d'hémorragies dans l'épaisseur des parois vasculaires
et de lésions cellulaires périvasculaires. Plus tard surviennent
des lésions des nerfs dont la nutrition est perturbée. Toutes
ces lésions ont été constatées par Alelekoff dans un cas d'oe-
dème bleu qu'il a eu l'occasion d'autopsier.
Le pronostic de l'oedème bleu est favorable pour les cas
passagers, il est grave pour les cas durables, à cause des
lésions profondes qu'il provoque après un certain temps.
Le traitement de cette affection doit s'adresser à l'hystérie.
La maladie à laquelle nous donnons le nom d'acl'ocyailosP
n'est ni la maladie de Raynaud, ni l'oedème bleu de Charcot,
quoiqu'elle se rapproche par certaines particularités de ces
deux affections.
L'acrocyanose débute insensiblement : la malade s'aperçoit
un jour que ses mains et ses pieds sont plus violacés qu'aupa-
ravant ; la coloration cyanotique existe d'une manière perma-
nente, mais elle est quelquefois plus accentuée à certains
moments de la journée ; la cyanose existe sur toute l'étendue
des mains; vers le poignet elle diminue insensiblement; elle
est également très accentuée aux orteils, mais à la face dorsale
du pied elle diminue progressivement. Cette coloration vio-
lacée est surtout marquée à la face dorsale des mains et des
pieds, leur face palmaire et plantaire est moins bleue et leur
coloration se rapproche plutôt du rouge. Ces modifications de
couleur s'accompagnent d'altérations de la calorification locale
et de la sudation : le dos des pieds et des mains est glacé et
sec, tandis que leur face plantaire et palmaire est recouverte
d'une abondante transpiration. La pression détermine, comme
dans la maladie de Raynaud et comme dans l'oedème bleu, une
tache blanche qui ne se dissipe que lentement.
Le phénomène de l'asphyxie locale ou du doigt mort peut se
222 2 SOCIÉTÉS SAVANTES.
montrer parfois mais il est plutôt rare. Si l'on couvre forte-
ment les extrémités atteintes, le refroidissement et la cyanose
n'en persistent pas moins.
L'acrocyanose peut persister pendant des mois sans aucune
tendance à la production-de phlyctènes ou de gangrène ; elle
~est susceptible de guérir et ne constitue pas un phénomène
grave. Elle diffère de la maladie de Raynaud par son carac-
tère permanent, par l'abssnce d'asphyxie locale et par l'ab-
sence de tendance à la production de phlyctène ou de gan-
grène ; elle se distingue de l'oedème bleu de Charcot par
l'absence d'oedème, de paralysie, de parésie et de contracture.
L'état général du malade est excellent, sa température nor-
male. Dans les deux cas que nous avons eu l'occasion d'ob-
server, l'acrocyanose s'est développée chez des hystériques ;
aussi croyons-nous que ces phénomènes dépendent des troubles
circulatoires vaso-moteurs provoqués par la névrose hysté-
rique. -
La première malade que nous avons eu l'occasion d'observer était
alitée, à l'hôpital Saint-Pierre, dans le service de notre maître,
M. le professeur Rommelaere. Elle était âgée de vingt ans et était
entrée à l'hôpital en novembre 1895, pour un rhumatisme ai ticulaire
aigu. Son hérédité était peu chargée : mère morte en couche, père,
âgé de soixante-dix ans, bien portant; deux frères et soeurs bien
portants, un frère mort en bas âge.
Comme antécédents personnels, elle ne signalait quedes accidents
hystériques. Elle était bien réglée. Pendant le cours de son rhuma-
tisme, nous constatâmes des accès hystériques, du tremblement
émotionnel passager, un rétrécissement du champ visuel et des
plaques d'anesthésie. Environ quinze jours après son entrée à l'hô-
pital, Philomène van D... commença à tousser, l'examen de la
poitrine dénota une pleurésie droite avec épanchement.
Au commencement de janvier 1891, nous fûmes frappés par la
coloration spéciale des extrémités qui présentaient tous les signes
de ce que nous avons appelé l'acrocyanose. Cette particularité exis-
tait, au dire de la malade, depuis deux mois, et avait débuté in-
sensiblement ; la cyanose était permanente quoiqu'un peu plus
accentuée à certains moments de la journée; les douleurs étaient
insignifiantes, la sensibilité persistait, peut-être était-elle diminuée,
mais elle n'était sûrement pas profondément altérée. Philomène eut
encore dans la suite des accès d'hystérie; sa pleurésie guérit; mais
l'acrocyanose resta toujours identique. La malade quitta l'hôpital
en avril complètement guérie de son rhumatisme articulaire et de
sa pleurésie, mais toujours hystérique et acrocyanotique.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 223
La seconde malade chez laquelle nous avons constaté l'acrocya-
nose, vint nous trouver en février dernier pour être guérie de ses
attaques de nerfs; elle était âgée de vingt-deux ans et avait des
crises hystériques depuis environ trois ans. Comme antécédents
héréditaires, il n'y avait que de l'hystérie du côté de la mère; elle
était enfant unique.
Comme antécédents personnels, rien que l'hystérie. La malade
portait tous les stigmates de la névrose. Elle était bien réglée. La
coloration cyanotique des mains nous frappa aussitôt; elle était
identique à celle qu'avait présentée Philomène van D... Leur face
dorsale était froide et sèche, leur face palmaire était recouverte
d'une transpiration froide. Les orteils et la partie adjacente du
pied présentaient les mêmes caractères. La sensibilité était nor-
male aux extrémités. La malade affirma être atteinte de cette
infirmité depuis un an environ; elle dit que ses mains et ses
pieds avaient insensiblement changé de couleur, qu'ils s'étaient
refroidis, et que leurs faces palmaire et plantaire étaient conti-
nuellement humides. Elle n'avait jamais ressenti de véritables dou-
leurs dans les extrémités atteintes, tout au plus avait-elle perçu
quelques fourmillements; jamais ces extrémités ne reprenaient leur
coloration ordinaire, jamais la cyanose ne s'était manifestée sous
forme d'accès, jamais il n'y avait eu de phlyctènes ni d'oedèmes.
Nous instituâmes un traitement antihystérique : antispasmodiques,
hydrothérapie, électrothérapie, traitement moral et hygiénique.
Les symptômes névrosiques s'amendèrent rapidement; les mains
et les pieds récupérèrent insensiblement leur coloration et leur
température normales; au bout de deux mois de traitement, la ma-
lade ne présentait plus aucun symptôme morbide.
, Ces deux observations montrent bien ce qu'il faut entendre,
à notre avis, par acrocyanose : c'est une cyanose des extrémi-
tés, ressemblant à celle de la maladie de Raynaud et à celle
de l'oedème bleu de Charcot, mais en diférant par plusieurs
caractères importants. Tandis que la cyanose de Raynaud se
manifeste par accès suivis d'une période de réaction, qu'elle
s'accompagne souvent de douleurs très vives, qu'elle alterne
avec la syncope locale, qu'elle favorise la production de
phlyctènes et de gangrènes, qu'elle amène l'abolition de la
sensibilité cutanée des parties atteintes, l'acrocyanose est per-
manente, donne lieu à des douleurs peu intenses, ne s'accom-
pagne le plus souvent pas de syncope locale, ne provoque pas
l'apparition de phlyctènes «ou de gangrènes et ne produit
aucune abolition de la sensibilité. L'oedème bleu de Charcot se
caractérise par une cyanose avec oedème accompagnant une
234 Il. SOCIÉTÉS SAVANTES.
paralysie, une parésie ou une contracture et donnant lieu à
des douleurs très intenses; l'acrocyanose au contraire se
montre sans oedème, sans paralysie, sans parésie, sans dou-
leurs bien intenses.
La maladie de Raynaud,-comme l'oedème bleu de Charcot et
comme l'acrocyanose, reconnaissent toutes trois pour cause des
perturbations des centres nerveux, mais cette dernière affection
nous semble être plus spécialement un phénomène hystérique
vaso-moteur. On trouvera certes des cas atypiques au sujet
desquels il sera difficile de se prononcer ; il n'en est pas moins
vrai que l'acrocyanose typique existe. Son pronostic est essen-
tiellement bénin et son traitement, dans les cas analogues à
ceux que nous avons observés, se résume dans la médication
antinerveuse.
M. Ballet, en son nom, et en celui de M. 13¡USS.\UD, rend compte
des résultats de ses recherches histologiques sur les centres médul-
laires dans les cas de section de nerfs périphériques (sciatiques) et
anémie de la moelle, par compression de l'aorte abdominale
chez le cobaye. Dans ce dernier cas, il y a une paraplégie plus
ou moins durable, selon la durée de la compression. L'examen
microscopique, par le procédé de Nissl, montre que la cellule
quadrangulaire, qui est à bords concaves, avec noyau central, dans
l'état normal, perd ses granulations chromatophiles (exode du
noyau), s'arrondit, rompt ses prolongements, et aboutit à une
forme en sac, avec confusion finale du kinétoplasma et du tropho-
plasma. On peut observer différents degrés de ces altérations, sui-
vant qu'on provoque une anémie complète ou par reprises. Con-
trairement à l'opinion de M. Marinesco, il n'y a pas de différence
sensible, selon que la dégénérescence suit une section périphé-
rique ou une anémie spéciale.
A la suite d'une observation de paralysie générale de longu
durée, avec autopsie confirmative de M. le Dr Lapointe, une discus-
sion s'engage sur la question de l'évolution anormale et des
rémissions ou intermissions dans la méningo-encéphaiite.
MM. Charpentier, Régis, Séglas et Doutrebente y prennent part.
M. Annaux rappelle que les adhérences et les épaississements
méningés sont loin d'être significatifs à l'autopsie, étant donné
même que l'examen histo'.ogique n'est pas encore caractéristique,
tant qu'on ne sera pas d'accord sur la nature parenchymateuse ou
interstitielle du processus type. 1
M. Vallon. -Les cas de paralysie générale à longue durée, sans
être très fréquents, ne sont cependant pas aussi rares qu'on le
SOCIÉTÉS SAVANTES. 225
croit communément. Mais, à cet égard, il convient de distinguer
deux ordres de faits. La longue durée de la paralysie générale
tient le plus souvent à ce que sa marche, au lieu d'être progres-
sive présente des rémissions, c'est-à-dire des périodes pendant
lesquelles la plupart des symptômes s'atténuent plus ou moins ou
des intermissions, c'est-à-dire des phases où tous les symptômes
disparaissent pour constituer des guérisons temporaires. A côté de
ces cas il en est d'autres plus rares dans lesquels la maladie, sans
s'amender, à proprement parler, s'arrête à une certaine période,
se cristallise pour ainsi dire pendant des années. Il n'y a pas
alors rémission, encore moins intermission mais simplement arrêt
dans l'évolution. J'ai observé un certain nombre de faits de cet
ordre et j'ai dans mon service quelques paralytiques arrêtés
depuis plusieurs années, dont un depuis dix ans. Un de mes an-
ciens internes en a fait le sujet de sa thèse. Il serait très impor-
tant de pouvoir établir le pronostic de ces évolutions anormales.
Je ne crois pas qu'il existe de signes permettant de l'établir,
cependant je crois qu'elles sont bien plus fréquentes dans la
variété maniaque. Quant aux arrêts, ils surviennent généralement
dans la deuxième période, lorsque les malades prennent de l'em-
bonpoint.
M. SELIGM1N, au nom de MM. RAYMOND et Souques, donne lecture
d'une note sur la paraplégie spasmodique familiale et une autre sur
l'épilepsie partielle dans l'acromégalie. Les examens microscopiques
ont été faits dans ces différents cas. En particulier, l'acromégali-
que à épilepsie partielle fut trouvé porteur d'une tumeur de la
glande pituitaire comprimant la base crânienne. Les auteurs, en
raison de la constance, aujourd'hui reconnue, des altérations de la
glande pituitaire, estiment que l'épilepsie jacksonienne doit être
rangée parmi les complications fréquentes de l'acromégalie.
M. DOUTREBENTE communique la première partie d'un travail
(1189-1827) suri' Hospitalisation des épileptiques, idiots et aliénés dans
le département de Loir-et-Cher. Il montre successivement les alié-
nés placés avec les détenus politiques et condamnés ordinaires dans
les anciens couvents de Blois, à la maison d'arrêt, puis à la maison
de réclusion des Saintes-Mariés, et placés enfin, en 1827, dans un
petit asile situé malheureusement en un point où l'agrandissement
était impossible (bureau de bienfaisance actuel), en face le château
'de Blois, visité par le Congrès de 1892.
M. le Dr Doutrebente passe rapidement en revue certaines
pièces historiques très intéressantes, établissant que l'administra-
tion révolutionnaire avait organisé le secours représentatif en
argent à domicile pour les épileptiques, qui ne pouvaient être
maintenus dans les hôpitaux ordinaires.
M. le Dr RouBY cite un cas d'hallucination analogue à celui de
ARCHIVES, 2° série, t. H. 18
226 SOCIÉTÉS SAVANTES.
]\lUe Couesdon, cette personne de Paris'qui communique depuis six
mois environ avec l'ange Gabriel. La malade, qui fait le sujet de
cette observation, est atteinte de folie hystérique. Elle jouit d'une
très bonne santé et les symptômes hystériques sont très peu mar-
qués. Pendant treize années, M11" X... est atteinte d'hallucinations
de l'ouïe pendant le jour, et pendant la nuit elle entend des in-
jures et des accusations diverses; de plus, pendant la nuit, les
hallucinations de l'ouïe se compliquent d'hallucinations du sens
génital. En 1880, les hallucinations du sens génital cessent brus-
quement, à la suite d'une grande vision pendant laquelle un
ange, grand comme un homme, en robe blanche, une belle figure,
lui apparaît et lui dit : c Je serai tout pour toi et je ferai des
miracles en ta faveur; il a pâli de plus en plus et s'est évanoui. »
Depuis cette époque, M"0 X... est en communication avec l'ange
Raphaël et cause avec.lui, comme 1111° Couesdon cause avec l'ange
Gabriel. Si Mlle X... est seule, la conversation est silencieuse ; mais
si quelqu'un la prie de parler à l'ange, 1111° X... fait ses demandes
à haute voix et nous avons alors les conversations suivantes : Vou-
lez-vous demander à l'ange s'il fera beau temps demain ? ! \IUe X...
interroge l'ange : * Ange Raphaël fera-t-il beau temps demain ? »
Un temps de silence pendant lequel bill° X... écoute, puis elle
répond : « L'ange répond qu'il fera beau. » Ainsi de suite, toutes
les demandes et toutes les réponses se font de même. Comme il
arrive qu'une fois sur deux les faits se produisent comme elle les
annonce, quelques-unes de mes malades et d'autres personnes ne
sont pas éloignées de croire qu'elle dit vrai et qu'elle communique
avec l'ange Raphaël. En lisant les anecdotes racontées dans les
journaux au sujet de AIII° Couesdon, j'ai pensé que mon cas de
folie était similaire à celui de cette voyante et qu'il était intéres-
sant de les comparer.
Séance du 3 août (soir).
deuxième QUESTION.DU programme.
Séméiologie des tremblements.
M. le Dr Lucien LAMACQ. - On dit qu'une partie du corps tremble
quand elle décrit une série d'oscillations rythmiques de part et
d'autre de sa position d'équilibre ; non seulement les membres
peuvent être atteints mais encore les paupières, les yeux, les lèvres,
la langue, la mâchoire, la rotule...
Pour faciliter l'étude des tremblements, on peut les classer de la
façon suivante : 1° tremblements au repos (paralysie agitante) ;
2° tremblements dans les mouvements volontaires (sclérose en pla-
ques) ; 3° contractions anormales au repos (chorées); 4° contrac-
tions anormales dans les mouvements (ataxie).. ,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 227 7
On peut distinguer, en outre, selon l'intensité :
228 SOCIÉTÉS SAVANTES.
dits normaux que chez les nerveux constatés. L'auteur aborde enfin
l'étude des tremblements associés entre eux ou combinés à des
mouvements anormaux.
En résumé, la valeurséméiologique des tremblements est variable
parce qu'il y a de nombreuses formes de transition entre les divers
-types décrits, parce que certaines formes sont encore mal définies
et mal connues. Ils peuvent, dans beaucoup d'affections, n'être
qu'une manifestation épisodique sans grande importance. D'autres
fois, au contraire, ils constituent un symptôme de haute valeur
quand leur présence est constante dans une affection. Il serait utile
aussi de savoir dans quel cas le tremblement est un symptôme pure-
ment fonctionnel, dans quel cas il est la manifestation précise
d'une lésion organique. Il est impossible aujourd'hui de rien dire
à ce sujet de bien scientifique.
Le tremblement à forme vibratoire est extrêmement fréquent chez
des sujets en apparence normaux. Peut-être est-on en droit de
considérer le tremblement émotif, le neurasthénique et celui du
goitre exophtalmique comme une simple accentuation de ce trem-
blement que l'on rencontre chez plus de 40 p. 100 des personnes
en bonne santé.
Le tremblement de la paralysie générale parait vraiment carac-
téristique, au moins sur les tracés graphiques où l'on observe les
« décharges » sur lesquelles a insisté M. Chambard.
Quant à la trépidation épileptoïde, sa valeur séméiologique est
très grande, parce que sou aspect clinique est nettement défini et
que, de plus, elle correspond d'une façon presque absolument con-
stante à la sclérose des cordons latéraux. ,
M. Delmas communique une observation, recueillie dans son ser-
vice hydrothérapique de Saint-André, de tremblement et spasme
rythmé, avec stigmates hystériques tardifs, chez un jeune homme
de dix-neuf ans, paraissant avoir pour origine un traumatisme
remontant à cinq années. Guérison du spasme rythmé au bout de
deux mois et demi par l'hydrothérapie et la médication bromurée.
En voici les conclusions : 1° le tremblement et les spasmes rythmés,
dont nous venons de vous exposer l'histoire, semblent bien appar-
tenir à la catégorie de .ceux ayant pour cause première un trau-
matisme initial, mais avec cette circonstance rare, que le trauma-
tisme était bien antérieur au début du spasme rythmé. Et, par un
concours fortuit, celui-ci a accusé tardivement son caractère hysté-
rique, bien après son propre début; 2° il est donc sage dans tout
état névrosique plus ou moins obscur, dans ses origines et sa nature
propre, de réserver son jugement, et comme le recommandent
Charcot et ses savants successeurs, de songer toujours à l'hystérie,
avant d'asseoir son diagnostic définitivement ; 3° peut-être pour-
rait-on conclure encore de ce fait que, dans ses nombreuses trans-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 229
formations et manifestations locales, l'hystérie met le plus souvent
en jeu tour à tour l'ensemble du système nerveux céphalo-rachidien
et, sympathique, d'où l'indication naturelle pour combattre ces
manifestations plus efficacement, de s'adresser de préférence à des
thérapeutiques généralisant elles-mêmes leurs effets à tout l'orga-
nisme ; 4° dans le cas présent, bien que six mois se soient écoulés
depuis la guérison du spasme rythmé, on ne peut l'affirmer qu'avec
réserve de l'avenir, l'hystérique restant à l'état latent; 5° l'action
sédative et tonique tout à la fois de la médication hydriatique,
obtenue par certaines formules et secondée par les préparations
bromurées a été trop lente et graduelle, pour ne pas la considérer
comme ayant agi méthodiquement, et non pas seulement selon un
mode impressionniste accidentel ou par simple suggestion.
M. CeocQ fils. - Je ne suis pas de l'avis de M. Lamacq sur l'exis-
tence des tremblements à l'état normal ; je crois que les sujets que
l'on considère comme normaux et chez lesquels on a constaté du
tremblement étaient, en réalité, des neurasthéniques ou des alcoo-
liques. Je ferai remarquer, du reste, que M. Lamacq a expérimenté
sur des méridionaux, qui sont pour la plupart entachés de nervo-
sisme ou d'alcoolisme; c'est pour cela sans doute qu'il a rencontré
une proportion égale de trembleurs dans le sexe masculin et dans
le sexe féminin. Cette proportion, j'en suis convaincu, rerait modi-
fiée si l'on expérimentait sur les habitants du Nord. En Belgique,
en particulier, il y a beaucoup plus d'hommes qui tremblent que de
femmes, parce que les femmes sont peu émotives et que les hommes
sont souvent des alcoolisés. Ce qui démontre encore que l'alcoo-
lisme joue un rôle dans la production de ce tremblement, c'est que
celui-ci est beaucoup moins fréquent dans les classes aisées que
dans les classes pauvres où les habitudes d'intempérance sont plus
répandues.
En ce qui concerne les tremblements atypiques ou les associa-
tions des tremblements avec des mouvements ataxiformes et cho-
réiformes signalés par M. Lamacq, je crois que dans le plus grand
nombre des cas ils doivent être attribués à la coexistence de l'hys-
térie avec une affection organique..Chez une malade atteinte de
sclérose en plaques que j'ai observée et qui présentait, en dehors
du tremblement typique de cette affection, des mouvements aryth-
miques, j'ai pu faire disparaître par la suggestion les mouvements
anormaux surajoutés au tremblement de la sclérose en plaques; je
me crois donc autorisé à dire que les premiers relevaient de l'hys-
térie et je ne suis pas éloigné de croire qu'il en est souvent ainsi.
M. PARISOT. - nu tremblement chez les normaux. L'auteur
signale un dispositif spécial pour déceler le tremblement qui existe
chez tous les gens normaux, même à l'état de complet repos. L'ap-
pareil est dû à M. Meyer. ,
230 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. MEYER s'est mis gracieusement à la disposition des membres
du Congrès pour leur montrer son appareil très ingénieux, très
simple. Il a pris un certain nombre de tracés venant à l'appui de
la communication de M. Parisot.
M. Bernheim. Du traitement des tremblements par l'hypnotisme.
= Quels sont, parmi les divers tremblements, ceux qui sont cura-
bies ? Voici le résultat de ce que j'ai observé. Le tremblement hys-
térique, à moins qu'il ne se soit éternisé, est toujours curable
par suggestion : exemple, une fillette avait un tremblement de la
main droite ; elle ne pouvait marcher par suite d'une douleur
plantaire; ces accidents étaient survenus à la suite d'une émotion.
Je l'ai guérie par suggestion et non par hypnotisme.
Il en est de même de la chorée hystérique; ce n'est pas une
vraie chorée; c'est une chorée par imitation, par auto-suggestiun.
La chorée vraie résiste à la suggestion; on peut cependant dimi-
nuer \'amplitude des mouvements choréiques ; on fait disparaître
ce qui est névropathique ; on enlève ce qu'il y a de trop, au bout de
six semaines, après l'évolution de la maladie infectieuse qui sem-
ble être la cause de la chorée de Sydenham. Parfois la chorée s'é-
ternise par mise en branle de l'état nerveux : la suggestion arrête
alors le branle.
Le paramyoclonus multiplex récent est aussi curable de celte
façon ; l'entl'aZnemcnt suggestif à l'état de veille produit la guérison.
Le paramyoclonus mulliplex est en germe dans les secousses d'im-
patience de certaines personnes. A l'état de maladie, s'il n'est pas
ancien, incrusté dans les centres nerveux, il guérit par suggestion.
Dans la sclérose en plaques on peut aussi réussir par l'hypnose
et la suggestion à supprimer le phénomène tremblement inten-
tionnel ; ce symptôme n'est donc pas inhérent à la maladie orga-
nique : il peut être déterminé dynamiquement par les lésions. Dans
2 cas j'ai vu ainsi le tremblement disparaître.
Les tremblements pftst-hémiptégiques cèdent souvent aussi à la
suggestion. J'ai vu un homme atteint d'hémiplégie avec un trem-
blement à type de paralysie agitante. L'action psychique de l'ai-
mant a guéri ce tremblement..
Je ne voudrais pas dire cependant que tous les tremblements
post-hémiplégiques soient accessibles à la suggestion.
Les tremblements alcooliques et saturnins sont accessibles à la
suggestion.
Dans la paralysie agitante, le tremblement résiste absolument à
la suggestion : il est lié aux lésions organiques.
Dans la maladie de Basedow, on ne supprime pas davantage le
tremblement par suggestion.
MM. SABRAzÈs et Cabanes. - Nystagmus vibratoire de nature hys-
térique provoqué dans l'hypnose. - Le nystagmus s'observe parfois
SOCIÉTÉS SAVANTES. 231
spontanément dans l'hystérie. Ce nystagmus vibratoire ne ressemble
nullement aux oscillations inégales et assez lentes se produisant
surtout dans les positions extrêmes du regard qu'on observe dans
la sclérose en plaque. Le strabisme interne qui l'accompagne est
très remarquable parce qu'il persiste dans la vision éloignée, car
s'il est possible normalement de loucher en fixant un objet proche,
le fait est tout à fait extraordinaire quand l'un des yeux regarde
au loin. Ce nystagmus est accessible à la suggestion comme les
autres manifestations de la névrose. On peut le provoquer expéri-
mentalement chez des hystériques, alors que normalement il est
d'une simulation impossible.
M. A. Voisin signale ensuite quatre observations de malades
non hystériques, avec vibrations musculaires involontaires, per-
ceptibles à l'oreille à distance et incoercibles. Dans ces cas le
tremblement s'accompagne de bruits de craquement perceptibles
à distance.
M. GARNIER rappelle les études de M. Lefiliâtre surle tremblement
des alcooliques et signale l'intérêt de l'enregistrement des tracés
pour déceler l'action convulsivante des essences alcooliques (absin-
the, anis, etc.), dont l'ingestion produit des décharges spasmodiques
musculaires, lesquelles se traduisent dans le .tracé sphygmogra-
phique par des oscillations particulières plus vastes, accidentant
le tracé ondulé régulier et monotone de l'alcoolique simple non
absinthique.
M. Vallon. Un de mes élèves a trouvé, chez les paralytiques
généraux, un tracé à peu près identique à celui découvert chez les
absinthiques.
M. Régis. -Ces décharges ataxiformes, existant dans la paralysie
générale ne sont donc pas pathognomoniques des alcooliques absin-
thiques. ,
M. GARNIEit. J'ai voulu dire que le tracé des alcooliques absin-
thiques n'était pas identique à celui des alcooliques ne buvant pas
de l'absinthe.
M. Doutrebente. Je tiens à faire remarquer à M. Garnier que
ce qu'il met sur le compte de l'absinthe doit être mis sur celui de
l'essence d'anis et de l'essence de badiane qui entrent dans la
constitution des absinthes, à l'exclusion de l'absinthe vraie.
M. Parant appelle l'attention sur le tremblement de la langue
de certains mélancoliques, que l'auteur a remarqué être généra-
lement d'origine infectieuse. Quand on observe ce tremblement en
masse lent et comparable à celui d'une petite masse gélatineuse,
chez des mélancoliques on peut pronostiquer un état curable, non
héréditaire, mais plutôt infectieux.
232 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Charpentier, à propos des mélancoliques précités invoque
comme cause d'intoxication secondaire, même chez les mélanco-
liques héréditaires, les auto-infections par désordres gàstro-intes-
tinaux.
M. Régis va plus loin que-M. Parant et estime que le tremble-
ment lent de la langue est pathognomonique de toutes les étiolo-
gies infectieuses des psychoses non seulement mélancoliques mais
maniaques, y compris le délire aigu dont le pronostic est loin
d'être favorable, alors que M. Parant considérait ce signe comme
indice de curabilité.
M. Pitre5, revenant sur l'opinion de M. Bernheim concernant
l'action des aimants purement psychique selon lui, rappelle une
expérience de Schiff à laquelle il a assisté à la Salpê trière et qui
démontre l'action magnétique, indépendamment de l'action psy-
chique indiscutable. Avec une barre de fer doux entourée d'un
solénoïde, Schiff examina les malades de Charcot, lançant le cou-
rant à l'insu des malades et.de tout le monde et aimantant le fer
à volonté il releva l'action magnétique dans les cas d'aimantation
par le courant à l'exclusion de toute intluence sur les malades en
l'absence de courant et partant d'aimantation. Au sujet des malades
signalés par M. A. Voisin et présentant des contractions mus-
culaires bruyantes pouvant aller jusqu'à une sorte de claquement
tendineux, M. Pitres rappelle les sujets analogues offrant ce phé-
nomène susceptible d'être produit volontairement et déjà connus
parmi les médinms spirites, dits médiums frappeurs. Chez eux les
coups frappés soi-disant dans l'obscurité par l'esprit évoqué ne sont
autres que des bruits tendineux voulus ou inconscients, tout à fait
comparables aux bruits musculaires signalés par M. Voisin à pro-
pos des tremblements.
Séance du mardi 4 août (matin). Présidence DE M. Vallon.
TROISIÈME QUESTION DU PROGRAMME.
De l'internement des aliénés.
M. le Dr Paul GAai\IER. Considéré au double point de vue de
la thérapeutique et de la législation, l'internement des aliénés est
l'une de ces questions majeures qui se replacent, à de courts inter-
valles, comme par l'effet d'une nécessité admise par tous, sous le
champ de l'attention et de la discussion. '
Aucune n'est plus propre, en tous les cas, à servir de base aux
débats d'un Congrès de neurologistes et d'aliénistes ; et, si l'on peut
accorder qu'il est des sujets plus neufs, il faut dire aussi qu'il n'en
est point pour faire intervenir de plus graves intérêts et pour sou-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 233
mettre de plus sérieux problèmes à l'esprit du pliilosophe, du
législateur, du moraliste et du médecin.
Dans l'occurrence présente, il convient, pourtant, de lui recon-
naître un défaut : elle est infiniment trop vaste; autour d'elle gra-
vitent tant de sous-questions, qu'un volume ne suffirait pas à en
donner l'exposé complet. L'auteur a su tourner la difficulté d'une
aussi lourde tâche, en touchant successivement les principaux
points sur lesquels il importait d'orienter des discussions qui ne
sauraient manquer d'être utiles et fécondes.
Après un rapide historique de la question, il traite, en clinicien,
l'opportunité de l'internement en ce qui concerne chaque catégorie
particulière de malades ; c'est ainsi qu'il étudie successivement à
ce point de vue, le maniaque, le mélancolique, le paralytique, le
persécuté, les dégénérés et congénitaux, les convulsifs (épilepsie,
hystérie), alcoolisés et déments au sujet de ces derniers, il
signale l'amélioration entreprise par la série de colonies familiales
d'hospitalisation. On peut ramener à 17 points la conclusion du
rapport de M. Garnier.
I. Dans l'état actuel de nos connaissances en psychiatrie, l'iso-
lement reste comme la meilleure et la plus essentielle des mesures
à appliquer dans la plupart des cas au traitement de la folie. Son
efficacité est d'autant plus grande qu'il est effectué à une date
plus proche du debut de l'affection.
Il. - La qualification de dangereux appliquée à tel ou tel aliéné
ne suffit pas comme critérium d'internement, car on doit hospita-
liser également les malades avant qu'ils n'aient troublé l'ordre ou
menacé la vie de leurs semblables.
III. Les progrès réalisés en pathologie mentale et dans l'hos-
pitalisation spéciale tendent à la suppression des marques de con-
traste physique.
IV. - Les nécessités du traitement moral et pharmaceutique
exigeraient que les malades confiés à chaque chef de service fus-
sent beaucoup moins nombreux afin de pouvoir être suivis et étu-
diés de plus près.
V. Le traitement moral ne semble pas pouvoir prendre pour
base le système de l'intimidation par la menace ou l'application
d'une punition. Il emprunte sa principale valeur à l'autorité de
la parole du médecin et aux manifestations d'une bienveillance
affectueuse et inlassable que beaucoup d'aliénés savent encore
apprécier.
VI. Si l'asile moderne doit se faire riant, perdre de plus en
,plus le sombre aspect des établissements d'autrefois, s'annexer des
exploitations agricoles et donner,' dans la mesure du possible, à
l'aliéné l'image de la vie sociale, à laquelle son délire a contraint
234 SOCIÉTÉS SAVANTES.
de l'arracher, l'expérience n'est pas suffisamment faite relative-
ment à l'utilité des visites à volonté sans aucune réserve quant à la
période et aux phases de la maladie et sans fixation aucune de
jour et d'heure, comme le voudrait une nouvelle méthode.
Vil. Les sorties provisoires ou à titre d'essai dont on ne peut
méconnaître les inconvénients au point de vue administratif et
relativement aux manifestations de la capacité civile, présentent
pourtant des avantages prédominants en permettant d'opérer une
transition utile et d'octroyer la liberté en quelque sorte à titre
conditionnel.
VIII. Les plus grandes réserves sont commandées quand il
s'agit d'autoriser la sortie de certains malades que la logique
même de leur délire rend éminemment dangereux, les délirants
persécutés, par exemple, dont les efforts de dissimulation peuvent
parvenir à tromper le médecin et l'amener à croire à la disparition
de conceptions morbides, alors que celles-ci se cachent seule-
ment.
IX. - La diminution constatée, ces dernières années, dans la
proportion des guérisons est plus apparente que réelle et semble
due à l'encombrement de nos asiles par des chroniques dont l'in-
curabilité est, le plus souvent, causée par le retard apporté à l'in-
ternement.
X. La division de nos établissements spéciaux en asiles de
traitement et en asiles d'incurables présente plus d'inconvénients
que d'avantages et ne répond pas au progrès moderne. Mais il
importe de désencombrer les asiles des affaiblis et des séniles qui
n'y sont pas à leur place et pour lesquels l'assistance doit créer
des hospices que rien n'oblige à placer sous le régime de la loi sur
les aliénés.
Xi. - L'aliéné convalesçent ou guéri ne doit pas être abandonné
à ses propres ressources, à sa sortie de l'asile. Le surveiller affec-
tueusement, le protéger, le secourir est l'oeuvre qui se recommande
le plus à nos institutions de bienfaisance, soit publiques, soit pri-
vées, et il y a lieu de donner un développement beaucoup plus
grand à nos sociétés de patronage.
XII. La loi du 30 juin 1838, « pure dans l'intention qui l'a
inspirée, bonne dans son principe, sage dans ses dispositions », a
été un progrès considérable. Les exemples de séquestrations arbi-
traires attribuées à ses prétendues défectuosités ne résistent pas à
l'examen.
XIII. Rien n'établit que l'autorité administrative et la science
médicale auxquelles cette loi attribue un rôle prépondérant et d'ail-
leurs.logique,-dans l'internement des aliénés,' aient été inférieures
SOCIÉTÉS SAVANTES.' 235
à leur mission contrôlée au surplus par l'intervention obligatoire
de l'autorité judiciaire.
XIV. - Si des faits du genre de ceux que les adversaires de
la loi du 30 juin 1838 ont cités', mais sans les appuyer des
moindres preuves, pouvaient se produire, ils seraient imputables,
non à la loi elle-même, mais à l'oubli de ses dispositions fonda-
mentales.
XV. - Le principe essentiel de la loi votée par le Sénat (inter-
vention judiciaire) se heurte à d'insurmontables difficultés et
n'augmente pas les garanties réelles contre la violation de la liberté
individuelle.
XVI. La loi du 30 juin 1838, suffisante à ce point de vue, l'est
moins à celui des précautions relatives à la sortie d'aliénés dange-
reux suspects de rechute. Elle estheureusement complétée par les
articles 36, 37, 38, 39 et 40 du projet.
XVII. Il y aurait lieu d'étendre aux délirants alcooliques réci-
divistes les précautions précitées.
M. Charpentier pense que les malades à ne pas interner dans les
asiles ordinaires mais relevant d'asiles spéciaux sont : certains cas
de tentatives de suicide, certains déments séniles ou précoces, les
épileptiques sains d'esprit et les épileptiques lucides et délinquants;
les hystériques de la même catégorie, les idiots qui ne sont que
des infirmes comme les sourds-muets et aveugles, beaucoup d'im-
béciles non délinquants ni dangereux et les arriérés qui réclament
des maisons d'éducation spéciales ; un grand nombre de délin-
quants irresponsables se rencontrant dans les folies du caractère :
folie morale, manie raisonnante, aliénés persécuteurs ou halluci-
nés, enfin alcooliques délirants récidivistes qu'il faut transformer
en individus judiciaires. Ces individus ont besoin les uns de mai-
son d'assistance, les autres de maison de surveillance, d'autres de
maison de contention : les services à domicile, les placements
familiaux, les colonies agricoles, des hospices spéciaux, des refuges,
asiles de travail et sociétés de patronage doivent être étudiés et
développés dans ce but. Le rôle de la punition, suivant l'auteur,
n'est pas à rejeter, car il est salutaire comme moyen de discipliner
ces malades ; c'est par suite de la confusion actuelle de ces malades
avec les malades ordinaires dans les asiles, qu'il est permis de
défendre l'application des mesures coercitives disciplinaires qui
sont indispensables dans l'asile de sûreté dont la loi prochaine
peut nous doter.
M. TATY (de Lyon) défend la cause, condamnée par M. Paul Gar-
nier, de la division des asiles en asiles de traitement et asiles d'in-
curables ; il pense qu'en modifiant ces termes décourageants, on
peut soutenir en théorie le principe d'une division des établisse-
236 SOCIÉTÉS SAVANTES. ,
ments d'assistance aux aliénés en hôpitaux de maladies aiguës et
asiles de maladies chroniques.
Il ne se dissimule pas les difficultés pratiques d'une pareille
séparation. Les problèmes qui se posent sont de deux ordres : l'un
est un problème économique, pénible à résoudre, comme toutes
les questions d'argent, mais dont on peut aider la solution par cette
considération développée par M. le professeur Pierret, au Congrès
de Lyon et à la Société d'Economie politique; l'autre est un pro-
blème législatif. L'hôpital de maladies aiguës ne peut rendre de
services qu'à la condition d'être largement ouvert, non plus dans
le sens de l'asile aux portes ouvertes de M. Marandon de Montyel,
mais dans celui qui est indiqué dans les projets législatifs nouveaux,
hôpital ouvert aux malades eux-mêmes qui pourraient y demander
personnellement leur admission, ouvert aux familles et aux auto-
rités qui pourraient y placer leurs malades sans les lenteurs
actuelles si nuisibles, ouvert, enfin dans les limites convenables
aux étudiants en médecine, qui pourraient y venir puiser cet ensei-
gnement clinique spécial, plus étendu, qu'on réclame de tous
côtés, et dont M. le président de la Cour de Bordeaux deman-
dait l'année dernière d'étendre le bénéfice même aux étudiants en
droit. -
M. DOUTREBENTE. Rapport entre la guérison de la folie et la
durée de la maladie avant l'admission. - Les malades soumis aux
soins des médecins d'asile le sont trop souvent longtemps après le
début du mal. M. Doutrebente n'en veut pour preuve que le résul-
tat de ses recherches statistiques. La moyenne de la maladie avant
l'admission pour les malades entrés à l'asile de Blois pendant l'es-
pace de seize ans a été trouvée de onze mois et six jours. Dans ces
conditions, on aurait mauvaise grâce à reprocher aux aliénistes
leur impuissance relative, après les avoir placés dans la quasi-
impossibilité d'obtenir des guérisons par le retard mis à l'inter-
nement.
Alors, on n'a pas le droit de dire que l'assistance des aliénés et
leur traitement après onze mois de maladie est unleurre, un trompe
l'oeil, une mesure sociale inefficace parce qu'elle conduit trop sou-
vent à l'incurabilité, à l'augmentation du stock des assistés et à
l'encombrement des asiles.
M. Giraud ne croit pas qu'il y ait intérêt à demander deux cer-
tificats médicaux pour l'admission d'un malade faisant l'objet d'un
placement volontaire. Ce danger d'un certificat unique est une
erreur de diagnostic; ce qu'il faut examiner c'est la compétence
du médecin certificateur, et on peut exiger des études spéciales,
comme on tend à le demander pour les expertises. M. Garnier a
exposé la nécessité d'établissements pour aliénés délinquants. Il
faut distinguer, car,à côté des aliénés vraiment dangereux se trou-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 237
vent des malades victimes d'une erreur judiciaire sur lesquelles
M. Garnier a appelé l'attention du Congrès d'Anthropologie crimi-
nelle de Bruxelles et pour lesquels il n'est pas besoin de mesures
spéciales. M. Giraud termine en disant qu'il a été heureux de lire
le chapitre du rapport concluant à la nécessité d'un patronage des
aliénés convalescents ; il est non moins heureux d'annoncer au
Congrès qne l'essai de patronage tenté en Seine-Inférieure depuis
1889 est en pleine réussite.
M. LAPOINTE. Dans le traitement des aliénés la thérapeutique
ordinaire est peu de chose. Ce qui est de la plus haute importance
c'est le traitement moralisateur dont l'élément le plus important
est le travail surtout au grand air.
M. Marie. Au risque de tomber dans des redites, après la note
de M. Taty, je pense qu'on ne saurait trop insister sur cette ques-
tion vitale de la distinction entre aliénés aigus et chroniques. Elle
seule donnera la solution de la situation actuelle intolérable des
médecins d'asiles écrasés par des contingents de 500 à 600 malades,
dont les trois quarts échappent à toute action thérapeutique spé-
ciale par leur état de chronicité qui les voue à une incurabilité
fatale, et par l'impossibilité où est le médecin de les connaître.
Noyés parmi ces chroniques, les aigus curables eux-mêmes en
souffrent. Il faut donc éliminer les chroniques, je ne dis pas incu-
rables ; pour ce faire, la colonisation agricole est insuffisante.
Aucun moyen d'assistance ne saurait être repoussé et la colonie
familiale répond à des catégories de malades très distinctes de
celles que l'on pourrait éliminer par la colonisation agricole. Quant
à l'exclusion de ces chroniques éliminés de la loi d'assistance et
du budget des aliénés, ce serait une mesure étroite et funeste. La
loi de 1838 est une loi de protection à l'action tutélaire de laquelle
nos malades ont droit ; d'ailleurs, les éléments sont de catégories
très diverses et le passage à l'asile est un principe emprunté à
l'Ecosse qu'on doit énergiquement maintenir. L'aliéniste seul doit
juger de ces questions de diagnostic de psychoses tardives, de
démence simple ou de combinaison des deux.
A l'appui de la distinction nécessaire des maladies en aiguës et
chroniques avec établissements d'assistance différents, on peut
citer les statistiques sans réplique de Letcheworth (Congrès de'
Denver, 1892), le pourcentage des guérisons d'un asile où aigus et
chroniques sont mêlés, est moindre que la moyenne combinée
d'un asile d'aigus et d'une colonie de chroniques bien organisée.
L'action déprimante de l'asile pour certains chroniques qui n'ont
plus à y recevoir de traitement sérieux est démontré par l'asylum
dementia décrit par les auteurs anglais et le réveil des malades
replacés en un milieu familial normal après évacuation de l'asile.
Enfin les préventions contre le placement familial doivent tomber
238 SOCIÉTÉS SAVANTES.
après l'expérience faite en France depuis quatre ans sur 500 ma-
lades, l'expérience de l'Ecosse depuis 1803 (2,000 malades) et les
essais analogues de Liernieux, Ekaterniolon, etc.
En Angleterre, le principe est si bien adopté, qu'on l'applique
même à la sortie conditionnelle des aliénés criminels et dange-
reux. ,
M. Paris. A propos d'observations de malades violées et
enceintes guéries d'un accès d'aliénation consécutif avant l'accou-
chement, estime qu'il y aurait quelque chose à faire pour mettre
le médecin en situation de respecter à la fois et la loi et les pres-
criptions humanitaires ou sociales de sa conscience. Peut-être y
aurait-il lieu de formuler le voeu que la loi qui régit les aliénés
soit complétée par un article à peu près ainsi conçu :
Toute personne guérie d'un accès d'aliénation mentale qui
demande à prolonger momentanément son séjour dans un asile jus-
qu'à sa guérison d'une maladie physique transmissible ou en
raison d'un état passager qu'elle aurait intérêt à cacher ou pour
lequel le secret médical peut être engagé, peut, après avis motivé
d'un médecin soumis d'une façon strictement confidentielle au
Préfet et au Procureur de la République, être retenue dans l'éta-
blissement.
M. le Dur RouBY lit un mémoire sur ]ïnlc1'llcment des aliénes en
Angleterre. Il expose, en premier lieu, qu'il existe en Angleterre
des pensionnaires libres, c'est-à-dire des aliénés qui ont été admis
sans apporter avec eux ni certificat de médecin, ni demande d'un
parent, ni pièce officielle quelconque ; ils y sont entrés par l'effet
seul de leur volonté ; un homme, ancien aliéné se promenant
dans Londres, se sentit tout à coup envahir par une impulsion
homicide ; il héla le cocher d'une voiture et se fit conduire dans
l'asile où il fut reçu sans certificats. Dans l'hôpital de Bethléem qui
renferme 260 malades environ, la proportion des pensionnaires
libres est considérable ; cinquante-quatre pensionnaires en 1894
étaient entrés librement. Cette disposition des pensionnaires,
libres a donc fait ses preuves. En France, tout le monde est d'ac
cord pour l'admettre ; les divers rapporteurs des nouveaux projets
de loi l'ont acceptée et inscrite comme article de loi. Sans
attendre de vote de la nouvelle loi on pourrait demander aux
pouvoirs publics de voter un article de loi, à ce sujet. Dans une
seconde partie relative à la substitution de l'autorité judiciaire à
l'autorité administrative pour l'internement, le D'' Rouby raconte
que les médecins anglais trouvent des inconvénients sérieux à
l'application de cette loi ; le Dr Smith Perey a publié une brochure
contenant un grand nombre de faits relatifs à l'entrée des malades
pour montrer tous les ennuis apportés aux parents, aux médecins
et aux malades eux-mêmes, par l'application de la loi nouvelle;
SOCIÉTÉS SAVANTES. 239
il ajoute que l'expérience a démontré en Angleterre, qu'il y avait
parmi les magistrats, beaucoup de négligence et une grande inca-
pacité, et que si les années suivantes l'insuffisance et la pénurie
volontaire des juges restaient les mêmes, il serait difficile de ne
pas tourner la loi, sans manquer à tout sentiment humain. - Au
sujet de la vie des aliénés dans les asiles et des agréments dont on
peut les entourer, le Dr Rouby croit que, sauf quelques rares excep-
tions concernant des maniaques aigus, on peut entourer les ma-
lades de tout le confortable et de tout le luxe dont ils jouissent t
dans leur famille ; de plus, qu'on peut permettre aux familles de
vivre avec leurs malades des journées entières, de les faire sortir
au dehors de la maison de santé, mais qu'il ne faut pas permettre
aux alcooliques et à certains hallucinés qui réclament résolument
leur sortie, de voir trop souvent leurs parents, le départ des parents
amenant des scènes d'exaspération et de violence et l'exacerbation n
des symptômes de folie. Au lieu d'admettre, comme M. Marandon
de Montyel, les visites à volonté pour tous, il ne faut admettre la
chose que pour certains malades, le plus grand nombre, et en
exclure les autres. Enfin, au sujet du traitement des alcooliques
aliénés, le Dr Rouby dit que pour obtenir la cure radicale, ce n'est
pas seulement trois ou même six mois d'internement qui sont
nécessaires, mais au moins une ou même deux années, mais que
dans l'état actuel des choses ce traitement est impossible et qu'on
ne peut faire un abstinent d'un dipsomane, tant que les magistrats
pourront accorder la sortie à ces pauvres malheureux lorsqu'ils
demanderont à sortir par la voie du tribunal ; que par conséquent,
l'hôpital des ivrognes.de Ville-Evrard sera inutile tant qu'une nou-
velle loi ne permettra pas d'interner les dipsomanes le temps né-
cessaire.
, Séance du mardi 4 août (soir). -
M. BOURNEVILLE. - La question que nous discutons est l'une des
plus importantes de l'assistance et du traitement «des malades alié-
nés. L'internement ou mieux le placement des aliénés dans les asiles
s'impose dansla grande majorité des cas. Pourles malades pauvres
ou peu aisées, il est presque toujours indispensable.
Cet internement doit se faire aussi près que possible du début
de la folie, car, pour elle, comme pour toutes les autres maladies,
les chances de guérison sont, on ne saurait trop le répéter, d'au-
tant plus grandes que l'intervention médicale est plus rapide. Pour
nous, médecins, c'est une vérité banale. Mais il n'en est pas de
même pour les. Conseils généraux et pour les Administrations
départementales. ,
Il faut que les Conseils généraux et les..préfets sachent que ce
placement précoce réalise une économie pour les finances de
l'Assistance publique, en permettant de guérir un plus grand
40 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nombre de malades ; que, plus le placement est retardé, moins il
il y a de chances de guérison ; que le malade, dont le placement
n'est accordé que tardivement, devient souvent incurable et reste
alors pendant de longues années à la charge du département.
M. Pierret, dans le temps, et plusieurs des orateurs qui m'ont pré-
cédé, en ont bien exposé les raisons. Nous n'avons pas à revenir
sur les motifs qui militent en faveur de l'isolement, qui justifient
cette grave mesure si douloureuse pour les familles. Nous voterons
donc les deux premières conclusions du rapport.
La loi distingue deux sortes de placements : les placements d'office
et les placements volontaires.
Les placements d'office entraînent des formalités souvent longues,
sauf dans les cas de péril public, évident pour tous et nombre de
préfets ont trop de tendance à attendre la production d'un fait grave.
Les placements volontaires peuvent, au contraire, être effectués,
d'urgence. Malheureusement les maires, les conseils généraux, les
préfets n'en veulent guère entendre parler. A Paris, les place-
ments volontaires deviennent de plus en plus nombreux, bien
qu'ils ne le soient pas autant qu'ils le devraient, parce que les
familles ne sont pas renseignées, parce que beaucoup de médecins
ignorent qu'ils peuvent envoyer directement les malades aux asiles
comme à l'hôpital, les prescriptions légales accomplies.
M. Garnier a fait au sujet des certificats des médecins, indispen-
sables pour le placement, des remarques judicieuses. J'ai fait copier
un certain nombre d'entre eux, que je me propose de publier et
de commenter, en les comparant à ce qu'ils devraient être, s'ils
étaient conformes aux prescriptions de la loi.
Si vous voulez rapprocher l'asile de l'hôpital, si vous voulez rap-
procher les aliénés des malades ordinaires, il faut rendre. les pla-
cements faciles, prompts, comme pour l'hôpital. Alors moins de
résistance des familles, moins de résislance des malades, puisque
l'idée de Maison de santé aura remplacé l'idée de prison, l'idée de
Bastille moderne.
Par conséquent, il faut écarter l'intervention de la magistrature,
la formalité du jugement qu'on avait voulu faire intervenir. J'ac-
cepte les conclusions XIII et XV de M. P. Garnier qui répondent à
cette partie de ma discussion.
L'intervention de la magistrature, après le placement, par suite
des nombreuses garanties exigées par la loi du 30 juin 1838 : visite
du préfet ou de son délégué, ou du délégué du ministre de l'Inté-
rieur ; visite du maire de la commune, du juge de paix du canton,
du procureur de la République. Malheureusement, ces sages pres-
criptions de la loi ne sont pas remplies. Ainsi, dans notre service,
nous n'avons jamais vu que la Commission de surveillance et la
Commission d'assistance du Conseil général, accompagnées des
représentants du préfet.' Maire, juge de paix, procureur, sont
SOCIÉTÉS SAVANTES. 241
demeurés invisibles. Dès lors que les difficultés de l'admission sont
levées, que le malade est en mesure d'être soigné, j'attache moins
d'importance aux formalités ultérieures. Il m'importe peu que la
magistrature intervienne. Dans la pratique, si son intervention
e-L facile et peu coûteuse dans certains départements, il n'en serait
plus de même à Paris, Lyon, Marseille, etc., où il y a des place-
ments quotidiens nombreux ; d'où des difficultés et des dépenses,
et ces dépenses seraient mieux appliquées à l'amélioration du sort
des malades qu'à payer de nouveaux magistrats.
Sur ce point, M. Garnier a bien fait de rappeler ce que disait à
la Chambre des députés,le 6 janvier 1837, M. de Gasparin, ministre
de l'Intérieur : « Les mesures de précaution relatives à l'isolement
des aliénés demandent ordinairement une extrême célérité, une
prudence, une discrétion qui se concilient difficilement avec la len-
leur et la solennité des formes judiciaires et qui sont faciles et na-
turelles aux opérations administratives. »
Le placement est décidé. Il convient que le malade soit envoyé
directement à l'asile. 11 en est ainsi dans un certain nombre de dé-
parlements. Dans d'autres, il n'en est pas de même, et nous avons
le regret de dire que le département de Aleurtlie-et-lloselle fait
partie de ce dernier groupe. Les aliénés de ce département sont
conduits à la Maison départementale de secours. Ils sont placés,
les aliénés aux vénériens, les aliénées aux vénériennes. C'est un
reste de l'ancien état barbare, où aliénés, vénériens et filles-mères
étaient considérés comme des criminels, des gens en dehors de
l'humanité, ne méritant ni soins, ni pitié.
Ce mélange des aliénés avec les vénériens a de multiples incon-
vénients. Parmi ces derniers, il en est qui s'amusent des fous :
c'est pour eux un sujet de distraction. On nous a raconté que cer-
tains s'amusaient à doucher les aliénés au visage avec l'irrigateur.
C'est une réminiscence des douches de punition, qui ont été de mode
trop longtemps, mais qui, nous osons l'espérer, n'existent plus
dans aucun de nos asiles et auxquelles certainement n'a recours
aucun des membres du Congrès.
Lorsque, dans cette Maison déparlementale de Nancy, les aliénés
sont agités, parlent, crient, comme ils sont dans le même dortoir
que les vénériens qu'ils gênent, dont ils troublent le repos, on peut
se demander ce qui arrive.
Et ce séjour se prolonge, nous a-t-on assuré, trois, quatre, quinze
jours et même davantage. Nous ne saurions donc trop insister pour
que l'administration supérieure veille à l'exécution de sescirculaires,
qui prescrivent l'envoi direct à l'asile.
Quant aux aliénés arrêtés sur la voie publique, soit qu'on les
considère comme vagabonds, comme errants ou qu'on les sup-
pose ivrognes, la situation qui leur est faite dans la plupart des
villes et entre autres à Nancy, est'vraiment déplorable. On les
Archives, `3 série, t. II. 16
242 SOCIÉTÉS SAVANTES.
conduit au violon. Ce dépôt comme la plupart des violons, est fait
pour aggraver la folie et pour propager les maladies contagieuses.
Aussi devrait-on réclamer au point de vue de l'humanité et de
l'hygiène publique une organisation de ces dépôts dans les condi-
tions qu'exige l'hygiène. -
Nous sommes d'accord pour réclamer le placement à l'Asile.
Alors, un devoir s'impose : cet internement doit être bénéficiable
au malade. Nos asiles doivent être le moyen de traitement par
excellence. Pour cela le nombre des malades de ces établisse-
ments, celui de chaque service doivent être limités. Dans beau-
coup d'asiles, le nombre des médecins, par rapport à la population
des malades est beaucoup trop limité, ce qui rend tout traitement
sérieux très difficile. 11 en est ainsi dans plusieurs asiles de la Seine,
par exemple à Villejuif, où il n'y a que deux médecins en chef et
deux médecins adjoints pour 1,500 malades et quelquefois davan-
tage. Il en est ainsi à Marévitte, où pour 1,700 aliénés il n'y a que
deux médecins en chef. L'organisation des asiles doit être essen-
tiellement médicale, comme cela existe dans beaucoup de pays
étrangers, Angleterre, Etats-Unis, Allemagne, etc.
Pour jUotifier l'internement, il ne faut pas créer de grandes ren-
fermeriez comme Maréville, comme Villejuif. Il ne faut pas d'en-
combrement qui jette le désordre, rend inutiles tous les traitements,
diminue dans des proportions considérables le nombre des guéri-
sons : c'est ce qui a lieu dans la Seine.
' Nous avons visité le violon de Nancy le 3 août avec notre ami le
professeur Spillmann. Il se compose de six cellules analogues mesurant
environ 2 mètres de long, 1m,60 de large, 2 mètres de haut. J'rou à la
turque; lit de camp en planches collé contre le mur, rebord formant
cadre pour empêcher les « arrêtés » de tomber, élevé de 50 centimètres s
au-dessus du sol bitumé. " Autrefois, nous dit le brigadier qui nous
accompagne, le lit était plus haut, en tombant les ivrognes se blessaient. »
On ne donne pas de paille : quelquefois mais « rarement on délivre de
vieilles couvertures dont on ne se serl plus ». Quand il n'y a pas assez
de places, on met deux individus dans la même cellule ! Deux cellules
sont au ? 'M-e-c/t6f ! Mëe. Elles ont une petite ouverture avec barreaux el
grillage au-dessus de la porte. Quatre cellules sont dans la cave; on
y descend par un escalier de vingt marches, éclairé au tournant par un
bec de gaz. Trois des cellules n'ont aucun éclairage ; la quatrième a un
très étroit soupirail donnant sur le dehors et fournissant un mince filet
de lumière. Le trou à la turque est remplacé par une tinette. Il s'agit là,
comme on le voit, de véritables cachots. Une installation aussi abomi-
nable est une honte pour une ville comme Nancy. Quelque peu dignes
de pitié que peuvent paraître les mendiants, les ivrognes, ce sont des
êtres humains ; mais on place là des malades, arrêtés dans le tas, des
prévenus que la société traite comme elle ne traite pas les criminels.
Nous n'insisterons ni sur la promiscuité (deux par cellules), ni sur la
transmission des maladies infectieuses. Nous y reviendrons. B.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 243
L'encombrement entraîne à sa suite les mauvais traitements,
l'emploi de la camisole, des entraves, des liens de toute sorte,
ce qui habitue les gardiens et les gardiennes à la dureté envers
les malades. Alors le véritable isolement, l'isolement médical, n'est
pas réalisé. L'internement n'est plus une mesure d'assistance :
c'est une mesure de police, une mesure de répression. Les aliénés,
dans ces conditions, sont moins bien traités que les criminels. Et,
contre ces pratiques, nous, les défenseurs-nés des malades, nous
ne saurions trop protester. Ces considérations visent les conclu-
sions IV, V, VIII et IX du rapport de M. Garnier, auxquelles nous
nous associons.
Dans son compendieux rapport, 31. Garnier s'écartant quelque
peu de la question principale, s'occupe des asiles pour les aliénés
criminels, des asiles pour les incurables, des asiles d'alcooliques,
des sociétés de patronage et des séquestrations arbitraires.
En ce qui concerne les asiles pour les aliénés dits criminels, il y
a une confusion dans l'esprit de beaucoup de personnes. Il convient
de distinguer : 1° Les criminels devenus aliénés; 2° les aliénés dits
criminels.
Pour les criminels devenus aliéné*, il faut des quartiers spéciaux.
Il en existe pour les hommes à Gaillon; il n'y en a pas, croyons-
nous, pour les femme-. Il faudrait en créer un, multiplier même
ces quartiers, si cela est nécessaire Nous sommes tous d'accord
sur leur utilité.
En ce qui concerne les aliénés dits criminels, c'est-à-diru qui
n'ont jamais eu de condamnation, mais ont commis un acte
réputé criminel sous l'influence de leur délire, ce sont des ma-
lades; il faut les placer dans les asiles, en prenant les précautions
que nécessite la forme particulière de leur délire. C'est là une ques-
tion spéciale difficile à traiter incidemment, et qu'il conviendrait
de mettre de nouveau à l'ordre du jour de l'un des futurs Congrès.
Je laisserai aussi de côté la question des asiles d'incurables. Elle aussi
pourrait faire l'objet d'un rapport et d'une discussion générale.
Quant aux asiles d'alcooliques, il en a été longuement parlé au
Congrès de Clermont-Ferrand. Cette question a été posée peut-
être prématurément. Il est indispensable, en effet, d'obtenir au
préalable une loi qui permette l'internement des ivrognes de pro-
fession et le prolongement de l'internement pour les alcooliques
délirants, dont les troubles intellectuels ont disparu.
On s'est agité beaucoup autour de cette question, et on a perdu
de vue une réforme, à notre avis, plus urgente : la création d'asiles
pour l'ensemble des aliénés, dont les aliénés alcooliques. Les
aliénés devraient passer avant les ivrognes, avant les criminels.
Il nous parait inutile de revenir sur les Sociétés de patronage
qui ont été l'objet d'une discussion intéressante, sur le rapport de
notre collègue, M. Giraud, dans l'un des précédents congrès. Je
244 SOCIÉTÉS SAVANTES.
me contenterai de rappeler que c'est à Maréville qu'a été fondée,
en 1848, grâce aux ellorls de More), la troisième Société de patro-
nage qui continue de fonctionner*. ,
Quant aux séquestrations illégales, nous nous bornons à faire
remarquer qu'elles sont impossibles dans les asiles publics. C'est
ailleurs qu'il faut en chercher des exemples, entre autres danser-
tains couvents. Tout le monde se rappelle l'histoire récente d'un
commissaire de police, qui se débarrassa de sa femme en l'inter-
nant dans un couvent de Caen.
En résumé : 1° Nécessité du placement immédiat des aliénés dans
les asiles ; - 2° envoi direct des malades à l'asile ; : 3° organisa-
tion des asiles de manière à justifier l'internement, c'est-à-dire en
vue du traitement, partant désencombrement; 4° limitation du
nombre des malades pour chaque médecin ; - 50 personnel secon-
daire instruit professionnellement; sociétés de patronage pour
aider le malade guéri ou amélioré, pour éviter des rechutes et par-
tant des dépenses nouvelles.
Nous, médecins, je le redis, nous sommes, je crois, unanimes
sur tous ces points. Il faut profiter de l'occasion que nous four-
nissent les congrès pour propager ces idées, faire pénétrer nos
convictions sur la nécessité de ces réfot mes qui n'ont pour but que
le bien des malades et qui sont au bénéfice des finances départe-
mentales, dans l'esprit des membres des commissions de surveil-
lance, des membres des conseils généraux et des préfets.
M. DELMAS, après avoir fait l'éloge mérité du remarquable rap-
port de M. Garnier, s'appesantit sur les points suivants : Pour lui,
non seulement tous les mélancoliques ne doivent pas être internés,
ainsi que le reconnaît le rapporteur, mais il en est de même de
certains états aigus dans lesquels une guérison rapide permet au
malade d'échapper à la déchéance morale qu'implique toujours le
séjour dans un asile. Il cite à l'appui deux exemples : une manie
alcoolique aiguë guérie au bout de huit jours et un cas d'hystérie
grave avec tentatives réitérées de suicide guérie en six semaines.
Bien d'autres exemples pourraient être cités par lui. De même les
'mélancoliques simples se trouvent mieux au milieu de simples
nerveux non obsédés eux-mêmes que parmi leurs pareils, car ces
derniers, tous égoïstes mentaux, se complaisant dans leurs idées
' Nous profitons de l'occasion pour signaler nos rapports sur les Sociétés
de patronage et les discussions auxquelles ils ont donné lieu : 1° Créa-
tion de Sociétés de patronage pour les aliénés sortant des asiles, fait au
Conseil supérieur de l'assistance publique. Fascicule n° 35 où se trouve
Va discussion ; 2° Rapport sur le projet de statuts d'une Société de patro-
nage pour les aliénés sortis guéris des asiles de la Seine. (Procès-verbaux
de la Commission de surveillance des asiles de la Seine, J89J.) Voir aussi
les. procès-verbaux relatifs à la discussion et Arcli. de Neurologie, passim.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 245
malades, ne se prêtent aucun secours mutuel. D'où la conclusion à
ses yeux, qu'il y a lieu de créer des annexes où les malades seraient
mis en observation et traitement temporaire avant de conclure
à l'internement légal. Le second point développé par M. Delmas
est le suivant : Invoquant les progrès remarquables dus à la spé-
cialisation dans la chirurgie générale (Médecine et Chirurgie), il
estime qu'il en sera de même en médecine'mentale le jour où l'on
affectera des asiles ou des services spéciaux et distincts aux états
aigus et chroniques et qu'on séparera ces services distincts de ceux
des idiots-épileptiques dégénérés et de ceux des chroniques céré-
braux simples. Il cite à l'appui l'exemple brillant de l'Ecole de la
Salpêtrière et les beaux résultats obtenus à Bicêtre par M. Bourne-
ville chez les idiots, les épileptiques et les simples dégénérés.
Enfin il applaudit au projet de créer des asiles spéciaux pour les
aliénés criminels n'ayant aucune désignation infamante et permet-
tant par l'ampleur de leur organisation de garder ces aliénés incu-
rables mêmes jusqu'à leur mort malgré leur apparence de guérison.
M. ARNAUD de (Vanves). La discussion qui vient de s'engager
aujourd'hui sur la question des aliénés dits criminels dure depuis
un bon demi-siècle, puisqu'elle a pris naissance sur des débats
préparatoires de la loi de 1838. Elle a été bien souvent reprise
depuis, et, j'ai été frappé du manque de précision de ces discus-
sions successives. M. Bourneville a distingué tout à l'heure les cri-
minels devenus aliénés, des aliénés qui deviennent criminels, ou
mieux qui commettent des actes réputés crimes ou délits. Il faut
encore distinguer, dans cette dernière catégorie, les aliénés incon-
testés (mélancoliques, persécutés, hallucinés, paralytiques géné-
raux), et les irréguliers, les pervers, les vicieux, ceux qui ont un
pied dans le crime et un pied dans la folie, ces sujets dont les
magistrats, pas plus que M. Garnier et M. Charpentier, ne savent
que faire. Il ne me parait pas possible de confondre dans un
même asile de sûreté, dans un même asile-prison, des sujets aussi
différents. La distinction que je réclame cxiste d'ailleurs pratique-
ment eu Angleterre et en Ecosse, dont l'exemple est si souvent
invoqué.
M. Gr,. SEncsKt.A propos de l'excellent rapport de M. Garnier,
je voudrais lui demander si, la méthode du traitement des aliénés
par le séjour au lit est appliquée par les aliénistes français. En
Russie on a fait des essais de ce genre dans 4 ou 5 asiles et on n'a
eu qu'à se louer des résultats obtenus. Dans ces asiles tous les ma-
lades entrants et surtout atteints d'une affection aiguë, les excités,
les mélancoliques avec idées de suicide et refus d'aliments, sont
mis au lit sous la surveillance d'un garde pendant un à six jours et
plus, si c'est nécessaire. La condition essentielle de ce traitement
est de placer les malades non pas dans des .chambres isolées, mais
dans des dortoirs : une cinquantaine de malades distribués dans
246 SOCIÉTÉS SAVANTES.
2 à 3 pièces par exemple forment de celle façon un quartier
d'observation. Les entrants se voyant entourés par des malades
couchés ne résistent généralement pas et ne cherchent pas à quil-
ter leurs lits : bientôt ils finissent par se considérer comme ma-
lades et restent tranquilles; il est rare qu'on soit obligé d'avoir
recours aux gardiens pour les maintenir au lit pendant une heure
ou deux. Les résultats qu'on a obtenus par cette méthode à la cli-
nique psychiatrique de Moscou sont surprenants. Sans parler des
punitions nous n'avons jamais eu recours aux moyens de coerci-
tion, mais nous avions des cellules aux murs épais et aux vitres
incassables. Depuis ces dernières années nos malades sont traités
par le séjour au lit et les cellules sont devenues inutiles. Autrefois
nous cherchions à construire des cellules de plus en plus solides et
bien appropriées, maintenant nous songeons à les détruire et à
les utiliser dans un but lout autre que la contention des malades.
M. Paris, de l'asile de Maréville-Nancy, après avoir relaté deux
cas dont la solution l'avait singulièrement embarrassé, formule le
voeu que la loi qui régit les aliénés soit complétée par un article
ainsi conçu : « Toute personne guérie d'un accès d'aliénation men-
tale qui demande à prolonger momentanément son séjour dans un asile
d'aliénés, jusqu'à guérison d'une maladie physique transmissible
ou en raison d'un état passager qu'elle aurait intérêt à tenir secret
ou pour lequel le secret médical peut être engagé, peut, après avis
motivé du médecin, soumis d'une façon strictement confidentielle
an Préfet ou au Procureur de la République, être retenue dans un
établissement de ce genre. La durée de la prolongation sera limi-
tée autant que possible. » Une telle addition ne ferait, à notre sens,
qu'accentuer le caractère d'assistance de cette loi sur les aliénés
que l'on ne considère généralement et que l'on n'interprète trop
souvent que comme loi de police.
M. GRNIER. Il y a dans l'argumentation de M. Charpentier
des arguments spécieux. Ce qui a trait aux actes simplement dé-
raisonnables est souvent du domaine de l'aliénation mentale.
M. Charpentier a trouvé comme une contradiction dans ce que
j'ai dit des asiles desûreté; eh bien je serai d'avis que des pratiques
disciplinaires fussent mises en vigueur dans ces asiles parce qu'il
s'agit d'individus spéciaux, pseudo-aliénés, qui suscitent moins
de sympathie que les véritables aliénés. Que veut faire de ces
scories de la société, de ces fous moraux qui seraient comme des
déchets sociaux, M. Charpentier ?
M. Taty est disposé à penser qu'il y a utilité à faire la scission en
maladies chroniques et aiguës. Mais la différence n'est que dans
les mots; les chroniques sont en réalité des incurables.
M. Giraud a contesté la nécessité d'un double certificat. Et cepen-
dant pour rassurer l'opinion publique, deux signatures valent mieux
qu'une. De quelle façon peuplera-t-on les asiles spéciaux, demande
SOCIÉTÉS SAVANTES. 247
M. Giraud ? Ce qui caractériserait les décisions de cet ordre ce
serait le caractère dangereux de l'individu.
M. Rouby a parlé de l'hospitalisation des aliénés en Angleterre
et nous a cité des laits extrêmement curieux.
M. Delmas a demandé l'annexion aux asiles d'aliénés d'une an-
nexe où les prétendus aliénés seraient en observation. Je n'en
vois pas la nécessité. A chaque entrée on procède à une surveillance
préliminaire.
M. Bourneville a fait des objections à l'idée des asiles spéciaux;
mais il ne nous dit pas ce qu'il faut faire des irréguliers, des délin-
quants, des fous moraux; j'en resterai à l'idée des asiles de sûreté
puur les aliénés dangereux incapables d'être amendés, commettant
incessamment des olfenses sociales.
M. BOUISNEVILLE. Il faudrait consacrer à cette question un
rapport et une discussion générale ; elle ne peut être traitée et à
plus forte raison tranchée incidemment.
M. Régis. - Je suis d'avis que dans d'autres régions que Paris,
l'alcoolisme influe relativement peu sur le nombre d'aliénés, à
Bordeaux, par exemple. Je partage l'avis de M. Garnier sur les
asiles-prisons.
M. Garnier. Nous avons sur la question des asiles-prisons et
des sujets qu'il faut y placer, des lumières suffisantes pour nous
dispenser d'aborder encore ce sujet. En somme l'ensemble de
notre rapport a été adopté, et je propose le voeu suivant :
Le Congrès, considérant que la loi de 1838, à conserver en tant
que loi fondamentale sauvegardant la sécurité individuelle, doit
être modifiée dans le but de défendre la société contre les aliénés
dangereux, certains délirants alcooliques récidivistes et les délin-
quants considérés comme types intermédiaires entre la raison et la
folie, propose que : 1° la loi de 1838 soit conservée dans ses dispo-
sitions générales; 2° qu'elle soit modifiée par la création d'asiles
de sûreté destinés à enfermer les individus précités qui n'y entre-
raient et n'en sortiraient qu'en vertu d'un jugement éclairé par
les conclusions d'une commission spéciale.
MM. Charpentier et ARMAND considèrent ce voeu comme inop-
portun.
[Ainsi que l'a fait remarquer avec juste raison, M. Garnier
lui-même, il ne s'est agi là que d'un vote d'ensemble impli-
quant que le Congrès remerciait le rapporteur de son intéres-
sant travail. Il ne s'ensuit pas que la majorité du Congrès fasse
sienne les dix-sept conclusions du rapport. Personnellement,
si cela avait été possible, nous aurions discuté à fond plusieurs
de ces conclusions, et en particulier combattu la conception
des asiles-p ? 'iso71s.]
248 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Elections. - Le Congrès, avant de passer aux communications
diverses, se réunit pour le choix de son bureau pour la session de
Toulouse : M. RITTI est nommé président.
Questions proposées. Les questions adoptées sont :
1° Diagnostic différentiel de la paralysie générale. - Rapporteur,
M. ARNAUD (de Vanves) ; -
2° De l'hystérie infantile. Rapporteur à désigner.
3° De l'organisatiom du service médical dans les asiles. Rap-
porteur, M. Doutrebente (de Blois).
Congrès de 1898. Marseille est, en principe, désigné comme
siège du Congrès de 1898.
Séance du mercredi 5 août (matin).
Cas d'hyperostose crânienne chez une femme épileptique. Observation,
pièce anatomique, épreuves photographiques et moulage en plâtre.
111. le Dr Pichenot, médecin en chef de l'asile de Montdevergues
(Vaucluse). - La malade, née en avril 185'z, a été placée à l'asile
à l'âge de dix-neuf ans, comme atteinte depuis longtemps d'hydro-
céphalie et d'attaques d'épilepsie fréquentes, avec agitation conco-
mittante, cris, vociférations, impulsions méchantes, tendances au
suicide, à mettre le feu et à se brûler elle-même. Pas d'antécédents
héréditaires, pas d'affections antérieures. A l'âge de neuf ans, trau-
matisme à la région frontale et quelque temps après, à ce niveau
(suivant la mère), une petite grosseur qui s'est développée peu à
peu. Premières crises d'épilepsie à quinze ans, c'est-à-dire six ans
après l'accident. La tumeur a toujours continué à se développer
pendant tout le temps de son séjour à l'asile. Mensurations relevées
en 1893 seulement : circonférence 62centimètres; diamètre occipito-
frontal, 195 millimètres; diamètre bi-pariétal, 185 millimètres;
diamètre du menton au sommet de la tumeur frontale, 246 milli-
mètres. Pas de signes apparents de dégénérescence physique,
intelligence rudimentaire constituant l'imbécillité. Pendant long-
temps, crises d'épilepsie violentes, avec impulsions dangereuses,
depuis quelques années moins fréquentes et réduites souvent à de
simples vertiges en même temps que la malade devenait plus
calme, plus sociable. Elle tombait généralement sur le siège, jamais
sur la tête. Décédée à l'âge de quarante ans, par suite d'accidents
méningés hémorragiques consécutifs à des crises d'épilepsie subin-
trantes.
Autopsie. - Cuir chevelu hypertrophié, surtout au niveau des
tumeurs pariétale et frontale, hypertrophie qui contribue à accen-
tuer beaucoup les déformations produites par l'hyperostose. Sec-
tion du crâne très laborieuse. Méninges épaissies. Hémorragie
méningée en nappe.
Poids de l'encéphale, 1,305 grammes; poids du cerveau, 1,080
SOCIÉTÉS SAVANTES. 249
grammes; poids du cervelet, 225 grammes. Substance cérébrale
généralement ramollie. Circonvolutions normales. Ventricules
anormalement développés. Les coupes ne font constater aucune
lésion ou tumeur interne pouvant expliquer l'épilepsie. L'hyperos-
tose a pour siège principal le frontal et les pariétaux. Poids du
squelette osseux de la tête 2 kg. 649 qui joint à celui de l'encé-
phale et des parties molles donne pour la tête un poids total
dépassant 4 kilogrammes. Tissu osseux de la calotte crânienne très
condensé, dur comme de l'ivoire. Epaisseurs des parois :
Bosse fronto-pariétale droite, 4 centimètres et demi; bosse
fronto-pariétale gauche, 3 centimètres; région frontale antérieure,
2 centimètres et demi à3 centimètres. Région occipito -pariétale de
8 millimètres à 1 centimètre. Epaisseur maxima de la voûte cra-
nienne, 5 centimètres. Disparition des sutures fronto-pariétale et
interpariétale. Sur la partie antérieure externe de la calotte cra-
nienne, on constate un amas de villosités ou pointes osseuses don-
nant à ce tissu osseux un aspect spongieux. L'hyperostose s'est
développée extérieurement et la cavité crânienne, au lieu d'être
diminuée de volume se trouve plutôt augmentée. Sur le maxillaire
inférieur on ne trouve pas trace de grosses molaires. L'examen
des autres os du squelette n'a fait constater aucune hyperostose
ou exostose pouvant laisser présumer la syphilis. La malade était
vierge. Après lecture de l'observation, M. Pichenot a fait passer
sous les yeux de ses collègues le crâne préparé; un moulage en
plâtre de la tête fait avant l'autopsie et une série de photographies
représentant le sujet avant et après décès ainsi que les coupes
osseuses du crâne, toutes pièces qui ont permis de très bien appré-
cier ce cas si remarquable, extraordinaire même, d'hyperostose
crânienne.
M. BERILLON. Le traitement des buveurs d'habitude par la sug-
gestion hypnotique. Création d'un centre d'arrêt.- Chez les buveurs
qui se déclarent impuissants à renoncer à leurs habitudes et à se
soustraire à l'influence du milieu, il y a un grand intérêt à recourir
à l'intervention de la suggestion hypnotique. En créant un centre
d'arrêt, on arrive assez facilement à réagir contre l'impulsion du
buveur. Il reconnaît qu'au moment où il va céder à son habitude il
éprouve une sensation de résistance intime à l'impulsion. Cette
résistance lui permet de se ressaisir et il arrive à supprimer tous
les excès alcooliques auxquels il se livrait d'une façon presque
inconsciente.
Des psychopathies gastriques.
M. SOLLIER (de Paris). La nouvelle variété de psychopathie
gastrique sur laquelle je désire appeler aujourd'hui l'attention
consiste essentiellement dans une appréhension de la digestion,
une sorte de phobie, qui pousse les malades à redouter les effets
250 SOCIÉTÉS SAVANTES.
que l'ingestion des aliments ou leur digestion gastrique sont capa-
bles de produire (étouffements, palpitations, vertiges, congestion
cérébrale), pouvant même entraîner la mort. Le début a lieu,d'une
manière insidieuse, sous un prétexte quelconque. L'appétit, peut
être conservé, mais présente .toujours des irrégularités (inappé-
tence complète, alternant avec des accès de boulimie). Les sujets,
par suite de leur appréhension de mal digérer, restreignent leur
alimentation sous tous les rapports (choix des aliments et quantité),
et perdent vite l'habitude de manger. Ils en arrivent même à ne
plus savoir les mouvements nécessaires à la mastication et à la
déglutition. Ils essaient de tous les régimes, de tous les médica-
ments, et chaque tentative, après avoir été suivie d'une améliora-
lion au début, ne tarde pas à laisser reparaître les mêmes troubles.
Les malades ne songent plus absolument qu'à leur alimentation et
à leur digestion, prenant toutes les précautions imaginables pour
préparer et faciliter cette digestion, et arrivent ainsi à se faire
une existence à part plus ou moins compliquée. Ils restreignent
non seulement leurs fonctions digestives, mais tout le champ de
leur activité physique, intellectuelle et morale. Le plus souvent,
d'ailleurs, leur entourage contribue à entretenir cet état mental,
cette appréhension.
La relation qui existe entre le système nerveux central et l'ap-
pareil digestif est mise en évidence, outre l'état mental, par des
troubles de sensibilité de la zone gastrique, et par le retentisse-
ment de toutes les impressions digestives dans le cerveau, que
signalent eux-mêmes les malades. Cet état peut s'accompagner de
rumination et parfois même de vomissements. L'état général n'est
pas altéré; le sommeil est ordinairement assez bien conservé. Ii
y a parfois une dilatation passagère de l'estomac, et souvent de la
constipation.
Le pronostic n'est pas très grave au point de vue de la vie, mais
il est sérieux en raison du trouble apporté dans l'exercice de toutes
les fonctions de l'existence. La durée de cette affection peut être
extrêmement longue. Le diagnostic doit être fait avec l'anorexie
hystérique, l'anorexie mentale, la dilatation de l'estomac, les
diverses dyspepsies. Le seul traitement consiste à soustraire le
sujet à l'influence de son entourage qui est le plus souvent fâcheux,
puis à lui redonner l'habitude de s'alimenter normalement en le
forçant d'emblée à ingérer la quantité nécessaire d'aliments, et en
le rassurant sur les suites que doit avoir l'alimentation qu'il est
habitué à redouter.
Délire des persécutions à double forme.
M. Vallon. On sait que l'on distingue deux sortes de persé-
cutés : les persécutés raisonnants ou persécutés (type Falret) et les
SOCIÉTÉS SAVANTES. 251
persécutés hallucinés, persécutés typLasègue, dont les délirantes
chroniques de M. Magnan conslituent la variété la plus commune.
Chez les persécutés hallucinés, le délire a une évolution progres-
sive, il passe par des phases successives : inquiétude vague pouvant
aller jusqu'à l'hypocondrie, interprétations délirantes, hallucina-
tions, systématisation du délire, choix du ou des persécuteurs,
souvent migrélomanie. Chez les persécutés raisonnants, le délire
peut varier d'intensité, présenter des rémissions et des exacerba-
tions. étendre sa sphère à un plus ou moins grand nombre de faits
ou de personnes, mais il ne subit pas de transformations très pro-
noncées, il conserve toujours les mêmes caractères primitifs. Les
persécutés type Lasègue arrivent toujours à avoir des hallucina-
tions, surtout de l'ouïe et de la sensibilité générale; les persécutés
type Falret, au contraire, n'en ont jamais. Telles sont les différences
radicales qui séparent les persécutés du type Falret des persécutés
du type Lasègue; ce sont là des types bien connus, je n'y insiste pas.
Il est un point seulement que je veux mettre en lumière et sur
lequel on n'insiste pas assez, ce sont les actes de ces deux catégo-
ries de malades. Les persécutés raisonnants ne sont dangereux que
pour quelques personnes, souvent que pour une seule personne.
Ainsi j'ai dans mon service un ingénieur qui accuse quelqu'un de
lui avoir volé une invention; pendant des années il n'a persécuté
que cette personne; puis il a étendu la sphère de son animosité
maladive à un juge d'instruction qu'il accuse de s'être laissé
acheter par son voleur; mais en dehors de son prétendu voleur et
du magistrat il n'en veut à qui que ce soit, il n'est dangereux
pour personne. Les persécutés hallucinés quand ils ont fait choix,
d'un ou de plusieurs persécuteurs deviennent spécialement dange-
reux pour ces personnes, mais indépendamment de cela ils sont
dangereux pour tout le monde. Ils peuvent, sous l'influence de
leurs hallucinations, frapper le premier venu. En un mot, chez les
persécutés raisonnants, les actes processsifs sont conditionnés par
l'événement qui a été le point de départ de leur délire et s'adres-
sent aux personnes qui ont été mêlées à cet événement ou à des
faits connexes; chez les persécutés hallucinés, les violences sont
surtout conditionnées par les hallucinations du moment. Ce fait a
une importance pratique : on peut toujours savoir à l'avance pour
qui les persécutés raisonnants sont dangereux et par conséquent
préserver ces personnes, pour les persécutés hallucinés on peut,
quand ils ont fait choix d'un persécuteur, prévoir le danger à en-
courir par ces personnes, mais de plus j'insiste sur ce point, il y a
toujours à craindre des actes violents conditionnés par les hallu-
cinations du moment.
Donc, voilà deux types de persécutés bien différents l'un de
l'autre par l'évolution du délire, par l'absence ou la présence
d'hallucinations, enfin par leurs actes ou plus exactement par les
252 SOCIÉTÉS SAVANTES.'
causes de leurs actes. Eh bien, dans ces dernières années, j'ai
observé un malade chez lequel on trouva réunies'ces deux formes
du délire des persécutions, qui est à la fois un raisonnant, ◀tantôt▶
comme halluciné. Ce cas me parait mériter la désignation de
délire des persécutions à double forme. Les faits de ce genre doivent
être très rares, car pour ma part, c'est le seul que j'ai observé dans
ma pratique déjà longue.
M. Régis. Paralysie générale et neurasthénies L'association
de la paralysie générale et de la neurasthénie peut se faire à toutes
les époques de la maladie. Il y a plus qu'on ne le croit générale-
ment de difficultés de diagnostic entre la neurasthénie et la para-
lysie générale. Ce qui doit dominer pour établir le diagnostic, c'est
la recherche de la syphilis. L'hérédité cérébrale est une présomp-
tion de paralysie générale, tandis que l'hérédité vésanique ou né-
viopathique est une présomption de neurasthénie. L'embarras de
la parole et la démence n'ont pas exactement les mêmes carac-
tères dans la neurasthénie et la paralysie générale; enfin, le trai-
tement par les douches froides améliore la neurasthénie, tandis
qu'il ne donne pas de résultats dans la paralysie générale ou même
donne un coup de fouet à la maladie.
M. Pierre PARISOT. De quelques troubles psychiques, et particu-
lièrement de la transformation de la personnalité au cours de la
démence sénile. - 11, Des troubles psychiques indépendants de toute
vésanie peuvent se produire au cours de la démence sénile; 2° ces
troubles (transformation de la personnalité, conceptions déli-
rantes, actes anormaux) sont dus à la reviviscence d'états psy-
chiques antérieurs sous l'influence d'une véritable suggestion
spontanée ou provoquée. Ils offrent des caractères particuliers qui
permettent de les distinguer du délire vésanique proprement dit;
3° un certain degré d'involution sénile du cerveau peut réaliser
les conditions d'auto-suggestibilité qui donnent lieu à ces troubles
psychiques.
MM. Pierre PARISOT et Lvy. - Démence sénile et toxicité uri-
naire. 1° Dans les cas de démence sénile simple, c'est-à-dire
sans délire, que nous avons observés, la toxicité urinaire a varié
dans de notables proportions, sans que le fonds démentiel en ait
été influencé; 2° dans nos cas de démence sénile avec délire vésa-
nique (maniaque ou hypocondriaque), l'apparition du délire a
toujours été précédée d'un abaissement notable de la toxicité uri-
naire, abaissement qui nous a permis de prévoir à plusieurs
reprises la réapparition des accès délirants.
M. EIV1NCOTTE. Du sulfate de Duboisine comme moyen de com-
battre le refus des aliments chez les paralytiques généraux. M. Fran-
cotte a employé avec succès le sulfate de Duboisine contre l'agita-
tion des paralytiques généraux. Chez plusieurs paralytiques en
stupeur et refusant obstinément les aliments, il a fait cesser la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 253
sitiophobie par des injections sous-cutanées de sulfate de Duboisine
Le médicament est resté sans effet dans la sitiophobie liée à d'autres
formes d'aliénation mentale. La dose employée pour les injections
sous-cutanées a été un tiers de seringue d'une solution titrée à
4 p. 1.000
M. LIMACQ. Les équivalents de la migraine. Lecture d'une
observation dans laquelle des crises de névralgies alternaient avec
la migraine et étaient suivies, comme dans la migraine, d'ano-
rexie et de torpeur cérébrale.
M. Laurent. Analyse des troubles psychiques de l'opium fumé.-
Les troubles causés par l'opium fumé durèrent des effets de l'opium
absorbé en nature. Le fumeur d'opium éprouve d'abord de l'exci-
tation, puis le sommeil, la lassitude, l'hyperesthésie de la peau. Il
y a impossibilité de l'hypnose chez les fumeurs d'opium. L'opium
est-il un facteur de criminalité ? M. Laurent ne connaît pas de
cas de crimes pouvant être attribués à l'opium, et on ne peut pas
non plus l'invoquer comme cause de nullité d'un acte. C'est un
poison, mais dont les effets seraient, au point de vue de la méde-
cine légale, beaucoup moins dangereux que ceux de l'alcool.
M. Lourent. Communication sur les miracles de Tilly. Courte
communication, dans laquelle l'auteur insiste sur la fixité des hallu-
cinations dans le délire mystique observé. '
MM. A. Pitres et E. Régis. - La phobie de la rougeur. Les
anthopotogistes ont établi que le phénomène de la rougeur est,
par ses côtés essentiels, un phénomène d'ordre psychique. Nous
voudrions montrer qu'il peut aussi, dans;certains cas, devenir le
point de départ d'un état d'esprit particulier allant jusqu'à l'ob-
session, à la phobie. Il y a à cet égard comme une échelle de gra-
dation, et nous pouvons, au point de vue de l'effet moral produit
par la rougeur, admettre trois degrés ou catégories : 1° la rougeur
simple ou des gens normaux; 2° la rougeur émotive, ◀tantôt▶ tempo-
raire et due à une cause accidentelle, climatérique ou pathologique,
.tantôt permanente et due à une prédisposition spéciale, au tempé-
rament (nervosisme, arthritisme, tuberculose, hérédité); 3° la rou-
geur obsédante ou phobie de la rougeur (Er,vlhrophobie),
L'obsession de la rougeur parait être surtout spéciale au sexe
masculin, à la jeunesse', aux émotifs héréditaires, aux neurasthé-
niques, aux dégénérés à stigmates, rarement aux hystériques. La
tendance à rougir remonte à l'enfance, mais l'obsession ne débute
qu'après la puberté, généralement à l'occasion d'un incident
fortuit. Les crises de rougeur, en dehors des circonstances adju-
vantes, toujours les pêmes, ont pour cause immédiate une pen-ée
secrète, une appréhension quelconque, surtout celle de rougir.
Même, seule, elle obsède les malades, et c'est ainsi qu'il leur arrive
de rougir dans la solitude, au souvenir d'un fait désagréable, ou
d'un obstacle difficile à surmonter pour leur timidité. Les crises de
254 'SOCIÉTÉS SAVANTES.
rougeur ont, à quelques nuances près, des caractères physiques et
psychiques identiques. Ce qui domine dans l'état des sujets, c'est
que cette tendance à rougir les rend très malheureux et leur crée
une situation mentale des plus pénibles. Ils sont véritablement
obsédés par l'idée de leur infirmité et ne pensent plus qu'à ça,
malgré tous leurs efforts pour s'en affranchir. Ce qui augmente
leur souffrance, c'est que, comme la plupart des obsédés, ils la
cachent à tous, sauf au médecin, à qui ils ouvrent leur âme ulcérée,
lui parlant de leurs obsessions avec une émotion angoissante,
comme un supplice de tous les instants, qui empoisonne littérale-
ment leur existence. Aussi ces malheureux ne vivent pas de la vie
de tout le monde. Ils fuient tout contact, tout plaisir, s'enfermant
dans une solitude sombre et farouche, songeant à en finir par le
suicide, s'ils ne guérissent pas; tombant, s'ils sont intelligents et
instruits, dans le pessimisme amer et subtil, si fréquent chez les
neurasthéniques supérieurs.
Ce qu'il y a de vraiment curieux, ce sont les artifices auxquels ont
recours les malades pour empêcher ou pour dissimuler leur crise de
rougeur. Leur moyen habituel, pour essayer de s'empêcher de rou-
gir, c'est de penser à autre chose, de « s'attentionner ailleurs »,
comme ils disent. Ils sont loin de réussir toujours. Pour cacher leur
rougeur, ils usent de divers procédés, plus ingénieux les uns que
les autres (faire semblant de lire un journal, se couvrir le visage
avec les mains, se moucher bruyamment, s'essuyer la figure, se
baisser comme pour ramasser un objet, s'abriter sous un parapluie,
surtout boire). Quatre de nos sujets sur sept se livraient à la boisson,
dans le double but de se donner de l'assurance, « du toupet », et
de rendre moins sensible, par la coloration artificielle produite par
l'alcool, leurs bouffées de rougeur.
Mais ce ne sont là que des palliatifs. Ce que voudraient surtout
ces malheureux, c'est ou ne plus rougir, ou masquer leur rougeur
d'une façon constante. Ils conçoivent à cet égard toutes sortes de
combinaisons étranges qu'ils proposent aux médecins. Tel ce ma-
lade demandant à l'un de nous « si on ne pourrait donner à son
teint une nuance feu permanent en infiltrant entre la première et
la deuxième peau un liquide quelconque, absolument comme on
fait pour un tatouage; seulement au lieu d'être bleu, ce serait
rouge ». Tel cet autre malade qui, après une application de sang-
sues et le simulacre d'une ligature de la carotide qu'il avait récla-
mée, ne se sentant pas amélioré, désire maintenante un change-
ment de cerveau, une extraction de cerveau ».
L'obsession de la rougeur est en général des plus tenaces. Ce
n'est que dans un cas où la peur de la rougeur s'est trouvée liée à
l'hystérie, que nous avons pu obtenir quelque résultat du traite-
ment en particulier par la médication psychique. Chez nos autres
malades, qui étaient ou neurasthéniques ou dégénérés, nous
SOCIETES SAVANTES. ZOO
n'avons rien obtenu et ils semblent voués à perpétuité à leur
obsession.
MM. SPILLMAN1V et Etienne. - Paralysie générale consécutive à une
intoxication suraiguë par les vapeurs d'huile d'aniline. - M. Etienne
communique au nom de M. S... et au sien, une observation de
paralysie générale à évolution irrégulière, survenue chez un
employé de droguerie, à la suite d'une intoxication suraiguë extrê-
mement grave par les vapeurs d'huile d'aniline avec ictus apoplec-
tique, cyanose, état de collapsus, pouls ralenti et très faible,
pupilles dilatées; puis, quelques jours plus tard, persistance d'une
teinte verdâtre de la peau et coloration noire des urines. Dès ce
moment les troubles psychiques et moraux apparurent et abou-
tirent à l'état actuel caractérisé par des ictus apoplectiques répétés,
des troubles de l'intelligence, de la parole, de la mémoire, des
sentiments affectifs entrecoupés de rémission très marquée.
M. ETIENNE. Monoplégie faciale d'origine capsulaire. M. Etienne
présente l'observation d'un homme atteint d'une monoplégie faciale
avec déviation compliquée de la face et des yeux. A l'autopsie, on
ne trouve pour expliquer ces phénomènes qu'une destruction pro-
fonde de toute la partie antérieure de la capsule blanche interne
due à une hémorragie. Comparant cette lésion à celle qu'a signalée
M. Parisot (partie postérieure du faisceau géniculé), l'auteur conclut
que le. passage du faisceau facial dans la capsule interne n'est pas
identique chez tous les individus.
M. SEELIG3tANN dit avoir également observé dans le service de
M. Bernheim (de Nancy) un malade dont la paralysie faciale recon-
naissait pour cause une lésion de la capsule interne.
Présentation d'une malade. M. BERNHEIM présente une apha-
sique qui sans hésiter, récite une prière ou chante une chanson, et
qui dans la conversation ne trouve pas ses mots. La parole automa-
tique existe, la parole volontaire est lésée. La lésion n'a donc pas
atteint le pied de la troisième circonvolution frontale gauche. Cette
malade est suggestible, et est mise, sur l'ordie qui lui a été donné,
en état de sommeil hypnotique.
Présentation de pièces. Cerveaux d'aphasiques; par M. Bernheim.
Crânes et cerveaux d'hydrocéphales ; par M. Il4USIIALTER. Ces
pièces sont préparées avec le plus grand soin et accompagnées de
photographies très démonstratives. L'un des cas, surtout, est remar-
quable par son volume.
M. BOURNEVILLE. Médication thyroïdienne : action sur la crois-
sance et en particulier sur la taille. - L'auteur présente une série
de tracés de la température, du poids et de la taille, concernant
plusieurs groupes de malades : 1° des enfants atteints de myxoedème
infantile; 2° des enfants idiots et arriérés atteints de nanisme;
3° des enfants atteints d'obésité. Des tableaux et des tracés mis
sous les yeux des membres du Congrès, il ressort que l'adminis-
2S6 FAITS DIVERS.
tration de la glande thyroïde du mouton par la voie stomacale,
soit à l'état naturel, soit en capsules ou en tablettes, a une action
remarquable sur la croissance, et en particulier sur le développement
de la taille. Cette nouvelle communication confirme nos publi-
cations et nos communications antérieures an Congrès de 1895, à
..lartSociété de biologie et à la Société médicale des hôpitaux au
cours de cette année. Nous donnerons ce travail in extenso au
33ecùejl'des travaux du Congrès.
' C;.<"
^'après cette communication, le président, M. le professeur
Eitres, résume les travaux du Congrès remercie les vice-pré-
'sidents, MM. Vallon et LAPOINTE, et le secrétaire général,
M. VERNET, du concours actif qu'ils lui ont prêté. Son discours
clôt la session de Nancy du Congrès.
BOURNEVILLE et A. Marie.
Asiles d'aliénés. Nominations et mutations : M. le Dr Cn.\I\U¡ : L,
médecin-adjoint à l'asile deFains (Meuse), est nommé en la même
qualité à l'asile de Châlons-sur-Mal'lle en remplacement de M. le
D'' Journiac (19 mai 1896) ; AI. le D'' Leroy est nommé médecin-
adjoint de l'asile de Quimper (poste créé), si juin 1896;-hl. le
De BARUK est nommé médecin-adjoint à l'asile de Lesvellec (Mor-
bihan) en remplacement de M. le Dr Fenayrou, appelé en la même
qualité à l'asile de Blois; M. le Dr LEVET est nommé médecin-
adjoint de l'asile de Fains en remplacement de M. Charuel, appelé
en la même qualité à l'asile de Châlons-sur-Marne (17 jnin 1896);
- M. le D'' Santenoise est nommé médecin-adjoint à l'asile de Dôle
en remplacement de M. Ilamel, appelé en la même qualité à l'asile
Saint-Yon (17 juin) ; 11. le D Maupali, médecin-adjoint de l'asile
d'Armentières, est promu à la Ire classe du cadre à partir du
lcr juillet (10 juillet); -1\1. le Dr Garnier, directeur-médecin de
l'asile de Dôle est promu à la classe exceptionnelle à partir du
le, juillet (10 juillet); - 1\1. le D1' KERAVAL, dilecteur médecin de
l'asile d'A rmentières, est promu à la Ire classe du cadre à partir du
1cr juillet (20 juillet) ; M. le D'' ADAM, médecin en chef de l'asile
de Clermont (Oise), est promu à la ire classe du cadre à partir du
101' juillet 1896 (29 juillet) ; - 1. le Dr 13ELLOT, directeur-médecin
de l'asile de Brenty, est promu à la 2° classe du cadre à partir du
1er juillet 1896 (29 juillet); - M. le Dr W atnorr, médecin-adjoint de
l'asile de Dijon, eL promu à la 1 ? classe du cadre à partir du
leur août 1896 (S août 1896).
Le t'edttt;<ettr-er6[ ? t< ; BOUREVILLE.
1 ? vreux, Ch. Iléwssn5-, imp. 996.
Vol. II. Octobre 1896.. N° 10.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE
TROUBLES MOTEURS PRÉCÉDANT L'ARTICULATION
DE LA PAROLE CHEZ UN DÉGÉNÉRÉ;
Par le Dr Xavier PLANAT.
Nous avons eu l'occasion d'observer récemment à l'Asile cli-
nique, un malade chez lequel l'émission de la parole était liée
à des phénomènes convulsifs, dont l'ensemble complexe et la
physionomie très spéciale nous ont paru dignes d'attirer l'at-
tention. Nous devons à notre éminent maître, 1V. le D' lZanan,
qui a bien voulu conserver ce sujet dans son service et nous
aider de ses conseils, d'avoir pu l'étudier à loisir et recueillir
sur lui les renseignements suivants :
Adolphe K..., qui est âgé de dix-neuf ans, est entré à l'Admission
le 9 mai 1896 ; il venait directement de l'hôpital Saint-Antoine.
M. Brissaud, dans le service duquel il était interné, avait dû le ren-
voyer à causes des violences journalières auxquelles il se livrait
sur d'autres malades de la salle. > , . .
Les antécédents héréditaires de K... nous .apprennent peu de
choses ; les informations que nous avons pu recueillir émanent du
malade lui-même et de son correspondant à Paris ; nous les don-
nons donc sous toute réserve. Sa famille d'origine israélite était,
depuis longtemps établie à Odessa ; le père qui est brocanteur ne
serait pas buveur et paraît .exempt de toute tare névropathique ;
la mère n'a jamais eu d'accidents convulsifs et semble bien équi-
librée ; deux soeurs également bien portantes et deux frères, dont
l'un marié et l'autre encore enfant n'auraient présenté jusqu'ici
aucun accident pathologique sérieux ; un troisième est mort de
la diphtérie en bas âge.
Archives, 2e série, t. II. j 7
2§8 · CLINIQUE mentale.
A. K... avait douze ans lorsque son père, pris du désir de faire
fortune, se décida à abandonner la Russie avec sa famille. Il se
dirigea d'abord vers l'Allemagne et fit un séjour de trois mois à
Berlin ; mais ne trouvant pas là les conditions qu'il cherchait, il
gagne Hambourg où il s'embarque à destination de Buenos-Ayres.
Le jeune A. K... avait bien accompagné ses parents à Hambourg
mais il s'était refusé à partir avec eux « préférant, dit-il, être seul ».
On lui procura du travail chez un fabricant de cigarettes, mais
bientôt, trouvant la besogne trop assujettissante, il regagna Berlin
où, pendant huit mois il mène une existence misérable, tour à
tour occupé et sans emploi et très fréquemment dans le dénuement
le plus complet ; c'est de là qu'il écrit à ses parents qui lui envoient
la somme nécessaire pour aller les rejoindre. Arrivé dans la Répu-
blique Argentine, A. K... s'emploie à faire valoir une ferme dont
sa famille avait entrepris l'exploitation; mais son séjour à la cam-
pagne fut de courte durée, car ses parents ayant rencontré une
occasion avantageuse, reviennent à Buenos-Ayres où lui-même
trouve à s'occuper en fabriquant de nouveau des cigarettes.
Il y avait un an et demi qu'il habitait la République Argentine
lorsqu'un jour, se trouvant chez un de ses oncles et ayant soif, il
prit une bouteille qu'il crut contenir du vin et la porta à ses lèvres;
mais à peine avait-il bu une gorgée qu'il lâcha le flacon la bouche
horriblement brûlée; nous ne sommes pas fixés sur la nature du
liquide corrosif qui n'a d'ailleurs laissé aucune cicatrice ; quoi qu'il
en soit, bien qu'immédiatement secouru, des symptômes bruyants
se manifestèrent, les lèvres devenaient énormes et étaient cou-
vertes d'escarres, la langue boursouflée ne pouvait se mouvoir et
il ressentait à la poitrine une brûlure intense.
K..., dans les premiers moments qui avaient suivi l'accident, était
resté sous le coup d'une terreur profonde ; par la suite, bien que
rassuré par son entourage sur les conséquences de son aventure,
il continua à se livrer à un violent désespoir. Lorsqu'il put parler,
c'est-à-dire cinq ou six jours après l'accident, ses parents qui
n'avaient jamais remarqué chez lui le plus léger trouble de la
parole, furent fort étonnés en s'apercevant qu'il bégayait ; petit à
petit son bégaiement augmenta et bientôt il fut précédé de mani-
festations spasmodiques qui, suivant une marche progressive,
gagnèrent d'abord la tête et le tronc, puis les bras et enfin les
jambes. Au bout de vingt-cinq jours, l'affection resta stationnaire
et depuis, avec quelques variations sans importance, elle est restée
telle que nous l'observons aujourd'hui.
Après une convalescence assez longue, K... put se remettre à
travailler ; mais son caractère, assombri, était complètement
changé ; sa pénible infirmité lui rendait la vie insoutenable. Un
jour, ayant lu dans un journal espagnol, qu'il existait à Paris un
Institut où l'on traitait et guérissait le bégaiement il voulut s'y
TROUBLES moteurs DE l'articulation DE la parole. 259
rendre sur-le-champ. Comme il n'y avait pas à Buenos-Ayres de
bateau en partance pour la France, il résolut de profiter d'un
vapeur à destination de Londres, mais comme ses ressources
étaient des plus modestes, on l'engagea en qualité de domestique.
En Angleterre nous le retrouvons tour à tour à Londres ou à Glas-
gow, ne manquant jamais de travail et économisant le plus pos-
sible. Au bout de deux ans il avait amassé un petit pécule qui lui
permit de gagner la France et de subvenir aux premiers frais.
Arrivé à Paris, il se fait conduire immédiatement à l'Institut des
bègues, objectif de sa longue et opiniâtre odyssée ; malheureuse-
ment il ne fut pas en mesure de réaliser les conditions da son
admission. On lui donna alors l'idée de se présenter à la Salpê-
trière où il fut reçu dans le service de M. le professeur Raymond ;
renvoyé au bout de quelques jours il fut admis à Saint-Antoine
dans le service de M. Brissaud qui a bien voulu, très obligeamment
nous renseigner sur l'attitude de K... pendant son séjour dans cet
hôpital, séjour qui dura du mois de janvier au mois de mai. Le
malade s'était parfaitement comporté durant les premiers temps,
mais ayant appris à jouer, le jeu devint bientôt chez lui une pas-
sion telle qu'il quittait à peine les cartes pour prendre ses repas ;
lorsqu'il perdait il était de mauvaise humeur, les plus innocentes
plaisanteries le mettaient hors de lui et il entrait dans de violentes
colères impulsives ; à plusieurs reprises il aurait menacé et frappé
d'autres malades, bref il devenait dangereux. Dans ces conditions
son séjour ne pouvant se prolonger dans un hôpital ordinaire, il
fut transféré à Sainte-Anne où il entre avec le certificat suivant de
M. Brissaud, attestant «que K... est atteint de tic et bégaiement
spasmodique, sorte d'aura convulsive, avec crises d'exaltation,
colères impulsives ; qu'il se livre journellement à des voies de fait
sur d'autres malades de la salle absolument inoffensifs. Névrose
complexe de dégénérescence. »
A. K... est un garçon de moyenne tailla, assez bien constitué,
quoique son système musculaire soit relativement peu développé
pour son âge, la tête petite est cependanl assez bien conformée,
la face est un peu aplatie. les pommettes saillantes, le front est
bas, les fentes palpébrales étroites, il présente en outre quelques
stigmates banals de dégénérescence tels que la voûte palatine
ogivale, un léger degré d'asymétrie faciale, une adhérence anor-
male du lobule de l'oreille ; ces signes sont d'ailleurs peu accusés,
et c'est surtout l'ensemble de la physionomie qui donne à première
vue, sans qu'on puisse l'analyser nettement, l'impression qu'on se
trouve en présence d'un être physiquement et intellectuellement
amoindri. -
Il est né à terme et nous ne retrouvons dans ses antécédents per-
sonnels aucun accident pathologique grave ; il n'a pas eu de con-
vulsions dans l'enfance et il aurait été épargné par les maladies
260 CLINIQUE mentale.
infectieuses habituelles à cet â2e ; la fonction du langage s'est déve-
loppée chez lui sans qu'on puisse noter quoi que ce soit d'anormal
dans la date de son apparition ou dans le cours de son évolution
et on n'a relevé chez ses ascendants directs aucun trouble de la
parole. Il n'a jamais eu de vertiges ni d'accidents convulsifs d'au-
cune sorte et n'a jamais présenté non plus de mouvements cho-
réiformes. La sensibilité générale est intacte et nous n'avons trouvé
aucune défaillance dans le fonctionnement de ses organes senso-
riels. Pas de syphilis. Pas d'alcoolisme. Actuellement l'état général
est excellent, et sauf quelques troubles dyspeptiques intermittents,
suite probable de l'empoisonnement dont il faillit être victime, il
est aussi bien portant que possible.
Au point de vue intellectuel, certaines facultés sont, chez lui,
bien développées ; c'est ainsi qu'il a montré de bonne heure une
certaine aptitude pour les langues et dans son existence cosmopo-
lite il a pu se tirer rapidement d'affaire ; il ne cherchait jamais,
d'ailleurs, à se perfectionner et il se contentait de ce que les
hasards de la vie courante lui apprenaient; toutes les notions qu'il
a acquises offrent, d'ailleurs, cet aspect de décousu et d'inachevé ;
outre le russe et l'hébreu qu'il connaissait avant son départ d'O-
dessa, il apprit successivement en Allemagne et en Angleterre, la
langue du pays pendant les séjours qu'il y faisait, l'espagnol pen-
dant qu'il habitait la République Argentine, et il commence à se
faire comprendre assez bien en français. La mémoire normalement
développée pour les langues, présente des défaillances surprenantes
pour les dates, les noms propres, les faits récents; il ne se rap-
pelle pas, par exemple, à quelle époque il est venu en France et
c'est avec beaucoup de peine qu'on lui fait préciser la durée de son
séjour à la Salpêtrière ; il ne se souvient pas non plus sur quel
bateau il est venu de Buenos-Ayres à Londres.
Le goût musical est très prononcé chez lui et sous ce rapport il
est très au-dessus de la moyenne.
Dans sa conduite, on relève d'étranges contradictions; c'est ainsi
qu'après avoirdirigé tous ses efforts avec une ténacité et une énergie
extraordinaires en vue de se faire traiter à Paris, il s'accommode
très bien delà paisible existence des hôpitaux et ne réclamerait pas
de traitement si on ne l'obligeait à s'y soumettre. On ne comprend
pas non plus, aisément, pour quelle raison il a voulu rester en Alle-
magne au moment du départ de sa famille pour la République
Argentine. La faculté d'attention, susceptible de s'exercer avec
fruit sur certains sujets, est totalement dépourvue de résistance sur
d'autres. Nous relevons, quant au jugement, au cours de son aven-
tureuse existence, de nombreux faits qui prouvent que la plupart
de ses actes, tout au moins avant l'accident, étaient provoqués par
ses caprices et que le raisonnement et la réflexion n'y prenaient
aucune part.
TROUBLES MOTEURS DE l'articulation DE la parole. 261
Nous n'avons trouvé aucune anomalie dans la sphère des senti-
ments moraux ; ses facultés affectives paraissent seulement médio-
crement développées.
Nous avons vu, au cours de son histoire, qu'il avait pu, dans cer-
tains cas, faire preuve d'une volonté tenace, cette faculté nous a
paru toutefois susceptible de subir, sous l'influence de causes sou-
vent insignifiantes, des intermittences plus ou moins passagères
dans son fonctionnement. Pour ce qui est de l'émotivité facilement
éveillée chez lui, nous aurons l'occasion d'en parler longuement
avec les troubles moteurs que nous allons décrire.
Les phénomènes spasmodiques qui constituent l'intérêt principal
de l'histoire pathologique de ce malade, sontintimement et unique-
ment liés, ainsi que nous l'indiquions au début de cette note, à la
manifestation de la pensée sous la forme dulangateparlé. Voici dans
quelles circonstances ils surviennent et les caractères objectifs que
l'on observe. Si l'on adresse au malade K... une question quel-
conque, on voit tout aussitôt sa physionomie prendre un aspect
spécial de contrainte et de gêne; les yeux deviennent fixes; le
front se plisse, attirant en haut les sourcils, le droit principale-
ment, la lèvre supérieure est soulevée par les zygomatiques plus à
droite qu'à gauche ; la lèvre inférieure est également tendue en
avant ; une sorte de sifflement s'échappe entre les arcades dentaires
serrées par la contraction des masséters ; les ailes du nez battent;
la langue s'immobilise dans la bouche ; la tête est légèrement
attirée en arrière et un peu du côté gauche, le cou et le tronc se
raidissent ; les sterno-cléido-mastoidiens entrent en contraction,
puis l'onde convulsive gagnant les pectoraux, les grands dentelés,
tous les muscles du thorax, atteint parfois dans sa marche pro-
gressive, ceux de la paroi abdominale; le rythme respiratoire est
profondément modifié et l'aspect du patient offre les apparences
physiques d'un sujet soumis à un effort violent.
En même temps que l'action convulsivante fait entrer les masses
musculaires du cou et de la poitrine dans une phase en quelque
sorte tétanique, elle atteint le membre supérieur ; l'avant-bras
en demi-flexion, un moment immobile, est d'abord vivement pro-
jeté en bas et un peu en avant, puis il se fléchit et dessine, sans
pour cela revenir à l'extension complète au-devant de l'abdomen
et de la poitrine, une série de [flexions et de déflexions saccadées
et rapides ; les mouvements de l'avant-bras droit ont pour effet de
faire parcourir, à plusieurs reprises, à la main du même côté,
toute l'étendue du membre supérieur gauche contre lequel elle
s'applique dans les allées et venues de sa course convulsive'.
' Il est toutefois possible d'obtenir le transfert des mouvements spas-
modiques à gauche, il suffit de tenir le bras droit du malade sans le serrer,
les mouvements de flexion et d'extension se montrent alors dans l'avant-
bras gauche, mais cependant bien plus atténués qu'à droite.
, 262 CLINIQUE mentale.
La plupart du temps l'épaule gauche, simultanément avec la
droite, éprouve une secousse brusque qui la soulève; tout peut se
borner là, mais fréquemment aussi le bras se contracte et s'étend,
et la main est, comme du côté opposé, brusquement projetée en
bas, en avant et un peu en dedans; toutefois la série des mouve-
ments à grande amplitude décrits par l'àvant-bras droit, n'existe
pas à gauche.
Les membres inférieurs, sauf lorsque le malade est dans le décu-
bitus dorsal, sont susceptibles de prendre part aux secousses qui
agitent le reste du corps : d'une façon générale, les accidents con-
vulsifs y affectent une forme atténuée et parfois le malade étant
assis ou même debout, peuvent faire complètement défaut. Ils con-
sistent en mouvements de flexion et d'extension peu marqués et
de très faible amplitude à la cuisse et à la jambe, plus accentués
aux pieds qui, tour à tour, étendus ou fléchis, portent bruyam-
ment contre le sol, ◀tantôt▶ par la pointe, ◀tantôt▶ parle talon; excep-
tionnellement le pied complètement soulevé, retombe à plat. Ces
phénomènes ont lieu à gauche comme à droite, mais toujours
alternativement.
Si la question que l'on a posée au malade, comporte une réponse
un peu longue qui l'oblige à réfléchir, si surtout il est un peu»
impressionné, la phrase partagée par les phénomènes moteurs, sort
en quelque sorte en lambeaux; en effet dès que les manifestations
convulsives ont pris naissance, c'est-à-dire dès que le maladea voulu
parler, il s'est butté contre le commencement du mot qu'il veut pro-
noncer, et ses efforts pour le proférer s'accusenten même temps que
les troubles respiratoires et l'agitation des membres s'accroissent,
puis tout à coup l'obstacle cède, un mot ou deux, quelquefois un
membre de phrase, toujours dits correctement, sont prononcés en
même temps que le patient exhale un soupir de soulagement. Puis
il vient se heurter aux mêmes difficultés avec la continuation de
sa phrase qui parvient à sa fin après une série d'interruptions.
Parmi les lettres, aucune n'a paru avoir d'action perturbatrice
spéciale; si on lui fait répéter les plus difficiles, après les avoir soi-
même prononcées, il n'éprouve, pour aucune, le moindre effort; de
même pour les mots composés de manière à rendre leur pronon-
ciation très ardue et qui sont proférés avec aisance. Les troubles
de la parole ne se montrent pas d'ailleurs plus fréquents à l'occa-
sion des voyelles que des consonnes.
Lorsque K... est arrêté devant le commencement d'un mot, il
n'en répétera pas coup sur coup les premières syllabes, ainsi que
cela a lieu si souvent chez les bègues ordinaires, seulement une
sorte de sifflement à timbre très bas sort entre les arcades den-
taires, précédant l'émission du mot ou de la phrase qui se déta-
chent, le moment venu, comme projetés : on dirait d'un ressort qui
se déclenche. Pour peu que l'interrogatoire se prolonge, on verra
TROUBLES moteurs DE l'articulation DE la parole. 263
bientôt s'accentuer les phénomènes spasmodiques avec une vio-
lence rapidement progressive ; à chaque nouveau membre de
phrase qui tend à s'extérioriser, les secousses augmentent d'inten-
sité, les pieds s'étendent et se fléchissent alternativement, l'ampli-
tude des mouvements cloniques du bras droit s'exagère; en vain,
dans ce cas, le malade essaie de modérer ce mouvement si carac- ;.
téristique en appliquant le plus fortement qu'il le peut, sa main
contre les plis de son vêtement, en tâchant d'entrelacer ses doigts
à ceux de la main du côté opposé, l'avant-bras continue à parcou-
rir son arc de cercle habituel par saccades précipitées.
Au contraire, lorsqu'on le prie de chanter, ce qu'il fait volon-
tiers, il n'éprouve aucun trouble du langage, aucune secousse con-
vulsive dans les territoires musculaires, habituellement si prompts
à entrer en contraction à la moindre manifestation verbale.
L'intensité des accidents convulsifs est susceptible d'éprouver les
différences de degré les plus grandes; à côté du type le plus fré-
quent et qui est celui que nous avons longuement décrit, d'autres
modalités peuvent être observées.
C'est ainsi que dans certains cas la phase convulsive limite son
action à la tête qui se raidit et à une secousse brusque qui par-
court le tronc et les bras, .parfois même la tête seule est affectée,
d'autres fois, mais presque exceptionnellement, nous avons pu
noter simplement un peu d'hésitation après laquelle la phrase très
courte, dans ce cas, s'échappait dans un soupir; plus souvent, il
existait une simple atténuation des phénomènes convulsifs, et le
malade exprimait ce qu'il avait à dire dans un langage que cou-
pait, à intervalles plus ou moins rapprochés, un sorte de hoquet.
Dans tous les cas, l'ordre d'apparition des phénomènes ne varie
pas. D'abord la phase convulsive précédant l'émission de la parole
qui est elle-même suivie d'une sensation profonde de soulagement
et de bien-être. La durée des troubles moteurs est loin d'être fixe,
et il serait impossible d'assigner, d'une façon invariable, le laps de
temps pendant lequel ils exercent leur action. En moyenne, ils
ne dépassent pas trois à quatre secondes ; exceptionnellement,
nous les avons vus durer six à sept secondes, et dans des circons-
tances capables de produire une émotion profonde, ils sont sus-
ceptibles de se prolonger plus longtemps encore.
Pendant que le malade est sous le coup des manifestations con-
vulsives, il éprouve toujours une sensation de gêne et d'oppres-
sion qui se retrouve d'ailleurs en d'autres circonstances : si on lui
adresse une question, il éprouve le besoin impulsif d'y répondre
sur-le-champ, et si on lui ordonne de ne faire connaître ce qu'il a
à dire qu'à un moment donné, il obéit parfaitement, mais la même
sensation d'anxiété qui se manifeste à l'occasion des phénomènes
spasmodiques se produit et ne se dissipe qu'après que le malade a
parlé ou un temps relativement long.
264 CLINIQUE mentale.
Les troubles respiratoires se montrent en même temps que les
phénomènes convulsifs des membres : la cage thoracique est
presque immobilisée, elle laisse cependant s'échapper peu à peu
l'air que contiennent les poumons, et le malade'est dans l'impossi-
bilité d'utiliser pour parler, ainsi que cela a lieu à l'état physiolo-
gique, cet air qui se fait de plus en plus rare ; la plupart du temps,
au moment où l'expiration, quoique très ralentie par la tétanisa-
tion des muscles respiratoires, va être complète, l'obstacle cède et
le malade profite du peu d'air qui s'échappe encore pour proférer
sa phrase, et cela fait, il prend une ample inspiration, mais les
mêmes troubles recommencent et selon la succession des mêmes
phases tant que le malade voudra parler.
Parmi les causes susceptibles d'agir sur les phénomènes moteurs
que nous venons de décrire, figurent en première ligne les in-
fluences morales : la vue d'un inconnu, une question adressée
brusquement et pour laquelle on réclame une réponse immédiate,
une réprimande insignifiante, la colère surtout, toutes causes en
un mot, capables de l'érnotionner, fût-ce légèrement, provoqueront
chez lui, lorsque la parole tendra à se manifester, des accidents
convulsifs plus ou moins accentués, selon que la cause perturba-
trice aura été plus ou moins profondément ressentie.
Plus la connaissance d'une langue est familière au malade plus
les accidents spasmodiques sont atténués, c'est ainsi qu'interrogé
en allemand qu'il prétend bien connaître, on remarque une diffé-
rence sensible dans les réactions motrices ; elles ne vont pas d'ail-
leurs jusqu'à disparaître complètement et sont susceptibles de se
réveiller sous l'influence des causes émotionnelles.
Les conditions atmosphériques influent, selon K..., sur la vio-
lence plus ou moins grande de son tic; pour nous, nous l'avons
toujours trouvé d'une façon constante plus exagéré le soir que le
matin. Il existe toutefois des périodes pendant lesquelles le ma-
lade, se trouvant toujours dans les mêmes conditions, les troubles
de la parole et les accidents convulsifs disparaissent complètement;
d'autres fois, au con ! raire, ils sont exagérés sans qu'on puisse lo-
giquement attribuer à ces changements, qui n'affectent d'ailleurs
aucune intermittence régulière, une cause quelconque.
Quelques modifications peu marquées mais cependant sensibles
et constantes au moins jusqu'ici se sont montrées dans l'état de
A. K... depuis son entrée à l'Asile clinique. Les troubles moteurs
étaient, à son arrivée, très accusés, très violents et pour peu que le
malade fût ému on assistait dès qu'il voulait parler au spectacle
d'une incoordination musculaire généralisée. Après quelque temps
de séjour sous l'influence des encouragements, de la promesse for-
melle qu'il guérirait et surtout après quelques essais de gymnas-
tique vocale, les mouvements spasmodiques montrèrent une ten-
dance à diminuer d'intensité; celte tendance s'accenlua de plus en
TROUBLES MOTEURS DE l'articulation DE la parole. 265
plus, mais le degré de fréquence est resté à peu près le même. Ce-
pendant les intermittences durant lesquelles le malade peut par-
ler sans effort et sans mouvements convulsifs semblent se faire
depuis quelque temps plus fréquentes.
Les troubles de la parole dont nous venons d'esquisser les
principaux caractères peuvent-ils être rapportés sans conteste
possible au bégaiement ! La majorité des signes observés
plaide assurément en faveur de cette manière de voir; la dis-
parition dans le chant de tout phénomène défectueux, les
troubles respiratoires très accusés et jusqu'aux périodes d'exa-
cerbation et de rémission. Ce sont là autant de symptômes
classiques et des plus nets chez notre malade. Le mode de
début de l'affection dont le traumatisme moral causé par une
violente frayeur semble avoir été l'occasion est également des
plus habituels et nombreux sont les exemples de sujets deve-
nus bègues à la suite d'une vive émotion. Mais ces accidents
sont survenus chez notre malade à un âge où il n'est pas habi-
tuel d'observer leur début. On sait en effet que « le bégaiement
apparaît dans la première enfance, de trois à sept ans ; quel-
quefois un peu plus tard mais très rarement après l'âge de
onze ou douze ans ' 1 n.
Or, chez notre malade, les troubles de la parole ne sont sur-
venus que vers quatorze ans et, fait très important sur lequel
nous avons des renseignements très catégoriques, rien n'avait
fait précédemment supposer chez lui un état d'infériorité ou
de vulnérabilité spéciale dans la fonction du langage. D'autre
part son bégaiement, considéré en lui-même, n'a pas non plus
les caractères du type le plus communément observé.
La phrase encadrée et divisée par les phénomènes convul-
sifs se développe correctement aussitôt que l'obstacle a cédé,
il n'y a jamais de répétition et de prononciation défectueuse
des mots, et les lettres qui sont pour le bègue ordinaire l'objet
d'une articulation particulièrement ardue n'ont jamais offert
pour notre malade la moindre difficulté.
Les troubles moteurs associés au bégaiement ne sont pas
extrêmement rares, mais ils affectent un polymorphisme tel
chez le même sujet, des variations individuelles si grandes
qu'ils n'ont pas été jusqu'ici, au moins à notre connaissance,
systématisés en une description méthodique; on s'est contenté
' D' Chervin. Bégaiement et autres défauts de prononciation, page 35.
266 CLINIQUE mentale.
de les signaler au cours de l'histoire pathologique des malades
qui en étaient affectés. Toutefois les accidents convulsifs pré-
sentés par K... semblent offrir assez de caractères spéciaux
dans leur mode d'apparition, assez de constance dans leur
manifestation et dans leur manière d'évoluer pour qu'il y ait
lieu de les rapprocher des entités nosologiques qui présentent
ave'c eux des analogies morphologiques.
A l'aspect extérieur du malade et en assistant aux phases
d'agitation musculaire, on songe naturellement à la maladie
des tics convulsifs telle que l'ont décrite MM. Gilles de la Tou-
rette et G. Guinon. De nombreux caractères cependant l'en
différencient et pour ne s'appuyer que sur la forme des acci-
dents convulsifs les secousses sont dans la maladie des tics
plus brusques, plus rapides, elles ont même un caractère
franchement explosit; en second lieu, elles représentent tou-
jours l'ébauche de mouvements volontaires ou réflexes, elles
restent souvent localisées à la face, enfin elles s'accompagnent
d'ordinaire d'un état mental spécial qui trouve son expression
fréquente dans des syndromes épisodiques de l'histoire des dé-
générés, l'écholalie et la coprolalie. Le paramyoclonus mul-
tiple avec d'autres caractères communs tels que l'influence des
impressions morales et des excitations périphériques sur
le plus ou moins d'agitation musculaire présente des analogies
dans le mode de début qui est émotionnel, mais les signes qui
peuvent servir à les différencier de l'affection présentée par
K... sont nombreux. En première ligne le début par les
membres inférieurs et l'intégrité presque constante de la face
qui est en général respectée; le pouvoir qu'a la volonté d'arrê-
ter les mouvements lorsqu'on l'ordonne au malade et enfin le
fait que les mouvements volontaires font cesser immédiate-
ment les convulsions dans les groupes musculaires qui y
prennent part, ce sont là autant de signes de première impor-
tance qui permettent, malgré certaines apparences de forme
de faire promptement la distinction.
On trouverait parmi les autres myoclonies : chorée de Du-
bini, chorée électrique de Enock-Bergeron, chorée fibrillaire
de Morvan, etc., dont la différenciation à titre d'entité noso-
logique est contestée, étant donné qu'elle ne formerait selon
certains avis (Paul Blocq) que des modalités diverses de la
maladie de Friedreich, un aspect extérieur présentant une
assez grande ressemblance avec les accidents convulsifs dont
TROUBLES moteurs DE l'articulation DE la parole. 267
K... est affecté, le diagnostic serait du reste toujours, aisé à
cause de l'action spécifique du langage articulé dans la pro-
duction des troubles moteurs.
On a décrit des tics hystériques et leurs apparences sont des
plus variées, mais ils présentent des rapports avec les mani-
festations convulsives décrites par Gilles de la Tourette et
comme dans cette dernière affection ils ont un sens et expri-
ment la tendance à des mouvements coordonnés.
Le terrain sur lequel se sont développés les troubles divers
que nous avons décrits n'est pas d'ailleurs un terrain hysté-
rique. On ne relève rien tant dans les antécédents héréditaires
de K... que dans ses antécédents personnels qui puisse faire
soupçonner l'existence de cette névrose. Il n'existe aucune
anesthésie dans le domaine de la sensibilité générale et l'exa-
men du champ visuel permet de conclure à l'intégrité fonc-
tionnelle absolue de la vision; nous n'avons noté aucun trouble
dans les autres organes sensoriels et il ressort des renseigne-
ments qu'il n'y a jamais eu de paralysie, de contracture ou d'ac-
cidents convulsifs autres que ceux dont nous venons de parler.
Bien que l'hérédité de K... soit peu chargée, au moins
d'après les informations que nous avons eues, il n'en est pas
moins nettement un dégénéré. Son aspect extérieur et les
tares physiques diverses que nous avons notées au cours de
l'observation parlent en faveur de cette manière de voir, et il y
a d'ailleurs correspondance chez lui entre les déchéances phy-
siques et les stigmates mentaux.
Dans le domaine moral, il est un émotif, et sous ce rapport
son bégaiement renseigne très exactement sur son degré d'im-
pressionnabilité ; il est d'autre part sujet à des colères impul-
sives ; a des crises d'exaltation et depuis quelque temps pour
un motif futile, il est entré dans un état voisin de la dépres-
sion mélancolique. Au point de vue intellectuel, ses facultés,
normalement développées sur certains points, présentent sur
d'autres des lacunes étranges ; le fonctionnement de la mé-
moire chez K... en est un exemple ; d'autre part son existence
migratrice, aventureuse, dominée souvent par les impressions
du moment, nous fournit une preuve de plus de sa déséquili-
bration. Enfin, bégaiement et tic sont deux stigmates trop
communs et trop importants de la dégénérescence mentale
pour qu'il soit nécessaire d'insister sur leur signification
pathologique.
268 CLINIQUE mentale.
K... présente en outre à l'état d'ébauche un phénomène que
l'on pourrait rapprocher de certains syndromes épisodiques et
que nous avons signalé au cours de l'observation. Il s'agit du
besoin impulsif de répondre sur-le-champ qu'éprouve le ma-
- lade : lorsqu'on lui a fait une question si on lui ordonne de ne
rien dire, jusqu'à ce qu'on l'y autorise, il éprouve une véri-
table gêne et une sorte d'oppression qui ne cesse qu'après un
certain temps où lorsqu'on l'a autorisé à prendre la parole. Ce
fait rappelle, très atténuées, certaines obsessions des onomato-
manes qui ne sont soulagés qu'après avoir satisfait au besoin
de proférer la phrase ou tout le mot qui tend à s'extérioriser.
Quant au mécanisme qui préside à la production des troubles
complexes que nous avons décrits, on ne peut en risquer qu'une
explication tout hypothétique. Cependant l'examen du ta-
bleau clinique présenté par le malade K..., éveille logique-
ment par certains traits, certaines ressemblances, l'idée que
des conditions analogues à celles qui règlent l'éveil et le déve-
loppement des manifestations épileptiques, peuvent entrer en
jeu dans la genèse des accidents que nous avons observés.
Hâtons-nous de dire que nous n'avons pas l'intention de
rattacher, de près ou de loin, soit à l'épilepsie essentielle, soit
à l'épilepsie symptomatique, les manifestations diverses éprou-
vées par le malade K..., et nous ne jugeons même pas qu'il
soit nécessaire, après les développements accordés à l'obser-
vation, d'insister sur les caractères différentiels respectifs des
deux affections. Nous ne faisons intervenir ici l'épilepsie que
.comme terme de comparaison, dont les apparences extérieures
vont nous servir de point de repère, pour montrer l'analogie évo-
lutive possible des deux processus qui, quoique complètement
différents dans le fond, affectent dans leur marche des carac-
tères communs. Bien que les accidents présentés par notre
malade soient assurément sous la dépendance de troubles
fonctionnels et que l'épilepsie jacksonienne soit par définition
symptomatique, c'est le mécanisme décrit pour cette affection
que nous allons avoir en vue dans l'intérêt de la netteté de la
démonstration.
L'ordre d'envahissement des territoires atteints par l'épi-
lepsie jacksonienne est expliqué par la disposition topogra-
phique des divers centres moteurs à la surface de la zone
rolandique; dans le type facial, par exemple, la superposition
des trois centres moteurs de la face, du membre supérieur, du
TROUBLES MOTEURS DE l'articulation DE la parole. 269
membre inférieur, rend compte de l'apparition successive des
accidents convulsifs : « ... l'onde remonte de l'extrémité infé-
rieure de la frontale ascendante jusqu'à l'extrémité supérieure
de cette circonvolution. Dans le type brachial, le rayonne-
ment de l'onde envahit d'abord la face, dont le centre est situé
au-dessous du centre brachial ; puis le membre inférieur, dont
le centre est situé au-dessus. Mais comme le centre du membre
inférieur est plus éloigné du centre brachial que ne l'est le
centre facial, c'est le centre facial que la progression de l'onde
intéresse d'abord * . »
Ceci dit, si nous nous reportons à la description clinique des
accidents présentés par K..., voici brièvement résumé ce que
nous trouvons : à l'occasion unique du langage parlé appa-
raissent des phénomènes spasmodiques débutant par la face,
puis envahissant successivement le cou, la poitrine, les mem-
bres supérieurs et les membres inférieurs qui passent par une
phase tonique et une phase clonique; à la face la période to-
nique existe seule; de plus les troubles moteurs affectent une
localisation sinon franchement hémiplégique au moins beau-
coup plus marquée à droite. C'est l'observation de l'ordre
d'envahissement par le processus convulsivant des différents
groupes musculaires qui nous a donné l'idée d'une analogie
possible de mécanisme avec celui de l'attaque d'épilepsie jack-
sonienne ; il y a d'ailleurs correspondance entre les faits cli-
niques et l'hypothèse anatomique : si, en effet, on veut bien
admettre un trouble provoqué par l'élaboration de la phrase
dans le centre de l'articulation des mots, il sera logique de
supposer qu'après avoir gagné le centre des mouvements de la
face qui lui est contigu, l'onde spasmodique remonte le long
de la frontale et de la pariétale ascendantes faisant entrer
successivement en action les centres moteurs du tronc, du
membre supérieur et du membre inférieur.
Nous nous en tiendrons là, dans l'assimilation pathogé-
nique que nous avous tenté de faire. Malgré quelques appa-
rences de forme avec l'épilepsie jacksonienne les manifesta-
tions convulsives de K... sont de nature complètement
différente et nous croyons avoir assez longuement développé
leur histoire pour que la confusion ne soit pas possible.
C'est à la dégénérescence mentale que nous rapportons les,
1 Bl'issaud, - Epilepsie ,jacksonienne,in Traité de médecine, t. VI, p. 85.
270 asiles d'aliénés.
divers accidents que nous venons de relater; le tic et le bé-
gaiement en sont des stigmates classiques; ils se sont déve-
loppés sur un terrain très propre à les recevoir, mais l'un et
l'autre ont manifesté chez K...'un certain nombre de carac-
tères qui les éloignent beaucoup des types connus et décrits;
c'est pour cela que nous avons pensé qu'il y avait quelque
intérêt à signaler ces formes rares de la déséquilibration
cérébro-médullaire 1.
ASILES D'ALIÉNÉS.
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK
RAPPORT DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE POUR L'EXERCICE
fiscal 1894. (Imprimé en août 1895.)
(Analysé par le D' DARIN.)
UN MOT D'EXPLICATION
Dans la république fédérative des Etats-Unis, chacun des Etats a
son organisation politique particulière et sa législature à part
(Sénat et Chambre des représentants), qui édicte, pour tout ce
qui n'est pas du ressort fédéral, des lois promulguées par le gou-
verneur et valables dans l'étendue de l'Etat. L'Etat de New-York
a environ 6 millions d'habitants, sur une étendue de 1° : 7,U00 kilo-
mètres carrés. (Cette surface équivaut à peu près à celle de nos
anciennes provinces : Ile-de-France, Picardie, Normandie, Orléa-
nais et Bourgogne réunies, soit les 24 centièmes de la superficie
actuelle de la France). La population y est donc moins dense que
la nôtre, 47 habitants par kilomètre carré, au lieu de 71 en
moyenne ici.
En ce qui concerne les aliénés, ce n'est qu'en 1867 que la légis-
lature de l'Etat soumit l'inspection des asiles publics à un corps
officiel, appelé « Board of State Commissioners of public Charities »,
qui était chargé en même temps de surveiller tous les établisse-
'. Cette intéressante observation pourrait être rapprochée des nombreux
cas de tics compliqués de troubles de la parole, recueillis dans le service
des enfants de L31cêtre par un de nos collaborateurs. (J. Noir, Elude sur
les tics, 1893.) (Note de la rédaction.)
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 271
ments de charité et de correction (excepté les prisons) recevant
des secours de l'Etat. Ce n'est qu'en 1873 que le même corps, dé-
signé sous le nom de State Board of Charities, fut autorisé à visiter
en outre les établissements privés.
Enfin, c'est en 1889 que la législature nomma la Commission
actuelle du service des aliénés. Mais celle-ci resta en conflit d'attri-
butions avec le Bureau de charités, qui était chargé par la loi de
visiter 50,000 personnes assistées, et en plus tous les asiles d'aliénés
concurremment avec la commission spéciale.
En 1894, on proposa un amendement à la constitution pour faire
cesser ce conflit d'attributions et cet amendement, ratifié par le
peuple, institue la commission du service des aliénés comme corps
constitutionnel c'est-à-dire la rend indépendante du parlement,
mais tout en laissant (chose bizarre) la surveillance des asiles
d'idiots et d'épileptiques au bureau de charités. En même temps,
la constitution a reconnu le droit légal qu'a une commission volon-
taire (non officielle) d'inspecter les asiles d'aliénés, et le rapport
de cette dernière (signé de la présidente) est annexé à celui de la
commission d'Etat, qui le transmet directement à la législature.
Le Dr Mac Donald, président de cette commission, a bien voulu
nous envoyer un exemplaire de son rapport pour l'exercice fiscal
1894. C'est un gros volume de 700 pages, rempli de documents inté-
ressants. Nous allons essayer d'en donner une idée.
Disons tout de suite que le nombre des aliénés inspectés dans
l'état de New-York s'élevait au le, octobre 1894, à 19,088, sans
compter des idiots et épileptiques, 2,275, et la plupart des alcoo-
liques qui sont soignés dans des asiles spéciaux (un seul a reçu
261 malades en quinze mois).
La commission, en transmettant à la législature, son sixième
rapport annuel, observe qu'elle a dû en multiplier les détails pour
donner satisfaction à tous les intérêts, à ceux de l'Etat qui veille au
bien-être des aliénés, des médecins et administrateurs, comme à ceux
des contribuables qui payent une taxe spéciale pour ce service.
1 On demandera quelle nécessité a fait incorporer dans la Constitution
de l'Etat cette Commission ainsi que le Bureau de Charités et celui des
Prisons ? 'C'est que, depuis vingt-cinq ans, le nombre et la fortune des
institutions d'assistance publiques et privées, ont augmenté dans une
proportion énorme. A la fin de 1893, on estimait la valeur de tous leurs
domaines à environ 421 millions; la somme totale dépensée par elles,
dans la même année, était de 102 millions. Ces institutions sont très
puissantes. Il fallait donc que les Conseils chargés de leur contrôle fussent
assurés de pouvoir remplir leurs fonctions avec une pleine indépendance,
grâce au privilège d'une inamovibilité constitutionnelle. D'autre part, on
n'a pas à craindre leur despotisme, car tous les détails d'organisation et
d'administration relèvent de la législature, la constitution n'accordant
aux commissions qu'un rôle de surveillance et de contrôle.
272 2 asiles d'aliénés. '
Ce rapport se divise en sept parties principales relatives : 1° au
système d'Etat; 2° au système de comté; 3° au système privé
autorisé; 4° à des généralités sur ces divers systèmes; 5° aux sta-
tistiques ; 6° aux voeux formulés par la commission. Enfin la sep-
tième partie est une sorte d'annuaire des asiles.
- ) .
Première partie. Système d'Etat.
Le gouvernement tend à centraliser le service des aliénés. Il a
déjà neuf établissements (y compris un hôpital réservé aux cri-
minels fous) qu'on appelle hôpitaux d'Etat par opposition aux
asiles de comtés qui sont administrés par les municipalités. Ces
derniers ne sont plus actuellement qu'au nombre de six (quatre
pour la ville de New-York et deux pour Kings County) et la com-
mission espère voir cesser bientôt cette exception, car l'adminis-
tration en est lamentablement inférieure à celle de l'Etat, sauf en
ce qui concerne les soins médicaux, la discipline et la propreté.
Il existe, en outre, dix-huit établissements privés autorisés, ren-
fermant 819 malades. -
Entretien des malades. Jusqu'en 1893, il n'y avait pas d'uni-
formité dans l'établissement des budgets des hôpitaux. La com-
mission y a remédié en partie, et ses réformes se sont traduites,
pour l'exercice fiscal 1894, par une économie de 1 million et demi,
c'est-à-dire de près de 160 francs par tête, tout en alimentant et
traitant les malades avec une ample libéralité. (Les dépenses
prévues pour l'année 1895 sont de 9,600,000 francs en chiffres
ronds. En estimant la valeur de la propriété imposable de l'Etat
à 21 milliards 500 millions, il faudra la frapper d'une taxe d'en-
viron 0 fr. 045 p. 100 pour l'assistance des aliénés.)
Régime alimentaire. La commission, préoccupée du bien-être
des malades et désireuse d'unifier leur régime alimentaire, a de-
mandé au professeur Flint, le physiologiste bien connu, une for-
mule destinée à servir de base uniforme. La ration journalière de
chaque malade doit se composer de :
Viandes, avec os (comprenant des viandes salées, du poisson
frais et salé, volailles) 12 onces = 340 grammes;
Farine de blé (pain) ou de maïs ou macaroni, 12 onces =
340 grammes;
Pommes de terre, 340 grammes; lait, 453 grammes; oeufs,
56 grammes;
Sucre, 56 grammes; beurre, 56 grammes; fromage, 30 grammes;
riz, 43 grammes;
Fèves ou pois (secs), 43 grammes; café (en grains grillés),
24 grammes; thé noir, 3 gr. 5. Les fruits et légumes de saison ne
doivent pas être négligés. Tous les directeurs approuvent ces
données, en réservant le régime extra pour des cas spéciaux, qui
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 273
doit être prescrit par les médecins, et reconnaissent, avec la com-
mission, qu'il est avantageux, à tous les points de vue, de n'acheter
que des denrées de première qualité.
Constructions, réparations, etc. - Les hôpitaux d'Etat datent : le
premier, de 1836; le deuxième, de 1857; le troisième, de 186b; le
quatrième, de 1867; le cinquième et le sixième, de 1870; le sep-
tième, de 1879; le huitième, de 1887, et le neuvième, de 1891.
Ils ont coûté à édifier, réparer, etc., 70 millions.
L'expérience montre que l'augmentation annuelle des aliénés,
dans les neuf hôpitaux, varie de 200 à 400. Ce dernier chiffre a été
fortement dépassé l'an dernier, et, étant donnée la crise finan-
cière, qui tend à exagérer l'influence de quelques-unes des causes
reconnues de la folie, il est raisonnable de supposer une progres-
sion encore plus forte l'an prochain. Il faut donc construire encore
pour loger tous ces malades. La sagesse veut qu'on prévoie une
augmentation de 600 pour 1896, ce qui, à raison de 2,750 francs
par tête, exigera 1,650,000 francs de constructions nouvelles et
permettra d'en hospitaliser 9,753 (ou 10,303 en comptant les cri-
minels fous).
Projet pour spécialiser le traitement des cas curables. Jusqu'à
ces dernières années, l'administration était absorbée par le souci
de loger un nombre sans cesse croissant de malades (il a décuplé
en vingt ans); il fallait construire, réparer, améliorer les bâtiments
existants, assurer le bien-être des pensionnaires, soigner les affec-
tions intercurrentes, maintenir l'ordre et la discipline, etc. Bref,
les directeurs étaient obligés de consacrer surtout leurs efforts à
leurs fonctions administratives et négligeaient forcément la thé-
rapeutique. Mais, la folie étant une maladie souvent curable, la
commission conseille d'annexer à chacun des huit hôpitaux d'Etat
(le neuvième étant réservé aux criminels), deux bâtiments séparés
pouvant loger 25 hommes et 25 femmes, choisis parmi les malades
offrant le plus d'espoir de guérison, et qui seraient largement
pourvus de tout ce que la science considère comme nécessaire au
traitement curatif de l'aliénation mentale.
Projet de création d'un laboratoire pathologique. - Un autre voeu
de la commission, c'est l'établissement d'un institut pathologique,
. dépendant des hospices d'aliénés, qui serait dirigé par un professeur
spécial et où les médecins pourraient se livrer à des recherches
anatomiques, physiologiques et pathologiques sur le cerveau et
le système nerveux. Ce voeu a été approuvé par tous les directeurs.
Substitution d'infirmières aux infirmiers dans les salles d'hommes.
Après des essais favorables dans les réfectoires, les vestiaires,
etc., la commission croit qu'il y aurait avantage à employer exclu-
sivement des femmes pour le service des aliénés, sauf pour les
besognes trop pénibles. L'expérience a montré que le recrutement
en est facile. (On pousse en Amérique le scrupule des mots assez
Archives, 2° série, t. II. 18
274 asiles d'aliénés.
loin pour que l'on conseille de remplacer la dénomination d'At-
tendant par celle de Nuise, de même que la loi a opposé le nom
d'hôpital à celui d'asile.)
Malades payants. Aux malades non indigents, on fait payer
environ 2 fr. 65 par jour. Il y a intérêt pour l'Etat à être sévère
sur ce point afin d'éviter l'encombrement. Par contre, la commis-
sion conseille de ne jamais demander plus de 50 francs par
semaine aux pensionnaires privés, pour ne pas avoir à subir leurs
exigences, etc.
Uniformisation des traitements et salaires. - La commission
voudrait encore qu'on fît un classement des médecins, etc., de
manière à établir partout des traitements uniformes et variables
suivant la classe; de même pour les salaires des employés.
Proportion des guéri sons. - Jadis, on divisait les fous en aigus et
chroniques et l'on reléguait ceux-ci dans les dépôts de mendicité
ou les hospices d'incurables. La loi de 1890, fit transférer plus de
2,000 cas de ces derniers dans les hôpitaux d'Etat; on aurait pu
croire alors que cette accession allait diminuer le chiffre des gué-
risons. Pas du tout : de 1885 à 1889, le taux moyen de celles-ci
était de 5,8 p. 100; de 1890 à 1894, il a été de 6,8 p. 100, soit au
contraire une augmentation de 1 p. 100 des guérisons, ce qui
prouve que les aliénés dits chroniques ne sont pas des incurables.
Criminels fous.- On a construit un hôpital d'Etat pour les cri-
minels fous, permettant de séparer ceux qui ont été acquittés ou
non jugés parce qu'ils étaient aliénés au moment où ils commirent
leurs attentais, de ceux qui sont devenus fous pendant qu'ils subis-
saient leurs peines. Ces derniers font tous leurs efforts pour s'évader
- surtout ceux qui ont commis des attentats contre la propriété-
et il semble que la maladie mentale exagère leur adresse et leurs
ruses naturelles. De là la difficulté de les retenir prisonniers dans
un établissement qui a plutôt le caractère d'un hôpital que celui
d'une prison. En fait, les évasions et les tentatives d'évasion sont
très fréquentes. D'autre part, les autres ne sont pas réellement
des criminels et, n'étaient leurs tendances dangereuses, on pour-
rait les traiter tout à fait comme des fous ordinaires. Or, ces deux
catégories de malades vont sans cesse en augmentant et la place
manque déjà pour les interner. On pourrait transférer à d'autres
hôpitaux d'Etat les condamnés devenus fous, quand ils sont arrivés
à l'expiration de leur peine; ou bien agrandir l'hôpital spécial ; ou
bien encore adjoindre à des prisons d'Etat des bâtiments destinés
aux criminels fous. C'est cette dernière solution que conseille la
commission.
RAPPORTS SPÉCIAUX DES HÔPITAUX D'ÉTAT
Ces rapports sont établis sur un plan uniforme, d'après le for-
mulaire suivant proposé par la commission :
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 275
1. Exposer, d'une manière générale, les opérations de l'hôpital
pour l'exercice fiscal 1894, indiquant le nombre et le genre des
bâtiments édifiés ou complétés durant l'année, ou actuellement en
cours d'exécution; les réparations extraordinaires, etc.; le nombre
des malades présents au début de l'exercice, les admis, les con-
gédiés, guéris, améliorés et stationnaires, les morts, le nombre
total des malades traités et la population journalière moyenne
pendant l'année.
2. Indiquer séparément le but et le chiffre des allocations spé-
ciales accordées à l'hôpital par la législature de 1894, et leur
somme totale, ainsi que les dépenses déjà faites.
3. Crédits demandés pour l'exercice 1895, avec la justification
de chacun d'eux.
4. Donner le coût per capela, par année et par semaine, pour
les soins, le traitement médical, l'entretien et le transfert des
fous indigents aux hôpitaux d'Etat, les honoraires des médecins,
les salaires des employés, les réparations ordinaires et acciden-
telles, etc.
5. Donner la proportion des guérisons relativement au nombre
des admissions, à la population journalière moyenne, au nombre
total des malades traités et au nombre des congédiés pendant l'an-
née fiscale.
G. Donner la proportion des décès relativement aux mêmes
conditions.
7. Indiquer le nombre total des alcooliques, morphinomanes,
etc., congédiés durant l'année, et dire s'ils sont guéris ou non alié-
nés dans votre rapport annuel.
8. Parmi les renvoyés comme guéris pendant l'année précé-
dente, indiquer combien ont été réadmis jusqu'au 30 septembre
1894. '
9. Comment se comporte le conseil d'administration relativement
aux visites et à l'inspection de l'hôpital ? Donner le nombre des
visites faites par chaque administrateur pendant l'année fiscale.
10. Indiquer sur quelles bases se règlent le choix et les appoin-
tements des médecins, ainsi que les promotions dans le service
médical.
11. Indiquer le nombre des médecins par rapport au nombre
des malades, aussi bien exclusivement qu'inclusivement des méde-
cins en chef et des internes.
12. Le nombre des médecins est-il suffisant, selon vous, pour
assurer à tous les cas curables le degré de traitement spécialisé
qu'exigent ces cas et, sinon, dans quelle mesure faudrait-il l'aug-
menter ?
13. Indiquer les appointements et les bonifications des différentes
classes des fonctionnaires résidents.
14. Les appointements et suppléments des médecins suffisent-
276 asiles d'aliénés.
ils, selon vous, pour recruter et maintenir dans le service des méde-
cins compétents et autorisés ?
15. Les employés de l'hôpital sont-ils mécontents de l'inégalité
de leurs traitements comparativement à ceux des employés de
même grade dans les autres -hôpitaux de l'Etat ? Ne devrait-on
pas, à votre avis, établir l'uniformisation des soldes ?
16. Dans quelle proportion le médecin en chef (directeur tou-
jours), consacre-t-il réellement sou temps aux soins médicaux des
malades et combien de temps donne-t-il approximativement à la
partie administrative de ses fonctions ?
17. Serait-si possible ou à propos, selon vous, de séparer la
partie strictement médicale de la partie administrative et quelles
seraient les objections, si vous en voyez, à une semblable divi-
sion ?
18. Combien, parmi les médecins de l'hôpital, ont des grades
universitaires (collège graduâtes) ?
19. Quelle est la proportion des médecins de l'hôpital ayant
suivi avant de se spécialiser, les cliniques d'un hôpital général ?
20. Les .internes reçoivent-ils une instruction spéciale en méde-
cine et pathologie mentales, neuro-anatomie et dans l'usage des
instruments de précision, surtout le microscope, l'ophtalmoscope,.
etc.; si oui, qui leur donne cet enseignement et à quel degré ?
21. Donner la liste des instruments de précision, des instru-
ments de chirurgie et appareils médicaux possédés par l'hôpital ?
22. Indiquer la nature et l'importance des appareils hydrothé-
rapiques de l'hôpital et la mesure de leur utilisation pour le trai-
tement des malades.
23. Fait-on à l'hôpital des leçons cliniques sur les maladies men-
tales à des étudiants en médecine et autres; si oui, qui les fait et
dans quelle mesure ? Avez-vous, parmi vos médecins, des profes-
seurs attachés à des écoles médicales ?
24. Dire la nature et l'importance des bibliothèques médicale
et générale de l'hôpital. Donner la liste des ouvrages de médecine
acquis pendant l'année fiscale et des abonnements aux publica-
tions médicales et générales.
25. S'il y a un ou plusieurs médecins de l'hôpital qui aient fait
quelques publications médicales ou psychologiques, en donner
l'indication.
26. Dans quelle mesure, des médecins du dehors, spécialistes ou
autres, ont-ils été demandés pour des consultations à l'hôpital ?
Serait-il à propos, selon vous, d'avoir un corps de médecins con-
sultants ?
27. Décrire la marche suivie habituellement à l'admission d'un
malade, en ce qui concerne les examens pour déterminer l'état
mental et physique du sujet, l'enregistrement des entrées, les dis-
positions pour l'observation spéciale, etc.
assistance DES aliénés dans l'état DE NEW-YORK. 277
28. Fait-on régulièrement des autopsies à l'hôpital ? Si oui, qui
les fait et dans quelle mesure ?
29. A quel degré se font les examens ophtalmoscopiques sur les
sujets entrant à l'hôpital ?
30. Fait-on (et dans quelle mesure) les examens du sang et de
l'urine ? Dire aussi comment on procède pour les examens, uté-
rins.
31. Apprend-on aux infirmiers et infirmières de l'hôpital à
faire l'hydrothérapie, le massage, etc. Si oui, qui leur donne cette
instruction et dans quelle mesure ? ,
32. Y a-t-il un dentiste attaché à l'établissement ?
33. Donner le détail des facilités spéciales, structurales et autres
(s'il y en a), ainsi que les méthodes usitées pour le traitement
spécial des cas curables.
- 34. De même, pour les moyens de distraction et d'amusement
offerts aux malades, dire la nature et la fréquence de ces distrac-
tions.
35. Indiquer les facilités pour les occupations à l'intérieur, spé-
cialement en ce qui concerne les arts et les industries mécaniques,
ainsi que pour les occupations au dehors, jardinage, culture, etc.
36. Indiquer les divers genres d'occupations et le nombre
moyen des malades qui prennent part à chacun d'eux, durant
l'année.
37. Se sert-on de moyens mécaniques pour se rendre maîtres
des malades ? Si oui, quels sont ces moyens, y compris les draps
de protection et dans quelles circonstances y recourt-on ? 2
38. Exposer vos idées sur la convenance et la valeur de la con-
trainte mécanique dans le traitement de la folie.
39. Emploie-t-on comme substituts de ces moyens de contrainte
les médicaments dits dépressifs'de la motricité ou d'autres. Si oui,
dans quelles circonstances ?
40. Recourt-on à l'hôpital au « système des portes ouvertes » ;
si oui, dans quelle mesure ?
41. Exposer vos idées basées sur l'expérience et l'observation
personnelles ou autrement, sur la valeur du système des portes
ouvertes ».
42. Dire si l'on a renoncé (et dans quelle mesure) à l'usage des
garde-fenêtres. Serait-il désirable, ou même serait-il possible, selon
vous, d'en abandonner généralement l'emploi ?
43. Dans quelle mesure utilise-t-on les promenoirs à air libre ou
la cour d'exercice enclos de murs, s'il y en a à l'hôpital ? Dire ce
que vous pensez de leur nécessité et de leur utilité ? 2
44. Indiquer la proportion, relativement au nombre des malades
des infirmiers et infirmières, à l'exclusion des surveillants géné-
raux ; et séparément, la même proportion des gardiens et gar-
diennes de jour et de nuit.
278 asiles d'aliénés.
45. Emploie-t-on des infirmières dans les salles d'hommes; si
oui, dans quelle proportion ?
46. Yaurait-il avantage, selon vous, à substituer des infirmières
aux infirmiers pour les salles d'hommes et jusqu'à quel point pour-
rait-on faire cette substitution ?
47. Indiquer séparément le minimum et le maximum des salaires
de ces employés et d'après quelle règle on les augmente ; indiquer
aussi tous les suppléments et faveurs qui leur sont accordés, y
compris le vêtement, les heures de service, les congés et si, dans
votre opinion, ces avantages sont suffisants pour assurer un bon et
durable service ?
48. Indiquer la différence proportionnelle (tant p. 100) des
salaires payés aux infirmiers et aux infirmières.
49. Donner le nombre total de ces employés des deux sexes au
30 septembre 1894 et le chiffre des démissions et des renvois pen-
dant l'année ; les causes principales de ces renvois et démissions,
avec votre avis sur les moyens qui permettraient de les réduire au
minimum.
50. Ces employés ont-ils des logements en dehors des salles ; si
oui, dans quelle mesure ?
51. Les chambres à part seraient-elles un moyen d'assurer un
meilleur service, si on les procurait à toute cette catégorie d'em-
ployés ?
52. L'hôpital a- t-il organisé un enseignementpourlesinfirmiers;
si oui, depuis quand, par qui est-il dirigé, son but, les sujets ensei-
gnés et le temps d'étude exigé; y admet-on les deux sexes ?
53. Les rations alimentaires actuelles sont-elles, à votre avis,
suffisantes en quantité, qualité et variété, pour satisfaire pleine-
ment aux besoins des pensionnaires; les facilités pour la prépara-
tion et le service des repas sont-elles suffisantes pour assurer les
meilleurs résultats, au double point de vue du bien-être des malades
et de l'économie ?
54. Serait-ce, selon vous, un moyen de favoriser la guérison des
malades, comme d'assurer une plus grande économie que d'enga-
ger des cuisiniers d'ordre supérieur à ceux qu'on emploie actuelle-
ment ou conseilleriez-vous un chef qui surveillerait et dirigerait
la préparation et la cuisson des aliments pour les malades, avec
assez de subordonnés sous ses ordres pour assurer un bon service
de cuisine ?
55. Y a-t-il à l'hôpital des réfectoires communs; si oui, dans
quelle mesure et quels sont, à votre avis, les avantages de ces réfec-
toires comparés à ceux des salles ?
56. Faites-vous parfois manger les deux sexes dans un réfectoire
commun et considérez-vous cette communauté comme dési-
rable ?
57. Avez-vous des dortoirs communs à l'li0pital; si oui, dans
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 279
quelle mesure et pour quelle catégorie de malades ? Favorisez-vous
cette disposition et dans ce cas, pour quelles raisons ? Quel
sont, à votre avis, le maximum et le minimum de malades que
l'on peut réunir dans un dortoir avec sécurité et convenablement.
58. Utilisez-vous les bains pulvérisés (spray) ou en pluie ? Si oui,
dans quelle mesure et quels sont, selon vous, les avantages de ce
système comparativement à celui des baignoires ?
59. Exposer les règles suivant lesquelles on donne des bains
aux malades, en ce qui concerne la fréquence, le renouvellement
et la température de l'eau, la fourniture des serviettes, etc. ; y a-t-
il un médecin chargé de la surveillance des bains et dans quelle
mesure exerce-t-il cette surveillance ?
60. Combien l'hôpital fournit-il de serviettes à rouleau propor-
tionnellement au nombre des malades ? Donne-t-il aussi des essuie-
mains individuels et dans quelle mesure ? Jusqu'à quel point serait-
il possible, selon vous, de substituer ces derniers aux serviettes à
rouleau ? N'y a-t-il pas des raisons sanitaires en faveur de cette
substitution ?
Voilà donc une série de 60 questions auxquelles doit répondre
chacun des neuf médecins-directeurs (superintendants). Mais par
une disposition curieuse et qui facilite les comparaisons, les neuf
rapports, au lieu de présenter un ensemble continu, se trouvent
fragmentés en 60 parties, chacun répondant tour à tour aux 60 ques-
tions précédentes.
Nous laisserons de côté les trois premières qui n'offrent pas d'in-
térêt pour nous.
4. Le prix de revient de chaque malade est très variable sui-
vant les hôpitaux. Le plus bas est de 695 francs par an et le plus
élevé de 1,174 francs. La moyenne pour les neuf hôpitaux est de
920 francs, soit 2 fr. 82 par jour.-
5. Proportion des guérisons : .'
280 ASILES d'aliénés.
6. Proportion des décès :
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 281
15. On ne se plaint guère de la différence des traitements selon
les hôpitaux ; cependant la majorité des directeurs pensent qu'il
vaudrait mieux les uniformiser.
16 et 17. Le médecin en chef est toujours médecin-directeur. La
moitié de son temps au moins est prise pour les soins adminis-
tratifs. En général, on répond qu'il ne serait pas possible de
séparer les deux fonctions.
18. Instruction universitaire. Sur plus de GO médecins, 19 seu-
lement ont fait des études classiques. Un seul est désigné comme
bachelier ès arts (A. B.). (Faut-il en conclure que les autres n'ont
pas de titres analogues ? )
19. La plupart ont été dans des hôpitaux généraux avant de se
spécialiser.
20. Généralement le médecin en chef et ses adjoints instruisent t
les jeunes médecins en faisant leurs visites. Ces derniers ont pour
la plupart, suivi les cours spéciaux des professeurs de pathologie
mentale. Us savent se servir plus ou moins du microscope et de
l'ophtalmoscope ; mais, en général, pas de cours méthodiques à
l'hôpital.
21 et 24. Les listes d'instruments et les bibliothèques ne sont pas
très considérables.
22. On utilise fréquemment les douches et les bains, dont l'ins-
tallation n'est pas parfaite partout.
23. Sur les 9 médecins en chef, 4 sont professeurs dans des col-
lèges médicaux de villes voisines (Albany, Syracuse, etc.). Quelque-
fois, d'autres professeurs viennent faire des leçons cliniques à
l'hôpital. 1.
25. Quelques médecins ont publié des articles et des observations
dans les journaux de médecine mentale et deux ou trois dirigent
même ces journaux.
26. On appelle quelquefois des médecins du dehors en consul-
tation ; les familles des malades ont d'ailleurs toute liberté à cet
égard. Il y a divergence d'opinion sur l'utilité d'un corps de méde-
cins consultants.
27. Examen à l'admission. Les formules à remplir sont géné-
ralement semblables aux nôtres. Mais en voici une autre bien plus
complète que donne l'un des rapports pour les cas spéciaux :
282 11) asiles d'aliénés.
affection cérébrale ou spinale, hystérie, épilepsie, hypocondrie,
chorée, migraine ou neurasthénie ?
Si oui, à quel âge et à la suite de quelles circonstances ?
Le malade a-t-il quelque parent qui ait commis des actes de sui-
cide, d'immoralité ou d'excentricité ou un délit quelconque...
~ En avait-il d'adonnés à l'ivrognerie ou à des habitudes ana-
logues ?
En avait-il d'atteints d'idiotie, d'imbécillité, de crétinisme, de
surdi-mutité, ou morts subitement d'apoplexie ou de convulsions,
ou présentant des anomalies ou des irrégularités physiques ?
Les parents ou grands-parents étaient-ils consanguins, il quel
degré ?
L'un était-il beaucoup plus âgé que l'autre ? Leurs âges au mo-
ment du mariage ?
Avaient-ils ou venaient-ils d'avoir quelque maladie sérieuse à
l'époque de la conception ?
Ont-ils jamais eu la syphilis ?
Auquel de ses parents ressemble le malade, physiquement et
mentalement ?
Conditions de la propre famille du malade...
Historique du malade. - Enfance.
Etat de la mère pendant la grossesse, en ce qui concerne : ma-
ladies, lésions, chagrins, surmenage, etc...
La délivrance s'est-elle effectuée normalement et au temps voulu ?
L'enfant a-t-il été blessé pendant l'accouchement ?
A-t-il eu des convulsions ? Si oui, quelles en ont été les consé-
quences ?
A-t-il eu des terreurs nocturnes ? De la faiblesse des sphincters ?
Autres anomalies...
A quel âge a-t-il percé des dents ? commencé à marcher ? à parler ?
Quelles maladies de l'enfance a-t-il eues ?
Comment progressait-il dans l'instruction ? Quelles branches
offraient-elles une difficulté spéciale ?
A quel âge les signes de la puberté devinrent-ils manifestes ?
Quel était, auparavant, l'état mental et physique ? Quels change-
ments sont-ils survenus pendant et après cette période ? ' !
Les manifestations de l'instinct sexuel ont-elles été précoces ? Pré-
ciser l'âge...
Y a-t-il eu des perversions dans ces manifestations ?
Cet instinct a-t-il été satisfait ? Si oui, de quelle façon ? Mastur-
bation ? Depuis quand ? De quelle manière ?
Comment cette période a-t-elle été franchie par d'autres mem-
bres de la famille ?
A-t-il jamais montré de la haine pour le sexe opposé ?
assistance DES aliénés dans l'état DE NEW-YORK. 283
Age adulte.
Etat de la constitution ?
Le malade a-t-il été atteint : de fièvre typhoïde ou intermittente,
de méningite, lésions de la tête, coup de soleil, chlorose ou anémie,
rhumatisme, rachitisme, chorée, fièvres éruptives, désordres chro-
niques de l'appareil digestif, syphilis, scrofule, tuberculose, satur-
nisme ?
S'il a eu quelques-unes de ces affections, quelles en furent les
particularités ? Les conséquences ?
Le malade a-t-iljamais de grands troubles vaso-moteurs (rougeur
de la face, pâleur, palpitations, oppression précordiale, angine de
poitrine ?
A-t-on observé chez lui des anomalies de la vision ou de l'ouïe ?
A-t-il éprouvé de l'intolérance pour les liqueurs alcooliques, les
drogues, la haute température ou le tabac ?
A-t-il été sujet aux céphalalgies ? Leur siège et leur genre ? ` ?
A-t-il été sujet aux névralgies ? aux'trémulations musculaires ?
Tremblements ? .
Etait-il très excitable, dépressible ou irritable en état de santé,
et ces conditions duraient-elles quelque temps ? Y
Le naturel du malade était-il variable parfois ou périodique-
ment ? avec ou sans raison ? à quelles occasions ?
Son caractère était-il ferme ou non ? Etait-il sociable, égoïste,
insouciant, religieux, blasphémateur, avare, extatique ? 1
Etait-il retenu dans son langage ? Modeste ? De tenue soignée ?
Etait-il envieux, vindicatif, haineux, phlegmatique ?
Y a-t-il quelque chose de continuellement pénible dans son état
social, au sujet de la profession, du ménage, de la parenté ?
Le malade s'est-il surmené de quelque façon ?
Impuissance... Pollutions...
Femmes.
Etat de la menstruation, relativement à l'époque, à la durée, à
la quantité et aux symptômes ? ` ?
Grossesses, nombre, date de la première, fréquence, avortement ? ' !
Ont-elles présenté des anomalies pendant, à la délivrance ou après ?
La malade se portait-elle mieux qu'à l'ordinaire pendant ses
grossesses, ou était-elle pire ? '1
Hémorragies ? Leur fréquence, leur abondance et leurs causes ? '1
Leurs résultats ? Lésions des organes génitaux ? Maladies des
organes génitaux ?
Historique du désordre mental.
Les causes supposées : a) d'après le malade ; 6) d'après ses
proches ?
284 li. asiles d'aliénés.
Durée des causes ?
Le trouble actuel est-il la première attaque ou d'autres ont-elles
précédé ? 1
Décrire les crises précédentes ?
Le développement a-t-il-été brusque ou graduel ?
" t1-t-on observé quelques perversions des facultés mentales ?
Fatigue intellectuelle ? Changement dans les sentiments ou les
affections ? Dans le caractère ? Agitation ? Irritabilité ? ' ?
Existait-il une disposition douloureuse 7 Une douceur insolite ?
Tristesse prolongée ? Crainte de devenir fou ? Dégoût de l'exis-
teuce ?
Grandeur anormale ou exagération des choses ?
Forte application au travail ou aux affaires ?
Désir de voyager ? Désir de disparaître ?
Tendances hostiles, abus de confiance ?
A-t-il manifesté de la déloyauté ? Est-il devenu menteur ?
A-t-il manifesté une raude jalousie ? Des sentiments d'insécurité ?
Crainte de dangers ? Désintéressement ? Importunité ?
Etat du sommeil juste avant l'apparition du désordre mental ?
A-t-on observé quelque anomalie au réveil ?
Quelles étaient les conditions de la nutrition ? Evacuations ? Mens-
truation ?
Y a-t-il eu do la céphalalgie ? Du vertige ? De l'aura ? Des sensa-
tions précordiales ? De la dysesthésie ?
Trouble de la parole ? Pouvoir de l'attention ? Mémoire ?
Le malade se rappelait-il mieux lés événements passés que les
récents ? '
A-t-il eu des appétits impérieux ou des désirs spéciaux ?
A-t-on observé des signes d'apoplexie ? Des attaques épileptiques ?
Les prodromes sont-ils apparus continus ou intermittents ?
Se sont-ils montrés successivement ?
Le malade a-t-il menacé ou commis quelque violence sur lui-
même ou sur d'autres ?
Qu'est-ce qui parait affecter de quelque manière son état actuel ?
Examen physique.
Taille... Poids... Etat de la nutrition... De la circulation...
Correspondance du développement physique avec l'âge...
Signes de sénilité prématurée...
Forme du crâne...
Mensurations :
Circonférence...
Protubérance occipitale, racine du nez...
Oreille, menton, oreille..
Oreille, front, oreille...
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 285
Oreille, oreille...
Oreille, point le plus saillant de la tête, oreille...
Diamètres :
Protubérance occipitale, racine du nez...
Protubérance occipitale, menton...
Oreille, oreille...
Ecartement maximum des os malaires...
Ecartement des angles de la mâchoire inférieure...
Signes de dégénérescence :
Crâne... Yeux... Nez... Oreilles... Bouche... Face... Squelette
et extrémités... Organes génitaux... Cheveux...
Divers :
Pouls, température, respiration, langue...
Essais de :
La vue, l'ouïe, du goût, de l'odorat, de la sensibilité, des
réflexes, des fonctions motrices, des fonctions sécréloires,
salivation, sueur, du système gastro-intestinal.
Urine :
Couleur, consistance, odeur, réaction, densité.
Urine anormale : urée, phosphates, chlorures, oxalates, albu-
mines, moules, sucre, etc.
Condition trophique de la peau.
Examen des organes thoraciques... Coeur... Poumons..
Examen des organes abdominaux (y compris le bassin chez la
femme)...
Elat de la coordination... attitude... expression...
Manières d'être... Seul... En compagnie.
Sommeil.
Examen psychique.
Caractère et ses modifications... Conditions qui l'affectent ?
Tendances... Impulsions... Idéation... Idées fixes...
Sensibilité psychique... Compréhension... Raison... Logique...
Pouvoir d'attention... Sentiments moraux... esthétiques...
Empire sur soi-même... Endurance psychique...
Jugement... Mémoire... Désirs... Affections... Illusions...
Hallucinations... Erreurs...
' (Voilà un cadre bien riche et qui peut servir à stimuler le zèle de
nos élèves.)
28. Les autopsies se font presque partout, avec l'autorisation des
familles, sous la direction des médecins du service. Le chiffre en
est très variable : sur 10 p. 100 des décès dans tel hôpital jusqu'à
65 p. 100 dans tel autre. On examine généralement les organes des
trois grandes cavités; rarement on ouvre le canal spinal.
29. Partout, on ne fait l'examen ophtalmoscopique à l'entrée,
qu'en cas d'indications spéciales.
86 asiles d'aliénés.
30. L'examen de l'urine, à l'admission, est à peu près général.
Celui du sang est rare. (Dans un rapport, on lit : « Nous ne sommes
pas encore parvenus à déterminer la proportion exacte des héma-
ties relativement aux corpuscules blancs. ») L'examen utérin, quand
il est indiqué, est confié à la femme médecin.
- 31. Les médecins font partout un cours aux infirmiers, dans
lequel on enseigne le massage, l'hydrothérapie, etc. Nous n'avons
pas de masseur, dit l'un des rapports.
32. Il n'y a pas de dentistes attachés aux hôpitaux. C'est une
lacune qu'il faudrait combler, disent les rapports. Ce sont les fa-
milles qui en font venir en cas de besoin.
33. Les facilités spéciales, structurales ou autres, pour le traite-
ment des cas aigus, paraissent généralement assez médiocres. Les
infirmeries sont insuffisantes. On demande même des chambres
individuelles pour les cas très aigus. Les médecins font tout ce
qu'ils peuvent pour suppléer aux défectuosités des hôpitaux, sous
ce rapport.
34. Les moyens de distraction sont nombreux : danses une fois
par semaine, concerts, représentations théâtrales, bateaux de plai-
sance à vapeur, jeux variés, courses en traîneau l'hiver, pianos,
billards, etc., etc. Il y a aussi des écoles pour les malades, ce qui
les occupe, etc.
35. On emploie les malades aux différents travaux de menuise-
rie, boulangerie, buanderie, cordonnerie, couture, etc. Les jar-
dins et les champs en occupent aussi un bon nombre. L'étendue
du domaine varie de 40 à 400 hectares.
36. Environ 50 p. 100 denos malades (dit un rapport) subissent
un genre de traitement spécial à cet hôpital, ce que nous appelons
le traitement du repos. 23 p. 100 se composent de vieillards, d'in-
firmes et de pensionnaires payants. Le reste travaille volontaire-
ment (126 hommes et 131 femmes sur un millier de malades). Dans
les autres hôpitaux, on compte plus de 60 p. 100 de malades tra-
vailleurs.
37. Parmi les moyens de contrainte, on n'a guère conservé que
les draps de protection (système formulé par Miss Crâne sur les con-
seils du Médecin-Directeur de Middletown State Hospital) et, encore
deux hôpitaux y ont-ils renoncé, comme à la camisole de force, etc.
38. On est généralement partisan du non-restraint ; cependant
on admet que, dans certains cas, les moyens de protection méca-
niques sont indispensables ; leur prohibition absolue serait aussi
absurde que celle de l'alimentation forcée.
39. Les médicaments sédatifs ne sont jamais employés pour
remplacer les moyens mécaniques de contrainte. On s'en sert
(l'hyosciamine par exemple) pour calmer l'excitation psychique avec
impulsion motrice considérable, c'est-à-dire en raison de leurs
effets thérapeutiques.
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 287
40. Le système des portes ouvertes n'est absolu dans aucun hôpi-
tal ; on l'applique seulement à certaines salles, soit pour environ
le cinquième des malades.
41. Tous les rapports sont favorables à ce système, à la condi-
tion d'avoir assez de gardiens : 2 maximum de liberté et minimum
de contrainte. n
42. On n'est pas, en général, partisan de la suppression totale
des barreaux ou grillages aux fenêtres. Quelques hôpitaux y ont
cependant renoncé pour certaines salles ou les ont remplacés par
des treillages métalliques peu visibles.
43. Il n'y a guère que dans l'hôpital destiné à recevoir les cri-
minels fous qu'il existe des cours entourées de murs pour faire
prendre l'air à ces malades. Partout ailleurs, on préfère de longues
promenades avec un nombre suffisant de gardiens. De petits es-
paces clos sont très nuisibles, parce qu'ils agissent comme cause
d'excitation pour les malades troublés et disposent les gardiens à
se relâcher dans leur surveillance.
44. On compte, en général, 1 gardien pour 7 à 10 malades. La
nuit, il y a un surveillant pour 40 à 80 hommes et une surveillante
pour environ le même nombre de femmes. La proportion varie
donc du simple au double suivant les hôpitaux.
45. Dans six des neuf hôpitaux, on a essayé l'emploi des femmes
pour les réfectoires, les salles de convalescence, etc., et l'on est
généralement satisfait de leurs services.
46. La plupart des rapports sont favorables à l'emploi des
femmes dans les quartiers d'hommes, sauf pour les agités et pour
les travaux trop pénibles ; c'est-à-dire qu'elles pourraient repré-
senter presque les trois quarts du personnel masculin.
47. Le détail de ces salaires ne nous paraît pas bien intéressant;
la moyenne générale suffit.
Les hommes touchent de 100 à 180 francs par mois.
Les femmes touchent de 70 à 120 francs par mois.
L'augmentation étant rapide et progressive, suivant leur instruc-
tion, etc.
Ils paient leur uniforme. Les heures de loisir et les congés sont
assez larges.
48. Les salaires des hommes et des^ femmes n'étant pas uni-
formes, le rapport ne l'est pas davantage. Cependant, en général,
les femmes touchent environ 70 p. 100 du salaire des hommes.
49. Les démissions sont assez fréquentes, par insuffisance de la
solde, disent les rapports. Les renvois ne sont pas très nombreux,
ils sont plutôt motivés par l'insubordination et l'ivrognerie que par
les mauvais traitements envers les malades.
50 et 51. Une partie des employés ont des chambres indépen-
dantes des salles, et quelquefois dans des bâtiments à part (un
pour les hommes, un pour les femmes).
z88 ASILES d'aliénés.
Suivant les rapports, ce serait une bonne mesure de généraliser
cette indépendance. Un roulement assurerait les services de nuit,
etc., etc.
52. Tous les hôpitaux ont organisé un cours pour l'instruction
des infirmiers et infirmières. Ce sont les médecins qui en sont
chargés à tour de rôle. Le cours dure généralement deux ans et il
a lieu une fois par semaine pendant les six mois d'hiver et de
printemps. On y enseigne les éléments de l'anatomie, physiologie,
hygiène, bandages et pansements, l'hydrothérapie, le massage, etc.
A l'expiration du cours, on délivre un certificat d'aptitude à ceux
qui passent de bons examens.
53. Le régime alimentaire, établi d'après M. Flint, paraît très
suffisant en quantité, qualité et variété. Les malades (presque sans
exception) augmentent rapidement et largement de poids peu
après leur admission. On pourrait donner plus de latitude aux
médecins pour modifier le régime extra des malades.
54. Réponses affirmatives et générales à cette question. En payant
plus cher les cuisiniers chefs, on en aurait de meilleurs et l'on
réaliserait des avantages économiques et autres.
55. Presque partout, il y a des réfectoires communs. Il y aurait
intérêt à généraliser cette mesure (avec les restrictions nécessaires) :
1° Leur proximité des cuisines permet de servir les plats plus
chauds : 2° la surveillance et la discipline sont simplifiées ; 3° Il y
a économie d'aliments, de service et enfin diversion pour les ma-
lades.
56. Réfectoires séparés pour les hommes et les femmes, en géné-
ral. Quelquefois les repas ont lieu en commun pour les deux sexes;
par exemple : ceux qui sont à l'infirmerie, ou ceux qui ont des
emplois dans l'hôpital. La plupart des rapports ne voient pas
d'avantages à étendre cette mesure.
57. Presque partout, il y a des dortoirs plus ou moins spacieux
pour les malades calmes et les déments ; de plus petits pour ceux
qui réclament plus de surveillance. Un des rapports demande des
chambres spéciales pour les cas curables. En général, on trouve
qu'il ne faut pas associer plus de 75 lits ni moins de 3.
58. Les bains pulvérisés ou en pluie sont installés presque par-
tout, sans être parfaits. On les préfère généralement aux bains
ordinaires, sauf pour les femmes dont la modestie s'en effarouche.
- Ils sont plus économiques, plus commodes, plus propres, la
même eau ne pouvant servir deux fois.
59. Les malades sont baignés au moins une fois par semaine et
chaque fois qu'il est nécessaire pour les malpropres. Les gâteux
ont régulièrement deux bains à l'éponge par semaine. Les bains
ordinaires sont à 36° C. Le spray est plus chaud, mais l'eau se
refroidit par la pulvérisation et frappe le corps du sujet à une
température très agréable, c'est-à-dire à environ celle du sang.
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 289
Ponr les baignoires l'eau est toujours renouvelée. Chaque ma-
lade a sa serviette personnelle pour chaque bain. Les médecins ne
président pas toujours à l'administration des bains; mais il y a
des chefs compétents (hommes et femmes).
60. Presque partout il y a des serviettes à rouleau, une pour 4 à
10 malades, que l'on change trois à quatre fois par jour. Mais on
préfère les serviettes individuelles, qui sont partout en usage pour l'
les bains et on voudrait les généraliser pour des raisons sani-
taires.
Nous aurions bien des remarques à faire sur différents
points de cette première partie de l'analyse si intéressante de
M. le D'' Darin. Nous nous bornerons à quelques-unes. Rele-
vons en premier lieu le passage (p. 274) relatif à la tendance
manifestée par la Commission des aliénés de l'Etat de New-
York, à considérer les aliénés dits criminels comme des ma-
lades ordinaires et partant à douter de l'utilité de l'asile
d'aliénés criminels, ce qui fournit un argument de fait contre
la création, chez nous, d'un asile pour les aliénés dits cri-
minels. Pour cette catégorie de malades les quartiers de cel-
lules, bien ogranisés, bien surveillés - et il en existe, par
exemple à Saint-Robert (Isère)- nous ont toujours paru suffi-
sants. La Sûreté de Bicêtre, véritable prison, qui est bien suffi-
sante pour les aliénés criminels de la Seine deux mots qui
jurent d'être accolés n'empêche pas les évasions. Cette Sûreté,
qui plaît peut-être à certains, nous paraît une abomination et
nous n'avons jamais cessé depuis vingt ans d'en demander la
démolition, sans succès d'ailleurs. -En second lieu, nous
devons signaler dans le questionnaire (p. 282) tout ce qui a
trait à l'examen des organes'génitaux, du développement de
la puberté, etc. Les conseillers municipaux de Paris qui, en
mars 189b, ont cherché, dans un but politique, à présenter
comme inutiles, indignes et même obscènes nos procédés
d'examen, conformes à l'enseignement clinique qui se fait
partout, ont fait preuve, non seulement de mauvaise foi, mais
d'ignorance. S'ils daignent jeter un coup d'oeil sur le docu-
ment qui précède, peut-être seront-ils plus réservés dans
l'avenir. B.
(A suivre.)
Archives, ` ? ° série, t. II. 19 9
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XXVI. SUR LES affections DE la' QUEUE DE cheval A PROPOS DE deux
cas DE ces affections; par nI. RAYfoND, professeur de clinique
des maladies du système nerveux. (Nouvelle iconographie de la
Salpêtrière, 4899 n 2.)
Ces leçons recueillies par M. Lévi, interne du service, constituent
une véritable monographie des affections de la queue de cheval.-
Il est indispensable, pour l'intelligence de la description de ces
affections, d'avoir présentes à l'esprit des dispositions anatomiques
de la partie inférieure de la moelle dans le canal rachidien, aussi
M. Raymond débute-t-il par un exposé d'anatomie. Il rappelle les
lieux d'émergence du renflement lombaire des racines nerveuvses
destinées à former laqueue de cheval, le trajet de ces racines dans
le canal, leurs rapports, etc. Il énumère les muscles innervés par
les diverses branches des plexus lombaire et sacré, etc. Ce qu'il y a
d'essentiel dans toute cette anatomie, au point de vue actuel, peut
se résumer ainsi : les muscles adducteurs de la cuisse, ceux de ses
faces antérieure, externe et interne, sont innervés par les nerfs
crural et obturateur émanés tous deux du plexus lombaire ; les
mnscles fessiers, ceux de la région postérieure de la cuisse, ceux
de la jambe et du pied, ainsi que le sphincter anal, le releveur de
l'anus et la vessie, sont innervés par des branches venues 'du
plexus sacré.
Deux cas peuvent se présenter : ou l'affection, quelle que soit sa
nature, retentit à la fois sur les nerfs qui forment la queue de che-
val et sur le cône terminial, ou ben elle intéresse exclusivement le
cône terminal. Dans le premier cas, les symptômes provoqués sont :
une paralysie douloureuse ordinairement très incomplète et limitée
à certaines régions musculaires, une anesthésie cutanée assez net-
tement circonscrite, des troubles de la miction et de la défécation.
A ces symptômes primordiaux s'en ajoutent d'autres secondaires
et inconstants : troubles trophiques, certains troubles génitaux,
certaines modifications des réflexes tendineux et des réactions élec-
triques. Quelques mots sur les principaux caractères de ces symp-
tômes :
1° Troubles de la sensibilité. La douleur, ordinairement loca-
lisée à la région sacrée, s'irradie plus ou moins aux membres infé-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 291
rieurs. Elle est irrégulièrement intermittente, parfois continue,
mais dans tous les cas elle présente des exacerbations, elle n'a
pour ainsi dire jamais le caractère fulgurant. L'anesthésie est
constante, toujours circonscrite, assez souvent symétrique. Il est de
règle qu'elle occupe la muqueuse vésicale et rectale, le scrotum,
la verge ou la vulve, le pourtour de l'anus et la région fessière infé-
rieure. Elle peut être limitée à ces seules régions, mais habituelle-
ment elle gagne le membre inférieur et souvent alors elle se limite
à la face postérieure de la cuisse et de la jambe, régions innervées
par le nerf petit sciatique émané du plexus sacré. On saisit bien
ici l'utilité des considérations anatomiques exposées tout d'abord;
par les régions, par les muscles intéressés, on reconnaît le point de
la moelle atteint par la lésion. On observe ordinairement encore
divers troubles paresthésiques, engourdissements, fourmillements,
sensation d'un corps étranger dans le rectum, etc.
2° Troubles de la motilité. - Ils se résument en la paralysie de
certains groupes de muscles des membres inférieurs. La paralysie
se borne presque toujours aux muscles postérieurs de la cuisse et
de la jambe, tous muscles innervés par des branches du plexus
sacré. Par suite, la démarche est plus ou moins pénible et difficile,
mais elle n'a rien de caractéristique. Certains malades doivent
s'appuyer sur un aide, d'autres stcppent simplement. Jamais on
n'observe d'incoordination dans la marche, c'est à peine si parfois
l'on rencontre, et à un faible degré, le signe de Romberg. Enfin il
peut arriver que des muscles paralysés s'atrophient.
3° Troubles génilo-urinaires. - Les troubles génito-urinaires et
du rectum ne manquent jamais. Les troubles urinaires sont carac-
térisés par de l'ischémie paradoxale : rétention, par suite de para-
lysie et d'anesthésie de la vessie, et incontinence, par suite de
paralysie du sphincter, la vessie pleine. Les troubles génitaux sont
variables : impuissance, absence du spasme, de l'éjaculation, etc.
Tels sont les principaux symptômes observés quand la lésion
retentit à la fois sur les nerfs de la queue de cheval et sur le cône ter-
mina ! . Quand ce dernier seul est atteint, la queue de cheval res-
tant indemne, la symptomatologie ne comprend que les seuls symp-
tômes génito-urinaires et rectaux sus-énoncés. Ce qui s'explique
par la situation du centre médullaire génital et urinaire, à la partie
supérieure du cône terminal.
Le pronostic des affections de la queue de cheval découle de tout
ce qui vient d'être dit : anatomie et symptomatologie. Le chapitre
consacré au pronostic par M. Raymond est un des plus étendus, il
renferme de nombreuses remarques cliniques ingénieuses et déli-
cates, obligé d'être bref, je ne peux que le signaler.
L'étiologie se résume en trois termes : tumeurs, traumatismes,
myélite et méningite. Si la cause est un traumatisme, il y a perte
de connaissance immédiate, puis revenu à lui le malade s'aperçoit
292 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
qu'il est paralysé des membres inférieurs. Cette paralysie se dis-
sipe ou diminue ensuite, en partie au moins. Si au contraire la
cause est une tumeur, le début sera naturellement lent et le pre-
mier symptôme est le symptôme douleur. Cette douleur va rare-
ment en s'aggravant. Du reste les douleurs et les anesthésies peu-
vent diminuer, avec le temps^ en étendue et en intensité, et c'est
pourquoi on n'observe pas les complications vésicales si graves
qui terminent si souvent le processus morbide des affections de la
moelle, autres que celles de ses parties tout à fait inférieures. A
signaler le traitement chirurgical de ces affections, possible aujour-
d'hui avec l'antisepsie et la connaissance qu'on a des susdites affec-
tions. Il existe plusieurs cas de guérison authentique à la suite de
l'intervention chirurgicale.
Deux observations servent de préface à cette intéressante étude
de M. Raymond, elles se ressemblent beaucoup, voici le résumé de
la première qui est, dans le texte, exposée avec bien plus de détails
que la seconde.
Femme âgée de quarante-six ans, antécédents héréditaires
inconnus, ni rhumatisante, ni alcoolique, ni syphilitique, bonne
santé habituelle. Cette femme était blanchisseuse et passait toutes
ses journées au lavoir, continuellement mouillée et faisant un tra-
vail très pénible. Début de la maladie il y a deux ans environ par
des douleurs vagues dans la région lombaire et aux jambes, sur-
tout du côté gauche. Quelque temps après paralysie flasque de la
jambp gauche survenue brusquement, puis rétention d'urine. La
paralysie se dissipe en partie et progressivement la malade arrive
à présenter le tableau clinique actuel noté à son entrée à la Sal-
pêtrière. Troubles de la sensibilité ; Douleurs lancinantes, par-
tant de la fesse gauche et s'irradiant dans tout le membre inférieur
gauche, ces douleurs sont irrégulièrement intermittentes et les
crises durent huit à quinze jours. Autre douleur en ceinture au
niveau de la région lombaire. Hyperesthésie cutanée au niveau de
la cuisse et de la fesse gauche se manifestant au moindre attouche-
ment. Anesthésie du périnée et de la face interne de la fesse gau-
che, ainsi que du bord externe du pied gauche. L'anesthésie s'étend
à la muqueuse de l'urètre, de la vessie, de la vulve à gauche et
du rectum. Incontinence d'urine. En somme l'ensemble des trou-
bles sensitifs peut s'exprimer ainsi : anesthésie douloureuse à dis-
tribution bien définie. - Troubles de la motricité et de la trophi-
cité : Le pied gauche est tombant et en extension forcée, non pas
par suite de contracture, mais par suite de paralysie, c'est un pied
bot paralytique. Atrophie marquée de tout le membre inférieur
gauche. Exagération des réflexes rotuliens. Marche en steppage.
M. Raymond analyse tous ces symptômes et il conclut à l'exis-
tence d'une lésion qui siégerait au niveau de la seconde vertèbre
lombaire. Il s'agit sans doute d'une plaque de méningite. A notre
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 293 3
époque, ajoute le professeur, les cas bien tranchés comme celui-
ci n'offrent pas de difficulté, le diagnostic en est facile. CAMUSET.
XXVII. LE sein HYSTÉRIQUE; par M. Gilles DE LA TOUItETTE, professeur
'agrégé à la Faculté de Paris, médecin des hôpitaux. (Nouv. Iconog.
de la Salpêtrière, 1895, n° 2.) 1
M. Gilles de la Tourette donne d'abord, en quelques pages, l'his-
torique de cette question et il prouve par des citations que le sein
hystérique a été depuis longtemps observé et décrit. C'est Wilis le
premier qui, en 1678, en a tracé un tableau clinique exact et qui
en a compris la nature.
Le sein hystérique est un type d'hystérie localisée. Il reconnaît
souvent pour cause déterminante les traumatismes du sein qui
agissent en influençant l'état mental des sujets. On l'observe aussi
assez fréquemment chez les femmes qui présentent des zones hyper-
esthésiques du vagin ou du col utérin. En dehors de ces deux
circonstances, il n'y a plus à noter, au point de vue étiologique,
que les causes banales des accidents hystériques. On n'en a pas
rencontré un seul cas chez l'homme.
C'est une affection peu connue, surtout des chirurgiens, certains
d'entre eux la nient même, mais elle est beaucoup plus fréquente
qu'on ne le suppose. Elle est presque toujours unilatérale et essen-
tiellement caractérisée par une augmentation temporaire ou perma-
nente du volume du sein, avec une hyperesthésie considérable de la
peau qui recouvre cet organe. Il s'agit donc, en réalité, d'une zone
hyperesthésique hystérogène dont l'exaltation aboutit le plus sou-
vent à un paroxysme convulsif. Au moment des crises, il se produit
des phénomènes vaso-moteurs locaux qui vont de la congestion
simple à l'oedème et même à la gangrène de la peau.
L'hyperesthésie est excessivement développée, le moindre frotte-
ment l'exaspère, alors que parfois une pression large, forte et con-
tinue la modère. Les émotions vives provoquent également les
crises, les époques menstruelles aussi. Le sein alors grossit encore,
il est le siège d'élancements très douloureux. A ce moment appa-
raissent des symptômes généraux de l'hystérie, strangulation,
troubles céphaliques, etc., et enfin viennent parfois, non toujours,
les convulsions.
La tuméfaction ne se borne pas toujours à la durée des paroxys-
mes, quand surtout la maladie est ancienne, elle est permanente alors
mais elle s'exagère encore pendant les crises. Il y a dans ces cas oedème
du tissu cellulaire, oedème qui peut devenir dur et se localiser, ce
qui donne à la palpation la sensation d'une ou de plusieurs tumeurs
adhérentes et grosses comme des oeufs de poule. Suivant l'impor-
tance des troubles vaso-moteurs, la peau est blanche, rosée ou vio-
lacée. Enfin il peut y avoir ulcération de la peau, le mamelon peut
294 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
même tomber, on a alors des plaies fistuleuses avec engorgement
des ganglions de l'aisselle, ce qui donne au sein hystérique toutes
les apparences du sein cancéreux. L'erreur a été souvent commise,
elle est encore commise même en l'absence de plaies ulcérées,
alors qu'il y a seulement tuméfaction, douleur et rougeur. Le dia-
gnostic est pourtant facile, mais malheureusement on connaît peu
l'affection.
Il existe, dans la littérature médicale, deux exemples remar-,
quables de seins hystériques guéris par miracle. Le premier cas
est celui de la demoiselle Coivin, il date de 1716. Cette femme,
quarante jours après un violent traumatisme du sein, eut des
vomissements de sang et des faiblesses, puis son sein gauche devint
dur, enflé, douloureux, violet. Plus tard il s'ulcéra, le mamelon
tomba et le cancer ne fit plus de doute. Cette malade, une nuit,
fut brusquement frappée d'hémiplégie et elle demeura grabataire
avec des accidents de décubitus. Douze ans après le début de l'af-
fection, elle fut guérie instantanément, quant à la paralysie, en
quelques jours, quant aux plaies, après s'être vêtue d'une chemise
qui avait touché le tombeau du diacre Pâris et après avoir mis sur
son cancer de la terre prise sur la tombe du célèbre janséniste.
Le second cas est celui de la demoiselle Augier (1707). Le cancer
du sein et la paraplégie duraient depuis vingt-cinq ans. La malade
guérit aussitôt qu'on l'eut transportée sur le tombeau de M. Rousse.
CAMUSET.
»VIII. névralgie DE la VIII" racine POSTERIEURE cervicale droite,
RÉSECTION INTRA-RACHIDIENNE DE CETTE racine ET DES racines sus ET
SOUS-JACENTES. GUÉRISON OPÉRATOIRE ET FONCTIONNELLE ; pal' MM. A.
Chipault et A. DEÜOULIN. (Nouv. Iconog. de la Salpêl1'iè¡'e, 1895,
lie 2.)
OBSERVATION. - Homme de trente-quatre ans, sans antécédents
héréditaires ni personnels importants; garçon de bureau, est pris
en 1891, sans cause appréciable, d'une douleur au bord interne du
petit doigt droit. Cette douleur s'aggrava et devint permanente
avec des exacerbations provoquées surtout par les contacts, elle
remontait alors en éclair le long de la face interne du bras. Tous
les traitements restèrent impuissants. L'élongation de la branche
dorsale cutanée du cubital et plus tard la section du cubital dans
la gouttière épitrochléenne aggravèrent plutôt la situation. En
1894, le malade en était presque au marasme, tant il souffrait. La
douleur était continuelle et consistait en un fourmillement exces-
sivement pénible localisé au petit doigt et à la partie interne de la
main. Toutes les dix minutes à peu près, sans motif, cette douleur
prenait une intensité excessive et remontait le long de la face
interne de l'avant-bras jusqu'au coude. Il existait aussi une zone
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 295
d'anesthésie tactile occupant la peau de la portion interne de la
main et de celle d'une partie de la longueur des doigts correspon-
dants. Les auteurs pratiquèrent l'arrachement total de la branche
dorsale cutanée du cubital ; résultat nul.
On avait jusqu'à ce moment diagnostiqué une simple névralgie
du cubital, après un examen attentif, ce diagnostic fut rectifié. La
zone hyperesthésique correspondait, non au territoire cutané d'un
nerf, mais au territoire cutané d'une racine, la vm. racine cervi-
cale, lequel territoire comprenait les deux doigts internes, la par-
tie interne de la main et deux bandes antibrachiale et brachiale,
l'une antérieure passant un peu en dedans du tendon du biceps,
l'autre postérieure passant sur la partie interne de l'olécrâne. Ce
territoire est bien différent de celui du cubital. L'erreur provenait
de ce que l'on avait pris la bande postérieure, seule accusée par
le malade pour une névralgie du cubital, alors qu'un examen at-
tentif démontra que le cubital n'était, en réalité, pas douloureux
en cette région. A noter que le membre était en partie oedématié
et que les muscles innervés par le cubital étaient atrophiés, con-
séquence de l'intervention chirurgicale sur le cubital à son passage
dans la gouttière.
On décida de tenter la résection de la racine postérieure de la
VIII. paire, ainsi que celle des racines postérieures sus et sous-
jacente. Cette délicate et audacieuse opération fut pratiquée par les
auteurs avec un plein succès. Ils sectionnèrent les racines au niveau
de leur sortie de la moelle, et pour ne pas laisser les extrémités
des nerfs sectionnés flotter dans l'espace sous-dure-mérien, ils
firent une seconde section au niveau du passage des racines à tra-
vers la dure-mère. Malgré le soin avec lequel les opérateurs avaient
établi leurs points de repère, ils n'étaient pas certains d'être réel-
lement tombés sur la racine de la vin0 paire. Pour s'en assurer,
ils excitèrent avec l'électricité la racine antérieure eorrespondante
devenue visible après la section de la racine postérieure. Les résul-
tats de cette grave opération furent des plus heureux, la plaie gué-
rit sans accident, les douleurs disparurent rapidement et rapide-
ment aussi le membre se remit à fonctionner normalement.
CAMUSET.
XXIX. Deux cas de myélite transverse AIGUË; par M. le Dr 1. NAGEOTTE,
chef des travaux d'anatomie pathologique à la clinique de la
Salpêtrière. (Nouv. Iconog. de la Salpêtrière, 1895, n° 6.)
Il s'agit de deux cas de myélite transverse aiguë observés dans
le service de M. le Dr Raymond. Ces deux myélites présentent les
mêmes symptômes et les mêmes lésions macroscopiques, mais le
microscope fait découvrir des différences importantes entre les
deux processus anatomiques morbides. En l'un des cas il faut, en
296 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
effet, reconnaître une affection syphilitique, en l'autre une infec-
tion non déterminée, mais de nature non syphilitique certaine.
Première observation . - Femme, trente et un ans, non syphili-
tique. En janvier 1892, paraplégie flasque complète, qui s'établit
en une quinzaine de jours sans phémonène prémonitoire. Paraly-
sie des sphincters. Troubles dissociés de la sensibilité remontant
jusqu'au niveau d'un plan passant par l'épigastre ; quelques régions
ont conservé leur sensibilité normale, d'autres ne sentent plus les
piqûres, d'autres la chaleur, le contact, etc. Les réflexes cutanés
sont en partie conservés. Vaste eschare sacrée. L'état général de-
vient rapidement très mauvais, mort le 28 février.
Autopsie. Tous les organes sains, sauf la moelle et les méninges
spinales. Plaque molle, blanchâtre, circonscrite, constituée par du
pus infiltré dans les mailles de l'arachnoïde et qui occupe toute la
hauteur du renflement lombaire. Les veines postérieures de la
moelle sont très congestionnées. A l'oeil nu, la moelle paraît nor-
male, sauf une coloration insuffisamment foncée de la substance
grise. Au microscope, on constate l'existence d'un grand foyer de
myélite au niveau duquel les tissus ne se colorent pas par la mé-
thode de Pal et qui sont, par conséquent, dépourvus de myéline.
Ce foyer en forme de fuseau, commence vers la deuxième racine
dorsale et se termine vers la huitième racine dorsale, il occupe
spécialement la substance grise, mais empiète par place sur les
différents cordons. Dans ce foyer les vaisseaux sont très conges-
tionnés, irrégulièrement dilatés, ils sont entourés de nombreux
corps granuleux. Ils sont aussi traversés par de très nombreux leu-
cocytes polynucléaires, lesquels se répandent dans le tissu voisin.
On voit aussi dans les parois des vaisseaux des éléments embryon-
naires à noyaux réguliers et à protoplasma très réduit, ce sont ces
éléments qui caractérisent les lésions vasculaires des myélites sy-
philitiques, mais dans le cas actuel ils sont relativement rares,
alors qu'ils sont excessivement nombreux dans la syphilis nerveuse.
On' voit les cylindres-axes à peine déformés, entourés ou non de
myéline, dans le dernier cas la myéline est boursouflée, lésée. Les
cellules nerveuses sont aussi atteintes, mais non profondément. En
somme la caractéristique de la lésion consiste en la surabondance
de leucocytes polynucléaires, la lésion est donc de nature pyogène.
Quelle est la nature de cette infection pyogénique ? L'état de putré-
faction du cadavre n'a pas permis de la reconnaître.
Deuxième observation. Femme, quarante ans, sans antécédents
héréditaires, syphilitique avérée depuis dix ans et ayant éprouvé
des accidents nerveux syphilitiques, enlre autres une hémiplégie
faciale avec troubles de la sensibilité des membres inférieurs, -dont
on obtint la guérison après trois mois de traitement spécifique.
En 1892, après quelques phénomènes prémonitoires consistant en
douleurs violentes dans les deux jambes, douleurs survenant par
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 297
crises, cette femme devint, en cinq ou six jours, complètement
paraplégique. La paraplégie était flasque et s'accompagnait d'anes-
thésie absolue. L'anesthésie remontait jusqu'au niveau d'un plan
passant par la quatrième vertèbre dorsale, elle comprenait tous les
modes de la sensibilité, les réflexes cutanés n'en étaient pas moins
conservés. Malgré la paralysie des membres inférieurs, il survenait
parfois des soubresauts, des mouvements brusques spontanés dans
ces extrémités, le même phénomène avait également été observé
chez la malade de la première observation. Rétention complète
des urines et des matières fécales. OEdème marqué des membres
inférieurs et du ventre. Cette malade, comme la précédente,
tomba rapidement en marasme et mourut en décembre 1892.
Autopsie. Lésions syphilitiques au foie. De nombreux nerfs
périphériques présentent de l'hyperplasie du tissu conjonctif, mais
les fibres nerveuses sont saines. Cette lésion est de nature syphili-
tique. Les centres nerveux, sauf la moelle et les méninges, sont
indemnes. A l'oeil nu, la moelle est simplement congestionnée, les
méninges sont également très hypérémiées. Au microscope, vaste
foyer de myélite à forme très irrégulière, commençant au niveau
de la huitième paire cervicale et finissant au niveau de la neu-
vième paire dorsale. A certains endroits, ce foyer envahit à peu
près toute la section de la moelle, mais ses contours sont très irré-
guliers et il se localise surtout à la substance grise. Dans toute son
étendue, les vaisseaux sont gorgés de sang, mais cette congestion
ne dépasse pas les limites du foyer et partout, dans la moelle saine,
les vaisseaux nourriciers ont leur calibre libre. Les lésions vascu-
laires consistent en une infiltration, parfois énorme, de cellules
embryonnaires à noyaux régulièrement arrondis, accumulés
presque exclusivement dans la tunique adventice. On ne voit pour
ainsi dire pas de leucocytes polynucléaires. On trouve, veis le
milieu du foyer, de petits territoires mal colorés par le carmin, ce
sont de vrais petits foyers de nécrose, de ramollissement. Ils ne ren-
ferment que des vaisseaux vides et un détritus friable. Le tissu
médullaire, dans le foyer de myélite, est représenté par des corps
granuleux, serrés les uns contre les autres et par un pointillé
formé par la coupe des cylindres-axes dépouillés de leur myéline,
mais non détruits. Les cellules nerveuses sont altérées, mais non
détruites non plus. La pie-mère est partout épaissie et infitrée d'é-
léments embryonnaires. Tout ce processus morbide est sous l'in-
fluence des vaisseaux, la prolifération excessive des cellules em-
bryonnaires à noyaux ronds, la présence de nombreuses lésions
syphilitiques siégeant ailleurs que dans la moelle, démontre que la
lésion qui siège dans celle-ci, est aussi de nature syphilitique.
On voit, en résumé, que malgré la similitude d'allure et la res-
semblance dans l'ensemble des lésions, ces deux myélites sont,
l'une non syphilitique et l'autre syphilitique. A noter que, malgré
298 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
qu'il soit de nature syphilitique, l'immense foyer de myélite de la
seconde malade, est réellement un foyer inflammatoire à évolu-
tion aiguë et remarquablement rapide. Camuset.
XXX. Myopathie ATROPHIQUE PROGRESSIVE chez UN HYSTÉRIQUE atteint
d'incontinence d'urine ; par M. GASNE, interne des hôpitaux.
(Nouvelle iconographie de la Salpêtrière, 1895, n° 6.)
Ce cas est un exemple de ces associations morbides où se com-
plaît l'hystérie :
Observation. - Atrophie musculaire chez un homme de qua-
rante-quatre ans avec déformation. Début, il y a dix-huit mois,
par le membre supérieur gauche. Prédominance sur les muscles
de l'épaule gauche et sur ceux de la jambe droite, face légèrement
atteinte, hypertrophie de certains muscles, réflexes conservés, réac-
tions électriques normales. Troubles de la sensibilité nettement
hystériques, incontinence d'urine également rapportée à l'hysté-
rie. L'auteur pense qu'il s'agit d'une myopathie sans aucune
lésion nerveuse centrale ou périphérique. Il se base sur le carac-
tère normal des réflexes et des réactions électriques, sur la persis-
tance de faisceaux contractiles dans les muscles dégénérés et sur
l'apparence hypertrophique de certains muscles très atteints,
laquelle fausse hypertrophie est due à une prolifération considé-
rable du tissu fibreux. Quant aux troubles de la sensibilité, qui
manquent dans la myopathie, ils sont dus à l'hystérie associée,
chez le malade, à l'affection musculaire. Il en est de même pour
les soubresauts musculaires. Il reste l'incontinence d'urine, à la
vérité très rare dans l'hystérie, elle serait due, dans le cas actuel,
à une paralysie du sphincter vésical indépendante de toute lésion
organique. En effet, en explorant la vessie avec une sonde métal-
lique, le malade ayant les yeux bandés, celui-ci ne sent pas la
sonde et n'accuse rien ; donc il y a anesthésie des muqueuses. On
peut aussi distendre la vessie au moyen d'une injection d'eau sans
provoquer de contraction de l'organe ; donc l'incontinence n'est
pas due à une contracture du corps de la vessie. Elle est due à la
paralysie du sphincter juxtaposé à la muqueuse anesthésiée, et
elle est de nature hystérique. Dernière considération : l'inconti-
nence est surtout nocturne. -Cette incontinence d'urine d'origine
hystérique est à noter. CanrUSET.
XXXI. ETUDE morphologique sur la maladie DE Parkinson : par
MM. Paul Richer et Henry Meige. (Nouv. iconog. de la Salpêtrière,
1895, n° 6.)
Les grands signes de la maladie de Parkinson sont tellement
caractéristiques, qu'on fait ordinairement le diagnostic à première
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 299
vue et qu'on néglige d'examiner les sujets nus ; il en résulte que
bien des particularités intéressantes de la morphologie de ces
malades échappent aux observateurs. Ce sont ces particularités
que les auteurs font ressortir en relatant une observation inédite
et en reproduisant les photographies de vieux malades connus de
la Salpêtrière.
L'observation est celle d'une femme âgée de cinquante-huit ans,
le cas est tout à fait classique, sauf en un point, la malade a tou-
jours froid. On sait que c'est le contraire qui s'observe chez presque
tous les malades, ils éprouvent une sensation de chaleur pénible
et se découvrent en dormant. Nue, on voit que cette femme offre
des modifications importantes dans la direction des différents axes
de son corps. J'ai précisément rendu compte dans les Archives
de Neurologie d'un travail d'un des auteurs, M. Richer, sur les
attitudes du corps dans lequel les divers axes, axes de la tête, du
cou, du tronc, etc., étaient étudiés à l'état physiologique. On
sait qu'à l'état physiologique l'axe du tronc est oblique de haut en
bas et d'arrière en avant, il forme avec l'axe des membres infé-
rieurs un angle obtus ouvert en arrière. Chez la malade ce même
angle se trouve ouvert en avant. C'est là la cause des antépulsions
de la paralysie agitante. C'est également la raison pour laquelle
les sujets fléchissent les genoux. Les autres axes du corps sont étu-
diés de la même façon que l'axe du tronc et chacun d'eux donne
lieu à des déductions intéressantes. Vient ensuite l'examen de la
rigidité musculaire, à laquelle aucun muscle de la vie de relation
n'échappe. Chaque muscle est en outre animé de petites vibrations
dues aux contractions isolées et successives des fibrilles, ces con-
tractions sont indépendantes du tremblement, elles paraissent,
aux auteurs, être la cause de la rigidité continue, caractéristique
de l'affection, laquelle comme le croyait Vulpian, serait due à un
léger degré de contracture et non à un état myopathique spécial.
Les auteurs terminent leur travail par cette dernière considéra-
tion. C.
XXXII. Gomme syphilitique DOUBLE DE la MOELLE épinièrk ayant
DÉTERMINÉ UN SYNDROME DE BRONN-S1;QUARD BILATÉRAL AVEC DISSO-
CIATION SYR(NGOMY1LIQUE ; par MM. V. HANOT, professeur agrégé,
médecin de l'hôpital Saint-Antoine et Henry Meunier, interne
des hôpitaux. (Nouv. iconogr. de la Salpêtrière, 1896, n° 2.)
Travail important et d'assez grande étendue, riche en considéra-
tionscliniques, anatomiques et physiologiques surlamoelleépinière.
OBSERVATION - Homme, quarante-cinq ans, antécédents hérédi-
taires mal connus, bonne santé habituelle, syphilis trois ans avant
l'éclosion des accidents actuels. Depuis le chancre jusqu'à présent
sauf une roséole, pas d'autres manifestations diathésiques que des
300 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
gommes de la peau il y a un an. Début par un ictus apoplectique
sans perte de connaissanee. Quatre jours après, à l'hôpital, on
note les symptômes suivants : paraplégie flasque absolue, les deux
bras ne sont pas paralysés, mais faiblesse musculaire marquée
dans le bras gauche. Les muscles interscapulaires et de la nuque
contractures. Sensibilité tactile conservée aux membres inférieurs,
mais affaiblie et retardée, sensibilités thermique et algésique abo-
lies. Au tronc anesthésie complète qui s'arrête à gauche au niveau
de la troisième côte, au-dessus existe une zone d'hyperesthésie de
2 centimètres environ de hauteur, puis la sensibilité devient nor-
male. A droite, l'anesthésie s'arrête à la deuxième côte, c'est-à-
dire moins bas qu'à gauche, puis zone hyperesthésique et au
dessus enfin la sensibilité est normale. Les réflexes rotuliens
complètement abolis. Incontinence d'urine, constipation. Sens
spéciaux intacts, mais inégalité des pupilles. Aggravation rapide
de l'état général, accidents de décubitus aigu et mort quatre jours
après l'arrivée.
Autopsie. Dans aucun organe on ne trouve de lésions tuber-
culeuses. Les altérations sont toutes médullaires, à l'oeil nu on
constate l'existence de deux noyaux gommeux situés de part et
d'autre du sillon médian antérieur au niveau des régions cervicale
inférieure et dorsale supérieure, le droit un peu plus élevé que
l'autre, et deux prolongements de ramollissement central dépas-
sent en haut et en bas l'étage des tumeurs proprement dites. En
outre la dure-mère adhère intimement à la moelle au niveau des
gommes. A l'examen histologique, on constate que la pie-mère,
au niveau des gommes etdans une certaine étendue autour d'elles,
est infiltrée de noyaux embryonnaires, et que les vaisseaux péri-
médullaires sont également infiltrés de ces mêmes petits éléments,
au point que, par places, leur lumière est effacée. Quant aux
tumeurs, elles sont exclusivement constituées par des cellules em-
bryonnaires pressées les unes contre les autre. Les cordons médul-
laires ont subi une certaine dégénérescence dans le voisinage des
gommes, mais sans systématisation. Leur lésion dominante est la
sclérose embryonnaire, il s'agit là d'une dégénérescence provoquée
par la réaction inflammatoire. La substance grise est particulière-
ment désorganisée par les tumeurs qui occupent son épaisseur. On
y trouve aussi de vraies gommes miliaires.
Les gommes syphilitiques de la moelle étant très rares, on se
demande s'il s'agit bien ici de gommes syphilitiques plutôt que de
gommes tuberculeuses.
Les auteurs conviennent que le diagnostic anatomique se base
surtout sur les lésions vasculaires périphériques, qui sont
évidemment syphilitiques, et aussi sur l'absence de tubercules dans
les viscères. En réalité, la nature syphilitique des lésions médul-
laires est certaine.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 301
Cette observation renferme bien des points intéressants. D'abord
il est surprenant qu'une lésion aussi étendue et aussi destructive ne
se soit manifestée que dix jours avant la mort. Cette anomalie
s'explique, la lésion au début a pu n'intéresser que les cornes
antérieures sur un point limité, respectant les faisceaux pyrami-
daux et le cordon postérieur. L'ictus s'explique par un arrêt
brusque de l'irrigation d'un étage transversal de la moelle, où l'au-
topsie a, en effet, montré l'endartérite oblitérante de plusieurs gros
vaisseaux. Quant aux troubles de la sensibilité, on les comprend en
remarquant que les deux tumeurs équivalent à une section véri-
table de la moitié antérieure de la moelle, chacune des tumeurs
est ainsi la cause du syndrome de Brown-Séquard pour la moitié
de la moelle qui la renferme. Plus encore, les tumeurs n'étant pas
au même niveau, atteignent supérieurement deux racines diffé-
rentes, les troubles moteurs et sensitifs sont également dénivelés à
la périphérie. 11 reste à expliquer la zone d'hyperesthésie trouvée
de chaque côté du tronc, immédiatement au-dessus des régions
anesthésiées, la chose est difficile sans le secours d'un schéma, je me
contenterai de dire que la racine sensitive située immédiatement
au-dessus des régions lésées de la moelle est respectée dans son
trajet d'entrecroisement intra-médullaire, mais elle côtoie néces-
sairement la tumeur, le schéma le fait comprendre, et dans ce
point elle est irritée par le voisinage du foyer, de là l'hyperes-
thésie du territoire innervé. Les troubles syringomyéliques, eux,
ont une explication moins compliquée. On admet que la sensibi-
lité tactile, après avoir fait étape dans la substance grise de la
colonne postérieure, gagne l'encéphale par des systèmes commis-
suraux, et que les autres sensibilités, thermiques et douloureuses
ne quittent pas la substance grise. Cette donnée explique la disso-
ciation de la sensibilité des régions inférieures, puisque dans tout
l'étage de la lésion les portions médianes et postérieures des cor-
dons sont relativement respectées, et que ce sont ces parties de la
moelle qui renfeiment les systèmes commissuraux. L'anesthésie
complète des régions plus élevées a sa cause dans ce fait, que les
impressions sensitives des susdites régions aboutissent précisément
à l'étage des lésions lesquelles, on l'a vu, ont désorganisé la subs-
tance grise. C : 1NUSET.
XXXIII. Syringomyélie avec anesthésie locale; par M. le profes-
seur F. RAYMOND, médecin de la Salpêtrière. (Nouv. iconogr.
de la Salpêtrière, 1896, n° 1). (Leçon recueillie par M. le Dr J.-B.
CHARCOT, chef de clinique.)
Observation. Femme, trente-huit ans, père tombé en démence
à un âge peu avancé, soeur morte de méningite. Elle a eu cinq en-
fants, quatre ont succombé ou sont venus au monde mort-nés. Il y
302 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
a sept ans, douleurs sourdes dans l'épaule gauche, avec fourmille-
ments dans les mains, survenant à l'époque des règles. Plus tard un
panaris absolument indolore. Un peu après, c'est-à-dire il y a un
an seulement, faiblesse considérable des membres supérieurs avec
atrophie musculaire généralisée. En quelques semaines la malade
-devient complètement impotente, puis troubles vésicaux et rectaux.
Au mois d'octobre 1896, la malade était dans l'état suivant : état
général satisfaisant, paralysie complète des membres et du tronc
avec atrophie musculaire intense généralisée, les muscles de la tête
et du cou seuls avaient échappé à l'atrophie. Incontinence d'urine
'et constipation, anesthésie totale superficielle étendue à presque
tout le tégument externe, anesthésie des tissus sous-jacents, eschare
profonde à extension rapide.
En résumé donc, c'est le tableau clinique classique de la syrin-
gomyélie, sauf sous le rapport de l'anesthésie qui est totale, alors
que dans cette affection on note, non pas toujours, mais presque
toujours la dissociation de la sensibilité : analgésie, thermo-anes-
thésie et conservation de la sensibilité tactile. Le professeur main-
tient pourtant le diagnostic de syringomyélie. L'affection, lente au
début, a pris ces temps derniers une allure rapide. Il expose les
observations connues de syringomyélie avec anesthésie complète.
Dans les autopsies on constatait le plus souvent que le processus
cavitaire s'étendait aux cordons postérieurs et latéraux. Le cas
actuel est, dit-il, à ajouter aux cas déjà publiés, car il ne s'agit pas
d'une complication hystérique, l'anesthésie de l'hystérie a des
caractères sui generis.
La malade mourut peu après, par suite d'une infection dont le
point de départ fut l'eschare. La partie supérieure de la moelle est
diffluente, tout le tissu a un aspect lacunaire spécial. L'examen
histologique sera fait et publié plus tard. C.
XXXIV. La syphilis héréditaire DE la MOELLE ÉPINIÈRE; par M. GILLES
DE la TOURETTE, professeur agrégé de la Faculté de médecine,
médecin des hôpitaux. (Nouv. iconogr. de la Salpêtrière, 9S9G,
ni 2 et 3.)
La syphilis héréditaire de la moelle est une question encore mal
connue et qui n'a, du reste, été étudiée que dans ces derniers temps.
Son existence est indéniable, il en existe des observations éparses
dans la littérature, et l'auteur en a rassemblé un certain nombre
d'inédites dans le travail actuel.
La syphilis peut frapper la moelle à trois périodes de l'existence :
pendant la vie intra-utérine, pendant la première enfance, pendant
l'adolescence et l'âge adulte. Elle est dite congénitale, précoce,
tardive. Quand la syphilis médullaire héréditaire est congénitale,
l'enfant est souvent mort-né, la lésion consiste alors en uneruéningo-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 303
myélite diffuse embryonnaire. Ordinairement on trouve en même
temps diverses autres lésions syphilitiques, des arrêts de développe-
ment par exemple, mais c'est surtout l'hépatite interstitielle diffuse
qui se rencontre avec la myélite. A noter que si les observations de
syphilis héréditaire congénitale de la moelle sont rares, il ne s'en-
suit pas que cette manifestation médullaire de la syphilis, elle,
soit rare. On la rencontrerait certainement souvent si on la cher-
chait chez les mort-nés syphilitiques, mais on n'a pas l'habitude de
se livrer à cette recherche.
Anatomiquement, le processus embryonnaire passe à l'état adulte,
et c'est la sclérose qui en est l'aboutissant. On la retrouve presque
toujours dans le cerveau, mais elle peut se localiser exclusivement
dans la moelle pour produire des paraplégies spasmodiques
indemnes de symptômes cérébraux concomitants. Lorsque la
syphilis touche la moelle dans la première enfance, et pendant
l'adolescence et l'âge adulte, le cerveau peut encore participer au
processus, c'est ordinairement le mésocéphale qui est atteint. Dans
les formes médullaires pures, c'est surtout la moelle cervicale qui
est touchée, cependant il existe des cas où la localisation s'est faite
uniquement sur la moelle lombo-sacrée.
Dans les cas de syphilis précoce ou tardive, les types cliniques
deviennent variés. La raison en est dans ce fait biologique qu'à
mesure que le sujet avance en âge. les tissus se différencient de
plus en plus et prennent une individualité fonctionnelle plus mar-
quée. L'infiltration embryonnaire, base du processus, tend aussi à
se collecter et à aboutir aux gommes. De plus il se joint probable-
ment de l'artérite gommeuse proprement dite. En somme, le
champ clinique s'élargit de plus en plus, et il semble qu'à part sa
grande tendance à rester encéphalo-médullaire, indice de la géné-
ralisation initiale du processus, la syphilis médullaire héréditaire
précoce et surtout tardive ne diffère pas sensiblement des expres-
sions si variées de la syphilis acquise. - Telles sont les conclusions
du travail de M. Gilles de la Tourette, qui les a, du reste, formulées
lui-même, en leur donnant une plus grande extension dans le
dernier chapitre de cette étude. C.
XXXV. UN cas dk tabès SUPÉRIEUR avec conservation DES
RÉFLEXES; par M. E. LENOBLE, interne de la clinique des maladies
nerveuses. (Nouv. iconogr. de la Salpêtrière, 1896, n° 1.)
Observation. Femme, vingt-huit ans, père et mère tubercu-
leux, probablement tuberculeuse elle-même, ni éthylique ni
syphilitique. Début de l'affection il y a trois ans par de l'amblyopie,
plus tard quelques douleurs fulgurantes dans les membres infé-
rieurs et dans le membre supérieur gauche, sensation de compres-
sion du thorax en ceinture. Actuellement : ni paralysie, ni atrophie
304 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. ,
musculaire, la marche n'est pas ataxique, mais elle est moins
assurée, et la malade vacille dans l'obscurité sans cependant pré-
senter le signe de Romberg. Conservation des réflexes patellaires.
Absence de troubles de la sensibilité générale et spéciale, sauf en
ce qui concerne la vue. La malade voit les objets troubles, confus,
elle n'a plus de diplopie. L'examen ophtalmoscopique fait cons-
tater une paralysie incomplète des troisièmes paires gauche et
droite et complète de la sixième paire droite. Les pupilles sont iné-
gales et ne réagissent pas sous l'influence de la lumière. La papille
est décolorée, les artères y sont petites et les veines très volumi-
neuses. Les douleurs fulgurantes des membres, la constriction en
ceinture du thorax ont, pour ainsi dire, disparu, mais il existe
quelques douleurs à type fulgurant dans la région occipitale. Les
principaux viscères enfin sont sains, sauf les poumons, les sommets
sont très suspects.
A quelle affection a-t-on affaire ? Trois diagnostics doivent être
discutés : la tuberculose cérébrale, la syphilis cérébrale, le tabes
supérieur.
La méningite bacillaire de la base, intéressant les nerfs moteurs
de l'oeil n'est pas admise par l'auteur, parce que surtout la malade
n'a jamais présenté de symptômes méningitiques, jamais de vomis-
sements, etc. L'auteur rejette également l'hypothèse de la syphilis,
parce qu'on ne la retrouve pas dans les antécédents de la malade,
ni dans ceux de son mari, parce que l'examen du fond de l'oeil
n'indique pas la présence d'une lésion syphilitique du cerveau,
parce qu'il n'y a pas eu de prodromes céphaliques, etc. Reste donc
le tabès supérieur qui est bien l'affection dont est atteinte la ma-
lade, d'après M. Lenoble. Le tabes n'atteint pas les seuls syphili-
tiques, expose-t-il, et tous les symptômes observés chez la malade,
ainsi que leur mode de succession constituent l'expression clinique
du tabes de la partie supérieure de la moelle. C.
XXXVI. DE la cataphorèse électrique; par le professeur F.-P.
SGOBBO, de l'Université de Naples.
11 existe une substance qui a la propriété de modifier l'excita-
bilité de l'écorce cérébrale, la cocaïne. D'autre part il parait
admis que le courant électrique est capable de transporter avec lui
une substance médicamenteuse, jusqu'à un organe quelconque,
par exemple, sur lequel la substance médicamenteuse produira
directement ses effets physiologiques ordinaires (cataphorèse). Ce
sont ces propositions que l'auteur veut contrôler expérimentale-
ment. Il a, pour cela, institué une série d'expériences directes sur
des chiens, afin de résoudre le problème qu'il formule ainsi lui-
même : On imhibe la tête d'un animal d'une solution de cocaïne,
laquelle solution est mise en communication avec le pôle positif
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 305
d'un appareil galvanique, on fait passer le courant à travers la tête
de l'animal en appliquant l'électrode négative sur une partie de son
corps plus ou moins éloignée de la tête; l'action de la cocaïne se
fait-elle sentir à travers la peau, l'os cranien et les méninges sur
l'écorce grise du cerveau ? Naturellement, l'auteur recherche
d'abord directement, au moyen d'une première expérience, si
l'excitabilité électrique du cerveau est réellement diminuée et
même abolie, quand on imbibe l'écorce grise d'une solution de
cocaïne.
Voici les conclusions auxquelles il est arrivé : 1° la cocaïne ap-
pliquée sur l'écorce cérébrale (gyrus sigmoïde), diminue et à la fin
annihile l'excitabilité cérébrale; 2° la cataphorèse électrique céré-
brale avec la cocaïne ne modifie pas directementl'excitabilité céré-
brale quand on fait agir le courant à travers le cuir chevelu, l'os
et les méninges; 3 il arrive que la cataphorèse électrique avec la
cocaïne influe sur le cerveau, mais l'alcaloïde ne parvient pas
directement à l'écorce grise, en traversant la peau, l'os et les mé-
ninges ; il n'y arrive qu'indirectement, par le torrent circulatoire,
pour y exercer son action spéciale ; 4 l'os cranien est certainement
le plus puissant obstacle qui s'oppose à la cataphorèse, ce qu'on
démontre en enlevant un disque de l'os et en remettant ensuite les
parties molles à leur place; on obtient alors une diminution de
l'excitabilité, parce que le courant électrique n'a plus à traverser
que le cuir chevelu et les méninges. (Rivista clinica e terapeutica.
Naples, 1895, n°9.) C.
XXXVII. Tremblement hystérique simulant LE tremblement DE la
maladie DE Parkinson; par le professeur DE RENzI, de l'Univer-
sité de Naples. (Leçon clinique faite à l'Université de Naples.)
Observation. Jeune fille, dix-neuf ans, rien de notable dans
les antécédents héréditaires et personnels. A la suite d'une vive
frayeur : hémiplégie avec anesthésie du côté gauche et tremble-
ment du membre supérieur également du côté gauche. Puis con-
tracture de Ja main gauche qui disparait alors que le tremblement
se manifeste au membre supérieur droit. La suggestion aidée de
l'électricité fait disparaître complètement l'hémiplégie et l'anes-
thésie, cette dernière au membre inférieur seulement. Marche
normale. Les membres supérieurs, le gauche principalement, sont
continuellement agités par un tremblement oscillatoire régulier,
les secousses étendues et irréguiières y sont peu fréquentes. Le
tremblement cesse pendant le sommeil, les mouvements intention-
nels l'exagèrent. Zone d'anesthésie comprenant, du côté gauche,
tout le membre supérieur, l'épaule, la moitié de la tête et du cou.
Ilypereslhésie ovarienne double. Anesthésie complète de la con-
jonctive, même sur la cornée ; champ visuel très rétréci à gauche ;
Archives, 2e série, t. II. 20
306 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
dyschromatopsie. L'olfaction, l'ouïe, le goût sont abolis à gauche.
Rien de notable à l'examen électrique.
La guérison de l'hémiplégie par la suggestion, l'anesthésie,
l'hyperesthésie ovarienne, les altérations du sens de la vue et des
autres sens spéciaux militent, chez cette malade, en faveur de
l'hystérie. Le tremblement est pourtant le tremblement typique
de la paralysie agitante. Ya-t-il donc, chez cette jeune fille, maladie
de Parkinson et hystérie à la fois ? Le professeur de Renzi ne le
pense pas, l'absence de la rigidité caractéristique des muscles de
la face et du tronc, la marche normale, la flexion des doigts (qui
existe et que j'ai oublié de signaler plus haut avec les autres symp-
tômes), l'impuissance de la belladone, qui améliore toujours,
paraît-il, le tremblement de la maladie de Parkinson, tous ces
phénomènes cliniques ne se rencontrent jamais dans la paralysie
agitante. Il s'agit donc, en résumé, d'un tremblement hystérique
particulier, simulant le tremblement si caractéristique de la ma-
ladie de Parkinson. (Riviste clinica e terapeutica. Naples, 1895, n° 3.)
Camuset.
XXXVIII. Trois cas DE HOQUET hystérique; clinique du Dr de Renzi,
de Naples.
Premier cas. Femme, vingt-neuf ans, mariée, tare nerveuse
héréditaire, mais jamais d'accidents nerveux avant le phénomène
morbide actuel. Opération de la symphyséotomie et dix mois après,
à la suite de l'influenza, hoquets continuels avec sensation d'une
boule dans la gorge.
Traitement prolongé par les injections de morphine sans résultat.
La malade se décide à aller se faire soigner à Naples, elle est
obligée de faire un long voyage pour se rendre dans cette ville. Le
soir du premier jour de son entrée dans le service du Dr de Renzi,
guérison spontanée qui se maintient.
Deuxième cas. Femme mariée, trente-six ans. Influenza, et à
la suite hoquets incoercibles avec éructations, spasmes cloniques
du diaphragme et convulsions hystériques. Guérison rapide et défi-
nitive au moyen de courants faradiques appliqués à l'épigastre.
Troisième cas. Jeune fille, vingt-deux ans. Emotion violente
et à la suite hoquets continuels, hémi-hypoesthésie gauche, anes-
thésie des conjonctives et dyschromatopsie hystérique. Guérison de
tous ces phénomènes hystériques par la suggestion hypnotique.
En résumé, dans le premier cas la guérison est due au change-
ment de milieu et à l'isolement, un long voyage y est aussi pour
quelque chose.
Dans le troisième cas, la guérison est due à la suggestion et dans
le second également, en grande partie du moins, car les courants
faradiques n'ont pas dû avoir une action curative bien puissante.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 307
A noter que dans deux de ces trois observations de hoquet
hystérique, les malades étaient convalescents de l'iniluenza, preuve
nouvelle de l'influence de cette affection sur le système nerveux,
influence admise, du reste, par tous les cliniciens. (Rivista clinica
e terapeutica. Napoli, 1895, n° 2.) C.
XXXIX. UN cas DE POLIOENCLPGALOMYELITE; par le Dr COVONE.
Intéressante étude sur un cas de polioeucéplralomyélite qui
s'écarte sous certains rapports du type classique de cette affection.
L'auteur fait d'abord remarquer que la polioencéphalomyélite,
maladie peu fréquente, peut être envisagée comme une combi-
naison des trois entités nosologiques : l'atrophie musculaire
spinale progressive, la paralysie labio-glosso-laryn,ée et l'ophtal-
moplégie externe. Je résume succinctement l'histoire de son malade.
Observation. N..., soixante-dix-sept ans, sans antécédent
pathologique d'aucune sorte, robuste vieillard qui n'a jamais été
malade, n'a jamais fait d'excès et n'a même jamais, dans sa longue
existence, éprouvé d'émotions sérieuses. En 1891, pendant les
fortes chaleurs du mois d'août, N... un jour s'était endormi dans
un champ, à l'ombre; il fut réveillé par une sensation pénible de
piqûre et de gonflement à la langue. Puis il s'aperçut qu'il avait
de la peine à prononcer certains mots.
C'était le début d'une affection qui, à partir de ce moment,
évolua progressivement. Voici l'énumération, dans leur ordre d'ap-
parition, des phénomènes morbides observés : En cinq mois la
difficulté d'articuler certains mots se généralise, langage difficile et
défectueux. En janvier 1892, faiblesse dans le bras gauche. Très
peu après, début d'un ptosis à gauche. En trois mois le membre
affaibli se paralyse complètement et la paralysie s'accompagne
d'atrophie musculaire. En janvier 1893, nouveaux accidents : la
tête ne peut se maintenir droite, elle est fléchie en avant sur la
poitrine, sialorrhée abondante et continuelle. En mars, même
année, paralysie et atrophie du membre supérieur droit et de
l'épaule. Au moment où l'auteur le voit, le malade est dans un
état vraiment misérable. Articulation des mots impossible. Sia-
lorrhée excessive. Abolition des mouvements de l'orbiculaire des
lèvres, paralysie presque complète des muscles masticateurs. Langue
difforme, elle a trois pointes, une médiane et deux latérales,
l'atrophie musculaire l'a rendue excessivement mince, elle reste
accolée au plancher de la bouche, presque immobile, comme un
lambeau de chair inerte. Ophtalmoplégie externe avec tous ses
symptômes qui donne à la physionomie un aspect étrange. Les
mouvements réflexes et d'accommodation de la pupille sont con-
servés, les muscles ciliaires et iridiens ne sont donc pas atteints, ce
qui démontre, entre parenthèse, que l'ophtalmoplégie est externe.
308 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Paralysie et ail ophie considérable des muscles du cou, de la nuque
surtout, du dos, du thorax, des membres supérieurs. Les membres
inférieurs sont faibles mais non atrophiés. Les réflexes tendineux,
abolis aux membres supérieurs, sont normaux aux inférieurs. Sur
tous les muscles atrophiés, contractions fibrillaires très marquées
au moindre choc. Sensibilité conservée, douleur au côté gauche du
thorax, sensation de chaleur interne, le malade ne peut conserver
ses couvertures au lit, même l'hiver. Excitabilité électrique propor-
tionnée au degré d'atrophie des muscles. Même dans les muscles
les plus atrophiés on ne note pas l'inversion de la formule. Le
pouls bat à 65-70 pulsations. Les fonctions de nutrition s'accom-
plissent bien. Le malade succombe en décembre 1893, dans un
accès de dyspnée.
L'auteur affirme qu'il s'agit bien là d'un cas de polioencéphalo-
myélite : on y trouve l'atrophie musculaire progressive, la paralysie
tabto-glossa-laryngée et l'ophtalmoplégie externe, mais le processus
morbide est évidemment irrégulier. Le premier symptôme observé
est la glossoplégie qui marque le début de la paralysie labio-glosso-
laryngée, le bulbe est donc atteint en premier lieu, et de là l'af-
fection est à la fois ascendante et descendante, puisque d'une part
se manifeste l'ophtalmoplégie, et d'autre part l'atrophie musculaire
progressive. Nous arrivons ici à une dissertation clinique, claire
et intéressante; la valeur des symptômes, leur signification, au
point de vue anatomo-pathologique, sont exposées et disculées. Il
est facile d'établir qu'il existe une lésion systématisée de différentes
parties de la colonne formée par les noyaux moteurs superposés
au bulbe, à la protubérance et à la moelle. Les cordons médul-
laires sont indemnes puisqu'il n'y a ni contracture, ni exagération
des réflexes tendineux, ni troubles vésicaux ou rectaux. Ce sont
précisément ces caractères que Charcot indiquait comme les
caractères distinctifs de la polioencéphalomyélile.
L'auteur explique comment ou peut comprendre anatomique-
ment la propagation de la lésion des noyaux moteurs supérieurs
de la moelle aux noyaux moteurs du bulbe, et la propagation de la
lésion de ces derniers aux noyaux d'origine de la troisième paire,
ce qui l'amène à rappeler les données anatomiques modernes sur
ces noyaux. Ils sont nombreux et situés les uns au-dessus des autres
formant une colonne située derrière le plancher du troisième ven-
tricule et plus haut derrière l'aqueduc de Sylvius. Cette disposition
explique l'indépendance des paralysies qui atteignent certains
muscles de l'oeil innervés par le moteur commun et qui respectent
certains centres innervés cependant par le même nerf, etc. Je
noterai encore l'exposé des paralysies bulbaires, les unes syndro-
miques de certaines entités neuropathiques, comme l'atrophie
Aran-Duchenne, par exemple, les autres indépendantes, les autres
causées par des lésions doubles en foyer. Exposé analogue à propos
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 309
de l'ophtalmoplégie externe qui peut dépendre du tabes, d'une
lésion cérébrale localisée, d'une compression du moteur commun,
etc., etc.
Revenant à son observation, l'auteur avoue que le début de
l'affection par la paralysie bulbaire inférieure fait de son cas un
cas unique dans la science, il faudrait le dénommer polioencépha-
lomé(ite à début glossoplégique. Guinon et Parmentier ont affirmé,
dit-il, que la polioencéphalomyélite débutait toujours et indiffé-
remment, soit par l'ophtalmoplégie, soit par l'atrophie musculaire
progressive, mais ce n'est pas là une vérité intangible, l'observation
actuelle démontre, d'une façon inconteslable, que cette affection
peut également débuter par les symptômes de la paralysie glosso-
labiale.
Dernière remarque : Dans le cas de M. Corvoue, comme dans
tous les cas publiés jusqu'à présent. l'étiologie de la poliencéphalo-
rnyélite reste absolument inconnue. (Rivista clinica e terapeutrca,
1895, Il' 1.) Camuset.
.\L. l'ACHY)IÍNINGITE CERMCALK hypertrophique : Leçon clinique
du professeur de Renzi.
Observation. Homme, trente-huit ans, malade depuis sept
ans. Rien à relever dans les antécédents. Voici son état actuel : les
deux bras, surtout le gauche, ne peuvent être soulevés volontaire-
ment. Le cou est un peu rigide. Les muscles deltoïdes des deux
côtés, mais surtout ceux du côté gauche, ainsi que le sterno-mas-
toidien droit sont atrophiés ; contractions fibrillaires sur ces
muscles. Réflexe rotulien exagéré. Excitabilité électrique diminuée
dans les muscles des membres supérieurs. La sensibilité au lou-
cher et à la douleur diminuée aux mains et aux avant-bras. Dou-- z
leur vague continuelle à la nuque et fourmillements aux deux
mains. Inégalité fréquente des pupilles qui sont assez souvent
dilatées. Certaine difficulté dans la miction. On voit que ce
malade présente des phénomènes de paraplégie et d'atrophie mus-
culaire et des altérations de la sensibilité. On pense d'abord qu'il
est atteint d'atrophie musculaire progressive, type Araii-Duelientie5
mais le professeur de Renzi démontre qu'il est atteint de pachy-
méningite cervicale hypertrophique. En effet, le malade présente
nombre de symptômes qui n'existent pas dans l'atrophie muscu-
laire progressive. La paraplégie brachiale, la roideur du cou, la
douleur persistante à la nuque, les altérations de la sensibilité,
l'inégalité pupillaire, etc. En plus, les muscles atrophiés ne sont
pas ceux qui sont atteints ordinairement dans l'atrophie progres-
sive. Eu somme, il s'agit dans ce cas d'une inflammation de la
dure-mère qui, hypertrophiée, comprime la moelle à l'instar d'un
anneau fibreux. (Rivista clinica e lerapeulica, 1895, n° 2.) C.
310 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XLI. Saturnisme chronique avec paralysie des nerfs radiaux ; par
' le professeur DE RENZI, de l'Université de Naples (Leçon clinique
du professeur DE Renzi.)
Observation. Femme, trente-sept ans, marchande ambulante
de jouets d'enfants. A l'âge de vingt et un ans, à la suite d'une
peur, cette femme avait eu un brusque arrêt des règles, puis des
coliques violentes avec constipation tenace. Il y à un mois, encore
à la suite d'une peur, elle eut de la fièvre pendant dix jours, puis
des coliques violentes et de la constipation. En même temps, elle
éprouvait des douleurs dans les bras et elle n'ouvrait plus facile-
ment les mains. A l'examen actuel, à la clinique : mains à demi
fléchies sur les avant-bras, doigts à demi fléchis, le pouce en adduc-
tion. Les mouvements d'extension des mains et des doigts impos-
sibles. Les avant-bras peuvent facilement se mettre en supination.
Excitation faradique abolie dans les muscles extenseurs de l'avant-
bras, l'excitation galvanique est conservée. La malade est triste et
irritable. Aucun autre trouble nerveux. Bord libre des gencives
saignant, ramolli et bleuâtre. Plomb dans les urines. On dénote
aussi la présence du plomb à la peau au moyen du sulfure de
sodium.
Il est évident que la malade est empoisonnée par le plomb, elle
s'est intoxiquée en vendant des jouets peints avec des couleurs
contenant des sels plombiques. Quant aux phénomènes paralyti-
ques, on ne peut guère les attribuer à l'hystérie, la paralysie hys-
térique est une paralysie psychique, pour ainsi dire, qui se loca-
lise mal anatomiquement, qui ne se fixe pas sur un système mus-
culaire, par exemple, à l'exclusion d'autres systèmes musculaires.
On ne peut non plus songer à une paralysie a (l'igo1'e, laquelle est
ordinairement unilatérale et le supinateur est atteint comme les
autres muscles. Il s'agit donc, sans conteste, d'une paralysie satur-
nine. (Rivista clinica e terapezelica. Naples, 1896, 110 2.) C.
11.11. Syphilis cérébrale ; parle professeur DE l3EVZr, de l'Université
de Naples. (Leçon clinique du professeur DE RENZI.)
Observation. Jeune homme, vingt et un ans, cuisinier. Sy-
philis il y a trois ans, trois mois ( ? ) après, gomme au front. Il y a
deux mois, attaque d'apoplexie et à la suite hémiplégie droite. Dis-
parition rapide de la paralysie au moyen d'injections sous-cuta-
nées de bichlorure de mercure. Le malade ayant suspendu ses
injections, nouvelle attaque d'apoplexie il y a deux jours. Depuis,
perte de la parole, asymétrie de la face et stupeur. Amené à la
clinique en cet état, on note la pléiade ganglionnaire des syphili-
tiques et un état de stupeur. Il n'y a aucun phénomène paralytique,
cependant les mouvements intentionnels sont lents et un peu incer-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 311 I
tains et les muscles de la face du côté gauche se contractent un
peu moins que ceux du côté droit. La sensibilité au tact et à la
douleur est conservée. Réflexes rotuliens exagérés, surtout à gau-
che. Le malade ne peut pas parler, mais il semble entendre, urines
involontaires. La situation reste telle pendant deux jours. On diag-
nostique une syphilis cérébrale, diagnostic que l'autopsie vint
bientôt confirmer. On trouva, en effet, une pachyméningite et
une leptoméningite chroniques, fibreuses, de la voûte et d'une partie
de la base, une artérite diffuse avec artério-sclérose, et des petits
foyers de ramollissement cérébral, enfin des hémorragies puncti-
formes multiples dans la couche optique gauche. La nature de ces
lésions indique la syphilis d'une façon certaine. (Rivista clinica e
terapcutica, Naples, 1896, n° 2.) C.
XUIL Myélite par infection BLE ! VNORRI3AGRIQUE; par le Dr CIPRIANI.
Jeune fille de quatorze ans, forte et bien portante, une soeur
hystérique, il y a un an, blennorrhagie non soignée. Sans pro-
drome aucun, cette jeune fille est prise brusquement de para-
plégie, assise elle s'aperçoit qu'elle ne peut plus se lever. Voici les
signes morbides qu'on note à ce moment : les membres inférieurs
complètement paralysés, inertes, réflexes rotuliens diminués. Anes-
thésie absolue des mêmes membres, la malade ne les sent pas.
T = 38°. Rétention d'urine. Intelligence intacte. L'auteur diag-
nostique un foyer de myélite à la région dorsale, suite d'une infec-
tion blennorrhagique. c
Voici la marche de l'affection, à partir de ce début. La réten-
tion d'urine dura seulement cinq jours, elle fut remplacée par
l'incontinence pendant six mois, puis elle guérit complètement. La
constipation du début fit place à l'incontinence des matières fécales,
qui guérit aussi en cinq à six mois. Les diverses sensibilités repa-
rurent progressivement dans les membres inférieurs, plus rapide-
ment à droite qu'à gauche, le septième mois tous les troubles sen-
sitifs avaient disparu. Quant à la motilité, le membre inférieur
droit s'améliora le premier et la paralysie y avait complètement
disparu le cinquième mois. La motilité ne revint dans le membre
gauche que plus tardivement, elle se rétablit petit à petit pendant
sept mois, puis à ce moment l'amélioration resta stationnaire, le
pied était toujours inerte. L'excitabilité faradique redevint petit à
petit normale, mais les muscles moteurs du pied gauche ne réa-
gissaient que légèrement. On nota pendant le cours de cette mala-
die, surtout dans les premiers temps, de fortes contractions des
muscles du membre inférieur gauche, principalement la nuit, pen-
dant le sommeil. 11 ne se produisit jamais de troubles trophiques. Le
point intéressant de cette myélite est dans son étiologie. Il ne semble
pas douteux qu'il y ait eu un foyer circonscrit de myélite à la por-
312 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
tion dorsale de la moelle, l'hystérie n'est pas en cause. Du reste,
on hypnotisa la malade sans résultat. L'auteur admet que ce foyer
de myélite est dû à l'infection blennorrhagique. Il a fait des recher-
ches bibliographiques qu'il reproduit au grand complet. Je ne peux
le suivre dans cette partie de- son travail, je ne citerai que quel-
ques-uns des travaux qu'il analyse, les plus importants ; ainsi
les expériences de Vidal et Besançon : injections de cultures de
spectrocoques à des cobayes qui meurent paraplégiques, la moelle
est altérée. Expériences analogues de Thoinot, avec des cultures
de bacterium coli, résultats semblables. Communication de Gras-
set au congrès de Bordeaux, sur l'action des infections diverses sur
la moelle, etc.. Les observations du professeurItaymond : blennor-
rhagie, arthrite du genou gauche, atrophie musculaire généralisée,
cachexie et mort par myélite, etc..
Tous ces travaux, ces expériences, ces observations démontrent
que le processus blennorrhagique, dit l'auteur, peut se généraliser
et se localiser ensuite sur beaucoup d'organes et qu'il n'épargne
pas la moelle. Mais quelle est la pathogénie des accidents médul-
laires de la blennorrhagie ? Le gonocoque a la propriété de provo-
quer de graves lésions dans les organes revêtus de muqueuses, le
microbe et les toxines qu'il produit, peuvent facilement traverser
l'épithélium des muqueuses altérées, pénétrer dans les tissus et
être entraînés ensuite par le courant sanguin ou lymphatique
dans les parties les plus éloignées de l'organisme, d'où l'infection
générale de celui-ci et la production de foyers divers dans la moelle
et ailleurs. En réalité, le revêtement épithélial des muqueuses offre
le plus souvent un obstacle insurmontable au passage des microbes,
mais enfin il arrive aussi, pour une raison ou pour une autre, que
cet obstacle soit franchi et l'infection se produit. Il faut, en résumé,
se garder d'envisager la blennorrhagie, malgré l'opinion de cer-
tains auteurs, comme une affection toujours locale. (Rivista clinica
c terapeulica, Naples, 1896, n° 3.) G11USIïI'.
XHV. Hystérie. Souffle cardiaque NERVEUX. OEDÈME des extrémités
inférieures; parle professeur de RENZI, de l'Université de Naples.
(Clinique du professeur de Renzi.)
Observation. Jeune fille de vingt-trois ans, réglée depuis
l'âge de dix-huit ans. Bonne santé habituelle jusqu'au début de la
maladie actuelle, qui remonte à trois ans et qui fut marqué par
une douleur à la région précordiale. Depuis quelque temps, at-
taques convulsives qui se répètent tous les soirs. Actuellement :
embonpoint conservé, lèvres cyanosées, les joues et les extrémités
sont violacées. OEdème considérable des pieds et des jambes avec
température très basse de la peau. A l'auscultation du coeur, souffle
systolique fort et prolongé, plus accentué à la pointe. Foie et rate
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 313
normaux. Urines normales. Réflexes patellaires exagérés, les autres
réflexes normaux. L'attaque convulsive du soir dure une ou deux
heures. Toules les formes de la sensibilité sont intactes, si ce n'est
la sensibilité à la douleur qui est très vive. La malade se plaint de
faiblesse dans les membres inférieurs, de céphalalgie frontale et
d'une sensation d'étranglement. Hyperesthésie ovarienne. Facultés
intellectuelles bien développées. Caractère extraordinairement
mobile, la malade passe avec la plus grande facilité de la tristesse
à la joie, d'un mutisme persistant à une loquacité intarissable.
La question est de savoir si le souffle cardiaque et 1"oedème des
membres inférieurs dépendent d'une affection cardiaque ou de
l'hystérie seule. Le souffle indiquerait une insuffisance mitrale,
mais alors le coeur devrait être hypertrophié. On ne peut songer à
un souffle anémique, le sang examiné ayant été trouvé normal.
Le professeur Renzi diagnostiqua donc un souffle nerveux, pour lui
le coeur est sain. Il a précisément décrit le souffle nerveux
dès 1878. L'oedème également est d'origine nerveuse, s'il tenait
à une lésion du coeur, comme il est considérable, il y aurait hv-
pertrophie de l'organe et stase sanguine dans le foie et dans les
reins, or ces viscères sont absolument sains. La suite de la maladie
prouva, du reste, que le diagnostic était exact, il s'agissait bien, en
effet, d'un souffle cardiaque nerveux et d'un oeJème bleu hyté-
rique. (Rivista clinica e terape2tticca; Naples, 1896, na 5.) C.
XLV. SUR la paralysie diphtéritique ; par W. GOOD : 1LL.
(Brain, été et automne 1895.)
De 1892 à 1893, l'auteur a observé à Eastern Hospital 1,071 cas
de diphtérie. Sur ce nombre 362 malades sont morts avant d'avoir
eu le temps de devenir paralysés. Sur les 709 cas restants, il y a eu
125 paralysies dont 17 mortelles. Parmi ces 125 cas le sexe était
masculin 55 fois et féminin 70 fois; 96 malades avaient moins de
dix ans; 25 étaient entre dix et vingt ans, 3 entre vingt et trente,
et un seul entre quarante et cinquante. La maladie n'a jamais
débuté avant le septième jour et jamais après le quarante-neuvième.
Les fausses membranes avaient presque toujours disparu avant
l'application de la paralysie; dans 10 cas seulement elles duraient
encore. La paralysie a débuté parle voile du palais seul 67 fois, par
le palais seul ou accompagné 75 fois. Elle a été très limitée dans
66 cas et très généralisée dans 16 cas. La paralysie ciliaire, qui a
pu échapper chez les très jeunes sujets, a été trouvée 56 fois; celle
des membres inférieurs 52 fois; des muscles de l'oeil 26 fois; des
membres inférieurs 21 fois; du larynx 11 fois; du diaphragme
10 fois. Celle des nerfs vagues est rare. F. BoISSIER. 0
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
- PATHOLOGIQUES.
I. SUR UN C\S DE tumeur cérébrale ET SUR LES rapports DES TUMEURS
du cerveau avec LES troubles psychiques; par le De Luhrmann.
(Allg. Zeitschr. f. Psychiatrie, t. LU, fasc. 4.)
Les tumeurs du cerveau peuvent donner lieu à des troubles psy-
chiques dont la physionomie clinique est bien différente. Dans la
plupart des cas on constate un affaiblissement intellectuel plus ou
moins considérahle, de l'hébétude avec des périodes d'excitation ;
plus rarement se manifestent des états de confusion avec hallucina-
tions. Quand les signes ordinaires des lésions en foyer du cerveau
font défaut ou sont peu accentuées, une erreur de diagnostic peut
aisément être commise.
L'auteur rapporte un cas dans lequel une tumeur cérébrale a pu,
pendant plusieurs mois, simuler une psychose aiguë, un état de
confusion hallucinatoire avant qu'on ait pu établir un diagnostic
exact. Il s'agit d'un jeune homme robuste qui, six ans après avoir
eu la syphilis, est pris subitement d'une attaque convulsive ; celle-
ci ne laisse pas de traces. Mais une deuxième attaque survient, qui
est suivie de troubles psychiques (inquiétude, anxiété). Un accès
de confusion aiguë éclate qui dure quatre mois et nécessite l'inter-
nement du malade. Pendant cette période il passe d'abord par une
phase d'excitation maniaque, plus tard il est déprimé. Enfin il
paraît en voie de guérison quand une rechute se produit et alors
se manifestent des symptômes caracteristiques d'une lésion en foyer
(maux de tête, parésies, troubles de la parole). Ces symptômes dispa-
raissent sous l'influence du traitement antisyphilitique et à l'ob-
tusion due à la compression du cerveau succède un accès naniaquc
qui dure quelques mois et se termine par la guérison.
De cette observation l'auteur conclut qu'une tumeur du cerveau
peut rester longtemps sans provoquer des symptômescérébraux puis
peut simuler une psychose aiguë. Chez le sujet en question la
tumeur existait dès le début des troubles psychiques et ne s'est pas
montrée consécutivement à leur apparition, c'est ce que démontre
l'apparition de phénomènes convulsifs avant l'éclosion de la psy-
chose. On peut conclure aussi de cette observation que certaines
lésions en foyer du cerveau sont capables de déterminer certains
troubles psychiques et plus particulièrement des états maniaques.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 315
On a cherché récemment à expliquer l'aspect clinique particulier
de ces symptômes en foyer, comme on l'a fait pour les symptômes
somatiques. '
Westphal a signalé l'humeur fantasque de ces malades ; Bern-
hardt insiste sur l'allure enfantine et le langage puéril des sujets
porteurs d'une tumeur de la région antérieure : il note aussi une
tendance au sommeil. Jastrowilz déclare qu'il est une forme de
trouble psychique, un état de démence avec excitation et exubé-
rance (ztorica)qu'il n'a rencontré que dans les cas de tumeur des
circonvolutions frontales. Le malade observé par M : Lührmauu pré-
sentait lui aussi, dans la seconde période de sa maladie, une forme
d'excitation maniaque avec tendances aux plaisanteries et à toutes.
sortes d'actes puérils. '
Dans le cas en question peut-on penser à une tumeur siégeant
dans la région antérieure du cerveau ? Ce qui permet de l'admettre
ce sont les violents maux de tête siégeant au niveau de la tempe
gauche, la sensibilité très accusée à la percussion d'une région
limitée au niveau de la tempe gauche, les phénomènes de parésie
(troubles de l'articulation, parésie dans le domaine du nerf facial
droit et de l'hypoglosse). Le siège de la tumeur paraît donc avoir
été dans l'hémisphère gauche au niveau des circonvolutions fron-
tales. P. SÉRIEUX.
II. UN cas DE lésion DE la bandelette OPTIQUE ET DU pédoncule
CÉRÉBRAL; par le Dr E. lllau.tNE. (Joum. de Neurol., 1896, n° 10.)
Observation d'un jeune homme de vingt-sept ans, n'ayant pas eu
la syphilis, chez lequel s'établit lentement, sans convulsions, une
hémianopsie droite puis une hémiparésie droite avec contractures.
Du côte parésié les réflexes sont exagérés mais la sensibilité est
innervée dans tous ses modes. Aucun stigmate d'hystérie. Réaction
hémiopique de la pupille à la lumière. Bien qu'il n'y ait pas eu
d'autopsie, l'auteur se voit autorisé à placer le siège de la lésion
au niveau de la bandelette optique et du pédoncule cérébral du
côté gauche et voit qu'il s'agit d'un tubercule. G. DENY.
III. L'apophyse styloïde chez LES anormaux ET chez LES normaux ;
par M. A. %UCC : 1RELLI. (L'Anomalo, novembre et décembre 1895,
Gennaio 1895.)
L'auteur ayant remarqué que certains crânes, parmi ceux qui i
composent sa collection, étaient pourvus d'apophyses styloïdes très
volumineuses, sans qu'ils aient appartenu pour cela à des sujets
avancés en âge, se rappelant en outre que ces apophyses donnent
insertion à des masses musculaires particulièrement développées
chez les criminels, pensa qu'une étude comparative de ces apo-
316 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
physes pourrait donner des résultats intéressants. En effet, il
résulte de ses recherches que l'apophyse styloïde est surtout déve-
loppée, en longueur et en épaisseur, chez les criminels, et en
général chez les anormaux. C.
IV. PLAGIOCÉPHALIE ET asymétrie EN général, fréquence, DEGRÉS,
extension; par M. G. ZUCCARELLI. (L'Anomalo, novembre et dé-
cembre 1894, Gennaio 1895.)
Au début de l'anthropologie criminelle moderne, les adversaires
de l'Ecole prétendaient que les stigmates physiques n'avaient
aucune valeur parce qu'on les trouvait aussi bien sur les criminels
que sur les non criminels. On fit facilement justice de cette objection
en démontrant que les stigmates s'observaient avec une bien plus
grande fréquence chez les criminels que chez les non criminels.
Mais il ne faut pas considérer seulement la fréquence des signes
anthropologiques, il, faut considérer aussi leurs divers degrés, c'est-
à-dire noter s'ils sont profonds, superficiels, s'ils sont plus ou moins
prononcés, etc. Pour la plagiocéphalie en particulier, il faut voir
si elle ne se complique pas de plagiprosopie (si elle s'étend à la face).
Voici du reste les principaux principes qui doivent guider l'obser-
vateur : on doit négliger les signes anthropologiques lrès légers,
parce qu'ils sont très fréquents chez les normaux, la nature a pour
ainsi dire horreur de la symétrie parfaite. Les signes légers doivent
êtres pris on considération s'ils sont multiples. Les signes plus pro-
noncés d'un degré doivent être notés, même s'ils sont isolés. Les
signes très prononcés ont une grande valeur clinique, laquelle
augmente encore s'ils sont accompagnés d'autres stigmates sié-
geaut sur d'autres parties du corps. Il faut enfin tenir grand
compte du degré d'extension de l'anomalie, et c'est ainsi qu'on
doit admettre, par exemple, une plagiocéphaiie frontale ou anté-
rieure ; une plagiocéphalie occipitale ou postérieure; une plagio-
céphalie fronto-pariétale ; une plagiocéphalie occipito-pariétale;
une plagiocéphalie hémicraniale. Chacune de ces plagiocéphalies
peut être droite ou gauche, elle peut aussi être compensée ou ne
pas l'être. Elle peut enfin être limitée au crâne seul, ou s'étendre
à la face (plagioprosopie), au thorax, à tout le tronc. C.
LA LÉSION DE L'OSTÉITE déformante DE PAGET; par MM. GILLES
delà TOURETTE ET MAITINESCO. (Nouv. Iconog. de la Salpêtrière,
1895, n" 4.)
L'auteur a déjà émis l'hypothèse que les altérations osseuses de
la maladie de Paget étaient des troubles trophiques dépendant de
lésions médullaires. Il donne, dans cet ai ticle, les résultats de deux
autopsies nouvelles de malades atteints de l'ostcite de Paget et il
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 317
termine par cette conclusion : Ces cas nouveaux n'infirment ni ne
corroborent notre opinion ancienne dont la consécration réclame
de nouveaux faits.
ire autopsie. - La moelle semblait normale à l'oeil nu, on ne l'a
pas examinée au microscope à l'état frais. Après l'avoir durcie, on
trouve des lésions des cordons postérieurs qu'aucun trouble, pen-
dant la vie, n'avait pu faire prévoir. En effet, sur toutes les coupes
on voit dans les cordons postérieurs, avec raréfaction légère des
fibres nerveuses avec un peu d'épaississement du tissu de soutène-
ment. Ce n'est pas cependant une véritable sclérose. La zone radi-
culaire moyenne est partout respectée. Le reste de la moelle semble
intact sauf cependant une certaine raréfaction encore des fibres à
myéline dans les cordons latéraux.
2e autopsie. - Les nerfs périphériques sont à l'oeil nu, considéra-
blement augmentés de volume. La moelle présente les mêmes
allérations que celles trouvées dans l'autopsie précédente, et en
plus, une congestion consfdérable de la substance grise antérieure
et postérieure. Quant aux nerfs hypertrophiés, ils ont leurs fibres
nerveuses normales, mais ils sont oedématiés et leur tissu conjonctif
est hyperplasié, C.
VI. La pelade POST-ÉPILEPTIQUE; par M. CH. Féré, médecin de
Bicêtre. (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, 1895, na 4.)
Les troubles trophiques du système pileux, à la suite de chocs
nerveux, ont été observés principalement sous forme de canitie,
mais aussi sous forme d'alopécie.
M. Féré a souvent observé, chez les épileptiques de Bicêtre, des
plaques de pelade qui guérissaient généralement vite et sans trai-
tement. On peut supposer que ces troubles trophiques sont d'ori-
gine nerveuse, mais il est difficile de le démontrer. Pourtant, quand
les attaques sont rares et que la pelade apparaît peu après l'une
d'elles, on a quelque raison de croire qu'il y a entre la crise et la
pelade une relation de cause à effet. Voici deux observations qui
rentrent dans cette catégorie d'exemples démonstratifs.
Un ancien épileptique qui, depuis qu'on le traitait avec les bro-
mures, ne tombait plus que tous les deux, trois ou quatre mois,
qui en revanche avait alors plusieurs attaques très rapprochées et
très violentes, resta une fois quatre mois et demi sans aucune
manifestation comitiale. Il eut ensuite quatre grandes crises en
moins de vingt-quatre heures, à la suite desquelles il dut garder le
lit. Au bout de deux jours on s'aperçut que son oreiller était cou-
vert de cheveux et on constata qu'il était porteur de plaques de
pefede, lesquelles s'étaient produites rapidement. Elles guérirent
seules en quelques semaines. La seconde observation a la plus
grande analogie avec celle que je viens de résumer. , C.
318 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
VU. Infantilisme chez la FEMME; par M. Henry MEIG : è.
(Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, 1895, n° 4.)
, Le terme infantilisme doit être réservé pour désigner un syndrome
morphologique caractérisé par la conservation, chez l'adulte, des
- formes extérieures de l'enfance, et la non -apparition des caractères
sexuels secondaires. L'infantilisme s'observe toujours chez les indi-
vidus dont l'appareil sexuel a subi un arrêt dans son évolution. Il
est congénital ou acquis, quand l'arrêt de développement est extra-
utérin. On connaît les signes de l'infantilisme : face arrondie,
lèvres charnues, visage glabre, torse cylindrique, membres pote-
lés, etc. L'infantilisme existe isolé ou associé à d'autres affections
dystrophiques dont les plus connues sont le myxoedème infantile
le nanisme, l'idiotie, etc. Un état mental infantile accompagne
toujours la malformation corporelle. L'infantilisme existe chez la
femme comme chez l'homme. Suit l'observation intéressante d'une
femme de trente-un ans atteinte d'infantilisme.
L'infantilisme n'est pas la seule anomalie morphologique qui
s'observe chez la femme, à la suite de malformations génitales.
Au féminisme qui apparait chez le jeune homme, correspond chez
la femme une anomalie inverse, le masculisme ou virilisme. Cette
forme corporelle est caractérisée par l'adjonction des attributs
sexuels secondaires du mâle chez un individu du sexe féminin.
C.
VIII. Malformation des organes génitaux. Infantilisme ET FI111-
NISME chez un épileptique ; par M. P.-C.-J. VAN BRERo, médecin
de l'asile des aliénés à Buitenzorg (Java). (Nouv. Iconog. de la
Salpêtrière, 1895, n° 4.)
Observation. Jeune Javanais de vingt-deux ans, épileptique,
un peu dément. Le corps est allongé et enveloppé de graisse, peu
musclé, figure ronde, imberbe, la peau est glabre partout, il n'y
ade poil nulle part. Taille 1m,59. Le crâne est asymétrique. Voix
d'enfant. Bassin large, fesses bien développées. Organes génitaux
atrophiés. Ils sont surtout déformés, et par suite de la soudure de
la peau de la verge avec celle du scrotum, ils rappellent les organes
génitaux de la femme. Il s'agit donc, en somme, d'un de ces
cas que M. Paul Bicher rattache à l'hermaphrodisme antique. -
Mais aucune description ne saurait remplacer la photographie du
sujet qui est jointe à l'article de M. Van Brero. C.
IX. Sur un cas DE fragilité des os ; par le 1)" Gvv vN.
On a déjà signalé dans les maladies chroniques du système ner-
veux central, et particulièrement dans la folie, des changements
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 319
morbides du côté du système osseux, qui augmentent la fragilité
des os, surtout des côtes, et exposent les malades à des fractures,
à l'occasion du plus léger traumatisme.
Les conditions pathologiques de ce processus sont encore assez
obscures : peut-être y a-t-il là des troubles trophiques dus à des
modifications du système sympathique ou bien ces troubles sont-ils
plus directement en rapport avec les altérations des cordons pos-
térieurs.
Dans l'observation relatée par l'auteur, il s'agit d'un malade
atteint de délire mélancolique et qui reçut d'un autre malade un
coup de pied sur la poitrine. Le coup de pied avait été donné avec
le pied nu et le malade ne parut pas sur le moment être incom-
modé de ce traumatisme. Toutefois il fut obligé de s'aliter, puis
déclina rapidement et mourut cinq jours après cet accident.
A l'autopsie on trouva dix-neuf fractures de la cage thoracique.
Le nombre et la localisation de ces fractures diverses n'avait pu
être diagnostiqué pendant la vie. (Amel'ican journal of insan ily,
janvier 1896.) E. 13LIN.
X. L'action DU LIQUIDE thyroïdien SUR LE SYSTÈME nerveux central;
par le Dr HASKOVEC.
Au moyen de nombreuses expériences kymographiques, l'auteur
a pu constater qu'un ou deux centimètres cubes de liquide thyroï-
dien produit, après l'injection intraveineuse, l'accélération du pouls
et une diminution de la pression sanguine iutra-artérielle. L'accé-
lération du pouls paraît être un effet de l'excitation du centre
des nerfs accélérateurs dans le bulbe.
Quant à la diminution de la pression sanguine inlra-artérielle,
elle n'est pas exclusivement d'origine bulbaire et peut dépendre
aussi, ou bien des centres spinaux, ou bien de la périphérie même.
(Revue Neurologique, avril 1896.) E. B.
XI. Sur l'origine DE l'amyotrophie tabétique ; par le D'' E. SCHAFFER.
L'auteur cherche la cause de la divergence des opinions des
auteurs relatives à l'origine de l'amyotrophie tabétique, dans ce
fait que les méthodes tinctoriales employées jusqu'à présent étaient
seulement capables de déceler les degrés les plus élevés de l'affec-
tion cellulaire.
Avec la méthode de Nissl, on peut, à l'heure actuelle, déceler
des altérations fines et primitives de la cellule. Ce sont précisé-
ment ces altérations fines et primitives que l'auteur a rencontrées
dans un cas de tabes : aussi place-t-il la cause de l'amyotrophie
tabétique dans l'affection des cellules (rophomotrices des cornes
antérieures.
320 REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques.
Si l'on trouve dans le tabes des altérations périphériques remar-
quables, c'est que le trouble résultant des altérations les plus pri-
mitives, dites dynamiques, des cellules trophomotrices, se montre
à la périphérie quant à la nutrition. Quant à l'innervation, l'affec-
tion lente du centre trophique ne produit pas l'altération des fibres
- nerveuses périphériques dans toute leur longueur, de la cellule
jusqu'aux terminaisons, parce que le trouble trophique résultant
de la diminution de l'énergie vitale de la cellule nerveuse se
montre au point le plus périphérique ; mais que l'affection cellu-
laire s'accentue, et les changements de la périphérie se répandront
aussi en direction cellulipète.
M. Schaffer propose de distinguer deux catégories d'affections
de la corne antérieure : 1° la vulgaire poliomyélite, maladieaiguë,
détruisant d'une manière véhémente et complète non seulement
les cellules mais aussi tous les autres éléments histologiques de la
corne antérieure : c'est une affection du centre trophique, qui
produit l'altération de la voie motrice périphérique en toute sa
longueur. L'expression clinique de cette forme, c'est l'amaigrisse-
ment rapide, les secousses fibrillaires et la réaction de dégénéres-
cence ;
2° Des affections de la corne antérieure débutant par des altéra-
tions très fines, difficiles à prouver au début avec le microscope.
Ces affections sont quelques formes de la myopathie, des amyo-
trophies toxiques, et l'amyotrophie tabétique.
L'expression clinique de ces altérations lentes et progressives des
cellules, c'est l'amyotrophie, qui ne montre ni secousses fibrillaires
ni réaction de dégénérescence. (Revue Neurologique, février 1896.)
E. B.
XII. DE l'influence DE l'inanition sur LES animaux NOUVEAU-NUS
ET en particulier SUR LE POIDS ET LE développement DE L'ENCÉ-
PHALE ; par W. DE BECHTEREIY. (Neurolog. Centralbl., XIV, 48'J5.)
1° Plus tôt l'on commence lïnanitiation de l'animal nouveau-né,
plus vite il succombe ; 2° Quand on tolère l'ingestion d'eau, les
animaux paraissent pouvoir se maintenir plus longtemps ; un petit
chien dura au moins trente jours ; 3° Dans quelques cas le poids
du corps commence à baisser dès le premier jour, et cela progres-
sivement jusqu'au jour de la mort pendant lequel il décroît rapi-
dement. Quand l'abstinence est commencée dans les premières
heures qui suivent le part, le poids décroît progressivement et sa
chute subit une descente brusque avant la mort ; 4° Plus le nou-
veau-né est jeune, moindre est la perte absolue (pourcentage) du
poids par la mort d'inanition ; 5° Si l'on tient compte, dans les
calculs, du rapide accroissement des organismes durant les pre-
miers jours qui suivent le part, la perte en poids du nouveau-né
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 321
inanitié semble colossale comparée aux nouveau-nés normalement
nourris de la même portée ; 6° Chez les animaux nouveau-nés ina-
nitiés, tous les organes prennent plus ou moins part, cerveau com-
pris, à la déchéance pondérale. Celle de l'encéphale est cependant
proportionnellement moindre que celle des autres organes. La
déchéance pondérale la plus forte appartient, entre toutes les par-
ties de l'encéphale, aux hémisphères cérébraux, c'est la cervelle
qui souffre le moins. Toutes les déchéances viscérales paraissent
plus grands, lorsqu'on compare le poids des nouveau-nés ina-
nitiés à celui des animaux normalement nourris de la même
portée ; 7° L'encéphale de tous les nouveau-nés inanitiés parait, à
l'autopsie, fortement hypérémié ; sa consistance est plus faible, il
exhale une odeur sui generis qui rappelle celle des gaz de la putré-
faction, et cela, alors même qu'on a soin de pratiquer l'autopsie
dès que l'animal a rendu le dernier soupir. La substance grise est
particulièrement hypérémiée; 8° Au microscope, on y trouve des
altérations histologiques propres à la mort par inanition, c'est-à-
dire la névrose par coagulation, désagrégation de la myélite, retard
dans le développement des manchosmyéliniques pour les systèmes
dont le développement n'était pas encore commencé avant la
période d'inanitiation; 9° En outre l'ouverture palpébrale s'effec-
tue moins vite, plus tard aussi se manifeste l'excitabilité des centres
corticaux moteurs ; 10° D'après l'observation correspondante d'un
assez grand nombre d'enfants nouveau-nés morts d'abstinence et
d'épuisement, ces résultats (sauf ceux du § 9) peuvent s'appliquer
à l'espèce humaine. P. K.
XIII. Contribution A L'ANATOMIE pathologique DE la névralgie DU
trijumeau; par A. SOENSER. (Neurolog. Centralbl., XIV, 1895.)
Cinq observations de malades auxquels après avoir successive-
ment réséqué plusieurs branches du trijumeau, on dut recourir à
l'extirpation du ganglion de Gasser qui seule mit fin aux crises
douloureuses. L'examen anatomique de l'organe révèle soit une
lésion scléreuse, soit une dégénérescence amyloïde des cellules, et
dans tous les cas, l'atrophie des fibres et cellules. P. K.
XIV. DES CONVULSIONS ET DE l'amnésie observées chez LES pendus
ramenés A la VIE; par LUIIRMAmN. (Allg. Zeitschr. f. Psychiatrie,
t. LU, f. l,p. 185-195.)
Après le retour à la vie de sujets pendus on observe parfois des
convulsions, de l'amnésie, des troubles psychiques passagers, et
l'amélioration de psychoses antérieures. Ces faits ont été étudiés
en Allemagne par J. Wagner, V. Hofmann, Moebius. Wagner pré-
tend que les convulsions et l'amnésie sont dues aux modifications
Archives, 2° série, t. II. 21
322 REVUE d'anatomie ET DE physiologie PATHOLOGIQUES.
produites dans le cerveau par l'asphyxie et par la compression des
carotides ; il les considère donc comme causées par une excitation
physique du cerveau. Moebius pense que cette interprétation ne
peut être appliquée à tous les cas, mais de l'examen des cas anté-
rieurement publiés et de ses propres observations il conclut qu'il
s'agit parfois d'hystérie traumatique; il tient donc les manifes-
tations ci-dessus (crampes et amnésie) pour des troubles hysté-
riques, c'est-à-dire d'origine psychique. Moebius, à la théorie
mécanique de Wagner, oppose une manière de voir qui fait des
émotions accompagnant la pendaison le facteur principal.
Seydel a publié récemment un nouveau cas qui porte à 27 le
nombre des observations connues, et qui ne paraît pas devoir être
rattaché à l'hystérie. L'auteur rapporte deux cas personnels. Un
des sujets fut pris, après sa tentative de pendaison, de convulsions
généralisées qui durèrent environ une heure et demie et s'accom-
pagnèrent de perte des réflexes pupillaire et cornéen, de perte de
la conscience et d'émission involontaire d'urine. L'amnésie fut
complète, jusqu'au lendemain, pour la tentative de suicide et les
événements qui la suivirent. L'autre patientent, après la pendaison,
deux attaques de plusieurs minutes de durée séparées par un court
intervalle; l'amnésie s'étendit à la tentative de suicide et aux
incidents consécutifs.
Les attaques observées chez le premier malade présentaient les
symptômes cardinaux d'un accès dû à une excitation physique du
cerveau, d'une manifestation épileptique (perte du réflexe cornéen,
des réflexes pupillaires, abolition de la conscience; émission invo-
lontaire d'urine, hyperthermie 38°,2). Il faut noter cependant que
la crise avait été caractérisée par une crise de larmes. S'agissait-il
d'hystérie ? L'hérédité du malade est chargée; mais on n'a pas
relevé chez lui de stigmates hystériques. L'auteur conclut en défi-
nitive à l'hypothèse qui fait des accès convulsifs et de l'amnésie
des phénomènes relevant d'une altération mécanique subie par le
cerveau.
Pour le deuxième sujet, il n'en est pas de même. L'hystérie
parait être en cause. Le patient a eu antérieurement des attaques
paraissant de nature hystérique; il présente des troubles caracté-
ristiques de la sensibilité ; l'accès consécutif à la pendaison n'a pas
eu la soudaineté des manifestations épileptiques; le malade se
laissait tomber à terre et l'inconscience n'était pas totale. Quant à
l'épilepsie alcoolique elle peut, chez les deux sujets, être élimi-
née.
L'auteur pense que l'interprétation de Wagner, qui nie la nature
hystérique des accès convulsifs et de l'amnésie chez les pendus
rappelés à la vie, doit s'appliquer à la majorité des cas. Mais il en
est qui sont susceptibles d'une explication différente et qui doivent
être attribuées à l'hystérie. Il importe aussi de se rappeler qu'on a
SOCIÉTÉS SAVANTES. 323
observé d'autres signes d'hystérie (hémianalgésie et rétrécissement
du champ visuel) après des tentatives de strangulation.
L'auteur rapporte enfin l'observation d'un mélancolique qui,
rappelé à la vie aptes une tentative de pendaison, parut très obnu-
bilé pendant plusieurs jours et perdit la mémoire de sa tentative et
de la période consécutive. Il n'y eut pas d'accidents convulsifs.
Dans les trois cas dont il s'agit l'amnésie rétroactive n'a pas été
très étendue puisqu'elle ne porte que sur la tentative de suicide.
Mais chez certains sujets la lacune de la mémoire a été plus consi-
dérable et a porté sur plusieurs heures antérieurement à l'acte. Il
est important de ne pas oublier, au point de vue médico-légal,
l'existence de cette période d'amnésie rétroactive ; les observations
de Weslphal et de Wagner sont à ce point de vue très démonstra-
tives. P. SÉRIEUX.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
CONGRÈS DES ALIÉNISTES ET DES NEUROLOGISTES
SESSION de NANCY. Excursions ET visites.
Les membres du Congrès ont visité le vieil asile de Maréville
le dimanche 2 août. Nous n'en ferons pas la description aujour-
d'hui. Peut-être, plus tard, donnerons-nous une idée des cons-
tructions faites dans ces dernières années. La population de
l'asile est de 1,708 malades, dont 801 hommes et 827 femmes.
Dans ce nombre figurent 16 enfants (8 garçons et 8 filles).
Lorsque nous avons visité l'asile en 1886, il y avait 150 goi-
treux. Il parait qu'il n'y ena plus que23 (17 femmes et 6 hommes).
L'asile renferme 229 aliénés de la Seine (119 hommes et
110 femmes). Le personnel de l'asile se compose d'un direc-
teur administratif, M. Denizet, de deux médecins en chef, M. le
D'' Paris, notre distingué collaborateur et M. le D'' Vernet, qui
a rempli, avec beaucoup de zèle, les fonctions de secrétaire
général du Congres, enfin de 4 internes, nommés par un con-
324 SOCIÉTÉS SAVANTES.
cours sur titres'. Il n'y a pas de pharmaciens; la pharmacie est
faite par les religieuses, ce qui est contraire à la loi et parait
singulier dans un asile de plus de 1,700 malades 2.
L'encombrement existe aussi à l'asile. Il serait curieux de con-.
naître le cube d'air des dortoirs. Partant, il y aurait danger
d'augmenter encore le nombre des bâtiments. En effet, un jour
viendra où les conseils généraux des départements des Vosges,
de la Haute-Saône, du territoire de Belfort, comprendront
qu'il est inhumain d'envoyer si loin de leurs familles, leurs
aliénés et se décideront à construire un asile à eux, chez eux.
Des asiles comme celui de Maréville, à mesure que leur popu-
lation s'accroît, deviennent de moins en moins des asiles de
traitement et le nombre des guérisons diminue. Le nombre
des médecins est tout à fait insuffisant, il est impossible aux
médecins même les plus dévoués de traiter 800 malades : c'est
4 médecins qu'il faudrait. Ils auraient encore plus de 400 ma-
lades, chiffre supérieur à celui que les médecins ont à soigner
dans la plupart des autres pays.
Il est à regretter que l'administration de l'asile n'ait pas
songé à faire distribuer aux congressistes une notice sur l'asile,
les rapports médico-administratifs sur l'exercice 1898, un plan
de l'asile et la statistique détaillée de la population et de sa
répartition. Dans les précédents Congrès une partie de ces docu-
ments avait été remise à tous à l'arrivée dans l'asile. Mieux
vaudrait les mettre à la disposition des membres du Congrès
dès la première séance. Ils auraient le temps, avant la visite,
de se faire une idée de l'asile et leur visite serait plus fructueuse.
A Nancy, la tâche était facile. Il aurait suffi de réimprimer :
1° le Mémoire historique, statistique et médical sur l'asile de
Maréville, publié par Archambault, en 1847, dans les Mémoires
de la Société des Sciences de Nancy ; 2° L'asile de Maréville, son
état sanitaire et son régime alimentaire, parle D'' J. Giraud ; 3
3° le règlement du service intérieur; d'y ajouter un exposé suc-
' Par suite de la situation de l'asile tout près d'une Faculté de méde-
cins, ilserait préférable d'organiser un concours avec des épreuves ana-
logues à celles des internes de la Seine ou mieux des internes des hôpi-
taux de Nancy.
g II n'y a pas non plus de pharmacien à l'hôpital civil. Les lacunes de
ce genre donnent aux étrangers une singulière idée de notre organisa-
tion hospitalière. "
' Revue raid, de l'Est, 1880.
SOCJ £ EPLS SAVANTES. 325
cinct des constructions faites de 1880 à 1896, des améliorations
réalisées durant la même période et de terminer par les der-
niers rapports administratifs et médicaux. Souhaitons que le
Bureau du Congrès de 1897 se préoccupe de cette question et
prenne, à temps, les mesures nécessaires pour pouvoir docu-
menter les visiteurs de l'asile de Braqueville.
A midi, un banquet de soixante-douze couverts, offert aux
congressistes par l'administration de l'asile dans le pensionnat
Sainte-Anne, les a réunis dans cette construction encore
récente et non encore terminée, établie sur un plateau, d'où
l'on a une vue extrêmement pittoresque dans la plupart des
directions. La vaste salle était ornée de drapeaux tricolores, les
uns français, les autres russes. Le banquet était présidé par
M. Stéhelin, préfet, ayant à sa droite M. Denizet, directeur
de l'asile; à sa gauche, M. Demonet, président de la commission
administrative de l'asile.
Au champagne, M. Stéhelin se lève. Dans une galante péro-
raison, il souhaite la bienvenue aux dames, les charmes et la
parure de ce banquet, dit-il, qui inaugure si joyeusement le
pensionnat Sainte-Anne. M. Stéhelin adresse de cordiaux
remerciements aux maîtres de la science qui font partie du
congrès. Les applaudissements couvrent la voix de M. le préfet;
lorsque le silence est rétabli, il continue ainsi :
Si la maison où nous sommes est bien neuve, l'établissement
dont elle relève est bien vieux, mais malgré son âge il n'a jamais
connu un honneur égal à celui de votre visite; il a connu par
contre des vicissitudes nombreuses dont l'histoire nous a gardé le
souvenir.
Il y a exactement trois siècles, la charité privée élevait à Mare-
ville un refuge pour les pestiférés. Après des fortunes bien
diverses et cent cinquante ans plus tard, ce refuge devenait la
« renfermerie » dont je vous parlais hier; l'hôpital se transfor-
mait en prison et cette prison s'appelait successivement : maison
de correction et maison de fous.
Une société policée et barbare y enfermait sur lettres de cachet,
par les ordres d'un prince ou la volonté des familles, les malheu-
reux dont il lui plaisait de se défaire. Parmi eux se trouvaient des
aliénés et ils étaient plus avantageusement traités que des crimi-
nels. On entendait, nuus rapporte la chronique naïve et apeurée, on
entendait au dehors « le bruit des fers et les cris des victimes ' 1 ..
1 Cela rappelle le « Cri de la Salpêtrière ».
3 : 26 SOCIÉTÉS SAVANTES.
C'étaient bien là les bastilles des malades; elles furent forcées
en même temps que la forteresse parisienne sous le souffle puis-
sant de la Révolution et par le génie bienfaisant, énergique el
doux du plus glorieux de vos précurseurs. C'est alors, en effet que
Pinel ouvrait les portes des asiles à ceux qui ne pouvaient rentrer
dans le monde sans péril pour lui ; c'est alors qu'à Bicêtre et à la
Salpêtrière il délivrait les déments de leurs chaînes et qu'on les
relevait de leur dégradation. Maréville était bientôt obligé à son
tour de rendre ses prisonuiers et de ne conserver que les fous
dangereux authentiques. A la même époque, la France, affranchie
et délivrée, signait la Déclaration des Droits de l'homme, l'inalié-
nable patrimoine de nos libertés publiques.....
Après le discours de M. le préfet, M. Pitres se lève et exprime
ses remerciements pour l'accueil sympathique fait aux congres-
sistes à Nancy. 11 ajoute que le souvenir de cette charmante
journée ne s'effacera pas de la mémoire des assistants et dit
qu'il est profondément ému en parlant de cet asile de Maré-
ville, qui a tant intéressé les médecins aliénistes qui l'ont
visité. Ce ne sont pas tant les circonstances d'ordre social dont
a parlé M. le préfet, dit M. Pitres, qui nous touchent particu-
lièrement ; nous sommes surtout entraînés par le souvenir des
savants qui ont étudié et fixé les types de la folie, et qui
restent encore aujourd'hui des modèles. J'aime à penser que
les traditions antérieures se perpétueront à Maréville, et que
l'établissement continuera à marcher dans la voie de progrès
oùil s'est engagé. Il termine en portant un toast à M. le préfet, à
M. le directeur, à M. le piésidentde la commission administra-
tive de l'asile, ainsi qu'aux médecins en chef de l'établissement.
M. Demonet, président de la commission administrative,
prend à son tour la parole en ces termes :
Messieurs,
Je lève mon verre à la santé de M. Denizet, directeur de l'asile
de Maréville et à celle des docteurs Paris et Vernet, médecins eu
chef de l'établissement. Je n'aurais jamais osé prendre la parole
devant une assemblée '-i considérable, composée de savants illustres
et de sommités médicales, si je ne regardais comme un devoir im-
périeux de rendre hommage, au nom de la commission de sur-
veillance, à l'administration sage et éclairée de notre directeur, à
la science et au dévouement de nos médecins en chef.
Certes, je n'oublierai pas le précieux concours apporté par M. le
préfet. C'est son éloquence si persuasive, inspirée par sa grande
SOCIÉTÉS SAVANTES. 327
pitié pour nos malheureux frères dégénérés, qui a obtenu du con-
seil général de Meurthe-et-Moselle, les ressources importantes qui
nous étaient indispensables.
C'est grâce à tous ces concours généreux, grâce au parfait
accord qui existe entre l'administration du département, les ser-
vices de l'asile et la commission de surveillance, que nous avons
pu réaliser à Maréville des améliorations si désirées ; que les vieux
bâtiments, où l'air et la lumière pénétraient à peine, font succes-
sivement place à des constructions neuves, spacieuses et aérées où
sont appliquées les règles d'une sage hygiène ; que le pensionnat
de Sainte-Anne, non encore complètement terminé, mais dont la
création était réclamée depuis longtemps par les familles des ma-
lades, a pu être édifié.
Malheureusement, nous le reconnaissons, il nous reste encore
beaucoup à faire : amener des eaux de source en plus grande
abondance ; développer les installations hydrothérapiques ; élever
un pavillon exclusivement réservé aux enfants; et tant d'autres
choses encore !
C'est, guidés par les précieuses indications des inspecteurs géné-
raux, parle dévouement éclairé de l'administration, par l'habileté
professionnelle et la science de nos médecins, que nous poursui-
vrons sans relâche des améliorations dans tous les services. Aux
médecins de soulager et guérir ; à nous, ignorants des sciences
médicales, de rechercher les moyens d'assurer aux malheureux
privés de la raison le plus de bien-être possible.
Je souhaite que partout, comme à Maréville, existe une entente
aussi complète et aussi féconde entre l'administration, les méde-
cins et la commission de surveillance. Je suis heureux de procla-
merbien haut celte bonne harmonie qui règne ici, et je vous in-
vite, messieurs, à boire à la santé de M. le préfet Stéhelin, de
M. le directeur Denizet et de MM. les médecins en chef de l'a-ile,
les docteurs Paris et Vernet.
Enfin M. le Dr Vernet remercie les précédents orateurs des
paroles élogieuses qu'ils ont eue pour le personnel de l'établis-
sement. Il termine en levant son verre en l'honneur du
nI' Pitres.
L'excursion projetée à Luxeuil n'a pu avoir lieu. Elle a été
remplacée par une visite aux hauts fourneaux et aciéries de
Pompey, près Nancy. Les congressistes ont été reçus par le
directeur, M. Fould, qui a tenu à leur faire visiter lui-même
ses immenses usines et à leur donner ;,chemin faisant tous les
renseignements relatifs à leur fonctionnement. A la fin de
cette visite, très intéressante non seulement au point de vue
scientifique mais aussi au point de vue hygiénique et social,
328 BIBLIOGRAPHIE.
M. Fould a offert un lunch à ses nombreux invités, enchantés
des spectacles variés qui venaient de se succéder sous leurs
yeux et de l'aimable accueil qui leur avait été fait.
- - BOURNEVILLE.
SOCIÉTÉ MËDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 27 juillet 1896. - Présidence de M. PAUL Mohi : au
Après lecture et adoption du procès-verbal de la dernière séance,
il est procédé à l'élection de M. Soukanof, médecin de la clinique
psychiatrique de Moscou, candidat au titre de membre associé
étranger. M. B.
BIBLIOGRAPHIE.
III. Manuel de séméiologie des maladies [mentales à l'usage des méde-
cins, des médecins légistes et des étudiants; par le professeur Enrico
itIORSELLi. Vol. Il (Examen psychologique des aliénés), p. vn-82,
avec gravures. - Vallardi éditeur, Milan 1895.
Le premier volume de cet ouvrage[contenant l'examen anamne3-
tique, anthropologique et physiologique des aliénés est aujourd'hui
bien connu et dans les mains de tous les aliénistes. C'est une oeuvre
désormais classique. L'auteur nous en donne aujourd'hui la conti-
nuation dans le second volume consacré à l'examen psychologique
des aliénés. On comprend qu'il me soit impossible, dans les limites
assignées à ce compte rendu, d'exposer l'analyse complète d'un
travail aussi important; je ne puis qu'en donner un aperçu très
général qui, je l'espère, suffira à inspirer à nos lecteurs le désir de
lire et de connaître en son entier un livre d'un caractère tout à t'ait
original.
Il comprend deux chapitres qui représentent le quatrième et le
cinquième de l'ouvrage entier. Dans le premier (séméiologie syn-
thétique), se trouve exposée la manière de pratiquer l'examen
psychologique complet d'un aliéné; dans le second (séméiologie
analytique), l'auteur s'applique à classer et à coordonner les maté-
BIBLIOGRAPHIE. 329
riaux fournis par l'examen psychologique du malade, d'après un
schéma analytique des fonctions psychiques, de façon à permettre
d'établir en quoi consistent les effets produits par la maladie ou
l'anomalie mentale dans l'ensemble des éléments constitutifs de la
personnalité.
Le premier de ces chapitres est divisé en trois sections dont
l'une est comme une sorte d'introduction. L'auteur y insiste sur
l'importance de l'examen clinique en psychiatrie, comme le seul
capable de mettre en relief les symptômes spécifiques consistant
essentiellement dans des altérations du processus mental. Ce qui
ne veut nullement dire que les recherches par la méthode dite expé-
rimentale soient à négliger totalement, mais à réduire à la place
qui leur revient. A cet égard, je ne puis qu'applaudir à l'opinion
du professeur Morselli, et comme lui je suis bien convaincu que
c'est « se bercer d'illusions que de croire pouvoir connaître l'esprit
humain avec le pléthismographe, le sphygmographe, le cranio-
mètre, la balance, l'éprouvette et l'ophtalmoscope ». Je signalerai
encore, comme un des chapitres les plus remarquables du volume,
tout le développement des vues originales de l'auteur sur la nature
de la folie, comme maladie ou anomalie de la personnalité
humaine en tant que synthèse dernière d'un organisme sentant et
réagissant.
La seconde section de ce même chapitre contient l'examen des
différentes méthodes de recherches psychologiques en psychiatrie,
la méthode objective (ou éjective pour employer le terme de l'au-
leur) étant la seule qui puisse être utile au clinicien; puis l'exposé
des cinq opérations méthodiques de la séméiologie psychiatrique,
l'inspection, l'interrogatoire, les preuves matérielles (écrits, des-
sins, etc...), les preuves expérimentales, enfin l'enquête près des
témoins journaliers.
Nous arrivons ainsi à une troisième section qui a trait aux don-
nées objectives, éjectives de l'examen psychique. L'auteur s'occupe
d'abord des états psychiques et de leur expression, en comprenant
sous cette dénomination tous les effets, transitoires ou permanents,
de réaction, transformations ou traces d'un changement fonc-
tionnel des centres psychiques. Quant aux éléments qui consti-
tuent l'expression d'un état psychopathique, ils dépendent des con-
ditions fondamentales de l'organisme humain et se répartissent
ainsi en cinq catégories : morphologiques, anatomiques, physiolo-
giques, psychologiques et anthropologiques.
Puis vient l'étude détaillée de l'aspect extérieur de l'aliéné, de
son attitude, de sa démarche, de sa physionomie et de la mimique
émotionnelle; celle du langage mimique, articulé, écrit ou figuré.
Je ne fais que signaler ces différents paragraphes, très complète-
ment Iraités, dont la lecture est des plus utiles au point de vue pra-
tique. Il en est de même du suivant relatif à la conduite de l'aliéné,
330 BIBLIOGRAPHIE.
qui est en même temps une des parties les plus originales du
volume, que l'auteur semble avoir mis tous ses soins à traiter et où
il s'est montré le plus personnel. Nous trouvons là un exposé très
intéressant de la physio-psychologie, et des loisdela psychopatho-
logie, des critérium qui serviront à l'examen de la conduite de
l'aliéné, des différents facteurs morbides et des modifications de
cette conduite en rapport soit avec l'unité 'systématique des ten-
dances (dyspraxies générales), soit avec chaque tendance en par-
ticulier (dyspraxies en particulier).
Le second chapitre (cinquième de l'ouvrage entier) comprend
l'étude des troubles élémentaires de l'esprit, classés en quatre
grands groupes : 1° les conditions morbides de laconscience; 2° de
l'intelligence; 3° des sentiments; 4° de la volonté.
Tel est le plan général du livre du professeur Morselti. Mais cette
esquisse rapide ne peut donner qu'une idée bien imparfaite de son
importance. Quand on l'a lu attentivement, on ne sait ce qu'on
doit louer le plus, l'activité et la persévérance scientifiques de
l'écrivain, l'étendue de son érudition tant en psychiatrie pure que
dans les sciences afférentes, les vues élevées et originales, toujours
suggestives, en même temps que le caractère pratique des méthodes
qu'il expose, la clarté de ses descriptions.
C'est là en un mot une oeuvre digne de son auteur, un des repré-
sentants les plus autorisés de 1 Ecole italienne, et qui, à elle seule,
eût suffi à lui assigner une place parmi les maîtres de la psychia-
trie. J. SÉGLAS.
IV. Le tremblement; élude séméiotique ; par le Dr Pikiiaccini
(de Macerata).
Après avoir cité les définitions du tremblement en général don-
nées par différents auteurs (Moebius, Littré, Picot), M. Pieraccini le
définit : « Un mouvement involontaire permanent ou venant par
accès d'assez longue durée, caractérisé par des oscillations spon-
tanées, fréquentes et rythmiques, intéressant les muscles de la vie
de relation, compatibles dans une certaine mesure avec les mou-
vements volontaires et se développant autour d'un certain axe de
direction dans un plan unique. » Il s'attache à distinguer les trem-
blements des trémulations et des frissons. Il distingue le tremble-
ment en général et partiel; parle du tremblement congénital dont
il croit avoir observé un exemple et du tremblement par imitation.
En général, il a observé plus fréquemment le tremblement chez
les prédisposés héréditaires, les convalescents, les débilités et les
anémiques. Parmi les causes déterminantes, le typhus, les fièvres
intermittentes invétérées, les excès sexuels, l'onanisme, les fatigues
excessives, les émotions, la peur, les substances toxiques, les causes
réflexes et les traumatismes.
VARIA. 331
La classification la plus rationnelle lui semble être celle qui divise
les tremblements en intentionnels et en non-intentionnels, on y recourt
pour simplifier le diagnostic et pour faire le diagnostic différentiel.
Il critique les classifications de Moebius, de Picot et celle de Dé-
mange, dont le principal défaut lui semble être d'avoir réuni dans
le même groupe le tremblement sénile et celui de la paralysie
agitante.
L'auteur distingue avant tout les tremblements proprement dits, ou
typiques, des trémulations localisées. Dans un premier groupe dit trem-
blements primaires, il étudie successivement le tremblement sénile,
le tremblement hystérique, les tremblements par intoxication (alcoo-
lique, mercuriel, saturnin, etc.), avec graphiques à l'appui.
Dans un deuxième groupe : tremblements secondaires ou sympto-
maliques, il étudie la sclérose en plaques, la paralysie agitante, le
goitre exophtalmique et les tremblements de quelques autresmala-
dies nerveuses (polynévrites, tumeurs et commotions cérébrales,
épilepsie, maladie de Friedreich, etc.). Sous le nom de tremble-
ments localisés, il passe en revue le nystagmus, l'athétose, l'iris
trémulant, le tremblement glosso-labié et des cordes vocales.
L'auteur résume dans les propositions suivantes la physio-patho-
logie des tremblements : i° le mécanisme du tremblement ne peut
être considéré comme le même dans tous les tremblements; 2° les
tremblements sont en principe d'origine centrale, cérébrale et
cérébro-spinale, rarement d'origine purement spinale ; 3° la nature
et le siège des lésions anatomiques ou fonctionnelles varient dans
les divers tremblements; 4° ces lésions donnent naissance à un
ensemble de faits paralytiques et spasmodiques qui, associés en
différentes proportions, contribuent à déterminer les diverses mo-
dalités des tremblements.
Et, d'après Stéphan, il conclut : 9 ° que les manifestations du
tremblement intentionnel de la sclérose multiple dépend de la
localisation cérébrale de foyers sclérotiques; 2° que l'existence de
foyers sclérostiques dans le thalamus optique provoque peut-être
l'apparition du tremblement. L'auteur termine par quelques con-
sidérations sur le diagnostic différentiel, le pronostic et le batte-
ment des tremblements. IIL\1\1E ELMEDICI.
VARIA.
ASSISTANCE DES rl'ILEPTIQUES
Sous ce titre : « Oulrages il uii gendarme, l'Impartial de l'Est du
2 aoîll, rapporte le fait suivant : Jean-Emile Venner, âgé de trenta
332 VARIA.
ans, horloger à Nancy, a outragé le gendarme Volmard, qu'il
avait rencontré sur le pont du chemin de fer de la rue de Mont-
Désert le 27 juillet dernier. Un rassemblement s'était produit sur
ledit pont autour de Venner, qui, étant ivre, occasionnait du
scandale. L'un des passants dit tout à coup : « Voilà un gen-
darme ! »
Je l'em... ! s'écria Venner, en s'approchant du gendarme Vol-
mard, qu'il outragea grossièrement et bouscula, en menaçant de
le faire révoquer. Le prévenu voulait emmener lui-même le gen-
darme devant son capitaine, afin, disait-il, de le faire punir sévè-
rement pour l'avoir interpellé et invité à aller se coucher.
Venner est un malheureux épileptique qui a plusieurs crises par
jour ; son état l'empêche de se livrer au travail et il occupe ses loi-
sirs à vendre des lunettes. Il n'a pas d'antécédents judiciaires et
déclare qu'il ne se souvient pas le moins du monde de la scène du
27 juillet. Le tribunal le condamne à 16 francs d'amende.
LUTTE CONTRE l'alcoolisme.
Le 24 juin, dans la salle de la Société d'encouragement pour
l'industrie, rue de Rennes,à à Paris, avaitlieu la séance générale de
la Société contre l'usage des boissons spiritueuses (siège social, 5,
rue de Pontoise, à Paris). On sait que cette société, fondée l'année
dernière, a été la première en France à proclamer le principe très
raisonnable de ['abstinence des spiritueux en préconisant au con-
traire l'usage exclusif et modéré des boissons fermenlées. C'était
un progrès manifeste sur les anciennes sociétés de Tempérance
qui, n'ayant pas eu le soin d'assigner, chose difficile d'ailleurs, des
limites précises à la modération, laissaient le champ libre pour les
fantaisies de chacun. C'était d'autre part un tempérament aux in-
tentions fort légitimes, mais trop absolues et difficilement accep-
tables quant à présent, des abstinents totaux désireux d'implanter,
en notre pays de vigne, le régime exclusif de l'eau.
Cette façon nouvelle de comprendre la lutte contre l'alcoolisme
a fait son chemin très rapidement et nous ne sommes pas surpris
qu'elle ait rencontré la faveur du public. La tentative était d'autant
plus intéressante qu'elle devait atteindre tout spécialement, en
vertu des statuts de la société, la jeunesse française..L'une des
formes de l'activité de cette société est, en effet, la création de
sections cadettes dans les écoles, dunt l'instituteur devient l'âme.
C'est à elle que revient l'honneur d'avoir réalisé pratiquement la
lutte scolaire contre l'alcoolisme.
Le Dr Legrain, médecin en chef à l'asile de Ville-Evrard, prési-
dait la réunion. Il a fait l'historique des travaux de l'année. Nous
en avons retenu que la société compte 1,800 membres et 27 sec-
tions à Paris et en province (Nîmes, Montauban, Lorient, Le Havre,
varia. 333
Toulouse, etc.). Il existe déjà 13 sections scolaires. C'est un fort
beau résultat, sur lequel nous nous faisons un devoir d'appeler
l'attention de nos lecteurs. Il est urgent que tous les citoyens con-
vaincus de l'imminence du péril favorisent des efforts aussi utiles.
Nous rappellerons que la cotisation annuelle est de 1 franc seule-
ment. La séance a été terminée par une conférence chaleureuse-
ment applaudie, faite par M. mariner, professeur à l'école des
Hautes-Etudes, sur le rôle de l'Université dans la lutte contre l'alcoolisme
INFLUENCE DES émotions morales SUR LE physique.
Cette influence bien connue des médecins et qui explique la
plupart des guérisons prétendues miraculeuses n'a pas échappé
aux littérateurs. Nous en trouvons un exemple dans le livre
d'Eugène Pelletan intitulé La naissance d'une ville (p. z
et 179). L'un des personnages, le juge de paix, avait une peur
épouvantable des orages. Il était venu de son château de la
Chaillevette à Royan déjeuner chez son greffier. Un orage
montait, s'annonçait menaçant. Il donna l'ordre d'atteler.
Voici comment Pelletan raconte la cause de la peur des orages
chez son juge.
« Le juge redoutait singulièrement cette révolution météorolo-
gique particulière au pays, car il possédait autrefois un père
galant qui avait séduit une jeune fille et l'avait ensuite aban-
donnée. Tu ne mourras que par le feu du ciel, avait crié la vic-
time dans son désespoir.
« Or, à quelque temps de là, un bouvier conduisait son bétail,
après une nuit d'orage, à la lisière des marais de Chenaumoine;
il rencontra un cheval enfoncé jusqu'au poitrail dans une fon-
drière de la chaussée, et sur le cheval un cavalier immobile comme
la statue du commandeur. Il reconnut le père de Jérôme Lalande ;
il l'appela, le cavalier ne répondit pas ; il le tira par le bras, le
cavalier roula d'un bloc sur l'herbe. Il était mort, le cheval était
mort aussi ; le corps de l'un, pas plus que le corps de l'autre, ne
portait de trace de blessure ; la justice en conclut que tous les
deux avaient dû périr d'un coup de tonnerre. Depuis ce jour le
juge de paix regardait la foudre comme une malédiction en
quelque sorte héréditaire, d'autant plus qu'il avait le même péché
que son père sur la conscience. Aussi, chaque fois que le ciel gron-
dait, il courait chercher un refuge dans une cachette obscure pra-
tiquée au fond de son alcôve... » ,
Le juge ordonna de faire atteler pour rentrer vite à la Chail-
levette.
;-};j4 FAITS DIVERS.
« La voiture arriva au château de Chaillevette, au moment où
un violent coup de tonnerre annonçait l'ouverture de l'ora2e. Le
juge bondit de sa prison, avec la légèreté d'un jeune homme ; la
violence de l'émotion semblait avoir guéri sa paralysie. »
' Thèses DE la faculté DE médecine DE LYON (Année scolaire 1895-96),
RELATIVES A L\ NEUROLOGIE ET A L\ PSYCHIATRIE.
M. Bouveyr'on (Alexandre) : Des affections cérébrales d'origine obs-
tétricale et de leur interprétation pathogénique. M. Gauthier
(Jean) : Du traitement de l'ataxie locomotrice par la suspension. -
M. Chazalou (Joseph) : Des ictus laryngés. M. Fâche (O.-G.-J.) :
De la neurasthénie et de son traitement par les exercices physiques.-
M. Paloque (Paul) : De la suggestion ci l'état de veille. Neutralisation
des dangers et influence favorable de l'agglomération des névropathes
par son emploi thérapeutique. M. Colin (Jean) : Contribution ci
l'élude d'une forme spéciale de vomissements nerveux. 1\1. Serrigny
(René) : Psychoses génitales. Contribution ci l'étude des troubles men-
taux dépendant des affections utérines. M. Roux (Joanny) : Des
rapports de l'hémianopsie latérale droite et de la cécité verbale.
M. Geysen (Hector) : De la mort inopinée ou rapide chez les t'pt7ep-
tiques. M. Auguin (Gabriel) : Signification clinique du ménin-
gisme clans la grippe. M. Tiberi (Colbert) : Le suicide dans l'hé-
rédité mentale.
FAITS DIVERS.
UN rou dangereux. M. Bouteillier, commissaire de police, a
débarrassé, hier après-midi, la ville de Clichy d'un fou, Jules Diot,
âgé de quarante ans, cantonnier, qui, au moment de ses crises,
constituait un danger pour la sécurité publique. Déjà, plusieurs fois,
il avait tiré des coups de revolver par la fenêtre de son logement,
situé 51, rue Martre, et lancé des pavés sur les gens qu'il rencon-
trait. Hier matin, travaillant tranquillement avec plusieurs ouvriers,
à la démollition du vieux marché, il fut pris tout à coup d'une crise,
et, saisissant un revolver dans sa poche, en tira quatre coups sur
un de ses camarades de travail, M. Toussaint Damien, âgé de qua-
rante et un ans, qui s'affaissa bientôt, la cuisse gauche traversée
par une balle. Tandis que sur son désir on transportait le blessé à
son domicile, 23, rue de la Providence, le fou s'enfuyait, passait
FAITS DIVERS. 335
chez lui d'où il tirait de nouveaux coups de feu par la fenêtre, puis
prenait la fuite sans qu'on pût retrouver sa trace.
L'après-midi, tandis que quatre agents étaient réunis au rond-
point du boulevard Victor-Hugo, notre homme s'embusquaitderrière
un kiosque de journaux, et de là tirait sur eux six coups de son
arme, sans heureusementatteindre personne. Cela fait, il s'enfuyait
dans la direction du pont de Levallois, où il put être rejoint parles
gardiens de la paix. Conduit devant M. Bouteillier, ce magistrat,
après l'avoir interrogé, n'a pas hésité à l'envoyer à l'infirmerie
du Dépôt. (La Justice, 18 août 1896.) Cet envoi, fait en temps
opportun, aurait évité ces graves accidents. On conçoit difficile-
ment que cette mesure n'ait pas été prise plus tôt.
Suicide D'UN enfant DE TREIZE ANS (EpÍ1Utl, 5 juillet). - « Le
nommé Emile Cremel, âgé de treize ans, demeurant chez ses
parents, cultivateurs à Vaudeville, a été trouvé pendu à une poutre
du grenier à fourrages de la maison qu'il habitait. La veille, ce jeune
garçon, qui avait travaillé à la vigne depuis le matin, était revenu
à la maison vers quatre heures du soir pour soigner le bétail et,
sans être vu de personne, était monté au grenier où il avait mis fin
à ses jours. On ignore quels sont les motifs qui l'ont poussé à se
donner la mort; on croit que c'est dans un accès de folie subite
qu'il a pris cette fatale résolution ; il ne paraissait pas jouir,
du reste, de la plénitude de ses facultés. (La Justice, du 7 juillet).
Les aliénés EN liberté. - On annonce que lady Mary Bligh, la
troisième fille du comte de Darnley, vient de se noyer dans un
étang à Cobharn-Park, près de Grayerend. Il paraît que la malheu-
reuse jeune fille était depuis longtemps en proie à des accès de
mélancolie. (La Justice, 9 juillet.)
Assistance PUBLIQUE DES épileptiques. Sous ce titre : Un mari
assassin, la Justice, du 30 juillet, publie la dépêche suivante de
Reims : « Un crime abominable a été commis hier soir dans la rue
de Cormicy. Là, habitait la famille Lecot : le mari, âgé de vingt-
quatre ans, ouvrier paveur; la femme, âgée de vingt-trois, et leur
petite fille, qui vient d'avoir deux ans. Vers dix heures et quart,
Lecot rentra ivre au logis et, tout en soupanl, chercha querelle à
sa femme. La discussion devint bientôt des plus violentes, et des
voisins déclarent avoir entendu Lecot dire à sa femme : « Tu vas
y passer Si tu ne veux pas mourir, sors ! Une demi-heure après,
Lecot sortait de chez lui en criant : Q Au secours) ma pauvre femme
vient de se tuer ! a Et il courait au commissariat voisin, où il racon-
tait que sa femme s'était suicidée.
et trouva, en effet, la malheureuse étendue sans vie sur le plan-
cher ; elle avait la carotide complètement tranchée. Le magistrat
336 BULLETIN bibliographique.
acquit bientôt la conviction que Lecot avait tué sa femme; la vic-
time était enceinte de six mois. Lecot, qui passe pour s'adonner à
la boisson, est sujet à des crises d'épilepsie. » - On aurait évité
cette « double mort en quelque sorte, en plaçant cet épileptique
qui, maintenant sera interné probablement jusqu'à sa mort, sans
- compter qu'il faudra assister son enfant. Ces réflexions s'appliquent
également au fait cité à la page 331 .
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
\'\ \ 1" r .' ¿..
=\1 \
- JilBRlSSA ! 1D : {I< : .). ). -- L'hygiène des asthmatiques. - Volume in-12, car-
%* tonné, 'de 213 pages. - Prix : 4 francs. - Paris, 1896. - Librairie
G. Masson.
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Brochure in-8° de 8 pages. Extrait du Traité de médecine, volume V ,
par MM. Charcot, Bouchard, Brissaud et Silva.
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for the feeble-minded al Waltham, for the vear ending september 30,
1895. - Brochure in-8° de 42 pages. Boston, 1896. Wright and
Potter Printmg C.
Lange (C.). Periodische Depressionszustânde und ihre Pathogenesis
auf dem Boden der harnsauren Dialhese. Brochure in-8° de 56 pages.
Hamburg und Leipzig, 1896. Verlag von Leopold Voss.
MELLO-BAHRETO. La fièvre jaune. Sa pallioqéîiie el son traitement.
Brochure in-8° de 23 pages. Saint-Paul, 1896. Typografm di
Diario officiai.
OBERSTEINER (H.). Anleitung beim sludiunz des lianes der Nervüsen
Cenlralorgane im Gesunden und Kranltenzus lande. Volume JI)-4°
de viu-572 pages. Leipzig unau Wien, 1896. l'ranz Deulicke.
Rechenschaflaberichet itber die Zurcherische liranlonale Iz·rezzlheil-
anslult Bw'ghùl=li. Jalir, 1895. Brochure JI)-8° de 28 pages.
Zurich, 1896. Brulsdruckerel Bericluhans.
SEEUGMANN (A.). Contribution à l'étude des troubles mentaux
consécutifs aux opérations gynécologiques. - Volume in-il de 67 pages.
Nancy, 1896. Imprimerie' A. Crépin-Leblond.
Le rédacteur-gérant : BOUfINEVILLE.
Evreux, Ch. FIEmsser, imp. - 1090.
Vol. II. Novembre 1896. N° 11.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE,
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS
PAR LA RÉÉDUCATION DES MOUVEMENTS (méthode de ]j'reniieZ) 1;
Par le D' RUBENS HIRSCHBERG.
Observation II. Tabès dorsalis. Ataxie d'emblée. Hémiataxie
gauche. Confinée au lit depuis le mois d'avril 1888. Guérison com-
plète du symptôme ataxie y compris le signe Romberg après quatre
mois de traitement.
A. F... âgée de cinquante-neuf ans, couturière, entrée à la Sal-
pêtrière le 3 avril 1888, salle Reyer (petite), lit n° 8.
Sans hérédité neuro ni psychopathique. J'usqu'à l'âge de vingt
et un ans la malade était d'une très bonne santé. Syphilis à l'âge
de vingt et un ans, pour laquelle elle suit un traitement d'une
durée de six semaines. A l'âge de vingt-quatre ans elle a eu un en-
fant bien portant, qui est mort à l'âge de dix-sept ans d'une affec-
tion cardiaque. Elle a un fils âgé actuellement de trente et ans
et qui est bien portant. La malade nie d'avoir jamais fait des excès
alcooliques. Pendant plusieurs années névralgies faciales qui reve-
naient par crises et duraient jour et nuit. La malade n'a jamais
eu de crises du nerfs. ' -
Début de la maladie. - Quelques mois avant de tomber malade,
étant à table, la malade se mit tout d'un coup à loucher et à voir
double. Les personnes qui étaient avec elle,, en étaient effrayées
et lui disaient qu'elle avait les yeux « tout de travers » comme une
mourante. Cette crise de diplopie n'a duré qu'une minute, et ne
s'est plus jamais renouvelée. Vers la fin de mars 1888 la malade
1 Voir Archives de Neurologie, n° 9.
Archives, 2e serie, t. II. 22
338 CLINIQUE NERVEUSE.
étant à son travail fut subitement prise de fourmillements dans le
creux des mains et à la plante des pieds. Ces fourmillements ont
persisté pendant trois jours. Au bout du troisième jour la malade
en voulant se lever le matin de son lit, s'est aperçue que ses jambes
- ne la portaient pas et elle s'est affaissée par terre. Cependant elle
n'était pas paralysée, puisqu'elle se rappelle bien qu'elle pouvait
remuer ses jambes au lit. C'est dans cet état qu'elle fut transportée
à la Salpêtrière dans le service de M. Charcot. Pendant le premier
temps de son séjour à l'hospice, la malade eut de fortes douleurs
fulgurantes aux quatre extrémités. Ces douleurs siégeaient à fleur
de peau et le moindre frôlement, même le contact du drap, lui
arrachaitdes cris. Cependant la forte pression surl'endroit doulou-
reux calmait plutôt la douleur. A cette époque la malade ne pou-
vait pas se tenir sur ses jambes, ni se servir de ses mains. On était
forcé de la nourrir. Peu à peu les troubles dans les extrémités supé-
rieures diminuèrent, mais pendant longtemps encore la malade ne
pouvait ni éctire, ni coudre. Pendant la première année de sa
maladie; elle avait des douleurs en ceinture et la sensation de cui-
rasse en fer. A cette époque difficultés d'uriner, jamais d'inconti-
nence. Forte constipation. La malade est restée une fois vingt-
quatre jours sans aller à la garde-robe.
Etal actuel (2 décembre 1894). - La malade très intelligente, a
l'air plus jeune que son âge. Depuis des années elle n'a plus eu
de douleurs fulgurantes et elle semble jouir d'une bonne santé
générale.
Aucune paralysie aux muscles des yeux, ni à ceux de la face.
Rien de particulier du côté de la langue, des dents, du goût, de
l'odorat, de l'ouïe.
Les deux pupilles sont en myosis et égales de deux côtés. La
droite ne réagit pas du tout à la lumière, la gauche faiblement.
Toutes deux réagissent bien à l'accommodation.
Extrémités supérieures. On ne trouve plus que très peu de
choses aux extrémités supérieures. La sensibilité et la force muscu-
laire sont intactes. Il y a un peu d'incoordination des mouvements
dans les doigts de la main gauche visible surtout quand la malade
se boutonne ou fait un noeud à son jupon.
Extrémités inférieures. Les deux jambes sont également et
uniformément amaigries. La force musculaire est bonne. Un peu
plus faible cependant dans la jambe gauche. Rien d'anormal aux
articulations.
Sensibilité. Il n'y a aucun trouble de la sensibilité cutanée.
La malade sent le moindre frôlement. La perception de la douleur
n'est pas retardée. Le chaud et le froid sont également bien sentis.
Sensibilité musculaire et articulaire. < :
Jambe droite. Dans cette jambe la malade sent tous les mou-
vements qu'on imprime aux différentes articulations de cette jambe.
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 339
Les yeux fermés, elle exécute tous les mouvements régulièrement
sans saccades.
Jambe gauche. Ici la malade ne sent pas du tout les mouve-
ments qu'on imprime aux articulations de la jambe. Les yeux fer-
més, elle exécute les mouvements très irrégulièrement.
Phénomène plantaire. Une friction rapide et superficielle avec
l'ongle le long de la plante du pied provoque une vive douleur qui
dure pendant plus d'une minute. Ce phénomène est également pro-
noncé à gauche et à droite.
Motilité.
Jambe droite. Il n'y a aucun trouble d'incoordination dans
celte jambe. La malade exécute tous les mouvements avec une
régularité absolue, les yeux ouverts ainsi que les yeux fermés.
Jambe gauche. Le pied gauche se trouve dans une position
de varo-equin par suite d'un relâchement des muscles antéro-ex-
ternes de la jambe. Ce n'est qu'avec beaucoup de peme que la
malade arrive à redresser le pied. Les mouvements de cette jambe
sont fortement incoordonnés. Cette incoordination apparaît sur-
tout quand la malade doit exécuter des mouvements tant soit peu
compliqués. L'incoordination est naturellement fortement exagé-
rée par l'occlusion des yeux.
Station debout. La malade ne peut pas se tenir debout, Soute-
nue des deux côtés elle se laisse tomber de tout le poids de son
corps. Elle ne touche le sol qu'avec le pied droit, en rejetant le
corps fortement en arrière. La jambe gauche ballotte, comme si
elle était complètement paralysée et ne touche le sol qu'avec la
pointe du pied. Une fois debout la malade est incapable de con-
tracter un seul muscle de cette jambe. On les sent du reste com-
plètement flasques.
Quand la malade est assise elle ne touche le sol qu'avec le pied
droit. Le pied gauche n'appuie par terre qu'avec la pointe et un
peu avec le bord externe.
Locomotion. La malade ne marche pas. Soutenue des deux
côtés sous les bras elle saute sur sa jambe droite, ou glisse sur le
pied droit. La jambe gauche balance dans tous les sens et reste
complètement inerte.
Réflexes. Les réflexes rotuliens et cutanés plantaires sont
absents des deux côtés. -Pas de troubles du côté de la vessie, ni
du rectum. Rien d'anormal aux organes thoraciques et abdo-
minaux. L'appétit, le sommeil et l'état général sont bons.
Commencement du traitement le 2 décembre 1894. La malade
apprend assez vite à exécuter les exercices au lit. Son pied varo-
équin est également vite corrigé. Mais quant à la station debout
et à la marche, les progrès sont plus lents. Ce n'est que pénible-
ment et grâce à une énergie et une intelligence vraiment merveil-
leuses de la malade qu'elle arrive peu à peu par des efforts de vo-
340 CLINIQUE NERVEUSE.
lonté à amener des contractions dans les muscles de la jambe
gauche. On commence à sentir une certaine résistance dans cette
jambe. Elle apprend successivement à exécuter toute la gamme
des exercices. A partir du moment où elle commence à s'appuyer
convenablement sur la jambe gauche le progrès devient de nou-
veau très rapide. Voici quel était son état le 1 ? avril : la malade
marche dans la salle seule, sans canne. Elle s'assoit et se lève sans
difficulté. A l'aide d'une canne elle se promène dans la cour de
1 hospice.
A partir de ce moment la coordination s'améliore de plus en
plus.
La malade reste debout et marche les yeux fermés. La marche
est devenue tout à fait normale. Cependant un certain degré d'in-
sensibilité articulaire et musculaire persiste toujours dans la jambe
gauche. Dans le courant de juin la malade fait même des courses
relativement grandes. Ainsi elle traverse toute seule la cour de
l'hospice se rend à la gare d'Orléans à pied pour prendre l'omni-
bus, s'en va toute seule en ville voir une amie qui habite au cin-
quième et rentre le soir seule à l'hospice à pied depuis la gare
d'Orléans.
15 mai 1896. La malade peut être considérée comme complè-
tement guérie de son ataxie.
Observation nI.- Tabès dorsalis. Ataxie d'emblée. Impotence com-
plète et confinement au lit par suite d'une incoordination motrice
absolue des membres inférieurs. Fréquentes crises gastriques et
laryngées qui empêchent souvent le traitement. Amélioration notable
de l'incoordination motrice après cinq mois de traitement.
C. G..., couturière, âgée de quarante-sept ans, entrée à la Sal-
pêtrière le 17 décembre 1891. Salle Reyer (petite), lit 11' 4. Sans
hérédité neuropathique.
Antécédents personnels. La malade avait toujours une excel-
lente santé. Réglée depuis l'âge de dix ans et demi. Mariée depuis
l'âge de vingt-deux ans. Elle n'a jamais été enceinte.. Elle nie la
syphilis. Cependant son mari est mort ataxique à l'âge de qua-
rante-huit ans en 1883. L'infection syphilitique chez la femme est
donc probable. La malade n'a jamais fait d'excès d'aucun genre.
Début de la maladie. -En 1889, quelques mois avant.la mort de
son mari, la malade a commencé à sentir des douleurs aux reins
surtout du côté gauche. Ces douleurs revenaient par crises, duraient
une journée et donnaient à la malade des vomissements qui du-
raient tant que' persistaient les douleurs qui étaient atroces. Ces
douleurs n'augmentaient pas avec les mouvements. Ces crisesdeve-
naient de plus en plus fréquentes, d'abord elles revenaient tous les
quatre mois, ensuite tous les mois.
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 341
. En juin et juillet 1891, la malade en descendant un escalier avait
la sensation comme si elle tombait dans le vide, son corps était
entraîné en avant et elle ne pouvait modérer ses pas. Elle n'est
cependant jamais tombée. A cette époque déjà elle pouvait diffici-
lement marcher dans l'obscurité, et dans l'obscurité il lui était im-
possible de descendre un escalier. Les yeux ouverts elle marchait
encore très bien et elle n'éprouvait aucune fatigue en faisant même
de grandes courses.
Le 13 décembre de la même année, la malade éprouvait une
grande difficulté pour marcher dans sa chambre. Elle s'est cou-
chée le soir comme d'habitude et le lendemain en voulant se lever
elle s'est aperçue que ses jambes ne la. portaient pas et elle éprou-
vait des douleurs dans les aines comme si on l'écartelait. Le 17 du
même mois, elle rentre à la Salpêtrière dans le service du profes-
seur Charcot. Un mois après elle avait la sensation de cuirasse et
de ceinture en plomb. Au mois de juin de l'année suivante crise
gastrique violente avec vomissements qui a duré huit jours. On a
eu recours à la morphine pour calmer la malade. De temps en
temps, douleurs fulgurantes dans les cuisses et aux orteils. La ma-
lade eprouvait à cette époque des difficultés pour uriner.
Depuis son entrée à l'hospice elle n'a plus quitté le lit.
Il y a trois ans la malade a eu pour la première fois une crise
laryngée des plus graves. Elle éprouvait une douleur violente à la
partie supérieure de la poitrine, la respiration était pénible et
sifflante ; elle suffoquait, la face était cyanosée, toux coqueluchoïde,
inspiration bruyante. La première crise a duré vingt minutes ( ? ).
Depuis un an et demi ces crises se répètent tous les trois mois et
semblent être provoquées par le froid. Depuis un mois la voix de la
malade a changé de timbre. Voix d'enfant. Au mois de juillet de
l'année dernière une crise violente laryngée était accompagnée de
perte de connaissance qui a duré deux heures ( ? ).
Etat actuel (le 2 décembre 1894). La malade est fortement
obèse, elle nous dit d'avoir beaucoup engraissé depuis qu'elle est
malade. La face est bien colorée.
La mémoire n'a pas souffert. L'intelligence est normale, l'humeur
calme.
Pas de paralysie aux muscles des yeux, ni de la face. Les
pupilles sont d'un diamètre moyen et égales des deux côtés.
Absence des réflexes pupillaires à la lumière et à l'accommodation.
Pas d'achromatopsie, ni de strabisme, ni de nystagmus.
Rien de particulier à la langue, au goût, à l'odorat. La malade a
toutes ses dents.
Troubles de la sensibilité.- Le toucher. - La malade ne sent pas
le frôlement, ni la pression sur toute la surface des extrémités
inférieures y compris la plante des pieds. Seule une plaque située à
la partie externe des genoux et grande comme une pièce de
342 CLINIQUE NERVEUSE.
5 francs a conservé la sensibilité tactile. L'anesthésie tactile se
répand sur le tronc et s'arrête à la hauteur de la troisième côte.
Aux bras, aux mains, au cou et à la figure, le tact est normal et
très net. ·
Il existe une plaque d'hyperesthésie à la pression le long de la
colonne vertébrale, à la hauteur des cinq premières vertèbres spi-
nales.
Paresthésies. Fourmillements fort désagréables aux orteils des
deux pieds. Sensation de crampes aux pieds.
Phénomène plantaire. La friction rapide et légère avec l'ongle
le long de la plante des pieds provoque une douleur intense qui
arrache des cris à la malade.
Sensibilité à la douM) ? Retard considérable dans la perception
de la piqûre d'épingle : de trente secondes sur la surface des pieds
et à la plante, de trente à vingt secondes à la jambe jusqu'au
genou. A la cuisse de cinq à trois secondes, et diminue à mesure
qu'on se rapproche de la racine des membres. Excepté à la plante
des pieds, il y a aussi un peu d'hypoesthésie de la douleur. Aux
plaques en dehors des genoux où le toucher est conservé, il n'y a
pas non plus de retard dans la perception de la douleur. Pas de
retard au tronc, mais partout où le toucher est aboli la sensibilité
à la piqûre est affaiblie. Aux bras, aux mains, à la figure, au cou
la piqûre est vivement et rapidement ressentie.
Thermosilcésie. Un peu d'hypoeslhésie au froid aux extrémités
inférieures. Sur le reste du corps la sensation de la température
est normale.
3lotilité. - Les muscles des bras et des jambes sont bien con-
servés et la force musculaire est très bonne. Rien de particulier aux
articulations.
Extrémités supélieures. - La sensibilité profonde (articulaire et
musculaire) est à peine troublée. Cependant les mouvements des
doigts présentent un certain degré d'incoordination motrice. La
malade ne peut ni coudre ni écrire, ni saisir des objets fins comme
épingles, petits boutons, etc. C'est avec beaucoup de peine qu'elle
arrive à boutonner sa blouse, à faire un noeud à ses jarretières.
Elle peut cependant couper sa viande, elle mange et boit toute seule.
Extrémités inférieures. - Le sens articulaire et musculaire est
profondément atteint dans toutes les articulations des extrémités
inférieures. Les yeux fermés, la malade ne sait pas où sont ses
jambes et elle n'a aucune notion de la position qu'on leur donne
dans l'espace. Les mouvements sont fortement incoordonnés. Les
deux pieds se trouvent dans la position de varo-equin, les orteils,
excepté le grand orteil, sont fortement fléchis. Le moindre effort
pour faire un mouvement quelconque augmente encore davantage
le varo-équin et la flexion des orteils par suite d'une forte contrac-
tion des muscles postérieurs de la jambe.
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 3}3
La malade n'est pas capable de rester debout. Si on la maintient
dans une position verticale, elle a la sensation de tomber dans un
précipice. Elle pousse des cris d'angoisse. Si on la déplace, elle
laisse les jambes en arrière qui s'enchevêtrent. Debout elle n'est
pas capable de faire un mouvement quelconque avec ses jambes.
Réflexes. Les réflexes rotuliens et plantaires sont absents.
Il n'y a pas de trouble du côté de la vessie, ni du rectum. La ma-
lade est réglée toutes les trois semaines.
Les bruits du coeur sont un peu sourds, mais sans souffle patho-
logique, ni des faux pas. Rien aux poumons. Rien aux organes
abdominaux. Le sommeil, l'appétit et l'état général sont bons.
Commencement du traitement le 2 décembre 1891. Le cas se
présentait comme très peu favorable au traitement par la réédu-
cation des mouvements. D'abord la malade ne marchait plus du
tout depuis plusieurs années. On ne pouvait pas la faire tenir
debout, même soutenue par deux hommes à l'aide de la ceinture
de Frenkel. La malade était donc arrivée au degré du nec plus
ultra de l'ataxie. Ajoutons à cela les indispositions fréquentes de la
malade, qui faisaient que pendant des semaines nous étions forcés
d'interrompre le traitement, ◀tantôt▶ les règles, ◀tantôt▶ des crises
gastriques d'une violence extrême, une autre fois de l'influenza à
répétition, qui rendait pendant six semaines tout traitement impos-
sible.
Pour les mouvements au lit cela allait encore. Dans l'espace
d'un mois la malade a appris a dominer assez convenablement les
contractions musculaires des jambes. Elle corrige bien la position
vicieuse des pieds, et même quand elle fait un mouvement coor-
donné compliqué, par exemple, fléchir le genou pendant que la
cuisse reste en position verticale, son pied ne se renverse plus. Au
début du traitement quand elle essayait de relever le pied gauche,
le renversement du pied droit s'accentuait davantage et vice versa.
Maintenant (au bout d'un mois de traitement) cela n'a plus lieu.
La malade se sent plus légère. Elle peut se retourner et s'asseoir
dans son lit. Elle sent mieux ses jambes, qui ne sont plus pour elle
un corps étranger lourd et encombrant. Disons tout de suite
qu'aussitôt que l'amélioration de la coordination commençait à se
manifester, la malade parlait tout de suite d'une bonne et d'une
mauvaise jambe. C'est la gauche qui était la mauvaise jambe. En
effet la coordination s'améliorait beaucoup plus lentement dans
celle jambe que dans la jambe droite.
Mais la partie la plus difficile du traitement commençait à partir
du moment, où il fallait que la malade apprenne à se tenir debout.
Malgré ses efforts de volonté, les deux pieds étaient en forte posi-
tion de varo-équin, les genoux chancelaient à gauche et à droite,
et exténuée la malade se laissait tomber lourdement sur le fauteuil.
Cependant à force d'exercices et d'une patience, dont nous avons
344 CLINIQUE NERVEUSE.
droit d'être fiers, nous sommes tout de même parvenu à faire
tenir la malade convenablement droite. Nous passons alors aux
exercices de marche. Soutenue par deux personnes, la malade
apprend à faire des.pas. Au début de ces exercices, il fallait faire
asseoir la malade après tous les cinq, six pas. La malade était fati-
guée, et fatiguait souvent les personnes qui la soutenaient, puis-
qu'elle s'appuyait de tout le poids de son corps énorme. Mais peu à
peu les pas deviennent plus solides, puisque la malade fatiguait
beaucoup moins les personnes qui la menaient. Au commencement
du mois de juin 1895, la malade pouvait en s'appuyant avec une
main le long des lits et soutenue par une personne de l'autre côté,
faire le tour de la salle (une cinquantaine de pas) sans avoir besoin
de s'asseoir.
Ce résultat, quoique moins brillant en apparence que dans le
cas précédent, peut être considéré comme absolument remar-
quable, vu non seulement la gravité exceptionnelle de l'incoordi-
nation motrice, mais aussi en considération de toutes les circons-
tances défavorables qui rendaient un traitement régulier impos-
sible.
Le plus difficile du reste est fait chez cette malade et nous sommes
persuadés que sa marche pourra être encore considérablement
améliorée.
Excepté un certain amaigrissement, nous n'avons constaté aucune
modification dans les autres symptômes du tabes. Notamment les
troubles de la sensibilité cutanée et profonde (articulaire, muscu-
laire) sont restés sans modification.
- 15 mai 1896. La malade à appris à marcher en s'appuyant
sur le bras de quelqu'un d'un côté et sur une canne de l'autre. Elle
se lève seule de sa chaise. Elle peut rester debout sans aucun appui
pendant deux à trois minutes.
Observation IV. Tabes dorsalis à marche rapide. Développement
rapide de l'incoordination motrice. Au moment du commencement
du traitement la malade était déjà très améliorée. Après deux mois
de traitement la malade peut être considérée comme guérie de son
ataxie motrice.
M. B..., âgée de trente et un ans, modiste et fille galante, céliba-
taire, entrée à la Salpêtrière le 16 juin 1894, s'est bien portée dans
son enfance. Depuis l'âge de dix-neuf ans la malade se fatiguait
beaucoup dans les lieux de plaisir, se couchant à 4 heures du
matin. Atteinte à cette époque d'une chorée qui se développa d'une
façon lente et graduelle, commençant par les membres supérieurs
et s'étendant peu à peu aux membres inférieurs. La chorée dispa-
rut au bout d'un an en laissant subsister un blépharospasme des
deux côtés que la maladu présente encore aujourd'hui. En 1891
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. ù4t)
légère fièvre typhoïde. En 1892 la malade étant forcée de marcher
beaucoup et de se fatiguer, commence à sentir une certaine lassi-
tude dans les jambes. A cette époque aucun autre phénomène mor-
bide n'apparaît. Vers le mois de septembre 1893 la malade ressent
des douleurs violentes dans les deux genoux, qui disparaissent au
bout d'une quinzaine de jours et laissent après elles une sensation
de lourdeur dans les genoux. En décembre 1893 cette lourdeur des
senoux s'accentue, la faiblesse des jambes augmente plus particu-
lièrement dans la jambe gauche qui bientôt est incapable de la
porter. Depuisce moment la faiblesse va en augmentant, les jarrets
fléchissent et la démarche est peu assurée, presque titubante. A
ce moment la malade souffre de crampes dans les jambes très dou-
loureuses. La faiblesse augmente toujours, les douleurs en ceinture
apparaissent, douleurs peu violentes, plutôt gênantes, faisant sans
cesse croire à la malade qu'elle a un corset trop serré. Elle souffre
d'un froid continu, d'un engourdissement aux membres inférieurs.
Elle perd les jambes dans son lit. Quand elle marche elle ne sent
pas bien le sol et croit toujours ne pas toucher [la semelle de ses
bottines, comme si celles-ci n'étaient pas complètement entrées. A
cette époque l'incoordination se révèle, surtout quand la malade
descend ou monte un escalier. Elle ne peut plus bien mesurer la
hauteur des marches, ni proportionner ses mouvements, aussi lui
arrive-t-il de tomber fréquemment. La vue se trouble, un léger
brouillard apparaît devant les yeux. Elle n'a pas eu de diplopie, ni
aucun autre trouble oculaire. La malade n'a présentéaucun trouble
du côté de la vessie. Il y a deux ans elle avait des sensations de
corps étranger dans le rectum avec des besoins fréquents et impé-
rieux d'aller à la selle. Parfois elle ne sentait pas les matières
partir.
La malade nie la syphilis. Elle n'a jamais abusé de boissons
alcooliques. Elle ne s'est jamais livrée à des excès génésiques et a
toujours exercé sa profession galante sans enthousiasme.
Etat actuel (le 16 juin 1894). - La malade dit avoir beaucoup
maigri dans ces derniers mois. L'intelligence est assez vive. La mé-
moire est bonne. La malade est d'un tempérament calme. Depuis
un an, elle a eu de fréquents chagrins qui ont assombri son carac-
tère, mais qui n'ont pas été jusqu'à la mélancolie.
Les paupières sont tombantes et couvrent plus de la moitié de la
cornée; de plus elles sont animées de battements irréguliers et ra-
pides qui cessent au bout de quelques secondes (blépharospasmus).
Il n'y a pas de diplopie, ni de strabisme. Les pupilles sont puncti-
formes, légèrement déformées. Elles présentent le signe d'Argyll-
Roberlsou. Il n'y a pas de retrécissement du champ visuel, pas de
dyschromatopsie, pas de lésion du fond de l'aeil.
L'ouïe est légèrement affaiblie du côté gauche. La malade n'a
jamais eu de bourdonnements. Il y a une légère altération du goût.
po G CLINIQUE NERVEUSE.
Depuis le commencement de la maladie il lui semble que tout ce
qu'elle mange ou boit a un mauvais âoi7l. Les dents se cassent
facilement ou se déchaussent, la malade en a ainsi perdu deux.
Membres supérieurs ne présentent aucune altération du côté de la
sensibilité ni de la motilité.
Membres inférieurs. - Sensibilité au tact normale. A la piqûre :
la malade ne peut sur les membres inférieurs distinguer la sensa-
sation qu'elle ressent. Si par exemple, on lui fait une piqûre sur
le cou-de-pied elle a d'abord une sensation vague : Vous me tou-
chez, » dit-elle, et puis au bout de quelqués secondes : a Vous me
piquez. »
T/te''moM<Aë6'M normale.
Phénomène plantaire. La friction rapide avec l'ongle le long de
la plante des pieds produit une forte douleur qui « va jusqu'au
coeur » et persiste pendant un certain temps
La sensibilité profonde (articulaire, musculaire) présente peu d'al-
térations appréciables. Les yeux fermés, la malade apprécie avec
peu de précision les positions qu'on fait prendre aux articulations des
membres inférieurs, et exécute les yeux ouverts avec les jambes,
très régulièrement, tous les mouvements qu'on lui ordonne.
L'incoordination motrice est considérable quand la malade est
debout et surtout quand elle marche. Debout la malade ne peut
pas se tenir immobile dans la station verticale. Le signe de Rom-
berg est très net. En marche le pied est lancé en avant sans fléchir
le genou, et retourne ensuite comme par son propre poids, le talon
frappe fortement le sol, parfois les pieds s'enchevêtrent et font
chanceler la malade qui manque de tomber, tourne sur elle-même.
Il lui est impossible de descendre ou de monter des escaliers.
L'incoordination est plus accentuée dans la jambe gauche que dans
la droite.
Les réflexes rotuliens et plantaires sont complètement abolis.
Aucuns troubles des sphincters.
Coeur et poumons normaux. Estomac un peu dilaté.
Commencement du traitemeut le 29 avril 1895.
La malade faisant très régulièrement tous les mouvements au lit,
no us limitons ce traitement aux exercices debout et exercices de marche.
Dès les premiers jours du traitement, le progresse fait rapidement
sentir. La malade apprend très vite tous les exercices. Elle a perdu
une grande partie de son appréhension. Elle se promène seule sans
canne dans le jardin. Au bout d'un mois de traitement sa dé-
marche a presque complètement perdu le caractère ataxique. La
malade arrive à faire de longues promenades toute seule. Elle se
sent d'aplomb sur ses jambes, les genoux ne fléchissent plus.
Le 15 juin la malade est sortie pour faire une course en ville.
Elle est allée à pied de l'hospice de la Salpêtrière jusque dans la
rue Monge, et elle est rentrée le soir seule il l'hospice.
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 347
Ce résultat rapide doit être attribué à ce fait que la malade
était, déjà en voie d'amélioration quand nous avons entrepris le
traitement. Dans ces conditions, elle a naturellement grâce aux
exercices, plus rapidement refait l'éducation de ses mouvements.
Il est certain que sans notre traitement la période de convalescence
aurait été beaucoup plus longue chez cette malade, puisque comme
elle le disait elle-même, elle n'osait marcher de peur de tomber, et
puis elle nesavait pas comment s'y prendre pour restaurer la
coordination de ses mouvements.
Maigre la disparition presque complète de l'incoordination mo-
trice, la malade reste néanmoins tabétique : elle conserve le signe
de Westphal, le signe d'Argyll-Robertson, le phénomène plantaire.
Le signe de Romberg est très atténué, mais jusqu'à un certain
degré il existe toujours. La malade ne tombe pas quand elle a les
yeux fermés, cependant son corps chancelle toujours un peu.
Quand elle marche les yeux fermés, la démarche est moins sûrc
et moins régulière. Elle tâtonne avec les pieds.
La malade a quitté la Salpêtrière au mois d'août 189a, et nous
n'avons plus eu de nouvelles d'elle.
Observation V. Tabès dorsalis. Développement rapide de l'ataxie
motrice. Deux mois de traitement. Amélioration notable de l'incoor-
dination motrice.
M. R... âgée de vingt-six ans, couturière, entréeà la Salpêtrière
(service de M. Brissaud), le 27 octobre 1893. Sans hérédité neuro
ni psychopathique.
Antécédents personnels. - A1'âe de quatorze ans, fièvre typhoïde
Réglée après sa fièvre typhoïde et régulièrement. Syphilis à
dix-sept ans (chancre, roséole), suit pendant trois mois un traite-
ment mercuriel.
Début de la maladie. En août et septembre 1892 douleurs ful-
gurantes dans les jambes et à la partie inférieure des cuisses, dou-
leurs fréquentes presque continuelles, sans rémission nocturne. Ces
crises durèrent pendant une semaine et rendaient la malade inca-
pable d'aucun travail, la privaient complètement de sommeil. Ces
accidents cessent brusquement.
En février 1893 premiers symptômes d'ataxie. Troubles de la
marche débutant par de la fatigue; lassitude dans les membres
inférieurs à la fin de la journée. Ces accidents vont progressant
pendant une quinzaine de jours. La malade incapable de sortir
seule cesse de vaquer à ses occupations. Elle s'adonne alors à un
travail assis de couture pendant dix heures par jour, pour lequel
elle n'éprouve aucune gène.
Elle entre à la Salpêtrière présentant nettement la plupart des
signes de tabes (Westphal, Romberg), impossibilité de marcher
348 CLINIQUE NERVEUSE.
sans appui et sans se tenir aux meubles, légers troubles de la vue
amaurose passagère). Soumise alors au traitement par l'iodure de
potassium et à la suspension (tous les deux jours pendant trois
minutes). Le 14 février 1894 la malade dit ressentir manifestement
une grande amélioration dans la marche. Les douleurs fulgurantes
ont cependant reparu depuis son entrée à l'hospice.
Etat actuel (26 avril 1895). L'aspect général de la malade est
bon. Elle a conservé son appétit. L'intelligence est moyenne,
l'humeur très égale, plutôt gaie. Aucune anomalie, aucun trouble
trophique de la peau ou de ses annexes, les dents sont saines.
Inégalité pupillaire. - La pupille droite est très dilatée. La vision
est. réduite de ce côté. L'oeil gauche est normal. Immobilité pupil-
laire pour la lumière et pour l'accommodation. A l'examen ophlal-
moscopique, les papilles des deux côtés sont blanches, crayeuses. La
malade souffre d'une amblyopie légère qui date depuis le début de
sa maladie, mais ne l'a jamais gênée pour sa vision rapprochée et
ne l'a pas empêchée d'exercer sa profession. Les yeux sont facile-
ment larmoyants. Du côté de l'ouïe quelques troubles se manifes-
tant par des vertiges fréquents, une ou deux fois suivis de chutes,
la malade n'ayant pu se soutenir et se retenir après un meuble.
A côté de'ces étourdissements, quelques bourdonnements d'oreille.
Sensibilité. Retard général de la perception des sensations
tactiles, douloureuses et thermiques sauf pour la face. Ce retard
est de deux à trois secondes pour les membres inférieurs. On cons-
tate de l'hypoesthésie sur toute la surface tégumentaire sauf à la
plante des pieds, où la sensibilité est assez vive. Aux jambes la
sensibilité est obtuse. Le pincement et la piqûre sont toujours con-
fondus. Tous ces troubles existent aussi au tronc, mais peut-être
moins accentués qu'aux membres inférieurs. Les douleurs fulgu-
rantes reparaissent depuis deux ou trois mois avec une mtensité
moindre qu'en septembre 1892, mais par périodes de huit à dix
jours, séparées par des intervalles de rémission au moins aussi
longs. Ces douleurs, toujours localisées aux pieds et aux jambes, ne
dépassent pas le genou, empêchent souvent la malade de dormir
et la réveillent au milieu de la nuit. Un peu de céphalée pendant
ces périodes de crises.
Le phénomène plantaire est très prononcé des deux côtés (la fric-
tion avec l'ongle le long de la plante du pied provoque une douleur
très vive).
La sensibilité profonde (articulaire, musculaire) est très affectée.
Les yeux fermés la malade n'a aucune notion sur la position qu'on
donne à ses articulations, ni du degré de contraction de ses muscles.
Si on croise ses jambes, elle ne sait pas quelle jambe est dessus,
laquelle dessous. Le pied droit est légèrement renversé en varo-
équin.
Les différents mouvements des jambes au lit ^flexion, extension,
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 349
etc., etc.) sont fortement désordonnés. L'incoordination augmente
considérablement à l'occlusion des veux. Etant assise la malade se
lève brusquement en repoussant la chaise avec les mollets.
La malade étant debout regarde fixement ses pieds , qui sont
ouverts en dehors, la pointe en abduction et relevée ainsi que tout
le bord externe, les orteils sont écartés les uns des autres, ne tou-
chent pas le sol et l'appui se fait uniquement sur le talon et une
partie du bord interne du pied. Tous ces phénomènes d'incoordi-
nation et les positions anormales sont plus accentuées du côté droit
du corps. La force musculaire est intacte. Le signe de Romberg est
très prononcé.
Locomotion. La marche, quoique moins gênée qu'autrefois,
s'exécute par pas rapides, brusques. Quand la malade s'arrête pour
changer de direction, elle se retient à un lit voisin pour opérer ce
mouvement. Elle marche en frappant du talon le sol et en dépla-
çant la jambe d'une seule pièce, de temps en temps, les genoux
fléchissent brusquement. Le moindre obstacle la fait trébucher; la
malade tombe souvent.
Les réflexes sont totalement abolis. Le réflexe rotulien, comme
le réflexe plantaire. Pas de troubles du côté des sphincters.
Commencement du traitement le 27 avril 1895.-Après deux mois
de traitement, qui consistent dans des exercices au lit, debout et
de locomotion la malade apprend à marcher sans appui. Elle sort
seule, fait des promenades dans le jardin, monte et descend les
escaliers. Elle sent ses jambes plus déliées. Depuis longtemps, elle
n'est plus tombée, ce qui lui arrivait fréquemment auparavant.
Après deux mois de traitement, malgré une amélioration incon-
testable de l'incoordination motrice, la malade exécute assez cor-
rectement tous les exercices, même les plus compliqués, il n'y a
aucune modification du côté des troubles de' la sensibilité, tant
cutanée, que profonde (articulaire, musculaire). Le signe de Rom-
berg reste toujours aussi prononcé qu'avant le traitement.
15 mai 1896. L'amélioration que nous avons obtenue l'année
dernière se maintient, mais ne s'est pas accentuée. La démarche est
toujours fortement ataxique. Cependant la malade affirme qu'elle
se sent plus ferme sur ses jambes. Elle marche sans canne, sort
dans le jardin, fait des petites promenades, etc.
Observation VI. Tabes dorsalis. Développement très rapide de la
maladie et surtout de l'incoordination motrice. Amélioration sen-
sible de l'ataxie motrice après un mois de traitement.
M. F..., âgé de soixante-neuf ans, ancien directeur d'hôpital. Le
père du malade était alcoolique, mort à l'âge de quarante ans. La
mère du malade était nerveuse, elle est morte à l'âge de quarante-
neuf ans d'une maladie de coeur. Une soeur du malade était atteinte
350 CLINIQUE NERVEUSE.
de tabes dorsalis dès l'âge de vingt-sept ans. Elle est morte à la
Salpêtrière à l'âge de quarante-cinq ans d'une pneumonie.
Antécédents personnels. - Dans sa jeunesse le malade souffrait
de diarrhée, mais il n'a jamais fait de maladie grave. Il n'a pas
abusé d'alcool, et n'a pas en de syphilis. Il y a quatre ans, pendant
deux ans et demi, excès vénériens dans des conditions particulière-
ment anormales (coït debout).
Début du tabès. Il y a dix ans le malade avait souvent des maux
de reins qui revenaient par crises et duraient plusieurs jours.
En 1889 diplopie passagère. Au mois d'août 1893 douleurs fulgu-
rantes dans les cuisses, dans les jambes et aux orteils. A cette
époque le malade marchait encore très bien, même dans l'obscu-
rité. En juin 1894 la démarche devient défectueuse. Le malade
monte difficilement l'escalier, les pieds s'enchevêtrent pendant la
marche. A la même époque forte constipation et difficulté d'uriner.
La démarche s'aggrave rapidement. Lesjambes sont constamment
engourdies. Sensation de ceinture et de corset en fer. Vers la fin de
l'année 1894, le malade ne peut plus marcher seul, ni se tenir
debout. Pour faire quelques.pas dans sa chambre, il est forcé de
s'appuyer sur le bras de quelqu'un et de se servir d'une canne.
Depuis deux mois de temps en temps douleurs fulgurantes dans
les avant-bras et dans les bras. Fourmillements et engourdisse-
ment dans les doigts et les mains.
Etal actuel (le b mai 1895). Le malade est bien conservé pour
son âge. Malgré l'envahissement rapide du tabès, l'état général est
resté bon. Le malade mange et dort bien. L'intelligence et la
mémoire n'ont pas souffert. Il a conservé son humeur gaie. Il rit
seulement un peu trop facilement et à propos de rien.
Rien de particulier aux muscles de la face, des yeux, à la langue,
aux dents, du côté du goût, de l'odorat.
Pupilles sont égales et d'une dilatation moyenne. La droite réagit it
bien à la lumière et à l'accommodation. La gauche n'agit pas du tout
à la lumière, et ne réagit que très lentement à l'accommodation.
Ouïe. Le malade n'entend pas bien depuis quelques mois. Le
tic tac de la montre n'est pas du tout perçu à droite, même si on
applique la montre contre l'oreille. A gauche le bruit de la montre
est entendu à une distance de 2 centimètres de l'oreille.
Extrémités supérieures. Sensibilité. Le malade dit qu'il a le
toucher moins fin, il sent les objets comme à travers un gant.
Cependant l'examen des différents modes de sensibilité cutanée
donne des résultats négatifs. Les yeux fermés il reconnaît bien les
objets qu'on lui fait toucher. Engourdissement et fourmillements
aux doigts et aux mains.
La sensibilité profonde est normale. Il n'y a pas d'incoordina-
tion dans les mouvements usuels. Cependant le malade se plaint
qu'il écrit moins facilement.
TRAITEMENT DE'L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 3S1
Extrémités inférieures. - Les jambes sont uniformément mai-
grès, mais la force musculaire est bonne. Rien aux articulations.
Sensibilité. - Excepté à la plante du pied gauche le sens du [en-
cher est normal sur tout le corps. Retard dans la perception de la
douleur aux extrémités inférieures. Hyperesthésie au froid aux
jambes et sur tout le corps, excepté les bras, le cou et la face.
Phénomène plantaire. La friction rapide avec l'ongle du pouce
sur la plante des pieds produit une douleur très vive. Cette douleur
persiste pendant une minute à peu près. L'application du froid il
la plante des pieds produit une sensation de brûlure tellement forte
que le malade pousse des cris de douleur.
La sensibilité profonde (articulaire musculaire) est profondément t
altétée. Le malade ayant les yeux fermés ne reconnaît pas la posi-
tion qu'on donne à ses articulations et il n'a aucune notion des
contractions musculaires.
Motilité. Couche. Tout les mouvements, même les plus sim-
ples, sont fortement incoordonnés. Le malade ne peut pas s'as-
seoir dans son lit sans s'appuyer sur ses mains. S'il essaie de le
faire, ses jambes se lèvent en l'air, surtout la gauche.
Assis. Etant assis sur une chaise, le malade ne peut pas se
mettre debout seul. Si on lui aide, on constate que ses genoux se
redressent brusquement par un mouvement de ressort et son corps
est projeté en avant. Une fois debout, les jambes du malade sont
agilées par des mouvements continuels. Le corps se balance dans
tous les sens, des fléchissements des genoux ont lieu avec des
redressements brusques. Les yeux fermés le malade tombe comme
une masse.
Locomotion. - La marche est tout à fait impossible. Soutenu
des deux côtés sous les bras, le'malade essaie bien de faire un pas
en avant, mais il lève démesurément la jambe, la lance par terse e
avec le bord externe du pied Les pieds se lèvent. Tout d'un coup
une jambe se lève malgré lui. Le corps reste en arrière. Brusque-
ment le corps est repoussé par un mouvement de ressort en haut
et en avant. On dirait que le malade est agité par des mouvements
de la grande chorée. Les jambes se croisent, les pieds s'enchevè-
trent et le malade s'abandonne aux personnes qui le soutiennent.
On porte le malade pour le mettre dans la petite voiture de pro-
menade.
Réflexes. Les réflexes rotuliens, plantaires et crémastériens
sont abolis des deux côtés.
Il n'y a pas de troubles du côté de la vessie, ni du rectum. 11 rr'v
a qu'une constipation opiniâtre. Rien d'anormal à l'examen des
organes internes.
Commencement du traitement le 9 mai 1895. - On n'aurait pas pu
imaginer un cas moins favorable pour notre méthode. L'âge du
malade, la rapidité avec laquelle les symptômes tabétiques se sont
332 CLINIQUE NERVEUSE.
développés, l'intensité des phénomènes ataxiques, autant de fac-
teurs des plus défavorables pour la rééducation de la coordination.
Néanmoins nous avons en peu de temps (le malade ne pouvait
malheureusement pas rester à Paris, qu'un mois), en un mois,
- obtenu un résultat absolument remarquable pour ce malade, puis-
qu'il est arrivé à pouvoir s'asseoir et se lever tout seul, marcher
dans sa chambre seul à l'aide d'une canne. Descendre l'escalier
d'un étage, en donnant le bras et en s'appuyant sur la rampe. Faire
des petites promenades en donnant le bras à sa femme et en s'ap-
puyant sur une canne. Dans sa dernière lettre (septembre 1895), sa
femme nous écrit de Dieppe, qu'on l'amène avec sa petite voiture
sur la plage, où il se promène au bras de sa femme.
Comme bien on pense, nous avons eu les mêmes difficultés
à vaincre pour amener le malade à dominer les contractions
désordonnées de ses muscles. C'est au prix d'efforts énormes,
vraiment étonnants pour un homme de cet âge, qu'il est peu il.
peu parvenu à exécuter les différents mouvements dont se
composent nos exercices. Aussitôt que l'amélioration a com-
mencé à se manifester, on a toute suite pu s'apercevoir que la
jambe gauche obéissait moins et restait plus désordonnée dans
ses mouvements que la jambe droite.
Le traitement a eu chez ce malade une influence manifeste
sur sa constipation. Dès les premiers jours du traitement, le
malade n'avait plus besoin d'avoir recours aux purgatifs. Ac-
tuellement, il a des selles régulières tous les jours. Les
troubles de la sensibilité cutanée et profonde (musculaire,
articulaire) sont restés sans modifications. Pendant tout" le
temps qu'a duré le traitement, le malade n'a pas eu de crise
de douleurs fulgurantes.
Observation VU. Tabes dorsal. Développement rapide de l'in-
coordination motrice. Grande amélioration après deux mois et demi
de traitement.
P. F..., âgé de quarante-neuf ans. Magistrat. Son père est gout-
teux. Sa mère était toujours très nerveuse. Il y a quatre ans elle a
eu une attaque d'apoplexie, et elle est maintenant hémiplégique.
Le malade a un frère qui souffre de la goutte. '
Antécédents personnels. - Le malade était toujours d'une santé
très robuste. A l'âge de dix-sept ans il a eu un chancre, dont la
nature n'a pas été bien établie. Il n'a jamais eu de manifestations
secondaires, ni tertiaires de syphilis, Dans sa jeunesse il a beau-
coup abusé des alcools. Le malade était toujours très émotif. La
TRAITEMENT DE L'ATAXtE DANS LE TABES DORSALIS. 353
moindre émotion lui occasionnait un tremblement des mains. Il
est marié. Sa femme n'a jamais fait de fausse couche. Il a deux
enfants, dont l'ainé souffre de diarrhées chroniques. Il y a cinq
ans, le malade souffrait d'insomnie. Il avait la nuit des idées tristes,
il sanglotait, parlait de sa mort prochaine, qu'il allait être atteint
de paralysie générale. Pendant des nuits entières sa femme était
forcée de le consoler. En 1888, premières douleurs fulgurantes dans
la peau des cuisses et des fesses. Ces crises deviennent avec le
temps fréquentes. A la même époque ténesme rectal. Sensation de
corps étranger dans le rectum. En 1890, le malade qui était excel-
lent marcheur s'aperçoit qu'il se fatigue facilement. La marche
lui devient pénible. Il a la sensation comme si la chaussure était
trop étroite et comme s'il marchait sur du galet. Paresthésies aux
fesses. Le malade a la sensation d'être assis sur un hémisphère
qui fait balancer son corps dans tous les sens. Engourdissement des
fesses.
En 1893, à la suite d'un séjour au bord de la mer, pendant lequel
le malade restait beaucoup dans l'eau en péchant la crevette, il
sentait en marchant une raideur dans les jambes. En essayant de
courir il s'aperçoit que la course lui est impossible. En 1894, le
malade marchait encore seul. En janvier 1895, le malade tombe
dans sa chambre et se contusionne le genou gauche. Le genou enfle
et le malade est forcé de s'aliter pendant huit jours et de rester
sur une chaise longue pendant un mois. A partir de ce moment la
marche s'aggrave rapidement. Le malade ne sort plus seul. On est
forcé de le soutenir, et il s'appuie en même temps sur une canne.
Il pouvait ainsi avec beaucoup de peine parcourir 300 mètres.
Etat actuel (le20 mai 1895). - Le malade est un homme robuste,
bien musclé, avec un embonpoint très prononcé. L'intelligence et
la mémoire n'ont pas souffert. Très émotif. La moindre contrariété
le fait éclater de colère. ,
Yeux. Pas de ptosis. Diplopie à distance. Les deux objets se
trouvent horizontalement l'un à côté de l'autre. Parésie ( ? ) du droit
externe gauche. Pas de strabisme. Les deux pupilles sont égales et
très rétrécies. Signe d'Argyll Robertson. Elles régissent bien à l'ac-
commodation. Le malade distingue bien les couleurs. Rien du côlé
de l'ouïe, du goût, de l'odorat, des dents, de la langue. '
Extrémités supérieures. Les mains sont agitées d'un tremble-
ment aussitôt qu'il fait un effort quelconque ou s'il est émotionné.
11 n'existe pas d'autres troubles de motilité, ni de sensibilité aux
membres supérieurs. Rien d'anormal au tronc, excepté une petite
région anesthésiée des deux côtés de la marge anale. Les fonctions
du rectum se font normalement.
Vessie. - Il n'y a ni rétention, ni incontinence. Il n'existe qu'un
certain degré d'anesthésie urétrale ou au col de la vessie, puisque
le malade ne sent pas quand il urine, ni quand il a fini d'uriner. Il
Archives, 2e série, t. IL 23
3S4 CLINIQUE NERVEUSE.
faut qu'il voie, ou qu'il entende pour savoir s'il urine. Pas d'im-
puissance génésique. Le réflexe scrotal est très vif des deux côtés.
Extrémités inférieures. Sensibilité.-Le frôlement n'est pas senti
sur la surface des jambes, y compris la plante des pieds, jusqu'à la
hauteur du ligament de Poupart. La forte pression est sentie par-
tout. La piqûre d'épingle est perçue avec un certain retard surtout
à la pfante des pieds. Ce retard va en diminuant à mesure qu'on
se rapproche de la racine des. membres inférieurs. Le froid est
bien senti sur toute la surface des jambes, le chaud moins nette-
ment.
Phénomène plantaire. La friction rapide avec le bord de l'on-
pie le long de la plante du pied occasionne une vive douleur. Cette
douleur se produit avec un certain retard et persiste pendant plu-
sieurs secondes.
Articulations. Le genou est fortement enflé. Il y a même un
peu d'oedème le long de la face antérieure du tibia. On constate de
l'hydarthrose dans cette articulation. Le bord articulaire interne du
tibia est hypertrophié. Il n'y a pas de mobilité anormale dans l'ar-
ticulation, ni de suhluxation. Quand le malade se tient debout, on
constate un certain degré de genu z·ec2trvatztrn à gauche, et en mar-
chant le malade doit produire des tiraillements sur les ligaments
croisés de cette articulation. Comme nous l'avons vu plus haut, l'ori-
gine de cette arthropathie est manifestement traumatique. Les
autres articulations ne présentent rien d'anormal.
Les muscles des jambes sont très bien développés et la force
musculaire est considérable.
La sensibilité profonde (articulaire, musculaire). - Les yeux fer-
més le malade n'a aucune notion sur.la position qu'on fait prendre
à ses articulations, et il ne sait pas apprécier le degré de contrac-
tion de ses muscles.
Motilité. Couché. L'incoordination motrice est considérable,
même pour les mouvements les plus simples (flexion, extension,
adduction, abduction). Elle est plus accusée dans la jambe gauche
que dans la droite.
Debout. Le malade ne peut pas se lever seul de sa chaise. Il
reste debout les pieds écartés, la pointe dirigée en dehors. 11 tient
les bras écartés du corps et regarde fixement ses pieds. De temps
en temps les genoux fléchissent brusquement et les pieds sont con-
tinuellement agités de mouvements. Le pied gauche a des ten-
dances à se renverser en dedans. Impossibilité de rester debout les
pieds rapprochés. Impossibilité de se tenir sur un pied.
Aussitôt que le malade ferme les yeux; il tombe comme une
masse.
Lncomotion. Le malade ne peut pas marcher seul. Il donne le
bras et s'appuie sur une canne. La démarche est franchement
ataxique. Le malade regarde attentivement ses pieds. Il déplace la
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 385
jambe d'une seule pièce, jette le pied en dehors et frappe lourde-
ment du talon le sol.
Les réflexes rotuliens et plantaires sont abolis.
L'examen des organes internes ne donne aucun résultat.
Commencement du traitement le 20 mai 1895. Le malade a
suivi notre traitement pendant deux mois. Voici quels résultats
nous avons obtenu : le malade s'assoit et se lève sans aucune diffi-
culté et sans regarder ses pieds. Dans la rue il marche seul sans
donner le bras en s'appuyant sur sa canne. Il peut ainsi marcher
pendant trois quarts d'heure à uno heure. La démarche n'est plus
lourde, comme elle était auparavant. Le malade ne frappe presque
plus le sol avec le talon. Il monte et descend bien les escaliers. En
marchant dans la rue, le malade n'a plus besoin de regarder ses
pieds. Dans un appartement il peut marcher sans canne. Le malade
exécute avec une très grande régularité tous nos exercices.
L'arthropathie du genou gauche n'a pas été modifiée par le traite-
ment. L'anesthésie tactile des jambes s'est un peu améliorée. Elle
existe cependant toujours aux plantes des pieds. Il y a une légère
amélioration dans la sensibilité musculo-articulaire de la jambe
droite. Ainsi dans l'articulation du genou et dans l'articulation coxo-
fémorale le malade apprécie assez bien les mouvements qu'on im-
prime dans ces articulations, pourvu que ces mouvements soient
d'une grande amplitude. Dans l'articulation du pied droit et dans
toutes les articulations de la jambe gauche le malade sent qu'on
imprime des mouvements à ses articulations, mais il ne sait pas
quels sont ces mouvements et il se ,trompe continuellement. Le
signe de Romberg a notablement diminué. Appuyésur sacanne, le
malade peut rester debout les yeux fermés, il peut même pendant
ce temps fléchir les genoux. Les autres symptômes tabétiques sont
restés sans modification.
D'après les nouvelles que nous avons du malade, l'arthropa-
thie du genou gauche a beaucoup augmenté et rend la marche
très difficile.
Observation VIII. Tabes dorsalis. Développement rapide de l'in-
coordination motrice. Amélioration notable après quarante séances
de traitement.
M. M... âgé de quarante ans, négociant. Son père était goutteux,
il est mort à l'âge de soixante-six ans d'une attaque apoplectique.
La mère du malade est bien portante, mais très nerveuse. Le
grand-père paternel est mort aliéné. Dans la famille maternelle, il
y a également de l'aliénation mentale. Le malade a deux frères qui
sont bien portants.
Antécédents personnels. - Le malade était toujours maigre et
350 CLINIQUE NERVEUSE.
d'une santé délicate, mais il n'a jamais fait de maladie grave. Il
s'est beaucoup surmené dans sa vie. et pour ses affaires il devait
beaucoup marcher. Il n'a jamais fait d'excès de boissons ni véné-
riens. It n'a pas eu de syphilis. Marié depuis douze ans. Sa femme
a eu une fausse-couche de trois mois. Il a trois enfants, dont l'aîné
est atteint de crises nocturnes d'hystéro-épilepsie.
Début de la maladie. En 1887 douleurs fulgurantes aux pieds,
principalement aux orteils. Mais déjà quelques mois auparavant le
malade souffrait de temps en temps de douleurs dans le rectum,
après les selles, après avoir uriné et parfois après le coït. En 1890
sensation de ceinture. En septembre 1891, le malade tombe de
bicyclette et se fracture le péroné de la jambe droite avec luxation
du pied. A la suite de cet accident il reste couché pendant six
semaines. Pendant toute cette période crises de douleurs fulgu-
rantes atroces à l'endroit de la fracture. Au mois de mars 1893 le
malade sent de la gêne en marchant. La jambe gauche restait en
arrière. A cette époque le signe de Romberg existait déjà, puisque le
malade tombait en se lavant la figure pendant la toilette. L'incoor-
dination motrice dans les jambes se développe très rapidement.
Vers la fin de l'année 1892 le malade ne pouvait plus marcher seul
sans s'appuyer sur le bras de quelqu'un. Depuis six mois il ne peut
plus du tout marcher seul, même dans son appartement. Depuis
dix-huit mois de temps en temps incontinence nocturne des urines.
Le jour des envies fréquentes et des fausses envies d'uriner. Consti-
pation opiniâtre depuis le début de la maladie. Depuis septembre
1893 chute de la paupière gauche. Depuis la même époque impossi-
I)ilité des rapports sexuels, parsuite d'une anesthésie tactile de la
verge. Le malade a des érections normales, mais il ne sent pas le
contact de la femme.
Etat actuel (12 mai 1895). Le malade est de grande taille,
maigre, la coloration de la peau est d'un pâle verdâtre. Le malade
s'occupe activement de ses affaires. Son intelligence etsa mémoire
n'ont pas souffert. Il dort et mange bien.
La paupière gauche recouvre plus que la moitié du globe oculaire.
Le malade peut parun effort de volonté corriger ce léger degré de
ptosis. 11 n'y a pas de diplopie, ni de strabisme. Le malade distingue
bien les couleurs. Les pupilles sont égales des deux côtés, moyenne-
ment dilatées et réagissent, quoique lentement, à la lumière. Elles
réagissent bien à l'accommodation. Rienànoter ducôtédel'ouie, du
goût de l'odorat, des dents et de la langue.
Extrémités supérieures. -Tous les modes de la sensibilité cutanée
sont intacts.
La sensibilité profonde (articulaire) est troublée aux articulations
des doigts des deux mains, mais surtout à la main gauche. Le ma-
lade n'a aucune notion des mouvements qu'on imprime aux doigts
dans les deux dernières articulations (phalangette sur phalangine,
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 357
phalangine sur phalange). La sensibilité dans l'articulation méta-
carpo-phalangienne est normale, ainsi que dans les autres articu-
lations des membres supérieurs.
Aucun trouble d'incoordination motrice dans tous les mouve-
ments des mains et des bras. L'écriture du malade n'est pas
changée.
Extrémités inférieures. Sensibilité. - Anesthésie tactile sur toute
la jambe droite jusqu'au pli inguinal; le toucher est normal sur le
dos du pied gauche, sur une plaque grande comme la main au
mollet et sur la surface antérieure de la cuisse. Sur le reste de la
jambe gauche anesthésie tactile.
Anesthésie tactile sur toute la surface de la verge et du scrotum.
La piqûre d'épingle est peiçue avec un certain retard surtout à la
plante et sur le dos des pieds. Ce retard est moins prononcé sur
les jambes jusqu'aux genoux. Un peu d'hypoesthésie à la piqûre, sans
retard de la perception, aux deux cuisses. Le froid et le chaud sont
bien sentis.
Phénomène plantaire. La friction rapide avec l'ongle le long
de la plante du pied produit une sensation de douleur très vive. Ce
phénomène se produit avec un certain retard et persiste pendant
quelques secondes.
Les jambes sont maigres, mais la force musculaire est bien con-
servée. Rien d'anormal aux articulations. Quand le malade est
couché, le pied gauche prend la position de varo-équin par suite
d'un relâchement des muscles antéro-externes delà jambe. Par un
effort de volonlé le malade parvient à corriger cette position.
vicieuse du pied, mais aussitôt que l'attention du malade n'est pas
dirigée de ce côté, le pied retombe.
La sensibilité profonde (articulaire, musculaire) est profondément
troublée aux deux jambes. Si on lui croise les jambes, le malade,
ayant les yeux fermés, ne sait pas quelle jambe est dessus, laquelle
dessous. Il n'a aucune notion sur la position qu'on imprime à ses
articulations, et il ne sait pas apprécier le degré de contraction
des muscles des jambes (les yeux fermés naturellement). Tous les
mouvements des jambes au lit, même les plus simples, sont très
irréguliers et avec beaucoup d'écart.
1 Assis. Le malade étant assis, les genoux sont rejetés au
dehors, les cuisses en abduction, le pied gauche renversé. Pour se
lever de son siège le malade se cramponne avec les mains sur les
bords du fauteuil, ses genoux vacillent à gauche et à droite et il
redresse brusquement les genoux. Pour s'asseoir il ne fléchit pas
les genoux, mais se laisse tomber les jambes raides. Les pieds
volent en l'air quand il tombe dans le fauteuil. ·
Debout. Le malade ne peut pas rester debout seul. Il faut le
soutenir. Le pied gauche reste tordu et ne touche le sol qu'avec le
bord externe. Les deux pieds sont continuellement agités de mou-'
358 CLINIQUE NERVEUSE.
vements. De temps en temps la pointe du pied se relève et le ma-
lade pivote sur les talons. Quand on invite le malade de fléchir les
genoux, il les fléchit alternativement l'un après l'autre. Le signe
de Romberg est très prononcé.
Locomotion. En marchant le malade surveille attentivement
ses pieds, aussitôt qu'il lève les yeux, le pied gauche se renverse et
le malade tombe. Il n'a pas la démarche caractéristique des tabé-
tiques. Il ne frappe pas du talon le sol. Il a au contraire l'air de
toucher à peine le sol. Le malade met avec précaution le pied en
avant en laissant le corps en arrière. Il a l'air de marcher sur de
la glace. Pendant la marche les genoux fléchissent brusquement,
◀tantôt▶ une jambe refuse de suivre, et le malade reste comme collé
sur place. Sans être soutenu le malade n'ose pas faire un pas.
Même soutenu il ne peut monter, ni descendre un escalier. On est
obligé de le porter.
Les réflexes rotulien, plantaire et crémastérien sont complète-
ment abolis.
Les organes thoraciques et abdominaux ne présentent aucune
anomalie. Constipation. Légère incontinence des urines le jour et
surtout la nuit. Le malade mouille souvent sa chemise.
Commencement du traitement le 12 mai 189b. Le malade n'a pu
suivre notre traitement que pendant quarante jours. Néanmoins
et malgré l'intensité de son incoordination motrice, il a été consi-
dérablement amélioré. Voici quel était l'état du malade avant son
départ. Il exécute assez bien tous les mouvements au lit. Au lit le
pied gauche ne se renverse plus.
Le malade s'assoit et se lève, sans canne, sans qu'on le sou-
tienne et sans qu'il ait besoin de regarder ses pieds. Le malade
marche assez convenablement à l'aide d'une canne dans la rue. On
n'a pas besoin de le soutenir. Il peut ainsi parcourir quinze cents
mètres. En marchant avec une canne, il n'a pas besoin de regarder
ses pieds. Dans l'appartement et dans le jardin il peut faire une
centaine de pas sans canne. 11 peut rester debout les pieds joints.
Il peut se tenir pendant quelques secondes sur une jambe. Enfin il
exécute assez bien tous les exercices. Le malade monte et descend
des escaliers en se tenant à la rampe, même les escaliers sans tapis
et cirés. En s'appuyant sur sa canne, il peut rester debout les
yeux fermés. Le ptosis est presque imperceptible.
On constate à l'examen une légère amélioration de la sensibilité
musculo-articulaire. Si on lui croise les jambes, il reconnaît main-
tenant quelle jambe est dessus, laquelle est dessous. Le malade
ayant les yeux fermés, reconnaît la position qu'on donne à son
articulation coxo-fémorale et à l'articulation du genou, si les mou-
vements imprimés aux articulations ont une grande amplitude.
L'articulation tibio-tarsienne est aussi anesthésique qu'au début du
traitement. L'amélioration de la sensibilité profonde est à peu près
TRAITEMENT DE l'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 359
égale à gauche et à droite. Depuis quelque temps la malade n'a
plus d'incontinence nocturne des urines, il n'a plus non plus
mouillé sa chemise le jour.
Les autres symptômes du tabes sont restés sans modifications.
15 mai 1896. D'après les nouvelles que nous recevons du
malade qui habite la province, l'état du malade va toujours en
s'améliorant. Il marche de mieux en mieux. Le malade continue les
exercices tous les jours.
Observation IX. Tabès dorsalis. Développement très lent de
l'incoordination motrice. Amélioration considérable de l'ataxie loco-
motrice après six semaines de traitement.
M. M..., âgé de cinquante-deux ans, fonctionnaire. Le grand-
père paternel est mort de paralysie générale. Pas d'autre hérédité
neuro ou psychopathique.
Antécédents personnels. - N'a jamais fait de maladie grave. Pen-
dant une dizaine d'années, excès alcooliques. Excès vénériens dans
la jeunesse. N'a pas eu de syphilis. Marié à l'âge de trente ans. Un
an après le mariage,' sa femme fit une fausse couche. Elle a eu
depuis trois enfants, dont le plus jeune est mort d'une méningite à
l'âge de cinq ans.
Début du tabes.- En 1882, le malade sentait ses jambes lourdes,
il lui semblait qu'il marchait sur du coton. Il n'était pas très ferme
sur ses jambes. A cette époque sensation de ceinture serrée et dou-
leurs fulgurantes dans les intestins. En même temps : affaiblisse-
ment de la puissance génésique et incontinence des urines. Signe
de Romberg dès le début. En 1885, douleurs fulgurantes dans les
pieds, les jambes et dans les trois derniers doigts de la main
gauche. En 1891, à la suite de quatre séances de suspension, amé-
lioration des symptômes vésicaux et des douleurs intestinales.
Jusqu'en 1893 le malade marchait et sortait seul. Il pouvait
ainsi faire encore plusieurs kilomètres. Cependant ses genoux Ilé-
cliissaieut souvent et il tombait fréquemment. Au mois de
juin 1893 le malade se fait une entorse légère au pied gauche, qui
le retient au lit pendant une dizaine de jours. A partir de ce
moment le malade n'ose plus sortir seul. Il se fait accompagner et
s'appuie au bras de la personne qui l'accompagne. Dès le début
de la maladie, c'était toujours la jambe gauche qui était la plus
mauvaise, elle lui obéissait toujours moins que la droite.
Etat actuel (5 juillet 1895. Le malade est de grande taille,
robuste. L'état général est excellent. Le malade dort et mange
bien. Très intelligent et d'humeur calme égale. Rien de particulier
dans la conformation de la tête, aucune asymétrie au crâne, ni à
la face; aucun stigmate physique de dégénérescence.
Yeux. - Pas de blépharoptose, ni de strabisme. Pas de diplopie.
360 CLINIQUE NERVEUSE. y
Les pupilles sont moyennement dilatées et égales des deux côtés.
Elles réagissent lentementà lalumière, mais très bien à l'accommo-
dation. Le malade a la vue bonne et distingue très bien les cou-
leurs. L'ouïe, le goût, l'odorat, la langue, les dents ne présentent
rien de pathologique. -
- E4xt ? -éniités supérieures. La sensibilité tactile, thermique et à
la douleur eat normale des deux côtés. La sensibilité profonde arti-
culaire et musculaire est normale dans le bras et dans la main
droite.
Main gauche. - Le malade ayant les yeux fermés ne sent pas
les positions qu'on donne aux doigts de cette main dans toutes les
articulations des doigts, ni les mouvements qu'on imprime à la
main sur l'avant-bras. Les moindres mouvements dans l'articu-
lation cubitale et scapulo-humorale du même côté sont parfai-
tement sentis. Il y a un certain degré d'incoordination dans les
mouvements de la main gauche. De temps en temps la malade a
des douleurs fulgurantes daus les trois derniers doigts de la main
gauche.
Extrémités inférieures. Sensibilité. Le toucher est normal
sur toute la surface des jambes, excepté à la plante des pieds, où
le malade sent un peu moins nettement. Il y a un certain retard
dans la perception de la douleur, surtout à la plante des pieds, où
ce retard est de quatre à cinq secondes. A mesure qu'on monte le
long des jambes ce retard diminue. Il disparaît à la hauteur des
genoux. Le malade n'a pas de thermo-anesthésie.
Phénomène plantaire. Le passage rapide de l'ongle le long de
la plante des pieds provoque une vive douleur (une cuisson), qui
persiste pendant plus d'une minute. Le malade croit que je l'ai
brûlé avec un thermocautère.
' La sensibilité profonde (musculaire articulaire) est très peu trou-
blée ; excepté à l'articulation des pieds, où le malade ne senl pas
les mouvements qu'on leur fait prendre. Aux genoux le malade
sentie moindre mouvement. Aux hanches le malade ne sent que
les mouvements à grande amplitude. Les petits écarts sont mal
appréciés, surtout les mouvements d'adduction et d'abduction de
la cuisse. Ces troubles sont à peu près égaux à gauche et à droite.
Les muscles sont bien conservés et la force musculaire est consi-
dérable. Rien d'anormal aux articulations.
Incoordinaton.- Couché. Quand le malade lève la jambe
droite d'une seule pièce, il se produit un mouvement de rotation
en dehors dans l'articulation coxo-fémorale, la pointe du pied est
dirigée en dehors. Ce phénomène est plus prononcé dans la jambe
gauche, puisqu'elle est violemment entraînée en dehors. Si le ma-
lade fait des abductions et adductions avec la cuisse, le genou étant
fléchi, il se produit des mouvements d'oscillation du genou à
gauche et à droite que le malade ne peut pas empêcher. En même
TRAITEMENT DE L'ATAXIE DANS LE TABES DORSALIS. 361
temps, on constate que les muscles du mollet sont agités par des
contractions fibrillaires. Etant couché la tête basse, si le malade
essaie de s'asseoir sans s'appuyer de ses mains les jambes se sou-
lèvent, surtout la gauche.
Debout. Le malade ne peut pas rester debout les pieds joints.
Les jambes et les pieds sont agités de mouvements. Le pied gauche
tourne, malgré le malade, sur le talon et se place la pointe en
dehors. Les pieds se soulèvent sur les talons et le malade tombe en
arrière. Si le malade essaie de fléchir le corps en avant les
genoux fléchissent brusquement. C'est le genou gauche qui fléchit
le premier. Le malade s'assoit lourdement et se lève difficilement.
Le signe de Romberg est très prononcé.
Locomotion. Le malade peut marcher seul sans canne. La dé-
marche est franchement ataxique. Il talonne fortement. Le pied
gauche est placé avec le talon en dedans, la pointe dirigée en
dehors. Dans la rue, pour monter ou descendre un escalier, le ma-
lade prend le bras de la personne qui l'accompagne et s'appuie sur
une canne. Les réflexes rotuliens, plantaires et crémastériens sont
totalement abolis. ,
Le malade est constipé. Le jour il est forcé d'uriner souvent. La
nuit il a parfois de l'incontinence d'urine.
Aux organes internes rien de pathologique.
Commencement du t ? -aiteineizl le 5 juillet 1805. - Après six
semaines de traitement amélioration considérable de l'incoordi-
nation motrice. Le malade peut maintenant marcher seul pendant
plus d'une heure et demie, sans ressentir trop de fatigue après. La
démarche a complètement changé de caractère. Il ne frappe plus
le sol avec les talons. Il s'applique à marcher sur la partie anté-
rieure de la plante du pied. Il n'éprouve plus aucune difficulté
pour se lever et s'asseoir. Le .malade trouve que son corps est
devenu plus léger. Il monte sans difficulté les escaliers. Enfin il fait
tous les exercices avec beaucoup de régularité. Seul le signe de
Romberg n'est pas modifié.
La sensibilité profonde des articulations des pieds est toujours
aussi troublée qu'au début du traitement. L'incontinence vésicale
a été également favorablement influencée par le traitement. Le
jour le malade reste trois, quatre heures sans uriner. Depuis long-
temps il n'a plus eu d'incontinence la nuit.
ASILES D'ALIÉNÉS.
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YÛRK1
RAPPORT DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE POUR L'EXERCICE
fiscal 1894. (Imprimé en août 1895.)
(Analysé par le D DA121N.)
Deuxième partie. SYSTÈME DES asiles DE comtés (New-York, 4,
et Kings, 2).
La commission insiste sur l'urgente nécessité de rattacher ces
asiles (comme l'ont été ceux des 58 autres comtés de l'Etat de
New-York) au système gouvernemental. Si ce transfert n'est pas
possible, il faudrait au moins les soumettre à un conseil spécial,
pour les détacher du service de Charité et de correction.
La commission d'Etat exerce son contrôle sur tous les systèmes.
La municipalité a l'administration de ses asiles : deux médecins
directeurs généraux gouvernent l'un les quatre asiles de New-York,
l'autre les deux asiles de Kings Couuty.
Dans le courant de l'année 1891, le New-York Herald ayant
accusé l'administration de fautes graves, le maire de New-York
prescrivit une enquête dont, au termes de la loi devait être chargée P,
la commission d'Etat présidée par le D1' nlac-Donald ; L'attorney
général y assiste de droit. Le bureau des Charités et des corrections
s'y fit leprésenter par son président et d'autres membres. Enfin, le
New-York Herald y envoya également un délégué. Dans ces con-
ditions, l'enquête ne pouvait manquer d'être sérieuse.
Près de 100 témoins déposèrent sous serment et tous les docu-
ments réunis forment un ensemble de 5,730 pages.
Nous croyons devoir résumer les résultats de cette enquête, ce
qui nous dispensera de donner les réponses aux soixante questions
posées aux directeurs généraux des asiles, comme elles l'avaient
été aux directeurs des hôpitaux d'Etat, avec certaines modifica-
tions imposées par la différence des systèmes.
1 Voir Archives de Neurologie, n° 10.
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 363
Les accusations formulées par le New-York Herald se groupent
sous 16 chefs principaux : ,
1. On reproche à la commission de Charités et de Corrections
de négliger ses devoirs et responsabilités, d'avoir commis des in-
fractions aux lois de l'Etat, d'avoir fait des virements de fonds,
etc. L'enquête a établi, en effet, que cette commission négligeait
les visites et les inspections des asiles. La loi a voulu que l'admi-
nistration des asiles d'aliénés fût absolument distincte de celle
des établissements de correction ; on ne s'y est pas conformé.
2. On reproche au corps médical son incompétence, son insuf-
fisance et la négligence de ses devoirs. L'enquête le justifie abso-
lument. Le directeur général et les deux médecins en chef sont
signalés, en particulier, pour leurs mérites considérables et les
autres médecins sont généralement dignes d'éloges. La façon dont
ils s'acquittent de leurs fonctions est d'autant plus méritoire que
leurs appointements avec les accessoires (logement, ameublement,
nourriture etc.) ne répondent pas à la somme de devoirs et de
responsabilités qui leur incombent. Il
Indiquons, à ce propos, les traitements du personnel médical
pour les établissements de New-York, ceux des médecins des asiles
de Kings étant un peu inférieurs.
364 asiles d'aliénés.
qu'un pour 16 malades, la proportion étant de 1 pour 7 dans les
hôpitaux de l'Etat. Ils se plaignent de leurs salaires et de la nour-
rilure, et les infirmières viennent même de signer une pétition à
ce sujet. L'enquête insiste sur l'ensemble des qualités qu'exige un
bon infirmier. -
- -'4. La nourriture des malades est insuffisante en quantité, qua-
lité et variété, mal préparée et mal servie. C'est exact d'une
manière générale. On a soumis le régime réglementaire à l'exa-
men du professeur Flint, qui l'a reconnu suffisant, mais il n'a pu
naturellement se prononcer sur la qualité et la préparation des
aliments, ni sur l'exécution du programme. Quant au régime des
malades, il l'a jugé insulfisant comme variété. L'enquête a ap-
pris qu'on achetait bon nomhre d'articles à une maison qui fournit
aux établissements de charité et de correction, et que leur qualité
ne répond pas aux besoins des aliénés.
5. Le vêtement, le coucher et l'ameublement pour les malades
est insuffisant en quantité et de qualité inférieure. Reconnu
exact. En particulier, une'grande proportion des lits consistent eu
paillasses communes ; toutefois, on tend à leur substituer des cou-
chettes en fer et des matelas de crin.
6. On ne donnerait pas les stimulants alcooliques nécessaires au
traitement des malades. - Accusation légère qui tient probable-
ment à ce que le médecin en chef seul a le droit de prescrire ce
genre de stimulants et qu'il y a eu deux ou trois fois du retard dans
leur administration.
7. L'organisation des bains est insuffisante et on ne les donne
pas convenablement.
C'est vrai pour l'établissement qu'on vient d'acquérir à Ward'
Island ; mais, en général, l'organisation et l'administration des
bains, sont suffisantes. Toutefois l'enquête a appris que dans le
quartier des hommes, on avait parfois baigné plusieurs malades
dans la même eau.
8. Les instruments et appareils médicaux seraient fort insuffi-
sants. - L'arsenal, tout varié qu'il soit, est loin en effet d'être
aussi complet qu'il devrait l'être. Cependant, le Dr Dent, médecin
en chef, a déclaré qu'il n'avait jamais eu la moindre difficulté à
obtenir les instruments que pouvait nécessiter telle ou telle opé-
ration particulière.
9. Le scorbut régnerait dans les asiles, par suite de l'insuffisance
du régime. La vérité est qu'on voit, de temps en temps, des cas
sporadiques, chez des sujets dont les facultés digestives sont alté-
rées au point d'entraver l'assimilation d'aliments suffisants comme
quantité et variété ou chez ceux qui refusent de se nourrir. Chaque
fois que ces cas se sont présentés (comme cela arrive dans les
grands asiles) on les a promptement traités par une médication
appropriée et un changement de régime.
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 36S
10. On a signalé la mort d'un malade par des doses exagérées
de drogues puissantes. En effet. une femme recevait de temps
en temps, jusqu'à 7 gr. 20 de morphine à la fois ; 0 gr. 60 d'hyos-
cyamine ; 5 gr. 5 de chloral. Le médecin qui a prescrit ces doses
dit que la malade avait une tolérance remarquable pour ces dro-
gues, etc. La commission ne peut admettre ces raisons et blâme
absolument ces doses excessives, bien que la mort n'ait probable-
ment pas été due à leurs effets immédiats.
11. On n'isolerait pas convenablement les sujets atteints de
maladies infectieuses, négligence qui aurait entraîné au moins un
cas de mort. -En effet, on n'a pas toujours, faute de place, isolé
des sujets atteints de phtisie pulmonaire. Le cas de mort se rap-
porte à une femme accouchée dans une salle où il y avait des éry-
sipèles. On en fait remonter la responsabilité à la doctoresse char-
gée de l'accouchement. Dans un autre cas, la victime aurait été
infectée avant son admission.
12. On aurait fait faire à des malades femmes des travaux exces-
sifs et peu compatibles avec leur sexe. Dans un asile, on a, il
est vrai, fait blanchir des murs à la chaux par certaines femmes
fortes et vigoureuses. Mais, la commission n'a pas retrouvé sur
leurs mains les lésions que l'accusation signalait comme des effets
corrosifs de la chaux. On a d'ailleurs renoncé à cette pratique.
On a prétendu aussi que certaines femmes avaient eu de l'hygroma
des genoux après le frottement des parquets. Mais l'hygroma se
produit souvent sans cause apparente, et le travail en question
n'excède pas les forces de la femme, à la condition d'être modéré.
13. On a dû abandonner un asile délabré pour transférer les
malades dans un autre avant que celui-ci fût complètement amé-
nagé, d'où beaucoup d'incommodités et de fatigues imposées aux
pensionnaires et au personnel. Le fait est vrai, mais tout est
rentré dans l'ordre aujourd'hui.
14. Il y aurait eu des internements illégaux et des détentions
prolongées indûment après la guérison des malades.
La commission n'a pu découvrir aucun fait justifiant ces accusa-
tions.
15. Les asiles ne présenteraient pas des facilités suffisantes pour
la distraction et l'occupation des malades. C'est exact pour cer-
tains asiles qui restent, sous ce rapport, fort au-dessous des
moyens dont disposent les hôpitaux de l'Etat.
16. Les asiles seraient beaucoup trop encombrés. - En effet, le
directeur général reconnaît que les asiles renferment actuelle-
ment 2,500 malades de plus qu'ils n'en peuvent contenir. Les lits
se touchent dans les dortoirs, etc., etc. Les bâtiments sont défec-
tueux. Dès 1891, la législature avait autorisé la ville de New-York
à contracter un emprunt de 2 millions et demi pour faire de nou-
velles constructions et réparer les anciennes; on a commencé les
366 ASILES d'aliénés.
travaux et il faut espérer que l'on remédiera bientôt aux vices
signalés et qui ne sont que trop réels.
17. La commission ne s'est pas tenue à l'examen des points
saillants des accusations du Herald; elle a voulu étudier tous les
détails de l'administration et elle est convaincue que les défauts
relevés tiennent au système lui-même et qu'on n'y remédiera
qu'en rattachant les asiles municipaux aux hôpitaux d'Etat.
Le budget de l'assistance des aliénés est alimenté par une taxe
spéciale. Or, la ville de New-York contribue aux dépenses de tous
les aliénés de l'Etat et sa part se monte à environ 45 p. 100 du
total, c'est-à-dire à 3 millions par an, en chiffres ronds; mais il
faut qu'elle paie en outre pour ses propres aliénés. C'est donc une
double taxation '. Mais elle a le droit de confier à l'Etat le soin
et l'entretien de ses fous; ce qui serait tout à la fois une économie
pour les contribuables et un bienfait pour les aliénés. Et pourquoi
refuser à ceux-ci de meilleurs soins et plus de chances de guérison ?
Beaucoup d'entre eux raisonnent et jugent sainement en dehors
de leurs aberrations mentales, et ne sont pas insensibles aux bons
et aux mauvais traitements. En outre, ils sont victimes d'une
maladie qui, à l'inverse des autres, exige en règle générale la pri-
vation de la liberté comme nécessaire à la guérison. C'est là ce
qui- autorise l'Etat à édicter pour eux des mesures spéciales. Les
aliénés sont particulièrement les pupilles de l'Etat et ils sont à
son égard dans une relation semblable à celle des enfants envers
leurs parents, c'est là un principe admis par toutes les nations
civilisées. Les caractériser comme des pauvres, simplement parce
qu'ils reçoivent l'assistance publique, et se borner à leur accorder
les soins qu'on donne ordinairement aux indigents, serait d'une
injustice flagrante. Il ne faut pas oublier que beaucoup d'entre
eux ont été des contribuables jusqu'au début de leur maladie. Le
terme de pauvre ne peut donc convenir qu'à un petit nombre de
ces malheureux. Beaucoup s'ils avaient une autre affection, seraient
soignés chez eux ou par leurs proches. Ils représentent toutes les
couches sociales, etc., etc.
C'est un fait bien connu que l'Etat est toujours plus large et
1 L'entretien de ses propres aliénés a coûté (en 1893-94) à New-York
4,500,000 francs. Outre les 3 millions représentant sa part dans les dépenses
des aliénés de l'État, elle a payé 45 p. J00 des constructions nouvelles,
réparations, etc. Soit 2,250,000 francs. Puis ses propres constructions
1,500,000. Total 11,400,000 francs. le calcul montre que le rattachement
des Asiles à. l'État économiserait à la ville 3,300,000 francs par an.
La loi a autorisé la ville de New-York à soigner elle-même ses aliénés,
parce que la ville a construit des asiles spéciaux au lieu de maintenir
les fous dans les dépôts de mendicité, comme cela avait lieu dans les
autres comtés de l'État, avant la promulgation de la loi sur l'assistance
des aliénés.
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS l'ÉTAT DE NE1V-YURIC. 367 î
plus libéral, en matière d'assistance, que ne le. sont les autorités
locales. En d'autres terme», l'expérience a montré partout que
plus les rapports sont intimes entre le pouvoir créditeur et la loca-
lité où doivent se dépenser les crédits ouverts pour les besoins
d'assistance, plus le pouvoir est parcimonieux. Et, de fait, les
aliénés ont toujours souffert de l'administration locale. La commis-
sion émet donc le voeu que les asiles de comtés soient rattachés le
plus tôt possible au système des hôpitaux d'Etat.
Troisième partie. - Etablissements privés S
Ces établissements doivent, comme chez nous, être autorisés par
le gouvernement et sont placés sous la surveillance de la commis-
sion d'Etat, qui impose aussi un questionnaire auquel doivent
répondre tous les directeurs successivement. Le rapport de cette
année signale le danger des maisons consacrées au traitement des
maladies nerveuses qui échappent à la surveillance de la commis-
sion et qui devraient être également soumises à l'autorisation gou-
vernementale. Il y a, dans l'état de New-York, 18 établissements
privés d'aliénés, pouvant recevoir depuis 12 malades jusqu'à 375,
volontaires ou d'office. La population journalière moyenne a été
de 863 dont 142 guéris (10,45 p. 100) et 95 morts (11,01 p. 100).
La commission classe, sous le nom d'ineb ? ,itiles (enivrés) les alcoo-
liques, les morphinomanes, etc. L'établissement pouvant contenir
375 pensionnaires a eu, dans l'année, 12 hommes et 2 femmes ine-
brialcs, devenus fous, dont 9 sortis guéris et 5 améliorés.
Dans les 17 autres, il y a eu 14 inebriates, non aliénés, et sortis
plus ou moins améliorés.
Tous ces établissements réunis n'ont reçu, dans l'année, que
3 fous congédiés comme guéris l'année précédente. Ils comptent
36 médecins (soit 1 par 24 malades). Quelques-uns sont proprié-
taires et ont des médecins adjoints ou des consultants. La plupart
résident dans l'établissement ou ses dépendances.
Ces maisons rivalisent de zèle pour les soins et le traitement des
malades, électricité, hydrothérapie perfectionnée. - Jeux variés,
musique, théâtre, danses, promenades, etc., etc. ' ' *
Elles utilisent, en général, les draps de protection et la camisole
comme moyens de contrainte mécaniques qui, dans certains cas,
« sont aussi nécessaires que les attelles ou les appareils inamovibles
pour les fractures ».
Jamais les sédatifs, narcotiques, etc., ne sont prescrits comme
substituts de ces moyen de contrainte.
Pour les exercices et les promenades à l'air libre, on n'a point,
dans ces établissements, de petits espaces clos, qui peuvent avoir
leur utilité dans les grands asiles publics, à la condition d'être
gazonnés et ombragés.
368 ASILES d'aliénés.
En moyenne, il y a 1 gardien ou infirmier pour 3 malades. La
surveillance de nuit s'exerce à tour rôle.
En général on n'emploie pas de femmes dans les quartiers
d'hommes; cependant, dans un établissement, il y a une soeur de
charité dans chaque salle et des femmes dans les réfectoires. La
plupart des rapports ne sont pas favorables à la substitution des
femmes aux infirmiers. Les autres reconnaissent ses avantages
dans certains cas.
Les salaires des employés varient beaucoup suivant les maisons.
Les hommes reçoivent depuis 70 francs jusqu'à 150 francs par
mois; les femmes ne dépassent guère 100 francs. Cependant les
infirmiers qui ont suivi des cours spéciaux, peuvent gagner jusqu'à
300 francs. Le nombre en est d'ailleurs fort limité et leur recrute-
ment, dit un rapport, est fort difficile à New-York. Sur 280 em-
ployés environ, il y a eu beaucoup de renvois et de démissions
pendant l'année : métier pénible et pas très bien rémunéré.
Les malades des deux sexes n'ont généralement pas de réfec-
toires communs. On n'approuve pas cette communauté. Cependant
dans les petits établissements, on les réunit parfois à la table de
famille.
Prix de la pension par semaine. Le minimum varie générale-
ment de 50 francs à 375 francs par semaine. Le plus grand établis-
sement a 6 p. 100 de malades gratuits. Par contre, son prix maxi-
mum est de 750 francs par semaine, voilà ses deux extrêmes. La
maison estime ses frais à 50 francs par tête. Elle perd sur environ
la moitié de ses pensionnaires. L'ensemble des 18 établissements
a reçu, dans l'année, 70 malades volontaires, 43 hommes, 27
femmes.
Cinquième partie. Documents statistiques
Ils sont très nombreux et occupent près du tiers du rapport.
Nous n'en extrairons que les plus généraux.
ASSISTANCE DUS ALIÉNES DANS L'ETAT DE NE'Y-YORK. : 169
3ïO
ASILES D ALIENES.
Les recettes pour l'année fiscale 1894. (Impôts, pensionnaires,
payants, etc.)
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 371
372 ASILES D'ALIÉNÉS.
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 373
374 asiles d'aliénés.
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS L'ÉTAT DE NEW-YORK. 375
376 asiles d'aliénés.
Durée de l'internement
des malades restant
Durée alléguée de la folie antérieurement en traitement il la fin
il l'admission îles malades reçus pendant de l'année fiscale 1894
l'année 18lHe (dans les hôpitaux d'Etal). (30 septembre).
ASSISTANCE DES ALIÉNÉS DANS l'ÉTAT DE NEW-YORK. 377
Lieux de naissance.
Sur les 4,001 malades admis en t80t, 2,320 étaient nés aux États-Unis.
Le reste est de toutes nationalités, mais surtout du Canada, 107 ; de
l'Angleterre, 117 ; de l'Allemagne, 422 ; de l'lrlaude, 633 ; de la France, 22.
Traitements et salaires du personnel des quatre asiles de New-York.
(BUDGET DE 1895.)
378 ASILES d'aliénés.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XIV. Des GUÉRISONS tardives; par le De Cuatelin.
Les deux observations citées tout au long par l'auteur montrent
qu'il ne faut jamais se hâter de donner un certificat d'incurabilité.
Il s'agit de deux malades qui, après un séjour de huit années à l'asile,
furent rendus à leur famille sans que leur état mental se fût beau-
coup modifié. L'auteur eut l'occasion de les voir quelques années
plus lard, et fut surpris de les trouver guéris.
L'histoire de ces deux malades montre bien qu'il faut se garder
d'oublier dans les asiles les aliénés, même les plus incurables en
apparence, de les condamner, en quelque sorte, à l'internement
perpétuel. Lorsque, malgré tous les efforts du médecin, un cas
devient décidément chronique, c'est souvent un devoir, si l'état du
malade permet de le faire sans danger pour lui-même ou pour
autrui, de tenter un essai de sortie lorsque les circonstances per-
sonnelles s'y prêtent.
La guérison restera toujours une très rare exception, mais beau-
coup se trouveront fort bien de ce retour à la vie de famille. Il est
certain qu'un grand nombre de ces chroniques et de ces incurables
tranquilles qui encombrent les asiles pourraient avec beaucoup
d'avantage être gardés à domicile, ou placés en pension chez des
étrangers, ou enfin colonisés.
Dans l'asile, ils glissaient plus ou moins fatalement sur la pente
qui conduit à la démence; dehors, ils ont bien plus de chances d'y
échapper. {Annales médico-psychologiques. Juin 1896.) E. B.
XV. Revue critique suit la PSYCHOSE POLYNEVIUTIQUE ;
par le D1' G.-C. Ferrari.
L'auteur remarque d'abord que le premier mémoire de Korsa-
off (1887), travail qui n'a jamais été traduit du russe, avait pour
titre : Un trouble de l'activité psychique dans la paralysie alcoolique
et ses relations avec les troubles analogues dans la névrite multiple
non alcoolique; que le deuxième mémoire (1890), aussi en russe,
avait pour titre : Quelques cas d'une cérébropalhie spéciale dans la
380 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
névrite multiple; et que ce n'est qu'en écrivant en allemand,
quelque temps après, qu'il inventa le nom de « psychose polyné-
vritique », bientôt remplacé par celui de « cérébropathie psychique
toxhoemique ».
En outre, avant 1887, d'autres auteurs : Joffroy )i882), Fischer
(1882), Strümpell (1883), Bernhardt (1886), Oppenheim, la même
année, avaient signalé la présence de troubles mentaux chez les
alcooliques et, de plus, loin d'admettre leur relation avec la polyné-
vrite, ils avaient attribué leur origine à l'altération des centres
nerveux.
Ensuite Korsakoff avait décrit trois formes, d'ailleurs ordinaire-
ment coexistantes et peu distinctes entre elles :
La première, diminution de l'irritabilité de la sphère psychique;
la deuxième, confusion et illusions sur l'espace, le lieu et la
situation ; -- la troisième, amnésie aiguë des événements récents
surtout, tandis que les faits anciens peuvent rester tout à fait
vivaces.
En un mot, la maladie de Korsakoff, consiste principalement, au
point de vue mental, en une amnésie. Mais cette amnésie ne se
rencontre pas uniquement dans des cas de polynévrite. En ell'et
on la trouve dans :
1° Cas de névrite multiple due à l'alcoolisme;
Cas de névrite multiple due à d'autres causes;
3° Cas d'alcoolisme sans névrite.
4° Cas dans lesquels les facteurs étiologiques d'une névrite
existent sans que la névrite se soit produite.
5° Après une psychose aiguë, ainsi que le prouve une observa-
tion du Dr Neisser (1889).
De plus, non seulement cette amnésie peut rencontrer une étio-
logie autre que la polynévrite, mais encore, de par ses caractères
propres, on est conduit à lui donner une origine certaine dans les
centres nerveux. j)
En effet, le trouble de la mémoire qui constitue presque en entier
la maladie de Korsakoff a été dénommé : amnésie antérograde
(Charcot); amnésie antérograde de conservation (Sollier); amnésie
d'évocation (Colella : psychose polynévntique, Naples 1894).
Elle suit les règles données par Ribot pour la régénération et la
reconstitution de la mémoire.
Il y a dissociation des processus de perception et d'aperception
(Wundt), c'est-à-dire que ce n'est pas tant un trouble de la mémoire
qu'une altération de l'attention : « L'oubli dépend plutôt pour moi,
dit un des malades de Colella, du manque de l'intérêt que je porte
habituellement aux faits environnants. »
Or, si, comme Wundt et Rastian l'ont bien montré, on considère
que l'attention est une manifestation de la volonté, et si, d'autre
part, on se souvient que Kroepelin a prouvé que les poisons dits
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 381
nervins agissent principalement sur la volonté, on voit à l'altéra-
tion de quelle partie du système nerveux l'on doit attribuer la pro-
duction du nouveau syndrome décrit par Korsakoff.
En fin de compte, conclut Ferrari, c'est à tort que l'on a consi-
déré la psychose polynévritique comme une maladie per se. (The
alienist and neurologist. Janvier 1896.) E. la. ).
XVI. Trois cas de perversion sexuelle; par le Dr Lee HOWARD.
L'auteur rapporte, sans commentaires, les observations suivantes.
1° Un musicien de quarante ans (père tuberculeux, mère névro-
pathe), est pris à l'âge de vingt ans et après une crise hystérique
de l'envie soudaine de pratiquer l'onanisme buccal. Il regardait
l'ingeslion de sperme comme un stimulant puissant. Ni pédérastie,
ni sodomie. Le besoin était chez lui si fort qu'il disait qu'à l'occasion
il ne reculerait pas devant un crime pour se satisfaire. C'était un
alcoolique, mort tuberculeux.
2° Une femme de trente-neuf ans, ayant pratiqué l'onanisme et
le saphisme depuis son enfance, s'est mariée à vingt ans. Elle
n'éprouve aucun plaisir dans ses rapports avec son mari, car il lui
faut à chaque coït un individu différent. A n'importe quelle heure
du jour ou de la nuit elle sort tout à coup pour ramener un
homme qui lui pratique l'onanisme après le coït.
Elle a, un jour, volé le pantalon d'un de ses hôtes et en le cares-
sant elle éprouve l'orgasme vénérien. Une autre fois elle a été
arrêtée pour vol d'un pantalon dans un magasin.
3° Un garçon de seize ans qui volait des truies pour les caresser
en secret. Il aimait les odeurs de fumier et de boue. Il ne se mas-
turbait pas, mais il avait des pollutions nocturnes en évoquant
l'image d'une truie en train de se vautrer dans la boue. (The alie-
nist and neurologist. Janvier 1896.) E. B.
XVII. Etat présent DE l'aliénation mentale DANS LE üASSACIIUSETTS
par le D1' SAXHORN.
Au recensement de 1893, le Massachusetts a fourni 2,500,000 ha-
bitants : la population a doublé depuis trente ans.
Mais alors qu'il y a trente ans il n'y avait que 2,500 aliénés, il y
en a 7,500 à l'heure actuelle, c'est-à-dire que le nombre des aliénés
a triplé. Pendant cette période de temps, six asiles publics ont été
construits il grands frais, sans compter de nombreux asiles privés.
Le nombre des admissions par année est, en moyenne de 2,200
sur lesquelles 1,500 malades sont admis pour la première fois; ces
derniers donnent une statistique de 30 guérisons pour 100.
L'auteur se félicite des résultats obtenus par la commission spé-
ciale instituée en 1879, pour l'examen des malades à interner.
(Amrt'ican journal ofinsanity. Avril 1896.) E. fiLIN,
382 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XVIII. Stigmates DE dégénérescence; par le D1' Iflvitl NEEF.
L'auteur publie quelques cas cliniques destinés à montrer la pré-
sence de signes physiques de dégénérescence dans les psychoses
-dégénératives.
Il termine son étude par un tableau d'histoire familiale qui met
bien en évidence les résultats funestes de la consanguinité et la
transmission fatale des défectuosités mentales et physiques. (Amc-
Tican journal ofinsanily. Avril 1896.) E. B.
XIX. Folie épileptique; par le Dl' G. ]\a;UN.\N.
Toutes les psychoses peuvent se présenter dans l'épilepsie et être
modifiées légèrement par l'état épileptique coexistant, telles la
mélancolie, la manie, la confusion mentale aiguë, la catatonie, la
démence paralytique, mais ce ne sont pas là de véritables psychoses
épileptique ? .
L'épilepsie larvée de Morel ou épilepsie masquée des auteurs
anglais parait à l'auteur la forme la plus pure de l'équivalent
psychique de la crise épileptique.
Il y a, chronologiquement, cinq variétés d'aliénation mentale
dues à l'épilepsie : la folie préépileptique, l'équivalent psychique de
l'attaque, la folie postépileptique, la folie intermédiaire à deux
attaques et la démence épileptique.
La folie épileptique produit environ 4,5 p. 100 des cas de folie et
il est probable que seul l'équivalent psychique de l'attaque est
plus fréquent qu'on ne l'indique ordinairement, cela d'autant
mieux que souvent l'équivalent psychique de l'attaque se manifeste
sous forme d'une perversion morale, dipsomanie, exhibition,
kleptomanie, sans compter les impulsions homicides.
Les psychoses épileptiques sont caractérisées par leur extrême
violence, les hallucinations primitives, l'apparition brusque des
symptômes : toutefois, même en démence, les épileptiques con-
servent leur caractère sournois et perfide. (American journal of
insanity. Avril 1890.) E. B.
XX. Inversion sexuelle CHEZ l'homme; par le Dr Havelock ÉLUS.
Lorsque l'instinct sexuel fait son apparition chez l'adolescent, il
est beaucoup moins spécialisé qu'il ne le deviendra plus tard; non
seulement il n'est pas encore, d'une façon définie, dirigé vers une
fin sexuelle spécifique mais le sexe de son objet peut encore être
incertain.
Max Dessoir, dans une récente étude psychologique de la vie
sexuelle, arrive à cette conclusion « qu'un sentiment sexuel non
différencié est normal, en général, pendant les premières années
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 383
de la puberté, de treize à quinze ans chez les garçons et de douze
à quatorze chez les filles. Plus tard, cette non différenciation est
pathologique. Il ajoute qu'à cet âge précoce, l'émotion sexuelle
n'est pas encore localisée dans les organes sexuels. » L'auteur, qui
partage cette opinion, estime que la vie de pension joue un certain
rôle dans le développement de l'inversion sexuelle. Lorsque les
jeunes gens quittent la pension, ils se trouvent mêlés aux hommes
et aux femmes, et leur instinct sexuel se dirige en général vers la
voie normale, alors que s'effacent ces affections de pension dont
on ne saurait quelquefois dire si elles sont de l'amitié ou de l'amour.
Mais un certain nombre de gaiçons restent insensibles à l'in-
fluence de la femme : on peut les regarder comme de vrais invertis
sexuels.
La classification des variétés d'inversion sexuelle est chose diffi-
cile ; doit-on regarder tous les cas comme acquis ou tous les cas
comme congénitaux ?
Laissant de côté les cas plus ou moins morbides dans lesquels des
vieillards plus ou moins impuissants sont attirés par des enfants,
l'auteur estime que l'inversion sexuelle acquise est rare et que dans
presque tous les cas on trouve un élément congénital.
Il n'adopte d'autre classification que la distinction clinique entre
l'inversion simple et l'hermaphrodisme psycho-sexuel, la première
classe comprenant tous les individus qui ne sont attirés sexuelle-
ment que par leur propre sex.e, la seconde classe comprenant ceux
qui sont attirés par les deux sexes.
Après avoir cité de nombreux exemples des deux catégories,
l'auteur se réserve d'examiner, dans une prochaine publication le
traitement de l'inversion sexuelle et l'attitude de la loi à l'égard de
cette perversion. (Anzerican journal of insanity. Avril 1896.)
E. B.
XXI. La folie PARALYTIQUE. - Conférence donnée à la réunion
scientifique d'Anvers, par le U'' PEETERS. (Bztll. de la Soc. illed.
ment, de Belgique, juin 189.)
XX11. pSEUDO-l'ARALYSIE générale A symptomatologie incomplète ;
par le Dol Francotte. (Bdl. de la Soc. ilIed. ment, de Belgique,
juin 1893.)
On trouvera dans cette note l'observation de deux malades
ayant des habitudes alcooliques, qui ont présenté tous deux un
délire mégalo-maniaque, absurde, exagéré et changeant, accom-
pagné de modifications pupillaires, mais sans trouble marqué de
la parole. L'un de ces malades a guéri complètement, et cette gué-
rison se maintient depuis trois ans. L'autre avait déjà présenté un
accès de délire ambitieux quinze ans avant son entrée à l'asile, il
384 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
s'agissait donc, chez lui, d'nne récidive à longue échéance, fait qui
ne saurait s'observer dans la paralysie générale vraie. Il s'agissait
donc, dans ces deux cas, d'accidents alcooliques ayant revêtu le
masque de la paralysie générale progressive. G. DENY.
XXIII. LES établissements POUR LE traitement des BUVEURS en AN-
GLETERRE ET aux Etats-Unis. Projets DE création d'asiles D'ALCOO-
LIQUES EN AUTRICUE et EN France; par le D` P. Sérieux. (l1l/ll.
de la Soc. de Méd. ment, de Belgique, juin 1895.)
XXIV. Troubles psychiques après l'opération DE la cataracte; par
R. Lowy. (Allg. Zeitschr. f. Psychiatrie, t. LU, fasc. 1, p. 166-184.)
\
Le médecin aliéniste a rarement l'occasion d'observé; des
troubles psychiques consécutivement à l'opération de la cataracte;
d'abord parce que ces psychoses sont peu fréquentes, et ensuite
parce qu'elles évoluent, souvent rapidement, dans les cliniques
d'ophtalmologie. Aussi est-ce aux oculistes qu'on doit les premières
observations de ce genre. Siehel, en 1863, en a observé trois cas,
caractérisés par un état de mécontentement, un besoin de disputes,
des plaintes à propos des mauvais traitements qu'ils subissaient;
les malades courent en vociférant, veulent rentrer à la maison,
parlent d'une façon incohérente, veulent arracher leur pansement,
insultent l'entourage. Ces troubles ne se produisent que le soir et
durent toute la nuit. L'auteur rappelle les observations de Lanne,
de Magne, de Arlt, de Schmid-Rimpler, de Schnabels, de Lande-
berg, etc., dont il reproduit les points intéressants. Il insiste sur le
travail de Frankl-Hochwart qui a étudié 27 cas de ce genre et les a
classés en quatre groupes :
1° Confusion hallucinatoire chez des sujets âgés de trente à
soixante ans ; 2° confusion simple chez des séniles ; 3° psy-
choses chez des alcooliques chroniques; 4° confusion chez des
individus cachectiques, suivie de mort.
Le premier groupe est caractérisé, d'après Frankt-Honhwart, par
l'apparition d'hallucinations terrifiantes, d'un état d'anxiété et de
confusion. Il importe de faire remarquer que dans tous les cas où il
s'est agi de malades jeunes les troubles psychiques ont duré long-
temps, parfois leur apparition a été tardive; enfin le pronostic a
été peu favorable.
Le second proupe (psychoses séniles) comprend des formes à
évolution plus rapide, à symptômes moins bruyants et à pronostic
meilleur.
Dans le troisième groupe prédominent les hallucinations ; le
pronostic est favorable (psychoses chez des sujets alcooliques).
Enfui le quatrième groupe comprend les délires d'inanition.
Frankl-Hochwart fait jouer un rôle important dans la patho-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 385
génie des troubles psychiques observés aux lésions des nerfs du
globe oculaire. Il rappelle le rapport qui existe entre les affections
des nerfs (névralgies) et les psychoses et les faits déjà connus de
troubles psychiques consécutifs à des blessures du globe de l'oeil. Il
tient compte aussi des influences morales (crainte de perdre com-
plètement la vue), de l'âge avancé, du séjour dans l'obscurité, du
repos absolu, de l'isolement complet.
L'auteur donne une observation personnelle dans laquelle on
peut relever divers facteurs étiologiques, entre autres l'ignorance
dans laquelle se trouvait le malade qu'il dût rester dans l'obscurité
après l'opération. Or, ce patient, comme la plupart des sujets qui
se présentent à la consultation des cliniques, appartenait aux
classes sociales inférieures; il était d'un âge avancé. Il arrive à la
clinique persuadé qu'on va lui rendre la vue immédiatement et
après l'opération le voilà plongé dans une nuit permanente, il lui
faut garder le repos le plus complet; autour de lui on observe
le silence. La situation dans laquelle il se trouve contraste violem-
ment avec ce qu'il attendait. D'où des réactions variées : défiance,
colère, anxiété, idées de persécution.
Il faut tenir compte aussi du genre de vie antérieur du patient.
A Pavie et à Innsbriick où les malades viennent en grande partie
des campagnes voisines, les psychoses ne sont pas rares après l'opé-
ration de la cataracte. Il n'en est pas de même à Turin, où la
plupart des opérés viennent de la ville même ; le séjour à l'hôpital
n'est pas, comme pour les sujets précédents, un brusque change-
ment dans leur manière de vivre.
On ne peut admettre que les psychoses en question soient seule-
ment un chapitre des délires séniles : Frankl-Hochwart les a
observées chez des sujets jeunes; en outre il y a des différences au
point de vue clinique.
Récemment Mendel a placé l'opération de la cataracte parmi les
moments étiologiques du délire hallucinatoire, qui n'a rien à voir
avec le délire des séniles. P. Sérieux.
XXV. Observation DE paralysie générale a forme CIBCUL41RG ;
par FpOENKEL. (Nezrrolog. Central., XIV, 1895.)
Malade observé pendant cinq ans et demi, de 1875-1889. Autop-
sie. L'observation peut être ainsi divisée : 1° mélancolie pendant
six mois, puis santé apparente de quatre semaines ; 2° manie avec
mégalomanie, et périodes dépressives, avec idée d'empoisonne-
ment, puis amélioration pendant cinq mois et demi ; sortie ;
3° stade d'alternance journalière d'idées délirantes expansives et
dépressives, puis agitation persistante avecsymptômes de démence;
4° calme graduel, suspension des conceptions délirantes et des
hallucinations de l'ouïe ; 5° extrême agitation, idées persistantes
Archives, 2° série, t. II. 25
386 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
de grandeur, instincts destructeurs, impulsifs pendant quatre mois.
Repos pendant un mois ; 6° mobilité extrême et quotidienne de
l'humeur (deux mois), puis, dépression profonde ét persistante
(deux mois), calme pendant un mois; 7° signes physiques de
paralysie générale avec déchéance (trois mois); pendant sept mois,
démence progressive, attaques épileptiformes, mort rapide de
pneumonie. Autopsie confirmative. P. K.
XXVI. Observation DE paralysie générale infantile; par BRESLER.
(Neurolog. Cenlralbl., XIV, 1895.)
Fillette de treize ans et demi. Parait avoir eu d'abord une choréee
vraie et non des accidents choréiques consécutifs à un ictus apo-
plectique passé inaperçu. Paralysie générale démentielle, arrêt
de développement consécutif à l'explosion de la maladie. Tare
héréditaire, et peut-être syphilis héréditaire (foie un peu plus volu-
mineux que normalement, parsemé de taches jaunes du diamètre
d'une pièce de cinquante centimes). Pendant les attaques conges-
tives on constatait un nouveau symptôme; pendant que les globes
oculaires se tournent d'un côté, au même moment la tête se tourne
promptement du côté opposé (déviation croisée alterne). P. K.
XXVII. NOTE sur l'imbécillité; par M. le Dr COGNETTI DE AIARTITS.
(Extrait de la Poglia medica, 3e année, n° 7.)
L'imbécillité a beaucoup de degrés, d'une part elle confine à l'i-
diotie ; mais, d'autre part, elle arrive à se rapprocher de l'intelli-
gence normale. Dans ce dernier cas, elle n'est pas toujours facile
à reconnaitre, aussi n'est-il pas surprenant de voir qu'on adme,
parfois de ces sortes d'imbéciles supérieurs, pour ainsi dire
Les examens médicaux qu'ils ont subis avant d'être incorporés,
n'ont pas permis de reconnaître les imperfections de leur état men-
tal. Qu'arrive-t-il alors ? Ces individus ne peuvent, ni apprendre le
métier militaire, ni se plier à la discipline. Toujours en faute, tou-
jours punis, ils passent vite pour mauvais sujets. Il faut que ces
malheureux soient par hasard, pour une raison ou pour une autre,
envoyés dans un hôpital, pour qu'on les étudie sérieusement. On
les soumet là à un examen véritablement médical et anthropolo-
gique, et quand on a reconnu chez eux une infériorité mentale ou
des perversions psychiques incompatibles avec le service militaire,
on les propose pour la réforme. L'auteur a pu recueillir à l'hôpital
de Spezia, pendant le courant de l'année, trois exemples de ce
genre. Il s'agit de trois marins de l'Etat.
1° L..., vingt-trois ans, une soeur grabataire par le fait d'une
maladie nerveuse ancienne. Lorsqu'il habitait avec sa famille, il lui
arrivait souvent de se lever la nuit et de se livrer à des excentri-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 387
cités. Le jour il abandonnait son travail et allait se cacher dans des
endroits où on ne pouvait le trouver. A quinze ans, troubles uri-
naires particuliers ; dès qu'il se sentait le besoin d'uriner, il fallait
qu'il se satisfit où qu'il se trouvât. Au service, il ne put apprendre
la manoeuvre du canon. Mou, paresseux, arrogant, mauvais sujet
sans cesse puni. - Ce jeune homme présente de nombreux signes
physiques et psychiques de dégénérescence : grande envergure,
trop grande, oreilles en anse, sensibilité tactile amoindrie dans
toute une moitié du corps, mancinisme, etc. Physionomie stupide,
mimique exagérée, surtout la mimique de la face; tic particulier
des lèvres produisant une sorte de sifflement, d'où son surnom de
le Siffleur. Par ses lettres on reconnait qu'il était crédule à l'excès,
dépourvu de jugement et de tout sens critique. En résumé, c'était
un sujet inintelligent, paresseux, étourdi, querelleur.
2°R..., vingt-un ans, parents ivrognes et de mauvaises moeurs.
Enrôlé dans les torpilleurs,il neputapprendrelarnauceuvre. Lavue
seule du costume de plongeur lui causait une angoisse indicible, il
pleurait et refusait de le vêtir. Il devint bientôt mélancolique et
apathique. Une fois il voulut se laisser mourir de faim, une autre
fois, il chercha à se sauver. Tous ses camarades, croyait-il, étaient
ligués contre lui. - R... aussi présentait de nombreux stigmates
de dégénérescence physiques et mentaux, des tics de la face entre
autres. Facies sans expression, conceptions difficiles, lentes et, du
reste, rares, pas de mémoire, bégaiement de l'écriture (transposi-
tion et oubli continuels des lettres en écrivant).
3° G..., vingt ans. Père alcoolique. Trois frères, l'un homicide,
l'autre condamné pour rapt d'une jeune fille, le troisième sourd
et presque idiot. Ce G... dès son arrivée au service se montra arro-
gant, sans tenue, brutal, batailleur. Observé à l'hôpital, on trouve
chez lui de l'asymétrie faciale et un grand nombre d'autres stig-
mates de dégénérescence.
En résumé, chez ces trois individus, on note de l'hérédité mor-
bide, de forts signes physiques et psychiques de dégénérescence,
des tics entre autres, dont Charcot a signalé la tréquence chez les
imbéciles. Et comme conclusion, l'auteur se demande s'il ne serait
pas bon d'exclure de l'armée ces sujets atteints d'imbécillité lé-
gère, mais qui ne sont pas capables de faire un service militaire
convenable. Dans ce cas, c'est à l'anthropologie criminelle qu'il
faudrait s'adresser pour les reconnaître.
Enfin M. Coquetti termine son étude par l'exposé de cette théo-
rie : chez les imbéciles qui confinent à l'homme normal, le moi
inconscient prédomine et il n'est que passagèrement remplacé par
le moi conscient. C'est pourquoi ce qui est congénital l'emporte
chez eux sur ce qui est acquis, d'où les actes de violence, d'où la
déséquilibration mentale, d'où enfin le peu de responsabilité de
ces sujets. Camuset. -
388 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 1
XXVIII. Diagnostic, pronostic ET prophylaxie DE la folie; par FIEL-
ding BLAnDFonD. (BI'itish médical Journal, 6-20 avril 1895.)
Après une étude méthodique des symptômes différentiels des
principales classes de délires et affections mentales avec déduction
aupoint de vue pronostic, l'auteur examine la question de l'accrois-
sement du nombre des aliénés dans les asiles en Angleterre (2,245
de plus en 1894 qu'en 1893), en tenant compte de la plus grande
viabilité des aliénés dans les asiles mieux organisés, de la diminu-
tion des cures par le retard à l'internement, etc. Passant à l'étude
des causes de la folie il étudie, particulièrement l'hérédité, ses
degrés et conséquences et en tire des conséquences pratiques au
point de vue de la contre-indication des mariages. L'alcool comme
cause déterminante fréquente fait aussi l'objet de quelques dévelop-
pements, ainsi que ses conséquences au point de vue de la descen-
dance.
L'auteur divise les enfants dégénérés en précoces et arriérés.
Les petits prodiges, trop souvent méconnus dans les écoles en
tant que dégénérés, en puissance de folie latente doivent être l'ob-
jet d'une instruction médico-pédagogique non moins minutieuse
que les arriérés, pas de surmenage scolaire surtout.
Plus tard, on voit souvent chez ces sujets survenir l'accès de folie
sous des influences occasionnelles minimes : grossesses, pertes
d'argent, ces dernières parfois tout à fait sur le tard vers la pé-
riode de la régression sénile commençante. A l'école l'enfant peu
sociable, taciturne et un peu sauvage doit attirer, l'attention des
maitres qui le doivent pousser aux jeux et exercices physiques col-
lectifs ; les parents et les maîtres devront s'efforcer de développer
en lui les sentiments altruistes en refrénant ses tendances mor-
bides à l'égoïsme solitaire. A. Marie.
XXIX. DES symptômes oculaires dans la paralysie générale ET DE
leur valeur CLINIQUE; pal' BEV.\N-LEWIS. (l3ritislc médical Journal,
2 mars 1896.)
L'auteur, s'appuyant sur les localisations d'Heusen, Walkers et
V. Gellucliter., étudie les différents troubles oculaires qu'on observe
dans la périencéphalile diffuse et leur relation avec les .scléroses de
noyaux centraux correspondants. Il conclut en classant en 5 grou-
pes distincts à ce point de vue les cas de paralysie générale des
aliénés :
Premier groupe. Caractérisé par la mydriase paralytique avec
iridoplégie partielle réflexe exagération de l'excitabilité muscu-
laire, trémulation excessive de la face et des organes de la parole;
démence profonde avec optimisme marqué.
Deuxième groupe. Mydriase avec iridoplégie passagère faisant
REVUE DE pathologie mentale. 389
place à la cyclôpégie; dès le début : excitabilité musculaire sans
contractures; -embarras de la parole, accès fréquents d'excitation
avec crises convulsives; évolution fatale rapide; antécédents syphi-
litiques prépondérants.
Troisième groupe. Myosis avec iridoplégie réflexe totale,
absence ou forte atténuation du réflexe patéllaire, manque d'équi-
libre, ataxie et anesthésie, articulation des mots très difficile,
optimisme morbide et excitation;
Quatrième groupe. Symptômes oculaires tardifs : mydriase
paralytique, iridoplégie réflexe partielle à la lumière seulement;
paralysie ataxique des extrémités des membres inférieurs; ataxie
faciale marquée avec trouble extrême de la parole; crises épilep-
tiformes amenant un affaiblissement intellectuel profond.
Cinquième groupe. Pas de symptômes oculaires fixes nets.'Pas
de contractures ni de trouble de la motilité ni de la sensibilité;
marche et articulation des mots assez bien conservées; attaques
épileptiformes rares; démence progressive très accentuée dès le
début. A. M.
XXX. DE l'état mental dans L4 maladie DE BSEDOW;
par A. 1\ ! .IUDE. (British médical Journal, 28 septembre 1895.)
S'appuyant sur 20 cas, l'auteur signale le plus communément,
avec Russell Reyuolds, une sorte de < chorée des idées ., une irri-
tabilité de caractère avec incapacité de fixer l'attention et la
mémoire, ainsi qu'une certaine tendance à la dépression mélan-
colique, et parfois des idées de persécution mal systématisées. La
manie a été observée et serait d'un pronostic particulièrement
grave. A. Marie.
XZI. L'homicide au point DE VUE DE l'anthropologie
criminelle; par ieD''René SESfEL.41GNE.
Revue critique intéressante sur le livre de M. Enrico-Ferri.
Ce dernier auteur estime que : in dans la vie criminelle, chez
l'homme et chez les animaux, il n'y a qu'une différence de degré ;
2° chez les animaux comme chez les peuplades sauvages, les pra-
tiques les plus atroces ne sont pas le résultat de tendances spéci-
fiques ; on les observe parmi les races les plus douces; 3° l'aversion
morale et juridique contre le meurtre n'est qu'à l'état embryon-
naire chez les peuplades sauvages, de même que chez les animaux,
elle suit, comme toute manifectation psychologique, la lente évo-
lution de la société humaine; 4° la justice au sens moral et juri-
dique du mot, loin d'être éternelle et absolue, est essentiellement
relative et variable; 5 le meurtre de son semblable a de profondes
racines dans l'organisme, non seulement humain, mais animal;
390 REVUE DE pathologie mentale.
c'est un résnltat naturel des causes physio-psychologiques, phy-
siques et sociales. Partant de ce dernier principe, M. Enrico Ferri
étudie la constitution organique des criminels et expose les recher-
ches anthropométriques faites sur 1,711 délinquants, aliénés ou
normaux. -
~Ses conclusions sont les suivantes : 1° tous les délinquants homi-
cides n'offrent pas, au point de vue organique et psychique l'en-
semble des caractères qui distinguent leur physionomie morale ;
2° les anomalies psychiques et organiques offrent un rapport
intime de causalité et de connexion; souvent même elles coïncident;
3° il existe, tant du côté organique que psychique, des caractères
si nets qu'à eux seuls ils suffisent pour établir le facteur anthropo-
logique ou individuel de l'homicide; mais au point de vue spécial
de la décision pénale, les deux séries de symptômes sont indispen-
sables et se complètent mutuellement; 4° tous les caractères psy-
chiques de l'homicide ne se résument en une expression d'égoïsme
antisocial apathique et sauvage, suite d'arrêt de développement,
de dégénérescence régressive ou de processus pathologique, et
représentant un état psychique semblable à celui de l'humanité
primitive; entre les homicides nés et les homicides aliénés, les dif-
férences de caractère psychologique sont plus nombreuses que
les analogies. On peut distinguer parmi les aliénés : a) ceux qui
offrent un état congénital (folie morale, épilepsie, imbécillité),
déterminant, comme chez les homicides nés, une anomalie fonda-
mentale et primitive de la trempe morale; b) ceux qui ne présen-
tent ces symptômes que par suite de troubles survenus dans leur
activité psychique; 6° au point de vue social, la criminalité est un
degré de dégénérescence plus profond et plus dangereux que la
folie. De cette étude, une nécessité s'impose : la création d'établis-
sements spéciaux où soient mis dans l'impossibilité de nuire et de
procréer, les individus présentant « ces états psychiques semblables
à ceux de l'humanité primitive ». (Annales médico-psychologiques,
août 1896.) E. BL : N.
XXXII. Vêtements ET APPAREILS PROTECTEURS ÉTRANGES PORTÉS DE JOUR
ET DE NUIT PAR UN DÉGÉNÉRÉ PERSÉCUTÉ; par M. LE l' 1LLIA1'RE,
ancien interne des asiles de la Seine, lauréat de la Faculté de
médecine. (Nouv. iconographie de la Salpêtrière, z, n° 3.)
Il s'agit d'un déséquilibré avec idées de persécution, idées de
grandeur, troubles de la sensibilité générale, et dont le délire ne
présente pas d'évolution systématique ; cet aliéné entreprit un
voyage en Amérique sous l'influence de ses idées délirantes, et, à
partir de l'époque de son départ jusqu'au moment actuel où on l'ob-
selve à l'asile clinique, il se couvrit progressivement d'une quan-
tité considérable de vêtements bizarres, dans le but de se garantir
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 391
d'influences malfaisantes. En réalité il divaguait sur les troubles de
la sensibilité générale qu'il ressentait. Voici l'énumération des
vêtements et appareils curieux dont il faisait usage à son retour en
France. Pendant le jour il portait : 4° un plastron de caoutchouc
dorsal ; 2° un plastron de caoutchouc sternal ; 3° un morceau de
porcelaine enveloppé dans du papier sur la poitrine, pour se pro-
téger les bronches; 4° plusieurs couches de papier collé sur le
thorax ; 5° une cuirasse de fer-blanc qui pesait près de 7 kilogram-
mes ; 6° des genouillères en cuivre; 7° une rotonde par-dessus le
tout, elle était en caoutchouc et pesait 4 kilogrammes. La nuit, il
ajoutait aux protecteurs précédents des cylindres en cuivre, un
casque en cuivre, un masque en plomb, des brassards, etc. En
somme, son équipement complet pesait 29 kilogrammes 160 gram-
mes. Son but était de s'isoler des causes extérieures. C'est également
pour se protéger contre ces mêmes causes extérieures, qu'il avait
fait creuser et cimenter un trou cylindrique dans son jardin, et
qu'il s'y mettait plusieurs heures de la journée complètement nu.
Une fois dans son trou, il en fermait la partie supérieure au moyen
d'une cloche à melon, il restait là tant que le soleil durait. C.
XXXIII. POLLUTIONS nocturnes ET épilepsie. D'une sorte DE PHÉNO-
MÈNE ÉPILEPTIQUE PARTICULIÈRE; LA PETITE ATTAQUE ÉPILEPTIQUE
erotique avec éjaculations; par M. A. ZUCCARELLI. (L'Ano1nalo,
novembre à décembre 1894, Gennaio 1895.)
L'auteur veut établir qu'il existe, au point de vue clinique, une
forme particulière d'attaque épileptique, caractérisée par des rêves
érotiques accompagnés d'éjaculations répétées. Son étude est
basée sur deux observations identiques. Il a observé et soigné deux
hommes qui présentaient, d'une façon remarquable, la manifesta-
tion épileptique en question. Ces deux hommes étaient très
intelligents mais excitables et très émotifs, ils étaient héréditaires
dans le sens que nous donnons en France à cette expression héré-
ditaire en langage médical. En plus leur vie n'était qu'une succes-
sion de deux états mentaux, de natureopposée, alternant régulière-
ment entre eux ; à une période d'expansion et d'activité succédait,
chez eux, une période de dépression et d'impuissance, et toujours
ainsi. Ces deux malades étaient sujets, sous l'influence surtout des
changements atmosphériques brusques, à des phénomènes épilep-
tiques nocturnes particuliers. Ils avaient des rêves pénibles, sortes
de cauchemars terrifiants. Ils étaient tourmentés, maltraités, sans
pouvoir se défendre, et à la fin on se livrait sur eux il des actes
lubriques honteux et. révoltants, alors ils avaient des éjaculations 1
qui se répétaient plusieurs fois en très peu de temps. Ils s'endor-
maient ensuite, ◀tantôt▶ d'un sommeil profond, comateux, ◀tantôt▶
d'un sommeil léger et agité, preuve d'un certain degré de surexcita-
392 . REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
tion mentale. Pendant les soirées qui précédaient les nuits dans
lesquelles les accidents nerveux se manifestaient, les malades
étaient d'une activité mentale excessive et anormale. Ces phéno-
mènes morbides se répétaient deux ou trois nuits consécutives,
mais leur intensité décroissait progressivement, et à leur suite
s'établissait une période de dépression qui durait plusieurs
semaines parfois. En dehors de ces crises les malades présentaient
quelques particularités notables, ainsi il leur arrivait de se mettre
tout à coup à travailler fébrilement, comme poussés par une force
irrésistible, et ils produisaient en peu de temps des oeuvres litté-
raires ou scientifiques remarquables. Il leur arrivait aussi d'être pris
subitement -par le besoin irrésistible de satisfaire leur instinct
génital, et il fallait que sans retard ils trouvent une femme.
L'auteur, étudiant les diverses particularités de ces observations,
conclut à la nature épileptique des phénomènes morbides noc-
turnes. Ainsi, la cause occasionnelle des accès (les perturbations
atmosphériques), leurs prodromes (la suractivité intellectuelle
notée dans les soirées qui les précédaient), les antécédents hérédi-
taires des sujets (l'un d'eux avaitson père atteint d'épilepsielarvée).
En résumé donc il s'agit de petites décharges épileptiques, l'ictus
épileptique est caractérisé dans ces cas par une excitation peu
intense et peu diffusible des centres psychiques avec retentis
sement sur lcsglandes séminales. - CAMUSET.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE
I. LES résultats favorables DE la CRAnIECT011lE dans UN cas de
DÉBILITÉ MENTALE ET DE FOLIE MORALE; par A. S ? 1NUOCK. (A'e ! f)'0/0.
Ceniralbl., XIV, 1895.)
. L'observation concerne un jeune garçon de quatorze ans. Signes
craniens de dégénérescence; impossibilité d'apprendre à lire, à
écrire, à compter. Pararniiésie, incapacité d'un travail soutenu, pas
de sentiments affectifs, vagabondage, tendances à voler et à mentir,
langage inconvenant, fainéantise, impudicité.
Une section pratiquée sur le cuir chevelu révèle au niveau de
l'oreille droite une adhérence de la peau au crâne, on trépane la
surface correspondante du pariétal sur une assez large étendue; on
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 393
constate de l'oedème de la substance grise corticale couverte d'une
sorte de gelée. On applique le courant faradique qui détermine
des convulsions des groupes musculaires correspondants. A la suite
de cette opération, tous les troubles de perversion morale et alfec-
tive cessent, ainsi que les obsessions coprolaliques ou autres et les
impulsions. Le jeune homme devient travailleur, poli, sociable,
convenable. ' P. K.
IL Du TRÉPAN ET DE LA PONCTION VERTÉBRALE DANS L1 PARAYSIE
générale; par John Turner. (British médical journal, 2 mai 1896.)
L'auteur conclut de ses observations que même dans les cas de
paralysie générale avancée la pression intra-cranienne n'est pas
exagérée contrairement à ce qu'ont soutenu CI. Shaw et B. Tuke.
Le liquide céphalo-rachidien recueilli par ponction ne semble pas
contenir de produits inflammatoires. A. M.
III. Traitement CIILItURGIC.4L DE L'IDIOTE, par SHUTLIENOILTIL.
(British médical journal, 28 septembre 1895.)
L'idiotie microcéphale suivant l'auteur et après examen des
différents travaux parus sur la question, parait pouvoir tirer un
bien plus grand bénéfice de l'éducation pédagogique que de l'in-
tervention opératoire. Il admet toutefois l'opportunité du traite-
ment dans certains cas de compression, par suite de traumatisme
par exemple, ou dans certains cas d'hypertrophie hydrocéphalique.
Il cite un cas d'Anderson où le trépan fit merveille chez un hérédo-
syphilitique imbécile etépileptique. Pour lui d'ailleurs l'opération
ne vaut qu'à la condition d'être accompagnée de la médico-pédago-
gie. Dans le numéro précédent du 21 septembre, Telford Smith
signale le résultat final négatif de deux opérations de craniectomie
dans l'idiotie. A. M.
IV. Résultat DE la section du trijumeau ; par WILLIAM TURNER.
(British médical journal, 23 novembre 18'J.)
L'auteur rappelle les expériences de Gaule sur le lapin. Il
dit avoir observé lui-même dans nombre de cas une opacité
légère de la dornée, tendant d'ailleurs il diminuer quelque temps
après l'opération. Il ne semble donc pas prouvé que le ganglion de
Gasser exerce sur la cornée une influence trophique prépondérante.
De l'examen des observations et des nécropsies il semble résulter
que les soi-disant troubles trophiques seraient plutôt des symptô-
mes d'infection secondaire dus à une.,action septique pouvant
remonter à l'époque de l'opération. D'ailleurs on trouve dans les
auteurs (Richardson, Krause. Doyen) des cas confirmatifs de cette
394 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
absence de troubles trophiques cornéens, malgré l'ablation du
ganglion de Gasser. A. lVi.
. V. Crétinisme ET extrait thyroïdien ; par 11,USTHON Parker.
(British médical journal, 8 février 1896.)
C'est le cas d'un enfant de six ans et demi arrêté dans son deve-
loppement, avec le faciès typique du crétin qui fut soumis pendant
huit mois au traitement par les tablettes d'extrait thyroïdien. On
obtint une atténuation sensible de la sclérodermie et de l'infiltra-
tion du tissu cellulaire. L'enfant reste inintelligent et arrêté dans
son développement. Les doses d'extrait durent d'ailleurs être très
modérées en raison de l'intolérance et des accidents diarrhéiques
et fébriles. Le même numéro contient des remarques intéressantes
sur le sérum antitétanique par Trevelyan,sur le sérum antisyphili-
tique par Barling, et sur l'extrait thyroïdien contre le myxoedème
par Georges Murray. A. M.
VI. Hypertrophie DU corps thyroïde ET MYXOEDÈME; par IIUGaSilTx.
(British médical foumal) 4 janvier 1896.
Observation d'une malade de vingt-six ans sans antécédents héré-
ditaires analogues; atteinte depuis la dix-septième année de goitre
avec cxophtalmic ; à l'apparition des règles altération de la santé
générale, chute des cheveux, altérations cutanées, difficulté de la
parole, criesthésie. En mars 1895, la malade dans cet état fut sou-
mise au traitement par l'xelrait thyroïde de mouton à la dose quo-
tidienne de dix grains. En sept mois disparition des symtûmes
murbides et retour à la santé. A. 111.
VII. Sur LE traitement DE la mélancolie; par H. Reyner.
(Brilish médical journal, 28 septembre 1895.)
La partie originale de cet article nous paraît être ce qui con-
cerne le traitement moral. Il s'agit d'abord d'opérer la recherche
prudente mais minutieuse de l'idée principale qui préoccupe et
déprime le malade; lorsqu'on a pu gagner sa confiance, on attaque
la destruction dans l'esprit du malade des conceptions erronées
qui le plongent dans l'anxiété; le réveil de l'émotivité normale
vient ensuite, mais il faut se garder des commotions et des chocs
émotionnels qui peuvent provoquer une rechute; la vue des
parents à la phase de convalescence produit parfois une crise salu-
taire. Le point de vue religieux et l'intimidalion sont des éléments
à double tranchant bien délicats à mettre en oeuvre; s'il y a délire
avec hallucination il faut se garder de le heurter de front, mais
rassurer et soutenir le malade en lui promettant du secours.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 395
Physiquement l'auteur préconise parallèlement le massage de la
tête, particulièrement celui des veines pour activer la circulation
en retour, au même point de vue il recommande une gymnastique
respiratoire tendant à développer l'inspiration profonde. L'électro-
thérapie et l'hydrothérapie comme moyens généraux et comme
moyens d'améliorer l'état trophique de l'encéphale, l'extrait thy-
roïdien à la dose provoquant de légères poussées fébriles qui, sui-
vant Clouston sont d'un salutaire effet.
Enfin il favorise tous les émonctoires dans leurs fonctions,
(peau, reins, intestins), stimule l'estomac et lutte contre la cons-
tipation toujours si opiniâtre. A. M.
VIII. LE quebracho dans LE MÉL\NCOLOE ET LES états DE stupeur;
par le D1' G. ICIERaarr.
Penzoldt a trouvé que le quebracho et ses alcaloïdes, à petites
doses, ont des effets marqués pour augmenter la fréquence des
mouvements respiratoires.
Aussi, la mélancolie et certaines phases de dépression parais-
sant exercer une action inhibitoire sur l'innervation cardiaque, en
même temps que s'accompagner de symptômes thoraciques se
manifestant par des sortes d'attaques de suffocation avec anxiété
précordiale, l'auteur a-t-il expérimenté le quebracho dans ces cas
particuliers et en a retiré de bons résultais.
Chez une femme, en particulier, atteinte de mélancolie avec
anxiété précordiale, le quebracho, à la dose de un demi-drachme
toutes les deux heures, n'eut pas seulement une action favorable
sur la dyspnée, mais améliora très notablement l'état de dépres-
sion mélancolique, si bien que, sous l'état de dépression présenté
par la maladie il son arrivée, on put constater un délire mégalo-
maniaque jusque-là ignoré. (The alielllst and neu/'ologist, avril 189G.)
E. 13.
IX. Traitement DE la folie EN dehors DES établissements publics;
par le Dr F. Roi311sori.
La question de savoir si un malade est mieux traité dans un
asile ou hors d'un asile, est encore controversée.
Alors que de nombreux auteurs sont d'avis que l'asile possède
par lui-même des vertus curatives certaines, d'autres auteurs,
parmi lesquels Weir lllitchel (de Philadelphie), prétendent que les
malades sont mieux traités hors l'asile que dans l'asile. Il est un
fait certain, c'est que le traitement le plus mauvais est celui qu'on
fait au domicile même du malade. La première condition est
donc d'éloigner le malade de chez lui, mais qu'en faire ? Beau-
coup de familles se répugnent à l'envoyer dans un asile public, et
396 bibliographie.
même dans un asile privé,et cependant l'auteur préconise les petits
asiles privéscomine réalisantles meilleures conditionsdetraitement.
Il est cependant possible, dans certaines conditions de fortune,
et dans certaines formes mentales déterminées, d'instituer une mé-
thode favoTablo de traitement, hors de la maison et sans avoir
- recours aux asiles : ce mode de traitement consiste à placer le ma-
fade.dans un sanatoriun, ou une pension de famille, assisté d'un
médecinspécialisteet d'un infirmier expérimenté. Cette méthode est
très pénible pour le médecin et pour l'infirmier qui se trouvent
forcés d'exercer une direction mentale et morale de tous les ins-
tants à leur malade mais elle est féconde en résultats et lorsqu'on
a la patience et la persévérance de la mener à bout, elle se montre
supérieure aux autres modes de traitement. (timerican journal of
insanit, avril 1896.) E. l3Lt>v.
X. Quelques remarques sur LES applications DU trional ;
par le D'' L. Ruiiru (Journ. de Neurologie, 1896, n° 14.)
L'auteur de ce travail considère le trional comme complètement
inoffensif même lorsque l'usage en est continué pendant longtemps.
D'une façon générale il trouve exagérées les applications de ce
médicament généralement employé en pédiatrie; pour un enfant
de dix ans il conseille dedonner au maximum une dose de Os ? 75.
On augmente beaucoup l'activité du trional en le prescrivant dans
une assez grande quantité de liquide aussi chaud que possible. Chez
l'adulte, on ne doit donner ni moins de 1 gramme, ni plus de lsr,50
à la fois; on ne devra recourir que très rarement à la dose de
2 grammes, et on n'emploie celle de 3 grammes que chez les alié-
nés. On peut habituellement n'administrer le trional qu'un jour sur
deux. Comme le sulfonal le trional doit être pris de deux à quatre
heures avant de se mettre au lit.
Lorsque l'insomnie est liée à des douleurs, on fera bien d'associer
ce médicament à la morphine, l'antipyrine, etc. G. D.
BIBLIOGRAPHIE.
V. Rapports de l'alcoolisme et de la folie. Prophylaxie et traite-
ment des alcooliques, par le Dr H. Darin. (Paris, 1896. J.-B. Bail-
lière et fils, éditeurs.)
En 1875, la production del'alcool de vin à 90° était de 764,690 hec-
tolitres; eu 1893, on voit la production totale des alcools arriver
à l'énorme quantité de 2,476,387 hectolitres.
bibliographie. 397
La production de l'absinthe a plus que doublé en huit ans. En
France, 700,000 bouilleurs de cru distillent une grande quantité
de mauvaise eau-de-vie et les produits alcooliques sont distribués
aux consommateurs par l'intermédiaire d'environ 450,000 débitants
ou cabaretiers, dont 30,000 pour Paris ce qui représente un sur un
peu moins de trois maisons.
Forcément cette production intense de l'alcool est la résultante
d'une consommation effrayante : en 1830, la consommation
moyenne par tête était de 1 litre et demi d'alcool à 90° par an; en
1885, elle est pour Paris de 27 litre*.
Les faits précédents se rapportent à la France, mais la même
progression s'observe dans tous les pays civilisés.
Sur la toxicité des divers alcools, en particulier des alcools supé-
rieurs, les travaux de tous les expérimentateurs sont unanimes et
de tous les poisons mulliplesqui serventàlafabrication des diverses
liqueurs, l'absinthe peut être considérée comme le type.
A cette consommation effrénée d'alcool correspond un dévelop-
pement simultané des affections alcooliques : ainsi en 1835, Esqui-
rol trouve à Charenton 8 p. 100 d'aliénés alcooliques; en 1864,
Lagarosse arrive, dans le même asile, au chiffre de 24 p. 100 et il
l'heure actuelle, les statistiques de M. Magnan montrent que sur
100 hommes admis dans les asiles, plus de 35 y sont poussés direc-
tement par l'alcool, sans compter les malheureux dégénérés, vic-
times de l'alcoolisme des ascendants.
Et si l'on remarque, avec M. Garnier et bien d'autres, que l'in-
toxication alcoolique est, avec le surmenage, un des facteurs patho-
géniques les plus puissants de la paralysie générale, on voit, en
somme, que l'alcoolisme intervient pour une grande part dans la
montée énorme de l'aliénation mentale, qui va, rien que pour
le département de la Seine, d'un millier de malades internés au
commencement de ce siècle, à 12,500 à l'heure actuelle.
Enfin les statistiques montrent que plus d'un cinquième des
rejetons d'alcooliques ne sont pas aptes à vivre et sont perdus pour
la société. C'est une cause de dépopulation que la France, en par-
ticulier, ne doit pas mépriser. Si l'on ajoute les vices de conforma-
tion, les stigmates physiques de dégénérescence, la débilité physique
dont sont atteints les descendants des alcooliques, on arrive à
cette conclusion que l'hérédo-alcoolisme se traduit par la perte
d'un tiers du capital humain. Le capital intellectuel n'est pas
moins entamé : tous les dégénérés, les fous moraux, les fous alcoo-
liques, les impulsifs, épileptiques et autres, sont des êtres inutiles
ou dangereux.
Aux causes de dépopulation créées par l'alcool, il faut ajouter la
progression du nombre des suicides d'origine alcoolique qui, en
France, est vraiment effrayante : dans nos départements du nord,
le nombre de ces suicides s'est élevé de 137 à 868 par an, dans l'in-
398 bibliographie.
tervalle de 1874 à 1888, c'est-à-dire que la proportion a sextuplé en
quinze ans.
Voilà donc un mal qui, dans presque toute l'Europe, augmente
constamment le nombre des fous dans les asiles, des vagabonds
dans les dépôts de mendicité, des criminels dans les prisons; qui
fait progresser le chiffre des suicides, tout en diminuant celui des
naissances ; qui ruine les jeunes générations. Partout le cri d'alarme
a été jeté et la lutte s'est organisée; en France elle s'organise.
L'observation montre que les peuples qui ont réussi à faire rétro-
grader l'alcoolisation avec ses terribles conséquences ont recouru
soit à des mesures fiscales, soit à une législation spéciale contre les
alcools, soit enfin à des moyens moraux : tels sont les divers sys-
tèmes de l'augmentation des impôts sur l'alcool, de la rectification
des alcools, de la suppression du privilège des bouilleurs de cru,
de la réduction du nombre des débits, des systèmes de licence de
Goeteborg et de Ber-en, du système suisse ou monopole de l'Etat,
de la prohibition, de la législation pénale, des sociétés de tempé-
rance. De l'expérience acquise à l'étranger, quelles conclusions la
France pourra-t-elle tirer pour sa préservation ? ·
Tout d'abord les impôts doivent être maintenus, aussi bien parce
qu'ils constituent une source de revenus difficile à remplacer que
parce qu'ils entrent en ligne parmi les moyens efficaces auxquels
on peut recourir pour restreindre la consommation. Mais du mo-
ment que l'on permet la vente de l'alcool, il incombe à l'Etat le
devoir rigoureux de veiller à ce que les alcools de mauvaise prove-
nance ne puissent être mis en vente et, pour cela, la suppression du
privilège des bouilleurs de cru et le monopole pris par l'Etat de la
rectification des alcools s'imposent. Après avoir diminué la toxicité
du produit, il faut songer à en restreindre la consommation en
frappant l'alcool et les boissons alcooliques d'un impôt considé-
rable, en exonérant presque complètement les boissons peu alcoo-
liques, comme le vin, le cidre, la bière et complètement les
boissons non alcooliques, le café, le thé, le cacao.
. Mais pour arriver à édicter de semblables mesures, il serait
nécessaire d'établir en France des sociétés de tempérance, car
aucune mesure n'est capable de combattre avec efficacité l'alcoo-
lisme, si elle n'est soutenue par l'opinion publique.
Relativement aux sociétés de tempérance, il est intéressant de
noter que toutes celles qui se sont fondées sur le principe de la
modération dans l'usage des boissons fermentées ont échoué, et
que toutes celles qui sont arrivées à de bons résultats dans l'oeuvre
de sauvetage des ivrognes, ont pris pour base l'abstinence absolue
de toute boisson alcoolique.
Malheureusement il faudra beaucoup de temps avant qu'on
réussisse à arrêter ce fléau social, mais déjà l'élan est donné : la
Chambre a relevé la laxe sur les eaux-de-vie et entamé le privilège
BIBLIOGRAPHIE. 399
des bouilleurs de cru; elle a voté en principe le monopole de
l'alcool. Le Conseil général de la Seine a décidé la création d'un
asile spécial pour les buveurs 1. L'initiative privée a créé une dizaine
de restaurants de tempérance. La société contre l'abus des boissons
spiritueuses a déjà réuni un grand nombre de membres. On peut
dire que l'assistance des alcooliques est créée.
Tel est le résumé trop court du livre de M. Darin, livre des plus
intéressants, livre utile rempli de faits et d'observations, et dont la
lecture s'impose à tous ceux qu'intéresse la lutte contre l'une des
causes les plus puissantes qui puissent produire la décadence
nationale. » E. BLIN.
VI. L'âme humaine : Iconographie de l'invisible fluidique.
A l'heure où la science officielle, enfin ébranlée par les affirma-
tions de savants courageux, semble vouloir prêter l'attention aux
expériences tentées dans le domaine de l'inconnu (inconnu dont le
mystère sera peut-être révélé demain), il importe de signaler l'ou-
vrage du Dr H. Baraduc : L'âme humaine, ses mouvements, ses
lumières, et l'iconographie de l'invisible fluidique, paru chez Carré.
La matière étant délicate nous transcrirons une partie de la
communication lue à la Société de médecine de Paris en juin 1890.
Les psychicones ou images de l'esprit. M. BARADuc présente
son nouveau livre l'Ame humaine, ses mouvements et ses lumières.
De cette double étude expérimentale de l'âme faite par ses mou-
vements enregistrés par l'aiguille biométrique, et par ses lumières
invisibles icunographiant et impressionnant la plaque photogra-
phique, il a détaché un chapitre spécial relatif aux psychicones,
nom qu'il donne aux images créées par notre esprit sur la plaque.
Dans un précédent ouvrage sur la Force vitale, il avait en effet
montré que les mouvements d'attraction et de répulsion de l'ai-
guille de son appareil biométrique, en présence de la main, déce-
laient les mouvements invisibles à notre élat d'âme vitale, et don-
naient la formule de notre tempérament vital.
C'est le manomètre qu'il emploie pour mesurer la force de vie en
nous relativement à la direction d'un traitement électrique, comme
le thermomètre donne le degré de la fièvre. (La Force vitale, notre
corps fluidique, sa forme biométrique, Carré éd.)
Dans l'iconographie qu'il décrit, il a trouve avec la plaque une
nouvelle méthode d'enregistrer les mouvements de l'âme par leur
propre lumière et d'avoir la signature personnelle respective de
chacun de ces mouvements.
La plaqne dans ses mains est devenue le loyal témoin intermé-
1 Tout semble indiquer, au contraire, que le cinquième asile sera con-
sacré aux aliénés, et ce sera sage.
400 BIBLIOGRAPHIE.
diaire entre l'homme et le cosmos invisible, qui enregistre les com-
munications ayant lieu entre eux, dans cette zone qu'il appelle l'at-
mosphère fluidique de l'âme humaine..
M. Baraduc s'est donc principalement occupé dans cette confé-
rence de la force vitale condensée dans le corps humain, de ce
corps fluidique appelé par lui SoMoD, capital-vie, nuage de force vitale
condensé en nous. C'est cette nuée odique de vivante lumière qui
prend la forme, l'image que notre esprit lui donne, grâce à sa
faculté imaginative. '
Le psychicone est donc la nuée odique de force vitale imaginée en
forme, par l'imagination psychique. C'est une création de l'esprit
indépendante du corps matériel, dont elle sort pour se produire sur la
plaque.
Les psychicones sont caractérisés par l'absence de traits de lignes,
ils sont une relation de lumière, une forme nuageuse de nuée
odique, par points, pois, estompages, picturages ; la pellicule
impressionnée ne présente pas le relief des portraits photogra-
phiques ordinaires.
Comment on obtient un psychicone. En dehors de son emploi
habituel en photographie, la plaque photographique ordinaire est
un agent de réception des mouvements lumineux invisibles à l'oeil,
obtenus dans l'obscurité, ou avec la lumière rouge.
Sa faculté photochimiquè est remarquable ; elle peut être utili-
sée à enregistrer des vibrations connues, telles que celles de l'élec-
tricité ou des vibrations inconnues, c'est-à-dire les grandes anses
elliptiques du Zoo-Ether, et en particulier les images créées par l'es
prit humain, les psychicones.
. Avec ou sans électricité, onpeut projeter suruneplaque dansl'ob-
scurité, une image bien imaginée, façonnée, modulée par l'esprit.
Celui-ci doit donc concevoir mentalement avec puissance et net-
teté, l'image à laquelle il va donner un corps fluidique et sous une
douce.pression de la volonté, cette image s'évacue par la main et
vient se graphier sur la plaque.
Pour aider son extériorisation, une faible tension, comme le
souffle ou le vent électrique, peut être employée intermédiaire-
ment entre la main (le corps se trouvant dans un bain d'électricité
statique positive) et la plaque, située en dehors à l'état neutre.
Quant à la vibration lumineuse en elle-même, c'est de la force
vitale-animique. dont la graphie est nettement différente des forces
voisines électriques, électro-neuriques, et que l'on peut obtenir
indépendamment d'elles.
Eu résumé : l'esprit imagine une image, la module avec la force
vitale humaine, se voile dans une forme qui l'exprime et l'exté-
riore sous cette forme qui se graphie sur la plaque à laquelle la
main l'abandonne. Les conclusions de ce que nous venons de dire
sont :
BIBLIOGRAPHIE 401
1° Physique. La plaque impressionnée offre unesignature diffé-
rente suivant qu'elle l'est par l'électricité ou par les effluves de la
main. Ces effluves présentent une forme en rapport avec l'image
tentée lorsqu'elle est puissamment voulue ou modulée, et extério-
rée.
2° Psychologique. -La constatation de la possibilité d'une image
estompée d'une façon plus ou moins énergique suivant l'opérateur
et la durée de l'opération (deux minutes à une heure), montre l'in-
tervention d'un tiers facteur par rapport au corps et à la force
vitale de l'âme, c'est-à-dire l'intervention de l'esprit créateur.
3° Pathologique, A ce point de vue la communion fluidique
avec l'invisible montre le danger de la contagion fluidique, de
l'envahissement des âmes faibles par les émanations fortes, par les
influences errantes vécues, car aucune des émanations humaines
ne se perd parmi ces nuages de vie exhalés.
Comme conséquence on comprend ces aura, ces vapeurs, ces
envahissements et le parasitarisme fluidique, figuré sous le nom de
diabolisme ; enfin la réalité objectivale des formes hallucinatrices
entrenues en lui, par le fou lui-même, lesquelles inversement nour-
rissent sa folie, c'est-à-dire le parasite fluidique.
4° Philosophique. Le monde des formes, expérimentalement
démontré, vient confirmer ou infirmer les différents systèmes phi-
losophiques, qui se trouvent maintenant dominés par la notion
suivante : L'esprit, actuellement inaccessible expérimentalement en
lui-même, reste comme une pensée intime cachée au fond de nous,
mais il se voile dans la forme iconographiable de notre lumière de
vie qu'il modèle pour se manifester sur une plaque sensible, ainsi
donc l'expérience même prouve que l'Orne humaine, l'âme psychique
est mouvement, lumière et création.
- Selon toute probabilité, le volume du Dr Baraduc soulèvera
d'ardentes polémiques. Il ne nous appartient pas de prendre parti;
mais toute tentative loyale est digne d'intéresser les savants
et ceux qui aiment l'amour de la vérité. S. A.
VI. De l'aphasie sensorielle ; par Ca. Mirallié. (Stenheil, 1896.)
Le très important travail de M. Marallié a trait à un des points
les plus intéressants et les plus controversés de la pathologie ner-
veuse.
Les études sur l'aphasie se sont multipliées depuis Broca. Avec
Trousseau, Duval, Jaccoud, Charcot, etc., la symptomatologie et la
clinique de l'aphasie ont été bien établies. Wernickeen 1874, usant
avec plus de rigueur de la méthode anatomo-clinique découvre
l'aphasie sensorielle que Kussmaul ne tarde pas à diviser en cécité
et en surdité verbales. En 1881, quatre centres sont anatomique-
ment déterminés correspondant à quatre modalités du langage : le
. Archives, 2° série, t. IL. 26
401 BIBLIOGRAPHIE.
centre de Broca ou de l'aphasie motrice au pied de la troisième
circonvolution frontale gauche, celui de Wernicke ou de la surdité
verbale à la partie postérieure de la première temporale gauche,
celui de l'agraphie placé par Exner au pied de la deuxième frontale
gauche et enfin celui de la cécité verbale, symptôme qui fut nette-
ment localisé au pli courbe gauche dans la première autopsie faite
par IL Déjerine.
Les causes de l'aphasie sont le plus souvent le ramollissement
cérébral parfois l'hémorragie et les tumeurs.
La lésion peut porter sur le centre cortical (aphasies corticales)
ou sur les fibres qui relient les centres d'images motrices, visuelle
ou auditive aux centres généraux correspondants (aphasies sous-
corticales). Les Allemands ont créé un groupe tout schématique
d'aphasies transcorticales où les relations entre les divers centres
du langage et le centre de l'idéation seraient interceptées. Les
formes corticales sont les plus fréquentes.
L'aphasie sensorielle fut décrite, pour la première fois, par Wer-
nicke en 1874. Il entendait sous ce nom, un syndrome caractérisé
par la perte de compréhension de la parole entendue et lue avec
paraphasie et agraphie. La lésion de ce syndrome porterait sur le
tiers postérieur de la première circonvolution temporale et la partie
adjacente de la deuxième.
liussmaul dédoubla le syndrome de Wernicke en appelant cécité
verbale la partie de la compréhension de l'écriture avec paraphasie
et agraphie mais avec conservation de la parole parlée. Charcot
admit la surdité etla cécité verbale mais en fit des symptômes abso-
lument indépendants de l'aphasie et de l'agraphie ayant leurs
lésions à des points différents, et il expliqua leur coïncidence par
des lésions multiples.
M. Mirallié, se basant sur de nombreuses et minutieuses obser-
vations, combat avec de solides arguments l'opinion de Charcot. Il
admet une seule aphasie sensorielle, caractérisée essentiellement
par la perte de la compréhension des mots entendus ou surdité
verbale, la perte de la compréhension des mots lus ou cécité ver-
bale, la paraphasie et l'agraphie. Au début, la surdité et la cécité
verbales coexistent nettement, mais plus tard l'une prédomine sans
que l'autre disparaisse cependant complètement, selon que la
lésion s'étend du côté de la première temporale ou du côté du pli
courbe.
Le début de l'aphasie sensorielle peut être une attaque d'apo-
plexie, ou bien il peut être brusque sans attaque, ou encore l'aphasie
s'installe lentement et progressivement.
A \a.période d'état, la surdité verbale domine la scène clinique,
le malade entend distinctement mais ne comprend pas les mots
prononcés devant lui. Le degré de surdité verbale peut être plus ou
moins grand, mais presque toujours le malade reconnaît son nom
BIBLIOGRAPHIE. 403
prononcé devant lui, parfois son prénom et les noms de ses pro-
ches, mais plus rarement. Le nom propre fait en effet partie de
l'individu. M. Mirallié insiste sur les faibles degrés d'aphasie senso-
rielle qui passent inaperçus lorsque les malades ne sont pas obser-
vés méthodiquement.
La récité verbale est à la vision, ce que la surdité verbale est à
l'audition. L'auteur fait remarquer qu'il faut borner souvent la
cécité verbale à la parole écrite et que cette cécité n'existe pas par-
fois pour les symboles. Ainsi un malade, incapable de lire les mois
« République Française », les prononçait aussitôt en présence d'un
cartouche renfermant les lettres R. F.
Le malade atteint de cécité verbale ne peut lire ni l'imprimé ni
le manuscrit; s'il écrit, il ne peut se relire. '
Le degré de cécité verbale est encore très variable; le plus sou-
vent le malade conserve la faculté de lire son nom ou quelques
mots spéciaux toujoursles mêmes pour tous les malades (prénoms,
noms de la femme et des enfants, de la ville natale, du métier). Il
n'y a que dans les formes intenses que le malade perd la faculté
de reconnaître les lettres. *
La parole parlée est altérée, mais d'une façon différente de celle
de l'aphasie motrice.
Le sensoriel, selon la définition de Déjerine est « un verbeux,
un loquace, mais son langage est incohérent », le phrase se com-
pose de mots détournés de leur sens (paraphasie) mélangés de
mots forgés de toutes pièces (jargonaphasie). La parole répétée et la
lecture à haute voix sont très défectueuses et présentent les mêmes
caractères que la parole spontanée.
L'écriture de l'aphasique sensoriel est toujours très troublée à la
période d'état.
L'écriture spontanée est impossible; mais bien que le malade ne
puisse spontanément écrire une seule lettre, il tracera le plus sou-
vent son nom. Le sensoriel ne peut écrire sous la dictée, et s'il
copie il cherche péniblement à retracer les lettres comme s'il
copiait un dessin.
L'hémiopie homonyme latérale droite constitue encore un symp-
tôme fréquent et presque constant de l'aphasie sensorielle.
De l'hénziaclaromatopsic précéderait, fort souvent, d'après Vialet,
l'hémiopie.
La motilité est généralement intacte. L'intelligence est toujours
assez affaiblie. La mimique est aussi affaiblie en raison directe des
troubles intellectuels.
Tels sont les signes cliniques que présente un malade frappé d'une
lésion de la zone du langage qui occupe les circonvolutions d'en-
ceinte de la scissure de Sylvius. Il offre toujours une altération du
langage intérieur et par suite des altérations manifestes ou latentes
de toutes les modalités du langage (parole, audition, lecture, écriture).
404 BIBLIOGRAPHIE.
Il existe aussi des aphasies pures, mais ce ne sont pas des aphasies
vraies. Ces aphasies motrices sous-corticales, cécité verbale pure,
surdité verbale pure, ont leur siège en dehors de la zone du langage
intérieur, elles ne portent que sur une modalité du langage et n'en-
traînent jamais l'agraphie.
Le diagnostic de l'aphasie consiste : 1° à reconnaître l'aphasie
des troubles qui peuvent la simuler ; 2° à distinguer entre elles ses
diverses variétés. Le diagnostic avec les troubles du langage des
paralytiques généraux, bulbaires, pseudo-bulbaires, de la sclérose
en plaques, est facile. Au premier abord un aphasique sensoriel
peut passer pour un sourd ou un dément, mais l'erreur ne résiste
pas à un examen même superficiel.
Cependant dans certaines paralysies générales on peut constater
des aphasies vraies, si une lésion de la maladie existe au niveau du
centre du langage. L'hystérie, dans certains cas très rares, donne
lieu à de l'aphasie sensorielle.
L'aphasie sensorielle diffère de l'aphasie motrice. Le sensoriel est
verbeux, le moteur n'a que peu de mots à sa disposition. La cécité
verbale est moins accusée et la surdité verbale n'existe pas chez
le moteur. L'agraphie est totale chez le sensoriel, il écrit son nom,
mais comme un emblème en faisant sa signature. Il copie l'imprimé
comme un dessin et le reproduit en imprimé; tandis que le moteur
copie l'imprimé en manuscrit.
L'aphasique moteur sous-cortical ne parle pas spontanément et ne
peut répéter la parole entendue ni lire, mais il comprend, peut
écrire et répondre en écrivant.
Dans les aphasies sensorielles pures (cécité verbale pure, surdité
verbale pure), le langage intérieur est conservé et le malade peut
parler spontanément. .
L'aphasie transcorticale est hypothétique.
Il existe encore un trouble désigné par Bertin sous le nom de
dyslexie qui consiste en l'impossibilité pour le malade de compren-
dre ce qu'il lit après quelques mots de lecture. Cette affection facile
à distinguer de l'aphasie sensorielle vraie, tiendrait à un trouble
fonctionnel au niveau du pli courbe.
M. Mirallié aborde ensuite l'étude de l'agraphie qui joue un rôle
si considérable dans le diagnostic des aphasies.Il combat l'opinion
de Charcot et d'lxner qui affirmaient l'existence d'un centre moteur
autonome graphique. M. Mirallié adopte les opinions de Wernicke,
Kussrnaul, Lichtheim, Gowers, Déjerine, Freud, Oppenheim, etc.,
qui prétendent que toute altération d'un centre d'images du lan-
gage entraîne l'agraphie.
L'auteur passe en revue les arguments émis en faveur de l'hypo-
thèse d'un centre de l'agraphie et établit que les arguments psycho-
physiologiques ne reçoivent l'appui d'aucun fait clinique nettement
observé. <
BIBLIOGRAPHIE. 40S
Pour donner plus de force à son hypothèse, M. Mirallié, après
avoir critiqué les arguments en faveur du centre de l'agraphie,
expose ceux contraires à l'exislence de ce centre. Se basant sur la
clinique, il affirme que l'agraphie pure, non reliquat d'une aphasie
motrice ou sensorielle, est encore à démontrer. Il cite l'observation
de M. Bar où l'autopsie révéla une seule lésion localisée au pied de
la deuxième frontale (localisation de l'agraphie de Charcot). Ce
malade aurait dû être atteint d'agraphie pure, mais fobservation
indique des troubles de la parole avec ceux de l'écriture. Enfin
M. Mirallié a fait des expériences au moyen de cubes sur lesquels
des lettres étaient dessinées. S'il existait un centre d'agraphie
permettant de coordonner les mouvements nécessaires pour tracer
des lettres, les malades atteints d'agraphie pourraient former des
mots avec ces cubes, les mouvements destinés à tracer les lettres
n'étant plus nécessaires. Or, chez tous les malades, l'agraphie exis-
tait tout aussi bien pour ce genre d'écriture typographique que
pour l'écriture ordinaire. Donc, dit M. Mirallié, l'agraphie ne résulte
pas d'une perte de prétendues images graphiques mais bien de la
perte de la notion du mot. Rien n'autorise actuellement à admettre
un centre de l'agraphie.
L'anatomie de la zone du langage est ensuite minutieusement
exposée par l'auteur. Voici ce qu'il entend sous ce nom avec M. Dé-
jerine : c'est la plus grande partie de la'circonvolution d'enceinte
de la scissure de Sylvius : pied de la troisième frontale, centre des
images motrices d'articulation; partie postérieure des première et
deuxième temporales centre des images auditives; pli courbe, cen-
tre des images visuelles. Ces diverses parties sont reliées entre elles
par des fibres blanches, d'autres fibres les réunissent aux autres
régions corticales, d'autres traversent le corps calleux et vont à
l'autre hémisphère.
De toute la corticalité de la zone du langage partent des fibres
de projections venues des cellules pyramidales. Les mieux connues-
sont celles de la troisième frontale qui forment le faisceau pédiculo-
frontal de Pitres, occupent le genou de la capsule interne formant
son extrémité antérieure, le bord interne du pied du pédoncule
puis arrivent aux noyaux moteurs du bulbe. Cette zone du langage
est irriguée par l'artère sylvienne et ses branches.
Les aphasies vraies sont produites par les lésions de cette zone du
langage, tous les modes du langage sont atteints et le langage inté-
rieur est altéré. Les aphasies pures résultent d'une lésion des fibres
de conduction centripète ou centrifuge ; la zone du langage étant
intacte, il y a intégrité du langage intérieur.
Le remarquable travail de M. Mirallié se termine par un recueil
de 62 observations dont beaucoup sont inédites qui forment une
base solide aux opinions que défend l'auteur.
Certaines de ces observations s'accompagnent de dessins des
406 ' VARIA.
lésions du cerveau, de reproductions de l'écriture altérée des ma-
lades. Les plus intéressantes sont : l'observation 59 (personnelle)
ayant trait un malade atteint de cécité verbale et littérale totale
avec agraphie dans laquelle le malade ne reconnaît et ne peut
écrire que son nom. -
L'observation 60 dans laquelle le malade, atteint d'aphasie sen-
sorielle complète, est agraphique et ne peut écrire avec des cubes
alphabétiques. Il présente une paraphasie et une jargonaphasie
très marquée. Ce même malade, qui ne peut répéter les paroles
dites de la Marseillaise, les prononce distinctement en chan-
tant. -
Enfin, signalons la très curieuse observation 62 (inédite), recueillie
avec M. Escat dans le service de M. Gaucher. Le malade est atteint
de cécité verbale pure. Très bon dessinateur, il dessine très bien
spontanément une tête et est incapable de copier correctement un
modèle de tête et même de dessiner d'après nature une simple
sonnette. Les figures de ces dessins reproduites au cours de l'obser-
vation sont des plus intéressantes.
Les mémoires du genre de celui de M. Mirallié ne se jugent pas
à la suite d'une analyse, ils sont le résultat d'une connaissance trop
exacte de la clinique et de l'anatomie cérébrales pour ne pas
perdre beaucoup dans un résumé fût-il très long et très conscien-
cieux. / J. Noir.
VARIA.
Les peintres DE la médecine (Ecoles flamande et hollandaise).
LES opérations sur la tète; par M. Henry Meige. (Nouv. Iconog.
de la Salpêl21ère, 1895, nos 4 et 5.)
C'est là une de ces 'études médicales et artistiques que M. Meige,
érudit et artiste à la fois, s'entend si bien à rendre attrayantes. Je
n'ai pas la prétention de l'analyser, elle est très étendue et se prête
mal à l'analyse, mais je tiens à la signaler comme une des plus
intéressantes parmi les intéressantes études du même genre, que
l'on trouve dans presque tous les numéros de la Nouvelle Icono-
graphie. On y voit intercalés dans le texte d'excellents dessins re-
présentant les tableaux plus ou moins connus, dont on a ainsi à
VARIA. 407
la fois la reproduction, l'histoire et l'interprétation critique.
M. Meige, le titre de son travail l'indique, a recherché dans les
différents musées les tableaux et les gravures des anciennes écoles
flamande et hollandaise, représentant des scènes de pratique chi-
rurgicale. Limitant ensuite son sujet, il n'a gardé, de ces repro-
ductions de l'art chirurgical, que celles qui avaient trait à la chi-
rurgie de la tête. Les tableaux de cette sorte sont, parait-il, assez
nombreux et on peut les ranger par catégories. Ainsi, il y a d'abord
de nombreux tableaux qui représentent des extractions de dents :
on trouve toujours au moins un Dentiste dans chaque musée d'Eu-
rope. Le Louvre possède le Dentiste de Girerd Don, qui est un véri-
table chef-d'oeuvre. Il existe aussi quelques reproductions d'opéra-
tions pratiquées sur les yeux, mais les opérations pratiquées sur le
crâne ont joui particulièrement d'une grande vogue artistique;
M. Meige, jusqu'à présent, en a déjà réuni douze exemples trouvés
dans les différents musées d'Europe, et qui tous méritent d'être
étudiés au point de vue médical, artistique et anecdotique. C'est,
en réalité, les douze études de ces douze tableaux ou gravures qui
constituent le fond de son travail.
Eh bien, ces douze tableaux ou gravures représentent presque
tous d'une façon indéniable des scènes d'extraction de pierres de la
télé.
Qu'est-ce donc que ces p ! 'e ? ? s de la tête ? M. Mêlée va nous
l'apprendre. Il est une locution familière dont on fait un usage
fréquent, lorsqu'on veut dire de quelqu'un que son fonctionnement
psychique laise à désirer : a Il a, dit-on, un hanneton ou une amci-
gnée dans le cerveau, » ou encore : «. Il a un grain dans la tête. »
Autrefois, dans certains pays, on se servait, et on se sert encore
dans quelques contrées du Nord, pour exprimer la même idée,
d'une locution analogue : « Il a une pierre dans la tête. » Or, nous
n'étonnerons personne en disant qu'il s'est trouvé jadis nombre de
charlatans pour démontrer que la locution exprimait un fait positif,
qu'il existait réellement des pierres dans la tête et la cervelle des
gens atteints]de certaines maladies, lesquelles gens guérissaient dès
qu'on était parvenu à leur arracher leurs pierres, si bien que l'ex-
traction des pierres de tête devint à un moment donné une véri-
table industrie. Comme conclusion, tous ces tableaux et toutes ces
gravures qui représentent des scènes d'extraction de pierres de la
tête sont des oeuvres satiriques et philosophiques, dont plusieurs
ont en outre une grande valeur artistique, et M. Meige expose l'his-
toire et fait la critique des douze exemples qu'il a recueillis, parmi
lesquels je citerai le Chirurgien de Village de Jan Sauders (van
Hemessen), du musée du Prado de Madrid ; les gravures de Pierre
Bruegel le Vieux, du musée d'Amsterdam, de Nicolas Weijdmans;
du cabinet des estampes du muséum d'Amsterdam, etc.
Camuset.
408 VARIA.
Guérisons prétendues miraculeuses au MOXT SAINT-MICHEL
Nous avons trouvé dans l'Hisloire du Mont Saint-Michel de
Deschamps du Manoir un certain nombre de faits intéressants,
concernant la guérison, réputée miraculeuse, de plusieurs
personnes atteintes d'affections nerveuses et en particulier
d'hystérie. Nous croyons utile d'en placer la relation sous les
yeux de nos lecteurs.
« Aux frères habitant le mont Saint-Michel, le frère Robe ? t
et les autres frères serviteurs du bienheureux Vit01', près Bnyeux.
« Notre frère Hugues, neveu de l'abbé de Lon... * que vous con-
naissez parfaitement, puisqu'il a été élevé parmi vous, a éprouvé
une chose inouïe, dont la singularité a frappé ici tout le monde.
Un mardi, pendant la messe matinale, il fut pris d'un mal de tête
et se retira dans sa cellule, où il éprouva tout à coup une crise de
la maladie que les médecins appellent épilepsie, d'un mot grec, ou
mal sacré, parce qu'elle affecte les parties nobles de l'homme,
comme la tête et l'esprit, et que nous nommons vulgairement mal
caduc, parce qu'il fait tomber. Un frère, hors de lui, accourut me
chercher au cloître, où j'étais par hasard occupé à écrire. Nos
frères, qui avaient fini l'office, accoururent aussi près de lui, avec
la croix et l'eau bénite. Nous nous mimes à genoux pour réciter les
psaumes de la pénitence; puis je le fis porter à l'église au pied de
l'autel de saint Nicolas. Là, nous récitâmes encore les sept psaumes
pénitentiaux, les litanies et les trentes psaumes d'avant l'office de
nuit. Troublé et agité, Hugues poussait des gémissements lamenta-
bles et entendait des voix pleines de reproches.
« On le porta à l'infirmerie, et on appela deux célèbres médecins
qui se trouvaient alors à Bayeux. Leur art resta inutile, et les accès
se répétaient chaque jour, de manière à ce que je ne pouvais pas
le quitter. Dans une situation si triste, il n'avait pas perdu cette
légèreté, cette étourderie, ce penchant à la bouffonnerie, qui m'a-
vaient tant contristé et que vous lui avez connus autrefois
« Vingt-sept jours se passèrent de la sorte; Je vingt-huitième,
après le souper, je retournai près de lui comme à l'ordinaire, et je
m'assis devant son lit. Etonné de son silence, j'entr'ouvris les
rideaux, et je le trouvai privé de sentiment. Un peu après, il poussa
un profond soupir, et dans l'espace d'une heure, il eut trois crises
horribles, pendant lesquelles des voix mystérieuses lui criaient de se
recommander aux prières de ses frères, pour fléchir le courroux de
Dieu.
« J'appelai quatre religieux, et on apporta solennellementle corps
' Lonensis abbattis.
VARIA. 409
de Notre-Seigneur pour lui donner la sainte communion. La plus
grande partie de la nuit fut calme et silencieuse; puis les crises
recommencèrent. Je fis aussitôt éveiller toute la communauté,
pour qu'elle vint prier avec nous. Pendant que nous récitions les
psaumes, il me dit : « Dites à nos frères d'aller se reposer, parce
« que je suis délivré pour cette fois par la miséricorde de mon Dieu,
« et je ne serai repris que dans trois jours. » Une grande anxiété
avait éteint sa légèreté native, et je profitai de ces bonnes disposi-
tions pour l'avertir de faire un retour complet sur lui-même et de
confesser tous ses péchés passés, surtout ceux qui avaient été pour
lui une cause de tourment dans cette vision si terrible. Il le fit de
toute son âme, et je lui donnai les meilleurs avis qu'il me fut pos-
sible.
a Le troisième jour, après avoir assisté à l'office du matin hors
du choeur, il vint au chapitre se prosterner aux pieds des religieux,
le coeur ému et l'âme brisée, puis il reçut la discipline avec une
humilité admirable, tous les moines passèrent ce jour dans les
larmes, distribuant leur dîner aux pauvres et donnant de plus un
denier à chacun. Dans une nécessité si pressante, nous voulûmes
honorer Jésus-Christ dans la personne du pauvre, et nous fimes
entrer à l'infirmerie un indigent qui dîna avec notre frère et reçut
deux deniers. La journée fut consacrée à la prière, et notre frère
communia à une messe qui fut dite pour lui. Après que nous eûmes
pris notre réfection, j'allai rejoindre le malheureux Hugues, qui,
as>is et tremblant, sentit la main de Dieu s'appesantir sur lui. Il
tomba sans connaissance, et quoiqu'il n'eût pas les violentes agita-
tions des premières crises, il se roidissait et écumait. Je fis venir
la communauté qui se mit en prière : tout à coup sa main droite
s'ouvrit et il fit trois signes de croix. Nous continuions à psalmo-
dier, et nous l'entendions dire en se frappant la poitrine : « Mon
a Dieu, mon Dieu ! que je suis pressé ? des bêtes cruelles m'atta-
« quent... mais elles se retirent... » Il ajouta un peu après, quand
nos frères se furent rendus au choeur pour l'office du soir : « J'ai
«vu entrer par cette petite porte un horrible homme noir, aux
« yeux flamboyants, le feu lui sortait par la bouche, et il traînait à
« sa suite deux chiens affreux, qui jetaient le feu par la gueule
« pour me consumer. J'ai bien combattu ces ennemis, et je suis
« parvenu à les mettre en fuite, en donnant un coup à chacun
«d'eux. » Je compris que les trois coups qu'il avait donnés étaient
les trois signes de croix qu'il avait faits. Il gisait sur son lit, brisé
de terreur et de fatigue, et, la nuit suivante, il eut une nouvelle
crise tout aussi épouvantable, pendant laquelle il fil un grand signe
de croix. Il me dit quand elle fut passée : a J'ai vu trois hommes
c armés de lances d'un feu qui sentait le soufre, entrer dans ma
« cellule pour me percer; mais avec la croix que je tenais à la
« main, je les ai dispersés. » D'abondantes larmes coulaient sur les
lr'10 VARIA.
joues amaigries par la souffrance et enflammées par la fièvre.
Pour le consoler, je lui parlai de nos divines Ecritures et du mystère
adorable de la Trinité. Il m'écoutait attentivement, quand soudain
il ferma les yeux et sembla perdre connaissance ; cependant il
tenaitles mains jointes et élevées vers le ciel. Nous nous mimes il
réciter le symbole de saint Athanase, et comme nous le répétions
une seconde fois, vers la moitié, il ouvrit les yeux et s'écria :
« Gloire à vous, ô mon Dieu ! gloire à vous, ô mon Dieu ! » Nous
nous hâtâmes d'achever le symbole, et Hugues me pria de faire
venir près de son lit tous les religieux du mont Saint-Michel qui
résident ici. Quoique j'eusse quelque répugnance à interrompre
avant matines le sommeil de nos frères, que j'avais envoyés se
reposer comme de coutume, je cédai à ses vives instances, et dès
qu'ils furent réunis : « De la part de Dieu, dit-il, de la part de saint
« Michel et de saint Vigor, notre excellent patron, ne retournez
« point au Mont pendant la prélature de celui qui en est mainte-
« nant abbé. Si vous y retournez habiter, vous aurez une mauvaise
« fin et une mort affreuse, le Seigneur vous prouvera la vérité de
« ces paroles. » Je renvoyai alors nos cinq frères du mont se reposer
sur leurs lits; mais voyant Hugues repris d'un nouvel accès, je
les rappelai et nous récitâmes de nouveau le symbole de saint
Athanase. Après le Gloria Patri, Hugues s'assit sur son lit, en s'é-
criant : « Que le Seigneur soit béni ! qu'il soit à jamais béni ! me
« voilà entièrement guéri ; je puis me lever et agir comme vous ! » »
Et en effet nous vîmes sur son visage je ne sais quelle marque
divine de santé, et celui qui un instant auparavant était étendu
sous les étreintes de la maladie et dans les angoisses de la mort,
paraissait dans la joie et dans une santé florissante. Aussi nous
nous empressâmes de réciter le Te Deum. Depuis lors, il se porte
parfaitement, et il bénit, par ses paroles et par son changement de
conduite, le Seigneur qui l'a frappé et guéri, le Seigneur dont il a
senti la main, et auquel soit honneur, gloire et puissance dans les
siècles des siècles ! Amen. » (Deschamps du Manoir. Histoire du Mont
Saint-Michel, au péril de la mer et du ii2o ? zt.Tombelaine, 3° édition,
1877, p. 321.) ,
« Le manuscrit n° 34 rapporte la guérison d'une femme pamly-
tique, qui voyant tout le monde courir au-devant de la châsse de
saint Aubert, apportée processionnellement du mont à la cathé-
drale d'Avranches, se mit à invoquer le saint pontife avec ferveur.
Elle s'était placée près de la porte de la ville, et, quand les Saintes
Reliques passèrent devant elle au sortir d'Avranches, elle se trouva
subitement guérie. » (Deschamps du Manoir. Histoire du Mont Saint-
Michel, p. 320.)
« La première, du 4 mai 1560, est celle d'une jeune fille de Saint-
VARIA. 411
Sylvain-en-Caux, nommée Thomasse George, dont la main ne pou-
vait s'ouvrir, Comme elle faisait dire la messe, le prêtre faisant
« la dernière élévation du corps de Notre-Seigneur, la main luifut
a ouverte aussi facilement que si jamais elle n'avait été fermée. »
« Ce fut également une Bretonne qui obtint le troisième miracle.
Guillemette, femme de Jeau Leredde, de Cancale, fut délivrée d'une
possession le 29 janvier 1595.
« La quatrième de ces guérisons est celle du 14 juillet 1594.
Jean Tellevast, de Carneville, au diocèse de Coutances, était, comme
Guillemette Leredde, possédé du Démon, qui le harcelait horri-
blement. Sa mère, son frère et un de ses cousins le conduisirent
au mont, lié et emmenolté. Dom Payem, promoteur de l'abbaye,
l'exorcisa, et il fut si complètement délivré du malin esprit, qu'il
laissa ses liens au pied de l'image de saint Michel... » (Deschamps.
Histoire du Mont Saint-Michel, p. 330.)
Ces faits s'ajoutent à ceux que nous avons déjà rapportés
en maintes circonstances et justifient les opinions soutenues
par notre illustre maître Charcot, dans un de ses derniers tra-
vaux : La foi qui guérit , que nous avons publié dans les A 1'-
chives de Neurologie (t. XXV, p. 72, 1893), et que nous réimpri-
mons actuellement pour la Bibliothèque diabolique. B.
Séquestration D'UN aliéné.
Le parquet de Cambrai vient d'être saisi d'une grave affaire de
séquestration qui s'est passée à Soncourt. La dénonciation affir-
mait que, dans une grande ferme de cette commune, un jeune
homme, qui était revenu du régiment l'esprit oblitéré, était
séquestré par ses parents depuis six ans. Le procureur de la Répu-
blique de Cambrai et le juge d'instruction, accompagnés d'un
médecin légiste, se sont rendus aussitôt à la ferme désignée, et ont
procédé à une enquête. Ils trouvèrent, en effet, l'idiot dans une
chambre obscure, située à l'extrémité de la ferme.
Un air méphitique régnait dans ce taudis infect. Le pauvre
insensé était couché sur une paillasse pourrie par ses déjections.
Il n'avait pour tout vêtement qu'un mauvais maillot de coton
dont les trous laissaient voir le corps décharné et sale, complète-
ment replié sur lui-même. Les membres inférieurs sont ankylosés.
Il semble privé de l'usage de la parole et ne répond que par des
cris gutturaux aux questions qui lui sont posées. En résumé, c'est
un être retourné à l'état sauvage.
A la vue des gendarmes, il s'est mis à rire et a poussé des petits
cris de joie. Le pauvre idiot a été transporté immédiatement à
l'hôpital Saint-Julien, à Cambrai. Aucune mesure n'a encore été
prise contre les parents dénaturés. (La Justice, du 12 oct.)
41 2 VARIA.
Il s'agit là, non pas d'un malade atteint d'idiotie, maladie
congénitale ou de l'enfance, mais d'un malade devenu aliéné.
Les séquestrations illégales de ce genre entrainent la res-
ponsabilité, non seulement de la famille, mais encore du
maire de la commune et du préfet du département. Les com-
munes, les administrations départementales, les conseils
généraux, placent trop souvent les considérations financières
au-dessus des questions d'humanité. On entoure les place-
ments des aliénés dans les asiles de trop de difficultés admi-
nistratives. On ne veut ordonner le placement que si le malade
est dangereux, a commis des attentats contre les personnes
et contre la propriété. C'est au ministère de l'intérieur qu'il
appartient de faire cesser ces séquestrations arbitraires et
barbares en donnant des instructions formelles à ses préfets,
en leur rappelant que la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés
est au premier chef une LOI DE bienfaisance.
Assistance DES enfants IDIOTS.
Nous avons reçu la lettre suivante qui mérite d'attirer l'at-
tention des médecins et des administrateurs.
3 octobre 1896.
Monsieur et très honoré confrère,
Je vous prie d'abord de m'excuser si je viens vous déranger au
milieu de vos nombreuses occupations, mais il s'agit d'une oeuvre
d'humanité et d'une question qui relève de votre compétence bien
connue en matière de phrénologie infantile. Je voudrais savoir s'il
existe quelque part un asile où pour une modique somme, sinon
gratuitement, on puurrait recueillir une enfant de quinze ans
demeurée arriérée par suite d'une méningite survenue dans la
première enfance, et ayant en outre un bras et une jambe frappés
d'impotence fonctionnelle. La mère, divorcée, n'a pour toute res-
source que des journées de couture (75 centimes par jour); elle est
obligée d'abandonner chez elle cette enfant qui a déjà été victime
de deux tentatives de viol. Il est facile de prévoir ce qui finira par
arriver ; cette situation est intolérable et il n'existe dans ce pays
aucun moyen d'y remédier.
Si on connaissait un établissement voulant se charger de ce genre
de malade on pourrait solliciter la charité de quelques familles et
même s'adresser à l'administiaUon pour avoir un secours et cons-
tituer un trousseau ou donner quelque argent. J'espère que vous
VARIA. 413 là
me pardonnerez mon importunité en faveur du motif et que vous
voudrez bien m'honorer d'une réponse.
Recevez, monsieur et très honoré confrère, l'expression de mes
meilleurs sentiments. Dr E. d'A...
Ce fait plaide d'une façon éclatante en faveur de l'hospita-
lisation et du traitement des idiots enfants, adolescents et
adultes.
Loi interdisant LE mariage aux épileptiques ET aux IMBECILES.
La Médecine Moderne (n° du 26 août 1896) rapporte d'après le
Medieo-su1'gieal Bulletin que la législature du Connecticut a voté
une loi interdisant à tout homme ou femme épileptique, imbécile
ou faible d'esprit, de se marier ou de vivre ensemble comme mari
et femme, quand la femme est âgée de moins de quarante-cinq ans.
La pénalité est un emprisonnement de trois ans au moins. Toute
personne qui aidera à cette union sera passible d'une amende de
1,000 dollars ou d'un emprisonnement d'un an.
L'application absolue de cette loi nous paraît difficile. Elle
est facile quand il s'agit des idiots proprement dits, des imbé-
ciles à un degré prononcé et des épileptiques incurables plus
ou moins aliénés, qui, tous, sont des gens peu mariables.
En ce qui concerne les épileptiques qui ont des accès rares,
ne troublant que passagèrement leurs facultés intellectuelles,
et les épileptiques qui n'ont que des accès nocturnes, dont la
maladie est pour ainsi dire ignorée du public, la loi est diffi-
cilement applicable. Dans ces conditions, si le conjoint sain
n'a pas été prévenu de l'existence de l'épilepsie, le divorce
devrait être de droit.
Pour ce qui est des faibles d'esprit, il y a une très grande
difficulté à l'application de la loi, car il faudrait préciser où
la faiblesse d'esprit commence et où elle finit.
Les équipées DU petit Janot : Hippophilie.
Edouard Janot, un galopin haut comme une botte, à la physio-
nomie rusée, a treize ans. On ne lui en donnerait pas huit. Il est
poursuivi à la 9° chambre correctionnelle du tribunal de la Seine
pourvoi d'un cheval et d'une voiture.
Le 21 juillet dernier dans la matinée, au marché de Joinville-le-
Pont, Edouard Janot détela le cheval d'un charcutier, M. Morin,
sous le nez d'une dame que ledit charcutier avait chargée de gar-
der son attelage. Ensuite, prenant le cheval par la bride, le petit
r'1P Il FAITS DIVERS.
bonhomme se rend chez un charron, M. Honnot, et il lui emprunte
une voiture soi-disant de la part d'un client, M. Bouet.
Peu de temps après, tandis que le charcutier réclamait en vain
son cheval à tous les échos, le charron apprenait de son client que
celui-ci n'avait envoyé personne lui emprunter une voiture. Alors
commença la chasse au voleur. Dans la soirée, Edouard Janot fut
rencontré promenant en voiture un de ses camarades. Le cheval
était à moitié fourbu. La pauvre bête avait reçu plus de coups de
trique qu'elle n'avait mâché de grains d'avoine. Lejeune prévenu,
qui n'en et pas à son premier vol, reconnaît en souriant avec fierté
les faits qui lui sont reprochés.
Son père, M. François Janot, un très honorable charretier, a
été cité devant le tribunal. Ce brave homme refuse absolumen t
de reprendre le mauvais garnement.
Ce gamin-là, dit-il, est incorrigible. C'est la quatrième fois
qu'il se fait arrêter pour vol de chevaux et de voitures qu'il aban-
donne sur la voie publique après s'être promené toute la journée.
Je demande qu'il soit envoyé dans une maison de correction et
qu'on lui apprenne un métier.
Alors le moutard : Un métier, mais j'en connais un, celui de
cocher. Le tribunal acquitte le jeune Edouard comme ayant agi
sans discernement, mais il l'envoie dans une maison de correction
jusqu'à sa vingtième année. (Petit Journal, 27 août 1896.)
Le petit Janot nous paraît un malade. Ce n'est pas un cas
exceptionnel ; il appartient à la catégorie de ceux qui ont la
manie de voler les chiens ; c'est là une variété de kleptoma-
nie. Sa place n'est pas dans une maison de correction où il
deviendra pire, mais dans un établissement médico-pédago-
gique. La grande majorité des enfants envoyés en correction
sont des malades.
FAITS DIVERS.
Jeune mystique. Dans les Aventures de ma vie, de Henri Ho-
chefort, nous lisons (p. 37, t. I) le passage suivant : « Une autre
soeur de mon père, la baronne d'Almais de Curnieux, qui vivait
avec elle, mourut littéralement de faim et d'épuisement à la suite
d'un carême où elle avait jeûné au bas mot trente jours sur qua-
rante. Elle nous écrivait des lettres où, comme dans les Faux-
Bonshommes, il n'était question que de sa mort et où elle nous indi-
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 415
quait la place de tous les objets que nous trouverions dans ses
tiroirs après son décès. »
Asiles d'aliénés. Nominations et promotions. M. le Dr PHCUAR-
MAN, médecin adjoint de l'asile de Clermont, est promu à la
frétasse du cadre à partir du 16 juillet; - M. le Dr Cnocaaes,
médecin adjoint à l'asile de Bailleul, est élevé à la Ire classe du
cadre à partir du 1er septembre ; M. le Dr Charuel, médecin
adjoint J'asile de Châlons-sur-Marne, est élevé à la 1'c classe à
partir du ICI' septembre ; M. le D'' UAMEL, médecin adjoint à
l'asile de Saint-Yon est élevé à la 1 ? classe du cadre à partir du
1er septembre 1896 ; M. le D'' Beutz, médecin adjoint à l'asile de
Dury, est élevé à la 1 ? classe du cadre à partir du lor septembre
t8 ! J6; M. le Dr TOULOUSE, médecin-adjoint à l'Asile clinique
(Sainte-Anne), est élevé à la classe exceptionnelle à partir du
t°' octobre.
Zuccarelli e Mauceri. 3° Dente molare (considetto del semio
délia mascella supeniore studialo in 271 crazzi. - Brochure in-8° de
20 pages. Homa, 1896. Tipogralia dell Unione cooperativa éditrice.
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Kensington, 1896. -Chezl'auteur.
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Eireux, Ch. Htaissry, imp. - 1196.
Vol. II. Décembre 1896. N° 12.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE MENTALE.
DES PSYCHOSES RELIGIEUSES A ÉVOLUTION PROGRESSIVE
ET A SYSTÉMATISATION DITE PRIMITIVE1 1
A. MARIE, cr Cu. VALLON,
Médecin en chef de la colonie Médecin en chef de l'Asile
de 1)un sur-Auron. 6 de Villejuif.
(C Les conceptions délirantes présentent en général, dit
J-Iarcé 2, l'empreinte du milieu dans lequel vit le malade et
varient singulièrement selon l'époque, les préjugés sociaux,
les idées régnantes. Dans les temps antiques, les lypéma-
niaques se croyaient poursuivis par la colère des Euménides
ou des dieux infernaux, ou atteints par les flèches de Diane :
au moyen âge, la croyance aux sorciers, aux esprits diabo-
liques, aux revenants, donnait aux monomanies un aspect
caractéristique. De nos jours, des formes gouvernementales
nouvelles, une surveillance plus grande exercée sur tous les
citoyens et, dans un autre ordre d'idées, des découvertes mer-
veilleuses en chimie, en physique, ont substitué aux idées
superstitieuses du moyen âge la crainte des persécutions de la
1 Cet article est le résumé d'un chapitre sur les Psychoses mystiques
en collaboration avec M. le D' Vallon pour l'Encyclopédie Leallié. Il nous
a paru d'actualité d'en extraire ces lignes après le Congrès-de Nancy où
les délires hallucinatoires ont été étudiés et, il leur propos, une obser-
vation répondant au type que nous décrivons.
3 Marcé. Traité pratique des maladies mentales. Paris, 1862, p. 366.
Archives, 2e série. t. IL 27
418 CLINIQUE MENTALE.
police et cette croyance, si commune chez les hallucinés,
qu'on les tourmente à l'aide de l'électricité. La forme du délire
change donc avec les siècles, mais au fond les éléments du
délire restent les mêmes.
Moreau (de Tours)' dit de même : On ne délire générale-
ment que dans le cercle de ses idées et de ses croyances.
« Autrefois, sous l'empire des idées superstitieuses, qui
régnaient alors sans contrôle, il se rencontrait des hommes
sérieux et véritablement instruits qui croyaient avoir des rap-
ports immédiats avec la Divinité, être en relation avec les
esprits célestes, les anges, bons et mauvais, recevoir d'eux
les inspirations, ne rien penser, ne rien dire, ne rien faire
que sous leur dictée et par leurs ordres. Aujourd'hui, ces
aberrations ne s'observent plus que chez de pauvres diables
qui sont nés et ont vécu toute leur vie dans un dénûment
physique et moral complet, bien plus privés, encore, de la
nourriture de l'âme que de celle du corps. Non plus que les
possédés ou démoniaques, les illuminés mystiques, théo-
sophes, etc., etc., ne se voient plus guère que parmi les
pauvres d'esprit.
« Les idées fixes, les hallucinations sont partout, toujours,
chez tous les hommes, petits et grands, savants et ignorants,
le même fait morbide, la traduction phénoménale, interne ou
externe, d'une lésion somatique que le milieu moral ambiant t
peut faire varier dans ses manifestations extérieures, dans la
forme, mais non dans sa nature intrinsèque. »
« L'aspect, disent aussi MM. Magnan et Sérieux 2, sous lequel
se présente le malade atteint de délire chronique varie, non
seulement, suivant la période de la psychose, mais encore,
avec ses croyances, son éducation, le milieu social dans lequel
il a vécu, ses préoccupations habituelles. Il emprunte à ces
divers éléments, pour édifier son délire et lui donner lamarque
de son individualité propre.
« Nous voyons ainsi. d'un côté, le délire du moyen lige, avec
ses croyances superstitieuses, de l'autre, le délire moderne uti-
lisant les progrès de la science'et l'industrie, et en rapport avec
les luttes politiques et l'organisation sociale nouvelles. »
Le facteur sociologique, trop souvent négligé en pathologie
1 Moreau de Tours. Psychologie morbide, p. 221, 222.
' Magnan et Sérieux. Délire chronique, p. 98.
v DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 4t9
mentale, nous semble avoir une importance non moindre en
ce qui concerne l'aliéné qu'en ce qui concerne le criminel.
Les progrès de l'anthropologie ont démontré son importance
majeure. Cette influence des milieux sur les psychoses nous
parait nettement démontrée en particulier par les psychoses
mystiques; les caractères différentiels que le délire emprunte
aux temps, aux lieux et aux croyances ambiantes loin d'être
superficiels et de pure forme, apparaissant d'autant plus
profonds qu'on les étudie de plus près.
Rappelons le tableau comparatif de l'évolution parallèle des
deux variétés de psychose décrites par les auteurs précédents.
1° Période commune d'incubation. Inquiétudes vaques.
420 0 ' CLINIQUE MENTALE.
Les mélancoliques poursuivis par le démon perdent progres-
sivement du terrain jusqu'au jour où le diable installé dans
leur corps blasphème victorieusement par leur bouche; les
démonopathes qui nous occupent maintenant sont bien aussi
en lutte avec l'esprit malin, mais, eux, lui tiennent tête et, au
bout d'un temps plus ou moins long, finissent par triompher
de ses maléfices, grâce le plus souvent d'ailleurs à quelques mys-
térieux soutiens dont la divine origine finit par leur être révélée.
Dieu et ses saints, et non plus Satan, s'expriment par leur
bouche ; mais auparavant on observe ici, en règle, des troubles
sensoriels multiples, essentiels et primitifs, les troubles psy-
chomoteurs étant secondaires, tardifs et moins constants.
Parmi les démonomanes, il importe donc de distinguer,
comme l'a fait très justement M. H. Dagonet', plusieurs
genres de malades. ,
1° Démonomanie externe. Les sujets ont avec le diable
des rapports externes. Ce ne sont pas de vrais possédés ; mais,
ils voient le diable, ils l'entendent, ils le touchent, ils le sentent ;
seulement ils ne le portent pas dans leurs corps; ce sont des
hallucinations et des illusions d'une nature spéciale.
2° Démonomanie interne. -Les malades sont véritablement
possédés, ils sont convaincus qu'ils portent le diable dans
leur corps.
Il faut en effet distinguer la possession et l'obsession. Dans
la première, le démon s'est emparé complètement de l'indi-
vidu ; dans la second, il ne se livre qu'à des persécutions super-
ficielles.
C'est à la première catégorie de M. Dagonet qu'appar-
tiennent nos persécutés religieux. Ce sont des obsédés.
La distinction au début, entre ces différentes sortes de démo-
nomanes est loin d'être une chose facile; l'observation de
l'évolution consécutive est parfois indispensable pour un dia-
gnostic précis. En effet, chez les persécutés, les troubles de la
sensibilité générale et viscérale peuvent être assez accentués
au début, pour simuler des phénomènes de possession vraie.
Certains de ces malades se plaignent que l'on détruit leurs
organes, qu'on leur arrache les os, qu'on leur suce le sang,
ou que leurs ennemis sont entrés en possession de leurs cavi-
tés viscérales, qu'ils respirent dans leur poitrine, parlent dans
leur estomac, etc.
Il. Dagonet. Traité des maladies mentales, 1896, p. 237.
DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 421
Ces conceptions délirantes se rapprochent, on le voit, de
celles des mélancoliques chroniques religieux ; elles en dif-
fèrent cependant par certains côtés, en particulier par ce fait
que, quel que soit l'acharnement de leurs ennemis, et les
dégâts commis dans leur organisme, ces malades trouvent tou-
jours le moyen de s'en défendre ou de les réparer après coup.
La distinction que nous nous attachons à mettre ici en
lumière, a été faite, non seulement, par les aliénistes modernes,
à l'exemple de M. Dagonet, mais encore par les écrivains reli-
gieux.
Dans les vieux traités d'exorcismes on trouve très nette-
ment exposée la distinction entre les Obsédés et les Possédés
vrais.
Fernel, dans l'édition de 1679, donne une série d'observa-
tions personnelles d'individus obsédés par le démon, et d'autres
véritablement possédés : « Ceci dit, afin qu'on cognoisse, que
◀tantôt▶ les diables entrent dedans nos corps et les brouillent
par tourments insolites; ◀tantôt▶, aussi, ils n'entrent point
dedans, mais agitent du dehors, les humeurs du corps '.» Dom
Calmet (1746), signale de plus les transformations successives
de ces divers états dépressifs qu'il dénomme indistinctement
hypocondriaques (obsédés et possédés). Les uns (mélancoliques
V1'ais) arrivent à se figurer qu'ils sont de terre, de neige, de
glace, etc. (idées de négation). Les autres, au contraire (per-
sécutés), deviennent cardinaux, papes, etc. (mégalomanie
religieuse). Ils parlent alors et agissent en conséquence 2.
La raison de ces évolutions opposées, avec un point de
départ, en apparence commun, réside dans la nature même des
deux sortes de délire. Ce point a été développé par MM. Séglas
et Besançon dans leur étude sur l'antagonisme des idées déli-
rantes chez les aliénés . 0
Tandis que le mélancolique démonophobe se regarde
d'avance, comme perdu, le persécuté obsédé pense facilement
à une défense possible, car il a, en somme, l'instinct de la
conservation personnelle plutôt exagéré au contraire. Aussi,
reste-t-il toujours le même lorsqu'il délire, et présente-t-il un
délire convergent sur lui-même, par suite de l'origine primi-
1 C.-J. Fernelii. Opéra, Genevoe, 1679, 1. II, cil. xvi, p. 802, 803.
2 Cité par M. Doutrebante. Discussions sur le Délire chronique,
S. M. P., octobre 1886. ,
3 Séglas et Besançon. Ann. Méd. l'sch., janvier 1889.
422 CLINIQUE MENTALE.
tive des idées délirantes et des troubles psycho-sensoriels qui
les accompagnent.
Ces troubles primitifs de l'idéation s'appuient, souvent, sur
des phénomènes sensoriels mais ne représentent, en somme,
que l'exagération, la traduction délirante des tendances parti-
culières natives de l'individu. Ces troubles de la sensibilité
générale n'entament pas la personnalité et n'en déterminent
pas d'emblée, la dissociation, les organes ne se détruisent pas;
mais, toujours attaqués, ils résistent toujours.
Les conditions organiques de la personnalité subsistent
intactes; il en est de même des conditions affectives; les ten-
dances émotionnelles de ces malades ne changent pas de carac-
tère, elles ne font plutôt que s'accentuer. Si bien qu'en somme,
il n'y a pas métamorphose, mais plutôt exagération dans le
même sens des tendances personnelles '.
Chez les mélancoliques, en revanche, il n'y a pas, à propre-
ment parler, d'idée d'attaque et par suite de défense, de résis-
tance. C'est eux-mêmes qu'ils accusent et les troubles psycho-
moteurs initiaux montrent que les lésions de la volonté sont
primitivement dominantes chez eux, aussi sont-ils vite vaincus
et possédés, tandis que les autres, obsédés et persécutés par le
démon, se fortifient, au contraire, progressivement dans la
résistance.
Comme le dit justement M. Cotard : « Le délire se greffe
moins aisément sur les lésions de la volonté, que sur celles de
la sensibilité. Cela est évident, puisque les sens externes sont
la principale origine de la connaissance, la seule, suivant une
célèbre école philosophique. Les lésions de la volonté pro-
duisent plutôt une altération de la personnalité qu'une altéra-
tion de la connaissance. Maine de Biran a insisté avec raison
sur le rôle important de l'effort volitionnel dans la constitution
du moi.
« Il est évident que la même disposition cérébrale qui nous
fait attribuer une origine externe au mouvement centripète des
sensations doit nous faire attribuer une origine interne, au
mouvement centrifuge des volitions. Cette origine entrevue, le
moi se modifie et s'altère par les lésions psycho-motrices,
comme le milieu se modifie et s'altère sous l'influence des
lésions psycho-sensorielles. »
1 Séglas. Idées de négation, 21. ans. Méd. l'sclt., série 7, t. X,
juillet 1889.
DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 423
Aussi ne doit-on pas être étonné que l'antagonisme des idées
ait, chez les mélancoliques possédés, des conséquences tout
autres que chez les persécutés religieux; entrainant d'emblée,
chez eux des lésions, du dédoublement de la personnalité.
C'est un point très délicat, car il faut bien distinguer le
vrai dédoublement de la personnalité qui se produit chez le
mélancolique possédé par deux puissances contraires et déjà
même, atteint dans sa personnalité, déjà dédoublé, lorsqu'il
n'est possédé que par une seule. Ce dédoublement subjectif
des vrais possédés, est bien différent du dédoublement apparent,
objectif des persécutés mystiques, à hallucinations dialoguées,
ou idées de sens contraire. Chez ces derniers, qu'ils n'aient
que des ennemis, ou qu'ils aient aussi des défenseurs, tout se
passe de la même façon, en dehors d'eux, dans le monde exté-
rieur. Ils assistent, toujours identiques à eux-mêmes, à un
combat qui se passe hors d'eux-mêmes, et présententspulement,
avec des troubles sensoriels différents, de nouvelles altéra-
tions parallèles de la connaissance,
S'il y a dédoublement à cette période, il porte sur le
monde extérieur, mais la personnalité n'est ni anéantie ni
diminuée. On peut même dire que ce dédoublement n'est alors
qu'apparent, car tout en se plaignant d'entendre leur pensée
volée, formulée par le diable, ces malades reconnaissent com-
plètement qu'elle est toujours leur. Ce n'est, en somme,
qu'une variété d'hallucinations auditives, dialoguées. un écho
de la pensée.
Les hallucinations psycho-sensorielles si importantes dans
ces formes offrent quelques caractères qui les différencient t
de celles des persécutés ordinaires non religieux. Samt',
dans son travail sur l'application des méthodes naturelles à
l'étude de la psychiatrie, signale comme particularités de son
dèlire religieux à forme exaltée la prédominance d'hallucina-
tions visuelles aux dépens des troubles auditifs prédominant au
contraire dans les autres formes de délires systématisés primi-
tifs.
c Ces individus, écrit Calmeil ! , ont, comme ils le disent,
reçu des inspirations divines, ils se voient appelés à réformer
une religion universelle, à donner des leçons de civilisation
1 Samt. - Die Xalurwissens f. Méthode in l'sychial., Berlin, 1874,
38-2.
2 Calmeil. De la Folie, t. I, p. 37-82.
424 CLINIQUE, MENTALE.
aux divers souverains de l'Univers ; ils se disent des envoyés
de Dieu, de grands prophètes, ont la prétention d'être invul-
nérables, immortels, d'être assez puissants pour ressusciter
les morts, pour lancer l'ire de Dieu sur la terre, pour hâter la
fin du monde, etc., etc.
« Ils aperçoivent, dans la lune et dans le soleil, des taches,
des nuages, des emblèmes, dont ils s'évertuent à donner l'ex-
plication ; ils se trouvent face à face avec des anges 1'esplen-
dissants de clarté; ils écrivent des codes de morale, des évan-
giles, sous la dictée du Saint-Esprit, ou des fils de Dieu,
s'enivrent de l'harmonie céleste, de senteurs qui n'ont rien
de commun avec les odeurs terrestres, enfin, le firma-
ment s'ouvre devant leurs yeux ébahis, ils contemplent il loisir le
trône du créateur et la splendeur des chérubins et du Para-
dis ;.... ils voient des météores enflammés, des êtres mystérieux ,
de% animaux' emblématiques, etc., accompagnés d'éclairs, de
tonnerre et d'éclats de trompettes.....
t Beaucoup de ces visionnaires, dit encore Calmeil, s'éton-
nent de n'avoir jamais entendu proférer une seule parole aux
êtres mystérieux qui leur apparaissent et qui se contentent,
disent-ils, de leur exprimer leurs intentions, leur volonté par
un langage muet. »
C'est qu'en effet chez nos mystiques l'éréthisme des centres
cortico-optiques, semble l'emporter sur celui du centre audi-
tif. Or, chez les persécutés types, l'hallucination visuelle est
bien plus rare que celle de l'ouïe, aussi Lasègue niait-il qu'on
pût la rencontrer autrement qu'à titre exceptionnel, sympto-
matique, par exemple, d'alcoolisme surajouté'.
On verra par ce qui suit combien les hallucinations visuel-
les, que nous avons en vue, diffèrent de celles de, l'alcoolisme,
avec lesquelles elles ne pourraient' être que difficilement con-
fondues. Les visions des mystiques sont, d'ailleurs, de deux
ordres : terrifiantes ou consolantes; répondant au double courant
antagoniste d'attaque et de défense ; les premières consistent
en apparitions diaboliques où les malades voient Satan sous
des formes diverses, ou bien des spectres et des revenants.
Ces spectacles lugubres sont d'ailleurs communs aux démono-
manes persécutés et aux mélancoliques possédés ; ils sont
généralement combinés à des interprétations délirantes mul-
tiples, mais portant surtout encore sur des illusions visuelles.
' Legrand du Saulle et J. Falvet ont développé la même idée.
DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 425
L'un de nos malades assistant à un orage voit dans les jeux de
lumière et dans les nuées sombres, opposées, la lutte de Satan
contre Dieu et publie sur ce sujet un poème de 300 vers.
Un autre, cité par Sémerie ', voit un chat et comprend
que c'est le Diable.
C U A X r MIRACULEUX X
Vision d'un Démon sous la forme d'un chat.
, Sons la foi me d'un chat giis, aux lunes perdait es,
Et dont le Christ m'a dit : Voilà la liston
,1 Que tu m'as demandée en tes rêves folâtres. »
Sans nul doute, j'ai vu l'esprit le plus félon !
Un instant, tout Iremblant, j'ai regardé le traître,
Qui, devant moi, courbé restait tranquillement.
Puis, je l'ai Il sans bruit s'enfuir par la fenêtre.
Le Chiist me soutenait en ce CI "cillement ! ! !
Le tableau légendaire de la tentation de saint Antoine et
les représentations mystiques souvent renouvelées de ses
visions offrent un exemple frappant et typique de ce genre de
phénomènes hallucinatoires. Ces troubles manifestes dans la
sphère visuelle n'excluent point constamment ceux des autres
sphères, en particulier ceux de la sphère auditive, mais ces
derniers semblent presque toujours rester au second plan, élé-
mentaires souvent et comme accessoires. De ce nombre sont
. les interprétations sinistres données à certains bruits, tels que
les aboiements nocturnes des chiens, les cris lugubres des
hiboux, coïncidant avec des visions sataniques.
Suivant les divagations communes aux anciens démonolàtres,
le diable sentait le roussi, le soufre (hallucinations olfactives).
Il emportait à travers les airs ceux qu'il avait ensorcelés,
après les avoir métamorphosés en bouc ou autre animal (hal-
lucinations de la sensibilité générale). Il leur faisait manger
des mets diaboliques au sabbat (gustation) et s'accouplait avec
eux en incubes et succubes (sensibilité génitale).
Comme les précédentes, les hallucinations consolantes anta-
gonistes paraissent prédominer dans la sphère visuelle. Ce
sont, le plus souvent, des visions radieuses et resplendissantes
de lumière; les personnages en sont généralement immobiles;
quelquefois aussi c'est la figure d'un tableau, ou une statue
' Sémerie. Th. Paris 1867, p. 35.
/1 il 6 CLINIQUE MENTALE.
longtemps contemplée antérieurement, ou seulement un per-
sonnage d'image pieuse; leur attitude fixe, l'expression de la
physionomie, un simple geste parfois permettent au malade de
comprendre la signification et le but de l'apparition. La révé-
lation peut aussi être rendue plus explicite par la vision de
mots écrits, à[l'exemple du Mané, 'l'hekel, Phares de Balthazar.
Généralement, les phénomènes se combinent, le personnage
apparaît tenant, par exemple, en mains des tables où se lit
une inscription. Ici encore, l'hallucination visuelle principale
s'accompagne toutefois d'hallucinations accessoires autres.
C'est ainsi que certains visionnaires croient entendre un accom-
pagnement de musique séraphique, en même temps qu'ils per-
çoivent des odeurs d'encens et de myrrhe. C'est aussi au cours
de leurs contemplations que les illuminés, ravis d'extase par
l'apparition radieuse, s'imaginent être enlevés de terre et
transportés par lévitation au sein de la divinité. C'est là un
trouble de la sensibilité générale analogue à celui du trans-
port au sabbat des démonopathes. On peut même observer,
au cours de ces phénomènes extatiques, des troubles de la
sphère génitale pouvant aller jusqu'à l'orgasme vénérien.
Il n'est pas jusqu'à la sensibilité gustative qui ne puisse par-
ticiper à ces désordres, comme ces mystiques qui croient
savourer dans leur extase la manne céleste. Les auteurs reli-
gieux ont décrit ces goûts et odeurs mystiques qui accom-
pagnent les visions et révélations de l'extase '.
« Enfin, dit Calmeil, ces monomaniaques arrivent à tomber z
dans une abstraction d'eux-mêmes telle qu'ils n'ont plus la
conscience de ce qui se passe dans leur intellect. Ils croient,
en s'écoutant parler, n'être pas moins passifs que s'ils étaient
dépourvus de tète (hallucinations motrices).
« Ils offrent cependant cette particularité que, constam-
ment, leurs idées se rapportent à l'objet principal de leur
délire (à la différence des conceptions des mélancoliques chro-
niques contrastant avec le caractère et les idées habituelles
1 Odeur spirituelle. C'est lorsque Dieu fait sentir une odeur d'une
suavité inefTable, soit que cette suavité soit infuse dans l'intérieur de
t'ame, ou dans l'imagination, ou dans l'odorat du corps qui est pénétré
de parfums et d'odeurs très agréables.
Goût spirituel. Il consiste dans une très douce expérience que
l';ime fait de la bonté divine; le corps goûte aussi quelquefois des saveurs
tièb douces 1.
' Lettres spirituelles sur l'oraison.
DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 427 I
auxquels elles s'opposent). Ces malades répètent les oracles
d'une voix intérieure qui n'est autre que l'inspiration immé-
diate du délire. »
Ils peuvent, par une sorte d'extériorisation, objectiver cette
articulation inconsciente hors d'eux-mêmes et attribuer leurs
propres paroles à leurs visions ou aux êtres réels qui les
entourent.
« Une ancienne religieuse croyait que ses chats parlaient
plusieurs langues. Elle montra à Calmeil l'un d'eux qui récitait
parfaitement, disait-elle, les prières latines qu'elle prononçait
elle-même continuellement'. » Le fidèle compagnon de saint
Antoine était doué de la même faculté, Fane de Balaam éga-
lement 2.
3c période. (Théomanie.) - Au début, les hallucinations
effrayantes de l'obsession démoniaque prédominent; mais
avec le temps les hallucinations consolantes antagonistes se
multiplient jusqu'à ce qu'elles l'emportent et que les extases
réitérées pour ainsi dire à volonté donnent au malade la con-
viction qu'il est en communication suivie avec sa divinité tuté-
laire, avec son Sauveur. C'est alors qu'apparaissent générale-
ment les phénomènes psycho-moteurs secondaires, constituant
une sorte de possession théomaniaque dont nous allons étudier
les caractères. Ces phénomènes psycho-moteurs diffèrent donc
essentiellement par leur mode d'apparition des phénomènes
analogues primitifs des mélancolies religieuses. Ils sont consé-
cutifs aux phénomènes psycho-sensoriels et on peut leur appli-
quer la théorie de M. Paul Garnier : l'hallucination (psycho-
motrice dans l'espèce) surgit alors en vertu d'une sollicitation
provoquée par le travail syllogistique sous-jacent, ayant pro-
gressivement préparé le malade à une interprétation vers
laquelle tout son être moral est tendu 3.
Cette mégalomanie diffère également de la pseudo-mégalo-
manie des mélancoliques chroniques parvenus à la phase que
Cotard a désignée sous le nom de délire d'énormités pour la
distinguer du vrai délire des grandeurs. Les pseudo-mégalomanes
ne sont pas seulement infinis dans le temps mais aussi dans
' Calmeil. De la Folie, t. I.
2 La zoophilie et la foi aux métempsychoses découlent naturellement
de l'objectivation de l'articulation mentale qui fait attribuer aux bêtes un
langage humain.
' P. Garnier. De la Mégalomanie, th. de Paris.
428 CLINIQUE MENTALE.
l'espace, ils n'étaient rien, ils en arrivent à être tout, Dieu et le
diable en même temps; mais loin que cette énormité soit une
compensation au délire mélancolique elle en marque au con-
traire le degré le plus excessif... et reste toujours empreinte de
sa teinte caractéristique. La couleur du délire et l'histoire de
l'affection rendent donc la confusion presque impossible.
Enfin, la théomanie qui nous occupe diffère aussi de la méga-
lomanie de certaines formes modernes, où le malade arrive à
se croire Dieu mais par une série de déductions délirantes sans
phénomènes psycho-moteurs sous-jacents. Il y a entre ces deux
sortes de théomanes une différence analogue à celle qui sépare
le religieux croyant du' métaphysicien déiste '.
On le voit donc, le moi, en se dédoublant tardivement ici,
laisse l'individualité première non amoindrie, au contraire, la
personnalité surajoutée ne survenant que tard, se greffe sur
une mentalité antérieurement exagérée par un long éréthisme
sensoriel; enfin, au lieu d'être en opposition les deux éléments
réalisent des tendances convergentes. Ce dédoublement est
donc la conséquence de l'hyperthophie du moi, au lieu d'être
la cause de sa désagrégation. Aussi, les phénomènes psycho-
moteurs se mettent-ils d'accord avec les troubles sensoriels
prédominants en dernier lieu (visions consolantes) et la couleur
nouvelle des idées délirantes (théomanie).
◀Tantôt▶ ces malades conservent la notion de leur unité psy-
chique et se croient les intermédiaires entre la divinité et le
genre humain; ce sont les papes, les messagers de Dieu; ses
représentants, ses secrétaires, il leur dicte ses volontés (hallu-
cinations de l'ouïe et motrices combinées) et ils les répètent.
◀Tantôt▶ ils sont directement inspirés et croient à une sorte
d'incarnation en eux, de possession divine, comme on l'a dit
(hallucinations motrices seules). Dans l'un et l'autre cas, il
s'établit une sorte de dialogue entre le patient, représenté par
1 Un malade que nous observons (voir Traité des maladies mentales,
P. Ball, éd. 1891) offre un exemple très net de ce genre de théomanie.
Il n'est d'ailleurs pas passé par la phase de démonopathie qui est pour
ainsi dire de règle dans les déines religieux vrais. Ce n'est que parvenu
à la mégalomanie, lorsqu'il a ajouté à ses titres celui de « Dieu tout-puis-
sant de l'univers infini », qu'il a décoré son ancien persécuteur du nom
de démon, c'est une sorte de démonopathie rétrospective. Signalons
comme trait d'union entre ci; cas et ceux qui nous occupent l'altération
du langage parlé et de l'écriture avec conservation parallèle du langage
normal. (Voir Marie. Etude sur quelques symptômes des délires systé-
matisés, obs. l.) . ' ,
DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 429
son lobe frontal, et le mystérieux interlocuteur cantonné dans
le cerveau moteur.
Le premier pose des questions auxquelles le second, con-
sulté, répond automatiquement. Un dynamisme psycho-
moteur est réalisé, conscient, mais involontaire chez les uns,
inconscient et involontaire chez les seconds (inspirés).
Les Jansénistes théomanes entendaient dicter les termes de
leurs discours, soit intérieurement, soit au dehors de l'oreille,
Montgeron a noté qu'ils n'étaient pas tous contraints de répéter
tout haut ce qu'ils s'entendaient dire par l'esprit qui leur
adressait la parole. Ceux qui, en improvisant, croyaient obéir
tout simplement à l'impulsion du souffle divin, méconnaissant
jusqu'à leurs propres idées, différaient à peine de ceux qui
s'imaginaient parler sous la dictée d'autrui. C'étaient les
mêmes idées à eux, méconnues par eux et perçues par eux,
que débitaient tout haut, ces improvisateurs hallucinés. Le
même malade peut, d'ailleurs, passer de l'un à l'autre de ces
états, parlant automatiquement, ◀tantôt▶ à son insu, ◀tantôt▶
consciemment.
« Il leur arrive quelquefois, dit Montgeron, que dans la
durée du même discours, les théomanes éprouvent successive-
ment trois différentes manières d'être conduits dans ce qu'ils
doivent dire. Ils commencent, par exemple, un discours dans
la seule vue de faire part, aux personnes présentes, des idées
qui viennent de les saisir d'une manière qu'ils sentent être
surnaturelle ; mais après avoir exprimé pendant quelques
moments ces idées le mieux qu'ils ont pu, en cherchant les
termes dans leur esprit, tout à coup, les expressions leur sont
dictées intérieurement, pendant quelque temps ; après quoi ils
se voient derechef abandonnés à leur génie, et peu après ils
s'étonnent de sentir que leur bouche parle sans consulter
leur volonté, ni leur intelligence ; ce qui ne dure ordinaire-
ment qu'un temps assez court ; ensuite de quoi ils sont encore
quelquefois rendus à eux-mêmes, pour exprimer le surplus
des pensées qui leur ont été données '.
« Le dynamisme, dit Cotard, est d'abord limité aux sphères
de l'automatisme ; alors les éléments liés aux images sensi-
bles ou abstraites réalisent pour le malade les êtres, les per-
sonnalités ayant une vie propre dans son cerveau comme son
1 Carré de Montgeron, t. il. Calmeil, De la Folie, 2' vol., p. 354.
430 CLINIQUE MENTALE.
moi, mais en dehors de lui. Plus tard le dynamisme gagne la
sphère du moi lui-même, c'est alors que se produit la méga-
lomanie. L'hyperkinésie automatique était extériorisée, l'hy-
perkinésie devenant volitionnelle, fait que le moi s'attribue la
toute puissance. Souvent, d'ailleurs, il y a confusion entre le
moi et le non moi,
« Les inspirés, les mystiques, les prophètes, les messies,
en communication directe avec Dieu, par la convergence de
de la volition et de l'automatisme, en arrivent très ordinaire-
ment, à se croire eux-mêmes Dieu '. »
La nature exacte de tous ces phénomènes est loin d'être
facile à expliquer. La confusion est fréquente avec les hallu-
cinations auditives, car les malados désignent ces phénomènes
d'articulation mentale, sous le nom de voix, tout comme les
hallucinations de l'ouïe. On peut obtenir parfois d'eux, des
explications suffisantes, les malades spécifient qu'ils n'enten-
dent pas les réponses à leurs questions, dans l'oreille; ou bien
s'ils les entendent, ils les sentent monter de l'épigastre, du
ventre, ou du larynx, où ils localisent souvent la présence de
l'être surnaturel. Dans ces cas, on peut parfois observer des
mouvements faibles de la langue et des lèvres, qui lèvent t
tous les doutes.
Il semble à ces malades qu'on leur parle en pensée ; ils
croient converser d'âme à âme, avec des interlocuteurs invisi-
bles, ils n'entendent que des voix secrètes, intérieures, qui ne
font pas de bruit, il y a dans leur esprit comme deux sortes
de pensées, les unes qu'ils savent leur appartenir, les autres,
au contraire, qu'ils attribuent à d'autres. Si on observe à leur
insu ces malades, au milieu de leurs monologues, on remar-
que qu'ils remuent souvent les lèvres en ayant l'air d'écouter
' et qu'ils répondent ensuite ; ils font ainsi les demandes et les
réponses, mais les unes sont prononcées à haute voix et les
autres murmurées à voix basse.
« Il arrive parfois que les choses vont plus loin et que les
demandes et les réponses, comme cela a quelquefois lieu dans
les rêves, sont faites assez haut pour que l'on puisse entendre
les unes, et les autres. J'ai remarqué que dans des cas de ce
genre, les aliénés affectent deux voix différentes : l'une est la
voix ordinaire, l'autre une sorte de voix gutturale qui rend
' Cotard. Origine psycho-motrice du délire, Congrès de 1889,
6 août.
DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 431
très difficiles à entendre les mots prononcés de cette façon.
Cette seconde voix devient d'autant plus sonore et plus claire
que le malade est plus surexcité '. »
Inversement le phénomène peut être assez atténué pour
qu'il ne soit pas saisi par l'observateur, ni même par le malade
qui, inconscient de ses propres mouvements imperceptibles
d'articulation, parle alors de voix éî31gastitqzie ou pharyn-
gienne.
il. Janet, après avoir remarqué que chez ces sortes de
malades il y a comme deux personnalités, dit qu'elles vivent
d'ordinaire en assez bon accord et ne se persécutent pas réci-
proquement (à la différence du dédoublement des mélanco-
liques). Les malades sont même assez fiers de ce détraquement
et se plaisent à consulter sur toutes les circonstances de la vie
la petite affaire qu'ils croient avoir au coeur et à l'estomac et
qui leur donne de bons conseils (Deluze)... Ils ont des col-
loques amicaux avec une surintelligence qui parle par leur
propre bouche (Bertrand). Une malade du D'' Despine ne fait
rien sans consulter intérieurement un bon génie auquel elle
se sent forcée d'obéir. Une malade de Charpignon ne peut
répondre sans dire : < je vais consulter l'autre... c'est l'ange
chargé de m'éclairer et de me garder, etc. »
Mais, comme le dit encore M. Baillarger 2 , quand nous
prononçons mentalement des paroles, ce n'est pas à l'intérieur
du crâne, mais bien au pharynx, qu'elles semblent être pro-
noncées. Nous faisons alors involontairement une sorte
d'effort comme celui qui a lieu lorsqu'on parle à haute voix.
Si l'effort est plus grand, ce n'est plus du pharynx, mais de la
poitrine et même du ventre que les paroles paraissent sortir.
Il y a dans ce cas comme un commencement de ventriloquie
sans émission de son ou avec un son si faible qu'il n'est perçu
que par le malade.
* Si on admet que l'halluciné prononce réellement des pa-
roles la bouche fermée comme le font les ventriloques ;
enfin, si on se rappelle que le malade a perdu la conscience
que tout cela vient de lui, peut-être concevra-t-on jusqu'à un
certain point ce phénomène en apparence si étrange de voix
épigastriques. »
1 Baillarger. Automatisme psychique et mémoire sur les hallucina-
lions.
2 Baillarger T. I, p. 310 et 311.
132 CLINIQUE MENTALE.
On peut rapprocher de ce qui précède les lignes suivantes de
Calmeil « L'individu (le théomane), entend souvent l'esprit
de Dieu parler dans sa poitrine et il improvise avec plus ou
moins de chaleur. Quelquefois l'improvisation a lieu dans une
langue que personne n'a le don d'entendre... Tous ces acci-
dents semblent confirmer de plus en plus aux yeux des théo-
manes leur don de prophétie, l'importance de leur mission
ou de la grâce dont ils sont devenus possesseurs. »
« L'illuminé, dit également Moreau (de Tours), se sent iden-
tifié à la Divinité et il le dit. Mais ce n'est pas une prétention
de sa part, ce n'est même pas l'énoncé d'une opinion intime,
d'une conviction : c'est, tout simplement, l'affirmation d'un
fait intérieur, la révélation de ce qui se passe au fond de sa
conscience. A ce fait intérieur, se rattachent toutes ses pen-
sées, toutes ses opinions, comme à un guide qui ne saurait
l'induire en erreur, puisque ce guide est Dieu lui-même 2. »
Chez ces malades, la pensée se confond tellement avec celle
d'autrui, qu'elle semble ne plus leur appartenir; ce qu'ils pen-
sent, comme ce qu'ils écrivent, leurs paroles leurs actions,
même, ils rapportent tout à l'être dont ils subissent l'influence
et qui s'est identifié à eux. Un malade de J. Moreau (de Tours)3 3
parlait tout haut et prétendait ensuite que c'était une voix
qu'il entendait. Si on lui tenait les lèvres fermées, il a en-
tendait encore la voix, et on sentait très distinctement les lè-
vres remuer sous les doigts, * On influence ma pensée, dit un
autre malade du même auteur, on me fait parler malgré moi. »
« L'explication de ces phénomènes de l'illuminisme, se
trouve, écrit M. Caro, dans une théorie complète du sommeil
et .du 1'êve. Tous les systèmes mystiques ne sont-ils pas, plus
ou moins, des songes éveillés ? Le mysticisme n'est-il pas le
rêve éternel de l'orgueil, ou de l'amour qui aspirent à faire de
l'homme un Dieu 1. Esquirol avait dit de même : « Le malade
rêve tout éveillé,il donne un corps aux produits de son enten-
lement". »
Dès la période intermédiaire où les deux courants délirants
1 Calmeil. T. I, p. 83, lig. 19.
2 Moreau de Tours. l'sych. morbide, p. 237.
3 J. Moreau de Tours. Du Hachisch et de l'aliénation mentale.
Paris, 1845, p. 351.
' .1. Moreau de Tours. l'sych. morbide, p. 228, 239.
r. Esquirol. - toc. cil., p. 192.
DES PSYCHOSES RELIGIEUSES. 433
contraires se contre-balancent en quelque sorte, les troubles
psycho-moteurs peuvent apparaître. On peut alors observer
la coexistence ou l'alternative, la possession complète par le
démon, puis parle bon esprit, les idées de grandeurs naissantes
alternant avec les idées de persécution primitives.
Schuele a signalé des cas de ce genre (p. z153). Nous rappel-
lerons à ce sujet une observation de M. le D'' Baratou, citée
par MM. Séglas et Besançon (p. 25). La malade sent en elle
deux esprits. Un bon qui lui veut du bien, un mauvais qui lui
veut du mal..... leurs voix parlent dans sa tète elle se rend
bien compte que ce n'est pas quelqu'un qui lui parle à l'o-
reille. Ces deux esprits contraires qui la possèdent tour à tour
la font agir malgré elle Quand elle est en possession du
mauvais esprit, elle pleure, se récrie, résiste, mais malgré
elle est forcée d'agir suivant la volonté de l'esprit. Un obsédé
cité par J. Bodin' était aussi hanté par des esprits qui diri-
geaient toutes ses actions. ◀Tantôt▶, il sentait un contact à son
oreille dextre, « alors il faisait le ml, » au contraire, se sen-
tait-il conduit par « l'oreille sénestre », il faisait le bien.
Le diagnostic de ces cas avec les formes périodiquement al-
ternantes des psychoses non progressives est très difficile.
M. Ritti 2 rapporte des exemples de la dernière catégorie.
Une de ces observations empruntée à Morel en imposerait faci-
lement à première vue, pour un délire religieux à systématisa-
tion primitive et progressive. Le diagnostic n'est pas moins
délicat entre la forme qui nous occupe et les cas de vésanies
combinées tels que ceux rapportés par M. Séglas3. Nous ajoute-
rons à ce qui précède le résumé succinct de quelques faits
cliniques, que nous ferons suivre d'observations empruntées
aux auteurs et de citations des anciens historiographes.
« C'est chez les monomanes religieux, dit Baillarger, qu'il
faut chercher les hallucinations de la vue les plus compliquées.
Chez eux l'imagination déploie, pour ainsi dire, toutes ses
richesses et enfante les plus merveilleux tableaux.
« Une femme de la Salpêtrière voit tout à coup descendre du
1 J. Bodin. Démonomanie des sorciers, 1. I, en. il.
5 -M. Ritti. Traité de la folie il double forme, 1883, obs. XVII,XIX,
XXX, XXXI.
, Séglas. An. Mu. Ps/clz. janv. 1888, et Dericy, th. Paris, De la
coexistence de plusieurs délires, obs. XIII, 1886.
Archives, 2e série, t. II. 28
434 CLINIQUE MENTALE.
ciel un vaisseau lumineux, où Dieu' lui apparaît entouré de
toute la cour céleste.
« Un autre monomane religieux, qui a déjà eu plusieurs accès
pour lesquels il a été conduit à Bicêtre, éprouve pendant sa
maladie les visions les plus compliquées, il voit les générations
futures passer successivement sous ses yeux et se dérouler
devant lui, les plus magnifiques tableaux. » (Histoire d'un
fou guéri deux fois par les médecins et une fois sans eux.)
Un malade de Lélut entendait depuis longtemps des paroles
très distinctes à l'épigastre, paroles très différentes « de celles
que l'on perçoit par l'oreille, et bien faciles à distinguer de ces
dernières ». Ce malade entendit ainsi, une nuit, la voix de
Dieu partant d'un disque de lumière. La vision dura trois
quarts d'heure. (Lelut. Démon de Socrate, p. 280. Baillar-
ger, p. 3âi.)
Un malade, que nous avons cité avec M. Vallon au Congrès
de Nancy, est un délirant systématique mystique halluciné de
l'ouïe à la suite d'un coup de revolver à la tempe, tentative
de suicide commise pendant la période d'inquiétude.
Il entend un ennemi différent logé dans chacune de ses
oreilles, mais il perçoit alternativement chacun d'eux des
deux oreilles à la fois.
Parvenu à la deuxième phase de son évolution, il contemple
des visions consolantes divines; elles sont rapides, peu fré-
quentes et toujours les mêmes, Dieu, la Vierge, radieuses,
immobiles et muettes, en un mot totalement différentes des
visions de l'alcoolique, et, en quelque sorte, exclusives des
hallucinations auditives avec lesquelles elles alternent.
Jamais les visions n'articulent un mot et on ne peut voir les
ennemis qui parlent. Il semble y avoir irradiation et alter-
nance entre les deux éréthismes visuel et auditif, le premier
tendant à se substituer au deuxième à mesure quc les idées
théomaniaques d'inspiration divine se confirment (mégalo-
manie).
Désormais Dieu l'inspire sans lui parler, et il écrit des
avertissements à différents personnages, les avisant de catas-
rophes imminentes si on ne l'écoute pas. Ces écrits sont
émaillés de signes hébraïques (le malade est israélite).
(A suivre.)
ASILES D'ALIÉNÉS.
DE L'HOSf'I'f.lf.lS.1'f10 ? DES ALIÉNÉS, DES ÉPILEPTIQUES
ET DES IDIOTS, DANS LE DÉPARTEMENT DE LOIR-ET-CHER;
Par le D' DOUTREBENTE. ! ' 1 : E M 1 È It E PAR TI E , 1-195-182-1 7
Un travail d'ensemble sur le service des aliénés a été publié
en 1874 par les Inspecteurs généraux, 1111. Constans, Lunier et t
vumesml ; on y trouve des renseignements aussi nombreux
que précis sur la condition des aliénés en France, à cette
époque, et un aperçu historique sur la connaissance et l'évo-
lution des maladies mentales, depuis les temps les plus recu-
lés jusqu'à nos jours.
L'histoire locale, il ne pouvait en être autrement, été
simplement ébauchée pour chaque département; le Loir-et-
Cher n'a pas été mieux partagé que les autres départements,
car, pour la période qui a précédé l'organisation de l'asile
actuel, on lui avait accordé les cinq lignes suivantes :
« Avant 1827, les aliénés de Loir-et-Cher étaient placés dan-
la maison de réclusion de Blois. Le 27 décembre lâ° ? 7, ils
furent transférés au nombre de 22 dans les bàtiments du
bureau de bienfaisance, et, le 6 avril 1846, dans l'asile cons-
truit par le département. »
Nous avons pensé qu'il y avait là une lacune à combler dans
l'histoire locale et qu'il était utile de grouper tous les docu-
ments dispersés soit aux archives départementales, au bureau
de bienfaisance, soit à l'asile départemental ou à la maison
d'arrêt et tous les renseignements inédits que le hasard nous
a parfois fait découvrir et ceux provenant de collaborateurs
aussi distingués que généreux, tels que le Dr Dufay,
Louis BelLon, avocat à Blois ; Bourgeois, archiviste de Loir-et-
Cher et son suppléant, IL Jacques Soyer, aujourd'hui : 1
436 asiles d'aliénés.
Bourges et enfin l'infatigable et toujours amoureux d'histoire
locale, le céramiste A. Thibault, de la Chaussée-Saint- Victor.
Au commencement du siècle et jusqu'en 1825, l'hospitali-
sation fut toujours provisoire, informe et absolument insuffi-
sante ; elle consistait en quelques mesures de police alors que,
déjà à Paris et en province, des installations spéciales aux
aliénés apparaissaient sous l'influence de la généreuse impul-
sion provoquée par Pinel, en 1792. Les aliénés étaient libres,
ou en cas de danger imminent, enfermés à la prison de Blois,
considérée comme un dépôt de sûreté, et à titre provisoire,
en vertu de l'article 3 de la loi de sûreté générale du
24 août 1790. Il est toutefois certain qu'un essai d'hospitali-
sation a été tenté dans l'ancien couvent des Capucins de
Blois'; on y donna asile aux aliénés et aux incurables, à partir
de 1795, à titre provisoire, c'était une maison dite de réclu-
sion. Les aliénés et les incurables remplacèrent aux Capucins
« les prêtres non assermentés trop âgés pour être déportés ».
La preuve du séjour des aliénés et des incurables au cou-
vent des Capucins nous a été démontrée par M. Louis Bel-
ton, qui nous a fourni l'extrait suivant des registres de la
municipalité de Blois : « Le 28 fructidor an VIII, la munici-
palité de Blois décrète le transfert à la maison des Capucins,
dite de réclusion, d'un aliéné furieux déjà détenu à la maison
d'arrêt, sur la plainte du sieur Fourbet, concierge, et après
procédure faite par le juge de paix, pour l'aliéné y recevoir
tous les secours que son état exige et que l'humanité réclame en
sa faveur. » Cette philanthropique conclusion démontre que
dans l'ancien couvent des Capucins, les aliénés étaient mieux
installés, mieux soignés et dans de meilleures conditions qu'à
la maison d'arrêt ; ils ne devaient pas y rester bien long-
temps, car en 1806 le domaine fit abandon à la ville de Blois
de l'immeuble et des terrains pour l'installation du nouveau
cimetière, devenu déjà pour nous, l'ancien, dont il ne restera
plus trace dans quelques années.
M. Bourgeois, archiviste de Loir-et-Cher, a bien voulu nous
faire l'abandon des notes suivantes que nous reproduisons
in extenso, car elles renseigneront le lecteur sur une période
encore bien inconnue, quoiqu'elle date d'hier :
' Le couvent des Capucins était situé dans l'espace compris entre la
butte, la gare, l'usine Poulain, la banque de France. La loute de Blois
à Herbault modifiée en 1891-92 le traverse.
DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 437 I
Un des premiers soucis des administrations locales de la Révo-
lution fut ['organisation de l'assistance publique.
Il y avait tout à faire, l'administration révolutionnaire ne pou-
vait suivre et copier l'administration royale. En effet, sollicité dès
le 12 novembre 1791 au sujet d'une fille épileptique, le Directoire
répond qu'il lui est impossible de la placer faute d'établissement spé-
cial, qu'il y aurait danger à la faire entrer dans un des autres hôpi-
taux et qu'il faut attendre que le projet d'une maison d'incurables
(c'est ainsi que l'on désigne fréquemment les futurs asiles) soit exécuté.
Le principe de spécialisation est invariable; car le 14 avril 1792,
deux enfants placés à l'hôpital général sont rendus à leurs parents
sur le rapport de l'administrateur, parce qu'ils tombent du mal
caduc, avec un secours de 7 fr. par mois.
Ce système de secours représentatif en argent dont il a été beau-
coup parlé au Congrès des aliénistes de Blois, devint du reste la
règle, en ce qui concerne les épileptiques; jusqu'à l'an II on vise
bien encore dans l'attribution de ces secours l'absence d'établisse-
ment ; mais même après l'organisation d'une maison de réclusion,
l'administration départementale persiste, avec sagesse, à traiter
différemment des aliénés, les épileptiques non aliénés. La règle des
secours représentatifs était, dans ce cas, si bien établie que les
administrations subalternes croyaient à un fonds spécial et que la
municipalité de 1\lontrichard, le 22 ventôse an II1, demandait sa
part « aux fonds destinés au soulagement des épileptiques » pour
trois de ses concitoyens et que le Directoire était obligé de rectifier
cette information, donnée pourtant par le représentant du peuple
Laurenceau, et d'inviter la municipalité à porter simplement ses
trois épileptiques au tableau des citoyens ayant droit à la bien-
faisance nationale.
Il n'était pas possible d'user du même procédé avec les aliénés
proprement dits. Conformément aux anciennes habitudes, on les
plaça d'abord dans les prisons et un rapport du district sur l'état
des prisons de Blois signale le mélange des fous et des criminels.
Plus tard, lorsqu'il fut organisé une maison de détention pour les
prêtres réfractaires, aux Carmélites, on plaça les aliénés dans ce
nouvel établissement. Mais, à [la date du 25 thermidor an III, la
commune de Blois se plaignit que la présence de deux fous
incommodait et troublait le repos des autres détenus. Et le
11 fructidor an III, le directoire du département arrêta qu'à la dili-
gence du directoire du district et du procureur-syndic il serait fait
dans la ci-devant maison des Capucins de Blois une visite à l'effet
de constater quel est le local de ladite maison qui est le plus sus-
ceptible de fournir un logement pour les individus attaqués de folie
et quelles sont les réparations ou constructions qui seraient néces-
saires pour mettre ce local en état de remplir ce genre de destina-
tion et d'évaluer le coût des réparations et constructions.
438 asiles d'aliénés.
L'aménagement ne tarda pas, car à la date du. 4 nivô=e an IV,
moins de six mois après, nous voyons le gardien de la mai,on de
réclusion des ci-devant capucins demander une augmentation de
traitement, vu le renchérissement des denrées. A partir de ce
moment, on trouve de nombreuses demandes ou arrêtés de place-
raient : ce sont des épileptiques incendiaires, c'est le fils d'un no-
taire de 1110ntl'ichard dont le père ne veut pas prononcer le terrible
mot de folie ou aliénation et parle de maladie incurable; c'est un
garçon de Paris, sourd-muet, épileptique, fou dangereux et trou-
1>lanL la tranquillité des habitants.
Cependant j'ai lieu de croire que pendant un an environ jus-
qu'au mois de nivôse an V, il n'y eut là qu'une sorte d'installation
provisoire. Peut-être ne préparait-on une cellule qu'à chaque
entrée ; peut-être les Capucins n'étaient-ils encore qu'un lieu de
dépôt non encore aménagé et approprié; peut-être les locaux pré-
parés étaient-ils devenus insuffisants ; car c'est le 23 nivôse an V
seulement que l'Administration centrale du département reçoit
les plans et devis dressés par l'ingénieur ordinaire pour t'éfabtis-
. sèment de loges dans le cloître des Capucins pour y transférer les
fous provisoirement déposés dans la maison de détention des Car-
mélites.
23 nivôse an V. « Vu le plan et devis des ouvrages ou cons-
tructions de loges dans le cloître de la maison des ci-devants
capucins de cette commune servant de maison de réclusion, dressé
le 4 nivôse dernier par le citoyen Cendrier, ingénieur ordinaire à
Blois, sur la réquisition de l'Administration municipale de cette
commune, la soumission du citoyen Guillon, entrepreneur de
travaux publics sous la date du 6 du même mois portant assigna-
tion de faire lesdits ouvrages aux prix qui seront réglés par ledit
ingénieur sur les mémoires qui lui en seront présentés et enfin une
lettre de l'Administration municipale de Blois du 7 dudit mois qui
en transmettant les dits plans, devis et soumissions, invite l'Admi-
nistration centrale à charger le dit citoyen Guillon seul soumission-
naire des ouvrages dont il s'agit ; '
« Vu la nécessité indispensable de construire différentes loges
pour renfermer les fous qui sont provisoirement déposés dans la
maison de détention des ci-devant Carmélites où ils ne doivent-
pas rester sans compromettre la santé des détenus de cette maison ;
« Considérant qu'il est urgent et que l'humanité commande de
procurer à ces infortunés une détention sûre et salubre, qu'à cet
effet, il doit être mis en usage, les moyens les plus prompts pour
y parvenir ;
« Considérant enfin queconformémentaux dispositionsdc laIeLLre
du ministre de l'Intérieur, du 8 ventôse an IV, concernant l'adju-
dication des travaux des routes, ceux dont il s'agit peuvent se faire
en vertu de soumissions ;
DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 439
« L'administration arrête : que les loges à construire dans la mai-
son de réclusion de cette commune conformément aux plans et devis
du c. Gendier, ingénieur ordinaire, le seront par le c. Guillon en
vertu de la soumission précitée et que ces ouvrages seront payés
sur le mémoire qu'il en fournira, préalablement réglé par ledit in-
génieur, qu'à cet effet il sera demandé au ministre de l'Intérieur
d'ouvrir un crédit à cette administration pour le montant desdits
ouvrages. »
A partir de cette date les arrêtés de placement se multiplient;
c'est un malheureux maniaque dont les accès sont tels qu'il casse
les cordes dont on prétend le lier, détériore les murs des locaux ou
on le renferme et insulte les femmes ou les enfants après lesquels
il court dans un moment de liberté; ce sont encore de malheureuses
épileptiques aliénées ou incendiaires, et dès le 22 mesidor an V il
ne reste plus qu'une place aux Capucins; l'encombrement ne dut
pas durer, car le 29 on accepte une ex-religieuse de soixante et un
ans qui cherche à se détruire et s'est précipitée dans un puits ; ce
sont encore des épileptiques agités par des accès dangereux ; c'est
une autre épileptique qui, placée à l'hospice de Vendôme, trouble
la tranquillité de l'établissement et incommode les malades et les
militaires blessés; une autre épileptique qui a mis le feu chez elle
et menace ses enfants en bas âge; c'est un aliéné atteint d'idées
ambitieuses, qui se croit le comte Thibault, le premier comte de
Blois, etc.
Deux points sont encore à signaler dans ce premier essai d'assis-
tance aux aliénés. Malgré les sentiments depitiéet de solidarité qui
animent les hommes de cette époque, on constate encore une cer-
taine rigueur vis-à-vis d'eux (qui tient, peut-être, à ce qu'on les
croit tous incurables). Si l'on a préparé pour eux une maison spé-
ciale à Blois, en attendant leur transfert, c'est encore dans les pri-
sons des districts qu'on les détient. Cette maison de refuge même
est qualifiée officiellement de maison de réclusion, et le rédacteur
d'un arrêté de placement, par un lapsus salami peut-être signifi-
catif, écrit un jour, un tel accusé de folie.
Quant aux motifs qui déterminaient le placement, c'est soit l'in-
digence, soit le danger. En janvier 1 193, le Directoire refuse de
secourir une fille attaquée de la vue et presque en démence parce
sa famille est en état de subvenir à ses besoins. Cependant avec le
cours du temps les accommodements se ménagent et le 27 messidor
an VI, nous voyons interner un aliéné, du reste, dangereux, dont
les neveux offrent de payer cent francs par an pour sa pension.
Au reste le danger social est la principale cause de l'interne-
ment ; l'administration n'oublie jamais de le mentionner comme
nécessaire de le soustraire à la société, de le séquestrer de la société,
disent les arrêtés, très dangereux à laisser dans la société ». « Il est
indispensable pour le bien de la société d'en écarter le citoyen. »
440 ' asiles d'aliénés.
Ces placements se font d'ordinaire surpétition des parents, con-
firmée par des certificats de la commune et une enquête. J'en
trouve un cependant sur une lettre du Directeur du Jury de l'ar-
rondissement de Blois « pour assurer la tranquillité publique en
donnant des bornes à la liberté » du soi-disant comte Thibaut.
Telle est l'histoire de ce premier asile de Blois ; avant de s'arrê-
ter sur le plateau de Saint-Lazare, il devait parcourir encore bien
des étapes.
En 1806, les aliénés et les incurables durent quitter la
maiscn des Capucins pour être placés, à titre provisoire, dans
l'ancien couvent des Saintes-Maries, où sont installés aujour-
d'hui les bureaux de la préfecture, les postes, le télégraphe et
les archives départementales. Le couvent des Saintes-Mariés,
dames visitandines, ou de la Visitation, avait d'abord servi
pendant la Révolution, de prison pour les détenus politiques,
puis de grenier d'abondance et enfin d'arsenal. En 1802, il fut
question d'y transporter l'hospice général de Vienne, mais
cette idée n'ayant pas été adoptée, on y caserna la gen-
darmerie, en '1804, mais à titre provisoire, en attendant une
installation spéciale qui lui fut attribuée dans la rue de la
Levée. A ce moment le Domaine fit abandon des Saintes-
Maries au département pour y organiser un Dépôt de mendi-
cité, projet souvent mis à l'étude et qui n'a pas encore reçu
commencement d'exécution. Un membre de l'administration
municipale de Blois espérait même, il y a quelques années,
l'annexer à l'asile départemental actuel, et en tout cas, le
faire construire dans l'enclos où s'élève l'hospice des épilep-
tiques non aliénés, inauguré lors du Congrès de médecine
mentale, à Blois, en 1892. Le dépôt de mendicité n'ayant pas
remplacé la gendarmerie aux Saintes-Mariés, on y installa,
provisoirement, les aliénés et les incurables.
En 1S`6, enfin, après de longs débats et de nombreuses
critiques et protestations, le conseil général de Loir-et-Cher
décida que la préfecture y serait transportée.
Les prisons de Blois continuaient à donner asile aux aliénés
et c'est provisoirement, partiellement et d'une façon intermit-
tente, qu'on les trouvait aux Capucins et aux Saintes-Maries
associés aux incurables. Suivant un historien local' auquel
nous faisons trop souvent des emprunts, pour le citer à
1 4
1 Bergevin et Dupré, Histoire de Blois, 2 vol., Blois, 1846.
DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 441
chaque instant, les prisons de Blois se composaient de cachots
étroits et infects où l'on entassait pêle-mêle les malheureux
détenus; c'était une horrible et insalubre geôle (il n'y a rien
de changé), qui, en 1793, ne suffisait plus à loger les prison-
niers politiques; ils furent alors placés dans les couvents de
Blois, transformés en repaires de terreur. En 180G, le couvent
des Cordeliers fut démoli en partie pour l'agrandissement de
la prison et l'église devint un préau ; ce couvent avait été sup-
primé en 1787 par M. de Thémines qui y avait placé pendant
quelques années les Nouvelles- Catholiques dont la maison
venait d'être démolie pour l'établissement du Marché-Neuf.
De 1793 à 1806, le couvent des Cordeliers donnait asile à une
compagnie d'invalides.
Le 18 macs 1817, le préfet de Loir-et-Cher prit un arrêté
instituant une commission de surveillance du régime intérieur
des prisons qui ne fut définitivement installée qu'en jan-
vier 1818. Un mois après, le 1 ? mars, la commission signale
au préfet « qu'à la Maison de réclusion, autrement dite des
foux, les détenus sont traités comme des criminels tant aux
vêtements qu'à la nourriture, que sans être coupables d'aucun
délit, leur détention n'est causée que par leurs infirmités,
qu'il serait utile et humain d'adoucir leur sort par une nour-
riture plus convenable à leur situation, que les draps man-
quent également surtout pour les fous, qui en sont privés
quand les leurs sont au blanchissage ». Sept mois après, le
19 septembre 1818, la commission fut appelée par le préfet à
l'effet d'aviser aux moyens d'améliorer le sort des individus
détenus comme fous et épileptiques; elle réclama une alloca-
tion de 2,800 francs pour achat de lits, couvertures, matelas,
vin, viande et l'installation d'une petite infirmerie pour deux
et trois malades ; la signature d'un médecin, le Dr Desfray,
figure pour la première fois au registre des délibérations. Les
aliénés n'étant pas tous à la maison de réclusion, il y en avait
encore aux Saintes-Mariés, la commission de surveillance des
prisons en avait aussi la charge et déclarait qu'ils étaient aussi
mal placés dans un endroit que dans l'autre.
L'administration préfectorale et le conseil général commen-
çaient à s'émouvoir et il était question d'installer tous les
aliénés dans le cloître du faubourg de Vienne, mais la com-
mission de surveillance des prisons se montrait hostile à ce
projet ; elle affirmait que cet emplacement serait rapidement
Il- il. ? asiles d'aliénés. '
insuffisant et qu'il était préférable de faire une organisation
spéciale et plus vaste en utilisant et en aménageant l'ancien
couvent des Saintes-Mariés, situé dans d'excellentes conditions
d'aération et de salubrité. La commission de surveillance des
prisons avait d'ailleurs chargé le D'' Desfray de faire un rap-
- port sur la façon déplorable dont les aliénés étaient traités à
la prison et aux Saintes-Mariés et sur les nombreux inconvé-
nients qu'il y aurait à les placer dans le cloître de Vienne et
plus tard, parlant du rapport du Dl' Desfray, elle disait :
« L'ordre et la clarté qui rognent dans ce rapport, la nécessité
indispensable de vastes bâtiments séparés par des cours, tout
enfin, dans ce rapport, a convaincu la commission que le
cloître situé en Vienne et appartenant à l'hôpital ne pouvait
convenir, par le peu d'étendue qu'aurait l'établissement,
même en y adjoignant les maisons voisines; elle désirerait que
la partie du projet qui établissait une maison sanitaire sur les
aliénés dans la Maison des Saintes-Mariés, pût recevoir son
exécution, si M. le préfet et le conseil général trouvaient dans
leurs ressources les moyens nécessaires pour y parvenir. »
Les plaintes, les doléances, les réclamations de la commis-
sion de surveillance se heurtaient à des considérations budgé-
taires et surtout à l'absence de sentiments humanitaires, à
l'oubli ou à l'ignorance du grand principe de la solidarité
humaine, en matière d'assistance publique, principalement à
l'égard des aliénés et des infirmités mentales ; les aliénés ins-
piraient encore de l'horreur, de la crainte et, la superstition
aidant, on croyait encore (certains y croient toujours) que
leur maladie était due à leurs fautes passées ou originelles, à
la puissance diabolique ou à la vengeance divine !
Quoi qu'il en soit, les projets de construction ou d'aménage-
ment d'un établissement spécial dans le cloître de Vienne ou
dans le couvent des Saintes-Mariés furent abandonnés et défi-
nitivement classés, c'est-à-dire oubliés. Cet abandon ne faisait.
pas droit aux exigences d'un service qui s'imposait quand
même à l'attention de l'administration départementale.
La commission de surveillance se montrait toujours vigi-
lante et inquiète à l'égard des aliénés ; elle persistait dans ses
bonnes intentions, nous en avons la preuve dans une délibé-
ration prise après la communication d'une lettre de M. le préfet
lui proposant d'établir la maison des fous à la maison d'arrêt.
Le 4 avril 1825, la Commission rappelait à M. le préfet que la
DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 'l43
translation partielle des fous et des épileptiques à la maison
des Saintes-Maries n'avait été faite que pour cause de l'exi-
guïté, de l'insalubrité et de l'incommodité des logements de la
prison, où l'on proposait de les admettre tous; elle se décla-
rait prête, cependant, à recueillir les aliénés, mais tout à fait,
à titre provisoire. Les avis des membres de la commission de
surveillance et leurs justes observations, devaient enfin trouver
un écho, car, à la date du 13 avril 1825, huit jours après,
M. de Saint-Luc, préfet de Loir-et-Cher, prenait l'initiative
d'un projet d'hospitalisation des aliénés et des épileptiques
dans un local autre que celui de la prison ou des Saintes-
Mariés; il s'adresse aux administrateurs du bureau de bienfai-
sance et leur demande s'ils ne pourraient pas recevoir dans
leur maison les aliénés et épileptiques qui ne doivent pas
rester à la maison de réclusion.
Le 18 avril 1825, les administrateurs du bureau de bienfai-
sance, après en avoir conféré avec leurs dames religieuses,
comprirent rapidement les vues humanitaires qui faisaient
agir M. de Saint-Luc, ils acceptèrent, au moins en principe,
de se charger des épileptiques et des aliénés ; mais ils formu-
lèrent immédiatement les conditions nécessaires à leur accepta-
tion, en les termes suivants :
1° L'hospice des aliénés pourra être construit dans les dépen-
dances du bureau de bienfaisance suivant un plan dressé
par l'architecte du département, plan qui devra être soumis
aux administrateurs dudit bureau, avant la mise à exécutioaz;
2° C'est aux frais du département que seront faites toutes
les constructions et distributions ;
3° Désormais l'hospice des Aliénés, une fois établi sur le
terrain du bureau de bienfaisance, fera partie intégrante de la
maison centrale des soeurs de charité attachées à ce bureau,
lesquelles seront chargées de desservir ledit hospice, sous la
surveillance immédiate de leur administration;
4° Le gouvernement des aliénés et des épileptiques cessera
d'être confié à la commission administrative des prisons pour
faire partie à l'avenir des attributions de l'administration du
bureau de bienfaisance;
5° Cette dernière administration se chargera de faire traiter,
nourrir, soigner, habiller et surveiller les aliénés et les épilep-
tiques pour, et moyennant les sommes que le département
consacre à cet usage sur les allocations du conseil général,
444 Il asiles d'aliénés.
lesquelles sommes seront versées dans la caisse du receveur
des pauvres.
MM. Risse, Amaury, Huet et Gault, administrateurs, avaient
signé les conditions nécessaires à leur acceptation.
Le 3 mars 1826, le préfet de Loir-et-Cher expédie au bureau
~de bienfaisance le plan du nouvel hospice et en même temps
une lettre d'avis avec l'affiche de l'adjudication des travaux
à faire dans les terrains du bureau de bienfaisance. Cette
manière de procéder a le don d'étonner les administrateurs et
suscite de leur part une sorte de protestation; quatre jours
après cette communication, le 6 mars, ils écrivent au préfet
pour lui recommander la lecture de leur lettre du 14 avril 1825
contenant l'énumération des conditions nécessaires, appuyées
d'ailleurs par le conseil municipal; ils réclament enfin la rédac-
tion d'un acte ou d'un contrat déterminant les charges, condi-
tions, engagements et obligations de chaque partie, le départe-
ment d'une part et le bureau de bienfaisance d'autre part; ils
se plaignent, et à juste titre, de ne pas avoir reçu à temps,
avant l'adjudication, communication du plan des travaux à
adjuger.
Le 15 mars, sans retard, le préfet répond qu'il est préma-
turé de faire un traité avant d'avoir soumis un projet de traité
au conseil général, qu'il serait même inconvenant de prendre
un engagement dans de pareilles conditions. « Le ministre de
l'intérieur connaît votre lettre du 18 avril 1825, disait-il,
ainsi que la délibération du conseil municipal du 7 mai
suivant, j'ai donné un avis conforme au voeu exprimé par vous
et ce conseil, en prescrivant l'exécution du projet, le ministre
a également entendu approuver les conditions dont vous parlez. »
Par le même courrier M. Pinault, architecte, recevait l'ordre
de communiquer ses plans aux administrateurs du bureau.
En construisant le nouvel hospice dans les jardins du bureau
de bienfaisance, trop en arrière malheureusement du grand
bâtiment faisant face à la place Victor-Hugo et au bas du rocher
qui domine les jardins, M. Pinault avait dû se heurter à des
fins de non-recevoir, mais il se trouva aux prises avec d'autres
difficultés en raison de la nature du terrain friable et d'allu-
vion sur lequel devaient s'élever les bâtiments ; il fallut faire
des fondations extraordinaires, et par suite, il écrivait au préfet
que le nouveau local ne serait pas habitable avant le mois de
juillet 1827.
DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 445
Si les aliénés étaient mal à la prison, il y en avait qui gué-
rissaient quand même, car à la date du 15 septembre ·1S ? G,
nous avons trouvé une lettre du préfet informant le maire de
Blois, qu'il y avait, à la maison de réclusion, deux aliénés
guéris, qu'il devait faire une proposition de sortie et que, il
l'avenir, il devait exiger des médecins un rapport trimestriel
sur chaque malade.
En prévision du départ des aliénés de la maison de réclusion,
le préfet réclame, le 27 septembre, au maire de Blois un état
bien établi, déterminant les dépenses propres aux aliénés en
les séparant complètement de celles des prisonniers.
Le 10 octobre z1826, le préfet, pour faire droit aux justes
réclamations des administrateurs , prend enfin un arrêté ,
conformément aux conditions nécessaires imposées par eux,
appuyées par le conseil municipal et approuvées par le ministre
de l'intérieur. En vertu de cet arrêté, l'hospice des aliénés et
épileptiques faisait désormais partie intégrante de la maison
centrale des soeurs de charité attachées à ce bureau. Les
dépenses à faire pour constructions, distributions et la trans-
lation des malades, le seraient aux frais du département.
Toutes les dépenses pour le traitement, nourriture, habille-
ment, entretien et surveillance des aliénés et épileptiques
seraient remboursées au bureau de bienfaisance à l'aide des
allocations spéciales votées par le conseil général'. Il était
encore dit, dans l'arrêté, que les admissions des malades, à
l'hospice des aliénés, se feraient à la suite d'une décision
administrative, lorsque l' interdiction aurait été prononcée et
après constatation minutieuse de l'infirmité et de l'indigence
du sujet, l'hospice étant uniquement destiné et 1'éservé aux
indigents. On est en droit de se demander où et comment ceux
qui n'étaient pas indigents pouvaient se faire soigner même à
leurs frais !
En communiquant cet arrêté aux administrateurs, le préfet
leur recommandait la rédaction d'un règlement du service
intérieur, à l'état de projet, pour le joindre au règlement géné-
ral à soumettre à l'approbation du ministre de l'intérieur; il
leur conseillait de consulter les lumières de leurs médecins,
ces derniers ayant d'ailleurs à régler leurs visites journalières,
les prescriptions alimentaires et pharmaceutiques, la prohibi-
tion de tous moyens de rigueur ou de répression autres que
l'usage de la camisole, dite.gilet de force, dont seuls ils pour-
. 16 asiles d'aliénés.
ront prescrire l'emploi ainsi que la réclusion absolue; les méde-
cins pourraient autoriser les parents des malades à les visiter,
mais l'entrée de l'établissement serait rigoureusement interdite
aux personnes qui n'y seraient conduites que par la barbare
curiosité de voir les fous..
Toutes ces recommandations du préfet étaient inspirées par
le besoin de faire rapidement droit aux exigences d'une hospi-
talisation si longtemps négligée en Loir-et-Cher ; elles sont
toutes sages, prndentes, déjà mûres et remplies de vérités
bonnes à dire encore, de nos jours, à ceux qui ont la naïveté,
pour ne pas dire plus, de rire à la vue d'un aliéné ou d'un
ivrogne.
Les administrateurs se mirent rapidement à l'oeuvre et fai-
saient parvenir au prél'et le projet de règlement de service
intérieur le 19 mars 1827 ; ils y joignirent nombre de considé-
rations générales fort remarquables; ils n'avaient pas manqué
de consulter les membres du conseil de santé. Les médecins
avaient donné leur avis par écrit, etn'avaient pas ménagé leurs
observations et leurs regrets; l'hospice spécial avait été cons-
truit trop rapidement, ils n'avaient eu connaissance du plan
qu'au moment de la mise en adjudication des travaux, le local
était insuffisant, les épileptiques n'étaient pas séparés des
aliénés alors que, même pour les aliénés, il eût fallu deux ou
trois subdivisions; ils regrettaient l'absence d'un quartier à part
pour les convalescents, ils faisaient enfin remarquer qu'on
avait négligé d'établir pour chaque sexe une petite infirmerie
d'au moins quatre lits; qu'il n'y avait pas de buanderie et
d'étendoir.
Les administrateurs du bureau de bienfaisance constataient
enlin que l'hospice ainsi installé serait toujours et de plus en
plus insuffisant et placé en un lieu où il serait impossible do
l'agrandir. Ayant librement formulé leurs regrets, les adminis-
trateurs essayaient de tirer le meilleur parti de la situation et,
dans l'impossibilité de faire mieux et plus grand, ils démon-
traient que des améliorations étaient possibles et nécessaires
dans l'aménagement nouveau et que ces améliorations devaient t
être comprises dans les frais de premier établissement et à la
charge du département, sans aucune confusion possible avec
les revenus des pauvres de la ville. C'est ainsi que le départe-
ment aurait à fournir un mobilier complet et un premier
DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 447 -1
approvisionnement de vêtements; ils proposaient d'établir,
comme suit, le traitement annuel du personnel :
448 8 asiles d'aliénés.
disparaître une des causes les plus fatales et les plus contraires
au traitement des maladies mentales. Que de gens ignorent ou
font semblant d'ignorer que la guérison de la folie peut s'obte-
nir en faisant traiter les malades au début ! Que de gens
aussi attendent que tout espoir de guérison soit perdu, pour
- confier leur malade aux soins des spécialistes ! L'asile des alié-
nés n'est pas encore regardé comme un lieu de traitement,
c'est une sorte de garderie, de Bastille moderne où malgré
tout et en dépit designorants ils sont soignés, choyés, aimés et
respectés ; ce sont des infortunés, dont on a peur au dehors,
s'ils sont dangereux, et dont on rit, se moque ou abuse quand
ils sont doux et inoffensifs.
Les membres du conseil de santé du bureau de bienfaisance
exprimèrent le voeu : « que les individus atteints d'un premier
accès de folie ou de fureur fussent, en cas d'indigence, admis
dans l'hospice des aliénés pour y être traités, avec l'autorisa-
tion du préfet ». « Ce n'est pas, disaient-ils, dans les premiers
moments de l'invasion de la folie que l'on s'occupe de faire
interdire l'individu atteint de folie; il faut même pour y par-
venir, qu'on ait eu le temps de recueillir un certain nombre de
faits capables de motiver un jugement et, jusque-là, on essaie
des remèdes dont il résulte parfois une prompte guérison.
S'il n'existe pas un lieu où ces individus, qui ne sont encore
que des malades, puissent recevoir le traitement qui leur con-
vient, on peut craindre que l'état de folie ne se perpétue par
le défaut de soins ; il paraîtrait naturel de les faire traiter
d'abord dans les divers hospices des départements ; mais il
parait que dans ces maisons rien n'est disposé, ni prévu pour
recevoir les aliénés et que leur présence y est même sujette à
beaucoup d'inconvénients. »
Le 13 juillet 1827, le préfet renvoyait aux administrateurs
du bureau de bienfaisance leur projet de règlement du service
intérieur après l'avoir approuvé et à la date du 13 août sui-
vant il prenait l'arrêté prescrivant le transfert des aliénés, de
la prison, dite maison de réclusion, dans le local spéciale-
ment construit dans les jardins du bureau de bienfaisance.
Article premier. Les individus admis jusqu'à ce jour, à titre
de secours, comme aliénés et épileptiques dans la maison dite de
réclusion seront transférés dans le local construit pour les recevoir
dans le jardin du bureau de bienfaisance de Blois.
rRT. 2. Cet établissement piend le nom d'hospice des aliénés.
DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 449
Il n'y sera admis que des individus du département, atteints de
folie ou d'épilepsie à un degré susceptible de produire l'aliénation
mentale et dans un état d'indigence absolue.
PART. 3. Le nombre des places dans ledit hospice est fixé à
vingt-quatre. Ces places seront affectées à chacun des arrondisse-
ments dans la proportion suivante :
450 asiles d'aliénés.
soumis au Conseil général leur rapport du 19 mars, le projet
de règlement du service intérieur et le devis des nouvelles
constructions réclamées par eux. Le Conseil général rendait
pleine justice à la sagesse de leurs vues et avait voté les fonds
nécessaires pour une pompe et un hangar, mais considérait
comme superflue la construction d'une infirmerie ; il pensait
aussi que les frais de construction d'une buanderie n'incom-
bait pas au département. Par le même courrier, le préfet en-
voyait la copie de son arrêté du 15 août et du règlement revêtu
de son approbation.
Le préfet de Loir-et-Cher priait aussi M. le maire de Blois
de faire mettre en bon état le mobilier des aliénés et épilep-
tiques, avant leur transfert au nouvel hospice.
17 sept. Les administrateurs du bureau de bienfaisance
font parvenir au préfet leurs regrets à propos de la décision du
Conseil général relativement à l'infirmerie et à la buan-
derie ; ils déclarent, en outre, que M. le préfet ayant fixé
au le, octobre la date d'ouverture du nouvel hospice des alié-
nés, il leur sera à peu près impossible à cette date de répondre
aux exigences d'un pareil service qui réclame, pour entrer en
activité, une organisation encore incomplète et des choses
« dont nous avons besoin », disaient-ils, « dans le plus bref
délai, espérant que vous aurez la bonté d'y pourvoir, dont
détail suit » :
1° Installation de deux fourneaux dans la cuisine ;
2° Installation d'étagères et de tablettes aulour de la cuisine
pour y placer la vaisselle et les ustensiles divers, qui d'ailleurs ne
sont pas encore achetés
3° Une table de cuisine et un billot ;
4° Les médecins réclament, dans chaque chauffoir, une table en-
tourée de bancs pour que les aliénés et épileptiques, qui en sont
susceptibles, puissent manger en commun et que chacun puisse
manger la portion qui lui est destiuée et que cette portion ne soit
pas arrachée aux plus faibles par les plus avides.
5° Installation d'un fourneau pour chauffer les bains afin de rem-
placer le cylindre qui dégage du gaz carbonique dans un local fort
restreint.
6° Installation d'une lingerie dans une sorte de grenier sous le
toit, à défaut d'un autre local plus convenable.
7° L'inventaire dos meubles, vêtements et objets à coucher mis à
notre disposition par M. le Préfet démontre que tout est prévu en
DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 451
quantité insuffisante et que des fournitures neuves doivent être
faites en plus comme suit :
6 bois de lits suivant l'indication de nos médecins.
4 grands baquets ferrés.
10 vestes de laine, 10 vestes de toile.
10 gilets de laine, 10 gilets de toile.
10 pantalons de toile.
Le 21. - Préfet à maire de Blois. Je vous notifie mon
arrêté du 13 août pour l'organisation du nouvel hospice des
aliénés. Il y aura 24 places, ce nombre est déjà atteint au-
jourd'hui et réparti entre les trois arrondissements. Ce ne
sera pas un lieu de dépôt pour les cas urgents ; les individus
arrêtés pour démence ou autrement, seront déposés à la mai-
son de police municipale. » 1
Le même jour, la même communication était faite aux admi-
nistrateurs du bureau de bienfaisance.
Pour faire droit dans une certaine mesure aux dernières
réclamations des administrateurs le préfet invitait aussi le
maire de Blois à faire livrer au nouvel hospice, en dehors
des objets compris à l'inventaire du mois d'avril, tous les
objets d'habillement réclamés par le bureau de bienfaisance à
la date du 17 septembre (à l'exception des meubles) en opé-
rant un prélèvement au magasin de la prison.
22. Le préfet envoie au maire de Blois des instructions
détaillées concernant l'arrêté du 13 août : les demandes de
placement seront inscrites sur un registre spécial, mais seule-
ment quand elles seront accompagnées des pièces exigées par
l'article 5 et de la soumission indiquées en l'article G.
Le certificat d'indigence à l'appui de ces demandes ne devait
être délivré qu'en cas d'indigence absolue.
22 octobre 1827. L'administration du bureau de bienfai-
sance, composée de MM. Amaury, Norais, de Chauvelin, Gault
et Fleury, procède à la nomination des personnes attachées au
nouvel hospice des aliénés et fixe leurs traitements ou salaires
annuels :
Médecins. MM. Desparanches et Desfray alternaient par
semestre et recevaient chacun 200 fr.
Une SOEW' de charité. Logée, nourrie et 450 fr. par an.
Un receveur comptable. M. Giroud, 500 fr. par an.
Un infirmier . Le sieur Michel, Louis Gaultier, recevait
452 asiles d'aliénés.
200 fr. par an et nourri avec les aliments préparés pour les
aliénés.
Une infirmière. La nommée Dion, Marie, épouse du con-
cierge, le sieur Duchemin, logée, non nourrie et 200 fr.
- Une domestique. Nourrie comme l'infirmier avec po fr.
de gages ; elle serait choisie et changée à son gré par madame
la supérieure.
26. Le préfet donne son approbation à toutes les décisions
prises le 22 par les administrateurs du bureau de bienfai-
sance.
Les concierge et infirmière n'ayant pas accepté la situation
qui leur était faite avaient été remplacés séance tenante par le
sieur Jean Morand, tisserand à Blois, et sa femme. Anne
Rétif.
26 décembre 1827. Préfet à maire de Blois : « L'hospice
des aliénés est prêt à recevoir les aliénés et les épileptiques
détenus à la maison dite de réclusion, veuillez donner les
ordres pour que le transfert ait lieu vendredi 28 courant. »
Procès-verbal du transfert. Aujourd'hui 28 décembre
1827, à 2 heures de l'après-midi, l'administration du bureau
de bienfaisance prévenue que le maire de Blois avait donné
des ordres pour faire opérer le transfèrement des aliénés et des
épileptiques dans le nouveau local qu'ils doivent habiter, s'est
rendue dans le dit local accompagnée de MM. les médecins et
du greffier-comptable du nouvel hospice ; elle a reçu à la dite
heure, conduits par les sieurs Delrue et Marchandeau, agents
de police, les individus dont les noms suivent :
DE L'HOSPITALISATION DANS LE LOIR-ET-CHER. 453
En faisant la remise de ces individus, les agents de police
susnommés ont déclaré que l'enfant C. W. dont les vêtements
n'étaient pas prêts, serait amené ultérieurement.
L'administration s'étant fait représenter le contrôle des
aliénés et épileptiques a reconnu que tous les individus ci-des-
sus dénommés étaient inscrits sur ledit contrôle, qui portait
en outre les noms de L. V., B. M. G. A. C. Ces trois
individus étaient morts avant le transfert, il en résulte qu'au
lieu de 24 il n'y en avait plus que 2'I.
L'administration, de concert avec MM. les médecins, a im-
médiatement fait placer lesdits individus dans les locaux qui
leur étaient affectés.
La soeur chargée du service intérieur a reçu de M ? la
supérieure les instructions nécessaires pour la direction du
service, et de MM. les médecins les indications à suivre pour
le régime sanitaire et alimentaire.
MM. les médecins sont entrés aussitôt en fonctions, en pro-
cédant immédiatement à la visite des individus transférés, en
constatant leur état et en inscrivant sur la feuille de visites
les prescriptions à suivre à l'égard de chacun d'eux,
Quant au régime alimentaire, il a été convenu que, pour ne
pas déranger l'ordre de comptabilité, il continuerait d'y être
pourvu par le fournisseur des prisons jusqu'au 31 du courant
inclusivement et que ce service demeurerait à la charge du
bureau de bienfaisance à partir du 1er janvier 1828. Le con-
cierge, l'infirmier et l'infirmière chargés de garder et soigner
les aliénés et les épileptiques ont pareillement été mis en exer-
cice à l'instant même, et le greffier comptable a reçu l'ordre
de préparer immédiatement les registres et écritures prescrites
pour la tenue journalière de la comptabilité du nouvel hos-
pice.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XLVI. Un cas DE mal DE POTT suivi DE guérison ; par le De MUS.\lEC1.
Les causes diverses et nombreuses, qui peuvent produire le mal
de Pott, agissent en fin de compte selon deux modes différents :
ou elles compriment la moelle d'une manière mécanique, ou elles
déterminent une myélite transverse localisée. Le résultat est tou-
jours le même, il consiste en des troubles multiples du fonction-
nament de la moelle. Voici un cas remarquable de mal de Pott dû
à une affection des vertèbres et qui se termina par la guérison.
Observation. Jeune garçon, douze ans, non héréditaire,
rougeole et influenza les années précédentes, bonne constitution.
Fin 1894, manifestation d'une douleur au rachis qui s'exaspérait
quand le malade marchait ou faisait de grands mouvements. Peu
après la marche devint difficile, et l'enfant se mit à se courber,
enfin en moins d'un an la paralysie des membres inférieurs
devint complète. Réflexes conservés, mais pour les provoquer
il faut une excitation très forte, douloureuse même.
Tout mouvement volontaire est impossible, on peut provoquer des
mouvements réflexes en pinçant la peau de la plante des pieds.
Sensibilité normale, ventre fortement distendu, comme s'il exis-
tait de l'ascite, ce qui est dû à ce que la respiration s'effectue
uniquement par le type abdominal. Rien de notable aux membres
supérieurs, sens spéciaux normaux. La seconde vertèbre dorsale
fait une saillie prononcée et la pression en cet endroit produit
une forte douleur. Les oreilles sont rouges et chaudes, et cette
particularité se manifeste avec intermittence, une oreille est rouge
pendant que l'autre est pâle, puis la première devient pâle et la
seconde routie, et ainsi de suite. Les fonctions nutritives s'accom-
plissent toutes bien. L'auteur compare cet ensemble symptomatique
au tableau clinique classique de la compression de la moelle, et
il fait voir qu'il s'agit chez ce malade d'une lésion localisée de la
moelle au niveau de la seconde vertèbre dorsale. La symptomato-
logie, dit-il, chez notre malade est absolument telle qu'elle serait
si on avait sectionné la moelle en ce point avec un bistouri.
La respiration diaphragmatique s'explique par ce fait que le
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 455
nerf phrénique fonctionne, alors que les nerfs des muscles thora-
ciques sont paralysés, la lésion siège en effet au-dessous de l'origine
du plexus brachial. Les fonctions urinaires ne sont pas troublées
parce que la compression de la moelle siège bien au-dessus du
centre urinaire.
En somme, le diagnostic de la compression de la moelle à
l'endroit sus-indiqué est évident. Quelle est la cause de la
compression ? Après avoir rejeté la supposition de tubercules
médullaires ou de tubercules du caual vertébral, l'auteur opine
pour une carie vertébrale. Il s'agit donc d'un mal de Pott véritable
ou spondylarthrocace. La médication usuelle : immobilisation du
tronc, révulsifs au niveau de la lésion, faradisation des muscles
paralysés, etc., aboutit à une guérison complète.
Les guérisons du mal de Pott ne sont, du reste, pas rares ; les
compressions de la moelle qui en dépendent sont, après les com-
pressions d'origine syphilitique, celles qui guérissent le plus
souvent. Laraisonenestdanscefaitque la compression ne provoque
pas toujours dans la moelle des lésions bien importantes. Il arrive
qu'on note, pendant la vie, tous les signes de la compression, et
qu'à l'autopsie, la moelle parait saine à l'oeil nu, et le microscope
fait voir que, malgré une paraplégie absolue, bien peu de fibres
nerveuses pourtant sont désorganisées. (Rivista clinica e te1'(lpeutica.
Naples, 1896, na ? ) CAMUSET.
XLVII. UN cas de tremblement par suite d'auto-intoxication
stomacale ; par M. le Dr JANNONI.
Il se produit parfois dans l'intérieur du tube digestif, quand les
fonctions digestives sont troublées, des toxines dont l'action nocive
se fait sentir sur tout l'organisme, principalement sur le système
nerveux central, exemple : le vertige à slomaco lceso, les convul-
sions d'origine gastrique, la chorée électrique et même l'épilepsie
partielle gastrique. L'auteur publie un cas de tremblement qui est
également la conséquence d'une auto-intoxication stomacale.
Observation. Homme, quarante-trois ans, bien portant autrefois
et non héréditaire, mais souffrant depuis quelque temps de trou-
bles digestifs dus sans doute à des excès de table anciens. Estomac
dilaté, anorexie, éructations, douleur épigastrique, vomissements,
céphalalgie. Depuis un an, nouveau phénomène morbide : de
temps en temps, surtout après des écarts de régime, sortes de
crises de tremblement durant une demi-heure et plus. Ce tremble-
ment est partiel, il siège ◀tantôt▶ sur une partie du corps, ◀tantôt▶ sur
une autre, ainsion l'observe auxmembres inférieurs, aux supérieurs,
au tronc, à la face ; parfois il siège sur toute une moitié latérale
du corps et même il peut être croisé. Il est aussi d'une intensité
variable, il commence par être très rapide, puis il se ralentit, ou
t56 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
inversement. Quand il est lent, on peut compter le nombre des
oscillations par minute, quand il est rapide, la chose n'est plus
possible. Un traitement approprié commence la guérison des
troubles dyspeptiques et le tremblement disparait avec eux.
L'auteur rappelle les cas connus dans la science ayant avec le cas
actuel plus ou moins d'analogie et il termine en résumant les
travaux modernes sur les toxines qui se forment dans le tube
digestif de l'homme et des animaux, principalement quand les
fonctions digestives ne s'accomplissent pas physiologiquement.
(Rivista clinica e lerapeulica. Naples, 1806, n° 6.) C.
XLVI11. Névrite tuberculeuse SYMÉTRIQUE ; par le Dr RENZI,
professeur de clinique à l'Université de Naples.
Observation. Homme, trente-cinq ans, en traitement à la
clinique, atteint de tuberculose aux sommets des poumons, caverne
certaine à droite.
Ce malade est pris brusquement et sans cause appréciable de
violentes douleurs dans la partie postérieure des deux jambes. Le
moindre mouvement des membres, la moindre pression les exas-
pèrent. Les jours suivants un peu de tuméfaction du mollet
gauche avec léger oedème au niveau des malléoles du même côté.
Les douleurs sont du reste un peu plus fortes à gauche. L'examen élec-
trique fait constater, dans les deux jambes, une légère diminution
del'excitabilitégalvaniqueetfaradique. -Traitement : repos absolu,
frictions au chloroforme. En quelques jours amélioration marquée,
et quand enfin le malade sortit de l'hôpital, il marchait très bien
et ne souffrait plus du tout.
Le professeur insiste sur la forme symétrique de l'affection en
laquelle il voit une névrite symétrique. Cette névrite ressemble aux
névrites qu'on observe assez fréquemment chez les diabétiques. 11
ajoute que les névrites ne sont pas rares chez les tuberculeux ; il les
croit causées par les toxines tuberculeuses qui, comme des travaux
récents l'ont démontré, ont une grande part dans la pathogénie
des diverses manifestations cliniques de la tuberculose. (Rivista
elinica e tempeutiea, 1895, n° 1, Naples.) C.
Lli. DYSURIE spasmodique nautique; par M. le Dr LEOnAl2D0 Co-
GNETTI DE Martiis. (Extrait de la Gazera degli ospedali e délie
cliniche, 1895, n° 9.)
Observation. Un marinier, vingt-trois ans, aspect robuste,
sans tare héréditaire. Emotion violente à la suite de laquelle il est
sérieusement malade un mois. Très superstitieux, il a, la nuit, seul
et en pleine campagne, une hallucination. Il voit devant lui un
« esprit à forme humaine » qui disparaît à son approche. L'année
suivante, employé des douanes, il est obligé d'embarquer. Dès qu'il
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 451
est à bord, il lui est impossible d'uriner, il faut le débarquer. Plus
tard, il doit à nouveau faire du service a la mer, mais sur un navire
à l'ancre et ne naviguant pas. Le trouble urinaire reparaît, mais
un peu différent. L'urine est chassée de la vessie, mais le jet s'arrête
brusquement, alors que le réservoir est encore à moitié plein. Le
médecin du bord constate à plusieurs reprises la réalité du fait.
Ce jeune homme est alors envoyé à l'hôpital de Spezia où il est
observé méthodiquement : caractère émotif, sensibilités générale
et spéciale normales; le sens de la vue, étudié d'une façon toute
particulière, est normal et fonctionne très bien. Pas de calcul dans
la \ essie. Analyse minutieuse de l'urine qui ne donne aucun résultat
intéressant. Il s'agit donc d'une dysurie spasmodique, d'un spasme
du col.
L'auteur cherche à en établir la pathogénie. Il expose d'abord la
physiologie de la miction telle qu'on la connaît à notre époque, il
résume et compare les principales théories anatomiques et physio-
logiques sur l'innervation de la vessie, sur les réflexes urinaires ;
médullaire et cérébraux, insistant sur le pouvoir inhibiteur de ces
derniers, etc. Je ne retiendrai que les parties originales de la théorie
qu'il propose lui-même pour expliquer le spasme du col vésical.
Pour que la miction s'accomplisse normalement, il faut, dit-il, que
l'appareil musculaire entier de la vessie entre en même temps en
contraction, les muscles expulseurs (de l'urine), aussi bien que le
sphincter. Il faut, en plus, que la contraction s'accomplisse dans le
sens péristaltique, sinon le col se contracte seul et il y a spasme.
Or. quand les centres réflexes urinaires ont été hyperexc;tés, ils
provoquent des contractions dans le sens antipéristaltique. Dans le
cas actuel, ce sont les mouvements du bateau qui troublent le fonc-
tionnement des centres réflexes et qui, par suite, provoquent le
spasme du col. C'est ainsi que sur un navire à l'ancre et bougeant
peu, la miction se fait à moitié, tandis que sur un navire en marche,
les mouvements étant étendus et nombreux, la miction est tout à
fait impossible. Il se passe là, en somme, ce qui se passe dans un
trouble analogue du rectum, dû également à des contractions anti-
péristaltiques de l'organe, et qu'on désigne sous le nom de consti-
pation nautique. C.
L. DE l'incontinence nocturne d'urine; par M. le Dr GOGNETTI DE
MARTIIS. (Extrail de ]a Puglia medica, 3e année, n° 5.)
Pour l'expliquer, deux théories surtout ont de nombreux parti-
sans : 1° l'incontinence est due à une hyperesthésie de la vessie
qui ne permet à l'organe de ne tolérer qu'une quantité donnée
d'urine; 2° elle est due à une hyperexcitabilité des muscles de la
vessie; quand ceux-ci sont distendus au delà d'un certain degré, ils
se contractent. Ces théories sont toutes deux, on le sait, passibles
458 REVUE DE pathologie nerveuse.
de bien des objections, l'auteur les rejette l'une et l'autre et se
rallie à la théorie psychique défendue principalement par le
Dr Fiorani. L'incontinence nocturne, dit-il, n'est que le sornnwnbu-
lisme de la vessie. Voici les raisons sur lesquelles il se base : le
sommeil n'est pas le repos du système nerveux confiai exclusive-^
ment, mais bien une fonction biologique générale d'ordre végé-
statif. Il comporte trois degrés; le sommeil ordinaire, le rêve et le
somnambulisme. Les excitants ordinaires de l'organisme, comme
le besoin d'uriner, par exemple, provoquent le réveil, dans le som-
meil simple. Dans le rêve, les impulsions au mouvement, si elles
provoquent l'acte provoquent en même temps le réveil. Dans le
somnambulisme qui comporte un sommeil intense avec conserva-
tion plus ou moins marquée de la conscience, certains actes volon-
taires sont possibles sans amener le réveil. L'incontinence d'urine
ne peut donc se manifester que pendant ce troisième degré du som-
meil, le somnambulisme. Remarquer aussi que cette infirmité ne se
rencontre guère que chez les sujets nerveux et souvent héréditaires.
La théorie psychique admise, on doittraiterl'incontinence comme
on traite le somnambulisme, par le procédé du cordon antisom- ? M[M6 ! <H</M6 (Fiorani). Ce médecin aurait obtenu déjà une gué-
rison remarquable et l'auteur en expose un nouvel exemple :
Observation. S..., marin de l'Etat, est atteint, depuis son
enfance, d'incontinence d'urine; il a suivi de nombreux traitements
mais sans résultat. Aucune lésion vésicale ou urétrale, pas de
calcul, les urines sont normales. Entré à l'hôpital, la première
nuit il urine au lit. Le lendemain soir, couché, on lui applique le
cordon antisomnambulique. C'est un lacet de 2 mètres de lon-
gueur. On l'attache, par une de ses extrémités, à la main gauche
du sujet, on lui fait longer le lit et sortir par la partie inférieure
du meuble. On attache à son autre extrémité un sac contenant
50 grammes de sable sec, on produit ainsi une traction légère. Le
sujet n'eut pendant la nuit qu'une seule miction involontaire et qui
finit par le réveiller. Le lendemain soir on mit 100 grammes de
sable dans le sac, et le sujet se réveilla, dans la nuit, chaque fois
qu'il eut besoin d'uriner. Il en fut de même les nuits suivantes.
Il put. enfin reprendre son service, guéri, par un moyen d'une
simplicité extrême, d'une infirmité pénible et répugnante. Le
lecteur se demandera, sans doute, si ce succès thérapeutique n'est
pas dû à l'autosuggestion plutôt qu'au cordon antisolnnambulique.
C.
LI. Dissertation sur un cas peu commun DE maladie nerveuse; par
le Dr L. AB13 MONDI, médecin chef de la marine royale italienne,
(Spezia, 1895. Tip. Edit. Il Lavoro.)
Observation. Un jeune homme de vingt et un ans, ni alcoo-
lique, ni syphilitique, ni héréditaire, est incorporé dans l'armée en
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 459
mars 1893. Il est alors vigoureux et bien portant, mais il aurait en
une enfance très maladive et, à neuf ans, des douleurs rhumatis-
males. Dès son arrivée à la caserne, angine grave très probable-
ment diphthéritique qui nécessite un long séjour à l'hôpital. Quelque
temps après, il retombe malade à nouveau ; faiblesse, douleurs
dans les membres, dans les inférieurs surtout, mauvais état géné-
ral. On l'envoie à l'hôpital de Spezia, dans le service du D1' Abba-
mondi, qui relève les particularités cliniques suivantes :
Dépression, faiblesse générale, muqueuses décolorées, ganglions
lymphatiques engorgés, muscles flasques. Les muscles extenseurs,
d'une façon générale, ont à peu près conservé leurs forces, les
muscles fléchisseurs au contraire sont affaiblis. Légère atrophie
musculaire aux membres inférieurs. Arthropathie spéciale siégeant
à chaque genou, qui donne aux membres inférieurs une forme
réellement très bizarre. Quand le malade est couché ou assis, les
genoux semblent normaux; quand il est debout, la cuisse forme
avec la jambe un angle obtus ouvert en avant, la tuberosilé tibiale
ainsi que les condyles femoraux repoussés en arrière occupent le
creux poplité qui, par suite, a disparu. Il résulte, de cette demi-
luxation, que l'axe de chaque membre inférieur est représenté par
une ligne courbe à concavité assez prononcée et antérieure. La
courbe est assez prononcée, pour que la taille du malade varie de
4 à 5 centimètre-, selon que celui-ci est debout ou couché. Le
malade peut marcher, mais avec peine et en steppant; la marche
ne produit dans les genoux ni douleurs, ni craquements. La sta-
tion debout est possible un moment, mais très pénible ; si les yeux
sont clos, le sujet oscille et tomberait. L'action de monter et de
descendre les escaliers ne s'effectue qu'avec le secours de la rampe
et d'un bâton : à noter que les mouvements sont bien coordonnes.
Douleurs dans les membres, surtout dans 'les inférieurs, mais,
sans le type fulgurant. Sensation de compression en ceinture vers la
base du thorax. Point douloureux à la pression au niveau de la
quatrième vertèbre lombaire. Les muscles atrophiés sont un peu,
douloureux à la pression. Des orteils à un plan voisin de l'ombilic,
abolition de la sensibilité thermique et de la sensibilité à la dou-
leur, en plus la sensibilité tactile est abolie dans les membres
inférieurs. Sensation de marcher sur du velours. Excitabilité élec-
trique très diminuée dans les fléchisseurs, conservée dans les ex-
tenseurs. Réflexes, les uns conservés, les autres abolis ou diminués ;
le réflexe pharyngien persiste, celui du genou est seulement dimi-
nué d'un seul coté. Rien d'anormal du côté des sens spéciaux, pas
de troubles vésicaux, ni rectaux.
A l'hôpital, l'affection au lieu de rétrocéder s'aggrave rapidement. L.
Le niveau de l'anesthésie remonte, les membres supérieurs devien-
nent' de plus en plus douloureux, leurs muscles s'atrophient, et
enfin une arthropathie semblable à celle des genoux commence il
160 REVUE DE PATHOLOGIE NEItVEUSE.
e manifester aux coudes. Dans l'extension forcée de l'avant-bras,
J'ulécràne tend à se porter en avant du côté des fléchisseurs, en
soi te que le bras fait avec l'avant-bras un angle très obtus ouvcrt
en arrière et que l'axe du membre, clans son ensemble, représente
une courbe à concavité postérieure. On tente, et inutilement, tous
les traitements. Le malade est réformé à la fin de 1893 et il rentre
dans sa famille. Deux ans après, 1895, l'auteur apprend que son
ancien malade est tout à fait guéri, mais il ne peut se procuter
aucun détail sur la marche de l'affection depuis la fin de 1893.
Le point le plus intéressant de celte observation consiste évidem-
ment- en l'apparition de ces arthrites bizarres des genoux et des
coudes. Comme elles se sont manifestées dès le début de l'affec-
tion, et pour d'autres raisons encore, ou doit les considérer comme
des arthropathies nerveuses. L'auteur recherche alors l'entité noso-
logique à laquelle on devrait rattacher ce cas, il passe successive-
ment en revue les diverses affections de la moelle, aucune d'elles
ne répond au tableau symptomatique résumé ci-dessus. Il discute
ensuite la possibilité de l'hystérie, il cite même un cas qui ne
manque pas d'analogie avec le cas actuel, et qui certainement dé-
pendait de la grande névrose. Sans se rallier à l'idée de l'hystérie,
il ne la repousse pas absolument. 11 arrive enfin à étudier l'hypo-
thèse d'une polynévrite infectieuse, hypothèse qui lui parait bien
être l'expression de la vérité. La cause en serait l'angine diphté-
rilique qui a précédé de très peu le début des accidents. Les
arthropathies seraient ainsi sous la dépendance, non plus d'une
lésion médullaire, mais de lésions nerveuses multiples périphé-
riques disséminées dans les tissus péri et intra-articulaires. Il ne
se dissimule pas cependant que, dans les polynévrites toxiques,
certains phénomènes existent qui n'existaient pas chez son malade,
ou qui n'existaient qu'à un degré trop léger. Ainsi les paralysies
n'étaient pas assez prononcées, les muscles pas assez douloureux à
la pression, etc. Pour toutes ces raisons, il proposerait d'admettre
une polynévrite toxique fruste. En fin de compte, il donne son obser-
vation comme très intéressante, ce qui est vrai, mais il n'affirme
pas son diagnostic d'une façon absolue. CAMUSET.
LII. DE l'influence DES TROUBLES DE l'innervation sur la localisa-
TION ET LA MARCHE DES AFFECTIONS INCFCTIEUSES pal' MM. les
Drs TRAMBASTI, professeur libre de pathologie générale et
C. ComsA, assistant à la chaire de pédiatrie de l'Université de
Florence. (Lo Sperimentale. Section de biologie, 3e fascicule,
1895.) ,
Travail effectué à l'Institut des hautes études de Florence.
Les auteurs rappellent que l'on discute depuis longtemps sur l'in-
lluence que le système nerveux peut avoir sur la localisation et la
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. -16l
marche des processus infectieux, sans que la question soit aujour-
d'hui résolue. Ils font l'historique des travaux effectués sur ce
sujet et montrent que les expériences n'ontjamais porté que sur le
tissu cellulaire sous-cutané. On provoque la paralysie vaso-mo-
trice, soit dans un membre en sectionnant son tronc nerveux, soit
dans l'oreille du lapin en extirpant le ganglion cervical supérieur
de cet animal, après quoi on fait agir divers microbes patliu-
gènes dans les régions ainsi paralysées, au moyen d'injections
sous-cutanées.
m.Trall1basti et Cornba, après beaucoup d'autres, on t voulu appor-
ter quelques documents nouveaux pour la résolution de cette inte-
ressante question et ils ont entrepris une série d'expériences dans
ce but, mais leur technique diffère de celle de leurs devanciers. Ils
ont cherché, eux, quelle influence a la paralysie vaso-motrice d'un
organe splanchnique sur la localisation et la marche d'un proces-
sus infectieux agissant sur cet organe, et leurs expériences ont
porté sur le rein. Antonelli avait déjà, avant eux, voulu savoir s'il
existait une relation quelconque entre les troubles de l'innervation
du rem et la localisation et l'évolution d'un processus infectieux
dans ce viscère, et il était arrivé à cette conclusion, que la suppres-
sion de l'innervation du 1 ein ne favorise pas la localisation des
agents infectieux dans celte glande.
Les auteurs, après avoir exposé et critiqué les données anato-
maques modernes sur l'origine, le trajet et les rapports des nerfs
rénaux, regardent comme établi que ces nerfs viennent du tronc
coeliaque, mais qu'ils s'entremêlent aux mailles d'un lacis ner-
veux inextricable situé entre l'artère et la veine rénales et que là
ils envoient des ramuscules à la tunique adventice de ces vaisseaux.
Il n'est donc pas possible de sectionner en cet endroit les vrais
nerfs rénaux, les nerfs qui président à la sécrétion de l'urine. C'est
pourtant ce que faisait, ou du moins ce que croyait faire Antoneili.
La vérité est que pour être certain de produire la paralysie vaso-
motrice, il faut extirper le plexus ca;liaque. Mais comme l'extirpa-
tion du ganglion coeliaque inférieur seul suffit pour provoquer des
altérations importantes dans le rein, et qu'elle laisse aux animaux
en expérience une survie assez prolongée, c'est à l'extirpation de
ce seul ganglion inférieur que les auteurs eurent recours. Voici la
façon dont ils rendent compte de leurs expériences.
Extirpation du ganglion coeliaque inférieur sur cinq lapins. Deux
d'entre eux sont réservés comme témoins. Aux trois autres on
injecte, après un laps de temps variable, dans la veine marginale
de l'oreille, des quantités variables de bouillon de culture de strep-
tocoques de l'érysipèle. Même opération sur sept autres lapins,
deux sont réservés comme témoins; on injecte aux cinq autres du
bouillon de culture de staphylocoques dorés pyogènes. Sur ces
douze animaux, on n'en sacrifie qu'un seul, le dixième jour; les
li 6 4-) REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
onze autres meurent spontanément dans un temps qui varie de
deux à vingt-huit jours à partir du moment de l'injection. Les
principaux organes sont ensuite, après durcissement, examinés au
microscope.
Voici maintenant les conclusions de ces expériences : quand,
après avoir produit la paralysie vaso-motrice dans le rein, on
injecte dans le sang des microbes pathogènes, ces microorganis-
mes se localisent toujours de préférence dans le rein. L'absence de
toute localisation morbide dans le foie prouve, incidemment, que
le ganglion coeliaque inferieur n'est pas un centre d'innervation
important pour ce viscère. Les localisations rénales font défaut
chez les lapins réservés comme témoins, c'est-à-dire chez les lapins
opérés mais non inoculés. La lésion du centre d'innervation du
rein constitue donc une prédisposition à la localisation des micro-
organismes pathogènes qui peuvent se trouver accidentellement
dans le sang. Comme corollaire : l'immunité d'un tissu, par rap-
port à une infection, est liée à l'intégrité du système nerveux de ce
tissu.
En résumé donc, la paralysie vaso-motrice qui, pour beaucoup
d'auteurs, pour Aulonelli en particulier, serait un élément protec-
teur par rapport aux infections, détermine au contraire dans les
tissus des conditions de moindre résistance à l'égard de celles-ci. A
noter; en terminant, que dans les expériences de 111L'framl>asti et
Comba la prédisposition du rein à l'infection était d'autant plus
certaine que l'extirpation du ganglion coeliaque inférieur, par
lequel passent presque tous les nerfs qui vont au rein, détermine,
outre la paralysie vaso-motrice, des altérations profondes du tissu
rénal lui-même, comme l'hypérémie et la dégénérescence granu-
leuse et hyaline des divers éléments anatomiques de la glande.
CAMUSE ?
LUI. Recherche HISTORIQUE sur la crampe DES écrivains. (Bulletino
delle scienze mediche. 13ologna, 1896, n° de mars.)
Puisque l'on fait de nos jours à la graphologie l'honneur de
l'élever à la hauteur d'une science, il n'est pas sans intérêt de
signaler une particularité que présentait l'écriture de l'empereur
Auguste. Auguste, quand un mot était trop long pour être écrit en
entier à la fin d'une ligne, ne pouvait pas se décider à le scinder
en deux parties, de façon à reporter la seconde partie au commence-
ment de la ligne suivante, comme c'était l'habitude déjà. Il l'écrivait
en entier sur la même ligne, qu'il était obligé de prolonger en en
changeant la direction, en la recourbant en bas. C'est Stevonius,
l'historien de l'époque impériale, qui nous apprend cette particu-
larité, mais il nous en apprend une autre bien plus, intéressante
au point de vue médical. Octave Auguste, parait-il, était atteint
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 463
d'une sorte de rigidité et de contracture de l'index droit qui lui
rendait parfois l'écriture très difficile. Il était obligé de porter à
l'index un anneau en corne. Cet anneau remplissant l'espace laissé
libre entre le style, la plume d'alors, et l'index, permettait à
celui-ci de maintenir, malgré son impotence, le style fixé. Cette
infirmité n'était sans doute autre que notre crampe des écrivains
actuelle. L'accusation qui pèse sur les plumes d'acier, d'en être la
cause déterminante, est donc mal fondée.
Il parait, toujours d'après Stevonius, qu'Auguste était aussi
affligé d'un grand nombre d'affections et d'infirmités diverses, et
qu'il souffrait un peu de partout, ce qui ne l'empêchait pas de
garder toujours et en toute occasion son regard fier et domina-
teur et sa physionomie digne et calme. Camuse.
LIV. UN nouveau facteur étiologique DE la céphalée, la céphalée
produite par LE changement DE résidence; par le D1' Pieraccini.
(Lo Sperimentale. Firenze, 1895, n° 1.)
11 existe des personnes robustes, d'une excellente santé, exemptes
de toute tare névropathtque héréditaire ou acquise qui, chaque
fois qu'elles quittent leur résidence habituelle, pour aller dans cer-
taines aulres régions, sont immédiatement prises d'une céphalée
pénible et opiniâtre, mais qui se dissipe dès qu'elles retournent
chez elles. Le U'' Pieraccini prétend qu'il s'agit, dans ce ras, d'une
céphalée sui generis et il la dénomme céphalée par changement de
résidence. Cette affection, dit-il, n'est notée nulle part, elle n'est
pas cependant très rare et les individus, qui en sont atteints, se
rendent souvent très bien compte de sa nature et il eu est même
qui soutiennent à leur médecin, lequel se perd dans des recherches
minutieuses, que leur mal de tête est simplement la conséquence
« du changement d'air ». Voici quelques exemples :
1° S..., cinquante ans, cuisinier, homme robuste et d'une excel-
lente santé, exempt de toute tare nerveuse héréditaire ou acquise,
ni alcoolique, ni syphilitique, habitait depuis longtemps un petit
village du Val-d'Elsa, dont l'altitude n'est que de 100 mètres su-
périeure à celle de Florence. S... un jour quitta son pays pour
aller se fixer à Florence, comme cuisinier dans une maison bour-
geoise. Deux jours après son arrivée, céphalée très douloureuse
localisée principalement à la région frontale. Quelques prescrip-
tions hygiéniques, pomme les promenades fréquentes au grand air,
par exemple, ne produisent pas la moindre amélioration. La
céphalée se compliqua même d'autres phénomènes morbides :
pupilles dilatées et peu sensibles à l'action de la lumière, vertiges,
nausées. Les fonctions de la vie végétative et les (fonctions psy-
chiques s'effectuaient normalement. Un tiaitement antisyphili-
tique est proposé, mais le malade affirmait d'abord qu'il n'avait
164 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
jamais eu la vérole, ensuite que sa céphalée était due à son séjour
à Florence, et qu'elle guérirait dès qu'il serait rentré dans son
pays. Quelques années auparavant il avait éprouvé les mêmes souf-
frances, et dans les mêmes circonstances. Tous les remèdes avaient
échoué, sou retour au pays l'avait guéri de suite. Il voyait bien,
ajoutait-il, qu'il allait être obligé de quitter Florence, ce qui
^'affligeait fort, parce qu'il aimait celte ville et parce qu'il tenait
beaucoup à sa place. Et malgré tout le déplaisir qu'il en éprouva,
S... en effet rentra dans ses montagnes et deux jours après il était
guéri.
2° Un cultivateur du Val d'Elsa, d'une bonne santé habituelle,
non névropathe, travaillait toute l'année aux environs de son
village, mais il était obligé, d'aller de temps en temps Iravaillcr à
des terres situées assez loin de chez lui sur des hauteurs. Or, dès
qu'il arrivait en ces endroits, il était pris d'une céphalée qui se
dissipait aussitôt qu'il rentrait chez lui.
3° Une dame de Porto-Longone. dans l'ile d'Elbe était prise de
céphalée chaque fois qu'elle quittait son ! le pour aller sur le con-
tinent, et ensuite, pendant les douze ou quinze jours qu'elle passait
habituellement à Pioinbiiio.
4° Un médecin,âgé de trente ans, très robuste et d'une bonne
santé. exerçait la médecine à Florence et aux environs. Cinq on
six fois par an, il était obligé d'aller à Mantoue. Aussitôt qu'il arri-
vait dans cette ville, il ressentait une céphalée intense, qui se dissi-
pait dès qu'il la quittait.
ego Un négociant florentin souffrait, chaque fois qu'il allait an
marché de Livourne, d'une céphalée très pénible.
60 Un autre Florentin, qui s'était établi à Livournepour plusieurs
années, ne pouvait s'approcher de la mer sans être pris d'hémicra-
nio.Aussi logeait-il très loin du port et avait-il grand soin de ne
pas aller du côté de la plage.
Dans ces observations, auxquelles il seiait facile d'ajouter
d'autres faits analogues, il s'agit, dit M. Pieraccini, d'une céphalée
spéciale, idiopathique, qui n'entre dans aucune des classes des
céphalées admises par les auteurs. En effet, peut-on la rattacher à
l'hystérie ? Il faudrait admettre alors que cette névrose peut se
manifester par un unique symptôme, et ne s'accompagner d'aucun
de ses stigmates connus, ce qui n'est pas soutenable. Peut-on la
mettre sur le compte d'une sorte d'auto-suggestion, la crainte d'être
atteint de maux de tête, en arrivant dans certains endroits, provo-
quant l'apparition de ceux-ci ? Mais alors, comment expliquer, par
cette hypothèse ingénieuse, l'apparition de la première attaque de
céphalée, alors que le sujet ne pouvait avoir aucune appréhension ?
Peut-on en faire un symptôme de la nostalgie ? Non, puisque les
malades, sujets des observations précédentes, ne sont pas nostal-
giques, et que même plusieurs d'entre eux aiment la ville qui leur
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 465
est malsaine et qu'ils ne la quittent qu'à regret. On ne peut pas
davantage, les observations le démontrent, invoquer les modifica-
tions dans le genre dévie et les changements d'habitudes. La vérité
est que cette céphalée est idiopathique.
L'auteur se défend pourtant de vouloir créer une nouvelle entité
nosologique, il déclare qu'une telle prétention serait ridicule, la
céphalée qu'il décrit n'a de spécifique que la nature de sa cause;
elle est produite exclusivement par un changement de résidence,
d'habitat, et elle guérit aussitôt que sa cause disparait, c'est-à-
dire aussitôt que le malade retourne dans sa résidence habi-
tuelle. Il est même probable que si le malade luttait, c'est-à-
dire que s'il persistait à demeurer malgré ses douleurs de tête,
celle-ci finiraient par disparaître avec le temps, mais les observa-
tions confirmatives du fait manquent encore.
La céphalée par changement de résidence s'observe aussi bien
chez les femmes que chez les hommes ; on ne sait pas, pour le
moment, si elle peut atteindre les enfants. Les prédisposés aux
affections nerveuses ne semblent pas y être plus sujets que les per-
sonnes normales, indemnes de toute tare héréditaire ou person-
nelle. Quant à sa pathogénie, M. Pieraccini l'ignore, et il n'ose
risquer aucune hypothèse sur le mécanisme de ce phénomène
morbide. Cette céphalée est-elle l'effet de l'influence sur l'orga-
nisme de changements brusques dans la pression atmosphérique ?
Est-elle la conséquence du régime des vents de la région laquelle
est pour cela insalubre pour certaines personnes à idiosyncrasie
spéciale ? Tient-elle à des parlicularités dans l'état hygrométrique
de l'air ou à l'état électrique, ou à la température ? On ne sait. On
ne sait même pas si elle coïncide avec un état anémique, ou au
contraire avec un état byprémique de l'encéphale; et, à ce sujet,
l'examen ophtalmoscopique aiderait à résoudre la question.
En somme, il n'était pas inutile d'attirer l'attention sur cette
céphalée sui geraeris, dont, il faut l'espérer, l'histoire se complétera
avec le temps. Camuset.
LV. DES polynévrites EN rapport avec LES lésions secondaires ET
LES LÉSIONS PRIMITIVES DES CELLULESNERVEUSES ; par M. l iti,,iFsco.
L'auteur, dans un travail du plus haut intérêt, accompagné de
figures démonstratives et de considérations sur l'histologie de la
cellule nerveuse, montre que les polynévrites déterminent dans
les centres .nerveux des lésions constantes mais d'origine se-
condaire : ces lésions constituent la réaction nécessaire d'un
centre en souffrance et ce n'est ni le hasard ni l'infection qui les
produisent. Elles obéissent à des lois fixes que l'on pourra un
jour déterminer.
Ces altérations secondaires ressemblent à celles que réalise la
Archives, 2" série, t. II. 30
66 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
section nerveuse, c'est-à-dire qu'il y a dissolution partielle ou com-
plète des éléments chromatopUles, surtout de la couche périnu-
cléaire, que le noyau est excentrique, que les prolongements
proioplasmiques contiennent moins de substance chromatique, en
d'autres termes que la lésion porte essentiellement sur le
kinétoplasma. Les racines antérieures, les nerfs eux-mêmes, sur un
certain trajet, sont intacts, tandis que la lésion périphérique porte
surtout sur les ramuscules nerveux ou sur les troncs d'émer-
gence. La lésion cellulaire est, par suite, produite à distance.
Les lésions secondaires des centres médullaires dans les polyné-
vrites, bien que comparables à celles que provoque la section d'un
nerf dans son centre d'origine, sont cependant moins aiguës,
moins intenses pendant un certain temps, ce qui explique qu'elles
ont pu passer inaperçues. Enfin, dans les polynévrites comme dans
les lésions des centres nerveux consécutives à la section nerveuse,
il y a à distinguer également deux périodes : la 1'° où les éléments
cliromatopliiles subissent une dissolution plus ou moins complète,
réaction à distance du nerf lésé, et la 2 ? que l'on pourrait
nommer la phase poliomyélitique des polynévrites et dans laquelle
le protoplasma subit des modifications notables. A partir de ce
moment la lésion névritique est irréparable. (Revue neurologique,
avril 1896.) E. B.
LVI. Contribution ST1TIST1QUE A L\ symptomatologie DU tabès
DORSAUS ; par le Dr Simerka.
D'après les observations de 52 tabétiques, l'auteur a dressé la
table suivante où les symptômes sont rangés selon leur fréquence : -.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 467
468 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
Toute l'observation clinique du malade pourrait se résumer
dans la phrase qu'il répète sans cesse : « j'entends que vous parlez,
mais je ne comprends pas ; je pourrais compter les syllabes, mais
je n'en saisis pas le sens. » 11 existe aussi une amusie à peu près
complète. -
Le diagnostic n'est pas douteux : on se trouve en présence
d'une aphasie scnsoreille simple, aphasie de réception dans laquelle
la faculté de comprendre le langage parlé est seule perdue. Le
langage intérieur est parfait. C'est un cas de surdité verbale avec
amusie. Le diagnostic delà lécion est assez difficile à préciser : un
seul renseignement négatif à noter, c'est l'absence de crises
épilepliformes pouvant faire penser a une irritation méningée par
une tumeur comprimant ou ayant détruit la région de la surdité
verbale. Quant au diagnostic du siège de la lésion, l'intégrité du
langage intérieur permet d'admettre l'intégrité du centre cortical
de la surdité verbale, par conséquent la lésion serait sous-corticale,
et comme l'ouïe est respectée et qu'il n'y a pas de surdité psy-
chique, la localisation de la lésion serait sur le faisceau unissant
le centre de réception commun des sensations auditives au centre
spécialisé pour la réception du langage articulé. En résumé, bel
exemple de surdité verbale de conductibilité ou, en acceptant la
terminologie de M. Déjerine, de surdité verbale pure. (Revue neu-
1'ologique, juin 1896.) E. B.
LVIII. La chorée variable des dégénérés; par le 1)' BRIS5,1UD.
Tous les médecins qui s'occupent plus spécialement de maladies
nerveuses ont vu quelques types de ces chorées inconstantes, iné-
gales, intermittentes, généralement de très longue durée, qui ne
sont ni la chorée de Sydenham, ni la chorée d11untington et qui
sont cependant des chorées parfaitement authentiques, bien qu'on
soit embarrassé pour les désigner par un nom : ces chorées en-
globent la plupart des troubles moteurs vulgairement et vague-
ment désignés sous le nom de mouvements nerveux.
La similitude des cas a engagé l'auteur à les grouper, à les dé-
signer sous le nom de chorée variable, la variabilité étant la véri-
table caractéristique de l'affection par rapport à l'évolution régu-
lière de la chorée de Sydenham et à l'évolution progressive de la
chorée chronique.
Un autre caractère de la chorée variable, bien mis en relief
dans les quatre observations publiées dans ce travail, c'est que
chez les malades atteints de cette affection, il n'est pas question
seulement de tempérament nerveux familial comme dans la chorée
de Sydenham, ni de l'hérédité similaire qui est comme une spéci-
ficité causale inhérente à la chorée chronique : on se trouve, dans
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 469
cette affection, en présence de dégénérés, en prenant le mot dans
son acception la plus précise.
En résumé, la chorée variable, véritable « caprice de la fonction
musculaire », représente un de ces désordres passagers dont la dé-
générescence mentale est coutumière. (Revue neurologique, juil-
let 1896.) Is. B.
LIX. SUR LE degré DE fréquence DES paralysies laryngées CHEZ les
hémiplégiques; par le Dr Simeriu.
L'auteur a fait l'examen laryngoscopique de-23 hémiplégiques
qui, par l'existence soit de troubles du langage, notamment de
dysarthrie, soit de dysphagie ou de paralysie du voile du palais,
semblaient devoir offrir des troubles laryngés. Or, chez 19 de ces
malades, l'examen n'a révélé aucun trouble des mouvements des
cordes vocales; chez 4 seulement il y avait quelques troubles inté-
ressant la corde vocale droite. Les recherches de l'auteur sont con-
firmatives de l'opinion de Semon et Horsley d'après laquelle la
rareté des paralysies laryngées chez les hémiplégiques tient à ce
que chacune des cordes vocales est innervée à la fois par les deux
hémisphères. (Revue neurologique, juin 1896.) E. B.
LX. Leçon sur les réflexes; par le Dr HDGHES.
L'auteur admet l'existence hypothétique de fibres reliant le cer-
veau aux cornes antérieures de la moelle et expliquant l'action de
la volonté, qui peut exagérer, diminuer ou abolir les réflexes (vé-
sical, rectal, vénérien, etc.). (The alienist and neurologist, jan-
vier 1896.) E. B.
LOI, HÉ\t.1T031Y1 : LIES PRIMAIRES TRAUMATIQUES ET NON TRAUMATIQUES ;
par le Dr OUTTEN.
L'auteur a fait une enquête aux Etats-Unis sur la question. Les
résultats en sont comparés avec les cas publiés par Gowers, Krafft-
Ebiug, Raymond, Nimor, Van Gresen, etc. II arrive à conclure que
l'existence d'hémorragies intra-médullaires non compliquées de
traumatismes, c'est-à-dire médicales, n'a pas encore été démontrée
d'une façon certaine. Par suite les assertions doivent être exactes
de Charcot et Flayem. qm ont soutenu que le ramollissement de la
moelle précède toujours l'hémorragie et que l'hématomyélie pri-
maire est une impossibilité. (The alienist and neurologist, jan-
vier 1896.) E. B.
LX11. Note SUR L'AC131LLODY-NIE hystérique; par le Dr Feré.
L'auteur cite deux observations qui établissent la possibilité d'une
achillodynie hystérique, et c'est peut-ètre même la seule douleur
du tendon d'Achille qui mérite le nom d'achillodynie. L'existence
de la névralgie des tendons dans l'hystérie est d'autant plus inté-
470 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
ressante à connaître qu'en raison des réactions motrices qu'elle
enlraîne, elle peut s'associer d'autres symptômes indicateurs de
lésions synoviales ou articulaires. Les craquements articulaires et
synoviaux, par exemple, sont facilement provoqués par des con-
tractions exécutées dans une attitude défectueuse ou forcée et on
peut les voir se manifester aussi bien aux membres qu'au tronc.
Une telle association combinée avec les formes si variées de l'oe-
dème neuro-paralytique pent être féconde en erreurs de diagnos-
tic. (Revue neurologique, juin t896.) E. B.
LX111. La topographie DE L.INESI'1131E P07TIQU1's ;
par le or A. CIII1'AULT,
Dans une récente étude, l'auteur a insisté sur l'origine mixte,
radiculaire et médullaire des symptômes sensitivo-moteurs dans
un grand nombre de traumatismes ou de tuberculoses vertébrales,
en exprimant l'espoir qu'il serait possible d'arriver à dissocier cli-
niquement ce qui, parmi ces symptômes, revient à la moelle, ou
ce qui revient aux racines.
Dans le présent travail, il Lente celte dissociation pour un groupe
bien déterminé de faits, pour les maux de Pott avec symptômes
sensitifs objectivement appréciables. Il
Si l'on met de côté 7 cas douteux, l'auteur, sur 22 cas, a
rencontré : 1° dans 7 cas, des symptômes sensitifs à topographie
nettement radiculaire; 2° dans G cas des troubles sensitifs à topo-
graphie médullaire ; 3° dans 2 cas, les symptômes sensitifs se dis-
sociaient d'une manière tout il fait nette en deux parts, l'une
radiculaire, l'autre médullaire, qui se juxtaposaient ou se superpo-
saient sans se confondre.
Celte détermination clinique présente une véritable importance
anatomo-pathologique, pronostique et thérapeutique : impor-
tance anatomo-pathologique, parce que l'examen du malade suffit
pour clore le débat sur le siège des lésions nerveuses poltiques et
autorise à dire qu'elles portent ◀tantôt▶ sur les racines, ◀tantôt▶ sur la
moelle, ◀tantôt sur l'une et l'autre à la fois. Importance pronos-
tique parce qu'une lésion radiculaire est toujours fonctionnelle-
ment moins grave qu'une lésion médullaire. Importance thérapeu-
tique enfin, parce que le chirurgien, qui ne peut rien contre les
lésions médullaires, peut, dans un très petit nombre de cas de
lésions radiculaires, être autorisé à intervenir. (Revue neurologique,
mai 1896.) ' E. D.
LXIV. DE LA DEFORMATION ET DE la paralysie DE la LUETTE
COMME SIGNE DE DÉGÉNÉRESCENCE; par le Dr DAN.\.
Les anomalies de développement se montrent fréquemment sur
la ligne médiane.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 471
L'auteur ayant remarqué que souvent la luette présentait quel-
que anomalie de forme ou de direction a examiné plus spéciale-
ment cet organe chez un nombre déterminé de malades et de
sujets sains. Sur 154 sujets sains, la luette ne fut trouvée anormale
que dans 13 cas p. 100, allongée dans\ 5 cas, bifide dans 2 cas,
double dans 1. Chez 57 malades atteints de maladies nerveuses,
la luette était 3 fois bifide, 13 fois déviée, 1 fois double, soit anor-
male dans 22 cas p. 100. Chez 108 aliénés la luette fut trouvée
anormale chez 53, soit une proportion de 50 p. 100; l'anomalie la
plus fréquente était la déviation à gauche.
La proportion est encore plus forte dans les formes dégénéra-
tives de la folie, si bien que la proportion des déformations de la
luette augmente avec la proportion des signes de dégénérescence.
Examinés au point de vue de l'innervation, les muscles de la
luette se contractaient dans 73 cas p. 100 chez des sujets normaux
et dans 47 p. 100 seulement chez les aliénés.
De son travail, l'auteur tire la conclusion que la déformation et
plus particulièrement la déviation de la luette constituent, en
même temps que le défaut d'innervation, un stigmate analomique
et physiologique de dégénérescence. (American journal of 121siiiiity,
avril 189G.) E. B.
LXV. Contribution au diagnostic DE la syringomyélie ; par Bregman.
(Neurolog. Centralbl., XIV, 1895.)
Etude analytique d'un malade de vingt-sept ans chez lequel il
existait une paralysie partielle masquée hémiliatérale de la sensi-
bilité, avec cyanose et sensibilité au froid de la main gauche,
hémidrose, hygroma trophique de la bourse séreuse et crânienne.
Les symptômes étant localisés au membre supérieur et à la moitié
supérieure du thorax permettent de conclure il une syringomyélie
cervicale et cervico-thoracique supérieure. M. Bregman discute le
diagnostic avec l'hystérie, la névrite périphérique du radiculaire,
la pachyméningite, la carie de la colonne vertébrale, le tabes
dorsal, la lèpre. Il conclut à la gliomatose plutôt qu'à l'existence
d'une cavité réelle dans une corne postérieure. P. K.
LXVI. Communications casuistiques; par L. Bruns.
(Neurolog. Ceaztralbl., XIV, 1895.)
Singulier titre qui condamne à l'obscurité, grâce à la négligence
des faiseurs de tables, six études de première importance d'ailleurs
mal divisées.
1° Pathologie et pronostic de la paralysie des tambours. Il y en
aurait trois types. Le premier, le plus fréquent, consiste en une
paralysie du long extenseur du pouce gauche avec parésie des
472 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
muscles de l'éminence thénar, et surtout de l'adducteur, du court
fléchisseur et du court abducteur, qui sont fréquemment atrophiés.
- Second type, bien plus rare. Paralysie du long fléchisseur du
pouce gauche. Parfois aussi les muscles de l'éminence thénar, ont
atteints, du moins dans un cas (Zander), le malade ne pouvant
fléchir la première phalange du pouce. Troisième type, très rare.
Paralysie simultanée des longs fléchisseurs et extenseurs : émi-
nence thénar toujours atteinte et atrophiée. L'auteur signale
un cas de guérison, pourvu que l'on cesse et pour toujours l'exer-
cice du tambour, à la première apparition des phénomènes de
névrite, aux premières douleurs musculaires. Il donne aussi une
nouvelle observation relevant du troisième type. Parésie du long
extenseur et du long fléchisseur du pouce, une légère faiblesse de
l'éminence thénar. Ténosynovite hypertrophique de Erb au
niveau du tendon de l'extenseur.
2° Paralysie partielle du nerf cubital gauche par' pression du
coude chez un xylographe. Les graveurs sur bois appuient leur
coude gauche et le côté interne de celui-ci sur la table, ils com-
priment ainsi le cubital, et cependant, chez eux, les paralysies
sont très rares ; ils ont d'ordinaire des douleurs dans la région du
coude gauche et des épaississements périostiques des os.
3° Paralysie du radial, par pression, pendant la narcose chloro-
formique. Opération de myomes utérins, laparotomie ayant
duré plusieurs heures, le radial droit a été comprimé à l'endroit
où il contourne la partie externe du bras par la tige longitudi-
nale de l'appui-tête. En voie de guérison. (Voy, Pernic, Centmtblalt.
f. Chirurgie, et Remak, Deutsche Zeitseh1'. f. Nez·venheillc,1V).
4° Encéphalite prolubérantielle aiguë non suppurée ou apoplexie
tardive de la protubérance. Observation chez un garçon de
treize ans. Paralysie du facial et de l'oculomoteur externe droits.
avec paresthésie gauche, anesthésie, ataxie ou tremblement
intentionnel. Cette association symptomatique permet de conclure
à l'atteinte de la région de la calotte dans la moitié droite de la
protubérance, à la région des noyaux de l'oculomoteur externe et
du facial. D'autre part, il y a paralysie du droit interne gauche,
comportant aussi les mouvements nécessités pour la convergence et
blépharoptose gauche, indiquant que la lésion empiète sur la gauche;
dès le troisième jour, en effet, il y a paralysie complète de toutes
les brancbesexlernes de l'oculomoteur commun gauche, tandisque
l'oculomoteur externe et le pathétique demeurent intacts. La
région des pyramides parait envahie le jour suivant. Il y a lieu de
craindre un tubercule ou un gliome. Tout à coup, le neuvième
jour, se produit une amélioration, et, trois mois après le début
de l'affection, il ne reste qu'une parésie très légère du facial infé-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 473 à
rieur droit. Guérison. De là le litre de l'observation. (Vov.
Oppenheim. Deutsche medic. Wo¡;flCnsch1'i(t, 1895, G, et Deutsche
Zeitschr. f. Nervenheilk, VI. 13011singer. Feslschrift R. I'irchow's,
t. II.)
5° Hémiplégie et aphasie gono¡'1'héique. - Il s'agit d'une jeune
femme de vingt ans, infectée par son mari et atteinte successive-
ment d'urNtrite, d'endométrite, de pénmélnte et de salpingite
gauche. C'est alors que, sans prodromes, soudain, il se produit des
convulsions épileptiformes de la moitié droite du visage, la langue,
la mâchoire, les membres du même côté. Plusieurs accès convul-
sifs ont lieu coup sur coup ; aphasie consécutive et, quelques jours
après, hémiplégie droite totale, y compris le facial inférieur, la
langue, les muscles du pharynx et les masticateurs. Clonus
achilléen et diminution de la sensibilité à droite. L'aphasie est
motrice et totale et cependant l'intelligence est conservée, lecture
impossible, parfaite conscience. Tout disparait moins l'hémiplégie
des membres; if s'installe de la contracture avec exagération des
réflexes. L'aphasie prend la forme d'aphasie transcorticale de
Wernicke et Lichtheim, et, par les exercices appropriés, elle entre
en voie de guérison. Conclusion : il s'est effectué des embolies daus
la sylvienne gauche dont les trois premières branches corticales,
et peut-être aussi celles de la capsule interne et des ganglions cé-
rébraux, ont été obturées. Ces embolies ont eu pour origine une
thrombose des organes du bassin due à l'inflammation gonor-
rhéique, soit par action directe de gonococcus, soit par coagula-
tion sanguine purement inflammatoire, peut-être par les deux
mécanismes. Mais à coup sûr il ne s'agissait point d'un thrombus
inflammatoire produit par les pyococci, car il n'y a eu ni fièvre,
ni méningite, ni abcès.
6° Observation d'acromégalie traitée à l'extrait de corps thyroïde.
Femme de vingt-quatre ans, atteinte d'acromégahe-type. On
lui administre des tablettes de corps thyroïde dont on ignore
d'ailleurs la dose. Sous leur influence, l'état général s'améliore ;
la céphalalgie, les douleurs, les paresthésies des doigts disparais-
sent, ceux-ci récupèrent leur mobilité, la malade se remet aux
fins ouvrages de femme, porte encore son alliance. Apparaît alors
l'amaigrissement caractéristique de l'alimentation thyroïdienne
(Leichtenstern). Le volume des membres ne subit cependant aucun
changement. Bientôt s'installent des battements de coeur, suivis de
chlorose et d'affaiblissement. On cesse le suc thyroïdien, alitant
') la malade et lui administrant du fer. Le coeur paraît se calme¡' (il
existe encore 100 pulsations), mais les paresthésies et douleurs
des extrémités reprennent. On adjoint au repos au lit et à une
alimentation forte, les tablettes de corps thyroïde.
P. Keiiwal.
474' li REVUE DE MÉDECINE LEGALE.
LXVII. DE la maladie L'AMOK des Malus ; par Chr. R : 15ClI.
(Neuroloy. CentralGl., XIV, 1895.)
y
La fréquence relative de celle maladie limitée à la race malaise
et son caractère endémique qui, de temps à autre parait en cer-
taines régions, telles que Macassar, les Célèbes, revêtir la forme
épidémique, plaident contre l'opinion d'Ellis qui en fait une psycho-
pathie épileptique. On s'expliquerait plus aisément la furia brutale
de l'amolc par le canal de la suggestion ou de l'imitation.
M. Hasch en appelle au jumping (du Nord de l'Amérique), au
myriachit (de Sibérie), au mali-mali des Tagalais (de Manille), au
latah (des Malais), états caractérisés par des impulsions quabi
réflexes. Otto Stoll leur attribue, notamment aux deux derniers,
une influence suggestive. Histoire de l'héroïsme impétueux des
Malais de Macassar (S. Semler), histoire du latah des Siamois ;
influence de la suggestion (l3astian, van Brero) ; leur balltcln
est une sorte de myospasie impulsive, mais provoquée, sorte de
suggestion hystérique par contact somatique (Francfurter).
P. KERAVAL.
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE
VI. Rapport IÉDICO-LÉG1L sur un militaire déserteur atteint
d'automatisme ambulatoire; par MM. Alfred Fournier, S.-Ch.
Kohne et Gilles DE la 1'OUBETrr.. (Nouv. iconogr. de la Salpétrière,
1895, n° 6).
M. X... a des antécédents héréditaires vésaniques très chargés,
on compte plusieurs aliénés parmi ses ascendants et son père et sa
mère sont cousins germains. Trois de ses frères sont morts de
méningite en bas âge. Lui-même a eu des convulsions dans son
enfance. Il est d'une intelligence très bornée et n'a pas pu faire
ses classes, en outre il a eu des terreurs nocturnes et est sujet à des
accès intermittents de mélancolie de courte duree. Sa famille qui
est dans une belle situation de fortune, le plaça dans différentes
maisons de commerce, il s'y montra bon employé, mais deux fois
il quitta brusquement ses patrons sans raison, sans savoir pour-
quoi et revint chez lui. On l'engagea alors dans l'espérance que la
discipline militaire, le rendrait plus staLle. Très bon soldat au
régiment, on croyait qu'il allait faire sa carrière dans l'armée,
REVUE DE MEDECINE LEGALE. 4/0
mais il s'enleva toute chance d'avancement en entrant dans les
infirmiers, et cela tout à coup, sans préméditation. Puis un jour
qu'il était attablé à la cantine, il se leva, sortit de la caserne par
escalade, au lieu de sortir naturellement par la porte, ce qui lui
était facile, et se sauva à l'étranger. Quinze jours après il tenta de
se tuer en se tirant une balle de revolver dans la région frontale.
La balle glissa et la plaie fut insignifiante. Guéri, il partit brusque-
ment encore une fois de la ville où il était et se rendit ailleurs,
après avoir erré longtemps dans la campagne. Sa famille vint le
chercher et le ramena en France. M. X... était donc déserteur,
mais l'autorité militaire soupçonnant, ajuste titre, l'intégrité de
ses facultés mentales, le fit examiner par des médecins. Les experts
n'eurent pas de peine à prouver que X... était un aliéné hérédi-
taire, qu'il présentait des syndromes de la folie héréditaire, entre
autres l'impulsion au suicide et l'automatisme ambulatoire. - J'ai
oublié de noter qu'il avait fait, avant son entrée au régiment,
plusieurs tentatives de suicide. A la question, pourquoi voulez-
vous vous tuer ? 11 répondait « Je suis de ceux qui n'auraient
jamais dû exister », et à cette autre question, pourquoi vous sau-
vez-vous toujours ? « Je n'en sais rien, c'est plus fort que moi. »
M. X... fut placé en observation à l'hôpital et réformé ensuite.
C 11U5ET.
VII. La FOLIE DI.NS ses rapports avec la responsabilité criminelle ;
par le De H. MAUDSLEY.
L'auteur, dans une discussion intéressante de la question si sou-
vent traitée de la responsabilité légale des aliénés, montre que si
le critérium légal de la responsabilité n'a pas changé, il s'est
cependant modifié en pratique, en ce sens que certains juges ne
recherchent plus seulement si l'inculpé a eu connaissance de la
nature de son acte, s'il a pu reconnaître que son acte était
répréhensible, mais encore s'il a été capable de le diriger, de con-
trôler sa conduite. (The alienist and neurologist. Avril 1890.)
E.B.
VIII. La responsabilité civile DES PERVERTIS sexuels ;
par le De 11'lane Hamilton.
Après avoir rappelé quelques causes célèbres, l'auteur rapporte
l'histoire d'une jeune femme, fort riche, d'une éducation parfaite,
de la plus grande rigidité de moeurs, vivant avec sa famille et qui,
à l'occasion d'un désordre utérin banal, fit la connaissance d'une
doctoresse en médecine beaucoup plus âgée qu'elle. Cette dernière
finit par subjuguer complètement sa malade avec laquelle des
relations sexuelles s'établirent et bientôt elle se fit donner d'im-
portantes sommes d'argent.
476 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
L'auteur, consulté par la famille, estima que l'allégation de
folie eu égard à la jeune femme, ne serait pas acceptée par un
jury ordinaire, et voulut faire poursuivre la doctoresse, mais la
famille recula devant le scandale. C'est ainsi qu'il est malheureux-
sèment fréquent de voir, dans des cas de ce genre, les familles
accepter très volontiers le qualificatif de folie pour des actes qu'ils
se refusent à dénoncer à la justice. L'auteur estime que lorsque
des rapports entre personnes du même sexe sont arrivés au
point d'annihiler toute idée de famille, le médecin peut poser le
diagnostic d'état mental interdisant toute liberté de disposer de sa
fortune et même dans ces cas le médecin devrait porter les faits à
la connaissance d'un juge spécial qui ferait procéder à la sépara-
tion des invertis. (American journal of iusanily. Avril 1896
, I, 13.
IX. Folie ET responsabilité criminelle ; par II. MAUDSLEY.
(Bl'liish médical Journal, 28 septembre 1896.)
La note de l'auteur se prêtepenaun résumé, tout est à citer,
mais il y a lieu de signaler qu'il s'élève nettement contre l'abus
que l'on tend à faire de la théorie de la dégénérescence. La
thé"rie de More], pour lui, avait une vraie valeur scientifique qui
manque aux extensions ultérieures qu'elle a reçues et qui y ont
fait ranger côte à côte les déviations psychiques les plus délicates
et l'idiotie la plus profonde. L'expression dégénéré est ainsi deve-
nue, suivant l'auteur, un mot vide de sens précis, alors qu'une
médecine légale les équivoques ne sauraient être admises. L'au-
teur défend la responsabilité atténuée et s'élève contre le vieux
critérium juridique de l'irresponsabilité absolue fondée sur le libre
arbitre des philosophes. A, M.
X. ÉPILEPTIQUE ou simulateur ET criminel. Expertise médico-
légale; par le D' G. MOTTI, médecin du Manicôme d'Averso.
(ft11101'[jl ! gni, 1895, n° de juillet.)
Il s'agit d'une expertise très facile au sujet d'un cas d'épilepsie
avec troubles mentaux caractéristiques ; ce qui la complique un
peu, c'est que deux médecins, appelés d'abord à émettre leur avis,
avaient déclaré qu'il n'était pas impossible que l'accusé ne fût un
simulateur. Je veux signaler à nouveau le soin extrême que nos
confrères italiens apportent à leurs expertises, ils en font de véri-
tables cours cliniques. Ainsi, ce rapport du Dr Motti est très étendu,
il comprend l'anthropologie complèle de l'accusé et une vraie
1-çoti sur les troubles mentaux dans l'épilepsie, avec examen cri-
tique des principales propositions qui ont cours dans la science,
sur ce sujet; et pourtant, encore une fois, le cas est des plus
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 477 Î
simples, comme on peut en juger par ce résumé succinct de l'his-
toire du prévenu :
Vox, âgé aujourd'hui de vingt-six ans, est né de parents d'âges
très différents. Il eut dans son enfance une hydrocéphalie et faillit
mourir; il guérit cependant, mais pour devenir un type parfait de
dégénéré impulsif et d'épileptique. Il a toujours été paresseux,
ivrogne, libertin, querelleur et surtout impulsif, dès l'âge de douze
ans il avait affaire avec la justice : maintes fois condamné pour
délits divers, surtout pour rixes, il purgeait une dernière condam-
nation à la prison de Bari quand il commit l'acte agressif qu'on
lui reproche, et que sa situation de prisonnier rendait d'une
gravité extrême. Le directeur de la prison l'interrogeait un jour,
sans raison aucune, il se jeta sur lui et il l'eût tué s'il n'avait été
secouru. Il était dans un état de fureur extraordinaire, on le mit
dans une cellule de sûreté. Après quelques instants il se précipita
sur le gardien chef, qu'on dut protéger à son tour. Peu après il
tomba en convulsions et présenta une attaque typique d'épilepsie
convulsive. Revenu à lui il avait complètement perdu le souvenir
des scènes qui venaient d'avoir lieu.
Le Dr Motti commence son rapport par une étude anthropolo-
gique presque minutieuse de Vox, il relève ses moindres anoma-
lies physique,. Il recherche ensuite les anomalies psychiques
c'est une analyse complète du fonctionnement psychique de
cet accusé. Il insiste suitout sur les nombreux actes impulsifs
qu'il a pu connaître, en se renseignant sur ses antécédents, et il
fait voir qu'il a le caractère épileptique au plus haut degré. Il ne lut
est pas difficile de démontrer, en résumé, que le prévenu a des
attaques d'épilepsie convulsives et psychiques et qu il était en crise
psychique lors de son dernier attentat. Quant au rapport de ses
confrères, il ne veut pas les juger, seulement il rappelle que ces
médecins ne sont pas aliénistes.Il dit aussi que si Vox est un simu-
lateur, il est un simulateur d'une belle force, quoiqu il n'ait ni
intelligence ni instruction, car dès son enfance il a pu simuler
l'épilepsie convulsive, le caractère épileptique et l'épilepsie psy-
chique.
Conformément aux conclusions du Dr MOLLI, le tribunal prit un
arrêté de non lieu à l'égard de Vox.
Je voudrais reproduire la fin du rapport pour faire ressortir les
opinions de la plupart des ahénistes italiens, je ne puis que relever
quelques phrases : « Malheureusement, dans ce beau pays d'Italie,
qui donna le jour à J.-B. de la Porte, le père de l'anthropologie
criminelle et auxLombroso, Morcelli, Ferrai, etc., ses dignes disci-
ples, on ne comprend pas ou on ne veut pas comprendre, que la
plus grande partie des criminels ne sont que des individus mala-
des... Il ne peut entrer dans l'esprit de ceux qui nous gouvernent
de placer à la tête des prisons des médecins, surtout des médecins
478 8 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
criminalistes, au lieu d'y placer des ignorants, des hommes qui ne
connaissent ni la médecine, ni la psychologie... Une prison est un
hôpital; comme les autres hôpitaux, elle renferme des malades,
des êtres bien malheureux, mais non des coupables. »
CAMUSE.
XI. Contribution AL A question DE l'apprlcication MÉDICO-L1 : GALE des
délits sexuelles; par A. Hoche. (Nem ologie-Ce ? il7,(ilbl, VX. 1896.)
Ce mémoire commence par la description d'un exhibitionniste : il H
s'agit d'un médecin qui, le soir, s'approchait des dames ou de;.
groupes de dames sans cavaliers, autant que possible en se pla-
çant sous un réverbère, écartait vivement son long manteau et
montrait son corps nu, la partie supérieure de celui-ci n'étant que
peu vêtue et les parties génitales était découvertes, sans rien dire
et sans être autrement aggressif. Quelque temps qu'il fit, il appa-
raissait ainsi chaussé de hautes bottes, éclairant au besoin ce
tableau par l'inflammation d'allumettes à flammes de bengale,
quelquefois aussi il sonnait, de bon matin, aux habitations et
exhibait ce spectacle à la bonne qui venait ouvrir ; enfin il se
montrait aussi dans ce costume, du dehors, aux dames qui occu-
paient la fenêtre. C'était chez lui une impulsion instinctive Ï1'I'ésÍ.l-
tible, tout en ayant conscience de lagravité de ses actes, il croit qu'ils
n'étaient pas sans faire plaisir à ses vis-à-vis notamment aux
servantes qui, loin d'être effrayées, étaient réjouies de son aspect.
Cette idée lui causait à lui le même plaisir mental que lorsqu'il
essayait d'exciter l'imagination féminine par la lecture de poésies
obscènes ou la présentation de gravures de même genres.
A propos de l'inversion du sens génital, M. Hoche craint que
l'on se laisse circonvenir par l'exagération toute naturelle de ces
soi-disant investis ; les livres publiés sur eux, ils les ont lus et s'en
font des boucliers en même temps que des bréviaires. Ne seraient-ils
pas plutôt des pédérastes, tout comme les nombreux éleves des
internats et des séminaires ? « Tous les éléments de l'amour homo-
« sexuel mâle se manifeste dans des conditions extrinsèques déter-
« minées chez des individus jeunes n'étant ni névropathes, ni
« corrompus, ni dépravés, à l'état idéal au besoin ; c'est une sorte
« de loi. L'existence de cet amour seul ne permet donc nullement
« de conclure à une disposition psychique morbide. » Ce qu'il
paraît y avoir de plus dans l'inversion véritable, c'est la complète
frigidité du sujet à l'égard de l'autre sexe. Cette frigidité parait uu
avoir toujours existé (on prononce alors le mot d'inversion congé-
nilale), ou s'être montrée à une epoque déterminée (on dit que
l'inversion est acquise). Le diagnostic n'est-il pas bien fragile puis-
qu'il repose sur la mémoire du coupable. Ce qui semble le plus
probable, continue l'auteur, c'est que quand on s'est dégoûté de la
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 479
femme par des excès, ou lorsque de détestables pratiques dans les
lupanars, en dégoûtant l'individu, en l'entraînant à l'impotence
psychique, lui font craindre le coït normal, ce ne sont point là des
mobiles excusables expliquant les actes conjugaliformes de l'in-
version (apparent) ; on ne saurait de cette apparence, de cette pré-
tendue régularité, conclure une origine psychopathique. Avant
de modifier les lois (§ 175 du code pénal) pour les invertis, on ferait
mieux de se convaincre que les invertissent tous, sansexception, des
individus pathologiques. L'enthousiasme de M. de KrairL-Eleiii,,
doit céder devant un appel au bon sens. P. REKAWAL.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
XV. L'us\ge de la formaline en neurologie; par : \1. le D1' F1SH.
L'emploi de la formaline, appelée aussi formalose ou formol,
tend à se répandre dans la technique neurologique.
La formaline est une solution à 40 p. 100 du gaz aldéhyde for-
mique dans l'eau.
Dès 1883, Low appela l'attention sur l'action antiseptique de l'al-
dehyde formique.
En 1896, Blum reprit la question et motilia, à côté du pouvoir
antiseptique de la formaline, le parti qu'on pouvait tirer pour le
durcissement ou la conservation des pièces histologiques, de la pro-
priété que possède ce corps de rendre la gélatine insoluble. Depuis,
de nombreux auteurs ont étudié le rôle de la formaline comme
antiseptique et agent de durcissement. A côté de son bon marché,
]a formall11e présente sur l'alcool )'d\anta ? e de ne pas être inflam-
mable, de ne pas autant réduire le volume des tissus et de ne pas
détruire aussi vile leur coloration naturelle. De plus, elle dissout
certains sels beaucoup plus facilement que l'alcool : aussi les pièces
qui ont été durcies dans la formaline peuvent-elles être colorées
facilement par les divers procédés de coloration employés dans la
technique neurologique.
La combinaison de la formaline avec les autres agents de dur-
cissement n'a pas encore été étudiée. L'autour a obtenu de bons
480 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
résultats dans le durcissement du tissu nerveux, en employant le
mélange suivant :
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 48l t
représentent les cylindres des cellules de Purkinje. Ces fibres des-
cendantes se distribuent dans les éléments de la substance grise
au voisinage du raphé, soit du côté opposé soit du même côté,
puis se mettent en relation avec les cellules de l'étage supérieur de
la protubérance, établissant ainsi une connexion en partie croisée,
en partie directe, entre le cervelet et les cellules du « tegmentum
pontis » ;
4° Faisceau interne du pied du podoncule. - D'après les recher-
ches de l'auteur, une partie au moins des fibres corticales se ter-
minent au niveau de la protubérance dans les cellules de la
substance grise du même côté, établissant ainsi une communica-
tion entre la zone rolandique cérébrale et l'écorce cérébelleuse;
5° Substance grise réticulaire du toit de la protubérance, formée
en partie par des cellules géantes médianes, en partie par de
petites cellules. Les prolongements protoplasmiques des cellules
situées près du raphé s'eliti-e-croiseiiL avec les cellules de la subs-
tance réticulaire du côté opposé, formant ainsi, au niveau du teg-
mentum une commissure protoplasmiquc. Les cylindres des cel-
lules de la substance réticulaire croisent eu partie le raphé et se
dirigent en partie vers une direction opposée, formant quelques
fibres arquées internes;
6° Fibres collatérales du faisceau longitudinal postérieur : elles
passent en partie dans les noyaux des fasciculus teres, en partie
aux éléments de la substance réticulaire du toit;
7° Névroglie. Les éléments de la névroglie de la protubérance
peuvent être divisés en cellules à longs prolongements, cellules à
courts prolongements et cellules coudées. (The alienist neurologist,
avril 1896.) E. B.
XVII. Etude sur la voûte palatine; par le Dr l3ooDY.
D'après le Or Talbot, dans les races civilisées la voûte palatine
est plus haute que chez les populations non civilisées et la hauteur
de la vOl1Le palatine indiquerait une disposition nerveuse hérédi-
taire. L'auteur a repris l'étude de la voûte palatine chez les di-
verses races humaines. Après l'énoncé de ses recherches, il pose
sans la résoudre, la question de savoir quels sont les rapports entre
la folie et l'état de dégénérescence de la voûte palatine. (American
journal of i ? zsa7zity, avril 1896.) E. B.
XVIII. LE nouveau procédé DE coloration DE la névroglie de CARL
VEIGERT; pai le Dr VOLDENG.
L'auteur a expérimenté la nouvelle méthode de coloration de la
névroglie que Weigert a fait connaître en novembre 1895, méthode
qui a permis à ce dernier de montrer que les prétendus prolon-
Arciiives, 2° série, t. II. 31
482 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
gements des cellules de Deilers ne sont pas des prolongements et
que les fibres de la névroglie s'enroulent autour des cellules de la
névroglie sans avoir de connexion directe avec la cellule elle-
même. Cette méthode a l'avantage de ne colorer que le tissu né-
vroglique et laissera possibilité de colorer postérieurement la prépa-
ration avec l'une des autres méthodes de coloration, de Marchi, de
Golgi, de NissI, à 1'liématoxline' au carmin. (American journal of
insaniti, avril 1896.) E. B.
Xi. Quelques recherches physiologiques sur LE SENS de L1 vue
CHEZ DEUX ENFANTS OPÉRÉS DE CATARACTE DOUBLE CONGÉNITALE; par
11111. Vurpas et 1 ? ccr.r.
Les auteurs ont eu l'occasion d'observer deux enfants, âgés l'un
de cinqans, l'autre de quatreans et demi, atteints tous deux de cata-
racte congénitale, et d'étudier expérimentalement, après l'opéra-
tion sur ces deux sujets, les phénomènes psychiques dus à l'acqui-
sition du sens de la vue.
Malheureusement ces enfants, en raison de leur état intellectuel,
n'ont pu fournir que des renseignements assez restreints, ce qui
n'a pas permis de vérifier certaines des conclusions mentionnées
par les observateurs, et relatives à la notion de l'espace, aux idées
que les aveugles se font des couleurs, de la lumière, à la perception
immédiate ou non de la forme des corps, du relief, etc. D'autre
part, les conditions psychologiques étaient mieux respectées, car
les sujets n'étant pas avertis de ce qu'on attendait d'eux, réagis-
saient d'une façon plus naturelle et plus vraie, sans que la con-
naissance de ce qui devait se passer et l'imagination aient couru
le risque d'entacher d'erreur les résultats.
Dans ces conditions, les résultats de ces intéressantes observations
ont été les suivants :
1° La lumière ne provoque pas, à l'origine, de phénomènes dou-
loureux, ainsi que l'avaient pensé certains auteurs, et la première
sensation qu'elle engendre n'est pas une sensation pénible ;
2° La vision ne fournit, à l'origine, aucun renseignement, ni sur
la direction, ni sur la distance; elle ne permet pas de reconnaître
les corps, sur lesquels les autres sens nous avaient déjà renseignés,
et elle n'est d'abord, pour le sens musculaire, qu'un auxiliaire
inutile;
3° La privation congénitale du sens de la vue ne gêne pas autant
qu'on pourrait le penser, le sujet atteint de cette affection, en rai-
son de la suppléance d'un sens par un autre;
4° Lorsque la vision a été rendue à ces deux jeunes aveugles, ils
ne s'en servirent aucunement et continuèrent à agir dans le monde
extérieur tout comme par le passé. Il était étrange de voir l'obsti-
nation que mettaient ces enfants à ne pas vouloir se servir de leurs
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 483
yeux, el combien peu de plaisir ils manifestaient d'avoir acquis la
vision.
Ainsi la vision n'étant d'aucune utilité pour qui n'a jamais vu, et,
d'autre part, devenant le sens le plus commode, le plus nécessaire
pour qui est habitué à voir, il s'ensuit qu'à part la lumière et la
couleur, qui semblent bien être des perceptions naturelles, et qui,
toutes seules, d'ailleurs, ne donneraient aucun renseignement sur
la façon de se diriger dans le monde extérieur, toutes les autres
perceptions visuelles sont acquises; que, par conséquent, elles ne
sont pas primitives, mais secondaires, et qu'elles sont le résultat
d'associations d'idées et de sensations, ce qui est la base de l'ac-
quisition des perceptions. Pourvoir, il faut apprendre à interpréter
les images perçues.
La vue est donc un sens de perfectionnement infiniment utile et
même nécessaire pour l'éducation de l'être, et la connaissance du
milieu qui l'entoure, mais non indispensable comme le seraient la
sensibilité générale et tactile ou le sens musculaire, dont la priva-
tion enti allierait des conséquences graves, et sans lesquels la vue
perdrait sa valeur. (Annales médico-psychologiques, août 1896.)
E. B.
XX. UN cas D'IlYD110\IiVINGOCÈLI : SICItliC. l : \lilfiN .1N.1T0)LIlIUC ir ms-
rotoGlDl ? par M. le D1' UMBERTO Rossi. (Lo Sperimentale. Sezioue
biologica. Firenze, 1895, fasciculo 11.)
Etude d'anatomie pathologique très détaillée effectuée à l'Institut
anatomique de Florence.
Il s'agit de l'autopsie d'un enfant affecté de spina bifida et qui
ne vécut que cinq jours. Le cadavre ne présentait extérieurement t
rien d'anormal, sauf à la région sacrée, où il existait une poche
cutanée, qui communiquait avec le canal vertébral ouvert à ce
niveau. Elle renfermait un liquide roussàtre et la plus grande
partie des nerfs de la queue de cheval, lesquels, sortis du canal
vertébral parla solution de continuité, se perdaient dans les parois
de la poche. Voici le résumé de l'autopsie :
Squelette. Crâne normal. La troisième côte droite adhère
vers sa partie moyenne avec la quatrième, et son extrémité ster-
nale est bifurquée. Solution de continuité dans la paroi posté-
rieure du canal rachidien, de la cinquième vertèbre lombaire à la
troisième sacrée, de 15 mm de largeur. Au-dessus une petite lame
cal tildgineuse fait saillie dans le canal rachidien, elle adhère à la
face postérieure du corps des deuxième et troisième vertèbres lom-
baires.
Axe cérébro-spinal. La moelle épinière, longue de 10 centi-
mètres et demi, est dépourvue du renflement lombaire, elle a la
forme d'un cône régulier, sa largeur en haut est do 18 millimètres,
484 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
et elle a 3 millimètres à la région lombaire. Elle est bifurquée au
niveau des deuxième et troisième vertèbres lombaires par suite de
la présence de la lame cartilagineuse. Vue de côté et en arrière,
elle présente iplusieurs particularités. Elle ne se continue pas en
haut avec le bulbe, elle s'aplatit rapidement et se place devantlui ;
le bulbe, lui, dirigé en arrière et'on bas, fait une forte saillie en
arrière d'elle. Le bulbe est tout à fait anormal, sa longueur
é ? ale 2 centimètres et sa largeur 1 centimètre. Il est régulière-
ment cylindrique. Il se continue en haut avec la protuhirance et se
termine en bas par une extrémité libre ; sa face antérieure est, on
l'a vu, accolée à la moelle. La protubérance très élevée tend
à la verticale. Le cervelet est déformé et asymétrique, il est
situé très en avant, à noter qu'il n'existe aucun vestige de la faux
du cervelet. Cerveau mal conformé. Sur l'hémisphère droit, au
fond de la scissure sylvienne, en arrière, fente de 1 centimètre de
longueur sur 4 millimètres de largeur, qui aboutit au ventricule
latéral. La scissure interpariétale trop longue est de 6 centimètres,
elle est parallèle au bord supérieur de l'hémisphère et elle aboutit
à l'extrémité du lobe temporo-occipital. Sur l'hémisphère gauche,
cette scissure très anormale aussi, commence à la scissure post-
centrale et aboutit à la pointe du lobe occipital. Elle est très pro-
fonde. D'une façon générale, circonvolutions et scissures des
deux hémisphères s'écartent toutes, plus ou moins, du type
normal.
Pour l'examen histologique de la moelle, des coupes ont été pra-
tiquées de bas en haut, en séries, à partir de la quatrième paire
cervicale. A ce niveau, la disposition des substances blanche et
grise est normale, il existe seulement un peu d'asymétrie entre les
deux moitiés latérales de la moelle et le canal central est très
large. Ce dernier s'élargit de plus en plus à mesure qu'il se rap-
proche du bulbe. Au niveau du renflement cervical, apparition
derrière lui d'une cavité. Plus haut apparition d'une masse de
substance nerveuse qui adhère aux cordons postérieurs et
qui est, on le comprend, la coupe de l'extrémité inférieure
du bulbe. Comme elle n'adhère à la moelle que par sa partie
moyenne, il en résulte l'existence de deux encoches latérales, et
la pièce sous le microscope a la forme d'un 8. En continuant à
étudier les coupes de plus en plus élevées, on note successivement :
l'agrandissement du canal central et de la cavité qui le suit et
avec laquelle il finit par se confondre. Une série de petits trous,
disposés sur la ligne médiane d'avant en arrière, se forme dans la
masse adhérente. Les encoches latérales s'effacent progressivement.
Le canal central augmenté de la cavité placée derrière lui et les
trous en ligne droite médiane, signalés plus haut, finissent par se
confondre, d'où la production d'une scissure profonde qui partage
la pièce en deux moitiés latérales. Puis, plus haut encore, cette
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 488
scissure s'élargit et eu même temps devient de moins en moins
profonde, elle arrive enfin à constituer le plancher du quatrième
ventricule. Dernière anomalie à signaler, la pyramide droite
est double. A noter aussi une lésion accidentelle, un foyer
hémorragique ancien dans la partie inférieure droite du bulbe.
L'auteur fait suivre cette description de diverses considérations.
Selon lui, l'absence de la faux du cervelet est l'expression d'un
trouble pathologique important, cette anomalie s'accompagnerait
toujours de modifications très graves dans la structure de l'enrè-
phale. La porencéphalie est le résultat d'un processus qui a évolué,
pendant la vie intra-utérine, dans les parois de la vésicule de
l'hémisphère, et qui a dû être aidé dans son action par la sura-
bondance du liquide céphalo-rachidien. Les anomalies des deux
scissures interpariétales, toujours d'après l'auteur, n'ont pas encore
été décrites chez l'homme, cette disposition a seulement été notée
chez les Lémuriens.
Les particularités présentées par le bulbe et la moelle semblent
dépendre les unes des autres. La surabondance du liquide céphalo-
rachidien a provoqué la dilatation anormale du canal central.
Puis, ce liquide trop abondant a dilacéré les parois du canal central
et pénétré le tissu nerveux, dans le point rendu le moins résistant
par le fait de la présence d'un ancien foyer hémorragique. C'est
ainsi que s'explique la grande scissure de la facepostétieure du
hulbe.
En somme, ce fait méritait d'être publié à cause des caractères
singuliers de certaines anomalies de structure de l'axe cérébro-
spiual, et aussi parce qu'il apporte une contribution importante
aux faits analogues rapportés par d'autres auteurs, et qui dé-
montrent que le spina bifida qui se révèle à l'extérieur par la pré-
sence seulement d'une poche cutanée plus ou moins développée,
peut être accompagné de profondes altérations du système ner-
veux central incompatibles avec la vie. CMUSET.
XXL DE L1 distribution fonctionnelle DES RC1,NES MOTRICES D15 LES
muscles DES membres, recherches expérimentales; par I. le
DOswaLDE POLI,IfANTL.LO Spel'iment< ! le, seztone biologica. Firenze,
1894. Fasciculo III.)
Recherches effectuées au laboratoire de physiologie de Gênes,
sous la direction du Dr Il. Oddi. '
Ce sujet a déjà été étudié par d'autres physiologistes, mais ils
sont arrivés à des conclusions contradictoires. L'auteur a replis
les expériences anciennes ; il en a institué de nouvelles et de l'en-
semble de ses recherches il résulte les propositions suivantes :
1° L'innervation des membres est systématisée dès la sortie des
nerfs de la moelle ; ainsi les fibres motrices qui émergent de la
486 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
moelle à un même niveau, se rendent à des muscles synergiques, et
concourent ainsi à des mouvements associés. -2° Ces mouvements
associés dus à la contraction simultanée de plusieurs muscles, ou
de plusieurs faisceaux de fibres musculaires appartenant à des
muscles différents, et qu'on provoque au moyen de l'excitation
d'une racine motrice unique, ces mouvements associés, dis-je,
coustiluent toujours un mouvement complet ou bien exécutent une
fonction donnée. - 3° C'est ainsi qu'une racine unique met en
mouvement des muscles antagonistes, mais concourant à un mou-
vement complexe donné ou à une fonction donnée. Exemple : le
saut. 4° Chez des animaux divers, si on excite la même racine,
alors que le mode de dislribution des divers filets nerveux donnés
par celle-ci estanaiogue chez ces animaux, on n'obtient cependant
pas exactement les mêmes résultats. 5° Ces résultats sont en
rapport avec les instincts et habitudes des animaux en expérience.
Exemple : excitation de la seconde racine sacrée du chien ; résultat :
mouvements latéraux de la queue, habituels aux chiens qui
veulent caresser. Excitation de la même racine du chat; Résultat :
cette flexion saccadée de la queue, sorte d'ondulation, qui indique
la colère chez le chat. 6° L'intensité des effets musculaires varie
selon les habitudes et instincts des animaux en expérience. Ainsi
l'excitation de la seconde racine lombaire chez le chien, et de la
quatrième lombaire chez le chat, produisent l'acte du 'saut chez
les deux animaux ; mais si le courant dont/m se sert pour exciter
les racines chez le chien et chez le chat a la même intensité,
l'acte du saut a pourtant une intensité bien plus grande chez le
chat, animal sauteur par excellence, 'que chez le chien. -7° Ce
qui conduit à admettre que, par une longue habitude de certains
actes musculaires, il s'établit des conditions fonctionnelles telles,
qu'elles rendent plus efficace l'influence des centres supérieurs. On
comprend ainsi comment certains actes, qui paraissent être des
actes d'ordre psychique, peuvent s'effectuer indépendamment de
l'influence du cerveau. 8° La distribution fonctionnelle des ra-
cines motrices fait comprendre l'action rapide et si bien ordonnée
des centres, elle fait également comprendre ce phénomène
d'ordre pathologique, la paralysie ou parésie d'une fonction, alors
que les groupes musculaires qui l'exécutent normalement, restent
indemnes de paralysie ou de parésie. CAMUSET.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DU NORD-EST DE L'ALLEMAGNE
TROISIÈME RÉUNION A ZOPPOT, LE 13 JUIN 1896
M. Sommer (Allenber;). Prédisposition névropathique et difformités
du crâne. (Sera publié ultérieurement.)
Discussion. M. FREYMum. D'après ses observations person-
nelles, les malformations du crâne seraient très rares chez les
sujets nerveux. Il va sans dire qu'il distingue la nervosité de la
prédisposition aux troubles psychiques. D'ailleurs les difformités
crâniennes présentées par M. Sommer proviennent toutes de
sujets aliénés.
M. Sommer. Fréquemment des individus, qui plus tard devien-
dront aliénés, présentent déjà dès leur enfance des signes de
neurasthénie qui peuvent facilement passer inaperçus. Or ces
enfants sont porteurs de difformités crâniennes. La neurasthénie
acquise doit être laissée de côté dans cette question.
M. Freymuth. Une éducation défectueuse joue fréquemment
un rôle dans le développement de la neurasthénie même hérédi-
taire. Il en est de celle-ci comme de la tuberculose héréditaire : la
transmission par le contact a son importance.
M. Sommer. Même dans la tuberculose la contagion n'est pas
tout : la maladie frappe de préférence les enfants dont l'organisme
est peu résistant. Dans deux familles tarées au point de vue névrol
pathique et possédant de nombreux enfants, il n'a pas trouvé un
seul crâne normal.
M. lViescuEO. S'il est exact que dans 91 cas pour 100 les diffor-
mités crâniennes doivent être attribuées au mécanisme de l'accou-
chement, que reste-t-il pour les autres causes de ces malfor-
mations ?
M. Mercklin (Lauenburg). L'instruction des infirmiers des asiles.-
La question du personnel de surveillance des asiles d'aliénés est
très complexe. : aussi convient-il d'en étudier les différents chapi-
tres dans des rapports et des discussions spécialement consacrées à
chacun d'eux. L'auteur s'attachera à traiter la question de l'ins-
488 SOCIÉTÉS SAVANTES.
truction professionnelle des infirmiers. A la centralisation des cours
dans un asile déterminé par pays ou par province, il préfère la
création, dans chaque asile, d'écoles avec enseignement régulier
et méthodique (examens, etc.). Le directeur de l'asile doit conser-
ver le droit légitime de choisir son personnel. Avant d'accepter le
projet de la création d'écoles provinciales d'infirmiers, il faut atten-
dre les résultats que fourniront Ips expériences tentées dans
certaines provinces. L'auteur communique les résultats d'un ques-
tionnaire qu'il a adressé aux asiles allemands et étrangers sur
l'instruction du personnel de surveillance (février 1896). A cette date
les asiles étaient nombreux dans lesquels il n'existait pas de cours
destinés aux infirmiers ; mais la question était à l'étude dans la
plupart. Partout où cet enseignement spécial est donné on en con-
sidère les résultats comme satisfaisants. Il entre dans quelques
détails sur la nature des cours faits à Lauenburg. On esquisse
l'historique des asiles d'aliénés et du personnel de surveillance, on
donne quelques notions élémentaires d'anatomie et l'on enseigne
qnels soius exigent les malades en général et les aliénés en
particulier. On évite autant que possible de donner aux confé-
rences une tournure académique ; on interroge fréquemment ; on
enseigne parla vue, on fait des exercices pratiques ; on traite tous les
sujets qui peuvent se présenter dans la clinique journalière. Pour
terminer on fait passer aux élèves un examen, on leur donne des
répétitions par groupes de 3 à 5. Il n'y a pas de raisons pour
distribuer aux élèves un manuel. M. Merchlin insiste sur la nécessité,
en outre de l'instruction professionnelle, d'élever le niveau du per-
sonnel par des cours, des conférences, des bibliothèques. Des exa-
mens officiels passés devant ces commissions nommées parla Société
dés aliénistes allemands, la distribution de diplômes, auraient
pour résultat de stimuler le zèle des élèves.
Discussion. M. Meschede. Le nombre des heures d'enseignement
par semaine est sujet à de grandes variations. Le chiffre qui lui
semble préférable est de deux à trois heures. L'enseignement en com-
mun des hommes et des femmes ne lui parait pas dangereux. Dans son
asile les infirmières sont employées dans la division des hommes.
A son arrivée à Konigsberg, tout le personnel était féminin,
même dans les quartiers d'agités, et les résultats de cette pratique
étaient excellents.
M. Siemens. Dans les asiles à personnel non laïque, on trou-
vait jadis et on trouve encore maintenant, un certain nombre
de femmes employées dans les quartiers d'hommes. Uamerow
s'est élevé contre l'emploi des religieuses dans les asiles en géné-
ral, et plus particulièrement dans les quartiers d'hommes ; il insiste
sur l'absence de force physique qui a amené les religieuses à recou-
rir à des chiens dressés à attaquer par derrière les aliénés,(MarévjJJe),
SOCIÉTÉS SAVANTES. 4M9 9
et conclut à la nécessité de la séparation absolue des sexes pour
les malades et le personnel.
1.11ERCKr,IN.- Une heure de cours par semaine suffit, si l'on veut
que les auditeurs puissent s'assimiler les questions traitées. Dans
les asiles ou l'enseignement était donné simultanément aux deux
sexes, on a dû ultérieurement faire des cours séparés.
M. l\IEScllEDE trouve inutile l'enseignement de l'histoire et de la
géographie que l'on donne dans certains établissements.
M. Siemens prie ses collègues de mettre obstacle aux permuta-
tions incessantes du personnel de surveillance d'asile' en asile, en
s'engageant à ne pas accepter d'infirmiers provenant d'une autre
établissement. Chaque asile doit recruter soi-même son personnel.
M. Sommer. C'est ce qui se passe à Allenberg.
MM. R\BBAS et MESCHEDE sont aussi pastisans, en principe, de
cette manière de faire.
M. DEHIO (Lauenberg). Les quartiers de surveillance. - Depuis
que Gudden a formulé, en 1885, les principes qui doivent présider
à l'organisation d'un quartier de surveillance, on s'est à diverses
reprises, occupé de cette question au sein des sociétés de psychia-
trie et en dernier lieu au congrès des médecins aliénâtes du
Sud-Ouest de l'Allemagne, à Karlsruhe (1893). Lesdeux rapporteurs
furent d'accord pour considérer le quartier de surveillance comme
l'organisme le plus important d'un asile d'aliénés. Cette concep-
tion amena un encombremeut dans ces quartiers de surveillance.
Tandis que Gudden se contentait, pour le nombre de lits de cette
section, d'un chiffre équivalent à 10 p. 100 de la populalion totale,
Pactz réclame la proportion de 15 p. 100. Lasection de surveillance
de Lauenberg, qui compte 36 lits pour les deux sexes, sur une
population de 6U0 malades, correspond a la proportion de 12 p. 100,
mais elle renferme actuellement de 40 à 50 malades (15,8 à
18,3 p. 100). Les deux rapporteurs du Congrès de Karlsruhe ont
insisté sur la nécessité d'avoir, pour les agités alités, une salle
spéciale, séparée de la section de surveillance proprement dite. C'est
ce qui a été fait à Lauenburg, et dans quelques mois une salle de
huit lits sera réservée à ces malades. Une fois éliminés les agités et
les infirmes alités, la section de surveillance comprendra 35 mala-
des, c'est-à-dire restera encombrée, car il faut réserver des lits
pour les aliénés entrants. Les sujets atteints de maladies inciden-
tes sont traités dans le quartier des infirmes. Les aliénés « inso-
ciaux », ceux qui sont sujets à des accès d'agitation sous l'influence
d'hallucinations, d'idées de grandeur, etc., sont soumis au traite-
ment par le lit dans le quartier de surveillance. On peut se passer
d'une salle de réunion. Sur les 12 malades non traités par le repos
au lit, il en est 2 qui s'occupent aux travaux du ménage, les autres
trouvent a s'occuper sans troubler le repos de ceux qui sont alités.
490 SOCIÉTÉS SAVANTES.
On a proposé récemment divers types de quartier de surveillance
que l'on peut classer comme suit : 1° Le type Gudden. Deux salles
communiquant entre elles, sans salle de réunion, avec une salle de
bains, des closets et des chambres d'isolement. Le quartier de
surveillance de Lauenburg répond à ce type.
2° Le type lazaret. Les deux salles sont séparées par des chambres
d'isolement (ou la salle de bains, le closet, la chambre de réunion)
et un vestibule.
3° Le type Alt-Scherbitz caractérisé par le nombre et la disposi-
tion spéciale des chambres de réunion.
DNno conclut ainsi : 1. Le type Gudden a donné jusqu'ici des ré-
sultats satisfaisants. 2. Les sujets agités et atteints de maladies
incidentes doivent être traités dans des sections spéciales et non
dans le quartier de surveillance. 3° Il doit y avoir, non seule-
ment dans des locaux voisins, mais dans la salle même : une bai-
gnoire, un closet, un lavabo. 4° Une chambre d'examen médical
dans laquelle le malade peut être conduit, couché dans son propre
lit, est indispensable. 5° Un médecin ou un surveillant en chef
doit résider dans le pavillon.
Discussion. M. Meschede. Il y a déjà longtemps qu'on a parlé
de l'utilité de la création de quartiers spéciaux de surveillance, et
la littérature, même non contemporaine, fournit des documents
sur ce point. Il a vu jadis une section spéciale de surveillance
installée à Schwetz ; le closet était remplacé par une chaise percée
à fermeture hermétique. Il et opposé à l'installation d'une bai-
gnoire dans la salle, pour des raisons hygiéniques.
M. Dehio. M. Sioli a étudié à Karlsruhe l'histoire du dévelop-
pement dus quartiers de surveillance, aussi a-t-il passé cette
question sous silence. C'est néanmoins à Gudden que revient le
mérite d'avoir, le premier en Allemagne, donné des principes
précis sur la construction, l'aménagement, l'organisation d'un
quartier de surveillance. DEHIO critique l'usage des chaises percées
qui peuvent ne pas répandre de mauvaise odeur par elles-mêmes,
mais dont les alentours sont souvent souillés. Il n'est pas partisan
des baignoires mobiles. Pour ce qui est d'une baignoire fixe placée
dans la salle, il est évident qu'on ne s'en servira que pour les bains
prolongés et non pour les simples bains de propreté. Cet aména-
gement n'a d'ailleurs entraîné aucun inconvénient, soit à Wurz-
bourg, soit dans d'autres asiles.
M. MERC6LIN est aussi contre l'installation d'une baignoire dans
la salle. Les malades sont mis au bain pour leur agitation; celle-ci
se prolonge une fois qu'ils y sont placés, pendant un certain
temps; il vaut donc mieux donner ces bains dans une salle spéciale.
Une salle de réunion est inutile.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 491
M. Freymuth, qui a une grande expérience des bains prolongés,
recommande vivement l'installation de baignoires fixes dans les
salles, système adopté à Eppendorf, et dont il est très satisfait.
M. 11t1'.nctr.m fait observer que les malades traités à Eppendorf
ne sont pas en général des aliénés et que l'administration des bains
dans la salle peut être une cause de trouble.
M. FREY (Schwetz). Désodorisation par lu formaline. La forma-
line est une solution aqueuse de gaz formaldéhyde employée depuis
trois ans environ comme désinfectant. Elle est utile surtout dans
les cas où l'on ne peut se servir de la vapeur d'eau, pour la désin-
fection des livres, matelas, chambres, plaies, pour la conservation
et le durcissement des préparations anatomiques. Certains expéri-
mentateurs considèrent la formaline comme supéiieure au sublimé.
En outre de son pouvoir désinfectant, la formaline possède une
autre propriété, celle de détruire les mauvaises odeurs, sans les
remplacer, comme le font le saprol, le solutol, le crésol, par une
autre odeur désagréable. Frey a expérimenté la formaline contre
les sueurs fétides des pieds, à l'asile de Schwetz, sur 40 sujets,
dont 13 gravement atteints, et chez lesquels le traitement par les
lavages savonneux, les poudres salicylées, l'acide chromique
n'avaient pas donné de résultats. Les badigeonnages des pieds
avec une solution de formaline à 2 p. 100 supprimèrent rapide-
ment toute mauvaise odeur. La formaline agit en empêchant le
développement des bactéries dans la sueur, en donnant heu, par sa
combinaison avec les produits odorants de celle-ci, à des substances
inodores, et, enfin, en atténuant l'hypéridro-e. La formaline, en
solution à 2 ou 3 p. 100, est précieuse dans les salles d'autopsie,
pour enlever l'odeur des mains. Son prix est de 3 fr. 75 le kilo-
gramme.
M. GOHLMANN (l\enstadt). Présentations sur l'ancctonzie patholo-
gique de l'écorce. Daus le premier cas, il s'agit d'un paralytique
généial qui, en outre des symptômes habituels, a présenté des
mouvements parliculiers de la tête et de la partie supérieure du
corps, du nystagmus et le pseudo-phénomène de Graefe. Le micros-
cope fait constater, au niveau du lobule orbitaire, de l'insula et
des rolandiques, une richesse énorme et pathologique des vais-
seaux avec des altérations des parois vasculaires. Ces lésions, dis-
tinctes de celles que l'on tiouve dans la syphilis, peuvent être
caractérisées comme une périeucéphalitc angiomateuse. Au niveau
des points lésés il y avait une atrophie des fibres tangentielles et
des éléments nerveux avec une prolifération de la névroglie.
Dans la moelle, légère dégénération des cordons latéraux et pos-
térieurs.
Le second cas concerne un sujet atteint de paralysie générale
traumatique, développée vingt ans après un traumatisme crânien,
492 BIBLIOGRAPHIE.
et alors que, depuis plusieurs années, s'était manifestée une para-
lysie complète des extrémités du côté gauche, suivie ensuite d'une
hémiplégie partielle droite. Atrophie complète des extenseurs des
deux bras, contracture en flexion au niveau des articulations des
extrémités; pupilles rétrécies, réagissant mal, pas de trouble de la
parole, réflexe du genou normal. Démence accentuée avec idées
hypocondriaques. Autopsie. Kyste assez volumineux de la couche
optique et de la moelle allongée; kystes nombreux et peu étendus,
cicatrices dans l'écorce de l'hémisphère droit, avec lésions diffuses
généralisées. Moelle : poliomyélite antérieure chronique dans la
partie cervicale; plus bas, degénératlon du faisceau pyramidal
fauche et du vaisseau de Turck droit.
Troisième cas : démence sénile avec paralysie agitante et dimi-
nution de la motilité des yeux et des extrémités. Autopsie. Artério-
sclérose du cerveau, ramollissement de la substance blanche du
lobe occipital, lacune du pont; nombreux petits foyers de ramol-
lissement sous la substance grise, disposés parallèlement à la sur-
face de l'écorce. Moelle : dégénération des cordons de Goll et des
cordons antéro-fatéraux.
La particularité intéressante, dans ces diverses observations,
consiste dans les altérations d'un territoire vasculaire limité.
Paul SÉRIEUX.
BIBLIOGRAPHIE.
VIII. Voies conductrices du cerveau et de la moelle épinière; par
V. M. 131CII-IEREI'r. (T. le', 2° édition avec 302 dessins intercales
dans le texte. Saint-Pétersbourg, chezRicker, 1896.)
Dans cette première partie de son ouvrage M. Bechtereff étudie
les différentes méthodes employées en histologie cérébrale et les
faisceaux qui composent le cerveau et la moelle épinière. L'ordre
adopté par l'auteur est très rationnel. Les fibres nerveuses étant
destinées établir des rapports bien déterminés entre les divers
foyers de la substance grise et à relier ces derniers au système ner-
veux périphérique, il semble très commode de décrire la marche
de chaque faisceau en le suivant à travers les régions qu'il est
appelé à unir. Dans ce but Bechteetf divise la totalité de la subs-
tance grise en quatre parties principales : substance grise de la
moelle, celle du tronc cérébral, celle du cervelet avec ses noyaux
et celle des hémisphères cérébraux. Cette dernière partie com-
prend les deux noyaux : coudé et lenticulaire.
VARIA. 493
En rapport avec cette division l'auteur étudie successivement les
fibres de la moelle épinière, y compris celles des racines posté-
rieures et antérieures; les fibres du tronc cérébral ainsi que les
faisceaux qui unissent les différentes parties de cette région entre
elles et avec les autres territoires de l'encéphale; les fibres du
cervelet, c'est-à-dire celles qui mettent en rapport le cervelet avec
la substance grise médullaire et les noyaux du tronc cérébral de
même que celles qui unissent les différentes parties du cervelet
entre elles; enfin, les fibres des hémisphères cérébraux qui com-
prennent : a, les faisceaux unissant l'écorce hémisphérique et les
noyaux centraux avec la substance grise médullaire et les noyaux
du tronc cérébral (système des libres de projection), et b, faisceaux
reliant entre eux les divers territoires des hémisphères cérébraux
(système de fibres d'association). J. ROUBIVOVITCH.
VARIA.
Question de priorité. Rectification DE M. PAUL Richer au SUJET DE
SON ARTICLE : NOTE SUR UNE DÉVIATION DE LA COLONNE VERTÉBRALE
SE RENCONTRANT CHEZ UN GRAND NOMBRE D'INDIVIDUS BIEN PORTANTS.
(nous. Iconog. de la Salpêtrière, 1895, n° 6.)
M. le Dr Paul Richer a publié dans la Nouvelle Iconographie de la
Salpétrière (1895, n° 3) un article sur une déviation particulière du
rachis, article que j'ai analysé dans les Archives de Neurologie
(189G, n° de juillet). Il paraît que M. le D'' Clozier (de Beauvais)
avait lui aussi traité le même sujet, ou, tout au moins, un sujet
analogue. Il en avait même fait l'objet d'une communication à
l'Académie de médecine, en 1893, sous ce litre : Asymétrie acquise
entre les deux moitiés latérales du corps humain. M. le Dr P. Richer
ne l'ignorait pas, et il avait signalé le travail de M. le Dr Clozier
dans une note jointe au manuscrit de son article de la Nouvelle Ico-
nographie de 1895, mais, par suite d'une erreur typographique, sa
note fut supprimée lors de la mise en pages. C'est ce qu'il explique
aujourd'hui dans le numéro G de la Nouvelle Iconographie, année
1895. Il concède donc volontiers, en somme, la priorité à M. le
Dr Clozier, mais il profite de la circonstance pour rappeler que les
conclusions auxquelles M. le Dr Clozier est arrivé diffèrent beau-
coup des siennes sur certains points.
En effet, la cause de l'asymétrie est, pour M. Clozier, la dilata-
tion ou la verticalité de l'estomac ; elle est tout autre pour
494 VARIA.
M. P. Richer. Les deux observateurs sont d'accord en ce qui con-
cerne l'abaissement de l'épaule droite, mais la déformation thora-
cique n'est pas la même pour tous les deux. L'incurvation latérale
du rachis c"t dorso-lombaire pour M. Richer, elle est dorsale seu-
lement pour M. Clozier. Enfin, ce dernier signale des malforma-
tions du bassin et du membre inférieur droit, lesquelles n'ont pas
été observées par M. Richer. Cvmuset.
Encombrement DE l'asile de VILI.Is.IUI et des autres asiles
DE LI Seine.
Les atermoiements apportés depuis plusieurs années à la
construction du V° asile de la Seine, alors que ce département
est obligé de transférer dans les asiles des departements la
moitié de ses aliénés, c'est-à-dire plus de six mille, sans
compter l'encombrement de ses propres asiles, nous a amené
à proposer à la Commission de surveillance de faire une visite
de nuit à l'asile de Vaucluse. En second lieu, nous avons jugé
utile de faire, comme rapporteur du budget de Villejuif, une
visite de nuit à cet asile et de consigner nos constatations
dans notre Rapport. Voici en quels termes nous l'avons fait à
la séance de juillet de la Commission.
« L'encombrement qui existe dans nos asiles préoccupe depuis
bien des années l'Administration, la Commission de surveillance et
le Conseil général. La lecture à chacuue de nos séances, par notre
président, du mouvement de la population de nos asiles nous rap-
pelle sans cesse cette triste situation. Toutefois les chiffres sont
insuffisants à donner une idée des inconvénients de cet encombre-
ment qui a atteint, en quelque sorte, sa limite extrême. La cons-
tatation quotidienne de l'encombrement de notre service de Bicêtre
et des nombreux désagréments qui en résultent pour les enfants et
le personnel, et une visite que nous avons faite, il yadeux ans, au
moment du coucher des malades à l'asile de Bron près Lyon nous
avait suggéré l'idée de proposer à la Commission de remplacer ses
visites habituelles, faites de jour, par des visites faites de nuit.
« Nous avons hésité longtemps àvous faire cotte proposition. Nous
craignions que n'en saisissant pas tout d'abord l'opportunité, vous
ne voyiez là qu'un surcroit de fatigues non justifiées. Enfin, con-
vaincu que l'intérêt des malades, que le bon fonctionnement de
nos asiles et l'économie des finances départementales ne pouvaient
qu'en bénéficier, nous nous sommes décidé à l'approche de notre
dernière visite à vous faire notre proposition. Nous ne vous rappel-
lerons pas le triste spectacle, pour employer une expression mo-
dérée, dont vous avez été témoins à l'asile de Vaucluse dans la
soirée du 30 juin.
VARIA. 495
dont le chiffre de la population n'est pas moins exagéré que celui
de l'asile de Vaucluse, nous avons voulu constater par nous-même
quelle était, la nuit, la situation des différents quartiers. L'encom-
brement étant toujours plus accusé dans le service des femmes,
c'est celui-ci que nous avons visité.
« Nous avons trouvé dans les premiers quartiers, un certain nom-
bre de malades couchés sur les matelas déposés directement sur
le parquet, que vous avez vus lors de votre visite à l'asile de Ville-
juif. Nous devons dire à ce propos que M. le Directeur de l'asile a
demandé au budget additionnel de 189G, l'ouverture d'un crédit de
1,280 francs pour l'achat de 80 lits en fer conformes au modèle de
Ville-Evrard. Celte modification, qui va être prochainement réa-
lisée puisque vous venez de voter le crédit, sera très avantageuse
aux malades et rendra l'aspect des dortoirs un peu moins désa-
gréable, par suite de l'uniformité des lits.
« Dans l'un des quartiers nous avons vu un certain nombre de ma-
lades, couchées sur des matelas. Dans le quartier des semi-agitées,
l'encombrement est aussi grand que possible. Une seule veilleuse a
la surveillance du dortoir du rez-de-chaussée et des deux dortoirs
du premier; si elle est retenue auprès d'une malade, elle ne peut
remédier au désordre et aux accidents qui peuvent se produire sur
un autre point.
« Aux agitées chaque cellule n'était occupée que par une seule ma-
lade. Le couloir des cellules du rez-de-chaussée et celui des cellules
du premier étage étaient garnis sur presque toute leur étendue de
matelas sur lesquels étaient couchées, nues ou découvertes, un cer-
tain nombre de -malades, tandis que d'autres se promenaient au
milieu d'elles criant et gesticulant. Nous' devons dire que les ma-
lades des cellules étaient presque toutes debout se promenant
dans leur cellulc ou le visage collé contre le judas de la porte. Il
en résulte que, l'agitation se communiquant de maladeen malade,
loin de s'amender leur folie s'aggrave.
« Dans le dortoir des agitées, situé au premier étage, nous avons
retrouvé le même spectacle qu'à Vaucluse : non. seulement il y a
une rangée de matelas longitudinalement, mais les deux rangées
de lits ordinaires comprennent un supplément de lits qui parfois
sont contigus.
énergiques, en nous les signalant, contre ses deux jeunes voisines
qui se livraient à des pratiques obscènes '. Une autre malade, en
chemise, la poitrine apparente, à genoux sur son lit, était injuriée,
1 Nous avons trouvé là un nouvel argument en faveur de la thèse que
nous soutenons et qui consiste à ne placer qu'un lit en face de chaque
trumeau.
49G VARIA.
menacée de violences par ses voisines qui l'accusaient d'aller de
lit en lit pour les embrasser et les toucher. Pour tout ce quartier
des agitées (190 malades) - un enfer, - il n'y a qu'une veilleuse !
« Au quartier des gâteuses, même encombrement. De plus,
comme à Vaucluse, les malades, couchées sur les matelas déposés
sur le parquet en double ou simple file indienne, ont leur vase de
nuit au niveau du visage. L'infirmière de jour de ce quartier,
faute de place, couche dans le vestibule.
« Pour atténuer l'encombrement des dortoirs, on couche, sur des
matelas, des malades dans les lavabos, dans les salles de réunion.
L'enlèvement, le matin, de tous ces matelas avec leurs draps et
leurs lits, et leur replacement, le soir, imposait un surcroit de tra-
vail à tout le personnel.
« Le tableau imparfait et bien an-dessous de la réalilé que nous
venons de tracer, aurait été encore bien plus triste si nous avions
fait notre visite quelques jours plus tôt. En effet, le transfert de
47 malades avait diminué l'encombrement.
« La Commission et l'Administration ont été frappées de suite de
l'insuffisance du personnel de veille dans certains quartiers et de
la surveillance générale qui devrait être faite par une socts-s2tnueil-
lante. Avec une sous-surveillante de veille, qui accompagnerait la
veilleuse quand il est nécessaire d'aller chercher l'interne de
garde, on éviterait les accidents comme celui qui s'est produit ré-
cemment à l'asile de Ville-Evrard, qui a nécessité l'intervention de
la Commission et obligé l'Administration à sévir.
« Votre visite de nmt2 a eu pour résultat de vous faire proposer
par l'Administration une augmentation du personnel. Bien que ce
ne soit là qu'un palliatif, on doit s'en féliciter. La surveillance
laissera moins à désirer; les chances d'accidents seront diminuées.
* En provoquant une visite de nuit de la Commission, nous avions
un but plus important. En vous rendant témoin d'un « spectacle
épouvantable, à donner des cauchemars », pour employer les ex-
pressions de deux de nos collègues, d'un « spectacle dont nous
ne nous doutions pas, » suivant les expressions de notre vénéré
président, en vous faisant constater une « situation pleine de
périls », pour nous servir des termes de M. Le Roux, nous voulions
vous fournir des arguments péremptoires à l'effet d'intervenir au-
près de l'Administration et du Conseil général pour hâter la mise
en train, d'urgence, du 5° asile, pour en pousser activement la
construction ; pour l'étude d'un programme d'ensemble des asiles
1 A l'asile de Vaucluse, les malades des dortoirs de 8 lits situés dans
les combles sont abandonnées à elles-mêmes sans surveillance. N'y a-t-il
pas là un danger constant ? -
2 Dans l'État de New-York les commissaires vont, chaque mois, faire
une visite de jour et une visite de nuit.
FAITS DIVERS 497 -1
nécessaires et l'examen des voies et moyens pour la construction
du 6e asile.
« Dans ces derniers temps, on s'est plus préoccupé des prisonniers
et des prisons que des aliénés des malades - et des asiles. Les
alcooliques ont été aussi l'objet d'un souci particulier. Votre visitede
nuit à l'asile de Vaucluse aidera l'Administration à défendre l'assis-
tance des aliénés, non pas d'une catégorie d'aliénés, mais de tous les
aliénés. Si la Commission du Conseil général veut bien, elle aussi,
transformer une ou plusieurs de ses visites de jour en visites de nuit,
elle n'hésitera pas à réclamer du Conseil général les crédits néces-
saires pour remédier à une situation vraiment lamentable. »
Comme quoi la LOI sur l'interdiction DES représentations publiques
d'hypnotisme devrait Cire modifiée; par le Dr CROCQ fils. (Journal
de Neurologie et d'llgplzologie, juillet 1896.)
Après avoir établi que l'hypnotisme simulé présente les mêmes
dancers que l'hypnotisme vrai, M. Crocq émet le voeu dans ce
travail que la loi qui interdit en Belgique les représentations
publiques d'hypnotisme vise non seulement les représentations
réelles, mais encore les représentations simulées des magnétiseurs
de tréteaux. G. D.
FAITS DIVERS.
L\ -tCYCLETTE DINS LES asiles d'aliénés. La maison d'aliénés
de Ka hmazov, dans le Michigan, a muni tous ses malades valides
de bi vclettes, t depuis l'introduction du cheval de fer dans le
traiter ent des diverses formes d'aliénation mentale on a noté,
paraît ,1, les meilleurs résultats et une amélioration remarquable
dans 1 aat d'un grand nombre de pauvres déments. (Echo de Paris,
20 oel bre 1896.) C'est un nouvel agent physique de traitement
qui vi nl s'ajouter à ceux que nous possédons.
En IfiNE51LNT professionnel DES infirmiers ET DES infirmières
dans AsILES. Nous devons appeler l'attention de nos lecteurs
sur h liscus-joii concernant l'enseignement professionnel du per-
sonn secondaire des asiles, qui figure aux pages 4S7-489. Nous
ci,oy( pour notre compte que deux heures de cours théorique et
une deux heures de cours pratique par semaine sont néces-
saire L'expérience faite dans les quatre Ecoles municipales de
Paris et des quatre écoles annexées aux asiles montre qu'il n'y a
atieu,, inconvénient à ce que ce cours soit suivi en même temps
Archives, 2° série, t. II. 32
498 faits divers
par les hommes et par les femmes. Signalons en passant l'em-
ploi d'infirmières dans l'asile de Koenigsberg ! . - Quant au pro-
gramme à suivre, nous croyons que ceux des Écoles municipales
et des Écoles départementales peuvent servir de base.
Tus journal or nervous and mental diseases L'administration
annonce les changements suivants pour l'annéol897. Editeurs :
D', Char. L. Dana, D'-F.-X. Dercum; DI' Ph. Combs Knopps ; -
D'' Char.-K. Mills; D'' Jas-J. Putnam; D'' B. Sachs; D' M.-Atien,
Slarr. - Collaborateurs; D' Plnlip lleiromtzet DI' Wm.-G. Spiller
Dr Char Henry Brown, 25, West 45 th St., à New-York.
Asile clinique (3ainte-Atiiie. - Clinique des maladies mentales :
le professeur A. JOPRROY. Mercredi et samedi, à 0 Ji. 1/2.
Hospice DE la Salpêtrière. Clinique des maladies du Système
nerveux. M. le professeur R.YMoND; le mardi et le vendredi à4 h. 1/2 ;
- Lundi à 10 h. 1/2, séméiologie des maladies du système nerveux.
D''J. B. Charcot et Souques;- mardi 10 h., policlinique par le pro-
fesseur Ih)111oncl; - mercredi, 10 h. 1/2, histologie normale et.
pathologique du système nerveux, D1' Philippe ; jeudi, 10 h. 1/2
éleetrodiagnosfie et électrothérapie, par leD'' 1111et; samedi
10 h. 1/2, alternativement, psychologie clinique, DJauet; Examen
de l'oreille, du larynx et du nez, des yeux, Drs Gellé, Cartaz et
Sauvineau.
LES drames DE l'alcoolisme. Un domestique de ferme, Lucien
Debril, âge de vingt-six ans, au service de M. Lamerant-Coisne,
au bas du Crocq, à Armentières, a tenté d'assassiner une jeune
fille de dix-huit ans, nommée Marie Vaudenabeele, servante chez
M. Victor Bouché, rue de Niepce. Ce jeune homme, qui courtisait
la jeune fille, avait été écoiiduit par elle, et en avait gardé un
violent ressentiment. Hier, vers cinq heures et demie, posté dans
unchamp situé derrière le jardin de M. Bouché, U vit la jeune fille
sortir des cabinets, escalada la haie et s'élançant sur Marie Van-
denabeele, la frappa à la nuque d'un coup de couteau. La lame
se brisa et la jeune fille s'enfuit dans la cuisine basse.
Debril, la poursuivant, s'arma d'un autre couteau et la frappa à
coups redoublés. La jeune fille tomba en appelant au secours et le
meurtrier s'enfuit il travers champs. Prévenue par M. Bouché, la
police rechercha de suite Debril Le meurtiier fut arrêté rue des
Promenades, à Armentières, à l'estaminet de la Lyre d'Argent, tenu
par M. Duthoit, où il s'était réfugié. Le coupable, interrogé par le
commissaire de police, a manifesté le regret de ne pas avoir tué
Voir Arch. de Nell1'ol.. l8rJG, 1. 11, p. 273 et notre Rapport sur le
budget de l'asile de ! 7 ? Mt ? pour 1897, p. 271.
FAITS DIVERS. 499
cette jeune fille et son intention de recommencer. Marie Vandena-
beele porte neuf blessures, quatre à la nuque et cinq aux mains.
Elles sont graves. Debrll, qui a déjà été enfermé pour folie alcoo-
lique, était renvoyé depuis deux jours et avait bu constamment
depuis son congé. On devra donc déterminer son degré de res-
ponsabilité. (Petit Parisien, 3 septembre 1896.)
- Le nommé Victor Beuret, âgé de trente et un ans, marié et
père de famille, cultivateur à la Rivière, fut trouvé pendu dans sa
maison. On attribue ce suicide à un accès de folie alcoolique.
{Petit Parisien, 2 septembre 1896.) - Voilà deux faits encore qui
montrent la nécessité, pour tous (médecins, administrateurs, con-
seillers de tout genre, députés, etc.), d'étudier vite et d'appliquer
avec vigueur les mesures indispensables pour entraver les désastres
dus à l'alcoolisme.
Réclame curieuse ET originale. - Nous avons reçu le prospectus
suivant, orné de vignettes, représentant entre autres le roi
Léopold.
JlIIffio FQEDORA GALLIANI
Chiromancienne, Somnambule, Cartomancienne.
Diplômée à la clinique du Dr Ciiarcot, professeur de magnétisme à la Salpètriêre (Paris).
Dévoile le présent, le passé et l'avenir, par le moyen du sommeil hyp-
notique et des sciences occultes, par les cartes et les lignes de la mam,
suivant la méthode de Cagliostro et de M"° Lenormand.
Conjurations astrologiques suivant les méthodes assyriennes et clial-
déennes. Science divinatoire parles tarots des Gypsies. Miroir magique
d'Allan Kardec !
SE REND A DOMICILE SUR DEMANDE I
Consultations de 9 heures du matin ci 10 heures du soir.
11, rue de Bavière, 11, au premier. Liège (Outre-Meuse).]
Les charlatans et les somnambules belges, comme ceux de notre
pays d'ailleurs, ne manquent pas de cynisme et d'effronterie pour
attirer les sots et les ignorants.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
CAlIAGNET (L.-Alph.). - Arcanes de la vie future dévoilés. 4 volumes
in-18 colombier. - Librairie Vigot, frères, 10, rue Monsieur-le-Prince.
llALi.AGnn (t''r.). ne la nature de l'épilepsie (11tutles SUl' la physio-
logie pathologique de l'attaque épileptique). Volume in-8''do 182 pages.
- Prix : 5 fr. - Paris, 1897. - Société d'éditions scientifiques.
Roux (1.). - La sensation douloureuse (Étude psychologique). liro-
chiure in-8° de 23 pages. - L\on, 1896. - Imprimerie Walteiier et C ?
Toui.ousF (Ed.). l'izclite1e 1 ) ? (ï 11.co.-I)Weliolorliqite sur les rapports de
la supériorité intellectuelle avec la uéorapallrie. - 1. IntroductIOn géné-
rale : Emile Zon. Volume m-18 de XIV-215 pages. - Prix : 3 fr. 50. -
Pans, 1896. - Société d'éditions scientifiques.
VLHKFT. Rupporl sur la division des hommes de l'Asile de l1l{ll'eville
pour Vannée 1895.
Voir en supplément le Catalogue de Livres au rabais.
ÉTRENNES MEDICALES.
A l'approche du Il, Janvier, nous signalons à nos lecteurs,
comme pouvant être données en étrennes à des confrères ou à des
étudiants en médecine, les collections suivantes publiées par la
librairie du Progrès médical :
LES OEUVRES COMPLÈTES DE J.-M. CHARCOT.
Comprenant 13 volumes, qui contiennent : f Les maladies du système
l1erveux (3 volumes). - 2° Les localisations cérébrales. - 31 Les
maladies des poumons et du système vasculaire. - Il Maladies du foie,
des voies biliaires et des reins. - 5° Maladies des vieillards, goutte et
rhumatisme. - 6" Maladies infectieuses, maladies de la peau ; k,/sles
hydatiques, </tf't'apeu/t ? He. 7° Hémorragies cérébrales', hypnotisme,
No ? & ? e ? 81 Clinique des maladies du système nerveux
(2 volumes). 9° Les leçons du mardi à la Salpêtrière (2 volumes).
Prix broché, 60 fr., au lieu de 188 fr.
, Prix relié demi-chagrin, 90 fr.
BOURNEVILLE.
Recherches cliniques et thérapeutiques, sur l'épilepsie, l'hystérie et
l'idiotie. - Compte rendu annuel du service des épileptiques et des
enfants idiots et arriérés de llicdtre (1850-lSrJa), L6 volumes m-8", ornés
de nombreuses figures et planches.
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BIBLIOTHÈQUE D'ÉDUCATION SPÉCIALE.
Publiée sous la direction du D' llOLnNE\ ILLe.
Tome 1. Recueil des mémoires, notes et observations sur l'idiotie.
Tome II. Rapports et mémoires sur le Sauvage de l'Aveyron. -
Tome nI. Rapports et mémoires sur l'éducation des enfants normaux
et anormaux, par E. Séguin. -- Tome IV. Assistance, traitement et
éducation des enfants idiots et arriérés ([(apport au Congrès de Lyon
par Bourneville). Tome V. Manuel pratique des méthodes d'en-
seignement, spéciales aux enfants anormaux (sourds-muets, aveugles
idiots, bègues, etc.), par Du FOUGER \ et Courroux, préface du
D' BOURNEVILLE.
Prix broché, 15 fr., au lieu de 24 fr. 50.
Prix relié demi-chagrin, 25 fr., au heu de 37 fr.
502 AVIS A NOS ABONNÉS
BIBLIOTHÈQUE DIABOLIQUE.
(Collection Bourneville).
Il Le Sabbat des sorciers. 2" La possession de Fci2roiçe Fontaine. -
3° Jean Wierr (2 volumes). 4° La possession de .femme Ferry.
5° Soeu;' Jeanne des Anges. - 6° Procès de la dernière sorcière brûlée
iL Ge; : eNC. 7° Barbe Buvée (possession des Ursulines d'Auxonne). -
81 La roi qui guérit, par Charcot.
Prix broché, 23 fr., au lieu de 37 fr. 50
Prix relié demi-chagrin, 40 fr., au lieu de 64 fr. 50
Ces prix ne comprennent pas le port qui est facturé en plus,
emballage gratuit.
Pour les collections demandées reliées, nous réclamerons un
délai de huit jours pour l'expédition. - Nous pouvons livrer ces
reliures au gré de l'acheteur, au point de vue de la couleur.
l'our plus amples renseignements concernant les collections
énoncées ci-dessus, demander le catalogue général, qui est
expédié franco. -
AVIS A NOS ABONNÉS. L'échéance du 31 DÉ-
CEMBRE étant l'une des plus importantes de l'année, nous
prions instamment nos souscripteurs dont l'abonnement ces-
sera à celte date, de nous envoyer le plus tût possible le mon-
tant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce
montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur
localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.
Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés
par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du
prix de leur renouvellement.
Nous leur rappelons que, et moins d'avis contraire, la
quittance de réabonnement leur sera présentée, aug-
mentée des frais de recouvrement, à partir du
15 Janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer DE
SUITE leur renouvellement par un mandat-posle.
Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos
abonnés de joindre et leur lettre de réabonnement et à toutes
leurs réclamations, la bande de leur journal.
Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collectif
des Archives de Neurologie et du Progrès Médical
est réduit à 30 francs pour la France et l'Etranger.
Le rédacteur-gérant : LiOURNEVILLE.
TABLE DES MATIERES
.\CHYLLOD\oe hystérique, par rér6,
469.
AcrsocYxvosr, par Crocq, 218.
Alcoolique. Richesse. - des bois-
sons usuelles et de quelques pré-
parations pharmaceutiques, par
Yvon, 108. Atrocité d'une -, 153.
Alcoolisme - et folie par Bannister,
133; par Darin, 396, - Lutte
contre l' -, 332.
Aliénation mentale en Tunisie, par
A. Voisin, 66; en Iassachu8etts,
par Sanborn, 381.
Aliénés criminels, par Riggs, 123.
Réforme du régime des - en Al-
lemagne, par Siemens, 135 -, en
liberté, 159, 335. Internement des-
par P. Garnier, 232; Charpentier,
235 ; Taty, 235; Doutrebente, 236;
fiiraud, 236; Lapoitite, 237 ; Marie,
237 ; Paris, 238 : Rouby, 238; Bour-
neville, 239 ; Delmas, 241 ; Arnaud,
245; Serbsky, 245. Séquestration
d'un -, 411.
AME humaine, par Baraduc, 3'J9.
A\IOIL L' - des Malais, par Itascll,
474.
Amyotrophie tabétique, par Schall'er,
319.
Anesthésie pottique, par Chipault,
f70.
Aphasie sensorielle,parllirallié, iOl.
Apophyse STYLO(DE chez les anor-
maux, par Zuccarelli, 315.
Articulation. Troubles moteurs pré-
cédant l' - de la parole, par Pla-
llat, 257.
Asile d'aliénés de Dzienkanka, par
Kayser, 67. - de la Roche-sur-
Yon, 156. Drame dans un -, 159,
415. - et hospitalisation des allé-
nés épileptiques et idiots dans le
département de Loir-et-Cher, par
Doutrebente 435. Encombrement
des -, par Camuset, 491. -, par 1
Bourneville, 497.
Askinésie douloureuse dans l'hysté-
rie, par Spandock, 52.
Assistance des épileptiques, 156, 331, L,
335. - des aliénés dans l'état de
New- York, par Darin, 370, 362.
des idiots, 412.
Ataxie. Traitement de l'- dans le
tabes dorsales, par Hirschberg,
161, 337.
AlnÉTosc double, par Spehl et Sano,
37.
Automatisme ambulatoire, par Four-
nier (A.), Kohne et Gilles de la
Tourette, 474.
Bandelette 01' 1 Inu. Lésion de la -
et du pédoncule cérébral, par 11a-
haine, 315.
Ii.lSDO`5'. Etat mental dans la ma-
ladie de -, par llaudle, 389.
Bibliographie, 156, 3 ! >t. 492.
Bicyclette dans les asiles d'aliénés,
497.
Camphre monobromé, par Bourne-
ville, 57.
C4suisliQurs. Communications -,
par Bruns, 471.
Ca'ral'nosiaE électrique, par Sgobbo,
301.
Cataracte. Recherches physiologi-
q"escltez descnfdntsopérés de-
double congénitale, par Vurpas
et Egëli, 153.
CELLULES Etat des - ganglionnaires
dans les intoxications, par Dehio,
69.
Céphalée opiiiiàtreivec lypiéinatiie,
par A. Voisin, 218. Un nouveau
facteur etiologique de la -, par
Pieraccini, 463.
CÊHÊllHAL. Quelques points de pa-
thologie , par Meyer, 51. Tumeur
- par Luhrmann. 314.
Cerveau. Voies conductrices du
TAULE DES MATIERES.
501 i
et de la moelle, par de Bechterew,
492.
Czevcm.t..lny ome simple du -,pal'
llektoon, 50.
Ciiuiuugie crinioencéplialique, par
A. Laurent, 40. -
Chorée variable des dégénérés, par
Bnssaud, 108.
Coeur. Hypertrophie du-chez les
débiles, par Wulf, 51.
Coloration de la névroglie par le
procédé de Wei.-ert, par VolrIeng,
481.
Concours des médecins adjoints des
asiles, 76.
Congrès annuel des médecins alié-
llistes allemands, par Sérieux, t35.
- de médecine mentale de France
et des pays de langue française, à
Nancy, 154, 199, 323.
Crampe des écrivains, 402.
Crâne. Prédispositions nevropathi-
tiques et difformité ? du -, par
Sommer, 487.
Gn.1\IGCTOIIC dans la débilité men-
tale, par Spaiiboci, 3\)2.
CBA111OTOIiIE dans la 111lcrocéphalie,
par Marron y Alonzo, 126.
Dégénéré persécuté par Lefilliâtre.
390.
Dégénérescence. Signes de -, par
A. vleyer, 130.
Délire des persécutés, par Falret,
66, - chronique et alcoolisme
aigu, par Eastman, 132 ; Neef, : J8'1.
- chronique religieux, par Vallon
et A. Marie. 21G; Séglas. 216;
Pitres, 247. - des persécutés à
double forme, par Vallon, 250.
Démenti : sénile et toxicité urinaire,
par Pansot et Lévy, `3 ? ? .
Diphtérique. P,Llalysle -, par Goo-
dall, 318.
IJUUOISINL. Sulfate de - dans la pa-
ralysie générale, par Frallcotte, 63,
252.
Dysuiiic nautique, par de Jlartiis, 456.
Ecorce. Anatomie pathologique de
l' -, par Gohlmann, 491.
I'C7L)IA chronique et anesthésie de
la peau, par StoukovcnlolT, 'i3.
Electricité dans les maladies men-
tales, par Nell. 63.
11,toiioN,s. Influence des - sur le
physique, 333.
E : \FAI\T'" anormaux. Enseignement
spécial aux -, par Ilamon du
Fongeray et Coueloux, 74.
ENI'AY[S arriérés. Secours à domi-
cile, 78.
Epilepsie. Traitement de l' - par
l'opium et le bromure, par Linke,
60. Traitement de il- par la mé-
thode de par Habbas, 61 ;
Davenport, ! i2. Troubles L'antri-
ques dans l' -, par Féré, 120.
Epileptique. Folie , par Kicrnan,
382.
Ewrsmonmsnccondamnépar Voyou-
roux, 124 .
Expertise médico-légale, par Verga
et Mari Francesco, Ilà.
Folie. Etiologie et pathologie gé-
nérale de la -, par llrdlil.a, 131.
- morale, par Gorton, 132. Trou-
bles moteurs dans la -, par Ri-
cl¡a['(lson, 132. - et alcoolisme,
par Banmster, 133 - paralytique,
par Peeters, : 383. Diagnostic de la
, parBlandford, 388. Traitement
de la - hors les établissements
publics, par Robinson, 395.
IOrs111LIE. Usage de la- en neuro-
logie, par Fish, 479. Désodonsa-
tion de la-, par Frey, 491.
Fou dangereux, 334. î.
Foules. (les - en 1893.
par Zuiccarelli, 121.
Gangrène cutanée d'origine hyaté-
nque, par Veuillot, 46.
GW rma.,\lamfestationsdesoranes
- , par van Brero, 318.
Genou. Phénomène du - enpsychiâ-
trie, par Cramer, 139.
Guérisons tardives, par "Chàtohn,
379.
Hallucinations succédant à des or
sessions et Idéc : , fixes, par La-
roussmie, 33. Pathogénie et phy-
siologie des - de l'ouïe , par
Séglas, 207; Vallon, 212; G. Bal-
let, 213. Etude anatomo-patIJOlo-
gique des- par Mal ie et Bonnet,
216. -, par Houb\,225.
IIE\lAl'Ollyj,J.OE du cône terminal par
liaymond et Souques, f0. - pri-
maires traumatiques, par Ontten,
469.
IlIbllPLÉG[C a1terue, pal' Goul,ovshi,
14.
If : rscnm : : croisée, par Crocq, 218.
TABLE DES MATIERES.
sus
Ilmuot>tnmc, il3.
Homicide en anthropologie crimi-
nelle, par Spmelalgne.
HOQUET hystérique, par de Renzi,
306.
Hospitalisation des aliénés, épilep-
tiques et idiots en Loir-et-Cher,
par DOl1tlebente, -225.
1LE sacrée, par Rossi,
483.
J ! YI'8nObIOsE crânienne chez les épi-
leptiques, par Plcheuot, 248.
Hastérie. Souffle cardiaque et -,
par de Renzi, 312.
Iuccs illilléntives. 425,
Idiotie. Traitement chirurgical de
l ? par Shutllewol'lh, 93.
Imbécillité. Note sur l ? par de
Martns, 386.
Impulsion. De 1 ? par Bourdin, 128.
Inanition chez les animaux nou-
veau-nés, par de Dechterew, 320.
Incontinence d'urine. Traitement par
la suggestion, par A. Cullere, I. -
Nocturne, par de Jlartts, 457. ? MOE chez la femme, par
illelge, 318.
Infectieuses. Influence des troubles
de l'innervation sur les maladies
- , par Traiiibasti et Combes, iGO.
brlR1lIERs. Instruction des - dans
les asiles, par Mercklin, 187.
eliez les aliénés, son traite-
ment par les <lisulfones, par Lohn.
76.
l',VERSION sexuelle chez l'homme.
par Ellis, 3S2.
Luette. Déformation de la- comme
signe de dégénérescence, par
Dana, t70.
Mariage. Loi interdisant le - aux
épileptiques et imbéciles, 413.
Mal de 1'01'1'. Atrophie de la langue
dans le - sous-occipital, par P.
.Marie, 48.
Expertises -, par
Verga et Francesco, 115. Exper-
tises -, par Tambroni, 117.
Mélancolie. Traitement de la-, par
Iteyuer, 3D i.
Mémoire dans la folie du doute, par
Sollier, 65.
Mentales. Traitement des maladies
- , par Lailler, 63. Manuel de sé-
meiotogie des maladics -pal' Mor-
sellai, 328.
Miraclleuses. Guérisons prétendues
- du Mont Saint-Michel, 40S.
Moelle. Groupement des fibres en-
dogènes de la-, par Dufour, 81 .
Gomme syphilitique de la-, par
Ilanot, 299. Syphilis héréditaire
de la -, par Gilles de la 'l'ou-
rette, 302. Voies conductrices du
cerveau et de la -, par de Bech-
terew, 192.
llloaonmnr dangereuse, 159.
Mutité hystérique, par Worotinsky,
5G.
M\ élite transverse aiguë, par Na-
geotte, 295. - par infection blen-
nonhagtque, par Clpnanl, 311.
Myopathe progressive, par Giolleux
et van Gehuchten, 47. - chez un
hystérique, par Gasne, 298.
Mystique. Jeûne -, 414.
Nerveuse, Cas peu commun de -,
par Abbamondl, ibs.
Neurasthénie et neviose anxieuse,
par Freud, 52. - et paralysie gé-
nérale, par Régis, 252.
cunnsmt : wnur.. Les yeux du -,
par .\ltabas, 5G.
NEUROTABES alcoolique, syphilitique,
etc., par Nolda, 51.
NÉVRALGIE de la huitième racine pos-
térieure droite, opérée et guérie,
par Chipault et Demoulll1, 29L-
du trijumeau par S'enger, 321.
NÉIIITE par affection vasculaire, par l'
Schlesinger. - tuberculeuse sy-
métrique, par de Henzl, 4G.
Né\ roses. Hérédité et etiologie des
- , par Freud, 48.
KvsTAGML's provoqué par l'hypnose,
par Sabrazès et Cabanes, 230.
OI'IITALIIOPLG1E externe, par Ray-
mond et Souques, 46.
Opium. Troubles dus il l'- fumé,
par Laurent, 253.
Os. Fragilité des -, par Eyman,
3l S.
obrll'ir déformante de Paget, par
Gilles de la Tourette et \larinesco,
31G.
1 PACIIY'lÉl\Il\Gll'E hémorragique prise
pour une paralysie générale, par
liatssier, 100. - cervicale Inper-
trophique, par de lieiizi, 309.
Paralysie générale du jeune âge,
par Lullrmann, 55. Paralysie du
506
TABLE DES MATIERES.
nerf péronier dans la -, par
1\lallt, JJ. - u lonue lurée, par
Laponne, Charpentier, Régis, Sé-
las. Doutrebnle, Arnaud, Val-
1on, 2°i. - due dt l'inloxtcatton,
pai des vapeurs d'aniline, par
Spillmann rtEtirnllC, 22 ? Prndo-
- , par )nancotte, 353. - u forme
ctrculaire, lar lr<enl : el, 38 ? -
infantil, lmr Rresler,3SG. symp-
tomvs oculaires cle la-, Itar 13n-
vau l.evis, 3SS. Trépanation dans
la - har 'l'urner, 393.
PAII'l.\&11 S LAIIHGI r.<; chr ? les hé-
miplégiques, pai Simerka, 469.
Paiimnson. Morphologie de la ma-
)adiedM,parMeig'e.298.
l'E1HRr.S dl' la médecme pal' Meige,
406.
Pelade lost-élilelique, par l'éré,
317.
Pendus. Convulsions et amnésie
olter les -, par l.uhrnan, 321.
PEHY[ : HS)0 ! <SE.\LhLLE,pa['))Owa)'d,
381.
Phobie de la rougeur, par Pitres et
Régis. 253
I'LAfIOCEt'IIA.IE, ltar Zuccarelli, 316.
l'OLI01 : \Cül'lInL0lI,Lr'r'E, har Covoue,
307.
Pollu'iions nocturnes et épilepsie,
par Guccarellt, 391.
l'ot ? n : wta. 1)es-- par 1\Iarinesco,
465.
I'ot.w : vrsmyue. Psa choses , par
l'el l'an, 379.
POnT DE lm;o.s. Anatomie fine, par
Pusateri, 480.
Po'rT.Uncasden)a)de,sun'ide
guerison, par Musmeei, 454.
PsYcniATKinenAm6r)q)]c,parCow)es,
tu7.
Psocmnmnrc. Sereice - dans les
prisons par Moiel, 158.
Psychiques. Troubles après l'o-
pération de la catat acte, lar l.owy,
384.
PSYCIiOPATIlIr.S gastriques, par Sol-
ltei , 2 19.
Psychoses religieuses à évolution
progressive et systématique, par
A. Marie et Vallon, 417.
Quebbaciio dans la mélancolie, par
Kiernan, 395.
()n'.KULEMS.Fo)iedes,parKop-
peu, 143.
QuE)EUECtiEYAL.An'ectioisde)a,
par Raymond, 291.
Racines motrices. IJlbtliuutlon fonc-
tlUlll1elle des - clans les muscles,
par Polmanti. 485.
Réflexes. Leçons sur les -, par
lIufihes, 4601
1181'0SABILI ilL Folie et -, par
57à. - (les pervertis
sexuels, par llatntlton, >7G.
Saturnisme chronique avec para-
lvsie des radiaux, par de Henni,
310.
Sein hystérique, par Gilles de la
Tournette, 293.
Sexuels. Délits -, par Hoche, 478.
Simulateurs et criminels, par Molli.
476.
Société Mé(IICO-1SYCO]Ogl([Ue, par
Itriand, 65, 148, 328. - psychique
du Nord-Est de l'Allemagne. par
Sérieux, 67. - psychique de la
province rhénane, par Sérieux, 70.
Sommeil pathologique et narcolepsie,
par Schultze, 71.
Spinale. Irritation chez les syphi-
litulues, par Friedmann, 54.
Surdité verbale, par Hélot, Iloude-
ville et Halipré, 407.
Surveillance. Quartiers de -, par
Dehio, 489.
Syphilis du système nerveux, par
Itchle, 126. - cétéhrale, par de
ISenzi, 310.
5lRt\(.0)IYI.LIt : , par Raymond, 301 -.
par f3remnn, 171.
Système nerveux. Cliniques des ma-
ladies du -. par llamoncl, 151.
Tares. Un cas de - supérieur, par
Lenoble. 303. - Contribution sta-
tistique il la symptomatologie du
- , par SI111el'lw, 466. ,
Tatouages ries criminels, par Lan-
greuter, 71.
Tétanie, Nature hystérique de la
chez les lemmes enceintes, par
Gilles de la Tourette et Bolognesi,
46.
Thérapeutique. Revue de -, 57.
Thyroïdien. Alimentation ne dans
les troubles mentaux, par CIarl.e,
64. De la médication ? ne, de son
action sur la croissance, etc.. par
Bourneville, 255. Action du liquide
- sur le système nerveux central,
par llaskovec, 310. Extrait - et
crétinisme, par Paiker, 394. Corps
- et myatlùme, par liughsmith,
39>-
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
307
Traumatisme crânien, par Stemer,
70.
Tremblements. Séméiologie des ,
par f.amacd, ? 26 : Delmas, 2 ? S;
Crocq, 229; l'arisot, 220. Traite-
ment des - par l'hypnotisme,
par 13ernlieim, ` ? 30; Garuier, ? 31.
hystérique simulant la mala-
,lie cie Pall<Inson, par de leI17l,
30a. 1 ? tiofoie les -, par Pierac-
cm, 330. -par anto-mtovication
stomacale, par Jannoni, 155.
Trijumeau. Section du , par Tur-
lier, 393.
'l'RIO : UL, par Ruheman, 390.
Tuberculose dans les asiles, par
)[ercklin, 68, 133.
VA0-.%IOTEURS. Tronhles - tl'QI ig-ine
hy161'i'lne, par Manlieimer, 186.
Vertébrale. Déviation de la colonne
- chez des individus bien por-
tanls, par P. ! licher, 12.
Vieillesse. Psychoses de la -, par
Régis, 130.
Voûte palatine. Etude sur la -,
par L3omly, \81.
Zona généralisé, par E. Fournier,
Il i.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Abbamondl, ia,
Alonw, 12ü.
Altabas, 56.
.\rnaud, 21, 245.
Ballet (Gilbert), 213.
l3annister, 133.
Baraduc, 399.
ltechterew(tle),3 ? G, 192.
.lJel'l1helln, ' ! 30.
Buvan Lewis, 388.
Blantlford, 388.
li passim.
Ilohn, 70.
Itoissler, 100.
Bolognesi, 46.
Bonnet. 210.
Boody, 481.
Bourdiii, 128.
lloul'1lev1l1e, 57, 7'r, `33'J,
` ? 5 ? iJî.
llregman, 4.7 J .
Brers (van), 31S.
Bresler, 380.
Buand, 65.
Brisaud, 46S
Bruns, 471.
Cabanes, 230.
Cumuset, 494.
Charpentier, 221, 235.
Chaplin, 379.
Cllip,ullt (.%.), 291, 170.
Cipriaiii, 311.
Chirke, 04.
Combes, f00.
Coûtions, 7 Í.
Covoue, 30î.
Covvles, 157.
Cramer, 139.
Croc,2 ! 8,229.
Cullerre, 1.
Dalla, 170.
Uarlu, 270, 396.
Davenport, 62. '
Dehio, 69, 489.
Delmas, 128,2l.i.
DemouUu, 294.
Deny, passim.
Doutrebente, 221. 225,
236, 435.
DLIl·0 ! Ir, ôt.
Eastmanll, 132.
Fggh, 482.
Elhs, 382.
Etienne, 2 ? ï.
gyman, 318.
Falret, 66.
Féré, 129, 317, >69.
Ferrari, 379.
Fish, 479.
Fournier (v.), i i f.
Fournier (E.), il.
Francesco, 115. '
Fl\lIlCOlte, 63, 3 ? 353.
L ? l'cud, '1,8, 52.
Crey, É91.
li'dedmann, 55.
' Lrcenlcel, 385.
Garnier (P.), 231, 232
Gasne, 298.
Gehuchten (van), 17.
Gilles de la 'l'ourette 16,
293, 302, 310, .71.
Giraul, 236.
Glorieux, 47.
Goliliiiatiii, 491.
D08
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Goodall, 313.
GOl'ton, 132.
Goukorski, 44.
Halipré, 467.
Halmllon, 475.
Hamon du Fougerav, i
7'1.. 1
Hanot, 299.
lIaskovec, 319.
])(-);toen,50.
Ilelot 467.
llirsciIherg, 161, 337.
Hoche, 478.
Ilourieville, 467
Howard, 381.
Hrilicl : a, 131.
Hughes, 469.
Hu'ghsmith, 394.
.laclaon ! H.). 12.ï.
Jnnnom, 455.
Kayser, 67.
Kèraval, passim.
Kiernan, 395.
Khone,t71.
Koppen, 143.
L ! ) ! ))er,G3.
Lamacq, 226.
Langreiiter, 71.
Laponlte, 237.
Lairoussinie, 33.
Laurent, 40, 253.
Lrfilliâtre, 390.
Lennble, 303.
Lévv, 252.
Llnk ? 60.
Lowv, 38'r.
I,nllrmanu,JS, 31'r, 321.
Mahaine, 315.
Manheiuier, 186.
Marie (A.), 210, 237,
l17.
Dlarie (l'.), 13.
Marinesco, 31G, 'FG ?
llartüs (de), 38G, 4SG,
4j7.
Mande, 3S9.
Maudslcv, 475.
Meige, 298, 318, 400.
Mercier, 125.
Mercklin, 08, 133.
Mever (A.), 51, 130.
Mickle. 126.
Jltln Rromvell, 125.
\¡II'aillé, 401.
iloeh, 55.
)lorel, 158.
llorselli, 328.
Molli, 476.
Musmeci, 454.
Naneooe, 29J.
i'lel ? 63, 382.
Xoida,j ! .
Ou tien, 469.
Paris, 238.
t'artsot, 239, a2.
Parlwl', 394. J
1't ? lers, 383.
l'Icllenot, 21¡8.
l'leracciul, 330, 463.
Pitres, 217, 253.
Planât, 257.
('aimant ! , 118b.
Pusaten, .80.
Rabbas, 61.
liavtnonrl (.), '0, 43,
131, 2 ! J l, 301.
Régis. 130,224,352,253.
Renzi (rie), 305, 306, 309,
310.312, 1¡5ü. ! Jevner 3 ! J4
IIlèhal'llwl1 : 133.
Richer (P.), 42.
Hig-gs, J23.
Itobmson, 395.
liossi, 483.
](oubv,225,23S.
liuhemann, 396.
Sabrazès, 230.
Sanborn, 381.
Sano, 37.
Savane, 125
Sehnfier, 319.
Sclllesuyer, 53.
Schultze, 71.
Sé ! ! ldq, 207, 216,221.
Sémelayne, 38 ! ).
Sel'iJslu, 2'15.
Sérieux, 07.
Sg-ohho, 30\.
Shutlieworth, 393.
Siemens, 136.
Snnerka, 466, 569.
Sfengei, 321.
Sollier, 65, 249.
Sommer, 487.
Souques, ID, 4.').
Spanllocl : , 5'3, 392.
Spehl, 37.
Spillmann, 255.
Steiner, 70.
Stoukovenloff, 43.
Tambloni, 117.
Taty, 235.
Tram hast), 460.
Turncr, 393.
Vallon, 210, 210, 224,
2J0, 417.
Verna, 115.
Veuillot, 46.
Vlg01lrOU, 12L
Voisin (A.), 66, 218.
Voldeng, 481.
Vurpas, f82.
\01'OI,VI751CV, 5G.
Wulf, 51.
Yvon, 108. ? Ilccarelll, 121, 31, 310,
391.
( : 11. JJR1SSFY, iml. - ly-0G.