(1895) Archives de neurologie [Tome 29, n° 95-100] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1895) Archives de neurologie [Tome 29, n° 95-100] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

É1'IiLC\ IMPRIMERIE DE CHARLES HËRISSEV Y

ARCHIVES

NEUROLOGIE

NEUROLOGIE

REVUE MENSUELLE

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

l'0\DI : L PAR J.-M. CIIAIICOT

l'UI31lCE SOUS LA DIRECTION DE MM.

A. JOFFROY

Professeur de clinique

des

maladies mentales

à la Faculté de médecine

de Paris.

V. MAGNAN

Mcmlire de l'Académie

de médecine

Médecin de l'Asile clinique

(Sle- : lnne).

F. RAYMOND

Professeur de clinique

' des maladies

du système nerveux

à la Facullé de médecine

de P.trts.

COLLtBORATEUItS FHCSCIFAUX

JIM. BA111NSIU, BALLET, BAUDOUIN IILANCIIARI) (11.),

UL1N (E.), MOUCHEiOEAU, 111UANU (SI.), IIIUSSAUD (E.), BROUARDEL (P.),

CAMUSET, CATSA IIAS, CIIA BBEIIT, CHAIIPENTIEH, CIIIIISTIAN,

C1.LLEItItE, UE110\E (11.). UENY UEVAY, ULCA11P, UIITIL, UUSAL(111rmns), FERRIER,

ERAiNCOTTE.OARNIIR (P ? GARNI I.H(S ). GILLES DE LA TOUItETTE,G0111tAl;LT,

GRASSET, IllL1,AiNGER, HALL ! 0.\,JAN : T (P.), KEHAVAL (P.). ICLIPI'BL.

1.A\UOIZY, LI3VI (L.), de 11ONTY1· : L, marie, NilFtl(Z[ ? JEWSKY,

3]US.GBAVE-(1,AY, NOIR, l'All.H : l3, PETIT, l'IERRET. PITRES, Pf)POrF,

11GGIS,,ItEGNAltl1 (P.), HÊUNIER (P.), (11.), IIOUIIINOVITCII,

ItOTil (V.), SI ? GLAS. SEGUIN (I ? .-G.),,SEItIEI`X, SOLLiUt. SOUQUES, SOURY (J.)

TLINTLItIEIt (.), TI1U1.IÉ (11.), VOISIN (J.), 1'\'ON (P.).

Rédacteur en chef : BOUITNEVILIE

Secrétaires de la rédaction : .- J.-X. C))A)tCOT et G. GUINOM

Dessinateur : LEUIIA

Tome XXIX. 1895.

A\ecjfig'ures dans le lexie.

PA il 1 s

BUIiGAUY DU PIiOGIiGS MÉDICAL

l'i, rue des Carmes.

1895

Vol. XXIX. Janvier 1895. ? 95.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE.

D'UNE FORME HYSTÉRIQUE DE LA MALADIE DE RAYNAUD `

ET DE L'ÉftYTI3ROMÉLALGIE ;

Par Léopold LÉVI,

Interne des hôpitaux de Paris.

7

/.

Les troubles vaso-moteurs sont fréquents» dans j-1 ? y-gt4rfe.

Ils peuvent devenir prédominants. Aussi a-t-on'pTi'tuFdécrire

une forme vaso-motrice (hystérie vaso-motrice). Il est de notion

courante qu'on peut rencontrer au cours de cette névrose, soit

des congestion partielles'et passagères (érythèmes éphémères),

soit de l'anémie cutanée (syncope locale et asphyxie des

extrémités). '

. Nous avons eu l'occasion d'observer presque simultanénent

dans le service de notre excellent maître, M. le Professeur

Raymond, un cas de maladie de Raynaud et un cas d'érythro-

mélalgie chez des hystériques hypnotisables qui présentaient

en outre des troubles urinaires de nature hystérique. L'hyp-

nose a permis de préciser comme origine aux deux syndromes

vaso-moteurs des émotions devenues idées fixes subconscientes

et de modifier les symptômes par les procédés habituels.

Ces cas affirment les relations qui existent entre les deux

affections. Ils permettent de séparer une forme hystérique de

la maladie de Raynaud et de l'érythromélalgie. Ils fournissent

de nouveaux documents pour la question de la pathogénie

des névroses vaso-motrices des extrémités.

Archives, t. XXIX. - 1

2 CLINIQUE NERVEUSE.

A. IL EST CERTAINE FORME DE MALADIE DE RAYNAUD QUI

EST PUREMENT HYSTÉRIQUE.

- I.

Quand une affection se développe chez un sujet hystérique,

dans les conditions habituelles des affections hystériques, et

qu'elle est susceptible de disparaître ou de s'améliorer sous

l'influence de l'hypnose, on peut dire qu'elle est hystérique.

Un syndrome reconnu tel, offre dans son début, dans ses

symptômes, dans son évolution, des caractères qui le séparent

du même syndrome non hystérique.

L'observation suivante sert de base à la démonstration, qui

s'appuie en outre sur la critique d'autres observations person-

nelles ou empruntées.

Observation. Maladie de Raynaud à la deuxième période, affec-

tant la forme d'état de mal asphyxique, survenue et la suite d'une

émotion transformée en idée fixe subconsciente chez une malade

atteinte antérieurement de rhumatisme polyarticulaire, neurasthé-

nique et hystérique. Coexistence de phénomènes d'anurie et d'oligu-

rie hystériques. Amélioration considérable de tous les phénomènes

sous l'influence de l'hypnose 1.

Pauline Th...s, femme Garn...r, âgée de quarante-trois ans, entre

le 11 janvier, salle Pinel, lit n° 3, dans le service de M. le professeur

Raymond à la Salpêtrière. Elle habile en général la campagne et

se livre aux travaux des champs.

Antécédents héréditaires. Ses grands-parents paternels sont

morts l'un à soixante-quinze ans, l'autre à soixante-treize ans, avec

des symptômes de paralysie. Ses grands-parents maternels sont

morts tous deux de fluxion de poitrine, au dire de la malade. Son

père est mort à vingt-huit ans de fièvre typhoïde. C'était un homme

de constitution robuste, sans nervosisme. Sa mère est morte à

trente ans d'une infection puerpérale.

Sa soeur unique, d'un an plus jeune qu'elle, est atteinte d'une

affection cardiaque. Elle est d'un tempérament nerveux, mais n'a

jamais eu de crises de nerfs.

Antécédents personnels I'a point eu de fièvre éruptive ou de

maladie générale dans son enfance. Elle commença à être réglée

1 L'observation a été prise sous ma direction par M. Turque, externe

du service. °

FORME HYSTÉRIQUE ET ER.YTHROMELALGIE. 3

à quinze ans, ses règles revenaient à époques fixes jusqu'à il y a

un an. Depuis ce temps elles surviennent toutes les trois semaines.

A dix-huit ans, elle se maria; elle fit cinq grossesses qui se passè-

rent bien, sans suites de couches pathologiques.

Deux ou trois jours après chaque accouchement elle se serait

livrée à ses occupations habituelles. Ses enfants sont bien portants.

Au cours de la première grossesse ont apparu des varices d'abord

légères, qui sont devenues de plus en plus apparentes pendant les

grossesses suivantes. Pendant la dernière elle eut la jambe gauche

foulée sous le pied d'un boeuf. La douleur fut vive, la malade perdit

connaissance. 11 survint consécutivement un gonflement très mar-

qué avec rougeur intense. La malade dut garder le lit six semaines.

L'oedème s'effaça peu à peu. La jambe reprit son volume normal.

L'accident n'influa pas sur la grossesse, l'accouchement se fit à

terme.

Vers cette époque en 1888, elle commença à ressentir dans l'aine

du côté gauche une douleur légère, avec irradiation dorsale et

exagération par la pression et pendant la marche.

Elle consulta au bout de six mois un médecin qui fit le diagnos-

tic de hernie et lui conseilla le port d'un bandage pendant un an.

Actuellement il n'y a plus trace,de hernie, ni de trajet herniaire.

Mais après une longue marche, elle éprouve dans la région hypo-

gastrique gauche une. sensation de pesanteur accompagnée d'une

légère douleur.

L'état de santé fut bon jusqu'au mois de décembre 1891. En dé-

cembre 1891, à la suite d'un refroidissement éclata un rhumatisme

polyarticulaire qui envahit les grosses articulations (hanche, genou,

épaule) et les petites (colonne vertébrale). Les articulations pha-

langiennes restèrent indemnes, La fièvre était vive, le gonflement

articulaire intense. La malade dut rester trois semaines dans l'im-

mobilité absolue. La guérison n'eut lieu qu'au bout de cinq se-

maines. Environ un an après en décembre 1892, apparurent des

accidents nerveux.

Pendant l'enfance, la malade n'a présenté aucun grand signe de

nervosisme; elle n'eut ni somnambulisme, ni attaque convulsive.

Elle ne se rappelle pas avoir uriné au lit, et ne fut pas en proie

aux peurs nocturnes. A dix-huit ans, on la maria contre son gré

avec un homme qu'elle n'aimait pas; elle éprouva un dégoût conti-

nuel à accomplir ses devoirs conjugaux.

Son mari était jaloux, il enfermait quelquefois sa femme, il ne

lui permettait pas de regarder par la fenêtre. D'autre part, il s'eni-

vrait, d'où scènes de ménage qui n'allaient cependant jamais

jusqu'aux coups. La malade fut sur le point de divorcer, mais elle

avait déjà plusieurs enfants et elle était enceinte. La réconci-

liation se fit.

Sous l'influence des disputes qui se répétaient entre elle et son

4 CLINIQUE NERVEUSE.

mari, son caractère impressionnable s'assombrissait.. Après chaque

scène, sa douleur, ses chagrins devenaient plus intenses. Bientôt

elle ne voulut plus travailler, et malgré les prières de sa famille,

elle décida de ne plus aller dans les champs. Elle restait enfermée

seule chez elle, heureuse de ne plus avoir de rapport avec personne.

La présence de son mari auprès d'elle l'exaspérait, et lorsque

approchait l'heure du retour des champs, son irritation devenait

plus vive.

A cette époque elle eut l'idée du suicide. Son 'projet reçut un

commencement d'exécution. Bientôt survinrent de nouveaux sujets

d'inquiétudes.

Près de sa maison s'installa une femme médisante qui l'insulta

et l'accabla d'accusations calomnieuses. La malade éprouva alors

de continuelles insomnies. A l'état de veille, et dans ses rêves,

lorsqu'elle venait à s'endormir, il lui semblait voir sa voisine lui

tendre, à travers une fenêtre, un breuvage empoisonné. Elle la

voyait encore parfois saisir ses enfants pour les tuer. C'est sous

l'influence de ces troubles que pour la première fois elle eut une

crise nerveuse en février 1893.

A la suite d'un accès de contrariété, elle éprouva tout à coup

une sensation d'étouffement au niveau du cou, elle perdit connais-

sance et tomba. La crise se composa de mouvements violents des

membres supérieurs et inférieurs. Elle se jugea par des larmes.

La malade n'urina pas sous elle, ne se mordit pas la langue pendant

l'attaque. On provoqua une vive douleur par la pression sur la

région hypogastrique.

D'autres crises succédèrent à la première, d'une durée moyenne

de quarante à cinquante minutes. Sous l'influence des calomnies

de sa voisine, elle éprouva jusqu'à trois crises par semaine. Elle

remarqua en même temps une diminution dans sa quantité d'urine.

Comme traitement général on lui appliqua des aimants qui furent

retirés vers le 25 novembre.

C'est au mois de mai 1892 qu'apparurent les premiers symptômes

de la maladie dont nous allons nous occuper. Le 1er mai la malade

apprit que sa voisine avait fait courir le bruit qu'elle s'était enfuie

de chez elle pendant la nuit. Sous l'influence de l'émotion vive

qu'elle ressentit, elle vit ses doigts perdre peu à peu de leur cou-

leur et devenir de plus en plus pâles. Elle éprouvait en même

temps aux extrémités une sensation d'engourdissement (syncope

locale). Quelques jours après, elle remarqua que ses orteils deve-

- niaient pâles, décolorés comme ses doigts. La malade incrimina

l'impression du froid.

Les crises de syncope locale se produisaient au début une ou

deux fois par jour, un jour se passait rarement sans crise. Pendant

six semaines les alternatives de syncope et de retour à la colora-

tion normale se succédèrent ainsi régulièrement et c'est seulement

FORME HYSTÉRIQUE ET ÉRYTHROMÉLALGIE- S,

au bout de ce temps que l'asphyxie locale commença se montrer.

La malade vit alors pour la première fois un état d'asphyxie suc-

céder sur ses doigts à l'état de syncope. Les phénomènes se repro-

duisirent avec les mêmes caractères en augmentant de fréquence

jusqu'à son entrée à l'hôpital. L'observation est prise à la fin de

mars or :

Etat actuel. L'habitus extérieur n'offre pas de particularité sail-

lante. Il n'existe pas d'asymétrie de la face. La chevelure est bien

conservée. La malade a presque toutes ses dents, il n'en manque

que deux à la mâchoire inférieure. La teinte du visage est bonne.

La joue droite est un peu plus colorée que la gauche, la différence

de coloration s'accentue pendant les crises.

' La couche adipeuse sous-cutanée de la région sous-mentale est

assez accusée. En arrière de l'angle des mâchoires, des deux côtés,

se trouve une surface fortement pigmentée.

Le thorax présente de l'asymétrie et une voussure assez pronon-

cée par suite de la saillie des première et deuxième côtes dont la

courbure est plus marquée à gauche qu'à droite. Le sternum est

légèrement bombé en avant. La clavicule gauche est plus élevée

que la droite à la partie interne. Il existe des vergetures bien mar-

quées dans les régions hypogastriques et ombilicales. Les membres

supérieurs ne présentent rien de particulier.

Aux membres inférieurs, il existe des varices plus marquées à

gauche, qui provoquent de l'oedème, à la suite d'une fatigue.

Sensibilité. Il existe dans la région frontale une céphalalgie

assez légère, mais persistante sous forme constrictive. La pression

provoque une légère douleur le long de la colonne dorsale au

niveau des apophyses épineuses, ainsi que dans la région hypogas-

trique gauche. La malade accuse en outre des douleurs au niveau

des hanches et du genou gauche, avec irradiations de la hanche

gauche vers le genou correspondant.

L'examen de la sensibilité objective ne relève pas de troubles

aux différents modes (contact, piqûre, froid) sur les membres, le

tronc et la face. Au niveau delà colonne dorsale, la sensibilité aux

différents modes est sensiblement diminué.

Motilité. Les mouvements des muscles de la face, des lèvres,

de la langue s'exécutent bien. Pas de trémulation, pas de mouve-

ments fibrillaires. Les mouvements de la tête sur le tronc sont

faciles et s'accomplissent sans raideur. La force musculaire des

membres supérieurs est conservée. Les mouvements se font

bien, avec toute leur amplitude. On ne constate pas d'atrophie. Il

existe un léger tremblement à petites oscillations plus marqué à

droite qu'à gauche. Aux membres inférieurs la force est conservée;

la marche s'accomplit bien. Il existe quelques craquements dans les

genoux.

6 CLINIQUE NERVEUSE.

Réflectivité. Les réflexes patellaires sont conservés, marqué

surtout à gauche; le réflexe pharyngé est exagéré. Le réflexe cor-

néen existe. On constate le réflexe plantaire.

Il n'existe pas de troubles trophiques.

L'examen des yeux ne font rien constater de spécial. Pas de

,paralysie des muscles de l'oeil. Pas de nystagmus. Les pupilles égales

réagissent à la lumière et à l'accommodation. Pas de rétrécissement

du champ visuel.

Les crises de syncope et d'asphyxie existent pendant le jour.

Elles disparaissent d'habitude la nuit. Pendant les menstrues, elles

ont plutôt tendance à disparaître, exception faite pour les dernières

règles. La malads éprouve tout d'abord une sensation nette d'en-

gourdissement aux doigts et aux orteils, en même temps que sur-

viennent des frissons qui envahissent tout le corps. La face se con-

gestionne, et du côté droit la rougeur des pommettes est un peu

plus vive qu'à gauche. On note même parfois une rougeur en

plaques. Une sudation abondante s'observe sur la face et sur le

tronc ; elle est moins marquée sur les membres.

La malade dit avoir parfois observé un oedème de la pau-

pière et de la partie interne de la joue adroite.

Lorsque la syncope survient, les doigts commencent à pâlir, tout

d'abord au niveau de la racine. Le changement de coloration

s'accuse en même temps au niveau des articulations phalan-

giennes. Puis la pâleur s'avance peu à peu vers les phalanges et

en quatre ou cinq minutes, elle atteint l'extrémité des doigts.

La paume de la main conserve sa coloration normale. A l'état

de syncope, les doigts sont d'un blanc de cire très net Les pha-

langes sont dans l'extension.

Lorsque l'asphyxie succède à la syncope, ce qui se produit en

général après quinze à vingt minutes, on voit une teinte violacée

d'abord très claire se montrer au niveau des articulations phalau-

giennes. Puis elle envahit progressivement les phalanges au niveau

des ongles, elle est très marquée. Le changement de coloration se

produit rarement au même instant dans tous les doigts de la main.

Parfois un doigtreste encore à l'état de syncope alors que l'asphyxie

a déjà envahi les autres. C'est le plus souvent l'annulaire et l'auri-

culaire qui sont envahis en dernier lieu par l'asphyxie. Le passage

de la syncope à l'asphyxie s'annonce par une sensation de picote-

ment qui disparait lorsque les doigts reprennent leur couleur nor-

male. Parfois, l'asphyxie s'établit d'emblée sans être précédée par

la syncope. Les phénomènes de syncope et d'asphyxie sont tou-

jours plus intenses à droite qu'à gauche et en général la main

droite est envahie la première.

L'asphyxie n'est pas limitée aux mains; sur les avant-bras des

deux côtés, on voit des marbrures très apparentes surtout au pli du

coude, qui circonscrivent des formes géométriques ou irrégulières,

FORME HYSTÉRIQUE ET ÉRYTIiR0111ÉLALGIE. 7

comprenant des intervalles de peau à coloration normale. Elles

s'étendent jusque sur les bras.

Ces réseaux existent aux membres inférieurs où ils sont surtout

apparents à la région antérieure, ils s'étendent vers la cuisse et le

genou. Ce sont des traînées livides parallèles ou formant entre elles

des angles, variables qui paraissent dessiner de larges bandes vascu-

laires, dans l'intervalle desquels la peau tranche par sa coloration.

Les pieds présentent, sous les mêmes conditions, les mêmes chan-

gements de coloration que les doigts.

L'asphyxie a été quelquefois presque généralisée. La malade

nous dit avoir vu ses seins devenir bleuâtres pendant la crise

asphyxique.

La pression au niveau des parties asphyxiques efface lentement

la teinte bleuâtre qui reparait ensuite. Pendant la syncope, les

frictions faites sur les doigts paraissent augmenter la durée de

cet état. La malade éprouve une sensation de chaleur en plongeant

les mains dans l'eau chaude.

Au moment des crises, les doigts deviennent insensibles subjecti-

vement. La sensibilité à la piqûre et à la chaleur y est de même abolie.

Sur la paume des mains, en quelques points où il existe des

.troubles de coloration, on trouve une diminution de la sensibilité

aux différents modes. Elle est conservée partout ailleurs.

Au moment où l'observation est prise, la malade a pendant le

jour 10 à 12 crises, souvent d'une durée d'une heure. Elle ne peut

manger seule. L'infirmière doit lui porter les aliments à la bouche.

Il existe de l'anorexie avec dégoût marqué pour les aliments. Les

digestions sont difficiles. La malade n'accuse pas de palpitations.

Il n'existe pas de souffle du coeur. La malade présente quelquefois

une anurie complète de plusieurs jours. Actuellement, elle urine

par jour 200 à 300 grammes.

La mémoire et l'intelligence sont conservées. Le caractère delà

malade est triste. Elle est très impressionnable. Dans ses conversa-

tions avec sa soeur, elle revient constamment sur sa voisine et sur

les calomnies qu'elle a inventées contre elle. Elle craint de des-

cendre dans la cour de peur qu'on se moque d'elle. Elle passe sa

journée dans son lit, impotente de ses mains, ayant crainte de ne

point guérir.

Du traitement qui lui est prescrit, elle ne tire qu'un bénéfice

léger des bains de mains chauds et prolongés.

En présence des phénomènes urinaires coexistant avec la

névrose vaso-motrice chez une malade hystérique, la question

de Vlujpnose se posait.

La première séance eut lieu le 1er avril ; les séances d'abord

8 CLINIQUE NERVEUSE.

rapprochées, tous les jours ou tous les deux jours, furent ensuite

espacées entre huit et quinze jours, jusqu'au départ de la malade,

le 27 juin 1894. Elle a été, en outre, suivie tous les mois jusqu'au

moment de la publication de ce mémoire.

La malade fut endormie par un des procédés habituels (pression

-.sur les globes oculaires) et tomba facilement dès la première séance

dans le sommeil hypnotique. A ce moment, son visage était comme

transfiguré. Les divers moyens employés furent le commandement

par la parole, par l'écriture/ sous forme de lettres écrites spontané-

ment ou sous dictée à son médecin habituel, la lecture à haute

voix, la malade relisant les lettres qu'elle écrivait.

Pour l'écriture, dans une des premières séances, nous dîmes à la

malade d'écrire alors qu'elle était en période d'asphyxie. Elle

refusa d'abord parce qu'elle avait de l'insensibilité des mains. Nous

dûmes lui mettre nous-même le crayon dans la main, puis sur

notre ordre elle écrivit.

La malade récite plutôt de mémoire les courtes lettres que nous

lui faisons lire : c Monsieur le docteur, je vais mieux. Je n'ai plus

de crises. Demain je serai tout à fait guérie. La quantité d'urine

augmente. Je suis plus gaie. » Cependant elle lit des livres qu'elle

ne connaît pas, les yeux fermés, même recouverts d'un linge ordi-

naire, mais alors au prix d'un grand effort.

Tous les jours il a été dressé un tableau de la quantité d'urine

et des crises qui est continué par la malade depuis sa sortie de

l'hôpital. Nous donnons dans ses grandes lignes l'histoire du trai-

tement.

L'hypnose nous révéla le rapport de la maladie de Raynaud avec

l'émotion qu'avait éprouvée la' malade en apprenant la dernière

calomnie de sa voisine. La conversation ayant été mise par nous

sur ce sujet, nous la vîmes subitement frissonner, prête à pleurer.

En même temps, elle eut des claquements de dents et ses extré-

mités commencèrent à prendre la teinte bleue de la crise asphyxi-

que, taudis que des réseaux bleuâtres apparaissaient sur les avant-

bras. C'est seulement en ordonnant à la malade de rire, ce qu'elle

fit immédiatement, et ce qui éveilla dans son esprit une idée joyeuse,

que les phénomènes disparurent. La malade n'est pas religieuse.

Elle se figure qu'il y a une sorte de complicité entre le curé de sa

paroisse et sa méchante voisine. Chaque fois que nous eûmes à

détourner son attention par une idée joyeuse, c'est toujours une

idée religieuse qui survient avec le rire : < Ah ! la bigote, dit-elle,

avec son curé » ..

L'hypnose nous révéla encore lasuggestibilifé de la malade pen-

dant la veille à ce qui se disait autour d'elle. Elle entend raconter

par un assistant qu'il a vu un cas de maladie de Raynaud qui a

duré plusieurs années. Cette conversation fait grande impression

sur son esprit, et elle a peur de ne pas guérir.

FORME HYSTÉRIQUE ET ÉRYTHROMÉLALGIE. 9

Vu les phénomènes observés, il nous semble indiqué d'agir par

interdiction, par substitution, d'éviter toute parole dite à la malade

qui ne coucourût pas au résultat de l'hypnose.

En même temps que nous affirmions à la malade endormie

qu'elle serait bientôt guérie, que nous lui faisions promettre d'être

bientôt guérie, que nous lui faisions écrire à son médecin qu'elle

n'aurait plus de crises, nous lui commandions d'uriner davantage,

et d'oublier surtout, avec insistance, sa voisine.

Les premiers résultats furent : l'augmentation dans la quantité

d'urine. L'urine était avant le début du traitement en très petite

quantité. Au-dessous de 300, au-dessous de 1000 grammes.

Le 8 avril elles sont à 1,600 grammes.

Le 21 1,800

Le 28 2,600

Le 13 avril elles atteignent 3,000 grammes.

Le chiffre le plus haut obtenu, le 15 mai est de 3,700 grammes.

La quantité d'urine subit des variations. Augmentant sous l'in-

fluence de la suggestion , elle diminue quand la malade éprouve des

ennuis ou des chagrins.

En général, nous avons toujours noté une diminution de la quan-

tité les jours qui suivaient des sorties d'un jour, de l'hôpital, sans

doute parce qu'au dehors on réveillait des souvenirs chez la

malade. Elle sort le 18 mars, le 19 et le 20, elle urine 800 grammes

pour uriner 1800 grammes le 21. -

Elle sort le 14 et le 15 avril, ses urines dont la quantité s'élevait

à 3000 grammes le 13, retombent le 16 à 1600 grammes pour vingt-

quatre heures.

Du jour au lendemain, les crises qui étaient un véritable supplice

pour la malade et une gêne pour les actes les plus habituels dimi-

nuèrent dans des proportions étonnantes :

Le 3 avril, la malade n'a plus que. 2 crises asphyxiques;

Le 5 avril, elle a une crise syncopale et une crise asphyxique :

Le- 6 avril, une seule crise asphyxique;

Le 7 avril, une seule crise syncopale, qui dura vingt minutes ;

Le 9 et le 10, pas de crise ni asphyxique, ni syncopale;

A partir du 11, quand la malade a une crise, elle est purement

de syncope locale, la durée est de dix minutes. Bientôt au lieu d'en-

vahir les deux mains, elle n'envahit qu'une main ou un seul doigt

de la main.

17 avril, une syncope au petit doigt de la main gauche, durée

dix minutes.

Puis, les jours de crises syncopales sont espacés par des jours

,sans crises.

A partir du 3 mai, ce n'est plus qu'à des intervalles éloignés

(13 et 14 mai, 20 mai, 21 mai, 27 mai, 8 juin) qu'on note une crise

le plus souvent de syncope locale, rarement d'asphyxie. ,

10 CLINIQUE NERVEUSE.

En outre, à l'état de veille, la malade ne se souvient plus de sa

voisine. Son médecin qui venait la voir à l'hôpital, sa soeur avaient

été mis au courant de nos désirs. Ils évitaient de lui rappeler tout

souvenir importun. D'elle-même, elle ne parle plus à sa soeur de

son ennemie de Chaumes. Bien plus, elle n'y pense plus, même en

état d'hypnose. Elle refuse même d'y penser. Quand nous la

poussions sur ce sujet pour savoir jusqu'où la suggestion était

acceptée : « Non, non, se défendait-elle. Vous m'avez défendu

d'y penser. »

Restait alors un point à modifier. Si la malade avait oublié sa

voisine, elle continuait à se rappeler que c'était à la suite d'un

propos médisant qu'elle avait commencé sa maladie. Nous eûmes

alors à en modifier le début. Après avoir été quelque temps rebelle

à cette idée, elle accepta que son affection avait commencé à la

suite d'une chute sur une pierre, qu'elle avait perdu connaissance

alors, et, en effet, bientôt elle se représenta la pierre qu'elle nous

décrivit d'ailleurs. Cette idée, elle l'a gardée à l'état de veille.

L'examen du tableau des crises montre que les crises d'asphyxie

disparurent les premières, mais fait intéressant, après une dispari-

tion de dix-sept jours, une crise bleue reparut dans les circonstances

suivantes : '

La malade allant mieux, j'avais obtenu qu'elle pût se promener

dans les beaux jardins de la Salpêtrière, et l'avais encouragée à

lire. Un jour ses mains reprirent pendant deux heures leur teinte

asphyxique.

Endormie pour donner la clé de cette nouvelle crise, elle nous

raconta que le roman qu'elle lisait lui avait rappelé certaines

scènes de sa vie intime. Il s'agissait d'une jeune fille qu'on avait

mariée malgré elle, malheureuse avec un mari jaloux.

Elle eut d'ailleurs une nouvelle crise blanche, cette fois le 19

(après dix jours d'absence de crises) : c'est un jour où devant la

fenêtre de l'infirmerie passa le corbillard d'une jeune fille qu'elle

avait connue.

Une autre fut en rapport avec la crainte de la mort de sa nièce

quand elle vit sa soeur arriver en deuil lui faire visite.

Les autres crises blanches, quand elles survenaient le matin,

étaient en rapport avec l'impression du froid.

Il est une autre donnée dont il faut tenir compte, et qui, jusqu'à

un certain point contre-balançait l'effet de nos suggestions. Si la

malade était heureuse et se réjouissait de guérir, elle en éprouvait

d'autre part un vif chagrin, se disant qu'une fois guérie elle devrait

retourner à Chaumes auprès de son mari, à cause de ses enfants.

Cette idée nous n'aurions pu la supprimer de l'esprit de notre

malade que si elle avait été isolée. Mais elle recevait des visites,

elle recevait des lettres de son mari qui étaient toujours cause de

FORME HYSTÉRIQUE ET ÉRYTHROMÉLALGIE. il

chagrin. D'autre part, il était nécessaire qu'elle retournât dans son

village à cause de ses enfants.

Cependant, nous l'avions peu à peu habituée à l'idée qu'il ne lui

était pas désagréable de revenir à Chaumes.'

Pendant la durée du traitement, la malade se plaignit de cau-

chemars : elle voyait la nuit de grosses mains qui venaient se saisir

d'elle. Sous l'influence de l'hypnose, elle passait de bonnes nuits

puis éprouvait de nouveau des cauchemars. Le voisinage d'une

paralytique générale lui fit croire qu'elle allait devenir folle. Il lui

semblait la nuit qu'on lui ouvrait le crâne « pour sortir la cervelle ».

Elle vit également devant les yeux des mouches volantes. L'examen

ophtalmoscopique montra d'une façon indécise des phénomènes de

spasme de l'artère de la rétine. Parfois elle éprouvait des sueurs

abondantes.

La température a été prise au moment des crises. Une fois au

début d'une crise avec frisson la température s'éleva à 40°,

En somme, sous l'influence de l'hypnose on observa une dimi-

nution du nombre des crises, l'atténuation de leur durée, la dispa-

rition presque absolue des crises d'asphyxie, le retour à des inter-

valles éloignés des crises syncopales. L'impression du froid a perdu

de son influence. La malade peut se lever, prendre ses vête-

ments, se promener au grand air, sans éprouver des frissons, sans

voir survenir de crise syncopale.

En même temps le caractère devient plus gai, la malade se lève,

elle passe une grande partie de la journée hors de la salle. Bien

qu'ayant encore des bizarreries de caractère, elle est plus raison-

nable. L'appétit revient, les menstrues se régularisent sans que

l'hypnose soit intervenue directement pour cette modification '.

La malade demande à sortir de l'hôpital le 28 juin, pour sur-

veiller son ménage. Depuis le 8 juin, elle a eu deux crises synco-

pales aux mains, l'une le 19, d'une durée de dix minutes, l'autre

le 20, d'une durée de cinq minutes.

L'amélioration pour très marquée qu'elle soit, n'est donc pas la

guérison. Sur les instances de la malade, nous consentons à la

laisser partir; et considérons son retour chez elle comme une

contre-épreuve des résultats obtenus. Elle rentre chez elle mieux

disposée envers son mari, mais apprend qu'un de ses fils est parti

de chez son père par suite de* discussions avec lui, et trouve une

enfant malade. Les trois premiers jours elle continue à uriner

2,000 grammes, 1,500 grammes, 1,200 grammes, a des cauchemars.

Bientôt la quantité d'urine baisse.

1 Chez une malade du service, guérie par l'hypnose d'une amnésie con-

1 iiiue qui était en rapport avec tfne idée fixe subconsciente ayant eu pour

point de départ un mariage manqué, l'hypnose a rendu quotidiennes des

selles très rares, et rendues régulières des menstrues revenant 2 fois par

mois....

12 CLINIQUE NERVEUSE.

FORME HYSTÉRIQUE ET ÉRYTHROMÉLALGIE. 13

ventre. Elle a duré trente-cinq minutes. Elle dit uriner entre

deux litres, deux litres et demi chaque jour. Elle n'a plus devant

les veux la sensation de mouches volantes dont elle s'était plaint

pendant un certain temps. Elle a quelquefois de courtes absences

de mémoire. Elle se plaint d'avoir parfois des sueurs abondantes

au niveau de la face et de l'enflure autour des paupières et du

nez. Néanmoins elle se trouve dans un état relativement satisfai-

sant et peut travailler.

Désirant nous rendre compte encore une fois par nous-même

du rapport des émotions avec les crises des extrémités, nous sug-

gérons à la malade endormie qu'un télégramme nous apprend la

mort de sa fille. A ce moment elle frissonne, claque des dents,

tremble de tout le corps. Les mains prennent successivement ;la

coloration blanche, puis bleue, mal accentuée, en même temps

qu'elles se refroidissent. Nous craignons une attaque de : nerfs, et

disons à la malade que nous nous sommes trompés. « Je le savais

bien dit-elle, c'étaient encore des convulsions. » Elle est alors ré-

veillée et c'est au bout d'une dizaine de minutes que les phéno-

mènes vaso-moteurs s'accentuent. La coloration asphyxique est

plus marquée, le refroidissement est considérable. La malade a

perdu la sensibilité des doigts dont elle ne peut plus se servir.

Elle est de nouveau réendormie et en quelques minutes sous l'in-

fluence de l'hypnose, les phénomènes vaso-moteurs disparaissent'.

Résumé. - Il s'agit en somme d'une malade de quarante-

trois ans ayant contracté quelques années auparavant un rhuma-

tisme polyarticulaire qui, sous l'influence de chagrins et d'é-

motions, a présenté d'abord des phénomènes de neurasthénie

avec idée de suicide, puis des crises convulsives hystériques;

et qui, subitement le 1 mai 1892, sous l'influence^d'un choc

moral plus intense, est entrée d'emblée dans la maladie de Ray-

naud. L'asphyxie des extrémités s'est manifestée avec les carac-

tères d'intermittence et de localisation habituelles. Au bout

d'un certain temps s'est installé un véritable état de mal avec

dix à douze crises par jour d'une durée de une à deux heures,

en même temps qu'apparaissait de l'oligurie et de l'anurie.

L'hypnose a révélé la nature de l'affection et a modifié

considérablement la névrose vaso-motrice et les troubles uri-

naires.

Sous son influence, l'anurie a été remplacée par de la pulyu-

1 Nous avons revu la malade au commencement de décembre. L'amé-

lioration persiste. Il existe quelques rares crises syncopales d'une durée

de vingt minutes sous l'influence du froid. La malade présente d'autres

phénomènes vaso-moteurs : sueurs abondantes, oedème de la face.

14 CLINIQUE NERVEUSE.

rie légère persistante. Les crises des extrémités ont diminué de

fréquence, de durée. Les crises asphyxiques ont disparu tout

d'abord, puis les crises syncopales, pour ne revenir qu'à des

intervalles éloignés et sous des influences qu'il a été possible

de déterminer.

Il est quelques points dans l'observation qui méritent de fixer

l'attention. L'existence du rhumatisme articulaire nous avait

frappé dans les antécédents. Il avait été sévère, avait pris

grosses et petites articulations. Le rhumatisme polyarticu-

laire se retouve chez un malade très complexe que nous sui-

vons en ce moment. C'est un hystérique qui entre autres symp-

tômes, fut pris, à la suite de chagrins et d'émotions, d'asphyxie

des extrémités. Nous donnons quelques détails de son obser-

vation : Lecl..., Lucien, quarante-six ans, cordonnier.

Enfermé à Metz pendant la guerre franco-allemande, il com-

mença un rhumatisme polyarticulaire qui envahit grosses et

petites articulations et s'accentua pendant son envoi en Wur-

temberg comme prisonnier et sa captivité dans ce pays. Pen-

dant quatre mois consécutifs, il dut garder le lit et conserva

de la difficulté à marcher jusqu'au départ, qui n'eut lieu qu'au

bout de onze mois. Il eutune nouvelle attaque de rhumatisme

articulaire aigu en 1892 qui dura trois mois..

Dans une observation que j'utiliserais plus loin, j'ai retrouvé

de même le rhumatisme. Il s'agit d'une femme de cinquante-

deux ans, Pam..., Mélanie, qui aurait étéprise il y a sixà huit

ans d'un rhumatisme polyarticulaire douloureux et fébrile

occupant les cous-de-pied, les genoux, les poignets, les coudes,

les épaules, les doigts et la colonne vertébrale, et qui disparut

en une dizaine de jours.

Le rhumatisme existait de même chez Simon, malade que

nous avons observé l'an dernier, étant l'interne de M. Barth,

à l'hôpital Broussais. Entré pour une asphyxie des extrémités,

ce malade, âgé alors de cinquante ans, avait eu à trente ans

un -rhumatisme qui envahit successivement le poignet, le

coude, les épaules et les genoux et y demeura quinze jours.

Il eut une hydarthrose du genou droit qui persista un certain

temps puis disparut, laissant seulement quelques craquements

que le malade éprouve encore.

La fréquence du rhumatisme apparaît d'ailleurs à la lecture

des observations des auteurs, examinées à ce point de vue.

La même remarque s'applique aux cas d'érythromélalgie, au

FORME HYSTÉRIQUE ET ÉRYTHROMÉLALGIE. 15

nôtre en particulier. Déjà Weir Mitchell avait remarqué le

fait. Lannois le mentionne dans sa thèse inaugurale. Il sem-

ble qu'il n'existe pas là une simple coïncidence, mais vérita-

blement un rapport. Comment l'expliquer ? ' ?

L'attention a été attirée dans l'étude du rhumatisme articu-

laire aigu sur les modifications de la sensibilité cutanée et de

la sensibilité électrique '. Barbillon montre que non seulement

au voisinage de l'articulation malade, mais encore sur toute

la surface du membre atteint de rhumatisme, la sensibilité

faradique est très diminuée ou complètement abolie. Drosdoff,

cité par OEttinger2, affirme même que des troubles de la sen-

sibilité faradique peuvent s'observer avant tout signe d'inflam-

mation articulaire. Barbillon attribue les troubles de la sensi-

bilité à une action sur les téguments et les nerfs périphériques

du virus rhumatismal. Ne peut-il de même exercer son influence

sur les nerfs vaso-moteurs ? En faveur de cette hypothèse, on

peut faire valoir les sueurs profuses, phénomène banal dans le

rhumatisme, ainsi que l'oedème. D'autre part, pour la polyu-

rie qu'on trouve chez les rhumatisants, les auteurs admettent

qu'elle est due en même temps qu'à l'action probable du poi-

son rhumatismal sur les épithéliums du rein, à des phéno-

mènes d'hypersécution « relevant sans doute des troubles

vaso-moteurs et qui, dans un certain nombre de cas, donnent

à l'albuminurie rhumatismale une physionomie particu-

lière 3 ».

En résumé, le rhumatisme portant sur l'appareil vaso-mo-

teur, crée un centre d'appel pour la manifestation ulté-

rieure de troubles hystériques. Quelle que soit la valeur de

cette interprétation hypothétique, il n'est pas moins vrai que

pour réaliser la maladie de Raynaud chez les hystériques, le

rhumatisme articulaire parait être une cause adjuvante impor-

tante.

La maladie a eu ici un début brusque. C'est subitement,

sous l'influence d'un choc moral, que se sont développés les

phénomènes vaso-moteurs.

Alors que la maladie de Raynaud procède habituellement

d'une' façon progressive, c'est ainsi que chez les hystériques

' Barbillon. Th. Paris, 1894. ·

' * Traité de Médecine, t. V, p. 510.

3 De Saint-Germain, th. Paris, 1893.

16 CLINIQUE NERVEUSE.

débute l'asphyxie locale des extrémités. C'est là un des carac-

tères propres à ce syndrome hystérique.

Elle a eu une origine psychique. Chez notre malade qui, sous

l'influence d'émotions, a vu apparaître une attaque convulsive,

une émotion plus vive amenée par l'accusation de s'être enfuie

-de chez elle pendant la nuit, provoque la première crise

syncopale.

La causalité entre l'émotion et la crise apparaît dans le som-

nambulisme provoqué. La conversation est mise sur le sujet

de la calomnie. Le souvenir acquérant plus de netteté, plus de

précision, suivant la remarque de Janet, la malade frissonne

de tout son corps, elle claque des dents en même temps que

ses extrémités commencent à bleuir.

Elle est d'essence psychique. Cette proposition est capitale,

car elle explique le mécanisme des crises.

L'émotion première a amené les premiers phénomènes. Cette

émotion violente lui revient d'abord constamment à l'esprit,

entraînant sa conséquence habituelle. Puis peu à peu, elle se

transforme en une idée fixe plus ou moins consciente ou sub-

consciente, l'idée de calomnie, qui est la cause des crises

spontanées en apparence, qui deviennent subintrantes. Les

crises, entretenant l'idée fixe de la malade, et son idée fixe

rappelant ses crises, il s'établit un cercle dont l'état de mal est

l'expression symptomatiqne.

C'est en modifiant cette idée fixe, dont la réalité apparaît

pendant l'hypnose, que nous obtenons du jour au lendemain

une transformation dans le genre et la durée des crises.

Mais sur cette idée principale sont venues se greffer d'autres

idées fixes subconscientes secondaires. Les conversations se

rapportant à sa maladie, que la malade a entendues, l'inquiè-

tent et sont une nouvelle cause d'aggravation du mal.

La nature psychique apparaît encore quand l'idée fixe, a été

supprimée, par interdiction, du champ de la conscience. De

nouvelles émotions provoquent de nouvelles crises, disparues

depuis quelque temps : une lecture qui lui rappelle des scènes

de vie intime : son mariage avec un mari jaloux, la vue du

corbillard d'une amie, la peur de la mort de sa nièce, l'ennui

de trouver sa fille malade, la vue de cette enfant qu'elle croit

morte,.le retour de son mari blessé, etc. A ce sujet, on peut

répéter ce que Pierre Janet dit dans son histoire d'une idée fixe'.

1 Revue philosoplz., févr. 1894.

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 47

De même qu'une infection antérieure diminue l'état de résis-

tance et d'immunité antérieures d'organes spéciaux comme

l'urèthre et l'utérus, et crée un état de réceptivité de ces orga-

nes pour des infections secondaires, de même la maladie n'est

pas terminée avec l'idée fixe primitive. La réceptivité qui sub-

siste donne naissance à des rechutes sans cesse répétées.

L'influence des émotions devient manifeste pendant l'hyp-

nose. La crainte que sa fille est morte détermine au bout de

quelques minutes une crise asphyxique qui disparaîtra inver-

sement pendant l'hypnose. (À suiv ? ,e.)

(A suivre.)

CLINIQUE MENTALE.

ASILE CLINIQUE (s AINTE- ANNE) . M. MAGNAN.

DES DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES DIVERSES

PSYCHOSES'.

DEUXIÈME LEÇON.

LE DÉLIRE CHRONIQUE A ÉVOLUTION SYSTÉMATIQUES

Messieurs,

Deux malades vont nous permettre de donner une consécra-

tion clinique à cette esquisse didactique de la période des

grandeurs. La première rentre à peine dans cette période ;

mais la transition n'en est pas moins apparente et se trahit

déjà par une série de détails révélateurs.

OBs. III. P... Marie, 54 ans. État normal jusqu'à 42 ans. Genèse

du délire en deux ans. Deuxième période à 44 ans. Hallucinations

de l'ouïe, troubles de la sensibilité générale. Systématisation de

1 Voir Archives de Neurologie, n°' 92, 94.

1 Leçon recueillie par M. le D' Pécharman.

Archives, t. XXIX. 2

18 CLINIQUE MENTALE..

plus en plus étroite : Spirites ; mari et son ami Allard; Préfecture

de police. Nombreuses réactions. Néologismes. Début de la troi-

sième période : modifications dans l'attitude; allusions ci des ? 't-

chesses.

P. Marie, épouse divorcée de R..., est âgée de cinquante-

quatre ans.

Ses antécédents héréditaires ne sont pas connus d'une façon pré-

cise ; on sait cependant qu'il n'y a jamais eu d'aliénés dans sa

famille. Mariée à vingt ans, la malade a eu trois enfants ;*il ne lui

reste plus aujourd'hui qu'une fille, âgée de vingt-sept ans, intelli-

gente et rangée, mais un peu nerveuse. Les deux autres enfants

sont morts en bas âge.

Jusqu'au début des accidents vésaniques qui l'amènent à l'asile,

l'humeur de la malade ne s'était jamais départie de son égalité;

son caractère s'était toujours montré ferme et son jugement droit,

malgré les vifs chagrins qu'elle éprouvait dans son ménage; à

peine mariée en effet, son mari se conduit mal ; il dissipe son bien

dans les plaisirs les plus déréglés; il vend le fonds de boucherie

qu'ils possèdent; il ne tarde pas à aliéner même son mobilier.

Marie lutte de toutes ses forces pour faire rentrer au foyer un peu

de cette aisance et de cet ordre que les folles dépenses de son

mari en chassent chaque jour; elle travaille au dehors; elle tient la

comptabilité dans plusieurs maisons de commerce. Partout où elle

passe, on n'a qu'à se louer de son exactitude, de sa probité, de ses

services. Mais son mari vit toujours dans la débauche; elle demande

et obtient la séparation de corps et de biens, qui sera plus tard

consacrée par le divorce. Seule alors, elle ne travaille qu'avec plus

d'assiduité et de courage; elle remplit des emplois de caissière

dans des boucheries, et elle consacre ce qu'elle gagne à l'éducation

de sa fille.

Cette belle tenue de son caractère et de sa conduite n'est voilée,

jusqu'à l'âge mûr, par aucune ombre délirante et ce n'est qu'en

1880, à quarante-deux ans, que sourdement débute la psychose. La

malade devient soupçonneuse, inquiète, préoccupée; elle s'imagine

que son mari la fait suivre, qu'on cherche à ternir sa réputation,

qu'on vient la discréditer chez son patron. « Mais celui-ci, dit-elle,

n'écoute pas ses détracteurs. Toujours aux écoutes, elle croit

que les clients qui entrent dans le magasin parlent d'elle et s'en

moquent. Elle commente leur attitude, elle s'attribue ce qu'ils

disent. Dès lors elle change fréquemment de place. « Je n'avais

plus de place officielle, je restais chez moi à faire de la tapisserie

et de la broderie en attendant un emploi où je puisse trouver la

tranquillité. » Cet emploi ne venait jamais; et, non seulement il

ne venait pas, mais encore les persécutions grandissaient de plus

en plus.

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES.

En 1884, en effet, apparaît l'hallucination de l'ouïe, d'abord

timide et intermittente. Des gens qu'elle ne connaît pas mur-

murent des mots désagréables ; peu à peu ils arrivent à la traiter

de vache, de putain. « S'ils s'étaient, dit-elle, présentés devant moi,

j'aurais pu leur répondre, mais ils se cachaient, pour crier leurs

insultes. » Sort-elle d'un magasin, dans lequel elle vient de faire

un achat, qu'elle entend dire d'un ton moqueur et méprisant :

« Oh ! elle a acheté pour 50 centimes, pour 1 franc, etc.» Puis, les

voix deviennent plus nombreuses, les insultes plus explicites. Elles

viennent de la cloison, du plafond. Les spirites, dont les paroles

traversent ainsi les murs, l'abreuvent d'outrages et de sarcasmes;

ils s'entretiennent des difficultés qu'elle éprouve à gagner sa vie;

ils se raillent de son travail. Indignée, elle leur répond avec force

et les insulte à son tour ; elle a de la sorte avec eux d'interminables

conversations. Ses persécuteurs ne se contentent bientôt plus de

l'injurier; ils la magnétisent, l'électrisent (1889) ; elle ressent de

légères secousses électriques qu'ils lui lancent de la chambre voi-

sine. Aussi voit-on s'accumuler ses plaintes au commissaire de

police. Elle s'est cependant longtemps demandé quels peuvent être

ses ennemis, et peu à peu cette conviction s'installe dans son esprit

que son mari divorcé dirige leurs manoeuvres, aidé de son ami

Allard; il corrompt des individus pour la suivre et l'insulter; la

préfecture de police est leur complice. Du nombre de ses persécu-

teurs, la malade n'excepte même pas sa fille « qu'on paye pour

l'injurier ».

Ses récriminations continuelles, ses menaces, amènent son

internement. Elle entre à l'asile le 20 mai 1890, elle s'y montre le

plus souvent réticente, réservée, ne faisant que rarement l'histoire

de ses persécutions. « Vous savez aussi bien que moi ce qui se

passe, » nous répond-elle. Depuis, aucun trouble ne s'est atténué,

et quand, poussée à bout par ses souffrances, elle éclate de nou-

veau, son visage s'anime, sa voix devient brève, saccadée; et avec

ses plaintes contre le personnel, contre le médecin qui la détient

injustement, elle laisse échapper le récit de ses malheurs. On voit

alors que, ni hallucinations, ni troubles de la sensibilité générale

n'ont diminué. Roger, Allard, un jeune homme qu'elle a connu

en 1889, sont là avec leurs maîtresses, qui la harcèlent de leurs

injures, qui la magnétisent, qui l'électrisent. Ils complotent contre

sa vie et crient de grossières sottises dans le grenier, ils l'endor-

ment et Roger sert de médium. Ils lui versent de l'acide nitrique

sur les mains; ils lui travaillent toutes les articulations. Elle

reconnaît, parmi les infirmières, des personnes qui l'avaient autre-

fois souillée ; d'ailleurs, dans Sainte-Anne, il n'y a ni infirmières,

ni. médecins; tout le monde est agent de cette préfecture de police

qui depuis treize ans lui fait c un siège effroyable » et à qui elle

sert de litière. Elle est la victime de l'optimisme et il y a des opli-

20 CLINIQUE MENTALE.

mistes partout; elle se plaint de faiblesses, d'étourdissements, et

elle les attribue à des machinations invisibles. Parfois elle refuse

les aliments qu'on lui offre ou attend que ses compagnes en aient

goûté avant de les prendre elle-même : n'y aurait-il pas du poi-

son ? et au dehors n'a-t-on pas essayé de se débarrasser d'elle

aussi ? « Plus de dix personnes peuvent affirmer qu'elle a été

obligée de faire analyser ses aliments. » On fait sur elle de l'ana-

tomie ; et un jour, pendant que nous l'examinions, elle se lève

brusquement de sa chaise, se plaignant d'une vive douleur dans

les reins, à droite. C'était l'anatomie naturelle, qui agissait, bien

différente de l'anatomie comparée par laquelle on dissèque les

gens.

Telle est l'histoire de la malade pendant ces deux dernières

années. Depuis quelques mois cependant à ces idées de persécution

paraissent s'ajouter ou pour mieux dire se substituer des idées de

grandeur. Son altitude se modifie; elle ne consent plus à s'occuper

du ménage, n'enlève plus son couvert, ne fait plus son lit. Elle

regarde ses compagnes d'un air dédaigneux, ne leur adresse que

rarement la parole, s'éloigne d'elles; par un froid rigoureux elle

se tient obstinément dans la cour, car elle « ne veutpas être dans

la salle, avec ces femmes ! » Dans ses conversations avec nous, elle

fait encore, le plus souvent, allusion à ses persécutions imaginaires;

toutefois elle nous avoue : « qu'elle aurait pu se marier avec un de

ses compatriotes qui possédait plus de 50,000 francs, que dans sa

famille ils sont tous riches de père en fils, qu'elle a elle-même de

grandes propriétés qui lui permettraient de vivre à son aise si elle

pouvait sortir.

Notre deuxième malade a évolué sous nos yeux; au moment

de sa deuxième entrée, en mars 1892, à cinquante-deux ans,

elle n'était encore que persécutée, et cependant, en raison de

l'évolution de la maladie, de l'absence d'antécédents hérédi-

taires, le diagnostic « délire chronique » put être porté.

Aujourd'hui ce diagnostic est confirmé, car la malade est en

pleine période des grandeurs.

Cas. IV. D... femme Ch ? 53 ans. Pas d'antécédents héréditaires.

Intégrité de l'état mental jusqu'à 39 ans. Première période dure

3 ans, deuxième période 12 ans ; hallucinations auditives. Troisième

période à 52 ans. Délire ambitieux systématisé.

Augustine D..., femme Ch..., est âgée de cinquante-trois ans.

Elle est fille d'une mère qui s'est toujours montrée intelligente et

bien pondérée. Son père, mort il y a quelques années d'une ma-

ladie de foie, n'était pas un alcoolique; il avait bien présenté

quelques irrégularités de conduite, abandonnant par deux fois

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 21

son ménage pour venir à Paris chercher du travail, mais au

demeurant c'était un homme calme, bon ouvrier, et dévoué à sa

famille.

Augustine a fréquenté l'école jusqu'à l'âge de douze ans; atten-

tive, studieuse, intelligente, elle a appris avec facilité. Placée

ensuite en apprentissage chez une fleuriste, elle est vite devenue

bonne ouvrière; mais, mariée à vingt-deux ans, avec un comptable,

elle abandonne son métier, à cause de la situation aisée de son

mari, et se consacre tout entière aux soins du ménage. Elle est

alors une ménagère rangée et économe, une femme d'humeur

égale, une épouse aimante et dévouée. A vingt-neuf ans, elle perd

le seul enfant qu'elle ait eu et qui meurt âgé de quatre ans et demi,

de méningite. Elle en éprouve un violent chagrin, mais elle sup-

porte ce deuil avec courage. Pendant cette longue période, de la

plus jeune enfance à l'âge mûr, nous notons seulement à quinze

ans une fièvre typhoïde, non accompagnée de délire, et qui ne

laisse aucune trace après elle.

Jusqu'en 1879, l'équilibre mental d'Augustine se maintient ainsi,

ferme et parfait. A cette époque, elle a trente-huit ans. Elle devient

alors inquiète, préoccupée; elle commence à se plaindre .qu'on la

montre du doigt, qu'on chuchote sur son passage, qu'on sourit en

la voyant, qu'on crache même dans sa direction. Des gamins

postés sur les trottoirs la bousculent. Les voisins s'occupent de ses

affaires et cherchent à la contrecarrer. Dans les magasins où elle

se rend, avec l'intention d'acheter, se trouvent des personnes qui

veulent l'en empêcher. Si elle ne désigne personne, si elle n'a

encore que de vagues soupçons, elle épie cependant de tous côtés,

elle semble à l'affût des moindres gestes de ses proches prête à les

interpréter dans le sens de ses idées maladives. Un jour, son mari

lui apporte, pour la cuisine, un morceau de porc : cela ne vou-

lait-il pas dire clairement qu'elle avait pour mari un cochon ?

Cet état de pénible malaise, d'incubation, dure trois ans. En 1881,

à quarante ans, éclate l'hallucination de l'ouïe; la deuxième pé-

riode commence. Derrière la cloison de sa chambre, les voisins lui

disent des grossièretés ; elle fait retapisser, pour échapper à leurs

injures. Dans la propriété qu'elle habile pendant l'été à Joinville,

des galopins qu'elle ne ne voit pas lui crient : * Vache, traînée,

salope ! » Elle leur répond en les traitant de c papillons de saint

Antoine ». Dans les rues, les gamins courent après elle, l'appellent

« vieille gaule » ou lui disent : « A Saint-Lazare. » La femme Aron,

qui loge au-dessus de son appartement, reçoit une foule d'indivi-

dus qui viennent comploter contre elle. Excédée par ces persécu-

tions continues, elle déménage fréquemment; de 1881 à 1891, elle

occupe dix logements, à Joinville, à Paris, Vincennes; puis elle

se plaint aux autorités, aux commissaires de police; elle frappe

une charbonnière avec une sorte de fronde qu'elle a fabriquée avec

22 CLINIQUE MENTALE.

un fragment d'obus; elle gifle des gamins qui passaient et qui, pré-

tend-elle, l'injuriaient.

Internée pour la première fois, le 17 juin 1890, elle se montre à

l'asile aussi hallucinée, aussi persécutée qu'au dehors; les malades

l'insultent; ses voisins de Joinville se sont déplacés pour venir l'in-

jurier encore. Sortie trois mois après, elle est calme en apparence,

mais toujours délirante. Les persécutions, en effet, ne tardent pas

à recommencer. Un jour qu'elle passait devant une écurie, elle en-

tend un cocher lui dire ; « Vieille grue. » Elle croit, dès lors, s'aper-

cevoir que son mari entretient des relations adultères avec un

grand nombre de femmes. c Tout lui est bon, dit-elle, honnête

femme et catin, ouvrière et dame. » La concierge, femme cepen-

dant très âgée, la blanchisseuse d'en face sont au nombre des

maîtresses de son mari. Celui-ci ne craint pas de les emmener au

domicile conjugal, de souiller leur propre lit avec elles : Augus-

tine s'en aperçoit bien, car ces femmes remplissent l'appartement

de puces ». D'ailleurs son mari ne découche-t-il pas deux ou trois

fois par semaine ? On dit bien qu'il se rend à Chantilly, dans une

des propriétés de son maître, pour surveiller les piqueurs; mais

Augustine n'en croit rien. Elle vaaussi dans uncafe dont il est l'ha-

bitué, et où quelquefois il passe la soirée ; elle demande à la cais-

sière si cela est bien vrai, mais celle-ci se met rire. Furieuse, elle

sort et elle n'est pas dans la rue qu'elle s'entend traiter de a vache,

putain ». Cette situation lui semble intolérable; elle dépose une

demande en divorce en 1891. La procédure était commencée, quand

elle est internée pourla deuxième fois, le 17 mars 1893.

A l'asile, les interprétations délirantes, les hallucinations conti-

nuent de plus belle. La malade se plaint continuellement; s'en-

quiert-on de sa santé, elle se redresse et répond indignée qu'elle

n'est pas malade ; ne lui parle-t-on pas, elle trouve qu'on la

néglige. Dans les cours, elle insulte les personnes qui passent; elle

ne fait, dit-elle, que répondre à leurs injures. Elle entend répéter

ce qu'elle vient de dire ou de lire, mais non pas ce qu'elle pense.

« Ceci, ajoute-t-elle, n'est pas possible, et je ne veux pas passer pour

folle.» Son mari est toujours son principal persécuteur, mais voyant

son internement se prolonger contre son gré, elle lui écrivit, en

janvier 1893 une longue lettre; elle manifeste un vif regret de

tous les reproches qu'elle lui a adressés et déclare ne désirer

qu'une chose, faire la paix et revenir auprès de lui.

Modifiant alors sa conduite à son égard, elle le reçoit poliment,

et lui témoigne même de l'amitié; un mois se passe ainsi, et il

n'est pas encore question de sa sortie. Alors elle jette le masque,

s'excite, avoue sa simulation et se perd dans des récriminations

violentes. Cependant, au mois de mars 1893, douze ans après le début

de la période de persécution, sa tenue se modifie. Elle refuse de

vaquer, comme par le passé, aux soins du ménage; elle se plaint

DÉLIRES SYSTÉMATISÉS DANS LES PSYCHOSES. 23

de la promiscuité du dortoir, du réfectoire; elle s'éloigne des

autres malades et se tient seule à l'écart; dans ses lettres à son

mari, elle ne le tutoie plus, ne l'appelle même plus par son prénom,

mais seulement de son nom de famille. Enfin, le 22 juin, elle s'avance

vers nous, à la visite, et nous demande la permission d'écrire...

au Président de la République. Et comme nous ne cachions pas

notre étonnement, elle nous attire à l'écart, et, après nous avoir

fait promettre de ne pas révéler son secret « Je veux, dit-elle, lui

écrire, parce que je le connais. Je ne vous l'ai jamais dit, mais

c'est moi qui ai chassé M. Grévy de la présidence pour le rempla-

cer par M. Carnot. Aussi ce dernier est-il venu chez moi me remer-

cier le lendemain de son élection. »

Depuis ce jour, nous n'avions pu obtenir d'elle d'aveux plus com-

plets, quand, au mois d'octobre, nous tendant une lettre adressée

au Président : « Voici, dit-elle, j'ai mis dans ma lettre mes deux

adresses, afin que M. Carnot se souviennemieux demoi. Il est venu

en 1887 chez moi; il a frappé à ma porte, mais voyant que je ne

lui ouvrais pas, il est redescendu dans la rue. J'ai pu alors l'aper-

cevoir ; il avait un pardessus garni de fourrure et un chapeau haut

de forme. M. Grévy, d'ailleurs, était souvent venu à Joinville pour

me défendre contre mes ennemis. lime souriait et cherchait à me

protéger contre mon mari ; il paraissait être mon ami, mais

j'ai dû le faire partir de la présidence, lorsque j'ai vu qu'il venait

chez la femme Aron, cette concubine qui restait au-dessus, chez

laquelle se rendait aussi quelquefois le comte de Paris. J'ai dit à

mon mari : « Il faut qu'il parte par l'Internationale; je soulèverai

les vidangeurs qui feront des barricades. » Grévy, devant ces me-

naces, n'a pas hésité à partir. M. Carnot ne doit garder le pouvoir

que pendant deux ans ; ensuite on me proclamera République fran-

çaise. »

A partir de ce moment, le délire ambitieux d'Augustine s'étend,

englobant en quelque sorte tous les faits passés, que la malade in-

terprète ainsi dans le sens de ses idées actuelles de grandeur. A

Joinville on a crié autrefois : Vive la D... ! sur les boulevards on

criait devant elle : Vive Auguste ! (elle s'appelait Augustine). Au

coin de l'avenue de l'Opéra, la foule l'a entourée un jour, avec des

marques de profond respect; on s'inclinait devant elle, on l'appe-

lait la République Boulanger. Dans les communes et dans Paris,

on disait d'elle qu'elle était la Marseillaise, la France, la Répu-

blique. C'est elle qui a ordonné que les soldats ne portent plus le

sac au camp de Saint-Maur. A l'asile même, ses camarades la con-

naissent bien. « Récemment, raconte-t-elle, une pauvre malade,

qui croit être 111 ? de Freycinet, s'avançait sur moi en colère,

quand, me regardant, elle s'arrête tout à coup et se met à chanter :

La République vous regarde. » Augustine n'a pas abandonné pour

cela ses idées de vengeance; dès qu'elle sera proclamée, elle fera

24 CLINIQUE MENTALE.

passer la loi sur le divorce; fatiguée de vivre dans la voyoucratie,

elle punira le trafic populaire; si nous ne signons pas sa sortie, elle

fera tomber nos têtes sur l'échafaud.

,. De la période des grandeurs qui marque déjà un certain

degré d'affaiblissement. de la résistance cérébrale, les délirants

chroniques marchent graduellement vers la démence. Leur

niveau mental baisse peu à peu, leur activité intellectuelle se

borne à ressasser quelques conceptions délirantes stéréotypées.

De temps à autre leur esprit se réveille sous l'influence d'hal-

lucinations, d'images tonales qui continuent à s'échapper

presque automatiquement du centre cortical. Ils se montrent

indifférents à ce qui les entoure ; on les voit, adoptant parfois

des attitudes spéciales, se tenir à l'écart, immobiles ; ils par-

lent seuls à voix basse, font tout à coup certains gestes, tou-

jours les mêmes, en rapport avec des conceptions délirantes

qui ne changent pas non plus. Si vous les interrogez, ils ne

répondent pas tout d'abord, puis, si l'on insiste, ils regardent

comme étonnés et ne donnent souvent que des réponses incom-

plètes. C'est bien là une déchéance réelle de l'intelligence que

nous désignons du nom de démence; ce terme s'adressant,

d'une manière générale, aux états intellectuels en voie de

déclin.

Cette évolution fatalement tracée du délire chronique, telle

que nous venons de la suivre, impose avec rigueur le pronos-

lie. Et si, à la fin de la première période ou au début de la

deuxième, la maladie marque parfois un temps d'arrêt, s'il- y

a rémission dans les symptômes, ceux-ci reparaissent bien vite,

et la psychose reprend inexorablement sa marche.

La durée est illimitée. Il est impossible de fixer, pour cha-

cune des périodes, le nombre d'années qu'elle met à évoluer.

Si la première période dure en moyenne de deux à trois ans,

on la voit quelquefois marcher plus vite, par exemple sous

l'influence des abus de boissons. La deuxième période qui dure

environ une quinzaine d'années, peut mettre vingt, trente ans

à atteindre son terme.

Tel est ce délire chronique et évolution systématique, apparu

à l'âge mûr, sur un sol à peu près indemne de tares hérédi-

taires, chez des sujets jusque-là bien pondérés, et parcourant

dans sa marche progressive les quatre stades d'inquiétude, de

persécution, d'ambition, de démence.

Nous allons étudier maintenant les délires systématisés des

> DE LA PARANOÏA. 25

dégénérés, c'est-à-dire des sujets que l'hérédité a cérébrale-

ment tarés. Mais tout d'abord, et pour comprendre plus tard

la genèse et l'évolution de ces délires, nous devons connaître

le fond sur lequel ils se sont élevés. C'est le but que j'essayerai

d'atteindre en vous exposant dans les leçons prochaines l'état

mental des dégénérés.

LES DÉLIRES PLUS OU MOINS COHÉRENTS DÉSIGNÉS

SOUS LE- NOM DE PARANOÏA (suite) 1 5

Par le Dl P. KERAVAL,

Médecin en chef des asiles de la Seine.

La Verrucktheit aiguë de Westphal, étudiée par l'Ecole de

Vienne, a donné naissance aux travaux de Meynert et Fritsch.

Seulement Fritsch a désigné ces cas sous le nom de Verwirr-

theit (confusion mentale) et les a considérés comme tout à fait

distincts de la Verrucktheit parce qu'ils ont pour caractères :

l'obnubilation de la conscience, et l'obscurité du jugement.

Incapable de juger nettement de ce qui se passe en dehors de

lui, le malade est fort troublé, sa conscience ne lui représente

plus l'exacte situation des impressions extérieures qui consti-

tuent une partie de sa personnalité, ni l'aperception claire de

l'enchaînement et du jeu des conceptions qui constituent l'autre

partie du Moi : de là, un désordre mental évident, une incohé-

rence intellectuelle inévitable, qui fatalement se traduisent par

le décousu des propos et parfois par de la pseudo-aphasie. Les

hémisphères cérébraux, dont l'activité est affaiblie, engendrent

en outre des hallucinations sans nombre, peut-être dues à un

état de faiblesse irritable des éléments anatoiniques : de là,

ces accès d'agitation intercurrents avec nuance maniaque ou

amoeno-maniaque de l'humeur. La confusion mentale ainsi

constituée est un symptôme de l'épilepsie, de lésions cérébrales

en foyer, de la mélancolie, de la manie, du délire, de la Verrück

theil pi'imoere, ce n'est pas de la Verrucktheit primoere. Si la con-

fusion mentale hallucinatoire (hallucinalorische Verivirrlheit)

' Voir Archives de Neurologie, n" 94.

26 CLINIQUE MENTALE.

présenteavec la primoere Yerrücktlteit ( Wahnsinn) de nombreux

points de contact tels que la prédominance des hallucinations

et des idées délirantes, elle s'en distingue par la rapidité et

lamultiplicité des hallucinations, par l'obnubilation de la cons-

cience et l'obscurité du jugement qui s'opposent à l'échafau-

dage des idées délirantes organisées, enfin par la rapidité de

son évolution qui assez souvent aboutit à la guérison. La con-

fusion mentale aiguë ainsi esquissée n'a donc rien à voir avec

la Ve7,211elclheit P21tïnoe ? e, qui n'a pas la même terminaison, dans

laquelle le Moi se transforme graduellement, sous le contrôle

de la conscience, par l'intermédiaire d'un délire d'inquisition

(Beaclalungszualan) soupçonneuse, ayant pour facteurs des im-

pressions morbides hypochondriaques et des hallucinations, qui

dure longtemps, qui est caractérisée par l'enchaînement logique

des conceptions délirantes et la rareté des hallucinations.

Meynert distingue en propres termes la Verriickthcit aiguë

primitive (acule pi,ii7zoei,e Ve,2,iicklheit) delà Ve2,iiektheit p2,i- ? HO ? r6 ou Wahnsinn. La première ne proviendrait pas aussi

nettement de l'hypochondrie ou du délire d'inquisition soup-

çonneuse. La seconde, ouverriiel.tlieit primitive à forme amoe-

nomaniaque, serait au contraire constituée par des idées déli-

rantes, plus ou moins logiquement enchaînées et soutenues,

à propos desquelles le malade est capable de raisonnement,

tandis que, dans la Verrùcktheit hallucinatoire aiguë, c'est un

délire décousu. Les changements d'humeur de cette dernière,

tiennent à la teneur des hallucinations sensorielles. Les phéno-

mènes catatoniques de Kalilbaum s'observeraient dans les deux

cas (primoere Yerrucktheit acute hallucinaio ? ,ische Verwirr-

tlcit). Konrad embrasse les vues de Meynert.

Telle est la scission qu'on a établie entre la confusion men-

tale hallucinatoire (laalluciaatorisclae Verwirrtheit) et la Ver-

2,iichlheit primoere, scission qui n'a fait que s'accuser dans ces

derniers temps.

L'école de Vienne admet par conséquent qu'il n'y a pas de délire

systématique aigu, que l'incoordination des idées délirantes de per-

sécutions et de grandeurs et les hallucinations en masse qui l'accom-

pagnent, témoignent du désordre extrême de l'intelligence, et elle

en fait, sous la forme d'entité morbide, la confusion mentale hallu-

cinatoire aiguë, tout à fait distincte du délire systématique organisé

primitif, qui est un Wahnsinn ou une l'e ? -i-ùch-lheit ad libitum.

Le chaos s'éclaire. La confusion mentale en question est un

DE LA PARANOÏA. 27

délire général hallucinatoire incohérent, dans lequel on trouve en

germe des idées de persécutions, mais la dissociation des facultés

ou trouble de la conscience s'oppose à leur cohésion, à leur amal-

game, quel que soit le mécanisme de ce trouble, tandis que la folie

systématique cristallisée procède du raisonnement intact coor-

donnant des éléments erronés. Nous voilà débarrassé du souci

d'avoir à traduire et à expliquer la folie systématique aiguë.

M. de Krafft-Ebing, qui, à l'exemple d'une grande partie des

maîtres français, attribue à la dégénérence mentale une notable

influence sur la forme des psychopathies, décrit parmi les psy-

chonévroses, avec la mélancolie et la manie, un hallucinalo-

rischer Wahnsinn. Il rattache à la dégénérescence mentale une

or'Moere Paranoïa, une paranoïa acquise tardive avec ses va-

riétés : paranoïa acquise typique paranoïa querulans

paranoïa i-eligiosa paranoïa erotica. La paranoïa neccras-

thenica, la paranoïa sexuelle ou maslzurliatoire seraient, de

même que la folie par obsessions, des maladies mentales dues

à des névroses constitutionnelles. Le Wahnsinn hallucinatoire

correspond bien ici à la Verrüclctheit primitive aiguë des autres

auteurs (Westplial, Schoefer), moins le passagepossible à la sys-

tématisation chronique (syslematische Paranoïa), aussi l'auteur

refuse-t-il d'y voir une folie systématique aiguë (paranoïa acuta) ;

c'est, dit-il, une maladie provenant d'un épuisementfonctionnel,

par exemple, à la suite d'une affection fébrile, pouvant aussi

présenter, en tant qu'épisodes, des accidents de stupeur et de

catatonie, des exacerbations et des rémissions, mais ne durant

pas plus de quelques mois, et aboutissant à la guérison ou à

la démence. Il y a évidemment, en l'espèce, affaiblissement de

l'organe pensant ; l'aperception y est d'emblée troublée ; il en

résulte une atteinte de l'activité des phénomènes qui président

au jugement et à la faculté de conclure. La conscience, très

obnubilée, ne permet plus l'orientation du malade dans le

temps, le lieu, l'espace ; mais il est encore parfois capable de

mémoire. Quand la maladie affecte une marche moins aiguë,

les hallucinations, moins pressées, procèdent plutôtpar bouffées

épisodiques, et alors se développe quelque délire plus stable et

plus cohérent, mais non systématisé ci proprement parler.

Tantôt ce délire émane d'hallucinations sensorielles, tantôt il

est primordial, d'emblée. Ce n'est qu'accidentellement que l'on

voit les malades interpréter par des allégories les sensations

morbides qu'ils éprouvent.

28 CLINIQUE MENTALE.

La Paranoia, au contraire, toujours d'après deKrafft-Ebing,

est une psychopathie chronique qui survient exclusivement

chez les individus ayant des tares héréditaires, et fréquemment

à la suite de névroses constitutionnelles. Elle est primitive;

c'est la folie systématique.pleine.et entière, pure. Lemécanisme

intellectuel est dans sa forme épargné ; le malade juge et

conclut d'après des prémisses fausses, et construit un délire à

l'aide de fondations qui sont des fictions. Les idées délirantes

et les hallucinations sensorielles réagissent sur l'humeur et

les actes des malades. Mais les symptômes principaux sont : les

idées délirantes, qui sont des créations de toutes pièces du cerveau

malade; contrairement aux délires diiwahsinn de Krafft-Ebing,

d'emblée méthodiques et systématiques, elles émanent d'un

travail de raisonnement, et s'enchaînent en formant un- édifice

délirant. Au début, ces éléments du délire sont engendrés par

des chimères et des conclusions erronées, assistées par des

paralogismes ; puis ilspuisent leurs matériaux dans des illusions

et même dans des hallucinations de la mémoire. La période

d'acmé de la maladie est caractérisée par des hallucinations

qui acquièrent d'autant plus de puissance, qui mettent à for-

mer le délire une activité d'autant plus grande, que la fonction

syllogistique est remplacée par la perversion du raisonnement

développée au maximum ou, pour mieux dire, par l'absence

de toute critique. L'apparente lucidité de la conscience masque

une perturbation spéciale, puisque les malades, malgré leur

parfaite égalité d'humeur, malgré l'intégrité de leur aper-

ception et de leur sang-froid, demeurent incapables de recti-

fier leurs hallucinations sensorielles et les acceptent, sans

critique, comme des faits vrais. La maladie mentale en ques-

tion a donc pour pivots : des troubles dans le domaine de la

conception, représentés par le délire et L'absence de critique. De

Krafft-Ebing ajoute qu'elle ne guérit point et n'aboutit point

à la démence.

Ici donc le Vahnsinn est synonyme de Verrucktheit aiguë primitive

sans le passage à la systématisation; c'est un délire peu cohérent;

c'est l'analogue de la confusion mentale hallucinatoire aiguë, tandis

que la folie systématique, toujours chronique (il n'y a pas de para-

noïa acuta) est dénommée par le terme de paranoïa tout court :

les variétés témoignent aussi de la chronicité et de l'organisation

du délire sinon de sa systématisation vraie. Le mot paranoia sous

lequel nous avons déjà vu désigner la'folie systématique chronique

DE LA PARANOÏA. 29

(paranoïa chi-onica) plus haut est particulièrement bien choisi : il

est, de par sa composition, identique au mot verruektheit, puisqu'il

provient des deux mots grecs ? ap2 vota qui signifient déplacement

de l'esprit, de même que verrùcktheit. Nous renvoyons par suite

le lecteur à la méditation de la signification des variétés et du type

admis par de Krafl't-Ebing, à la lumière de cette étymologie

comparée; il aura vite compris ce qu'est la paranoïa originelle,

ou acquise, tardive, etc. Quant aux questions de doctrine basées

sur la notion de la dégénérescence mentale et des névroses cons-

titutionnelles nous en parlerons plus loin.

M. Schuele emploie au contraire le terme de Wahnsinn

comme synonyme de paranoïa, dont il admet trois formes

une forme aiguë une forme chronique une forme stupide

(identique à la catatonie de Kahlbaum). Le délire systématique

originel (originoere Verrücktheit) est, avec le délire des persé-

cutés persécuteurs chicaniers (Quoerulantenvahnsinn), décrit

au chapitre de la Folie héréditaire.

D'après cet auteur, le Wahnsinn, aigu ou chronique, a pour

caractère que l'état de l'humeur correspond au genre des hallu-

cinations sensorielles qui le produisent et l'entretiennent, et

qu'il est en rapport avec un trouble de la pensée, de la vie

conceptuelle. Le moi est transformé, soit par exagération du

sentiment de la personnalité qui peut aller jusqu'à la création

d'un Moi allégorique, soit par diminution du sens de l'activité

personnelle qui fait penser au malheureux qu'il est l'objet de

sévices et vexations l'amoindrissant. Les hallucinations senso-

rielles apportent naturellement à ces conceptions l'appoint des

sensations spéciales. Ces idées s'implantent, grâce à des lacunes

concomitantes du raisonnement, affaiblissement ou absence de

critique et de réflexion, imputables à la diminution et à l'ex-

clusion de l'activité cérébrale.

La folie systématique chronique type (typische chronische

Wahnsinnsform) a, d'après Schuele, pour caractères, un trouble

partiel de la conscience, compatible avec la conservation de ce

qui reste de la vie intellectuelle normale du Moi sain. Dans le

Wahnsinn aigu, le trouble de la conscience est plus ou moins

profond et persistant, les hallucinations sensorielles s'y reflé-

tant tantôt pour donner naissance à des idées délirantes en

rapport avec elles, tantôt pour engendrer de simples tableaux

kaléidoscopiques producteurs d'idées passagères comme eux :

de même que dans le délire systématique chronique, il s'effec-

30 CLINIQUE MENTALE.

tue souvent des rémissions et des exacerbations. Les exacerba-

tions du délire systématique chronique sont tout simplement

des formes du Wahnsinn hallucinatoire aigu.

M. Schuele n'a eu de garde, conformément à la description

précédente, d'oublier aucune des variétés dont son ouvrage

est amplement fourni. Il nous suffira d'indiquer que la folie

systématique originelle (oî-igizx7-e Verrüchtlaeit) y représente

un groupe de la folie systématique chronique type (typischer

Wahnsinn) qui n'est pas, comme la folie systématique acquise,

le produit d'une affection nerveuse tardive, mais qui se cons-

titue sur le terrain d'une disposition congénitale et anormale

du cerveau.

C'est net, Wahnsinn égale paranoia, et paranoïa veut dire folie

systématique. Celle-ci est aiguë ou chronique, acquise ou d'origine

dégénérative, ce qui veut dire que l'état de désordre intellectuel

aigu (verwirrtheit), ne mérite pas de qualification spéciale parce

qu'il est composé des mêmes éléments que le délire systématique

chronique, qu'il peut en être le premier début, se montrer dans le

cours de ce dernier, ou, ce qui est la même chose, parce que le

délire systématique chronique peut s'exaspérer et prendre ainsi

l'aspect aigu. Les deux termes Wahnsinn et paranoïa, identiques,

sont donc alors adéquats aussi à Verrücktheit, dont la forme origi-

nelle est une espèce, ainsi que le délire des persécutés persécu-

teurs. Tout se réduit à la notion des idées délirantes de persécution

ou autres, plus ou moins cohérentes suivant qu'il s'agit de l'état

aigu ou de l'état chronique.

M. Kroepelin, de son côté, n'emploie pas le mot paranoïa

dans sa classification. Il décrit, comme autant de modalités

distinctes et séparées , la confusion mentale hallucinatoire

(hallucinatorische Veiwiiilheil), le Walazsinn et la Verrücletlceit.

Il distingue la première et la sépare des divers délires, parce

qu'elle se rattache à l'épuisement aigu du cerveau, qu'elle a

une longue durée, un développement psychologique autonome,

une étiologie spéciale et un pronostic favorable. Il admet aussi

un Wahnsinn hallucinatoire dans lequel il existe une grande

confusion mentale, des hallucinations sensorielles abondantes et

fantaisistes, mais la marche en est généralement rapide ; il n'est

pasimpossible, ajoute-t-il,que, danslesdélires du collapsus. dans

la confusion mentale hallucinatoire, et dans certaines formes

du délire hallucinatoire (hallucinatorischer Wahnsinn) nous

ayons affaire à des processus morbides analogues. La confusion

DE LA PARANOÏA. 31

mentale (V erwirrtheit) produit rapidement un trouble profond

de la conscience ; en même temps surviennent des hallucina-

tions sensorielles nombreuses : celles-ci engendrent une sorte

de rêvasserie particulière à laquelle cependant le malade croit

comme à une réalité. L'humeur varie, mais l'ensemble de la

sensibilité affective reflète un état d'angoisse.

Le Wahnsinn de Kroepelin a pour éléments des troubles in-

tellectuels machinés (idées délirantes et hallucinations senso-

rielles) entraînant des modifications de la sensibilité morale, et

évoluant promptement. S'il est hallucinatoire, les hallucina-

tions dominent la scène, et ce sont elles qui engendrent,

secondairement, des idées délirantes, et des anomalies de l'hu-

meur : le malade est tout désorienté. La forme aiguë se déve-

loppe très vite, évolue favorablement; ses hallucinations, le

malade les considère comme entendues malgré lui et non direc-

tement. Quant à la forme chronique, elle se distinguerait dé la

folie systématique vraie ou Verrüclalaeit, par sa marche, l'ac-

tivité de la sensibilité morale, la mobilité et l'incoordination

des idées délirantes, et la rapidité relative de sa terminaison

par guérison ou affaiblissement intellectuel. Kroepelin admet

encore un délire dépressif (depressiver Wahnsinn) caractérisé

par des idées d'autoculpabilité et des hallucinations sensorielles,

que le malade rapporte à l'enfer, et correspondant souvent au

délire d'autoculpabilité. Il se rapprocherait de la mélancolie,

car il se' développe en des conditions semblables, mais il parait

plus en rapport pathogénique avec la prédisposition hérédi-

taire. Fréquemment, il a été précédé de troubles psychiques

antérieurs. Il se distinguerait de la mélancolie par le dévelop-

pement plus accentué et plus inventif du trouble intellectuel,

et des psychopathies séniles par l'intensité des troubles de la

sensibilité affective, la plus grande abondance des idées,

et la moindre accentuation de l'affaiblissement intellectuel.

Kroepelin admet encore, pour faire pendant à celui-ci, un

délire expansif (expansiver Wahnsinn) caractérisé par des idées

de grandeur et l'exaltation de l'humeur, et se distinguant de

la folie systématique ou e ? ' ? 'MCAe de même nuance, par

l'acuité de son évolution, sa terminaison favorable, ou son

rapide passage à la confusion mentale (Verwirrtheit).

La Verrùcktheit àe Kroepelin, c'est la folie systématique véri-

table. Elle consiste en une profonde transformation de la per-

sonnalité, une interprétation pathologique et élaboration mor-

5 CLINIQUE MENTALE.

bide des impressions externes et internes. Les fonctions intel-

lectuelles les plus élevées sont atteintes ; le raisonnement est

avant tout insuffisant, et les facultés mentales sont dans un

état d'infirmité qui préside à l'évolution de la maladie. C'est

en vain que le monde extérieur fournit au cerveau des éléments

d'activité fructueux; ceux-ci sont falsifiés par les troubles sub-

jectifs les plus variés. Le symptôme le plus marquant, c'est

une idée délirante fichée dans le psukê, ou un système d'idées

délirantes de même ordre. Tantôt les idées délirantes sont le

produit des hallucinations sensorielles, tantôt elles sont pri-

mordiales et pénètrent déjà organisées dans la connaissance,

associées ou non à des impressions ^sensorielles vraies. En fait

la conscience conserve sa lucidité, le malade ne perd pas

son sang-froid. Pronostic complètement défavorable; la ma-

ladie se termine invariablement par un affaiblissement intel-

lectuel plus ou moins prononcé. Les variétés sont les suivantes :

1° Délire des persécutions hallucinatoire; 2° Délire des per-

sécutions combiné; 3° Folie systématique(Ver°üclctheit) hypo-

chondriaque ; 4° Délire de chicane; persécutés persécuteurs

(PMoerM/aMKMaA) ; 5° Délire des grandeurs hallucinatoire ;

6° Délire des grandeurs combiné ; 7° Folie systématique origi-

nelle (ortMoere Ye ? ·ücktheit).

La catatonie peut se montrer dans le Wahnsinn ou dans

la Verrucktheit sans troubler les éléments du diagnostic diffé-

rentiel.

Ce qui donne un caractère spécial à cette terminologie, c'est la

distinction entre le Wahnsinn hallucinatoire et la confusion men-

tale hallucinatoire, quoique M. Kroepelin n'en paraisse pas bien

convaincu (il est certain que ce n'est là qu'une question de degré

dans l'agitation intellectuelle); ce sont les divers genres de délires

mélancoliques avec hallucinations, idées de persécutions, désordre

dans des idées, désignés sous le nom de 'Wahnsinn; c'est enfin la

consécration particulière de la mélancolie délirante et du délire

des grandeurs épisodique contrastant avec les variétés de la folie

vraiment systématique décrite sous le nom de Verrücktheü.

M. Salgô pense que, dans la folie systématique(Verrücktheit),

il y a toujours affaiblissement psychique. A la folie systéma-

tique, rarement curable, il oppose la confusion mentale hallu-

cinatoire aiguë (acule hallucinatorische Verwirrtheit).

Tant, écrit-il, qu'un individu résiste à ses hallucinations

et à ses idées délirantes, en conservant la netteté de son juge-

DE LA PARANOÏA. 33

ment et l'intégrité de son intelligence, il ne saurait être ques-

tion de Verrùcktheit. Dans cette dernière, il s'agit d'un état

de faiblesse mentale ayant pour symptômes cardinaux la

démence accompagnée d'hallucinations et d'idées délirantes

systématisées (systematisirte Hallucinationen tind IVa7tnideen). »

Plus loin, cet auteur s'élève contre la classification actuelle de

la folie systématique (Vei,2,ücktheit), visant vraisemblablement

celle de Schuele et Kroepelin, peut-être aussi celle de de Krafft-

Ebing. « On a, dit-il, distingué, non pas seulement uneVerrsich-

theit mélancolique et maniaque, mais encore un groupe que l'on

prétend être un type, et auquel on attribue le mélange d'idées de

grandeurs et de persécutions, on a même prononcé le mot de

folie systématique (Verrüclctheit) avec prédominance de délire

sexuel ; il est évident que, sur ce terrain, on ouvre la porte à

toutes les fantaisies, à toutes les préférences individuelles des

observateurs et que ces concessions portent un coup terrible à

l'interprétation générale de la Verrücktheit sur laquelle l'ac-

cord commun devient des plus douteux. x

A côté de cela, M. Salgô voit dans la folie par obsessions

une forme abortive de folie systématique, dans le sens de

Westphal.

La confusion mentale hallucinatoire aiguë (acute hallucina-

torische Verwirrtheit) de Salgô est une maladie mentale se

développant rapidement, atteignant rapidement son maxi-

mum d'intensité, qui est caractérisée par des hallucinations

pressées et mobiles, l'état d'humeur des malades variant avec

la même rapidité au sur et à mesure, des changements à vue

des tableaux sensoriels.

Les rémissions n'y sont pas rares. La guérison s'effectue

lentement; dans bon nombre de cas, il y a chronicité irrépa-

rable. Quelques-uns de ces malades en meurent dans un état

d'agitation permanent, c'est pourquoi il en faut rapprocher le

délire aigu. Les difficultés du diagnostic sont grandes.

(A suivre.)

ARCBIVES, t. XXIX. 3

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

I. QUELQUES POINTS SUR l'association DES désordres sensitifs et

des maladies viscérales; par JamesMACKENSIE. (Brain, Part. III,

1893, p. 321.)

L'auteur pense que la douleur liée aux affections viscérales est

une douleur réflexe due à l'irritation des nerfs périphériques qui

passent au voisinage des organes malades, et qu'elle n'existe pas

dans l'organe lui-même. ELudiant ensuite la sensibilité des tissus

viscéraux, il en distingue trois sortes, les séreuses, les muscles et

les glandes, et les regarde comme incapables d'être le point de

départ de sensations douloureuses par eux-mêmes. Il pense que,

lorsque dans une affection viscérale donnée, il y a un champ

limité d'hyperesthésie, celui-ci occupe une situation dans la

zone de distribution d'un nerf spinal dont une des racines était

intimement associée avec la racine des nerfs sympathiques qui

aboutissent à l'organe malade. Quand l'hyperesthésie est plus

étendue, cette diffusion tient à ce que d'autres nerfs spinaux ont

leurs racines en communication avec le sympathique intéressé.

Beaucoup d'autres phénomènes accompagnant les affections viscé-

rales, s'expliquent de la même façon, et ne diffèrent que par ce

fait que l'irritation atteint tantôt des nerfs moteurs, tantôt des

nerfs sensitifs, ou des nerfs sécréteurs. On remarque par contre

les effets de la stimulation de la peau sur les viscères qui montrent

la relation intime qui existe entre la peau et les organes sous-

jacents. Dans ce cas l'irritation réflexe se produit en sens contraire,

voilà tout. On comprend tout l'intérêt qu'il y a à reconnaître les

zones d'hyperesthésie de la peau qui correspondent aux différents

organes, pour le diagnostic du siège exact des lésions viscérales.

Quant aux tissus sous-cutanés, l'auteur ne croit pas à leur sensibi-

lité, ce qui permet de faire des opérations, sans qu'il soit souvent

nécessaire de faire autre chose que l'anesthésie de la peau, comme

par exemple pour les plaies du périnée. P. SOLLIEIT.

II. DISTRIBUTION SENSITIVE DES NERFS spinaux; par William THORNBURN.

(Brain, Part. III, 1893, p. 355.)

Le Dr Head, dans un travail paru dans la première partie du

REVUE d'aNAToMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 35

Brain, 1893, avait démontré qu'il existe, associées avec les diffé-

rentes maladies viscérales, des zones définies et constantes d'hy-

peresthésie cutanée, chaque zone ayant un point maximum où il

existe de la douleur, et que ces zones maxima coïncident avec

celles que Mackenzie et d'autres ont montré être celles où apparaît

l'herpès zoster. La conclusion était que ces zones représentent la

distribution cutanée des fibres chargées de percevoir la douleur

émanée de chaque segment spinal. Thornburn fait la critique de la

méthode et des résultats de Head et propose de nouvelles conclu-

sions en s'appuyant à la fois sur l'anatomie normale et sur les faits

cliniques dans lesquels il y a lésion limitée de la moelle ou des

racines. Il pense que les segments spinaux sensitifs sont mieux

définis que les zones des racines, qui, elles, empiètent générale-

ment les unes sur les autres. Il donne un certain nombre de sché-

mas de sensibilité, tant personnels qu'empruntés à d'autres auteurs,

pour la délimitation de ces zones, qui sont beaucoup plus faciles

à déterminer quand il s'agit d'anesthésie que d'hyperesthésie.

P. S.

111. SUR LES TROUBLES SENSITIFS PRODUITS par UNE LÉSION localisée

DE la moelle; par Hale WHITE. (B7-ain, Part. Ill, 1893, p. 375.)

Cas de compression de la moelle au point d'origine de la hui-

tième paire dorsale. Il existait une anesthésie de toute la zone du

huitième nerf dorsal à droite, et seulement du neuvième à gauche,

ce qui tenait sans doute à l'inégale compression des deux côtés de

la moelle. Cette disposition confirme les vues de Head. De plus, on

constatait que dans la zone d'anesthésie, la douleur était inter-

prétée comme une sensation de tact. Il y avait analgésie sans anes-

thésie. Il y avait anesthésie au froid et à la chaleur. Le sens muscu-

laire était conservé. Comme la moelle était comprimée sur les par-

ties latérales, l'auteur en conclut que les sensations de douleur et

de température passent par ces parties latérales, tandis que le

tact et les sensations musculaires passent par les parties postérieures

de la moelle. P. S.

IV. OEDÈME ANGIO-NERVEUX; par Ernest Wills et Dudley CoopER.

(Brain, Part. III, 1893, p. 362.)

Trois cas d'oedème hystérique. Dans le premier cas, il survint à

la suite d'érythème autour de l'oeil droit chez un homme de vingt-

deux ans sujet à des attaques de nerfs et paraplégique; dans le

second chez une jeune fille de quatorze ans, au niveau du coude

droit; le troisième fut observé chez un homme de vingt-deux ans,

sur la face, et revenait par accès. Enfin l'auteur rapporte deux

autres cas d'oedème, l'un chez un paralytique général, l'autre chez

une démente. P. S.

36 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

V. Importance relative DES LÉSIONS histologiques FINES DE L'ÉCORCE

CÉRÉURALE DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE; par CRISTISON CARTER.

(Brain, part. 111, 1893, p. 393.)

L'auteur pense que dans les maladies cérébrales les fonctions

troublées, qu'elles soient mentales ou physiques, doivent être im-

médiatement attribuées à une dégénération des cellules nerveuses.

Cette dégénération peut être primitive ou secondaire. Dans la

paralysie générale la dégénérescence des cellules nerveuses sur-

vient fréquemment sans les apparences morbides spéciales ordi-

nairement considérées comme caractéristiques et, à un certain

degré, causales. Il est cependant plus que probable que la lésion

primitive de la cellule nerveuse est la condition essentielle de la

maladie. P. S.

VI. Cas DE fracture DE la COLONNE vertébrale avec LÉSION DE

la moelle; par TiiUNNICLIFFE. (Bi-ain, part. III, 1893, p. 445.)

Les symptômes étaient au-dessous de la ligne passant par la

lésion : perte complète de sensibilité au toucher, à la douleur, au

froid et au chaud, paralysie complète, respiration complètement

diaphragmatique, secousses du grand pectoral, rétention d'urine,

urticaire par pression, absence de sudation, réflexes cutanés plan-

taires et crémastériens persistants, réflexes profonds, patellaire,

ou du coude, absents. Au-dessus de la lésion existait une zone

étroite de sensibilité diminuée, et au-dessous une zone d'hy-

peresthésie douloureuse. A l'autopsie, on voyait sur la coupe de la

moelle au niveau de la lésion de nombreuses taches hémorrha-

giques aussi bien dans les parties grises que dans les blanches.

P. S.

VII. BLESSURE du NERF médian; restauration du NERF ; par SAVILL.

(Brain, part. III, 1893, p. 452.)

Dans ce cas où un pouce et demi du tronc nerveux fut enlevé, la

réparation musculaire se fit cependant bien, mais les os restèrent

atrophiés; la sensibilité revint complètement. P. S.

VIII. Théorie DE la représentation VISUELLE corticale ; par Ewens.

(l3rain, part. IV, 1893, p. 475.)

L'auteur propose une théorie qui serait selon lui capable de

concilier les contradictions qui existent encore entre les différents

cas cliniques d'hémiopie pour établir le siège cortical exact de la

vision. Elle consiste en ce que la vision dans le champ général de

la rétine est distincte de celle de la macula lutea, c'est-à-dire que,

quoique les deux puissent fréquemment et même habituellement,

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 37

agir ensemble, la vision est possible par la rétine seule sans la

macula lutea, ou par la macula lutea sans la rétine circonvoisine.

P. S.

IX. Le SIÈGE SENSORIEL DE l'aphasie; par SIIAW. (Brain, part. IV,

' 1893, p. 492.)

L'auteur passe en revue les différentes opinions sur le siège des

aphasies sensorielles et pense que tous les cas nouveaux publiés

devraient être accompagnés de schémas précis pour éviter les con-

tradictions apparentes entre les faits. P. S.

X. LE réflexe PILOMOTEUR ou chair DE poule; par James Mac-

. KENZIE. (Brain, part. IV, 1893, p. 515.)

La chair de poule est un phénomène dont on s'est peu préoc-

cupé et qu'on décrit en bloc en l'attribuant à la contraction du

muscle pilaire. Mais il n'y a pas besoin, pour qu'il se produise, de

l'érection du poil visiblement, il se produit généralement une pro-

jection des glandes ou follicules au-dessus de la peau, donnant lieu

à une sensation toute spéciale. Or, cette sensation peut se pro-

duire dans des points où il n'y a pas de chair de poule, de sorte

que ce n'est pas seulement le tiraillement, la tension de la peau

qui en est cause, et d'un autre côté la chair de poule peut exister

sans que la sensation se produise. La chair de poule peut se pro-

duire surtout le corps, sauf les oreilles, les mains et les poignets,

les pieds et les chevilles. En stimulant la peau, l'auteur a reconnu

que la chair de poule produite s'étend sur une surface qui occupe

le champ de distribution de nerfs dont les connexions centrales

sont en parfaite contiguïté avec celles des nerfs afférents aux sur-

faces excitées. L'auteur rapporte un certain nombre de cas expéri-

mentaux avec schémas à l'appui pour montrer quel secours cette

méthode peut apporter à l'étude de la distribution des nerfs dans

les membres et de la diffusion de l'irritation aux centres nerveux

dans les maladies viscérales. P. S.

XI. UN cas DE dégénération descendante DU LEMNISCUS, CONSÉCUTIF

A UNE lésion du cerveau; par Alex. 13RUCE. (Brain, part. IV, 1893,

p. 465.)

Observation accompagnée de quatre planches histologiques,

pour servir à l'étude du trajet des fibres en connexion avec la

pyramide antérieure. P. S.

XII. Travaux récents SUR LE CERVELET ET SES rapports; avec DES

REMARQUES SUR SES CONNEXIONS CENTRALES ET SON INFLUENCE TRO-

38 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

PHIQUE sur le CINQUIÈME NERF; par David FERMER. (Brain, part. I,

, lu, p. 1.)

L'auteur expose dans son discours d'ouverture de la société

neurologique la question actuelle du cervelet, et rapporte quelques

expériences personnelles sur la section du cinquième nerf entre le

ganglion de Gasser et le globe oculaire. Il résulte de ces expériences

que la section de la branche ophtalmique du cinquième nerf n'en-

traîne pas nécessairement des troubles trophiques dans le globe

oculaire. Ces troubles sont vraisemblablement dus à l'irritation

inflammatoire du nerf, irritation qui amène des lésions de la

cornée. ' ' P. S.

. XIII. Classification DES actes réflexes; par FRASER HARRIS.

(Beain, part. II, 1894, p. 232.)

L'auteur fait d'abord deux grandes divisions en : 1° Réflexes

périphéro-moteurs et 2° centro-moteurs.

Dans les premiers il place les réflexes : a, excito-moteurs ;

b, algio-moteurs et c, sensori-moteurs. Les réflexes excito-moteurs

comprennent les excito-musculaires (muscles volontaires et invo-

lontaires), excito-glandulaires, excito-vasculaires et excito-méta-

boliques. De même, dans les algio-moteurs, il faut distinguer les

algio-musculaires, algio-glandulaires, algio-vasculaires et algio-

métaboliques, de même que dans les sensori-moteurs il y a les

sensori-musculaires, les sensori-glandulaires, les sensori-vasculaires

et les seusori-mélaboliques. Les réflexes centro-moteurs com-

prennent deux groupes : a, émotio-moteurs (musculaires, glandu-

laires, vasculaires, métaboliques) et b, coléo-moteurs (musculaires,

glandulaires, médullaires, métaboliques). P. S.

XIV. Cas DE tumeur DE la protubérance ET DE l'espace IKTERPEDON-

culaire; par SHARKEY. (Brain, part. II, 1894, p. 238.)

Homme de quarante-trois ans. Trois mois et demi avant son

admission à l'hôpital : sueurs profuses, paralysie des droits supé-

rieurs des yeux, hémianopsie, surdité, engourdissement du côté

droit. Au moment de son admission, altérations du sens du tou-

cher, de la température, difficulté pour parler; inégalité pupil-

laires, maux de tête, amnésie. Puis plus tard affaiblissement intel-

lectuel, aphasie, paralysie faciale droite, perte du goût et du sens

musculaire, névrite optique, hémiplégie droite partielle, cachexie,

mort. A l'autopsie, tumeur occupant le pont de Varole et l'espace

interpédonculaire et englobant le pédoncule cérébral droit.

P. S.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 39

XV. Sur UNE action inhibitrice DE L'ÉCORCE cérébrale; par le

Dr S. SHERR1NGTON.

Il est intéressant, pour l'étude des fonctions de l'écorce cérébrale,

de constater d'une façon expérimentale que celle-ci a, non seule-

ment une action excitatrice, mais aussi une action inhibitrice sur

la contraction musculaire et sur le tonus musculaire. Brown-Sé-

quard a longuement insisté sur cette double action. Les expériences

de l'auteur faites sur le singe viennent à l'appui de cette manière

de voir; elles ont montré que l'excitation qui détermine la contrac-

tion des muscles droits interne et externe produit en même temps

l'inhibition de la contraction ou du tonus de leurs antagonistes.

Il n'y a, dans ces expériences, rien qui indique que l'inhibition

observée soit d'une nature autre que centrale. (Revue neurolo-

gique, 1893.) . E. B.

XVI. Étude du sens thermique ; par W. H. RILEY, B. S. M. D. (The

Journal of nervous and mentale disease. Septembre 1894.)

Ce travail très soigné porte sur les points suivants : 1° quelle est

la sensibilité relative de la peau au chaud et au froid sur les diffé-

rentes parties du corps ? 2° quelle est la température qui donne la

sensation de douleur par application du froid ou du chaud sur di-

verses parties du corps ? 3° quelle est la température la plus basse

qui donnera par application sur la surface cutanée la sensation de

chaleur, et la température la plus haute qui donnera la sensation

de froid ? 4° quelle est la relation qui existe (si toutefois il y en a

une) entre le nombre de « points spécialement sensibles à la cha-

leur » et à la sensibilité à la chaleur dans les différentes parties

du corps et entre les points « spécialement sensibles au froid » et

la sensibilité au froid ? 5° quelles sont les influences qui modifient

le sens thermique pour le froid et pour la chaleur ? 6" quel est le

c temps de réaction » au froid et au chaud dans les différentes par-

ties du corps ? Ses conclusions sont les suivantes : 1° l'auteur donne

un tableau très détaillé des résultats de ses recherches; il semble-

rait en outre que la surface cutanée est plus sensible à la tempéra-

rature inférieure à celle de sa surface qu'aux températures supé-

rieures ; 2° et 3° les variations de température entre 5° C. et 60° C.

produisent des sensations de chaud ou de froid sur toutes les parties

du corps avec peu ou pas de douleurs. Les températures au-des-

sous de 5° C. et supérieures à 68° C. produisent de la douleur en

plus de la sensation de chaud ou de froid, quand l'épreuve est

faite par application d'un corps sur la peau; quand la main est

trempée dans de l'eau à des températures variées, les degrés exi-

gés sont 10° C. et 50° C. Au-dessus ou au-dessous de cette tempéra-

ture il y a sensation de froid ou de chaud mais indolore. Ces résul-

40 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

tats varient d'ailleurs suivant l'individu, les parties éprouvées, les

dimensions de la surface entamée mise à l'épreuve, l'épaisseur, la

température de la peau; 4° la sensibilité relative des différentes

parties du corps au froid et à la chaleur est indiquée par des sché-

mas qui accompagnent le travail; 5° dans la plupart des expériences

la sensation de chaleur sur n'importe quelle partie du corps est

produite : a. par un arrêt de la radiation de chaleur dans n'im-

porte quelle partie du corps, alors que l'apport sanguin reste tou-

jours le même; 6. par le contact avec un objet ou un milieu d'une

température supérieure; c. par une augmentation de la chaleur in-

terne du corps comme dans l'hyperhémie. Les sensations de froid

sont produites : a. par une augmentation de la déperdition de

chaleur de la peau l'apport sanguin restant le même; b. par le

contact avec des objets ayant une température objective égale à

celle de l'air ambiant mais qui conduisent mieux la température

que l'air; c. par le contact avec un objet ou un milieu d'une tem-

pérature inférieure]; d. par la diminution de la chaleur intérieure

d'une région comme par exemple par la contraction des vaisseaux

sanguins qui irriguent une région cutanée; 6° t le temps de réac-

tion » au froid et au chaud est variable suivant la température, les

régions éprouvées, etc.; toutes causes d'erreur mises à part, elle est

à peu de chose près la même pour les sensations de chaleur ou de

froid d'une intensité égale appliquée aux mêmes régions cutanées.

J.-C. CHARCOT.

XVII. UN cas DE ramollissement aigu du cerveau; par Ph. ZENNER.

(Médical Record, New-York, juillet 28, 1894.)

Observation de ramollissement aigu du cerveau se terminant

en un mois par la mort. L'intérêt est surtout dans la progression,

dans l'évolution des symptômes. L'auteur insiste sur la difficulté du

diagnostic dans de semblables cas avec l'hémiplégie hystérique.

J.-B. C.

XVIII. UN cas DE GLIOtATOSE DE la moelle (avec syringomyélie) avec

hémorragies; par Ch.-L. 1)a ? IVI. D. (The Journal of nervous and

mental diseuse, septembre 1894.)

Dans bien des cas, il est préférable de se servir du terme glio-

matose plutôt que de celui de syringomyélie, car fréquemment la

cavité est petite et de peu d'importance dans la production des

symptômes. L'observation publiée est un exemple d'infiltration

gliomateuse de la moelle ayant provoqué des symptômes de myélite

transverse. Homme ayant contracté récemment la syphilis.

Quinze mois avant son admission, souffre de douleurs dans la

jambe droite, puis dans la jambe gauche, puis dans la région lom-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 41

baire. Au bout de peu de temps, paraplégie complète et subite qui

dura trois mois. Amélioration progressive, le malade peut mar-

cher, mais avec difficulté. Entre alors à l'hôpital où on constate :

exagération des réflexes, paraplégie, douleurs vives et lancinantes

dans les jambes et le dos, anesthésie bien marquée dans la jambe

droite. Pas d'atrophie musculaire ni de troubles sphinctériens. Au

bout de deux mois, paraplégie complète pour la motilité et pour la

sensibilité, réflexes très exagérés. Rétention d'urine et des fèces.

Céphalalgies violentes, vomissements, fièvre, mort.

A l'autopsie, au niveau de la huitième dorsale, on constate un

élargissement fusiforme de la moelle, s'étendant en haut et en bas

pendant environ 3 centimètres. Une section à ce niveau montrait

un caillot sanguin occupant la presque totalité de la moelle; ce

foyer hémorragique correspondait à l'élargissement de la moelle.

L'examen histologique a montré que la moelle était infiltrée de

tissu gliomateux et que l'hémorragie a été secondaire. Dans des

points avoisinants, on trouvait la moelle infiltrée de tissu glioma-

teux et par places de petits foyers hémorragiques. Dans la portion

inférieure du bout de moelle lésé, on trouve un petit foyer de tissu

gliomateux situé dans les cordons postérieurs à droite, à peu près

là où siègent les lésions du tabes; il est très probable que les

douleur : ; peuvent être attribuées à ce fait. J.-B. Caancor.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

I. SUR L'INFLUENCE DU tremblement PROVOQUÉ par LES oscilla-

TIONS RYTHMIQUES DES DIAPASONS SUR L'ORGANISME HUMAIN par

M. TscHIGkIEFr. (Nerologuitschesky Yestnik [Messager de Neuro-

logie], t. II, F. 3.)

L'auteur arrive aux conclusions suivantes :

Sous l'influence des vibrations mécaniques des diapasons :

9° les pupilles se dilatent dans la plupart des cas; 2° le pouls se ra-

lentit ou s'accélère selon les sujets; mais après un ralentissement

survient toujours une accélération de même qu'une accélération

est suivie d'un ralentissement; 3° la pression sanguine s'élève; 4° la

respiration change souvent de rythme, mais surtout de fréquence

en plus ou moins sans règle bien fixée ; 5° la température s'abaisse

42 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

sous l'aisselle, dans les oreilles et sur la surface cutanée; elle

s'élève, au contraire,'dans le rectum; 6° la sensibilité tactile et dou-

loureuse diminue légèrement; 7" la force musculaire reste la même,

et enfin 8° très souvent se déclare une grande tendance au som-

meil. J. ROUBINOVITCH.

II. SUR l'usage simultané DES BROMURES ET DE l'adonis VERNAUS

dans l'épilepsie; par BECHTEREFF. (Nerologuitschesky Vestnick

[Messager de Neurologie], t. II, f. 3, Kazan 1894.)

L'auteur rapporte deux observations qui prouveraient l'utilité de

l'emploi simultané de l'infusion de l'adonis vernalis et des prépara-

tions bromurées dans le traitement de l'épilepsie. Cette médica-

tion aurait l'avantage de faire- cesser presque brusquement les

attaques comitiales et dans tous les cas de les rendre beaucoup

moins fortes et moins fréquentes.

` L'auteur a été amené à adopter cette combinaison pour des con-

sidérations d'ordre pathogénique. Partant de cette idée qu'à la

base des attaques d'épilepsie se trouvent des troubles vaso-moteurs

dans le cerveau avec tendance à l'hypérémie, il a pensé qu'il est

tout indiqué de se servir d'un médicament qui, en augmentant la

pression sanguine, resserre en même temps les vaisseaux; or, ce

serait une des propriétés de l'adonis vei-nalis. J. Roubinovitch.

III. SUR la méthode DE FRAENKEL dans LE traitement DU tabès;

par P. OSTANKOFF. (Y< ? o/o9'Mt<scAes/ Yestnik [Messager Neurolo-

gique], t. IL f. 3, Kazan, 1894.)

On sait en quoi consiste la méthode mécanique de Fraenkel.

Pour cet auteur, on doit comparer un ataxique à un enfant à qui

on doit apprendre à marcher. Sa méthode consiste à faire exécuter

au malade des différents mouvements coordonnés plus ou moins

compliqués en l'engageant à se contrôler lui-même et à se regar-

der attentivement au moment de l'exécution en ayant soin de bien

corriger toutes les irrégularités provoquées par l'ataxie. M. Ostan-

koff qui a appliqué cette méthode sur les ataxiques du service de

M. Bechtereff, arrive à des conclusions très favorables; des exercices

de gymnastique modérés augmentent la force musculaire dans

les extrémités affaiblies ; la coordination du mouvement s'amé-

liore ; la démarche de l'ataxique devient plus assurée.

J. RoUBINOVlTCH.

IV. QUELQUES moyens DE traitement récents DE l'épilepsie ET EN

particulier du traitement par l'opium; par Joseph Collins M. D.

(Médical Record, 22 septembre 1894.)

L'auteur, après avoir passé en revue les différents moyens.de

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 43

traitement de l'épilepsie, insiste particulièrement sur le traitement

par l'opium, suivant la méthode employée par Flechsic et, après

l'avoir essayé sur 36 cas, arrive aux conclusions suivantes :

1° Dans presque chaque cas où ce traitement a été expérimenté,

il y a eu une rémission dans les accès de plus ou moins longue

durée ; 2° il y a généralement une cessation complète d'accès

pendant une période variant de huit jours à quelques mois; 3° la

fréquence des accès, après le traitement, est au moins, pendant

la première année, diminuée de plus de moitié ; 4° après la

période de cessation complète, les accès qui surviennent sont beau-

coup moins graves qu'auparavant ; 5° cette méthode de traite-

ment est surtout profitable dans les cas anciens et invétérés;

6° on ne peut le recommander dans les cas récents; 7° ce trai-

tement est un adjuvant important au traitement habituel par les

bromures, dont il prépare et active l'action ; 8° ce traitement

permet l'application simultanée de tout autre. J.-B. CHARCOT.

V. UN cas DE 3tYXDÈ31E traité par la glande thyroïde DU mouton;

par Samuel AYREs M. D. (The Journal of nervous and mental

Disease, août 1894.)

Revue rapide de la théorie thyroïdienne de la maladie de Graves.

Deux observations de cas traités par la thyroïdectomie, par J.-ArLhur

Booth M. D.

VI. Progrès dans LES soins ET LE traitement donnés aux aliénés

DEPUIS cinquante ANS ; par le Dr Coules.

Historique intéressant des progrès réalisés dans le traitement de

l'aliénation mentale, depuis Pinel etEsquirol. L'auteur rappelle les

noms et l'oeuvre de Heïnrotll, de Griesinger, de Connolly, de

Rush, etc. Depuis la chute des théories de l'inflammation, la sai-

gnée a disparu comme moyen thérapeutique de la folie, pour faire

place à l'indication, féconde en résultats, d'un traitement tonique.

Avec les progrès réalisés dans les sciences chimiques, les sédatifs du

système nerveux et les hypnotiques se sont multipliés.

Le traitement moral a été de mieux en mieux compris : il est

plus généralement reconnu qu'une occupation saine pour le corps

et l'esprit est le meilleur médicament pour l'esprit malade. Le plus

grand progrès réalisé a été dans l'organisation du corps des infir-

miers : il était réservé aux dix dernières années du siècle qui a

commencé avec Pinel et Tuke, de voir l'établissement effectif d'un

nombre considérable d'écoles d'instruction professionnelle pour les

infirmiers et infirmières des asiles d'aliénés.

L'emploi de nouvelles et meilleures méthodes de traitement

deviendra plus facile à mesure qu'on possédera un personnel plus

instruit pour les appliquer. (AmeTiccln jou7tal of insanity, 1894.)

44 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

VII. Du TRAITEMENT DES ALIÉNÉS EN FINLANDE; par le Dr HONGBERG.

En Finlande, comme partout, le nombre des aliénés va de plus

en plus en augmentant. L'historique de la médication des aliénés,

en Finlande, commence seulement le 1 ? juillet 1841, jour de l'inau-

guration, près d'Helsingfors, du premier asile d'aliénés de la région,

l'asile de Lapwik. Depuis ce temps, plusieurs asiles ont été créés,

dont un pour les aliénés criminels et les malades chroniques, en

même temps que, dans quelques villes, un quartier d'hospice a été

disposé pour recevoir quelques aliénés.

Le nombre total des malades traités dans les asiles publics, en

1891, a été de 891, parmi lesquels 438 étaient entrés dans l'an-

née même. A noter le prix relativement élevé du prix de journée

pour les malades, qui est de 2 marks 36'pour l'asile de Lappvik,

c'est-à-dire de 2 fr. 95 par malade. (American journal of insanity,

1894.) - - E. B.

VIII. La CURE DES buveurs; par le Dr MARANDON DE Montyel.

D'une étude aussi intéressante que documentée, composée en

partie avec les données fournies par les médecins étrangers, dont

la pratique est déjà assez ancienne, et en partie avec l'expérience

acquise dans le quartier spécial organisé par lui à Ville-Evrard

depuis cinq mois, l'auteur tire les conclusions suivantes :

I. L'ivrogne est curable dans la proportion d'au moins un

tiers;

II. La base de la thérapeutique de l'ivrognerie est l'absti-

nence totale, forcée et prolongée ; hors de ce moyen, il n'y a aucune

guérison à espérer;

III. L'abstinence totale, forcée et prolongée doit avoir pour

adjuvants physiques le traitement de la maladie du système ner-

veux dont l'ivrognerie est le symptôme, et un milieu calme où

règne une discipline militaire ;

IV -L'abstinence totale doit être imposée d'emblée; le delirium

tremens n'en est pas la conséquence. Les seules incommodités cons-

tatées consistent en céphalée, fatigue générale et sueurs profuses,

malaises sans gravité;

V. Il est indispensable d'habituer le buveur à l'usage d'une

boisson économique qui soit pour lui un désaltérant et un plaisir;

VI. La durée du traitement devrait être d'un an au moins. Ce

traitement devrait comporter deux temps à peu près égaux; un

temps d'isolement complet pour faire perdre au buveur le goût de

l'alcool et un temps d'épreuve pour l'habituer à résister aux occa-

sions ; ,

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 45

VII. La première cure est décisive : le buveur qui rechute est

condamné à rester buveur;

VIII. Afin d'assurer la durée nécessaire à la guérison défini-

tive du buveur, il est indispensable qu'une législation spéciale

relative aux ivrognes soit votée;

IX. - Il convient de s'assurer, par tous les moyens, de la solidité

de la guérison du buveur, avant de le mettre en liberté ; car l'abs-

tinence prolongée peut être une arme à deux tranchants : désha-

bitué de la boisson, si celui-ci boit, il est exposé à une ivresse agres-

sive et dangereuse. -

X. La rechute, quand elle se produit, s'opère en deux temps ;

le buveur guéri, avant de redevenir ivrogne, commence par être

demi-abstinent.

XI. La force de résistance aux occasions, loin de croître avec le

temps, va au contraire constamment en diminuant.

XII. Il est indispensable qu'à sa sortie le buveur soit placé

dans un milieu favorable et soumis à une surveillance efficace.

L'abandon de son métier s'impose, si c'est ce métier qui l'a rendu

alcoolique. (Annales médico-psychologiques, 1894.) E. B.

IX. TRAITEMEMENT ces aliénés au Canada ; par le Dr CLARKE.

La province d'Ontario a toujours été regardée comme la plus

progressiste du Canada, au sujet des perfectionnements à apporter

au traitement des aliénés.

Le no-restraint a été accepté en principe dans presque tous les

asiles de la province, et, dans deux d'entre eux, institué en fait

depuis dix ans. -

Dans toutes les provinces canadiennes, les soins apportés aux

aliénés, sont aussi complets que possible : malheureusement le

public n'a pas encore appris à regarder la folie comme une maladie

qui peut être cause de crime; aucune disposition n'a été encore

prise pour les soins spéciaux à donner aux aliénés criminels, et il.

n'y a pas bien longtemps encore que quelques individus ont été

pendus, qui portaient des traces évidentes de maladie cérébrale.

(American journal of insanity, 1894.) E. B.

X. Des soins A DONNER aux épileptiques, par le Dr PETERSON.

Les soins à donner aux épileptiques comprennent, en même

temps que leur traitement médical, une série d'adjuvants, d'auxi-

liaires.

L'auteur, après avoir rappelé le grand nombre d'épilepliques que

l'on rencontre aux États-Unis (douze mille pour l'état de New-York

seul), et énuméré tous les obstacles que rencontrent dans la vie les

46 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

épileptiques, soit pour s'instruire, soit pour gagner leur vie, etc.,

montre que les asiles ne devraient recevoir qu'un petit nombre

d'épileptiques et que les autres devraient être groupés dans des

colonies où ils trouveraient réunis tous les éléments d'éducation

et de travail adaptés à leur situation, en même temps qu'un trai-

tement rationnel au grand air et dans un milieu où, entourés de

malades comme eux, ils ne seraient pas un objet de répulsion pour

l'entourage.

Cette idée a, du reste, été déjà mise en pratique, mais par

initiative privée, en plusieurs endroits, notamment à la force, près

de Lyon, à Bielefield, dans la province de Westphalie, puis en

Suisse, en Hollande.

Les États-Unis ne devaient pas rester en arrière dans cette voie

et plusieurs des États ont déjà décidé la création de colonies d'épi-1

leptiques, organisées en villages où chacun aura sa maison se

livrera ou sera exercé aux occupations auxquelles il est apte, et

recevra en même temps le traitement rationel en rapport avec

sa maladie. (American journal o/ iasanily, 1884). E. B.

XI. CONTRIBUTION A l'étude DE l'action du SULFONAL par H. SCHEDTLFR.

(Allg. Zeitsch. f. Psychiat, L. 3, 4.)

Quarante et une observations, nombreux tableaux, de 1888-1890.

Ce médicament serait plutôt un sédatif qu'un narcotique. Par

son absorption lente, il assure, calme et sommeil graduels qui

persistent. Excellent aussi chez les mélancoliques agités et anxieux,

à doses réfractées de 0,5 à 1 et 3 grammes en 24 heures. N'em-

ployez point de hautes doses. Quand on veut rapidement provoquer

le sommeil, par exemple pour couper une attaque d'hystérie, mieux

vaut la paraldéhyde et l'hydrate de chtora), administré en tablettes

de 1 gramme; il est inodore et insipide. Si l'on a affaire à des

agités et à des sitiophobes, on se sert de la sonde oesophagienne.

Dans l'insomnie causée par les douleurs on préférera la morphine.

L'intoxication légère par le sulfonal se traduit par : de la somno-

lence, de la pâleur, des nausées, des vomissements, de la titubation,

delà diarrhée; mais rien de caractéristique dans le pouls et la

respiration, santé générale peu troublée, persistance de l'appétit.

Dès qu'apparaît l'un des signes énumérés, on suspend le médi-

cament et tout rentre dans l'ordre. L'intoxication peut se montrer

après quelques jours d'une dose quotidienne de 2 à 3 grammes,

mais généralement on peut l'administrer pendant des mois sans

aucun accident à des doses de 1 à 3 grammes sans inconvénients.

Il ne faut l'ordonner à la dose de 3 grammes dans les vingt-quatre

heures que dans les cas d'angoisse et d'agitation vives, car, au sur-

plus, 1 à 2 grammes provoquent le sommeil.

L'intoxication grave (ob. 6 et 41) provient de l'ingestion de

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. ' 47

grandes quantités de sulfonal en peu de temps (dose cumulatrice,

bbs. 6.) ou de doses quotidiennes de 2 à 3 grammes pendant des

mois (obs. 41). Elle peut être évitée soit par la suspension du

médicament soit en alternant l'administration avec celle d'un autre

narcotique; la preuve, c'est que dans ces deux dernières années,

M. Schedtler ne l'a plus observée en se soumettant à la prudence

nécessaire. P. KERÀVAL.

XII. DE L'ASTASIE-ABASIË ET DE son traitement, par R. F'RIEDLNDER.

, (Neurolog. Cenlrcclbl., XIII, 1894.)

Le caractère de ce symptôme est le suivant. Les malades couchés

exécutent sans perte de forces, sans incoordination, toute espèce

de mouvements avec des membres inférieurs, mais ne peuvent se

tenir debout ni marcher. Le forme la plus fréquente est la forme

paralytique avec forte diminution ou suppression complète de la

difficulté de marcher et de se tenir debout. Il en existe une variété

lente et chronique assez fréquente. 11 convient aussi de séparer

nettement la paralysie hystérique de la paralysie neurasthénique

et hypochondriaque. Dans cette dernière, il y a sentiment d'im-

puissance consécutif à l'expérience que le malade a faite des

troubles morbides qui apparaissent lorsqu'il veut se tenir debout et

marcher. Dans la première, les mouvements associés sont arrêtés.

Le neurasthénique ou hypochondriaque vous dira : Quand j'essaie

de marcher, j'éprouve de l'angoisse, des vertiges, des battements de

coeur, des douleurs et de la paresthésie dans les jambes, j'ai des

sensations optiques. Mais, tout bien considéré, mieux vaut employer

le nom d'astasie-abasie uniquement pour celle de l'hystérie, car

c'est un symptôme purement hystérique. Il est dû à un trouble

fonctionnel des centres corticaux coordinateurs qui n'atteint point

les centres des mouvements simples des membres inférieurs. Il y.

a dans l'espèce, non perte des conceptions représentatives des mou-

vements, mais arrêté dans les associations cérébrales nécessaires à

la transformation des conceptions représentatives des mouvements

en mouvements réels. Cet arrêt vient par auto-suggestion due à

t'hypersuggestibiiité morbide caractéristique de l'hystérie (ceci est à

craindre chez les individus en état d'hynoptisme). Dès lors la par-

ticipation des centres infra-corticaux est purement secondaire,

ceux-ci étant privés de l'influence régulatrice des centres corticaux.

Il y a donc lieu de traiter ce symptôme par suggestion (hypnotisme

- courant faradique gymnastique et massage). Les exercices

méthodiques comprendront : 1° les mouvements passifs dans la

situation couchée ; 2° les mouvements de résistance dans la situation

debout; 3° la pratique de la station debout, sans appui; 4° les

exercices préparatoires pour la marche, dans la station debout;

5° des exercices de marche. P. K.

48 SOCIÉTÉS SAVANTES.

XIII. UN mot sur les narcotiques ET LES psychoses, par F. Siemens.

(AU. Zeitsch. f. Psychiat., L, 3, 4.)

Expérimentation personnelle du baume de chanvre indien (marque

de Denzel) à la dose de 10 centigrammes pendant trois heures

accès délirant, puis grande faiblesse et finalement sommeil

d'un quart d'heure : réveil avec grand malaise sans troubles intel-

lectuels. Les mêmes accidents à peu près ont suivi l'ingestion par

deux collègues de 5 centigrammes du même produit; ivresse aiguë,

sommeil mais malaise consécutif. Avec 5 milligrammes d'hyoscyamtîze,

M. Siemens a éprouvé tous les accidents désagréables ordinaires;

plus de la polyurie, de la parésie vésicale (rétention), la perte de

l'accommodation, de la prostration avec parésie musculaire.

Il n'y a guère, conclut-il, que le sulfonal qui rend de bons services

mais il faut aliter les malades et les laisser dormir, sinon ils titu-

bent. Le trional est aussi bon. Mais ce sont pas des médicaments

indifférents pour l'organisme; la preuve en est dans l'hématopor-

phyrinurie et leurs autres inconvénients.

La bière et le bon cognac sont également de bons narcotiques.

Et les opiacés, surtout la morphine, excellent chez les agités ; à la

condition qu'on prenne des précautions habituelles : doses modé-

rées avec interruptions intermittentes. L'association du chloral la

morphine agit bien aussi. P. K.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 29 octobre. Présidence DE M. A. VOISIN.

Les asiles d'alcooliques. M. CIIRISTIAN se demande si les remèdes

proposés contre l'envahissement de l'alcoolisme auront la vertu

qu'on leur attribue. L'alcoolisme est un danger qui menace l'hu-

manité dans ses forces vives. Les sociétés de tempérance essaient

la persuasion, en conseillant aux buveurs de s'abstenir et aussi

la rigueur, en demandant aux pouvoirs publics des lois répres-

sives ou prohibitives; Mais, là même où les lois sont les plus ter-

ribles, le mal est-il supprimé ? Autrefois l'hypnotisme faisait des

merveilles; aujourd'hui ce moyen est insuffisant pour corriger les

SOCIÉTÉS SAVANTES. 49

ivrognes et on demande des asiles spéciaux. A-t-on réfléchi aux

questions de première importance qui doivent être résolues avant

d'ouvrir ces asiles.

Quels sont les alcooliques qu'on y enfermera ? Les prendra-t-on

dans la période d'agitation, pendant qu'ils sont atteints de folie

alcoolique aiguë, de delirium tremens ?

On voudrait bien n'accueillir que les alcooliques calmes. Il me

semble à moi, dit-il, que les alcooliques aigus sont les seuls qu'il

soit possible d'y recevoir. De quel droit enfermeriez-vous les

buveurs qui cuvent leur vin sans scandale ? Et les autres, de quel

droit les retiendrez-vous quand les accidents alcooliques auront

disparu. Garder un alcoolique jusqu'à ce qu'il ait contracté « le

goût de l'eau » c'est une utopie irréalisable.

D'ailleurs le vin et la bière non frelatés n'amènent pas d'acci-

dents intellectuels. Nous ne voyons de délirants alcooliques que

depuis la sophistication des boissons spiritueuses répandues impu-

nément dans le public. ^

Comme conclusion, j'estime que le seul moyen d'enrayer lespro.

grès de la folie alcoolique consiste dans la rectification des alcools

dont l'Etat devrait prendre le monopole.

Créer des asiles d'alcooliques, c'est accomplir une oeuvre vaine.

M. JoFFROY se félicite d'être, en principe, d'accord avec M. Chris-

tian. Il a cependant adopté la création d'asiles d'ivrognes, sous

certaines conditions. Comme on ne peut supprimer l'alcool, pour-

quoi ne pas essayer d'en améliorer la qualité ? L'alcool de bonne

qualité est peu toxique, aussi doit-on souhaiter la monopolisation

par l'État de la rectification des alcools. La difficulté de la question

réside dans le nombre colossal des bouilleurs de cru qui, ayant le

privilège de pouvoir distiller leurs produits, ne se gênent nullement

pour distiller, par surcroît, ceux de leurs voisins. Le débitant y

trouve son compte; on connaît trop son rôle dans les élections po-

litiques pour espérer que les députés voteront une loi en faveur du

monopole. ·

M. Voisin affirme que dans le département de la Sarthe, où l'on,

ne distille que des pommes, l'alcoolisme cérébral est une rareté.

M. BRIAND, sans nier l'influence de la qualité de l'alcool sur la

production du délire alcoolique, remarque qu'il faut tenir un plus

grand compte qu'on ne le fait généralement de la prédisposition

individuelle. Ce sont toujours les mêmes buveurs qui fréquentent

les asiles. Beaucoup y reviennent après avoir très peu fait d'excès

nouveaux.

M. CHRISTIAN. Il n'est pas étonnant que les mêmes retombent

dans le délire, quand on les voit boire les alcools frelatés du com-

merce.

M. BRIAND. C'est précisément à cause du grand nombre de

Archives, t. XXIX. 4

ego SOCIÉTÉS SAVANTES.

buveurs et du petit nombre relatif de délirants, qui fait admettre

en faveur de ceux-ci, .une prédisposition particulière à délirer.

D'autres verseront par une autre prédisposition. dans la cirrhose

du foie qui est rare chez les buveurs aliénés.

M. Charpentier. Comment comprendre que, par prédisposi-"

tion, on puisse, suivant les cas, boire beaucoup sans devenir aliéné

ou perdre la raison sans faire de grands excès ? 2 ' s

M. Motet. En face du danger social qui nous menace et de la

mauvaise qualité de l'alcool du commerce, il y aurait lieu de faire

savoir à la population que l'industrie prépare mal l'alcool. Les so-

ciétés de tempérance ont là un rôle important à remplir. Elles'

amèneront peut-être l'Etat à vérifier la qualité des alcools indus-

triels et à ne les livrer au commerce qu'après les avoir débarrassés

de leurs éthers toxiques.

M. BRIAND propose d'émettre le voeu suivant : En face du pro-

grès de l'alcoolisme en France, la Société Médico-psychologique

émet le voeu que les pouvoirs publics se préoccupent de la fabrica-

tion des alcools livrés à la consommation. » . ,

M. VALLON. - Cette solution n'est pas à souhaiter, si l'Etat traite

l'alcool comme il traite les allumettes.

M. G. Ballet ne défend que théoriquement la monopolisation

par l'Etat. Dans la pratique, elle peut devenir dangereuse. Toute

question d'hygiène se double d'une question d'ordre financier, qui

passe toujours avant l'hygiène. Comme l'alcool bien rectifié revien-

dra à un prix plus élevé, il est à craindre que l'État, après avoir

tué la concurrence, n'en arrive peu à peu à fabriquer un alcool

plus mauvais que celui qui est actuellement livré par l'industrie.

Marcel Briand.

SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET NEUROLOGIE DE VIENNE '.

La plupart des mémoires dont la liste suit ont été publiés dans

le Jahrbùcher f. Psychiatrie. et analysés par conséquent dans les

Archives de Neurologie. Les autres ont été reçus comme commu-

nications dans la Wien. klin. Woclaenschrift par dérogation aux ha--

bitudes antérieures. Ce sont : SCIILGESS. Présentation de cerveaux

1 L'esquisse suprà du compte rendu de cette Société, est publiée ici pour

la première fois. D'ailleurs c'est la Société de psychiatrie et de psychologie

medico-iégale de Vienne qui a changé de nom dont il n'a pas été publié

de compte rendu depuis 1893. Voyez Archives de Neurologie, t. XXVI,

p. 26t et t. XXIV, p. 98. (P. K.)

SOCIÉTÉS SAVANTES. 51

d'idiots. Fritsch. Mélancolie irritable. DFSOELDEit. Etude

clinique d'une observation de tumeur de la protubérance. LiNs-

mener. Lésions anatomiques trouvées chez un malade, atteint d'a-

cromégalie, présenté ci la Société. DE KpAFFT-EBiNG. Expé-

riences d'hypnotisme. Linsmeyer. Présentation d'un malade

atteint de myosite ossifiante. RRDLICII. Lésions anatomiques de

la paralysie agita ? zte. DE Frankl-Hochwart. Présentation d'un

cas de névrite brachiale. Hirschl. Présentation d'un cas d'a-

myotrophie spinale. C. 141AYEn. Lésions anatomiques de la moelle

dans les tumeurs cérébrales. DE SOFLDFR. Présentation d'un cas de

pfM'(H7M/0<OK ! 'e.

Voilà pour l'année 1893 (17 mai 1893-12 décembre 1893).

Les quatre séances de 1894 (janvier à mai) ont été occupées par

les sujets suivants :

JANCHEN. Présentation de deux cas de névrose traumatique.

SCHLESINGER. Présentation d'un cas de tétanie dans la dilatation

stomacale. C. Mater. Méthode de 31ai-chi sur le système nerveux

central des nouveau-nés. KoaFELD. De la folie systématique.

(paranoïa) originaire. PINELES. Présentation d'un cas de paraly-

sie bulbaire (type E ! '&-GoM/ ! a)7 ! ). MAYER. Présentation de deux

frères atteints d'une maladie du système nerveux central de famille.

Redlich. Présentation d'un cas de dystrophie musculaire tardive.

Narath. Présentation d'un cas de gangrène artificielle chez une

hystérique. ScHLEsiNGER. Présentation d'un cas d'hypertrophie mus-

culaire dans la syringomyélie. Linsmeyer. Présentation d'un malade

atteint d'atrophie musculaire étendue. DE KpAFFT-EBtNG. Présenta-

tion d'un cas d'hystérie chez l'homme (apoplexie hystérique).

GAUSTER. Le nouvel asile d'aliénés d'État.

Le Bureau de la Société est ainsi composé : Président : M. DE

Krafft-Ebing ; Secrétaires : MM. E. BOECK et C. 111AYEn ; Trésorier :

M. PANCHEN ; Bibliothécaire : M. Bubenick ; Vice-président : M. GAns-

TER ; Censeurs : Mli. FRITSCH et SVATLIN. (Ja/trMC/t. f. Psychiat.,

XIII, 1.) P. Keraval.

LX" CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ DES AHÉNISTES

DE L'EST DE L'ALLEMAGNE.

SESSION DE BRESLAU.

Séance du 26 novembre 1892. Présidence de M. WERNicKE. '

M. Wernicke présente quatorze malades de sa clinique; les deux

premiers constituent des exemples d'idées présomptueuses ou d'exa.

52 ) SOCIÉTÉS SAVANTES.

gération isolées. Les douze autres sont présentées par l'orateur

comme des observations de psychoses de la motilité. Une publication

complète sera faite sur ce sujet.

LXI° CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ DES ALIÉNISTES

DE L'EST DE L'ALLEMAGNE.

- SESSION DE BRESLAU.

Séance du 1 mars 1 93. PRÉSIDENCE DE M. WERNICKE.

M. SACIIS présente le cerveau du malade décrit par M. Foerster

sous le nom de cécité corticale (Archiv. f. Ophthalmologie, t. XXXVI).

L'autopsie révèle un foyer de ramollissement symétriquement placé

de chaque côté dans le fond et au pourtour du sillon collatéral

(2° scissure temporo-occipitale) '; ce foyer a également détruit

la substance blanche sur une grande étendue jusqu'au plancher

du ventricule latéral. Le cerveau sera examiné après durcisse-

ment. On décrira la lésion en détail dans un mémoire qui sera

publié.

M. Wernicke présente un malade chez lequel il a diagnostiqué un

foyer de ramollissement traumatique dans la région du tiers

moyen des ascendantes, consécutif à la rupture d'un anévrysme.

(Plus tard ce malade a eu de l'épilepsie corticale, on l'a trépané et

on a vidé le foyer.) '

M. NEISSER fait un rapport sur un malade qui, à l'instigation du

tribunal, a été mis et est encore en observation à l'asile de Leubus.

C'est à la suite d'un nombre infini de requêtes de sa part et de ré-

clamations processives qu'on a soupçonné l'aliénation mentale. Il

n'a pas d'idées délirantes, ni en particulier d'idées de persécutions,

mais il présente dans toute sa pureté un trouble psychique élémen-

taire. Toute une série fixe de conceptions en rapport avec une exa-

gération intense de l'émotivité l'obsèdent et assiègent l'idéation. Il

s'agit d'un héréditaire fortementtaré qui, il n'y apas bien longtemps,

fut atteint d'une blessure céphalique grave, d'autant plus qu'il était

phthisique; cet état physique a une grande importance dans l'es-

pèce. L'observation sera publiée dans les Archiv f. Psychiatrie.

1 Voyez Synonymie des circonvolutions cérébrales de l'homme. (Ar-

chives de Neurologie, t. VIII, p. 181.)

SOCIÉTÉS SAVANTES. 53

LXII- CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ DES ALIÉNISTES

DE L'EST DE L'ALLEMAGNE.

' SESSION DE SORAU.

Séance du 25 juin 1893. Présidence de M. Wernicke,

M. HEBOLD. Contribution à l'étude de l'aphasie. (Mémoire publié

dans l'Allg. Zeitsch. f. Psych., t. L.)

Discussion : M. WERNicKE. Il faut être prudent en matière de

localisations quand on veut apprécier les lésions du cerveau des

paralytiques généraux. Mais il est évident que la description anato-

mique de M. Hebold (obs. I) était exacte.

M. SELLE. Quelques cas d'idées présomptueuses ou d'exagération.

Dans la Deutsche medicinische Wochenschrift du 23 juin 1892, M. Wer-

nicke émet l'opinion que sans doute aucun il y a des cas de délire

de chicane caractérisés par un délire tout à fait circonscrit tournant

autour d'une idée fixe suivant le sens des vieux auteurs.

Voici, par exemple, une paysanne de soixante ans qui, à la suite

d'une émotion morale (son fils, par un acte infâme, a laissé passer

son bien en des mains étrangères), est tourmentée de l'idée fixé

ou exagérée, que la vente est irrégulière, qu'il ne s'agit que d'un

contrat apparent,'aussi s'adresse-t-elle, quand cette conviction a pé-

nétré dans son esprit, aux tribunaux qu'elle fatigue de ses récla-

mations. Dans cet exemple, en dehors du délire des persécutions

coordonné dans sa logique, d'après lequel les magistrats se seraient

tournés contre elle, et les témoins se seraient entendus pour se par-

jurer, les renseignements sur la vie antérieure de la malade ont

montré qu'elle présentait dans sa jeunesse de la faiblesse intellec-

tuelle, qu'elle n'a jamais pu apprendre à écrire et à compter, mais

qu'elle avait une exagération remarquable de sa personnalité ;

toujours prête à discuter et un peu irritable, elle a une soeur épi-

leptique. ,

Ce cas vient donc à l'appui de l'assertion de Wernicke, d'après

laquelle le délire de chicane et tout un groupe de folies partielles

proviennent d'idées présomptueuses ou exagérées, la conscience

demeurant [intacte ou à peu près. Evidemment, dans l'espèce, de-

puis des années, il y avait une exagération pathologique de la

conscience du moi qui s'était développée sur le terrain prédisposé

d'une faiblesse irritable du système nerveux central. On ne saurait

contester qu'une vive émotion ne puisse, sans que la conscience

fût troublée, développer une idée présomptueuse ou exagérée, mais

54 SOCIÉTÉS SAVANTES.

alors il ne me paraît pas prouvé que celle-ci puisse subsister, parce

que les conceptions incessantes qui se produisent peuvent la cor-

riger à la longue, en vertu des lois ondulatoires de la psychophy-

sicrue. Si au contraire il n'y a plus de conceptions ou de perceptions

correctrices d'égale valeur, ainsi que cela se voit dans un cerveau

déjà affaibli, les idées présomptueuses ou exagérées se donnent

libre carrière, par suppression de la loi psychophysique d'équiva-

lence. Pour établir cette opinion, voici quelques observations :

Observation I. Un homme de cinquante-huit ans, ayant fait

les campagnes de 1864, 1866, 1870-71, ayant eu en 1865 une fièvre

typhoïde grave, est en 1870 atteint d'un rhumatisme qui dure qua-

torze jours. Depuis cette campagne, il se plaint de douleurs dans

les bras et les jambes. Incapable, dit-il, d'exercer son métier (il est

potier), il demande l'assistance comme invalide.

Plusieurs examens médicaux le déclarent non fondé dans ses

demandes. Il assiège continuellement les autorités de ses écrits et

de ses requêtes. Il est condamné cinq fois pouravoir pénétré au mi-

nistère de la guerre de Berlin et y avoir fait du scandale. Il finit

par croire qu'il est contreminé dans ses projets par des ennemis,

profère des injures contre la Majesté Impériale et est amené à

l'asile. A l'établissement il travaille assidûment mais sans abandon-

ner l'idée de la légitimité de ses réclamations; il ajoute que si Sa

Majesté ne tient pas compte des injures qu'il avait proférées contre

elle dans les écrits qu'il lui a adressés, il collera ses factums à tous

les coins de rues.

Observation II. Homme de quarante-deux ans, sans tare hé-

réditaire ; blennorrhagie en 1890 ; très sombre, il se considère

comme un homme très coupable, fait des tentatives de suicide.

Continuellement déprimé, désespéré, il est en proie à des halluci-

nations de la vue et de l'ouïe. Amélioration graduelle. Prend part

aux distractions des malades et travaille assidûment. Il refuse de

retourner chez lui parce que, dit-il, il est atteint d'une maladie

sexuelle incurable. Il tient absolument à cette idée [exagérée ; il

s'agite, lorsqu'on lui dit que le médecin n'a constaté aucun signe

de celle-ci. Il s'y cramponne plus que jamais, malgré l'insistance

des siens pour le faire retourner chez lui. En dehors de ce thème,

il est laborieux, gai, paisible.

Observation III. Demoiselle de cinquante-huit ans, très tarée

quant à l'hérédité, d'humeur violente et très bizarre dans la jeu-

nesse, faible de corps. Le développement intellectuel a été très

lent. Jeune fille, elle a été souvent éprise et a manifesté des ten-

dances à l'exaltation religieuse. La perte de sa fortune l'a profon-

dément affectée et déprimée. Il s'est développé chez elle l'idée

présomptueuse qu'un M. de N... l'aime et veut l'épouser. Elle la

conserve en dépit de toutes les contradictions, en dépit même de

SOCIETES SAVANTES. 55

l'intervention du monsieur en question qui lui a nettement fait

comprendre qu'il n'avait pas ce dessein. Elle a importuné [les au-

'torités et a demandé protection contre ses persécuteurs. A l'asile,

elle persiste à dire qu'elle se mariera bientôt, et se plaint amère-

ment que les médecins avec ses parents sont cachés sous un

toit.

Discussion : M. NEISSER rappelle qu'il a dit la même chose dans

la dernière séance.

Il a, en effet, dans le cas qu'il a présenté, mis en lumière

l'existence d'un symptôme psychique élémentaire caractérisé par

l'exagération de certaines séries de conceptions. Mais avant de

qualifier cet état de pathologique, il faut tenir compte de l'ensemble

de la constitution de l'individu. Le fanatique politique ou religieux,

le savant qui consacre sa vie à la solution d'un problème scienti-

fique obéissent à des idées exagérées et présomptueuses. Chez son

malade il y avait artério-sclérose très marquée, diminution préma-

turée de la mémoire, il était atteint de phtisie pulmonaire, était

entaché d'une,tare héréditaire et avait, peu de temps auparavant,

été malmené par un,grave traumatisme auquel il avait survécu.

M. Neisser. Courte communication sur les psychoses antérieures

des paralytiques généraux. Les paralytiques ont assez souvent

été autrefois atteints de psychopathies d'un autre ordre. Il y a

souvent, dans les cas choisisparl'auteur, trèslontemps que la folie

en question a eu lieu, au moment où le même sujet devient para-

lytique ; dans un cas même il y avait trente-deuxans décela. Parmi

les 100 malades qui constituent le fonds de la statistique en ques-

tion, on a obtenu 5 fois des renseignements sur ce point. Il n'y a

d'ailleurs pas de particularités symptomatiques à mettre en lumière

ici, peut-être cependant l'hérédité exerce-t-elle de l'influence.

(Mémoire publié dans la Berlin. hlizzisch. Wochenschrift.)

Discussion : M. LEPP3tANN. Il n'est pas rare de voir la mélan-

colie précéder la paralysie générale ; aussi a-t-on parlé de mélan-

colie prémonitoire. Mais l'intervalle de la lucidité entre celle-ci et

celle-là n'est point aussi long que dans les cas de M. Neisser. Les

anciens médecins ont beaucoup parlé de la complication d'une

psychopathie]simple par la paralysie générale, c'est-à-dire de la

folie simple se transformant en paralysie générale terminale. Il y

aurait lieu de réexaminer cette question qui a presque disparu de

la bibliographie contemporaine.

M. Wernicke. En pareil cas, suivant moi, les lésions anato-

miques des psychopathies antérieures et de la paralysie générale

sont identiques, la variété de l'évolution tient, j'en ai la conviction,

à l'étiologie. Il ne peut y avoir dans la paralysie générale qu'un

nouvel élément nuisible autogène ; c'est celui de la syphilis. Après

86 SOCIÉTÉS SAVANTES.

être resté un certain temps latent, le poison agit' de nouveau. Il

est nécessaire, je le crois, de faire cette hypothèse, car toute

lésion progressive est incurable. La lésion ne peut en effet porter

que sur des fibres etdes cellules nerveuses, le genre de la lésion ne

peut alors ressembler qu'à celui de la névrite multiloculaire du

système nerveux périphérique. Dans la névrite aussi, il y a des

formes bénignes etdes formes malignes; les premières guérissent,

les secondes prolifèrent. Ainsi, par analogie, peuts'expliquer qu'une

maladie mentale ordinaire puisse -donner naissance à une para-

lysie générale lorsque entrent en ligne de compte an début cer-

tains facteurs étiologiques. L'observation clinique nous montre, à

mon sens, assez souvent l'addition d'une paralysie générale. Je me

souviens notamment en ce moment d'une malade qui depuis des

années souffrait d'une psychopathie hallucinatoire : « on l'obser-

vait à l'aide de miroirs, elle avait inventé un langage qui lui

était propre, etc... » Or, un beau jour, ce délire chronique se

transforma en paralysie générale des plus nettes. A côté de cela

il y a des cas de paralysie générale qui ressemblent à une para-

lysie générale mais sans présenter la marche maligne de celle-ci.

Je me souviens d'observations de ce genre de manie paralytique

épouvantable dans lesquelles il y a eu guérison; les malades sont

depuis huit à dix ans demeurés bien portants. D'autres faits

témoignent d'un symptôme élémentaire qui constitue toute

la maladie ; tels ceux dans lesquels il n'y a que de l'angoisse,

tels encore ceux caractérisés simplement par des hallucina-

tions, d'autres encore où les patients se plaignent d'un senti-

ment de malheur, ou bien les faits de précipitation de l'idéogé-

nèse. Bien plus fréquentes sont naturellement les observations

dans lesquelles il y a des combinaisons de plusieurs symptômes

élémentaires : ainsi est-il tout habituel de constater des idées

d'exagération dans la mélancolie ; c'est presque le caractère de

celle-ci. Par contre, dans la manie, il y a une certaine dépréciation

des idées. Sous cette appellation de dépréciation des idées (Un-

terwe·t7vigheüder Ideen), je comprends une sorte de nivellement des

idées; ainsi les attributs du caractère qui sont l'apanage de l'édu-

cation et que l'on pourrait désigner sous le nom d'idées présomp-

tueuses exagérées (De6ern)6 ? '</e), normales, par exemple, la

décence, la probité, l'honnêteté, etc., n'occupent plus leur situa-

tion prépondérante : c'est ce que l'on observe tous les jours chez

les maniaques.

M. SCH5tIDT. Quelques remarques sur l'asile de Sorau. Sorau est

un vieil établissement. 11 remonte au milieu du siècle dernier; à

cette époque, le comte de Promnitz construisit un manège pour

loger sa cavalerie. Cet édifice fut en 1812 affecté à l'assistance des

indigents, à une maison de correction, et on y admit aussi des

aliénés. En 1815, on en enleva tous ceux qui n'étaient pas atteints

SOCIÉTÉS SAVANTES. 57

d'aliénation mentale. Dans ce vieux château à trois étages, cons-

truit dans le style de la fin de la renaissance, on plaça ensemble

hommes et femmes. Eu 1835 on éleva une nouvelle construction ;

à l'étage inférieur on prévit des locaux administratifs, dans l'étage

supérieur on séquestra femmes et hommes malades. En 1851, on

construisit le pavillon des furieux, qui a actuellement subi de

notables agrandissements, de grandes modifications. En 1864, on

édifia la grande division des hommes et l'on put alors séparer les

sexes. Tels étaient les bâtiments qui existaient quand je pris la

direction de l'asile en 1881. Déjà l'encombrement avait fait envi-

sager le projet de nouvelles constructions.

Comme l'asile de Sorau avait peu progressé, comme notamment

on faisait encore un très grand usage des moyens de contrainte, il

était tout indiqué de transformer cet établissement qui revêtait

plus ou moins le caractère d'une maison de détention, en un

hôpital adapté aux vues de la psychiatrie moderne, et de plier

également à ces exigences les nouvelles constructions à entre-

prendre. D'abord en deux jours je fis enlever les camisoles de

force ; j'arrivai à faire détacher des sièges où ils étaient maintenus

les nombreux gâteux et à leur assurer les bienfaits d'un lit et de

soins continus ; il fallut pour cela installer de grands dortoirs bien

ventilés que l'on aménagea aussi dans le pavillon des femmes

furieuses reconstruit (actuellement 4° quartier des femmes) ainsi que

dans la division des hommes. Nos malades gâteux et malpropres

sont aujourd'hui l'objet d'une surveillance continue de jour et de

nuit. La garde de nuit est contrôlée par un compteur; les veilleurs

sont chargés de faire faire leurs besoins aux gâteux et de changer

de côté ceux qui tendent à s'écorcher par un alitement prolongé,

Nous pratiquons très largement le traitement au lit des aliénés.

Actuellement le septième des femmes et le cinquième des hommes

sont ainsi traités. Ce sont 18 femmes et 36 hommes pour cause

d'agitation 5 hommes et 6 femmes pour mélancolie 6 hommes

et 22 femmes pour paralysie et affaiblissement physique

8 femmes pour gâtisme 2 femmes et 9 hommes qui ont des

habitudes malpropres et qui déchirent oubrisent. L'hyoscine, cette

camisole de force contemporaine, n'est pas employée et nous ne

faisons qu'un usage très limité des calmants ; dans la section des

hommes on ne donne qu'à titre isolé des narcotiques. En revanche,

un large usage est fait du traitement au lit, même chez nos épilep-

tiques excitables qu'on arrive fort bien à maintenir alités ; ils

deviennent ainsi bien plus calmes et bien plus maniables. On ne

pratique presque plus l'isolementpendant le jourchez les hommes ;

on le pratique davantagechezlesfemmes quis'accommodent beau-

coup plus difficilement à l'alitement. Quand celles-ci veulent

entrer en lutte avec les infirmières pour y échapper, nous n'insis-

tons point. La nuit, on isole davantage, même chez les hommes,

00 b , SOCIETES SAVANTES.

afin d'éviter les désordres de l'agitation nocturne. On n'économise

donc pas les cellules par le traitement au lit. Nous avons reconnu

que l'alitement continuel rend beaucoup de malades fort anémi-

ques et que quelques-uns en ont davantage d'appétits sexuels; nous

veillons aussi à ce que la plupart de nos alités quittent pendant

l'été le lit pendant quelques heures pour être conduits en plein

air. Dans ces conditions le traitement au lit est des plus recom-

mandables.

Voyons ce qu'on a fait en matière de nouvelles modifications

architecturales. On a, pour répondre aux besoins reconnus, amé-

nagé de nombreuses cellules. Nous possédons dans la division des

hommes pour 296 malades, 17 locaux d'isolement, et, pour

286 femmes, 34 cellules. Au pavillon des femmes furieuses remanié,

on a adjoint, en 1892, une nouvelle construction pour 100 malades

qui est en service depuis le 1er février de la présente année. Dans

cette nouvelle construction ont été installés le quartier des admis-

sions, celui des gâteuses, des alitées, des agitées et des épilepti-

ques. Du côté des hommes, on a moins construit. En 1881, on a

acquis le domaine de Goebler, qui touche à l'asile ; il comprend à

peu près 25 ares, de grandes écuries ou étables pour 6 chevaux,

6 boeufs, 34 vaches et 14 porcs. L'ancienne maison du directeur

a été transformée en une villa pour 40 travailleurs agricoles, en

1886. 20 hommes ont été transportés sur le domaine même.

L'assistance libre des femmes est pratiquée quand leur état la

comporte ; dans ce but un a modifié l'ancienne maison des fonc-

tionnaires, elle est devenue une villa pour 20 malades tranquilles.

Les fonctionnaires ont été logés dans le bâtiment administratif

nouvellement édifié.

J'ai réalisé mon plan dans la division des femmes. Ce qui me

manque pour les hommes, c'est un quartier spécial pour les agités

les plus désagréables et les plus gênants, notamment la nuit.

La division des femmes se compose d'un quartier commode pour

pensionnaires de 1 ? et 2" classe, pour malades tranquilles de 30 et

4e classe dans le vieil édifice de Promnitz, d'une infirmerie qui

occupe aussi cet édifice ; d'une villa pour dames habitant des

chambres séparées et femmes tranquilles occupées aux soins du

ménage; du troisième pavillon des femmes construit en 1836 et

maintenant en partie reconstruit qui, plus tard, deviendra un hos-

pice d'infirmes, c'est-à-dire de paralysées et de faibles ; du qua-

trième et du cinquième pavillon des femmes où se trouvent le

quartier de sédation, les locaux d'isolement et ceux dans lesquels

on pratique l'alitement.

Les membres du Congrès visitent les nouvelles constructions de

l'établissement, un banquet leur est offert dans la salle des fêtes

de l'asile, pendant lequel se fait entendre la musique orchestrale

des malades. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., LI, 1.) P. KERAVAL.

BIOGRAPHIE MÉDICALE.

Le doyen des aliénistes français est actuellement, croyons-nous,

M. le Dr Calmeil, notre vénéré maître, ancien médecin de lamai-

son de Charenton, connu dans le monde entier pour ses remar-

quables travaux sur les affections du système nerveux. Nous sommes

heureux d'avoir encore parmi nous cet excellent maitre dont nous

n'oublions ni la bienveillance, ni les savantes leçons. M. Calmeil est

entré dans sa quatre-vingt-dix-septième année et possède encore

toute sa lucidité d'esprit. Nous espérons que, grâce aux soins,

Le Doyen des aliénistes français : M. le Dr Calmeil.

60 BIOGRAPHIE MÉDICALE.

pleins d'affection, dont il est entouré par son épouse si dévouée,

nous pourrons fêter son centenaire.

Si la mort frappe trop souvent dans les rangs de la science, si de

jeunes savants sont enlevés avant d'avoir produit tout ce que leurs

premières oeuvres pouvaient faire espérer d'eux, on constate donc

aussi d'heureuses exceptions. Chevreul s'est éteint à plus de cent ans,

et assez nombreux sont ceux qui dépassent quatre-vingts ans. L'an-

née dernière, la science mentale perdait un de ses plus illustres

adeptes, le Dr Delasiauve, notre bien vénéré et regretté maître et

parent, mort dans sa quatre-vingt-neuvième année. Mon ami, le

Dr Bourneville a, dans ces Archives même, publié sa biographie et,

mieux que personne, a pu retracer sa vie, faire ressortir ses émi-

nentes qualités morales et apprécier ses oeuvres à leur juste valeur.

La vie de M. le Dr Calmeil pouvant être donnée en exemple,

nous allons essayer de raconter ici sa longue etlaborieuse carrière.

Les trois années que nous avons passées, comme interne, dans

son service à Charenton nous ont permis de juger l'homme et le

savant. Nous utiliserons également de précieux renseignements

que nous avons pu recueillir récemment auprès du maître et de

Mme Calmeil.

Louis-Florentin Calmeil est né le 9 août 1798. Son père, reçu

avocat, s'était retiré de bonne heure dans son domaine d'Yversay,

en Poitou. C'est là que naquit le Dr Calmeil, troisième fils d'une

famille qui devait se compléter par la naissance de trois filles. Son

père attachait la plus grande importance à l'éducation de ses

enfants, et dès qu'il s'aperçut des moyens vraiment remarquables

de ses deux plus jeunes fils, il voulut les mettre à même de pour-

suivre leurs études classiques. Une petite maison fut louée à Poitiers,

pour y installer, sous la surveillance d'une vieille domestique de la

famille, les deux jeunes gens. L'un, âgé alors de neuf ans, devient

le grand Dr Calmeil ; l'autre, qui avait treize ans, se distingua comme

avocat et occupa à Poitiers une place considérable. Ces deux jeunes

gens firent de brillantes études classiques. Le jeune L.-F. Calmeil

aimait passionnément les sciences naturelles, à tel point qu'un jour,

après la classe de philosophie, leur professeur ayant une dernière

fois réuni ses élèves pour s'informer de leurs projets d'avenir et

les interroger sur le choix de la carrière qu'ils pensaient embrasser,

le jeune Calmeil qui, la veille, avait lu l'éloge de Tournefort, ré-

ponditavec enthousiasme : «Oh ! moi,monsieur,jeme ferai botaniste.»

« Ce n'est pas une carrière, objecta le professeur, et il ajouta, en

souriant : mais ce sera peut-être le moyen de devenir millionnaire.» »

A vrai dire, ce n'est pas ce qui tenta jamais M. Calmeil qui fut

toujours l'homme désintéressé par excellence. Toutefois, ramené à

des idées plus pratiques, il prit ses inscriptions à l'école préparatoire

de médecine de Poitiers et remporta le premier prix dans un

CALMEIL. 61

concours organisé par les professeurs. Chaque jour, il se rendait

au Grand-Hôpital, non seulement pour y étudier au lit des ma-

lades, mais aussi pour assister aux fréquentes autopsies qui s'y

pratiquaient. L'anatornie pathologique avait déjà pour lui un

attrait tout particulier et qu'il a toujours conservé. Cependant son

goût pour l'histoire naturelle n'avait pas disparu, et lorsque venait

le dimanche avec le soleil du printemps ou les vacances avec les

richesses de l'automne, alors que ses frères etsoeurss'adonnaientgaie-

ment à toutes les occupations de la famille, à la surveillance des

vendanges, lui, prenait en solitaire la clef des champs pour se

livrer avec ravissement à la contemplation de la nature et à l'étude

des plantes et des insectes dont il rapportait une abondante récolte,

la seule qu'il tînt alors pour précieuse. A cette époque, la place de

directeur du Jardin des Plantes était occupée par un vieillard dont

l'âge avait affaibli la vue et la mémoire. Il était menacé de perdre

sa place qui était sa seule ressource. Le jeune Calmeil lui vint en

aide en consacrant tous ses loisirs aux semis si méticuleux du

printemps, en les étiquetant, en dirigeant les jardiniers, en pre-

nant, tout jeune qu'il était, la direction des excursions botaniques.

Autour de lui se groupaient des hommes dont l'âge et la position

auraient pu le faire hésiter. La confiance que donne le savoir

acquis, la puissante assurance de faire une bonne action triom-

phèrent de sa modestie. Enfin, il fut envoyé à Paris pour terminer

ses études médicales. Son ardeur au travail ne se ralentit pas ;

il continua à fréquenter les hôpitaux, dont il fut bientôt

nommé externe. 11 suivait en cette qualité le service de

Dupuytren, quand un jour, trop attentif aux savantes leçons du

maître et désireux de l'entendre de plus près, il effleura de sa

main le lit d'un malade nouvellement opéré. Dupuytren s'en aper-

çut, et saisissant le bras du pauvre élève, il le secoua si rudement

que, celui-ci ne pouvant vaincre la terreur que lui inspirait un si

terrible professeur, obtint son changement de l'Assistance publique

Il fut envoyé à la Salpêtrière dans le service de Rostan dont le

caractère bienveillant lui inspira une confiante affection. Rostan

s'occupait beaucoup de ses élèves et, parmi eux, il distingua le jeune

Calmeil. Celui-ci prit sous sa direction un grand nombre d'obser-

vations, notamment sur le ramollissement partiel du cerveau. Le

maître se chargea de les faire publier. Nommé interne des hôpi-

taux, il fut envoyé à Charenton dans le service de Royer-Collard.

Acetteépoque,Ai.Calmeilpouvaitavoirvingt-quatreans;ildevaitres-

ter attaché à cet établissementjusqu'à l'âge de soixante-quatorze ans.

C'est là qu'il passa sa vie, une vie de bénédictin, consacrée tout entière

aux devoirs de son service, aux soins qu'ilprodiguait, avec un dévoue-

ment sans bornes, à ses malades et aux travaux qui ont illustré son

nom. Royer-Collard se prit pour son jeune interne d'une grande

62 BIOGRAPHIE MÉDICALE.

affection, il l'accueillait dans sa famille, mais bientôt la mort vint

le surprendre et privall. Calmeil d'un puissant appui. Il fut appelé

au lit de mort du maître, et l'assista à ses derniers moments.

Esquirol devint le titulaire du service de Charenton. Il apprécia

bien vite, lui aussi, l'assiduité et la puissance de travail du jeune

Calmeil; il en fit pour ainsi dire son bras droit, lui confiant souvent

les visites et la responsabilité de son lourd service. Il l'appelait

chez lui à Paris, deux fois par semaine, pour recevoir les familles

des aliénés. Sachant que pendant son passage à la Salpêtrière, il

avait étudié, avec beaucoup de soin, l'hystérie et l'épilepsie, Esqui-

rol lui demanda de rédiger un mémoire sur les observations qu'il

y avait recueillies. Il soumit, sans l'en prévenir, ce travail au con-

cours pour le prix qu'il avait fondé, et ce fut M. Calmeil qui le

remporta, M;-oeMO, avec Félix Voisin. Esquirol avait souvent engagé

Pinel, dont il était le disciple, à fonder une maison de santé, pour

les aliénés privilégiés de la fortune, mais le maître, déjà vieux,

conseilla à son élève de réaliser ce projet qu'il approuvait. La mai-

son fut fondée et M. Calmeil s'occupa, avec beaucoup de zèle, de

son organisation. Par reconnaissance de l'aide qu'il en avait reçue,

Esquirol le pressa maintes fois, dans l'intérêt de sa fortune, de

prendre une part dans l'administration de la maison et par suite

dans les bénéfices, mais il ne put jamais l'y décider. « Non, disait-

il, je n'accepte pas, car non seulement je m'y ruinerais pendant le

temps que j'aurais administré cet établissement, mais, ce qui est

pire, j'aurais ruiné mes coassociés, » et il ajoutait tout radieux

d'ailleurs : c J'ai mon plan tout tracé et bien arrêté dans ma pensée,

je ne veux que le travail avec l'indépendance. » Ce plan, il l'a exécuté

ponctuellement. Après sa journée remplie par ses devoirs, il se re-

tirait le soir dans un pauvre petit pavillon, qu'il appelait sa cabane,

perdu dans les vastes enclos de la maison, et là, après un court

sommeil de quelques heures, il se mettait au travail avant l'aube,

hiver comme été, et composait les ouvrages qui l'ont placé à un si

beau rang dans la science.

Nommé inspecteur de la maison de Charenton, puis médecin-

adjoint, il reçut bientôt la croix de chevalier de la Légion d'hon-

neur. La manière dont cette croix lui fut donnée en doubla le prix

à ses yeux et mérite d'être racontée. Ce fut un médecin de la Cour,

ami d'Esquirol qui, frappé de sa modestie autant que de son mé-

rite, sollicita et obtint pour lui cette distinction. La chose fut faite

à son insu et, au dessert d'un aimable petit dîner auquel il fut convié,- '-

les deux amis eurent la joie d'attacher la croix à sa boutonnière. La

surprise égala presque la joie du nouveau chevalier, mais sa recon-

naissance pour un si rare procédé domina tous ses sentiments'.

1 De tels procédés, qui honorent ceux qui décorent et respectent la

dignité de ceux qui sont décorés, ne sont plus de mode. (B.)

CALMEIL. 63

A la mort d'Esquirol, M. Calmeil semblait désigné pour lui suc-

céder. Ce fut un autre qui, favorisé d'une recommandation puissante

(royale), obtint le poste de médecin en chef. Calmeil se résigna

et continua sa vie de dévouement et d'étude. En 184-8, le nouveau

médecin en chef, effrayé par les événements, abandonna son ser-

vice et la place devint de nouveau vacante. Le service fut divisé.

Archambault obtint le service des hommes, M. Calmeil celui des

femmes. Peu de temps après, Archambault, ayant fondé une maison

de santé dont il comptait prendre la direction, fut obligé d'aban-

donner sa place à Charenton, car un règlement, nouvellement

établi, interdisait aux médecins de l'établissement cette sorte de

concurrence. La Commission administrative s'empressa de deman-

der pour le Dr Calmeil le titre de médecin en chef. Placé à la

tête des deux services, il occupa ce poste important pendant vingt-

deux ans. 41

C'est là que nous l'avons connu, que nous l'avons vu à l'oeuvre,

et tous ceux qui, comme nous, ont passé par son service, peuvent

dire avec quelle exactitude, quel zèle et quel dévouement il s'acquit-

tait de sa lourde tâche. Nous n'oublierons jamais avec quelle bien-

veillance il nous accueillait à son arrivée dans le service, écoutant

toujours avec intérêt nos observations. Sa physionomie reflétait,

en même temps qu'une grande bonté, une intelligence supérieure.

Ses manières d'une distinction native, la simplicité d'une vie labo-

rieuse, son aménité lui gagnaient tous les coeurs. Jamais nous ne

lui avons vu un moment d'humeur ou de colère et s'il avait une

observation à faire pour un manquement au service, il la faisait avec

une extrême douceur, respectant la dignité du plus humble des

employés aussi bien que celle de ses élèves. Son impassibilité était

vraiment étonnante quand il interrogeait les aliénés. Après quel-

ques questions posées avec bienveillance, il les écoutait avec une

attention soutenue, appréciant les moindres changements survenus

dans leur état. Rien ne lui échappait, aussi bien dans l'état mental

des malades que dans leur santé générale. Il s'assurait avec un

soin tout particulier que ses prescriptions avaient été remplies et

ne négligeait aucun des nombreux détails du service. Avec ses

élèves son attitude était d'une correction et d'une bienveillance

entières. Il s'intéressait à leurs travaux, à leurs études, et leur

inspirait le sentiment des devoirs que devait leur imposer leur

profession.

C'est pendant cette période qu'il couronna ses travaux par la

publication de son remarquable ouvrage sur les Maladies ii2flam-

matoires du cerveau. La Commission administrative demanda pour

lui la croix d'officier de la Légion d'honneur qu'il obtint presque en

même temps que son frère aîné.

En 1872, le D Calmeil sollicita sa retraite. C'est à Fontenay-sous-

Bois, dans le rayon de Charenton, qu'il alla abriter sa verte vieil-

64 BIOGRAPHIE MÉDICALE.

lesse, dans une jolie villa qu'il avait pris plaisir à faire construire,

et que ses amis appellent la c maison du sage ». Il y a retrouvé ses

livres, son herbier, ces plantes bien-aimées, dont l'étude a été pour

lui le délassement et la poésie de toute sa vie. En retournant les

pages de ces belles collections, il aime à se souvenir de Charenton,

des malades qu'il y a soignés, de ceux qu'il a guéris. Il évoque les

noms de ces jeunes gens, ses internes, qui l'accompagnaient dans

ses longues visites quotidiennes, et l'aidaient à soutenir le poids

d'un lourd service. Presque tous ont fourni une carrière honorable

et distinguée. Il en a revu plusieurs et ces moments où, avec eux,

il a revu le passé, lui ont semblé bons et consolants entre tous. Je

suis un de ceux qui lui ont rendu visite dans cette jolie villa de

Fontenay-sous-Bois. L'accueil que j'y ai reçu ;t été si affectueux et

si bienveillant qu'il ne s'effacera pas de ma mémoire. C'est pendant

une de ces visites que la pensée m'est venue de raconter l'existence

laborieuse et honnête de ce maître vénéré, et je dois avouer que

pouraccomplircette tâche, j'aireçu de àlmo Calrneil les plus précieux

renseignements. Pendant plus d'une heure, à ma dernière visite,

mon excellent maître m'a entretenu, avec beaucoup de lucidité, de

son existence à Charenton, de ses travaux et il a pris plaisir à me

narrer plusieurs anecdotes très intéressantes de sa vie. L'âge et la

maladie ont affaibli ses forces physiques, il ne peut plus depuis

quelques années faire ses promenades favorites dans son jardin ou

dans le bois de Vincennes, mais l'esprit est toujours libre et actif,

et grâce aux soins que lui prodigue avec un dévouement sans égal

sa digne et excellente épouse, il passe agréablement ses jours

sans ennui, sans récriminations, distrait par la lecture et la conver-

sation, se sentant aimé de tous ceux qui l'entourent et l'objet de

leur vénération.

Voici la liste des principaux travaux du Dr Calmeil :

De l'épilepsie étudiée sous le rapport de son siège et de son influence

sur la production de l'aliénation mentale. Thèse, 17 juin 1824 ; De

la paralysie considérée chez les aliénés. Paris, 1826. In-8°; Des

maladies de la moelle épinière. Paris, 1839. In-8°; De la folie con-

sidérée sous le point de vue pathologique, philosophique historique et

judiciaire, depuis la renaissance des sciences en Europe jusqu'au

xixe siècle. Description des grandes épidémies de délire simple ou

compliqué qui ont atteint la population d'autrefois et régné dans

les monastères. Exposé des condamnations auxquelles la folie

méconnue a souvent donné lieu. Paris, 1845, 2 vol. iu-8 ? Traité

des maladies inflammatoires du cerveau, ou histoire analomo-patho-

' Cet admirable ouvrage devrait être dans la bibliothèque de tous les

Asiles et de tous ceux qui s'occupent de la psychiatrie et de la neuro-

logie. (B. 1

CALMEIL. 65

logique des congestions encéphaliques, du délire aigu, de la para-

lysie générale ou péri-encéphalite diffuse, à l'état simple ou com-

pliqué, du ramollissement cérébral local aigu et chronique, de

l'hémorrhagie eérébrale localisée récente ou non récente. Paris, 1859,

2 vol. in- 80 Du ramollissement partiel du cerveau, par Rostan.

Obs. par Calmeil.

En dehors de ces ouvrages, M. Calmeil a publié un grand nombre

d'articles dans le Dictionnaire en 30 volumes de Bichat.

En voici la liste :

Aliénés, t. II, p. 151 à 203. A. 1833; Considérations médico-

légales sur les aliénés, t. II, p. 151.. A. 1833; Considérations d'hy-

giène publique sur les aliénés, t. il, p. 164. A. 1833 ; Maladies

incidentes des aliénés, t. II, p. 182 à 203. A. 1833 ; Catalepsie,

t. VI, p. 479 à 4S8. A. 1834; Cauchemar, t. VII, p. 26 à 30.

A. 1834; Céphalalgie-céphalée, t. VII, p. 117 à 128. A. 1834. (Ce

dernier article signé Georget et Calmeil) ; Continence (patliolo-

gie), t. VIII, p. 517 à 420. A. 1834; Contracture, t. VIII, p. 520

à 526. A. 1834; Delirium tremens, t. X, p. 30 à 42. A. 1835;

Démence, t. X, p. 70 à 85. A. 1835; Encéphale, t. XI, p. 444 à 605.

A. 1835 ; - Anatomie pathologique de l'encéphale, t. XI, p. 444;

Considérations générales sur les maladies de l'E., t. XI, p. 485;

Inflammations diffuses de l'E., t. XI, p. 491 ; Inflammation

locale de l'E., t. XI, p. 522; Abcès de l'E., t. XI, p. 540;

Tumeurs qui se développent dans l'E., t. XI, p. 557; Hydatides

de l'E., t. XI, p. 582; Hypertrophie de l'E., t. XI, p. 591 ;

Agénésie et atrophie de l'E., t. XI, p. 598 ; Extase, t. XII, p. 499

à 505. A. 1835; Hallucinations, t. XIV, p. 51l à 553, A. 1836,

Idiotisme, idiotie, imbécillité, fatuité, t. XVI, p. 211 à 229.

A. 1837; Magnétisme animal, t. XVIII, p. 459 à 482. A. 1838 :

Manie, t. XIX, p. 117 à 141. A. 1839; Migraine, t. XX, p. 3

à 10. A. 1839 ; Maladies de la moelle épinière, t. XX, p. 33 à 129,

A. 1839; Monomanie, t. XX, p. 138 à 168. A. 1839; Anatomie

et physiologie du système nerveux, t. XX, p. 465 à 606. A. 1839;

Paralysie générale des aliénés, t. XXIII, p. 133 à 158. A. 1841 ;

Ramollissement cérébral, t. XXVII, p. 205 à 227. A. 1843 ; Suicide,

t. XXIX, p. 27 à 34. A. 1844.

Un seul article du Dr Calmeil dans le Dictionnaire encyclopédique

des sciences médicales des D" Raige-Delorme et Dechambre : Des

maladies intercurrentes des aliénés, t. III, première partie, p. 163

à 188. A. 1865.

On peut juger par cette longue énumération de l'importance de

l'oeuvre de M. Calmeil. Ce n'est pas le moment de dire, sur chaque

ouvrage en particulier, ce que nous en pensons. D'autres les ont

appréciés avant nous et ont mis en relief leur mérite. Dès 1827

Archives, t. XXIX. 5

66 BIOGRAPHIE MÉDICALE.

Portai, dans son livre sur l'Épilepsie, citait avantageusement M. Cal-

meil et notamment son travail sur la paralysie considérée chez les

aliénés. Le professeur Bouilland, dans un de ses ouvrages, sans

connaître particulièrement M. Calmeil, fait également son éloge.

D'une modestie et d'une honnêteté sans exemple, il ne doit qu'à

lui et à son travail le haut rang qu'il occupe dans la science. Esprit

positif par excellence, il ne veut rien affirmer sans l'avoir scrupu-

leusement contrôlé, et ce n'est souvent qu'après plusieurs années

d'un travail opiniâtre qu'il se décide à livrer son oeuvre à la publi-

cité. Un des premiers, il a utilisé le microscope dans ses recherches,

et il était heureux de voir se perfectionner les instruments d'op-

tique, qu'il croyait appelés à rendre de grands services à la. science.

Pour lui, lafolieet toutes les névroses devaient correspondre, comme

toutes les maladies, à une lésion qu'il s'efforçait de découvrir. Ce

n'est pas que l'étude des symptômes et des causes lui fût indiffé-

rente. Une anecdote qu'il m'a racontée au mois d'avril dernier

prouverait le contraire, t Mon ami, le Dr Blyenis, médecin de l'école

d'Alfort, me dit-il, m'avait chargé de le remplacer pendant son

absence. Je fus, pendant ce temps, témoin d'une véritable épidé-

mie d'hystérie chez les élèves de cet établissement. Le mal avait

débuté à la suite d'excès et de débauches de toute sorte commis

pendant leurs sorties de l'école. La maladie se communiqua par

imitation à presque tous les élèves et je fus obligé de faire un rap-

port au ministre pour faire rentrer dans leur famille les sujets

atteints. Ce n'est qu'à la suite de cette mesure que l'épidémie cessa. »

Dans son ouvrage sur la Folie, M. Calmeil s'y révèle comme un

écrivain distingué, un érudit profond, un historien scrupuleux, un

philosophe appréciant à leur juste valeurles superstitions qu'il énu-

mère et ramenant toujours l'erreur à sa véritable cause, le trouble

des facultés. Intelligence d'élite, travailleur infatigable, il s'est peu

prodigué dans le monde savant : son esprit positif s'accommodait

peu aux discussions, aux luttes, aux controverses qui s'y produi-

saient. Membre de la Société médico-psychologique, il n'assistait

que rarement à ses séances. Il se plaisait uniquement à Charenton,

au milieu de ses malades et de ses livres, satisfait d'avoir accompli

son devoir et réalisé un progrès dans l'oeuvre commencée. Nous

sommes heureux en terminant de rendre un hommage mérité à

ce maître vénéré, à cet homme de bien, à ce savant vraiment trop

modeste. Dr CH. BIIIOREL.

BIBLIOGRAPHIE.

I. Contribution à l'étude des paralysies consécutives aux infections

aiguës (paralysies para-infectieuses), leur traitement par les eaux

de La Malou; par Charles Ménard. (Thèse de Montpellier 1894,

n° 44.)

Parmi les troubles survenant au cours ou à la suite des infections

aiguës, l'auteur distingue ceux qui sont une manifestation directe

et dépendante de la maladie, et qui sont par suite à la fois

d'origine et de nature infectieuse et ceux qui ne sont que

d'origine infectieuse et qui ont par suite une histoire auto-

nome indépendante et qu'il désigne du nom de para-infectieux.

Les paralysies para-infectieuses reconnaissent comme facteur prin-

cipal l'hérédité nerveuse ou arthritique; elles ont un début souvent

insidieux, commencent habituellement à la période de convales-

cence, présentent une marche régulièrement croissante, mais se

terminent cependant ordinairement par la guérison. Ces paraly-

sies sont ou purement névrosiques ou liées à une lésion du système

nerveux central ou périphérique; ces troubles nerveux résultent ou

de l'action directe des microbes ou de leurs racines sur les éléments

nerveux ou indirectement de l'artérite.

Les eaux de La Malou agissent favorablement sur le processus

régressif de ces paralysies para-infectieuses. DucAmp.

II. Étude critique sur les agents provocateurs de la chorée;

par CHAFFARD. (Thèse de Montpellier, 1894, n° 31.)

La chorée de Sydenham est une névrose qui apparait souvent

après le rhumatisme, mais aussi après d'autres maladies infec-

tieuses ; c'est donc une névrose infectieuse. Le tempérament ner-

veux et l'arthritisme en constituent les causes prédisposantes, les

émotions morales en sont les causes occasionnelles. La théorie de

la névrose pure n'explique ni les manifestations fébriles ni les lé-

sions de l'endocarde. La théorie anatomique ne montre que des lé-

sions variées et contradictoires. La théorie réllexe est passible des

mêmes objections que la théorie de la névrose. La théorie dyscra-

sique, en faisant jouer le rôle prépondérant à l'hypoglohulie,

semble prendre l'effet pour la cause. L'examen critique de la théo-

rie infectieuse montre que divers microbes ou leurs toxines peuvent

68 BIBLIOGRAPHIE.

par leur action sur le système nerveux engendrer la névrose chez

un sujet prédisposé. Ducamp.

III. Hystérie et paludisme; par Clament. (Thèse de Montpellier,

- 1894, n° 32.)

L'hystérie paludéenne est une hystérie infectieuse, elle n'est

pas une hystérie spéciale mais une variété de la grande névrose.

Certains cas, considérés comme des accès pernicieux, peuvent être

rapportés à l'hystérie. Le diagnostic de l'hystérie paludéenne se

base sur l'existence des stigmates de l'hystérie, sur la périodicité

des attaques et la constatation de la cachexie palustre. Le pronostic

est bénin. Le traitement consiste dans l'emploi de la quinine, de

l'hydrothérapie et dans l'isolement. Ducamp.

IV. Du Béribéri; par Périot. (Thèse de Montpellier, 1894, no 37.)

L'auteur arrive à cette conclusion, que le béribéri est une mala-

die générale infectieuse dont les lésions portent sur les divers

organes, les muscles, le cerveau, la moelle épinière et les nerfs et

que par suite le béribéri ne doit être considéré ni comme myé-

lite pure, ni comme une névrite multiple. DucAmp.

V. Doit-on permettre la procréation aux criminels, aliénés et per-

vertis sexuels; par Daniel Austin. (M. L. J., XI, 3.)

L'auteur propose la castration comme moyen de sélection de la

race et d'extinction du contingent des sujets tarés et morbides.

C'est ce qu'il appelle la médecine sociale préventive. Cette thèse

assez paradoxale est développée avec des arguments originaux et

intéressants. A. M.

VI. Psychose traumatique consécutive ci une fracture du crâne;

par Alvin, Eyer et Noble. ( ? ..6. J., XI, 3.)

C'est le cas d'un employé aux chambres de réfrigération blessé

par son appareil et atteint de fracture méconnue tout d'abord,

puis trépané et guéri de son amnésie primitive. Il persiste un état

mental curieux, consistant en une tendance à la répartie humo-

ristique et aux saillies telles qu'en font certains maniaques chro-

niques mais avec intégrité des facultés intellectuelles. A. M.

VII. Des idées et sentiments relatifs à la sphère sexuelle chez l'enfant;

par Earl BARNEs de Standford. (M. L. J., XI, 3.)

On sait qu'en Amérique une nombreuse école pédagogique estime

que le moyen le plus rationnel d'éviter les anomalies de l'instinct

asiles d'aliénés. 69

sexuel par vice d'éducation de l'enfant (onanisme, précocité mor-

bide, inversion et perversion) serait d'expliquer de bonne heure et

très exactement les lois de la sexualité qui, dans l'éducation ordi.

naire restent soigneusement ignorées et ne sont apprises qu'en ca-

chette et par l'enseignement mutuel de l'enfant le plus vicieux aux

autres.

Un grand nombre de pères de familles ont entrepris de suivre

le contrepied de cette ancienne méthode et mettent entre les mains

de leurs enfants des ouvrages spéciaux assez nombreux en Amé-

rique expliquant par des comparaisons avec la botanique les mys-

tères de la reproduction et de l'union des sexes. L'auteur entre-

prend une enquête auprès des familles qui ont adopté ce mode

d'éducation et fait appel aux lecteurs du Medico-legal journal qui

auraient quelques documents sur ce sujet. Il propose comme moyen

d'investigation et d'appréciation les compositions dans les écoles

sur certains sujets artistiques religieux ou sentimentaux traités par

des enfants de même âge, soumis aux deux méthodes différentes

d'éducation. On y peut joindre des questionnaires à remplir par

les instituteurs et institutrices. A. M.

VIII. Du témoignage des experts; par Henry Mott. (ill. L. J., XI, 3.)

Relevant quelques cas de contradiction d'experts en justice, l'au-

teur montre le danger qu'il y a pour une justice digne de ce nom,

d'opposer au témoignage des spécialistes celui d'experts improvisés

et ignorants. Il conclut à la création d'un corps d'experts par spé-

cialités rattachés à chaque cour de justice et seuls compétents

pour apprécier et éclairer les juges. A. Marie.

ASILES D'ALIÉNÉS.

I. PROPOSITION relative A l'assistance DES malades incurables QUI

peuvent être SOIGNÉS en dehors DES asiles publics d'aliénés; par

Hasse. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., L. 1 et 2.)

Nous sommes encombrés d'incurables inoffensifs indigents, pou-

vant vivre chez eux, dans leur famille, à la condition qu'on organise

leur assistance et qu'on fournisse aux familles les moyens de les

,,aider. Pour organiser leur assistance, il suffit d'utiliser les ser-

vices du médecin officiel de l'endroit et de donner une subvention

aux familles stylées par le médecin et surveillées par lui. Les

70 ASILES D'ALIÉNÉS.

autorités adoptent cette proposition dans les limites suivantes : s'il 1

est reconnu que la famille présente les qualités matérielles et

morales propres à traiter suivant les indications du médecin de

l'endroit, avec intelligence et humanité l'aliéné, et si le rôle du

médecin est efficace, on-laissera après cet essai, le malade en

liberté. Sinon l'asile le reprendra. P. K.

Il. LE nombre DE CELLULES nécessaire aux asiles publics DE traite-

ment ET d'hospitalisation; DISPOSITION ET installation LES PLUS

convenables DE ces CELLULES; par Kreuser. (Allg. Zeitsch. f. Psy-

chiat., L. 1 et 2.)

Mémoire très complet.

Conclusions. 1° Tout asile public de traitement et d'hospitali-

sation doit posséder des chambres d'isolement à peu près pour

10 p. 100 de ses malades. Les établissements dontle chiffre de popu-

lation dépasse 500 lits peuvent en avoir moins, mais, quand il y a

davantage de cellules, on peut plus facilement et plus vite recevoir

les malades; 2° la moitié à peu près de ces chambres d'isolement

se trouvera bien d'une construction solide et de leur réunion dans

une section spéciale d'isolement; l'autre moitié sera de construc-

tion plus légère et sera répartie dans les autres sections de l'éta-

blissement ; 3° chaque chambre d'isolement aura pour surface

12 à 15 mètres carrés et cubera 50 à 60 mètres cubes; 4° nécessité

de la ventilation artificielle; 5° chauffage central désirable;

6° grandes fenêtres dont un tiers à un quart mobiles; 7° il est im-

possible de se passer d'appareils pour l'éclairage nocturne par le

dehors; 8° portes solides s'ouvrant en dehors à fermeture rapide et

sûre, à plusieurs serrures. Utilité des doubles portes au moins

partiellement; 9° quelques cellules seront pourvues d'un guichet

d'observation; 10° les parois offriront une résistance suffisante;

elles seront aisées à laver et à désinfecter ; 11° plancher de bois dur

indispensable pour nos climats; 120 cabinets d'aisances fixes, du

moins pour une part des cellules ; 13° mobilier fixe tout à fait inu-

tile. P. KEBAVAL.

III. Traitement 11ÉDICO-ADIINIST11ATIP'.

De la construction d'asiles séparés pour aliénés curables et incurables ;

par MEscuEDE.

Jusqu'ici on avait posé en principe qu'il fallait traiter à part les

aliénés curables et les aliénés incurables et fonder pour chacune

de ces classes un asile séparé, en se basant sur ce point que ceux-ci

gênent le traitement et la guérison de ceux-là. Aujourd'hui on

applique le système opposé en internant ensemble les uns et les

ASILES D'ALIÉNÉS. 71 1

autres. Il y a à cela des raisons financières : la communauté des

services généraux et de la direction notamment. D'ailleurs, mal-

gré les idées qui avaient cours jusqu'alors, on avait de moins en

moins appliqué l'idée de la séparation en question ; bien des éta-

blissements étaient, par la force des choses et les nécessités de

l'hospitalisation, devenus des asiles mixtes ; en installant par

exemple des exploitations agricoles, on y avait trouvé des argu-

ments pour ce mélange.

Il n'en est pas moins vrai que la grande quantité des incurables

encombre les asiles d'aliénés et qu'il y a lieu de s'en émouvoir en

présentant les arguments suivants. D'abord, les asiles pour malades

atteints de maladies somatiques ont été construits d'après le prin-

cipe de la séparation. Puis l'encombrement produit par cette

foule d'incurables restreint d'autant l'admission des aliénés cura-

bles.lis prennent au directeur-médecin un temps précieux qui serait

plus utilement employé au traitement des malades curables. 11

est inutile de les placer dans un asile de traitement, car leur

hospitalisation ne nécessite point les mêmes installations que

celle des curables. L'internement d'aliénés récemment atteints

dans un asile connu pour recevoir des incurables, exerce sur

ces malades une influence morale fâcheuse ; leur contact perma-

nent avec ces derniers est loin de les récréer et de faciliter leur

guérison. Cette double particularité les inquiète et les désespère.

Enfin, l'admission des incurables nuit à l'admission des malades

curables, surtout si l'on considère que, ainsi-que cela est certain,

les parents hésitent à placer leurs malades dans ces hospices de

déments et de chroniques dont il ne sort que peu d'aliénés guéris,

dans la crainte surtout de mécontenter ces malades et de les stig-

matiser en quelque sorte par un tel séjour. Pendant ce temps, la

psychopathie qui était récente et qui eût peut-être pu être guérie

en peu de temps fait des progrès. Il en résulte que les asiles d'alié-

nés reçoivent moins de malades curables qu'ils en recevaient

avant d'être chargés de cette multitude d'incurables. Aussi, le

nombre de guérisons y diminue-t-il grandement. Tel est le sens

des réflexions de MM. liasse, Siemens, L. Meyer. M. Meschede

cite des passages de leurs rapports officiels.

Et cependant, il ne manque pas d'aliénés curables. Les asiles

qui ne sont pas affublés du nom d'asile d'incurables et qui ont reçu

des dénominations permettant de croire que leur séjour convient à

des curables et que ce séjour ne sera que temporaire, en sont

abondamment peuplés, que ces établissements s'appellent cli-

nique, hôpital, asile ou sanatorium. Ainsi, pendant une période de

douze années, du le, avril 1880 au le,* avril 1892, on a admis à l'hô-

pital de Koenigsherg 1,910 aliénés, dont 1,142 ont été considérés

comme^curables, ce qui donne pour les admissions 59,79 p. 100 de

curables; parmi ces aliénés, il y en avait une proportion considé-

73 ASILES D ALIÉNÉS.

rable chez lesquels la psychopathie était récente. Il u'y a donc pas

dans le public de prévention contre l'internement des aliénés; il

les met volontiers en traitement, mais il ne se soucie pas de les

conduire, quand ils sont atteints de psychopathies récentes et cura-

bles, dans des établissements surtout remplis d'aliénés incurables

- et qui ont pour fonction d'admettre et de conserver longtemps, si-

non toute la vie, leurs malades C'est pour cela que dans les

asiles qui cumulent la double tâche de servir d'asiles purs et

d'hospices, il arrive bien moins d'aliénés curables que dans les éta-

blissements de traitement qui sont en somme des hôpitanx d'aliénés

et qui passent pour ne garder les malades que temporairement.

On se trouverait donc bien mieux, à mon sens, de construire de

nouveaux asiles spéciaux'pour aliénés curables et de les qualifier

par exemple de Maison de traitement pour maladies morales, i

On conserverait le nom d'asile d'aliénés ou d'hospice d'aliénés

exclusivement aux établissements qui hospitalisent et donnent en

réalité asile continu aux aliénés incurables.

Dans l'état actuel des choses il ne peut manquer d'arriver, pour

un grand nombre de malades curables qui eussent été fort bien

guéris par le traitement opportun d'un asile spécial, qu'on ne

s'occupe de les faire admettre dans un asile mixte, que quand il

est déjà trop tard. (Allg. Zeistchr. f. Psychiat, LI, 1.) P. Kéraval.

IV. Assistance publique.

La Diète provinciale de Hanovre a autorisé le comité de la pro-

vince à passer un contrat avec le Ministère du Lippe-Schaumbourg

pour l'assistance et le traitement des aliénés ressortissant à ce der-

nier dans les asiles de traitement et d'hospitalisation de la province

hanovrienne. Le prix de journée est réglé à cent vingt marcs par

an et par malade quelle que soit la classe à laquelle il soit mis ; ce

prix de pension (150 francs) sera trimestriellement acquis. Les deux

parties se réservent le droit de revision et de dénonciation du traité

au premier janvier de chaque année. L'application du traité peut

être faite immédiatement, mais sans rétroactivité, aux malades

actuellement placés dans un des asiles du Hanovre; mais ceux qui

sont actuellement en traitement en d'autres asiles ne pourront être

dirigés séance tenante sur ceux de Hanovre, afin d'éviter l'encom-

brement brusque de ces derniers. Car un des articles du traité

spécifie qu'il faudra se conformer pour les admissions ultérieures

aux règlements et lois en vigueur ou à édicter dans la province

hanovrienne.

La loi économique qui va être soumise à la Diète Prussienne sur

les charges de l'assistance publique a pour but d'empêcher les délais

que l'on met à traiter les malades dans les asiles publics sous pré-

texte d'imputation préalable des dépenses d'entretien (prix de jour-

asiles d'aliénés. 73 '

née). Or, c'est ce que fait ressortir la loi, plus on retarde les admis-

sions, moins l'aliénation mentale a de chances de guérison. En

1888 on a dû traiter 30.000 aliénés; et dans la plupart des cas l'in-

ternement a été différé par les difficultés que l'on éprouvait à l'im-

putation des prix de journée. La loi met en lumière que ce retard

augmente les chances des crimes et délits ; la proportion pour

l'année 1887-1888 en a été de 6 p. 100 des aliénés internes. La loi a

précisément pour but de supprimer ces inconvénients en facilitant

l'admission rapide des aliénés dans les asiles. (Allg. Zeisch. f.

Psych., L, 5.) P. KERAVAL.

V. L'asile DES aliénés DE SERBE A BELGRADE ; par W.-M. SUBOTIC.

Cet asile est le seul établissement du royaume de Serbie.

Fondé en 1861, dans une propriété ayant appartenu au méde-

cin ordinaire du prince Milosch achetée et aménagée dans ce but,

il s'augmenta ultérieurement de deux bâtiments pour les hommes,

et de trois bâtiments pour les femmes. Chacun des bâtiments est

indépendant et possède sa cour. Mais, envisagés au point de vue

médical, ils laissent grandement à désirer. L'asile est situé en

dehors de la ville, mais il touche aux dernières maisons de celle-ci.

Les trois médecins de la maison habitent Belgrade et viennent

à l'établissement le matin, l'après-midi, ou quand leur présence y

est nécessaire. Evidemment ces choses-là ne se voient qu'en Serbie.

On finira cependant, nous aimons à le croire, par leur construire

une habitation dans l'asile.

Voici les principaux détails du fonctionnement empruntés au

règlement. L'asile s'appelle : Hôpital pour les aliénés. Entretenu

par les fonds consacrés aux choses de la médecine publique et de

l'hygiène de la nation, il est sous la direction immédiate du Ministre

de l'Intérieur. Il faut que les malades qui y entrent soient agréés

parle Ministre de l'Intérieur. Il se compose d'une division de trai-

tement et d'une section d'hospitalisation (ceci n'en est encore pas

arrivé à la pratique.)

Le directeur de l'asile est un médecin. Il veille à l'administration

et au service médical. Le médecin adjoint n'a qu'à s'inquiéter des

malades, mais il remplace le directeur quand celui-ci est empêché

de faire son service. Le médecin assistant est subordonné au direc-

teur et au médecin adjoint. L'économe est sous les ordres du direc-

teur.

Les décisions réglementaires qui visent le personnel secondaire

sont exactement les mêmes que celles de tous les établissements

d'aliénés. La loi admet la camisole de force.

L'asile a un ecclésiastique. « Celui-ci devra éviter de converser

longuement avec les malades; il ne tentera point de modifier les

idées délirantes des aliénés, il n'aura de commerce avec eux qu'en se

74 asiles d'aliénés.

conformant aux prescriptions du directeur. » Depuis trente-deux ans

l'ecclésiastique que nous avons est un homme plein de tact, d'une

honorabilité toute patriarcale; aucun médecin n'a jamais eu d'ob-

servation à lui faire. Son nom ne doit pas tomber dans l'oubli. Cet

homme de bien s'appelle Isak- Gioî-giezi)ic.

Admissions.-Elles ont lieu directement, en cas de nécessité, sans

avis du Ministre, sur la décision du directeur, sauf à lui à deman-

der l'agrément du Ministère en exposant les motifs de l'internement

direct. Mais d'ordinaire les autorités chargées de la police signalent

les aliénés au Ministère. Le Ministre désigne alors trois médecins

qui après avoir examiné le malade, font parvenir au Ministère leur

certificat accompagné de pièces justificatives. Le Ministère décide

alors de l'opportunité de l'admission et impute à qui de droit les

dépenses d'entretien de l'aliéné.

Il en avise les autorités chargées de la police afin qu'on puisse

diriger sans retard ? sur l'asile l'aliéné : il en avise en même temps

la direction de l'asile afin qu'elle soit autorisée à recevoir la ma-

lade'.

Sorties. C'est le même mécanisme mais retourné. Le directeur

provient le Ministère de la guérison ou de l'amélioration compa-

tible avec la vie de l'aliéné dans sa famille ; le Ministère consulte

trois médecins (mais heureusement ce sont les trois médecins de

l'asile); ils rédigent un rapport. Ce rapport signé, le directeur a

le droit de renvoyer sur-le-champ le malade sauf à avertir le

Ministère et les autorités de la police de l'exécution qu'il a donnée

au rapport et aux certificats qu'il envoie en même temps.

Traitement des aliénés dans les cloîtres. Ces renseignements

proviennent de la bouche même du métropolitain Michael. On

exorcise les malades dans l'église en lisant des prières et en les

frappant sur la tête avec le livre saint. On les enferme dans des

cellules sombres et humides et, pour les guérir par l'inanition, on

ne leur donne que de l'eau, leur arrosant en outre la tête plusieurs

fois par jour et priant pour eux dans l'église en dehors des deux

pratiques quotidiennes d'exorcisme.

Le peuple préfère les cloîtres à l'asile d'aliénés. Plusieurs des

aliénés hommes et femmes qui sont à l'asile ont déjà passé par

différents cloîtres ; ils ne sont venus à l'établissement que parce

que leur maladie était devenue chronique.

Le transport des aliénés des campagnes l'asile de Belgrade s'ef-

fectue par le garrottage. On attache également les aliénés et on les

frappe soit chez eux (les paysans), soit dans les cloîtres ; l'opinion

accréditée est que c'est un moyen sûr.

1 C'est le comble de la centralisation ! La temporisation sera d'ailleurs

plus longue en France si la loi Reiiiacli finit par passer.

asiles d'aliénés. 75

En 1893,on a reçu à l'asile 115 malades (68 h.,47 f.) qui, ajoutés

au chiffre de population restant en fin d'année 257 (158 h. 99 f.),

donnèrent un total de 372 (226 h., 146 f.). Pendant la même année,

il est sorti 121 malades (81 h., 40 f.) : il en est par conséquent resté,

à la fin de 1893, 251 (145 h., 106 f. --Les sorties se décomposent en :

guérisons, 22 ? améliorations, 47; - incurables, 18; - morts, 64.

(Allg. Zeitsch, f. Psych., L, 5.) P. Keraval.

VI. Remplacement du nom asile par CELUI d'hôpital, pour LES

établissements consacrés aux aliénés. (American Journal of

7MM ! ! <( ? octobre 1894, p. 270.)

L'habitude que l'on prend de ne plus employer les mots « Asylunt,

insane et Liiiiatic), dans la dénomination d'institutions destinées aux

aliénés est un fait remarquable du temps présent. Ces mots ont

peu à peu été éliminés d'une façon rapide des titres officiels.

En examinant notre dernière liste publiée nous trouvons que

les Etats suivants ont adopté le terme « Hôpital > en tout ou

en partie : Alabama, Connecticut, Delaware, Washington (D. C.),

minois, Indiana, Iowa, lllaü.e, Maryland, Massachusets, Min-

nesota, Nebraska, New-York, Nortli Carolina, Dakota Nord,

Ohio, Pennsylvanie, Dakota du Sud, Tennessee, Texas, Virginie,

Washington, Virginie de l'Ouest, Wisconsin; et dans l'Amérique

anglaise, Québec, Nova Scocia, et l'Ile du Prince-Edouard.

Le mot « Asylum » est encore employé comme désignation ofll-

cièlle dans l'Arkansas, Californie, Colorado, Géorgie, Kansas, Ken-

tucky, Louisiane, Michigan, Mississipi, Missouri, Nevada, Nouveau

Hanipsiiire, Nouveau Jersey, Orégon, Rhode Islaud, Caroline du

Sud, Texas, Vermont, et Virginie ; et dans l'Amérique anglaise;

dans Ontario, Nouveau Brunswick, et Nouveau Foundland.

Le lfassachussetts, la Caroline du Nord, le Texas et Québec em-

ploient les deux mots Hôpital et Asylum pour des institutions diffé-

rentes, et le Massachusetts et la Pensylvanie conservent l'ancienne

désignation « Lunatic » avec le nouveau mot « Hôpital ». L'Etat

de l'Ohio est l'un de ceax qui ont le plus récemment adopté le

terme « Hôpital ». New-York garde le terme c Asyhtln » dans les

institutions de la cité.

Pour les institutions particulières, nous avons les mots «Hôpital»,

« Asylum », « Rétros », retraite, c lioitse », etc. Mais le terme

« Hôpital » de ce côté aussi devient maintenant le terme le plus

généralement employé.

Il y a beaucoup de sentiment dans cette modification autour

de ceci, et ce sentiment nous fait incliner à couvrir les faits désa-

gréables et indéniables en usant simplement de mots présentant

un son plus agréable, Nous ne pouvons pas guérir la folie en l'appe-

76 G VARIA.

lant d'un nom différent. Reconnaissons toutefois que le mot Hôpital

explique plus l'idée de soins de guérison.

Puisque que les asiles sont faits pour servir d'Hôpitaux en fait,

dans le nom, ce changement de dénomination est louable.

Nous avons toujours essayé de faire prévaloir cette idée

que les asiles devant être des Maisons de traitement, toutes

les réformes qu'ils comportaient devaient tendre à les rappro-

cher de plus en plus des hôpitaux même sous le rapport de la

facilité des admissions et avec notre ami le D'' Napias, nous

croyons que la substitution du mot hôpital aurait non seule-

ment un intérêt de sentiment, mais aussi une importance

pratique. B.

VARIA.

L HISTOIRE D'UNE INTERDICTION

Un fonctionnaire des télégraphes de Brème reproche à sa femme

d'être infidèle. C'est une accusation absolument dénuée de fonde-

ment. Mais cela devient chez lui une idée fixe. Il devient processif,

accuse tout et tous, et par ses actes désordonnés de toute nature

n'est plus qu'un fléau pour le tribunal comme pour la direction

supérieure des postes,, en même temps qu'il compromet sa situation

financière. Sur tout autre sujet il raisonne juste et se conduit rai-

sonnablement. Les médecins spécialistes sont unanimes à diagnos-

tiquer la manie processive ; il lui est impossible de résister à cette

obsession que sa femme le trompe. Ils concluent qu'en raison de

cette forme du délire des persécutions, ce persécuteur n'est plus en

état de s'occuper de ses affaires et que par suite il est irresponsable,

incapable de jugement. Le tribunal de Brème l'interdit. Le malade

en appelle à toutes les voies de procédure à sa disposition ; il

s'adresse au procureur général ; le tribunal suprême se rallie aux

conclusions des premiers juges à raison des conclusions des pre-

miers spécialistes. Il en appelle à la Cour de Hambourg qui, après

l'avoir fait comparaître et entendu aux débats, lève l'interdiction.

Le Tribunal admet avec les médecins le diagnostic de la maladie,

il admet que c'est une maladie mentale indéniable. Mais l'avocat

invoquant une autorité médicale conteste que l'on soit en droit

d'élever la manie processive au rang d'espèce nette et bien définie

de l'aliénation mentale, « c'est un accident important dans le

domaine des perturbations intellectuelles », rien déplus.

VARIA. 77 '1

Il y a dans l'espèce trouble mental partiel; c'est donc un conseil

judiciaire ou une tutelle partielle qui convient. Mais la loi n'a pas

prévu le cas ; elle ne parle que de l'interdiction totale. Or, une

interdiction n'est légitime que suivant le degré du trouble mental.

Une maladie mentale partielle, fût-elle une folie processive, peut

imposer une interdiction, mais cela ne veut pas dire que l'on doive

interdire tout malade chez lequel le médecin établit l'existence de

troubles mentaux partiels. L'interdiction est parfaitement justifiée

quand la perturbation exerce sur toute la personne de l'individu,

sa personnalité entière, et toutes les conditions de son existence,

une action à ce point dominante que, la réflexion et la détermina-

tion volontaire étant influencées, le sujet atteint ainsi soit incapable

de s'occuper lui-même de ses affaires, d'administrer ses biens.

Or, tel n'est pas le cas (dit la plaidoirie). On ne constate d'ano-

malies chez le défendeur, que lorsque les idées délirantes, relatives

à sa femme, se mettent de la partie ; sur ce seul point et en ce qui con-

cerne ce seul point il est privé de son libre arbitre, il perd son juge-

ment. En toute autre chose il perçoit et raisonne juste. Il a beau-

coup dépensé mais ne s'est pas ruiné. Il a commis des actes qui ne

sont pas positivement déraisonnables. Les témoins, les médecins

eux-mêmes l'ont décrit comme un homme calme et sensé qui vit

avec économie, et avec qui on peut avoir des relations, sans remar-

quer rien d'anormal en lui. Une interdiction n'est nécessaire en

somme ni pour la gestion de sa fortune, ni pour sauvegarder sa

personne. '

- Sans doute les médecins dans leur rapport l'ont présenté comme

incapable, mais les motifs qu'ils allèguent ne sont pas solides. En

tout cas leurs conclusions hasardées ne lient point les magistrats. Les

spécialistes ont mission d'assister les magistrats ; mais pour cela il

faut qu'ils déterminent, précisent, établissent l'état mental de la

personne qu'ils examinent. Les preuves à l'appui de cet état mental

sont nécessaires, or celles qu'ils apportent ici ne justifient point

leurs conclusions. Puisque le défendeur est parfaitement capable

de gérer ses affaires et d'exercer son jugement. Le trouble mental

dont il est atteint n'a pas jusqu'ici dissocié la personnalité dans ses

rapports avec toutes les conditions de la vie; il ne l'empêche pas

d'avoir de parfaites et complètes relations avec un tiers ; il n'est donc

pas en droit incapable d'agir. On insinue que la maladie peut

étendre son action, mais pour l'instant elle est limitée et rien ne dit

que tout ne se bornera pas là.

Finalement le tribunal, adoptant ces conclusions, considère que

l'interdiction est une mesure si grave qu'elle ne doit être pronon-

cée que lorsqu'il y a des motifs impérieux qui l'imposent pour

assurer le salut de l'interdit et préserver ses concitoyens, sinon, non.

(Allg. Zeitsch. f. Psychiatr., L, 5.) P. KERAVAL,.

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés DE France. Le concours de l'internat de l'asile

d'aliénés de Bron vient de se terminer par les nominations sui-

vantes : Internes titulaires, MM. Foy, Audemard et Papillon;

internes suppléants, MM. Bouveyron et Naussac. ,

Asiles d'aliénés DE la SEINE : Concours de l'internat en médecine.

La composition écrite a eu lieu le 4°r décembre, 33 candidats

inscrits, 24 ont répondu à l'appel. Le sujet de la composition était :

le Nerf spinal (anat. et physiol.). Les questions restées dans l'urne

étaient : Sinus de la dure-mère. Circulation veineuse de l'encé-

phale. Trijumeau. Le jury se compose de MM. B. Anger, Bour-

neville, Boudrie, Chantemesse, Féré, Falret, A. Voisin. Les

épreuves orales comprennent chacune une question de patho-

logie interne, une question de pathologie externe. Les candidats

ont eu à traiter les questions suivantes : 1° Signes et diagnostic de

l'urémie et de la hernie étranglée; 2° Insuffisance aortique, plaies

de poitrine; 3° Signes et diagnostic de la pneumonie et des tumeurs

des bourses; cancer de l'estomac et abcès chauds. Les candidats

out été désignés dans l'ordre suivant : 1° Internes titulaires :

MM.Manheimer, Battier, Bargy, Naggur, Cololian, Pelas, Béchet et

Lalanne; 2° Internes provisoires : MM. Hazemann, Djélalian, Vallet,

Jolis, Amouroux, Marson et Hyvort.

Asile d'aliénées ET d'alcooliques A VILLE-EVRARD. Le Conseil

général de la Seine ayant décidé la mise au concours d'un projet

de construction d'un asile d'aliénées (femmes) et d'alcooliques

(hommes), sur un terrain dépendant du domaine de Ville-Evrard

(Seine-et-Oise), le préfet de la Seine a constitué de la manière

suivante le jury chargé de juger ce concours : Le préfet de la

Seine, président; MM. Bassinet, Dubois, Lazies, l'iettre, Rousselle,

Thuillier, conseillers généraux; M11. les DS Bourneville, du Mesnil,

Puteaux, membres de la commission de surveillance des asiles

publics du département de la Seine; MM. Daumet, Salleron, Bou-

vard, architectes désignés par l'administration; MM. Vaudremer,

Raulin, Guadet, architectes élus par les concurrents; -M. Bouvard,

chef du service d'architecture du département; M. Pelletier, chef

du service des aliénés; M. Balet, directeur de l'asile d'aliénés de

Ville-Evrard ; M. le Dr Magnan, médecin en chef du service de

l'admission de l'asile clinique; M. Gérard, économe de l'asile de

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 79

Vaucluse. 35 projets ont été déposés et exposés dans la salle des

Fêtes de l'Hôtel de Ville. Dans ses deuxième et troisième séances,

le jury a éliminé 23 projets, n'en retenant que 12. Dans sa dernière

séance (15 décembre) le jury a classé les 9 projets primés dans

l'ordre suivant : 1° M. Morin Goustiaux (20,000 francs); 2° M. Du-

ménil (10,000 francs) ; 3° M. Lebeau (5,000 francs); 4°, 5° M. Dau-

vergne et MM. Boue et Héraud (2,000 francs); 60, 7°, 8° et 9°

MM. Debrie, Albrizzio, Bourdillat et MM. Marcel et Lafon (1,000 fr.).

Asiles d'aliénés. M. le Dr Trénel, interne des asiles d'aliénés

de la Seine, vient d'être nommé médecin adjoint de l'asile de

Lesvellec (Morbihan).

Asile d'aliénés DLVItEU3. Une place d'interne en médecine est

vacante à l'asile d'Evreux. Traitement : 1,200 francs par an, loge-

ment, nourriture, blanchissage, chauffage et éclairage. Adresser sa

demande au Directeur avec un relevé de sa feuille de scolarité

constatant au moins 12 inscriptions de doctorat.

Place D'INTERNE vacante A l'asile départemental DES aliénés DE

BOURGES (CBER). Traitement minimum 600 francs, maximum

800 francs. Gratification annuelle. Avantages en nature : logement,

nourriture de première classe, chauffage, éclairage, blanchis-

sage, etc. Adresser demande, titres et références à M. le Dr E.Cham-

bard, médecin-directeur de l'asile. Urgent.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

CIIIPAULT (A.). Chirurgie opératoire du système nerveux. - Préface

du professeur Terrier. Tome I : Chirurgie craazio-céré6rale. Vo-

lume in-8° relié de 744 pages, avec 431 figures. Paris, 1891. - Librairie

Rufï et C. ,e. n

Ferranini (A.). -. Nucleo atosologine délia siringonziela deftatitivo da

uaza sua forma familiare siazorâ non descrilta. Brochure in-8° de

65 pages. Napoli, 1894. Tipograha delta Riforma illedica.

Ferranini (A.). Le vie afferenti dei 9-iflessi superficiali ctelaazei e

mucosisono diverse da quelle délie comunisensibilila geiteiali. Brochure

in-8° de 61 pages. Napoli, 1893. 1'cpograCia delta 1-iiro,ma dledica,

MASSALONGO (R.). Sull'atetosi doppia lezione. Brochure in-S° de

16 pages. Napoli, 1894. Casa éditrice F. Vailardi.

Massalongo (R.) et Pakinati (S.). Islcrismo viscérale (Conlributo aile

sindromi simulalrici dell' islerisano). Brochure in-8° de 2G pages.

Napoli, 1894. Tipografia delta Iiiloi,ma médica.

80 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Masse (E.) et Woolonghan. Nouveaux essais de topographie cranio-

encéphalique (4pphcs<tOMSc/MyM : es). Brochure in-8° de 76 pages,

avec 10 figures. Paris, 1894. Libraires associés éditeurs.

Narich (B.). Élude sur la fièvre dengue. Première épidémie de

Smyrne (Turquie d'Asie) en été 1889. Brochure in-8° de 54 pages.

Prix : 2 francs. Pour nos abonnés : 1 fr. 35. Aux bureaux du

Progrès Médical.

VINAJ (S.-G.). tltalattia di Friedreiclz. Brochure in-8° de 7 pa-

ges. Torino, 1894. Estratta dalla Gazzella ntedica di Torino.

AVIS A NOS ABONNÉS. -L'échéance du 1 ? J1NYIER

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'ab o 17ze12ze)î cessera

à cette date, de nous envoyer le plus tôt possible le mon-

tant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.

Nous prenons à notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

qitittance de réabonnement leur sera présentée à partir

du 25 janvier. Nous les engageons donc à nous envoyer de

suite leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations la bande de leur journal.

Nous rappelons à nos lecteurs que l'abonnement collectif

des Archives de Neurologie et dit Progrès Médical

est réduit à 30 francs pour la France et l'Etranger.

Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.

Evreux, Ch Héntssev, imp. - 195

Vol. XXIX.. Février 1895., > ? 96

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE

QUELQUES OBSERVATIONS DU TROUBLE DE L ? 1LII ?

DYSBASIES D'ORIGINE NERVEUSE.

Par L. IIALLION, ancien interne des hôpitaux, et J.-B. CIIARCOT,

' interne des hôpitaux. '

Les quelques observations que nous allons rapporter ont

trait à des troubles de la marche, liés à des affections ner-

veuses diverses. Nous rangeons ces observations, d'ailleurs

très disparates, sous le titre général de dysbasies.

Le terme d'abasie, créé par P. Blocq, désigne des formes

symptomatiques bien définies; on ne saurait l'étendre, sans

confusion, aux divers cas assemblés dans cet article.

La première représente une dysbasie de cause psychique, et

rentre, pensons-nous, dans le groupe des basophobies, dont

MM. Debove et Boulloche ont cité un cas bien typique' .

La deuxième et peut-être la troisième sont des exemples de

dysbasies neurasthéniques. La quatrième, à propos de laquelle

le diagnostic différentiel avec la claudication intermittente

par oblitération artérielle pourrait, à la rigueur, un instant

se poser, se rattache à la dysbasie par affection organique du

système nerveux.

I. Dysbasie psychique.

Nous avons pris l'observation', suivante, en 1892, dans le

service de M. Brissaud dont l'un de nous était alors l'interne.

1 Soc. méd. des Hôpitaux, 17 novembre 1893. , .

Archives, t. XXIX. 6

82 ) CLINIQUE NERVEUSE.

Observation I. Del..., soixante-sept ans, sculpteur sur bois.

Pas trace d'antécédent névropathique héréditaire, ni personnel,

excellente santé, belle humeur, vie régulière.

En février 1891, un soir, il se rend de Paris à Montrcuil par un

froid très vif, dort bien- la nuit suivante. Le lendemain, il s'aperçoit

que la marche le fatigue d'une manière excessive. Ce phénomène

persiste les jours suivants, et ne laisse pas de l'inquiéter un peu.

A quelque temps de là, il rend visite à sa soeur. La porte de

l'appartement lui est ouverte, il se dispose à entrer. Phénomène

singulier, il ne peut faire un pas en avant. « Mais entre donc ! » lui

dit sa soeur étonnée de cette hésitation, « C'est curieux, répond-

il, je ne puis avancer. » Cet arrêt dure peu; il entre enfin, sans

la moindre gêne, et reste fort intrigué de ce qui vient de se pro-

duire. De ce moment datent les troubles de la marche qui persistent

encore aujourd'hui. Ils sont allés d'abord augmentant, puis sont

demeurés stationnaires. Actuellement, ils tendent, paraît-il, à s'a-

mender un peu.

Nous faisons marcher le malade devant nous; voici ce qui se

passe. Au moment de se mettre en marche, il regarde le soi à

quelques pas devant lui, pose sa canne (dont il ne se sépare jamais)

à une faible distance en avant, et y prend appui ; il semble se re-

cueillir, méditer l'acte qu'il va accomplir, concentrer son attention

et sa force comme s'il s'agissait d'exécuter un acte difficile; en

même temps, il piétine sur place, des deux pieds, d'un piétinement

rapide et inégal, progressant de quelques millimètres à peine à

chaque déplacement du pied. On dirait d'un homme qui s'aventu-

rerait sur une étroite passerelle, pour franchir quelque précipice;

la main gauche, légèrement écartée du tronc, tremble fortement.

Tout à coup, comme soudainement enhardi, le malade se met

résolument et franchement en marche, d'une allure normale, à

enjambées régulières. Pourtant, il n'a pas l'air complètement ras-

suré ; il va le corps légèrement incliné en avant, le regard atten-

tivement fixé sur le sol, tenant solidement sa canne.

Au bout d'une vingtaine de pas, brusquement, il s'arrête, recom-

mence à piétiner sur place; le manège du début se renouvelle;

enfin, après quelques secondes, il se remet en route. Ces alternatives

de marche régulière et de piétinement se renouvellent ainsi, à des

intervalles inégaux, tout le temps que le malade procède.

Certaines circonstances amènent fatalement le retour du piéti-

nement ; il en est ainsi chaque fois que lesu;et change de direction,

chaque fois qu'il s'oriente à droite ou à gauche, ou qu'il se retourne ;

il en est ainsi encore, infailliblement, lorsqu'il est en présence d'une

porte à franchir, cette porte fût-elle largement ouverte.

Nous l'avons fait marcher sur un trottoir. Lorsqu'il était arrêté

de la façon que nous avons dit, il commençait par écarter, du bout

de sa canne, les petits cailloux qui se trouvaient sur le chemin à

DYSBASIES D'ORIGINE NERVEUSE. 83

parcourir, comme s'il se fût agi là d'un obstacle sérieux. A plusieurs

reprises, nous le vîmes marcher en zigzag, descendant du trottoir

pour y remonter ensuite, décrivant des lignes brisées. c Cela m'ar-

rive souvent, nous disait-il. Je trouve avantage « à tirer ainsi des

Il ne traverse pas sa rue sans demander l'aide d'un passant obli-

geant. Il a peur de se trouver immobilisé devant une voiture.

L'appui d'un bras compatissant lui donne confiance, et il se tire

mieux d'affaire. Aucun autre trouble vésanique. Caractère parfai-

tement normal; intelligence intacte.

L'origine mentale de ces troubles de la marche nous parait

indiscutable malgré l'absence de tout désordre vésanique. Il y

a là quelque chose de très analogue à l'agoraphobie. Notons

toutefois qu'il n'existait pas d'angoisse au moment où se mani-

festait l'hésitation.

II. Dysbasie neurasthénique.

L'observation suivante que M. Brissaud nous a obligeamment

communiquée, se rapporte à des troubles de la marche liés à

la neurasthénie; elle est écrite par le malade lui-même, on y

trouve la minutie habituelle que mettent les neurasthéniques

à analyser tous les symptômes qu'ils éprouvent, à chercher la

cause de la maladie dont ils souffrent et à en supputer l'évolu-

tion future. Un médecin des plus éminents, professeur à la

Faculté de Lyon, lui a délivré le certificat que nous transcri-

vons ; il confirme le diagnostic de neurasthénie, déjà évident à

la seule lecture de l'observation auto-biographique.

Observation H.A onze ans, j'ai eu un rhumatisme aux genoux.

A trente ans, en 1881, j'ai eu une laryngite chronique pour laquelle

j'ai été à Cauterets, Allevard et Aix. On me dit alors que j'étais

anémique, ce que je ne crus pas, tant je me sentais vigoureux

et surtout bon marcheur.

En 1883, j'ai été victime d'un incendie qui me causa une émo-

tiou peu vive ; cependant à la suite de certaines fatigues physiques,

un mois après, je sentais les premiers symptômes de paresse des

jambes. Je crus à du rhumatisme, et cela se passa.

En mars 1885, je faillis perdre ce que j'avais de fortune- et sur-

tout ma position : on voulait me rendre responsable de fautes

commises par un employé. Cet événement subit eut en moi le plus

intense et le plus douloureux retentissement. Pendant quinze jours

84 CLINIQUE NERVEUSE.

après cette révolution, j'eus de violentes douleurs derrière la tête ;

rien ne pouvait me distraire et on pouvait craindre que je devinsse

fou. Quatre ou six semaines après, le mauvais sang que je m'étais

fait (pour me servir d'une expression populaire) me tombait sur

les jambes. Je ne pouvais presque pas marcher.

Depuis lors, ma maladie a été graduellement en empirant. Il y a

deux ans je voulus me faire réformer. Le diagnostic formulé à

cette occasion, portait à peu près ceci : neurasthénie classique

consécutive à un rhumatisme vague et généralisé avec accidents

de phosphaturie et albuminurie...

Ces phénomènes ont pour ainsi dire disparu, mais j'ai perdu

pendant longtemps sans m'en douter mes phosphates. Les analyses

faites depuis lors révèlent de l'acide urique et de la bile.

En septembre 1890, on m'ordonna le drap mouillé. Un mois

après je pris froid ; j'eus une congestion rhumatismale du pou-

mon.

Depuis lors je m'enrhume facilement, je prends plus facilement

des maux de gorge et de petites angines.

Actuellement, je ne puis marcher que cinq minutes de suite et

cela une ou deux fois par jour; le reste du temps, je demeure

presque sans mouvement des jambes. Dès que je fais quelques pas

de trop, il me faut plusieurs jours d'immobilité presque complète

pour me remettre.

Je n'éprouve pas de douleur proprement dite, mais mes jambes

sont lourdes, semblent gonfler et s'effondrer sous moi.

Il y a quelquefois une très légère enflure en dehors et au-dessus

de la cheville avec grossissement des veines. Lorsque je fais de la

gymnastique des bras, j'ai vite mal dans le dos. Si cette sorte de

fatigue s'accentue, elle cède après le repos et l'application de

quelque chose de chaud sur le dos (son grillé).

Si je ne puis marcher, je puis encore bien moins me tenir im-

mobile debout. Je ne tiens debout sur une jambe les yeux fermés

que quelques secondes. Je n'ai pas perdu la vue mais je dois avoir

les yeux atteints puisque je ne puis lire que quelques minutes.

Je dors généralement très bien et de sept heures à neuf heures

par nuit, j'ai unhon appétit et très soutenu. Je crois que ma diges-

tion se fait assez bien, surtout depuis que je mange lentement.

Je transpire beaucoup, surtout la nuit; j'ai un peu l'herpès.

Depuis la naissance de mon dernier enfant; qui a près de quatre

ans je garde une continence absolue. Je ne fume pas, je ne bois

ni liqueur ni café, je prends très peu de vin.

J'ai quarante ans et depuis le collège (où je n'ai presque pas

travaillé et où je me portais très bien) je mène la vie de bureau.

Depuis l'âge de 28 ans j'ai beaucoup travaillé, plus probla-

ment que ne le permettaient mes forces; c'est ce qui a dû me pré-

disposer à recevoir dans de mauvaises conditions le choc de mars

DYSBASIES D'ORIGINE NERVEUSE. 85

1885 rapporté plus haut. De tout temps j'ai été très impression-

nable et craintif.

Mon père jouissait d'une excellente santé,'il est mort à soixante-

huit ans de crises d'éclampsie. Ma mère vit encore et se porte très

bien, mais a eu un mal de jambes temporaire non sans analogie

avec le mien. Mon père et ma mère étaient cousins germains.

J'ai un frère jumeau qui se porte bien. Nous avions un frère plus

jeune que nous qui est mort il y a trois ans de la poitrine. Mes

cinq enfants dont quelques-uns sont un peu lymphatiques, se por-

tent en somme très bien.

Suis-je menacé d'une lésion ou quasi-lésion, de la paralysie ?

Puis-je améliorer mon état ou seulement retarder la marche

toujours ascendante de la maladie ?

Je voudrais pouvoir marcher un peu plus et pouvoir travailler au

moins quatre heures par jour afin de garder quelques années

encore la direction de mon étude d'avoué !

Certificat délivré par M. le professeur TEssiER.

Je soussigné... déclare donner mes soins à M. X..., avoué, pour

des accidents de neurasthénie consécutive à un Rhumatisme vague

et généralisé, dont il souffre depuis de longues années.

La tlialhèse rhumatismale s'est traduite chez M. X...par des ma-

nifestations d'ordre varié, dont les principales sont : des signes

d'irritation dorso-spinale avec douleur dans les jambes et grande

gêne pour la marche, et des poussées de phosphaturie alternant

avec de l'albuminurie transitoire. Ces derniers phénomènes ont

d'ailleurs aujourd'hui disparu.

Actuellement ce qui domine chez M. X..., ce sont les signes de

la Neurasthénie classique, épuisement nerveux, inquiétude vague,

mais constantes, douleurs permanentes dans les mollets, plaque

dorso-lombaire, angoisse, etc. et l'effondrement des jambes qui se

dérobent au bout de six ou huit minutes de marche, rendant la

station debout fort pénible et nécessitant le repos immédiat.

Dans ces conditions et bien que ces phénomènes soient suscep-

tibles de s'amender dans l'avenir, je pense que les exercices forcés,

les marches prolongées, le surmenage physique en un mot, sont

absolument interdits à M. X... ; outre qu'il en est incapable, il ne

pourrait y être soumis sans un préjudice sérieux pour l'état géné-

ral de sa santé.

En résumé, il s'agit d'un sujet âgé d'environ quarante ans,

devenu neurasthénique il y a une dizaine d'années, à la suite

d'une violente émotion. Depuis lors, il éprouve une sensation

de faiblesse extrême; actuellement, il ne peut marcher plus

de cinq minutes de suite, et encore ne peut-il répéter cet exer-

86 CLINIQUE NERVEUSE.

cice plusieurs fois en un jour sans éprouver, pendant les jours

suivants, une fatigue extrême qui le condamne à l'immobilité

presque absolue.

Ici, la faiblesse et l'effondrement des jambes, phénomènes

notés chez les neurasthéniques, prennent une importance

exceptionnelle parmi les autres symptômes. Remarquons

aussi que deux ans avant l'apparition de la neurasthénie per-

manente, le malade avait éprouvé d'une manière transitoire,

à la suite d'une émotion minime, le même phénomène à l'état

d'ébauche. Enfin à en croire le malade, cette prédisposition

spéciale à la fatigue des membres inférieurs semble lui avoir

été transmise par hérédité, maternelle, bien qu'elle fût demeu-

rée absolument latente chez lui jusqu'à l'intervention d'une

cause occasionnelle.

Chez les neurasthéniques, l'état mental exerce, comme on

sait, une grande influence sur l'évolution des symptômes.

Quelle est la part de cette influence sur les désordres de la

marche, dans le cas présent ? C'est ce que nous ne saurions

dire, d'autant moins que nous n'avons pu examiner le malade

et que nous ne connaissons guère que les troubles subjectifs

dont il se plaint. C'est encore la neurasthénie qui est en scène

dans l'observation suivante.

Observation III. -11. M..., trente ans, lieutenant de chasseurs à

pied, vient consulter le professeur Charcot, en 189t, au sujet d'une

gêne qu'il éprouve pendant la marche.

Il déclare que sa santé a toujours été parfaite ; il n'a eu aucune

maladie, notamment aucun accident vénérien ; il n'a jamais fait

d'excès d'aucune sorte. En mars 1890, se montrèrent associés à des

troubles dyspeptiques, divers phénomènes nerveux : lassitude géné-

rale, lourdeur de tête, vertiges. Ce dernier symptôme se produisait t

notamment le matin au moment du lever, ou bien lorsque le

malade, debout ou marchant, portait son regard en haut, et cessait

de voir le sol et les objets adjacents.

Ces phénomènes s'amendèrent, mais en septembre 1890, des

troubles nouveaux apparurent. A cette époque, M. X..., dut se

livrer à des exercices d'équitation auxquels il n'était pas accoutumé,

et qui le fatiguèrent beaucoup. Peu après, il subit une forte contu-

sion du gros orteil. Néanmoins, il prend part aux manoeuvres d'oc-

tobre; mais dès le premier jour, après deux heures de marche, il

est contraint de s'arrêter, éprouvant aux membres inférieurs cette

fatigue excessive dont nous reparlerons fout à l'heure. Dans le

cours des manoeuvres, ces phénomènes persistent et vont s'accen-

tuant. Ils disparaissent à peu près complètement dans l'hiver sui-

DYSBASIES D'ORIGINE NERVEUSE. 87

vaut; saison pendant laquelle les marches militaires sont rares.

Mais en mars 1891, ils se montrent à nouveau.

Sur la demande du professeur Charcot, au mois de juin, l'un de

nous examine le malade, et voici les résultats de cet examen.

A. Avant la marche. M. X..., est bien constitué, d'apparence

robuste. Il éprouve quelques symptômes neurasthéniques ; son

ventre se ballonne après les repas, il dort assez mal, et au réveil

éprouve de la fatigue. 1

Aux membres inférieurs, aucune anomalie appréciable, comme

couleur, sensibilité, force musculaire. Les. artères battent norma-

lement. Le réflexe rotulien est exagéré des deux côtés; à droite,

où cette exagération est plus manifeste, on note aussi le tremble-

ment épileptoïde du pied.

Aucune sensation anormale pendant le repos, si ce n'est un vague

sentiment de gêne dans la partie interne de l'aine droite. Cette

sensation s'exagère un peu quand le membre exécute des mou-

vements. La vue ni le palper ne décèlent rien de particulier dans

cette région ni dans les bourses.

B. Pendant la marche. Nous invitons le malade à marcher

sous nos yeux, dans les vastes cours de la Salpêtrière. Il va d'un

pas rapide, sans que rien d'anormal apparaisse d'abord. Au bout

d'un quart d'heure environ, un certain trouble se manifeste, mais

si léger qu'il passerait inaperçu pour un observateur non prévenu;

il consiste en ce que le pied droit, au lieu de porter sur le sol d'abord

par le talon comme fait le pied gauche, s'y pose d'emblée par

toute sa face plantaire; de plus, le pied droit dans son mouvement

de translation d'arrière en avant frotte souvent le sol de sa

pointe. Bref, la pointe du pied droites ! un peu tombante, il existe

une sorte de « steppage » léger. Bientôt le malade abandonne

l'allure rapide, et marche d'un pas modéré.

Interrogé sur ce qu'il éprouve, il accuse une grande fatigue des

deux jambes, mais surtout de la jambe droite ; il a besoin de se

reposer. A droite, il lui semble que le con-de-pied est gonflé, et que

l'avant-pied est comme doublé de ouate sur la face plantaire.

C. Après la marche. Aucune modification objective dans les

membres inférieurs : coloration, température, sensibilité cutanée,

sont normales; la force musculaire elle-même n'est pas notable-

ment diminuée. Les artères, en particulier la pédieuse, battent

normalement. Peut-être l'exagération des réflexes est-elle plus

marquée; toutefois, la trépidation épileptoïde ne peut être provo-

quée à gauche.

La neurasthénie était manifeste chez ce malade, mais elle

était peu accusée. Les troubles de la marche étaient d'ailleurs

infiniment moins marqués que chez le sujet précédent : M. M...

88 CLINIQUE NERVEUSE.

était simplement contraint de se reposer de temps en temps,

ses jambes devenant, après une marche de faible durée, un

peu raides et surtout impotentes. Faut-il rattacher ce symp-

tôme à la neurasthénie ? Nous serions porté à le croire, étant

donné ses rapports de coïncidence avec divers phénomènes

neurasthéniques, et l'absence de toute affection déterminée, à

laquelle on puisse les attribuer. Cette opinion ne saurait être

admise, pourtant sans d'expresses réserves, car l'exagération

des réilexes rotuliens et la trépidation épileptoïde du pied n'ap-

partiennent pas au syndrome neurasthénique, et indiqueraient

plutôt une affection médullaire : simple névrose non définie ou

maladie organique (sclérose en plaques ? ) non encore caracté-

risée. Dans cette dernière hypothèse, l'observation de M. M...,

se rangerait dans la catégorie de dysbasies à laquelle appartient

le cas suivant'.

III. Dysbasie par LÉSION organique DU système nerveux.

A la consultation externe de M. Brissaud, se présente en mars 1892

le nommé V ? âge de cinquante-six ans, commissionnaire.

Antécédents héréditaires. Mère vivante, rhumatisante, quatre-

vingt-neuf ans.

Père mort par apoplexie; frère légèrement rhumatisant.

Dans la famille, aucune maladie nerveuse ni mentale, pas de

déformations congénitales ; tous ses parents meurent vieux, valides

jusqu'aux derniers jours.

Marié à une femme poitrinaire, M... en a eu un fils, mort lui-

même de la poitrine. Remarié à une femme saine, il en a eu deux

enfants, restés vivants et bien portants.

Antécédents personnels. Déformation congénitale des deux

mains. Les doigts sont rabougris, informes.

. De vingt à vingt-huit ans, marchand devin, il buvait 4 litres de

vin par jour, peu d'eau-de-vie. Toutefois, pas de phénomènes d'al-

coolisme marqués d'après l'interrogatoire détaillé auquel nous le

soumettons. Devenu ensuite arpenteur-géomètre, il reste très sobre

depuis lors. A vingt et un ans, main gauche écrasée, 3 métacarpiens

enlevés avec les doigts correspondants. A trente ans, fracture de

la clavicule gauche et de quelques côtes à gauche, enfin, fracture

sus-malléolaire de la jambe gauche.

' Nous avons appris récemment que M. M... continuait actuellement

son service d'ollicier, ce qui rend peu vraisemblable l'hypothèse d'une

lésion organique.

dysbasies d'origine nerveuse. 89

Etat actuel. Sujet très solidement musclé ; apparence de

bonne santé.

Il éprouve très souvent, depuis trois ans, dans la journée, mais

surtout la nuit, dans les deux pieds, à la région plantaire exclusi-

vement, une sensation de brûlure intense ; cette douleur survient

surtout quelques moments après qu'il vient de se coucher. Il la sou-

lage en s'enveloppant les pieds de serviettes mouillées, ou en mar-

chant sur le parquet froid. Mêmes douleurs dans la main gauche,

et, depuis quelque temps aussi, dans la main droite.

Troubles de la marche. En même temps que les phénomènes

douloureux, ou à peu près, ont apparu des troubles de la marche.

Après une heure, deux heures de marche seulement à certains

jours ; mais, d'autres jours, toutes les dix minutes, il est contraint

de s'arrêter. Il éprouve dans les deux jambes une sensation de fai-

blesse, et en même temps une sensation de brûlure dans les pieds.

11 se repose une dizaine de minutes; tout s'apaise; il continue sa

route pour s'arrêter encore, les mêmes phénomènes se reproduisant.

A l'âge de vingt-cinq ans (période des 4 litres de vin quotidiens),

le malade a éprouvé, sans cause connue (pas de refroidissement),

des douleurs tout à fait comparables à celles dont il souffre main-

tenant : sensations de brûlure très pénibles, d'abord dans l'épaule

droite, puis dans le reste du membre supérieur droit; ensuite,

quittant complètement le membre supérieur, ces sensations s'em-

parent du membre inférieur droit, siégeant à la face externe de la

cuisse et au gros orteil. Cette sensation de brûlure interne se cal-

mait par l'immersion du pied dans l'eau froide. Elle survenait d'or-

dinaire à la suite de marches, même peu prolongées (marche

durant une heure, par exemple). Mais ces phénomènes ne tardent

pas à disparaître, et jusqu'à ces dernières années, à part les trau-

matismes accidentels cités tout à l'heure, la santé estbonne.

Il y a quelques années, douleur au niveau du tendon rotulien

gauche, parla pression seulement (acte de s'agenouiller) : t C'était

comme si on lui enfonçait une pointe dans les genoux. »

En septembre 1889, il est exposé, en pleine campagne, à une

forte pluie. C'est à partir de ce moment qu'il éprouve dans les

deux pieds, et bientôt après dans la main gauche, les phénomènes

dont il se plaint aujourd'hui.

Examen des membres inférieurs. Pieds plats. C'est pour cette

raison, sans doute (car il s'est toujours connu cette déformation du

pied) qu'il n'a jamais été très bon marcheur.

Au cou-de-pied gauche, déformation résultant de la fracture

ancienne : écartement et saillie anormale des deux malléoles.

Pieds légèrement violacés, jambes et cuisses un peu marbrées ;

ces troubles de la vascularisation cutanée prédominent beaucoup à

gauche.

90 CLINIQUE nerveuse.

Atrophie de la cuisse et de la jambe gauches. Cette atrophie, que

le malade n'avait pas remarquée, est très notable. Elle est pro-

noncée surtout à la jambe, où elle atteint principalement, sinon

exclusivement, le mollet; elle est moins accentuée à la cuisse, où

elle est localisée dans le triceps.

Réactions électriques (faradiques et galvaniques) normales.

Troubles de la sensibilité. Nous avons noté plus haut les sensa-

tions de brûlure qui se montrent spontanément ou à la suite de la

marche. -

Sensibilité de la peau conservée, sauf une bande verticale de

dysesthésie occupant la face externe de la cuisse droite, zone où se

montrent les mêmes sensations de brûlure qu'au niveau des

pieds. Il y a vingt ans que le malade éprouve dans cette région ces

sensations de brûlure et qu'il s'est aperçu de la diminution de sen-

sibilité existant dans cette zone.

Examen du système nerveux. Partout ailleurs, sensibilité cutanée

et musculature intactes. Béilexes pupillaires normaux. Quelques

secousses fibrillaires çà et là. Céphalalgie occipitale légère persis-

tante.

Système artériel. Radiales très légèrement indurées, un peu

flexueuses. Battements normaux dans toutes les artères superfi-

cielles.

Urines. Pas de sucre, ni d'albumine.

11 s'agit évidemment ici d'une affection organique du sys-

tème nerveux; malgré l'existence d'un léger signe d'athérome

on ne peut songer à la claudication intermittente par artérite.

Les phénomènes douloureux, les troubles vaso-moteurs, l'atro-

phie musculaire, prédominant sur les extenseurs nous portent

à incriminer une névrite, affectant principalement, sinon

exclusivement, le membre inférieur droit. L'affection a débuté

à l'âge de vingt-cinq ans, à une époque où le sujet se livrait à

de grands excès alcooliques; ces derniers paraissent donc avoir

constitué la cause. Après cessation de ces excès, la maladie

rétrocéda; elle se manifesta plus tard à nouveau, sous l'in-

fluence d'un refroidissement.

CLINIQUE MENTALE.

LES DÉLIRES PLUS OU MOINS COHÉRENTS DÉSIGNÉS

SOUS LE NOM DE PARANOÏA (suite) ' ;

Par le D' P. KERAVAL,

Médecin en chef des asiles de la Seine.

La folio systématique chronique (chronische Verriicktheit)

elle-même n'est pas-toujours aisée à distinguer delà confusion

mentale ( l'eriuirrlheit), parce que, parfois, pendant plusieurs

semaines et même plusieurs mois, elle est entrecoupée d'une

phase de confusion mentale hallucinatoire totale, d'agitation

très vive, phase passagère qui représente, symptomatiquement,

la confusion mentale hallucinatoire aiguë.

Notons cette opinion persistante des cliniciens que la suractivité

intellectuelle d'un malade hanté par des hallucinations et des idées

de persécution ou des idées délirantes absorbantes quelconques qui

tendent à se systématiser, à se coordonner, à s'enchaîner, peut se

traduire par cette forme de l'agitation qui peut, à bon droit, s'ap-

peler de la confusion mentale.

Meynert, dans ses leçons cliniques sur la psychiatrie (en

'1890) consacre au sujet qui nous occupe de longues pages d'a-

nalyse clinique et théorique. Il prétend établir l'existence d'une

maladie mentale qui correspond, somme toute, à son ancienne

le2,zvii,2,lheit hallucinatoire , et à laquelle il donne le nom

d'amentia. Dans l'amentia de Meynert, il y a suppression,

totale ou partielle, du travail d'association, de coordination

des images corticales, de l'enchaînement des idées. Il en résulte

un désordre, un pèle-môle, une confusion cérébrale qui est la

Verrwirrtlieil ou confusion mentale. Le malade, incapable

de fusionner les images dans le champ de la conscience, subit

1 Voir Archives de Neurologie, 11°' 91, Ou.

92 CLINIQUE MENTALE.

les perceptions sans les comprendre. Les hallucinations n'ac-

compagneraient pas forcément la confusion mentale (Ve2,ivoi-

q,e7zhell. C'est l'illusion qui lui est le plus intimement com-

binée. L'intensité de. ces accidents peut être telle que la

dissociation entraine une incohérence verbale hachée, et un

excessif désordre des actes ; le délire aigu représente cette

extrême acuité de la Verwirrtheit ou amentia de Meynert. On

reconnaît aussi dans l'SMenM des lambeaux de délire de

grandeur et de persécution. Mais elle se distingue de la folie

systématique (paranoïa), par l'état de la lucidité constatée

dans cette dernière qui, par un enchaînement de fables déli-

rantes aboutit à la fixité de l'idée. Toutefois il n'est pas rare,

dans la paranoïa, d'observer des phénomènes dus à l'épuise-

ment nerveux et qui sont de l'amentia.

Quant à la Paranoïa ou folie systématique chronique primi-

tive (cfa·onisc'e p ? ,imoe7,e Verrücklheil), Meynert adopte les

opinions cliniques deSnell, Sanderet Westphal. Ici iln'y a pas

d'affaiblissement intellectuel quanta la forme de l'idéogénèse;

le fonctionnement mécanique reste parfait, le malade apprécie

généralement nettement le monde extérieur. Mais il ne faut

pas oublier les cas complexes de confusion mentale (amentia)

avec manie, ayant été précédée de folie systématique (paranoïa)

dans lesquels, ce syndrome de confusion mentale cédant de

nouveau, on voit se produire la systématisation délirante bien

ordonnée de la folie systématique, ni les observations dans les-

quelles le syndrome aigu en question précipite les malades

dans une profonde démence.

Les troubles de la catatonie sont, en pareils cas, désignés sous

le nom d'ameiata'a, c'est-à-dire confusion mentale, avec stupeur.

Wille en a donné des exemples très nets de cas aigus, qu'il a

qualifiés de Verwirrtheit. L'obnubilation de la conscience,

en est le symptôme le plus important. Les perceptions et

l'attention sont affaiblies ; les conceptions sont profondément

amoindries. On constate les idées délirantes et les hallucina-

tions sensorielles les plus variées. Fréquemment, pendant des

années, il y a des mouvements impulsifs coordonnés (automa-

tisme). Il est hors de doute que les hallucinations sensorielles

exercent surtout une influence sur la vie sentimentale et les

actes du patient. Mais ce serait violenter les faits que de leur

imputer le trouble de la conscience, souvent si profond qu'il

parait tout bonnement impossible que les troubles sensoriels

DE LA PARANOÏA. 93

agissent sur la conscience (Wille). On voit la confusion men-

tale se présenter à l'état intercurrent dans les psychopathies

les plus différentes. M. Wille accepte l'existence d'une folie

systématique aiguë (paranoïa aczcta), caractérisée par ceci que,

dans le cours de délires avec confusion mentale (verzuorrene

.Ce/M'e) ou délires diffus, il existe des idées délirantes systé-

matisées et constantes (sstenzaGsirte und cozsGante Wahnideez).

Ces textes donnent une grande clarté aux mots et aux choses.

L'idée de la folie systématique aiguë y est exprimée sans ambape,

avec ses motifs ; parce que, est-il dit, on y constate les éléments

dissociés mais surnageant de la folie systématique chronique. Ils

montrent aussi l'association de la confusion mentale à ces deux

aspects de la folie systématique et leurs relations pathogénétiquos.

Avec eux, on comprend moins la nécessité de multiplier les termes,

les incertitudes des auteurs antérieurs qui les ont multipliés et qui,

après les avoir multipliés, ont pu se trouver embarrassés de les

expliquer en en cherchant les caractères différentiels.

Mayser propose -pour la confusion mentale '{ Verwirrtheit),

ou la folie systématique aiguë (acute paranoïa), ad libitu2n,

le nom de délire asthénique, il y joindrait le délire consécutif

à la morphine, au chloral, àl'oxyde de carbone et autres intoxi-

cations.

M. Scholz dit qu'au point de vue psychologique, le deli-

rium tremens est un délire systématique hallucinatoire primi-

tif (primoerer hallucinatoriscfier Wahnsinn). c Le délirium tre-

mens, surtout dans sa forme prolongée, doit être tenu pour le

type de ce délire. » A côté de cette folie systématique primi-

tive (ou 17e ? î,üeletheil), il y aurait à distinguer une folie systé-

matique originelle (originoere 4errüclctheit) . Mais, entre

ces deux groupes, il faut admettre des formes mixtes, par

exemple la folie systématique primitive (p ? )Koe ? 'e Ve2,rücktheit),

avec délire des persécutions et des variétés telles que le délire

de chicane ou des persécutés persécuteurs (Quoerulantenwahn),

l'érotomanie, la folie systématique (Ve7-i,ücktheit) par obses-

sions.

M. Jung attribue à la Verrùcktheit les caractères suivants :

Tous les malades qu'elle atteint ont des cerveaux faibles ou

infirmes ; c'est pour cela que les buveurs et les puerpérales y

sont particulièrement prédisposés. Elle résulte d'un méca-

nisme pathologique des conceptions. Le délire s'installe sans

préparation morale, ni sans réllexion préalables, il ne tend pas

94 CLINIQUE MENTALE.

à rien expliquer comme dans la mélancolie ou la manie. Les

hallucinations peuvent revêtir une allure extrêmement aiguë,

fougueuse, et engendrer une confusion mentale (Verwirrtheit)

secondaire par leur énorme abondance; dans ce cas, elles

empêchent la formation de conceptions délirantes proprement

dites ou ne leur permettent pas de se condenser, de se concen-

trer en un délire organisé.

Ceci est la confirmation et l'explication des textes précédents de

Meynert et Wille, dont Mendel va nous donner la synthèse.

Mendel, continue M. Cramer, appartient à l'École qui résume

les différents tableaux morbides envisagés suprà. Il en forme

une maladie, la paranoïa, qu'il divise en paranoïa primaire et

paranoïa secondaire.

« La paranoïa primaire est, dit-il, une psychose fonctionnelle

caractérisée par la genèse primitive de conceptions délirantes.

Les conceptions délirantes dominent, sans opposition, la vie

mentale du malade ; aucune conception contradictoire ne

naît dans son cerveau. Les quelques idées normales qui

peuvent lui rester n'entrent point en conflit avec la conception

délirante dominante. Le texte même du délire modifie et dirige

ses sentiments. Ses actes morbides sont aussi la conséquence

du sujet du délire, qu'il y ait ou non des hallucinations senso-

rielles. » La Vei,2,iiekiheil aborlive de Westphal n'est pas une

paranoïa, puisqu'il s'agit, dans l'espèce, non de conceptions

délirantes, mais d'obsessions.

Mendel divise la paranoïa primitive en paranoïa simplex :

elle se produit sans hallucinations et, plus tard, on n'en cons-

tate pas ou l'on n'en constate que d'une façon toute passagère,

toute isolée, et en paranoïa hallucinatoire, commençant d'em-

blée par des hallucinations, celles-ci ne la quittant plus, et

exerçant une influence constante sur le tableau morbide. Ces

deux formes sont tantôt aiguës, tantôt chroniques.

La paranoïa simple chronique a pour variétés : la folie systé-

matique originelle (originccre Verrüclctlaeit) de Sander, et le

délire des persécutés persécuteurs, ou de chicane (yuccrctla7t-

tenauahtsinn), tandis que la paranoïa hypochondriaque est une

variété de la paranoïa hallucinatoire chronique. La paranoïa

peut d'ailleurs être compliquée de stupidité pendant un temps

plus ou moins long.

Mendel dit encore : « La conscience est, dans la paranoïa

DE LA PARANOÏA. 95

aiguë, parfois passagèrement troublée ; cela arrive rarement

dans la paranoïa chronique. Quand il y a inconscience, le ma-

lade ne conserve pas le souvenir de ce qui s'est passé pendant

cette période. Les actes résultent des conceptions délirantes et

des hallucinations lorsqu'elles se produisent.

La paranoïa hallucinatoire aiguë se compose d'un stade pro-

dromique plus ou moins long, de symptômes indéterminés de

toutes sortes, après quoi s'installe un délire général, avec

trouble considérable de la conscience. Ce délire s'accompagne

d'hallucinations en masse, le plus souvent de tous les sens. Il

y a incohérence, mais déjà l'on y peut parfois reconnaître les

deux types de délire (délire des grandeurs et délire des persé-

cutions).

Quand les idées commencent à galoper, on assiste à la créa-

tion du symptôme que nous avons l'habitude de désigner sous

le nom de confusion mentale générale (Allqemeine Verwirr-

theit), auquel se joint l'agitation motrice de plus en plus vive;

il semble qu'on ait devant soi un maniaque ; et en effet, au

début de ce complexus syndromique, il est difficile de le dis-

tinguer de ce que j'ai décrit sous le nom de manie hallucina-

toi,e. Dans l'immense majorité des cas, cette paranoïa halluci-

natoire violente se rattache à une affection fébrile aiguë ;

notamment à la fièvre typhoïde, à la pneumonie, à la pleurésie,

à la dysenterie, à la scarlatine, et surtout aux maladies puer-

pérales.

L'histoire des délires plus ou moins cohérents désignés sous le nom

de paranoïa ou folie systématique, prend un corps parfaitement

concret. Le jeu des hallucinations, des conceptions délirantes et de.

la confusion intellectuelle est exposé avec précision.

Dans la Verwirrtheit (de Wille), ou démence (d'Esquirol),

ou Wahnsinn hallucinatoire aigu (de Meynert), ou p2,iiizoe,e

acute Fer ? 'Mc/<;e (de Westphal), ou 1·Vahnsinn sensoriel aigu

(de Schuele) ou sommations (des autres auteurs), Orchansky

voit une obnubilation plus ou moins profonde de la conscience.

L'activité psychique entière du malade est obnubilée, il n'a

plus la conception nette de son propre Moi, il ne reconnaît

plus la réalité des choses extérieures et ne saisit plus les limites

entre le Moi et le non-Moi. Les faisceaux d'association exercés

à la coordination habituelle sont, aussi bien que ceux qui 'sont

un produit du travail intellectuel, tombés en désuétude. Quand

96 CLINIQUE MENTALE.

l'obnubilation de la conscience est légère, les patients sont en

demi-sommeil ; ils paraissent étonnés, tout en s'efforçant de

reconnaître leur entourage, et de s'orienter. Parfois, ils réus-

sissent, pour un instant, à déchirer le voile qui les couvre.

En cet état, le malade a encore un léger souvenir, quoique

partiel et sommaire, du passé, mais quand l'obnubilation de

la conscience atteint son maximum, il est en stupeur et pres-

que dans le coma. Il n'est pas rare de voir ce symptôme

fondamental de l'obnubilation de la conscience s'accompagner

de phénomènes d'excitation d'ordre mental, tels que concep-

tions délirantes et hallucinations. Dans l'immense majorité des

cas, cette confusion mentale (ou somniation avec obnubilation

de la conscience) n'est qu'une courte période, l'accès atté-

nué, le stade de développement en raccourci d'une psychose

complexe. La plupart du temps elle apparaît dans le cours de

la folie systématique ( 6'errüclctheit) primitive, tant aiguë que

chronique et, en particulier, dans le cours de la folie systéma-

tique (Fer7,iicklheil) dégénérative, de celle qui a pour terrains

les névroses graves telles que l'hystérie, l'épilepsie et la neu-

rasthénie. Il va de soi que, dans tous les cas où la confusion

mentale est la phase ou le stade d'une psychose complexe, le

syndrome relativement simple que nous avons décrit se com-

plique des éléments de celle-ci.

M. Werner s'est efforcé de coordonner en un tout concret

les différentes opinions sur les divers modes de manifestations

de la paranoïa. Il se sert donc exclusivement du mot paranoïa

et distingue : une paranoïa aiguë simple, une paranoïa ch2,o-

nique simple, une paranoïa aiguë hallucinatoire, une paranoïa

secondaire. Dans la paranoïa simple, il n'y a pas d'hallucina-

tions. « L'hérédité, selon lui, y joue son rôle, comme partout;

elle est de 19 p. 100; tandis que Mendel ne l'a observée que

dans 8 p. 100. » Le pronostic le plus favorable appartient à

la paranoïa aiguë hallucinatoire.

M. Werner sépare tout à fait la confusion mentale aiguë

(acute Verwirrrtheit amentia de Meynert) de la paranoïa

pour les raisons suivantes. « Les symptômes cardinaux de la

confusion mentale sont, comme son nom l'indique, l'incohé-

rence des discours et le désordre des actes en rapport avec une

inconscience profonde. Or, tout ceci se retrouve au stade de

début de la paranoïa, mais ici, l'obtusion du sensorium est

bien moindre, et le décousu des discours n'y est que passager.

DE LA PARANOÏA. 97 1

De plus (dans la paranoïa), de très bonne heure, au milieu du

verbiage confus apparaissent certains mots, certaines idées

opiniâtres qui permettent de démêler des idées délirantes

constantes qu'on arrive à rattacher à leur tour à des actes

déterminés ayant un objectif conscient et qui témoignent

nettement de la défiance du sujet et du mal auquel il se croit

en butte, en un mot du délire d'inquisition (l3eaclatungswalan)

de Meynert. »

Il y aurait donc une folie systématique aiguë, simple ou halluci-

natoire (idées de suspicion on de persécutions en germe non encore

systématisées, avec ou sans hallucinations), une folie systématique

chronique simple, une folie systématique secondaire, une confusion

mentale pour les uns, indépendante de ce genre de délires, pour

les autres, apparaissant dans le cours de la folie systématique aiguë

ou chronique, enfin peut-être aussi constituée par l'exagération des

phénomènes aigus de la paranoïa.

M. Kirchhoff divise les troubles psychiques simples, d'après

nous fonctionnels, en : a, mélancolie ; b, manie ; c, folies pério-

diques ; d, paranoïa.

La paranoïa se décompose à son tour en : 1° Wahnsinn ;

2e Verrùcktheit ; 3° Verwirrtheit.

La Paranoïa n'est autre chose que la mélancolie ou la manie

persistantes avec addition de conceptions délirantes cohérentes,

organisées, systématisées. 1° Le Wahnsinn est un trouble in-

tellectuel composé de conceptions délirantes et d'hallucinations

sensorielles rapidement élaborées de manière à former un tout

cohérent et étroitement associées à des sentiments profonds. La

Ve7,7,ücktheit ne témoigne pas d'une sensibilité morale si persis-

tante ; les sentiments ne sont là que des éléments accidentels

qui disparaissent rapidement. Tout développement de Wahn-

sinn s'accuse par l'apparition de sentiments persistants; il

procède aussi par des oscillations qu'on ne rencontre pas à un

si haut degré dans la Verrücktheit. Le Wahnsinn est au fond

un épisode de paranoïa aiguë, pouvant évoluer rapidement et

favorablement;

2° La Verrücktheit est un trouble intellectuel dans lequel

les conceptions délirantes, généralement accompagnées d'hal-

lucinations sensorielles, s'organisent parfois vite, mais d'ordi-

naire lentement, en un système de délire progressif ; elles

n'exercent sur le patient qu'une impression morale tout'acci-

dentelle, et qui se dissipe le plus souvent peu à peu. Elle se

Archives, t. XXIX. 7

98 CLINIQUE MENTALE.

montre exclusivement chez les héréditaires et présente une

marche défavorable, abstraction faite de quelques cas dont le

diagnostic est douteux. La Verrüclctheit est un groupe de la

paranoïa ; - .

3° Quant à la Verwirrtheit, il faut y voir principalement un

syndrome secondaire consécutif aux deux formes précédentes

de la folie systématique, Wahnsinn ou Verrucktheit. « Nous

voici arrivé, dit M. Kirchhoff, à la confusion mentale llalluci-

natoire (acute hallucinalorische l'e),zviî,2,theil) dont nous avons

touché un mot dans les formes violentes de manie; quand

celles-ci passent à l'état chronique, la confusion mentale, géné-

ralement produite dès le début par les hallucinations senso-

rielles, persiste, bien qu'il puisse survenir des atténuations

pendant lesquelles on constate que le cerveau tente encore

d'assembler des conceptions délirantes. La Verwirrtheit peut

donc aussi exhiber les éléments de la paranoïa avant que

celle-ci soit complètement formée ou après son entier déve-

loppement ; dans le premier cas, elle apparaît comme la fon-

dation de l'édifice ; dans le second, elle n'en représente plus

que les décombres. »

Le même auteur parle aussi d'une Verwirrtheit astlaénique (à

l'exemple de Mayser), survenant dans les troubles psychiques

aigus consécutifs à la neurasthénie.

Cette division des vésanies ou troubles psychopathiques sans

lésions est particulièrement intéressante. Elle donne satisfaction à

tout le monde et permet de ranger toutes les observations sous

l'une des rubriques proposées, en prenant pour guides : les idées

de persécutions ou de grandeurs, les idées délirantes baroques

quelconques, l'émotion du malade impressionné ou non par ses

idées délirantes, la forme et les allures des hallucinations senso-

rielles, la coordination ou la d'illusion des propos, le désordre des

facultés, le rôle des maladies ayant préalablement affaibli l'éco-

nomie, enfin la marche (épisodique ou non), des perturbations

intellectuelles.

Elle a tout au moins cet avantage de frapper chaque terme en

exergue du coup de balancier décisif.

Paranoïa comprend tous les délires à éléments susceptibles de

germer jusqu'à l'étal de système, ce mot signifie folie systématigene

en général; encore incohérente, vague, impressionnante ou non

dans le Wahnsinn; tout à fait systématisée et automatiquement

systématisée dans la Vej ? iielitlteil. La Verwirrtheit ou confusion

mentale, quelles que soient son origine et ses relations effectives

DE LA. PARANOÏA. 99

avec les autres formes de la paranoïa, s'explique d'elle-même,

puisque l'on y trouve aussi les éléments de la paranoïa à la cohé-

sion desquels s'oppose Voici d'ailleurs des documents

sur sa genèse.

Meynert et Fritsch, ainsi que nous l'avons vu dans leurs

premiers mémoires sur l'incohérence hallucinatoire (halluci-

natorische Ve7,wo7,î,e ? îhez'l), avaient parlé de l'incohérence par

défaut d'association dans les idées; de même, Ziehen, fouillant le

sujet, analyse les éléments composant les anomalies psy-

chiques de la paranoïa. Il est convaincu que, dans cer-

taines maladies déterminées qui, indubitablement, relèvent

de la paranoïa, le rôle principal est joué par des troubles dans

le jeu de l'écoulement des conceptions. « Quand les hallucina-

tions cumulatives ou les idées délirantes portent en elles des

nuances sentimentales très vives, positives ou négatives, la

décharge des idées représentatives est surtout accélérée, rare-

ment ralentie. M. Ziehen examine ensuite la rapide succes-

sion des idées qui, sous la forme de galop, se produit d'emblée

à l'état de symptôme intercurrent dans la folie systématique

hallucinatoire aiguë (acute hallucinatorische paranoïa), ainsi

que dans les exacerbations aiguës de la folie systématique hallu-

cinatoire chronique (chronische hallucinatorische paranoïa);

en pareil cas, on constate généralement une agitation morbide

susceptible de parcourir tous les cycles, depuis l'exagération

des gestes stéréotypés ou catatoniques, jusqu'à la manie fu-

rieuse grave. C'est cette espèce de galop intercurrent des idées

qui, de même que chez les maniaques, peut aboutir à l'inco-

hérence secondaire.

Le ralentissement primitif de l'association des idées se présen-

terait aussi, comme symptôme intercurrent, dans la paranoïa,

mais beaucoup plus rarement que son exagération.

Un troisième symptôme, pouvant aussi se montrer intercur-

remment dans la paranoïa, c'est l'incohérence primitive de

l'association des idées; on la désigne sous les noms de déso-

rientation ou trouble de la conscience. Très fréquent dans la

paranoïa, il masque tout à fait l'état du sentiment qui ne

paraît pas atteint. Mais il y a une forme spéciale de paranoïa,

dans laquelle cette incohérence primitive est l'élément domi-

nant et permanent, les hallucinations sensorielles et les concep-

tions délirantes ne jouant alors qu'un rôle accessoire concomi-

tant, et c'est pourquoi les auteurs ont décrit des accès de

! 00 CLINIQUE MENTALE.

confusion mentale qu'ils ont divisés en deux groupes : l'un,

dans lequel l'incohérence est le résultat secondaire des halluci-

nations; - l'autre, dans lequel l'incohérence est primitive.

Ce second groupe mérite une place à part dans la paranoïa,

car le trouble de la conscience ou désorientation est non la

cause, mais l'épiphénomène de l'incohérence. Or, les obser-

vations de ce genre, à incohérence primitive, doivent être rat-

tachées à la paranoïa, car on y note tout autant que dans la

folie systématique chronique (chronische Paranoia), des con-

ceptions délirantes.

S'il n'y a guère, d'après Ziehen, de folie systématique chro-

tique simple (einfache claronisclae Paranoïa) dans laquelle il

n'y ait à l'occasion des hallucinations, inversement il n'y a guère

de folie systématique, hallucinatoire aiguë (hallucinalo ? -isehe

acutepai-anoia), dans laquelle on ne constate occasionnelle-

ment de conceptions délirantes primitives. Même dans le délire

de chicane ou des persécutés persécuteurs processifs (()Moe ? 'MaK-

tenwaha), ily a des hallucinationssensorielles. Cen'estpas tout

Dans le cours de la paranoïa chronique simple, même dans

des stades les plus tardifs de cette maladie, il peut survenir

des bouffées d'hallucinations, accès dont le complexus sympto-

matique est presque semblable à la paranoïa hallucinatoire

ordinaire. L'incohérence primitive peut, à son tour, se mon-

trer comme symptôme intercurrent dans la paranoïa halluci-

natoire aiguë; de même les hallucinations peuvent apparaître

à l'état intercurrent dans la forme de paranoïa où domine l'in-

cohérence. C'est un échange de bons procédés qui indique

l'intimité des deux variantes.

La paranoïa à incohérence primitive est désignée par

M. Ziehen sous le nom de paranoïa dissociative ; il faudrait la

ranger à côté de la paranoïa hallucinatoire aiguë. Il convien-

drait enfin d'admettre une troisième forme principale de para-

noïa, la paranoïa simple avec prédominance d'idées délirantes

primitives. Mais cet auteur fait aussi remarquer que la para-

noïa dissociative n'est pas franchement distincte de la paranoïa

hallucinatoire aiguë, et que, lorsque la maladie a atteint son

plein développement, il est difficile de décider s'il y a ou non

des hallucinations.

Tel est l'essai analytique de la confusion mentale et de ses rela-

tions avec la folie systématique. Il en résulte que partout et toujours

dans toutes les modalités de paranoïa on note les mêmes symptômes

DE LA PARANOÏA.

idées délirantes hallucinations incohérence avec dsatS-L."

talion disposés différemment suivant l'espèce ; cette différence

dans la disposition des symptômes caractérise l'aspect qui vaut son

nom à la maladie. La maladie ainsi constituée peut revêtir à son

tour des nuances variables sous des influences inconnues, et de-

venir momentanément semblable, à raison de l'aspect créé par le

nouvel agencement des symptômes, à l'autre espèce. La sponta-

néité quasi indépendante de ces symptômes, suivant les cas, et la

subordination au contraire invariable de la désorientation dans tous

les cas est le thème exposé par M. Ziehen. La confusion mentale

paraît en fait un simple accident de la paranoïa.

Serbski divise les maladies aiguës dont nous venons d'ac-

centuer les types en amenda acuta et paranoïa aczcla. L'amentia

aciita aurait pour symptômes cardinaux : la confusion mentale

[Verwirrtheit), des troubles de la sensibilité morale permanents

ou intermittents, ou, plus exactement, des troubles des senti-

ments mobiles, kaléidoscopiques, enfin une perturbation dans

l'association des idées, très considérable à la période d'acmé

delà maladie. Du reste, la confusion mentale généralisée (All.-

gemeine Verwirrtheit) se montrerait parfois dans la folie systé-

matique chronique primitive (primoe2,e claronische 1'ez·rüclctheit).

Ce qui, malgré les difficultés de l'entreprise, distinguerait

l'amentia aiguë de la paranoïa aiguë, ce serait le profond trouble

de la conscience de la première et la lucidité relative de la

seconde, puis, la mobilité des sentiments de l'amentia contras-

tant avec l'égalité d'humeur delà paranoïa acuta. La paranoïa

acuta devrait être rangée parmi les psychoses dégénératives.

Schoenthal distingue aussi de la façon suivante la Perzcirrtheit

de la paranoïa acuta.

« La paranoïa acuta (Wahnsinn) se distingue de la Verzuirr-

theit parla finesse d'exécution des détails de l'édifice constitué

par les idées délirantes et la grande lucidité des malades, tandis

que dans la verwirrtheit les idées délirantes, polychromes,

n'ont du délire que la forme, elles ne sont pas agencées, cons-

truites, et le trouble de la conscience est très vif. D Eickholt

accentue cette distinction.

Ces deux nouvelles coupes dans la littérature allemande n'ont

guère besoin de commentaires. Elles affirment la compréhen-

sion de la paranoïa aiguë en tant que folie délirante à éléments

systématiques encore insuffisamment assemblés et au con-

traire la dissociation parlée et agie de la confusion mentale.

(A suivre.)

PATHOLOGIE NERVEUSE.

D'UNE FORME HYSTÉRIQUE DE LA MALADIE DE RAYNAUD

ET DE L'ÉRY'CIIROMÉ1,ALGIE (suite)';

Par Léopold LÉVI,

Interne des hôpitaux de Paris.

L'évolution a jusqu'à un certain point respecté les degrés de la

maladie. Elle a commencé par une période syncopale à laquelle a

succédé la période asphyxique. Pendant le traitement, les crises

asphyxiques ont disparu tout d'abord, alors que les crises syn-

copales ont persisté plus longtemps pour devenir de plus en

plus rares et de plus en plus courtes. -

C'est seulement sous l'influence d'une émotion vive que la

cyanose des extrémités réapparaissait. Tandis que pendant un

certain temps l'influence du froid se faisait sentir le matin sur

les deux mains ou sur une main ou sur un doigt par des phéno-

mènes de syncope locale durant quelques minutes, la lecture

d'un livre rappelant des souvenirs amène une crise d'asphyxie.

Plus tard cependant, le passage du corbillard d'une amie ne

rappelle qu'une crise blanche. A son retour chez elle, des

émotions variées provoquent de nouvelles crises bleues, alors

que l'impression du froid se traduit par de courtes crises syn-

copales.

L'influence de la nuit ou l'apparition des phénomènes vaso-

moteurs ne s'est pas fait sentir malgré la remarque de Janet

que l'idée subconsciente trop faible pour apparaître au mi-

lieu des sensations et des idées de la veille se développe plus

facilement à la faveur du sommeil. Elle éprouvait seulement

des cauchemars. Malgré l'état de suggestibilité des femmes à

cette époque, les menstrues n'ont pas eu d'action spéciale sur

les crises. -

Ce qu'il faut encore indiquer, c'est l'intensité de la maladie.

1 Voir Archives de Neurologie, n° 95.

FORME HYSTÉRIQUE ET ÉltYT11ROlÉrALGIr. '103

Le diagnostic de la maladie de Raynaud n'est pas douteux

d'après les symptômes décrits. Bien que les crises fussent su-

bintrantes, il était facile de retrouver chacune des crises. D'au-

tre part, c'étaientbien les extrémités qui étaient le siège del'affec-

tion. Mais, comme dans d'autres cas d'asphyxie locale ici à un

degré très marqué, ce n'était pas seulement aux extrémités

qu'apparaissaient les phénomènes vaso-moteurs. Sur les jambes,

sur les avant-bras, même sur les seins il se produisait des

bandes vasculaires de couleur violacée formant sur les mem-

bres de véritables réseaux. Rappelons aussi l'âge de la malade :

quarantre-trois ans. La maladie de Raynaud se développe d'ha-

bitude chez des jeunes gens.

Un fait plus important est la coexistence avec les phéno-

mènes de Raynaud de phénomènes urinaires.

Sont-ils liés à la maladie de Raynaud ? Ou plutôt tous ces

phénomènes ne sont-ils pas liés à une cause plus générale,

l'hystérie ? : '

La transformation d'anurie en polyurie (jusqu'à 3,700 gr.),

sous l'influence de l'hypnose, les variations de la quantité

d'urine sous des causes psychiques, nous montre ici la nature

de l'anurie et de l'oligurie. L'anurie hystérique signalée au

commencement' du siècle, décrite par Laycock, Paget, a été

admise sans conteste après l'observation de Gharcot, bientôt

suivie de celles de Fernet et de Quinquaud.On a noté très fré-

quemment l'alternance chez les hystériques de polyurie et d'is-

churie. Ici, avant tout traitement, on ne peut méconnaître le

rapport entre les crises subintrantes et l'oligurie permanente.

Plus tard le même fuit peut avoir une autre valeur.

Nous avons considéré l'augmentation de la quantité d'urine

comme une pierre de touche et avions persuadé à la malade

qu'elle irait mieux quand elle urinerait davantage. Il y a donc

actuellement dans son esprit une association suggestive qui

peut causer les deux phénomènes. De toutes façons les trou-

bles urinaires serviront pour la discussion de la pathogénie de

la maladie de Reynaud.

Quelques examens d'urine ont été pratiqués par l'interne en

pharmacie du service et ont donné les résultats suivants :

104 PATHOLOGIE NERVEUSE.

FORME HYSTÉRIQUE ET EItY1'H11,0111ELALGIE. 105

106 PATHOLOGIE NERVEUSE.

consacré sa dissertation inaugurale (d872) à l'étude d'un cas

de maladie de Raynaud.Il décrit sous le nom d'attaques épi-

leptiformes un tableau, facile à reconnaître, de l'hystérie. Le

malade, un soldat, était atteint d'attaques. « Quand on essaie

de le soulever, dit-il, le tronc s'élève tout d'une pièce. Parfois

il est en opistothonos. On Le soulève par la tête. Il y a absence

de cri, de morsure de la langue, de miction involontaire. La

crise se termine par des larmes. » Le malade présentait en

outre de l'anesthésie d'un membre.

D'autre part dans les observations, l'hystérie n'a pas toujours

été recherchée avec soin. Son existense a pu être méconnue

par Bourrelly' qui voulant démontrer que l'asphyxie locale est

un symptôme, non une maladie, la montre existant dans l'im-

paludisme, les néphrites chroniques, la glycosurie, l'état sclé-

reux des artères, et enfin certaines affections cardiaques. Il

méconnaît l'hystérie. Il méconnaît aussi le rhumatisme arti-

culaire aigu.

Bien plus, dans certains cas, l'hystérie apparaît en propres

termes dans l'observation 'et est déclarée absente quelques

lignes auparavant, ce qui indique l'importance contingente

que des auteurs des plus autorisés attachent à ce côté de la

question. Dans l'observation XIV de sa thèse, Raynaud dit :

jamais aucun accident nerveux. Plus loin, il parle de véritables

phénomènes hystériformes : envies de pleurer involontaires,

fréquentes émissions d'urines, qui sont extrêmement claires,

ont une réaction acide, une densité de 1,022, ne contiennent

ni sucre, ni albumine. Ce sont, dit-il, de véritables urines

nerveuses.

En outre dans nombre d'observations rapportées, toute la

partie étiologique est passée sous silence. C'est tout un groupe

d'observations inutilisables.

En fin de compte, la statistique ne vaut pas devant des faits

bien établis. Aussi ce ne sont pas des chiffres qui doivent juger

la question. Reprenons quelques observations indiscutables.

Relevons l'opinion incidente des auteurs à ce sujet : elle est

en rapport avec l'impression que nous avons eue à la lecture

de très nombreuses observations.

L'attention fixée sur ce point, la coexistence, la relation de

la maladie de Raynaud et de l'hystérie sera plus souvent

observée encore.

' Thèse, Paris, 1887.

FORME HYSTÉRIQUE ET ÉRYTHROMÉLALGIE. 'ICI

Ce que nous tenons à souligner, 'c'est que notre intention

n'est pas de ramener toute maladie de Raynaud à l'hystérie,

mais de montrer qu'il existe une modalité hystérique de cette

maladie. L'hystérie existe comme cause de l'asphyxie des

extrémités symptôme, et est peut-être plus fréquente qu'on

l'imagine, mais il est d'autres causes.

Comme souvent en pathologie humaine différentes causes

peuvent s'associer. Nous avons montré l'importance chez notre

malade du rhumatisme articulaire aigu.

D'ailleurs l'intérêt n'est pas purement doctrinal : la marche,

le pronostic, le traitement de la maladie, sont éclairés par sa

cause. L'intérêt n'est pas exclusivement clinique : La pathogé-

nie de la maladie de Raynaud pourra être éclaircie par tout

fait complet, c'est-à-dire dont on -connaît la cause. Et d'abord,

il est dans la science au moins deux observations à notre con-

naissance qui viennent confirmer notre conclusion.

La première, qui entre autres mérites a celui d'être la

première observation que nous ayons trouvée dans nos recher-

ches où le rapport de cause à effet entre l'hystérie et la ma-

ladie de Raynaud a été nettement indiqué, est due à Armain-

gaud. En 1876, cet auteur a lu devant l'Académie de médecine

de Paris, un mémoire intitulé : Sur une névrose vaso-motrice se

rattachant à l'état hystérique, entièrement guérie par l'emploi

des courants intermittents.

Accès régulièrement intermittents, bi-quotidiens, de sommeil

nerveux, d'asphyxie des extrémités, de congestion locale des

conjonctives et de névralgies. Il s'agit d'une jeune fille de

vingt-quatre ans qui, indépendamment des autres phénomènes,

est atteinte chaque jour d'asphyxie locale des extrémités sur-

venant à cinq heures et demie du soir, en même temps que de

congestion locale des yeux, d'une durée de deux heures. L'as-

phyxie disparaissait quelques heures après elle.

A propos de son travail, Armaingaud propose l'introduction

dans les cadres nosologiques d'une nouvelle forme d'hystérie,

la forme vaso-motrice intermittente. Au cours des accès de

cyanose, l'auteur a examiné attentivement le fond de l'oeil à

l'ophtalmoscope. Les vaisseaux de la rétine, surtout les artères

étaient très sensiblement rétrécis. Dans l'intervalle des accès

la vascularisation rétinienne était revenue à l'état normal. Les

vaisseaux avaient repris leur calibre.

108 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Nous avons trouvé d'autre part un cas de maladie de

Raynaud modifié par l'hypnotisme : Asphyxie locale des exl ? -é-

mités chez un hystérique, par Burot'. L'observation a trait à

Bel... Pierre, âgé de trente ans, ouvrier à l'arsenal de Roche-

fort, qui fut profondément éprouvé en 1887 par des chagrins

de ménage. D'abord il fut atteint d'une névralgie faciale qui

dura plus de deux mois, résista à tous les moyens ordinaires

et ne se dissipa que par l'emploi de la suggestion. Plus tard, il

présenta une contracture des bras qui s'accompagna d'un cer-

tain degré d'asphyxie locale des mains, modifiée par sugges-

tion par Burot« Le 21 mars 1889 survint une contracture de

la mâchoire et des muscles du pharynx, tellement accusée que

la mastication et la déglutition étaient difficiles. Elle disparut

en deux jours par la suggestion. La contracture s'était déplacée

et localisée dans le bras surtout à gauche, et s'accompagna

d'une asphyxie locale des mains à un degré très prononcé. Les

deux mains étaient violettes, gonflées surtout le soir, froides

au toucher. Le thermomètre appliqué sur le dos de la main

accusait le 29 novembre 29°,6 à gauche, 24",5 à droite.

Sous l'influence de la suggestion, la température s'éleva

progressivement tous les jours d'un degré environ des deux

côtés, puis la température continua à s'élever sans nouvelle

suggestion. L'auteur put en vingt-quatre heures faire varier

en plus ou moins la température des mains de 10°. Un jour

il dit : «la main gauche va devenir froide et violette ainsi que

l'avant-bras gauche p, en précisant exactement et en touchant

les parties désignées. Le lendemain matin la main était froide

et violette. La température accusait 20°, tandis que la veille le

thermomètre marquait 30°. Il obtint même un refroidissement

sans endormir le malade en lui touchant la main et disant :

a Cette main va se refroidir. » En même temps qu'une varia-

tion dans la température, l'auteur a signalé une grande diffé-

rence dans les pouls.

Voilà donc des faits incontestables d'asphyxie des extrémi-

tés hystériques. Armaingaud a montré le rapport entre l'hys-

térie et l'asphyxie des extrémités; Burot a montré l'influence

de l'hypnose. Notre observation prouve les liens hystériques

de l'affection, indique l'influence de l'hypnose et décèle le mé-

canisme de l'hystérie par l'existence d'une émotion ou de l'idée

fixe subconsciente.

1 Revue de l'hypnotisme, t. IV.

FORME HYSTERIQUE ET Î.ftYTHR0 : 1ZFLALGIE. Il 0 'q

Dans de nombreuses observations on trouve étudiée tantôt

une face du problème, la présence de l'hystérie, tantôt, l'autre

face, l'influence des émotions1. Intéressantes toutes, elles le

deviennent davantage quand chez un hystérique l'influence

des émotions est notée.

Nous avons recueilli à ce point de vue une observation que

nous résumons :

Il s'agit de Parm... Mêlante, cinquante-deux ans, déjà signa-

lée à propos du rhumatisme.

Son père et sa mère étaient impressionnables, coléreux, sa

mère éprouvait une sensation de boule quand elle était con-

trariée. Le grand-père paternel était un grand buveur. 11 absor-

bait par jour près d'un demi-litre de genièvre.

Une soeur est devenue folle à l'âge de dix-huit ans; un oncle

est atteint de tic. Un autre oncle est mort fou. Enfin une soeur,

morte actuellement, aurait éprouvé à la suite de contrariétés

les symptômes de l'asphyxie des extrémités.

Elle-même impressionnable, vive, irascible, a eu une perte

de connaissance à Page de dix-huit ans, à la suite de la dispa-

rition d'un billet de mille francs qu'elle apprit avoir été dé-

pensé par son mari. Prise d'une soif vive, elle alla dans sa

cuisine avec un verre, s'évanouit et se retrouva le lendemain

matin couchée sur le carreau. Elle était restée huit heures

sans connaissance.

Elle a eu successivement une série de crises de maladie de

Raynaud, toutes survenues dans des circonstances analogues.

En 1873, au milieu de la nuit (4 heures du matin) on

vint pour des affaires politiques arrêter son mari. Son émotion

fut grande. Toute la journée elle fit des courses et des dé-

marches. A 7 heures du soir, elle fut toute surprise de

sentir ses mains s'engourdir, en même temps qu'elle éprou-

vait des fourmillements à ce niveau. C'était le stade de syn-

cope locale qui commençait aux extrémités supérieures pour

s'étendre jusqu'aux coudes, remplacé au bout d'une demi-

heure par le stade d'asphyxie. D'après la malade elle éprouva

des phénomènes analogues du côté des pieds. Elle ne pouvait

plus marcher. L'accès dura deux heures et demie environ.

Il y a trois ans, on arrêta son neveu. Elle travaillait au

' Raynaud avait déjà dit : « Dans quelques cas l'apparition de la maladie

nous semble provoquée par une violente émotion morale.»

110 PATHOLOGIE NERVEUSE.

dehors et apprit seulement à une heure du matin par sa con-

cierge, l'arrestation de son neveu.

Deux à trois heures après, crise syncopale, suivie d'asphyxie

des extrémités qui dura une heure et demie à deux heures.

Il y a six mois, la malade apprit qu'une de ses soeurs qu'elle

voyait rarement était morte en la déshéritant. Trois à quatre

heures après, nouvelle crise qui dura trois à quatre heures.

Enfin, au commencement de septembre 1894, elle alla au-

près d'une personne réclamer de l'argent qui lui était dû. On

niala dette. Deux heures après, crise syncopale, puis asphyxique.

La malade est catégorique. Jamais l'influence du froid ne

se fait sentir sur ses mains.

Voilà donc une observation qui nous montre chez, une ma-

lade à hérédité nerveuse chargée (névropathie, aliénation

mentale), ayant présenté une perte de connaissance hystérique

elle-même, l'influence nécessaire et exclusive des émotions pour

l'apparition de la maladie de Raynaud.

Nous relevons un autre détail intéressant, c'est l'existence

de la maladie de Raynaud chez deux soeurs, apparaissant chez

toutes deux sous l'influence des émotions 1.

A propos de ce dernier détail, nous devons signaler l'obser-

vation personnelle de W...11, Louise, âgée de vingt ans,

atteinte de chorée à quatre ans, puis de rhumatisme, qui, sous

l'influence des émotions, éprouve des crises de syncope, à

preuve que ses amies s'étaient aperçues du fait, à la pension, et

lui causaient parfois des contrariétés pour faire l'expérience.

Le père de la malade, éthylique, goutteux, nerveux, atteint

de crises de pseudo-angine de poitrine, aurait, depuis vingt

ans, d'après sa femme, les mains blanches comme sa fille, par

intermittences. S'agit-il d'hérédité de maladie de Raynaud, ou

plutôt d'hérédité de tempérament nerveux ?

L'influence exclusive des émotions apparaît encore nette-

ment dans d'autres observations. M. Delta, externe du ser-

vice, m'a communiqué l'observation suivante :

A. Bic...t, cinquante-un ans, cuisinière, ne paraît pas éthy-

lique. Elle est très nerveuse. Son état névropathique s'est

considérablement accentué depuis quelque temps. Elle éprouve

des sensations de chaleur, de boule, des énervements pro-

' Dans sa thèse, Raynaud signale le cas de deux frères, l'un âge de

douze ans, l'autre de quatorze ans, qui vivaient dans un orphelinat

agricole et furent atteints simultanément de gangrène symétrique des

extrémités pendant un hiver rigoureux.

FORME HYSTÉRIQUE ET ÉRYTHROMÈLALGIE. 'Ill

longés. Bic...t est à la période delà ménopause. Les règles sont

irrégulières et rares. Les réflexes cornéen et pharyngé sont

abolis. Elle a de l'ovaralgie à droite.

A la fin du mois d'avril dernier. A. B... a eu une première

crise d'asphyxie provoquée par une vive émotion. Elle avait

déjà, par inadvertance, laissé tomber une pièce de vaisselle

précieuse, ce qui lui avait valu une verte semonce. Le jour de

sa crise, elle s'était rendue coupable d'une maladresse plus

grande. Dans un état d'énervement très grand (elle était litté-

ralement surmenée, sa maîtresse ayant du monde à déjeuner),

elle brisa une grande coupe de cristal et plusieurs verres de

prix. Là-dessus, elle perd la tête, pleure, quand tout à coup

son attention est attirée vers ses mains qui sont devenues

brusquement douloureuses, et sa frayeur est grande quand elle

s'aperçoit qu'en même temps elles ont changé de couleur,

elles sont devenues bleues. Quand nous avons vu A. B..., dit

M. Delta, les deux dernières phalanges des doigts des deux

mains étaient cyanosées. Elles étaient froides, insensibles. Les

premières phalanges étaient pâles, insensibles à la piqûre,

froides et douloureuses.

La crise dura trois quarts d'heure et ne se renouvela pas.

Enfin, nous signalons l'observation de M. le Pu' Leloir (de

Lille).

« J'ai eu pour cliente une dame atteinte de lupus érythé-

mateux de la face, que je traitais par les scarifications. Les

séances avaient lieu tous les huit jours. Chaque fois qu'elle

entrait dans mon cabinet, la malade, nerveuse, éprouvait,

disait-elle, comme une commotion violente de tout son être.

Presque aussitôt les doigts de ses deux mains devenaient

blancs jusqu'à leur racine et présentaient des phénomènes de

syncope locale des extrémités.

En dehors de ces accès de syncope locale dus à de véritables

chocs moraux, la malade ne présentait jamais de crises de syn-

cope locale, pas même lorsqu'elle exposait ses mains au froid

par les plus fortes gelées.

L'ischémie de la peau des doigts durait environ un quart

d'heure après les scarifications. »

Dans certains cas de la thèse de Raynaud, on peut deviner

l'influence d'une émotion transformée en idée fixe subcons-

ciente, mais l'analyse psychologique est en général insuffi-

sante.

112 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Dans l'observation V, il s'agit d'une jeune fille qui vit

mourir son père phtisique, le veilla après sa mort et en res-

sentit une vive impression. Quelque temps après, les règles se

suspendirent peu à peu. Un mois après cet événement, com-

mença l'asphyxie. -

On trouve, d'autre part, dans nombre d'observations signa-

lées, la présence de l'hystérie. Le fait est même pour ainsi dire

banal. Les auteurs, sans voir le rapport, ont noté la coïncidence.

Les exemples que nous prendrons sont tirés de la thèse de

Raynaud. Il est d'abord une observation (III de sa thèse) bien

intéressante :

Il s'agit d'un jeune soldat qui n'avait pas uriné pendant

trois jours. Après avoir consulté plusieurs médecins, il eut

recours à un sorcier qui le guérit avec de la poudre de genêts

brûlés prise dans du lait et des onctions de graisse.

A la suite d'une séance d'électricité, il fut pris d'une attaque

hystérique : larmes, cris, désespoir sans perte de connaissance.

Contracture des doigts non seulement du côté électrisé, mais

encore de l'autre. Douleurs très violentes dans les bras. Rien

aux jambes. L'accès dura une heure. Rien de particulier à la

suite.

C'est là un exemple de maladie de Raynaud chez un hys-

térique avec anurie guérie par un sorcier. L'observation se

rapproche par l'anurie de notre observation fondamentale.

D'ailleurs, Raynaud, frappé des phénomènes nerveux, avait

fait une classe spéciale intitulée : Asphyxie locale et gangrène

superficielle avec prédominance de l'élément nerveux.

Nous détachons l'observation VIII, concernant une femme

de vingt-deux ans, d'un tempérament nerveux, ayant eu des

convulsions dans l'enfance. Depuis plusieurs mois la couleur

violacée avait disparu, lorsque; à la mort de son mari, cette

femme a eu de violentes convulsions suivies d'un délire ner-

veux. Les doigts ont repris momentanément leur teinte cya-

nosée qui, du reste, ne s'est pas maintenue depuis. Le délire a

été guéri en trois jours. On note de l'analgésie sur la totalité

du corps. Plus loin, il est signalé une aphonie complète, sans

toux, sans douleurs au niveau du larynx, sans expectoration,

sans trace d'inflammation de l'arrière-gorge. Ce phénomène

lui arrive souvent presque tout à coup et dure quelques heures

à quelques jours.

Cette malade fit plus tard de la contracture presque subite

, FORME HYSTÉRIQUE ET ÉRYTHR011fÉLALGIE. 113

des doigts qui sont fortement fléchis dans la paume de la main

sans que la malade puisse les redresser volontairement ou en

cherchant à les ouvrir avec l'autre main.

Plus tard encore, elle eut dans la journée quatre attaques

pendant lesquelles les doigts devenaient bleus aux mains,

glacés et insensibles au contact, engourdis. A la suite, il se

produisit de l'analgésie des avant-bras et des mains.

A propos de cette observation, Raynaud dit : A mesure que

la maladie se développe et s'enracine les accidents nerveux se

généralisent, s'aggravent, aidés par les émotions morales dont

l'influence n'est pas douteuse.

A l'observation IX c'est une femme de trente ans, souvent

maltraitée pendant son enfance par ses parents, qui a diffé-

rents symptômes de chlorohystérie. Depuis, à l'occasion d'émo-

tions morales, elle a eu de véritables accès hystériques.

A l'occasion d'une vive frayeur ses règles se suspendirent

subitement, et du même coup les extrémités devinrent dou-

loureuses et d'un froid glacial. Elle eut une violente attaque

de nerfs à la suite de la mort de son père. Elle présente, en

outre, une anesthésie et analgésie complètes avec intégrité de

la sensation de température.

Il nous paraît inutile de multiplier les exemples.

Sans aller jusqu'à l'interprétation, Raynaud avait été frappé

du rapport de ces faits avec d'autres faits qu'on qualifierait

maintenant d'hystérie masculine traumatique.

A la suite de l'observation II de sa thèse qui concerne une

jeune fille de vingt-quatre ans, atteinte d'attaques de nerfs,

avec perte de connaissance, sensation de brûlure, pleurs et

rires involontaires, il signale un cas, dû à Lamotte, de para-

lysie traumatique, avec anesthésie et troubles vaso-moteurs

chez un garçon de billard. Ces phénomènes qui recon-

naissent ici une cause traumatique peuvent, dans certains

accès, apparaître spontanément. Il cite un cas de Volfius où

un état semblable apparut à la suite d'un violent accès de

colère.

Comment interpréter ces faits ?

Chez tous les sujets une émotion morale vive détermine des

troubles vaso-moteurs, soit congestion ou pâleur d'une partie

plus ou moins étendue de la peau, soit des troubles sécréteurs

ou glandulaires.

Archives, t. XXIX. 8

114 REVUE DE MÉDECINE LEGALE.

Les phénomènes de Raynaud' existent chez tous à un degré

atténué. Ce n'est que par leur exagération qu'ils deviennent

pathologiques. 1

Les hystériques ont des émotions faciles et persistantes,

premier point. Et du fait de l'hystérie, la grande exagératrice,

les troubles vaso-moteurs deviennent chez eux plus intenses

et plus durables.

Si, comme chez Garn...r, sous l'influence d'une idée fixe,

les paroxysmes peuvent devenir subintrants, chez toute hysté-

rique, une émotion peut provoquer des crises syncopales ou

asphyxiques d'une façon accidentelle ou à des intervalles éloi-

gnes.

On voit donc que la maladie de Raynaud est fréquente au

cours de l'hystérie, qu'elle naît sous l'influence des émo-

tions. Bien plus, il est quelques observations de maladie de

Raynaud hystérique.

(A suivre.)

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

I. Responsabilité des épileptiques ; par Osbohne. (Congrès mé-

dico-légal de Chicago, 1893, et 31edico-legal Joui-izal, 7 septembre

489, v. XI, n 2.)

L'auteur cite plusieurs exemples d'impulsions épileptiques à

l'homicide ; dans la dernière observation un gardien de bétail fut

condamné même malgré l'avis contraire d'un médecin aliéniste

entendu comme expert. L'auteur conclut à l'entière assimilation de

l'épileptique à l'aliéné, au point de vue de l'irresponsabilité comme

de l'internement ; il attend de cette assimilation les meilleures

conséquences au point de vue de la défense sociale, de l'équité, et

de la diminution même des attentats, par l'internement précoce et

le traitement des malheureux épileptiques qui en peuvent être les

auteurs. A. Marie.

' Expression d'IIutcliinson.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 1115 5

II. Crime ET SUGGESTION non hypnotique ; par 'V1NG : TE.

(àledico-legal Journal, v. XI, n° 2.) .

Conclusions. 1° Beaucoup de gens touchent à la frontière de

l'irresponsabilité ; 2° il leur suffit, pour les pousser à l'acte criminel,

d'une cause déterminante variable ; 3° la publication sensation-

nelle des détails de certains crimes, comme la reproduction de

certaines scènes peuvent être citées comme exemples ; 4° la sug-

gestion criminelle imitative est parfois contagieuse pour toute une

catégorie de déséquilibrés ; 5° cette suggestion criminelle doit être

étudiée avec soin, et 6° des mesures doivent être prises pour sur-

veiller ou supprimer certaines publications par exemples, ou toute

autre cause analogue contribuant à répandre la suggestion mala-

dive. Il y a là une question d'hygiène sociale aussi importante que

celle de l'assainissement médical prophylactique des autres con-

tages. A. Marie.

III. LE SUICIDE considéré comme crime ; par G. Trimble DAviDsoN.

(hTedico-legal Journal, XI, 2, septembre 1893.)

La législation récente de l'État de New-York assimile le suicide

à un délit punissable d'amende ou d'emprisonnement. L'auteur

démontre que c'est là une réaction pathologique d'un esprit désé-

quilibré ou douloureusement affecté par le découragement et la

misère ; la confusion de tels individus avec les délinquants des pri-

sons est une aberration et une cruauté qui ne peut qu'aggraver les

désordres mentaux déjà existants. C'est aux mains des médecins

que ces malheureux doivent être remis pour être traités et non

punis.

IV. Reconnaissance légale DE l'irresponsabilité DES alcooliques ;

, par NORS1AN KERR. (lVledico-legal Journal, XI, n° 3.)

Trois observations recueillies par des tribunaux anglais. Dans un

cas, une compagnie d'assurances se retranchait, pour ne pas payer

la veuve de l'assuré, derrière l'alcoolisme de ce dernier, mort des

suites de ses excès, ce que la compagnie considérait comme cause

de déchéance; elle fut néanmoins condamnée à payer. Dans un

deuxième cas un homme accusé d'excitation au meurtre ne fut con-

damné qu'à cinq jours de prison en considération de son état d'in-

toxication alcoolique pour lequel il était en instance de placement

dans un établissement spécial pour intempérants.

Dans le troisième cas, un meurtrier fut acquitté par le jury;

c'était un alcoolisé qui, en compagnie de sa femme, également

ivre, avait essayé un suicide à deux, dans lequel sa femme seule

avait succombé. A. Marie.

116 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE

V. L'Affaire RESINA SHERRARD. (British, Méd. Journ., 1894.)

Procès intenté par un commissaire inspecteur des aliénés à un

médecin chez lequel une malade en traitement familial s'est sui-

cidée par précipitation. Le médecin Dr Sherrard fut acquitté bien

que n'ayant pas déclaré sa malade en traitement, à la commission

de surveillance c une trop grande sévérité dans ce sens pouvant

nuire au libre exercice de l'assistance familiale et les médecins

devant rester seuls juges de l'opportunité de l'internement propre-

ment dit comme de la déclaration de l'état d'aliénation pour la

mise en surveillance du placement familial ».

On sait qu'en Grande-Bretagne à côté des placements familiaux

surveillés et inspectés, il existe des placements autres qui sont aux

premiers ce que sont chez nous aux asiles certains établissements

d'hydrothérapie où l'on traite de vrais aliénés internés en évitant

les prescription de la loi de 1838.

Si les colonies familiales anglaises offrent des garanties, il n'en

est pas de même de ces placements non contrôlés, il ne semble pas

toutefois que la législation soit sur le point de les régulariser.

A. Marie.

VI. LIBERTÉ, DISCERNEMENT, responsabilité; par P...

(Cerctralbl. f. Nei,venheilk., N. F. IV, 1893.)

La liberté est un non-sens; ce mot indique seulement qu'il n'y a

pas contrainte. Or, qui est libre ? Qu'est-ce que cette contrainte ?

Ce sont choses très relatives. Le discernement s'est développé quand

s'est développée lanotiondu droit quiadécidé que celui qui commet

un acte défendu sera puni, d'où la responsabilité. Celle-ci est donc

en rapport avec la connaissance du droit et avec les motifs de

l'acte discerné ou non par l'individu. C'est de là que dérive la notion

de la volonté, de la faute (culpa, dolits). Il ne peut y avoir faute

que lorsque le discernement est plus ou moins complet. P. K.

VII. Rapport DU comité DE législation spéciale POUR LES IVROGNES.

Un comité spécial a entrepris une campagne pour préparer

l'opinion publique à une réforme législative spéciale réclamée aussi

en plusieurs autres pays d'Europe.

Le rapport de juillet 1894 (28 juillet, British Médical Journal) cons-

tate comme un des résultats obtenus le Bill voté enpremière lecture

par l'assemblée législative de Natal; il reconnaît au gouverneur et au

conseil le pouvoir d'organiser un établissement spécial dans lequel

le juge ou un magistrat résident pourront interner les personnes

reconnues comme buveurs d'habitude sur déclarations de police,

de parents ou amis, et cela pour un temps qui ne peut être

moindre de six mois ni excéder deux années. ' A. M.

REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. ' 'Il î

VIII. De la pluralité DES TYPES DE criminels; par le D** van DE-

venter. (Bull. de la Soc. de inéd. ment, de Belgique, sept. 1895.)

Les considérations développées dans ce travail peuvent se résu-

mer de la façon suivante : au point de vue psychologique il y a

lieu de préférer au terme type criminel une dénomination qui

exprime la cause prochaine de l'état de criminalité. Cette cause

prochaine est l'atténuation de la dignité personnelle. Celle-ci est

en général subordonnée à une disposition psychique innée ou

acquise ; la criminalité est le fait de circonstances intercurrentes,

c'est-à-dire du milieu où se trouve le prédisposé.

Il existe quatre types de criminels pouvant être classés comme

suit : 1° type bilieux instable ; 2° typephlegmatique stable ; 3° type

sanguin, léger; 4° type mélancolique, triste. Ces types de crimi-

nalité limitent d'un côté les divers tempéraments et de l'autre, les

psychoses du sentiment. Le criminel-né ne se distingue pas toujours

nettement du criminel d'occasion. Il existe une véritable incerti-

tude au sujet du type auquel le criminel appartient à l'attention se

borne exclusivement aux stigmates physiques.

De l'état psychopathique et du milieu où se meut l'individu

dépendra la solution de la question de savoir si la société le gar-

dera dans son sein ou le placera dans un établissement spécial.

L'opportunité de la création d'asiles mixtes n'est pas encore for-

mellement établie, mais il est nécessaire que tous les criminels où

qu'ils soient enfermés soient soumis à une enquête ayant pour but

de déterminer les différents types auxquels ils appartiennent.

G. D.

IX. LES incendiaires EN SAVOIE au POINT DE vue médico-légal

[étude sur la démence légale) ; par le Dr Dumaz. [Annales médico-

psychologiques, 1894.)

En étudiant les incendiaires, l'auteur a rencontré deux catégo-

ries : 1° la première à irresponsabilité indiscutable, prédisposée

par hérédité, la mentalité, suffisante et saine en apparence, s'al-

tère et se pervertit, à un moment donné, en délire des concep-

tions, des sentiments, des actes ; 2° la seconde, à responsabilité

discutable, est caractérisée par une mentalité prédisposée aussi par

hérédité, mais dès la naissance insuffisante en jugement ou en

sentiments, ou en volonté, pour pouvoir vivre de la vie commune

sans transgresser le Code pénal. Saine en apparence, elle ne s'est

pas altérée, elle a toujours été incomplète. Les premiers sont des

malades ; les seconds des dégénérés héréditaires.

Pourquoi les dégénérés héréditaires ne seraient-ils pas comme

les aliénés des déments aux yeux de la loi ? Si l'infirmité mentale

du délinquatit-né était considérée comme une démence légale, il

118 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.

n'y aurait plus de récidiviste. Dès la première rechute, peut-être

même dès la première faute, on le trouverait incorrigible ou incu-

rable; il serait séquestré pour le reste de ses jours dans un asile

particulier. La société serait mieux protégée. E. B.

X. Sur LES états psychiques douteux devant LES tribunaux; par

M. NAOUbtOFF. (Neu ? -ologiiiischesk-y YestIIik (Alessager Neurologique),

t. 11, fasc. n° 3.)

Il est très fréquent de voir comparaître devant les tribunaux des

inculpés présentant un état mental douteux. Liemann, Kasper,

Loran, Krafft-Ebing, Kandinsky ont publié des nombreux cas de

ce genre. A son tour, M. Naoumotf rapporte une observation

médico-légale concernant un nommé A..., inculpé d'injures et de

voies de fait contre un commissaire de police de la ville de Viatka.

Sa conduite bizarre, ses propos ont fait songer immédiatement à

l'état anormal de ses facultés intellectuelles. Soumis à une expertise,

il a été taxé de simulateur et condamné; mais au moment où le

président s'apprêtait pour lui faire connaître le verdict, A... fut

pris d'un violent accès d'excitation, jeta à la tête du président un

flacon en verre et le blessa au front. Nouvelle poursuite judiciaire.

Cette fois, M. Naoumoff chargé d'examiner A..., a prouvé facile-

ment qu'il s'agissait d'un délirant persécuté mégalomaniaque

compliqué d'une hémiplégie droite avec crises épileptiformes.

J. ROUI31NOVITCH.

Il Mouvements provoqués sans contact.

(Medico-legal Journal, XI, n° 2.)

A signaler, dans le même numéro, un extrait du Congrès des

sciences psychiques de Chicago, relativement au mouvement pro-

voqué aux objets sans le secours d'aucun contact ; l'auteur de l'étude

télépathique, M. Cônes, repousse toute hypothèse d'automatisme

inconscient, et défend ce qu'il appelle la théorie télékinetique.

A. Marie.

XII. Personnalité MULTIPLE artificielle; par H. HULST.

(llledico-legal Journal, XI, n° 3, décembre 1892.)

L'auteur rapporte des expériences personnelles sur les états som-

nambuliques provoqués ou spontanés et le passage possible à des

personnalités successives, variées, ainsi que sur la multiplicité des

moyens servant à les provoquer ; il montre les difficultés qui en

résultent en médecine légale pour entraîner la conviction des

juges et des jurés, sans compter les surprises possibles pour les

experts eux-mêmes, sur un terrain aussi délicat. A. Marie.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

I. Chirurgie DE la moelle épinière ET DE SES annexes; par

W. THORBURN. (British Médical Journal, 30 juin 1894.)

Charcot et ses élèves ont démontré que la cause la plus ordinaire

de la paraplégie tient à la compression par foyer granuleux, caséeux

ou non; cette compression s'accompagnerait de pachyméningite

rritative non tuberculeuse. Le mode d'intervention opératoire dans

ces cas n'est pas encore fixé. Est-ce la myélite consécutive à la

compression ou la compression seule qui entraîne la paraplégie ?

Il est probable que les deux causes se succèdent dans le temps,

la paraplégie suivant la compression suivie bientôt, elle-même,

d'ischémie spinale avec dégénération subséquente. D'autrefois il

peut au contraire se produire un oedème par constriction ou com-

pression vasculaire extramédullaire (Kahler, Schmaus).

Quoi qu'il en soit, que le foyer ou la cause d'irritation et de com-

pression soient intra ou extra-rachidiens, il y a lieu à ce point de

vue à un double diagnostic de siège, avant de procéder à une

laminectomie. L'auteur signale les contre-indications (tuberculose

généralisée, pyrexies, etc.) et traite le pronostic. 20 p. 100 de décès,

telle est la moyenne obtenue jusqu'ici. Il donne un diagramme des

causes principales à passer en revue.

120 0 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

topsies, l'influenza était la seule cause visible des accidents céré-

braux. D'après les symptômes cliniques on peut se demander si

les malades succombèrent à une rupture vasculaire, à un abcès

ou à un kyste des hémisphères.

L'hypothèse d'une rupture vasculaire intraventriculaire parait

la plus probable. A. MARIE.

III. Nécrose multiple EN ILOTS, DES téguments ET parties SOUS-

jacentes ; par Herbert-Smith RENSHAIR. (British Médical Journal,

9 juin 1894.)

La nécrose alla jusqu'à la momification symétrique de plusieurs

phalanges des membres supérieurs et inférieurs. Guérisonsous l'in-

fluence d'enveloppements ouatés aseptiques; ferrugineux et arseni-

caux, avec toniques divers à l'intérieur. L'auteur passe en revue les

diverses hypothèses étiologiques, névrites périphériques, embolies,

artérites, etc. ; il croit à une auto-intoxication. A. Marie.

IV. RETOUR DU réflexe PATELLAIRE dans LE tabès après UNE

attaque D'HÉMIPLÉGIE ; par H. JAcEsoN et J. TAYLOR. (British

Médical Journal, 23 juin 1894.)

Observation à propos de laquelle les auteurs rappellent quelques

cas analogues de publication récente et recherchent l'hypothèse de

physiologie pathologique la plus logique. Ils pensent que la lésion

circonscrite surajoutée dans l'hémisphère opposé supprime les

actions inhibitoires descendantes dans le côté de la moelle lombaire,

auquel correspond le réflexe reparu. A. Marie.

V. PSAMMOME du corps pituitaire; par Walter.-L. WOOLICOMBE.

(British Médical Journal, 23 juin 1884.)

Observation clinique suivie d'autopsie avec examen histologique.

La clinique confirme les données déjà exposées sur le sujet parle

Dr Andriez (British Médical Journal, 24 février 1894) ; en particu-

lier les symptômes types signalés par lui se sont trouvés particu-

lièrement marqués, à savoir : l'état de dépression apathique,

l'affaiblissement musculaire progressif et l'abaissement de la tem-

pérature. A. Marie.

VI. Castration et hypertrophie prostatique; par William WHITE.

(British Médical Journal, 23 juin 1894.)

L'auteur rappelle que l'opération actuellement préconisée dans

plusieurs pays étrangers a été essayée par lui sur le chien, avec

l'aide de son assistant, Dr Kirby, en une série d'expériences dont il

a donné connaissance, en juin 1893, à Buffalo, devant l'Association

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 121

américaine de Chirurgie, en août, dans les Annales de Chirurgie,

et en septembre (9), dans le British Médical Journal. A. Marie.

Vil. Troubles cérébraux dans la chlorose ET l'aménorrhée ;

par Burton .T.NNING et Jollye. (British Médical Journal, 23 juin

1894.)

Ce sont trois observations de céphalées rappelant celle qui accom-

pagne la méningite de la base, avec contracture de la nuque et

paralysie de la sixième paire dans un cas, ischémie papillaire et

oedème rétinien à propos duquel les auteurs rappellent la névrite

optique signalée par Gowers et Taylor, dans des cas analogues.

Ils inclinent à attribuer les accidents cérébraux douloureux à un

oedème cérébral ou à une méningite partielle peut-être tubercu-

leuse. A. Marie.

VIII. DE la pachyméningite spinale; par le Dr Politakis.

« ravivé ? t (a'' 13, 1893.)

Le cas qui sert de base à cette étude peut se résumer ainsi qu'il

suit : un homme robuste, âgé de quarante-cinq ans et sans anté-

cédents quelconques, après une éruption de furoncles sur la nuque

et le dos, est pris de douleurs atroces dans la partie supérieure du

rachis, qui s'irradient vers les épaules, les lombes et la poitrine,

en forme de ceinture.

Un mois, après les deux membres inférieurs et le membre supé-

rieur droit se paralysent, et le malade est obligé de se confiner

dans son lit. Après quelques semaines, les phénomènes paralytiques

s'amendent un peu, mais le malade ne peut se lever de son lit.

Les douleurs continuent. Quatre mois après le début delà maladie

(lorsque M. Politakis voit pour la première fois le malade), celui-ci

présentait une incurvation en arc de cercle de la partie supérieure

de la portion dorsale de la colonne vertébrale, avec inclinaison de

la tête en avant et en bas, les douleurs spontanées continuaient

encore, mais la pression sur l'épine dorsale n'était pas douloureuse.

Le membre supérieur droit était parésié, et ses muscles profondé-

ment atrophiés. Les masses musculaires des deux membres

inférieurs étaient réduites à la moitié, et leurs mouvements dimi-

nués. Pas de contractures. Le réflexe patellaire normal peut être

un peu augmenté. Les muscles du tronc étaient pris à leur tour. La

tête et le bras gauche étaient libres. La sensibilité partout nor-

male.

Après un traitement, qui a consisté surtout en applications réi-

térées de points de cautère le long du rachis, et qui fut complété

plus tard par l'électrisation faradique, l'amélioration a fait de ra-

pides progrès, les membres ont recouvré leur force et leur volume

122 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

et à présent, sept mois après le début de la maladie, le malade

peut marcher assez librement sans soutien.

L'auteur, après avoir exclu le mal de Pott, à cause de la forme

particulière de la déformation, l'absence delà douleur à la percus-

sion de l'épine dorsale et la forme de la paralysie, se croit autorisé

à considérer son cas comme une pachyméningite spinale à locali-

sation dorso-lombaire. -

Il ne put trouver dans la littérature que très peu de cas de cette

localisation de la maladie età symptomatologie très obscure et indé-

terminée. Et, se basant sur son cas et sur quelques cas analogues

publiés récemment par Bechterew, il émet l'idée qu'à côté de la

forme classique de la pachyméningite cervicale hyperlrophique, il

faut donner place à une nouvelle forme, qui se caractériserait ana-

tomiquement par une inflammation des couches externes de la

dure-mère delà portion dorso-lombaire de la moelle épinière, qui

amènerait des adhérences solides avec les vertèbres et leurs liga-

ments et comprimerait les racines des nerfs spinaux et surtout les

antérieures, sans intéresser sérieusement la moelle elle-même.

Cette inflammation aurait peut-être moins de tendance à l'hyper-

trophie que dans la formeclassique et aboutirait plutôt à la rétrac-

tion et l'atrophie des tissus néoformés, et cliniquement par des

douleurs spontanées le long du rachis , qui ouvrent la scène,

une incurvation en arc de cercle de la partie supérieure de

l'épine dorsale et une paralysie flaccide avec amyotrophie d'un

ou plusieurs membres, avec peu ou pas d'altérations de la sensi-

bilité. Les phénomènes paralytiques dans cette forme de la maladie

seraient dus à la lésion des racines spinales.

Quant à l'étiologie, M.Politakis ne peut incriminer dans son cas

que l'influence du froid et un abus modéré du vin. Pour la furon-

culose, il ne sait s'il faut la considérer comme cause ou comme

effet de la maladie.

IX. Un cas d'ostéo-arthropathie HYPERTROPIIIANTE PNEUMIQUE

par VILLARD. (Nouv. Montpellier médical, 30 juin et 7 juillet 1894.)

Dans le cas observé par Villard, les lésions de l'ostéo-arthropathie

étaient cantonnées au niveau des extrémités des doigts et des

orteils, et limitées nettement aux phalangettes. Après une longue

discussion pathogénique, l'auteur se rallie à la conception de

Marie, qui rapproche l'ostéo-arthropathie de ces pseudo-rhuma-

tismes d'origine infectieuse ou toxique que Bouchard nous a appris

à connaître. - Ducamp.

X. Kyste DE la PIE-tÈRE, d'origine artério-scléreuse ;

par C. PéNARD. (Nouveau Montpellier médical, 14 et 21 juillet 1894.)

Il s'agit d'une tumeur kystique ayant débuté dans la partie de

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 123

la pie-nière qui tapisse le mésocéphale et tout près du sommet du

rocher gauche (céphalalgie marquée à la nuque); par son aug-

mentation cette tumeur comprima successivement le trijumeau

(névralgies), le mésocéphale (vertiges), le nerf acoustique (entraî-

nement à gauche, bourdonnements), le facial (paralysie), com-

prima encore davantage le mésocéphale (hémianesthésie), le nerf

pathétique (diplopie), le cervelet (incoordination). L'autopsie

montra un kyste séreux à parois formées de tissu aréolaire ; ce

kyste serait produit par fonte de tissu, attribuée à l'artério-sclérose.

DUCAMP.

XI. Etiologie infectieuse DE L'HYSTÉRIE, par le professeur Grasset;

leçons cliniques recueillies et publiées par le Dr GALAVIERLE.

(Notiv. Montpellier médical, 26 mai et 2 juin 1894.)

Le professeur Grasset rapportant plusieurs observations d'hysté-

rie consécutive à des maladies infectieuses, formule une conception

synthétique de l'étiologie infectieuse de l'hystérie. « L'hystérie est

une manifestation directe de l'infection qui peut se manifester sur

le système nerveux, soit par une maladie organique, soit par des

névroses. » ·

' La démonstration est acquise pour les maladies organiques du

système nerveux, quant à l'hystérie elle ne saurait faire exception,

et M. Grasset montre bien que la névrose est souvent la conséquence

directe d'une infection, de l'action sur les centres nerveux du mi-

crobe ou de ses toxines, et cela sans qu'on soit obligé de passer

par l'intermédiaire d'un phénomène psychique, d'une idée sugges-

tive. Cette conception ne détruit en rien l'unité de l'hystérie, car

l'origine infectieuse même multiple ne supprime pas certains fac-

teurs étiologiques de la grande névrose, telle que l'hérédité et spé-

cialement l'hérédité névropathique. En maintenant l'unité clinique

de l'hystérie, on peut bien admettre des types cliniques divers. « Il

est impossible de nier que l'hystérie traumatique est un type tout à

fait à part, notamment par sa ténacité et surtout par la fixité de

ses manifestations. De même les hystéries toxiques et infectieuses

ont un type spécial. Et ici, pour expliquer ces types variés, se pré-

sente, ce me semble une théorie tout hypothétique mais qui ne

paraît pas défendable. Ce qui caractérise les hystéries toxiques et

infectieuses, c'est qu'elles présentent quelquefois dans leur histoire

certains traits de l'empoisonnement et de l'infection ordinaires.

Dans l'hystérie saturnine, les extenseurs sont paralysés; dans

l'hystérie hydrargyrique on tremble : dans l'hystériesy philitique, on

a de la céphalée ; dans l'hystérie paludéenne, il y a de l'intermit-

tence, et chez mon hystérique par morsure de chien enragé, il y

avait tous les symptômes de la rage, même du satyriasis. Au lieu

d'admettre une idée d'irritation dont l'existence ne peu}, être éta-

124 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

blie, au moins dans beaucoup de cas, pourquoi ne pas admettre

que le poison ou l'infection se localisent dans ces cas sur le système

nerveux, avec leurs habitudes spéciales et y déterminent un trouble

qui reste seulement dynamique ou fonctionnel, tout au plus circu-

latoire, tandis que dans les cas plus sérieux, on arrive à l'inflam-

mation.

L'hystérie est une névrose du système nerveux tout entier, sui-

vant les cas, la localisation se fait plutôt sur telle région ou sur

telle autre ; et c'est cette localisation anatomique principale qui en

fait la caractéristique symptomatique. » L'hystérie peul donc avoir

des rapports avec les infections aiguës et les infections chroniques

et, parmi ces dernières, avec la tuberculose. Quant aux infections

capables de produire l'hystérie, elles sont extrêmement variées :

infections extérieures et antérieures, auto-infections, particulière-

ment d'origine gastro-intestinale, et l'hystérie consécutive à la co-

lique hépatique et considérée comme hystéro-traumatisme interne,

est peut-être le fait d'une infection biliaire ou gastro-intestinale.

c La démonstration me parait suffisante pour établir que l'étio-

logie infectieuse de l'hystérie existe comme pour les autres mala-

dies nerveuses et qu'elle existe sans nécessiter une idée d'auto-sug-

gestion et pour montrer le rôlepathogénique des maladies générales

dans la production de ce qu'on appelle les maladies du système

nerveux. » DUCA3tP.

XII. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE du tabès syphilitique; par 111. FDOROFF.

(Neurologintscliesky Yestrzik) (Messager Neurologique, t. II, fasc.

n° 3.) ,

D'après l'auteur, la syphilis peut être considérée comme un des

principaux facteurs étiologiques du tabès dorsalis. L'hérédité ne

serait pas indispensable; elle ne peut qu'aider au développement

de l'affection.

Les autres facteurs tels que le refroidissement, l'onanisme, le

surmenage physique, les différents excès ne jouent le rôle que de

simples causes occasionnelles. La syphilis cérébrale peut déter-

miner dans l'organisme des modifications qui entraînent la forma-

tion du tabes. Ces modifications consistent tantôt dans une

dégénérescence de la moelle épinière sous l'influence du virus

syphilitique, tantôt dans la formation d'un gliome déterminant

une dégénérescence des cordons postérieurs. Toutes ces altérations

auraient pour source les lésions syphilitiques des vaisseaux céré-

braux et les troubles trophiques encéphaliques qui en résultent.

Le tabes syphilitique se caractérise, à côté des symptômes ordi-

naires, par la présence des paralysies oculaires (30 et 6e paires),

de l'amblyopie, du sarcocèle, des cicatrices spécifiques sur

pénis, etc.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 125 5

Le traitement spécifique ne doit pas être considéré comme le

moyen unique à employer contre le tabes syphilitique; on utilise-

rait, d'après M. Fëdoroff, avec un succès bien plus grand, la sus-

pension, le massage et les bains électriques.

J. Roubinovitch.

XIII. A. N. CONTRIBUTION A l'étude DES tremblements; description

ET usage D'UN NOUVEL appareil destiné A LEUR INSCRIPTION ;

par Eugène Magnol. {Thèse de Montpellier, 1894, n° 35.)

L'appareil imaginé par Magnol permet d'inscrire les tremble-

ments non seulement avec leurs caractères variés de rythme et

d'amplitude, mais encore, ce qui est nouveau, avec le sens dans

lequel ils se produisent et cela soit au repos, soit pendant les mou-

vements volontaires du sujet. Le principe de ce nouvel appareil est

le même que celui du tambour à réactions verticales, de Marey ;

l'appareil a le très grand avantage d'être applicable à tous les cas

de tremblements légers ou forts, puisque sa sensibilité peut être

modifiée. Grâce à ce dispositif, l'auteur a pu faire une élude nou-

velle d'un certain nombre de tremblements et établir les conclu-

sions suivantes :

La chorée et l'intoxication tabagique doivent être séparées des

tremblements, ce sont des mouvements incoordonnés asymétriques.

Ces mouvements sont brusques dans le tabagisme, mous et entre-

mêlés de grandes oscillations dans la chorée.

L'hystérie et l'alcoolisme se rapprochent par la composition de

leur courbe à éléments composés (l'élément du tremblement est

la figure présentée par une des oscillations dont la réunion cons-

titue le tremblement). Elles se distinguent l'une de l'autre par le

tremblement individuel des doigts qui n'existe que chez l'alcoo-

lique.

La paralysie agitante et la sclérose en plaques tremblent par

rotation autour du bras du sujet. Elles se distinguent de l'hystérie

et de l'alcoolisme en ce que l'élément du tracé est simple. Dans

ces deux dernières maladies, le tremblement est continuel, mais

subit des exagérations au repos par la paralysie agitante, au mou-

vement par la sclérose en plaques. Ce travail contient de nom-

breuses planches représentant l'appareil inscripteur et les tracés

obtenus. Ducamp.

XIV. Association D'UNE maladie DE la moelle avec l'anémie PERNI-

CIEUSE; par Bowmann. (Bi,aiii, part. II, 1894, p. 198.)

On ne connaît guère que dix cas de lésion de la moelle dans

l'anémie pernicieuse. Le premier a été signalé par Lichtein en 1887.

Dans ce cas nouveau il s'agit d'une femme de cinquante-trois ans.

Le début eut lieu par des troubles sensitifs subjectifs, des picote-

126 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

ments, puis survint une faiblesse musculaire progressive. Tous les

symptômes allèrent rapidement en s'aggravant et elle mourut dans

l'espace de deux ans. L'aspect clinique était celui d'une sclérose

combinée. Les lésions médullaires étaient également celles de

l'ataxie paralytique, du labes combiné. (Une planche est jointe à

l'observation.) Reste à savoir si c'est le tabes qui a entraîné l'ané-

mie ou si celle-ci était primitive. C'est à cette dernière opinion

que se rattache l'auteur dans ce cas. P. S.

XV. Pathogénie ET traitement DE la maladie DE Basedow ;

par J. Putnam. (Brain, part. II, p. 214.)

Sorte de revue critique de ces deux points spéciaux.

XVI. Sur le GOITRE exophtalmique; par DL1UDE. (Brain, part. II,

1894, p. 246.)

Revue analytique d'après les leçons du professeur Joffroy.

XVII. Névrite périphérique dans LE COITRE exophtalmique ;

par A. MAUDE. (Braila, part. II, 1894, p. 229.)

Se basant sur un certain nombre de symptômes relevés dans les

observations de goitre exophtalmique, l'auteur pense que la né-

vrite périphérique est un épiphénomène fréquent dans cette ma-

ladie. P. S.

XVIII. HÉMIANOPSIE homonyme gauche ; par J. TURNER. (Brain, part. IV,

1893, p. 562.)

A l'autopsie, hémisphère droit : lésion très petite de la frontale

ascendante en haut; lésion plus importante de la partie supérieure

de la pariétale ascendante et de la partie adjacente du lobe pariétal

supérieur; lésion de la seconde circonvolution occipitale, consis-

tant dans un petit kyste situé à la limite de la substance grise et

de la substance blanche. Le cunéus et le gyrus angulaire n'étaient

pas pris. P. S.

XIX. UN cas D'HYSTÉRIE CHEZ UN enfant, caractérisé par DES attaques

RÉGULIÈRES DE léthargie, traitement par l'hypnotisme; par Th.

DOLLER. (Brain, part. IV, 1893, p. 556.)

Blessures de la tête; quelques semaines après attaque de mu-

tisme, précédée de vertiges pendant plusieurs jours; retour régu-

lier de ces attaques tous les mois, avec apathie complète ; durée de

huit jours. Traitement par la suggestion hypnotique. Amé-

lioration. P. S.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 137 1

XX. CENT cas .d'épilepsie; état DE la réfraction ET traitement

par DES VERRES; par WoRK-DooD. (Brain, part. IV, 1893, p. 534.)

Sur ces 100 épileptiques avérés, 25 n'avaient pas besoin de

verres; 75 durent en porter. Sur ce nombre, 52 seulement purent

être suivis, 13 d'entre ces derniers n'eurent plus d'accès pendant

des périodes variant de quatre mois à un an; 3 restèrent dans le

statu quo ; 36 s'améliorèrent par l'usage des verres. P. S.

XXI. Hématome DE la dure-mère associé au SCORBUT CHEZ DES enfants;

par SUTHERLAND. (Brain, part. 1, 1894, p. 27.)

1 cas : Fille de deux ans; anémie, fracture de l'humérus et du

fémur, épanchement sous-périosté, extravasations sanguines,

mort. A l'autopsie, hémorrhagie cérébrale et méningée. 2e cas :

fille de quatorze mois, rachitisme, oedème des paupières, anémie,

cachexie, hémorrhagies de la peau, de la conjonctive; ulcérations

générales; oedème des extrémités; attaques syncopales, mort;

hématome de la dure-mère. P. S.

XXII. THROMBOSE DE l'artère CÉRÉBELLEUSE INFÉRIEURE ; par MENZIES.

(Bi,ain, part. III, 1893, p. 436.)

Paralytique général de vingt-sept ans. Pris tout à coup de vio-

lente céphalalgie, avec anorexie, irritation gastrique, vomisse-

ments. Puis inconscience; incapacité de parler; parésie du côté

gauche; coma; mort. A l'autopsie, lésions vulgaires de paralysie

générale. Sclérose de l'artère cérébelleuse inférieure gauche avec

oblitération complète en un point. P. S.

XXIII.'POLYURIE (diabète INSIPIDE) dans LES affections DE la base DU

cerveau; par Henry HANDFORD. (Brain, part. III, 1893, p. 440.)

Deux cas de syphilis cérébrale, dont l'un accompagné d'accès

épileptiformes, dans lesquels se montra la polyurie qui disparut

sous l'influence du traitement. P. S.

XXIV. Syphilis DE la moelle; par SAciis. (Brain, part. III, 1893,

p. 405.)

L'auteur pense qu'on peut arriver au diagnostic de syphilis de

la moelle en dehors de l'aveu même du malade, par certains signes

caractéristiques, comme Erb a cherché déjà à établir un type de

paralysie spinale syphilitique. Il rapporte quatre cas de syphilis

médullaire à l'appui de ses vues. Le fait le plus caractéristique

est la distribution anormale de la maladie sur la plus grande

128 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

partie de la moelle, comprenant à la fois, comme cela arrive sou-

vent, les portions cervicale, dorsale et lombaire. Ensuite vient

l'intensité relativement faible du'processus morbide en compa-

raison de la grande étendue de la zone prise, faible intensité mise

en évidence par la préservation de quelques-unes des fonctions de

la moelle avec perte complète des autres. Diminution rapide de'

certains symptômes et persistance et chronicité des autres. Dans

certains cas, par exemple, l'anesthésie ne durait que très peu de

temps, tandis que la paralysie ne disparaissait qu'avec une extrême

lenteur; enfin, l'existence antérieure d'autres symptômes indiquant

une affection spécifique sur les mêmes points ou dans d'autres du

système nerveux central. Tels sont les caractères principaux qui

permettent d'affirmer que l'affection médullaire en présence de

laquelle on se trouve est syphilitique. P. S.

XXV. NÉVRITE diabétique avec UNE DESCRIPTION CLINIQUE ET ANAT0310-

pathologique DE TROIS cas DE PSEUDO-TABES diabétique; par

Davies PRYCE. (Brain, part. 111, 1893, p. 416.)

Trois cas de pseudo-tabes suivis de mort, le premier avec mal

perforant et coma, les deux autres avec gangrène. Cliniquement

les principaux points à noter ont été : leur chronicité, la présence

d'une ataxie nette, l'absence de toute espèce de paralysie, l'âge

des malades qui dépassaient la moyenne de la vie, la prédomi-

nance des symptômes sensitifs, vaso-moteurs et trophiques et l'as-

sociation des symptômes nerveux avec des altérations très mar-

quées des artères. Il y avait dégénération parenchymateuse des

nerfs biliaux, et les vaisseaux étaient très athéromateux. Mais

l'auteur n'ose pas se prononcer sur le rapport de causalité entre

les lésions nerveuses et artérielles. Deux planches histologiques

accompagnent ce travail. P. S.

XXVI. UN cas DE TUMEURS hydatiques INTRA-CftANIENNES avec hémi-

PLEGIE ET atrophie DES membres paralysés; parMITCABLL-CLARKE.

(Brain, part. III, 1893, p. 425.)

A l'autopsie, kyste hydatique volumineux de la partie posté-

rieure de l'hémisphère cérébral gauche; un autre kyste siégeait

en arrière de l'orbite gauche et avait détruit le nerf optique

gauche et les nerfs moteurs de l'oeil. Il y avait des kystes dans le

foie et le rein. Dégénération du faisceau pyramidal gauche; dimi-

nution de nombre des cellules des cornes antérieures. Aussi exis-

tait-il de l'atrophie musculaire avec réaction de dégénérescence et

flaccidité des membres paralysés. Il y avait enfin perte du pou-

voir de localisation des sensations dans le bras et la jambe

gauches. P. S.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 129

XXVII. Paralysie diphtérique ; ALLOCHIRIE; par WILLIAMS GAY. (jB)'< ! ? '7t,

part. III, 1893, p. 431.)

Parésie des quatre membres. Diplopie. Signe de Romberg;

ataxie des quatre membres; absence de réflexes, réflexes pupil-

laires abolis; ouïe normale; goût; toucher normaux. Mais toutes

les sensations venues d'un côté du corps étaient rapportées au

côté opposé; pas de paresthésie; perception normale du chaud et du

froid; sens musculaire complètement disparu. P. S.

XXVIII. Un cas de maladie DE FRIEDREICH non héréditaire; par

Ca.-E. NAMMACK M. D. (Médical Record, 11 août 1894.)

Observation bien nette de maladie de Friedreich chez une petite

fille de quatorze ans; sa famille est remarquablement indemne de

toute tare nerveuse; ses cinq frères ou soeurs de même. Sur

les 23 cas de maladie de Friedreich signalés par l'Index medicus

de 1893, on en trouve 3 de non héréditaires. Destrée, Senator,

Me. Caw, Chauffard, Mackenzie en publient chacun un. J.-B. C.

XXIX. OEDÈME cérébral; par Georges-J. PRESTONM. D.

(Journ. ofnervous and mental disease, août 1894.)

L'oedème du cerveau suit les lois de l'oedème en général avec ce

fait toutefois que forcément il doit être modifié parles dispositions

anatomiques des espaces lymphatiques du cerveau et de ses enve-

loppés. Le sérum transsudé peut occasionner une compression

mécanique du cerveau et être également le point de départ d'acci-

dents toxiques. L'oedème cérébral serait un accident bien plus fré-

quent et plus grave si ce n'était pour la communication libre et

facile qui existe entre les divers espaces lymphatiques, ainsi que le

prouvent les symptômes résultant de l'isolement de ces cavités lors

d'adhésions inflammatoires.

XXX. La POLYURIE HYSTÉRIQUE, par le Dr A. MATHIEU.

. (Revue neurologique, 1893.)

La polyurie des hystériques est loin d'être une rareté. Si on en

a si longtemps méconnu la fréquence relative, c'est que presque

toujours les polyuriques hystériques sont des hommes et que le

diabète insipide est rare chez les hystériques femmes.

Le tableau clinique de la polyurie hystérique est d'une grande

simplicité. Les malades se plaignent d'uriner beaucoup, d'être

tourmentés par une soif plus ou moins vive et de se trouver affai-

blis, déprimés aussi bien au physique qu'au moral.

On peut admettre deux types de polyurique hystérique, d'après

Archives, t. XXIX. 9

130 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'abondance de l'urine et l'intensité des accidents : le petit polyu-

rique, qui urine 5 à 6 litres en moyenne; le grand polyurique,

qui en rend par jour 20 à 30 litres.

De plus, l'urée peut être en quantité normale ou exagérée dans

l'urine; de là deux types secondaires : le type azoturique et le type

non azoturique ou hydrémiqne.

Trois ordres de raisons peuvent surtout amener à considérer une

polyurie simple comme étant subordonnée à l'hystérie :

1° Sa coïncidence avec des accidents hystériques;

2° Son mode de début. Il n'est pas rare, en effet, que la polyurie

survienne brusquement à la suite d'une vive émotion, de grands

chagrins, d'un choc violent, et en particulier d'un choc sur la

tête;

3° M. Babinski a fait ressortir l'influence possible de la sugges-

tion sur la polyurie hystérique. La suggestion, faite pendant le

sommeil hypnotique, ou à l'état de veille, ou encore par voie d'il-

lusion médicamenteuse, a permis de démontrer que la polyurie

simple de nature psychique pouvait se montrer indépendamment

de tout stigmate hystérique, et qu'elle peut être, comme le prétend

M. Debove, la seule manifestation névropathique.

La tendance actuelle est de considérer l'hystérie comme le ré-

sultat d'une pertubation cérébro-psychique, comme la conséquence

d'une viciation de la perception et de la volition ; et il est fort in-

téressant, au point de vue théorique, d'avoir montré que la polyurie

simple pouvait céder à la suggestion, ou se reproduire sous son

influence.

Au point de vue pratique, cela n'a pas moins d'intérêt ; cela

montre le parti que l'on peut tirer de la persuasion dans la théra-

peutique. E. B.

XXXI. CONTRIBUTION A L'HISTOIRE DES hydarthroses intermittentes

par le Dr FLRL. (Revue neurologique, 1893.)

L'histoire de l'hydarthrose intermittente, malgré un certain

nombre de publications en France et en Allemagne, est encore

loin d'être complète.

L'opinion qui fait de l'hydarthrose intermittente une névrose

articulaire peut déjà s'appuyer sur un certain nombre de faits

dans lesquels on a noté la coïncidence de troubles hystériformes,

d'angine de poitrine, de goitre exophthalmique.

Les observations rapportées par l'auteur viennent à l'appui de

l'influence nerveuse. Dans la première, une hydarthrose intermit-

tente du genou gauche a été observée chez une hystérique mor-

phinomane, au cours du traitement de la morphinomanie. Dans la

seconde, il s'agit d'hydarthrose intermittente des genoux survenue

chez une hystérique à la suite d'une émotion.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 131

La dernière observation a traita à une hydarthrose intermittente

de l'articulation temporo-maxillaire gauche et à une hydarthrose

intermittente, puis permanente des deux genoux, chez une épilep-

tique : cette observation montre que s'il est des hydarthroses inter-

mittentes névropathiques qui guérissent, il en est d'autres qui s'éta-

blissent à l'état permanent. E. B.

- XXXII. Sur un cas DE syndrome DE Weber; par M. LACOUR.

(Revue neurologique, 1893.)

La malade dont M. Lacour relate l'intéressante observation pré-

sentait très nettement le syndrome de Weber, c'est-à-dire une

paralysie alterne de l'oculo-moteur commun d'un côté (côté de la

lésion), et des membres, du facial et de l'hypoglosse de l'autre

(côté opposé à la la lésion).

Etant données d'une part l'absence de troubles sensitifs et l'hé-

miplégie plus prononcée à la face qu'aux membres, et d'autre

part l'électivité des processus syphilitiques pour les méninges de

la base, et la marche de la maladie, le diagnostic porté fut : plaque

de méningite scléro-gommeuse siégeant à la partie interne du

pied du pédoncule gauche et de l'origine du tronc du moteur

oculaire commun gauche.

Le diagnostic se trouva confirmé par l'influence du traitement

spécifique, qui amena la guérison.

Cette observation montre que dans certains cas le syndrome de

Weber peut ne pas comporter un pronostic aussi sombre qu'à l'or-

dinaire : c'est quand on se trouve en présence d'une plaque de

méningite syphilitique de l'espace interpédonculaire. E. B.

XXXIII. CONTRIBUTION la pathogenèse DE la chorée MOLLE,

par le D1' MASSALONGO. (Revue neurologique, 1893.)

Il s'agitd'une jeune fille de seize ans,;de constitution très délicate,

portant au cou de nombreuses cicatrices d'adénite tuberculeuse

suppurée et ayant présenté une chorée paralytique limitée à l'un

des bras.

L'amélioration de la motilité rendit les mouvements choréiques

plus manifestes et plus fréquents.

Au point de vue étiologique, l'auteur pense que dans les nombreux

foyers de tuberculose ganglionnaire se sont formés des poisons,

des toxines qui ont été emportés par le torrent de la circulation

et ont pu altérer les éléments nerveux corticaux dans leur consti-

tution, leur nutrition, leurs rapports, en limitant leur action au

centre moteur du bras gauche. La chorée ordinaire doit toujours

avoir pour base une altération matérielle, nutritive, biochimique

des cellules motrices des circonvolutions, des noyaux gris ou des

132 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

colonnes antérieures de la moelle, altération qui, suivant son degré,

donne la chorée tremblante ou la chorée paralytique. E. B.

XXXIV. Sur UN cas d'athétose double; par les Drs BRISSAUD et

IIALLION. (Revue neurologique, août 1893.)

Il s'agit d'un cas typique d'athétose double qui présente quelques

particularités intéressantes : tout d'abord une scoliose légère,

puis une déformation circonscrite d'une des côtes, que n'explique

aucune cause locale.

L'influence de l'attention sur les troubles athétosiques est des

plus manifestes : dans les mouvements volontaires, les mouvements

athétosiques sont exagérés, mais en même temps ils disparaissent

dans les membres inactifs, sur lesquels l'attention ne se porte

plus. E. B.

XXXV. Maladie de MORVAN,, syringomyélie ET lèpre ; par le

Dr A. GoMBAULT. (Revue neurologique, 1893.)

On sait que, pour M. Zambaco, tous les malades atteints de mala-

die de Morvan sont des lépreux. Du reste, les revendications de

M. Zambaco ne s'arrêtent pas à la maladie de Morvan et il réclame

aussi, comme relevant de la lèpre, la sclérodermie, la sclérodac-

tylie et la maladie de Raynaud.

Pour M Zambaco, toutes ces maladies, qu'on s'efforçait jusqu'ici

de distinguer les unes des autres en invoquant des caractères cli-

niques et anatomiques qui sont loin d'être négligeables, doivent se

fondre dans une grande entité morbide étiologiquement bien défi-

nie, la lèpre et ses formes atténuées, entité qui dans son ensemble

prendrait le nom de léprose.

Cette large synthèse est assurément séduisante mais on doit se

demander s'il convient de l'accepter dès aujourd'hui et dans toute

sa rigueur à titre de vérité démontrée ou si, au contraire, il n'est

pas plus prudent et en même temps plus scientifique de la consi-

dérer, provisoirement, comme une hypothèse dont la vérification

n'est pas encore absolument, ni surtout complètement faite.

Pour achever l'oeuvre de M. Zambaco, un nouveau travail s'im-

pose, c'est d'examiner séparément et à l'aide de faits nouveaux,

chacune des variétés morbides mises en cause et de rechercher à

propos de chacune d'elles ce que l'anatomie et la bactériologie

peuvent fournir de favorable ou de contraire à la doctrine nou-

velle.

C'est dans cet esprit que M. Marestang a étudié les rapports de

la lèpre avec la maladie de Morvan. Or, on voit que, même si on

se place au seul point de vue clinique, l'identité n'est pas parfaite

entre la maladie de Morvan et la lèpre. L'anatomie pathologique

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 133

ne fournit pas plus les éléments de certitude que refuse la clinique :

le bacille de Hansen n'a pu être démontré dans aucune des mala-

dies de Morvan, avec autopsie, étudiés par l'auteur, pas plus qu'on

n'a relevé dans les nerfs périphériques les particularités anato-

miques caractéristiques de la lèpre.

Quant à la moelle, elle n'a encore été examinée que deux foi,

dans la maladie de Morvan prise en Bretagne, et, dans les deux cas,

cet organe était manifestement altéré, ce qui ne se présente guère

dans la lèpre. Et même dans l'un des deux cas, la lésion était ma-

nifestement une syringomyélie, affection que l'on tend de plus en

plus à considérer comme le substratum anatomique habituel, sinon

absolument constant de la maladie de Morvan, alors qu'elle est

presque inconnue dans la lèpre.

En conséquence, soit qu'on envisage les lésions des nerfs péri-

phériques, soit qu'on envisage l'état de la moelle épinière, les faits

jusqu'ici connus sont loin de prêter appui à l'opinion de M. Zam-

baco.

Ce qui ne veut pas dire que la lèpre ne puisse se traduire par

des symptômes analogues ou identiques à la maladie de Morvan, à

la sclérodermie, à la maladie de Raynaud; il s'agit de savoir si la

similitude clinique doit, dès aujourd'hui, entraîner la notion d'iden-

tité de nature. Comme il s'agit d'une maladie parasitaire dont le

parasite peut être assez facilement démontré, comme les lésions que

la lèpre provoque ont souvent des caractères anatomiques très

spéciaux, il semble qu'on ne devra se prononcer que lorsque l'ana-

tomie et la bactériologie auront, à leur tour, fourni leurs preuves,

et jusqu'ici elles ne sont pas favorables. E. B.

XXXVI. MAL DE POTT cervical. Leptomyélité chronique. Poussée DE

MÉNING01fYÉLITE aiguë limitée A la partie INFÉRIEURE DU RENFLE-

ment cervical. Hématomyélie ; par le professeur RAYMOND. (Revue

neurologique, 1893.)

Les faits recueilis depuis longtemps par l'auteur lui ont permis

de diviser les myélites de la tuberculose en deux catégories dis-

tinctes : 1° les myélites chroniques; 2° les myélites aiguës dont on

peut distinguer deux formes : a, la forme nodulaire ; 6, la forme

infiltrée ou diffuse.

L'observation rapportée tout au long dans le présent mémoire

appartient à. la première catégorie par son début, et à la seconde

par sa terminaison.

La malade, tuberculeuse par les poumons, présentait un mal de

Pott cervical accompagné de lésions chroniques des méninges et

de la moelle indépendamment de toute compression; une poussée

deméningomyéli te assez aiguë et localisée a été la cause d'une com-

plication exceptionnelle, d'une hématomyélie. Au point de vue

134 SOCIÉTÉS savantes.

clinique, il ne manquait aucun des symptômes de l'hématomyélie :

début brusque des accidents, paralysie, puis atrophie, exagération

des réflexes dans les membres inférieurs, douleurs vives au point

malade et douleurs irradiées dans les membres, plus tard eschare.

Ces symptômes, caractéristiques en toute autre circonstance,

devaient fatalement induire en erreur dans le cas particulier et

- faire songer à une compression; aussi la malade subit-elle une

opération qui n'empêcha pas la terminaison fatale, peu de temps

après. -

L'examen histologique a montré que la malade était atteinte

d'une leptomyélite chronique diffuse légère, dont les lésions conco-

mitantes permettaient seules d'établir la nature tuberculeuse. La

dure-mère et l'arachnoïde, au contraire, contenaient des éléments

-spécifiques. La mort a été amenée par une poussée de méningo-

myélite aiguë et récente qui, à la faveur des lésions vasculaires, a

déterminé une hématomyélie; et les accidents médullaires graves

datent de cette complication. E. B.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 26 novembre 1894. Présidence DE M. A. Voisin.

Coexistence d'hallucinations PSYCHO-MOTRICES ET d'hallucinations

sensorielles. dialogue ENTRE LES voix intérieures ET extérieures.

M. PAUL CARNIER, communique à la Société une observation

rédigée en commun avec M. Le Filliâtre. Il s'agit d'un dégénéré

héréditaire atteint d'idées de persécution avec hallucinations ver-

bales, auditives et psycho-motrices, avec cette particularités inté-

ressante que les voix extérieures se donnaient la réplique. C'est

bien là, dit M. Garnier, un fait de doubles voix, les unes exté-

rieures, les autres intérieures; c'est un exemple' de coexistence

d'hallucinations verbales auditives et psycho-motrices.

Le malade est halluciné intus et extra si l'on peut ainsi dire.

Il extériorise et intériorise des phénomènes dus à l'excitation

pathologique des centres qui président à la formation, ici, des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 135

images verbales auditives; là, des images verbales d'articulation.

Les deux centres ainsi hyperexcités correspondent entre eux par

un dialogue singulier qui est comme la projection saisissante de

deux séries d'images verbales. sensorielles et motrices. X... enten-

dait qu'on lui parlait du dehors et il se sentait parler et répondre

du dedans.

L'hallucination dite interne, « la voix intérieure D, que Baillarger

a le premier distinguée de l'hallucination auditive en la qualifiant

d'hallucination psychique, a été attribuée avec raison, par Ed. Four-

nier et par M. Max Simon, à une hallucination, à une impulsion

de la formation'du langage. Depuis, M. Séglas reprenant la ques-

tion et procédant rigoureusement et systématiquement à son

étude, à la lumière des plus récentes données de l'anatomie, de

la physiologie et de la pathologie cérébrales, a su donner au phé-

nomène toute l'inportance qu'il mérite et à dater de ce moment

quelques autres observations ont été publiées. '

Nous avons pensé qu'il n'était pas dénué d'intérêt d'y adjoindre

le cas actuel. Le dialogue des voix intérieures et extérieures, diffé-

renciées par le malade lui-même, nous à paru tout spécialement

démonstratif, car il met bien en évidence la nature et la qualité

des deux ordres de phénomènes hallucinatioires.

M. Séglas a eu l'occasion d'observer des faits analogues dont il

cite quelques exemples entièrement comparables.

M. Vallon donne lecture de deux observations d'alcooliquesayant

présenté, au milieu d'un délire religieux, des hallucinations, psy-

cho-motrices éphémères. L'un des deux malades s'imaginait avoir

dans le ventre deux personnages : à droite, la Sainte Vierge et à

gauche Dieu le Père. La Sainte Vierge répétait sans cesse : c Ne

fais rien, ne dis rien. » L'autre voix répondait : « Si, je le dirai,

cocu par un curé ! » Les voix étaient très nettes et le malade les

entendait dans son ventre comme s'il eût été ventriloque. Ce sont

sespropres expressions. Les hallucinations ne durèrent guère qu'une

seule journée.

L'autre aliéné sentait et entendait sortir par la bouche et par le

nez des voix dont la netteté était telle qu'il croyait, par instants,

avoir proféré des injures. Les voix suivaient sa respiration qui lui

paraissait chaude. Il lui arrivait aussi de s'entretenir avec ses voix.

Il se montrait très surpris d'apprendre qu'il était le seul à entendre

les questions auxquelles il répondaitréellement, alors qu'ilcroyait

les avoir formulées à haute voix.

Sur la pathogénie DES ictus épileptiformes

dans la paralysie générale.

M. LEGR.11N. Il parait ressortir des faits cliniques que les ictus

épileptiformes, dont l'esprit est si varié, ne relèvent pas tous du

136 SOCIÉTÉS SAVANTES.

même mode pathogénique et, qu'en tout cas, si la congestion

(encore n'est-ce là qu'un mot ? ) peut donner l'explication de quel-

ques-uns, elle est impuissante à expliquer les grands ictus, qui

foudroient souvent de bonne heure les paralytiques généraux, en

offrant tous les dehors de l'éclampsie. J'ai supposé que les paraly-

tiques à grandes attaques. avaient quelque chose de plus que les

paralytiques sans attaques.

En dehors de la lésion et du trouble congestif contemporain,

j'ai pensé qu'il existait parfois une toxémie d'un caractère parti-

culier, toxémie à manifestations convulsives comme celles qu'on

rencontre dans certaines formes de l'urémie. J'en trouve la preuve

dans l'existence de nombreuses lésions viscérales chez les paraly-

tiques, en dehors des lésions imputables à l'encéphalite. On les

rencontre ordinairement dans le foie et dans les reins ; ce qui per-

met de croire à des troubles profonds de la nutrition et de ! 'ex-

crétion favorables, surtout si le rein devient insuffisant, à l'accumu-

lation du poison dans le sang.

Cette hypothèse me paraît confirmée par une observation accom-

pagnée d'expérimentation physiologique à l'aide du sang recueilli

par la saignée, chez un paralytique, au début de la série d'ictus

qui l'ont entraîné. Le sang s'est montré hypertoxique : il jouissait

au premier chef de la propriété convulsivante. Des convulsions

généralisées ont été reproduites chez trois lapins par l'injection

intra-veineuse de sang défibriné d'un paralytique.

M. BRIAND a fait autrefois des recherches analogues dans le labo-

ratoire du regretté Quinquand et a pu constater que le sang des

paralytiques généraux, recueilli après les attaques épileptiformes,

prenait fréquemment des caractères de tonicité encore mal définis.

Il a aussi remarqué que les injections de sérum artificiel à la dose

de 1.000 à 1.500 grammes amélioraient parfois te5 attaques des,

paralytiques généraux, comme elles améliorent, dans certaines

circonstances, les épileptiques vrais en état de mal. Enfin il a,

depuis plusieurs années, constalé la fréquence de l'albumine dans,

certaines formes de la paralysie générale, et aussi l'hypotoxicité dé

l'urine; mais il ne croit pas à l'efficacité de la saignée, comme

moyen curatif des attaques épileptiformes.

M. Charpentier. Nous sommes tous du même avis; les sai-

gnées sont inutiles.

M. Vallon se demande si la toxicité du sang ne résulte pas du

travail musculaire qui accompagne l'attaque épileptiforme.

M. Brrnd n'a aucune opinion à ce sujet. Il a constaté le phéno-

mène ; mais les éléments d'interprétation lui manquent.

M. Legrain. J'ai toujours fait mes saignées à un moment très

rapproché du début de l'attaque. Cette méthode m'a souvent donné

de bons résultats.

sociétés savantes. 137

M. CHARPENTIER. - Le dernier paralytique général que j'ai sai-

gné a été pris de convulsions épileptoïdes au cours même de l'opé-

ration. Si la saignée était efficace, elle aurait eu une autre consé-

quence.

M. GARNIER trouve très intéressante l'interprétation pathogénique

de M. Legrain, tout en estimant que ce serait aller trop loin de

dire que dans tous les cas le rein est malade. Mais il est étonné de

voir réhabiliter la saignée que, pour sa part, il réserve aux cas

dont les apparences sont nettement congestives. Les paralytiques

généraux, dit-il, sont, le plus souvent, dans un état physiologique

trop précaire pour qu'on leur retire du sang.

M. LEGRAIN. Une petite saignée ne saurait avoir grand incon-

vénient.

M. A. Voisin est arrivé, chez les épileptiques, aux mêmes conclu-

sions que M. Legrain. Comme M. Briand il a toujours trouvé leurs

urines hypotoxiques pendant l'état de mal et hypertoxiques après.

Il croit, à une intoxication du sang. Ce qui confirmerait cette

hypothèse c'est, que souvent les accès d'épilepsie sont encore pré-

cédés d'un embarras gastrique facile à constater. Il a aussi amélioré

ces malades par des injections de sérum artificiel à dose moins

élevée que ne l'indique M. Briand (30 à 40 grammes seulement).

M. Vallon pense qu'il peut y avoir des cas où les attaques épi-

leptiformes des paralytiques généraux ont le caractère de l'éclamp-

sie et sont dues à la toxicité du sang ; mais le plus souvent elles

reconnaissent pour unique cause une congestion intense des centres

nerveux qu'on constate à l'autopsie.

M. BRIAND. On ne peut affirmer que les lésions trouvées à

l'autopsie sont cause et non effet. Rien ne prouve d'ailleurs qu'elles

ne soient dues à des phénomènes évoluant post mortem.

MARCEL BRIAND.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIIN

Séance du 16 juin z. Présidence DE M. LOEHR aîné.

M. Moeli. Courte remarque sur le traitement de l'épilepsie. Chez

les épileptiques qui ne peuvent supporter le bromure ou chez

lesquels celui-ci n'a pas suffisamment agi, on peut lui substituer

l'atropine. Chez un tiers de ces malades, on constate une amélio-

138 SOCIÉTÉS savantes.

ration véritable; mais on revient forcément au bromure au bout

de quelques mois. Les études entreprises depuis le début de 1890,

ont porté sur un laps de temps de deux à trois ans.

Discussion : M. Fitx.NKEL communique l'observation d'une malade

traitée par le procédé de Flechsig (opium et bromure de potas-

sium). Il s'agit d'une jeune fille de vingt et un, ans, ayant depuis

l'âge de sept ans, présenté un nombre infini d'attaques s'élevant

souvent au chiffre de 120 par mois. Les attaques devenaient presque

subintrantes au moment des règles ou à la suite de celles-ci. Le

traitement zincobromuréétaitdemeuré complètement sans résultat.

On lui administra opium et bromure et, depuis le 8 août 1893, elle

n'a plus d'attaques. Son état mental s'est modifié; elle a récupéré

la netteté et le calme de ses facultés. Mais, en pareils cas, quand

on vient à suspendre l'opium, on constate de l'excitabilité, de la

confusion mentale, de la pleurnicherie qui doivent être attribuées

au sevrage de l'opium ; au bout de quelques jours les malades se

remettent.

M. HEBOLD. - A l'asile de V4'uhlgarten nous avons recours à la

méthode de Flecnsig dans les cas où les attaques d'épilepsie se

compliquent d'angoisse.

Dès qu'on a suspendu l'opium et qu'on le remplace par du bro-

mure, les accès disparaissent pendant un temps assez long, mais

reparaissent ensuite comme auparavant.

M. LEPPMANN. La paralysie générale dite secondaire pour servir

de point de départ à des investigations communes sera discutée à la

prochaine séance.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le rapport

de MM. Cramer et Boedeker : de la délimitation de la paranoïa.

M. Cramer résume les débats sous le titre d'Epilogue à la dis-

cussion sur la délimitation et le diagnostic différentiel de la paranoïa.

Il s'exprime en ces termes' :

Si obscur que soit le terrain sur lequel portent en ce moment

nos investigations, voici des éléments qui nous paraissent dégagés.

Les groupes de psychoses fonctionnelles simples, non compliquées

de notre classification, admettent des formes de transition de toute

sorte, formes intermédiaires de Jolly, de même que les épisodes

morbides rattachés par lui à la paranoïa. Quant aux opinions

divergentes de M. Moeli sur des relations entre la sensibilité morale

et l'activité intellectuelle, il ne saurait y avoir que des malen-

tendus. En effet la sensibilité morale est cette faculté de notre

esprit qui nous permet d'apprécier les impressions, et, les jugeant

1 Dans cette rédaction nous introduisons aussi la substance d'un

mémoire publié à part dans le même fascicule du même journal, sous le

même titre, par M. Cramer. (P. K..

SOCIÉTÉS SAVANTES. 139

agréables, de les rechercher, les jugeant désagréables, de les re-

jeter. Evidemment toutes les sensations du corps collaborent à cette

faculté à l'état normal. Mais il n'est pas moins certain que des

sensations qui normalement n'existent point deviennent alors la

cause et non la conséquence de l'humeur. A côté de cela, il est

des cas difficiles à apprécier; ceci s'applique notamment à l'asser-

tion de ces malades qui disent se sentir tout autres, qui trouvent

que « cela est comique »; ici il est impossible de savoir si leur

humeur est a priori changée dans son intégrité, ou s'il se passe

en eux des phénomènes qui l'ont modifiée. Il y a lieu cependant

de reconnaître qu'à la période prodromique de toute maladie

mentale, il y a un état sentimental particulier, mais il est pas-

sager, et, à la période de développement de la maladie, on peut,

dans l'immense majorité des cas, déterminer si l'état de l'humeur,

gai ou triste, est primitif, ou s'il est le produit de l'altération anté-

rieure de l'activité intellectuelle.

En revanche il y a lieu d'admettre un troisième grand groupe

de psychoses simples, non compliquées, mis en vedette par M. Jolly

et de lui donner le nom d'anoïa qu'il propose.

Reste un point grave. Que penser de la confusion mentale (Ver-

wirrtheit- amentia délire hallucinatoire de Mendel) ? M. Jolly

croit que dans les phénomènes aigus, il y en a une forme déli-

rante et une forme systématisée. Entre les deux il y aurait des

formes mixtes, et le même individu passerait alternativement de

tel symptôme à tel autre. Ceci s'applique aussi bien au syndrome

confusion mentale (Ver2viwzcngszustaad) aiguë des alcooliques qu'à

celui qui n'a rien d'alcoolique. Evidemment le complexus morbide

de la confusion mentale (amentia Verwirrtheit délire hallu-

cinatoire) se sépare parfaitement de la folie systématique chro-

nique (paranoïa chronica), nous l'avons nettement indiqué, mais

nous avons aussi montré que, tant au point de vue clinique, qu'au

point de vue théorique, il n'y avait pas lieu d'en faire un groupe à

part. Il y a au contraire entre les divers tableaux cliniques de la

paranoïa des rapports étroits, d'ailleurs parfaitement mentionnés

par M. Jolly lui-même. Et si l'on veut établir des genres en perdant

de vue les grandes classes spéciales des psychoses fonctionnelles

simples non compliquées, on se heurte à des formes intermédiaires,

très voisines du Wahnsinn de Kroepelin, qui vous forcent à établir

une pléiade indéfinie de dessins pathologiques. La réunion de ces

dessins en groupes s'impose (avant d'en détailler les différences,

sinon on rend inintelligibles à l'élève et au praticien nos traités de

psychiatrie. Déjà les modalités aiguës des observations dont nous

nous occupons comportent 28 termes sans compter d'autres déno-

minations accessoires. Il est donc bon d'adopter un terme d'en-

semble qui puisse fixer les idées.

Voici en conséquence ce que nous proposerions :

140 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Trois groupes de psychoses fonctionnelles simples non com-

pliquées. Le premier groupe, groupe des anomalies de l'humeur,

caractérisé par une modification du caractère, qui constitue le

symptôme principal et permanent : manie, mélancolie. Le second

groupe, groupe de la paranoïa ou des paranoïas, est caractérisé

par l'existence d'un trouble de l'intelligence, folie intellectuelle

comprenant la folie systématique plus ou moins cohérente désignée

sous les noms de Wahnsinn et de Verrûcktheit, avec les nuances

que de Krafft-Ebing, Schuele, et Kroepelin attachent à chacun de

ces mots, et la confusion mentale ou Verwirrtheit, ameuta de

Meynert, Wille, Chaslin. Le troisième groupe, que l'on doit

désigner sous le nom d'anota, a pour substratum l'extinction appa-

rente de toute activité intellectuelle et de la sensibilité morale :

c'est la démence aiguë.

Chacun de ces groupes est rattaché au suivant par des formes

de transition, dans un sens ou dans l'autre, surtout les deux pre-

miers, à raison des syndromes qui empêchent momentanément

d'en faire le diagnostic :

Nous voulons parler des épisodes maniaques ou mélancoliques

de la folie systématique pure ou dégénérative, ou inversement des

idées de persécution ou de grandeur qui se montrent chez les

mélancoliques, etc. Le second groupe se relie, par les formes

aiguës, aux délires fébriles et aux délires toxiques.

M. BOEDEKER. Avant de diviser la paranoïa, il faut savoir ce

que c'est, quels sont ceux des tableaux morbides décrits qui appar-

tiennent à la paranoïa et ceux qui ne lui appartiennent pas. Si

par exemple nous envisageons les formes aiguës et les formes

chroniques du groupe paranoïa, il y a un certain nombre d'obser-

vateurs distingués qui ne reconnaissent pas l'existence d'une para-

noïa aiguë. A côté de cela, la plupart des psychiatres paraissant

avoir considéré la division de la paranoïa en formes simples et

formes hallucinatoires comme la plus opportune (Mendel) ; du

moins est-elle admise sans grande objection pour les formes chro-

niques de la paranoïa. Quant à la paranoïa aiguë, elle suscite déjà

des points d'interrogation et nous nous trouvons en présence, pour

nous servir de termes des M. Jolly, de paranoïas hallucinatoires

aiguës délirantes et de paranoïas hallucinatoires aiguës systé-

matisées (sic), ce qui veut dire, et ce qui en effet paraît hors de

doute, que la paranoïa aiguë systématisée est très fréquemment

au plus haut point hallucinatoire. Nous aurions donc ainsi à dis-

tinguer la paranoïa hallucinatoire aiguë délirante de la paranoïa

hallucinatiore aiguë systématisée, ou, en d'autres termes, nous

devrions admettre une paranoïa hallucinatoire aiguë avec confu-

sion mentale (Verwirrtheit) et une paronoïa hallucinatoire aiguë

sans confusion mentale. Il serait à désirer qu'on établit les élé-

ments cliniques de ces deux formes. Le même travail est encor

SOCIÉTÉS SAVANTES. 141

plus difficile à exécuter pour la paranoïa aiguë simple; d'après

M. Jolly, il faudrait la rattacher à la folie aiguë systématique

(paranoïa acuta systematisirende) ; M. Jastrowitz prétend qu'elle se

développe chez les débiles congéniaux ou chez les gens dont l'in-

telligence est affaiblie et qu'elle se termine par la guérison, la

démence (amentia chronica ou dementia confusa) ou la folie systé-

matique chronique (paranoïa chronica). Pour M. Mendel, elle sur-

vient aussi bien chez les individus sains d'esprit que chez les

débiles, peut persister pendant des mois, guérir ou aboutir à la

pa ? ,ai2oia chronica simplex. Ziehen professe que la paranoia acuta

non hallucinatoire affecte une marche extrêmement aiguë, qu'elle

dure rarement plus de trois semaines, qu'elle ne fleurit guère que

sur des cerveaux fortement préparés par des tares héréditaires

certains, qu'elle guérit toujours. D'autres auteurs en rapprochent

d'autres complexus morbides. Il est indubitable que chaque auteur

a en vue, dans l'espèce, des formes psychopathiques tout à fait dis-

tinctes ; pour arriver à s'entendre, il faudrait étiqueter les obser-

vations cliniques qui servent de canevas à la description d'ensemble

de chacun des nosographes.

Voici venir, pour en terminer, l'amentia de Meynert ou délire

hallucinatoire (manie hallucinatoire) de Mendel qui est synonyme

de confusion hallucinatoire (hallucinatorische Yerworrenlteit) de

Fuerstner, elle-même adéquate à la confusion mentale ( Verwirrtheit),

de Wille, etc. MVI. Jastrowitz et Mendel, prétendent devoir l'enlever

du groupe de la paranoïa, tandis que je crois, conformément aux

arguments de Jolly, qu'il s'agit purement et simplement ici d'une

paranoïa délirante. C'est encore une paranoïa délirante que cette

paranoïa dissociative de Ziehen, à moins qu'on en fasse une paranoïa

aiguë toute particulière (Jolly). A ce propos, il y a lieu d'adopter

la pleine signification donnée par M. Jolly au mot délire et d'ad-

mettre qu'il y a une paranoïa aiguë délirante non hallucinatoire

Par contre, les observations qui servent de preuves à l'appui des

termes de manie hallucinatoire ou délire hallucinatoire ne sont

nullement probatoires en ce qui concerne ces termes parce que

les hallucinations ne constituent point ici le symptôme prédomi-

nant. Nous nous rallierons donc à la division de Jolly en paranoïa

aiguë délirante et paranoïa aiguë systématisée qui résume les élé-

ments fondamentaux de la paranoïa.

La paranoïa aiguë délirante englobe les cas de confusion men-

tale (Verwirrtheit) produite soit par les hallucinations, soit par

l'incohérence. La paranoïa aiguë systématisée (sic) comprend les

cas de folie intellectuelle aiguë dans lesquels il n'y a guère de

confusion mentale, que les hallucinations soient actives (ce qui est

le cas le plus fréquent) ou non.

M. Cramer. Communication clinique. L'analgésie du cubital à

la pression soit dans son trajet soit au niveau du condyle interne

142 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de l'humérus (Biernacki) a été recherchée sur 51 paralytiques gé-

néraux. 39 d'entre eux, soit 76 p. 100, l'ont présentée au plus haut

degré, 7 autres ne la présentaient que d'un côté. Ce qui, en réalité,

montre l'existence de cette analgésie chez 46 paralytiques sur 51,

soit 90 p. 100. L'analgésie existait aussi bien chez les paralytiques

privés du réflexe tendineux patellaire que chez ceux présentant

une exagération du phénomène du genou en question. Il ne fut

pas plus possible d'établir, une relation entre la réaction de la

sensibilité du cubital et les autres symptômes tels que la réaction

pupillaire, la sensibilité à la douleur etc. L'étude comparative au

même point de vue de déments ordinaires presque réduits à l'exis-

tence végétative a révélé ce qui suit : sur 63 de ces aliénés, on cons-

tata 50 fois une sensibilité marquée à la douleur du cubital, c'est-

à-dire dans 79 p. 100 des cas. Ce qui établit une proportion

exactement inverse par rapport à celle des paralytiques généraux.

Par conséquent, a priori, il est probable que l'analgésie du cubital

peut servir de signe diagnostique différentiel entre la démence

paralytique et la démence non paralytique. Mais en revanche l'anal-

gésie du cubital ne semble point être exclusivement un symptôme

tabétique, elle ne paraît point liée de préférence à une lésion des

cordons postérieurs. Les lésions des paralytiques portant partout,

il. est superflu de se demander quelle est l'altération responsable

de ce symptôme.

En tout cas ce n'est pas à la moelle seule qu'il faut l'imputer,

car, chez un malade qui présentait une analgésie unilatérale du

cubital, M. Cramer trouva une lésion bilatérale et symétrique

des cordons latéraux, de la zone d'entrée des racines postérieures,

et des racines antérieures à leurs points d'émergence.

A une question de M. Mendel, M. Cramer répond que les branches

périphériques du nerf cubital n'ont point encore été examinées.

(Allg. Zeitschn. f. Psychiair., LI, 2.) P. KERAVAL.

P. KERAVAL.

XXVIII- CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE BASSE-SAXE

ET WESTPHALIE

SESSION DE HANOVRE

Séance du 1er mai 1894. Présidence DE M. GERSTENBERG.

M. Bruns. Présentations anatomiques et cliniques. - Voici d'abord

une fillette de deux ans et demi, atteinte de raideur spasmodique

des membres typique (maladie de Little). Elle est atteinte de para-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 143

légie spasmodique sans paralysie plus accentuée. Quand on la

couche sur le dos, ses cuisses se fléchissent sur le bassin dans l'ad-

dnction, et les jambes se fléchissent sur les cuisses; si l'on essaie

de les étendre, on éprouve une résistance très considérable. Les pre-

mières tentatives présentent déjà une difficulté qui devient insur-

montable quand on les réitère. Les bras ont toujours une certaine

tendance à se porter en hyperpronation, les doigts étant enfoncés

dans la paume de la main ; la même rigidité se manifeste lorsqu'on

tente les mouvements forcés. Cette rigidité s'accroît notablement

quand l'enfant est émue. Il n'existe nulle part de paralysie des

membres. Jambes et bras sont mobiles dans tous les sens, mais

ces mouvements comme convulsifs, maladroits, dépassent le but. Il

existe aussi une espèce d'athétose dans les mains. Les muscles

du tronc semblent paralysés; l'enfant ne peut s'asseoir, ne peut

tenir la tête. Elle commence seulement à apprendre à parler. Tête

un peu petite. Pour obtenir des réflexes tendineux, il faut la sur-

prendre, sans quoi, la raideur arrête ces réflexes ; autrement ils

sont actifs. L'intelligence ne paraît pas très atteinte, car l'enfant

comprend ce qu'on lui dit, connaît les personnes qui l'entourent,

se laisse examiner de bonne grâce. C'est une fillette née à sept

mois de grossesse qui a été élevée pendant les premiers mois de la

vie dans une couveuse (étiologie de Little).

Discussion. M. WULFF a généralement vu cette maladie chez

des individus dont l'intelligence était faible, et souvent chez des

idiots. Il faut l'attribuer aux accouchements prématurés et aux

délivrances graves. L'électricité reste impuissante. L'arsenic rend

des services.

M. Bruns présente des préparations de moelle empruntée à un

malade de ce genre qui finalement fut paralysé; il existe une dé-

générescence ou un arrêt de développement des faisceaux pyrami-

daux et des cordons de Goll.

M. Bruns présente un malade atteint d'épilepsie Jacksonienne.

Il s'agit d'un homme de vingt-cinq ans qui, tout à coup, à la fin

du mois d'août 1893, fut atteint d'une attaque d'épilepsie complète.

Perte de connaissance persistant pendant vingt-quatre heures et

entrecoupée de plusieurs attaques semblables. Depuis lors, rareté

des grandes attaques, très grande fréquence des petites attaques.

Les unes, c'est le cas le plus fréquent, sont caractérisées par des

convulsions des orteils du côté droit et du pied du même côté,

sans perte de connaissance. Les autres débutent par le pied droit,

les convulsions montentdans la jambe, le tronc s'infléchit à droite,

le bras droit s'écarte du corps, le côté droit de la face se met à se

contracter convulsivement. Alors le malade perd connaissance.

Permanence presque constante, entre les attaques, de légères con-

vulsions des muscles, des cuisses et des jambes du côté droit.

144 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Formications dans les mêmes endroits avec excerbations avant les

attaques. Parésie actuelle et raideur de la jambe droite qui ne

sent pas aussi bien que la jambe gauche; il y a clonus patellaire

et achilléen. Elle traîne à terre pendant la marche, la pointe du

pied raclant le sol. Le mollet droit a 2 centimètres de circonfé-

rence de moins que le mollet gauche. Il n'existe aucun symptôme

général de tumeur. Coeur sain. L'auteurconclut à l'existence d'une

polioencéphalite aigzcë(Struempell) du lobe paracentral gauche, rareté

chez un adulte. Les phénomènes permanents indiquent notamment

une excitation continue de cette région du cerveau.

M. Bruns présente des préparations et des planches relatives à

un tubercule solitaire des tubercules quadrijumeaux et à un sarcome

delamoelle lombaire et sacrée. La première observation a été publiée

dans les 'Archiv f. Psychiat. XXVI1. La seconde a paru dans le

Neurolog. Centralbl., 1894 2.

Voici maintenant une autre observation de tumeur de la moelle

opérée le 25 avril 1894 et le corps du délit enlevé par cette opé-

ration. Il s'agit d'un homme encore jeune, ayant été opéré succes-

sivement pour une tumeur abdominale, un ganglion de la fosse

sus-claviculaire gauche, une tumeur du testicule gauche. La pre-

mière tumeurétaituntératome. La dernière opération a été pratiquée

le 9 avril dernier; elle fut suivie de violentes douleurs dans le côté

gauche du thorax dessinant une corde reliant la colonne vertébrale

au sternum et siégeant au-dessus du mamelon, dans le territoire

de la troisième racine dorsale. A partir du 12 avril, accidents para-

lytiques dans les jambes et le tronc, troubles lents du côté de la

sensibilité; paralysie vésicorectale, persistance des douleurs précé-

dentes. Le 16 avril, il y a paraplégie flasque et totale des jambes,

des muscles abdominaux et intercostaux inférieurs; les bras, les

épaules, le cou, et la tête restent épargnés. Suppression de tous

les modes de la sensibilité jusque dans le territoire des cinquième

et sixième racines dorsales; hypéresthésie évidente des deux côtés

dans le territoire de la quatrième racine dorsale; au-dessus la

sensibilité est normale. Les jours suivants les progrès de la com-

pression de la moelle deviennent des plus certains. Douleurs sié-

geant des deux côtés au niveau du mamelon, comme si un anneau

large de deux doigts entourait la poitrine. La veille de l'opération

ces douleurs s'étendirent pour la première fois dans le cubital des

deux bras jusqu'au coude avec une violence extrême (territoire de

la deuxième racine dorsale). Sensibilité circonscrite très nette à la

pression et la percussion, dans le point de la colonne vertébrale

qui correspond à la troisième paire dorsale au niveau des apophyses

épineuses des première et deuxième vertèbres dorsales. A partir du

1 Voyez Archives de Neurologie, Revues analytiques.

2 Voyez Archives de Neurologie, Revues analytiques. ·

SOCIÉTÉS SAVANTES. 145

18 avril, disparition permanente du réflexe patellaire du côté droit.

Température vespérale s'élevant à 40°; quand baisse la tempéra-

ture, le malade éprouve des sueurs profuses dans la tête et les

bras et tout le long de la poitrine jusqu'à la deuxième côte. Il était

donc probable qu'il y avait une tumeur siégeant au niveau de la

troisième paire dorsale, et ayant atteint la seconde, pas plus haut,

que cette tumeur avait débuté par le segment gauche de la moelle,

et qu'elle avait presque totalement comprimé cet organe. Ainsi

s'expliquaient les accidents paralytiques, les troubles de la sensi-

bilité, les accidents gangreneux du décubitus. Mais le pronostic

devait être réservé à raison des tumeurs antérieures qu'on avait

enlevées et dont on avait constaté la malignité. L'opération pra-

tiquée révéla qu'il s'agissait d'un sarcome à grosses cellules rondes

ayant plus ou moins subi la dégénéresence graisseuse. Le malade

mourut dans la nuit en plein collapsus. On trouva à l'autopsie

que le néoplasme descendait jusqu'à la cinquième dorsale, la

moelle avait été comprimée sur toute la hauteur comprise entré

la deuxième et la cinquième paire ; il y avait là des masses molles

rougeâtres. Il était donc impossible d'enlever toute la tumeur et,

cela eût-il été possible, les altérations s'opposaient au rétablis-

sement du malade. La lésion occupait aussi toute l'aire transverse

de la moelle. '

M. Wulff présente une tumeur, du frontal gauche et lit l'obser-

vation du malade correspondant. C'est un homme de trente-huit

ans. Forte tare héréditaire. Gyphoscoliose avec forte parésie des

membres inférieurs et légère parésie des membres supérieurs,

débilité mentale très légère entrecoupée par de légers accès d'exci-

tation maniaque. En 18-j et 72, plusieurs attaques épileptiformes

n'ayant pas reparu depuis. A la fin de 1892, tumeur du testicule

droit qui ne l'incommode qu'au début de 1893 à la suite d'une

contusion scrotale, un traitement à la glace la fait disparaître. En

même temps, tuméfaction parotidien'ne, bientôt suivie de légère

tuméfaction de la région frontale gauche. Celle-ci progresse tandis

que l'autre disparaît. La tumeur crânienne et la tumeur testicu-

laire grossissent; celle-ci devient trois fois grosse comme le poing, y

l'autre augmente de moitié. Pendant les derniers six mois de

l'année, les ganglions cervicaux se prennent. En décembre 1893,

court accès épileptoïde. Une nuit, entérite du gros intestin avec

évacuations muco-sauguinolentes; dans l'après-midi, attaques épi-

leptoïdes répétées avec perte de connaissance ; mort au bout d'une

heure. On trouve à l'autopsie une tumeur du testicule droit, une

tumeur de la parotide gauche, les ganglions cervicaux tuméfiés.

Il existe une tumeur du frontal originaire du périoste, avec proli-

fération de 1-*os, la masse, du volume du poing, a pénétré dans la

cavité crânienne, la tumeur adhère à la dure-mère et celle-ci est

soudée à la pie-mère, le cerveau est resté intact. Mais il y a com-

ARCHIVES, t. XXXI. 10

146 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pression du lobe frontal gauche et des première et deuxième fron-

tales droites. Les ascendantes sont intactes ainsi que les autres

régions cérébrales. Réplétion forte des vaisseaux méningés, lepto-

méningite chronique diffuse de la convexiié. Poids du cerveau =

1,080, du cervelet 160. Ainsi cette grosse tumeur n'avait pas porté

atteinte aux fonctions des organes centraux. Les tumeurs en ques-

tion étaient des sarcomes à petites cellules rondes.

M. WULFF lit un mémoire sur l'hypoplasie du crnur chez les

malades atteints d'affaiblissement intellectuel. Mémoire publié in

extenso'.

M. 0. SNELL. Du congrès international de médecine de Rome.

L'orateur exalte la maquette exposée à ce congrès qui représente

J'asile de traitement et d'hospitalisation du royaume de Saxe, de ! 7n<eras ? )C/t. L'établissement s'étend de chaque côté de la route

qui joint l'endroit de Rodewisch et la station du chemin de fer de

Rodewisch.

Cette route sépare donc le domaine de l'établissement en deux

parties (au nord la division des hommes, au sud la division des

femmes). Les bâtiments qui servent à l'exploitation et à l'admi-

nistration, la ferme, l'église, la salle des fêtes, et les maisons

d'habitation des fonctionnaires sont le long de la route, puis vien-

nent les quartiers des malades disposés de telle sorte que les plus

agités soient très loin de la route. Système des pavillons coloniaux

sans clôture; il n'y a que le jardin des deux bâtiments des agités

qui soit entouré de murs.

La maquette de l'asile de Reggio-Emilia était également intéres-

sante. C'est un grand bâtiment continu qui enserre complètement

six cours; tout autour de lui sont disséminées une douzaine de

constructions isolées. Ces pavillons contiennent le quartier des

hommes, tandis que le grand bâtiment fermé est destiné aux

femmes.

Le quartier d'aliénés de l'hôpital de Brème avait exposé 140 pho-

tographies très belles d'aliénés. L'asile d'aliénés d'Imola avait aussi

envoyé une petite collection de photographies.

M. P. Berliner avait exposé 'des moulages en cire d'oreilles

déformées à la suite de traumatismes multiples. Les présenta-

tions et communications de MM. Bianchi, Lombroso, Morel, Ilirt,

Smith et Ferri ont été remarquées. La prochaine séance aura lieu

à Hanovre le 1<"' mai 1895. (Allg. Zeitsch. f. Pschiat., LI, 2.)

P. KERAVAL.

1 Analysé dans les Archives de Neurologie, Revues analytiques.

BIOGRAPHIE MÉDICALE.

M. le Dr Motet (Auguste-Alexandre) que l'Académie de Médecine,

dans sa séance du 15 janvier dernier, a élu membre de la section

d'hygiène et de médecine légale, par 65 voix sur 68 votants, est né

à La Flèche (Sarthe) en 1832.

Il a fait ses deux premières années d'étude (1851-1852) à l'école

de médecine d'Angers. Il vint à Paris, en octobre 1852, « plus riche

d'espérances que d'argent », concourut aussitôt pour l'externat, fut

M. le D1 A. Motet,

Membre de l'Académie de Médecine.

148 BIOGRAPHIE MÉDICALE.

reçu et remplit ses fonctions successivement à Beaujon et à la

Pitié. L'année suivante il concourut pour l'internat et fut reçu

premier interne provisoire.

Au cours de'l'année 1855, la circonstance suivante décida de la

carrière médicale de M. Motet. Son compatriote et son correspon-

dant le. D1' Arcliambault quitta la maison de Charenton dont il

était médecin en chef depuis 1848 pour prendre la direction de la

maison de santé de la rue de Charonne, n° 161 , que lui céda le

Dr Belhomme. M. Archambault lui offrit d'entrer chez lui comme

médecin interne, il accepta. A dater du 1er avril 1855, « je vécus,

nous a-t-il raconté, avec les malades, au milieu d'eux, nuit et jour,

et dans cette intimité qui n'était pas toujours agréable, j'appris à

les bien connaître. Mon éducation se fit d'abord bien plus par la

clinique, par l'observation, que par la lecture des ouvrages spé-

ciaux. Le premier livre que j'ai lu, cefut celui d'Esquirol et je dis,

encore aujourd'hui, qu'il n'y a pas, pour un débutant, d'enseigne-

ment meilleur. Il apprend à apprendre, et c'est bien quelque chose.

Tout m'intéressait dans ce milieu nouveau et quand je suivis les

leçons de Baillarger à la Salpêtrière, j'étais déjà prêt à comprendre

et je profitais beaucoup de ses entretiens familiers, où la présen-

tation de types de malades soigneusement choisis, complétait la

leçon, la fixait dans l'esprit, »

M. Motet passa sa thèse en décembre 1859 : De l'intoxication

par la liqueur d'absinthe. C'était le développement d'observations

prises à la maison de santé. Par une curieuse coïncidence, elle

donnait une sorte de consécration clinique aux travaux que notre

ami Magnan poursuivait alors. Magnan expérimentait sur les ani-

maux, M. Motet voyait les malades et, sans s'être entendus, l'un

avec les ressources du laboratoire, l'autre avec l'observation clinique,

arrivaient au même résultat.

A ce moment, M. Motet quitta la maison de santé pour voyager

avec un malade, puis pour le soigner à la campagne. Au bout de

dix-huit mois, son malade ayant succombé, il revint à Paris et

essaya de faire de la clientèle ; peu après il accompagna un autre

malade en Suisse et en Italie, cela dura encore une année et

demie. Quand il revint en France, M. le Dr Archambault venait de

mourir (1863); son gendre, M. le Dr Mesnet, proposa à M. Motet de

prendre avec lui la direction de la maison de santé.

Il n'hésita pas longtemps, heureux de retrouver un monde bien

connu qui l'attirait de plus en plus et auprès duquel il devait défi-

nitivement se fixer (1864). Au mois de septembre de cette même

année le professeur Lassègue lui demanda de faire pendant les

vacances son service à l'infirmerie spéciale du dépôt des aliénés

à la Préfecture de Police, c'était un surcroît de travail qui n'effraya

pas M. Motet. z Mais, nous a-t-il dit, quand je fus aux prises

avec la réalité, je fus singulièrement- troublé : le sentiment de

M. MOTET.

ma responsablité arriva plus d'une fois jusqu'à l'anxiété. 'M*5gîSe;ç;-\

rapidement n'est pas chose difficile dans la majorité des cas" ? ""

mais, se prononcer sur certains cas de délire partiel, lutter

contre la dissimulation de certains aliénés, engager à la fois l'ad-

ministration préfectorale et soi-même par un certificat qui con-

fisque la liberté d'un homme, c'est chose si grave qu'on ne doit

prendre parti qu'avec la plus prudente réserve. J'eus la bonne

fortune de ne pas commettre d'erreur pendant six semaines. Tou-

tefois, je déclare quejen'ai jamais été plus préoccupé, plus soucieux

et plus fatigué que pendant cette laborieuse période. » Durant cet

intérim, M. Motet eut l'occasion d'être chargé par un magistrat de

l'examen mental d'un inculpé. Son rapport ayant donné pleine

satisfaction au magistrat, celui-ci fit inscrire M. Motet sur la liste

des médecins-experts près les tribunaux et de la Cour d'appel pour

les maladies mentales.

M. Motet a suivi sa voie avec une énergie patiente, il a beaucoup

travaillé, la collection de ses rapports médico-légaux constitue une

mine des plus riches et nous faisons des voeux pour qu'un jour il

lui soit possible de les collationner et de les publier : il rendrait

ainsi service à tout le monde, car depuis 1866 surtout il a été mêlé

à presque toutes les grandes affaires de médecine légale, en alié-

nation mentale. Il nous a indiqué lui-même sa façon de procéder :

« J'ai eu pour principe absolu d'étudier à fond chaque affaire,

petite ou grande, de conserver une indépendance absolue et de ne

me préoccuper jamais que de l'état mental de l'individu que j'exa-

minais. De toutes les affaires, je déclare que ce sont celles où la

simulation, non pas la simulation grossière, mais la simulation

habile, par des individus souvent très intelligents, qui m'ont paru

les plus difficiles; celles qui ont exigé de moi le-plus de travail, le

plus d'attention soutenue. »

En 1886, après vingt-deux ans de collaboration, M. le Dr Mesnet

se retirait, laissant à M. Motet la direction de la maison de santé.

Depuis 1870, M. Motet est médecin de la maison d'éducation

correctionnelle où il a étudié avec grand soin les déviations intellec-

tuelles, les impulsions et les perversions instinctives des enfants et

des adolescents ; là aussi il a pu rassembler de nombreux docu-

ments d'un haut intérêt au point de vue psychologique et social.

Malgré ses nombreuses occupations M. Motet a toujours prêté

un concours actif à la municipalité de son arrondissement soit

comme membre de Commission d'hygiène, soit comme délégué

cantonal, heureux ainsi de rendre service à ses concitoyens.

Parmi les titres de M. Motet, nous relèverons les suivants : men-

tion honorable de l'Académie de médecine (prix Lefèvre), 1863;

vice-président depuis 1875 de la Commission d'hygiène du XIe arron-

150 BIOGRAPHIE MÉDICALE.

dissement de la ville de Paris; médecin en chef (1870-1871) de

l'ambulance militaire de Reuilly, annexe du Val-de-Grâce;

chevalier de la Légion d'honneur, octobre 1871; officier d'aca-

démie, 1875; président de la Société médico-psychologique en 1883 :

avant et depuis, M. Motet a pris une large part aux travaux de

cette Société; secrétaire-général de la Société de médecine légale

de France depuis 1887; - membre du comité de rédaction des

Annales d'hygiène et de médecine légale.

Ne pouvant citer tous les travaux et rapports de M. Motet, nous

nous bornerons à citer les principaux : Les aliénés devant la loi;

étude critique des accusations portées contre la loi de 1838 sur les

aliénés; examen de la situation des aliénés avant la promulgation

de cette loi; de la réforme des asiles et des améliorations apportées;

garanties données par la loi : pour les placements, pour les sorties :

intervention de l'autorité administrative et de l'autorité judiciaire;

De la possibilité et de la convenance de faire sortir certaines caté-

gorics d'aliénés spéciaux, et de les placer, soit dans des exploitations

agi icoles, soit dans leurspropres familles; le défaut de surveillance

et de soins paraissait à l'auteur être l'objection la plus sérieuse à

cette organisation. Il a résolument donné la préférence à l'assis-

tance par l'asile, sans refuser d'admettre qu'il fût possible de sépa-

rer les incurables inoffensifs, des curables qui réclament une

intervention médicale active; Des aliénés et de la responsabilité

médicale. Communication faite à'la Société de médecine de Paris;

Élude sur la statistique générale des aliénés de 1854 à 1866 (Annales

d'hygiène et de médecine légale, 1867); Étude sur le rapport

général sur le service des aliénés en France, présenté au ministre de

l'Intérieur par les inspecteurs généraux du service; Broudmoor.

L'asile des aliénés criminels en Angleterre, c Étude de la législa-

tion anglaise sur les aliénés criminels, Procès d'llasfield, suivi de

Insane offender's Bibl.

M. Motet a publié en nombre considérable des rapports médico-

légaux ; ils ont été consigués dans les Annales médico-psycholo-

giques, et dans les Annales d'hygiène et de médecine légale. Nous cite-

rons les suivants : Rapport sur le capitaine Maymes, assassin du

Dr Marchand.(de Toulouse); sur le nommé Delmas, incendiaire

(il incendies) ; sur M. B.... poursuivi pour outrages publics à la

pudeur (Encéphale, 1885.); - sur Aubertin, tentative d'assassinat

sur M. Jules Ferry; surBaffier, tentative d'homicide sur M. Ger-

main Casse; sur Arthaud Haussmann, tentative d'homicide;

sur Gallo, anarchiste, tentative d'homicide à la Bourse ; sur

Gabrielle Bompard (affaire Gouffé) et sur l'affaire Walroff 1.

1 Quelques-uns de ces rapports ont été faits en collaboration avec

\I11, Broutcrclel, Ballet, Garuicr et Uigiiati.

NÉCROLOGIE. loi

Citons de nombreux rapports sur des affaires civiles : testaments

contestés, interdictions, suicide et compagnies d'assurances, acci-

dents et responsabilités, etc., etc.; Les faux témoignages des en-

faîzts devant la justice. Mémoire lu à l'Académie de médecine (Anzz.

d'hygiène et de médecine légale). De quelle façon l'ivresse peut être

envisagée dans la législation pénale : a) soit comme infraction con-

sidérée en elle-même; b) soit comme circonstance s'ajoutant à

une infraction et pouvant en détruire, atténuer, ou aggraver le

caractère de criminalité. Dans ce mémoire, M. Motet a étudié

l'ivresse simple, qu'il considère comme punissable, tant par elle-

même que par les délits ou les crimes commis sous son influence;

l'ivresse pathologique avec ses diverses variétés, comportant, au

point de vue pénal, tantôt l'atténuation, tantôt l'irresponsabilité

absolue. Il a essayé de démontrer que cette question était d'ordre

médico-légal, et qu'il n'était pas possible de la trancher autrement

que par l'étude de chaque fait, pris isolément; que s'il était permis

de faire une classification, il ne pourrait appartenir qu'au méde-

cin de déterminer dans quelle catégorie rentrait le fait observé.

Dans un autre ordre d'idées, mentionnons :

Leçon d'ouverture d'un cours publie d'hygiène. Association poly-

technique, section duXI° arrondissement. L'ambulance militaire

de -Rettilly, 1870-1871. Pour l'Association générale des médecins

de France : Rapport au nom du Conseil, sur la révision du décret

de 1811, réglant les honoraires des expertises médico-légales.

(Assemblée générale, 1890) ; -Rapport sur l'organisation en France

de l'étude de la médecine légale, 1892.

Comme on le voit, par ce résumé, l'oeuvre de M. Motet lui cons-

tituait des titres sérieux aux votes de l'Académie : celle-ci en a jugé

ainsi et on ne peut que l'en féliciter. Le labeur incessant de

M. Motet, sa vie professionnelle parfaitement digne, l'aménité de

son caractère, font que tout le monde dans la profession médicale,

applaudira à son succès. B.

NÉCROLOGIE.

M. LE Dr 1 ? ,SPIAU DE LA,l.ËSTRE.

M. le Dr Espiau de LAMAESTRE, ancien interne des hôpitaux de

Paris, directeur médecin en chef honoraire des asiles d'aliénés de

152 nécrologie.

la Seine, chevalier de la Légion d'honneur, est décédé le 5 janvier

1895, dans sa soixante-treizième année, à l'asile de Vaucluse, chez,

son neveu, le D'' Boudrie, auprès duquel il s'était retiré depuis

quelques années.

Le Dr de Lamaëstre est né à Romps (Gers) le 16 juillet 1822.

En 1845, il commença son internat dans les hôpitaux de Paris et

`fut successivement attaché aux services de Baillarger, à la Salpê-

trière ; Bérard et Koepeler, à Saint-Antoine ; Matgaigne, à Saint-

Louis. Lauréat de l'Assistance publique, il fut reçu docteur en 1848.

Sa thèse avait pour titre : De la pneumonie catarrhale.

Après avoir exercé pendant quelques années dans le Gers où

l'avaient appelé des intérêts importants, te D''de Lamaëstre vint s'éta-

blir à Paris et fut pendant près de dix ans médecin de la Société mu-

nicipale de prévoyance et de secours mutuels du 1er arrondissement.

En 1865, voulant mettre à profit les connaissances qu'il avait acquises

en aliénation dans le service de Baillarger, il est entré dans le ser-

vice des aliénés. Il a été successivement médecin-adjoint de l'asile

d'aliénés de Quatre-Mares (Seine-Inférieure), de 1865 à 1867 ; mé-

decin en chef de l'Asile de Cadillac (Gironde) en 1867 ; médecin en

chef de l'Asile de Bailleul (Nord) de 1867 à 1877, et enfin directeur

médecin en chef de l'Asile de Ville-Evrard, de 1877 à juillet 1887.

C'est à ce poste qu'il reçut la distinction bien méritée de chevalier

de la Légion d'honneur. C'est sous sa direction que fut organisé

le Pensionnat annexé à cet asile qui, grâce à sa bonne gestion,

prit un développement rapide. Il apporta tout entier son concours

à la laïcisation de l'établissement et contribua à la création d'une

pension de retraite pour le personnel secondaire, etc. Durant son

séjour dans cet asile il faillit perdre un oeil, à la suite d'un attentat

commis sur lui par un aliéné.

Après avoir quitté Ville-Evrard, M. de Lamaëstre prêta, pendant

plusieurs années, son concours si expérimenté à notre ami le

Dr Goujon dans son importante maison.

Pendant la guerre de 1870, tout en faisant face aux exigences

d'un service composé de plus de 1,200 aliénées dont près de 200 pen-

sionnaires, M. de Lamaëstre organisa et diriga une ambulance

à Bailleul et son patriotrisme lui valut en cette circonstance les

félicitations officielles de l'Intendant militaire et du comité des

ambulances de l'arrondissement d'Ilazebrouclc.

Outre de nombreux rapports d'ordre administratif ou médico-

administratif, M. de Lamaëstre a publié les mémoires suivants :

De la fracture cles os métacarpiens (Journal de chirurgie de Mal-

gaigne, l8rG); Anomalie du cordon ombilical (Bulletin de la Société

anatomique, 18'iü) Observation de Mule hydatique (Ibid., l81G);

Note sur l'éclampsie dans la grossesse (Journal de Malgaigne,

1846); À izéu7,ismes à la région frontale (Ibid., 1846); Mémoire

sur la pyélo-néphrile (Revue med : co-c/tt)' ! t;-y : 'cc[, 185r); De lit

BIBLIOGRAPHIE. 153

pneumonie continue rémittente (Union médicale, 1855); De quel-

ques phénomènes sympathiques dans lit pneumonie (Union médicale,

1857); -Du plyalisiiie dans la grossesse (Union médicale, 185 î) ;

Corps étrangers dans l'oeil (Ibid., 1858) ; De l'opération céscc-

rienne après la mort (Union médicale, 1861 ; De l'organisation

du service médical et pharmaceutique dans les sociétés de secours

mzctuels, 4861); De la paralysie générale ci double forme (Congrès

international de Médecine mentale, 1878), etc.

BIBLIOGRAPHIE.

IX. Eludé sur la contagion de la folie; par le Dr Ronier.

(Genève, 1892.)

La conclusion capitale de ce travail intéressant est que la folie

n'est contagieuse que pour des individus prédisposés, soit par la

dégénérescence psychique héréditaire, l'impressionnabilité du sexe

féminin et la faiblesse intellectuelle des âges extrêmes de la vie;

soit par la dépression mentale et l'irritabilité nerveuse acquises

par tous les genres de traumatismes moraux, enfin par l'épuise-

ment physique. L'intimité des relations entretenues avec l'aliéné,

son ascendant habituel sont des conditions favorables. La folie

transmise guérit toujours quand le sujet passif est soustrait assez

tôt à l'influence nocive. Sinon, elle peut devenir incurable. Les

médecins et les infirmiers des asiles ne sont pas plus exposés à la

contagion de la folie que s'ils vivaient dans tout autre milieu. L'au-

teur cite à l'appui de cette conclusion consolante une statistique de

quinze cas de médecins aliénistes aliénés. P. S.

X. Des aliénés criminels; par C. ALL.1m.%N. Th. Paris, 1891.

L'auteur range de la sorte, par ordre de bénignité décroissante

les différents genres d'aliénation : paralysie générale, infirmités

cérébrales, états mélancoliques, états maniaques, folie puerpérale,

folies toxiques, folies partielles, épilepsie, folie impulsive. Il est

très difficile de se prononcer, en dehors de la persistance d'hallu-

cinations, sur la possibilité de mettre un aliéné criminel en liberté

au bout d'un certain temps. A côté des aliénés confirmés dont la

responsabilité est évidemment nulle, il existe les fous moraux,

type hybride formant une population intermédiaire flottant entre

1511. l VARIA.

l'asile et la prison. L'auteur recommande la création d'asiles

d'aliénés criminels où on placerait les criminels devenus aliénés

les aliénés à rechutes, tels que les alcooliques, les épileptiques et

tous les aliénés véritablement dangereux, c'est-à-dire ceux qui

auraient prouvé par un acte que leur liberté met en péril l'ordi e

public et la sûreté des citoyens '. P. S.

Xi. Dyspepsie et lypémcczie; par 13aUr' : LON. (Thèse de Monpellier,

1894, n° 51).

Chez les lypémaniaques, le chimisme stomacal est altéré; il en

est de même de la motricité. Les troubles gastriques imputables à

ces deux causes se présentent sous des formes diverses de dyspepsie.

il semble qu'il existe une relation entre ces troubles etles variétés

de lypémanie : dans les formes dépressives, la dispepsie aslhénique

semble dominer, dans la stupeur il y aurait plutôt augmentation

de la sécrétion. Ces désordres dans le fonctionnement de l'estomac

sont considérés plutôt comme un accompagnement de la lypéma-

nie que comme un élément causal. Ducamp.

VARIA.

Urr aronL uowu.nc.

Le commissaire de police du quartier Rochechouart a envoyé

hier à l'infirmerie spéciale du Dépôt un gamin de douze ans,

nommé Louis M..., dont les parents habitaient rue de la Tour-

d'Auvergne.

Cet enfant qui est atteint de la folie du meurtre, se complaît à

faire souffrir les animaux et à voir couler leur sang. Il éprouve, en

assistant à leurs convulsions, une âpre jouissance et cherche chaque

jopr une nouvelle victime. Il y a trois jours, il attrapait un chat

appartenant à une voisine, et, profitant d'un moment où il était

seul, s'emparait d'un couteau qu'il plongeait à plusieurs reprises

dans le cou du malheureux animal. 11 y a huit jours, dans la rue,

il attirait sous la porte cochère un petit chien à poil ras et lui enfon-

' Avec un certain nombre de médecins, nous avons combattu avec succès

dans les Congrès et au Conseil supérieur de l'assistance publique l'idée de

la création d'asiles spéciaux pour les aliénés dits criminels. Un quartier

de cellules bien organisé et bien surveillé nous paraît suffire.

VARIA. 15S

çait, à deux reprises, dans le cou, la lame d'un petit canif. La

pauvre bête mourut. Hier enfin, il s'emparait de petits oiseaux dans

une cage et les plumait vifs.

Le commissaire avait dû intervenir déjà deux fois au sujet de

ce cruel gamin. Il y a trois ans, il l'avait, sur la requête de ses

parents, fait écrouer à la Petite-Roquette, où il avait été enfermé

pendant deux mois pour avoir à demi étranglé une petite fille de

six ans.

Il y a moins d'un an enfin, le jeune Louis M... blessait assez

grièvement au cou, à l'aide de ciseaux, un enfant de son âge qui

dut, à la suite de la blessure, s'aliter pendant plusieurs jours.

L'enquête a établi, au sujet de ce meurtrier inconscient, que l'état

physique de ses ascendants n'a pas été sans influence sur son état

moral. Son père est mort dans une maison de santé. (La Petite

République, 16 oct. 1894.)

Il s'agit là évidemment d'un enfant aliéné et sa place n'était

pas à la Petite-Roquette. Si, au lieu de l'envoyer en prison, on

l'avait traité comme malade, on n'aurait pas eu à déplorer de

nouveaux accidents.

Nécessité DE l'assistance DES IDIOTS.

Un jeune vaurien de vingt-six ans, nommé Jean-Marie Rolland,

redouté dans Plouha (Côtes-du-Nord) pour sa bestialité vis-à-vis

des femmes, s'introduisit, le 13 novembre dernier, dans la cabane

habitée par une idiote, Marguerite Le Comte, âgée de quarante

ans, viola cette malheureuse et, pour n'être pas dénoncé, n'hésita

pas à l'étrangler. La cour d'assises des Côtes-du-Nord vient de le

condamner à la peine de mort. (Le Radical du 28 janvier.)

Nous n'hésitons pas à signaler, sous le titre qui précède

tous les faits, venant à notre connaissance qui plaident en fa-

veur de la thèse que nous soutenons depuis longtemps, à savoir

la nécessité de l'assistance des idiots, adultes et enfants. Aujour-

d'hui encore, en dépit de tous les arguments que nous avons

invoqués en nous appuyant sur nos prédécesseurs, Esquirol,

Ferrus, H'. Voisin, Parchappe, Delasiauve, Séguin, etc., et sur

ce qui se fait dans les pays de race saxonne, il y a encore des

médecins qui, par ignorance sans doute de ce qui a été publié

et réalisé, contestent l'utilité de cette'réforme et n'ont pas une

idée des résultats heureux qu'on peut obtenir en s'occupant de

bonne heure et méthodiquement des enfants arriérés. Cela n'a

rien qui nous surprenne d'ailleurs. Autrefois, à côté des Jean

Wier, des Scott, etc., qui cherchaient à démontrer, et cela

156 VARIA.

n'était pas sans danger, que les sorciers, les sorcières, les pos-

sédés étaient des malades qu'il fallait soigner, n'y avait-il pas

des docteurs en médecine qui assistaient les juges et le bourreau

dans leur tâche inhumaine et sinistre ? B.

Autre fait.

Une fille Christol, idiote, ayant enfermé sa mère l'a laissée mou-

rir de faim. On a retrouvé le cadavre en putréfaction. La mort

remonte à vingt-cinq jours. Quand on interroge la fille, elle rit

et répond que sa mère est au village. Ce drame s'est passé, 12,

rue de Helfort. (Républicain Orléanais, il.) janvier 1895.)

La situation actuelle DE la COLONIE DE GHEEL.

La colonie de Gheel comptait au 1er janvier dernier 1,875 aliénés

dont 1,005 hommes et 870 femmes. Placés chez des nourriciers,

tous ces malades jouissent delà liberté et de la vie de famille, sauf

lorsqu'ils deviennent agressifs ou violents : on les interne alors à

l'infirmerie, mais on n'est qu'assez rarement obligé d'avoir recours

à cette mesure, car cette infirmerie ne compte jamais plus de 50 à

60 malades à la fois. Plus de 1,800 aliénés vivent donc à Gheel en

liberté d'une façon permanente. Pour leur assurer autant que pos-

sible la vie de famille, on n'en confie jamais plus de deux à un

nourricier. L'application des moyens de coercition est également

réduite au minimum : les entraves, les ceintures, les camisoles

sont absolument supprimées; on fait encore usage du fauteuil de

force, mais en dehors de l'infirmerie. Le nourricier n'a pas le droit

d'enfermer un malade dans sa chambre ou, s'il y est contraint

par les circonstances, il doit immédiatement prévenir le médecin

et le garde de sa section.

La mortalité à Gheel dans ces dernières années a oscillé de 6 à

8 p. 100. Le chiffre des guérisons est de 2t p. 100 en moyenne.

Pour assurer la surveillance des malades et des nourriciers, les

membres du comité permanent, divisés en deux sections, font une

fois par an la visite de toute la colonie. Le médecin-directeur voit

deux fois par an tous les malades du dehors. Les médecins princi-

paux avec leurs adjoints doivent visiter, au moins une fois par an,

les aliénés incurables, et une foislpàr semaine les malades présen-

tant des chances de guérison. Quant aux gardiens, ils sont tenus

de visiter, au moins deux fois par. mois, tous les malades de leur

section. Médecins et gardes sont astreints à adresser un rapport

quotidien au médecin-directeur sur les malades qu'ils ont visités la

veille. Grâce à ces nombreux moyens de surveillance les accidents

sont rares. Depuis deux ans, on n'a signalé que deux cas de

VARIA. 157 I

grossesse chez des femmes aliénées. Les évasions sont également

peu fréquentes, cinq à six par an.

Pour augmenter le bien-être matériel des aliénés, on fournit'

gratuitement aux nourriciers les objets de literie et tous les

meubles des chambres des malades. L'instruction professionnelle

des nourriciers est assurée par des conférences, des brochures, etc.

(Soc. de illéd. ment, de Belgique, sept. 1894.) S. A. PEETERS.

UNE NOUVELLE COLONIE d'épileptiques EN ANGLETERRE.

A l'imitation de la Colonie allemande de Biekfeld et de la Colo-

nie américaine de Genesec-Valley (New-York), la Société natio-

nale pour l'organisation du travail des épileptiques a créé la

colonie industrielle de Chalfout-Saint-Pierre, dans le comté de

Buckingham ; fondée sur l'initiative privée, cette colonie n'a pas

les mêmes proportions que celle de New-York, qui a coûté

13,000 dollars d'installation et peut assister d'emblée 2,000 épilep-

tiques, hommes, femmes et enfants ; mais on peut espérer qu'elle

évoluera progressivement dans le même sens. (British Médical

Journal, 23 juin 1894.) A. Marie.

Asile d'aliénés DE V.1UCLUSE. Tentative d'assassinat SUR

M. LE Dr KERAVAL.

Le samedi matin, 19 janviçr, vers dix heures du matin, pendant

la visite à l'infirmerie, de la salle de jour, un épileptique s'est

jeté sur notre ami et dévoué collaborateur, M. le Dr KERAVAL,

armé d'un couteau pointu transformé patiemment par lui en poi-

gnard (lame, 12 centim. de long) et le lui a plongé dans la poitrine.

Mais au moment où il arrivait sur M. Keraval, celui-ci lui tournait

presque le dos. Le malade glissait, parait-il, et le gardien se por-

tait à sa rencontre. La lame dévia donc et s'enfonça obliquement

à l'axe du corps dans l'abdomen, déchirant le plastron empesé de

la chemise, au-dessous du diaphragme, et pénétrant dans la peau

et le tissu cellulaire. Plaie de 10 centim. qui n'est pas encore cica-

trisée au bout de quinze jours. Le couteau préparé par cet épilep-

tique a été dérobé par lui à un imbécile auquel ses parents

l'avaient apporté pour qu'il put couper sa viande. C'est un couteau

portatif à gros manche et transformé par une patiente usure sur

les pierres en une sorte de poignard très acéré et très aigu.

Tout ce qu'il fallait, en un mot, pour tuer le médecin s'il eût péné-

tré perpendiculairement à l'axe du corps et non obliquement,

grâce au mouvement exécuté par M. Keraval.'

FAITS DIVERS.

Congrès DE médecine mentale ET nerveuse. Le sixième Congrès

annuel des aliénistes et neurologistes de France et des pays de

langue française s'ouvrira le jeudi 1<='' août 1895, à Bordeaux, sous

la présidence de M. le Dr Joffroy, professeur de pathologie mentale

à la Faculté de Médecine de Paris.

Le programme comprendra : 1° Questions à discuter : pathologie

nerveuse glande thyroïde et goitre exophtalmique ; rapporteur,

M. Brissaud. Pathologie mentale : les psychoses de la vieillesse ;

rapporteur, M. Ritti. Médecine légale : les impulsions épileptiques

au point de vue médico-légal ; rapporteur, M. Parant. 2° Lectures,

présentations, travaux divers. 3° Excursions, visites des Asiles,

banquet. 4° Impression et distribution du volume du Congrès.

Prix de la cotisation : 20 francs. Adresser dès maintenant les

inscriptions et toutes communications à M. le D'' E. Régis, chargé

de cours à la Faculté de Médecine,' 54, rue Huguerie, à Bordeaux,

secrétaire général du Congrès.

Assistance des épileptiques. Il y a quelques jours, dit le Rappel

de l'Eure, on nous signalait do Beaumont la disparition d'un

épileptique nommé Emile Bérenger, âgé de vingt ans. Mardi

dernier la femme Franchet, qui était chargée par la famille de

rechercher ce jeune homme, apprit de INIIII Sauvé, garde-barrière

au chemin de fer, qu'une odeur insupportable venait de la lisière

de la forêt, au lieu dit la Planche-Vannier. Elle se rendit à l'endroit

indiqué et découvrit, au milieu d'un épais fourré, le cadavre en

putréfaction d'Emile Bérenger, à genoux, la Tace contre terre et

les bras étendus le long du corps. C'est dans cette position que le

jeune homme tombait à chacun de ses accès. On présume qu'il

aura été pris d'une crise en allant cueillir des noisettes et qu'il sera

mort à cet endroit, faute de soins. (Rappel de l'Eure, 30 octobre.)

Un tel accident n'est pas rare dans l'épilepsie, lorsque les

accès projettent les malades, en avant, sur un soljnouvant et que

personne n'est près d'eux; nous en avons rapporté divers exemples

dans notre dernier Compte rendu de Bicêtre, p. 1893, p. 154, etc. B.

Une femme TUÉE par un mouton. Le Républicain Orléanais du

10 novembre, rapporte que : «Une vieille femme a été tuée par un

mouton, qui lui a porté un coup de tête dans le ventre.» Il n'est

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 159

pas rare de rencontrer des moutons qui ont celte habitude de

donner des coups de tête aux gens. Nous avons eu l'occasion,

autrefois, d'en voir des exemples. Cette habitude se rencontre

aussi chez les idiots.

L'Association CONTRE l'abus DES BOISSONS alcooliques (Société

française de Tempérance) vient de tenir son assemblée générale

et de nommer son bureau pour 1895, qui est composé delà façon

suivante : Président : M. le DrLemelaigne; vice-présidents : Dr Biache,

M. Glandaz, Dr Motet, M. van den Dorpel; secrétaire général :

Dr E. Philbert; secrétaires généraux adjoints : Drs Bouchereau et

Charpentier; secrétaires des séances : D1S Audigé et Moreau (de

Tours) ; bibliothécaire archiviste : D1' Cruet ; trésorier : M. Jules

Robyns.

Traitement des attaques d'épilepsie (Lemoine.)

Lavement.

160 ERRATA.

Brunet (D.). Rapport présenté au Conseil général de l'L'2cre(session

d'août 1894) sur l'asile d'aliénés d'Evreux. Brochure in-8° de

' 72 pages. Evrcux, 1894. Imprimerie E. (Juettier.

D'Aitey Poser. - A case of epithelioma of the scrotum occuring in a

,of the Pathological Society of London.

D ? RC1' Power. Congénital pelvic cyst, of probably of poslazzal

origin, leading tho rétention of urine. Brochure in-8" de 3 pages, avec

une ligure. London, 1894. Transactions of the Pathological

Society of London.

. FENAYnou (A.). La folie dans l'Aveyron. Contribution à l'élude

des folies rurales. Volume in-8° de 187 pages. Toulouse, 1894.

Typographie-Lithographie A. Duclos.

MAII,11l (A.). Recherches sur la structure analo7nigue du noyau

rouge' et ses connexions avec le pédoncule cérébelleux supérieur. -

Brochure in-8° de 44 pages, avec 5 planches hors texte. Bruxelles,

1891. Imprimerie Ilayez.

CONGRÈS DE MÉDECINE MENTALE DE CLERMONT-FERRAND

, Errata DU ? 92.

Page 343, ligne 10. - - Au lieu de : «Au point devne historique de la

question capitale de la responsabilité», lire : «Au point de vue historique,

dans la question capitale, etc.. »

Page 343, ligne 21. Au lieu de : « Grand-père Louis de Bourbon.»

lire : «Grand-père Louis de Bourbon, épouse la fille d'un fou; arrière-

grand-père, Robert de Clermont, folie traumatique consécutive à une

commotion cérébrale. Hérédité descendante : CliarlesVII mort sitiophobe.

Louis Xt dégénéré, mort consécutive à plusieurs attaques d'apoplexie.

Cause déterminante : fièvre typhoïde en mai 1392. Cause occasionnelle :

deux mois après, insolation dans la forêt du Mans, le 5 août 1392 ; folie

qui dure trente ans. Forme des rémissions : confusion mentale, comme on

pouvait s'y attendre par la nature infectieuse de la cause déterminante.

Donc, incapacité de gouvernement complète pendant les 48 rémissions

de ces trente années de folie.

Conclusion : Chartes VI, folie d'origine infectieuse chez un héréditaire

(at hérédité maternelle vésanique, et paternelle arthritique).» »

Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLF.

Evreux, ( : 1. IIR199EY, imp. - 295

Vol. XXIX. Mars 1895. ? 97

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

MÉDECINE LÉGALE.

UN CAS DE FOLIE SIMULÉE.

RAPPORT MEDICO-LEGAL;

1

PAR 1 .

11\1. les D" PAUL GARINIF,11 et CII.IRLES)

Experts près les Tribuilau\.

Nous soussignés, commis à l'effet d'examiner le nô iTrtté ?

MAUMY, Jacques, détenu à Mazas, inculpé d'avoir, le 28 jan-

vier 1894, commis un homicide volontaire sur la personne de sa

femme, en la précipitant par la fenêtre d'un troisième étage et

de dire si c'est un simulateur ou non et quel est son degré de

responsabilité; après avoir prêté serment, pris connaissance

des pièces de l'information, avons procédé au dit examen et

consigné notre opinion dans le présent rapport.

Maumy est un homme de taille et de corpulence moyennes,

normalement conformé. Il est maçon et comme beaucoup de ceux

qui exercent ce métier à Paris, il est originaire du département de

la Creuse ; né le 7 août 1862, il a donc trente-deux ans passés. -

Son existence ne parait avoir été marquée par aucun incident

pathologique grave. Etant enfant il a fréquenté l'école pendant

quelque temps, il sait lire et écrire; mais, en somme, son instruc-

tion est très élémentaire. Il a fait son service militaire dans les

chasseurs à cheval, sans avoir, semble-t-il, subi beaucoup de puni-

tions. Son casier judiciaire est vierge de toute condamnation.

Tous les témoins entendus à l'instruction sont unanimes à décla-

rer que jamais ils n'ont remarqué chez Maumy de signes de déran-

Arciiives, t. XXIX. 11 1

'1R2 MÉDECINE LÉGALE.

gement intellectuel et que jamais, à leur connaissance, il n'y a eu

d'aliénés dans sa famille.

Maumy s'est marié le 22 janvier 1888, il a eu un petit garçon qui

a succombé dans des circonstances tragiques, écrasé par une voi-

ture ; cette mort ne parait pas l'avoir beaucoup troublé.

L'union était loin de régner dans le ménage Maumy ; des que-

relles y éclataient souvent. La femme avait la réputation d'être

honnête, laborieuse, économe ; cependant, le mari se montrait

jaloux, coléreux et brutal, surtout quand il avait bu, et il buvait

volontiers. La femme était alors obligée, pour éviter d'être battue,

de fuir et d'aller coucher dans une autre chambre de l'hôtel ; c'est

ainsi que la veille de sa mort (nuit du 2G au 27 janvier), elle a dû

abandonner son logement et rester toute la nuit sur le palier de

l'étage inférieur. Le 27, les époux Maumy ont passé la soirée chez

des voisins. Le mari était un peu sombre, mais n'avait pas bu ; le

28, vers cinq heures du matin, une discussion s'est élevée entre

eux et, à six heures, la femme venait s'abîmer sur le pavé de la

rue. Transportée à l'hôpital, elle est morte sans avoir pu prononcer

une parole.

Quand les agents sont arrivés, Maumy a refusé de les laisser

entrer. « Je n'ouvrirai, disait-il, que quand il fera jour, je ne com-

prends pas qu'on vienne m'arrêter comme un assassin, moi qui n'ai

rien fait. » Il a fallu l'intervention d'un serrurier pour forcer la

porte. On a trouvé Maumy debout sur son lit, sans chaussures,

mais habillé, tenant d'une main une hachette et de l'autre un fer

à repasser. Il a essayé de lancer ce* dernier objet à la tête d'un

agent, mais celui-ci a paré le coup avec son Sabre. Maumy criait :

« au secours ! à l'assassin ! D les agents l'ont entouré et réduit à

l'impuissance.

Devant M. le juge d'instruction, l'inculpé a d'abord dit : 4 Je

suis innocent, c'est ma femme qui volontairement s'est jetée

par la fenêtre alors que j'étais au fond de la chambre ; elle s'était

levée vers cinq heures et m'avait engagé à aller chercher du tra-

vail ; sur mon refus, dans un mouvement de grande colère, elle a

enjambé la fenêtre. » Cette déclaration faite, Maumy s'est livré à

des divagations. A chacun des interrogatoires suivants il a tenu des

propos sans suite, parlant de cavaliers, d'agents qui le cherchaient,

de misères qu'on lui faisait, etc.

Confronté à la Morgue avec le cadavre de sa femme, Maumy a

eu une émotion bien vite maîtrisée ; puis, il s'est mis à divaguer

comme les jours précédents.

Devant nous, Maumy, dès notre première visite, a joué la comédie

de la folie ; pendant plusieurs mois il a tenu son rôle sans défaillir

et ce n'est qu'après une longue et minutieuse observation que nous

avons pu arriver à la conviction que nous nous trouvions en pré-

sence non d'un aliéné, mais d'un simulateur.

FOLIE SIMULÉE. 163

D'habitude, les individus qui simulent la folie se découvrent par

l'exagération même qu'ils apportent dans leur rôle ; ils ne savent

généralement pas résister à la tentation d'outrer les manifestations

du désordre intellectuel ; Maumy nous a laissé longtemps dans le

doute précisément parce qu'il avait une attitude différente.

Un premier point, il est vrai, nous avait d'abord frappé : les

indices d'un dérangementcérébralne s'étaient montrés chez Maumy

qu'après l'accomplissement de son crime alors qu'antérieurement,

de l'avis de tous ceux qui le fréquentaient, il semblait normal.

C'était évidemment là une présomption de simulation, mais une

présomption seulement. En effet les prodromes des maladies

mentales sont généralement très peu accusés et il faut un oeil

exercé pour les découvrir ; il pouvait donc en exister chez Maumy

alors que personne ne se doutait de leur présence.

D'un autre côté, nous avions à tenir compte de ce fait que la

folie peut se développer dans les premiers temps de l'emprisonne-

ment et à l'occasion de l'acte qui l'a provoqué, alors que cet acte

a été commis en dehors de tout trouble mental. Il est constant, en

effet, que la secousse morale produite par le crime et la crainte

du châtiment peuvent déterminer l'aliénation mentale. C'est donc

dans l'examen direct que nous avons cherché les éléments d'une

opinion raisonnée.

Pendant près de trois mois, l'attitude de Maumy a toujours été

identiquement la même à chacune de nos nombreuses visites : l'air

sombre, la tête obstinément baissée, il ne quille pas des yeux sa

coiffure ou son numéro matricule qu'il remue machinalement

entre ses doigts ; de temps à autre seulement il lance un coup d'oeil

sournois : on dirait qu'il craint de trahir par son regard l'expres-

sion de sa pensée. C'est avec la plus grande peine que nous obte-

nons quelques rares réponses aux questions que nous lui posons,

il faut, pour ainsi dire, lui arracher les paroles; ses réponses sont

d'ailleurs très variables et ne suivent jamais immédiatement la

demande. Maumy semble réfléchir avant de parler. Ainsi, à cette

question nettement formulée : est-il vrai que vous ayez jeté votre

femme par la fenêtre ? Maumy tantôt ne répond pas, tantôt pro-

nonce les phrases suivantes : « Je ne l'ai pas jetée par la fenêtre, je

n'aurais jamais eu ce courage. Elle est peut-être tombée par la

fenêtre à peu près comme moi. Je ne l'ai pas jetée plus que

vous. Je n'en sais rien. S'il y en a qui le savent, ils sont plus

avancés que moi. C'est peut-être elle qui s'est jetée par la fenê-

tre. Je l'ai vue monter sur la fenêtre, mais elle ne s'est peut-être

pas tuée. Elle ne doit pas être morte, elle n'était pas assez hardie

pour se jeter par la fenêtre. Il me semble bien l'avoir vue se

jeter par la fenêtre. »

Quand nos interrogations deviennent trop pressantes, Maumy

garde un mutisme obstiné ou, après un temps de réflexion, fait

1(54 MÉDECINE LÉGALE.

entendre des plaintes comme celles-ci : 4 On me donne de la nourri-

ture fraudée qui me fait faire le fou. On me fait des misères.

Avant la police me suivait. On m'électrise dans ma cellule

par les regards (judas) de la porte. Je n'ai pas besoin de parler

pour qu'on se fiche de moi, on s'en fiche bien assez comme ça.

Le complot était peut-être bien fait à l'avance. On me travaille

par la physique, »

De temps à autre, Maumy se montre turbulent, il frappe à sa

porte, n'écoute pas les observations qu'on lui fait, insulte ou frappe

même les gardiens; on lui met la camisole, on l'envoie au cachot

et ces moyens réussissent toujours à le rendre calme et docile. Vers

le milieu du mois de mai, le médecin de Mazas, dont l'attention

a été appelée sur Maumy, l'envoie comme présumé atteint d'alié-

nation mentale à l'infirmerie spéciale du Dépôt, où nous avons pu

le suivre d'encore plus près.

Au Dépôt, un notable changement ne tarde pas à se produire

dans la manière d'être de Maumy. Sa physionomie, qui jusque-là

était demeurée immobile et impénétrable, s'épanouit, il cause

volontiers et nous donne quelques renseignements. Il avoue qu'il

n'a jamais aimé sa femme : « Nous n'étions pas de même idée tous

les deux, » nous dit-il; mais, quand on veut lui faire raconter les

circonstances dans lesquelles il a commis son crime, il se dérobe.

Nous lui faisons remarquer qu'il a avoué à M. le juge d'instruction

avoir précipité sa femme par la fenêtre. « Si j'ai avoué, dit-il, c'est

que j'ai conté une colle. » Nous lui demandons si au Dépôt on le

tourmente par la physique comme à Mazas ; il ne peut s'empêcher

de rire et prétend ne plus se rappeler ce qu'on lui faisait à Mazas;

un jour, il finit même par reconnaître qu'il s'est moqué de nous

en disant qu'on le tourmentait, « il pensait nous mettre dedans et

il se déclare prêt à recommencer D.

Et en effet, réintégré à Mazas, Maumy reprend son attitude d'au-

trefois, il parle de physique et d'électricité, mais, maintenant en

se plaignant des persécutions dont il est l'objet, il ne peut retenir

un sourire, le sourire du menteur surpris. Malgré tout, il ne veut

donner aucun renseignement précis sur les faits qui l'amènent

devant la justice.

A chacune de nos visites, il semble enfin vouloir entrer dans la

voie des explications nettes et franches, cesser une comédie dont

il n'est plus sans comprendre l'inutilité ; mais toujours il se reprend

et nous devons remettre à une autre fois l'espoir de le voir jeter

définitivement le masque. C'est ainsi que de semaine en semaine

notre examen a dépassé la durée habituelle d'une expertise. Aussi

bien, soucieux de la grave responsabilité qui nous incombe en

pareille affaire, nous avions toujours présentes à la mémoire, ces

paroles de Tardieu : « Un premier principe qu'il ne faut jamais

négliger dans les expertises relatives aux aliénés et qui n'est nulle

FOLIE SIMULÉE. 165

part mieux approprié que dans les cas suspects de la folie simu-

lée, c'est de ne se prononcer qu'après une observation prolongée,

répétée, persévérante, qui nulle part n'est plus nécessaire, plus

indispensable. »

Aujourd'hui, notre conviction est faite : Maumy est un simulateur,

il l'a avoué et d'ailleurs les troubles intellectuels qu'il affecte ne

présentent les caractères d'aucune maladie mentale connue, n'ont

pas d'analogues en clinique.

Certains propos de l'inculpé pourraient faire penser qu'il est

atteint de délire des persécutions, mais un vrai persécuté a une atti-

tude tout autre; il a frappé pour se venger d'un individu qu'il con-

sidère comme un ennemi, pour faire cesser les persécutions aux-

quelles il est en butte, il est persuadé d'avoir le droit pour lui ;

aussi raconte-t-il les détails du crime dont il est inculpé avec préci-

sion, sans rien nier, sans chercher à atténuer sa responsabilité,

repoussant d'ailleurs toute imputation de folie.

Maumy serait-il alcoolique ? Il se grisait quelquefois, souvent

même, parait-il, mais cela ne prouve pas qu'il ait été atteint de

folie alcoolique. Quand nous l'avons vu pour la première fois, à

Mazas, il ne présentait aucun signe psychique ou physique d'in-

toxication par l'alcool. Il est vrai qu'un mois s'était écoulé depuis

son crime. Mais, le matin du 28 janvier, son attitude n'a point

été celle d'un délirant alcoolique, il a parlementé à travers la

porte avec les agents, refusant d'ouvrir avant le jour, se défendant

à l'avance d'avoir assassiné sa femme. Ce n'est pas là la conduite

d'un homme en proie au délire. La veille, d'ailleurs, il n'avait

pas bu, le fait est prouvé.

Quant à l'état physique de l'inculpé, il est satisfaisant. Dans les

premiers temps de son séjour à Mazas, Maumy était un peu pâle,

s'alimentait mal, mais il n'a pas tardé à reprendre le dessus;

aujourd'hui les grandes fonctions organiques, la digestion, la res-

piration, la circulation s'exécutent bien, le sommeil est calme,

l'appétit régulier. Il y a absence de tout trouble de la sensibilité et

delà motilité.

En résumé : de l'observation patiente à laquelle nous avons

soumis Maumy pendant huit mois consécutifs dans la prison de

Mazas et à l'infirmerie spéciale de la Préfecture de police, il est

résulté pour nous la conviction suivante : Maumy simule l'aliéna-

tioji mentale avec une persévérance et une obstination peu communes;

mais, en réalité, il n'est pas aliéné. Maumy doit rendre compte ci la

justice de l'acte dont il est inculpé.

Paris, le 7 novembre 1891.

Maumy a comparu devant les assises de la Seine le 8 jan-

vier 189. L'inculpation d'homicide volontaire avait été trans-

166 PATHOLOGIE NERVEUSE.

formée en accusation de meurtre par la mise en accusation ;

c'est-à-dire que la préméditation avait été écartée; par suite la

peine de mort n'était plus applicable, Maumy n'encourait que

les travaux forcés à perpétuité ou à temps.

La veille de sa comparution, Maumy tenait encore les propos

les plus incohérents à son avocat; mais à l'audience, il a

changé d'attitude, il a répondu correctement aux questions du

Président et s'est défendu assez habilement, soutenant qu'il

n'avait pas précipité sa femme par la fenêtre, mais qu'elle s'y

était jetée volontairement.

Après notre déposition, le Président a demandé à Maumy ce

qu'il avait à dire : Je ne suis pas fou, a-t-il répondu tranquil-

lement et je ne crois pas avoir jamais fait le fou. »

A la seule question qui lui était posée : c Maumy est-il

coupable d'avoir commis un meurtre sur la personne de sa

femme ? » le jury a répondu oui, mais a accordé à l'accusé le

bénéfice des circonstances atténuantes. La cour, en consé-

quence, a prononcé la peine de vingt ans de travaux forcés avec

vingt ans d'interdiction de séjour. Maumy a écouté l'arrêt et ses

considérants d'un air attentif, mais sans manifester d'émotion.

PATHOLOGIE NERVEUSE.

D'UNE FORME HYSTÉRIQUE DE LA MALADIE DE RAYNAUD

' 1;T DG L'ÉRY'CIIRO\iÉLALGII : (suile)';

Par Léopoltl LÉVI,

interne des hôpitaux de Paris.

ni.

Y a-t-il au point de vue clinique dans la maladie de Ray-

naud hystérique des caractères actuels ou d'évolution qui la

séparent des autres variétés ?

Nous ne revenons pas sur les particularités dues à son ori-

à Voir Archives de Neurologie, il™ 95, 96.

MALADIE DE RAYNAUD ET ÉRYTHROMÉLALGIE. 167

gine : elle débute sous l'influence des émotions. Chaque accès

intermittent réapparaît par suite d'une émotion.

Il faut signaler son début brusque, la coexistence d'autres

phénomènes hystériques et en particulier de symptômes uri-

naires. Le noeud de la question nous paraît être dans ce fait.

La maladie de Raynaud hystérique atteint-elle son troisième

stade ? Va-t-elle jusqu'à la gangrène ?

Du fait de l'hystérie, il peut se produire des gangrènes spon-

tanées. Après Riehl et Ehrl, Féré ' a publié un cas de gan-

grène spontanée de la peau chez une hystérique. La malade,

âgée de vingt-trois ans, présentait à la partie moyenne de la

face interne de la jambe une plaque du diamètre de 50 centi-

mètres. Elle avait été traitée, à dix-neuf ans, pour un ulcère

de l'estomac. Déjà Blandin, en 1847, avait publié un fait ana-

logue. D'autre part, les phénomènes hystériques, quand ils

persistent, peuvent entraîner des lésions.

Pour donner un exemple frappant, dans le pied bot hysté-

rique sur lequel a insisté Charcot, on peut constater, comme

dans les paralysies organiques, la production de tissu fibreux

périarticulaire et une rétraction tendineuse.

Si les faits cliniques indiscutables ne sont pas assez nom-

breux pour fournir un argument péremptoire ; si, ni dans le cas

d'Armaingaud, ni dans celui de Burot, ni dans le nôtre où la

guérison ou une amélioration très importante a été obtenue,

la gangrène n'a pas existé, il n'en est pas moins vrai que, dans

quelques cas de maladie de Raynaud, chez des hystériques, le

stade de gangrène est atteint. (Obs. IX et X de la thèse.)

La gangrène survenant chez les hystériques, comment inter-

préter son mécanisme ? Il faut tenir compte des théories qui

ont cours sans prendre parti dans le débat.

Raynaud pensait que le spasme vasculaire prolongé pouvait

produire la gangrène. Mais Scheiber a signalé deux cas de

maladie de Raynaud ininterrompue pendant huit jours sans

amener le sphacèle.

D'autres auteurs ont pensé que la gangrène était un phé-

nomène surajouté et ont fait jouer un rôle aux lésions vascu-

laires (endartérite oblitérante. Mendenold, Weiss, Gold-

schmidt, etc.) ou aux lésions des nerfs trophiques. (Wigles-

worth, Samuel, Kornfeld).

Soc. Biol., juin 1891.

168 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Enfin, ne peut-on croire dans certains cas à l'intervention

de microorganismes qui se développent dans les tissus offrant

une moindre résistance par suite du défaut d'innervation vas-

culaire et la diminution de l'influx nerveux trophique ?

Le fait est vrai dans certains cas d'infection secondaire.

Nous avons observé une malade âgée de trente-sept ans, con-

cierge, Rog...n, atteinte depuis quinze ans de phénomènes de

Raynaud, et qui éprouva une violente émotion à la mort d'un

de ses fils, âgé de six ans, enlevé en trois jours par une

angine. Les phénomènes syncopaux généralisés aux doigts des

deux mains disparurent, mais, en revanche, le médius de la

main gauche, après une crise syncopale intense, devint rouge,

présenta une sensibilité douloureuse très marquée. Quand nous

vîmes la malade, la douleur était si intense qu'elle l'empêchait

parfois de dormir. Le doigt était le siège d'une suppuration

aiguë, profonde; qui nécessita l'amputation des trois phalanges.

Quant à la question de savoir si la maladie de Raynaud hys-

térique a des rapports avec la sclérodermie, il y a dans ce

problème, indépendamment de la notion hystérique, trop d'in-

connues et de désaccord pour que nous ayons intérêt à aborder

la question'.

13. - IL EST CERTAINE FORME D'ÉRYTHROMÉLALGIE QUI EST

PUREMENT HYSTÉRIQUE.

Presque en même temps que la maladie de Raynaud, nous

avons eu l'occasion d'observer un cas d'érythromélalgie qui

peut servir de contre-partie à notre mémoire.

013SERV,TION'. .E'n/</t)'o ? Ka/te sous la dépendance d'une idée fixe

chez une malade hystérique atteinte antérieurement de rhumatisme

articulaire aigu. Hémiplégie droite antérieure traitée avec succès

par la suggestion hypnotique. Guérison complète par l'hypnose.

Lur...e, âgée de trente-sept ans, tapissière, entre le 2 août 1894,

salle Pine], lit u" 2, service du Pr Raymond.

Antécédents héréditaires. Le grand-père paternel est mort du

choléra. Il avait un tempérament très nerveux.

La graud'mère paternelle est morte à vingt-sept ans de tuber-

1 Lire pour les rapports de la maladie de Raynaud et de la scléro-

dermie, la remarquable observation de GolclscLmidt, Rev. de iiéd., 1887.

2 L'observation a été prise sous mon contrôle par M. Delta, externe

du service.

MALADIE DE RAYNAUD ET ÉRYTHR0111ÉLALGIE. 169

culose pulmonaire. Les grands-parents du côté maternel ne pré-

sentent rien de particulier.

Le père de la malade était d'un' tempérament sanguin. Il était

impressionnable et très irascible. Il est mort à quarante-six ans de

la rupture d'un anévrisme.

Sa mère mourut à cinquante-trois ans d'une affection du foie

qui s'accompagna d'ascite. Son passé pathologique présente un

fait intéressant. Elle fut effrayée un jour par un troupeau de tau-

reaux, et éprouva brusquement dans le bras gauche une contrac-

ture que les moyens usuels (massage, bains, tractions méthodi-

ques, etc.) ne parvinrent pas à guérir. Au moment de cet'accident

la malade était née; elle était âgée de deux ans.

Un de ses frères est mort à vingt-neuf ans probablement de

tuberculose pulmonaire. Il était vif, emporté, pleurant facilement.

Une soeur est morte tuberculeuse. Elle était irascible, était sujette

aux pleurs et au rire faciles. 1

Antécédents personnels. A trois mois, elle aurait éprouvé une

fièvre cérébrale ( ? ) très grave qui dura plus de deux mois et mit

sa vie en danger. A quatre ans, elle fut successivement atteinte de

rougeole, de petite vérole volante. A sept ans, elle soulre de l'ur-

ticaire.

C'est à huit ans que les premiers phénomènes de son tempéra-

ment nerveux se manifestent. Au cours d'une dispute avec une de

ses meilleures amies, elle sent sa gorge serrée comme dans un

étau, trépigne, étouffe, se cyanose, son corps se roidit. Progressi-

vement elle revient à elle.

Son caractère devient, avec l'âge, de plus eu plus vif, impres-

sionnable, émotif. Elle pleure et rit pour des motifs futiles. A onze

ans, elle fut réglée, ce qui provoqua chez elle une grande frayeur

dont elle se remit rapidement. ,

A neuf ans, se passe dans sa vie un incident qui aura sur toute

son histoire pathologique une importance dominante.

Elle était en pension chez des soeurs. Une petite camarade mou-

rut. On l'obligea à embrasser le corps de la petite morte. Elle

éprouva une impression intense de dégoût, d'horreur et de frayeur

en même temps. Sa frayeur était si grande qu'on dut la recon-

duire chez elle ce jour même. Mais depuis lors elle a gardé de

cette scène un souvenir ineffaçable. Depuis lors, elle conçut pour

la mort une peur insurmontable qui se traduisait dans de nom-

breuses circonstances. Toutes les fois qu'on parlait devant elle de

la mort, soit à propos de la mort d'une personne de sa famille ou

d'un grand personnage, soit en évoquant seulement l'idée de la

mort, immédiatement l'image du cadavre de sa petite amie sur-

gissait devant les yeux de la malade. Elle était prise de tremble- "

ment généralisé et éprouvait des sensations comparables à des

170 PATHOLOGIE NERVEUSE.

décharges électriques. En même temps sa face se congestionnait

et son corps se couvrait de sueurs froides.

Mais de la scène qu'elle se rappelait, la malade avait surtout

gardé une impression pénible dans le domaine de l'odorat. A

chaque souvenir, c'était la sensation de dégoût et d'horreur qu'elle

avait éprouvée au contact de la peau du cadavre qu'elle ressentait

*de nouveau.

Puis à cette sensation succéda une idée, celle de la mort, qui

revenait souvent à l'esprit de la malade, et affectait parfois les

allures d'une idée fixe. En dehors de toute conversation, sans rai-

son apparente, cette idée harcelait la malade. Quand elle se

réveillait dans la nuit, l'idée qu'elle allait mourir sous peu venait

la surprendre. Elle se levait alors sur son séant, frissonnante, s'as-

seyait au bord de son lit, et restait des heures entières absorbée

par son idée sinistre, plongée dans un anéantissement dont elle

sortait parfois en se surprenant à rouler des boulettes de papier

entre les doigts. 'Elle se trouvait alors lasse et s'endormait profon-

dément.

Un jour, allant faire son marché, elle est prise de l'idée qu'elle

va mourir dans quelques instants et rentre chez elle précipitam-

ment pour ne pas mourir dans la rue.

Dans ces circonstances, quand elle était occupée par un propos,

par un fait qui attiraient son attention, elle oubliait son idée de

la mort. Elle reprenait sa manière d'être habituelle. Elle était

vive, enjouée, turbulente. Depuis deux ans, l'idée et la peur de la

mort sont allées en s'atténuant.

En 1884, la malade perdit sa mère. Cette perte la jeta dans un

abattement profond. Un jour, pendant qu'elle confectionnait un

chapeau, elle fut prise, sans perte de connaissance, d'une hémi-

plégie avec hémianesthésie, dont elle fut guérie par l'hypnose dans

le service du Dr Guyot.

En mars 1887, elle eut une attaque de rhumatisme articulaire

aigu. Un matin en se réveillant, elle ressentit des douleurs dans le

poignet droit qui durèrent quatre jours, sans s'accompagner de

gonflement notable. Ce fut ensuite le tour du coude gauche, qui

devint le siège de tuméfaction avec coloration rosée et douleur

pendant une dizaine de jours, puis les épaules furent prises et les

articulations vertébrales.

La malade garda le lit trois semaines. Elle avait eu de la fièvre

avec soif vive, de l'anorexie, des sueurs très abondantes.

La même année, en octobre 1887, après des douleurs vagues

dans les articulations du côté droit, elle fut atteinte d'une arthrite

du genou gauche, qui s'est terminée par ankylose de l'articu-

lation.

Début. La malade avait à 131llancotirL une soeur atteinte de

tuberculose pulmonaire. Elle allait la voir de temps en temps, et

MALADIE DE RAYNAUD ET ÉRYTHROMÉLALGIE. 171

aidait parfois à la changer de linge. Elle était alors effrayée de la

voir s'amaigrir à vue d'oeil. Sa soeur mourut le 16 avril, elle l'ap-

prit le soir même et vint le lendemain. Elle alla voir la morte

qu'elle eut de la peine à reconnaître. Elle passa toute la journée

dans la maison, d'autant que son beau-frère était lui aussi malade.

Il est mort un mois après sa femme. Elle passa la nuit dans la salle

à manger. Constamment le souvenir du pensionnat lui revenait,

elle se rappelait la petite morte qu'elle avait dû embrasser. L'en-

terrement eut lieu le 18 avril ; en en revenant, la malade avait de

la peine à marcher, elle était prise de tremblement, de frissons.

Elle rentra chez elle, se mit au lit. Toute la nuit elle ne dormit

pas, eut devant les yeux l'image de sa soeur morte.

Le lendemain 19 avril, vers 11 heures du matin, la malade était

dans son lit, en proie à son idée, ayant peur de mourir, quand

elle ressentit les premières douleurs qui marquent le début de sa

maladie. Ces douleurs siégeaient au niveau de la plante des pieds

et s'accompagnaient de coloration rosée très prononcée. La malade

sentait battre ses artères fortement.

A partir de ce moment, tandis que la malade ne dormait pas et

avait constamment dans l'esprit l'idée de la mort, les douleurs

existaient soit continues, soit par crises. Les douleurs se présen-

taient sous forme de brûlure, de fourmillements. Elles occupaient

les orteils en masse, ou bien commençaient par la région interdi-

gitale séparant le deuxième du troisième orteil, symétriquement

aux deux pieds. La peau se tuméfie légèrement et prend une colo-

ration rouge vif. Elle est chaude. Les artères battent.

La position déclive, la pression provoquent ou exagèrent les

accès. La position horizontale en diminue l'intensité et peu à peu

les fait disparaître. La durée des crises est variable, durant moins

d'une demi-heure ou plus d'une heure.

Pendant la durée des accès, et même dans leur intervalle, la

peau des orteils et celle des pieds entiers est le siège d'une suda-

tion abondante.

Au début, une marche, même courte, et la station debout pro-

voquaient des accès.

La malade dut bientôt cesser son travail. Elle ne réussissait pas

à dormir pendant la nuit qu'elle passait en cris ou en pleurs. Son

mari avait dû quitter la chambre à coucher et s'était fait un lit

dans la salle à manger. Parfois les crises étaient si douloureuses

que la malade poussait des cris de désespoir. Son mari, réveillé,

venait la consoler et quelquefois la soulageait en lui pressant les

pieds entre les deux mains.

Au mois de juin 1894, elle entra dans le service du Dr Mitiard,

où ses douleurs furent soignées par des piqûres de morphine, de

l'antipyrine, du bromure, et eut à la suite une éruption d'acné

médicamenteux. -

172 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Elle quitta le service au mois de juillet, non améliorée, et vint

consulter M. le professeur Raymond, qui lui prescrivit des bains

froids prolongés et lui conseilla d'entrer dans son service.

Elle entra le 2 août à la Salpêtrière. Les bains froids prolongés

lui ont procuré quelque soulagement.

- Examen actuel.- L'examen extérieur, les pieds exceptés, ne révèle

rien de très particulier. Les yeux sont vifs et mobiles. Le maxillaire

supérieur est proéminent. L'oreille gauche, de forme triangulaire à

base supérieure, est mal ourlée. Rien de semblable à l'oreille droite.

La motilité des différents segments du corps est normale. Les

mouvements s'exécutent bien, La force musculaire est conservée.

La réflectivité est normale.

Il existe quelques troubles passagers de sensibilité. On constate

un matin de l'analgésie au niveau de la face interne des cuisses

qui disparait quelques jours après. Il n'y a pas d'anesthésie nette

localisée, ni d'hypereslhésie.

Pas de troubles des sens spéciaux. Pas de rétrécissement du

champ visuel. Pas de dyschromatopsie.

La malade n'est pas très développée. Les membres sont grêles,

mais cette gracilité n'est nulle part plus prononcée qu'au niveau

des orteils, petits, en bâtonnets.

Examinée dans l'intervalle des crises, elle montre des pieds

froids et inertes. Le pied droit a conservé une légère coloration

rosée d'un accès antérieur. Le pied gauche est pâle. La coloration

rosée existe seulement à la face plantaire et latérale des orteils et

s'étend un peu sur les articulations tarso-métatarsiennes, aux faces

plantaire et dorsale du gros et petit orteils.

La pression, douloureuse surtout au niveau des orteils, diminue

à mesure qu'on s'en éloigne, disparaît au niveau des cous-de-pied.

Pour faire apparaître les phénomènes, il suffit de faire placer

quelques instants le pied de la malade hors de son lit, les genoux

légèrement fléchis. Elle ne tarde pas à éprouver des douleurs into-

lérables au niveau de la face plantaire des orteils ; en même

temps qu'apparaît une coloration rosée qui s'accentue peu à peu

surtout au niveau des orteils et du talon, remontant sur la face

dorsale des orteils. Une sudation abondante se produit.

Les différents appareils fonctionnent médiocrement. L'appétit

est léger. La malade a maigri dans ces derniers temps. Elle se

plaint surtout de n'avoir pas dormi ni jour ni nuit depuis le début

de son affection.

L'urine est au-dessous de la normale : 800 grammes.

Vu les antécédents de la malade, guidé d'autre part par

notre succès dans la maladie de Raynaud, nous mettons

l'hypnose à profit.

MALADIE DE RAYNAUD ET ÉRYTHROMFLALGIE.

Le jour de l'entrée, les douleurs existaient sous forme de piccs. e

temcnts, accompagnées de transpiration, elles reprirent le lende-

main leur caractère d'atrocité avec élancements dans tout le pied,

rougeur vive, sudation.

La malade est endormie pour la première fois le 5 août, par la'

pression sur les globes oculaires, elle s'endort facilement, nous

raconte que constamment elle pense à sa soeur. Nous lui ordon-

nons de l'oublier. Ce jour-là elle n'a plus de crises, et, ce qui ne

lui était pas arrivé depuis quatre mois, elle dort la nuit. Elle passe

une bonne journée le 6 où elle est endormie. Le 7, pas d'hypnose.

Elle éprouve encore toute la nuit des élancements continuels avec

transpiration sur tout le corps et tremblement.

Le 8, hypnose. Elle éprouve encore un accès de douleur de

8 heures à il heures du soir.

A partir de cette date jusqu'au 8 septembre, la malade n'é-

prouve plus de crise douloureuse, sauf le 14 août de G heures à

Il heures du soir, et le 28 août, de 7 à 8 heures du soir, ce qui

correspond à la pensée de sa soeur ou de la mort réveillée par des

souvenirs.

En même temps que nous suggérions à la malade de n'avoir

plus de crise douloureuse, en lui interdisant la pensée de sa soeur,

nous lui prescrivions d'uriner davantage.

L'urine de 900 grammes au début monte à 1,800, le 10 août.

- à 2,250, le 15 août,

et se maintient entre 1,500 et 2,100.

La malade était calmée de ses douleurs que nous n'arrivions

plus à provoquer, en mettant ses pieds dans la position déclive.

Nous lui ordonnons de ne plus avoir de coloration rosée des orteils,

elle disparaît peu à-peu; enfin la sudation cède à son tour.

Le 8 septembre, on peut considérer la guérison comme absolue.

A peine les pieds hors du lit présentent-ils une insignifiante

moiteur, et une légère coloration rosée des pieds. La malade est

devenue gaie. Elle ne pense plus à sa soeur. Elle dort complète-

ment la nuit. L'appétit est meilleur. Elle a engraissé, pèse actuel-

lement 44 kilogrammes.

La malade sort et reprend son travail.

Elle revient nous voir le 1G septembre.

Elle a éprouvé le 12 septembre dans l'après-midi de petites

douleurs qui ont duré de 1 heure et demie à 4 heures, et qui sont

ducs comme nous l'apprenons par l'hypnose à la vue d'une robe

bleue telle que sa soeur en portait une. Elle a pleuré à cette vue.

Nous lui supprimons de l'esprit le mot c mort ».

La malade est en retard de ses règles. Nous lui prescrivons de

les avoir le surlendemain.

La malade revient le 23 septembre.

Elle a passé une très bonne semaine. Les règles sont venues au

17 li. PATHOLOGIE NERVEUSE.

jour prescrit, mais n'ont duré que quelques heures. L'appétit est

bon, elle a engraissé de 5 livres, pèse 46 hil. 500.

Elle a été contrariée parce qu'on s'est moqué d'elle pour être

venue trop tôt à l'ouvrage et a éprouvé quelques douleurs dans les

pieds pendant quelques heures. Il me semble, dit-elle, que ce n'est

plus moi, tellement je suis heureuse.

Le 6 octobre, je revois la malade : elle va aussi bien que possible,

a engraissé encore, pèse maintenant 48 liil. 500. Elle devait venir

le 30 septembre, mais n'a pu à cause d'un travail pressé. Ce jour-

là, à 10 heures du matin, elle s'est endormie spontanément. Le

sommeil a duré une heure*.

Cette observation est concluante, car elle montre un cas com-

plet. Il va jusqu'à la guérison. Son étiologie est déterminée.

Il s'agit d'une femme de trente-sept ans, hystérique, hypno-

tisable, chez qui une émotion pénible de l'enfance persiste pour

se transformer peu à peu en idée fixe; qui, à la suite delà

mort de sa mère contracte une hémiplégie droite avec hémia-

nesthésie guérie par l'hypnose, est prise ensuite de rhumatisme

articulaire aigu, et à propos de la mort de sa soeur, voit com-

mencer des phénomènes d'érythromélalgie.

Les douleurs sont si vives que la malade ne peut, pendant

quatre mois, dormir ni jour ni nuit.

La maladie est modifiée du jour au lendemain puis guérie

complètement par l'hypnose.

Il est utile de revenir sur quelques points de l'observation.

Le rhumatisme articulaire aigu, sur lequel nous avons insisté

dans la maladie de Raynaud se retrouve chez notre malade.

Déjà WeirMitchell avait signalé la fièvre rhumatismale comme

antécédent morbide dans un certain nombre de cas. Le malade

de Lannois avait été soigné pour des accidents rhumatismaux

pendant son service militaire.

Il est dans notre cas un fait frappant. La malade est atteinte

d'hémiplégie droite à la suite de la mort de sa mère. Elle con-

tracte un rhumatisme polyarticulaire aigu, et consécutive-

ment à la mort de sa soeur, débute son érythromélalgie. L'in-

tervention du rhumatisme articulaire aigu pour l'apparition

des phénomènes vaso-moteurs n'acquiert-elle pas là plus que

la valeur d'une hypothèse. C'est à vrai dire une cause locali-

salrice.

' La malade a été revue en novembre, décembre et janvier. La guérison

s'est maintenue complète.

MALADIE DE RAYNAUD ET ÉRYTHROMÉLALGIE. 175

La cause efficiente est l'idée fixe qui a eu pour point de

départ l'émotion. La nature psychique de la maladie est évi-

dente.

A neuf ans, l'enfant embrasse une petite camarade morte,

éprouve une émotion des plus vives, et garde de ce contact

une impression olfactive de dégoût et d'horreur. Les propos sur

la mort lui rappellent longtemps cette impression et l'émotion

qui l'accompagna. Puis l'émotion se transforme en idée fixe,

l'idée de la mort. Elle perd sa mère et fait sous cette influence

un accident hystérique. Elle perd sa soeur, nouveau choc

moral. Le souvenir du pensionnat redevient vivace. La malade

continue à penser à sa soeur, à la mort, jour et nuit. Elle fait

des phénomènes d'érythromélalgie. Par l'hypnose, nous lui

prescrivons d'oublier sa soeur, et en vingt-quatre heures s'ob-

tient une modification étonnante de l'affection qui est guérie

en quelques jours.

Ce sont' d'abord les phénomènes douloureux qui disparais-

sent. La malade peut alors dormir, puis les phénomènes de

coloration de la peau, enfin les troubles de sudation.

La malade eut au neuvième jour du traitement, alors qu'elles

avaient disparu depuis cinq jours, une nouvelle crise de dou-

leurs. Elle avait de nouveau pensé à sa soeur.

Ayant repris son travail, elle éprouva des douleurs en voyant

une robe bleue pareille à celle qu'avait portée sa soeur; cette

vue est le point de départ d'un travail psychologique subcons-

cient à résultat habituel.

Si la nature de la maladie est nettement psychique, il est à

peine besoin d'insister sur son point de départ psychique, sous

l'influence d'un choc moral. C'est le lendemain de l'enterre-

ment de sa soeur, après avoir passé la nuit dans une chambre

à côté de la morte, qu'étant au lit en proie à l'idée de la mort

elle ressent pour la première fois des douleurs. L'observation

est explicite à cet égard.

Dans ce cas, il a existé des phénomènes urinaires. Avant tout

traitement, la malade urinait moins d'un litre. La quantité a

varié sous l'influence de l'hypnose pour aller jusqu'à 2,280

grammes, se tenant d'habitude aux environs des quantités

habituelles :

176 PATHOLOGIE NERVEUSE.

MALADIE DE RAYNAUD ET ÉRYTHROMÉLALGIE. 177 '1

où l'affection se rencontre au cours du myxoedème (Landgraf)

et au cours de la migraine ophtalmique (Lewin et Benda).

Dans la deuxième classe des névroses, Lewin et Benda ran-

gent 7 observations.

Déjà dans la discussion qui suivit la présentation du cas de

Woodnut à la Société neurologique de Philadelphie, on dit que

quelques cas devaient appartenir à l'hystérie.

L'observation d'Auché et Lespinasse a trait à un homme de

trente ans, qui présentait en même temps des phénomènes con-

gestifs des extrémités avec congestion très vive du visage et

un gonflement assez marqué des yeux. Il existait en outre un

gonflement avec sensibilité des testicules.

Le cas de Seeligmuller survient au cours de la ménopause.

Aux symptômes vaso-moteurs habituels, s'ajoutait de l'hyper-

hémie de la tète, du cou, et de la muqueuse buccale.

Le cas de Baginsky est relatif à un cas d'hystérie infantile.

On retrouve encore l'hystérie dans les cas de Sigerson, dont

nous reparlerons, de Vulpian, de Graves, de Morgan.

Sur ces 7 cas, 2 se retrouvent chez l'homme, 1 chez l'en-

fant, 4 chez la femme. Le nôtre appartient également à la

femme. Or l'érythromélalgie est en général une maladie des

hommes.

On peut ajouter le cas de Weir Mitchell (obs. III, thèse de

Lannois) où l'hystérie et une affection organique se trouvent

associées.

Notre cas intéresse aussi à cause de la guérison de la malade.

Si on laisse le cas de Graves « qui guérit en six ans contre

toute médication », dans sa thèse Lannois signale seulement

deux cas de guérison, ceux de Grenier, où les détails nerveux

manquent, et de Sigerson. Dans son article récent du Manuel

de médecine, Boulay n'en signale pas d'autres.

Or, dans le cas de Sigerson, on note l'impuissance, l'anes-

thésie plantaire, une soif insolite, des troubles visuels, des

crises de sommeil. Le malade éprouva un soulagement dès la

première séance, et après 7 séances tous les phénomènes

génésiques, visuels, la soif vive disparurent.

Ne s'agit-il pas là d'une guérison psychique plutôt que due

à l'électricité ?

Dans deux cas de Weir Mitchell et de Lewin et Benda, il s'est

agi d'améliorations que ces auteurs considèrent comme des

rémissions.

Archives, t. XXIX. 12

178 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Il nous faut insister sur d'autres détails.

Les cas d'érythromélalgie sont assez rares. Lannois en a

signalé 14. En 1892, il y en avait 20 de signalés (cas de See-

ligmuller, Voodnut, Auché-Lespinasse, Morgan, Gerhardt,

Sénator), puis Hénoch, Landgraf en publient des cas. Lewin

réunit d'abord 33 observations, puis Lewin et Benda, janvier

1894, en réunissent avec leurs cas personnels 40 cas.

Nous avons eu l'occasion, chez une femme de la Salpêtrière,

âgée de quatre-vingt-douze ans, atteinte de zona intercostal, et

qui avait une hémiplégie ancienne, de constater des phénomènes

vaso-moteurs comparables à ceux de l'érythromélalgie. Dès que

la malade mettait les pieds en position déclive, la plante des

deux pieds prenait une coloration rouge vineuse. La sudation

était peu marquée. Les douleurs étaient peu vives. Des phé-

nomènes analogues se faisaient du côté des mains. La malade

fut présentée à M. le Pr Raymond'.

C. Remarques générales

Nos deux observations se rapprochent à un double point de

vue. Elles servent de contribution à l'étude des maladies par

émotion et à l'étude des troubles vaso-moteurs de l'hystérie.

Nous ne voulons pas entrer dans l'exposé des effets patholo-

1 Depuis la rédaction de mon mémoire, j'ai eu l'occasion de prendre

dans le service de M. le professeur Raymond quatre nouvelles observa-

tions d'érythromélalgie, qui seront l'objet d'un travail ultérieur.

Dans le premier cas, il s'agit d'un homme de trente-neuf ans, qui pré-

sente la série des phénomènes suivants : Exagération des réflexes rotu-

liens avec une esquisse de trépidation spinale. Parésie par amyotrophie

des membres inférieurs, surtout du membre inférieur droit. Contractions

(ibrillaires au niveau des quadriceps cruraux. Crampes musculaires avec

contractures passagères. Phénomènes d'érythromélalgie qui remontent

peut-être à l'âge de quinze ans.

Le deuxième concerne une femme de trente-deux ans, nerveuse, su-

jette à des pertes de connaissance, qui, à la suite de la mort d'un enfant

unique adoré, a commencé des phénomènes unilatéraux d'érythromé-

lalgie au niveau du pied gauche.

Le troisième cas se rapporte a un malade de trente-deux ans névro-

pathe atteint de pseudo-tabes éthylique avec érythromélalgie des 2°, 3°,

4° orteils de chaque pied.

Enfin, le quatrième cas que nous resignalerons plus loin est un exemple

d'association d'erythroméiaigie avec maladie de Raynaud, chez une ma-

lade hystérique et neurasthénique âgée de vingt-trois ans qui présente une

série d'autres phénomènes vaso-moteurs. 0

Ajoutons un cas d'érythromeiatgie localisée au lobule du nez chez une

malade très grande neurasthénique.

MALADIE DE RAYNAUD ET ÉRTTIiR0111ÉLALGIE. 179

giques des émotions chez les individus prédisposés'. Elles peu-

vent agir sur tous les appareils, font sentir leur action surtout

dans le domaine de la neuro-pathologie et sont prédomi-

nantes pour l'apparition de l'hystérie ou la détermination de

ses manifestations polymorphes. L'influence des émotions

dans le domaine vaso-moteur ne nous arrêtera pas davantage

(troubles urinaires, aedème2, etc.).

Nos cas ajoutent de nouvelles preuves à l'influence des

émotions pour l'apparition et la persistance des névroses vaso-

motrices l'asphyxie locale des extrémités et l'érythromélalgie.

Par la transformation de l'émotion en idée fixe subcons-

ciente qu'on y rencontre, elles concourent à l'histoire de l'hys-

térie.

Elles s'ajoutent à la liste déjà longue des troubles vaso-mo-

teurs de l'hystérie.

L'intérêt de nos cas est de montrer que pour les phénomènes

vaso-moteurs comme pour les dysesthésies et les hyperesthé-

sies, les tics et les mouvements choréiques, comme pour les

paralysies et les contractures, il faut l'intervention de l'idée

fixe, de la pensée du malade. Ils appuient directement la

théorie psychologique de l'hystérie. Dans tout accident hysté-

rique, dit Janet, un certain trouble des fonctions psycholo-

giques joue un rôle important.

Il faut d'autre part noter l'influence de l'hypnose qui, dans

nos cas, amène la guérison ou une amélioration assez considé-

rable. Pour l'école delà Salpêtrière, l'hypnose ne se développe

guère que chez les hystériques. S'il en était besoin, ce serait

là encore un argument en faveur de la nature des troubles

étudiés.

L'influence de la suggestion somnambulique a déjà été ap-

pliquée à des phénomènes vaso-moteurs. Charcot3 l'a mise à

profit pour reproduire l'oedème bleu4. Babinsky, Debove, puis

Souques ont guéri des cas de polyurie par l'hypnose. Nous-

' réré. Pathologie des émotions. Deux chapitres sont consacrés aux

effets pathologiques des émotions.

2 Pitres. Progès médical, n° 91. Bankn. 7 ? o'M. Klin. 11'oclaensc.,

1892. l'ixarsewsky. Gazella Lekai,ska, 1891. Féré, etc.

' Clinique des maladies du système nerveux, t. I, 1892.

' Voir pour l'oedème bleu la thèse de Trintignan, inspirée par M. le

Pr Raymond.

Communication orale.

180 . PATHOLOGIE NERVEUSE.

même avons transformé une ischurie en polyurie. Backmann »

a guéri par la suggestion un cas d'hyperhidrose.

Ce qui resterait à déterminer, c'est pourquoi une émotion

- dans un cas produit l'érythromélalgie, dans l'autre, la ma-

ladie de Raynaud. La différence tient-elle à la nature de

l'émotion ou à l'état du système vaso-moteur. Nous n'avons

aucun élément pour entreprendre pareille discussion. Remar-

quons seulement que toute émotion ne produit pas (G...r)

une même crise. Elle est blanche où bleue suivant l'intensité

de l'émotion, et suivant la période de la maladie (début, période

d'état, période d'amélioration).

D'ailleurs maladie de Raynaud et érythromélalgie ne consti-

tuent pas des maladies mais sont des syndromes vaso-moteurs,

exagération de faits physiologiques.

D'après l'avis de nombreux auteurs auxquels nous nous

rallions, ce ne sont pas des individualités propres, mais la

signification clinique d'un grand nombre d'états patholo-

giques susceptibles d'impressionner primitivement ou consécu-

tivement les parties du système nerveux qui tiennent sous

leur dépendance les actions vaso-motrices.

Dans nos cas, les deux syndromes sont proches parents, issus

d'une même névrose, l'hystérie.

Du reste la transformation de l'un de ces syndromes dans

l'autre est possible. Lannois signale l'observation de Mills

comme étant intermédiaire aux phénomènes de Raynaud et

de Weir Mitchell.

Morel-Lavallée a a observé le cas d'une femme atteinte

d'érythromélalgie avec' paroxysmes aux mains et qui tout

l'hiver souffre d'asphyxie locale des extrémités. Il y a une

sorte de balancement des deux affections.

La maladie dure depuis vingt-deux ans.

1 Société de biologie, janvier 1894. '

si Voir pour la maladie de Raynaud : Hutchinson (de l'Acropathologie,

Semaine médicale, 1893), crée le mot de phénomènes de Raynaud ;

Kornfeld range les cas de maladie de Raynaud en trois classes (ŸViener

,»ieclicinishe Presse, 1892);Scheiberénumère l'étiologie possible du syn-

drome de Raynaud (IViener medicinische Woclaenscizrift, 1892). -Pour

l'érythromélalgie : Strumpell, Bernhardt, Enlenburg. Lewin et Benda ré-

sument dans leur mémoire l'opinion des auteurs (Berliner Kliie. Cen-

tralblatt, janvier 1894).

' Société de dermatologie.

MALADIE DE RAYNAUD ET ÉRYTHROMELALGIE. 181

Les crises de congestion rouge sont provoquées par la cha-

leur extérieure et le travail de la digestion. "

Les troubles fonctionnels sont nuls. Il n'existe pas de dou-

leur, mais seulement une sensation de chaleur mordicante.

Au début il y eut dans les orteils des phénomènes qui furent

rapportés à la goutte. La sensibilité, la motilité, la nutrition,

la réflectivité sont normales.

La symétrie est absolue dans le cas observé : les pommettes

et les oreilles sont atteintes'.

Dernière remarque. La malade atteinte d'affection de Weir

Mitchell est guérie. Elle écrit elle-même : c Il me semble

maintenant que ce n'est plus moi, tant je suis heureuse. » Et

cependant sous l'influence d'une contrariété, parce qu'on s'est

moqué d'elle pour être arrivée trop tôt à son travail, elle

éprouve des douleurs sourdes sans sudation qui disparaissent

au bout de trois heures.

Y a-t-il contradiction ? Non. La malade est guérie de son

accident, non de son hystérie. Et, comme hystérique, elle peut

éprouver de nouvelles émotions et de nouveaux phénomènes

vaso-moteurs. Il en est de même que pour une malade chez

qui on fait disparaître une idée fixe datant de plusieurs années

et qui par suite de sa suggestibilité peut contracter de nou-

velles idées fixes passagères.

Il en est de même que chez une malade hystérique qui

guérit d'une contracture de la mâchoire et qui plusieurs années

après refait une nouvelle contracture de la mâchoire.

Ces réflexions sont applicables à notre cas d'affection de

Raynaud.

L'état de mal asphyxique en rapport avec une idée fixe sub-

1 Nous-même avons observé un cas d'érythromélalgie associé à la ma-

ladie de Raynaud. Le diagnostic du cas peut être résumé : érythromé-

lalgie sous forme de crises avec troubles vaso-moteurs persistants,

siégeant au niveau des extrémités supérieures et inférieures et des lobules

de l'oreille. Crises de syncope locale intercurrente. Aménorrhée. Seins

hystériques. Tous ces phénomènes se sont développés chez une malade

présentant actuellement des stigmates de neurasthénie et d'hystérie, à

la suite d'une série de chagrins.

Cette association, je l'ai trouvée encore chez ma malade à l'érythromé-

lalgie du pied gauche qui est très améliorée (fréquence et durée des

crises). Elle est venue se plaindre à moi, le 22 février 1895, de phéno-

mènes de syncope locale ayant pour siège les deux mains, surtout la

gauche, qui sont survenus pendant la période menstruelle. Elle avait

antérieurement accusé la sensation de doigt mort au niveau du pouce.

droit.

182 ) PATHOLOGIE NERVEUSE.

consciente a disparu. A ce point de vue il y a guérison. Mais la

malade reste susceptible aux émotions. D'autre part ses organes

vaso-moteurs touchés restent impressionnables au froid.- Sous

cette doublé influence, elle fait encore des crises syncopales

^et asphyxiques. Mais l'affection du début remarquable par sa

persistance et son intensité a disparu d'une façon absolue.

Il y a donc au moins grande amélioration.

D. - Les faits que nous éludions nous permettent de péné-

trer dans la pathogénie de la maladie de Raynaud et de l'éry-

thromélalgie.

Pour la maladie de Reynaud, ce n'est pas de la pathogénie

de la gangrène que nous nous occupons. Nous en avons parlé

plus haut. Il s'agit seulement de l'asphyxie et de la syncope

des extrémités.

Raynaud considère la maladie comme une névrose caracté-

risée par l'exagération du pouvoir excito-moteur des parties

centrales de la moelle présidant à l'innervation vasculaire.

L'interruption de l'afllux du sang dans les petits vaisseaux est

le résultat d'un spasme sous l'influence d'une excitation des

vaso-moteurs de ces conduits.

Dans certains cas, chez des femmes, l'appareil génital pour-

rait être le point de départ de la stimulation qui, par la média-

tion des centres nerveux déterminerait l'excitation des nerfs

vaso-moteurs destinés aux vaisseaux de telles ou telles extré-

mités.

L'irritation centripète aurait dans nombre de cas pour siège

primitif les extrémités elles-mêmes des membres dans le froid

par exemple.

L'excitation réflexe vaso-motrice est transmise le plus sou-

vent aux artérioles et aux veinules. Ces vaisseaux en se resser-

rant font passer le sang qu'ils contiennent dans les veines des

mains et des pieds. Les vaisseaux capillaires sont vidés eux-

mêmes.

Les artérioles restant spasmodiquement resserrées, tout

afflux de sang étant impossible dans les capillaires, on a le

stade de syncope locale.

Si la constriction des artérioles persiste alors que celle des

veinules moins riches en fibres musculaires disparaît, le sang

noir reflue des grosses veines dans les veinules et dans les ca-

pillaires, on a l'asphyxie locale.

Raynaud expliquait, par la localisation dans l'axe bulbo-

MALADIE DE RAYNAUD ET ERYTIIR0111ELALGIE. 183

spinal du centre de l'action réflexe, la symétrie des phénomènes.

Il s'appuyait pour prouver cette localisation sur la constric-

tion de l'artère centrale de la rétine qu'il avait constatée chez

des malades atteints de cette affection. Il préconisait l'emploi

de courants continus descendants appliqués sur la colonne

vertébrale pour diminuer le pouvoir excito-moteur de la moelle.

A la théorie centrale de Raynaud, Vulpian a opposé la

théorie périphérique. Le resserrement des vaisseaux sous l'in-

fluence du froid a lieu d'abord par excitation directe des vais-

seaux de la peau, mais la cause la plus active doit être une

action réflexe vaso-constrictive très énergique provoquée par

l'excitation des extrémités des nerfs cutanés centripètes et pro-

duite par l'intermédiaire des ganglions situés sur le trajet des

fibres vaso-motrices à une faible distance de la terminaison

dans les parois vasculaires. '

La symétrie s'explique par le fait qu'il s'agit de sujets chez

lesquels la prédisposition locale naît sous l'influence d'une

modification générale de l'économie et doit être à peu près

égale dans les parties homologues des deux parties du corps.

Quant à la période menstruelle, Vulpian pense qu'elle met

le système nerveux dans un état d'excitabilité tout à fait

exagérée pendant laquelle les moindres impressions faites sur

la peau peuvent donner lieu à des réactions hors de propor-

tion avec elles.

Faisons remarquer d'abord que la symétrie n'existe pas dans

tous les cas. Encore récemment Zeller' a publié un cas de

gangrène spontanée chez une femme de vingt ans, chlorotique,

souffrant depuis peu de douleurs articulaires. Elle eut une

teinte violacée des extrémités des doigts alternant avec de

l'anesthésie. Puis survint une nécrose des doigts de la main

allant jusqu'à la partie moyenne de la deuxième phalange.

L'amputation fut nécessaire, les artères ne donnaient pas pen-

dant l'opération.

Mais, peut-on répondre, bien que l'origine médullaire n'en

soit pas douteuse, ne peut-il y avoir de paralysie infantile

hémiplégique ? .

En faveur de la théorie de Raynaud on peut d'ailleurs faire

valoir, outre les troubles papillaires sur lesquels il a insisté

à juste titre les phénomènes urinaires, troubles vaso-mo-

1 Berliner Kiiiiische Wochenschrift, 1893.

184 . PATHOLOGIE NERVEUSE.

teurs dépendant de l'influence d'une cause commune. à la ma-

ladie de Raynaud, que la cause en soit l'hystérie ou toute autre.

On peut encore mettre en ligne les troubles encéphaliques

concomitants. Déjà Raynaud avait dit : « Le sommeil est lourd,

la face rouge, congestionnée. Au réveil, le malade ne sait où il

est, il a perdu la notion du temps, semble étranger à tout ce

qui l'entoure et reste un temps considérable dans un état d'hé-

bétude profonde. On est autorisé à craindre du côté de l'encé-

phale un travail morbide analogue à celui qui occupe la péri-

phérie. »

Bien plus, on a noté la coïncidence des troubles vaso-mo-

teurs paroxystiques et des troubles convulsifs de l'épilepsie,

par exemple. Féré ' a publié plusieurs cas, dont un d'asphyxie

c disséminée ». Le trouble asphyxique a diminué considérable-

ment depuis que les accès ont disparu.

Dans la paralysie générale, où les troubles vaso-moteurs

sont très nombreux, où bon nombre de phénomènes, y com-

pris même l'inégalité pupillaire, dit Klipliel, par congestion

de l'iris, sont d'ordre vaso-moteur, où cet auteur a pu décrire

un foie dit vaso-paralytique, Iscovesco 2 a publié récemment

trois cas d'asphyxie locale des extrémités.

Dans la 1 y pémanie, Targowla a a montré un cas d'asphyxie

locale intermittente.

L'intérêt doit porter surtout sur la folie circulaire.

Ritti* a publié en 1882 deux observations de folie circu-

laire où pendant les périodes de dépression, les malades pré-

sentaient de l'asphyxie locale des extrémités. Il pense que le

spasme des vaisseaux capillaires des mains qui produit les phé-

nomènes de Raynaud existe au niveau des vaisseaux encépha-

liques cérébraux et que la dépression n'est que le résultat de

l'anémie cérébrale consécutive à cette contraction spasmodique.

Il nous faut surtout retenir la coexistence des troubles des

extrémités et de l'encéphale, ce qui indique la mise en jeu

d'une influence centrale portant à la fois sur les nerfs des vais-

seaux des membres et du cerveau.

La confirmation se trouve encore dans notre cas. Les phé-

1 Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1891.

' Société de biologie, 1894.

3 Annales médico-psycliologiques, 1892.

'Annales médico-psychologiques, 1882.

MALADIE DE RAYNAUD ET ÉRYTHROMÈLALGIE. 1 85

nomènes vaso-moteurs apparaissent ou sont produits artificiel-

lement sous l'influence de l'émotion ou de l'idée fixe. Ils ont

donc comme cause un réflexe dont le point de départ est dans

les centres nerveux eux-mêmes (réflexe interne). Suivant que

l'émotion est plus ou moins vive, la syncopo locale ou l'as-

phyxie locale se produit'. : Quant à l'influence (non constatée dans notre cas des mens-

trues), il faut tenir compte de la suggestibilité très grande des

femmes à cette époque, au moins dans les cas hystériques de

l'affection, où les phénomènes vaso-moteurs sont sous la

dépendance de causes psychiques.

En ce qui concerne l'érythi,oinélalgie, les auteurs, d'habi-

tude, font une pathogénie par comparaison avec la maladie de

Raynaud. Ce serait une angio-névrose paralytique due soit à

une diminution du pouvoir excito-moteur des centres médul-

laires, soit à une modification directe ou réflexe des ganglions

situés sur le trajet des fibres nerveuses.

Suivant les cas observés, ils acceptent l'une ou l'autre des

explications qui sont l'analogue soit de la théorie de Raynaud

soit de celle de Vulpian.

Dans leur mémoire, Lewin et Benda prennent le parti d'être

éclectiques. Admettant que l'érythromélalgie est un complexus

symptomatique né sous des causes très variées, ils n'acceptent

pas une théorie univoque. Ils concluent à la théorie soit cen-

trale, soit périphérique. -

Pour l'érythromélalgie de nature hystérique, l'origine cen-

trale peut être admise comme pour la maladie de Raynaud.

Elle s'appuie sur la coexisteuce des phénomènes urinaires,

du gonflement avec douleurs testiculaires paroxystiques (cas de

Auché-Lespinasse).

Notre cas montre d'ailleurs d'une façon très nette le réflexe

à point de départ central (émotion, idée fixe) qui cause la

symptomatologie. '

Il serait séduisant d'aborder, à propos de nos faits, la théorie

vaso-motrice de l'hystérie que Vulpian a combattue. Mais il

est prudent d'éviter ce terrain tout d'hypothèses.

Répétons, en terminant, qu'en tète des phénomènes vaso-

moteurs de l'hystérie on trouve l'émotion ou l'idée fixe sub-

Quelquefois le point de départ de l'excitation est périphérique. Elle

est en rapport avec le froid.

186 PATHOLOGIE NERVEUSE.

consciente; fait important au point de vue théorique, car il

rapproche les troubles vaso-moteurs d'autres phénomènes

hystériques ; fait intéressant au point de vue de la pratique car la

suppression par l'hypnose de ces idées fixes peut produire la

guérison. -

On peut résumer ce travail dans les conclusions suivantes :

A. -1° Il est certaine forme de maladie de Raynaud qui est

purement hystérique. Elle est susceptible de naître et de

réapparaître sous l'influence d'une vive émotion morale, et

de présenter par la transformation de cette émotion en idée

fixe subconsciente une série d'accès subintrants. Elle peut

disparaître ou s'améliorer par l'hypnose, mais laisse après elle

un système vaso-moteur plus facilement excitable;

2° Le rhumatisme articulaire aigu se retrouve fréquemment

dans les antécédents et peut servir de cause localisatrice pour

les accidents hystériques;

3° Le début est brusque, l'origine est émotionnelle. Elle est

de nature psychique. Il y a coexistence de phénomènes uri-

naires, anurie et polyurie;

4° La gangrène est vraisemblablement possible dans cette

forme;

5° Les exemples de maladie de Raynaud chez les hysté-

riques ou causée par les émotions sont nombreux. Nous avons

ajouté des observations typiques. Parfois, il y a coexistence de

ces phénomènes chez deux soeurs, chez un père et sa fille.

13. - 6° Il est certaine forme d'érythromélalgie qui est pure-

ment hystérique. Elle est en rapport avec une vive émotion

ou une idée fixe subconsciente.

On y retrouve souvent le rhumatisme articulaire aigu, les

phénomènes urinaires, le début brusque, la variation des phé-

nomènes en rapport avec la pensée du malade.

Elle guérit par l'hypnose, mais laisse un système vaso-mo-

teur susceptible, aux émotions ;

C. 7° Les faits observés servent de contribution à l'étude

des maladies par émotion.

Ils s'ajoutent à la liste déjà longue des troubles vaso-mo-

teurs de l'hystérie ;

Ils ne constituent pas d'ailleurs des maladies autonomes,

DE LA PARANOÏA. 187 -1

mais des complexus symptomatiques qui peuvent se trans-

former l'un dans l'autre, et qui, dans le cas présent sont issus

de la même névrose, l'hystérie.

D. - 8° Pour les syndromes de Raynaud et de Weir Mitchell

rattachés à l'hystérie, la théorie centrale doit être acteptée.

Raynaud avait invoqué en faveur de la pathogénie de l'as-

phyxie locale, les phénomènes qui se passent du côté de la

papille. Nous insistons sur les troubles urinaires et encépha-

liques, et nous appuyons d'autre part sur l'existence de l'as-

phyxie des extrémités dans la lypémanie, la paralysie géné-

rale et surtout la folie circulaire ;

9° Il est nécessaire, pour le traitement des malades et le

diagnostic étiologique du syndrome, de pénétrer dans l'histoire

psychologique des sujets.

L'hypnose permet de préciser la cause immédiate de l'affec-

tion et de procurer la guérison.

CLINIQUE MENTALE.

LES DÉLIRES PLUS OU MOINS COHÉRENTS DÉSIGNÉS S

SOUS LE NOM DE PARANOÏA (suite) ' ;

Par le Dl P. KERAVAL,

Médecin en chef des asiles de la Seine.

Nous en avons fini avec la bibliographie de l'Allemagne telle

qu'elle est ; nous répéterons à dessein que toute erreur de

termes est radicalement impossible, puisque cette analyse est

empruntée au précieux mémoire de M. Cramer. Dès mainte-

nant, tout nuage est sans doute dissipé. La lecture des mor-

ceaux que nous venons de présenter en les accompagnant, au

moment opportun, des commentaires utiles, supprimerait toute

' Voir Archives de Neurologie, n°' 94, 95, z. ,

188 CLINIQUE MENTALE.

équivoque. Mais il nous paraît préférable de renforcer la lu-

mière en complétant nos moyens d'information.

Jusqu'ici nous avons emprunté à un savant étranger les

éclaircissements nécessaires pour l'intelligence des textes etdes

choses de ses compatriotes. Et il en est ressorti pleinement que

- les délires plus ou moins cohérents décrits alternativement,

suivant les préférences phonétiques des auteurs, sous les noms

de Wahnsinn, Ve2rücktbeil, Paranoïa, Verwirrtheit désignent

des variétés d'aliénation mentale, sans lésions, ayant pour élé-

ment symptomatique principal l'idée délirante en passe de

se systématiser, et que chacune de ces dénominations spé-

ciales caractérise une modalité. Systématisation parfaite et

cristallisée, diffusion des éléments de systématisation, confu-

sion mentale complète quoique elle-même imprégnée de bribes

des mêmes délires ? C'est ce que montre avec plus de vigueur

encore l'analyse bibliographique des auteurs français présentée

par M. Cramer. Elle nous met en possession des définitions

exactes. Nous résumerons cette partie de son étude.

L'auteur reconnaît que la folie systématique chronique ou

paranoïa chronique est née en France avec Lasègue, qui en

1852 a décrit le délire des persécutions, et que les formes chro-

niques de la paranoïa ont été magistralement étudiées chez

nous. c Comme l'a dit Séglas, ajoute-t-il, la théorie de la pa-

ranoïa a germé en France. »

11 en rapproche et les observations de Morel sur les hérédi-

taires successivement hypocondriaques, persécutés et méga-

lomanes, et la dénomination de folie systématisée appliquée

par le même savant à la monomanied'Esquirol; il met en relief

que les deux premières classes de dégénérés de Morel compren-

nent presque toutes les formes qui plus tard ont été décrites

sous le nom de délires systématisés primitifs.

- A la même catégorie appartiennent encore les formes de

folie avec prédominance du délire des grandeurs de Foville

(1871), l'étude de Legrand du Saulle sur le délire des persécu-

tions (1877), les aliénés persécuteurs (()Mce)'e ? : /aeHMaAH) ou

individus à tares héréditaires de Jaquet (1876) et Falret.

Mais ce domaine de la folie systématique chronique, qu'il

semblerait si naturel de se contenter de diviser en autant de

lots qu'il semble y avoir de genres ou d'espèces, a été sou-

mis à un remaniement aussi instructif que documenté. Peut-

être faut-il en chercher le motif dans l'importance que prennent

DE LA PARANOÏA. 189

de jour en jour nos besoins d'appliquer des idées générales.

C'est pourquoi Magnan, reprenant et étendant la théorie de

Morel sur la folie des dégénérés, des héréditaires dégénérés,

propose de diviser les aliénés de la façon suivante : les délires

liés aux intoxications ; les délires dus aux névroses ; les délires

par lésions organiques de l'encéphale; les formes délirantes

élémentaires telles que la manie et la mélancolie.

Puis, deux grandes classes : 1° celle des dégénérés hérédi-

taires ; 2° celle des délirants chroniques.

La classe des dégénérés héréditaires comprendrait les délires

systématisés plus ou moins cohérents qui ont été précédem-

ment signalés et qui en réalité sont bien difficiles à classer. Celle

des délirants chroniques aurait pour représentant le délire des

persécutions de Lasègue augmenté d'une période, celle du

délire des grandeurs, et terminé par la démence, folie systé-

matique par excellence.

Il s'agit de savoir si cette division est légitime, si la dégéné-

rescence mentale joue un rôle dans les psychoses ? S'il y a

une folie caractérisant la dégénérescence mentale ? S'il y a une

folie systématique progressive à quatre périodes.

Les uns (Paul Garnier, Briand, Lwoif) soutiennent l'exis-

tence du délire chronique tel qu'il est formulé par Magnan.

Pour distinguer un délire systématisé dégénératif d'un délire

chronique pur il faut envisager : < l'état mental du sujet, les

syndromes épisodiques développés sur cet état mental, enfin

l'évolution, l'allure particulière et les caractères spéciaux des

délires multiples qui se produisent chez le même individu. »

La dégénérescence, productrice de ces délires multiples, résulte

non seulement de la notion des tares héréditaires constatées

chez les ascendants, mais encore des influences nuisibles qui

ont pu agir pendant la conception, la vie foetale et la première

jeunesse. Quant au délire chronique, il peut germer sur des

héréditaires mais non sur des dégénérés, et il aceci de particu-

lier, qu'une fois développé il suit son cours systématique et

progressif sans désemparer jusqu'à ce que le malade soit tombé

en démence.

M. Falret n'admet pas que le délire des grandeurs que l'on

rencontre dans le délire des persécutions se substitue à celui-ci;

il s'y joint. Et, ajoute M. Delasiauve, il s'y joint aux périodes

les plus différentes, voire au début, l'évolution indiquée par

M. Magnan concernant des faits exceptionnels (Christian)

190 CLINIQUE MENTALE.

C'est aussi l'avis de M. Bail qui critique l'expression de délire

chronique et préfère le nom de maladie de Lasègue pour

désigner le délire des persécutions. M. Dagonet pense que celui-

ci peut aussi évoluer sans idées de grandeur et ne se termine

pas nécessairement par la-démence.

M. Camuset est d'avis que le délire chronique englobe un

grand nombre de psychoses analogues, débutant et évoluant

suivant une règle immuable, ne s'observant que chez les sujets

non dégénérés, normaux jusqu'au début de leur affection. Les

vésanies essentielles comprendraient alors deux grandes classes :

il, celle des folies chroniques régulières ou délires chroniques;

2° les folies irrégulières ou délires des dégénérés.

La tare héréditaire, qui peut du reste être constatée chez les

délirants chroniques, n'est point synonyme de dégénérescence,

mais la notion de la dégénérescence est trop compréhensive,

car les signes de dégénérescence sont tellement nombreux

qu'on peut se demander à bon droit c s'il existe des individus

assez privilégiés pour être absolument exempts de toute tare

de dégénérescence ». C'est une atténuation des opinions de

Magnan qui exigent, ainsi que l'a fait remarquer Bail, la

contemplation des malades pendant toute leur vie, à la condi-

tion que le médecin qui les observe ne meure pas lui-même,

tant pour établir la notion de la dégénérescence que pour

formuler le diagnostic de délire chronique. Et encore n'est-on

pas bien sûr de ne pas commettre des erreurs comme l'a

montré Séglas et comme l'a reconnu M. Magnan.

M. Marandon de Montyel, contrairement à MM. Bail et

Pichon qui pensent que beaucoup d'ambitieux n'ont jamais

été persécutés et que beaucoup de persécutés ne deviendront

jamais ambitieux, a connu très peu de persécutés qui n'aient

eu, pendant leur existence, des idées de grandeur, et n'a jamais

vu de délire systématisé aboutissant à la démence sans une

phase mégalomaniaque préalable. Il serait légitime, à son sens,

de donner le nom de Lasègue à la seconde période (des persé-

cutions) du délire chronique, et celui de Foville à sa troisième

période (mégalomaniaque). Mais, en réalité, pour lui, le délire

chronique englobe toutes les espèces de délires systématisés.

Telle est la doctrine unitaire formulée par Gérente en 1883,

et par Régis en 1885. Les diversités de ces délires tiennent à la

différence d'explications des sensations morbides sur lesquelles

repose la déviation du raisonnement.

DE LA PARANOÏA. 191

C'est reconnaître implicitement les opinions des auteurs

allemands ayant fabriqué ou adopté, à la suite de leurs expli-

cations mécaniques, les mots Wahnsinn (composé de délire et

sens) Verriicktheit (déplacement de l'esprit). Paranoïa

(synonyme grec de Verrüclttheit). Wahnsinn offre, de plus,

cette particularité qu'il peut servir à désigner un délire plutôt

systématisé ou un délire à éléments peut-être systématiques

mais plutôt hallucinatoire : dans le premier cas à lui seul il

signifie sens délirant, dans le second on le retourne et on

a, comme l'a fait Herz, Sinnenwahn, c'est-à-dire délire

sensoriel synonyme d'hallucinatorischer Wahnsinn.

On arrive aux mêmes constatations en reprenant les trois

possibilités de Falret. 1° Ou bien les idées de grandeurs arrivent

chez les persécutés par déduction logique ; 2° ou bien elles

sont spontanées et provoquent des idées de persécution ou

servent à les coordonner; 3° ou bien enfin elles dérivent des

hallucinations sensorielles. Fréquemment aussi il existe une

période latente au cours de laquelle il est difficile d'établir

s'il y a ou non de la mégalomanie.

La même observation nous serait suggérée par la classifica-

tion des idées morbides de persécution de Charpentier en idées

de persécution pouvant aller jusqu'au délire d'origine trauma-

tique ou chirurgicale idées de persécution pendant et après

les maladies aiguës persécutés à idées délirantes empruntées

aux délires idées délirantes de persécution simulant celles de

l'ivresse (fausses ivresses) mélancoliques devenant persé-

cutés- persécutés par pléthore congestive-persécutés arthri-

tiques par mélancolie torpide persécutés avec hallucinations

et délira systématique (sensoriels, psychiques, psycho-senso-

riels) persécutés devenant mégalomanes.

Telle est la synonymie française, reconnue par les Alle-

mands, des formes chroniques du délire systématisé ou paranoïa

chronique. Ils considèrent, qu'en ce qui a trait aux formes

aiguës de la Paranoïa, c'est le récent travail de Chaslin qui

présente l'état de la question en France.

Toutes les psychoses aiguës « qui ne sont ni des manies, ni

des mélancolies, ni ce qu'on appelle des délires des dégénérés »

méritent en effet, d'après lui, le nom de confusion mentale

primitive. Il la définit : .« une forme de maladie mentale, aiguë

ordinairement, qui n'est ni de la manie, ni de la mélancolie,

qui doit être attribuée à l'épuisement rapide et brusque du

192 CLINIQUE MENTALE.

système nerveux central (très souvent consécutif, pour les

auteurs les plus récents, à l'infection ou à l'auto-intoxication),

et qui doit être séparée de ce qu'on appelle la dégénérescence.

C'est une forme intermédiaire entre les psychoses et les folies

"à lésions accentuées et profondes ; elle revêt souvent le carac-

tère d'une véritable maladie, par les phénomènes somatiques,

dénutrition, fièvre, qui l'accompagnent. Au point de vue

psychique, elle est essentiellement caractérisée par la confusion

des idées, par suite de l'affaiblissement et de l'incoordination

du processus de l'association des idées, de la perception, de

l'aperception personnelle; elle peut être ou non accompagnée

d'agitation motrice, ou de dépression, ou de stupeur. Le ton

émotionnel est souvent indifférent, ou, au contraire, présente

des variations brusques. Elle a la plus grande analogie avec

les délires par intoxication chronique. Elle me paraît mériter

le nom de confusion mentale sous laquelle elle a été décrite

en France, en ajoutant primitive afin de la distinguer des

formes où il y a aussi confusion, mais secondaire. Chaslin

admet d'ailleurs que certaines observations de Kahlbaum

(catatonie cataleptiforme) sont de la confusion mentale ou

Verwirrtheit. Il se réfère aussi aux travaux de Delasiauve (1851),

Becquet (1866) et de Dagonet (1872). Il ne lui donne pas moins

vingt-huit synonymes qui sont :

Démence aiguë (Esquirol, Brierre de Boismont) ;

Stupidité, stupeur (Georget, Ferrus, Delasiauve, Dagonet);

Confusion, confusion hallucinatoire (Delasiauve);

Délire de dépression (Lasègue) ;

Délire d'inanition (Becquet);

Torpeur cérébrale (Bail);

Acùte primoere Verrücktheit (Westphal) ;

Hallucinatorischer Wahnsinn (de Krafft-Ebing) ;

Hallucinatorische Verwirrtheit (Meynert, Fritsch) ;

Verwirrtheit (Wille);

Délire asthénique aiguë (Mayser) ;

Acuter Wahnsinn (Schuele);

Hallucinatorische Verworrenheit (Konrad, Scholz, Salgo) ;

Asthenische und hallucinatorische Verwirrtheit(Kroepelin);

Hallucinatorisches Irresein (Fuerstner) ;

Dementia generalis ou subaiguë (Tilling) ;

Manie hallucinatoire (Mendel) ;

Amentia (Meynert, Serbsky);

DE LA PARANOÏA. 193

Dysnoia, psychose polynévritique (Korsakow) ;

Délire sensoriel (Scherschetsky);

Folie générale (Rosenbach);

Paranoïa aiguë ou hallucinatoire (divers auteurs);

Primary confusional insanity (Spitzka) ;

Acute hallucinatory confusion (Spitzka);

Stupor, delusional stupor (Hayes, Newington);

Acute confusional insanity (Conolly Norman) ;

Frenosi sensoria acuta (Morselli) ;

Stupidita (Morselli).

Séglas, dans sa revue magistrale sur la paranoïa, en rejette

la Verrücktlceit aigicë, de Westphal, dont nous avons examiné

plus haut toutes les modalités, il en fait des épisodes mélan-

coliques ou maniaques plus ou moins accentués.

La littérature anglaise désigne les délires de la paranoïa sous

les noms de delusional insanity, qui doit remplacer l'expres-

sion de monomanie (Buknill et Tuke) ; on leur attribue ce

caractère commun de se traduire par des idées délirantes et

des hallucinations sensorielles, avec conservation de l'intelli-

gence et de la mémoire (Wiglesworth) ; en dehors de ces deux

éléments morbides, les malades ressemblent tout à fait à des

gens sains d'esprit (Savage). Spitzka, en Amérique, a conservé

le nom de monomanie, mais dans le cas qu'il décrit, il signale

l'affaiblissement des facultés et une tare héréditaire considé-

rable.

Qui ne connaît, depuis le travail de Séglas, la littérature et

et les opinions italiennes sur ce sujet. Pour M. Cramer, Mor-

selli et Buccola ont, sous le nom de folie systématisée (pazzia

sistemalizzata) , distingué deux catégories : 1° les délires systé-

matisés ayant pris naissance sur un terrain préparé, sur une

unité mentale ayant subi préalablement des anomalies de

développement. C'est, dit-il, la folie systématique originelle

origincere Vei-21lektheil) de Sander; 2° les délires systématisés

survenant sur un terrain parfaitement développé.

Réunissant le tout sous le nom de paranoïa, Amadei et

Tonnini présentent la classification suivante : -.

194 CLINIQUE MENTALE.

' DE LA PARANOÏA. 195

quant à la paranoïa aiguë (frenosi sensoria acuta) et à la

paranoïa secondaire ce sont des psychonévroses tout à fait

distinctes des deux premières, qui sévissent sur un cerveau

ayant bénéficié de son entier dépeloppement.

Nous n'avons plus qu'à mentionner la littérature russe. Les

termes qu'on y rencontre sont calqués sur la bibliographie

allemande ou sur la bibliographie française, suivant les ma-

nières de voir adoptées par les savants slaves.

C'est le travail russe de M. Korsakow qui montre le mieux

la connexion des termes et des doctrines.

On y trouve par exemple la classification admise par la So-

ciété des psychiatres de Saint-Pétersbourg dans sa séance du

5 avril '1886 (p. 176). Elle comprend treize formes : la mélan-

colie ou folie sombre, la manie, - la paranoïa ou folie

systématique primitive (liercvitsclanoe soumasscheslvie) aiguë

ou chronique, la démence (slaboomie) consécutive à la ma-

nie, à la mélancolie, à la paranoïa, aux lésions cérébrales orga-

niques, à la sénilité, la paralysie générale progressive,

les psychoses (pomieschateillstvo) hystériques, épileptiques et

périodiques, -ledelirium tremens, le délire (bredd) aigu,

l'imbécillité, l'idiotie et le crétinisme, -les cas particu-

liers.

Après avoir reproduit la nomenclature admise par le Con-

grès international de Paris (1889), M. Korsakow s'exprime

ainsi :

Ces deux classifications ne donnent pas complètement satis-

faction aux exigences des nosographes, aussi les travaux relatifs à

la confection d'une classification plus appropriée, se poursuivent-

ils encore actuellement.

En proposant une nouvellerépartitiou des dérangements psychi-

ques, j'ai en vue : 40 d'appliquer à chaque forme de dérangement

mental une dénomination définie; 2° de fournir une classirica-

tion satisfaisant par sa forme essentielle aux nécessités de la

clinique.

Le tableau de la classification nouvelle de M. Korsakow avec

la synonymie qui ressort de la lecture de ses développements

(pathologie spéciale, p. 292 et suivantes) indiquera sur-le-

champ ses manières de voir.

' Kours psichiatrii. Moscou, 1893.

196 CLINIQUE MENTALE.

PREMIÈRE CLASSE.

DÉSORDRES PSYCHIQUES, SYMPTOMATIQUES ET ÉPHÉMÈRES.

DE LA PARANOÏA. 197

198 CLINIQUE MENTALE.

- DE LA PARANOÏA. 199

Dans la grande majorité des cas, dit M. Korsakow, la para-

noïa apparaît comme une maladie chronique, jusqu'ici tou-

jours incurable. Mais les observations démontrent qu'il y a des

circonstances dans lesquelles, d'après l'analyse psychologique

de l'état du malade, sa maladie doit être rangée dans la para-

noïa, seulement c'est une paranoïa à début assez rapide, à

guérison possible et parfois accélérée. Il s'agit donc alors d'une

paranoïa aiguë ou subaiguë ; il y a dans l'espèce délire primitif

rapide dans son apparition et sa disparition. Ces deux formes-là

se rapprochent beaucoup de l'amenlia délirante. Ce qui sépare

cette dernière maladie (appelée par beaucoup d'auteurs délire

hallucinatoire aigu) de la paranoïa aiguë, c'est l'obnubilation

de la conscience ; la paranoïa aiguë est donc une forme de

transition entre la paranoïa chronique et l'amentia.

De même le délire asthénique est précisément à la limite des

états psychopathiques passagers et des maladies psychiques

bien déterminées, telles que l'amentia de Meynert et la psychose

polynévritique; en conséquence, quand il débute, dans les

premiers jours d'une confusion mentale asthénique, il est im-

possible de dire si nous n'avons affaire qu'à un désordre éphé-

mère ou si nous sommes au début d'une affection longue.

La folie systématique primitive {paranoïa primordialis-pri-

msere M ? 'rMcA<Ae ! < pervétsehnoe pomieschaleilstvo) aiguë,

subaiguë ou chronique, n'est, d'après le savant russe, pas une

affection dégénérative.

La paranoïa secondaire est constituée, suivant lui, par les

éléments du délire existant à la période aiguë des maladies et

survivant à cette période aiguë ; on en a un exemple dans la

mélancolie avec délire et hallucinations; la période aiguë dis-

paraît emportant l'état dépressif et l'angoisse, le délire de-

meure et s'organise.

Les formes mixtes sont représentées par les observations

dans lesquelles coexistent les caractères de la mélancolie, de

la paranoïa, et quelquefois de l'amentia ; on enregistre des

idées délirantes de grandeur et de persécution, un état mélan-

colique ou maniaque, des accidents hystériformes, catalep-

toïdes, etc.

Nous retrouvons la paranoïa dans le groupe de la dégéné-

rescence {paranoïa originaria). Chez beaucoup de dégénérés

(nous citons M. Korsakow), il existe une tendance à une asso-

ciation d'idées incorrectes; il en résulte des assemblages sem-

200 CLINIQUE MENTALE.

blables à des idées fausses (superstitions, préjugés). Aussi inter-

prètent-ils incorrectement leurs rapports avec le monde extérieur r

Chez quelques-uns, cette déviation du raisonnement prédomine,

on la constate dès l'enfance, elle les conduit à former un délire

systématique (sistenaalizi rovanni) durable. C'est ainsi que se

développe une paranoïa innée. Cette paranoïa, par la teneur

de son délire, ressemble au type commun de la paranoïa chro-

nique, son seul caractère distinctif, c'est que le début de la

folie systématique (pomieschateilstvo) remonte à l'âge le plus

tendre. 0

Au chapitre des syndromes non classés, voici ce que dit l'au-

teur. Il est impossible d'énumérer tous les aspects des pen-

chants exagérés des persécutés, des dégénérés. Nous ferons en-

core connaissance avec quelques-uns d'entre eux quand nous

décrirons la folie systématique (ponaieschateilstvo) par obses-

sions. Les obsessions sont phénomènes fréquents chez les dégé-

nérés. Magnan en fait même un des symptômes psychiques

les plus graves de la dégénérescence héréditaire ; il croit que

chez presque tous les dégénérés il existe à un degré plus ou

moins accentué, et, pour le moins, à l'état épisodique, des idées

obsédantes, ou telles et telles anomalies des penchants. Il y

jointles syndromes épisodiques chez les dégénérés héréditaires ;

épluchant les commémoratifs d'une personne chez laquelle-on

soupçonne une des formes dégénératives héréditaires, il cherche

avec soin ces éléments à quelque période de la vie passée, pour

confirmer la dégénérescence supposée. D'accord ! ces phéno-

mènes sont très fréquents chez les dégénérés, mais il y a des

cas de dégénérescences inaccessibles à cette démonstration.

Enfin, contrairement à Meynert, M. Korsakow sépare le dé-

lire aigu de l'amentiaà cause de l'élévation thermique, tout en

ne se sentant pas en mesure de réfuter l'opinion des psychia-

tres qui tiennent le délire aigu pour un état particulier pou-

vant se joindre à diverses maladies mentales. Le dosage des

éléments morbides qui nous occupent est par conséquent affirmé

à chaque pas dans ce traité de pathologie mentale. La classifi-

cation en représente nettement la progression.

(ft suivre.)

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

XXXVII. Note SUR l'amnésie rétrograde après DES tentatives DE

suicide par pendaison; par le D1' E. Régis, chargé du cours des

maladies mentales à la Faculté de médecine de Bordeaux. (Ar-

chives clin, de Bordeaux.)

L'amnésie rétrograde ou rétroactive est la perte de la mémoire

des faits antérieurs. Les traumalismes du crâne et les commotions

morales violentes la déterminent fréquemment. Signalée à la suite

de la pendaison, elle devrait être alors attribuée, d'après Sollier,

à des traumatismes crâniens antérieurs à la strangulation. Cet

auteur prétend, en effet, dansson excellent ouvrage sur les Troubles

de la mémoire, que l'amnésie rétrograde ne se manifeste que dans

les cas de strangulation criminelle et que « lorsque la strangula-

tion a été volontaire, comme dans le suicide par pendaison, il ne

croit pas que l'amnésie ait été signalée ». C'est pour rectifier cette

opinion erronée c d'un auteur justement estimé » que M. Régis

entreprend ce travail.

M. Régis a trouvé dans la littérature médicale un certain nombre

de cas d'amnésie rétrograde à la suite des tentatives de suicide par

pendaison. Cli. Féré et Bréda en 1886, dans cette revue même,

Terrien en 1887 {Progrès médical) en ont publié des exemples.

M. Bourneville cite à la suite des faits de Terrien une observation

parue en 1870 dans The Laiicet, où un malade z( ne voulait pas dire

pourquoi il s'était pendu et n'avait aucun souvenir de ce qui lui

était arrivé. »

Butakow (1890), Wagner (1891) ont signalé des faits analogues.

Les cas de Wagner provoquèrent même de la part de Mobius des

affirmations pathogéniques contradictoires. Ce dernier, en effet

attribuait à l'hystérie, les phénomènes convulsifs et l'amnésie que

Wagner mettait sur le compte d'un trouble de nutrition dû à la

strangulation. Quoi qu'il en soit, un fait bien établi, c'est que l'am-

nésie rétrograde après les tentatives de suicide par pendaison

existe et n'est même pas absolument rare. M. Régis à ce propos

publie l'intéressante observation suivante :

« Un matin du mois de novembre 1887,, vers 7 heures, je suis

appelé en liâte auprès d'un malade de l'asile d'aliénés de X..., qui

venait de se pendre. C'était un homme de soixante et un ans,

atteint de lypémanie anxieuse avec délire de culpabilité imagi-

202 12 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

naire et d'indignité, peur de l'excommunication et de l'enfer,

refus d'aliments, propension très marquée au suicide, etc.

L'interne, en faisant, sa tournée du matin, l'avait trouvé accro-

ché par sa serviette au boulon du volet intérieur de la fenêtre de

sa chambre qu'on venait d'entr'ouvrir, environ à 1m,50 de

hauteur. Les genoux, repliés sur eux-mêmes, touchaient pres-

que le sol ; la tête était inclinée en avant et à droite, la joue

gauche appuyée fortement contre le volet ; la langue était pen-

dante et tuméfiée, le pantalon mouillé d'urine. Après l'avoir décro-

ché en le soulevant, puis étendu et dégagé de ses liens, l'interne

était venu me chercher.

Amen arrivée, je trouvai M. X... ne respirant plus, insensible,

les pupilles dilatées, avec toutes les apparences de la mort. Je

pratiquai la respiration artificielle, qui finit au bout d'un certain

temps par amener un très léger mouvement de respiration, et à

partir de ce moment j'activai le retour de cette fonction par l'ad-

jonction de flagellations énergiques. Vers dix heures, la vie com-

mença véritablement à revenir et je pus quitter le malade; mais

ce ne fut que le soir, vers six heures, qu'il reprit entièrement con-

naissance.

Je ne sais si, dans l'intervalle et durant mes absences, il eut des

convulsions et des mouvements automatiques de la marche ; je ne

les constatai pas pour ma part et ils ne me furent pas signalés. Il

faut dire aussi que je ne me préoccupai aucunement de l'existence

possible de ces phénomènes. Mais le fait qui me frappa fut le sui-

vant. Le soir même, lorsque M. X... fut revenu à lui, j'essayai de

l'interroger sur sa tentative de suicide et de le gronder doucement

à ce sujet. A ma grande surprise, il eut l'air de ne pas savoir de

quoi je lui parlais et quand je lui déclarai nettement qu'il savait

bien qu'il avait voulu se pendre, il demeura comme stupéfait. Ma

première pensée fut qu'il dissimulait. Avec les aliénés, en effet, il

faut toujours songer à la dissimulation et il en est beaucoup qui

nient leurs tentatives de suicide soit par réticence pure, soit pour

pouvoir recommencer à l'aise. Aussi mis-je comme un point d'hon-

neur à obtenir du malade un aveu, de sorte que pendant plusieurs

jours je le retournai pour ainsi dire en tout sens, essayant même

de le faire confesser par l'interne ou par son fils, qu'il adorait ; à

toutes les questions, à toutes les instances, il opposa les dénéga-

tions les plus absolues, se refusant à croire aux détails qu'on lui

donnait de l'accident, allant, malgré ses craintes religieuses, jus-

qu'à prendre Dieu à témoin de sa sincérité. Finalement, j'arrivai à

croire qu'il disait vrai et qu'il avait en effet perdu le souvenir de sa

tentative de suicide, ce qui, je l'avoue, mesurpritfort à ce moment.

En l'interrogeant dans ce sens, je m'assurai même que la lacune

de sa mémoire remontait en arrière jusqu'à la veille, au moment

du repas du soir, et qu'elle s'étendait en avant à toute la période

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 203

de ranimement, à ce point que M. X... ne se rappelait avoir eu ni

perte de connaissance, ni malaise quelconque. Il s'agissait donc

bien d'une amnésie rétrograde ou plus exactement rétro-antérograde

et je restai convaincu que les tentatives graves de suicide par pen-

daison pouvaient s'accompagner d'une perte lacunaire du souvenir,

tout comme les traumatismes du crâne ouïes violents chocs moraux.

Je dois dire que cet événement n'eut aucune influence sur l'état

mental du malade, dont le délire mélancolique et anxieux persista

avec la même acuité jusqu'au moment où, deux mois après, il fut

repris par sa famille et ramené dans son pays. b

M. Régis est d'avis que la rareté de ces cas diminuera dès' que

l'attention des médecins aliénistes y sera portée. La submersion

diffère donc à ce sujet de la pendaison, car s'il faut en croire l'ar-

ticle publié dans la Revue scientifique sur les sensations d'un noyé

par M. A.-C. Hartley, le souvenir des faits survenus jusqu'au

moment de l'inconscience est conservé avec une précision parfaite

dans la submersion.

Quant à la pathogénie de l'amnésie, M. Régis croit que les diver-

ses opinions émises par les auteurs allemands sont moins inconci-

liables qu'elles le paraissent.

« L'amnésie traumatique, dit-il, l'amnésie par choc moral ou

hystérique, par absorption des gaz délétères, ou par pendaison-

suicide, seraient pour moi également d'ordre toxique et c'est parce

qu'elles sont commandées par une cause unique, Y auto-intoxication,

qu'elles sont cliniquement les mêmes. A l'appui de cette manière

de voir, on pourrait invoquer de nombreux arguments, notamment

les travaux récents et déjà bien connus démontrant l'importance

de l'auto-intoxication soit dans les grandes commotions physiques

et morales, soit dans les accidents de l'hystérie. J'ajoute, et c'est là

à mon sens un fait important, que l'amnésie rétro-antérograde

peut être observée, indépendamment de toute attache d'hystérie,

d'alcoolisme ou de trauma, dans les maladies infectieuses fébriles,

ainsi que Sciamanna vient de le démontrer. L'amnésie, avec ses

divers caractères, se rencontre donc à la base et comme expression

dominante des divers états toxiques, depuis l'alcoolisme et ses

analogues jusqu'aux maladies infectieuses fébriles, aux polynévri-

tes, aux ictus opératoires, etc. ; si bien qu'on peut raisonnablement

se demander aujourd'hui si toute manifestation grave d'amnésie ne

correspond pas à des phénomènes d'extra ou d'auto- intoxication. »

En terminant cet intéressant mémoire, M. Régis examine l'in-

fluence que peut avoir un choc émotionnel violent, tel qu'une

tentative grave de suicide, sur la marche d'une maladie mentale.

Parfois l'influence est favorable; dans d'autres cas, elle est nulle, et

l'observation qu'il a publiée rentre dans ce dernier cas; sans qu'il

soit possible, dit-il, d'indiquer les raisons de celte différence.

J. Noir.

204 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XXXVIII. Observation d'un cas DE NÉVROSE traumatique; par le

Dr DERODE. (l3ull. de la Soc. de Méd. ment, de Belgique, sept. 1894.)

Une jeune fille, sans antécédents névropalhiques, conduisait des

bestiaux à la campagne. Au~moment où elle traversait la voie du

chemin de fer, elle fut surprise par l'arrivée d'un train. Deux de

ses bêtes furent écrasées sous ses yeux. Elle-même fut sauvée par

un ouvrier qui la retira vivement en arrière au moment où la

machine allait l'atteindre. Elle n'avait aucune blessure, mais

elle perdit imédiatement connaissance et resta trois jours dans

cet état.

Cette jeune fille resta ensuite alitée pendant cinq à six semaines;

dans la journée elle était calme, inerte, indifférente à tout ce qui

l'entourait, pleurant fréquemment. La nuit elle était agitée,

sujette à des accès d'anxiété avec cris, rêves ou délire pendant

lequel revenaient constamment les images du train qui s'avançait

sur elle et allait l'écraser.

L'examen de la malade révèle les phénomènes suivants : dimi-

nution dans les divers modes de la sensibilité, rachialgie, rétré-

cissement concentrique du champ visuel , affaiblissement

considérable du pouvoir musculaire, tremblement, résistance aux

excitations électriques, exagération des réflexes, troubles vaso-

moteurs, etc. Ces signes de névroses s'accompagnaient d'un état

de dépression mélancolique. Se fondant sur ses constatations et

sur l'absence de tout antécédent morbide, les experts nommés,

à l'effet de savoir s'il y avait lieu d'accorder à cette jeune fille des

dommages-intérêts, conclurent à l'existence d'une névrose trau-

matique hystériforme probablement incurable. G. D.

XXXIX. SUR la nature systématique DU TABES dorsal;

par le Dr 130ftGHEBIN1.

L'auteur a étudié une malade atteinte de tabes incipiens vrai,

compliqué d'une insuffisance aortique qui peu .après entraîna la

mort; sur la moelle de cette malade il est arrivé, grâce à de nom-

breuses préparations, à reconstituer en totalité la lésion anato-

mique, avec tous ses degrés de siège et d'intensité.

En superposant selon leur siège normal les diverses coupes de la

moelle, on relève de suite, dans la lésion des cordons postérieurs,

deux maxima absolus d'intensité, l'un à la hauteur de la deuxième

racine lombaire, l'autre à la hauteur de la cinquième cervicale.

Partant de ces deux maxima absolus, la dégénération suit, tout

le long de la moelle, un parcours spécial : à partir du maximum

inférieur, elle décroît en largeur et en intensité soit par en bas

jusqu'aux dernières racines sacrées, soit par en haut, jusqu'aux

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 205

premières racines dorsales. A partir du maximum supérieur, elle

décroît pareillement en haut vers les premières racines cervicales

et en bas vers.la première dorsale.

La lésion porte surtout sur le faisceau de Burdach et mieux

encore sur la portion de celui-ci que Flechsig a désignée sous le

nom de zone radiculaire moyenne; elle correspond, comme siège,

à un système de fibres qui se développe, pendant la vie foetale, à

une époque intermédiaire à celle où se développent les fibres de la

zone radiculaire antérieure et celles des diverses parties dont se

compose la zone radiculaire postérieure.

Parallèlement à cette lésion du faisceau de Burdach, on observe

une autre lésion qui correspond au centre ovale de Flechsig, lequel

chez l'embryon, se développe en même temps que le système

de fibres ci-dessus indiqué appartenant à la zone radiculaire

moyenne.

La lésion, dans le cas présent, porte donc sur des aires corres-

pondant à des systèmes embryonnaires de fibres. {Revue neui,olo-

gique, 1893.) ' E. B.

XL. Note sur la comparaison DU béribéri avec LA névrite ALC00-

LIQUE au POINT DE vue clinique; par le Dr DE SACEUDA.

La confusion entre la polynévrite éthylique et le béribéri est

souvent difficile à éviter, d'autant plus que dans certains cas le

béribérique est en même temps un alcoolique invétéré.

Cependant, au milieu de cette confusion symptomatologique,

l'auteur a réussi à fixer certains points de différenciation : dans

le béribéri, contrairement à ce qui arrive dans la polynévrite

alcoolique ou dans les autres polynévrites de natures diverses, le

système nerveux sympathique est fort influencé dès le début de

l'affection, tachycardie, souffles doux éphémères à la base, dédou-

blements du second bruit, tension artérielle abaissée. (Revue neu-

rologique, 1893.) E. B.

XLI. Hémiplégie organique CHEZ UN enfant IIGBÉDO-S1PIIILITIQUE,

A la suite D'UNE chute; par le Dr Blocs.

Une observation d'hémiplégie motrice complète portant sur les

membres supérieurs et inférieurs, le tronc et le facial inférieur du

côté droit, hémiplégie survenue brusquement à la suite d'une

chute légère et non accompagnée de perte de connaissance.

Il ne s'agissait pas d'hystéro-traumatisme, pas non plus de

paralysie infantile. Seule l'origine cérébrale pouvait être incri-

minée ; le début de l'hémiplégie sans ictus apoplectique impliquait

incontestablement l'existence d'une lésion cérébrale de peu

d'étendue. '

e6 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

Mais d'autre part l'intensité de la paralysie et son extension à

toute la moitié droite du corps indiquaient la participation d'une

grande partie de la zone motrice. Or, il n'est guère qu'une région

du cerveau où se trouvent réunies ces deux conditions du rassem-

blement en un espace restreint d'un grand nombre de parties

motrices, c'est la capsule interne.

Le diagnostic de M. Blocq fut donc lésion de la capsule interne

à la suite de désordres vasculaires engendrés directement ou indi-

rectement par une prédisposition d'origine hérédo-syphilitique.

{Revue neurologique, janvier 1894.) E. B.

XLII. LES diplégies cérébrales infantiles; par le D1' FREUD.

Par un ensemble de déductions anatomiques, symptomatiques et

étiologiques, l'auteur se voit autorisé à faire de la rigidité généra-

lisée d'origine cérébrale (LitLie disease, AUgemeine cérébrale slarre),

de la rigidité paraplégique (tabès dorsal spasmodique des enfants) ;'

de l'hémiplégie spasmodique double; et enfin de la chorée congé-

nitale généralisée et de l'atliétose double, quatre types qui se

tiennent cliniquement de près, et quisontréunis les uns aux autres

par de nombreuses formes de transition et par des cas mixtes,

types auxquels on pourrait donner le nom commun de diplégies

cérébrales infantiles. (Revue neurologique, 1893.) E. B.

XLI11. Gangrène spontanée DES ORTEILS chez un tabétique;

par le Dr Pitres.

L'observation présentée par l'auteur est un nouvel exemple de

cette forme de gangrène massive des extrémités, d'origine névri-

tique, sur laquelle il a attiré l'attention en 1885. Il s'agit d'une gan-

grène développée chez un ataxique avéré, après une longue suc-

cession d'épisodes douloureux et de troubles trophiques provoqués,

selon toute vraisemblance, par l'évolution des altérations nerveuses

périphériques qui ont fini par déterminer la mortification en masse

de plusieurs orteils. La violence et la nature des douleurs qui ont

précédé cette mortification, l'intégrité dûment constatée de l'appa-

reil circulatoire, l'absence de diabète, d'albuminurie ou de toute

autre cause de gangrène dyscrasique ne peuvent laisser place à

aucun doute sur l'origine névritique de la gangrène. Et cependant,

à l'autopsie, les altérations des nerfs périphériques n'étaient, dans

ce cas, ni aussi profondes ni aussi étendues que dans les autres

exemples de gangrène névritique déjà décrits.

Cela tient vraisemblablement à ce que le malade n'a succombé

que seize mois après le développement de la gangrène. Quand il

est mort, l'élimination des parties sphacélées était depuis longtemps

achevée, la cicatrisation était complète et les nerfs avaient été le

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 207 f

siège d'un processus de régénération qui leur avait en partie rendu

leurs apparences normales. (Iteuiteneu7-ologique, 1893.) H. B.

XLIV. NOTE SUR LES troubles DE la motilité DES organes DE la

voix et DE l'articulation chez les sourds-muets ; par le Drrl Féré.

Chez les sourds-muets, non seulement les muscles qui doivent

concourir à l'articulation des mots sont inhabiles à exécuter ces

mouvements spéciaux, mais encore leurs mouvements sont fai-

bles, lents et peu précis lorsqu'il s'agit d'exécuter des actes vul-

gaires qui n'ont rien à faire avec la fonction spéciale du langage

articulé.

La réalité des troubles de la motilité indépendants de la fonction

d'articulation peut être mise en évidence par l'élude de l'énergie,

de la rapidité et de la précision des mouvements vulgaires de pro-

pulsion ou de latéralité de la langue, de propulsion des lèvres, etc.

Les chiffres présentés par l'auteur montrent que l'énergie et la

rapidité des mouvements non adaptés à l'articulation présentent

un déficit remaïquable chez les sourds-muets non éduqués. Ces

qualités des mouvements non adaptés se développent en proportion

de l'éducation. Le développement parallèle de l'habileté des mou-

vements adaptés et de la vitesse de l'énergie des mouvements non

adaptés semble indiquer que les exercices de force et de rapidité des

mouvements non adaptés peut être utile dans l'éducation des mou-

vementsd'articulation. L'expérience a démontré plusieurs foisl'uti-

lité de ces exercices dans le bégaiement. (Revue neurologique, 1893.)

E. B.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE'

I. Observation POUR SERVIR A l'histoire DU DÉLIRE DES négations;

par le Dr X. FRINCOTTE. (Bull. de la Soc. de Méd. ment. de

Belgique, sept. 1894.) -

Cette observation est celle d'un homme de trente-cinq ans,

exempt de tare héréditaire, mais se livrant depuis longtemps à des

excès de boissons. A son entrée à son entrée à l'asile, il présentait

un état de dépression qui aboutit bientôt à une mélancolie anxieuse,

typique et s'accompagna de'diverses idées délirantes; c'étaient, en

premier lieu, des idées de ruine avec des idées de culpabilité aux-

208 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

quelles vinrent s'ajouter des idées de non-existence, portant d'abord

sur les objets extérieurs, puis sur sa propre personnalité. Il pré-

senta aussi des hallucinations visuelles, notamment de la zoopsie

et des hallucinations du sens musculaire. A diverses reprises il fit

des tentatives de suicide.

.-Au bout de quelques mois, sous l'influence des injections de mor-

phine, les idées délirantes de négation s'effacèrent et peu à peu

l'état mélancolique disparut à son tour. G. D.

II. Un cas DE fétichisme DE souliers; par le Dr NACRE. (Bull. de la

Soc. de Méd. ment, de Belgique, sept. 1894.)

Le sujet dont l'observation sert de base à ce travail a présenté

durant toute sa vie diverses perversions du sens génital. A l'âge de

treize ans, il contractait des habitudes d'onanisme. Plus tard, il

éprouvait du plaisir à contempler les pantalons et surtout les sou-

liers des filles qu'il rencontrait dans la rue. Marié à diverses

reprises, il eut toujours une attraction particulière pour les souliers

de ses femmes : il lui arrivait de les prendre souvent avec lui dans

son lit et leur vue l'excitait l'onanisme.

Ces diverses perversions paraissent relever d'un état de dégéné-

rescence, le sujet qui en a été atteint présentant unehérédité assez

chargée et des stigmates physiques et psychiques de dégénérescence.

L'auteur se refuse toutefois à considérer ces perversions commes

des symptômes de maladie mentale. G. D.

III. Etude SUR la PATHOGENIE' de la paralysie PROGRESSIVE; par

le Dr P. Kovalewsky. (Bull. de lit Soc. de Med. ment., de Belgique,

1894, n°74.)

On sait que le processus de la paralysie générale progressive est

le résultat pour certains auteurs d'une encéphalite interstitielle,

et pour d'autres d'une encéphalite parenchymateuse. D'après

M. Kovalewsky, ces deux opinions sont également fondées et la

cause fondamentale de cette altération primitive de la névroglie

dans certains cas et des éléments nerveux dans les autres serait

une intoxication d'origine interne ou externe.

Il y a intoxication d'origine interne ou auto-intoxication toutes

les fois que le cerveau fonctionne d'une façon exagérée. Les pro-

duits de désassimilation qui s'accumulent alors dans les cellules du

cerveau les allèrent profondément et finissent par les détruire.

Consécutivement, ces substances toxiques irritent les vaisseaux

voisins et déterminent une prolifération de la névroglie.

1 Le mot « pathologie » doit être entendu ici dans le sens de celui de

« pathogénie n.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 209

Toutefois, M. Kovalewsky n'admet pas que l'hyperactivité céré-

brale ou le surmenage intellectuel puisse à lui seul exercer une

action aussi destructive sur les éléments nerveux, il faut que le

terrain soit préparé par d'autres conditions telles que les mères

vénériennes, la déséquilibration héréditaire du système ner-

veux, etc.

Les intoxications d'origine externe susceptibles de produire la

paralysie générale sont assez nombreuses : il faut placer en pre-

mière ligne le virus syphilitique et ensuite un certain nombre de

substances toxiques, telles que l'alcool, le plomb, le mercure, etc.

La diversité de ces agents toxiques serait en rapport avec les diffé-

rentes formes cliniques de la paralysie générale.

Quant aux paralysies générales d'origine traumatique, elles

reconnaissent également pour cause une auto-intoxication. On

peut admettre, en effet, que le traumatisme en déterminant un

trouble de la circulation du cerveau, modifie la nutrition de ces

cellules et donne lieu à la production de composés cliniques qui

jouent le rôle de véritables toxines. Dans un certain nombre de

cas à cette auto-intoxication vient s'ajouter une intoxication d'ori-

gine externe lorsque le sujet qui a éprouvé le traumatisme est un

syphilitique, un alcoolique, etc. Dans ces cas le trauma en modi-

fiant la résistance du cerveau favoriserait l'action nocive de l'alcool,

delà toxine syphilitique, etc. G. DENY..

IV. DE la prédisposition ET DE l'hérédité dans LES maladies MIEN-

tales; par le Dr TouLousE. (Bull. de la Soc. de Med. ment, de

Belgique, sept. 1894.

S'appuyant sur un certain nombre de considérations théoriques

et cliniques, l'auteur établit dans cette note que, dans l'état actuel

de nos connaissances, les notions d'hérédité et de prédisposition

sont insuffisantes pour expliquer le développement des psychoses;

il revendique en outre pour les causes considérées comme simple-

ment occasionnelles et non efficientes de ces psychoses un rôle

pathogénique beaucoup plus important que celui qu'on leur accorde

généralement. G. D.

V. CRANIECTOMIE pour la MICROCPHALIE ; par JACOBI. (New-York

Médical Record, 19 mai 1894, et Bi-ilish Médical Journal, 1745.)

Statistique de 33 cas de craniectomie : 14 malades moururent,

de 1 à 6 ans, peu de jours après l'opération, du shock ou de toute

autre cause; 19 malades guérirent de l'opération ; quant à la gué-

rison de l'idiotie, voici les résultats : sur un cas, pas de renseigne-

ments ultérieurs ; résultat incertain pour un autre; pas de change-

ment pour 7 ; léger changement pour 8 autres, et amélioration

Archives, t. XXIX. 14

210 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

nette dans deux cas seulement. Jacobi confirme l'opinion émise

par Bourneville, à savoir que l'opération est inutile et ne peut

amener une augmentation de la capacité crânienne.

A. Marie.

VI. Revue CRITIQUE sur la paralysie générale; par J. Mickle.

' (Brain, part. I, 1894, p. 50.)

VII. REVUE CRITIQUE DES récents travaux sur l'hystérie ET la NEU-

BASTHÉNIE; par Miche ! ) CLAIexE. (Brain, part. I, 1894, p. 119 et

part. II, p. 263.)

Un cas de paralysie pseudo-bulbaire due à des lésions dans cha-

que capsule interne; dégénérescence des faisceaux pyramidaux

directs et croisés; par COL31AN. Iiraia, part. I, 1894; p. 86. L'auteur

est amené à ces conclusions, qu'en l'absence de renseignements on

peut baser le diagnostic entre l'hémiplégie double et la paralysie

bulbaire sur ce que dans l'hémiplégie double l'affection des mem-

bres n'est pas tout à fait symétrique, mais plus marquée d'un côté

que de l'autre; qu'il y a absence d'atrophie de la langue dans l'hé-

miplégie double, et qu'enfin il y a conservation de l'excitabilité

électrique dans la langue et le voile du palais dans cette dernière

affection. P. SOLLIER.

VIII. LES idées FIXE.; par Hack Tuke. (Brain, part. II, 1894, p. 179.)

Dans la première partie de son travail, l'auteur passe en revue

et donne des observations des différents types d'idées fixes. Dans

la seconde, il se demande quelles sont les conditions cérébrales qui

accompagnent les idées fixes. 11 y a psychologiquement une désu-

nion des plus hauts centres, et entre les idées saines et les idées

fixes il n'y a souvent qu'une différence de degré qui rend souvent

la délimitation difficile. Quant aux modifications physiques il est

probable que dans le cas d'idées fixes sans folie, il n'y a aucune

lésion, et que celle-ci n'apparaît que lorsque le malade, par suite

d'une dissolution plus marquée devient incapable de distinguer les

idées vraies des fausses.

IX. DE l'absence DU chevauchement habituel DE la partie ANTÉ-

RIEUR DES ARCADES DENTAIRES COMME STIGMATE DE DÉGÉNÉRESCENCE J

par le D'' C.4.MUSET. (Annales médico-psychologiques, nov. 1894.)

Dans la race blanche et à l'époque contemporaine, les arcades

dentaires forment deux courbes qui ne sont pas ordinairement

tout à fait égales, ni juxtaposables dans toute leur étendue, l'iné-

galité ne portant que sur la partie antérieure.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 31l 1

En effet, dans la position naturelle des mâchoires fermées et au

repos, les incisives et les canines inférieures remontent plus ou

moins haut, selon les sujets, derrière les incisives et canines supé-

rieures, en un mot les mâchoires chevauchent. Le chevauchement

des dents manque sur les crânes anciens ainsi que sur les crânes

modernes dans les races inférieures.

Cette absence du chevauchement des dents antérieures s'observe

sur le cinquième des aliénés, alors qu'elle est très rare chez les

individus normaux et qu'on ne la rencontre chez eux que dans la

proportion de 2 ou 3 p. 100.

Il s'agit là évidemment d'un stigmate de dégénérescence : du

reste, sur les 77 aliénés examinés à ce sujet par l'auteur et présen-

tant ce stigmate, 40 étaient des idiots ou des imbéciles et 10

étaient atteints de folie épileplique.

Ce stigmate, non encore signalé, est spécialement intéressant,

en ce sens qu'il se rattache sans conteste à l'atavisme. E. B.

X. DE L'ORIGINE hépatique DE certains DÉLIRES DES alcooliques ;

par le Dr KLIPPEL. (Annales médico-psychologiques, oct. 1894.)

L'auteur, dans un précédent mémoire, a montré que le foie,

lésé par l'alcool, pouvait intervenir à son tour dans la production

des troubles mentaux. L'alcool peut avoir terminé depuis long-

temps son rôle nocif dans l'économie : mais, le foie restant lésé,

ses lésions s'effectuent, sourdement et brusquement l'insuffisance

éclate sous forme de délire.

L'observation relatée dans le présent travail vient corroborer ces

notions intéressantes. Il s'agit d'une malade atteinte de troubles

attestant une intoxication chronique par l'alcool avec les symp-

tômes cérébraux que comporte cette intoxication dans les formes

légères, et chez laquelle, brusquement, est apparu un délire d'une

autre forme, faisant songer à un délire fébrile. Ce délire aigu

avec confusion mentale, c'est la brusque intervention de l'auto-

intoxication d'origine hépatique : et de fait, à l'autopsie, on

trouva une destruction complète du foie, sous forme de dégéné-

rescence graisseuse..

En présence de cette excitation cérébrale intense, avec loquacité,

désordre dans les idées et dans les actes, agitation incessante,

insomnie, le diagnostic clinique ne laissait pas que d'offrir de

grandes difficultés. Les antécédents alcooliques de la malade

devaient nécessairement faire songer à une attaque de delirium

tremens, mais il manquait la fièvre, le tremblement et la prédomi-

nance des hallucinations de la vue. Toutefois en présence des

antécédents alcooliques, de la circulation veineuse collatérale,

abdominale, d'un foie un peu diminué de volume, il était permis

de supposer que ce délire à début brusque, apyrétique, à forme

12 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

maniaque, auquel conviendrait peut-être mieux le nom de confu-

sion mentale, n'était qu'un délire toxique secondaire à une lésion

hépatique, ce que l'autopsie a permis de vérifier. E. B.

XI. Hôpital d'alcoolisés ; par le Dr RouBy. (Annales médico-psycho-

logiques, oca. 1894.)

- Parmi les questions posées, au congrès de Clermont-Ferrand,

par M. le Dr Deschamps, conseiller général de la Seine, au sujet

de l'édification d'un asile d'alcoolisés, il s'en trouve trois qui

intéressent les aliénistes : 1° quelle est la catégorie d'alcooliques

qu'il conviendrait d'interner dans cet asile spécial ? 2° l'édification

de cet asile doit-elle être différente de celle des autres asiles

d'aliénés ? 3° les services généraux peuvent-ils convenir à la

fois à un asile d'aliénés et à un asile spécial d'alcooliques ?

M. Rouby répond à ces demandes et avec une compétence toute

spéciale, ayant lui-même étudié déjà la question, pour fonder une

petite colonie d'alcoolisés dans sa maison de santé d'Alger.

I. Cet hospice est créé non pour les ivrognes intermittents,

pour les aliénés devenus malades sous l'influence de l'alcool,

mais pour ceux qu'on pourrait appeler des ivrognes de profession,

qui boivent avec excès tous les jours, qui pensent et n'agissent

que dans un seul but, celui de se procurer et de boire de l'alcool,

quelle qu'en soit la forme; ceux que la police ramasse fréquem-

ment dans les rues et que reçoivent pour quelques semaines

tantôt l'asile d'aliénés, tantôt la prison. On recevra principalement

parmi ces alcooliques ceux qui sont dangereux pendant l'accès

d'ivresse.

Quant aux alcooliques atteints de folie alcoolique aiguë, de

délirium tremens, on les placera dans un asile ordinaire pendant

cette période d'aliénation et ils seront transférés à l'asile spécial

seulement lorsqu'ils n'auront plus qu'à subir le traitement de

l'abstinence.

Le but à atteindre est la guérison vraie, sans rechute; pour

l'obtenir il faut non seulement que le malade ait recouvré sa

raison, mais encore qu'il suit devenu indifférent au vin et à l'alcool,

et au point que, rentré chez lui, il ait assez de volonté pour

résistera son ancien penchant : c'est dire que le séjour devra être

prolongé.

Comme l'hôpital n'est pas un asile d'incurables, mais une maison

de traitement, après un maximum de deux années de séjour, le

malade sera rendu à sa famille, guéri ou non.

En cas de rechute, l'hôpital ne le reprend plus, même pendant

quelques semaines, par la raison que le malade pouvant être

considéré comme incurable, sa place n'est plus dans un hôpital

de traitement.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 213

II. L'édification de l'asile doit être différente de celle des

autres asiles d'aliénés.

A ce propos, l'auteur indique de façon fort complète quelles

sont ses idées, relativement à l'édification, à la disposition générale

de cet asile, ainsi qu'à son fonctionnement.

III. Les services généraux ne doivent pas être communs à un

asile d'aliénés et à un hôpital spécial d'alcoolisés.

Cette opinion, soutenue par des arguments, est intéressante à

connaître, au moment où le Conseil générât de la Seine vient de

voter un somme importante qui doit servir à la construction de

deux asiles placés l'une près de l'autre, dans la même propriété,

l'une servant d'asile à des aliénés femmes, l'autre à un hôpital

d'ivrognes. E. B.

XII. La folie BLENNORRHAGIQUE; par le D1' CULLERRE. (Annales médico-

psychologiques, oct. 1894.)

La blennorrhagie est une de ces affections microbiennes dont,

jusqu'ici, les rapports avec la folie n'avaient pas été établis par

l'observation clinique, bien qu'il soit depuis longtemps démontré

que ce n'est pas une affection purement locale, puisqu'elle engendre

une forme spéciale de rhumatisme.

Dans le numéro d'avril dernier de la Riforma Diedica, le

Dr Venturi a publié plusieurs cas de folie consécutive à l'infection

blennorrhagique : les formes que revêt cette folie sont le plus

souvent la stupidité et parfois la manie avec ou sans fureur. Cette

manie s'accompagne d'hallucinations et d'un trouble profond de

l'idéation, ce qui est tout en faveur de son hypothèse. On sait,

en effet, que la confusion mentale, avec ou sans stupeur, accom-

pagnée ou non d'hallucinations et d'agitation, est le type de la

folie infectieuse d'après les travaux les plus récents.

M. Cullerre pense que l'infection générale d'origine blennorrha-

gique n'est pas suffisamment connue pour être admise à l'état de

donnée indiscutable, aussi n'est-ce qu'avec réserve et sans se

lancer dans le champ des explications hypothétiques, que, pour

deux observations publiées par lui dernièrement, il propose d'in-

criminer l'infection blennorrhagique comme jouant le rôle de

cause déterminante de l'affection mentale.

Dans le premier cas, il s'agit d'une femme de quarante-trois ans,

qui, atteinte de vaginite blennorrhagique, tomba peu à peu dans un

état de stupeur panophobique avec confusion hallucinatoire des

idées et symptômes de méningo-encéphalite comme on en a

signalé un certain nombre de cas à la suite de l'influenza, comme

on en observe à la suite des maladies infectieuses aiguës : rien n'y

manquait, pas même les idées absurdes de satisfaction et de

richesse.

214 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Cette malade qu'on aurait pu croire atteinte de paralysie

générale au début, a radicalement guéri dans un délai assez court

et, depuis huit ans, la guérison ne s'est pas démentie.

Dans le second cas, l'influence étiologique de l'infection blennor-

rhagique est tout aussi nette. Les symptômes psychiques ont

débuté par une phase hallucinatoire pour continuer par la stupeur,

entrecoupée de réactions, tantôt maniaques, tantôt de nature

mélancolique : ce sont aussi ceux qu'on rencontre dans les autres

folies infectieuses. Dans ce cas, sous l'influence d'une prédisposition

hérédilaire certaine, l'affection mentale a évolué prématurément

vers la démence. E. B.

XIII. La paralysie générale EST-ELLE UNE maladie infectieuse ?

par le Dr BANNISTER. (American Journal of Insanity, 1894.)

L'étiologie de la paralysie générale, ou démence paralytique, est

un sujet bien souvent traité mais qui n'est pas épuisé cependant,

surtout en ce qui concerne le rôle joué par la syphilis dans sa

production.

Il paraît certain, à l'heure actuelle, que la paralysie générale,

dans ses formes typiques, peut être consécutive à une syphilis

récente, les témoignages en sont nombreux : tout d'abord les

meilleures statistiques montrent que dans 70 à 90 cas sur 100, la

paralysie a été précédée par la syphilis; la paralysie peut se com-

muniquer du mari à la femme ; elle est fréquente dans les grandes

cités et rare dans les campagnes; elle apparaît de bonne heure

dans les cas de syphilis héréditaire ; elle est plus fréquente dans

les classes d'individus où la syphilis est plus commune et récipro-

quement.

Mais comment la syphilis agit-elle ?

Laissant de côté les cas encore assez fréquents dans lesquels on

trouve à l'autopsie des gommes caractéristiques, la syphilis ayant

alors agi comme cause directe, l'auteur estime que la paralysie

générale est le résultat de l'action d'un poison sur le système ner-

veux, lequel poison, dans la grande majorité des cas, est une toxine

spécifique. Cette toxine existant à l'état latent dans l'organisme,

du fait de la syphilis, ne produit ses effets que sous l'influence de

certaines causes agissant sur le système nerveux ; comme d'autres

poisons de la même classe, elle ne s'attaque que sur un système

nerveux affaibli et ces causes de dépression du système nerveux

sont fournies par le traumatisme, le surmenage intellectuel, les

ennuis, l'intempérance, l'insolation, etc. En l'absence de ces con-

ditions, la toxine peut rester latente, inoffensive : c'est ce qui se

produit dans quelques régions comme l'Egypte, où la syphilis est

commune et la paralysie rare, régions où la vie intellectuelle

est peu active, le surmenage peu fréquent. E. B.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 218

XIV. NOTE SUR TROIS cas DE guérison, après LONGUE DURÉE DE la

folie; parle Dr CAMPBELL. (An2e7,ican Journal oflnsanity, 1894.)

Il s'agit de deux cas de mélancolie et d'un cas de manie : le

premier cas de mélancolie est sorti guéri de l'asile après un séjour

de dix-sept années ; le second après neuf ans et sept mois ; et le

malade atteint de manie est sorti guéri après un séjour de près de

six ans. Pendant leur traitement, on s'est efforcé d'occuper, de

distraire les malades, d'améliorer leur santé physique et de leur

donner toute la liberté compatible avec leur sécurité.

L'auteur estime qu'il ne faut jamais désespérer de la guérison

d'un cas de mélancolie, quelle qu'en soit la durée, et, dans son

expérience de trente années, soit dans la clientèle ordinaire, soit

dans les asiles, il a observé des cas de guérison remarquables.

E. B.

XV. La situation actuelle DE la psychiatrie EN Ecosse ; par le

Dr URGUHARDT. (l3ull. de la Soc. de méti. ment, de Belgique,

sept. 1894.)

On peut considérer comme établi que la loi écossaise part du

principe de l'égalité pour le traitement du riche et du pauvre. Dans

les différents asiles de l'État, des provinces et des communes, il y a

actuellement 9,262 malades, dont 7,618 indigents.

En 1869, on ne comptait dans les mêmes asiles que 4,492 aliénés;

le chiffre de ceux-ci a donc plus que doublé en vingt-cinq ans.

Les aliénés incurables et non dangereux sont répartis autant que

possible dans les maisons de bienfaisance (Workhouses) et dans les

maisons privées. On en compte 3,422.

L'enseignement de la psychiatrie existe dans les différentes

facultés de médecine du Royaume-Uni. En outre, l'Association

médico-psychologique a institué des examens et accorde des

diplômes aux élèves qui les passent avec succès. Enfin, d'après la

nouvelle loi sur la collation des grades, tout étudiant en médecine

sera tenu désormais de passer un examen sur les maladies men-

tales. ' G.D.

XVI. CONTRIBUTION A L'HISTOIRE du choc moral CHEZ LES enfants ;-

par Ch. Féré. (Bull. de la Soc. méd. ment, de Belgique, septem-

bre 1894.)

L'auteur relate dans ce travail les observations de deux femmes

chez lesquelles des attouchements coupables pratiqués dans la pre-

mière enfance paraissent avoir été le point de départ de troubles

psychiques qui ne se sont montrés qu'à l'époque de la puberté.

La conclusion à tirer de ces faits, dit M. Féré, c'est que le pro-

216 6 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

nostic des chocs moraux de l'enfance doit être tout aussi réservé

que celui des chocs traumatiques. Dans l'appréciation des respon-

sabilités matérielles d'un attentat on ne doit pas tenir seulement

compte des effets primitifs, mais aussi des chances qui restent à

courir. G. D.

XVII. LE symptôme DU retentissement articulé DE la pensée ;

par Klinke. (.47-chiu f. Psychiat., XXVI, 1.)

Etude historique et critique des auteurs et de la pathogénie psy-

chique de la parole intérieure normale et pathologique. A l'état

normal, les centres d'articulation des mots (résonance articulée)

fonctionnent pendant l'exercice de la pensée (qui est une parole

intérieure) ; il est par conséquent aisé de comprendre comment

l'activité normale de ces postes, surexcitée par des causes morbides

intervient au point qu'il puisse y avoir proéminence des images

commémoratives des mots contenus dans des centres d'articulation

résonatrice de ces mots, d'où la genèse d'hallucinations de l'ouïe.

Pour concevoir des divers degrés d'intensité et d'expansion du

symptôme de la phonogenèse de la pensée, il faut également faire

entrer en ligne de compte la suractivité des sensations des mouve-

ments en rapport avec l'expression des mots. Ce n'est, en effet, que

par la combinaison de l'élément phonétique et moteur que l'indi-

vidu obtient la représentation du mot, et par celle-ci, il arrive à

l'audition de sa parole (parole intérieure). Toutefois cette audi-

tion n'a pas à l'état normal l'intensité, le retentissement qui impose

aux aliénés la persuasion qu'ils entendent leurs propres pensées;

que l'on cause en eux ou avec eux ; qu'on leur soustrait leurs idées;

que l'on correspond avec eux par des tuyaux, par le téléphone;

qu'ils sont en correspondance intime avec un mauvais génie, un

animal leur parlant dans leur tête, leur poitrine, leur ventre, le

gros orteil; que des personnes qui les entourent connaissent leurs

pensées (doubles pensées). Cet ensemble de phénomènes n'a évi-

demment pas trait au même genre de symptômes; et il n'est pas

toujours apparent dans les auteurs anciens s'il s'agit d'hallucina-

tions, de pseudo-hallucinations.

Dix-sept observations étudiées sans parti pris n'enlèvent point

l'indécision toute naturelle, qui s'attache à la modalité comme à

la pathologie de la transformation de la pensée en voix.

P. KERAVAL.

XVI II. DE la folie induite (folie communiquée) ; par M. ScnOENFELDT

(Archiv f. Psychiat., XXVI, 1.) .)

Trois observations personnelles. Dix observations empruntées

aux auteurs russes. Autres observations empruntées à la biblio-

graphie.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 217

Conclusions :

ioll y a folie induite quand un aliéné implante ses idées délirantes

sur les personnes de son entourage jusqu'alors psychiquement

saines; 2° la transmission d'un trouble mental par contagion est

un phénomène relativement rare ; 3° parmi les psychoses ainsi

transmises, la folie systématique forme le principal contingent;

4° la folie du contaminant et celle du contaminé présentent pen-

dant l'évolution entière de la maladie complète identité, quant au

système du délire; 5° la prédisposition psychopathique constitue le

principal facteur étiologique pour la genèse d'un trouble mental

induit.; 6° les éléments étiologiques qui favorisent l'induction mor-

bide sont : la consanguinité (conformité dans l'organisation céré-

brale) ; la ressemblance psychique avant la maladie ; l'harmonie

mentale ; l'intimité de la vie en commun dans l'isolement; la

supériorité intellectuelle morale ou sociale de la personne primi-

tivement atteinte et la faible résistance psychique de la personne

contaminée ; 7° le phénomène psychologique de l'implantation d'un

trouble mental provient de l'imitation en vertu d'une impulsion

égoïste ; 8° l'homme sain, à cerveau vigoureux, n'est en aucune

façon menacé par le commerce intime et continu avec des aliénés.

P. IIEItAVAL.

XIX. DE la genèse DES hallucinations DE l'ouïe; parC. FUftEft.

;(Centralbf. 11'crvetzlaeilh. N. F. V., 1894.)

Les hallucinations de l'ouïe ont parfois pour origine première

des pulsations auriculaires tenant à une lésion de l'oreille ou des

oreilles (otite moyenne ; perforation tympanique traumatique ;

sclérose chronique du tympan). Ces pulsations scandées, dans un

rythme régulier toujours le même, se transforment en hallucina-

tions des plus nettes ayant le même rythme et ressemblant à des

transmissions téléphoniques. Trois observations. P. K.

XX. Démence paralytique sans paralysie; par BELKOWSKY.

(Centralbl. Nervenheilk. N. F. V., 189.)

Type de démence d'emblée et de démence progressive, n'ayant

été précédée d'aucune maladie mentale et ne présentant pas les

caractères de la démence primitive aiguë. Troubles somatiques

relativement minimes (analgésie, diminution des réflexes cutanés)

pas de troubles moteurs sensitifs ou sensoriels. Ceci indique une

lésion de lobes frontaux, sans la région motrice. La syphilis anté-

rieure, jointe à des soucis et à des chagrins, avec quelque pré-

disposition héréditaire ou acquise, en expliquerait la genèse. L'au-

topsie nous fournira la certitude. P. K.

218 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XXI. LES hallucinations ET LE dédoublement DE la personnalité

DANS LA FOLIE SYSTÉMATIQUE; par le Dr SÉGLAS.

Dans une communication marquée au coin du plus haut intérêt,

l'auteur décrit certains cas où-le délire des persécutions, s'accom-

pagnant d'un groupement de symptômes particuliers, revêt à une

certaine période de la maladie, parfois même dès le début, une

apparence différente des cas ordinaires et se présente plutôt comme

un délire de possession.

Il est nécessaire, pour différencier ces cas, de passer en revue

les symptômes hallucinatoires qu'on observe habituellement dans

la folie systématique avec délire des persécutions.

Au point de vue de leurs hallucinations l'auteur divise les persé-

cutés systématiques en trois catégories :

A. Dans une première, les malades n'ont jamais d'hallucina-

tions, ou bien celles-ci sont très rares, isolées, transitoires; tels

sont les persécutés persécuteurs.

B. Un second groupe comprend les persécutés hallucinés « sen-

soriels » chez lesquels les hallucinations sensorielles sont prédo-

minantes.

1° Les hallucinations de l'odorat et du goût, se relient en général

à des idées d'empoisonnement;

2° Les hallucinations de la vue, niées par Lasègue, sont assez

peu fréquentes. On peut à cet égard ranger les malades sous trois

chefs : a. les cas les plus ordinaires, où elles font défaut ; 6. les cas

où les hallucinations de la vue existent mais où le symptôme hal-

lucinatoire se rattache à une origine ditlérente de l'affection men-

tale;);, enfin les hallucinations visuelles peuvent se produire sans

l'adjonction d'un autre élément morbide et appartenir en propre

à la folie systématique. Caractère important, au contraire de ce qui

se passe pour les hallucinations de l'ouïe, on voit que le malade se

rend bien compte que ses sensations n'ont pas trait à un objet exis-

tant réellement ;

3° C'est du côté de l'ouïe que se passent les phénomènes halluci-

natoires les plus importants, que ce soient des hallucinations audi-

tives élémentaires, communes ou verbales. Le sens de la vue ne se

fait pas le complice de celui de l'ouïe et il ne se produit pas ici,

entre ces deux sens, ces associations hallucinatoires que l'on rend

contre chez d'autres vésaniques qui voient leurs interlocuteurs en

même temps qu'ils les entendent ; ' '

4° Il n'est pas rare d'observer des hallucinations génitales.

5° Au sur et à mesure que la maladie évolue, les hallucinations

verbales peuvent devenir motrices; mais l'hallucination motrice

reste à un plan plus effacé : un grand nombre de ces persécutés

n'en ont même jamais.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 219

C. A côté de la forme précédente à laquelle on peut donner le

nom de variété sensorielle du délire des persécutions systématique,

il est une autre catégorie de persécutés chez lesquels, à l'inverse

de ce qui se passe chez les persécutés sensoriels, les phénomènes

hallucinatoires de caractère moteur constituent le symptôme le

plus saillant du tableau clinique et dirigent la scène pathologique.

Ce sont ces cas que l'auteur a rangés sous le nom de variété

psycho-motrice du délire des persécutions.

10 Hallucinations motrices. Ce sont d'abord des hallucinations

verbales motrices avec leurs caractères et tous leurs degrés d'in-

tensité, puis toutes sortes d'hallucinations, motrices communes.

Souvent même ces derniers symptômes sont plus accentués et,

atteignant leur maximum d'intensité, se présentent sous la forme

de véritables impulsions. En regard de ces impulsions diverses, se

rencontrent des symptômes, identiques de nature, mais se pré-

sentant sous l'aspect inverse de phénomènes d'arrêt ou d'inhi-

bition : « on a pris leur volonté aux malades ». Quelquefois même

aussi le côté purement intellectuel est intéressé, et « leur pensée

aussi leur est retirée ».

2° De ces troubles psycho-moteurs se rapprochent ceux qui se

présentent dans le domaine de la sensibilité générale ou viscérale.

Il est à remarquer que tous ces troubles coenesthétiques ont chez

le persécuté moteur un caractère de continuité qu'ils n'ont pas

chez le persécuté sensoriel ordinaire.

3° Les hallucinations de l'ouïe sont reléguées au second plan,

vis-à-vis des motrices; souvent même elles ne se présentent que

sous une forme élémentaire ou commune.

4° En revanche, les hallucinations visuelles sont assez ordinaires

chez ces malades, à l'inverse de ce qui se passe dans la forme sen-

sorielle et, de plus, les visions du malade s'associent souvent à ses

voix, ce qu'on ne rencontre pas non plus chez les persécutés sen-

soriels.

5° Les hallucinations du goût et de l'odorat ne diffèrent en

rien de celles qui affectent les mêmes sens chez les persécutés

sensoriels.

6° On trouve aussi dans ces cas des hallucinations génitales

répétées.

7° A ces différents symptômes correspond un état de désagréga-

tion psychique, plus ou moins marquée, souvent un véritable dé-

doublement de la personnalité.

Ce trouble psychopathique est réduit à son minimum chez les

persécutés sensoriels eu raison du peu d'influence des hallucina-

tions sensorielles sur la constitution de la personnalité; il est au

contraire très accentué chez les persécutés moteurs parce que les

hallucinations motrices s'adressent au sens coetiesthétique (sens du

corps) qui constitue la base fondamentale de la personnalité.

220 0 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

A mesure que la maladie progresse, les troubles de la person-

nalité ne font que s'accentuer. Sous l'influence de ce dédouble-

ment de la personnalité, les idées de persécution prennent une

teinte spéciale, mystique, finissent par s'éloigner des idées de per-

sécution habituelles et,'en tenant compte de la différence due à

l'éducation, au milieu social, se rapprochent au contraire beau-

coup des idées de possession, d'observation fréquente autrefois;

mais les malades, plus au courant des idées du jour, invoquent le

spiritisme, la suggestion, etc., en attachant à ces mots la signifi-

cation précise d'une contrainte sur leurs pensées semblable à un

fait de possession.

8° En outre de ces idées de possession, ces malades présentent

des idées hypocondriaques, lesquelles, de même que les idées de

possession, peuvent aboutir à des idées de négation systématisées.

D'autres fois, au lieu d'aboutir à la négation, les idées de posses-

sion prennent une teinte mégalomaniaque.

9° Enfin l'on peut aussi rencontrer chez ces malades des idées de

persécution sous la forme ordinaire.

Le diagnostic peut se faire : a. avec l'hystérie, tandis que l'hys-

térique la plus dédoublée ignore le plus souvent cette division de

son esprit, le persécuté sent en lui le développement d'une autre

personnalité; 6. avec la mélancolie délirante avec idées de pos-

session ; ici, c'est l'évolution de la maladie, l'absence des phéno-

mènes émotionnels fondamentaux de la mélancolie, les caractères

généraux du délire, qui serviront de base au diagnostic différentiel;

c. avec le délire des négations mélancolique qui s'accompagne

souvent de symptômes de possession. Le délire des négations des

possédés systématiques n'est plus secondaire à des troubles émo-

tionnels, comme chez le mélancolique, mais n'est que l'interpré-

tation de désordres hallucinatoires spéciaux : l'absence de ces

mêmes troubles émotionnels lui enlève également tout caractère

de peine, de douleur morale : il n'y a ni humilité, ni résignation;

d. il convient de remarquer qu'entre la variété sensorielle et la

variété psycho-motrice du délire des persécutions, il existe des cas

intermédiaires. (Annales médico-psychologiques, août 1894.)

E. BLIN.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 31 Décembre 1894. Présidence DE M. A. Voisin.

Élections. Le bureau est ainsi constitué pour 1895 :

Président : M. Paul NIOIIEAU (de Tours); vice-président : M. Char-

PENTIEIt ; secrétaire général : M. A. RITTI; trésorier : M. J. Voisin;

secrétaires des séances : MM. SEMELAIGNE et SOLL1ER.

LES aliénés ET la magistrature

Séquestration et sortie d'un aliéné criminel ordonnées par la jus-

tice. M. PAUL Garnier rapporte un fait ayant une grande signi-

fication et prouvant combien les arguments développés, en toute

indépendance, par les médecins, sont souvent mal compris par les

magistrats qui ont cependant cru nécessaire de leur demander un

avis. M. Garnier appelé à constater l'état mental d'un sieur B...,

inculpé de tentative de meurtre sur sa femme, avait aisément fait

la preuve de la folie de cet individu, lequel, de persécuté, était

devenu un dangereux persécuteur.

Les conclusions de M. Garnier furent pleinement acceptées et le

magistrat instructeur rendit, sans hésitation, une ordonnance de

non-lieu basée sur l'état mental de B... ; celui-ci fut placé dans un

asile. Jusque-là les choses se passèrent normalement; mais où l'af-

faire prit une tournure que personne ne pouvait soupçonner, c'est

lorsque B..., se prétendant séquestré arbitrairement, s'adressa au

tribunal pour obtenir sa sortie. Celui-ci, à la stupéfaction de tout

le monde, ordonna la mise en liberté de B..., non pas comme

aliéné guéri, mais comme n'ayantjamais été aliéné. Voilà donc un

fou dangereux ayant commis un crime, bénéficiant d'une ordon-

nance de non-lieu, comme aliéné et jugé non aliéné par le tribu-

nal. Cette manière de procéder donne un avant-goût de la façon

dont se passeraient les choses si la magistrature était appelée à

remplacer l'autorité administrative dans le placement des fous.

M. MARANDON DE MONTYEL. - Le fait signalé par notre collègue

222 SOCIÉTÉS SAVANTES.

est loin d'être isolé; nous connaissons tous des cas analogues :

Louis-Eugène B..., est entré à Ville-Evrard en octobre 1893. Arrêté

pour tentative de meurtre sur sa femme qu'il avait grièvement bles-

sée au sein gauche d'un coup de revolver, il avait bénéficié d'une or-

donnance de non-lieu rendue sur les conclusions du Dr Garnier qui

l'avait déclaré aliéné et irresponsable, et son placement dans un

asileavait été réclamé par l'autorité judiciaire. A la Préfecture de

police, le Dr Legras, à Sainte-Anne, le D''Magnan, à Ville-Evrard

nous-mêmes avions confirmé le diagnostic du Dr Garnier.

Louis-Eugène B... était convaincu, par des hallucinations de

l'ouïe, du goût, de l'odorat et delà sensibilité générale, qu'il avait

été rendu totalement impuissant par sa femme dont il ne parve-

nait pas à satisfaire les goûts contre nature. Il avait entendu

celle-ci lui dire : « Puisque tu ne peux pas le faire par derrière, tu

ne pourras pas davantage le faire par devant. »

A peine était-il à l'asile que son frère entreprenait une vigou-

reuse campagne, dans le but d'obtenir une mise en liberté, sous

prétexte qu'il était victime de son abominable épouse contre

laquelle il s'était trouvé, lors de l'attentat, en état de légitime dé-

fense. A trois reprises différentes, durant l'année 1894, le parquet

dePontoise demanda des certificats de situation; et par trois fois

le malade, conservant les conceptions délirantes qui l'avaient con-

duit au crime, nous déclarâmes qu'il était toujours un aliéné dan-

gereux dont la sortie serait un danger pour la sécurité publique.

Le tribunal vint interroger B... et, à la suite de cet interrogatoire,

commit le D''Magnan pour examiner son état mental. L'éminent

aliéniste de Sainte-Anne conclut que B... était un persécuté persé-

cuteur dont la place était' toujours dans un asile.

Or B... a été mis en liberté par un jugement du tribunal qui a

déclaré qu'il n'était pas et qu'il n'avait jamais été aliéné, qui a con-

sidéré la tentative de meurtre comme un acte de violence ayant

motivé, mais non pas justifié l'internement; qui a affirmé qu'au-

cun des hommes de l'art appelé à examiner l'état mental de l'in-

terné n'était allé jusqu'à dire affirmativement qu'il fût atteint

d'aliénation et qui a relevé que la femme B... n'était pas restée

étrangère à l'internement de son mari, pour lequel elle ne dissi-

mule pas son aversion ni la vive frayeur qu'il lui inspire ! ! ! ! 1

En communiquant cette affaire à la Société notre intention n'est

pas de critiquer un acte de l'autorité judiciaire ni de relever com-

bien les considérants du jugement sont en désaccord avec les faits.

En matière de mise en liberté des aliénés le Tribunal est souverain

et il est maître absolu de motiver ses arrêts comme il l'entend.

Mais il est utile, au moment où va venir en discussion, devant la

Chambre, la revision de la loi de 1838, votée par le Sénat, revision

qui enlève à l'administration le placement des aliénés pour le con-

fier à la magistrature, de rapporter tous les faits de nature à éta-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 223 3

blir l'esprit qui anime celle-ci. Or l'affaire Louis-Eugène B... est, à

ce point de vue, d'une haute importance, car elle établit combien

l'esprit de la magistrature diffère de l'esprit de l'administration.

Cette dernière base toujours ses décisions sur des certificats médi-

caux. Quand elle est en désaccord avec le médecin traitant, elle

délègue un médecin expert qui joue le rôle d'arbitre et dont elle

accepte la décision, qu'elle soit favorable ou non à son opinion;

avec elle le dernier mot reste toujours à la science. L'administra-

tion se sait et se déclare incompétente, tandis que la magistrature

se croit et se déclare compétente.

Là est le grand écueil du placement des aliénés par les magis-

trats ; car il n'est pas douteux que, s'ils persistent à vouloir tran-

cher eux-mêmes les questions d'aliénation mentale au lieu de

conformer leurs décisions aux avis médicaux, il en résultera les

plus graves conséquences. Toutefois, il y a lieu d'espérer que leurs

dispositions changeront si la revision est votée dans le sein du

Sénat. Pour opérer cette transformation, trois éléments intervien-

dront : tout d'abord, l'expérience des faits qui leur montrera, par-

fois aux dépens de'leur responsabilité, qu'ils n'ont pas, en matière

de folie, les connaissances qu'ils se figurent posséder; ensuite,

l'aliénation sera pour eux non une occupation exceptionnelle, mais

une occupation de tous les jours ; ils cesseront d'être des contrô-

leurs de cas particuliers et n'auront pas les mêmes raisons de se

méfier. Enfin, la folie sera complètement leur chose, et cette prise

de complète possession suffira à modérer leur zèle et leurs ten-

dances à voir des guérisons un peu partout.

M. Vallon accepte l'intervention de la magistrature dans le pla-

cement des aliénés, parce que la société sera débarrassée des fous

criminels. Les magistrats en fourreront beaucoup en prison qui

seraient plus humainement à leur place dans les asiles de traite-

ment ; mais au moins, on en rencontrera peut-être moins en

liberté. Qu'on les mette où l'on voudra, mais qu'on les mette

quelque part.

M. MARANDON DE Montyel croit que le meilleur moyen de calmer

l'animosité de certains magistrats contre les médecins, est de lais-

ser les tribunaux se débrouiller seuls en face des aliénés. Après

avoir fait sortir à tort et à travers des malades qui ne manqueront

pas de commettre de nouveaux crimes, les magistrats se calmeront

dans leur beau zèle du premier moment. Un autre avantage sera

de leur laisser essuyer, à leur tour, les coups actuellement adressés

par une certaine presse à l'autorité administrative et aux méde-

cins.

M. ARNAUD. - Dans le nouveau projet de loi sur le régine des

aliénés, il ne s'agit pas de donner simplement aux magistrats les

droits qui appartiennent aujourd'hui aux préfets. On veut leur

224 SOCIÉTÉS SAVANTES.

donner un pouvoir beaucoup plus étendu : ils ne seront contrôlés

par personne, tandis qu'à l'heure actuelle, l'autorité des préfets

s'efface devant le tribunal qui peut toujours, de même que le [par-

quet, ordonner des mises en liberté d'office.

M. BAIAND. La liberté individuelle est bien mieux sauvegardée

-avec la loi de 1838, qu'elle ne le serait avec le nouveau projet. En

effet, un préfet qui, involontairement ou intentionnellement, se

rendrait coupable d'une séquestration arbitraire, que, pour

ma part, je crois impossible serait responsable devant son

ministre, qui l'est à son tour devant la Chambre.

Un tribunal, au contraire, en raison de son caractère imper-

sonnel, n'est responsable devant personne, si ce n'est l'opinion

publique. On sait combien elle est facile à émouvoir. Je ne crois

pas que l'autorité morale de la magistrature ait rien à gagner

dans cette intervention auprès des aliénés qui, par définition, ne

peuvent presque tous que se croire victimes de séquestration arbi-

traire.

M. A. Voisin. On peut juger de l'avenir qui serait réservé

aux fous, si la nouvelle loi était adoptée, par l'opinion émise par

M. Troplong. Ce jurisconsulte disait un jour au professeur A. Tar-

dieu qu'il était inutile d'être aliéniste ou même médecin pour

juger si un homme était aliéné ou non. Une conversation de

cinq minutes suffisait pour se faire une conviction !

M. BRIAND. C'est cette présomption qui amène dans les pri-

sons beaucoup de malheureux aliénés et plongent dans le déshon-

neur des familles qui ne le méritent pas.

M. ARNAULD. - Les huit mille et quelques centaines d'erreurs

judiciaires relevées par les statistiques prouvent que les magistrats

ne sont pas infaillibles.

M. JOFFROY. Les erreurs judiciaires concernant les aliénés sont

si nombreuses, que chacun de nous pourrait constituer un dossier

des plus intéressants.

M. DUPA1N. M. Déricq et moi avons constaté à l'asile d'Alen-

çon la présence d'une bonne douzaine de paralytiques généraux

avancés qui avaient été condamnés, pour divers délits, malgré

l'évidence de leurs troubles intellectuels. M. B.

Séance du 28 janvier 1895. Présidence de MM. A. Voisin

et PAUL Moreau (de Tours).

Après une allocution de M. A. Voisin, qui cède le fauteuil de

la présidence à son successeur, M. Paul Moreau remercie la

Société de l'honneur qu'elle lui a fait en l'invitant à présider ses

travaux.

SOCIÉTÉS savantes. 225 3

commission des prix.

Prix Esquirol : MM. Bouchereau, Faire Mitivié, Ritti et Sérieux,

rapporteur.

Prix Belliomme Bou ? tiev : illc, Jollroy, Sollier, J. Voisin et

Rouillard rapporteur. ·

Prix Moreau (de Tours) : MM. Ballet, Chaslin, Christian, Paul

Garnier et P. Moreau (de Tours).

Prix Aubanel : Le prix Aubanel qui sera délivré en 189fui par la

Société Médico-Psychologique, s'élèvera cette année à la somme

de 2,400 francs. Les mémoires devront être déposés au plus tard

le 31 décembre 1895.

Élections. Après un rapport de M. Vallon, M. PIERRE JANET est

nommé membre titulaire.

vêtements ET appareils protecteurs étranges PORTÉS DE JOUR

ET DE nuit par UN dégénéré persécuté.

M. LEF1LLIATRE, au nom de M. PAUL GARNIER et au sien, présente

un aliéné porteur d'un assez curieux attirail inventé pour se pré-

server des maléfices de ses ennemis. Il s'agit d'un malade présen-

tant depuis longtemps des idées de persécution, des idées de gran-

deur et des troubles très accusés de la sensibilité générale. Afin

de se protéger contre les tourments que lui font subir ses enne-

mis, il porte un grand nombre d'appareils protecteurs tels que :

plastron, cuirasse en papier blanc, verre, morceaux de porcelaine,

enveloppes de caoutchouc, plaques de tôle, casque en cuivre,

visière et masque en plomb. Le malade dort revêtu de cet attirail

étrange qui pèse trente kilogrammes.

LES attaques épileptiformes dans LE COURS DE la paralysie

générale.

M. CIIRISTIAN fait une communication sur les attaques épilepti-

formes dans la paralysie générale.

Il n'est point partisan de la théorie qui attribue aux aulo-ititoxi-

cations la production de ces attaques ; il considère celles-ci comme

faisant partie intégrante de l'affection et rappelle les diverses

explications qui ont été proposées : pour rendre compte de ce

symptôme, ]3aillarger invoquait l'inégalité de poids des hémi-

sphères et l'atrophie de l'hémisphère opposé au côté où prédomi-

naient les convulsions, Lissauer pensait à une lésion cellulaire aiguë

dans le territoire cortical, correspondant aux membres intéressés;

cette lésion aurait été vérifiée par l'examen histologique.

Archives, t. XXIX. 15

226 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Christian admet l'existence de troubles purement fonctionnels

(oblitération artérielle) et pense que l'eraotine peut donner de

bons résultats. Le traitement par les émissions sanguines est contre-

indiqué.

M. G. Ballet. Le mécanisme des attaques épileptiformes dans

la paralysie générale, est celui de toute épilepsie jaclcsonuienne. Il

s'agit d'une irritation des centres corticaux sans qu'on ait besoin

de faire intervenir l'anémie ou la congestion.

LES aliénés et-la magistrature.

M. LEGRAIN lit au nom de M. FEBVRE et au sien une communica-

tion sur la sortie d'aliénés criminels, ordonnée par la justice.

Quatre malades femmes de l'asile de Ville-Evrard ont été mises

en liberté par jugement du tribunal de Pontoise, malgré les certi-

ficats du médecin concluant au maintien et sans que le tribunal

ait ordonné une expertise médicale. Les diagnostics étaient les

suivants : folie intermittente, idées de persécution, mélancolie,

folie morale.

M. LFGRAIN lit une communication de M. Ramadier, sur un per-

sécuté dangereux, très délirant, dont la sortie est ordonnée par le

tribunal, contrairement à l'avis du médecin, et sans expertise mé-

dicale. Le malade se refusa à quitter l'asile, on fut obligé de l'ex-

pulser. Une fois en liberté, son délire devint très actif, il fit une

tentative de suicide et le parquet se vit obligé de demander son

internement à l'asile. Marcel Briand.

XXV° CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE

DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST1.

SESSION DE KARLSRUHE.

Séance du 12 novembre 1893. Présidence DE M. K.ROEPEUN.

Le lieu delà réunion de l'an suivant sera Karlsruhe.

Il est donné communication, en l'absence de M. Rieger empêché,

de la requête que, sur l'invitation de la Société, il a adressée aux

gouvernements de la Bavière, de Wurtemberg, du grand-duché

' Voy. Archives de Neurologie. Revue analytique.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 227 I

de Bade, de l'Alsace-Lorraine et de la Hesse, afin qu'on introduise

les matières de la psychiatrie sous la forme d'un examen spécial

(voy. Centralbl. f. Nervenheilk. 1893).

Du quartier de surveillance continue. Rapporteurs. MAL Siolé

et Kroepelin. Les deux rapporteurs se sont mis d'accord sur

les conclusions suivantes :

1. Le quartier de surveillance continue de jour et de nuit est un

organe indispensable dans un asile d'aliénés moderne. 2. Le

nombre des lits qu'il doit comprendre doit être, pour les grands

asiles 'de province, d'au moins 7 à 10 p. 100 de la population

totale de l'établissement, il doit monter à la proportion de 20 à

30 p. 100 et même davantage pour les asiles des villes. Naturelle-

ment on se guidera sur les chiffres des admissions. 3. On y

placera : les cas de folie récente, les sitiophobes et suicides, les

gâteux, les paralysés et les aliénés atteints d'affections somatiques,

les agités, et ceux qui doivent être traités au lit; ceux aussi qui

pour un motif particulier doivent être soumis aune surveillance

continue. 4. Pour contenir ces diverses formes morbides il

faut au moins deux quartiers séparés de surveillance, un destiné

aux malades calmes, l'autre destiné aux agités. 5. Chacun de

ces quartiers comprendra un grand dortoir avec salle de jours

contiguë, une à deux chambres d'isolement, une salle de bains,

un water-closet, tout près une laverie et un vestiaire. G. Ce

quartier devra être installé autant que possible comme une salle

d'hôpital moderne; ce que l'on distinguera tout simplement ce

seront les installations indispensables pour la sécurité des aliénés

(modes de fermeture des fenêtres, systèmes de clôture des lieux

d'aisances et des salles de bains ; au besoin, cabinets d'aisances

à l'intérieur même de la chambre; baignoires roulautes). 7. On

y placera un infirmier au moins pour cinq malades.

Discussion : M. Dittmar. Quand je suis arrivé à l'asile de

Sarreguemines, je me suis proposé l'établissement d'un quartier

semblable, bien que mon prédéce3se\ir(Allg.Zeitsch.f.Psychiat., XL),

dit qu'il pouvait a priori s'en passer. Mais je n'ai pas tardé à recon-

naître que l'asile marchait parfaitement sans lui; l'asile a actuelle-

ment 500 malades et en reçoit 170 chaque année. Cette particularité

est due à ce qu'il existe un baraquement pour chaque sexe et des

cellules à grilles. Le baraquement reçoit les malades dont l'ali-

tement est, quel qu'en soit le motif, urgent; le service y est assuré

par un personnel d'infirmiers exercés et consciencieux dont on a

soin d'alterner les fonctions pour ne pas les fatiguer; la garde

de nuit y est faite avec contrôle du compteur à horlogerie, toutes

les fois (les cas en sont rares) que le médecin exige une surveillance

continue d'un ou de plusieurs malades. Les cellules à grilles sont des

chambres séparées en deux parties suffisamment vastes par un

228 SOCIÉTÉS SAVANTES.

grillage de fil de fer qui prend toute la hauteur de la pièce et qui

est muni de portes; une des parties sert au séjour des malades,

l'autre est la loge d'observation de l'infirmier. Il ne faut pas que

le grillage soit trop faible, il ne faut pas qu'il donne l'apparence

d'une cage à la pièce, il ne faut pas qu'il permette aux malades

de grimper. Ces cellules sont particulièrement utiles quand on

veut séparer d'un malade agité, aggressif, le veilleur, surtout la

nuit. Les gâteux et paralytiques sont invités à uriner la nuit une

ou plusieurs fois ; on les retourne pour les changer de position

afin d'éviter les accidents gangreneux ; cette pratique de dépla-

cement complet est préférable à la continuelle mobilité qu'on

fait subir parfois à ces malheureux et qui est aussi importune pour

ceux-ci que pour le personnel. Le contrôle du service de nuit est

fort bien fait à Sarreguernines; les soeurs de charités catholique,

y sont astreintes à veiller la nuit tant qu'elles sont affectées au

service des malades. Dans ces conditions la statistique du suicide

y est très favorable, les agités, gâteux, accidents gangreneux du

décubitus, n'y sont pas aussi fréquents que dans les autres asiles

munis d'un quartier de surveillance continue; nous en parlons

d'après une expérience de huit années.

M. DEfilO. - A l'asile de Rothenberg, près Rina, on s'est si bien

trouvé d'un quartier de surveillance continue pour traiter les agités

que, celui des femmes ne suffisant plus, on a agité la question de

la transformation de la section des agités en un second quartier de

surveillance continue. Malgré l'encombrement on aréussi à installer

la décoration des chambres. M. Sommer propose d'ajouter à

la quatrième conclusion, après les mots agités, « et les déments ».

M. SIOLE. C'est toujours l'agitation qui constitue l'indication.

Il n'y a pas avantage à comprendre avec les agités les infirmes.

M. ICItD;PELI1.-A la clinique deux quartiers de surveillance sont

utilisés pendant le jour, la nuit on ne veille que dans l'un. M. Lare-

DERER place les paralytiques et les démenls près des désordonnés.

M. ASCHAFFENa611G. Si l'on consulte les mélancoliques guéris

ou autres malades revenus à eux, on constate qu'il ne leur a

pas été aussi désagréable qu'on le pourrait penser de séjourner

dans un quartier de surveillance continue. Ce n'est qu'après la

régression des accidents aigus qu'ils ont été incommodés par le

bruit, mais à ce moment ils étaient suffisamment améliorés pour

qu'on pût les retirer du quartier.

M. Smith. Quelle doit être l'attitude des médecins dans la question

de l'alcoolisme ? Dès le 65° congrès des naturalistes de Nuremberg,

M. Struempell a reproché aux médecins leur indolence à cet

égard. Il a raison, car chaque année l'intoxication alcoolique

tue autant d'hommes que la phtisie. Or, par un traitement

approprié, on en pourrait sauver 90 p. 100, M. Smith possède

SOCIÉTÉS SAVANTES. 229

près de 1,500 lettres de médecins, relatives à l'internement des

alcooliques, il n'en pourrait choisir que trente qui témoignent

d'une opinion nette sur la maladie et son traitement.

Il faut avant tout que le médecin rompe avec l'apologie

physiologique de l'alcool; la clinique psychiatrique nous apprend

d'une façon indiscutable et des plus nettes que les propriétés

soi-disant bienfaisantes de ce médicament, sont autant de fantaisies

qui germent dans le jugement intéressé des amants de spiritueux.

La réalité est que c'est un poison du cerveau et des nerfs,

Quantité d'affections du système organique ou des viscères, ne

résistent à la thérapeutique que par ce qu'on en méconnaît

l'origine; et cette origine est l'ingestion des alcools. Les pres-

criptions médicamenteuses de l'alcool sont aussi insensées que

nuisibles chez les enfantset les convalescents. Un nombre infini d'in-

toxications alcooliques proviennent des ordonnances du médecin.

Le vin du malade à l'hôpital administré comme reconstituant,

l'administration soi-disant prophylactique de l'alcool aux buveurs

qui entrent, sont autant de crimes. Il en est de même des rations

de vin des maisons de santé, des asiles d'aliénés, du personnel des

hôpitaux ou des établissements ^publics, qui non seulement sont

par elles-mêmes nuisibles mais entraînent des désordres effrayants

parce que la libéralité avec laquelle elles sont données supprime

tout contrôle. Le préjugé stupide, qu'il y a des délires par suppres-

sion des spiritueux chez ceux qui y sont habitués, et que cetle

suppression provoque des accidents morbides est une source intaris-

sable d'intoxication. Ce qui est vrai, c'est qu'un groupe important

de phénomènes nerveux provient de l'alcool; les buveurs invétérés

engendrent des psychopathes ; quant aux névropathes, à quoi

bon leur donner un agent qui à lui seul est pathogène ? Il faut

donc introduire la tempérance dans les asiles publics; j'y suis

arrivé personnellement dans mon asile; cette démonstration

apprendrait au public que la vie peut avoir des grandes chances

sans alcool.

L'abstinence doit être pratiquée par le chef même de l'asile,

par le médecin; il lui faut s'abstenir le premier de boire toute

espèce de boissons alcooliques. Or, extrême est la fréquence de

l'alcoolisme chronique chez les médecins. Sur les 1,500 observations

qu'il a mentionnées plus haut, M. Smith en a 436 qui concernent

des médecins se qualifiant eux-mêmes d'alcooliques ou de

morphino-alcooliques; et encore peut-on considérer comme un

progrès de voir un malade reconnaître qu'il est alcoolique. Ou

peut appliquer le nom de buveur par habitude à celui qui habi-

tuellement, le plus souvent sans se douter des effets pernicieux

de l'alcool, prend chaque jour une certaine quantité de boissons

spiritueuses. On désignera sous le nom d'ivrogne celui chez qui

l'absorption habituelle de l'alcool produitdes altérations physiques

230 SOCIÉTÉS SAVANTES.

telles qu'il ne désire plus en ingérer d'aussi grandes quantités, et,

cependant, bien qu'il reconnaisse que l'alcool est nuisible, il n'a

plus l'énergie nécessaire pour se soustraire à ce penchant qui de

jour en jour devient plus vif.

Le médecin doit encore s'appliquer à l'obtenir pour des raisons

purement tactiques. Si le mouvement en faveur de la tempérance

n'a pas encore eu la vigueur qu'il lui faut obtenir, c'est qu'il a

été lancé par bien des gens qui manquent de l'autorité scientifique

nécessaire et qui par suite passent pour des fanatiques et que,

d'autre part, beaucoup de personnes considéraient leur contri-

bution à une société de tempérance comme une prime destinée

à les assurer contre une fausse interprétation de leur propre

intempérance. Or, il ne faut pas se payer de mots, l'exemple seul

agit. En conséquence, le médecin doit être un vivant exemple

d'abstinence, il doit être en outre l'apôtre de la tempérance.

La tempérance, c'est la prophylaxie d'une maladie qui fait des

victimes matériellement, moralement, physiquement, à l'exemple

d'une guerre et d'une peste. Par la tempérance nous transmettons

à nos descendants la vigueur physique et morale, nécessaire au

combat pour l'existence.

Discussion. M. Dittuar croit qu'il est, au point de vue pratique,

très difficile d'introduire l'abstinence dans les asiles, surtout dans

un pays vignoble.

M. KnOEpEDN appuie de toutes ses forces la manière de voir de

M. Smith. La question de l'alcoolisme ne comprend ni plus ni

moins que l'avenir de la race germanique au plus haut point

menacée. L'alcool est toujours nuisible, dans l'épilepsie et certaines

formes de ladémence congénitale avecactesimpulsifs, il est terrible;

terribles aussi sont les abus d'alcool pendant la période de sevrage

de la morphine.

M. Kirm. On obtiendrait plus de résultats pratique si provi-

soirement on s'efforçait de prêcher une abstinence modérée.

M. KnOEpEUN. Dans les vésamies, on ne peut prétendre à un

résultat que par la suppression radicale de l'alcool.

Sur l'initiative de M. KtRN, M. KROEPEUN propose de mettre la

question de l'alcool à l'ordre du jour du prochain congrès.

MM. Smith et Sommer sont nommés rapporteurs.

M. Beyer. Contribution à la pathologie de la confusion mentale

(Vg)'tt)on'Ë ? t6t<) hallucinatoire aiguë. C'est une psychose réelle;

pour la constituer il ne suffit pas d'en tracer les limites par rapport

aux autres modalités morbides, d'en séparer la confusion mentale.

(Vermorrtheit) symptomatique et de traiter de celle-ci dans ces

chapitres : épilepsie,' alcoolisme, etc. Sous le titre de confusion

mentale (Verwirrtheit) idiopathique, ou amentict au sens étroit du

mot, restent réunis une grande quantité de cas différents par

SOCIÉTÉS SAVANTES. 231

leur étiologie, leur évolution, leur durée, ce qui impose l'obligation

d'en reprendre la division pathologique et pratique.

Voici par exemple un groupe de faits caractérisés par une

marche toute particulière, rapide et atténuée, dans lesquels la

maladie se montre entre l'âge de cinquante à cinquante-six ans,

c'est-à-dire à un age de la vie où la forme typique de la confusion

mentale (Ve7,wo7-i-enheit) parait manquer. On ne constate dans

l'espèce ni éléments prédisposants, tels que tare héréditaire grave,

imbécillité, épilepsie, alcoolisme, ni facteurs étiologiques aigus

tels que affections somatique, intoxications, etc... Mais en

revanche, depuis des mois ou des années les malades sont en

proie aux incommodités si fréquentes de la ménopause, trouble

nerveux, céphalalgie, etc... Le terrain étant ainsi préparé, inter-

viennent des facteurs moraux (discussions de famille, procès, etc.)

qui produisent une dépression profonde, suppriment le sommeil,

nuisent à la digestion; en quelques semaines le malade s'épuise

et c'est alors que la psychose en question fait explosion. Soudain

le désordre dans les idées (Verwirrtheit) apparaît avec des hallu-

cinations sensorielles (de préférence de l'ouïe); ils s'agitent et

présentent un état d'humeur en rapport avec ces hallucinations.

Tel est le complexus morbide qui, avec des oscillations dans

l'intensité, dure deux à trois semaines. Tous les symptômes sont

moins prononcés que dans la confusion mentale (Verworrenheit)

typique. De temps en temps les hallucinations font défaut, mais

la confusion mentale (Verwirrtheit) subsiste; fréquemment les

malades eux-mêmes s'en aperçoivent et s'en plaignent. Les

troubles de la sensibilité morale et l'agitation motrice ne sont

pas primitifs; ils doivent être tenus pour les conséquences des

hallucinations sensorielles. Jamais il ne se développe de stade

maniaque, ni de stade de stupidité.

L'amélioration s'effectue graduellement. D'abord les halluci-

nations semblent disparaître et avec eux les symptômes secon-

daires. Les malades commencent à s'occuper davantage de leur

entourage; ils ne s'y trouvent pas bien et sont par suite méfiants

et irritables. Entre deux et quatre semaines la lucidité progresse

en même temps que se relève l'état de la nutrition matérielle,

finalement la complète lucidité reparaît; ils désirent souvent

recevoir une visite des parents ou retourner chez eux; leur

retour peut avoir lieu généralement entre la sixième et la

huitième semaine qui suit l'explosion de la confusion mentale

(Verwirrtheit).

Diagnostic différentiel. On constate d'une manière générale

les mêmes signes dans les diverses espèces de mélancolie' et de

folie systématique aiguë (paranoia acuia) que dans la confu-

sion mentale (Yerworrenlceil). On ne saurait penser à une

folie périodique, malgré la brièveté de l'évolution, parce qu'on

232 ) SOCIÉTÉS SAVANTES.

ne constate pas, après le décours [de chaque accès, un substratum

pathologique chronique permanent (tel que la tare héréditaire),

loin de là, l'explosion de la psychose qui nous occupe, s'explique

par des facteurs nocifs extrinsèques; on lui trouve un stade prodro-

nique évident. Le délire du collapsus est caractérisé par l'acuité

de son étiologie, la violence et la constance des symptômes,

impulsivité des mouvements, la rapidité de la marche et la

vivacité des éléments symptomatiques qui se succèdent. La démence

aiguë a pour elle le trouble profond de l'intelligence ainsi qu'une

évolution tout autre. -Tous ces symptômes-là ne concordent pas

avec les cas dont il a été question.

Comment distinguer cette forme de confusion mentale halluci-

natoire aiguë de celle qui a été décrite jusqu'ici ? M. Beyer n'ose

encore le faire parce que ses observations (qui ne concernent que

des femmes) ne le lui permettent point. Ou bien il s'agit de deux

maladies voisines, et cependant distinctes, dont l'une se montre-

rait pendant le jeune âge, et l'autre à l'époque de la ménopause,

ou bien ce sont deux formes différentes par l'aspect d'une même

maladie modifiée par l'âge et qui devrait son individualité surtout

aux modifications organiques produites par l'involution qui com-

mence (par exemple dans le système vasculaire), plutôt qu'à la

ménopause.

11 faut prendre d'autres observations pour décider de la justifi-

cation de l'existence de la confusion mentale hallucinatoire aiguë de

ménopause, ainsi que de ses relations avec des psychopathies

parentes. (Voyez Archiv f. Psychiatrie.)

M. ASCIJAFFEN13OURG. Des délires initiaux de la fièvre typhoïde.

Une observation très complète montre, chez une couturière de

trente ans, un état d'agitation incessante avec désordre dans les

idées, d'ailleurs profuses et pressées, tel qu'elle est incapable de

comprendre ce qu'on lui dit. Insomnie. Hallucinations probables.

Désordre extrême des actes. La malade a l'air plutôt congestionnée

qu'autre chose, elle titube comme si elle était ivre. Gâtisme. Pouls

fréquent. Les hallucinations deviennent de plus en plus actives

ainsi que l'agitation et l'obtusion intellectuelle. Tel est le com-

plexus qui se développe en cinq jours. C'est alors que la tempéra-

ture vespérale de 38,4 fait soupçonner une fièvre typhoïde qui

s'accuse de plus en plus. La fièvre typhoïde une fois hors de doute,

le délire cesse ; la stupeur typhique progresse alors et avec elle

arrive la mussitation. Fièvre très irrégulière ; affaiblissement très

rapide. Température 36,3. Evacuations intestinales profuses, col-

lapsus malgré les injections hypodermiques de chlorure de sodium,

T. 3'7,3, puis 41,3. Mort. L'anatomie pathologique démontre le

diagnostic. On apprend ainsi qu'à l'endroit dont provient la

malade, il y avait eu, peu de temps avant, une épidémie de fièvre

typhoïde à phénomènes surtout cérébraux. En conséquence, le

SOCIÉTÉS SAVANTES. 233

délire qui a précédé la maladie et qui a cessé quand celle-ci a été

en pleine évolution, est un délire dit initial. La bibliographie en

contient 17 exemples. Dans 7 d'entre eux le délire a précédé le

début de la fièvre ; l'époque la plus tardive à laquelle on l'a cons-

taté est la fin de la première semaine ; sa durée est généralement

de quelques jours seulement. En quelques cas, il fut immédiate-

ment ou peu de temps après suivi de délire fébrile vrai. Il ne

mourut que 6 malades sur les 17 ; la fièvre typhoïde a présent

une moyenne gravité, parfois elle a été tout à fait légère.

Le délire initial de la fièvre typhoïde parait se présenter sous

deux formes différentes. La première forme ressemble aux idées

délirantes comparées aux rêvasseries qui suivent le déclin de la

fièvre, ou aux psychopathies qui occupent la période intermédiaire

entre l'éruption et la suppuration variolique : les malades pré-

tendent qu'on les électrise, qu'ils sont entourés de policiers, qu'un

crapaud les a fécondés. Ces conceptions délirantes sont entrete-

nues par des hallucinations; inquiétude, angoisse, parfois des

violences, en d'autres cas un état de demi-stupidilé, en sont les

conséquences. Il n'est pas rare de voir survenir, à la suite, une

période d'agitation avec propos incohérents, confusion complète

des idées qui rapproche cette première forme de la seconde.

La seconde forme, en effet, se traduit par une absolue confusion

des idées, avec désordre des actes, gesticulation ; les malades

brisent, dansent en rond, sont tout à fait incohérents, ils pré-

sentent une exagération de l'idéogenèse, avec assonances, prières

et chants. Tantôt gais, tantôt anxieux, ils manifestent entre temps

de véritables conceptions délirantes (ils ont, disent-ils, déshonoré

leur famille et doivent être brûlés). Un trait commun réunit ces

deux formes : c'est l'obtusion intellectuelle intense qui met son

cachet sur le désordre des mouvements, et l'exagération de l'idéo-

genèse.

On les distinguera des psychopathies dues à l'épuisement, à la

paralysie générale, à l'épilepsie, aux intoxications par les signes

physiques viscéraux, la lièvre, l'existence d'une endémie de fièvre

typhoïde, la constatation de causes d'épuisement, d'accidents

antérieurs d'ordre épileptique, les excès d'agents toxiques, la

marche insidieuse de la maladie. Si l'on lie trouve pas de symp-

tômes somatiques, si l'on n'obtient pas de commémoratifs, il est

plus malaisé d'établir le diagnostic.

Dans la confusion mentale idéopathique ou amenda, le rôle

proéminent des hallucinations et leur influence sur la conduite du

malade qui, d'ailleurs, répond aux sollicitations extérieures, per-

met de se guider sûrement, il n'est pas une machine comme dans

le délire initial qui nous occupe, il ne présente pas cette hébétude

spéciale. L'agitation incohérente du paralytique général ne se tra-

duit pas par la même forme de stupeur, il a une certaine liberté

234 SOCIÉTÉS SAVANTES.

dans ses mouvements, il manifeste parfois des idées de grandeur,

enfin on peut enregistrer des symptômes positifs du côté de l'ap-

pareil nerveux.

En revanche, rhébétitde, qui facilite le diagnostic d'avec l'amen-

tia et la paralysie générale, le rend difficile dans l'obnubilation

épileptique, mais l'épileptique délire d'une certaine façon, il est

-^expansif et nourrit des conceptions religieuses.

Les délires toxiques cocaïnique, haschischique, atropinique,

alcoolique ont chacun ses signes caractéristiques. Mais ceux de la

septicémie, de la rage, de la malaria, de la fièvre jaune sont

presque impossibles à distinguer de celui dont nous nous occupons

ici : cela se conçoit, puisqu'ils sont tous des délires d'intoxication.

La pathogénie a tour à tour invoqué le mécanisme de l'irradia-

tion nerveuse, de l'urémie, de la méningite cérébro-spinale, de la

congestion cérébrale, autant de facteurs pathogénétiques à démon-

trer. La fièvre a été accusée, mais le délire initial en question

apparaît à une période où la fièvre manque, disparait lorsque

celle-ci monte.

On se rangerait plus volontiers à l'avis de Gerhardt, Vallin,

Liebermestein. Les bacilles de la fièvre typhoïde en se dévelop-

pant engendrent un autre produit qui a pour propriété de dimi-

nuer la chaleur physiologique et d'exciter l'écorce du cerveau

comme un alcaloïde narcotique. Dans l'observation que nous

venons de résumer, les injections de chlorure de sodium ont déter-

miné une ascension thermique de 4° sans modifier la fréquence

du pouls ni empêcher la mort ; elles ont probablement emporté

la toxine. Ce serait un motif pour préconiser les grands lavages

sous-cutanés de solutions de 2 litres de chlorure de sodium.

Discussion. M. Nissl a examiné la pariétale ascendante

droite de la malade dont il vient d'être question. Coloration au

bleu de méthyle. Un faible grossissement montre que dans l'écorce

les vaisseaux, jusqu'aux capillaires les plus fins, sont remplis d'hé-

maties, et entre celles-ci beaucoup de leucocytes. Un fort gros-

sissement révèle les altérations suivantes des cellules nerveuses.

Les unes n'ont présenté que peu d'altération, d'autres sont com-

plètement désagrégées, l'immense majorité d'entre elles présente

des altérations aiguës fort semblables à celles qui traduisent l'in-

fection du voisinage d'un foyer d'expérimentation. Le protoplasma

ne présente pas ce contraste si net qui a permis d'établir qu'il se

compose d'une substance chromogène et d'une substance chroma-

tique ; il apparaît à l'état d'organe pâle un peu gonflé dans lequel

on peut distinguer des lacunes plus claires. Quelques cellules moins

altérées témoignent encore au niveau du prolongement de la

pointe d'une rayure ou d'une structure rétiforme, mais ceci ne se

révèle qu'à la limite de la perceptibilité, sous une forme floue et

indistincte. Plus l'altération progresse, plus la pâleur du proto-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 235

plasma s'accuse, il parait finalement liquéfié. Cette modification

gagne les prolongements protoplasmiques. Quant aux noyaux, à

peu d'exceptions près, ils sont le terrain du processus de raréfac-

tion ; le noyau est un peu tuméfié, sa charpente et son nucléole

s'amincissent et se raréfient progressivement, chacune des granu-

lations des trabécules constitutives se dissocient. Alors, ou bien le

noyau s'atrophie, ou bien il se désagrège en même temps que sa

paroi manque. Nulle part il n'y a de dégénérescence graisseuse

des cellules nerveuses, ni de désagrégation grenue des proto-

plasmas.

Les cellules de la névroglie présentent d'une manière générale

une certaine inhibition du protoplasma, qui rend évidents de

nombreux protoplasmas cellulaires, habituellement dans l'ombre.

Karyokinèse de quelques noyaux de la névroglie.

Dans les vaisseaux remplis de sang, on est frappé de l'abondance

de leucocytes. Cew-ci sont également en grand nombre dans les

gaines adventices. On ne constate dans les tissus même que par

places isolées des leucocytes ou organites multinucléaires. impos-

sible de dire qu'il y ait eu multiplication des noyaux non cellulaires

autour des cellules nerveuses.

M. FunEn. De la genèse des hallucinations de l'ouïe. (Voyez le Cen-

li-albl. f. Nerwezzheilh, 1894. '.)

M. NISSL. Communications relatives à la lia ? ,yokiitèse dans le sys-

tème nerveux central. La constatation a une grande importance

pour la pathologie des organes centraux. Tout récemment dans un

travail sur la paralysie générale, Buiswanges a attribué la multi-

plication indubitable des noyaux non cellulaires à la destruction

de la substance nerveuse non spécifique, il en résulte un rappro-

chement des noyaux de la névroglie; en outre les cellules lym-

phoides multiplient pour lui, il n'y apas prolifération des éléments

névrogliques. Or M. Weigert, dans un cas tout à fait choisi de para-

lysie générale récente, a mis en évidence, à l'aide de sa nouvelle

méthode de coloration élective des fibres de la névroglie, une pro-

lifération des éléments névrogliques dépassant toute attente. Quant

aux cellules lymphatiques, la cellule migratrice de l'organisme est

un hôte absolument rare, dans les conditions pathologiques, elle

ne joue qu'un rôle subordonné, seule l'inflammation infectieuse

peut produire une forte accumulation de ces cellules. En ce qui

concerne les espaces péricellulaires ils sont la conséquence d'un

phénomène de durcissement, il en est de même pour la dégéné-

rescence kystique de Pick, on peut les produire artificiellement

pour ainsi parler à son choix.

Voici maintenant un procédé de coloration de Weigert qui, appli-

qué à des pièces ayant subiledurcissementdans l'alcool, permet de

Voy. Archives de Neurologie. Revue analytique.

236 SOCIÉTÉS SAVANTES.

montrer aisément et suivant la karyokinèsede l'organe central de

l'homme, même quand l'autopsie est pratiquée douze à quinze heures

après la mort. On peut se rendre compte de son efficacité sur le

cerveau d'animaux qui ont subi la piqûre d'aiguilles rougies au feu,

en employant comparativement la méthode de Flemming dont

Nissl a un peu modifié la composition, il y a ajouté du chlorure de

plaliue, et ce nouveau procédé de Nissl.

Depuis lors Nissl a trouvé la haryolcinèse dans le cerveau de l'ani-

mal adulte comme dans l'écorce des paralytiques généraux, des

déments séniles, des alcooliques. Voici par exemple une observation

d'urémie suraiguë caractérisée par une contusion mentale grave

avec hallucinations terrifiantes, agitation maniaque presque fu-

rieuse ; à l'autopsie l'écorce était encombrée de cellules de la né-

vroglie subissant la division indirecte.

On met les pièces dans l'alcool à 96 p. 100 pour les faire durcir;

on les colle sur un liège à la gomme, et on les coupe sans les in-

clure. Les coupes très fines sont pendant un demi-heure plongées

dans la teinture d'acétate de fer de Rademacher (marque Einhor-

napocke à Francfort), puis on les rince superficiellement à l'eau,

on les replonge une demi-heure dans la solution d'hémaloxyline de

Weigert (hématoxyiine 1 gramme, alcool 10, eau 100). On les lave

superficiellement à l'eau et on les immerge peu de temps dans une

liqueur composée de 1 d'acide chlorhydrique p. 100 d'alcool à 70",

on les remet dans l'eau pendant dix minutes, on les transporte dans

l'alcool, puis dans l'essence de girofle, ou même dans le baume.

Le temps avancé ne permet pas la communication annoncée de

M. Nissl, Sur une nouvelle méthode de recherche expérimentale du

système nerveux central notamment pour fixer la localisation des cel-

lules nerveuses.

M. Sommer. La question des infirmiers et la surveillance du médecin.

Il y a dieu de critiquer le personnel secondaire, il faut tendre à

l'améliorer. Ce n'est ni en les choisi : .sant dans les classes sociales

élevées, ni en le. payant mieux qu'on y arrivera. C'est en le faisant

surveiller d'une façon permanente par les médecins. Pour cela,

quand on construit des asiles, il faut placer convenablement la

demeure des médecins. On fera appel aux vieux médecins et on leur

donnera une habitation dans les quartiers ou à côté des quartiers;

mais ce projet ne pourra être réalisé que si on introduit les ma-

tières de la psychiatrie dans les programmes de l'instruction obli-

gatoire. (Voy. Zeitschr. f. Nervenheilk, décembre 4893. - Allg.

Zeitschr. f. Psychiat., LI, 1.) P. KERAVAL.

BIBLIOGRAPHIE.

XII. Azzalomie des centres nerveux; par J. DEJERINF, avec la colla-

boration de Mme DEJER1T'E-fLUlI'RE, t. le ? Un fort volume grand

in-8° de 816 pages avec 401 figures dans le texte, dont 45 en cou-

leurs.- Paris, Rueff et Cie, éditeurs.

L'ouvrage doit comprendre trois parties dont ce premier volume

ne nous donne que les deux premières, savoir : l'embryologie,

l'histogenèse et l'histologie du névraxe, puis l'étude du cerveau pro-

prement dite. Le second volume nous fournira l'étude du cervelet,

de l'isthme de l'encéphale et de la moelle épinière.

Les progrès faits dans la connaissance du système nerveux ont

été dus surtout aux méthodes d'étude de plus en plus perfection-

nées qui ont été mises en oeuvre. Aussi M. Déjerine commenee-t-il

par l'exposé détaillé de ces différentes méthodes. Pour l'anatomie

topographique il a employé la méthode des coupes macroscopiques

pratiquées soit à l'état frais, soit après durcissement. Mais pour

l'anatomie de texture, qui est de beaucoup la plus importante, et

sur laquelle le dernier mot est loin d'être dit, cette méthode est

insuffisante. L'auteur en a mis deux principales à profit : l'une est

basée sur l'étude des coupes microscopiques sériées et emprunte

ses procédés à l'anatomie normale, l'autre relève de l'anatomie

pathologique et repose sur l'étude des dégénérescences secondaires.

L'emploi systématique de cette dernière dans un grand nombre

de cas de lésions cérébrales localisées, recueillis dans son vaste ser-

vice de l'hôpital de BicêLre, a permis à l'auteur d'élucider un grand

nombre de points spéciaux de la texture cérébrale. Il a exposé en

détail la méthode qu'il a suivie, méthode lente, mais sûre, qui

fait apprécier la somme de travail que représente un pareil ouvrage,

le plus original et le plus complet qui ait jamais paru sur l'anatomie

du système nerveux.

Le développement du système nerveux est étudié dans le second

chapitre. L'auteur s'est efforcé de considérer le plus possible l'em-

bryon humain, en s'appuyant sur les travaux de His, dont il repro-

duit un grand nombre de figures, ainsi que d'autres de M. Durai,

de façon qu'on puisse suivre facilement ce développement du

névraxe étudié dans son ensemble et dans chacune de ses parties.

Le chapitre ni est consacré à l'histogenèse et le chapitre iv à l'his-

tologie du système nerveux adulte. On sait quelles modifications

238 BIBLIOGRAPHIE. ,

profondes les découvertes récentes de Golgi, de Rarnon y Cajal, de

Gehuchten, etc., ont apportées aux conceptions anciennes et com-

ment on en est arrivé à la notion du neurone constitué par la cel-

lule nerveuse, pourvue de prolongements protoplasmiques et cylin-

draxiles ramifiés. L'exposé de ces recherches est remarquable-

ment fait et fournit les données les plus exactes sur l'état actuel de

ces questions encore à l'étude.

La seconde partie comprend, nous l'avons dit, l'anatomie du cer-

veau. C'est la partie la plus originale de l'ouvrage. La morphologie

cérébrale y est exposée dans les plus grands détails, et rien que

d'après des figures originales, qui sont en réalité des reproductions

de photographies de cerveaux. Hien n'est donc laissé à la fantaisie

et ce n'est pas sur un cerveau schématique que la description est

faite. M. Déjerine se défend du reste d'employer des schémas. C'est

une méthode dont on a un peu trop abusé depuis un certain nombre

d'années et on ne peutque le féliciter d'y avoir renoncé pour reve-

nir à l'étude de la nature elle-même. La synonymie, si compliquée

quelquefois, des scissures et des circonvolutions, est donnée en

entier. Les figures sont en nombre tel qu'on peut facilement suivre

les moindres détails décrits dans le texte, et comme elles sont toutes

des reproductions de pièces fraîches ou durcies, on a sous les

yeux un véritable cerveau, comme si on l'étudiaità l'amphithéâtre.

C'est là un avantage considérable dont l'emploi des schémas nous

avait privés, et qu'apprécieront certainement tous ceux qui avaient

éprouvé la déception qu'on ne manquait pas d'avoir quand après

avoir appris sa morphologie cérébrale dans un traité d'anatomie,

on cherchait à s'y reconnaître sur un cerveau frais. Certaines par-

ties du cerveau sont décrites avec plus amples détails, en raison de

leur importance, telles par exemple la circonvolution de Broca, le

pli courbe, l'insula, la corne d'Ammon, etc.

Pour bien comprendre la disposition réelle du cerveau qui corres-

pond à son aspect extérieur, il est indispensable de l'étudier sur

des coupes en séries. Ces coupes sériées peuvent être macrosco-

piques ou microscopiques. Les premières ne peuvent nous donner

que les rapports les plus grossiers ; les secondes, au contraire,

nous fournissent la texture même du cerveau. L'auteur a mis à pro-

fit ces deux méthodes.

Le cerveau est d'abord étudié topographiquement sur une série

de coupes faites suivant trois directions : verticales, longitudinales

et horizontales. Elles sont assez rapprochées, leur distance variant

de 5 à 10 millimètres pour qu'on puisse suivre les moindres détails

topographiques. Et là encore, bien entendu, il ne s'agit pas de

coupes d'un cerveau, idéal, schématique, mais bien de coupes,

grandeur nature, reproduites d'après des photographies avec toute

la finesse des procédés dont on dispose aujourd'hui. 1

Mais où apparaît la plus grande originalité du livre, c'est dans

BIBLIOGRAPHIE. 239

l'étude du cerveau sur des coupes microscopiques sériées. Ces cou-

pes sont au nombre de 46, divisées en 4 séries. La première série

est à direction vertico-transversale, les trois autres à direction

horizontale. On s'y reconnaîtra facilement grâce à un repérage des

points où passent les différentes coupes indiqué sur une figure

schématique du cerveau. Toutes les figures ont été dessinées à la

chambre claire, à un grossissement de 12 diamètres, d'après des

coupes préparées par la méthode de Weigert. Grâce à ce procédé

M. Déjerine a pu contrôler et rectifier bien des points de la texture

du cerveau. Je signalerai en particulier sa division de la capsule

interne en deux portions, tlialamique et sous-thalamique.

Ce n'est que la région thalamique qui répond à la description

classique en trois segments. Le segment postérieur doit être divisé

en deux segments : segment lenticulo-optique ou postérieur pro-

prement dit, et segment rétro-lenticulaire. Ce dernier déborde le

noyau lenticulaire en arrière, et se distingue du premier par la

direction de ses fibres qui, au lieu d'être verticales, sont horizon-

tales. Grâce à la méthode des dégénérescences secondaires on peut

reconnaître que le segment postérieur est surtout formé de fibres

verticales qui constituent les quatre cinquièmes internes du pied

du pédoncule cérébral. Grâce à elle encore M. Déjerine a pu éta-

blir que dans la région sous-thalamique où la capsule interne n'est

plus formée que par le segment postérieur et le segment rétro-

lenticulaire, les fibres du faisceau de Furet qui constituent le cin-

quième externe du pédoncule cérébral proviennent non pas comme

on le disait jusqu'ici, du lobe occipital, mais bien du lobe temporal.

Une autre partie ordinairement passée sous silence dans la

plupart des traités d'anatomie du système nerveux, c'est la région

sous-optique. C'est une région en effet extrêmement complexe.

M. Déjerine en a fait une étude très soigneuse à l'aide de coupes

horizontales ou légèrement obliques.

L'auteur étudie ensuite l'écorce cérébrale et termine par l'étude

de la substance blanche des hémisphères, c'est-à-dire des faisceaux

d'association et commissuraux. Quant aux fibres de projection,

elles trouveront place dans le second volume. La méthode de

dégénérescence secondaire est là d'une utilité remarquable. Parmi

ces faisceaux, que l'étude préalable des coupes microscopiques

rend beaucoup plus aisés à comprendre, il en est un nouveau,

décrit par les auteurs, le faisceau occipito-frontal, reliant le lobe

temporo-occipital au lobe frontal, à la convexité de l'hémisphère,

et constituant le tapetum.

On voit par la trop courte analyse que nous venons de faire qu'il

ne s'agit pas là seulement d'un traité quelconque d'anatomie du

système nerveux, se contentant d'exposer l'état actuel de nos con-

naissances sur ce sujet, mais bien d'une oeuvre originale, person-

nelle, fruit d'un travail minutieux, patient et sûr. On peut prévoir

240 BIBLIOGRAPHIE.

qu'une fois complété ce traité laissera loin derrière lui tous ceux

connus jusqu'à ce jour. En même temps qu'il est une synthèse de

tous les travaux précédents, il constitue un grand progrès dans nos

connaissances sur le système nerveux, grâce aux nombreuses recher-

ches personnelles de l'auteur qui n'a rien décrit sans l'avoir vu et

-contrôlé.

On ne saurait laisser sans éloges l'artiste, M. Gillet, qui a prêté

son concours aux auteurs, et qui a su rendre avec une aussi grande

netteté, sans faire tort à l'exactitude, les coupes les plus complexes

du cerveau. P. SOLDER.

XIII. Le délire des négations; par J. Séglas. i. vol. Encyclopédie

des aide-mémoire : G. Masson, Paris, 1894.

M. Séglas précise d'abord le terme même de délire des négations.

Ce terme très général ne doit s'appliquer qu'à un ensemble d'idées

délirantes de négation, aussi bien dans la mélancolie que dans les

autres formes d'aliénation mentale. Suivant que ces idées délirantes

seront ou non systématisées, on aura le délire des négations ou au

contraire simplement des idées de négation. M. Séglas étudie dans

la première partie de son ouvrage le délire des négations dans la

mélancolie où, rendant hommage à celui qui l'a décrit pour la

première fois, il lui donne le nom de syndrome de Cotard. Il en

étudie successivement les symptômes, l'évolution psychologique

(folie des négations) et la marche clinique. Dans un chapitre des

plus intéressants, il en fait une étude psychologique, tant au point

de vue de son origine que de- sa signification qui est exposée d'une

façon très remarquable. M. Séglas est un des rares aliénistes qui

cherche, grâce aux lumières de la clinique, le mécanisme psycho-

logique des délires. C'est en effet la voie dans laquelle la psychia-

trie doit entrer si on veut la faire progresser. 11 examine ensuile

sa fréquence, ses causes, les différents aspects qu'il revêt dans la

mélancolie et dans la folie circulaire, et enfin son diagnostic et son .

pronostic.

Dans la Seconde partie, M. Séglas étudie le délire de négation

en dehors de la mélancolie : dans certaines variétés de folie systé-

matisée de persécution, dans la folie systématisée hypocondriaque

et dans la débilité mentale, où il se montre encore plus ou moins

systématisé.

Enfin il passe en revue les idées de négation que l'on peut ren-

contrer au cours de la paralysie générale, dans la sénilité, dans

les lésions cérébrales circonscrites, dans la confusion mentale

primitive, le délire fébrile, l'alcoolisme, la manie, l'hystérie.

Le délire des négations apparaît donc non comme une maladie

spéciale, mais comme un .symptôme qui n'a rien de pathognomo-

nique. Il est cependant des cas qui correspondent à la description

BIBLIOGRAPHIE. 24'1

donnée par Cotard, laquelle doit être conservée au moins comme

base de recherches ultérieures. La folie des négations ne doit être

comprise que comme une variété de la mélancolie et ne peut's'ap-

pliquer qu'au délire des négations mélancoliques, envisagé dans

son évolution psychologique progressive et seulement pour le dis-

tinguer des autres délires de négation systématisés, lesquels

peuvent se rencontrer dans d'autres affections mentales que la

mélancolie. *

Les idées de négation, d'une façon générale, sont la manifesta-

tion d'une altération de la personnalité survenant sous le coup de

modifications de la base organique (cénesthésie) et de la sphère

motrice et affective de la vie psychique. Un index bibliographique

termine l'ouvrage.

- C'est la monographie la plus complète et la mieux faite qui existe

actuellement sur cette question. Les psychologues aussi bien que

les psychiatres auront grand profit à la lire. P. S.

XIV. Les nouvelles recherches sur les éléments nerveux; par J. DAGONET.

Brochure in-8°. Doin, Paris, 1893.

Bon résumé et exposé très clair des travaux les plus récents de

Golgi, Ramon y Cajal, van Gehuchten, etc., sur l'embryologie et

l'histologie du système nerveux central. P. S.

XV. Monopole de l'alcool et dixième de l'alcool; par OTTO LANG.

(Alcohol Monopol und alcohol zehntel. Zurich, 1894).

Les lois établissant le monopole de l'alcool en Suisse reposent

elles-mêmes sur les articles 31 et 31 bis de la Constitution fédérale.

Ces articles, adoptés par le peuple le 25 octobre 1885, par 230,250

voix contre 157,403 enlevaient le bénéfice de la liberté du commerce

à la fabrication et à la vente des boissons spiritueuses. L'article

32 bis spécifiait en outre, que les recettes provenant de la fabrication

' de l'alcool et de l'impôt sur les alcools d'importation devraient être

réparties parla Confédération,entre les divers cantons, proportion-

nellement à leur population. Mais par contre, les cantons étaient

soumis à deux obligations : 1° défense leur était faite de frapper

d'impôts les boissons non distillées ; 2° ils étaient obligés de consa-

crer au moins le dixième des recettes fournies par le monopole de

l'alcool à la lutte contre l'alcoolisme, ses causes et ses effets.

Ces articles de la Constitution n'avaient pas institué formelle-

' ment le monopole. La loi établissant le monopole de fabrication,

soumise au referendum du peuple, fut adoptée le 15 mai 1886

par 267,255 électeurs contre 133,122. Le droit de fabriquer et d'im-

porter des boissons distillées, appartient exclusivement à la Confé-

dération. Celle-ci n'exerce pas son droit de fabrication elle-même,

Archives, t. XXIX.. 16

242 .BIBLIOGRAPHIE.

mais le concède, suivant certaines conditions, à des particuliers, à

des sociétés. Un quart des spiritueux doit être fourni par les dis-

tilleries indigènes, les trois autres quarts sont importés. Cette

mesure a été prise dans le but de protéger l'agriculture suisse, car

si la Confédération n'avait voulu qu'augmenter les bénéfices four-

'nis parle monopole, elle aurait dû ne mettre en circulation que

de l'alcool d'importation qui revient moins cher que l'alcool indi-

gène. (Il y a une différence de 40 à 50 francs par 100 kilos. Les

.distilleries suisses fournissent l'alcool à raison de 90 francs les ,

100 kilos; l'alcool d'importation revient à 44 francs les 100 kilos.)

La Confédération perd donc ainsi 80,000 francs par an dans le but

de protéger l'industrie des bouilleurs de crus suisses. La quantité

minima d'alcool vendue par l'administration du monopole est de

150 litres au prix de 120 à 150 francs. Le directeur de l'adminis-

tration de l'alcool publie un rapport annuel sur l'exercice écoulé

BIBLIOGRAPHIE. 243

le t/10e des recettes du monopole, et que l'on n'ait pas consa-

cré la plus grande partie des recettes, de préférence à prévenir les

causes du mal.

On a souvent considéré le dixième de l'alcool comme pouvant

servir à toutes les oeuvres d'assistance et comme appelé à alléger

les charges du budget des cantons. C'est méconnaître la loi de la

façon la plus formelle. La Confédération répartit les recettes

du monopole entre les cantons, non pas pour venir en aide à

des oeuvres philanthropiques, mais pour enrayer les progrès de

l'alcoolisme et surtout en combattre les causes. Loin d'employer

le dixième de l'alcool à équilibrer le budget, les cantons ont le

devoir de le consacrer à l'oeuvre de la lutte contre l'alcoolisme,

oeuvre pour laquelle ils n'avaient pas jusqu'alors les ressources né-

cessaires. En réalité, il n'y a pas jusqu'ici un seul canton qui ait

consacré intégralement le dixième des recettes du monopole à sa

destination ; en revanche un grand nombre de cantons ont em-

ployé ce dixième, dans sa totalité, à des oeuvres qui n'ont rien à

voir avec celles qu'ils devaient .soutenir. C'est ce que prouvent les

rapports annuels déposés par les cantons sur l'emploi du dixième de

l'alcool (1889-90-91-92). Ils témoignent d'une ignorance complète de

l'esprit qui a guidé le législateur : la moitié environ du dixième de

l'alcool (300,000 fr.) est détournée de sa destination. Berne consacre

plus de 1,400 francs à une maison de travail pour femmes; Lucerne

verse le total des recettes, 35,000 francs, à la caisse des pauvres;

Schvyz emploi 9,000 francs à la fondation d'une maison de travail

forcé. Glarus donne ses recettes entières (6,100 fr.) pour la construc-

tion d'un asile d'aliénés. Solothurn fournit une subvention de

10,000 francs à la Société pour l'instruction des pauvres, et une

autre de 4,000 francs à une maison de travail forcé. D'autres

cantons emploient également leurs recettes pour le service des

aliénés, pour les services pénitentiaires, pour l'assistance publique,

.pour l'instruction publique, pour les enfants assistés, les épilep-

tiques, les sourds-muets, les aveugles, les jeunes criminels. Sans

doute, toutes ces oeuvres sont intéressantes et doivent être soute-

nues, mais le dixième de l'alcool n'a pas eu pour but de subvenir à

ces dépenses diverses. Celles-ci sont en effet des dépenses obliga-

toires auxquelles les cantons ne sauraient se soustraire, qu'ils

bénéficient ou non des recettes du monopole.

Et d'autre part, combien de moyens efficaces dans la lutte contre z

l'alcoolisme, dont l'essai n'a même pas été tenté !

Le monopole a déjà eu pour résulat d'élever le prix de l'alcool

et de diminuer le prix des boissons hygiéniques qui étaient aupa-

ravant assez fortement imposées. D'après M. Mliliet, directeur de

.l'administration de l'alcool, la consommation a diminué de

25 p. 100 depuis l'organisation du monopole. Elle est actuellement

de 6 litres d'eau-de-vie à 50° par tête, au lieu de 7 et 8 litres

244 BIBLIOGRAPHIE.

avant le monopole. La consommation de la bière a augmenté de

25 p. 100. La qualité de l'alcool serait meilleure par suite de la

rectification. Un autre bienfait du monopole a été la suppression

d'un grand nombre de bouilleurs de cru qui étaient les facteurs

les plus actifs de l'intoxication alcoolique en Suisse. Leur nombre a

' été réduit par suite de la décision de l'administration qui ne se

fournit d'alcool que chez les distillateurs pouvant lui livrer au

moins 15,000 litres d'alcool absolu par an. Afin de ne pas trop

favoriser les grandes distilleries, on a cependant imposé un maxi-

mum de production; aucune distillerie ne peut vendre plus de

100.000 litres d'alcool absolu par an. Auparavant, il y avait 1,400

distilleries qui constituaient autant de foyers d'intoxication ; ac-

tuellement il n'en existe que 16, qui livrent tout leur alcool à

l'administration du monopole. Celle-ci ne le vend au commerce

qu'après rectification. '

C'est dans l'emploi rationnel du dixième de l'alcool qu'on trou-

vera le moyen de lutter plus efficacement encore contre l'al-

coolisme. En première ligne, il faut encourager et soutenir le

mouvement d'abstinence (puisqu'il est toute une catégorie de sujets

qui doivent choisir entre les excès alcooliques et l'abstinence

totale), il faut aider à la création d'établissements de consomma-

tion pour les abstinents; instruire et moraliser le peuple, créer des

asiles de traitement pour buveurs, payer les frais de séjour des

buveurs indigents dans ces asiles, subventionner les Sociétés créées

pour combattre l'abus de boissons alcooliques et éclairer l'opinion

publique. PAUL Sérieux.

XVI. Essai de classification pathogénique des délires liés à lapuerpé-

ralité (grossesse, accouchement, lactation); par le Dr FVBOT. (Thèse

de Lyon, 189 : i.)

Ce travail, sur un sujet qui a été l'objet déjà de nombreux mé-

moires, est un essai de classification qui semble résumer l'état

actuel de la question. Le rôle des auto-intoxications et de l'infec-

tion dans les psychoses en général et dans les psychoses puerpérales

en particulier est admirablement mis en relief : Cette théorie géné-

rale de l'origine infectieuse des états délirants est, du reste, expo-

sée depuis longtemps dans les leçons cliniques de M. le professeur

Pierret et dans les nombreux travaux de ses élèves.

L'aliénation mentale est une maladie du corps et non une maladie

de l'esprit. Aussi est-ce faire de la médecine incomplète que de

séparer des signes somatiques les symptômes intellectuels Envi-

sager les phénomènes mentaux en dehors de tous les autres signes

organiques n'est pas non plus faire de la psychiatrie. Cette concep-

tion nouvelle, utile au point de vue thérapeutique, surprend peut-

être. On s'étonne, en effet, que pour un délire, un mal de tête, de

asiles d'aliénés. 245

L'insomnie, il faille fouiller l'aliéné au point de vue physique,

délaissant presque complètement la forme d'aliénation mentale.

De cette recherche découle le traitement; et l'on voit des aliénés

qui auront été traités inutilement par toute la kyrielle des médi-

caments nerveux ou calmants, s'améliorer et guérir. Si les maladies

du corps, les intoxications, n'ont aucune influence, comment com-

prendre cette marche à rechute des héréditaires francs. Comment

comprendre qu'une même cause l'hérédité, qui subsiste toute la

vie, ait des effets passagers, la cause primordiale restant la même ?

11 faut supposer des causes secondaires venant la renforcer : ces

causes secondes, ce sont les modifications de la réceptivité, le ter-

rain rendu plus favorable par l'épuisement et l'anémie, par auto-

intoxication et infection. Le médecin aliéniste doit donc être

doublé d'un excellent clinicien pour pouvoir rechercher et surtout

reconnaître ces causes secondes qui sont déterminantes.

Cette doctrine étiologique de la folie est défendue dans ce tra-

vail avec talent et avec de nombreuses preuves à l'appui. N'est- elle

pas bien supérieure à la doctrine de 'l'hérédité psychopathique,

seule cause reconnue par quelques aliénistes de la folie puerpérale

doctrine décourageante s'il en fut, ingrate par excellence, funeste

souvent, inutile toujours. '

L'auteur conclue : 1° La folie puerpérale n'est pas une et dépend

de plusieurs facteurs; 2° la seule classification scientifique des

psychoses est celle qui s'appuie sur la pathogénie; 3° les causes

sont : l'infection, l'auto-intoxication, l'épuisement, une irritation

réflexe ; 4° l'hérédité joue un rôle important, mais secondaire et

ne suffit pas à produire la folie du type puerpéral franc. Le trai-

tement seconde entièrement sur l'indication causale et comme les

causes peuvent se superposer, il doit les viser toutes.

Dr Devay.

ASILES D'ALIENES.

VII. CONSTRUCTION DE pavillons d'isolement POUR maladies conta-

GIEUSES DANS LES ASILES. REFUS DE SUBVENTION SUR LES FONDS

DU PARI MUTUEL.

Nous extrayons du procès-verbal de la séance du 8 mars 1894

de la Commission de surveillance des asiles d'aliénés de la

Seine, les passages qui suivent dont l'intérêt n'échappera pas

à nos lecteurs. z

246 asiles d'aliénés.

M. LE PRÉSIDENT. - J'ai reçu relativement à cette question deux

lettres que j'ai l'honneur de communiquer à la commission :

Paris, le 6 mars 189î.

Monsieur LE Président,

Au cours de la séance du 27 avril 1893, la Commission de sur-

veillance, en examinant la question de l'installation de pavillons

d'isolement pour maladies contagieuses pour les asiles publics

d'aliénés de la Seine, a exprimé le voeu qu'une subvention de

100,000 'francs fût demandée à l'Administration supérieure en

raison du caractère d'utilité générale des dépenses de construction

des bâtiments projetés.

Le 28 juin 1893, j'ai porté ce voeu à la connaissance de M. le

Ministre de l'Intérieur. Par une lettre ci-jointe en date du 2* ? fé-

vrier 1894, M. le Ministre de l'Agriculture m'informe que la Com-

mission de répartition des fonds provenant du pari mutuel eu

faveur des oeuvres de bienfaisance n'a pas cru devoir accueillir

favorablement ladite demande de subvention en se basant sur la

situation financière du département de la Seine et sur ce que les

asiles d'aliénés n'affectent point un caractère de bienfaisance net-

tement déterminé. '

J'ai l'honneur, Monsieur le Président, de vous prier de vouloir

bien donner communication de cette lettre à la Commission de

surveillance lors de sa séance du 8 mars courant.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute

considération.

Le Préfet de la Seine,

Pour le Préfet et par autorisation,

Le Directeur des Affaires départementales,

Henri LE Roux.

Paris, le 27 février 1891.

Monsieur LE Préfet,

Vous avez adressé à la Commission de répartition des fonds

provenant du pari mutuel en faveur des oeuvres de bienfaisance

une demande à l'effet d'obtenir l'attribution au département de la

Seine d'une subvention de 100,000 francs destinée à faire face

pour partie aux dépenses de construction de baraquements

d'isolement dans chacun des asiles d'aliénés de ce département.

J'ai l'honneur de vous informer, Monsieur le Préfet, que dans sa

séance du 17 janvier dernier, la commission instituée près de mon

département pour répartir les fonds dont il s'agit a examiné cette

demande et n'a pas cru devoir l'accueillir favorablement.

asiles d'aliénés. 247

Elle estime en effet que les asiles d'aliénés n'affectent pas un ca-

ractère de bienfaisance nettement déterminé, puisqu'ils n'ont pas

exclusivement pour objet le traitement des malades indigents. En

outre, les travaux projetés sont d'ordre purement hygiénique, et

sans méconnaître leur utilité, la Commission, étant donné d'une

part l'insuffisance des ressources à sa disposition, eu égard au

nombre considérable de demandes émanant d'oeuvres de bienfai-

sance et ayant trait à des créations d'établissements charitables ou

hospitaliers auxquelles il ne lui est pas possible de donner satis-

faction, et d'autre part, la situation financière du département de

la Seine où la valeur du centime additionnel aux quatre contribu-

tions directes dépasse 672,000 francs a dû écarter la demande que

vous lui aviez adressée et elle m'a chargé, Monsieur le Préfet, de

vous en exprimer ses vifs regrets.

Recevez, Monsieur le Préfet, l'assurance de ma considération la

plus distinguée.

Le Ministre de l'Agriculture, Président de la Commission,

VIGER.

M. PuTEAUx. Il nous est difficile de ne pas protester contre

cette idée que les asiles d'aliénés ne sont pas des établissements de

bienfaisance.

M. LE D Du Mesnil. Nos asiles sont, comme les hôpitaux, des

établissements de bienfaisance; presque tous les aliénés y sont trai-

tés gratuitement. De même que dans les hôpitaux, on n'y fait payer

que les malades ayant des ressources suffisantes, soit par eux-

mêmes, soit par leurs familles.

M. LE Président. -Notre procès-verbal constatera l'étonnement

qu'a éprouvé la Commission de voir contester à nos asiles le carac-

tère d'oeuvres de bienfaisance nettement déterminé.

M. LE D1' TI3ULIli. Je suis d'autant plus étonné de leur voir

contester ce caractère, qu'au ministère de l'Intérieur les asiles

d'aliénés sont précisément classés parmi les établissements de bien-

faisance. J'ajoute, en ce qui concerne sa situation financière,

que le département de la Seine dépense pour le service des asiles

d'aliénés et pour celui des enfants assislés, plus du tiers de son

budget, et que ces dépenses, qui vont toujours en progressant, com-

mencent à alourdir considérablement ses charges.

M. CARON. Nous pourrions renouveler notre voeu pour la répar-

tition qui sera faite en 1894 des fonds provenant du pari mutuel,

en motivant fortement notre demande sur les considérations qui

viennent d'être exposées.

M. LE Dr du MESNtL. Il conviendrait de faire également valoir

248 asiles d'aliénés.

auprès de M. le ministre du Commerce et de la Commission de

répartition des fonds, que nos asiles, de même que nos hôpitaux,

sont encombrés de malades venant, depuis peu, de la province, et

qu'il serait équitable, en raison des charges ainsi imposées au

département, qu'une allocation lui soit accordée sur ces fonds.

M. MAUCOMBLE. On pourrait aussi faire observer que le pari

mutuel est une des causes de l'augmentation du nombre des aliénés

dans le département de la Seine.

M. B.11LLY. J'ai eu dernièrement à faire une démarche en com-

pagnie de M. Le Roux et de M. Lépine,' préfet de police, auprès du

ministre du Commerce, en vue d'obtenir sur les fonds provenant

du pari mutuel, une somme de 50,000 francs, pour être affectée à

la caisse des retraites des sergents de ville de la banlieue. M. le

ministre, tout en nous faisant le meilleur accueil, nous a donné

à entendre qu'il craignait que la Commission de répartition, com-

posée en grande partie d'agriculteurs, ne se montrât pas favorable

à notre requête. Cependant, ce sont, en grande partie, les sergents

de ville de la banlieue de Paris qui font le service des hippo-

dromes.

M. LE Président. Je mets aux voix la proposition de M. Caron.

Cette proposition est et l'unanimité des voix adoptée par la Com-

mission. ,

Quelle singulière idée a-t on eue aussi d'attribuer au minis-

tère du Commerce la répartition des fonds du Pari Mutuel ! ,

VIII. LES asiles d'aliénés DE la Saxe; par Tri. GUNZ..

Voici le résumé de l'état actuel de l'assistance publique des aliénés

en Saxe, emprunté au Rapport administratif de la 4° section du

ministère de l'Intérieur pour les années 1886 à 1891 (Directeur

M. Joeppelt) à S. E. M. le ministre d'État de Metzsch :

On a supprimé l'assistance des aliénés curables ou incurables en

des asiles séparés. On réunit ces deux catégories en un seul et

même asile, Comme il est difficile et le plus souvent impossible de

formuler le pronostic à l'admission des malades il était arrivé que

l'asile de traitement de Sonnenstein contenait 48 p. 100 (1879)

d'aliénés incurables, tandis que les asiles-hospices avaient admis

nombre de malades susceptibles d'amélioration et de guérison. Les

dépenses de transferts devenaient dès lors coûteuses. Et le public

voyait avec peine ses malades jusque-là regardés comme curables

dirigés sur un asile-hospice dont le nom devenait synonyme d'incu-

labilité.

Cette situation exigeait en outre des rapports médico-légaux

et les admissions étaient rendues plus difficiles et plus lentes. Les

asiles d'aliénés. 249

directeurs préposés à l'administration des asiles-hospices éproui

vaient de leur côté mille peines à recruter le personnel médical

suffisant pour ces derniers établissements.

Ceci fait, on a attribué à chacun des asiles certaines régions

territoriales. On a autorisé tous les médecins assermentés à faire

les rapports nécessaires à l'admission, et non plus seulement les

médecins de districts, et l'on a transmis directement aux directeurs

des asiles les conclusions des admissions. On est ainsi arrivé à la

mise en traitement rapide des aliénés dont on facilite l'arrivée

dans les asiles. De pair avec le principe de l'hospitalisation sans

entraves, le gouvernement a fait marcher les progrès techniques

de l'assistance et du traitement des malades.

Il a dû transformer les établissements et les développer. Pour

cela il lui a fallu exécuter de nombreuses modifications arcliitectu-

rales dans les asiles existants et construire un nouvel asile. C'est

l'asile d'Untergoeltzsch en Voigtland qui doit être ouvert durant

l'année courante.

La nouvelle organisation comptera dès lors : .

1° Les gsiles mixtes de Sonnenstein avec : >

a. Sonnenstein avec la métairie de Cumersdorf et l'annexe de

Jessen. ;

b. Zschadrass.. l

c. JJntergoeltzsch.

' d. Hubertusbourg avec la métairie de Reckvitz et l'annexe de

Lipsilz. '

Chacun de ces établissements recevra des aliénés curables et

incurables des deux sexes ; 600 malades, pas davantage. Seul

l'asile d'Huberturbourg comprendra deux établissements de

même contenance, l'un pour les hommes, l'autre pour les femmes.'

Tous ces asiles seront organisés pour l'hospitalisation libre.

2° L'asile ci'Hochzveits5chen pour épileptiques non aliénés et'

déments épileptiques calmes.

3° L'asile de Colditz destiné à recevoir les malades que ne peuvent

'garder les asiles mixtes, épileptiques agités ou perturbateurs et les

criminels aliénés.

La construction de l'asile de Colditz n'étant pas faite pour un asile

mixte à hospitalisation libre, on a pourvu à cette lacune en leur

donnant l'adaptation convenable et transformé la métairie Zscha-

drass qui est près de lui en un établissement mixte autonome en

la dotant de nouvelles constructions qui l'agrandissent.

Voici maintenant les constructions et agrandissements qui ont été

effectués- : ·

A l'asile de Sonnenstein, un quartier de surveillance pour les

hommes, avec locaux pour 6 aliénés alités et ayant besoin d'une

surveillance continue ; une habitation pour 12 malades; une habi-

tation pour 2 à 3 malades; 3 chambres d'isolement; 2 dortoirs.

280 asiles d'aliénés.

pour 6 malades et pour 1 à 2 malades; des bains; une tisanerie;

lieux d'aisances; habitation pour un médecin célibataire; chauf-

fage central ; buanderie.

Les dépenses de construction pour les deux pavillons occupés

en juin 1890 se sont élevées à 133,000 marks (166,250 fr.).

Dans la division des femmes, on construit deux bâtiments sem-

blables, évalués 219,000 marks (273,750 fr.).

Un obitoire avec salle d'exposition, salle de cérémonies, salle de

resserre, salle d'autopsies et laboratoire d'histologie coûteront

14,400 marks (18,000 fr.).

La métairie de Cunnersdorf installée en juillet 1886 avec une

superficie cultivable de 32 hectares, a pu recevoir 46 malades et

6 infirmiers au moyen d'une habitation nouvellement construite

et grâce à l'achat d'une certaine quantité de terrain en sus.

L'annexe de Jessen, à une heure de Sonnenstein, affermée en

1887 et achetée en 1890 comprend 5 hectares et quart; on a cons-

truit des bâtiments qui ont permis d'y recevoir 120 malades et des

aliénés incurables sous la surveillance d'un gardien en chef, elle

est dirigée par l'asile de Sonnenstein.

La métairie de Zschadrns a été transformée en un établissement

autonome ; on l'a agrandie en achetant un terrain de jardinage

et quatre propriétés. On y a construit, pour la division des hommes,

un bâtiment de 24 agités, un quartier de suveillance pour 14 ma-

lades, un bâtiment pour 8 malades à la 1 classe, un autre pour

20 malades à la 20 classe, une section pour 32 demi-agités, deux

pavillons pour 80 tranquilles ; pour la division des fermes, on a

élevé un bâtiment pour 36 agitées, un pavillon pour 40 tranquilles,

un quartier de surveillance pour 20 malades. On a l'intention d'édi-

fier un temple, une salle de fêtes, un bâtiment économique, un

bâtiment d'administration, deux pavillons de fonctionnaires; ces

constructions sont les unes en train, les autres à terminer dans le

courant de cette année. L'évaluation s'élève à 1,285,335 marks

(1,606,668 fr.).

On y a construit aussi une 'nouvelle conduite d'eau qui coûte

88,000 marks (110,000 francs) et fournit quotidiennement 60,000

litres.

Le nouvel asile d'HroeMzsc/t, dans le Voigtland, tout près de la

ville d'Auerbach, est destiné à recevoir cinq à six cents malades

du cercle du Voigtland et des districts voisins miniers. On espère

l'ouvrir et le terminer cette année. Les terrains arables et les prai-

ries sont de 71 hectares; il y a un bois de 27 hectares deux tiers

dans une région saine, la superficie construite comporte 110,000

mètres carrés en pavillons séparés, disséminés dans des jardins. Il

y a une division des hommes et une division de femmes. Chacune

d'elles a son quartier d'admission et de surveillance continue, un

pavillon d'agités, de demi-agités, de gâteux, d'impotents; deux

asiles d'aliénés. 251 I

pavillons pour les tranquilles, un pavillon pour les malades de

première classe, un autre pour les malades de deuxième classe. Le

bâtiment administratif est commun aux deux divisions; il en est

de même du temple, de la salle des fêtes, des bâtiments écono-

miques, de l'obitoire, de deux pavillons de fonctionnaires, d'une

salle de garde, d'une maison de jardiniers, de deux maisons d'in-

firmiers. Les dépenses monteront à 2,722,500 marks, soit 4,500

marks (5,625 francs) par tête.

A l'asile d'HM&erioMrgr, pour recevoir de nombreux malades,

on a commencé en 1880 à agencer le grand château, il a été

terminé en 1889 ; cela a coûté 139,032 marks (173,790 francs). On

a dû placer une nouvelle conduite d'eau : 110,600 marks (138,250

francs) et organiser un nouveau cimetière; à Liptiz affermer une

propriété de 30 hectares pour y placer une annexe pour cin-

quante malades et quatre gardiens. Actuellement, l'établissement

a une population de plus de 1,600 aliénés; il faut donc le diviser

en deux établissements : un asile d'hommes, un asile de femmes,

ayant chacun son directeur médical. Ces deux chefs de service

seront placés sous l'autorité d'un directeur administratif. Cette

organisation, tout à fait différente de celle qui domine dans les

autres asiles d'aliénés, a pour raison d'être la communauté admi-

nistrative de l'endroit et l'existence de l'hôpital régional à Huber-

tusbourg.

L'asile d'Hochweitzschen, qui jusqu'ici avait été réservé aux alié-

nés infirmes, en a été graduellement débarrassé depuis 1888 et

destiné aux épileptiques qui, jusqu'alors, étaient reçus dans des

asiles d'aliénés, dans les quartiers d'enfants de l'hôpital régional,

dans la division des épileptiques d'Hubertusbourg. Hubertusbourg,

depuis 1883, recevait des épileptiques hospitalisés dans l'asile cons-

truit à Koenigswartha, mais trop petit jusqu'alors. Pour obtenir à

Hochweitzschen des agrandissements nécessaires, on a acheté un

bois de 17 hectares, un champ de 19 hectares, de sorte que sa

superficie a atteint 42 hectares et demi. Sur les nouveax terrains,

on a installé huit maisons coloniales et une métairie. Les épilep-

tiques, ayant besoin de soins médicaux particuliers, sont casernés

dans le bâtiment principal de l'asile et placés sous la direction du

premier médecin de l'établissement, tandis que les cas moins

graves sont réservés à la colonie et à la métairie, et confiés au

pasteur de l'asile avec le concours du médecin.

A l'asile de Colditz on a monté dans l'avant-cour les bâtiments

des chaudières et la buanderie.

Les enfants arriérés, reçus jusqu'ici à Hubertusbourg, n'y rece-

vront que des soins médicaux; ils y restent inoccupés. C'est pour-

quoi en 1889 on envoya des fillettes à Nossen, des garçons à

Grosshennersdorf. Ces deux établissements sont conduits par le

252 asiles d'aliénés.

directeur de l'asile d'aveugles; mais en fait ils sont dirigés chacun

par l'instituteur en chef. Dans ces deux établissements ils sont,'

sauf ceux qui sont inéducables, instruits; quatre classes prépara-

toires et quatre classes ordinaires sont destinées à cet effet. Puis

ils sont occupés en sept quartiers de travailleurs. A la fin de

l'année 1891, sur 224 garçons, il y en avait 103 capables d'instruc-

tion et de travail; 52 n'étaient capables que de travail manuel;

69 étaient incapables de travail; sur 158 filles, 100 étaient capables

d'instruction et de travail; 17 n'étaient capables que de travail :

41 étaient incapables d'occupation. Les gardiens et les gardiennes

leur apprennent à travailler.

i En Saxe, comme ailleurs, on s'est préoccupé de former un bon

personnel d'infirmiers ; ce personnel comprend à peu près 800 per-

sonnes. En 1887, M. Joeppelt a conçu le plan de réunir les éléments

nécessaires pour instruire ce personnel dans les asiles. En 1887 on

a installé à Hochweitzschen une école spéciale pour les hommes

et à Hubertusbourg une école pour les femmes. Dans ces locaux

spéciaux habitent et sont instruits ceux et celles qui sont en cours

d'études, ils sont en même temps le home de ceux qui sont et de

celles qui sont en fonctions. Dans les autres asiles également les

infirmiers et les infirmières ont leur demeure propre où ils vont se

distraire et se délasser quand ils ne sont pas de service; ils y trouvent,

avec l'agrément des relations, des éléments de perfectionnement

et de distraction. Ces écoles et demeures du personnel secondaire

sont confiées à l'autorité du pasteur de l'établissement; on lui a

adjoint un médecin pour l'enseignement médical et d'autres d'ins-

truction. Grâce à ces fondations, en 1891, on a obtenu pour les

hommes 74 p. 100 de résultats et pour les femmes 67, il est à remar-

quer qu'en 1889 les résultats n'avaient été que de 51 p. 100.

Si l'on reçoit plus d'aliénés qu'avant dans les asiles et si, par

suite, on est obligé de les agrandir, cela tient, non pas à la pro-

gression de l'aliénation mentale, mais à ce que les malades affluent

dans les asiles d'État. Ainsi de 1875-1890 la population territoriale a

augmenté de 27 p. 100, le nombre des aliénés de 31 p. 100 ; et le'

nombre de ceux des malades de nos asiles territoriaux de 52 p. 100. '

En 1890, il y avait en Saxe 1 aliéné pour 437 habitants ; 36 p. 100

des aliénés restaient dans leurs familles; 12 p. 100 dans des hôpi-

taux communaux, dans des hospices, dans des dépôts d'indigents;

3 p. 100 entraient dans des asiles privés; 49 p. 100 dans des asiles

territoriaux.

En 1891 on a reçu à l'asile de traitement de Sonnenstein 261 ma-

lades : 33 p. 100 ont guéri; 15 p. 100 se sont améliorés; 12 p. 100

sont sortis guéris.

De tous les aliénés des asiles régionaux, 951 sont morts; et

9,19 p. 100 des épileptiques.- ' '

varia. 253

A la fin septembre 1891, '

254 faits DIVERS.

Bicétrd ou l'admettre dans une maison de santé Je vous serais bien

reconnaissant de me renseigner à cet égard.

Agréez, je vous prie, cher Monsieur, etc...

BARIUER,

- Conseiller général de la Seine.

Assistance DES épileptiques.

Un jeune homme de dix-neuf ans, Henri Questel, fils du fermier

de la Tuillerie, près Bonnières (Seine-et-Oise), fut pris, hier, en

l'absence de ses parents et des serviteurs, d'un violent accès d'épi-

lepsie. Il tomba dans le foyer et, lorsqu'on arriva dans la-salle, on

trouva son cadavre entièrement carbonisé. (Le Journal, 15 fé-

vrier 1895.)

Ce fait, comme tant d'autres que nous consignons, montre

la nécessité d'hospitaliser les épileptiques. L'humanité la plus

élémentaire le commande et, à son défaut, la sécurité publique.

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. MM. les médecins-adjoints dont les noms

suivent sont promus à la première classe du grade Dr Thivet (asile

de Blois); Bonnet (asile de Saint-Robert); Charon (asile de Bailleul);

Toulouse (asile clinique); Anglade (asile de Braqueville). M. le

Dr KÉRAVAL, médecin en chef de l'asile de Vaucluse, qui, fort heu-

reusement, est tout à fait remis de l'accident que nous avons

raconté, est nommé directeur-médecin de l'asile d'Armentières en

remplacement de M. le Dr TAGUET, nommé, à sa place, médecin

en chef de l'asile de Vaucluse (division des hommes).

Asile d'aliénés DE BLOIS. Une place d'interne est vacante dans

cet asile. M. le Dr Doutrebente, médecin-directeur, désire avoir un

interne ayant toutes ses inscriptions, et voulant se consacrer à la

spécialité des maladies mentales, 1,200 fr. par an et les avantages

en nature.

Nécrologie. « Nous avons la profonde douleur, écrit notre

ami, M. le Dr Ritt, dans les Annales, d'annoncer la mort de notre

excellent collègue et ami le Dr Donnet, décédé le 24 décembre 1894,

BULLETIN bibliographique. 255

à Magnac-Bourg (Haute-Vienne), à la suite d'une longue et dou-

loureuse maladie.

« Jules-Yves Donnet était né à Magnac-Bourg, le 10 janvier 1831.

Il s'était fait recevoir docteur en médecine en 1858; mais ce n'est

qu'après 1870 qu'il entra dans le service des aliénés comme direc-

teur-médecin de l'asil de Naugeat, près Limoges. Se rendant aux

sollicitations d'un grand nombre d'électeurs notables de l'arrondis-

sement de Saint-Yrieix, il se présenta aux élections générales du

21 août 1881, comme candidat à la députation, et fut élu à une

grande majorité. Battu aux élections suivantes en 1885, par son

concurrent radical, Donnet rentra dans le service des aliénés et fut

choisi pour succéder à notre regretté ami Bigot comme directeur-

médecin de l'asile devaucitise. Il se montra dans ces nouvelles fonc-

tions administrateur distingué, médecin dévoué à ses malades;

aussi lorsqu'en 1888, il fut, à une élection sénatoriale partielle,

nommé sénateur de la Haute-Vienne, son départ fut-il universelle-

ment regretté : il devait être définitif, car Donnet, réélu au renou-

vellement de 1891, comptait bien ne plus rentrer dans le service

des aliénés où il a laissé les meilleurs souvenirs. A l'expiration de

son mandat il caressait le projet de se retirer dans son pays natal

pour y terminer ses jours dans le calme et dans l'étude, au milieu

des siens. Mais, hélas ! notre pauvre ami portait déjà en lui le germe

de la maladie qui devait l'emporter. Dans le courant de 1894, il

dut subir une cruelle opération qui ne pouvait avoir pour résul-

tat que d'arrêter momentanément la marche envahissante du mal.

Dès ce moment, il se savait perdu : défiguré, en proie à d'intolé-

rables souffrances, il voyait venir stoïquement la mort qui fut pour

lui une délivrance.

« Donnet était aimé de tous ceux qui le connaissaient; il plaisait

.et attirait par son rare bon sens, son caractère plein d'aménité.

Ceux qui ont eu, comme moi, la bonne fortune d'entrer dans son

intimité, savent aussi qu'à ces qualités se joignait un coeur excel-

lent, qu'il nous laisse à tous le souvenir d'un honnête homme,

dans la plus large et la plus parfaite acception du mot. - Nous

nous associons de tout coeur aux sentiments exprimés par M. Ritti.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Beciiterew (W.). Ueber den z Entzü ? tdung der Hirn-

ride auf die Z derselben. 2 pages in-8". Extrait du

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-Brochure in-81 de 12 pages. Bordeaux, 1894. - Librairie Féret et fils.

' SEGUIN (E.). Rapport et mémoires sur l'éducation des enfants MOt'-

maux et anormaux, avec une préface par Bourneville. Volume in-8°

de XLVIII-380 pages. Troisième volume de la Bibliothèque d'éditea-

tion spéciale. Prix : 5 francs ; pour nos abonnés, 3 fr. 50.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

Evrem, Ch. HERI898Y, imp. - 395

Vol. XXIX. Avril 1895. ? 98

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE ' ;

Par le D' J. VOISIN, médecin de la Salpêtrière; et Raymond PETIT,

interne des hôpitaux. ,

Dans cette étude nous n'aurons en vue que l'épilepsie généj

rale, telle qu'on la décrit aujourd'hui au point de vue clinique'.

Connue de toute antiquité, elle a été considérée comme une

névrose et décrite sous diverses dénominations : morbus her-

culeus, morbus sacer, mal comitial, mal lunatique, haut mal,

mal Saint-Jean, etc., etc. Ambroise Paré dans ses oeuvres

l'appelle épilepsie du grec i-ù.%u&%vi\.-i (surprendre), parce

qu'il y a en effet surprise ou rétention de tous les « sentiments

dont il advient que le malade chet en terre s'il n'est soutenu D .

Cette expression est très bonne, car en effet l'individu est sur-

pris dans l'apparence d'une santé parfaite et terrassé tout d'un

coup. Dans ces dernières années l'épilepsie s'est vu arracher

une partie de son domaine : les convulsions épileptiformes des

femmes en couches, des enfants scarlatineux, etc., ont été

classées à part.

D'un autre côté, Bravais avait déjà signalé l'épilepsie hémi-

plégique, quand Huglings Jackson vint démontrer par ses tra-'

vaux que des lésions localisées à certaines circonvolutions céré-

brales pouvaient provoquer des convulsions partielles ' où

générales des membres. Enfin les expériences de Férier et

de Hitzig confirmèrent les données de ces auteurs.

1 Ce mémoire a obtenu une mention honorable à l'Académie royale de

Bruxelles (novembre ]894). L'institut de France a accordé une citation

dans le concours du Prix Montyon (décembre 1894). " c

Archives, t. XXIX. 17

258 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

C'est ainsi que le domaine de l'épilepsie idiopathique s'est

rétréci de jour en jour et qu'on est arrivé à admettre des épi-

lepsies idiopathiques et des épilepsies symptomatiques. Il est

évident qu'épilepsie idiopathique ne veut pas dire épilepsie

sans cause, mais signifie seulement que cette cause est encore

inconnue, indéterminée. Il doit y avoir des altérations fonc-

tionnelles et même des lésions comme celles que M. Chaslin

a trouvées dans le tissu névroglique; mais ces lésions relèvent

probablement, comme nous essayerons de le démontrer d'exci-

tations répétées ; or celles-ci pensons-nous doivent être d'ordre

réflexe, provoquées dans la grande majorité des cas par l'ac-

tion d'une substance toxique, introduite dans l'économie ou

produite par elle-même.

Ces diverses causes agiraient sur la contractilité réflexe des

vaisseaux du cerveau par l'intermédiaire des centres vaso-mo-

teurs généraux bulbaires et produiraient les convulsions en

excitant le centre convulsit' du bulbe surtout chez les sujets

héréditairement prédisposés. En effet l'épileptique nait épilep-

tique, il a un système nerveux défectueux, prédisposé à réagir

aux excitations par des manifestations convulsives, lypothi-

miques ou délirantes à certains moments de son existence. Il

est en quelque sorte épileptique en puissance avant de l'être en

acte.

D'ailleurs, les accès comitiaux débutent parfois plus tôt qu'on

ne le pense et nous croyons que dans bon nombre de cas, les

convulsions essentielles de l'enfance dont la pathogénie reste

encore si obscure n'en sont que les premières manifestations.

Ceci nous a surtout paru évident, lorsque nous avons voulu

fouiller un peu les antécédents de nos malades bystéro-épilep-

tiques dont les premières crises étaient purement hystériformes.

Dans tous ces cas, en effet, où l'hystérie semblait marquer le

début, nous avons pu nous convaincre qu'il y avait eu anté-

rieurement des convulsions de l'enfance. Sans doute il serait

exagéré de dire que toutes les convulsions infantiles annoncent

fatalement l'épilepsie, mais leur existence n'a pas fait défaut

dans un seul des cas que nous avons examinés; on peut donc

y attacher une certaine importance, et devant ces manifesta-

tions nerveuses du bas âge le pronostic restera d'autant plus

réservé pour l'avenir, que les antécédents héréditaires du sujet

seront plus chargés. L'hérédité nerveuse joue ici un grand

rôle, surtout lorsqu'elle est convergente, nous y avons déjà

DE l'intoxication dans l'épilepsie. 259

insisté ailleurs'. Mais nous ne voulons pas nous attarder à ces

considérations cependant très intéressantes ; notre but dans ce

travail sur l'épilepsie générale essentielle, est assez difficile à

atteindre pour qu'il nous soit permis de nous localiser. Nous

étudierons seulement quelques symptômes spéciaux peu ou

point décrits jusqu'à ce jour, nous efforçant de leur attribuer

l'importance qui revient à chacun d'eux, ne voulant pas décrire

la symptomatologie de l'épilepsie en général. Puis nous abor-

derons les causes et la pathogénie, et nous terminerons par le

traitement de cette redoutable affection.

1° Troubles de l'appareil digestif. Les troubles de l'appareil

digestif et plus spécialement de sa portion supérieure ont un ca-

ractère de constance remarquable ; jamais ils ne manquent dans

l'épilepsie générale, et leur importance est d'autant plus grande,

qu'ils précèdent les accès isolés ou en série et permettent ainsi

de les prévoir et même parfois de les prévenir. De plus leur per-

sistance en fait un signe précieux ; elle permet d'affirmer ou

non la fin d'une série d'accès ou de trouble mental consécutif.

Chaque fois qu'un épileptique est en imminence d'accès, on

observe chez lui un état saburral de la langue, des plus pro-

noncés. Plus ou moins étalé, cet organe est recouvert d'un épais

enduit d'un blanc sale, souvent vers la base il prend une teinte

jaunâtre, tandis que la pointe et les bords apparaissent rouges

avec un piqueté de même couleur à la limite de l'enduit saburral.

C'est en somme l'aspect qu'offre la langue dans ce qu'on est

convenu d'appeler l'embarras gastrique fébrile, c'est à-dire

dans les infections et auto-intoxications gastro-intestinales.

En suivant de près les malades, en les examinant tous les

jours, il est facile de se convaincre que chaque fois que ce

symptôme apparaît, une manifestation épileptique quelconque

est prochaine. Les jours suivants, en effet, on voit survenir

une série de vertiges, un ou plusieurs accès, de l'agitation, etc.

Au début, la langue est seulement un peu sale, puis chaque

jour, l'état saburral augmente, jusqu'à l'apparition des acci-

dents. Si les accès sont isolés, la langue redevient normale,

après chacun d'eux et reste de même jusqu'à l'approche de

l'accès suivant. Mais on sait que les vertiges et les accès ne se

présentent pas toujours sous la forme isolée, il est fréquent de

les voir se grouper en séries. Dans ce cas les choses se passent

1 Jules Voisin. L'Idiotie, 1893.

260 PHYSIOLOGIE pathologique.

d'une façon très différente. L'état saburral apparaît et s'accroît

progressivement, annonçant l'arrivée des accidents épilep-

tiques ; puis la première attaque éclate; mais la langue au lieu

de revenir ensuite à l'état normal, reste couverte de son enduit

saburral qui devient même plus épais et plus sale, bien loin

de disparaître. Cela ne doit pas nous surprendre, car un

nouvel accès ne tarde pas à se produire, puis un autre, et

ainsi de suite. On est dès lors en présence d'une véritable série.

La série doit être admise ici, dans son acception la plus large.

Chez les malades sériels qui ont une suite non interrompue

d'accès, la détermination des séries est très simple, elle s'im-

pose à l'observateur; les accès paraissent et se répètent très

rapprochés les uns des autres pendant un laps de temps va-

riable, pour disparaître ensuite quand la série se termine. Ce

moment est d'ailleurs marqué par la disparition de l'état sabur-

ral de la langue. Mais s'il y a un intervalle de vingt-quatre ou

quarante-huit heures sans accès, on peut être porté à penser

que la série est terminée, de sorte que des accès revenant

après un ou deux jours sont attribués à une nouvelle série.

Or, cette interprétation des faits est complètement erronée, ,

comme on peut facilement s'en rendre compte en surveillant

l'état de la langue. Malgré l'interruption des accès, l'enduit

saburral persiste, et augmente même, et cela suffit pour per-

mettre d'affirmer que la série n'est pas terminée ; en effet,

après ce moment de répit, de nouvelles attaques surviennent.

C'est seulement lorsque la langue redevient nette, lorsque les

troubles gastro-intestinaux disparaissent que l'on peut dire

avec certitude une série terminée.

Il est des accès isolés et des accès sériels qui entraînent un

trouble mental consécutif d'une durée et d'une intensité va-

riables ; il est intéressant de voir ce que devient dans ces cas,

l'état saburral de la langue. Ici comme tout à l'heure les accès

s'arrêtent mais les accidents épileptiques ne sont pas terminés,

de nouvelles crises survenaient dans le premier cas, ici c'est

le trouble mental qui s'établit. La langue devrait donc rester

dans le même état. C'est ce que l'on constate invariablement;

tant que dure le trouble mental, l'état saburral persiste et

il augmente s'il doit survenir quelque accès convulsif.

Après un temps plus ou moins long, la langue commence à

devenir meilleure, et c'est l'indice certain que le trouble

mental touche à sa fin. Chaque jour la langue se rapproche de

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 261

l'état normal et parallèlement le délire épileptique s'amende,

la raison reparaît. Lorsque enfin le malade est redevenu lucide,

l'état saburral a complètement disparu.

Ce parallélisme absolu entre l'état de la langue et les acci-

dents épileptiques a donc une importance capitale et indique

une relation bien nette entre les deux choses, relation sur

laquelle nous reviendrons, du reste, plus loin dans un essai

d'interprétation pathogénique. Ce qu'il importe de faire res-

sortir pour l'instant, c'est que toute manifestation épileptique

quelle que soit sa nature ou sa forme, vertiges, accès, trouble

mental ou accidents larvés, est annoncée et accompagnée par

l'état saburral de la langue; c'est que la durée de cet état est

égale à celle des accidents, et que sa disparition annonce le

retour à l'état normal.

Les anciens considéraient la langue comme le miroir fidèle

de l'estomac, toute modification de celle-là répondant à un

état particulier de celui-ci. L'estomac doit donc être atteint

dans l'épilepsie, l'état de la langue l'atteste à priori, et les faits

le prouvent; dans la migraine ophtalmique d'origine épilep-

tique cet état est des plus manifeste.

Lorsque nos malades sont en imminence d'accès, ils accu-

sent une diminution très marqué de l'appétit avec dégoût pour

les aliments; ils sentent la bouche pâteuse et amère, parfois

même ils ont des nausées. 11 est absolument exceptionnel de

rencontrer quelques sujets qui n'éprouvent qu'un goût amer

sans perte de l'appétit. Cet état s'accompagne ordinairement

d'une constipation assez opiniâtre, avec de la céphalée et un

malaise général qui peuvent revêtir la forme d'une violente

migraine. Mais en tout cas, il y a constamment des troubles

gastro-intestinaux avec coprohémie. Ces phénomènes gas-

triques sont tellemeut constants dans leur apparition que bon

nombre des malades viennent d'eux-mêmes nous en rendre

compte et ils en concluent que « leur accès les cherche », telle

est l'expression dont ils se servent, en même temps qu'ils nous

réclament une purgation.

Ils ont raison, cet état gastrique, dont l'enduit de la langue

n'est qu'une manifestation, se produit chaque fois que les

accès doivent reparaître. Nous avons fait à ce moment des

lavages de l'estomac avec le tube de Faucher : ils sont venus

donner la pleine et entière confirmation de ce qu'annonçaient

ces symptômes : le liquide qui revient de l'estomac est mêlé

262 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

d'une quantité considérable de mucosités filantes et épaisses,

de couleur sale, jaunâtre, parfois mêlées de bile. Leur abon-

dance est telle qu'il faut faire passer dans l'estomac plusieurs

litres de liquide avant qu'on puisse le retirer à peu près lim-

pide. La recherche des.toxines dans ce liquide n'a pu encore

être faite par nous jusqu'à ce jour.

Il parait à première vue évident que cet état gastrique doit

suivre les mêmes variations que nous avons signalées pour la

langue. Cependant, pour nous en assurer, nous avons fait des

lavages de l'estomac à diverses périodes, tantôt avant l'accès,

tantôt pendant la série, pendant le trouble mental et, enfin,

quand les accidents viennent de disparaître. Ces expériences

nous ont apporté la certitude que, comme l'état saburral de

la langue, les troubles gastriques qui marchent de pair vont

en augmentant jusqu'à l'apparition de l'accident épileptique,

que ce soit un vertige, un accès, une série d'attaques ou une

période d'agitation ; ensuite ils disparaissent si l'accès est

isolé, ou persistent quand il y a série. Eux aussi, facilitent

la détermination en série des attaques comitiales, quand il y a

vingt-quatre ou quarante-huit heures d'intervalle entre deux

accès d'une succession sérielle. Jamais ils ne manquent, pen-

dan t toute la durée du trouble mental, augmentant si un nouvel

accès doit survenir, et diminuant pour disparaître quand les

manifestations épileptiques vont prendre fin.

L'attention avait déjà été attirée sur ces phénomènes gastro-

intestinaux par quelques auteurs, mais on n'en avait peut-être

pas montré exactement l'évolution, et ces symptômes capitaux

étaient restés dans l'ombre ; ils nous paraissent, au contraire,

avoir une extrême importance. C'est ainsi que Roberto Massa-

Ion-ol décrit l'épilepsie gastrique, rapprochant les cas qu'il

rapporte de ceux décrits par Pommay2 sous la même dénomi-

nation. Tandis que ce dernier attribue les accès à l'action

réflexe du pneumouasirique excité, le premier entrevoit la

possibilité d'une auto-intoxication ; encore l'un et l'autre, ne

parlent-ils que de cas tout à fait spéciaux, dans lesquels on a

affaire à des sujets qui font un écart de régime, ou .qui

mangent trop vite ou trop abondamment : c'est encore ce

qu'on a appelé l'épilepsie des gros mangeurs. M. Féré, dans

son ouvrage les Épileptiques et les Epilepsies (1890), p. 301,

J Roberto Massalongo. Epilepsie gastrique (Lo Sperimenlale, 1889).

1 II. Pommay. Epilepsie gastrique (Revue de Médecine, 1881).

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 263

parle aussi des phénomènes gastriques, mais ce sont des faits

un peu particuliers qui n'ont pas le caractère de constance de

ceux que nous signalons, Il insiste surtout sur ces écarts de

régime des gros mangeurs, dont a parlé M. Lépine' ; M. Père

ajoute cependant : « Il faut remarquer, d'ailleurs, que certains

troubles gastriques font partie du paroxysme intellectuel. »

Mais il n'insiste pas davantage et passe aux troubles intesti-

naux qui peuvent apparaître, déterminant l'accès, tels que la

diarrhée des enfants, les vers intestinaux, taenias, lombrics,

larves de mouches, etc... Toutefois, nous devons dire que cet

auteur, tout en admettant l'excitation locale surtout des ter-

minaisons du nerf vague avec phénomènes réflexes, ne repousse

pas l'idée d'une intoxication.

Il ressort donc de ceci que les troubles gastro-intestinaux

et leur cortège sont absolument constants dans les accidents

épileptiques. Les modifications de la langue, indiquant la

manière d'être et l'état des fonctions de l'estomac et de tout le

tube digestif, permettent de prévoir les accidents et s'accom-

pagnent de tout l'ensemble symptomatique habituel d'une

intoxication. Ces signes précoces n'apparaissent pas seulement

au moment des accès convulsifs; ils précèdent toute manifesta-

tion épileptique. On les conslate aussi bien dans les accès

complets que dans les accès incomplets; ils sont également

précurseurs des vertiges, des absences, quelle qu'en soit la

l'orme; ils accompagnent même les migraines ophtalmiques

dont la plupart sont considérées aujourd'hui comme étant du

ressort de l'épilepsie ; il n'y a, dans tous ces cas, qu'une ques-

tion de degré assez variable d'ailleurs.

Toutefois, ces symptômes semblent acquérir nettement leur

maximum d'intensité dans les périodes d'agitation prolongées

et surtout dans l'état de mal épileptique dont la gravité est

bien connue.

Les troubles gastriques manquent d'ordinaire dans l'épilep-

sie partielle ; mais on sait que, souvent, ces épilepsies locali-

sées aboutissent plus tard à l'épilepsie générale. Chaque fois

qu'il en est ainsi, on voit les troubles gastriques apparaître en

même temps que la généralisation. Tous ces signes dont l'évo-

lution est parallèle, précèdent les accidents, les accompagnent

et par leur disparition^en annoncent enfin la terminaison.

1 Lépine.™ Revue mensuelle deJlédec. et de Chiî,uig., 1877, p. 573.

264 . PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

DES URINES.

L'étude delà sécrétion urinaire chez les épileptiques, n'est

ni moins intéressante, ni moins instructive que celle des

troubles gastro-intestinaux dont nous venons de parler. L'é-

monctoire rénal devait en- effet nous fournir ici de précieux

renseignements; de nombreuses recherches ont déjà été faites

dans ce sens. Les premières recherches portèrent d'abord sur

l'albuminurie. Dès 1854, Seyfert' signale la présence de l'al-

bumine en grande abondance dans l'urine après les attaques,

mais il ajoute que cette albumine n'est pas constante et n'ap-

paraît pas chez tous les sujets. Reyuold2, Sievekinh3, Sailly ?

nient au contraire son existence, Bazin2 la considère comme

fréquente dans les crises terribles. Iluppert', de Witt7, Noth-

nael8, discutent le rapport de son absence avec l'intensité des

accès. Citons encore les noms de Furtsner9, Rabow10, Otto",

Fiori12, Hallarger", Klendgen il, qui admettent l'albuminurie

postparoxystique et ceux de Richter'6, Rabeneau 16, Karrer'\

Christian'a, Mabille19, Bowell20 et Saundly 2' qui la repoussent.

' Seyfert. Dublin, guarlelerl Journal, 1854.

2 Beynold. On Epilepsy, 1861.

3 Sievekinh. On Epilepsy, 2° édit., 1861.

` Sailly. Thèse de Paris, 1861.

' Bazin. Thèse de Paris, 1868.

° Huppert.(tF ? c/iOK''s arch., ld. LIX etai-chiv. fürpsycla., Bd.VIL)

7 De Witt. Albuminuria as la sympt o/'< ? 7< ? apa)'o/M(</tel ? n< ! -

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" Saundly. -On lite albuminuria of Epilepsy (/e. Times and. Gaz.,

1882).

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 265

Enfin, un de nous a fait avec M. Péron, interne des hôpi-

taux ' , une série d'expériences sur ce sujet qui nous ont conduit

aux expériences suivantes :

1° L'albuminurie postparoxystique existe dans la moitié des

cas; .

2° Elle se rencontre dans tous les modes d'épilepsie ;

3° L'état de mal épileptique parait toujours accompagné

d'albumine;

4° L'albuminurie est constante chez les mêmes malades,

mais elle est très fugace et très variable en quantité. Elle se

montre surtout dans les- deux premières heures qui suivent

l'accès convulsif et elle paraît avoir un rapport constant avec

la congestion de la face.

Comme on l'a fait remarquer, cette albuminurie peut, quand

elle se manifeste pendant un état de mal épileptique, être la

source d'erreurs de diagnostic. Elle fait penser en particulier

à l'éclampsie. Mais d'autre part elle semble aussi venir se

joindre à l'ensemble symptomatique pour établir un rappro-

chement frappant entre les deux états. Sans vouloir l'aire de

l'éclampsie et de l'épilepsie aiguë une seule et même chose, on

peut cependant leur remarquer de nombreuses ressemblances,

de nombreux points communs.

Depuis les travaux du professeur Bouchard', l'examen des

urines présente, en outre, un nouveau point important. Nous

voulons parler de la toxicité urinaire. Dès lors, nombre d'expé-

rimentateurs s'occupèrent de déterminer le coefficient uro-

toxique de l'urine dans toutes sortes d'affections. Pour ce qui

concerne le sujet qui nous intéresse ici, l'épilepsie, les pre-

mières recherches furent dues à MM. Deny et Chouppe3.

M. Féré4, l'année suivante, apportait à son tour les résultats

de ses expériences sur ce sujet, combattant l'opinion de M. Che-

valier Lavaure'. M. Mairet, de Montpellier, et ses élèves, firent

aussi des expériences analogues, mais qui portèrent sur les

aliénés et les hystériques. Enfin, en 1891, avec Péron6, un de

nous fit une série d'expérimentations qui nous amenèrent- à

1 Jules Voisin et Péron. (Archives de Neurologie n° 69.)

* Bouchard. M/o-tH/ocah'on, 1885. ,

Deny et Chouppe. (oc ! e<e de 1885. 1890.) ,

3 Deny et Chouppe. - (Société de Biologie, 1890.)

4 Féré. (Société de Biologie, 1S90).

5 Chevalier-Lavaure. Thèse de doctorat Bordeaux, 1890.

' Jules Voisin et Péron. (Archives de Neurologie, no 71 et 73.)

266 -( ! PHYSIOLOGIE'PATHOLOGIQUE. j -i -

conclure qu'il- yi a hopotoxicité avant et pendant les accès, et

que l'hypertoxicité est consécutive ;,il y aurait'donc une véri-

table élimination de toxines après les accès. il t, , ' 1

. Nous [avons repris .ces expériences )non,seulement chez des

épileptiques simples, mais aussi ! chez des épileptiques hémi-

plégiques; et nous (Sommes arrivés, dansées deux cas, à des

conclusions à peu près, semblables à celles de ces derniers

auteurs'. Il y aurait donc hypotoxicité avant et pendant les

accès, hypertoxicité après ces manifestations.

. Cette variation.de la toxicité urinaire est par conséquent en

sens inverse des troubles de l'appareil digestif, puisque l'hy-

potoxicité apparaît lorsque ces troubles se manifestent, tandis

que leur disparition accompagne l'hypertoxicité. Cela a son

importance, car. la toxicité urinaire, comme les troubles gas-

triques, permet de déterminer les accès en séries, lorsqu'il y a

des intervalles de* vingt-quatre ou quarante-huit heures sans

accidents. En^effet, l'urine' des vingt-quatre heures recueillie

pendant cet intervalle reste hypotoxique, et l'hypertoxicité ne

se manifeste que lorsque la série est réellement achevée. -

Au Congrès de~médecine mentale tenu en août 1893, à la

Rochelle, la question de la toxicité urinaire a été remise sur le

terrain et a donné-lieu à de nombreuses discussions. En effet,

plusieurs' expérimentateurs apportaient des résultats absolu-

ment contradictoires.' Les conclusions de cette longue discus-

sion n'étaient guère en faveur de cette méthode d'expérimen-

tation, il faut l'avouer. Em réalité, il n'y a rien là qui doive

nous surprendre. Les recherches de la toxicité urinaire doivent

'évidemment donner, des résultats variables, suivant le, mode

d'expérimentation, et les animaux soumis aux expériences. Les

uns ont choisi la voie. sous-cutanée, les autres la voie périto-

néale,- d'autres 'enfin la woiervasculaire. ,Ces-derniers même

n'entras tous suivi le même procédé. Tantôt l'injection était

faite dans la .veine marginale de l'oreille,tantôt dans l'artère

. médiane, tantôt dans l'artère jugulaire, etc. La pression et la

rapidité d'injection sont aussi évidemment de nature à modifier

.les résultats. i - , 1 .. 1

,De plus il'faut,agir avec la. totalité des urines émises dans

les vingt-quatre heures physiologiques; c'est-à-dire compre-

nant celles de l'état' de veille et celles du sommeil. Or, chez les

1 Voir Congrès de médecine mentale à La Rochelle, 1893. Jules. Voisin

et Raymond Petit.. , y, . ? ,

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 267 -1

épileptiques, les causes d'erreurs sont nombreuses de ce côté.

S'il survient'des accès, presque toujours-ils s'accompagnent de

mictions involontaires et cette urine n'est point recueillie dans

la totalité des'vingt-quatre heures. En outre, lorsqu'il y a

trouble mental consécutif aux accès ou agitation maniaque, le

prélèvement des urines est à peu près impossible. La sonde à

demeure elle-même est souvent repoussée hors de la vessie

lorsque'les accès sont nombreux, intenses et subintrants

comme dans l'état de mal. Il n'est pas jusqu'au moment de

l'évacuation des garde-robes qui ne vienne apporter une cause

d'erreur. A plus forte raison chez les épileptiques tombés dans

la démence avec gâtisme.

Enfin, il faudrait pouvoir tenir compte de la force de résis-

tance de chaque animal soumis aux expériences et de ses pré-

dispositions pour avoir quelque chose d'absolument rigoureux.

'On sait, en effet, que les animaux réagissent difficilement sous

l'influence des* poisons et que cette différence n'est pas abso-

lument proportionnelle au poids du corps. Nous en avons vu

supporter des doses très considérables d'urine et se mettre à

uriner goutte à goutte d'une façon continuelle ; la mort arri-

vait alors par déglobulisation. D'autres qui ne présentaient

pas cette diurèse constante, avaient des accidents convulsifs et

ne supportaient que des doses très inférieures. On sait, du

reste, que les poisons sont mieux supportés pendant la diges-

tion qu'à jeun. Il faudrait donc pouvoir tenir compte de toutes

ces conditions. D'ailleurs, l'urine est un milieu dont la com-

''position, très complexe, varie à chaque-instant et sous mille

'influences, dont beaucoup, 'sans nulle doute, nous échappent

''encore. Or, MM. Godart et Schlosse' ont essayé d'injecter

dans les veines des lapins des solutions titrées d'un poison

comme la strychnine. Ils sont arrivés à cette conclusion que

pour tuer un kilogramme de lapin, il faut une dose de stry-

chnine qui varie de trente-quatre à deux cent trente centièmes

'de milligramme. Il faut avouer que ces résultats sont peu

' encourageants. Toutefois, si la recherche' du coefficient uro-

toxique de l'urine est épineuse, si les résultats ne' sont-pas

' rigoureux, s'ils.sont incertains même, il' ne s'en' suit pas' qu'il

faille les rejeter complètement. Ils peuvent, en effet, rendre

de très utiles services; quand ils viennent' se joindre à d'autres

'" MM. Godart et Schlosse. (Aitiz. et Bulletin de la Société de'iliéde-

cine de Gand, septembre 1893.) ' ' '' il

268 , PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. i

résultats non douteux et parler dans le même sens. Aussi,

nous ne les rejetterons pas. nous essaierons seulement de leur

donner leur juste valeur dans la pathogénie de l'épilepsie.

Nous avons fait à plusieurs reprises doser les principaux

éléments de l'urine émise en vingt-quatre heures en dehors

des accès et pendant les accès par M. Oliviero, interne en

pharmacie. Voici les résultats de ses analyses :

1.1UL., vingt-deux ans; épilepsie. Analyse de l'urine des vingt-

quatre heures après les accès.

Volume, 1450 grammes. Couleur jaune ambré. Aspect trouble et sale.

Dépôt peu abondant. Odeur ammoniacale accentuée. Consistance fluide.

Réaction faiblement acide. Densité 1018.

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 269'

270 3»2 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE ? J -9

DE L'INTOXICATION DANS, L'ÉPILEPSIE. '271

272 < PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 273 c

d'attaque et cependant il y a inversion des phosphates. (Analyse

suivante). ,

274 CLINIQUE j MENTALE.

se,présente,sous,forme d'un magma ou dune poudre brunâtre,

ayant ^ne, odeur particulière, très forte, \ rappelant à,la fois;

celle de l'ammoniaque et du musc. Ce produit est soluble.dans- !

l'eau. Nous en avons fait des solutions à divers titres que nous»

avons injectées, aux animaux. Ceux-ci sont morts présentant,

les, mêmes accidents, que dans les injections d'urine, c'est-à-'

dire, des accidents, convulsifs et avec des doses proportionnelles i

aux ,qûantités4[ d'urines employées ,pour,, obtenir,, le., mêmet

résultat, .. Y,r ' f,l 1( "1 t t- pli., » ,

^Nous concluerons donc que l'urine, est hypotoxique avant.et

pendant les accès. et qu'il y a ensuite une, véritable élimination) 1

dont témoigne l'hypertoxicité après les paroxysmes. Cette

hypertoxicité serait probablement due à la présence, de cef

corps indéterminé dont nous venons de parler tout à, l'heure, I

comme semblent le prouver les injections jntra-veineuses que ? ,

ou faites. ,. i, t, , ? ? ,i+1 , tl )(i siini^i» ? ? ...... ,. »,i.. - (A suivre.) , ,0|

. , . ? « ^ ,s ! >'> > 'l ->i . 1 Uîi

.11 1.1 1 '4 1 ? j , .4 , 1 ? , é 1 1 Il 1 1 1 J, , 1 , e i lm)

r,j .CLINIQUE- MENTALE^ . 1 t ? i-ia

I.. i i - 1 , 1 h »

..., , ,i . - - -» , ·1 l

, LES. DÉLIRES PLUS OU MOINS COHÉRENTS DÉSIGNÉS '' ''l

' ' SOUS LE NOM DE PARANOÏA (suite) ' ; .. , ?

. , d ? 111 v ' ' ' i r i

= i " Par'lè Dr P. KERAVAL, " ' ?

, , « a , 1 ', Médecin , . . en chef des asites de la Seine. «t' (un

, 1 , ? ( ' . i - h

, , ? ? I 'il f| > <"W - . "' ^ i, ' ' ' "' '

i II. Définitions. Divisions. ' ' ? - ? f , « z

Celui qui, après avoir pointé les divers termes qui viennent

d'être soigneusement mis en vedette, voudrait en former des

expressions nettes en rapport avec les développements dont ils

ont été scrupuleusement accompagnés/n'éprouverait en vérité '

point de grandes difficultés. Voici en effet l'exacte signification1

du précédent historique. ' ?

» ijii jii >,-

Voir Archives de Neurologie, n'" 9f, 9J, 06, 97.' ' . ''i3

DE eA-1PARANOIA ? 275 : Si nous'prenons'pour base'denos appellations' les éléments'

morbides, il est' évident que'le délire' et' sa teneur ont'plus

particulièrement préoccupé la plupart des auteurs que nous

venons de mettre'am'plement en scène' et;que, dans'l'espèce,

ce sont les idées de persécutions et' de grandeurs qui les 'ont

spécialement touchés. 'La systématisation1 plus ou moins nette,

plus ou moins compacte, de ces idées délirantes, et la persis-

tance de' cette systématisation ont été les 'mobiles de leurs di-'

visions et de leurs définitions. u ? ? '

t Sûr la modalité 'morbide de folie systématisée chronique,

l'esprit' se montre universellement satisfait, a cause de' la coor-

dination permanente et progressive des' délires. Paranoïa,

Wanlisinn, Verrùcktheit désignent vraiment la déviation 'du

raisonnement, là direction' fausse du'sens critique.' En les fai-

sant suivre' de l'épithète chronique on crée une. expression qui

signifie bien ce qu'elle veut dire et désigne' une entité patho-

logique/C'est eh vérité le délire des persécutions de Lasè-ue,

avec ou sans les idées de -grandeurs -systématisées que M. Ma-

gnan lui a attribuées depuis pour caractériser une forme en-

core plus tenace, successivement appelée par lui délire chro-

nique et délire chronique progressif a'évolution'systématique.

Où commencent les appréciations différentes, c'est lorsqu'on

examine la légitimité des mêmes mots paranoïa, Wahnsinn,

Verrucktheit associés à l'épithète aiguë. En effet ces expressions

là portent, en elles l'idée.d'un élément'délirant empreint d'un

caractère d'inquiétude ou , d'exagération de la personnalité,

tendant, au moins passagèrement, à la systématisation, systé-

matisation qui n'est arrêtée, dans sa phase aiguë, que par des

influences indéterminées. Le plus habituellement en France,

nous n'en jugeons pas ainsi, car nous remplaçons cette notion

d'une folie ou d'un délire systématique aigu par les expressions

de mélancolie avec idées de persécutions ou autres conceptions

plus ou moins coordonnées, plutôt moins que plus, folie

aiguë (Parchappe), syndrome épisodique de la dégénéres-

cence mentale. Ce n'est pas que ces vocables résolvent la

question de nature, mais ils ont peut-être cet avantage de servir z

de pierres d'attente à un nouvel examen ; en tout cas ils spéci-

fient,, tout comme les expressions allemandes et étrangères;

l'état symptomatique. ·

A côté de cette forme, il en est, sans nul doute, une troi-

sième, quia pour caractère apparent une manifestation symp-

276 CLINIQUE MENTALE.

tomalique suraiguë.' Nous y rencontrons un nouvel élément,

sous la donnée, qui n'est pas neuve, de la confusion mentale

plus ou moins vive; ou Verwirrtheit.' Qu'il s'agisse là, comme

le veulent certains auteurs, d'un coup de fouet donné à l'inco-

hérence habituelle, d'ordre hallucinatoire, 'constatée dans la

folie systématique aiguë (paranoïa, Wahnsinn, Verrùcktbeit

aiguë), ou que ce soit vraiment une maladie différente, peu

importe. Le élassement, fût-il artificiel, a du moins l'avantage

de fournir à l'observateur une échelle de faits, faute de mieux.'

Ce qui est indéniable, c'est qu'on y trouve en germe les idées

délirantes de grandeur et de persécution parvenant à l'état par-

fait dans la folie systématique chronique, mais encore indé-

cises dans la folie systématique aiguë.

Ce trio nosographique, tout provisoire, si l'on veut, com-

prend en tout cas les traits de la maquette que l'on arrive à

ébaucher en compulsant les textes, et, ce qui est mieux en

conversant avec les maîtres. Nous lisons, en effet, dans le

travail déjà cité de 11. Cramer. Il existe des symptômes communs

aux trois tableaux morbides de la folie systématique chronique

(Verrûcktheit) ; de la folie systématique moins cohérente

(Wahnsinn); de la confusion mentale (Verwirrtheit). Ces

symptômes sont : les idées délirantes, les hallucinations sen-

sorielles, la dissociation des conceptions (incohérence). C'est

la prédominance de l'un de ces trois symptômes qui fait l'un

des trois types spéciaux. Bien mieux, suivant lui, il existe des

formes initiales, mitigées et exagérées de chacun de ces types

qui montrent, au moins momentanément, la prédominance de

l'un des symptômes énumérés, telle, la phase d'inquisition

soupçonneuse (inquiétude de Magnan,), dont parle Meynert,

ou période d'attention exagérée, des persécutés, constituée

par du délire dépourvu d'hallucinations; tels ces délires dans

lesquels dominent les hallucinations et qui ne laissent point

ultérieurement trace de conceptions organisées; telles enfin

ces agitations suraiguës avec complet désordre des facultés et

désarroi des mouvements connues sous le nom de délire'

aigu.

Par contre, il y a souvent une telle intrication des mêmes

modalités, qu'on est bien embarrassé pour en tracer le dia-'

gnostic différentiel en matière uosographique ou, ce qui est

tout un ici, en matière terminologique. La durée de la ma-

ladie ne peut, par exemple, servir de boussole pour distinguer

DE LA PARANOÏA. 277

la confusion mentale (Verwirrtheit. amentia) des deux autres

types, puisque celle-ci peut s'introduire à l'état épisodique ou

symptomatique (que nous appelons chez nous accès d'agita-

tion) dans les deux autres, et que, si, sous le nom de confu-

sion mentale primitive (Chasiinj, elle semble réaliser une ma-

ladie mentale indépendante, on ne tarde pas à reconnaître

que la confusion intellectuelle s'accompagne aussi des autres

symptômes déjà notés dans le Wahnsinn ou la Verrucktheit.

C'est donc affaire d'intensité et de .disposition variables des

symptômes. Tout ceci n'élucide pas le problème.

L'étiologie est elle-même en défaut, car il n'est pas de ma-

ladie mentale dans laquelle on n'ait constaté les causes de

délabrement général et psychique que l'on accuse d'être les

créatrices de la confusion mentale, par exemple.

Toutefois, il paraît légitime de reconnaître que les théories

de M. Magnan, associées à celles de M. Cramer, simplifieraient

considérablement la tâche et apporteraient un soulagement

efficace aux observateurs de l'avenir.

Puisque, dit M. Cramer, le Wahnsinn, la Verwirrtheit, la

Verrucktheit, ont des symptômes communs, et que toute la

question se borne à un dosage des trois symptômes : idées

délirantes, confusion (incohérence) et hallucinations; il est

patent qu'ils se rencontrent sur un terrain morbide commun.

Car dans ces trois tableaux morbides il y a : 1° altération pri-

mordiale de l'intelligence produite par des symptômes amal-

gamés (hallucinations sensorielles, idées délirantes, incohé-

rence) ; 2° un état des sentiments consécutif à cette altération

intellectuelle; 3° un élat de confusion mentale susceptible

aussi bien de se montrer seul que sous la forme de symptôme

dans les deux autres.

Pourquoi donc, puisqu'ils ont une pléiade de symptômes

communs, ne pas- les réunir en tant que groupe morbide

commun sous une même dénomination. Cette dénomination

serait la paranoïa, dont le Wahnsinn, la Verwirrtheit, la

Verrucktheit seraient des images spéciales ?

Il serait même encore plus simple, dans cette paranoïa, de

se préoccuper tout bonnement d'un état aigu et d'un état

chronique, car vraiment la Verwirrtheit n'est qu'un degré

supérieur du Wahnsinn. Dans la folie systématique aiguë

(Wahnsinn acuter), en effet, c'est la profusion des hallucina-

tions qui domine, et, avec elle, le plus ordinairement déjà,

ij2.18 8 CLINIQUE MENTALE.

.,une incohérence obnubilant'la conscience, au plus 'haut point

tttroublée dans la,confusion mentale (Verwirrtheit). bnw )b4

,1-e, Parallèlement ? 111 : w12agnan nous dit' : La"paranoïa chronique ? (folie. systématique cbronique),, c'est,le délire, chronique ? Les

.gformesjsi changeantes, dans leur, allure et dans leurs éléments

,,morbides,. sont la, folie des, dégénérés.; Le dégénér.éc'estoun ? produit de tares, cumulatives, agissant d'une, certaine^ façon,

pendant, la. conception, .la, grossesse, et, la .première- enfance ;

s elles ont, créé unjétattmental spécial..Cet, état mental( est-il

grossier et témoigne-t-il d'un arrêt de, développement, ili s'a'p-

8, pelle débilité, mentale, imbécillité, idiotie;. est"-ilpsychopa-

thique, il devient de l'instabilité mentale, deladésequi)ibra-

tion intellectuelle, on alors'' affaire au dégénéré intelligent.

Celui-ci possède les stigmates, physiques atténués des malheu-

reux dégénérés, arrêtés dans leur développement. Mais, à côté

de, cela, il a des stigmates, psvchiques, ou, svndrômes, épiso- -

, diques,"sôrtes ,d'accès d'ali;énâtiôn mentale à, modalités (fort

variables, comprenant l'obsession, les, phobies, la folie morale,

, la manie raisonnante ou, selon les cas, le délire, systématisé

, d'emblée avec ses caractères invariables : l'acuité,, la guérison,

, les récidives., Eh bien ! " é'ést là du 1 ? Vahnsiiîn cigù,-de la,,Ve2,-

aigtië, de .la paranoïa aiguë, en un mot, compliquée,

. au besoin, de confusion mentale aiguë hallucinatoire.

Le délire chronique,, au contraire, (eAroMC/M Vei,2,iielitheit,

n,cltz'onisclaez',TVahtsinzz, paranoïa chronica, traduit par Moebius,

Pi sous le nom de paranoïa chronica .compléta), fatalement pro-

, gressif, finalement démentiol, avec constante suraddition d'un

, délire, des grandeurs, .coordonné, coorganisé, comachiné,; est

, systématique et,continu. , , , ,, ? ? tl . 1

, .Dans cette conjoncture,, la- combinaison des deux termino-

,,logies et des deux, doctrines , deviendrait d'une parfaite com-

Modité. On, obtiendrait ce' qui, suit ? Voici un malade ,qui

( délire, mais qui n'est ni un maniaque, ni un mélancolique

,, (Cramer et Magnan, s'entendent à rejeter ces deux types dans

[,une,autre classe de,,psychoses fonctionnelles);. dans son délire

0, existent des idées délirantes ou des fragments d'idées délirantes

, de persécutionset,de grandeurs,, c'est un pa'aazoïalice. ? r

-vu S'agit-il' d'une.;modalité;aiguë (mélange, d'idées, délirantes, : , d'hallucinations,- de désordre intellectuel avec tendance à l'agita-

tion), formulez l'expression, du paranoïa aculahallucinaioria, et

en sous-titre, tenant compte des renseignements et indications

H-DE LA' PARANOÏA . 279

trqui rappellent la formule de ila-nan,lidiq'uez par exemple : épi-

sode syndromique de la/dégénérescence mentale;ou, rentrant

- ).dans le cadrer,de Chaslin : =confusion mentale .-aiguë) primitive.

» ' Si 'vous' êtes^én'"1 présence d'une môdalitétcbroni'que; vous ? l'expririiez par les' mots' : paranoïa ch2,oiiica;l qui implique l'exis-

n tence d'une'folie systématique progressive,' et^vous' les' faites

- 'suivre'des'variétés : délire chronique de' Magnan où paranoïa

complète de ''Moebiùs ? délire' des persécutions; de'Lasèue;'ou

'paranoïa'simplex; s'il y a' beaucoup d'hallucinations vous avez

'le'droit'd'ajouter hallucinatoria. r' 1' ' 1 «' 1 . , 1,, '-

' Lës'sbus-varictés ou' les incidents dés genres et espèces/les

'formés indécises et' mixtes se notent aussi par ce procédé très

aisément, cette notation donnant satisfaction à la fois à' l'es-

prit, à la fois à'l'enseignement ? "- ' ' - '' '

" On a dû être frappé, en lisant l'historique, des analogies

'qu'avaient trouvées les 'auteurs entre lés' formes de toute

'variante' qu'ils ont dû se représenter mentalement pour rédiger

'leurs mémoires et leurs classifications. Le mélange semble

'encore plus intimé quand on lit leurs travaux dans le texte,'et

quand, surtout, on étudie leurs observations dans la langue où

elles ont été rédigées.' Dans le mémoire de M. Cramer, auquel

nous avons fait de nombreux emprunts, cette remarque saute

aux yeux. Son étude critique en est le scintillant et perpétuel

reflet ; elle nous fait assister à une sorte d'entrelacement des

'termes et des modalités tant aiguës que chroniques et'à l'en-

'chevetremënt des symptômes qui 4es' englobe. "On n'est'pas

''toujours bien convaincu de la légitimité de la pathogénie qui

subordonne les éléments morbides,' syndromes ou symptômes

les uns aux autres, a fortiori de la'véracité de'la formule

adoptée pour le diagnostic. Nous7 n'en sommes pas nous-

1 mêmes plus certains d'ailleurs quand'nous parlons de'mélan-

' `colie avec idées de persécution, alors que quelques mois plus

' -tard1,'1 nous voyons se,- manifester 'un délire chronique 'bien

'" systématisé qui aboutit à la cristallisation. N'avons-nous pas

'"vu disparaître de"'la scènelé délire aigu que l'on paraît vou-

loir aujourd'hui rattacher à la confusion mentale et'dont on

repousse l'origine' microbienne' prônée à une certaine époque.

" Tout'cela'indique'la mobilité'du terrain;'La, variété des termes

remployés n'autorise=t-elle donc point alors' une sorte d'éclec-

t3 tisme ? Ainsi," voici comment 's'exprime. M.' Cramer pour éli-

'"miner'la notion du délire chronique de Magnan ? " " ' '

280 CLINIQUE MENTALE.

.L'étude de la bibliographie démontre que les quatre périodes du

délire chronique n'ont jamais été, observées en Allemagne, bien

qu'un aussi grand nombre de, médecins se soient occupés de ce

genre de malades; il y est dit que généralement le délire des gran-

deu7,s'7,écèe le délire des persécutions^ mais non que la marche

soit absolument invariable et suive une loi uniforme. Il faut bien

remarquer qu'un observateur aussi distingué que de Krafft-Ebing,

qui se rapproche beaucoup de Magnan par sa classification, quant

à l'importance de la dégénérescence, décritun délire hallucinatoire

(halluciztatonisclver Wahnsi71n), qui est l'équivalent de la folie systé-

matique aiguë primitive (acide p)'z;KOE;'e Yezwücktheit) de ? estpbal

et de la confusion mentale hallucinatoire (hatlucinatorische Ve7-ivi ? ,i,-

theit), et est caractérisé par un délire à texte très varié et très mo-

bile, absolument dépourvu de toute systématisation cristallisée, et

qu'il range ce Wahnsinn parmi les psychonévroses, comme la seule

des modalités rattachables à celles-ci, tandis qu'il place dans les

dégénérescences mentales justement les formes chroniques, c'est-à-

dire qu'il fait précisément l'inverse de ce que fait Magnan.

Scliuele décrit, il est vrai, un délire systématique chronique

(c/troHMe/tM' Wahnsinn) qui peut embrasser plusieurs années, et ne

se construit pas sur un, fond de dégénérescence mentale, mais la

marche en est très variable.

L'évolution, par exacerbations rémittentes, en est au contraire

la règle. Ce n'est donc pas là l'évolution invariable et méthodique

du délire chronique de Magnan. C'est aussi ce que nous pourrons

observer en parcourant les traités d'autres auteurs pour chercher

un appui au délire chronique de' Magnan, et en étudiant les travaux

italiens qui, eux aussi, lorsqu'ils parlent de folie systématique dégé-

iiérative (paraiioïa dege7 ? ci,(ttiva), n'envisagent la plupart du temps

que les formes chroniques. Or l'évolution chronique type est

un des signes caractéristiques du délire chronique qui ne survient

que chez les non dégénérés... Chastin, bien qu'il accorde à la

folie des dégénérés une explosion brusque, une évolution impé-

tueuse et changeante, avec guérison souvent rapide, conformément

à la théorie de Magnan, ne rattache pas la confusion mentale au

délire des héréditaires dégénérés, et suit en cela* la plupart des Alle-

mands et des Italiens.

Il s'ensuit que le délire chronique de Magnan doit être extrême-

ment rare et qu'on ne saurait faire de la dégénérescence un signe

de diagnostic différentiel, dans les termes que propose Magnan.

i , ZD 1 0

Notre proposition concilierait tout. Elle serait également en

rapport avec la synthèse du même auteur, quand, après avoir

cité, comme en résumé, le Wahnsinn de Krafft-Ebin ? Schuele,

Kroepelin, Kirchhou, la Verrüclitheit des mêmes auteurs,

.DE LA PARANOÏA. 281

la Verwirrtheit ou amentia de Meynert, Wille, Chaslin, il ne-

parle en réalité que de deux formes de paranoïa.

1° La forme chronique ou verrüclctheit de Krafft-Ebing, ou

typischer Wahnsinn de Schuele, -c'est-à-dire la Verrûcktheit

et le Wahnsinn chroniques, en français, folie systématique

chronique progressive dont les caractères sont : l'idée déli-

rante ou création spontanée d'idées fausses, la transfor-

mation de la personnalité, l'élaboration et l'interprétation

morbides des impressions extérieures et intérieures (de Krafft-

Ebing, Kroepelin), un trouble partiel de la conscience ou

une espèce d'infirmité mentale empêchant le malade de recti-

fier ses erreurs (Salgo, Spitzka, Schuele), affection pouvant

résulter d'une anormale construction du cerveau et procéder

par l'organisation, parfois rapide, mais d'ordinaire lente, en

système des conceptions délirantes et des hallucinations sen-

sorielles (idée de la folie systématique originelle ou originaire

T'crrückllaeit appliquée par Kirchhoff à la folie systématique en

général).

2° La forme aiguë : Elle serait au demeurant la Verwirrtheit

(confusion mentale) susceptible d'apparaître aussi dans la folie-

systématique chronique (chronische u' ? 'Mce ! <) et dans le

Wahnsinn ou délire systématique moins cohérent, plutôt hallu-

cinatoire d'après les aveux de Westphal, Schuele, de Krafft-

Ebing, Fritsch, Salgo, Meynert, Wille. Il y a même une certaine

difficulté à distinguer la folie systématique surtout hallucina-

toire (hallucinaloî,ischeî, Wa ? ? si21n) de la confusion mentale

hallucinatoire (hallucinalorische Ver2virrtheit) des auteurs,

celle-ci paraissant souvent se confondre avec la première ou

n'en être, comme nous l'avons'admis plus haut, qu'une moda-

lité suraiguë ou totale, comme ils disent (suragitation), sous le

nom de Verwirrtheit hallucinatoire aiguë. Ils ont même pris

comme exemple le delirium tremens, dont les diverses allures

peuvent servir de type de Wahnsinn hallucinatoire primitif à

cause de l'existence d'idées systématiques diffuses (Scholz),

ou, suivant le cas, de confusion mentale générale (allgemeine

Verwirrtheit).

La même confusion mentale généralisée est, ajoutent-ils,

capable de se produire dans la folie systématique chronique

primitive (chi-onische pîii ? 2oej»e Verrûcktheit) (Serbsky) ou folie

systématique chronique simple (einfaclae chronische Paranoïa),

même à une période avancée, fort avancée, de celle-ci; en pareil

2 8 CLINIQUE ''MENTALE.

cas, la' confusion"" mentale- revêt l'âspect'rdelpousséés`halluci-

natoirestrès nettes'en'tout'comparables à cè'qàe0l'on"appélle

le Wahnsinn* hallucinatoire* aigu' ou la 'paranoïa 'hallucina-

toire aiguë' ordinaire '(Zietien).'1' Orch'ansky 'identifie1 'encore

= davantage' entre elles les' formes aiguës' de trouble paranoïque

fquand il dit que'la'confusion' mentale,' tantôt' épisddiqué, tan-

" tôt à l'état d'accès,' peut également constituer un'stade de'dé-

veloppement, ou une phase intercurrente de la folie systéma-

tique primitive, (primoe're verrùcktheil) aiguë ou'chronique',1 et,

'en particulier, de' la' folie systématique dégénérative (degenefa-

J tive Verrûcktheit) P ` ' 1 ' - , f ? ? " '''> -

1'Déi à - en 1878 l'esprit'généralisateur si puissant' de Enimin-

' ghaus avait faitWahnsihn synonyme dé Verrûcktheit1 et' avait

'remarqué que'« dans une psychopathie quelconque peuvent

survenir du désordre"avec incohérence'dans les idées (VerzLor-

2,eiihei*l) ». Jolly dit d'autre part que le délire aigu, c'est de la

veî,2,iiektheit primcere avec confusion mentale (verwirrtheit)

intercurrente. Il en, résulte que toute exacerbation survenant

dans le délire systématique plus ou moins cohérent désigné

sous les rubriques de'Wahnsinn ou Verrùcktheit aboutira la

genèse classique du syndrome confusion mentale ( Tjerzvirrtheit).

On nous accordera volontiers, en présence des pièces du procès,

que nos propositions précédentes ont une certaine, solidité et

qu'on peut maintenant en tout cas se figurer une image précise

des termes. ">i . ... ' - . .'

' I ? La paranoïa en général c'est la déviation, la perver-

sion de la faculté'critique de l'intelligence. Elle se divise en :

,j 1 1 ....0 , , 1 , ? 1 ,. ,

.,J ? 1. Verrüclctlaeit ou paranoïa claronica qui est la^tendance

de l'esprit à ériger les idées, délirantes, en système. ,v . , .j

- 3. ,Wahnsinn ou paranoïa acula, t principalement. constitué

,- par des hallucinations avec quelques'idées délirantes systéma-

titisées, diffuses, non cimentées entre elles. ' , 1 si

1,1 3.' 'Verwirrtheit on' paranoïa suraiguës désordre complet

dans les idées, avec lambeaux d'idées délirantes' et' hallucina-

si tiens pressées., 1, 1 ^ <" ..1, If 1 1 " vu/

Il est légitime de considérele'Vahnsinn et la Verwirrtheit

"comme des degrés divers de la paranoïa* aiguë/et dans' ces

'conditions, de transformer le précédent schéma en paranoïa

f aiguë ettparanoïà chronique, en introduisant, sous chacune de

,-ces deux rubriques, selon les idées'de'Magnan; ou au'gré' de

3pErLA, PARANOÏA. J;2S3 3

,ses préférences, personnel' es, les^ unités. dénommées^ par l'ob-

oservateur àj'aide des, termes, qui lui'conyiendronttconformé-

ment à. ce que nous avons expose- précédemment. 11 1

,l Telle,sera,;la classification éclectique, ,en, attendant qu'on

.),ait appliqué à la pathologie mentale, le. principe, de. la subor-

dination des, caractères qui, dans les.sciences naturelles, a en-

gendré, çette échelle si satisfaisante des, types. Tout imparfaite

qu'elle. soit/elle n'effacerait point les, éléments caractéristiques

recueillis avec patience.par,les,observateurs., éléments qui ser-

viraient plus, tard à édifier,le monument psychopathique. Et

c'est, dans le désarroi général, ce que demandent les psychiatres

actuels qui,n'ont guère pu s'entendre en, discutant la paranoïa.

Il suffit,, pour^s'en convaincre, ,de.se reporter aux séances de la

, Société médico7psycliologiqtie de Paris et,à celles.de la. Société

psychiatrique de Berlin. ,(Voir la Bibliographie.) ? ? , ,

r - *' ' ,1 l'il i 17 t ,. ' ,/t il. 1\

t .. .. « i ! , nff... , - j ? l., J. «« C '\ \' > »

, ., - ,, ,». III. Pathologie générale. ? ~ ..

La plupart des points qui devraient être traités dans ce cha-

pitre (étiologie, symptomatologie, pathogénie, marche, ter-

minaison ; pronostic, nature) ont été examinés dans les deux

chapitres précédents parla raison quela terminologiequi nous

occupe repose, sur la nosographie même. . ·

Nous venons de voir en effet que, pour établir les dénomi-

nations et fixer les entités cliniques, les auteurs s'appuient,

qui sur l'association de tels et tels symptômes, qui sur la pré-

éminence d'un symptôme au regard des autres; les uns sur le

'' mécanisme psycho-physiologique' d'un" élément morbide, les

autres sur la cause présumée' des accidents psychopathiques ;

' ceux-ci sur l'évolutiontplusou moins rapide, ceux-làsur l'issue

de'la maladie;' tous sur le pronostic du--syndrome ou'de la

psychose, et, qu'en fin décompte, les doctrines qui président

'-aux opinions des savants manquent, jusqu'à-, nouvel^ ordre de

.YCOllfirmation.·it t t. ). '' t t. W il d W >« r »-iotn ? 2' - r1

Aussi ne pouvons-nous que persister dans' la proposition

mixte que-nous, avons faite. Comparons-la. à la^terminologie

z actuelle du mal de lrillt.rA1'époque où Bright découvritune

maladie des, reins'caractérisée .par l'albuminurie,. l'oedème,

, l'urémie, etc., on ignorait, l'anatomie pathologique ettia symp-

stomatologie correspo,ndant,à,,la,,vâriété.desllésiols., Depuis,

284 CLINIQUE mentale.

on a pu déterminer cliniquement et microscopiquement l'exis-

tence, dans la maladie de Bright, d'une néphrite interstitielle,

d'une néphrite parenchymateuse ; ceci empêche-t-il l'express

sion de mal de Bright d'être correcte en ce sens qu'elle sépare

tout un groupe de maladies des reins d'autres maladies. Pour-

quoi donc, jusqu'à plus ample informé, ne pas admettre,

comme le demande M. Cramer, un groupe paranoïa, qui

embrasse toutes les maladies mentales à idées- systématisées,

plus ou moms coordonnées, de grandeurs et de persécutions,

sauf à le sinderen autant de variétés particulières déterminées

par la cristallisation ou l'incertitude, la chronicité ou la non-

chronicité du délire, ou bien encore, si l'on préfère, par l'in-

fluence d'une cause morbigène héréditaire ou pathogène

ordinaire.

Sur ces sujets nous ne reviendrons pas.

Ce que nous voulons résumer maintenant, ce sont les carac-

tères qui permettent de distinguer le groupe paranoïa des

autres maladies mentales.

S'il est accordé que, de même que le mal de Bright était

caractérisé par une série de symptômes plus ou moins accen-

tués individuellement (albuminurie, cedème, urémie) selon

les cas, de même la paranoïa est légitimée par une pléiade de

manifestations communes (déviation de l'intelligence ; modifica-

tion de l'humeur; confusion ou incohérence dans les idées), et

que, dans la Paranoïa, de même que dans le mal de Bright,

il y a des variétés distinctes de par l'arrangement variable,

l'intensité, l'évolution, la pathogénie des symptômes, il n'est

pas sans intérêt de séparer nettement la paranoïa des autres

maladies mentales de môme que la pléiade symptomatique du

mal de Bright séparait ce groupe des autres maladies rénales.

Aussi bien, ne suffit-il pas de dire : la paranoïa a les signes

propres ou spécifiques suivants. Il faut encore dire : elle a tels

signes différentiels.

La paranoïa purement fonctionnelle qui vient d'être déli-

mitée peut aussi se montrer en tant que symptôme dans la

paralysie générale, l'hystérie, l'épilepsie, l'alcoolisme, la

sénilité, les accidents traumatiques.

Dans le premier cas, les idées de grandeurs ou de persécu-

tions à tendances systématiques finissent tôt ou tard par être

éclipsées par les symptômes psychiques et physiques de la

démence paralytique.

DE LA PARANOÏA. 283

L'histoire du délire plus ou moins systématisé dans les

névroses n'est pas toujours aussi nette qu'on semble le dire.

Entre les idées délirantes réellement dues à l'hystérie et à

l'épilepsie, et l'adjonction à ces idées délirantes d'un système

mieux coordonné imputable soit à la dégénérescence mentale,

soit à toute autre cause, il y a souvent matière à discussion.

M. Magnan et ses élèves ont admirablement traité cette ques-

tion de la coexistence de plusieurs délires d'origine différente,

qui ne détruit point d'ailleurs la terminologie précédemment

exposée. -

On pourrait en dire autant de l'histoire des idées de gran-

deurs et de persécutions de l'alcoolisme ; les symptômes

psychiques propres à l'intoxication sont-ils entachés des

nuances propres à chaque espèce de paranoïa, il faut encore

faire la part de l'hérédité ou de la dégénérescence mentale,

suivant les goûts. Cette part peut se faire assez vite quand il

s'agit d'une. paranoïa chronique telle que le délire de jalousie

ou le délire des persécutions, mais elle est sujette à contesta-

tion pour ceux qui tiennent le délirium tremens subaigu pour

de la confusion mentale et le délirium tremens grave pour une

forme suraiguë de confusion mentale. On peut accuser de ces

derniers phénomènes les altérations organiques du cerveau

consécutives à l'alcoolisme et les rapprocher des lésions de

même nature qui se traduisent par la paralysie générale des

alcooliques.

Ce désordre intellectuel dit paranoïque à son plus haut

période serait aussi considéré par certains observateurs comme

le délire aigu; ils disent alors que ce dernier s'observe dans la

démence paralytique, la folie systématique primitive, les ma-

ladies aiguës ordinaires, la manie ou la mélancolie transi-

toires ; c'est la confusion la plus intense qui se puisse produire

(intensive Veriaonrenlaeit de Jolly; synonyme dacule halluci-

nalorische Verwirrtheit de Meynert, Kirchhon et Salgo).

Ce qui revient à dire que, dans toute psychopathie, dans

toute affection cérébrale en général, il peut survenir des accès

de délire aigu (Ziehen, Schuele) ou que le délire aigu, expres-

sion la plus aiguë de la confusion mentale ou paranoïa aiguë,

est fonction d'une lésion organique du cerveau, quelle qu'en

soit l'origine (Scholz, Jehn, Fuerstner, M. Briand).

Les séniles font les frais aussi de toutes les formes de para-

noïa, de même que de celles de la manie et de la mélancolie.

386 t» CLINIQUE.} MENTALE.* r

De même, également que les maladies ordinaires sont, 'chez lesi

vieillards, représentées d'une certaine manière, ! de même les'

délires plus ,ou moins cohérents de la paranoïa revêtent, chez

eux une apparence spéciale. Les syndromes en question y sont

mutilés, mélangés, et toujours empreints d'une. systématisation

hypocondriaque dépourvue d'arêtes vives. Le. vieillard, en un .

mot, délire à sa. façon ? parce que ses tissus sont raréfiés et net

fonctionnent,plus 'activement. , . 1 . - t 'il

Les délires paranoïques des, gens quiontété atteints de vésa-

nies à la suite de .traumatismes sont, également diffus; les..

formes en sont mixtes. ,| , ., 1,1 A. ., .-j

La .paranoïa symptomatique de psychopathies complexes est,

donc un groupe secondaire portant en lui les traces du,terrain,;

qui a donné naissance aux accidents paranoïques. t ; , f.

La paranoïa pure,, représente, elle,, une catégorie de psy-

choses fonctionnelles., 4 , tl z, 1 ilr) ? uj,4 ,, r11| - ?

Pourquoi ne peut-on dire qu'elle est une mélancolie avec

idées de persécutions ou une manie avec idées de grandeurs ?

Cramer ne nie pas qu'iln'y ait des cas de paranoïa à marche

subaiguë et à caractère dépressif, se rapprochant extrêmement

de la mélancolie ; il avoue qu'il y a des cas' de manie furieuse,

qu'il n'est guère facile de séparer de la confusion mentale

(Vecve) ? dit encore que les cas les plus caractérisés de

folie systématique révèlent toujours une anomalie du senti-

ment, l'état de gaîté avec exaltation cadrant avec les idées de

grandeurs, celui de mécontentement étant en rapport avec les

idées de persécutions, mais il ajoute que, cette anomalie de

l'humeur (sensibilité morale ou affective) est secondaire, con- >

sécutive aux idées délirantes. C'est là ce qui distingue ces faits'

de la manie (expansion gaie primitive) et de la mélancolie

(dépression primitive) qui forment le second 'groupe des psy-

choses fonctionnelles. Toutefois, en revanche, on est surpris'

de l'humeur calme de certains persécutés ou délirants systé-

matiques quelconques, de leur égalité de. caractère qui, dans

l'espèce, élimine d'emblée le diagnostic de manie ou de mé-

lancolie. Quant aux épisodes maniaques ou mélancoliques de

la folie systématique chronique..., ils rie prêtent pas longtemps

à l'illusion du diagnostic. , , . r,

L'aphorisme de Cramer reste donc bien réellement à méditer ?

c La folie systématique ou paranoïa, est une affection de

l'intelligence, dans laquelle les troubles de la sensibilité mo-

DE i LAt. PARANOÏA' ! -t ' 287 - '

raie (sentiment,' émotivité) sont secondaires,' tandis que la mé'21

lancolie et la' manie; affections mentales caractérisées par des* °

anomalies de'l'humeur; ont pour élément' prédominant, pri-t

mitif, admis par tous ? l'état du sentiment. » '('' ?

''\lajnan''et ses élèves,1 Gàrnier par exemple, n'admettent,"

eux aussi; dans la science que deux groupes de psychoses fon'e I'

tionnelles' simples : Mettant d'emblée de côté ce qu'ils ap" #,

pellent les éléments simples (manie, mélancolie) sur la' nature

desquels ils' ne sejcoilsidèrerit pas comme bien' fixés, ils ne

voient pour toutes vésanies que celles des héréditaires dégéné-"

résetdes délirants chroniques. Dans les psychoses'organiques'*

rentrent lest délires' que tout le monde y range, avec les délires

névropathiques, les délires toxiques, les délires liés aux mala-

dies aiguës fébriles. '' " ' lf'l l

Il'est intéressant de présenter "sous, forme de tableau les

points principaux du diagnostic différentiel. '' "'1' ' '

. ? I ,r "t. r- '>l I ' 1 " ' , . ' '1

-'I', 'PARANOÏAS . MÉLANCOLIE ! "" ' MAME '< '

Conceptions, délirantes .Fondsdet'humeur Turbulence gaie. i >

s'imposantuunetatnormai altéré, humeur cha- , , i.

de la ednscience ''qu'elles' grine et angoisse , , , .

modifient graduellement; primitives ? ' ? ' - m ' ' 'I

.. ' ' '. ! t) , .. : f ' '. t '< ' ï

I i ' j '« Hallucinations rares/

Modification secondaire, 1 , subordonnées,confuses,'1

de 1'llunieur , illusions .plus fore-,

. * ... I rt . t ? quentes., ' ' < T.'

Gaité ou dépression en 1 Idées, d'indignité ' 1 i * " i"

rapport avec la perversion secondaires, d'abord, u : ? nri I

des conceptions déplacées, vagues puis s'accu- , t . f, c, ? .

déviées (verlcé 111-1). ' sant. ' m . » (" ' . qr '

Expressions, et néo]6gis-' . I tel, Expressions et néoloi,

mes , précis peignant, les . > v gismes mobiles, bi'-ar2

idées de persécutions. , ,, rés, sans liaison. , ; ,

Le persécuté est toujours' Le mélancolique '' ' ? ' ' ,J- "

unemictime illégitime. n'est pas persécuté; " · -

, ,. ,, il est légitimement u I ? .;(

ry ,I ,, ... puni. m ,1 'T'l .... , .

Hyperidéogenése (galo- Hallucinationstar- "Type'dè'Ia'suridéa'-

pée des-idéespet impul- dives qui, sont plu ? tion (idées galopantes)

sions en rapport avec les tôt la résonance de. avec impulsions mo-

idées délirantes et les liai- la parole intérieure, triceps permanentes' et

lucmatioiis.1'' ' '" '' "'constantes. ' ? ''

288 CLINIQUE MENTALE.

PARANOÏAS .mélancolie manie

Fureur raisonnée. Fureur automatique.

Incohérence spéciale. Incohérence mobile.

Quand la subagitation Tous ces symptômes

rétrocède, les idées de per- (trilogie de la manie)

sécutiotis et de grandeurs manquent ou rétrocè-

subsistent. dent ensemble.

C'est une agitation par Agitation par

défense. crainte.

Telle est la distinction classique entre les délires à idées de

persécutions et de grandeurs et la manie et la mélancolie

pures.

Nous sommes arrivé â la fin de cette étude. Nous avons eu

personnellement pour but d'exprimer l'état de la terminologie

appuyée par le gros des considérations cliniques qui vont de

pair avec les termes adoptés.

Du moins nous sommes-nous efforcé d'établir une synony-

mie capable de fournir des jalonsàl'esprit des psychiatres dési-'

reux de bien comprendre les mémoires qu'ils lisent, à l'aide de

l'exacte définition des termes adoptés par leurs compatriotes

et de la concordance des termes adoptés par les savants étran-

gers.

Pour l'immense majorité des cas notre synonymie offre tous

les traits précis permettant d'atteindre ce but, puisqu'elle est

basée sur des textes. Cela ne veut pas dire qu'il ne faille une

certaine attention pour se rendre compte des observations, car

dans le même pays les auteurs sont souvent loin d'être en par-

fait accord. C'est pourquoi la Société psychiatrique de Berlin

avait mis à l'étude le sujet dont nous venons de nous occuper.

Traité par Cramer et Boedeker [de façon un peu différente

dans les détails mais uniforme dans l'ensemble, il fut l'objet

de discussions très longues que nous avons reproduites dans ce

recueil. Or, en lisant ces discussions, on ne tardera pas à

s'apercevoir d'une certaine hésitation clinique. C'est cette même

hésitation qui s'était déjà montrée dans le sein de la Société

médico-psychologique à propos du délire des 'persécutions.

Cependant la Société psychiatrique de Berlin arriva à une

conclusion dans laquelle il est fait la part des trois types de pa-

ranoïa, des formes de transition (inclassables suivant les méde-

DE LA PARANOÏA.' 289

cins allemands) et de la stupeur; elle se rallie à une classifica-

tion générale des psychoses fonctionnelles qui mérite d'être

. reproduite à titre de document complémentaire, du reste con-

fi,rmatif de ce que nous venons d'exposer.

Il est donc fort probable que grâce à l'esprit de discipline des

Allemands les observations seront désormais classées sous les

rubriques suivantes :

PSYCHOSES FONCTIONNELLES SIMPLES.

(3 GROUPES.)

290 CLINIQUE MENTALE.

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vantes, 1879-1894.

RECUEIL DE FAITS.

UN CAS DE TRÉPANATION POUR EPILEPSIE.

Par le D' Fin. HALLAGES, de Viborg (Danemark).

Les découvertes dans le domaine des localisations cérébrales

d'un côté, l'asepsie chirurgicale de l'autre, ont inauguré une

nouvelle ère pour la trépanation du crâne. Entre neurolo-

gistes et chirurgiens la coopération adonné des résultats remar-

quables, notamment aussi dans le traitement de l'épilepsie.

Pourtant les observations publiées jusqu'ici de la trépanation

pour épilepsie non traumatique sont encore si peu nombreuses

que le cas suivant m'a paru digne d'observation. Je tiens à

remercier ici le distingué chirurgien de l'hôpital de Viborg,

RECUEIL DE FAITS. 293

M. IIeiberg, pour la belle opération qu'il a bien voulu faire

d'après mon diagnostic.

S..., Marie-Christine, non mariée, âgée de vingt-deux ans, vint

me consulter pour la première fois le 22 avril 1893. -Son père, fer-

mier, souffre de la poitrine, la mère est neurasthénique. Deux

soeurs plus âgées et un frère, le plus jeune, sont morts de phtisie

pulmonaire. Elle a. cinq soeurs en vie; toutes les cinq sont d'une

santé délicate, mais sans offrir des symptômes caractéristiques

d'aucune maladie.

Notre malade fut bien portante jusqu'à l'âge de douze ou treize

ans. Depuis cette époque elle a de temps en temps sontrert de

chlorose avec palpitations de coeur. Mais elle n'avait subi aucune

maladie de conséquence lorsque, le 7 janvier 1893, elle tomba subi-

tement malade. Les renseignements sur cette maladie sont assez

défectueux. Voici ce que je suis parvenu à constater en inter-

rogeant la malade et ses parents. Dès le commencement de la

maladie elle ne pouvait pas parler, seulement murmurer les mots

oui et non. Le 8 janvier, vers le soir, elle eut le premier accès de

convulsions. Mais à cette époque le bras droit s'était déjà montré

parétique. Le 16, elle s'aperçut que la jambe droite était parétique

aussi. Elle croit que la sensibilité était intacte. Au bout d'environ

quinze jours elle put parler ; la parésie disparut d'abord de la jambe ;

plus tard, au bout déplus d'un mois, le bras droit fut dégagé. Elle

garda le lit pendant cinq ou six semaines. En quittant le lit, elle

s'aperçut qu'elle ne savait plus lire. Elle pouvait voir et reconnaître

les lettres ; mais elle lisait des mots qui n'étaient pas écrits, pendant

la durée, pas très longue, de ce symptôme, elle n'essaya pas d'écrire.

Les attaques convulsives furent assez fréquentes pendant les huit

premiers jours de la maladie; après ce temps elle semble avoir

passé plus de deux mois sans attaques. Toutefois, au commen-

cement d'avril, elle subit une nouvelle attaque qui se répéta,

en augmentant d'intenité..1 14 et le 18 dudit mois. D'après les

renseignements de la malade elle-même et ceux de son père, elle

était avertie de l'arrivée de l'attaque par une sensation de tremble-

ment du bras droit. Immédiatement après, le bras droit s'élevait

au-dessus de la tête, et en même temps il se produisait des con-

vulsions dans le côté droit de la face, et elle sentait par tout le

corps une douleur indéfinissable. Alors la connaissance se perdait

et la malade entrait dans des convulsions générales, suivies d'un

état comateux. Quand elle se réveillait après quelque deux heures,

elle souffrait de la tête; une fois seulement elle a vomi après l'at-

taque. Jamais elle n'offrait de troubles psychiques post-épilep-

tiques. La céphalalgie consécutive des attaques siégeaitdans la ré-

gion frontale, parfois aussi dans la région pariétale ; son intensité

était égale des deux côtés.

294 RECUEIL DE FAITS.

A part quelque affaiblissement de la mémoire et une naunce

d'obtusion intellectuelle, la malade ne présentait rien d'anormal

au point de vue psychique. Ni l'articulation, ni l'écriture n'offraient

rien d'anormal. Elle tirait la langue sans déviation. Il n'y avait

pas de parésie faciale, pas d'inégalité pupillaire, Point de parésie

appréciable des extrémités droites. Point d'anomalie de la sensi-

bilité. La configuration du crâne était régulière, sans proémi-

nences, ni dépressions. Les téguments étaient normaux; point

de cicatrices, point de parties douloureuses à la pression ou anes-

thésiées. Nulle part la percussion du crâne n'était douloureuse.

Les organes thoraciques et abdominaux n'offraient rien d'anormal

à l'examen, et leurs fonctions s'accomplissaient régulièrement.

Pendant un an j'essayai un traitement interne par des bromures

et de l'iodure de potassium. Sous l'influence d'une médication

bromurée assez intense, les attaques diminuèrent de fréquence,

mais elles ne cessèrent pas, et une élévation ultérieure de la dose

fut rendue impossible par des symptômes de bromisme que ne

combattait qu'incomplètement l'antisepsie intestinale pratiquée

d'après M. Féré.

Outre les attaques complètes, elle en avait aussi d'incomplètes.

D'après les renseignements fournis par la malade elle-même et par

ses parents, les attaques complètes ne différaient entre elles qu'en

degré, et je peux regarder comme typique la seule attaque que

j'ai eu l'occasion d'observer moi-même. Le 27 décembre 1893, la

malade était assise dans mon cabinet et répondait aux questions

que je lui adressais, lorsque subitement elle dit : Il va me venir une

attaque. Son expression était alors anxieuse, et dans l'avant-bras

droit j'observai des spasmes localisés, sans mouvements du mem-

bre. Bientôt il s'exécuta un mouvement combiné de flexion du

coude et d'élévation du bras en avant et en dehors, de sorte que la

main fut élevée à la hauteur de la tête. En même temps elle pâlit

et jeta un cri plaintif, et, immédiatement après, elle tomba sans

connaissance sous le coup d'une attaque épileptique bien caracté-

risée par des convulsions généralisées d'emblée, d'abord toniques

puis cloniques. L'attaque était d'intensité modérée. Après un état

comateux de courte durée, elle put quitter mon cabinet appuyée

sur le bras de son frère.

Les attaques incomplètes étaient identiques au commencement

des attaques complètes. La malade sentait des spasmes du bras

droit, avec ou sans mouvement de ce membre. Parfois ces spasmes

étaient accompagnés d'angoisse et de palpitations; elle pâlissait,

mais ne perdait pas connaissance. '

Les grands accès furent assez fréquents au mois de mai; sous

l'influence d'une médication bromurée, leur fréquence diminua,

de sorte qu'elle n'en eut que cinq dans les mois de juin à décembre.

Quoique la dose des bromures fût portée jusqu'à 8 grammes par

RECUEIL DE FAITS. 295

jour, et les attaques rudimentaires étaient toujours fréquentes.

Elle se plaignait constamment d'une faiblesse croissante du bras

droit. Pour les grands mouvements et pour la pression de la main

il n'y avait pas de différence appréciable entre les deux mains

(elle n'est pas gauchère). Mais les mouvements fins, nécessaires

pour coudre ou faire du crochet, lui étaient très difficiles ou im-

possibles, et la main se fatiguait très vite. Elle constatait une aug-

mentation manifeste de l'affaiblissement après les attaques.

Au mois de janvier 1891 elle n'eut pas de grandes attaques, mais

en février elle en eut plusieurs après la suppression des bromures,

nécessitée par le bromisme. L'obtusion de l'intelligence était aug-

mentée, la mémoire affaiblie; la céphalalgie était devenue plus

intense et fréquente, et occupait toujours également les deux côtés

de la tête. Par l'examen opbtalmuscopique, que M. le médecin-

major Krenchel eut la bonté de vérifier, le fond de l'oeil fut trouvé

normal.

La malade souffrait donc d'attaques épileptiques classiques, tou-

jours prédédées de contractions musculaires localisées au bras

droit. Souvent il se produisait des convulsions localisées, sans

qu'une attaque épileptique suivit; mais jamais il ne se produisit

d'attaque épileptique non précédée de ces convulsions localisées.

Le diagnostic ne pouvait donc pas être douteux : une lésion irrita-

tive siégeant dans la région psycho-motrice gauche et intéressant

le centre du bras droit. Quant à la nature de cette lésion, on

devait peiiser d'abord à une hémorragie ou plutôt à une embolie.

quoique le point de départ ne pût pas être découvert. Le com-

mencement subit de la maladie, l'aphasie et l'hémiplégie qui pré-

dominaient au commencement pour disparaître au bout de quel-

ques semaines, s'expliquent bien par cette supposition. Et, qu'un

foyer ou kyste hémorragique ou embolique puisse agir comme

lésion irritative, on en trouve assez d'exemples dans la littérature.

On ne pouvait pas contester absolument la possibilité d'une tumeur

gliome hémorragique ou peut-être tumeur caséeuse, comme lé-

sion provocatrice des attaques. Mais toute la maladie s'explique

le mieux en attribuant d'une part à une embolie les symptômes de

début, y compris les premières attaques, et d'autre part au foyer

ou kyste consécutif la continuation des attaques.

Quant au siège de cette lésion, il était hors de doute qu'elle

intéressait le centre du bras droit. Mais ce centre comprenant une

assez grande partie de la région motrice, un diagnostic topogra-

phique plus minutieux était désirable. Or, par leurs expériences

sur des singes, Beevor et Horsley ont trouvé un point du

centre du bras dont l'irritation a pour conséquence : abduction et

1 Plzilosoplzical Transactions of the Royal Society of London. Vo-

lume 178 (1887) B. p. 153-167.

296 RECUEIL DE FAITS.

mouvement du bras en avant, flexion du coude. Ce mouvement,

qui répond exactement à la convulsion initiale de notre malade,

fut provoqué par irritation de la circonvolution frontale ascen-

dante immédiatement an-dessous du pied du sillon de Schaffer.

Mais ce sillon du cerveau du singe correspond, d'après MM. Beevor

et Horsley1, au premier sillon frontal de l'homme. Le siège de la

lésion irritative en question serait donc la circonvolution frontale

ascendante à la hauteur du pied de ce sillon, c'est-à-dire un peu

au-dessous de la limite entre les tiers supérieur et moyen de la

région motrice de la surface convexe.

Que cette lésion fût la cause non seulement des convulsions

localisées, mais aussi des attaques classiques d'épilepsie, ne me

.paraissait pas douteux, la malade n'ayant jamais eu d'attaques

qui ne débutassent pas par les convulsions localisées du bras droit.

Comme le traitement interne s'était montré inefficace, j'ai pensé

devoir offrir à la malade la chance d'une trépanation. Elle y con-

sentit et, M. Heiberg ayant promis de l'opérer, elle fut admise à

l'hôpital de Viborg où l'opération eût lieu le 21 avril 1894. Une

couronne de trépan fut enlevée immédiatement avant la ligne

rolandique, de sorte que le [centre de la couronne était au niveau

de la partie supérieure du tiers moyen de cette ligne. Après l'en-

lèvement de la couronne, la dure-mère décolorée faisait saillie,

notamment en avant. L'ouverture du crâne fut donc agrandie à

l'aide du ciseau jusqu'à ce que la partie décolorée de la dure-mère

se montrât de tous les côtés entourée d'une zone de dure-mère

normale. Après une incision cruciale de la dure- mère épaissie, la

substance corticale, recouverte de la pie-mère congestionnée, fai-

sait saillie dans l'ouverture. Une sonde fine introduite dans la

partie saillante entra, après avoir passé une couche mince de subs-

tance cérébrale, dans une cavité kystique, du volume d'une noi-

sette. La substance corticale, qui formait le couvercle du kyste,

avait une épaisseur de 3 millimètres environ; on l'incisa, et après

l'excision d'un petit morceau, le contenu du kyste, détritus

brunâtre, fut enlevé et les parois du kyste légèrement grattées avec

la curette tranchante. - Pansement avec de la gaze iodoformée et

de l'ouate aseptique.

Quand la malade commença à se réveiller de la narcose, elle

pouvait mouvoir le bras gauche, tandis que le droit était encore

complètement paralytique. Entièrement éveillée , elle pouvait

mouvoir les deux bras et presser assez fortement de la main droite.

Pendant quelques jours après l'opération, le bras et la jambe

droits restèrent parétiques. Tous les mouvements étaient possibles,

même le mouvement d'abduction, et d'avancement du bras, mais

elle les exécutait avec peu de force, et elle se plaignait toujours

' Loc. cit., p. 154. -

RECUEIL DE FAITS. 297

d'une sensation d'engourdissement et de pesanteur dans ces

membres. De temps en temps elle sentait des contractions muscu-

laires dans l'avant-bras droit, mais sans qu'aucun mouvement vi-

sible en fût la conséquence. Du reste, elle se trouva parfaitement

bien jusqu'au 19 mai, époque à laquelle elle eut deux attaques du

même type que les antérieures. Elle commença alors à prendre des

bromures, à la date de 4 grammes par jour, et jusqu'à présent les

attaques ne se sont pas répétées.

Je l'ai vue le 7 août. Elle était bien portante; pas d'obtusion in-

tellectuelle, pas de mal de tête. Toutefois, la mémoire laisse encore

à désirer, et elle ne se sert de la main droite qu'avec difficulté

pour des travaux délicats.

Je puis ajouter ici que l'examen microscopique, qu'eut la

bonté de faire M. Gad, médecin-directeur de l'asile d'aliénés

de Viborg, prouva l'origine hémorragique ou embolique du

kyste, en constatant la présence de cristaux d'hématoïdine

dans le détritus.

Cette malade guérira-t-elle de son épilepsie ! Pour répondre

à cette question il faut d'abord attendre un an ou deux.- Les

deux attaques qu'elle a eues ne prouvent pas le contraire. On

voit quelquefois les attaques se répéter dans les premiers

temps qui suivent l'opération, et disparaître plus tard. D'autre

part il serait téméraire de déclarer un malade guéri, parce

qu'il a passé quelques mois sans attaques. On a vu les attaques

faire une pause de plusieurs mois, d'un an même, après une

opération et puis recommencer. Et dans la grande majorité de

cas d'épilepsie guérie par trépanation, lors de la publication

du cas, la guérison datait seulement de quelques semaines ou

de quelques mois.

Avant l'opération la malade avait dans son cerveau, au

point de départ des convulsions, un kyste hémorragique, lésion

à coup sûr irritative et sans tendance à guérison. Le but de

l'opération était de guérir le kyste et de le remplacer par une

cicatrice. Mais cette transformation ne s'effectue pas sans un

travail inflammatoire, en lui-même irritatif.

On devait donc s'attendre à des symptômes d'irritation cor-

ticale comme conséquence de l'opération, maison devait aussi

s'attendre à voir disparaître ces symptômes.

Ce qui me fait espérer une guérison dans ce cas, c'est que

toutes les attaques de la malade ont commencé par les convul-

sions localisées dans les muscles dépendant du centre qui

était le siège de l'irritation. Il y a dans cette observation,

298 RECUEIL DE FAITS.

outre le côté thérapeutique, encore deux points sur lesquels je

veux appeler l'attention.

D'abord il me semble intéressant de noter la relation exis-

tant dans ce cas entre les convulsions localisées, l'attaque

d'e7eeyac/i'soMtetM ? e, et l'attaque d'épilepsie classique. Les

observations ne nont pas rares où les attaques d'un malade

commencent par des convulsions localisées. Mais il est très rare

qu'on trouve noté de quelle manière cette généralisation a eu

lieu'. Or, dans ce cas il est certain que les convulsions ne se

généralisaient pas en s'étendant successivement sur tous les

muscles du corps. Après une courte période de convulsions

localisées, une attaque classique d'épilepsie se produisit : la

malade pâlit et tomba sans connaissance, toute la musculature

entra d'emblée dans un stade de convulsions toniques, suivies

ensuite d'un stade clonique.

L'autre point que je désirerais faire ressortir, est la para-

lysie transitoire du bras droit constatée lorsque la malade

commençait à s'éveiller de la narcose. Cette observation me

semble offrir de l'intérêt pour l'étude des paralysies localisées

post-épileptiques. Nous avons là un exemple établissant qu'une

influence débilitante, agissant sur tout le cerveau, peut avoir

avoir pour résultat une mise hors de fonction seulement des

parties malades dont la force de résistance doit être moindre

que celle des parties malades.

Quant au résultat thérapeutique définitif de cette opération,

il serait par trop précoce, je l'ai dit, d'en parler à présent. J'ai

publié le cas parce qu'il me semble pouvoir servir comme un

document à l'étude des localisations corticales et de la patho-

génie de l'épilepsie. -

L'observation qui précède est très intéressante à différents

égards. Nous voulons ajouter quelques considérations à propos

de'la trépanation, qui, d'après ce que nous en savons, ne nous

paraît pas donner des résultats bien sérieux au point de vue

des malades. Nous avons actuellement dans notre service,

deux enfants épileptiques qui ont été trépanés.

1° Freing..., âgé aujourd'hui de dix-huit ans, a des crises convul-

sives depuis l'âge de quatre mois; les accès étant devenus plus

1 Nous avons noté cette généralisation à diverses reprises, notamment L

dans l'observation de Laulai...

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 299

fréquents vers l'âge de onze ans, il fut alors trépané par le Dr Lu-

cas-Championnière. Consécutivement les accès auraient momen-

j tanément diminué de nombre et d'intensité, puis ils sont revenus

comme auparavant; alors Fr... est entré à Bicêtre à l'âge de treize

ans (1890). En 1891, il a eu 92 accès; en 1892, 127 accès et 3 ver-

tiges; en 1893, 98 accès et 1 vertige; en 1894, 108 accès et 2 ver-

tiges. Dans notre service, il a pris de l'élixir poly-bronuré d'Yvon

et des douches.

2° Simé... (Louise), née le 10 juin 1884. Début des accidents à

quatre mois, quotidiens jusqu'à liuit mois, puis hebdomadaires. Elle

a été craniectomisée en novembre 1891 par M. le Dr Lannelongue.

Les accès sont revenus peu après la sortie de l'hôpital. Elle est

entrée à la fondation Vallée, le 24 octobre 1891. En 1892, elle a eu

81 accès, 139 vertiges; en 1893, elle a eu 63 accès et 253 vertiges;

en 1894, elle a eu 142 accès 'et 1362 vertiges.

Il nous a paru bon de donner un résumé de ces deux cas en

attendant que nous en donnions la relation complète.

. BOURNEVILLE.

REVUE , D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

PATHOLOGIQUES.

CONTLtIBUTION A l'étude DES localisations sensitives DE

l'écorce; par le Dr Oejeiune.

11 s'agit d'un cas d'hémiplégie avec hémianesthésie de la sensibilité

générale et perte du sens musculaire par lésion cérébrale corti-

cale. A l'autopsie on a constaté une plaque jaune de ramollisse-

ment cortical occupant toute la zone motrice de l'hémisphère droit.

Le degré de proportionnalité ayant existé entre l'hémiplégie d'une

part et l'hémianesthésie et l'altération du tissu musculaire, d'autre

part, vient appuyer l'opinion suivant laquelle il n'existe pas, dans

l'écorce cérébrale, des zones sensitives indépendantes des zones

motrices, la motilité, la sensibilité générale ainsi que le sens mus-

culaire, ayant une seule et même localisation corticale. (Revue

neurologique, 1893.) E. B.

XX. DE la névroglie dans la moelle normale ET dans la SYRIEN-

gomyélie; par le Dr Brissaud.

Le canal de l'épendyme, chez l'adulte dont la moelle est nor-

300 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

maie, apparaît, dans la commissure grise, comme une fente plus

ou moins allongée : les cellules épithéliales ont des formes assez

irrégulières. Leur sommet, correspondant à la base d'implanta-

tion, se termine par une sorte de chevelure qui va participer à la

formation de ce fouillis névroglique dont l'origine est dans les

cellules de la névroglie elle-même. Du reste, l'épithélium superfi-

ciel n'est qu'une variante morphologique de la cellule névroglique.

proprement dite. Celle-ci est, à quelque profondeur qu'on l'envisage,

une cellule de remplacement de l'épithélium superficiel. Tous ces

éléments dérivent du feuillet externe; tous, sans exception, poussent

leurs prolongements jusqu'au feuillet moyen représenté par les

ramifications capillaires dans la masse elle-même de la névroglie.

Il n'est pas rare d'observer, immédiatement au-dessous du revê-

tement épithélial, même lorsque celui-ci a conservé sa forme ty-

pique, une disposition canaliculaire des éléments profonds de la

névroglie.

il semble alors que les cellules névrogliques proprement dites,

groupées en boyaux comme les cellules d'un épithélioma tubulé,

se canaliculisent par latforiiialioil d'une cavité régulièrement cylin-

drique à leur centre. La question est de savoir si cette cavité est

autochtone ou si elle n'est qu'un diverticulum du canal épendy-

maire : la solution de ce problème serait importante pour l'inter-

prétation anatomo-pathogénique des productions syringomyé-

liques. (Revue neurologique, oct. 1894.) 1;. 13.

XXI. NOTE SUR DEUX cas DE tumeur cérébrale avec autopsies ;

par le Dr Irwin NEFF.

Le premier casa trait à une femme entrée à l'asile du Michigan

pour léger affaiblissement intellectuel avec idées mélancoliques, et

chez laquelle, au cours de son séjour à l'asile, survinrent d'abord

de violents maux de tête puis des convulsions localisées, caracté-

risées par une série de spasmes cloniques, affectant primitive-

ment les muscles du côté droit de la face et du cou ainsi que de la

langue. Ces crises convulsives se renouvelèrent et bientôt s'établit

une hémiplégie du côté droit avec perte de la sensibilité du même

côté, par intermittences. La malade vécut quelques années en

s'affaiblissant de plus en plus au point de vue physique et mental.

A l'autopsie, on trouva une tumeur occupant l'extrémité du lobe

frontal gauche, dans lequel elle avait déterminé une excavation de

un pouce de profondeur. La tumeur était de forme globuleuse, du

diamètre de 4 centimètres environ : elle était adhérente à la pie-

mère et à la dure-mère. La substance cérébrale subjacente pré-

sentait un léger degré de ramollissement. L'examen histologique

montra que c'était un sarcome.

Le second cas a trait à une femme de trente ans entrée à l'asile

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.- 301

du Michigan dans un état de démence qui ne permettait pas d'en

tirer de renseignements utiles.

Démarche vertigineuse, signe de Romberg, exagération des

réilexesrotulions, rien du côté de la vue. Par intervalles, quelques

troubles de la déglutition, léger tremblement des mains et de la

langue. Le 30 octobre 1892, crise convulsive caractérisée par des

spasmes cloniques du côté de la face, du bras et de la jambe gau-

che. En décembre, on constate du ptosis et du strabisme de l'oeil

gauche. La malade tombe peu à peu dans le coma, en même temps

qu'apparaissent des symptômes bulbaires : bouche entr'ouverte,

écoulement continu de salive, troubles de déglutition, affaiblisse-

ment de la respiration.

A l'autopsie, l'examen de la base de l'encéphale montre une tu-

meur prenant naissance dans la pie-mère, au niveau du bord

antérieur du cervelet, et s'étendant autour des deux lobes. Du

côté droit, elle avait comprimé la face postérieure de la protubé-

rance, repoussé le lobe latéral du cervelet, ainsi que la moelle

allongée. Du côté gauche, le lobe temporo-sphénoïdal était com-

primé : le moteur oculaire commun du côté gauche était aussi

comprimé.

A l'examen histologique, le cervelet seul présentait des modifi-

cations pathologiques sous forme de ramollissement, surtout du

lobe droit. La tumeur était un fibre-sarcome. (American journal of

insanity, 1894.) E. B.

XXII. Contribution A l'anatomie PATHOLOGIQUE DE la paralysie

infantile spinale ; par E. SIE11ERLING. (Archiv f. Psychiat.,

XXVI, 1.)

Observation I. Enfant de deux ans et demi. Rougeole à neuf

mois. Le 8 août 1890, brusquement paralysie de tous les membres;

actuellement broncliopneumonie, paralysie flasque des bras et

des jambes. Jambe gauche un peu mobile ; à droite, mobilité des

orteils faiblement conservée. Mort. L'autopsie révèle un foyer

hémorragique étendu dans les deux cornes antérieures de la

moelle cervicale et lombaire. Au microscope on constate l'exis-

tence d'une myélite aiguë atteignant surtout les cornes anté-

rieures. Appareil vasculaire très altéré. Lésion des racines anté-

rieures et postérieures. Figures.

Observation II. Garçon de huit mois. Au commencement de

décembre 1891, affection fébrile avec éruption (rougeole ? scarla-

tine ? ). Huitjours plus lard paralysie des deux jambes. Deux semai-

nes après ces membres récupèrent leur mobilité. Actuellement

paralysie flasque des extrémités, surtout des jambes. Mort. L'au-

topsie montre l'existence d'une myélite aiguë occupant surtout la

substance grise de toute la moelle. Grande intensité dans les ren-

302. REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

Sements cervical et lombaire. Parois des vaisseaux fort infiltrées,

atrophie des racines postérieures et antérieures. Dégénérescence

des nerfs périphériques ; légère dégénérescence des muscles.

Recherche des bactéries nulle.

De l'analyse et de l'étude critique de ces faits, l'auteur conclut

que le rôle principal dans la pathogénie de cette affection est joué

par l'inflammation du tissu interstitiel dans la région des vais-

seaux, notamment dans le domaine des branches de Tarière spi-

nale antérieure. Il n'y aurait pas lieu, suivant lui, d'admettre la

lésion primitive des cellules nerveuses au sens de la théorie de

Charcot. P. Keraval.

XXIII. Quelques COURTES remarques sur LE trajet central DE la

calotte DE Bechterew, par HELWEG. (A1·chiv f. Psycitiat., XXVI, 1.)

L'auteur dit que le fort trousseau de Bechterew qui part de

l'olive inférieure et traverse le tronc du cerveau pour se diriger

vers le cerveau (clie Leitungsbcchnn 11n Gehilnz zc. Ricckelzmark, p. 104)

a été vu par Wernicke (Lehi,bzich der Gehirn krankheiten, 1881), qui

ne l'a pas désigné autrement, mais que lui, HELwEG, a fait eu 1886

paraître un mémoire en danois sur le trajet central des tractus

nerveux vaso-moteurs (en partie traduit dans les Archiv f. Psych.,

t. X1X') dans lequel il décrit ce faisceau sous le nom de faisceau'

ovale de la calotte, sans naturellement avoir eu connaissance de la

communication de Bechterew.

Comme Bechterew, Helweg admet que ce trousseau part de l'ex-

trémité supérieure de l'olive inférieure, traverse la calotte et va,

dans la région du tubercule quadrijumeau postérieur, sur les

côtés et sur la face antérieure (ventrale) du faisceau longitudinal

postérieur. En cet endroit, la coupe transverse du faisceau de la

calotte mérite le nom de coupe de la commissure postérieure, tandis

que Bechterew ne considère pas ce territoire en rapport avec la

commissure postérieure. Pour ce dernier auteur le faisceau central

en question cesse dans les territoires qui avoisineut le troisième

ventricule.

Quant au trajet dudit faisceau, il n'y a que son tiers interne qui

s'en aille au centre sans interruption à travers la calotte, car une

autre partie du tractus passe par l'olive supérieure et le noyau

latéral du ruban de Reil pour fusionner ensuite avec la première

partie. Une troisième partie du même faisceau suit la portion

médiane du ruban de Reil qui la recouvre, contourne le pédon-

cule cérébelleux, pour fusionner peut-être, plus tard, à nouveau

avec les deux autres tiers ( ? ).

Le faisceau central de la calotte est donc bien le trait d'union

` goy. Archives de Neurologie. Revues analytiques.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 303

entre l'olive inférieure et le cerveau. Mais de l'olive partent de

nombreuses fibres qui vont au cervelet et qui, suivant Bechterew,

doivent être la prolongation du faisceau central de la calotte. Sur

ce dernier point AI. Helweg fait une réserve. Il y a, dit-il, union

indubitable avec la moelle par un petit trousseau qui, parti de

l'olive inférieure, va jusqu'à la 4e paire cervicale; c'est le faisceau

triangulaire de la moelle cervicale. En outre, un grand nombre de

fibrilles nerveuses parlent de la masse enveloppante de l'olive

pour se disséminer dans les trousseaux fondamentaux du cordon

latéral et du cordon antérieur, que l'on peut suivre jusque dans la

partie inférieure de la moelle dorsale. P. K.

XXIV. nIICItOCÉPH.1L1$' AVEC FENTE simienne sans trouble intellectuel;

par H. PrisTER. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., L, 5.)

Autopsie du cerveau d'une malade ayant été atteinte de folie systé-

matique. 1° L'étude complète des sillons révèle des particularités

notées chez les singes (atèles, semnopithèque, gibbon, orang,

cercopithèque, choeropithèque, macaques, chimpanzés) et chez

l'homme (plis de passage de Gratiolet, Ecker, Huxley, Wernieke).

Aussi n'est-ce pour l'auteur du mémoire qu'une variété de cerveau

normal; ces variétés de formes n'impliquent point une anomalie

de foiieLioliiienieiit ? 20 A côté de cela, il y a une anomalie de poids

Le cerveau entier recouvert de ses membranes ne pèse que

900 grammes. ( ? est un petit cerveau ayant conservé ses propor-

tions normales. Nulle altération pathologique, pas de troubles de

développement locaux, pas de sillons rappelant la microgyrie,

pas de circonvolutions aplaties, pas d'endroits atrophiés. Et

d'ailleurs la personne à laquelle appartenait ce cerveau a,

pendant quarante-huit ans, joui de l'intégrité de ses facultés.

3° Que dira maintenant la strtccture microscopique du cerveau en

question ? Y a-t-il quelques particularités ayant pu compenser les

désavantages de la petitesse de l'organe, telles que multiplication

des cellules, moindre quantité delà névroglie ? C'est ce que l'on va

rechercher pour le publier plus tard. P. K.

XXV. Lésions ANITOh10P.1TII0LOCIQUES DU plan incliné DE BLUMEN-

bacii chez LES aliénés; par R. Scuroeter. (Allg. Zeitsch. f. Psy-

chiat., L, 3, 4.)

La face postérieure du dos de la selle turcique vient se mettre

au niveau de la face supérieure de l'occipital et la suture qui les

sépare est souvent encore rugueuse chez l'adulte (llenle). C'est

d'ordinaire à l'âge de la puberté que s'effectue l'ossification de cette

suture (de quinze à vingt ans). Quand l'ossification en est préma-

turée, il b'effectue une dépression au point de réunion du sphé-

304 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

noïde et de l'os basilaire (angle sphéno-occipital de Scemmering) :

c'est la cyphose sphénoïdale du plan Incliné à pic de de Krafft-

Ebing. En réalité les formes et surfaces de ce plan (clivus) sont

multiples. Il est très rare qu'il conserve sa déclivité progressive et

descende franchement vers le trou occipital. Le plus souvent on y

constate trois directions : un premier segment descend du dos de

la selle turcique; un segment intermédiaire, très escarpé, sépare

celui-ci du troisième segment qui a la même obliquité que le pre-

mier et rejoint le trou occipital. Parfois ces trois segments ont à

peu près la même longueur.

Plus importantes sont les irrégularités de la surface du clivus

(ecchondroses, exostoses, ostéophytes) et sa consistance.

Examen à.cet égard de 316 aliénés (165 hommes 151 femmes).

L'auteur signale l'hypertrophie de l'apophyse odonloïde de l'axis

qui viendrait faire saillie sur le clivus constituant un plan incliné

très allongé (2 observations) ; les ostéophytes de ce plan osseux

(24 femmes, 25 hommes) simples ou doubles avec transformation

des apophyses clinoïdes postérieures en nombreuses aiguilles poin-

tues ; un ostéophyte, un aiguillon ayant un demi- centimètre de

haut, une crête osseuse transversalement à cheval sur ledit plan

à implantation sise au bas du dos de la selle turcique et s'éten-

dant surleclivussuruiie étendue de 1,2 à 1,5 centimètre (2 femmes);

trois cas d'hyperostose à forme de tubercule ; enfin des diminutions

de consistance avec interruptions de la continuité du plan incliné.

Dans ces anomalies la scrofule, la tuberculose, la syphilis jouent

un rôle important. On les trouve surtout chez les paralytiques

généraux.

Il est difficile de découvrir les symptômes exclusivement impu-

tables à la localisation du plan incliné. Ils dépendent des organes

nerveux atteints par les lésions de ce dernier. Troubles de la pa-

role en rapport avec l'hypoglose; ralentissement du pouls dû au

nerf vague; stases par atteinte du bulbe et de certaines régions

du cerveau. Influence de l'hypertrophie de l'apophyse odontoïde

qui comprime et provoque de la méningite chronique limitée. Le

facial réagit dans l'espèce par des accidents continus : agitation

musculaire de la face; flexions continues de la partie supérieure du

corps; déplacements perpétuels des membres; grimaces; con-

vulsions faciales; balancements brusques de la tête; flexions des

doigts et des bras; élévations continuelles des pieds; nystagmus;

rougeur de la conjonctive; larmoiement. L'affaiblissement intel-

lectuel, l'hypocondrie peuvent aussi en être rapprochés.

Ces néoplasmes diminuent-ils beaucoup la capacité inlracra-

nienne ? C'est possible, quoique inappréciable, car en cet endroit,

dans la région du trou occipital, il y a des latitudes considérables

et des compensations morphologiques et physiologiques. On ne

peut formuler rien de précis. P. K.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 305

CONTRIBUTION A la connaissance DE la richesse DE l'écorce

cérébrale DE l'homme en fibres nerveuses : 1 myéline ; par

Th. Kaes. (Archiv f. FsyeAt6[< , XXV, 3.)

Mensurations des plus intéressantes et des plus patientes avec

tableaux en couleurs. Conclusions également très détaillées des-

quelles il importe de retenir surtout ceci :

C'est la zone corticale motrice (ascendantes et partie postérieure

des lobes frontaux), c'est encore la zone temporale (surtout en ar-

rière), c'est enfin le lobe occipital qui, à trenle-huit ans, sont le

plus fournis en fibres. A l'âge de dix-huit ans, le lobe temporal

est bien au-dessous des deux autres grands règnes, quant au déve-

loppement en fibres.-La région du lobule paracenlral est celle qui

possède la plus grande quantité de fibres puissantes, tandis que le

lobe occipital l'emporte sur toutes les autres régions de l'écorce quant

au nombre des fibres et à la précocité de leur développement. -

Eu ce qui concerne la zone motrice, la partie postérieure du lobulé

paracentral parait, envisagée dans l'ensemble de son développe-

ment, être à l'âge de dix-huit ans presque aussi riche en fibres

qu'à l'âge de trente-huit ans. -La région la plus pauvre en fibres,

c'est la partie la plus antérieure du lobe frontal à la convexité.

P. KERAVAL.

XXVII. Observation DE totale destruction traumatique DU SEG-

ment DE moelle intermédiaire a la moelle cervicale ET A la

moelle dorsale; par L. Bruns (Archiv. f. Psychiat., XXV, 3.)

Etude spéciale DE la dégénérescence descendante consécutive

A CETTE description; par H. T. Patrik. (lbi1.)

Une chute sur la tête, la nuque et le dos ne produit pendant

les quatre mois ultérieurs qu'une paralysie flaque des extrémités

inférieures avec perte des réflexes patellaires, paralysie de la vessie

et du rectum. On procède à l'examen microscopique de la moelle

spinale delà quatrième paire cervicale au cône terminal, des racines

de la queue de cheval, d'un grand nombre de nerfs et de muscles

des extrémités inférieures. On constate : 1° une dégénérescence

cicatricielle totale directe traumatique occupant tout le segment

de la moelle compris entre la huitième racine cervicale et la pre-

mière dorsale. Déjà quelques-unes des parties du segment en ques-

tion (zone radiculaire postérieure, partie centrale) s'étaient gra-

duellement réparées, de sorte qu'aux limites supérieure et infé-

rieure du tissu cicatriciel la dégénérescence, quoique très active,

n'était plus aussi étendue. Racines antérieures en grande partie

détruites. Racines postérieures remarquablement bien conservées; -,

2° une dégénérescence traumatique directe partielle en rapport

Archives, t. XXIX. 20

306 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

avec des tractus de dégénérescence secondaire évidente au niveau

des septièmes racines cervicales et deuxièmes racines dorsales. La

dégénéiescence traumatique directe se termine graduellement en

une dégénérescence secondaire évidente dans les zones margi-

nales et provoque des foyers dégénératifs dans les cornes Ipos-

térieures et les cordons postérieurs. Ces derniers foyers émaillent

tout ce territoire. La dégénérescence marginale traumatique

directe cesse graduellement au niveau du bord supérieur ou du

bord inférieur de ces segments. La dégénérescence descendante

intéresse , les faisceaux pyramidaux croisés, le bord des cordons

antéro-latéraux, les faisceaux latéro-cérébelleux, les faisceaux de

Gowers, les faisceaux de Goll et les faisceaux de Burdach. En cet

endroit, dégénérescence très accusée des, racines antérieures et posté-

rieures; 3° degénérescencepurement secondaire à partir des sixièmes

racines cervicales (de bas en haut) et des troisièmes racines dor-

sales (de haut en bas). En haut, la dégénérescence se limite graduel-

lement aux faisceaux de Goll et à une petite partie des faisceaux

de Burdacb ainsi qu'aux faisceaux de Gowers et aux faisceaux

laléro-cérébelleux; on la poursuit jusqu'à la troisième paire cervi-

cale. En ce cas la dégénérescence porte sur les faisceaux pyrami-

daux croisés et les bords des cordons anléro-latéraux, ainsi que

snr certaines parties des cordons postérieurs; elle peut être suivie

jusqu'à la cinquième vertèbre dorsale pour le cordon postérieur

et jusqu'à la moelle sacrée pour les autres systèmes. En bas, à

partir de la deuxième racine dorsale, on trouve simplement

quelques fibres nerveuses affectées de myélite, notamment sur le

bord des cordons postérieurs, plutôt que de véritables foyers, et

cela jusqu'à la moelle lombaire; en revanche, l'aspect des cellules

nerveuses des colonnes de Clarke laisse à désirer. Pour le reste de

la moelle, notamment pour la moelle lombaire et sacrée, il y a

complète intégrité de la substance grise (cellules ou fibres), des

fibres antérieures et postérieures, des fibres nerveuses extra-pie-mé-

riennes, y compris celles delà queue de cheval; intégrité complète

de la substance blanche à l'exception des zones de dégénérescence

descendante; 4° légère altération dégénérative des nerfs et des

muscles des extrémités inférieures.

L'auteur insiste sur la disparition des réflexes et la persistance

de la paralysie flasque des extrémités intérieures, avec une lésion

transverse totale de la moelle siégeant si haut. C'était précisé-

ment ce qu'avait annoncé Bastian quand il disait : ,

« Lorsqu'il y a lésion transverse totale de la moelle au niveau des

régions cervicale ou dorsale, la moelle lombaire restant intacte,

malgré la dégénérescence descendante des faisceaux pyramidaux,

tous les réflexes cutanés et tendineux des régions sous-jacentes à

la lésion font défaut, la paralysie reste flasque, la vessie et le rec-

tum restent paralysés. » , ,

REVUE'D'ANATOMIE ET^DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 307

'' Or, précisément ici pendant cent six jours, c'est-à-dire bien au

delà du temps en rapport avec le Shock, il y a eu paralysie flasque,

"sans troubles' de dégénérescence électique, paralysie permanente

de la vessie'et du rectum. Anatomiquement la moelle était tota-

lement détruite au' niveau de la huitième paire cervicale et de la

première dorsale; il y avait dégénérescence descendante et ascen-

'dante de tous les systèmes en question. État normal'de la moelle

'lombaire, notamment pour-les racines antérieures et postérieures,

les zones radiculaires postérieures, la substance grise. Racines nor-

males dans la queue de cheval. Altérations très faibles des nerfs et

des muscles des extrémités, insignifiance des quelques fibres rayé-

litiqu'es sous-jacentes à la pie-mère, dans les faisceaux postérieurs

de la moelle'dorsale et lombaire supérieure. P. K.

XXVIII. Contribution A l'anatomie pathologique DE la chorée

CHRONIQUE PROGRESSIVE HÉRÉDITAIRE; par II. OPPEXUEIM et

t IL-(I. LIOPPE. (Archiv f. Psychiat., XXV, 3.)

' Deux observations ayant ceci de particulier qu'il s'agissait d'une 1e

chorée chronique héréditaire sans complication. Il y a eu com-

plet exameiz" ciiiaton2o-pathologiqtte. Atrophie des [circonvolutions,,

surtout au niveau des ascendantes, du lobule pariétal supérieur et

du lobule occipital. Dans l'un des cas, il y a en outre hydrocéphalie

externe,'de l'autre (un homme) pachyméningite interne membra-

neuse héinorrliagique avec hémorrhagies anciennes et récentes. Un

examen histologique attentif a été effectué de tout le système ner-

'veux central, de certains nerfs et de certains muscles. L'auteur

met en relief l'encéphalite disséminée caractérisée par une lésion des

vaisseaux, dès hémorrhagies, la prolifération des cellules et la sclé-

rose (tissu fibrillaire des foyers anciens) ; les altérations' disséminées

atteignaient' plus' fortement la zone motrice. La dissémination de

l'irritation sur les cellules 'et les fibres explique qu'il y ait eu,

non de la paralysie, mais des accidents d'incoordination. L'at-

teinte du lobe frontal explique l'altération des fonctions psychiques.

Il faut également s'airêter aux lésions de la moelle, presque égales,

chez les deux malades quoi qu à des degrés divers. Lésions irrégu-

lières, non systématiques, d'origine iiévroÏli41e, conjonctive, vas-

culaire, ne procédant point de la dégénérescence secondaire.

Irritant en permanence les cornes antérieures et les racines anté-

rieures, elles ont, en provoquant le complexus choréique, déter-

miné la proliférations de tissus et notamment de l'appareil vascu-

laire. Malgré cela, il n'y avait pas de lésion des faisceaux pyramidaux

(observation I) tandis que les cordons postérieurs présentaient (dans

l'observation II) les mêmes lésions diffuses et indéterminées.

Elude critique parallèle des cas de chorée'héréditaire avec ana-

tomie pathologique, dans la bibliographie. P. Ii. "

308 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.

XXIX. Contribution A la connaissance de l'anatomie P.1TIIOLO

GTQUR DE l'idiotie ; par M. POPOFF. (Archiv f. Psychiat.,

XXV, 3).

Idiot mort à dix-huit ans de phtisie pulmonaire ; il ne connais-

sait que les premières lettres de l'alphabet et les opérations arylll-

métiques les plus simples. Gâteux, malpropre, excité, destructeur,

il présentait un arrêt de développement des extrémités du côté

droit parésiées, froides, avec de 1'li-%pei,exciLatioii des muscles et

des réflexes tendineux. Autopsie. Pie-mère épaissie. L'artère de la

frontale ascendante droite est sclérosée et thrombosée. Le cer-

velet n'est pas complètement recouvert par les lobes occipitaux.

Poids de l'encéphale : 1,202 grammes. Troisièmes frontales droile et

gauche peu développées ; faible développement du lobe paracentral

gauche et des parties contiguës des deux frontales supérieures,

ainsi que de l'insula. L'écorce est généralement mince ; les ventri-

cules sont dilatés; aplatissement du pédoncule cérébral et de la

pyramide du côté gauche. Petitesse des cordons latéraux droits.

Dans les couches corticales, petites cellules nerveuses bien plus

nombreuses que normalement; par la méthode de coloration de

Gaule, on obtient des noyaux rouge framboise irréguliers, à con-

tours tranchés, et l'on voit dans les nucléoles des lacunes arrondies,

blanchâtres, même dans les cellules dont les noyaux à contours

normaux sont normalement colorés. Fibres myéliques intra-corti-

cales très diminuées (coloration de Weigert et Pal), surtout dans

l'opercule ; alternative irrégulière de segments pauvres et de seg-

ments riches en fibres.

Les. cellules forment aussi des groupes irrégulièrement ordon-

nés et non plus stratifiés'(picrocarminate et carmin) ; les prolonge-

ments de leurs pôles qui normalement ont un trajet parallèle et

perpendiculaire à la surface des circonvolutions sont souvent

obliques et transversaux ; les cellules sont petites, recoquevillées,

vacuolisées. Parois des vaisseaux épaissies et rayées ; accumulation

en plusieurs places de cellules-araignées.

Dans le lobe occipital gauche, foyer brun ocreux de 10 milli-

mètres de diamètre, formé de grosses fibres de tissu conjonctif

et de vaisseaux épaissis ; nombreuses cellules rondes entre l'endo-

thélium du vaisseau et la membrane fenêtrée ainsi qu'au pourtour

du conduit.

Dans la moelle, tuméfaction de la plupart des cellules (carmin)

arrondies, sans prolongements ; noyau difficile à voir, nucléole ;

vaisseaux gonflés de sang, entourés de magmas de cellules rondes.

Cordon antérieur droit un peu plus épais que le gauche ; cordon

latéral droit et corne antérieure droite de moindre dimension qu'à

gauche. Cordons postérieurs normaux. ,P

Dans la moelle cervicale, on voit les racines antérieures se réu-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 309

nir en trousseaux compacts dans l'intérieur même de la substance

blanche et grise. Dans les racines postérieures, on est frappé de la

grande différence de calibre qui existe entre les fibres médianes,

massives, surtout à droite, et les fibres latérales anormalement

délicates.

Il y a donc eu, en somme, une lésion qui s'est produite avant que

l'encéphale ne fût terminé, vers la fin de la vie foetale (ce que

prouve l'état des racines spinales). Par suite de l'arrêt de dévelop-

pement de la région operculaire gauche, il s'est produit le trouble

de la parole, surtout moteur, constaté pendant la vie. L'atteinte

plus spéciale du faisceau pyramidal doit s'expliquer par l'arrêt de

développement ! qui a de préférence frappé l'hémisphère gauche ;

la lésion de la moelle émane donc de celle de l'écorce. L'arrêt de

développement du faisceau pyramidal explique l'arrêt de dévelop-

pement de la corne antérieure correspondante.

L'auteur se rattache à l'idée d'une lésion vasculaire syphilitique

ayant porté sur le lobe occipital gauche et provoqué des lésions

histologiques diffuses de J'écorce. Puis, peu de temps avant la

mott, il y aurait eu myélite aiguë, principalement de cette moitié

de la moelle qui a présente le plus grand arrêt de développement,

et qui, par suite, était prédisposée à contracter une autre affection.

Figures. P. Keraval.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

XXII. Les états affectifs ET la mémoire; leçon de M. le Pr RIBOT,

au Collège de France; recueillie par M. DANVILLE.

On savait jusqu'ici qu'il y a quatre sortes de mémoire : la mé-

moire visuelle, l'auditive, la tactile, la motrice, auxquelles on avait

ajouté récemment la mémoire du langage verbal. Mais l'on ne s'é-

tait pas encore demandé si les autres sens ne seraient pas aussi

susceptibles de contribuer pour leur part au souvenir. Existe-t-il

une mémoire des sensations internes ? Conserve-t-on une mémoire

des émotions et des passions ? En cas d'affirmative, quelles sont les

formes de représentation affectées par ces souvenirs ? Quel rôle pra-

tique ces images jouent-elles dans l'ensemble de nos cogitations ?

Quel intérêt théorique offrent enfin ces mémoires ?

Telles sont les questions que M. Ribot essaye de résoudre. Il y a

310 REVUE 'DE PATHOLOGIE MENTALE ?

deux formes distinctes'de mémoire : la mémoire dite de conserva

tion et la mémoire de rappel ou d'évocation.. * -10

11 n'est.pas douteux que la première existe pour les sensations

internes; pour ce qui est des sensations de faim et de soif, par-

exemple, il n'arrive jamais à personne de se tromper sur leur iden-

tité, lorsqu'on' les ressent. De même, la sensation de fatigue n'est

pas moins facilement reconnue..1 .< . < ' if*

,Mais le deuxième mode de reproduction du souvenir, la mémoire

de rappel ou d'évocation s'applique-t-il aussi aux états affectifs ?

Pour rendre. les «recherches plus faciles, M. Ribot distingue dans

ces derniers quatre' groupes : 1° les saveurs et les' odeurs; 2° les

sensations internes (faim, soif, fatigue, dégoût) ; 3° le couple plaisir

et douleur; 4°'les'émotions et passions, et conclut, après ses

recherches dans les différents ouvrages qui traitent de la question

et après ses propres expériences, que la mémoire de rappel ou

d'évocation existe bien pour chacun de ces quatre groupes d'états

affectifs, niais se rencontre plus ou moins nette suivant les individus.

En résumé, il y a lieu de considérer dans toute mémoire ou repro-

duction d'états affectifs d'une part, des conditions cérébrales aux-

quelles s'ajoutent, d'autre part, des conditions organiques complexes,

ou, autrement, une diffusion dans tout l'être des excitations prove-

nant du rappel des images intellectuelles, excitations immédiate-

ment suivies des'réactions générales de réponse dont l'ensemble

provoque le rappel en retour de l'état affectif. (Revzceazeu'olopiqié,

janvier, 1894.) ' ' ' . . ' 1 : . 13. '

XXIII.' LA VALEUR DES, signes DE dégénérescence ' ' DANS. D'ÉTUDE D E,s' 1

maladies mentales; par e')) j\ 1ECEE.y., 1 . .

' Les stigmates morphologiques de dégénérescence sont très nom-

breux parmi les gens normaux, et l'auteur n'a trouvé que 3 p. 100

d'entre les gardes-malades du sexe féminin qui en fussent exemptes^

Un seul stigmate n'est donc d'aucune importance, moins encore

spécifique, 'd'autant moins qu'il peut se prouver déjà ethniquement.

Ce'n'est donc que l'accumulation de ces' signes qui peut être de

quelque.valeur diagnostique, et démontrer un état cérébral inférieur.

Combien 'donc de ces stigmates devront-ils être réunis ou plutôt,

combien de parties du' corps devront-elles en présenter à la fois',

puisque 21 p. 100 des femmes normales examinées avaient quatre

signes, et ehex 9 p. 100, trois parties'du 'corps en étaient atteintes

0 .' - . a* p .<' f "f.' ? ) ? f

en même temps ? , ' t w . : ' ? t "" ,·vus.

L'auteur donne, comme chiffre approximatif, cinq signes sur

quatre parties du'corps. .' . (] '' ' "

, Il y a toutefois bien des exceptions,' et,' dans un cas concret, il

faudra toujours être prudent dans,sa conclusion. , Mais dansées

cas incertains, les.stigmates.pourront fournir .quelque indice, quel-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE, i 311

que appui au diagnostic : un homme qui présente des signes nom-

breux de dégénérescence sera toujours suspect pour ce qui concerne

son état mental, nerveux ou moral; il pourra devenir plus facile-

ment, parait-il, malade de l'esprit, des nerfs ou bien déliiiquatit.

,L'auteur appelle l'attention sur certaines anomalies que 'l'on

pourrait bien énumérer parmi les stigmates dans le sens ordinaire

et qui sont relativement peu connues, savoir les anomalies des

organes internes ; il pense qu'en faisant des recherches systéma-

tiques et comparatives du cerveau, on trouvera plus d'anomalies

de la surface chez les épileptiques et chez les idiots que chez les

autres aliénés, davantage dans la paranoïa que dans la paralysie

générale, peut-être même davantage dans les cas graves de psy-

chose que dans les cas légers. (Annales ? Hëd ! co-ps)/c/t0os't<yugs/ oc-

tobre 1894.) . r 1 E. BLIN. ' ' z

XXIV. La folie dans ses rapports avec la LOI. La castration chez

()) LES criminels; par le Dr Hughes.

Ce mémoire, publié dans le Médical and surgical reporter de 1881,

est publié de nouveau, pour établir sa priorité sur quelques publi-

cations au sujet de la castration chez les criminels. ' ,

Dès 1 8S1 ,' l'auteur' appelait l'attention du législateur sur cette

plaie de la société moderne, [sur la diathèse névropathique, sur la

dégénérescence héréditaire avec toutes ses productions dans lé

domaine du crime et delà folie De quel droit, dit-il, serait-il per-

mis à 'des ivrognes confirmés, à des criminels enracinés, de pro-

pager une race d'imbéciles, d'épileptiques, d'idiots ou de criminels ?

L'Etat s'efforce de combattre la fièvre jaune et le choléra; pourquoi

la loi ne s'efforcerait-elle pas d'enrayer ce fléau beaucoup plus ter-

rible de la dégénérescence héréditaire ? Pour cela, la caslration

se, présente comme le remède le plus légal et le plus moral, pour

s'opposer à la reproduction ,de , l'espèce chez certains criminels et

chez certains dégénérés. Cette loi ne serait que l'application aux

théories modernes d'une ancienne loi de l'Etat de Missouri, qui

punissait par la caslration le crime de viol. Les remèdes radicaux,

ajoute l'auteur, sont les meilleurs pour les vices organiques.

" . L'auteur,reconnaît, et l'on ne saurait trop l'approuver, qu'il fau-

dra agir avec la plus grande prudence pour-éviter les erreurs, soit

qu'il s'agisse d'erreur judiciaire ou d'erreur dans le diagnostic et

dans le pronostic de l'état mental et moral des malades. (The alie-

nist and 22eu7loig'î*st, avril 1894.) ' ' , E. B. , z

XXV. Sur les moyens de prévenir la folie et de lui échapper;

. ,r ,r ,par leD''r11'. IaELASD. ` , ,

Dans une famille entachée d'hérédité ilévropalhique, tous les des-

cendants ne sont pas nécessairement contaminés, et l'on peut dire,

312 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

' tout au moins, que pour produire leurs'néfastes effets, il est sou-

vent nécessaire que les prédispositions héréditaires soient renfor-

cées par une cause adjuvante ; d'où l'importance de l'éducation et

des précautions à prendre pour prévenir le développement de ces

prédispositions morbides.

' Ces précautions doivent déjà être prises pendant la vie intra-

utérine, et la mère devra éviter tout travail pénible, toute émotion.

Pendant la première enfance, les précautions sont plutôt des

notions d'hygiène générale que des règles particulières.

Lorsque l'enfant grandit, on doit éviler de lui donner une nour-

riture presque exclusivement carnée, s'il a une tendance aux mala-

dies nerveuses et à l'instabilité mentale ; il en est de même de la bière,

du vin; du thé, du café. L'enfant devra boire de l'eau, et la hase de

l'alimentation sera dans le lait et les céréales. Il sera préférable

d'élever les enfants à la campagne et surtout dans les montagnes.

Une question délicate est celle de l'éducation; c'est une mauvaise

chose de commencer 1 instruction de l'enfant avant sept ans, et

surtout de développer, à l'exclusion des autres, une faculté plus

spécialement évidente. Un certain degré d'affaiblissement intellec-

tuel ou un caractère trop violent sont des obstacles pour élever

l'enfant dans une école; mais dans les autres cas, l'éducation don-

née en- commun ne peut que faire prendre des habitudes d'obéis-

sance du plus salutaire effet.

' L'auteur condamne la pratique de l'hypnotisme pour combattre

certaines habitudes vicieuses, la masturbation ou l'incontinence

d'urine. ' ,

Quant à la formation du caractère, il faut tenir les enfants avec

1 ;douceur mais avec<fermeté, et savoir à l'occasion les punir, car

c'est une grave erreur de donner aux enfants arriérés ou dégé-

nérés la notion qu'ils sont en dehors de toute punition.

, L'éducation est un puissant moyen de traitement de l'affaiblis-

sement mental ou moral; quelques enfants, il est vrai, malgré les

bons exemples qu'ils peuvent avoir sous les yeux, sont rebelles à

toute éducation : ce sont les cas d'imbécillité morale. Mais, même

dans ces cas, il ne faut pas désespérer, et une bonne direction mo-

rale, une éducation judicieuse, peuvent prévenir bien des défail-

lances, alors que bien souvent la faiblesse d'une mère timorée

r a ouvert toutes grandes, pour l'enfant, les portes de l'asile; c'est

ce que reconnaissait un' des malades de l'auteur, dans un asile

d'aliénés, en disant : c C'est une chose terrible que d'être fils

, unique. » (The alienist and neunologist, avril 1894.) E.' D.

XXVI. Troubles vaso-moteurs ET trophiques dans la démence

paralytique; par le Dr Hoyt. , . r.

Une étude clinique et auatomo-pathologique des troubles va : o-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 313

moteurs et trophiques qu'on observe aux diverses périodes de la

démence paralytique a conduit l'auteur à se ranger aux idées de

Meynert, de Folsom et de Spityka, à savoir que les symptômes de

la démence paralytique, à la première période, sont dus à une

paralysie vaso-motrice des vaisseaux de l'encéphale; l'encéphalite

corticale et les processus dégénératifs que l'on observe aux périodes

postérieures sont consécutifs à la paralysie vaso-motrice des vais-

seaux de l'encéphale.

En acceptant cette hypothèse, il y aurait intérêt à faire des

recherches du côté du centre vaso-moteur du plancher du qua-

trième ventricule; peut-être y découvrirait-on la lésion primor-

diale de cette fatale maladie. (American jozt;-nai of insaiiity, 1894.)

, t E. B.

XXVII. CONFUSION mentale; par le Dr `VOIlCESTER. r

L'auteur en donne avec Wood la définition suivante, en tant

, qu'entité morbide : un désordre psychique aigu produit par un

choc nerveux ou une maladie générale, sans trouble émotionnel,

avec abattement marqué du pouvoir mental, accompagné souvent

d'hallucinations et d'excitation intellectuelle en même temps que

de dépression physique; il existe quelquefois des troubles vaso-

moteurs et la maladie se termine le plus souvent par une guérison

complète.

;Le symptôme fondamental auquel tous les autres troubles men-

taux sont subordonnés, est la confusion mentale, l'égarement : il

existe un affaissement de l'association naturelle des idées. L'inco-

hérence du langage est due à la disparition du lien logique qui

réunit naturellement les idées à exprimer. '

La dépression des malades peut aller jusqu'à la stupeur; on ren-

contre parfois, dans ces cas, une sorte.de rigidité 'cataleptique

analogue à la catatonie de Kahlbaum. Dans la majorité des cas, il

existe, par intervalles, de l'excitation maniaque avec tendance à la

violence. < .. . -

Un symptôme fréquent est'une appréhension vague qui pousse le

malade à s'opposer à tout ce qu'on veut lui faire faire.

La condition étiologique la plus importante,' aux yeux de l'au-

teur, est la constitution même du malade; puis viennent les impres-

sions brusques et profondes sur le système nerveux, les maladies

, fébriles, L'était puerpéral, les traumatismes, la puberté, etc.

. Beaucoup de cas rangés sous l'appellation de manie devraient,

d'après l'auteur, être rapportés à la confusion mentale. Il y a, du

reste, deux sortes de cas où on peut constater de l'excitation mo-

trice avec loquacité et violences : 1° dans les uns, on peut constater

une surexcitation générale des facultés intellectuelles : ce sont les

cas de manie qui correspondent a un affaiblissement de l'inhibi-

314 REVUE'DE PATHOLOGIE MENTALE/1

tion'psychique et motrice; 20 dans les autres^ il existe un véritable

affaissement de l'intelligence, ce sont les cas de confusion mentale.-

Il existe de même' une distinction nette' entre la mélancolie et la

confusion mentale : le désordre mental dans la mélancolie est pri-'

mitivement émotionnel avec intégrité presque eomptëto'de la plu-1

part des facultés intellectuelles; lorsque la confusion mentale revêt

une forme mélancolique, c'estàla suite d'hallucinations, de troubles'

délirants vagues, incohérents et illogiques. La majorité des cas'

classés sous le nom de mélancolie avec stupeur ne sont en réalité

que des cas de confusion mentale. *

En somme, sous le nom de confusion mentale,' l'auteur décrit un'

groupe de symptômes qui peuvent reconnaître un grand nombre

de causes ; le délire fébrile et le délire d'inanition, par exemple,

présentent parfois les signes de la confusion mentale; mais l'en-

semble symptomatique de la confusion mentale est assez net pour'

en faire une entité morbide dans un système de classification basé

sur les faits cliniques. (American journal of insanily, 1894.) E. L3 : i

XXVIII. Substratum physique DE la folie ET DIATIIÈSE DE la folie ,

' . par le Dr ŸIIITE. ' ", . r

- Il est indubitable que l'écorce cérébrale, la portion la plus com-"

plexe du système nerveux au point de vue anatomique, ne soit'

l'origine des fonctions les plus complexes, les manifestations' de'

l'esprit. Et quelles que puissent être les idées de chacun touchant

la nature de l'esprit et ses relations avec le' cerveau, on doit'*recon-

naitre qu'à chaque phénomène psychique» correspond un phéno-

mène nerveux : la folie n'est donc rien autre qu'un symptôme^

complexe de maladie corticale. t ' ' ' M ->f

;.On, peut dire que le développement fonctionnel de l'écorce se^

fait du centre à la périphérie, les fonctions les plus hautes et les,

plus récentes étant placées dans les régions les plus extérieures : il

semble'qu'il y ait là une série de plans superposés et dont les fouc ?

tions deviennent plus complexes à mesure qu'on bagne.,la péri-,

phérie; mais en même temps qu'elles- sont les plus récemment,

organisées, les régions extérieures de l'écorce sont leslmoins stables

etles.premières atteintes. ( j , , . h i ,;

- iJLes fonctions de ces centres é ! evés paraissent être essentiellement

inhibitoires : dans la mélancolie, les fonctions de ces régions sont

eni partie désorganisées, ne s'effectuent qu'avec peine, et il en ré-, z

suite un état douloureux; une altération plus étendue, plus proi,

fonde de ces régions causerait tous >les' symptômes de la manie, ces

symptômes n'étant pas dus à un accroissement de puissance ou de !

capacité,maisà une disparition du contrôle iuhihiloire; en dernier^

terme on-rencontre la démence avec ses modifications profondes

et destructives des tlSSUS...'IW r c ,' là,. j 1> N 4 ( ? j

REVUE,DE PATHOLOGIE MENTALE. t 315

,Chaque individu naît avec une certaine puissance, plus ou moins

grande à se développer : suivant que ces forces latentes de déve-

loppement cérébral sont dissipées de bonne heure par des condi-

tions défectueuses, d'existence eussent originairement débiles, du

fait d'une tare familiale, on se trouve en présence de la diatlièse

acquise ou de la diathèse héréditaire; c'est cette dernière forme

que rencontrent le plus souvent les aliénistes et qui présente les

plus grandes .difficultés relatives au traitement. Les conditions de

la diathèse héréditaire de la folie sont étroitement reliées à l'idiotie

et à l'imbécillité; folie et imbécillité ou idiotie ne sont cependant

pas choses identiques, car- la folie suppose une maladie corticale

actuelle greffée sur un cerveau développé ou.non.

.Qu'elle soit acquise ou héréditaire, la diathèse de la folie pré-

sente des signes à peu près identiques, avec cette différence que,

lorsqu'elle est acquise, le traitement peut présenter plus d'effica-,

cité. Ces signes sont tout d'abord une perte du contrôle inbihitoire,

puis une irrégularité marquée, un manque de coordination dans

les manifestations de toutes les facultés mentales. L'auteur, à ce

propos, passe ensuite en revue les principaux signes de dégénères

cence, intellectuels, moraux ou, spmatiques, ainsi que les notions

nouvelles sur la responsabilité, introduites dans la science par l'an-

thropologie criminelle. Pour conclure, il montre toute l'importance

de l'éducation dans le développement moral du dégénéré. (amer ? 'tca ? ? oMnt6o/'u ! sa ? ! tt ? 1894.) t,i,t , ,.E. B. i j .l

ri h .. ' ( , 'l 1 1· . i

.1,, YI1.L.1 folie chez LES criminels; par le Dr Fallison. ,

Le criminel présente si souvent des conditions anatomiques.et'

pathologiques toutes spéciales qu'il est une étude intéressante pour

le médecin; et la folie, la débilité mentale se rencontrent si fré--

quemment chez lui qu'il attire tout spécialement' l'attention de

l'aliéniste. , " , i - i - 1 - 1,1 1. e , , " ' · sd

'Les signes de dégénérescence sont si fréquents qu'on a'voulu

créer untype criminel; mais le crime est un.produit complexe qui

ne tient'pas seulement à l'hérédité ou'aux tares physiques, mais

aussi à l'entourage, à l'éducation : , > > 'j < t' i> - > < ^

Les formes'de folie présentées -pari -les condamnés admis à 1'llô-

pital d'Etat deMatteawan, présentent un type assez particulier. D'une

manière générale;'ce ' sont des types simples de>folie; le trouble

mental le plus commun est une forme tranquille, subaigûë ou

chronique sans excitation motrice, et souvent est associée'à.un

arrêt de. développement physique ou mental : ' '

- "Ce qui : rend ces aliénés' criminels 'souvent dangereux, c'est la

facilité avec laquelle ils : s'entendent entre eux pour fomenter des

séditions, amener des'actes de violence, 'des vols ou des évasions.

Dans les antécédents de- la plupart, on relate le manque d'édu-

cation et l'intempérance. »' *-'> ' 1- j 1

316 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

Mais que faire de ces aliénés criminels, au bout d'un certain

temps ? Dans la stricte acceptation du mot, ils ne restent pas long-

temps aliénés, mais restent des affaiblis aptes à toutes les déchéances

morales. Si on les replace'en prison, le régime'cellulaire affaiblit

encore leur pouvoir mental; mis en liberté, ils deviennent des réci-

divistes. .

Dans l'intérêt de tous, des lois plus sévères devraient restreindre

la mise en liberté des imbéciles intellectuels et moraux, avec ten-

dances au crime; et, dès le second délit, on devrait placer ces

aliénés criminels dans un asile spécial, et les y laisser pour un

temps indéterminé, souvent pour la vie. (American journal of insa-

,nity, 1894.) E. B.

XXX. Jurys d'examen pour l'aliénation mentale; par le Dr Stearus.

Les conclusions de l'auteur sont les suivantes : jusqu'à ce qu'un

jour brillant se lève sur le système du service civil en Amérique, et

qu'une appréciation plus élevée des devoirs inhérents aux jurys

d'examen n'ait été réalisée, les progrès de la psychiatrie doivent

être cherchés beaucoup plus dans la voie qu'ont déjà pressentie et

indiquée les médecins, dont la large expérience a pu s'exercer

dans les conditions, bien limitées cependant, de ces cinquante der-'

nières années, que dans les services que pourront rendre les con-'

seils déjuges pour l'aliénation mentale. (American journal of insa-'

azity, 1894.) E. B.

XXXI. FOLIE consécutive A UNE OVARO-SALPINGECTOMOE;

par le Dr REGIS.

Intéressante observation d'une femme prédisposée chez qui l'abla-

tion des ovaires et des trompes détermina l'apparition de troubles

délirants.

L'auteur institua, comme traitement presque exclusif, une injec- >

tion, par jour, d'extrait ovarien à la dose d'un demi à deux centi- <

mètres cubes et demi d'une solution à 10 p. 100; cette médication, *

absolument inoffensive, en dépit de sa durée (près de deux mois),

a donné des résultais favorables aussi bien au point de vue phy-

sique qu'au point de vue'mental. (Amener journal of insanity,t

1894.) E. B.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONGRÈS DES NEUROLOGUES ET ALIÉNISTES

DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST.

SESSION DE BADE-LES-BAINS. "

Séance du 2 juin 1894. Présidence DE M. HITZIG.

M. Hoffmann communique une observation de aae2ta·oanosite ii2ltl-'

tiple. Il s'agit d'un cordonnier de soixante-dix ans qui brusquement,

le 9 juillet 1890, ressentait des contractions dans les mollets, des

douleurs dans le corps et les membres, une fatigue intense dans

les jambes; il éprouvait au même moment de grandes difficultés à

marcher. La semaine suivante, brûlures vives dans les membres

et le tronc, paralysie de ces régions. Telle fut jusqu'au 24 juillet la

situation qui se compliqua bientôt de dyspnée, de difficultés dans

l'expectoration, d'oedème des pieds et des jambes. Intégrité des

nerfs crâniens et des sphincters. Cause inconnue. Un fils du

malade est atteint de tabès dorsal. Le 24 juillet, on constate :

accélération de la respiration, toussottement continu, faible expec-

toration, paralysie des jambes, des bras, des muscles du tronc,

disparition des réflexes tendineux, des réflexes cutanés, oedème des

pieds et des jambes, sensibilité douteuse à la pression sur les

troncs des nerfs, amaigrissement des muscles paralysés avec réac-

tion de dégénérescence partielle ou complète, fréquence du pouls;

le diaphragme ne fonctionne pour ainsi dire pas, température 37°,9 ;

la vessie n'évacue plus l'urine d'ailleurs indemne d'albumine ou

de sucre. Mort le 25 juillet. Autopsie. 11 existe une myosite aiguë

interstitielle ainsi qu'une névrite aiguë multiple portant aussi sur les-

nerfs cutanés. Altérations identiques à celles qu'ont publiées

Eichhorst, Leyden, Rosenheim, Senator. On ne trouve aucune

cause à cette lésion qui atteint systématiquement nerfs et muscles.

Discussion. M. Em : vGER a observé un cas semblable avec

hémorragies cutanées multiples, dû à de l'endartérite noueuse.

M. Hoffmann. Dans l'endartérite, c'est surtout le tissu interstitiel

des muscles qui est atteint. Dans l'endartérite multiple, il y a pro-

- 318 R .SOCIÉTÉS'SAVANTES.

-hablement origine infectieuse; 11L' SrcuEnr.mG partage les vues de

l. Hoffiiiann. « i ' ' '"I

M. Geriiardt. De la manière d'être des réflexes dans lca section lrcazs-

verse de la moelle ? L'orateur a observé un malade atteint de

tumeur des vertèbres dorsales avec compression de la moelle, chez

lequel, pendant quatre ans et demi, il y eut, jusqu'à la mort,

exagération des réflexes de la partie du corps sous-jacentt- à l'in-

terruption spinale, ce qui est contraire aux assertions de Bastian.

A l'autopsie, on constata qu'à l'endroit comprimé la moelle était

transformée, en une substance mince et transparente constituée

par un tissu conjonctif lâche, probablement arachnoïdien ; il n'y

restait pas un seul élément de tissu nerveux. Ce fait vient à l'appui .

de la théorie ancienne. f'

M. HITZIG présente, en revanche, des préparations de moelle et

'de muscles empruntées à une malade qui, à la suite d'une chute,

subit une séparation presque complète de la moelle entre la région

cervicale et la région dorsale. Elle survécut onze ans à cette muti-

lation et, jusqu'à sa mort, les réflexes tendineux furent abolis dans

les extrémités inférieures; l'excitabilité électrique persista d'abord

puis. finalement diminua considérablement et cela d'une façon

permanente.

M. Kausch. De la situation du noyau du nerf pathétique. Le

noyau de la quatrième paire ou noyau IV comprendrait d'après

les auteurs trois groupes de cellules : 1° le noyau IV à petites

cellules, postérieur, de Westphal mentionné par lui en 1887,

qu'en 1891 il ne rattache plus à la quatrième paire; 2° le noyau

ventral postérieur de l'oculomoteur commun, qui occupe une

dépression du faisceau longitudinal postérieur; 3° le noyau prin-

cipal du pathétique de Westphal, situé entre le faisceau longitu-

dinal postérieur et l'aqueduc de Sylvius. '

' En 1891, dans un travail paru sur la paralysie progressive des

muscles des yeux, MM. Westphal et Siemerling considèrent ce

dernier noyau comme étant le seul noyau de la quatrième paire

(noyau IV),'parce que c'est dans ce noyau que se terminent les

fibres de celle-ci, tandis que le noyau ventral postérieur serait un

noyau de l'oculomoteur commun. Eh bien ce noyau principal du

pathétique'de Westphal n'est pas le noyau de la quatrième paire.

Le noyau ventral postérieur est seul le noyau de la quatrième paire,

pour les motifs'suivants :

'' 1° Tout noyau d'un nerf moteur possède un réseau très fourni de

fibres fines ou fortes entre les cellules. Or le faux noyau de \Vest'-

phal-seràil seul dépourvu de cette quantité de fibres; 2° les fibres

de la quatrième paire se terminent dans le noyau ventral posté-

rieur, il n'y en a pas une seule qui se rende dans le noyau de

Westphal ; 3° les cellules du noyau de Westphal ne sont pas motri-

.SOCIÉTÉS SAVANTES. 319

ces, elles ne sont.pas multipolaires; elles ne sont pas, non plus

plus volumineuses que celles du noyau ventral postérieur; 4° les

cas pathologiques montrent la réalité de cette assertion car chez

un malade où l'on trouve une dégénérescence des netfs de la troi-

sième et de la quatrième paire, le noyau ventral postérieur et ce

qui reste du noyau de la troisième paire sont atrophiés, le noyau

de Westphal reste normal. , . `

Discussion. M. Siemerling. Ce ne sont pas les coupes en séries

qui peuvent dénier avec certitude l'origine du pathétique au

noyau principal de Westphal. C'est à l'expérimentation qu'appar-

tient le dernier mot. Et l'anatomie pathologique n'est-ce' donc

rien ? Or, il est établi qu'alors que tous les autres noyaux qui com-

mandent aux muscles sont lésés, seul le noyau principal du pathé-

' tique reste intact et qu'alors les branches intra-inéduliaires et péri-

phériques de ce nerf sont altérées. Le noyau principal à petites

cellules de Westphal n'a rien à faire avec le pathétique. Mais les

altérations anatomiques dans les cas pathologiques n'excluent pas

jusqu'ici les relations de ce noyau avec le pathétique.

M. Kraske présente deux malades atteints de lésions intra-cra-

niennes qui ont nécessité l'intervention opératoire. La première

observation a trait à un homme de trente-deux ans qui après avoir

reçu un léger coup au niveau de la région auriculaire du côté

gauche, sans lésions apparentes, fut six semaines plus tard, pris de

céphalalgies, vomissements répétés, bourdonnements d'oreilles,

vertiges. Il oscille, titube en marchant. Absence d'ataxie et de

troubles de la sensibilité. Pas de syphilis antérieure. La percussion

de l'occiput exagère la céphalalgie et les vertiges. Résultat nul du

traitement spécifique. La marche devient si mauvaise que le ma-

lade ne peut faire deux pas sans tomber/ à droite où à gauche

mais surtout à droite. Il peut assez bien marcher avec une canne

ou un léger appui. Les céphalalgies finissent par se localiser, se

cantonner à la région frontale droite, où l'on trouve une zone du

volume d'une pièce de cinq francs, excessivement [Sensible à la

pression et à la percussion. Vomiturition. Intégrité des pupilles et

du fond de l'oeil. Rien du côté du pouls ni de la température.

Aucun autre trouble morbide. Si au début on avait pu croire à une

altération cérébelleuse, aujourd'hui il est évident (il y a un an que

l'on observe le malade) qu'il s'agit du lobe frontal droit et qu'on

est en présence d'une ataxie frontale. Rien ne permet de conclure

à l'existence d'un abcès, tout porte à croire qu'une tumeur est sous

roche. La papille étranglée manque parce que la tumeur est céré-

brale et que son volume est minime ou moyen. Elle se développe

lentement et par suite est bénigne. Tout procédé thérapeutique

ayant échoué,, il nous reste à faire appel à la chirurgie. L'ouver-

ture du crâne révèle une hyperostose très marquée; la consistance

320- ' SOCIÉTÉS SAVANTES ? 0"

du cerveau est très diminuée, les méninges molles présentent sim-

plemeut une coloration brunâtre diffuse comparable à l'imbibition

cadavérique, congestion assez vive des vaisseaux; il n'y a point de '

tumeur, ni d'abcès. Le malade guérit complètement et sans réci- '

dive. L'orateur croit que l'hyperostose crânienne, en diminuantla ''

capacité intérieure du crâne, avait provoqué les accidents céré-

braux ! Mais quant à la nature de l'hyperostose, il' est impossible ' "

de se prononcer. La seconde observation concerne un jeune gar-

çon de dix ans qui sept semaines après la résection amygdalienue

change de'caractère, devient indolent, perd l'appétit, a de fré- r

queutes envies de vomir et vomit quelquefois. Il avait une otite''

moyenne gauche'déjà ancienne; celle-ci s'est aggravée. Sommeil ''

pénible. Tout à coup, phénomènes convulsifs commençant par le

facial droit et s'étendant au membre supérieur droit; ils respec- "'

tent la jambe, puis survient une perte complète de connaissance,' '

respiration stertoreuse et irrégulière, irrégularité avec accélération

du pouls. L'attaque dure à peu près deux heures ; à ce ' moment le*-

pouls est de 100; la température de 38°, T, sueur abondante. Pas de ''

papille étranglée. Revenu à lui, le malade est atteint d'aphasie '

amnésique pendant plusieurs jours. Quatre jours après, le garçon

ne reconnaît plus les personnes qui l'entourent, pouls fréquent(102)

et irrégulier, nouvelles attaques convulsives suivant la même

marche et descendant cette fois dans la jambe, toujours à droite; ''

perte totale de connaissance, gâtisme.' Puis, le pouls devient '

lent (60); cette attaque dure trois quarts d'heure, le patient revient''

à lui'et présente, de nouveau, une aphasie amnésique qui dure

trois jours. L'ensemble de ces phénomènes, rapprochés de l'exis ?

tence antérieure d'une otite moyenne, impose l'idée presque

certaine d'un abcès du cerveau, occupant le lobe temporal gau- u

che ou, plus exactement, la partie antérieure de celui-ci, près '

de la région motrice. On ouvre le crâne à 3 centimètres et demii

au-dessus du conduit auditif externe, on y pratique une ouverture s

grosse comme une pièce de un franc : On ponctionne' la première,

temporale à l'aide d'un étroit scalpel à 2 centimètres de pro-'

fondeur, en deux endroits, le pus s'échappe. On place un drain,

deux cuillerées à café de pus s'écoulent. Guérison complète qui s'est

maintenue; il y a aujourd'hui quinze mois qu'on est intervenu.

JM. Laquer. Des phénomènes cérébraux qui accompagnent les vio-

lents accès douloureux. Il s'agit de trois cas de névralgie de la i

cinquième paire avec troubles passagers de l'activité cérébrale. Le

premier cas concerne un homme de cinquante-quatre ans indemne

de syphilis et d'alcoolisme chez lequel, à chaque accès (atteinte du

nerf sus-orbitaire droit), il se produit un délire plus ou moins long avec

hallucinations lui rappelant sa profession, et délire mégalomaniaque

incohérent. Voilà quatorze jours que dure'la maladie qui s'est pro-

gressivement aggravée. En dehors de ces accès, il est abattu,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 331 1

sans appétit, un peu somnolent, mais ne présente pas de trouble

intellectuel; sommeil agité. Aucun signe d'urémie, de lésion phy-

sique du cerveau, de fièvre intermittente, de fièvre typhoïde. Tel est

le complexussymptomatique qui, après huitsemaines de durée, dis-

paraît complètement. La guérison s'est affirmée depuis tantôt six ans.

L'histoire est la même pour une dame de vingt ans, indemne

d'hystérie, d'hémicranie, de migraine. La prosopalgie a duré qua-

torze jours en s'accompagnant de délire à la suite des accès. Chez

un homme de vingt-huit ans, fort surmené par le travail (c'était un

négociant), indemne de syphilis, il y avait aphasie, hémiparesthésie

faciale et du bras du côté droit, consécutivement à une névralgie

sus-orbitaire gauche ; l'aphasie et l'hémiparesthésie duraient plu-

sieurs heures. Trois semaines plus tard tout avait disparu. Tous

ces exemples témoignent donc de troubles purement fonctionnels,

consécutifs à l'irritation des nerfs sensibles.

M. Smidt Diathèse urique et névroses. L'étude attentive de

24 malades, neurasthéniques ou hystériques, soumis à la méthode

Pfeiffer (détermination de l'acide urique libre) ne permet pas de

conclure parce que ce procédé est inapte à la détermination de la

diathèse urique. En tout cas sur ces 24 malades, 6 excrétaient des

quanti tés considérables d'acide urique; chez tous, il y avait épuisement

psychique très net. Il faut reprendre la recherche à l'aide de mé-

thodes plus exactes voire avec celle d'Arlhaud et Butte (Progrès mé-

dical, n° 36, 1893) et collecter des faits d'altérations psychiques ou

nerveuses chez des arthritiques. z

M. SCHULTZE communique une observation de dermato-myosite

chronique chez un enfant (voir Zeitsch. f. lYerven)zeil>D.).

M. ScnoLTZE passe en revue quelques nouveaux travaux sur lapolio-

my élite aiguë ; pour, lui il s'agit d'une inflammation vasculaire vraie

de la substance grise et non d'une dégénérescence aiguë des cel-

lules des cornes antérieures. Les symptômes corroborent cette

manière de voir, d'abord la brusquerie de la fièvre qui commence

la maladie et qui cesse rapidement, puis l'analogie avec l'encé-

phalite et avec cette surdi-mutité spéciale des enfants à la suite

d'une méningite apparente. On a d'ailleurs trouvé des foyers d'en-

céphalite à côté de foyers spinaux. M. Schultze a lui-même vu un

cas de poliomyélite associée à la mutité qui, suivant toute proba.

bilité, devait être rapportée à de la surdité sans cause périphérique.

Des planches sont présentées à l'appui de ces développements

(Archiv. Psychiat., t. XXVI, 2.) P. KERAVAL.

Séance du 3 juin tô9-t.-PIISIDENCE DE M. Struempell.

M. E. HHCKER. Observation d'empoisonnement par le ti,iot2al.

L'empoisonnement s'est produit au bout de trente-six jours pen

ARciiivEs, t. XXIX. 21

3^2 SOCIÉTÉS SAVANTES.

dant lesquels on a donné chaque soir 1 gramme et demi. Rapide-

ment se montrèrent des symptômes donnant l'illusion complète'

d'une démence paralytique au début; démarche incertaine et titu-

bante, désorientation (le malade ne trouve plus sa chambre), perte

de la mémoire, confusion mentale, désordre dans les idées, em-

barras de la parole et troubles de l'écriture comme ceux des para-

lytiques, impossibilité de calculer. Conscience parfaite de ces acci-

dents qui augmente la dépression légère pour laquelle, à cause de

l'insomnie concomitante, on avait prescrit du trional. Démangeaisons

quasi-douloureuses à la peau. L'urine ne présente pas la coloration

de l'liématoporpbyrine. On supprime le médicament; graduelle-

ment en trois semaines, ces symptômes inquiétants disparaissent;

ceux qui persistèrent le plus longtemps furent l'incertitude des

jambes et l'incapacité de marcher.

M. KROEPEDN appelle, l'attention sur les malades atteints de la plus

extrême confusion mentale en parlant (Verwirrtheit irn Retleil) avec

parfaite conservation de l'idéogenèse. C'est un groupe tout parti-

culier. M. Otto en a publié un très bel exemple. Leur parole reste

cohérente en la forme et courante, mais les propositions sont à

peine intelligibles et raisonnables. Soit qu'ils parlent, soit qu'ils

lisent, ils associent toute une pléiade de mots qui ne constituent

aucun sens, c'est la salade de mots de Forel. La proposition peut

demeurer passablement construite mais on y trouve fréquemment

des anacoluthes, des chevilles et des énumérations n'ayant aucune

raison d'être, des nombres'entremêlés. Un luxe de génitifs dépens

dant les uns des autres, des chaînes de verbes auxiliaires, indiquent

une. certaine tendance à ajuster des mots pour le rythme et ce

besoin de rythmer se traduit parfois en des vers à peu près incom-

préhensibles. Il est souvent impossible d'y reconnaître un texte

saisissable; quelques allusions, l'accumulation d'idées et tournures

qui se rapprochent les unes des autres, vous laissent l'impression,

que le mécanisme des conceptions jette encore une certaine lueur z

sur laquelle les malades se guident pour n'arriver qu'à leur ver-

biage spécial. Leurs discours sont parsemés, d'une façon intermit-

tente ou continue, de certaines (locutions favorites qui ne corres-

pondent pas à l'expression de certaines idées précises, mais arrivent

à s'enlremûler,dans ;les phrases en vertu d'une habitude. Ils four-

millent également, et c'est le caractère le plus frappant de cette

confusion verbale, de néologismes qui rarement s'appuient sur des

mots courants; ils revêtent presque toujours la forme de mots^

étrangers som.res. Ces malades ne vous expriment ou n'ont pas '

l'intention de vous exprimer des idées précises et solides; ce n'est '

qu'un cliquetis de mots insensés, tout à fait arbitraire, qui'

s'échappent au hasard et se créent à tout instant. On retrouve les-

mêmes caractères dans l'écriture et le dessin de ces malheureux.

Il n'y a pas chez eux de troubles de la conception proprement z

1 - T - ! f ' i

. SOCIÉTÉS SAVANTES. 333

dite. Ils tendent à faire passer immédiatement dans l'expression

du discours les impressions qui se présentent et au sur et à me-

sure qu'elles arrivent. Il est impossible de trouver d'idées délirantes

revêtant une forme saisissable. Ils seraient plutôt gais et contents

d'eux, excitables, et de temps à autre peuvent devenir violents et

agités. 11 est très fréquent qu'ils aient de l'excitation sexuelle

(masturbation, obscénités). Parlant beaucoup et volontiers, ils

éprouvent un certain plaisir à discourir longtemps, ils dictent ou

écrivent des dissertations et se servent d'un langage choisi qui n'a

rien du patois, et d'expressions pompeuses. Leur conduite est con-

venable à l'asile; travailleurs utilisables, laborieux et sérieux, ils

sont mêmes capables d'exécuter avec précision des ordres tout à

fait compliqués; et cependantil n'est pas rare de les voir empruntés

et cérémonieux commettre quelques originalités.

En tout cas, cette dissociation dans le discours ne correspond point

à la confuston mentale vraie, au désordre des actes et des idées.

Elle tient en partie à un relâchement des réseaux d'association

qui normalement unissent intimement le texte de la conception,

de l'idée, et les rouages d'expression des idées par la parole. Il y a

un mélange de fautes grammaticales (agrammatisme) et de para-

phasie, dont les éléments, par une analyse attentive, se retrouvent

exactement dans les discours que l'on tient en rêve.

Les quelques observations a peu près complètes que l'on arecue;l-

lies jusqu'ici permettent de spécifier qu'en pareil cas on a affaire

à une affection subaiguë du jeune âge se traduisant au début par

de la dépression, des idées vagues de persécution, et plus tard par

des idées de grandeur incohérentes, absurdes, avec agitation. Peu

de temps après, les idées délirantes rétrocèdent[et c'est alors qu'ap-

paraît cet affaiblissement intellectuel avec confusion extrême de la

parole pouvant demeurer tel quel pendant plusieurs lustres. Il

est plus que probable que c'est là une forme particulière des pro-

cessus dégénératifs qui conduisent rapidement à la démence,

dont on nous a tracé d'autres tableaux sous les noms d'hébéphré-

nie (Hecker), catatonie (ICalilbaum), démence précoce, etc.

M. AsCHIFFENBunG. La volée des idées (Ideenflucht). Communé-

ment en usage, cette expression indique que le mécanisme corres-

pondant à l'émission des idées, à leur fabrication et à leur circula-

tion, est accéléré. Ge n'est pas exact. L'1 ! leenfluclet secondaire de

Ziehen, dans laquelle des malades, àlasuite d'hallucinations accu-

mulées et rapidement passagères, auraient une accélération de

l'idéation, penseraient et parleraient avec rapidité, est cliniquement

insoutenable; en effet, les hallucinations sensorielles se produisent*

dans notre cerveau, par conséquent elles doivent être tenues pour

un phénomène partiel de tout le complexus pathologique. Si vous

prenez des individus normaux et que vous leur fassiez noter cent

associations d'idées successives telles qu'elles se présentent chez

' d (1 1 > 'Siil >0-

324 , SOCIÉTÉS SAVANTES.

eux, vous voyez d'abord assez souvent les transitions qui ménagent

le passage d'un cercle d'idées à un autre, mais le plus générale-

ment le thème change rapidement. Bien des bonds de l'idéole-

nèse ont pour cause des associations d'idées indirectes et parapha-

siques ; celles-ci n'ont lieu qu'à la suite de la. fatigue, chez les

alcooliques et les maniaques. Ce qui distingue la pensée parlée de

la pensée écrite sans choix, au hasard du décours de i'idéogénose,

c'est que, dans le premier cas, nous sommes capables de supprimer

les associations d'idées sans rapport avec le sujet que nous traitons.

Si l'excitomolricité que nous observons dans la logorrhée et les

gesticulations, pousse invinciblement un malade à émettre et arti-

culer instantanément toutes les pensées qui lui viennent, nous

sommes en présence de la forme la plus légère de i'Jdee ! <c/t.

C'est parce qu'il y a instantanéité de la réaction verbale, qu'il y a

1 pénétration continue des excitations extérieures; elle tient, 'non

pas comme le veut Ziehen, à une exagération de l'attention (hyper-

prosexie) mais au contraire à une diminution de l'attention. i .

Tous les malades qui sont le terrain de la volée des idées

tendent à répéter les mêmes idées; ils associent les mots entre

eux, souvent par assonance phonétique pure. Or, ces symptômes,

on les retrouve chez les individus en proie à la fatigue et chez les

alcooliques. Kroepelin a constaté qu'à l'égard de ces derniers, -la

volée des, idées, artificielle, est associée à une diminution du tra-

vail intellectuel, à un ralentissement du' temps nécessaire pour les

associations d'idées, tandis qu'en même temps il y a excito-motri-

cité. Dans la folie par épuisement, c'est purement et simplement à

la fatigue maxima que l'on a affaire. La manie est également,

sans réserves, comparable à la fatigue expérimentale. Chez. les

maniaques, il y a 19 p. 100 d'associations phonétiques et par asso-

nance, tandis qu'à l'état normal, il n'y en a que S p. 100. 'Les

mêmes mots se répètent jusqu'à'dix-neuf fois sur 100 chez les

premiers, tandis que la répétition n'est que de six fois à l'état nor-

mal, dans les pires, conditions du travail intellectuel. i

' ' i

Conclusions. L'ideenflucht a pour caractères : 1° la préémi-

nence du travail intellectuel moteur; 2" une 'modification dû jeu

des phénomènes d'association qui se'iuanifeste par l'accumulation

de conceptions représentatives des mouvements de la parole (asso-

ciation de rimes et phonèmes), et la monotypie plus marquée;

3° il n'y a pas d'accélération du jeu des phénomènes d'association ;

elle est aussi, improbable que l'augmentation de l'effet utile du

travail intellectuel. '' ' I

M. H. DEiiio. De certaines formes de folie périodique. - Il existe

des folies'périodiques procédant par de la stupeur. Jusqu'ici la stu-

peur n'a été 'considérée que comme le symptôme d'une phase

dépressive. Or, la stupeur peut prendre place à côté de la manie

SOCIÉTÉS SAVANTES. 325

- ,'JN h in

et présenter des modifications du tableau ordinaire de la stupeur.

'En quelques cas,' il y a catatonie; en d'autres, point.

Dans les premiers cas, la stupeur était accompagnée de symp-

tômes physiques considérables, tels que rapide diminution du

poids de l'individu, cyanose, refroidissement des extrémités. Il y a

des cas dans lesquels, la maladie ayant revêtu le type circulaire,

la stupeur à remplacé la manie dont elle doit être considérée

comme l'équivalent ; la stupeur est donc ici un équivalent maniaque.

Alors, avec des symptômes d'arrêt du système moteur, on cons-

tate quelques éléments de la manie en combinaison variable avec

les premiers ; telles la volée des idées, 'l'expansion, l'impulsion. ? L

détruire, des violences impulsives. Le remplacement de la manie

par la stupeur distingue ces faits-de ceux de la stupeur circulaire

de Schuele. Appelons-les stupeur maniaque.

. 1

M. Hoche. Atrophie musculaire dégéî2é7- -tttive daiis la paralysie pro-

gressive. -.Il s'agit de deux hommes chez lesquels il n'y avait point

encore de stade cachectique ; il se produisit une atrophie irrégu-

lière au niveau des éminences thénar et hypothénar et des inter-

osseux avec réaction dé-énérative complète ; absence du phéno-

mène du genou. Un des malades étant mort subitement, l'examen

microscopique révéla une lésion des cordons postérieurs, sans

atteinte des cornes antérieures ; intégrité des nerfs de l'avant-bras;

atrophie dégénérative des muscles affectés. Quoi qu'il en soit, il n'y

a pas d'identité entre le tabès et la paralysie générale, car la

lésion des cordons latéraux est secondaire et ne dépend point du

tout des, altérations cérébrales. Sans doute le tabès et la paralysie

générale (abstraction faite de l'étiologie connue de la syphilis) ont

un point commun, c'est l'atrophie primitive' des' éléments nerveux,

mais cette communauté anatomique et la fréquente coïncidence

e du tabès et déjà paralysie ne suffisent pas pour identifier les deux

' maladies.. En ce qui concerne la paralysie générale, il y a une

'autonomie locale du processus anatqmo-pathologique dans cer-

tains serments du système nerveux central et peut-être dans les

organes périphériques. (Voy. Neurolog. Centrai).) '

' " ' ii ' >" i

M. Brandis. M. Morlon a imaginé une méthode par laquelle

la machine électrique statique puisse faire pénétrer dans le corps,

comme les machines faradiques et galvaniques, son courant au

moyen, d'électrodes, et cela aussi profondément que toute autre

forme d'électricité ; naturellement, on peut aussi la localiser exac-

. tement. On1 a aussi. un courant de Franklin interrompu.

Il aurait une action très supérieure à celles 'des autres formes

d'électricité, parce qu'en raison de l'énorme tension qu'il a, on lui

imprime de très rapides^ oscillations et qu'on'produit ainsi des

réactions beaucoup plus considérables. Pour - transformer une

décharge d'étincelles en courant interrompu, M. Morton a imaginé

326 SOCIÉTÉS SAVANTES.

une électrode. Un conducteur déplaçable introduit dans le circuit

produit des interruptions et modifie les longueurs des étincelles,

de sorte que le courant sort de l'électrode, comme lorsqu'on em-

ploie l'électricité dynamique, et s'introduit dans le corps, et, par

suite, l'étincelle ne représente pas l'élément caractéristique de

l'application. Pour majorer l'effet obtenu, on place dans la main

du patient une sphère métallique qui commuunique avec un câble

relié au pôle négatif. -

Voici maintenant deux malades qui ont été traités par le courant

de Morton. Le premier est un homme de trente-huit ans, non

syphilitique, atteint de tabes dorsal. Il fut soumis à la frankiini-

sation pendant six semaines et prit des bains de sel tièdes. Le

résultat fut extrêmement heureux ; les réflexes patellaires repa-

rurent bien qu'encore faibles notamment à droite, les troubles de

la sensibilité cédèrent, l'amélioration fut manifeste. Ceci se pas-

sait à la fin de l'été. L'hiver fut assez bon, mais le malade ne put

travailler. En février revinrent de violentes douleurs dans les jambes

et le dos ainsi qu'une extraordinaire faiblesse des membres infé-

rieurs. Pendant six semaines il subit deux fois par jour le courant

de Morton. Réapparition des réflexes patellaires, de la réaction

pupillaire, disparition des douleurs et paresthésies, le malade peut

marcher trois heures sans fatigue. L'autre sujet est atteint de

sclérose en foyer, incapable de marcher (paralysie des jambes),

de couper son pain, de boutonner son pardessus, d'écrire, il est rede-

venu valide après sept mois du même traitement : il marche quel-

que temps,sans trop de fatigue; un sentiment de tension et de

compression comparable à une calotte qu'il éprouvait s'est trouvé

bien diminué, de même que des douleurs de tête. Il y a donc lieu

de continuer les essais de traitement avec le courant de Morton.

M. BECTER. Présentation de malade. - 10 Acromégalie : Femme de

cinquante-neuf ans, volumeexagéré du nez, du maxillaire inférieur,

des doigts, la peau est également atteinte ; saillie prononcée de la

seconde côte de chaque côté, en avant. Hypertrophie modérée du

lobe droit de la glande thyroïde ; tuméfaction des ganglions lympha-

tiques sous-maxillaires. La maladie a débuté à l'âge de vingt-sept

ans.

De seize à vingt-trois ans, chlorose. Elle progresse actuellement,

la santé générale est très compromise ainsi que les fonctions orga-

niques : aménorrhée de trente et un à trente-six ans. Ménopause

à quarante-cinq ans. Les parents n'ont présenté aucune anomalie

de formation, aucune maladie nerveuse. - 20 Syringomyélie (gliose

centrale). Femme de cinquante et un ans, atteinte à dix-sept ans

de paresthésie de la main droite; peu après, jusque dans ces derniers

temps, panaris répétés des deux mains. La main droite a perdu de

sa force depuis l'âge de trente-trois ans. On constate actuellement :

. SOCIÉTÉS SAVANTES. 327 7

atrophie des muscles du bras droit (type Duchenne-Aran) et

moindre de la jambe diminution simple de l'excitabilité élec-

trique zones d'analgésie et de dysesthésie thermique avec retard

des impressions' tactiles tactilité généralement bonne signe

de ltomberg - réflexe plantaire, tantôt absent, tantôt très faible

réflexe patellaire à gauche normal, à droite exagéré réflexe

du tendon d'Acliille à gauche normal, à droite clonique fré-

quents battements de coeur, tachycardie, soupir (néphrite scléreuse

probable) scoliose cervicale à convexité à droite, constipation,

poussées de sueur sur le côté droit; rétention et incontinence

d'urine. 3° Myxoedème au début. Femme de trente-quatre ans

ayant été regardée dans sa jeunesse comme une demi-crétine',

sans qu'il y eût un arrêt de développement intellectuel ; il y a eu

de ces dégénérés dans la famille ainsi que des malformations.

Depuis 1890, époque à laquelle elle a eu une atteinte d'influenza,

elle s'est épaissie, se plaignant continuellement de fatigue et d'une

sensation de froid, de douleurs dans le dos et les bras ; par moments

elle enfle surtout quand elle a fatigué des bras ; pleurniche de

temps à autre parce qu'elle souffre. Le visage est bouffi sans

être oedémateux, la bouche ne peut être que peu ouverte, les

gencives sont tuméfiées, les dents branlent. Température de 36°,2

à 3G°,4. On ne sent pas la thyroïde. Mouvements lents. Menstrua-

tion minime. 4° Tétanie. Jeune homme de vingt-quatre ans,

cigarrier, est atteint depuis l'âge de seize ans, auquel il com-

mença ce métier, des contractures en question avec phénomène

de Trousseau, etc., ne survenant guère qu'en hiver. Il eut il y'a a

trois ans uneattaque d'épilepsie. On constate une modification de

l'excitabilité mécanique des muscles qui rappelle à la fois la réac-

tion myotonique, à la fois le phénomène deRumpf, c'est une con-

traction longue suivie de convulsions et vibrations persistantes.

Il y a quatre ans cet ensemble extramoteur se voyait fort bien

dans les deltoïdes et les pectoraux. On n'a pu découvrir en l'espèce

d'éléments infectieux et toxiques en dehors dé la profession.

Notons que l'individu est un crélineux, on pourrait donc penser à

une anomalie fonctionnelle de la glande thyroïde. z

' M. Struempell montre une série de préparations microscopiques

témoignant d'une dégénérescence primitive des deux pyramides et de

leurs systèmes.

Depuis la moelle lombaire jusqu'à la capsule interne. Le malade

dont proviennent ces pièces avait présenté une paralysie spasnzo-

dique occupant tous les muscles du corps, à certaines périodes de

la vie (voy. Deuslche Zeitschrift f. Nervenheilk, t. V, 2 et 3).

Le même orateur présente des photographies et préparations ana-

tomiquesd'un malade affecté d'aci-oinégalie typique avec diabète sucré

très marqué. Al'nzctopsie, on rencontra iiiietiii2eit ? ducoi,,pspiiiiitaii,e.

C'est un sarcome malin ayant proliféré sur les osvoisins etayant en-

'328 SOCIÉTÉS, SAVANTES.

trainé l'atrophie des nerfs optiques. Quantàl'anatomiepatliologique

de l'acromégalie, on a trouvé une hyperplasie pure des os'sans

trace aucune de phénomènes inllammatowes.-11. Struempell décrit

enfin un exemple de paralysie bulbaire sans s<OKSK< : (<omues.

La jeune fille en- question avait une blépharoptose, avec parésie

faciale et faiblesse des masticateurs. Fatigue rapide des muscles

du corps. Quand elle lisait un vers, elle prononçait très nettement

les deux ou trois premières lignes, puis la parole devenait lente,

elle bredouillait, et devenait tout à fait inintelligible. Elle montait

fort bien pour la première fois un petit escalier, mais la seconde

fois il lui fallait se tenir à la rampe; la troisième fois l'ascension

lui était complètement impossible. Chaque jour elle éprouvait des

accès de troubles bulbaires graves, impossibilité de déglutir, la

langue se renversait en arrière, etc. C'est dans un de ces accès

qu'elle mourut. Puisqu'il n'y a pas de lésions, il s'agit, en pareils

cas, d'une forme morbide toute particulière, d'une paralysie bulbaire

asthénique. 1

'M. WGIL. De la simulation de troubles vésicaux. Unjeunesoldat

de vingt et un ans prétend qu'à la suite d'un saut qu'il a fait

'd'un mur pendant un exercice militaire, il éprouve des épreintes

vésicales douloureuses, le forçant d'uriner tous les cinq minutes

et qu'en dehors des accès l'urine s'échappe goutte à goutte malgré

lui. C'est ce que l'on constate en effet mais sans autre trouble

matériel ou fonctionnel. ' ' '

' Le jeune homme parvient à arrêter, à son gré, les contractions

du sphincter vésical externe ; par cet expédient, l'urine qui demeure

dans l'urèthre après l'évacuation de la vessie n'est pas expulsée

mais s'écoule lentement en gouttes. (Voy. l3erlin. klin. Vochens-

c/tn/'<.) '

M. H. Reiniiold. Protocole d'autopsie et étude critique de l'obser-

vation d'affection spinale chronique présentée au Congrès pat'BasMm/6)'

le' 7 juin 1890'. Il s'agissait, on se le rappelle, d'un boulanger de

quarante-quatre ans, ayant subi à l'âge de quinze ans un trauma-

tisme grave. A la suite de l'accident,'il demeure alité pendantneuf

mois, paralysé des quatre extrémités-, il faut qu'on l'alimente

pendant un an, cause de son infirmité. Il.finit' par se rétablir

mais conserve une' certaine faiblesse dans les jambes et le tronc.

A partir de 1878, il présente des troubles moteurs intenses et des

douleurs sacrées. En 1890 on constate : une parésie spasmodique

des bras et des jambes avec exagération considérable des réflexes

profonds une légère ataxie de la jambe gauche de l'anesthésie

du sens musculaire, du tact, du sens thermique dans les extrémités

supérieures, avec très faible diminution delà sensibilité douloureuse.

.fq 1 1 -. 1 lit) · ? . ? 11 t li 1 1 n.

'< ? Voy. Archives de Neurologie, XV Congrès ? .' ' '

SOCIÉTÉS : SAVANTES. ` ''329

Signe de 13rachetRomberr -parésie faible des bras, mais incoordi- .

nation de tous'les mouvements des bras, incordination associée à

des troubles spasmodiques, ces mouvements n'étant au surplus,

incertains que lorsqu'ils exigent le contrôle des sens spéciaux

intégrité des jeux de la physionomie léger trouble de la vessie

et du rectum. ' <

Il fut impossible de poser un diagnostic. Il mourut le 19 dé-

cembre 1892 dans le même état; pendant les derniers jours qui pré-

cédèrent sa mort subite, il se promenait encore. L'autopsie révéla

une association de syringomyélie et de lésion combinée des cor-

'dons de la moelle semblable à celle qu'a' décrite Strumpell. Il

existe une abondance de pigment, du coagulum sanguin ancien

dans les parois des cavités, et dans les parties éloignées de la moelle

jusque dans la moelle lombaire; ceci doit être en rapport avec le

traumatisme. Il y a lieu de rattacher la parésie'spasmodique des

extrémités à la lésion des faisceaux pyramidaux; l'intégrité des

zones d'entrée radiculaires, notamment dans la moelle lombaire,

explique pourquoi la lésion simultanée des cordons postérieurs n'em-

pêchait point l'exagération des réflexes tendineux de se produire.

La syringomyélie a été le facteur des troublés très accentués de la

sensibilité, mais on ne saurait dire la part qui revient dans l'espèce

à l'altération de la substance grise, et à l'interruption des faisceaux

conducteurs. C'est à la lésion des cordons postérieurs qu'il faut avant

tout faire remonter les troubles du tact et du sens musculaire. II y

a lieu d'admettre 'que le traumatisme a été le premier facteur et

de la formation des cavités (syringomyélie) et de la dégénérescence

des cordons de l'organe.

M. Nissl. Sur une nouvelle méthode de recherches appliquée «

l'organe central notamment dans le but de déterminer la localisation

des cellules nerveuses. Voici en quoi consiste cette méthode.

Sur un animal adulte ou à peu près, on enlève les centres ou on

sectionneles tractus dont on veut trouver les cellules nerveuses aux-

quelles ils commandent. On sacrifie l'animal huit ou quinze jours

après l'expérimentation. Immédiatement on durcit l'organe dans

l'alcool et on colore les coupes d'après la méthode de Nissl, au bleu

de méthylène. Si l'on a opéré dans,des conditions parfaites d'asep-

sie, si l'on a interrompu complètement les connexions organiques,

si l'on a assuré cette interruption, voici les conditions générales

dans lesquelles on rentre. · i

1° Si l'on supprime les liens qui unissent' les cellules nerveuses

avec leur organe terminal, qu'il s'agisse d'une cellule musculaire

ou d'une cellule épithéliale sensorielle, il se produit une altération

rétrograde de ces cellules nerveuses; 2° quand, dans l'organe central,

on enlève un centre, les cellules nerveuses du centre voisin et qui en

dépend directement subissent une altération rêgressivequi, dans les

330 sociétés' savantes.

premières semaines, ne va pas au delà du centre voisin. Peu im-

porte que l'on enlève le centre ou qu'on coupe les trousseaux unis-

sant les deux centres; 3° la rétrogression suit une marche variable

suivant le type des cellules nerveuses. Mais on peut dire, en géné-

ral, que l'altération se traduit d'abord par une tuméfaction du pro-

toplasma de la cellule ; la substance colorable du corps cellulaire

se transforme en une masse grenue particulière. Si l'on sait bien

colorer les cellules nerveuses, toutes les altérations peuvent être

facitementreconnuesdans les huit àquinze jours quisuivent l'inter-

vention expérimentale; 4° l'organe central obéit à la loi suivante :

au moment où les cellules nerveuses sont directement atteintes

par l'agent nocif, et subissent une altération régressive, les cellules

de la névroglie qui les environnent sont également prises par une

altération progressive. C'est à Weigert que revient le mérite d'avoir

reconnu cette loi. Peu importe l'agent nocif; quelle que soit l'in-

fluence nuisible dont l'action soit limitée aux cellules nerveuses et

aux fibres nerveuses, toujours les cellules voisines de la névroglie

réagissent, leur protoplasma devient séreux, il s'étale, alors que

jusqu'ici il n'était pas colorable, il prend part à la coloration, enfin,

et c'est le maximum de développement des phénomènes progres-

sifs, les cellules névrogliques prolifèrent par le procédé de la ka-

ryohinèse. Tels sont les faits utilisables à la condition qu'on utilise

la méthode de coloration de Nissl qui permet de reconnaître aus-

sitôt et sûrement les régressions cellulaires. Toutefois, quand la

cellule a un long chemin à parcourir pour arriver au point lésé

par l'opérateur, l'époque à laquelle se manifeste sa régression peut

varier. Le chercheur éprouve aussi de très grandes difficultés quand

les cellules nerveuses qui dépendent du foyer de la destruction

sont disséminées dans les tissus et non groupées, non rassemblées.

Il faut, pour en venir à bout, suivre pas à pas la technique, con-

naître exactement toutes les formes de cellules, leurs altérations, et

les causes d'erreur possibles, afin de se préserver de conclusions

fausses. Puis il faut savoir que la'névroglie' présente divers degrés

de réaction. Prenons par exemple les noyaux de la couche optique

dont les cellules s'altèrent, régressent, quand on détruit l'écorce;

en pareils cas, les unes sont le siège d'une prolifération relative-

ment minime-de la névroglie, chez les autres, dès le huitième jour,

il y a une telle prolifération qu'on voit à l'oeil nu quel est le noyau

qui dépend de telle région corticale. Quant à d'autres points encore

obscurs dans l'étude des cellules nerveuses, telle la chromophilie,

il faut se montrer prudent et faire preuve d'un grand sens cri-

tique, comme, du reste, dans les autres méthodes d'anatomie céré-

brale.

M. lvllsst, fait passer des préparations propres à démontrer l'effi-

cacité de la nouvelle méthode. Une série de coupes montrent d'une

façon extrêmement nette que les cellules neiveuses de la couche

bibliographie. 331

optique dépendent de l'écorce cérébrale; elles confirment l'exacti-

tude des descriptions qu'il a faites sur bien des noyaux de la couche

optique. Voici une autre série qui présente les altérations régres-

sives des cellules nerveuses motrices du noyau du facial à leurs dif-

férents stades. Une troisième catégorie localise les cellules ner-

veuses de nerfs mixtes dans la moelle. On avait préalablement

interrompu lies connexions du médian, du radial, du cubital, ou

simplement celles de quelques cellules. Ces préparations permettent

de préciser le lieu des cellules motrices, mais celui aussi des cel-

lules des ganglions spinaux, ainsi que d'une catégorie de cellules

nerveuses rétiformes ou de tout autre structure dont l'interpré-

tation physiologique était obscure, ainsi que les relations régio-

nales de ces organes. De même que les cellules nerveuses de la

substance gélatineuse de Rolando se rattachent aux fibres sensibles

des nerfs mixtes, de même les fibres sensitives s'entrecroisent de

telle sorte qu'une partie de leurs cellules subissent une altération

dans la corne postérieure du même côté, en même temps qu'une

autre partie des cellules sont en régression dans la corne pos-

térieure du côté opposé. Pareilles particularités se voient pour

les grandes cellules nerveuses à structure rétiforme, tandis que

les cellules nerveuses motrices subissent toujours une altération

du même côté. L'orateur présente une collection de planches

fixant la structure différente de chaque type de cellules nerveuses.

M. Sommer. Quelques résultats de la méthode d'examen du phéno-

mène du genou par le procédé de mise en équilibre de la jambe.

Nous renvoyons à l'analyse de son mémoire dans les Archives de

Neurologie. (Archiv f. Psychiat., XXVI. 2.) P. Keraval.

BIBLIOGRAPHIE.

XVII. Les grands aliénistes français, par le DrRené Semelaigne.

G. STEINHEIL, éditeur.

Des médecins aliénistes qui, nés à la fin du xvnr3 siècle ou au,

commencement du xixe, de ceux qui, disciples de Pinel ou de son

élève Esquirol, peuvent être, malgré quelque différence d'âge,

considérés comme des contemporains, il n'en restait plus qu'un :

le vénérable M. Calmeil qui vient de disparaître. Ce qu'on peut

appeler la première génération des aliénistes français appartient

maintenant à l'histoire. Si la mémoire de beaucoup d'entre eux,

332 BIBLIOGRAPHIE.

disparus d'hier, est encore vivante, la figure de quelques-uns, enlevés

plus tôt, s'efface déjà dans les ombrés du' passé. Bientôt,' car ceux

qui ont connu cette première' génération ne sont déjàplusjeunes,

bientôt il ne restera des plus célèbres que ie nom et l'oeuvre. C'est

beaucoup, ce n'est pas^assez; il ne faudrait pas que l'homme et sa

physionomie, s'éclipsent entièrement. Il y a, semble-t-il, quelque

ingratitude à profiter des travaux de nos devanciers sans s'inté-

resser à leur personnalité, à recueillir leur héritage en laissant

périr leur image. On n'envoie pas aux oubliettes du brocanteur le

portrait de celui qui vous lègue une fortune. Mais encore faut-il que

ce portrait existe, qu'il ait été fait à une époque où des témoins

dignes de foi en puissent garantir la ressemblance. Aujourd'hui il

est temps encore de reconstituer les traits des aliénistes des pre-

miers jours; dans quelques années, il eût été trop tard. Pour

accomplir cette oeuvre pieuse, le D'' René Semelaigne est venu à

l'heure propice et se trouvait' daiis 'les circonstances les plus

favorables.

Dans la galerie des portraits d'ancêtres qu'il a entrepris dépein-

dre, la première place et la meilleure revenait naturellement au

grand Pinel, au fondateur de la médecine en France, au libérateur

des aliénés. La justice ne l'eût-elle pas exigé que le Dr R. Seme-

laigne eût été excusable d'accorder celte place d'honneur à son

grand'oncle, au chef illustre de la famille d'aliénistes à laquelle il

appartient. Mais ici l'équité se trouvait d'accord avec le respect des

aïeux et l'auteur a pu se laisser guider dans l'expression de son

admiration par le sentiment le plus respectable sans avoir à crain-

dre-de«blesser la vérité. 11 a su profiter de cette heureuse cir-

-constance pour faire revivre i'hdmme'ët le médecin. ? ;

Après Pinel, vient son élève et son successeur, Esquirolj'dont'Ia

carrière aux débuts n'est pas sans offrir, par une coïncidence sin-

gulière, certains points de ressemblance avec celle de son maître.

Puis suivent par ordre chronologique, les biographies de Ferrus, de

Faire, de Voisin et de Georget. Dans chacune d'elles, on rencontre

avec plaisir et en abondance ces détails particuliers, ces petits faits

caractéristiques qui font connaître l'homme et permettent de recons-

tituer son individualité, sa physionomie propre. Là est surtout le

principal attrait du livre du Dr Semelaigne. Ce n'est pas qu'il ait

négligé le côté scientifique que comportait nécessairement un pareil

ouvrage. Les travaux des uns et des autres, y sont énuméres.avec

une érudition sûre,' leurs doctrines analysées avec' fidélité, Jeur

action bienfaisante appréciée à sa juste valeur, et les progrès que

leur doit la science-mentale indiquée'avec précision, dans un style

toujours clair et agréable. Cela, toutefois, un autre aurait pu le

'faire', non pas mieux, mais- aussi'bien que le, Df R. Semelaigne.

Mais 'ce que d'heureuses 'circonstances le mettaient plus que per-

sonne à même de tenter, c'était, sans oublier les,,oeuvres, de faire

? "4yAR>rn ? lq 333

revivre les hommes, de vous montrer ce qu'il y avait d'original et

de typique dans leur figure morale. Et il y a pleinement réussi.

Le soin matériel apporté à la publication de cet ouvrage suggère

seulement un léger regret. A côté des belles gravures, qui ornent ce

volume et reproduisent les traits des premiers aliénistes, on aurait

voulu trouver un fac-similé de leur écriture. C'est une bien minime

lacune, peut-être difficile, peut-être impossible à combler; et l'on

trouvera sans doute que nous sommes difficiles à contenter. Notre

excuse, c'est qu'il y a des livres dont les mérites rendent exigeants.

E. Teinturier.

NÉCROLOGIE.

Le doyen des aliénistes français, M. le Dr Calmeil, dont

notre ami le D ? Bihorel a publié la biographie complète dans

le numéro de janvier des Archives de Neurologie, est mort le

'11 mars, Fontenay-sous-Bois, dans sa quatre-vingt-dix-septième

année. En lui, la neurologie et la psychiatrie perdent l'un de

leurs plus illustres représentants. ? 1

VARIA.

0 1 .

cas D'.1UTOIUT1L1TIGN par AL FItCIUUTII.

Il s'agit d'une mélancolique anxieuse qui, sous l'influence pro-

bable d'hallucinations terrifiantes de la vue, s'est arrachée les deux

yeux. Elle est morte deux jours après, soit d'hémorrhapie céré-

brale, soit d'encéphatoméningite [suraiguë. (L'autopsie n'a pas été

pratiquée.) Elle n'avait auparavant rien fait, ni rien manifesté,

qui pût faire croire à une tentative de suicide ou de, mutilation.

Comme dans la plupart des affections mentales puerpérales, elle

présentait la complication symptomatique de la folie systématique

hallucinatoire1 aiguë, sans délire .religieux apparent ni extase.

(.Illy. Zcitsclari ? Psyclaictl., Ll, 4.)' , ,1'. li.·

334 faits' divers.

t .L HYPNOTISME.

La cour d'assises des Hautes-Pyrénées vient de juger une curieuse

affaire. L'accusé est un jeune étudiant de dix-sept ans à peine,

Germain-Marie-Marce] Gueytat. Il est accusé de divers incendies :

incendie dans la cathédrale de Tarbes (nuit du 23 au 24 oc-

tobre 1894), après avoir' défoncé plusieurs troncs et volé leur con-

tenu ; incendie de deux greniers'; incendie de la maison

Martinetti, à Tarbes; dans lequel la plus grande partie des registres

de la conservation des hypothèques fut détruite; incendie dans

l'église deCadenae, toujourspour faire disparaître les traces d'un vol.

Le jeune étudiant n'a voulu avouer que quelques-uns de ces méfaits.

Trente-six témoins étaient assignés. Un incident s'est produit,

qui a donné une nouvelle tournure aux débats. Le défenseur de

l'accusé, M Dasque, a demandé à la Cour l'autorisation de faire

entendre deux témoins dont l'un, )le Lebbe, avocat. Une heure

durant, ce témoin a discouru sur l'hypnotisme. Il a raconté qu'il

avait, il y a plusieurs années, assisté aux expériences faites au

théâtre Caton par le célèbre- Pickmann sur Marcel Guyetat. Cet

hypnotiseur suggéra aux jeunes gens, qui se trouvaient sur la scène

avec Guyetat, l'idée qu'ils étaient en présence d'un incendie. -Tous-

se, mirent à crier : « Au feu ! D'après le témoin, l'iclcmann aurait i

oublié de désuggestionner l'un de,, ses sujets, chez lequel se inani- »

testèrent, quelques mois plus tard, des troubles cérébraux. ''

Après cette déposition, M° Dasque développe des conclusions ,

tendant à faire soumettre Guyetat à l'examen de trois médecins >

aliénistes. M. Correch, procureur,, déclare s'associer aux conclu-

sions de la défense. La cour s'est retirée pour délibérer. Au bout

d'une demi-heure, elle a rendu un arrêt aux termes duquel Guve-

tat sera transféré à l'asile d'aliénés de Pau pour être soumis à

l'examen de trois médecins. (Le Radical du 12 mars.) Nous ne

manquerons pas de faire connaître le rapport de nos collègues de

l'asile de Pau sur ce cas intéressant. c

FAITS DIVERS.

'I'.1 ( - , 1 > 1 "- ? *( 7 . 1,, p ' 1 't . ! '1 . '

Asiles d'aliénés. -^Mutations et nominations : M. leD''D)JBOURDIEU

est' nommé médecin adjoint à l'asile de Pau. le Dr VER ? ET est

nommé médecin directeur de l'asile de Auch.

FAITS. DIVERS. A 335

LE mort vivant. Un singulier cas de folie a été constaté hier à

l'hôpital Tenon. Un pensionnaire de cet établissement, Valentin

Raulier, alcoolique invétéré, avait de mystiques hallucinations. 11

se voyait emporté au paradis par des anges. Ces extases lui parais-

saient si délicieuses qu'il voulait jeûner tout le. carême et ne vivre

qu'en buvant.

Dimanche dernier, dans un accès de délire, Raulier crut qu'il

avait perdu la vie et alla s'étendre au fond d'un cercueil dans la

salle de dissection. On le chercha partout, sauf dans ce macabre

asile où il eût pu rester longtemps encore, si une infirmière ayant

passé par hasard près de lui, il lui eût brusquement saisi la main

et demandé : <r Dis donc, quand est-ce que l'on m'enterre ? »

L'infirmière voyant ce mort écarter son linceul pour formuler

une aussi bizarre réclamation, affolée, appela au secours. On

accourut à ses cris; Raulier, assis dans la funèbre caisse, répétait

d'un air grave : «Mais enterrez-moi donc, que je vole vers Dieu ! »

Le fou mystique a été aussitôt transféré à Sainte-Anne; quant à

l'infirmière, elle a dû s'aliter, tant son émotion a été violente.

(Quotidien illustré, 8 mars 1895,)

Une femme qui se JETTE dans un puits. Ce matin, vers 10 heures,

une vieille fille, la nommée Adèle G..., âgée de soixante-sept ans,

demeurant rue Vieille-Levée, 33, s'est rendue chez M. Semelle,

jardinier, rue Tudelle, 91, disant qu'elle allait tirer un seau d'eau.

La malheureuse femme, qui ne jouit plus de la plénitude de ses

facultés mentales, s'est jetée dans le puits d'où elle a été retirée,

vivante encore, par le domestique du jardinier. Après avoir- été

transportée chez elle Adèle G..., a été conduite à l'hôpital. (Répu-

blicain Orléanais du 17 mars.) Il aurait été meilleur d'hospita-

liser plus tôt cette malheureuse.

t. i

Les épileptioues. -Vers 4 heures du soir,, hier, dans la rue de

l'Hôtel-de- Ville, un pauvre diable nommé Auguste L..., âgé de qua-

rante-deux ans, originaire du département du Gard, est tombé

comme une lourde masse sur la chaussée. Cet homme, atteint

d'une violente crise d'tpilepsie, écumait de la bouche. Un gardien

de la paix appelé par quelques personnes, a réquisitionné un char-

reton chez des facteurs-commissionnaires et a fait transporter le

malheureux épileptique à l'hôpital. Auguste L..., après quelques

soins empressés a repris complètement connaissance. (Petit Va)',

13 mars 1895.) ? { ' , " " ! j 1 ' ,

Le spectacle seul des crises-épileptiques n'est pas sans offrir

de sérieux inconvénients : 1° pour les enfants, 'qui, effrayés,

peuvent devenir épileptiques, surtout les héréditaires nerveux;

2° pour les femmes enceintes qui peuvent être profondément

troublées par le hideux spectacle de l'accès épileptique. Il est

336 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

donc du devoir de la Société et de son intérêt direct

d'organiser, dans tous les départements des quartiers où

seront admis facilement les épileptiques. d'où ils pourront

sortir aussitôt qu'ils auront moins ou pas d'accès et où, de

suite, ils pourront rentrer si les accès reparaissent. B.

Btwcnt (L.) et PICCI\I\0. Nuovo conlribulo alla dollritta délia ori

gine infeltiva del delirio aculo. Brochure in-8° de 18 pages. Napoti,

1894. Tipografia del Cav. A. Tocco.

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Causuzg Localizing Symptoms anrl Early t)f2csculat· Atrophy. - Bro-

chure m-8° de 18 pages, avec 6 figures. Philadelphie, 1895. -American

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Lépine (R.). -Sur un cas d'hystérie ci forme particulière. Bioclitire.

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uozz dcr Tabès. Brochure in-8° de 151 pages. Leipzig, 1895. Verlag

\on J. Ambrosius-Barth. 0

AIONGEBI (L.). Etude de la physionomie chez les aliénés. - Brochure

in-8° de 16 pages, 13 figures. Constantinople, 1895. Chez l'auteur.

Kaffalovicii (M. -A.). -Die L'zl2viclcelzeng de) ? oM : os<'.TMa ? ht<. Bro-

chure in-8° de 39 pages. Berlin, 1895. Librairie Fischer's.

Seguin (E.). Rapport et mémoires sur l'éducation des enfants zzor-

maux et anormaux, avec une préface pai Bournevinc. Volume 111-81-

de aLVIII-380 pages. Troisième volume de la Bibliothèque d'éduca-

lion spéciale. Prix : 5 francs. Pour nos abonnés, 3 fr. 50.

Trst : urcn (G.). Die l3eu·egzczzcyslcirzczzgen im lielzlkopfe bei ? s<ef ! s-

chen. - Volume in-8" de 136 pages, avec ligures. -Iéna, J 893.-Vérlag G..

Fiscter.

Le rédacteur-gérant : Bourxeville.

Es reux, Ch. lléwsser, imp. - 495

Vol. XXIX. H'Mai 1895. ' - N° 99

,, f;, . ? 1 ? Il ' l+ li'i ir- " , ( 1 t .

, a t 1'i fo -, 4, lit l , j ii r ? j' IW '

11, 0 -il , ,. , 1 1 n , tr. y· 't f

ARCHIVES ' DE - NEUROLOGIE w

j-j j"-i ; t ? , 1 .r ? Y, ? 4" -

' CLINIQUE NERVEUSE' !

il, ' ' *'

;. ,o .. , ",

UN CAS D'HÉMIANOPSIE HYSTÉRIQUE. '

CONFÉRENCE FAITE A LA SALPÊTRIÈRE LE .25 JANVIER 1895 ; ' ·

, ! ! I

;1 , , Par 111. le D Pieeae JA'ET. , ' ? ! n i i

' ' " Messieurs) ' ' " Jx'ti " ' ' ' ', ''

Mu : le professeur'Raymond a' bien, voulu me permettre 'de

continuer dans son service les recherches psychologiques que

j'avais entreprises depuis plusieurs'années'sous la direction

de notre excellent et tant regretté maitro,"Charcot. Je lui en

suis profondément reconnaissant, j'espère/que mes. travaux

pourront quelquefois lui apporter quelques documents 'pour

ses leçons et que, pour une toute petite part, ils pourront,

comme les'recherches de ses autres élèves,' l'assister dans ses

efforts pour conserver et accroître là vieille réputation de'l'a

clinique. " " " ' ul , " "l " ',l , , 1 1

Mon maître M. Raymond m'a chargé aujourd'hui de vous

présenter un cas pathologique assez curieux par les problèmes ,

et les discussions qu'il a suscités. Ce cas se rattache assez

étroitement à mes anciennes études sur l'anesthésie hystérique

dont quelques-unes ont été exposées ici même il y a trois ans.

Il s'agit d'un cas d'hémianopsie, de suppression à peu près

complète de la moitié du champ visuel et ce symptôme, sans

rien affirmer trop catégoriquement, me parait, pour un

ensemble de raisons que vous apprécierez, se rattacher aux

phénomènes de l'hystérie. Il s'agit en un mot d'une hémia-

nopsie hystérique.

Archives, t. XXIX. 22

338 clinique NERVEUSE.

I.

Ce symptôme aurait été signalé il y a quelques années avec

moins de précautions; il était, en effet, considéré comme assez

commun. Briquet' le décrit comme fréquent, ce qui ne laisse

pas de nous étonner un peu. (7ette opinion était également

soutenue dans le travail de Zvynos et de Galezowski2 et dans

la thèse de Bellouard -. Mais dans sa thèse de 1882 M. Féré4

discuta les observations qui avaient été présentées comme des

cas d'hémianopsie hystérique et il montra qu'il s'agissait tou-

jours soit d'une hémianopsie véritable en rapport avec une

lésion encéphalique, soit du simple rétrécissement concentrique

du champ visuel qui est habituel chez les hystériques. En un

mot il nia l'existence d'une véritable hémianopsie qui fût sous

la dépendance de l'hystérie. La plupart des auteurs qui avaient

semblé admettre un moment l'existence d'une hémianopsie

hystérique se sont rangés à cette opinion, comme on le voit

par la lettre de Rosenthal à Charcot publiée dans la thèse de

M. Féré.

Plus tard une notion nouvelle fut introduite dans cette étude

par l'examen de certains cas de migraine ophtalmique qui sem-

blaient dénature hystérique. Charcot dont les leçons du mardi,

10 janvier 1888 1, Babinski 1, Finie T, signalent des phénomènes

demigraineavecscotomescintillantd'un côté et mêmehémiopie

transitoire qui semblent bien d'après leur discussion devoir

être rattachés à l'hystérie. Mais ces phénomènes hémiopiques

ont toujours été très passagers et il a été très difficile, sinon

impossible, de les apprécier exactement d'une manière objective

par l'examen de chaque oeil au périmètre. Un examen de ce

1 Briquet. Traité de l'hystérie, p. 295.

8 Zvynos. Amblyopie et amauroses hystériques, 1873.

' Bellouard. De l'hémianopsie. Paris, 1880.

' 1·'éré. Conl. à l'élude des troubles fonctionnels de la vision par

lésions cérébrales. 1882.

' Chareot. Leçons du mardi, I, 88.

0 Babinski. De la migraine ophtalmique hystérique. (Archives de

Neurologie, 1890, II, 305.)

1 Fink. Des rapports de la migraine ophtalmique avec l'hystérie,

thèse 1891.

UN cas d'hémianopsie hystérique. 339

genre pratiqué par M. Parinaud sur un cas de M. Babinski, il

est vrai qu'il s'agissait d'un accès de migraine ophtalmique

déterminé par suggestion, n'a montré qu'un rétrécissement

concentrique du champ visuel plus accusé qu'à l'ordinaire.

Aussi tous les auteurs qui ont parlé de ce phénomène comme

M. Greco (de Pise), de l'Hémianopsie hystérique, '1891, et

M. Gilles de la Tourette dans son traité de l'hystérie auquel nous

avons emprunté quelques-uns des renseignements précédents

admettent-ils que l'hémiopie, si elle existe chez les hystériques

à la suite d'accès de migraine .ophtalmique, est toujours tran-

sitoire et parait due alors à l'exagération temporaire du rétré-

cissement concentrique du champ visuel.

Dans ces dernières années, M. Pitres' signale le scotome

central et l'hémiopie comme possibles dans l'hystérie, sans

insister toutefois suffisamment sur ses propres observations,

mais il déclare ces phénomènes très rares. Dans mon propre

travail sur l'anesthésie, je rappelai que sur un grand nombre

d'examens du champ visuel je n'avais jamais constaté chez les

hystériques rien qui se rapprochât des phénomènes hémio-

piques et je me montrais disposé à considérer ce symptôme

comme douteux dans l'hystérie 2. A la môme époqueM. S.1 reud '3

écrivait : c L'hémiopie n'a pas encore été vue dans l'hystérie

et, je pense, elle ne le sera jamais. »

Il n'y a à signaler qu'un seul travail récent qui constate avec

précision l'hémiopie, sinon précisément dans l'hystérie, au

moins dans une névrose que l'on peut jusqu'à un certain point

considérer comme voisine, la neurasthénie. Je veux parler du

travail de MM. Déjerine et Vialet sur une forme spéciale d'hé-

mianopsie fonctionnelle dans la neurasthénie et dans la névrose

traumatique . Les auteurs n'admettent dans les cas qu'ils

décrivent aucune altération fonctionnelle des centres nerveux

ou des conducteurs optiques, mais considèrent ce fait comme

« un symptôme oculaire du même ordre que le rétrécissement

du champ visuel, ayant la même portée diagnostique et pronos-

tique ». L'opinion que je désire soutenir relativement au cas

que je vais vous présenter se rapproche de celle-ci. Elle est

1 Pitres. Leçons sur l'hystérie, 1891, t. I, p. 98.

2 Pierre Janet. Stigmates mentaux des hystériques, 1893, p. 73.

' Sigm. Freud. Paralysies motrices organiques et hystériques. (Ar-

c%ives de Neurologie, 1893, 11, 36.)

' Déjerine et Vialet. -Société de Biologie, 28 juillet 1894.

340 CLINIQUE NERVEUSE.

donc en opposition avec la plupart des opinions exprimées

jusqu'ici sur ce point et elle demande pour être justifiée une

étude attentive de ce singulier cas pathologique.

II.

La malade que nous allons étudier est une femme de qua-

rante-deux ans que je connais et que j'étudie depuis très long-

temps : En effet, et cela n'est pas indifférent pour l'étude des

faits que je vous signale, il y a près de cinq ans que j'ai ren-

contré cette personne pour la première fois dans le service de

mon éminent maître M. Falret et que je continue à, suivre

régulièrement, sans interruptions, tous les incidents de sa

maladie. J'ai déjà décrit cette malade sous le nom de « Justine »

et j'ai exposé d'une façon assez complète la plupart-des acci-

dents qu'elle a présentés autrefois dans un article publié le

printemps dernier par la Revue philosophique '. .

C'est avant tout une malade à idées fixes ; ce n'est pas là un

diagnostic, si' vous voulez, c'est au moins l'énoncé du symp-

tôme pathologique de beaucoup le plus important qu'elle a

toujours présenté. Pendant vingt années de suite, elle i a été

tourmentée par une idée fixe à la fois obsédante et impulsive,

celle du choléra, et cette idée l'avait mise dans un'tel'état de

délire que l'on venait pour l'enfermer dans le service» de

M. Falret. Quand cette idée du choléra a été effacée de son

esprit par des procédés psychologiques sur lesquels j'ai ! lon-

guement insisté, j'.ai vu surgir dans son esprit d'innombrables

idées fixes nouvelles en rapport avec la précédente et en dén-j

vant par association ou sans rapport avec elle. Il semblait vrai-

ment que cet esprit affaibli par l'idée fixe primitive ne fût plus

capable de résister aux influences les plus légères qui provo-

quaient continuellement l'apparition d'idées fixes secondaires.

Toutes ces idées fixes, l'idée primitive comme les, .idées

secondaires, avaient un caractère particulier, elles se présent

taient d'une manière spéciale quej'essaie de mettre en lumière

depuis quelque temps dans plusieurs travaux. Elles me sem-

blent pouvoir être désignées sous le nom d'idées fixes de

1 Pierre Janet. - Histoire d'une idée fixe. (Revue philosophique,

février 1894, p. 121.)

UN CAS D'HÉMIANOPSIE HYSTÉRIQUE. 341

forme hystérique. Les idées fixes constituent dans la pathologie

mentale un véritable chaos, et la plupart des classifications

qui en ont été faites sont loin d'être définitives. Il ne me

semble pas suffisant de les distinguer en obsessions, impul-

sions et phobies; ce sont là des distinctions justes mais un

peu superficielles qui tiennent compte du contenu psycholo-

gique de l'idée maladive, plus que de sa constitution et de ses

lois. Une même idée chez le même malade peut passer par ces

trois formes, il est. bon, sans doute, de les distinguer; mais

pour étudier la formation, pour déterminer le pronostic et la

thérapeutique des idées fixes il faudra, je crois, préciser davan-

tage. Sans chercher à classer pour le moment toutes les idées

fixes,'je cherche' mettre à part un groupe assez net.

Certaines de ces idées fixes non seulement se présentent

chez' des hystériques, mais encore possèdent elles-mêmes, dans

leur naturelles caractères des phénomènes hystériques. Ces

idées sont peu ou même point du tout connues par le malade

lui-même qui n'en voit que les conséquences ou les manifes-

tations extérieures. Elles se manifestent complètement dans

l'attaque d'hystérie, dans le somnambulisme, en un mot pen-

dant,,Ia durée -de- certains états dans lesquels la conscience

normale. du malade est interrompue et qui ne laissent pas de

souvenirs nets; ou bien elles se manifestent sous la forme de

phénomènes subconscients qui se développent parallèlement à

la conscience normale,' mais à son insu. Ce sont ces caractères

psychologiques'- dont les conséquences sont fort importantes

qui m'ont conduit à désigner ce groupe de phénomènes sous

le nom « d'idées fixes de forme hystérique ».

Les idées fixes de la malade que je vous décris se présen-

taient de cette' manière sous forme d'attaques extrêmement

curieuses, ! de somnambulisme, de contractures permanentes,

d'écritures subconscientes, etc. 'A la suite d'un traitement

moral. assez prolongé, cette prédisposition aux phénomènes

subconscients et aux idées fixes diminua et, depuis deux ans,

on peut dire que cette personne n'a plus présenté aucun symp-

tôme appréciable.

Il était utile de vous rappeler ces faits pour vous faire

mieux comprendre les phénomènes présents. Depuis quelques

mois, à peu 'près depuis le mois de juin '1894, cette femme a

présenté de grandes irrégularités de la menstruation, en parti-

culier des hémorragies utérines considérables au moment de

'342 1 ? ( 1 CLINIQUE NERVEUSE.

·E é,5 ? épôques. Inquiet de ces hémorragies, j'avais même en-

voyé la malade à M. Potherat qui a bien voulu examiner son

état. Il n'a observé aucune lésion sérieuse et quoique cette

personne n'ait que quarante-deux ans, iicattribue ces irrégu-

larités et ces hémorragies au début de la ménopause. *

Quoi qu'il en soit, ces hémorragies amenèrent un affaiblisse-

ment considérable à la suite duquel les troubles ^nerveux et

mentaux-qui; avaient disparu depuis longtemps-réapparurent

sous une forme"au.moins singulière ? La rriâladelviïltse

plaindre à'moi vers la' fin de décembre de troubles'oçulairês

que nous. con staton s'enore aujourd'hui. D'abord'elle décrit*,

un-petit détaiijintéressantmais que nous ne pouvons étudier .

maintenant' c'est la persistance f des images ? visuelles. Quand

elle a regardé un objet A et qu'elle passera un autre objet B ''

l'image du premier A persiste et empêche de voir le second ;

il faut qu'elle .attende quélquetempspôur^qué`l'imaédeB

apparaisse peu à peu au travers de celle de A. Autrefois Justine '

a'éprouvé des faits analogues, mais c'était alorstune certaine,

image déterminée, uni, certain objet, toujours le même,' qui

persistait ainsi et gênait la vision, et le'phénomène se rattachait

aux"idées.fixes ? Aujourd'hui le même faii-se-repoduit ? peu

près constamment pour tous les objets dès qu'ils sont regardés

attentivement. Cette persistance des images visuelles semble

se- rapprocher maintenant d'autres' phénomènes,; tels, que; la

répétition des mouvements, celle des paroles, etc : , qui sont

bien caractéristiques chez elle. , . , ,1 ? ?

Mais nous devons nous occuper plus exclusivement du second

symptôme. Quand Justine regardait un objet, attentivement,

elle s'apercevait qu'un des côtés, de- côté situé.à sa droite, était

mal vu, qu'il disparaissait peu à peu. Au bout de peu de jours

ce symptôme s'accentua et au début de janvier, elle vint se

plaindre elle-même, notez le fait, qu'elle- ne,voyait plus que le

côté gauche (toujours par rapport à elle) de tous les objets.

L'hémiopie qui n'existait au début que pendant les instants de

fatigue était devenue permanente : la malade était' obligée, de

faire des mouvements des yeux et de regarder de côté,pour voir

les objets en entier, dans la. fixation normale elle n'en voyait

que le côté gauche. -, 1

Aujourd'hui encore Justine décrit complètement les symp-

tômes d'une hémianopsie droite. Pour les vérifier, il faut exa-

miner les yeux au périmètre et constater aussi exactement que

UN CAS D'HÉMIANOPSIE HYSTÉRIQUE. -... 343

possible quel est leur champ visuel. L'examen est facile pour

l'oeil gauche, il donne des résultats très nets. Le champ visuel

est partout.rétréci, il n'est que de 70° du côté externe, mais il

est énormément rétréci' du côté, interne où il est plus petit

que 100 (fig. 1). Ce n'est pas, si l'on veut, une hémiopie com-

plète puisque la' limite du champ visuel ne passe pas,par le

pointée fixation, mais se trouve S à 8° au delà. C'est là un

caractère bien connu des hémiopies de cause centrale dans

lesquelles une petite portion du champ visuel entourant le

point de-fixation est toujours respectée. Malgré. ce détail,. il y a

' dans ce cas une perte presque complète de la moitié du champ

visuel/ -'> ' . 1 ' z

L'examen de l'oeil» droit est plus difficile pour des' raisons

que,' nous étildierons', toiiti à l'heure, mais on peut cependant

mesurer le champ visuel. On constate un rétrécissement beau-

coup-plus considérable que du côté gauche, -puisque la limite

la plus éloignée est à 38° au lieu de 70°. Mais on observe aussi

qu'une moitié du champ visuel est supprimée d'une façon plus

complète encore, puisque de ce côté la vision ne s'avance qu'à

S0 du centre. En môme temps, nous constatons un fait étrange

qui m'a beaucoup surpris, c'est que pour l'oeil droit, la partie

supprimée est à gauche ; l'hémianopsie est donc interne, elle

est nasale, le fait est singulier, mais il faut le constater tel

- . -1' 1 1 xi Fig. 1 ? .

",Il

344 CLINIQUE NERVEUSE.

qu'il est. Nous avons donc affaire à une personne qui se plaint z

de ne voir les objets que du côté gauche et qui à l'examen péri-

métrique présente un rétrécissement concentrique desi deux

champs visuels,. plus- accentué pour 'l'oeil droit9-avecrllémia=

nopsie interne ou nasale. \ <*>. i, if;r>(* n-v ? n4fItVV'Ty(J ?

,"L. ' -' r ? q']Éj > , .. s- '. ? - ? - . 1 J

, . L- 1 TTT- j i , ! ., , Il '. ?

r : v"'

Que cette^hémianopsie existe et qu'elle soit permanente, cela

est incontestable; mais pouvons-nous rattacher;ce : phénomène

à l'hystérie ? .Pouvons-nous dire qu'il s'agit d'une hémianopsie

.1lystÎrique ? [Cette question est fort délicate et sans me pro-

noncerrd'ûne;mamère catégorique je vais vous indiquercer-

taines 'remarques qui.peuvent, à mon av'is,militeFen-fàveur

de cette'opinion, en réservant pour la dernière.le it°

avis le. plus important. \ / A TI7^P^,

1° Je dois rappelersd'abord sans y insister outre mesure que^

.1-m'alade est bien réellement une hystérique et qu'elles précisa.

sente actuellement tous-les stigmates ^de' la névrose : lJe fait

est loin- d'être, insignifiant mais iL n'est pas démonstratif ; ? car, :

en réalite; une hystériquejpeùt avoir une liémlôpaëtenant à \

toute espèce-dencaûse en dehors 'de l'hystérie. Nous ? pouvons

supposer=ici-que cette femme, en outre de son hystérie qui

produit'.E=7rdiréciss'ement concentrique du champ-visuel, a

dans son11 cerveau une lésion quelconque qui exerce une - double

compression sur chacun des côtés du chiasma de manière* à sup-

primer la .vision dans les parties latérales externes, aefchaque

rétine et'ajjealiserl l'hémianopsie nasale 1 que,nous-.voyons

cela est àla rigueur possible. N'insistons donc pas sur les-symp-

tômes de,1'11 ? stéie, l'aboulie considérable et intéressante, la

suggestibilite énorme, les phénomènes amnésiques, 'les' som-

nambulismes,jetc. ) { if

Signalons seulement les stigmates de la sensibilité ! qui- sont

intéressants'. Justine a été longtemps au plus fort de sa maladie

anesthésique totale. Il est à remarquer que cette anesthésie

était en effet plus considérable au moment où les idées fixes

étaient plus nombreuses et plus'puissantes. Puis elle a été

longtemps hémianesthésique à droite. Aujourd'hui elle n'est

pas complètement anesthésique mais très fortement'hypoes-

' Cliârcot. - Alal. clû s,yst. nenu., IV, 12f. ' ' "'

UN CAS D'HÉMIANOPSIE HYSTÉRIQUE. 345

thésique sur tout le côté droit du corps ? Certaines régions,

comme 'la main droite jusqu'au poignet, sont complètement

anesthésiques; d'autres, comme,là région'postérieure du bras

droit où. siégeaient autrefois des''contractures," sont plutôt

hyperesthésiées. Vous remarquerez aussi une'plaque d'anes-

thésie bien intéressante qui occupe toute l'oreille externe et la

région du visage et de la tête immédiatement environnante

(fuj. 2).

1. n a E ta fn · 1 1 t' 1 " Il

lÇettenanéstbésie de l'organe externe se rattache, suivant

une loi bien connue, à'une anesthésie de l'organe interne.

L'ouïe est presque abolie du côté droit. La malade n'entend

^ i. « « j.. , rzr/. 2..

.fit .qES) ? 6sth6&ieeomptete. §§2'" -Très forte hypoesthésie.

3 r 9p3 ? r'· ? ^^a1ucs d'hjpcrcslhesic. n %

346 -CLINIQUE NERVEUSE.

facilement que les sons très violents et le tic tac..de laimontre

n'est perçu que tout près de l'oreille. Détail particulier,- les sons

ainsi perçus par l'oreille droite semblent à la-malade^venir.du-

côté gauche; il y a là, si, on peut me permettrefce barbarisme,'

une véritable allochirie de l'oreille.) r. ';>u v.h .*ancs> zon

Les autres sens sont' aussi très fortementt touchés;tle sens

musculaire est' presque complètement 'aboli à droite; le. sens

du goût et celui de l'odorat sont complètement supprimés. des

deux côtés, ù ' 1 r . ' . ,il w 3.t ? fos, csl

Quant au sens visuel qui nous intéresse plus particulière-

ment il a présenté et il- présente à un haut degré les caractères

hystériques." Les couleurs sont bien distinguées^par'lés- deux

yeux, mais'1'acuité'visuelle normale à gauche est'très faible a

droite, à peine 1/10. Il est vrai que 'l'examen'' de 'cetoeilest

compliqué' parce' qu'il présente un spasme'de l'accommodation

dont nous parlerons tout l'heure ? ? v *'">* -9l vu[><uiA)

Le champ visuel des deux yeux a toujours été extrêmement

variable : dans les instants de"sahté' morale1 agrandissait

jusqu'à'devenir presque normal. J'ai montré dans ces moments

qu'il suffisait'd'attirer plus fortem'en.tl'àttenti6n'de'lâlniàliïd

sur le point central pour déterminer un rétrécissement con si !

dérable de ce champ visuel en apparence normal'. D'ailleurs

le'plus souvent' le champ visuel était' rétréci comme il' l'est

encore maintenant. ' ' '' '> . ' R' *lm,'inG

Je n'insisterai pas sur 'd'autres troubles visuéls; sur1 une

sorte d'asthénopie qui empêchait la' malade de fixer longtemps

l'attention sur un objet 9. Les remarques précédéritesTsuffisent

à prouver surabondamment qu'il s'agit d'une malade li5·sté-`

rique. Cette constatation tout intéressante qu'elle soit'no prouve

pas'à'elle seule que le symptôme nouveau dé'l'hémiôpie doive

être également considéré comme étant de nature hystérique ?

2° Examinons plutôt l'hémianopsie en' elle-même ? Vous

avez déjà été frappés d'un fait curieux, c'est la contradiction au

moins apparente entre le langage de la malade' et l'examen

objectif des champs visuels. La malade se plaint en entrant

de ne voir que le côté gauche dés objets, vous avez tout,.de

suite pensé à une hémianopsie homonyme du côté droit et vous -

vous attendiez à trouver le schéma du champ visuel également

.. ' ' 0 ? tl,·rq

1 Op. cil., p. 1't(i, et Stigmates mentaux des hystériques, p. 76. ,

2 Op. cit., p. 115. 5 ?

UN CAS D'HÉMIANOPSIE HYSTÉRIQUE. 347

rétréci' des deux côtés droits. -Au lieu de cela, c'est une hémia-

nopsie nasale'que nous présente le schéma. Je ne puis pas

vous prouver le fait par un exemple, car les cas d'hémianopsie

nasale sont rares; mais je ne crois pas qu'une hémianopsie

nasale donne au malade, quand les deux yeux. sont ouverts,

la sensation d'une hémianopsie droite. Le malade devrait bien

plutôt,' à mon avis, voir le côté droit et le côté gauche des

objets, mais être. gêné par une bande plus ou moins sombre

qui cacherait leur milieu. La déclaration de notre malade est

donc- au moins singulière.- ? -, ;

sa Voici; cependant comment elle s'explique pour qui connaît

son histoire. Justine-présente depuis longtemps un trouble de

la vision ;très intéressant que, j'ai étudié autrefois sur elle avec

l'aide de . M. Parinaud. Elle, manque presque complètement,

surtout danslespériodes ;dé,fatigue, de la, vision binoculaire.

Quoique les deux yeux soient ouverts et que chacun d'eux soit

capable- de ,voir si on l'examine isolément, les images fournies

par les deuXjyeux ne fusionnent pas, et la malade n'a en, réalité

que la vision monoculaire alternante;, elle voit tantôt d'un oeil

tantôt, de l'autre, et de préférence elle voit par l'oeil gauche. Je

ne puis étudier.ici chez elle cette absence de vision binoculaire

qui, nous; entraînerait trop loin. M. Parinaud disait fort bien,

comme vous le savez, que la vision monoculaire est la vision

animale, tandis que la vision binoculaire est la vision propre-

ment humaine.et que chez les dégénérés celle-ci disparait pour

ne"plus,4laisser, subsister que la vision élémentaire, animale.

J'ai essayé.de.montrer aussi que cette vision binoculaire de-

mande dans l'esprit un effort de synthèse, un fonctionnement

cérébral^ supérieur, et que l'absence' de cette synthèse carac-

térise tous les phénomènes hystériques ? Quoi qu'il en soit,

c'est le trouble de la vision binoculaire, symptôme hystérique,

qui détermine ^'apparence que, prend' ici l'hémiopie, car la

malade, quoique ayant les deux yeux ouverts, ne perçoit en réa-

lité que les sensations de l'oeil gauche et fait abstraction de celles

de l'oeil droit. Le phénomène de l'hémianopsie s'accompagne

donc ici d'un phénomène hystérique intimement lié avec lui.

it. 3° Nous pouvons faire une constatation du même genre en

observant les, phénomènes qui ont précédé et en quelque sorte

,f.1 1 , " " « ' Depuis longtemps la malade se plaint

préparé' l'hémianopsie. Depuis longtemps la malade se plaint

' Pierre Janet. Histoire d'une idée fixe. (Revue philosophique,

février 1894, p. 147.)

348 3ti, ., CLINIQUE NERVEUSE. ,, .

de phénomènes oculairestrèsivariés;,ellea,,rvu double,, et% de

bien des manières, tantôt des deux yeux, tantôt jl'unseuloeil.

Ne parlons pas chez elle^de tous, ces,phénomènes de diplopie,

n'examinons, aujourd'hui que.ceux, qui se, rapportent^ notre

sujet. Voici comment Justine. décrivait il y.a quelques mois ses

impressions : Quand,je.re-a ,,r de fixement,un objet, dit-elle,}

le côté gauche, m'appâraîc, bien, clairement( mais, je^côté^ droit

est mal vu parce qu'il se dédouble, l'une des ..moitiés de, votre

figure est simple, l'autre est double. b (On,peut, par^une petite

expérience^.préciser.le fait : . au milieu d'une ligne, "droite je

mets une petite,(croix et, à chaque^ extrémité .une lettre^, B.

Si la malade regarde fixement la croix centrale, d'un seul oeil,

de, l'oeil gauche elle voit la lettre A gauche simple et la

lettre B à droite, double. Sur le périmètre on^peut;, déterminer

la.partie ducehâmp visuel où les objets. sont, doublés, ( c'est la

partie, interne, pour l'oeil gauche, la partie^ droite, il, s'agit donc

d'un fait, assez, bizarre, et ^encore peu-décrit, je crois ? d'une

hémi-dz)olopte mono ' cula'i'îe7li ^ 3Mj tqr'.ic.. J. t TO1,i1f,bwj an

«iUn autre jour, je le relève encore dans-mes^notes de^l^été

dernier, les -choses sont différentes- : un côt6 desiobjets, touz)

jours le. côte droit, grandit démesurément,, tandis que, le;,côt6

gauche reste normal et nous avons de l'laémi-macropsie,ono;,

culaire; ou bien ce sera le, contraire, un côté devient tout petit,.

c'est de l'héîni-iniciopsie.; Sans parleri d'ailleurs, des combinait

sons plus complexes,' car-Justine a'eu un.jour, toujours pour'

cet oeil gauche, de V hémi-macropsie et,de F hémi-diplopie mono-j

culaire eo ? M& ! M<s;l'oeil gauche seul étant ouver, lei côté, droit

des objets paraissait à la' fois double : et'grand.[Voilas bien des>

faits étranges dont je ne cherche pas pour leimomentf l'expia

cation,'je "met borne àma,d6monst 'ration présente. ilar, ma-q

cropsie, la micropsie, la diplopie monoculaire sont- considérées, !

et ajuste titre; comme des symptômes hystériques. Quand nous ;

voyons 'l'hémianopsie leur, succéder et-iles'remplacer 'exacte-;

ment dans cette même moitié droite du-champ visuel de 1'oe'il)

gauche,ne sommes-nous pas disposés à croire quefcette hémia-I.

nopsie est de même nature, et' qu'elle doit ? ètre également- un'

phénomène hystérique... -u* - ,r 1 fl» ? 4, rrl

'40,Peut-on allen plus"1 loin dans la' démonstration ? Oui,'on

pourrait rechercher dans ce cas d'hémianopsie les deux carac-

tères que j'ai ' autrefois 'décrits comme essentiels dans les

anesthésies hystériques. Ces anesthésiM,dison's-6us ? spnt

anesthesies hystériques. Ces anesthesiesni disons-nous, (, sont

UN CAS D'HÉMIANOPSIE. HYSTÉRIQUE. 349

mobiles' et' contradictoires. En 'premier' lieu, les anesthésies

disparaissent'et réapparaissent sous'différentes influences, les

attaques, les sôinnâmbulismes; les suggestions, etc. Ce premier

caractère de' là'mobilité n'a' pu être' vérifié encore dans le cas

présenta d'abord la'malade n'a plus d'attaques et je n'ai pas

l'intèntion`'dé` chercher à les'faire réapparaître. Elle a, il est

vrai, des'somh'ambulismes'très faciles à provoquer, mais, par -

une fâcheuse' circonstance, il' m'est impossible de lui faire

ouvrir les yeux en somnambulisme ; il faudrait pour obtenir

ce résultat toute une éducation' qui ne serait pas' sans incon-

vénients et' dont les' résultats au point de vue expérimental

manqueraient de précision. Il est vrai que^la malade est très

suggestible et qüecétte hémianopsie, si elle est hystérique,

doit 'disparaître 'par suggestion. C'est tout à fait'monavis, et

je vous dirai;même que je'suis à peu près sûr qu'il va en être

aipsi très rapidement.'C'est afin de pouvoir vous la présenter

aujourd'hui que je n'ai pas fait de suggestions dans ce sens, qui

ne tarderaient pas à modifier les phénomènes '.

'<> Quant au deuxième * point, le caractère contradictoire de

cette hémianopsie,' c'est au contraire un fait 'essentiel' dont

l'importance me',parait ici tout à fait prépondérante. Vous

connaissez ^ lest travaux déjà anciens de Charcot et Régnard

eh,1878,de'M : Parinaud en 1886 qui ont montré des faits

bien -embarrassants' relatifs- à l'achromatopsie hystérique. La

sensation que les' malades déclaraient ne. pas percevoir se

manifestait cependant par- des signes indubitables, par exemple

une couleur rouge non perçue par le sujet lui faisait éprouver

cependant'.une'image.consécutive verte. En 1886 et 1887, j'ai

abordé' moi-môme'l'étude de ces faits et j'ai montré que l'on

pouvait 'donner au sujet des suggestions ayant pour point de

repère une sensation déterminée du, côté insensible et que la

suggestion : 's'exécutait , cependant, très régulièrement2. J'ai

appliqué plus tard ce procédé à l'étude du rétrécissement du

champ visuel etij'ai présenté ici même quelques-unes de ces

expériences." Une hystérique dont le champ visuel était réduit

à i uni point, fà 51, s'endormait immédiatement dès que mon

doigt qui servait de signal était sur le périmètre au degré 75 3.

ti C'est cette, dernière expérience que je me propose de répéter

1 Voir la note sur les résultats du traitement a la fin de l'article.

* Anesthésie et dissociation . (Revue philosophique; 1887, I, 467.)

3 Archives de Neurologie, mai 1892.

350 ' ' CLINIQUE NERVEUSE. ' --

pour déterminer définitivement la nature hystérique de l'lié-

fiiianopsie de notre malade. Profitant de son extrêmë sugges-

tibilité, je lui ai. suggéré 1 pendant lè somnambulisme' deux z

choses : 1° elle doit lever le bras malgré elle, quand je lui pince

- la main ; 2° elle doit également lever la main quand elle voit

un papie ûr on front. C'est là une suggestion appoint de

' , t, . T ? M ? tr't ?

repère qui) s'exécutërâ)`,comme vous le savez par le mécanisme ?

j ? 4..11..N ` t Ill1 ? w llur y t 1W U)Asi ,W Lo · ,i · "

/de ! association des idées;, au moment : ourla^sensation* tactile ïïk

/»,<+'' ' ' i. f 1 . y t, â . ,, ? tTtt.. ) , t n n i r i I ' Vlrllm J'

"/ ' du'pincement,' t la 'sensatioilwisuelle durpapleysur mon, front1 ! t

,,«,» ? d'une ., **i«-iii,\ ii , nii'i. ,l, , 1m ? i .m,^ r ,

ex istdr-a d'un aàièré ? q'ü'éleonque dans'l'esprit- delà malade ? »]

E i 1 11 e fili 1 .1t.1 ? t . -% f t i >

W1-' J Eh bien, je lui pince la' main droite, ' : 1a main anesthésique,*

,e . ; comme vous; savez;= etle brasHse.lève ! Iurusquement Quoique''

Jk -.la malade déclare n'avoir'rien-senti'ni'de'la.sensa.ti6n,.m du il

p . 1. . , m mn 1 1 1 , r a ., ) .<

. ; mouvement, ? ce qui. s explique par sonanesthésief; tactlle et

^.musculaire, nous pensons cependant que cet acte sub scie t

nàj-dû être ? déterminé^par/une sensation également, "subcons^fP

â+.dûètre; déterminé'pârf'`une lm sub

'clenteLa ersistancé de cette sensat i'o"'n ? l 1 'ma 1l"a' esi

apparente'de' la^nain droite, nous démoai'r" gre1 il ? S,à,git"là ne e

d'un trouble "de la perception personnelle, d'une anesthésie

d'assimilation, en un mot, d'une anesthésie hystérique.

'Eh bien, les choses se passent exactement' de lia.' même ma-

nière pour les yeux. Les deux yeux ouverts, la malade me

t ' r I,lt k li -1 "Ji V.- , hl)

regarde et déclare ne voir' que le côté gauche dé ma figure

(parlrappbrt 'a ? élle); «'le côté droit/dit-elle', est-invisibzlè

, - -. 1 - 9 ? 1 n W , ? , 1, ft", /i..l.` l1

J'approche doucement, ou I)ien une autre personne approche

un petit morceau de papier blanc. de mon Iront. Au moment

où ce papier touche mon front à droite, le bras de la malade

se lève quoi qu'elle déclare n'avoir rien vu. C'est la même

expérience et elle a, à notre avis, la même conclusion.

Cette expérience, peut' être faite aveci plus de précision 'en

usant du périmètre. Grâce à des suggestions appropriées qui

déterminent des mouvements subconscients quand des papiers'

blancs ou même de couleur sont visibles sur le périmètre, on'

peut déterminer chez cette femme le champ visuel subcons-

cient et il est intéressant de le mettre-.en parallèle avecrle

champ visuel conscient qui est, comme vous savez, hémio-

pique (T9 3). c. m. *« ?

Cette expérience est démonstrative, elle nous montre laper-j

. sistance des sensations subconscientes malgré l'anesthésie'

rétinienne et démontre la nature hystérique de cette hémia-

nopsie. ' ' ! ;1. - " .1 '

UN CAS D'HÉMIANOPSIE HYSTÉRIQUE. 351 I

Une notion importante résulte donc de cette lonque démons-

tration. De, même que l'hémianopsie peut se présenter dans la

neurasthénie (Déjerine et Vialet), elle peut aussi se présenter

dans l'hystérie et dans ce cas ce symptôme, comme le disaient

déj'a' iiAl ? Déjerine et Vialet, n'a pas d'autre signification

diagnostique et pronostique que celle du rétrécissement con-

céntrtqûé du champ visuel. " ,

si 1r r .t - "

. n.jti' I ' - IV.

*' li.lmj si ' '

n Cherchons donc maintenant, en restant dans le domaine des

phénomènes hystériques, à expliquer par quel mécanisme un

tel symptôme a pu être réalisé. S'il s'agissait d'une hémiopie

homonyme' véritable, on serait justement 'tenté de chercher

une explication anatomique et de rattacher le symptôme à un

épuisement particulier de l'un des lobes occipitaux, épuise-

ment fonctionel qui ne supprimerait pas la sensation élémen-

taire comme ferait une destruction de ce lobe, mais qui sup-

primerait la- conscience,; la perception personnelle. Cette

hypothèse et sa discussion pourraient être intéressantes. Mais

j'avoue que, dans ce cas, en présence d'une hémianopsie nasale

de cette nature, une localisation anatomique du trouble sin-

lt. -»él li ? u . 'i' à Fig. 3. 3. ,

a 4ti i. 'f . "

Limites du champ visuel conscient. nome Limites du champ t isuc) subconscient.

.. (T < fn ? . -1 v 1.1 1 -1

352 ' CLINIQUE NERVEUSE. '

gulier qui préside à sa-1 formation me paraît bien audacieuse.

Je préfère faire intervenir ' un inécariisme' psychôlügiqûë'et

donner un rôle à ces idées fixes qui constitùenti'commeje'vous

l'ai dit, le caractère ' fondamental de' l'esprit 'de' cette malade.

- Il est incontestable' que les idées' nxes peuvent jouer un

rôle dans l'étendue et dans la fixation des limites du champ

visuel. On n'a pas encore décrit beaucoup de cas dans lesquels

la forme'du champ visuel ait été déterminée les idées des

malades; mais c'est peut-être que l'attention dés'observateurs ! ' 1 ' ; 1 1 r m. ' . F r r ' ,I e r 1 (1 1

n a pas été attachée surjce point. Permettez-moi de vous rap-\

^ peler un fait qui m'a paru frappant et que retrouve, dans mets

notes : 'Une malade G..v àla suite ! de divers incidents (elle ë, h

' t ' -; j"" . ' ' 1 1 1 · le : ? t)j ?

' ,,vu le cercueil dèi son père j'entoure, de fleurs rouges) a'conçn r

une.horreur invincible poürla', couleurrôuge.. C'est là unfàit {Il

fréquent chez les hystériques qui,ont des associations d'idées zip

' extrêmement tenaces^et puissantes quoiqu'elles ne.s'en rendent 1 1

pas toujours compte.1, Si on fore 1 G... 'à, regarder-rop Ion

temps une'-couleur rouge` ! elle a une attaqué à'h'y' s térie ,4 dans 1

laquelle elle voit encore le cercueil,- les fleurs rouges) etç ! En*'

prenant' des Tprécautions, on peut déterliliriér çhéz ellé'le e

champ4visuèl-conscient pour le blanc et les*"limites"'de ce

même champ visuel pour le rouge. On constate alors que le

champ, visuel du blanc-, est fortement rétréci concentrique-

ment, tandis que le champ visuel' du rouge'est beaucoup plus

grand que celui du blanc, presque normal du côté gauche

(fig. 4). Cette persistance du champ visuel du rouge en dehors

de celui du blanc n'est dû'évidemment'qu'à l'attention '-parti-

culière attachée par la malade à cette couleur'; et-le champ

visuel est évidemment ici modifié par l'idée'fixe ? e'14VL191

Nous pouvons arriver la même notion^au i'noven'de,3'éxpé'-

riences de suggestion. Je ne vous ai pas encore parlé 'des effets

de la suggestion sur le champ visuel, car ces' expériences ne sert

vaient à rien pour établir le point délicat en'question à servir

la nature hystérique du phénomène. Qu'un phénomène' puisse

être reproduit par suggestion, cela ne prouve'en' aucune'ma-

nière qu'il est toujours de'nature hystérique' : on a'pu'repro-

duire des vésicatoires par suggestion. Il faut 'démontrer 'la

nature hystérique d'un» phénomène par l'analyse même"du

fait indépendamment de ses» reproductions ou imitations expé2

rimentales. Mais, la nature hystérique du phénomènes'étant

déterminée, on peut'étudier les effets de la suggestionl pour

UN CAS j)'HÉmrANopsir HYSTÉRIQUE. 358

comprendre le mécanisme de sa production, pour voir si les

.idées peuvent jouer un rôle dans son évolution. C'est bien

.ainsi je'crois, que procédait Charcot dans ses analyses célèbres

des cas de monoplégie brachiale hystérique.

. Si nous étudions donc les effets de la suggestion sur le

champ «, visuel, nous arrivons a-un résultat facile à prévoir.

Vous savez i qu'en réalité la sensibilité rétinienne, n'est pas

altérée dans l'hystérie et que théoriquement les hystériques

peuvent voir comme- nous dans toute l'étendue normale du

champ ..visuel. Il est donc vraisemblable que suivant la direc-

tion de leur attention,, suivant les idées qui modifient leurs

perceptions conscientes, leur, champ visuel peut se modifier de

bien des façons. J'ai déjà montré, comme beaucoup d'auteurs,

qu'il peut s'élargir énormément et redevenir momentanément

normal, qu'il peut se, rétrécir aussi par suggestion, se réduire

à un, point et même disparaître dans l'amaurose complète.

Tout cela est incontestable. ? Peut-on maintenant le déformer d'une façon plus irrégu-

lière, en, supprimer seulement une partie. Je vous rappellerai

seulement à, ce sujet une expérience bien connue, celle des

anesthésies systématisées. On peut par suggestion faire dispa-

Archives, t. XXIX. 23

Il 9$-Li il Ji q 1 , Tig, 4. - Z

- 9JJjlt® Limites du champ visuel pour la couleur blanche. - +++ Limites' ' "

ofjSjj ijn, h , » du champ visuel pour la couleur rouge.

YÎ111 a ? t t ' i . *

354 fl CLINIQUE, NERVEUSE. » ,

raître, telle., personne,, tel , objet,,m-'me considérable. n'est-ce

.pas en réalité supprimer, ^une partie plusou moins considérable

du @cha "ip,v ' iÏel, ,.y fïirq2r 1 sorte, que, le sujette yoie pas cefqui

est sa droi,t1-ou .à . sa, ces expériences jonf pos-

,sibles, il, doit être également possible de, supprimer parsug-

" gestion directe la moitié du champ visuel.4po(j aammna gnon

4YC'est .d'ailleurs,, ce gue l'expérience vérifie, très, facilement.

J'ai suggéré, à une hystérique qu'elle était, devenue. àmoitié

,<veâ ? Ie,d'ueo2m"a"niere.sin,o,,ulière,,qu'ei , ne ? I)yait p us-que

la, moitié'désobjéts.'LéyfaitJs'ësrparfaitementlxéalis"aû-

n,l ï r n<9.·· .r -' uq-4 -oni i- . i ? . ,

tant du- moins, que 1 on pouvait le, constater par, son, attitude

et son langage, car un,phénomène subjectif comme la percep-

tion des objets ne peut pas se constater autrement. Mais,

Il 1 . ..·y yrt,lr111 n trï y·'7 r ri W A1 fl, ^

·dira-t-on, cette hemionie nest pas constatée par des procédés

.W 11G 9f«t>iiInsJU )c ! iLl.1 '\"<' am,, v ftuiex bi jC-jjIOtj ai .omuau

gp 9n atttquq il '.M . ? ,,Tyl& ? i3 JI()7 liffl-1 1 91) 291fE111q11Q

.f,O'y pi 2'illo(rny 91L9`t ftdrt itf7f132.1n`j 8QE2 2bq 8J6`.ifII00Jh

toljeétifs,Jpar, 1 examen objectif,3 c,est,ls un mot,,que j'ai, sou-

vent remployé âprôpos"dueFl'e : çamendu çhamp visuel. t.En-

tendons-nous,»- l'examen, du champlvisuel9p'ar. le prôcédél du

périmé^ ri'estjpas,du -t ju ? exaren objectif,,un, examen

physique dans, lequel, les^sentiments subjeé41fs, du. sujet ? ne

.jouent âucunrôlë"telÿqu=est,par, exemple, il'examen< du* fond

de l'oeil. GC'estjt^ujours,uri^ej,interrogationtdu sujetjquirest

. simplement.un peu- plus précise., Eh bien, l'hémianopsie sug-

- - .

-.6t"-^' ! 5 ? 5-Jz^lI'éiTiianoi)sie droite homonyme déterminée par, suggestion»

UN CAS D'II&111ANOPSIE HYSTÉRIQUE. 355

gérée se constatera^ par l'examen au périmètre', si la sugges-

tion est'donnée avec' assez de précision ;'deux fois'j'ai constaté

IdesJhémiopies suggérées que je' pouvais1 parfaitement' relever

au périmètre^et dont je' 1 d6niiel l'ci 1-uri-, exemplè (fiù. 5). Cette

dernière''constatation rondi donc1 à ? la' question que nous

nous sommes posée ? olü,'lé-chalrip visuel peut être modifié

- par l'idée et une^émianopsie1 peut être réalisée' par idée fixe.

'13-Màisreiilest ? iltbien"ai'n ? i ? 'Qiïelle est la singulière' idée fixe

nque plus' ôïï'mbins consciemment' cette personne peut avoir eue

relativement0 un fait'aussi peu' habituel ! Il est bien "'difficile

de'rienprécisur, jèYînê nârdé suï'cé'pointd'ûcüneaffirmation ? f,r ? < ? < ? t,"f.'....f ? f. rr rr nrr ., r , let 1(i jt

et'je-me borne a vous'-proposer quelques remarques. ,t y., ? Le fait .principal, ne 1 oublions pas', cest Ihémianopsie

droite; la perte'de la vision du cote droit qui se manifeste soit

dans la vision monoculaire par l'oeil gauche, l'oeil le plus

valide, soiimèmc dans la vision binoculaire. Or. le côté droit

est ce lui-7(îi-depuis fort longtemps a ete,atl--în- 1 e t de tous les

«troubles les plus, marques. L'oeil droit,sur' tout dont nous avons,

4é ' 1 t 1 i t 1 1 peu 1 , 1 , i . t ,-s eiit6 et présente un ! ensemble de\ ? ttroublesifonctionnels extrêmement'curieux, i I ? ! j, i riz, 1

.»/, .troubles fonctionnels extrêmement curieux. I 1 jft il i ' < \

/ 't<'U ? "T ? ' ! t r < V'-l1* , e 'J I ' ' ''/iL>p ^ . '/f ' t

/ .Ir.Cet oeil droit présentait autrefois, mais alors d'une, manière , \

i I ? t'\ g 1 1 -1 k , 1 i".1 1 4 j" i - i U, '* : t 1 ' '\

(, complète, dans toute ! 1 étendue du» champ visuelles troubles' t

L i * ï. , que«-nous avons^ notés' dans laimoitieidroiteau champtvisueip S

t ,, L ., i^»v ,hiT111 ' / ' . 1 ; , j.l .« j , r. i r .' .' . t

. 'il ê'A'ril'el 1 il 1 'a la macropsle,de lâ Iim, j il t

cropsiede°lâ di lôpig monoculaire (quelle quespitl origine .y

\ -de ces phénomènes [dont.nous nlétudionsvpas aujourd'hui 1 le o·. ? ) i i , , 1 - 14 t r't 1 i / t .. , 1 -1 ? r . . 1 1 i i 1 1 -1 , '

\ mécanisme)' Aujourd'hui cet oeil droit voit, de.moins en moins, £ ? ipréséiltedâûstôités ses tonctions.des itroublés fort graves

«' vK 1 i 1 t * ! 1 t, 1 w avec l'état . ,».' , Le'pld ' 0 et est

en'rapportTcependait, avec 1 état hystériqilé. Lé plus. net est

le resserrement de la pupille, le myosis. La pupille droite

est.presque,toujours)plus'petite< que' lat gauche : I Les -réflexes

pupillaires de l'oeil droit sont'aussi altérés, car la pupille ne se

décontracte pas sans l'obscurité, elle reste toujours en con-

traction f exagérée ^c'est * un"1 trouble dés" "réflexes"1 par'spasme

plutôt que parparalysief Cette'exagération du"réfl'ex-e'>p'pil-

'lairè a`.larluIIiIerelestd'autântplus slngullerequ'ellë s'accoïn-

,pagne i non 'd'uiié'. ( au ? iiient ation de là' sensibilit6l rétinienne,

'maistd'unc diminntiononsidérùble'dé-l'âcnité visuelle .'Quoi

Iqu'ilcenrsoit;Yétte'-inéââlité>pulüllaire;"ce myosis;' ce trouble

'des'réflexes;' efirïcl ! hémiiopsie"doht'sè1-plai-nt la malade;

voilà' un ensemble' de ! symptômes qûi/'s'ils ~n'ét'aiêntrpâs7àna-

356 N r ? gt'f'T,INIQUE' NERVT.USE B'n *U

lysés avec " " t lâpensée'dës

lysés avec soin,"éveilleraient'tout naturellement la pensée es

plus graves' lésions^'encéph'aliques1. Le^cas pourrait' être ajouté

à·ceux'qui ont'été si bien étudiés dârislâetliése'deM ? Souques.

11 s'agirait, cette- fois' de' syndromes0 hystériques ? simùlateurs

des affections encéphaliques ? 3bj3 ! rm oo tirp eldtaaoq 3Bq

T, , . .. ,, .nly irl,·t n-n'1 t ;rrTy u·tril RD i ? r. ? r 'T4a

Il ne s'agit d'ailleurs que de simulation, comme ai'déjà eu

1 occasion de le faire remarquer'Un examen, attentif, .que

, ' ..1' u.l, .« JPIIII " it ·t(r ? ·1 " , 1 Km tjo, '" ? >7'l

M. Sauvineau a bien voulu taire de cette malade, démontre qu'il 1

n'ya aucune lésion du fond de l'oeil.Tous ces symptômes'même ? ).... ? r; ? ' 1 'il il" (FI ts .if4rt .011b i-1p,

les troubles pupillaires, sont transitoires. Le myosis augmente,

i °1 IV',1 ff ? <,,t ? ? i ? 1' "f" ? "rt,)''« U

les parents de la malade 1 avaient déjà remarque depuis long-

temps, quand Justine est plus tourmentée par ses idées fixes.

Y ." ? ' "<> " t" " " (rT 0.) 5"rri"ril"l""l 911 T|;r»

D'autres fois i ai souvent constaté que, a la suite des suggestions

, . , .1, n .'r,m ? Jf.)'it ! f ! ('')(t mn a,.R Hwv`m

qui effaçaient les idées fixes, a la suite de sommeils un(peu pro-

longés, cette* inégalité püpillâire dTSpâraissalt complètement : Ce

ne sont là que des phénomènes listéi4Ues 1) de-la" 'm"ê'm ? è ààtÜFe

que ceux qu'il noûs îéstê'éricore à`signaler dans l'oeildroit ?

Cet oeil présente au plus haut point les troubles detaccom.

modation qui/1 ont^été ? si1 bien0 étudiés* par ? M ? 1 3arinaud. Ce

' '' ' ! 1 H ? ' ? 1 n ' '' ,TT«.t"1 .')''1 ? ? "'J'1 vl

spasme 'de 1 accommodâtion est difficile a observer, et.donne

Pv . ^71 W If·· = ? ' 'i a ·IHf ? ftsnr '1111 t'1 '%1;, > ?

lieu a bien des contestations singulières, souvent même con-

x J- x 'r'-n"<"xY x -l "rai'j ? 1 A"r- srrrr.o+

tradictoires. En effet, il suffit d appliquer un verre'sur les yeux

de la malade pour produire une émotion, une suggestion si

vous voulez, qui modifie tous les phénomènes. 11 est probable ? ) <i''i, -)i ? Jf ? tM m .<t ? i tnft ? 1 1 ?

que ces troubles de 1 oeil droit, ont'pour origine une intériorité

réelle dé l'oeil'droituhémyopie"qui"existait'ie'crois anférieu-

rement aux phénomènes nerveux. Vous ne serez pas surpris

de ces infériorités locales; de 'ces asvmétriès°orgamques que

M. Raymond'4 nous signale si souvent chzzjlês"iialë.dés9rângé,`s

sous le 'h6m''dë'dégénérés.T6us"cestroublésnt'rëndu'peuà à

peWlârvisibriidiffiéhè'é ? ;jà3p'eü'près ? rripôssibé7pû'^âéi di'ôFt :

; .... ? ? i ft<»r.i. ? "-i|i .irt'H-i-. ,'i6 ? i «tnn.viov r<a .oi ? u : ,

Ajoutez a ces remarques. sur les troubles, présentes par 1 oeil

. 1 1 r , ? v -I-sillo -il . : ) 1'· ·Ilil */) ; i vil

droit que toutes les autres sensibilités de ce cote sont égaler

' ? x11 ii' v "' '^" ' / .i ? 1" '" , .,il -il' <tU ? t ? P ? 1

ment altérées, le ne lais que vous rappeler l'anesthésie tact le

\,l "4M . ? ; ? il ? L ? i ' pi'a"'1 ,,Il .\ ? i' etet) '< ? f ?

et musculaire, 1 absence du goût et de 1 odorat, enfin la surdité

presque complète dél'ôreille'droite. La1 màladèrqui'ialtétêrjbien

souvent examinée'et qui a fim par.rerilarquer avec'tristesse t3us

es ient'du' côté'dr'o't"' ' ... ; . y...r" une

ces'troubles' qui siégeaient'du' 1 , s est , fàit 6'të r, , "

théorie sur les malheurs de ce côté' droit : « C'est Ie'côté °rhâu-

'"» .. i....r ! ; ? , · .qy j.sT t ? IJ tl(ibllj, ·tIlO,t'Itf&918fr$

' Pierre Jaunet.' Revué philosoplnigtie; février11894; p : ' 148, sb Ji £ 91

· UN CAS D'HÉMIANOPSIE, HYSTÉRIQUE. 3S7

6yais,jjl.e.côtémalheureux,, ^dit-elle. Par, une illusion naïve,

elle.jattnbueauxq objets eux-mêmes ? cette sorte.de malé-

.493 P.st)Minuyeux ? dellemon ppianp est .mauvais

`du$çôté7droit,Nândislqü`iltestib~on du côté gauche.» N'est-il

pas possible que notre malade ait été,plus loin dans le même

^ens jusqu'à, se dire que. le côté, droit iKdesobjets) était.mal vu,

devenatinYisiMeN'estc'e'pas'Ia.qui ? s'est passé quand la

CilM . - il.1 ! 14 ? IPP.. U> ? » ' , ...Il.btll , . '- I.t.. L 11, ^ ? i

malade attribuait, au cote droit des objets même vus unique-

u mj,rn< ? f.) 1s1)Rn nf W ·1 4t. ? ... ' , ' L t .' z

mentTparvl oeil. gauche,, tous ces ,troubles,t(maçrpp.sie, , microp-

'siequi dépendaiént én réâlltéyde.l'1aé11 droi,t seul. Cette pensée

d abord vague; >fqm troublait, peu -la, vision, normale, serait

devenue ,une idée, fixe au moment de l'affaiblissement causé

. t5t*All , G'Jt . , , etie ? > . m.-i . lî. nly,t·· rfWn ? h ·· [`1 OIihi. ,.

par., les hémorragies de la ménopause et, elle se serait mani-

testée par une, hémianopsie droite. > A... ,or' , ,

rj bans .doute, on, pourra demander; pourquoi toutes ,les hysté-

rlqüës hemianesthesiques, à droite, n'arrivent pas. par le même

raisonnement, à l'hémianopsie droite..Sans insister trop sur

otlPXxXJ X 21 XI ICI . XX.J1' X, > i . * . L. L

une.semblabJe.discussion.ie.vous. dirai qu il est, rare de voir

l4tt 1 L c,U tl.arr ? f,· , . ·f 11·. i.,l|i|i,. 1 ? lH"l'

tant; de troubles persister, si longtemps .dans un oeil du même

cote, que ces troubles ne sont pas d ordinaire aussi remarques,

Mt')t ? vf ? < ? .. ? 'n ? 1 . t .u». '»< . ^ . . ' z

aussi étudies, parla malade, qu îln y, a pas toujours en même

temps .une, prédisposition aussi forte, aux, idées, fixes. En un

41W ., ti9l lllf,1) ,.(',11 .>illlll"|Jl P Mil ? I^ ? ' ?

mot'un ensemble de circonstances, qui sont ,d ordinaire rare-

té tltl;,rr3utr ? · J| ,1· uuu ..U Jllf». 'lW, J- ? .

ment réunies,, ont. prépare cette maladeia cette idée, fixe peu

-llil'.illi.'ll ii-i 'i f ? V ? nu...... in.o . ? ,

ordinaire, et, ont réalise, le symptôme quelle présente.

mj J411a111 ; J u i »m^|' m ''i"i ? iir 'A J1 I : L' J 0"

n)3.este" direz-yous,,1.rhémianopsie; gauche .pour . l'oeil droit,

qui semble toute différente. Nous remarquerons d'abord qu'elle

ne. se,, manifeste que,,peu dans la vision normale, binoculaire

puisque'la malade i ne se sert pas de0cet,oeil. Elle ne se mani-

leste quau,moment,où l'on examine,' l'oeil gauche. Elle .est, à

mon^vis^la^conséquençe logique ^de l'idée, précédente. Si l'oeil

gauche ne voit.que le 'côté gauche des objets, l'oeil droit ne

doit voir que, le côté droit des omets, chaque oeil voit son cote.

C'est encore un résultat de cette logique subconsciente passa-

- -)<1f e vV : rr±v.t·tW q.m rrr7 .0,.) '......' ;' . z

blement niaise qui est un des grands caractères des idées fixes.

ajip'ixjf' j : | llttrr' ! ., '"folio jm "t ? ji .·1 nu -p..i-iii ' i -,

r,;Duneman 4ère générale, dans son ensemble, l'anesthésie hysté-

rique n'est pas le résultat d'une, idée fixe, elle est la manifestation

de la, perception per-

d'aune faiblesse cérébrale, d'une diminution de la perception per-

sonnelle qui est le fait primitif. Mais les localisations de l'anes-

thésie, surtout quand elles sont précises et singulières, sont bien

le fait de la suggestion et de l'idée fixe. Depuis que l'on examine

358 CLINIQUE NERVEUSE.

l'hémiopie de Justine, il me semble qu'elle est précisée encore,

la vision est devenue. plus nette, plus large du côté gauche,

plus nulle du côté droit, où elle ne dépasse plus que très peu

la ligne* médiànè ! Nous- a'vo'nil affài;e,'ièi, 1 n' 'résü 'me, à un

phénomène qui a été jusqu'ici peu observé, la détermination

d'une forme du champ visuel par l'idée fixe.

Si cette explication très simple des faits a quelque intérêt,

c'est qu'elle conserve;à'cette\malade son : unité)pathologique,

intéressante. Justine continue à être une malade à idées fixes

et "ces"' idées fixes conservent -la* forme', hystérique.' Tous; ses

accidents, depuis des années, 'ont toujours été déterminés de

la même manière. Je ne parle pas seulement de ses attaques

hystériques et, de ses impulsions, mais même de ses accidents

d'apparence organique. Elle a.eu des douleurs localisées sin-

Wt wIV a6r.1 )t)'i"tt«t ol.siiij ifi pii;,«iwi t\> -ttttit ?

gulièrement, des contractures» de forme étrangères paresies.

"' .- ? Jw u r= · un ? ? Mit< ? 1hjt 0' t ? jlt

Tout à, été a ma-

lade" se rendait rarement cbm'p^é'l3t.iitousjles'lacci.dents^

raissaient quand on traitait les idées ^fixes. Il ést prôbable

j" . t'te' 1 a jiu "(nu ' - il 4"1F7111 'IJAnC "<)-<.<t''t ? -nul* rt ,1 ?

qu il en est encore, de même, les effets.du traitement vien- -

'xx'. t il ~t'J 'X>x : lb. <tx>i il.Jt7 .jjxJ ? W 1. JVJ.b lAi, : JJfLbU 1

dront confirmer ou détruire notre supposition '. .. t,

Quoi quilen soit, 1 observation reste intéressante en elle-

J' ite i l'O i 11, . 'IL ? ? 1 ? t ? o. ? )<)t F. 4 <'lc<Ixi|i(l"VPI,

même pour nous montrer 1 existence., d un symptôme conteste

·1J V·r ·17 J O1 .'fl. J 111 1 n V1w .pi f 111 `lilt /1

.de 1 hystérie. ,De plus,en plus 1 hystérie est la grande simula-

- ? , n4 1 1,.... " l.y, t. < . , ? U . ,1 4 Il v3 1, )l'71"1

le disaitl'sisouvent.;GharçotIl,vestrdelrllustten ? i j'.pp' ? ? fC liq'vl, V "t'Il -1 ti, qilq6

plus difficile d'affirmer, qu'il est,impossible de rencontrer un

111, zut, -là,' t. it I 4JP,I'. l.JX311l./xlv> J,i oliJbU ôfHUx.lGl.1

symptôme particulier dans 1 hystérie. ol,czd f{

;r3jil'.h j-ît,' iTôliFi,),.t4j(lf "4jlû jaa `DrPe,T,reTJAûET·mI

» ,mn* ttrEln pi rtr, F, rr rï IF, (3'fftl%l 1;1 r'tf : 1 'lntlfrt^' 'fnna

.' Le traitement de cette hémianopsie a été commencé aussitôt après la

conférence et il a'confirmé pleinement nos hypothèses ? Le' champ" visuel,

même) du'côté; interne était mobileiet pouvait être'déplacé'par,;diverses

causes d'ordre, moral, l'attention, l'association des idées,, la suggestion.

Cette'mobilité'a'permis~'d'obtenir' la g'ûéiïson en' quelques1 jours.' vCétte

guérison a été accompagnée de phénomènes intéressants; Le malade s'est

plainte de souffrances, violentes dans la tête au moment où se- produisit

cet'élargissement'(tu champ' visuel J'ai'déja."ihsisté "sur "SM'd6u)eùrs

étranges qu'éprouvent plusieurs malades' au' moment où l'on trioniphwde

leurs idées fixes. Au. moment où la vue,agnait,en éteplue, elle,a semblé

perdre son acuité : le champ visuel était plus"grand, niais' sur une par-

tie"de son' étendue' 'la' vision1 était,'deveniié1-ti'Ouble ? G'estRencore',iîn

'exemple de ces ! équivalences;si'curieuses qui scimanifestent i(luaiid, on

déplace les phénomènes hystériques et qui sont le^oint de- départ, ries

transferts ? Actuellement 1'liétniaiiopsie'a disparu, le rétrécissement con-

centrique1 du champ visuel' persiste.'seul" car.on ne' peut ! supprimer ce

dernier symptôme que d'une façon momentanée. `

« . I 1t. 3 '4'1Ym "

-noout» aueiooïq J8t> t't : ' t.p qldrf^ "'t u ,9lltd8Eve. 3tt , ,«<. .

ariiyfro s3ô" J'b 9§ib1 3"tC; ,531 ,^. 81jiq «ifi»^ rJ t29 ? e.

L7 géit f)f ? tf)(f.j ? gtih en «, ! «) r... tf.fjjt 4.. , h «iijf <

PH(YSIOLOGIE PATHOLOGIQUE ?

rKtttBfUfmatat. e ! 99c ! (<<' nw '& up^h 9.` 1· y . j.rt4t(dry T « ,

9x M'L f 1rq t9rr;d`, qi' "i < ' ? o' -ij,. 1

,JA'InfdlE euplwp s3te` mt 91(1 -ni, 3ht,1 10 f- ,') .«J.-+- L

.crpi;qblo DEqL'lNTOXlGA.TiON'' DANS 1 L'ÉPILEPSIEH ;ï ... z

saxo 8»èbl JE 9bs ! B'ï ! ')un 1 t 8Lrtld$1')J 9 ltr. t. 1 ...é9'W,

ParEle'D J.,VOISIN, médecinide la Salpêtrière ; et, R.&Yài0l;D, PETIT,*

h aàrxiororsi, des ^-'v™*-^.. ^uq'^b t..«.fc.-v

9b <suiJIUi&<91) J : ' ' ? rt ! '6 : ,P,rne es h8pitam ? t. ? )rIrb , mblv,

zstrps3,is 393 ah Jtt3frr&lW suq ahsq nfi . s'te'1(s· y,rrs.,t .1

J Tension' vasculaire. L'état du système circulatoire et parti-

..(1·, ·aqurlvR ! ' Pricp ,ix,l a- . . 5 , 1 ? r(..t-T.Tr ,rtnrt i- r

culièrement'la- tension artérielle doivent aussi'nous arrêter un

instant/ Dans'l'épilepsie les troubles vaso-moteurs ont été

W ..i .rrop ."iiiim L.^it. ? » 1 if ,^i,i,,w,,J1« ? » - r ?

depuis longtemps remarques et ils ont donne lieu a plusieurs

théordes sur cëtté âffection'. "* "^'^\ ? ™ * *

Jll m(11,, 'Jy ? ? ? ' * ^ ns ? r. n,

La pâleur subite du visage quand il se produit un vertige ou

tf.tuf q f, 1 n 1 r r , t 1 ? m rtf. t, ? 1, ;D

quand un accès débute, avait tait penser aux uns que toute

l'extrémité cépilTlf'qüè ? d6vait êtr'é brusquement*anémiée ; ils ? 0 rf" ? T"f ? 1. '')i ? ? «V"f . P ,, i i J 't., 9 '* r

invoquaient des lors 1 anémie cérébrale. Les autres preten-

c1 Irl 1`, W r ,tl, -ro y h .1 ',<n'M ? , ·,·.

daient que la pâleur du visage allait, au contraire, avec la con-

gestion cérébrale. Quoi qu il en soit, il est manifeste que, sous

une in uence vaso-motrice,. il doit-v'avoir dtii3 l'éilepsi»des

r a( .. rr, rrr.. , l t, - 1 , "1' 1, t 1

troubles dans la circulation, de. 1 encépliale, de 1 ischémie cerc-

brale. ·^turf - r T r>,qan rT 'f 1 En.,1) r`,tttj,latisq 9cIn3lTtr -

La tension^artérielle est d'une appréciation fort délicate.

Pour l'étudier chez ce genre de malade on ne peut songer à

F( rW t. irtlt 'tIJ, ` t ! `t1lIO...., " , , .t '" ? 1" V iV1,- ' ' -

r employerile. spnygmomanometre du, professeur, 1 ? ,otai ? qui,pst

he'plus', précis jâ'Deux'autres. instruments' peuvent»; cependant

servir.bien, que leur précision suffisante. en clinique ne soit,pas

w ',1U^| J X ? ? p· · r uc *v.'x "< 1 ....j. > ? > ! x . ? M, ,, IL

. absolument ! rigoureuse an causer de interposition e entre - le

1·splivgindnètiey'ëtrl'aitèré d'ùii7'tr'oisiè-me' élément, "la^-'pulpe

G '1 1 : : 1G i)C JG''11 ! t.7ll ' .. ,n.'LLL ., ? t ? i , . : de L index de. 1 operateur. iEn, effet,. la sensibilité j tactile n.est

^pas s développée'au'mème point- chez 'tout' le'monde, elle n'est

- Mi. au)' it : ,.t ? '""' 1 l^x^fi " nl '1 m 1 '" J-

même pas égale, at,tous|1l,es ? rnomentsJ et dans, toutes les condi-

' tiens chez le même observateur. Ces deuuspfygmomètres sont

de,M Bloclç et.del>.,YqF41qr à peu ils

'ne diffèrent guère que parleur mode de graduation ;*le.premier

1 'll.Jlt9tT10lT' " >'' 1 " jf tiï ? ' ' "' <i

' Voir Archives de Neurologie, n° 98.

360 airpHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE' axa

évaluant les tensions en grammes, le.second en centimètres de

mercure. MTMje 28BBÂd THldü9 eaaD'j

M7Féré'"adéjàfait plusieurs recherches sur ce sujet, il a

employé le sphygmomëtrefde'M ? Block3et donne'les conclu-

sions; suivantes : « la tension>artérielle est augmentée avant et-3

pendant les) accès épileptiques et' touche au-dessous de la'nor-T

maie quand la crise est terminée. D'après lui, cet abaissement

anormal de la tension vasculàirelpèrsistê' pendant1 huit" oïï'dix

heures, parfois même unou3.plusieursfjours quand il y a des-1

accès'sériels.1- » -.sldraaoqnsl 51-il~ôr . noimiiqt

Il ajoute que pendant l'agitation et le trouble mental, la

. " * *- . r ,)< ? < T-.1R 't)'< ? R"ûi . tii' r

tension reste anormalement élevée. Pour cet auteur'dans les

simples vertiges et les secousses; onitrouverait les mêmes'ré=1

sultats que ? dans les accès;d'mais'Ilriôiris''prononcés et 'moins

durables. Enfin, ses recherches ont. aussi porté sur la colère

, , i n ? -i - 4ti q't 10) 411 1 W nl')·"ot" 1' .... à a

en dehors de 1 epilepsie. La encore, il arrive aux mêmes con-

clusions. 08 .afdiMoqmI £ 3-09 ... «h'o'î

Nous n'avons étudié qué'des'epileptiques'vraies (des femmes) T

et nous nous sommes servi du sphygmomètre, deVerdier.

- ... ? t)".jQt ? V,... ?

Toutes les tensions que nous avons prises ont été recueillies

entre'9 heures et 10 heures0 du1 matin chez -des malades^

qui sont soumises à peu près`à"tlô.i même vie et'au même'1 ré-

gime. Ceci n'est pas sans importance : ,l'exercice,, le rgpos,

l'état de digestion ou de jeûne influent ^beaucoup sur la ten-

sionwasculaire. Enfin, noiis'éavons toujours opéré sur l'artère

a'I' . it)'' .... i «l'i'-i'oq'ni ' J " sur les relevésflt)sltpi'i-9 T

radiale a la gouttière du pouls. On verra sur les relevés sui-

vants combien nos résultats sont différents,de ceux.de,M. Féré.

ST M' .fl|ij<a ? 0(|tnl en ° tendant . 21u09

Et SI V1NT tr ? nqn,1 nr, . LE noiafoT

Et ai L ACCES 'PENDANT LACC85 STEnTOR SN DEHORS

Nw..., cinduaute ans. l.pileptiq fii ? .q9liqâ .enii eioii-Jsniv ,...uoi)

ÎNkv..., cinquante ans. Epileptique.

8 t,Z shi ·nn't1. % q . luo9

Pouls, ...f. .... 72,IyImpos lible sentir : ' 92 , 8fi,

Tension en centimètres 1.&Ëà ui - "8 ?

Tension en centimètres '

de mercure 12 Impossible à mesurer. 17 15

mtt't'] ' ! ftj S'Unit p-fun 91 J ,...,11)11

Dos..., trente-cinq ans. Épileptique. , Hémiplégie spasmodique.

infantile ? ? tdizauT')I tt ... iloiangt

Pouls ......... 72 Impossible. 112 96

Tension en centimètres ? i2qoltq : t eus Jyltv ? vto ? ,

de mercure ...,f'[r, 13 Impossible.' 20 16 lcro,I

r" "jft. i, ^Hi^pq,nl f>0 . «Inol

1 Féré. Comptes rendus de la Société dé Biologie, 1888 et 1889 ?

DE L'INTOXICATION, DANS) LÎÉPILEPSIE. 361

ab 28'IEiffll,irl93 na bft0^o ! li fz9mmGi 7 na a1f11181Pe L°gxT j'tjuli. ,

NT LE

l'accès pendant l'accès STHRTUH Uri OBÉIORS

R Ii ,J9uz ss mz zsds'i;lrtes`z a'tDaI21lIq iirl Bjàb t Izul ' /I

.DEsp..., trente-sept ans.Epiieptique ? tofBOfnt'q ! ' t 3Y1 lf,

Pôulsn5"n.3la^.ll ? t; ,i8,g01191mpossiblè : 3J sl · . 1123VI P 61

Tension ? ? ? t.F ? luli-lllrlmpossible : ici9üt( : . 8éaa20 9l tt11611q,

àn3mszzirli.c ion ,iut 89Tc d .9slirn'IS.J tei> 13m et 'lasi/T. 1...

XLûUAü ? Lûinilaeüûn9GEpleptique.l ? Ey nylELJ9f fiL ,11 l6 : fl"Wr

Pouls ·.I ? n"u.) ? t60-62-60'Impossible.nu 3nt3til =.)84'sq : 6+t·"r·

Tension .' 15-14-15 Impossible. 17,191·Iqa16,3;0,

THEf..., quarante-neuf ans. Epilepsie. maa-t rtn; ? )

8b1 iuziiuà, JJJ liau A ? < ? < efn9)Bf'mon& a.3a f10181 : 9.

Pouls,.),.i'.[. : t· ! : i : q.72-80=70 Impossible2 sa ! ts 2100 ? fci88r'i<

Tension ? 3ty;l..r1f15-1 Impossible.33 £ soi ziwttairp é16J1 3é

iln·1 fif "vu- ? trirt i»8 ? i"n 9f1`Ji91j 197 893 ,n3l3 3'ddr'ul

MARL..., vingt-cinq ans. Epnepuque.. .9lzqotlq's 1 ib ^ifi,41, n.

noa ëai/mni xu ? )8 /. Ji nd .otaqauqe t ? na'' f

Pouls 60-62 Impossible. 80 2f.6.4u1

Tension .[,... ? 12-12.1/2. Imppssible. t.;hrft 16 ,)-'t3

^SSiïïîiJàîïdb) % )iaZ 1 û112 I°p°sible.· 9'i.nfè 2ri 16 s 13 1

o(ZBv Q 71·5`(nm'i ? 1 ? '1 'V19-S sammos 3HOn rlmf '

AixLi..., 'vingt-neuf ans. Epileptique. ? , t f r

39llil91J091 u ? 9 Jao 288 £ lt, auU4.> 311cn eup 30013001 891 "Mt ? r'

Pouls,. ^.^ .3^. it ? i. n65m Impossible.ri 3·80t f, 801J

Tension......... 9 I tri I;T;possibleI. tr3tj a9zifrlû uz i rl rr·

-J't t)tii9tn t'B ,1'J é>i/ 9'ixym .j ? ? fsq E 3^311.11/03 '.je. "

-^- n( »«^ ? ro' ! or,fTB1 ! ;C ? mi. SifH.^ JiM .tP9n t00 JT

Gûctï. 9; qûârânlé°-cinq âîi sÉpilepsie ? rtr' A Is3 : ? , , ,

rsst Bl -njd fjrro3rt,s9tt tn9ntim 9nGu[ ob rc ani.tpqjpb >>> ,t .J

Poulst.b.I'I ? T : w2't0;72tImpossible;m ,yüns .Bjlly.r58·,

Tènsioil ·9 9-11 Impossible ? ...,, 20 16 t

z zovalsi 391 'ii)a 6't'LUV tttr .«>uoq rit. pinnm»* »' -.

Cûàv y dix-neuf âns''JÉpil p`siettro ? t-3llrc.· zori ficifi(roz Pt[,

Pouls .. W*3 : ... 92 Impossible. 90 72

Tension ... ? .... 10 Impossible ? 16 13

tHuuaii /.s liOTnav -.I ? n 1 rr aan - , *

Gou..., vingt-trois ans. Épilepsie. . wi ,

' D r r-jiipiJq9Uqxtl >fi. <Iu-,i onr , va.

Pouls 84 , .Impossible ? 75 84 ? ,

Tension... ? ... ? 10 Impossible.' 18 1+ .

.) i"- ? n.r.f ? r ? onf : ï n t i -iu'i'. m.

Hu4 ? trente-quatre ans. Epilepsie.

pdùl"l ottia £ qa 9L,rl3r rrtu g0 9J`Iinjiôssiblé. ? ^ ? ^76' ? ? ?

Tension ........ It Impossible. J6 ?

Tension 11 Impossible. 16 ?

; : lt i Idrzn·m· ' r ''

SOLIV..., vingt ans. Épilepsie. « <

81 0' : , 'Hif- "i'"i

Pouls 96 Impossible à sentir. 9b 80

Tension .1 .# .9.3 . .(' -v \., 10 \ Impossible à mesurer. u 20 17 1

362 ai ? physiologie, pathologique. 3(j

PENDANT

"îdt. 3".J 31L '«') on 'AVANT; d) / "pi JOlO *3 ') ! ')'.f : t.tj Le'I10J'Iq ? 9b

a shn jmq a"iJi"no;'L ? ci ! ,3 p™»A"iL,'ACc; ! S.ri9') j3,tOLhTliBJ ? K%ïîi,D-I"Sxr'

)''t.f) ' Y)'* if nb 9l>on«q b) ? .tu.I> 9-,xtnr .tut 911J9nôq'rg

ans. Épilepsie.n,j 3 q ga

Pouls r Ori801ôîlmpossible.,lrtortt <4t91l00h< {.( 80,-p-it

Tension ,, Impossible.; L,{, ^(q s15v& aq93af(I

,in,-t-cinq ans. Epilepsie. 114P i<0 9À 9JLt,FIlCI0f16 991J;

roûIs^-V.1' ? {T^. 80 Impossible. 4 ?

Tension ? f Tyzy.f; ? '"11' Impossible. don Ta..b 153upn(1.4tt(a

- fiap. B) )t tl0r2rftvÎ 31jB,lanyV'dfrJl 11 1 * ! dn'f>c ,Jrio 29b818fJ1 Yasl

., BROCa ? winl-deux`ans..Épilepsie ? ili(31 É r°sJllidte

Poûls ^Ir`i;c.SK f : rr ^.tltOtG8F Impossible. : «nu ta nm88ntttitl7°t;u

Tension,, t ? 3 ? . j ? to111g Impossible.b 3;rt a avLS$l0oal15dsh

2· ? J» ? 0 ? ^ 41"qyln .4p flJl ? j'Ill ? tiiiq n0 2 : ltJ(f( ! 1

]31FNv..., trente-cinq ans. Epilepsie. , , . , , ' .

)le(bljq,;Iitl,4 11,11.1tj t abqqs lae ao bizstcp aital

Pouls .... <; f,.A .n ? 88 b Impossible ? 19z ? sld 9z 95 ,ri9,85

Tension ......... 11 , Impossible. , , 17 15 - *

il-. n)'.e91nllr r"Itt;q trr, .·aeTa(rzsIq agiriq aaJ

'GiiANb ? a'vingt-buit'ans.iÉpiIepsie..a.indo sntr zn.af 't91J,t esn

Poûls . ..... 16 Impossible. 100 80

Te-iisi'o ? k 1.,> c4(l. .r(Tsl : lIJS 131% 'Impôssible..rT 8ab W Tittle0 4,·aladü't

ta TJrsfJrGaü bi É sn`tobrrsd.e tpa r.qioa si gloi saG .aud roi

rAurésumé;"nous pouvons donc conclure qu'étant donnée la

tension,artérielje'd'unüldividuen dehors desaccès d'épilepsie,-

on'verra cette tension s'abaisser.avant le paroxysme et 's'élever

au-dessus-de.la normale,-à la.fin;dès'que commence; la» période

du stertor. Quant à mesurer la tension artérielle : pendant l'ac-

cès, lui-même, pendant les périodes toniques et cloniques,

nous ne comprenons.pas comment la chose peut être possible.

-pfrrni "Xll7 t ? il ? ·rç.vn1 lu ", P'"Y, ..11, 4r.rlem j nJ elloj

La première condition nous semble-t-il pour mesurer la ten- ? : t ? · 1 i 7,,u r titu il.'» 110 m 1 bi 'Iiir, ort;,Vl(b7 1>1 j3 ? AonarteneJ ! e»-c est de, pouvoir, sentir le poufs. ; 9,nibutao1

- %.Or, il, ëst,facijë,dé se rendre cômptëénlassistant à quelques

accès, convulsifs,' que,- dès9qu'une «malade tombe, i il -est

riellement impossible de sentir son pouls et partant de ! mesurer

sa'tension vasculaire jusqu'au @ début, du 1 stertor D'ailleurs le

hasard nous" à fourni1 un boncexè'mpiê. Lamajade Nev ? ayant

t'ait'une'chute''dans un'accès 'se- blessa'au front : ' On lui 'lit "un

pansement provisoire et environ deux heures, après nous ? tt ? il etff 1 .1, ->. 1 . ,,1 RIT 1W 1. , 1 I tJifIlW JW Kl W. rimé P.

pûmes 1 examiner, et la panser. Pendant, que nous lavions au

p v^*'1 ! . ' ' ^ . .a. Xi|. , ,li Ur- 1 J .14 4'. u Il £ 11X0,1X1, e1' p

sublime, sa plaie qui saignait, abondamment,. la,malade fut

prise, d'une nouvelle 'attaque d'épi 1 ep§io. Immédiatement tout

écoulement de sang,fut arrété,et,,cela,pendant,touté : laldurbe

DE l'intoxication ' dans 'l'épilepsie. 363

. ''au ? »

des périodes tonique et clonique, le pouls ne pouvait être senti ;

mais' dès que cette femme, faisant une inspiration profonde et

supérieure, fut entrée dans la période du stertor, le pouls

reparut rapide et plein, battant àl42pulsations'parminutë'la

tension artérielle monta immédiatement à 17 centimètres[ de

mercure et; la plaie du front se' mit à'sai-ner de nouveaufet

avec abondance. Ce fait semble assez probant.

otc^ei(^.'j - i.U plii ? IV of9o ou

Etat de Ja sensibilité. g L'état de,, la sensibilité chez les

épil'ptique "s" dont nous parlons' est digne d'attirer l'attention.*

épileptiques dont nous parlons' est digne d'attirer l'attention.

Les malades ont, semble-t-il, une véritable obtusion de la sen-

sibilité, analogue à leur obtusion0 intellectuelle ? On observe

une diminution ou une absence, de sensibilité qui rappelle celle

desr alcooliques en état d'ivresse où plutôt des alcooliques chro-

niques. On peut surtout se rendre-, compte facilement de ces

r ; i , ,, , IGl1 : 1r1lla Yt Ibftt ? t 1 - '11

laits quand on est appelé à donner des soins aune épileptique

qui-vient de se blesser en'tombant dans un accès. il1"^ ? i , m .i ? ? ? '(i ? <. r orwilq,l

Les plaies qu'ils présentent sont parfois énormes. On en a

vu se tuer dans une chute, présenter;des; : fractures, diverses,

voire même des fractures du. crâne'. Ils tombent privés de con-

naissance comme des masses,; ne se;- rendant pas compte,de

leur chute. Dès lors le corps est abandonné à la pesanteur et

aucun mouvement» des bras etides,jambes netpeut/venh\agir

comme.protecteur ? én : ambrtissantrle choc- Nousiavonsieu en

particulier deux'malades qui' se' sont' fait en tombant;dans'des

accès;* des'plaies) considérables du. cuir, chevelu, ! nous-. les pren-

drons ip6ur-exeiùples : 8 notsn9j .ci 19-iugam s ti-(Bifo Tntzs32 ut,

,zetrpiaols t9 291tpIIIW 2911'TJQ par tIF,flti5(1 a9fITAtTI-frl ton

dix-huit ans, épileptique, hémiplégie spasmodique infan-

dje. Cette malade a un" accès le 10 ja.nviei'1893, ati sôir ? ellé to"m"])"e

a la renverse. Sur, la droite, on voit une énorme plaie de forme

longitudinale allantljûsqit'àr'l'épicrârië; fétëndûeobliquemëîtt'én

bas èÈ9ën de'dâîis pôurrabôûtiè à lâ Pprotûbérâtice occipitale' eatérne

qùiF'est dénudée/ Les bords de 'lalplaie,'sitrtout l'interne^sont", dé-

collés : 'L'hémorragie.est abondante ; t au;sortiriade son .paroxysme

la malade ne'sent : -aucune douleur, elle^ne s'aperçoit de sa blessure

que.par la vuede son .sang. Nous ^examinons environ uneheure après

l'accidentée, lavage de la, plaie,, son, examen soigneux ne réveillent

aucune* douleur ; la malade rieuse' plaint même pas quand on soulève

les ièvre s lâ@, s 0 1,,io n'de a continuité par laver les parties décollées'.

LVôüsTfài'sôilsliûit pôints dé sùtûré^au criti dé llorencé, la malade

ne piq-ûies'de l'ai -uille 1 'dé

Re v 0 iiecessitei-

dans'les grandes foporations quelques ' inHalations de chloroforme.

364 Mie c PHYSIOLOGIE 1 PATHOLOGIQUE, 30

Ellene,serplaintnullement3etpendantttout ce, temps. cause avec

nous comme si elle ne sentait absolument rieulde, ce que nous,lui

faisons.;Pansement iodoformé,laisséseptr,jours en·place;iréunion

par,première,intention : uof 9dmB(, ernfei si ub9vikhi ob s·tuiosu3 sa

"^Brochf..1, vingt-deux4 ans, épileptique.' Tombe a la renverse le

17Fjânviéi^4893 âû"soit dansôunraccès"ii'éplepsfeEle`s9tfàitûn'é

plaie profodé, et contüsè à drôite üe·lâ,protûbe,éànce occipitalé ? ? L' tnT ? t ? t ? T " ... ? ? tf ?

externe et un peu en haut : L'abcès termmeelle se relève* ne sacliànt

pâs`'qu'ëlle''éstblês"séè : ' Ellërhërs'eh'raperçoit'quë lorsqu'elle yoit'du

sang. Deux' eures après l'accidenfnous' lâvoyons'et"n6'us''cqnsta

tons ûnéPplàie ,1contusé*iï bôrds°déchiqüetés''de''fot~mérétôilé'é ? ·'én

.. j -i t ,lnor<ia...',n .^n «1. inrt ? ^ n ? >T ? i tg ? nilfi

brisure de vitre. Les cheveux étaient en partie colles par le magma

sanguin, quelques mèches arrachées avaient pénétré dans la plaie.

1,1' T'<-rPii -,> ? t tg(., , ntt4,(l,-ft.. 4,1 ntm 3,0" ,<',> i a

Ceci nécessitait uii'lon-' et minutieux nettoyage que la malade a

subi'sans paraître souffrir le m-oindremeiit, etJsansproférer une

plaià(e.lPansemt iodoforiiié'ans-sutui,esFquella'laieïcdiitus ? ii6

permettaitrpasa Guérisoüaldoiloq eb 9-idniom nu ammoa tif-cil

-un 89lduoil asb 39èJàqèi asiuian-il aga 3nBb s y li'a [OVE3 eb

nt,Onwoitrpari çesj;de^xj;exemplesj3ojnlH^

douleur.,est3 amoindri^ cliez,-cesjmalades..Ilj semble=quÎel,le : ait

presque complètementldispary, Nots, aj outeronsi encore il,ob-

servation de la malade Barth..., qui s'est ? fait,, cinq fractures

des deux os de la jambe pendant sa vie, dans des crises épilep-

tiques. Cette observation témoigne'encore plus que les précé-

dentes de la disparition de la sensibilité à la douleur. , z

OUI- q <K',jM) ....p.mlmnO Uur .q ? 8 ? .9'ibri90

Bartli ? Eli décembre 1890 : ,cette malàdé se Ft,ine fraeue de

, ? ? f<- ? btH' » ! . fllx,,Hlrîi ? .K ? n' ,1l ? UlUl,0 ?

la jambe, gauche, en, tombant dans un accès, Je tibiaietaitiracture

au tiers inférieur, le péroné au tiers supérieur. On fit la réduction

et l'appareflsplâtréf fut,appliqué. Lelendemainilabmladeiaÿait

enlevé son appareil, et a notre, arrivée, tenait son membre élevé,. Jar

.1 (9t, ,'rir "i.i.kI ? ? , 1 - 1 1. - U n otL d

jambe.pendant au niveau delà fracture. L appareil fu.reapp))q,ue

et la malade guent et reprit a marcher. En mai 1891,. nouvelle

c "~ ? 'Tri-, 'd, nl.·n.1`a. -i î .1 n nn oh ? rrf't ? f 9fiTi + f\*,P iIlOÏT* oh

fcâéEüre'I déUla meme aâlbe au° même ,niveau''dans une crise

épileptique (lâ mâlâdê'étaittë'inbéë dé sâhutéur)nCétieUféâètüêé

fut réduite et rapparéirplàtré'. appliqué,9 sans qu'elle parût ressentir

aucune, douteurd pendant ces manoeuvresi Cette, fractureoguérif

également et elle put marcher sans qu'on observât de raccourcisse-

ment notable. En mars 1892, -nouvelle fracture en tout semblable

...-,mI· 1 , , i W . -"<) ti I ·y117'$V ` ! J Ili Il : vl S. 1W 1151 ! Jl- W 1 .

aux précédentes. La malade ne semble pas souffrir pendant la e

L' M ? i ? ,- S,.1" ! ? ,,11 »M'lf|C ..i fA. f .,II^,,^1^^'l^l;^, ? îm ? )'f't

duction'etl application d un appareil plâtre. Elle a guerpavec' un

très'faible rMcourciss ? ment ? 8 ? ZsJSJEfiuo 9b$™1 8Bq

Quna re mois après, en -août J1892, : i'dans ! 'uiï âccèsjâcetlé 'femme'

tombé àaerré et se fracture la jambe encore au-mêm'e niveau ? iNous !

l'examinoms,réduisons latfracture'sàns quélailialade profère une

DE L'I\TO\ICATIONIDANS'·L'EPILf : PSIE. ilia

plainte. -On'-lui 'met linplûlré(etlëllelguéritlaveclun`raccourcissé'

mentide 2 centimètres ? Jnscrrlltozds Jii;lnsa en alla iF emmod eiion

iicenijanvierl 1 -893 tombant de'sa'hâùteur dâns un accès;'la malade

se fractura de nouveau la même jambe toujours' aux mêmes points :

Quand nous la voyons, elle tient son membre relevé, et balanceien

.. ajUi ? m ni 'i Jru ? )< ii,u,j. }.iUj .ui.« . j8 ? ai . -xxjo-'i I

ri,at,;saljàmh e,,fraçtuïéeo0n met un

11111 i. 4 *>lli'; .Oi.jjl.l.a.1 , w, j ...J «llx-x.. >' -J jix-JI x^xVxxxj ! i.

la nuit; le lendemain on. réduit de nouveau la fracture on remet ? j ! '));j ? a."t ? 1 ^x. ? ox~ ? 3 ? u U... u ,

l'appareil et elle, buérit"avéçatunracçouycissement,des31cënts

mètres. Ettifin le 4 avril`1893 ellé tombe de nouveau dans un.accès

tt't .'t ? tt.' 1 8 i,) .'Jl-(< ->,, j« tt ** ' i "4. ^.->...>^ *u- ...I J -1-

et se lait une 4 entorse, désarticulation tibio-tarsiennej droite avec

=.Ir.lt1 ,J)tà J vyt,, 1 t...,^il . ? m ^-i*iu

arrachement ,de,la. malléole : externe, et cependant (scr laisse exa-

M-, r I.JIHIJv/ rjll>l\'j J1n f t >U'/01 l-x lui ! V-> ' .LJLU.. UAJ)1L iJUtJ ^d* J'J

miner sans, paraître souffrirle moindrement... = i 0) ?

IDUl^iJlxx J1 . 1t <.v.'1LVJ Jlv ,x>n 4 l1J vtlJnbJJ xvxlj'jxxj 39t-x .91Jtt 9D 9tD31Yu

.91^.'n^l r(FÎS ·1'jj'tI9f1 1n.v ? 7 .P.Td.v.'T'fi; sfiflriAm -.qrjTifeit-n .7; ira rut ?

,. On, voit nuela,sensibiutetdouloureuse,etait profondément

b Î.-1,' ,lx ' ? ^jjp ? ^w(ojj 'u i^vi ? u»t ^"'1' ? profondément

modiueei0chezncette maadepuisqueHeenieYa.tsp pparen

pAt6t, soulevait- soli membre, fractuir, qu,elle, balançait;,en

riant, comme un membre de polichinelle.Jaserait intéressant

de savoir s'il y a dans ces fractures répétées des troubles nu-

tritifs'-se ! traduisant7 pari dés m'ôdificâtions-dâns la^ composition

chimique^de l'os1 et du^col ? Nous'avons^aitt'analyser5 les' tissus

osséx'et, celui : 'du'cal(dans'êé cas ? onîeriiverra1 le'résultatldans

le' tableau ci- : dessous : 9*8 iuP ? ctlrs sbstsrll si sb uoiJi5vi9P

- qaifqo 398na 396 zrlcb ,91v sa Insbnaq sdm £ J,i3Ï eb 30 Yuab -Ob

- 9092q aol eun aulq sZOPu ? NT ? GESIOifr,VT92(10 s,fi9 .goupil

, .in9luùb 165,4 pt1100a92 f' 9 nottiq 10f25 p 100

Cendres 65,4 p. 100 Cendres....... 64,25 p. 100

Matières organiques. 3+,Gbsibat ,. Matières organiques. -,35,75,

Pnosphate dehaux.' '59 2 - 'Plispliâté `dé'châûi. 58,2511ba

C - 1 --l t, 1, C 9 nu zrlr Garbunae ·· dé , `èhauz. ... ,,b. 9,09 ? f s(

nollsubai .61 iii a0 .lrlsl'T9(jIl2 zsü UB enoiaq 91 lli,9l-lglLlà sieil ob £

^Mais il est difficilè de conclured âprès une observation isolée ?

l t ? 1 .n i ,r ? r< n ? t,r nt l'T't'T'' c ? tnf tn ( ffirtp 1 ,'r 4 Inn

Userait a désirer que, dans tous les , cas analogues, 1 analyse

',«,nri.io«H ? i ! i'pi ? iMii1s ;<')<. )b tl Hl1 uti'Wtt) ,Jilb.Ir.Jlr, . 11·[

chimique tut laite; alors seulement, on pourrait.savoirs li-y a

,'H8VU ? <t".f t e )) e e x, Jf'A ? r ,> av9'r, F-1 le

des a ns a t e s dé ec '1 , lé t

des, modmcations .constantes ,de.ce cote .chez- les .épueptiques.

'e.ti Jiltf GIJY1/ OC 1J./ll Aiiti L ttit tttjt" .tt ? rj.l ? t

Les lu nse ne, ^chez^-nos

malades pourtobtenir ,duzsangiavec3la', plonsée 1 dans

laweine;mous ontsprouvéraussirque l £ Sensblll 6 eta it,ides-

plus 0 tuses.9 V«198 0 no imip aujse srl.7sm Jrrq slls E) 8 ngm5ls-5

atTr'dr ? ';">' f,r. *.f>,vi\ «iiivi ? i"f'i>.' e ? nP y.-f>» ? <n 'nor*.

. La nutrition oeMem/e dans 1 epilepsie reste ordinairement

"" > IfiFrt(19 ro(Fr (1(i iiiinsi' 1 )~IHfU· 1 ,·111 : ^n;f : ·. t ,An

longtemps satisiaisante, mais après des séries d'accès il n'est

il #m SJL-y 'j ? 4 1 .Jl.·,bllA .1·)'i,/t,b ii *i\t.7 1 ! W ? J9 tj.t e

pas rare de constater un amaigrissement, raplde et, amaigris-^

sèment est des, plus manifestes à la sujtedesétatsde;mal.0n a

signaléj aussi la,,présencederstries.surtles ongles à-la'suite de

sérieslparoxystiques : Ces stries sont dues à l'arrêt de développe-

366 Ï-À PHYSIOLOGIE 'PATHOLOGIQUE. 11

ment de'ces'organes'pendant'les manifestations ? épileptiques !

"9 Dés'eschares peuvent naître aiabont'de`vinât-quatrexheure's

à la°.suite'd'accès' également'épileptlques ! Cés troublés nutritifs

apparaissent surtout'dans l'état demal.11 La' cicatisàti-ow des

plaies est suspendue aussi pendant ce temps.'Ce n'est que lorsque

l'éliminatiori detoxinelà'eütlieulque la·réparation·s'effectue :

Enfin indépendamment des lésions que nous avons lol)servéà-s

dans'le sang -dé ces' malades et'dont nousr relatons les' obser

valions dans une autre-,partie de ce travail ? nous devons^dire'que

les auteurstontsignaléla diminution''de laproportion-d'héino-

globine etv une] altération des globules rôuges;'ilssoüt ! sphé=

riques-et paraissent'plus'petits ! 'que les globules discoïde;'ordi-

iiairesl ? En même^temps "que. l'on'constate cette altérabilité 'des

globules* rouges;' on siânalèll'apparition'dungrand nombrérde

globulins ôu'hématoblastes (H.iyém) 9n fi-liti juna aoli6monbliq

«1t ? t- 7 ? A fn'm.tfDia' r 9 ! 9tTSV iup sfiub 9(ii> ifiBh

7 ? 'OM6<es se M Naro/e ? Quand on, examlne ,un ^'rana

8,'W v, r.W 1 (;t· r : )lt .nh.Î9...Ar,m r' i dutuiA 1 v ,3.a.a1 ..

nombre,d'épÿleptiques,qul,vLen ent,d'awoiG des, accès eonvut-

sus ou bien 'dont, l'affection éstdéjâ âvdnééé,, oiilest3frappé

1 ,ait ? 7't ^lellj , , o*j, G ? iix .oxlx . - -- À tt^.jl, «|J.. J.- i z

par certains,troubles, de la parole, qui peuvent-jpèmel dan

xio-v ? ii'.m 'l - lu..a 11 c^xx ? ^i^o.i 4 1, ,x,f. ,i(,. ? i ? q

quelques cas aller iusqu l'apliasie complète mais.temporaire.

tr · ' : .) i r PL, JM1 ^ r u-.dlHr,' . j w le (juxwli tn . 1 a ! r JvJ

Ces troubles du langage ont déjà,été mentionnes dans 1 en- ? , * "1) /.) 1)r.fl1>Ab5"' Clli 1 " ! 1 wi'i,xm ? U',M ? i ...x/

semble par plusieurs auteurs et notamment par M. Fere'Leur

.inill'l. l. >. K' 71 ...t ? U ? \ 1·4w7·s ? iJv m 1...llJ...w.

intensité et, leur durée sont très variables. On,.peut dire cepen-

dant qu ils, apparaissent d abord, après 1 1 accès, épileptique,, et

ni ? ? f ? t' "'f; '))tmj<t-.«t tj , -'tu u xi&ix'.jxvr .1 ittt

qu ils sont d autant plus marqués et prolongés que les accès, ont

.,toi t, i : r7arlsrer f ? irl;1 : ,11W u , Ja.ae ? 1 t ? ... a

été plus intenses et plus.prononcés ? ^ ? 6màffi s71ov fMB0,

, Au moindre degré, on observe après le paroxysme un cer-

tain'embarras'de,la parole; les, malades parlent lentement et

lêur 7rrorinciâtlôn est'irré'ülièré" et traiiiante. M. Cloustau

**A * f nf l . rtT\ ! î ,nl Trra,0r-rnitr- p ar A ;1 ( " : 11 tht't.'ttt ? %

rapporte des cas dans lesquels les phrases étaient interrompues

' ? 11, irl-1 1 u t, Ir .' ? . ) rrlv a , 'la. t .11 - 1

par une5 sorte de'hoquet qu'il attribue une hyperkinésie du

1 1 ? 1 1 ditl-1 1 -s 'ë - tl)t - luiluirykakl ni

spinal par congestion permanente du bulbe. , : '

,r ,Ir ? ... ° ,i -j"'ir' r....» ····r Jr trfl9 ! ! nIT ? l', x ? O

Lorsque ces troubles du langage sont plus .accentues, ils

,.<...-. 'r .11(1,1,111 tl< ,l> "5 .q a·algn r.l i·r° 4r -ta (lrH·v 't·7r 1

peuvent se, prolonger beaucoup plus ;-au lieu de disparaître au

bout de quelques minutes ou de quelques heures, .ils persis-

't't"' 'J"'f ) 1 1, 'l -1 ""TT'' a ? J". i ait Jij

tent pendant plusieurs, jours. Non seulement la prononciation ? t' 1 ' n. l'-i -x'i"9 ,vr,f -, m 5-1 ? ir . Il, 1,111 ,' y1 a Imr43,a t vr

est tente et hésitée, les phrases entrecoupées, mais encore les

1 ? vt ? ov.o.r ''V"-1 ? 1 ;2 1 A DP t);, ? ,H ? P.,1,1H1

mots eux-mêmes restent inachevés et souvent, inintelligibles.

-x, ? r-ff.. r ? . frf -« i, xtf 'u ? ? Jr, tlj ? 111 rill,( .-jlttliii

Ces phénomènes semblent relever a la fois de 1 amnésie ver-

nië iiiri iibn91qmoo truui mai yLr tln-d ;ilr>s'r,ul .,rml>1VlJÜtI

'jy'' ,. P, , , (. Léséilépsies`ét lés`éiletiques,tp 1 î2 "l'io. »9, rio'op

13 Féré. Lsve-pi ile"psie'sqét' lës'répil-ept-ique4s, p. 172 et suivantes. r

DE L'INTOXICATION. DANS L'ÉPILEPSIE. 367

bale ? de.l'incoordination des;mouvements de,la langue et de

latrémulation : des.lèvres,qui,sont.lentement rapprochées et

propulsées en avant pour la prononciation de chaque mot. Tout

cet ensemblejpourrait faire penser à la, paralysie, générale qu'il

rappelle bien un peu à certains égards,- toutefois il,n'y, a géné-

ralement : pas.de.ces contractions fibrillaires si nettes.chez,les

paralvtiqueso généraux. t, ,(UiM e»u , < x i ,f .iil, i

- 1,1gus)verrons toutj)à)-l'heure quef-ces troubles peuvent^ la

longue, s'accentuer, de plusten-plus, ne pas disparaître complè-

teintent d'une, période àja-suivante'et finalement devenir per-

manents.. Lorsqué,.les accès; sont rares, et;, peu violents', le

trouble,de,la parole;est très faible et très fugace,il dureà peine

quelques instants : -Ordinairement,, dans (les cas, que, l'on peut

considérer comme.moyens,parr,l'intensité et la fréquence^ ces

phénomènes sont bien nets et, peuvent être sappréciablesi pen-

dant une durée qui varie de quelques, minutes à trois quarts

'd;lîéùre ëunuriëhélre.'Lorjlque ceŸétât persiste plusieurs'jours,

c est qué les accès se sont repetes de' courts intervalles 'et 'en

nombre déjà assez considérable. Mais^les choses peuvent aller

plus loin, lorsque les paroxysmes se sont succédé' rapidement

ét'surtout'quànd'il''v''a''eù de grandes séries ou un état de mal ? ) .. ' -, t. - ...0 tnn .· ? < rr oq)-.r ? t

avec accès subintrants.il n est pas très rare alors de voir se e

produire une véritable aphasie post-épileptique. Cette' aphasie é

n'est'pas'définitive, elle'n'est que temporaire et sa durée n'a

rien' de fixe bleîl9qû'ellërsôit proportionnelle à l'intensité et au

" -rr. t ? », ,-o»,i lnan S. , ..lift. <>, Ml Ip nt,W ]',t}tL. ., ttm

îrmlü'ê 'dës âcès ; elle varie dé 1 quelquesl41eures a plusieurs

jours, voire même plusieurs semaines. ,

- Ir- fqf-naYn'fi al y·.r. av9 10 n . t ? C' Jtj"(t' 'A1

, Le plus souvent ce n est que.de ,1 aphasie, pure, et simple.

Mais si. Ion vient a étudier ces malades d un peu près,, on

>i,ni»ir(p. »..... c.'oni ? -,... ? "...... ? 1" , ^ 1 * : i ff

s aperçoit bientôt qu'lis se retournent lorsque 1 on lait.du.bruit

dans la salle. Si l'on parle.devant eux, ils suivent les gestes et

la physionomie, mais il est impossible^ de communiquer avec

eux. Ils ne peuvent lire"une 1 phrase ,éritë;iet cependant ils

'regardent la; feuille de papier. Ils.,suivent des yeux, les lignes

qui 'y's6nt"tracées ? màis sans'résultat; parce que l'audition ,et

la vision des mots sont abolies ou plutôt, suspendues..Mettez

f'f)t')''tt'i't<t ' i -f.,o '.) ? ni/ ? )''i n 4 p.. ,.u....

,un crayon entre les mains de ces malades en les priant d écrire

'leur'nom* ils en sont incapables; ils' /vous, regardent longue-

vrll..· f;r. ! (rlltf tt"t'f)tt )'4 .V4s v I.t "1`,n ·1 .. \- ; ? »

ment puis portent les veux sur le papier et ainsi d,e,s,ûite;llter- ? -.' mi'iu M). . 11 ' `t4r 1 1' ? H" "' " '" " ' " ? - z

llâtivëment. >Jssaie-t-on de leur faire comprendre par signes

qu'on les prie d'écrire, ils,se mettent , en 1 devoir d'exécuter

868 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

l'ordre, mais ils demeurent la main suspendue, indécis, comme

s'ils essayaient de réunir au prix de grands efforts des souve-

nirs confus. Enfin, ils forment lentement une lettre quelconque

d'une main hésitante et à traits tremblés, puis ils continuent

en traçant des jambages, de traits, des lignes dépourvues de

toute signification et finissent par s'arrêter comme fatigués de

cet effort.

Cette aphasie s'accompagne en général de troubles moteurs

du côté droit, troubles moteurs qui peuvent, comme nous

l'avons déjà dit, revêtir la forme d'une hémiplégie également

passagère, mais elle peut aussi se montrer sans qu'il y ait une

parésie ou une paralysie prédominante du côté droit du corps.

Enfin, dans quelques, cas l'aphasie peut se prolonger assez

longtemps comme dans celui que nous rapportons ici.

Observation. Vaud... dix-neuf ans, épilepsie.

Antécédents héréditaires. Père alcoolique, emporté. Mère morte

tuberculeuse. Soeur de la malade a des secousses nerveuses. Un

frère est mort de convulsions à sept ans.

Antécédents personnels. A marché et a parlé de bonne heure.

Convulsions au moment de la dentition. Les accès ont paru ensuite.

A onze ans et demi sait bien lire et écrire. Les accès augmentent;

elle a une série après laquelle elle est presque démente. La série

terminée, elle recouvre son intelligence, mais pas intégralement.

Un an après^en 1886, à la suite de nombreuses attaques, elle a pré-

senté une première fois de l'aphasie. En 1888 elle va mieux. La

parole qui avait été embarrassée et lente, tend à devenir normale.

En 1893 pendant le mois de février, elle a 238 accès. A partir du

15 février elle est aphasique et hémiplégique du côté droit; dans

ses attaques le côté gauche se contracte en flexion, le côté droit en

extension. La tête et les yeux sont déviés à droite; puis le côté

droit se contracte à son tour en flexion. Cette contracture disparaît

bientôt de ce même côté, puis du gauche. La malade a quelques

convulsions cloniques,à gauche surtout, puis entre dans le stertor.

Quand on essaie de la faire marcher, elle traîne la jambe droite

qu'elle ne peut détacher de terre et frappe le sol du pied gauche

à chaque pas. Celte hémiplégie et cette aphasie se prolongent

jusqu'au 15 mars et disparaissent progressivement.

Comme on le voit chez cette malade, l'aphasie était accom-

pagnée d'hémiplégie du côté droit. Les deux phénomènes après

avoir duré plusieurs semaines ont progressivement et complè-

tement disparu, puisque cette jeune fille peut aujourd'hui tra-

DE l'intoxication DANS. L'ÉPILEPSIE. 369

dire : .qu'elle. : a conser.vé quelque,lenteur,dans l'expression par

la,parole,et-que sa prononciation ! est encore un peu traînante.

Nous,verrons plus tard, quelle peut être- la pathogénie de ces

états passagers, maistil nousjest permis de;nous demander dès

maintenant, quelle peut être la cause, immédiate de, ces acci-

dents. ' ? z

. On,ne;peut)évidemment pas,songer,ici à une,lésion complète

définitive,du centre dulangage.puisque le phénomène n'est que

passager. Du^reste les autopsies n'ont, jamais montré, la, trace

de lésions anciennes ou récentes àjce niveau. Cependant cette

aphasie 'ne^diffère de, l'apllasie, ordinarrerdont, la lésion 'est

connue. que par son ,évolution : , Il' est : probable ou .en,tout)cas

très admissible que-ces,.troubles passagers, puissent être dus à

une simple congestion momentanée. On sait en effet que la

congestion peut, s'accompagner, des mêmes symptômes que

l'on constate dans les lésions des diversas artiesdu s stème

nerveux.-Nous ayons encore présent a la mémoire le souvenir

d'une malade que plusieurs médecins, et nous-mêmes avions

examinée ;, dans. ce, cas difficile les avis, étaient partagés, mais

nous avions tous, fini par tomber, d'accord sur'ce point, qu'il

devait y avoir des productions tuberculeuses, granuliques dissé-

minées sur les méninges rachidiennes au début, et ayant secon-

dairement''envahi les méninges crâniennes. ' ? ? `

- Or l'autopsie nous-amenait peu* de jours après à''constater

qu'il"n'y avait là que de la congestion, les lésions tuberculeuses

ayant porté seulement sur les organes thoraciques et abdomi-

naux" J ? ', ? ? ''> ? ' *" -

naux. .t ? , . - .

et'Là encore, la congestion avait donc déterminé les symptômes

qûél'oü,àttrib`uè comniuiémentët avec justesse à des lésions.

Peut-être des lésions auraient-elles fini, par se, produire si les

choses, avaient p'lus',Ionotei-nps. , ? u , <«.. h , ,

nA côté.de cettei aphasie nous-devons placer la'paralysie qui

a' été* signalée (chez certains sujets épileptiques. Al. Féré rap-

porte ainsi- les cas observés par'Forbes Winslow1,"et'Moreau

(de Tours) 2.'Tissot3 rapporte aussi un cas'd'âphasie transitoire

sans agraphie chez un épileptique. 'te-et 1. - à

Quant au zézaiement, au bégaiement et autres défauts de

- muta" tfAd : 7 ;i|PaiIi(« 1 ·ch·llltrfif »"'» ? > ! >¥ dj i-.c .l'm.ii"» ? `.i rorbes' Winslôv : '缭 Obscure diseàses 'of <Ae brain and niind, p. 510.

- 2rnlorcau (de -Tours). - Gaz^des hôpitaux, t8S4 ? tf ? <; fl'inb n-"1 ? 3,Tissot ? OEuvres complètes, édition 1874, t. XII, p. 128 ? t f,. ,

Archives, t. XXIX. 24

/

370 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

prononciation, ils sont toujours exagérés après les crises épi-

leptiques.

Féré ' a démontré à l'aide du glosso-dynamètre, modification

dusphygmomètre de M. Blocli, que ces troubles du langage sont

en grande partie dus à des troubles de la motilité de la langue.

Nous disions en commençant cette rapide étude des troubles

du langage, qu'ils apparaissaient d'abord après les accès. En

effet, au début ce sont des phénomènes passagers ; après chaque

paroxysme ou chaque série ils vont en s'atténuant ou dispa-

raissent pour surgir de nouveau après la série suivante; mais

à la longue il n'y a plus de disparition, mais seulement dimi-

nution, simple atténuation et bientôt ils deviennent persistants

d'une manière définitive. A côté des troubles temporaires de

la parole, il faut donc placer les troubles permanents ; ce sont

du reste les mêmes qui ont fini par s'établir progressivement,

d'une façon irrémédiable. Peut-être y a-t-il des lésions, mais

jusqu'ici elles nous ont échappé.

Les malades qui sont arrivés à ce point sont déjà tombés

dans la démence épileptique le plus souvent ou tout au moins

ils n'en sont pas très éloignés. Ils ont une façon de parler toute

particulière. La moindre réponse semble leur demander un

travail considérable qui n'aboutit d'ailleurs pas toujours à un

résultat. Ils s'approchent de vous, vous regardent avec une

expression bizarre comme s'ils allaient vous confier dans leur

réponse un secret important. On dirait qu'ils essaient de ras-

sembler, de coordonner des souvenirs vagues et confus au

prix de grands efforts. En même temps, ils rapprochent les

lèvres, les portent en avant avec lenteur et les entr'ouvrent

comme pour chuchoter quelque chose ou prononcer un mot

difticile. L'expiration lente et prolongée qui se fait pendant ce

temps produit le bruit du soufflet entre les dénis serrées. On

croit qu'ils vont enfin parler ! puis ils font un mouvement de

déglutition et recommencent comme précédemment. Parfois,

tout se borne à ces efforts sans aucun résultat; pas un'son arti-

culé n'est émis, ou bien il y a prononciation lente et prolongée

d'une syllabe dénuée de sens. Quand ils arrivent enfin à dire

quelques mots, il leur faut un temps considérable. Chaque

syllabe est longuement prononcée avec ou sans saccades. C'est,

en général, sur le premier mot ou la première syllabe que se fait

1 Féré. Note sur l'exploration de la langue. Comptes rendus. Société

de Biologie, 1889, p. 278.

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 371

la pause la plus longue, comme s'ils cherchaient la suite de ce

qu'ils doivent dire. Très souvent la phrase reste inachevée et

privée de sens malgré leurs efforts. En somme, il semble qu'il

y ait chez eux à la fois des troubles moteurs du côté des or-

ganes de la phonation et de la confusion mentale.

Troubles de la H ! o< ! 7<<e. Des troubles divers de la moti-

lité plus ou moins graves, plus ou moins durables, peuvent

aussi se manifester consécutivement aux accès épileptiques.

Ici, comme pour les troubles de la parole, nous verrons des

phénomènes passagers d'abord, peu accentués et fugaces, aug-

mentant lentement d'une façon irrégulière et comme par

poussées successives, pour devenir enfin définitifs et perma-

nents.

M. Ch. Féré a mis en évidence les troubles moteurs que

l'on voit apparaître du côté de la langue après les accès. Avec

le glosso-dynamomètre il a pu mesurer le degré de résistance

des muscles linguaux et ces recherches prouvent que cette

résistance est nulle ou notablement diminuée après les pa-

roxysmes épileptiques. Cela jouerait un rôle important dans

les troubles de la parole.

M. Beevor a signalé aussi la déviation conjuguée de la tête

et des yeux du côté opposé à celui où les convulsions ont été

prédominantes. Enfin, d'après Sée et plusieurs auteurs, le

nystagmus est plus fréquent qu'on ne le pense après les accès

épileptiques. On a signalé également des strabismes passagers.

Mais ce qui nous a surtout frappé c'est l'hémiplégie avec ou

sans aphasie qui peut survenir dans les accès nombreux et

répétés et surtout la marche et l'évolution postérieure de ces

accidents dont nous avons déjà dit un mot sommaire un peu

plus haut.

L'hémiplégie qui n'est pas extrêmement rare, se produit

généralement pendant une série d'accès, dans un état de mal

le plus souvent. Elle a déjà été signalée par les auteurs ; dans

un cas nous l'avons vue persister pendant un mois et demi ; il

est vrai que dans ce cas l'état de mal a duré lui-même à peu

près un mois. D'autres fois elle ne dure que quelques jours.

Mais le plus surprenant, c'est qu'à l'autopsie, comme nous

avons pu nous en convaincre, on ne retrouve pas la moindre

trace anatomique de cet accident; pas de points ramollis,

jamais de foyers hémorragiques anciens ou récents. On est

d'ailleurs, nous semble-t-il; obligé d'admettre que cette hémi-

372 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

plégie doit être d'origine corticale et due à un trouble dyna-

mogénique des cellules de l'écorce ou à des lésions microsco-

piques inflammatoires de ces mêmes cellules. Voici d'ailleurs

trois observations dont nous rapportons quelques passages

relatifs à ce sujet :

Vaud..., dix-neuf ans (déjà citée dans ce travail).

Eu février 1893, elle a 238 accès épileptiques ; elle reste en état

de mal avec forte élévation de température pendant tout ce mois.

Au cours de cet état de mal elle devient hémiplégique droite et

aphasique.

Le côté hémiplégie est complètement flasque, mais il prend

part aux convulsions comme le gauche dans les accès.

Le 10 mars les accès se sont espacés et la température est des-

cendue à 370,8, le bras a retrouvé presque tous ses mouvements

et presque toute sa force, la jambe seule reste atteinte.

A partir du 15 mars elle marche en traînant la jambe, puis tout

disparaît à peu près. Depuis un mois environ la démarche est un

peu spasmodique surtout du côté droit ; la pointe du pied ne se

détache pas du sol et la progression est un peu sautillante ; toutefois

ces symptômes sont très peu marqués.

Le 20 janvier 1894, nous examinons de nouveau cette malade au

lit. Il y a un peu de raideur des membres inférieurs, les cuisses

sont rapprochées, les genoux se touchent et les pieds étendus ont

la pointe tournée en dedans. Les mouvements voulus se font assez

bien. Au palper, on ne trouve pas d'atrophie musculaire, pas de

réaction de dégénérescence à l'excitation électrique, mais dès qu'on

touche la malade la contracture spasmodique s'accuse notable-

ment. Les réflexes patellaires sont très exagérés. Trépidation épi-

leptoïde des deux côtés.

La sensibilité cutanée est obtuse mais conservée sur toute la

surface du corps. Les réflexes plantaires sont affaiblis; les membres

supérieurs ne paraissent pas très atteints. Pas de mouvements

athétosiques, pas de raideur. Il y a seulement exagération des

réflexes tendineux. La physionomie est empreinte d'hébétude et

de tristesse. Les deux pupilles sont égales et réagissent norma-

lement ; il n'y a pas de nystagmus. Les mouvements de la langue

se font bien mais avec lenteur. Pas de troubles de la déglutition.

L'obtusion intellectuelle est déjà avancée; la malade traîne sur les

mots, quelques-unscependant sont prononcés très vite; elle semble

réfléchir longuement avant de répondre; les mots sont mal pro-

noncés et parfois employés les uns pour les autres : j'ai dix-neuf

sous au lieu de dix-neuf ans; cependant l'intonation persiste.

Cir..., vingt-six ans. Epilepsie.

Antécédents héréditaires. Père mort de la variole à quarante

DE l'intoxication dans l'épilepsie. 373

ans, alcoolique. Mère, bien portante, eut des frayeurs pendant sa

grossesse. Cette enfant fut conçue pendant l'ivresse du père. Ac-

couchement normal à terme.

Antécédents personnels. Convulsions à dix-huit mois. Vertiges

épileptiques à six ans. A partir de neuf ans, elle a des accès. Dans

une série de crises elle eut une hémiplégie gauche qui se modifie

rapidement ensuite tout en laissant ce côté plus faible. Dans la

période clonique les mouvements sont plus marqués à gauche qu'à

droite.

Depuis 1890, la malade traîne la jambe en marchant. Vers la

fin de 1892, elle a commencé à avoir nettement le démarche spas-

modique. En 1893, la marche se fait par des petits pas sautillants,

les jambes restant raides; il semble qu'elle va tomber en avant.

Examinée à son lit, en janvier 1894, elle a les jambes spasmodi-

quement contractées en extension, les cuisses sont rapprochées

les genoux en contact, les pieds un peu étendus et la pointe tournée

en dedans. Cette raideur diminue sans disparaître dans certains

mouvements voulus, mais dès qu'on l'examine et qu'on la touche,

la contracture spasmodique s'exagère.

Les réflexes rotuliens sont très exagérés, il y a de la trépidation

épileploïde et quelquefois un tremblement continuel qui se géné-

ralise. Pas d'atrophie musculaire. La sensibilité est diminuée, les

réflexes plantaires n'existent pour ainsi dire pas.

Les muscles supérieurs sont également raides surtout quand on

les touche; les réflexes tendineux sont aussi exagérés. Quand on

lui demande d'exécuter un mouvement donné, elle le fait, mais

accompagné d'une série d'autres qui ne paraissent avoir aucun but.

La motilité de la langue n'est guère gênée. Pas de trouble de la

déglutition, pas de nystagmus; les pupilles réagissent bien. De

temps en temps, il y a du rire spasmodique. L'intelligence est très

atteinte. La malade semble réfléchir longtemps avant de répondre.

La parole est hésitante; les mots sont traînés par syllabes et mal

prononcés, puis soudain elle dit deux ou trois mots très vite comme

mue par la détente d'un ressort. L'intonation a presque complète-

ment disparu.

Mart..., vingt-six ans. Epilepsie.

Antécédents héréditaires. Mère très nerveuse, pas d'autres

renseignements, accouchement normal à terme.

Antécédents personnels.- Rien jusqu'à douze ans, pas de convul-

sions de l'enfance. Première crise épileptique à douze ans après, avoir

eu peur d'un homme ivre. A la suite de cet accès elle fit unefugue;

depuis les attaques n'ont fait qu'augmenter en nombre et en inten-

sité. En 1891 vers le mois de décembre, cette malade en état de

mal est frappée d'hémiplégie droite avec aphasie passagère. Cet,

374 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

état dura à peu près quinze jours; les accès disparus, les troubles

de la parole s'amendèrent etvers le 10 janvier 1892, e lie commença

à marcher seule, mais en traînant la jambe, puis tout disparut

à peu près. Quelques mois après, cette malade présentait de la

démarche spasmodique; les réflexes tendineux étaient exagérés et

on constatait déjà un peu de raideur spsasmodique. Depuis cette

époque tous ces symptômes se sont aggravés. Enfin, depuis le mois

de septembre 1893, la rigidité est devenue telle que la malade doit

rester au lit, ne pouvant plus marcher, ni se tenir debout ou assise.

En octobre 1893 elle fit un ictère très intense de cause indéter-

minée. Depuis quelques mois elle était gâteuse.

En janvier 1894 examinée à son lit, la malade a une attitude

spéciale : les muscles inférieurs sont complètement rigides, les

cuisses en adduction forcée, les jambes en extension, les pieds en

pieds bots varus équin. Cette rigidité est presque invariable. On

peut parfois fléchir le genou et constater une exagération considé-

rable des réflexes rotuliens. Quand on fait mouvoir progressivement

les membres inférieurs, cette rigidité extrême disparaît peu à peu

pour reparaître avec la même intensité aussitôt qu'on les abandonne.

Les muscles du tronc sont également contracturés ainsi que ceux

de l'abdomen. Les membres supérieurs sont moins atteints, ils

sont cependant raides; les avant-bras sont en demi-flexion, les

poignets tantôt étendus, tantôt fortement fléchis ; les doigts se pla-

cent en extension forcée dans des positions bizarres et variables.

Cette extension est telle que la phalange des index commence à

se luxer sur le métacarpien.

Le réflexe olécranien est aussi exagéré; la sensibilité est obtuse

mais persiste. Quant à l'expression par la parole, elle est réduite à

son minimum. La malade prononce très mal les quelques mots

oui, non, monsieur, qui restent encore à sa disposition. Il y a de

temps en temps du spasme laryngé avec inspiration bruyante et

rauque ; notons encore du rire spasmodique -à certains moments.

La déchéance intectuelle est complète chez cette malade qui est

actuellement tout à fait démente.

Ainsi voilà trois malades qui ont été atteintes d'hémiplégie

de la même façon à des époques différentes et qui en sont à des

degrés divers de leur évolution. '

Au début l'hémiplégie est complète, mais les mouvements-

convulsifs se produisent cependant du côté atteint. Cet état est

d'une durée variable; ensuite il rétrocède progressivement lais-

sant seulement de la faiblesse musculaire de ce côté et parfois-

même rien ne persiste; puis au bout d'un certain temps la

marche devient irrégulière. Les malades traînent la jambe et

ne peuvent détacher le pied du sol; ils ont la démarche spas--

DE l'intoxication dans l'épilepsie. 375

modique, plus accusée du côté qui fut pris. Vient-on à recher-

cher des réflexes ? Tous sont déjà exagérés, sauf toutefois les

réflexes plantaires. C'est qu'en effet chez les épileptiques la sen-

sibilité devient de plus en plus obtuse comme nous l'avons dit.

Lorsqu'on examine ces malades au lit, on leur trouve les

jambes raides légèrement atteintes de contraction spasmodique

et cette contraction augmente dès qu'on les touche. Les

membres inférieurs sont étendus, les cuisses en adduction,

les genoux sont en contact et les jambes divergent un peu; les

pieds sont étendus et commencent à esquisser l'aspect de varus

équin. On trouve un peu de trépidation épileptoïde des deux

côtés. Les membres supérieurs ne sont pas encore atteints,

mais les réflexes tendineux y sont déjà quelque peu exagérés.

L'intelligence est passablement atteinte; l'idéation est lente

et paresseuse ; les malades ont l'air abruti. Ils ne trouvent plus

leurs mots et répondent avec difficulté employant quelquefois

un mot pour un autre. La parole est traînante et hésitée, la

prononciation défectueuse, mais cependant l'intonation y est

encore; c'est ce que nous avons dit dans l'observation de Vaud...

Plus tard tous ces phénomènes s'accusent de plus en plus, mais

non d'une façon régulièrement progressive; il semble que les

choses marchent par saccades sous l'influence de nouveaux

accès en séries surtout ou d'un nouvel état de mal, comme

d'ailleurs la démence épileptique simple. La démarche est

scintillante, les pieds traînants sur le sol sans que la pointe s'en

détache et les malades progressent à petits pas précipités et

les jambes raides. Au lit les cuisses sont rapprochées par la

contracture spasmodique des adducteurs, les genoux se touchent,

les pieds sont en varus équin bien net. Les réflexes tendineux

sont considérablement augmentés même aux nombres supé2

rieurs : il y a de la trépidation épileptoïde bien accusée. Les

bras moins pris toujours que les jambes sont contractés en demi-

flexion. L'intelligence est tombée bien au-dessous de ce que

nous disions tout à l'heure; ces malades marchent vers la

démence épileptique. L'intonation de la parole persiste encore

un peu, mais les réponses sont traînées syllabe par syllabe,

puis soudain deux ou trois mots partent brusquement pronon-

cés et cela très vite, comme sous l'influence d'un ressort qui se

détend. On peutdéjà voir apparaître un peu de rire spasmodique

de temps à autre. C'est le tableau que présente actuellement

la malade Cir... Plus cet état s'aggrave par poussées successives,

376 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

plus la marche devient difficile; elle finit par être complète-

ment impossible. Tous les phénomènes que nous relations

tout à l'heure sont à leur maximum. La contracture spasmo-

dique toujours plus marquée aux membres inférieurs entraîne

de l'adduction forcée des cuisses : les pieds tendent à devenir

des pieds bots véritables. ,

Les membres supérieurs sont demi-fléchis, le poignet est en

flexion forcée et les doigts en extension avec des positions

bizarres. La position de la malade fait penser au premier abord

aux athétoses doubles. Les muscles du tronc ne sont pas épar-

gnés eux non plus. Ce qu'il y a de remarquable c'est que d'une

part cette contracture spasmodique augmente dès qu'on touche

les malades et il semble alors que l'on pourrait les prendre

par les pieds et les soulever tout d'une pièce horizontalement.

D'autre part, si l'on parvient à vaincre la contracture spas-

modique, on fait mouvoir le membre de plus en plus facile-

ment sans que jamais il y ait de manifestations douloureuses,

et bientôt on voit la contracture faire place à la plus entière

souplesse. Ceci rappelle un peu ce que l'on voit dans la

maladie de Thomsen, mais avec cette différence que cette

contracture diminue non pas dans les mouvements volontaires

mais dans les mouvements provoqués. Le faciès est pro-

fondément hébété. Il y a du rire spasmodique plus ou moins

prolongé sans motifs et la physionomie peut revêtir un air béat

ou un aspect sardonique et diabolique. Il y a des troubles de

la déglutition très marqués; parfois le spasme laryngé donne

lieu à une inspiration bruyante. L'obtusion intellectuelle est

complète et est véritablement de la démence. Les mouvements

de la langue persistent, mais sont faits lentement, et par sac-

cade. La parole est de plus en plus gênée et les malades ne pro-

noncent plus guère que : ozci, non et quelques mots faciles.

Encore les prononcent-ils très mal et sur un ton monotone.

L'intonation a disparu. C'est le cas de la malade Mart...

Tout cela évolue nous l'avons dit en deux ou trois ans environ

et par poussées successives. Nous n'avons observé cela que chez

les épileptiques ayant fait une hémiplégie corticale dans un

état de mal, et l'hémiplégie semble avoir marqué le début.

Chez les autres épileptiques on voit bien le trouble de l'intel-

ligence progresser aussi par poussées et arriver à cette même

démence terminale; mais ce tableau clinique du tabès spasmo-

dique, de la diplégie cérébrale n'existe pas. Ces malades sont

DE l'intoxication dans L'FPILEPSIE. 377

évidemment des spasmodiques au plus haut degré; leur aspect

clinique tout à fait frappant et caractéristique fait penser à la

diplégie cérébrale (maladie de Little) dans ses formes tardives

ou tabès spasmodique de Erb et Charcot, formes de l'adulte.

On sait en effet depuis les recherches de l'accoucheur anglais,

que ces tabès spasmodiques sont assez fréquents dans l'enfance

et relèvent d'un accouchement prématuré ou d'un accident obsté-

trical dans l'accouchement à terme. Depuis MM. Rosenthal, Sig.

Freu'd, Lannois, Marie, Marfan et Raymond ont repris la ques-

tion et ont contribué à la mettre au point '. Mais Erb et Charcot,

comme l'a fait justement remarquer M. Brissaud dans une très

intéressante leçon faite à la Salpêtrière le 19 janvier 1894, ont

montré des cas où le tableau clinique de la diplégie cérébrale

apparaissait tardivement chez l'adulte. Ils ont séparé ces cas de

ceux qui surviennent dès l'enfance et peuvent relever des causes

invoquées par Little. M. Brissaud pense avec plusieurs auteurs

que ces diplégies cérébrales, liées à l'arrêt de développement

ou à la dégénérescence des faisceaux pyramidaux ne peuvent

pas toujours être mis sur le compte d'un accouchement pré-

maturé ou d'un accident obstétrical. Combien d'enfants nés

avant terme ou dont l'accouchement fut laborieux, n'ont pas

de diplégie cérébrale ? Et du reste il est des sujets, atteints de

cette affection, qui ne présentent dans leurs antécédents rien de

semblable à ce que Little met en avant. Pourquoi d'ailleurs

ces symptômes n'apparaitraient-ils chez certains sujets que

vers quinze ans, vingt ans, et plus ? Chez un des malades

présentés par M. Brissaud dans sa leçon, la diplégie cérébrale,

le tabès spasmodique ont commencé à dix ans, à la suite d'une

maladie infectieuse, la rougeole.

On comprend facilement, nous semble-t-il, qu'une maladie

infectieuse quelconque, à n'importe quel âge, puisse déterminer

des symptômes de cet ordre. M. Marie a insisté sur l'action de

ces maladies infectieuses dans certaines maladies : paralysies

spasmodiques infantiles. N'y a-t-il pas ici quelques analogies

avec ces faits ? Pour nous, nous sommes portés à croire que les

choses se passent ainsi et cette explication nous semble tout

au moins logique. Nous verrons tout à l'heure dans la patho- ,

génie que l'état de mal avec son élévation de température et

son ensemble symptomatique peut être considéré comme le

1 On trouvera de nombreux cas dans les quatorze volumes de nos

Compte-rendus de Bicêtre et dans les thèses de nos élèves. (B.)

378 8 RECUEIL DE FAITS.

résultat d'une infection. C'est donc une véritable maladie

infectieuse, qui peut très bien, à notre avis, déterminer une

hémiplégie ou une diplégie et même une paraplégie corticales

et entraîner plus tard les symptômes de tabès spasmodique

que nous voyons chez les malades précédemment cités. L'état

de mal agirait donc comme la rougeole, la variole ou toute autre

maladie infectieuse. (A suivre.)

RECUEIL DE FAITS.

APHASIE TRANSITOIRE OBSERVEE AU COURS

D'UNE PNEUMONIE GRIPPALE;

l'av le 1)' PAILIIAS (d'ilbi).

Esp... 28 ans, maçon, sujet impressionnable ayant eu, comme

seuls accidents morbides jusqu'à cette dernière atteinte, des con-

vulsions et la coqueluche en bas âge. Rien de spécial à signaler

dans les antécédents héréditaires. Déjà mal en train depuis quel-

ques jours, quoique vaquant à ses occupations spéciales de maçon,

le malade doit garder le lit, à partir du 15 février. A ce moment,

la toux assez légère dans les jours précédents augmente d'intensité,

en même temps que surviennent des frissons, des douleurs de tête

et de reins. Un confrère d'Albi, le D1' Guy, constate, le 17 février,

de la bronchite généralisée avec congestion de la base droile et

rapporte cet ensemble symptomatique a l'épidémie d'influenza

encore régnante. En outre, l'entourage ordinaire du malade cons-

tatait à cette même époque, des crises transitoires d'aphasie, plu-

sieurs fois répétées dans les vingt-quatre heures, sansheuresderetour

fixes et d'une durée variant entre quelques minutes et quelques heures.

Cette aphasie incomplète se traduisait par la difficulté qu'avait le

malade à articuler les mots, de telle sorte que son langage devenait

fort peu intelligible. En même temps que ces troubles de l'articu-

lation se présentaient de l'engourdissement et des fourmillements

dans le membre supérieur droit, depuis le coude jusqu'aux extré-

mités des doigts. Cet état qui survenait aux mêmes moments que

la crise aphasique, pour disparaître avec elle, était péniblement

supporté par le patient qui réclamait pour cela des frictions. Tonte-

fois les fourmillements et l'engourdissement cessaient de se pro-

duire au bout de trois jours, tandis que l'aphasie augmentait de

APHASIE ET PNEUMONIE. 379

durée de façon à devenir permanente trois ou quatre jours après sa

première apparition. Notons que déjà M. le Dr Guy avait pu se

rendre compte du caractère de l'aphasie et bien constater que nulle

parésie n'accompagnait ce trouble de la parole. C'est le 27 février

seulement qu'il m'est donné de voir ce malade : son faciès traduit

la fatigue, voire même un certain état d'anxiété avec dypsnée et

fréquence du pouls. L'examen du coeur ne révèle que la rapidité de

ses mouvements. Du côté du poumon, congestion pneumonique de

tout le côté droit, plus accusée vers sa base; le côté gauche est

surtout occupé par des restes de bronchite. Le malade parle lente-

ment et difficilement quand on l'interroge; certaines lettres ne

peuvent être prononcées et son langage ressemble à celui d'un

enfant qui s'essaie à parler, compris seulement des personnes de

l'entourage ordinaire. La langue n'est pourtant pas déviée et ne

présente pas de trémulation adynamique. Les pupilles sont nor-

males ; même vigueur dans les membres supérieurs droit et gauche.

Notre malade saisit très nettement le sens de ce qu'il lit, mais

n'articule pas mieux les mots lus que ceux qu'il prononce de lui-

même ou après les avoir entendus. Selon lui (et cela est bien con-

firmé par sa femme) les troubles de prononciation sont moindres

lorsqu'il s'est abstenu de parler durant quelques heures ; les pre-

mières phrases sont alors plus distinctes, mais l'épuisement de la

fonction arrive vite.

Le 28 février, la dyspnée persiste. Esp... écrit lentement et péni-

blement sous la dictée quelques mots révélateurs d'un état d'agra-

phie manifeste et paraissant, tout comme l'aphasie, s'accentuer à

mesure que le malade écrit. Ainsi, tandis que dans un premier

mot (maçon) l'une des lettres est omise, que le deuxième (papa)

est correctement écrit, il n'est plus possible de rien distinguer d'un

troisième (pantalon).

Le 2 mars, la gêne respiratoire est augmentée en même temps

que la congestion du côté droit est plus étendue et que du souffle

et des râles fins occupentle sommet gauche. L'état général est de

plus en plus mauvais, bien que le malade ait conservé sa lucidité.

Les urines ne présentent ni sucre, ni albumine. Mort dans la nuit

du 3 au 4 mars. '

Cette observation, qui peut bien être rangée au nombre

des cas d'aphasie transitoire pneumonique signalés par

MM. Chantemesse et Mouysset, offre en outre la particularité

intéressante de son origine influenzique. Sans s'arrêtera l'idée

d'une hystérie ou d'un alcoolisme, peu admissibles ici en tant

que cause suffisante, il est à présumer que la grippe a joué

chez ce malade un rôle prépondérant par son action essentiel-

lement modificatrice des centres nerveux.

380 RECUEIL DE FAITS.

CAS DE CHORÉE DE SYDENHAM RAPIDEMENT GUÉRIE

PAR LES BAINS ÉLECTROSTATIQUES;

Par le Dur L.-R. REGNIER, ·

Ancien interne des Hôpitaux.

. L'étiologie de la chorée de Sydenham chez les enfants est

encore l'objet des discussions des spécialistes et il faut dire à la

vérité que le problème n'est pas toujours facile à résoudre ;

l'observation ci-dessous, intéressante à plus d'un titre, en sera

la preuve. '

Le 21 octobre 1894, je fus appelé auprès de àl'le Jeanne A..., âgée

de neuf ans qui soutirait de douleurs rhumatismales articulaires

depuisenviron une semaine. Le gonflement, la chaleur, la rougeur, la

douleur à la pression et dans les mouvement ? ne laissaient aucun

doute sur la nature de la maladie. U y avait déjà eu deux ans

auparavant une crise semblable avec endocardite légère dont il est

resté des traces car on entend à l'auscultation un souffle systolique

légèrement râpeux à la pointe. A la suite d'applications de teinture

d'iode sur les articulations, d'enveloppement ouaté et d'un traite-

ment interne par le salicylate de soude, les douleurs diminuent

assez rapidement. Je revois la malade le 6 novembre, sa mère me

dit qu'elle est prise la nuit de secousses nerveuses qui la projettent

horsdebon lit. En examinant l'enfant, je constate aussi certaines

grimaces de la face, et un léger désordre dans les mouvements des

membres supérieurs. Deux jours après la chorée est nettement

déclarée; l'ataxie des mouvements de tous les membres est com-

plète et a même envahi les muscles de la déglutition et de la pho-

nation, la malade avale avec beaucoup de peine et les sons qu'elle

profère sont inintelligibles. Le désordre des mouvements est tel

que, pour la maintenir dans son lit la nuit, sa mère est obligée de

l'attacher avec une camisole de force.

Le 9 novembre, premier bain statique de trente minutes. La

malade est tellement agitée qu'on doit la lier sur le tabouret pour

qu'elle y puisse rester.

10 novembre. Après le premier bain statique, la nuit a été un

peu plus calme mais les mouvements choréiques des membres,

du pharynx et du larynx sont toujours aussi accentués. Le traite-

ment est continué tous les jours.

Le 21 novembre la malade est plus calme. Elle a encore quelques

secousses la nuit dans son lit mais il n'est plus nécessaire de

CHORÉE DE SYDENHAM. 381

l'attacher. La déglutition est un peu plus facile, la voix un peu

plus distincte. Le traitement quotidien par les bains statiques est

encore continué.

Le 1 ? décembre, la malade est assez tranquille pour qu'il ne soit

plus nécessaire de l'attacher sur le tabouret. La chorée a quitté les

membres inférieurs, le pharynx et le larynx. Les muscles delà face

et les membres supérieurs, surtout le droit, sont encore pris. La

malade n'est plus soumise au bain statique que tous les deux

jours.

15 décembre. Les mouvements choréiques s'affaiblissent de plus

en plus. Il y a une légère paralysie du bras gauche; pendant le

bain statique quelques étincelles sont tirées du bras.

21 décembre. Le traitement a été continué tous les deux jours,

la malade va de mieux en mieux. Encore quelques mouvements

choréiques de la face, la paralysie du bras gauche a tout à fait

disparu. Le traitement est encore continué deux fois par semaine

dans le courant de janvier. Mais la malade ne présente plus que des

signes très faibles de chorée. Je la revois une fois par semaine pen-

dant le mois de février; le bon état s'est maintenu tel que depuis

la fin de janvier j'ai pu autoriser la rentrée de l'enfant à l'école.

Les deux points importants de cette observation sont :

1° l'influence du traitement électrostatique ; 2° l'étiologie

complexe de la maladie.

Il, On sait que souvent la chorée même dans des formes graves 's

comme celle-ci guérit spontanément, aussi est-il difficile d'ap-

précier la valeur d'un traitement. Je puis dire cependant que

dans le cas présent, dès le premier bain statique l'effet a été

manifeste et a produit un calme relatif pendant trois ou quatre

heures, puis petit à petit à la suite de chaque bain la chorée

a diminué. Contrairement aux usages généralement établis en

France, j'ai appliqué comme Stein les bains électro-statiques

tandis qu'ici on se sert surtout des courants continus. Je crois

cependant par ce que j'ai vu autrefois pendant que j'étais

l'externe de mon très regretté maître le professeur Charcot,

que les bains statiques donnent dans ces cas de meilleurs

résultats, leur action se diffusant davantage dans le système

nerveux central ;

2° Voici maintenant en quoi l'observation est intéressante au

point de vue étiologique : Mlle Jeanne A... est la fille d'un père

arthritique et d'une mère nerveuse, qui a elle-même eu une

attaque de chorée pendant son enfance, cette attaque a duré

382 RECUEIL DE FAITS.

six mois. Une tante de l'enfant également nerveuse a eu aussi

de la chorée et présente des poussées d'urticaires très fré-

quentes surtout au moment de ses règles. Le grand-père est

mort d'une hémorragie cérébrale et était goutteux. Un oncle

bien portant appartient aussi à la grande famille des arthri-

tiques, il est légèrement obèse.

L'enfant en dehors de sa chorée n'a jamais eu d'attaques

de nerfs. Elle ne présente ni anesthésies, ni hyperesthésie

ovarienne, ni rétrécissement du champ visuel. Elle se trouve,

au point de vue de l'âge et du sexe, dans la règle puisque c'est

de six à dix ans et surtout chez les filles qu'on rencontre la

chorée. Au point du vue de l'hérédité névropathique, elle pré-

sente l'hérédité similaire puisque sa mère et sa tante ont

également présenté de la chorée.

On ne trouve chez elle aucune trace d'hystérie non plus que

chez sa soeur âgée de douze ans.

. Mais le point le plus intéressant chez cette malade c'est la

relation étroite de la chorée avec le rhumatisme, qui fait

que les partisans de l'origine rhumatismale de cette maladie

le rangeraient évidemment dans leurs statistiques. Je ferai

'remarquer cependant contre cette manière de voir si bien sou-

tenue par G. Sée, H. Roger, Archambault qu'une première

attaque de rhumatisme n'a été accompagnée chez cette malade

d'aucune manifestation choréique et-je crois qu'il y a lieu de

citer ce cas à l'appui de la doctrine formulée en ces termes dans

ses Leçons du mardi par le professeur Charcot : « C'est tou-

jours la combinaison de l'arthritisme avec les maladies ner-

veuses... Il est évident que le rhumatisme articulaire joue

dans ces cas par rapport à la chorée le même rôle d'agent pro-

vocateur que joue la syphilis par rapport à, l'ataxie locomo-

trice... Il n'y a pas de chorée méritant d'être appelée rhuma-

tismale dans l'acception rigoureuse du mot. »

. On ne doit pas, je crois, considérer, avec* Roger la chorée

comme une simple localisation cérébro-spinale du rhumatisme

et je partage avec Comby l'opinion que la chorée est une

névrose, que le 'rhumatisme n'agit qu'en affaiblissant l'orga-

nisme et qu'il ne peut, comme d'autres maladies aiguës pro-

voquer la chorée qu'à la condition de rencontrer un terrain

'propice : le tempérament nerveux. C'est du moins ce que me

semble démontrer cette courte observation.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XLV. Plaie pénétrante DE la. base DU CRANE; amnésie consécutive;

par H. ABRL et W. Colman. (Brilish. Médical Journal, 1895.)

Un chauffeur de locomotive fait une chute si malheureuse que le

long bec de sa burette de graissage (tube de 0.20) pénètre dans le

crâne en enlevant une rondelle d'os qui obture son extrémité,

transformant ainsi ce tube en corps contondant : tronc de cône légè-

rement incurvé ayant 6 millimètres de diamètre.

Plaie cutanée à la' joue droite, ouverture d'un trajet presque

vertical légèrement oblique en dedans et en arrière, traversant la

fosse zygomatique, pénétrant dans le crâne à travers la grande

aile du sphénoïde, et traversant la capsule interne droite au niveau

du genou ; direction supposée d'après les résultats fournis, en enfon-

çant dans des crânes le bec de la burette.

Au moment de l'accident, perte de connaissance de quelques

minutes, mais conservation de la mémoire, car au moment de le

mettre sur la civière, il demanda son veLoti qu'il avait laissé sur la

machine. Pas d'hémorragie, soit par le nez, la bouche ou les

oreilles. Trépidation et secousses dans les membres, surtout du côté

gauche, qui disparurent après l'extraction du corps vulnérant, mais

il y avait, à ce moment (une heure après l'accident), paralysie

fuciale gauche, paralysie totale du bras gauche, parésie de la jambe

gauche. Pas trace d'hémiauesthésie, mais le malade tombe dans

l'assoupissement, dans un état demi-conscient, il ne répond qu'à

peine et aux questions les plus simples.

Les deux pupilles contractées, la droite un peu plus que la

gauche, mais le réflexe pupillaire conservé. Pas d'anesthésie du côté

gauche. Du côté droit, anesthésie complète de la région sourcilière

etdesdeux paupières, plus une petite plaque anesthésique au-dessus

et en dedans de la plaie cutanée de la joue. La semaine suivante,

conjonctivite droite avec petite ulcération cornéenne qui finit par

guérir. Odorat et gustation intacts. Au bout de quelques jours, la

paralysie diminue, mais les régions anesthésiées persistèrent et ont

persisté.

Etat mental du blessé.-Pendant les quinze premiersjours, assou-

pissement continuel, mais éveillé, il répondait aux questions sou-

. vent d'une façon incorrecte, quoiqu'il parût les comprendre.

11 ne reconnaissait ni sa-femme, ni ses plus vieux amis, et se

384 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

méprenait pur la nature des objets les plus vulgaires. Ainsi, il but

plusieurs fois son urine, croyant boire de l'eau, et croquait des

morceaux de glace, disant que c'étaient des bonbons; de même,

quelques jours après, un de ses compagnons d'atelier fut blessé et

mis dans le lit voisin du sien, il ne le reconnut pas.

Il s'était produit dans sa mémoire une lacune pour les vingt années

- précédant l'accident, il assurait n'avoir jamais été chauffeur de che-

min de fer et être garçon de ferme, ce qui était son premier métier.

Il avait perdu tout souvenir de l'accident, et il ne l'a jamais

retrouvé.

Un an après : l'hémiplégie gauche, quoique diminuée, était mani-

feste au bras et à la face; quelques trépidations et des mouvements

rythmiques de flexion dans les doigts, mais ne rappelant en rien

ce que l'on voit dans l'athétose. Pas d'anesthésie, sensibilité très

nette et localisation parfaite des excitations cutanées par le chaud,

le froid, etc., etc.

Du côté droit, pas trace de paralysie, mais anesthésie totale des

territoires innervés par les nerfs sous-orbitaire et nasal. Anes-

thésie complète de la cornée. La petite plaque anesthésique à la

joue droite avait également persisté. Goût et odorat intacts.

Fonds des deux yeux normaux.- Pas d'hémianopsie, mais champ

visuel un peu rétréci pour le blanc (puis le rouge, le vert et le bleu).

Le blessé est devenu très gras.

Son état mental présentait quelques particularités intéressantes :

apathie et indolence, pouvoir modérateur de ses impressions très

diminué; pour un rien, il crie ou il éclate de rire indifféremment,

sans que cela puisse être rapporté à l'expression d'un sentiment

triste ou gai provoqué par la question faite. De temps à autre très

irritable, mais pas violent. La mémoire s'est améliorée, la lacune

dans les souvenirs s'est réduite devingt à cinq ans avant l'accident, au

moins pour les événements les plus importants de sa vie. Il a aussi

perdu tout souvenir des deux premiers mois passés à l'hôpital, on

ne saurait retracer les étapes de ce retour partiel de la mémoire,

mais il est probable que les visites fréquentes de ses amis, lui parlant

du passé, y ont fortement contribué. Mais sa mémoire actuelle est

très faible ; s'il sort de chez lui, il ne sait pas retrouver sa route,

ou bien il ne reconnaît pas sa maison, il oublie l'usage d'une foule

d'objets..

Il n'y a jamais eu d'aphasie, ni de difficulté dans le langage, ce

sont plutôt les idées que les mots qui semblent lui manquer. Il rai-

sonne assez bien, mais à cause de son amnésie partielle, il arrive

à des conclusions incorrectes. Exemple : il habite une maison

construite par la Compagnie pour ses employés, mais il ne se sou-

venait plus d'y avoir travaillé pendant cinq ou six ans, il prétend

qu'il n'a pas le droit d'y rester, et insiste auprès de sa femme pour

quitter cette maison avant que la Compagnie ne vienne l'ennuyer

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 385

pour cela. Cet état mental s'accuse de plus en plus, d'abord il n'y

avait que de la perte de mémoire, mais depuis peu, il agit et prend

des déterminations basées sur ses souvenirs faux ou imparfaits.

Localisation de la blessure : L'expérimentation sur plusieurs crânes,

la nature des symptômes, font penser à une lésion de la capsule

interne. La paralysie, limitée d'emblée au bras et à la face, montre

que le traumatisme a porté sur la partie antérieure du faisceau

moteur; l'absence d'hémianopsie et de tout symptôme sensoriel du

côté gauche montre aussi que la partie postérieure de la capsule

n'a pas été touchée.

Il est difficile, pour ce qui touche l'état de la mémoire, de faire

autre chose que des suppositions; certes, il y a dû avoir du ramol-

lissement inflammatoire autour des parties lésées dans la partie

antérieure de la capsule; mais cela ne détermine pas très bien où

et comment, en s'étendant à la partie antérieure du faisceau psy-

chique, cette inflammation aurait coupé les communications intra-

cérébrales entre les centres sensoriels intacts et ceux placés dans

les lobes frontaux, car l'amnésie n'existait pas immédiatement après

l'accident. Dr G. B1 : DABT.

XLVI.MONOPLÉGIE hystérique du grand dentelé; par le Dl VERHOOGEN.

Observation intéressante de paralysie du grand dentelé gauche

survenue brusquement chez une femme de trente-trois ans.

Lorsque les bras sont pendants, l'omoplate gauche s'écarte du

tronc, et dans l'espace qu'il laisse libre, on peut, en refoulant la

peau, introduire toute la main.

L'angle inférieur de l'omoplate est plus rapproché de la ligne

médiane que celui du côté sain, l'élévation verticale du bras est im-

possible, et la malade ne peut dépasser la ligne horizontale. Par-

tout ailleurs la molilité est normale.

Au membre supérieur gauche, hypocsthésie pour le courant fa-

radique seulement. Au dos, dans une région dépassant un peu en

étendue la surface de l'omoplate, il y a anesthésie absolue pour le

courant faradique. Anesthésie pharyngienne.

Amélioration considérable sous l'influence des bains statiques

avec étincelles sur le bras et l'épaule malades.

En somme, bien que toutes les formes de monoplégies hysté-

riques soient possibles, la paralysie du grand dentelé est certaine-

ment une des moins fréquentes. (Revue neurologique, 1893.) E. B.

XLVII. Contribution A la pathogénie DE L'ASYOTABIE (mouvements

involontaires dans différentes maladies organiques du système lier-

veux) ; par Rossolimo.

Ce travail a pour but l'étude des mouvements convulsifs involon-

taires des muscles des extrémités inférieures qui, dans un très petit

ARCHIVES, t. XXIX. 25

386 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

nombre de cas de tabès, ont été désignés sous les noms d'alhé-

tose, de mouvements athétoïdes ou choréiques, de contractions

trépidatoires des tabétiques, etc. C'est non seulement à la singu-

larité mais encore à la grande variété de formes sous lesquelles se

'manifestent les contractions convulsives chez les labétiques, qu'il

faut attribuer la diversité des termes dont se servent les auteurs

pour les désigner.

Quels sont donc les rapports de ces mouvements dits athétoïdes

ou choréiformes avec le tabès auquel la plupart des auteurs, consi-

dérant cette maladie comme une affection spéciale des cordons

postérieurs de la moelle épinière, les rapportent comme faisant

- partie des symptômes tabétiques ?

Or, pendant ces dernières années, il a été décrit quelques cas

analogues d'hyperkinese dans la névrite périphérique; d'autre

-part on sait que dans la lésion simultanée des cordons postérieurs

-et latéraux, les contractions involontaires, bien qu'ayant une appa-

rence tonique plus ou moins marquée, s'observent dans la plupart

des cas; enfin, dans beaucoup cas de cas de mouvements athé-

toïdes décrits dans le tabes, décrits par les auteurs, on n'a pas

fait attention à l'état des nerfs périphériques, quoique, à en juger

.par l'histoire des maladies décrites, on puisse dans ces cas soup-

çoniier-la névrite. -

Ces diverses considérations portent l'auteur à admettre que, pour

que les mouvements involontaires se manifestent chez les tabé-

tiques, il est indispensable que, outre la lésion de l'appareil

sensitif, il existe encore une lésion de l'appareil moteur. Eu cas de

modifications simultanées des cordons latéraux, c'est le caractère

tonique qui doit dominer, taudis que, pour que les mouvements

"cloniques apparaissent, il est indispensable qu'il y ait lésion simul-

tanée des fibres motrices périphériques, comme on le voit pour les

névrites périphériques multiples.

Enfin l'auteur propose la dénomination d'amyotaxie pour dési-

gner par une expression courte le syndrome qui a été décrit, sous

le nom de<'mouvements athétoïdes et choréiformes D dans ! 'alaxie.

Dans ce nom d'amyotaxie on doit donc comprendre les contrac-

tions convulsives involontaires et de caractère réflexe qui accom-

pagnent parfois l'ataxie et qui ont pour base aussi bien les afrec-

tions des régions sensitives que celles des régions motrices du sys-

" terne nerveux et, le plus souvent, les névrites multiples. (Reviie iieit-

° nologique, 1893.) E. B.

XLYI11. Athétose double; par les D5 BRISSAUD et Hallion.

Certaines formes de l'athétose double et de la chorée chronique

= présentent un grand nombre de traits communs. Au demeurant,

les symptômes mêmes qui les constituent ne suffisent pas à les

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 38 ?

séparer d'une manière bien tranchée. Ainsi qu'en témoignent un

certain nombre d'observations rangées, les unes dans la catégorie

des chorées, les autres classées sous le titre d'athétose double, le

passage s'établit, de l'un à l'autre groupe, par une dégradation

insensible de nuances. A la limite, la ligne de démarcation n'ap-

paraît point, c'est une fusion qne l'on observe. Pour éviter tout

embarras de désignation et pour marquer une confusion qui est

dans la nature des choses, il serait préférable 'd'appliquer à ce

syndrome complexe un terme lui-même complexe : on pourrait

l'appeler syndrome athétoso-ehoréique. ,

L'observation, publiée par les auteurs, est un nouvel exemple

des rapports étroits qui unissent Fathétose double et la chorée

chronique. Il s'agit d'une malade qui présentait, depuis quinze

ans, les signes d'une chorée chronique des membres, et chez qui

survinrent des mouvements de la face ayant tous les caractères des

troubles spéciaux à l'alhétose. Cette malade appartient donc à la

chorée par ses membres et à l'athétose par' sa face. L'athétose

double et la chorée chronique apparaissent ainsi commo deux

syndromes, issus d'un même processus, dont l'évolution se poursuit

longtemps encore après l'époque de sa première apparition. (Revue

neurologique, juin 1893,) E. B.

XLIX. Malformation héréditaire DES PIEDS ET DES mains;

par Stewart 1VORVELL et RAMSAY SMITH.

Chez le père et le fils les malformations consistaient dans la

soudure de phalanges deux à deux, avec osselets intermédiaires,

unissant l'extrémité des métacarpiens par exemple et l'extrémité

des phalangettes.

Aux mains la soudure portait principalement sur le médius et

l'annulaire symétriquement. Les auteurs libérèrent les doigts par

une-opération qu'ils décrivent et donnent un tableau généalogique

intéressant de la famille de cet héréditaire. (British Médical

Journal, 17 juillet). A. Marie.- ,

' L. Névrite MULTiPLE chez l'enfant; par nZ.ICEE1.

C'est l'observation d'un enfant de six ans convalescent de rou-

geole qui fut atteint de névrite périphérique, d'origine infectieuse

selon toute probabilité, simulant la paralysie de Landry; la netteté

des symptômes sensoriels et l'absence de réflexes ainsi que les

symptômes ultérieurs de paralysie ascendante permirent le dia-

gnostic. ( ? < ! sAMtC6 Journal, 25 août 1894.) A. M.

LI. Sclérose latérale AMYOTROPIIIQUF - par W. Mon.

1 Étude d'histologie pathologique sur une femme âgée de trente-

neuf ans, morte à Charing Cross Hospital. " ' '

388 .REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

. La moelle entière fut examinée ; d'après les symptômes cliniques

et l'état de la capsule interne ainsi que des pyramides, il semble

que le processus morbide atteignit d'emblée tout le tractus moteur

au lieu de s'être propagé de proche eu proche ; les vaisseaux et le

rein étaient également atteints de sclérose. (British Médical Journal,

22 septembre 1894, et Brain, octobre 1892.) A. M.

LU. Anatomie pathologique DE la paralysie infantile ; par

. TREVFLYAN. (Britisie Médical Journal, 22 septembre 1894.)

Il s'agit d'un enfant de six ans atteint de paraplégie avec parésie

du membre supérieur droit.

La lésion médullaire s'étendait à toute la moelle depuis la décus-

sation des pyramides, particulièrement marquée aux renflements

cervicaux et lombaires. Les éléments névrogliques et les cellules

étaient altérés. Ces dernières particulièrement infiltrées au voisi-

nage des vaisseaux ; la névroglie hyperthrophiée avait étouffé les

fibrilles nerveuses et les cellules ganglionnaires particulièrement les

cellules de la colonne de Clarke. Ces altérations paraissent plutôt

en rapport avec une origine vasculaire et interstitielle. A. M.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

XXXII. La perversion DE la sensation sexuelle ; par SIOLI

(Allg. Zeitsch. f. Psychiat., L, 5.)

Elle est le résultat d'un affaiblissement congénital de l'intelli-

gence (dégénérescence) portant surtout sur un trouble de l'associa-

tion des idées. Exemple : les premières sensations sexuelles vous

poussent à l'onanisme. Or l'onanisme en soi résulte d'une mani-

pulation dont les premiers mouvements sont douloureux ; ce n'est

qu'à la fin qu'arrive l'éjaculation s'accompagnant de la sensation

de plaisir. Donc la première association d'idées qui se rattache à

l'onanisme est plutôt un concept de douleur, elle ne fait place à

une association d'idées agréables que par suite de la terminaison

del'acte.Tout onaniste n'est donc un sexuel que par habitude (dans

le sens physiologique d'excitation sexuelle). Tant qu'on est onaniate,

on n'a pas la perception des éléments conceptuels représentant la

femme considérée, sous le double point de vue moral et physique,

- REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 389

comme objet de p ! aisir sexuel. Il est donc facile de comprendre

que si, à lajouissance matérielle, on allie des idées bizarres quel-

conques (bonnet de nuit, tablier, masochisme, sadisme) par

suite d'un vice d'association d'idées on prend ainsi des habitudes

vicieuses. La perversion résulte donc bien d'un vice d'association

d'idées. P. KERAVAL.

. XXXIII. Un cas DE psychose avec léthargie DE six mois DE durée;

par 0. BEREIIAN. (Allg. Zeischr. f. Psychiat., L, 3-4.)

Il s'agit d'une jeune fille de quinze ans qui, après avoir présenté

un faible développement physique et intellectuel, s'en va, au début

de l'été de 1882, chez une parente dans un endroit voisin ; elle

retourne à la fin de l'année chez elle parce qu'elle commençait à

être un peu effarouchée et à refuser de manger. Terrifiée, anxieuse,

constamment assise, la tête contre le poêle, ne voulant plus ni

manger, ni se coucher, elle tombe en létliargie au commencement

de 1883. Cireuse, squelettique, excepté les joues qui sont un peu

rouges; gangrène sacrée, momification des orteils si ce n'est le

second orteil gauche ; anesthésique. On la transporte le 26 juin 1883

au Marienstift de Brunswick. Un bain chaud parait la ranimer le

28 juin; épistaxisle soir; elle se redresse,le29 elle rit; du 6 au 7 juillet

un peu d'agitation , quelques mots, réveil. Elle reprend peu à peu

ses sens, ne se rappelle plus ce qui s'est passé, se dit fatiguée,

raconte qu'elle a eu souvent des céphalalgies, de l'inappétence,

qu'elle a été gelée et s'est approchée souvent du poêle chaud. Eu

août, les forces sont revenues et les orteils nécrosés sont à peu près

éliminés; elle urine au lit et dort douze heures par jour pendant

quelques mois; perte totale de tous les cheveux. Deux ans après

cette guérison, en septembre 1885, nouvelle attaque pendant onze

mois. Mort dans l'été de 1886.

L'auteur conclut à l'hystérie. P. K.

XXXIV. DES formes DE l'aliénation mentale QUI ONT déterminé LES

procès DE sorcellerie; par 0. SNELL. (Allg. Zeitschr. f. Psychiat.

L, 3-4.)

Quelles sont les espèces de psychoses qui se sont montrées chez

les victimes et les auteurs des procès de sorcellerie. Quelles maladies

mentales ont occasionné les procès des sorciers. Voyons les cas

dans lesquels des malades ont été inculpés, et ceux dans lesquels

des malades, ayant accusé les autres de magie, ont trouvé créance.

Rareté des mélancoliques s'accusant eux-mêmes ; le plus généra-

lement les procès montrent que les accusés nient opiniâtrement;

les juges avaient pour cette raison inventé le maléfice de tacitur-

nité. Voici cependant deux sorcières mélancoliques et hallucinées

(ouïe) avec tendance au suicide ; il y a d'autres mélancoliques con-

390 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

damnées pour accointance avec le diable et quelques-unes allant se

dénoncer.

En revanche,,la folie systématique chronique et la mélancolie

sont poursuivies par les tribunaux d'hérétiques et de sorcellerie. La

manie est bien plus rare. L'épilepsie s'y voit parfois.

Mais il n'est pas exact de dire que la plupart des sorciers con-

damnés aient été aliénés. On ne doit pas davantage imputer la sor-

cellerie à des psychoses toxiques. Par contre, le nombre des accusa-

teurs est notable. Les hallucinations de la sensibilité générale les

porte à se dire tourmentés par des magiciens; ce sont ceux qui

aujourd'hui accusent l'électricité et le magnétisme. Mais, par-dessus

'tout, l'hystérie c'est là la possession. P. K.

CONTRIBUTION A la connaissance DE L'ETIOLOGIE DE lA para-

LYSIE progressive, en tenant compte DE la SYPHILIS; par E. IIOUG-

BERG. (Allg. Zeitschr. f. Psychiat., L, 3-4.)

. Très long mémoire basé sur 107 observations, la plupart avec

autopsies. Analyse de l'ensemble des maladies mentales étu-

diées à l'asile de Lappviks de 1875-1892, soit : 1520 (861 hommes, : 659 femmes), dont 107 (98 hommes, 9 femmes), soit 7,03, ont eu

la paralysie générale. Eléments statistiques.

-' Conclusions : 1° La paralysie progressive, qui est de beaucoup plus

fréquente chez l'homme que chez la femme, sévit surtout sur la popu-

lation des villes, mais non parmi les femmes de bonne condition;

2° l'importance étiologique de la syphilis pour la paralysie progres-

sive, paraît'être très grande, tandis que la syphilis ne joue aucun

-rôle important dans les autres formes de psychoses; 3° la paralysie

progressive, qui apparaît surtout entre trente et quarante-cinq ans,

ne se montre que quatre ou cinq ans après l'infection syphilitique ;

4° les symptômes de la syphilis qui précèdent un processus para-

lytique paraissent relativement bénins ; 5° en face de la syphilis,

les prédispositions héréditaires, les causes physiques, l'excès d'al-

cool, les excès vénériens, et les traumatismes n'ont qu'une impor-

tance secondaire pour la paralysie progressive ; 6° parmi les

diverses formes de la paralysie générale, la forme maniaque est de

beaucoup la plus fréquente, puis vient la forme démentielle, et

finalement la forme mélancolique ; 7° le pronostic n'a été dans

aucun ,des cas favorable. La durée de la maladie a été de quatre

ans, dans 81,8 p, 100 de cas; de deux ans dans 43,4 p. 100 ; rémis-

sions rares ; 8° la paralysie générale qui succède à la syphilis ne

présente dans sa marche aucun symptôme spécial caractéristique

de la syphilis ; 9° le traitement antisyphilitique n'a produit aucune

amélioration ; 10° l'autopsie n'a pas non plus permis de constater

d'altérations. qui pussent être de nature syphilitique spécifique.

- P. IERAVAL.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. - 391

XXXVI. Contribution A la PSYCHOLOGIE DE la VIE sexuelle;

par M. Dessoir. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., L, 5.)

Examen analytique de la sensation sexuelle non différenciée

de l'hétérosexualité de l'homosexualité.

. 1 ° La sensation sexuelle non différenciée est l'i nsti net vague normal tel

qu'il apparait chez les garçons de treize à quinze ans et les fillettes de

douze à quatorze ans. Si cet instinct reste vague, il est pathologique.

Car l'expérience apprend ultérieurement à l'individu que le contact

avec un corps humain chaud engendre l'éréthisme physique et

psychique sans qu'au début la différenciation du sexe joue aucun

rôle. A une autre période, probablement quand les sensations

commencent à se concentrer dans les organes sexuels, les relations

avec un sexe différent arrivent à prédominer. Mais il y a des cas

dans lesquels cette deuxième phase de développementest très tardive

ou ne s'installe même jamais avec décision (deux observations).

2° L'hétérosexualité. La sensation physique de l'excitation sexuelle

se rattache à la construction et à un degré de développement spécial

de l'organisme ; c'est un processus physiologique involontaire.

L'homme respire ou éjacule, qu'il en ressente ou non du plaisir,

sans le vouloir. Mais voici qu'arrive la puberté, et, avec elle, l'ap-

parition de sentiments plus élevés, parmi lesquels l'inclination

vers un autre sexe. L'instinct, jusque là flou, se spécialise et généra-

lement cette spécialisation porte sur l'autre sexe. Seulement, tan-

dis que l'homme peut coïter, et complètement coïter, sans que

l'âme participe à cet acte, la femme n'éprouve de plaisir que si la

cohabitation lui fait éprouver quelque sentiment. L'homme peut

donc coïter avec n'importe quelle femme ; il coïte par nécessité

sans intervention du psûchê, tandis que la femme qui trompe son

mari le trompe doublement, physiquement et psycliiquemetil. Par

contraste, les exigences sexuelles de la femme sont bien moins

puissantes que celles de l'homme (raison d'être physiologique du

crime légal de l'adultère). L'homme normal porte en lui des traces

de sadisme : activité conquérante et dominatrice de son amour

pour la femme; le sadisme masculin est donc d'un pronostic plus

favorable que le masochisme masculin ou le sadisme féminin.

La menstruation (périodicité) joue un rôle dans les sensations

sexuelles de la femme ; d'où sa passivité et en même temps son

instinctivité impulsive à certaines époques, et sa subordination à

l'être aimé. Le facteur esthétique joue chez l'homme et lafemme

un rôle important; le facteur social est un besoin d'association et

l'horreur de l'isolement. Du premier provient pathologiquement

l'amour fétiche (culture de beaux cheveux) ; du second, le mariage

de raison, qui ne s'inquiète pas des composants de l'amour. sexuel.

L'amour monopolisateur, sur un seul objet, est une passion ou une

névrose; l'amoureux, un dégénéré. , ..

392 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

3° L'homosexualité. En tous temps et chez tous les peuples, il y a

eu une sensualité exagérée entraînant les hommes normaux à des

extravagances. Celles-ci graduellement sont devenues une maladie

chez les bons vivants et les dames du demi-monde.

L'homosexualité offre ici cette particularité indéniable qu'il y a

union d'un homme développé avec des jeunes garçons ayant con-

servé quelques caractères physiques et psychiques rappelant la

femme, et qui, lorsqu'il y a coït à proepostera c'est qu'auparavant

l'élément actif s'est entraîné à la même pratique chez la

femme.

L'amour des prostituées entre elles provient : de l'habitude jour-

nalière du coït, des abus de leurs clients sur elles, de l'atmos-

phère où elles vivent en prenant des habitudes masculines, de

l'acte du cunnilingue auquel leurs habitués les forcent Pourquoi

alors une bonne amie ne serait-elle pas satisfaite ? du rôle passif on

passe au rôle actif.

'L'homosexualité des dames normales a les causes suivantes. Les

femmes mariées, et dont les maris mesurent, sont surexcitées ;

les jeunes filles qui craignent l'homme par pudeur ou ont la crainte

deiagrossesse ; mais, dans tous ces cas, femmes et filles choisissent

des amies masculines (comme aspect et allures) qui souvent sont

munies de pénis artificiels. Au bout de plusieurs années d'habitude,

il y a incapacité de coïter comme d'ordinaire, ainsi que cela a lieu

pour les onanistes hommes passionnés, il y a impotence psy-

chique. II faut donc distinguer la passion (pronostic défavorable) de

la nécessité (pronostic plus favorable).

Au fond, les vices précédents n'ont rien à voir avec l'homosexua-

lité proprement dite, avec l'uranisme (commerce de l'homme pour

l'homme) et le tribadisme (commerce de la femme pour la femme)

dans lesquels il y a réelle impulsion d'un sexe pour l'autre, c'est-à-

dire d'un sexe bien développé à attributs de ce sexe, pour le même

sexe bien développé à attributs de ce sexe. Voilà où est l'anomalie

psychique, tout à fait distincte d'une passion telle que la passion

d'hommes normaux préférant des femmes grosses fortement cons-

truites et énergiques (sorte de masochisme), des tribades allant

à la femme homme, des femmes normales préférant de

jeunes garçons délicats, jeunes, n'ayant pas toute leur croissance

ou des urninges n'aimant que les jeunes garçons non pourvus

encore de barbe.

Observation d'uranisme véritable. Tenir dans ses bras des

individus du même sexe, sans intromission, avec simple friction du

gland ou légère excitation du clitoris sur un autre corps, tant la

surexcitation anormale est grande, voilà l'homosexualité mâle ou

femelle. C'est un trouble congénital. Les urninges ne sont pas des

femmes dans un corps mâle ; ce sont des mâles qui sont sensoriel-

lement excités parleur propresexe. Un bel homme fait à l'urninge

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 393

le même effet psychique et physique qu'une femme fait à un

homme ordinaire. L'urninge se complaît à voir, regarder, toucher

le pénis de l'être aimé ; la tribade, à tâter la vulve de son amie.

L'homosexuel vrai, en un mot, prend possession symbolique des

organes génitaux d'un autre de son sexe, organes génitaux repré-

sentant la personne entière.

Ces homosexuels sont des parias, car le mariage entre eux ne

peut leur donner la satisfaction d'avoir des enfants, ni la modéra-

tion du coït. D'ailleurs il ne semble pas qu'ils puissent s'attacher

absolument à une seule personne, à un amour exclusif de toute la

vie. Au point de vue de la morale et de la médecine légale, ce

sont des espèces de dégénérescences impulsives émanées soit de

l'ivrognerie, soit de névroses constitutionnelles, sans lacunes intel-

lectuelles. Urninges ou tribades possèdent une sensibilité très déli-

cate, très active, très nuancée, très vivante. Ils n'ont pas d'accès

comparables à ceux des hystériques ou des épileptiques ; ils sont et

restent toujours homosexuels. Ce sont plutôt des déséquilibrés

puisque leur niveau psychique est élevé, nourrissant une sorte de

monomanie à laquelle ils pensent toujours et qu'ils entourent d'une

dialectique souvent très riche, qui sont tout à fait incapables de se

modifier. P. Keraval.

XXXVII. INFLUENCE DE l'aliénation mentale sur LE ùI0LIiEN mens-

TRUEL; par A. Scuoefer. (Allg. Zeitsch. f. Psychiat., L. 5.)

L'auteur a examiné à ce point de vue 263 aliénées se répartissant

en :

394 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

choses intellectuelles aiguës et des psychoses affectives aiguës, pourvu

que la modification de la sensibilité morale ne dépasse pas un certain

degré; 3° la menstruation est suspendue pendant toute la durée de la

maladie dans les psychoses avec exaltation extrême, dans les psychoses

dépressives, dans les psychoses intellectuelles aiguës à ferme stupide,

dans les formes très graves de la manie, dans la mélancolie, dans les affec-

tions stupides primitives. Généralement la menstruation reparaît quand

la psychopathie s'améliore ou quand elle prend une marche chronique ou

dans la démence secondaire; elle reste alors régulière ; 4° la menstruation

se suspend pendant un assez long espace de temps, et cela aussi bien au

début que dans le cours des psychoses intellectuelles chroniques. Cette

allure presque sans exception est l'apanage d'états psycliopatliiques déter-

minés qui sont caractérisés par la surémotivité pathologique (modalité

pathologique spéciale de la sensibilité morale) et, par cela même, se

séparent en quelque sorte de la maladie mentale chronique, en dehors de

l'épisode passionnel, sur laquelle se greffe la phase aiguë. Si l'émotivité,

passagèrement modifiée, reprend son niveau ordinaire, la psychopathie

reprenant son caractère uniformément chronique, l'anomalie menstruelle,

passagère, se transforme en menstruation régulière.

P. KERAVAL.

XXXVIII. Oscillations journalières DE la température DU corps dans

LES psychoses FONCTIONNELLES; par Tn. Ziehen. (Allg. Zeitsch. f.

Psychiat., L, 5.)

Nombreuses et patientes études thermiques chez les aliénés.

Conclusions : lodaiis la mélancolie passive, hypothermie générale,

maximum vespéral souvent peu accusé. Il en est de même dans la

mélancolie avec agitation. Dans la mélancolie avec épissode anxieux,

les maximas accessoires sont irrégulièrement répartis (tableaux des

courbes); °dans la manie il y a hyperthermie de 0,3 u 0,5 à la période

d'acmé comparée avec le [stade prodromique et avec le stade ulté-

rieur ; 3° dans la folie systématique aiguë souvent, il n'y a pas de

maximum vespéral. Fréquence des maximas accessoires irréguliè-

rement répartis. Généralement ces exacerbations aiguës correspon-

dent à de l'agitation motrice ou affective. La largeur de l'excursion

est souvent considérablement élevée. Il n'y pas de différence

essentielle entre la forme stuporodépression, et la forme exaltée

avec exagération de l'idéo-enèse : seule, la température moyenne

est en général un peu plus basse dans l'a première que dans la

dernière. La forme incohérente est marquée par des oscillations

diurnes particulièrement fortes; 4° dans la folie systématique hal-

lucinatoire chronique on constate de semblables irrégularités

oscillant comme dans la forme précédente, mais ces irrégularités y

sont non-seulement plus rares mais aussi moins accentuées ; 5° dans

la folie systématique chronique simple, courbes thermiques abso-

lument normales; 6° dans les psychoses hystériques, il y a rétro-

cession relative du maximum vespéral et apparition de nombreuses

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 395

ascensions accessoires, notamment forte exagération de l'amplitude

de l'excursion totale ; 7° dans la stupidité, température moyenne

plus basse que normalement; impossibilité de déterminer avec

certitude, la courbe diurne; 8° le type thermique inverse se

montre à l'occasion dans toutes les psychoses. Il est très rare en

tant que phénomène régulier. Quoique la température vespérale

soit alors plus basse que celle du matin, généralement, à midi, il y

a un maximum supérieur à la température matutinale; 9° de l'hy-

pothermie anormale moyenne qui survient dans la mélancolie, la

stupidité, la folie systématique avec stupidité, il faut encore distin-

guer l'apparition accidentelle de températures basses tout à fait

anormales. On les trouve dans la démence paralytique, la folie sys-

tématique aiguë, notamment quand elle s'accompagne de grande

incohérence, peut-être aussi des maintes formes de débilité

mentale congénitale et acquise ; 10° différences hémilatérales de

la température axillaire comportent plus de 0,2. Extrêmement

rares dans les psychoses fonctionnelles en dehors de l'hystérie, et

de la migraine ophtalmique compliquée, elles indiquent, excepté

dans ces deux dernières maladies, qu'il y a lésion organique.

XXXIX. Contribution A la théorie des obsessions ; par Grashey.

(Allg. Zeitsch. f. Psyehi(it., L. 5.)

Etude très intéressante, d'après laquelle, les obsessions sont des

conceptions représentatives qui apparaissent sur le fond de la con-

naissance à la suite d'une modification normale de l'humeur

produite elle-même par une sollicitation 'normale de la sensibilité,

mais qui s'implantent d'une façon indélébile dans le champ

de la conscience parce que l'impression qu'elles y font, procède

d'un mécanisme morbide dans la modalité même de la sensibilité

et de l'intelligence. La genèse est normale mais la qualité du

mécanisme est morbide. P. K.

XL. Paranoïa ET stupeur ; par A. POPOFR. (In Arlihio 7'syc/H'ah't ! ,

1894, t. XXIV, n°2.)

. Il s'agit d'un jeune dégénéré, fils et polit-fils d'alcooliques qui au

cours d'un délire mégatomaniaque et hypochondriaque a présenté

un accès de stupeur d'environ dix jours.

. Comment expliquer l'apparition de la stupeur au cours d'un

délire systématisé ? A la place de M. Popoff, nous nous abstien-

drions d'explications plus ou moins hasardées comme celle, par

exemple, qui consiste à la mettre sur le compte d'un trouble dans la

nutrition de l'écorce... Nous raconterions le fait et nous mettrions

un point. ' J. Roubinovitcii.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 25 février 1895.-PRÉSIDENCE DE M. P. Moreau (de Tours).

Les Aliénés et la Magistrature.

M. LEGRAIN', continuant sa communication de la précédente

séance, relative aux aliénés séquestrés et mis en liberté par auto-

rité de justice, fait connaître un nouveau cas personnel, analogue

à ceux de MM.Marandon deMontyel etfebvré. Il s'agit d'un mania-

que raisonnant atteint de perversions morales multiples qui, après

avoir occupé une situation brillante dans les affaires, avait,' par ses

excès et sa débauche, réduit les siens à la misère et compromis sa

situation par une série d'actes répréhensibles. Arrêté pour délit de

grivellerie et en proie à un délire de forme ambitieuse, il fut

séquestré en 1893. Deux mois après, à peine, ce malade indubita-

blement dangereux était mis en liberté, par le Tribunal, après un

examen sommaire, malgré l'avis motivé du médecin traitant, sans

expertise médico-légale, avec des considérants qui établissaient

que cet aliéné n'était pas malade.

Tirant des conclusions générales de tous ces faits M. Legrain

démontre le danger, pour la sécurité publique, de pareils élargisse-

ments intempestifs, que la loi autorise puisqu'elle reconnaît aux

magistrats, sinon une compétence absolue en matière de maladies

mentales, du moins le pouvoir de libérer d'office des malades,

sans s'être préoccupés de l'avis des médecins compétents. Il est

urgent que le législateur définisse plus exactement les devoirs réci-

proques du magistrat et du médecin et rende impossibles, dans

l'avenir, certaines éventualités dont l'effet est de compromettre,

dans une large mesure la sécurité publique par suite de conflits

entre l'incompétence forcée du magistrat et la compétence du méde-

cin, la victoire restant toujours, en dernière analyse, au premier.

M. Friand. Il serait intéressant de faire ici le tableau de l'in-

terrogatoire des aliénés par les magistrats. Vous savez comment se

passent les choses. On fait asseoir le malade, si toutefois il y con-

sent, puis on lui demande ses nom, prénoms, âge et qualités, le

- SOCIÉTÉS savantes. 397

nombre de ses enfants. S'il a répondu exactement, on termine par

l'expérience décisive des pièces de monnaie. S'il distingue une pièce

de vingt francs d'une pièce de cent francs on en conclut que sa place

n'est plus à l'asile.

M. RITTI. C'est, en effet, comme cela que les choses se passent

la plupart du temps.

M. Legrain demande que la société suscite, de la part des alié-

nistes de province, la communication de cas analogues à celui

qu'il vient de rapporter. Leur simple exposé sera suffisamment

éloquent pour démontrer l'incompétence de la magistrature en

matière d'aliénation mentale. Nous pourrions ensuite, ajoute-t-il,

faire un tirage à part de la discussion et l'envoyer à laCommission

de la loi sur le Régime des Aliénés.

M. Charpentier ne voudrait pas que la Société s'engageât à fond

dans une discussion sur l'intervention de la magistrature en matière

de placement des aliénés. Il est bien évident que les magistrats

jugent à un autre point de vue que nous, mais sont de bonne foi.

Nous sommes soupçonnés, comme aliénistes, de voir des fous par-

tout ; nous aurons l'air coupables en cherchant à nous disculper.

M. ARNAUD. -C'est précisément contre celle suspicion injuste, nous

accusant de séquestrations arbitraires, qu'il faut nous défendre.

M. JOFFROY. Gardons-nous de trancher la question de l'inter-

vention de la magistrature dans le placement. Demandons seule-

ment] que tous les inculpés soupçonnés de troubles intellectuels

soient, de droit, examinés par un expert. En dehors de cela nous

n'avons pas à nous immiscer dans la discussion d'un texte de loi.

Tout le monde sait que les garanties de la liberté individuelle

seront moindres avec le nouveau texte qu'avec l'ancien. Laissons

aux faits le soin d'en développer la démonstration.

M. RITTI. M. Legrain nous demande deux choses : de faire

appel aux membres de province pour qu'ils nous communiquent

les erreurs de la magistrature et de réunir ensuite des faits pour

en faire profiter la Commission de la Chambre qui doit défendre

le nouveau projet de loi. Il me semble difficile d'accomplir ce

second voeu; mais nous pouvons provoquer des communications.

M. Briand. Laissez la discussion à l'ordre du jour et les com-

munications viendront d'elles-mêmes.

M. TOULOUZE. Pour le public, le médecin n'est qu'un expert et *t

le public ne comprend pas qu'un expert détiendrait un pouvoir

qui doit revenir au magistrat seul. Supposez qu'au lieu d'aliénation

mentale, il s'agisse d'un traumastisme et vous comprendrez quel

rôle doit, à mon avis, remplir le médecin, quand on lui demande

une sortie. -

M. RITTI. Dans le cas indiqué par AI. Toulouze la comparaison

398 ' " SOCIÉTÉS SAVANTES.

- n'est pas très exacte.' En, effet, lorsqu'on nous demande la sortie

d'un de nos malades, nous ne sommes pas experts mais médecins

traitants, ce qui nest pas la même chose.

Or, dans le cas signalé par M. Legrain, on n'a nullement tenu

compte de l'opinion du médecin. Il manque la contre expertise

à l'examen médical effectué dans ces conditions pour que cet

examen puisse être comparé à une véritable expertise. Vous savez

que la contre-expertise n'existe pas et que le magistrat tient ou

ne tient pas compte de l'opinion du médecin et ne doit lui-même

compte à personne de son jugement qui est sans appel.

M. Joffroy insiste pour qu'on ne prépare aucun tirage à part,

de la discussion, attendu que le parlement possède assez de mem-

bres désireux de s'éclairer pour demander la communication des

comptes rendus de la Société.

Il est décidé, néanmoins, que la discussion sur le rôle de la ma-

gistrature de placement ou de sortie de aliénés restera à l'ordre du

jour. M. B.

Séance du z5 mars 4895.-PRÉSIDI'.nCE DE M'. P. Moreau (de Tours).

LE Président annonce la mort de Calmeil qui vient de s'éteindre

à Fontenay-sous-Bois, où il s'était retiré depuis plusieurs années.

* ' Le Secrétaire général donne lecture du discours qu'il a prononcé

sur la tombe de l'illustre doyen des aliénistes français.

M. JEANKET lit un rapport sur le livre « le Merveilleux » de

M. Durand de Cros.

M. RIST fait connaître à la Société que le magnétiseur spirile

Home est mort aliéné.

Ptithogénie des attaqzies épilepti/'ormcs dans la Paralysie générale.

M. A. Voisin. La discussion ouverte sur ce sujet remonte à

plusieurs années.

Trois opinions ont été soutenues : L'opinion allemande qui

attribue les convulsions à des accidents urémiques ; l'opinion gé-

néralement admise en France qui leur reconnaît pour cause une

congestion des méninges ou des autres nervures; enfin quelques

auteurs pensent que l'attaque épileptiforme est liée à des hydro-

pisies ventriculaires. Au point de vu-- clinique je crois qu'on peut

faire le diagnostic de l'étiologie.

Si la température centrale est au-dessous de la moyenne, c'est

l'urémie qui doit être incriminée; s'il y a hyperthermie, on se

trouve en présence d'un état congestif.

, M. Charpentier objecte que c'est l'inverse qui se produit dans les

SOCIÉTÉS SAVANTES. 399

,attaques d'éclampsie liées à l'urémie et qui s'accompagnent, au

contraire, d'élévation de température.

M. A. Voisin pense que dans ces cas particuliers l'hyperthermie

est due à la puerpéralité. '

M. CULERRE a fait à quelques épileptiques des injections de subs-

tance rénale qui ont considérablement diminué le nombre des

attaques. Les quantités injectées sont de deux grammes du

liquide obtenu en triturant une partie de substance rénale dans

cinq parties de la glycérine.

M. CHRISTIAN. On ne peut comparer les attaques épileptiques

franches avec les attaques épiieptiformes des paralytiques géné-

raux.

M. Culerre est aussi de cet avis, il n'a communiqué le résultat

de ses expériences qu'à titre d'indications.

Marcel Briand.

LIII<= CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE

DE LA PROVINCE DU RHIN.

SESSION DE BONN.

Séance du 9 juin 1891. Présidences DE MM. QEUEKE et PELMAN.

M. Noetel. Le procès I''eMM(t ? : ) ! . Un jurisconsulte, le Dr H. Rei-

nartz a publié récemment une brochure intitulée Histoi ? e d'une

interdiction, coup d'oeil rétrospectif sur le procès Hemanerling-held-

mann. Cette brochure est précédée d'une préface par le Dr FINKELN-

bourg. Cette brochure appuyée par un médecin a reçu la plus

grande publicité. A priori, il est permis de penser que les auteurs

de ce factum ont surtout en vue d'exciter dans le public la plus

grande méfiance contre les asiles d'aliénés, tant publics que privés,

et contre les formalités d'admission et d'interdiction. Il y a donc

lieu d'examiner les points principaux de ce mémoire. M. Neelél

examine successivement les griefs articulés ou déguisés. Tels l'agré-

ment de la police locale, la surveillance des asiles d'aliénés. A ce pro-

pos M. Finhelnhourg a oublié d'indiquer dans sa préface que les

- aliénistes allemands ont à plusieurs reprises souhaité la surveil-

lance desasiles par les autorités, [dans l'intérêt des malades et de

leurs familles, qu'ils la souhaitent encore; voyez plutôt le congrès

400 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de Francfort de l'an dernier. Quant à la procédure de l'interdic-

tion, il n'est pas prouvé qne les formalités actuelles, à notre avis

tout à fait suffisantes, si elles sont exactement suivies, doivent être

changées. En tout cas, ce qui s'est passé pour Feldmann ne le prou-

verait pas. En effet, trois fois il a poursuivi la main-levée de son

interdiction, et cela,'non point à une époque où il était interné

dans un asile, mais alors qu'il avait en dehors de 1 établissement

toute liberté d'allures pendant des mois et des années, et le procu-

reur impérial à qui incombe la garde des intérêts généraux en

matière d'interdiction pour cause d'aliénation mentale, ne jugea

pas à propos de provoquer un jugement de la plus haute instance.

D'ailleurs il restait encore au requérant un parti, en vertu de

l'article 3 du paragraphe 620 du code civil, c'était de faire adjoindre

au tribunal un avoué chargé de ses intérêts. Enfin le jugement

de 1887 dans ses considérants en faveur du maintien de l'inter-

diction, dit que, M. Feldmann, se refusant à se laisser observer

dans un asile, le tribunal ne possède aucun moyen de dissiper les

doutes qu'il conserve. Il y aurait donc eu lieu d'engager M. Feld-

mann à se laisser examiner par une commission médicale composée

de savants et d'aliénistes. C'est ce qu'ont oublié de lui conseiller

les auteurs de la brochure ! Les critiques dirigées par eux contre

les asiles prouvent qu'ils ne les connaissent pas et qu'ils ignorent

qu'il arrive assez souvent aux médecins de mettre en liberté des

malades pour simple cause d'amélioration, sans surveillance de la

part de rétablissement.

Quoi qu'il en soit, il serait intéressant de fournir sur le cas Feld-

mann des indications scientifiques qui manquent totalement dans

le mémoire accusateur.

Il est des plus regrettables de voir un membre de notre Société, un

de nos collaborateurs les plus actifs, se détacher de ses collègues, au

- lieu de s'entourer des lumières de tous et de faire participer à ses

études sur un cas particulier, les journaux spéciaux de médecine,

'de droit ou autres spécialités, il est pénible de constater qu'en

jetant dans le public un écrit de cette nature, il va à rencontre du

but qu'il se proposait. En marquant à l'index les asiles d'aliénés

de la province du Rhin, il nuit aux pauvres gens qui sont forcés

d'être admis dans un asile et qui, en y entrant, ne peuvent désor-

mais qu'éprouver une appréhension bien légitime. C'est là ce qu'il

y a de plus fâcheux l

. Discussion. M. PELMANN a été particulièrement visé dans cette

brochure. Il est dit (p. 31) que divers aliénistes de la Suisse, et des

plus émineuls, auraient reconnu la parfaite intégrité de l'état men-

- tal de Feldmann. C'est inexact. Personne au moins n'en a la res-

ponsabilité nominale. Car Fore), qui seul pourrait être pris à parti

en celte affaire, affirme expressément et, à plusieurs reprises, que

SOCIÉTÉS SAVANTES. 401 .

Feldmann n'est pas sain d'esprit; les autres médecins suisses qui -

ont attesté cela, ne sont nullement aliénistes.

Finkelnbourg attesté l'état de raison de M. Feldmann. Mais il ·

parle d'erreurs persistantes qui ne seraient point des idées déli-

rantes ; ainsi qu'il ressort cependant de deux lettres écrites par lui

à Feldmann, il aurait une grande tendance à donner à la fixité de

ces erreurs une portée extrêmement grande. Dans ces conditions,

comment signer un certificat de bonne santé intellectuelle. Le

rapport de Flechsig a été tronqué. C'est pourquoi M. Fleclisig m'a

envoyé la lettre rectificative que je vais lire. D'après cette lettre,

Feldmann avait des idées délirantes permanentes fixes. En consé-

quence, à l'époque en question, Feldmann était malade. L'orateur

parle ensuite des procédés de Finkelnbourg à son endroit.

M. GLDDRN. En août 1890, à l'asile de Piëtzchen, Feldmann

était atteint de folie systématique secondaire, pour un rien il était

agité de sentiments pathologiques, pendant ces mouvements d'hu-

meur, il n'était pas libre de prendre une détermination volontaire,'

les idées délirantes se succédaient en bataillons serrés. Au printemps

de la même année, M. Finkelnbourg avait écrit à M. Besser : « Feld-

mann est encore malade, il a besoin d'être traité à l'asile, mais

j'espère que vous arriverez à obtenir une amélioration compatible

avec sa sortie. > Mais cette amélioration ne vintpas, elle n'était pas

venue à la fin de 1893, époque à laquelle je ne vis plus Feldmann ;

or, bien que M. Finkelnbourg n'ait pas vu le malade pendant tout

ce temps, il n'en affirme pas moins que Feldmann est depuis des

années bien portant et qu'il a été illégalement retenu dans un asile.

MM. Ungar, THO1SEN, TIGGES, Schulz, SCHREIBER parlent dans le

sens des orateurs précédents.

Sur la proposition de : Ii.LRLENrEYER et malgré la tendance conci-

liatrice de M. OI : BERE, l'assemblée adopte à l'unanimité la proposi-

tion suivante : '

La Société psychiatrique de la province du Rhin exprime son profond

regret de voir qu'un de ses membres, M. le conseiller intime, professeur-

docteur Finkelnbourg, ait, dans l'affaire Feldmann, dérogé aux habitudes

de nos débats scientifiques dans les journaux médicaux ou médico-légaux,

qu'il se soit adressé à une publicité dont les inconvénients sont de porter

atteinte aux intéressés, et de susciter, dans le public, la plus grande

méfiance contre ce qui a nom d'asile d'aliénés dans la province du Rhin.

Il faut plaindre les malades qui, pleins désormais de cette méfiance injus-

tifiée, sont cependant forcés de fréquenter les asiles.

Épilogue de cette histoire. Le 22 août 1894, Feldmann repris

d'agitation dut être placé à l'hôpital de Godesberg. Il fit une ten-

tative de suicide et on dut le soumettre à une surveillance continue.-

La prétendue guérison n'était donc qu'une rémission dans une per-

turbation intellectuelle chronique....

Archives, t. XXIX. 26

402 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. LIEBiANN. Cleorée et aliénation mentale.

M. TnoMSEN. Elude clinique sur l'obsession. Cinq observations

montrent que ce sont des accidents cliniquement autonomes, qui

peuvent se montrer à l'état d'accès accompagnés de signes phy-

siques.

Discussion. M. QCHULTZE. 11 ne faut pas confondre les obses-

sions et états anxieux avec la neurasthénie; ils n'en sont pas

fonction.

M. Steiner. - L'observation du jeune homme de seize ans qui

vient d'être lue, ne doit-elle pas, à raison de cette forme obsé-

dante de dire certaines paroles et du tic convulsif, rentrer dans la

maladie du tic avec écholalie et koprolalie de Gilles de la

Tourelle ?

M. PELMAN. Les idées obsédantes ont dans les psychoses vraies

un rôle plus grand qu'on ne leur en attribue actuellement. Elles

comprennent des états très différents, il serait à désirer qu'on mit

ce sujet à l'ordre du jour d'une des séances les plus prochaines.

M. TnoMSEN. Le malade de Gilles de ta Tourelle rentre dans

le grand groupe des phénomènes psychiques à mécanisme impul-

sif. L'hypnotisme n'a donné aucun résultat,

M. SCHULT7E. Quelques remarques sur l'hystérie et l'hypnotisme.- z

Une hystérique de trente-deux ans était depuis neuf ans atteinle

de contractures vives dans les mains elles pieds qui jl'empêchaient

tout à fait de se tenir debout et de marcher. Il y avait en outre

atrophie musculaire prononcée ayant son origine et dans cette

longue période d'inaction musculaire et dans l'alimentation défec-

tueuse par suite d'une stomatite intense avec carie dentaire étendue.

On s'adressa simplement au traitement mécanique graduel sans

déployer de force et aux courants faradiques. En cinq mois on

réussit à améliorer cet état;*la malade reprit l'usage de ses mem-

bres à peu près parfait et complet. On soigna la bouche, on

extirpa les dents malades, la nutrition se rétablit. L'hypnotisme

ne fut pas employé.

L'orateur a recherché le réflexe pharyngien chez deux cents per-

sonnes normales non hystériques; il a trouvé que, chez 23 à

26 p. 100 d'entre elles, celui-ci n'existait pas. Par contre chez dix

hystériques il existait. Ce qui enlève à la portée du réflexe pha-

ryugien chez les hystériques une partie de sa valeur diagnostique.

Il y aurait encore d'après lui beaucoup à dire contre la pré-

tendue fréquence de l'hémianesthésie dans l'hystérie, contre la

contracture des muscles animés par le nerf que l'on excite par

pression lente et modérée chez l'hystérique. Suit une critique du

travail d'Etfertz sur l'hystérie, l'hypnotisme et la suggestion.

Discussion. M. STEINER. Conformément à la manière de faire

SOCIÉTÉS SAVANTES. 403

de Charcot, je me garde de la suggestion en pareil cas, j'isole les

malades en les confiant aux soins de personnes étrangères. Mais

cette méthode même ne doit être appliquée qu'en un cas appro-

prié. L'hypnotisme peut aussi être utilisé conjointement à l'isole-

ment. L'hypnotisme à lui seul guérit parfois très bien dans la

famille même de la malade ; c'est ce qui est arrivé tout récemment

pour une jeune fille que je voulus retirer de chez elle et pour

laquelle on fit venir un magnétiseur de province qui la guérit.

L'hémianesthésie totale est en effet une rareté. Elle est très fré-

quemment remplacée par l'hémi-hypoesthésie. Ceci ne prouve pas

l'inexactitude de la description de Charcot, car à Paris, où à la

Salpêtrière, affluent les hystéries les plus graves de toute la

France.

Quant à l'anesthésie pharyngée uni ou bilatérale, elle a une

très grande valeur, une importance extrême pour le diagnostic de

l'hystérie. Si l'on constate cette anesthésie ou tout au moins une

tolérance extrême du pharynx à l'égard des excitants mécaniques

même chez les gens non nerveux, il faut l'attribuer à l'habitude de

fumer, à d'anciennes affections pharyngiennes. Voici une observa-

tion qui confirme notre manière de voir. Une jeune fille éprouve

pendant plusieurs jours, au cours de ses règles, des attaques con-

vulsives persistantes. Celles-ci passées, on constate les stigmates de

l'hystérie : rétrécissement du champ visuel, émoussement unila-

téral de la sensibilité cutanée, insensibilité pharyngée. Tous ces

signes disparaissent les jours suivants, seule l'insensibilité pharyn-

gée demeure comme signe permanent de l'hystérie. Le congrès

d'automne aura lieu le 10 novembre prochain. (Allg. Zeitsch. f.

Psychiat., Ll. 2.) P. KERAVAL.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DU NORD-EST

DE L'ALLEMAGNE.

PREMIÈRE SESSION DE ZOPPOT.

Séance du 30 juillet 1894.

' Pour se sentir les coudes, et échanger leurs idées, les aliénistes

et neurologues du nord-est de l'Allemagne ont fondé une nouvelle

société. Appel a été fait aux médecins des asiles de la Poméranie,

de l'ouest et de l'est de la Prusse, de Posen, à tous les directeurs.

Etaient présents MM. Hesse, Hoppe, Kroemer, Mercklin, Muermann,

404 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Rabbas, Siemens, Sommer, Warschauer. La société se tiendra sous

forme de congrès une ou deux fois par an ; elle rayonnera de

Zoppot sur l'un des asiles qui sera, alternativement, choisi pour

lieu de réunion.

M. HOPPE. Contribution à l'élude de la question des infirmiers.

Les meilleurs moyens pour avoir de bons infirmiers et élever le

niveau de cette profession sont : 1° d'augmenter leurs salaires;

2° d'organiser des écoles d'infirmiers.

.' Surveiller le personnel, c'est fort bien, mais cette surveillance

incombe moins aux médecins (proposition de M. Sommer au con-

grès de Carlsruhe du 12 novembre 1893) qu'aux surveillants et

surveillantes en chef. On a créé à l'asile de Koenigslutter une fonc-

tion spéciale intermédiaire à celle d'infirmier et de surveillant en

chef qui est chargée de cette surveillance dans chaque quartier.

Discussion. M. Sommer. Si nous changeons souvent d'infirmiers

dans les provinces de l'Est, c'est qu'ils sont attirés vers l'Ouest.

Tous les ans, chez moi, je renouvelle un tiers de mon personnel

secondaire. Je pense donc qu'après dix années de service dans le

même asile tout gardien doit être pensionné. A l'asile d'Allenberg,

on a acheté une certaine étendue de terrain à une certaine distance

de l'établissement. Tout gardien qui a dix ans de service reçoit,

comme pension, trente arpents de terre avec les bâtiments néces-

saires et un inventaire. On lui confie quatre à six malades qu'il

occupe contre une rémunération mensuelle de huit marks (dix

francs) par malade. Il devient un nourricier.

M. SIEMENS. Ce qui se fait dans l'Allemagne du Sud ne peut

être appliqué sans réserve à l'Est de l'Allemagne. On ne saurait en

effet comparer- les prix des vivres, la quotité des salaires et les

exigences de la vie de l'Allemagne de l'Est, du Sud et du centre.

M. K.ROEMER. Les opinions des directeurs d'asiles sont bien diffé-

rentes. Tels sont rigoureux pour leurs infirmiers, tels sont moins

stricts; ceux-ci aiment à avoir un personnel ancien, servant depuis

longtemps; ceux-là préfèrent infuser continuellement un sang

nouveau. A l'asile de Neustadt, les religions opposées entrent en

ligne de compte. Beaucoup de nos infirmières, et ce ne sont pas

les plus mauvaises, s'en vont parce qu'elles se marient. Dans l'Alle-

magne du Sud et en Autriche, on ne se loue point d'un personnel

secondaire marié; ici les femmes des gardiens habitent la division

des hommes et y exercent certaines fonctions. On ne peut espérer

tirer bon parti de l'école d'infirmiers en se bornant à les entretenir

de tout sans y ajouter de gages. Mais Berlin et ses environs cons-

tituent un bon centre d'attraction permanente pour les jeunes

infirmiers et infirmières, à raison des gages élevés qu'on leurpaie.

Dans nos asiles les salaires sont trop élevés comparativement à

ceux que donnent les cultivateurs auxquels, -par cette raison, on

' BIBLIOGRAPHIE. 405

enlève des travailleurs; ils se plaignent que les journaliers élèvent,

pour le même motif, leurs prétentions. Nous avons du reste géné-

ralement notablement augmenté les gages de nos infirmiers par

rapport aux taux antérieurs; le tarif actuel est donc suffisant; il

faut chercher autre chose. Il est très rare de voir de solides gar-

diens mariés abandonner leur position; ils se déclarent satisfaits

de leur sort.

La comparaison statistique des mouvements du personnel secon-

daire dans les divers asiles de l'Allemagne ne signifie donc pas

grand'chose. Quant à créer un poste intermédiaire à celui d'in-

firmier et de surveillant en chef en vue d'obtenir de meilleurs

éléments, c'est une proposition à prendre en considération, quoi-

qu'elle soit difficile à mettre en pratique.

M. MERCKDN lit son travail sur la conscience de l'état morbide

dans la paranoïa. Publié in extenso 1. Ce mémoire soulève une

courte discussion. (Allg. Zeilschi,. f. Psychiat., LI, 3.)

P. KERAVAL.

BIBLIOGRAPHIE.

XVIII. La Confusion mentale primitive ; par le Dr Chaslin. Paris, 1895;

Asselin et Houzeau, éditeurs.

Le Dr Ph. Chaslin vient de publier sous le titre : La Confusion

mentale, une monographie des plus intéressantes, qui ne peut man-

quer d'attirer l'attention des médecins qui se livrent spécialement

'à l'étude des maladies mentales. Ce travail a nécessité de la part

de l'auteur des recherches nombreuses, laborieuses; il a dû con-

sulter non seulement les importants mémoires qui ont paru en

France sur ce sujet, mais la connaissance qu'il possède des langues

étrangères lui a permis d'examiner encore les travaux publiés en

Allemagne et dans les autres pays. C'est une étude clinique des

plus complètes ; elle contribuera à dissiper les obscurités dont cette

affection est entourée. -

La stupeur, démence aiguë d'Esquirol, « confusion mentale »,

constitué en effet une des formes complexes de l'aliénation mentale'

Tantôt elle a été considérée comme une complication des manifes-

tations délirantes les plus diverses et décrite alors, dans les ouvrages

1 Sera analysé dans les Archives de Neurologie aux Revues analytiques.

406 bibliographie.

classiques, à la suite de telle ou telle forme d'aliénation dans laquelle

on l'observait. Tantôt au contraire, et c'est l'opinion de notre con-

frère, on l'a considérée comme une forme spéciale ayant ses carac-

tères propres, anatomiques et symptomatologiques, reconnaissant

il est vrai les causes les plus variables, mais reposant en définitive

sur un même état, la confusion mentale, c'est-à-dire l'affaiblissement

plus ou moins durable des manifestations intellectuelles, et un

véritable délire cahotiqite dans lequel on retrouve des symptômes

souvent caractéristiques de l'affection mentale antérieure; la confu-

sion mentale détermine en outre dans le système nerveux des

troubles consécutifs plus ou moins graves. L'historique est des plus

instructifs; le De Chaslin examine successivement les auteurs fran-

çais, allemands, russes, anglais, américains et italiens, qui se sont

occupés de cette question, ce qui a naturellement donné lieu à une

synonymie très variée suivant les différents pays. Du temps de

Pinel, l'hospice de Bicêtre était regardé comme un lieu de retraite

et de rétablissement pour ceux qu'on avait soumis ailleurs à un

traitement trop actif par les saignées, les bains et les douches. Un

grand nombre arrivèrent dans un état de faiblesse, d'atonie et de

stupeur tel que plusieurs succombèrent quelques jours après leur

arrivée ; d'autres reprirent leurs facultés intellectuelles avec le

rétablissement graduel des forces, d'autres eurent des rechutes dans

la saison des chaleurs ; quelques-uns, les jeunes principalement,

après être restés plusieurs mois ou même des années entières dans

un idiotisme absolu, furent pris d'une variété d'accès de manie

qui dura vingt, vingt-cinq ou trente jours et qui fut suivi du

rétablissement de la raison par une sorte de réaction.

Esquirol distinguait de la démence chronique une démence aiguë

qui se développait dans la convalescence de la manie suraiguë et

des fièvres cérébrales ataxiques. Cette affection était caractérisée

par un délire tranquille, taciturne, triste, avec idées incohérentes,

sans force et sans énergie : « Dans cet état, disait un de ses mala-

des, mon intelligence est nulle, je ne pense pas, je ne vois et n'en-

tends rien; si je vois, si j'apprécie les choses, je garde le silence,

n'ayant pas le courage de répondre. Ce défaut d'activité dépend de

ce que mes sensations sont trop faibles pour qu'elles agissent sur ma

volonté (c'est Esquirol qui souligne la phrase). Georget appelle

stupidité la démence aiguë d'Esquirol; d'autres auteurs, Etoc-De-

mazy, Calmeil, Ferrus admettent généralement l'expression de

stupidité pour désigner cette maladie. -

Delasiauve, en 1843, fait remarquer que la stupidité est admise

- comme une forme particulière caractérisée par l'inertie; il n'ac-

corde aux hallucinations vagues ou rares suivant lui qu'une valeur

d'épiphénomène. On connaît les recherches de Baillarger qui a

cherché à démontrer la persistance de l'activité intellectuelle

malgré l'embarras des idées ; pour lui la stupidité devait être rat-

bibliographie. 407

tachée à la mélancolie, mais a-t-il soin d'ajouter, à une variété de

la mélancolie qu'on pourrait appeler passive, avec embarras de la

parole, oppression des forces, etc.

Si la plupart des aliénistes se rangèrent à l'opinion de Baillarger,

d'autres, avec Delasiauve, ne voulurent pas accepter cette forme

comme une variété du délire mélancolique. Ce dernier auteur fai-

sait en effet remarquer que la lypémanie consistait dans l'exagé-

ration et la fixité d'un sentiment dépressif qui, généralement se

reflétait dans la physionomie et l'attitude du malade, tandis qu'au

contraire dans la stupidilé les symptômes étaient c une torpeur

intellectuelle, une absence plus ou moins absolue d'idées, une dis-

position enfin dans laquelle les fonctions cérébrales étaient mo-

mentanément mortes et comme paralysées. Sans doute, fait remar-

quer Delasiauve, il peut exister chez le stupide des préoccupations

maladives et des hallucinations plus ou moins pénibles, mais elles

n'apportent aucune modification importante à l'immobilité extérieure

à l'obtusion intellectuelle, à l'embarras delà mémoire, à la nullité

sentimentale ! Les stupides, impuissants à réagir, peuvent conserver

le souvenir des impressions dont leur imagination est frappée,

mais ils assistent comme de véritables automates aux scènes péni-

bles qui s'accomplissent en eux ; ce sont chez eux des rêves en rap-

port avec l'état d'oppression cérébrale dont ils sont atteints et qui

est marquée au coin d'une véritable confusion intellectuelle.

Sauze (thèse 1852) admettait comme Delasiauve que la stupidité

était un genre particulier d'aliénation parfaitement distinct de la

lypémanie et de la démence; mais il penchait aussi du côté de

Baillarger et il admettait une stupidité mixte comme une transi-

tion naturelle de la stupidité à la mélancolie. Delasiauve reconnais-

sait plusieurs espèces de stupidité, consécutive à l'épilepsie, l'hys-

térie, à diverses intoxications, etc., reposant sur le même fond, la

confusion mentale, l'obscurcissement intellectuel et l'automatisme

cérébral.

Notre distingué confrère veut bien rappeler également les obser-

vations que nous avons faites sur la stupidité comme l'opinion que

nous avons émise d'admettre deux sortes de stupidité, l'une avec

délire, l'autre sans délire.

Nous devons mentionner enfin les recherches récentes de Ségias

dans les Archives générales de médecine (mai et juin 189). Ce der-

nier auteur distingue une confusion mentale secondaire, une

symptomatique, une autre épisodique, une enfin essentielle ; la

forme épisodique se produirait passagèrement, par exemple, dans

le cours d'une mélancolie simple à la suite du refus prolongé d'ali-

ments, la forme symptomatique étant celle des délires toxiques,

fébriles, de certaines névroses (hystérie, épilepsie) et se montrant

dans le cours des tumeurs cérébrales, de l'urémie, de l'albuminu-

rie, de la glycosurie, etc.. La forme essentielle, primitive, dont il

408 bibliographie.

existe deux variétés, asthénique et hallucinatoire, présente des

symptômes fondamentaux et des symptômes secondaires dont la

description clinique, dit Ziehen (Nezar. Centrnlbl., 15 mars 1895) con-

corde avec celle de Meynert, Willé, etc.

Le Dr Chaslin après avoir résumé les travaux français, examine

-avec soin ceux qui ont paru à l'étranger et qui sont fort nombreux.

Nous trouvons en Allemagne Kahtbaum, Westphal, Meynert, Binz-

wanger, Krafft-Ebing, Mayser, Kroepelin, Willé, etc. Nous ne pou-

vons que renvoyer à l'auteur pour l'examen des opinions émises

en Allemagne, en Russie, en Angleterre et en Italie.

Cette discussion intéressante a été exposée parle Dr Chaslin avec

-une grande netteté ; elle résume les nombreux travaux publiés par

- les auteurs ; elle est de-la plus grande utilité en ce sens qu'elle per-

met de fixer l'esprit sur la nature d'une maladie dont il importe

d'établir le diagnostic exact et d'instituer le traitement. En résu-

mant cette partie historique très remarquable, le Dr Chaslin con-

clut de la manière suivante : « On peut admettre l'existence d'une

forme de trouble menlal dans laquelle le symptôme psychique

prédominant et primitif est la confusion mentale, idiopathique

dans un cas, symptomatique dans l'autre,lorsqu'ellesuccède à l'épi-

lepsie, le saturnisme, etc... Au point de vue clinique, cette dis-

tinction nous paraît d'une importance absolue. -o

Dans la deuxième partie de son livre, l'auteur expose d'une ma-

nière succincte la symplomatologie de la confusion mentale primi-

tive idiopathique. L'attitude du malade est caractéristique suivant la

cause qui vient produire la stupeur; tantôt, c'est un accès d'ex-

citation qui fait ressembler l'individu soit à un maniaque, soit à

- un mélancolique anxieux, soit à un alcoolique suraigu; tantôt le

- malade peut présenter l'aspect de la stupeur à tous ses degrés et

- à ce que Ralilbaum a décrit sous le nom de katatonie, soit à ce

qu'on appelle la mélancolie avec stupeur. La description des di-

verses formes que présente cette affection est fort intéressante,

@elle montre la connaissance approfondie que possède l'auteur sur

ces questions.

Les Allemandsont désignésous le nom de acute V6f ? ? ? </tett une

forme complète et moyenne caractérisée principalement par des

actes généralement incohérents, sans but apparent, ou des mou-

vements automatiques, stéréotypés, bizarres, des impulsions su-

bites. On trouve pour les autres formes d'aulres particularités,

tantôt, c'est le trouble mental qui prédomine dans le tableau

clinique, la confusion ou le ralentissement intellectuel est porté

"à son plus haut degré, on est en présence de ce qu'on appelle la

démence aiguë avec ses variétés agitée et stupide ; si c'est l'état

somatique qui prédomine, on a les formes qui simulent le mieux

une maladie infectieuse et que l'on peut appeler formes typhoïde

ou méningitique.

bibliographie. 409

Nous ne pouvons entrer dans la description détaillée des diverses

variétés que l'on peut encore rencontrer; le Dr Chaslin le fait mi-

nutieusement, et le lecteur trouvera dans son excellent livre tous

les renseignements désirables ; tels sont le délire de collapsus (collaps

delirium de Kraepelin), la forme chronique désignée par Meynert

sous le nom d'Amentia, etc.

Les confusions symplomatiques forment l'objet du chapitre n de

la seconde partie ; elles sont consécutives à la fièvre typhoïde, l'éry-

sipèle cérébral, les délires aigus, l'urémie, quelques affections

diathésiques, l'alcoolisme, les tumeurs cérébrales, l'épilepsie, la

neurasthénie, etc.

La physiologie et la psychologie pathologiques sont étudiées

dans le chapitre m. L'auteur s'étend plus particulièrement sur

la théorie de Meyneft, qui admet à l'état sain l'hypérémie par-

tielle au niveau de certains centres, nécessaire pour que les ima-

ges obtenues aient une intensité suffisante pour devenir cons-

cientes : « C'est ce que l'on peut exprimer avec Fechner en disant

que les centres hypérémiés sont en état de veille alors que le reste

du cerveau est à l'état de sommeil. b

- M. Chaslin résume aussi les théories de Wundt sur l'aperception,

celles de Ziehen sur le rôle des images inconscientes exerçant les

unes sur les autres des actions excitatrices, il rappelle les travaux

de Binet et de Pierre Janet sur le fonctionnement intellectuel et

ceux de Cotard sur l'origine psycho-motrice du délire et donne

à ce sujet des explications que l'on consultera avec grand profit.

En résumé, ce qui fait le fond de la psychose que nous analysons,

c'est l'état de confusion se manifestant sous les formes les plus

variables. Si cet état est très peu marqué, il donne lieu aux con-

fusions légères de Delasiauve qui peuvent alors s'accompagner de

la conscience delà maladie et se rapprocher de la neurasthénie; si

la confusion est extrême, si elle va jusqu'à l'arrêt presque com-

plet du cours des images, on a le tableau de la démence aiguë avec

ses différentes variétés; si l'excitation intellectuelle hallucinatoire

prend un développement marqué, on a enfin la forme que l'on

peut désigner sous le nom de confusion délirante ou hallucinatoire.

Dans le chapitre diagnostic, on voit qu'en définitive le symptôme

confusion se présente dans une série de troubles mentaux les plus

différents. 11 peut se présenter primitivement, indépendamment

de tout phénomène psychologique antérieur, ou secondairement

comme conséquence d'autres symptômes psychologiques. Suivant

la prédominance de tel ou tel autre symptôme, on peut séparer

des types qui se rapprochent de telle ou telle affection ; non seule-

ment il faudra distinguer, dans les cas très intenses, les délires de

collapsus, ceux surtout qui caractérisent la manie suraiguë et le

délire aigu, les mélancolies avec stupeur, mais surtout ceux qui

sont consécutifs à la paralysie générale et. les démences organi-

410 bibliographie.

ques. L'expression de la physionomie est, comme le remarque

Séglas, extrêmement importante à consulter. Chaslin fait observer

que le diagnostic a donné lieu en Allemagne à des discussions qui

ne sont pas encore terminés, surtout sur ce que l'on appelle la

paranoïa aiguë, autrement dit les délires hallucinatoires ou systé-

matisés aigus.

Les chapitres consacrés au pronostic, à l'étiologie, à l'anatomie

pathologique renferment des renseignements très instructifs ; enfin

dans un dernier chapitre de classification se trouve un résumé des

idées des différents auteurs qui se sont occupés de cette question

et qui ont essayé de classer cette forme de maladie; les discussions

auxquelles elle a donné lieu paraissent elles-mêmes souvent tourner

à la confusion. Les considérations sur le traitement méritent, elles

aussi, d'être mentionnées, Celles présentent pour le médecin praticien

des indications utiles à connaître.

On le voit, le livre du Dr Chaslin est une monographie très com-

plète et une étude clinique très approfondie, édifiée sur de nom-

breux documents. L'auteur, et il faut l'en féliciter, s'est efforcé d'ap-

porter de l'ordre dans cette question et de dissiper les obscurités

que la complexité des phénomènes psychiques et somatiques expli-

quait naturellement ; aussi son livre se trouvera-t-il entre les mains

de tous les psychiatres. H. DaGONI;T.

XIX. L'assistance des alcooliques en Suisse, en Allemagne et

en Autriche; par le Dr P. Sérieux, médecin des asiles de la

Seine.

Rapport de mission médicale, à propos de la création projetée

d'un asile spécial d'alcooliques dans le département de la Seine.

Cette question a déjà fait couler des flots d'encre et le débat sou-

levé au congrès de Clermont l'an dernier, n'a suffi qu'à démontrer

combien peu la question était mûre aussi bien dans l'esprit des

spécialistes que dans celui de l'administration et des corps élus.

M. Sérieux a dû s'en référer aux tentatives nées de l'initiative

privée en Suisse, Autriche et Allemagne. Toutes, elles sont limi-

tées à des groupes d'alcooliques peu nombreux ou mieux à des

groupes de buveurs d'habitude volontairement traités, le plus sou-

vent d'après les points de vue confessionnels plutôt qu'au point de

vue médical. Dans l'asile d'alcooliques projeté pour 500 malades,

M. Sérieux réclame la constitution de petits pavillons groupant

50 malades au maximum, à l'exclusion de l'asile caserne aujour-

d'hui condamné. 7 sur 10 de ces pavillons seraient pour les alcooli-

ques améliorés, travailleurs avec ateliers nombreux et une organi-

sation du travail sérieuse, où les chefs d'ateliers soient surveillants

et logent avec leurs malades. L'ordre dispersé parait préférable à

la symétrie monotone pour les constructions; peu de cellules mais

. asiles d'aliénés. 411

une cellule capitonnée sérieuse, des chambres d'isolement et d'ob-

servation, enfin des pavillons de classement nombreux permettant

d'appliquer l'opendoor System au plus grand nombre de malades

qui en sont susceptibles.

M. Sérieux s'élève avec raison contre la transformation actuelle

des asiles destinés au traitement des aliénés, en maisons de déten-

tion où s'accumulent pêle-mêle curables aigus'et chroniques incu-

curables auxquels un autre système d'assistance devrait répondre,

j'ai nommé la colonisation agricole ou familiale. L'appel à une

participation plus effective du service actif des médecins adjoints

inutilisés vient comme corollaire de la sélection des malades ainsi caté-

gorisés.Ainsipourrait-êtreréalisélerêved'Gsquiroldel'asile de traite-

mentpourles aliénés aigus curables où un médecin traitant nepour-

rait être chargé de plus de 1SO malades au maximum. L'exemple de

l'étrangeretle modèle réalisé à l'établissement modèle d'Alt-Iberbitz

sont des documents éminemment suggestifs que M. Sérieux a su

mettre en valeur dans son rapport ; puissent ses conclusions être

adoptées ! D1' A. Marie.

ASILES D'ALIÉNÉS.

IX. Nouveaux règlements concernant LES aliénés, EN rapport avec

NOS CONNAISSANCES ACTUELLES SUR LA NATURE DE LA FOLIE ET LES

RÉFORMES AYANT POUR BUT D'ASSURER POUR EUX UN TRAITEMENT PLUS

rationnel ET plus efficace ; par le D1' Stephen SMITH.

L'auteur estime que si les États s'occupent de plus en plus de la

sécurité, du bien-être et de la garde des aliénés, on ne fait presque

rien dans un but curatif de leur affection.

Les conceptions généralement répandues sur l'aliénation sont

fausses, le système de traitement des aliénés est défectueux et

indigne de la civilisation : c'est au point que dans quelques Etats,

le mot « d'accusé » est encore prononcé dans la législation, à propos

des aliénés.

La croyance à l'incurabilité de la folie est répandue dans le public

et même parmi les médecins ; en conséquence, tous les établisse-

ments destinés aux aliénés sont construits, organisés comme des

asiles et non comme des hôpitaux, comme des institutions de garde

et non comme des institutions curatives; aussi les aliénés sont-ils

entassés par centaines dans des asiles où un seul médecin ne peut

412 asiles d'aliénés.

les visiter chaque jour en particulier comme on le fait dans les ser-

vices d'hôpitaux ordinaires.

La réforme doit être radicale et reposer sur l'idée fondamentale

que l'aliéné est une personne atteinte d'une maladie cérébrale et

comme conséquence logique de cette notion, l'aliéné, simple

malade, doit être placé complètement sous la juridiction et sous

la direction de la profession médicale.

- Lorsqu'un malade est atteint d'affection contagieuse, affection

dangereuse pour les autres, on ne songe guère à s'adresser à un

magistral; pourquoi le faire quand il s'agit d'une maladie céré-

brale ?

De même que le médecin de la famille, en cas de maladie infec-

tieuse, adresse un rapport au service sanitaire, rapport d'après

lequel un médecin spécial vient s'enquérir du cas et indiquer les

mesures à prendre; de même, en cas de maladie cérébrale, un

rapport devrait être fait par le médecin ordinaire de la famille, et

un médecin spécialiste viendrait immédiatement examiner le ma-

lade et statuer sur les mesures à prendre.

D'après ces mêmes idées, l'hôpital pour les aliénés devrait être

organisé sur des bases presque identiques à celles d'un hôpital

général : à leur arrivée, les malades seraient reçus dans un ser-

vice spécial où ils seraient examinés avant d'être répartis dans

les services de traitement proprements dits. L'hôpital comprendrait

en outre une division pour les maladies aiguës, une autre pour les

convalescents et une dernière pour les incurables. (American jour-

nal of insanity, 1895.) E. B.

X. Les soins hospitaliers actuels donnés aux aliénés ; par

Samuel-B. LyoN M. D. (The Jouî-n. of neruous and mental diseases,

août 1894.) J.-B. C.

XI. L'ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL DES gardiens dans LES asiles

d'aliénés; par le Dr S. MOREL. (Bull. de la Soc. de méd. ment. de

Belgique, sept. lrt9'1.)

La nécessité d'un enseignement professionnel pour les gardiens

des asiles d'aliénés ne fait plus aujourd'hui de doute pour personne.

En Angleterre, depuis quatre ans, des ;examens ont été institués

pour cette catégorie de garde-malades parles soins de l'association

médico-psychologique. 803 diplômes ont déjà été décernés. Pour

se présenter à l'examen, le candidat doit être muni d'un certi-

ficat attestant qu'il a fait un stage de deux ans dans un asile

d'aliénés.

En Allemagne, l'instruction professionnelle des gardiens est

encore plus répandue, car c'est le pays qui a produit le plus grand

nombre de manuels destinés à cet enseignement. En Italie, le

FAITS DIVERS. 413

même enseignement existe déjà dans plusieurs manicûmes. Le

Dr Marro est officiellement chargé de l'instruction des gardiens de

l'asile de Turin. Aux États-Unis, il n'existe aucun asile de quelque

importance qui n'ait son enseignement professionnel. A la fin

de 1892, ce pays comptait déjà 652 gradués. ,

En 1892, également, la Société de psychiatrie de la Hollande

décida, à l'unanimité de ses membres, que c'était un devoir pour

tous ceux qui appartiennent à un asile d'aliénés, aussi bien au

directeur qu'au médecin, de faire tous leurs efforts pour améliorer

le personnel des gardiens. A cet effet, des examens ont été insti-

tués sur les premiers éléments de l'anatomie, de la physiologie et de

l'hygiène, ainsi que sur les principes fondamentaux de l'art de soi-

gner les malades et les aliénés. Comme en Angleterre, cet examen

est à la fois théorique et pratique. Les candidats qui ne peuvent

avoir moins de vingt-deux ans et plus de trente-huit, doivent pré-

senter au moment de. leur inscription deux certificats, l'un attes-

tant leurs bonnes dispositions morales, l'autre prouvant qu'ils

ont fait avec fruit et pendant deux ans un stage dans un asile

d'aliénés. L'instruction professionnelle rend le gardien circons-

pect, prudent et calme. Le gardien instruit comprend la valeur

morale des soins de propreté à donner aux aliénés, d'un excellent

entretien des salles, du mobilier et des préaux, de l'exécution

rigoureuse des prescriptions hygiéniques et médicales, etc., etc.1.

G.D.

FAITS DIVERS.

Asiles d'aliénés. Nominations, mutations. M. Tondu est

nommé directeur de l'asile de Villejuif en remplacement de M. BAR-

Roux décédé (16 avril 1895). M. le D'' BaessoN est nommé médecin-

directeur de l'asile de Marseille (1G avril 1895). M. Bezombes est

nommé directeur de l'asile de Mont-de- Vergues. M. Vernet est

nommé directeur de l'asile d'Auch. M. le Dr Boiteux est nommé

médecin en chef de l'asile de Clermont (25 mars). M. le Dr CROUS-

tel est nommé médecin-adjoint à l'asile de Lafond (5 mars.)

Une histoire DE sorcière. On mande de Cloumel (Irlande) :

Une enquête judiciaire sur l'assassinat d'une femme Cleray a été

ouverte le 26 courant.

1 Nous rappellerons qu'il existe à Paris, et dans la Seine, des écoles

pour les infirmiers des asiles de Bicêtre et de la Salpêtrière depuis 1878 ;

a l'asile Clinique depuis 1882, et des écoles dans les trois autres asiles.

414 % FAITS DIVERS.

Dix personnes au nombre desquelles se trouvent le père, le mari,

deux femmes, tous parents de la victime, comparaissent devant

le magistrat. z

La femme Cleary souffrait de surexcitation nerveuse compliquée

de bronchite. Son mari s'imagina qu'elle était sorcière et se mit

à l'exorciser. Il demanda certaines plantes à l'herboriste et avec le

concours des autres parents, il la força à les avaler ; puis, en pré-

sence de tous ses complices, il lui demanda au nom de Dieu, de

déclarer qu'elle n'était pas sa femme. Pour la forcer à faire cette

déclaration, les dix accusés la maintinrent au-dessus d'un brasier

ardent où elle fut grièvement brûlée.

Le lendemain soir, la cérémonie de l'exorcisme se renouvela.

Les fanatiques voulurent la forcer à manger trois tartines de con-

fitures, mais comme elle s'y refusait, ils la terrassèrent et la dé-

pouillèrent de ses vêtements. Le mari lui versa du pétrole sur le

corps et y mit le feu avec un tison du foyer.

Dix hommes et deux femmes assistaient à cette scène de sauva-

gerie sans porter secours à la victime, se bornant à faire timi-

dement des remontrances au mari ; mais celui-ci soutenait qu'il

s'agissait non de sa femme, mais d'une qui ne manquerait de

disparaître par la cheminée; mais, avec l'aide d'un des pré-

venus, il enveloppa dans un drap les restes calcinés de la mal-

heureuse et il alla les jeter dans un fossé près de la maison.

Quand les prisonniers ont été reconduits à la prison, la foule

s'est livrée contre eux à de violentes manifestations d'indignation.

(Petit Troyen, 28 mars.)

. Suicide d'adolescents. Une fille Dufour, âgée de vingt ans,

demeurantrue du Pont-de-la-Vierge, à Louviers,chezses parents, s'est

asphyxiée, avant-hier jeudi, par le charbon. Son père, en rentrant

de son travail, à 7 heures du soir, l'a trouvée inanimée. Un mé-

decin a été aussitôt appelé et, pendant deux heures, il a essayé de

la rappeler cette pauvre fille à la vie, mais tout a été inutile.

Cette jeune désespérée avait déjà tenté de s'asphyxier, il y a

deux ou trois ans, et si elle n'avait pas réussi, c'était par une cause

indépendante de sa volonté. Son frère âgé de seize ans s'est pendu,

il y a quelques années, chez son oncle, rue aux Huiliers. On ignore

les motifs de son acte de désespoir. (Rappel de l'Eure, 6 avril.)

Un FOU mystique. Un crime bizarre, commis par un fou, vient

d'être découvert dans des conditions surprenantes, dans la nuit

d'hier. Il était environ minuit lorsque le portier de l'hôpital Saint-

Louis entendit heurter la porte violemment. II crut à quelque

mauvaise plaisanterie et n'y prit garde; cependant les coups con-

tinuaient, frappés de plus en plus fort dans la porte, et le con-

cierge se leva. A la porte, il vit un homme jeune encore, l'air

hagard, qui lui dit :

faits DIVERS. 415

Dépêchez-vous donc, je suis pressé. -Qu'avez-vous Un

médecin, un médecin, je veux un médecin. Etes-vous blessé,

souffrant ? Non, c'est pour mon frère. Allez chercher un

médecin de quartier, nous n'y pouvons rien. Mais si, tenez, c'est

pour constater le décès de mon jeune frère que voilà. Et, en disant

ces mots, l'inconnu sortait un paquet d'un petit sac dit c musette ».

Allons, assez avec vos histoires, dit le concierge de l'hôpital,

déguerpissez vite, l'homme. Mais i ! avait à peine prononcé

ces paroles que l'inconnu, après avoir défait les papiers entortil-

lant son paquet, brandissait à bout de bras, une tête d'enfant

encore sanguinolente qu'il tenait par les cheveux. C'est la tête

de mon frère ! criait-il.

L'employé de l'hôpital recula épouvanté ; la scène était vraiment

effroyable à cetle heure dans le demi-jour du vestibule; le con-

cierge réveillé en plein sommeil, était atterré. Vous voyez que

je dis la vérité et qu'il faut un médecin pour constater le décès.

Le directeur de l'hôpital fut averti de celte singulière visite, en

même temps qu'on allait réveiller M. Dresch, commissaire de

police du quartier Saint-Martin. L'inconnu fut conduit au poste de

police ; il ne fit aucune résistance.

Je me nomme Baptiste Laborie, garçon bouvier, âgé de

vingt-sept ans, habitant Saiut-Denis-les-Rehais (Seine-et-Marne),

déclara-t-il. Le 3 avril, je me suis rendu chez mon père à Sene-

zergues (Cantal) ; j'ai vu là que mon père martyrisait mon frère

Alphonse, âgé de douze ans, et que j'aimais beaucoup. J'ai fait des

remontrances à mon père, il m'a envoyé promener. Alors, j'ai

emmené mon frère dans le bois de Delmar, près de Senezergues.

Là, j'ai dit à Alphonse de partir avec moi, mais il n'a pas voulu me

suivre par peur de mon père. Alors, ma foi, comme j'ai vu que je

ne parviendrais pas à vaincre sa résistance, j'ai pris la décision de

le tuer plutôt que de le voir continuer à souffrir. Je l'ai offert en

holocauste à Dieu, qui sûrement me tiendra compte de mon sacrifice.

Au moment où, au milieu de la forêt, il me tournait le dos, je

lui ai tiré trois coups de revolver. Il est tombé en poussant des

cris de douleur et en perdant beaucoup de sang. Tu m'as fait

mal, Baptiste, disait-il, dans des sanglots et des hoquets. Ne

pleure pas, chéri, lui dis-je. C'est pour ton bien, notre père ne te

battra plus, et tu seras heureux là-haut avec Dieu à qui je vais

t'offrir. Bientôt, il eut quelques convulsions dernières, écuma du

sang et ne bougea plus. Je l'appelai doucement : Alphonse,

Alphonse, » il ne me répondit pas, il était mort. J'ai pris mon cou-

teau, je lui ai coupé la tête, que j'ai mise dans mon sac et je suis

parti pour Paris pour la faire embaumer.

Laborie raconta cet effroyable drame sans la moindre émotion,

comme un enfant répète une leçon. Hier matin, Laborie a répété

son histoire à M. Espinas, juge d'instruction chargé de l'affaire.

416 BULLETIN bibliographique.

Il n'est pas douteux qu'on se trouve en présence d'un fou ; mais,

étant donnée cette constatation, peut-on croire entièrement la

déposition de Laborie ? Des dépêches ont été envoyées dans le pays

du père, à Senezergues et à Saint-Denis (Seine-et-Marne). La tête

de la victime a été envoyée à la Morgue et Baptiste Laborie con-

duit à l'infirmerie du Dépôt. Il n'a fait aucune résistance, deman-

dant qu'on prenne bien soin de la tête d'Alphonse. Faites-la

embaumer, répète-t-il, je veux la carder. (XIXE Siècle, 9 avril.)

Aliénés. L'asile privé de Leyme, faisant fonction d'asile public

pour le Lot et la Dordogne, offre une situation de médecin en chef.

L'entrée en fonctions est pour le 1er juillet 1895. Le traite-

ment sera de 6,000 francs au début, et s'élèvera à 8,000 francs.

Pension de retraite après trente ans de service.

Adresser les demandes avec titres à l'appui à M. Miret, directeur

de l'asile à Leyme (Lot). ,

Société médico-psychologique. Dans sa séance du 29 avril,

cette société a décerné les'prix dont elle dispose. Le prix Belhomme

(Traitement hygiénique et pédagogique des idiots, des arriérés et des

débiles) a été décerné à M. Bayer, ancien instituteur à l'école des

enfants idiots et nerveux de Bicêtre, professeur à l'Institut médico-

pédagogique de Vitry. Une mention honorable (avec 100 francs) a

été accordée à M. le D1' Bonnet, médecin-adjoint à l'asile Saint-Robert

(Isère).

Nous donnerons dans le prochain numéro la liste des autres

lauréats. *

Grasset (J.). Vingt ans après (18 î5-1895).-Brochnre in-8° de 12 pages.

(Extrait du Nouveau illontpellier médical, t. IV, 1895.) Montpellier.

LEBLAIS (IL).- De la puberté dans l'hémiplégie spasmodique infantile

(notes et observations). Prix : z fr. 50. Pour nos abonnés, 1 fr. 75.

Aux bureaux du Progrès Médical.

Loaoe (P.). Maladies familiales du système nerueux. - Ilérédo-

ataxie cérébelleuse. Vol. in-8° de'268 pages. Paris, 1895. Librairie

L. Bataille et CI'. -

SÉ»Gui'-i. (E.). Rapport et mémoires sur l'éducation des enfants nor-

maux et anormaux, avec une préface par Bourneville. Volume in-8°

de xLVUC-380 pages. Troisième volume de la Bibliothèque d'éduca-

tion spéciale. Prix : 5 francs. Pour nos abonnés, 3 fr. 50.

Stefani (U.) et Scabia (L.). -Intorno al decorso dell' azione dedl' alro-

pina sulla frequenza del polso nette varie psicopalie. Brochure in-8°

de 13 pages, avec 1 planche hors texte. Keggio nell' Emilia, 1895.

. Le rédacteur-gérant : BOURNEVILLE.

Eereu : , Ch. Htmssav, imp. - 595

Vol. XXIX. Juin 1895. ? 100

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

ASILES D'ALIÉNÉS.

DES ÉLÉMENTS COMMUNS A TOUS LES QUARTIERS

' D'UN ASILE D'ALIÉNÉS ;

Par le D' MARANDON DE MONTYEL,

Médecin en chef de Ville-Evrard.

La Seine va construire un nouvel asile d'aliénés. Notre

devoir à tous est de crier bien fort qu'il ne doit ressembler en

aucune façon aux quatre existants, car ces quatre établisse-

ments ne sont pas précisément des asiles d'aliénés, construits

qu'ils ont été par des*- architectes qui semblent avoir ignoré les

premiers besoins de ces malades. Aussi ne saurait-on trop

regretter que M. Bourneville, dont la compétence égale l'autorité

en la matière, n'ait point commencé son rapport sur la créa-

tion projetée par l'exposé des données relatives à la disposition

des quartiers, regret rendu bien plus vif par la première partie

parue et consacrée aux services généraux, dans laquelle avec

clarté et méthode, les moindres détails sont notés et toutes

les difficultés résolues'. Les quartiers sont, en effet, ce qui

caractérise l'asile d'aliénés et les distingue de toute autre maison

hospitalière ; selon ce qu'ils valent, l'établissement est bon ou

mauvais. Il y aurait donc un grand intérêt, je crois, à établir

' Bourneville. Rapport sur la construction d'un cinquième asile

d'aliénés dans le département de la Seine. In-4" de 101 pages; première

partie. Les sujets traités sont : population; choix de l'emplacement;

murs de clôture; habitation des médecins, du directeur, etc.; logements

du personnel secondaire; service des morts; infirmeries; pavillon d'iso-

lement pour les maladies contagieuses; bains et hydrothérapie; cuisine;

ateliers; pavillon des cellules.

Archives, t. XXIX. 27

418 asiles d'aliénés.

nettement en quoi consistent ces quartiers et à montrer les

bons et les mauvais côtés, ces derniers malheureusement les

plus nombreux de ceux que possède actuellement la Seine.

Ce travail nous l'entreprenons pour Ville-Evrard et nous sou-

haitons que, dans chacun des trois autres asiles, il se trouve un

médecin qui veuille bien se charger également de ce soin. Si,

après cela, les mêmes fautes étaient commises, du moins le

service médical ne pourrait être accusé de s'être désintéressé

de la question.

Dans les quartiers d'un asile d'aliénés, il y a à considérer

deux choses aussi importantes l'une que l'autre : les éléments

communs, qu'il est indispensable de réunir quel que soit le

genre de malades, paisibles, agités, demi-agités, gâteux, que

ces quartiers sont destinés à recevoir, et les éléments spéciaux

très différents au contraire selon les diverses catégories de

sujets. Ce mémoire ne sera consacré qu'aux premiers, les

seconds seront l'objet d'un autre travail.

Les éléments communs à tous les quartiers d'un asile

d'aliénés sont au nombre de seize. Eh bien ! il est possible de

donner à quelques-uns d'entre eux, tout en se conformant

aux nécessités imposées par le caractère spécial des habitants,

un cachet de maison bourgeoise, éloignant ainsi toute idée de

séquestration.

Et tout d'abord Ventrée et le vestibule. A Ville-Evrard,

celui-ci de plain-pied est commun à deux sections ; il y en a en

conséquence trois pour les six quartiers de l'asile. Cette dispo-

sition est des plus regrettables, non seulement parce qu'elle

n'a rien d'une habitation ordinaire et ne permet pas la moin-

dre illusion sur le milieu dans lequel on se trouve, mais encore

parce que ces vestibules assez sombres, avec leurs hauts murs

- épais et nus, leur ouverture béante sur la galerie couverte ex-

térieure et leurs portes d'entrée des sections au fond, à droite

et à gauche, ont quelque chose de sépulcrale qui glace et

attriste. Ils offrent encore ce double inconvénient de faire péné-

trer dans le quartier par une des extrémités de la galerie cou-

verte intérieure et de laisser se profiler au dehors dans toute

leur longueur les façades des deux corps de bâtiments qu'ils

creusent d'un grand trou. Il serait difficile, je crois, de trouver

une disposition rappelant davantage la caserne. Au pensionnat

il n'en est plus ainsi ; l'entrée des pavillons est agréable ; elle

est précédée d'un petit perron auquel on accède par une série

ÉLÉMENTS COMMUNS. 419

de marches ; c'est très coquet. Malheureusement cette entrée

qui réalise bien celle d'une habitation particulière a été placée

à l'extrémité du bâtiment et s'ouvre sur un long boyau qui

coupe celui-ci en deux et le long duquel sont situées les

diverses pièces ; inutile d'insister sur une telle aberration. Rien

donc n'est à imiter de Ville-Evrard sur ce point. A notre avis

l'entrée des quartiers doit occuper le milieu du corps de logis,

ainsi qu'il en est des villas ordinaires; la façade forcément un

peu longue du bâtiment est par là coupée en deux et gagne

beaucoup en élégance. Cette entrée, de plain-pied aux agités,

aux malpropres et à l'infirmerie,.partout ailleurs sera disposée

comme celle des pavillons du pensionnat; le petit perron, la

marquise et les marches recevront des suspensions et des vases

de fleurs qui ne lui laisseront rien d'une porte d'aliénés. Quant

au vestibule, dans lequel on pénétrera par cette entrée fleurie

il sera ce qu'il est dans toutes les villes, égayé d'une lampe-

suspension et d'ornements aux murs ainsi qu'aux angles, avec

l'escalier en face au fond et communiquant d'un côté avec la

salle de réunion et de l'autre avec le réfectoire. On atteindra

de cette façon toutes les apparences de l'habitation d'un bon

bourgeois.

Une autre partie du quartier à laquelle on réussit encore

à enlever tout caractère spécial, est le préau et ses deux

annexes, la galerie couverte qui longe tout le bâtiment

pour servir d'abri aux malades lors des mauvais temps, puis

la clôture qui enferme la section. Celle-ci est la première à

examiner, car selon les moyens employés pour l'obtenir, le

préau variera. A Ville-Evrard les quartiers sont fermés d'un

seul côté par le corps du bâtiment ainsi qu'il doit eu être tou-

jours et des trois autres par un mur haut de 5 mètres, enfoncé

dans des sauts de loup qui réalisent de vrais précipices. Les

malades ont, avec cette disposition, l'avantage incontestable

de jouir de tous les points de la cour d'une vue étendue en

avant, à droite et à gauche, mais cette double vue latérale

rend impossible toute séparation complète des aliénés par

catégories distinctes, absolument indispensable cependant à

leur bien-être et à leur guérison. Aussi avons-nous été obligés

de demander et avons-nous obtenu qu'on surélevât tout au

moins la muraille qui sépare la section des agités de sa voisine.

Ensuite ces sauts de loup constituent un danger permanent

surtout chez les paralytiques et les suicidiques, et de toute

420 asiles d'aliénés.

nécessité dans ces deux divisions pour mettre fin à des acci-

dents presque quotidiens, force a été de les entourer d'un

treillis en fil de fer qui, ne gênant pas la vue, néanmoins

donne un peu au préau l'aspect d'une cage. Enfin un autre

inconvénient de ces sauts de loup est d'être des endroits

où les malades prennent plaisir à uriner et à jeter mille saletés,

où ils se cachent facilement, et qui, impossibles à surveiller

simultanément à moins d'avoir trois gardiens de cour, un

pour chaque côté, sont très difficiles à tenir propres. ,

Pour toutes ces raisons, hygiéniques et thérapeutiques, il

n'est pas contestable que le saut de loup est une très mauvaise

chose, aussi bien pour l'esprit que pour le corps de l'aliéné,

pourtant il est nécessaire de clôturer le quartier et il est indis-

pensable de laisser aux malades la vue de la campagne. Cer-

tains ont cru trouver la solution de ces difficultés dans une

disposition en glacis du préau à partir soit de la galerie cou-

verte, soit du tiers de la cour. Avec ce système, les accidents

sont, sans conteste, évités et un seul gardien suffit à la sur-

veillance des moindres recoins; mais sous cette forme de glacis

la cour revêt forcément une apparence de fosse assez disgra-

cieuse, ensuite vers sa partie la plus déclive, au pied du mur

l'impression est des plus pénibles, on est écrasé par la muraille ;

enfin la vue de la campagne n'est obtenue que de la galerie

couverte, il suffit de parcourir une partie du préau pour que

le regard soit arrêté. Cependant, forcé de choisir entre les

deux, j'opterai pour le glacis ; il a, à mon avis, moins d'incon-

vénients que le saut de loup, mais heureusement, nous ne

sommes pas placés dans cette alternative, car les murs des

quartiers, ceux qu'on appelle les murs intérieurs, ne sont pas

plus utiles que les murs de ceinture dits murs extérieurs. Les

sections n'ont besoin que d'être clôturées par une grille élé-

gante sans pointes placée sur un soubassement d'un mètre

de haut absolument comme les villas des particuliers. D'ailleurs

l'expérience de ce mode de clôture a été réalisée au pensionnat

de Ville-Evrard et a donné les meilleurs résultats. Si la dis-

tance de 20 mètres à laquelle doivent être échelonnés les quar-

tiers ne suffisait pas à empêcher les communications il n'y

aurait qu'à placer entre eux un rideau d'arbres verts ou

mieux couvrir de plantes grimpantes les grilles latérales. On

obtiendra de cette façon une clôture qui ne rappellera en rien

au malheureux aliéné la séquestration à laquelle il est contraint.

ÉLÉMENTS COMMUNS. 421

Le préau qu'entourera la grille dont nous venons de parler,

grille d'une force et d'une hauteur variables selon la nature

des maladies mentales hospitalisées dans les sections, sera

planté d'arbres, orné de parterres et sillonné d'allées munies

de bancs rustiques ; il sera un jardin. -

De même que l'entrée, le vestibule, la clôture et le jardin-

préau, la galerie couverte est susceptible de se présenter dans

son ensemble telle que celle d'une habitation particulière. Dans

les sections autres que les agités, les malpropres et l'infirmerie

où on accède par des marches, c'est également par des marches

qu'elle communiquera avec la cour. On voit par là que, pour

nous, elle doit s'étendre tout le long delà façade intérieure du

bâtiment. On a accusé cette disposition d'être antihygiénique;

on a remarqué qu'elle gênait l'entrée de l'air et de la lumière,

qu'avec elle jamais un rayon de soleil ne pénétrait dans les

diverses pièces du rez-de-chaussée et on a proposé de la placer

latéralement en ne mettant en avant qu'un simple auvent

permettant de s'y rendre sans être mouillé les jours de pluie,

ainsi qu'il a été fait dans beaucoup de collèges. C'estjustement

cette assimilation qui nous porte à repousser cet emplacement

latéral.

D'ailleurs, le système de clôture que nous avons adopté ,

la grille en fer, ne se prête pas à la disposition que nous com-

battons. Dans le jardin-préau, il est indispensable que par l'ar-

rangement des lieux et la vue de la campagne, l'aliéné ait au

moins là un endroit de la section où rien ne lui rappelle son

isolement. Quant à l'objection tirée de l'entrave apportée au

jeu d'air et de lumière, elle perd la plus grande partie de sa

valeur du fait de la double façade avec ouvertures du bâtiment ;

le soleil gêné d'un côté trouvera sa revanche de l'autre. Sur

cette galerie s'ouvriront les diverses pièces formant le rez-de-

chaussée de la section; elle sera ornée de suspensions fleuries,

de plantes grimpantes, de caisses de fleurs aux fenêtres et

comme le préau munie de bancs rustiques.

Voilà donc diverses parties du quartier aménagées de telle

sorte que ce point indispensable au prompt retour à la

raison de l'aliéné, l'oubli du milieu où il se trouve, aura satis-

faction. Il sera plus difficile d'arriver au même résultat avec

les autres parties qui constituent le quartier, habitations de

jour et de nuit ; nous allons maintenant les examiner, toujours

ayant pour guide ce principe : se rapprocher le plus possible de

423 ") asiles d'aliénés.

la maison ordinaire. Nous passerons successivement en revue

les pièces du rez-de-chaussée, l'escalier et les pièces du pre-

mier étage. Sous aucun prétexte un second étage n'est admis-

sible ; il y a cette justice à rendre à Ville-Evrard que là cette

faute au moins n'a pas été commise. La raison pour laquelle

un second étage est condamné est celle pour laquelle d'une

manière générale il ne doit pas y avoir de dortoir en bas, car

on arrive ainsi à recevoir dans la section une population pour

laquelle il ne reste plus la place nécessaire à l'aménagement

d'un réfectoire et d'une salle de réunion assez vastes. Donc au

rez-de-chaussée il n'y aura que des habitations de jour, .cons-

tituées par le réfectoire et la salle de réunion. Ces deux pièces

sont aussi indispensables l'une que l'autre, celle où l'on mange

ne saurait être celle où l'on réside, car alors il est impossible

d'aérer et ce milieu ne tarde pas à devenir très délétère, sans

compter qu'avec une pièce unique, le nettoyage et le service de

la nourriture sont d'une extrême difficulté, le service du vin

surtout. A l'asile de Ville-Evrard, chaque quartier possède les

deux.

Le réfectoire nous occupera tout d'abord. Les dimensions

dépendent des catégories de malades qui doivent y prendre

leurs repas, nous nous en occuperons en conséquence dans

notre mémoire relatif aux quartiers spéciaux.

Restent trois choses à considérer, l'aménagement de la salle,

les tables et les sièges pour les repas, la vaisselle. Le réfectoire

sera orné de tableaux représentant des natures mortes, de

statuettes aux angles et de deux suspensions fleuries en imita-

tion de terre cuite. Que l'éclairage ait lieu par le gaz ou l'élec-

tricité, il serait à souhaiter que les becs ne fussent pas à nu,

mais disposés en manière de lampe pour salle à manger.

Aujourd'hui, on trouve toutes ces ornementations à des prix

extraordinaires de bon marché, et avec une somme relative-

ment minime on arrivera à donner à cette pièce un cachet de

maison bourgeoise. Dans ce but un buffet sera utile, dans le

genre de ceux que nous avons fait confectionner à l'asile même

pour les quartiers de Ville-Evrard, buffets vitrés laissant voir

la vaisselle disposée avec ordre et propreté ; la présence de ce

meuble et des divers ornements dont nous venons de parler

projettera de la gaieté et rappellera une salle de restaurant.

C'est encore pour accentuer ce rapprochement que, sauf aux

agités où les dispositions doivent être spéciales ainsi que nous

ÉLÉMENTS COMMUNS. 423

l'établirons ailleurs en traitant particulièrement de cette sec-

tion, les tables avec bancs mobiles seront le plus possible dis-

posées comme dans ces établissements pour 6 ou 8 malades au

plus, sur deux rangées, tables en bois, recouvertes d'un marbre

adhérent, munies également de roulettes afin qu'elles soient

facilement traînées durant l'été sous la galerie couverte et les

arbres du préau pour permettre de prendre les repas en plein

air et avec la vue de la campagne comme dans les cabarets de

la banlieue, au milieu des fleurs et des arbustes; petites atten-

tions qui ne coûtent pas bien cher mais qui, en variant l'exis-

tence de l'aliéné et en la rapprochant le plus possible de la vie

libre, contribuent grandement à la guérison tout en assurant

une meilleure hygiène. La vaisselle également mérite l'atten-

tion. Chacun aura son carafon de vin, son verre, son couvert et

sa serviette ; les assiettes seront en faïence ornée, plus agréable

que la blanche et qu'on a pour peu d'argent. Enfin, deux autres

précautions hygiéniques sont à prendre : les murs seront

lambrissés à hauteur de 1"\20 à lm,50 pour garantir de l'hu-

midité, et un filtre Pasteur sera établi dans un des angles

de la pièce ou mieux peut-être de l'office afin que l'eau prise

en boisson soit absolument pure. Quant au chauffage, il sera

fourni par un calorifère dont les bouches s'ouvriront dans le

mur à une hauteur convenable, pour que les aliénés ne puis-

sent y jeter leurs ordures ainsi qu'il arrive chaque jour à Ville-

Evrard dans toutes les sections, même aux travailleurs, où ces

bouches sont situées dans le plancher.

Il est indispensable qu'au réfectoire et en communication

directe avec lui soit annexée une pièce qui manque dans tous

les quartiers de l'asile de Ville-Evrard, nous voulons-parler de

l'office ou laverie. Son absence entraine les plus graves incon-

vénients, tout d'abord au point de vue de la propreté de la

salle à manger, ensuite les gardiens sont obligés d'abandonner

le service pour avoir de l'eau chaude. Le sol sera en ciment. Cet

office contiendra un placard pour renfermer la grosse vaisselle,

un bassin et un évier, plus un robinet d'eau fraîche et un robinet

d'eau chaude. Nous disons un robinet d'eau chaude, car sauf

à l'infirmerie et aux malpropres où il y a des tisanes et des

potions à réchauffer, dans les autres quartiers il ne faut pas

de réchaud. En mettre un partout, sous prétexte de s'en servir

pour réchauffer les aliments, est une utopie. Il n'y a qu'à

adapter à la cuisine le système employé à l'asile de Vincennes

424 asiles d'aliénés.

et les mets arriveront chauds dans les quartiers, car ce n'est

pas leur transport qui les refroidit mais le temps mis à décou-

per les portions. Le réchaud, ailleurs qu'à l'infirmerie et aux

malpropres, ne sert, qu'on me permette cette expression, qu'à

fricoter. Tous se battent pour en profiter. Il n'est donc pas

seulement inutile, il est dangereux. L'eau doit arriver chaude

dans les sections de telle sorte que pour en avoir il suffit d'ou-

vrir le robinet de l'office '.

Une autre pièce importante du rez-de-chaussée est la salle

de réunion. Les dimensions variables selon les quartiers spé-

ciaux doivent être triples, dans tous les cas, de celles du réfec-

toire, puisqu'on y réside plus longtemps et qu'on s'y meut

davantage. Dans les six quartiers de Ville-Evrard, celle-là est,

au contraire, plus petite que celui-ci, d'environ 17 mètres

carrés. C'est là une erreur incompréhensible. La faute com-

mise ici a eu pour résultat de rendre illusoire la séparation du

chauffoir et du réfectoire; comme il est absolument impossible

de mettre 50 malades dans le premier, on est forcé d'ouvrir la

porte de communication avec le second et de faire ainsi une

pièce unique des deux. Cette salle de réunion, lambrissée elle

aussi à hauteur de 1 ? ? 0 à 1 ? 50 et pour les mêmes raisons

que précédemment chauffée par des bouches de chaleur pla-

cées dans le mur à hauteur convenable, sera également très

ornementée par des tableaux représentant des sujets divers le

long des panneaux, des statuettes aux angles, des suspensions

lumineuses tombant du plafond avec les becs de gaz ou d'élec-

tricité disposés en forme de lustre. Des bancs à dossier, des

chaises et des tables de jeu formeront le mobilier. Bien que

la pièce soit chauffée au calorifère, il est bon d'y avoir une

cheminée comme ornement avec un marbre sur lequel on pla-

cera une garniture ou des paniers de fleurs. Le parquet en

chêne sera ciré, comme celui du réfectoire d'ailleurs.

Ici se place une question intéressante : vaut-il mieux avoir

de grands parloirs centraux ou n'est-il pas préférable que

chaque quartier ait le sien ? Les grands parloirs centraux sont

d'usage courant. Au pensionnat de Ville-Evrard, très sage-

ment, à mon avis, on a rompu avec cette tradition et chaque

pavillon possède un petit salon où les familles visitent leurs

1 Ou mieux encore on peut avoir dans chaque office un petit appareil

à gaz, comme celui de M. Laurel, qui fournit instantanément de l'eau

chaude.

' ÉLÉMENTS COMMUNS. 425 5

malades. J'opinerai pour qu'il en soit ainsi dans le nouvel asile.

D'abord, il est quatre sections où les visites ont forcément lieu

sur place, car il serait impossible de conduire les aliénés

qu'elles hospitalisent dans un local commun, ce sont celles

des agités, des malpropres, de l'infirmerie et des suicidiques.

De toute nécessité, il faut une petite salle de réception dans

chacune de ces quatre divisions. On voit qu'en somme, les

grands parloirs centraux ne servent qu'aux tranquilles et aux

semi-tranquilles, ne vaut-il pas mieux dès lors que chaque

quartier reçoive ses visites, d'autant plus que parmi les semi-

tranquilles il est encore un certain nombre qu'on est forcé de

visiter à demeure. En dotant chaque division d'une pièce des-

tinée aux familles, on aura cet avantage de faciliter les visites

sans trop nuire au service; or, je suis partisan de la liberté la

plus grande à cet égard pour tous les aliénés; j'estime qu'on

doit pouvoir rendre visite aux malades tous les après-midi et

les promener au dehors quand leur état mental le permet; je

considère ces relations fréquentes et les promenades exté-

rieures comme de puissants moyens thérapeutiques. Une chose

encore qui me porte à condamner ces parloirs centraux, c'est

qu'ils ont un cachet spécial qui rappelle la détention ou tout

au moins le collège et la surveillance des pions. Encore une

fois détruisons tout ce qui est susceptible d'impressionner

désagréablement l'aliéné. Qu'il reçoive donc les visites de ses

parents dans un local de sa section qui soit comme le salon

de son habitation, orné de tableaux, de fleurs, de statuettes

aux angles, d'une garniture de cheminée et d'une suspension

centrale, meublé de bancs à dossier, de chaises et de tables et

qu'il sorte avec eux pour villégiaturer toutes les fois que son

état le permettra.

Les petits services ont été complètement sacrifiés à Ville-

)Evrard. Ce sont eux pourtant qui font la commodité des habi-

tations, de même que le confortable des logements de jour et

de nuit en fait le charme. Nous venons de voir que les quar-

tiers étaient dépourvus d'office, ils sont également dépourvus

de lingerie. On a dû, pour remédier à cet oubli, mettre dans

les chambres des gardiens, déjà petites, les armoires à linge,

de telle sorte que ces infortunés ont tout juste la place néces-

saire pour se glisser dans leur lit. Les dimensions, d'ailleurs,

n'ont pas besoin d'être bien grandes, pourvu que les armoires

à casiers y trouvent leur place et que le service y soit facile,

426 asiles d'aliénés.

et n'y a rien autre à demander; elles varient d'ailleurs avec

les divers quartiers.

Un autre petit service qui n'a pas été, lui, oublié à Ville-

Évrard c'est la décharge, mais si on lui a donné ici des dimen-

sions suffisantes, environ 4 mètres carrés, et si on l'a munie

tout autour d'une étagère, on l'a privée de fenêtre; seule la

porte et au-dessus d'elle une imposte éclairent l'intérieur

qu'entourent d'épais murs, aussi cette pièce est-elle très sombre

et l'air ne s'y renouvelle-t-il que très difficilement; dans l'éta-

blissement on ne l'appelle que le caveau; elle n'est connue

que sous ce nom qui lui convient, d'ailleurs, fort bien. Or,

dans un quartier, la décharge est, après les cabinets d'aisance,

l'endroit le plus malsain de l'habitation, puisque c'est là qu'on

dépose le linge sale, les balais, les chiffons; l'hygiène la plus

élémentaire exige que l'air et la lumière y circulent largement,

que celui-là y soit constamment renouvelé. Il est donc de toute

nécessité que ce local tel qu'il est à Ville-Evrard ne serve pas

de modèle pour le nouvel asile.

Nous avons fini avec les pièces du rez-de-chaussée. Occu-

pons-nous maintenant de l'escalier qui mène à l'unique étage

que doit avoir le quartier. Nous avons dit plus haut que l'em-

placement de cet escalier était au fond du vestibule en face

de la porte d'entrée; cette disposition a l'avantage de ne pas le

mettre à la portée des malades. Quand celui-ci est, comme à

Ville-Evrard, au milieu du quartier, à la disposition constante

des aliénés qui passent et repassent devant, il est une cause

de soucis continuels; beaucoup de malades s'y cachent pour

se dérober à la surveillance, et si on cherche à y remédier par

une porte, celle-ci est à tout instant escaladée, et devient aussi

un inconvénient de plus. En plaçant l'escalier là où nous l'in-

diquons, on supprime toutes ces incommodités. M. Bourne-

ville, dans la première partie de son rapport, a très bien indiqué

les conditions que doit remplir tout escalier dans un service

d'aliénés, et il n'y a qu'à se conformer aux indications qu'il

donne. A Ville-Evrard, les rampes sont à noix, sur supports;

elles sont, par conséquent, très défectueuses. L'escalier sera

en bois, chêne ciré, ou en pierre, je crois que dans le choix

de l'un ou de l'autre, il convient de tenir compte des sexes, si

on ne se rallie pas à une proposition que j'émettrai tout à

l'heure. L'escalier en pierre convient davantage dans les ser-

vices d'hommes qui vont travailler au dehors, beaucoup dans

- ÉLÉMENTS COMMUNS. 427 -1

les champs, et rentrent avec leurs souliers très crottés; l'esca-

lier en bois dans les services des femmes dont les occupations

sont intérieures.

Nous arrivons au premier étage qui renferme au milieu un

vestibule avec les chambres de gardiens, puis, à droite et à

gauche, les dortoirs des malades.

Il est de toute nécessité que les chambres des gardiens s'ou-

vrent sur ce vestibule. Il ne faudrait pas renouveler la faute

commise à Ville-Evrard aux nouveauxquartiers des travailleurs,

Pinel et Esquirol, où ces chambres ont été placées au fond des

dortoirs, de telle sorte que les surveillants, pour sortir, sont

obligés de les traverser d'un bout à l'autre et se trouvent ainsi

à la merci des malades qui peuvent les assiéger et les empê-

cher de chercher du renfort. La chambre sera aménagée de

manière que le lit du gardien soit adossé à la cloison du dortoir

qui, à proximité de la tête, sera percée d'une lucarne avec un

verre pour empêcher le passage des mauvaises odeurs, parti-

culièrement aux gâteux et à l'infirmerie, verre qui sera pro-

tégé par un grillage du côté des aliénés; de cette façon, lesur-

veillant, sans se déranger de son lit, n'aura qu'à regarder par

cette lucarne pour s'assurer de ce qui se passe dans le dortoir,

et il lui sera formellement interdit de boucher celle-ci avec

un rideau, puisqu'il sera à l'abri de toutes les émanations.

Aucune de ces conditions n'est remplie à Ville-Evrard. Il serait

convenable que l'ameublement de ces chambres fût un peu

confortable; un bon lit avec sommier, deux matelas, traversin

et oreiller, une descente de lit, une table de nuit, une armoire,

un portemanteau, une table de toilette, une table de milieu

et deux chaises. Si on veut obtenir un bon service, il faut soi-

gner le serviteur. Chaque gardien devrait avoir ainsisa chambre,

sondiez lui.

Les dortoirs avec leurs accessoires nous retiendront plus

longtemps. Et tout d'abord combien de lits comportent-ils ?

A cet égard les avis sont assez partagés, et varient surtout avec

la population du quartier. A notre sens celle-ci devrait être au

maximum de cinquante malades, soixante nous parait un chiffre

trop élevé ; à la rigueur pourtant nous nous y résignerions. Dans

ces conditions mieux vaut-il deux dortoirs de trente lits ou

quatre dortoirs de quinze; ce qui revient à demander s'il est

préférable de placer les chambres des gardiens au milieu au

lieu de les placer aux extrémités. S'il n'y a que deux serviteurs

428 asiles d'aliénés.

pour assurer la surveillance, cette dernière dispositionpour les

raisons que nous venons de donner n'est même pas à mettre

en discussion, ce serait recommencer la grosse faute commise

à Pinel et à Esquirol. Mais s'il y a d'autres gardiens logeant dans

le vestibule, en dehors du dortoir, il n'y a plus d'inconvénient

à en mettre dans l'intérieur même. Néanmoins je crois un dor-

toir unique beaucoup plus facile à surveiller et la surveillance

beaucoup plus assurée avec les serviteurs placés à chaque bout.

J'opinerai donc pour deux grands dortoirs de trente lits; bien

entendu, qu'il n'est pas question ici ni des agités ni des mal-

propres. pour lesquels un dortoir de quinze lits serait déjà

excessif.

Le cubage de ces dortoirs dont les portes ouvriront à l'ex-

térieur et non à l'intérieur comme à Ville-Evrard, afin qu'on

n'y puisse se barricader, comme d'ailleurs les portes de toutes

les pièces d'une manière générale dans un asile, le cubage varie

considérablement avec l'espèce de malades hospitalisés, nous

n'en parlerons pas pour l'instant. Les fenêtres peuvent être

disposées de telle sorte que dans la largeur de chaque trumeau

on place deux lits. On perd ainsi beaucoup de place ; peut-être

est-il préférable d'élever leur appui à l-,30 pour que l'on n'ait

pas à s'en occuper relativement à l'emplacement de ceux-ci.

Longtemps les fenêtres ont été protégées soit par des barreaux

de fer, soit par des grillages ; aujourdui on se contente de les

maintenir entr'ouvertes au moyen de crochets ou de chaînettes.

Les crochets et les chaînettes doivent disparaître comme ont

disparu les grillages et les barreaux de fer ; il suffit que la nuit

les fenêtres soient fermées à clef à l'aide d'un système offrant

toute garantie de solidité. En outre la ventilation, qu'on a

complètement oubliée à Ville-Evrard, sera assurée par des

ouvertures munies de registres et pratiquées les unes au niveau

du plancher pour l'entrée de l'air extérieur, les autres au

plafond ou au ras du plafond, ces dernières s'ouvrant dans

les cheminées d'appel. Enfin, si sans conteste les habitations

de nuit ont moins besoin d'ornementation que les habitations

du jour, il en faut pourtant un peu. On trouvera sans doute

que j'insiste trop sur cette question d'ornement, mais elle est

si négligée dans tous nos établissements français alors qu'on

lui accorde une si large place dans les établissements étran-

gers, suisses et belges surtout, nos murs nus sont si laids et

si tristes et d'un autre côté il est si facile aujourd'hui pour peu

éléments communs. 429

d'argent d'avoir des choses ravissantes, des imitations de

quatre sous, d'un long usage et très jolies, que je crois utile

d'insister comme je le fais. Quand on mettrait aux plafonds

des dortoirs quelques suspensions lumineuses sous forme de

lanternes, aux angles quelques lampes au mur, et qu'on don-

nerait un léger cachet aux becs d'éclairage, où serait le mal ?

La literie mérite une sérieuse attention, elle se composera,

en dehors de l'infirmerie et des malpropres dont nous nous

occuperons ailleurs, d'un lit en fer, d'un sommier, d'un matelas

et d'un traversin de laine et de crin, d'un oreiller, de deux draps

et de couvertures de coton et de laine, selon les saisons, et

aussi d'une descente de lit.

C'estvraimentpitié que dans les asiles français presque sans

exception le malheureux aliéné soit partout obligé de rester

pieds nus sur le parquet, même souvent aux infirmeries, quand

il est si facile avec de la sparterie de fabriquer des descentes

de lit qui reviennent à 1 fr. 50 pièce ! Que chaque malade ait

donc la sienne, ce sera aussi propre, aussi coquet et aussi hy-

giénique que peu coûteux. Et aussi une table de nuit. Le pro-

blème d'une bonne table de nuit pour aliéné est plus difficile

à résoudre qu'on ne croit. Je me suis arrêté à la suivante que

je me garderai pourtant de donner comme une perfection. Ma

table de nuit n'est pas plus haute qu'une chaise et par consé-

quent elle sert en même temps de siège pour se déshabiller,

enlever la chaussure, les bas et le pantalon ; avec elle et sans

chaise on n'est pas forcé pour ces opérations d'affaisser et de

déplacer par son poids le matelas du lit. Elle se compose de

deux parties : une supérieure pleine qui contient un tiroir

destiné à renfermer les objets de toillette ; une inférieure vide

juste assez large pour recevoir le vase de nuit et limitée par

quatre pieds qui soutiennent la partie supérieure et viennent

se reposer sur le fond destiné à recevoir le vase ; comme celui-

ci serait exposé à tomber à travers les intervalles des quatre

pieds, un léger treillis en fil de fer bouche trois de ces espaces et

seul l'espace antérieur reste libre pour son passage. Cette table

de nuit offre les quatre avantages suivants : de servir enmême

temps de siège, de renfermer les objets de toilette, d'être très

facile à tenir propre, et de ne laisser une fois le vase de nuit

en place, aucun espace servant de cachette à des objets pro-

hibés ou autres.

Après la literie les objets de toilette; c'est là encore un point

430 asiles d'aliénés.

beaucoup trop négligé dans les asiles français. Tous les aliénés,

sauf les gâteux et quelques agités, devraient avoir à leur

disposition un peigne, une brosse à cheveux, une brosse à

habits et un morceau de gros savon, plus une serviette qui

serait suspendue par un petit crochet inoffensif à la tête du

lit, sur le mur. Enfin je me demande pourquoi entre chaque

deux lits oh ne mettrait pas un grande olaceàbon marché qu'on

placerait de telle sorte que le malade s'y verrait pour faire sa toi-

lette sans qu'elle fût immédiatement à sa portée. Ces glaces

placées ainsi de distance en distance tout autour du dortoir,

jointes aux quelques ornements dont nous avons parlé tout à

l'heure, transformeraient à peu de frais ces lieux si nus et si

tristes en de gaies habitations de nuit.

Mais reste un dernier détail, un annexe important le lavabo.

Il en faut dans tous les dortoirs; dans une partie détachée,

disposée pour laisser s'écouler l'eau, par un tuyau central. De

cette façon le parquet en chêne ciré de la salle ne sera pas

souillé puisque la pièce où on se lavera en sera indépendante,

tout en restant cependant accessible à la surveillance. Elle

sera pourvue d'un parquet spécial à claire-voie oud'uncarrelage.

On n'aura d'ailleurs qu'à prendre pour modèle Sainte-Anne

où ce service m'a paru fort bien organisé. Pourquoi dès lors

ne l'a-t-on pas reproduit quand on a construit Ville-Evrard ?

Mystère et Architecture. Le nombre des cuvettes doit varier

avec les catégories de malades. Il serait hygiénique aussi, me

semble-t-il, dans les services de femmes de disposer quelques

bidets pour le lavage dés parties intimes plus compliqué que

chez l'homme; dans les nombreux asiles que j'aie parcourus

je n'ai rien vu de prévu pour ces soins particuliers.

Il est d'usage dans beaucoup d'asiles, et dans tous leurs quar-

tiers, plus particulièrement encore aux travailleurs, d'obliger

les malades à se déchaussera la porte des dortoirs par mesure

de propreté; ils sont ainsi forcés de se rendre à leurs lits en

chaussettes. Cette mesure est anti-hygiénique au premier

chef et dans les services que j'ai dirigés je l'ai énergiquement

combattue. Mais alors même que l'aliéné a ses souliers à sa dis-

position, il reste presque toujours pieds nus sur le parquet la

nuit pour uriner et c'est pieds nus qu'il se rend au cabinet s'il

en a besoin.

Nous avons insisté plus haut sur la nécessité d'une descente

de lit, nous insisterons maintenant sur la nécessité d'une

éléments communs. 431

chaussure de nuit différente de celle du jour; la propreté et

l'hygiène y trouveraient leur compte. Chaque malade devrait

avoir à sa disposition une paire de chaussons dans lesquels il

n'aurait qu'à fourrer ses pieds soit pour uriner, soit pour aller

au cabinet, soit surtout pour se rendre le matin au lavabo et

faire sa toilette. La dépense ne serait pas très forte et on n'au-

rait pas souvent à la renouveler. Il serait alors possible d'ins-

taller dans le vestibule, vers la partie ouverte sous l'escalier, une

grande armoire à casiers où seraient déposés ces chaussons ;

les malades seraient invités à les prendre avant de monter et

à y laisser leurs chaussures de jour, ce qui permettrait d'avoir

tous les escaliers en chêne ciré et de les orner d'un tapis à

bon marché, qui ne serait plus exposé à être tout de suite

souillé. Cette disposition ne rencontrerait pas de difficultés,

d'autant plus que nombreux sont les aliénés de toutes catégo-

ries qui souffrent de cette absence totale de pantoufles.

Les dortoirs de l'asile de Ville-Evrard sont incontestable-

ment ce qu'il y a de plus hygiénique et de meilleur dans la

maison. S'il sont dépourvus de toute ornementation et de des-

cente de lit, si le nombre des cuvettes mises à la disposition

des malades est un peu insuffisant, si les fenêtres sont situées

à 1 ? 10, si les portes s'ouvrent en dedans, si la ventilation

n'est pas assurée par des ouvertures munies de registres, et

si, dans le principe, il n'y avait pas de cabinet de nuit, ces dor-

toirs remplissent la condition essentielle et primordiale d'a-

voir un cubage d'air suffisant. En outre les aliénés ont à leur

disposition et à discrétion tous les objets de toilette dont ils

ont besoin : peigne, brosses et savons. C'est pourtant un de

ces dortoirs, dont l'éloge est cependant mérité, qui est cause

des nombreuses défectuosités que nous avons cru de notre

devoir de signaler afin qu'on les évitât dans le nouvel asile et ce,

parce qu'il a été placé au rez-de-chaussée; il a absorbé ainsi

16 mètres sur 40 et on n'a plus trouvé l'espace nécessaire pour

les habitations de jour et les petits]services. Il doit en être d'un

quartier comme d'une villa : en bas le vestibule, le salon, la

salle à manger et l'office, en haut les chambres à coucher.

Les cabinets de jour et de nuit, une des questions d'hygiène

les plus compliquées et les plus difficiles à résoudre dans un

asile d'aliénés ! Aux deux conditions de propreté et de salu-

brité des water-closets ordinaires, s'ajoute ici une troisième :

la surveillance. Le problème est cependant simplifié si l'éta-

432 1) asiles d'aliénés.

blissement applique le tout à l'égout, ce qui sera, je l'espère

pour le nouvel asile de la Seine. Quoi qu'il en soit, tout cabinet

dans un asile doit remplir les cinq conditions suivantes qui se

trouvent réalisées dans ceux que M. Masson, l'éminent ingé-

nieur de la ville de Paris, a bien voulu construire sur mes

indications pour les dortoirs de Ville-Evrard. La profondeur

sera d'un mètre et la largeur de 70 centimètres, afin que le

malade ait juste la place pour se servir de la lunette et soit

dans l'impossibilité matérielle de se placer ailleurs; la baie

d'entrée de de hauteur et la porte haute de 75 cen-

timètres laissant voir la tête et les pieds, cette seconde

condition est aussi indispensable à assurer la surveillance que

la première à assurer la propreté. En troisième lieu la porte se

fermera d'elle-même, car alors elle viendra taper le malade

s'il n'était pas dans l'axe de la lunette, et quatrièmement, en se

fermant ainsi d'elle-même, elle ne fera pas de bruit. Ce dernier

point est assez difficile à réaliser, aussi pour l'obtenir a-t-on

imaginé des portes à deux vantaux, ouvrant dans les deux

sens et revenant d'eux-mêmes. Enfin, jeu automatique de l'eau.

J'ajouterai qu'il est bon que le sol et les parois soient cimentés

ou revêtus de faïence; le premier légèrement incliné d'arrière

en avant, et les secondes disposées en demi-lune dans le fond.

Il est indispensable que chaque cabinet soit individuel. Le

ciment ou la faïence permettront un facile nettoyage et la

propreté sera ainsi assurée à la condition toutefois de pros-

crire rigoureusement le lavage à grande eau. Les water-closets

doivent être entretenus avec l'aide exclusive de l'éponge

mouillée et de la brosse.

Dans leur grand rapport de 1894, les inspecteurs généraux

de l'époque, Lunser, Dumesnil et M. Constans recommandent

comme étant le meilleur siège un système de bourrelets en

bois, légèrement taillés en biseau et fixés au moyen de vis sur

des cuvettes en fonte émaillée. Autant que possible il convient

de se passer de siège, tout au plus en mettra-t-on dans les

cabinets de nuit qui sont peu utilisés; mais dans les cabinets de

jour où chacun passe une fois au moins chaque vingt-quatre

heures, il est inutile d'en placer, car d'après mon expérience

les malades s'arrangeront pour se soulager n'importe où plutôt

que de s'asseoirdessus, ils ont conscience que c'estlàunepratique

très malsaine qui expose à toute sorte de contagion et ils n'ont

pas tout à fait tort. Avec le tout à l'égout, il n'y pas à s'occuper

éléments communs. 433

de la tinette et de ses émanations. Si ce système excessivement

hygiénique ne fonctionne pas dans l'établissement, celle-ci

sera mobile afin que la vidange se fasse tous les jours de

grand matin. Dans les services d'hommes, il est indispensable

d'annexer aux water-closets des urinoirs qui seront le plus

possible à portée des malades, car s'ils sont obligés de courir

pour les avoir et surtout de se mouiller ou de patauger dans la

boue comme à Ville-Evrard, ils urineront certainement en

cachette là où ils se trouveront; que le tout à l'égout existe ou

non, ces urinoirs seront disposés de façon à empêcher toute

stagnation de l'urine.

Enfin relativement a ce service des vidanges une dernière

question tout aussi importante que les précédentes est celle

de l'emplacement de ces cabinets et de ces urinoirs. Tout

d'abord nous dirons que les uns et les autres doivent être

réunis afin de ne pas multiplier les foyers d'insalubrité; néan-

moins il est indispensable d'avoir des water-closets dans trois

endroits différents du quartier pour les besoins du jour, du

soir et de la nuit, nous nous expliquons.

Quand on construisit l'asile de Ville-Evrard, on n'a prévu

de cabinets que pour la journée, première erreur; on les a dis-

posés de telle sorte que l'aliéné échappe à toute surveillance et

qu'à moins d'y pénétrer à sa suite il est impossible de s'assurer

de ses actes, deuxième er-reur; on les a placés à l'extrémité de

la cour, et il s'ensuit que par tous les temps, pluie, neige ou

grêle, que le sol soit sec, humide ou boueux, le malade est

forcé de traverser celle-ci d'un bout à l'autre à découvert pour

s'y rendre. Il serait difficile en vérité, de trouver pire. L'empla-

cement des cabinets et des urinoirs réunis est sous la galerie

couverte à une de ses extrémités; ils sont ainsi à portée des

personnes et à couvert. Ici, au lieu d'y mettre les cabinets, on

y a percé des portes afin que le quartier aux deux bouts com-

muniquât librement avec ses voisins et qu'il fut permis aux

gardiens de se rendre facilement les uns chez les autres pour

bavarder, jouer aux cartes et trinquer sans passer par le dehors,

ce qui les aurait exposés à être découverts. Il ne doit y avoir

qu'une seule entrée dans la section, l'entrée que nous avons

placée avec le vestibule au milieu du bâtiment coupant ainsi

en deux sa façade un peu longue. Quant aux extrémités de la

galerie couverte, fermées, elles recevront, l'une les cabinets

et les urinoirs, l'autre, la décharge qui sera ainsi suscep-

Ancemrs, t. XXIX. ' 28

434 asiles d'aliénés.

tible d'avoir toute l'aération et toute la lumière nécessaires.

Cabinets et urinoirs dans un autre emplacement sont aussi

indispensables pour les soirs d'hiver. Dès que la nuit arrive,

force est, pour éviter les accidents et les évasions, de rentrer les

malades ; ils sont placés dans la salle de réunion et le réfec-

toire, quand celle-là, comme à Ville-Evrard, est insuffisante, et

toutes les portes extérieures sont fermées. Or, dans notre asile,

on n'a rien prévu pour ce cas et on doit remédier à cette lacune

inconcevable, qui existe également à Pinel et Esquirol ouverts

pourtant en 1883, par un infect baquet placé dans un coin du

vestibule et qui reçoit le superflu de la nourriture et de la

boisson ! Est-ce assez hygiénique ? à la section des travailleurs 1

surtout où chaque quartier compte 150 aliénés. Des cabinets

et des urinoirs sont donc indispensables pour permettre aux

malades tenus à l'intérieur dès la nuit tombante, c'est-à-dire

en décembre et en janvier à partir de cinq heures du soir, de

vider leur vessie et leur rectum sans être incommodés par des

émanations aussi malsaines que désagréables. Avec la disposi-

tion des lieux telle que nous l'avons indiquée, l'emplacement

de ces commodités sera tout trouvé sous l'escalier; complète-

ment cachées par celui-ci elles auront leur entrée dans la salle

de réunion; grâce au tout à l'égout que nous préconisons avec

tous les hygiénistes la pièce n'en sera en aucune façon incom-

modée.

Enfin des cabinets mais sans urinoirs, puisque chaque

malade a son vase de nuit, sont nécessaires dans les dortoirs;

leur emplacement là est au bout de la pièce comme M. Masson

l'a réalisé à Ville-Evrard sur nos indications, car ainsi, de leurs

chambres, les gardiens peuvent voir ce qui s'y passe, étant

donné les conditions que nous avons indiquées de leur cons-

truction. Si le tout à l'égout n'existe pas, il faudra de toute

nécessité modifier le système pour éviter les mauvaises odeurs.

Le rapport de l'inspection générale conseille d'adopter une

chaise percée munie d'une bascule automatique très sensible

au moindre poids et de la placer dans une encoignure du dor-

toir en déterminant une ventilation au moyen d'un tuyau en

caoutchouc qui met en communication le fond de la caisse

avec une cheminée d'appel où le tirage est entretenu par un

' La construction de ce quartier annexé à l'asile ancien, a été une

grosse erreur : ce quartier aurait dû être l'amorce d'un nouvel asile. Nous

avons, dans le temps, dégagé notre responsabilité. (B.)

éléments communs. 435

bec de gaz placé derrière une vitrine à la hauteur de deux

mètres environ et qui sert en même temps à éclairer la pièce.

Nous touchons au terme de ce travail; quelques mots néan-

moins sur la borne- fontaine qu'il est d'usage de placer dans la

cour de chaque section à moitié de la galerie couverte. A Ville-

Evrard cette borne-fontaine est partout en métal; les malades

ont vite fait de démolir la serrure afin d'avoir à volonté de

l'eau à leur disposition. Ces bornes-fontaines, dans les quar-

tiers où leur fermeture est nécessaire pour résister aux assauts

qui leur sont livrés, doivent être en pierre dure percée de deux

trous, l'un pour le robinet, l'autre pour la clef du gardien. A

mon avis, dans toutes les sections, leur emplacement est au

milieu du préau où elles serviront d'ornement si on les pose

sur un petit piédestal et si elles ont un peu de cachet. En mettant

à droite et à gauche d'elles, dans les parterres, deux volières

on réalisera une ornementation charmante et peu coûteuse.

Tels sont les éléments communs à tous les quartiers avec

les particularités qu'ils comportent : ainsi donc chaque section

doit avoir une entrée unique, un vestibule, un préau, une clô-

ture, une galerie couverte, un réfectoire, un office, une salle

de réunion, un parloir, une lingerie, une décharge, des cham-

bres de gardiens, des dortoirs, des lavabos, des cabinets de

jour de nuit et une borne-fontaine. Que les architectes soient

bien pénétrés de la nécessité absolue de ces seize éléments dans

tous les quartiers sans exception. Dans un autre mémoire j'es-

sayerai d'établir quels sont les éléments spéciaux qui intervien-

nent, en sus de ceux-là, selon que ces quartiers sont destinés

à hospitaliser des agités, des gâteux, des tranquilles, des demi-

tranquilles, des suicidiques ou des sujets atteints de maladies

incidentes, et quelles modifications ces éléments communs

subissent dans ces divers cas '.

1 Bien que sur un grand nombre de points nous soyons d'accord avec

M. Marandon de Montyef, nous rappelons que les opinions exprimées

par nos collaborateurs, dans leurs travaux originaux, n'engagent ni le

Comité de direction, ni la rédaction. (B.)

PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE ' ;

Par le D' J. VOISIN, médecin de la Salpêtrière; et RAYMOKD PETIT,

x interne des hôpitaux.

Causes et pathogénie. L'étude des, causes de l'épilepsie

commune est chose délicate. Depuis longtemps déjà, on s'est

préoccupé de cette question et les avis restent encore très par-

tagés, au moins sur plusieurs points. Quoi qu'il en soit, nous

allons essayer d'y revenir, nous efforçant de voir quelles ont

pu être les raisons de ces divergences d'opinion, et tâchant

surtout de tirer des nombreux faits déjà rapportés et de ceux

que nous avons pu voir, une conclusion générale, sinon ab-

solue.

Il est un point sur lequel tous les auteurs semblent jus-

qu'aujourd'hui absolument d'accord : c'est l'influence consi-

dérable de l'hérédité sur l'épilepsie. En effet, les épileptiques

sont presque tous des dégénérés dans le sens le plus large du

mot. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur les antécédents héré-

ditaires d'une série de malades pour voir entrer en ligne les

névropathies, les déformations tératologiques, les psychopa-

thies, la goutte, le diabète, la phtisie, le rhumatisme, la

syphilis, l'alcoolisme, le saturnisme, etc.

La dégénérescence héréditaire a une grande tendance à se

localiser sur les tissus, les systèmes, les organes, tout en laissant

une impression générale sur l'ensemble de l'organisme, car

l'homme est un être complexe dont les composants sont inti-

mement reliés, si bien que tout ce qui frappe l'un, retentit

forcément sur l'autre. Le système nerveux est très souvent le

siège de cette localisation apparente comme l'ont déjà montré

' Voir Archives de Neurologie, n°' 98, 99.

DE l'intoxication dans L'ÉPILEPSIE. 437

P. Lucas', \Iorel 2, Moreau (de Tours)3, Féré et d'autres.

On sait que pour les maladies du système nerveux, l'héré-

dité de transformation est bien plus fréquente que l'hérédité

similaire qu'on pourrait presque considérer comme exception-

nelle. Nous avons montré ailleurs" quel était généralement, et

dans ses grandes lignes, le mode de succession et de trans-

formation morbide en hérédité nerveuse. La neurasthénie

engendrerait l'hystérie, celle-ci donnerait naissance à l'épi-

lepsie, et l'on verrait ensuite paraître les états mentaux, les

vésanies, l'idiotie, et finalement comme dernier terme de dégé-

nérescence le crétinisme qui ne peut plus fournir de descen-

dance ; l'excès du mal devenant un remède, en mettant fin à la

série de la dégénérescence. Bien entendu, ce ne sont que des

vues schématiques, car un ou plusieurs termes de la progres-

sion peuvent manquer, les neurasthéniques ou les névropathes

peuvent d'emblée, par exemple, donner naissance à des épi-

leptiques. Pour l'épilepsie, cette règle de transformation est

surtout très manifeste pour l'alcoolisme chronique. Dans ces

cas, l'enfant est souvent idiot en même temps qu'il est épilep-

tique.

L'hérédité similaire est fréquente surtout si on pense au

nombre assez considérable de parents qui deviennent épilep-

tiques après la naissance de leurs enfants, et surtout au grand

nombre d'enfants qui meurent en bas âge à la suite de con-

vulsions. Dans ces cas, il peut y avoir hérédité directe ou

croisée, car l'hérédité similaire suit, comme l'hérédité de trans-

formation, les lois générales de l'hérédité.

Echeverria0 rapporte des statistiques qui prouvent que l'hé-

rédité similaire est le plus souvent indirecte. Les observations

de MM. Bourneville et Féré plaident dans le même sens. Con-

trairement à ce que pensaient Foville et Baillarger, on peut

voir l'hérédité en retour, l'épilepsie passant du grand'père au

petit-fils sans avoir atteint le père.

On peut se demander si les deux opinions ne sont pas con-

' P. Lucas. Traité philosophique et psychologique de l'hérédité

morbide (1880).

'Morel. Traité des dégénérescences (1857).

3 Moreau. -Psychologie moi-bide (1859).

Moreau. Psyc/tooze mor&Me (1859).

1 Féré. La famille névropalhique, Arch. Neurologie (1884).

» Jules Voisin. L'idiotie (1893).

0 Echeverria. Journal o/ mental science, october 1880.

438 PHYSIOLOGIE pathologique.

ciliables, bien que diamétralement opposées en apparence.

En effet, si l'hérédité similaire est parfois homochrone, il

arrive cependant, dans la plupart des cas, qu'il y a une ten-

dance très marquée à l'anticipation chez les descendants. Le

petit-fils d'un épileptique pourra donc présenter les premiers

accidents de l'épilepsie avant qu'ils se soient manifestés chez

le père. On peut donc concevoir que, pour une raison ou pour

une autre, l'épilepsie qui éclate chez le fils n'ait pas eu le

temps ou l'occasion de se manifester chez le père, bien que

celui-ci ait également hérité de la prédisposition morbide qu'il

a transmise à son descendant. Tels sont les cas de Curv... et

de Lavril... ; voici deux malades qui sont entrées à l'hospice, il

y a quinze ans, pour des accès épileptiques, et dont les parents

n'ont des accès que depuis quatre ans. Leurs mères à toutes

deux sont épileptiques.

Quant à savoir si l'hérédité paternelle est plus ou moins

fréquente que l'hérédité maternelle, la chose est difficile.

Cependant nous pensons avec Téreszkiewiez que l'hérédité du

côté maternel est plus fréquente, comme cela existe pour les

maladies mentales.

D'ailleurs, les expériences de Brown-Séquard ' et de Luciani 2

prouvent nettement cette transmissibilité héréditaire; ces deux

auteurs ont pu rendre des animaux épileptiques par lésion

du sciatique et de la moelle et par lésions irritatives du cer-

veau ; ils ont constaté que leurs petits étaient épileptiques. Il y

a même plus, puisqu'on a vu dans certaines espèces animales

une femelle une fois fécondée par un mâle épileptique, donner

plus tard le jour à des petits épileptiques bien que d'un autre

père. Il semble qu'il y ait là un phénomène d'hérédité par

imprégnation fort curieuse, mais qui n'a pas été noté dans

l'espèce humaine. On a aussi attiré l'attention sur la consan-

guinité, mais cela rentre dans les lois générales de l'hérédité ;

si les deux consanguins sont exempts de tare héréditaire,

il y aura une véritable sélection de la race, et ils auront des

descendants qui seront normaux et pourront même se rappro-

cher du type parfait de l'espèce3. Mais combien rares sont les

familles où l'on ne puisse trouver la moindre tare héréditaire 1

' Brown-Séquard. - (Comptes rendus, mars 1882.)

* Luciani. Archivio italiano per le maieilie mentale, p. 208, 1881.

* Voir A. Voisin. De la consanguinité et Jules Voisin, Idiotie.

DE l'intoxication dans L'ÉPILEPSIE. 439

Or, pour si petite qu'elle soit, on sait quelles proportions

énormes lui donnera la consanguinité chez les descendants. La

moindre tare nerveuse sera immédiatement portée au carré,

pour employer l'expression de P. Bert'. Ce n'est donc pas la

consanguinité en elle-même qu'il convient d'incriminer. C'est

la consanguinité que Burlureaux 2 invoque en partie pour

expliquer la fréquence plus grande de l'épilepsie dans les

régions centrales de la France.

On a signalé encore comme causes prédisposantes de l'épi-

lepsie, la disproportion d'âge entre les parents; l'âge avancé

du père, et surtout de la mère; l'existence dans les ancêtres

d'un cas de grande longévité, etc. Une cause prédisposante à

laquelle on doit donner une place importante, c'est l'intoxica-

tion.

Toute intoxication prédispose l'organisme aux acccidents

comitiaux; elle agit d'ailleurs de deux façons à'la fois; d'une

part, elle détermine une tare héréditaire, d'autre part elle

agit par elle-même comme cause prédisposante. Parmi ces

intoxications, la première place, sans contredit, doit être

réservée à l'alcoolisme. Les enfants d'alcooliques qui sont plus

tard des sujets épileptiques sont fort nombreux, comme l'a

montré M. Martin 3. On conçoit du reste facilement que les

excitations nerveuses exagérées, répétées et parfois même con-

tinuelles chez les alcooliques chroniques soient une cause de

dégénérescence nerveuse, et nous verrons que les accidents

alcooliques sont, sous bien des points, comparables à ceux de

l'épilepsie. A côté de l'intoxication alcoolique, il convient de

placer les intoxications par l'opium, la morphine, le plomb, le

cuivre, etc., dont les influences sont analogues.

Au moment de la conception, ces intoxications peuvent avoir

une importance encore plus considérable : on sait en effet les

influences désastreuses de l'ivresse au moment du coït sur le

produit de la conception. L'état mental des parents au moment

de la conception joue du reste un grand rôle. Cette remarque

n'avait pas échappé aux anciens. Hésiode conseillait de s'abs-

tenir de coït au retour des cérémonies funèbres. Erasme se

félicite de n'être pas le fruit d'un ennuyeux devoir conjugal.

' P. Bert. Revue scient, de la République Française, 1" avril 1884.

'Burlureaux. D ! C< ! OHM ! ? 'ee ? )cycop<M ? Ke,.E'p ? M;'e.

' H. Martin. Ann. inédico-psychol., 1879, v. I, p. 48.

440 PHYSIOLOGIE pathologique.

Tristan Shandy attribue son mauvais caractère à une question

que sa mère aurait faite en moment très inopportun. L'un des

fils adultérins de Louis XIV, auquel le caractère valut le nom

d'enfant du Jubilé, avait été conçu pendant une crise de

larmes et de remords de 111 ? de Montespan.

Mais suivons l'évolution fatale, et voyons quelles influences

fâcheuses sont capables de prédisposer encore à l'épilepsie. Ici,

les intoxications de la mère tiennent toujours une grande place

comme le fait justement remarquer Féré, « l'ivrognerie en

déterminant des excitations plus ou moins périodiques,

suivies de dépressions proportionnelles qui nécessitent des doses

croissantes et sans cesse renouvelées d'excitant, est éminem-

ment propre à déterminer un véritable épuisement du système

nerveux qui favorise les réactions convulsives ».

On sait que la morphinomanie pendant la gestation peut

déterminer des aptitudes convulsives chez le foetus qui présente

des mouvements violents et convulsifs chaque fois que l'on

supprime le poison.

Dans le même ordre d'idées interviennent encore toutes les

maladies générales de la mère, sa mauvaise alimentation, les

défauts d'hygiène générale, les infections, les traumatismes,

les fatigues exagérées, enfin, tous les ébranlements physiques.

Les chocs moraux n'ont pas du reste une influence moindre

sur l'évolution foetale. La pathologie nous montre, en elfet,

le moral et le physique si intimement unis qu'ils réagissent

puissamment l'un sur l'autre ; or, le foetus pendant toute la

période de la gestation participe entièrement à la vie mater-

nelle. Aussi Bouchât, Cazauviel, Voisin, Féré et tant d'autres

n'hésitent-ils pas à reconnaître l'influence des émotions de la

mère pendant la grossesse.

Il est juste de remarquer toutefois que ces causes ne se ren-

contrent guère que chez des femmes qui sont plus ou moins

névropathes, et qui réagissent violemment aux émotions par-

fois les plus légères. Ces chocs moraux n'ont donc pas une

valeur absolue, bien que leur action soit incontestable. Il n'y

a rien d'étonnant dans tous ces faits. Il est aisé de comprendre

que le foetus qui vit pour ainsi dire absolument de la vie ma-

ternelle.ait le contre-coup de tout ce que la mère éprouve.

Comme tous les états que nous avons signalés entraînent des

modifications circulatoires importantes, ils retentissent natu-

rellement sur les organes délicats du foetus qui sont en pleine

DE l'intoxication dans l'épilepsie. 441

évolution, et peuvent donner des prédispositions spéciales à

son système nerveux qui est le plus fragile d'entre eux. C'est

d'ailleurs pendant les premières périodes de la gestation que

l'influence des chocs moraux est le plus manifeste. Ajoutons

que ce sont surtout les émotions déprimantes qui sont incri-

minées. Un grand nombre de mères d'épileptiques que nous

avons interrogées ace sujet avaient eu, pendant les débuts de

leur grossesse, des chagrins prolongés ou des frayeurs de

diverses sortes.

On a également accusé certaines circonstances de l'accouche-

ment. Les accouchements difficiles, l'arrêt prolongé dans la

filière pelvienne, l'état de mort apparente, l'asphyxie par cir-

culaires du cordon, l'application de forceps, sont considérés

comme autant de causes prédisposantes au mal comitial.

Diverses conditions défectueuses dans l'hygiène des premières

semaines, comme le décubitus habituel sur le même côté,

l'usage du serre-tête et du coiffon dans certaines contrées, ont

aussi été incriminées. Signalons encore les émotions morales

et la mauvaise hygiène de la nourrice pendant l'allaitement.

Plus tard, pendant l'enfance ou l'adolescence, on retrouve

encore souvent les émotions et les chocs moraux avant l'appa-

rition des accidents épileptiques ; nous ne nous y arrêterons

pas plus longtemps. Certaines maladies générales ont aussi été

considérées comme des causes prédisposantes. Faut-il ranger

parmi ces dernières l'éclampsie des enfants ? Nous l'avons déjà

dit, il semble que dans la majorité des cas, cette éclampsie

infantile soit un véritable accident épileptique. On a signalé

la coïncidence du rhumatisme, de la goutte, du diabète, avec

l'épilepsie. M. Truc rapporte un cas d'épilepsie dont les acci-

dents se produisaient à chaque suppression du flux hémor-

roïdaire.

Nous avons déjà parlé de l'alcoolisme, de l'absinthisme et

des intoxications saturnines, etc., nous n'y reviendrons pas.

Quant à l'influence de la puberté, si elle n'est pas manifeste

chez l'homme, elle apparaît clairement chez la femme. Nous

avons remarqué que souvent les paroxysmes apparaissent au

moment des règles; dans les cas où ils sont plus fréquents, on

remarque qu'il y a recrudescence au moment de l'époque

menstruelle. L'une de nos malades, Marthe Soliv..., dont nous

avons donné plus haut l'observation, est régulièrement prise

chaque mois à ce moment. Citons encore la syphilis (Fournier)

442 PHYSIOLOGIE pathologique.

le surmenage (Salomon Carnell), les affections cardiaques

(Lemoine), les tentatives de strangulation, etc.

Il est évident que parmi ces causes, il faut placer au premier

rang celles qui sont capables d'établir une prédisposition, lais-

sant au second plan celles qui sont la cause déterminante. En

tête des causes prédisposantes, il convient de placer avant tout,

l'hérédité et la dégénérescence qui donnent justement à l'indi-

vidu un tempérament névropathe, une constitution favorable

à l'apparition des accidents épileptiques.

La prédisposition est essentielle, et sans elle, les causes

déterminantes resteraient sans effets; c'est du reste l'avis de

la grande majorité des auteurs qui ont toujours admis et

défendu cette manière de voir.

Quant aux causes qui agissent sur le nombre et la répéti-

tion des accès, nous allons y revenir dans un essai pathogé-

nique de l'épilepsie. Rappelons seulement ici l'influence de la

menstruation, de la digestion, de certains efforts ou exercices

musculaires violents. Leuret admettait l'influence des révolu-

tions lunaires, le même et Delasiauve incriminaient aussi les

saisons. Il est certain que le grand froid et les chaleurs intenses

ne paraissent pas sans action sur le nombre et la fréquence

des paroxysmes.

Signalons encore le sommeil et certains rêves plus ou moins

effrayants. L'épilepsie dans beaucoup de cas a nettement ten-

dance, au début surtout, à se manifester par des accès noc-

turnes. Le moment même de l'apparition des accès semble

coïncider avec le moment où le rêve se produit le plus ordi-

nairement, c'est-à-dire peu de temps après le coucher, ou vers

le matin à l'approche du réveil. Ces faits ont été interprétés

différemment ; les uns invoquant la congestion due au décubitus

dorsal, les autres l'anémie cérébrale qui est, comme l'a mon-

tré Durham, une condition physiologique du sommeil. M. Bou-

chard pense qu'il pourrait y avoir pendant la nuit des accu-

mulations dans le sang de matières convulsivantes, ce qui

expliquerait la coïncidence des accès le matin. Enfin, il n'est

pas moins curieux de constater l'action des maladies intercur-

rentes. Les unes augmentent le nombre des accès d'une façon

manifeste; tels les traumatismes, telles les affections car-

diaques, tel encore l'érysipèle comme on peut le voir dans

l'observation suivante :

OBSERVATION. - Barth..., quarante-huit ans. Épilepsie.

DE l'intoxication dans l'épilepsie. 443

Antécédents héréditaires. Père alcoolique mort à soixante-cinq

ans, mère bien portante morte à soixante-trois ans. Frère mort

de méningite. Soeur a eu des fugues inconscientes, est morte à

l'asile des aliénés de Vaucluse.

Antécédents personnels. Bien portante dans son jeune âge ;

nous n'avons pu savoir si cette malade a eu des convulsions ; réglée

à seize ans, elle eut sa première attaque à la suite d'une frayeur,

à dix-sept ans. Grossesse à vingt ans (fausse couche). L'année sui-

vante, elle met au monde une fille qui a du strabisme et qui est

hystérique.

Etat actuel. Accès d'épilepsie, assez fréquents (cinq à six par

mois), suivis d'excitation. Dans ses accès, elle tombe comme une

masse en avant et se blesse souvent au front ; elle y porte du reste

de nombreuses cicatrices. Elle a aussi des vertiges sans excitation

consécutive.

En février 1890, elle tombe dans un accès, se blesse et s'ouvre

l'articulation métacarpo-phatangienne du médius de la main

gauche. Guérison. En novembre 1890, dans un accès, elle

se fracture les deux os de la jambe gauche ; appareil plâtré.

Guérison.

444 physiologie pathologique.

devons ajouter que les accidents comitiaux reparaissent ensuite

et sont souvent augmentés. Enfin, toutes les causes capables

de déterminer les accès, influent également sur leur fréquence;

ce sont en particulier l'alcoolisme, les intoxications de tout

genre, les excès divers, les excitations multiples, etc.; nous

n'insisterons pas.

En somme, ce qu'il importe surtout de mettre en lumière

en abordant la pathogénie de l'épilepsie, c'est la question de

prédisposition. Cette prédisposition, nous l'avons déjà dit, est

indispensable pour que les accidents puissent se produire.

C'est là ce qui a fait considérer de tout temps l'épilepsie

comme une affection héréditaire, comme une maladie consti-

tutionnelle.

Cette question de prédisposition est capitale, elle domine,

pour ainsi dire, toute la pathologie; et c'est à tort qu'on l'a

laissée tomber un peu dans un oubli relatif pendant quelque

temps. Lorsque la science des infiniment petits fit son âppari-

tion, tous les esprits se portèrent vers la bactériologie. L'im-

portance de cette découverte est considérable, puisqu'elle nous

ouvre des horizons.nouveaux, jusqu'alors tout à fait inconnus.

Mais on eut peut-être le tort au début de vouloir faire table

rase des opinions anciennes, qui étaient le résultat d'une saine

observation, pour ne vouloir chercher partout et toujours que

des microbes. Il est de règle du reste, lorsque des idées nou-

velles et vraies sont mises au jour, que la généralité des

esprits, prise d'enthousiasme, s'y lance un peu aveuglément.

Aussi voit-on plus. tard les choses rentrer dans l'ordre, l'exa-

gération tombe d'elle-même, et laisse en fin de compte, à la

science nouvelle, sa juste place, considérable il est vrai dans

le cas particulier.

Nous admettrons donc que l'épilepsie est une maladie héré-

ditaire, constitutionnelle; c'est assez dire que son apparition

nécessite une prédisposition spéciale du sujet qui en est atteint.

C'était l'opinion des anciens; c'est une opinion qui a cours

encore aujourd'hui, et qui compte de nombreux défenseurs.

Du reste, les faits cliniques et l'étude de l'hérédité ne peuvent

guère laisser de doute à ce sujet. On peut, en effet, naître épi-

leptique, comme on nait arthritique, herpétique, etc., c'est-

à-dire avec une prédisposition héréditaire déterminée. Mais

tous les arthritiques, herpétiques, etc., n'auront pas forcément

les accidents auxquels leur tempérament les prédispose; il

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 445

faudra pour cela qu'une cause déterminante entre en jeu. De

même, pensons-nous, ceux qui naissent avec la prédisposition

épileptique ne seront pas fatalement voués aux accidents de

l'épilepsie; une cause déterminante sera pour cela nécessaire.

Il est évidemment difficile au médecin de prévenir et d'em-

pêcher la prédisposition. Il faudrait, pour cela, réglementer

pour ainsi dire les unions, or quand on vient consulter pour

un malade, les accidents se sont déjà manifestés : c'est donc à

la cause déterminante, et plus spécialement aux causes qui

influent sur la production des accès que nous devons nous

attaquer surtout. Peut-être, un jour venant, la science aura-

t-elle fait des progrès qui permettront de combattre la prédis-

position, de l'enrayer même, mais nous n'en sommes pas là.

Nous essayerons donc de chercher la pathogénie de l'accès

épileptique, restant toujours dans le cadre que nous nous

sommes tracé; dans l'épilepsie générale d'emblée. Nous avons

été frappés de l'analogie qui existe entre les diverses formes de

l'épilepsie et les intoxications; les points de ressemblance sont

nombreux et méritent d'attirer l'attention.

Tout d'abord, la forme que revêtent les accidents épilep-

tiques n'est pas une forme commune; voilà des symptômes

qui se présentent sous une forme critique. Ce sont des accès,

des crises d'épilepsie qui reviennent à intervalles variables et

qui disparaissent ensuite, laissant, au moins au début, le sujet

qui en a été atteint dans un état de santé parfaite. Tantôt,

c'est un accès isolé, tantôt une série de paroxysmes qui dure

plus ou moins longtemps, et qui peut être suivie d'une période

de trouble mental ou d'agitation d'une durée variable. Mais,

quand la série a pris fin, le malade ne présente plus rien de

particulier.

Cette forme critique ne nous semble pas pouvoir s'accorder

facilement avec une lésion permanente du système nerveux.

Cette lésion aurait d'ailleurs échappé jusqu'ici à tous les obser-

vateurs, et même en admettant que ce soit une question d'his-

tologie fixe du système nerveux, que nos méthodes d'investi-

gation et nos instruments ne nous permettent pas encore

d'apprécier, il resterait à expliquer comment cette lésion fixe

ne détermine les accès qu'à de certains moments, laissant au

contraire les malades sans aucune manifestation morbide pen-

dant des jours et des mois parfois ? Il semble quand on jette

un coup d'oeil sur les divers cadres nosologiques de la patho-

446 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

logie, qu'une lésion entraîne des symptômes qui en sont la

manifestation extérieure pendant tout le temps qu'elle per-

siste. Faudrait-il donc admettre que, dans l'épilepsie, il y ait

une lésion chaque fois réparée, et chaque fois reproduite ?

Mais alors, comment expliquer le cas où les accès sont

isolés ? Le malade perd connaissance et tombe brusquement,

il a son paroxysme, puis au bout d'un moment, il se relève et

reprend sa vie ordinaire, n'ayant pas conscience de ce qui

s'est passé. S'il y a lésion, elle doit cependant persister encore.

Si l'on admet au contraire une intoxication, il nous semble

facile de concevoir que le poison accumulé puisse à un moment

donné atteindre la dose nécessaire pour déterminer l'accès.

Cette dose, d'ailleurs, sera variable suivant les cas et les indi-

vidus, suivant le degré de résistance, et le degré de prédisposi-

tion. Dès que l'élimination commence à se faire, avant même

qu'il y ait évacuation, la dose de poison devient moindre, et

les accidents cessent. Ceci peut expliquer aussi pourquoi, dans

certains cas, il n'y a qu'un accès isolé, dans les autres, des

séries véritables; cela dépendra d'une part du degré de prédis-

position, d'autre part, de la quantité de poison accumulée et

de la facilité d'élimination de ce poison. N'est-ce pas ainsi que

l'alcoolique présente des accidents divers, de durée variable,

lorsqu'il a absorbé une dose de vapeurs d'alcool suffisante pour

réveiller ses prédispositions ? N'est-ce pas ainsi de même que

tout rentre dans l'ordre, et qu'il revient à son état normal, dès

qu'il élimine suffisamment ce poison ?

Mais nous pouvons pousser plus loin la comparaison; nous

avons vu que dans l'épilepsie, les accès sont précédés la

plupart du temps par un état prémonitoire spécial qui tantôt

est plus ou moins éloigné, tantôt très rapproché de l'accès.

Cette sensation de malaise vague et- indéfinissable peut être

rapprochée du malaise que ressentent les alcooliques pendant

qu'ils digèrent les boissons, et qu'ils en accumulent les doses

jusqu'à l'ivresse. Le malaise prémonitoire des épileptiques

pourrait donc être considéré comme le résultat d'une accumu-

lation croissante d'un poison spécial. On comprend très bien,

en effet, que cette accumulation progressive d'un produit

toxique entraine un état de malaise général avant que les

accidents n'éclatent. N'est-ce pas là ce que l'on voit dans toute

espèce d'intoxication quel qu'en soit l'agent ?

Nous avons souvent insisté au cours de cette étude rapide,

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 447

sur l'état gastrique et l'enduit saburral de la langue; c'est

que ces symptômes ont pour nous une importance capitale.

Nous avons essayé de montrer leur constance; ils ne manquent

presque jamais dans l'épilepsie générale, c'est donc un des

faits sur lesquels on peut s'appuyer le plus solidement pour

tenter un essai pathogénique.

Rappelons-nous à quel moment ces signes font leur appa-

rition. Le malade n'a pas encore d'accidents, tout au plus

commence-t-il à ressentir un peu de malaise, de la cépha-

lalgie, etc. L'examen nous montre la langue recouverte d'un

enduit saburral, les troubles gastriques se manifestent; les

lavages de l'estomac viennent rendre compte de l'état de cet

organe; l'appétit disparaît, la bouche est amère et pâteuse. La

clinique nous montre que bientôt les manifestattons convul-

sives vont apparaître. Cet état saburral de la portion supérieure

du tube digestif va en s'accentuant de plus en plus, la circu-

lation et la tension artérielle se modifiant, enfin, l'accès éclate.

Il semble que cette progression indique que le paroxysme se

prépare, et nous pensons qu'elle correspond à l'accumulation

d'un produit toxique. Chez les hémorroïdaires, des troubles

analogues ne se produisent-ils pas quand la constipation s'ac-

centue, et quand la stercorhémie commence ? Ne s'accompa-

gnent-ils pas comme ici de sensations vagues de malaise, de

maux de tète, de diminution d'appétit, etc... ?

I- D'ailleurs, cela n'est pas spécial aux hémorroïdaires, quelle

intoxication n'entraîne pas des symptômes du même genre;

ne les voit-on pas chez les alcooliques, chez les saturnins et

les autres ? Il y a plus, et le début des maladies infectieuses

est toujours accompagné de ces mêmes phénomènes, qui vont

en augmentant au sur et à mesure que le microbe envahit

l'organisme quand il peut se généraliser. S'il reste localisé,

cette augmentation progressive répond à l'accumulation du

produit de sécrétion de la toxine du microbe.

Mais suivons dans son évolution l'état saburral, prenons le

cas où les attaques se présentent en série et sont suivies de

trouble mental, de folie épileptique. Pendant tout le temps

que durent les accès, la langue reste dans le même état, ou

bien parait de plus en plus chargée. Les accès cessent, et

cependant la langue ne change pas d'aspect; c'est qu'alors les

accidents convulsifs sont remplacés par des accidents délirants.

Tant que le produit toxique est sécrété et s'accumule, les acci-

448 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

dents ne peuvent cesser, la langue ne peut redevenir normale,

le tube digestif ne peut reprendre son libre fonctionnement.

Les manifestations de l'épilepsie pourront varier, les accès

remplaceront les verliges, le trouble mental succédera aux

accès, il y aura de l'agitation, etc.. mais il y aura des accidents

quelconques.

C'est surtout lorsque dans une série, il y a un ou deux jours

d'intervalle sans accès, que la chose est le plus manifeste. Si

l'on n'examinait pas la langue et si on ne connaissait pas la

toxicité urinaire, on pourrait croire que tout est terminé, mais

il n'en est rien; en effet, les malades, pendant ces deux jours,

restent fatigués, plus ou moins abattus et troublés, ils ont

encore de l'obtusion intellectuelle, mais ils n'ont pas d'accès,

et l'enduit saburral de la langue persiste ou augmente. Il n'y a

rien d'étonnant en ceci puisque, après ces vingt-quatre ou qua-

rante-huit heures, il survient de nouveaux paroxysmes. Cet

état saburral de la langue est un signe que la série n'est pas

épuisée; donc, pendant toute la durée des accès convulsifs,

comme pendant le délire consécutif et l'agitation l'état saburral

ne disparaît pas.

C'est seulement quand les accidents vont prendre fin que

ces troubles digestifs commencent à diminuer progressive-

ment, et leur diminution est justement l'indice certain de la

terminaison. C'est là un fait très important à notre sens.

L'évolution des troubles digestifs parallèle à celle des acci-

dents épileptiques, mais un peu en avance sur eux, s'accorde

très bien avec l'hypothèse d'une intoxication.

L'apparition anticipée de ces troubles peut être considérée

comme la première manifestation extérieure de l'empoisonne-

ment. Le produit toxique s'accumule, la quantité absorbée

par l'organisme augmente, et l'état gastrique comme l'aspect

de la langue s'accentue. Lorsque la dose est suffisante, et que

l'irritation progressive par le poison des centres nerveux pré-

disposés, est arrivée au degré voulu pour déterminer une action

réflexe, les vertiges, les accès paraissent, puis le délire, et la

folie épileptique. Tant que durent ces accidents, c'est que

l'empoisonnement continue ou augmente, la persistance ou

l'augmentation des symptômes gastriques semble l'indiquer

clairement. Enfin, quand l'élimination se fait, la quantité de

poison retenue dans l'organisme diminue, l'état saburral

s'amende, et bientôt les accidents réflexes de l'irritation des

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 449

centres nerveux disparaissent, ne laissant après eux qu'une

fatigue extrême, une obtusion intellectuelle plus ou moins

marquée, résultat naturel de l'épuisement nerveux. Les symp-

tômes constants que l'on observe du côté du tube digestif, et

particulièrement de sa portion supérieure, viennent donc

plaider aussi en faveur d'une intoxication.

Nous avons dit les résultats que nous avons obtenus dans

nos expériences avec M. Péron, sur la toxicité urinaire chez

les épileptiques. Nous avons repris ces expériences chez des

épileptiques simples et chez des épileptiques hémiplégiques',

mais en modifiant un peu la méthode expérimentale. Nous

avons recueilli les urines des vingt-quatre heures physiolo-

giques (état de veille et 'sommeil). Pour ce faire, nous com-

mencions par sonder les malades pour évacuer complètement

leur vessie, puis nous placions à demeure une sonde en caout-

chouc rouge rendue aseptique, qui conduisait directement

l'urine dans un récipient. Toutes les injections que nous avons

faites ont été intra-veineuses, et ont porté sur des lapins

adultes et vigoureux. Nous avons surtout cherché à régler

d'une manière constante la vitesse de l'injection, aussi avons-

nous fait construire une éprouvette graduée, munie d'un ori-

fice à la partie inférieure. On y adapte un ajutage en caout-

chouc dont l'autre extrémité porte une aiguille capillaire. Une

pince de mors à vis permettait d'arrêter l'injection à volonté.

Une différence de niveau d'un mètre donne, dans ces condi-

tions, un écoulement modéré au liquide à injecter avec une

pression à peu près constante.

En opérant de cette façon, nous sommes arrivés sensible-

ment aux mêmes conclusions que dans nos expériences avec

M. Péron; c'est-à-dire que l'urine qui précède l'accès ou la

série est hypotoxique, et que cette hypotoxicité persiste pen-

dant toute la durée des accidents convulsifs ou mentaux. Au

contraire, l'urine qui est émise après la fin de ces accidents

devient hypertoxique. Ceci viendrait donc enfin confirmer

l'hypothèse d'un poison retenu dans l'organisme, et détermi-

nant les manifestations épileptiques. Cette variation de la

toxicité urinaire marche d'ailleurs parallèlement aux symp-

tômes gastriques, mais en sens inverse.

On pourrait objecter que l'état saburral commence à dispa-

' Jules Voisin. Congrès de médecine mentale, La Roclielle, 1893.

Archives, t. XXIX. 29

450 PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

raître avant que l'urine soit devenue hypertoxique, mais nous

répondrons que l'élimination d'un poison commence avant

son excrétion au dehors, et que d'autre part la nécessité d'agir

avec l'urine des vingt-quatre heures ne permet pas de voir à

quel moment précis l'urine rendue commence à être hyper-

toxique. Nous 1 avons'dit, cette question de la toxicité urinaire.

est fort épineuse. Il est très difficile d'avoir l'urine des vingt-

quatre heures, surtout chez les épileptiques. Nous avons dit

quels reproches on a fait à cette méthode d'investigation, et

quelles incertitudes elle laisse, surtout après. les injections

d'une solution dosée de strychnine faites par M. Godart et

Slosse; mais cependant, les faits observés sont là. Si l'on ne

doit pas accorder à la toxicité urinaire une valeur absolue en

soi, il faut pourtant avouer qu'elle vient ici se joindre à l'état

saburral et parler dans le' même sens.

Chez la femme, comme nous l'avons déjà remarqué précé-

demment, la menstruation a une influence très manifeste sur

la production des accès épileptiques et sur leur nombre.

A l'époque des règles, les accès deviennent plus fréquents,

plus nombreux; chez beaucoup de malades même, ils n'appa-

raissent qu'à ce moment, et cela avec une régularité parfaite.

Peut-être ce fait peut-il s'expliquer.

La femme passe là par une période où elle est évidemment

moins résistante, témoin la facilité avec laquelle toutes peu-

vent contracter des angines au moment du flux menstruel. Ces

angines ont souvent attiré notre attention en dehors des sujets

épileptiques; elles sont le résultat de petites infections locales

qui ont pu s'établir là, parce que la femme se défendait moins

bien à ce moment. Du reste, presque toutes les femmes pen-

dant les jours de la menstruation ont un certain malaise avec

de la céphalalgie, une langue sale et pâteuse et une diminu-

tion de l'appétit. En même temps, le caractère est modifié et

l'impressionnabilité nerveuse s'accroît considérablement.

Ces deux considérations ne peuvent-elles pas être mises en

cause dans l'épilepsie générale ? D'une part, l'augmentation

de l'impressionnabilité nerveuse, chez une malade dont le sys-

tème nerveux est déjà prédisposé aux réactions convulsives,

facilitera l'apparition des accès. D'autre part, la diminution de

force et d'activité des moyens de défense favorisera l'action

plus intense d'un poison toxique. Si ce principe toxique vient

du dehors, nous avons vu que les portes lui sont largement

DE L'INTOXICATION DANS L'ÉPILEPSIE. 451

ouvertes ; s'il est formé dans l'organisme, c'est-à-dire s'il y a

auto-intoxication, la menstruation ne peut-elle pas favoriser

cette auto-intoxication qui a déjà tendance à se produire, bien

qu'à un faible degré chez les sujets normaux.

On peut aussi comparer les résultats auxquels aboutit cette

intoxication des épileptiques à ceux de l'alcoolisme. Comme

nos malades, les alcooliques chroniques voient leur intelli-

gence s'affaiblir et déchoir progressivement; comme eux, ils

perdent la mémoire, bien que moins rapidement et d'une

façon moins complète. Enfin, ils peuvent arriver à un état de

déchéance physique et intellectuelle qui conduit bientôt à la

démence. Les épileptiques marchent aussi d'une façon très

comparable vers cette triste terminaison.

Non seulement les symptômes prémonitoires et les symp-

tômes de l'accès des deux intoxications sont les mêmes, mais

nous pouvons encore pousser plus loin l'analogie. Etudions, en

effet, le délire, qu'y voyons-nous ? Chez les uns, l'ivresse est

triste, et le malade présente des idées fixes qu'il ressasse tou-

jours. D'autres sont pris d'un délire furieux, violent, avec des

impulsions dangereuses et des hallucinations terrifiantes.

L'épileptique lui aussi est tantôt gai, tantôt triste, et plus

souvent triste que gai. L'hébétude dès le début, peut être

poussée à l'extrême, comme cela existe dans l'abrutissement

et la torpeur alcoolique. Quand l'épileptique est gai, il éprouve

des troubles de la sensibilité générale et des troubles du sys-

tème moteur qui le poussent à faire les actes les plus extra-

vagants. C'est ainsi qu'il veut voler dans l'espace, et qu'il se

croit souvent en état d'accomplir des travaux gigantesques.

Nous voyons la même chose chez les alcooliques chroniques

sous l'influence de l'ivresse. Ces malades sont entreprenants,

optimistes au suprême degré, et se croient capables d'accom-

plir les plus grands travaux, de même que les épileptiques et

les paralytiques généraux, desquels ils se rapprochent beau-

coup. Ils ont des idées de grandeur et de richesse. Ils se croient

être Dieu, Jésus, Mahomet, etc. Dans d'autres circonstances,

ces alcooliques sont atteints d'un délire furieux, hallucinatoire;

ils sont terrifiés par la vue du feu ou par la vue d'ennemis

acharnés à leur perte. Alors se trouvant en cas de légitime

défense, ils se battent avec une fureur inouïe, ils portent des

coups meurtriers et s'acharnent après leurs victimes. Leur

acharnement cependant est moins grand que chez les épilep-

452 REVUE d'électrothérapie.

tiques qui transpercent leur victime d'un nombre inouï de

coups mortels. Un sommeil profond peut survenir après ce

délire furieux et meurtrier, mais le réveil est différent dans les

deux cas. L'alcoolique se rappelle vaguement ce qu'il a fait,

tandis que l'épileptique ne se rappelle rien, cela doit tenir à la

rapidité de l'élimination du poison.

Dans certains cas, l'alcoolisme a été la cause occasionnelle

d'un véritable accès épileptique, et alors le malade ne se rap-

pelle aucunement son délire.

Ces faits ne sont pas aussi rares qu'on pourrait le croire. Là

aussi l'hérédité et la prédisposition jouent un grand rôle :

« n'est pas alcoolique qui veut, » a dit Lasègue. Pour que le

délire se manifeste sous l'influence de doses immodérées d'al-

cool, il faut avoir un système nerveux prédisposé. Certains

individus en boivent des quantités considérables sans jamais

présenter de délire, d'autres, au contraire, présentent du trouble

mental et de l'ivresse, après l'absorption d'une très minime

quantité d'alcool, et ces mêmes individus n'auront jamais de

manifestations d'alcoolisme du côté des voies digestives ou du

côté du foie. Les premiers, au contraire, auront de la gastrite

ou de la cirrhose. Ces modalités différentes dans l'explosion

d'une intoxication nous montrent l'influence de la prédisposi-

tion héréditaire. Dans l'épilepsie aussi il y une prédisposition

héréditaire, et c'est cette prédisposition qui est mise en jeu

par l'excitation due au poison convulsivant qui infecte l'éco-

nomie. Dans l'alcoolisme, c'est l'alcool qui est excitant; dans

l'épilepsie, c'est la toxine.

(A suivre.)

REVUE D'ÉLECTROTHÉRAPIE.

I. ELECTIIOPIIYSIOLOGIE.

Les travaux d'éleclrophysiologie ont surtout roulé cette année

sur l'étude des centres cérébraux. Cette question est loin encore

d'être élucidée et fournit aux expérimentateurs un vaste terrain de

REVUE d'électrothérapie. 453

recherches intéressantes à la fois au point de vue physiologique et

thérapeutique.

Je dois mentionner tout d'abord un travail de M. Ram : Action

des différents poisons sur l'excitabilité électrique de l'écorce céré-

brccle (Mediciniskoïé Obozrénié, n° 1, 1894).

L'auteur a étudié l'influence de 14 espèces de poisons sur l'exci-

tabilité électrique de l'écorce cérébrale chez les chiens, les chats et

les lapins. Après avoir soumis l'animal à.l'action du poison étudié,

on commence l'excitation du cerveau à l'aide de courants induits

très faibles qu'on augmente progressivement jusqu'au premier

mouvement de l'animal. Chaque mouvement isolé est maintenu

trois secondes, sauf les cas où il se produit dès l'application des élec-

trodes un accès épileptique. On commence par exciter le centre du

mouvement du membre antérieur droit. Une fois l'action du poison

choisi sur l'excitabilité de l'écorce déterminée, M. Ram enlève la

substance grise du centre gauche, découvre l'hémisphère droit et

excite alternativement la substance blanche sous-jacente au centre

sain et au centre mutilé. La seule différence entre les accès sur-

venus avant et après l'ablation du centre cortical consiste en ceci :

que dans le dernier cas les groupes musculaires qui sont sous la

dépendance de ce centre n'entrent plus en convulsion, ce qui est

d'ailleurs rationnel. D'après ses recherches, M. Ram divise les

poisons étudiés en trois groupes : 1° ceux qui augmentent l'excita-

bilité électrique de l'écorce grise : éphédrine, guanidine, picrotoxine,

cysticine, chlorure d'ammonium, éthylamine, propylamine, orcine

et les acides phénique et picrique;2° ceux qui augmentent d'abord

puis diminuent l'excitabilité électrique : byosciamiue; 3° ceux qui

diminuent cette excitabilité : hyoscine et scopolanine. On voitquel

bénéfice on peut tirer de ces expériences au point de vue théra-

peutique surtout en pathologie mentale. Cependant, il faut se

défier, car certaines parmi ces substances ont une action fâcheuse

sur le coeur, l'estomac, la respiration ou le système nerveux cen-

tral. M. Ram croit pouvoir établir que la scopolanine agit bien dans

les différentes formes de convulsions, car dans ses onze expériences

avec cette substance il a toujours noté une chute de l'excitabilité

électrique jusqu'à 0 avec impossibilité d'obtenir un mouvement

même après une minute d'électrisation.

Je crois intéressant de rapprocher de cette publication une note

lue par M. Lambert àla Société de biologie (séance du 16 juin 1894)

et intitulée : Note sur l'excitation de l'écorce cérébrale par la fara-

dtsn<<o ? : unipolaire. Afin de déterminer si l'écorce cérébrale est exci-

table par la faradisation unipolaire, l'auteur après anesthésie et

trépanation a essayé d'exciter les zones motrices du cerveau du

chien avec un seul pôle. Mais il faut pour que l'excitation soit effi-

cace remplir certaines conditions. Il faut actionner le chariot de

Du Bois-Reymond à l'aide de piles relativement fortes, soit 3 élé-

454 revue d'électrothérapie.

ments Grenet de grande dimension. La bobine induite doit être à

fil très fin. J'aimerais une indication un peu plus nette du diamètre

du fil et de sa longueur. Car c'est le seul moyen pour celui qui

voudrait répéter ces expériences de se trouver dans les mêmes con-

ditions. Il est de toute importance en effet, surtout avec les cou-

rants d'induction pour lesquels nous n'avons pas d'instruments de

mesure pratiques comme le sont les galvanomètres pour les cou-

rants continus, de définir exactement tous les facteurs d'une expé-

rience.

En suivant la méthode de M. Lambert, on voit des mouvements

se produire lorsqu'on excite avec un seul pôle certaines portions

de l'écorce cérébrale.

Contrairement aux schémas de Ferrier ces portions excitables

sont des points et non des zones que l'emploi de la faridisation uni-

polaire permet de délimiter d'une façon très précise II est aussi

important à noter que l'excitabilité de l'écorce cérébrale à ce mode

d'électrisation disparaît assez rapidement.

D'autre part, M. Betcherew (Messager neurologique, en russe,

fasc. 4, Iiasau, 489+) a étudié l'influence de l'inflammation trauma-

tique de l'écorce sur son excitabilité. Ses expériences ont été faites

sur le singe après trépanation du frontal; il établit à l'aide de l'ex-

citation faradique, le territoire des centres corticaux en notant le

minimum de courant nécessaire pour provoquer la contraction

musculaire la plus faible dans l'extrémité opposée et le minimum

de courant pour provoquer un accès épileptique. Il fait ensuite avec

précaution l'ablation du centre moteur correspondant, ferme la

plaie et laisse l'animal au repos.Il se produit naturellement comme

résultat immédiat une paralysie motrice plus ou moins complète

de l'extrémité correspondante. Au bout de quelques jours, lorsque

les phénomènes paralytiques ont diminué, on découvre l'écorce

dans la région lésée et dans la région saine du côté opposé et on

examine l'excitabilité de l'écorce au pourtour de la plaie et par

comparaison celle de la région saine symétrique. On constate que

l'excitabilité des régions voisines de la lésion est considérablement

augmentée. En outre au bout d'un certain temps on remarque

autour de la plaie la néoformation des centres corticaux abolis.

Le Dr Joukoff dans le même laboratoire a essayé de déterminer

la durée de cette hyperexcitabilité due à l'état inflammatoire, sa

marche et d'autres questions se rattachant à l'épilepsie trauma-

tique. Il arrive aux conclusions suivantes : 10 la période latente de

l'excitation corticale diminue notablement dans l'inflammation

traumatique; 2° la destruction des mêmes centres du côté opposé

diminue l'ltyperexcitabilité traumalique de l'écorce; 3° lorsqu'on

enlève de nouveau les centres corticaux néoformés à la suite d'une

première ablation ils peuvent reparaître une deuxième fois dans

les régions voisines ou même au niveau d'un autre centre.

REVUE d'électrothérapie. 455

Dans une très intéressante monographie parue dans les Archives

d'électricité médicale expérimentales et cliniques et intitulée : La

Résistance des nerfs et leur travail physiologique, M. Charpentier,

professeur de physique à la Faculté de médecine de Nancy, a fait

porter ses expériences sur des nerfs non détachés de l'animal et

ayant conservé leurs connexions physiologiques.

Voici brièvement résumés les faits qu'il a constatés :

40 La résistance apparente varie d'un animal à l'autre et même

d'un nerf à l'autre sur le même animal, indépendamment de

toute différence de grosseur du nerf. Cette variation peut aller du

simple au triple; 2° elle varie suivant la longueur du nerf com-

prise entre les deux électrodes, mais non proportionnellement à

cette longueur, puisqu'il faut tenir compte de la voie de dérivation

par les tissus et que si la voie interpolaire est plus longue, la voie

dérivée devient plus courte; 3° elle augmente par le soulèvement

du nerf au-dessus des tissus. Le soulèvement agit en allongeant la

voie de dérivation, la voie directe restant constante ; 4° le degré

d'humidité du nerf est la cause principale qui modifie sa résis-

tance, et celle-ci augmente dans des proportions énormes à mesure

que le nerf se dessèche ; 5° le refroidissement paraît aussi jouer

un certain rôle, et la résistance paraît plus grande à 0° qu'à la

température ordinaire, mais ce point demande de nouvelles expé-

riences ; 6° la résistance apparente varie suivant la fréquence des

courants excitateurs et en sens inverse de cette fréquence. Ce fait

en apparence paradoxal, puisque c'est le contraire qui se produit

avec les conducteurs métalliques, peut s'expliquer par la polari-

sation des électrodes employées, car il ne se produit pas lorsqu'on

emploie les électrodes impolarisables de Du Bois-Reymond ; 7° la

section du nerf augmente sa résistance apparente ; ce qui se

conçoit aisément, puisque la voie de dérivation se trouve interceptée.

Ces conditions physiques connues, quelle est l'influence des fac-

teurs physiologiques ? 10 Degré d'excitation du nerf. Ne semble pas

modifier les conditions de résistance. 2° Interruption de la continuité

physiologique du nerf. En plaçant sur le nerf deux noeuds serrés

au-dessus et au-dessous des pôles, on augmente la résistance mais

après une période de diminution qui tient à un effet d'inhibition

produit sur le nerf par l'action mécanique de la ligature. 3° Nerf

écrasé. La résistance du nerf réduit à l'état de simple conducteur

est notablement plus faible que celle du nerf intact. Il en est de

même après badigeonnage du nerf à la cocaïne, la résistance

diminue à mesure que l'anesthésie augmente, et quand elle est

complète, la résistance est la même que celle du nerf écrasé. Le

curare, introduit dans la circulation à dose physiologique, alfaiblit

momentanément la résistance, puis celle-ci se relève et atteint son

premier niveau, qu'elle dépasse même un peu.

456 REVUE d'électrothérapie.

Ces faits, rapprochés les uns des autres, ont une grande impor-

tance en ce qu'ils permettent d'apprécier le travail physiologique

du nerf envisagé pour son propre compte et non par l'inlermé-

diaire du muscle, comme on le faisait jusqu'ici faute de ces notions.

Il faut pour cela mesurer, ainsi que l'a montré Chauveau, l'équi-

valent entre l'énergie et l'absorption du travail intérieur.

Pour déterminer la manifestation de ce travail absorbé pendant

le fonctionnement du nerf, la mesure électrique est la plus com-

mode. Dans tout circuit électrique, lorsqu'il se produit quelque part

du travail, la résistance augmente. Il en est de même dans un nerf

qui produit un travail physiologique d'excitation ou de transmis-

sion. On peut donc remonter de cette augmentation de résistance

une fois déterminée à l'évaluation du travail physiologique corres-

pondant au fonctionnement nerveux. Mais il faut tenir compte

aussi de l'habitude qui fait que la répétition des mêmes actes par

le système nerveux absorbe de moins en moins de travail. Suivant

la loi bien connue de la transformation de l'énergie dans un circuit

électrique, l'intensité du courant baisse quand le nerf produit du

travail. Au lieu d'être E- elle devient ? e désignant la force

contre électro-motrice due au travail nerveux. C'est cette force

qu'il s'agit de mesurer. On peut pour cela utiliser la notion de

résistance apparente. Si on désigne par R1 la résistance apparente

du nerf fonctionnant physiologiquement, et par R celle du

même nerf dont le fonctionnement est aboli soit par l'écrase-

ment, soit par la cocaïnisalion, il sera facile de connaître e, puisque

e E E |i jrj-j. Si on multiplie e par la quantité d'électricité

fournie au nerf dans une excitation on a en joules, c'est-à-dire

sensiblement en dixièmes de hilogi·ammètres, la valeur du travail

physiologique correspondant.

Le travail physiologique varie suivant l'excitation du nerf. Mais

l'auteur ne peut dire s'il y a proportionnalité entre l'énergie du

courant excitateur et le travail physiologique produit. Il pense

cependant qu'elle existe dans certaines limites. La possibilité de

cette mesure du travail des nerfs fournira évidemment en patho-

logie nerveuse des éléments nouveaux et intéressants pour l'élec-

tro-diagnostic.

Pour en finir avec l'électrophysiologie, il me reste à mentionner

deux travaux importants : l'Elude graphique de la contraction mus-

culaire produite par l'étincelle statique ' de M. Henry Bordier, pré-

parateur de physique médicale à la faculté de médecine de Bor-

deaux et l'Influence des bains statiques sur la tension du pouls (Soc.

franc. d'éiectroth., 17 mai 1894).

' Archives d'électricité médicale expérimentales et cliniques, n° 24,

déc. 1874.

REVUE d'électrothérapie. 457

Dans son travail, M. II. Bordier étudie d'abord l'influence du

signe de l'étincelle et constate : 10 que la contraction produite par

l'étincelle négative est plus forte; 2° qu'elle n'a pas la même

forme. La courbe du pôle négatif s'élève brusquement suivant une

verticale, celle du pôle positif s'incline légèrement. La fin du tracé

de contraction diffère également : avecl'étincelle négative, il semble

y avoir un léger tétanos musculaire. Ces différences rappellent

celles produites par la cathode et l'anode des courants galvaniques

à la fermeture.

Pour ce qui concerne la longueur de l'étincelle, on voit que l'in-

tensité de la contraction croit beaucoup plus vite que la longueur

de l'étincelle de telle façon que : la grandeur de la contraction

musculaire est directement proportionnelle au carré de la longueur de

l'étincelle. La connaissance de cette loi rendra certainement des

services en électrothérapie.

Si on cherche en troisième lieu dans quelle proportion varie

l'intensité de la contraction avec le diamètre des excitateurs dans

les excitations directes, on trouve que l'énergie de la secousse est

'proportionnelle au diamètre de l'excitateur. Enfin en ce qui con-

cerne la densité électrique on constate que de même qu'avec les

chocs galvaniques la grandeur de la contraction diminue ci mesure

que la surface de l'électrode augmente et que par conséquent la

densité du courant diminue.

Le travail de M. Dignat donne les résultats de 62 mensurations

faites sur 11 individus. 36 fois la tension du pouls paraît avoir aug-

menté à la suite du bain statique; 24 fois elle n'a subi aucune

modification appréciable. 2 fois elle a été affaiblie. Mais avec lui

nous nous garderons de donner des conclusions fermes d'abord vu

le petit nombre des sujets mis en expérience et ensuite vu le

manque de renseignements précis sur le fonctionnement habituel

de leur circulation. S'agit-il d'individus à l'état dit physiologique,

qui présente encore pour l'homme bien des variantes, ou de

malades ? C'est ce que M. Dignat n'a pas suffisamment défini et ce

que nous chercherons à faire dans de prochaines recherches.

Electro-diagnostic

L'emploi de l'électricité comme moyen de diagnostic tend

comme tous les autres moyens physiques à prendre une place de

plus en plus grande dans les méthodes d'exploration contempo-

raines à cause de la précision des résultats de beaucoup supérieurs

en général à ceux de nos faibles sens. Mais il faut aussi pour se

servir de l'électricité comme moyen de diagnostic une éducation

spéciale et qui ne s'acquiert que par une assez longue pratique

parce que, comme avec tous les autres moyens physiques, il y a

458 REVUE d'électrothérapie.

d'autant plus de causes d'erreur que l'appareil est plus délicat et

plus approprié à donner exactement le renseignement qu'on lui

demande.

On se rendra compte de ces difficultés en lisant le très intéres-

sant ouvrage du Dr d'Arman : La conductibilité électrique du corps

humain chez les gens sains d'esprit et chez les aliénés (in-8°, Venise,

1894). Il démontre d'abord par une étude approfondie des dif-

férentes méthodes d'exploration que si elles ont jusqu'ici donné

peu de résultats cela tient aux nombreuses causes d'erreur inhé-

rentes aux explorations (pression de l'électrode, humidité de la

peau, etc.).

Les très nombreuses expériences faites sur le vivant et sur le

cadavre sont rapportées en détail et les résultats en sont condensés

dans quatre tableaux : le premier donne les valeurs maxima et

minima de la résistance obtenue dans les différents modes d'appli-

cation du courant galvanique; le deuxième les valeurs moyennes

des résistances initiales dans les diverses applications; le troisième

indique les valeurs des résistances initiales correspondant à des

potentiels différents aux points d'application, dans les divers cas

qu'on peut rencontrer en électrothérapie; le quatrième indique

les moyennes des résistances initiales et finales obtenues dans les

différents états morbides que l'auteur à soumis à l'examen. Il con-

clut que : toutes choses égales, la conductibilité du corps humain

croît avec la valeur du potentiel et pendant l'application du cou-

rant surtout pendant les deux premières minutes. Sur le cadavre

la résistance reste plus fixe avec légère tendance à diminuer.

La résistance diminue lorsqu'on élargit la surface des électrodes,

qu'on augmente la quantité et la saturation de la solution, saline

qui baigne la peau et les électrodes ou qu'on élève la température

de cette solution. La résistance varie sur les diverses parties du

corps : maxima aux membres, elle est moyenne sur le tronc et le

cou, minima à la face.

La résistance aux mêmes points varie souvent dans des limites

assez grandes (30,000 à 800 ohms dans les cas courants) d'un sujet

à l'autre.

Les variations sont encore en relation avec certains états patho-

logiques. On trouve la résistance diminuée dans le goitre exophtal-

mique, assez forte chez les hystériques surtout dans les régions

insensibles et chez celles qui ont du délire; chez les épileptiques

surtout quand ils sont en même temps aliénés; dans la manie, les

neurasthénies, le tétanos. La résistance diminue dans la folie

alcoolique, l'idiotie, la mélancolie, la chorée et du côté malade

dans les affections unilatérales, dans la paralysie infantile. Après

une inversion de courant, la résistance diminue mais de moins en

moins à mesure qu'on répète les inversions. Le même fait se

reproduit sur le cadavre.

REVUE d'électrothérapie. 459

En électro-diagnostic il faut d'abord éviter les variations résultant

de la partie du circuit extérieure au corps humain. La force élec-

tro-motrice doit être constante; on doit s'assurer du bon état des

contacts des électrodes de toutes les partie du circuit. Les électrodes

doivent toujours être imbibées avec une solution saline de même

température et de même concentration. Elles doivent être main-

tenues en place à l'aide d'une bande élastique qui exerce sur la

peau une pression toujours égale. Quand la résistance du corps

humain est faible'il est bon d'introduire dans le circuit une résis-

tance variable suivant les régions explorées de façon à rendre

minimes les oscillations de l'intensité. Un galvanomètre apério-

dique très sensible est nécessaire.

Etant donné qu'au niveau du sternum et del'hypogastre la résis-

tance subit une diminution très marquée pendant le passage du

courant, on n'y devra pas placer l'électrode indifférente contraire-

ment à ce qu'on a écrit dans les traités d'électrothérapie.

Il résulte de ces faits que pour l'électro-diagnostic il faut employer

comme électrode indifférente l'eau d'un vase en porcelaine où le

malade plonge les mains ou les pieds et où le courant arrive par

un conducteur en or ou doré parce qu'alors la résistance est très cons-

tante. L'électrode active, petite et impolarisable, sera fixée au

moyen d'une bande élastique dont un dynamomètre doit indiquer

la tension. Il convient aussi d'user de forces électro-motrices

variables selon la résistance du point à électriser. 11 est cer-

tain qu'il est très important, si on veut obtenir des résultats com-

parables, d'opérer dans des conditions toujours identiques et où les

chances d'erreur soient réduites au minimum, la méthode de

M. d'Arman me parait remplir ces conditions mieux que celles

actuellement employées.

On sait combien l'étude des réactions électriques de l'oeil est

utile au diagnostic des maladies nerveuses quoiqu'elles soient loin

jusqu'ici de donner des résultats aussi exacts que ceux fournis par

les nerfs et les muscles, mais là aussi l'irrégularité des résultats tient

en grande partie à l'insuffi.-ance de la technique opératoire.

Lombroso et Levi (Lo Spe2,inientale, avril 1894) viennent de

décrire la méthode très simple qui leur a servi dans leur Coi2tî-i-

bution à l'élude de la réaction électrique de 1'oeil. Ils placent une

large électrode sur la nuque une autre de 3 centimètres de diamètre

est appliquée sur l'oeil et maintenue à l'aide d'une bande légère-

ment élastique. Le circuit comprend un interrupteur, un commuta-

teur, un galvanomètre et un rhéostat. Ils procèdent aux recherches

dans l'ordre suivant : réaction minima, réaction oculaire pour une

intensité de 1 milliampère ; réaction oculaire pour 2 milliam-

pères. Les réactions polaires sont étudiées successivement : Ka Fe,

Ka 0, AnFe, An 0.

Les recherches ont porté sur 4 cas de tabès dorsal, 1 d'atrophie

460 revue d'électrothérapie.

musculaire progressive (type Aran-Duchennel, 2 cas de paralysie

périphérique du facial (a /' ? '0 ! 'e), 1 de polynévrite chronique, 3 de

névrose traumatique, 12 d'hystérie ; 6 de neurasthénie.

Dans les maladies organiques on observe souvent une réaction

normale. Mais lorsqu'il y a anomalie, avec ou sans troubles visuels,

on trouve soit laprédominance de la secousse négative d'ouverture,

soit l'égalité des réactions d'ouverture o,p des réactions de ferme-

ture, ou les deux choses simultanément. Dans un des cas de

névrose traumatique les auteurs ont trouvé la prédominance de la

secousse négative d'ouverture, sans qu'il y eût de troubles visuels,

dans un autre cas le même phénomène coïncidait avec une diminu-

tion de l'acuité visuelle. Dans l'hystérie et la neurasthénie, si l'acuité

visuelle est normale on, n'observe pas d'altérations spéciales de la

réaction galvanique. On trouve toujours une différence entre les

deux yeux; l'hyperesthésie est maxima dans la neurasthénie. Les

réactions polaires sont à peu près identiques à celles de l'état phy-

siologique. Cependant pour la réaction minimum la secousse néga-

tive d'ouverture se montre prépondérante.

Lorsqu'il y a diminution de l'acuité visuelle, la réaction est ordi-

nairement normale ; on l'a cependant trouvée affaiblie même pour

l'oeil sain dans un cas d'hystérie et dans un de neurasthénie.

L'anisométropie n'influe pas sur la sensibilité de la réaction. Ces

résultats correspondent à ceux déjà obtenus par Hoche.

Pour finir je dois mentionner les recherches de Glogner sur les

variations électriques de l'excitabilité électrique des nerfs clans te

Beri-Beri.

L'action locale du poison morbide sur les nerfs périphériques

varie beaucoup; on trouve tantôt une augmentation de l'excitabi-

lité galvanique des nerfs, tantôt une diminution reconnaissable

sur la plupart des nerfs mais prédominant sur les nerfs libiaux et

péronniers. Ces modifications apparaissent très brusquement et

varient d'un jour sur l'autre. De sorte que si on veut se rendre un

compte exact de la marche de la maladie, il faut rechercher jour-

nellement, en même temps que l'état de la circulation et de la

respiration, les modifications survenues dans les réactions électri-

ques des nerfs périphériques et plus spécialement celles des nerfs

tibiaux et péronniers.

IL ELECTROTHÉRAPIE.

Si les travaux ne brillent pas par le nombre, ils sont au moins

remarquables par la qualité. Je signalerai tout d'abord celui de

M. Henri Bordier préparateur de physique à la Faculté de méde-

cine de Bordeaux, sur le traitement du goitre exophtalmique par le

courant faradique. L'auteur après avoir passé en revue les divers

traitements médicaux et leurs effets et s iirnalé les bons résultats du

REVUE d'électrothérapie. 46l

traitement par le courant galvanique, se range cependantà la pra-

tique de Vigoureux qui donne la préférence au courant d'induction

Après avoir indiqué minutieusement la technique qu'il emploie et

qui ne diffère d'ailleurs en rien de celle préconisée par Vigoureux,

en 1886, il donne deux observations intéressantes. Il note surtout

comme résultat, l'amélioration de l'état général, la diminution de

la sensation de chaleur et de tremblement et la diminution du goitre

surtout marquée dans les quinze premières séances, après quoi

la tumeur demeure stationnaire. Sur l'exophtalmie et la tachy-

cardie l'amélioration a été plus lente à se produire. Il n'en consi-

dère pas moins ce traitement comme le procédé de choix, ce qui

est fort discutable.

M. Witkoswki (de Berlin) a essayé l'action du pinceau galvanique

dans le traitement de certaines affections nerveuses. (Sein. mcd.

93 oct.; 1894.)

Le pinceau galvanique agit plus énergiquement que le pinceau

faradique. Ses effets peuvent être dosés exactement et ne se bor-

nent pas à la surface de la peau. Aussi donne-t-il d'excellents

résultats dans les anesthésies périphériques, l'impuissance sexuelle

résultant de l'onanisme^ les névralgies, les troubles vésicaux et

les troubles de la sensibilité cutanée chez les tabétiques.

Le pinceau galvanique est toujours mis en communication avec

le pôle négatif d'une batterie suffisamment puissante, l'électrode

indifférente bien mouillée étant placée sur une partie quelconque

du corps.

Afin d'éviter l'action caustique du courant il faut prendre la pré-

caution d'humecter la région il électriser et ne pas laisser le pinceau

trop longtemps à la même place.

Chez les tabétiques, l'emploi du pinceau galvanique dissipe les

troubles urinaires plus sûrement et plus vile que la suspension. 11

ramène la sensibilité dans les membres inférieurs, amende les

douleurs fulgurantes et diminue l'ataxie. Ce, sont là des résultats

qu'on n'obtient pas facilement par d'autres procédés; aussi méri-

tent-ils d'être signalés à l'attention des praticiens d'autant plus

que le traitement n'est pas difficile à employer et ne nécessite pas

un matériel extraordinaire.

Il me reste à signaler le très intéressant travail du D1' P. Guyenot,

médecin attaché à l'établissement thermal d'Aix-les-Bains sur les

Douches hydro-électriques.

La douche hydro-électrique galvanique ou faradique est carac-

térisée par le mode de conduction des courants qui se fait exclusi-

vement soit par le jet d'eau d'un appareil à douches d'une part,

soit d'autre part par un second jet d'eau,' ou par celle qui baigne

le sol de la cabine. Celle-ci doit avoir une disposition spéciale sur

laquelle je n'ai point à m'apesantir ici.

Pour la douche hydrogalvanique générale, on ouvre le robinet

462 REVUE d'électrothérapie.

d'un des appareils à douche et on laisse couler sans interruption

l'eau provenant de ce tuyau sur le sol en contre-bas de la cabine,

bientôt recouvert d'une nappe où plongent les pieds du malade

qui, debout ou assis sur un siège de bois, reçoit le jet d'eau du

deuxième appareil à douche qui contiendra le courant.

Le circuit est composé : 10 parle fil métallique réunissant un

pôle du générateur d'électricité à l'embout métallique du premier

appareil à douches ; 2° par le jet d'eau sortant de cet appareil et

la nappe d'eau qui recouvre le sol de la cabine; 3° par le malade;

4° par le jet d'eau du deuxième appareil à douches que dirige le

doucheur ; 5° parle fil métallique qui relie l'embout du deuxième

appareil à douches au deuxième pôle du générateur d'électricité.

On peut de plus à l'aide d'un rhéostat ou d'un renverseur graduer

le courant, le changer de sens, sans secousses ou avec des secousses

un peu douloureuses avec un courant de plus de 10 milliam-

pères.

On peut aussi, en mettant une lance à faible ouverture au pre-

mier appareil localiser entre deux points douchés la majeure partie

du courant.

Pour les douches hydrofaradiques, le courant continu est rem-

placé par le courant d'induction et gradué de même au moyen d'un

rhéostat. On peut à l'aide du combinateur de courants appliquer

une douche avec les deux courants réunis. L'explication physiolo-

gique de l'action de ces douches n'est certes pas près d'être élucidée

malgré que de nombreux travaux aient été déjà publiés sur ce

sujet. L'emploi de l'électricité par la douche présente certains

avantages. On peut, ou faire en quelques instants circuler le cou-

rant dans tout l'organisme ou le localiser à des intensités assez

élevées sans produire ces sensations douloureuses et les eschares

souvent inévitables avec les électrodes ordinaires.

Pour ce qui est des effets thérapeutiques, la douche galvanique

générale tempérée ou chaude, est toujours sédative, si on a soin

d'augmenter et diminuer graduellement l'intensité du courant, de

ne pas dépasser 10 milliampères et d'employer un jet de large

section. La durée maxima est de dix minutes. L'effet sédatif est

précédé d'un léger effet d'excitation. En employant le courant des-

cendant on obtient le maximum d'effet sédatif. La douche électro-

galvanique générale avec les interruptions fréquentes devient rapi-

dement excitante. Elle s'emploie donc dans les affections où on

vent avoir en même temps que des effets généraux une certaine

excitation et la contraction musculaire.

La douche hydrogalvanique générale s'emploie lorsqu'on veut

produire des effets profonds sur la nutrition générale et le système

nerveux. La douche hydrogalvanique locale convient dans les

névralgies et paralysies localisées. Les douches hydrofaradiques

sont indiquées lorqu'on veut réagir par voie, réflexe sur le système

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. - 463

nerveux. Les indications sont les mêmes que pour les modes d'em-

ploi habituels du courant induit avec cette différence que ce mode

d'électrisation permet d'agir localement sur un trajet nerveux ou

sur un muscle beaucoup plus rapidement qu'avec le procédé des

électrodes appliquées sur la peau.

Cette méthode est évidemment supérieure lorsqu'on veut agir

sur la nutrition, sur le système nerveux, la sensibilité cutanée, les

réflexes sécrétoires et vaso-moteurs, mais elle a l'inconvénient de

demander une installation et une éducation spéciales ce qui fait

qu'elle n'est pas à la portée de tous les médecins. Il en est de même

pour l'emploi thérapeutique des courants à haute fréquence sur lequel

M. d'Arsonval a présenté une note à l'Académie des Sciences le

28 mars au nom de 1111. Apostoli et Berlioz. Ces auteurs ont expé-

rimenté sur 7a malades la méthode d'auto-conduction décrite par

M. d'Arsonval. Voici leurs conclusions cliniques qui viennent con-

firmer les découvertes du savant professeur du Collège de France :

ces courants lorsqu'ils enveloppent complètement le malade et

agissent par auto-conduclion restent inefficaces contre la plupart

des troubles hystériques et contre quelques névralgies localisées,

ainsi que contre les névrites. Mais ils exercent une action mani-

feste et puissante sur l'activité nutritive (fait démontré par M. d'Ar-

sonval).

Aussi exercent-ils une action modificatrice considérable dans les

troubles provoqués par le ralentissement ou la perversion de la

nutrition (arthritisme, rhumatisme, goutte), et très probablement

dans la glycosurie. Dr L.-R. Régnier.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

XIV. LES symptômes mentaux DU MYXOEDÈME ET l'influence exercée

sur eux par LE traitement thyroïdien; par T.-S. CLOUSTON. (Tite

Journal of mental Science, janvier 1894.)

Après avoir rappelé la grande variabilité des troubles mentaux

qui accompagnent le myxoedème l'auteur indique que, dans les cas

qu'il a observés, la marche générale de l'affection mentale a été à peu

près la suivante : d'abord ralentissement de l'activité intellectuelle;

puis dépression émotive ; ensuite irritabilité, soupçons morbides,

impossibilité de résister à la moindre perturbation d'origine exté-

464 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

rieure, perte générale de la volonté, ou crises de manie; plus tard

encore affaiblissement, quelquefois accompagné d'exaltation, et

finalement lassitude, hébétude, aboutissant au moment de la mort

à l'anéantissement mental.

En ce qui louche le traitement thyroïdien l'auteur l'a expérimenté

sur deux malades : il avait commencé par employer la glande thy-

roïde en nature, crue ; mais bientôt il a eu recours à un extrait

préparé par le pharmacien de l'asile. Il avait débuté par des doses

élevées qu'il ne tarda pas à trouver dangereuses, et il en vint à ne

plus administrer que la valeur de la seizième partie d'une glande

thyroïde une fois par jour, avec de fréquentes interruptions. Chez

les deux malades à qui le remède fut administré, la maladie datait

de cinq ans au moins : les troubles mentaux suffisamment caracté-

risés pour constituer la folie existaient depuis plus de trois ans

chez l'une d'elles et depuis plus d'un an chez l'autre : toutes les

deux étaient, au point de vue somatique, des types de myxoedème.

Chez l'une d'elles, l'administration du remède (l'auteur donnait

alors une demi-glande thyroïde par jour) provoqua des nausées, et

une tendance à la syncope; l'intolérance était nette et ne disparut

que devant des doses notablement plus faibles (un seizième de

glande thyroïde) et données seulement deux fois par semaine. Chez

les deux malades il y eut augmentation de la température et dimi-

nution du poids. Chez toutes deux aussi l'amélioration mentale fut

manifeste avant la fin du premier mois. Après quatre mois de

traitement, l'une des malades (celle qui n'était aliénée que depuis

un an) put rentrer chez elle très notablement, améliorée et en

bonne voie de guérison ; malheureusement, elle appartenait à une

famille de buveurs et les réjouissances qui célébrèrent sa sortie de

l'asile lui furent fatales ; elle succomba dix jours après sa sortie,

à une brusque syncope cardiaque probablement provoquée par le

surmenage et l'alcool.

L'autre malade resta à l'asile six mois après le début du traite-

ment et elle alla constamment s'améliorant; puis elle rentra chez

elle, reprit ses habitudes, retrouva à l'égard des siens tous ses sen-

t ! ments affectifs longtemps obscurcis ou môme effacés, et elle est

actuellement parfaitement guérie.

Les deux points sur lesquels M. Clouston tient à insister à propos

du traitement thyroïdien sont les suivants : d'abord il est indispen-

sable que le traitement soit lent et prolongé; ensuite, il faut se

souvenir que lorsque le tissu cardiaque et le tissu cérébral sont

libérés de l'agent étranger qui a compromis leur fonctionnement,

le danger n'est pas définitivement passé, ni la guérison radicale-

ment complète : il serait peu rationnel de supposer que des désor-

dres qui ont mis des années à se produire pussent être intégrale-

ment réparés en quelques mois.

L'auteur a observé récemment deux faits qui l'ont très vivement

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 465

frappé au point de vue de la récupération fonctionnelle du tissu

cortical. L'un était un cas de folie puerpérale, datant de quelques

semaines et terminé par la mort : on trouva les cellules corticales

dans un état de dégénérescence très accusé et très avancé, avec des

cellules étoilées et des noyaux en état de prolifération autour des

vaisseaux et de la névroglie. Si une dégénérescence de celte nature

est réellement curable, il ne faut plus désespérer de guérir certains

cas de folie avancée. Le second fait est celui que l'auteur vient de

rapporter, la guérison d'un myxoedème par le traitement thy-

roïdien.

M. Clouston décrit ensuite les lésions corticales observées dans

une autopsie de myxoedème, et comme il s'agissait d'un sujet âgé,

il s'attache à rechercher la part qui peut être faite aux altérations

séniles et celle qui appartient légitimement à l'affection myxoedé-

mateuse.

« Si l'on pouvait risquer une hypothèse, dit-il en terminant, il

serait permis de supposer que la névroglie corticale est en quelque

sorte imbibée de mucinc, d'où diminution de l'anabolisme et du

catabolisme cellulaires, et, consécutivement, abaissement de l'ac-

tivité réactionnelle. La période de début du processus est quelque-

fois caractérisée par de l'irritabilité, et les périodes plus avancées

par de la torpidité de réaction. »

Quoi qu'il en soit, M. Clouston estime que, à l'heure actuelle,

aucune théorie tendant à interpréter la manière dont le myxoe-

dème agit sur l'activité mentale de l'écorce cérébrale ne pourra

être considérée comme suffisante et complète si elle ne tient pas-

compte de la merveilleuse accélération du développement mental et

trophique qui succède à l'emploi de la médication thyroïdienne.

R. DE MUSGRAYE CLAY.

XV. Les drogues tirées du chanvre ET la folie ; par J.-H. TULL

Walsii. (1'Ize Journal of mental Science, janvier 1894.)

Les conclusions de l'auteur sont les suivantes :

1° On fait un grand usage au Bengale des drogues tirées du

chanvre : on les fume à l'état de chunus et de ganja; on les boit à

l'état de Lhang et de siddhi, ,et on les mange à l'état de majune;

toutefois l'habitude de fumer le chuizzis et de manger le majune

n'est pas très répandue;

2° Chez les sujets sains, le ganjaîamé seul, ou mélangé avec du

tabac, ou avec une très petite quantité de datura détermine un

état qui peut varier entre un effet exhilarant et une ivresse bien

accusée. Les effets violemment enivrants sont moins marqués, ou

même nuls, chez les personnes dont l'alimentation est régulière

et substantielle. La même observation est applicable au 6hazzg,

etc., etc.; . ' 1

Archives, t. XXIX. 30

466 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

3° Chez les sujets intellectuellement faibles, ou à tendances

névropathiques très accusées, une quantité même modérée, ou un

très léger abus des substances tirées du chanvre peut aggraver la

folie, manifeste ou latente, et rendre ces sujets violents, moroses

ou mélancoliques, suivant la forme initiale de leur névropathie.

L'addition de substances telles que le datura accentue encore les

effets ;

4° L'abus des substances tirées du chanvre, surtout si elles sont

mélangées de datura, détermine même chez les sujets sains une

intoxication énergique qui peut simuler la manie, ou bien aboutir

à la mélancolie et à la démence. Cet état est généralement de

courte durée, et la terminaison ordinaire est la guérison complète;

celle-ci est même si ordinaire que, suivant l'auteur, lorsqu'un ma-

lade, interné pour des troubles intellectuels dus à l'abus des prépa-

rations de chanvre, ne guérit pas dans un délai de dix mois, on est

autorisé à penser que ces préparations n'ont probablement été

qu'une cause déterminante, et que le malade était déjà aliéné avant

de faire usage de ces agents toxiques, ou bien que les préparations

de chanvre n'ont fait que provoquer réclusion d'une folie latente.

R. DE MUSGRAYE CLAN.

XVI. SUR la gymnastique ET LE massage considérés comme agents

thérapeutiques dans LES maladies NERVEUSES, avec observations ;

par GUST SANDBLOM. (The A'ezu-Yorls médical Journal, 12 jan-

vier 1895.)

L'auteur insiste sur les services que peuvent rendre ces deux

moyens dans le traitement des affections nerveuses; il énumère les

maladies dans lesquelles il convient d'employer l'une ou l'autre

de ces médications et entre dans quelques détails intéressants sur

la technique du massage, technique variable suivant l'état patho-

logique auquel on veut remédier. R.1V1. C.

XVII. LE traitement ophtalmologique DES épileptiques : REVUE

CRITIQUE DE QUELQUES FACTEURS CAPABLES DE PROVOQUER DES CRISES

CONVULSIVES ET DU TRAITEMENT DE L'ÉPILEPSIE SANS MEDICAMENTS;

par Ambrose L. RANNEY. (The New-York médical Journal, 20 jan-

vier 1894.)

Nous reproduisons ici, en les abrégeant seulement sur quelques

points secondaires, les conclusions de ce travail important :

1° Dans l'épilepsie, je considère l'examen des yeux (au point de.

vue des anomalies de la réfraction) et des muscles oculaires (au.

point de vue de l'hétérophorie) comme la première et peut-être

la plus importante des données qui peuvent conduire a la déter-

mination de l'origine des troubles nerveux réflexes;

C . .' ' - '

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 467

2° On ne peut formuler aucune conclusion en ce qui touche

l'absence ou l'existence de l'hétérophorie,. tant qu'un médecin

absolument familiarisé avec les méthodes les plus récentes propres à

déterminer la- présence de l'hétérophorie « latente » n'a pas con-

sacré à cette recherche une somme suffisante de temps, de patience

et d'habileté ;

3° Les préparations bromurées et les divers autres médicaments

ne doivent, en règle générale, jamais être administrées à un épi-

leptique tant que l'on n'a pas scientifiquement recherché toutes les

sources possibles d'irritation réflexe, et qu'on n'y a pas remédié,

dans la mesure où on le peut faire. Il peut y avoir cependant

à mon avis des raisons légitimes pour se départir exceptionnelle-

ment de cette règle; mais je ne saurais protester ici trop énergi-

quement contre le système actuellement en vigueur, et qui con-

siste à médicamenter les épileptiques dès la première attaque, sans

prendre soin de rechercher les causes possibles de l'épilepsie; -,

4° Je conseille énergiquement d'avoir toujours recours à l'atro-

pine avant de se prononcer sur l'état de la réfraction. Je pense

aussi que, chez les épileptiques, il est sage d'assurer la correction

complète de tout astigmatisme possible (par l'usage constant de

verres appropriés et bien montés) et une correction aussi exacte

que possible que le malade pourra la supporter (à l'aide de verres

sphériques) de la moindre hypermétropie latente, alors même

que, pour cela, il serait nécessaire, pour prévenir le retour du

spasme ciliaire, de faire au malade pendant plusieurs semaines,

avec des intervalles convenables, des instillations d'atropine. J'ai

vu beaucoup de cas d'épilepsie chronique dans lesquels les malades

ont été débarrassés de leurs crises pendant tout le temps où l'action

de l'atropine s'exerçait sur le muscle ciliaire; .

50 II ne faut jamais promettre à un épileptique la possibilité

d'une guérison absolue par un traitement ophtalmologique :

mais le malade et le médecin peuvent d'ordinaire espérer avec

une certaine confiance que la correction radicale d'une hétéro-

phorie accentuée ou d'une anomalie de la réfraction sera éven-

tuellement suivie de résultats avantageux et durables;

- 6° Ce qui parait résulter de l'examen de tous les cas traités par

moi, c'est que, après correction satisfaisante de leurs anomalies

visuelles, 90 p. 100 des épileptiques chroniques, ont été mieux, en

dehors de tout traitement bromure, que lorsqu'ils étaient soumis

à des influences médicamenteuses. Chez quelques-uns, il y a eu gué-

rison apparente. Il ne faut pas oublier que lorsque par un traite-

ment quelconque on libère de ses attaques un épileptique chro-

nique au même degré que par le fâcheux effet des bromures, on a

par cela seul obtenu une amélioration marquée; que si, par surcroit,

on a obtenu une diminution appréciable des attaques, on a rendu

au malade un double service; et enfin que si les attaques sont

468 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

complètement suspendues sans médicaments, on se trouve en

présence d'un des faits les plus remarquables que puisse enregistrer

la littérature médicale;

7° Lorsque la recherche et la correction attentives de l'hétéro-

phorie ou d'une anomalie de la réfraction n'ont donné que des

-résultats négatifs, il est sage, avant d'avoir recours aux moyens

pharmaceutiques, de rechercher s'il n'existe pas d'autres sources

d'irritation nerveuse périphérique (par exemple : carie dentaire,

phimosis, affections du rectum ou de l'utérus, cicatrices, etc.). Il

est d'ailleurs important, avant de rechercher les autres causes de

troubles réflexes périphériques ou d'instituer un traitement

ophtalmologique, de s'assurer s'il n'existe pas d'affection chro-

nique du rein, de syphilis, de lésion organique du cerveau, de

dépression du crâne;

8° Le traitement de l'hétérophorie par les verres prismatiques

seuls n'est pas curatif; et même, à mon avis, il ne faut pas attendre

de ce traitement des résultats nettement avantageux. Les verres

prismatiques, toutefois, sont utiles pour préciser l'existence et le

degré d'une hétérophorie' c latente » avant que l'on n'en poursuive

la correction radicale par des ténotomies graduées;

9° La durée du traitement ophtalmologique de l'épilepsie varie

avec les conditions du problème oculaire que constitue chaque cas

particulier. On ne rétablit guère l'orthophorie chez un épileptique

en moins d'une année; et il peut être nécessaire de laisser entre

les interventions chirurgicales des intervalles qui portent à deux,

ou même à trois ans, la durée du traitement. Il faut d'ailleurs, en

pareille matière, se défier des conclusions prématurées. Ces

malades, en effet, se sont souvent habitués, dès l'enfance, et d'une

manière purement instinctive et tout à fait inconsciente, à mettre

en oeuvre certaines combinaisons musculaires anormales qui peu-

vent simuler un équilibre parfait des yeux et une accommodation

exacte, mais qui exigent néanmoins un véritable surmenage ner-

veux sans symptômes oculaires apparents;

. 10°' On ne saurait attacher trop d'importance à la façon de cen-

trer et de monter les verres sphériques ou cylindriques; il est peu

d'opticiens qui apportent à ce travail assez de soin et de pré-

cision ;

ii° Les objections que font parfois, même en présence des

malades, les médecins à l'emploi de la ténotomie progressive des

muscles de l'oeil en raison de ses dangers, du risque d'atteindre un

excès de correction, etc., ont trop souvent pour résultat d'alarmer

inutilement les malades et de les empêcher d'obtenir le soulage-

ment qui est à leur portée et que les verres prismatiques ne leur

procurent pas et ne leur procureront jamais. L'anesthésie locale

par la cocaïne supprime la douleur pendant l'opération, qui ne

laisse après elle qu'un peu de gêne, et ne nécessite, telle qu'on la

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 469

pratique actuellement, ni séjour à la chambre, ni pansement chi-

rurgical. Il est évident que celte intervention chirurgicale exige de

l'opérateur de l'habileté et une longue habitude ; mais quand elle

est bien faite, il n'y a aucun risque d'un excès de correction auquel

il serait d'ailleurs aisé de remédier. R. M. C.

XVIII. LE TRAITEMENT DE L'ÉPILEPSIE PAR LA TÉNOTOMIE DES MUSCLES

OCULAIRES ET PAR D'AUTRES MOYENS CHIRURGICAUX ; par CASEY

A. WooD. (The Nezo-York Médical Journal, 14 juillet 1894.)

Les conclusions de ce mémoire sont les suivantes :

1° L'hétérophorie sous une forme quelconque, latente ou mani-

feste, peut être démontrée, en tant qu'état oculaire, chez quatre-

vingt-quinze sujets sur cent;

2° Seule, ou associée à l'amétropie, elle est assez communément

la cause du phénomène que l'on désigne sous le nom d'asthé-

nopie ;

3° Dans ce dernier cas, la correction de l'anomalie concomitante

de la réfraction remédie, dans la grande majorité des cas, aux

symptômes déterminés tant par l'amétropie que par l'anomalie

musculaire : s'il n'en est pas ainsi, l'hétérophorie peut être tenue

pour responsable de l'asthénopie;

4° Il est extrêmement probable que lorsque l'épilepsie est liée

au surmenage oculaire ou lorsqu'elle en dépend entièrement, on

pourra constater d'autres preuves de son existence;

5° Il résulte de ce qui vient d'être dit que, dans le traitement

oculaire de l'épilepsie tant soit peu accentuée, c'est la correction

de l'amétropie, et non pas la correction de l'hétérophorie, qui

constitue la première et la plus pressante indication à remplir par

l'ophtalmologiste ; et que, dans les cas où l'on obtient simultané-

ment la correction de ces deux anomalies, il est légitime, si un

résultat avantageux est obtenu, de l'attribuer à la correction de

l'amétropie;

6° Dans les cas d'épilepsie avec hétérophorie et emmétropie, ou

bien s'il arrive que la correclion des erreurs de réfraction ne

réussit pas à amender les symptômes d'asthénopie et que l'obten-

tion de l'orthopliorie est suivie à la fois de la guérison de l'épilep-

sie et de l'asthénopie, il est légitime de dire que l'intervention

chirurgicale ou thérapeutique exercée sur les muscles de l'oeil a eu

pour effet d'arrêter les crises convulsives ;

1° En l'absence de symptômes oculaires, indépendamment de

l'épilepsie, une opération pratiquée sur les muscles de l'oeil a tout

juste le même rapport thérapeutique avec la guérison ou l'amélio-

ration de la maladie que les autres interventions chirurgicales qui

ont été en vogue depuis un siècle, telles que la trachéotomie, le

séton, la ligature des artères vertébrales, la trépanation, l'oopho-

470 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

rectomie, la circoncision, la castration, la cautérisation actuelle,

l'excision des cicatrices, etc. ;

8° Ces diverses opérations déterminent la guérison ou le soula-

gement de l'épilepsie (épilepsie idiopathique ou hystéro-épilepsie),

par la puissance de l'impression mentale produite sur le malade :

cette vérité est depuis longtemps reconnue par les neurologistes;

9° La cure vraie de l'épilepsie par un traitement ophtalmolo-

gique, quel. que soit ce traitement, ne peut évidemment être

obtenue que dans les cas où l'anomalie de la fonction visuelle agit

à la façon d'un irritant périphérique. Il reste entièrement à

démontrer que des anomalies de la portion musculaire extrinsèque

de l'appareil de la vision puissent, dans une mesure importante,

être tenues pour responsables de l'exisleuce de crises épilep-

tiques ;

100 Le traitement ophtalmologique des épileptiques qui pré-

.sentent des troubles visuels n'a pas jusqu'ici attiré l'attention que

mérite l'importance du surmenage oculaire considéré comme

agent d'irritation réflexe. L'examen ophtalmoscopique doit être

pratiqué avec le plus grand soin chez tous les épileptiques dès

que l'on constate ou que l'on peut soupçonner des symptômes

d'asthénopie ;

110 L'auteur estime qu'on aurait grand tort de laisser croire

aux médecins, et, par leur intermédiaire, aux gens du monde que

tous les cas d'épilepsie idiopathique sont justiciables du traitement

ophtalmologique ; il vaut mieux dire simplement que les seuls cas

qui, à un point de vue rigoureusement scientifique, relèvent de ce

traitement, sont ceux dans lesquels les organes de la vue consti-

tuent manifestement une source d'irritation en donnant lieu à

l'ensemble de symptômes généralement compiis sous le nom de

surmenage de l'oeil;

12° Lorsque toutes les interventions échouent, il est indiqué

d'avoir recours à une opération chirurgicale telle que la conseille

Reynolds, facile à exécuter, dépourvue de tout danger, et cepen-

dant suffisamment douloureuse pour avoir sur l'esprit du malade

une impression durable. L'auteur conseillerait volontiers l'excision,

à des intervalles convenables, sur différents points du corps, de

quelques fragments de peau ; on laisserait ensuite les surfaces

dénudées guérir par le processus granuleux. R. M. C.

XIX. LE TRAITEMENT DU DELIRIUM TMEHENS DANS UN SERVICE D'.4L-

COOLISME A l'hôpital DE Bellevue; par Russell BELLAMY. (The

New-Yorh médical Journal, 21 juillet 1894.)

L'auteur résume dans ce mémoire les résultats qu'il a obtenus

contre le delirium tremens, avec un nouvel hypnotique, le trional,

ou diéthylsulphonméthyléthylméthane : il l'a employé dans vingt-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 471 L

cinq cas, à la dose habituelle de 20 grains à la fois (lsr,20) sans

avoir ordinairement besoin de pousser la dose totale au delà de

50 grains (3 grammes). Ses conclusions sont les suivantes :

l°Le delirium tremens a été calmé par le trional avec plus de

rapidité et moins de danger que par les autres hypnotiques; 2° dans

la majorité des cas, on a observé des effets marqués de stimulation

qui sont peut-être dus aux éléments iné[hyli4ltie et éthylique que

renferme le médicament; 3° de l'abaissement de température

observé dans tous les cas, on peut conclure que le trional possède

des propriétés antipyrétiques qui le rapprocheraient de ses alliés du

groupe des phénols; 4° il a toujours été bien toléré par l'estomac,

et dans un cas où il a été administré par la voie rectale, il a été

rapidement absorbé; S0 nul effet fâcheux n'a suivi son administration,

et dans tous les cas sauf deux dans l'un desquels existait une com-

plication de nature tuberculeuse, la guérison a été rapide.

R. M. C.

XX. Remarques SUR LES EFFETS DE l'alimentation thyroïdienne

DANS QUELQUES FORMES D'ALIÉNATION MENTALE; par LE'1S-C. PRUCE.

. (Tlae Jo2clnal of mental science, janvier 1895.)

Les conclusions de l'auteur sont lessuivantes : i° l'administration

à l'intérieur des préparations thyroïdiennes provoque un véritable

processus fébrile, et la réaction qui en résulte est favorable au

malade; 2° la quantité de médicament nécessaire pour obtenir

l'effet physiologique varie suivant les sujets, mais il est rarement

nécessaire de dépasser la dose quotidienne de 60 grains d'extrait

(3s1',30); 3° l'emploi de l'extrait thyroïdien à doses excessives et

prolongées provoque de l'irritation gastrique; 4° l'emploi des prépa-

rations thyroïdiennes dans le traitement de l'aliénation mentale

présente un certain danger par suite de la faiblesse cardiaque que

ces préparations déterminent. Ce danger peut être réduit à' son

minimum et presque entièrement écarté par le maintien du

malade au lit pendant toute la durée du traitement et pendant

quelques jours même au delà du traitement; 5° l'emploi des prépa-

rations thyroïdiennes est contre-indiqué dans les cas de manie,

lorsqu'il existe de l'excitation aiguë, lorsque le poids du corps

s'abaisse rapidement et lorsqu'il y a danger d'épuisement en raison

d'une assimilation défectueuse de la nourriture; 6° le traitement

thyroïdien parait particulièrement avantageux dans la folie de

l'adolescence, delà ménopause et delà période puerpérale; 7° son

emploi est souvent utile dans les cas où la guérison est lente; 8° dans

les cas anciens, qui tendent à passer à la démence le traitement

thyroïdien donne quelquefois le coup de fouet nécessaire pour

conduire le malade à la guérison finale; 9° les malades soumis à

ce traitement doivent être maintenus à une température aussi égale

472 ? ) REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

que possible; 10° les résultats qui nous sont fournis par l'essai de

ce traitement dans la paralysie générale sont assez satisfaisants

pour nous donner à penser que cette médication serait avanta-

geuse si le traitement intervenait à une période suffisamment

précoce de la maladie; 11° enfin les résultats obtenus sont assez

. importants pour qu'on soit autorisé à penser que l'arsenal théra-

peutique des aliénistes s'est enrichi d'un nouveau et précieux moyen

de combattre l'aliénation mentale.

R. DE MUSGRA\E CLAY.

XXI. DE l'importance DE l'usage simultané DES bromures ET DEL'ADONIS

VERNALIS dans l'épilepsie ; par W. DE I;EC11TERE\V. N821Y0101 ? Cen-

li,albl., XIII, 1894.)

Puisque les attaques d'épilepsie ont pour substratum physiolo-

gique une altération vaso-motrice de l'encéphale, avec afflux de

sang dans la cavité crânienne, il est légitime de diminuer l'excita-

bilité du centre cérébral et en particulier de l'écorce par le bro-

mure, et en même temps de faire circuler le sang par le relèvement

de la pression artérielle et le rétrécissement de la lumière des

vaisseaux. De là la préparation suivante :

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 473

XXIII. NOTE SUR deux cas DE traumatisme rachidien avec IN1'ERVEN-

TION CHIRURGICALE; par M. Cuipault. (Nouvelle iconographie delà

Salpéli-iè ? ,e, 1894, n° 6.)

Les deux seules variétés de traumatisme de la moelle, dans les-

quelles l'intervention chirurgicale peut être utile, sont les lésions

médullaires par compression, quand elles siègent aux régions

inférieures, et les lésions des racines.

Première observation. Homme de vingt-deux ans, chute d'un

toit, vive douleur à la pression vers la onzième apophyse épineuse

dorsale, pas de gibbosité. Paralysie complète du membre inférieur

gauche, analgésie et anesthésie sans thermanesthésie de la verge,

des bourses, de l'anus, d'une partie de la région fessière et d'une

petite surface de la cuisse droite, ainsi que de toute la jambe et le

pied du même côté. Onze jours après l'accident, réclinaison des

muscles des gouttières vertébrales. On voit alors une saillie notable

de la partie supéro-externe de la lame gauche de la onzième ver-

tèbre dorsale. Le fragment osseux peu mobile qui la produisait

était constitué par la lame et les masses latérales de la vertèbre.

On enlève le fragment et on applique un appareil plâtré. Guérison

progressive et absolument complète. Le malade, un meunier,

peut, comme par le passé, porter sur son dos des sacs de 75 kilo-

grammes.

Deuxième observation. Subluxalion antéro-latérale de la qua-

trième vertèbre cervicale sur la cinquième, suite d'une chute.

Paralysie et atrophie des muscles dépendant des quatrième et cin-

quième segments radiculo-médullaires gauches, par élongation

des racines correspondantes. Exagération du déplacement verté-

bral avec quelques accidents pendant la station debout. Liga-

ture des vertèbres avec un fort fil d'argent prenant son point

d'appui autour de la troisième apophyse épineuse, passant sur le

bord gauche de la quatrième apophyse épineuse qu'il maintient,

et venant se fixer autour de la cinquième. Le lien ainsi placé, la

luxation reste réduite. Guérison progressive et complète. Le

sujet a repris son métier de charpentier et il fait, sans être incom-

modé, de longues courses à bicyclette. C.

XXIV. La méthode curative DES playes ET DES fractures DE la

teste humaine. (Nouvelle iconographie de la Salpétrière, 1894,

n° 2.) .

La méthode curative des playes et fractures de la teste humaine,

avec les pourtraits des instruments nécessaires pour la curation

d'icelles. Par ill. Ambroise Paré, chirurgien ordinaire du Roy et Juré

à Paris. De l'imprimerie de Jehara le Royer, imprimeur du Roy es

474 REVUE DE -THÉRAPEUTIQUE.

mathématiques demeurant en la rue Saint-Jacques ci l'enseigne du

Vray Potier près les Mathurins. Avec privilège du Roy, 1561.

Tel est le titre d'un petit volume aujourd'hui rarissime, et qui

est bien, d'après M. Chipault qui en donne l'analyse dans la 11'ou-

velle iconographie de la SaëWëre, l'un des documents les plus

intéressants que nous ait légués le xve siècle sur l'histoire du

trépan. -

Il comprend deux parties. La première consacrée à l'anatomie

de la tête n'a rien de remarquable, c'est le résumé des connais-

sances de l'époque. On y voit que les esprits animaux partis du

coeur arrivent au cerveau par les carotides, qu'ils se promènent

dans les ventricules où l'âme vient, en les interrogeant et les inter-

prétant, prendre ses conclusions. Mais on trouve dans la seconde

partie des documents autrement sérieux. Ainsi les descriptions des

différentes sortes de fractures du crâne, avec les pronostics et des

déductions thérapeutiques. On y peut constater aussi que le manuel

opératoire de la trépanation, du temps d'Ambroise Paré, diffère

peu de celui qu'on suit aujourd'hui. Ce qui accroît encore enfin

l'intérêt de ce livre, c'est la collection des dessins représentant les

instruments dont se servait le vieux maître de la chirurgie fran-

çaise. Camuses.

XXV. DE quelques formes DE l'intolérance DE l'alcool ET DE SON

pronostic; par A. SISITII. (Centralbl. f. Nervenheillc, XVII. 111 ? V.

1894.) '

La dipsomanie, la passion de l'ivrognerie, n'existe pas. C'est l'in-

tolérance à l'égard de l'alcool qui existe. Et cette intolérance pro-

vient soit de causes exogènes : excès de boissons dus surtout à des

habitudes sociales, soit des causes endogènes : l'intolérance pro-

prement dite qui a pour caractères la rapidité et la gravité de l'in-

toxication contrastant avec la faible quantité des boissons alcoo-

liques ingérées. On se guérira de l'intolérance due à des excès réels

par l'abstinence de six mois dans un asile spécial ; le temps néces-

saire à la guérison est donc court, en regard des longues années

qu'ont demandées des excès quotidiens avant de se traduire par de

l'intolérance. Quanta l'intolérance par susceptibilité neuropsycho-

pathique, comme il s'agit d'héréditaires dégénérés qui ne veulent

pas s'apercevoir de l'anomalie de leur état, et que leur existence

se passe précisément dans des excès de toutes sortes, le pronostic

est grave.

L'auteur décrit avec soin la dipsomanie périodique ou trimestrielle

qui est pour lui synonyme d'épilepsie alcoolique. Voici un premier

genre consécutif à l'ingestion et non à l'excès del'alcool ingéré. Pen-

dant quelque temps le cerveau répond à l'ingestion des spiritueux

par des sensations générales désagréables, puis, un beau jour, le

- bibliographie. 475

patienta une aura (accès d'angoisse, douleur précordiale, conges-

tion céphalique) et il tombe en convulsions; ou bien l'angoisse

s'exagère, la dépression apparaît profonde, le pouls s'accélère, le

coeur se met à battre convulsivement, le patient s'agite et il est pris

- d'un irrésistible besoin de boire ; il ingère alors d'incroyables quan-

tités d'eau-de-vie, de bière, de vin, sans être ivre ni étourdi et tout,

après, rentre dans l'ordre. Bientôt nouvel accès, actes désor-

donnés, sauvages, bestiaux ; il boit tout ce qui ressemble à de l'al-

cool, commet des délits et des violences impulsives. Confusion men-

tale consécutive. Finalement, démence. Ce genre de maladie est

curable par l'abstinence, mais il rechute à l'occasion d'une fête,

on doit alors le replacer dans un établissement de tempérance.

C'est d'après M. Smith un état épileptique et épileptoïde alcoolo-

gène. Le second genre concerne des malades qui n'ont préala-

blement pas ingéré du tout d'alcool. Ce sont des épileptiques qui

ayant expérimenté l'influence favorable de l'alcool contre les

accès d'angoisse dont ils sont affectés, y ont recours dès qu'ils sen-

tent venir ce genre d'attaques. Mais bientôt les accès augmentent

d'intensité et de fréquence, sous l'influence de l'alcool. Il leur faut

suivre une cure d'abstinence qui les débarrasse de l'alcoolisme

agissant comme complication. L'épilepsie à son tour diminue mais

sans disparaître. P. KERAVAL.

BIBLIOGRAPHIE.

XX. Ueber den Wahn (sur le délire); par le Dr Friedmann.

(Wiesbaden, chez J.-F. Bergman, 1894.) .

Le livre de M. Friedmann sur le délire, présente en réalité une

théorie générale de la folie, fondée sur les vues particulières que

l'auteur a touchant la psychologie normale. Pour le dire immédia-

tement, on ne trouvera pas ici une analyse de ce volume, car elle

exigerait pour être complète des développements véritablement

exagérés. Il y a en elfet, dans ce travail, des discussions si mul-

tiples sur la psychologie pathologique et la physiologie, une expo-

sition et une discussion si détaillées des idées de presque tous les

auteurs allemands, et ils sont nombreux, qui ont écrit sur la folie

depuis une quarantaine d'années, qu'il est absolument impossible

,de faire comprendre en peu de mots les opinions de M. Fried-

476 bibliographie.

mann.Il est indispensable de lire en entier ce long travail. II sou-

lèvera, je le crois bien, de violentes critiques, d'autant plus qu'il

constitue sur presque tous les points une contradiction avec les

théories plus ou moins établies aujourd'hui. En particulier, la

théorie de l'aperception dans ses applications à l'état patholo-

gique est combattue avec énergie d'un bout à l'autre du livre.

C'est que M. Friedmann, comme aussi Ziehen, se rattache en grande

partie, quoique avec des modifications notables, à la théorie de

l'association anglaise, et son livre est une tenlative d'explication

par elle seule des phénomènes normaux et morbides de l'intelli-

gence. Voici donc un aperçu tout à fait superficiel du contenu de

ce travail.

Une première partie est consacrée aux lois fondamentales de la

pensée normale. Tout d'abord l'auteur étudie la nature psycholo-

gique de la représentation considérée en elle-même; il ajoute un

schéma qui doit expliquer l'association complexe qui forme cette

représentation; un centre primaire serait réservé dans l'écorce à

la perception directe et autour de lui des centres secondaires à

J'emmagasinernent des images. Il étudie ensuite l'association des

idées et leurs lois, qui sont l'impulsion à l'association, la qualité

consciente de l'association et la parenté associative dans laquelle

il faut comprendre l'association par ressemblance et par conti-

guïté. Mais ce sont là les degrés inférieurs de l'association; à l'état

normal, lorsque la pensée se déroule dans un ordre logique, l'as-

sociation revêt une forme que l'auteur appelle par étape ou cen-

tralisée ; celle-ci correspond à l'aperception d'autres auteurs, mais

à laquelle conception M. Friedmann fait le reproche d'être unique-

ment métaphysique. Lorsque la pensée revêt cette forme, les repré-

sentations ont une intensité particulière qui est encore renforcée

par l'émotion et ce qu'on appelle l'attention et la volonté. Mais ces

sentiments de volonté et d'attention ne sont pas autre chose que

le côté conscient de l'état physiologique qui accompagne l'appari-

tion dans la conscience de cette représentation prédominante.

Les processus les plus élevés de l'intelligence reposent uniquement

sur ces associations qui ont pour substratum des modifications chi-

miques qui se produisent dans l'écorce. L'influence de l'émotion

est seulement de faire croitre en intensité des groupes de représen-

tations qui lui sont adaptées, de telle sorte que ce groupe l'emporte

dans la concurrence sur les autres pour l'association logique. Le

point capital de toute celle partie de psychologie normale est la

conclusion suivante :

Nous considérons comme réelle, c'est-à-dire correspondant à

la réalité extérieure, toute association ferme, aussitôt et aussi

longtemps qu'elle se trouve formée; il s'ensuit un jugement ou

sur l'identité ou sur la suite dans le temps des représentations; ce

qui n'est pas reconnu comme réel est ce qui est vaincu dans la

bibliographie. 477

concurrence des représentations qui tendent à former association.

Cette conclusion est le point de départ de la seconde partie.

Dans celle-ci, il est question d'abord des idées ayant une impor-

tance prédominante (überwerlhice Ideen) et de la disposition para-

noïque en général. Après avoir exposé la méthode psychologique

de la psychiatrie actuelle, et cela pour la critiquer, et fait un histo-

rique de la théorie de la paranoïa, l'auteur donne un résumé des

problèmes que soulève l'étude de cette dernière forme : ces pro-

blèmes sont au nombre de 13; mais pour lui au point de vue cli-

nique la paranoïa repose toujours, non seulement sur une prédis-

position spécifique, mais encore sur une nervosité générale ou

hystérie (sic) avec ses symptômes typiques.

AI. Friedmann examine ensuite les anomalies de la façon dont

apparaissent dans l'esprit les représentations, puis il étudie ce

qu'il appelle la prédisposition psychopathique de la paranoïa et des

formes voisines. Sur ce point, je ne veux noter qu'une seule chose :

à savoir que l'auteur range dans le cadre de la dégénérescence

mentale caractérisée essentiellement par la « convulsibilité psy-

chique », d'abord les dégénérés dans le sens de Magnan; puis les

gens qui vivent pour ainsi'dire dans un monde imaginaire (7t ! )M-

lister et Phaztasteiz); ceux à caractère paranoïque et enfin les

hystériques.

L'ouvrage se termine par une analyse psychologique spéciale de

l'idée délirante, y compris l'idée obsédante.

En dehors de bien d'autres conclusions que renferme cette

deuxième partie, le point principal qui doit attirer l'attention est

celui-ci touchant le délire du paranoïque : les véritables idées déli-

rantes sont des associations en forme de jugement irrésistible

dans la formation desquelles les représentations associativement

plus rapprochées sont éliminées par suite du trouble pathologique.

Mais pour qu'elles se consolident chez les malades, il faut qu'il

préexiste toujours une disposition particulière dans la direction de

l'esprit. Quant à la conception de ces idées,, elle est la consé-

quence de l'intensité pathoiogiquement accrue de certaines repré-

sentations soit seule, soit avec l'aide d'une émotion ou avec l'aide

d'une réduction des processus associatifs. Dans tout cela, le rôle de

la soi-disant aperception est absolument nitl. La paranoïa peut

débuter de toutes les façons, mais on ne peut poser ce diagnostic

qu'après l'apaisement du stade aigu qui peut s'être présenté et à la

condition que l'idée délirante devienne véritablement délire, c'est-

à-dire un système. Dans les autres psychoses, l'idée délirante a

une genèse fort analogue, sauf dans la paralysie générale; dans

les psychoses à base affective, le délire est toujours conditionné

par des facteurs qui lui permettent de s'établir en parlant de l'idée

délirante; mais contrairement à la paranoïa, dans les étals qui sui-

vent les épisodes aigus de la psychose la systématisation n'existe pas.

478 ô bibliographie.'

Je l'ai déjà dit en commençant, ce compte rendu ne peut donner

qu'une idée vague de l'ouvrage. Ce livre mérite d'être lu et médité,

même par ceux si nombreux qui y sont critiqués et qui seront cer-

tainement tentés de rendre la pareille à M. Friedmann ; mais per-

sonne ne pourra dénier à l'auteur le mérite d'une tentative, à

coup sûr originale, dans un sujet aussi difficile, exécutée avec une

vigueur et une conviction remarquables. Dr Ph. Chaslin.

XXI. Geschichie der Psychiatrie ira Russland (Histoire de la psychia-

trie en Russie); par le Dr A.-V. Rothe. (Leipzig et Vienne, chez

Franz Deuticke, 1895.)

Le travail de M. von Rothe sur le développement du traitement

des aliénés en Russie, depuis les temps les plus reculés dont on

puisse avoir connaissance certaine, jusqu'à maintenant, jette un

jour sur le peuple russe qui est très loin de lui être défavorable;

car, tandis que dans l'Europe occidentale les malheureux aliénés

atteints de possession diabolique passaient pour des sorciers et

étaient cruellement persécutés par la justice et par l'inquisition, au

contraire, jamais ces mêmes malades n'ont souffert les moindres

sévices de la part de l'église russe, depuis l'établissement du chris-

tianisme en Russie. C'estlà uneparticularité extrêmement frappante

qui est tout à l'honneur du caractère russe, comme le fait remar-

quer avec juste raison l'auteur du travail que j'analyse ici. Avant la

christianisation, il y avait très certainement des aliénés, mais ils

étaient probablement en petit nombre et ne paraissaient pas beau-

coup attirer l'attention. Après que le peuple russe fut devenu chré-

tien, les aliénés n'étaient pas reconnus comme tels, mais comme

possédés sous le nom de j2c·odlirvije. Il y avait aussi de faux pos-

sédés appelés tschejit ? odlitvije, qui probablement étaient des

déments ou des idiots. Ces deux catégories, pas plus d'ailleurs que

les hérétiques, n'étaient persécutés; le peuple et l'Eglise en avaient

compassion et s'efforçaient, soit de les soigner et de les délivrer

par leurs prières, soit de les convertir. L'explication de cette con-

duite si spéciale doit être cherchée, pour M. Rothe, dans ce fait que

les hauts dignitaires de l'Eglise étaient imprégnés du véritable

esprit chrétien qu'ils savaient susciter aussi dans le clergé inférieur.

De plus, les juges ecclésiastiques étaient toujours soumis aux

princes régnants et n'avaient pas cette indépendance que l'Eglise

catholique cherche toujours à tourner en domination à son profit.

Le clergé régulier, est limité en Russie à un seul ordre, celui de

Saint-Bazile, dont'les règles sont très sévères et qui, par suite de

l'absence d'autres ordres, n'avait pas de propension à rivaliser

avec eux comme cela avait lieu chez les moines de l'Occident pour

lesquels la persécution du sorcier et de l'hérétique était une con-

dition de puissance et de, domination. Enfin il faut ajouter, tou-

bibliographie. 479 9

jours d'après M. Rothe, à ces différentes conditions, le caractère

généralement bienveillant du peuple lui-même; de telle sorte que

lorsque l'on fut arrivé peu à peu à admettre l'existence d'aliénés

comme tels, ceux-ci, ainsi que les pauvres, trouvaient un asile et

des secours dans les nombreux couvents alors répandus en Russie.

D'ailleurs le pouvoir laïque ne s'occupait pas de ces questions, sauf

pourtant sur un point : dans les vieux codes on trouve en effet que

le testateur devait être sain d'esprit et de mémoire entièrement

conservée pour que ses dernières volontés fussent valables. Jusqu'au

xviiie siècle, le soin des aliénés continua à être entièrement à la

charge de l'Eglise ; les pouvoirs publics désignèrent seulement

certains cloîtres qui étaient obligés de recevoir des aliénés. « La

première transformation importante et réellement fondamentale,

dit M. Rothe, eut lieu le 7 novembre 1873 par l'installation dans

chaque gouvernement des comités d'assistance générale appelés

Prikasy obschestwennaho prisrenia »; par laquelle c'est l'Etat qui

prend les aliénés des mains de l'Eglise pour les assister dans un

asile spécial qui doit être installé dans chaque gouvernement. Il

doit y avoir, à défaut de cet asile tout au moins, un quartier

spécial dans l'hôpital du chef-lieu. On voit par là que contraire-

ment, une fois de plus, à ce qui s'est passé dans l'Europe occiden-

tale, les aliénés ont été considérés comme des malades et jamais

comme des criminels. Ces asiles, où ils étaient recueillis, étaient

destinés en réalité à protéger le public contre eux et à les protéger

eux-mêmes, mais le développement de la médecine ne permettait

pas de leur appliquer encore un véritable traitement.

Cette assistance des aliénés dura presque un siècle. C'est en 1864

que fut fait le dernier et le plus décisif progrès par l'installation,

dans un certain nombre de gouvernements, d'une administration'

autonome confiée aux états provinciaux « semslmo ». On trouvera

dans des tableaux insérés dans le travail de M. Rothe des chiffres

indiquant les immenses progrès qui ont été faits depuis cette

décentralisation. Le résultat obtenu par cette décentralisation est

tel qu'il est à souhaiter que celle-ci s'étende aux autres gouverne-

ments qui n'en bénéficient pas encore. A ce résultat, n'ont pas peu

contribué, depuis 1860, les cours et cliniques psychiatriques orga-

nisés dans des universités. On doit encore attendre d'autres pro-

grès de ce fait, que dans la plupart des universités, l'étude des ma-

ladies mentales est obligatoire.

Telle est en peu de mots la substance de cette très intéressante,

brochure à laquelle il faudra se reporter pour les détails, entre

autres sur la législation, l'histoire des asiles dans certaines villes

particulières, comme Saint-Pétersbourg, Moscou, l'histoire des asiles

privés dont le premier a été fondé à Moscou en 1827 par le

D''Herzog, enfin sur l'installation des différents cours dans les uni-

versités. C'est en 1859 que Balinski ouvrit la première clinique

480 bibliographie.

psychiatrique russe à l'académie de Pétersbourg. On lira aussi

avec intérêt l'histoire de la femme possédée Solomoni, qui montre

bien comment étaient traités ces malheureux par le peuple russe.

Comme le dit très bien M. Rothe, la Russie s'est conduite d'une

façon tout à fait spéciale envers les aliénés, c'est cette originalité

qui fait que ie travail que je viens d'analyser est une contribution

importante, non seulement à l'histoire de la médecine, mais à

l'histoire en général. Ph. C.

XXII. De la puberté dans l'hémiplégie spasmodique infantile; par le

Dr LEBL.91S. (Th. Paris, 1895. Bureaux du Progrès médical et

F. Alcan.)

De cette étude, faite dans le service et avec les notes de M. Bour-

neville, et qui ne contient pas moins de vingt-cinq observations

d'hémiplégie spasmodique infantile, l'auteur fait ressortir la fré-

quence relative de l'atrophie du testicule du côté paralysé et les

modes divers de développement du système pileux chez ces enfants,

s'effectuant d'après les quatre formes différentes suivantes dans

leur ordre de fréquence : 1° le système pileux peut se développer

normalement; 2° il peut être plus abondant du côté sain que du

côté paralysé ; 3° il arrive parfois qu'il est plus développé tantôt du

côté malade, tantôt de l'autre côté, chez le même individu suivant

les régions; 4° les poils peuvent être exceptionnellementplus nom-

breux du côté paralysé que du côté sain. Enfin l'évolulion de la

puberté et de la croissance, à part les anomalies qui précèdent et

certaines particularités de moindre importance, s'effectue en gé-

néral de la même façon que chez les autres enfants. P. S.

XXIII. Du rôle de l'aulo-intoxication dans la genèse des attaques apo-

plectiformes et épileptiformes de la paralysie générale; par M. le

Dr L. Guérin. (Th. de Lyon, janvier 1895.)

Ce travail, inspiré par M. le professeur Pierrel, touche un point

très obscur et très discuté de la pathologie cérébrale, la pathogénie

des accidents apoplectiformes et épileptiformes de la paralysie

générale. L'auteur n'a pas voulu émettre une théorie donnant

l'interprétation de tous les cas, mais une hypothèse que justifient

d'une part la clinique et l'expérimentation et d'autre part l'insuf-

fisance de celles admises jusqu'à ce jour : je veux parler de la con-

gestion cérébrale et de l'encéphalite aiguë, de l'apoplexie séreuse

ou oedème cérébral, brillamment défendus par M. Tourmer en

1893, et enfin du spasme vasculaire.

M. Guérin admet les conclusions suivantes : Il y a lieu d'admettre

que dans un grand nombre de cas les attaques apoplectiformes et

épileptiformes de la paralysie générale sontsousia dépendance d'une

1 bibliographie. 481

intoxication des centres nerveux surajoutée aux lésions chroniques

de la méningo-encéphalite ; 2° on peut presque toujours recon-

naître avant les accidents des causes d'auto-intoxication, telles que

troubles gastro-intestinaux (indigestion, embarras gastrique, cons-

tipation) ou rétention d'urine; 3° la pathogénie des accidents con-

vulsil's ou comateux déterminés par l'action des toxines sur des

centres nerveux déjà profondément altérés peut être comprise à

l'aide de la théorie des phénomènes de rappel de M. le professeur

Pierre : 4° pour la paralysie générale, l'exactitude de cette théorie

expérimentale ne peut pas être donnée expérimentalement, mais

l'observation clinique nous donne les plus grandes présomptions;

5° outre qu'elle nous facilite l'interpellation de beaucoup de faitsd'at-

taques apoplectiformes ou épileptiformes avec ousansparésie, celte

théorie est fertile en conséquences pratiques. Elle nous permet de

prévoir et par conséquent de prévenir dans une certaine mesure

l'apparition de ces accidents, elle nous indique en tout cas la base

du traitement qui doit être surtout prophylactique.

Dans sa quatrième conclusion, M. Guérin dit que l'exactitude de

sa théorie ne peut être expérimentalement démontrée; cependant

M. Legrain diffère quelque peu dans un travail uniquement expé-

rimental sur la pathogénie des attaques épileptiformes dans 1(i pa ? ,@ily-

sie générale, paru dans les Annales médico-psychologiques de janvier

1895 ; je n'hésite pas à rapprocher les conclusions de M. Legrain.

de celles du travail de M. Guérin.

1° Pour l'interprétation des actes apoplectiformes et épilepti-

formes de la paralysie générale, il est peut être bon de faire abs-

traction des seules lésions du système nerveux central et de voir

dans certaines de ces manifestations les conséquences d'un trouble

grave de la nutrition sous la dépendauce de lésions des viscères

autres que le cerveau et la moelle.

2° Dans la paralysie générale et en particulier chez les paraly-

tiques généraux à grandes attaques, la toxicité du sang peut être

augmentée. Dans ce cas, il y aurait toxémie. Celle-ci se traduit clini-

quement par des syndromes superposables à ceux de l'urémie con-

vulsive ou comateuse et qu'on dénomme attaques apoplectiformes

ou épileptiformes.

3° Le sérum sanguin est le véhicule des poumons. Injecté à l'a-

nimal, il provoque à faible dose la mort par convulsion, et d'une

manière générale, et fait naître des symptômes rappelant ceux

que produisent les injections intra-veineuses d'urines convulsi-

vantes.

4° Cette urotoximie trouverait sa cause non seulement dans des

lésions rénales qu'on observe fréquemment, mais aussi dans d'au-

tres lésions des viscères tels que le foie.

5° Les paralytiques généraux indemnes d'attaques seraient ceux

qui conserveraient in extremis leur perméabilité rénale.

Archives, t. XXIX. 31

482 nécrologie.

6° Ces accidents convulsifs témoins de désordres anatomiques

viscéraux plus ou moins profonds seraient une preuve que la para-

lysie générale n'est pas une malade exclusivement cantonnée dans

le système nerveux central. On sait en effe t combien sont nom-

breuses en dehors des poly névrites récemment signalées les lésions

viscérales chez les paralytiques généraux ; fréquence de l'artério-

sclérose, qui peut être considérée comme trait d'union entre les

lésions observées.

7° Des indications utiles découlent de cette conception de la

pathogénie; décharger le sang d'une partie de ses produits toxi-

ques ; saignée copieuse lorqu'elle s'adresse à des malades valides.

M. Legrain parce qu'il n'apportait pas de preuves cliniques, n'a

pas eu la bonne fortune de persuader ses contradicteurs de la So-

ciété médico-psychologique, qui expliquent les accidents apoplec-

tiformes et épileptiformes par les anciennes théories. Il semble

qu'après la lecture de l'intéressant travail de M. Guérin, complété

par celui de M. Leprain, la preuve sort forte que les accidents apo-

plectiformes et épileptiformes de la paralysie générale sont dus à

une intoxication. Dr Devay.

NÉCROLOGIE.

DANIEL-HACK TUKE.

Daniel-Hack TuKE est né à York, le 19 avril 1827. 11 était remar-

quable, même dans sa jeunesse, par son haut esprit, qui semblait

lui faire surmonter les difficultés qu'il rencontrait par des moyens

inattendus. Quoique son instruction fût souvent interrompue par

la maladie, il fut toujours occupé d'augmenter ses connaissances

d'une sorte ou de l'autre. Comme exemple de son esprit scienti-

fique précoce, on peut mentionner une journée aux bois avec le

chat de la maison, qu'il y laissa dans l'espoir de l'y retrouver quelque

jour à l'état sauvage. Samuel Tuke, son père, était un Quaker

bien connu et, par conséquent, son fils fut élevé dans les traditions

de la famille.

Quand son éducation première fut terminée, pensant qu'il avait

un esprit juridique, il fut envoyé à Bradford pour étudier le droit,

mais trois mois lui suffirent et on lui permit enfin de commencer

l'étude de médecine vers laquelle le poussait son penchant naturel.

Il vint ensuite à Londres, environ vers l'année 1849, à l'hôpital de

NÉCROLOGIE.^ 483

Saint-Bdrtholomev. En 1852 il fit partie du Collège royal des chi-

rurgiens d'Angleterre, et en 1853, il prit le titre de médecin-docteur à

Heidelberg. La même année, il se maria et alla àl'étrangervisiterles

asiles de Hollande, d'Allemagne et de France. En 185-li, il publia

son premier ouvrage, ayant trait à ses visites. Il fut alors nommé

médecin visitant à la maison de retraite d'York et au dispensaire

d'York et vers cette époque, il occupa la chaire de psychologie à

l'école de médecine d'York. En 1857, à la mort de son père, il fut

décidé que la vieille maison de famille dans Laurenee-Street, à

York, serait convertie en asile privé pour les dames. Ce projet qu'il

voulait mettre à exécution avec un grand empressement n'eut pas

de suite à cause d'une sérieuse hémorragie pulmonaire, qui l'obligea

à abandonner sa clientèle et à aller dans le midi. Après une année

de voyage, il se fixa à Falmouth où il demeura quinze ans. Sa sanlé

s'étant améliorée, il commença aussitôt à prendre un intérêt actif

à toutes les choses de la ville, telles que la bibliothèque, les écoles,

les travaux du club des hommes, etc., et à la même époque, il

faisait un travail important, traitant avec le plus vif intérêt toutes

les choses ayant rapport à la psychologie et à la folie. En 1874, il

vint à Londres où il finit par s'établir et graduellement il se livra à

la clientèle, incapable de résister à la tentation d'agir. Son plus

grand plaisir à cette époque était de visiter fréquemment l'hôpital

de Bethlem, dont il devint ultérieurement le gouverneur; et quand

dans la dernière et même dans les dernières années, il fut obligé à

cause de l'augmentation de travail, de renoncer à ces visites, ce

fut pour lui une grande épreuve. En 1882, son fils aîné, William-

Samuel Tuke, mourut à Bournemoutb. Cela porta un terrible coup

au Dr Tuke, qui avait fondé les plus hautes espérances sur sa car-

rière médicale qui, comme beaucoup d'étudiants qui furent les

compagnons de W.-S. Tuke se le rappellent, promettait d'être

brillante. Plus tard le D'' Tuke fixa sa résidence à Hauwell, où la

proximité de l'asile fut pour lui d'un grand attrait. Il y demeura

jusqu'à sa mort, venant à Londres journellement à son cabinet de

consultation. Ce fut là que, le matin du 2 mars, sitôt après son

entrée dans son cabinet, il fut tout à coup frappé d'une hémiplégie

du côté gauche. Après quelques heures de connaissance incom-

plète, le U'Tuke retomba graduellement dans un coma qui dura

jusqu'à sa mort à 4 heures du matin, le jeudi 5.

Un trait saillant de la vie du Dr Tuke était son indifférence pour

les plaisirs de la table : un repas ne lui faisait jamais oublier son

travail, et sa famille souriait et grondait alternativement lorsqu'il

prenait ses ridicules goûters de babas secs et ses verres de bière au

gingembre. Nous croyons que beaucoup doivent avoir souvenir de

sa bonté de coeur. il élait surtout joyeux et sociable par nature et

la rencontre de ses amis et de ses collègues était pour lui la princi-

pale attraction des réunions sociales qu'il goûlait invariablement.

484 nécrologie. '

Il aimait à causer sur les choses de toutes sortes, mais les sujets

philosophiques et les questions religieuses l'attiraient surtout en

dehors du domaine de la médecine.

Il est difficile quant à présent d'apprécier les différentes parties

de son oeuvre à leur juste valeur, mais cependant nous pensons

qu'il est temps de noter la nalure et la somme de ses travaux,

ainsi que son influence sur : la « psychiatrie B anglaise. Le 1)' Tuke

avait une aptitude à un travail intellectuel suivi comme très peu en

possèdent. II travaillait régulièrement jusqu'à des heures matinales

très avancées dans son cabinet de travail et cependant il était

régulier dans son travail professionnel de Londres. Il possédait

toujours une notion claire du but vers lequel il aspirait et jamais

il ne se reposait ni l'abandonnait avant de l'avoir atteint. Persévé-

rant, persistant, l'observation des faits avec leur arrangement et

leur enregistrement méthodiques était son talent principal, car

bien qu'il n'était pas sans sentiment poétique, il n'était cependant

pas imaginatif, et il était plutôt receveur et enregistreur qu'auteur.

Il élait l'observateur impassible de la nature, qui voit tout d'un

oeil froid et non le prophète clairvoyant. Nous l'avons entendu

déerilcomme une épongescientifiqxe, ramassant avec avidité tout ce

qui se présentait à lui et rendant incolore par une teinte person-

nelle ce qui était noir. Sa mémoire pour les faits et les détails fut

extraordinaire jusqu'à la fin, et un cas une fois enregistré dans son

esprit y était toujours présent quand le moment se présentait de

s'en servir.

Récemment l' « influence de l'esprit sur le corps b l'occupait et

il eut toujours une très forte affection personnelle pour ce livre,

qui, bien qu'il eût à cette époque une grande valeur, est mainte-

nant délaissé ! Cependant c'était un rapport précoce comprenant

une collection de faits de grande valeur.

Un autre sujet spécial auquel il consacra une grande réflexion et

une grande attention, ce fut la folie morale. 11 s'en fit une idée

très définie, qui le fit différer de quelques-uns de ses amis, et à la

fin, il eut croyance en une forme de folie dans laquelle le côté social

était principalement ou tout à fait en défaut, taudis que les plus

hautes facultés intellectuelles étaient intactes ou seulement affli-

gées d'une façon légère. Il écrivit dernièrement sur le développe-

ment de cette idée un petit ouvrage édité par Prielsard et Symonds.

Pendant près de dix-huit années, le Dr Hack Tuke se chargea de

l'édition du Joui-nal of mental science, et il ne recula devant .au-

cune fatigue pour qu'elle fût exacte et parfaite. Il a non seule-

ment mené à bien le travail ordinaire, mais encore il y a ajouté

un Index-Medicus de valeur grande et durable. Ses amis croyaient

que les mains du Dr Tuke étaient rassasiées quand il entreprit le

« Dictionnaire de Médecine psychologique » et, connaissant exacte-

ment ceux qui pouvaient être ses auxiliaires, il produisit ce splen-

asiles d'aliénés. 485

dide livre qui servira pendant longtemps de manuel pour tous les

sujets médico-psycboloniques. La vie du Dr Tuke ne fut pas seule-

ment consacrée à la rédaction d'ouvrages ; il n'oubliait pas les

malades des asiles et ceux du dehors et fut un des auteurs de

' Aftercare », société de patronage pour les malades qui, ayant

quitté les asiles, ne peuvent reprendre complètement leur travail,

et qui ont besoin d'une espèce de maison de convalescence où ils

pourront donner la preuve de leur aptitude à retourner à leur

travail ordinaire. Le Dr Tuke était président de cette association

quand.il mourut.

ASILES D'ALIÉNÉS.

XII. Nouveau formulaire DES rapports statistiques sur les asiles

d'aliénés EN Autriche; par F. Sciilagenhausen.

Voici la nouvelle terminologie introduite par le Ministre de l'Inté-

rieur, à partir du 24 janvier, d'après l'avis des directeurs médecins

du pays; il correspondrait tout à fait à l'état actuel de la science.

486 asiles d'aliénés.

asiles d'aliénés. 487 -1

XIII. L'avenir du SERVICE intérieur des asiles ; par

le Dr Cdul'13ELL-GLAIrK.

La thérapeutique dans l'asile ne se compose pas seulement de

pilules et de potions.

Même les sujets les plus atteints par la maladie mentale conser-

vent des lueurs de conscience et sont aptes à recevoir l'impression,

à subir l'influence d'esprits plus forts et plus nets que le leur, et,

en particulier, de l'entourage qui a été réuni pour eux.

Les services des asiles sont, à toule heure, la scène d'un conflit

mental; d'une part, l'usure atroce, la détérioration faite par l'es-

prit malade sur l'esprit sain, et, d'aulre part, l'influence bonne,

mauvaise ou indifférentu de l'esprit sain sur l'esprit malade. Des

désordres mentaux ou physiques ne sont pas rares dans le per-

sonnel des asiles; c'est dire que son influence est loin d'être légère,

et que les gardiens sont le mécanisme effectif de la discipline et la

routine.

Or, la discipline et la routine sont de bonnes choses là où les

plus hautes facultés de l'esprit sont perverties ou suspendues, mais

l'importance de l'influence des personnes sur les esprits individuels

est d'un plus haut intérêt.

La discipline et la routine ont été les facteurs de l'ancien état de

choses dans les asiles; mais l'application de l'esprit à l'esprit, la

mise au point de chaque cas pris en particulier, la reconnaissance

des qualilés personnelles de chacun des gardiens de l'asile, consti-

tuent la base scientifique et rationnelle du traitement médical.

Pour arriver à ce but, de nombreuses améliorations sont encore

à réaliser; d'abord la suppression des asiles monstres et des ser-

vices surchargés de malades; puis le relèvement du niveau moral

et intellectuel du personnel des asiles à qui une instruction géné-

rale et spéciale donnera conscience de son rôle et de ses devoirs,

en même temps que des pensions de retraite lui permettront d'en-

visager l'avenir avec confiance. (American journal of insanity, 1894.)

E. B.

XIV. Contribution A la statistique DE la folie A la COLONIE

du CAP; par le Dr GnEExLEES.

D'après le dernier rapport de l'inspecteur des asiles, il existait à

la colonie au le' janvier- 1893, 813 personnes détenues légalement,

parmi lesquelles 284 Européens ou blancs ; mais un certain nombre

d'aliénés ne sont pas internés et le nombre total des aliénés peut

être porté à 1331 parmi lesquels 357 blancs.

Sur les 690 aliénés détenus légalement au 1 ? janvier 1893, il y a

4tl hommes et 379 femmes. La paralysie générale est assez rare à

la colonie : alors que la proportion avec les autres maladies men-

488 asiles d'aliénés.

tales est en Angleterre de 9,1 p. 100, elle n'est, au Cap, que de

2,6 p. 100. Elle est du reste presque inconnue parmi les gens de

couleur; elle est aussi assez rare chez les blancs nés en Afrique;

elle frappe surtout les immigrants qui fournissent à la paralysie

générale une proportion de 6,3 p. 100.

44 cas d'épilepsie ont été constatés dans les asiles, mais il est

probable 'que le nombre réel des cas dans la colonie est plus consi-

dérable. Quoi qu'il en soit, l'épilepsie est bien plus fréquente dans

la race blanche que chez les populations de couleur.

Les formes les plus fréquentes de la folie sont la manie, dans

la proportion de 53,8 p. 100 sur le nombre total des admissions

en 1893, et la mélancolie dans une proportion de 10,9 p. 100.

Il est à remarquer aussi que le nombre des idiots est très grand

à la colonie : en effet, sur une population blanche de 376,987, on

trouve 284 idiots, soit un nombre suffisant pour nécessiter une

institution spéciale.

Dans les asiles il y eût, au cours de 1893, 85 décès dont 65 dus à

des causes cérébrales et 20 à des maladies thoraciques, parmi

lesquelles cinq cas de tuberculose pulmonaire. (American journal

of insanity, 1894.) E. B.

XV. Communications statistiques sur LE mouvement DE la POPU-

LATION DE l'asile régional DU Brandebourg, A EBERSWALDE,

pendant LES années 1877 A 1892; parK. ZINN. (Allg. ZB2LSCIE. ?

Psychiat, L. 5.)

asiles d'aliénés. 489

Admissions des formes morbides.

490 asiles d'aliénés.

pliquées : la législation qui les commande parait considérer, les

séquestrations arbitraires comme une chose commune, alors

qu'elles ne sont heureusement qu'une rare exception.

B. Détention. En ce qui concerne le séjour des aliénés à l'asile,

l'auteur estime que la multiplicité des Commissions, Conseils de

surveillance, Inspecteurs, etc... fait jusqu'à un certain point échec,

au corps médical en écoutant forcément les réclamations des

malades pour être rendus à la liberté, et, de fait, il existe aujour-

d'hui une tendance marquée à mettre les malades en liberté avant

leur complet rétablissement, ce qui a un double désavantage :

f les rechutes sont plus fréquentes; 2° les médecins, sans autorité

effective, perdent toute initiative, deviennent de véritables em-

ployés médecins, accomplissant machinalement leur besogne comme

un rouage.

C. Soins et traitement. En ce qui concerne les soins donnés aux

aliénés, on peut dire que le plus grand progrès a été accompli au

cours de ces dernières années, par l'établissement dans beaucoup

d'asiles, d'écoles professionnelles pour les infirmiers, avec nomina-

tion exclusive aux divers grades d'infirmiers ayant rempli certaines

conditions d'examen : les résultats oi.t dépassé toute espérance.

Quant au traitement proprement dit, si de laborieuses recherches

ont fait découvrir de nouveaux remèdes sédatifs et hypnotiques,

on peut dire cependant qu'en fait de traitement, dans son sens le

plus large, le progrès le plus marqué a été de créer pour le patient

un entourage qui facilite son prompt rétablissement, tant au point

de vue physique, qu'au point de vue mental et moral : moins de

médicaments mais une meilleure nourriture, une meilleure hygiène

personnelle. Au premier rang parmi ces méthodes modernes de

traitement est l'occupation systématique et variée des malades.

Certes l'idée d'occuper les aliénés est aussi vieille que l'aliénation

elle-même mais il appartenait à la philanthropie moderne de

donner au travail raisonné, méthodique toute sa valeur comme

moyen curateur. (American journal of izzsunily, 1894.) E. B.

XVII. QUEL EST désormais LE DEVOIR LE plus immédiat A remplir dans

l'assistance DES aliénés; par Scuolz. (Allg. Zeitsch. ? Psychiat.,

1 ? 3 et 4.)

Supprimer les cellules, en traitant tous les agités au lit. Si l'on

soumet à ce traitement tous les agités au début de leur agitation,

tous les agités périodiques, tous les aliénés qui ont besoin d'assis-

tance somatique, on n'aura plus du tout de système coercitif. La

cellule en est en effet le dernier terme. Et l'on n'aura plus besoin

de contrainte que pour appliquer l'enveloppement llydropathique.

L'alitement agit comme calmant physique, par le décubitus

asiles d'aliénés. 491

horizontal, comme calmant moral par l'interprétation même du

malade qui, tout agité qu'il soit, se sent gravement atteint. On

l'obtient par l'administtalion des narcotiques ordinaires, par la

prescription de bains froids et de bains chauds prolongés (de

quatre à trente heures), par l'enveloppement hydropathiqne. Le

secours de l'alitement est si puissant que l'on ne voit guère plus

d'agités au point de troubler le repos des malades. En pareil cas,

au lieu de les envoyer en cellule ou de les transporter dans un

quartier de surveillance continue, vous les placez dans une chambre

de malades, au lit, en mettant une garde auprès d'eux. Le malheu-

reux seul te calme en se sentant soigné, tandis que la cellule, qui

d'ailleurs n'est pas isolante et le quartier d'agités le .terrifient, et

l'agitent davantage.

Ce qui le prouve, c'est qu'en 1892, dans le service des hommes,

M. Scholz n'a employé que 31 grammes de chloral; 59 grammes

de sulfonal; 10 grammes de trional; 68 gtammes de bromure de

potassium, soit 0,'r7 de narcotique par jour et 0,0047 par journée

d'excédent.

Exemple de fureur maniaque calmée en huit jours. Il existe des

centaines d'observations semblables. Par les additions calmantes

de temps à autre susmentionnés, le calme arrive, tandis que

la cellule sombre et nue aggrave souvent au plus haut point les

fureurs maniaques, les paroxysmes anxieux et mélancoliques.

L'aliéné est un enfant, un mineur, non un prisonnier.

Un asile doit être un hôpital pour les aigus et un lieu de

repos pour les chroniques. Installez-le donc confortable, riant.

Cette transformation vous attirera de meilleures infirmières qui

ne viennent pas dans les asiles actuels, parce qu'elles ne voient pas

qu'on y fasse oeuvre d'infirmières et qu'elles n'éprouvent aucun

plaisir à jouer le rôle de geôlières et à nettoyer des cellules. Si au

contraire les aliénés sont traités au lit, voilà de l'hospitalisation.

Il viendra à vous des Mies de bonne famille comme nous en avons

dans les hôpitaux. C'est ce que nous avons ici. D'ailleurs nous

leur avons assuré un uniforme, un enseignement, une pension de

retraite en constituant une sorte de corporation professionnelle

dont le lien est la solidarité. P. Keuaval.

XVIII. La situation des aliénâtes par lioipp. (C<')i'tt<6<(t<t

fur. 11`e·uenlceilk, iN. F. V., 1894.)

Les aliénistes prussiens sont non des fonctionnaires d'Etat mais

des fonctionnaires provinciaux ; il en résulte que l'avancement

varie suivant le nombre d'asiles administrés par chaque province.

Il faudrait donc, comme cela se fait dans la plupart des Etats alle-

mands, que ces asiles devinssent des asiles d'Etat et que ces fone-

lionnaires eussent ainsi tout le champ de l'empire allemand. Ou

492 asiles d'aliénés.

tout au moins qu'on unifiât la solde par ancienneté et qu'on en

déterminât dans tout l'empire les classes d'après le temps de ser-

vice comme on l'a fait pour les professeurs de l'enseignement

supérieur. Que les aliénistes et les directeurs d'asiles s'entendent

sur ce point et cette amélioration viendra. P. K.

i\I1. Sur l'éducation DES enfants arriérés; par MM. SIIUTTLEWORTH,

FLETCHER BEACH, WIGLESWORTII et NICKLE. (Bh'tl2Sst Medic. Jour-

nnl, 8 septembre 1894.)

C'est une discussion faisant suite au rapport de Francis Warner

sur les conditions physiques et mentales des enfants des écoles.

Sur 50,000 enfants ayant fréquenté les écoles de 1892 à 1894,

101 ont été reconnus «arriérés » par débilité mentale congénitale.

Mais, en outre, si l'on compte les estropiés, paralysés, épilepti-

ques, anormaux et idiots types, on ai rive à une proportion de

10 p. 100 relevant d'une méthode d'éducation spéciale. Entre ce

groupe et les normaux, il y a encore ces enfants à tempérament

nerveux marqué, dont la mentalité alfecle une excessive mobilité

ou vivacité, et ceux au contraire à activité nerveuse retardée et

insuffisante.

Il y a lieu de faire une sélection très soignée des enfants et de

les classer par un examen approfondi physique et mental. L'état

de la nutrition générale et l'hygiène alimentaire, l'état des divers

ordres de sensibilité, la conformation du ciâne, la recherche du

rachitisme et des anomalies physiques diverses comme des ano-

malies psychiques (perversions instinctives possibles), sont l'objet

d'une recherche méthodique (les auteurs entre temps condamnent

la craniectomie dont ils ontreconnu l'inutilité). Résumant le résul-

tat de leurs recherches statistiques, itsconstatent tes excellents résul-

tats donnés par les instituts médico-pédagogiques de Londres,

Leicester, Birmingham, etc. Ils concluent à l'isolement à part des

épileptiques enfants dont les crises influent défavorablement sur

les classes d'enfants nerveux autres.

Cette sélection est déjà commencée dans l'institut spécial de

Lady Mealh et à la colonie nouvelle de la Société nationale pour

l'éducation des épileptiques. A. Marie.

XX. LES aliénés ; LES asiles sont LES endroits qui CONVIENNENT le

mieux au traitement DE l'aliénation mentale; parjosephj. O'Go.4-

NELL. (The New-York Médical Journal, 28 juillet 1894.)

A tous les points de vue, l'asile doit être considéré comme aussi

utile aux aliénés que l'hôpital aux malades : mais il y a en matière

d'aliénation des avantages supplémentaires qui doivent faire préfé-

rer le traitement à l'asile au traitement dans la famille. La famille

SOUSCRIPTION J.-M. CHARCOT. 493

est trop disposée à céder au caprice de l'aliéné, ou, inversement,

à assurer presque de force l'exécution des prescriptions du méde-

cin traitant. D'autre part, il arrive souvent que les aliénés, sachant

très bien qu'ils ont des idées qui ne sont ni partagées ni admises

par leur famille, les dissimulent avec soin, jusqu'au jour où l'in-

fluence de ces idées ou de ces hallucinations se traduit brusque-

ment et brutalement par un acte de violence ou même par un

véritable crime. Enfin, on ne saurait oublier que dans les familles

où il existe de l'hérédité névropathique, les idées délirantes se

communiquent facilement et fréquemment d'un des membres de

la famille à un autre ou à plusieurs autres. Ces considérations et

d'autres encore, plaident, énergiquement en faveur de l'interne-

ment et même de l'internement précoce des aliénés dans les

asiles. R. M. C.

' SOUSCRIPTION

Pour le Monument J.-M. CHARCOT.

Le Comité s'est réuni le 1 mai dans la salle du Conseil de la

Faculté de Médecine sous la présidence de M. Brouardel. Le tréso-

rier, M. Masson, a donné des renseignements sur l'état de

la souscription. Les sommes qu'il à reçues s'élèvent à 32,134 fr.

(Les souscriptions qui restent à verser porteront ce chiffre à

40,000 fr.) Sur celle somme il a fait remarquer que près de la

moitié provenait de l'Etranger. Aussi croyons-nous devoir faire un

nouvel appel aux médecins 1,'i-tzitcais.

Le Progrès médical sera très heureux de recevoir de nouvelles

souscriptions, afin d'arri\er à faire à l'illustre médecin de la Salpû-

trière un monument digne du corps médical français. Le comité a

pensé qu'il y avait lieu de confier l'exécution de la statue à M. Fal-

guière, qui avait connu personnellement M. Charcot, dont il était

l'ami. Le Comité a nommé une commission composée de

MM. Brouardel, Gérome, Garnier, Richer et Babinski, pour s'en-

tendre avec AI. Falguière.

Nous avons reçu de M. Edward-D. Fischer, président de la New-

Yo ? t Neurological Society, avec mission de la transmettre à

M. Brouardel, une lettre contenant une lisle de souscription faite

parmi les neurologistes des Etats-Unis, « comme un tribut au

génie de Charcot, et comme une preuve évidente de la haute

494 VARIA.

estime qu'on a dans ce pays pour sa mémoire ». Le total de la

souscription s'élève à 4,120 fr. Voici la liste des souscripteurs :

Professeurs : MM. A. Slarr ; Ed. Fisher; C.-L. Dana;

C.-A. Herter ; A. Jacoby; B. Lachs. Drs : E.-C. Seguin ;

Frederick Petersoii Geo-W. Jacol)y R.-L. Parsons; J.-A.

Boolh; J.-F. Ferriberry; D. Webster; S.-B. Lyon;

Frank Hatiock;Théo. Diller;- James Stewart ; -J.-W. Put-

nam ; H.-F. Pershing; L. Bremer; Samuel Ayers; -

A. Church ; J.-N. Dixon ; J.-A. Lippincott; - W.-H. Daly ;

A. Fleming; F. Lemoyne ; - R.-M. Findle ; J.-C. Lange ;

G.-G. Rahauser ; J.-D. Thomas; C.-C. Hersmann ; D.-C.

Boyce ; D.-W. Runkin ; J.-B. Crombier; D.-P. Miller ;

1 ? F. Burleigli ; J. Milton Dufl"; W.-H. Mercier;W.-F.

Engiish ; S.-O. Brimbaugii ; -J.-11. BroherhoN'; C.-H. Voigt ;

X.-O. Werder; M.-N. Gerhard; - W.-H. Hingston ; E.-P.

Lacliapelle ; J.-P. Pollot; Chas.-P. Jones; Wm.-C. Krause;

F.-B. Fry; G.-D. Hirschflder ; L. ShaHuck; E.-V. Ho-

ward ; 1 ? B. Potter ; Julu-0. Roe ; E.-B. Atigell Geo-L.

Wallon ; Geo. B. Shattuck; R.-T. Edes; aller Chaming;

II. -B. Howard ; - J.-B. Ayer; F.-B. Greenough; Morton

Prince ; S.-T. Armstrong. Professeurs Wm. Osler; Her-

mann Knapp ; J.-J. PuLnam; 11.-P. Bowditch.

Comme le montre la liste ci-dessus, la participation des médecins

étrangers à la souscription Charcot est des plus importantes et

méritait d'être signalée tout particulièrement. La souscription

étant toujours ouverte, nous rappelons que nous continuons à re-

cevoir les dons que les lecteurs voudront bien nous adresser.

VARIA.

Circulaire relative aux transferts DES aliénés.

Villejuif, le 22 mars 1895.

Monsieur le Préfet.

Mon attention a été appelée sur les inconvénients qui peuvent

résulter des conditions dans lesquelles a lieu parfois le transfère-

ment des aliénés des deux sexes d'un asile dans un autre.

Des femmes aliénées sont, dans certains cas, conduites par des

agents secondaires des asiles qui pourraient ne pas avoir à l'égard

de ces malades l'attitude de réserve et de respect qui convient.

VARIA. 495

Dans d'autres cas, des aliénés (hommes) accompagnés d'infir-

miers ou de surveillants, sont placés dans le même compartiment

que des femmes aliénées, conduites elles-mêmes par des infir-

mières.

Il est indispensable d'établir dans ces transferts la séparation

des sexes. A l'avenir, des femmes devront donc être seules char-

gées d'assurer le transfèrement des femmes aliénées. Je n'ai pas

besoin d'ajouter que cette prescription ne s'applique pas au per-

sonnel médical.

D'autre part, les femmes aliénées ne devront en aucun cas,

être placées dans le même compartiment que des hommes aliénés.

Je vous prie, monsieur le Préfet, de transmettre les présentes

instructions au directeur de l'asile de votre département et de m'en

accuser réception.

Recevez, monsieur le Préfet, etc.

Le Ministre de l'Intérieur,

Signé : Leygues.

Nouvelles constructions pour cliniques psychiatriques;

par 13>ECEn. (Cenlralbl. f. Nervenheilk. N. F. V. 1894.)

Une clinique doit : 1° traiter les cas récents; 2° surveiller minu-

tieusement les malades au point de vue médical ; 3°les transporter

en tout temps facilement de la salle de cours et des lieux d'examen

scientifique, même au lit. Tous les locaux doivent donc être reliés

ensemble par des corridors complètement couverts. C'est le type

qui a été réalisé à Wurzbourg. On trouve deux centres dans l'avant-

corps des bâtiments ; une salle de cours avec ses annexes; une salle

de surveillance avec ses annexes; les deux salles sont reliées en-

semble par un chemin de fer pour lits, il est ainsi possible de pro-

céder dans la salle d'examen à l'étude des malades en dehors des

salles communes. Les médecins habitent près de la salle de sur-

veillance ce qui leur permet de suivre de près l'agité comme s'il

s'agissait d'un accouchement. En toute clinique, il faut un médecin

par dix à douze malades. La clinique de Wurzbourg a pour qua-

rante à soixante malades cinq assistants et un bénévole; l'un

d'eux est constamment à proximité du lieu où sa présence peut

devenir immédiatement utile. La salle de surveillance est acces-

sihle aux médecins par quatre côtés; il y circule toujours un méde-

cin ; c'est là le vrai principe d'observation et d'inspection continue.

Les locaux sont disposés de telle sorte qu'avec la plus petite somme

d'efforts possibles, on se rende compte de tout.

P. K.

a .

496 VARIA.

DE QUELQUES QUESTIONS d'organisation ET DE construction DES

cliniques psychiatriques ; par Riéger. (Centralbl. f. Nervevheillc,

XVII. N. F. V. 1894.)

" -I. La question préjudicielle' est la question d'argent. Pour qu'une

clinique ait beaucoup de malades, il faut que ce soit l'Etat ou le

Cercle qui se charge des prix de journée et non les communes.

Documents à l'appui, il le faut au moins de 3 fr. 5 (3 marks) par

tête; cette somme ne couvrant point les dépenses scientifiques, il

faut, pour celles-ci, faire intervenir le budget de l'enseignement.

Il n'est pas bon que le directeur de la clinique c'est-à-dire le pro-

fesseur ait de vastes charges administratives. Il faut que l'on éta-

blisse en un mot un institut psychiatrique purement scientifique,

partout. Aussi l'Etat doit-il venir en aide à la clinique qui servira,

par un juste retour, à l'examen des candidats de l'Université.

II. Est-il nécessaire qu'il y ait des quartiers spéciaux d'agités ou

de furieux, ou peut-on s'en passer ? On peut réduire l'isolement

des malades au minimum par les habitations collatérales des mé-

decins. Mais une salle de surveillance continue, ou de garde perpé-

tuelle des malades mélancoliques calmes, quoique dangereux, et

une salle de surveillance de malades bruyants, constituent un en-

semble de moyens de traitement indispensable. En un mot, deux

quartiers de surveillance, acoustiquement bien séparés, avec le

personnel indispensable pour la garde, surtout pour la garde de

nuit. Supprimons en tout cas les cellules et multiplions le traite-

ment au lit. Disséminons les éléments de perturbation de façon à

éviter leur accumulation dans les mêmes quartiers. P. K.

L'éducation DES faibles d'esprit ; par le Dr GREE.NE.

La commission d'assistance publique de l'Etat du Kansas vient

de décider l'abandon de l'asile spécial pour l'éducation des enfants

idiots et imbéciles. La raison de cette suppression est d'abord dans

l'économie réalisée et surtout dans la conviction qu'ont les mem-

bres de la commission que l'éducation des idiots est impossible :

pour eux, tous les arriérés paraissent devoir être classés parmi les

idiots.

L'auteur, après avoir relaté et critiqué cette mesure inexplicable,

fait un historique des efforts qu'ont déployés les premiers éduca-

teurs des faibles d'esprit et relate les résultats auxquels on est

arrivé.

Si les législateurs, ajoute-t-il, créaient un asile pour les faibles

d'esprit et le confiaient à des praticiens expérimentés, ils s'aperce-

vraient vite que. dans cet asile il existe des êtres qui réclament

quelque chose de plus que les soins d'une fille de service et d'un

0

varia. 497

cuisinier ; et les sommes dépensées annuellement pour la garde et

l'éducation de ces infortunés seraient compensées par la décou-

verte et l'atténuation des causes de l'imbécillité. (Tlte ulienist a)td

neurologist., avril 1894.) E. B.

LES M)R\CLES de saint IGNACE DE Loyola ; par MM. Henri Meice

et L. BATT.11LLE. (Nuuv. leonog. de la Smpêlrière, 1894, n° 5.)

Chaque numéro de la Nouvelle Iconographie de la Salpétrière se

termine par un intéressant article de critique artistique, mais d'une

critique arlislique particulière , dans laquelle les considérations

anatomiques, physiologiques et pathologiques tiennent la première

place, c'est ce qui explique la présence de ces articles dans un

recueil purement médical. L'article de MM. Meige et Baltaille est

consacré à des dessins anciens représentant certains événements

de la vie de saint Ignace de Loyola, et incidemment à la biographie

de ce personnage.

Ignace de Loyola fut d'abord soldat et très mondain. Blessé au

siège de Pampelune, il resta boiteux et abandonna la carrière des

armes et les plaisirs du monde, pour s'abandonner au mysticisme

le plus absorbant. On connaît sa vie : il voyagea à travers l'Europe,

alla en Terre Sainte, se mit à étudier avec les enfants à l'école,

mendia son pain, eut des extases, fit des miracles, prêcha qu'il

avait reçu la mission de régénérer le catholicisme, s'attira les rail-

leries de ses contemporains qui le considéraient comme un fou,

jusqu'à ce qu'enfin, étant parvenu à se faire des parti-ans et des

disciples, il fonda la célèbre Compagnie de Jésus. « Pèlerin bizarre,

fanatique convaincu, halluciné extatique, hardi, persévérant, sa

carrière fut aussi merveilleuse que celle de Mahomet ou de César, »

a dit de lui Phitaréte Chastes. tenace de Loyola était, en somme

un dégénéré supérieur, dont l'observation vient à l'appui de la

thèse de Moreau de Tours et de Lombroso, sur le génie proche

parent de la folie.

II existe une Vie en gravures de saint Ignace de Loyola, composée

d'après les récits de ses premiers disciples. Ce sont les dessins de ce

livre que MM. Meige et Battaille étudient en artistes et en médecins.

Ils reproduisent et analysent plusieurs de ces dessins, l'un d'eux

représente la guérison d'un épileptique, lisez hystérique, on y

retrouve très bien reproduits les caractères de la léthargie.

Camuses.

Congrès des Aliénistes ET Neurologistes.

Le Congrès des Aliénistes et Neurologistes de France et des pays

de langue française s'ouvrira à Bordeaux le vendredi 2 août et non

le 1 ? août ainsi qu'il avait été précédemment annoncé. Ce Con-

Archives, t. XXIX. 32

4$»/ VARIA. ? y

4e S, par l'importance et l'attrait de son programme, par le

^/l ombre et la valeur des adhésions déjà recueillies, est assuré d'un

/'plein succès. Ceux de ses futurs membres qui n'ont pas encore

envoyé leur adhésion et le titre de leurs communications, sont

priés de les faire parvenir sans. retard au secrétariat (Dr Régis,

S4, Tue Huguerie, Bordeaux) afin de recevoir en temps utile la

série des documents et indications préparatoires, dont l'envoi va

très prochainement commencer. Nous croyons pouvoir dès main-

tenant annoncer que les Compagnies de chemin de fer consenti-

ront une importante réduction de leurs tarifs en faveur des

membres du Congrès.

Les rois aliénés dans la Bible; par le Dr Burrell.

L'homme ne change guère au cours des âges : la Bible est là

^pour nous le montrer d'une façon très évidente et l'histoire natu-

relle de la tentation ne s'est guère modifiée depuis que notre mère

Eve a écouté les propos du serpent.

De même certaines névroses observées de nos jours, la folie en

particulier, ont existé dès les premiers âges et leur description se

retrouve précise dans les écrits sacrés et profanes.

C'est ainsi que la Bible enregistre les cas de folie, mais seulement

lorsqu'ils se sont manifestés chez les grands caractères historiques

ou lorsqu'ils témoignaient du pouvoir de la divinité. La liste en

est, du reste assez courte, et comprend certains des prophètes qui

ont manifesté quelques symptômes de folie, les Démoniaques, et

les rois Sauf et Nabuchodonosor.

Que l'on étudie dans la Bible les chapitres consacrés à Saiil,

avec la description de ses hallucinations, de ses extases religieuses

avec catalepsie, faisant suite à des excès et violences de tout genre,

ou qu'on lise au 1VO chapitre du livre de Daniel, l'histoire de la

folie de Nabuchodonosor, roi de Bahylone, se croyant transformé

en animal et mangeant de l'herbe comme cet animal, on y trouve,

en faisant la part des coutumes et moeurs de ces temps primitifs,

une description classique de cas de folie avec leurs signes précur-

seurs, leur début, leur période d'étatetleur terminaison. (Anzericaa

lozrrzal of insarzit, 18rJ4.) E. B.

FAITS DIVERS.

Attentat contre un médecin IILITII2T;. On écrit de Constan-

tine que 11m° Servelle, veuve d'un médecin militaire, poursuivait

M. Charvot, médecin principal, chef de l'hôpital militaire de Cons-

tantine, prétendant que M. Charvot lui avait promis le mariage.

Dernièrement, elle se livrait à des voies de fait. La justice fut sai-

sie de l'affaire à la demande de l'autorité militaire et Mmo Servelle

devait passer prochainement en police correctionnelle. Furieuse

de celte décision, elle résolut de tuer M. Charvot. Aussi, ily a quel-

ques jours, pendant que M. Charvot se promenait avec le direc-

teur du service de santé de la division, lllme Servelle le suivit et

tira sur lui deux coups de revolver qui le blessèrent assez sérieu-

sement. M"" Servelle, arrêtée, parait ne pas avoir conscience de

ses actes.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Bourneville. Assistance, traitement et éducation des enfants idiots

et arriérés. Rapport fait au Congrès national d'assistance pnbliyue (ses-

sion de Lyon, juin IS91). - Volume iii-81, de 216 pages, avec 2S ligures.

Prix : 3 fr. 50. Pour nos abonnés : 2 fr. 50. Aux bureaux du Pro-

grés médical.

Bourneville. Rapport et mémoires sur Véducalion des enfants nor-

maux et anormaux, par E. Sccum, avec une préface par Bourneville.

Volume 111-81 de w.wo-3S0 pages. Troisième volume de la Biblio-

thèque d'éducation spéciale. Prix : 5 francs. Pour nos abonnés, 3 fr. 50.

1)[IENER (J.) et Fbexd (P.). Sludien liber hystérie. Volume in-8°

de 2G9 pages. - Leipzig und Wien, 1895. - F. Dentielie.

Bullard (W. N.), Bradford (P.-R.). Cerebellar lit7no7. Opération;

7/N ? n : on'/ta ? de/ect of occipital bons; Dealh, gênerai )'M ! tt)-/M.

Brochure in-18 de 20 pages. Boston, 1891. Damrell and Upham.

Bu).LU ! D (W.-N.). Considération of Mme o/ the indications /'ot'

opération in laeacl injuries. Brochure in-18 de 9 pages. Damrell

and Upliam.

500 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Eastern cou ? ilies asylum fort idiots and imbéciles residing iii the

Counlies of Eizer, Stillolk, 1,'oi-folli and Cambridje. - Patron : H. R. H.

The Prince of Wales. Thirty-sixth Animal Baport. Brochure iu-8°

de 59 pages. Ipswich, 1895. N. Adlard and C°.

POCIIL (A.). Die Immunilals und Inzmuzisatioisthesricez vonz bio-

logisch-chenzisclien 5'tandpxenhl bitrachlel. Brochure iu-8° de 12 pages.

Leipzig, 1895. VPrI1â von G. Thieme.

Pociil (A.). Eiii2t,irkuiig des Spernzirzs auf dezz Siog'Lt7fisalz bei

Autoinloxicalioneu int-Ailgeaeizen zotd bei learusaurer Iiialhese inz

Speciellen. Brochure in-8° de 40 pages. Berlin, 1894. Gedrukt

bei L. Sctumacher.

VILLI : IUSO\ (R ? l'.). On the relation of Dricases of the Spinal Cord

lo the Distribution and Lésions of the Spinal Blood T'essel. Bro-

chure in-8°, cartonnée, de 43 pages, avec 20 figures. London, 1895.

H.-K. Lewis.

AVIS A NOS ABONNÉS. L'éclié(t2zce du z JUILLET

étant l'une des plus importantes de l'année, nous prions

instamment nos souscripteurs dont l'abonnement cessera

à celle date, de MOMS envoyer le plus tôt possible le mon-

tant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce

montant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur

localité, qui leur remettra un reçu de la somme versée.

Nous prenons et notre charge les frais de 3 p. 100 prélevés

par la poste, et nos abonnés n'ont rien à payer en sus du

prix de leur renouvellement.

Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire, la

quittance de réabonnement leur sera présentée à partir

du 25 juillet. Nous les engageons donc à nous envoyer de

suite leur renouvellement par un mandat-poste.

Afin d'éviter toute erreur, nous prions également nos

abonnés de joindre à leur lettre de réabonnement et à toutes

leurs réclamations la bande de leur journal.

Nous rappelons et nos lecteurs que l'abonnement collectif

des Archives de Neurologie et du Progrès Médical

est réduit à 30 francs pour la France et l'Etranger.

Le rédacteur-gérant : Bourneville.

TABLE DES MATIÈRES

Adonis VER ? 11.IS, bromures et

dans l'épilepsie, par Bechterew,

12, 472.

Affaire Regina Sherrard, 116.

Alcool, monopole de l' -, par

Lann, 211 ; intolérance de 1' ,

par Smith, 474.

Alcooliques, asiles d' -, par Chris-

tian, 47; irresponsabilité des -,

1);ir N. Kerr, 115; origine hépati-

que de certains délires -, par

Klippel, 24 ; assistance des-, par

Sérieux, 410.

Alcoolisés, hôpital d ? par Rouby,

212.

Alcoolisme, attitude des médecins

dans la question de l' -, par

Smith, 225.

Aliénation, jury d'examen pour 1'

mentale, par Stearns, 316.

Aliénés, progrès dans les soins et

le traitement des -, par Cowles,

43; traitement iles - en Finlaude.

par Hongberg, ii; traitement des

an Canada, par Oarke, 45; les-

criminels, par Allaman, 153; les-

et la magistrature, par Garnier,

2 : 1, et par Legrain, 22G, 396;

nouveaux règlements concernant

les -, par Smith, 411 ; soins hos-

pitaliers actuels donnés aux -

par Lyon, 412; rois - aliénés

dans la Bible, par Burrell, 498 ;

senice intérieur des - , par

C. Ctatk, 487; traitement des -

en Amérique, par Blumer, 489 ;

assistanée des -, par Scliolz.

480 ; les et les asiles, par

0'connes, r9 ? ; transfert des ,

491. i.

Aliénistes, les grands français,

par R. Semelaigne, 331 ; situation

des -, par Iloppe, 491.

Aménorrhée, troubles cérébraux dans

la chlorose et l' -, par Janning

et Jollye, 121.

Amnésie, 1' rétrograde après des

tentatives de suicide par pendai-

son, par Régis, 200.

115·o ? srE, pathogénie de l' par

Rossoiimo, 385.

Anatomie des centres nerveux, par

Déjerine, 237.

Anémie, maladies de la moelle et -

pernicieuses, par Bowmann, 125.

Apiusie, siège sensoriel de l' -, par

Shaw, 37 ; transitoire au cours

d'une pneumonie grippale, par

Pailhas, 378.

Arcades dentaires comme stigmates

de dégénérescence, par Camuset,

210.

Arriérés, éducation des enfants ,

par Shuttleworth, Beach, We-

,,Iesworth et Niclle, -li92.

Articulation, troubles de la voix et

de l' chez les sourds-muets,

par Féré, 207.

Asile de Soran, par Schmidt, 56;

des aliénés de Serbie, par Su-

botic, 73; remplacement du mot

- par celui d'hôpital, 75; de

Saxe, par Gunz, 248; des éléments

communs à tous les quartiers

d'un - d'aliénés, par 111arandon

de Montyei, 417; d'aliénés en

Autriche, par Schiagenhausen,

485; régional du Brandbourg

de 1877 à 1892, par Zinn, 488.

Assassinat, tentative d' - sur le

Dur Keraval, 157.

Assistance des malades incurables,

par liasse, 69; publique en

Hanovre, par Keraval, 72 ; des

idiots, 253; -- des épileptiques,

9-5 1.

Astasie-abasie et son traitement,

par Friedicender, 47.

Athétose double, par Brissaud et

Hall ion, 132, 386.

Atrophie musculaire clans la para-

lysie générale progressive, par

Hoche,' 325

Aurowrlc.aTtov, par Freymuth, 333.

S02 TABLE DES MATIÈRES.

BUItIRE111, par Périot, G8; comparai-

son du - avec la névrite alcoo-

lique, par de Sacerda, 205.

RLE\NORItti.IGIQUE, folie -. par Cul-

lerre, 213.

Bromures, les- et l'adonis vernalis

dans l'épilepsie. parBechterew,

42.

Buveurs, cure des-, par Marandon

deMontyeI,44.

Cm.atEIL, par Itihorel, 59.

C.1LOT1'E Dt; BECTiiEREW. trajet cen-

tral de la -, par Helweg, 302.

CASTB,11'ION et livpei@Liopliie prosta-

tique, par Vliite, 120; la - cliez

les criminels, par Hughes, 311.

Cécité verbale, par Sachs, 52.

CELLULES des asiles, par Creuser, 70.

Céphalalgie post influetizique, par

Rowland, 119.

Cérébrale, action inhibitrice de l'é-

corce-, par Slierriii-ton, 39.

Cervelet et ees rapports, par Fer-

rier, 37.

Ciiur DE poule, par Mackenzie, 37.

Ciunvre, drogues tirées du et la

folie, par \valse, 465.

Ciiarcot, souscription du monument

(le -, 493, 496.

Chirurgie de la moelle épinière, par

Thornburn, 119.

Chlorose, troubles cérébraux dans

la et l'aménorrhée par Jan-

ning et Jollye, 121.

Choc moral chez les enfants, par

Féré, 215, '

Chorée, agents provocateurs de la

par Chauffard, 67 : molle

par llassalongo, 131; anatomie

pathologique de la , par Oppen-

heim et Hoppe, 307;- de Syden-

ham guérie par les bains élec-

trcstattyues, llar Réânier, 380; -

et aliénation mentale, par Lieb-

mann, 402.

Cliniques psychiatriques, par Rie-

ger, 495.

Colonie de Glieel, llar Peeters, 156 :

d'épileptiques en Angleterre,

par A. Marie, 157. 0

Confusion mentale hallucinatoire

aigué, par Iluyer, 230; - par

Vorcester, 313; - par 14rarlelin,

322; primitive, par Cliasliti, 105.

Congrès des aliénistes de Basse-

. Saxe et de Westphalie, purKera-

val, 192; - des neurollathologis-

tes et aliénistes de l'Allemagne

du sud-ouest, par Keraval, 317.

Chantectomie, pourmicrocéphalie,

par Jacobi, 209.

Crime et suggestion non hypnotique

par \Vingate, 115.

Criminels, pluralité des types , par

Deventer, 117.

Cubital, analgésie du -, par Cra-

mer, 141.

Dédoublement, hallucination et

de la personnalité dans la folie

systématisée, parSéglas,218.

Dégénérescence, valeur des signes

de - par 1\ceche, 310.

Délire, les systématises dans les

diverses psychoses, par atagnan,

17 ; - cles 'négations, par Fi-aii-

cotte, 207 : par Séla, 2f0; -

initiaux de la fièvre typhoïde, par

Aschaffenbourg, 232; sur le ,

par Friedmanii, 475.

Delirium i remens, le traitement du

, par Bellamy, 470.

Démence paralytique sans paralysie.

par Belliowslz 217 ; troubles

vaso-moteurs dans la -, par

Iloyt, 312.

DirLÉGiES cérébrales infantiles, par

Freud, 206.

DOULOUREUX, phénomènes cérébraux

accompagnant les violents accès

- , par Laquer, 320.

Dure-mère, hématome de la-asso-

cié au scorbut, par Sutherland,

127.

DYSBASiE d'origine nerveuse, par

Hallion et J.-B. Charcot, 81.

Dyspepsie et lypémauie, par Bau-

melon, 154.

Ecorce cérébrale, richesse de 1'

en fibres à myéline, par Kaes,

305.

Education des faibles d'espiit, par

Gréent1, 496.

L.L.CTR01'llÉlidl'IE, tevue d' -, par

Régnier, 452.

Epilepsie, bromure et adonis ver-

nalis dans 1' , par Bechterew, 42;

traitements récents de l' par

Collins, 42; état de la réfraction

dans l' -. par \\'orlc-Dood, l'37 ;

traitement de l ? par Moeu, 137;

jacksonienno, par Bruns, 143;

de l'intoxication dans 1' -, par

J. Voisin et Petit, 257, 359, 437;

trépanation lour-, par Manager,

292; traitement de Il - par la

TABLE DES MATIÈRES. 503

ténotomie des muscles oculaires,

par \Vood, 469.

Epileptiformes, ictusdans]apa-

]aiysiegene<a)e,parLfgrain,i35.

Epileptiques, soins à donner aux

- , p zii Petersoii, 45; i'espoiisabi-

lité des -, par Osbolne, 11f; le

traitement ophtalmologique des

- , par Ramey, 4GG.

EmuiROMËLALGiE, d'une foime hys-

térique de la maladie de Ray-

mond et de 1' , par L. Lém, 1,

102, 166.

Exagération, idées présomptueuses

ou d' -, par Selle, 53.

Fétichisme de souliers, par Noecke,

208.

FOLIE, contagion de la , par Ro-

nier, 153; simulée, par P. Gar-

nier et Vallon, 161 ; ttois cas de

guérison après longue durée de

la -, par Campbell, 21à; - iii-

duite, par Scliornfeldt, 216; hal-

lucinations et dédoublement de la

personnalité dans la systéma-

tisée, par Séglas, 218; moyens de

prévenir la , par lrelaml, 311 ;

substratum physique et diathèse

de la-, par Wttite, 314;- chez

les criminels, par Follison, 315;

périodique, par Debio, 324; -

à la colonie du cap, par Green-

lees, 487.

Friedreich, maladie de non héré-

ditaire, par Kaumack, 129.

Gangrène spontanée chez un tabé-

tique, par Pitres, 206.

Gardiens, enseignement profession-

nel des - (les asiles, par Morel,

412.

GnoMATOSE de la moelle avec hé-

morragies, par Dana, 40.

GOITRE exophtalmique, par Putt-

mann, 126; par Maude. 126.

Gymnastique, sur la et le mas-

sage, par Sandbtom, 466.

Hallucinations psychomotrices et

- sensorielles, pall'. Garuier, 131; -1

genres des - de l'oiiie, par Fu-

rer, 217.

Ill : wnsorslc homonyme gauche, par

'l'urner, 12G; un cas d' - hysté-

rique, par Janet, 337.

Hémiplégie organique chez un lié-

i-élio-s,N-pliilitique, par Blocq, 205.

Hfrédité dans les maladies men-

tales, par 'l'otilouse, 2(e9.

Hydarihroses intermittentes, par

Feré, 130.

Hypnotisme, hystérie et -, par

Schultre.

Hystérie et paludisme, par Clément,

68 ; étiologie infectieuse de 1' ,

par Grasset, 1 ? 3; - cllez un en-

fant, par Doller, 126 ; - et neu-

rasthénie, par Clarlie, 210 ; - et

hypnotisme, par Schultze, 402.

Idées présomptueuses ou d'exagé-

ration, par Selle, 53; fixes, par

H. Tuke, 210; la volée des-,par

Aschaffenbuig; 323.

Idiotie, anatomie pathologique de

1' , par Pcpoff, 303.

Idiots, assistance des -, 155.

Incendiaires en Savoie, par Dau

may, l 17.

Iw lRàlIEliS et surveillance des méde-

cins, par Sommer, 236; question

des , par Hoppe, 401 .

Interdiction, histoire d'une , par

Keraal, 76.

Isolement, pavillons d' pour les

maladies contagieuses dans les

asiles, 245.

Ivrognes, législation spéciale pour

les , 116.

Karyokinèse dans le système nei-

\eux central, par Nissl, 235.

LEnmlscus,dégénération descendante

du , par Bruce, 37.

Lèpre, maladie de Morvan, syringo-

myélie et -, par Gombault, 132.

Léthargie, psychose avec - de six

mois de durée, par Berkan, 389.

Localisations sensitives de l'écorce,

par Déjeune, 299 ; des cellules

nerveuses, par nlssl, 329.

Magistrature, les aliénés et la-, par

Garnier, 221 ; par Levain. 226,396.

ll,%L.%DIE DE IOR ? A ? S\l111901nélie

et lèpre, par Goinliaiilt, 132.

Malformations itéréditairesdes pieds

et des mains, par Merwel et

Smith, 387.

Massage sur la gymnastique et le ,

par Sandblom, 466.

Mémoire, états affectifs de la -, par

Ribot, 309.

Menstruel, influence de l'aliénation

mentale sur le molimeu -, par

Sclioeffer, 393. ·

"' ^^ 50$' TABLE DES MATIÈRES.

OCÉPIIALIE, craniectomie pour ? <, par Jacobi, 209; avec fente

"V simienne, sans trouble intellec-

'i' tuel, Iar Pfister, 303.

Miracles de saint Ignace Loyola,

par Meige et Batlaille, 497.

Moelle, chirurgie de la -, par

Thornburn, 1 19 ; maladie de la-

et anémie pernicieuse, par Bow-

mann, 1 ? sypliilis de la -, par

Sachs, 127; tumeur de la -, par

Bruns, 141; destruction trauma-

tique du segment de la -; in-

termédiaire à la - cervicale et à

ladorsate, par Bruns et Pa-

trilç, 305.

Moaooanr, un jeune , loi.

31OOPf.ÉGIC hystérique du grand

deiitelC ? I)ai@ 'ei,lioogeii'385.

Motet, biographie de -, par Bour-

I)eville, l7.

Mouvements provoqués sans contact,

par Cônes, 118.

iIYXOEDH11's traité par la glande thy-

roïde de mouton, par Ayres, 43 ;

les symptômes mentaux du et

l'influence exercée sur eux par le

traitement thyroïdien, par Clous-

ton, 463.

Narcotiques et psychoses, par Sie-

mens, 18.

Nécrose multiple en îlots, parKens-

hait, 120.

Nerf, distribution sensitive des

spinaux, par Thornburn, 3î ;

blessure du médian, par Sa-

vill, 36.

Nerveux, recherches sur les éléments

, par Dagonet, 21l.

Neurasthénie, hystérie et -, par

Clarhe, 210. "

Neuromyosite multiple, par Hoffman,

317.

Névrite diabétique, par Pryce, 128.

Névroglie dans la moelle normale

et dans la syringomyehe, par Bris-

sami, 299.

Névrose traumatique, par Derode,

201.

Obsessions, théorie des , par

Grashey, 39,ï; étude clinique de

l' -, par Tlomson, 102.

OEdème angionervoux, par Wills et

Cooper, 35 ; - cérébral, par Pres-

ton, 129.

Ostéo-arthropathie pneumique, par

Villard, 122.

Ov.ao-saurmcccroum, folie consécu-

tive à une -, par Régis, 316.

PAcnYtiÉroxGtTE spinale, par Polita-

kis, 121.

Paludisme, hystérie et -, par Clé-

ment, 68.

Paralysies consécutives aux infec-

tions dut La Maiou, par Ménard,

67; diphtérique, par Gay, 129;

anatomie pathologique de la

spinale 'infantile, par Smmerling,

30l ; - iufautile, par Treveylan,

388.

Paralysie générale progressive, lé-

sions histologiques fines de l'é-

corcc cérébrale dans la , par

Carter. 36; pathogénie de la ,

par Kowaiewsky, 208; -, par

Niclcle, 210; la est-elle une

maladie infectieuse, par Bannis-

ter, 211; attaques épileptiformes

dans la -, par Christian, 225 ;

atrophie musculaire dans la -,

par Hoche, 325; étiologie de la-,

par Hoogberg, 390; attaques épi-

leptirorrnes de la -, par A. \'or-

siii, 398; du rôle de l'auto-intoxi-

cation dans les attaques apoplec-

tiformes et épileptiformes de la

- , par Guérm, 480.

Paranoïa, les délires plus ou moins-

cohérents désignés sous le nom

de -, par liéraval, 25, 91, 187,

274; par lvramer et Beedecker,

138 ; et stupeur, par Popoir,

395.

Pathétique, noyau du nerf -, par

Kausch, 318.

Pensée, retentissement articulé de

la -, par hlinke, 21G.

Personnalité multiple artificielle,

par)tu)st,H8.

"Perversion de la sensation sexuelle,

par Sioli, 388.

Pie-mère, kyste de la-, parMénard,

122.

Pituitaire, psammome du corps ,.

par Wooieombe, 120.

Plaie pénétrante de la base du

crâne avec amnésie, par Abel et

Colman, 383 ; et fractures de

la teste humaine, par A. Paré,

473.

Plan incliné de Blumenbach chez

les aliénés, par Schroeter, 303.

Poliomyélite aiguu, par Scbultze,

321.

Polyurie dans les affections de la

TABLE DES MATIÈRES. 505

base du cerveau, par Handford,

1` ? ï ; - hçstériyue, par Matineu,

129.

Ponction vertébrale lombo-sacrée,

par Chipauit, 472.

Possédés de Brouzat, par P. Iliclier

et Meige, 497.

Po2°r, mal decervica), par Ray-

mond, 133.

Procès Feldmann, par 1\oetel, 399.

Procréation des criminels et per-

sexiiels, par Austin, 68.

Protubérance, tumeur de la-, par

Shaikey, 38.

Psychiatrie en Ecosse, par Urgu-

tardt, 15; - en Russie, par

Bothe, 478.

Psychiques, états- douteux devant

les tribunaux, par Naoumoff, 118.

Psychoses, narcotiques et -, par

Siemens, 48; antérieures des

paralytiques généraux, par Neis-

ser, 55; traumatique, par Al vin,

Eyer et Nobb, 68.

Puberté dans l'hémiplégie spasmo-

cliyne infantile, par Leblais, 480.

t·ur.nrcaamré, classification des dé-

lires, liés à la-, p,r Evbot, 24-1.

Baciudien, note sur deux cas de

traumatisme -, par CliipaL[lt,

473. -

Ramollissement aigu du cerveau.

par Zenner, 10.

Haynaud, maladie de - et l'érythro-

mélalgie, par L. Levi, 1, 102, 166.

Réflexes, classification des actes-

, par Marris, 38 ; retour du -

patellaire dans le tabes après

une attaque d'hémiplégie, par

Jackson et Taylor, 120 ; dans la

section transversale de la moelle,.

par Gehrardt, 318.

Responsabilité, liberté, discerne-

ment, par P..., 116.

Sclérose latérale amvotronluque,

par Mott, 387.

Sensittfs, association des ordres -,

par J. Mackensie, 34; troubles-

produits par une lésion localisée

de la moelle, par H. White, 35.

Sexuelle, sphère chez l'enfant,

par Barnes,68; psychologie de la

vie-, par Dessoir, 391.

Sociirt : , médico-psycholoôique, 48,

134, 221, 396; - lv psychiatrie

et de neurologie de Vienne, par

Keraval, 50; des aliénistes de

l'est de l'Allemagne, par lei,av,11

5L ; - lisyWnialnque de l'Alle-

magne du sud-ouest, par Keraval,

226, 399; psychiatrique du

nord-est de par Ke-

raval, 403; - psyclaatrulue de

Berlin, par Iieraval, 137.

Sorcellerie, formes d'aliénation

mentale qui ont déterminé les

procès de -, 1ar Snell, 359.

Spasmodique, raideur des mem-

bres, par Bruns, 142.

Suggestion, crime et non liyp-

notique, par Wingate, 115.

Suicide, considéré comme crime, par

Dmidson, 115.

SUL1'ONeIL, action du , parSehedt-

ler. 40.

Surveillance, quartiers de conti-

nue, par Sioli et Kroepetin, 227.

Syndrome de Weber, par Lacour,

131.

Syphilis de la moelle, par Sachs,

127.

Syringomyélie, maladie de Morvan,

et lèpre, par Gombault, 132. b

Tabès, méthode de Frasnkel dans le

traitement du -, par Ostankou,

4"; - sypllitiyue, par Iedoroff,

124; sur la nature systématique

du -dorsal, par Borgheri ! u,204.

Témoignage des experts, par Mott,

69.

Température dans les psychoses

fonctionnelles, par Ziehen, 391.

Thermique, étude du sens, par

ltilley, 39.

Thrombose de l'artère cérébelleuse

inférieure, par Menzies, 127.

Thyroïdienne, remarques sur les ef-

fets de l'alimentation -, par

Bruce, 471. I.

TmoTevcnr médico-administratif,par

Meschede, 70.

Tremblement, influence du pro-

voGué sur l'organisme, par Tschi-

gatell, ( ; - par Dlagnol,12â.

Trépanation pour épilepsie, par

Hallager, 292.

TRION',IL, empoisonnement par le,

par Hecker, 321.

TUCKF (Daniel-Hach), nécrologie, 48a.

Tumeurs hydatiques intra - cra-

niennes, par Ciarke, 128; de

la moelle, par Bruns, 144 ; - du

frontal gauche, par Wuiff, 145 ,

cérébrales avec autopsie, par

Neff, 300.

506 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Typhoïde, délires initiaux de la fièvre

; par Aschaffenburg, 232.

Urique, diathèse et névroses, par

Schmidt, 321.

Vertébrale, fractures de la colonne

- avec lésion de la moelle, par

Thunniclilfe, 30.

Vésicaux, simulation de troubles-,

par Weil, 328.

Vêtements étranges d'un dégénéré

persécuté, par Lefilliutre, 225.

Visuelle, théorie de la représenta-

tion - corticale, par i ? wens, 3G.

Vox, troubles de la - et de l'arti-

culation chez les sourds-muets,

par Féré, 207.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Abel, 383.

Allaman, 153.

Alvin, 68.

Aschaffenbourg, 232,

323.

Austin, 68.

Ayres, -13.

I)annister, 214.

Darnes,68.

Battante, 497.

Baumeton, 151.

Beach, 492.

Bechterew, 42, .i ï ? .

Bellamy, 170.

Belkowsky, 217.

Berkhau, 389.

Beyer, 230.

Ililiorel. 59.

Blumer, 489.

Baedecher, 138.

Bornherini, 20t.

Bourneville, 117.

Bowmann, 125.

Blocq, 205.

Brissaud, 132, 299, 386.

Bruce, 37, hîl.

Bruns, 112, 143, 144,

305.

Burrel, 498.

Calmeil. 59.

Campbell, 215.

Camuset, 210.

Carter, 36.

Cliaffard, 67.

Charcot, J.-B., SI.

I CU as I m, -F0;).

Chihault, f7 ? , tî3.

Christian, 18, 225.

Clarlce, 4,ï, t2S,210,48' 8'

Clément, 6S.

Clouston, 403.

Collm, 42.

Colman, 383.

Coues, 118.

Cowles, 43.

Cowper, 35.

Cramer, 138, lfl.

Cullerre, 213.

Dagonet, 211.

Dana, 10.

Davidson, 115.

Deliio, 321.

Déjerine, 237; 299.

érode, 201.

Dessoir, 391.

Deventer, I 1 î.

Doller, 126.

Espiau, 151.

Erbot, 2H.

Lwens, 36.

yel-, 68

Callison, 315,

Fedoroft',)2t.

1 éré, 130, 207, 215.

Ferrier, 37.

('rancotte, 207,

Freud, 206.

rreymuth, 333.

Friedlander, 47.

Friedmann, 175.

Furer, 217.

Garnier(P.),13,161 ? l.

Gav, 129.

Gelirard, 318.

Gombautt, 132.

Grosliey, 395.

Grasset, 123.

Greens, 496.

Greenlees, 487.

Guérit, 480.

Gunz, ? 8.

Ilallager, 292.

Ilallion, 81, 132, 386.

nandrora, 4ï,

flarris, 38.

liasse, 69.

Hecker, 321.

Helveg, 302.

Hoche, 325.

lloffmann, 317.

Hongberg, 44, 390.

lloppe, 307.

Hogt, 312.

Hughes, 311.

Ilulst, 118.

Irelancl, 311.

Jackson, 120.

.lacobi, 209.

Janet, l ? 337.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. S07

Janning, 121.

Jullpe, 121.

Kaes, 305.

Keraval, 25, 50, 51, 72,

76, 91, 137, 112, 187,

226, 271, 317, 403.

Kerr, 115.

Klinke, 216.

IClipnel, 211.

Rreuser, 70.

Kroepeliti, 227, 322.

Kovatewsky, 208.

Lacour, 131.

Lang, 241.

Laquer, 320.

Leblais, 480.

Leîilliàtre, 225.

Lerain, 135, 226, 396.

Levi, 1, 102, 166.

Liebmann, 402.

Lyon, 112.

Mackenzie, 3, 37.

Magnan, 17.

Magnol, 125.

z de 51ontve],

='y, -'t 17.

Marie (A), 457.

Massalongo, 131.

Mathieu, 129.

Maud, 125.

Meige, 497.

llnard, 67, 122.

\lenzies. 127.

lleschade, 70.

Mickle, 210.

lloeli, 137.

More),412.

Motet, 117.

3lott, 69, 387.

Nacke, 208,

Naecke, 310

Naoumofl, 118.

Naumack, 129.

Neff, 300.

Neisser, 55.

Nickle, 492.

Nissl, 235, 329.

Noble, 6S.

t'aetel, 399.

1\orwell, 387.

0'Connel, t9 ? . 192.

Osbi)riie, 114, 114,

Oppenheim, 307.

Ustanlcoft, 42.

Pachas, 378.

Paré (A.), 473.

Patrih, 305.

Peeters, 156.

l'etit, lt., 2a7, 359" =r37.

Petersoii, 45.

Périot, 68.

Pfister, 303.

Pitres, 206.

Politakis, 121.

l'opolf, 308, 395. 395.

Presto, 129.

Pryce, 128.

puttmaun, 126.

Ranney, 46G.

Raymond, 133.

Régis, 200, 316.

, Régnier, 380, 452.

Ileush-,iiL-, 120.

liibot, 309.

Rielier, 497.

Bieger, 195.

Itiléy, 39.

lionier, 153.

Rossolimo, 385.

Rotlie, 478.

Rouby, 212.

ltowland, 119.

Sacerda, 205.

Sachs, 52, 127.

SanLIblon, 466.

Savill, 36.

Schlagenhausen, 485.

Schmidt, 156.

Schmltler, 1G.

Scheefer, 393.

Schcnnfeldt, 21G.

Sliolz, 490.

Schraetet, 303.

Schultze, 321, 402.

Sélas, 218, 20.

Selle, 53.

Semelaine, 331.

Sérieux. 410.

Sharkey, 38.

Shaw, 37.

Slterrinaton, 39.

Siemens, 48.

Siemerling, 301.

Sioli, 227, 388.

Si-fiidt. 321.

Smith, 228, 38 î, f l l, f i.

Snell, 389.

Sommier, 236.

Stearti ? 316.

Subotie, 73.

Sutherlami,127.

Taylor, 120.

Thomson, 402.

Tliornburn, 34, 119.

Thuniclitie, 36.

Toulouse, 209.

Treveylan, 388.

Tsciii ôliefï, Il.

Tulce, 210, fe2.

Turner, 126.

Urguhardt, 215.

Vallon, 161,

Verhoogen, 385.

Villard, 122.

Voisin (A.), 398.

Voisin (J.), 251, 359, f3 ï.

Walsh, 4G5.

Weil, 328.

White, 3, 120,3tt.

Wiglesworth, 492.

\\'ils, 35.

Wingate, 115.

Wood, 469.

\\'oolcombe, 120.

Worcester, 313.

Work-Dood, 127.

Wiilir, 145.

Zenner, 40.

Zielieii 391.

Zinn, 488.

Evreus, Gh. Héaissar, imp. - G95.