Vol. XXII. Juillet 1891. N" 64
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE
Hospice de la S1L.I ? fItIItC. M. le professeur CHARCOT
A PROPOS D'UN CAS D'HYSTÉRIE MASCULINE : 1° PARALYSIE
DISSOCIÉE DU FACIAL INFÉRIEUR D'ORIGINE HYSTÉRIQUE;
3° CUMUL DE FACTEURS ETIOLOGIQUES : TRAUMATISME,
ALCOOLISME, HÉRÉDITÉ NERVEUSE,
· Leçon recueillie par Georges GUINON, '
Chef de clinique.
Sommaire. Progrès réalisés dans la connaissance de l'hystérie mascu-
hne en France et à l'étranger. Descliption d'un cas de paralysie
faciale d'origine hystérique portant seulement sur les muscles bucci-
nateurs et grand zygomatique. Superposition de l'anesthésie et de
la paralysie. Diversité des opinions concernant l'existence de la pa-
ralysie luciale dans l'hystérie. Sa rareté relativement au spasme glosso-
labié hystérique.
Dans notre cas, début de la névrose a l'occasion d'un traumatisme,
et de la paralysie faciale à la suite d'un autre traumatisme subi dans
une attaque. Symptômes d'alcoolisme. Rôle de ces deux agents
dans le développement et l'évolution des accidents nerveux : cumul
des agents provocateurs.
Messieurs,
Le malade que je vais vous présenter aujourd'hui est
10utsimplement unhystérique mâle. C'est doncensomme
un cas assez vulgaire. En effet, vous le savez, depuis
quelques années, grâce aux efforts soutenus de l'école
française, l'hystérie masculine, dont la grande fré-
quence devient chaque jour un motif d'étonnement, a
Archives, t. XXII. 1
2 CLINIQUE NERVEUSE.
pris- une place importante dans la clinique des hôpitaux
de Palis, où l'on a appris à connaître ce'genre de ma-
lades, et où l'on s'attache volontiers à eux. Ainsi, par
l'introduction de ce nouvel hôte, le domaine neuro-
pathologique s'est trouvé profondément transfiguré, et
cela, on peut le dire, pour le.plus grand bien des
malades et des médecins : des malades, qui au lieu
d'être repoussés comme des non-valeurs, des simula-
teurs le plus souvent, sont volontiers accueillis et
soignés comme il convient; des médecins, qui ne sont
plus exposés à commettre envers ces malheureux, en
les malmenant ou en les méconnaissant, des injustices
toujours regrettables, et qui, mieux instruits en la
matière, ne risquent plus comme autrefois de tomber
à chaque instant dans des diagnostics erronés en
prenant pour une maladie à lésion organique une affec-
tion qui n'en comporte pas, et inversement.
Faut-il vous rappeler, à l'appui de ce que j'énonce,
les nombreux travaux parus récemment sur ce sujet ?
Qu'il me suffise de vous en signaler quelques-uns. Je
vous renverrai d'abord à l'article de mon aucien chef
de clinique, M. P. Marie, aujourd'hui médecin des hô-
pitaux et agrégé de la Faculté '. Il a fait la statis-
tique des cas d'hystérie qu'il a rencontrés pendant son
exercice à la consultation du Bureau central et a pu
voir que l'hystérie mâle est très fréquente dans les
classes inférieures de la société ; elle semble même
y être plus fréquente que l'hystérie féminine. Nous
parlons ici bien entendu de la grande hystérie', de
l'hystérie massive comme l'appelle 1\1. Marie, car pour
1 Il. 11<Uie. - L'l«/slérie il la cOllsultatlU11 (lit lfurettza central (Pro ?
.llécl. 27 juillet 1880).
CAS 1) HYSTERIE MASCULINE. ;¡
l'hystérie légère,, c'est plutôt l'inverse que l'on' est
appelé à constater. '-
Reportez- vous encore au travail de M. Souques,
actuellement mon interne, qui a relevé dans une des
précédentes années tousses cas d'hystérie mâle qui se
sont succédé dans ses-salles l'hôpital Broussais, dans
le service de M. Chauffard '. Il montre que dans une
salle de 32 malades, on avait reçu en un an 26 hysté-
riques mâles. Son travail aboutit aux mêmes conclu-
sions que celui de M. P. Marie.
Vous citerai-je en outre les communications orales
'qui m'ont été faites maintes fois par beaucoup de mes
collègues des hôpitaux et qui peuvent se résumer en
ceci : autrefois nous ne voyions pas l'hystérie mâle,
aujourd'hui dans nos services, elle se présente cons-
tamment dans une forte proportion ? Combien de fois
n'ai-je pas entendu tenir ce langage par mes collègues ? ' ?
Enfin d'autres documents nous montrent qu'en pro-
vince les choses ne diffèrent pas à cet égard de ce
qu'elles sont à Paris, pourvu que le matériel d'observa-
tions dont on dispose soit suffisant. Ainsi, M. Bitot, à
Bordeaux, a observé plus de 20 cas d'hystérie mule
dans le seul service de clinique générale dirigé par
M. le professeur Pitres % dans l'espace de deux ans.
- Je ne parle pas de l'étranger où ! a conversion « à
l'hystérie mâle considérée comme une maladie fréquente
chez les travailleurs manuels, » est en train de se
produire. En Angleterre les travaux de l'école de Man-
1 A. Souqms. - 1,'hyslé-ie mâle dans un service hospitalier (AI'ch. /jeu,
de mcd., août 1890).
. 13ltut. - L'hystÙie mule dans le service de .ll. le professeur Pitres si
t hôpital ,Sainl-Imlré clc Bordeaux, '1'11. 1890.
4 CLINIQUE NERVEUSE.
chester ont beaucoup contribué faire avancer la ques-
tion, grâce aux études de MM. Dreschfeld, Thornburn,
Page, pour ne citer que ceux-là. En Allemagne, à
Berlin du moins, il n'y a plus guère de divergence
d'opinion essentielle entre nos confrères et nous. M. le
professeur Mendel a montré la fréquence de l'hystérie
chez l'homme dans les policliniques de cette ville. Les
observations de M. Oppenheim sur la névrose trauma-
tique ne diffèrent pas, je pense, foncièrement des nôtres
propres et l'on est autorisé actuellement, si je ne me
trompe, à inscrire à l'actif de l'hystérie bon nombre de
cas désignés sous le nom de névrose traumatique. A
l'emploi de cette dénomination je ne vois aucun incon-
vénient, s'il est bien convenu toutefois que par là
on entend qu'il s'agit le plus souvent de l'hystérie mâle
et que celle-ci ne diffère en rien d'essentiel, au point
de vue des symptômes et du pronostic, de l'hystérie
masculine déterminée par toute autre cause.
Dans les petits centres de l'Allemagne, la question
semble moins avancée. Il faut être, cela se conçoit, en
possession d'un grand matériel clinique, tant général
que spécial pour observer journellement l'hystérie
mâle.
Il lui faut, en effet des conditions particulières pour
se développer et se répandre. Elle prend surtout pour
victimes les prolétaires menant péniblement, au jour
le jour, la lutte pour la vie, les misérables, les déshé-
rités. L'alcoolisme, les professions toxiques, les trau-
matismes jouent ici un grand rôle, sans compter l'héré-
dité nerveuse. Dans les petits centres, sans aucun
doute, cela ne se rencontre pas, tant s'en faut, au
même degré, aussi s'y prend-on quelquefois, paraît-il,
CAS D'HYSTÉRIE MASCULINE. H
à douter de la légitimité cependant parfaitement indiscu-
table des observations recueillies ailleurs. Ce qu'on n'a
pas vu, ce qu'on n'a pas touché du doigt, on n'y croit
pas. C'est la doctrine sceptique dans toute sa rigueur.
Elle présente un bon côté, sans doute, mais il ne faut
pas pousser les choses dans cette voie jusqu'à t'incré-
dulité de parti pris. Croyons-nous, nous autres Pari-
siens, à l'existence de la lèpre, du béribéri, de la fièvre
jaune et autres maladies exotiques, bien que ce soient
là des affections que beaucoup d'entre nous n'ont
jamais rencontrées ? Nous y croyons très fermement
cependant, forts de l'examen critique que nous avons
pu faire, des documents sur lesquels se fonde la con-
naissance de ces maladies. Il devrait en être de même
en matière d'hystérie mâle. Que ceux qui ne sont pas
placés convenablement pour la voir, apprennent à la
connaître de ceux qui journellement l'observent sur
une grande échelle. Je n'entrevois rien de mieux à
faire.
Aussi n'est-ce pas sans quelque étonnement que j'ai
vu récemment un neuro-pathologiste des plus distin-
gués, dans une leçon d'ailleurs très intéressante sur la
névrose traumatique, écrire ce qui suit :
« Ne prenons pas trop au sérieux ces névroses (les
névroses traumatiques), surtout la névrose hystérique.
Le médecin peut contribuer souvent à répandre l'hys-
térie et à en faire une maladie épidémique. Surtout ne
dorlotons pas trop l'hystérie chez l'homme , laissons-
la aux femmes et aux enfants. Dans ces quelques
propositions on trouve incontestablement beaucoup
d' « humour »; mais ce qui nous y frappe surtout,
c'est le reflet d'une attitude préalable, d'une résolution
" CLINIQUE NERVEUSE.
prise a priori qui pourra rendre difficile peut-être l'ap-
préciation véritablement scientifique des faits cliniques.
Attendons patiemment que de ce côté la lumière se
fasse; elle se fera '.
Mais je ne veux pas m'arrêter plus longuement sur
ces préliminaires; j'en viens à notre malade. Encore
une fois je ne le vous présente pas comme un événe-
ment. C'est à tout prendre, jevous l'ai dit, un cas banal;
seulement, vous le savez, la clinique attentive trouve à
peu près toujours à signaler, même dans les cas les
plus simples, en apparence les plus vulgaires, quelque
point nouveau, quelque combinaison inattendue. A ce
point de vue notre cas prendra de l'intérêt.
En effet il nous présente un exemple bien avéré,
bien authentique de paralysie faciale hystérique, dont
l'existence, jusque dans .ces derniers temps, m'avait
paru fort problématique. La paralysie, qui porte sur le
domaine du facial inférieur, est légère sans doute, mais
elle est parfaitement légitime. Pour éviter qu'il fasse,
dans les annales scientifiques. double emploi, je m'em-
presse de vous avertir que ce cas de paralysie faciale
hystérique est celui-là même qui a été présenté par
111. Balletà la Société médicale des hôpitaux dans la séance
du 24 novembre 1890. C'est à l'obligeance de M. Bal-
let que je dois de le connaître et de pouvoir l'étudier
avec vous.
1 Sur ce sujet, consulter les importantes revues critiques de M. moye-
bius et de M L. Bruns, dans le SchmiclG's .lahrb. Bd. CC\XX. Voir
en particulier, Dr L. Bruns, Nez4e-e A ? -beite7z ! lebel' die traumutischen ¡Yen
rosel1 lGoc. cil., p, 81).
CAS 1)'IIYSTÉRIE MASCULINE. 7
Je vous rappellerai tout à l'heure comment s'est
constituée la question de la paralysie faciale chez les
hystériques et comment, jusque dans ces derniers
temps, cette affection qui paraît, quoi qu'il en soit, être
un fait assez rare, a pu être mise en doute ou même niée
formellement parmi groupe d'observateurs dont j'ai
eu l'honneur de faire partie, mais dont je suis obligé
de me détacher actuellement, cependant non sans con-
dition.
Le cas est encore intéressant à un autre point de vue.
JI nous montre comment, dans la production de l'hys-
térie masculine, il peut y avoir pour ainsi dire cumul
des agents provocateurs, ainsi que l'a fait fort juste-
ment remarquer M. Georges Guinon, mon chef de cli-
nique, dans son ouvrage sur les agents provocateurs de
l'hystérie. L'hérédité est là, présente, sans doute, comme
dans la majorité des cas, mais plusieurs agents provo-
cateurs se disputent la prééminence. Les partisans de
l'hystérie symptomatique auraient beau jeu à en faire
un cas d'hystérie toxique ; les habitudes alcooliques
sont eu effet parfaitement avérées chez notre malade.
D'autres partisans des hystéries multiples viendront
également réclamer et à bon droit, car ce n'est pas l'al-
cool qui a fait éclater la première attaque et a révélé
l'hystérie, mais un traumatisme, ou mieux, car il n'y
a eu ni plaie, ni ébranlement mécanique, le choc ner-
veux, la terreur; ils trouveraient là tous les caractères
de l'hystérie traumatique, dont on a voulu faire bien à
tort une maladie à part sous le nom de névrose trau-
matique.
En réalité rien n'est plus propre que ce concours de
causes provocatrices diverses à démontrer que, ainsi
8 CLINIQUE NERVEUSE.
que je le soutiens depuis longtemps, l'hystérie est une
et indivisible et que sa véritable cause n'est pas dans
les influences fortuites qui la révèlent, mais bien dans
la prédisposition que crée l'hérédité nerveuse.
Mais avant de traiter les différents points que je viens
d'énumérer, je veux étudier avec vous le malade cli-
niquement et vous faire connaître son état actuel.
C'est un garçon de vingt-quatre ans, nommé Bar...
exerçant, hélas ! c'est là ce qui a fortement contribué à
le perdre et c'est là encore qu'il a puisé les funestes
habitudes qui rendront sa guérison difficile, la profes-
sion de tonnelier. Nous l'avons reçu à la Salpêtrière
des mains de M. Proust en février I 891 par l'intermé-
diaire de M. Ballet. Tel il était à l'entrée, tal il est en-
core aujourd'hui. C'est un garçon d'apparence un peu
grêle, mais cependant bien bâti, bien portant du reste,
à part un certain degré d'anémie.
. On nous l'a adressé comme hystérique et nous n'a-
vons pas été longs à reconnaître tout d'abord l'èxis-
tence d'attaques convulsives typiques, ayant le carac-
tère de la grande hystérie, avec arcs de cercle, grands
mouvements, etc. Ces attaques ne s'accompagnent ja-
mais de morsure de la langue : elles durent jusqu'à
une demi-heure. Il les a tous les huit ou dix jours envi-
ron et, à peu près infailliblement, chaque fois qu'il sort
de l'hospice pour faire quelques commissions en ville,
à la suite des libations auxquelles il ne manque mal-
heureusement presque jamais de se liver en ces occa-
sions.
CAS D'HYSTÉRIE MASCULINE. 9
De plus la présence de stigmates hystériques bien
accentués fournissait un appoint de plus au diagnostic.
Tout d'abord il existe une anesthésie absolue pour le
tact, la température et la douleur, dont la distribution
est fort intéressante dans l'espèce-Elle est en effet loca-
lisée à droite dans cette portion du domaine du facial
inférieur que l'on peut appeler la joue, englobe le
menton et s'étend à l'intérieur sur la moitié correspon-
dante de la muqueuse de la cavité buccale. Nous ver-
rons tout à l'heure la raison de cette distribution de
j'anesthésie qui peut paraître singulière au premier
abord.
Il n'existe point d'autre plaque d'anesthésie, mais
dans l'hypocondre du côté gauche on note la présence
d'une zone hystérogène parfaitement caractérisée.
Enfin nous constatons l'existence d'un double retré-
cissement du'champ visuel'avec micrornégaIopsie dans
Fig. 1. Anesthésie dans le domaine du facial inférieur.
' -10 CLINIQUE NERVEUSE.
les deux yeux, sans scotome central. Le goût, l'ouïe,
l'odorat sont affaiblis à gauche. Le réflexe pharyngien
est totalement aboli du même côté. Il n'existe pas de
trace d'hémiplégie dans les membres.
Le sommeil est agité, souvent interrompu par des
cauchemars consistant principalement en sensation de
chute dans des précipices. Il n'a jamais vu, assure-t-il,
Fiff. 2. ? i))e ? <'.< ? 'f de la face et zOllc/¡lIsléI'Ofll\l/cúd'/¡i/POCOlll/¡'cgaur/¡c
CAS D'HYSTÉRIE MASCULINE. Il l
de bêtes en rêve. De plus, pendant la nuit, il souffre sou-
vent de violentes crampes dans les jambes et de four-
millements dans les pieds et les mains. Mais ceci dépasse
le domaine de l'hystérie et rentre plus vraisemblable-
ment dans celui de l'alcoolisme.
'12 CLINIQUE NERVEUSE.
Maintenant c'est sur les caractères de la paralysie
faciale annoncée que je veux insister.
Au repos, on remarque déjà un certain degré d'asy-
métrie. La commissure labiale gauche paraît légère-
ment tirée en haut et en dehors, tandis que la droite
est tombante. Il n'existe aucune déviation de la langue.
Mais si l'on fait rire ou grimacer le malade, on voit
la commissure gauche se relever notablement et s'en-
tourer de plis en derai-cercle.
A droite, les muscles du menton, les abaisseurs de
la lèvre inférieure, fonctionnent normalement. Il en
est de même pour le mouvement d'écartement de la
commissure dans le plan horizontal (risorius de Santo-
rini), pour l'élevation de la lèvre supérieure (petit
zygomatique) et pour l'occlusion des lèvres et le siffle-
ment (orbiculaire des lèvres). Mais le mouvement d'é-
lévation de la commissure en dehors et en haut (grand
zygomatique) ne se fait pas et nous savons en outre,
par ce que le malade nous a raconté, à savoir qu'il était
obligé autrefois de relever avec le doigt ses aliments
qui tombaient dans la gouttière gingivale, que le buc-
cinateur a été autrefois paralysé. Il ne paraît donc y
avoir que deux muscles atteints : le buccinateur et le
grand zygomatique.
Ajoutons que les réactions électro-musculaires sont
parfaitement normales, bien que la paralysie remonte
environ à trois ans, et qu'il n'y a nulle trace de spasme
ni de secousses musculaires.
Voilà donc une paralysie faciale bien constatée chez
un hystérique et qui me paraît bien dépendre de l'hys-
térie. Il me faut maintenant faire ressortir tout l'intérêt
CAS D'HYSTÉRIE MASCULINE. 13 a n
de cette constatation et pour cela je dois prendre les
choses d'un peu loin.
. En 1856, dans une leçon sur la paralysie hystérique
Todd écrivait les lignes suivantes ' : « L'étendue de la
paralysie des membres, alors qu'il n'y en a pas trace
dans la face, est un argument en faveur de la nature
hystérique de l'affection : car bien que la paralysie
hystérique puisse occuper toutes les parties du tronc
et des extrémités, très rarement, jamais peut-être, elle
n'occupe la face. »
Ainsi l'hémiplégie hystérique n'attaque pas la face
en général, elle ne l'attaque peut-être même jamais :
telle est l'opinion de Todd, partagée par Hasse, Al-
thaus et plus récemment par Weir Mitchell, d'après
leurs observations personnelles. J'ai embrassé la même
cause et adopté la même formule. Ainsi dans une leçon
publiée dans la Semaine médicale, le 2 février 1887,
je disais : « Dans l'hémiplégie hystérique il n'existe ja-
mais du côté paralysé de participation du facial infé-
rieur, comparable à ce qui se passe clans l'hémiplégie
vulgaire. »
Ce n'est pas qu'une déviation de la face appelée
paralysie n'ait été notée dans diverses publications, en
opposition avec la formule de Todd et des autres. Mais
si on y regarde de près, on trouve le plus souvent,
dans ces cas, les caractères d'une déviation spasmodi-
que et non point paralytique. La langue est le plus
1 tord. Clinical lectures on panalysis, etc. 1° édition. Loiulon, 186,
p. 20.
li CLINIQUE NERVEUSE.
souvent tordue, enroulée sur elle-même et le malade
ne peut la sortir hors de la bouche. Il en est ainsi par
exemple dans le cas publié par 1\1. Strassmann sous le titre
d'hémiplégie faciale dans l'hystérie '. Chez ce sujet la
langue est enroulée sur elle-même, la pointe fixée
contre la voûte palatine. Il existe en outre un certain
degré de trismus ; les dents sont serrées, la tête est
en rotation en gauche. Peut-on trouver là les carac-
tères d'une paralysie faciale droite ? J'en dirai autant
du cas plus ancien de Lebreton 2 où l'on dit qu'il y
avait hémiplégie des membres et paralysie totale de la
face d'un côté. Soumis à l'analyse il ne se montre pas
plus probant.
Eh bien ! Messieurs, notre opinion était que les dévia-
tions de la face qui se surajoutent à l'hémiplégie hys-
térique sont la conséquence d'un spasme glosso-labié
unilatéral, qui occupe tantôt▶ le côté opposé à l'hémi-
plégie, .tantôt le même côté qu'elle. Ce spasme que
nous venions de remarquer et qui nous fournissait l'ex-
plication de ces déviations faciales dans l'hémiplégie
hystérique, a été régulièrement décrit en 1888 par
MM. Brissaud et Marier Ils en ont parfaitement mon-
tré tous les caractères, la traction de la commissure,
la torsion de la langue, l'extension possible au domaine
du facial supérieur, les secousses musculaires qui l'ac-
compagnent, etc., etc.
Toutrécemment, en 1888, dans mes Leçons du mardi
(tomel, page 299), j'écrivais : « Tant qu'on ne m'auta
1 Strassmann. Dercf. med. Wochsft. 1S90.
5 Lebreton. Th. Paris, 18G8.
J Brissaud et Mari '. De la déviation de la face dans lhéntipiégie
hystérique (Prof ! . l/1éd" 1888), -
CAS D'HYSTÉRIE MASCULINE. t5
pas démontré que les paralysies faciales des hystériques
ne sont pas des hémispasmes, je- persisterai dans ma
négation, prêt à me rendre toutefois pour le cas où la
paralysie faciale, dont pour le moment je conteste
l'existence dans l'hystérie, deviendrait bien et dûment
démontrée. »
Aujourd'hui, vous voyez qu'il faut se rendre. Je le
fais sans hésitation et sans amertume, car il me reste au
moins la satisfaction d'avoir posé la question carré-
ment et d'avoir, par mon attitude décidée, appelé des
recherches précises sur ce point de pathologie nerveuse.
Les résultats de ces recherches, sans être encore bien
nombreux, viennent cependant tout récemment d'être
mis au jour dans diverses publications, et en particu-
lier clans d'importantes communications faites à la Société
médicale des Hôpitaux en 1890 et 1891. 'Elles éta-
blissent que si, dans l'hystérie, la paralysie faciale est
un fait exceptionnel, si elle est singulière dans ses
allures, différente souvent par plusieurs caractères de
ce qu'elle est dans l'hémiplégie organique, elle peut se
présenter cependant, de façon à rendre plus difficile à
cet égard qu'on ne le pensait, le diagnostic entre
l'hémiplégie capsulaire et l'hémiplégie hystérique'.
Déjà M. Ballet, au commencement de 1890, abordait
la question par la présentation d'un malade ÿ. Quelque
temps après, AI. Chantemesse, publiait trois cas de pa-
ralysie faciale hystérique avec monoplégie brachiale,
1 Voir iL ce propos les observations de M. Feré démontrant que chez
les hystériques présentant une hemiamyosthenie des membres, la langue
offre souvent une diminution de la résistance à la pression du côté cor-
respondant (Revue philosophique, juillet 1889).
, Ballet, .S'oe. mad. des lùp., 1890.
J Chantemesse. sou. ucérl. cles h(ili., 1890.
16 () ' CLINIQUE NERVEUSE.
chez l'homme. Il faisait remarquer que, dans tous
ces cas, la paralysie est peu accentuée et qu'il y a
toujours anesthésie marquée et quelquefois prédomi-
nante de la face et des membres paralysés. C'est là un
caractère important en opposition avec ce qui se passe
le plus habituellement dans l'hémiplégie organique.
A ce propos je vous rappellerai que M. Gilles de la
Tourette avait, alors qu'il était mon chef de clinique, pu-
blié déjà un travail sur la superposition des troubles de la
sensibilité et les spasmes de la face et du cou chez les
hystériques '. Il s'agit dans son travail de spasmes et
non de paralysies; mais les deux groupes de faits doivent
être évidemment considérés comme appartenant à la
même série. Ils ne sauraient être tout à fait séparés.
Vient enfin le cas de M. Ballet'2, qui a trait à ce
même malade que je vous présente aujourd'hui, suivi
bientôt d'un autre exemple de même nature dû à
M. Bonnet 3. Cela fait donc en tout cinq cas émanant
d'auteurs tout à fait dignes de foi et compétents, bien
au courant de la question, et connaissant en particulier
les déviations que peut produire l'hémispasme glosso-
labié des hystériques.
Cinq cas bien constatés, il est vrai, c'est peu encore;
mais c'est déjà quelque chose et en tout cas nous sommes
forcés dès aujourd'hui, tout en maintenant que dans
la très 'grande majorité des cas, la paralysie faciale
'Gilles de la Tourette. - De la superposition des troubles de la sensi-
hUilé el des spasmes de la face et du eu,t chez les hystériques. (Nouvelle
Iconographie delà Salpétriirc, 1889.)
'' Ballet. - Soc. cnécl. des Hop., 1890, li novembre.
3 Bonnet. - Soc. mèd. des IIÔp" 1890.
cas d'hystérie masculine. 17
n'accompagne pas l'hémiplégie hystérique, de recon-
naître qu'elle peut l'accompagner quelquefois. ,
Veuillez remarquer que, quanta présent, la paralysie
du facial inférieur chez un hystérique, semble se distin-
guer par quelques caractères de celle que l'on rencontre
dans l'hémiplégie organique correspondante. Tout d'a-
bord elle est en général très peu accentuée. De plus elle
paraît toujours s'accompagner d'anesthésie des parties
paralysées, ainsi que M. Gilles de la Tourette l'avait
déjà remarqué pour les spasmes. Enfin plusieurs fois
on a pu l'observer, isolée en dehors de toute paralysie
notoire des membres, circonstance peu fréquente dans
l'histoire de l'hémiplégie faciale capsulaire, et qui
dans la catégorie des paralysies corticales n'est repré-
sentée que par quelques cas assez rares.
- Voilà donc les choses remises en place et désormais
il s'agira de rechercher dans quelles circonstances se
produisent soit les paralysies faciales hystériques soit
les déviations d'origine spasmodique.
Peut-être serait-ce ici le lieu de rappeler que dans
les paralysies hystériques la face ne semble point
placée sous le même régime que les membres et que
la paralysie y est, comparativement au spasme, beau-
coup moins accentuée et plus rare que dans ces
derniers. Cela est à rapprocher de ce qui se voit dans
l'hypnose telle qu'elle se montre chez les hystériques
à stigmates, où les spasmes de la face sont faciles à
réaliser par suggestion, tandis que les paralysies
faciales, du moins dans ma propre expérience, ne se
produisent jamais bien nettement.
.\1\CI11HS, L. XXII. 2
18 CLINIQUE NERVEUSE.
Passons maintenant à l'autre point qu'il convient
de mettre en relief dans notre observation. Il nous faut
chez ce malade, dont nous ne connaissons encore que
l'état actuel, étudier l'évolution de la maladie, les
antécédents, et rechercher surtout les divers éléments
étiologiques qui ont pu entrer en jeu, afin de les
mettre, autant que possible, convenablement en valeur
et de noter ceux qui paraissent avoir eu une. influence
prépondérante.
Tout d'abord il s'agit d'un sujet originairement ner-
veux. Pendant son enfance il était d'un caractère
difficile et sujet à des emportements violents. Pas de
maladies caractérisées pendant cette période. Nous
parlerons plus loin de ses antécédents héréditaires.
A seize ans, il embrasse la profession de tonnelier Rtà
dix-neuf ans, il avait déjà des habitudes alcooliques par-
faitement caractérisées. Cela est, paraît-il, inhérent à la
profession. Il buvait cinq à six litres de vin par jour,
quatre petits verres d'eau-de-vie en moyenne, et de
temps en temps, mais plutôt rarement, un peu d'ab-
sinthe, du vermouth et du vulnéraire.
Bien qu'on l'ait autrefois accusé d'absinthisme, après
avoir avoué ingénument tous les excès possibles en
fait de vin et d'alcool, il nous a affirmé à plusieurs
reprises et avec une apparence de grande sincérité,
qu'il n'est point coutumier de l'absinthe, qu'il en a bu
rarement, qu'il ne l'aime pas et que, en particulier
jamais il n'en a bu cinq ou six verres par jour comme
on le lui a fait dire. Nous ne trouvons aucune bonne
raison pour ne pas nous rendre à ses affirmations plu-'
sieurs fois répétées, car nous ne voyons pas en somme
que l'abus du vin et de l'eau-de-vie puisse paraître
CAS D'HYSTÉRIE MASCULINE. 19
moins honteux à avouer que ne le seraient les excès
d'absinthe, de vermouth. Au contaire, car, si je ne me
trompe, l'absinthe, parmi les classes qui en abusent,
passe plutôt pour une boisson aristocratique'. Cela
est important à relever, parce que je crois reconnaître
l'histoire de notre malade dans une publication impor-
tante, et émanant de bonne source, où il est repré-
senté comme un << absinthique ». Les accidents ner-
veux que nous avons décrits plus haut à savoir :
attaques convulsives épileptiformes avec projection du
tronc en avant; plaque hyperesthésique siégeant sur
1 'hJ'pochrondre gauche dont la pression détermine la pro-
duction de convulsions en arc de cercle, comme on le
voit chez les hystériques ovariennes, tous ces accidents
sont considérés là comme relevant directement de l'in-
toxication absinthiqud et comme pouvaut contribuer à
la caractériser cliniquement. En ce qui me concerne,
vous l'avez compris par ce qui précède, je ne puis
voir chez notre malade qu'un cas d'hystérie « comme
un autre;'» dans lequel étiologiquement, l'alcoolisme
non l'absinthisme à titre d'agent provocateur,
joue un grand rôle, mais où le traumatisme, ainsi que
nous allons le voir, réclame, lui aussi, une part d'in-
fluence.
En 1885, à l'âge de dix-huit ans, il est victime d'un
premier accident traumatique. Mais les temps n'étaient
pas encore venus, paraît-il, et il put recevoir à la
nuque un violent coup de canne plombée, qui fit
plaie et dont il porte encore une profonde cicatrice,
sans qu'il s'en suivit aucun trouble nerveux durable.
1 L'absinthe c'est « la Musc aux yeux verts » comme l'appelle une
chanson de carrefour.
20 CLINIQUE NERVEUSE.
Il fut soigné comme blessé à l'hôpital de la Pitié et
au bout de trois semaines il était complètement
guéri.. 1
En 1887, deuxième accident : comme' employé à
l'Entrepôt des vins, il était occupé, un jour, dans une
cave à empiler d'énormes tonneaux, lorsque tout à
coup une pile entière de ces demi-muids, mal calée,
s'ébranle; une avalanche de tonneaux se précipite
sur lui et menace de l'écraser contre un mur qui lui
coupe la retraite. Alors il tombe dans un état nerveux
indicible et dont il ne peut parler aujourd'hui encore
sans émotion . Ses jambes tremblent sous lui. et
menacent de se dérober; au lieu de fuir le danger,
incapable de faire un mouvement, il reste en place
comme fasciné. En vain il entend ses camarades qui
l'appellent et lui indiquent le moyen de s'échapper :
il ne bouge pas. Ceux-ci heureusement prennent le
parti de venir à son aide et le retirent de là sain et
sauf, sans plaie, sans contusion, parfaitement conscient
d'ailleurs, mais tremblant de tout son corps. Au bout
de quelques heures il était remis complètement et le
jour même il pouvait reprendre son travail.
Il importe de relever qu'à la suite de cet accident
les effets du shock nerveux n'ont pas cessé de se faire
sentir pendant une période de trois mois. Toutes les
nuits pendant ce temps là le sommeil a été tour-
menté par de terribles cauchemars dans lesquels il
croyait. tomber dans des précipices, ou assister de nou-
veau à la scène des tonneaux roulant sur lui.
C'est sur ces entrefaites, deux mois environ après
l'accident, que se manifeste la première attaque hys-
téro-épileptique. Il était à l'Entrepôt occupé à son
CAS D'HYSTÉRIE MASCULINE. 21
travail habituel, lorsque tout à coup après avoir res-
senti les symptômes de l'aura céphalique : sifflements
dans les oreilles, battements dans les tempes, vertiges,
scotodinie, il tombe sans connaissance. Il paraît que
cette première attaque a duré environ une heure.
Il s'était heurté le menton contre un tonneau et
lorsqu'il reprit ses sens, du sang lui sortait de la
bouche. Il s'était, dans sa chute sur le menton,
pincé fortement la face interne des lèvres entre les
arcades dentaires. La langue n'avait pas été mordue'.
Quatre mois plus tard il. entrait au service militaire
et ses camarades, en se moquant de lui, lui faisaient
remarquer « que quand il rit, il a la bouche de ira-
vers ». Cela a été la première constatation de la para-
lysie faciale qui existe encore aujourd'hui et que nous
venons d'étudier en détail.
Le rôle du traumatisme est donc ici facile à recon-
naître : le grand ébranlement psychique (nervous shock)
produit par l'accident du tonneau détermine un état
nerveux permanent qui aboutit au bout de quelques
mois à la première attaque. Dans celle-ci, la chute sur
le menton, suivant les lois qui président à la localisa-
tion des phénomènes d'hystérie traumatique sur les
points frappés et dans leur voisinage, fait apparaître la
paralysie faciale et l'anesthésie qui s'y superpose. Mais
l'intoxication alcoolique ne perd pas pour cela ses
droits : ils se manifestent clairement dans les circons-
tances que voici. La première attaque avait eu lieu,
comme on l'a dit, quelques mois avant l'entrée du
malade au service militaire. Au régiment, il s'abstient
forcément de boire faute d'argent. Dès lors il n'a plus
de grandes attaques, mais seulement de petits vertiges
22 CLINIQUE NERVEUSE.
qui le prennent quelquefois sur les rangs. Aussitôt sorti
du service, c'est-à-dire au bout d'un an, il reprend son
métier de tonnelier et en même tomps ses habitudes
de boire et alors reparaissent les attaques convulsives
avec écume à la bouche, arc de cercle, etc., telles que
nous les observons aujourd'hui.
Il y a donc ici, comme l'a dit ingénieusement
M. Guinon, dans son important travail, « cumul de fac-
teurs étiologiques » ; mais à tout prendre le traumatisme
et l'alcoolisme ne sauraient être considérés que comme
des agents provocateurs; la vraie cause n'est point là,
elle est dans la prédisposition, dans l'hérédité nerveuse
qui, du reste, chez notre malade est fortement accu-
sée. En effet, son père ancien militaire, employé
d'octroi, était très nerveux, très coléreux et s'adonnait
à la boisson. Sa mère irascible, nerveuse à l'excès, était
sujette à des attaques de nerfs. Dans les dernières an-
nées de sa vie, elle s'était mise à boire; elle a été
internée à Sainte-Anne comme aliénée. Voilà des faits
qui, à l'heure qu'il est, étant données nos connaissan-
ces actuelles sur la subordination des causes dans l'hys-
térie, n'ont pas besoin de commentaires.
Terminons par quelques mots relatifs à la thérapeu-
tique et au pronostic. L'influence de l'hérédité nerveuse
est là, sans doute toujours présente, mais on peut
espérer cependant pouvoir en pallier les effets. D'ail-
leurs tout en proclamant l'infériorité des causes occa-
sionnelles, on ne peut cependant méconnaître, dans
l'espèce,- l'importance pratique de l'une d'entre elles ;
cas d'hystérie masculine. à
je veux parler de l'alcoolisme dont l'action, chaque
jour renforcée par un abus nouveau du poison, entre-
tient le mal et en aggrave les effets. De fait, à chaque
nouvel excès, il semble que l'incendie se rallume et
nous assistons à une nouvelle explosion des accidents
convulsifs un instant endormis. Au contraire, nous
avons vu que pendant son service militaire, où faute
d'argent il ne pouvait boire, le malade n'avait eu que
des vertiges et non de grandes attaques. La première
chose à faire sera, par conséquent, de lui prêcher l'abs-
tinence. Il s'est depuis quelque temps conformé à nos
prescriptions et. pour toute boisson il prend du lait;
nous avons pu déjà constater les bons effets de ce ré-
gime : les crises se sont notablement espacées. L'hy-
drothérapie et les toniques feront le reste, je l'espère. Il
serait triste qu'un garçon de vingt-quatre ans, intelligent
et assez bien doué, se vit condamné à mener désormais
une existence malheureuse, devenu incapable de tenir
vaillamment sa place dans la société. J'espère que nous
pourrons le mettre en mesure de travailler pour gagner
sa vie. Mais je crains bien qu'il ne soit obligé de chan-
ger de métier. Je pense qu'il ne saurait s'exposer de
nouveau à retomber dans les écarts qui sont inhérents,
paraît- il, à la profession de tonnelier.
CLINIQUE MENTALE
NOTE SUR LE DÉDOUBLEMENT DE LA PERSONNALITÉ ET LES
HALLUCINATIONS VERBALES PSYCtIO-\IO'CftICI : S;
Par le D' .1. SÉGLAS, médecin de la Salpêtrière.
Je n'ai pas l'intention dans cette courte note d'étudier en dé-
tail le dédoublement de la personnalité chez les aliénés : je me
contenterai simplement de vous en rapporter deux exemples
qui me semblent caractéristiques, tant à ce point de vue qu'à
celui du mécanisme de ces phénomènes si particuliers qui ont
été groupés par M. Baillarger sous le nom d'hallucinations
psychiques'.
Observation I. - La première observation est celle d'un homme
ace de trente-trois ans, qui s'est présenté à la consultation externe
de la Salpêtrière, le 7 novembre 1888. Il y a peu de chose à
signaler dans ses antécédents. Son père était plus jeune que sa
femme de cinq à six ans ; celle-ci était un peu nerveuse, sujette à
des migraines; a éprouvé une peur violente, étant enceinte de
notre malade. - Deux fils bien portants; un troisième, notre
malade, s'est développé tardivement, a eu des convulsions de l'en-
fance. Il est toujours resté faible de santé, d'un caractère sombre ;
élevé dans un séminaire, il se plaint lui-même d'avoir reçu « une
éducation trop sédentaire et surmenée quant au développement
de l'intelligence. » Les idées délirantes, qui se sont développées
progressivement, devinrent tout d'un coup apparentes à l'âge de
vingt-cinq ans, sous l'influence d'une émotion morale violente et
de quelques excès alcooliques. Ce sont d'abord des idées ambi-
tieuses avec croyance à des faveurs surnaturelles et à une destinée
extraordinaire. Puis des disgrâces successives, occasionnées par
l'état de santé physique et intellectuelle de M. D..., provoquèrent
à leur suite des idées de persécution, associées aux idées ambi-
' Communication faite au Congrès international de médecine mentale
de. Paris 1889.
DU dédoublement de la personnalité. 2v 3
lieuses et qui prédominent aujourd'hui. Ces idées délirantes sont
entretenues par des troubles hallucinatoires très intenses,
' Ce sont d'abord des hallucinations de l'ouïe, ce que le malade
appelle « le phonographe » consistant en un concert de voix nom-
breuses qu'il attribue à des esprits. Ce "on t des paroles désagréables,
olaontantes, qu'on entend très nettement par l'oreille. Ces voix qui
viennent du dehors, parfois de très loin, sont très nombreuses.
Elles sont téléphoniques et polyphoniques. De plus, elles sont péné-
traites en ce sens que la parole entendue se répète HO et 100 fois
sous forme d'écho. - « Il me semble, dit-il, que je suis passé à
l'état de phonographe enregistreur. » Ces voix répètent tout ce qu'on
éprouve ou ce qu'on pense. « L'homme est mis à nu. devenant
pour ainsi dire un cristal pour tout le monde. 1
A côté de ces voix, il y en a d'une autre espèce et qu'il appelle
les voix à caractère labial. Ce sont des voix basses, intérieures,
distinctes des voix pénétrantes extérieures. Voici ce qu'en dit le
malade : « Il y a un verbe intérieur, articulé en dedans de la poi-
trine et dépendant du système sympathique. Celui-là est beaucoup
moins accessible à l'ouïe qu'une autre forme de verbe intérieur
qui part de la poitrine et s'articule par les lèvres. - ..... La voix
intérieure est un verbe subjectif qui parle en vous, indépen-
damment de vous môme : cela part de la poitrine et fait remuer
les lèvres. On comprend ce que dit la voix labiale rien qu'aux mou-
vements des lèvres et sans articuler rien ni haut, ni bas. Quelquefois
la voix labiale retentit à l'oreille comme une voix chuchottée. Les
voix téléphoniques n'ont jamais le caractère labial et ne sont
accessibles qu'à l'ouïe. Enfin il y a aussi ce principe qui s'ex-
prime par vos lèvres et alors il y a un langage tout à fait arti-
culé et parfois inintelligible. » Le malade se sent poussé à pro-
noncer des mots dont il ne comprend pas le sens. Souvent il lui
arrive par suite de cette impulsion, que voulant dire quelque
chose, il exprime tout le contraire de sa pensée, « la phrase étant
transformée par une impulsion labiale ». En outre, il a des
impulsions à des emportements contre lesquelles il réagit : ce
qu'il explique par la dépression morale qui le livre aux esprits
contre lesquels il lutte, grâce à l'appui des esprits de défense qui
s'opposent aux esprits d'attaque. C'est comme la lutte de saint
Michel et du diable : « jusqu'ici saint Michel l'emporte sur
Diabolus. » -Ajoutons qu'au début il a eu quelques hallucinations
de la vue (ombres, lettres grecques étincelantes). Il résume lui-
même la marche de tous ces symptômes en disant que ce fut
d'abord une obsession qui est devenu une possession de l'individu
hanté par les Esprits.
Observation Il. - 111 ? L..., née R..., âgée de soixante-trois ans,
se présente à la consultation externe de la Salpêtrière, le 17 dé-
cembre 1888.
26 # CLINIQUE MENTALE.
Antécédents héréditaires. - Mère, morte d'un asthme. « Sa tête
était la même chose que celle de sa fille (notre malade). Père,
quatre vingt-cinq ans, encore vivant « a toujours aimé la chopine ».
Six enfants, trois vivants; deux filles extrêmement dévotes,
« l'une d'elle fréquente à la fois les francs-maçons et les curés. »
Antécédents personnels. Rien dans l'enfance, réglée à quinze
ans sans accidents, mariée à vingt-sept ans, a eu en dix ans sept
enfants et deux fausses couches. Un fils est alcoolique; un autre,
faible d'esprit, strabique, est également alcoolique.
Le mari était syphilitique, mais notre malade dit n'avoir pas
contracté cette maladie : elle n'en offre d'ailleurs aucune trace.
Elle a eu, autrefois, une névralgie sciatique.
Elle était intelligente, religieuse, mais ne pratiquait pas; n'a
commencé à fréquenter les églises que depuis cinq ans environ.
Pas d'obsessions, pas d'accidents hystériques. - Ménopause à
quarante-sept ans. -
Histoire de la maladie. - Le début de la maladie actuelle semble
remonter à l'année d88G. Pendant six mois, de mai à octobre, elle
éprouvait différents symptômes dont elle ne pouvait trouver la
cause. C'était surtout des étouffements, des souffrances, des coups
dans le dos, dans le ventre. A l'église, elle sentait du vent sur sa
tête, et ses cheveux tremblaient : elle a changé de place pour cela.
Elle a changé aussi cinq fois de confesseur parce que chaque fois
qu'elle se confessait, elle se sentait brisée, toute malade, « comme
maintenant, » mais sans savoir pourquoi. Parfois elle confessait
malgré elle des choses qu'elle ne voulait pas dire. Une fois elle
s'est sentie pétrifiée dans le confessionnal en voyant le prêtre mon-
trer ses cinq doigts il travers la grille : un autre jour, elle a senti
sa joue gauche sauter comme s'il y avait une bête là-dedans. Quand
elle allait communier, elle se sentait tirée 1 droite ou à gauche.
En décembre 1886, étant à l'église, elle a entendu tout d'un cpup
qu'on lui disait par l'oreille « Ce n'est pas vrai. » C'est à cette
époque qu'elle a eu l'explication des phénomènes qu'elle ressen-
tait : parce qu'on lui a dit qu'elle était passée à la censure par des
prêtres qui méprisent la religion et qui lui font du mal de peur
qu'elle ne le répète, et pour la faire renoncer à la religion.
Aujourd'hui elle se plaint d'être emplâtrée, emboucanée, em-
pestiférée, ensorcelée par cinq prêtres qui la possèdent : il y en a
un dans sa tête, deux dans sa gorge, un dans son ventre, un dans
son estomac. Ces idées de possession sont accompagnées d'idées
de négation et reposent sur différents symptômes que nous allons
examiner et dont les plus saillants sont les troubles de la sensibilité
générale et les troubles psycho-moteurs.
Elle n'est plus la même, son tempérament s'en va; elle est malade
de partout, elle a mal dans les reins, ses bras sont meurtris. Elle a
DU DÉDOUBLEMENT DE LA PERSONNALITÉ. U2 -9
des douleurs partout, elle est toujours froide, ses sangs sont t
glacés; elle sent des picotements et des fourmillements dans les
jambes, comme si on l'électrisait; parfois elle sent du froid comme
de la glace; elle sent du vent sur la tête. Le soir elle est maigre
quand elle se couche, le matin elle est grasse et bouffie. 11 lui
semble parfois qu'elle tombe dans un gouffre. Elle a quelque
chose sous les palettes de l'épaule; cela remue et ronfle à cet en-
droit. Elle est percée des deux bouls; elle a un trou entre les deux
épaules. Elle ne sent plus la nourriture descendre, cela tombe
comme dans un puits. D'ailleurs, elle n'a plus ses tripes. C'est le
prêtre qui est dans son ventre qui les a; elle l'y a senti remuer
trois fois et cela lui donne des coliques. Il lui manque aussi un
bout du fondement. Un autre prêtre lui a pris son coeur, elle n'en
a plus; elle n'a plus d'ongles, plus de luette, plus d'amygdales. Il y
a des petits trous dans son palais, où se loge ce qu'elle prend.
Cela retombe ensuite comme un jet d'eau. Par les mêmes trous, il
lui tombe aussi dans la gorge des grains de senèvé. Ils lui ont tari
ses larmes. Elle n'a plus de sentiment, plus de mémoire, plus de
pensée : ils lui ont tout pris, elle n'est plus qu'une bête.
Ils la faisaient se perdre dans la rue; quand elle passait sur un
pont, ils la poussaient à se jeter dans l'eau malgré elle. Ils lui
dictent tous ses actes. Ils font remuer ses doigts de pied. Ils la
font parler malgré elle, surtout la nuit, et dire des tas d'horreurs.
Ils la possèdent si bien qu'ils parlent par sa bouche, voient par
ses yeux, etc. - Un jour (juillet 1888) qu'elle lisait le journal,
elle l'a jeté de colère parce que c'était eux qui lisaient; en effet, t,
sa langue marchait malgré elle pendant qu'elle lisait.
Ils lui parlent intérieurement, sans qu'elle les entende par l'o-
reille : « Je ne les entends pas, dit-elle, je les sens parler. » Ces
voix intérieures viennent du ventre, de l'estomac, de la tête, du
dos, de la gorge et surtrut de la langue. Ils se cachent sous sa
langue et la remuent pour lui parler; quelquefois elle sent aussi
ses lèvres frissonner. Elle est tellement consciente de ces mouve-
ments de la langue qu'elle attribue à la présence des prêtres,
qu'elle demande à chaque instant qu'on la regarde sous la langue
pour voir s'ils n'y sont pas. Une fois elle est allée chez un phar-
macien pour faire constater leur présence dans sa langue. « Le
pharmacien a regardé avec un tube en verre, mais ne s'est pas
prononcé.» Pour empêcher sa langue de « vaciller et pour les
faire taire, elle se met souvent quelque chose dans la bouche. Une
fois, par exemple, nous l'avons vue chiquer un gros morceau de
citron. Mais ce moyen ne réussit pas, ils déplacent le citron et
remuent de nouveau la langue pour se faire entendre.
Quand ceux qui sont dans le ventre et l'estomac veulent parler,
elle sent à cet endroit quelque chose qui se décroche. Cela saute
et remonte dano la gorge jusque dessous la langue, - Comme elle
28 CLINIQUE MENTALE.
n'a plus de pensée, il y en a un qui lui sert de pensée « c'est le
souffleur n' : il est placé dans le dos, entre les deux épaules. Elle
sent que cela roule ou monte et descend à cette place, mais elle
ne comprend pas. Mais il y en a un autre plus haut dans la gorge
et sous la langue, qui répète « comme un interprète » ce que le
premier veut dire, et c'est alors qu'elle comprend par les mouve-
ments de la langue.
Les yeux ont été changés en 1887 ; mais depuis octobre 1888,
elle a des prêtres dedans qui voient par ses yeux et même lui par-
lent par ses yeux. Elle s'en est aperçue à ce que ses yeux remuent
par moments (blépharospasme) ; mais la plupart du temps, elle ne
comprend pas ce qu'ils veulent dire ainsi : c'est étonnant, ajoute-
t-elle, car il se passe cependant alors dans son oeil la même chose
qu'elle ressent dans sa langue lorsque le prêtre qui est caché lui
parle et ce dernier elle le comprend.
Pour qu'elle comprenne ce que celui de l'oeil veut dire, il faut
que celui qui est dans la langue lui remue la langue en même
temps que l'autre remue 1'cril. Il en est de même pour le nez
qu'ils remuent parfois « comme les naseaux d'un cheval qui a trop
chaud » lorsqu'ils veulent lui parler. De même qu'ils la font parler,
dans d'autres moments, ils l'en empêchent; ils l'empêchent aussi
d'aller aux cabinets en l'emboucanant par le fondement.
Les hallucinations sensorielles sont ici reléguées au second plan
comme intensité et comme fréquence. Celles de l'ouïe sont très
rares : elle prétend n'avoir entendu parler que trois fois : la pre-
mière (décembre 4886) quand elle a entendu « Ce n'est pas vrai ».
Six mois plus tard, elle sort pour faire des courses en disant : « Je
vais acheter des souliers. » Elle a entendu par l'oreille une voix
répondre « ce n'est pas la peine ». Une troisième fois, quelques
mois plus tard, elle a entendu une voix l'appeler a Sacrée vache ».
Elle a entendu aussi, plus récemment, une douzaine de fois en-
viron, des bruits de coups dans son armoire, des bruits sur les
toits.
11 y a aussi quelques hallucinations de la vue : elle a vu des
yeux de morts ; ils lui ont fait voir un drap mortuaire blanc et
noir, parce qu'elle regardait des images de la sainte Vierge, etc.
Le goût et l'odorat sont plus atteints : ils ont falsifié des ali-
ments qui ont des goûts infects : elle se dit possédée à la suite
.d'une communion où l'hostie avait un goût. C'était, dit-elle, de la
créosote. Ils lui ont fait crever une grosse vessie dans sa chambre
pourl'empestiférer : ils lui envoient trente-six sortes de mauvaises
odeurs qui entrent par le nez et sortent par la bouche.
D'un autre côté, elle croit elle-même répandre une mauvaise
odeur, c'est comme du soufre. Elle ne nous regarde jamais en face,
parce qu'elle craint qu'on ne devienne possédé, si ses yeux se
fixaient sur nous.
DU DÉDOUBLEMENT DE LA PERSONNALITE. 29 9
Comme réactions, nous l'avons vue au début changer de place
à l'église et de confesseur. - Elle a eu l'intention de se faire con-
duire au poste elle-même pour empêcher les prêtres de l'égarer
dans la rue. Deux fois elle est allée réclamer protection au com-
mii'5aire de police. Elle a été trouver un magnétiseur qui lui a dit
que c'était l'affaire d'un prêtre; mais elle n'a pas voulu l'écouter,
parce que ceux qui la possèdent lui feraient signe. Un de ses ne-
veux, qui est prêtre, a voulu l'exorciser; mais, ajoute-t-elle, ce
n'était pas la peine, parce qu'un des prêtres qui la possèdent est
son ancien professeur. Aujourd'hui elle ne cesse de demander à
être exorcisée, et en attendant, elle diminue ses souffrances ou
calme ses impulsions en appliquant son chapelet sur les points qui
en sont le siège.
Sans insister sur l'existence chez ces deux malades du dédou-
blement de la personnalité, je me bornerai à mettre en relief
l'une des causes qui me paraissent avoir le plus contribué à sa
production.
Le dédoublement de la personnalité est plus ou moins évi-
dent, mais constant chez les malades qui présentent le singulier
phénomène étudié par M. Baillarger sous le nom d'hallucination
psychique. Or nous pouvons dans les observations qui pré-
cèdent trouver la raison de ce fait,
On sait quelle part importante revient, dans la production
du dédoublement de la personnalité, à tous les troubles de la
volonté, phénomènes d'inhibition ou impulsions, si bien que
l'on peut dire que tout fait d'automatisme est en môme temps
un fait de dédoublement de la personnalité.
Or l'hallucination psychique de il. Baillarger (voix intérieu-
res, voix épigastriques, langage de la pensée) est un exemple
de cette catégorie ; car elle renferme, à côté de troubles senso-
riels effacés, un élément moteur prédominant par suite de la
mise en jeu de sensations tactiles et musculaires et consiste
avant tout en des phénomènes d'articulation mentale involon-
taires, parfois inconscients, souvent conscients, mais perdant
presque toujours pour le malade tout caractère personnel et
attribués par lui à des personnages qui le possèdent.
C'est cette considération qui m'a conduit à donner à ces hal-
lucinations le qualificatif de verbales psycho-motrices, cette dé-
nomination n'ayant pour but que de rappeler l'intervention des
centres moteurs du langage, provoquée par un trouble fonc-
tionnel de ces centres, analogue à celui qui, dans les hallucina-
tions psycho-sensorielles, intéresse les centres sensoricls-corti-
30 CLINIQUE MENTALE.
eaux. J'ai déjà rapporté dans des études antérieures sur ce sujet
(Progrès médical, 1888, n°5 33 et 34 et Annales médico-psy-
cltologiques nIl de janvier et de juillet 1889) des exemples à
l'appui de la théorie que j'ai proposée. Je rappellerai seulement
ici celui d'une malade qui me disait en parlant de ses voix épi-
gastriques : a Il y en a qui viennent parler dans ma bouche et
qui obligent la langue à remuer, mais la bouche reste fermée
et il n'en sort aucun son. Je comprends ce que les voix disent
aux mouvements de la langue sans prononcer rien ni haut, ni
bas. »
Je citerai aussi une observation deM. Régis (Encéphale, 1881,
n" 1, p. 71) et une autre que j'emprunterai à la thèse d'agréga-
tion de M. Ballet. C'est celle d'un malade observé par M. Char-
cot et qui avait des voix extérieures et intérieures : « La langue
de M. X... se meut malgré lui au moment où parle la voix in-
térieure. Je ne crois pas, ajoute M. Charcot, que les voix exté-
rieures, quelque intenses qu'elles aient pu être, aient jamais
été accompagnées chez M. X... de mouvements de la langue. »
Les deux observations que je viens de vous lire me paraissent
des plus nettes à ce même point de vue. Le premier malade
désignait lui-même ces hallucinations particulières sous le nom
de « voix labiales ». Chez la seconde malade, l'intervention des
centres psycho-moteurs du langage est encore plus évidente,
lorsqu'elle avoue ne pas comprendre ce que dit le prêtre qui lui
parle parlesmouvements de l'oeil,en tout semblables cependant à
ceux provoqués dans la langue par un autre prêtre, qui lui se
fait comprendre et doit ainsi servir d'interprète au précédent.
De là, il résulte que les hallucinations verbales psycho-mo-
trices se rapprochent beaucoup par un certain côté des impul-
sions verbales, par suite de l'élément moteur qu'elles renfer-
ment et qui, en en faisant de véritables exemples d'automatisme,
entraine à la suite des conséquences nouvelles, telles que le dé-
doublement de la personnalité.
Ces différentes particularités que j'ai mises en relief dans les
observations précédentes, sont également évidentes dans uno
autre publiée jadis par M. Baillarger. zzzéd. psych., 1856,
p. 54.) Le malade qui en fait le sujet constate d'abord lui-môme
que, depuis qu'il se connaît, il n'a pu lire ou penser qu'à l'aide
de l'articulalion mentale, puis il ajoute : a 11 y a dans ma poi-
trine, dans la région de l'estomac, comme une langue qui arti-
cule tout intérieurement. » Plus loin : « Ma pensée git, il me
CAS DE PARALYSIE DES QUATRE MEMBRES. 31
semble, à la poitrine, à l'estomac ; je suis porté.à croire qu'il y
a chez moi une double pensée. » M. Baillarger, dans une ana-
lyse minutieuse de l'état mental de cet individu, met en relief
l'importance de l'articulation mentale involontaire dans les cas
de ce genre et le dédoublement de la personnalité qui en dé-
coule. '
Antérieurement, Lélut (A mulette dePascal) avait déjà entrevu
l'importance et la nature de ces phénomènes.
De tout ce qui précède, je crois pouvoir tirer les conclusions
suivantes :
1° L'hallucination psychique de il. Baillarger est avant tout
un trouble fonctionnel des centres moteurs de la fonction du
langage. ,
2° Elle tient à la fois de l'hallucination sensorielle et de l'im-
pulsion, quoique serapprochantsurtout de cette dernière. D'où
le nom d'hallucination verbale psycho-motrice que j'ai proposé
dans mon premier travail. (Voir Progrès médical, 1888.)
3° L'élément moteur qu'elle renferme en fait une cause puis-
sante du dédoublement de la personnalité.
PATHOLOGIE NERVEUSE
NOTE SUR UN CAS DE PARALYSIE 11YS1');BO-TRrIUIIaTIQUG
DES QUATRE MEMBRES;
Par le Dr PAUL SÉRIEUX,
Médecin-adjoint des asiles de la Seine.
Parmi les syndromes dont la neuropathologie s'est enrichie
en ces dernières années, il en est peu dont l'étude ait été aussi
profondément fouillée que celle des paralysies hystéro-trau-
matiques. Le professeur Charcot en a décrit l'histoire en son
entier, et l'on se trouve aujourd'hui en présence d'un type
clinique parfaitement défini, à symptômes précis et quasi pa-
thognomiques, à étiologie toujours identique à elle-même, à
diagnostic solidement établi. Bien plus, la pathogénie de ces
3 ? PATHOLOGIE NERVEUSE.
accidents a été formulée, et leur reproduction expérimentale a
été la confirmation éclatante des interprétations proposées.
Malgré cette connaissance approfondie que nous avons à
l'heure actuelle des symptômes et du mécanisme des paraly-
sies psychiques consécutives au traumatisme, il nous a semblé
qu'il pouvait y avoir cependant quelque intérêt à relater un
cas de ce genre, observé par nous, à Sainte-Anne, dans le ser-
vice de M. Magnan.
A la suite d'une violente émotion, une jeune fille de 15 ans
fut prise de phénomènes convulsifs et délirants dans le cours
desquels les quatre membres furent soumis à des traumatismes
d'une intensité variable pour les membres supérieurs et infé-
rieurs : quelques jours après se développait une paralysie des
quatre membres dont le degré était en rapport avec l'énergie
du traumatisme. Nous avons pu assister au début, à l'évolution
et à la disparition des troubles moteurs et sensitifs : par ses
symptômes les plus importants, notre observation était con-
forme à la description des accidents hystéro-traumatiques telle
qu'elle a été donnée par l'Ecole de la Salpêtrière; par sa pa-
thogénie, elle nous semblait de même devoir être mise sur le
compte du traumatisme. Mais il existait en outre des particu-
larités qui méritaient, croyons-nous, d'être signalées : nous
voulons parler de la répartition anormale des troubles sensi-
tifs, de la variation brusque des limites des territoires anesthé-
siés, de la dissociation des troubles diverses sensibilités, de
l'existence de troubles vaso-moteurs, de la disparition de
l'excitabilité faradique, de la coexistence de secousses analogues
il celles de la chorée électrique.
Les paralysies hystériques des quatre membres ne sont
point chose banale. Briquet n'a observé que six cas de ce
genre. Chevallier, qui a fait de ces paralysies généralisées
une étude spéciale, n'a pu en réunir que vingt et une observa-
tions. Dans plus de la moitié des cas, la paralysie s'est montrée
.à la suite d'une attaque convulsive, quelquefois sans attaque
après une vive émotion morale.
Landouzyen citeun cas survenu àlasuited'une attaque con-
sécutive elle-même à des chagrins et à une vive frayeur. Skey
a observé un cas analogue après un accident de chemin de fer.
Briquet a vu une paralysie complète survenir chez une hysté-
rique à la suite de grandes fatigues et de douleurs dans les
quatre membres. Dans toutes ces observations relativement
CAS DE PARALYSIE DES QUATRE MEMBRES. 33
anciennes, on ne trouve point signalé le traumatisme dont le
rôle pathogénique était alors ignoré, et qui a pu, à la rigueur,
échapper à l'attention d'observateurs non prévenus. En re-
vanche, le rôle de l'auto-suggestion apparaît en plus d'un cas.
D'autre part, dans les observations d'hystéro-traumatisme pu-
bliées jusqu'à ce jour, nous n'avons pas rencontré de paraly-
sies des quatre membres. Il s'agit ◀tantôt▶ d'une monoplégie
d'un membre, supérieur ou inférieur, ◀tantôt▶ d'une hémiplégie
◀tantôt▶ d'une paraplégie, Seul, M. Paul Berbez, dans l'observa-
tion IV de sa thèse a noté une tendance à la paralysie des
quatre membres.
OB S I ? Il VAT 10 iN.
Marie Dun..., âgée de quinze ans, domestique, entre le 18 août
1888 au bureau d'admission de Sainte-Anne.
Antécédents héréditaires. - Père : vivait en mauvaise intelli-
gence avec sa famille. A abandonné sa maîtresse après l'accou-
chement de celle-ci. - Mère : asymétrie faciale. A dix-sept ans,
variole avec accidents cérébraux graves (délire, coma). Peu intel-
ligente, très émotive, elle ne veut donner que des renseignements
très incomplets. A la suite de scènes de ménage, elle a fait une
tentative de suicide.
Antécédents personnels. - Le développement physique de D... a
été très précoce : réglée à onze ans. Fièvre typhoïde à treize ans.
Enfant, elle se montrait très entêtée, d'une turbulence excessive;
le sommeil était habituellement agité. En décembre 1887, elle
quitte pour un temps sa mère, l'amant de celle-ci ayant voulu
abuser d'elle. A son retour, des scènes violentes ont lieu : D... fait
une tentative de suicide. Elle se place ensuite comme domestique,
mais elle reste poursuivie par des « idées noires », sa mère la me-
naçant toujours de la faire ramener par la police. A Pâques 1888,
nouvelles idées de suicide.
D... est une fille robuste, de belle apparence, paraissant avoir
dix-huit ans. Pas de stigmates physiques de dégénérescence. Poly-
sarcie très accusée ayant produit des vergetures. Son état mental
est celui d'une débile, émotive, très irascible. Voici les circons-
tances qui ont provoqué l'apparition, dans ce cerveau évidemment t
prédisposé, de l'hystérie et des troubles de la motilité.
Le 2G août, comme elle traversait la foire de Neuilly en voiture,
un singe, vêtu en soldat, saute sur le véhicule, puis s'élance à
' Hystérie et traumatisme. Thèse de Paris, 1887.
.
AncmvEs, t. XXII. 3
34 PATHOLOGIE NERVEUSE.
terre et disparaît. D... s'imagine l'animai tombé sous les roues ;
en proie à une vive émotion, elle est prise d'un tremblement, veut
descendre de la voiture, mais elle trébuche et doit se rasseoir. Son
angoisse, loin de se calmer, ne fait que s'accroître, car la voiture
traversant la foule, D... redoutait sans cesse un accident.
Arrivée à destination, elle ressent, une fois.il terre, une douleur
dans le ventre, une sensation d'étouffement, et aussitôt éclate une
attaque convulsive violente; quatre personnes ont peine à la main-
tenir : deux se mettent à genoux et pèsent de tout leur poids sur
ses jambes, deux autres lui immobilisent les poignets. La nuit,
elle rêve, voit un soldat écrasé. Le lendemain 27, de nouvelles
attaques se produisent, suivies d'une période de délire ; elle s'écrie :
« Ce n'est pas moi qui ai tué le soldat. » Les mêmes moyens de
contention sont employés pour maintenir la malade. Dans le cou-
rant de la journée, elle est transférée à l'infirmerie spéciale du
Dépôt. Notre collègue et ami, M. Henry, interne des asiles, nous
a donné d'intéressants renseignements sur son séjour à la Préfec-
ture. Elle y arrive déposée au fond d'une voiture de maraîcher,
les mains liées par une corde au-devant de la poitrine, les jambes
attachées au-dessous des genoux par une serviette modérément
serrée. En outre, elle est maintenue dans un matelas roulé au-
tour de son corps, la tête seule dépassant : le tout est ficelé comme
un saucisson par une corde de quinze mètres environ de longueur.
C'est, ainsi ligottée et complètement immobilisée qu'elle a fait le
voyage d'Asnières à Paris. Une fois débarrassée de ses liens, elle
conte tranquillement que, la veille, une voiture dans laquelle elle
se trouvait a renversé et tué un soldat. Elle répond à toutes les
questions sur son enfance, sa santé antérieure, son admission aux
Enfants-Assistés à la suite d'une tentative de viol dont elle aurait
été victime. Elle se souvient de tout ce qui s'est passé dans la ma-
tinée. A 8 heures du soir, attaque convulsive avec arc de cercle,
grands mouvements. '
Le 28, à 7 heures, nouvelle attaque, suivie jusqu'à 11 heures
d'une dizaine d'autres. La plupart de ces attaques, dans lesquels
manquent les phénomènes convulsifs, semblent avoir été réduites
à la troisième période (attitudes passionnelles). Le délire est essen-
tiellement hallucinatoire : D... semble voir un spectacle effrayant,
les yeux fixes, largement ouverts expriment la terreur, la peau
est couverte de sueur : « Il est là, s'écrie-t-elle, je le vois ! Ce n'cal
pas moi qui l'ai écrasé... Du sang ! je vois du sang ! Il est mort, il
est mort ! » Après chacune des crises, la malade revient rapide-
ment et entièrement à elle. Point de troubles de la motilIté.
Le 29, D... est transférée à Sainte-Anne. Nous la trouvons en
proie à une terreur indescriptible ; elle crie : « Le soldat ! ... Ce
n'est pas moi ! ... Les gendarmes ! » Pas d'attaques convulsives, pas
de paralysie.
CAS DE PARALYSIE DES QUATRE MEMBRES. 33
30. - Légère parésie des membres inférieurs, n'empêchant
point la marche. Persistance des hallucinations.
1er septembre. Disparition complète du délire. D... lit tranquil-
lemenlle journal j elle n'a qu'un souvenir très confus de ce qui
s'est passé. Mais une grave modification s'eol produite : les mem-
bres inférieurs sont frappés de paralysie; les membres supérieurs
sont parésiés.
Tig. 1.
tJlladl'Illé : perle de tous les modes de sensibilité. - Traits horizontaux : Perte de la
sensibilité au toucher et à la doulcur. - l, Limite supérieure du territoire insensible
(1 sept); - 1 Limite supérieure du territoire insensible ( : l sept.).
36 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Membres inférieurs. Motilité. L'impuissance est complète;
c'est à peine si, étant couchée, la malade peut soulever le talon à
quelques centimètres au-dessus du lit ; on empêche très facilement
ce mouvement. La station debout est impossible : les genoux
plient et la malade s'affaisse lourdement. Quand D... est assise
sur son lit, la jambe pendante, une légère extension de la jambe
est possible, mais on y résiste très aisément. La paralysie est flas-
que, les jambes inertes, retombent lourdement après avoir été
soulevées.
Sensibilité. L'anesthésie est complète pour tous les modes de
sensibilité (toucher, température, piqûre, sens musculaire, sensi-
bilité articulaire), depuis les orteils jusqu'à une ligne circulaire
située à quelques centimètres au-dessus de la rotule : le territoire
anesthésié forme ainsi une véritable botte. Les tractions, les tor-
sions imprimées aux orteils, aux pieds et aux jambes restent com-
plètement ignorées. (Voir ftg. 1.)
Réflexes rotuliens : légèrement exagérés.
Troubles vaso-moteurs : cyanose et abaissement de la température
des extrémités inférieures. Au tiers supérieur de la jambe gauche
existent des taches violacées peu étendues; à la jambe droite,
mêmes taches, la plupart lenticulaires ; l'une d'elles, plus éten-
due a plusieurs centimètres de long.
Membres supérieurs. - Motilité. Il existe un certain degré de
parésie des mains, qui se traduit par une pression dynamométri-
que faible : M. D : 12, M. G : 20.
Sensibilité. Est moins profondément touchée qu'aux mem-
bres inférieurs. Le territoire atteint s'étend de l'extrémité des
doigts à une ligne circulaire située à la partie moyenne de l'avant-
bras. La sensibilité à la piqûre et au contact, la sensibilité articu-
laire ont disparu, la sensibilité à la température persiste. Les mou-
vements imprimés aux articulations des doigts des poignets ne
sont pas sentis'.
Troubles vaso-motetcrs. Les mains, les poignets sont cyanosés
et froids. Les piqûres au niveau des deltoïdes provoquent l'appari-
tion d'une « élevure de la peau D blanche.
Tronc. Motilité. Pas de paralysie des muscles abdominaux
ni des sphincters.
Sensibilité. Abdomen, anesthésie complète au niveau d'une
zone limitée en haut par une ligne horizontale située à quelques
centimèties au-dessous desseins, en bas par une ligne horizontale
située au tiers supérieur de la partie antéro-interne des cuisses et
sur les côtés par une ligne verticale séparant les parties externes
et latérales des cuisses et de l'abdomen des parties antérieures.
Une étroite bande verticale d'anesthésie réunit les bottes du mem-
CAS DE PARALYSIE DES QUATRE MEMBRES. 37
bre inférieur à la région antéro-interne des cuisses qui est insen-
sible. On peut malaxer la paroi abdominale sans que D... s'en
aperçoive. Ovarie gauche, aura à la pression.
Thorax. L'anesthésie est limitée en haut par un collier situé
au niveau du cartilage thyroïde, en bas par une ligne horizontale
passant au-dessus des seins, latéralement parla partie interne des
deltoïdes. La partie postérieure du tronc est insensible à partir
d'une ligne horizontale passant à six centimètres au-dessus du sil-
lon interfessier, jusqu'au collier. Les téguments correspondant
Fiv. 2.
Quadrillé : perte de tous les modes de sensibilité.
38 PATHOLOGIE NERVEUSE.
aux deltoïdes ne sont pas touchés par l'anesthésie. La ligne mé-
diane correspondant au rachis semble avoir conservé sa sensibi-
lité.
Face. Motilité. Pas de trace de paralysie faciale ni d'hémis-
pasme glosso-labié. Sensibilité : anesthésie n'empiétant pas sur le
cou.
Goût ET odorat abolis. - Anesthésie tactile de la langue'. 1.
Secousses. D... est par intervalles prise de secousses brèves,
qui la font brusquement tressaillir ; ces mouvements convulsifs
portent plus spécialement sur la tête et les membres supérieurs; -,
les bras se rapprochent du tronc, les avant-bras se fléchissent brus-
quement et les mains viennent frapper la poitrine ; on croirait la
malade soumise à l'action d'un courant électrique.
Telle était la répartition des troubles sensitifs et moteurs le
premier jour de l'examen; nous allons voir les modifications im-
portantes qui suivirent.
3 septembre. Les extrémités des membres supérieurs sont
complètement paralysées, la malade ne peut plus porter les ali-
ments à sa bouche. Dynamomètre MD : 0 ; MG : 4 K. La zone d'a-
nesthésie a gagné du terrain aux membres supérieurs et remonte
au niveau d'une circonférence passant par le pli du coude; les
secousses sont plus amples, le soulèvement des jambes encore plus
difficile et plus limité.
7. Mouvements très limités des mains.
44. -- La paraplégie persiste toujours aussi complète. D'impor-
tantes modifications se sont produites du côté des membres thora-
ciques. Les membres supérieurs sont paralysés dans tous leurs seg-
ments. Les deltoïdes, les biceps peuvent' à peine ébaucher un
mouvement; l'épaule est soulevée, mais par le trapèze; les mains
sont en pronation, les doigts fléchis ne sont susceptibles que d'un
mouvement d'extension très limité. La tête est mobile dans tous
les sens. Actuellement, nous avons sous les yeux une paralysie
complète et flasque des quatre membres.
A la généralisation des phénomènes paralytiques, correspond
une extension de la zone d'anesthésie (voir fig. 2). Uue exception
doit être faite pour les cuisses dont la partie supéro-inlertie est
redevenue sensible jusqu'à l'arcade de Fallope.
Tronc. Au-dessus d'une ligne horizontale passant à quelques
centimètres au-dessus du sillon interfessier, existe une vaste zone
d'anesthésie occupant toute la partie postérieure du tronc, les
épaules, la nuque. En avant, au-dessus de l'arcade de Fallope, zone
d'anesthésie occupant toute la paroi antérieure de l'abdomen, du
' Nous devons faire remarquer que dans ce premier examen, la sensi-
bilité à la température n'a été recheichép que pour les membres.
CAS DE PARALYSIE DES QUATRE MEMBRES. 39 9
thorax, le cou jusqu'au niveau de l'os hyoïde. Quelques points res-
tent cependant sensibles, ce sont : a.) dans la fosse iliaque gauche,
un point hystérogène ; 6.) au niveau des flancs, une bande lon-
gitudinale sensible, assez étroite ; c.) les aisselles ; d.) les
seins et la région périphérique (à part le sillon). - Les membres
supérieurs sont totalement insensibles et tous leurs modes de sen-
sibilité sont abolis. Au niveau de l'extrémité externe de la clavi-
cule droite, plaque sensible à la piqûre. La face, antérieurement
anesthésiée, sent le contact, la chaleur.
Goût, odorat abolis. La langue est sensible, au toucher. L'é-
piglotte, les cornées sont insensibles. - Réflexes rotuliens ; dimi-
nués.
tG. - Nous essayons de provoquer une attaque par la pression
sur l'ovaire gauche ; seule l'aura se produit. Amendement de la pa-
ralysie des membres supérieurs. MD : 20 MG : 15. D... peut
mettre les mains sur sa tête, fléchir les avant-bras, contracter les
pectoraux.
18. - Contractions assez énergique des biceps ; deltoïdes encore
parésiés. La sensibilité reparaît à la partie supérieure du dos. Dis-
sociation des troubles de la sensibilité aux membres supérieurs : l'in-
sensibilité au contact, à la piqûre persiste, mais les mains, les
doigts sont devenus sensibles à la température, et seulement à ce
mode de sensibilité (voir fig. 3). Rien n'est changé pour les mem-
bres inférieurs.
Fig. 3.
Traits horizontaux : persistance de surdité à la température seule.
40 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Vision. OD. Champ visuel très rétréci, irrégulier, avec inver-
sion du rouge et du blanc. OG. Léger rétrécissement du champ
visuel, inversion du rouge et du blanc. Le violet est confondu avec
le bleu (fig. 4).
19 . Sensibilité. - Nuuvelle délimitation des troubles sen-
sitifs dissociés (fig. 5) ; les doigts sont devenus sensibles à la pi-
qûre, au chatouillement, à la pression, à la chaleur. La sensibilité
articulaire y est normale ; les sensations sont très bien localisées.
Quant au poignet on peut le piquer, le chatouiller, le tordre, sans
que la malade éprouve autre chose que la sensation de chaleur
produite par la main de l'expérimentateur. On a donc : 1° une
'Zone de sensibilité normale pour tous les modes comprenant les
CAS DE PARALYSIE DES QUATRE MEMBRES. 41
doigts, et limitée en haut par uue ligne circulaire supérieure et
parallèle à la série des têtes des métacarpiens ; 2° un territoire sen-
sible à la température, qui comprend, outre la zone précédente,
les deux faces de la main, et qui se limite en haut par une ligne
d'amputation correspondant aux apophyses styloïdes; 3° un vaste
territoire d'anesthésie totale étendu du poignet à l'épaule. Les
mains ne sont plus froides ni cyanosées. Le dos, l'abdomen, les
bras, les jambes sont toujours insensibles pour fous les modes d'ex-
citation.
Motilité. Disparition de la paralysie des membres supérieurs.
Dynamomètre : MD : 30 K. MG 20 K. Les deltoïdes, les bi-
ceps, les pectoraux se contractent énergiquement. - Extrémités
inférieures toujours paralysées et cyanosées.
20. La zone de sensibilité à la température a gagné du ter-
rain ; elle remonte jusqu'à une ligne circulaire correspondant au
coude (fig. 6). La sensibilité au courant électrique a les mêmes
limites que la sensibilité tactile.
21. Amoindrissement considérable de l'excitation faradique.
L'électrisation des muscles et des nerfs des membres inférieurs
ne donne Jieu qu'à des mouvements insignifiants et reste ignorée
de la malade. L'électrisation des membres supérieurs produit des
contractions énergiques, mais non perçues.
Fig. 5.
Fig. (5.
42 ? PATHOLOGIE NERVEUSE.
26. Traitement psychique. Mouvements très limités des orteils
et des pieds.
Ébauche d'hémianesthésie : la moitié droite de la langue sent la
chaleur, la piqûre, la pression ; la moitié gauche est devenue
insensible.
4° octob1'e.- Progrès journaliers dans les mouvements des or-
teils.
SEN5mILIT. - Une modification des plus importantes s'est pro-
Fig. 7.
Quadrillé : Perle de toutes les sensibilités. - Traits horizontaux : Sensibilité à la tem-
pérature seule. - Pointillé : Sensibilité à la température et à la piqûre seulement.
CAS DE PARALYSIE DES QUATRE MEMBRES. 'M
duite : le membre supérieur droit en son entier jusqu'à l'insertion
du deltoïde est devenu sensible à la température (fig. 7). Le
membre gauche (bras, avant-bras et main) est insensible pour
tous les modes de sensibilité y compris la température; la moitié
droite de la face est sensible ; l'odorat a reparu à la narine droite.
Il existe en somme une leémlanestlaésie gauche complète. Le membre
inférieur droit conserve toujours une botte d'anesthésie. Quant au
membre supérieur, il peut, au point de vue de la dissociation des
troubles de la sensibilité, être divisé en quatre segments limités
par des cercles perpendiculaires à l'axe du membre (fig. 8) :
il, épaule ; perte complète de tous les modes de la sensibilité;
2° bras, coude, avant-bras : la sensibilité à la température existe
seule ; 3° main : la sensibilité à la température et à la piqûre se
montrent seules ; 4° doigts : sensibilité normale.
L'ahdomen est insensible à droite comme à gauche. L'électrisa-
tion du triceps crural produit des mouvements de jour en jour
plus étendus.
7. Modifications de la sensibilité. La zone du membre droit
sensible à la température et à la piqûre a gagné du terrain : la
limite supérieure du poignet a gagné le coude (fig. 9).
13. - Le traitement psychique, les exercices dynamométriques
sont pratiqués chaque jour. D... remue les pieds.
Fig. 8.
Fig. 9.
Vit liez PATHOLOGIE NERVEUSE.
Le 27. Le traitement psychique ayant été suspendu pendant
dix jours, D... a perdu les mouvements des membres inférieurs
antérieurement récupérés. En novembre et décembre le traite-
ment est interrompu, l'état reste stationnaire.
Le 24 décembre, D... est transférée à Villejuif dans le service de
M. Marcel Briand. A cette époque persistaient la paraplégie, l'hé-
mianeslhésie gauche, l'anesthésie de la jambe droite.
En février 1889, à la suite d'une attaque provoquée par une émo-
tion, la paraplégie disparut sans laisser de traces.
En mars, nous avons revu la malade : des troubles moteurs et
10.
CAS DE PARALYSIE DES QUATRE MEMBRES. 4o
sensitifs si généralisés et si intenses qu'elle présentait sept mois
auparavant, seule persistait une hémianesthésie sensitivo-senso-
rielle gauche avec rétrécissement concentrique du champ visuel du
même côté (fig. 10).
Réflexions. Nous passerons assez rapidement sur les
traits communs à l'observation précédente et aux cas déjà pu-
bliés d'hystéro-traumatisme, pour nous arrêter sur certaines
particularités qui méritent, croyons-nous, d'être mises en lu-
mière. Rappelons sommairement l'âge de notre malade ;
M. Paul Berbez a fait remarquer que les sujets atteints sont
presque toujours jeunes (D... a 15 ans, le plus jeune des ma-
lades de M. P. Berbez a 19 ans); sa constitution robuste (fait
noté dans mainte observation), et enfin l'émotion morale, le
choc nerveux produit par l'effroi qui- a été particulièrement
intense et qui s'est fréquemment renouvelé dans le cours des
accès délirants. On se souvient qu'il s'agit d'une fille peu in-
telligente, polysarcique, irritable, ayant déjà fait une tentative
de suicide et issue de parents mal équilibrés.
Quant au délire essentiellement hallucinatoire qui, durant
trois jours, n'a fait que reproduire l'accident supposé cause de
la frayeur et des crises convulsives, ce n'était autre chose
qu'une phase isolée et prolongée de l'attaque d'hystéro-épilep-
sie, la troisième période, dite des attitudes passionnelles. Pen-
dant de longs mois, il n'y eut plus ni manifestation délirante
ou hallucinatoire, ni attaque convulsive. Seuls, persistèrent
pour quelque temps, en manière de transition, des équivalents
des troubles sensoriels et convulsifs qui avaient si bruyam-
ment occupé la scène ; ce furent d'une part des rêves terri-
fiants, de l'autre des secousses électriques.
Pour ce qui est de la paralysie des quatre membres, elle a
présenté les caractères fondamentaux des paralysies hystéro-
traumatiques.
Il s'agissait d'une paralysie flasque avec perturbations pro-
fondes de la sensibilité : l'anesthésie n'offrait aucun rapport
avec la distribution des nerfs, et se limitait au contraire par
des lignes circulaires perpendiculaires à l'axe des membres ;
tous les modes de sensibilité étaient atteints : contact, piqûre
température, chatouillement, sens musculaire, sensibilité arti-
culaire. Gomme c'est la règle dans les paralysies hystéro-trau-
matiques il y a eu une période de méditation ; ce laps de temps
nécessaire pour l'élaboration de la paralysie a été plus consi-
46 PATHOLOGIE NERVEUSE.
dérable pour les membres supérieurs que pour les membres
inférieurs et en rapport comme la durée de la paralysie avec
l'intensité différente du traumatisme. Signalons enfin l'absence
de paralysie faciale, fait sur lequel M. le professeur Charcot
insiste beaucoup, et qui offre dans notre cas un certain intérêt
étant donnée la tendance à la généralisation des phénomènes
paralytiques.
Examinons maintenant les particularités propres à notre
observation.
1° Répartition de l'anesthésie. La paraplégie ne s'accom-
pagnait pas d'une anesthésie généralisée aux membres infé-
rieurs dans toute leur étendue. La sensibilité était intacte
aux cuisses à partir d'une ligne située à quelques centimètres
au-dessus du genou. En revanche, l'anesthésie s'étendait à des
parties habituellement indemnes : thorax, abdomen, face (les
premiers jours), cou, dos.
2° Variations brusques dans la répartition de l'anesthésie.-
Dans les observations publiées, on n'assiste pas à une méta-
morphose incessante des troubles de la sensibilité. Dans notre
cas, l'anesthésie est mobile : ses territoires s'agrandissent, di-
minuent, se modifient du jour au lendemain aux membres
supérieurs. D'abord limitée aux mains, et à la partie inférieure
de l'avant-bras, l'anesthésie gagne les coudes, puis envahit les
membres dans toute leur étendue, et va se confondre avec le
territoire insensible du thorax. La face, d'abord insensible,
récupère promptement sa sensibilité, de même pour la
partie supéro-interne des cuisses.
Les bottes d'anesthésie des membres inférieurs persistent au
contraire plusieurs mois sans variation, et cette fixité des
troubles sensitifs est en rapport avec l'intensité et la durée des
troubles moteurs qui y sont beaucoup plus accusés. Aux mem-
bres supérieurs, les troubles sensitifs ne tardent pas à rétrocé-
der. Mais les divers modes de sensibilité ne sont pas récupérés
subitement et tous à la fois. La sensibilité ne revient que par
segment de membre et pour tel ou tel de ses modes : tempéra-
ture, contact, douleur.
3" Dissocialion des troubles de la sensibilité. Les doigts
récupèrent les premiers, d'abord la sensibilité à la tempéra-
ture, puis tous les modes de sensibilité : simultanément la
sensibilité à la température reparait, mais seule, aux faces
'dorsale et palmaire, des mains; la zone sensible à la tempé-
CAS DE PARALYSIE DES QUATRE MEMBRES. 47 'l
rature gagne chaque jour du terrain : sa limite supérieure est
reportée au pli du coude, puis au niveau de l'insertion du del-
toïde.
Simultanément la zone sensible au contact (doigts), persiste
sans modification, mais la sensibilité à la douleur reparaît,
d'abord dans la zone correspondant au carpe et au métacarpe,
où seule auparavant la température était perçue, puis gagnant
encore du terrain, remonte au niveau du pli du coude.
Le membre supérieur se divise ainsi en quatre segments ;
pour chacun desquels les troubles de la sensibilité se traduisent
par une formule spéciale (voy. flg. 7).
Une hémianesthésie gauche s'installe ensuite et persiste
d'une façon définitive après la disparition de la paraplégie. Le
rétrécissement du champ visuel, très accusé à droite, au début
des accidents, tend à redevenir normal avec l'apparition de
l'hémianesthésie pendant qu'il se rétrécit du côté anesthésié.
Troubles trophiques et vaSO-1notew's. Des recherches ré-
centes ont démontré l'existence de troubles trophiques dans
l'hystérie : on s'était basé, il n'y a pas bien longtemps, sur l'ab-
sence de ce phénomène dans les paralysies hystéro-traumati-
ques pour éliminer l'hypothèse d'une lésion organique. Dans
les névrites consécutives au traumatisme, on note d'après
M. Paul Berbez une atrophie plus ou moins considérable du
membre, un changement de coloration de la peau, un abais-
sement de la température cutanée, une abolition des réflexes,
des troubles de lacontractilité électrique, tous signes qui man-
queraient dans les cas types d'hystéro-traumatisme.
- Cependant M. Babinski et M. Berbez lui-même avaient déjà
insisté sur l'existence d'atrophie musculaire assez accusée dans
les paralysies hystériques. Pour ce qui est des changements de
coloration de la peau, dé l'abaissement de la température cu-
tanée, de la diminution des réflexes, nous voyons que ces phé-
nomènes peuvent se rencontrer dans des paralysies psychiques
dont la nature est indiscutable : nous avons constaté chezD...
entre autres signes que la peau était « froide, marbrée de ta-
ches violettes » comme dans le cas de monoplégie par névrite
du plexus brachial opposé par le professeur Charcot en guise
de contraste à une monoplégie hystérique. Nous devons d'ail-
leurs faire remarquer que dans d'autres observations dues à
M. Charcot et à M. Berbez, il est noté que les doigts sont vio-
lacés, froids comme dans certaines paralysies organiques.
48 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Perte de l'excitabilité électrique. Ce n'est pas un des phé-
nomènes les moins intéressants qu'il nous a été donné de cons-
tater chez notre malade. Dans les observations de la Salpê-
trière, il est toujours noté que « les muscles présentent des
réactions électriques absolument normales' ». Chez un malade
dont la monoplégie remontait à quatre mois, il est expressément
signalé que les « muscles n'ont présenté aucune modification
des réactions électriques, soit faradiques soit galvaniques. »
Chez D..., au contraire, nous avons pu noter une disparition
complète de l'excitabilité faradique et de la sensibilité électrique.
Les secousses brusques qu'a présentées notre malade peu-
vent, croyons-nous, être rattachées à ce qu'un a décrit sous le
nom de chorée électrique. Rappelons brièvement la nature de
ces convulsions : D... était assise, travaillant au crochet, quand
tout à coup survenait une secousse plus ou moins violente, très
brusque, très brève et qu'on eût cru produite par le passage
d'un courant électrique. Elle était caractérisée par de subits
mouvements du tronc, de la tète, de flexion des avant-bras et
des doigts qui venaient frapper le thorax. Les épaules étaient
également soulevées et projetées en avant, les bras se rappro-
chaient du tronc. Dans les cuisses, on remarquait également
quelques mouvements, peut-être par contre-coup de l'ébranle-
ment général. La face restait indemne de toute contraction mus-
culaire. La secousse était unique, rapide, ne s'accompagnant
ni de douleur, ni de perte de connaissance. La volonté ne pou-
vait rien pour empêcher ces convulsions. Une fois la secousse
passée, D... continuait son travail sans aucune incoordination
motrice, jusqu'à ce qu'une nouvelle convulsion vint se produire
Ces secousses se reproduisaient à des intervalles variables sui-
vant les jours ; ◀tantôt▶ toutes les cinq minutes, ◀tantôt▶ plus
fréquemment. Elles durèrent ainsi durant plusieurs semaines,
puis disparurent spontanément.
Avions-nous affaire en réalité à une chorée électrique ? On
sait que sous ce nom on a décrit deux maladies bien différentes :
l'une, maladie de Dubini, de nature vraisemblablement infec-
tieuse, caractérisée par des secousses, des attaques convul-
sives, des paralysies, du coma, et une terminaison le plus
souvent mortelle; l'autre, la maladie de Bergeron', trouble
fonctionnel sans gravité, consistant d'après M. Berlaud, en mou -
Charcot. Maladies du système nerveux, t. III, p. 460.
CAS DE PARALYSIE DES QUATRE MEMBRES.. , 49
vements brusques, rapides, saccadés, s'étendant à la tète, à
l'un des membres ou à une moitié du corps et se montrant gé-
néralement plusieurs fois par minute. Les trois observations
qui ont servi à sa description se rapportent à des enfants ; la
cause occasionnelle des secousses a été, comme dans notre cas,
une émotion vive,
M. Tordens de Bruxelles, adonné également une description
de la chorée électrique ; elle est conforme en tout point à ce
que nous avons observé chez notre malade. Le début de l'af-
fection est subit : ce sont des contractions brusques, rapides,
de véritables secousses électriques qui surviennent dans les
muscles de la nuque, des épaules, des membres. La. tête est
attirée en avant ou rejetée en arrière; de même les épaules sont
soulevées et projetées en avant tandis que les bras se rappro-
chent du tronc. Elles se répètent en général toutes les trois ou
cinq minutes, parfois plus souvent. Elles ne déterminent au-
cune douleur. La guérison complète et rapide semble être la
règle. '
Pour le professeur Germain Sée, la chorée électrique a plus
d'une ressemblance avec la chorée hystérique (chorée malléa-
toire, chorée rythmique) : c'est une manifestation hystérique
qu'il propose de désigner ainsi que les autres chorées hystéri-
ques du nom de pseudo-chorées rythmiques'.
M. IIenoch 2 a étudié un des premiers la chorée électrique ;
dans les deux observations qu'il cite, la cause des secousses a été
comme chez D... une vive frayeur.
' Dans toutes les observations de chorée électrique comme dans'
la nôtre, nous trouvons donc la même cause : des émotions mu-
rales, des frayeurs survenant chez des individus prédisposés,
hystériques, névropathiques; le même aspect si caractéris-
tique des secousses musculaires, la même bénignité de ces trou-
bles fonctionnels qui guérissent soit spontanément, soit sous
l'influence de courants électriques, d'un vomitif, d'une impres-
sion vive. Nous croyons donc pouvoir admettre que les secous-
ses constatées chez notre malade, peuvent être étiquetées
chorée électrique 3.
1 GcrmaiuSée.-Deltcclzo·éeélaclriyte(Sentaizzemédicale),Gmars1881.
* Société de t7Mt ! 6C ! 'Me&<'WK : o ! S(*, novembre 1883 (Semainernédicalc), 1881"
3 Nous ne pouvons insister ici sur les rapports qui existeraient, suivant
certains auteurs (Remats), entre le paramyoclonus multiplex de Frieureich
et la chorée électrique.
Archives, t. XXII. 4 , ,
- 50 , PATHOLOGIE NERVEUSE " "
Comment interpréter cette paraplégie suivie à bref délai
d'une paralysie des membres supérieurs ? S'agit-il d'une para-
lysie émotive sur laquelle serait venue se greffer une para- \
plégie psychique ? Avons-nous eu affaire à une paralysie
consécutive à une attaque convulsive sans l'intervention d'au-
cune autre cause apparente ? Peut-on, au contraire, ratta-
' cher le développement de la paralysie des quatre membres
à des traumatismes localisés à ces membres ? On a cité un
certain nombre de paraplégies reconnaissant pour cause une
vive frayeur : « la terreur, dit le professeur Charcot, entraîne
avec elle une véritable parésie paraplégique... le choc ner-
veux cérébral, produira en pareil cas. chez un sujet prédis-
posé, la modification mentale qui rendra possible la transfor-
mation de la parésie émotive, transitoire, physiologique, en
une véritable paraplégie complète et durable ». Cependant,
tout en reconnaissant la part importante qui revient à la
frayeur dans la genèse des accidents que nous étudions, il faut
reconnaître qu'elle ne saurait tout expliquer : il n'a pas été
publié en effet, que nous sachions, de paralysie émotive des
membres supérieurs.
Quelle est donc la cause de ces troubles moteurs si généra-
lisés ? On connaît le mécanisme des paralysies hystéro-trauma-
. tiques : dans le somnambulisme hypnotique, dans l'état men-
tal particulier produit par un choc nerveux intense, et dans
tous les états analogues où le moi, la volonté, le jugement
sont obnubilés, l'idée d'impuissance motrice tend à se réaliser
objectivement sous la forme d'une paralysie complète, absolue.
Cette idée, qui s'implante ainsi sans contrôle, peut être, ou
» suggérée par autrui, ou provoquée par la sensation d'absence
du membre, de parésie, produite par un traumatisme (choc
local). Nous avons pensé qu'il était possible de retrouver, dans
notre observation, tous les éléments nécessaires à l'élaboration
des paralysies psychiques d'après le processus que nous ve-
nons d'indiquer. L'intensité du choc nerveux primitif aété très
énergique ; il a suffi pour provoquer les attaques convulsives ;
en outre, ce choc nerveux s'est reproduit plusieurs fois, ra-
mené par la répétition des hallucinations terrifiantes. Or, du-
rant l'état d'obnubilation de la conscience concomittant à l'at-
taque, durant aussi l'état mental si profondément troublé de
la période délirante consécutive à celle-ci, le terrain était tout
préparé pour la transformation par auto-suggestion d'une im-
,CAS DE PARALYSIE DES QUATRE MEMBRES. Si
puissance musculaire passagère en une paralysie complète.
Si nous nous reportons à l'observation, nous voyons que la
violence des convulsions et des réactions motrices provoquées
par les hallucinations était telle, qu'il a fallu, pour maîtriser
les mouvements désordonnés de D..., que deux hommes se
missent à genoux sur ses jambes, pesant de tout leur poids,
tandis que deux autres assistants la maintenaient solidement
aux poignets. Rappelons aussi le long voyage d'Asnières à
Paris fait par la malade ficelée et ligottée, dans un état d'im-
mobilisation complète. Ne peut-on admettre que cette conten-
tion brutale des membres dont les mouvements ont été rendus
ainsi subitement et complètement impossibles, n'ait pu avoir
dans la pathogénie des accidents paralytiques un rôle analo-
gue à celui de l'impuissance musculaire passagère produite par
un choc local. L'impuissance passagère des quatre membres
produite par l'immobilisation forcée n'a-t-elle pu faire naître
une idée de paralysie qui, dans un cerveau incapable de réac-
tion, s'est transformée en paralysie complète et permanente.
En résumé, sans négliger l'influence de la terreur sur l'im-
puissance motrice des membres inférieurs, nous pensons que
c'est à l'immobilisation des quatre membres durant une série
d'attaques convulsives et délirantes que doivent être surtout
rapportés les phénomènes paralytiques. S'il nous fallait faire
le départ de chacune des causes, nous rattacherions : à la ter-
reur, les attaques, le délire, une prédisposition à la paraplégie;
à l'immobilisation des membres, leur-paralysie. Remarquons
enfin que la fixité des accidents semble avoir été en rapport
avec l'intensité du traumatisme : passagers aux membres su-
périeurs, où le choc a été peu énergique, ils se sont montrés
tenaces aux membres inférieurs où le traumatisme a été plus
grave.
Pour le traitement, nous avons mis en pratique les précep-
tes du professeur Charcot : à une paralysie psychique, nous
avons opposé un traitement psychique. Nous avons cependant
d'abord cherché à provoquer une attaque, espérant la voir
suivie d'une disparition de la paralysie' : malheureusement
l'attaque n'a pu être obtenue. - Les tentatives d'hypnose
ont également échoué. Nous avons alors employé la sugges-
' Le professeur Charcot cite des exemples de disparition subite de pa-
raplég-ie ¡\ la suite d'une attaque.
52 ' ANATOMIÉ. '
tion à l'état de veille, ne cessant d'affimer la guérison, sou-
mettant la malade à une gymnastique répétée des muscles
indemnes ou seulement parésiés. Les exercices dynamométri-
ques furent pratiqués plusieurs fois par jour. Nous avons été
assez heureux pour voir nos eflorts donner des résultats et les
mouvements revenir lentement aux membres supérieurs et
inférieurs. La part importante qui revenait dans l'améliora-
tion à cette éducation des centres psycho-moteurs est bien
mise en évidence par la disparition des progrès obtenus à la
suite de la cessation prématurée des exercices musculaires.
Rappelons que la guérison définitive se produisit à la suite
d'une attaque convulsive.
ANATOMIE
RECHERCHE EXPÉRIMENTALE SUR LES VOIES MOTRICES
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE;
Par GI1ÉGOIHE ROSSOLI10,
Pm al Docent à la Faculté de médecine de bloscois.
Dans le cours de mes recherches sur la direction des fibres
des racines postérieures dans l'intérieur de la moelle épinière,
j'ai indiqué un fait qui me semblait fort important pour la ré-
solution du problème qui m'intéressait; c'est qu'on observe
chez certains animaux auxquels a été faite une lésion unilatérale
de la moelle épinière des phénomènes portant le nom de para-
lysie de Brown-Séquard; c'est la paralysie des mouvements
avec hypéresthésie dans les parties postérieures du côté atteint,
et anesthésie du côté opposé. Ces phénomènes, observés dans
la forme plus pure chez l'homme, chez le singe et chez le
cobaye, ont donné la possibilité d'admettre chez les espèces
nommées l'entre-croisement des conduits sensitifs à peu près
au niveau de leur passage par les racines postérieures dans la
moelle épinière; en vue de ce dernier cas, j'ai choisi comme
objet d'observation le cobaye.
' Mais avant de commencer l'expérimentation sur cette ques-
, DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 53
tion, j'ai voulu faire plus ample connaissance'du tableau de la,
paralysie de Brown-Séquard chez le cobaye, et j'ai fait plu-
sieurs expérimentations avec l'hémisection de la moelle épi-
nière, principalement au niveau de la partie dorsale inférieure,
à une petite distance du commencement du renflement lom-
baire. Dans le cas de succès d'une hémisection complète de la
moelle épinière, les phénomènes de la motilité, ainsi que ceux
de la sensibilité, étaient toujours les mêmes; c'est-à-dire qu'il y
avait paralysie complète des mouvements dans la patte posté-
rieure du côté de la section (avec exagération de la sensibilité),
et dans l'extrémité opposée, anesthésie. En m'appuyant sur les
expérimentations, j'ai pu, avec une certaine dose de réalité, ad-
mettre l'entre-croisement des conduits sensitifs dans la moelle
épinière ; il ne me restait plus qu'à me convaincre que ces
phénomènes du côté de la sensibilité n'étaient point acciden-
tels, passagers, mais qu'ils étaient le résultat positif de la sec-
tion d'un certain groupe de conduits sensitifs dans l'intérieur
de la moelle épinière.
Pour atteindre ce but, il fallait laisser vivre les animaux
opérés et soumettre - dans les premiers temps journalière-
ment, puis avec de certains intervalles - à un examen soigné
l'état des fonctions atteintes par l'opération ; il résultait que les
phénomènes de la sensibilité, particulièrement l'anesthésie
cutanée de la patte opposée, étaient extrêmement constants
et ne s'amoindrissaient guère. Mais, après un examen plus dé-
taillé, un autre phénomène attira mon attention, c'est que gra-
duellement et en même temps assez rapidement se rétablis-
saient les mouvements de la patte paralysée, et dans cinq à six
semaines le rétablissement était si complet qu'au premier
abord, il était presque impossible de distinguer la patte para-
lysée de celle qui était laissée intacte. Ce phénomène arrêta r
naturellement plus particulièrement mon attention et j'ai ré-
solu de le soumettre à un examen plus spécial.
Quant à l'historique de la question du rétablissement des
mouvements après une lésion partielle de la moelle épinière,
il est peu riche en faits de matériaux et je n'ai pu trouver dans
la littérature assez de renseignements pour résoudre d'une ma-
nière satisfaisante cette question. Mais j'y reviendra plus tard.
Je vais commencer par mes observations personnelles.
Pour mes opérations d'hémisection de la moelle épinière,
j'ai toujours choisi des cobayes assez gros; j'étendais l'animal
e7 ' ANATOMIE. '
sur le ventre, sur une petite table spéciale, et je débarrassais
soigneusement des tissus adhérents la vertèbre destinée à être
ouverte. Je me bornais à éloigner, en général, l'arceau d'une
vertèbre, afin de mettre à nu une partie du côté postérieur de
la moelle épinière et de pouvoir m'orienter plus facilement en
ce qui concerne la veine longitudinale postérieure qui longe,
sous la dure-mère, la superficie postérieure de la moelle épi-
nière et qui sert à désigner le juste milieu de la superficie dor-
sale. Jusqu'au dernier moment que je voyais apparaître dans la
. fenêtre osseuse la moelle, j'opérais en arrosantconstamment la
plaie d'une solution d'acide phénique. 3 p. 100; plus tard, je
laissais de côté l'acide phénique afin d'éviter son action irai-
tante sur la moelle et je me bornais aux boules de ouate hygros-
copique. Je laissais les méninges intactes. Pour l'hémisection
de la moelle épinière, je me suis servi d'un petit scalpel très fin,
au dos droit et au bout tranchant. Je dirigeais l'instrument
perpendiculairement vers la partie postérieure de la surface de
la moelle, le bout vers la veine longitudinale et le côté tran-
chant au-dessus de la moitié de la moelle, destinée à être sec-
tionnée; d'un mouvement rapide de la main de haut en bas,
j'y faisais une section à travers la moelle dans la direction
droite d'arrière en avant, et en donnant au scalpel une direc-
tion latérale, je coupais rapidement toute la moitié de la
moelle. Il ne résultait jamais de grande hémorrhagie; par la
fente des membranes sectionnées sortait une masse blanchâtre
de la substance moelleuse. L'opération terminée, les bords de
la moelle étaient soigneusement séchés et la ligature se faisait
d'après toutes les lois de l'antisepsie les plus scrupuleuses;
enfin on couvrait la plaie d'une couche de collodion iodoformé.
Ordinairement la plaie se cicatrisait pe1' primam, ainsi qu'au
bout de trois à quatre semaines se formait à l'endroit de la
plaie une cicatrice lisse et ferme. Un examen soigné des fonc-
tions nerveuses succédait ordinairement à l'opération. Comme
je l'ai déjà dit, dans les cas d'une hémisection complète dans la
région dorsale, les phénomènes de la motilité consistaient en
une paralysie complète de la patte postérieure du côté corres-
pondant ; cette dépendance était à noter dans les cas, où l'ani-
mal atteint d'une paralysie complète de Brown-Séquard crevait
ou par hasard, ou bien grâce à quelque processus suppuratif
dans la plaie. Ainsi je peux donner l'exemple d'un cas, où le
cobaye ne vécut que trente-six heures.
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE 55
Observation I. 19 mars 1885. Un cobaye de taille moyenne.
La X° vertèbre dorsale est mise à nu et ouverte. La section trans-
versale est faite dans la moitié droite de la moelle épinière, sans
bémorrhagie. La plaie est cousue et couverte d'une couche de
collodion iodoformé.
Etat aussitôt après l'opération : lorsque le cobaye est sur pied,
le bassin est un peu affaissé ; la patte droite postérieure est allon-
gée en arrière et ne produit aucun mouvement volontaire ; dans
la patte gauche au contraire tous les mouvements volontaires se
produisent volontairement. Du côté de la sensibilité, on remarque
une hyperesthésie cutanée de l'extrémité postérieure, et de toute
la surface postérieure du corps au niveau de la section de la moelle
épinière. Dans les parties correspondantes du côté gauche (en v
incluant l'extrémité postérieure), perte complète de la sensibilité
cutanée aux piqûres d'épingles et aux pincements des pincettes.
20 n;a1's.' - Pendant le repos et pendant le mouvement, on re-
marque la possibilité des mouvements
du côté gauche et la paralysie com-
plète du côté droit. La sensibilité
cutanée est complètement annulée
dans la partie gauche de la moitié
postérieure du corps et elle devient
exagérée dans la partie droite. Du
côté des organes pelviens, on ne re-
marque point de dérangements.
L'état général de l'animal est satis-
faisant.
21 mars. - Le matin on trouve
le cobaye crevé. En faisant l'au-
topsie, on trouve des signes d'asphyxie. La moelle épinière est
plongée dans le liquide de Müller, Environ dans deux mois, lors- "
que la moelle épinière a durci jusqu'à un degré satisfaisant, la
partie dorsale postérieure est mise dans l'alcool, ensuite dans le
celloïdine et on y fait une section transversale dans la partie lésée,
précisément au niveau de la plaie et voilà ce qui en résulta : la
préparation ne consiste que de la moitié gauche de la moelle épi-
nière, la moitié droite n'existe plus, - ergo toute la moitié
droite de la moelle fut sectionnée, tandis que la partie gauche est
restée intacte (fig. 1 i).
En m'appuyant sur ce cas, qui a été suivi d'autopsie, je pus
conclure que lorsque, dans l'opération de Brown-Séquard, le
couteau lèse chez le cobaye toute une moitié de la partie dor-
sale de la moelle épinière, il s'en suit paralysie complète de
' l'extrémité postérieure du côté correspondant. Pour appuyer
Fig. 11.
56 ,ANATOMIE. ' 1 1
ce fait, on peut rappeler des cas, lorsque en faisant l'hémisec-
tion, la plus ou moins grande partie du cordon antérieur reste
intacte et en même temps, les mouvements de l'extrémité pos-
térieure, du côté de la section, deviennent plus ou moins affai-
blis. Je donne l'exemple suivant :
Observation IL - 27 février 1885. Cobaye mâle. La moelle
épinière est mise à nu d'après toutes les lois de l'antisepsie, au
niveau de la Xe vertèbre dorsale; j'ai fait une section transversale
de la moitié droite de la moelle. Aussitôt après l'opération, on peut
faire les observations suivantes : Mouvements ; une parésie très pro-
noncée de l'extrémité postérieure du côté droit, que le cobaye
traîne lorsqu'il le met en mouvement; mais il peut s'y appuyer
quoique avec peine. Mais dans l'extrémité opposée, les mouvements
volontaires sont parfaitement conservés. La sensibilité cutanée de
la partie postérieure du corps et de l'extrémité postérieure du côté
droit est exagérée, du côté gauche elle est complètement aholie. Les
réflexes de toutes les espèces dans les extrémités postérieures sont
conservés et ne diffèrent pas évidemment à droite ainsi qu'à gauche-
28 février. Le cobaye traîne du côté droit la patte postérieure ; -,
l'extension du jarret, de la patte et
desdoigts est surtout affaiblie, mais
il n'y a point de paralysie complète.
Les phénomènes de sensibilité sont
restés les mêmes. Les réflexes cu-
tanés de la patte droite postérieure
sont exagérés.
1er mars. - Les mouvements de
l'extrémité droite postérieure sem-
blent plus libres.
2 mars. - Le cobaye est trouvé
mort. Il a crevé deux jours et demi
après l'opération. , .
Autopsie. Lu cote atoll, ue lu LULU, un 1 ullint Littij une pluiu
fraîche, arrondie, qui a pénétré à travers les téguments, les os du
crâne et atteint la couche supérieure du cerveau. Aux bords de la
plaie, de même dans le tissu conjonctif du cou de grandes hémor-
rhagies. La plaie de la moelle épinière est dans un état satisfaisant;
on remarque i'hyperémie des bords enflés et une légère membrane
fibrineuse qui couvre la surface des parties adhérentes à la moelle.
La moelle épinière est plongée dans le liquide de Muller. Un mois
et demi plus tard, on a fait une coupe transversale au niveau de
l'hémisection, et on.a découvert que celle-ci n'était pas complète :
une partie triangulaire du cordon antérieur adhérent à la fissure
antérieure du cerveau était restée intacte (fig. 2).
Fig. 12.
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. , 57
Donc, dans ce cas, il y avait en même temps un tableau in-
complet de la paralysie de Brown-Séquard, incomplet parce
que dans la patte postérieure du côté de la section, il n'y avait
pas une paralysie complète, mais il y avait une parésie pro-
noncée, et une hémisection incomplète du côté droit, précisé-
ment de son cordon antérieur. En nous appuyant sur ces faits,
nous pouvons admettre avec llomenl, qui avait observé les
mêmes phénomènes, que dans cette opération, et dans les
opérations du même genre, la conservation des mouvements
dépend d'un groupe de fibres du cordon antérieur qui est resté
intact. \
Dans les deux cas, c'est-à-dire après une section unilatérale
complète et incomplète de la moitié de la moelle épinière au
bout d'un certain temps, les mouvements devaient absolument
se rétablir dans la patte paralysée, avec la seule différence,
que dans les cas de la seconde catégorie, le rétablissement
était beaucoup plus prompt qu'après une hémisection com-
plète, et il dépendait aussi de l'état de la moelle épinière :
Ainsi, lorsqu'il y avait possibilité d'un rétablissement complet
des mouvements dans la patte chez le cobaye dont la moelle
épinière avait subi une hémisection heureuse, il fallait au
moins trois ou quatre semaines. Les cobayes, qui avaient
gardé la partie du cordon antérieur intacte pendant l'opéra-
tion, acquéraient la possibilité d'une fonction régulière de
l'extrémité qui était parétique seulement au bout de cinq à dix
jours, suivant le degré de la paralysie précédente.
Mais les cas de la seconde catégorie sont pour nous sans im-
portance ; nous les excluons exprès des matériaux qui présen-
tent un intérêt pour nous, en étudiant la question du rétablis-
sement des mouvements après l'hémisection. Les opérations
réussies sont celles qui nous intéressent, et je vais m'en occu-
per de suite. Je choisis un exemple dans mon journal :
Observation III.- 15 avril 188o. Un cobaye mâle, de grande
taille. - Les préparatifs pour l'opération sont les mêmes. On ouvre
la XI" vertèbre dorsale, en même temps, une partie de la moelle e
épinière est mise à nu; l'hémisection de la moitié gauche est faite
dans la direction transversale. La plaie est cousue et est couverte
de collodium iodoformé. Aussitôt après l'opération, on a fait des
' E. Homen. - Contribution à la pathologie et il l'anatomie patho-
logique de la moelle épinière. Thèse, Helsingfors, 1885.
58 , ANATOMIE. 1
observations qui donnèrent le résultat suivant : pendant le repos
et pendant le mouvement, le bassin est tant soit peu alfaissé; on
remarquait en même temps la paralysie des mouvements volou-
taires de l'extrémité gauche postérieure, tandis que le cobaye pou-
vait se servir facilement de l'extrémité droite.
La sensibilité cutanée de l'extrémité postérieure et des parties
postérieures du corps du côté gauche était sensiblement exagérée;
quant au côté droit, elle y était complètement abolie.
16 avril. - Le cobaye se porte bien. Le bassin est toujours
affaissé. Le pied gauche postérieur est fléchi vers l'abdomen et la
plante se trouve dans l'état d'extension ; cette extrémité pendant
la marche ne montre aucun signe des mouvements volontaires.
Le cobaye se sert moins énergiquement de l'extrémité gauche
postérieure que la veille ; le pied est un peu dévié.
La sensibilité cutanée, dans les parties dont j'ai parlé plus haut,
du côté gauche, est plus vive, et du côté droit, elle est complète-
ment invisible aux piqûres et aux pincements, Les réflexes cuta-
nés, dans les extrémités postérieures, sont égaux des deux côtés.
' En percutant l'os sacré, on remarque que les mouvements ré-
flexes (réflexes du périoste) sont plus exagérés dans le pied gauche
postérieur que dans le pied droit. - La température de la patte
paralysée est plus haute (au toucher) que du côté opposé. Les
organes pelviens sont en bon état.
17 avril. - L'état général de l'animal, en comparaison de la
veille, est moins satisfaisant. Le bassin reste suspendu avec diffi-
culté. - Les mouvements sont abolis dans le pied- gauche posté-
rieur et affaibli dans le pied droit, qui reste la plupart du temps
dans un état d'extension. L'hyperalgésie cutanée n'est pas aussi
distincte du côté gauche qu'auparavant ; du côté droit (dans les
parties nommées plus haut) il y a pleine anesthésie. On ne remar-
que point de dérangement dans les organes pelviens.
19 avril. - L'état du cobaye est satisfaisant. Le bassin est
presque toujours affaissé et amoindri dans le volume. Les mouve-
ments du pied gauche postérieur sont annulés; du côté gauche, ils
sont visiblement affaiblis. La sensibilité électro-cutanée du côté
droit est annulée, du côté gauche, elle est affaiblie. (On peut dire
la même chose de la sensibilité de la peau.) L'excitabilité électro-
musculaire est conservée daus les deux extrémités postérieures.
Les organes pelviens,sont en bon ordre.
. 21 avril. On remarque une amélioration de la sensibilité du
côté gauche paralysé. Aucun autre changement.
22 avril. L'état général du cobaye est amélioré. La position
du corps et du bassin est plus satisfaisante. Les mouvements de
l'extrémité gauche sont devenus normales. L'hypéresthésie est
distincte dans le côté gauche, ainsi que l'anesthésie dans le côté
droit.
' DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 59
23 avril. - L'état général est satisfaisant. Les mouvements de
d'extrémité droite sont parfaitement libres. L'extrémité gauche ne
donne aucun signe de mouvements volontaires, elle est bien plus
maigre que celle de droite, en état d'abduction et légèrement
contractée. La sensibilité est toujours la même.
28 avril. - Dans la patte gauche, on aperçoit certains mouve
mpnts volontaires. Point d'autres changements.
9 mai. - Le bassin est tout le temps suspendu; les mouve-
ments volontaires de l'extrémité gauche postérieure, qnoiqne
très faibles, sont possibles dans toutes les jointures. Les mouve-
ments du pied droit et les phénomènes de la sensibilité (de même
l'hyperesthésie) sont les mêmes que ceux qui ont succédé immé-
diatement à l'opération. La zone de l'anesthésie (zona anoes-
thética) est au niveau des dernière vertèbres dorsales. Les orga-
nes pelviens sont en bon ordre. ,
15 mai. ? Les mêmes phénomènes que la veille, avec la diffé-
rence que la contracture de l'extrémité gauche postérieure est
moins distincte et les mouvements sont plus libres, quoique beau-
coup plus difficiles que dans l'extrémité droite; le cobaye marche
sur les quatre pattes, quoique boitant visiblement de la patte
gauche postérieure, qui, entre autres, a perdu tous ses ongles. La
plaie est complèment cicatrisée.
29 mai. - L'extrémité gauche postérieure est dans un état
d'abduction dans la cuisse, légèrement tendue et traîne un peu
pendant la marche. La sensibilité et les autres phénomènes sont
les mêmes. Les doigts de la patte gauche postérieure sont garnis
de nouveaux ongles, gros et courts.
la juin, - Le cobaye est couvert de poils. On remarque à
peine pendant la marche une certaine faiblesse daus l'extrémité
qui avait été paralysée. Point d'autres changements. Juste un,
mois plus tard, à compter de ce jour, le cobaye est tué par le
chloroforme. - 1.'autopsie a démontré que l'arceau resectionné
de la XIe vertèbre est complètement rétabli, il n'y a pas de syné-
chies avec les méninges. A l'endroit de la section, avant l'ouver-
ture de la dure-mère, on remarque un certain étranglement, plus
distinct du côté gauche. A cet endroit, du côté gauche de la
moelle, s'est formée une cicatrice adhérente aux membranes, au
bord de la plaie de la moelle épinière. Les organes de la cavité
cérébro-spinale =ont plongés dans le liquide de \luller. Dans les
autres organes point de changements. Lorsque la moelle est de-
venue assez dure, j'ai fait une série de coupes dans le but, premiè-
rement : d'étudier la structure de la cicatrice à l'endroit de la
section et, secondement, pour préciser les altérations secondaires,
principalement leur étendue dans la direction ascendante, ainsi
que dans la direction descendante. - Pour la coloration des cou-
pes, je me suis servi de trois réactifs : de l'hélllatoxyline (d'après
60 ANATOMIE. ' ·
Weigerl), du picrocarminate et du bleu soluble. - J'ai déjà men-
tionné qu'au- niveau de l'ancienne hémisection de la moelle dans
sa partie dorsale postérieure, on avait observé, pendant l'extrac-
tion de la moelle du canal vertébral, un étranglement, ou plutôt
une impression semi-annulaire au côté gauche de la surface de la
moelle; de là, la structure topographique de cet organe offrait à
cet endroit certaines particularités; ainsi, sur la coupe, à l'endroit t
de la moitié gauche de la moelle - la substance blanche ainsi
que les deux cornes grises du côté gauche se trouve une cica-
trice semi-lunaire de tissus conjonctifs; dans les préparations co-
lorées par l'hémaxyline, elle est d'une couleur parfaitement jaune
et sur ceux qui sont colorés par le picrocarminate d'un rouge
intense; sa limite vers le côté sain de la coupe a une forme courbe,
convexe vers la cicatrice. Dans cette dernière, dans toutes les pré-
parations examinées sous différents grossissements, on n'a pu dé-
couvrir nulle trace d'éléments nerveux; il n'y avait ni cellules, ni
fibres, mais seulement un tissu conjonctif avec une certaine
quantité de noyaux, et ça et des amas sans forme précise,
d'une substance non colorée. - La moitié droite de la moelle
épinière dans ces préparations n'a pas subi de changements voulus
dans la structure, si ce n'est une altération légère de la configura-
tion normale en conséquence de la curvature de la ligne médiane
centrale, dont j'ai parlé plus haut.
Les altérations de la moelle dans ses parties adhérentes à la
cicatrice de haut et d'en bas - offrent une ramification difffuse
des éléments nerveux; des fibres nerveuses de la substance blan-
che et grise, ainsi que l'atrophie et la vacuolisation avec tuméfac-
tion des cellules ganglionaires, et l'actus, à peu près; plus haut
se présente un tableau gardant le même caractère jusqu'au bulbe
rachidien, et provenant sans doute des altérations dégénératives
secondaires, développées à la suite de l'hémisection du côté gau-
che de la moelle. Ces altérations se concentrent exclusivement
dans la moitié gauche de la partie dorsale et cervicale de la
moelle épinière et se localisent, d'un côlé, dans la partie posté-
rieure du cordon de Goll, en forme triangulaire nettement mar-
quée, avec l'angle aigu dirigé vers la commissure, et le côté droit
dirigé vers la périphérie postérieure de la moelle; d'un autre côté,
elles se localisent dans la périphérie du cordon gauche latéral, en
forme d'une bande semi-lunaire allant de la partie postérieure,
presque du « apex cornu posterioris », vers la partie antérieure
jusqu'au cordon antérieur, au bout postérieur plus marqué que le.
bout antérieur dont les altérations disparaissent peu à peu.
L'examen de ces parties montre que dans la partie dégénérée du
cordon de Goll toutes les fibres ont disparu; dans la partie exté-
rieure du cordon latéral, qu'on appelle faisceau direct du cerve-
let, la plus grande partie de fibres était dans le bout postérieur
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. ' ' 61
et elle diminuait peu à peu vers la direction extérieure. Quant
aux altérations dans le cordon latéral, je dois remarquer que je
n'ai pu jamais apercevoir la dégénération décrite dernièrement
par Gozoers ' dans les cas de dégénération ascendante de la moelle
épinière et qui, en ce qui concerne la topographie, ne diffère en
rien de ce que nous ont donné les recherches embryologiques.
Dans la partie lombaire de la moelle épinière, c'est-à-dire dans
la région postérieure de l'hémisection, une dégénérescence secon-
daire est très peu marquée : elle se concentre en forme d'un petit
îlot triangulaire dans la région postérieure du cordon latéral du
côté gauche et présente une perte insignifiante de fibres blan-
ches ; dans ce cas, nous avons à faire, évidemment, aune dégénéres-
cence descendante de certaines fibres, qui forment le faisceau
pyramidal du côlé gauche. - La région correspondante du côté
droit (florneu, l. c.), et de même les deux cordons antérieurs
n'offrent aucun changement. Dans le tronc cérébral, on n'a
trouvé rien d'anormal. - Ainsi résumons : d'un côté, les phéno-
mènes observés pendant la vie du cobaye, d'un autre côté, les
altérations anatomo-pathologiques observées dans l'examen ma-
crospique et microscopique de la moelle : le cobaye H° 8 vécut après
l'opération juste deux mois. L'opération du côté gauche latéral fut
suivie d'une paralysie et de l'hyperesthésie de l'extrémité gauche pos-
térieure et d'anesthésie de l'extrémité droite; en outre d'hyperesthésie
dans la région postérieure du corps du côté gauche. - Trois jours
après l'opération, on put observer le commencement d'une inflammation
réactive dans les parties adhérentes ci. la section : une parésie de l'ex-
trémité droite et en même temps, une diminution peu importante de
la sensibilité de l'extrémité gauche, dans laquelle il y avait aussitôt
après l'opération une hyperesthésie ; ces phénomènes disparurent déjà
au bout de six jours.
Une semaine après l'opération se manifestèrent les premiers signes
du rétablissement des mouvements volontaires dans la patte gauche
inférieure, qui furent complètement rétablis cinq semaines après l'opé-
rtttion. - La sensibilité, deux semaines après l'opération, est rede-
venue la même qu'aussitôt après l'opération; cl l'anesthésie (analgésie)
cutanée de l'extrémité postérieure et des parties adhérentes du cnrps
du côté droit et l'hyperesthésie cutanée des parties correspondantes du
cote gauche restèrent, dans tous les sens, sans changements jus-
qu'au moment de la mort de l'animal. -
Pendant ces deux mois, les altérations suivantes se développèrent
dans la moelle épinière du cobaye : les bords de la plaie, dans la
partie gauche de la moelle épinière, avec les méninges adhérentes se
cicatrisèrent au moyen d'une cicatrice du tissu conjonctif, dans la-
' cowpers. - On the anlero-laleral ascendinq tract of the spinal cord-
- rite Lcutcet..158G. V. 1, N. XVV.
62 ANATOMIE.
1 - \
quelle on ne put découvrir aucun signe de fibres dégénérées ; en outre,
dans la moitié gauche de la moelle épinière, se développa une dégéné-
ration ascendante dans la région postérieure du cordon de Goll et
dans le faisceau direct du cervelet jusqu'au bulbe rachidien, et des-
cendante dans le faisceau pyramidal latéral.
Dans cette opération, ainsi que dans toutes les opérations
suivantes du même cas, après lesquelles après l'hémisection
de la moelle épinière, après un certain temps on observait
presque un rétablissement complet des mouvements de l'extré-
mité paralysée, - l'absence complète de la régénération des
éléments nerveux doit avoir un sens particulier : vu qu'il n'y
a, dans la cicatrice,* point de fibres nerveuses, qui puissent
conduire les fonctions motrices, ces dernières, pour atteindre
l'extrémité dont les mouvements sont rétablis, doivent sans
aucun doute chercher d'autres voies, - supposons, même-dans
la moitié lésée de la moelle épinière.
L'absence de fibres régénérées, démontrée dans un sens posi-
tif par l'examen des préparations acquises de la cicatrice, est
pour nous d'une grande importance, surtout, parce que la
question d'une régénération pareille, qui peut expliquer le ré-
tablissement des facultés conductrices de la moelle épinière
est depuis longtemps assujettie à des recherches nombreuses,
à des discussions prolongées, et de là elle produisit une litté-
rature assez riche, que je veux présenter dans cet ouvrage sans
exceptions, quoique en abrégé.
Brown-Séquard' ayant fait une section complète de la
moelle épinière chez un pigeon, put observer trois mois après
l'opération une restauration peu marquée de la sensibilité et
des mouvements volontaires; dans la cicatrice de la moelle
épinière, il put découvrir à l'aide du microscope une certaine
quantité de cellules ganglionnaires et de fihres nerveuses.
Une année plus tard, Brown-Séquard publia un autre ou-
'vrage sur plusieurs cas de cicatrisations des plaies, faites à la
moelle épinière avec retour des fonctions perdues dans les cas
d'hémisection unilatérale chez les cobayes; il résultait une ré-
génération d'éléments nerveux dans la cicatrice.
' Hl'OWI1-SÚqnard. Régénération des tissus de la moelle épinière.
(Gaz. mec ! . de Paris. 1850, p. 250.)
* l3rown-SGquard.-Szwpzlvseeurs cas de cicatrisation des plaies, faites
à la moelle épinière avec retour des fonctions perdues. (Gaz. mécl. de
Paris. 1851, p. 177.)
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 63
H. Mùller1 assure qu'il a pu constater chez les tritons (triton
lxiaialus et triton c1'islalui) et chez les lézards (lacerta viridis)
une régénération complète des éléments de la moelle épinière
après la résection de plusieurs vertèbres avec une partie de la
moelle.
Les expérimentations de Masius et de Van-Lair ~ donnèrent
les mêmes résultats; ils avaient fait, chez des grenouilles, la
résection de morceaux de un à deux centimètres de long dans
la partie dorsale inférieure de la moelle épinière, et au bout
de six semaines environ, ils trouvèrent l'espace, qui fut restée,
après l'opération, remplie de tissus moelleux consistant en
fibres de Remak et cellules ganglionnaires.
Paul Dentan 3 dans sa thèse, écrite à l'aide de Naunyn, dont
je pris connaissance dans un extrait détaillé et dans l'article de
Schiefferdecker (voir plus bas) qui décrit trois expérimentations
dans lesquelles il fit chez trois chiens la résection d'un mor-
ceau de la partie inférieure de la région dorsale de la moelle
épinière, où au bout d'uu certain temps les mouvements vo-
lontaires furent complètement rétablis; l'examen des coupes
de la moelle épinière démontra dans la cicatrice des fibres
nerveuses dégénérées. '
Bientôt après, Naunyn avec Eichorst' publièrent des résul-
tats analogues des opérations presque semblables, qui ne dif-
féraient des précédentes qu'en ce qu'il n'y avait chez les petits
chiens point de résection de la moelle épinière, mais une sec-
tion transversale et un écrasement; dans les cas où il y avait
une simple section, les mouvements volontaires se rétablis-
saient beaucoup plus lentement qu'après un écrasement.
' H. Millier. - Ueber Régénération der Wirbelsoeule und des ]lücken-
ntarks bei 15·itonen und Eidechsen. (Abhandl. hel'ansgeg. v. d. Senken-
bergiscltetz natll1'fo¡'schend, Gcsellshafft. Sa. 1'. 1861 ? s. 113.)
2 .Masius und Van-Lair. - Anatomisclte und fonctionnelle 11'iede·Iter·-
stellung des Jlüekenmm'ks beim Frosch. (Ccntmlb. f. d. rnéd. Wisscn-
schafl. 1869. N 39.)
.1 Paul Dentan. - Qiielqites recherches sur la régénération fonctionnelle
et analomiqne de la moelle épinière. (Diss. irzau,g. Berne 187 : 1.)
' Naunyn unrl Eicliorst. - Ueber Régénération und J'el'ændel'Imgen im
liiclce7l ? ? Iae-ke na el ! st¡'ekweise¡' totale/' Ze1'stoel'ltng desselben. (Arch. f.
eapr.rétti. P allrol. und Ph0111/al.oloflic, Il(]. Il. 187 L n. `3 ? a.)
64 ANATOMIE.
G. Piccolo et S. Sirena dans leurs opérations de section
partielle de la moelle chez les chiens, de même dans l'opération
n° XIX de l'hémisection chez un pigeon, chez lequel on trouva
plus tard un certain rétablissement des mouvements dans l'ex-
trémité paralysée, n'étaient jamais en état de trouver des traces
quelconques de régénération des éléments nerveux. En outre,
dans les opérations des nos XXI et XXII où l'on faisait chez ces
chiens une complète hémisection de la moelle épinière dans la
région dorsale, il ne se développa aucun signe de mouvements
volontaires dans les extrémités postérieures, et en examinant
à l'aide du microscope la cicatrice de la moelle, on ne la trou-
vait formée que d'éléments conjonctifs.
Le grand ouvrage de Schiefferdecker 2 mérite une attention
particulière, vu qu'il contient un examen soigné d'une grande
quantité des moelles de chiens, auquels Freusberg 3 avait pra-
tiqué une section complète de la moelle épinière, n'ayant pu
découvrir, même après beaucoup de temps (après trois cent
quatre-vingt-dix-sept jours), d'autres mouvements que des
mouvements réflexes. Dans là cicatrice, formée à l'endroit de
la section, Schiellerdecker ne trouva aucun signe de régénéra-
tion des éléments nerveux.
Les opérations de N. Weiss 1 d'hémisectioii de la moelle et
en gardant aussi un cordon latéral chez les chiens, donnèrent
des résultats contradictoires à la théorie de la régénération de
la substance de la moelle : l'auteur non seulement n'a pu dé-
montrer une seule fois la présence d'éléments nerveux dans la
cicatrice, mais au contraire, après des expérimentations sup-
plémentaires, un fait devint clair, c'est que les voies pour les
mouvements régénérés se concentrent dans le même cordun
latéral, qui contient les voies de motilité de l'extrémité bien
portante. ,
Eichorst protesta assez énergiquement contre SchieITerdecker
' Girolamo Piccolo et Santi-Sirena. -Sulle faite del midollo spinale.
Gio1'7zale di science naturali ed economiche. Vol. XI. 1875. - Estratto.
Palermo 1876.- Caf. ]¡putnheckyio ctatbio bbSclumidts Jalihucher. Jahrg.
1878. B1. 177, s. 197.
¡ ' P. Schiefferdecker. Ueber Régénération, Deqeneration und Archi-
leclur des ILÜclcenmarkes. (Vire)'). Arch.) Bd. 67. s. ')12. 1876.
' A. Freusberg. /ff/ ! c.r&eu;eyMHf/g)t beim Ilundc. (A1'chiv, f. die ge-
sammte Physiologie Pflelger.) Bd. IX. H. 7. s. 358. 1871.
* N. Weiss. Unte1 ? uc/1ll1l'Jen itber d. Leitllngsbahnen hn Riicken,
niarlce d. Iltt21des. (.5'itGer. d. k. }l°ie/te". Akiid. d. IJ11ssen,.cltaften.)
Rd. LXXX. s. 310. 1879. ' '
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE 65
qui l'avait blessé dans l'ouvrage nommé. Eichkorst fait men-
tion de trois opérations d'hémisection de la partie dorsale de la-
moelle chez les chiens; un de ces chiens n'y survécut point,
l'autre restait tout le temps sans mouvements volontaires et
l'on ne put découvrir dans la cicatrice de régénération des élé-
ments nerveux; chez le troisième, trente-cinq jours après
l'opération, se fit un rétablissement complet des facultés con-
ductrices de la moelle épinière dans la direction centripète et
centrifuge.
C'est justement l'analyse de ce cas que fait H. Eickhorst,
dans son ouvrage; il y décrit en détail les changements trouvés
dans la moelle épinière, c'est-à-dire le développement de la ci-
catrice, contenant une assez grande quantité de fibres blanches
et de cellules qui ressemblent beaucoup aux cellules multipo-
laires. Cette découverte sert à convaincre encore plus l'auteur
dans son opinion ancienne de la possibilité d'une régénération
de la moelle épinière.
W. Kusmine' qui s'occupait dans le laboratoire de Stricker
de la question sur les voies conductrices dans la moelle du
chien, put observer, quelque temps après l'opération d'hémi-
section, une régénération des mouvements. Quoique, malheu-
reusement, il ne donne la description du tableau microsco-
pique de la cicatrice de la moelle, on peut supposer avec
certitude que l'auteur en question ne put y découvrir d'élé-
ments régénérés; cette supposition peut provenir de ce qu'il
ne fait mention de la régénération, secondement, parce qu'il
se sert tout bonnement du mot cicatrice, et enfin, puisqu'il
s'appuyait sur une expérimentation de contrôle, il admet la
voie des impulsions motrices vers l'extrémité qui avait été pa-
ralysée dans la moitié opposée de la moelle épinière.
Dans son ouvrage déjà nommé, Hornéu (1. c. p. 32) constate
que dans aucune de ses nombreuses opérations d'hémisection
de la moelle épinière chez les chiens il ne put découvrir de régé-
nération de fibres nerveuses ; il faut donc admettre que les
éléments de la moitié opposée non atteinte de la moelle épi-
' W. Kusmine. Experimenlelle unter,<llcll1lngen tiber die Leitungs-
1)(lititeiL illt Ruckeiunurke des, Iluntles. (,lletlicirtiacke Jaltrb.) J(111-1). 1882.
Il . 1).
\V. hnsmim;. - .11¡ ? IJs/wpsdw Ulttc/'sucll/tn ! lcn (Ici, sccltildar. Degener.
dus Il'lcl.cnm £ tr/oes, (Mcd, Jtrrltb.) JaltrL. 1SS, 2-1.
lncmvcs, l. XXII. 5
66 ANATOMIE.
nière acquirent les fonctions des conduites des impulsions
motrices de l'extrémité qui avait été paralysée.
Enfin, il faut encore mentionner les observations expéri-
mentales de P. Fraissel, qui eut la chance d'observer une res-
1 titution complète de la' forme et de la structure de la partie
sectionnée chez les amphibies. Les opérations sur des reptiles
donnèrent presque- les mêmes résultats; la seule différence,
c'est que la région régénérée de la moelle épinière n'avait pas
l'aspect tout à fait normal.
D'après les indications littéraires que je viens de faire, la
question sur la possibilité de la régénération des éléments
nerveux de la moelle épinière n'est pas encore définitivement
résolue : dans le sens affirmatif, elle n'est résolue que partiel-
lement, c'est-à-dire en ce qui concerne seulement les amphi-
bies et les reptiles, chez lesquels tous les auteurs (II. Millier,
Masius et Van-Lair, P. Fraïsse) purent constater une régéné-
ration positive. En ce qui concerne les classes supérieures
les oiseaux et les mammifères, cette question pourtant
pourait être résolue plutôt dans le sens contraire, quoique par
rapport à ces deux classes, il y ait aussi des opinions en faveur
de la régénération.
Dans ce cas, les expérimentations les plus importantes sont
celles où il y a une hémisection latérale complète de la moelle
épinière. Le lecteur se rappelle probablement que des opéra-
tions pareilles furent faites par Dentan, Naunyn etEichkorst,
Freusberg, Schiefferdecker et Piccolo avec Santi-Sirena; les
trois premiers auteurs se servaient de chiens nouveau-nés et
les autres de chiens âgés; en outre, Brown-Séquard fit une
expérimentation avec une hémisection pareille chez un pigeon;
mais nous ne pouvons pas juger de cette opération dans la-
quelle l'auteur remarqua la restitution des fonctions et la ré-
génération des tissus de la moelle épinière, car c'est la seule
dans ce genre. Arrêtons-nous un peu plus sur les opérations
faites sur les jeunes chiens-et tâchons d'expliquer les résultats
contraires des opérations sur les jeunes chiens et sur les lapins.
(Dentan, Naunyn et Eichkorst) d'un côté, et sur les chiens âgés
(Schiefferdecker, Freusberg, Piccolo et Santi-Sirena) d'un autre ;
est-ce le résultat des conditions naturelles qui ne sont pas les
' P. Fraise. - Die Régénération von Geweben und (lngartera bei den
11'iI'beltltiel'en, besonders Amphibien und Reptilien. (Kassel und Berlin,
1863. l31olo,gisle. Certtrnlblatt. 18811, Il'' 8.)
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 67
mêmes pour les âges différents des animaux, ou celui d'une
faute de l'observation clinique et de la recherche anatomique ?
La première supposition est peu probable, parce que Eickhorst .
lui-même décrit dans son article deux cas qui avaient été ob-
servés plus ou moins longtemps : dans un cas, il n'y avait ni
restitution des fonctions, ni régénération du. tissu nerveux de
la moelle épinière, et dans l'autre se produisirent tous les deux
phénomènes. Une telle contradiction dans les résultats chez le
môme auteur qui défend une opinion quelconque n'inspire
point de confiance en cette opinion. Sans nier complètement
une différence possible des facultés productives des tissus d'un
organisme jeune et adulte, je trouve pourtant la possibilité
d'admettre une faute dans les observations en m'appuyant sur
les bases suivantes : ..
Ce qui concerne les observations sur la sensibilité et sur la
motilité des extrémités postérieures chez des animaux soumis
à une section complète de la moelle épinière, on ne peut igno-
rer une circonstance très importante dans ce cas : comment
ne pas mêler les mouvements volontaires avec les réflexes et
ne pas méprendre des simples réflexes pour la réaction de sen-
sations aperçues. Freusberg, dans un ouvrage spécial (1. c.),
y donna un sens particulier en montrant encore une circons-
tance probablement oubliée par les auteurs qui se servaient
pour de pareilles observations, d'animaux nouveau-nés, c'est
que chez ces derniers, les réflexes sont beaucoup plus vifs et
c'est pourquoi il est beaucoup plus facile de les confondre avec
les mouvements volontaires. Je pense, en outre, que le fait
marqué par Naunyn, Eickhorst (1. c. p. 230) n'est pas en fa-
veur de la restitution des mouvements volontaires; ce fait dé-
montre que les meilleurs résultats sont obtenus dans les opé-
rations, où la moelle épinière avec ses méninges était écrasée
à l'aide d'une baguette en verre. Nous sommes dans ce cas tout
à fait d'accord avec Freusberg (1. c. p. 39) qui admet que dans
cette manière d'opérer, il peut y avoir une certaine quantité de
libres plus au moins intactes et grâce auxquelles -se facilite la
restitution des voies de la moelle épinière. Une étude anato-
mique de la cicatrice ne peut être aussi garantie de différentes
fautes; je ne sais si l'on pourrait positivement démontrer que
dans les cas, où sur des préparations dissociées où sur les ..
coupes prises dans la cicatrice, on trouve des fibres nerveuses;
ces dernières s'étendent sans interruption à travers toute
68 < ANATOMIE.
l'épaisseur de la cicatrice : pourquoi ne pas admettre que les
fibres qu'on y trouve se terminent dans la cicatrice en y en-
trant d'en haut et d'en bas ?
Dans tous les cas, dans une suite d'opérations produites par
d'autres auteurs sur des chiens âgés, on n'a pu constater ni la
restitution des mouvements volontaires ni la régénération d'é-
léments nerveux dans la moelle épinière (Schiefferdecker,
Freusberg, Piccolo et Santi-Sirena : opération n'S XXI, XXII),
donc ces faits, ainsi que l'impossibilité de prouver l'opinion
contraire, nous font croire, qu'après une section transversale
et totale de la moelle épinière chez les mammifères il est peu
probable que la faculté conductrice de la moelle épinière puisse
être rétablie et son tissu nerveux régénéré.
De là, il est facile de passer à d'autres cas lorsqu'on peut
observer la restitution des fonctions après une section partielle,
ou de la moitié de la moelle épinière et admettre que dans ce
cas aussi il n'est point de régénération d'éléments nerveux,
d'autant plus que les observations de Piccolo et Santr-Sirena, de
Wus'mine et surtout de Hornéu parlent en faveur d'un pareil
phénomène, car ils ne trouvaient dans la moelle de leurs ani-
maux point d'éléments nerveux régénérés (de même que dans
nos opérations personnelles). Ce n'est que Brown-Séquard qui
parle de régénération de fibres nerveuses trouvées dans les
cas d'hémisection chez les cobayes.
De cette manière, nous voyons que les données de la littéra-
ture sont d'accord avec nos recherches anatomiques en ce qui
concerne l'absence de régénération de la moelle à l'endroit de
l'hémisectioll. En m'appuyant sur ce fait, comme je l'ai dit
plus haut, j'ai pu conclure que, lorsqu'il n'y avait point de
voies anatomiques pour la transmission des fonctions motrices
à travers la cicatrice, ces dernières doivent naturellement pas-
ser parlamoitié intacte de la moelle épinière. Cependant, j'au-
rais pu affirmer cette supposition par une série d'expérimen-
tations de contrôle, c'est pourquoi nous avons posé la question
suivante : Si chez le cobaye, un certain temps après l'hémi-
section de la moelle, il n'y a point de nouveaux conduits dans
la cicatrice, et les impulsions de motilité se dirigent vers l'ex-
trémité, qui avait été paralysée, à travers une région intacte
de la moelle épinière; dans ce cas, une deuxième hémisection,
faite un peu plus haut que la première, quoique du même côté
que celle-ci, ne doit avoir aucune influence sur les mouvements
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 69
rétablis de l'extrémité postérieure, tandis que ces' dernières
doivent de nouveau disparaitre après une troisième hémisec-
tion, mais déjà du côté opposé.
Les résultats très importants de ces expérimentations seront
analysés plus lard. (11 SMture.)
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION1
Par M. P. TROLARD,
Profescur d'.in.itomie il l'Ecole de médecine d'Alger.
III. CONNEXIONS DU CARREFOUR OLFACTIF AVEC LA
, . moelle prolongée (arc rachidien).
Il s'agit maintenant de mettre le carrefour en rela-
tion avec la moelle, car le nerf olfactif, comme tous
les autres nerfs, doit avoir une implantation médul-
laire, ce que l'on appelle une « origine réelle ». Le
nerf facial étant le nerf moteur de l'appareil olfactif,
c'est dans le voisinage de son noyau d'origine, eu
dehors de ce noyau que doit se trouver cette ori-
gine réelle « médullaire ». Un moment, j'ai désespéré
de pouvoir remplir ce point de mon programme.
J'ai d'abord cherché le raccordement dans le pédon-
cule cérébral même. Les connexions du carrefour et
du pédoncule étaient évidentes dans certains cas ; en
soulevant la bandelette optique, il était aisé de voir
quelques fibrilles émanant du pédoncnle venir se jeter
dans l'épaisseur de la bande diagonale; quelquefoisle
faisseau de raccordement passait même par-dessus la
' Voyez le n° GO, 1). 335; n" 62, p. 183.
70 ANATOMIE.-
bandelette optique; d'autres fois, j'ai rencontré comme
un voile de substance blanche passant aussi par-dessus
la bandelette et allant du pédoncule à l'espace perforé ;
mais je ne pouvais suivre ces fibres dans le pédoncule,
et de plus, elles ne me paraissaient pas avoir une im-
portance en rapport avec les troncs olfactifs. J'ai fort
heureusement rencontré un cas qui m'a conduit dans
la bonne voie.
Faisceau médullaire. Dans ce cas, le pédoncule
cérébral présentait sur sa face interne un faisceau tel-
lement saillant qu'il me frappa. Après avoir enlevé
la bandelette optique, on le voyait constituer une
couche de tissu blanc, se dirigeant en dehors ; il
venait rejoindre par son bord antérieur le bord posté-
rieur de la bande diagonale, constituant la couche
profonde de celle-ci et pouvait être suivie à son extré-
mité externe jusque sous l'uncus.
Eminences mamillaires. Espace olfactif postérieur. -
En suivant en arrière le faisceau pédonculaire, il allait
s'attacher au tubercule mamillaire, s'en détachait
ensuite en reprenant son trajet d'avant en arrière,
formait une bandelette triangulaire dont le sommet
aboutissait au bord supérieur de la protubérance.
Cette bandelette, séparée de celle du côté opposé, for-
mait avec cette dernière l'espace perforé postérieur.
Les connexions de ce faisceau avec le champ olfactif
étaient donc bien établies; il importait de le suivre
plus bas, c'est-à-dire au niveau de la protubérance.
Sur ce point, je ne saurais être affirmatif. Je me
méfie trop de moi-même, et sais combien il est facile
de se tromper en croyant suivre des faisceaux blancs
au milieu d'autres. Je laisse à d'autres plus habiles et
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 71
mieux outillés que moi le soin de conduire jusqu'à
leur origine réelle les bandelettes de l'espace perforé
postérieur.
Je crois cependant y être arrivé : le faisceau
peut être suivi assez facilement jusqu'à quelques mil-
limètres de l'e21ceztia teres. Là, il m'a semblé se
diriger en dehors de ce noyau. Je l'ai perdu à ce
niveau.
La disposition anatomique des bandelettes médul-
laires, si nette dans les cas dont je viens déparier,
je l'ai toujours retrouvée depuis que mon attention
a été ainsi fixée. Elle n'est pas aussi apparente, aussi
tranchée que dans, ce cas, mais on ne peut s'y mé-
prendre et on peut toujours la distinguer'.
. Le champ olfactif est donc mis en relations avec
le plancher du quatrième ventricule ; le point d'origine
de l'arc médullaire étant très probablement situé en
dehors du noyau du nerf moteur, c'est-à-dire dans la
situation des noyaux moteurs par rapport aux noyaux
sensitifs.
Le faisceau, après avoir traversé la protubérance
annulaire, constitue avec celui du côté opposé l'espace
perforé postérieur. Il est constamment séparé du
pédoncule cérébral adjacent par un interstice perforé,
très mince mais très visible. Cette séparation contribue
à rendre plus nette l'existence du faisceau compris
ainsi entre deux espaces vàsculaires. C'est dans ce
' Sur deux autres pièces, j'ai eu occasion, depuis que j'ai terminé mon
travail, de voir sans préparation le faisceau mamillaire. Des deux côtés,
il était représenté par deux tractus tranchant par leur couleur blanche
sur la substance grise du corps cendré. Il m'a suffi de couper les ban-
delettes optiques il ce cerveau pour constater l'implantation de ces tractus
sur le bord postérieur du champ objectif. Dans ce cas, les racines internes
et externes des nerfs olfactifs étaient très développées.
72 9 ANATOMIE.
sillon qu'apparaissent la substance grise du locus
niger et l'origine extérieure du moteur oculaire com-
mun. Ensuite il s'enroule autour du tubercule mamil-
laire où il pénètre et s'en détache puis, passant
sous la bandelette optique, va concourir à former la
bande diagonale, comme je l'ai dit à propos du cas
particulier dont j'ai parlé.
Déjà est indiquée par ce fait la part que prend le
tubercule mamillaire dans l'appareil de l'olfaction'.
Placé sur le trajet du faisceau médullaire, il est l'ana-
logue des renflements genouillés de l'appareil de la
vision. J'aurai à y revenir plus loin; j'ajouterai que
les auteurs enseignent que les tubercules mamillaires
se développent en même temps que l'espace interpé-
donculaire, c'est-à-dire très probablement avec les
deux faisceaux qui limitent cet espace (5e mois). De
plus, on voit que l'espace perforé postérieur est lui-
même comme l'antérieur, un espace olfactif.
Quoique je ne puisse affirmer l'existence du noyau
d'origine du faisceau médullaire de l'appareil olfactif,
elle ne saurait faire de doute pour moi. L'analogie
avec les origines des autres nerfs, les observations de
Serres au sujet de cette origine médullaire chez les
poissons, les observations faites chez les anencé-
phales, observations que je relate plus loin plaident
en faveur de cette hypoihèse, laquelle, du reste, pourra
être jugée définitivemen;' et assez vite par des anato-
mistes plus habiles que moi.
1 Le faisceau rachidien ne va pas tout entier au tubercule mamillairr;
une partie passe en dehors de lui pour aller directement au champ
objectif - C'est entre le pédoncule cérébral et le pilier antérieur qu'il
faut chercher le filet rachidien et dans l'épaisseur du tube¡' cinerium
quand il n'est pas à découvert.
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 73
En résumé, les connexions entre la moelle et le
carrefour olfactif sont constitués : 1° par quelques
faisceaux qui apparaissent sur la face inférieure du
pédoncule cérébral et qui sont très probablement une
émanation du faisceau principal dont quelques fibres
ont pénétré dans le pédoncule cérébral; 2° par un
faisceau principal qui, prenant son origine sur le
plancher du quatrième ventricule, forme avec son
congénère du côté opposé l'espace perforé postérieur
et se met en relations avec le tubercule mamillaire.
Les deux faisceaux réunis, le principal et les fascicules,
passent sous la bandelette optique et vont former la
couche inférieure et postérieure de la bande diago-
nale.
Le premier arc périphérique l'arc rachidien
étant établi, quoique non poursuivi de visu jusqu'à
son origine réelle, passons au second.
Notes bibliographiques. Foville, à propos de la « struc-
ture de la partie fondamentale du noyau cérébral » décrit en
dedans du pédoncule cérébral deux faisceaux, un postérieur et
un moyen, qu'il mène tous deux dans l'espace perforé anté-
rieur : l'un, le poslérieur, à la superficie; l'autre, le moyen,
profondément au-dessous du premier.
IIUGUNIN, dans une description peu claire, parle d'anses
pédonculaires que l'on peut rapporter à celles de Foville.
BROCA insiste beaucoup dans son mémoire sur le rattache-
ment de l'appareil olfactif aux faisceaux inférieurs des pédon-
cules cérébraux. On voit qu'il désire amener au lobule olfactif,
auquel il attribue des propriétés motrices, des fibres émanant
du plan inférieur du pédoncule.
Mais il ne s'appuie que sur des faits d'anatomie comparée :
ce n'est que par analogie qu'il conclut à l'existence de ces
fibres motrices chez l'homme.
Nerfs olfactifs (' ! le : ; les an encéphales. - D'après Pressât,
BRESCHET, à propos d'un hydrocéphale manquant de cerveau,
74 ANAT03.IIE.
dit : * Les nerfs mis à nu, je vis distinctement la première
paire ou nerfs olfactifs, dont le renflement antérieur était très
marqué, et deux filets blanchâtres qui se dirigeaient en arrière
vers la moelle épinière; cependant je n'ai pu suivre ces cor-
dons jusqu'à leur insertion ou origine. »
Un fait du même genre est fourni par BÉCLARD (PRESSAT).-
« Chez cet hydrocéphale, la moelle allongée était divisée en
avant et présentait les pédoncules du cerveau terminés par des
éminences qui paraissaient être les couches optiques et les
corps striés. En outre, la moelle se prolongeait entre les pé-
doncules en deux petits cordons blancs qui se terminaient dans
les gouttières ethmoïdales par les renflements olfactifs. »
Baron et Comte citaient des observations analogues.
SERRES, d'après FRANK. « Chez quelques poissons carti-
lagineux, on peut suivre l'insertion du nerf olfactif jusque sur
le pédoncule cérébral. »
LEBIEPF, d'après P. BERGER, signale le faisceau médullaire,
ou du moins une partie de ce faisceau. Il décrit un faisceau
qui partant des cordons antérieurs de la moelle va se jeter
danp la tubercule mamillaire.
Tubercules mamillaires. Luys. « Leur développement
dans la série des vertébrés est proportionnelle à celui de
l'hippocampe. »
Quelques auteurs classiques, SAppEyentre autres, signalent
dans l'espace interpédonculaire la présence d'un faisceau dis-
tinct du pédoncule, mais ils ne parlent ni de son origine, ni de
sa terminaison, ses connexions avec le tubercule mamillaire.
Peut-être faut-il ajouter à l'arc rachidien un faisceau de
fibres qui, issu aussi des petites masses ganglionnaires du
tubercule mamillaire, irait, suivant Edinger, « en se recour-
bant à angle droit dans la calotte des tubercules quadriju-
meaux, où on peut le suivre jusque dans les ganglions situés
sous l'aqueduc de Sylvius. »
IV. CONNEXIONS DU CARREFOUR OLFACTIF AVEC
la couche optique. (Arc intermédiaire.)
Dans quelques cas assez rares il est vrai,
il existe, entre la base d'adhérence du crochet hippo-
DE l'appareil nerveux central DE l'olfaction. 7." 1")
campique et le bord externe de la bandelette optique,
un espace libre rubané, dont la largeur peut aller jus-
qu'à 2 millimètres. -
Ruban péri-optique. Quand on détache avec pré-
caution le crochet hippocampique de sa base d'adhé-
'renée, on constate que le ruban en question s'élargit
et atteint 3 ou 4 millimètres. '
En dedans et en avant, le ruban ainsi constitué se
continue avec l'angle postéro-ex terne de la bande diago-
nale. Cette continuation se fait de la façon suivante :
une partie se jette sur le corps même de la bande dia-
gonale ; l'autre partie se continue avec le bord posté-
rieur de cette bande, c'est-à-dire avec les fibres qui
viennent du faisceau médullaire juxta-pédonculaire
qui est décrit plus haut. Le crochet hippocampique lui
fournit une seconde origine à l'aide d'un faiseau,
quelquefois divisé en deux piliers.
Que devient-il en arrière ? Rien d'aussi simple que
de le suivre, et sans aucune préparation : il s'élargit
encore, s'étalant sur la face inférieure du plafond du
diverticule ventriculaire, en côtoyant la bandelette
optique ; puis il s'éloigne de cette dernière au niveau
du corps genouillé externe (il recouvre quelquefois ce
tubercule, et semble alors en provenir, mais il est
facile d'en faire la séparation). Devenant de plus en
plus large, et par suite moins épais, il contourne le
bord postérieur de la couche optique, s'étale sur la
face supérieure de ce renflement; et enfin se termine
en formant une large calotte blanche qui vient coiffer
le tubercule antérieur du corps optique (centre olfactif
de Luys).
Comment expliquer que le ruban péri-optique qui,
76 (i ANATOMIE.
dans son trajet sus-optique, a jusqu'à 6 et 7 minime-.
très de largeur, et qui est souvent d'un blanc absolu-
ment pur, ne soit pas signalé par les auteurs ? Aujour-
d'hui encore, après avoir constaté des centaines de fois
ce fait anatomique (qui, du reste, m'avait frappé depuis
longtemps, bien avant que je ne commence les recher-
ches actuelles), je cherche encore l'explication d'une
pareille omission.
On ne peut dire que la présence de cette large voie
soit assez rare pour qu'elle ait échappé jusqu'à ce jour
à la simple vue : elle est constante. Et, si dans quel-
ques cas, elle est moins blanche et moins accusée, il
est des plus faciles d'en démêler les faisceaux longitu-
dinaux, entre-croisés entre eux et couverts, dans ce
cas, d'un voile de substance grise.
Pour en avoir une idée nette, il faut l'examiner sur
le bord interne de sa terminaison optique au point
où elle reçoit l'habencc. Là les deux bandelettes sont
des plus distinctes.
Dans mon désir de trouver un rattachement entre' le
carrefour olfactif et le cerveau intermédiaire, ne me
serais-je pas trompé ? Ces faisceaux blancs que je
décris comme une production à part ne sont-ils que
« la couche fenêtrée » dont parlent quelques auteurs
et qui seraituneémanationde la capsule externe. J'avoue
que j'aurais hésité, malgré la netteté des préparations,
à être assez affirmatif, si je n'avais trouvé chez des
auteurs, anciens il est vrai, la conformation de ce que
j'avance'.
Il est possible, il est probable même, que parmi les faisceaux blancs
du straturn zonale, tous n'appartiennent pas au ruban olfactif, et que
les plus internes, par exemple, fassent partie de l'appareil optique.
Ceux-là, en eflet, pénètrent profondément dans la couche optique et vont
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 77
Je me demande s'il ne faut pas chercher l'explica-
tion de cette différence d'observation dans ce fait que
je ne me suis servi à peu près que de cerveaux frais,
c'est-à-dire non conservés dans un liquide quelconque.
J'ai remarqué, en effet, sur les quelques cerveaux
conservés dans l'alcool que j'ai eus à ma disposition,
que cette disposition anatomique, comme bien d'autres,
était beaucoup plus difficile à distinguer.
J'ai pris comme type de description le cas où le cro-
chet de l'hippocampe laisse entre sa base d'implanta-
tion et la bandelette optique un certain intervalle'.
Le plus souvent, Je crochet est adhérent, jusqu'au
niveau de la bandelette optique ; il faut alors séparer
le crochet de la base d'adhérence et le ruban apparaît
distinctement.
En arrière du crochet, le ruban devient plus large,
comme je l'ai dit; nous verrons plus loin qu'à ce niveau,
il entremêle ses faisceaux avec d'autres faisceaux, dont
nous aurons à nous occuper (le faisceau sphénoïdal),
séparé de ces faisceaux par la queue du noyau caudé
qui s'étend beaucoup plus loin que ne le disent les
classiques, puisqu'elle va jusqu'à l'extrémité antérieure
de la paroi interne ventriculaire.
Après avoir dépassé le corps genouillé externe, il se
peut-être ? au second noyau de Luys. Avant d'atteindre le tubercule
quadrijumeau supérieur, ils rejoignent un faiseau profond de raccorde-
ment de ce tubercule avec la partie antérieure et externe de la couche
optique. Ces deux faisceaux réunis constitueraient l'arc intermédiaire de
l'appareil optique.
1 Dans ce cas, le ruban qui occupe cet intervalle aboutit, au niveau de
l'hiatus ventriculaire, au sommet d'une anse que l'on rend très apparente
eu tirant en dehors le crochet de l'hippocampe. L'arc supérieur de l'anse
est la bandelette que je viens de décrire; Tare inférieur est le corps
bordant (voir la figure plus loin).
78 ANATOMIE.
divise en deux faisceaux. La division principale, qui
est la continuation du tronc d'origine, suit le trajet
que j'ai indiqué pour aller coiffer le tubercule anté-
rieur de la couche optique.
Filet du sillon opto-strié. Toenia. La seconde divi-
sion est un petit faisceau, qui, en remontant, va se
placer dans le sillon opto-strié. Il va constituer ce que
les classiques décrivent sous le nom de tænia ou de
bandelette demi- circulaire. Ce taenia n'est en effet,
qu'une dépendance du ruban péri-optique. Son origine
d'abord le démontre; ensuite les échanges qui ont
lieu fréquemment entre lui et le ruban péri-optique la
confirment suffisamment.
La présence du taenia est loin d'être constante, au
moins dans toute son étendue. Il est remplacé alors
par le bord externe du ruban optique. Ce fait vient
encore à l'appui de mon interprétation; il y a en quel-
que sorte balancement entre le ruban et le taenia.
Le toenia se termine en avant non seulement dans
le pilier antérieur et la cloison transparente, comme
l'indiquent les auteurs, mais encore dans le tubercule
antérieur de la couche optique. De plus, quand il con-
tourne en dehors ce tubercule, quelques filets se déta-
chent et vont s'anastamoser avec le pilier antérieur
réfléchi de la voûte. Cette anastomose est signalée par
Cruveilhier1.
Pour en finir avec le ruban péri-optique, je men-
tionne les échanges de fibres qui ont lieu quelquefois
entre lui et le pilier postérieur de la voûte, au moment
' Au sujet du dénia, je dirai que la lame cornée, lorsqu'elle présente
un grand volume, notamment dans sa moitié antérieure, renferme des
fibres nerveuses facilement distinyuables à l'u'il nu.
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 79
où ce pilier contourne le bord postérieur delà couche
optique, revêtue du ruban. J'appelle aussi l'attention
sur la connexion de l'origine du corps bordant avec
celles du ruban, connexion qui a lieu par une anse en
arrière de l'uncus. Ces connexions indiquent les rap-
ports qui doivent exister entre le ruban et le centre
cortical, dont le corps bordant et le pilier postérieur
(continuation du corps bordant) sont des annexes.
D'après cette description, on voit par quelle large
voie sont établies les connexions entre le carrefour e
la couche optique. Je me demande, à ce sujet, si les
anciens n'avaient pas mieux vu que nous, et si ce
n'est pas réellement au ruban péri-optique qu'ils ont
appliqué cette désignation de « toenia e, désignation
assez inexplicable quand il s'agit du mince filet de
sillon opto-strié.
En résumé, le carrefour olfactif se trouve relié au
tubercule antérieur de la couche optique par le ruban
péri-optique et par la bandelette opto-striée (toenia),
laquelle va, de plus, jusqu'à la cloison transparente.
Ainsi se trouve établi notre second arc (arc intermé-
diaire). Passons au troisième arc, l'arc cérébral.
Je n'ai pas la prétention de croire que ma description
est à l'abri de toute critique et ne donnera pas lieu à
des redressements ou à une description plus complète.
Mais ce que je crois être en droit d'espérer, c'est qu'on
admettra sous une forme ou sous une autre une com-
munication évidente entre le carrefour et le tubercule
antérieur de la couche optique.'
Notes bibliographiques. -Ruban péri-optique. VICQ D'AzYR
s'est beaucoup occupé de la partie de ce ruban, décrite sous le
nom de toenia, bandelette demi-circulaire, etc., etc., et l'ap-
80 " ANATOMIE.
pelle la bandelette stl'iée. Sur les dessins, où il la représente, elle
dépasse notablement le sillon opto-strié : il la décrit comme
n'étant recouverte par la lame cornée que dans sa partie anté-
rieure.
En avant, il l'a fait s'épanouir « près du septum » ; d'après
les figures, elle se jetterait entièrement dans ce septum. Dans
un autre passage, il dit : « ... La terminaison de la bande-
lette striée se fait très près de celle de labandelette del'hypo-
campe ou corpus fimbrialuiu ; elle est seulement un peu plus
élevée et leurs substances communiquent en plusieurs points ».
Quant à son origine, il en parle ainsi : « ... Pour bien le
connaître, il faut ouvrir en dehors et sur le côté l'étui de
l'liyppocampc,onaperçoit alors des lames blanches irrégulières
faisant partie du plancher supérieur de ce prolongement des
ventricules latéraux et qui sont placés à la partie externe des
couches optiques. Dans ces lames, des filets blancs sont très
rapprochés les uns des autres. Ces filets s'écartent plus bas et
plus en devant, où ils s'épanouissent sur la paroi interne de
l'espèce de loge qui est destinée à contenir l'élargissement de
la corne d'Ammon ou grand hypocampe. »
Dans une autre planche, il a fait représenter une « variété
du taenia )1 ... « Bandelette striée, dit-il, qui est évidemment
fibreuse en 9.9.9 et de laquelle se détachent des filets parti-
culiers en 11. Il. 1'-). Ces filets ne sont point constants. » Ces
filets sont très probablement ceux que j'ai signalés comme
établissant des anastomoses avec le ruban péri-optique.
Si Vicq d'Azyr n'a pas vu exactement l'origine et la termi-
naison de sa bandelette striée, il a au moins signalé l'existence
de celle-ci.
GRATIOLET. «... Le second faisceau (le premier est
constitué par les Itabenæ) s'étale en une membrane mince au-
tour de la couche optique. Les fibres clairsemées se recourbent t
d'avant en arrière autour d'elles, et se jettent successivement
dans les rayons inférieurs de l'éventail pédonculaire. Elles
composent essentiellement l'écorce de la couche optique. »
« ... Un troisième faisceau, mieux distinct, s'enroule sur
le bord externe de la couche optique, dans un sillon qui la
sépare de la couche- optique. Ce faisceau, connu sous le nom
de twijia semi-circulaire, borde la lèvre antérieure de la gout-
tière de l'anse dès l'origine de celle-ci, et se termine au niveau'
du bord postérieur du pavillon pédonculaire. » l'lus loin, il
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 81
dit : « Nous avons distingué plus haut dans la couche optique
trois éléments distincts, savoir : 1° son écorce formée de fibres
en anse, qui appartiennent au même groupe que le toenia
semi-circulaire... ».
Gratiolet distingue ainsi un faisceau « qui s'enroule en
une membrane mince autour de la couche optique ».
Bandellette demi- circulaire. - FOVILLE. « Une partie du
prolongement du faisceau postérieur (du pédoncule), facile à
suivre jusqu'à la pointe du calamus, s'arrondit en bas et en
dehors et devient une partie du quadrilatère perforé, tandis
qu'une émanation supérieure du même faisceau postérieur se
porte dans l'intervalle du corps strié et la couche optique en
décrivant une belle courbe connue sous le nom de la bande-
lette demi-circulaire. » En arrière et en bas, il la fait aussi
aboutir à l'espace perforé ; elle est une partie de son système
fibreux convergent.
Luys la mène à son centre olfactif.
SAPPEY la décrit ainsi : « Ses extrémités sont encore un ob-
jet de contestation pour les anatomistes. En avant, on la voit
se perdre dans la substance grise de la couche optique. Son
extrémité postérieure s'épanouit en un large pinceau de fibres
qui s'étalent sur la paroi supérieure do la portion réfléchie des
ventricules et qui disparaissent dans la substance grise du
crochet terminal de la circonvolution de 1-hippocampe. »
D'après CRUVEILHIER, « quelques-unes de ses fibres peuvent t
être suivies jusqu'à la partie inférieure de la corne d'Ammon ».
LoNCET affirme qu'elle se bifurque pour aller, par une de
ses branches, dans le pilier antérieur, et par l'autre, dans
l'épaisseur de la couche optique. '
La bandelette étant admise avec Vicq d'Azyr et Gratiolet,
on voit que les premiers la font naître très près de la terminai-
son (origine) du corpus firnbriatum ; « elle est seulement un
peu plus élevée et les deux substances communiquent en plu-
sieurs points ».
Gratiolet, lui, la conduit à « l'éventail pédonculaire », ce
qui n'est pas loin de l'origine que j'ai assignée à la bandelette.
Foville fait partir le taenia de l'espace perforé, et Luys, du
noyau amygdalien. Cruveilhier suit l'origine du taenia jusqu'à
la corne d'Ammon, et enfin, Sappey l'implante « sur la paroi
supérieure de la portion réfléchie des ventricules » et la fait
disparaître « dans la substance grise de l'uncus.
Archives, t. XXII. 6
82 ' ANATOMIE.
Au point de vue du caractère olfactif du tubercule antérieur
optique, je n'ai à apporter à l'appui que l'observation de Hun-
ter. Critiquée par les uns, elle est cependant considérée comme
concluante par les autres, par- Poincarré, entre autres. Il y a
aussi les faits et l'opinion de Luys. On peut ne pas les accep-
ter les yeux fermés, mais j'estime qu'on ne doit pas non plus
les récuser de parti pris, et qu'il faut au moins les retenir
jusqu'à plus ample recueil d'observations.
V. CONNEXIONS DE LA COUCHE OPTIQUE (DU TUBERCULE
ANTÉRIEUR DE LA COUCHE OPTIQUE) AVEC l'ÉCORCE
cérébrale. (Arc cérébral.)
Ces connexions sont établies par les piliers de la
voûte, dont je n'ai pas à donner ici la description.
Seulement, au lieu de les faire se terminer dans le
tubercule antérieur de la couche optique, je les fais y (
prendre leur origine, puisqu'il s'agit d'un appareil de
conduction à courant centripète.
Né dans l'intérieur du tubercule, et après s'être
anastomosé, comme je l'ai dit plus haut, avec des filets
de la bandelette opto-striée (taenia), le pilier profond
(de,Vicq d'Azyr) va à l'éminence mamillaire, entre en
connexion avec elle, et est continué par le pilier anté-
rieur. Y a-t-il enroulement en huit de chiffre des deux
piliers autour de l'éminence ? Le pilier profond y
pénètre-t-il et le pilier antérieur en part-il ?
Peu importe ! Ce qui est certain et ce que personne
ne conteste, c'est qu'il y a connexité intime entre les
éminences mamillaires et les piliers. Ceux-ci, après
avoir formé la voûte, vont en arrière se jeter, d'une
part, sur l'écorce de la corne d'Ammon et se continuer, '
d'une autre part, au corps bordant.
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 83
A la description classique de ces piliers, j'ajoute les
importants détails suivants :
Chiasma olfactif. Les piliers antérieurs ne font
pas que se mettre en contact au-dessus de la commis-
sure antérieure; ils fusionnent; leurs faisceaux internes
s'entre-croisent de telle façon que les deux piliers n'en
forment réellement qu'un seul.
Ce fait est des plus faciles à vérifier; il explique
pourquoi les auteurs anciens n'avaient trouvé que
trois piliers à la voûte, pourvue de quatre piliers par
les modernes. Dans quelles proportions se fait l'entre-
croisement des faisceaux ? Très approximativement,
je l'évalue au tiers de ces faisceaux.
La fusion est donc intime- au niveau de la partie
verticale des piliers. Dans leur portion horizontale,
l'entre-croisement continue, moins épais, moins fourni,
il est vrai. Son existence ne saurait être contestée non
plus à ce point. A la face inférieure de la voûte, il y
a bien un sillon de séparation; mais, en haut, même
quand il y a une apparence de séparation médiane,
on trouve un échange de faisceaux plus ou moins
nombreux. '
Le chiasma ne s'arrête pas là. Dans l'écartement
des piliers postérieurs, existe une disposition particu-
lière non encore décrite, ou du moins décrite incom-
plètement.
Sous le nom de lyre, de psaltériuiii, les auteurs
décrivent une région triangulaire limitée en dehors et
de chaque côté par les piliers postérieurs et remplie
par des cordes transversales, qui seraient les faisceaux
transversaux du corps calleux. Or, cela n'est pas exact.
Il existe, en effet, des fibres transversales, ou plu-
84 ANATOMIE.
tôt des fibres dont la direction générale est transver-
sale. Ces faisceaux de fibres, beaucoup plus fins, plus
déliés que ceux du corps calleux, lesquels se laissent
voir au-dessus des premiers, sont sinueux, contour-
nés, tout en se dirigeant d'un côté à l'autre; quelques-
uns décrivent des arceaux complets à concavité pos-
térieure ; d'autres fois, l'entre-croisement est unique-
ment représenté par un faisceau plus ou moins large
de fibres directement transversales. (Voir la fiz ? e 13.)
Ces faisceaux émanent, comme je l'ai déjà dit, de
l'écorce de la corne d'Ammon, de la lame bordante
ammonique et de la branche interne de bifurcation de
Fig. 13.
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 85
la circonvolution godronnée. Il en émane aussi du bord
postérieur des piliers.
Je dois dire que cette disposition anatomique n'est
pas toujours aussi nette que l'indique ma description
et que celle qui est représentée dans la figure. Mais on
en trouve toujours des traces plus ou moins tranchées;
et j'ajouterai qu'il m'a semblé que lorsqu'à ce niveau
les fibres entre-croisées et anastomosées sont peu nom-
breuses, les piliers sont plus larges, l'écorce ammo-
nique se prolonge en fuseau plus ou moins loin en
avant derrière les piliers, comme je l'ai indiqué plus
haut; et les faisceaux échangés au niveau de la voûte et
des piliers antérieurs sont plus nombreux et plus épais.
Il y aurait une sorte de balancement entre le chiasma
postérieur (lyre) et l'antérieur (piliers antérieurs).
Ce point établi, je n'ai rien à dire de la terminai-
sou des piliers postérieurs; je dois toutefois rappe-
ler que ces piliers, devenus corps bordants, peuvent,
le plus souvent, être suivis jusque sur la face libre du
crochet de l'hippocampe, reliés par un pinceau fibreux
à la bande diagonale, et se continuant par une anse à
concavité postérieure sur l'origine du ruban péri-
optique.
Pour confirmer les relations étroites qui existent
entre la voie de conduction constituée par les piliers
et ce que nous connaissons déjà de l'appareil olfactif,
je rappellerai que, dans certains cas, des échanges de
fibres ont lieu entre le ruban péri-optique et les piliers,
au moment où ceux-ci contournent en arrière la
couche optique. Je dirai aussi qu'une seule fois, il est
vrai, j'ai rencontré un faisceau très distinct, émanant
d'un pilier, et qui, longeant le bord inférieur de la
86 ANATOMIE.
cloison transparente, allait se jeter sur une racine
olfactive interne portée par une circonvolution. J'ajou-
terai enfin qu'une autre fois, j'ai vu un faisceau large
de trois millimètres 'se détacher de la partie moyenne
de la voûte et aller se jeter sur le tubercule antérieur
de la couche optique, en dedans de la terminaison du
ruban péri-optique, auquel il s'accolait.
Faisceau supplémentaire sphénoïdal. A cet appa-
reil principal de conduction centripète, j'ai à ajouter
une autre voie de communication.
C'est un faisceau fibreux qui part de l'extrémité
antérieure de la corne d'Ammon, au-dessus et en
dehors de l'origine du corps bordant, s'incruste dans
le tapetum pour venir se terminer sur les piliers pos-
térieurs au niveau de la lyre. Quand on coupe la paroi
supéro-externe du ventricule à quelques centimètres
en arrière du cul-de-sac antérieur, on voit que ce cul-
de-sac présente en avant une paroi épaisse, se distin-
guant du restant du tapetum par une couleur blanche
beaucoup plus tranchée, à tractus s'enchevêtrant et
partant de l'écorce de la tubérosité du renflement de
la corne d'Ammon.
Le faisceau, né de cette muraille, se dirige en
arrière, séparé, ainsi que je l'ai dit plus haut, de l'ori-
gine du ruban péri-optique par la queue du noyau
caudé. Il est placé, par conséquent, en dehors de
celui-ci. Quelques-uns de ses fascicules s'entre-mêlent
même avec ceux du ruban par-dessus le noyau caudé.
Un peu plus en arrière, au niveau de l'hiatus du ven-
tricule latéral, ces fascicules sont réunis par des fibres
arciformes, quelquefois très apparentes, d'autres fois
plus difficiles à constater.
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 87 Î
Je reprends le trajet de notre faisceau. Appliqué
sur la face inférieure du tapetum, il suit le bord externe
du diverticule sphénoïdal; puis arrivé au coude de ce
diverticule, il se relève et atteint par sa face inférieure
le pilier postérieur au niveau de la partie moyenne de
la lyre. Là, il fusionne avec le pilier et envoie des fila-
ments dans l'intérieur de la lyre. Ce faisceau supplé-
mentaire de renforcement pourrait être appelé « fais-
ceau sphénoïdal ». Il n'est pas toujours très apparent,
mais on peut en retrouver des traces. Je dois dire
cependant que quelquefois, je ne l'ai pas rencontré.
Cloison transparente. A la voûte à trois piliers,
je rattache la cloison transparente comme autre élé-
ment de l'appareil olfactif. Cette connexité saute aux
yeux quand on examine la voûte chez un animal osma-
tique, chez le chien ou chez le porc, par exemple.
Chez ceux-ci, la cloison est représentée par deux
énormes masses grises ellipsoïdales couchées sur les
piliers antérieurs, avec lesquels ils font corps.
Chez l'homme, les classiques admettent que les
piliers antérieurs envoient des filaments dans le sep-
tum lucidum. Mais ils n'insistent pas beaucoup sur ce
fait, pourtant très important. En effet, ces filaments
sont en très grand nombre et la couche médullaire de
chacune des parois du ventricule de la cloison est pour
ainsi dire constituée entièrement par l'étalement de
ces filaments et de ceux du taenia. Le restant de cette
couche blanche est formée par des fibres émanant
d'une des divisions internes de la bande diagonale du
carrefour. Je reviendrai sur ce point dans le chapitre
suivant.
88 ANATOMIE.
En résumé, les piliers de la voûte après avoir passé
par les éminences mamillaires et après s'être entre-croi-
sés, mettent en communication directe le tubercule de
la couche optique dans laquelle ils prennent naissance,
avec la formation godronnée.
Le tubercule antérieur de la couche optique est-il
une station olfactive ? Cela ne me paraît pas douteux
si on tient compte de ses relations directes avec le
carrefour olfactif, relations que j'ai établies plus haut,
dans le chapitre précédent.
Ce point admis, la conséquence en est que les piliers
de la voûte sont une dépendance de ce tubercule et par
suite de l'appareil olfactif.
Si l'on considère les origines des piliers antérieurs
et les échanges des piliers postérieurs avec les rubans
périoptiques'; si l'on considère de plus la continuité
des émanations des piliers antérieurs avec celles de la
bande diagonale dans la couche blanche du septum et,
comme on le verra plus loin, la continuité directe du
faisceau à faisceau entre le pilier antérieur et la bande
diagonale; si, en outre, on considère que les tubercu-
les mamillaires fontpartie intégrante des piliers et que
nous avons déjà rattaché ces éminences à l'appareil
olfactif; si, enfin, on tient compte de ce que le septum
lucidum se développe en même temps que le trigone,
lequel se développe en même temps que la corne
d'Ammon (les embriologistes ne parlent pas du corps
godronné, mais ils le comprennent probablement
dans la formation ammonique) ; on verra que je suis
' Le ténia, qui n'est qu'une portion du ruban péri-optique, est consi-
déré par quelques auteurs comme faisant partie de l'appareil de l'olfac-
tion.
DE l'appareil nerveux central DE l'olfaction. 89
bien fondé à comprendre les piliers dans cet appareil.
Ces piliers seraient, en définitive, des bandelettes
olfactives avec un chiasma, en tout semblable à celui
des bandelettes optiques. La cloison transparente serait
l'analogue de ce que l'on appelle la racine grise des
nerfs optiques, et les éminences mamillaires représen-
teraient les tubercules quadrijumeaux, avec cette diffé-
rence qu'ils se confondraient avec le corps genouillé du
même côté'. Enfin, les bandelettes olfactives mettraient
en communication la station intermédiaire de la cou-
che optique avec le centre nerveux.
Quant aux bandelettes olfactives, bien qu'ayant
comme aspect, -comme disposition et comme entre-
croisement de grandes analogies avec les bandelettes
optiques, je dois reconnaître cependant qu'elles s'en
différencient en ce sens que les bandelettes optiques
appartiennent au système de premier arc ou arc mé-
dullaire, tandis que les bandelettes olfactives appar-
tiennent à l'arc supérieur ou cérébral.
La communication par le trigone est la principale ;
mais il en est une autre, supplémentaire probablement.
C'est le faisceau sphénoïdal qui, partant du pilier pos-
térieur, va, en suivant la face inférieure du tapetum,
se termine dans la substance blanche de la corne
d'Ammon et du crochet.
Je ferai remarquer l'importance du chiasma olfactif
qui explique les observations d'anosmie croisée inex-
plicables jusqu'à ce jour, car il importe de noter que,
même en admettant chez l'homme - ce qui n'est
' Plus exactement, les tubercules mamillaires représenteraient les tuber-
cules quadrijumeaux supérieurs et les corps genouillés externes super-
posés, les deux arcs, rachidien et cérébral, entrant en contact à leur
niveau.
90 ANATOMIE.
admis que par par analogie - les relations qui existent
chez certains animaux entre la commissure blanche et
les nerfs olfactifs, il ne s'agirait que d'une commissure
et non d'un chiasma.
Jusqu'à présent il a été admis que le trigone avec
ses piliers n'était qu'une commissure antéro-postérieure
dont la courbure s'expliquait par l'évolution embryo-
génique. La masse cérébrale s'enroulant d'arrière en
avant autour de l'axe intermédiaire, la commissure
avait à suivre cet enroulement. Les rapports qu'ils
établissent entre un noyau cortical et un noyau inter-
médiaire, leurs connexions avec des éléments qui font
partie intégrante de l'appareil optiques, me semblent
mieux expliquer leur raison d'être.
Il est probable que si les bandelettes olfactives n'a-
vaient pas, par leurs évidentes connexités, imposé de
suite leurs fonctions, on les eût rangées aussi dans le
système des commissures antéro-postérieures.
En résumé, je crois pouvoir conclure que l'arc céré-
bral est constitué par les piliers du trigone; que ces
bandelettes olfactives possèdent un chiasma et que le
septum lucidum est à ce chiasma ce que la racine grise
des nerfs optiques est au chiasma optique.
Notes Bibliographiques 1. Piliers de la voûte, Gratiolet,
à propos d'un cas d'anencéphalie : « les corps striés, le corps
calleux, toutela partie antérieure et supérieure des hémisphères
manquaient; il n'y avait qu'un vestige des lobes inférieurs. La
voûte, très irrégulière, n'avait en avant qu'un seul nerf olfac-
tif, qui semblait naître du centre de l'une des couches optiques. »
Ce fait me paraît très intéressant à noter : un seul nerf olfac-
1 Voir plus haut, dans les notes relatives au centre cortical, les opinions
des auteurs qui admettent des rapports proportionnels de développement t
entre le trigone et la corne d'Ammon.
du l'appareil nerveux central de l'olfaction. 1.) 1
til' et un seul pilier. Ils étaienttrèsprobablement situés du même
côté, car la disposition contraire eût été signalée. Puisque la
partie antérieure et supérieure des hémisphères manquait,
comment expliquer, avec l'hypothèse en cours actuellement, le
développement d'une moitié de la commissure antéro-posté-
rieure ? ` ?
Chiasma. HUGUENIN « .. il existe de cette façon entre les
deux cornes d'Ammon une commissure tranversale, qui à pro-
prement parler, aurait dû être décrite ci-dessus avec les autres
commissures transversales du cerveau. »
D'autres auteurs admettent aussi une commissure des nerfs
olfactifs, mais le chiasma n'existe chez eux qu'à l'état d'hypo-
thèse et pour expliquer les cas d'anosmie croisée. Et même cette
commissure, évidente chez les animaux à flair développé -
osmatiques de Broca n'est acceptée que sous bénéfice d'in-
ventaire, et l'invention reste encore à faire. Meynert, Luys sont
avec Broca les seuls, je crois, qui le considèrent comme un fait t
accompli. Huguenin est cité comme partageant celte opinion,
quoiqu'il dise très explicitement : « Si nous cherchons les fais-
ceaux antérieurs analogues (à ceux des animaux) dans le cer-
veau de l'homme, nous voyons que ces faisceaux sont fort petits
et en rapport avec le peu de développement des nerfs olfactifs.
Ils n'ont, du reste, été t1'Ouvés jusqu'ici que pa¡'lIfeynel't : d'au-
tres auteurs en ont nié l'existence d'une façon absolue. »
EDINGER, après avoir admis la commissure qu'il reconnaît
être très petite, ajoute qu'elle existe peut-être. -
Je ne m'explique guère la note suivante de Ferré : « Le
faisceau qui descend dans la paroi du septum lucidum s'étale
sur la tète du noyau caudé, et entre en communication avec le
noyau lenticulaire, la capsule interne et l'avant-mur. »
D'après VICQ D'AZYR, le faisceau originel du pilier antérieur
peut être suivi par quelques fibres jusqu'au toenia. CRUVEILHIER
a vu cette anastomose, mais l'interprète autrement. Une bifur-
cation profonde du tænia « s'enfonce dans la couche optique,
se porte d'arrière en avant, gagne le tubercule mamillaire,
qu'elle forme en s'enflant, et se recourbe de bas en haut pour
constituer le pilier antérieur. »
Lyre. Foville estime que ce sont les émanations de la
corne d'Ammon qui forment les cordes transversales de la
lyre.
92 ANATOMIE. APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION
Luys. - Le système commissurant des circonvolutions de
l'hippocampe et des corps godronnés est représenté par cet en-
semble de fibres délicates transversales, qui font saillie à la
lace inférieure du corps calleux et que l'on décrit communé-
ment sous le nom de lyre. »
Cloison transparente. FovILLE : « Si les côtés de la voûte
sont formés de ces piliers, je crois que les parties de son mi-
lieu et celles qui l'unissent au corps calleux viennent des pro-
ductions du septum lucidum. »
Luys. « La substance grise centrale forme d'avant en ar-
rière plusieurs intumescences qui méritent d'être signalées :
. « 1° C'est d'abord la substance grise delà cloison, située sur
les parois de la cloison. Elle se propage plus ou moins haut
autour des piliers et remonte quelquefois jusqu'au pourtour
des noyaux antérieurs. Elle reçoit la racine grise olfactive, et
son développement dans la série des vertébrés est propor-
tionnel au volume de cette racine, ce qui implique des
rapports intimes avec l'olfaction. » Cruveilhier : « La couche
médullaire (du septum) est composée de fibres radiées qui, des
piliers de la voûte, se portent au corps calleux. »
Tubercules mamillaires. - Luys «... Leur développement
dans la série des vertébrés est proportionnel à celui de l'hippo-
campe. »
Faisceau sphénoïdal. - VICQ D'AZYR. «... La concavité de
cette loge ou étui est formée dans quelques endroits de subs-
tance grise, et dans d'autres de substance blanche. Différen-
tes plaques ou stries, composées de ces substances sont inter-
rompues les unes par les autres.... En 11-11-12 sont des stries
ou fibrilles, dont la direction et l'entrelacement varient beau-
coup dans les différents sujets... C'est pour faire connaître la
structure intime de cette loge ou étui de grands hippocampes
que j'ai publié ce dessin. » Ce dessin indique en effet les fibril-
les que je considère comme l'origine du faisceau supplémen-
taire sphénoïdal.
Les lames de la cloison transparente, la voûte et les piliers,
le corps godronné et le corps bordant constituent la circonvo-
lution concentrique interne (gyyrus marginalis internas) de
Schwalbe, laquelle est rattachée à la circonvolution concen-
trique supérieure par le crochet. (A suivre.)
RECUEIL DE FAITS
DEUX NOUVEAUX CAS D'ASTASIE-ABASIE ;
Par le D' L. BONAMAISON,
Directeur de l'Institut hydrothérapiquc de Saint-Didier
(Vaucluse).
Le syndrome astasie-abasie, nettement différencié ces der-
nières années par le Dl' Charcot, n'est probablement pas aussi
rare qu'on l'a cru jusqu'ici. Les observations, sans être encore
très nombreuses, se sont cependant multipliées depuis la pu-
blication du Dl' Blocq, qui a attiré l'attention sur cette variété
de paralysie motrice passée jusqu'alors inaperçue, ou plutôt
confondue avec des états analogues.
A mesure que la notion s'en vulgarisera, le syndrome nou-
veau se retrouvera probablement assez fréquemment dans le
domaine de l'hystérie. Il semble résulter en effet des observa-
tions publiées jusqu'à ce jour, que l'astasie-abasie doit être
considérée comme une des modalités de la paralysie hystéri-
que. M. Jaccoud, qui l'a observée le premier, la rencontre seu-
lement dans l'hystérie; plus tard, Weir-Mitchel) la décrit sous
le nom d' « ataxie motrice hystérique » ; enfin, la plupart des
malades qui font le sujet des observations publiées par le
D'' Blocq, sont des hystériques avérés, porteurs de stigmates
on de manifestations non équivoques de la névrose.
Plus récemment, le professeur Grasset publiait l'histoire
d'un hystérique, qui présentait très nettement le syndrome as-
tasie-abasie, et, dans une communication au congrès interna-
tional de Berlin, leD'' Thyssen note la fréquencedes stigmates
hystériques chez les malades porteurs du nouveau syndrome.
Nous avons à notre tour observé deux cas très nets d'asta-
sie-abasie ; dans l'un l'hystérie est probable, dans le second, elle
est manifeste et l'astasie-abasie ne s'y présente qu'à titre de
complication. -
Il ne s'agit donc point d'une maladie nouvelle, à évolution
indépendante, mais bien d'une manifestation delà grande né-
94 DEUX NOUVEAUX CAS D'ASTASIE-ABASIE.
vrose dont la symptomatologie est cependant déjà si riche et si
complexe.
Observation l ? - Mlle V...., quatorze ans, nous est adressée en
décembre 1888 par le Dr Comte, de Ch.... (Loire).
Antécédents héréditaires. - Arthritisme et névropathie chez les
grands parents (goutte, rhumatisme, asthme, etc.) Le père, très
bien portant, est d'une taille et d'une force bien au-dessus de la
normale. La mère est nerveuse, sujette à des névralgies et des
migraines. Un frère de la malade (dix-sept ans) est asthmatique.
Antécédents personnels : - Rien de particulier pendant la pre-
mière enfance. Depuis un an environ, gastralgie se produisant fré-
quemment, par crises et s'opposant pendant plusieurs jours à l'ali-
mentation. Manifestations douloureuses diverses : rachialgie, hy-
peresthésie au niveau des orteils, douleurs articulaires qualifiées
de rhumatisme par les parents. C'est à la suite d'une attaque de
rhumalisme que se seraient produits les troubles moteurs qui ont
déterminé le transport de cette malade à Saint-Didier.
Etat de la malade à son arrivée (décembre 1888). Mlle V... est
petite pour son âge, mais très forte et puissamment charpentée.
Bien que non encore menstruée, elle présente tous les caractères
extérieurs de la puberté. Depuis plusieurs mois, elle éprouve, à in-
tervalles réguliers, certains troubles locaux et généraux qui font
présager la prochaine apparition de la fonction menstruelle. Cette
jeune malade présente un état névropathique assez mal défini mais
qui nous paraît proche parent de l'hystérie, malgré l'absence de
crises nerveuses proprement dites. Nous constatons en effet chez
elle de la rachialgie, de l'hyperesthésie cutanée, de la gastralgie,
etc., etc. Depuis deux mois, elle ne peut ni se tenir debout, ni mar-
cher. A l'examen, les membres inférieurs ne présentent rien d'a-
normal, si ce n'est un certain degré d'hyperesthésie surtout loca-
lisée au niveau des orteils. Les réflexes sont intacts; il n'y a jamais
eu de contractures. Couchée, la malade jouit de la liberté de lous
ses mouvements et la force musculaire est à peu près normale dans
cette position. Assise le plus souvent sur le tapis de sa chambre,
notre jeune malade se traine sur les mains et Les genoux d'un
bout à l'autre de l'appartement. Si on la relève, elle s'affaisse dès
qu'on l'abandonne; il lui est impossible de faire un pas.
Mlle V... fut soumise au traitement hydrothérapique. Au bout
de quelques jours déjà, elle pouvait, en s'appuyant avec les mains,
se relever seule et sauter loche-pied d'une chaise à l'autre. Peu
à peu, les mouvements devinrent plus faciles et au bout d'un mois
de traitement, la malade courait dans les jardins et s'amusait
avec les enfants de son âge.
Une première apparition menstruelle eut lieu pendant le traite-
RECUEIL DE FAITS. 95
meut et tout paraissait rentrer dans l'ordre, quand la malade quitta
l'établissement. t.
Pendant l'hiver dernier, Mlle V... eut une atteinte assez sérieuse
d'influenza qui fut suivie de ! a rougeole; pendant la convalescence,
l'impotence motrice reparut. Une seconde cure faite au printemps
dernier rétablit bientôt l'état normal et la guérison s'est maintenue
jusqu'à ce jour.
Observation II. Mlle P..., dix-neuf ans. C'est une jeune fille
forte et bien constituée.
Antécédents héréditaires : Consanguinité chez les ascendants di-
rects (le père et la mère étaient cousins). Le père est mort d'une
affection hépatique; la mère a une santé délicate; une soeur de la
malade a eu quelques crises nerveuses; un de ses frères est arriéré.
Nous avons soigné une cousine germaine de cette malade qui était t
atteinte d'hystérie gastrique.
Antécédents personnels. - Réglée à treize ans, Mlle P... a joui
d'une bonne santé jusqu'à l'âge de seize ans. A cette époque, à la
suite des fatigues 'et des émotions causées par la maladie et la
mort de son père, apparaissent les premiers phénomènes nerveux :
modifications du caractère, crises convulsives, d'abord espacées,
puis de plus en plus fréquentes. Ces crises se produisent par séries
et durent parfois des journées entières. Enfin, depuis quatorze mois,
un nouveau phénomène est venu compliquer la situation de cotte
malade; c'est l'impossibilité absolue de se tenir debout et de mar-
cher. Cette impotence fonctionnelle a disparu subitement à plu-
sieurs reprises pour reparaître après un certain temps.
Etat de la malade à son arrivée cl Saint-Didier (juillet 1800).
Mlle l'... se tient indistinctement couchée ou assise sur son lit ou
sur une chaise longue. Eu dehors des attaques convulsives, elle
n'éprouve aucun malaise et se trouverait très bien si elle avait
l'usage de ses membres inférieurs. Depuis six mois environ, l'im-
potence motrice a reparu pour ne plus disparaître. Nous constatons
une légère hémianesthosie droite et l'existence de plusieurs zones
(hystérogènes; ovarienne et sous-mammaire droite; une zone symé-
trique sous-mammaire gauche. La malade se plaint en outre d'une
douleur assez vive le long de la` colonne vertébrale, surtout à la
région lombaire. L'appétit est capricieux, le sommeil assez bon.
La menstruation est régulière, mais la période menstruelle est
toujours l'occasion d'une recrudescence des phénomènes nerveux.
Les attaques d'hystérie que présente cette malade, se rattachent
au type classique de la grande attaque hystérique, avec prédomi-
nance de la période de clownisme. Nous n'insistons pas sur la des-
cription de ces attaques, qui n'offrent qu'un intérêt secondaire,
pour nous occuper de l'état des membres inférieurs dans lequel
réside tout l'intérêt de cette observation.
96 DEUX NOUVEAUX CAS D'ASTASIE-ABASIE.
De prime abord, nous avons cru à l'existence d'une paraplégie
hystérique vulgaire, mais un examen plus attentif nous a démontré
que nous étions en présence d'un cas type d'astasie-abasie. Les
membres inférieurs de cette malade ne présentent, en effet, ni
atrophie ni contracture. Les réflexes tendineux sont conservés; il
n'y a pas de trépidation épileptoïde. Du côté de la sensibilité, nous
constatons un certain degré d'hyperesthésie. Le sens musculaire
est intact, la malade assise ou couchée peut déplacer ses membres
avec facilité, fléchir les jambes sur les cuisses, les étendre, etc., etc.
Si on essaye de faire lever la malade, même avec le secours de
deux aides, elle fléchit sur ses jambes et s'effondre complètement
si on l'abandonne à elle-même. La station debout et la marche
sont par conséquent impossibles.
Notre diagnostic d'astasie-abasie nous paraît donc bien établi; il
se confirme chaque jour, à mesure que nous observons cette ma-
lade. Nous la voyons, à plusieurs reprises, marcher il quatre pattes,
pour atteindre des objets placés loin d'elle, et, dans une soirée,
battre la mesure avec le pied et agiter vivement ses jambes, tan-
dis qu'elle voit danser des jeunes filles de son âge.
L'impotence motrice porte donc bien uniquement sur les mou-
vements associés de la station debout et de la marche, tous les
autres mouvements étant parfaitement conservées.
Après un certain temps de traitement, Mlle P... commence à
marcher appuyée sur deux aides. On dirait que l'éducation de la
marche est refaire; les pieds se détachent du sol avec difficulté ;
la malade fait de tous petits pas, le corps incliné en avant, comme
une enfant qui apprend à marcher. Les progrès sont cependant
rapides au debut, mais bientôt la malade accuse des douleurs lom-
baires plus vives qu'elle attribue à la fatigue et la marche devient
de nouveau impossible. Les attaques d'hystérie se sont espacées et
ont fini par disparaître, tandis que l'astasie-abasie, en tant que
localisation déjà ancienne de la névrose, persiste avec des alterna-
tives d'impotence complète et de retours à l'état normal.
Les deux observations qui précèdent, nous paraissent devoir
être considérées comme deux cas types d'astasie-abasie. Elles
répondent en effet, l'une et l'autre, au complexus symptoma-
tique décrit par Blocq. -
Nous retrouvons, chez nos deux malades, l'impotence abso-
lue pour les mouvements associés de la station 'debout et de la
marche, coïncidant avec l'intégrité de l'énergie musculaire et de
la coordination motrice appliquées à d'autresmouvements des
membres inférieurs, même assez complexes, tels que ceux
qu'exige le fait de battre la mesure avec le pied, suivant un
rythme marqué (OBSERV. II).
DE L'EPILEPSIE CORTICALE. 97
Chez la malade de l'OBSERVATION Ire, l'astasie-abasie parait
être la manifestation la plus importante d'un état hystériforme
développé chez une héréditaire, à l'occasion de l'établissement
de la fonction menstruelle. La malade de l'OBSERVATION II,
est une hystérique en pleine puissance de névrose et l'asta-
sie-abasie n'apparaît chez elle qu'à titre de complication.
Au point de vue de l'étiologie, ces deux observations vien-
draient donc à l'appui de l'opinion émise par Charcot et Blocq,
que l'astasie-abasie est un trouble de nature hystérique.
Quant au pronostic, il nous parait être celui de toutes les
manifestations hystériques, ◀tantôt▶ fugaces et intermittentes,
par suite, faciles à modifier; ◀tantôt▶ au contraire plus stables et
rebelles aux traitements les mieux appropriés.
REVUE CRITIQUE
L'ÉPILEPSIE CORTICALE;
recherchas expérimentales ET ANATOMO-CUNIQUES
DE l'école italienne, .
Par Jui.cs SOU11Y, .
Maître de conférences à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes. ·
I.
L'étude expérimentale et clinique que les Italiens ont faite
de l'épilepsie corticale a produit toute une littérature. Dans
aucun pays, la théorie corticale de l'épilepsie n'a rencontré de^
plus nombreux et de plus ardents défenseurs. Mais, toujours
fidèles à cet éclectisme éclairé et sage qui fait le fond de l'es-
prit scientifique de la plupart des Italiens, ils n'ont point
banni absolument la théorie bulbaire : ils se sont efforcés de
la concilier avec les faits nouveaux, et, en raison sans doute
de ses longs services, ils lui ont conféré une sorte d'honorariat.
L'étude des convulsions partielles déterminées par l'excita-
tion de l'écorce, appartient au même titre que celle des réactions
Archives, t. XXII. 7
98 REVUE CRITIQUE.
motrices simples, des phénomènes de parésie ou de paralysie
d'origine corticale, au chapitre des fonctions motrices du
cerveau. Les paralysies de la motilité et de la sensibilité, non
seulement transitoires (paralysies motrices et sensitives post-
épileptiques), mais permanentes, sont d'ailleurs très souvent
associéesàl'épilepsiejacksonienne. ◀Tantôt▶ les convulsions pré-
cèdent ces paralysies permanentes (c'est le cas ordinaire),
◀tantôt▶ les paralysies précèdent les convulsions, ◀tantôt▶ des phé-
nomènes convulsifs et paralytiques apparaissent simultané-
ment dans des régions différentes du corps. Une lésion des-
tructivedes deux tiers supérieurs des circonvolutions centrales,
par exemple, peut abolir les fonctions sensitivo-motrices de
ces parties et, en même temps, déterminer une lésion irrita-
tive du tiers inférieur de ces circonvolutions. Il en résultera
simultanément : '1° une paralysie des membres ; 2° des convul-
sions de la face. Quant à la nature des lésions qui, chez
l'homme, produisent ces convulsions, Seppilli a trouvé, dans
les deux tiers des cas, des néoplasies, plus rarement des mé-
ningo-encéphalites, des ramollissements et des hémorrhagies.
Le médecin du manicome d'Imola estime aujourd'hui que
l'épilepsie partielle peut être aussi bien la conséquence d'une
lésion anatomique organique de l'écorce que l'effet d'une
lésion purement dynamique ou fonctionnelle.
Hitzigvitle premier, avec Fritsch (1870), quel'excitation élec-
trique de l'écorce cérébrale peut provoquer des accès convulsifs
sur le côté opposé du corps ' ; ces accès débutaient par la con-
traction musculaire correspondant au point irrité et pouvaient
s'étendre aux deux moitiés du corps. Quelques années après,
Hitzig constatait que plusieurs des animaux qui avaient sur-
vécu aux opérations pratiquées pour déterminer les points mo-
teurs du cerveau, présentaient de véritables accès d'épilepsie.
« L'excitabilité de l'écorce, voilà la condition nécessaire et
suffisante du phénomène. Selon que cette excitabilité s'exalte
1 David Fcrrier, on le sait, entreprit ses premières expériences dans
le but de vérifier et de démontrer la justesse de vues de Huglilings Jack-
son sur la pathogénie de l'épilepsie, de la chorée et de l'hémiplégie.
L'étude des convulsions épileptiformes unilatérales et partielles avait
amené H. Jackson à conclure qu'elles étaient dues à l'irritation de cer-
taines circonvolutions de l'hémisphère cérébral opposé, relié fonctionnel-
lement au corps strié et en rapport avec les mouvements musculaires.
D. Ferrier, Cxperim. Researches in Cerc6 ? l'1t ! Jsiolo ! J ! J and P</to/oy ?
West Hiding Lunatic Asylum Reports, 1873.
DE L'ÉPILEPSIE CORTICALE. 99
ou diminue, l'intensité et l'extension des convulsions va-
rient'. "
La propriété épileptogène de l'écorce cérébrale, Albertoni
avait cru pouvoir la localiser à la circonvolution postcruciale
du chien ; là était la région de l'écorce dont l'excitation, même
avec un courant très faible, détermine l'explosion d'un accès
caractérisé : perte de conscience, convulsions toniques et cloni-
ques, dilatation des pupilles, salivation, morsure de la langue,
émission d'un cri, suivis d'obtusions, de vertiges ou de délires
postépileptiques avec hallucinations. L'excitation des autres
points de l'écorce ou ne provoquait pas d'accès, ou exigeait un
courant d'une intensité et d'une durée beaucoup plus grandes,
si bien que l'effet en pouvait être atribué à des phénomènes de
diffusion et de propagation du stimulus à la véritable zone épi-
leptogène. Cette zone était constituée par un grand nombre
(molti) des centres excitables du cerveau découverts par Fritsch
et Hitzig. Quels rapports soutenait cette zone épileptogène avec
le reste de l'encéphale ? Albertoni l'avait trouvée en con=
nexion directe et unique avec les pédoncules cérébraux et
leurs expansions. Après l'ablation de la zone épileptogène,
il déterminait des accès d'épilepsie en excitant les faisceaux
pédonculaires. Aussi l'écorce du cerveau n'était pas, pour
Albertoni, un centre autonome de l'épilepsie, mais un
centre d' « incidence D. En d'autres termes, les épilepsies d'o-
rigine corticale sont réflexes. Du cerveau part simplement
l'excitation capable de mettre en jeu les vrais centres mo-
teurs, probablement situés à la base et dans le bulbe, ca-
' Luciani et Seppilli. Die Functions-Localisation, p. 337 de l'édit. allem.
seulement. Seppilli, après Albertoni et Tamburini, range sous les trois
chefs suivants les modifications de l'excitabilité de l'écorce cérébrale :
1° le chloroforme, l'éther, le bromure de potassium, l'alcool, la réfrigé-
ration locale de la surface du cerveau (pulvérisation d'éther, etc.), dimi-
nuent l'excitabilité corticale jusqu'à la faire disparaître et arrêtent, par
conséquent, la production de l'accès ; 2° l'absinthe, l'atropine, la cincho-
nidine, la picrotoxine, les processus inflammatoires de l'écorce, exaltent
au contraire l'excitabilité corticale et favorisent ou provoquent l'accès ; ¡
3° l'électricité, pourvu que les courants continus ou induits aient une
intensité et une durée suffisantes, variables naturellement avec les ani-
maux et les points de l'écorce excités, est le moyen le plus efficace d'irri-
tation de l'écorce, et partant de production d'accès épileptiques. Certaines
excitations mécaniques sont également capables de déterminer des
convulsions (Franck et Pitres). Enfin, les irritations pathologiques, les
traumatismes cérébraux, les lésions irritatives de la zone motrice provo-
quent la fonction épileptogène de l'écorce.-
100 REVUE CRITIQUE.
pables de provoquer bilatéralement les convulsions. Albertoni
s'était même appuyé sur ces considérations pour affirmer,
touchant la nature fonctionnelle des centres corticaux du
mouvement, que ce ne sont pas de vrais centres moteurs
autonomes, qu'ils ne provoquent des mouvements que par
action réflexe, et que cette action s'exerce sur d'autres centres
nerveux véritablement moteurs '.
Dario Maragliano nia des premiers, au point de vue anato-
mo-clinique, l'existence de la zone épileptogène d'Albertoni -.
De leur côté, Luciani et Tamburini écrivaient en 1878 : « Il
n'y a de nouveau, dans le travail d'Albertoni, que le nom de
« zone épileptogène » donné à la zone motrice des extrémités
antérieures et postérieures de Hitzig et deFritsch. » Déjà dans s
le Mémoire composé avec Tamburini, en 1878, sur les Centres
psycho-moteurs corticaux, Luciani avait étudié l'épilepsie par-
tielle déterminée artificiellement chez les animaux par l'exci-
tation du cerveau et établi que, loin d'être confinée à une zone
spéciale, la propriété épileptogène de l'écorce s'étendait à
toutes les aires excitables.
La même année, il revint d'une façon spéciale sur le
même sujet, dans un travail qui a fait époque, et publia les
thèses suivantes : 1° la pathogénie de l'épilepsie, quel que
soit son type, consiste dans un état anormal d'irritation ou
de tension de l'écorce cérébrale, capable de troubler, sous
forme de paroxysme, la fonction des centres psycho-moteurs ;
2° cet état peut se produire simultanément sur tout le sys-
tème cortical, se localiser en un point circonscrit de la zone
motrice, ou se propager d'un point au reste de l'écorce céré-
brale ; 3° si l'excitation est suffisamment diffuse et intense,
c'est la forme classique de l'épilepsie qui apparaît; les convul-
sions toniques et cloniques débutent presque à la fois dans
les divers groupes musculaires représentés dans les centres
corticaux ; la sensibilité et la conscience sont temporairement
suspendues ; 4° si l'excitation est circonscrite à un des centres
psycho-moteurs, l'épilepsie peut consister en convulsions
Influenza del ceraello nella produzione dell' epilessia. - AI'chivio ital.
per le mal. nerv., 1876, 355 sq. C.-R. des recherches expérimentales
exécutées dans le Cabinet de physiologie de l'Université de Sienne, dirigé
par le prof. Pierre Albertoni.
z Le localizzazioni motrici nelta corleccia cérébrale... - Riv. speri-
ment. di frenialria, 1878, p. 25.
DE l'épilepsie corticale. 101
simples, limitées au seul muscle ou groupe de muscles corres-
pondant au centre cortical lésé ; 5° si l'excitation de l'écorce
s'étend d'un point initial à une partie ou à l'ensemble de la
zone motrice, l'accès convulsif intéressera successivement les
divers groupes musculaires dans l'ordre même où évolue le
processus épileptogène dans les centres correspondants de
l'écorce. La marche de l'accès d'épilepsie corticale suit une
voie prédéterminée par la disposition anatomique des différents
centres moteurs du cerveau. Bref, l'écorce cérébrale, et en
particulier la zone motrice, est pour Luciani l'organe central
des convulsions épileptiques. L'excitation morbide, directe ou
indirecte, de cette zone, est la cause essentielle du processus.
L'excitation morbide de la moelle allongée n'est qu'une cause
accessoire et sans doute complémentaire, mais non nécessaire
de ce processus.
Ne convient-on pas que ce qui caractérise l'accès d'épi-
lepsie généralisée, c'est l'abolition complète de la conscience ?
Or cette suppression de la conscience indique assez que le
point de départ de l'accès est bien dans l'écorce cérébrale et
que, contrairement à l'ancienne doctrine, le bulbe n'y prend
part que secondairement. Les centres corticaux vaso-moteurs,
dont l'excitation détermine, avec l'anémie cérébrale, la perte
de conscience, coïncident précisément avec ceux de la zone
motrice de l'écorce (Eulenburg et Landois). L'excitation céré-
brale n'est donc pas circonscrite aux centres d'innervation
motrice des muscles : elle atteint les centres vaso-moteurs qui
se trouvent localisés dans les mêmes aires corticales. De là,
l'excitation peut se transmettre aux centres vaso-moteurs du
bulbe, mais toujours secondairement, et ainsi peuvent s'expli-
quer tous les phénomènes vaso-moteurs de l'accès d'épilepsie
(pâleur, cyanose, perte de connaissance) ' .
Telle était, dès 1878, et telle est encore pour Luciani la
pathogenèse corticale de l'épilepsie. Albertoni, Morselli 3,
1 Luciani. Sulla patogenesi della epilessia. Studio critico-syerimeulale.
Riv. speriment di freniatria, 1878. Et réponse de Luciani à Alorselli
p. 31 de la Communication au 3° congrès de phréniatrie de Reggio (1880),
sur le même sujet.
' Tout en reconnaissant fondées les critiques de Luciani contre la
doctrine de l'existence d'une zone épileptogène, Albertoni conteste que
l'écorce soit le centre exclusif des convulsions épileptiques, encore que,
dans un grand nombre de cas, elles soient d'origine corticale. Contributo
alla patogenesi dell' epilessia. Annali univers, di medicina, vol. 249.
S Patogenesi dell' epilessia. Sugli accessi epilelliformi consecutivi a
102. REVUE CRITIQUE.
Pitres et Franck surtout, dont les expériences sur ce sujet
datent de 18î77, objectaient à la nouvelle doctrine qu'en dépit
de son importance dans la production du phénomène, l'écorce
ne devait pas être considérée comme l'organe central des con-
vulsions, qu'elle n'en était que le point de départ, au même
titre que les surfaces sensibles périphériques dans l'épilepsie
réflexe; la zone motrice ne faisait que donner le signal de l'at-
taque en provoquant la suractivité des vrais centres moteurs,
des « véritables organes producteurs des convulsions et des
agents de leur généralisation », c'est-à-dire, sans doute, des
ganglions de la base, du bulbe et de la moelle. Cette interpré-
tation des faits n'était pas celle de Luciani qui, convaincu de
la genèse essentiellement corticale de l'épilepsie, répondait :
« Affirmons une fois de plus que les aires corticales, dont l'ex-
citation meut certains groupes musculaires, et dont la destruc-
tion entraîne la paralysie, sont de vrais centres moteurs, et
non simplement des centres qui ne provoqueraient des mou-
vements qu'en agissant sur d'autres centres véritablement mo-
teurs, situés dans d'autres régions du système nerveux central. »
Non seulement l'épilepsie a toujours pour sphère essentielle
l'écorce cérébrale : elle est toujours directe, jamais réflexe.
Deux ans plus tard, au congrès de phréniatrie de Reggio
d'Emilie (1880), Luciani, après avoir insisté sur les effets épi-
leptogènes des lésions destructives de l'écorce et des trauma-
tismes cérébraux, effets dus au tissu fibreux cicatriciel rempla-
çant les pertes de substance, apportait un grand nombre
d'observations de transmission héréditaire d'épilepsie corti-
cale'. Brown-Séquard avait démontré la transmission hérédi-
lesiolli traumatiche dei lobi anlel'101'i... - Spel'imenlale, 1877. Cf. Arch.
ital. per le nzal. nerv., 1881, 230.
1 Luciani. - Sullaepilessia provocata da traumatismi del capo e sulla
trasmissione eredilaria délia medesima. Comunicazione orale. Archiu.
ital. per le mal. ner. 1881, 206 sq. Cinquante chiens opérés des régions
psycho-motrices ou psycho-sensorielles de l'écorce, c'est-à-dire des ré-
gions fronto-pariétales ou pariéto-occipitales, devinrent tous, les uns plus
tôt, les autres plus tard, et jusqu'à un an et demi après l'opération,
épileptiques (écume, convulsions cloniques d'abord circonscrites, puis
généralisées à tous les membres). Luciani avoue que, lorsqu'il publia
son mémoire : Sulla patogenesi délia epilessia, ces faits d'épilepsie
traumatique lui semblaient une éventualité rare et peut-être exception-
nelle. Ce qu'il considérait comme l'exception, etait devenu pour lui la
règle. « Ainsi, écrit-il, les chiens mutilés d'un segment quelconque du
cerveau sont tôt ou tard sujets à des accès épileptiques progressivement
croissants en intensité et en fréquence jusqu'à la mort. » P. 209.
DE L'ÉPILEPSIE. CORTICALE. '103
taire de l'épilepsie d'origine périphérique. Luciani établit que
des chiens nés de parents ayant subi des lésions circonscrites
de la zone motrice, treize et neuf mois auparavant, mais qui
n'avaient jusqu'alors présenté aucun accès convulsif, avaient
hérité d'une prédisposition à l'épilepsie qui se manifesta par
des accès généraux bien caractérisés, quelques semaines après
la naissance, par exemple chez cinq chiens survivant de la
même portée'. Ainsi, une prédisposition à l'épilepsie pouvait
être transmise héréditairement par des parents qui, sans être
eux-mêmes épileptiques, avaient subi des pertes de substance
de l'écorce cérébrale. Chez d'autres animaux (chats), l'épilepsie
corticale elle-même, et non plus la simple prédisposition, a été
transmise directement. t.
Aujourd'hui, Luciani formule ainsi sa théorie corticale de
l'épilepsie, théorie nullement exclusive, d'ailleurs, nous l'avons
dit, puisque ce physiologiste ne nie point la participation ac-
tive de la moelle allongée dans la marche ordinaire du dévelop-
pement de l'accès : ,
1° Les accès uni ou bilatéraux d'origine corticale épargnent,
dans les parties du corps qu'ils envahissent, les groupes mus-
culaires dont les centres moteurs ont été détruits. Ce fait, qui
est la pierre d'angle de la « théorie corticale », d'abord signalé
par Luciani, a été vérifié bien souvent par Pitres et par Franck,
par Unverricht, parNovi (dans le laboratoire de Florence);
2° A la phase initiale de l'accès, l'extirpation des centres
moteurs préalablement excités peut arrêter les convulsions
(Heidenhain, Munk, Novi). '
Deux élèves distingués de Luciani, A. Rovighi et G. Santini,
ont publié des études expérimentales et critiques sur les
convulsions épileptiques d'origine toxique. Instituées dans le
laboratoire de physiologie de Florence, ces recherches ont eu
surtout pour objet de reprendre et de vérifier les pxpériences
de Chirone et de ses collaborateurs, Curci et Testa, sur les
effets épileptogènes de la cinchonidine et de la picrotoxine 2.
Ces jeunes chiens moururent quelques jours après, les accès aug-
mentant de fréquence et de durée. Seppilli, qui en fit l'autopsie, ne
trouva ni lésion organique appréciable du cerveau, ni anomalie de déve-
loppement, ni asymétrie. L. L., p. 211.
' Rovighi et Santini. Sulle convulsiolli epilettiche per veleni. Ricerche
critico-sperimentali... fatte nel laboratorio di fisiologia diretto dal prof.
Luciani. Pubbhcazioni del B. Istituto di studi superiori... in Firenze.
Firenze, 1882.
104 REVUE CRITIQUE.
Chirone avait cru pouvoir conclure de ses expériences sur des
pigeons que ces substances déterminaient des accès d'épilepsie
en agissant l'une sur l'écorce cérébrale, l'autre sur le bulbe et
la moelle. La différence du siège d'élection de ces poisons expli-
quait les formes différentes des convulsions, cloniques dans un
cas, toniques dans l'autre. En somme, Chirone ressuscitait et
maintenait la distinction entre l'épilepsie corticale et l'épilepsie
bulbaire. Après Albertoni', Rovighi et Santini ont fait éva-
nouir ce qu'il y avait de spécieux dans les expériences de Chi-
rone. A la dose minima de il à 2 milligrammes de picrotoxine
et de 14 centigrammes de sulfate de cinchonidine pour chaque
kilogramme du poids de l'animal, en injection hypodermique,
ces auteurs ont pu provoquer des accès convulsifs complets,
mais sans noter aucune différence dans l'action des deux subs-
tances. L'intensité moindre des effets de la cinchonidine
explique les différences que Chirone avait cru observer. Sans
nier que ces poisons, répandus dans la circulation, agissent sur
le bulbe et la moelle épinière, Rovighi et Santini soutiennent
que cette action est secondaire, tandis que l'écorce cérébrale
est primitivement atteinte. Si les centres moteurs du bulbe
subissaient les premiers l'action convulsivante de ces poisons,
les convulsions, au lieu d'affecter successivement les différents
groupes musculaires, seraient d'emblée générales. De même,
et à plus forte raison, si la moelle épinière était d'abord atteinte,
les contractions seraient toniques et générales, elles ne seraient
point cloniques ni limitées au début à certains groupes de
muscles. Enfin, ce qui achève de prouver que la cinchonidine
et la picrotoxine excitent primitivement, comme tant d'autres
poisons de l'intelligence, la substance grise de l'écorce cérébrale,
et en particulier les centres moteurs, ce sont les trois argu-
ments suivants, qui résultent bien des expériences : 1° avant
de se propager et de devenir générales, les convulsions débutent
par des fj^vupes musculaires circonscrits, comme dans l'épi-
lepsie expérimentale et la forme clinique de l'épilepsie partielle;
20 ces convulsions, accompagnées de perte de connaissance, sont
suivies d'un véritable délire postépileptique; 3° elles sont de
plus en plus frustes à mesure que, descendant l'échelle zoolo-
' Azione di alcune sostanze naedicamentose sull' eccilabililà del cervello
e contribulo alla tempia dell'epilessia. 5perimenlale, 1881. Albertoni
a expérimenlé, non pas sur des pigeons, et pour cause, mais sur un
singe et sur des chiens.
DE l'épilepsie corticale. 105
gique, l'importance des centres moteurs corticaux va en dimi-
nuant. Ces études expérimentales d'épilepsie toxique témoignent
donc hautement, comme les recherches de Luciani sur lapa-
thogénèse de l'épilepsie, en faveur de la théorie corticale.
II
Les accès d'épilepsie partielle sont-ils toujours déterminés
par des lésions circonscrites de l'écorce cérébrale, ainsi qu'on
le suppose d'ordinaire ? Seppilli, dans une note clinique publiée
en 1888, a cité quatre cas dans lesquels les accès convulsifs
avaient bien les caractères de l'épilepsie partielle (monospasme
brachial, facial, etc.), où l'on ne trouva, à l'autopsie, aucune
lésion organique de l'écorce cérébrale, mais seulement une
méningite chronique diffuse sans adhérences de l'écorce avec
les méninges. Ce serait donc une erreur de croire que, chaque
fois qu'on observe l'épilepsie partielle, il doit exister une lésion
organique de l'écorce cérébrale (adhérences, ramollissement de
l'écorce, néoplasie). Dans les cinquante cas d'épilepsie partielle
qu'il a recueillis, Seppilli a toujours noté, il est vrai, des lésions
de l'écorce, mais c'est que, selon lui, les observateurs n'ont
publié que des cas où des lésions bien nettes se rencontraient à
l'autopsie. La vérité est que la lésion qui provoque l'épilepsie
partielle peut être de nature organique ou fonctionnelle ' . Dans
les quatre cas de Seppilli, la cause prochaine des accès aurait
bien toujours été, conformément à la théorie de Luciani, un
état d'irritation des centres moteurs corticaux. Seulement ce
n'était pas une lésion organique qui avait déterminé l'affection,
mais sans doute certains changements survenus dans les cel-
lules de l'écorce par suite de ces désordres circulatoires qu'on
observe chez les déments paralytiques. De nouvelles observa-
' Seppilli. -L'epilessia corticale. Renâio-Emilia,188 ? Studio anato-
mico-clinico e dotlrina intorno ail' epilessia d'origine corticale. Reggio-
Emilia, 1886. - Ces deux importantes publications sont devenues la
troisième partie du ch. Il de la 11° section de l'édition allemande du
livre de Luciani et de Seppilli sur les localisations fonctionnelles de
l'écorce cérébrale. V. cncore Sullo spasnio clonico della lingua. Nota
clinica (Riv. speriment. di freuiatna, 1885, 476). Contributo al sig7tifi-
calo semiologico dell' z,i'essia. partiale. Nota clinica (Riv : speriment. di
frein., 1888, 271 sq.) Cf. La c '1Î1'U1'gia cérébrale (Riv. speriment. d fren.,
1889, p. 20.) ,
106 revue CRITIQUE.
tions de D. Ventra ont confirmé ces vues de Seppilli'. A côté
du complexus symptomatique de la paralysie générale pro-
gressive, des accès d'épilepsie jacksonienne s'étaient produits ;
pourtant à l'autopsie on ne découvrit aucune lésion en foyer,
mais une méningite diffuse, sans adhérences des méninges avec
l'écorce. Donc, l'épilepsie partielle, loin d'être un symptôme
exclusif d'une lésion organique, et plus spécialement d'une
néoplasie, peut exister sans lésions en foyers appréciables, et
dépendre d'une lésion purement fonctionnelle, ce qui n'est,
à la vérité, qu'une manière de parler, car toute lésion fonction- -
Belle paraît bien impliquer une altération de la nutrition des
tissus nerveux (Gowers).
N'importe quelle région de l'écorce peut-elle provoquer,
sous l'action d'une excitation suffisante, un accès d'épilepsie
partielle ou générale ? Nous avons vu que l'hypothèse d'Alber-
toni n'avait trouvé aucun écho, et que, pour la plupart des
auteurs italiens 2, la zone épileptogène s'étend à toute la zone
motrice, c'est-à-dire aux centres des extrémités, de la face, de
la nuque et du tronc. Mais il faut ajouter que, d'après ces au-
teurs mêmes, l'excitabilité de différents points de cette zone
est loin d'être uniforme. C'est ainsi que Luciani et Tamburini
ont observé (1878) que le courant le plus faible, capable de
provoquer une réaction motrice des membres, est incapable de
déterminer une réaction du même genre dès qu'on l'applique
aux centres de la nuque et de la tête. Les centres les plus
excitables sont ceux qui correspondent aux muscles les plus
habituellement mis en mouvement. Inversement, les centres
qui perdent le plus rapidement leur excitabilité sont les plus
excitables. Les aires motrices des extrémités perdent donc leur
excitabilité avant ceux de la face, qui résistent les derniers.
On sait en outre que, si l'épilepsie jacksonienne est bien le
résultat de décharges des éléments moteurs de l'écorce céré-
brale, les lésions irritatives qui provoquent ces décharges
peuvent siéger, soit aux confins, soit en dehors des zones mo-
trices proprement dites. Dans le premier cas, écrit M. le pro-
' Il. Ventra. Sitl valore semiologico délia epilessia jacksoniana. Nola
c/ ! n : 'ca.(Il manicomio mod. 1888, IV, 81.)
1 Fenoglio (Cagliari). Epilessia, lesione della zona motrice destra; tre-
panasione. - Lo Speritrzezztale, déc. 1881. Cf. Arch. per le mal. nen].
1885, 83 : a La zone dite motrice chez l'homme peut être aussi considérée
comme épileptogène. »
DE l'épilepsie corticale. 107
fesseur Pitres', les phénomènes épileptoïdes seront représentés
seulement par des troubles de la motilité (épilepsie jackso-
nienne exclusivement motrice) : la démonstration anatomo-
clinique est faite. Dans le second cas, ces phénomènes seront
caractérisés par des troubles de la sensibilité générale et spé-
ciale et de l'intelligence, avec ou sans convulsions concomi-
tantes, selon le siège et l'étendue des lésions provocatrices, mais
ici la démonstration anatomo-clinique n'est pas encore faite.
Luciani et Tamburini avaient, dès leurs premières expé-
riences, déterminé des accès épileptoïdes en excitant les ré-
gions de l'écGrce qui, pour Ferrier, étaient les centres
de la vision et de l'audition mentales. Albertoni de même. On
se rappelle que l'excitation du gyrus angulaire répond au sti-
mulus électrique par des mouvements des bulbes oculaires
et des paupières, et que, loin de voir, dans ces réactions mo-
trices, des mouvements réflexes provoqués par des sensations
subjectives, les auteurs italiens les ont considérées comme
résultant de l'excitation directe des centres moteurs spéciaux,
contenus dans le gyrus angulaire, des muscles oculo-palpé-
braux.
Unverricht, dans ses Recherches expérimentales et cliniques
sur l'épilepsie ('1883), avait montré aussi qu'on peut provo-
quer des accès d'épilepsie en excitant les régions postérieures
du cerveau en rapport avec le centre de la vision. Récemment,
il a repris ce sujet et émis l'opinion que ces régions possèdent
des propriétés épileptogènes2. François Franck et Pitres (1883),
Danillo, Rosenbach, ont tous produit des accès d'épilepsie en
excitant le lobe occipital. Pour être efficace, l'excitation
portée sur cette région doit être plus intense que sur la zone
motrice; les accès convulsifs sont moins forts et apparaissent
surtout très tardivement (40 à 60 secondes après le passage
du courant). Comme, après l'ablation de la zone motrice, les
excitations du lobe occipital ne provoquent plus de convul-
sions, on en conclut que les accès résultent de la propagation
du processus à la zone motrice. Mais, d'accord sur les faits, les
auteurs diffèrent quanta leur interprétation.
Voici les résultats généraux des recherches faites par Danillo
1 A. Pitres. Etude sur quelques équivalents cliniques de l'épilepsie
partielle ou jacksonienne. - Itev, de méd., 1888, 609 sq.
2 Die Beziehungen der hinterenRindengebielezum épileptischen Anfall.
Deutsches. Arch. f. Klin. lied.. 1888.
108 REVUE critique.
dans le laboratoire de Munk, et présentés par ce savant à la
Société physiologique de Berlin, le 26 octobre 1883 : 1° l'exci-
tation électrique des régions motrices suffisante pour provo-
quer des convulsions épileptiformes, ne suffit pas lorsqu'on
l'applique aux régions occipitales; 2° ce n'est qu'avec des cou-
rants d'une plus grande intensité et d'une plus longue durée
que l'épilepsie suit l'excitation de la sphère visuelle de Munk;
3° l'ablation de l'écorce de la zone motrice met fin aux convul-
sions ; celle de la sphère visuelle ne met pas fin aux convul-
sions. L'excitation portée sur les régions occipitales se propage
horizontalement à travers l'écorce, non par les ganglions de la
base. Un autre disciple de Munk, Ziehen, a noté que, pour la
production des accès consécutive à l'excitation du lobe occi-
pital, la durée est plus importante que l'intensité du courant.
Il ne lui a pas échappé que le seul fait qu'on pourrait faire
valoir en faveur de l'hypothèse d'Unverricht, c'est que les accès
d'épilepsie sont souvent précédés d'hallucinations de la vue.
Le nom de Danillo rappelle encore de remarquables obser-
vations d'hypertrophie des cellules nerveuses de l'écorce, sur-
tout des grandes cellules pyramidales, de la névroglie et des
vaisseaux, dans l'épilepsie partielle. Depuis, la théorie de la
sclérose névroglique dans l'épilepsie « essentielle » a été sou-
tenue avec éclat, on le sait, par M. Chaslin 1.
Après Danillo et Munk, Rosenbach s'élève contre la pré-
tendue propriété épileptogène autonome que Unverricht semble
accorder aux lobes occipitaux 2,
Unverricht soutient que de pures affections locales (tumeurs,
abcès) des régions postérieures du cerveau, peuvent naître,
sans action à distance, des accès convulsifs, et que l'excitation
des mêmes régions peut même déterminer des accès d'épi-
lepsie unilatérale lorsque, sur l'hémisphère excité, les centres
moteurs ont été enlevés, Mais comme les convulsions se limi-
tent, dans ce cas, aux groupes musculaires innervés par la
région motrice laissée intacte, il ne peut toujours être question
que d'une action à distance. Aussi bien, suivant les nouvelles
expériences de Rosenbach, entreprises pour contrôler celles
1 Comptes rendus de la Société de biologie, 2 mars 1889. Cf. Pierre
Marie. Note sur l'éliologie de l'épilepsie. Progrès médical, 1888, 333,
et les remarquables travaux de M. Bourneville et de ses élèves.
1 Rosenbach. Zui Frage ¡¡bel' die « épileptogène Eiyellschaft » des
hintuen /lil'111'indengebietes. - Neurol. CealralLl., 1889, Il' mai
DE L'ÉPILEPSIE corticale. 109
d'Unverricht, après l'ablation bilatérale des centres moteurs de
l'écorce, l'excitation des régions postérieures du cerveau ne
provoque pas de convulsions. Seule, la déviation latérale des
yeux persiste encore dans ce cas lorsqu'on excite un certain
point de la sphère visuelle de Munk. En somme, Unverricht
n'a pas démontré que l'excitation de ces régions puisse, sans
irradiation aux éléments moteurs, produire des accès convul-
sifs : le lobe occipital n'a pas de « propriété épileptogène »
spéciale.
Luciani qui, d'après les théories, exposées en commun avec
Tamburini, sur l'existence probable de centres moteurs con-
fondus avec les centres sensoriels de l'écorce, pourrait pousser
bien plus loin qu'Unverricht les conséquences de cette doc-
trine, admet pourtant aujourd'hui que la fonction épileptogène
de l'écorce appartient exclusivement aux centres moteurs. En
d'autres termes, il adopte les résultats expérimentaux bien
connus de Pitres et Franck, de Rosenbach, de Danillo, sur ce
sujet.
C'étaient au contraire des remarques originales que celles
qu'ont faites, après Albertoni, Luciani et Tamburini sur
les différents états consécutifs aux accès d'épilepsie corti-
cale chez les animaux. ◀Tantôt▶, pris d'un violent état d'agi-
tation, de manie impulsive, de fureur et de délire, ils cou-
raient sans repos comme poussés par une force irrésistible,
ils donnaient de la tête contre les obstacles, se heurtaient aux
objets et paraissaient en proie à des hallucinations terrifiantes.
Dans d'autres cas, ils tombaient au contraire dans un tel état
d'épuisement et de torpeur qu'ils ne réagissaient plus qu'avec
peine; incapables de se tenir debout, ils présentaient une
parésie des membres du côté opposé à l'hémisphère excité.
L'inexcitabilité passagère des régions motrices après plusieurs
attaques provoquées expliquait très bien ces faits. ,
Des expériences du même genre, méthodiquement insti-
tuées, et portant successivement ou à la fois sur les différents
territoires corticaux des deux hémisphères, surtout chez le
singe, avanceraient fort notre connaissance du mécanisme de
l'intelligence. Nul doute que l'intelligence ne soit, comme
l'enseigne Meynert, une fonction des faisceaux d'association qui
unissent d'une manière si complexe les divers éléments dont
se compose une image mentale, un groupe d'images, un rai-
sonnement, un jugement, et pela grâce à la longueur des fais-
110 REVUE critique.
ceaux de cet ordre, reliant les lobes cérébraux les plus éloi-
gnés' . Il faut surtout songer au faisceau unciforme et au faisceau
arqué, qui unissent le lobe frontal aux lobes temporal, pariétal
et occipital, au faisceau longitudinal inférieur, au faisceau du
cingulum. Quoique les lobes frontaux et préfrontaux renfer-
ment des centres d'innervation des muscles du tronc, et que
le développement de cette partie de cerveau chez les anthro-
poïdes et l'homme soit sans doute en rapport avec la station
verticale (Munk, Meynert), il est possible qu'il s'y trouve
d'autres centres, toujours de nature sensitive ou sensitivo-
motrice, en rapport avec l'ensemble des procpssus de l'écorce
cérébrale, centres d'arrêt, de tension cérébrale, d'innervation
des muscles qui se contractent dans le phénomène général de
l'attention, de la réflexion, de la concentration de la pensée,
conditions de la synergie fonctionnelle des appareils et des
organes de la machine animale.
Parlant des fibres nerveuses d'association, Edinger s'ex-
prime ainsi à son tour : « Les associations multiples d'idées,
de souvenirs, de sensations, de mouvements, qui rentrent dans
la physiologie cérébrale, ont peut-être là leur substratum ana-
tomique. Il n'y a rien d'impossible à ce que ces fibres ner-
veuses aient un rôle important dans la propagation de l'accès
épileptique 2. » '
L. Bianchi s'est demandé naguère si tous les processus psy-
chiques ont uniquement pour substratum anatomique les aires
sensitives et sensorielles de l'écorce cérébrale (Munk, Luciani),
ou si d'autres territoires corticaux encore ne sont point né-
cessaires au fonctionnement normal de l'intelligence 3. Par
ceux-ci, Bianchi entend les régions du lobe frontal, que quel-
ques auteurs ont considéré en effet comme n'ayant point de
fonction connue en rapport avec la sensibilité et la motilité
volontaire. Cependant, si les expériences de Munk sur le lobe
frontal, expériences dont Meynert reconnaît la haute valeur,
sont fondées en fait, les lobes frontaux font partie de la
sphère sensitive ou « sensitivo-motrice » de l'écorce cérébrale.
Il paraît bien, toutefois, que les lésions pathologiques ou expé-
' Meynert. Psychiatrie. Klimk der Erkrankungen des Vorderlzirzts
I. H. 1884. 1.
= Edinger. - Analomie des centres nerveux. Trad. par M. Siraud
(Paris, 1889), 57-58.
3 L. Bianchi. La psicologia in rapporlo aile ultime nozioni di fisio-
logia [e di analomiadel eeruello. Milano, 1890.
DE L'ÉPILEPSIE corticale. 111 l
rimentales de ces lobes altèrent beaucoup plus l'intelligence
que celles de n'importe quelle zone sensorielle. Quelques nou-
velles expériences d'ablation du lobe préfrontal du chien et du
singe, mais dont les résultats sont encore très incomplets, ont
confirmé le physiologiste italien dans cette manière de voir.
Bianchi suppose donc que, en vertu des lois de l'association,
des processus de plus en plus complexes de coordination des
activités psychiques (perception, image, etc.) « ont pour siège
un organe distinct des organes de perceptions simples », en
d'autres termes, des aires sensitives et sensorielles de l'écorce.
Cet organe, siège des plus vastes associations intellectuelles et
des plus délicates coordinations psychiques, recevrait des
centres de la sensibilité générale et spéciale les matériaux de.
ses élaborations supérieures. C'est ainsi que les coordinations
psychiques de la sensibiliié et du mouvement croissent en
complexité, des ganglions de la moelle épinière à ceux des corps
opto-striés et de ceux-ci aux différents centres du manteau.
« Cet organe serait donc, écrit Bianchi, aux aires corticales de
la sensibilité et du mouvement ce que sont ces centres aux
thalamus opticus et aux noyaux du corps strié, et ce que sont
les ganglions de la base à la moelle épinière. » Lussana avait
situé dans les lobes frontaux le centre de la connaissance des
personnes et des lieux. Or ce n'est pas parce qu'elle possédait
une faculté spéciale de ce genre, que la chienne de Lussana
ne reconnaissait plus ni les gens ni les lieux, mais parce que
la mémoire et l'attention (Ferrier) étaient lésées, c'est-à-dire
« cette vaste coordination qui est le fondement et la condition
de l'intelligence ».
Les troubles de la sensibilité générale et spéciale ne sont
pas moins nets que ceux de la motilité, chez les épileptiques,
dans les périodes qui suivent et séparent les accès convulsifs.
Si l'on compare ces malades avec des individus normaux,
comme l'a fait Agostino, la sensibilité générale parait alors fort
diminuée, en particulier sur le côté du corps opposé à la moi-
tié la plus asymétrique du crâne. Le goût et l'odorat sont très
émoussés, surtout après les attaques, tandis que la sensibilité
thermique, la sensibilité à la douleur et le sens musculaire
étaient à peine altérés. L'acuité de l'ouïe, toujours moindre du
côté opposé à laplagiocéphalie ', était diminuée, alors que celle
' Cf. Silvio Venturi. Sull'udito degli epileilici. Archivio di psichiatria,
18S6, 401.
112 REVUE CRITIQUÉ.
de la vue ne l'était presque pas. Il existe, il est vrai, immédia-
tement après les accès, un rétrécissement visuel ; les sensa-
tions chromatiques ne paraissent pas influencées; les pupilles,
de grandeur ◀tantôt▶ normale (47 p. 100), ◀tantôt▶ anormale (31
p. 100), réagissent lentement. La sensibilité électrique, demême
que l'excitabilité électrique des muscles, a été trouvée amoin-
drie et plus émoussée encore après les accès. Le réflexe patel-
laire, toujours exagéré, l'est encore plus après les convulsions.
Tous les autres réflexes, en général, sont affaiblis dans les pé-
riodes qui séparent les accès, mais ils s'exaltent après ceux-ci'.
Lombroso a souvent noté, on le sait, l'obtusion de la sensi-
bilité, non seulement chez les délinquants, mais dans l'épilep-
sic et la folie morale. Il croit qu'on pourrait expliquer la
longévité des criminels par cette espèce d'anesthésie et par
l'analgésie qui les caractérise. Les tracés sphygmographiques
pris pour étudier les réactions vaso-motrices que provoquent
chez ces individus les excitations de nature différente, ont
montré que, tandis que l'application de forts courants élec-
triques n'était guère suivie de réaction, la vue d'une photo-
graphie de femme nue, d'un verre de vin, d'une pièce d'or,
mais surtout un compliment capable de flatter leur vanité,
modifiaient au contraire la courbe d'une manière de plus en
plus sensible 2. Avec Morselli, Lombroso a aussi étudié le rap-
port de l'épilepsie larvée avec li folie morale : ces auteurs
estiment que très souvent, les explosions de la folie morale ne
sont en réalité que des manifestations d'épilepsie larvée, et
que ces deux affections sont les symptômes des mêmes états
pathologiques du cerveau 3. Au nombre des caractères de
régression que présentent, avec les criminels et les dégénérés,
certains épileptiques féroces, à tendances bestiales, L. Frige-
rio a étudié les anomalies du pavillon de l'oreille et de l'angle
auriculo-temporal \
1 Agostino. Sulle variazioni délia sensibilila générale, sensoriale e
re/lessa negli epileltici nel periodo interparossistico e dopo la convulsione.
(Itcu. speriment. di fren., 1890, xvi, 36.)
= Lombroso etCougnet. La reazione vasale nei (Icliiiq24citti e nei Pazzi.
(1881), p. 1, sq. (Archiv. di psichialrics, vol. V.)
2 Lombroso.-Idcntiltv dell' epilessia colla pazzia morale e deiinquenza
congenila. E. Morselli et Lombroso. Epilessia lai vala-pazzia morale.
Arch. di psichiatria, 1885, vi, 1 et 29.
à L. Frigerio (d'Alexandrie). -L'oreille externe, étude d'anthropologie
criminelle. (Archives de l'anthropologie criminelle, Lyon, 1888, 438.)
DE l'épilepsie corticale. H3
Au sujet d'un cas fort curieux d'épilepsie observé par
S. Venturi', il est permis de se demander quelle est l'influence
de la ligature des artères cérébrales sur l'excitabilité des cen-
tres moteurs de l'écorce cérébrale. Les résultats des expériences
instituées par Krüdener, d'après les conseils mêmes de Mier-
zejewski, ont été négatifs 2. Mais les observations de Knies, de
Fribourg, sur l'état de la rétine et du nerf optique chez l'épi-
leptique, avant, pendant et après l'accès, ne laissent guère de
doute sur la nature des troubles vaso-moteurs de l'écorce qui
déterminent ou accompagnent l'attaque. Dix à vingt secondes
avant chaque accès, en effet, et pendant toute la durée des
convulsions, Knies a noté un spasme des artères rétiniennes et
une pâleur extrême de la papille du nerf optique. Le spasme
artériel des vaisseaux de l'écorce cérébrale provoque l'accès par
une perturbation de la nutrition locale et par une intoxication
d'acide carbonique. Les phénomènes convulsifs prennent fin
avec le spasme vasculaire, et l'hyperhemie veineuse secondaire
de la rétine et du nerf optique, hyperhémie si bien étudiée
par d'Abundo, et plus ou moins intense et persistante selon la
violence et la fréquence du mal, reflète aussi bien que le
spasme initial l'image des processus vaso-moteurs de l'écorce
cérébrale 3.
Les convulsions épileptiformes, accompagnées de perte de
conscience, que des injections de cocaïne à la dose de z
à 0,18 provoquent chez le chien, ont paru à Feinberg être in-
dubitablement. d'origine corticale*. Ces expériences sur l'ac-
1 S. Venturi. La epilessia vaso-motoria. Arch. di psichiatria, 1889,
x, 28. L'accès débutait par un spasme musculaire d'une région, toujours
circonscrite, du tronc, de la face ou des extrémités, auquel succédait une
vive sensation de chaleur qui, de la région intéressée, montait et enva-
hissait la tète « comme- un brasier de feu » ; elle était accompagnée du
côté correspondant de la tête, de violents bruits d'oreille, d'hypeihémie
cutanée et d'hypersécrétion de sueur. Durant ces accès, qui avaient lieu
plusieurs fois par jour, la conscience était pleinement conservée. L'acuité
de la vue et celle de l'ouïe était diminuée sur la moitié de la tête hyper-
hémiée.
' Zur Frage der experimentellen Epilepsie. Dissert. St-Pétersb., 1889.
En russe. Analysé dans le Neurol. Centralbl. 1890, 174.
3 Knies (Freiburg) - Ueber Augenbefunde bei Epilepsie (Congrès de
neurologie et de psychiatrie de Fribourg en Br., 9-10 juin 1888). Neurol.
Centralbl., 1888, 392.
1 Feinberg. Weitere Mittheilungen zur physiologischen Cocainwir-
kung. Berl. klin. Wochenschr. 1887, 166.
Archives, t. XXiI. 8
114 . REVUE CRITIQUE.
tion physiologique de la cocaïne, ont démontré que ces con-
vulsions étaient sûrement le résultat d'une anémie cérébrale,
consécutive à un processus de contraction vaso-motrice. Les
substances qui abaissent l'excitabilité de l'écorce cérébrale agi-
raient comme la cocaïne.
Vetter maintient encore la distinction classique entre l'épi-
lepsie dite idiopathique et l'épilepsie jacksonienne. L'épilepsie
dérive-t-elle d'une névrose des vaisseaux sanguins ? Cette né-
vrose, en déterminant, un spasme artériel, provoquerait, avec
l'anémie cérebrale, la perte subite de conscience. Mais ce
spasme des artères cérébrales peut résulter de l'excitation
réflexe du centre vaso-moteur de la moelle allongée. D'après ce
que suppose Vetter, l'accès d'épilepsie idiopathique débuterait
par les centres sous-corticaux, excités par un stimulus morbide
parti de l'écorce même, soit des zones sensorielles, soit des
zones sensitives, et ce n'est qu'ensuite que la zone corticale
motrice serait affectée. Dans l'épilepsie jacksonienne, au con-
traire, l'accès convulsif serait primitivement provoqué par la
zone motrice corticale, et ce n'est qu'éventuellement, par le
fait de la généralisation du processus, que les ganglions sous-
corticaux entreraient en activité. Bref, l'écorce cérébrale parti-
ciperait au processus dans les deux formes de l'accès ; mais la
participation des centres sous-corticaux serait primitive dans
l'épilepsie commune, secondaire et éventuelle dans l'épilepsie
jacksonienne 1.
Jusqu'ici, nous avons vu détermimer des convulsions épilep-
tiques par l'excitation directe des hémisphères cérébraux ou des
ganglions sous-corticaux. On arrive au même résultat, d'une
manière indirecte, au moyen d'excitations périphériques. Cette
méthode a été trouvée par Alex. v. Koranyi et Fr. Tauszk 2.
Sur un point de l'hémisphère gauche, par exemple, d'un lapin,
ces auteurs déposent de l'extrait de Liebig ; il en résulte des
contractions cloniques des muscles de la face, mais point de
' A. Vetter. Ueber die Pathogenese der Epilepsie auf Grund der neue-
ren Expérimente, Deutsches Arch. f. klin. llled. XL, 17.
° ' Alex. Koranyi und Fr. Tauszk. Breitrsege zur Physiologie der von
der Grosshirnrinde ausgeloesten liewcgungen und Knsmpfe. Aus d. Labo-
rat. der Klinik des Prof. Koranyi in Budapest. Internat. Klin. Itundschau.
iv. Iahrg. Pendant son séjour à Strasbourg, Koranyi a publié un travail
intitulé : Ueber die Folgen derDurchschneidung des Hi1'nbalkens (Pflûger's
Archiv, vol. XLVII), où il est parlé des convulsions générales consécutives
à la section du corps calleux.
DE l'épilepsie corticale. 115
convulsions générales. Or, si l'on excite mécaniquement la
peau des joues, des oreilles ou du dos dé l'animal, des convul-
sions éclatent dans le membre supérieur droit ; après des exci-
tations plus fortes, toujours périphériques, les convulsions
s'étendent au membre postérieur droit, puis aux extrémités
gauches ; enfin se produisent des convulsions générales. Des
bruits, des excitations lumineuses, agissant sur les organes des
sens, provoquent les mêmes phénomènes. D'abord inhibés
lorsqu'on enlève des parties de l'écorce, puis les hémisphères
cérébraux, ces réflexes convulsifs reparaissent ensuite : l'épi-
lepsie se produit de nouveau. Ces auteurs, dont l'un a travaillé
dans le laboratoire de Goltz, à Strasbourg, en concluent que le
centre de l'épilepsie ne peut pas être dans l'écorce cérébrale.
Ce centre, ils le cherchent dans le cerveau moyen. L'excitabi-
lité des centres réflexes de cette région déterminerait, sous
l'influence de l'excitation de l'écorce cérébrale, les mouve-
ments et les convulsions observés dans ces expériences.
111
Tous les signes caractéristiques qui accompagnent et sui-
vent, chez les animaux, les accès provoqués d'épilepsie cor-
ticale, reparaissent, avec plus de netteté, dans les observations
cliniques recueillies par Seppilli. Quant au siège des lésions, il
résulte de ces observations que, souvent exclusivement locali-
sées dans la substance grise, elles peuvent aussi intéresser à
la fois l'écorce et les faisceaux blancs sous-jacents, mais qu'il
est très rare qu'elles occupent ceux-ci uniquement. Le pro-
cessus morbide, qui peut se rencontrer dans toutes les parties
du manteau, a pourtant une région d'élection, et, à peu
d'exception près, tous ces cas d'épilepsie corticale sont la
conséquence d'une lésion plus ou moins étendue des circon- '
volutions de l'aire sensitivo-motrice des auteurs italiens,
c'est-à-dire de FA, PA, LP, Pj et P.. Voici la conclusion que
Seppilli tire de ces faits anatomo-cliniques : « Chez l'homme,
comme chez le chien et le singe, la sphère sensitivo-motrice
représente l'unique partie de l'écorce cérébrale capable de
provoquer par soi l'accès d'épilepsie. »
L'analyse de ces observations, au nombre de quarante-cinq,
n'a pas permis à Seppilli de découvrir un rapport fixe et cons-
116 REVUE CRITIQUE.
tant entre le siège cortical de la lésion provocatrice et les
groupes musculaires où l'accès convulsif débute et peut rester
limité. Déjà Seppilli n'avait pas cru pouvoir assigner une lo-
calisation anatomique exacte aux différents centres de per-
ception de la sensibilité générale, les altérations de la sensibilité
cutanée ou musculaire n'étant pas en rapport constant avec le
siège des lésions corticales. Ce nouveau résultat négatif est dû
aux mêmes causes. Charcot et Pitres ont d'ailleurs fait remar-
quer que c les lésions corticales susceptibles de provoquer
l'épilepsie J acksonienne doivent avoir une topographie moins
fixe que les lésions capables de provoquer des paralysies per-
manentes 1 n. Mais la raison principale de cette incertitude
dérive toujours, en réalité, chez les auteurs italiens, de la doc-
trine de la diffusion des effets d'une lésion, même circonscrite,
qu'implique la théorie de l'engrenage.
La pathogénèse de l'épilepsie corticale chez l'homme s'ac-
corde-t'elle avec celle que la physiologie expérimentale a pro-
posée pour les animaux ? L'épilepsie jacksonienne est-elle
d'une autre nature que l'épilepsie idiopathique ? Ne sont-elles,
l'une et l'autre, que deux formes différentes d'une même
affection ? Que l'on compare quelques-uns des caractères qui
servent d'habitude à les différencier.
L'unitéralité des convulsions n'est pas plus un signe absolu
de l'épilepsie partielle ou jacksonienne que le mode de début
des convulsions sous forme de spasmes localisés à un groupe
musculaire. Seppilli cite des cas d'épilepsie dite idiopathique
où ces processus ont été observés. De même pour ce qui a trait
à l'invasion simultanée des convulsions dans les deux moitiés
du corps. « Il existe, dit Seppilli, des cas d'épilepsie jackson-
nienne, dans lesquels, par la répétition fréquente des accès,
un moment arrive où les convulsions se propagent sur tout
le corps, avec tant de rapidité et de violence, qu'il est impos-
sible de distinguer cette épilepsie de l'autre. » Enfin, dans
l'une comme dans l'autre, l'accès peut présenter une aura de
même nature, telle que sensation de froid ou de chaleur, for-
mication, torpeur, pesanteur, douleur dans les parties envahies
par le spasme musculaire. La nature du spasme non plus n'a
rien de caractéristique. Il ne débute pas toujours par les con-
vulsions cloniques de l'épilepsie partielle ; il peut être d'abord
1 Charcot et Pitres.-Etude critique et clinique de la doctrine des locali-
sations motrices, 1883, p. 70.
DE L'ÉPILEPSIE corticale. 117
tonique, puis clonique, comme dans l'épilepsie idiopathique.
Cette étude comparée des caractères prétendus différentiels
des deux formes d'épilepsie a été très bien faite, en Italie,
par Silvestrini l, professeur à l'Université de Sassari. Après
une revue exacte des symptômes respectifs de l'épilepsie par-
tielle et du grand mal comitial, Silvestrini en était arrivé à
conclure, dès 1880, que le mécanisme de développement d'un
grave accès total ou d'un accès d'épilepsie partielle doit être
identique, la différence ne consistant que dans le degré et
l'extension des convulsions. « Si tous les malades ne réagissent
pas de la même manière contre une lésion capable de produire
une forme nosologique bien définie, nous faudra-t-il admettre,
demande Silvestrini, une diversité de formes entre les accès
convulsifs limités à quelques régions et les accès diffus ? »
Ainsi, ce clinicien italien croit aussi à l'identité de nature
des deux formes d'épilepsie. La seule division qu'il admette est
celle d'une forme générale et partielle de l'épilepsie. Il repousse
la distinction de l'épilepsie en essentielle et symptomatique.
Car, avec nos connaissances anatomo-cliniques actuelles, le
moyen de soutenir qu'il existe une forme d'épilepsie essen-
tielle ? L'épilepsie doit toujours être symptomatique de quelque
lésion anatomo-pathologique. Silvestrini admet toutefois,
et il est intéressant de rapprocher ses vues à cet égard de
celles de Luciani,-qu'il existe une forme d'épilepsie d'origine
centrale et une forme d'origine périphérique, car « on ne peut
nier, dit-il, que ◀tantôt▶ l'épilepsie dépende de lésions des
centres nerveux proprement dits, ◀tantôt▶ d'une irritation pé-
riphérique anormale. » La pathogénèse de l'épilepsie peut
donc être diverse; elle ne dépend pas exclusivement d'un état
de tension ou d'irritation de la substance grise du cerveau;
l'écorce cérébrale, et en particulier la zone motrice, n'est pas
l'unique centre épileptogène; l'excitation qui détermine l'accès
peut partir de n'importe quel point du système nerveux. Que
l'on songe aux cas d'éclampsie ou d'épilepsie aiguë par
irritation de l'utérus, des intestins ou d'autres organes, sans
1 Contribuzioni allô studio della patologia cérébrale. Emiplegia, emie-
pilessia, afasia, trapanazione del cranio. Riv. speriment. di freniatria,
1880, 1 et 245. Dès 1878, année où il publia son travail intitulé : Diagnosi
delle 11lalatiie cerebrali, Silvestrini avait, comme Dario Maragliano, à la
même époque, quoique avec moins de puissance, porté sur le terrain de
la clinique les résultats des études nouvelles sur les localisations fonc-
tionnelles du cerveau.
118 REVUE CRITIQUE.
qu'il existe aucune altération (appréciable tout au moins, ajou-
terai-je) des centres nerveux. Mais, si l'origine diffère, dans
l'un comme dans l'autre cas, « le mécanisme de l'accès est iden-
tique. »
Seppilli aussi conclut, avec Luciani, que l'épilepsie partielle
et l'épilepsie générale ne sont que deux formes différentes
d'un même processus morbide (U886). L'accès d'épilepsie est
toujours, comme pour Luciani, la suite d'un état de tension
et d'hyperexcitabilité des centres cérébraux; la limitation ou
la généralisation des convulsions dépend de l'intensité et de
la diffusion des décharges des éléments moteurs de l'écorce,
origine du processus convulsif.-Pour Unverricht, également,
l'épilepsie idiopathique ne différerait de l'épilepsie corticale
que par un état plus labile et plus instable de l'équilibre mo-
léculaire des cellules nerveuses. Voilà pour la nature et les
analogies de l'épilepsie partielle et de l'épilepsie générale.
Qu'enseignent maintenant les observations cliniques re-
cueillies par Seppilli relativement à la pathogénèse du pro-
cessus ? Avant tout, la nature de l'aura qui précède l'accès,
consistant souvent en troubles de la sensibilité cutanée et mus-
culaire, implique bien que le point de départ des convulsions
est, dans ces cas, l'aire sensitivo-motrice de l'écorce cérébrale.
L'hypothèse la plus probable est donc que cette région est la
seule qui soit douée de propriété épileptogène. L'ancienne
théorie «bulbaire» ou * médullaire» de l'épilepsie, celle qui cons-
titue dans les centres de la moelle allongée et du pont de Varole
le point de départ et le mécanisme de l'accès convulsif (Kuss-
maul, Tenner, Nothnagel), a sans doute encore des défen-
seurs. Binswanger, entre autres, a essayé naguère de la renou-
veler au congrès de médecine interne de Wiesbaden (1888) 2. Au
cours de la discussion, Nothnagel a même cru devoir rappeler
qu'il avait recommandé, il y a quatorze ans, de se montrer
prudent quant à la « théorie corticale ». « On peut sans doute,
dit-il, en excitant l'écorce cérébrale,' provoquer des accès d'épi-
lepsie, mais non toutes les formes diverses de l'épilepsie. »
Th. Ziehen, qui a travaillé dans le laboratoire de Munk,
' Cf., sur la nature des auras sensitives, sensorielles, psychiques, vaso-
motrices et motrices, Bernez, Epilepsie jacksonnienne. Gaz. des Hôpi-
taux, 1888.
' l31uswanger. Gxperi»aeulcllc und lcrilische ! 7M<e ! <c/t ! me über die
Pathogénèse des epileptischen 11falls. Compte rendu du Neurol. Cen-
tnzlbl., 1888, 277.
DE L'ÉPILEPSIE CORTICALE. 1'19
soutient que, des périodes de convulsions toniques et cloniques
qui constituent l'accès d'épilepsie, les premières dérivent de
l'excitation des ganglions sous-corticaux, les secondes de celle
de l'écorce cérébrale. L'excitation mécanique ou faradique du
noyau caudé et du noyau lenticulaire, des couches optiques et
des tubercules quadrijumeaux antérieurs et postérieurs pro-
voque, comme celle de la moelle allongée et du pont (Bins-
wanger), si l'intensité et surtout la durée sont suffisantes, des
convulsions toniques. Si on laisse en place les hémisphères,
les phénomènes sont les mêmes : ils ne doivent donc pas être
attribués à l'abolition des centres d'arrêt. Quant aux convul-
sions cloniques, qui suivent l'excitation de l'écorce, elles dis-
paraissent du tableau symptomatique de l'épilepsie avec l'ex-
tirpation du manteau. Ainsi, chez un animal dont la région
corticale d'une. extrémité a été enlevée, l'excitation cérébrale
ne détermine plus de convulsions cloniques, mais toniques, de
ce membre. Ziehen ajoute que la succession rapide des con-
tractions cloniques, d'origine corticale, n'arrive que rarement,
en additionnant les effets de ces contractions, à produire une
convulsion tonique *. Mendel avait fait d'expresses réserves
sur ces conclusions expérimentales appliquées à l'épilepsie
humaine ; Ziehen en a tenu compte dans le dernier travail qu'il
a publié sur ce sujet.
D'autres critiques ont été adressées à Ziehen par Unverricht.
Ce savant, loin de considérer les convulsions cloniques et to-
niques de l'épilepsie comme fondamentalement différentes, ré-
sultant de l'excitation de régions également distinctes du sys-
tème nerveux central, n'y voit qu'un symptôme complexe.
Unverricht nie donc l'origine uniquement corticale des con-
vulsions cloniques, et, appuyé sur les recherches graphiques
de Pitres et de Franck ; il rapporte à l'excitation de la subs-
tance blanche les convulsions toniques que Ziehen fait ré-
sulter de la transmission des courants aux ganglions infra-cor-
ticaux 2.
Dans une observation clinique, suivie d'autopsie, Toma-
' Th. Ziehen. Ueber die Kroempfe in Folge elclctr·isclaer Reizung der
Gl'osshil'1 ! 1'inde. Inaug.. Dissert. Berlin, 1885. Zur Physiologie der
subcorticalen Ganglien undûber ihre Beziehungen zunt epileplischen An-
fall. (xiii Congrès des neurol. allem. à Frib. en Brisgau, juin 1888.)
Arch. f. Psych. u. Ncooerrlcranklt, 1890.
' Unverricht Ueber tonische und klonische lIluslcelkl'[( ! 11lpfe. Deutsches
Arch. f. klin, Med. 1890, XLVI, 413.
120 REVUE CRITIQUE.
schewski a insisté aussi sur le caractèredifférent des contrac-
tions provoquées par l'excitation de la substance grise ou de la
substance blanche. Cette observation est une brillante confir-
mation de la théorie corticale de l'épilepsie. Il s'agit d'un épi-
leptique de vingt ans; depuis longtemps hémiplégique du côté
gauche, et dont les convulsions affectaient en même temps,
non successivement comme dans l'épilepsie jacksonienne, tous
les muscles du corps. Or la nature et l'intensité des phéno-
mènes convulsifs différaient fort sur les deux côtés du corps.
Du côté opposé à l'atrophie cérébrale, laquelle occupait les
parties postérieures des F, et 1<\, de presque toute la FA
(à l'exception du tiers inférieur), de la partie moyenne de la
PA et d'une partie du LP de l'hémisphère droit, l'extrémité
inférieure gauche se contractait plus faiblement et l'extrémité
supérieure gauche, tout en présentant des contractions muscu-
laires, ne participait point aux convulsions générales. Au con-
traire, les muscles de la face et du tronc y participaient pleine-
ment, ce qui s'accorde avec l'absence d'atrophie corticale, chez
ce malade, du tiers inférieur de la FA gauche. Ainsi, les membres
dont les centres d'innervation corticale avaient été détruits,
ne participaient que peu ou point du tout aux convulsions
épileptiques 1. '
Seppilli demande comment, dans l'hypothèse ancienne, une
irritation du bulbe pourrait déterminer des convulsions limitées
à un groupe musculaire ou à un seul côté du corps, les expé-
riences d'Owsianikow ayant établi que la moelle allongée est
le siège d'un centre de mouvements réflexes généraux ? La
théorie bulbaire ne saurait expliquer davantage l'ordre suivant
lequel l'accès d'épilepsie partielle se propage, et peut passer
d'une moitié du corps à l'autre moitié. La large surface de l'aire
épileptogène, c'est-à-dire de l'aire sensitivo-motrice, permet
de concevoir au contraire l'autonomie relative des différents
centres moteurs et l'ordre dans lequel ils sont successivement
atteints, tandis que dans le bulbe, la proximité de ces
centres rendrait impossible l'indépendance et la succession
des accès. Donc, au point de vue clinique aussi, la zone exci-
' B. Tomaschewski. Zur Frage ùber die Betheilung der llirnrinde
an der 2 ? ? t<e/tMMs' des epiteptiselbe ? b Anfalls. Sep. Abdr. ans den Ver-
handlurrgen der Aerzte-Gesellscliaft in Odessa, 1887. L'auteur appelle
encore l'attention sur deux observations semblables de Macleod et de Noel-
Paton (Brain, 1882 et 1886), qui confirment la théorie corticale de l'épi-
lepsie.
DE l'épilepsie corticale. 121
table du cerveau apparaît comme l'organe central des con-
vulsions épileptiques.
Toutefois, à l'instar de Luciani, Seppilli ne nie pas que les
ganglions de la base, le pont de Varole, le bulbe et la moelle
épinière ne puissent participer au processus et augmenter
l'intensité et la diffusion de l'accès 1. Pour être applicable à
tous les cas cliniques possibles, la théorie corticale de l'épi-
lepsie doit sans doute être formulée en des termes plus larges
et moins exclusifs. Si, dans la majorité des cas, l'épilepsie
jacksonnienne est toujours provoquée par une lésion corticale,.
elle peut l'être aussi quelquefois par une lésion sous-corti-
cale 2. Du moins un cas, probablement unique, que Seppilli a
eu l'occasion d'observer, a modifié en ce sens les idées du
médecin d'Imola :
Femme de trente ans, épileptique depuis l'âge de treize an=,
entrée au manicome d'Imola à cause de la fréquence de ses
accès; elle y est restée du 20 août 1882 au 8 mai 1883. Hémia-
trophie gauche, surtout du bras, qui était complètement paralysé,
avec une légère contracture des fléchisseurs ; la jambe gauche pré-
sentait aussi un léger degré de paralysie et de contracture. La
sensibilité tactile des extrémités du côté gauche, du bras surtout,
était également diminuée. L'accès débutait par une sensation de
formication dans les doigts de la main gauche; presque en même
temps survenaient des convulsions cloniques sur le bras gauche
tout entier. Puis l'accès se propageait à la jambe gauche et à la
moitié de la face du même côté, lestant limité à ces parties; il
durait de deux à trois minutes, sans perte de conscience. Quelque-
fois, après avoir évolué, comme il vient d'être dit, sur le côté
gauche du corps, les convulsions passaient subitement à droite.
D'autres fois encore elles envahissaient au début, simultanément,
les deux moitiés du corps, et étaient alors accompagnées de perte
de conscience. Après l'accès, les membres du côté gauche restaient
tout à fait flasques, et la malade tombait dans un état d'agitation avec
angoisse précordiale. -Autopsie. Crâne asymétrique, le côté droit
moins développé que le gauche. L'hémisphère gauche, du poids de
495 grammes, n'offrait rien de remarquable. L'hémisphère droit
1 « L'épilepsie peut être provoquée par une lésion de n'importe quel
point du manteau cérébral ou des autres régions de l'encéphale (capsule
interne, pédoncules, pont), mais elle a toujours pour organe central,
constituant l'élément essentiel de sa pathogénèse, le complexus des
centres moteurs de l'écorce cérébrale. » G. Seppilli, Tumori cée-
/n'aU, 32.
2 L. Bianchi. Semeiolica delle malattie del sistema neruoso (Milano,
1890), 235 sq.
122 REVUE CRITIQUE. DE l'épilepsie corticale.
pesait 268 grammes. Les méninges s'enlevèrent très facilement,
excepté sur une vaste zone comprenant, à droite, la partie pos-
térieure des trois frontales, les deux circonvolutions ascendantes,
le lobule paracentral et les circonvolutions pariétales. Les lésions
s'étendaienl à la substance blanche et atteignaient la paroi supé-
rieure et externe du ventricule latéral droit. La consistance du cer-
veau était très faible dans toute cette zone. L'écorce, aussi bien
que les faisceaux médullaires, était transformée en un tissu
fibreux, formé de nombreuses cloisons qui, en s'intriquant, cons-
tituaient de petites cavités remplies d'une substance semi-gélati-
neuse. A l'examen microscopique, il n'existait dans celte zone
aucun élément nerveux, mais une quantité considérable de cor-
puscules amyloïdes et de granulations graisseuses et pigmentaires.
Les cloisons, qui donnaient à ce foyer l'aspect d'un tissu aréo-
laire, étaient formées d'éléments connectifs; au milieu rampaient
de nombreux vaisseaux sclérosés, dont la lumière était obstruée
par des grains de pigment accumulés. En outre, dégénérescence
du faisceau pyramidal droit, que l'on suivait dans la capsule
interne du même côté, dans le pédoncule cérébral, dans la pyra-
mide bulbaire et dans le cordon latéral gauche de la moelle
épinière. Les ganglions opto-striés étaient normaux.
Des considérations cliniques et anatomo-pathologiques aux-
quelles pourrait donner lieu l'analyse de ce cas, Seppilli ne
veut retenir que le fait suivant : l'épilepsie partielle peut
exister même en l'absence des centres moteurs corticaux du
côté opposé. L'hémiépilepsie gauche avait fait supposer qu'une
partie au moins de l'aire sensitivo-motrice droite était con-
servée ; or, cette aire était complètement détruite ici, en surface
comme en profondeur. La seule hypothèse qui, suivant Sep-
pilli, pourrait rendre raison d'un pareil fait, hypothèse d'ail-
leurs en accord avec la doctrine des suppléances fonctionnelles
soutenue par Luciani et par Tamburini, c'est que, dans l'épi-
lepsie comme dans la paralysie, dans les phénomènes d'exagé-
ration fonctionnelle des régions sensitivo-motrices du cerveau,
comme dans ceux d'abolition ou de diminution de la motilité,
les centres moteurs sous-corticaux (les corps striés) peuvent
suppléer, dans une certaine mesure, les aires motrices détruites
de l'écorce cérébrale. Ces ganglions de la base, dont les fonc-
tions motrices ne différeraient qu'en degré, non en nature, de
celles du manteau, et que les auteurs italiens invoquent pour
expliquer la disparition des parésies ou des paralysies de la
motilité consécutives aux lésions destructives de l'écorce,
Seppilli les invoque à son tour pour expliquer la persistance
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 123
d'accès d'épilepsie partielle en l'absence complète de la zone
motrice opposée ; il leur attribue les mêmes propriétés épilep-
togènes, et croit qu'ils peuvent devenir le point de départ de
convulsions limitées au côté opposé du corps.
En somme, pour la plupart des cliniciens et des physiolo-
gistes italiens, l'organe central de l'épilepsie, et qui est la
condition nécessaire et suffisante de sa pathogénèse, ce sont
les centres moteurs de l'écorce cérébrale ainsi que les gan-
glions sous-corticaux, de natuie homologue, et cela, de quelque
manière que le processus évolue, quelle que soit la cause de
l'accès convulsif, que l'irritation provocatrice soit directe ou
réflexe.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES.
I. UN SYMPTÔME observé dans LES PROCESSUS morbides DE la fosse
postérieure du crâne; par H. Oppenheim. (Neurol. Centralbl.
1889.) DEUX cas DE TUMEUR DE la fosse postérieure DU crâne ;
par R. WuLLENBERG. {Arch. f. Psychiat. XXI. 3).
11 s'agit en résumé de trois observations. Deux d'entre elles con-
cernent une tumeur cérébelleuse. Dans le cas d'Oppenheim, la
tumeur avait aplati le bulbe et la protubérance et atrophié le
pneumo-gastrique et le spinal ; le voile du palais, les cordes vo-
cales, les muscles externes et internes du larynx avaient été pen-
dant la ne animés de convulsions. Dans celui de Wollenberg, on
constatait les symptômes caractéristiques : l'hémisphère cérébel-
leux gauche était atteint. La troisième observation est celle d'une
tumeur du lobe occipital droit (Wollenberg); vertiges, attaques
épileptiformes, vomissements, excitation maniaque avec halluci-
nations, tendance a tomber en arrière et à gauche, hémianopsie
gauche homonyme, hémiplégie gauche graduelle, papille étranglée
bilatérale; tels furent les accidents. P. K.
II. Un cas DE POLIO-ENCÉPAALO-MYÉLITE PROGRESSIVE;
par SEEUSMUELLER. (Neurol. Centralbl., 1889.)
Type clinique de poliomyélite chronique avec polioencéphalite
supérieure (ophthalmoplégie nucléaire) et polioencéphalite inté-
124 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
rieure (paralysie bulbaire). Lésion symétrique des noyanx des
nerfs moteurs qui prennent naissance dans le cerveau et le bulbe,
combinée à une lésion symétrique des noyaux des nerfs spinaux,
cervicaux et lombaires (muscles des membres et muscles abdomi-
naux. - - P. K.
III. Hémorrhagie SOUS-DURE-2RÉRIENNE ISSUE DE VEINES encéphaliques
A trajet anormal; par DIITTENZWEIG. (Neurol. Centralbl., 1889.)
HUGUENIN s'exprime ainsi : « Les veines cérébrales au niveau du
sinus longitudinal supérieur sont souvent dilatées, variqueuses;
leurs parois sont amincies et prêtes à se déchirer » On s'ex-
plique que, si ces veines présentent un trajet anormal, si, par
exemple, on rencontre à quatre centimètres de la grande scissure
interhémisphérique deux troncs veineux arachnoïdo-dure-mériens,
ce trajet extraordinaire augmente la prédisposition à la déchirure
et fournit l'explication de la genèse de l'hémorrhagie sous-dure-
mérienne. En effet, sur deux cents dure-mères, M. Mittenzweig a
rencontré cinquante-neuf exemples d'anomalies semblables pourles
veines cérébrales supérieures et neuf exemples pour les veines cé-
rébrales postérieures; les veines passaient brusquement de l'arach-
noïde il la dure-mère, se soudaient intimement au feuillet in-
terne de celle-ci et finalement, s'ouvraient dans le sinus longitu-
dinal supérieur. Ces anastomoses dangereuses des deux feuillets
tiennent à la persistance de la circulation foetale intercurrente.
P. K.
IV. Syringomyélie ET scoliose; par M. BERNHARDT. (Centralbl. f. Ner-
venheill;. 1889.) - Un cas DE syringomyélie avec contribution A
l'examen DE la sensibilité; par Bumpr. (Neurol. Centralbl. 1889.)
CONTRIBUTION A l'anatomie pathologique DE la formation DE
cavités dans la MOELLE; par P. Kronthal. (Ibid.)
L'observation de M. Rumpf est surtout intéressante par l'étude
de la sensibilité et de ses modes. En outre des phénomènes de la
sclérose latérale amyotrophique, on constatait une anesthésie
complète de la partie moyenne et inférieure de la moitié droite du
tronc et de la parésie des fonctions sensitives sur la moitié gauche
du tronc; ces accidents portaient surtout sur les impressions dou-
loureuses et thermiques. M. Rumpf en conclut que les grandes
cellules multipolaires des cornes grises antérieures de la moelle cervi-
cale sont détruites, que les cordons latéraux sont scléreux, qu'il y a
syringomyélie. Le mémoire très substantiel et très instructif de
Kronthal analyse la pathogénie de la syringomyélie ; il montre que,
toutes les fois que la circulation de la moelle se trouve gênée par
une tumeur de la colonne vertébrale, par de la méningite spinale,
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 125
par une incurvation des vertèbres, il se fait une dilatation du canal
central de l'organe intra-rachidien avec les lésions classiques; ex-
périences à l'appui chez les animaux.- Inversement, M.Bernhardt
prouve que sur soixante-dix cas de syringomyélie, il a trouvé seize à
dix-huit exemples (près de 25 p. 100) de déviations de la colonne ;
il tendrait à les considérer comme secondaires, par troubles tro-
phiques des os. P. K.
V. UNE MÉTHODE simple DE DURCISSEMENT ET DE conservation DU CER-
veau pour démonstrations; par 0. ROSENBACH. (Centralbl. f. Ner-
venheilli., 1889). - NOTE relative A la coloration DES coupes
encéphaliques; par B. BAGINSKY. (Neurol. Centralbl., 1889.)
La méthode de Rosenbach est surtout appliquée à la morpho-
logie extérieure. On prend le cerveau frais recouvert de sa pie-
mère, on le plonge dans une solution aqueuse et légèrement
alcoolique d'acide phéniquée 11 10 p. 100, en ayant soin de pratiquer
quelques incisions à la méninge pour faciliter l'imbibition céré-
brale, on place l'organe sur un lit d'ouate et on écarte les grandes
scissures naturelles à l'aide de petits tampons. Un jour ou deux
après, le cerveau est blanc, la pie-mère, ridée; on détache celle-ci.
Trois à cinq jours plus tard, le durcissement est parfait. On trans-
porte la pièce dans une solution phéniquée à 5 p. 100 ; on l'y laisse
un temps illimité. On peut toujours, dit M. Baginsky, utiliser de
vieilles pièces en combinantle cuivrage, par lequel on commence,
à la méthode de Pal. (Voy. Juh2·bïcch. med. Wien, 1886, p. 627.)
P. Keraval.
VI. D'UNE paralysie PÉRIPHÉRIQUE ISOLÉE DU NERF SUS-SCAPULAIRE
DROIT, dont l'étiologie EST DIGNE DE remarque ; par M. BERNHARDT.
(Centralbl. f. Neweniceilk., 1889.) Cas isolé DE DYSTROPHIE
musculaire progressive (type facio-scapulo-liumé ? ,al), par SPERLING.
(Neurol. Centralbl., 1889.) Deux cas DE DYSTROPHIE musculaire
PROGRESSIVE (type facio-scapulo-h2cmdlal), par BIFLSCIIOWSKY. (Neu-
rol. Centralbl., 1890.)
L'observation de Bernhardt concerne un homme de quarante-
six ans; il fit une chute sur la tête de 3 mètres de haut, mais en se
préservant le chef à l'aide des bras; l'épaule droite porta. C'est à
la suite de cet accident qu'il se développa une paralysie périphé-
rique isolée avec atrophie des muscles sus et sous-épineux. Les
observations de Sperling et Bielschowshy ont trait à des jeunes
filles (16 ans) et à une femme de quarante-cinq ans. P. K.
VII. CONTRIBUTION casuistique aux TROUBLES TROPHIQUES SECRÉTOIRES
DE la peau dans la névrite ; par A. ERLENMEYER. (Centralbl. f.
Nervenheilk., 1889.)
L'observation I se résume ainsi : névrite infectieuse aiguë du
126 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
nerf médian droit avec anidrose et ichthyose symptomatique de
l'épiderme au niveau de la paume de la main et de la face in-
terne des doigts. Atteinte des filets sudoraux, trophiques et vaso-
dilatateurs. Obs. II. Névrite infectieuse ( ? ) à récidives du nerf
médian gauche avec ichthyose diffuse de la face interne de la main
et des doigts. Anesthésie limitée à un côté, qui a guéri complète-
ment en peu de temps. P. K.
VIII. Des noyaux ARC1PORfES; par G. JELGERsMA.
(Centralbl. f. Nervenheilk, 1889.)
Etude des noyaux arciformes et de leurs connexions avec d'au-
tres parties du bulbe, basée sur l'anatomie comparée, l'histologie,
l'anatomie pathologique D'après ces documents, les noyaux de la
protubérance sont les homologues des noyaux arciformes des pyra-
mides, ou, plus exactement, les noyaux de la protubérance sont les
générateurs des noyaux arciformes, ou encore, les noyaux arci-
formes sont les stations éloignées des noyaux de la protubérance.
La protubérance, en somme, est un ganglion intercalé entre le
système intellectuel et les centres du bulbe. Elle suit, dans la série
animale, un développement parallèle à celui de l'encéphale, paral-
lèle à celui du manteau du cerveau et des hémisphères cérébelleux.
Inversement, chez l'homme, les noyaux arciformes représentent
les noyaux de la protubérance projetés et développés à une cer-
taine distance sous l'influence du développement de l'encéphale.
Physiologiquement les uns et les autres sont homologues aussi bien
qu'au point de vue anatomique. P. KÉaAVAL.
IX. Quelques variétés qualitatives du phénomène du genou ;
par M. 13ENEDIET. (Neurol. Centralbl., 1889.)
L'auteur en décrit quatre formes :
1° Une forme chronique (l'épithète se conçoit de soi) dans la pa-
ralysie myélitique et dans les affections spinales spasmodiques;
2° une forme paradoxale dans le sens de la flexion, dans un cas de
tumeur du toit du quatrième ventricule, au niveau des stries acous-
tiques ; il en existe un sous-genre, caractérisé par une extension
excessive suivie sur-le-champ d'une flexion [extrême; 3° une
forme irradiée, l'exagération du réflexe gagnant, par le tronc, l'autre
côté du corps sur les deux extrémités; 4° une forme tonique, la
jambe, à la suite du réflexe, demeurant raide en extension.
P. K.
X. Un cas DE TUMEUR ISOLÉE DE la glande pinéale; par E. KNY.
(Neurol. Centralbl., 1889.)
Observation avec autopsie. Elle ne révèle aucun autre symptôme
que les accidents classiques. Comme l'a dit Virchow, le diagnostic
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 127
ne peut être établi que lorsque la tumeur comprime les tubercules
quadrijumeaux et les organes sous-jacents. Ces symptômes sont :
des troubles-de coordination, -des troubles moteurs dans le
domaine de l'oculomoteur commun, de l'oculomoteur externe, du
pathétique. La compression de l'aqueduc de Sylvius, et de la
grande veine de Galien, détermine les phénomènes en rapport
avec une élévation quelconque de la pression intra-crânienne (hy-
drocéphalie papille étranglée attaques épileptiformes), mais
de meilleure heure que dans les autres cas. . P. K.
XI. Un cas DE tumeur cérébrale; par OPPENHEIm et Remak.
(Neurol. Centralbl., 1889.)'
M. Oppenheim diagnostique une tumeur cérébrale originaire de
la zone motrice du côté gauche, sans pouvoir localiser avec plus de
précision, en raison de l'alternative des points de départ des con-
vulsions, du vague de la céphalalgie, de l'absenc e de sensibilité
à la percussion, de l'uniformité de la parésie sur le bras, la jambe
et le facial inférieur. On trouve à l'autopsie un sarcome à cellules
rondes occupant la région comprise entre le sillon de Rolando et
la scissure perpendiculaire externe d'une part, la moitié supérieure
de la pariétale ascendante, le lobule pariétal supérieur, la partie
postérieure dulobule paracentral, l'avant-coin, la circonvolution du
corps calleux, le segment postérieur de ce dernier organe, d'autre
part. On discute rétrospectivement les chances qu'eût pu donner une
intervention chirurgicale. Remak cite à ce propos un cas heureux;
un an après un traumatisme, la trépanation, longtemps différée,
paraissait nécessaire, quand, par le repos au lit, l'application de
glace sur la tête, l'administration simultanée de 0.50 de K 1. et
de 2 grammes de Na Br. la guérison définitive s'effectua en dix
jours. P. K.
XII. DES RÉSULTATS DE L'ABLATION DE LA GLANDE THYROÏDE CHEZ LE
chien; par SCHULTZE. (Neurol. Centralbl., 1889.)
Six expériences réussies. Comme dans la tétanie de l'homme,
qui succède à l'ablation du goitre, on constate chez le chien, à la
période convulsive consécutive à l'extirpation du corps thyroïde,
une exagération de l'excitabilité électrique. P. K.
XIII. Contribution A la QUESTION DE la PROPRIÉTÉ ÉPILEPTOGÈNE DE
LA ZONE POSTÉRIEURE DE L'ÉCORCE CÉRÉBRALE; par P. ROSENBACH.
(Neurol. Centralbl., 1889). Un cas d'épilepsie partielle, par
Roller. (Ibid.)- CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE l'épilepsie JACKSO-
N1ENNE ET DE ses équivalents cliniques; par L. LOEWENFELD. (Arch.
f. Psych., XXI, 1, 2.)
Nous signalons rapidement l'étude critique des Mémoires publiés
128 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
sur l'épilepsie expérimentale (Rosenbach) pour arriver au long et
substantiel travail de Loewenfeld. Types cliniques divers de l'épi-
lepsie partielle (douze observations) ; analyse minutieuse de ses
éléments morbides et de ses lésions, bibliographie consciencieuse,
rien n'y manque. Les -équivalents sensoriels de la maladie, et ses
équivalents paralytiques (y compris les troubles de la parole) nous
ont particulièrement frappé. Un dernier chapitre est consacré aux
rapports entre l'épilepsie jacksonienne et l'épilepsie franche. Nous
noterons ce qui suit :
La plus faible convulsion d'origine corticale contient en subs-
tance un élément épileptique aussi bien que les formes les plus
effacées de petit mal, que les obnubilations de la connaissance d'une
durée minime de quelques secondes, que les auras fugitives iso-
lées. '*
L'observation avec autopsie de Roller confirme cette proposition.
L'auteur fait ressortir comme constituant une anomalie la perte de
connaissance au début des accès, et il en conclut qu'il s'agissait
d'une simple épilepsie partielle plutôt que du type de Jackson; il
insiste sur l'absence de convulsions musculaires isolées. L'autopsie
révéla des lésions microscopiques expliquant comment l'écorce
pouvait être irritée sans qu'il se produisît d'infirmités grossières
persistantes ; il s'agissait de fines apoplexies ou thromboses capil-
laires par athéromes ayant déterminé des anémies miliaires.
P. KERAVAL.
XIV. Des altérations DE la substance GRISE DE la MOELLE dans LES
lésions DES cordons latéraux; par FUEIiSTNEB. (Neurol. Cen-
tralbl., 1889.)
Quand les faisceaux pyramidaux sont dans les cordons latéraux
plus ou moins altérés, quelle qu'ait été la forme de la lésion ini-
tiale (dégénérescences descendantes, paralysie générale), on voit,
au niveau de la partie supérieure de la moelle dorsale ou de la
partie inférieure de la moelle cervicale (indépendamment de la pro-
pagation du processus primitif), la corne latérale correspondant
au côté malade s'atrophier, diminuer de volume et d'épaisseur ;
ses cellules et ses fibres blanches (coloration de Weigert) se reco-
quiller, se tasser, jaunir, disparaître; finalement la substance
intermédiaire s'éclipse; c'est en réalité l'altération des fibres myé-
iiniques qui ouvre la marche. P. K.
XV. LE strabisme dans la rigidité articulaire spasmodique DE
l'enfance INDIQUE-T-IL LE SIÈGE cérébral DE la lésion ; par Fr.
ZIEHL. (Neurol. Centralbl., 1889.)
C'est un symptôme très illusoire qui exige l'examen précis de
l'oeil et notamment de l'état de sa réfraction, de son acuité visuelle.
REVUE d'anatomie ET DE physiologie pathologiques. 129
Il faut appeler à son aide l'électricité; il n'est pas rare de voir la
galvanisation de la moelle produire une amélioration manifeste.
P. K.
XVI. Contribution a la physiologie du ruban DE REIL. (Observation
de gliomatose d'une corne postérieure de la moelle); par G. Rosso-
LIMO. (Arch.f. Psych., XXI, 3.)
Etude clinique et anatomopathologique consciencieuse, avec
planche à l'appui, de laquelle il résulte que la partie médiane du
ruban de Reil contient surtout des fibres destinées à conduire la
sensibilité de la moitié opposée du corps, C'est du reste la seule
observation de gliomatose rigoureusement limitée à la substance
grise de la moelle. P. K.
XVII. DE L1 dégénérescence kystique DE l'encéphale; par A. PICK.
(Arch. f. Psych. XXI, 3.)
Etude de la genèse de l'état criblé, accompagnée de deux plan-
ches. Les documents anatomiques sont les suivants : 1° un cerveau
dont on ne connaît pas la provenance; - 20 un cerveau d'une
prostituée de dix-huit ans, morte d'affection fébrile ; 3° un cer-
veau de paralytique général de vingt-cinq ans; - 40 un cerveau
de paralysie générale tabétique chez une femme; 5° un cer-
veau de paralysie générale typique; 6° un cerveau de mélan-
colique (femme morte phthisi'1ue); 7° un cerveau de paralysie
générale probable chez l'homme; 8° un cerveau de paralysie
générale tabétique (femme). La conclusion est que ces kystes
ont pour origine des stases lymphatiques sous-arachnoidiennes.
P. K.
XVIII. Du GENRE et DE la fréquence des lésions DE la moelle dans
la paralysie progressive ; par KOEUElILI;<¡. (.lIt ! ]. Zeitsch, f. Psycho
XLVI, 5.) .
Vingt-trois cas d'anatomie pathologique avec histologie. On y
trouve deux cas de dégénérescence des faisceaux latéropyrami-
daux, six observations de dégénérescence des cordons postérieurs,
quatre faits de dégénérescense des deux espèces de faisceaux, un
cas d'hydromyélie, soit 5B p. 100 d'altérations de la moelle. La
syphilis antérieure était certaine chez six d'entre eux, probable
chez quatre. Sur les six cas précédents, il y avait quatre exemples
de lésions médullaires. ' P. K.
) ,
XIX. Contribution A L.t ' T11ÉORIE 'de l'entrecroisement DES fibres
nerveuses dans le CHIASMA des nerfs optiques; par A. DELJ3RUECK..
(Arch. f. Psych., XXI, 3.) ?
Voici une autopsie, sans étude clinique préalable, où l'on voit :
Archives, t. XXII. 9
130 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
1° une dégénérescence totale du nerf optique gauche; 2° une dé-
générescence de la moitié du nerf optique droit; ici il y a intégrité
du faisceau droit non entre-croisé, dans le chiasma et la bande-
lette : les fibres non entre-croisées sont réunies dans le nerf en épais
trousseaux qui occupent le côté droit de l'organe; dans le chiasma
et la bandelette, elles se mélangent aux fibres croisées : cependant
elles ne se répartissent pas uniformément dans l'épaisseur de la
coupe transverse de la bandelette, d'abord elles laissent de côté le
quart interne et inférieur de ce segment, puis elles se mêlent peu
à peu à ses fibres.
Il est donc certain, conclut l'auteur, que les fibres non entre-croisées
forment dans le nerf optique un trousseau plus ou moins séparé : dans la
bandelette, elles fusionnent avec les fibres croisées. P. K.
XX. CONTRIBUTION A la PHYSIOLOGIE DES ganglions infra-
corticaux ET A LEURS relations avec l'attaque D'ÉPI-
LEPSIE ; par 'l'H. ZIEHEN. (Arch. f. Psych., XXI, 3.)
Expériences effectuées sur cinquante-trois lapins auxquels
on enlève les hémisphères cérébraux et le trigone pour agir
sur les ganglions de la base. Voici la conclusion de ces inter-
ventions :
'1° L'excitation mécanique et faradique du corps strié, ou sa section
transverse, produit du côté opposé, soit une convulsion unique, soit une
série de convulsions toniques qui ne survivent pas il l'excitation. Ces con-
vulsions ont le caractère de celles qui succèdent à l'excitation de la
région corticale motrice antérieure. Le noyau lenticulaire n'est pas acces-
sible à une excitation isolée directe; 2° l'excitation mécanique et fara-
dique de la couche optique produit soit une, soit plusieurs convulsions
toniques du même côté et du côté opposé du corps; ces convulsions ne
survivent pas non plus à l'excitation. La section transverse du segment
postérieur de la couche optique et du tubercule quadrijumeau antérieur,
à la base, dans le teiritoire du chiasma et de la moitié antérieure de la
protubérance, provoque des mouvements de course impétueux avec loco-
motion et cris : c'est la région de la calotte et du corps genouillé interne
qui est la plus sensible. L'excitation mécanique et faradique de la sur-
face du tubercule quadrijumeau antérieur est suivie de l'accélération de
la respiration, de nystagmus, de mouvements impétueux de la locomo-
tion ; 3" l'excitation du tubercule quadrijumeau postérieur engendre
des convulsions tétaniques qui survivent de plusieurs minutes a l'excita-
tion, sans mouvements de locomotion. Ces convulsions sont plus fortes
du côté lésé que du côté opposé.
Tous ces phénomènes sont d'ordre réflexe. Le tractus sensitif
qui préside aux mouvements de course et de locomotion occupe
la bandelette optique. La genèse des convulsions tétaniques
sans mouvements de locomotion n'a rien à voir avec le pied
du pédoncule, mais il est possible que le réflexe passe par la
REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques. 131
calotte en prenant le chemin'des fibres acoustiques. Le trans-
port de l'excitation des voies sensitives aux voies motrices a
lieu, non par les tubercules quadrijumeaux, mais par les
noyaux de la calotte ou les corps genouillés. Les tractus mo-
teurs qui conduisent l'excitation ne sont pas les pyramides,
car, chez le lapin, elles ne sont pas en connexion avec les
tractus sensibles de la calotte, et d'ailleurs, les mouvements se
produisent surtout du côté de l'excitation. Quand on con-
serve les hémisphères, les résultats sont, en certains cas, les
mêmes; donc l'excitation n'a pas pour simple effet d'annihiler
les phénomènes d'arrêt. - La convulsion tétanique paraît ré-
sulter de l'irritation des ganglions infra-corticaux, tandis que
la convulsion clonique est d'origine corticale. -Il est probable
que les convulsions clonicotoniques que l'on obtient par fara-
disation du cerveau du lapin sont, pour leurs composants
toniques, à rattacher à l'irritation indirecte de la protubé-
rance ou du tubercule quadrijumeau postérieur. Quant à
appliquer ces résultats expérimentaux à l'explication de la
genèse de l'épilepsie humaine, il convient de se montrer pru-
dent. Le mémoire contient en outre une analyse complète
de toutes les expérimentations antérieures. P. IERAV-1L.
Xi. Contribution .1 L'ÉCUDl3 clinique et AiV.ITOMO-P.1THOLOO1QUE DE
LA NÉVRITE ALCOOLIQUE MULTILOCULAIRE ; par R. '111OJISEY. (Arc/¡.
f. Psych., XXI., 3.)
Observation 1. Homme de vingt-quatre ans; névrite aiguë avec'
tachycardie, blépharoptose de la paupière gauche, double parésie
de l'oculomoteur externe, nystagmus; paraplégie flasque; moit t
en trente jours de pneumonie. Intégrité de la moelle, du bulbe,
des racines des nerfs crâniens, dégénérescence des nerfs périphé-
riques ; légère dégénérescence des muscles. Observation IL
Allures cliniques de l'ataxie locomotrice progressive : douleurs en
ceinture, incontinence d'urine, absence persistante du phénomène
du genou; amblyopie, alcoolisme, nystagmus, paralysie de l'ocu-
lomoteur commun, délire, tremblements, crampes musculaires.
Intégrité de la moelle et des noyaux des nerfs crâniens, dégéné-
rescence caractéristique des nerfs périphériques. - Observation III.
Homme de quarante-quatre ans : névrite alcoolique aiguë caracté-
ristique, 1)lépharuptose, nystagmus, tachycardie. Intégrité de la
moelle ; dégénérescence atrophique des nerfs périphériques, lésions
inflammatoires, hémorrhagiques et scléreuses du noyau postérieur
du pneumo-gastrique et du noyau d'origine de l'oculomoteur com-
mun. P. KOE'\y,\L.
13 ! 2 revue d'anatomie et DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
XXII. ETUDES relatives ,\ L'ANATOMIE P.1'fIiOLOGIUE DE I'ENC1 : PIL1-
lite aiguë ; par M. Friedmann. (Arch. f. Psychiat., XXI, 3.)
Après l'expérimentation (voyez Al'chives de Neurologie, t. XIX,
p. 270) la clinique. Cette seconde partie du mémoire (voy. Archives
de Neurologie, t. XXI, p. 283) traite de l'encéphalite aiguë spon-
tanée non suppurée chez l'homme. Le premier groupe dont il est
question ici embrasse des types analogiques qui se rapprochent
de l'encéphalite caustique. Ils sont caractérisés par l'existence de
grosses cellules épilhélioïdes, de même que le ramollissement
cérébral a pour élément anatomopathologique la cellule granu-
leuse ordinaire. De treize observations empruntées aux auteurs
(Hayem, Messner, Meyer et Beyer, Leyden, Kahler et Pick, Welt,
Kiewliez) et de quatre cas personnels, M. Friedmann conclut ainsi :
Le processus commence par un stade aigu de deux à trois semaines,
les cellules normales prolifèrent en grosses cellules épithéliocides. On
constate en même temps les phénomènes de l'inflammation : hype-
rémie tuméfaction des cylindraxes et des cellules de la névroglie
exsudation de cellules rondes - prolifération des parois vasculaires.
Pendant les mois qui suivent, les produits morbides tendent à se
résorber, finalement, ils s'organisent en un tissu de fibres fines conjonc-
tives qui circonscrivent les grosses cellules en question, et les étouffent
par rétraction (sclérose aboutissant en plusieurs années à la cicatrisation
du foyer.) P. K.
XXIII. LES CIRCONVOLUTIONS ASCENDANTES CONSTITUANT L'ORGANE CENTRAL
des cordons POSTÉRIEURS ; par P. FLECHSIG et 0. II3EL. (Neu-
1'olog. Centralbl, 1890.)
De l'étude analomique très détaillée du cerveau d'une bémiplé-
gique depuis cinquante-deux ans à l'autopsie de laquelle on trouva
un trou occupant le domaine des ascendantes (porencéphalie), les
auteurs concluent que les cinq sixièmes au moins des fibres qui,
des noyaux d'origine des cordons postérieurs gagnent, en traver-
sant la couche intermédiaire des olives, l'organe central, abou-
tissent aux circonvolutions ascendantes et, suivant toutes probabi-
lités, à la pariétale ascendante ainsi qu'au lobule paracentral. La
zone motrice du cerveau est donc également un centre sensitif
(centre de réflexions des cordons postérieurs). L'alaxie qui se
montre dans le cas de foyers des lobes pariétaux est donc identique
à celle qui se rattache aux lésions des cordons postérieurs. Cette
dernière se complique de phénomènes tenant à l'interruption des
fibres des cordons latéraux qui ne sont pas reliées aux ascendantes
(exemple : les mouvements saccadés). Les ascendantes sont unies
aux hémisphères cérébelleux, mais on ne sait si cette connexion
d'ailleurs non précisée, a pour but de soumettre les ascendantes à
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 133
l'action du cervelet ou si elle constitue une seconde voie motrice
adjacente à celle des faisceaux pyramidaux. P. K.
XXIV. DEUX ALTÉRATIONS REMARQUABLES DE LA MOELLE; par E. KRON-
THAL. (Neural. Ccntrabl. 1890). Contributions casuistiques A
LA CONNAISSANCE DES ANOMALIES DE DÉVELOPPEMENT DE L\ MOELLE;
par BUCIIHOLZ. (Arch. f. Psych. 1RII, 1.)
A. Sorte de diplogénèse de la moelle chez un boeuf n'ayant pré-
senté aucune anomalie, due à la persistance des fentes foetales et,
par suite, à une métastase do substance nerveuse. La moelle a
pour ainsi dire tourné autour de son axe normal en se développant
(Kronthal).
B. Chez un jeune lapin, lipome occupant, dans le renflement
lombaire, l'angle intermédiaire à la corne antérieure et à la corne
postérieure droite; la tumeur est accolée à la partie latérale de
cette dernière. Elle n'a pas plus de deux millimètres et demi dans
saportion laplus large. Elle s'est développée dans le tissu muqueux
embryonnaire (Kronthal).
c. Chez un paralytique général affecté de dégénérescence mar-
quée des cordons latéraux, moindre des cordons postérieurs, la
moelle cervicale présente l'anomalie morphologique suivante. La
corne antérieure droite est successivement (de haut en bas)
bitriangulaire, ovoïde, cunéiforme, effilée en un arc de cercle dont
la convexité est tangente à la corne postérieure (Buchholz) ; enfin
elle reprend sa forme normale. P. KERAVAL.
XXV. CONTRIBUTION A L\ question DE la fonction DU CERVELET;
par W. Bechterew. (Neurol. Centralbl. 1890.)
1 L'auteur combat le mémoire de Gowers (voy. Archives de Neu-
rologie, t. XXI, p. 288) au profit de ses travaux. Il insiste sur les
points suivants, seuls vrais, d'après lui,
I. Il y a plus de deux systèmes de faisceaux ascendants de la moelle au
cervelet. D'abord, les cordons postérieurs se composent de plusieurs
pièces. Puis, les zones moyennes du cervelet (notamment le vermis supé-
rieur) sont reliées aux noyaux des cordons latéraux qui reçoivent d'en bas
une paitie des fibres des cordons latéraux.
Il. Il existe des systèmes de faisceaux descendants du cervelet. D'a-
bord, le faisceau spinal du pédoncule cérébelleux moyen, qui entre, dans
la partie inférieure de la protubérance, en connexion avec des cellules,
d'ou, par l'intermédiaire du raphé, ces fibres gagnent le noyau réticulaire
de Bechterew (voy. Archives de Neurologie, t. XIII, p. 81; - t. XII,
p. 105, 107) et les zones voisines de la formation réticulaire. Puis, le
faisceau unissant les noyaux du toit cérébelleux avec les olives supé-
rieures.
III. Le cervelet fournit au cerceau trois systèmes de fibres. 1° un
trousseau qui va du centre des hémisphères cérébelleux aux olives infé-
134 REVUE d'anatomie ET DE PHYSIOLOGIE pathologiques.
rieures; de ces olives part, vers le cerveau, le faisceau central de la cas
lotte de Bechterew qui prend lin à la base, dans la région du troisième
ventricule; 2° le trousseau cérébral du pédoncule cérébelleux moyen
dont la partie principale vient des segments postérieurs des hémisphè-
res cérébelleux et subit une interruption de la part des éléments de la
partie antérieure de la protubérance. Ces éléments-là sont en contact
avec l'écorce des lobes frontaux et avec la partie postérieure des hémis-
phères cérébraux; 3" les fibres du pédoncule cérébelleux antérieur
contiennent quatre différents trousseaux ; trois d'entre eux viennent de
la région du noyau rouge de Stilling qui, de son côté, envoie des fibres
il la couche optique, au noyau lenticulaire, à l'écorce du cerveau. P. K.
XXVI. Durcissement rapide DE La moelle au moyen du courant ÉLEC-
TRIQUE par L. MI1\OR. - Même sujet par E. WIEDA1\N, - Coupes
en série A la phytoxyline ou f.RLL01DI1F.; par Ai.. OBBEGIA. (YC'2l)'Ol.
Centralbl. 1890.)
A. Une moelle est plongée dans la solution classique de bi-
chromate de potasse. On plonge comparativement deux morceaux
du même organe dans un autre vase contenant la même solution
soumiseàl'action d'un courant continu. 01', au bout de quatreà cinq
jours, l'action simple du bichromate a à peine déterminé de dur-
cissement tandis que les segments de moelle soumis à l'action du
pôle positif sontaussiaurcisques'ilsavaientséjourné dans le liquide
depuis deux à trois mois, et colorés en brun foncé. La structure
histologique en estadmirablement préparée (Minor). M. W iedemann
attribue cet effet à la pénétration endosmotique du réactif sous
l'impulsion de l'électricité et rappelle les recherches de Kuehne
(Reichertu du Bois-Reynwnd's Archiv, 1860, p. 842) ; du Bois-liey-
Jl1ond(Mollatsùa. d. Berl. A/ : ad, 18PO, p. 88S) ; (Wiedcmann'sElek-
tricitoet, II, p. 176.)
B. Sur un porte-objet imprégné d'un vernis de sucre et de
dextrine (formule dans le Mémoire), vous rangez vos coupes à l'alcool
à l'aide d'un papier de soie satiné et du pinceau; elles adhèrent au
porte-objet. Vous l'imprégnez doucement, comme si vous versiez du
collodion, delasolution de photoxyline (6 gr. pour 100 cent, cubes
d'alcool absolu et 100 c. cubes d'éther pur); vous numérotez à
l'huile de chrome. Vous plongez ensuite le porte-objet dans l'eau
pure qui dissout le vernis de sucre; vos coupes se trouvent incluses
dans une fine membrane'de celloïdine et deviennent incassables.
On les traite ainsi en bloc à l'hématoxyline et au carmin sans que
la photoxyline soit colorée. l'. Ilh.li\V.\L.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ 1(I ? mco-svcco.oclQo
Séance du 23 mars 1891. Présidence de M. BOUCIIEI\EAl'.
Les aliénés criminels (suite de la discussion). M. Christian
n'avait pas l'intention de prendre part à la discussion sur la cri-
minalité des aliénés, car il ne peut fournir aucun argument
nouveau; mais, mis en cause par M. Marandon de Montyel, il se
voit forcé d'intervenir. Ce qui fait que la discussion s'éternise c'est
qu'on ne s'entend pas sur la signification exacte des mots aliénés
criminels. M. Marandon dit que la folie porte à leur apogée les dis-
positions criminelles antérieures; ce n'est qu'une simple affirma-
tion dont la preuve reste à faire. M. Christian croit aujourd'hui,
comme il le croyait en 1881, que la folie peut avoir pour résultat
de changer complètement la manière d'être habituelle de l'indi-
vidu. On ne peut jamais préjuger avec certitude de ce que sera un
aliéné, d'après son passé de raison. De même que l'homme ver-
tueux peut se changer en un meurtrier, le criminel le plus endurci
peut devenir doux et inoffensif ! Voilà ce que M. Christian a tou-
jours pensé mais, sans aller plus loin, ainsi que M. Marandon
semble le croire. Ce qui prouve d'ailleurs surabondamment qu'à
un certain moment tous les aliénés peuvent devenir dangereux,
c'est qu'on les enferme.
LE secrétaire général donne lecture d'une observation de
M. Brignier-Corbeau sur un cas de paralysie compliqué de délire
aigu. M. B.
Séance solennelle du 27 avril. Présidence DE M. BOUCUEREAU.
Prix Esquirol. D'après les conclusions du rapport de M. Arnaud,
le prix Esquirol (200 francs elles oeuvres d'Esquirol) est décerné à
M. Bonnet, auteur d'un travail sur les Rapports de la syphilis et de la
paralysie générale. Un seul mémoire avait été présenté.
Pria; Aubanel. Le prix n'est pas accordé, mais sur la demande
du rapporteur, M. COLLINE\U, une récompense de 1,400 francs est
136 SOCIÉTÉS SAVANTES.
remise à MM. Mabille et Lallemand co-auteurs d'un travail' sur la
Folie des vieillards. Un seul manuscrit avait été déposé.
Le sujet du prix Aubanel pourl892 est le suivant : Etudier la fré-
quence du délire des grandeurs dans le délire des persécutions.
Prix Belhomme. De la vision chez, les imbéciles et les idiots, tel était
la question que les concurrents avaient à traiter. Après le rapport
de M. Vallon, le prix est accordé à M. Marie. Deux mémoires
avaient été présentés.
M. RITTI, secrétaire général, prononce l'éloge de A. Foville.
M. 13.
SOCIÉTÉ DES MÉDECINS NEUROLOGISTES ET ALIÉNISTES
A MOSCOU.
Séance du 21 octobre 1890 1.
Après un discours du président, M. le professeur KOJEVNIIIOF, sur
la tâche delà. Société et l'histoire de sa formation, le secrétaire,
11f. le Dr Korsakof, lit le compte rendu de la composition et de
l'organisation de la Société; puis viennent les communications
suivantes :
1. M. V. R. POUTZJOE. - Projet d'un nouvel hospice d'aliénés ci
Moscou- Cet établissement, pour 300 malades, couvrira une éten-
due de terrain de 53 déciatines2 et se composera de 14 sections
qui, réunies entre elles par des corridors cliaufiables, formeront
comme autant de petits hospices indépendants et contiendront
chacune des places pour les malades de toutes les catégories; de
cette manière, on évitera l'accumulation excessive dans un même
lieu de malades agités, malpropres, etc. -
2. der L. S. 1\IINOR. - Quels résultats avons-nous atteints dans le trai-
tement des maladies nerveuses" ! Le rapporteur, examinant la ques-
tion sur toutes ses faces, dirige une attention particulière sur les
succès de la thérapeutique en liaison avec les nouvelles données
sur la névrite disséminée et sur les progrès de la chirurgie du
cerveau.
' Cette séance a inauguré l'ère d'activité de la nouvelle Société, com-
posée de vingt et un membres fondateurs. Seuls les spécialistes, ncuro-
pathologistes et aliénistes peuvent être membres actifs de la Société.
Les séances ont lieu tous les mois, il huis-clos (il l'exception des séances
annuelles).
' La déciatine vaut 1,092 hectares.
SOCIÉTÉS SAVANTES. '131
3. M. G. ROSSOLIMO. Du rôle de l'hypnotisme dans la thérnpeu-
tique. L'hypnotisme peut être employé, s'il n'y a pas de contre-
indications : 1) quand les symptômes nerveux, principalement les
symptômes hystériques, ne cèdent à aucun autre traitement;
2) quand il faut agir rapidement pour éviter des symptômes hysté-
riques dangereux; 3) dans un but diagnostique, dans certains cas
obscurs.
Séance du 10 novembre 1890.
i. Le D' ROSSOLIMO présente une femme de quarante-huit ans qui,
selon lui, est atteinte de chorée sénile héréditaire. Dans le courant t
de quatre années, parallèlement à un affaiblissement de la
mémoire et du raisonnement, à des frayeurs fréquentes et à une
impressionnabilité exagérée, s'est développée une certaine diffi-
culté dans les fonctions musculaires (depuis la station jusqu'aux
plus légers mouvements des doigts, à la suite de mouvements
choréiformes continuels des muscles du tronc et des extrémités,
mouvements qui s'accentuent encore davantage lorsque la malade
est agitée. Les muscles de la face et du cou ne sont pas atteints.
Les symptômes morbides vont en progressant. L'étiologie est
restée obscure; pas de preuves ou d'indices d'hérédité, de syphilis,
d'intoxication. MM. les Drs Korsakof, Minor, Kornilof et Chatalof
ne sont pas d'accord avec le diagnostic du rapporteur et ne trou-
vent pas que les troubles des mouvements aient chez la malade le
caractère de la chorée.
2. Le D' EGOROF communique un cas de gliomatose de la partie
cervicale de la moelle épinière, et expose une série de coupes
microscopiques de cet organe, qui présente aussi en maint endroit
des anomalies dans le développement du renflement cervical :
dédoublement du canal central, de la fissure antérieure, et une
tumeur adhérente à la dure-mère. A cet endroit (entre la 7° racine
cervicale et la 2e racine dorsale), la tumeur s'est étendue à la dure-
mère ; plus haut, elle s'est prolongée le long de la moelle épinière
jusqu'à la 1 ? racine cervicale, dans la substance grise comme
dans la blanche. La maladie qui a duré quatre mois chez une
jeune fille de dix-neuf ans, a présenté les symptômes d'une para-
lysie atrophique progressive des extrémités supérieures et des
muscles du cou. La mort a été causée par une hémorragie dans
les membranes de la moelle épinière. Il n'est pas possible de déve-
lopper dans un compte rendu concis les détails cliniques et ana-
tomiques de ces cas, ainsi que les conclusions de l'auteur et la
discussion à laquelle ces dernières ont donné lieu.
3. M. RFPMANN, étudiant la question du remplacement dans
l'électl'otliérapeutique du courant de batterie par le courant d'une
138 SOCIÉTÉS SAVANTES.
machine dynamique, trouve que ce changement n'est ni avanta-
geux ni facile, en quoi MM. les Drs Minor, Kornilof et d'autres ne
sont pas d'accord avec lui.
Séance du 14 décembre 1890.
M. G. Rossomio. Contribution à l'étude de la symptomopa-
thologie des tumeurs du cerveau.
Chez une femme de soixante-dix ans, se sont développées, après
une attaque d'apoplexie, une parésie du nerf facial et une aphasie
amnestétique et motrice avec des symptômes d'apraxie; cette
dernière se manifestait en ce que la malade avait de la peine à
commencer une action quelconque qui auparavant lui était facile
et familière. Au bout d'un mois et demi, hémiparésie droite qui
Se transforme en hémiplégie. A l'autopsie, on a trouvé dans le
lobe frontal gauche, dans la région des 2° et 3° circonvolutions
frontales, une tumeur sphérique, de 4 centimètres, qui a été
reconnue pour une « endothelioma cylindromatode ».
Discussion. Le D' Korsakof, rappelant les divers modes de mani-
festation de l'apraxie dans différents cas, considère comme pos-
sible de rattacher la forme observée par le rapporteur aux lésions
des lobes frontaux du cerveau.
M. RoTU, rappelant que dans les tumeurs, il faut toujours tenir
compte des influences dites éloignées, s'élève contre une localisa-
tion aussi déterminée. M. Kornilof désirerait qu'on ne rangeât
sous le nom d'apraxie que les cas dans lesquels la faculté de faire
quelque chose est troublée. M. le professeur Kojewnikof, au con-
traire, trouve qu'il est plus exact de comprendre sous le nom
d'apraxie tous les cas dans lesquels existe un trouble de la faculté
d'accomplir une action quelconque.
M. N. Chatalof. Contribution ci l'élude de l'hystérie épidé-
mique. Le rapporteur relate deux épidémies d'hystérie observées à
Moscou. La première, qui dura environ un mois, se produisit dans
une école de la ville, parmi des filles de dix à treize ans. La
deuxième a été observée dans une fabrique de dentelles, parmi des
jeunes ouvrières de dix-neuf à vingt-six ans; elle dura cinq jours,
et vingt personnes en furent atteintes. Dans le développement de
ces deux épidémies, l'élément religieux, si fréquent dans les cas
de ce genre, manquait totalement.
3. M. S. Kiriltsef. Contribution ci la casuistique des affections de
la couche optique . Les symptômes suivants ont été remarqués chez
le malade, homme de dix-huit ans, sept mois après un coup reçu
à la tête dans une chute faite d'assez haut : hémiparésie droite;
ataxie des mouvements de la jambe et du bras droits ; démarche
SOCIÉTÉS SAVANTES. J3U
chancelante; ptosis peu prononcée à gauche; réaction faible des
pupilles à la lumière; affaiblissement de la vue; disparition com-
plète du sens musculaire et un certain affaiblissement des autres
formes de la sensibilité dans les extrémités droites; absence com-
plète des mouvements mimiques dans la moitié droite de la face
avec conservation des mouvements spontanés. Exitus letalis. A
l'autopsie, on a trouvé, dans la couche optique gauche, une tumeur
(gliosarcoma) de la grosseur d'un gros oeuf, s'étendant à la moitié
gauche du corps quadrijumeau. Se basant sur ce cas et rappelant
des observations anatomiques puisées dans la littérature médicale,
le rapporteur conclut que les couches optiques ont un rapport
intime avec l'origine des mouvements mimiques et avec le sens
musculaire.
M. Kornilof dit qu'il a pu observer un cas de tumeur de la
couche optique, dans lequel il n'y avait pas de paralysie des mou-
vements mimiques. ,
- Séance du 18 janvier 1891.
1. M. Douurovine. Cas d'une affection psychique post-typhoïde.
Un prêtre, âgé de 41 ans, sans hérédité psychique ou nerveuse ni
syphilis dans l'anamnèse, mais ayant abusé des spiritueux, est
atteint, à la suite du typhus abdominal, de parésie des extrémités,
d'une amnésie prononcée, surtout en ce qui concerne les événe-
ments des derniers temps, mais avec une grande quantité de
pseudo-réminiscences; le cercle des idées est rétréci et leur cours
est lent ; le malade est accablé ; toutes ses actions, de même que
sa conversation sont de caractère stéréotypique ; douleurs dans le
ventre, donnant naissance à une série d'illusions qui, à leur tour,
causent un délire hypocondriaque. Au bout de six mois, légère
amélioration dans l'état de la mémoire. Le rapporteur considère
ce cas comme une psychose polyneuritique, dans laquelle l'alcool
a joué le rôle de cause prédisposante et le typhus celui de cause
déterminante.
Dans la discussion qui suit cette communication, quelques-uns
(MM.Serhstey, Ouspiensky) considèrent ce cas comme une paraly-
sic alcoolique pure ; d'un autre côté (M. Karsal : ol3), on attire l'at-
tention sur le fait que la psychose est plus accentuée que les paré-
sies et sur les illusions viscérales caractéristiques causant le délire
hypocondriaque, comme sur des phénomènes appartenant plus
particulièrement aux affections post-typhoïdes. Le Dr Korsakof
saisit cette occasion pour démontrer la nécessité d'introduire dans
la nomenclature psychiatrique le terme de psychose polytteuri-
tique.
140 SOCIÉTÉS SAVANTES.
2. M. Repmann. Sur le remplacement du courant de batterie par
celui d'une machine dynamique. Le D'' Repmann estime que le
nombre invariable des volts dans la machine dynamique la dis-
tingue d'une manière capitale du courant de batterie, dans l'action
physiologique. La machine dynamique, calculée dans un certain
but, pour l'éclairage, par exemple, ne peut être employée dans
un but médical de même qu'elle a été reconnue inutilisable pour
les télégraphes. Le rapporteur fait en même temps ressortir quel-
ques petits inconvénients de l'emploi du courant d'une machine
dynamique et doute, enfin, du bon marché de l'utilisation de ce
courant, car l'abaissement de l'intensité du courant, au moyen
d'un rhéostat est accompagnée d'une perte de la force électrique
qu'il faudra cependant payer. Le rapporteur estime en même
temps que théoriquement et pratiquement, le remplacement du
courant de batterie par des accumulateurs sera plus avantageux
dans la pratique électrothérapelltique,
Dans la discussion qui s'ensuit, M. le professeur Kojewnikof
fait remarquer l'intérêt de la question en ce que la clinique des
maladies nerveuses est éclairée à l'électricité et aura en outre une
batterie d'accumulateurs.
MM. Rorn et llirron font remarquer que le nombre des volts des
machines dynamiques dont on parle, est trop peu considérable
pour qu'il soit possible de parler de la différence dans l'action
physiologique entre le courant de nos batteries et celui d'une ma-
chine dynamique.
M. Repmann ne nie pas la possibilité de remplacer le courant de
batterie par celui d'une machine électrique, mais tient pour non
rationnel le mode actuel de dérivation du courant (comme chez
M. Brôse, à Berlin) ; il promet de développer prochainement son
opinion plus en détail.
3. M. EeoROF. Cas de syringomyélie. Sous ce titre, le Dr Egorof
cite le cas d'un syphilitique chez lequel on remarquait (pendant la
vie) une paraplégie inférieure avec atrophies, perte des réflexes
rotuliens, anesthésies et abolition de la réaction des pupilles à la
lumière. Après la mort du sujet, à côté d'une dégénérescence ta-
bélique, d'une méningite de la région lombaire et d'une altération
syphilitique des vaisseaux, l'autopsie a fait constater l'existence
dans la moelle épinière de quelques lacunes ayant évidemment la
même origine que i'hyperphasio de la neuroglie trouvée dans la
même moelle.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 141
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN
Séance du 15 décembre 1890 '. Présidence de M. LOEUR aîné.
Le Président, après avoir fait l'éloge du Congrès international,
exalte les mérites de tous ceux qui, de près ou de loin, ont contri-
bué à son succès.
M. N,ECKE, Contributions à l'anthropologie et à la biologie des crime-
nelles aliénées. En examinant comparativement 100 gardiennes et
les malades en question, on trouve la proportion de 1 à 41 psycho-
pathies chroniques, 2,45 aliénées ayant subi déjà une condam-
nation ou ayant été l'objet d'une instruction rogatoire, mais dans
ce nombre, 20 p.- 100 n'étaient pas coupables,-3,53 transférées de
divers établissements pénitentiaires, dont 15 p. 100 étaient évidem-
ment aliénées à l'époque du crime ou du délit, plus de 20 p. 100
ne présentant auparavant qu'un esprit troublé. La jeunesse domine
chez les femmes normales examinées, et chez une partie des dé-
linquantes. La capacité crânienne parait supérieure chez les gar-
diennes. Chez elles, on rencontre plus souvent que chez les alié-
nées la prééminence en volume du sinciput sur l'occiput. La face
mongole existe chez 18 p. 100 des gardiennes; on l'observe sur
61 p. 100 des délinquantes.
Les signes de dégénérescence physiques n'ont aucune valeur sé-
méiologique au point de vue delà criminalité; ils sont souvent plus
nombreux et plus fréquents chez les gardiennes. L'estimation des
difformités crâniennes exige une judicieuse prudence de la part du
médecin; il ne faut pas perdre de vue que l'étendue de certaines
régions peut compenser les anomalies de certaines autres en ce qui
concerne le fonctionnement du cerveau, cet organe s'accommodant
assez fréquemment très bien de la sous-microcépbalie et de l'hy-
drocéphalie.
Voici douze crânes de criminelles, parmi lesquels : quatre
meurtrières, cinq voleuses. Six sont nettement pathologiques. Les
sutures sont plus ou moins effacées dans la moitié des cas au moins.
La plupart d'entre eux cubent moins ou plus que la normale. Im-
possible d'établir de différence entre les voleuses et les meurtrières;
au fond, ces crânes eussent pu aussi bien appartenir à des alié-
nées.
Voyez Archives de Neulorogie, séance du 1 juin 1890.
142 ) SOCIÉTÉS SAVANTES.
C'est chez les délinquantes que l'on note le plus de naissance sil-
légitimes, l'abandon moral, la débilité intellectuelle ; elles présen-
tent les signes de la folie morale, l'instinctivité et les anomalies
du caractère les plus choquantes et les plus impulsives.
Il n'existe donc pas de type criminel, pas plus que de criminel
congénial. Que l'individu, affecté de tares héréditaires, suive dans
certaines circonstances, une pente qui le pousse au crime, cela est
exact, mais les éléments précités sont simplement prédisposants ;
ce sont les agents extérieurs qui en font un criminel. Il convient de
ne pas généraliser non plus l'importance des signes de dégénéres-
cence, de ne pas les rattacher à l'atavisme. Le criminel n'est pas
davantage un épileptique.
Lombroso, néanmoins, a fait oeuvre utile en émetttant de nou-
veaux points de vue scientifiques, en posant sous une forme origi-
nale des problèmes auxquels il fournissait des éléments de solution
précis et étendus, enfin et surtout en prouvant qu'une partie des
criminels (presque tous, d'après lui) sont des malades, à n'en pas
douter; théorie hardie d'un pionnier de génie qui a déjà imprimé
une tournure différente à quelques nouveaux codes pénaux et qui
a inspiré aux criminalistes une direction prophylactique.
Discussion. M. LEerunvv. La criminalité procède de la combi-
naison des caractères spécifiques de l'individu et des causes exté-
rieures. Les premiers sont les éléments prédisposants : telles sur-
tout la débilité mentale et la tendance au délire systématique. Les
signes de dégénérescence physique y compris le tatouage se re-
trouvent chez l'homme tout à fait normal. Les services de l'Ecole
italienne sont cependant considérables, parce qu'elle adapte la
pénalité à l'individu et crée l'orthophrénie pénitentiaire.
M. 111EIVIteL se rallie aux idées de M. Leppmann. M. NEUE[\(-
DORFF. L'anthropologie des criminels italiensn'estpas celle des cri-
minels allemands, voilà tout. - M. Iticnrt.n. Il y a quatre types de
criminels : 1° contre la morale ; 2° contre la propriété (voleurs il
des degrés divers) ; 3a les faussaires et escrocs ; 4° les meurtriers.
M. Cramer vient soutenir le mémoire lu par lui il la dernière
séance. D'un groupe déterminé d'hallucinations sensorielles dans les
anomalies primitives de l'humeur.
M. 1\a;cK. Meynert a depuis longtemps essayé d'expliquer la ma-
nie et la mélancolie par des troubles de la circulation cérébrale.
Seuls un ou deux cas ont rendu cette théorie extrêmement plo-
bable. L'année dernière le Journal of mental science a tenté d'ex-
pliquer la mélancolie par la théorie darwinienne. Enfin il est ra-
tionnel d'admettre que les sueurs des mélancoliques sont produites
par accumulation d'acide carbonique due à une dyspnée.
AI.JOI.LY.11 n'est pas démontré qu'il existechez les mélancoliques
une contracture des vaisseaux du cerveau, et que ceux-cisoient pa-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 143
ralysés chez les maniaques, Une partie des phénomènes attribués
par M. Cramer aux muscles lisses se rattachent à l'émotivité. La
seule forme dans laquelle il se produit constamment une contrac-
ture vasculaire permanente est un argument contre l'opinion de
M. Cramer, car elle existe également dans la stupeur non mélan-
colique. Quant aux hallucinations, on ne comprendrait pas com-
ment les images motrices de la parole inférieure engendreraient
des hallucinations, on ne le comprendrait même pas pour les
images verbales acoustiques.
M.MENDEL. La genèse des troubles intellectuels par l'hyperémie
ou l'anémie cérébrale a contre elle les trois sortes de constatations
suivantes. A l'autopsie des mélancoliques et des maniaques, nous
trouvons de très variables réplétions vasculaires; il n'est pas rare
de constater de l'hyperémie ou de l'anémie cérébrale alors que
pendant la vie il n'y avait eu ni mélancolie, ni manie; enfin que
de malades présentent des signes de l'anémie ou de l'hyperémie
cérébrale sans être affectés de manie, ni de mélancolie. Les recher-
ches sphygmographiques enseignent qu'il n'y a rien à édifier sur
les oscillations de la chasse d'irrigation sanguine.
M. I\IOELI. Il est difficile d'admettre que la contracture des vais-
seaux soit la cause de la psychopathie. Les expériences relatives à
la contracture des fibres lisses nous montrent en effet ce phé-
nomène passager et rapidement passager. On ne s'explique pas la
genèse des hallucinations sensorielles, dontletableau est si spécial,
dans ces conditions.
M. Cramer. J'ai mentionné les travaux de Meynert. J'ai montré
en invoquant les expériences de Luchsinger comment, malgré la '
contracture vasculaire, les glandes sudorales peuvent sécréter.
J'ai signalé la genèse des troubles de la sensibilité affective par le
développement de ]a théorie de la descendance. Enfin, pourrépondre
à M. Jolly, on voit tous les jours un individu en parfait état de
nutrition devenir mélancolique ; il peut y avoir contracture vascu-
laire localisée sans anémie générale. Inversement un anémique
peut être atteint de manie par genèse partielle d'une ectasie vascu-
laire intra-cérébrale; ces mécanismes n'ont rien à voir avec la
nutrition de l'ensemble de l'économie. D'ailleurs, quand la mé-
lancolie se prolonge, la nutrition générale finit par souffrir. De
même le maniaque, à la longue devient autophage par excès
d'usure. Enfin les stupides ne sont pas tous mélancoliques; il est du
reste possible que la contracture vasculaire observée par M. Jolly
chez les stupides affecte un mécanisme différent de celui que nous
acceptons pour nos observations personnelles.
On remarquera d'autre part que l'autopsie ne fournit pas la
photographie de ce qui se passe pendant la vie sous l'influence des
troubles fonctionnels.
lui-4 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Si le spygmographe ne permet pas de reconnaître une évidente
différence entre la mélancolie et la manie, cela ne veut pas dire
que nous ayons tort. En effet, prenons le seul fait où cet argument
aurait quelque poids, prenons un cas de folie circulaire dans
lequel, sur un seul et même individu, on ne constate aucune diffé-
rence dans les trois phases de la maladie. Ne sait-on pas qu'il Il
est impossible de prendre son tracé pendant le stade de la manie ?
Par conséquent on manque de l'élément principal de comparaison.
Ce qu'il faudrait, c'est prendre la pression du sang; or, il n'est pas
de méthode à l'abri de tout reproche capable de répondre ce
desideratum.
La chair de poule que l'on constate pendant les paroxysmes de
l'angoisse prouvent bien la contraction des fibresmusculaires lisses;
mais je n'ai pas entendu dire par là que les cheveux des mélanco-
liques fussent constamment hérissés; c'est une relation de cause
à effet que j'ai mise en relief. -
Je répète que les hallucinations sensorielles émanent, dans
l'espèce, du sens musculaire de l'appareil du langage. En effet, les
conceptions représentatives que peut ralentir ou accélérer un
ensemble de phénomènes pathologiques ou physiologiques, sont
principalement celles qui ont pour facteurs les sensations des
mouvements de l'articulation verbale; la pensée en un mot est une
parole intérieure. Il nous est impossible de voir un rayon de
lumière sans nous formuler en à parte ces questions : d'où vient la
lumière ? quelle espèce de lumière est-ce ? etc. Les sourds-muets eux-
mêmes n'échappent pas au courant irrésistible du langage inté-
rieur, formulé par symboles équivalents aux nôtres bien entendu. De
quelque façon qu'on envisage le fonctionnement de l'activité men-
tale, fatalement on arrive à rencontrer l'intime association des
images motrices du langage avec celles qui proviennent des autres
territoires sensoriels. Il est donc juste de penser que des troubles
de l'irrigation sanguine déterminent une excitation pathologique,
d'où se formeront des conceptions représentatives anormales; ces
conceptions anormales se produiront sous forme d'hallucinations
sensorielles et, d'après ce que nous venons de dire, d'hallucinations
sensorielles portant sur le sens mnsculaire de l'appareil d'articula-
tion. Ce qui ne veut pas dire que, par exception, d'autres halluci-
nations ne se puissent effectuer. Mes théories s'appuient sur l'ob-
servation générale que, d'ordinaire, le mélancolique est pâle et a
un pouls tendu, tandis que le maniaque est congestionné et a un
pouls dépressible. Elles ne sauraient être exclusives pas plus que
toutes les théories.
M. 11F : UOLD. Traitement au lit et cellule. Dans le service des
hommes de l'asile deSorau, sur trois cents hommes, nous en avons
cinquante qui sont constamment couchés, deux seulement sont
alités, à raison de maladies physiques anciennes n'ayant rien à voir
SOCIÉTÉS SAVANTES. 145
avec les troubles intellectuels; les autres sont maintenus au lit à
cause de leur psychopathie et de ses conséquences. Voici les
motifs de cet alitement forcé. ◀Tantôt▶ il s'agit de malades faibles
présentant des troubles vaso-moteurs dans les extrémités inférieures.
◀Tantôt▶, et c'est la majorité, ce sont des déments, parmi lesquels
beaucoup de paralytiques, qui supportent difficilement les chan-
gements de saison. A ce propos, des attaques congestives, qui chez
les paralytiques généraux eussent pu être mortelles, se dissipent
rapidement à la suite du séjour au lit, fûl-il court.
Le même traitement est appliqué aux sitiophobes, malades dépri-
més pour la plupart, aux épileptiques en état de mal, aux aliénés
malpropres et gâteux; le lit est à la fois un agent thérapeutique,
à la fois un moyen de surveillance.
Mais il n'y a pas lieu de généraliser l'emploi de ce système.
◀Tantôt▶ il est préférable à l'emploi de la cellule, ◀tantôt▶ au contraire
celle-ci est supérieure à l'alitement forcé. Il y a des malades qui,
même au lit ne peuvent reposer ni se calmer à cause du bruit fait
par les voisins, qui restent réfractaires aux bains et aux médica-
ments, tandis que l'isolement fait merveille. D'autres au contraire,
notamment les masturbateurs, voient leur affection s'aggraver par
la solitude. C'est au fond une question d'espèces.
Discussion. M. ALTER. Effectivement, il y a des cas où il faut
faire de l'isolement. Mais à Leubus, la durée n'en dépasse pas
trois semaines; nous y évitons la réclusion permanente.
M. l'IOECKE, doute que, dans les psychopathies chroniques, le trai-
tement au lit soit de notable utilité. C'est avant tout une question
d'espace et de personnel. Lorsque, comme à Hubertusbourg, il y a
encombrement, il n'est guère praticable ; ajoutons que nous y
avons trop peu d'infirmiers. Quanta la gangrène par décubitus, il
est impossible de toujours l'éviter.
M. AMER. Le traitement au lit a un autre avantage, celui de
' montrer aux infirmiers qu'il s'agit de malades. -
M. NEUENDORFF. L'alitement convient aux mélancolies récentes.
Les résultats obtenus par ce procédé chez les maniaques et les pa-
ralytiques à Leubeus et à Sorau sont merveilleux.
M. i<fuELLER. Le traitement au lit a également une grande impor-
tance dans la thérapeutique 'des maladies nerveuses, notamment
dans les légers états d'angoisse avec excitation intellectuelle. On
régularise ainsi l'action du coeur par le décubitus horizontal.
Mais il faut augmenter l'activité de la nutrition par le massage.
M. HEBOLD, Ma communicalion a eu surtout pour but de mettre
en pleine lumière deux succédanés, le traitement au lit et la
réclusion en cellule. (Allg. Zcitsch. f. Psychiat., XLVII, 5.)
P. K : RAVdL.
,
Archives, t. XXII. 10
ho SOCIÉTÉS SAVANTES.
IVO CONGRÈS DES MÉDECINS RUSSES
RÉUNIS A 1110scou LE t5 JANVIER 48911
SECTION DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES.
Séance du 20 Janvier.
(Maladies nerveuses.)
Présidence de M. le Professeur KOJEVNIKOFF.
Présidence d'honneur de M. OIOTSCHOUTâOVS61 (Odessa).
M. lIfINOR a fait une communication « sur les affections symétriques
et pseudo-systématiques de la moelle épinière ». Ce travail est fondé
sur ses recherches antérieures dans les cliniques de Charcot et de
Westphal et une nouvelle observation provenant de l'hôpital de
Jaouse.
Parmi les signes convaincants du caractère systématique de la
lésion médullaire, le plus important est la disposition symétrique
de la lésion. Cependant ce signe ne doit pas être considéré comme
absolu, car des méningites simples et des processus nettement péri-
vasculaires et par conséquent se rattachant à des lésions diffuses
possèdent également une tendance, non seulement de se localiser
dans les régions où se développent les légions systématiques (no-
tamment dans la moitié postérieure de la moelle épinière), mais
aussi de se disposer par des foyers symétriques séparés. Ces foyers
occupent souvent dans les cordons latéraux une très petite éten-
due le long de la moelle épinière et donnent alors naissance à des
scléroses descendantes sur les trajets pyramidaux qui, si on n'y
regarde pas de près, peuvent être prises pour des scléroses primi-
tives. Dans les cordons postérieurs, ces foyers forment quelquefois
des figures tellement semblables à certaines scléroses tabétiques
qu'ici également on pourrait les confondre avec le tabes véritable.
Des scléroses symétriques semblables étant surtout fréquentes dans
les cas de syphilis du système nerveux (et peut-être aussi dans
l'alcoolisme) et les symptômes oculaires étant possibles dans cette
affection à titre d'un phénomène indépendant, on peut supposer
l'existence chez les anciens syphilitiques des symptômes sembla-
bles à ceux du tabes où la lésion médullaire n'est pas primitive
parenchymateuse, mais seulement symétrique, périvasculaire.
Dans la syphilis du système nerveux, on peut observer des névri-
1 Voy. Arr/tines de Neurologie, n° G3, p. 460.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 147 i
tes dégénératives absolument semblables à celles qu'on rencontre
dans le tabes, l'alcoolisme et les autres affections toxiques du sys-
tème nerveux. La méningite syphilitique (et toute autre, peut-être),
exerce une influence énorme sur la nutrition de la moelle épinière,
non seulement par la propagation du processus sur la substance
médullaire, mais d'une façon purement mécanique en compri-
mant et en déformant la moelle avec une intensité plus ou moins
grande. Cette déformation peut aller dans certaines régions de la
moelle grêle et libre comme au niveau du cône médullaire, par.
exemple, jusqu'à une inflexion complète de la moelle sur son axe
longitudinal et simuler de cette façon une anomalie très rare de
la moelle son dédoublement.
A propos de cette communication, M. le professeur KOJEVNIKOCF
a attiré l'attention de la section sur l'activité excessivement pro-
ductive et absolument indépendante de M. Minor, qui a déjà doté
la littérature spéciale russe d'une série de travaux très importants
relativement à la pathologie de la moelle ; aussi, proposa-t-il à la
section de remercier M. Minor, ce qui a été unanimement accepté
par l'assemblée. -
M. EPOFF a lu ensuite une communication « sur la structure des
nerfs périphériques» . Les recherches de l'auteur ont trait à la
structure très fine, principalement de l'enveloppe de myéline et
du cylindre-axe; elles mettent sous un jour nouveau et indépen-
dant les particularités histologiques de ces éléments en tissu ner-
veux. L'enveloppe de myéline est constituée, d'après l'auteur, de
cinq à six couches concentriques absolument égales. Jusqu'àprésent,
onvoyait cette division en couches de la myéline, mais on la con-
sidérait comme étant un produit artificiel' tenant à l'action de l'a-
cide osmique : il est très probable que la division en couches n'était
pas très nette, car les méthodes employées pour la mettre en évi-
dence étaient tout autres chez l'auteur que chez les histologistes
précédents. Le cylindre-axe mesure, d'après M. Epoff, de 3/5 à 4/5
de l'épaisseur entière de la fibre nerveuse ; on sait, cependant, que
dans les manuels courants, l'épaisseur approximative du cylindre-
axe s'évaluait jusqu'à présent à 1/5 de la fibre, ce qui s'explique,
d'après l'auteur, par l'action des bichromates. La substance inter-
médiaire entre les fibrilles constitutives du cylindre-axe dans un
nerf vivant est, d'après l'auteur, dans un état gélatineux. La dis-
position régulière des couches dans l'enveloppe de myéline permet
de supposer que cette enveloppe se développe, non pas du noyau
de la gaine de Schwann, comme le pense Rauvier, mais de la sub-
stance gélatineuse du cylindre-axe. En se fondant sur ses recher-
ches, l'auteur émet des doutes sur l'existence de l'axolemme. Enfin,
M. El'OFF pense qne les fibres de Remack ne se ramifient pas en
réalité et consistent, de même que le cylindre-axe, des fibrilles
secondaires très fines.
148 - SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Rossolimo a fait une communication « sur la physiologie et la
pathologie du réflexe anal ». L'état du réflexe anal peut (au milieu
d'autres signes) aider le diagnostic différentiel entre les affections
anatomiques et fonctionnelles du système nerveux.
- - " M. Tokarski a lu les principales conclusions de son travail « sur
l'application thérapeutique de l'hypnotisme ». En se fondant sur ses
observations personnelles nombreuses, l'auteur se déclare convaincu
que l'état hypnotique et la suggestion sont des facteurs thérapeu-
tiques très importants. Leur rôle est suffisamment élucidé à
l'heure qu'il est et il devient possible d'apprécier leur véritable
valeur. La possibilité d'utiliser l'hypnotisme comme moyen de trai-
tement se détermine complètement par la personnalité même de
l'hypnotisé. Actuellement, il n'existe pas encore de moyens de ren-
dre tout le monde, sans exception, susceptible à l'action de cet
agent. Le domaine principal de l'application de l'hypnotisme est
constitué par des affections nerveuses fonctionnelles dans lesquel-
les il peut être considéré comme un moyen radical. L'hypnotisme
peut donner des résultats favorables dans les affections présentant
des troubles locaux ayant pour cause une perturbation dans la nutri-
tion ou dans la circulation par influence purement nerveuse. Mais
dans les cas où la maladie est entièrement déterminée par une
perle de substance, l'hypnotisme est complètement impuissant.
Dans les cas mixtes, où à côté des phénomènes qui dépendent de
la perte de substance se trouvent d'autres déterminés par une in-
fluence réflexe du système nerveux, on peut, à l'aide de l'hypno-
tisme, ramener les symptômes au cadre exigé seulement par la
perte de substance. C'est ainsi qu'on peut expliquer la guérison
des maladies qui paraissent déterminées par des lésions organiques
et qui en réalité se trouvent sous la dépendance d'un trouble réflexe
d'une fonction nerveuse. A côté de la possibilité d'écarter au moyen
de l'hypnotisme l'ensemble des symptômes morbides, il faut
encore ne pas oublier qu'il peut servir à titre symptomatique et
contribuer ainsi à la guérison par une voie indirecte. Parmi les
symptômes les plus importants susceptibles d'être combattus au
moyen de l'hypnotisme, l'auteur cite : l'insomnie, la douleur, le
refus d'aliment, la crainte et l'inquiétude. Le médecin doit appli-
quer l'hypnotisme dans les cas où tous les autres moyens sont t
épuisés et où la maladie admet encore la possibilité de la guérison ,
de même que dans les cas où l'emploi de tous les traitements
symplomatiques n'a pas donné de résultat satisfaisant. Dans tous
les cas, un médecin qui refuse actuellement de traiter son malade
par l'hynotisme doit avoir pour cela des raisons très sérieuses. La
possibilité de l'influence nuisible sur laquelle on attire actuelle-
ment l'attention si souvent, ne peut servir de raison suffisante pour
refuser l'application de ce moyen thérapeutique, car cette possibi-
lité est bien moins grande dans l'hypnotisme que dans les autres
SOCIÉTÉS SAVANTES. 149
médications très actives couramment employées. L'application de
l'hypnotisme est accessible à tout médecin, mais il est indispen-
sable que celui-ci soit au courant de la technique d'hynotisation et
des phénomènes hypnotiques en général. L'application de l'hypno-
tisme étant un traitement exclusivement psychique, il est nécessaire
que le médecin qui s'en occupe soit au courant des éléments de la
psychiatrie pour pouvoir caractériser l'état du malade et apprécier
les changements qui s'opèrent en lui. L'application de l'hypnotisme
n'exclut nullement l'usage simultané des autres moyens de traite-
ment ; aussi, il est inadmissible de laisser créer une classe particu-
Hère de médecins hypnotiseurs qui traitent tout par l'hypno-
tisme et qui refusent les autres méthodes thérapeutiques.
A propos de cette communication, les remarques suivantes ont
été échangées : "-
M. Victoroff demande si on peut affirmer que la suggestion hyp-
notique soit capable de guérir radicalement les troubles fonction-
nels ? La neurasthénie est un trouble fonctionnel par excellence,
mais elle est souvent une expression de la constitution neuropa-
thique et il est peu probable que l'on puisse, chez de tels neuras-
théniques, obtenir par la suggestion une guérison radicale. Il
demande, en outre, si on peut, chez des sujets réfractaires, avoir
recours aux narcotiques (amyline-hydrate, chloroforme Aug.
Voisin) afin d'obtenir l'hypnose.
M. TOKARSKI a répondu que dans les cas où les troubles fonction-
nels sont greffés sur un terrain de dégénérescence, l'hypnotisme
n'est pas applicable. Quant à l'usage de narcotiques chez des sujets
réfractaires, ils peuvent s'appliquer avec succès comme l'ont dé-
montré plusieurs observations.
M. KoRNiLorr voit un désaccord entre l'opinion de M. Toxansm et
celle des autres auteurs qui considèrent les états hypnotiques
comme anormaux.
M. Jakovenko demande à M. TOKARSKI dans quels cas l'application
de l'hypnotisme se trouve contre-indiquée. Ainsi, par exemple, la
vieillesse, une lésion organique du coeur, etc... sont-elles des
contre-indications ? `7 '
M. Tokarski a répondu que ces conditions doivent rendre l'opé-
rateur plus circonspect, mais que prises en elles-mêmes, la vieil-
lesse ou une lésion organique du coeur ne constituent pas des
contre-indications à l'application de l'hypnose.
M. Orsciianski a terminé cette dernière séance de la section par
sa communication « sur le râle des particularités individuelles en
psychiatrie ». Cette communication a été provoquée par les discus-
sions qui ont eu lieu à la séance précédente sur les formes aiguës
de la folie; elle tend à démontrer que dans la multiplicité des for-
mes cliniques en aliénation mentale, l'élément individuel joue un
150 BIBLIOGRAPHIE.
rôle considérable ; de même il faut tenir grand compte des dispo-
sitions morales habituelles de telle personne, telle classe sociale,
telle peuplade, etc... Plusieurs exemples tirés de l'histoire et de la
littérature ont servi à l'auteur à la démonstration de celte idée.
En levant la séance, M. le D1' Motschoutkovsm a remercié M. le
professeur Kojevnikofl pour l'hospitalilé remarquable des neuro-
pathologistes et aliénistes de Moscou. Dr J. liouumomrcu.
BIBLIOGRAPHIE
I. Les cnlozoaires de l'encéphale; par Sigismond SczvptORSEh
(Thèse en doctorat. Paris, 1890.)
Cette thèse contient l'étude de 54 observations empruntées à
divers auteurs; une observation personnelle dans laquelle les
symptômes ressemblaient à ceux du tétanos a été le point de dé-
part de cetle élude.
Les parasites vésiculaires de l'encéphale sont les cysticerques,
plus fréquents, et dont le siège est à la périphérie, et les échino-
coques qui se trouvent dans le parenchyme ; le pronostic est
moins grave relativement dans les cas de cysticerque; le diagnos-
tic absolu est impossible en raison du polymorphisme des symp-
tômes.
En général, les kystes à échinocoques sont caractérisés par :
la céphalée persistante, l'épilepsie et les paralysies partielles mais
durables, la démence croissante, la marche progressive, le début
à l'âge de vingt ou trente ans, la durée deux ou trois ans. Les
cysticerques par : la marche irrégulière, le début à quarante ou
cinquante ans, l'épilepsie passagère par accès, les contractions, les
vomissements, les troubles psychiques, la céphalalgie intermittente,
la durée prolongée. Quelquefois ils passent inaperçus. Bon tra-
vail à consulter.
II. La Neurasthénie; par L. BouvEnr, agrégé de la Faculté
de Médecine de Lyon. (1890, J.-B. Ddillière.)
Sous ce nom, l'auteur décrit l'épuisement nerveux; autrement
dit l'irrilalion spinale de Franck, le névrospasme de Brachet, l'état
nerveux deSandroos, la névralgie raréiforme de Caisan, la névral-
gie générale de Valleix, le neuvrosisniedeBouchut; la névropathie
BIBLIOGRAPHIE. 151
cérébro-cardiaque de Krishaber. Des phénomènes de dépression,
nerveuse depuis l'amoindrissement léger de la force nerveuse jus-
qu'à la prostration et des symptômes d'excitation constituant la
faiblesse irritable la caractérisent.
Elle peutêtrehéréditaire et débuter à quinze ans, acquise de trente
à cinquante ans ; la race jaune et slave, le surmenage cérébral et
toutes ses causes, les toxiques : alcool, tabac, morphine, éther,
cocaïne, le surmenage musculaire, le traumatisme y prédisposent
ou l'occasionnent. Les troubles utérins et dyspeptiques en seraient
d'après l'auteur moins des causes que des effets.
Les types cliniques sont : 1° La neurasthénie féminine par suite
de tourments ou fatigues, avec pâleur, langueur, anémie, troubles
utérins, paresse, troubles sensitifs, intellectuels, aboulie; 2° la neu-
rasthénie traumatique, plus fréquente à l'hôpital, associée à de
l'hystérie, résistant à tout traitement; à cau-e de la ténacité des
symptômes, déterminant une existence misérable, attristée avec
incapacité de travail, terminant parfois par le suicide; 3° la neuras-
thénie commune, avec symptômes mixtes, combinés, avec prédo-
minance des troubles gastriques et intestinaux et les préoccupa-
tions hypocondriaques distincts de l'hypocondrie vésanique.
Les symptômes de la neurasthénie qui méritent le nom de stig-
mates, sont : 1° La céphalée, (le casque neurasthénique de Charcot)
contraction siégeant à la nuque, apparaissant le matin, calmée
après le repas. 2° L'insomnie, surtout en cas de cause relevant du
surmenage intellectuel et des passions déprimantes. 3° La dépres-
sion cérébrale portant sur toutes les facultés, surtout su riamémorro,
l'attention, la volonté et le caractère. 4° L'affaiblissement de la mo-
tilité, avec lassitude douloureuse, et anéantissement subit dans les
muscles. b° La rachialgie avec ses sièges de prédilection : région
lombaire, cocydinie. 6° La dyspepsie par atonie gastro-iulesti-
nale dont 2 formes : une bornée à des troubles fonctionnels,
anorexie, ballonnement, éructation, constipation, colites glaireuses,
l'autre avec troubles généraux gravesouplusieursprécédents symp-
tômes, la dilatation de l'estomac et le complexus du prolapsus de
Glénard l'estomac, foie, rein, intestins. 7° La dilatation de la pu-
pille et la cyanose des extrémités. 8° L'inquiétude, l'agitation sur
place, les vertiges, l'agoraphobie et les autres états auxieux, l'hypo-
condrie, les troubles divers de la sensibilité et des troubles du sens :
9° Les troubles génitaux et urinaires.
La neurasthénie cérébro-spinale forme deux types : la cérébas-
thénie et la myélasthénie. Selon la prédominance des symptômes,
l'auteur considère encore les formes suivantes : neurasthénie gastri-
trique. cardiaque, névralgique , l'hémineurasthénie, la neurasthé-
nie monosymptomatique mentale; la petite neurasthénie. Les
cent dernières pages de cet intéressant travail sont consacrées au
traitement Charpentier.
152 BIBLIOGRAPHIE.
III. Des maladies de l'esprit; par le Dr PICHON,
(1888. Doin, éditeur.)
La première partie de l'ouvrage est consacrée aux délires pro
prement dits et principalement à l'étude de la coexistence de plu-
sieurs délires d'origine différente chez le même individu. A cette
occasion, l'auteur étudie la question de folie paralytique et de
démence paralytique dans la paralysie générale et le délire des
dégénérés et le délire alcoolique chez les persécutés; l'association
chez un même malade de la maladie de Lasè gue (délire des persé-
cutions et de la dégénérescence mentale héréditaire). A propos de
l'épilepsie il étudie les délires soit liés à la dégénérescence, soit
liés à l'alcoolisme, soit liés à la maladie de Lasègue, apparaissant
chez des épileptiques en dehors de leur délire épileptique, et il cite
une curieuse observation de coexistence de [délires d'origine et de
nature différente, chez le même individu; il cite aussi la pré-
sence d'alternance de délire de persécution, de délire alcoolique et
de délire épileptique survenant chez une dégénération héréditaire.
La seconde partie a trait aux délires et états toxiques considérés
surtout dans leurs rapports réciproques ; ici sont étudiés, les délires
alcooliques et toxiques, la morphinomanie, l'absinthisme, l'éthéro-
manie, le chloralisme, et le piromiame et leurs conclusions chez
un même sujet; l'auteur rattache toutes ces intoxications à une
prédisposition individuelle en admettant qu'il existe à la base de
toutes les intoxications un état mental spécial et souvent un état
de déséquilibration. Charpentier.
IV. Hérédité et Alcoolisme; par M. LEGRAIN.
(Paris, A. Doin, édit., 1889.)
L'alcoolisme et l'hérédité pathologique sont deux éléments que
l'on trouve souvent en présence sur le terrain clinique ; tout en
conservant leurs caractères propres, ils réagissent pourtant l'un
sur l'autre et s'influencent réciproquement. Les dégénérés créent
des buveurs, et les buveurs des dégénérés. Le buveur conscient de
ses excès, et par conséquent responsable est un déséquilibré ; il est
porteur d'une tare intellectuelle, qu'il soitentraîné à boire par une
anomalie du penchant, ou par une anomalie de l'instinct, ou par
une anomalie de la volonté. L'ivresse maniaque et l'ivresse mé-
lancolique sont les deux formes principales de l'ivresse des hérédi-
taires ; les autres formes décrites : l'ivresse comateuse, l'ivresse
apoplectique, l'ivresse convulsive, peuvent se rencontrer chez les
héréditaires, mais elles dépendent plutôt de l'alcool ingéré. Le dé-
lire alcoolique des dégénérés ne ressemble pas au délire alcoolique
stéréotypé, chez les dégénérés les formes délirantes étant celles
plus haut décrites. Le délire alcoolique, une fois établi, revêt de
VARIA. 153
même deux formes principales chez le -prédisposé : la forme mé-
lancolique et la forme ambitieuse. Quant à l'épilepsie alcoolique,
elle n'existe pas, en tant qu'entité morbide, sauf dans les cas ex-
ceptionnels où les malades sont intoxiqués par des substances
convulsivantes. La forme la plus pure de l'alcoolisme chez les pré-
disposés est la dipsomanie qui est spéciale aux dégénérés parfaits.
En raison de ce fait qu'un buveur criminel (ivrogne ou alcoolique)
peut être un prédisposé à la folie, que conséquemment il pouvait
ne pas jouir de la plénitude de sa liberté morale, quand il s'est
enivré il y aurait avantage àsoumettre àl'examen d'un expert tout
alcoolique qui s'est rendu coupable d'un délit : dans ce cas, si le
délinquant est reconnu taré, l'expert doit procéder à son égard
comme à l'égard d'un aliéné ordinaire, et ne considérer l'alcoo-
lisme et ses conséquences que comme un épisode très secondaire.
Paul BLOCQ.
VARIA
CONGRÈS ANNUEL DES MÉDECINS ALiLNISTES DE FRANCE.
Règlement. ART. 1er. Un congrès de médecins aliénistes se
réunit chaque année dans une des villes de France. Peuvent y
adhérer non seulement les médecins français, mais aussi les mé-
decins des pays de langue française. La durée du Congrès sera de
six jours.
ART. 2. Deux séances auront lieu chaque jour : une le matin
et une autre le soir.
ART. 3. La première séance sera ouverte par le Président du
bureau du Congrès de l'année précédente, bureau qui a été consti-
tué en comité d'organisation de la nouvelle session. Immédiate-
ment après l'ouverture de la séance, on procédera à la nomination
d'un nouveau Président, de Vice-présidents en nombre indéter-
miné, d'un Secrétaire-général et de Secrétaires des séances. On
nommera également des Présidents d'honneur.
ART. 4. Le bureau nommé a la direction des travaux du Con-
grès et modifie, s'il y a lieu, l'ordre du jour des séauces.
Art. 5. Les membres adhérents français ou étrangers ont
seuls le droit de présenter des travaux et de prendre part aux dis-
cussions. Les délégués des administrations publiques françaises
jouiront des avantages réservés aux membres du Congrès.
ART. 6. Les orateurs, de même que les auteurs de communi-
cations, ne pourront occuper la tribune pendant plus de vingt
minutes.
154 VARIA.
ART, 7. Les membres du Congrès qui auront pris la parole
dans une séance devront remettre au Secrétaire, dans les vingt-
quatre heures, un résumé de leurs communications pour la rédac-
tion des procès-verbaux. Dans le cas où ce résumé n'aurait pas
été remis, le texte rédigé par le Secrétaire en tiendra lieu.
ART. 8. Les procès-verbaux seront imprimés et distribués aux
membres du Congrès le plus tôt possible après la session.
ART. 9. Un compte-rendu détaillé des travaux du Congrès
sera publié par les soins du bureau. Celui-ci se réserve de fixer
l'étendue des mémoires ou communications livrées à l'impression.
Tout mémoire qui n'aura pas été remis au Secrétaire général le
15 novembre ne sera pas imprimé.
ART. 10. - Le bureau du Congrès statue en dernier ressort sur
tout incident non prévu au règlement. Il constitue le comité d'or-
ganisation du Congrès de l'année suivante en s'adjoignant les
médecins aliénistes de la ville où il doit se réunir.
Programme de la session DE LYON 1891.-L2lttCdi 3 août 1891 : A
2 heures : Première séance. Ouverture du Congres. Nomination
du bureau. Discussion sur la Ire question à l'ordre du jour : Du
rôle de l'alcoolisme dans l'étiologie de la paralysie générale.
Mardi 4 août : A. A 9 heures du matin : Deuxième séance.
Discussion sur la 2° question : De la responsabilité légale et de la
séquestration des aliénés persécuteurs. B. A 2 heures : Troi-
sième séance. Discussion sur la 3° question : De l'assistance des épi-
leptiques.
Mercredi 5 août : A. Dans la matinée : Visite à l'asile dépar-
temental des aliénés du Rhône (Bron). B. Dans l'après-midi :
Visite à l'asile d'aliénés de Saint-Jean-de-Dieu et à la Faculté de
médecine.
Jeudi 6 août : Excursion et visite à l'établissement d'épileptiques
de la Teppe, à Tain (Drôme). A l'aller : descente du Rhône en ba-
teau à vapeur, retour en chemin de fer.
Vendredi 7 août : A. A 9 heures du malin : Quatrième séance.
Communications sur des sujets étrangers au programme. B.
A 2 heures : cinquième et dernière séance. Fixation du siège du
prochain Congrès. Communications sur des sujets divers. Clôture
du Congrès.
Samedi ? , août : Visite à l'asile d'aliénés de St-Robert (gare de
St-Egrave), près Grenoble. Déjeuner offert par l'administration.
M. le Dr Dufour, directeur de l'asile, avec son personnel, se met
à la disposition des membres du Congrès pour organiser des excur-
sions à la Grande-Chartreuse et dans d'autres parties des Alpes
dauphinoises. 'Pendant la duré du Congrès, une soirée sera con-
sacrée à une réception de M. le maire de Lyon et une autre à un
banquet par souscription. - Le Congrès siégera aupalais du Com-
FAITS DIVERS. 155
merce (salle des réunions industrielles). Entrée sur la place de la
Bourse. Jusqu'à la veille du Congrès, prière d'adresser toute
communication au Dr Albert Carrier, rue Laurencin, 13, Lyon.
TERRIBLE EXEMPLE DE DÉMONOPATHIE ENDÉMIQUE.
Les cinq enfants d'un paysan des environs de Païenne ont été
pris subitement de folie religieuse et sont partis de leur habitation
au beau milieu de la nuit, se dirigeant bruyamment vers une église,
où ils espéraient retrouver le calme.
On réussit à s'emparer d'eux et à les placer dans différentes mai-
sons du voisinage, en attendant l'accomplissement des formalités
nécessaires à leur internement dans la maison de santé de Païenne-
La nuit suivante, un de ces malheureux, une jeune fille de dix-huit
ans, se leva tout à coup et annonça que le Seigneur venait d'opérer
un miracle sur l'un de ses frères. Les témoins de cette scène ne
pouvant s'expliquer des faits si extraordinaires, que par l'interven-
tion des esprits, écoutèrent la pauvre folle et se décidèrent à l'ac-
compagner. Celle-ci se rendit chez son frère, et l'assomma par des
coups répétés d'une énorme bûche dont elle s'était emparée. Les
parents et les gardiens, imbus de superstition et frappés de terreur,
ne firent aucun effort pour mettre fin à cet horrible spectacle.
Le savant aliéniste Zuccarellioxpliqueladémouopatliieendémique
par la prédisposition, l'hérédité, l'influence du milieu social. Une
même action perturbatrice des facultés mentales agirait simulta-
nément sur des individus pareillement disposés, et il y aurait en
outre a invoquer une certaine influence suggestive réciproque.
(Le Scapel, 19 avril.)
FAITS DIVERS
Asiles D'AUÉNÉs. Promotions et nominations. (Arrêté du
22 avril.) Le D1' BARTHOMEUF, classé le second des candidats décla-
rés admissibles à la suite du concours ouvert à Lyon le 20 dé-
cembre 1888, et nommé médecin-adjoint à l'asile public de Saint-
Robert (Isère), est compris dans la 2° classe. (Arrêté du 9 juin).
Le Dr Chevalier-Lavaure, classé le premier des candidats déclarés
admissibles à la suite du concours ouvert à Bordeaux le 20 no-
vembre 1890, et nommé médecin-adjoint à l'asile public d'aliénés
d'Aix (Bouches-du-Rhône), est compris dans la 2° classe. - Le
156 FAITS DIVERS.
Dr DUBUISSON, Maxime, médecin-adjoint à l'asile public d'aliénés de
Quatre-Mares (Seine-Inférieure), est nommé directeur-médecin de
l'asile public d'aliénés de Dury (Somme).
REVISION DE la LOI sur les aliénés. M. Monod, directeur de
.. l'Assistance publique au ministère de l'intérieur, a été entendu par
- la commission de la Chambre qui est chargée d'examiner le projet
Reinach, relatif à la revision de la loi de 1838 sur les aliénés.
M. Monod a demandé à cette commission d'ajourner toute décision
jusqu'à ce que le conseil supérieur de l'Assistance publique ait été
appelé à donner son avis sur c ette question. La session réglemen-
taire de ce conseil, qui devait avoir lieu fin juin, va être avancée
par le ministre de l'intérieur, afin qu'on puisse avoir plus rapide-
ment la consultation sur la question des aliénés. La commission a
décidé de déférer à ce désir, et, en attendant, elle va entreprendre
une enquête technique et notamment entendre les principaux mé-
decins aliénistes.
Asile d'aliénés de BLOIS, Une loi du 10 avril 1891 (J. ortie.
du 11) autorise le département de Loir-et-Cher, conformément à
la demande du' conseil général, à emprunter une somme de
70,000 fr., remboursable en trente ans et applicable à la construc-
tion d'un quartier d'épileptiques dans l'asile d'aliénés de Blois. Les
fonds nécessaires au service des intérêts et de l'amortissement se-
ront prélevés sur les bonis de l'asile et au besoin, sur les ressources
départementales.
Asiles d'aliénés DE la Seine. concours pour une place de phar-
macien. - Un concours a été ouvert le lundi 22 juin 1891, à une
heure précise, à l'Asile clinique (Sainte-Anne), rue Cabanis ? à
Paris.
CONGRÈS annuel DES médecins aliénistes DE France ET DES pays DE
langue française. Section de Lyon 1891. -Ce Congrès se réunira
à Lyon, le lundi 3 août 1891. Les questions du programme sont :
1° Du rôle de l'alcoolisme dans l'étiologie de la paralysie générale.
Rapporteur : M. le Dr Brun. 2 De la responsabilité légale et de
la séquestration des aliénés persécuteurs. Rapporteur : M. le
Dr Henry Coutagne. - 30 De l'assistance des épileptiques. Rappor-
teur : M. le or P. Lacour. Les rapports sur ces questions seront
envoyés à chaque membre adhérent, un mois avant la réunion du
Congrès. Tout document concernant le Congrès doit être adressé
au Dr Albert Carrier, médecin des hôpitaux, rue Laurencin, 13, à
Lyon.
Congrès des aliénistes DE langue française. -j1. Gircourt, dit
le Républicain Orléanais du 9 avril, demande au Conseil général
qu'une somme de 400 franc= soit allouée au médecin de l'asile d'a-
Jiénés pour qu'il puisse se rendre au Congrès des médecins aliénis-
tes, qui se tient cette année à Lyon. Chaque année a lieu un Cou-
' l ? 1
, , ? FAITS DIVERS. d57
grès de ce genre et chaque année, le médecin en question va y
assister; mais, jusqu'à présent il y est allé à sesfrais. Après obser-
vations de divers membres, la proposition de M. Gircourt est ren-
voyée à la commission des finances. >
Il est bien à désirer que les Conseils généraux votent une indem-
nité à l'un des médecins de leurs asiles pour se rendre à ce Con-
grès. N'est-il pas, en effet, de leur intérêt que les médecins des
asiles soient au courant de tous les progrès réalisés au point de vue
scientifique et administratif, et cela pour le bien des malades et
l'avantage même des, finances départementales. C'est dans un cas
comme celui-là que pourrait intervenir utilement M. Monod, direc-
teur de l'Assistance publique au Ministère de l'Intérieur (Prog.méd.).
Congrès DES psychiatres SUISSES. - La réunion annuelle des psy-
chiates suisses aura lieu cette année à Kreuzlingen les [18 et
19 juillet.
Faculté DE médecine DE LYON. Un congé, du 1er avrilau 31 oc-
tabre J891, est accordé, sur sa demande et pour raisons de-santé
à M. le docteur Pierret, professeur de clinique de maladies men-
tales. M. le docteur Weill, agrégé, est chargé, du 1er avril au31 oc-
tobre 1891, d'un cours de clinique des maladies mentales. ,
Faculté DE médecine D'1NNSBRUCK. M. le docteur Auton, privat-
docent, est nommé professeur extraordinaire de psychiatrie à
Innsbruck.
Les pharmaciens ET la DÉLIVRANCE DE la MORPHINE. Le con-
seil de la Société de prévoyance de la Chambre syndicale des phar-
maciens de première classe du département de la Seine, émus des
accusations répétées portées contre le corps pharmaceutique à
l'occasion de la délivrance de la morphine, sur ordonnances déjà
exécutées, a chargé quelques-uns de ses membres de faire une en-
quête à ce sujet.
Des nombreux renseignements fournis par cette commission, il
semble que si, au début de l'emploi de la morphine en injections
sous-cutanées, quelques pharmaciens ont délivré un certain nom-
bre de fois les solutions de ce médicament sans exiger le renouvel-
lement de l'ordonnance, ce fait ne se produit plus maintenant que
d'une façon tout à fait exceptionnelle.
« Les subterfuges employés journellement par les morphino-
manes pour tromper la bonne foi des pharmaciens, sont, dit le
conseil de la Société, dans une note adressée à l'Académie de mé-
decine, la meilleure preuve de la difficulté qu'éprouvent ces ma-
lades à se procurer leur poison habituel auprès des pharmaciens.
« Par contre, c'est un fait avéré que certains marchands ou fa-
bricants de produits chimiques n'hésitent pas à délivrer de la mor-
phine sans aucune justification de destination, surtout quand on
leur en demande une certaine quantité.
158 FAITS DIVERS.
« Il est non moins certain que la fabrication étrangère appro-
visionne nombre de consommateurs français en faisant entrer ce
produit en contrebande ou sous enveloppes de lettres, ou même
par expédition régulière.
« Aussi, le Conseil de la Société de prévoyance croit devoir por-
=ter ces faits à la connaissance du corps médical afin de dégager la
responsabilité des pharmaciens, et à titre de protestation contre la
réputation imméritée qui leur a été faite, et enfin dans le but
d'engager les autorités compétentes à aviser aux moyens de remé-
dier à cet état de choses. » (Bulletin médical.)
L'alcoolisme en Ai1'GLCTf.llltr. Au cours des années précéden-
tes, nous avons signale l'augmentation toujours croissante de la
consommation des spiritueux dans la Grande-Bretagne. Pendant
l'exercice écoulé, cette consommation a dépassé de beaucoup les
prévisions budgétaires : elle a rapporté au Trésor 18 millions de
francs de plus qu'en 1889. Au point de vue de la distribution géo-
graphique de la consommation des boissons alcooliques, c'est
l'Angleterre proprement dite qui tient la tête, avec 9 p. 100 d'aug-
mentation sur l'année précédente; en Ecosse et en Irlande l'aug-
mentation a été de 7,5 p. 100. (Sem. Ilécl.) ,
L'alcoolisme EN AUTRICItE-HO\6R1G. - Le gouvernement vient de
présenter de nouveau à la Chambre des députés, le projet de loi
contre l'ivrognerie.
Asiles d'aliénés en Italie. Le ministre de l'intérieur vient de
confier à MM. les professeurs Ces. Lombroso (de Turin) et Aug. »
Tamburini (de modèle) la mission de visiter les asiles d'aliénés et de
dresser ensuite un rapport qui servira de base pour établir le projet
de construction d'asiles pour les aliénés criminels. (Sem. llléd., p. 3G. )
Incendie d'un asile d'aliénés. Une dépêche de New-York, en
date du 14 mars, nous apprend qn'un incendie s'est déclaré à minuit
dans un asile d'aliénés à Nashville. Six aliénés on péri. Les autres
au nombre de 500, ont été conduits sous bonne escorte dans le
hall central. Mais les flammes ayant atteint cette partie de l'édifice.
les aliénés se sont enfuis hors de l'asile.
Nécessité DE l'assistance DES aliénés. Les journaux politiques
du 22 février, contenaient une dépêche de Lorient, ainsi conçue :
« La veuve Malardeau, demeurant rue Victor-Masse, a coupé la
gorge à sa petite fille, âgée de deux ans, et s'est suicidée, une fois
le crime accompli. La femme Malardeau ne jouissait pas de toute
sa raison. »
Une dépêche de la même ville en date du 27 mars, dit le Temps,
nous apprend qu'un fou alcoolique, qui depuis huit jours pre-
nait pension chez sa marraine, était resté couché hier dans lajournée
à la suite de blessures qu'il s'était faites la veille. Tout à coup, il
a sauté à travers la fenêtre du premier étage dans la rue et s'est
bulletin bibliographique. 159
précipité sur le sieur Hénanef, époux de sa marraine, qu'il a frappé
d'un coup de couteau entre les deux omoplates. La blessure est
profonde. Le fou s'est alors enfui, complètement nu, chez un ami
du voisinage auquel il a dit : a Je viens de tuer un gendarme. »
Asile d'aliénés de W,SIIINCTO,4. - Un rapport du Dr W.-W. God-
ding, directeur de l'asile d'aliénés du Gouvernement, Washington,
D. C.a étésoumis au secrétaire del'Intérieur. Le nombredc pension-
naires au commencement de l'annéefiscaleétaitde 1.397, et à la fin
de l'année de 1.503 soit une augmentation de 108.-Ils sont divisés
comme suit : Hommes, 1.155, femmes 350. (Médical Record, 1890,
p. 442.)
Asile d'aliénés DE 1111DDLETOWN. - L'asile d'aliénés de Middle-
town reçoit annuellement près de 100,000 dollars de malades par-
ticuliers payants et l'on croit que l'on y reçoit beaucoup trop de
gens riches. Un projet de loi a été déposé à Albany pour sous-
traire l'asile aux exigences de la loi qui demande à l'Etat de soi-
gner les aliénés pauvres. Cette loi oblige l'asile de llfiddlelown, de
même qu'elle le fait pour tous les autres, à recevoir d'abord les
malades pauvres et à ne prendre de malades riches que sous cer-
taines conditions spéciales, pourvu que tous les malades pauvres y
soient soignés. (The med. Record, 28 février 1891, p. 265.)
UNE visite désagréable. -Hier,vers 11 heures du soir, les habi-
tants de la maison sise, 18, rue Ferrus, étaient réveillés par un
vacarme formidable provenant du logement d'un locataire absent
pour le moment. On se leva à la hâte et chacun à peu près armé,
on pénétra dans l'appartement, dont la porte était restée entr'ou-
verte. Là, on se trouva en présence d'un jeune homme, occupé à
briser les meubles en poussant des cris rauques. Ligotté, il fut con-
duit chez M. Percha, commissaire de police, qui était déjà en pos-
session d'une déclaration de disparition concernant cet individu.
C'est un jeune homme de vingt-cinq ans, nommé Auguste Delpey,
qui demeure, G6, rue de la Santé. Il est devenu fou à la suite de la
perte d'un héritage sur lequel il comptait et il avait pénétré, on ne
sait comment, dans la maison de la rue Ferrus, s'imaginant qu'un
trésor y était caché. Il a été envoyé à l'infirmerie du Dépôt. (L'E-
clair.)
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
BENDA (Th.). Offentliche Nervenheilanslallen ? Brochure in-8° de
20 pages. Berlin, 1891, A. Ilirschivald.
BOURNEVILLE. Rapport au Conseil supérieur de l'Assistance publique
sur la création des sociétés de patronage pour les aliénés sortant des
160 BULLETIN bibliographique.
asiles. Brochure in-f° de 92 pages. -- Prix : 2 fr. 50; pour nos abonnés,
1 fr. 75. Paris, 1891. Bureaux du Progrès médical.
Bourneville. Rapport sur le projet de loi portant revision de la loi
du 30 juin 1838, sur les aliénés, présenté au Conseil supérieur de l'As-
sistance publique. Volume in-4° de 34-Lxvnf pages. Prix : 3 fr.;
pour nos abonnés, 2 fr. Paris, 1891. Bureaux du Progrès Médical.
Bodveret (A.). - La Neurasthénie (Epuisement nerveux). - Volume
in-8' de 480 pages. Prix : 6 fr.
Froment (A.). - Elude médico-légale sur la simulation des maladies
mentales. Volume in-8° de 99 pages. Prix : 2 fr. Paris, 1891, librairie
G. Masson.
Hirt (L.). Pathologie et thérapeutique des maladies du Système
nerveux. Manuel pratique à l'usage des étudiants et des médecins. Tra-
duit de l'allemand par Jeamer (M.). Préface et annotations par le
D' Francotte (X.). Volume in-8° de w-6r9 pages, avec 179 figures.
Liège, 1891. Kierstrasz.
JOSSELCT (A.). Contribution à l'étude de la polynévrite il forme de
paralysie générale spinale antérieure subaigue et rapide. Volume
m-8" de 108 pages. Lille, 1890, imprimerie Liégeois-Six. '
KRAUSS (\V : C.). Jliisez4lai-atrophics : A clinico-pathological study.
Brochure m-8° de 13 pages, avec une planche hors texte. Buffalo,
N.-Y., 1891. - Buffalo Médical and Surgical Journal.
LOTII,\R, V. FRA : >1n, HocnwART. Weber sensible und vasonzotwische
Storungen bei der rheumatischen Facialislalimung. Brochure in-8° de
3 pages. - Leipzig, 1841. Druc/c tlletzger und Wittig.
Lyonnet (B.). Des complications articulaires et péri-arliculaires de
la diphtérie. Brochure in-4° de 24 pages. - Lyon, 1891, Association typo-
graphique.
Magnan (V.). - Leçons cliniques sur les maladies mentales (Le délire
chronique a évolution systématique). -Volume in-8° de 117 pages. -
Prix : 3 fr. 50 ; pour nos abonnés, 2 fr. 75.
Magnan (V.). Leçons cliniques sur les maladies mentales, faites à
l'Asile clinique (Sainte-Anne). Recueillies et publiées par Briand (M.),
Journiac, Legrain et Sérieux. Un volume in-8° de 377 pages. Prix :
10 fr.; pour nos abonnés, 8 fr. Bureaux du Progrès Médical.
Souri (J.). Les fonctions du cerveau (Doctrines de l'Ecole de Stras-
bourg. Doctrines de l'Ecole italienne). Volume in-8° de xvt-461 pages.
Prix : 8 fr.; pour nos abonnés, 6 fr. Paris, 1891. Bureaux du
.Progrès médical.
Avis A NOS abonnés. L'échéance du 1" Juillet étant l'une des plus
importantes de l'année, nous prions instamment nos souscripteurs, dont
l'abonnement expire à cette date, de nous envoyer le plus tôt possible
le montant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce mon-
tant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur localité, qui leur
remettra un reçu de la somme versée. Nous prenons à notre charge les
frais de 3 p. 100 prélevés par la poste et nos abonnés n'ont rien à payer
en sus du prix de leur renouvellement.
Nous leur rappelons que, à moins d'avis contraire. la quittance de
réabonnement leur sera présentée le 25 Juillet, augmentée de un franc
pour frais de recouvrement. Nous les engageons donc à nous envoyer (le
suite leur renouvellement par un mandat-poste.
Le rédacteur- gérant, BOi'ItN6VIt.LR.
(.1, IIKltIsl : Y. IlI1p - 701.
Vol. XXII. Septembre 1891. N" 65.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE
SUR UN CAS DE PARALYSIE RADICULAIRE DE LA PREMIÈRE
PAIRE DORSALE, AVEC LÉSION UËMILATËRALE DE LA
MOELLE, D'ORIGINE TRAUMATIQUE SIMULANT LA SYRIN-
GOMYÉLIE. '
LEÇON DE M. LE PROFESSEUR C1L11tCOT 1
Recueillie par M. HALLION, interne du service.
Messieurs, .
La syringomyélie, cette nouvelle venue dans la
pathologie nerveuse, a pris rang, vous le savez, parmi
les maladies spinales. Elle a suscité déjà d'importants
travaux ; on a appris à la reconnaître, et chaque jour
des observations nouvelles viennent témoigner de son
importance. Rien de mieux. Mais, comme pouvaient
le faire pressentir les lois qui régissent l'évolution
nosographique, voici venir la période critique. Il s'agit
maintenant de discerner les formes imparfaites, les
formes frustes de la maladie, et l'histoire de ces
formes, qui serait si intéressante pour éclairer le dia-
gnostic dans les cas difficiles, n'est pas même com-
mencée. Ces cas difficiles, auxquels je fais allusion,
1 5, mai 1891. '
Archives, t. XXII. 11
162 CLINIQUE NERVEUSE.
ne sont pas rares, ils réclament une étude fine et mi-
nutieuse, faute de laquelle on risquerait soit de mécon-
naître la syringomyélie, soit de lui attribuer des mé-
faits dont elle doit-être innocentée. Le malade que je
vais vous présenter est bien propre à fournir la démons-
tration de ce que j'avance; il m'a été adressé par un
expert comme un exemple de syringomyélie : c'est une
preuve que les plus habiles peuvent parfois s'y mépren-
dre, car la maladie incriminée n'est en réalité au-
cunement en cause; j'espère vous en persuader tout
à l'heure. Pour mieux vous convaincre du nombre et
de l'importance que peuvent prendre en pareil cas les
causes d'erreur, je me placerai tout d'abord dans l'hy-
pothèse d'une syringomyélie, et, feignant de m'y ral-
lier, je vous développerai les arguments qui l'appuient.
Puis, faisant volte-face, j'examinerai le cas à un nou-
veau point de vue, et je vous démontrerai que ma pre-
mière argumentation, pour spécieuse qu'elle pouvait
paraître, n'avait abouti qu'à des conclusions erronées
et que la vérité était tout autre. Si vous me voyez ainsi
plaider successivement le pour et le contre, ce n'est
pas, croyez-le bien, dans le puéril dessein d'étaler à
plaisir mes facultés dialectiques ; non assurément, je
ne me le permettrais pas, et vous reconnaîtrez que je
poursuis un but plus sérieux. C'est une question de
diagnostic. différentiel que je vais agiter devant vous,
et précisément dans le cas actuel, le diagnostic n'est
pas, tant s'en faut, chose indifférente.
Le malade que vous avez sous les yeux, le nommé
B...., est âgé de 22 ans, il est ouvrier boulanger. Rien
dans ses antécédents hériditaires ni personnels qui
mérite de nous arrêter; il mentionne seulement un de
CAS DE PARALYSIE DE LA PREMIÈRE PAIRE DORSALE. 163
ses oncles, atteint d'hémiplégie dans l'extrême vieil-
lesse.
A l'àge de dix-huit ans, il fut victime d'un accident se-
rieux. Ayant pénétré imprudemment dans une baraque
de foire où était installé un tir à la carabine, il reçut
à la partie postérieure du cou une balle de 5 à 6 mil-
limètres : la dimension d'un gros pois. L'orifice d'en-
trée est marquée aujourd'hui par une petite cicatrice
arrondie, située à un centimètre de la ligne médiane,
à la hauteur de l'apophyse épineuse de la septième
vertèbre cervicale. Au moment où il fut frappé, B....
tournait directement le dos au tireur, occupé qu'il était
9 à décrocher un carton servant de cible. La balle ne fut
pas extraite, la petite plaie suppura légèrement et ne
tarda pas à se cicatriser. Comme effets immédiats,
paralysie des membres supérieur et inférieur droits,
de ce dernier surtout. Mais au bout de quatre ou cinq
jours, le blessé commence à marcher, et deux mois et
demi après, complètement guéri, il reprend son métier
de boulanger.
Trois années se passent, sans que le moindre symp-
tôme vienne lui rappeler l'accident; puis, tout à coup
le 16 avril z890, il y a juste un au, de nouveaux phé-
nomènes éclatent. En soulevant un sac de 125 kilo-
grammes, fardeau qu'il maniait journellement sans
peine, il ressent dans le dos, entre les deux épaules,
une violente douleur avec une sensation de suffocation
qui l'opprésse pendant dix minutes. Il se couche, la
douleur devient moins aiguë, et le lendemain matin,
voulant se lever, il éprouve de la faiblesse dans la
jambe droite; il en résulte une claudication légère qui
s'accentue trois semaines plus tard, quand survient de
164 CLINIQUE NERVEUSE.
la raideur du membre. Bientôt la main droite s'affaiblit
puis s'atrophie. Le quatrième mois, à l'occasion d'une
blessure qu'il se fait accidentellement à la partie in-
- terne de l'avant-bras,' toujours du côté droit, il cons-
tate avec étonnement l'insensibilité de cette région.
Enfin, plus récemment, il apprend que la sensibilité
cutanée s'est affaiblie dans le membre inférieur gauche.
Je vous ai dit tout à l'heure que l'examen du malade
semble d'abord justifier le diagnostic de syringo-
myélie. Avant de procéder à cet examen, nous pouvons
nous demander dès maintenant si les commémoratifs
s'accommodent de cette hypothèse.
Le traumatisme que nous avons relevé à l'origine
de la maladie, présente, figure-t-il parmi les facteurs
étiologiques de la syringomyélie ? Eh bien, oui, plu-
sieurs auteurs : Silcock', Harcken, Strümpell, Oppen-
heim, ont relevé cette cause; ils ont noté que le ma-
lade fait parfois remonter le début à un traumatisme ;
on a surtout signalé la chute d'un lieu élevé. C'est ainsi
que le sujet mentionné dans l'observation XXIII de la
thèse de Bruhl2, empruntée à Bernhardt, était tombé
d'un arbre, cinq ans auparavant. Un autre malade,
dont Wichmann a rapporté l'histoire (observation XX
de la thèse de Bruhl) 3 présente avec notre sujet des
analogies frappantes. Les symptômes de la syringo-
myélie étaient apparus après un violent effort accom-
pli pour soulever un fardeau très lourd ; il en était
résulté une vive douleur le long du rachis, et une
parésie des membres inférieurs. Il peut se faire comme
1 Transaction of th. path. Soc. of London. XXXIX.
' Thèse de Paris. 1890, p. 188.
' P. 181.
CAS DE PARALYSIE DE LA PREMIÈRE PAIRE DORSALE. 165
l'a montré Virchow, que le choc ait favorisé le déve-
loppement d'un gliôme des centres nerveux. Vaut-il
mieux admettre que la maladie, latente jusque-là, a
été seulement accélérée dans son évolution et mise en
évidence par le traumatisme ? L'interprétation, pour
le moment, ne nous importe guère : nous retenons
simplement le fait, et nous concluons que l'interven-
tion d'un traumatisme à l'origine de l'affection qui
nous occupe, n'a rien de contraire à l'hypothèse que
l'examen direct va peut-être nous rendre vraisem-
blable.
Au membre supérieur droit existent à la fois des
troubles sensitifs et musculaires diversement répartis.
Les premiers occupent la face interne du membre, et
consistent en une anesthésie dissociée suivant le mode
syringomyélique; le sens du tact est seul persistant.
D'autre part la main, fortement atrophiée, présente
une diminution de relief des éminences thénar et
hypothénar, diminution légère pour celle-ci, très
accusée pour celle-là; des dépressions intermétacar-
piennes trahissent l'atrophie des interosseux.
Le volume de l'avant-bras est, lui aussi, légèrement
réduit aux dépens des muscles fléchisseurs. Cette dimi-
nution de volume répond à une diminution fonction-
nelle ; les mouvements de la main et des doigts sont
affaiblis, sauf les mouvements que commandent les
muscles postérieurs de l'avant-bras, les extenseurs. La
physionomie des lésions rappelle l'atrophie musculaire
du type Duchesne-Aran. Ajoutons que la peau, non
plus que le squelette, ne sont altérés dans leur nutri-
tion. L'exploration électrique décèle une réaction de
dégénération de l'éminence thénar et de quelques autres
166 CLINIQUE NERVEUSE.
petits muscles de la main; les contractions fibrillaires
font défaut.
Le membre supérieur gauche est indemne.
Voilà bien quelques particularités qui nous gênent
un peu, mais après tout, elles ne s'opposent pas d'une
manière absolue à notre diagnostic de syringomyélie,
L'absence de symétrie surtout ne saurait nous arrêter;
on connaît la syringomyélie asymétrique. D'ailleurs,
nous avons affaire à un cas récent qui pourra se déve-
lopper ultérieurement.
Pour ce qui est des membres inférieurs, il nous faut
distinguer ce qui appartient à chacuu d'eux. A droite,
existe une paralysie spasmodique très marquée; le
membre est raidi en extension , vous voyez le malade
marcher : l'extrémité du pied droit ne quitte pas le sol,
le genou fléchit à peine, la démarche est lente et boi-
teuse. Le réflexe rotulien est fort exagéré et on provo-
que avec la plus grande facilité le phénomène du pied.
A gauche, les mêmes modifications existent, mais elles
y sont beaucoup moins marquées. Ces symptômes se
rencontrent dans la syringomyélie; ils, indiquent que
la lésion atteint les cordons latéraux. Il s'agirait dans
- le cas présent d'une altération de ces faisceaux dans
la région dorso-lombaire.
Le membre inférieur gauche et la moitié correspon-
dante du tronc, au-dessous d'une ligne horizontale pas-
saut par les aisselles, sont atteints dans leur sensibilité.
Ici, ce n'est plus la dissociation syringomyélique que
nous rencontrons, mais la dysesthésie, symptôme qui est
-particulièrement fréquent dans lacompression spinale'.
' Charcot. Leçons sur les Mal. du syst. nerveux, t. II, p. 116 et 292.
CAS DE PARALYSIE DE LA PREMIÈRE PAIRE DORSALE. 167
C'est là, pour la syringomyélie, un trouble sensitif
anormal, mais il faut compter avec les inconnues de
cette affection et une sembable anomalie ne saurait
suffire, si tout le reste concorde à faire fléchir le dia-
gnostic.
D'ailleurs, voici un nouveau trait : c'est l'existence
d'une scoliose qui s'est développée au cours de la
maladie. J'ai fait marquer sur le dos du sujet la ligne
des apophyses épiueuses. Vous voyez à droite de la
septième vertèbre cervicale rigoureusement médiane
la cicatrice produite par la blessure ancienne. Au-des-
sus, l'apophyse de la première dorsale se dévie un peu
à droite, puis l'apophyse de la deuxième dorsale se
reporte sur le plan médian, ou du moins s'en écarte
à peine vers la droite. Enfin, de la troisième à la neu-
vième vertèbre dorsale se développe une courbure
scoliotique régulière à convexité droite. Vous pouvez
observer aussi l'attitude vicieuse et la déformation du
tronc : élévation de l'épaule droite, gibbosité assez
marquée du même côté, répondant en avant à un apla-
tissement de la partie droite du thorax. Je n'insiste
pas, vous connaissez l'influence de la scoliose sur la
forme de la cage costale. J'ajoute qu'il n'existe dans
les muscles du rachis et du tronc aucune anomalie ap-
préciable sur laquelle puisse s'appuyer une théorie
paralytique de cette scoliose; il semble s'agir d'une
altération osseuse primitive. Voilà notre diagnostic sin-
gulièrement renforcé, la scoliose étant un des éléments
les plus communs du syndrome syringomyélique.
Enfin l'examen oculaire n'est pas non plus pour y
contredire. L'oeil droit est petit, enfoncé dans l'orbite,
la pupille en est plus petite, la face est aplatie du même
168 CLINIQUE NERVEUSE.
côté. Ces symptômes ne sont pas exceptionnels dans
la syringomyélie; ils doivent être sans doute attribués
à la lésion du centre cilio-spinal. M. Bruhl les a ren-
contrés dix fois sur-trente-six cas. Le nystagmus a été
parfois signalé, en pareil cas; notre sujet en est exempt.
Il ne présente pas non plus le rétrécissement duchamp
visuel qui, du reste, vraisemblablement, n'appartient
pas au complexus syringomyélique.
Notre diagnostic semble donc bien établi; le pronostic
en découle comme aussi le traitement. Il est vrai qu'à
cet égard, nos ressources sont assez précaires, mais
c'est déjà beaucoup que d'avoir éclairé la situation et
d'avoir rendu au malade tous les services qu'il est en
droit d'exiger de nous. Donc notre tâche est terminée
et nous pouvons nous reposer de nos labeurs ? Cepen-
dant, quelques scrupules, quelques doutes nous obsè-
dent ; nous n'avons pas le sentiment de la parfaite
quiétude.
Si, pensons-nous, notre échafaudage laborieusement
construit manquait cependant de solidité, s'il arrivait
que considérées à un autre point de vue, les choses
nous parussent tout autres ? Cela n'est peut-être pas
impossible; il faut y regarder de plus près. Eh bien,
Messieurs, ces scrupules vont être justifiés. En effet,
sans nous mettre en quête d'éléments nouveaux, nous
examinerons plus attentivement les matériaux dont
nous disposons, nous verrons qu'il existe une autre
combinaison où ils trouvent plus convenablement
leur place, et, revenant alors sur notre inspiration
première, nous construirons un nouvel édifice, beaucoup
plus solide que le premier et, si nous ne nous trom-
pons, satisfaisant dans tous ses détails.
CAS DE PARALYSIE DE LA PREMIÈRE PAIRE DORSALE. 169'
- Et d'abord, réexaminons cette zone d'anesthésie
partielle avec dissociation syringomyélique qui est un
des éléments principaux du diagnostic accepté. Nous
n'avons rien à changer à ce qui a été dit. Mais la
disposition de cette zone est bien singulière. Pourquoi
cette forme de languette sur le bord interne du bras
et de l'avant-bras ? Ce n'est pas ainsi, en général, que
se disposent les troubles de la sensibilité dans la
syringomyélie; ils procèdent par segments que limi-
tent des cercles perpendiculaires à l'axe du membre,
ainsi qu'on le voit également dans les cas d'hystëro-
traumatisme local. Ici, remarquez-le bien, il s'agit
d'une localisation répondant au territoire cutané d'un
nerf. Examinez, par exemple, une des figures de
l'atlas de Flower, et vous reconnaîtrez que ce nerf
n'est autre que le brachial cutané interne. Ce ne se-
rait donc pas la moelle, d'après cela, qui serait lésée,
mais bien un nerf périphérique. Mais, direz-vous, et la
dissociation syringomyélique de la sensibilité ? Peut-
elle être produite par la lésion d'un nerf périphérique ?
Elle n'est donc pas spécifique pour la syringomyélie ? 't
Eh bien, non, cette dissociation n'appartient pas en
propre à cette dernière affection. Plusieurs observa-
tions en démontrent l'existence dans certaines névrites
périphériques, notamment dans celles qui dépendent
de la lèpre 1. Je l'avais relevée déjà, pour ma part,
dans l'hystérie. C'est assez dire que ce symptôme ne
saurait caractériser à lui seul la syringomyélie, et
qu'il peut se montrer en diverses circonstances. Con-
' Dans un cas de lèpre anesthésique par places la sensibilité tactile
était à peine modifiée, la sensibilité thermique et la sensibilité àladou-
leur étant absolue. (A. Sass. Deux cas de lèpre nerveuse, Dnitsch.
arch. f. Kli2z. Ile(l. Vol. 17" fasc. 3 et i.)
170 CLINIQUE NERVEUSE.
cédez -moi qu'ici la zone d'anesthésie partielle se rat-
tache à une altération du nerf brachial cutané interne,
et laissez-moi imaginer que la lésion originelle porte
sur la première paire dorsale, d'où ce nerf émane, et
Fig. 14 et 15. Hachures obliques : hémidysesthésie. Hachures hori-
zontales : zone de dissociation syringomyélique de la sensibilité. Les
excitations thermiques et douloureuses provoquent des sensations tac-
tilles, Les perceptions tactiles y sont conservées, et simplement un
peu émoussées.
CAS DE PARALYSIE DE LA PREMIÈRE PAIRE DORSALE. 171
vous allez voir notre diagnostic de tout à l'heure se
transformer comme par enchantement.
La première paire dorsale contient des fibres ner-
veuses qui sont destinées : 1° au brachial cutané
interne, nerf sensitif; 2° au cubital, nerf mixte, qui
reçoit de cette paire, suivant toute probabilité, une
Fig. 16 et 17.
Br. C. I, brachial cutané interne. A. Br. 1, son accessoire. R, radial. Br. c.
P. du 11, sa branche cutanée citerne.Br.c. ? ,dutt,sa.branche cutanée interne. -
Cire, ciroâf flexe. C, cubital.
172 CLINIQUE NERVEUSE.
innervation purement motrice ; 3° au médian qui
donne lieu à la même observation'. Eh bien ! une
même lésion peut expliquer tous les phénomènes que
le bras du malade nous a présentés. Admettez que
cette lésion porte sur le premier nerf dorsal, et vous
vous expliquez à merveille non seulement les trou-
bles sensitifs, mais encore la parésie et l'atrophie
qui intéressent les muscles de l'éminence thénar,
les interosseux, les fléchisseurs, tous tributaires soit
du cubital, soit du médian; vous comprenez, enfin,
l'exclusion du radial, qui n'est pas représenté dans la
première paire. Nous avions lieu tout à l'heure de
nous étonner, quand nous trouvions, au bout d'une
année à peine, une réaction de dégénérescence si
profonde, et aussi quand nous cherchions en vain les
secousses fibrillaires; il n'en est pas ainsi quand les
cornes antérieures sont lésées. Tout s'éclaire; ce qui
est lésé, c'est le nerf lui-même; il est soumis à une
compression qui équivaut pour les nerfs moteurs à
une section et nous pouvons dire exactement le lieu
où cette compression s'exerce : c'est au niveau du
trou de conjugaison.
En effet, parmi les rameaux nerveux qui émanent
de la première paire dorsale, il en est un qui ap-
partient au grand sympathique : c'est le rameau
communiquant. Il contient, comme l'a bien établi
Mlle Klumpke 2 par de remarquables expériences, les
fibres iridodilatatrices, à l'exclusion des éléments vaso-
moteurs, qui suivent d'autres voies ; il fournit égale-
ment l'innervation du muscle de Millier dont la para-
1 Eéré. Arch. de Neurol., 1883, p. 332 et Milo Klumpke. Loc. cit.
. : \111' Klumpke. - Parai, rad. du plexus brachial. Rev. de méd., 1S85.
CAS DE PARALYSIE DE LA PREMIÈRE PAIRE DORSALE. 173
lysie détermine l'enfoncement du globe de l'oeil. Or,
ces filets nerveux n'accompagnent la première dorsale,
en dehors du trou de conjugaison, que dans un très
court trajet. Ainsi se trouve réalisé un syndrome spé-
cial et ce syndrome est caractéristique non seulement
d'une lésion radiculaire de la première paire dorsale,
mais encore d'une lésion portant sur cette paire ner-
veuse au niveau du trou de conjugaison, entre la pre-
mière vertèbre dorsale et la deuxième ou dans son
immédiat voisinage. Seule, une telle localisation est
en mesure d'expliquer cette association remarquable
de symptômes, portant à la fois sur les fibres irido-di-
latatrices, sur le brachial cutané interne, le médian et
le cubital.
Mais ce n'est pas tout d'affirmer l'existence de la
lésion et de la localiser, il faut en trouver la cause,
une cause conforme à ce que nous apprend l'observa-
tion du malade. Rappelez-vous l'événement d'il y a
quatre ans. Une balle pénètre à un centimètre en
dehors de l'apophyse de la vertèbre cervicale proémi-
nente. Cette apophyse est longue; elle est, par rapport
au corps vertébral, inclinée en bas et en arrière, sur-
tout quand la tète est dans l'extension, attitude qui
était vraisemblablement celle du malade au moment
de l'accident.
C'est vous dire que si- un projectile a pénétré à ce
niveau, perpendiculairement au plan transversal du
corps, il doit aller, après avoir traversé le canal rachi-
dien en effleurant légèrement la moelle, frapper le
corps de la première ou de la deuxième vertèbre dor-
sale. Là s'est produit par la suite un travail d'irrita-
tion latente, d'inflammation lente, d'où résulte la fra-
174 CLINIQUE NERVEUSE.
gilité de ce côté du corps vertébral. Survienne un
effort violent, et l'os affaibli s'écrase, une fracture
plus ou moins comminative se produit. C'est ce qui est
arrivé il y a un an", 'quand B... soulevant un poids a
éprouvé une douleur vive au niveau du rachis. L'os
s'était effondré, le trou de conjugaison s'était par là
même effacé, écrasant le premier nerf dorsal. Il nous
est facile d'expliquer aussi, dans cette hypothèse, les
troubles observés aux membres inférieurs. Une es-
quille, une saillie osseuse, peut-être la balle elle-
même, a lésé la moitié droite de la moelle; de là une
véritable hémilésion médullaire, suivie de dégénéra-
tion descendante, de là cette répartition si particulière
des symptômes : troubles sensitifs localisés à la moitié
gauche du corps au-dessous du siège de la fracture et
consistant dans de la dysesthésie, phénomène que j'ai
observé dans plusieurs cas d'hémiparaplégie spinale,
troubles moteurs et réflexes occupant surtout le
membre inférieur du côté opposé. Ainsi se réalise
d'une manière à peu près parfaite le syndrome de
Brown-Séquard.
Cette hypothèse d'une fracture vertébrale se trouve
confirmée par ce qu'on observe parfois dans ces
sortes d'accidents. En définitive, la balle pénétrant
dans le corps vertébral avait déterminé une véritable
fracture incomplète ; or, la récidive des fractures ra-
chidiennes n'est pas chose tout à fait exceptionnelle.
A la suite d'une cause occasionnelle légère, telle qu'un
effort, on a vu cette récidive se produire parfois très
tardivement, et engendrer des phénomènes nerveux
beaucoup plus graves que n'avait fait l'accident pri-
mitif. Vous trouverez des renseignements à ce sujet
CAS DE PARALYSIE DE LA PREMIÈRE PAIRE DORSALE. 175
dans un mémoire de MM. Tuffier et Hallion, publié
dans la Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière '. -
Reste à expliquer la scoliose : on peut admettre que
l'affaissement d'une des deux premières vertèbres dor-
sales dans leur moitié droite a incliné le rachis de ce
côté; pour rétablir l'équilibre, une scoliose de com-
pensation tend à se produire au-dessous; de là, cette
scoliose à convexité droite de la colonne dorsale.
Eh bien, Messieurs, la discussion n'a pas été oiseuse.
C'est déjà pour nous une satisfaction de voir clair dans
les choses qui nous occupent, au lieu de pêcher en eau
trouble. Mais cette détermination d'un diagnostic ra-
tionnel n'offre pas seulemeut des avantages d'ordre
spéculatif, elle entraîne, dans le cas présent, une con-
séquence pratique des plus importantes : la question
du traitement apparaît maintenant sous un tout autre
aspect. En présence de la syringomyélie, nous ne
pourrions guère que déplorer notre impuissance ; au
contraire cette cause mécanique dont nous avons
reconnu le rôle prépondérant est justiciable peut-être
d'une intervention active. La trépanation rachidienne
est entrée définitivement dans la pratique chirurgicale
et elle a permis, un certain nombre de fois, d'apporter
aux troubles médullaires d'origine mécanique un utile
remède. Cette opération, que je conseille à notre ma-
lade d'accepter, pourra se faire chez lui dans des con-
ditions de précision rarement réalisées, puisque nous
avons déterminé nettement le siège de la lésion rachi-
dienne.
. Nouvelle iconographie de la Salpêtrière. 1888-89.
176 CLINIQUE NERVEUSE.
J'espère vous avoir montré, par cette sorte de débat
contradictoire, que le diagnostic de la syringomyélie
est parfois chose délicate, et qu'il peut présenter, dans
certains cas, un grand intérêt pratique. Je vous aurai
fait toucher du doigt les chances d'erreur auxquelles
on s'expose toutes les fois que dans l'observation et
l'interprétation des faits l'on se laisse dominer à l'excès
par son impression première, et aveugler par une opi-
nion prématurément conçue.
M. Tuffier qui a opéré le malade a bien voulu nous
communiquer la note suivante :
6 mai 1891. Hôpital Beaujon, pavillon Dolbeau. Anes-
thésie chloroformique, antisepsie par le sublimé et l'alcool.
Incision sur le bord droit des apophyses épineuses, depuis la
quatrième cervicale jusqu'à la deuxième dorsale. Désinsertion
des muscles sur la partie latérale droite des vertèbres jusqu'à
dénudation des lames. Hémorrhagie veineuse abondante par
les deux lèvres de la plaie. Hémostase par la forcipressure facile
pour~ la lèvre externe, impraticable dans la lèvre interne,
fibreuse ; la compression prolongée met fin à l'écoulement san-
guin. Exploration des lames dénudées, depuis la cinquième
cervicalejusqu'à la deuxième dorsale. Au niveau de la septième
cervicale et de la première dorsale, rugosités irrégulières con-
trastant avec le poli des surfaces adjacentes ; ces rugosités siè-
gent en un point circonscrit, répondant à l'interstice séparant
les deux lames vertébrales précédentes; elles sont marquées
surtout sur la première dorsale. Tentatives de section de ces
lames avec de fortes pinces de Liston ; ces tentatives échouent;
les pinces ne peuvent mordre sur le tissu éburné. Trépanation
de la lame vertébrale de la première dorsale et de la septième
cervicale. L'échancrure ainsi pratiquée laisse facilement passer
la pulpe de l'index. Hémorrhagie notable par les plexus rachi-
diens. Tamponnement et arrêt de l'hémorrhagie. La vue et le
toucher ne dénotent rien dans le canal rachidien. Suture des
plans musculaires au catgut ; suture de la peau au crin de
Florence. Pas de .drainage.
TRAUMATISME AVEC PERFORATION DU CRANE. 177
Suites opératoires insignifiantes. Température maxima 37° ,t>.
Au sixième jour, on enlève les crins et on collodionne la plaie.
Au neuvième jour, on supprime le tout. Le malade (chose
curieuse) n'accuse aucun trouble fonctionnel, aucune douleur,
aucune limitation dans les mouvements du cou. Il regagne la
/Salpêtrière le onzième jour.
15 juillet. - Le malade est revenu à la Salpêtrière où on
l'a soumis à nouveau au traitement par l'hydrothérapie et
l'électrisation. Aucun changement ne s'est opéré; ni amélio-
ration, ni aggravation.
TRAUMATISME AVEC PERFORATION DU CRANE
(FOYER PURULENT DANS LE LOBULE QUADRILATÈRE ET LES CIRCONVOLU-
TIONS DE PASSAGE-DU PLI COURBE DU CERVEAU DROIT, AVEC PARÉSIE
ET HÉMIPLÉGIE GAUCHE PROGRESSIVE, CONSECUTIVE A LA DESTRUCTION
DES CIRCONVOLUTIONS CÉRÉBRALES CORRESPONDANTES);
Par M. le D' PETRUCCI,
Directeur-Médecin en chef de l'Asile Saintc-Gemmcs-sur-Loire.
Il y a plusieurs années, j'ai publié dans les Annales médico-
psychologiques l'observation d'un cas de traumatisme chez un
lypémaniaque, avec perforation du crâne, foyer purulent ver-
mineux du cerveau, hémiplégie droite progressive, et consécu-
tive à la destruction des circonvolutions cérébrales motrices
correspondantes. J'étais loin de m'attendre à rencontrer plus
tard une observation presque identique.
Il s'agissait alors d'un aliéné qui se frappa la tête d'un coup
de marteau pour se donner la mort. Cet homme ne perdit pas
connaissance sur le coup, ni l'usage d'aucun membre, d'au-
cune faculté. Le dixième jour après l'accident, il fut pris d'un
commencement d'hémiplégie droite et transporté à l'asile. La
plaie ne guérissait pas; elle était négligée, remplie de vers vul-
gairement appelés asticots. Il ne fut pas possible d'y appliquer
une couronne de trépan, et malgré une médication antisep-
tique, un abcès se forma.
Le pus envahit progressivement le lobule paracentral droit,
Archives, t. XXII. 12
178 CLINIQUE NERVEUSE.
puis pénétra dans les troisième et quatrième ventricules, après
avoir percé le corps calleux. Une paralysie gauche, également
progressive, le coma et la mort en furent les conséquences.
Aujourd'hui, c'est encore un mélancolique qui, dans un accès
de dépression avec tendance au suicide, se porte un coup de
marteau sur le sommet de la tète. Le crâne est fracturé, per-
foré ; la substance cérébrale à nu. La plaie se trouve sur la
suture médiane sagittale, légèrement portée vers la droite,
plutôt que sur la gauche : aussi remarquons-nous, contraire-
ment au cas précédent, que l'hémiplégie a lieu à gauche et
non à droite. Elle s'est produite aussi progressivement, au sur
et à mesure que le foyer purulent s'acheminait avec lenteur
vers les circonvolutions motrices correspondantes.
Chez le premier, le lobule paracentral gauche fut détruit;
chez le second, c'est l'avant-coin, ou le lobule quadrilatère
droit ; c'est-à-dire que la lésion a lieu de l'autre côté et un peu
plus en arrière.
Les pansements antiseptiques appliqués aussitôt après l'ac-
cident, ont empêché la formation des vers appelés vulgaire-
ment asticots, qui s'étaient formés dans la plaie du premier
malade. Celle-ci n'avait pu être soignée, au dehors, dans les
mêmes conditions d'antisepsie. Elle avait été forcément négli-
gée par des personnes habitant le fond d'une campagne, et
très inexpérimentées.
Observation. Le nommé P... (Isidore), soixante-deux ans,
menuisier, entre pour la première fois à l'asile, le 22 février 1890.
D'après le certificat d'entrée, le malade est atteint de mélancolie,
avec tendance au suicide, caractérisée par de l'anxiété, de la dé-
pression, des insomnies, des préoccupations hypocondriaques, etc.
C'est un découragé de la vie; « les choses ne vont plus comme de
son temps; il ne peut plus gagner sa vie; il est perdu, ruiné; c'est
une vieille bête qu'il faut abattre, etc... » Il a déjà fait plusieurs
tentatives de suicide; toutes sont restées sans résultat.
27 février (7 heures du matin). Trois ou quatre jours après son
entrée à l'asile, le malade, trompant toute surveillance, s'empare
subrepticement du marteau pointu d'un maçon, venu faire des
réparations à un mur de la division. L'instrument était neuf, très
acéré. Il le saisit à pleines mains, et, prenant son élan d'avant en
arrière, s'en donne un coup violent dans la région postérieure de
la tête. Il tombe aussitôt sans connaissance, roule à terre, pousse
des gémissements et perd beaucoup de sang. On le transporte de-
suite à l'infirmerie. '
TRAUMATISME AVEC PERFORATION DU CRANE. Il -11)
Là, un premier examen permet d'établir la gravité et l'état de
la plaie. Le coup a été porté il la partie supérieure de l'os occipital
près de son point de suture avec les deux pariétaux, sur la suture
sagittale, au-dessus du pressoir d'Hérophyle. Le trou fait dans l'os
permet le passage du petit doigt sur une longueur de 2 à 3 centi-
mètres. Les cheveux coupés, la plaie nettoyée, on aperçoit nette-
ment le battement d'une artère, qu'on sent facilement avec le
doigt. Cette artère, qui donné énormément de sang, continue il
couler, puis s'arrête au bout d'une demi-heure. Quelques frag-
ments osseux sont enlevés ; à l'une des esquilles adhère un petit
lambeau de dure-mère. On l'excise avec des ciseaux pour rendre
le nettoyage de la plaie aussi complet que possible. On aperçoit
alors distinctement la substance cérébrale; elle semble avoir été
attaquée, et on peut recueillir sur une éponge fine quelques par-
celles de pulpe.
Le malade a repris connaissance peu à peu. Le pouls est bon et
plein, peu précipité. Interrogé, le blessé a conscience de son état,
regrette même », dit-il, de s'être manqué. On place un panse-
ment antiseptique. La température est prise une heure après l'ac-
cident. T. 37°. Le soir, le blessé est abattu, fièvre légère. La tem-
pérature est de 3R,v.
2S. T. 37°,6. Le malade parle, mangé avec facilité. La plaie a
très bon aspect et tend à se refermer. Elle n'a pas saigné, et dans
le fond, on apercoit toujours battre l'artère dont on a parlé plus
haut. On n'a pas retiré d'autre substance cérébrale. A quatre
heures du soir même état général. Température 37",6.
le, mars. Le malade reste dans le même état; la suppuration
tend à s'établir. Jusqu'ici, la crainte d'hémorragie n'a pas permis
de faire un examen approfondi de la plaie, ni de la sonder. Un
stylet introduit avec précaution dans l'ouverture, s'enfonce d'une
longueur de 7 à 8 centimètres. Evidemment, l'instrument ne peut
pénétrer autre part que dans la scissure interhémisphérique; nous
aurions autrement des troubles physiologiques graves à constater,
et ils font absolument défaut.
Ici vient se poser la même question d'interventibn chirurgicale
que dans le cas précédent, avec la même nécessité impérieuse, la
même difficulté opératoire. La crainte de voir fuser le pus dans la
cavité crânienne motive l'application d'une couronne de trépan
pour donner une issue large et facile à la suppuration.
Mais pour arriver à ce résultat, la trépanation doit avoir lieu au
siège même de la fracture. La présence des nombreux sinus en
cette région en rend l'application difficile. D'un autre côté, l'ur-
gence de l'opération ne s'impose encore par aucun signe sérieux
également pressant. '
Le pus sort suffisamment par la plaie; l'introduction d'un drain
180 CLINIQUE NERVEUSE.
placé avec les plus grandes précautions, permettrait d'y faire, avec
le même soin, des injections phéniquées détersives. Je consulte
quelques confrères qui conseillent de leur côté l'expectation. - La
médication la plus rationnelle leur parut être les pansements anti-
septiques et les injections phéniquées à l'aide du drain. Le pus,
venant de l'intérieur,'est fétide. On établit alors un drain. qui en
facilite l'évacuation. Injections d'eau phéniquée au 10/1,000. La
température s'est toujours maintenue de 36°,2 il 3 1°,0. Etat général
satisfaisant. l.
La plaie tend à diminuer de jour en jour et à se cicatriser. Le
pus continue à s'écouler avec facilité par le drain, mais il reste très
fétide, le plus souvent de mauvaise nature, bien qu'il tende à
devenir moins séreux et de meilleure consistance.
- Aucun trouble dans la motilité, dans la sensibilité, ni les autres
fonctions organiques. Le malade reste dans le même état de mé-
lancolie anxieuse, avec impulsions violentes par intermittences.
Souvent il arrache les pièces de son pansement, cherche il se faire
du mal de toutes les manières, à commettre une nouvelle tenta-
tive de suicide. Il demande la plus grande surveillance sous tous
les rapports.
Le drain pénètre chaque jour avec plusde difficulté dans laplaie;
mais le stylet s'avance invariablement jusqu'à la même profondeur
La cicatrisation se fait donc beaucoup plus rapidement à l'exté-
rieur. ,
J'entrevoyais avec une certaine inquiétude l'instant où l'entrée
du drain ne pourrait plus se faire. La suppuration prendrait néces-
sairement une direction plus fâcheuse à l'intérieur.
18. - Le D''llfonprofit, qui visite le malade le 18 mars, se décide
à pratiquer d'abord un débridement dont il compte limiter l'éten-
due aux difficultés opératoires.
L'emploi du chloroforme poussé jusqu'à la résolution comateuse
devient une nécessité. La plaie est agrandie longitudinalement
dans une étendue de 6 centimètres; les lambeaux sont maintenus
écartés à l'aide d'érignes. Une sonde cannelée, enfoncée de 5 à
G centimètres dans la plaie, est retirée couverte d'un pus jaune
noirâtre d'une extrême fétidité.
On peut alors mieux examiner le trou fait dans la boite osseuse.
Il est des plus irréguliers, affectant cependant une forme ronde,
entouré de plusieurs esquilles adhérentes au périoste.
En haut, le stylet rencontre une substance dure qu'on retire
avec une pince. C'est un fragment d'os enfoncé dans l'intérieur du
crâne. L'opérateur enlève en même temps des morceaux de cuir
chevelu avec cheveux adhérents. Ces pièces sont conservées dans
l'alcool.
La sonde butte encore en bas contre une nouvelle masse dure,
inobile, mais cependant adhérente au périoste. C'est un second os,
TRAUMATISME AVEC PERFORATION DU CRANE. 181
résistant à la pression de la pince, et qu'on laisse en place. Il est
suffisamment recouvert de périoste pour sa nutrition.
Le drain est maintenu ; le système des injections est continué
Le malade a bien supporté l'intervention chirurgicale. Le pouls a
toujours été bon, malgré le chloroforme dont l'action a été pro-
longée. Durée de l'opération : une demi-heure, environ.
18 et 19. Le soir du 18 mars, pas de fièvre. Le 19, le pus est
moins abondant et moins fétide; le drain est toujours en place.
Alors commence une bonne période. Les forces sont revenues : -.
P... se lève, marche, dort, mange et boit comme une personne en
bonne santé. Au mois d'avril, on constate même une légère amé-
lioration mentale. La plaie crânienne est aussi en voie de guéri-
son. Cependant le pus est toujours là, exigeant un lavage minutieux
et des soins particuliers chaque matin.
La plaie a une tendance progressive à se fermer. L'introduction
du drain devient impossible. Il ne reste plus qu'un bourgeon
charnu de la grosseur d'un grain de blé, émergeant dansladépres-
sion crânienne. Ce bourgeon charnu, réprimé parla cautérisation
renaît sans cesse, et indique que le trajet fistuleux n'est pas guéri.
Le stylet pénètre dans le crâne presque à la même profondeur ;
quelques gouttes d'un pus concret, desséché, apparaissent à la sur-
face, tous les matins.
En même temps les traits s'affaissent; le malade tend à tomber
dans la démence stupide, répond à peine, par quelques mots à
voix basse, aux questions les plus bienveillantes. Les yeux devien-
nent ternes, le teint terreux.
10r septembre. Accès épilepliforme. Le malade mange avec
difficulté et tend à tomber en démence.
13 novembre. Second accès d'épilepsie bien' marqué. Tous les
symptômes accompagnent l'attaque. Ecume à la bouche, perte de
connaissance, cri initial. Le malade s'affaiblit progressivement.
22. P... est pris de crises hémiplégiques et convulsives vers
5 heures du soir, mais sans perte de connaissance..Tremblement
de tout le côté gauche et abaissement de la paupière droite. Con-
vulsions cloniques du bras gauche et de la jambe gauche, avec
impossibilité de se tenir sur les membres atteints. Cet état dure
deux heures.
, 29. - Nouvel accès d'épilepsie, moins violent cependant, d'après
le rapport de l'infirmier, que celui du 13 novembre. Il se rappro-
cherait plutôt de celui du 1er septembre. Cet accès dure une heure
et demie, de 5 heures et demie du matin à 7 heures. Le malade
est en démence depuis plusieurs mois.
1er décembre. Affaiblissement progressif et rapide. Perte com-
plète de l'appétit. Depuis deux jours, le malade est atteint d'hémi i
182 CLINIQUE NERVEUSE.
plégie gauche, et parle avec beaucoup plus de difficulté. Pas d'alté-
ration marquée du côté de la face. Il est devenu gâteux.
2. Vomissements bilieux avec état comateux depuis la veille
au soir. --
4 ? Respiration précipitée. T., 38,I. P., 92, avec de nombreuses
intermittences dans le rythme et l'intensité (44 respirations à la
minute). Paralysie de la vessie depuis le 3 décembre. Nécessité de
sonder le malade. Il meurt à midi.
Autopsie, 6 décembre, à 8 heures et demie du matin (trente-six
heures après la mort). Au sommet de la tête et en arrière, à la
réunion des deux pariétaux et de l'occipital, au-dessus des sinus
latéraux et du pressoir d'Ilérophyle, on remarque une dépression
crânienne de quatre centimètres carrés pouvant loger la dernière
phalange d'un petit doigt ordinaire. A cet endroit, le cuir chevelu
a contracté des adhérences tellement intimes avec le périoste et la
boîte osseuse, que la dissection n'en peut être complète. Une partie
du cuir chevelu reste adhérente au crâne dans la largeur d'une
pièce de cinquante centimes.
Le crâne est scié avec précaution dans un plan horizontal et sui-
vant un diamètre bi-auriculaire. Quand on passe le crochet du
marteau dans le trait de scie, pour enlever la boile osseuse, le cer-
veau et la dure-mère sont tellement adhérents à la calotte supé-
rieure, que ceux-là viennent avec elle, laissant le cervelet enveloppé
sous sa tente. Il faut dire que la scie avait embrassé la plus grande
partie du crâne, ce qui peut expliquer, jusqu'à un ceitain point,
avec quelle facilité le cerveau a suivi la calotte crânienne.
Les pédoncules cérébraux ont été arrachés en partie avec la
boîte osseuse. Leur section achevée, aussitôt on aperçoit derrière
la protubérance, et dans le quatrième ventricule, un Ilot de pus.
La tente du cervelet est incisée, celui-ci enlevé. On remarque sur
sa scissure médiane inférieure, jusqu'à la naissance de la moelle,
un amas de pus concrété de la largeur d'une pièce d'un franc.
A la partie interne et postérieure de la calotte crânienne, au
niveau de la plaie osseuse correspondante, le cerveau a contracté
avec la dure-mère des adhérences intimes. Celle-ci adhère égale-
ment à la voûte crânienne intérieure avec autant de solidité que le
cuir chevelu à l'extérieur.
Les adhérences cérébrales ne pouvant être rompues, il y a néces-
sité de les diviser au couteau. Celui-ci pénètre dans un tissu dur,
scléreux, de la grosseur de la moitié d'une prune, au milieu duquel
ressortent deux poinls noirâtres, le premier gros comme une fève,
le second comme un petit pois. Du plus volumineux, on retire un
magma de poils et de cuir chevelu.
Toute la surface méningienne est congestionnée (congestion
motivant les convulsions intermittentes remarquées pendant la vie,
surtout à la dernière période).
TRAUMATISME AVEC PERFORATION DU CRANE. 183
La surface de l'hémisphère cérébral droit est plus congestionnée
que la gauche. Les suffisions sanguines qu'on y remarque sont,
en effet, plus nombreuses, et la dure-mère plus imprégnée de
sang.
Les ventricules latéraux sont remplis de pus dans leur partie pos-
térieure, surtout à droite; les plexus choroïdes droits semblent y
avoir macéré. Les deux hémisphères cérébraux pèsent chacun
570 gr.
A la partie postérieure dit cerveau faisant suite à celle qui est
restée à l'intérieur de la calotte osseuse, se remarquent également
deux points noirâtres, de même forme, de même dimension, et qui
paraissent la continuation des précédents. Du reste, sur le plus
gros, se trouve aussi un amas de poils avec adhérences nombreuses
Fig. 18. Schéma de la face interne du cerveau droit, avec coupe per-
pendiculaire hémisphérique, indiquant par des hachures le siège du
foyer purulent et son trajet fistuleux.
C S, corps strié. - C 0, couche optique. C C, corps calleux. Y, quatrième
ventricule. D, coupe de la protubérance. - B, masse du bulbe. T. Q, tubercules
quadrijumeaux. C, coin, ou lobule occipital interne. - A C, avant-coin, ou lobule
quadrilatère. - 1, sillon de Rolando. 2, scissure frottto-puriétale interne. - 3, lobe
paracentral. 4, circonvolution crêtée ou seconde circonvolution frontale interne.
-'), première circonvolution frontale interne. G, scissure perpendiculaire interne. -
7, scissure calcanne. '
184 CLINIQUE NERVEUSE.
et très intimes à la faulx du cerveau, dans la scissure interhémis-
phérique.
Le plus petit, séparé du précédent de la largeur de 1 centimètre
environ, constitue l'ouverture d'un trajet fistuleux qui va aboutir
dans un foyer purulent de la grosseur d'une noix environ. La sur-
face du foyer est de 7 à 8 centimètres carrés; ce foyer est logé sous
les circonvolutions de passage du pli courbe. Le pus a pénétré
dans le troisième ventricule ou ventricule moyen, après avoir
percé le corps calleux au niveau de la lyre, près les piliers posté-
rieurs droits du trigone cérébral, et de là dans les ventricules laté-
raux, par leur partie postérieure, au niveau de leur courbure vers
le pied d'Hippocampe.
Le cerveau est normal et de bonne consistance. Le cinquième
ventricule est rempli d'un liquide séro-purulent. Il est tapissé de
nombreux points ecchymotiques noirâtres, surtout du côté droit, à
la partie la plus interne et sur le sillon médian se dirigeant vers le
calamus scriptorius. Le pus concrète remarqué sur le sillon médian
cérébelleux inférieur, adhère très intimement à la surface du cer-
velet, sans y avoir causé d'altération. 11 semble s'y être simplement
déposé.
Discussion DES SIGNES ET conclusions. Il est facile de
suivre pas à pas les troubles fonctionnels correspondant aux
lésions cérébrales, au sur et à mesure qu'elles se sont pro-
duites, soit primitivement, ou d'une façon consécutive et pro-
gressive.
La violence du coup derrière la tête a d'abord terrassé le
malade par suite de commotion du cerveau, comme le]coup de
massue, en cette région, abat un boeuf à l'abattoir. Aucune
portion du cerveau n'étant sérieusement lacérée, le malade
est rentré assez vite en possession de ses sens et de ses facul-
tés ; aussitôt que l'équilibre circulatoire, interrompu momen-
tanément par la violence du choc, a repris son circuit ordi-
naire.
Tant que le pus s'est écoulé avec facilité, les choses sont
restées dans le même état. Il en eût été ainsi jusqu'à la fin de
la cicatrisation de la blessure et jusqu'à la guérison complète ;
comme dans le cas resté célèbre, et que j'ai déjà cité autre
part, de la gouge retirée du cerveau d'un ouvrier, par Miraud
d'Angers ; mais ici l'ouverture de la plaie étant insuffisante,
le pus a pris une autre voie. Il s'est constitué en foyer dans
l'intérieur du lobule quadrilatère, ou avant-coin, et des circon-
volutions du passage du pli courbe. Il les a envahies progressi-
traumatisme avec perforation DU CRANE. 185
vement, jusqu'à son épanchement dans les quatrième et
cinquième ventricules, après avoir percé le corps calleux.
Pendant la plus grande durée de ce travail pathologique,
lent et progressif, aucun trouble physiologique n'a été remar-
qué. L'absence de tout symptôme physiologique ou patholo-
gique correspondant, prouve déjà que le lobule quadrilatère, le
premier atteint, n'est le siège d'aucune localisation importante
de motricité, de sensibilité ou de toute autre fonction orga-
nique.
Cependant, nous avons constaté plus tard des signes mani-
festes de parésie du côté gauche, s'accentuant vers la fin,
jusqu'à l'hémiplégie progressive complète (avec contracture)
du même côté. Le foyer purulent s'acheminait alors vers le
lobule paracentral, terminaison de la seconde rolandique, vers
le sommet de la pariétale ascendante, centre du mouvement
des membres inférieurs en arrière, et plus en avant, des mem-
bres supérieurs. z
L'état presque constant d'inertie, de stupeur morale et phy-
sique, d'atonie générale que nous avons remarqué, s'explique-
rait suffisamment par un défaut de transition, une diminution
de corrélation entre les phénomènes de la vie sensorielle et
ceux de la motricité et de l'intelligence.
Le lobule quadrilatère serait donc une circonvolution de pas-
sage, un centre de coordination, un pont entre le lobe sensitif
temporal et le lobe moteur pariétal. C'est une connexion apha-
sique comme toutes les autres, comme l'aphémie, l'agraphie,
la surdité verbale et la cécité verbale. Cette connexion encore
obscure est directement en rapport avec celle de la cécité
verbale, qui siège au sommet de la seconde circonvolution
pariétale, au-dessous de la première circonvolution du même
nom.
Le sommet de la seconde circonvolution pariétale, siège de
la cécité verbale, a été lui-même intéressé dans les derniers
jours de la vie. Le malade ne comprenait plus ce qu'on lui
disait. Il marmottait quelques mots inintelligibles ; puis la
paupière droite a été frappée de parésie et de paralysie pro-
gressive, à mesure que la partie voisine de l'extrémité de la
scissure parallèle temporale, centre du mouvement des yeux,
était attaquée. Le pus fusait alors vers le corps calleux avant
de pénétrer dans les ventricules.
Ce travail pathologique doit correspondre à la crise du
186 CLINIQUE NERVEUSE.
'22 novembre, date de la paralysie de la paupière. Le même
jour, dans la même crise, le pus devait perforer le corps cal-
leux et arriver dans la troisième ventricule. La paralysie
subite, le tremblement convulsif et consécutif pendant deux
heures, en sont autant de preuves.
Les vomissements bilieux, le coma du 2 décembre, indi-
quent également la pénétration du pus dans les ventricules.
Le lendemain, 3 décembre, l'agonie commence, l'accéléra-
tion de la respiration, les intermittences dans le rythme et
l'intensité du pouls, la paralysie de la vessie, coïncident avec
l'arrivée du pus dans le cinquième ventricule, près du bulbe
et de la moelle, à l'origine du pneumo-gastrique, nerf mixte
-de la vie organique et de relation, le régulateur des grandes
fonctions de la nutrition, de la circulation et de la respira-
tion. -
Il nous reste à étudier la genèse des convulsions épilepti-
formes remarquées dans les dernières semaines de l'existence
du malade. Nous ne devons pas perdre de vue ce grand prin-
cipe de pathologie cérébrale, que les convulsions correspondent
presque toujours à des lésions de la surface du cerveau ou des
méninges, et les paralysies, à des lésions centrales.
Si ce fait laissait encore quelque doute dans l'esprit, il suf-
firait de rappeler brièvement que les hémorrhagies méningées
sont accompagnées de convulsions, les hémorrhagies centrales
rarement, et toujours de paralysies.
Les convulsions infantiles, celles de la paralysie générale,
ne sont que l'expression de poussées congestives cérébrales
intermittentes. N'en est-il pas de même de l'épilepsie, qui fait
autant le désespoir des thérapeutistes que des nosologistes ?
Le plus souvent, les autopsies les plus scrupuleuses sont sté-
riles, et lorsque des lésions sont apparentes, elles sont presque
toujours d'origine congestive. Ce sont des hyperémies plus ou
moins marquées, des suffusions sanguines à la surface du cer-
veau, de siège, d'intensité et d'étendue variables. C'est le fait
ordinaire de toutes les méningites sans exception, qu'elles
soient aiguës, diffuses ou spécifiques.
Dans le cas de tumeurs cérébrales de traumatismes avec ou
sans fragments osseux, ce sont encore des poussées congestives
partielles autour de ces corps étrangers qui déterminent les
phénomènes réflexes de la convulsion. De là des épilepsies
plus ou moins étendues, correspondant aux lésions des parties
TRAUMATISME AVEC PERFORATION DU CRANE. 187
cérébrales intéressées, et dont les aura sont la première expres-
sion et l'indication du siège, avant qu'elles n'arrivent, par
propagation, à se généraliser.
C'est précisément ce que nous avons remarqué chez P...
Les convulsions existaient le plus souvent du côté gauche ;
elles se produisaient même en dehors d'attaques complètes, et
persistaient pendant des heures entières alors que l'intelligence
semblait revenue.
Enfin, n'est-ce pas par un mécanisme congestif analogue
que se produit la crise d'épilepsie essentielle, c'est-à-dire pure-
ment nerveuse, sans cause matérielle apparente. La frayeur,
cause si fréquente du mal caduc, toute autre émotion violente,
morale ou physique, frappe le cerveau de commotion, y pro-
duit des troubles circulatoires aussi réels, aussi intenses qu'un
traumatisme. Les vaso-moteurs sont impuissants à contenir
.ou à faciliter le passage du sang dans les vaisseaux capil-
laires ; de là des irrégularités, des troubles divers dans la cir-
culation.
Je n'en veux d'autres preuves que les alternatives de pâleur
et de rougeur qui se manifestent subitement à la face des per-
sonnes vivement impressionnées. Quelques-unes ressentent à
la tête une douleur ausssi vive que dans un véritable trauma-
tisme. Enfin l'aphorisme d'Hippocrate « 1'aiuzam morborum
curaliones ostendunt » vient encore prouver que les accès
épileptiques sont occasionnés par des troubles de la circula-
tion.
Le médicament le moins infidèle dans l'épilepsie, celui qui
compte le plus de succès, le plus habituellement employé, est
sans aucun doute le bromure de potassium, et en général tous
les bromurés. Or, ces sels agissent surtout sur les fibres mus-
culaires des vaisseaux capillaires ; ils modèrent la circulation.
C'est à cette propriété qu'ils doivent leur effet sédatif.
En résumé, les lésions trouvées à l'autopsie de ce cerveau,
les signes correspondants observés pendant la maladie, confir-
ment :
1° Que la partie la plus reculée du lobule quadrilatère ; celle
qui avoisine la scissure perpendiculaire, serait une circonvo-
lution de passage entre le lobe temporal et le lobe pariétal, une
connexion aphasique ;
2° Que la partie qui se trouve en avant, près de la scissure
fronto-pariétale, devient motrice, et correspond, d'arrière en
188 CLINIQUE NERVEUSE.
avant, au centre des mouvements des membres inférieurs, vers
celui des membres supérieurs ;
3° Que les mouvements des yeux sont bien localisés au
sommet de la deuxième circonvolution pariétale, à la termi-
naison de la scissure parallèle temporale ;
4° Que les circonvolutions épileptiques ont été causées par
des troubles de la surface cérébrale, probablement de nature
circulatoire, venant eux-mêmes des adhérences si intimes
contractées entre la dure-mère, le cerveau et la calotte osseuse
au niveau de la plaie.
Ce fait semble d'autant plus exact que, dans l'observation
semblable que j'ai rapportée autre part, aucun phénomène
convulsif n'a été remarqué ; le malade a succombé à des
symptômes de paralysie progressive, d'atonie, de marasme,
dans le calme le plus parfait. Le cerveau, les membranes et
la calotte osseuse n'avaient contracté entre eux aucune adhé-
rence.
Il est étonnant de voir un homme survivre pendant près
de dix mois à une pareille blessure, de ne remarquer aucun
trouble physiologique consécutif à l'accident, ni pendant la
durée de la présence du drain dans la plaie. Aucune zone céré-
brale importante n'était alors impressionnée, qu'elle fût mo-
trice, sensorielle, même psychique.
Les idées délirantes n'ont pas été modifiées; elles sont res-
tées empreintes du même cachet d'absurdité morbide qu'avant
l'acccident,
Je demeure persuadé que le malade eût guéri s'il avait été
possible d'appliquer une couronne de trépan, de mieux net-
toyer la plaie, d'enlever les dernières portions de peau spha-
célée et de cheveux qui l'infectaient, de donner enfin une libre
issue au pus, jusqu'à complète cicatrisation de la pulpe céré-
brale.
ANATOMIE
RECHERCHE EXPERIMENTALE SUR LES VOIES MOTRICES
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE1;
Par Grégoire ROSSOLJ : \IO,
Privât Docent à la Faculté de médecine de Moscou.
Observation IV. 15 mai 1885.- Un cobaye de moyenne taille.
La colonne vertébrale est ouverte d'après les règles ordinaires au
niveau de la Il vertèbre dorsale; on y fait la section de la[moitié
gauche de la moelle. La plaie est cousue d'après toutes les règles
de l'antiseptique et couverte d'une couche de collodium iodoformé.
Aussitôt après l'opération, l'extrémité postérieure gauche, pen-
dant les mouvements et pendant le repos, est inerte et dans l'état
d'une extension complète, tandis que la droite est libre dans tous
ses mouvements. La sensibilité de cette extrémité et des parties
voisines du corps est tout à fait annulée; du côté gauche, les parties
adhérentes correspondantes démontrent une sensibilité exagérée
pour les irritations douloureuses.
17. Etat général satisfaisant. Les phénomènes sont tous les
mêmes, excepté un certain affaiblissement des mouvements volon-
taires dans le pied droit postérieur.
19. - Les mouvements sont plus libres. Les réflexes cutanés
ainsi que les réflexes tendineux sont conservés. L'hyperesthésie à la
jambe gauche postérieure existe toujours; l'auesthésie du côté
gauche est restée sans changement. Les organes pelviens sont en
bon ordre.
21. Le cobaye se porte bien. Il marche assez vite, surtout
à l'aide des extrémités antérieures; il pousse son corps en avant de
l'extrémité postérieure droite. L'extrémité postérieure gauche,
reste sans mouvement et semble amaigrie. La sensibilité est sans
changement : .
29. Dans l'extrémité gauche postérieure, on aperçoit les pre-
miers signes du rétablissement des mouvements volontaires. Les
mouvements de l'extrémité droite sont tout à fait normaux. La peau
'Voir le n° Ci, page 52.
't90 anatomie.
sur la plante du pied de la patte droite postérieure se détache par
grandes couches.
20 juin. - Les mouvements volontaires de l'extrémité posté-
rieure [gauche sont presque complètement rétablis ; pendant le
mouvement, le cobaye traîne cette extrémité et boite légèrement;
l'hyperesthésie cutanée~de cette extrémité est faible. Il n'y a point
d'autre changement.
17 octobre. - Le cobaye semble tout à fait bien portant; dans
la position suspendue du corps, le pied gauche postérieur pend plus
bas que celui de droite. Il semble aussi plus maigre que le pied
droit; les mouvements volontaires sont assez libres ainsi qu'il est
difficile de trouver une différence avec l'autre pied qui reste tou-
jours en arrière. Une légère hyperesthésie des régions désignées
est restée au même degré. L'anesthésie du côté opposé est la
même, on ne peut remarquer ;que de faibles signes de sensibilité
cutanée de la plante du pied.
28. Statu quo. On a préparé le cobaye à une seconde opéra-
tion suivant la même méthode. On a ouvert une vertèbre dorsale
(VIe), 2 centimètres plus haut que l'endroit de la première opéra-
tion et au même niveau on fait une hémisection du côté gauche de
la moelle; la section est évidemment faite avec succès; la plaie est
fermée d'après la méthode d'antiseptique. Après l'opération, le
cobaye est en bonne santé, l'examen est remis au lendemain.
29. L'état général de l'animal opéré est satisfaisant. Mou-
vements ; Pendant le repos la partie postérieure reste un peu
affaissée quoique toujours suspendue ; le cobaye marche facilement
et en même temps le pied postérieur reste un peu en arrière ; on
remarque une certaine difficulté des mouvements dans les deux
extrémités postérieures. Les réflexes des extrémités postérieures,
les réflexes cutanés ainsi que les réflexes tendineux sont réservés
des deux côtés; du côté gauche, ils sont un peu exagérés. Sensi-
bilité : On remarque une étroite zone d'anesthésie autour de la
partie dorsale au niveau de la dernière opération. Du côté droit,
dans la région inférieure dorsale, sur l'abdomen et l'extrémité
postérieure (excepté la plante du pied, où la sensibilité est très
faible) il y a pleine anesthésie. Du côté gauche, on constate une
hyperesthésie sur toute la surface postérieure à l'endroit de la
deuxième hémisection. Les organes pelviens sont en bon état.
30. Les mouvements des deux extrémités postérieures sont
plus libres que la veille. Quant à la sensibilité, il n'y a .point de
changements.
1er novembre. Tous les phénomènes sont les mêmes que la
veille.
1 heure de l'après-midi. Le cobaye est préparé pour une troi-,
sième opération : la vertèbre IVe dorsale est ouverte et on y fait
une section de la moitié droite de la moelle épinière (fig. 19). -
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 191
Etat aussitôt après l'opération : Le cobaye se porte bien; quand
il marche et quand il est en repos le baisin est couché par terre et
en même temps les deux extrémités postérieures sont dans l'élat
d'extension et d'abduction ; elles ne présentent aucun signe de mou-
vements volontaires. La sensmutte pour la douleur
est tout à fait annulée dans les deux extrémités
postérieures et dans la partie postérieure du corps.
2 novembre. L'état général est satisfaisant. Une
paralysie complète et une anesthésie des deux extré-
mités postérieures. Les réflexes sont réservés. Les
organes pelviens sont en bon ordre.
3 et 4. Les phénomènes sont les mêmes.
7. L'état général est satisfaisant. Les mouve-
ments et la sensibilité des extrémités postérieures
sont tout à fait annulés. Une certaine suppuration
dans la région postérieure de la dernière plaie. Le
cobaye est tué par le chloroferme ; la neuvième
vertèbre dorsale est rétablie. Dans la partie supé-
rieure de la région dorsale de la moelle épinière, on
remarque les signes d'une inflammation légère ;
hyperémie des méninges et tuméfaction du tissu
médullaire qui ressort de la faute des méninges;
cette tuméfaction est plus marquée dans la troisième
plaie. Au niveau de la région dorsale inférieure, on
remarque un étranglement annulaire avec une
impression plus profonde du côté gauche. La moelle
est plongée dans le liquide de Muller. Dans deux
mois, lorsque la moelle eût atteint une consistance
satisfaisante on en fait une série de coupes trans-
versales prises aux différents niveaux; les coupes
sont colorées par l'hématoxyline et la piérocarmi-
nate.
Les préparations prises dans la cicatrice de la
moelle épinière, c'est-à-dire de la région de la pre-
mière hémisection présentent quelques particulari-
tés que je ne trouve point inutile de mentionner.
Sur ces préparations on ne trouve la moindre trace de la moitié
gauche de la moelle, nous voyons ici une section triangulaire de
la cicatrice qui donne dans la substance blanche et grise de la
moitié saine des bandes de tissu conjonctif, grâce auxquelles je
n'aperçois point de ligne qui sépare les deux moitiés de la section
de là la diminution du volume du cordon postérieur et du cordon
inférieur et une déformation marquée de la matière grise du côté
droit. En outre, par un petit grossissement on peut remarquer une
hyperplasie du tissu conjonctif dans la masse du cordon latéral du
même côté. Par des grossissements plus forts, on peut remarquer :
Fig. 19.
192 - anatomie.
1). que les tissus de la cicatrice consistent seulement d'éléments de
tissu conjonctif avec un petit nombre de vaisseaux et ne contiennent
aucune trace d'éléments nerveux; 2). du côté droit unediminution
prononcée de fibres dans les cordons antérieur et postérieur, une
diminution de cellules, une raréfaction du réseau des fibres ner-
veuses dans la substance grise et en même temps on y remarque
le développement dans cette substance et dans le cordon latéral
voisin des bandes de tissu conjonctif.
En résumant les données obtenues nous nous persuadons qu'à
ce niveau la moitié gauche de la moelle épinière est tout à fait
annulée, dans la moitié droite le cordon latéral est le mieux
conservé. Dans les régions supérieures et inférieures, on remarque
facilement des' dégénérations secondaires, dont l'ascendante se
localise dans le cordon de Goll et dans le faisceau direct du cer-
velet du côté de la section (gauche), tandis que la dégénération
descendante s'était développée dans le bout postérieur du cordon
latéral du même côté. En ce qui concerne le caractère et la région
de la dégénération, cette dernière ne présente rien de particulier.
Je me bornerai donc à faire quelques remarques assez brèves.
D'après la préparation prise à l'endroit de la 2° section, on voit
que dans celle opération a été coupée toute la moitié gauche de la
moelle épinière et le faisceau antérieur du côté droit a été un peu
touché (il-. 20).- Nous finies encore une préparation de la région
dorsale supérieure de la moelle au niveau de la dernière (3°) sec-
tion du côté droit (fig. 21), qui montre que toute la moitié droite
de la moelle épinière est sectionnée à l'exception d'une certaine
quantité de fibres dans l'angle le plus antérieur et le plus intérieur
du faisceau antérieur : donc le cobaye n° 15 qui a subi une hémi-
section du côté gauche de la moelle à la région dorsale inférieure,
vécut jusqu'à la seconde opération, en tout cinq mois et deux se-
maines durant lesquels (après le premier mois) les mouvements
volontaires dans le pied gauche postérieur se sont complètement
rétablis, taudis que la sensibilité se restitua seulement au bout du
, Fig. 20.
Fig. 21.
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 193
terme cité dans la plante du pied, dans un degré peu important.
Pendant ce temps, dans la moelle épinière, à la place de la sec-
tion, s'est formée une cicatrice qui ne contient point de fibres ner-
veuses régénérées, et en même temps une dégénération secondaire
ascendante et descendante. Lorsqu'on fit dans cet état de l'ani-
mal une section secondaire de la moitié gauche de la moelle, un
peu plus haut que la première section, on reçut une affirmation
complète de notre supposition première : on ne vit point de nou-
veaux désordres dans les mouvements des extrémités postérieures.
Notre dernière opération experimentllln crucis stricte sic
dictum, n'a pas laissé de doute, que les impulsions se diri-
gent vers 1 extrémité qui était paralysée par la moi-
tié intacte de la moelle, lorsque après une hémisection
latérale s'opère au bout d'un certain temps un réta-
blissement presque complet des mouvements volon-
taires.
Afin de prouver plus définitivement les réflexions
et les conclusions précédentes, j'ai trouvé nécessaire
de vérifier les faits qui en sont la base, c'est-à-dire
qu'à l'aide d'expérimentations de contrôle, j'ai voulu
m'assurer de la signification positive de ces opéra-
tions ; c'est pourquoi je me suis posé le problème de
démontrer que chez le cobaye bien portant jusqu'alors,
d'un côté l'hémisection latérale gauche de la moelle
épinière au niveau de la sixième vertèbre dorsale
(voir opér. II, observ. n° '1S), d'un autre côté une
hémisection droite au niveau de la quatrième vertèbre
dorsale (voir opér. III, observ. n° il5), sont suivis de
phénomènes typiques de Brown-Séquard correspon-
dant à l'endroit de l'opération. J'ai fait dans ce but
les deux opérations suivantes :
Observation V. 13 décembre 1885. Cobaye de
grande taille. La colonne vertébrale est ouverte au
niveau de la VIe vertèbre dorsale. Dans les conditions
ordinaires de nos opérations est faite une section laté-
rale de la moitié gauche de la région omise à nu de la
moelle (fij. 22). Une hémorrhagie plus grande que dans
les autres opérations du même genre est arrêtée assez
facilement. La plaie est pansée. Aussitôt après l'opéra-
tion, on remarque les phénomènes suivants :
Les mouvements sont affaiblis c'est-il-dirc l'extrémilé gauche
postérieure pendant le repos et pendant la marche se trouve dans
AncumES, t. X\II. 13 3
Fi]. 22.
194 anatomie.
la position décrite plus haut, et tout à fait inerte. Le cobaye mar-
che en s'appuyant sur les trois autres extrémités dont les mouve-
ments volontaires sont parfaitement libres. Les réflexes cutanés et
tendineux sont les mêmes des deux côtés. - La sensibilité cutanée
de l'extrémité droite postérieure et de toute la moitié du corps à
l'exception de la région dorsale supérieure est tout à fait annulée.
Sur les parties correspondantes du côté gauche on remarque une
hyperesthésie prononcée. Les organes pelviens sont dans un état
normal.
' 14. Aux phénomènes observés la veille s'est ajoutée une cer-
taine faiblesse du pied gauche postérieure. En outre, l'hyperes-
thésie du côté gauche a disparu et il s'est produit une faiblesse
générale de tout le corps. Les organes pelviens ne sont
point dérangés.
15. Le cobaye a crevé le malin. En faisant
l'autopsie, on a trouve une suppuration assez forte,
particulièrement dans les parties profondes de la plaie.
Un examen sérieux de l'endroit de l'hémisection a
démontré que pendant l'opération, toute la moitié
gauche de moelle épinière a été atteinte.
Cette opération démontre que si la seconde hé-
misection dans l'observation n° '1S est restée pour
les mouvements rétablis de l'extrémité gauche
postérieure sans conséquence, ce résultat ne prove-
nait point d'une particularité de cette région, parce
que, ainsi que le démontre l'opération citée, à ce
niveau; aussi il y a le même ordre dans la disposi-
tion des conduits sensitifs et moteurs, que dans les
régions sous-jacentes de la partie dorsale de la
moelle. L'opération suivante démontre qu'on peut
dire la même chose concernant la moitié droite
de la moelle épinière au niveau de- la quatrième
vertèbre dorsale.
OBSERVATION VI. 1er novembre 1885. - Un cobaye
âgé. La quatrième vertèbre dorsale est ouverte de la
manière habituelle ; l'hémorrhagie veineuse est assez
forte. A ce niveau, on fait une hémisection de la moitié
droite de la moelle épinière (fig. 23) ; la plaie est pansée
et couverte d'une couche de collodion iodoformé.
Etat aussitôt après l'opération : le cobave conserve une
position du corps un peu convexe vers le côté droit, en outre
on observe une complèle impuissance de l'extrémité droite
Fig. 23.
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 195
postérieure et la conservation des mouvements volontaires du
côte gauche.
2. Les phénomènes sont les mêmes. Les organes pelviens
sont en ordre.
3. Le cobaye est tué. En faisant l'autopsie, on remarque que
la plaie est en ordre. La section de la moelle épinière a été
faite à travers toute la moitié droite.
Ainsi, me basant d'un côté sur les observations fondamen-
tales, d'un autre sur les expérimentations de contrôle, j'ai pu
définitivement m'assurer que le rétablissement des mouve-
ments volontaires après l'hémisection latérale de la moelle
chez le cobaye ne se produit grâce à une régénération quel-
conque des conduits nerveux détruits, mais résulte de la resti-
tution des fonctions nerveuses abolies par d'autres voies dispo-
sées dans la moitié opposée de la moelle. Dans tous les cas,
c'est juste pour la partie de la moelle épinière, dans laquelle
j'ai fait les opérations précédentes, c'est-à-dire dans la partie
dorsale. Du moment que ce fait est indiscutable, il m'a paru
intéressant d'éclaircir premièrement, à quel niveau dans la ré-
gion supérieure les voies du rétablissement des mouvements
devaient passer du cerveau dans la moitié non atteinte de la
moelle épinière, et secondement, par où elles passent ensuite
de cette moitié ou, pour ainsi dire, reviennent dans la moitié
opérée; pour cela, j'ai dû faire une nouvelle série d'expérimen-
tations etje vais parler des plus importantes.
Afin de résoudre la première partie de ce problème, il fallait
faire l'opération de manière à faire une section secondaire du
même côté, quoique le plus près possible du bulbe rachidien,
après le rétablissement des mouvements paralysés à cause de
l'ancienne hémisection de la moelle. Alors, dans le cas d'une
paralysie de la même extrémité postérieure, en même temps
que celle de l'extrémité extérieure correspondante, nous au-
rions pu conclure qu'à ce niveau, c'est-à-dire dans la région
de la moelle épinière, les voies qui nous intéressent doivent se
trouver du côté de l'opération. Avant de faire d'autres ré-
flexions je m'arrêterai sur l'expérimentation correspondante
et sur son résultat.
' OBSERVATION VIf. 23 décembre 1885. - Cobaye femelle, de
taille moyenne. L'arceau de la vertèbre dorsale X est enlevé.
Une hémisection est faite à ce niveau de la moitié gauche de la
moelle épinière. La plaie est pansée et couverte d'une couche de
Ô ANATOMIE.
collodion iodoformé. Après l'opération, le cobaye s'appuie sur
trois pieds : le pied gauche postérieur est tendu et immobile. Les
mouvements volontaires de l'extrémité droite postérieure sontcom-
plètement conservés. La sensibilité cutanée plus bas que l'endroit
de l'opération du côté gauche est un peu exagérée. Du côté droit,
elle est annulée. Les réflexes et les organes pelviens sont sans chan-
gements.
27. Le cobaye se porte bien. La plaie est dans un état parfait.
Pendant le repos, le bassin est couché du côté gauche. La jambe
gauche postérieure est sans mouvement; elle est plus maigre et
plus froide que la jambe droite. Les mouvements volontaires du
côté droit sont affaiblis. Les réflexes des extrémités postérieures et
les organes pelviens sont en bon ordre. Quant à la sensibilité, elle
est sans changement.
2 janvier 1886. Les mouvements volontaires de la jambe gau-
che postérieure commencent à se rétablir. Un léger fléchissement
de la cuisse est possible. Les mouvements de l'extrémité droite
sont normaux. L'anesthésie et l'hyperesthésie cutanées sont dans
le même état qu'aussilôt après l'opération. Les organes pelviens
sont normaux.
5. Les mouvements de la jambe gauche postérieure sont plus
libres. Du reste, point de changement.
9. Le cobaye pendant le repos et pendant la marche s'appuie
quelquefois sur l'extrémité paralysée. Le bassin se penche souvent
du côté gauche. La jambe gauche postérieure est plus maigre que
la jambe droite et les réflexes sont plus sensibles. Quant à la sen-
sibilité, il ne s'y produit pas de changements. La plaie est cou-
verte d'une croûte prête à tomber.
16. - Le cobaye s'appuie sur ses quatre pattes. Pendant le repos
et pendant la marche, l'extrémité gauche postérieure est un peu
tendue et pendant la marche reste un peu en arrière, quoique les
mouvements volontaires y soient rétablis. Evidemment une cer-
taine rigidité la prive de liberté. L'état de sensibilité est le même.
Les organes pelviens sont en bon ordre.
18. Statu quo. Il s'est écoulé 26 jours après la première opé-
ration.
Opération II. Le cobaye est attaché à la table. La I ? et la
IIe vertèbres cervicales sont ouvertes. Dans la fente qui s'est formée,
on aperçoit distinctement le « calamus scriptorius » du quatrième
ventricule, le bout inférieur du cervelet, et la région supérieure
de la moelle épinière. Aussitôt sous l'entre-croisement des pyrami-
des, au bout supérieur de la moelle épinière, on y a fait une hémi-
section du côté gauche, suivie d'une hémorrhagie insignifiante
(fig. 24) ; la plaie est pansée.
Aussitôt après l'opération, le cobaye est détaché de la table ; il
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 197
est couché sur la poitrine et sur l'abdomen, le corps étant courbé
vers le côté gauche. L'extrémité gauche de devant est privée de
mouvements volontaires. Dans celle de droite, les mouvements
volontaires sont intacts; quand aux extrémités de derrière, les
mouvements volontaires en sont aussi libres qu'avant
l'opération. Dans les deux extrémités et dans toute la
moitié gauche du corps, l'hyperesthésie cutanée est très
prononcée. Du côté droit, dans toutes les parties cor-
respondantes, anesthésie complète.
19. Le cobaye a crevé.
Autopsie. A la place de la première opération,
les os et les téguments de la vertèbre sont complète-
ment rétablis. En ouvrant la colonne vertébrale, on
voit que la moelle
présente un étrangle-
ment marqué au ni-
veau de la première
hémisection ; ici les
méninges du côté
gauche sont adhéren-
tes au tissu delamoelle
épinière. La seconde
se trouve à 1 milli-
mètre plus bas que la
fin de rentre-croise-
ment des pyramides.
La plaie laite la veille est dans un état parfait. La sec-
tion de la moelle durcie, faite dans la région de la
deuxième opération, a [démontré que toute la moitié
de la moelle épinière a été atteinte (fig. 25).
Avant de discuter la valeur des résultats de la
deuxième opération, je ferai la description d'une
autre expérimentation de contrôle très importante,
dont le but était d'éclaircir, si on peut atteindre
chez un cobaye bien portant jusqu'alors le tableau
ordinaire de la paralysie de lirown-béquard en faisant la
section d'une moitié latérale de la moelle épinière (voir l'ob-
serv. 28, opér. II); cela doit avoir pour nous un sens parti-
culier par rapport à la question de l'existence, chez le cobaye,
l'entre-croisement des voies motrices dans la région de la decus-
salio pyramidum.
OERVATtjN VHt. 30 mars 1886. Un cobayede taille moyenne.
D'après les règles ordinaires, la seconde vertèbre cervicale est ou-
Fig. 2 i.
Fig.2),
198 anatomie.
verte et dans le bout intérieur de l'ouverture, on fait une hémisec-
lion du côté droit de la moelle (fig. 26). Aussitôt après l'opération,
on remarque les phénomènes suivants : le corps est couché et
courue; u est convexe vers le cote droit. Les deux extré-
mités droites ne présentent aucune trace de mouvements
volontaires ; les mouvements des extrémités gauches, le
cobaye faisant de grands efforts pour fuir, sont très éner-
giques. Du côté gauche, la sensibilité cutanée du cou,
du corps et des extrémités est tout à fait annulée; du
côté droit elle est sensiblement exagérée. L'état géné-
ral est satisfaisant. Jusqu'au 4 avril, il n'y a eu aucun
changement, excepté une faiblesse de plus en plus sen-
sible.
6 avril. Le cobaye a crevé. A l'autopsie nous avons
trouvé une certaine suppuration dans la plaie. La section
de la moelle épinière, s'est trouvée 1 millimètre et demi
plus bas que le bout inférieur de l'entre-croisement des
pyramides; il a atteint toute la moitié droite de la moelle.
Cette opération, de même que les précédentes, nous
donne le droit de faire des conclusions très intéres-
santes :
1). Nous avons tous les droits d'admettre que, grâce
à l'entre-croisement complet chez le cobaye des voies
motrices dans la région de deettssatio pyramidum, on
peut obtenir le tableau de la paralysie de Brown-
Séquard, même en faisant l'hémisection dans la plus
haute partie de la moelle épinière.
2). En nous appuyant sur les résultats de l'opé-
ration n° 28, lorsque après une hémisection secon-
daire dans la région dorsale il n'y a eu que la para-
lysie de l'extrémité antérieure gauche, nous devons
admettre que les nouvelles voies de motilité pour les
fonctions rétablies dans l'extrémité gauche postérieure ne
suivent pas la même direction que les voies de motilité du
pied antérieur du même côté, mais doivent se trouver dans un
autre endroit, et précisément, elles passent, de l'hémisphère
gauche du cerveau à travers l'entre-croisement avec les voies
analogues pour les extrémités du côté droit, ou bien elles des-
cendent de leurs anciens centres cérébraux (dont nous admet-
tons l'existence dans l'hémisphère droite du cerveau par ana-
logie avec les autres animaux), mais sans entre-croisement vers
le bas du côté droit de la moelle épinière.
Fig. 26.
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 199
Laquelle des deux suppositions est la plus probable, nous ne
le savons, pas; la résolution exige toute une série de différentes
opérations, dont, par certaines causes, nous n'avons pu nous
occuper. ,
Nos expérimentations nous ont permis d'affirmer que les
nouvelles voies pour les mouvements rétablis de l'extrémité
paralysée par une hémisection latérale de la moelle épinière
doivent se trouver, depuis le bout supérieur de cette dernière,
dans la moitié latérale opposée à l'hémisection.
Nous devons maintenant éclaircir à quelle hauteur, vers le
bas de l'hémisection, ces voies passent du côté de l'extrémité
paralysée. W. Kusminc (l. c.) était déjà occupé de cette der-
nière question et il a démontré que les nouvelles voies des im-
pulsions motrices vers l'extrémité paralysée passent vers la
moitié opposée de la moelle, au niveau des racines motrices
correspondantes. La base de cette conclusion était l'opération
suivante (/. c. observ. n° III) : on avait sectionné chez un chien
la moitié droite de la moelle épinière au niveau de la sixième
vertèbre dorsale et il en est résulté la paralysie des deux extré-
mités du côté droit; sept semaines plus tard, il s'est produit un
rétablissement complet des mouvements des extrémités para-
lysées, après quoi, on a fait une hémisection secondaire au
même côté, mais au niveau de la deuxième vertèbre lombaire;
cette opération est restée sans résultats; ergo, conclut l'auteur,
les nouvelles voies motrices de la moelle passent du côté de
la paralysie, au niveau des racines de l'extrémité postérieure.
Cependant cette opération ne peut avoir pour nous une grande
signification, puisqu'elle a été faite à un chien chez lequel,
comme on le sait, les voies motrices dans la moelle épinière
présentent certaines différences de celle du cobaye; c'est pour-
quoi j'ai dû faire, sur cet objet, des études spéciales. Mon opé-
ration diffère de la précédente, premièrement par sa disposi-
tion, et secondement, parce qu'elle est suivie d'expérimentation
de contrôle.
Observation IY.-27 jctnvier 1896.-Un cobaye de taille moyenne.
La colonne vertébrale est ouverte dans la région de la X° vertèbre
dorsale; à cette région, on y a fait une hémisection du côté gauche
(fig. 27). Aussitôt après l'opération, on remarque chez le cobaye
une paralysie complète des mouvements volontaires de la jambe
gauche postérieure, tandis qu'il n'y a aucun changement dans les
mouvements de la jambe droite. La sensibilité est annulée dans
200 ' ANATOMIE.
l'extrémité droite postérieure et un peu exagérée dans celle de
gauche.
30. Les mouvements de la patte droite postérieure ; dans la
patte gauche n'existent point. La sensibilité est sans
changements. ,
5 février. Le cobaye est faible. Pendant la marche,
les mouvements de l'extrémité gauche postérieure sont
un peu affaiblis. On ne remarque pas d'hyperesthésie
cutanée.
12. Les mouvements du côté droit sont tout à fait
libres. Dans lajambe gauche, on remarque des traces de
mouvements volontaires. Hyperesthésie du côté gauche
et anesthésie du côté droit. Les organes pelviens sont
en ordre.
28. Dans les mouvements de la jambe gauche
postérieure, on ne remarque qu'un pelitaffaiblissement.
Du resle, point de changements.
Opération 11. On a extrait l'arceau de la deuxième
vertèbre lombaire, de sorte qu'on a mis a nu la partie
inférieure de la région dorsale, tout près du renflement
lombaire. C'est ici que nous finies l'hémiseclion du côté
gauche.
Etat du cobaye aussitôt après l'opération : conserva-
tion de tous les mouvements volontaires dans les deux
extrémités postérieures. Le cobaye se lient debout et
marche; on remarque le même affaiblissement du côté
. gauche qu'avant la 110 opération. Quant à la sensibi-
lité, point de changement : l'anesthésie de la patte
droite postérieure ainsi que l'hyperestésie du côté
gauche sont restées.
1er mais. Statu quo. Le cobaye est préparé à l'opé-
ration du bulbe rachidien, mais grâce à une faute de
notre assistant, ce dernier a versé sur le quatrième
ventricule une certaine quantité de solution très froide
d'acide phénique, après quoi, le cobaye a crevé en
deux minutes, à cause d'nne paralysie du coeur et de la respiration.
A l'autopsie, on n'a trouvé aucun changement des organes inté-
rieurs ; un examen précis de l'endroit de la deuxième hémisection
a montré que toute la moitié gauche de la moelle épinière avait été
sectionnée. Cette section a été faite 1 centimètre et demi plus bas
que l'étranglement sur la surface de le moelle, formée à l'endroit
de la première hémisection.
Les résultats de cette expérimentation nous donnent le droit
d'admettre avec Kusmine que les nouvelles voies pour les
impulsions motrices de l'extrémité qui reçut de nouveau la
Fig. 27.
DE LA. MOELLE ÉPINIÈRE. 201
possibilité des mouvements volontaires, passent à l'endroit
destiné dans la région du renflement lombaire, c'est-à-dire au
niveau du commencement des racines motrices des extrémités
postérieures. Si cette supposition est juste, ces voies
doivent se trouver dans la région commissurale du
renflement lombaire, et alors la destruction de la
commissure doit être suivie d'une nouvelle paraly-
sie des mouvements volontaires restitués de l'extré-
mité qui avait été paralysée après la première hé-
misection. Avant d'entreprendre la vérification
expérimentale de cette supposition, j'ai trouvé indis-
pensable de répéter l'opération de Brown-Séquard
d'une section longitudinale du renflement lombaire,
une opération qui a affirmé positivement l'hypo-
thèse de l'auteur nommé celle de l'entre-croise-
ment immédiat des voies de sensibilité dans la
moelle; dans cette expérimentation, je me suis posé
le problème d'obtenir ainsi que Brown-Séquard,
outre l'anesthésie bilatérale, la conservation des
mouvements volontaires dans les extrémités posté-
rieures.
Observation X. 2 février 1886. Chez un cobaye e
de taille moyenne, on a éloigné les arceaux des trois
vertèbres lombaires (Ille, IVO et VI). L'opération a été
suivie d'une hémorrhagie sensible. Dans l'ouverture,
on aperçoit une grande partie du rentlement lombaire
avec la veine longitudinale des méninges qui passe par
le milieu de la surface postérieure; il n'y avait que le
commencement et la pointe du renflement qui étaient
cachés. On y a fait une section longitudinale préalable
de la dure-mère; ensuite, avec un scalpel très fin, on a
coupé en deux presguc tout le renflement lombaire
dans la partie longitudinale et le long du côté droit de la veine.
Les bords de la plaie de la moelle sont très enflés. La plaie est
pansée (fig. 28). '
Aussitôt après l'opération, le cobaye se trouve affaibli. L"s mou-
vements volontaires des deux extrémités postérieures, quoique
affaiblis, sont parfaitement conservés. La sensibilité cutanée des
deux extrémités postérieures est tout à fait annulée.
13 février. Le cobaye a crevé. La section a démontré que sur
la surface antérieure du renflement lombaire, la section a traversé
le long du sillon longitudinal; les bords de la plaie sont plus
propres.
Fig. 28.
202 ANATOMIE.
La conservation des mouvements volo Maires, obtenus comme
résultat de cette opération, nous donne le droit de penser qu'il ne
.doit pas y avoir chez le cobaye d'entre-croisement important des
voies motrices.
Il ne me restait qu'à vérifier, si effectivement après l'hémisec-
tion, les mouvements dans l'extrémité paralysée se régénèrent
à l'aide des voies développées passant du côté sain
dans la région atteinte du renflement lombaire par
une partie quelconque de sa commissure.
Pour cela, j'ai fait l'observation suivante :
Observation XL A A un cobaye, on a fait une hémi-
section gauche au niveau de la XIe vertèbre. Evidem-
ment, la section a atteint légèrement le côté droit de
la moelle, car outre une pleine paralysie des mouve-
ments de l'extrémité gauche postérieure, on remarque
une certaine faiblesse dans l'extrémité droite; dans la
jambe gauche elle est normale.
17 mal's. Les mouvements de la patte droite sont
tout à fait libres; dans la patte gauche, ils sont con-
servés dans un degré très faible; la sensibilité du côté
droit est tout à fait annulée; du côté gauche, il y a
une faible hypéresthésie.
28 mirs. Les mouvements volontaires dans l'extré-
mité gauche postérieure sont tout à faits rétablis. Une
certaine faiblesse est restée, de même qu'une petite
rigidité pendant la marche.
Opération Il. - Les ]le, Ille et IVe vertèbres lom-
baires sont ouvertes. Ayant ouvert les méninges, on a
fait une section longitudinale du renflement lombaire
dans toute sa longueur, excepté le bout inférieur
(fig. 29). Les bords de la plaie de la moelle sont enflés
à un certain degré.
Aussitôt après l'opération , on remarque les phéno-
mènes suivants : la sensibilité cutanée est tout à fait
annulée, la jambe gauche postérieure est étendue sans
aucune trace de mouvements volontaires, dans la jambe
frotte, on remarque une certaine faiblesse, néanmoins, le cobaye
peut la plier et déplier facilement.
29 mars. Dans la soirée, le cobaye a crevé. A l'autopsie, on
s'est aperçu que le renflement lombaire est coupé en deux moitiés
- égales ; seulement, dans le bout central, à la surface antérieure,
la section a légèrement atteint le côté droit.
Ainsi, dans ce cas, après la destruction de la commissure du
Fig. 29.
DE LA MOELLE ÉPINIÈRE. 203
renflement lombaire il se produisit une paralysie complète de
l'extrémité qui, étant privée après l'hémisection de ses mou-
vements volontaires, les acquit de nouveau au bout d'un cer-
tain temps, tandis que les mouvements de l'autre patte sont
restés sans changements sensibles. Ces phénomènes se sont t
accomplis d'après notre supposition, parce que les nouvelles
voies motrices du pied qui avait été paralysé ont été lésées par
la deuxième opération, et, en nous appuyant sur ces résultats,
nous pouvons conclure que ces voies dans les parties infé-
rieures de la moelle épinière ne passent du côté intact au
côté de l'hémisection qu'au niveau des racines motrices cor-
respondantes. "
En me basant sur les résultats de chaque opération, j'arrive
aux conclusions suivantes : lorsque chez un animal soumis à
l'hémisection de la moelle épinière, les mouvements volontaires
de l'extrémité paralysée reviennent à l'état primitif, cela se
produit toujours par la suppléance des voies nerveuses atteintes
par l'opération par d'autres voies, disposées du côté opposé et
intact de la moelle épinière dans toute sa' longueur, du haut
en bas, c'est-à-dire de l'entre-cruisement des pyramides jus-
qu'au niveau des racines motrices contenant les fibres ner-
veuses pour l'extrémité postérieure, oit elles passent immédiate-
ment du côté de la lésion.
Moscou, juin 1889.
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION'
Par M. P. TROLARD,
Professeur d'.lI1alomic à l'Ecole de médecine d'Alger.
w
VI. CONNEXIONS DU CARREFOUR OLFACTIF AVEC
L'ÉCORCE cérébrale. [Arc direct.)
Toutes les fibres nerveuses qui viennent de la
moelle épinière se rendant au cerveau et celles qui
' Voyez le n° fi0, p. 335; n° 62, p. 183; n° 61, p. 69.
204 ' ANATOMIE.
viennent du cerveau pour aller à la moelle ne passent
pas par la station des ganglions opto-striés. Il y a com-
munication directe entre la moelle et l'écorce céré-
brale : c'est l'arc direct.
Il nous faut le trouver dans l'appareil olfactif, étant
entendu que nous n'avons à nous occuper que de la
portion sensitive d'un arc. C'est par les extrémités in-
terne et externe de la bande diagonale que s'établissent t
les relations directes du carrefour olfactif avec l'écorce
cérébrale.
Ces relations sont de deux sortes : a, les unes, au
nombre de deux, sont absolument directes et vont
sans intermédiaire au noyau cérébral ou à ses pro-
longements ; b, l'autre a lieu par l'intermédiaire des
piliers antérieurs.
a. Communications directes. Elles ont lieu l'une,
par l'extrémité externe ou base de la diagonale, l'autre,
par l'extrémité interne de celle-ci.
Extrémité externe. Nous avons déjà vu qu'une
bandelette grisâtre se détachant de l'origine de la cir-
convolution godronnée dans l'anfractuosité de l'incus
allait en s'amincissant, se confondre avec la substance
grise du carrefour après avoir contourné le crochet.
Je n'oserais, comme je l'ai dit, affirmer qu'elle est
constante pour la raison que j'ai donnée, et ensuite
parce que la substance grise manque souvent en dehors
du quadrilatère.
Mais ce qui est constant et ce qui est des plus fa-
ciles à constater, c'est la continuité de la base de la
bande diagonale avec la substance blanche réticulée'
qui revêt la face juxta-pédonculaire du crochet, subs-
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 205
tance blanche dont nous connaissons l'origine et la
nature (lame bordante hippocampique).
Il suffit de relever un peu en dehors le crochet hip-
pocampique pour voir se redresser et se tendre la bande
diagonale; on pourrait presque dire que l'uncus est fixé
par la base de la bande diagonale. Si on se contente
de soulever légèrement le crochet, en se plaçant de
façon à regarder obliquement de haut en bas, on voit
se dessiner sur ce dernier le prolongement de la bande
dont l'épaisseur fait relief sur la substance blanche
réticulée. Quant à la racine externe du nerf olfactif,
elle se continue également avec ce prolongement en
avant de la substance réticulée, que j'ai montré s'a-
vançant d'autant plus dans la vallée de Sylvius que la
racine externe s'éloigne du bord antérieur du champ
olfactif.
Quelques anatomistes mènent la racine externe à un
noyau qui serait situé au-dessous de l'extrémité anté-
rieure et inférieure de l'avant-mur, près de l'ouverture
de la vallée de Sylvius. Je ne suis pas bien édifié, pour
ma part, sur l'existence propre de ce noyau amygda-
lin «isolé en apparence, mais qui se trouve relié en
réalité à l'écorce du lobe inférieur près du quadrilatère
perforé » d'après P. Berger. Ce noyau me paraît
devoir être rattaché au crochet de l'hippocampe et
peut-être à cette partie du crochet qui reçoit une éma-
nation du corps godronné.
Sans nier absolument l'immer7ence de la racine ex-
terne olfactive dans le noyau, puisque quelques auteurs
l'ont constatée, je dirai que pour moi, cette racine m'a
toujours paru s'attacher très nettement sur la muraille
alvéolée de l'uncus. Si, par cas, la fin de la racine externe
206 ANATOMIE.
dans le noyau amygdalin était démontrée dans l'ave-
nir, il y aurait lieu de rechercher les connexités de ce
noyau avec certaine partie de la substance grise de
l'uncus et le corps godronné.
Voici pour le premier raccordement direct. Nous
en avons un second.
Extrémité interne. Celui-là a lieu par l'extrémité
interne de la bande diagonale. Nous avons amené
jusqu'à la position réfléchie du genou du corps calleux
le prolongement supérieur du corps godronné et ses
annexes, les nerfs de Lancisi, supérieurs et inférieurs.
Or, il est facile de constater que ces deux éléments
se continuent avec ce que l'on désigne sous le nom de
pédoncules du corps calleux; et comme ces pédon-
cules ne sont autre chose , qu'une des divisions de
l'extrémité interne de la bande diagonale qui se coude
sur la marge du quadrilatère pour devenir verticale,
il s'ensuit qu'il y a continuité entre la partie interne
du carrefour et les prolongements du noyau cortical
olfactif.
b. Communications directes par l'intermédiaire des
piliers antérieurs. Bien qu'il y ait un intermédiaire
entre le carrefour et l'écorce cérébrale, je considère la
communication comme directe, parce qu'elle a lieu
par le moyen des piliers antérieurs, c'est-à-dire par
des conducteurs qui n'ont pas à passer par le noyau
de la couche optique. L'intermédiaire est le septum
lucidum.
La communication s'établit par deux modes diffé-
rents. On a vu, dans le chapitre précédent, que la
couche médullaire de la cloison transparente était en
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 207
grande partie composée de filaments émanés du pilier
antérieur et du teenia, et allant se continuer avec au-
tant de filaments provenant de l'extrémité interne de
la bande diagonale. Celle-ci ne se borne pas, à ce ni-
veau, à émettre de nombreux filaments; elle donne
en outre naissance par une seconde division de son
extrémité interne (la première est destinée à l'ourlet
et aux nerfs de Lancisi), à un faisceau qui ◀tantôt▶ passe
au-devant de la commissure blanche, ◀tantôt▶ derrière
(ce cas m'a paru le plus fréquent), et va à la rencontre
d'un faisceau également volumineux qui vient du pilier
antérieur. J'ai vu quelquefois cette bifurcation du pilier
antérieur avoir le volume de l'autre branche de bifur-
cation. Il ne faut pas juger de la longueur de l'arc
en question par celle qui est représentée dans le
schéma. Les piliers antérieurs par leur partie convexe
sont, en effet, très rapprochés du sommet de la bande
diagonale, et quelquefois même ils sont directement
reliés à ce niveau par des échanges de faisceaux
blancs'. 1. -
Pour terminer ce chapitre, je noterai une particu-
larité, que je n'ai rencontrée qu'une fois, il est vrai,
mais qui me paraît prouver la solidarité des différents
éléments de l'appareil nerveux de l'olfaction. La tubé-
rosité de l'hippocampe était très développée, et débor-
dant sur la bandelette optique, elle couvrait le tuber-
cule mamillaire, dont je ne pus la détacher qu'en
rompant des adhérences intimes.
' Au lieu de comprendre dans l'arc direct ces dernières connexions du
carrefour avec le centre cortical par l'intermédiaire des piliers anté-
rieurs, on pourrait en faire un simple raccordement entre le carrefour
et l'arc cérébral. '
908 ' . ANATOMIE.
' En résumé, l'arc direct est constitué : 1° par la
continuité de la base de la bande diagonale et la racine
olfactive externe avec la lame blanche réticulée du lo-
bule de l'hippocampe; 2° par la continuité de l'extré-
mité interne de la bande diagonale avec la formation
godronnée supérieure et les nerfs de Lancisi, d'une
part; et avec les piliers antérieurs du trigone,' d'une
autre part. L'existence de l'arc direct explique les
les cas d'anosmie non croisée; l'entre-croisement partiel
de l'arc cérébral dans les chiasmas des bandelettes
olfactives explique aussi ce fait pathologique. Elle
indique, de plus, le caractère olfactif du trigone, par
la connexité étroite de ses piliers antérieurs avec le
carrefour.
NOTES bibliographiques. - Racines olfactives. HUGUENIN :
« ... La racine externe pénètre dans la scissure de Sylvius.
en se maintenant dans les parties superficielles de l'écorce ;
par-ci par-là, elle pénètre dans la profondeur et va aboutir à
la circonvolution de l'hippocampe. Il peut être démontré
qu'une partie des fibres se continue avec la substance blanche
réticulée et que l'autre partie se rend à l'écorce elle-même.
« La racine blanche moyenne ne peut être suivie que dans
une courte étendue. Elle disparaît dans le point où l'écorce
cérébrale se termine par un bord tranchant. La plus interne
des racines blanches se perd à l'extrémité frontale de la cir-
convolution de l'ourlet; son rôle est encore peu élucidé. » Plus
loin, il modifie sa description. Parlant de la racine externe,
- il dit : « On ne sait pas au juste si elle envoie des fibres à
la substance réticulée, autrement dit à la corne d'Ammon ».
Quant à la racine interne, elle « suit la surface de la cir-
convolution olfactive interne, ordinairement plus visible que
la circonvolution olfactive externe, et se continue avec la par-
tie frontale de la circonvolution de l'ourlet. A ce niveau, elle
.se perd dans l'écorce sans qu'on puisse préciser sa destination.
- Dans tous les cas, elle ne se continue pas simplement avec
les nerfs de Lancisi, comme l'admettait Foville ,.
DE l'appareil nerveux central DE l'olfaction. 209.
FOVILLE ET A'lEYNERT (ce dernier, d'après F. FRaNCK) font
continuer la racine olfactive interne avec les nerfs de Lancisi,
et par l'intermédiaire de ceux-ci la mettent en communication
avec la corne d'Ammon.
Luys mène la racine olfactive jusqu'à un ganglion (noyau
amygdalien) qui serait situé à l'origine de la scissure de Syl-
vius, et de là la rattache à la bandelette demi-circulaire.
Terminaison interne de la bande diagonale. BROCA. a ... Le
point vers lequel elle se dirige, chez les animaux, est celui où
l'origine du lobe du corps calleux vient se confondre avec le
bec du corps calleux ; et il y a lieu de se demander quelle est,
de ces deux parties, celle où va se terminer la bandelette dia-
gonale. Je suis disposé à admettre qu'elle se termine à la fois
sur l'une et l'autre, mais principalement sur le lobe du corps
calleux. » ' '
Piliers antérieurs. Huguenin : « Cette partie antérieure
du pilier parcourt ensuite le septum, se recourbe en bas le
long du bord interne de la tête du corps strié, puis se dirige
en dehors et va se perdre dans la région correspondant à l'es-
pace perforé antérieurement. Nous ne connaissons pas sa ter-
minaison définitive. » ;
Crochet de l'hippocampe. - Pour Broca, nous avons déjàvu
qu'il y loge un de ses centres olfactifs. Pour Giacojiini, « l'un-
cus ne constitue que l'extrémité antérieure du grand pied
d'hippocampe », Il ne dit pas « de la circonvolution 'godron-
née » ; et pourtant dans cet uncus, il signale « une' petite
agglomération de grains sans forme déterminée » qui me
paraît avoir beaucoup de parenté avec la couche granuleuse
caractéristique du corps godronné.
Le Conarium. Faut-il ajouter le conarium à l'ap-
pareil olfactif ? Les connexions par les habence avec le
tubercule antérieur de la couche optique sont tellement
évidentes qu'il ne saurait y avoir de doute à cet égard.-
C'est un arc de raccordement direct entre les deux
'centres olfactifs, une véritable commissure.Lés autres(
fils commissurants du conarium mettent-ils aussi d'au-;
Archives, t. XXII. 1 '¡.
210 . 1 anatomie.
tres centres sensitifs en communication ? C'est peut-
être ce que l'on découvrira bientôt.
J'ai terminé ma tâche. M'en suis-je acquitté de telle
façon qu'il ne reste plus rien à dire sur le sujet ou qu'il
n'y ait pas à critiquer et la manière dont celui-ci a été
traité et les descriptions que j'en ai données ? Je ne
puis avoir cet espoir; mais j'ai la conviction que mon
travail restera au moins à titre d'indication, et qu'il
ouvrira une voie au bout de laquelle on trouvera le but
cherché. En effet, on ne saurait dénier à l'espace
perforé antérieur son caractère olfactif. On ne saurait
dénier non plus que ce carrefour est en continuité
directe (continuité visible à l'oeil nu et sans préparation
aucune), d'une part avec la lame réticulée; d'une
autre part avec les nerfs de Lancisi, l'ourlet de Fo-
ville et les piliers antérieurs du trigone. Or, que sont
ces éléments ? La lame réticulée est, sans conteste,
une dépendance de la formation godronnée; c'est sa
lame bordante inférieure ou hippocampique. Les nerfs
de Lancisi sont, incontestablement aussi, une émana-
tion du corps godronné. L'ourlet n'est autre que le
prolongement de la lame bordante hippocampique de
la circonvolution godronnée.
,. Enfin le pilier antérieur, devenu postérieur, se con-
tinue avec le corps bordant et la lame bordante am-
monique de la circulation godronnée. 11 y a donc une
connexité anatomique étroite entre le carrefour, et les
deux lames bordantes du corps godronné. De plus, il
est admis par tous les anatomistes que les piliers de la
voûte se terminent, par les piliers réfléchis, dans, le
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 11
tubercule antérieur de la couche optique. Le carrefour
est donc mis en communication avec' la formation
godronnée et celle-ci est mise en rapport avec le tu-
bercule antérieur de la couche optique.
Ces faits admis, il ne restait plus qu'à relier le tuber-
cule optique au carrefour, et ce dernier à l'axe médul-
laire. Ce sont ces relations que je crois avoir établies et
démontrées; mais sur ce point de mon programme je
ne saurais être aussi affirmatif que sur le premier,
bien que je me sois astreint à voir et à revoir avec la
plus grande attention l'arc intermédiaire et l'arc rachi-
dien. Il y aura certainement à retoucher sur ce point;
mais, du moins je l'espère, l'indication restera. Ce qui
est certain et me paraît de nature à préciser le carac-
tère olfactif du ruban périoptique, c'est sa continuité
en avant avec l'origine du corps bordant, continuité
facile à constater en soulevant l'uncus.
Les faits anatomiques nouveaux que j'ai établis
sont : les chiasmas antérieur et postérieur des piliers
du trigone (bandelettes olfactives); l'anastomose du
pilier antérieur et de la racine olfactive externe avec
le carrefour; la continuité de la bande diagonale avec
la lame réticulée; les prolongements postérieurs de la
circonvolution godronnée ; le ruban péri-optique et le
faisceau sphénoïdal; les pédoncules olfactifs rachidiens
et leurs relations avec les tubercules mamillaires.
Les faits que j'ai remis au jour sont : l'arc olfactif,
la bande diagonale et l'ourlet de Foville. A l'ourlet,
portion fibreuse, j'ai ajouté un prolongement de" la
substance grise godronnée, et j'ai montré que cet
ourlet n'était autre que la continuation du subiculum
lequel n'est qu'une partie de la substantia alba reliai-
212 Ul ANATOJIIE.
laris; qu'il n'est, en un mot, que le prolongement de
la lame bordante hippocampique, prolongement deve-
nant la lame bordante crêtée. J'ai précisé, de plus,
le point exact d'origine des nerfs de Lancisi. Enfin,
sans rien innover, en lui rattachant seulement la lame
réticulée, j'ai donné de la formation godronnée une
description qui permet de la considérer comme une
circonvolution complète, conforme au type des autres
circonvolutions.
Conclusions. Les nerfs ou troncs olfactifs, au
niveau de l'espace perforé antérieur, forment, par
l'étalement de leur substance grise et par l'irradiation
de leurs fibres blanches émanant de l'arc olfactif, une
sorte de zone radiculaire. Par sa structure et ses con-
nexions, cette plaque qui occupe tout l'espace perforé
mérite le nom de carrefour ou de champ olfactif.
Ce carrefour est mis en relations par la bande dia ! Jo-
nale d'abord avec la moelle prolongée. Un faisceau
médullaire, qui prend très probablement son origine
sur le plancher du quatrième ventricule, à côté et en
dehors de l'origine du facial, émerge de la protubé-
rance annulaire à l'extrémité postérieure de l'espace
perforé postérieur. Placé à côté de son congénère, il
délimite cet espace perforé. Après être entré en con-
nexion avec l'éminence mamillaire, il continue son
trajet d'arrière en avant, passe sous la bandelette op-
tique et va s'unir à la bande diagonale.
Ces connexions constituent le premier arc ou arc
rachidien.
Le carrefour est ensuite mis en communication avec
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 213
le tubercule antérieur de la couche optique. La bande
diagonale par son angle postéro-externe donne nais-
sance à un ruban [ruban péri-optique) qui, après avoir
fourni le filet du sillon opto-strié (taenia), contourne la
couche optique et va aboutir au tubercule antérieur :
c'est l'arc intermédiaire.
Du tubercule antérieur de la couche optique, part
une voie de conduction reliant le tubercule au noyau
cortical. Cette voie de conduction est constituée par
les piliers du trigone (bandelettes olfactives), dont les
faisceaux s'entre-croisent en partie (chiasma olfactif).
Les éminences mamillaires font partie de cette portion
de l'appareil olfactif (corps genouillés et tubercules
quadrijumeaux supérieurs) ainsi que le septum luci-
dum (racine grise du chiasma). C'est l'arc cérébral.
La formation godronnée constitue le noyau cortical
de l'olfaction. Ce centre est mis en communication di-
recte avec le carrefour par la continuité de la bande
diagonale : 1° en dehors avec l'extrémité antérieure
de la formation godronnée; 2° en dedans avec le pro-
longement supérieur du corps godronné et les nerfs de
Lancisi; 3° avec l'arc cérébral, par les piliers anté-
rieurs. C'est l'arc direct.
Réflexions. L'appareil nerveux central de l'ol-
faction, tel que je viens de le décrire, est complexe.
Il n'est pas toutefois compliqué, car on se rend
compte, en définive, de la raison d'être de ses diffé-
rents éléments. Au surplus, Foville donnait à cet ap-
pareil un développement aussi considérable que celui
que j'ai établi.
Après avoir dit que « des connexions évidentes per-
214 ANATOMIE.
sistent entre les prolongements radiculaires de l'ol-
factif et certaines parties des parois du ventricule
latéral » il ajoute : « Il (le nerf olfactif) communique
encore avec le ruban fibreux de l'ourlet, avec les par-
ties antérieures de la marge du quadrilatère perforé;
avec le cotylédon extra-ventriculaire du corps strié;
avec les parties extérieures et le noyau gris de la tubé-
rosité temporale, c'est-à-dire avec cet ensemble que
nous avons décrit comme la terminaison du cercle
fibreux de l'orifice ventriculaire. Et il est remarquable
que les connexions qu'il présente ainsi par ses racines
internes avec certaines parties ventriculaires ont lieu
précisément entre lui et l'ensemble de faisceaux et de
membranes que nous avons présentées comme formant
l'origine de ce même cercle fibreux de l'orifice du ven-
tricule latéral. »
Seulement, comme on le voit, Foville qui avait vu
toutes les connexions que j'ai suivies, les ramenait à
son cercle fibreux ventriculaire : toujours entraîné par
cette idée, il y ramenait tout ce qu'il observait.
Si je me suis égaré et si, comme Foville je me suis
laissé entraîner par une idée préconçue, par une con-
ception théorique, mon excuse sera que je me trouve
en bonne compagnie. Mais j'estime qu'il est difficile
de contester les faits que je soumets à la critique des
anatomistes; car, en somme, en dehors de quelques
faits nouveaux, en dehors d'autres faits non encore
complètement observés, je n'ai fait que coordonner
des éléments déjà connus, mais sans lien d'union. J'en
ai fait, comme on l'a vu, la synthèse; je leur ai donné
un corps; j'en ai constitué un appareil complet, en tout
"semblable à celui des autres appareils nerveux.
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 21 J>
En dehors de l'observation anatomique, laquelle
sera confirmée ou infirmée, une objection capitale se
présente de suite; elle avait frappé Broca : comment
expliquer un appareil aussi complexe pour d'aussi
petites fonctions ? N'est-il pas au moins singulier qu'il'
existe un tel développement d'éléments pour un sens
de dernier ordre ?
Broca répond à cette objection qui semble l'avoir
arrêté, sinon embarrassé, que ces organes chez l'homme
ne représentent, en somme, que les vestiges d'appa-
reils beaucoup plus développés chez les osmatiques et
qui rendent à ceux-ci les plus précieux services.
Combien alors doit être embarrassé celui qui a
étendu aussi loin le champ de l'appareil nerveux de
l'olfaction ? J'essaierai cependant de répondre. D'abord,
le centre cortical de l'olfaction limité à la formation
godronnée me paraît être en rapport avec l'importance
de la fonction. Quant aux autres parties, elles ne sont
que des prolongements, des annexes et des voies de con-
duction de ce centre. Ensuite, je dirai avec Broca « que
tout appareil sensoriel remplit une double fonction,
se rapportant d'une part à la sensation elle-même,
considérée comme source de notions sur les qualités
des corps ; d'une autre part, à la détermination des
actes que l'animal, ainsi averti, peut éprouver le be-
soin d'exécuter pour sa sécurité, son utilité ou son
plaisir ». Et Broca nous fait assister à la succession
des actes nombreux qui se passent dans le cerveau
d'un chien en chasse. '
L'homme que Broca classe dans les anosmatiques,.
est-il si dépourvu de flair que cela ? Je ne veux pas
abuser de ce qu'il peut y avoir de vrai dans le dicton
216 ." ' ANATOMIE.
populaire - d'après lequel un homme est jugé quand
on a dit de lui qu'il a du nez; il ne faut pas abuser
des proverbes et des dictons, bien qu'ils contiennent,
paraît-il, le fond du livre de la sagesse des nations.
' 1 Je n'irai pas, non plus, jusqu'à dire avec J.-J. Rous-
seau que l'olfaction est « le sens de l'imagination ».
Il y a cependant beaucoup de vrai dans cet aphorisme;
chez l'homme, l'olfaction ne se réduit pas à percevoir
plus ou moins nettement certaines odeurs, certains
fumets comme chez les animaux. Ce qui distingue ce
sens chez lui, c'est la faculté d'abord de percevoir,
ensuite de distinguer, de différencier, de préciser une
variété infinie d'odeurs. C'est, il me semble, un sens
bien délicat, bien subtil, que celui qui permet cette
distinction quelquefois très précise entre telle ou telle
émanation odorante qui permet d'affirmer l'existence
d'un corps dans un mélange où la présence de ce
corps ne peut être décelée par l'analyse. Ce qui carac-
térise, en' un mot, l'olfaction chez l'homme, c'est la
finesse de ce sens et ses déductions nombreuses :
C'est la comparaison, c'est « la réminiscence qui, sui-
vant Tréviranus, est si bien réveillée' par des impres-
sions exercées sur le sens de l'olfaction » d'où la
nécessité d'un appareil nerveux central en rapport
avec ce sens. Aussi, est-il probable que les circonvo-
lutions voisines de la godronnée (hippocampe et son
crochet, circonvolution crêtée) concourent par leurs
cellules de l'intellect à la perfection de l'olfaction,
dont le noyau brutal serait exclusivement constitué par
la formation godronnée.
, N'est-il pas à craindre que le sens de l'olfaction
n'ait subi le contrecoup de la suractivité imprimée aux
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 217
autres sens; que sous l'influence des raffinements de
la civilisation, il ne se soit chez beaucoup épuisé,
émoussé, et ce sont peut-être des ccnosmatiqzes, des
renards à queue coupée, qui ont déclaré la fonction de
l'olfaction une fonction d'ordre inférieur.
Ce qui me porte à le croire, c'est que cette fonction
s'exerce chez beaucoup d'hommes d'une façon surpre-
nante. N'y a-t-il pas des personnes dont la susceptibi-
lité olfactive est poussée à un tel point qu'une odeur
inappréciable pour les autres détermine chez elles des
effets de répulsion et même des phénomènes patholo-
giques ? Carrus fait remarquer que l'enfant a un
odorat très prononcé « et qu'il refuse le sein maternel
lorsque quelque médicament employé par la mère à
l'intérieur lui a communiqué une certaine odeur ».
Assurément, l'olfaction n'est pas seule en jeu; le goût
y est aussi probablement pour quelque chose. Mais ce
sont là les deux seuls sens dont il ait l'usage pendant
quelques mois. A défaut d'autres, pourquoi lui refu-
serait-on ceux-là, et assez développés, pour qu'ils assu-
rent à peu près sa défense pour l'existence ? .
Les sauvages conservent intacte cette fonction. D'a-
près Humbold, les Indiens du Pérou sont capables de
discerner, pendant la nuit et à l'aide du flair seul, si
c'est un étranger ou un Indien qui passe à une certaine
distance d'eux. ' ,
- Enfin, quand d'autres sens n'existent pas, celui de
l'olfaction peut acquérir une intensité remarquable.
Foville cite l'exemple d'un aveugle-né et sourd-muet,
de naissance également, qui savait reconnaître à
l'odeur seule toute personne avec laquelle il s'était
trouvé en contact une seule fois. De plus, il importe
218 ANA.T0M1E.
de ne pas perdre de vue que le sens de l'olfaction est
entièrement lié au sens du goût, et qu'en dehors
des saveurs salines et amères, les autres saveurs res-
- sortissent de la membrane de Schneider. Or, l'homme
ne se pique-t-il pas d'être un délicat en matière de
goût ?
Je ne pense donc pas, avec Broca, que l'homme doive
être rangé parmi les anosmatiques, et je ne crois pas
que nous en soyons réduits à ne posséder que des
vestiges d'un appareil qui est beaucoup plus développé
chez les osmatiques. Certes, oui ! chez ces derniers,
l'appareil acquiert une prédominance marquée dans
tous ses éléments, pour la raison bien simple que la
fonction olfactive l'emporte sur les autres ; et que, par
suite, les organes de cette fonction doivent l'emporter
sur ceux des autres fonctions. Chez eux, il s'agit bien
d'un « sens brutal », d'un sens dominant; de là à dire
qu'il n'est que brutal aussi chez l'homme, il y a, à
mon avis, une grande distance; et les circonvolutions
qui accompagnent le noyau cortical sont évidemment
là pour idéaliser la perception matérielle.
' Mais, toutes les dissertations sur un sujet quelcon-
que ne valent que par le talent du dissertant et
ce n'est certes pas mon cas ! Elles ne valent pas
dans le cas particulier l'observation anatomique, la
physiologie expérimentale et l'anatomie pathologique.
J'espère apporter bientôt l'épreuve de l'expérimen-
tation et les résultats de l'observation de l'anatomie ;
et sans vouloir me lancer dans des aperçus qui ne
seraient pas ici à leur place, qu'il me soit cependant
permis de faire remarquer, après un philosophe,
M. Léopold Bernard, que le chef de l'Ecole naturaliste
DE L'APPAREIL NERVEUX CENTRAL DE L'OLFACTION. 2190
doit probablement ses succès à ce qu'il est un hyper-
osmatique. Presque tous les personnages de Zola
auraient leur odeur particulière; et les descriptions de
senteurs, d'arômes, d'effluves, de fumet, etc., abonde-
raient dans ses romans. D'après le philosophe critique,
c'est l'écrivain qui « a le plus vécu par son nez ».
Non seulement nous aurions parmi nos littérateurs un
osmatique puissant, mais il y en aurait encore de très
nombreux dans notre société. Les effluves que Zola a
répandus à profusion dans ses ouvrages ont amené,
en effet, derrière lui une telle queue de lecteurs, qu'on
ne saurait plus prétendre aujourd'hui à la disparition
ou à la dégradation d'un sens aussi délicat et nier les
étroites conllexités de ce sens avec l'intelligence...
Quant aux recherches d'anatomie pathologique,
elles appartiennent à ceux qui ont à leur disposition
des champs d'expérience ; les jalons étant posés mainte-
nant, les observateurs arriveront bien vite à un résultat
positif ou négatif.
Je terminerai en faisant remarquer que si mes recher-
ches sont confirmées, il n'y aurait plus dans le cerveau
humain de points ou de régions dont les fonctions
seraient inconnues. Pour les circonvolutions, la zone
latente des localisations diminue de jour en jour
devant les recherches des physiologistes et des anatomo-
pathologistes ; en tout cas, leurs fonctions pour n'être
pas déterminées par des points précis n'en sont pas
moins indiquées d'une façon générale.
Le rôle de la couche optique et du corps strié, bien
qu'encore contesté, teud cependant à se caractériser :
Ce serait la station intermédiaire. La tige pituitaire
220 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
n'est très probablement que le point d'attache de
l'axe médullaire au commencement du canal cérébro-
rachidien' : elle ne serait qu'un « filum originale ».
^Quant au conarium, il a tout au moins avec l'appareil
olfactif des attaches incontestables.
Endehors de quelques connexions de détail àdécou-
vrir ou à mieux examiner, le temps ne serait donc pas
éloigné où l'on ne pourra'plus dire avec Broca que
« l'anatomie du cerveau est bien éloignée de la per-
fection ».
do juillet 1889. y
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE
I. Deux rapports au civil relatifs A deux individus soupçonnés
CRIMINELS ET SUSPECTÉS DE SIMULATION; MOTIFS A L'APPUI par
A. RICfITER. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLVI., 2, 3.)
1° Histoire sociale mouvementée d'un paralytique général ayant
commis des délits mutiples (perte ou oblitération précoce du sens
moral). 2° Délire chronique systématique. Histoire et rapport très
complets. Complication de deux ictus (ictus par embolie, ictus à
la suite d'une chute de cheval). P. K.
Il. L'ivrognerie Er LES opinions ayant cours en Amérique au
POINT DE vue AlI : DICO-LI : G.1L ; par ASCHER. (Centrant, f. Nel'venh.;
1889.) '
Revue des opinions de la Dlcdico-légal Society de Ne2v-Yol'ic (ncv. et
déc. 1887). Clark Bell. - Thwing. - Ellinger. Burnett. -Kerr
(de Londres). - Hughes. - Baker. - Davis.
a La loi doit préserver la Société humaine. L'ivrogne est respon-
sable de son état d'ivresse puisqu'il le provoque. Mais l'aliéné est
irresponsable. » P. K.
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 221
III. DE quelques PIIÉr\OÈrOES observés dans LE domaine du système
nerveux central après LE rappel A la \'lE DES tendus; par
J. Magner. (Jt ! /t)-&ttC/t. f. Psych., VIII, 3.)
Monographie à la lumière de 17 observations empruntées à la
bibliographie.
La strangulation détermine, par obturation des carotides et
du conduit aérien, une accumulation d'acide carbonique dans le
sang et dans l'encéphale. On détache la corde, etla circulation céré-
brale se trouve modifiée : il en résulte, quelques heures plus tard,
avant que la connaissance soit revenue en entier, des convulsions
généralisées qui, d'ordinaire, coïncident avec la réapparition des
inspirations profondes. Cette phase convulsive dure une heure ou
deux; elle se compose de mouvements épileptiformes, tétanoïdes,
ou irrégulièrement mélangés; on constate aussi le simulacre de
la marche ou du manège. Amnésie complète, même de la tenta-
tive de suicide (amnésie rétroactive). Plus tard, courte agitation avec
quelque désordre dans les idées. Deux cas de psychose stupide
assez longue. Deux observations dans lesquelles la mélancolie qui i
avait provoqué la tentative de suicide, a guéri à la suite de celte
strangulation avortée. M. Wagner a vu guérir, dans les mêmes con-
ditions, une psychopathie récente (délire des persécutions et folie
systématique aiguë dépressive). P. Keraval.
IV. QUELQUES remarques SUR le crime ET LES CRIMINELS;
par Henry MaUDSLEY. (The Journal on mental Science,
juillet 1888.)
L'auteur estime que, dans l'intérêt de la psychologie vraie, il
convient de protester contre la tendance toujours croissante
que l'on a, à l'heure actuelle, à considérer tous les criminels
comme des malades atteints d'une névrose particulière, à
trouver dans la conformation du crâne ou du visage, dans la
structure défectueuse du cerveau les éléments du diagnostic
criminologique, et, par suite, à considérer les criminels
comme des êtres irresponsables qui doivent être non punis
mais soignés.
Un simple coup d'oeil jeté sur l'ensemble de la criminalité
montre bien vite que les criminels se divisent en deux classes
très différentes : les criminels occasionnels, dont le crime est
accidentel, et les criminels naturels, ou essentiels.
Le premier de ces criminels ne présente, au point de vue de
la conformation physique ni de la structure cérébrale, rien de
particulier. S'il a volé, il aura cédé à une tentation, et son
222 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
voisin, à qui cette tentation a été épargnée, n'est peut-être pas
plus honnête que lui. Si, sous l'influence de la colère, il a
tué, c'est qu'il avait une arme sous la main; l'arme seule a
peut-être manqué à son voisin pour que, dans les mêmes cir-
- constances, il devint meurtrier comme lui. Un homme, qui,
constitutionnellement n'est point au-dessous du niveau de
l'honnêteté'courante peut être conduit au crime par le con-
cours de certains facteurs internes et de certains facteurs
externes, lorsque ces derniers deviennent prépondérants. Le
nombre des criminels inconnus, d'ailleurs, est plus grand
qu'on ne pense; les médecins et les confesseurs le savent bien.
Il y a d'ailleurs des crimes en quelque sorte professionnels qui
non seulement ne sont pas punis, mais sont tolérés, et tel
individu parfaitement incapable par crainte des travaux forcés
de dépouiller un voyageur sur une grande route, ne se fait
aucun scrupule de dépouiller des familles entières dans une
opération industrielle ou financière, et ce crime, non moins
condamnable que l'autre, lui procure, en lui donnant la for-
tune, beaucoup de considération et même un peu d'envie.
« Les formes et les nuances de la criminalité sont si nombreuses,
les voies qui conduisent au crime sont si multiples, qu'il est im-
possible d'établir des catégories bien définies, capables de com-
prendre, à l'exclusion des honnêtes gens, toutes les espèces et
toutes les conditions de criminels, impossible aussi de leur attri-
huer une caractéristique spéciale. »
J Au pôle opposé, nous rencontrons au contraire le criminel
essentiel, celui qui n'est tel que par un vice d'organisation
mentale : ce vice est le plus souvent constitué par une débi-
lité intellectuelle et morale qui fait promptement de celui qui
en est atteint un criminel d'habitude : à la vérité, les premiers
actes délictueux sont d'ordinaire peu graves; mais ces débiles
d'esprit descendent vite la pente qui conduit à des actes plus
graves ; souvent aussi ils servent d'instruments à des individus
mieux organisés; d'ailleurs, ils peuvent quelquefois être, par
eux-mêmes, capables des crimes les plus graves. Et ici, l'au-
teur fait remarquer qu'entre l'acte criminel purement incons-
cient de l'épileptique et l'acte criminel motivé et prémédité du
malfaiteur, il y a place pour un cas intermédiaire, celui où le
crime a été commis par un esprit faible, sous l'influence d'une
tension douloureuse, d'une décharge violente irréfléchie, et
par des motifs insignifiants ou vagues.
REVUE DE MÉDECINE LÉGALE. 223 3
Peut-on dire que les auteurs de crimes de cette dernière ca-
tégorie soient atteints de la névrose spéciale du crime ? Assu-
rément non, au moins si l'on veut donner à cette expression
un sens précis : ce sont des individus qui ne savent pas con-
tenir leurs appétits, ni refréner leurs passions : les idées mo-
rales et sociales sont insuffisantes à maintenir chez eux l'équi-
libre moral qu'on rencontre chez les sujets normalement
pondérés; mais il est inutile de chercher dans leur encéphale
les signes de cette infériorité mentale : leurs circonvolutions
peuvent être peu compliquées; mais nous n'y trouvons aucune
lésion, du moins avec les moyens d'investigation dont nous
disposons. Il s'en faut que la déchéance de l'intellect et celle
du sens moral soient solidaires; la seconde peut être absolue
sans qu'on trouve trace de la première.
Les criminels que nous venons de décrire sont les seuls qui
soient réellement des criminels instinctifs; presque toujours
ils sont les fils de criminels connus ou inconnus, ou bien de
fous ou d'épileptiques. C'est à propos de ces dernières caté-
gories seulement qu'on pourrait parler de la névrose du crime.
Il y a enfin un troisième groupe; c'est celui des délinquants
qui agissent sous l'impulsion directe d'une maladie nettement
caractérisée : ce groupe comprend les paralytiques généraux,
les épileptiques, les maniaques, etc. Mais chez ces malades, le
crime n'est, à proprement parler, que l'accident de la maladie.
Il faut se souvenir toutefois que, parmi ces trois groupes de
criminels, le dernier seul est bien nettement délimité; entre
les deux premiers la frontière demeure évidemment incertaine
par suite de l'existence de cas intermédiaires. Le milieu joue
d'ailleurs un rôle important dans la production du crime chez
les deux premiers groupes criminels; l'auteur rapporte des
exemples historiques à ce sujet : il fait remarquer, par exemple,
que si Napoléon le, avec ses passions grossières, son égoïsme
brutal et son insensibilité morale absolue, qui s'associaient à
une grande intelligence, à une singulière audace d'entreprise,
à une ambition sans limites,- était né dans une autre sphère
et élevé dans un milieu criminel, il serait probablement devenu
aussi fameux, comme criminel, qu'il est devenu illustre comme
conquérant. '
L'auteur arrive à cette double conclusion : 1° qu'il n'existe
aucune organisation physique générale qui puisse être dite
criminelle, qui prédispose au crime, et lui serve pour ainsi
224 REVUE DE MÉDECINE LÉGALE.
dire d'excuse; 2° qu'il n'existe aucune théorie d'anthropologie
criminelle qui soit suffisamment fondée et assez précise pour
pouvoir être introduite dans la révision de la loi criminelle.
Mais cette théorie qui n'est pas faite, on peut tenter de la : faire, non plus au point de vue général, mais au point de vue
individuel. « Le moment est venu, dit M : Maudsley, d'utiliser
« nos prisons comme nous utilisons nos hôpitaux, non pas
seulement en vue du traitement, mais en vue de l'avance-
« ment de la science et de l'amélioration du sort de l'homme;
« nous pourrons ainsi avoir l'espoir de contribuer utilement
« à fonder une -psychologie individuelle.»
- Humble au début, cette psychologie ne se fondera qu'avec
lenteur et patience, et ses premiers résultats ne seront guère
éclatants, mais pour être tardifs ses fruits n'en seront pas
moins réels. Qu'il s'agisse d'ailleurs de la psychologie de.
l'homme sain, de l'homme malade ou de l'homme criminel, il
n'y a de salut que dans l'étude minutieuse des faits individuels
et dans l'abandon des phrases creuses et des généralités
vaines. R. M. C.
V. QUELQUES remarques SUR LES rapports DE L'ÉPILEPSIE
avec LE CRIME; par John BAKER. (The Journal of Mental
Science, juillet 1888.)
Les recherches de l'auteur portent sur les '128 épileptiques
qui sont entrés à l'asile des aliénés criminels de Broadmoor
pendant une période de vingt-trois ans z1861-1887). Il constate
tout d'abord que le chiffre des hommes dépasse de beaucoup
celui des femmes (105 contre 23), alors qu'il est généralement
admis que l'épilepsie (considérée en dehors de la criminologie)
frappe à peu près également les deux sexes.
Il ressort également des tableaux qu'il publie que les actes
de violences contre les personnes sont, chez les épileptiques,
beaucoup plus nombreux que les autres crimes; leur nombre
est presque double (85 homicides ou tentatives d'homicide
contre 43 crimes d'autre nature). Sur le nombre total des
homicides commis ou tentés par des aliénés admis à l'asile de
Broadmoor, l'épilepsie figure pour 11 p. 100.
En ce qui touche l'état civil des épileptiques criminels, on
remarque que la majorité se rencontre parmi les hommes chez
les célibataires, et parmi les femmes dans l'état de mariage.
Au point de vue de l'âge, on voit que c'est surtout entre
REVUE DE médecine légale. 225 5
vingt-cinq et trente ans que les épileptiques du sexe masculin
commettent des actes criminels : chez ces mêmes malades, la
fréquence de l'homicide diminue d'une façon très appréciable
à partir de la trentième année. Cela peut être dû, d'ailleurs,'
à ce que les malades qui présentent des impulsions danger
reuses n'atteignent guère cet âge sans avoir été l'objet de
mesures administratives. Après quarante-cinq ans, les crimes
deviennent rares, sauf chez les vieux épileptiques, et encore
se transforment-ils pour être remplacés par de simples délits
(filouterie, etc.).-Chez les femmes épileptiques, les deux pé-
riodes qui fournissent le plus de crimes sont celles de vingt à
vingt-cinq ans et de trente-cinq à quarante ans.
Au point de vue étiologique, les 128 cas d'épilepsie crimi-
nelle de l'asile de Broadmoor (déduction faite des cas nom-
breux où les renseignements ont fait défaut) se décomposent
de la façon suivante : dans 22 cas, il existait un vice de con-
formation congénital; dans 16 cas, on a pu obtenir la certitude
d'une prédisposition héréditaire; dans 10 cas, il existait une
cause idiopathique (insolation, fièvre, frayeur, etc.) ; dans
10 cas, la maladie reconnaissait pour cause un traumatisme
(9 fois une lésion du crâne et 1 fois un coup de feu à l'aine) :
en tout 68 cas, à étiologie précisée. ,
Si l'on rapproche de l'étiologie de la névrose la nature des
crimes commis, on arriverait à la conclusion que l'épilepsie
par traumatisme est celle qui entraine le plus souvent, et
l'épilepsie par vice de conformation congénital celle qui en-
traine le moins souvent, des actes criminels.
Enfin, sur 105 épileptiques criminels du sexe masculin, on
a constaté 31 fois des habitudes manifestes d'intempérance.
R. 111.C.
VI. Perversion sexuelle dans la NOBLESSE allemande.
Nous reproduisons à titre de document scientifique et en lui
en laissant la responsabilité, l'article suivant du Médical and
Surgical Reporter du 1er Novembre 1890 (p. 610) :
Les tendances immorales et perverties et les appétits sexuels de
quelques nobles d'Allemagne viennent dernièrement de se repro-
duire d'une manière des plus dégoûtantes. Von Zastrow, représen-
tant d'une des plus vieilles, des plus riches familles nobles du pays,'
qui fut jugé il y a quelques années pour commerce illicite avec
des hommes, est le type de cette catégorie de criminels. Hier, le'
Archives, t. XXII. 1»
226 ~REVUE DE médecine légale.
major Von Normann, commandant de l'école des sous-ofllciers de
Postdam, a été trouvé mort dans sa chambre; ses artères radiales
étaient ouvertes et il était en outre empoisonné. Vingt-sept cadets
ont quitté l'école, mais ont refusé de donner la raison de leur con-
duite. Enfln, les pratiques révoltantes du major ont été dévoilées,
et toute la ville sait qu'il s'est tué lui-même et cela n'a causé au-
cune surprise.
Je crois que cette perversion est une espèce particulière d'affec-
tion cérébrale, une manie, et comme telle sujette à traitement.
Le professeur Eulenburg (de Berlin) a reconnu cette semaine,
comme sain d'esprit, un jeune lieutenant de hussards qui pourrait
écrire un volume sur ses troubles. Il avait trente ans, riche, beau et
heureux, quand subitement, grâce à des intrigues de famille, il
fut enlevé d'une garnison autrichienne où il était et enfermé dans
un asile d'aliénés ; quatre fois il réussit à s'échapper, mais il fut
repris à chaque fois. Sa femme était la cause de son malheur;
elle l'avait, par exemple, chargé de pratiquer nn avortement sur
sa personne. Une fois dans l'asile, le jeune officier écrivit un livre
intitulé « Une nuit de bal dans un asile d'aliénés », et par la vente
de ce livre obtint l'argent qui lui était nécessaire pour s'enfuir.
Sur le témoignage du professeur Eulenburg, l'officier voulait ren-
trer en possession de ses titres et de sa fortune. R.
VII. Contribution A la réforme DES peines CORRECTIONNELLES; par
W. SoMuEn. (Centralblatt f. Nervenheilk. Internat. Monatscll1'i{t,
N. F. f, f800,)
Eloge et statistique des établissements de réforme médicale ins-
tallés dans les Etats-Unis du Nord. On y place les jeunes délin-
quants que l'on suppose, à raison de leur jeunesse, aptes à une e
amélioration. Le Directeur reste le seul juge de l'époque convenable
de la libération, excepté quand les délits ont été légers, la séques-
tration ne devant pas, dans ce cas, dépasser le maximum de la
peine infligée. Le délinquant doit franchir plusieurs échelons ou
divisions gradées d'après l'observation des malades (tendances
volonté - discernement) ; on récompense les degrés de l'améliora-
tion par des bons points; l'obtention d'un certain nombre de bons
points leur permet de gravir ces échelons. Le minimum du séjour
est de douze mois. Quand le délinquant est resté plusieurs mois au
premier échelon, on lui accorde un congé provisoire; la réinté-
gration ou le congé définitif dépend de la conduite pendant le
congé.
L'établissement d'Elmira (Etat de New-York. Dr Wey) a coûté
9,375,000 fr., il comprend 765 cellules séparées, des ateliers, des
magasins, des salles de travail, une gymnastique. En 1888-1889,
on y a reçu en moyenne 922 délinquants. On va construire 500 nou-
velles cellules.
REVUE DE thérapeutique. 227
Cet établissement a, depuis son ouverture, reçu 3,637 criminels de
seize à trente ans; la plupart avaient attenté à la propriété; 13 p. 100
d'entre eux présentaient une tare psychopathique ou épileptique;
38 p. 100 étaient fils d'ivrognes.
On a accordé 2,295 congés :
1,540 ont pu être libérés définitivement;
130 ont dû être réintégrés;
20 sont revenus volontairement;
45 ont récidivé;
111 sont encore en observation.
3G6 seulement ont été renvoyés parce que le maximum de la
peine avait été subi par eux.
Dépenses pour cet exercice, 137,109 dollars, soit moins de 2 fr.
par tête. - P. KERAVAL.
VIII. La double meurtrière. K. B.; par P. NOECKE.
(Allg. Zeilsch. f. Psych., XLVII, 3, 4.)
Débilité mentale congéniale, surtout au point de vue du sens
moral, signes de plus en plus accentués et des plus nets avant l'acte
incriminé; elle tue un ménage pour le voler après s'être liée avec
lui dans ce but, puis prend 137 fr. 50. C'est donc une aliénée con-
damnée à tort, d'abord à la peine de mort, puis aux travaux forcés
à perpétuité. On eût dû faire une expertise. A rapprocher des cri-
minels congéniaux de Lombroso. Impossible d'établir si, l'épisode
actuel doit être étiqueté sous les noms de folie morale, hypomanie,
folie systématique primitive.
IX. Deux rapports 3fÉD1C0-LGG.1U1 SUR la névrose Traumatique
avec aliénation mentale; par A. Ricuter. (A1'Ch2U f. Psych., XXII, 2.)
Rapport Acte d'indiscipline d'un canonnier. Etat d'inconscience
irresponsabité. II. Un garde-frein auxiliaire doit-il son état men-
tal à une blessure reçue le 4 avril 1886 ? l'accident du 15 août 1887 y
est-il pour quelque chose ? Réponse doublement affirmative, Il faut
lire ces mémoires pour se rendre compte de la discussion.
P. K.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE
1. L'ANTIPIRINA NELLE AL1ENATION1 MENTAL ! ; par le Dr ROSCIOLI.
- (Il manicomio, 1889, n° 3.)
Les recherches du docteur Roscioli l'ont conduit aux conclusions
suivantes : dans la manie, l'antipyrine ne produit aucun effet, ni
M8 revue DE thérapeutique.
comme sédatif du système nerveux, ni comme hypnotique; dans
la mélancolie et la paralysie générale, mêmes effets négatifs et de
plus à dose élevée, on observe une aggravation de symptômes :
dans la folie hystérique avec morphinomanie, aucun résultat ni en
- ce qui concerne la psychose première, 'ni contre les symptômes
' dus à l'abus de la morphine ; au contraire, effets positifs et rapi-
des sur les accès convulsifs dans l'épilepsie qui disparaissent durant
le traitement ou dans les cas graves et invétérés, diminuent de
nombre et d'intensité pour reparaître très vite sitôt que l'on sus-
pend l'administration de l'antipyrine. L'auteur s'est servi, pour ses
recherches, de l'antipyrine de Knorr. La dose moyenne fut de
i grammes, la dose maxima de 7 grammes : le médicament fut ad-
ministré le plus souvent par la voie stomacate, quelquefois par
injections hypodermiques (solution aqueuse à 50 p. 100.) J. S.
Il. Quelques NOTES sur l'action DE l'hyoscine ; par le D1' Celso
SIGIMCELL1. (Il manicomio, 1890, fasc. 1 et 2.) '
La préparation employée fut l'iodhydrate en solution aqueuse,
à la dose de 1/4 de milligr. à 1 milligr. en injections sous-cutanées.
La dose de 1 milligr. est une dose maximum qu'on ne peut dé-
passer sans risquer de provoquer des accidents toxiques. On ne
doit l'atteindre que par des augmentations successives et non en
progression géométrique. L'usage de l'hyoscine doit être absolu-
ment proscrit chez les individus atteints de troubles cardiaques.
En effet, dans le plus grand nombre de cas, l'action de l'hyoscine
sur le coeur se fait ressentir très peu de temps après l'administra-
tion du médicament; le pouls devient d'abord rare par prolonga-
tion de la diastole cardiaque. La ligne systolique artérielle s'abaisse
beaucoup, le pouls devient petit : ce qui porte à ranger l'hyoscine
parmi les substances qui ont une action cardioplégique très mani-
feste. J. Séglas.
III. Les injections sous-cutanées DE LIQUIDE testiculaire DE MAM-
MIFÈRES DANS LE TRAITEMENT DES MALADIES MENTALES par D. VEN'l'11 : 1
et R. Fronda. (Il manicomio, 1890, fasc. 1 et 2.)
Des expériences de D. Veiitra et R. Fronda, il résulte que
les injections sous-cutanées de liquide testiculaire de mammifères
dans le traitement [de psychopathies à fond neurasthénique et plus
spécialement dans les états d'épuisement et de stupeur, n'ont
donné en général que des résultats négatifs ou des améliorations
transitoires et sans importance. La majeure partie des malades
n'ont présenté aucun changement dans leurs conditions psycho-
physiques. Quelques-uns ont présenté un léger état d'excitation
psychique avec incohérence et insomnie qui s'évanouissait si l'on
REVUE DE thérapeutique. 229
suspendait les injections, pour faire place à l'état habituel de dé-
pression et de stupeur. Parmi les déments séniles, affaiblis, ané-
miques et gâteux, la grande partie resta stationnaire : quelques-
uns seulement furent propres pendant le traitement et deux quelque
temps encore après. Chez un malade en état de stupeur, on vit
cesser sous l'influence des injections une rétention d'urine parpara-
lysie vésicale. On n'a noté aucun changement dans les sentiments
olfactifs pas plus chez les hommes que chez les femmes : chez
ces dernières l'excitation était plus marquée surtout dans le domaine
des fonctions médullaires. L'unique cas de guérison a été observe
chez une femme atteinte de mutisme hystérique avec stupeur : et
les auteurs croient devoir l'attribuer à un effet moral, à une auto-
suggestion, beaucoup plutôt qu'aux injections. Outre l'excitation
psychique observée dans différents cas, les injections de liquide tes-
ticulaire s'accompagnent d'autres phénomènes presque constants :
la température périphérique s'abaisse de 1 à 5 dixièmes de degré,
le pouls radial diminue de fréquence et augmente de force ; la res-
piration devient moins fréquente et superficielle. Tous ces symp-
tômes s'observent immédiatement après les injections et cessent
graduellement six à huit heures après. Le caractère transitoire de
tous les phénomènes physiques et psychiques observés, malgré
un traitement prolongé pendant plusieurs semaines, conduit les
auteurs à admettre que les injections de liquide testiculaire exer-
cent sur les centres nerveux, surtout spinaux, une stimulation
plutôt qu'une véritable augmentation de leur pouvoir d'action
comme le prétend Brown-Séquard. J. S.
IV. L'.\NTlFÉDIII : < ! E dans l'épilepsie; par le Dr WILDER\lUrrr. (Zeitsclel·ift
f. d. l3elaandl. Schwachsinninger und Epileptiscltel', n' 1, 1888.)
. L'auteur a prolongé ses essais pendant six mois. Chaque malade
prenait un jour du bromure de potassium, le lendemain, matin et
soir, un gramme d'anlifébrine. Les résultats ont été tout à fait
défavorables. Dans la plupart des cas, il y a eu augmentation du
nombre des accès (en établissant un parallèle avec les six mois de
l'année précédente). Cette augmentation était progressive. Dans
trois cas même les accès devinrent de plus en plus violents. L'au-
teur n'a jamais constaté d'accidents directement imputables au
médicament. Monaz. ,
V. L'HYDRATE d'amvlèniî dans l'épilepsie; par le Dr WILDEil\1 UTII,
(Nell1'olog, Ccnt1'alblatt, n° 15, 1889.) .
L'hydrate d'amylène a été prôné comme hypnotique par Mehring
de Strasbourg, en 1888. Les essais ont été faits sur trente hommes
et trente-six femmes. Dans la grande majorité des cas, les résultats
ont été favorables. Le médicament a été donné par doses de deux à
230 -REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
quatre grammes et de manière à atteindre cinq à huit grammes
par jour. Après divers essais, j'ai administré, comme étant le plus
pratique, une solution aqueuse à 1/10. (20 ou 40 grammes de cette
solution dans du vin ou du cidre.)
Dans un cas d'état de-mal, l'auteur a fait trois injections sous-
- cutanées de 0 gr. 8 d'hydrate d'amylène pur. Les accès ont cessé
subitement. Dans cinq autres cas d'état de mal, les résultats ont
été également surprenants. L'hydrate d'amylène n'a pas été encore
essayé dans des cas graves d'état de mal.
Après un emploi prolongé de l'hydrate d'amylène, on observe
une tendance marquée au sommeil, qui se manifeste d'ailleurs
même après de faibles doses. Dans quelques cas, cette somnolence
a disparu avec l'accoutumance. En outre, l'auteur a observé des
troubles digestifs, de l'inappétence, de la constipation. Jamais ces
troubles n'ont été durables. Dans plusieurs cas, l'action antiépi-
, leptique diminue après six à huit semaines. D'après une expérience,
l'action du médicament paraît être plus sûre dans les cas d'épi-
lepsie nocturne que dans les cas où les accès étaient diurnes et
nocturnes. On n'a pas observé de différence d'action sur l'épilepsie
idiopathique ou symptomatique. P. K.
VI. Application DE \-li51C : 1TO111ES P.1R suggestion hypnotique.
Dans la Bolnitchnaia Gazeta Botkina, nos 26, 27 et 28, de l'année
1&90, p. 6j0, le D' Jakov, V. Rybalkin (de St-Pétersbourg), publie
ses remarquables expériences qui confirment les rapports de Pre-
salmiens (1840), Focachon, Beaunis. Delboeuf, Forel, Jendrassik et
Krafft-Ebing touchant la production d'ampoules sur la peau par la
suggestion hypnotique. Les expériences de l'auteur ont été failes
en présence d'un grand nombre de médecins de l'hospice de Ma-
rïïnskaia ; le sujet était un peintre en bâtiments, de bonne consti-
tution et bien portant, âgé de seize ans, atteint de la véritable
hystérie et très propre aux expériences d'hypnotisme ainsi qu'aux
suggestions qui suivent cet état.
VII. Contribution A la thérapeutique DE la chorée I,IINOR; par
F. GEItLACII. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLVI, 5.)
La paraldéhyde, que nous avons personnellement étudiée avec
Nercam, en 1884, a l'avantage, d'après M. Gerlach, de procurer
du sommeil et de calmer le système musculaire; indépendamment
de son action narcotique, elle est sans influence sur la psychose con-
comitante. On peut l'employer sans inconvénient quand il y a
affection cardiaque. P. KÉRAYAL,
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. - 231
VIII. Expériences avec QUELQUES nouveaux médicaments USITÉS en
psychiatrie; CHLOJULA : .JIDE, HYOSCI ! \E, hydrate d'amylène (anti-
ÉPILEPTIQUE) ; par P. NCEE.- DU CHLOR.\L9AfIDE; par O. WEFERS.
- Traitement MÉTHODIQUE au SULFONAL chez LES aliénés ; par
VORSTER. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLVII, 1.)
MM. Noecke et 0. Wefers indiquent le chloralamide comme hyp-
notique aux doses de 1 à 3 grammes. Malheureusement il est trop
cher, difficilement soluble et incertain, surtout à la longue (assué-
tude). M. Wefers lui préfère le chloral, la morphine, la paraldéhyde.
L'hyoscine, d'après M. Noecke est une préparation superflue,
sans utilité.
L'hydrate d'amylène excellerait comme antiépileptique à la dose
de 4 à 10 grammes (en solution dans l'eau), il diminue le nombre
des accès; son action persisterait pendant 3 à 5 mois, sans qu'on
ait à déplorer d'accident, quel que soit l'état mental, même chez un
vieil épileptique, qu'on ait affaire à une épilepsie nocturne ou
non.
Le sulfonal calme la sphère psychomotrice et psychosensorielle
des cerveaux épuisés et surexcités, à la dose de 2 grammes (mélan-
colie et délire général systématique aigu). M. Vorster compare son
action à celle de l'atropine. Il le préconise dans l'anxiété. Il agirait
sur l'écorce, puisqu'il diminue les accès d'épilepsie. Malheureuse-
ment il produit à la longue une sorte de paralysie généralisée; ce
stade du sulfonalisme est inévitable et d'ailleurs sans danger; ce
qui doit donner à réfléchir c'est le sopor qui constitue le second
stade de l'intoxication. Il est supérieur au bromure de potassium,
seuls l'opium et la morphine peuvent rivaliser avec lui. Comme
l'organisme ne s'y habitue pas, le sulfonal est supérieur à la mor-
phine. P. K.
IX. Accès DE lypémanie, SUICIDE GUÉRI par l'apparition d'un ÉRYSI-
pèle DE la face; par le Dr Szczypiorski. (Annales méd. psych.,
juin 1891.)
Il est de notion classique que souvent les coïncidences morbides
sont d'un pronostic favorable pour la maladie dans le cours de
laquelle est apparue une autre affection.
Cependant en médecine mentale, les cas de guérison complète
survenant presque au moment même de l'éclosion de la maladie
incidente, sont exceptionnels.
A ce titre l'observation citée par M. Szczypiorsld est intéressante :
il s'agit d'un héréditaire atteint de lypémanie suicide.
Il était dans un état d'agitation excessive lorsque le 8 août appa-
rait un érysipèle de la face, l'excitation fait immédiatement place
à l'accalmie, l'érysipèle fut très intense et dura jusqu'au 25 août,
232 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
la mémoire était revenue au malade ainsi que la conscience de sa
situation et le 7 septembre il quittait l'asile dans un état physique
et mental très satisfaisant; six mois après, on put constater que la
guérison se maintenait. E. BELIn.
'X. De l'action sédative ET hypnotique DE l'atropine ET de -la
DUBOISIrqE; Par N. OSTER1L\YER. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLVII, 3, 4.)
Le sulfate de Duboisine est, comme l'hyoscine, un hypnotique
- et un sédatif prompt et énergique dans les psychoses qui procèdent t
par crises d'agitation : il n'a pas les inconvénients de l'hyoscine.
Il agit le plus souvent en 10 il 15 minutes; c'est surtout un hypno-
tique ; le sommeil se produit en 20 à 30 minutes. Doses 2 à 3 milli-
grammes quand l'agitation est prononcée; 1 à 1,5 milligrammes
dans l'agrypnie sans agitation. Jamais d'intoxications dangereuses
ni d'effets accessoires désagréables. Son action s'émousse après un
long usage; il suffit alors d'en augmenter la dose ou de la suspen-
dre pour obtenir un nouvel effet de la dose initiale, c'est un succé-
dané de l'hyoscine, surtout quand il y a affection du coeur et des
'gros vaisseaux; il est meilleur marché que l'hyoscine. L'atropine
chez les aliénés est surtout sédative, indirectement hypnotique. Le
sommeil résulte de la paralysie des nerfs sensitifs et moteurs et
de la diminution de l'excitabilité réflexe. Inférieure à l'hyoscine,
quant à la certitude et à l'intensité de l'action, comme l'hyoscine
elle déprime les forces. L'assuétude se manifeste par la diminution
ou la suspension de son action. Quelques effets accessoires désa-
'gréables, tels que diarrhées et vomissements passagers, sans autres
inconvénients. Ne vousen servez pas, pienez plutôt l'hyoscine,
' . P K.
XI. DE l'action DE l'hyoscine chez LES aliénés; pal SEHGÉII.
- (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLVII, 2, 4.)
· Sulfate d'hyoscine en injections sous-cutanées (seul moyen de
dosage exact, sûr, commode), chez 18 malades : analyse physiolo-
' gique complète. Telle est la prostration des malades, leur faiblesse
musculaire, leur abattement (impossibilité de parler et de se tenir
debout), leur salivation incoercible, leurs violents vertiges et leur
photopsie, qu'il faut s'en abstenir. P. K.
SOCIÉTÉS SAVANTES
CONGRÈS DES MÉDECINS ALIÉNISTES
DE LANGUE FRANÇAISE E
Session de LYON. Août 1891.
Séance du 3 août TSOI. Présidence de M. BOUCI1C(tla.aU.
Lecture est faite tout d'abord par M. le Dr Giraud des comptes
financiers du précédent Congrès; il en dépose les pièces entre les
mains de M. le Président qui le remercie de sa gestion.
. M. le D1' Carrier remercie ses collaborateurs, les organisateurs
du Congrès, dont la lourde tâche est enfin couronnée de succès.
M. le 1)' Bouchereau remercie la ville de Lyon de son hospitalité
et ouvre ensuite les discussions scientifiques.
M. le Dr Rousses, médecin adjoint de l'asile public d'aliénés de
Bron, a été chargé du rapport sur le Rôle de l'alcoolisme dans
l'étiologie de la paralysie géiit;î,ale. Il a commencé par un histo-
rique très soigné qui l'amène à considérer quatre courants prin-
cipaux dans l'opinion des auteurs : 1° Quelques cliniciens, les
moins nombreux, ne reconnaissent pas de différence fondamen-
tale entre l'alcoolisme chronique et la paralysie générale, et
croient, comme autrefois, que la méningo-encéphalite est le plus
souvent due aux excès alcooliques ; 2° d'autres refusent à l'alcoo-
lisme le droit de produire de toutes pièces la paralysie générale,
et pensent que ce que l'on appelle la paralysie générale alcoolique
n'est, au fond, qu'un état cérébral particulier, qu'ils appellent
pseudo-paralysie générale alcoolique, empruntant le masque de
la méningo-encéphalite, mais s'en séparant assez par la marche,
- la gravité et même les lésions anatomiques pour mériter de ne
pas être confondu plus longtemps avec cette affection ; 3° d'autres
établissent une distinction très nette entre l'alcoolisme chronique
et la paralysie générale; ils admettent une paralysie générale de
nature alcoolique, pouvant être quelquefois l'aboutissant de l'al-
coolisme chronique; 4° les derniers, faisant preuve de plus de ci ?
234 -fi. SOCIÉTÉS SAVANTES.
conspection et d'éclectisme, considèrent l'alcoolisme comme cause
purement occasionnelle, agissant presque toujours sur un ter-
rain prédisposé antérieurement. Examinant ensuite la géogra-
phie médicale de l'alcoolisme et de la paralysie générale, il arrive
à cette conclusion, qu'il ressort des diverses considérations ethno-
graphiques que l'alcool absorbé en grande quantité par les gens
du Nord n'engendre pas plus la paralysie générale que chez les
gens du Midi, qui en consomment relativement peu, et que l'étude
dirigée en ce sens ne peut conduire qu'à des conclusions trop vagues
ou trop absolues.
Au point de vue étiologique, certains malades considérés autre-
fois comme alcooliques avaient, en effet, commis des excès de
boisson. Mais ces excès n'avaient lieu que depuis le début de la
paralysie générale, de sorte qu'ils étaient l'effet et non la cause de
leur maladie. Cet état d'alcoolisme récent ne doit donc pas entrer
en ligne de compte dans la genèse de la méningo-encéphalite. La
progression corrélative de la folie alcoolique et de la folie paraly-
tique ne peut pas non plus amener cette déduction que l'une de
ces deux maladies est engendrée par l'autre. En résumé, en dehors
des cas peu nombreux où l'alcoolique chronique non prédisposé
peut aboutir de chute en chute à la méningo-encéphalite, l'alcoo-
lisme n'est guère susceptible de fabriquer la paralysie générale
que sur des terrains vésaniques, cérébrau-x, arthritiques. Le rap-
porteur a joint à cet exposé, qui aboutit en somme à regarder la z
paralysie générale comme absolument distincte de l'alcoolisme,
une série de 22 observations où le diagnostic reste en suspens,
mais qui nous paraissent un peu trop sommaires pour pouvoir
éclairer utilement la question, qui est vraisemblablement loin
encore d'être élucidée définitivement. La base anatomo-patholo-
gique qui seule peut-être pourrait la trancher fait défaut, et la
clinique nous paraît insuffisante dans l'étude d'affections où la
lésion cérébrale joue un rôle aussi considérable.
M. Magnan remercie d'abord M. le Dr Rousset d'avoir nettement
exposé l'état d'une question si facile en controverses et d'avoir fait
ressortir les principaux éléments d'une discussion sur le rôle de
l'alcoolisme dans l'étiologie de la paralysie générale. M. Magnan
range en quatre groupes les tendances principales des différents
auteurs :
1° Pour les uns, la paralysie générale est habituellement due à
l'alcoolisme ;
2° Pour d'autres, l'alcoolisme ne produit pas une véritable para-
lysie genérale, mais des pseudo-paralysies générales alcooliques ;
3° Pour d'autres, la paralysie générale et l'alcoolisme sont deux
élats distincts, mais l'alcoolisme chronique peut parfois conduire
à la paralysie générale ; .
4° Pour d'autres, enfin, l'alcoolisme considéré comme simple
SOCIÉTÉS SAVANTES. 23
cause occasionnelle, n'aurait d'action que grâce à une prédisposi-
tion antérieure.
C'est surtout sur ces deux dernières propositions que M. Magnan
soumet quelques réflexions.
Les partisans de l'opinion qui admet deux modes de terminai-
son de l'alcoolisme chronique, l'un pour la démence, l'autre pour
la paralysie générale, se basent, non seulement sur la physiologie
expérimentale, mais aussi sur la clinique et l'anatomie patholo-
gique.
Cependant, même chez les animaux où l'intoxication n'attein
pas généralement un degré aussi avancé que chez l'homme on a
toute l'ébauche des deux processus, stéatose et sclérose, que l'on
retrouve à un degré si avancé chez l'homme. Chez ce dernier en
effet, l'alcoolisme s'inscrit en traces indélébiles sur la plupart des
tissus et sur la plupart des organes, la trame conjonctive et le
parenchyme sont à la fois compromis.
Le foie, les reins, le coeur et la fibre musculaire elle-même sont
envahis par la dégénérescence granulo-graisseuse, et le cerveau
même dans les périodes avancées. C'est là le principal processus
dégénératif qui conduit à la démence avec faiblesse musculaire eL
souvent aux paralysies partielles. Mais de plus avec la stéatose les-
auteurs constatent la sclérose qui peut atteindre le foie, les reins,
le péricarde, le tissu cardiaque, les méninges, la moelle même et
le cerveau. Et, sans doute si le choix de ou des organes est dû à
une certaine prédisposition, il y a aussi V organe le plus faible.
D'autre part, que donne la clinique ? Dans un premier cas, l'on
a affaire, et c'est là le cas le plus commun, à l'alcoolisé chronique
qui s'achemine de chute en chute, progressivement vers la
démence.
Au bout de quelques années d'abus de boissons, l'affaiblissement
de l'intelligence, de la mémoire, de l'imagination, de la volonté;
les étourdissements, les fourmillements et les crampes dans les-
membres, quelques petits ictus apoplectiformes et épileptiformes
s'accompagnant souvent d'une parésie passagère d'un membre,,
surtout, quand à ces troubles viennent s'ajouter de l'empâtement
et de la gêne de la parole, de la difficulté dans l'articulation des
mots, un accès passager de délire alcoolique, quelquefois avec
idées ambitieuses et préoccupations hypochondriaques, peuvent,
on le conçoit, rendre le diagnostic difficile. On se trouve, en effet,
en présence d'un alcoolique chronique qui a revêtu le costume
du paralytique général. Mais, au bout de peu de temps, les symp-
tômes subaigus dus à l'appoint alcoolique disparaissent et l'on
retrouve l'alcoolisé chronique vulgaire.
Un second groupe, mais moins nombreux d'alcoolisés chroniques,
est celui qui s'achemine vers la paralysie générale.
. Au bout d'un temps plus ou moins long d'abus de boissons.
236 SOCIÉTÉS SAVANTES. -
alcooliques, après plusieurs accès de délire alcoolique, suivis de
guérison et après la disparition d'accidents subaigus, l'individu
présente des modifications physiques et psychiques très notables.
Abaissement des facultés intellectuelles, changement de caractère,
irritabilité excessive, langage insolite, actes indélicats, quelquefois
;immoraux, ne préoccupant nullement le malade. De plus, une
légère hésitation de la parole, de l'inégalité pupillaire, parfois des
idées de satisfaction ou des préoccupations hypochondriaques.
Qu'un nouvel appoint alcoolique survienne, ces phénomènes s'ac-
centuent et l'individu prend les apparences d'un paralytique géné-
ral avancé, tandis qu'il n'est encore qu'au début de la maladie.
Habituellement la maladie suivra la marche progressive, mais par-
fois le régime et l'hygiène de l'asile pourront amener une rémis-
sion, mais ce n'est là qu'un arrêt momentané et l'un ne doit pas
considérer cet individu comme atteint d'une pseudo-paralysie
générale alcoolique et non d'une paralysie générale vraie.
Dans une troisième catégorie de faits, les rechutes sont tellement
nombreuses que les malades comptent 10, 15, 20 entrées à l'asile,
sans marcher néanmoins, comme les malades précédents, ni vers
la démence, ni vers la paralysie générale. Ces alcoolisés sont les
prédisposés, les héréditaires dégénérés dont M. Magnan a déjà
parlé dans son travail sur l'alcoolisme (187\.) et que M. Legrain a
mis en relief dans son intéressant ouvrage Hérédité et olcoolismec .
Chez ces malades, l'alcool a une action spéciale ; le délire très
accusé s'accompagne à peine de troubles apparents de molilité.
Contrairement à ce qui a lieu d'habitude, le système nerveux
semble se dédoubler, tout ce qui appartient à l'ordre intellectuel
est d'une impressionabilité excessive, tout ce qui appartient à
l'ordre physique fonctionne d'une façon normale, il y a un défaut
d'équilibre. Un délire polymorphe, des idées ambitieuses, mys-
tiques, de persécution, etc., accompagné quelquefois d'une cer-
taine gêne de la parole et quelquefois aussi de l'inégalité pupillaire
donnent l'idée d'une paralysie générale, et, comme l'amélioration
est obtenue au bout de quelque temps à l'asile, on voudrait dire
encore pseudo-paralysie générale, tandis que c'est de la dégéné-
rescence mentale mise en activité par un stimulant alcoolique.
Voilà donc trois groupes de faits dans lesquels, par suite d'un
appoint alcoolique, des individus atteints de maladies très difré-
rentes peuvent présenter des symptômes en apparence semblables
et créer par suite des difficultés très grandes de diagnostic.
M. Magnan demande ensuite à M. Rousset la permission d'inter-
préter d'une façon différente de la sienne les vingt-deux observa-
tions qu'il donne la fin de son rapport.
' Voir aussi sur le même sujet : SOLLIEH : Du rôle de l'hérédité dans
l'alcoolisme.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 237 1
Les cinq premières sont groupées sous le titre d'héréditaires
vésaniques et pour tous ces malades, si l'on, note de l'hérédité chez
les ascendants, on ne constate chez eux que des abus de bois-
sons.
Un sujet n'est pas prédisposé uniquement parce qu'il a un père
ou une mère aliénés. Ces cinq malades, qui ont résisté longuement
à l'action de l'alcool, ont, par ce seul fait, fourni la preuve que,
malgré leurs ascendants, ils échappaient à la prédisposition. Ces
cinq malades, de même que ceux qui font l'objet des cinq observa-
tions suivantes, ne sont autre que des alcoolisés chroniques abou-
tissant à la paralysie générale.
Eu résumé, nous pouvons dire que les pseudo-paralysies alcoo-
liques sont repoussées par la clinique et que l'alcoolisme chronique
conduit habituellement à la démence et parfois à la paralysie
générale.
M. A. Carrier lit ensuite un mémoire de M. Régis sur le même
sujet. (L'auteur de ce travail étant absent, les conclusions n'en
sont point soumises à la discussion. Aussi nous abstiendrons-nous
de les rapporter ici, nous réservant d'en donner l'analyse complète
en même temps que celles des communications faites en dehors
du programme des discussions). (ruz séance).
Lecture est donnée de la statistique de 11111. Marie et Bonnet :
Documents statistiques pour servir à l'étude des causes de la
paralysie générale. » De leurs observations sur 205 malades, les
auteurs concluent à ce que « la plupart des intoxications peuvent
être réduites à l'état d'effets et non de causes de la méningo-encé-
phalite. En particulier, les intoxications volontaires et, au premier
rang, l'alcoolisme. Les premiers symptômes cliniques de la para-
lysie générale correspondent à une période déjà avancée de ses
lésions anatomiques ; tant que l'on n'aura pas, à l'aide d'expéri-
mentations décisives ou par toute autre voie, constitué un critérium
permettant de déterminer cliniquement quand commence l'affec-
tion, les facteurs étiologiques personnels proposés resteront sus-
ceptibles d'être considérés comme secondaires, surtout si on leur
oppose l'hérédité, seul facteur constant ; le seul aussi qui échappe
à l'influence de causes occasionnelles manifestement consécutives
et n'ayant pu agir que comme agents provocateurs. La multipli-
cité des facteurs personnels invoqués démontre l'insuffisance de
chacun en particulier et leur variabilité dénote leur importance
secondaire. Notons toutefois la plus grande fréquence de l'alcoo-
lisme et de la syphilis associés qui forment, avec l'hérédité, une
triade où cette dernière a l'importance prédominante, par rang de
date et de fréquence. Plus on cherche les antécédents héréditaires
dans la paralysie générale plus on les trouve. On peut donc la
considérer comme affection dégénératrice, non de l'individu, mais
de l'espèce, et la pathogénie en doit être envisagée dans la série;
238 SOCIÉTÉS SAVANTES.
il y aurait lieu de mettre à l'étude le rôle de l'hérédité dans l'étio-
logie de cette affection. »
M. Combemale rend compte de ses expériences sur les animaux
alcoolisés : « Recherches expérimentales sur l'alcoolisme chronique
^comme cause de la paralysie. » Après une période d'excitation de
'.cinq à six mois, surviennent des symptômes d'affaiblissement céré-
bral et musculaire ; l'animal a des frayeurs fréquentes et des para-
lysies disséminées; du septième au neuvième mois, accentuation de
la démence et des paralysies. Les crises épileptiformes apparaissent.
Si l'on fait l'autopsie à la fin du septième mois, on trouve une con-
gestion active des membranes, parfois des petits foyers de ramol-
lissement. Du neuvième au onzième mois, on trouve des lésions
plus diffuses. »
On trouve donc d'abord comme dans l'alcoolisme, des frayeurs,
puis plus tard des symptômes analogues à ceux de la paralysie géné-
rale vraie. Si on ajoute de quatre à cinq grammes d'alcool absolu,
on observe l'affaiblissement des membres inférieurs, des mouve-
ments cboréiformes de la tête et du cou; changement de caractère
de l'animal. L'auteur voit dans les cas aigus quelque chose d'ana-
logue aux attaques de paralysie générale spinale.
M. Magnan félicite l'auteur du procédé qui lui a permis de mener
à bien ses expériences (ingestion à l'aide de la sonde oesophagienne),
Il avait lui-même tenté semblables essais par la même voie, mais
s'était heurté à des vomissements incoercibles.
M. CHRISTIAN objecte aux conclusions du précédent rapport que
les conditions de l'animal en expérience sont toutes différentes de
celles de l'homme. Il repousse toute assimilation.
M. Mairet rappelle les caractères cliniques qui résultent de l'al-
coolisme concomitant à la paralysie générale : -.
1° Au point de vue de la sensibilité : L'alcoolisé paralytique est hal-
luciné comme l'alcoolique, il a des troubles de la sensibilité générale,
des fourmillements, qu'il peut attribuer à l'électricité (idées de persécu-
tion), d'autres fois il y a anesthésie.
2° Le malade n'est pas affaissé comme le paralytique ordinaire, il pré-
sente une sorte d'état spasmodique, d'enraidissement des muscles, simu-
lant l'ataxie.
3° Au point de vue de l'intelligence, les alcoolisés paralytiques sont
éminemment violents et d'un caractère difficile. ◀Tantôt▶ le délire est
ambitieux non continu, ◀tantôt▶ mélancolique avec idées de persécution.
4° L'excitabilité musculaire est portée à son maximum.
5° La marche de l'affection est également caractéristique ; les rémis-
sions sont fréquentes ; la marche, par suite, en est plus lente, sauf les
cas d'attaques épileptiformes qui sont assez fréquentes et peuvent em-
porter le malade. » .
, M. Magnan prend la parole pour rappeler que l'on observe en
SOCIÉTÉS SAVANTES. 239
clinique le passage insensible de l'alcoolisme chronique à la para-
lysie générale.
M. Charpentier étudie à son tour les lésions macroscopiques
variées, résultant de l'intoxication alcoolique constatée chez 43 de
ses paralytiques autopsiés. (Note sur la rareté des lésions viscérales
dans la paralysie générale.)
L'étude de M. Charpentier a porté sur 735 cas. Il s'est limité aux
malades alcoolisés entrant en état d'excitation maniaque à l'entrée
et montrant des signes de paralysie générale cliniquement cons-
tatés. 83 de ces malades sont morts, 68 ont été autopsiés. 25 ne
présentaient pas de signes d'alcoolisme suffisamment ancien pour
entrer en ligne de compte, à notre point de vue. i·3 autres avaient
au contraire, des antécédents d'alcoolisme invétéré caractéris-
tiques. Sur 14 d'entre eux, on a constaté à l'autopsie les adhérences
classiques de la pie-mère et en outre des lésions viscérales caracté-
ristiques de l'alcoolisme (dégénérescences cirrhotiques du foie,etc.),
31 ne présentaient que les adhérences méningées. Les autres ne
piésentaientni adhérences, ni lésions alcooliques, en dépit de leurs
antécédents et des symptômes cliniques précités. De ces recherches
nécropsiques l'auteur tire les conclusions suivantes :
1° Rien ne permet d'affirmer que la paralysie générale alcoolique n'existe
pas ;
2° C'est chez les alcooliques que la paralysie acquiert son maximum
de fréquence. En cinq ans nous avons trouvé 83 alcooliques avérés sur
135 cas de paralysie générale ;
3° La forme spéciale de la paralysie générale est déterminée par les
symptômes de l'intoxication alcoolique;
4° La paralysie générale est plus grave chez les gros buveurs qui, avant
le début des symptômes de la paralysie générale, n'ont jamais présenté
de troubles cérébraux;
5° L'intoxication alcoolique peut produire tout le complexus symptoma-
tique dénommé paralysie générale sans qu'à l'autopsie on trouve des
lésions caractéristiques de la paralysie générale, c'est-à-dire la sclérose
cellulaire, interstitielle, proliférante, diffuse ;
6° Il n'y a pas de sclérose interstitielle proliférante, diffuse sans para-
lysie générale, mais il peut y avoir paralysie générale sans cette lésion
caractéristique;
7° La théorie de l'intoxication que nous avons exposée à la Société
médico-psychologique de Paris pour expliquer la paralysie générale,
appliquée à l'intoxication alcoolique, permet de comprendre et de réunir
dans un même ensemble tous les troubles cérébraux dus à l'alcoolisme
depuis l'ivresse jusqu'à la démence paralytique, les cas 'suraigus ou
rapidement mortels, les cas d'immobilité, les cas de rémission ou de
guérison, quelle que soit la forme cérébrale qu'ait revêtu l'alcoolisme.
- M. Mordrét présente une objection relative à cette dernière
conclusion; mais il se rallie pour le reste à la façon de voir de
M. Charpentier.
240 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. CADÉAC, professeur à l'Ecole Vétérinaire, communique des
planches très intéressantes à l'appui de préparations histologiques
faites d'après des animaux intoxiqués.
Avec M. A. Meunier il a fait ingérer à un chien 25 litres d'eau
d'arquebuse dans l'espace de 3 mois. Ils ont constaté, à l'autopsie, : .une cirrhose du foie et une néphrite interstitielle. 11 semble
démontré aussi que l'alcool détermine la dégénérescence grais-
seuse des organes, et les essences, au contraire, la sclérose. Cette
dernière altération a été provoquée par l'intoxication à l'aide de
la liqueur d'arquebuse. Cet empoisonnement différerait de l'em-
poisement chronique par l'alcool, aussi bien par les lésions ana-
tomiques, que par les troubles de la sensibilité et de la molililé.
Les essences des liqueurs peuvent être, d'après ces expériences,
cause de lésions analogues à celles de la paralysie générale de
l'homme.
M. MADAME signale l'influence de la loi suisse de monopolisation
des alcools sur leur consommation et le développement parallèle
de la paralysie générale.
M. CAMUSET lit un mémoire où il conclut de ses observations à ce
que l'alcool influe puisamment sur le développement de la méningo-
encéphalite diffuse. ,
M. Bouciiereau lève la séance à 4 heures 40 et convoque le Con-
grès pour le lendemain 4 août à 9 heures.
Séance du 4 août (malin). Présidence DE M. BOUC31EIlEAU.
A 9 heures précises, M. le Dr Bouchereau ouvre la seconde
séance pour continuer l'étude de la première question du pro-
gramme.
La parole est donnée à M. Camuset. Le mémoire qui fait l'objet
de cette communication rentre dans la catégorie des documents
cliniques et statistiques relatifs à l'étiologie de la paralysie générale.
L'auteur en conclut au rapport étroit existant entre l'alcoolisme
chronique d'une part et la paralysie générale de l'autre, mais sans
trancher la question de la prédisposition particulière signalée
comme nécessaire dans plusieurs communications antérieures.
M. JoFFROY expose les arguments tirés de l'histologie patholo-
gique, qui lui paraissent infirmer la théorie de l'encéphalite inters-
titielle initiale dans la paralysie générale des aliénés. Il considère
au contraire que la lésion primordiale siège dans la cellule, en
un mot qu'il y a encéphalite parenchymateuse au début. Cela ne
peut s'expliquer sans un locus minoris resistenlioe résidant dans la
cellule même, aussi croit-il à l'influence de la prédisposition héré-
ditaire. 11 faut un germe préexistant, l'alcool ne fait que favoriser
la germination de l'encéphalite parenchymateuse. z
SOCIÉTÉS SAVANTES. 241 t
M. Magnan objecte que c'est là une hypothèse qui ne lui parait
pas reposer sur des données suffisamment convaincantes; il de-
mande à M. Joffroy comment il a pu obtenir des préparations d'en-
céphalites parenchymateuses évidemment préexistantes à toute
lésion interstitielle.
M. JoFFROY répond qu'il a fait pour cela des préparations en
choisissant de préférence les portions de circonvolutions dans les-
quelles las lésions étaient le moins avancées, les lésions intersti-
tielles lui ont alors paru peu accentuées, tandis que l'altération
parenchymateuse, elle, était constante; c'était une dégénérescence
granulo-pigmentaire du protoplasma des cellules (surtout les
petites) et de leur noyau.
M. Pierret demande la parole. Il explique que, pour lui aussi,
c'est l'élément noble, la cellule, qui est la première touchée. La
lésion de la cellule est rarement seule, mais seule elle est l'élément
indispensable, l'encéphalite interstitielle n'étant pas nécessaire. 11
a publié des observations avec autopsies dans ce sens, il s'appuie
en outre sur la priorité presque constante des troubles de l'intel-
ligence correspondant à la lésion de la cellule. Dans l'alcoolisme,
la cellule est aussi touchée, il est vrai, mais secondairement, en
sorte que s'il est vrai qu'à l'autopsie le microscope décèle la
coexistence des deux lésions, comme dans la paralysie générale,
le mécanisme en est tout différent. A ce point de vue, l'alcoolique
est un sénile précoce et se rapproche plus du dément sénile que du
dément paralytique (tant au point de vue clinique qu'au point de
vue anatomique).
M. Magnan exprime son étonnement relativement à l'affirmation
de '1\[' Pierret concernant des cas de paralysie générale sans encé-
phalite interstitielle. C'est la première fois qu'il entend pareille
affirmation; au Congrès de Berlin, où l'on s'est occupé de la
question, aucun des micrographes compétents n'en a parlé. Ce
que M. Magnan a vu, et, après lui, beaucoup d'autres auteurs, c'est
l'encéphalite à la fois interstitielle et parenchymateuse des zones
corticales antérieures frontales; à côté d'elles on trouve de l'encé-
phalite interstitielle prédominante ou seule dans la zone moyenne,
fronto-pariétale ou motrice; en arrière, dans la zone postérieure,
moins atteinte, on ne trouve généralement qu'un peu ou poin
d'encéphalite interstitielle, mais pas trace de lésions parenchyma-
teuses.
M. Pierret prend acte de ce que M. Magnan vient de dire au
- '.sujet des lésions qu'il a lui-même constatées dans les cellules, indé-
pendamment de la question de date de ces lésions.
M. MORDRET lit ensuite une observation de méningo-encéphalite
constatée à l'autopsie sans que du vivant de la malade rien n'ait
pu faire prévoir une paralysie générale. '
Archives, t. XXII. IG ()
242 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. le D'' Ballet demande la parole pour faire observer que la
discussion dévie de son but primitif. En plaçant la question sur le
terrain de l'anatomie pathologique, il craint de la voir immobilisée.
Les hypothèses plus ou moins attrayantes ne parviendront pas à
trancher la question de priorité entre l'altération conjonctive ou
cellulaire; il ne cache d'ailleurs pas ses préférences pour la théorie
soutenue par M. Magnan qui fait jouer aux lésions vasculaires et
interstitielles le rôle principal.
Mais il y a mieux à faire pour avancer la question, c'est de mul-
tiplier les statistiques relatives à 1 étiologie; que l'on ne se rebute
pas par ce fait qu'elles sont jusqu'ici toutes contradictoires ou à
peu près; ce n'est qu'après de multiples tâtonnements que l'on
pourra établir une moyenne approchant de la vérité; les diver-
gences, d'ailleurs, ne sont qu'apparentes et tiennent souvent non
à l'homme qui dresse la statistique, mais au milieu observé;
M. Ballet l'a vu pour lui-même en ce qui a trait aux rapports de la
syphilis et de la paralysie générale. '
En attendant des documents statistiques suffisants, M. Ballet se
déclare partisan des pseudo-paralysies générales qui offrent un
moyen pratique de classer en cliniques des affections d'un dia-
gnostic délicat sans préjuger de leur nature.
M. Pierret clôt le débat en rappelant que M. Ballet, comme
MM. Joffroy et Magnan, admet l'altération de la cellule. Il persiste
donc à croire que c'est là le substratum anatomique essentiel de
l'affection. Cette lésion de la cellule doit être mise à l'étude, paral-
lèlement et indépendamment de la recherche des causes particu-
lières variées qui peuvent la provoquer.
Le Congrès passe ensuite à l'examen de la seconde question.
M. le Dr COUTAGNE, médecin expert près les tribunaux de Lyon,
a été chargé du rapport sur la Responsabilité légale et la séquestra-
tion des aliénés persécuteurs. Cette question devient chaque jour
plus intéressante et plus actuelle à une époque où ce genre d'aliénés
font de plus en plus parler d'eux, et où des travaux importants,
dont le point de départ ont été surtout ceux de Falret, permettent
de les distinguer nettement des autres. Il en est deux sortes prin-
cipales : des persécutés types devenant persécuteurs, et des aliénés
persécuteurs primitifs. Le Dr Coutagne retrace, avec des exemples
frappants à l'appui, les caractères de ces malades. Abordant
ensuite la question de responsabilité, il pose en règle générale que
le persécuteur devra être déclaré irresponsable, sans restriction,
.lorsqu'il le sera devenu dans le cours du délire de persécution.
Mais il se prononce pour la responsabilité atténuée à l'égard des.
aliénés persécuteurs. 11 regrette que, soustraits à l'action de la
justice, ceux-ci retombent sous la seule surveillance administrative
comme des fous inoffensifs et puissent sortir des asiles dans les
. SOCIÉTÉS SAVANTES. 243
mêmes conditions qu'eux. La séquestration lui parait s'imposer
pour eux, tant dans leur propre intérêt que dans celui de la
société. Peut-être, en effet, guériraient-ils plus si on les prenait à
temps, et, en tout cas, les nombreux dangers qu'ils font courir à
autrui montrent qu'on peut séquestrer trop tard un persécuteur,
mais qu'on ne pourra jamais le séquestrer trop tôt. C'est de plus
le genre de malades qui communiquent le plus fréquemment la
folie. La question de la durée de la séquestration est des plus
délicates. Par leur chronicité reconnue, les persécutés devenus
persécuteurs sont forcément internés à vie. Mais, pour les per-
sécuteurs, c'est très difficile de se prononcer : calmes dans l'asile,
ils sont souvent repris de leurs idées dès leur sortie. Pour la leur
accorder il faudrait, comme en Angleterre, pouvoir les confier à
des personnes sûres, qui les ramèneraient à l'asile aux premières
manifestations de rechute. Peut-être, en France, pourrait-on tirer
parti des Sociétés de patronage des aliénés. En tous cas, une hos-
pitalisation très prolongée est de rigueur. Le Dr Coutagne insiste
aussi, non sans raison, sur la différenciation des modes d'assis-
tance suivant telle ou telle classe de malades, et est partisan de-
réserver l'asile actuel, si coûleux, pour les seuls aliénés justiciables
d'un traitement médical. Quant aux persécuteurs incurables et
dangereux, pourquoi ne les enverrait-on pas très loin du pays où
a éclos leur délire, dans des sortes de colonies, en Nouvelle-Calé-
donie, par exemple ? Il est certain que l'encombrement de plus eut
plus marqué des asiles par des aliénés chroniques, des non-valeurs.
de toutes sortes, des alcooliques invétérés, finira par forcer l'atten-
tion sur cette situation et aboutira à une assistance variable avec
les catégories de malades.
La conclusion principale de l'orateur a soulevé des protestations,
notamment de la part de M. le D' Giraud, qui repousse la dépor-
tation : a Les persécuteurs sont des malades après tout et on ne
saurait leur infliger le sort des condamnés. »
M. Charpentier développe des considérations intéressantes sur
les conclusions précédentes et formule les propositions suivantes :
1° L'aliéné persécuteur se reconnaît à la nature de ses idées délirantes : r
idées de haine, de vengeance, idées persécutrices; à la fixité de ses idées
délirantes, à leur longue durée ou à leur retour fréquent; à la tendance
extrême de ces idées à commander l'acte] délictueux; 2° le médecin étant
tenu de répondre à la question de la responsabilité légale des aliénés,
nous sommes d'avis de proposer l'irresponsabilité, quand le délit est un
acte pathologique, lié à l'idée délirante; la responsabilité atténuée,,
quand, chez le délinquant, malgré l'absence de lien entre le délit commis-
et l'idée délirante, il se trouve une accumulation de présomptions tirées,
soit d'autres troubles mentaux intérieurs, soit de signes physiques ou
psychiques dits de dégénérescence; et la responsabilité partielle quand,
en l'absence des présomptions ci-dessus notées, il n'y a aucun rapport
entre le délit et l'idée délirante; 3° la séquestration de l'aliéné persécu-
244 SOCIÉTÉS SAVANTES.
teur, dans un asile, doit comporter la possibilité de l'application d'une
thérapeutique disciplinaire (isolement absolu provisoire, moyens de con-
trainte, punitions); 4° L'époque de la séquestration d'un aliéné persécu-
teur doit se déduire de sa conduite, de son caractère, de ses menaces, et
du délit; 5° La prescription des sorties d'essai, pour l'aliéné persécuteur
séquestré, doit être considérée comme un moyen de traitement réservé
au médecin; 6° Les aliénés persécuteurs dangereux ou indisciplinés
doivent être séquestrés dans tous les asiles d'aliénés, mais pourvus de
quartiers spéciaux; 7° Tout aliéné persécuteur, guéri après un certain
temps d'observation, ne devra pas être maintenu dans l'asile qui lui a
servi de traitement. ,
- La séance est levée à 1 1 heures 1/2.
3e Séance (soir).
A 2 heures précises s'ouvre la 3e séance du Congrès. M. Bouche-
reau cède le fauteuil présidentiel à M. Ladame (de Genève). La
discussion reprend les conclusions des rapports de MM. Coutagne
et Charpentier. '
M. Giraud prend la parole pour appeler l'attention sur ce point
que les aliénés persécuteurs ne constituent pas une entité mor-
bide..
. « Il en admet trois catégories ( ! e persécuteur persécuté, le per-
sécuteur raisonnant, le persécuteur latent). Il combat l'opinion de
M. Coutagne qui veut faire figurer l'aliénation comme élément
g1'adllatcW' et non chimicateur. La responsabilité partielle ne doit
pas être admise parce qu'il est impossible de rendre un verdict
partiel ni d'appliquer un jugement partiel ; on ne peut quedonner
les circonstances atténuantes. En ce qui concerne la responsabilité
légale, si on a affaire à de vrais aliénés, il y a irresponsabilité
complète, sinon ce sont des fous dégénérés et on a à apprécier
s'ils peuvent être réellement considérés comme aliénés, ou si, en
tant que dégénérés, ils ne méritent que les circonstances atté-
nuantes. »
M. Giraud relève dans le rapport de M. Coutagne une phrase où
il est dit que, dans les asiles parisiens, il y a, au milieu de fous
véritables, des alcooliques maintenus après leur guérison comme
serviteurs auxiliaires ; il signale la chose à ses collègues des asiles
de la Seine présents au Congrès, cette assertion pouvant donner
lieu à de sévères interprétations sur le terrain de la séquestration
arbitraire. L'orateur s'élève contre la mesure un peu radicale pro-
posée par M. Coutagne, à savoir le transport des aliénés en Nou-
velle-Calédouie; les aliénés, en tant que malades, ne peuvent être
l'objet de mesures semblables à celles qui visent les récidivistes.
M. COUTAGNE répond qu'il n'a jamais prétendu qu'au point de vue
nosologique il fallût créer une catégorie spéciale de persécutés
SOCIÉTÉS SAVANTES. 45,
persécuteurs. Pour lui, la responsabilité partielle, limitée, est un'
moyen de formuler ses conclusions dans les cas de difficulté ou
d'impossibilité d'un diagnostic ferme. Il assure à l'inculpé l'indul-
gence du tribunal qui est toujours accordée sur de telles conclu-
sions, devant les tribunaux de Lyon en particulier. L'auteur rap-
pelle que, pour lui, responsabilité partielle n'est point synonyme
de responsabilité limitée : l'une se rapporte à l'acte, l'autre à l'in-
dividu.
Quant à la question de la durée de la séquestration quell. Cou-
tagne veut longue, alors que M. Charpentier la demande courte,
c'est là une question qui intéresse plutôt le médecin d'asile, qui
pourra ordonner la sortie à sa guise. M..Coutagne s'est surtout
placé au point de vue du médecin légiste.
M. Ballet fait observer qu'il y aurait intérêt à circonscrire le
débat ; M. Charpentier l'a étendu à tous les malades persécuteurs.
au sens littéral du mot; il faut en restreindre l'application aux
aliénés persécuteurs classiques (type Falret) sans hallucination. Il
faudrait encore, dans ce cas, distinguer des persécuteurs per.é-'
cutés faciles d'autres qui le sont moins, ce sont ceux qui ont un
délire alcoolique avec idées de persécution et que M. Charpentier
a peut-être eu tort d'éliminer du débat; enfin il y a le persécuteur
d'occasion, pour ainsi parler, qui représente le cas le plus délicat :
ce sont souvent des malades confinant à l'aliénation, mais ressem-
blant, par ailleurs, beaucoup à des gens simplement désagréables
en temps ordinaire ; avec eux on manque de critérium suffisant ;
mais il ne faut, parce que le diagnostic est obscur, conclure à une
responsabilité mitigée ou autre; il y a lieu de se demander seule-
ment, en présence de cas semblables, si le malade a agi sous l'in-
fluence d'un mobile délirant; il se peut aussi que le malade donne
des signes d'aliénation n'ayant cependant pas influé sur l'acte
(vol, coups, etc ), il peut enfin n'avoir que des stigmates physiques
de dégénérescence démontrant une organisation anormale; dans
ces cas on demandera les circonstances atténuantes. Quant à la
séquestration préventive, qui serait évidemment préférable, l'ap-
plication en parait difficile en l'absence de signes certains ; ces
dernières ne pourraient se baser que sur l'examen physique dans
ce cas. Nous pouvons du moins exprimer ici le désir que la ques-
tion des asiles spéciaux pour cette catégorie de malades, internés
après réactions violentes, soit éludiée au plus tôt.
M. Charpentier reprend la parole pour répondre à M. Giraud ;
bien que n'étant pas des asiles de la Seine, il a dans les quartiers
d'hospices de Paris vu les malades auxiliaires, mais ce sont des
débiles non guéris ni guérissables qu'on utilise, sans qu'il y ait là
séquestration arbitraire. Mis en liberté, ils seraient aussitôt arrê-
tés et réintégrés, l'expérience l'a maintes fois prouvé. M. Charpen-
246 SOCIÉTÉS SAVANTES.
tier a cru devoir prendre le mot de persécuteur dans. son sens le
plus large ; si on restreint ce sens, on aura des persécuteurs réels
qui ne seront pas rangés dans le cadre commun. Or, ce sont pré-
cisément ceux-là qui intéressent comme cas discutés et embarras-
sants. Malgré que M. Falret en ait dit, bien qu'on n'ait pas de
phrénomètre, il faut admettre des responsabilités variées ; il y a
dans le cerveau des parties qui peuvent délirer, tandis que d'autres
restent étrangères à la folie. On récompense un fou qui fait une
action d'éclat, il est des cas où un délit commis par lui pourrait
entraîner une peine, atténuée ou non. On voit parfois, dans les
asiles, des coquins qui eussent été mieux placés dans un établisse-
ment pénitencier. Folie, vice et passion peuvent conduire aux
mêmes actes, en se combinant ou en agissant isolément. Il faut
pouvoir faire la part, le dosage de ces différentes combinaisons,
c'est pour cela que la responsabilité atténuée doit être acceptée,
sinon il n'y a plus de responsabilité.
M. RouBY lit un mémoire sur la folie de Ravaillac : « Ravaillac
était aliéné, atteint du délire de persécution avec hallucinations.
Ses interrogatoires confirment l'existence de ce délire. Le meurtre
du roi lui fut directement commandé dans ses visions. Il ressort
de ses interrogatoires répétés que cette obsession le poursuivait
depuis longtemps. C'est un type de persécuteur tel qu'on n'hésite
plus à le reconnaitre de nos jours. »
' Séance du 4 août 1891, soir. - Présidence DE M. Ladame.
- Les débats étant clos sur la deuxième question, M. LADAME donne
là parole à M. Lacour pour la lecture de son rapport préparatoire
sur l'assistance des épileptiques.
M. LAcouR. De l'assistance des épileptiques. (Rapport.)- L'au-
teur essaie de faire le dénombrement des épileptiques en France,
et reconnaît qu'il est à peu près impossible à établir. Legrand du
Saulle le fixe de 33.000 à 40.000 ; Lunier le ramène à 33.225, qu'il
décompose ainsi : 3.550 internés comme aliénés, 1.650 placés
comme non aliénés dans les hôpitaux ou hospices, etc.; les 28.000
restants sont conservés dans leur famille ou errent à l'aventure '.
M. Lacour met en relief l'insuffisance de l'assistance des épilep-
tiques, l'insuccès des efforts tentés par Ferrus, Parchappe,
Lunier, etc. « Ce qu'il y a d'étrange, dit-il, c'est que ces espérances
ont quelques chances d'être réalisées par la simple initiative d'un
député, M. Reinach, qui a présenté un projet de loi sur les aliénés,
pour remplacer la loi du 30 juin 1848, devenue le delenda Car-
,' Voir : Bourneville. - Rapport sur la création de Sociétés de patro-
nage pour les aliénés sortant des asiles, 1891.
SOCIÉTÉS SAVANTES 247 7
thago d'une partie de la presse parisienne. Ce projet, véritable
réquisitoire contre les médecins chargés d'interpréter et d'appli-
quer cette loi mémorable, contient un article qui est une révolu-
tion et ainsi libellé : * Les établissements publics devront comprendre
deux quartiers annexes, destinés l'un aux épileptiques, l'autre aux
idiots et aux crétins. »
Cette innovation, dont il est fait honneur à M. Reinach,
appartient au rédacteur en chef de ce journal. Il l'a formulée
dans son rapport à la Chambre fait en 1889, et sa proposition
avait été acceptée par la Commission parlementaire 1.
M. Lacour examine l'état actuel de l'assistance des épileptiques
en France et à l'étranger. Il donne quelques renseignements sur
la situation des épileptiques à Paris et rappelle qu'ils sont en
général hospitalisés sans difficulté. Il insiste ensuite sur la création
de la section des enfants idiots de Bicêtre.
« Hors Paris, dit-il, les épileptiques peuvent mourir ou être
aggravés avant d'avoir rempli des formalités qui annulent, pour
ainsi dire, leur assistance. Ils sont repoussés des asiles parce qu'ils
ont trop de raison, et des hôpitaux parce qu'ils peuvent devenir
subitement impulsifs. S'ils tombent en crise sur la voie publique,
ils sont transportés dans l'hôpital le plus voisin, où l'exeat est pro-
noncé la crise à peine terminée. Le plus grand nombre erre sur
les grandes routes ; les plus heureux sont recueillis dans les
fermes, où on les emploie au rabais. » « C'est donc une minorité
qui est admise à l'Assistance dans les départements. » Il signale
un quartier de quatre-vingts épileptiques, à la Grave (Toulouse),
d'autres annexés à l'asile Sainte-Catherine, près Moulins, à
Bourges, à l'hôpital général de Nantes, etc.
M. Lacour donne ensuite des détails sur l'assistance des épilep-
tiques à Lyon, sur leur hospitalisation actuelle à l'Antiquaille, qui
est vicieuse et dangereuse, et sur leur future installation au Per-
ron, au sujet de laquelle M. Georges Dufétre doit présenter à
l'administration des hospices un rapport sur les voies et moyens à
employer. Cette installation comprendra un service d'hommes et
de femmes épileptiques, une section pour les enfants épileptiques
des'deux sexes réunis aux enfants idiots, et une division pour les
femmes atteintes de maladies nerveuses. Depuis avril 1885, tous
les épileptiques adultes sont à l'hospice du Perron (40 lits). Il y a
aussi 25 lits pour les femmes épileptiques. A l'Antiquaille, il y a
37 femmes épileptiques et 20 places destinées aux garçons épilep-
tiques de 7 à 16 ans. Il donne la statistique du service des épilep-
tiques depuis 1883 jusqu'en 1890.
« La plupart des traitements préconisés contre l'épilepsie ont été
1 Bourneville. - Rapport sur le projet de loi adopté par le Sénat, leii'
dant it la l'evision de la loi du 30 juin 1838, 1889, p. 19.
248 SOCIÉTÉS SAVANTES.
essayés dans le cours de ces huit années, et c'est aux bromures et
plus particulièrement au bromure de potassium que la plus grande
efficacité a été reconnue. Seul ou mêlé, suivant les cas, à la digi-
tale, au fer, à l'arsenic, il a constitué la principale médication
employée avec l'hydrothérapie, qui a été reconnue dans bien des
-cas comme un puissant adjuvant de la médication '. »
Le service de l'Antiquaille comprend en outre une consultation
qui n'est pas le moindre des secours offerts à ces malheureux.
C'est ce qui existe déjà à Paris. Le rapporteur donne ensuite des
détails inléressants sur l'établissement de la Teppe, qui contient
actuellement 170 pensionnaires payants, 40 indigents au compte
des départements du Rhône, de la Loire, des Bouches-du-Rhone et
de la Côte-d'Or, et 50 au compte de la communauté, soit 250
malades.
Il donne ensuite quelques renseignements sur l'asile privé de
Ladevèze, situé dans l'arrondissement de Saint-Flour, consacré
aux idiots et aux épileptiques. 11 contient 300 malades. Il fait une
description détaillée des asiles de La Force, à 8 kilomètres de
Bergerac, créés à partir de 1848 par John Bost ; des dix
asiles qui constituent ce groupement deux seulement sont consa-
crés aux épileptiques (150). Ces asiles, dont le médecin est le
D''Rolland, sont exclusivement consacrés aux protestants.
Dans un dernier paragraphe, M. Lacour indique rapidement
quel est l'état de l'assistance des épileptiques à l'étranger et insiste
surtout sur la colonie de Bielfield. Enfin, son rapport se termine
par les conclusions suivantes :
L'assistance des épileptiques indigents fait partie de l'Assistance
publique au même titre que les autres infortunes. La vieille habitude de
les laisser dans l'oubli doit disparaître du monde scientifique. (Gowers.)
Ce serait mal comprendre l'Assistance publique que de la faire dépendre
uniquement de telle ou telle médication.
Cette assistance est très complexe. Il faut s'occuper et se préoccuper
du comitial, s'intéresser à tout ce qui l'intéresse, faire appel à ses senti-
ments affectifs, développer son intelligence, lui inspirer l'amour du tra-
vail et lui créer des occupations. Sous cette influence incessante, la
médication a une action plus décisive. Le succès dépend du tact, du
dévouement et de la persévérance de l'entourage.
Sur tel ou tel mode d'assistance, il faut se garder d'avoir un parti
pris. Chaque mode a sa raison d'être. 11 est libéral et humain de laisser
naître et évoluer à sa guise la charité privée, si ingénieuse dans ses aspi-
rations, si touchante dans ses manifestations, et tenir grand compte des
' Personnellement, depuis 1876 ou 1879, nous avons employé à la Sal-
pètrière l'hydrothérapie conjointement avec les bromures. Mais c'est sur-
tout depuis le mois d'octobre 1879 qu'à Bicêtre nous avons employé ces
moyens combinés sur une grande échelle, ainsi que le mentionnent les
statistiques qui figurent dans les Comptes rendus de notre service de
1880 à 1890. B.
1 1 SOCIÉTÉS SAVANTES. 349 9
lieux, des habitudes, des coutumes, des traditions, des croyances et
même des légendes.
M. Carrier prend ensuite la parole : Quel que soit le mode d'as-
sistance, il importe tout d'abord de secourir les épileptiques ; les
uns sont justiciables des asiles et ne rentrent pas dans la question
spéciale qui occupe le Congrès.
Quant à l'épileptique non aliéné, c'est généralement tout au
moins un débile qu'il faut aussi assister.
On en peut distinguer à ce point de vue différentes catégories.
Les cas d'infirmités plus ou moins graves, compliqués d'épilepsie,
sont souvent des incurables.
Si cependant leur épilepsie peut guérir, ils sont néanmoins
encore susceptibles d'être placés dans les hospices. Quant aux épi-
leptiques simples, valides, mais ayant des crises fréquentes, leur
hospitalisation constante n'est pas nécessaire, parce que, avec une
médication appropriée, leurs crises peuvent devenir plus rares.
Les épileptiques à crises rares peuvent être assistés ainsi à l'aide
d'une consultation externe où on puisse les suivre et jusqu'à un
certain point les surveiller. Il ne faut jamais détruire l'espoir d'un
retour à la vie ordinaire, et l'hospitalisation temporaire combinée
au moyen précédent a l'avantage de ne pas donner au malade
qu'elle assiste le caractère d'incurable. Il y a lieu de distinguer
certaines périodes où l'assistance s'impose aussi à certains autres
points de vue ; c'est d'abord pour instruire l'épileptique, puis pour
lui apprendre un métier.
Il faut aussi, en dehors de l'intelligence, s'occuper du caractère
du malade et améliorer son état moral. Ils sont souvent méfiants
et sournois, mais cela s'explique par ce fait qu'ils ont été repous-
sés de partout. Il importe donc de les traiter avec douceur pour
modifier leur état moral, c'est le complément indispensable de tout
traitement. Aujourd'hui l'assistance doit être basée sur le travail
comme élément moralisateur, c'est dans cet ordre d'idées qu'on
assiste les épileptiques à Lyon.
M. L9nauE expose qu'à Zurich l'assistance des épileptiques a été
perfectionnée ; elle est confessionnelle. L'établissement reçoit
toutes les confessions. Un médecin est attaché à l'établissement et
publie chaque année un rapport.
M. LERICHE, ancien médecin en chef de l'établissement départe-
mental de Saône-et-Loire, donne un aperçu des conditions dans
lesquelles il a trouvé les épileptiques à son arrivée en 1876. En
1875, sur trente-un épileptiques, il y avait cinq décès, soit 16,12
p. 100. Il a alors commencé à instituer un traitement qui, avant
n'était même pas ébauché : dès le deuxième semestre, il n'avait
point de décès. Depuis la mortalité a varié de 7 à 3 p. 100, puis de
2,25 à 0 p. 100 (84) à mesure que le traitement a été plus complet.
250 SOCIÉTÉS SAVANTES.
' On se trouvait, comme dans beaucoup d'asiles, dans des condi-
tions très défavorables, par suite du refus de crédit, et on laissait
les épileptiques travailleurs dépenser leur pécule en achat de tabac
.Ù fumer, chiquer ou priser et en alcool qui leur étaient facilement
dispensés, tandis qu'on leur refusait le bromure.
. M. Mairet lit un travail sur la température dans les accès d'épilep-
sie. Il rappelle l'importance d'un critérium pour dépister la simu-
lation en médecine légale, point signalé il y a déjà longtemps par
M. Bourneville.11. Mairet distingue l'attaque épileptique de l'attaque
épileptiforme, les attaques en séries et les attaques subintrantes.
Il se limite à l'étude des premières, Jes attaques simples. Les pre-
mières recherches importantes sur ce sujet ont été faites par
M. Bourneville. Voici le résultat des recherches de M. Mairet et de
M. Coste, son élève.
L'épileptique étant laissé au lit vingt-quaLre heures, on prend la
température rectale tous les quarts d'heure, sans s'occuper tout
d'abord s'il y a attaque ou non ; on peut ainsi comparer les jours
à attaques à ceux sans attaques, où la température n'est générale-
ment pas modifiée ; cependant, dans quelques cas, les auteurs ont
trouvé des oscillations thermométriques inattendues, en dehors des
attaques, sans qu'on puisse les rattacher à une cause nettement
définie.
Quoi qu'il en soit, peu avant l'attaque, s'est souvent manifestée
une dilatation pupillaire prodromique ; pendant l'attaque, quatre
fois, il y a eu abaissement de la température, variant entre 0,1 et
0,3 dixièmes, trois fois la colonne mercurielle est restée station-
uaire.
A l'abaissement marqué correspondent les convulsions les plus
intenses ; pendant le stade convulsif s'observent quelques oscilla-
tions ; puis vient la période de stertor, au cours de laquelle la tem-
pérature remonte progressivement à la normale ; elle s'élève
même au-dessus, de quelques dixièmes, au cours de la période de
résolution ; l'existence de ce plateau consécutif est cependantsubor-
donnée au sommeil ou, au contraire, à l'agitation possible à ce
moment. Les divergences des auteurs relativement aux modifica-
tions thermiques, viennent de ce qu'on a examiné l'épileptique en
crise à des moments différents. -
. On observe enfin une modification complémentaire des urines,
correspondant à la période ascensionnelle finale, mais non à la
période de crise; on trouve une notable quantité d'acide phospho-
rique et de déchets organiques.
M. Magnan rappelle que dans ces cas la dilatation pupillaire pro-
dromique s'accompagne à l'ophtalmoscope d'une turgescence des
vaisseaux papillaires, en même temps que d'hypérémie encépha-
lique. Sur des animaux en expériences avec attaques convulsives
SOCIÉTÉS SAVANTES. 251
provoquées, ce triple phénomène est très net, si on trépane l'ani-
mal, on voit au moment de la crise la turgescence des vaisseaux
encéphaliques et diploïques correspondre à l'hypérémie de la
rétine et de l'iris. M. Magnan, en revanche n'a pas trouvé d'abais-
sement initial de la température comme M. Mairet. Il signale en
terminant le cas possible d'attaques bulbo-spinales sans participa-
tion du cerveau proprement dit ni perte de connaissance par suite,
il en a observé un cas très net chez une femme âgée.
M. COCT.\G;o1E clôt le débat en rappelant l'importance de ces faits
au point de vue de la question médico-légale d'épilepsie simulée.
MM. Cadéac et A. Meunier étudient en finissant les éléments épi-
leptogènes contenus dans l'eau d'Arquebuse. Cette action pour
eux est inséparable de celle que produisent les hallucinations.
Les principes composants actifs à ce double point de vue sont :
252 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Bouchard : injections intra-veineuses d'urine en nature chez le
lapin. L'urine a été réduite au tiers par évaporation pour se débar-
rasser de l'influence de l'élément quantité au profit de l'élément
toxicité et l'injection faite, non pas avec une seringue mais avec
une pipette de Dazère, l'écoulement de l'urine étant assuré par une
* pression mercurielle.
Dans ces conditions, on a trouvé que l'urine de provenance vésa-
nique est beaucoup moins toxique que l'urine normale. (La pre-,
mière a été fournie par un héréditaire à stigmates physiques avec
phénomènes épisodiques, depsomanie, fugues, crises maniaques,
état continu de subexcitation, insomnie,). Cette diminution de
toxicité a été vérifiée par des injections comparatives : : 30 ce.
d'urine de fou réduite au tiers, ne font rien ou donnent quelques
convulsions passagères, 30 ce. d'urine normale tuent, et elles tuent
un animal qui a résisté quelques jours avant à une injection
d'urine pathologique.
La diminution de la' toxicité urinaire chez notre vésanique est
d'autant plus remarquable que cette urine était plus dense, 1020 au
lieu de 1010, plus riche en extrait sec, 40 grammes au lieu de
20 grammes par litre, plus acide 12 grammes au lieu de 0,5, éva-
lués en acide oxalique, que le vésanique était plus pesant que le
sujet normal pour la même quantité d'urine en vingt-quatre heures
(2 litres) que les lapins les plus lourds, les plus résistants recevaient
l'urine normale.
Cette diminution de la toxicité ne peut être rapportée qu'à un
défaut d'élaboration et ce trouble de la nutrition explique peut-
être certains symptômes, insomnies, excitation permanente, relevés
chez le malade. On pourrait peut-être les comparer aux phéno-
mènes d'abstinence que provoque la suppression du toxique dans
certains états qu'on pourrait appeler normaux artificiels comme
l'alcoolisme, la morphinomanie. Il y aurait là une indication thé-
rapeutique. Il ne serait pas choquant de donner en lavement de
l'urine normale ou ses principes actifs à un vésanique. 1
Mais sans aller jusque-là, on peut comprendre que de même
qu'il y a des équivalents toxiques pour l'alcoolisme ou la morphi-
nomanie tels que éther. chloral, digitale, de même on peut en con-
cevoir pour les empoisonnements en retour qui surviennent par
la suppression des toxines normales. 1
Discussion sur la révision de la loi de 1838 sur les aliénés. -
M. REBATEL fait l'historique des principales études faites sur le
sujet par Gambetta, Théophile Roussel ; il rappelle les derniers
débats, les travaux de la Commission présidés par M. Thévenet, et
le projet de M. Reinach. Ce projet diffère de la loi actuelle en subs-
tituant l'autorité judiciaire à l'autorité préfectorale et en instituant
des commissions locales et une inspection centrale. Les formalités
à remplir impliquaient, pour l'admission, non plus un certificat
SOCIÉTÉS SAVANTES. 253
médical, mais un rapport de médecin adressé au procureur de la
République; ce rapport, transmis avec le certificat de vingt-quatre
heures, ferait l'objet d'un jugement rendu en chambre du Conseil.
Au terme de la loi de 1838, le préfet prononce en s'entourant
« de tous les moyens d'informations », le tribunal ne fera pas autre-
ment ; or, ces moyens se ramènent aux renseignements médicaux
des spécialistes, il est même préférable que ces documents soient
concentrés entre les mains d'un préfet responsable qu'aux mains
du tribunal, personne morale, anonyme, inamovible. Le deuxième
degré du contrôle judiciaire, possible avec l'ancien régime, est
supprimé si, d'emblée, le tribunal prononce, sans appel dès lors ;
en paraissant donner garantie nouvelle aux malades, on les res-
treint'. '
Au point de vue médical, par ce système, l'aliéné devient un
malade à part, mis hors la société par jugement; les aliénistes
s'efforcent, depuis un siècle, d'assimiler l'aliéné aux malades ordi-
naires, on ferait un retour en arrière considérable en modifiant
dans ce sens la législation.
La discrétion, si délicate à garantir, ne sera plus possible à assu-
rer, même avec la précaution du jugement en chambre du Conseil.
.11 en résulte une situation sociale des plus funestes au point de
vue de l'état moral du malade qui restera sous le poids d'un scan-
.dale possible. Le résultat qu'on peut prévoir, sera de faire tourner
la loi par des placements déguisés, dans des établissements [sans
contrôle ni surveillance, ni traitement sérieux. Les placements à
l'étranger se multiplieront ; la proposition Reinach a prévu ce cas,
mais n'y obvie pas, car elle prescrit une simple déclaration au
parquet. Les reproches au système actuel sont toujours les mêmes,
les séquestrations arbitraires les plus retentissantes se sont rame-
nées à des internements ultérieurements justifiés pour la plupart.
. Mais il faut convenir qu'il y a des améliorations à apporter à la
loi existante ; les règles relatives au régime des biens de l'aliéné
sont à remanier, mais cela n'est pa< du ressort de lamédecine men-
tale ; il faut seulement que les autorités compétentes tiennent
compte de l'effet moral sur le malade, de nominations trop hâtives
de tuteurs, curateurs, etc. Ce que l'on peut faire actuellement,
c'est constater les bons côtés comme les défauts de la loi de 1838.
PIERRET ne trouve pas, dans la loi de 1S38, ni dans les projets
proposés, de disposition facilitant à l'indigent aliéné la mise en
traitement et l'isolement immédiat dans un établissement d'assis-
tance. Il combat ensuite le préjugé courant dans le public, de l'in-
curabilité des aliénés. Il ressort des rapports des inspecteurs la
' Voir noire rapport sur le projet de budget de l'asile de Villejuif
pour 1892.
234 -il SOCIÉTÉS SAVANTES.
diminution progressive des guérisons, qui actuellement n'est guère
supérieure à une proportion de 19 p. 100. Et l'étranger en parti-
culier en Grande-Bretagne, on a 40 et même 41 p. 100 deguérison,
parce que les malades, plus riches, peuvent se faire soigner et se
faire placer à temps. De plus, chez nous, l'asile est envahi par les
- déments, idiots, ineuiables, d'une façon générale, qui peuvent
diminuer la proportion des guérisons. Mais la cause vraie du peu
de guérison, tient encore à l'insuffisance de l'assistance des aliénés
indigents; le retard au placement augmente le nombre d'incurables.
La preuve en est dans la proportion des guérisons dans les asiles
privés. Savage a 60 à 65 p. 100 de guérison chez ses aliénés pen-
sionnaires. (Bedlam, 1891.) Malgré l'apparence, le plus grand
nombre des admissions immédiates aboutirait, croit l'orateur, à la
diminution du nombre des aliénés dans les asiles, car on pourrait
faire un nombre encore plus grand de sorties. Ce n'est pas que
l'auteur soit contre le traitement dans les familles, mais ce système
n'est pas possible avec l'indigent, car pour assister à domicile,
encore en faut-il un.
M. Bouchereau prend la parole pour rappeler que Bedlam est
composé de deux parties, asile et maison de convalescence. En
outre, la population des malades est composée seulement de pen-
sionnaires femmes (fondations privées) qui se recrutent surtout
parmi les jeunes filles pauvres, mais relativement instruites.
M. Bouchereau y a vu beaucoup de vésaniques aigus.
La statistique n'en peut donc être comparée en aucune façon à
nos asiles, qui, eux aussi d'ailleurs, sont fort différents parfois,
les uns des autres. Un élément, aussi de variations statistiques,
consiste dans le statisticien lui-même, qui peut compter plusieurs
fois comme guéris, des malades que d'autres signalent aux rechutes
(alcooliques aigus par exemple).
M. Christian fait observer qu'à Charenton, où il n'y a pas d'in-
digents de la catégorie signalée par M. Pierret, la statistique donne
une forte proportion d'incurables, traités de bonne heure, mais
dans des maisons privées; ils sont envoyés à Charenton seulement
lorsqu'ils sont passés à l'état chronique. Dans ces conditions, la
statistique est difficile à dresser et les résultats donnent une très
faible proporlion de guérisons. bien que la population soit exclu-
sivement composée de pensionnaires de l'Etat.
M. Pierret répond qu'il a observé le même phénomène au pen-
sionnat de Bron, et qu'il n'en est pas moins vrai que la proportion
des guéris, de 40 p. 100 du temps de Parchappe, est tombée à
20 p. 100 aujourd'hui. Il s'agirait d'en étudier les causes.
M. CAMUS¡;;T développe les inconvénients qu'entraînent déjà les
élargissements ordonnés par les magistrats, en particulier pour
les paralytiques en rémission, l'extension de leurs pouvoirs ne peut
SOCIÉTÉS SAVANTES. 255
avoir que des inconvénients, au moins jusqu'à ce que les mais-
trats en arrivent comme les préfets, à ne s'en remettre qu'à l'avis
des médecins compétents auquel se ramène toujours, en défini-
tive, la question si délicate à trancher. ,
M. GiRAuD rappelle les inégalités flagrantes existant entre les
différents départements. A côté d'institutions admirables, on voit
des établissements délaissés, où les conseils généraux paraissent
tout-puissants aussi, mais pour ne rien faire ou faire mal. L'abais-
sement du prix de journée au-dessous d'un certain taux devrait
pouvoir être contrôlé étroitement par les pouvoirs centraux. La
création par la nouvelle loi de ce pouvoir régulateur central est
des plus désirables.
M. PARAUD rappelle la façon dont sont faites' les enquêtes des
parquets ; elles enlèvent toute garantie de discrétion aux informa-
tions ainsi prises à l'égard de l'aliéné.
M. Rouny discute l'article 19 de la nouvelle loi. Il conclutcomme
les orateurs précédents au maintien do l'intervention administra-
tive, à l'exclusion de la magistrature. Il rappelle qu'il a combattu
l'application de l'article 29 de l'ancienne loi par les mêmes argu-
ments au Congrès de 1878.
M. Rebatel lit un voeu proposé au vote du Congrès.
Les Membres du Congrès de Médecine mentale de Lyon, considérant
que la loi de 1838, appliquée journellement depuis plus de 50 ans,
répond aux besoins des malades et n'a donné lieu qu'à des abus très
restreints comme nombre et des plus contestables comme faits :
Emettent le voeu : Que la loi de 1838, susceptible de quelques per-
fectionnements dans les détails, soit maintenue dans ses dispositions
générales.
Voté à mains levées à l'unanimité.
M. Sabran développe l'intérêt capital que présente l'union du
corps médical et de l'administration pour la perfection de l'assis-
tance. A Lyon et ailleurs cette union a produit déjà de grands et
beaux résultats, dont nous pouvons être fiers, et qui font le plus
grand honneur à la France et au gouvernement. Le principe du
devoir pour la collectivité d'assister l'indigent, principe proclamé
par la loi, a déjà commencé à donner ses fruits. En ce qui con-
cerne le régime des aliénés, M. Sabran rappelle les deux rapports
de M. Bourneville et celui de M. E. Carrier, qui l'ont convaincu de
l'excellence d'une loi si attaquée.
M. Sabran a contribué à faire repousser, au conseil supérieur de
l'Assistance, l'ingérance des pouvoirs judiciaires aux lieu et place
de l'administration. 11 n'y aurait pas de garantie réelle à cette
2S6 SOCIÉTÉS SAVANTES.
substitution, il en résulterait seulement une plus grande longueur
de la procédure. Au point de vue médical, ces lenteurs peuvent
avoir les plus fâcheux résultats. Comme l'a dit M. Rebatel, il y
aurait enfin un stigmale difficile à effacer, que l'opinion publique
rattache à toute décision judiciaire et qui ne s'attache pas aux déci-
sions administratives. Loin de compliquer on devrait, au con-
traire, simplifier encore la procédure ; quant aux catégories négli-
gées jusqu'ici, les épileptiques en particulier, la nouvelle loi, quelle
qu'elle soit, aura le devoir de s'en occuper.
M. ÏHHVEXET indique au Congrès où en est l'état de la question
de la révision de la loi, il engage le Congrès et le secrétaire géné-
ral à la publication rapide des débats qui viennent de se dérouler,
pour éclairer la commission d'étude. La question des jugements
d'internement peut avoir les plus graves conséquences.
L'assistance des indigents aliénés mérite aussi toute l'attention
que le Congrès et M. Pierret, en particulier, y ont apporté.
L'orateur termine en réitérant le 1OEU, au nom de la Commis-
sion parlementaire d'étude, que les desiderata du Congrès soient
nettement formulés et transmis en temps voulu, pour que la Com-
mission législative et son rapporteur puissent les faire valoir. La
publication de cette partie des débats est décidée comme devant
être faite la première.
M. RENAUT montre des préparations de substance corticale céré-
belleuse obtenue par coloration longuement poursuivie de bichro-
mate d'ammoniaque. L'imprégnation d'argent par la méthode de
Golgi ne va pas assez loin. Les cellules forment un plexus inextri-
cable, un réseau; les prolongements protoplasmiques des cellules
multipolaires sont réunis les uns avec les autres.
Au-dessous de la membrane propre qui constitue la pie-mère.
rang de petites cellules qui doublent absolument la pie-mère, d'où
une constitution particulière; elles s'implantent les unes à côté
des autres à la façon des épithéliomas, se touchent au noyau et
par leur partie supérieure, série de prolongements qui s'entre-
croisent et prennent la disposition des fibres de névroglie Les
cellules sont le seul point où prennentnaissance les cellulesdePur-
kinge.
Analogie entre le cervelet et les organes des sens supérieurs.
Les cellules de la surface de la circonvolution mettent des analo-
gies marquées avec celles de la partie antérieure de la rétine,
constituent le pied des fibres de Muller. Ces fibres se touchent
toutes par leur pied. Ces cellules des fibres de Muller dans larétine
sont des éléments de la prolifération du nervo-épitliélium primor-
dial.
Celte disposition épithéliale trouvée à la surface des circonvolutions
cérébelleuses a été décrite par M. Renaut pour la première fois.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 257
Séance du 7 août 1891 (soir).
M. Joffroy. Fièvre typhoïde et folie. Le travail porte sur
quatre observations :
pe observation. - Une vieille femme, délire sénile, mais coor-
donné, cicatrices au grand trochanter, fièvre typhoïde à l'âge de : 3 ans avec troubles nerveux, avec délire de convalescence (man-
geait de tout, etc.). A sa sortie, même état de délire. Antécédents
héréditaires : père suicidé, délire guéri assez rapidement. Dia-
gnostic : troubles vésaniques à la suite de fièvre typhoïde.
2° observation. - A. P., attaques d'hystérie antérieures, accidents
délirants à l'occasion d'une fièvre typhoïde, depuis, répétition du
délire dans les attaques d'hystérie.
3° observation. Syphilis antérieure, fièvre typhoïde, à la suite
démence précoce.
4° observation. - Paraplégie absolue des membres inférieurs,
fièvre typhoïde antérieure, stigmates avérés d'hystérie avec grandes
attaques depuis cette époque. Ce n'est pas la fièvre typhoïde qui
crée les accidents, les accidents vésaniques qui surviennent sont
des accidents héréditaires, c'est de la folie en germe, la fièvre
typhoïde fait apparaître une cause qui existe déjà à l'état latent.
M. Weill fait observer que la fièvre typhoïde n'a dans tous ces
cas ni plus ni moins d'action que tous les processus infectieux
déjà signalés.
M. Joffroy. - La fièvre typhoïde a un rôle plus puissant que
toutes les autres maladies. La fièvre typhoïde est une maladie à
manifestations inverses plus que toute autre maladie infectieuse.
M. LADAME. En 1884, commence l'application de l'électricité
statique dans les maladies mentales à Genève (n'a pas employé
d'étincelles électriques), gradue l'électricité comme à la Salpê-
trière (Dr Vigouroux). La constipation est efficacement combattue
par l'électricité statique. Trilogie de Pierret : étiologie générale
des maladies mentales : insomnie, mal de tête, constipation.
L'électricité statique est un agent thérapeutique, qui doit être
classé à côté des autres traitements (formes asthéniques et dépres-
sives), succédané de l'hydrothérapie.
M. JOFFROY. - A côté de l'action physiologique, il y a aussi la
suggestion qui est un mode de traitement, plus ancien qu'on ne le
croit. La suggestion est un mode très puissant, pour guérir les
psychopathes ; il importe de tenir compte de son effet dans toute
appréciation de médication nouvelle, comme celle de l'électricité
statique en particulier.
Le Congrès passe ensuite à la discussion des dates et fixation du
Archives, t. XXI. 17
258 SOCIÉTÉS SAVANTES.
lieu pour le prochain Congrès. Sur proposition de M. BoucHEREAu,
président, le principe des Congrès annuels prévaut en face de la
réussite complète du Congrès actuel ; on discute si l'on ne combi-
nera pas ce principe il celui de l'extension aux pays de langue fran-
çaise. --
- M. LAD : 1ME, bien que n'ayant pas les pouvoirs voulus, demande
s'il y a lieu d'étudier l'organisation de la prochaine réunion en
Suisse par exemple. On restreint la discussion des localités pro-
posées à celles dont les autorités ou les aliénistes, membres de
l'administration locale, ont été au-devant du choix du bureau.
Bordeaux et Marseille réunissent quelques voix, Blois réunit la
majorité des suffrages; M. Doutrebente avait d'ailleurs déjà invité
le Congrès à s'y rendre dès la première réunion à Rouen.
La date reste fixée au premier lundi d'août 1892.
M. SAURY (de-Suresnes) communique l'observation d'une femme
de quarante-deux ans, atteinte de troubles trophiques, circulatoires
et secrétaires, au cours d'un accès de délire mélancolique à forme
hypochondriaque. Hérédité névropathique. Stigmates psychiques
de la dégénérescence (émotivité, superstitions, topopbol>ie).A1'âge
de vingt-sept ans, crises hystériformes, disparues au bout de six
mois, mais remplacées par du délire hypocondriaque. Depuis cette
époque, persistance des mêmes préoccupations délirantes, avec
périodes plus ou moins longues de rémission relative. Depuis le
mois de janvier 1890, recrudescence du délire : la malade est
anxieuse et tourmentée ; elle gémit et se lamente, prétendant
qu'elle est couverte de cassures, qu'elle a un trou au coeur, que ses
membres sont arrachés, que son corps est à l'envers; qu'elle est
moisie, décomposée, etc. Le 10 juillet, éruption de zona le longde
la face interne du bras, de l'avant-bras et de la main gauche
(distribution du nerf cubital). Du 21 au 26 août, apparition spon-
tanée d'ecchymoses multiples, ayant pour siège la face, le tronc et
les membres, très étendues surtout au bras gauche. En dernier
lieu, anomalies de la sudation (liypeiliydrose). M. Saury conclut
de celte observation que l'hystérie et l'hypochondrie sont unies
par des liens très étroits à la dégénérescence héréditaire dont elles
ne sont, en réalité, qu'une dépendance. Il signale, en terminant,
les conséquences pratiques qui découlent de la connaissance des
observations de ce genre. Il est évident, par exemple, en ce qui
concerne le fait spécial de la production spontanée d'ecchymoses
dans certains états pathologiques déterminés, que cette connais-
sance peut éclairer le médecin-légiste appelé à donner son avis à
l'occasion de plaintes contradictoires pour coups et blessures,
M. Henry Contysk présente une observation avec photographie
dans laquelle des altérations cutanées coïncident avec un état men-
tal qu'on peut faire rentrer dans le cadre de la dégénérescence. Il
SOCIÉTÉS SAVANTES. 259
s'agit d'une femme de quarante-deux ans, à la face asymétrique,
au palais ogival, dont les antécédents héréditaires n'ont pas pu
être établis ; elle est atteinte d'une débilité mentale confluant à
l'imbécillité avec obtusion extrême des facultés morales, sans
délire. Elle a subi depuis quatre ans 15 condamnations pour délits
de vagabondage et mendicité. Elle présente un érythème de la
face sur lequel tranchent plusieurs plaques où la peau est absolu-
ment dépigmentée ; le àos des mains est atteint d'un érythème
avec desquamation sèche et induration de la peau. La localisation
éveille l'idée de la pellagre, l'auteur croit que dans ce cas l'in-
fluence de l'état du système nerveux doit être admise au moins dans
une certaine mesure.
M. Weill fait des réserves sur le qualificatif d'héréditaire ou
dégénéré qu'on donne invariablement et sans renseignements à
tous les sujets, bien qu'on ne connaisse pas leurs antécédents, pré-
sentant les stigmates physiques ou psychiques, et qui rentrent dans
la catégorie des vésaniques et des héréditaires. Ce sont souvent
des accidentels, ayant souffert au moment d développement d'une
affection infectieuse qui a frappé leur système nerveux.
M. ContnEMALE communique un mémoire sur les rapports de la
paralysie générale précoce avec l'alcoolisme ancestral. L'auteur
n'apporte que deux observations à l'appui de sa façon de voir ;
dans ces cas les malades n'ont rien fait pour devenir paralytiques
et on chercherait vainement dans leurs antécédents personnels de
quoi justifier l'éclosion de la maladie mentale. Ce sont des vic-
times fatales de leur hérédité et la dégénérescence qui pèse sur
leur vie et leur évolution intellectuelle est une dégénérescence due
à l'alcoolisme de leurs géniteurs. L'auteur rappelle que dans sa
thèse (88) il a déjà indiqué le rapport que la paralysie générale
précoce affecte avec l'alcoolisme ancestral, il avait déjà apporté, à
l'appui de cette opinion, deux observations recueillies à l'asile
d'aliénés de Montpellier. '
M. CULLERRE envoie un mémoire sur un effet paradoxal obtenu
par la suppression de la morphine chez certains mélancoliques
soumis à ce médicament. Rappelant les observations de M. A. Voi-
sin sur ce sujet, M. Cullerre n'accepte pas les conséquences
extrêmes de sa méthode, « si au bout de quelques semaines l'effet
thérapeutique, sous l'influence de doses beaucoup moindres que
celles dont je viens de parler (2 gr.), ne s'est pas manifesté, j'ar-
rête la médication, quitte à la reprendre à un moment plus favo-
rable. C'est précisément dans ces conditions que j'ai constaté
l'amélioration inattendue survenue chez les malades dont je cite
l'observation. »
M. BOUBILA (de Marseille). - Des chlorures d'or et de sodium dans
la paralysie générale. Les résultats du traitement par le chlorure
260 SOCIÉTÉS SAVANTES.
d'or et de sodium, traitement institué dans les conditions de doses
signalées (de 0,002 à 0,01) présente des avantages. Les inconvé-
nients paraissent nuls. L'augmentation des globules marche paral-
lèlement à l'augmentation du poids. La pression dynamométrique
peut être considérée comme une quantité négligeable, vu les diffi-
" eut tés de l'opération, malgré sa simplicité.
La première période est plus favorable pour l'application de ces
agents thérapeutiques ; ils provoquent des rémissions et même dans
la seconde période ils sont indiqués comme augmentant la résis-
tance et retardant la terminaison par la mort rapide et la cachexie
paralytique.
M. REY. - Trépan dans un cas de paralysie générale. Il y a tout
lieu de croire que le malade a bénéficié de l'intervention chirur-
gicale. La dure-mère incisée ne présente aucune altération appa-
rente. Au-dessous, les méninges sillonnées devaisseaux volumineux
présentent un aspect gélatineux et des plaques laiteuses. On
remarque que le cerveau fait un peu hernie et vient combler en
partie l'ouverture du crâne. Cet examen rapide étant fait, les lam-
beaux de la dure-mère sont réunis par des points de suture ; le
lambeau épicrânien est également réuni en place.
L'opération a duré une heure; inutile de dire qu'elle a été faite
selon toutes les règles de l'antisepsie rigoureuse. Au réveil, le
malade est calme et satisfait. Huit jour. après, la cicatrisation est
complète, le malade reprend sa place dans la division. Le malade,
un mois et demi après, a pu être rendue sa famille; il est calme,
d'humeur égale. L'état de dépression, les idées de satisfaction ont
disparu.
En l'absence de tumeur exerçant une compression, une irrita-
tion du cerveau, ne peut-on admettre que le seul débridement ne
donne les résultats que donne la suppression de toute gêne de
cause externe Comme le vertige, l'épilepsie essentielle ou symp-
tomatique, la paralysie générale peut donc tirer profit de l'inter-
vention chirurgicale. L'incurabilité habituelle de l'affection, l'inef-
ficacité reconnue du traitement interne, et d'autre part l'inocuité
de l'opération du trépan, grâce à l'antisepsie, toutes ces raisons
paraissent justifier ces tentatives.
M. RÉViLLET (de Cannes). Déformation et lésions pathologiques
du ne : chez l'idiot. « Chez l'idiot, la déviation du nez à gauche,
poussée jusqu'à la difformité, s'observe dans plus de la moitié des
cas. Les fosses nasales sont presque constamment le siège d'un
catarrhe chronique. L'hypertrophie de la muqueuse de la cloison
et de celle des cornets est d'une grande fréquence, d'autant
plus remarquable que ces affections sont relativement rares chez
l'homme sain d'esprit. La déviation de la cloison, par le fait du
rétrécissement qu'elle produit dans une des fosses nasales, est une
SOCIÉTÉS SAVANTES. 261
des causes pathogéniques nettement efficiente de l'hypertrophie de
la cloison et de celle des cornets. »
M. le D1] CHAUMIEZ fait une communication sur un cas d'halluci-
nations persistantes de la vue, liées à une lésion intra-crânienne
et s'accompagnant d'atrophie des nerfs optiques.
Malade, soixante-deux ans, sans alcoolisme, ni syphilis, présen-
tant une atrophie des deux nerfs optiques, s'accompagnant d'hal-
lucination interne de la vue. Cette observation présente plusieurs
particularités intéressantes, tant au point de vue séméiotique, qu'au
point de vue de la physiologie psychologique. En outre des lésions
de l'appareil oculaire, produisant une double hémianopsie, mais
différente pour les deux yeux, notre malade a des hallucinations
dont l'intensité a suivi la marche progressive de l'atrophie de la
rétine. Ce dernier fait tendrait à démontrer que des lésions dégé-
nératives, tout aussi bien que des lésions irritatives, d'un appareil
sensoriel peuvent accompagner des troubles hallucinatoires. Mais
il y a loin de là à la folie sensorielle. Quelle que soit l'intensité de
ses hallucinations, notre malade n'a jamais présenté le type de la
vésanique hallucinée. Les phénomènes sensoriels d'origine toxique,
surtout ceux causés par l'atropine, la cocaïne, l'alcool, dont nous
avons observé plusieurs cas dans notre pratique médicale s'en
rapprocheraient davantage, ce qui pourrait faire supposer que la
folie sensorielle est sous la dépendance de troubles de la nutrition
cérébrale ayant déterminé des auto-intoxications.
Enfin, un dernier fait intéressant au point de vue de la physio-
logie psychologique repose dans la marche progressive et'la géné-
ralisation des tioubles sensoriels. Au début de son affection, notre
malade ne se plaignait que des hallucinations de la vue. Les troubles
auditifs, les illusions de la sensibilité générale ,se manifestent,
secondairement, en vertu de ce principe que nos sens réagissent
les uns sur les autres et se complètent mutuellement de telle sorte
que le mauvais fonctionnement de l'un d'entre eux entraîne iné-
vitablement des troubles de tous les autres.
M. RovER. Contribution à l'étude de l'oeil des aliénés. 1° Conclu-
sions générales : 1° au point de vue de la nature des lésions. Les
aliénés ne présentent aucune maladie oculaire qui leur soit spéciale.
- 2° L'oeil droit chez les droitiers, l'oeil gauche chez les gauchers
sont le plus souvent intéressés. -3° D'une façon générale, les
aliénés atteints d'affections oculaires présentent des hallucina-
tions. - 4° La proportion d'aliénés atteints d'affections oculaires
est d'environ un tiers. 5o L'examen ophtalmoscopique peut indi-
quer l'administration tonique du coeur chez certains cardiaques
qui, porteurs de lésions cardiaques en apparence composées, pré-
sentent des troubles de circulation intra-oculaire.
2° Observations particulières. 1° Chez les paralytiques géné-
262 SOCIÉTÉS SAVANTES.
raux, il est utile de remplacer le symptôme inégalité pupillaire
par le symptôme rigidité de la pupille, plus général et plus carac-
téristique. - 2° L'excavation physiologique de la papille est une
disposition très générale chez les dégénérés. 3° Les idiots hyper-
métropes sont des idiots vrais d'origine intra-utérine. Les emmé-
tropes et myopes idiots sont généralement des déments de la pre-
mière enfance.
Communication de M. Belle (de Moulins) sur les cultures du liquide
vaccinal. L'opération de la vaccination est très élémentaire,
néanmoins elle rencontre beaucoup de difficultés dans sa pratique :
1° par suite des récriminations des sujets ou parents de sujets à
vacciner qui ignorent l'origine du vaccin que le médecin veut ino-
culer ; 2° par suite des difficultés de se procurer à un prix élevé
une quantité suffisante de vaccin, pour opérer au milieu d'une
population contaminée parla variole.
Ces difficultés peuvent être levées en se procurant du vaccin par
un procédé décrit par M. Charles, pharmacien à Moulins, dans
une brochure ayant pour titre : De la préparation économique de la
pulpe vaccinale.
La pulpe vaccinale préparée par ce procédé a été expérimentée à
l'Asile des aliénés de Sainte-Catherine au commencement d'une
épidémie de variole qui a fait des ravages à Moulins et dans les
communes voisines et cet établissement a été préservé de l'épi-
démie. Le sujet vaccinifère a été pris dans la ferme de l'asile sur
lequel il a été possible de récolter environ quatre cents tubes de
vaccin, dont le prix de revient demandé par un institut vaccinal
est de 1 fr. à 1 fr. 50 le tube.
Cette provision de vaccin a été plus que suffisante pour vacciner
les 600 malades de l'établissement. En outre, cette opération a été
faite rapidement, car il a été possible de vacciner près de 60 per-
sonnes en une heure.
La lenteur avec laquelle il est possible de se procurer du vaccin
en quantité suffisante pour vacciner un rayon de communes, et
parfois des villes contaminées par la variole, est une cause de pro-
pagation de l'épidémie. En employant le procédé deM. Charles pour
avoir du vaccin, il est possible d'en avoir à sa disposition 125 heures
après l'inoculation de l'animal vaccinifère. La fraîcheur du vaccin
qui est une condition de succès est assurée en employant le procédé
ci-dessous qui évite l'usage de tubes de vaccin déjà anciens.
A six heures, le président lève la séance en remerciant au nom
des congressistes la municipalité lyonnaise et les confrères de
Lyon pour la magnifique réception et l'organisation si bien com-
prise du Congrès. M. Bouchereau se fait l'interprète des adhérents
absents ou empêchés, et les membres présents votent à l'unani-
mité un ordre du jour de remerciements aux organisateurs du
Congrès et à leur secrétaire général, M. A. Carrier. M. Bouchereau
SOCIÉTÉS SAVANTES. 263
rappelle à ses collègues l'invitation de M. le maire de Lyon pour le
soir et l'excursion du lendemain à l'asile de Saint-Robert.
VISITES AUX ÉTABLISSEMENTS D'ALIÉNÉS
1° VISITE A l'asile départemental DE BRON (5 août).
Le 5 août, les membres du Congrès ont visité l'asile départemen-
tal du Rhône, situé à Bron, à 4 kilomètres de Lyon ; les tramways
à vapeur comprimée ont transporté les visiteurs; ils ont été reçus
à leur arrivée, par M. Tondu, directeur, MM. les D's Pierret et
Brun, médecins en chef, et M. Rousset, médecin adjoint.
Le laboratoire d'anatomie pathologique et d'anthropologie de
M. le Dr Pierret a tout d'abord fixé l'attention des congressistes ;
parmi les pièces présentées, nous signalerons une collection de
cerveaux durcis à l'acide nitrique et des préparations de crânes
très intéressantes. Les quartiers cellulaires ont été ensuite parcou-
rus ainsi que le quartier d'observation et les infirmeries.
Le cubage d'air largement compris et l'heureuse disposition des
baignoires pour les agités ont fait, avec les jardins annexés à chaque
cellule, l'admiration des visiteurs. Si la surveillance et l'aération
de ces quartiers sont satisfaisantes, il n'en a pas paru de même des
moyens de chauffage et de l'installation des cabinets d'aisance.
L'insuffisance des lavabos et l'impossibilité de surveiller les cours
cellulaires ont aussi attiré l'attention des membres du Congrès.
Le luxe de grillages en fer forgé, disposés autour des poêles,
n'a pas paru une innovation très heureuse, et la disposition des
tuyaux-coudes de dégagements pour l'échappement de la fumée
reste inférieure à la colonne verticale à large tirage.
L'installation matérielle des douches a paru pleinement satis-
faisante, ainsi que la pression et la température de l'eau.
La combinaison du cadre métallique à la couverture de toile
pour la fermeture des baignoires nous a semblé ne pas présenter
d'avantages évidents sur la couverture entièrement en toile. Les
autres moyens de contraintes en usage sont la camisole et la jam-
bière-entrave, dont nous en avons constaté la présence, mais que
nous avons eu le plaisir de ne pas rencontrer appliquées à plus de
trois malades.
Leur usage est encore nécessité par l'insuffisance, dans certains
cas, de l'instruction professionnelle des gardiens ou gardiennes,
en l'absence d'écoles municipales d'infirmiers et infirmières telles
qu'il en existe à Paris. La tenue du personnel a paru particulière-
ment correcte et le costume sévère des gardiens ainsi que l'habil-
lement simple et gracieux des surveillantes ont été remarqués. Les
cuisines installées avec générateurs de vapeur sont construites
suivant les dernières données scientifiques.
264 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Dans les nouveaux bâtiments des pensionnats, les quelques
défectuosités que nous avons eu à signaler n'existent plus, et le
confortable, le luxe même n'y fait point défaut.
A midi précis, un banquet offert par l'Asile a réuni les congres-
sistes. Pendant tout le temps s'est fait entendre l'excellente
musique de l'Asile, composée exclusivement de gardiens de l'éta-
blissement.
Au déjeuner de l'asile de Bron, plusieurs toasts ont été portés ;
le premier par M. Rivaud, préfet du Rhône. Après avoir exprimé
l'espoir que les membres du Congrès garderont un bon souvenir
de l'accueil qui leur est fait à Lyon, il a ajouté :
Je lève mon verre, dit-il, au président du Congrès de médecine men-
tale, à l'éminent docteur Bouchereau et à ses savants confrères qui l'as-
sistent au bureau du Congrès, aux médecins étrangers qui ont pris place
à ce banquet, à nos amis et voisins les Suisses, dont les citoyens sont
venus récemment en si grand nombre au concours national de tir de
Lyon nous apporter, comme eux, une affirmation nouvelle de l'inaltérable
amitié qui unit les deux Républiques; à M. le docteur Mendelsohn,
qui représente ici la grande nation qui faisait, hier, un si splendide
accueil aux marins de notre escadre. Que M. le docteur Mendelsohn
emporte la conviction que ces manifestations ont soulevé dans tous les
coeurs français une émotion ineffaçable et que nous éprouvons tous, pour
son pays, des sentiments identiques de profonde sympathie.
Ces paroles ont été accueillies par des applaudissements répétés.
D'autres toasts ont été portés par M. Bouchereau, président du
Congrès, remerciant la ville de Lyon de sa brillante hospitalité,
M. Nolot, MM. Magnan, Tcherine, délégué suisse, et Rebatel.
M. Nolot remercie les aliénistes qui ont bien voulu honorer
l'asile du Rhône de leur présence, il souhaite que leurs apprécia-
tions décident de nouvelles améliorations dont le département est
prêt à supporter les sacrifices.
M. Jetcherine (de Nyons), remercie, au nom des aliénistes de
langue française et de la Suisse en particulier, l'administration
française de tout ce qu'elle fait pour les aliénés et pour la science
mentale.
M. Rebatel répond au nom du conseil général du Rhône.
M. Tondu, directeur de l'asile, remercie également les orateurs
des éloges exprimés au sujet de l'asile de Bron, il en reporte tout
le mérite à l'administration centrale. M. Magnan porte, en finis-
sant, un toast à la mémoire de son ancien maître, le Dr Arthaud,
premier fondateur de l'Asile.
2° Visite A l'asile DES frères Saint-Jean-de-Dieu (5 août).
. Le 5 août, au retour de Bron, le Congrès a visité l'établissement
des Frères de Saint-Jean-de-Dieu situé sur la rive gauche du
SOCIÉTÉS SAVANTES. 268
Rhône en face le Pont-du-Midi. La vaste superficie des terrains et
l'aération largement comprise des bâtiments rappelle les modèles
anciens dont on connaît les défauts (agglomération des malades
et diminution du nombre des quartiers de classement). Le person-
nel entièrement religieux a paru avoir une bonne tenue; son
éducation professionnelle paraît être satisfaisante et même au-des-
sus de la moyenne de ce qu'on rencontre dans les asiles privés.
3° JEUDI 6 août. Excursion A l'établissement d'épileptiques
DE LA TEPPE, PRÈS DE TAIN DRbuE).
Le 6 août a eu lieu une excursion sur le Rhône à l'établissement
religieux de Tain-de-la-Teppe. Arrivés après une descente des plus
pittoresques à bord du Gladiateur, les congressistes ont été reçus
par M. Tournaire, médecin de l'établissement. Après une allocution
prononcée par lui pour souhaiter la bienvenne aux visiteurs, M. Bou-
chereau remercie au nom de ses confrères et la visite commence.
Ce n'a été qu'un long défilé dans les jardins et les dortoirs
coquets dont le confortable a paru ne rien laisser à désirer; mais
d'une façon générale l'établissement a plutôt l'air d'un caravansé-
rail très proprement tenu, d'une immense hôtellerie très bien com-
prise ; on cherche vainement trace d'une installation particulière
appropriée au genre de pensionnaires recueillis (épileptiques).
Dans la sphère de l'outillage matériel spécial, il règne peut-être
le même mystère que dans celle de l'arsenal thérapeutique;
M. Magnan a essayé en vain de pénétrer le secret (caché avec un
soin jaloux) du médicament auquel M. Tournaire persiste, sans
vouloir autrement nous en convaincre, à attribuer une action
capitale. Retour par le chemin de fer à six heures.
4° 8 août. Visite A l'asile départemental
DE SAJNT-RoBERT (ISÈRE).
Le 8 août, les membres du Congrès, au nombre de 30, se sont
rendus à l'asile départemental de l'Isère, à Saint-Robert. Ils ont
été reçus par M. le Dr Dufour, directeur-médecin-chef, qui les a
conviés à un banquet offert par l'administration de l'asile. La visite
des sections a permis de constater la multiplicité des quartiers de
classement et le nombre très suffisant du personnel de surveil-
lance (120/900).
Le non-restraint est par suite appliqué dans la plus large
mesure. Les cellules, au nombre de 40, bien disposées, complètent
ce système excellent à tous points de vue. L'exploitation agricole,
qui fait l'objet de la sollicitude toute particulière de M. Dufour,
permet d'employer un grand nombre de malades (150). Le Con-
grès a pu admirer les excellents résultats obtenus.
366 SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 25 mai 1891. - Présidence DE M. ! 30UCIIEREAU.
Présentation d'une nouvelle sonde oesophagienne. - M. T.\RGOWLA,
interne de Villejuif, présente à la Société une sonde oesophagienne
qu'il a trouvée en usage à son arrivée dans la division des femmes
à Villejuif et qui offre des garanties de sécurité qu'on ne ren-
contre pas dans les autres modèles. C'est une sonde en gomme
dont la longueur est telle, qu'il est impossible de ne pas être pré-
venu si elle venait à être introduite dans les voies respiratoires.
M. Vallon demande à M. Briand quelques explications complé-
mentaires sur le fonctionnement de la nouvelle sonde.
M. BRIAND. Cette sonde est beaucoup plus longue que les modèles
précédents employés. En outre, à environ 35 centimètres de l'oeil
est un repère qui, une fois arrivé à la hauteur de l'orifice nasal,
indique que la sonde pénètre dans l'estomac. L'avantage réel
qu'elle présente est le suivant : sa longueur permet de l'introduire
profondément et d'avoir ainsi la certitude qu'on ne fait pas fausse
route dans les voies respiratoires, car si la sonde s'engageait dans
la trachée, elle y serait bien vite arrêtée par la bifurcation bron-
chique. Quand l'opérateur a introduit la sonde d'une quantité suf-
fisante pour être certain qu'elle s'est logée dans l'estomac, on la
retire jusqu'au premier repère et on procède ensuite à l'injection
du liquide alimentaire. Celui-ci se compose habituellement de lait,
jaunes d'oeufs et farine de lentilles avec une petite quantité de
poudre de viande.
La sonde peut servir à faire des lavages d'estomac.
Atrophie partielle symétrique des hémisphères et porencéphalie du
lobe frontal droit. M. Rrrrr donne lecture d'un mémoire de
M. Salgo, médecin en chef de l'asile d'aliénés de Budapest, sur
l'atrophie partielle des hémisphères cérébraux.
Neurasthénie tardive. Idées obsédantes. Ramollissement cérébral.-
M. SÉGLAS communique l'observation d'un individu atteint de neu-
rasthénie avec obsessions survenuesà un âge très avancé. A l'âge de
cinquante-six ans, cet homme eut une première attaque de neu-
rasthénie ; deux ans après, ictus apoplectiforme léger, mais ayant
cependant laissé une hémiparésie gauche et un peu de faiblesse
intellectuelle. Un an et demi après, seconde atteinte de neuras-
thénie s'accompagnant, cette fois, d'obsessions conscientes (folie du
doute, peur des espaces, des voitures, etc.). M. B.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 267
Séance du 29 juin 1891. - Présidence DE M. BoUCHEREAU.
M. ROUILLARD lit une note sur trois cas de troubles cérébraux
consécutifs à la scarlatine.
M. A. Voisin pense que l'urémie peut entrer en ligne de compte
pour expliquer l'excitation. Il a observé lui-même deux cas de
délire aigu au début de la scarlatine. Une saignée de 100 grammes
a été suivie d'amélioration.
M. Charpentier ne trouve pas dans les observations la preuve
qu'il s'agisse bien de scarlatine. Certains érythèmes peuvent la
simuler. -
M. Ballet retrouve dans la communication de M. Rouillard cer-
taines tendances qu'il a eu l'occasion de combattre souvent, et qui
consistent à faire une maladie, d'un symptôme. On cherche trop,
selon lui, à constituer des espèces morbides d'après l'étiologie.
M. RouILLARD ne voit pas que l'urémie puisse être en cause. Il
s'agit bien de scarlatine; la maladie régnait épidémiquement
dans la garnison où les observations ont été recueillies par son
correspondant qui est un médecin militaire très distingué. Il se
défend d'avoir prononcé le mot de folie scarlatineuse, mais malgré
que le raisonnement post hoc ergo propter hoc soit souvent vicieux,
il ne voit pas quelle autre cause que la scarlatine pourrait être
invoquée pour expliquer le délire.
La loi sur les aliénés. M. FALRET propose à la société d'ins-
crire à son ordre du jour la discussion de la loi de 1838.
Pathogénie du mutisme mélancolique. - M. Séglas cherche à
expliquer la pathogénie de certains mutismes mélancoliques par
des phénomènes d'amnésie verbale transitoire qui amènent l'ob-
session angoissante;du,moL. D'autres fois, c'est un affaiblissement du
pouvoir de synthèse qui produit le mutisme surtout chez les mélan-
coliques à forme neurasthénique qui éprouvent de très grandes
difficultés à comprendre ce qu'on leur demande.
Les hallucinations psychiques de Baillarger peuvent aussi encom-
brer la faculté du langage et en troubler l'expression.
M. Charpentier attribue plus volontiers le mutisme mélancolique
à l'affaiblissement du pouvoir d'association et l'amnésie.
Marcel Briand.
268 SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES
.DE MERLIN
Séance du 12 novembre 1888 1. - PRÉSIDENCE DE M. WESTPHAL,.
M. UHxuoFr; présente une malade atteinte de sclérose en plaques
au début. Cette malade, qui est affectée depuis janvier 1888 d'une
amblyopie de l'oeil droit, a été prise du même trouble de l'oeil
gauche au mois d'août. A l'ophtalmoscope on constate une atro-
phie des parties temporales de la papille. Le trouble de la vue s'est
installé brutalement et intense sur l'oeil droit; il ne s'est développé
que plus tard graduellement et à un degré bien plus faible sur l'oeil
gauche.
M. BERNHARDT. - Des paralysies du péronier (sciatique poplité
externe). Observation de paralysie par compression longtemps pro-
longée dans le jarret, de même que la paralysie du radial si fré-
quente par semblable cause. Par comparaison, l'orateur présente
un malade atteint de paralysie cérébrale de l'extrémité inférieure
gauche et en particulier du pied.
M. Oppenheim ? Un cas de lésion combinée des cordons de la moelle
épinière dans l'enfance. Fillette de quinze ans présentant les symp-
tômes suivants : ' atrophie bilatérale du nerf optique, immobilité
fixe des deux pupilles, blépharoptose du côté droit, signe de
Westphal, signe de Romberg. Affaiblissement et légerdegré d'ataxie
des extrémités inférieures; troubles de la motilité rappelant l'hémi-
chorée à gauche : nasonnement avec convulsions des muscles de la
bouche et de lalanue, respiration haletante. Autopsie. Légère hydro-
céphafe avec lésion combinée des cordons postérieurs latéraux et
antérieurs de la moelle, mais de faible intensité. La lésion des fais-
ceaux pyramidaux dans les cordons latéraux se continue à travers
l'entrecroisement des pyramides, jusque dans la moitié supérieure
de la protubérance. Atrophie presque complète de la vaccine
descendante de la cinquième paire des deux côtés; dégénérescence
des groupes de cellules décrits par Westphal au niveau du noyau
de l'oculo-moteur commun.
Séance du 10 décembre 1888. - Présidence DE M. WESTPHAL.
M. SPERLING présente une paralysie du péronier produite par une
1 Voy. Archives de Neurologie. Séance de juillet 1888.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 269
contusion au moyen d'une poutre qui lui est tombée entre le tiers
moyen et le tiers inférieur de la jambe. Paralysie du mouvement
et de la sensibilité cutanée.
M. SPERLING.- De la paralysie isolée dit nerf sus-scapulaire gauche
sans motif chez une femme de cinquante ans, indemne de tares hé-
rédilaires. L'évolution de la maladie comprend trois stades dans
l'espèce : 1° paralysie de tout le bras gauche, brusque, avec douleurs
violentes principalement dans l'épaule et le bras. Durée : huit jours;
2°retour graduel de la motilité; 3° trois mois de galvanisation
complètent la guérison.
Diagnostic : névrite du nerf sus-scapulaire.
M. M'fSTPH.L. - Nouveau groupe annulaire de cellules placées en
dehors et en avant des deux nouveaux groupes de cellules de l'oculo-
moteur commun déjà décrits par l'auteur. Ce groupe annulaire
comprend cinquante à soixante séries de cellules à l'état normal.
Or, dans un cas pathologique, on en a trouvé vingt-cinq atrophiées;
l'atrophie du groupe entier était complète en un cas d'atrophie du
noyau de l'oculomoteur commun, les deux autres noyaux ayant été
épargnés. ,
M. SIEMERLING, - Un cas d'hystérie grave avec aliénation mentale.
A l'autopsie on trouva : une bifidité de la partie inférieure du bulbe,
des fibres transversales dans la moelle, un déplacement des colonnes
de Clarke, l'hétérotopie de la substance grise. En outre, dégéné-
rescence partielle des cordons postérieurs de la moelle cervicale et
de la partie supérieure de la moelle dorsale, atrophie des cellules
dans les noyaux moteurs du bulbe, mais avec conservation parfaite
des racines correspondantes et des nerfs périphériques.
Séance du 1 4 janvier 1889. - PRÉSIDENCE DE M. Westphal.
M. KRONTIIAL montre un chien auquel il a enlevé les parois osseuses
du canal vertébral. Actuellement, on constate une diminution de la
partie postérieure du tronc et la disparition de la sensibilité de la
patte postérieure avec perte de la sensibilité musculaire de la même
jambe devenue ataxique; exagération des réflexes tendineux de ce
membre.
M. ŸBSTPÜAL. Chez un malade atteint de paralysie progressive des
muscles des yeux, on trouve une hypérémie notable du noyau
atrophié du moteur oculaire commun et de nombreux extravasats
sanguins au même endroit. On n'a pas examiné le pathétique,
mais on a rencontré les mêmes lésions dans le noyau de l'oculo-
moteur externe. Chez un autre malade affecté du même complexus
oculaire, il existe une sclérose en plaques. Enfin voici le dessin
d'une racine de l'oculomoteur commun séparé du centre par un
processus dégénératif.
270 O ' SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. SPERLING. - Cas insolite de dystrophie musculaire progressive
(type facio-scapulo-huméral. Voyez le Neurolog. Centrale, de 1889 "j.
M. UHTHOFF présente un homme de quarante ans ayant depuis
six mois une paralysie de l'oculomoteur commun du côté droit ainsi
qu'une paralysie du trijumeau du même côté (branches sensitives
' toutes); la muqueuse buccale et les fibres gustatives de la corde du
tympan sont aussi affectées à droite. Santé générale bonne, à part
quelques céphalalgies par moments. Aucun symptôme tabétique.
On diagnostique une lésion gommeuse du tronc de l'oculomoteur
commun et du trijumeau. Le malade a en effet eu la syphilis. Tout
récemment enfin, il a éprouvé des douleurs lancinantes violentes à
gauche le long des nerfs intercostaux ; l'examen révèle une pares-
thésie du sixième nerf intercostal gauche. Est-ce dans ces conditions
un tabes au début et à marche des plus insolites ? est-ce au contraire
l'indice de l'envahissement par des gommes des méninges spinales
à la région d'oùémergentles nerfs intercostaux ? Faut-ily voir plutôt
l'association fortuite d'une lésion gommeuse des deux nerfs oculo-
moteur et trijumeau droits et d'un trouble hétérotopique des nerfs
intercostaux gauches.
Séance du 11 mars 1889. - Présidence DE M. SANDER.
M. MlTTENZWE ! G. Uémorrhagie sous-dure -mérienne issue du déve-
loppcment anormal d'un vaisseau du cerveau. Mémoire publié dans le
Centrtrlb, f. Nervenheil1¡, 1889 2.
M. Berniurdt. Paralysie périphérique isolée du nerf sus-scapu-
laire droit. Etiologie extraordinaire. Publié dans Centralb. f. Nerven-
heilk.
M. SPERLING.- Un cas de dysti-ophiemiisculaire progressive en ayant,
à un examen superficiel, imposé pour une ataxie héréditaire. Jeune
homme de dix-neuf ans n'ayant apprisà marcher qu'à l'âge de quatre
ans et n'ayant jamais pu marcher comme les enfants normaux. A
douze ans, la marche devient encore plus difficile; à quinze ans, il
fait une chute et, consécutivement, marche encore moins bien. Sa
mère est atteinte de lupus; deux de ses tantes sont aliénées. Le
jeune homme, scrofuleux, est fort intelligent et travaille avec assi-
duité à l'horlogerie. Sa démarche est incertaine et chancelante ; il
marche les jambes écartées, levant les pieds plus haut que d'ordi-
naire parce qu'il ne peut en soulever les extrémités. Il lui est très
difficile de se mettre debout; pour y parvenir, il lui faut le concours
de tous les muscles du corps. Sensibilité intacte; absence de réflexes
1 Voy. Archives de Neurologie, Revues analytiques.
2 Une fois pour toutes, on trouve l'analyse des mémoires publiés à par
dans les Archives de Neurologie, aux Revues analytiques.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 271
patellaires'; persistance des réflexes cutanés. Léger nystagmus hori-
zontal des deux yeux. Diminution évidente de la force motrice
brûle. Atrophie manifeste du deltoide gauche, des deux sterno-
cléido-mastoïdieus et des muscles de la colonne vertébrale. Hyper-
trophie des deux mollets. Un grand nombre de nerfs et de muscles
réagissent moins aux courants faradiques et galvaniques; l'électri-
cité statique ne provoque sur eux aucune réaction. C'est évidem-
ment une dystrophie musculaire progressive généralisée.
Séance du 8 avril 1889. - PRÉSIDENCE de M. W. SANDER.
M. Siemerling. Un cas de névrite alcoolique avec myosite. Une
femme de cinquante et un ans présentant tous les signes de
l'alcoolisme chronique, est depuis Noël 1887 paralysée des jambes,
elle ne peut quitter la chambre. On constate le 26 mars 1888 : léger
délire, oedème de la face, de la région de l'épaule gauche, du bras
de ce côté et des deux jambes. Il ne lui est possible de marcher
qu'à l'aide d'un appui ; elle marche alors les jambes écartées, en
vacillant et en laissant tomber la pointe du pied, ataxie légère.
Réaction pupillaire prompte; intégrité des mouvements des yeux ;
rien d'anormal à l'ophtalmoscope. Parésie légère des membres
supérieurs; parésie plus accusée des membres inférieurs, surtout à
gauche ; signe de Westphal des deux côtés. La pression sur les ori-
gines des gros troncs nerveux (radial, cubital, sciatique poplité
externe) et sur les muscles est très douloureuse. Légère albuminu-
rie. Température normale. Réaction dégénérative dans le domaine
du sciatique poplité externe. Le malade succombe à une pleurésie
droite (peut-être tuberculeuse). On constate au microscope l'inté-
grité de la moelle et des racines nerveuses. Les nerfs périphériques
(radial, sciatique, poplité externe, crural) sont, jusque dans leurs
rameaux intramusculaires, affectés d'atrophie des fibres avec multi-
plication des noyaux du tissu conjonctif interstitiel. Prolifération
interstitielle des muscles (tissu conjonctif et ses vaisseaux); atro-
phie de la plupart des fibres, hypertrophie de quelques fibres;
dans le tissu interstitiel beaucoup de pigments et d'extravasats san-
guins libres : ce processus est surtout accusé dans le gastroenémien
et l'extenseur commun des orteils. Les altérations des nerfs et des
muscles sont simultanées.
M. OI'PE1VI1G1M. Un cas de tumeur cérébrale. Mémoire publié
à part.
M. Oi'l'ENUE). Des allures des fonctions de la vessie dans la sclé-
rose en plaques disséminées. Contrairement à ce que disent les
livres, l'auteur a sur 30 cas de cette maladie, confirmée par l'au-
topsie ou diagnostiquée sûrement par un examen clinique bien fait,
observé des troubles vésicaux. Dans six cas seulement, ceux-ci man-
quaient totalement. Le mémoire sera publié.
272 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Séance du 13 mai 1880. - Présidence de M. W. SANDER.
M. Eulenbourg présente un malade atteint de lacune partielle du
muscle trapèze droit. L'anomalie apparaît des plus nettes quand on
; fait étendre les deux bras en avant à hauteur des épaules. On voit
alors que l'épaule gauche est tout à fait normale; *on bord posté-
rieur reste vertical, parfaitement vertical de haut en bas, l'angle
inférieur de l'omoplate ne s'éloigne pas notablement de la paroi
postérieure du thorax. A droite au contraire, l'angle inférieur de
l'omoplate forme une aile, qui s'éloigne de 4 centimètres du tho-
rax, et paraît en même temps déplacée autour de son axe vertical,
l'extrémité de l'acromion s'abaisse, le bord postérieur de l'omo-
plate est oblique de haut en bas et de dehors en dedans, de sorte
que l'angle supéro-interne de cet os s'éloigne plus encore que son
angle inférieurdela colonne vertébrale. Si l'on examine le malade
par derrière, on voit saillir à gauche le bourrelet du trapèze et un
peu en dehors une partie des muscles postérieurs du cou; adroite,
au contraire, le bord cervico-scapulaire parait déprimé, princi-
palement dans la région des trousseaux moyens et inférieurs du
trapèze, entre le bord scapulaire et la ligne des apophyses épi-
neuses : en cet endroit existe une véritable fossette. Mais cette fos-
sette est interrompue par une dentelure qui représente la conser-
vation des origines musculaires inférieures du trapèze, de celles
qui correspondent à l'insertion des huitième, neuvième, dixième
vertèbres dorsales; cette dentelure monte obliquement au bord
postérieur et à la face interne de l'omoplate en dehors et en haut.
Il n'existe pas d'anomalies de l'excitabilité électrique du nerf ni
du muscle, pas plus au courant galvanique qu'au courant faradique
ou à l'électricité statique. S'agit-il d'une lacune partielle (congé-
nitale ? ) semblable à celle qui affecte parfois le grand et le petit
pectoral ? S'agit-il d'une atrophie due à une atrophie musculaire
juvénile ? Nous adopterions plus volontiers la première hypo-
thèse.
M. KNONTIIAL. - Présentation des préparations empruntées à un
malade atteint de névrose traumatique. Mémoire publié dans la Neu-
rolog. Centralblatt, en commun avec M. SPERLING,
M. Bernhardt. - Du traitement des tabétiques par la suspension.
Mémoire publié dans le Berl. klin Wochenschrift, 1889.
Séance du 8 juillet 1889. Présidence de M. W. SANDER.
La séance est précédée d'une visite de la colonie et de l'asile
d'idiots de Dalldorf. - M. W. Sander est, par acclamation, nommé
SOCIÉTÉS SAVANTES. 273
delégué de la Société au Xe congrès international de médecine
(1890).
M. Mam. Trois cas d'altération du nerf optique à la suite de
lésions du lobe occipital du cerveau, présentation des pièces. Les deux
premières observations (porencéphalie et amoindrissement consi-
dérable des circonvolutions occipitales d'un côté, avec hydrocépha-
lie très marquée) ont trait à des troubles de la vue, survenus pen-
dant le développement. L'altération du nerf optique était extrême,
même a l'examen macroscopique, sur le nerf du côté opposé aux
lésions. La troisième observation comporte une cécité toiale ( ? ),
durant depuis des années; les pupilles réagissaient bien à la lumière
l'ophllialtiloscope ne révélait rien de bien certain; on constate à
l'autopsie de faibles altérations des deux bandelettes et de la por-
tion intra-crâniennedu nerf optique, des foyers bilatéraux dans le
lobe occipital. Le mémoire sera publié.
Séance du 11 novembre 1889. Présidence de M. W. SANDER.
M. 13. BAGMSKY. - Contribution à la connaissance du trajet de la
racine postérieure du nerf auditif et de l'allure des stries médu-
laires (barbes du calamus). Présentation de pièces. Les recherches
de l'orateur ont été faites sur des lapins et des chats nouveau-nés
suivant le procédé de de Gudden. Il essayé de détruire le laby-
rinthe par l'angle de la mâchoire; il a réussi nombre de fois à
produire l'atrophie des racines postérieures de l'acoustique. L'ori-
gine des racines postérieures, en relation avec le limaçon, occupe
le bulbe ; c'est le noyau antérieur de l'auditif etle tubercule latéral
(lapin et chat) ; le noyau acoustique externe et le noyau acous-
tique interne n'ont aucune relation avec la racine postérieure de
ce nerf. C'est ce qu'ont déjà constaté Monakow, Forel, Onufrovicz.
On peut aussi constater chez le lapin une atrophie du corps trapé-
zoïde et de l'olive supérieure du même côté, de la partie inférieure
du ruban de Reil et du tubercule quadrijumeau postérieur du côté
opposé. Chez le chat, on voit que l'entre-croisement de la racine pos-
térieure de l'acoustique est total et a lieu dans le corps trapézoïde.
Les barbes du calamus sont, non pas, comme le croit Monakow,
des faisceaux secondaires de l'auditif, mais des trousseaux qui vont
à l'olive supérieure du même côté, dans la substance blanche de
laquelle ils forment deux faisceaux séparés.
M. BAGINSKY. Note sur la coloration des coupes du cerveau. Si, après
durcissement dans la liqueur de Muller, vous les placez pendant
longtemps dans l'alcool, vous obtenez une mauvaise élection par
la coloration de Weigert et de Pal. Commencez donc par les sou-
mettre à l'action des sels de cuivre suivant la méthode de Weigert
colorez-les ensuite par la méthode de Pal.
Archives, t. XXII. 18
274 4 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Séance du 9 décembre 1889. - Présidence de M. W. SANDER..
M. Kronthal. Histologie des grandes cellules des cornes antérieures.
Voyez le l eurol. Centralbl : de 1800.
M. SIEUERLING. Etude clinique et anatomique sur la syphilis de la
moelle. Voy. Archiv. f. Psychiatrie. -
Séance du 13 janvier 1890. - Présidence de M. Sander.
111. Uhtiioff présente une malade ayant été brusquement atteinte
d'alexie pure. On ne constate chez elle aucun élément d'aphrasie
motrice ni d'aphasie amnésique; elle suit très bien, très cou-
rammeut la conversation, comprend tout ce qu'on lui dit, et ré-
pond correctement; elle écrit aussi spontanément et sous la dictée
sans se tromper, mais il lui est impossible de lire l'imprimé ou
l'écriture manuscrite; elle écrira par exemple fort bien son nom,
mais sera incapable de le lire. Elle reconnaît relativement bien les
nombres, les objets qu'on lui montre, et indique nettement leur
usage. En même temps que l'ataxie, il lui est survenu une hémia-
nopsie droite; mais l'acuité visuelle est restée bonne, assez bonne
pour que les lacunes du champ visuel n'expliquent point le trouble
de la lecture. Elle a également perdu la mémoire des faits récents.
MM. Bernhardt et KItoIVTfIAL. - Cas de névrose traumatique avec
autopsie. Voy. le Neurol. Centralbl., 1890.
Séance du 17 mars 1890. Présidence DE M. W. SaiVna.
M. SANDER prononce l'éloge funèbre du professeur Westphal,
La Société s'occupe ensuite de sa participation au prochain Congrès
international.
, i
Séance du 12 mai 1890. - Présidence de M. W. SANDER.
M. WOLLEN13ERG. - Présentation de préparations microscopiques
empruntées aux cerveaux de choréiques. En 1874, ni. Elisclier, et après
lui, MM. Flephsig et Jakoweiiko ont, sous le nom de corpuscules de la
.chorée, décrit des organites qu'ils ont rencontrés sur les capillaires
des segments internes du noyau lenticulaire. M. Wollenberg a pu
examiner les cerveaux de deux choréiques; un de ces cerveaux avait
été durci dans le liquide de Muller, l'autre était frais. Dans le der-
niercas,il il s'agissait d'une fille de trente-quatre ans atteinte de chorée
légère. Puis, la chorée devint extrêmementintonse; en même temps
elle présenta les symptômes de la paralysie générale (immobilité
SOCIÉTÉS SAVANTES. : 2ï
et fixité des pupilles, troubles de la parole, exagération du phéno-
mène du genou, mégalomanie caractéristique); elle mourait six
semaines après le début de la chorée. A l'autopsie, on trouvait des
lésions de la paralysie générale. Sous le microscope, on examina
à l'état frais tous les éléments du noyau lenticulaire, avec ou sans
addition d'acétate de potasse ou d'autres réactifs. Les deux segments
internes de cet organe, surtout le plus interne, contenaient une
très grande quantité de corpuscules fortement réfringents, brillants
comme lagraisse, adhérents aux plus fins capillaires pour la plupart.
Quelques-uns cependant étaient isolés ou pelotonnés en petits amas
libres au sein du tissu nerveux. Leur structure révélait la stratifi-
cation eu couches concentriques. Le segment externe du noyau
lenticulaire n'en contenait qu'un très petit nombre.
Sur ces corpuscules, l'éther, l'alcool, la solution de Lugol, l'acide
chlorhydrique, l'acide acétique n'ont aucune action. Mais l'acide sul-
furique les fait disparaître; les plus petits s'évanouissent instantané-
ment, les plus gros ne sont dissous qu'après s'être dissociés en
touffes radiées. Les mêmes corpuscules ont été rencontrés dans le
second cerveau durci. Il s'agissait ici d'un garçon d'unan.Ce cerveau
avait été coloré au carmin, mais cet agent colorant ne prend pas
sur ces organites, pas plus d'ailleurs que les autres matières colo-
rantes.
Discussion. - M. SANDER. On a rencontré ces corpuscules avant
M. Elischer et non pas seulement dans la chorée. M. POLLEN-
BKRG. En tout cas pas dans le noyau lenticulaire normal. \l. SIE-
MERUNG. A coup sûr pas non plus dans la paralysie générale.
M. Remak présente un malade porteur des symptômes de ln pamlysie
bulbaire. Un homme de cinquante et un ans a soudain, en travail-
lant, perdu, sans défaillir, la parole et la faculté de déglutir. La
parole est restée défectueuse; la déglutition s'est rétablie. 'Parésie
des muscles des lèvres des deux côtés; glossoplégie bilatérale; trou-
bles de la motilité du voile du palais sans atrophie musculaire ni
altérations électriques; dysarthrie. Avec ces symptômes, on constate
à droite une forte parésie du facial buccal, affaiblissement de
l'énergie de l'orbiculaire de la paupière du même côté, parésie de
la branche motrice du trijumeau. En outre, chose particulière,
quand le malade ferme les mâchoires, le maxillaire inférieur se
subluxe, le condyle gauche se déplaçant en dedans, tandis que le
condyle droit fuit en dehors. Puisqu'il n'est pas survenu d'atrophie
musculaire, les noyaux d'origine des nerfs sont probablement
intacts, il est permis, dans ces conditions, de supposer qu'il y a
eu des foyers de ramollissement intraprotnhérantiels, dus à des
thromboses de l'artère basilaire. Delà la forme apopleclique.
' M. Goldscheider. D'un rapport qui existe entre la contraction
musculaire et la conductibilité du nerf. Si, chez la grenouille, on
27G 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.
diminue la conductibilité du nerf par les vapeurs d'alcool ou la
cocaïne la courbe tétanique subit une modification. Si l'on agit
- tir le bout central du nerf, on obtient, dans ces conditions, une
courbe tétanique moins abrupte, la hauteur en est moins grande
et la ligne de descente est plus plane; si l'on agit avec les mêmes
excitants sur le bout périphérique, on obtient une courbe abrupte
et élevée. Seconde remarque, l'excitation du bout périphérique
engendre une contraction trémulante du muscle, le même excitant
appliqué au bout central provoque une contraction lente uniforme.
Il faut expliquer ces phénomènes par le fait que la diminution de
la conductibilité au point d'application affaiblit l'intensité de l'irri-
tation du nerf; chaque poussée contractile est, par suite, individuel-
lement modifiée, de même que les conditions de sommation des
ondes suscitées. Ces expériences montrent qu'en lésant la conduc-
tibilité on modifie la coutiacliou, qu'on la rend semblable à celle
que produit le muscle fatigué, semblable à celle que l'electrotlié-
rapie enseigne être la résultante d'une altération musculaire (réac-
tion dégénérative faradique de Remak).
M. Brascu montre une préparation d'anêvrysme de l'aol'te deseen-
dante. Malade de trente-neuf ans chez lequel on constatait une
artériosclérose prononcée et une vive névralgie intercostale gauche ;
celle-ci résistait à tout traitement depuis cinq mois. Aucune autre
manifestation. Un beau jour, syncope; on pense à une tumeur.
Cette tumeur apparaît en effet entre l'omoplate gauche et la colonne
vertébrale; elle est pulsalile eL croit à vue d'oeil. Finalement héma.
témèse, mort. Pendant les derniers temps, les plus vives douleurs
intercostales étaient apparues ainsi que de l'angoisse respiratoire
et de la dysphagie, mais aucun autre symptôme. L'anévrysme siège
au début de l'aorte descendante; il adhère au lobe supérieur du
poumon gauche non atélectasié et à l'oesophage; c'est dans ce con-
duit qu'il s'est ouvert. 11 y a usure des troisième, quatrième et
cinquième vertèbres dorsales et des extrémités costales correspon-
dantes. Par places le canal vertébral est ouvert et la dure-mère
mise à nu. Intégrité relative des cartilages intervertébraux. Inté-
grité du coeur et des valvules. Athéromasie extrême du bout ori-
ginel de l'aorte; il communique au niveau de la crosse avec le sac
anévrysmal par une ouverture du diamètre d'une pièce de deux
francs, circulaire, à bords lisses mais ayant la forme de rempart.
Voilà donc un auévrysme très ancien n'ayant pas donné lieu à
d'autres accidents qu'à une névralgie intense opiniâtre, cela quatre
semaines seulement avant la mort. Ce n'est que lorsque la .tumeur
pulsatile apparut au dehors, qu'il y eut des phénomènes de com-
pression sur tous les organes du médiastin. Et le canal vertébral
put être ouvert, sans qu'il se produisit de symptômes de compression
de la moelle épinière. (Arçhiv. f. Psychiatrie, XXIII, 1.)
. P. Keraval.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 277
CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE L'EST DE L'ALLEMAGNE
SESSION DE BRESLAU.
Séance du 25 novembre 1889 '.
M. CI., NEissER lit l'observation d'un malade qui, après avoir été
d'abord et pendant longtemps atteint d'une mélancolie caractéris-
tique, présenta ultérieurement un délire systématique, par une gra-
dation progressive. Ces cas sont assez rares, mais ils démontrent
que la folie systématique peut, contrairement à ce que pensait
Westphal, succéder à une mélancolie pure. ? '
Voici maintenant. une malade actuellement en convalescence
d'une psychopathie aiguë, qui a été affectée d'une amnésie com-
plète. Aujourd'hui cette amnésie s'atténue. Il y a dix ans, les
mêmes phénomènes s'étaient présentés et avaient guéri. Elle a
soixante-neuf ans et n'est pas buveuse.
Présentation d'un paralytique général présenlant une verbigé-
ration écrite des plus nettes.
M. WERNicKE présente un malade qui, dans le cours d'une mala-
die mentale, perdit complètement la parole.
Démonstrations anatomiques au moyen de l'appareil de projec-
tion.
Séance du 24 février 1890.
Le président Wernicke communique au Congrès la nouvelle de
la mort de M. DE Ludwiger. L'assemblée se lève en l'honneur de sa
mémoire. ,
M. K.\HL8,\U ? De la psychopalhie connue, sous le nom de folie sys-
tématique (Paranoïa), avec remarques relatives aux méthodes de
recherche en psychiatrie. Mémoire publié. M. Sachs (de Breslau).
De la substance blanche du lobe occipital dans le cerveau humain.
Mémoire publié. Démonstrations anatomiques au moyen de
l'appareil de projection. ,
SESSION DE LEUBUS.
Séance du : 15 juin 1890. '
M. KaOEpELM. De la catalepsie. Il s'agit d'aliénés ayant au cours
de ces deux dernières années présenté des phénomènes catalep-
V. Archives de Neurologie, t. XIX, p. 271 et suiv.
278 SOCIÉTÉS SAVANTES.
tiques. Le nombre de ces cas est de 28, ce qui représente à peu
près 8 à 10 p. 100 des malades traités pendant ce laps de temps
à l'asile de Dorpal. Ces observations se décomposent, au point
- de vue clinique, en huit groupes :
SOCIÉTÉS SAVANTES. 279 9
à un côté. Il arrive, dans l'hydrocéphalie, que vers la fin de la vie,
la catalepsie est hémilatérale, mais ce n'est qu'une apparence, car
l'autre côté du corps est occupé par des accidents spasmodiques,
qui masquent la catalepsie.
L'étude de l'hypnotisme nous apprend encore le rôle de l'auto-
suggestion; elle provoque des idées subites et des impulsions qui
détonent dans la manière d'être de l'individu et dont on ne s'ex-
plique pas le motif. Tandis, par exemple, que la suggestion qui
vient du dehors produit l'échappement involontaire des attitudes
et des mouvements les plus différents, l'auto-suggestion engendre
un maintien coulé pour ainsi dire en bronze, tant il résiste à toute
sollicitation, ou la répétition stéréotypée du même mouvement
dépourvu de sens. Et cependant ces deux genres de phénomènes
opposés se trouvent assez souvent réunis dans le même complexus
morbide (Kahlbaum, Kroepelin). En tout cas, la stéréotypie des
attitudes et des mouvements, nous la rencontrons de préférence,
même sans la catalepsie, quand il existe encore une activité psy-
chique considérable '(folie systématique, paralysie générale, hys-
térie), tandis que l'automatisme impératif et la catalepsie propre-
ment dite relève principalement d'obnubilatiuns profondes de la
connaissance.
M. CLEMENS NEISSER. De la catatonie avec présentation des malades.
Mémoire publié.
M. LISSA UER. Contribution à l'anatomie pathologique de la para-
lysie générale. Publié dans la Deutsch. 111ed, WochensclL1'ift, n° 26,
1890. -
,
M. Ar.TEn. L'asile de traitement de Leubus dans le cadre de l'assis-
tance provinciale des'aliénés. En Silésie, depuis 1830, on a adopté
le système des asiles de traitement et des asiles-hospices, séparés.
Leubus fut l'asile de traitement pur ; Brieg et Plagwitz furent des
asiles hospices. En 1863, on ouvrit l'asile hospice de Bunzlau.
Mais, de 1874 à 1876, on transforma le dépôt de mendicité de
Kreuzbourg en un asile mixte ; cette disposition fit baisser le nom-
bre des admissions de Leubus, qui se releva quand Kreuzbourg
reçut surtout des aliénés incurables. Enfin, en 1877,1e conseil pro-
vincial (Landtag) a décidé de transformer les vieux asiles de la
Silésie en asiles mixtes, conservant à Leubus le privilège d'un éta-
blissement de traitement. Suivent des considérations locales qui
montrent qu'il n'y a pas lieu de transformer Leubus en un asile
mixte et qu'il ne saurait être un établissement utile qu'à la condi-
tion qu'on le munisse d'installations indispensables.
M. SCHUBERT, Contribution à la pathogénie de la folie circulaire.
Mémoire publié dans la Neurolog. Centralbl., 1890. Voy. Archives de
Neurologie.
280 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Ci.. NEissER montre, en s'appuyant sur les plans de l'asile de
Leubus, le mode de traitement au lit des aliénés. Visite de cet asile
Allg. Zeistch. f. Psychiat., XLVIII, 1-2. P. ICaavAL.
XXII" CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE L'ALLEMAGNE
DU SUD-OUEST
SESSION DE CARLSRUHE
Séance du 8 novembre 48901. - Présidence DE M. FUERSTNER.
M. KtRN. - Les névroses et psychoses de l"influenza. De son expé-
rience en pareille matière et du champ d'observation des autres,
M. Kirn tire les conclusions suivantes : l'influenza est capable de
nuire à l'ensemble du système nerveux et de produire les névroses
les plus différentes ; elle peut aussi atteindre les centres psychiques
et provoquer des troubles intellectuels. Ceux-ci sont, comme l'a
montré l'épidémie toute récente, loin d'être rares; ils sont certai-
nement plus fréquents que les psychopathies produites par toute
autre affection fébrile aiguë.
Les troubles psychiques se produisent pendant le stade fébrile de
l'influenza; ce. sont alors : soit des délires fébriles proprement dits;
soit, bien plus rarement, des psychoses fébriles aiguës à longue
durée. Ou bien ils ne surviennent qu'après le décours de la fièvre :
psychoses asthéniques, mélancoliques ou maniaques;' mais les
formes mélancoliques prédominent.
La forme des psychopathies varie ; elle ne porte en aucune façon
le cachet de l'influenza. Ces affections, de courte durée, se ter-
minent par la guérison ; toutefois, une petit nombre d'entre elles
présentent des symptômes graves, une évolution prolongée, un
pronostic douteux. , ", '
On a également mis sur le compte de l'influenza des psychoses
paralytiques et hystériques, ainsi que des cas de folie systématique.
Mais celle-ci préexistait à la grippe; elle avait seulement passé
inaperçue. Quant au delirium tremens, rattaché à la grippe, c'est
une pseudo-psychose de l'intluenza. ' 1
Evidemment, l'influenza distille uri poison dés plus dangereux,
une toxine encore indéterminée ; celle-ci est engendrée par la
1 l l '. J 1
' Voy ? cA : M3 de Neurologie, XIX, congrès. Les autres séances n'ont
pas été publiées. , , -
SOCIÉTÉS SAVANTES. 28 1
fièvre où elle exerce son action irritante sur un terrain prédisposé
(psychoses afébriles). Le mémoire sera publié in extenso.
Discussion. - M. Fuerstner propose d'adopter dans la discussion
l'ordre suivant : 1° rôle étiologique de l'influenza ? 2° les psychoses
consécutives à l'influenza présentent-elles une complexion morbide
spécifique ? 3° l'influenza exerce-t-elle une influence sur les psy-
choses préexistantes ?
M. SCHUELE. - Voici neuf femmes de 25 à 60 ans. L'influenza
chez toutes est restée simple, non compliquée; elle s'est traduite
par le complexus symptomatique connu, sans fièvre élevée; celle-
ci atteignit passagèrement chez quelques-unes d'entre elles 39°.
L'infection proprement dite fut suivie d'un stade d'épuisement.
Puis, on observa les formes morbides que voici : délire systématique
hallucinatoire - mélancolie avec angoisse et hallucinations -
exaltation avec gaieté, idées de grandeur - manie avec' confusion
dans les idées. Tous ces types portèrent l'empreinte de l'épuisement
de l'activité mentale. La marche est toujours lente, la durée est au
minimum de trois mois; dans la plupart des cas la psychopathie
persiste encore maintenant. Nous n'avons pas vu de psychoses
aiguës comme il s'en montre sous l'influence de la fièvre. L'in-
fluenza provoque aussi chez les gens sains d'esprit des états de
dépression passagers; c'est de l'asthénie nerveuse. Les psychopa-
thies de l'influenza apparaissent deux jours après le début de la
maladie (une observation), trois à quatre jours après (une observa-
tion), ou au moment de la défervescence fébrile (une observation).
Voilà pour la période fébrile. Enfui, elles peuvent survenir huit à
quatorze jours après la cessation de la fièvre (six observations).
Quant à l'étiologie, sur mes neuf malades deux étaient des hys-
tériques qui avaient eu des attaques convulsives, et les autres pré-
sentaient de la prédisposition héréditaire ou individuelle. L'in-
fluenza n'est donc, en aucun cas, la seule cause psychopathogéné-
tique. Nous tendons à croire que l'influenza a simplement donné
un coup de fouet, c'est un élément accidentel; il est probable que
mes malades seraient devenues des aliénées plus tard sans cette
maladie infectieuse. Quelle a été l'action de l'influenza sur l'atti-
tude clinique ou somatique du complexus pathogène ? Toutes
mes malades, excepté une qui était à la ménopause, avaient de
tout temps présenté des anomalies marquées de la menstruation,
avec accidents nerveux. Chez quatre d'entre elles, l'onde mens-
truelle (graphiques) montre que les périodes de dépression ou
d'excitation se manifestaient à la suite de l'onde, de la courbe elle-
même ; ainsi, le début de l'influenza coïncide avec l'apparition de
la menstruation et la psychose se rattache également aux mens-
trues ou au solstice intermenstruel. Ce qui prouve que l'organisme
féminin est à cette dernière époque particulièrement sensible, et
282 SOCIÉTÉS SAVANTES.
que, pour peu qu'une action, nocive intervienne, il réagit par une
psychopathie. Une psychopathie ou une affection mentale.a donc
d'autant plus de chances de se développer que le début de l'in-
- lluenza, ou le maximum de la fièvre, ou l'acmée du stade ultérieur
d'épuisement accompagne ou avoisine les époques critiques des
ondes menstruelles.
M. IïnEUSEi3. - L'influenza aggrave les psychoses. Les aliénés
guéris ont, à la suite de l'influenza, éprouvé une récidive.
M. ËM)nNGHAUS. Y a-t-il là-dessous des lésions anatomiques.
11f. Krarv. - Nullement.
M. FUERSTNER. - Les psychoses de l'influenza sont rien moins
que démontrées. Les délires fébriles de l'influenza ne se différen-
cient en rien des autres délires fébriles. De même que dans les
psychoses puerpérales, il faut distinguer entre les psychopathies
précoces et les psychopathies tardives. L'influenza a une action
hyposlhénique. Les femmes surtout deviennent aliénées à la suite
de l'influenza, celles principalement qui avaient été antérieure-
ment affaiblies par d'autres facteurs. Ce sont les mélancolies qui
se montrent les plus nombreuses; elles sont caractérisées par une
évolution prolongée. Si l'on avait affaire à une toxine, on obser-
verait plus fréquemment des cas graves de démence aiguë. Enfin,
il semblerait qu'on eût à accuser une matière délétère pour les
nerfs et non pour le cerveau. L'influenza n'a pas déterminé de
psychoses spécifiques.
M. EM3rINGIIAUS. - La fièvre de l'influenza n'a pas d'importance;
nous n'avons pas vu non plus de cas de démence aiguë.
M. FtscHER signale des troubles vaso-moteurs consécutifs à l'in-
fluenza.
M. KARRER, sur 64 hommes admis, a vu deux exemples de psycho-
pathie consécutive à l'influenza; sur 69 femmes, il n'en a vu que
quatre. Un homme et trois femmes étaient porteurs de tares héré-
ditaires. De même que les autres maladies infectieuses, l'influenza
peut provoquer une maladie mentale.
M. STARK. - Sur 1,250 aliénés, nous en avons eu 160 atteints
d'influenza. La psychose préexistante n'a pas été influencée par
l'influenza; la fièvre intense ne provoque pas de délire chez les
aliénés.
M. EuMiKGHAUs. L'influenza n'a pas d'action sur la psychose
préexistante.
M. Kreuser. Les aliénés tranquilles ont été proportionnelle-
ment plus atteints que les agités.
M. FUERSTNER, - En d'autres maladies aiguës, çà et là, on voit
guérir une psychopathie; mais cela n'a pas lieu pour l'influenza.
En revanche, l'influenza récidive.
SOCIÉTÉS SAVANTES. ZOO
M. STARK. A Stephansfed, les -individus sains d'esprit ont
été les premiers atteints par l'influenza; celle-ci a très peu sévi sur
les malades agités.
M. Kuhnen. - Un cas de contagion psychique terminé par complète
guérison. Mémoire publié in extenso. Il s'agit d'une infirmière de
17 ans, jusque-là tout à fait bien portante, dont on n'avait qu'à se
louer à tous égards. Elle était un peu sensible, et craignait de ne
pas se montrer à la hauteur de sa tâche. Elle était attachée jour et
nuit au service d'une hystéro-épileptique atteinte de manie en dehors
des attaques convulsives. A la suite d'une attaque sérieuse survenue
en voiture à sa malade, elle resta comme anéantie, se plaignant
de céphalée, douleur dans les membres, incapacité de travailler,
mélancolie simple. La nuit, elle est prise d'attaques convulsives
exactement semblables à celles de l'hystéro-épileptique en question,
fatigue consécutive, anémie. Aucun médicament n'agit. On s'adresse
à la thérapeutique psychique, y compris la suggestion hypnotique.
L'infirmière guérit complètement. Elle exerce aujourd'hui ses fonc-
tions dans une clinique chirurgicale privée.
Discussion. M. ScHUELE se rappelle une dame intelligente qui
n'attachait aucune importance à l'accès maniaque de son mari
atteint de folie circulaire, mais qui appréciait comme il convenait
la phase mélancolique de celui-ci. De même, une autre dame, très
instruite et jouissant d'un parfait discernement, considérait comme
normaux les projets insensés de son mari bon à séquestrer. Il est
certain que leur admiration pour la supériorité de leur époux
influence les épouses; elles sont suggestionnées et deviennent inca-
pables de distinguer la fausse monnaie du cerveau mâle de ses
judicieuses qualités.
Séance du 9 novembre. - Présidence de M. Ëmminghaus.
M. NISSL. Des altérations, chez le lapin, des cellules originelles
du noyau du facial à la suite de l'arrachement des nerfs. Voici une
nouvelle méthode de coloration qui présente des avantages essen-
tiels sur l'ancienne méthode de Nissl. Jusqu'à l'exécution des
coupes, on se conforme aux errements connus. On se sert des solu-
tions suivantes :
1° Solution aqueuse de bleu de méthyle à 0.50 p. 100. (Chez C.
Buchner et fils, de Munich);
2° Mélange d'huile d'aniline, 20 ; alcool à 96=200. Employer un
mélange frais, pas trop jaune;
3° Essence d'origan;
4° Benzine;
5° Solution de colophane du commerce dans la benzine. On
mmerge dans la benzine de petits morceaux de colophane jusqu'à
284 Il SOCIÉTÉS SAVANTES. ·
ce que, au-dessus de la colophane non dissoute, surnage un liquide
jaunâtre présentant la consistance de baume de chloroforme légè-
rement fluide; c'est ce liquide qui va servir.
On tire la coupe de l'alcool pour la chauffe dans la solution de bleu
de méthyle jusqu'à ce que montent à la surface des bulles qui crè-
vent en faisant entendre une crépitation perceptible. On laisse
refroidir. On la transporte alors dans le mélange d'alcool et d'huile
d'aniline; on agite légèrement jusqu'à ce qu'il ne se dégage plus
de flocons colorés. On porte sur le porte-objet, on sèche au papier
filtre; on instille quelques gouttes d'essence d'origan que l'on égoutte
rapidement; on sèche une seconde fois ; le reste de l'essence est
chassé par quelques gouttes de benzine, on passe enfin à une
goutte de solution de colophane. En chauffant à la lampe à alcool,
on enflamme la solution benzinée de colophane. On place le
couvre-objet avec prudence, de façon à fluidifier la colophane qui
se répand sous le couvre-objet.
Eh bien, à l'aide de cette méthode, on voit que l'arracliement du
facial se traduit dans les vingt-quatre heuresqui suivent par l'alté-
ration des cellules de son noyau. Déjà les éléments chromatiques
des cellules granulées commencent à se dissocier. Dès les deux ou
trois jours ultérieurs, l'effritement s'étend à toute la cellule. Les
granulations, de colorées qu'elles étaient, pâlissent, et finalement
se résolvent en tout petits grains sans couleur. Le troisième jour,
la structure de quelques-uns des prolongements commence à dis-
paraître ; la chromatine, à laquelle est due la striation, pâlit aussi,
la substance intermédiaire aux raies devient plus obscure ; en cer-
tains cas, les prolongements prennent une apparence plus homo-
gène. Le quatrième jour, en outre, la cellule entière se tuméfie ;
elle se montre globuleuse tandis que ses prolongements apparais-
sent homogènes; en plusieurs points, les contours semblent déchi-
quetés. Le noyau présente également de légères altérations.
Le sixième jour, toutes ces modifications s'accusent, la structure
ancienne du protoplasma a disparu, le corps de la cellule parait
saupoudré de particelles colorées. Il est impossible de percevoir
les prolongements. Le noyau a changé de place; on le voit occuper
la périphérie; il représente, du reste, la seule partie presque
intacte de l'élément cellulaire. Plus tard il quitte la cellule même;
on n'en voit plus traces. Le dixième jour, bien des cellules ont subi
la dissociation totale ; ce sont des masses irrégulières, pâles, légè-
rement granulées, privées de noyaux, privées de prolonge-
ments.
Ces altérations ne portent point sur toutes les cellules du noyau
d'origine du nerf en même temps; elles se disséminent irrégulière-
ment. Elles atteignent d'abord les parties latérales du noyau d'ori-
gine à trois branches. A partir du douzième jour, les cellules tumé-
fiées qui n'ont pas encore subi la dégénération totale diminuent
BIBLIOGRAPHIE. 288
de volume à leur tour. Vers le dix-huitième jour à peu près, presque
toutes les cellules du noyau sont affectées.
M. KtOEusEft. - Un cas de porencéphalie. L'anatomie pathologique
de cette observation montre que le processus qui aboutit à la poren-
céphalie se compose de troisstades. Elle montre encore que la lésion
de l'hémisphère droit entraîne une dégénérescence secondaire de
la couche optique et du faisceau latéral du pédoncule cérébral. Le
mémoire sera publié en détail.
M. Landerer. Présentation d'un cerveau atteint d'un kyste
méningé congénital. Il s'agit d'un malade ayant d'abord été atteint
de mélancolie hypochondriaque; plus tard, il présenta des pertes
de connaissance, des convulsions toniques; il succomba finalement
à une pneumonie caséeuse. A l'autopsie, on trouva dans la pie-
mère un kyste du volume d'un oeuf de poule ; il occupait à droite
la région de la scissure de Sylvius et s'étendait en avant et en
bas ; il avait déplacé la partie correspondante de l'hémisphère.
Evidemment il n'y a rien là de la porencéphalie ni au point de vue
clinique ni au point de vue anatomique.
Discussion. Mi)l : EuMiNGUAUs et NiSSL font remarquer qu'il
s'agit peut-être là d'une hypoplasie des régions cérébrales en ques-
tion et que le kyste a pu se développer dans l'espace vide laissé
par l'atrophie.
Le Congrès se réunira au mois de novembre prochain. (Allg.
Zeitsch. f. Psych., XLVIII, 1-2.) P. KERAVAL.
BIBLIOGRAPHIE
V. Les fonctions du cerveau (doctrines de l'école de Strasbourg;
doctrines de l'école italienne) ; par Jules Soury. - Aux bureaux
du Progrès médical et Lecrosnier et Babé, 1890.
Dans ce volume qui, nous l'espérons, ne sera pas le dernier,
l'auteur étudie les recherches récentes sur les fonctions du cerveau,
en classant ses recherches par nationalité, à la manière des écoles
de peintres, ce qui nous promet des études nouvelles sur Ferrier
et l'école anglaise, Munck et l'école allemande, Exiier et l'école de
Vienne, Charcot, etc. C'est une manière sinon vraie, du moins ori-
ginale, et qui sert à mieux fixer les idées.
La première partie est consacrée à Goltz (de Strasbourg), dont le
28b' bibliographie.
point de départ et le but furent de discuter l'opinion de Flourens
sur la doctrine de l'homogénéité et de l'équivalence fonctionnelle
de toutes les parties du cerveau; les phénomènes d'arrêt,les phéno-
mènes de déficit, les critiques sur les excitations des écorces grises,
sur les suppléances d'un hémisphère par l'autre, d'un centre par
un autre, ou d'une portion de centre par une portion restante ou
régénérée, y sont très bien exposés.
L'auteur nous montre Goltz luttant contre les localisations céré-
brales, admettant la possibilité des localisations, mais non leur dé-
monstration expérimentale, discutant la validité des troubles net-
tement paralytiques chez les animaux observés, et reconnaissant
cependant que les troubles de la sensibilité et de la motilité géné-
rale se montrent surtout dans les lésions du cerveau antérieur, les
altérations de la sensibilité spéciale surtout dans les lésions du
cerveau postérieur. Il y a aussi une bonne analyse des travaux
de Goltz et de ses élèves Loeb et Schrader sur les troubles de la
sensibilité générale et sur les troubles visuels; dans la partie con-
sacrée à l'intelligence d'après Goltz, le psychologue emparait en
critiquant les changements de caractère, devenant hargneux et
agressif dans les lésions antérieures, doux et tranquille dans les
lésions postérieures du cerveau des animaux. Nous relevons une
assez bonne définition de l'intelligence par Goltz : « La faculté
d'élaborer avec réflexion les perceptions des sens en vue d'actions
appropriées à une fin. »
En réfléchissant à cette étude consacrée à Goltz, nous ne serions
pas surpris que M. Soury ne se soit servi des travaux de ce physio-
logiste que pour mieux mettre en relief les travaux des partisans
des localisations cérébrales; en tous cas, l'auteur n'a pas à y perdre.
Le même reproche ne peut être adressé à la seconde partie, con-
sacrée à l'école italienne; d'autant qu'ici ne se trouve pas l'influence
directrice d'un seul homme, mais le concours ethnique d'un cer-
tain nombre de savants vers un même but : les localisations céré-
brales qu'il s'agit de reconnaître et de démontrer.
M. Soury, grâce à sa profonde érudition, passe successivement
en revue les travaux italiens sur les centres corticaux de chaque
sens et sur les centres corticaux de la sensibilité cutanée, muscu-
laite et des mouvements volontaires, les découvertes histologiques
sur les centres nerveux, les résultats des expériences de thermogé-
nie, les recherches d'anatomie locale et pathologique; le tout pour
aboutir à une étude des fonctions de l'intelligence d'après l'école
italienne.
Tout d'abord, il personnifie cette école dans l'école de Florence,
dans Luciani, dont il expose les cinq critères approximatives, qui
permettent d'apprécier les résultats des lésions destructives du
cerveau et Sapilli (d'Imola), faisant l'application clinique de cette
méthode.
BIBLIOGRAPHIE. 287 7
A propos des centres corticaux de la vision, l'auteur rappelle que
c'est Ponizza qui découvrît le centre cortical de la vision en 1835,
dans les circonvolutions occipitales. Munck l'étendit au lobe occi-
pital. Luciani et Tamburini découvrirent en 1878 l'hémianopsie
bilatérale homonyme par lésion du gyrus angulaire d'un côté et
localisèrent le centre de la vision dans la région pariéto-occipitale;
les recherches cliniques de Sapilli sont venues confirmer ces expé-
riences. L'auteur expose la théorie de l'engrenage, d'après laquelle
les médecins italiens admettent que les différents centres, outre
leur territoire propre, ont entre eux des zones d'irradiation, des
territoires communs, d'où l'impossibilité de léser une de ces fonc-
tions sans que les autres soient plus ou moins troublées. Toutes les
zones sensitivo-sensorielles convergeraient, chez le chien, vers un
territoire neutre : le lobe pariélal inférieur. La destruction de ce
centre des centres entrainerait des troubles de tous les sens, de la
sensibilité générale et même du caractère.
La théorie italienne des suppléances de l'écorce grise des circon-
volutions par la substance grise des ganglions opto-striés, rappe-
lant le petit circuit et le grand circuit de Ferrier, est rappelée à
propos des recherches de Tamburini sur les hallucinations. Toute-
fois, M. Soury n'admet pas, comme cet auteur, de centres supé-
rieurs d'adduction. L'intelligence, la volonté, la conscience, qui
sont des abstractions, des résultantes de fonctions, ne peuvent
avoir d'organes.
Il faut lire page par page les recherches sur le centre de l'audi-
tion, la surdité verbale, le sens musculaire, la théorie de Luciani,
faisant des corps striés de véritables centres de motilité volontaire
et pouvant être mis directement en action par des processus psycho-
sensoriels.
Les recherches de Golgi sur l'histologie des cellules nerveuses
ont fixé spécialement l'attention de M. Soury; elles concluent que
les connexions anatomiques des cellules ont plus de valeur que leur
forme; que les fonctions de la sensibilité et de la motilité, loin
d'être distinctes, coïncident et ont un siège anatomique commun.
A lire aussi les organes nerveux musculo-tendineux, ces dynamo-
mètres organes du sens musculaire, la grande discussion sur le re-
froidissement et réchauffement oscillatoire des centres nerveux
pendant la période d'activité, d'où il résulte que le travail cérébral
est une forme de l'énergie et que l'intelligence a des équivalents
chimiques, thermiques et mécaniques. L'appendice sur l'épilepsie
corticale, déjà très résumé par l'auteur, demande à être lu et per-
drait à l'analyse.
En résumé, ce travail, qui a exigé de longs et pénibles labeurs,
est le tableau le mieux présenté de nos jours sur les fonctions du
cerveau. L'auteur a certainement été guidé dans ses appréciations
et ses critiques par les doctrines évolutionnistes qui lui sont chères,
288 BIBLIOGRAPHIE.
mais la méthode employée ne fait que relever l'esprit de ce livre,
qui demande a être lu et relu. Charpentier.
VI. Des mouvements de salut et des secousses de la tète, souvent as-
sociés au nystagmus, chez les enfants; par W. B. HADDGN, méde-
cin assistant à l'hôpital Saint-Thomas et à l'hôpital des Enfants
malades. (The Lancet, 1890.)
M. Iladden, dans une monographie basée sur l'observation de
douze cas, décrit une affection caractérisée par des mouvements
de la tête associés le plus souvent à du nystagmus.
Les mouvements de la tête sont des mouvements cloniques plus
ou moins brusques et rapides, se présentant sous forme de crises.
Parfois, ce sont uniquement des mouvements de salut, mouve-
ments d'assentiment; plus fréquemment, ce sont des mouvements de
latéralité, mouvements de négation - le plus souvent, du reste, il y
a mélange des uns et des autres. Quelquefois isolées, les crises
peuvent aussi se reproduire plusieurs fois par jour et même par
heure. Souvent des accès subintrants constituent une sorte d'état
de mal durant plusieurs jours : la tête du malade semble alors
agitée de tremblements, l'énergie et la rapidité des mouvements
sont très variables. Ses mouvements sont exagérés par les tenta-
tives faites pour les réprimer ou pour fixer l'attention de l'enfant ;
ils cessent lorsque l'enfant est couché et par conséquent pendant
le sommeil.
Le nystagmus, qu'on rencontre toujours, présente une indépen-
dance relative avec les mouvements de la tête. Pouvant survenir
avant eux, il peut aussi disparaître avant, quoique, la plupart du
temps, il persiste plus longtemps. De plus, il est beaucoup plus ra-
pide que les mouvements de la tête (cinq à six mouvements par
seconde). Comme eux, il se présente par accès pouvant se répéter
plusieurs fois par jour, même par heure et peut devenir presque
continu. Il est exagéré lorsqu'on attire l'attention de l'enfant ou
qu'on cherche à arrêter vigoureusement les mouvements de la
tête. Quelquefois le nystagmus est unilatéral ; enfin, dans certains
cas, au lieu d'être horizontal, il était vertical : il ne parait pas, du
reste, y avoir de relation entre la direction du mouvement des
yeux et celle du mouvement de la tête.
, A côté des deux symptômes essentiels, le nystagmus et les mou-
vements de la tête, s'en rencontrent d'autres, plus ou moins cons-
tants : d'abord, une manière particulière de regarder les objets, l'en-
fant fermant à demi les yeux et renversant la tète en arrière, pour
regarder ; ce symptôme survient en général quelque temps avant
le début des accidents convulsifs et ne cesse qu'après leur dispari-
tion. Des crises de ? )'Mont été observées plusieurs fois pendant les
périodes d'accès.
BIBLIOGRAPHIE. 289
Dans plusieurs cas a été constatée, au moment de la crise, une
sorte de perte de la conscience, l'enfant restant comme stupide et
regardant dans le vide avec un mouvement des yeux plus rapide)
que jamais. Enfin, lorsque l'affection a été d'une certaine durée,
on a noté un changement notable dans le caractère des enfants : de
gais ils sont devenus tristes et irritables.
' La recherche des antécédents héréditaires a été souvent négative
au point de vue des accidents convulsifs. Quant aux antécédents
personnels, deux enfants étaient rachitiques, deux présentaient des
crises d'épilepsie et deux autres y étaient prédisposés par leurs an-
técédents héréditaires.
Age. -C'est de six à douze mois que parait être le maximum de
fréquence de la maladie. .
Durée. - Les crises forment des périodes durant de une à plu-
sieurs semaines, périodes après lesquelles tout disparaît complète-
ment, mais les rechutes sont fréquentes sous l'influence de causes
occasionnelles quelconques. La durée de l'affection, de huit à douze
mois probablement, ne peut être absolument précisée, la plupart
des sujets étant encore en observation. Quelle est donc la nature'
de cette affection ? L'excitation réflexe de la période active de la
dentition peut, dans certains cas, donner naissance aux secousses
de la tête ou les aggraver, mais comme les accidents peuvent faire
leur apparition à un âge où la dentition n'est pas dans une période
active, on ne peut ranger cette affection parmi les troubles de la
dentition.
Les traumatismes de la tète, qu'on a rencontrés dans sept cas,
paraissent constituer tout d'abord une donnée pathogénique im-
portante, mais ce commémoratif perd de sa valeur lorsqu'on re-
marque que chez cinq des malades, le traumatisme crânien a été
consécutif à une chute résultant dn rejet de la tête en arrière, signe
que nous avons vu marquer souvent le début de la maladie : l'affec-
tion était donc antérieure au traumatisme. Le Dr Hughlings Jackson
a émis l'idée que ces cas sont une variété de chorée spinale.
M. Hadden rattache à l'épilepsie les cas où s'est rencontrée de la
perte de la conscience. Quant aux autres, il en cherche la nature
réelle en faisant appel à l'évolution des mouvements volontaires chez
l'enfant : parmi les mouvements volontaires,- les premiers acquis
sont ceux de la tête et du cou, mais ce n'est guère que vers le qua-
' trième mois que les mouvements de la tête et des yeux deviennent
harmonieusement associés, et pendant un certain temps des mou-
vements ataxiques peuvent encore se voir quand la tête est mue
volontairement : c'est précisément ce qui se produirait dans cette
affection où il y aurait un désordre des mouvements, une perte pas-
sagère de leur coordination.
Or, si l'on remarque, avec M. Hadden, que la plupart des mala-'
des n'ont été observés que depuis un temps relativement court,
Archives, t. XXII. 19 `
290 BIBLIOGRAPHIE.
c'est-à-dire pendant lequel on a pu ne pas constater de crises co-
mitiales alors que les malades sont cependant bien en puissance
de morbus sacer, cette distinction des malades en deux catégories,
les uns épileptiques, les autres non, peut paraître excessive, et l'on
est tenté d'étendre à tous les cas ce que l'auteur affirme de quel-
ques-uns, c'est-à-dire de rattacher cette affection à l'épilepsie.
Ce serait un nouveau point de ressemblance avec le tic de Sa-
laam. Du reste, les points de ressemblance ne manquent pas entre
les deux affections : mouvements de salut de la tête, nystagmus,
changement de caractère, âge des malades, parfois perte de la
conscience, etc..., et, à ce propos, il eût été intéressant que l'au-
teur, après avoir dit que grande était la différence entre les deux
affections, insistât sur le diagnostic.
Un dernier fait en faveur de la nature épileptique de la maladie
peut être tiré du traitement : en effet, dans tous les cas, le bromure
de potassium a eu une action efficace très manifeste. Peut-être
serait-il donc possible d'appliquer aux enfants atteints de cette af-
fection l'appellation créée pour le tic de Salaam par M. Féré et de
dire que ce sont des apprentis épileptiques qui pourront guérir
définitivement, mais qui pourront aussi aller jusqu'à l'épilepsie
vulgaire. E. BLIN.
VII. Nouvelle étude sur la diffusion anodale des agents thérapeutiques
(A Furlher Sludy of anodal Diffusion of thempeutic Agents) ; par
Frederick Peterson. (The médical Record, 31 janvier 1891.)
Dans une précédente publication, l'auteur a attiré l'attention sur
la valeur thérapeutique du pouvoir cataphorétique de l'électricité
auquel il a donné le nom de diffusion anodale. Cette propriété a
depuis été confirmée par divers auteurs. Les indications de cette
méthode sont les suivantes : On peut l'employer pour obte-
nir la production d'une anesthésie locale pour des névralgies, des
douleurs superficielles ou des opérations sur la peau. Elle sera
utile pour la médication topique de diverses lésions locales, en par-
ticulier pour les dermopathies et les syphilides. Enfin on pourra
se servir du bain électro-cataphorètique pour des usages généraux
ainsi que pour établir certains diagnostics. P. B.
VIII. Seconde note sur les hallucinations hémiopiques homonymes (A
- second note upon homonymous hemiopic hallucinations); par P.
PETERSON. (Extrait du New-¥Ùl'l¡ médical Journal du 31 janvier 1891.)
Dans le New-York medical Journal du 30 août 1890, l'auteur a
décrit un cas de démence avec paranoia dans lequel les halluci-
nations visuelles offraient le caractère remarquable d'être unilaté-
rales. Dansle travail actuel, M. Peterson analyse des faits qui ont
- VARIA. 29-1
trait des hallucinations hémiopiques homonymes accompagnant
ou précédant l'hémianopsie par lésion organique, dans la migraine,
l'épilepsie et dans l'hémiplégie avec hémianopsie. Il se rallie com-
plètement à l'hypothèse de Seguin d'après qui, les hallucinations
dépendraient d'une excitation plus ou moins prolongée du lobe oc-
cipital. Dans les cas de migraine, elles seraient dues à des spasmes
des artères qui nourrissent ce lobe, et à l'anémie consécutive. Il
croit que cette pathogénie expliquerait les hallucinations dans la
folie. Paul BLOCQ.
IX. Contribution a l'étude de la polynévrite à forme de paralysie gé-
nérale spinale antérieure subaiguè et rapide; par A. GOSSELET.
Th. de Lille, 1890.
Les rapports des poliomyélites etdes polynévrites sont encore mal
établis en raison de l'analogie de leurs symptômes. Dans les para-
lysies générales à forme subaiguë qui reconnaissent pour cause une
intoxication par l'alcool, le plomb, l'arsenic, etc., on est autorisé a
rapporter les symptômes qui les caractérisent aux nerfs périphéri-
riques, et cela parce qu'on admet que ces substances toxiques atta-
quent de préférence le système nerveux périphérique. Mais lors-
qu'il s'agit de ces cas où toute cause fait défaut, la difficulté est
presque insurmontable, et mieux vaut ouvrir un chapitre d'attente
que de s'exposer en pareille circonstance à affirmer cliniquement
un diagnostic que l'on sait pouvoir être infirmé par l'examen mi-
croscopique. Ce n'est que dans les cas où prédomine l'élément
douleur avec ses formes si variées de douleurs paroxystiques spon-
tanées et provoquées qu'on est autorisé à incliner vers une polyné-
vrite. Cet état indique certainement plutôt un état morbide des
nerfs qu'une altération de la moelle. Paul BLOCQ.
VARIA
assistance DES aliénés
Un vieillard, du nom de H..., dit le Rappel de l'Eure, du
4 juillet, demeurant boulevard de l'Est, près de l'usine à gaz, a
tenté de se suicider lundi en s'ouvrant la gorge avec une serpe. Ce
ma [heureux, qui depuis quelque temps ne jouit plus de ses facultés
2H2 VARIA. ^
mentales, s'est fait une horrible blessure qui a nécessité son trans-
port à l'hospice. Ses jours ne sont pourtant pas en danger. Des
mesures sont prises pour qu'à sa sortie de l'hospice il entre à
Navarre.
Si nous reproduisons tous les faits donnés par les journaux
politiques, concernant les accidents occasionnés par les aliénés
c'est dans le but de montrer d'une manière de plus en plus
évidente la nécessité de l'assistance des aliénés et cela dès le
début de la maladie. Ce vieillard était fou depuis longtemps;
il aurait dû être placé, soigné dès les premiers temps de sa
maladie, il avait peut-être, de'grandes chances de guérison.
Les préjugés, les nécessités budgétaires, l'hospitalité à donner
à des aliénés de la Seine payants, ont empêché son hospitali-
sation en temps opportun. Sa tentative de suicide, dont l'ad-
ministration est responsable, exige son placement. Il est pro-
bable qu'il est incurable; il coûtera plus cher.
, LES ENFANTS ARRIÉRÉS
Une nouvelle école d'enfants indisciplinés ou arriérés aété inau-
gurée récemment à Highbury-Grove. L'école appartenait à la
Société des Missions religieuses et vient d'être achetée par le
« School Board », de Londres. Elle peut [recevoir 160 jeunes gens
et présente toutes les garanties possibles au point de vue de
l'hygiène. Tout est clair et aéré; les dortoirs et l'installation des
lavabos et des douches ont été particulièrement soignés. ,
Cette école n'a sa pareille qu'à Ypton-House (Hackney) où a été
installée la première école de « vagabonds ». Dans l'espace de six
ans, 1.985 jeunes garçons y ont été reçus.
1.894 enfants en sont déjà sortis, et il y en a en ce moment 138
présents à l'école. Le « School-Board » compte sur un semblable
succès pour son école de Highbury-Grove.
NÉCESSITÉ DE L'ASSISTANCE DES IDIOTS
Les journaux politiques du commencement du mois d'août signa-
lent un assassinat commis à Montfort-l'Amaury, arrondissement
de Rambouillet, par un idiot nommé Prostot, domicilié chez ses
parents, bouchers-charcutiers. Cet idiot a coupé la gorge à la
bonne de la maison. La malheureuse n'a pas survécu à cette hor-
rible blessure. Elle avait trente ans, son meurtrier en a quarante.
Ce dernier a été conduit hier à la maison d'arrêt de Rambouillet.
Comme ses facultés mentales sont complètement oblitérées, il n'a a
FAITS DIVERS. 293
pu répondre que par des mots inintelligibles aux questions que
lui a posées le juge d'instruction.
Ce fait rappelle celui de Herder concernant un idiot qui,
ayant vu égorger un porc en fit autant à un homme. Il montre
aussi la nécessité d'assister les idiots, de les hospitaliser et de
les traiter dès leur première enfance. Les administrations
communales et départementales sont, par leur parcimonie et
leur, ignorance, responsables moralement des. malheurs que
commettent journellement les idiots ainsi que les épileptiques.
Elles se décident seulement alors qu'il 's'est produit des mal-
heurs qu'elles auraient pu et dû éviter. ;
FAITS DIVERS
Asiles D'ALIÉNÉS. (Nominations et promotions.) (Arrêté d.i 12 juil-
let 1891). Sont promus, à partir du le, juillet 1891,,à la classe
exceptionnelle : M. le Dr Cullerre, directeur-médecin de l'asile
public de La Roche-sur-Yon ; M. le Dr SANGLOTS, inédeci en chef
de l'asile public de Maréviile, à la 1re classe : M. le Dr Germain
Cortyl, directeur-médecin de l'asile public de Saint-Venant (Pas-
.de-Calais) ; M. le Dr Boubila, médecin en chef de l'asile public de
Saint-Pierre, à Marseille ; - à la 2° classe : M. DENIzET, rnédecin-
adjoint de l'asile public de Cadillac, à partir du ler avril 1891, M. le
Dr Guyot, directeur-médecin de l'asile public de Châlons, à partir
du 1er septembre 1891 ; - à la classe exceptionnelle : 1tJ, le Dr
Di' : ntcQ, médecin-adjoint de l'asile public de Prémontré (Aisne), à
partir du le, juillet 1891 ; 111. le Dr Boiteux, médecin-adjoint de
l'asile public de Clermont (Oise), à partir du 1er juillet 1891 ; à
la lro classé : M. le. D'' Jules SIZARFT, médecin-adjoint de l'asile
public de Châlons, 'à pattir du 1er mai 1891 ; M. le Dr Gilbert
Petit, médecin-adjoint de l'asile public d'Alençon, à partir du
1er juillet 1891. - (Arrêté du 15 juillet.) Sont promus à partir du
1er juillet, à la Ire classe : M. le D'' Vallon, médecin en chef de
l'asile public de Villejuif ; - à la 20 classe : M. le Dr DunUloN,
médecin en chef de l'Asile clinique (Sainte-Anne); à la classe
exceptionnelle : M. le Dr Legrain, médecin-adjoint à l'asile public
de Vaucluse, à partir du 1er août 1891. - (Arrêté du 28 juillet.)
M. le Dr M.1LFILATISE, médecin-adjoint à l'asile public de Bailleul
294 FAITS DIVERS.
(Nord), nommé aux mêmes fonctions à l'asile public de Quatre-
Mares (Seine-Inférieure), est maintenu à la 4 ? classe du cadre.
(Arrêté du 13 août). M. le Dr SÉRIEUX, médecin-adjoint à l'asile de
Vaucluse, est nommé aux même fonctions à l'asile de Villejuif
(poste créé) et maintenu dans la 2° classe ;M. le Dr ROUILLARD, chef
de la clinique des maladies mentales, médecin-adjoint à l'asile
Sainte-Anne, est nommé médecin-adjoint à l'asile de Villejuif
(poste créé), est maintenu dans la 20 classe.
Asile d'aliénés DE PIERREFEU. - « Dans la séance du 20 août du
conseil général du Var,' M. MICHEL demandeque lebudgetde l'asile
soit lu, article par article, en séance publique. Plusieurs membres
combattent cette motion comme contraire à l'usage suivi par le
conseil. Sur la proposition de M. BLACHE, le conseil décide que le
budget sera examiné en séance publique. Cette proposition est
acceptée. Après la lecture du budget, et après une discussion très
animée entre divers membres, le conseil vote le budget de l'asile.»
La lecture et la discussion des budgets des établissements hospi-
taliers doit avoir lieu article par article, ce qui permet à tous les
membres des conseils élus de présenter leurs observations. C'est la
seule pratique compatible avec un sérieux examen des budgets, en
d'autres termes la pratique vraiment républicaine. Nous l'avons
fait prévaloir en 1878 au conseil municipal, M. Ferdinand Duval
étantpréfet, pour le budget del'assistance publique. Agir autrement,
pour les conseils élus, serait une faute. (B.)
Concours du clinicat DES maladies NERVEUSES. - Le concours
vient de se terminer par la nomination de M. Dutil, ancien interne
de M. le professeur Charcot. Il entrera en fonctions le leur novem-
bre 1891. Suivant le nouveau règlement, il est nommé pour un an
avec faculté pour le professeur de le proroger, deux fois d'une
année.
DISTINCTIONS HONORIFIQUES. Parmi les noms des médecins pro-
mus dans l'ordre de la Légion d'honneur, nous relevons les noms
suivants : officiers : M. le professeur Ch. BOUCHARD, Dr Terrier,
chirurgien de l'hôpital Bichat ; - chevaliers : MM. JOFFROY, méde-
cin de la Salpêtrière ; professeur Ch. RICHET; CUFFER, médecin de
l'hôpital Tenon; RIGAL, médecin de l'hôpital Necker; HUTLNEL,
médecin de l'hospice des Enfants-Assistés.
Faculté DE MÉDECINE DE STRASBOURG. M. le D A. Hoche est
nommé privat-docent de psychiatrie.
Congrès DES aliénistes allemands. La session annuelle se
tiendra à Weismar, les 18 et 19 septembre. Parmi les sujets qui
FAITS DIVERS. 295
viendront en discussion, nous relevons les suivants : prophylaxie
de la tuberculose dans les asiles d'aliénés, Etat actuel de la ques-
tion de l'aphasie. Valeur thérapeutique de l'hypnose dans les asiles
d'aliénés, elc.
Congrès DES naturalistes ET médecins allemands. - La réunion
de cette année se tiendra à Halle, du 21 au 25 septembre, nous
relevons dans les communications annondées :
Section d'anatomie : Dr Eisler : sur le plexus lombo-sacré.
Section de physiologie : professeur Grutzner : excitabilité desnerfs
moteurs; professeur Ewald : fonctions du labyrinthe; le chien
sans moelle, d'après des recherches avec le professeur Goltz.
Section de pathologie générale et d'anatomie pathologique : Profes-
seurGbiari : altérations du cervelet consécutivesàl'hydrocéphalie.
Section d'obstétrique et de" gynécologie : Dr Pautzer : rapports de
la maladie de Basedow et des affections génitales chez la femme.
Section de neurologie et de psychiatrie : Dr 1\Ionak'l>w : dégénéra-
tion secondaire dans la couche optique chez l'homme ; professeur
Flechsig : anatomie pathologique du tabes dorsal ; profcsseurlllen-
del : anatomie pathologique de la maladie de Basedow; Dr Sie-
merling : ophtalmoplégie dermique progressive; Dr Oppenheim :
Considérations sur les maladies toxiques du système nerveux; pro-
fesseur Binswanger : anatomie pathologique de la paralysie géné-
rale ; Drs llloeli et Marinesco : syphilis du système nerveux; Dr Sioli :
sur un cas de cécité corticale avec troubles du toucher; Dr Zichen :
paranoïa ; Dr Fries : états hystéio-h3,pnoLiques dûs au traumatisme;
dégénération variqueuse des vaisseaux de la pie-mère chez un
épileptique.
Section des maladies des oreilles : professeur Zanfal : exploration
du cerveau dans la pachyméningite externe purulente ; Dr Truc-
Icenbrod : abcès du cerveau consécutif à une otite moyenne et
guéri par l'opération; Dr Katz ; le labyrinthe des sourds-muets.
Asiles d'aliénés DE BLOIS. - Une loi du 10 avril 1891 (Journal
Officiel du 11) autorise le département de Loir-et-Cher, conformé-
ment à la demande du conseil général, à emprunter une somme
de ï0.000 fr., remboursable en trente ans et applicable à la cons-
truction d'un quartier d'épileptiques dans l'asile d'aliénés de Blois.
Les fonds nécessaires au service des intérêts et de l'amortissement t
seront pi élevés sur les bonis de l'asile et au besoin sur les ressour-
ces départementales
RÉUNION de la société d'hypnologie. - En 1889, les membres du
Congrès international de l'hypnotisme, avant de se séparer, ont,
sur la proposition de M. Levillain, voté la création, à Paris, d'une
Société d'hypnotisme.
296 FAITS DIVERS.
Le but de cette Société étant de faciliter le contrôle scientifique
des faits observés journellement dans l'état d'hypnotisme ou dans
les états analogues, il a été décidé que les membres du Congrès
seraient convoqués périodiquement et qu'un appel serait adressé
à tous les savants qui s'intéressent à ces études.
Le Congrès a, en outre, désigné pour composer le bureau :
MM. Dumontpallier, G. Ballet, Grasset, Liégeois, Auguste Voisin et
Bérillon, membres du bureau du Congrès.
Conformément à ces décisions, la réunion annuelle de la Société
d'hypnologie. s'est tenue au Palais des Sociétés savantes, 28, rue
Serpente, le lundi 20 juillet, à quatre heures.
Les questions mises à l'étude étaient les suivantes : 1° Des rap-
ports de l'hystérie avec l'hypnotisme; 2° Les suggestions criminelles
et la responsabilité pénale; 3° De l'influence que certaines impres-
sions psychiques ressenties par la mère peuvent exercer sur le
foetus.
.
Exercice illégal de la médecine. Une somnambule, Mme Auf-
finger, vient de comparaître en police correctionnelle, sous l'incul-
pation d'exercice illégal de la médecine.
Elle avait, moyennant finances, conseillé à la mère d'un garde
municipal, atteinte d'une bronchite, d'absorber un sirop pectoral
pour la composition duquel elle avait remis la recette suivante :
Conseils à suivre pendant dix jours
Sirop pectoral à faire soi-même
Couper un radis noir en rondelles, ainsi qu'un' ou deux oignons, les
étendre dans un saladier en les couvrant par couches de poudre de
sucre candi, et laisser macérer trente-six à quarante-huit heures au plus.
Passer au clair en exprimant le jus à travers un linge fin, conserver dans
une bouteille et en prendre une petite gorgée lors des forts accès de
toux.
l\1me Auffinger recommandait également l'application de bouse
de vache sur la poitrine.
La somnambule n'était, du reste, pas seule poursuivie : son fils,
Louis Auffinger, fondateur de la Sociétémagnétotémpique, qui l'as-
sistait dans ses consultations, était assis à côté d'elle sur les bancs
correctionnels. Le tribunal leur a appliqué seize amendes de cinq
francs chacune. Sur la plaidoirie de Me Puech, la mère du garde
municipal, partie civile, a obtenu 100 francs de dommages-intérêts
(Bull. méd.).
LES pommes ET la dipsomanie. Un médecin américain ayant
remarqué que les dipsomanes mangent très peu de pommes,
s'avisa d'essayer les pommes dans le traitement de la dipsomanie;
il prescrivit aux malades d'en manger le plus possible aux repas,
aussi bien que dans l'intervalle de ceux-ci. Les résultats obtenus
furent excellents ; l'envie de boire diminue rapidement et même
FAITS DIVERS. 297
disparaît tout à fait.' Malheureusement, l'auteur ne nous dit pas
quelle variété de pommes on doit prescrire de préférence (Bull.
méd.).
SUICIDE D'UNE PETITE FILLE. - Courthiézy (Marne). - Le mardi
14 avril, vers cinq heures du soir, une petite fille âgée de il ans,
nommée Marcelle Ledernez, a disparu de chez ses parents, les
époux Ledernez-Dodemant ; qui habitent Courthiézy. Depuis ce
jour, et malgré toutes les recherches faites par la famille, elle n'a
pu être retrouvée. ..
Cette gamine, qui était intelligente, et que ses parents aimaient
beaucoup était un peu jalouse de ses frère et soeur; elle avait dit
plusieurs fois à sa mère qu'elle irait se noyer, mais on ne croyait
pas à cette menace d'enfant, et rien ce jour-là ne peut faire croire
qu'elle a mis sa menace à exécution, car en rentrant de l'école à
quatre heures elle avait dit à sa mère qu'elle allait apprendre ses
leçons, et depuis ce moment on ne l'a pas revue. On fit des
recherches et le cadavre de la pauvre enfant a été retrouvé
dimanche dernier, dans la Marne, à 100 mètres en aval du bar-
rage de Courcelles, par l'éclusier Bailly et un employé du chemin
de fer, en présence du père qui dirigeait les recherches. Après les
constatations d'usage, le corps a été ramené à Courlhiézy, chez les
parents. Ce suicide, accompli par une enfant ausi jeune, a pro-
duit une vive émotion dans le pays, où sa famille est très estimée.
(Petit Troyen, 23 avril.)
Assistance DES épileptiques. - « Une dépêche de Cambrai, en
date du 2 juillet, annonce que la veille au matin, à Inchy-Beau-
mont, un ouvrier tisseur, nommé Théophile Herbin, a tué sa
femme qui était épileptique. La victime porte deux blessures à la
tête faites à l'aide d'un instrument contondant et des traces de
strangulation. La gendarmerie du Cateau a mis Herbin en état
d'arrestation. »
La situation faite au mari par une femme épileptique, ou à la
femme par un mari épileptique, est en général extrêmement
pénible. Mieux vaudrait interdire le mariage aux épileptiques; ou
encore autoriser le divorce quand l'épilepsie n'a pas été signalée
avant le mariage. Mais, dès maintenant, il serait possible d'éviter
des malheurs semblables à celui que nous relatons, en ouvrant
les portes des asiles et des hospices aux épileptiques, comme nous
n'avons pas discontinué de le réclamer depuis longtemps. C'est pour
.fournir des arguments aux médecins qui pensent comme nous que
nous reproduisons les faits semblables à celui qui précède. (B.)
Asile d'aliénés du DISTRICT DE CoRK, - Le gourvernement Irlandais
dont l'atention avait été attirée sur les conditions dans lesquelles
le Parlement avait apporté son appui pour l'entretien des aliénés
298 FAITS DIVERS.
pauvres dans les asiles des districts, a adressé une communication
aux gouverneurs de l'asile du district de Cork, établissant que le
montant de la contribution du Gouvernement est limité à 4 shillings
par semaine et par tête ; ou si la dépense totale des aliénés pauvres
après le recouvrement de sommes autres que celles votées, se trouve
inférieure à8shillings parsemaine, lacontribution du Gouvernement
serade la moitiéde la dépense nette, c'est-à-dire après défalcation
des recettes provenant des malades payants, des produits de la
ferme et du jardin, etc.
Aucun payement ne peut être fait par le Gouvernement à l'égard
des aliénés pauvres, à moins que la charge nette du pays ou de la
ville n'excède4 shillings par semaine. Commeces règlements auront
pour effet d'élever la dépense d'une façon considérable, l'attention
des gouverneurs sera appelée sur ce sujet àleurprochaine assemblée
mensuelle. (l3rilislc Oued. Journ., 4890, p. 804.)
LES ALCOOLIQUES. - Hier soir, vers dix heures, lisons-nous dans le
Pans du 27 mars, un journalier nommé Charles Leroy, en com-
plet état d'ivresse, s'enfermait chez sa mère, 7, rue de Paris à Clichy
avec l'intention de se suicider. Dans ce but, il arrosa un tas dechar-
bon de bois avec du pétrole et y mit le feu. Les voisins défoncèrent
bientôt la porte et éteignirent ce commencement d'incendie. Tandis
qu'on couraitprévenirM. Labussière, commissaire de police, Leroy
tenta de rallumer le feu, sans toutefois y réussir. Après l'interro-
gatoirc, M. Labussière a envoyé Charles Leroy au Dépôt. On se
trouve, selon toute apparence, en face d'un alcoolique, atteint de
la monomanie du suicide. L'on ne peut toutefois s'empêcher de
songer aux terribles conséquences de l'étrange lubie de l'ivrogne
si la maison, de construction légère et qui abrite onze ménages,
avait pris feu. » .
Les cas de ce genre sont malheureusement très communs. Les
asiles d'aliénés renferment un grand nombre d'aliénés par alcoo-
lisme. Une fois isolés, leur délire se dissipe promptement, ils ga-
gnentquelque argent, sortent et rentrent bientôt. La question reste
toujours posée de la création pour les alcooliques, d'asiles spéciaux
comme il en existe dans divers pays.
LE nouvel asile pour LES criminels atteints d'aliénation mentale
de l'état de New-York estmaintenant en bonne voie. 70,000 dollars
seront nécessaires pour le terminer. 4,750,000 francs ont déjà été
dépensés. L'établissement sera très complet quand il sera terminé.
(The Alienist and Neurologist, janvieur 1891, p. 129.) Les lecteurs des
Archives savent que, avec le Congrès de médecine mentale de Rouen
et avec la grande majorité des aliénistes, nous considérons ces
asiles spéciaux comme tout à fait inutiles.
Nominations. Le Dr F.-G. Test a été nommé directeur de
FAITS DIVERS. 299
l'asile pour les fous incurables à Hastingsteh. Le De Test été direc-
teur-adjoint pendant quelque temps et a pris la direction depuis la
démissiondudr Stone. (.lled. Record, 1890, p. 551.)
Tentative d'assassinat d'un médecin par un malade. - On nous
écrit de Villefranche (Rhône) qu'une tentative d'assassinat a été
commise hier sur le docteur Lassalle, médecin de l'hôpital, con-
seiller général du Rhône. Un individu nommé F... C... furieux
d'avoir été renvoyé de l'hôpital, après guérison constatée, a attendu
le docteur dans la rue et lui a tiré un coup de revolver presque à
bout portant. Le docteur n'a pas été atteint. C... a été désarmé et
conduit en prison. Il va être soumis à un examen médical, car on
doute qu'il ait toutes ses facultés.
Infirmier laïque. - Il y un mois environ, un drame terrible
jetait la consternation dans l'hospice de Bièètre. Un infirmier,
M. Roguet, en faisant son service, était assailli. par plusieurs fous
furieux. Quand on put venir à son secours le malheureux était
dans un état lamentable. Les soins les plus énergiques lui furent
prodigués à l'hospice même, où il était soigné; mais les bles-
sures reçues par le pauvre diable étaient des plus graves et il y a
trois jours il rendait le dernier soupir. Il a été enterré hier. M. Pi-
non, directeur, a prononcé quelques paroles sur la tombe. M. Pey-
ron, directeur de l'Assistance publique avait envoyé une couronne.
(Paris, 10 mai 1890.)
L'hypnotisme au TIIÉATRE.- Du Figaro : c On sait que des séances
de prestidigitation et de physique amusante sont fréquemment
données, dans de nombreux cafés, débits de vins et liqueurs, par
de modestes disciples de Robert-IIoudin, et qu'une autorisation du
commissaire de police du quartier doit être obtenue pour chacune
de ces séances. Depuis que les phénomènes de l'hypnotisme et de
la suggestion sont à la mode, divers abus s'étaient produits. Pour
« corser » leur programme, quelques-uns de ces physiciens ambu-
lants avaient pris l'habitude de régaler leur public d'exhibitions
soi-disant scientifiques, procédant, disaient-ils, des expériences
faites à la Salpêtrière par le docteur Charcot et d'autres princes
de la science. 11 n'y avait souvent dans ces sortes de « numéros »
que de la jonglerie et du compérage. Mais, parfois, des « sujets »
improvisés, jeunes gens ou jeunes filles, qui s'étaient prêtés béné-
volement aux pratiques démagnétiseurs inexpérimentés, avaient
été victimes d'indispositions plus ou moins graves, de troubles ner-
veux passagers, etc. Afin de couper court à cette situation, il est
enjoint maintenant aux commissaires de police de spécifier, dans
les autorisations écrites qu'ils peuvent être appelés à donner aux
prestidigitateurs et physiciens, que nulle expérience de magnétisme
300 FAITS DIVERS.
ou d'hypnotisme ne'pourra entrer dans la composition du pro-
gramme des séances. On ne peut qu'approuver cette mesure. »
11 s'agit probablement là d'une mesure locale, c'est-à-direconcer-
nant Paris, car en province ces exhibitions continuent comme par
le passé. Nous avons assisté à l'une de ces séances sur une plage
normande devant une assistance où figuraient nombre de femmes
et d'enfants et nous avons constaté combien ces spectacles impres-
sionnaient, dans un sens pénible, une partie des spectateurs.
Beaucoup manifestaient hautement leur opinion en faveur de l'in-
terdiction. C'est notre avis. Nous pensons aussi que les spectacles
de ce genre contribuent à accroître la foule déjà si compacte des
névropathes.. (B.)
Suicide EN fiacre. Hier, vers une heure de l'après-midi, un
courtier en diamants, nommé Bénédictin Hermann, âgé de 38 ans,
demeurant passage Saulnier, n° 8, s'est tiré un coup de revolver
dans la tête, alors qu'il passait rue Grange-Batelière. Le malheu-
reux, dans une lettre adressée à M. Mouquin, commissaire de po-
lice, exposait les motifs de son suicide. En outre, dans une de ses
poches on a trouvé la somme de 1 fr. 75 destinée à payer le cocher
qui le conduisait. De l'enquête ouverte par le magistrat, il résulte
que Bénédictin Hermann ne jouissait pas de la plénitude de ses
facultés et qu'à cet effet, on avait dû, à trois reprises différentes,
l'enfermer dans un asile d'aliénés. - .
Un FORCENÉ.- M. Schnerb, commissaire de police du quartier de
l'Odéon, vient d'envoyer au Dépôt un sieur François C..., âgé de
cinquante et un ans, demeurant rue des Quatre-Vents. Cet individu,
dans un accès de fureur alcoolique, s'était jeté sur sa femme, un
énorme couteau à la main, sous prétexte que cette dernière lui avait
refusé de lui donner la clef du tiroir-caisse de l'établissement qu'ils
tiennent en commun. Les cris de Mme C... attirèrent l'attention des
gardiens de la paix qui eurent toutes les peines du monde pour
s'emparer de ce forcené. Il ne fallut pas moins de six hommes pour
le conduire au poste du Palais. François C... a dejà subi plusieurs
condamnations pour ivresse manifeste, coups et blessures, et autres
délits du même genre. (L'Eclair.)
UN trio DE fous. Un individu, les effets en lambeaux, était
amené hier soir vers 9 heures, chez M. Duranton, commissaire,
par le concierge de l'immeuble, portant le n° 12, de la rue du
Temple. Cet homme avait été trouvé blotti dans les cabinets d'ai-
sance de la maison. Le prenant pour un malfaiteur, le concierge
aidé de plusieurs locataires, s'était emparé du soi-disant voleur, et
avant de le conduire au commissariat, lui avaient administré une
maîtresse volée. A toutes les questions qui lui étaient posées, cet
FAITS DIVERS. 301
individu répondait en aboyant et disant : c Je suis enragé. » C'est
tout ce que l'on a pu tirer de lui. Certains papiers trouvés sur lui
ont permis d'établir son identité. C'est un nommé Cormier, de-
meurant à Gonesse. Voyant qu'il avait affaire à un fou, M. Duran-
ton l'a fait envoyer au Dépôt.
- Vers minuit un individu, les yeux hagards, se présentait au
poste de police du 4° arrondissement demandant aux agents de le
protéger de la fureur de sa future belle-mère, qui voulait l'échar-
per. Avec toutes les peines du monde on parvint à se rendre mai-
tre du malheureux qui voulait se briser la tête sur les murs. C'est
un nommé Briquet, sorti récemment de Saint-Anne, il a été en-
voyé à l'infirmerie du Dépôt. ,
Enfin, pour clore la série, le même magistrat a eu à envoyer
au Dépôt, un sieur Mieaint, âgé de vingt-quatre ans, demeurant
en garni, 37, rue du Roi-de-Sicile. Cel individu avait été arrêté par
des agents, rue de Rivoli, à deux heures du matin, n'ayant pour se
couvrir que son pantalon. Mieaint, qui est employé chez un natu-
raliste, voulait à toutes forces empailler le commissaire de police,
Ce malheureux qui avait été déjà interné à l'asile de Vaucluse, s'en
était échappé il y a trois mois environ. (L'Eclair.) '. -
Un FOU dangereux. Il y a quelque temps, s'évadait de l'asile
de Villejuif, un nommé Jules Dollat, enfermé en 1890. L'odyssée
de ce malfaiteur( ? ), qui vient d'être 'repris hier matin par le service
de la Sûreté, est assez curieuse. En 1890, arrêté pour vol et ayant
été reconnu fou, il fut interné à l'asile de Vaucluse. Dollat ne tarda
pas à s'évader et revint à Paris. A la fin du mois de juin de la
même année, il fut arrêté de nouveau au moment où, de compli-
cité avec un nommé David, il dévalisait rue de la Ferronnerie, l'ap-
partement de hi'°8 Ré'gulier. Se voyant pris, ce malfaiteur avait
fait usage contre les agents du revolver dont il était porteur. Fort
heureusement, il ne blessa personne. L'Eclair, on s'en souvient;
donna tous les détails de cette affaire. Pendant l'instruction,
Dollat, essaya de se donner la mort en se coupant les veines des
bras avec un canif, dans les lieux d'aisance, où il s'était fait con-
duire. Guéri de ses blessures, il fut soumis à un examen médical;
pour la seconde fois, il fut reconnu fou à cause des excentricités
qu'il commettait sans cesse. Cette fois, il fut interné à Villejuif,
d'où il s'est échappé, comme on l'a vu. Il a été, cette fois, envoyé à
l'infirmerie du Dépôt. (L'Eclair.) ..
LES drames de la folie. Buda-Pesth. - Un crime épouvan-
table a causé dans la ville une profonde émotion. La femme d'un
comptable, nommée Kuhm, a assassiné sa fille dans un accès de
folie religieuse. Cette femme a coupé la gorge de sa fille et' a en-
suite traîné le cadavre de sa victime dans le corridor de sa maison
302 FAITS DIVERS.
eu s'écriant : « La voilà la fiancée du ciel ! » Un crime analogue a
été commis à Waizen, où un cordonnier, nommé Csermak, atteint
d'aliénation mentale, a tué un chanoine nommé Etienne Konda,
pendant qu'il célébrait la messe, en tirant sur lui trois coups de
revolver. Il s'est ensuite suicidé. Ce malheureux croyait que ce
prêtre, qui était intervenu dans un procès en divorce qu'il avait
avec sa femme, avait empêché celte dernière de se réconcilier avec
lui.
- Hier dans l'après-midi, un journalier, Charles Vaudry, subi-
tement pris d'un accès d'aliénation mentale, parcourait les rues de
Courbevoie en pronunçant des mots incohérents. Il tenait à la main
un long couteau dont il menaçait les passants.
Le gardien de la paix l3ailly ayant voulu le désarmer, le fou se
jeta sur lui et le frappa d'un violent coup de son arme en pleine
poitrine. Plusieurs personnes se précipitèrent à son secours; et par-
vinrent à maîtriser l'aliéné qui a été envoyé à l'infirmerie spéciale
du Dépôt. La blessure de Bailly, quoique grave ne met pas sa vie
en danger. (Le Radical, 19 avril.)
- Le sieur André C..., garde du Palais de Justice, a été arrêté,
rue de Rivoli, en face de l'Hôtel de Ville, au moment où il frappait
à coups de pied et à coups de poing sa malheureuse femme éten-
due sur le trottoir. André C... est en proie depuis quelque temps
déjà, à des accès de folie. Dans ces moments, il bat sa femme comme
plàtre, sous les prétextes les plus futiles.
Un attroupement considérable s'était formé; quand les agents
emmenèrent le garde au commissariat du qurtier Saint-Gervais, la
foule les suivit. Plus de deux cents personnes envahirent la rue
Vieille-du-Temple, criant et se bousculant. Deux jeunes gens se
prirent de querelle et réglèrent aussitôt leur différend après avoir
mis bas leur veste. Les nombreux témoins de ce duel exultaient.
Chez le commissaire, Audré C... commettait, lui aussi, bien d'au-
tres extravagances. Il brisa les carreaux, jeta à la tête de M. Du-
ranton et de M. Debigny, son secrétaire, tous les objets qu'il trouva
sous la main. On eût de la peine à se rendre maître du forcené.
Mmo C..., interrogée surlesactes de folie commis déjà par son mari,
en raconta long, et celui-ci entre autres : le ménage changeait
dernièrement de domicile. Les meubles furent entassés sur des
charrettes. Quand matériel et famille arrivèrent au quai des Grands
Augustins, où se trouvait le nouveau logement, le garde jeta et
brisa sur la chaussée tout son mobilier. Une resta plus à la pauvre
femme une pièce intacte de sa vaisselle.
C... a été envoyé par les soins de M. Duranton à l'infirmerie du
Dépôt. (Temps 14 avril.)
A Saint-Aubin-d'Ecrosville, mardi dernier, la femme Picard,
FAITS DIVERS. 303
ménagère a disparu du domicile conjugal pendant l'absence de son
mari. Celui-ci s'est mis à sa recherche, mais il a perduàQuittebeuf
la trace la de fugitive. La pauvre femme a, parait-il, les facultés
mentales très alfaiblies; c'est pourquoi l'on craint qu'elle n'ait mis
fin à ses jours. (Vallée de l'Eure, 18 avril.)
La plupart de ces faits si regrettables à tous égards cesse-
ront de se produire quand, au lieu d'aller à l'encontre des
enseignements de la science, les journaux politiques combat-
tront les préjugés du public concernant la folie et les asiles et
insisteront sur les avantages d'une prompte hospitalisation et
de l'application du traitement dès le début.
Diminution de l'alcoolisme en Norwêge. 1\1. dal, constate
dans une brochure sur ce sujet, que dans ces dernières années le
nombre des aliénations mentales dues à l'abus de boissons alcoo-
liques a diminué. Tandis qu'en 1856 Ljusqu'à 1860, 13,7 p. 100 des
entrants dans l'asile de Gaustadt, près Christiania, accusaient la bois-
son comme cause de leur trouble mental, ce nombre est graduel-
lement tombé jusqu'à 2,4 p. 100 pour les années 1886 à 1888. Il en
est de même pour les autres asiles d'aliénés de la Norwège. La sta-
tistique de la mortalité indique également que le delirium tremens
joue un rôle moins grand dans la mortalité et que le nombre des
suicides dus à l'alcoolisme va en décroissant. (Bulletin médical.)
Incendie A l'asile d'aliénés GAHTNAYEL, A GLASGOW. - Le feu a
éclaté dans l'aile est des bâtiments de l'asile dimanche dernier,
dans une partie des construction servant de dortoir, mais à une
heure où il n'était pas occupé l'après-midi. La toiture et le plafond
furent détruits ; les pompiers réussirent à empêcher ,1'incendie
de s'étendre, et aucun des pensionnaires ne fut atteint. On évalue
les pertes à 000 livres sterling. (The Bl'itish med. Journ., 1891,
p. 1193.)
NÉCROLOGIE. - M. le D1' Richter, directeur de l'asile privé d'a-
liénés de Pankow.
Georges GuiNON et J.-B. CHARIOT.
304 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
ALLAMAN (C.). Des aliénés criminels. Volume in-8° de 183 pages. -.
Paris, 1891, imprimerie H. Jouve.
. BOURNEVILLE. - Recueil de mémoires, notes et observations sur l'idio-
tie. Tome I. Volume in-8° de 416 pages, avec 6 planches. Prix : 6 fr.
- Pour nos abonnés 5 fr. Bureaux du Progrès médical. ,
Carrier (Ed.). Asile d'aliénés de Saint-Jean-de-Dieu à Lyon (Rap-
port médical pour l'année 1890). Brochure in-8° de 44 pages. - Lyon,
1891. Imprimerie Waltener et C ? ;
COUTAGNE (full. - De l'influence des professions sur la criminalité, sur
la responsabilité morale. Brochure in-8° de 11 pages. - Lyon, 1891.
A. Storck.
j
Fournier (A.). - L'llérédité syphilitique. (Leçons cliniques recueillies
et rédigées par le D' P. POnTALIEn.) Volume in-8° de421 pages. - Paris,'
1891. - Librairie G. Masson.
FRANCOTTE (X.). - L'Anthropologie Criminelle. Volume in-16 de 368
pages. - Prix : 3 fr. 50. - Paris, 1891. - Librairie J.-B. Baillière et fils.
GOSSELET (A.). - Contribution à l'étude de la polynévrite à forme de
paralysie générale spinale antérieure subaiguë et rapide. Volume in-8" de
109 pages. - Lille, 1890. -Imprimerie Liégeois Six.
JoiRE (P.). - Précis théorique et pratique de iieuro-hypnologie. (Eludes
sur l'hypnotisme et les différents phénomènes nerveux physiologiques et
pathologiques qui s'y rattachent, physiologie, pathologie, thérapeutique,
médecine légale.) Volume in-16 de 327 pages. Prix : 4 fr. - Paris,
1891. - Librairie A. Maloin. -
KNOPY (P.-C.). - The pathology, diagnosis and treatmeztt of intra-
cranial growths. Volume in-8° cartonné de 165 pages, avec 35 figures.
Boston, 1891. - Rockwell and Churchill.
MORDRET (A.-E.). Deux observations d'atrophie cérébrale. Brochure
in-8° de' 24 pages. Le Mans, 1888. Typographie Ed. Monnoyer.
MORDRET (A.). Modifications du volume de la glande thyroïde pou-
vant s'observer chez les idiots. Brochure in-8° de 29 pages. - Rouen,
1891. - Imprimerie Cagniard.
PAL (J.). - Uber Multiple Neurilis. Brochure in-8° de 62 pages, avec
une planche hors texte. - Wien, 1891. - A. Hoelder.
FERRIER (D.). - Leçons sur les localisations cérébrales, traduites par
SOREL (R.). Brochure in-8° de 138 pages, avec 35 figures. Prix : 3 fr. 50.
Pour nos abonnés : 2 fr. 75. Bureaux du Progrès médical.
TOULOUSE (Ed.). - Etude clinique sur la mélancolie sénile chez la
femme. Brochure in-8° de 48 pages. Paris, 1891. - H. Jouve.
Le rédacteur-gérant, Bourneville.
Bvrenx Cli. 11911lssb»,Y, hnp. - - 001.
Vol. XXII. Octobre 1891. N, 66.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE
ASSOCIATION DU TABES AVEC LE
DIABÈTE SUCRÉ';
DE la clinique DE H. LE professeur CHARCOT)
PAR
Georges Guignon,
Chef de clinique.
A. SOUQUES,
Interne (médaille d'or) des hôpitaux.
1
Depuis une dizaine d'années, l'attention des clini-
ciens a été attirée d'une part sur l'existence dans le
diabète de quelques symptômes nerveux analogues à
ceux que l'on rencontre dans l'ataxie locomotrice pro-
gressive et d'autre part sur la présence du sucre dans
t Au début de ce travail, il nous semble indispensable de soulever une
question préjudicielle de terminologie. On trouve, à chaque pas, dans la
littérature médicale, le mot glycosurie employé comme synonyme de
diabète sucré et inversement le terme de diabète appliqué à diverses
glycosuries symptomatiques. C'est là, à noire avis, un très regrettable
abus de langage qui entraîne une confusion nuisible à la clarté du sujet
et à l'interprétation des phénomènes morbides.
Sans doute des travaux ont surgi qui portent atteinte à l'ancienne con-
ception de l'unité du diabète sucré. Mais le dernier mot n'est pas dit à
cet égard. Dans tous les cas, il existe toujours jusqu'ici un diabète, ma-
ladie constitutionnelle ou diabète arthritique qui diffère des glycosuries
cliniquement et anatomiquement. Entre celles-ci et celui-là il y a la
différence du symptôme à l'entité morbide. Et, pour notre compte, c'est
exclusivement dans ce sens que nous emploierons les deux termes s
diabète et glycosurie.
Archives, t. XXII. 20
306 CLINIQUE NERVEUSE.
l'urine de certains tabétiques. Dans le premier cas,
les troubles nerveux ont été mis sur le compte du dia-
bète sous le nom assez impropre de pseudo-tabes
diabétique. Dans le second, on a pareillement établi
une relation de cause à effet entre le tabes et la pré-
sence du sucre et décrit celle-ci sous le nom de glyco--
surie d'origine tabétique.
Ce sont Jà des formes cliniques du tabes et du
diabète indiscutables, parfaitement authentiques. La
notion du pseudo-tabes diabétique date du jour où
M. le professeur 13ouchard' signala l'absence fré-
quente des réflexes rotuliens dans le diabète sucré.
Cette découverte fut confirmée par les recherches
ultérieures de MM. Landouzy [Leçons cliniques de la
Charité, 1882), Rosenstein 2, P. Marie et Georges
Guinon, 3 ainsi que des divers auteurs qui se sont
depuis lors occupés de ce sujet. Il est certain que la
perte des réflexes rotuliens jointe, chez un diabétique,
à l'existence de troubles de la sensibilité tels, par
exemple, que les douleurs fulgurantes mentionnées
par notre maître, M. le professeur Charcot, et par
MM. Raymond et Oulmoutb, était bien de nature à faire
songer à un cas de tabes vrai. En réalité, la méprise
a été commise et plus d'une fois la découverte du
sucre dans l'urine est venue réformer le diagnostic.
' Bouchard. De a po'e M )'e'/ ? M;M )'o<t;e ! M da;t. ! di'a&ee fMo'c.
1 Bouchard. - De la perle des réflexes roluliens dans le diabète sucre.
(Association française pour l'avancement des sciences. Congrès de Blois,
188 r. )
' Rosenstein. Weber das Verlcalten des À''tt'ep/t<f'i0)xe)t ! Gei Diabètes
mellitus. (Be2,1. Klin IVoch, 1885, n° 8.)
3 P. Marie et Georges Guinon. - De la perte du réflexe rotulien dans
le diabète sucré. (Rev. de méd., 1880.)
' 1\,1YIlIOIlII et Oulmont, - Douleurs fulgurantes dans le diabète. (Gaz.
viéd. de Paris, 1881, p. 027.)
ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 301 I
Mais il ne faudrait pas croire que la présence du
sucre dans les urines puisse toujours lever la difficulté
et décider qu'il s'agit du diabète et non du tabes. En
effet, M. Oppenheim, le 21 mai 1885, présentait à la
Société médicale de Berlin une tabétique atteinte de
glycosurie et déclarait qu'il s'agissait là de glycosurie
d'origine tabétique due à la propagation du processus
scléreux au plancher du quatrième ventricule. Il est
vrai de dire que le fait avait déjà été signalé par
d'autres auteurs. Smith' avait noté la glycosurie
comme complication du tabès,; il en avait indiqué la
rareté et l'attribuait à la propagation du processus
tabétique au quatrième ventricule. Althaus2 l'avait
relatée en ces termes : « L'urine au début de la
deuxième période du tabes peut avoir une composition
normale... Dans plusieurs cas, nous avons observé la
présence du sucre. Généralement, la présence du sucre
élait accompagnée d'un excès d'urée et le poids spéci-
fique de l'urine variait entre 1,030 et 1,037. Le sucre
montait quelquefois jusqu'à 11 1 grammes par litre. Nous
avons connu des malades qui éliminaient sans inter-
ruption du sucre pendant deux ou trois ans, lorsque
tout à coup l'élimination cessa de se présenter. Ce der-
nier symptôme confirme plutôt l'existence d'une gly-
cosurie que d'un diabète sucré. » De son côté, Eulen-
burg3 relève (n° 12 de ses 125 tabétiques) le cas d'un
malade atteint de tabes vrai dont l'urine avait ren-
fermé du sucre d'une manière temporaire.
' Smith. - (Brit. met. io, 1/1' ! 1. 7 avril 1883.)
, Altlians. Maladies de la moelle "pil11ère, traduction française .1. Alo-
rin, 1885, p. 125.
3 I : uleni>urn. Tabès mit Gli/coslt/'ie (J'Î ! 'chow's .9rclt., XXIX DI ?
1885, p. 2( ! ) .
308 ' ' CLINIQUE NERVEUSE.
On avait donc, avant Oppenheim, signalé la glyco-
surie au cours du tabes. Mais il estjustede reconnaître
que c'est à cet.auteur que revient le mérite d'avoir
spécialement attiré l'attention sur ce sujet en rap-
portant une très remarquable observation. Ce fait
parut si nouveau que dans la discussion qui suivit,
Sénator affirma qu'il ne connaissait aucun cas de ce
genre.
L'année suivante, Reumont publiait un cas ana-
logue à celui d'Oppeinheim et rischer à son tour citait
un fait du même ordre. Ce sont là, incontestablement,
trois exemples de glycosurie tabétique. Nous n'en con-
naissons aucun autre bien authentique. Et en vérité,
la glycosurie d'origine tabétique est excessivement
rare. Cette rareté, qui n'avait pas échappé à Smith, a
été constatée par divers auteurs. Eulenburgne l'a vue
qu'une fois sur 125 cas de tabes. Un de nous, dans
l'urine de 50 tabétiques, n'a jamais constaté la pré-
sence du sucre. Plus récemment, M. Gilles de la Tou-
rette a examiné à la Salpêtrière 100 malades atteints
d'ataxie locomotrice progressive et n'a trouvé que trois
fois du sucre dans les urines. Et encore n'est-il nulle-
ment démontré qu'il se soit agi vraiment dans tous ces
cas de glycosurie tabétique.
Quelque rare qu'elle soit, cette glycosurie existe
incontestablement, au même titre que celle de la
sclérose en plaque signalée par Weichselbaum ,
131. Edwards, Richardière... Mais s'ensuit-il, d'une part
1 Reumont. Ein Fall von Tabès dOlsalis complicil't mit Diabètes
me.llitus. (Berl. Klin. lVoclt., 188G, p. 207.)
2Fisclier. - Uebcr Bezie7zunen zwischen Tabes und Diabètes mellitus.
Centralb. sur Nervenheilk, 1886, n" 18, p. 515.
ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRE. 309
que la présence du sucre dans les urines d'un tabétique
signifie toujours glycosurie symptomatique du tabes et
que d'autre part l'apparition de troubles nerveux, au
cours d'un diabète avéré, veuille toujours dire pseudo-
tabes d'origine diabétique ? Nous ne le croyons pas.
Nous pensons que, dans certains cas, l'interprétation
doit être toute différente. Il faut, à notre avis, envi-
sager les rapports du tabes avec le diabète à un autre
point de vue. La présence du sucre dans les urines
d'un tabétique avéré ne signifie point toujours glyco-
surie d'ordre tabétique ; l'existence de certaines mani-
festations nerveuses, au cours d'un diabète, ne veut
point toujours dire pseudo-tabes diabétique. Il est en
un mot des cas, où le tabes vrai et le diabète sucré
coexistent chez un même individu, sans relations de
cause à effet, et évoluent séparément, côte à côle,
chacun pour leur propre compte. Il s'agit, dans ce
cas, de deux entités distinctes, indépendantes, sim-
plement unies par des liens de parenté, comme nous
le montrerons tout à l'heure; il s'agit d'une conco-
mitance du tabes vrai avec le véritable diabète sucré
constitutionnel. .
. A priori rien ne s'oppose à cette juxtaposition.
Bien plus, de fortes raisons militent en faveur d'une
semblable manière de voir et nous pourrons du reste
les appuyer sur une série d'observations cliniques.
Dans un leçon récente', notre maitre, M. le pro-
fesseur Charcot, parlant des rapports du diabète avec
le tabes, s'exprimait en ces termes : « A côté de ce
premier groupe (glycosurie tabétique) il convient d'en
Cliat-cot. - Sur VA ! cas de paraplégie diabétique. (Archiv. de Neurol.,
t. XIX, p. 305, 1890.) . - .. 4
310 ,' . CLINIQUE NERVEUSE.
placer ud second. Dans celui-ci il s'agit encore du
tabes vrai, mais avec cette maladie coexiste le diabète
vrai qui la suit ou la précède. Il y a là une simple
coïncidence, mais non pas, tant s'en faut, une coïnci-
dence tout à fait fortuite, ainsi que vous le remarque-
rez, si vous voulez bien vous rappeler ce que je vous
disais, il n'y a qu'un instant, au sujet des liens' de
parenté étroite qui relient les familles arthritique et
névropathique. Cela pourrait se représenter par un
fort simple tableau généalogique. Un individu, né d'un
père goutteux et d'une mère'aliénée, présente un beau
jour, par suite d'une double hérédité de transforma-
tion, tous les signes du diabète et de l'ataxie locomo-
trice progressive. Les deux familles sont dans ce
cas représentées chez le même sujet sans qu'il y ait
combinaison véritable. Les deux maladies restent dis-
tinctes, autonomes, chez cet individu, rappelant au
point de vue pathologique sa double origine. Je crois
que des cas semblables doivent exister ; reste à savoir si
des recherches dirigées en ce sens dans l'avenir, viendront
me donner raison. »
Eh bien ! ce sont des cas de ce genre que nous
apportons ici pour essayer de combler ce desideratum.
. 1 il
Non, la coïncidence du tabes et du diabète n'est
point un pur effet du hasard, une coïncidence tout à
fait fortuite. Il faut certainement y voir l'intervention
des liens de parenté qui unissent les deux familles
arthritique et névropathique; dont le diabète et le
ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 311
tabes sont les enfants légitimes. Du reste, les observa-
tions ne manquent pas pour démontrer jusqu'à l'évi-
dence la parenté qui relie le diabète aux névropathies
et le tabes à l'arthritisme. C'est là un point sur lequel
insiste depuis de longues années notre maître, M. Char-
cot, et d'autres auteurs parmi lesquels nous citerons
MM. Axenfeld et Huchard.
Les rapports étroits du diabète avec l'aliénation
mentale, l'épilepsie, l'hystérie, le goitre exophthal-
mique ont été signalés par de nombreux auteurs qui
les ont étudiés soit dans les divers membres d'une
même famille, soit chez un même individu.
Quant aux relations du diabète avec les vésanies
et l'épilepsie, elles ont été indiquées par Seegen,
Zimmer, Langiewicz, Schmidtz, Westphal, Griesin-
ger, Lockart-Clarke, Durand-Fardel, Monneret et
Fleury, Savage, de los Santos, Leroux, etc., etc..
Jordao ' a vu un père épileptique engendrer un fils
épileptique et diabétique. Marchai (de Calvi) 2 a vu
le fils d'un père diabétique présenter un tremble-
ment des mains, entre autres accidents nerveux. Il
a vu chez les descendants des diabétiques des attaques
de nerfs, des frayeurs maniaques, etc... Niepce signale
de même un état morbide nerveux chez le fils d'un
diabétique. Zimmer rapporte le cas d'un jeune diabé-
tique dont le père était névropathe ; une de ses soeurs
et son grand oncle étaient morts du diabète sucré.
Seegen a observé que chez les ascendants de diabé-
' Jordao. Considér. sur un cas de diabète sucré. Th. de Paris, 18 : ï7. -
Estudos sobre à diabète, Lisboa, 1864.
- Marchai (de Calvi). Recherches sur les accidents inflammatoires et
gangreneux des diabétiques . Paris, 1861.
312 CLINIQUE NERVEUSE.
tiques un assez grand nombre étaient morts d'affec-
tions cérébrales, d'autres d'aliénation mentale. Il
relève dans l'hérédité d'un jeune diabétique de onze
ans le tableau suivant :
TABLEAU I 1
ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 313
sujets à des névroses et même à des névroses -hysté-
riques. Redon, dans sa thèse sur le diabète sucré chez
les enfants (1877) rapporte une fort intéressante
observation de Lèjroux. La voici résumée :
TABLEAU III
314 CLINIQUE NERVEUSE.
TABLEAU VI : . X... 70 ans.
Epilepsie, diabète, paralysie tagitante.
Depuis trois ans l'épilepsie
et le diabète ont disparu. La paralysie agitante seule persiste.
. TABLEAU VII
ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 315
TABLEAU X'
316 CLINIQUE NERVEUSE.
TABLEAU XIV
ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 317
années avant l'apparition de son diabète et l'on avait
été obligé de l'enfermer dans une maison de santé.
La troisième enfin avait un père aliéné. « La fré-
quence, dit-il, des troubles intellectuels et cérébraux
trouve son explication dans les antécédents héréditaires ,
nerveux qu'on relève habituellement chez les diabétiques. »
Il nous semble inutile d'insister davantage sur les
rapports qui unissent le diabète aux vésanies et à
l'épilepsie, sur la fréquence chez un seul individu
et dans une même famille des successions et des
transformations morbides que nous venons de signaler,
et qui ne sont point livrées au hasard, mais relèvent
de la parenté étroite qui existe entre les membres des
deux familles arthritique et névropathique.
Pareils rapports de parenté doivent être établis
entre le diabète et le goitre exophthalmique (Dumont-
pallier ', Panas=, Pavy, etc.), sans oublier que la gly-
cosurie peut être symptomatique de la maladie de
Basedow (Ballet), entre le diabète et la paralysie agi-
tante (Topinard), entre le diabète et l'hystérie « dont,
dit M. Bouchard, on constate fréquemment l'existence
chez les ascendants des diabétiques 3 ». Ce n'est pas
seulement chez les ascendants, c'est aussi bien chez
leurs descendants (tableau V), qu'on la constate fré-
quemment. C'est encore chez un même individu qu'on
.trouve la coexistence de l'hystérie et du diabète, ainsi
que l'a démontré M. Grenier 4. Nous pouvons du
' Dumontpallier. -Goitre exophthalmique et glycosurie. (Soc. de Biol.,
1867.) ' , .
' Panas. - Arclaiv. d'ophthalm., 1881.
' Boucharrl. - Maladies par ralentissement de la nutrition. Paris,
1882, p. 182.
' Grenier. - Diabète et hystérie. (Archiv. génér. de méd., 1888.)
318 . CLINIQUE NERVEUSE.
reste fournir ici un exemple de celle association; la
malade qui en est l'objet a été observée par M. le pro-
fesseur Charcot,-tout récemment.
. Observation I (personnelle).
111m° B..., quarante ans, nie formellement toute hérédité autre
qu'un père migraineux. Dès avant vingt ans, elle a eu des migraines,
puis des névralgies de la face qui ont été traitées par la morphine.
Dès l'âge de dix à douze ans, elle était énorme et elle est encore
assez obèse.
Depuis quatre à cinq ans, elle boit beaucoup, urine de même et
est obligée de se lever plusieurs fois la nuit pour uriner.
Il y a deux ans (8 février 1889), elle eut une attaque qu'on qua-
lifia, dit-elle, de congestion cérébrale, suivie de parésie passagère
du bras et de la langue pendant laquelle on s'aperçut du diabète.
Elle pissait alors 300 grammes de sucre dans tes vingt-quatre heures.
La congestion guérit en un jour et, sous l'influence du régime, le
diabète s'améliora (153 grammes par jour).
Un mois plus tard, début des attaques d'hystérie précédées de
prodromes céphaliques, caractérisées par des grincements de dents
sans grands inconvénients, le tout durant de trois à six minutes.
Ces attaques étaient quotidiennes. Plus tard, elles se sont accentuées
et aujourd'hui elle grince des dents, se débat beaucoup, fait l'arc
de cercle, déchire ses vêtements, etc. L'attaque dure un quart
d'heure environ et se termine par une crise de larmes.
État actuel (11 mars 1891). - 111m° B... est mariée depuis dix-
huit ans, n'a pas d'enfants. On ne trouve ni anesthésie cutanée, ni
perte du réflexe pharyngé, ni rétrécissement du champ visuel, ni
dyschromatopsie,- ni polyopie monoculaire, ni micromégalopsie.
Pas de zones hyslérogènes vraies, mais il existe deux points doulou-
reux à la pression dans les deux fosses iliaques, sans caractère hys-
térogène véritable. L'odorat est très diminué du côté droit et le
goût à peu près perdu du même côté. Les réflexes rotuliens sont
absents. Les urines ont été examinées très régulièrement; le sucre
y a toujours été trouvé avec des oscillations assez notables. Le bulle-
tin d'analysedu t8 février 1891 est ainsi conçu : quantité 3000 cen-
timètres cubes, densité 1,033, sucre 51 gr. 70 par litre, soit
loo grammes environ par vingt-quatre heures.
Il est un membre de la grande famille névropa-
thique, sur lequel on n'a pas, à notre connaissance,
explicitement appelé l'attention et qui nous semble
ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 319
affecter des rapports de même ordre avec le diabète,
c'est le tabès '. Pour mettre ces rapports en évidence,
il suffit de suivre l'évolution des phénomènes mor-
bides à travers les générations successives dans une
famille. On y voit alterner le tabes et le diabète, de
telle manière que ces deux affections semblent se
rattacher à une causa commune qui leur servirait
de lien, cause commune sur la nature de laquelle
nous nous expliquerons plus loin. Voici quelques
exemples que nous devons encore à M. le professeur
Charcot 2 :
- TABLEAU XV
320 CLINIQUE NERVEUSE.
TABLEAU XVII
ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 321
De ces quatre tableaux, nous pouvons rapprocher
l'observation suivante que nous avons recueillie à la
consultation externe de la Salpêtrière : ,
OBSERVATION II (personnelle).
Rec..., trente-cinq ans, voyageur de commerce, a son père dia-
bétique et goutteux. L'existence du diabète et de la goutte pater-
nels n'est pas douteuse; le sucre a été constaté dans les urines à
diverses reprises. Quant à la goutte, elle est classique : elle à
débuté par le gros orteil gauche où existe actuellement un tophus ;
les accidents, qui sont restés longtemps cantonnés à l'orteil, ont
gagné depuis quelque temps les articulations des genoux et des
coudes, mais ·ont toujours prédominants au niveau du pied. Une
de ses tantes du côté paternel a toujours été excentrique; elle est
morte aliénée dans une maison de santé en avril 1891. Elle a un
fils qui a toujours eu une conduite fort irrégulière : c'est un impul-
sif. La mère de notre malade est morte du tuberculose pulmonaire.
Une tante maternelle est atteinte d'hémiplégie d'origine céré-
brale.
Rec... n'a jamais eu la syphilis. En juillet 1889, il a été victime
d'un accident de voiture : son cheval s'était emporté, il a voulu
sauter à terre et est tombé sur les genoux; après la guérison de la
plaie superficielle, il a remarqué aussitôt des engourdissements
dans la jambe du côté contusionné et bientôt une certaine gêne
dans la marche. Ces engourdissements et cette gêne ont gagné
ensuite le membre inférieur droit.
Le malade fait naturellement remonter sa maladie actuelle à
cet accident, mais quand on l'interroge de plus près, on s'aperçoit
que ce traumatisme n'a pas eu en réalité cette influence, que des
symptômes tabétiques existaient déjà et que l'accident n'a influé
que sur l'apparition de la deuxième période du tabes. En effet,
Rec... raconte que, depuis cinq ans, il souffre de véritables douleurs
fulgurantes dans les membres inférieurs et de troubles vésicaux
(incontinence d'urine). Au moment où nous l'avons examiné, outre
les symptômes précédents, on constatait : la perte des réflexes
rotuliens, le signe de Romberg, une sensation de constriction en
ceinture et une incoordination motrice typique. Pas de sucre dans
les urines.
On peut résumer les antécédents héréditaires de ce malade de
la façon suivante :
ARCHIVES, t. XXII. 21
323 CLINIQUE NERVEUSE.
TABLEAU XXI
ASSOCIATION DU TABES AVEC LE DIABÈTE SUCRÉ. 323
dies générales, à tant de troubles permanents de la
nutrition. Le système nerveux est, en effet, le grand
modérateur des actes nutritifs; et ses désordres héré-
ditaires ou acquis peuvent rendre la nutrition plus
active ou plus lente... Si les métamorphoses de la ma-
tière peuvent être ralenties par un trouble nerveux,
elles le sont également par une disposition constitu-
tionnelle, congénitale ou héréditaire, ou par une dia-
thèse acquise... Si ce retard de la nutrition vient à en-
traver les métamorphoses que le sucre doit subir dans
l'organisme, il y aura aussi acheminement vers le dia-
bète et à un certain degré production du diabète '. »
Comme dans le diabète, il y a dans le tabès trouble
nutritif. Dans ces dernières années, MM. Livon et
Alezais 2, au cours de recherches sur les urines tabé-
tiques, étaient frappés de la tendance à l'hyperchlo-
rurie et de la faible quantité d'urée et d'acide phos-
phorique éliminée dans les vingt-quatre heures.
L'ataxie locomotrice progressive affecte du reste
avec d'autres membres de la famille arthritique des
rapports du même ordre. MM. Landouzy et Ballet
citent six cas de tabes où il n'y avait que l'arthritisme
(rhumatisme) comme facteur étiologique. Ce chiffre ne
peut être .interprété par une simple coïncidence, si on
considère que l'hérédité nerveuse est représentée par
le chiffre dix-sept et la syphilis par le chiffre quatorze
dans la même statistique '. Nous avons rappelé plus
1 Bouchard. - Loc. cit., p. 182.
* Livon et Alezain. - Recherches sur les urines tabcliques. (Maiseille
médical, 1888, p. 193 et 263.)
3 Landouzy et Ballet. - Du rôle de l'hérédité dans la genèse de l'ataxie
locomotrice. (Prix Civrieux, 1883, et Annales méd. psych., 1881, p. 29.)
324 CLINIQUE NERVEUSE. ASSOCIATION DU TABES, ETC.
haut que M. Charcot avait vu plusieurs fois coexister
le tabes et le rhumatisme chronique.
Le tabes survienLsouvent chez les diathésiques, sur-
tout chez les rhumatisants (héréditaires ou personnels),
(Combal, etc...) « On trouve souvent, dit Grasset,
chez les ataxiques un arthritisme héréditaire et per-
sonnel qui a préparé le terrain d'abord et qui ensuite,
sous l'influence d'excès ou de toute autre hérédité
(névropathique), se localise sur l'axe spinal et déve-
loppe dans les cordons postérieurs les scléroses que,
dans d'autres cas, on observe sur d'autres organes. »
Faut-il mentionner ici que Rosenthal est partisan
de l'origine rhumatismale du tabes et que M. Belugou,
sur trente-deux malades, relève chez dix-sept des
antécédents personnels rhumatismaux* ? Non pas que
nous partagions cette manière de voir, mais il semble
légitime de conclure que le tabes affecte des liens de
parenté avec le rhumatisme, membre de la famille
arthritique.
C'est sans doute en raison de ce fait que M. Lauce-
l'eaux considère le diabète comme une névrose com-
plexe et que Duckworth 3 regarde la goutte et le diabète
comme deux affections du système nerveux. Si l'étude
que nous venons de faire ne permet point d'adopter
cette manière de voir, elle permet au moins de soute-
nir que le diabète est rattaché à la névropathie et au
tabes par des relations étroites de parenté.
(A suivre.)
Bel Ligou. Progr. méd., 188J.
. Lancereaux. Traité de l'herpétisme, 1883, p. 275.
" Uucl.wortlr. .1 pieu /on the ncurolic Iheory of goût. il,
1880, t. 111, p. 1.)
CLINIQUE MENTALE
DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS;
Par M. le D'J. CHRISTIAN,
Médecin de la Maison nationale de Charenton.
On n'a pas oublié la longue et retentissante discussion qui
a rempli un grand nombre de séances de la Société fnédico-
psychologique z887-88), et dans laquelle on a cherché à éta-
blir la genèse, la nature, la valeur séméiologique du Délire
de persécution.
Les problèmes soulevés n'ont pas pu être tous tranchés; plus
d'un attend encore sa solution définitive que, seule, la clinique
pourra donner. « C'est à la statistique, disait Briand, de tran-
cher la question; que chacun de nous apporte des observations
et nous arriverons à catégoriser, avec exactitude, les cas où la
transformation est l'exception, et ceux, à mon sens beaucoup
plus fréquents, où elle est la règle '. »
Je m'étais bien promis de reprendre cette étude, me disant
que si des recherches plus complètes ne me fournissaient pas
d'arguments nouveaux, 'du moins elles me permettraient d'ab-
jurer mes erreurs et d'en faire amende honorable. Ai-je besoin
de dire que je n'y mets aucun parti pris ? Que je ne poursuis
aucune vue doctrinale, que je me suis défendu de toute idée
préconçue ? Je me suis systématiquement borné à reproduire
les observations des malades existant dans mon service au
moment où j'écris; ce sont dos persécutés de tout âge et de
toute condition. Il s'agit de savoir en quoi ils se ressemblent
et par quoi ils diffèrent les uns des autres.
I. - L'historique du délire de persécution se trouve au
complet dans l'article Persécution (délire de) du Dictionnaire
' Ann. ? aéd. psychol" 1887, VI, p. 302.
326 CLINIQUE MENTALE.
de Dechambre, par le Dr A. Ritti. Aussi ne 'reviendrai-je que
sur quelques points.
Le mot Délire de persécution est de Lasègue qui l'inventa en
1852 ; la première description est de lui et date de cette époque.
Mais si le mot est récent, la chose est ancienne, car, de toute
éternité, il y a eu des persécutés. On peut lire dans Pinel et
Esquirol, pour ne citer que ces deux maîtres, des descriptions
magistrales de cette forme d'aliénation, mais sous d'autres
noms. Ils la confondaient avec la lypémanie ou la monomanie.
Cette opinion a régné longtemps après Esquirol, et, chose à
noter, Morel n'a jamais pensé autrement.
Oui, si étonnant que cela puisse paraitre à ses disciples,
Morel considérait le délire de persécution comme une variété
de la lypémanie. Il le dit, non seulement dans ses Etudes cli-
niques, publiées en 1852, dans lesquelles la manie, la lypé-
manie et la démence, sont données par lui comme les trois
types fondamentaux de la folie (I, p. 306); mais encore dans
son Traité des maladies mentales, qui parut en 1860. C'est là
qu'il signale (p. 266) « les tendances mélancoliques qui con-
tiennent en germe le délire de persécution p ; et qu'il dit tex
tuellement (p. 712) : « Je pense, pour ma part, que, si l'état
désigné sous le nom de lypémanie, et dont le délire de persé-
cution est une variété, se complique de stupeur et de semi-
catalepsie, etc.1. » Il est vrai que, déjà en 1852, Morel avait
rangé les persécutés (Lasègue venait de leur donner ce nom)
dans les formes mixtes (dérivées de la manie, lypémanie ou
démence), et il les avait fait rentrer dans sa grande classe des
hypochondries : les persécutés en formaient la deuxième caté-
gorie 2.
En 1860, il formula son idée plus nettement : le délire de
' Dans son article sur les persécutés génitaux à idées de grandeur,
paru en mai 1890 dans les Ann. méd. psychol., M. Doutrebente raille
agréablement nI. Dagonet père et son élève 1\1. Christian, qui n'admettent
encore que la lypémanie avec prédominance d'idées de persécution
(p. 375). M. Doutrebente aurait été moins sévère s'il avait pris la peine
de relire son maître More). J'avoue, sans honte aucune, qu'en 1870, dans
mon Étude sur la mélancolie, j'appelle le Délire de Persécution « cette
forme de lypémanie ». Mes idées se sont modifiées depuis. J'ajouterai
qu'en 1878, un autre de mes contradicteurs, 31. Marandon de montre),
décrivait le Délire de Persécution sous le nom de Lypémanie ambitieuse.
On peut lire ses observations dans les Ann. méd. psychol., 1878, XX,
p. 117, et, dans le même volume, p. 208.
'- Études cliniques, II, passim; p. 112; obs., 7, 8, 10, etc. ,
DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS. 327
persécution n'est plus qu'un dérivé du délire hypochondriaque.
Mais comme il multiplie les réserves ! Je pourrais, dit-il,
citer des exemples à l'infini, où l'élément hypochondriaque a
persisté dans la phase de transformation de cette névrose, et
n'a pas été masqué complètement par un délire de seconde
formation. » (Traité, p. 710.)
Et il ajoute : « La transition au délire de persécution s'opère
bien plus fréquemment chez les individus dont l'hypochondrie
est larvée, et qui ont le tempérament propre aux individus
qui souffrent de cette névrose. » (Ibid.)
Ce qui signifie, je pense, chez les individus qui sont aussi
peu hypochondriaques que possible, ou même qui ne le sont
pas du tout. Ayant ainsi fait dériver le délire de persécution du
délire hypochondriaque, Morel a également signalé, et il a
été le premier, l'apparition des idées de grandeur chez les per-
sécutés. Ici encore, combien sa doctrine est vague, flottante,
incertaine ! « Lorsque la maladie, dit-il, tend vers une termi-
naison fatale, il surviendra une transformation non moins
extraordinaire dans les idées et les sentiments du délirant par
persécution, et qui formera une troisième variété, ou, si l'on
préfère, une sous-variété dans cette forme d'aliénation. Les
malades se croient maintenant, sous l'influence de nouvelles
modifications organiques, appelés à de grandes destinées, et à
jouer un rôle qui n'est le plus ordinairement en rapport, ni
avec leur éducation, ni avec les moyens intellectuels qu'ils
possèdent réellement. , (Traité, p. 61.)
Cette transition n'est pas fatale ; elle n'arrive que lorsque la
maladie tend à devenir incurable. Le délire des grandeurs
n'est (pour Morel) qu'une des trois formes vers lesquelles peut
évoluer le délire de persécution, et qui sont : 1° la stupeur
(stupidité); 2° le délire de persécution avec complication d'un
état spasmodique et convulsif (aliénés gémisseurs); 3° le délire
des grandeurs.
Ces trois classes pourraient s'appeler lypémanie stupide,
lypémanie anxieuse, et, pour parler comme M. Marandon de
Montyel, lypémanie ambitieuse.
En résumé, Morel a montré que le délire de persécution ne
survient pas d'emblée, qu'il succède à une période d'incubation
plus ou moins longue (qu'à mon sens il a eu le tort de con-
fondre avec l'hypochondrie) ; il a été également le premier à
signaler la transformation possible du délire de persécution
328 CLINIQUE MENTALE.
en délire des grandeurs. Mais il n'a jamais songé à séparer le
délire de persécution de la lypémanie, et de cela je ne crois
pas qu'il faille lui faire un reproche. Il ne pouvait manquer de
subir l'influence des idées de son temps, et, d'un autre côté,
si l'on range sous le titre générique de lypémanie les délires
tristes, on est obligé de reconnaître que le délire de persécu-
tion n'y est pas absolument déplacé, car il repose également,
au moins dans le plus grand nombre des cas, sur un fond de
tristesse.
Magnan', dans ses leçons et ses écrits, comme aussi dans les
publications de ses élèves Gérente, Paul Garnier, Sérieux, etc.,
a formulé une théorie autrement nette et précise. Le délire de
persécution n'est plus une affection distincte; il n'est que la
seconde période, la seconde étape d'une maladie mentale à
évolution continue appelée délire chronique ou psychose systé=
matisée progressive (Paul Garnier).
Après une première période d'incubation, d'inquiétude, pen-
dant laquelle le malade est troublé, tourmenté, le délire se
systématise : c'est alors le délire de persécution, auquel, après
un temps plus ou moins long, succède le délire ambitieux.
La démence constitue la quatrième période ou phase termi-
nale.
Or, quels sont les points sur lesquels a porté la discussion ?
C'est, à mon sens du moins, sur ce que cette théorie a de trop
absolu, bien plus que sur le fond lui-même. Les persécutés
que j'ai connus ne pourraient pas tous rentrer dans ce cadre si
régulier. Il ne m'a pas paru démontré que le délire de persé-
cution aboutisse forcément, fatalement, au délire ambitieux,
ni que la démence vienne toujours terminer la maladie.
La conclusion serait qu'il y a non pas un délire de persécu-
tion, toujours le même, mais plusieurs formes distinctes de ce
délire, et il ne s'agirait plus que de les différencier. C'est là
l'opinion qui tend à se généraliser. On la trouve formulée dans
une récente publication de Sérieux 2. Séglas était entré dans
cette voie : dans ses cliniques de la Salpêtrière, il discute le
diagnostic des délires de persécution systématisés, dont il décrit
plusieurs variétés 3.
' Leçons cliniques sur les maladies mentales, Paris, 1891.
* Le Délire chronique, in BuGI. de la Soc. de méd. mentale de Delgiqtie,
nos 59 et 60.
Semaine médicale, 1890, n° 50.
DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS. 329
Enfin, dans un travail paru dans les Ann. méd. psychol.1,
M. Dagonet va môme plus loin. Il s'efforce de montrer que
« le délire de persécution n'est pas une espèce particulière
d'aliénation mentale, ayant toujours les mêmes symptômes et
la même évolution, mais un état qui se manifeste au contraire
dans les conditions les plus variables et les plus opposées >
(p. 190).
Il est vrai qu'à la fin de son article, il reconnaît cependant
que « le délire de persécution constitue, dans quelques cas, une
forme spéciale d'aliénation mentale ayant ses caractères propres
et surtout ses idées nettement systématisées » (p. 36G).
II. - On ne peut nier que l'idée de persécution se montre
dans les formes d'aliénation mentale les plus diverses, l'alcoo-
lisme, la paralysie générale, la démence sénile, etc. Mais en
cela, elle ne diffère pas de toutes les autres espèces d'idées déli-
rantes, quelles qu'elles soient, ambitieuse, àotique, hypochon-
driaque, etc., et môme des syndrômes plus complexes, tels
que l'agitation maniaque, la dépression mélancolique, etc. Cha-
cun de ces symptômes ou syndromes peut exister à l'état
accessoire, ne jouer qu'un rôle secondaire, effacé, un rôle de
seconde ligne, - et alors il est logique de ne pas le prendre
pour caractéristique de la maladie mentale. Mais quand, au
contraire, ce symptôme apparaît en première ligne, qu'il
domine la scène morbide, que les autres symptômes n'existent
qu'accessoirement et d'une façon subordonnée, - ne faut-il pas
que ce soit lui qui donne son nom au mal dont nous ignorons
la nature intime, que nous ne pouvons apprécier et différencier
que d'après ses manifestations extérieures ? A côté des aliénés
à idées de grandeur, à idées hypochondriaques, avec agitation
maniaque, nous avons les aliénés véritablement mégaloma-
niaques, hypochondriaques, maniaques. De même, et pour les
mômes raisons, à côté des aliénés à idées de persécution, nous
devons garder une place aux véritables persécutés. En le faisant,
nous appliquons simplement à l'aliénation mentale les règles
universellement employées en pathologie. Il faut reconnaitre
aussi que la prédominance de tel ou tel ordre de symptômes
imprime à l'aliéné une physionomie spéciale. Le persécuté ne
ressemble ni au maniaque, ni à l' hypochondriaque, ni à aucun
de nos autres types morbides.
' 1890, YII, n°' 2 et 3 (sept. et nov.).
..J
330 CLINIQUE MENTALE.
Ce n'est pas l'hallucination de l'ouïe qui constitue le phéno-
mène pathognomonique du délire de persécution; chez beau-
coup de persécutés elle n'existe pas, notamment chez les per-
sécutés persécuteurs. Ce ne sont pas davantage les hallucinations
de la sensibilité générale, quoiqu'elles manquent plus rarement
que celles de l'ouïe. Ce qui me paraît tout à fait spécial au per-
sécuté, ce que l'on ne rencontre chez aucun autre aliéné, c'est
sa manière de réagir vis-à-vis le monde extérieur; elle suppose
nécessairement un trouble profond, radical, de la sensibilité
générale ou coenesthésie.
Quand on examine le mélancolique, on trouve chez lui l'exa-
gération maladive de la tristesse, à laquelle tout individu est
sujet par intervalles, mais qui se dissipe plus ou moins rapi-
dement, sans laisser de traces. Cette tristesse, devenue con-
tinue, dominant toute l'activité psychique, fait que sans cesse
le malade se replie douloureusement sur lui-même, interpré-
tant de la manière la plus fâcheuse tout ce qu'il ressent, tout
ce qu'il voit, tout ce qu'il entend. Si le délire s'ajoute à cet état
douloureux de la sensibilité, c'est-à-dire s'il y a lypémanie
proprement dite, le fond reste le même, c'est toujours en lui
que le malade cherche et trouve les motifs de ses souffrances'.
c Il est coupable de tous les crimes, il est perdu, ruiné, désho-
noré ; il est un objet de mépris et de dégoût, il est affligé des
maux les plus repoussants, etc. »; le lypémaniaque ne sort pas
de ce thème.
Il semblerait qu'il doive en être de même chez le persécuté.
Constamment en butte à des influences extérieures délétères,
ayant à supporter, du fait de ces influences, les tortures les
plus variées, le persécuté devrait, comme il arriverait à
l'état normal, - rattacher à l'idée de cause extérieure nocive,
celle d'une altération interne consécutive dans ses organes.
Tout au contraire ! « Le mélancolique, dit Sérieux, est un cou-
pable, le persécuté une victime; l'un subit avec résignation ou
réclame même instamment le châtiment qu'il a mérité; l'autre
se révolte contre d'odieuses persécutions. L'un ne pense qu'à
en finir avec l'existence; l'autre, le plus habituellement, défend
énergiquement sa vie 2. »
Aussi n'ai-je jamais vu de persécuté qui ne proteste que sa
' .1'ai longuement insisté sur ce point dans mon Étude sur la mélan-
colie, Paris, 1876.
' Goc. cit., n° 60, p. 19.
DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS. 331
santé serait parfaite, ses organes intacts, pourvu qu'on n'agît
pas sur eux. S'il tousse, ce n'est pas parce qu'il est enrhumé,
c'est parce qu'on lui fait respirer des poudres irritantes; s'il a
de la dyspnée, c'est parce qu'on lui introduit des asphyxiants
dans les poumons. La digestion est-elle laborieuse, c'est que
dans ses aliments on lui avait mis des drogues malfaisantes, et
ainsi de suite, j'en pourrais citer des exemples à l'infini. Je me
bornerai au suivant : ,
W..., notre pensionnaire depuis dix ans, est arrivé à l'âge où
l'on devient presbyte; il ne peut plus lire sans lunettes. Loin d'at-
tribuer ce fait, si simple, aux progrès de l'âge, il m'écrit longue-
ment pour me signaler cette nouvelle manoeuvre de ses ennemis :
t quand je vais quelquefois lire à la salle de lecture, on me sup-
prime la vue. Les deux tiers des pensionnaires fréquentant la salle
de lecture, lisent et écrivent sans lorgnons. Je me suis fait envoyer
un lorgnon de conserve. Pendant les premiers jours que je m'en
servais, je lisais parfaitement. Les gens qui me dirigent la vue sont
trop malicieux pour qu'on ne me les remplace pas. Ces gens vous
engendrent le plus profond dégoût pour la lecture... »
C'est cette extériorisation si complète, si absolue, qui me
parait être la caractéristique du délire de persécution; elle
existe chez tous les persécutés et imprime à leur délire son
cachet si particulier. C'est elle qui établit entre le délire de
persécution et la lypémanie une différence radicale, qui en
fait bien réellement deux formes mentales distinctes, pouvant
se combiner l'une avec l'autre, mais qu'il n'est pas permis de
confondre ensemble.
Mais, de même qu'il y a des variétés nombreuses dans la
lypémanie, de même il en existe dans le délire de persécution.
Cotard en admettait jusqu'à sept 1. Séglas est arrivé au même
chiffre, en s'appuyant sur des considérations d'un autre ordre.
Il sera toujours facile de multiplier le nombre de ces variétés :
à la rigueur, il n'est pas deux persécutés qui se ressemblent
absolument. Je ne vois pas grand profit à multiplier les sub-
divisions ; on peut s'en tenir à quelques groupes dans lesquels
rentreront aisément toutes les individualités qui passent sous
nos yeux. Je me garderai bien de proposer une classification
quelconque : je veux me borner, dans cette étude, à rechercher
les rapports des idées de grandeur avec les idées de persécution.
Art. Folie, du Diction, de Dechambre.
332 CLINIQUE MENTALE.
III. C'est assurément l'une des particularités les plus
curieuses du délire de persécution que son association avec le
délire ambitieux. Morel voyait dans l'apparition des idées de
grandeur un signe d'incurabilité. Magnan professe que le délire
ambitieux arrive fatalement comme troisième période du délire
chronique. Il me paraît important d'étudier avant tout ce
délire ambitieux en lui-même, car il a sa physionomie propre,
qui le distingue absolument de celui que l'on rencontre chez
d'autres aliénés, tels que les paralytiques généraux, les imbé-
ciles, etc.
Le roman pathologique des persécutés devenus mégalomanes
roule à peu près exclusivement sur un thème unique. Le ma-
lade affirme qu'il appartient, non pas à la famille dont il porte
le nom, mais à une race illustre, princière, royale. Pour des
raisons d'intérêt ou des motifs politiques, on a voulu se débar-
rasser de lui, et l'on n'a pas trouvé de meilleur moyen que de
le changer en nounice, ou .de le remettre tout enfant entre les
mains de gens de peu, chargés de l'élever et de lui cacher le
secret de sa naissance. Je ne suis pas assez vieux pour avoir
connu des Dauphins fils de Louis XVI, échappés du Temple et
élevés dans le mystère et l'obscurité. Mais combien ai-je ren-
contré de fils de Napoléon et de Marie-Louise, du duc de Berry,
ou plus tard du duc d'Orléans, de Napoléon III, du comte de
Chambord !
L'un, menuisier dans une petite ville de la Bourgogne, ne
sachant pas un mot d'allemand, part à pied et sans argent, et
arrive sans encombre à Vienne, où il voulait se faire recon-
naître par l'Empereur d'Autriche comme étant le véritable duc
de Reichstaedt. La police l'arrêta au moment où il se présen-
tait au palais impérial, et le fit rapatrier.
Un autre, vieux bonhomme de plus de soixante ans, ouvrier
serrurier, me racontait avec une conviction absolue qu'il était
né au Louvre, fils de Marie-Louise, et qu'on l'avait fait dispa-
raître lors de l'entrée des alliés en 1814.
Il est à remarquer que ces malades, quand ils débitent leur
histoire, ne donnent en général pas d'entorse trop forte à la
vérité : leur roman se tient assez bien. Généralement, les fils
de Marie-Louise ont été enlevés sur la route de Blois, pendant
la fuite de leur mère; les fils de la duchesse de Berry ont dis-
paru après l'assassinat du duc, et ainsi dans chaque cas.
Mais quand, après avoir écouté leur récit, on demande à ces
DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS. 333
rejetons d'illustre famille comment, à quelle époque, de quelle
façon, ils ont eu la révélation du mystère de leur naissance,
on n'obtient plus qu'une simple affirmation : « Je sais que cela
est; tout le monde le sait; vous le savez aussi bien que
moi. »
Bien rarement, malgré tous mes efforts, j'ai obtenu une
réponse satisfaisante. Cependant, un fils du comte de Cham-
bord, à Charenton depuis 1872, a fini par m'avouer qu'il n'avait
appris qu'en 1878 qu'il s'appelait « Henri de Bourbon ». Mais
il n'a pas pu ou n'a pas voulu me dire comment il avait fait
cette découverte.
On doit se demander par quel mécanisme l'idée ambitieuse
vient s'ajouter à celle de persécution ? .
Une théorie séduisante, défendue surtout par Ach. Foville,
et généralement 'acceptée après lui, fait dériver, par raisonne-
ment syllogistique, le délire des grandeurs du délire de persé-
cutions. Le malade, après avoir longtemps souffert sans se
plaindre, et même sans se demander pourquoi, se poserait
enfin' cette question : « Pourquoi m'en veut-on ? Pourquoi
police, jésuites, francs-maçons, se sont-ils mis à mes trousses
et ne me laissent-ils ni trêve ni repos ? » De déduction en
déduction arriverait l'idée » qu'on le craint, - qu'il n'est donc
pas le premier venu, - que, sans doute, de grands intérêts se
rattachent à sa personne D, et finalement qu'il est prince,
héritier du trône, etc.. ' .
C'est là une théorie inspirée des doctrines de l'école psycho-
logique : je ne pense pas que les choses se passent ainsi en
réalité. Plus je vois d'aliénés, plus je demeure convaincu qu'ils
ne fabriquent pas leur délire; ils ne font que le subir passive-
ment'. Ils ne le raisonnent ni ne le discutent; aucune invrai-
semblance ne les arrête. Ils les acceptent toutes et les affirment.
Aussi, je ne crois pas que le délire ambitieux s'installe peu à
peu, progressivement. L'idée ambitieuse surgit d'emblée, elle
s'établit tout d'une pièce et sans intermédiaire, à l'occasion
d'un rêve, d'une hallucination, d'une association d'idées, peut-
être même à la suite d'une idée fortuitement éclose, par céré-
bration inconsciente. Ne nous arrive-t-il pas à tout moment,
en pleine santé, d'être assaillis par une idée quelconque, sans
lien apparent avec nos préoccupations actuelles, idée qui s'im-
' J'ai développé ces idées dans la discussion qui a eu lieu à la Société
médico-psychologique. Voir ans., sept. 1887. p. 292.
334 CLINIQUE MENTALE.
pose à nous et malgré nous d'une façon obsédante ? Pourquoi
n'en serait-il pas de même chez l'aliéné ?
Ce que nous observons chez d'autres malades rend cette
supposition vraisemblable. J'ai dans mon service un vieillard
d'une soixantaine* d'années, ancien négociant en vins, atteint
de démence apoplectique, et presque continuellement agité.
Depuis son entrée, c'est-à-dire depuis plus de six mois, le
malade avait des idées ambitieuses, mais qui ne s'écartaient
pas du cadre professionnel : * Il était le premier négociant en
vins de France, il avait acheté tous les vins de l'Espagne, il
allait planter des vignes sur toutes les montagnes, gagner des
millions, etc. » Un matin, à la visite, il me dit brusquement :
e Je suis l'Empereur; il me faut maintenant une grande bou-
teille de vin à chaque repas. » Cette idée d'empereur a persisté
depuis cette époque, mais qu'est-ce qui l'a provoquée ?
Au surplus, de quelque façon que l'on veuille expliquer l'ap-
parition des idées de grandeur', il reste ce fait clinique, que
beaucoup de persécutés, à un moment donné, deviennent
et restent mégalomaniaques. Mais, dans cette évolution
nouvelle, les idées de persécution ne disparaissent pas. Elles
persistent, au contraire, bien nettes, quoique reléguées au
second plan. Aussi bien ce n'est pas une transformation du
délire qui se produit, mais seulement une complication. Aux
idées de persécution s'ajoutent les idées de grandeur, qui passent
au premier plan; mais les deux délires restent en quelque sorte
juxtaposés et continuent à se manifester par leurs caractères
propres.
Chez tous les persécutés, quels qu'ils soient, le fond déli-
rant reste le même : les variétés ne sauraient être établies que
d'après la prédominance de tel ou tel ordre de symptômes. Si l'on
n'envisage que les idées de grandeur, on peut voir, d'après les
observations que je vais rapporter, que :
a). ◀Tantôt▶ elles deviennent prédominantes, constituant une
véritable mégalomanie (délire chronique de Magnan);
b). ◀Tantôt▶ elles n'apparaissent que d'une façon incidente,
accessoire ;
c). Chez beaucoup de malades elles se montrent, non pas
sous la forme concrète d'un délire mégalomaniaque, mais sous
une forme vague d'orgueil, d'infatuation, de haute idée de soi-
même ; .
' Ma¡¡nan, loc. cit., p. 2ti6 et suivantes.
DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS. 335
d). Enfin, beaucoup de persécutés n'ont pas d'idées de gran-
deur, et ne paraissent pas susceptibles d'en avoir jamais.
a). - MÉGALOMANIE (DÉLIRE CHRONIQUE)
Observation 1. - maris 0..., né en 1846, employé de commerce,
est arrêté sur la voie publique et placé à Sainte-Anne, puis * ù
Vaucluse, en 1883. Trois ans après il est transféré à Charenton.
C'est un homme de taille moyenne, bien constitué, maigre, très
brun. Pas de renseignements ni sur la famille ni sur les antécé-
dents du malade. L'intelligence est atteinte depuis plusieurs années;
après une période de persécution, la maladie a rapidement évolué
vers le délire ambitieux. 0... s'intitule comte de Montijo, il est proche
parent de l'impératrice Eugénie. Investi d'une haute mission de
contrôle sur les gouvernements de l'Europe, il ne comprend pas
pourquoi on le tient renfermé. Cette séquestration est d'autant
plus inique, qu'il doit se marier avec une jeune fille de haut rang,
que l'impératrice lui amène toutes les nuits à Charenton. Mais nous
les empêchons d'arriver jusqu'à lui : il entend leurs voix et leurs
plaintes dans la chambre contiguë à la sienne. De là des insomnies,
de l'agitation, et, le matin, des protestations indignées qui se tra-
duisent sous forme de lettres adressées aux souverains, au Pape,
aux ministres, au préfet de police, au président de la Répu-
blique.
0... ne] cesse de se plaindre des misères qu'on lui fait; il ne
s'explique pas que M. Carnot tolère les traitements qu'on lui inflige;
c'est sans doute une période d'épreuve qu'il doit traverser, mais il
trouve qu'elle dure trop longtemps.
Observation II. - R..., médecin militaire, né en 1844. Ses
parents sont morts jeunes; il n'a qu'une soeur, qui est religieuse,
et qui, au dire de sa supérieure, a a la tête faible ». Au moment de
la guerre de 1870, R... était aide-major. Il eut à supporter les fati-
gues et les privations des deux sièges de Paris; en juin 1871, fièvre
typhoïde grave qui le retient plus d'un mois à l'hôpital. C'est dans
la convalescence de cette maladie que paraissent s'être montrés les
premiers symptômes de dérangement mental. Il devient sombre,
tacitnrne, s'isole de ses camarades, croit qu'on le regarde de tra-
vers, qu'on chuchote sur son passage; il surprend des rires
moqueurs, des paroles à double sens. Les aliments qu'on lui sert à
la pension ont mauvais goût; le vin a une couleur singulière qui
n'est pas naturelle. Il est sûr qu'on a voulu l'empoisonner, et il se
drogue pour neutraliser les effets du poison. Peu à peu il devient
agressif; il interpelle, il menace les officiers de son régiment ; il les
provoque en duel, ne sort plus qu'armé, et annonce qu'il fera un
336 CLINIQUE MENTALE.
exemple. C'est alors (1873) qu'il fut conduit au Val-dc-Grâce, et
transféré à Charenton.
Dans les premiers temps de son séjour il était très excité, se
croyait entouré de communards venus pour lui faire un mauvais
parti. Peu à peu il secalma, et en 1879, je le trouvai en pleine
efflorescence de délire ambitieux. Descendant des princes de
Linange, possesseur d'immenses domaines en Alsace et dans le
duché de Bade, il est ici au milieu de personnages du plus haut
rang. Il nous donne à tous les titres le ? plus pompeux, et de temps
en temps, quand il trouve que nous avons manqué à nos devoirs, il
nous punit, nous destitue, nous condamne à des peines variées.
Quand il écrit à sa vieille tante, qui l'a élevé, modeste paysanne
d'un village alsacien, il multiplie les formules de respect d'après
l'étiquette de cour la plus cérémonieuse; il lui recommande d'en-
trelenir avec soin ses châteaux, ses propriétés, surtout les tombes
de ses ancêtres.
Ce délire ambitieux est tout à fait épanoui dans une lettre qu'il
écrit à un de ses cousins (mai 1880). Il l'appelle « cher Duc» (c'est
un modeste employé de chemin de fer), et lui annonce qu'il veut
passer six mois à Ruffec. « J'ai écrit, ajoute-t-il, à ce sujet à s'on
A. le duc de Montpensier, et à mon cousin le prince Riczinshy ( ? ) et
de plus, tout d'abord, à M. le maréchal. Tous ces devoirs remplis,
rien ne doit s'opposer à ce que j'obtienne de M. le président du
Sénat un congé de six mois. »
Cette première partie de la lettre est assez courte; mais elle se
termine par un long post-scriptum dans lequel R..., se plaint vive-
ment que le duc d'Aumale fasse bon marché de ses oeuvres littéraires.
« J'ouvre, dit-il, la Revue des Deux-Mondes du 15 avril, et j'en
trouve qui sont dépareillées, falsifiées, signées de noms connus
que je ne puis revendiquer comme pseudonymes. L'article concer-
nant M. Thiers est presque tout entier de moi, et il est signé Ch. de
Mazade. Le fond de la Princesse Verte m'appartient en grande
partie. Les Remords du docteur m'appartient encore; c'est l'his-
toire de ma liaison avec Mmos Adelilla et Cailolla l'at... ; - il en est
de même du Tarif des chemins de fez·, deux discours que j'ai pro-
noncés à la chambre. a - Et cela continue ainsi : tout le volume est
de lui.
Ce malade est, comme le précédent, un bel exemple de
délire chronique ; les trois premières périodes ont été très
nettes. Depuis assez longtemps déjà, R... a cessé d'être expan-
sif : soit lassitude, soit mépris pour son entourage, il ne com-
muni<JJ1 : eplus ses idées-. Mais ses facultés intellectuelles n'ont
pas baissé : il n'a pas perdu la mémoire; il s'occupe du service
de la bibliothèque avec une ponctualité et un ordre admirables,
DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS. 331
et de tous les titres qu'il se donnait autrefois, il n'en a gardé
qu'un, qu'il ne manque jamais de mettre à la suite de son nom,
c'est celui de sous-bibliothécaire. Au fond, il n'a abandonné
aucune de ses conceptions délirantes.
Observation III. - 13..., lieutenant d'infanterie, né en 1851, a
été élevé chez les jésuites dont il a été un des élèves les plus bril-
lants. Le père est un ancien employé de ministère, retraité; il a
plus de soixante-dix ans, et jouit d'une excellente santé. La mère
est morte jeune, de phtisie pulmonaire. Un frère marié est bien.
portant. Deux oncles (maternels) morts d'alcoolisme.
Après d'excellentes études, B..., reçu bachelier, se préparait à
une de nos grandes écoles. En même temps il donnait des répéti-
tions aux enfants de la duchesse de X..., jeune femme de vingt-
sept ans, qui se mourait de la poitrine. B... s'éprit d'une folle pas-
sion pour la mère de ses élèves, passion mystique, exaltée, dont il
ne laissa jamais rien deviner tant que la duchesse vécut. A sa
mort, B..., au désespoir, s'engagea. Il arriva assez rapidement à
l'épaulette, mais, vers l'âge de vingt-six ans, apparurent les pre-
miers symptômes de maladie mentale.
Au régiment où il était, B... s'aperçut qu'il provoquait chez cer-
tains de ses camarades des sentiments de répulsion dont il ne s'ex-
pliquait pas la cause. D'abord, il n'y attacha pas grande importance;
mais les choses en vinrent au point qu'il dut demander à changer
de corps.
Dans son nouveau régiment la situation ne fit qu'empirer. On le
icgardait de travers. On affectait de s'éloigner de lui, on faisait
sur son passage des gestes expressifs qui ne pouvaient lui laisser
aucun doute. Il devina que son haleine était fétide, ce qui rendait
sa société insupportable.
Plus tard, il comprit qu'on l'accusait de moeurs inavouables,
d'avoir, suivant son expression, « du goût pour les hommes i,.
Enfin, on lui attribuait des « infirmités secrètes ».
Cela durait depuis un an, quand apparurent les hallucinations
de l'ouïe. Un matin, en entrant dans la cour de la caserne, il
entendit distinctement qu'on disait à côté de lui : c Voilà celui
qu'on veut assommer. »
A partir de ce moment, il se tint sur ses gardes, et il fit bien, car
il ne se passait pas de jour qu'on ne lui fit quelque nouvelle avanie.
« On veut l'assommer, disaient-ils, mais on n'y arrive pas. -
* On l'empoisonnera. - Il ne sortit plus qu'armé d'un revolver,
prêt à faire feu sur le premier qui avancerait sur lui. Des indices
certains lui démontrèrent enfin que toutes ces manigauces étaient
le fait du lieutenant X..., de son régiment : il demanda à son
colonel l'autorisation de le provoquer en duel. C'est à l'occasion
Archives, t. XXII. 22
338 CLINIQUE MENTALE.
de ces démarches que la maladie parut évidente, et que B..., après
avoir passé par le Val-de-Grâce, fut conduit à Charenton. (Jan-
vier 1881.)
Il n'y fit d'abord qu'un séjour d'nn mois, -après lequel il put être
rendu à sa famille dans un état de calme apparent. Mais à peine
hors de l'asile, il fut repris de toute son excitation, et au bout de
deux mois, il fallut le réintégrer. B... n'a plus quitté mon service, et
j'ai assisté à l'évolution du délire. Aux hallucinations de l'ouie se
sont jointes celles de la sensibilité générale : le malade, couvert
de fils électriques et de fluides magnétiques, faisait les gestes les
plus bizares pour s'en dépêtrer. Il agitait sans cesse son mouchoir
pour chasseï les miasmes qu'on lui envoyait. On mettait du mer-
cure dans son pain, de l'arsenic dans son vin... Au bout d'un cer-
tain temps, le délire ambitieux devint prédominant. B...,doué d'un
physique très avantageux, avait toujours manifesté une haute idée
de sa personne et de ses talents; il se montrait recherché dans sa
toilette. 11 déclamait volontiers, et avec une visible satisfaction de
lui-même, des pièces de poésie. Sa démarche était fière, ses ma-
nières, vis-à-vis de ses compagnons et du personnel, hautaines et
cassantes. Mais c'est surtout dans sa manière d'être vis-à-vis de
son père que nous pûmes juger des progrès de l'idée délirante. Il
ne voulut plus le recevoir, ne le traita qu'avec un profond mépris,
ne parlant de lui que dans les ternies les plus grossiers et les plus
injurieux; il ne lui est rien, il rougirait d'être le fils d'un aussi vil
coquin; en réalité, il est le fils et l'héritier d'un très grand per-
sonnage, il a droit à porter l'un des plus beaux noms de France,-
il n'a jamais voulu dire lequel.
Observation IV. - C... a eu pour père un homme exalté,
ancien Saint-Simonien, grand conspirateur sous Louis-Philippe, et
comme tel enfermé pendant de longues années dans la prison de
Doullens, d'où il ne sortit qu'en 1848. Sous l'empire, il continua de
conspirer et de faire partie de l'opposition irréconciliable. Il est
mort depuis de longues années. La mère est morte à soixante-
quatre ans, d'une maladie de coeur.
C..., sorti premier d'une de nos Ecoles des Arts-et-Métiers, s'est
lait recevoir a l'Ecole centrale, qu'il a quittée avec le diplôme.
C'était donc un homme intelligent, travailleur et persévérant. Il
est né en 1844.
Depuis plusieurs années, son caractère jetait devenu bizarre; il
vivait seul, brouillé avec sa famille, se nourrissant mal, probable-
ment hanté par des craintes d'empoisonnement. Un scandale sur
la voie publique le fit arrêter : il était sorti armé d'un revolver, et
avait en pleine rue proféré des menaces contre le chef de l'Etat.
Il fut amené à Charenton en 1888.
A ce moment il était très sui exilé : On m'attaquait, j'ai tout
DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS.. 339
dit. Quand ma mère est morte, il y a quelques années, j'ai eu des
soupçons qu'on l'avait empoisonnée. Moi aussi on a voulu m'em-
poisonner. Quand j'ai cherché à me marier, on m'a tendu des
pièges; mes deux tentatives ont échoué. On m'isole, on me magnétise
par des excitations qu'on m'envoie au moyen de l'éther. On a écrit
contre moi dans les journaux, et je suis allé plusieurs fois à l'In-
transigeant pour réclamer contre un roman qu'il publiait en feuil-
leton, et qui était dirigé contre moi. J'ai inventé une machine
thcl'lno-dYl1al1tiquc qui fixe d'une manière précise l'échelle des
températures ; j'ai trouvé les lois de la Cosmogonie et celles du
magnétisme; on veut me voler tout cela, et c'est pour cela qu'on
m'enferme. » .
D'abord il ne voulait pas manger, et il fallut le nourrir à la
sonde; depuis ce moment il prend régulièrement ses aliments. Le
délire n'a pas changé : il est aujourd'hui ce qu'il était il y trois
anus J'ai trouvé les lois de la thermo-dinamique. et on veut
m'empêcher de publier mes découvertes. Aussi on ne cesse pas de
me tourmenter. J'entends coiitiiiuellement une voix, qui est celle
de mon frère, ou du moins qui ressemble extraordinairement à
celle de mon frère. Elle me dit des choses insensées. Hier, quand
j'entrai à la Bibliothèque, j'entends : « Nature est morte, » ce qui
est sans doute une allusion à mon mariage, et signifie que je suis
impuissant. Une autre fois elle nie dit : c Fainéant, t'en veux ? * Je
n'ai pas compris. Quand je lis, on suit mes idées et on me les
vole... Tout cela se fait par communication téléphonique. Il y a long-
temps que cela dure. Quand j'étais élève à l'école de..., le prin-
cipal venait fouiller dans mon pupitre; depuis j'ai compris pour-
quoi, etc..» »
Observation V. - M... est entré à Charenton en 1869; il avait
alors vingt-sept ans. Je ne sais rien ni du début de la maladie men-
tale ni des antécédents personnels. Mais en comparant les écrits
du malade depuis son entrée jusqu'à aujourd'hui, j'ai pu juger que
le délire ne s'est en rien modifié. Des récriminations contre son
père, son beau-frère et d'autres membres de sa famille, voilà pour
les idées de persécution. Mais les idées de grandeur dominent :
M... porte le nom d'un peintre illustre du svn° siècle : il prétend
en être le descendant direct. Par sa mère, il serait le petit-lils d'un
Anglais qui s'est illustré par des découvertes industrielles. « Des
événements extraordinaires ont présidé à sa naissance. » Il signe
tous ses écrits de la même façon : « M., révélateur de Dieu, du
levier vital, du levier éternel, des mouvements perpétuels à puis-
sances illimitées, gratuites, des moteurs universels, etc., etc., etc. »
OBSERVATION VI. - H... est d'une famille où il y a beaucoup
d'exaltés. Lui-même a toujours été d'un caractère bizarre, mais
340 CLINIQUE MENTALE.
d'une intelligence remarquable. Il a été l'un des élèves les plus
brillants de l'Ecole normale supérieure, a été reçu agrégé, et pro-
fessait dans un lycée de province, quand il a commencé à donner
des signes de folie. Sa maladie mentale a suivi la marche classique :
après un scandale dans un café de Paris, la police a dû l'arrêter
et le faire placer dans une maison de santé.
H... est très peu communicatif; ses manières sont cassantes; il
regarde son^ entourage avec mépris, il est continuellement obsédé
par une voix qu'il appelle « petite flûte »; elle lui est fort désa-
gréable. Quoiqu'il ne se soit, jamais occupé que des lettres, il s'est mis
en tête de devenir un grand inventeur, et il prétend avoir fabriqué
une horloge astronomique qui laisse bien loin derrière elle toutes
celles qui existent; il a les poches pleines de paperasses sur les-
quelles il a dessiné tous les détails de ce chef-d'oeuvre.
Observation VII. - D..., industriel, dans un département de
l'Est, né en 1844. Sa mère était une femme très intelligente, mais
renommée dans le pays pour ses bizarreries ; - une soeur épilep-
tique. A l'âge de vingt-trois ans, chute de voiture; est tombé sur
la tête, a perdu connaissance et est resté plusieurs semaines à se
remettre. Plus tard il a eu le chagrin de perdre sa jeune femme
d'une fièvre typhoïde; enfin les événements de la guerre de
1870 l'ont vivement affecté et ont compromis sa situation. Le dé-
lire s'est développé peu à peu : il a éclaté avec une grande inten-
sité à la suite d'un traitement hydrothérapique.
Chez ce malade, les hallucinations de l'ouïe sont continuelles, et
elles le poussent aux actes les plus extravagants. Ainsi la voix lui
dit : « Je parie que tu ne casseras pas ce carreau, tu es trop lâche ! »
Aussitôt D... d'enfoncer les vitres à sa portée; ou bien il brise ses
meubles, son lit, la glace de sa chambre; ou encore il va frapper,
sans motif aucun, la personne qui se trouve par hasard auprès de
lui. Il se plaint régulièrement qu'on mette dans ses aliments du
poison ou de la charogne; il a fallu souvent le nourrir à la sonde.
Enfin D... s'imagine être le fils de Napoléon III; il est empereur
et sa place est à l'Elysée. Il fera guillotiner ceux qui l'empêchent
de réaliser ces hautes destinées.
Je ne veux pas continuer cette énumération : toutes ces
observations se ressemblent; je me bornerai à résumer encore
les deux suivantes :
Observation VIII. - 1\I..., ingénieur civil suisse, devenu aliéné
en Ecosse où il était attaché à un important établissement indus-
triel. Un oncle et une tante paternels aliénés. Prétend qu'on l'em-
poisonne, qu'on se moque de lui ; on crache devant lui en signe de
mépris; des sodomistes et autres individus infâmes s'arrêtent sous
DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSECUTES. 341
ses fenêtres et l'insultent. Pour faire un exemple, il tire un coup de
pistolet sur une ancienne domestique de son père. A Charenton
depuis 1880. Divagations continuelles ; gestes bizarres pour se
débarrasser des fils électriques dont on le couvre. Affirme que la
maison lui appartient, qu'il est le maître, que nous ne sommes
rien. ,
Observation IX. - S..., lieutenant d'infanterie, appartient à une
famille de pauvres paysans lorrains. Il envoyait à ses parents une
partie de sa solde. A son entrée (1880) se dit la victime du général
X..., une infâme canaille, » et du médecin principal Y... « le der-
nier des misérables » ; il leur fera leur affaire dès qu'il sortira. Ne
décolère pas, nous traite de coquins, d'escrocs, chenapans », etc.
Il est l'ami intime du duc d'Aumale, qui, déjà sous l'Empire, le
recevait chez lui et lui donnait des rendez-vous en Allemagne. Il
donne à entendre qu'il existe entre eux des liens très étroits. Ne
veut plus rien savoir de sa mère, ni de son père, ce sont des men-
diants qui veulent l'exploiter.
Une variété très intéressante, mais relativement rare, de la
mégalomanie des persécutés, c'est la théomanie; aux idées de
grandeur se joignent les idées religieuses. J'en ai deux exemples
remarquables sous les yeux.
Observation X. C..., né en 1858, est le dernier né d'une
famille nombreuse ; il a dix frères et soeurs, tous bien portants.
Aucune hérédité. Grand, brun, les cheveux et la barbe noirs, C...
parait fortement constitué ; mais il a une atrophie marquée des
muscles de la jambe droite, provenant, au dire des siens, de con-
vulsions survenues à l'âge de dix-huit mois. Cette atrophie muscu-
laire ne s'accompagne pas de raccourcissement du membre; C...
ne boite pas et il supporte, sans fatigue, de longues marches.
Admis à l'École centrale, C... n'a pu obtenir le diplôme de
sortie : il a fait alors des voyages en Tunisie et au Maroc, chargé
d'une mission officielle ; il en revint sans argent, sans emploi,
ayant manqué toutes les occasions qui s'étaient offertes à lui.
A partir de ce moment, il ne mena plus qu'une existence incohé-
rente, incapable d'aucun effort suivi, faisant des projets magnifi-
ques dont aucun ne se réalisait, accusant tout le monde de ses
insuccès, déclarant hautement « qu'il ne demanderait jamais rien
à sa famille », et cependant n'ayant pour vivre que ce qu'elle lui
donnait généreusement.
En 1888, il eut des hallucinations, prétendit une nuit que son lit
brûlait. Vers cette époque, il manifesta une grande exaltation reli-
gieuse ; il voulut écrire la vie de saint Antoine de Padoue, et il se
rendit dans cette ville pour y recueillir des documents. Puis aban-
342 CLINIQUE MENTALE.
donnant cette idée, il s'installa à Einsideln, en Suisse, pour prier
la fameuse Vierge noire. A son retour, il voulut combattre la doctrine
de Descartes, et, comme il n'arrivait à rien, il accusa sa famille
c d'être jalouse de lui et de vouloir étouffer son talent littéraire ».
Enfin il devint violent et' dangereux pour son entourage, et il fallut
le séquestrer (dée. 1889).
C... ne veut pas s'appeler C..., car il n'a aucune parenté avec
ceux qui portent ce nom, et qui se disent ses frères et soeurs. Il est
enfant naturel, mais non pas du comte de Chambord. A cet égard,
ses affirmations varient : ◀tantôt▶ il descend d'Entrecasteaux, le
compagnon de La Pérouse, - ◀tantôt▶ il appartient à la famille des
Fugger, les banquiers de Charles-Quint, ou bien à celle des
Habsbourg. Enfin il déclare qu'il est le fils naturel de sa mère et de
l'empereur Maximilien du Mexique.
Parallèment à ces idées de grandeur ont marché les idées reli-
gieuses. Puisque C.. appartient à la famille des Ilabsbourg,il estle
défenseur de la foi catholique ; il doit ramener à la vraie religion
non seulement les musulmans, mais encore les Chinois : grâce à
lui, il y aura cinq cent millions de catholiques nouveaux.
Observation XI. - La mère de L... est aliénée et internée
depuis seize ans dans une maison de santé. Il aujourd'hui trente-
cinq ans, est robuste et bien constitué. Quoiqu'il ait toujours été
d'un caractère bizarre, il a fait de bonnes études classiques ; il a
été reçu docteur en droit. Dans l'intervalle (1876), il a fait son volon-
tariat dans un régiment de cavalerie ; et c'est à cette époque qu'il
parait avoir donné des signes de dérangement mental : il se plai-
gnait amèrement des corvées qu'on lui imposait, les considérait
comme un supplice intolérable, et prétendait que tout le monde
s'acharnait à lui rendre la vie impossible.
Revenu chez son père, il le prit en aversion, l'accusa de vouloir
Je déshériter. Puis il se mit dans le journalisme et se fit remarquer
par l'exaltation de ses idées réactionnaires et cléricales. En 1883,
bronchite, qui guérit rapidement; mais il se persuada qu'il était
phtisique, et bon gré mal gré, il fallut le laisser partir pour l'Al-
gérie, où il passa l'hiver. Il en revint très bien portant, mais cons-
tamment préoccupé de sa santé, et de plus en plus mal disposé
pour son père. Il quitta le journalisme, abjura ses idées réaction-
naires et parvint à se faire nommer juge suppléant dans un petit
tribunal.
Mais dans les deux résidences qu'il occupa successivement, il ne
trouva chez ses collègues et ses chefs que mauvais vouloir et ini-
mitié ; ils allaient jusqu'à mettre du poison dans sa nourriture.
Aussi, après avoir plusieurs fois changé de pension, il finit par
acheter un fourneau et des ustensiles de cuisine, afin de préparer
lui-même ses aliments. Sous l'influence de toutes les drogues mal-
DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS. 343
faisantes qu'on lui avait fait absorber, et notamment du mercure,
il se prétendit atteint des maladies les plus variées, tumeur du foie,
de l'intestin, maladie de la moelle épinière, etc., et il avalait des
médicaments en quantité pour se guérir de ces maux imaginaires
Les extravagances allèrent croissant : pour combattre la faiblesse
dont il se disait atteint, L... se mit à boire du vin, du vermouth,
de l'eau-de-vie. Il fut obligé de donner sa démission et de revenir
chez son père, où il passa plusieurs mois dans une oisiveté com-
plète, avec des alternatives d'excitation et de prostration.
A cette époque, tournant court à toute idée cléricale, il prit en
aversion la religion catholique, et déclara qu'il n'y a qu'un culte
véritable, le judaïsme. Il voulut se faire circoncire, et, pour affirmer
son abjuration, il l'inscrivit sur une feuille de papier timbré, que,
depuis ce moment, il porte sur lui, enfermé dans un sachet en
toile.
Il faut ajouter encore qu'en 1882, L..., dans un moment d'exal-
tation, s'était tiré un coup de revolver dans la poitrine. La balle
pénétra au défaut de l'épaule, d'où elle ne put être extraite. Quel-
ques mois après, au bord de la mer, il fit une chute du haut de
la falaise : comme il était seul, on ne put savoir si c'était accident
ou nouvelle tentative de suicide.
Lorsqu'enfin (décembre 1889), L... fut amené à Charenton, le
délire était fort étendu. Il affirme qu'il descend des patriarches
juifs par Mahomet, que son ancêtre direct, l'émir venu en
France pour combattre Chartes-Martel, s'y est fixé, et qu'il est resté
le dépositaire de grandes traditions juives et mahométanes. C'est à
lui, L..., qu'est réservé la gloire de les faire revivre et de détruire
enfin le christianisme, dont il ne parle qu'avec le plus grand mé-
pris.
Il va sans dire que le véritable nom de L... n'est pas L..., qu'il
n'a rien de commun avec son père, que, depuis son enfance, la
« séquelle chrétienne » s'acharne après lui et cherche à le faire
disparaitre. A l'âge de neuf ans, pendant qu'il était au collège, on
lui a fait prendre de la cantharidine ; - plus tard on l'a abreuvé de
mercure, pour opérer sur lui un rétamage reconstituant. Ici, on con-
tinue : le pain renferme de la strychnine et de la cantharide en
quantités « stupéfiantes ». Il est généralement calme, se livre
peu, mais il s'emporte facilement. Son temps se passe à écrire,
mais il cache avec un soin jaloux ses manuscrits que personne,
d'ailleurs, ne saurait déchiffrer, car ils sont pleins de signes caba-
listiques, de chiffres, de mots hébreux ( ? ), dont il possède seul la
clef. La Mischna ( ! ) y joue un grand rôle, tout dérive d'elle.
Je n'ai pas besoin de faire remarquer que, chez les deux per-
sécutés théomanes, les idées de grandeur existaient comme dans
les premières observations; les idées religieuses se sont déve-
344 CLINIQUE MENTALE.
loppées parallèlement à elles, se fortifiant les unes par les
autres, et en quelque sorte s'appuyant les unes sur les autres.
Quand le délire des grandeurs apparaît chez un persécuté,
il est en général très expansif. Tous les malades dont j'ai rap-
porté l'histoire, racontent volontiers leurs conceptions ambi-
tieuses ; ils s'en font gloire. Mais l'expérience prouve qu'après
un certain temps, plus ou moins long, généralement quelques
années, cette situation change; le malade cesse de se mani-
fester au dehors. Autant il était expansif, autant il devient
silencieux, taciturne, réservé, et en apparence indifférent à ce
qui se passe autour de lui. C'est à cette période qu'il semble
tombé en démence, et je suis persuadé que bon nombre de vieux
aliénés de nos asiles, qui figurent sous la rubrique déments, ne
sont en réalité que des persécutés ambitieux arrivés à cette
phase terminale d'indifférence suprême.
Le malade, dirait-on, est las d'avoir prêché dans le désert,
de n'avoir été ni cru ni écouté; il se replie sur lui-même dans
une sorte de fatalisme passif, qui en impose à tort pour une
déchéance démentielle.
J'ai souvent commis cette erreur. J'ai trouvé à Charenton
bon nombre de vieux pensionnaires, séquestrés depuis de
longues années, que leur extérieur, leur manière d'être, leur
tenue, leur complète indifférence, portaient à ranger parmi les
déments. Quelle surprise quand, chez ces aliénés, chez qni
toute vie intellectuelle semblait disparue, je découvrais au con-
traire un délire très compliqué et très cohérent ! L'étude du
dossier m'apprenait que j'avais affaire à quelque vieux persé-
cuté. Il est vrai qu'il n'est pas facile de faire parler les malades;
ils ne se livrent pas volontiers ; il faut y revenir à plusieurs
reprises, ne pas se rebuter; on est bien payé de ses peines par
les découvertes inattendues qui sont réservées à l'observateur
persévérant. En voici quelques exemples :
Observation XII. - E... a aujourd'hui quatre-vingt-cinq ans.
Il a été placé à Charenton en 1814, alors qu'il était lieutenant
d'artillerie dans le régiment dont le duc de Montpensier était
colonel. Pendant de longues années, ce malade a été un persécuté
insupportable. Son dossier est rempli des réclamations qu'il ne ces-
sait d'adresser aux généraux, au ministre de la guerre, au duc de
Montpensier, et qui,chaquefois, motivaientde longs rapports médi-
caux. Au bout de quelques années, calme complet, il y a bien
quarante ans maintenant que E... vit dans son quartier d'une exis-
DES IDÉES DE GRANDEUR CHEZ LES PERSÉCUTÉS. 34S
tence toute machinale. Il m'a fallu une longue insistance, des
interrogatoires souvent répétés, pour me convaincre que ce vieillard
qui jouit d'ailleurs d'une santé et d'une vigueur étonnantes pour
son âge, a conservé toutes ses idées délirantes de 1844. Il proteste
avec la dernière énergie contre sa séquestration; il était au Val-de-
Gràce où est la place des officiers, et on n'avait aucun droit de le
conduire ici. Il avait demandé à être mené à la diligence de
La Fère, et c'est ce qu'il ne cesse de réclamer. Il est horriblement
malheureux, à cause des gens qui le viepent (c'est-à-dire qui agis-
sent sur sa vie); il ne demande rien à personne, etc.
Observation XIII. - L..., ancien percepteur, légèrement contre-
fait, a été placé à Charenton en 1872, à l'âge de trente-huit ans.
Après quelques années d'effervescence délirante, tout s'arrête : plus
aucune manifestation extérieure. On dirait un dément. Pourtant,
quand on l'interroge, il sait très bien dire qu'il n'est pas ici sous
son véritable nom, que la famille L... n'est que sa famille d'adop-
tion, qu'il s'appelle en réalité de Mérite Champovallon, Champs-
Elysées et Roi de la France paradisiaque, etc.
Observation XIV. - Officier, appartenant à une vieille famille
noble, dont les parchemins auraient pu suffire à son orgueil. A
parcouru toutes les phases du délire de persécution classique; à
même tiré un coup de revolver sur son frère qu'il a dangereuse-
ment blessé. Ce malade prétend être le fils de Victor-Emmanuel et
de la duchesse de Saxe-Cobourg-Gotha. Tout ce délire existe, bien
coordonné, et cependant, depuis de longues années, A... ne parle
plus à personne; il se renferme dans un silence dédaigneux, passe
son temps à lire et à dessiner, tout en étant resté très irritable.
Observation XV. - Un exemple encore. C... étudiant en méde-
cine, est entré en 1875, après avoir fait un séjour dans une maison
de santé. Il existe une prédisposition héréditaire. Longtemps
j'avais considéré ce malade comme un dément, car il mène une
existence absolument passive. Cependant, j'avais été frappé de voir
qu'il recevait fort mal sa vieille mère, qu'il ne voulait pas la recon-
naître. Je finis par savoir pourquoi. « Je ne m'appelle pas C...; je
ne connais pas cette vieille dame, je ne sais pas pourquoi elle vient.
Mon nom est Rex. - Rex, roi ? lui dis-je ? - Certainement. Mon
père aussi était Rex. - De quel pays ? - Mais vous le savez bien,
d'Arabie; je suis roi d'Arabie, et bon Musulman. »
Ne sont-ce pas là des faits typiques ? Ils autorisent cette con-
clusion, que le délire de persécution (forme délire chronique
systématisé) se termine habituellement, non par la démence,
mais par une pseudo-démence, qui, offrant tous les caractères
346 CLINIQUE NERVEUSE.
extérieurs de la démence, en diffère cependant parce qu'elle ne
s'accompagne ni de perte de la mémoire, ni d'affaiblissement
notable de l'intelligence. La démence vraie ne survient que
dans les cas de complication accidentelle (hémorrhagie céré-
brale, ramollissement du cerveau, etc.) : j'en ai rencontré des
cas. ' (A suivre.)
CLINIQUE NERVEUSE
IIEMIATROPHIE FACIALE PROGRESSIVE;
Par le professeur N. POPOFF (de Varsovie).
Il y a soixante-dix ans à peu près que Parry' a observé chez
une fillette de treize ans l'amaigrissement de la moitié gauche
de la face, après une hémiplégie gauche associée à des troubles
psychiques passagers. En même temps, l'oeil gauche s'était
enfoncé dans son orbite et paraissait diminué, les cheveux
avaient blanchi à la partie supérieure de la moitié gauche de
la tête, et la moitié gauche de la langue s'était atrophiée, de
sorte qu'elle déviait, au sortir de la bouche, du côté affecté.
Cette observation est longtemps restée isolée jusqu'à Schilling\ !
et Romberg' qui signalèrent plusieurs observations où l'atro-
phie progressive d'une moitié de la face était aussi le symp-
tôme clinique le plus éminent. Depuis lors, la soi-disant
hémiatrophie faciale progressive a été si souvent décrite
qu'en 1884, Lewin 4, dans son étude très détaillée, en énumère
70 cas publiés antérieurement ety ajoute une observation per-
sonnelle.
Cependant, la connaissance plus étendue de la littérature
Collect. from fhe impubl. socit., 1, 478.
2 Physiologisch-pathologische Untersuchung über die Spinal-Irritation,
1840.
a Klinische Ergebnisse., 1846-1851.
' Studien über die halbseitigen Atrophiez, etc. (rharité-Anna.eu.
IX. Jahrgang).
HÉMIATROPHIE FACIALE PROGRESSIVE. 347
correspondante établit que ce chiffre n'est pas parfaitement
exact. Lewin ne fait nulle mention des cas de Plasher1, Story2,
Charcot et des deux cas de Jessop et Brown'. Par conséquent,
son observation est la 76°.
Récemment, la maladie en question a été l'objet d'assez fré-
quentes observations, et je pus en recueillir, dans des sources
qui m'étaient accessibles, encore 40 cas publiés depuis le mé-
moire de Lewin, c'est-à-dire depuis l'an 1SS ! r (voyez la litté-
rature ci-dessous). Mais bien que l'hémiatrophie faciale soit
connue depuis si longtemps et que nous ayons une abondance
relative de matériaux, la nature de cette maladie est loin encore
d'être élucidée.
Bitot et Lande ont émis l'hypothèse, comme on sait, que
c'est le tissu adipeux sous-cutané qui est affecté primairement,
et qu'après sa disparition, les fibres élastiques contractent les
vaisseaux et provoquent de cette façon l'anémie et des change-
ments nutritifs dans les tissus sous-jacents. Mais cette suppo-
sition, évidemment forcée, n'a trouvé que peu d'adhérents et a
été bientôt abandonnée.
Actuellement, toutes les opinions concernant l'atrophie
faciale progressive peuvent être divisées en deux groupes : pour
la plupart des cliniciens, elle s'explique bien par l'affection des
fibres trophiques du nerf trijumeau; pour les autres, vu les
troubles vaso-moteurs dont maintes fois elle est accompagnée,
tout le tableau clinique se réduit à une affection du nerf sym-
pathique. Nos connaissances de la maladie en question se trou-
vant donc être encore insuffisantes, chaque nouvelle observa-
tion offre un intérêt de premier ordre; c'est pourquoi je juge à
propos de publier le cas suivant :
S..., jeune fille de vingt-cinq ans, n'ayant pas de graves
prédispositions héréditaires neuro ou psychopathiques. Père mort
à quarante-huit ans d'un cancer de l'estomac, avait souffert long-
temps de rhumatisme musculaire. Mère vivante, « nerveuse ?
avait eu douze enfants dont six vivent encore. Les quatre frères et
la soeur de notre malade jouissent d'une bonne santé. S...
elle-même, à part quelques maladies peu importantes dans son
4 Ein Fall von bilateraler neurotischer Gesichlsatrophie. (Berl. klin.
Wochenschrift, 1880, n" 31.)
Ile2 ? ? ial;ophie faciale. (Transact. oftheAcad. of Dfed. inlreland, 1883.)
3 Trophoneurose faciale. (Gaz. des hôpitaux, 1879. Décembre.)
" Two cases of hemiatrophia facialis. (St-Barthol. Hosp. Rep., XVIII.)
348 CLINIQUE NERVEUSE.
enfance, s'est toujours bien portée, bien que les règles ne fussent
arrivées qu'à vingt-deux ans. A partir de cette époque, chaque
menstruation est précédée de faiblesse générale, de maux de tête,
de congestion cérébrale, de vertige, parfois de troubles visuels.
A l'âge de dix-sept ans, la mère et puis la malade remarquèrent
que le côté droit de la face était toujours plus pâle que le gauche, et
si elle rougissait, c'était toujours plus faiblement du côté droit que
du gauche. Il y a quatre ans que dans la région temporale droite
parut un enfoncement qui ◀tantôt▶ disparaissait pour quelques mois,
◀tantôt▶ reparaissait, et ordinairement, au dire de la malade en suite
de contrariétés; mais il y a près d'un an, qu'après des maux de
dents très intenses du côté droit de la mâchoire inférieure, toute la
moitié droite de la face s'est amaigrie, et depuis lors l'enfonce-
ment de la tempe droite persiste. La malade est d'une constitution
robuste et normale, et bien nourrie. Un coup d'oeil rapide sur sa
face suffit pour s'apercevoir qu'elle est grandement défigurée. La
région temporale droite est très enfoncée. Quand la malade serre
les dents, le muscle temporal gauche forme une proéminence mar-
quée, tandis qu'il faut une minutieuse inspection pour découvrir
une pareille proéminence du côté droit. Le pont zygomatique, à
peine perceptible du côté sain, forme une proéminence très pro-
noncée sur toute l'étendue; en le palpant, on remarque que sa
partie antérieure est sensiblement amincie. La fosse canine est
très accentuée; lorsqu'on examine avec soin cette région, on cons-
tate que les muscles et le tissu adipeux y ont disparu et que la
peau mince, lisse, sèche et privée de cheveux recouvre immédiate-
ment l'os. Le sillon naso-labial fait défaut. Le buccinateur du côté
droit est plus petit et plus mince que celui du côté gauche. Le
masseter droit est aminci de même, mais il participe aux mouve-
menls de mastication; quand il est tendu, son bord antérieur est
plus nettement accusé à droite qu'à gauche. A la mâchoire infé-
rieure, aux environs du muscle triangulaire droit on trouve une
cavité très marquée; dans le même endroit et directement sous la
peau amincie on remarque un enfoncement dans le corps de la
mâchoire, le bord inférieur de laquelle est aigu et inégal. Le nez
est dévié du côté droit; la narine droite est moindre que la
gauche, et son aile est un peu plus mince. Lors de mouvements
mimiques, l'asymétrie de la face augmente encore; quand la
malade sourit, l'angle droit de la bouche s'élève, toute la face se
dévie à droite et de petites rides très marquées se forment sur la
peau du même côté. La moitié droite de la langue est amincie et
l'on voit des plis longitudinaux à sa muqueuse. Les dents sont
atteintes du processus carieux et plus fortement du côté droit que
du gauche. La moitié droite du voile du palais est plus mince que
la gauche. Le cucullaire est sensiblement aminci dans sa partie
externe. La fosse sus-épineuse du côté droit est très plate relative-
HÉMIATROPHIE FACIALE PROGRESSIVE. 349
ment à celle du côté gauche '. La réaction des muscles du côté
droit de la face est considérablement augmentée tant au courant
faradique qu'au galvanique, mais ne présente pas d'altérations de
qualité. Si l'on applique le courant à la peau du côté atrophié de
la face, on le fait, certes, rougir, mais beaucoup plus faiblement
que du côté opposé. Les pupilles égales et moyennement dilatées
réagissent d'une manière normale tant à la lumière qu'à l'accom-
modation. Du côté des grands vaisseaux de la face et du cou pas
de changements apparents. L'examen le plus strict de tous les
modes de sensibilité fit reconnaître l'absence absolue de troubles.
Tous les sens fonctionnent d'une manière normale.
Si l'on tient compte du symptôme le plus marquant, il est
très facile de porter chez notre malade le diagnostic d'hémia-
trophie faciale progressive. Cependant ce diagnostic ne nous
fournit que très peu; car, non seulement il ne nous explique
pas la nature de la maladie, ainsi qu'il a été indiqué plus haut,
mais encore il ne détermine pas avec une rigueur suffisante le
caractère du tableau clinique. En effet, la connaissance même
superficielle de la littérature permet de voir qu'on a fait entrer
dans le même cadre, d'une part, les cas où des phénomènes
atrophiques étaient limités à une région isolée de la face, et,
d'autre part, ceux dans lesquels ces phénomènes-ci s'étendaient
jusqu'au tronc; qu'on a rapporté à la même catégorie, d'un
côté, les maladies à évolution rapide qui se compliquaient
parfois par des phénomènes paralytiques dans les membres,
et, d'autre côté, celles qui se distinguaient surtout par leur
évolution lente et qui ne franchissaient pas un espace limité.
Tout cela bien considéré, nous sommes porté à la conclusion,
que les observateurs, tout en basant leur diagnostic sur ce
seul symptôme qui est, à vrai dire, le plus remarquable, ont
négligé d'approfondir les autres. Or le plus instructif serait
d'analyser chaque observation séparément et d'apprécier toutes
les particularités de chaque cas. Toutefois, une pareille tâche
est trop étendue qu'on puisse la résoudre actuellement, d'au-
tant plus que dans un nombre considérable de cas rapportés,
nous ne trouvons ni la précision nécessaire ni la plénitude de
description désirable.
D'ailleurs, pour corroborer l'opinion émise ci-dessus, nous
1 ici. le D' GoldOam, qui a examiné la malade six mois auparavant,
m'a communiqué n'avoir pas constaté chez elle d'atrophie du cucullaire.
Ce fait-ci, ainsi que l'évolution de la maladie, au dire de la malade, très
rapide dans les derniers mois sont dignes d'être signalés.
350 CLINIQUE NERVEUSE.
n'avons qu'à indiquer les matériaux, pour la plupart très soi-
gneusement élaborés, que contient la littérature des dernières
années. Ce qui dans cette analyse appelle, tout d'abord, notre
attention, c'est une. catégorie, assez vaste, d'observations où le
processus atrophique s'est déclaré après un facteur étiologique
véhément (d'ordinaire, traumatisme) et où il a été limité rigou-
reusement à une région innervée par une ou plusieurs bran-
ches du nerf trijumeeu. Ici s'adapte, par exemple, le cas rap-
porté par Dekhtereff (voy. ci-dessus la littérature) concernant
une jeune fille de onze ans qui s'est heurtée du front contre
une barre de fer et chez laquelle son entourage remarqua dans
la suite la chute de cheveux et des phénomènes atrophiques le
long du nerf sus-orbitaire. A l'examen, on constata un point
douloureux au niveau du trou sus-orbitaire. Dans d'autres
observations, il y a non seulement des troubles trophiques,
mais aussi de sensibilité. Ainsi, Romberg a décrit une malade
chez laquelle, après une contusion de la région pariétale
gauche, se manifestèrent des douleurs violentes, accompagnées
de la chute de cheveux, ensuite l'amaigrissement d'une partie
très limitée de la face. Cette partie occupait, en forme d'une
gouttière large de six millimètres, toute l'étendue, à partir du
bord supérieur de l'orbite gauche jusqu'à la suture lambdoïde,
le long du nerf sus-orbitaire. Dans le cas de Kolaczek, nous
avons aussi des douleurs, des atrophies et une diminution de
sensibilité le long du nerf contusionné : tous les trois symp-
tômes consécutifs à un traumatisme. Les observations de
Panas, de llitsig, de Bannister, de Berger, de Banham, de
Gofssieieff et plusieurs autres ont un caractère tout à fait ana-
logue. On ne saurait presque douter que dans tous les cas cités,
il s'agit d'une affection périphérique intéressant une ou plu-
sieurs branches du nerf trijumeau; et quant au processus
pathologique, ce dernier atteint ◀tantôt▶ les fibres trophiques
seules comme singulièrement sensibles à tous les facteurs
nuisibles, ◀tantôt▶ les fibres sensitives. Ce processus ne diffère
ni par son étiologie ni par son caractère clinique de ce qu'on
observe également dans les autres parties du système nerveux
périphérique. C'est, par conséquent, de pair avec les maladies
de ce dernier système qu'il faut considérer tous les cas que je
viens de citer. L'atrophie faciale, ne déterminant point le
caractère de la maladie ne peut être acceptée comme base du
dirguostic.
HÉMIATROPHIE FACIALE PROGRESSIVE. 3oi
Bien que, abstraction faite de la catégorie considérée, le
nombre des cas d'hémiatrophie faciale progressive diminue
considérablement, ceux qui restent sont ainsi loin d'être homo-
gènes.
Virchow a observé deux malades atteintes d'hémiatrophie
faciale progressive. L'une d'elles dont la maladie relevait,
d'après cet auteur, d'une névrite du nerf trijumeau, provoquée
par l'érysipèle et par la contusion, mourut d'une maladie
accidentelle. Et depuis, Mendel qui a examiné le système ner-
veux de cette malade (Berlin. Klin. W ocheaschr., 1888, n° 19),
y constata une névrite interstitielle proliférante du nerf tri-
jumeau. Le diagnostic de Virchow fut donc constaté. Mais en
même temps, Mendel a observé une diminution du nombre
des cellules de la substance ferrugine du côté affecté. Ce der-
nier fait nous autorise à ne pas exclure dans le cas cité, la pos-
sibilité d'une origine centrale de la maladie (d'après plusieurs
anatomistes, les cellules mentionnées seraient des centres
trophiques).
Il y a quelques mois, Homen a publié une observation très
intéressante et d'une portée d'autant plus grande qu'elle a pu
être complétée par des données anat.omo-pathologiques.ll s'est
produit chez sa malade, dans le cours de quelques semaines,
une hémiatrophie de la face et de la langue accompagnée
d'anesthésie de la région affectée et de paralysie des nerfs ocu-
lomoteurs. A l'autopsie, on a trouvé une tumeur de la dure-
mère comprimant le ganglion de Gasser, les branches du nerf
trijumeau et, en partie, les nerfs oculo-moteurs. L'examen
microscopique des nerfs craniens a révélé des phénomènes de
dégénérescence très marqués dans toutes branches de la Ve paire
et plus faibles dans les VIP, IIIe, IVe et VIe paires.
A part ces deux observations, nous n'en n'avons pas d'autres
qui soient confirmées par l'autopsie ' ; toutefois on trouve dans
la littérature quelques cas si soigneusement étudiés et si exac-
tement décrits que nous sommes à môme de déterminer leur
caractère avec une précision suffisante. Une de ces observations
appartient à M. le professeur Miercvzejewski. Il s'y agit d'une
petite fille de dix ans qui, après une grande terreur, a été
prise de maux de tète, de vertige, et il s'ensuivit une attaque
' Deux cas avec autopsies apportés par Pissling et Jolly, vu leur descri-
ption incomplète et l'examen aiiatonio-pathologiqtie insuffisant, sont
sans importance.
382 CLINIQUE NERVEUSE.
épileptique; de pareilles attaques renouvelaient assez souvent
dans la suite. Une année ne s'était pas écoulée depuis cet
epouvante, que la famille remarqua chez elle de l'atrophie dans
le territoire de la troisième branche du nerf trijumeau gauche.
Comme cause des phénomènes atrophiques, l'auteur admet ici
une hémorragie dans la région du noyau gauche du nerf triju-
meau.
On peut bien ne pas souscrire à cette opinion dans toute son
étendue sans qu'on puisse nier dans le cas présent l'origine
intracranielle de la maladie.
Mendel a observé l'hémiatrophie faciale progressive surve-
nue chez un enfant chez lequel on remarquait, en outre,
l'amaigrissement d'autres parties du côté gauche du corps, /
surtout des extrémités. Là aussi on ne saurait mettre en doute a
la localisation intracrânielle du processus morbide. Si l'on
consulte la littérature ancienne, on y trouve des cas tout à
fait analogues, je fais allusion au cas rapporté par Parry où
les phénomènes atrophiques du côté gauche de la face apparu-
rent après une hémiplégie gauche, aux cas de Pissling, de
de Graefe, etc.
Dans tous les cas de cette catégorie, il s'agit, je crois, d'une
affection du nerf trijumeau d'origine intracranielle, le carac-
tère même de cette affection ainsi que la localisation se distin-
guant par sa diversité, et voilà comment s'explique l'évolution
plus ou moins rapide du tableau clinique, d'une part, et,
d'autre part, ses particularités dans chaque cas singulier.
On n'a examiné jusqu'à présent que ces formes d'hémiatro-
phie faciale qui pouvaient s'expliquer par l'affection de la
Ve paire. Mais il serait facile à démontrer, que cette explication
est loin de pouvoir s'adapter à toutes les descriptions de cette
maladie, fournies par la littérature. Tout d'abord, pareil mode
de généralisation serait en contradiction flagrante avec ce fait,
que les phénomènes atrophiques s'étendent au delà du terri-
toire occupé par les branches de la V8 paire; et de fait, c'est ce
que bien des auteurs ont constaté à bien des reprises. Mais à
part cela, dans le tableau de la maladie se produisent parfois
des symptômes qui mettent hors de doute sa dépendance d'af-
fection du nerf sympathique. Sous ce rapport, les observations
de Seeligmuller sont d'une haute portée. Il a eu la chance
d'examiner un forgeron qui avait reçu un coup très violent à
la région de la fosse sus-claviculaire gauche. L'état immédiat
HÉMIATROPHIE FACIALE PROGRESSIVE. 353
au traumatisme était le suivant : dilatation de la pupille gauche
et de l'ouverture des paupières du même côté ; exophtalmie du
côté gauche; température abaissée; pâleur s'étendant sur toute
la moitié gauche de la tète et du cou; amaigrissement de la
joue gauche; et ce dernier phénomène se produisit si rapide-
ment qu'à peine huit jours depuis le début du mal, il étonna
le malade lui-même. Le pouls de l'artère temporale gauche
devint presque imperceptible, tandis que, du côté droit, il
demeurait très net. La pression et l'électrisation du ganglion
cervical supérieur du nerf sympathique gauche grossissaient à
l'instant la dilatation de la pupille. Il en est de même pour le
second cas rapporté par Seeligmuler, et dans lequel se produisit
chez un enfant à sa naissance, une fracture de la clavicule et
du col de l'omoplate du côté gauche; aussitôt s'ensuivirent,
dans la région du plexus brachial droit, des phénomènes de
paralysie et d'anesthésie, accompagnées de dilatation de la
pupille droite et d'atrophie de la moitié droite de la face.-Le
même auteur constata chez un sujet frappé au nerf sympathique
par un projectile d'arme à feu que la pupille avait changé du
côté correspondant et que la joue s'était amaigrie.
Des faits pareils sont loin d'être isolés.
Brunner a observé un cas d'hémiatrophie faciale progressive
gauche dans lequel la pupille du côté affecté était dilatée et
d'une réaction lente, la conjonctive était pâle, la sécrétion des
larmes, de la sueur et du mucus diminuée. L'oreille gauche,
plus froide au toucher, était aussi atrophiée et la température
dans le méat acoustique externe était plus basse de presque
1 degré relativement au côté droit.' La pression exercée sur le
ganglion cervical supérieur du nerf sympathique gauche causait
de la douleur.
Friedenthal a publié le cas d'une fille de quatorze ans,
atteinte d'atrophie faciale droite où il constata ce qui suit :
pupille droite dilatée, température baissée du côté affecté de
la face et sensibilité à la pression exercée sur les ganglions
cervicaux du sympathique droit.
Les observations que nous venons de citer prouvent, d'une
manière concluante, que l'atrophie de la face peut dépendre
d'une affection du nerf sympathique; en même temps, elles
se rattachent étroitement à une série d'observations dans les-
quelles, bien que la participation de ce nerf soit moins évi-
Archives, t. XXII. 23
354 ' CLINIQUE NERVEUSE.
dente, le tableau clinique est, en beaucoup de points, semblable
à celui que nous venons de décrire. Chez le malade de Gutt-
mann, on remarqua d'abord la pâleur d'une moitié de la face
et puis bientôt des phénomènes atrophiques. Le caractère
vaso-moteur de l'affection s'y traduisait par cela encore que
quelles que fussent les conditions pouvant provoquer l'hypé-
rémie de la face (émotions, température élevée, etc.), cette
dernière ne s'observait que du côté opposé à l'affection, le côté
affecté restant toujours pâle et sec. C'est sur cette pâleur que
l'auteur appelle notre attention, en l'expliquant par l'affluence
diminuée du sang à la région affectée, et comme les grandes
artères ne présentent point de changements visibles, il est
disposé d'admettre un spasme des petites artères qui possèdent
plus d'éléments contractiles et, par conséquent, sont plus sou-
mises à l'influence du système nerveux vaso-moteur.
Romberg nous décrit deux cas analogues dont l'un avec
pâleur s'étendant jusqu'aux gencives.
L'observation relatée par nous s'enchaîne à celles que nous
venons de citer. En effet, l'on a vu que chez S., la maladie
a débuté par la pâleur d'une moitié de la face et ce n'est
qu'après un espace de deux ans que des phénomènes atrophi-
ques purent être observés. Ces phénomènes, très limités
d'abord, semblaient disparaître de temps en temps, puis repa-
raissaient avec plus d'intensité encore et surtout, au dire de 1-t
malade, en suite d'agitations morales. Toute réserve faite à
- 'tte dernière indication, nous ne pouvons néanmoins ignorer
,ses affirmations concernant des oscillations véhémentes du
processus, vu que la malade est suffisamment intelligente
qu'évidemment elle s'est observée elle-même avec beaucoup
d'attention. L'examen direct de S. fit reconnaître, à présent,
une remarquable différence de couleur, entre les téguments
externes des deux côtés de la face; différence'qui devient encore
plus sensible dans tous les moments pouvant provoquer de
l'hypérémie, sans excepter même l'irritation violente par le
courant interrompu. - '
Ce qui, dans notre cas, contribue éminemment à éclaircir le
caractère de l'affection, c'est que le processus atrophique com-
prend non seulement la moitié droite de la face, mais encore
le cucullaire et, peut-être, le sus-épineux du même côté. Le
premier de ces muscles est innervé par des branches partant
HEMIATROPHIE faciale progressive. 3
surtout de la onzième paire et, en partie, du plexus cervical,
l'autre en reçoit du plexus brachial.
En coordonnant cette divergence de l'affection aux phéno-
mènes vaso-moteurs indiqués ci-dessus, c'est surtout dans
l'affection du nerf sympathique que, dans le cas présent, il faut
rechercher la cause du mal. A l'appui bien qu'indirect de
cette supposition, on peut ajouter le fait que chez notre
malade, quoique 'bien nourrie, les règles n'arrivèrent qu'à
vingt-deux ans. Les gynécologistes expliquent d'ordinaire cette
sorte de faits par un incomplet développement inné des vais-
seaux superficiels de l'utérus, ce qui marche de front avec
d'autres anomalies du système vasculaire. Il, s'ensuit de cela
que nous avons lieu de soupçonner chez S. S. une légère pré-
disposition à des maladies du système vasculaire.
Toutefois, ce qui précède ne nous autorise pas à conclure
que tous les cas concernant l'atrophie progressive de la face
puissent sans exception être réduits aux trois catégories ci-
dessus considérées. Il se peut qu'une analyse plus approfondie
de toutes les observations nous révèle encore d'autres causes
provoquant cette maladie : Pourtant, sans faire une pareille
analyse, il me semble clair que, sous le nom d'hémiatrophie
faciale progressive, on désigne jusqu'ici des maladies différant
beaucoup de caractère et n'ayant de commun entre elles qu'un
seul symptôme remarquable. ? , .
L'histoire des sciences médicales nous enseigne que, selon
leur progrès dans différentes époques, changeaient aussi les
principes servant de base de la classification des maladies. Si
les observateurs précédents, faute d'exactes méthodes de
recherche basaient par nécessité leur classification sur des
symptômes grossiers, nous devons tâcher à présent de les
reposer sur des fondements scientifiques' plus exacts. De
même que la neuropathologie contemporaine ne connaît plus
de maladies telles que l'atrophie d'un membre, l'atrophie de
la langue, etc., et traite les tableaux cliniques correspondants
dans des chapitres séparés, selon le caractère anatomo-patho-
logique des processus qui les provoquent, de même l'hémia-
trophie faciale progressive, considéré comme une forme mor-
bide indépendante, ne tardera pas à disparaître. Elle n'a
aucune raison d'être dans la science exacte.
386 CLINIQUE NERVEUSE.
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Fid., 1890.
HOSPICE DE la Salpêtrière. - SERVICE DE M. CHARCOT.
CAS DE PARALYSIE RADICULAIRE BRACHIALE TOTALE;
Par le D' ONANOFF.
La note que l'on va lire est en quelque sorte le résumé d'une
leçon faite par M. le professeur Charcot à la clinique de la
Salpêtrière le 14 mars 1887, leçon à laquelle nous empruntons
textuellement l'histoire du malade.
Il s'agit d'un enfant de douze ans, entré à l'hôpital il y a un
mois, issu d'une famille de meuniers solides. Rien d'héréditaire,
358 clinique NERVEUSE.
d'autre part aucune maladie antérieure. L'affection dont l'enfant
souffre est la conséquence d'un accident,. d'un traumatisme sur-
venu le i or janvier dernier. Il y a deux mois et demi, l'enfant mon-
tant un poulain glisse et tombe sur les jambes à droite del'animal,
- continue à tenir les brides de la main gauche et court à son côté
jusqu'au moment où, buttant sur un tas de boue gelée, il est pro-
jeté à terre et reste sans connaissance. 11 y a donc eu un moment
où le membre supérieur gauche a été fortement tiraillé et où le
corps du malade a été arrêté par un obstacle offrant une résistance
à la traction exercée par le cheval qui continuait sa course. Il en
est résulté quelques égratignures à la face et au coude gauche et
une perte de connaissance de vingt minutes environ. Au réveil,
l'enfant a prononcé quelques paroles qu'on retrouve à peu près
dans toutes les observations du même genre : Où suis-je » et aus-
sitôt : c Où est mon bras »,cela veut dire que son bras lui paraissait
absent, séparé du corps, n'existant plus pour lui. Quoiqu'il en soit,
il se produit immédiatement une paralysie brachiale tolale, flasque,
avec anesthésie partielle ; et fait qu'il est intéressant de noter,
douleurs spontanées vives dans la journée et les journées suivantes.
Etat actuel. 1° Aspect général : membre supérieur gauche
pendant, flasque, très amaigri ; absence des réflexes ; 2° mou-
vement : Tous les mouvemeuts du bras, de l'avant-bras et de
Fig. 30.
Fig. 31.
paralysie radiculaire brachiale totale. 359
main sont absolument abolis, de même que ceux de l'épaule jusqu'à
concurrence des mouvements produits par le trapèze et peut-être
par des m. angulaire et J homboïde ; 3° Sensibilité : Sensations
douloureuses subjectives; de plus, modification de la sensibilité
conslatée à l'aide de certaines explorations, a). La peau du
membre présente une disposition remarquable de l'anesthésie :
Main, avant-bras totalement insensibles ; sur le bras l'anesthésie
dessine une languette partant du pli du coude et s'étendant sur la
portion antéro-exlerne, le reste étant indemne; L). Sensibilité
profonde. L'articulation de l'épaule est sensible à la torsion, il en
est de même de la peau de la partie postérieure du coude quoique
l'articulation proprement dite soit indemne. Le poignet et les
doigts sont insensibles; c). Le sens musculaire est aboli dans la
région de l'anesthésie superficielle ; 4° a). Troubles trophiques :
Amaigrissement du membre, différence de 1 à 2 cent. 50, et cela
en un mois et demi; b). Coloration : Abaissement de la tempéra-
ture ne portant que sur les parties anesthésiées, de 3 à 5 degrés
à la main et de 2 à 3 à l'avant-bras ; c). Modifications profondes de
la nutrition marquées par les réactions électriques. La réaction de
dégénération est très accusée dans tous les muscles paralysés ;
5° Vue : L'oeil gauche parait plus petit que l'autre, moins ouvert, le
globe de luit plus enfoncé dans l'orbite. 11 existe un myosis très
prononcé de ce côté.
Réflexions. - L'hypothèse la plus simple à faire et qui
s'adapte le mieux à ce cas, c'est qu'à la suite du traumatisme
dont nous avons décrit les circonstances il s'est produit chez
notre malade une grave contusion, peut-être même un arra-.
chement des racines du plexus brachial.
Cette hypothèse est justifiée par des travaux récents, en par-
ticulier par ceux de Erb, de Mllo Klumpke, Prévost, etc.
Ce cas méritait donc d'être rapporté d'un côté, parce que les
observations de paralysies radiculaires brachiales totales ne
sont pas nombreuses, il en existe tout au plus une douzaine;
d'un autre côté, parce qu'il parait s'agit ici d'une paralysie
radiculaire brachiale totale pure. En effet, l'analyse des symp-
tômes montre, d'une part, que les racines du plexus brachial
'sont seules lésées; de l'autre que la constitution du plexus lui-
même peut, chez le sujet, être considérée comme normale. Car
si le plexus cervical fournissait des branches au plexus brachial,
ce qui arrive souvent, ou si les lésions intéressaient le plexus
cervical, on aurait à constater des troubles du mouvement et
de la sensibilité dans des régions autres que celles qui sont
atteintes chez notre malade.
360 CLINIQUE NERVEUSE.
L'analyse attentive des symptômes nous permet de loca-
liser exactement le siège delà lésion, siège situé dans un plan
oblique passant en haut entre les origines et la branche
de l'angulaire et du rhomboïde et du nerf sus-scapulaire, en
bas entre les trous de -conjugaison de la première paire dor-
~ sale et le rameau communiquant du grand sympathique qui
en part.
Nous sommes autorisés à fixer cette limite supérieure par le
fait que les muscles angulaires et rhomboïdes répondent aussi
bien aux excitations directes qu'indirectes, présentant toutefois
une diminution de l'excitabilité faradique, ce qui montre que la
lésion, tout en intéressant la cinquième racine du plexus tout
entière vient s'épuiser sur la branche qui innerve ces deux
muscles. Etant donné, par conséquent, que le tiraillement n'a
exercé qu'une action très minime sur les premières branches
du plexus brachial, il est impossible que le plexus cervical ai
été atteint en aucune façon.
D'autre part, la disposition de l'anesthésie décrite plus haut
est devenue un symptôme pathognomonique des lésions radi-
culaires brachiales totales depuis les travaux de M. Charcot sur
les paralysies brachiales hystéro-traumatiques. Il est cepen-
dant une particularité à relever chez notre malade : on ne
constatait au premier abord aucune diminution de la sensibi-
lité de la partie interne du bras, mais avec plus d'attention
on trouvait dans la région du nerf accessoire du brachial cutané
interne (branche de la première dorsale avec le deuxième inter-
costal) de petites plaques d'anesthésie de 1 à 2 millimètres
de diamètre.
Ces îlots d'anesthésie complète disséminés au milieu de
vastes régions ayant conservé leur sensibilité, fait qui s'explique
par l'existence de l'anastomose de la branche de la première
paire dorsale avec le deuxième intercostal, avait passé inaperçu ;
on se bornait à noter une diminution de la sensibilité, peut-
être à cause de la difficulté des recherches; il est possible qu'on
les trouverait également dans les paralysies supérieures surve-
nant à la suite d'une section chirurgicale ou d'un traumatisme.
Ce fait explique pourquoi la diminution de la sensibilité a été
trouvée dans la moitie des observations et non dans l'autre,
bien qu'une observation récente tende à démontrer le contraire.
Il s'agit d'une section des cinquième et sixième racines à la
suite d'un névrome occupant le tronc commun de ces deux
paralysie radiculaire brachiale totale. 361
racines; après l'opération faite par M. le professeur Rose, le
domaine du nerf musculo-cutané conservait toute sa sensibi-
lité 1. '.
La sensibilité profonde chez notre malade a complètement
disparu, bien que certains points de l'examen puissent faire
croire le contraire. En effet, il est facile de démontrer que les
sensations accusées dépendent simplement de la conservation
de la sensibilité de certaines parties de la peau.
Par exemple, les mouvements passifs des doigts et de la main,
là où la peau est complètement anesthésiée, ne sont pas perçus,
au contraire, et bien que par certaines manoeuvres on puisse
démontrer l'insensibilité absolue de l'articulation du coude, le
malade a conscience des mouvements passifs de l'avant-bras ;
d'une part, parce qu'il existe dans cette région une languette
de peau non anesthésiée, de l'autre parce que les muscles du
bras qui prennent part à ces mouvements sont recouverts par
une peau ayant conservé sa sensibilité.
L'articulation de l'épaule innervée en totalité par les branches
du plexus brachial est sensible, soit par la même raison, soit
par suite de la régénération des nerfs, étant donnée la courte
distance qui sépare ces derniers du siège de la lésion.'
Dans le cas qui nous occupe, on a constaté un abaissement
de la température dans la région de l'anesthésie superficielle,
mais il est impossible de tirer aucune conclusion de ce fait,
étant donné que dans des cas analogues, les auteurs ont noté
un abaissement de la température, parfois une élévation au
début suivie d'un abaissement. Si l'on considère, d'autre part,
les paralysies hystéro-traumatiques avec anesthésie, on trouve
◀tantôt▶, ainsi que l'a signalé M. le Dr Babiryski, une élévation de
la température, ◀tantôt▶ un abaissement.
Nous signalerons en dernier lieu la rétraction du globe ocu-
laire observée chez notre malade, et attribuée en général à la
paralysie du muscle de Mùller. Or, le muscle de 111üller est
simplement un des quatre muscles orbitaires de l'oeil, à savoir
l'orbitaire inférieur. La paralysie n'amènerait donc qu'un
déplacement partiel du globe et, pour avoir la rétraction signalée
plus haut, la paralysie des trois autres serait nécessaire, c'est
ce qui a lieu très probablement dans l'observation qui nous
occupe.
Cette rétraction du globe de l'oeil ainsi que le myosis parais-
1 Mendel's Centralblalt, p. 578, n° 24, 15 décembre 1886.
362 RECUEIL DE faits.
sent devoir être rapportés, d'après les observations et recherches
expérimentales de 111"° Klumpke, à la lésion du rameau com-
muniquant du -grand sympathique qui part de la première
paire dorsale. - -
RECUEIL DE FAITS
DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRIE MALE;
Par BOURNEVILLE et P. SOLLIER;
I
Sommaire. Père, excès de boisson, nerveux. - Grand-père paternel ,
excès de boisson. z Cousin-germain, mort de convulsions, Mère,
migraineuse. - Soeur hystérique, convulsions de l'enfance. -
Soeurs 1¡e¡'Veuses. - Frère débile. Soeur morte d'accidents céré-
brait.- consécutifs à une rougeole. - Marche à deux ans et demi; -
parole à deux ans ; - incontinence nocturne d'urine jusqu'à (lita-
torze ans. Instabilité mentale. - Colère, gourmand, menteur.
- Stigmates hystériques. - Première attaque à dix-sept ans. -
Attaques limitées à la phase épileptoïde. - Aura. - Elévation
de la température après l'accès.
Cah... (Charles), âgé de dix-sept ans, est entré le 22 décembre
1884 à l'hospice de Bicêtre (service de M. BOUnNEVft.Lç). ,
Renseignements fournis par sa mère (27 février 1885). Père, cin-
quante ans, soldeur, auparavant marchand de jouets en gros, de
taille moyenne, pas très fort; marié à vingt et un ans. Il ne buvait
pas alors et s'est mis à boire depuis la guerre, de l'eau-de-vie sur-
tout. Il rentre une vingtaine de fois ivre par an. Très nerveux
d'habitude, son irritabilité augmente encore pendant l'ivresse et va
jusqu'à la violence; à plusieurs reprises sa femme a dû se cacher
pour l'éviter. Il fume beaucoup, environ trente centimes de tabac
par jour. Il a souvent des maux de tête, mais pas de véritables
migraines. D'après sa femme, il n'était pas coureur. Il aurait eu
une inflammation d'intestins pendant un mois. Pas de maladie de
peau; aucun indice de maladies vénériennes, il il a la peau aussi
DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRIE MALE. 363
blanche que la neige. » Caractère violent, mais ne bat pas ses
enfants, il il est au contraire trop bon pour eux. » [Père, mort
d'une maladie d'intestins à soixante-huit ans ; excès .de boisson,
marchand de grains, assez fort. [Mère, soixante-quinze ans, bien
portante, n'est pas démente. Pas de renseignements sur les
grands parents. Deux frères : l'un mort on ne sait de quoi ;
l'autre très bien portant; il a encore sept ou huit enfants bien por-
tants ; un est mort de convulsions ; quatre SOE ! 0'.s : deux sont mortes
de la poitrine, dont une a laissé deux enfants bien portants; deux
sont vivantes et bien portantes; l'une a cinq enfants bien portants.
- Pas d'aliénés, pas d'épileptiques, pas d'hystériques, de difformes,
de suicidés, de criminels, etc., etc., dans la famille]. ·
Mère, cinquante-et-un ans, assez grande et forte, physionomie
agréable, intelligente; lèvres grosses, cheveux châtains. Bien por-
tante d'habitude. Migraines depuis trois ans. Elle est encore parfai-
tement réglée. Pas d'attaques de nerfs ; peu nerveuse ; pas d'alcoo-
lisme. Faisait le commerce avec son mari.-[Père, mort à soixante-
dix ans; il avait une maladie de coeur; pas d'excès de boisson.
Marchand de bestiaux. [hlère, morte à soixante-huit ans on ne
sait de quoi ; pas de maladie nerveuse. [Grand-père paternel,
mort à quatre-vingt-cinq ans on ne sait de quoi ; n'était ni dément
ni paralytique. Grand'mère paternelle, morte à quatre-vingt-huit
ans; pas de démence ni de paralysie. Grand-père maternel, mort
vers quatre-vingt-neuf ans, rien de particulier. Grand-mère
maternelle, morte d'un cancer vers soixante-dix ans. Deux frères,
très bien portants; l'un a des enfants bien portants. Trois saurs,
bien portantes; leurs enfants sont bien portants, sans accidents
nerveux. Pas d'aliénés, d'épileptiques, d'hystériques, etc., dans la
famille].
Pas de consanguinité (père de Sierck et mère des environs de
Francfort; tous deux Juifs).
Douze enfants et trois fausses couches : 1° Garçon, vingt-sept ans,
bien portant, pas de convulsions, intelligent, a été soldat ;
2° fille, mariée, vingt-cinq ans, bien portante, intelligente, pas de
convulsions, a quatre enfants bien portants sans convulsions ;
3° garçon, vingt-trois ans, bien portant, pas de convulsions, intel-
ligent, bonne conduite; 4° fille, vingt-deux ans, bien portante,
intelligente, pas de convulsions; 5° fille, dix-neuf ans, brune, à
l'air effronté, a été atteinte d'hystérie à dix-sept ans, elle avait eu
des convulsions étant en nourrice. A dix-sept ans, elle a éleà il. l'hô-
pital Hotsehild. De là elle est allée à laSalpétrière où eileestrestée
un an dans le service de M. Charcot; elle en est sortie il y a près
de deux ans ; elle travaille dans le commerce; pas d'amant, assure-
t-on ; - 6° fille, dix-huit ans, pas de convulsions, bien portante,
nerveuse, intelligente, bonne conduite; - 7° notre malade; -
8° garçon, quinze ans, pas de convulsions, fort, peu intelligent, on
364 RECUEIL DE FAITS.
ne sait quoi faire de lui, il se sauve de la maison pour vagabonder,
joue de l'argent aux billes; pas de kleptomanie, pas d'onanisme,
pas de rapports avec les petites filles, paresseux ; - 9 fille, treize
.ans, pas de convulsions, bien portante, très nerveuse, intelligente,
est presque toujours la première à l'école ; - 10° fille, douze ans,
bien portante, intelligente, travailleuse, pas de convulsions ; -
11° fille morle à vin2t-six mois de fièvre cérébrale'ayant compliqué
une rougeole ; - i` ? ° garçon, sept ans, bien portant, intelligent,
pas de convulsions ; deux fausses-couches (13° et 14°) et une
entre 7° et 8°.
. Notl'e malade. A la conception, ses parents étaient bien por-
tants tous les deux ; leurs affaires allaient bien ; pas de chagrins ;
le père commençait à boire un peu de temps en temps, mais moins
qu'après la guerre. Il était très porté aux rapports sexuels et il en
avait presque toujours quand il avait bu. Pendant la grossesse, pas
de coup, de chute, d'émotion ; durant le dernier moiselle était très
fatiguée parce que son ventre était très gros ; pas d'alcoolisme.
Accouchement à terme, plus laborieux que les autres, naturel, sans
chloroforme. A la naissance, l'enfant n'était pas asphyxié ; il pesait
dix livres. Mis en nourrice au sein, on fut obligé de le reprendre à
six mois, il était maigre, avec un gros ventre, du poil sur tout le
corps. On continua à l'élever en lui donnant du lait au verre.
Marche à deux ans et demi (l'un a marché à treize mois, le lroi-
sième à cinq ans, il était noué ; les autres de quinze mois à deux
ans); parole à deux ans (les autres de quinze mois à deux ans);
propre seulement à quatorze ans pour les urines. Jamais de convul-
sions. Envoyé à l'école à sept ans ; il n'a jamais rien appris. Il
s'est souvent sauvé de l'école et rentrait chez lui à quatre heures
comme s'il en revenait. On l'y a envoyé jusqu'à treize ans sans
résultat. Personne ne pouvait en venir à bout. Il voulait être acteur,
jouer les guignols qu'il allait souvent voir. De treize ans jusqu'en
avril 1884, il fut bien portant et resta à la maison. Il aidait un peu,
mais élait paresseux et ne voulait rien faire. Fréquemment il se
sauvait dehors, aidait les autres marchands et rentrait le soir chez
ses parents. La mère assure que son père ne le battait pas.
Jusqu'au mois d'avril 1884 il n'eut pas d'attaques. Il quitta alors
ses parents parce qu'il ne voulait pas travailler ; « il s'est laissé
entraîner par la rue ». Il voulait jouer, s'amuser et était toujours
désobéissant. Il était peu affectueux pour son père et ses frères et
soeurs, mais était jaloux. Très colère, il cassait tout si on ne lui
cédait pas. Il se ballait avec ses frères et soeurs ; dehors il se bat-
tait avec ses camarades s'ils ne lui cédaient pas. Très gourmand de
bonbons et de gâteaux, «il en aurait bien mangé toute la journée » :
mais il ne buvait pas. « Quand il pouvait me prendre une pièce de
vingt ou de quarante sous, dit sa mère, il achetait des gourman-
dises. » Il ne volait pas au dehors cependant pour satisfaire ses
DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRIE MALE. 365
goûts. - Sommeil bon, prolongé, de dix heures du soir à neuf
heures du matin ; pas de cauchemars, pas de somnambulisme. -
Pas d'onanisme.
Parti en 1884, il s'occupait aux alentours des halles, vendant des
choux, des légumes pour les marchandes qui lui donnaient quel-
ques sous. Il couchait dans les rues, dans des voitures quand il
n'avait pas d'argent, ou à l'hôtel s'il avait quelques sous. - Du
mois d'avril à son placement à Sainte-Anne le 10 novembre 188-'r,
ses parents l'ont revu trois fois dans les premiers mois. Il était
« sale, dégoûtant », et de plus il était ivre; il a vomi et déféqué
dans son pantalon. Ses parents l'habillèrent proprement et cher-
chèrent à le faire travailler. Il demanda ses papiers pour se placer
et on les lui donna. Il aurait été arrêté deux fois pour vagabon-
dage et relâché pour être reconduit à ses parents. Prévenue au
mois de novembre qu'il était à Sainte-Anne depuis le 10 novembre,
sa mère ne sait rien de ses attaques.
L'affaiblissement qu'il présente dans la main droite est ancien,
et existait quand on l'a retiré de nourrice à six mois, mais on n'a
aucun détail sur sa cause. Il n'aurait jamais eu de convulsions. A
la naissance, il ne présentait rien de particulier.
A trois ou quatre ans, il a eu des croûtes dans les cheveux et
beaucoup de glandes au cou, mais qui ne s'abcédèrent pas. - Pas
d'otite, ni d'ophtalmie; pas de dartres; pas de teigne. - Aucune
fièvre éruptive; pas de diphthérie; pas de chorée; pas de douleurs
de tête.
Un jour son père l'ayant envoyé porter 7 fr. 80 à un loueur de
voitures, au lieu d'aller les porter, il alla les jouer, et perdit ou
mangea tout. - Placé il y a cinq ans dans une imprimerie, il ne
put y rester que deux jours à cause de son manque d'instruction.
Il aurait été figurant dans un théâtre. Etant hors de la maison il
a vendu, pour le compte d'un autre, des allumettes de contrebande
et a été condamné à un mois de prison ; mais sa mère ne sait au
juste à quelle époque. Contrairement à ce qu'il prétend, le malade
ne sait pas un mot d'allemand, ni d'hébreu; on a essayé de lui
apprendre l'hébreu mais sans succès. Il parait qu'il a toujours été
meilleur et il aimait à faire des niches. Un jour il vint dire à sa
mère qu'il avait vu son père entrer aux Folies dramatiques avec
une fruitière, avec laquelle du reste sa femme l'avait pris en fla-
grant délit d'adultère un'jour. C'était faux cette fois, et une fois
sa mère partie, il se réjouissait d'avoir fait une niche. - Quand il
était aux halles, il s'amusait à faire des grimaces pour attirer l'at-
tention et avoir quelques sous. Il faisait le polichinelle, comme
s'il était fou. » .
Etat actuel (5 janvier 1885). - Sensibilité : le chatouillement ou
le conlact ne sont pas perçus sur la moitié antérieure gauche du
tronc, du cou et de la face. Elle est conservée sur le membre infé-
366 RECUEIL DE FAITS.
rieur gauche à partir de l'aine. Sur la moitié antérieure droite
du tronc, la sensibilité est conservée mais obluse. Il y a anesthésie
de. la moitié postérieure droite du tronc, du bras droit et du
membre inférieur droit. La sensibilité à la douleur du côté gauche
est perdue au cuir chevelu, à la face, sauf à la moitié gauche du
menton, aux membres supérieurs sauf aux doigts; sur le ventre
et la partie supérieure du thorax du côté gauche. Elle est con-
servée dans le dos et au membre inférieur gauche. Du côté droit, la
disposition de l'anesthésie est sensiblement la même. - La sensi-
bilité à la température est abolie sur la moitié gauche de la face,
du cou, du thorax et de l'abdomen jusqu'à une ligne horizontale
passant par l'ombilic; sur le bras et les doigts où il sent cependant
lorsqu'il est mouillé. A droite elle est abolie dans les mêmes régions,
mais l'abdomen est complètement insensible.
Puberté. Très léger duvet sur la lèvre supérieure. - La région
pectorale est assez développée. Poils noirs assez abondants au
pénil. - Bourses rétractées, testicules égaux de la dimension d'un
oeuf de pigeon. Pas de varicocèle. - Verge bien développée;
circoncision, gland découvert; méat un peu en arriète, très étroit.
- Il prétend ne pas se masturber, ou très rarement.
25 février. - A la suile d'attaques répétées dans ces derniers
jours, il présente une légère orchile traumatique.
25 juillet. - On constate de l'atrophie musculaire de J'éminence
thénar droite, et du premier espace iuterosseux, avec laxilé des
ligaments du pouce et mouvements exagérés de ce doigt. - Depuis
son entrée le malade a eu, en décembre, 39 attaques et 2 vertiges;
eu janvier, 122 attaques et 3,087 vertiges; en février, 126 attaques
et 968 vertiges; en mars, 111 attaques et 215 vertiges; en avril,
181 attaques et 440 verliges; en mai, 249 attaques et 224 vertiges;
en juin, 93 attaques et 76 vertiges. - Depuis un mois il n'a plus
d'attaques. Il n'est plus grossier, ne déchire plus ses habits. - On
a pu l'emmener en promenade, ce qui n'était pas possible aupa-
ravant. Il est tranquille partout et ne demande qu'à travailler. Il
présente un affaiblissement. très marqué du côlé droit. - Avec le
dynamomètre Mathieu, il donne à droite 12 et à gauche 32.
29 août. - Le malade a eu une attaque vers 8 heures et demie,
qui a duré un quart d'heure. A 10 heures, alors qu'il était encore
un peu hébété on essaie de l'endormir par le regard. Au bout
de cinq à six minutes, on voit seulement quelques palpitations des
paupières; les yeux s'humectent un peu, puis quelques mouve-
ments de déglutition et cela s'arrête. - Au bout de dix minutes, il
n'y a aucun résultat et on cesse l'expérience.
31. Le malade a été pris à 8 heures et demie d'une attaque
qui a.duré jusqu'à 10 h. 20. Il est repris à 10 h. 35. - M. Bourne-
ville arrive au moment où après la période épileptoïde, le malade
fait l'arc de cercle lequel persiste pendant une minute, une minute
DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRIE MALE. 367
et demie. Puis il a des battements violents des membres inférieurs
qui ébranlent le lit; les jambes sont projetées en l'air, puis retom-
bent violemment. - Rigidilé complète dans l'extension. Il crie
« oui ! »; la rigidité est très marquée; la face est rouge, le tronc
se soulève à demi rigide ; la tête est en extension, la face tournée
à droite. Puis il est pris de secousses tétaniformes, prolongées, des
quatre membres, égales des deux côtés. Ensuite il sort de sa bouche
une écume abondante, sanglante, et enfin le stertor apparaît. -
Une seconde fois il crie « mort, mort ! "; il se débat avec de grands
mouvements cloniques. Puis un repos avec une respiration fré-
quente. Il se soulève brusquement, s'asseoit à demi et regarde
à droite. Puis apparaissent de nouveau les grands mouvements à
la suite desquels nouveau repos avec respiration fréquente bruyante.
- Le corps est dans l'extension ainsi que les membres. Puis il
se tortille, se retourne très vile, se couche sur le ventre, se remet
sur le dos. - Nouveau repos dans l'extension, les paupières closes,
les yeux dirigés en haut, les pupilles fortement dilatées, la respi-
ration bruyante. '
. Une troisième période épileptoïde survient marquée par le cri
« Euh ! », puis rigidité générale, la tête dans l'extension, la face
tournée à gauche, puis à droite. Secousses tétaniformes, prolongées,
des membres et des paupières. Stertor, écume abondante, san-
glante. - Repos : même attitude. Puis grands mouvements; il
crie : « chouette, chouette ! » Repos avec respiration fréquente.
- Parfois il a des secousses. Il se relève brusquement, s'asseoit,
appelle, puis a de grands mouvements tout à lait classiques avec
flexion des jambes, des cuisses, du tronc, projection des membres
en l'air, puis il retombe sur le lit. Petits mouvements surplace des
membres inférieurs. - Repos puis de nouveau grands mouvements
qui commencent par la llexion des jambes sur les cuisses, et dans
lesquels il crie. - Repos, puis arc de cercle : le corps repose sur
le membre inférieur droit, tandis que le gauche est soulevé à 45°.
Nouvelle période épileptoïde débutant par le même cri étouffé que
précédemment, et pendant laquelle les pouces sont en dehors de
la main. Repos pendant lequel il crie : Ah ! oui, quand je suis
sorti j'ai trouvé Paris changé ». - Nouvelle période épileptoide.
Repos, respiration toujours bruyante. - Puis il s'asseoit la figure
souriante, retombe, présente des mouvements du bassin et de
grands mouvements du tronc. Enfin repos prolongé dans lequel le
malade demande à boire. Il est 11 heures quand l'attaque prend
fin. La température rectale prise alors est de 38°, 8.
L'attaque est classique. L'arc de cercle est très beau, souvent
d'une durée qui dépasse une minute; les pieds se posent sur la
plante et non sur la pointe; la tête repose sur la nuque. - Durant
l'arc de cercle il n'y a pas de trémulation.
11 h. 10. - De temps en temps, le malade a des secousses,
368 RECUEIL DE FAITS.
s'agite dans son lit, se couche ◀tantôt▶ d'un côté, ◀tantôt▶ de l'autre.
Le malade se plaint d'avoir mal aux reins et même partout. Les
secousses sont ◀tantôt▶ dans les épaules, ◀tantôt▶ dans les membres
inférieurs.
Tout d'un coup il se' relève, la tête étendue dans une attitude
extatique; rigidité et battements des paupières. Il retombe et a de
petits mouvements télaniformes. Repos puis grands mouvements,
◀tantôt▶ sur le venlre, ◀tantôt sur le dos. Ou bien il se place sur la
tête dans l'attitude d'un clown, le tronc étendu, les membres à
demi-fléchis. Il retombe, s'asseoit, regarde à droite d'un air indif-
férent, puis retombe de nouveau et est pris de trémulation. Repos.
Il se met ensuite à genoux les paupières fermées, les bras allongés
le long du tronc, qui est penché en avant. Après un moment le
malade se relève, le tronc incliné sur le côté gauche, puis il retombe
brusquement à genoux.
Cri étouffé, période épileptoïde, secousses tétaniformes. Repos.
Evacuation involontaire d'urine. Repos. Puis arc de cercle, le corps
reposant sur la tête et les pieds. Il profère des obscénités, puis s'as-
seoit, est pris de grands mouvements, résiste, cherche à mordre.
Repos. Cris prolongés et plaintifs. Il demande à boire et se couche
sur le côté droit. Il est 11 h. 30.
12 octobre. - A eu hier neuf attaques de 7 heures et demie à
10 heures et quart du soir.
28. - Nous voyons sa soeur n° 5 qui vient le demander pour qu'il
assiste à son mariage le lendemain. Elle a été prise d'attaques de
nerfs à l'âge de quatorze ans, à la suite d'une peur. Sa mère ayant
du délire pendant une variole voulut se jeter par la fenêtre. Elle
prit peur se trouvant seule avec elle, elle même jour, elle fut prise
de douleurs dans le côté gauche de la face. Un mois après elle eut
une attaque. Les attaques étaient quotidiennes et se produisaient
cinq ou six fois par jour. Elle fut soignée à l'hôpital Rotschild, puis
à la Salpêtrière chez M. Charcot, pendant deux ans. Après sa sortie
elle eut encore deux ou trois attaques, et elle n'en a plus du tout
depuis trois ans.
1886. - H janvier.-Depuis un mois à peu près, il n'est pas allé à
l'école et il entraîne les autres à mal faire. Le malade Th... pré-
tend que Ca... l'a sodomisé en échange de 2 francs qu'il lui devait;
mais Ca... nie avoir jamais eu de rapports avec lui, non plus
qu'avec des hommes en ville. Il en avoue seulement avec des
femmes.
24 avril. - A élé envoyé en congé le 18 avril pour trois jours. Il
refusait de rentrer. Il n'a pas eu d'attaques pendant son congé et
a aidé sa mère dans son commerce.
4 mai. - Le malade tombe en attaque à 7 heures et demie.
Quand on arrive, il est pris subitement de convulsions cloniques des
quatre membres. Un tremblement très fort secoue tous les mem-
DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRIE MALE. 369
bres. Il y a de l'écume à la bouche : les yeux sont fortement déviés
à gauche; les pouces sont fléchis dans l'intérieur de la main, les
doigts repliés sur les pouces. Ces attaques durent une quinzaine
de secondes environ. Pas de cri initial. Durant l'attaque la tête
est dans l'extension; le malade est pris de mouvements convulsifs
latéraux, la bouche est déviée à droite. Puis il y a une période de
stertor, avec ronflement pendant laquelle les globes oculaires
sont tellement déviés qu'en abaissant fortement la paupière infé-
rieure il est impossible de voir la pupille et de savoir de quel côté
la déviation a lieu. Le globe de l'oeil n'est certainement pas dévié
en haut.
Les attaques se succèdentpresque sans intermittence. Au moment
où on est appelé, 7 h. 50, il a déjà eu quatorze accès consécu-
tifs. Elles sont séparées les unes des autres par quatre ou cinq
minutes d'intervalle à peine.
Après la dix-septième attaque le malade se réveille un peu et
demande à boire. Deux minutes après avoir bu, les yeux se dévient
en bas et à droite. Il a des mouvements de mastication, puis du
tremblement de la mâchoire inférieure, auquel succède du grince-
ment de dents; agitation de tout le corps, le malade remue les
bras et les jambes, le tronc restant immobile. Cette agitation dure
deux minutes environ, puis le malade se calme. A ce moment les
yeux sont déviés en bas et à droite, les pupilles sont petites, con-
tractées, mais égales.
A 8 h. 10, on détache le malade qui était camisolé. On constate
alors dans la main des mouvements identiques à ceux de l'athétose.
A 8 h. 12, nouvelle crise,. Le malade pousse quelques gémissements
faibles, puis surviennent des convulsions cloniques identiques aux
prcdédentes. A 8 h. 15, nouvelle crise précédée comme l'autre d'un
gémissement. Il est impossible de saisir une période tonique; les
convulsions cloniques arrivent presque immédiatement. Elles exis-
tent seulement dans les jambes et dans les bras et pas dans le
tronc. Au début de chaque accès les convulsions sont d'abord légè-
res, c'est un tremblement; mais elles ne tardent pas à se pro-
noncer et à revêtir le caractère de véritables convulsions.
A 8 h. 17 nouvelle crise. Le corps est fléchi en demi-cercle. La
durée de ces attaques est d'une minute environ. La respiration
est stertoreuse et irrégulière.
A 8 h. 20, nouvelle attaque d'une durée de trente secondes. A
8 h. 24, une secousse dans les membres supérieurs. C'est la pre-
mière depuis le commencement de la série. - A 8 h. 26, vingt et
unième attaque. Arc de cercle et convulsions cloniquesdesmembres.
5. L'enfant va bien le matin et se repose. Par moments il a
des étouffements, la respiration est un peu haletante, le pouls est
calme.
6. - A eu trois attaques le matin.
AnrHlvEs, t. XXII 21
370 O RECUEIL DE FAITS.
2 juin. Nous constatons et le malade lui-même l'a remarquée,
une hémianesthésie du côté droit. Ayant été endormi en 1881 par
M. Charcot à la Salpêtrière, M. Bourneville essaie de l'endormir de
nouveau par la pression des globes oculaires après commandement
de dormir. Il dort au bout de.cinq minutes. Pas de catalepsie; on
;lui parle, il répond et est très sueslionnable et on lui suggère des
hallucinations diverses. 11 a à son réveil perdu complètement le
souvenir de sa période de sommeil.
7.-On l'hypnotise de nouveau et on essaie de produire des con-
tractures, mais on n'y parvient pas. On fait sentir au malade un
morceau d'enveloppe de lettre. On lui demande s'il sent, et il ré-
pond « oui ». On déchire alors l'enveloppe en plusieurs morceaux
que l'on met en différents endroits du cabinet et on lui dit d'aller
les chercher. Le malade se lève, se dirige versla table où se trouve
un des morceaux de papier. Il touche plusieurs feuilles qui sont
aussi sur la table, les palpe et enfin saisit un des morceaux de l'en-
veloppe. Il se dirige ensuite vers un des coins de la chambre où se
trouve le papier, se baisse pour le ramasser, tâtonne, mais ne par-
vient pas à le saisir. 11 se dirige vers d'autres points dans la direc-
tion du papier qu'il ne ramasse pas non plus. Par moments il
porte le papier qu'il a à la main à son nez, le sent longuement et
continue à chercher. Mais bientôt il erre sans direction. On lui dit
alors qu'il s'endormira le lendemain malin à 9 heures et deinic. Il
répète l'ordre et on le réveille. Il part du cabinet en titubant
. comme un homme ivre et arrive ainsi à l'infirmerie. Il s'y asseoit
dans un fauteuil, puis prend sa cour-e à travers les salles en allon-
geant le pas, s'arrêtant de temps en temps en ayant l'air de cher-
cher consciencieusement et défaisant même les lits pour cela. A-`
diverses questions qu'on lui posa, il ne répondit rien. Une fois
cependant au moment où il voulait regarder dans le lit d'un ma-
lade couché, on le prit par la main pour l'éloigner. Il dit alors :
« Je cherche un papier, il faut que je le trouve, » et il repartit de
plus belle tout en donnant, grimpant sur les croisées, sautant
par-dessus les lits avec une agilité surprenante, au point qu'on
dut le maintenir assis sur un fauteuil pour éviter quelque accident.
- Vers midi il tomba dans un sommeil léthargique, avec insen-
sibilité complète. Mis au lit il eut quatre attaques consécutives
semblables aux premières décrites plus haut.
9.-Il ne se rappelle rien de ce qui s'est passé hier.- A 10 h. 8,
il est pris d'une attaque. Il devient raide, pousse un'cri aigu, et
est agité d'une série de secousses tétaniformes de plus en plus
rapides suivies d'une période de stertor avec écume. Il est bientôt
prisd'une nouvelle crise. La tête se soulève un peu, le corps devient
rigide, les bras en extension se rapprochent de la ligne médiane,
les faces des mains tournées l'une contre l'autre, les poings fermés
et les membres inférieurs sont dans l'extension, puis présentent z
DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRIE MALE. 371
des secousses iétaniformes de plus en plus rapides, après quoi sur-
vient une période de stertor, avec rapidité de -la respiration et
gonflement des joues.
Deux autres attaques épileptoïdes se succèdent bientôt. La pé-
riode de stertor de la troisième attaque est suivie tout d'un coup
d'une attitude passionnelle; le malade se redresse et se met à
genoux, la tête renversée en arrière, les yeux regardant au ciel et à
droite. Nouvelle attaque.- La face grimace violemment, la bouche
se tord affreusement. Il pousse un gémissement; la tête se soulève,
tout le corps devient rigide, les membres dans la même attitude
que plus haut. Surviennent ensuite des secousses tétaniformes
de plus en plus fortes.- Enfin arrivent des mouvements cloniques
assez étendus dans les quatre membres et aussi intenses d'un côté
que de l'autre.-La crise se termine par une période de stertor
bruyant, avec résolution complète et dilatation pupillaire, les
yeux convulsés en haut et à droite. Ecume à la bouche. Respiration
précipitée, ronflante.
A 10 h. 20 nouvelle attaque avec : 1° rigidité; 2° phase tétani-
forme ; 3° période clonique avec mouvements étendus; 4° stertor.
A 10 h. et demie placé dans son lit il a une série d'attaques très
violentes, toujours semblables aux précédentes.
S'étant endormi il ne se réveille qu'a 3 heures et ses attaques le
reprennent.-A 8 heures du soir il a de nouvelles secousses pen-
dant 15 minutes, puis deux attaques d'une durée d'une minute, et
revient à lui presque aussitôt. - La nuit est bonne, il dort, et le
lendemain il paraît seulement un peu fatigué.
23.- Il travaille dans la section aux soins domestiques et va à l'é-
cole des adultes. Son caractère est assez gai et sa conduite est con-
venable depuis quelques mois. Il a souvent de la céphalalgie bitem-
porale, avec troubles de la vue. Les douleurs sont intermittentes.
Elles prennent le soir et durent environ une heure.
20 juillet.- Est allé en congé le H, mais s'est sauvé de chez ses
parents dans la nuit du 18.
26. - Réintégré, il prétend s'être sauvé parce qu'il avait trouvé
de l'ouvrage chez un lithographe. 11 y serait resté trois jours et
faisait les courses. Il croit n'avoir eu qu'une seule attaque depuis
sa sortie, sur le boulevard Voltaire. 11 a été conduit au poste où il
a donné un faux nom; aussi ne l'a-t-en pas maintenu..
Après son arrestation il aurait été conduit au dépôt, où il serait
resté deux ou trois jours, puis à l'Asile clinique sur le certificat du
D1' Garnier portant : c Epilepsie, attaques graves et fréquentes,
affaiblissement intellectuel consécutif, actes déraisonnables et in-1
conscients ». Renvoyé de Sainte-Anne à Bicêtre le 24 juillet avec
le certificat du D Dubuisson portant : « Epilepsie( perversion des
instincts, débilité mentale; atrophie musculaire de la main droite.» 0
Envoyé en cellule.
372 " ' RECUEIL DE FAITS.
10 août. - Tranquille depuis sa réintégration. - Est resté quatre
jours en cellule.' Va travailler à la buanderie. Dit êlre sujet à des
éblouissements, surtout quand il se baisse. S'il est debout « ça
lui fait noir devant les yeux ». Les personnes qui sont autour de
lui sont noires. » - Il lui semble que. tout tourne autour de lui. Il
prétend voir les objets doubles. - Pas de phosphènes. - Pas de
bourdonnements d'oreilles. Pas de perte de connaissance. La durée
de ces accidents est d'environ trenle secondes. - Il assure que les
vertiges viennent avant les attaques et l'avertissent.
11.- Les attaques ont commencé à 0 heures, épileptiformes seu-
lement d'abord, puis hystériformes avec délire ; paroles érotiques.
A certains moments il déclame des vers, puis chante une chanson.
Soupirs érotiques. Peu de gesles érotiques, quelques rares mouve-
ments du bassin. - Ses paupières sont baissées, les yeux convulsés
en haut et en dedans. La sensibilité est abolie. Le pouls est petit
et rapide. Accès épileptiforme de quelques secondes après
lequel réveil incomplet qui lui permet de répondre anx questions
qu'on lui pose. Il pleure et se plaint de souffrir des lombes, des
cuisses et des bras.
15 septembre. - On lui avait suggéré hier en état d'hypnotisme
la disparition d'un'point hyperesthèsique sous-costal gauche, et de
venir à 10 heures au cabinet. Il vient et dit qu'il n'a plus du tout
souffert de son point.-On l'hypnotise par compression des globes
oculaires. Les trois états sont peu nets : le plus net est le som-
nambulisme qui s'obtient par frictions sur le vertex. - Avant la
séance il avait de l'achromatopsie complète à droite avec hémia-
nesthésie complète de ce côté. On lui suggère'les couleurs, la dis-
parition des poiats douloureux, de l'aura de l'attaque et par suite
de l'allaque. On le réveille en lui soufflant sur les yeux. Une fois
réveillé, au bout de dix minutes il reconnaît toutes les couleurs
suggérées de l'oeil droit. Il doit venir nous retrouver demain seul
à 10 heures.
16. - Il reconnaît toutes les couleurs sur des papiers autres que
ceux ayant servi à la suggestion.
23. - A l'atelier les surveillants et les camarades du malade
prient qu'on le garde à la section. On n'en peut rien faire et il
empêche les autres de travailler.
1 cr octobre ? Série d'attaques depuis hier. Il est assez fatigué ce
matin, et ne veut rien manger. 38°,2.
2. - Amélioration. Il répond bien aux questions. - Il a eu deux
accès ce malin. T. R. 3 riz,8.
4. - Il a eu onze attaques depuis hier. Il est abruti; répond mal
aux questions, mais entend bien et a la parole libre. Les pupilles
sont égales et moyennement dilatées.
11 novembre. - A gardé encore la notion de toutes les cou-
leurs.
DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRIE MALE. 373,
9 décembre. - Sous prétexte qu'il « s'embêtait », et que .depuis
hier soir les malades n'ont fait que l'ennuyer et l'appeler mar-'
miton, il a cherché ce matin à s'évader; on l'a laissé sortir de la
section en même temps que les travailleurs, voulant, dit-il, parler^
au surveillant; il a suivi les travailleurs jusqu'aux grands ateliers.
- Il s'était fait un petit sac d'objets de toilette. - Il s'est caché
dans les cabinets, où il s'est rencontré avec un autre malade évadé,"
Grand... Il prétend qu'il n'y avait pas eu d'accord préalable entre
eux. Depuis un mois et demi il ne travaille plus. - Il a été
renvoyé successivement de la buanderie et du marais. Envoyé en'
cellule. - ,
15. - La sensibilité dans ses différents modes parait très obtuse
des deux côtés. Il est très difficile de faire préciser au malade ce
qu'on lui fait et de constater une différence entre les deux côtés.
22. - Depuis quelques jours le malade a de nombreuses atta-
ques se présentant par séries le soir. Il n'en a plus après 9 heures
et demie.
Aura. Quelques minutes avant l'attaque le malade dit avoir
des étourdissements, voir noir et voir tout tourner. Il a une
sensation d'étouffement partant de la région épigastrique qui
remonte à la gorge jusqu'au niveau du larynx. Pas de zones
hystérogènes, ni même hyperesthésiques; pas d'achromatopsie. -
Le champ visuel est rétréci surtout à droite et l'acuité visuelle est
diminuée. La sensibilité des téguments de l'oeil est conservée, quoi-
que un peu diminuée du côté droit. L'acuité auditive est égale des
deux côtés mais faible. Le réflexe pharyngien est aboli. Le goût,
parait très obtus, surtout sur la moitié droite de la langue. -
L'odorat paraît normal. . 1
29. - A été renvoyé plusieurs fois de la buanderie parce que la
vue des femmes l'excitait et qu'il allait se masturber dans les
cabinets où il avait des attaques. Dans ces derniers temps il a fait
deux tentatives d'évasion et a été mis en cellule huit jours, durant
lesquels il s'est masturbé une vingtaine de fois. La figure est
moins éveillée; il est obtus.
1887. 10 juin. Il s'est évadé à 4 heures du soir.
1888. - 2%. mars. - Réintégré le 21 mars. A été arrêté vendant '
un journal boulangiste et annonçant de fausses nouvelles de
Berlin.
Réflexions. - I. Nous avons à signaler chez les ascen-
dants, des excès alcooliques chez le père et le grand-père du
malade; des migraines chez la mère; des accidents nerveux ,
divers chez les frères et soeurs (hystérie, arriération intellec-
tuelle et instabilité mentale, fièvre cérébrale).
II. L'hystéro-épilepsie s'est développée sur un terrain pré-
374 RECUEIL DE FAITS
disposé : retard dans la marche et la parole, incontinence noc-
turne d'urine, débilité mentale, irritabilité, actes de violences,
perversion des instincts, instabilité mentale, en un mot un
- état nerveux probablement d'origine congénitale et qu'il est
"peut-être possible de rattacher aux tendances alcooliques du
père qui existaient déjà lors de la conception.
III. Dans un grand nombre d'observations d'hystérie nous
voyons des émotions vives être le point de départ des crises
convulsives. Ici il n'y a rien de ce genre d'après les parents et
le malade, étant peu véridique, on ne peut guère attacher d'im-
portance à ses dires lorsqu'il n'est pas possible de les contrôler.
L'hystérie a été précédée de troubles moraux et d'excès ou de
misère relative. Le malade appartient à la race juive. Or,
dans son existence jusqu'à la Révolution française et même.
encore dans quelques pays, cette race a éprouvé à travers les
siècles un certain nombre d'émotions... très vives, portant
non plus sur les individus isolés mais sur la collectivité et
créant chez elle un état nerveux ethnique qui prédispose ses
membres d'une façon particulière à toutes les maladies ner-
veuses. Pour appuyer cette opinion, qui nous paraît peu con-
testable, nous n'avons pas sous la main de documents com-
plets. A leur défaut nous invoquerons une statistique partielle.
En 1873, à Bicêtre, sur 538 aliénés, dont 437 adultes et
101 enfants, il y avait 14 israélites. Si la proportion était la
même dans les autres asiles, on arrivait à 188 israélites
sur 7248 aliénés. Au recensement de 1872 la population
totale du département de la Seine était de 2,220,060 habitants
dont 24,319 israélites. Il s'en suivrait donc que les israélites
fournissent aliénés 7 pour 1,000 alors que le reste de la popu-
lation n'en donne que 3,2. Nous reviendrons sur ces chiffres
approximatifs.
IV. Sous le rapport des attaques elles-mêmes, nous n'avons
rien à mentionner spécialement; elles rentraient dans le type
classique. Lorsque les attaques se succédaient durant un assez
long temps, la température s'élevait un peu au-dessus de 38°
sans jamais atteindre le chiffre élevé qu'on observe dans l'état
de mal épileptique.
V. Relevons enfin l'atrophie musculaire de l'éminence
thénar droite et du premier espace interosseux, sans pouvoir
préciser à quelle cause il convient de la rattacher. L'hystérie
, DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÙRIE MALE. 375
.1 i
en tout cas n'a joué aucun rôle dans sa production puisqu'elle
existait dès l'enfance. 1
II.
Sommaire. - Père, convulsions de l'enfance; nerveux et irritable.
Grand-père paternel toedillm vitæ. Oncle paternel, excès de tout
genre. - Deux cousins germains morts de méningite. - Mère très
impressionnable. Grand-père maternel, excès de boisson. Pre-
mières dents à six mois ; parole à quinze mois; propre à trois ans;
marche ci trois ans. - Peurs à treize ans. - Cauchemars, somnam-
bulisme. - Première attaque ci treize ans et demi. - Pas d'aura, ,
oubli de l'attaque. - Attaques de sommeil. - Tremblement. -
Stigmates hystériques peu marqués. - Attaques limitées à la phase
épileptoïde. - Elévation de la température après l'attaque.
Secousses. - Hallucinations. - Attraction.
Hir... (Lucien), né le 8 août 1869, est entré à Bicêtre (service de
M. BOUANEYILLE), le 25 juin 1887.
Renseignements fournis par le père. - Père, quarante-cinq ans.
bijoutier, taille ordinaire, bien portant, pas d'excès de boisson.
Aurait eu des convulsions dans l'enfance. - Marié à vingt un ans.
Pas de syphilis. Céphalalgies assez fréquentes, sans vomissements.
- Pas de rhumatisme. Pas d'attaques de nerfs, mais très ner-
veux, très irritable. Intelligent. [Père, mort quand il avait
douze ans, d'ennui surtout, ayant perdu sa femme deux ans aupa-
ravant. Sobre; très fumeur. [Mère, couturière, morte quand il avait
dix ans; il ne sait de quoi; elle avait une affection abdominale
depuis huit mois. [Grands parents paternels, pas de renseignements,
ni sur le grand-père maternel. [Grand'mère maternelle, morte de
vieillesse à quatre-vingt-cinq ans, non paralysée. [ Trois frères, l'un
mort de la poitrine à l'Hôtel-Dieu; faisait des excès de tout genre;
le second mort des suites d'une opération sur le cou; le troisième
est bien portant et n'a jamais eu d'accidents nerveux. Il en est de
même de ses trois enfants. Deux d'enlre eux sont mariés d'où sont
issus trois enfants dont un est bien portant, et dont les deux autres
sont morts de méningite (cousins issus de germains de notre malade).
- Pas de soeurs. Pas d'hystériques, d'épileptiques, de paraly-
tiques, etc., dans la famille.
.Mère, quarante ans, s'occupe de son ménage. Pas de convulsions
dans l'enfance. Réglée à douze ans. - Mariée à seize. Pas d'atta-
ques de nerfs, de migraines, mais assez souvent des céphalalgies.
376 6 RECUEIL DE FAITS.
Pas de névralgies, pas de rhumatismes, pas de maladies de peau.
Très impressionnable. Aucune maladie sérieuse depuis son ma-
riage. [Père, bien portant; excès de boisson de tout temps, mais
n'allant pas jusqu'à l'ivresse, « c'est comme un tonneau J. Calme,
sans accidents nerveux. [Mère morte il y a longtemps, d'une affec-
.lion abdominale; n'était pas nerveuse. - [Grand-père paternel,
'mort jeune, paralysé à la suite d'excès de boisson. - [Grand'mère
paternelle, morte subitement à soixante-cinq ans.-[Grands parents
maternels, pas de détails. - [Ni frères, ni sceurs. Pas d'hystériques,
d'épileptiques, d'aliénés, etc., etc.7 dans la famille. - [Pas de con-
sanguinité.]
Deux enfants : 10 fille, vingt et un ans, petite, bien conformée ;
intelligente; pas de convulsions dans l'enfance; non mariée; pas
d'attaques de nerfs; pas nerveuse.
2° Noire malade. - Au moment de la conception, les parents
étaient bien portants tous les deux. - Grossesse bonne. Pas de
chutes, de coups, de peur; pas d'alcoolisme; pas d'éclampsie.-
Accouchement à terme, naturel. - A la naissance, pas d'asphyxie;
bel enfant. Elevé au sein par sa mère; sevré à quatorze mois.-A
marché à trois ans seulement. - Premières dents à six mois. - A
commencé à parler vers quinze mois. A eu toutes ses dents très
tard, vers trois ans; propre à trois ans seulement. Il était déjà en
relard à quatorze mois quand il a été sevré, au début du siège de
Paris. Il a pris du bouillon de cheval pendant deux ou trois mois.
Après la Commune, on le mit au lait de chèvre et il reprit assez
vite. « Le lait de chèvre l'a sauvé », dit la mère. -Il l'a continué
pendant deux ans, et on dut le supprimer parce que cela le ren-
dait très méchant, très nerveux '. Mis à l'école vers quatre ans, il
apprenait bien, comme les enfants de son âge. Pas de convulsions
dans l'enfance. A neuf ans chute sur le côté gauche, avec une
énorme bosse au front, qui aurait toujours laissé une trace. Elle ne
s'est pas accompagnée de perte de connaissance et il a pu retourner
à l'école le lendemain. A treize ans, en allant faire une course, il eut
une peur occasionnée par la chute à ses pieds, d'un sixième étage,
d'un individu qui se suicidait. Il a été éclaboussé par le sang et la
cervelle. Il ne s'est pas trouvé mal, mais il est rentré à la maison
tout effrayé, blême et tremblant. Un mois après, étant à la cam-
pagne, les gamins du pays, pour faire une niche au Parisien, le
conduisirent auprès d'un terrain bourbeux en le défiant d'y aller.
Il y alla et s'enfonça presque jusqu'aux épaules. Il aurait eu très
peur. Quinze jours après il est rentré chez ses parents. C'est alors
qu'on a constaté des cauchemars qu'il n'avait pas auparavant.
11 se levait la nuit, traversait une pièce, allait dans la chambre de
' Jean Wier.
DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRIE MALE. 377 î
son père, effrayé et disant qu'il y avait des voleurs : « Je t'en prie,
lève-toi, il y a des voleurs ici. » Il fallait qu'on le conduisit à la
porte, lui montrer qu'elle était bien fermée, que des voleurs
n'avaient pu entrer. Rassuré, il se recouchait et s'endormait.
D'autres fois il criait : « Au feu o, venait trouver son père, la figure
très effrayée et les yeux ouverts. Cela lui arrivait environ trois fois
par semaine. Jamais il ne parlait du suicidé, ni de son embourbe-
ment. Il ne lisait pas de romans, mais seulement.des livres de
science.
C'est un mois après la seconde peur, à treize ans et quatre mois,
qu'il a eu sa première attaque (novembre 1882). Il fut pris en
mangeant gloutonnement un morceau de céleri. Il se mit à tourner
autour de la table en étouffant (on croyait que c'était le morceau
de salade); puis il tomba à la renverse, raide, les dents serrées.
On essaya mais en vain de les écarter pour enlever le morceau de
céleri. Puis il aurait « gigolté» environ 15 minutes. Bave sangui-
nolente légère. Le médecin arriva quand la raideur avait disparu
et lui enleva le morceau de céleri. Alors il s'assoupit sans dire un
mot depuis le commencement de son attaque. Il n'évacua pas sous
lui. Pas d'aura. Il ne se rappela pas ce qui lui était a-rivé. Pas de
cauchemars pendant la nuit suivante. Le lendemain il était très
fatigué. et n'est pas sorti.
La seconde attaque eut lieu dix mois plus tard. Dans l'intervalle
la santé avait élé bonne, mais les cauchemars avaient persisté.
Cette seconde attaque l'a pris alors qu'il était en classe, sans cause
appréciable. Elle dura 15 minutes. Pas d'aura, pas de délire. Il
s'est mordu la langue, mais n'a pas uriné sous lui. Il put revenir à
pied chez lui. fut alors traité par Raspail pendant huit mois pour
de l'anémie, par les viandes saignantes et les bains sédatifs, et pen-
dant celte période, il eut deux ou trois attaques. Il eut huit atta-
ques seulement cette année là (1883).
En 1884 on continua le même traitement et il eut 15 attaques.
C'est alors qu'on le conduisit à la consultation de M. Charcot où
M. Marie lui ordonna le bromure de potassium à doses graduées.
11 resta un mois sans tomber. Puis il y eut une rémission de trois
mois.- Ou diminua la dose et il retomba au bout de quinze jours.
On a alors augmenlé la dose de bromure et on lui a donné des
douches (été 1885; - hiver 1885-86). Il eut 9 attaques en 1885. Il
suspendit le hromure en 1886, au mois de mai, parce que ça le
dégoûtait. Les crises venaient alors tous les mois, toutes les six
semaines. On l'envoya ensuite à Berck où il ne fit que prendre des
bains de mer (juin-décembre 1886). Il aurait été trois mois sans
attaques. Vers la fin de son séjour il eut une attaque dans les
champs en conduisant un cheval qui lui fractura la clavicule d'un
coup de pied, fracture pour laquelle il fut traité à l'hôpital.
En 1886 il eut 13 attaques. - Dans l'une d'elles il s'est cassé deux
378 RECUEIL DE FAITS.
dents, s'est abîmé la mâchoire et le menton qui en portent encore
les traces. Dans une autre, l'année précédente, il était tombé au
milieu de la rue et avait failli être écrasé par un camion. Il semble
qu'il n'ait en effet aucune aura qui l'avertisse.
Fig. 32.
Fig. 33.
DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRIE MALE. 379
En 1887, après une rémission d'un mois, il fut repris d'attaques
tous les quinzejour3. A la fin de février il fut trailé par le D''Rivalls,
qui promit de le guérir avec son nervo-sédatif pour 150 francs.
75 comptant, et 75 ensuite après guérison. Il resta trois mois sans
tomber. A la fin du mois de mai, revenant de course il s'est assis et
Fig. 3 f.
Fig. 35.
380 RECUEIL DE FAITS.
aussitôt endormi sans rien dire. Son père, croyant à une plaisan-
terie, l'a secoué pour le réveiller. Alors il s'est levé puis est re-
tombé raide et s'est mis à s'agiter, à se débattre d'une façon telle
que trois personnes ne parvenaient pas à le maintenir. Puis il
répéta à plusieurs reprises : « Plutôt la mort ! » La physionomie
n'était pas changée. Il se roulait sur lui-même, mais ne faisait
pas l'arc de cercle. Il cherchait à s'arracher la poitrine. Les yeux
étaient fermés. De temps en temps il y avait un arrêt, puis il se
raidissait et recommençait à se débattre. Cela dura une heure. En
revenant à lui il fut repris d'une crise analogue aux anciennes
(probablement attaque épileptoïde); pas de pleurs, pas de miction
involontaire. Il n'a pas dormi après son attaque, s'est levé et a
aussitôt diné. Puis il raconta que, avant de rentrer à la maison, il
était tombé en glissant dans la rue et avait failli être écrasé par un
omnibus. Une femme qui passait, croyant qu'il était écrasé, s'était
trouvée mal et avait été conduite dans une pharmacie. 11 assurait
que lui n'avait pas eu peur. Huit jours après, nouvelle attaque
qui a débuté de la même façon : sommeil de deux minutes
d'abord, puis il a été pris sans qu'on y touche; il s'est levé et est
tombé en pirouettant. L'attaque dura 30 minutes. Il avait dans sa
poche un couteau qu'il prit et essaya d'ouvrir. On le lui enleva et
il fit le simulacre de s'en donner un coup dans la poitrine. 11 prit
ensuite un canif dans la poche de son gilet, on le lui enleva, et il
fit encore le simulacre de se donner des coups dans la poitrine. -
« Dans ses crises il cherche toujours à se déchirer la poitrine,
comme s'il y souffrait beaucoup. » Il tombe presque toujours en
penchant du côté gauche. Les attaques deviennent plus fréquentes,
revenant tous les huit ou quinze jours. Dans l'une d'elles il fut
victime d'un escroc qui le dévalisa dans une pharmacie, avant qu'il
eut recouvré connaissance, en se faisant passer pour son frère, fait
qui fut rapporté dans divers journaux le lendemain sous le titre :
Un épileptique volé.
Au mois de juillet, après deux attaques survenues dans la rue, il
est pris d'idées tristes voyant que sa maladie ne guérit pas. « Il se
croit une charge pour tout le monde et dit qu'il se jettera par la
fenêtre si cela continue. Il devient irritable, plus colère qu'autre-
fois. Il ne dort pas depuis six mois, sans savoir ce qui l'en empê-
che. » Dans la journée il s'assoupit volontiers. - Depuis qu'il se
traite il n'a plus de cauchemars. Par moments il a des accès de
gaité; d'autrefois des accès de tristesse. ,
La mémoire serait devenue plus lente depuis le début de la
maladie. - Il est devenu aussi très contrariant et soutient toujours
l'inverse de ce qu'on avance. - Pas d'onanisme, pas de rapports
sexuels; il ne cherche pas la compagnie des jeunes filles; il est
cependant caressant et embrasse volontiers un ami.
Rougeole à quinze mois, puis scarlatine qui le rendit très malade.
DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS HYSTéRIE MALE. 381
Pas d'autres fièvres. Pas de diphthérie; pas de chorée. Coqueluche
après la scarlatine. Pas de croûtes dans les cheveux, pas d'adé-
iiite; pas de dartres; pas de gourme, d'otite, ni d'ophthalmie.
Dans ces derniers temps il ne faisait rien; il s'ennuyait à la
maison, et il a cherché quatre ou cinq fois à se placer pour faire
des courses. Il restait au maximum un mois en place; ça l'en-
nuyait et il disait : « J'en ai assez, je m'en vais, » ou bien on le
renvoyait à cause d'un tremblement qui le prend par moments
et l'empêche d'agir sûrement.
Sa tenue est bonne, sun langage convenable. Il paraît qu'à Berck
on le poussait à boire pour résister au climat (café, eau-de-vie,
bière). Il ne s'est jamais grisé qu'une fois. - A Paris il n'a pas fait
d'excès alcooliques. ,
Depuis longtemps, - avant sa première crise, - il se plaint de
souffrir du coeur, d'être essoufflé en montant les escaliers. Il s'en
plaint de plus en plus depuis le début des crises.
Etat actuel. 5 juillet 1887. - Tête. Pas d'asymétrie crânienne
appréciable. Cheveux, châtain foncé, assez fournis. - Front,
élevé, large. Bosses frontales saillantes. Légères dépressions sus-
sourcilières. Sourcils marqués.
382 RECUEIL DE FAITS.
Oreilles petites, bien ourlées. La montre placée de chaque côté à
la même distance est mieux entendue à gauche qu'à droite. Placée
directement sur le pariétal, elle n'est pas du tout entendue à droite
et l'est très faihlement à gauche.
Thorax, bien développé; régulier, symétrique. Fracture ancienne
de la clavicule gauche.
Membres supérieurs. Bien conformés et développés. Réflexes
du coude et du poignet égaux et normaux.
Membres inférieurs, bien conformés. Réflexes patellaires et
plantaires diminués du côté droit.
Organes génitaux. - Poils assez courts, peu nombreux sous les
aisselles. - Poils abondants au pénil. Verge, longueur 7 cent.,
circonf. 6 1/2. Prépuce un peu étroit; gland découvrable, méat
normal. Testicules dans les bourses, égaux, du volume d'un petit
oeuf de poule, non douloureux.
Sensibilité générale. - Le chatouillement parait senti également
des deux côtés de la face, mais d'une façon plus marquée à gauche
au tronc, aux bras et aux membres inférieurs. La sensibilité à la
piqûre parait atténuée du côté droit au cuir chevelu, à la face et au
cou. Sur le tronc et les membres inférieurs, les yeux fermés, elle
est prise pour un pincement. La sensibilité au pincement est dimi-
nuée dans tout le côté droit du corps. Il en est de même de la sensi-
bilité à la température.
Pas de plaques d'hypéresthésie ni d'anesthésie. Légère douleur
par la pression d'un point situé à environ 5 centimètres au-dessus
du mamelon du eôlé gauche. Pas de douleur à la pression des apo-
physes vertébrales. Torticolis assez fréquents passant en une ou
deux heures.
Pas de points hystérogènes, sauf le léger point douloureux mame-
lonnaire, où le malade porte loujours sa main pendant ses attaques,
et qui est alors très douloureux. Céphalalgies occipitales et tem-
porales fréquentes.
Digestion. -Bon appétit. Quelquefois il mangeait énormément :
e on croyait qu'il avait le ver solitaire ». Quand il est sur le point
d'avoir une attaque, il ne mange pas ou très peu. Après ses alla-
ques, au contraire, il a très faim. Il vomit souvent sans raison, ou
bien il a seulement des nausées. Constipation fréquente.
Respiration, bonne. Ne tousse pas, mais a souvent craché du
sang, surtout après ses attaques. - Circulation : coeur normal,
régulier; pas de palpitations.
Il ne sent pas quand il va avoir ses attaques, mais souvent en
dehors d'elles il a la sensation d'une boule qui part du creux épigas-
trique pour remonter à la gorge et l'étouffer. D'autres fois il a un
point douloureux au niveau du coeur, qui le fait étouffer surtout
quand il monte les escaliers. Quand on le met debout les yeux
fermés il chancelle, et tomberait si on ne le retenait pas. Il dit que
DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRIE MALE. 383
pendant son attaque il lui semble rêver et qu'à la suite « cela lui
fait le même effet que lorsqu'on se réveille et que l'on sent qu'on
a rêvé ».
27 juin. - Vers 4 heures de l'après-midi, il prévient qu'il va
peut-être avoir une attaque et qu'il faut se méfier, car il cherche
à mordre et à égratigner.
A 6 heures, il causait avec ses camarades quand l'attaque
commença. Il tomba sur le dos, puis rebondit sur les fesses et sur
les épaules à un mètre environ de dislance. Le regard n'était pas
modifié tout d'abord. Il clignotait des yeux seulement et cherchait
à mordre et à égratigner. 11 faisait coup sur coup l'arc de cercle,
puis retombait inerte et recommençait ensuite. Puis ses yeux tour-
nèrent, il grinça des dents et poussa des sortes de grognements. Il
eut quatre crises semblables à cinq minutes d'intervalle : la pre-
mière dura vingt minutes, les trois autres dix minutes seulement.
28. - Nouvelle crise en présence de l'un de nous. Il tombe brus-
quement sur le dos sans prévenir, sans pousser de cri. Puis il s'arc-
boute sur les épaules et les jambes et bondit ainsi trois fois en
arrière. Enfin étendu surie dos, il est agité de convulsions cloniques.
Les poings sont fermés, mais le pouce n'est pas fléchi dans l'inté-
rieur de la main. Il cherche à mordre et à égratigner, et mord
même au mollet un de ses camarades qui le mainlient : Pas décris,
pas de paroles, mais des gémissements, des sortes de jappements,
puis il tombe dans un état de résolution complète. Au bout de trois
Fig. 36.
384 RECUEIL DE FAITS.
minutes secousses dans tout le corps, puis convulsions toniques, et
petits arcs de cercle. Brusquement apparaissent de nouvelles convul-
sions cloniques avec grands mouvements, après quoi il tombe en
résolution pendant sept minutes. Pendant tout le lemps des convul-
sions les yeux étaient fermés et les globes oculaires convulsés en
haut et en dedans. Après la période de résolution il rouvre les yeux.
Le regard est fixe, hagard. Il regarde devant lui et est bientôt
DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRIE MALE. 385
repris de nouvelles convulsions cloniques qui durent une demi-
miuule environ.
Arc de cercle latéral. Secousses dans les membres. Résolution
d'environ deux minutes. Puis gémissements. Il ouvre légèrement
les yeux, a l'air moins égaré, semble comprendre et se dresse sur
son séant pendant environ une minute. Mais tout à coup il se
rejette en arrière comme au début de l'attaque en s'arc-boulant
sur les épaules et sur les pieds successivement pour bondir ainsi
deux ou trois fois, et retomber enfin sur le dos. Surviennent alors
des convulsions toniques de tous les membres, avec gonflement du
cou, constriction des mâchoires, frémissement des paupières. Au
bout de sept minutes il se redresse sur son séant, pousse un grand
soupir, entr'ouvre les yeux, puis]retombe survie dos dans un état de
résolution complète qui dure quatre minutes. Après quoi, il regarde
à droite et à gauche, se dresse sur son séant et se relève complète-
ment. Il arrange le désordre de ses vêtements, se rappelant avoir
eu une attaque, mais ne se souvenant pas comment cela lui a pris.
Il n'a pas l'air ahuri après son attaque, ni fatigué. Il titube un
peu en marchant et on a de la peine à tirer de lui quelques
réponses. L'attaque a duré en tout vingt-six minutes.
8 juillet. Etant assis tranquillement sur un banc, il a tout à
coup fermé les yeux comme s'il s'endormait, puis a glissé à terre.
Au bout de quatre à cinq minutes il entrouvre les yeux et tourne
la tête à gauche. Frémissement des paupières, pâleur marquée de
Archives, t. XXII. ,. 25
Fig, 38.
386 RECUEIL DE FAITS.
la face, regard dirigé en haut. Rigidité complète avec extension
pendant deux minutes, suivie d'une courte résolution. Puis fré-
missements des paupières; les bras s'étendent en croix, les poings
fermés, le pouce étendu. Gonflement du cou, battements préci-
pités du coeur; peau moite. Résolution de sept minutes. Il entr'ou-
vre les yeux, se redresse sur son séant, tourne la tête à droite et à
F'lq. 39.
DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRIE MALE. 387
gauche, puis retombe. Les yeux sont refermés : frémissement des
paupières, primacesde la face, petits soubresauts du ventre et des
jambes. Résolution, puis sommeil apparent avec respiration et
coeur réguliers, pendant vingt minutes. Il tourne de nouveau la
tête à droite et à gauche; frémissements des paupières; les yeux
hagards s'entr'ouvrent; frémissements des extrémités; poings
fermés. Enfin il retombe dans le calme, comme endormi, Je visage
un peu coloré, la respiration faible, sans mouvements.
9.- A 7 h. et demie, se trouvant au premier rang des enfants
au concert, il se met à genoux tout à coup en fermant les yeux et
exécute avec sa tête et ses bras le mouvement du morceau joué.
La face est pâle, les mains sont froides. On l'emmène à l'infirmerie,
les yeux toujours fermés, en le soutenant sous les bras pour mar-
cher. Jusqu'à 3 h. et demie il reste dans le même état. - Ses
parenls étant venus le voir, il ne put rouvrir les yeux en leur pré-
sence, mais aussitôt après leur départ il fut pris d'une attaque de
peu de durée, à la suite de laquelle il rouvrit les yeux en disant :
« Je vois clair. » A sept heures du soir, il était couché dans son lit
quand subitement il s'est levé, s'est sauvé en chemise et a passé
avec une telle rapidité devant les gens de service qu'on n'a pu l'at-
teindre tout de suite. On le reconduisit à son lit, et alors il se mit
à pleurer et à demander du papier et un crayon pour écrire à son
père qu'il voyait clair.
11. -- A 8 heures du matin, il était assis dans un fauteuil,
quand tout à coup il s'est élancé à travers la salle et est venu se
jeter tête baissée contre la porte dans laquelle il donna de vio-
lents coups de tête pendant deux ou trois minutes. Puis il s'est
relevé lentement et s'est mis à casser les carreaux. On est parvenu
à l'étendre par terre où il est resté calme pendant dix minutes,
puis il est allé se rasseoir dans le fauteuil.
16. Attaque à 5 heures du soir, de dix minutes de durée,
à la suite de laquelle on le coucha les yeux fermés.. Le lendemain,
il n'a pas pu rouvrir les yeux. Les paupières sont plissées dans les
angles internes et animées de frémissements continuels. On les
écarte avec difficulté et on constate que les globes oculaires sont t
tournés en haut et en dedans, et que les pupilles sont contractées.
A 3 heures de l'après-midi, il a une attaque qui dure quatre
minutes à la suite de laquelle il a rouvert tes yeux. Le soir, étant
debout, ses yeux se sont fermés de nouveau, il a fait une dizaine
de pas, s'est déchaussé, a ôté ses bas toujours debout, est resté
immobile pendant cinq à six minutes, puis a été pris d'une atta-
que qui a duré sept minutes. Sa température après l'attaque était
de 38°2, un quart d'heure après 38°. Sommeil agité pendant la
nuit.
49.- Pendant le concert du matin, il s'est endormi et cinq à sept
minutes après il a eu une attaque qui a duré quatre minutes et
388 RECUEIL DE FAITS.
dans laquelle il s'est mordu la langue. Il s'est endormi ensuite.
20. - A 2 h. vingt de l'après-midi, étant en classe, il tombe
brusquement sur le dos les bras croisés sur la poitrine. Ses yeux se
ferment, ses bras s'étendent en croix, les poings fermés. Frémissc-
- monts des paupières et des muscles de la face. Arc de cercle pro-
noncé. Il ouvre et ferme les yeux à deux reprises. Les yeux sont
hagards, puis fixes, et se ferment enfin, et le malade semble
assoupi. La durée de l'attaque a été de dix-huit minutes. Il se
relève, répare le désordre de ses vêtements et répond à ce qu'on
lui demande. Puis tout à coup, après avoir fait quelques pas dans
la classe il pousse un cri, tombe le dos dans une vitrine, puis à terre
sur le côté droit. Il reste ainsi trois minutes, le corps agité de
légères secousses. Petits gémissements. Repos de quatre à cinq
minutes. Ses yeux se rouvrent, il se dresse péniblement sur son
séant. Il se relève enfin complètement et marche en trébuchant. Il
est pâle et respire difficilement. Température à la fin de l'attaque,
38°2. Une demi-heure après l'attaque, température 3709. Deux
heures après, température 3G°9.
23.- Nouvelle attaque en présence de l'un de nous. Tombé à
terre, il est pris de nouvelles secousses dans tout le corps, surtout
du côté gauche. Il se dresse sur le côté droit, se passe la main sur
les yeux, déboutonne de la main gauche son gilet. Les traits du
visage sont crispés, les yeux fermés. Il ôte sa veste et la jette brus-
quement loin de lui; puis il retombe sur le dos et est agité de
fortes secousses dans tout le corps. Les pieds frappent fortement
le sol. Il se tourne sur le côté droit et commence à défaire sa che-
mise, mais maladroitement. On l'appelle, il ne répond pas. Il
défait encore son gilet de flanelle et reste ainsi trois minutes. Les
mâchoires sont contractées et les muscles de la face sont agités
de petits frémissements. Il se retourne et tombe sur le ventre, les
bras en croix, les jambes écartées.- Secousses dans tous les mem-
bres et le tronc. Résolution de deux minutes. Il se dresse alors
sur son séant en se frottant les yeux, la poitrine et les épaules. Il
se met debout, s'élire les bras et s'habille, mais gauchement, auto-
matiquement. Il ne répond qu'au bout de quelques minutes aux
paroles qu'on lui adresse. La durée de l'attaque a été de trente-
sept minutes.
24.- Attaque de quatre minutes à 8 h. et demie du matin;
une seconde de 11 minutes à 9 h. trente-cinq.
25.-Attaque de dix-sept minutes à 7 h. et demie; une seconde
de douze minutes à 11 h. et demie.
26.-Assis tranquillement au concert du matin, il écoute l'orgue
avec recueillement, puis peu à peu il s'endort, et au bout de huit
minutes il se lève, se dirige lentement vers l'orgue, les yeux fer-
més, le visage très pâle. Arrivé devant l'orgue, il se met à genoux
et s'approche en se traînant sur les genoux jusqu'au maître de
DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRIE MALE. 389
musique. Il bat la mesure de la têle, et reste ainsi, les mains
jointes, environ douze minutes. Le concert fini et sur un appel
de son nom, sans même qu'on le touche, il tombe en arrière et
a une attaque qui dure quinze minutes.
27. - Au moment de la visite, il est pris dans la cour d'une
attaque. Il était assis sur un banc, quand il s'est levé, a tourné
deux fois sur lui-même en sautant, puis est tombé raide sur le dos.
Au bout de quelques secondes il s'est retourné sur le ventre, les
jambes étendues, le bras droit levé. Il se retourne ensuite sur le
côté droit, la jambe droite allongée, la gauche un peu écartée ; le
bras droit élevé, le gauche allongé en bas, la tête dans l'exten-
sion. Il se tourne sur le venlre, puis sur le dos, et encore sur le
ventre, les jambes allongées l'une contre l'autre; le bras gauche
allongé le long du tronc, le bras droit perpendiculaire. Il se
retourne brusquement de nouveau sur le dos, les jambes allongées,
rigides, écartées ; les bras en croix, rigides, les mains fermées, les
pouces en dehors, la têle dans l'extension.
Nouvelle attaque. Rigidité très forte, face rouge, yeux en haut.
Durée de 10 secondes. Ecume blanche, léger stertor. Il se retourne
alors brusquement. - 1° Nouvelle période épileptoïde, puis
secousses tétaniformes des jambes, surtout de la gauche. - 2° Il
se retourne brusquement sur le ventre, puis sur le dos. Il ouvre
alors les yeux, parait étonné, se lève, se plaint de la tête. - Durée
10 minutes. T. R. 38°,1. - Un quart d'heure après, T. R. 37°,8.
Nouvelle attaque à 10 heures. - T. R. après l'attaque, 38°, 3 ; un
quart d'heure après 37°,9 ; deux heures après 37°,1. Durée
18 minutes. A 5 heures et demie, après son dîner, nouvelle attaque.
Il bat l'air de ses bras, el reste 20 secondes debout, les yeux fer-
més ; puis il tombe il terre après avoir sauté deux fois. Il reste
tranquille une minute, puis se tourne sur le côté droit les jambes
écartées et les bras en croix. Il se frappe la poitrine avec violence
de son poing droit fermé; se met sur les genoux la tête appuyée
par terre entre ses deux mains. Il se relève tout debout, reste ainsi
une minute et demie et retombe de toute sa hauteur en cherchant
à mordre et à égratigner. Résolution de peu de durée.
De nouveau il se dresse sur- les genoux, se frappe la poitrine à
coups redoublés avec ses deux poings. Frémissements des paupières
et de toute la moitié gauche du corps. Gémissements et petits
cris. Résolution complète pendant 7 minutes. Après quoi il se
relève. On lui adresse la parole, mais il regarde d'un air égaré et
ce n'est qu'au bout de huit minutes qu'il répond. Durée de l'at-
taque 35 minutes. T. R., après l'attaque 38°,4; un quart d'heure
37°,0; deux heures après 37°,6.
30 août. - L'un de nous essaie de l'endormir par la pression des
glohes oculaires, mais sans succès.
31. - Nous essayons de nouveau par le regard. Au bout de
390 RECUEIL DE FAITS.
quatre minutes on constate un peu de fatigue du malade, avec des
mouvements de déglutition et du larmoiement. A plusieurs reprises
nous recommençons sans succès. Même état des pupilles pendant
toute la durée de l'expérience.
. 2 septembre. - Nouvelle expérience d'hypnotisation par la fixa-
tion d'une baguette de verre, mais sans plus de succès. On essaie
de l'endormir par la compression des globes oculaires sans réussir
davantage.
Il a ordinairement de l'insomnie, et de la difficulté à s'endormir;
sans hallucinations hypnagogiques. Il a des cauchemars mais beau-
coup moins souvent que chez lui. Parfois tremblement des deux
mains, surtout de la gauche. De plus il a quelquefois des secousses
des deux bras et même de tout le tronc, qui ont beaucoup
diminué.
Hallucinations. - Il voit parfois dans le jour comme des souris
ou des boules noires qui passent de gauche à droite. Il n'en avait
pas chez lui et elles auraient apparu depuis quinze jours seule-
ment. Elles n'auraient d'après lui aucun lien avec les attaques.
Traitement. - Deux douches par jour, gymnastique, école. Il
se décide à aller travailler à l'atelier de cordonnerie ce qu'il a tou-
jours refusé jusqu'alors.
31 octobre. - Devant le désir de ses parents et le sien on l'en-
voie en congé renouvelable pour huit jours, au bout desquels il
refuse de rentrer à Bicêtre et on lui signe sa sortie.
Réflexions. -I. Nous retrouvons ici les mêmes influences
que chez le premier malade : hérédité et alcoolisme.
II. A treize ans, à la suite d'accidents qui l'avaient fortement
impressionné, H... devient sujet à des cauchemars, et au bout
d'un mois, éclate la première attaque, suivie d'une seconde,
seulement dix mois plus tard. A partir de là, jusqu'en 1887, il
a des attaques mensuelles ou bi-mensuelles qui toutes présen-
tent le caractère épileptoïde, d'autant plus qu'il n'y a pas
d'aura et qu'elles s'accompagnent de traumatismes sérieux.
III. Nous retrouvons dans les attaques ultérieures précédées
d'un sommeil plus ou moins long et qui prennent de plus en
plus l'allure hystérique, la plupart des symptômes classiques :
hémiparésie à droite avec diminution de la sensibilité spéciale
et des réflexes rotulien et plantaire du même côté; contracture
passagère des muscles des paupières et du sterno-mastoïdien ;
défaut d'équilibre par l'occlusion des paupières, modifications
du caractère, alternatives de gaieté et de tristesse, idées vagues
DEUX NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTHRIE MALE. 391
de suicide, instabilité mentale, hallucinations, attitude du
crucifiement, arcs de cercle ventral et latéral, actes propulsifs
et automatiques, tentatives pour mordre et égratigner, etc. '.
IV. Nous avons vu que ce malade dans ses crises exécutait
des sauts plus ou moins violents, semblables à ceux des hysté-
riques du sexe féminin. Ces sauts, ces soulèvements ou ces
enlèvements sont fréquemment signalés dans les écrits sur les
démoniaques. En voici quelques exemples :
« Icelle peu après les noces commença d'être misérablement
tourmentée par le malin esprit, tellement qu'en quelque part
qu'elle fust, mesme au milieu des dames et damoiselles, elle
estoitsoudain emportée et traînée'par les chambres et souventes
fois jettée, puis en un coin, puis en l'autre, quoique ceux qui
estoient présents taschassent de la retenir et de l'empescher2. »
Dans l'épidémie qui a sévi sur les « nonnains enfermées en
le comté de Horn ? aucunes estoient eslevées'en l'air à la hau-
teur d'un homme et rejettées contre terre... Une d'entre elles
fut soulevée en l'air et quoique les observants s'efforçassent
l'empêcher et y missent la main toutes fois elle leur estoit
arrachée maugré eux, puis tellementrejettée contre terre qu'elle
sembloit morte. »
Un point commun aux deux observations, c'est la forme
épileptoïde qu'ont revêtu les attaques, soit au début, soit dans
le cours de la maladie. Lorsqu'on ne connaît pas les antécédents
et qu'on n'a pu assister qu'à une seule attaque, on peut hésiter.
Ces crises isolées s'accompagnent parfois d'une légère éléva-
tion de la température, comme dans l'accès d'épilepsie. Mais
si les attaques se succèdent pendant une ou plusieurs heures,
la température ne s'élève pas, tandis que le même nombre
d'accès épileptiques déterminerait au contraire une prompte
élévation de la température. Nous avons insisté sur les faits de
1 Dans les ouvrages relatifs aux possessions on rencontre parfois des
exemples de torticolis spasmodique : « Lors cet esprit print le inétailler
- qui l'injuriait - par la tète, laquelle il lui tordit en telle sorte que le
devant estoit droitement derrière; dont il ne mourut pas toutefois, mais
vesquit depuis longtemps ayant le col tors et renversé... » (Taillepied,
Traité sur l'apparition des esprits, p. 128-130.)
1 Jean Wier, Illusions et impostures des diables, et Goulart, p. 143 et
suivantes.
392 REVUE PHARMACOLOGIQUE.
ce genre à propos de deux hystériques de la Salpêtrière et ces
faits méritent d'autant plus d'être rappelés, qu'ils semblent par
leur ancienneté relative avoir échappé à l'attention de quelques
auteurs récents.
' Enfin, à propos de ces deux nouveaux cas d'hystérie mâle,
nous croyons utile de rappeler les cas que nous avons publiés
antérieurement. Ils ont paru soit dans le Progrès médical, soit
dans les Archives de Neurologie et ont été reproduits dans
nos Comptes rendus du service des épileptiques et des enfants
idiots de Bicêtre, le premier avec d'Olier z1851, t. I, p. 30); le
second avec Dauge (t. II, p. 1122); le troisième avec Bonnaire
(t. III, p. 55); le quatrième avec Leflaue (t. IV, p. 164); le cin-
quième avec Bonnaire (t. V, p. 87). Dans le tome X (Compte
rendu de l'année 1889), nous avons publié avec Sollier l'histoire
d'Une famille d'hystériques (p. 149). Enfin, le tome XI ren-
ferme trois autres observations ,avec Séglas). Ces renseigne-
- ments pourront être utiles à ceux que tenterait la tâche d'une
nouvelle monographie de l'Hystérie chez l'homme.
REVUE PHARMACOLOGIQUE
SUR LE SULFONAL
(Diethylsulfone dimelhl méthane.)
Par P. YVON.
En 1885, M. le professeur Baumann (de Fribourg) a décou-
vert une série de nouveaux composés auxquels il a donné le
nom de mercaptals (acétals sulfurés). Ils résultent de la com-
binaison des éthers sulfhydriques acides (ou mercaptans) avec
les aldéhydes. On obtient également des composés analogues
en remplaçant les aldéhydes par des acétones (qui sont des aldé-
hydes secondaires). Ces dernières combinaisons ont reçu le nom
de mercaplols. On les obtient facilement par l'action de l'acide
. 1 Bourneville et P. Regnard, iconographie 1>leotogr. de la Salpêtrière,
t. III, 1879-80, p. 75-77.
SUR LE SULFONAL. 393
chlorhydrique gazeux. Il suffit, par exemple, de faire traverser
par un courant de ce gaz un mélange de 1 partie d'acétone
et de 2 parties de mercaplan éthylique : on obtient dans ce
cas le mercaptol éthylique d'après la réaction suivante :
CoHoO' + 2 C'H'S2 = C"Il gest + 11202
Acétone. Mercaptan Mercaptol Eau.
éthylique. éthylique.
Les mercaplals (ou acétals sulfurés) peuvent être facilement
oxydés; ils absorbent deux équivalents d'oxygène, et donnent
naissance à de nouveaux dérivés auxquels M. Baumann a donné
le nom de disulfones. On peut obtenir des produits d'oxyda-
tion tout à fait analogues avec les. mercaptols, et le sulfonal
n'est autre chose que le produit d'oxydation du mercaptol
éthylique.
. Pour l'obtenir, on commence par préparer du mercaptol
éthylique en suivant la marche que nous avons indiquée, puis
on l'agite avec une solution froide de permanganate de potasse
à 5 p. 100 aussi longtemps que ce dernier se décolore; pen-
dant l'agitation, on ajoute de temps en temps quelques gouttes
d'acide sulfurique. On chauffe ensuite le mélange au bain-
marie de manière à redissoudre des cristaux qui commencent
à se précipiter : on filtre chaud, on évapore et par refroidisse-
ment le sulfonal se dépose. ,
Le sulfonal se présente sous forme de cristaux blancs, assez
volumineux, friables, croquant sous la dent et présentant une
saveur légèrement amère. Ils sont peu solubles dans l'eau
froide; ils ne se dissolvent que dans 500 parties de ce véhicule
et 100 parties d'alcool. A chaud, la solubilité est beaucoup plus
grande : 15 parties d'eau bouillante dissolvent une partie de
sulfonal. Il est assez soluble dans l'éther, la benzine et le chlo-
roforme. Le sulfonal fond à 125°,5 et bout vers 300°; il distille
à cette température, mais en s'altérant en partie; le produit
condensé est coloré en jaune et cristallise par refroidissement.
Voici quelques réactions qui permettront de caractériser le
sulfonal. D'après VULPIUS, en chauffant le sulfonal avec poids
égal de cyanure de potassium bien sec, il se dégage des vapeurs
de mercaptan dont l'odeur est tout à fait caractéristique, et si
l'on traite ensuite la masse par l'eau, on obtient une solution
qui contient un sulfocyanate alcalin et qui donne avec les persels
de fer une coloration rouge caractéristique.
' On obtient la même réaction d'après RITSERT en substituant
394 REVUE PHARMACOLOGIQUE.
l'acide pyrogallique au cyanure de potassium. Plus récem-
ment, M. Wefers Bettink a conseillé de mélanger le sulfonal
avec la moitié de son poids de. limaille de fer. On chauffe
et il se manifeste une odeur alliacée : si, après refroidisse-
ment, on traite le culot par l'acide chlorhydrique, il se dégage
de l'hydrogène sulfuré. Il faut employer de la limaille de fer
très pure.
Tel est le corps découvert par Baumann et introduit
dans la thérapeutique par Kast. Disons tout d'abord que,
d'après ces auteurs, le sulfonal n'exerce aucune influence sur
la pression sanguine, sur les fonctions du coeur et sur la res-
piration ; il ne produit aucun trouble gastrique ni intestinal.
Son action hypnotique serait plus accentuée que celle de la
paraldéhyde et même du chloral. Elle se produit plus lente-
ment, mais elle se prolonge davantage; enfin il n'y a pas d'ac-
coutumance, même à la suite d'un usage prolongé.
De nombreux essais faits surtout sur les chiens ont démontré
à Kast, que le sulfonal déterminait à la dose de 2 grammes, et
environ une demi-heure après son administration, des troubles
dans la coordination des mouvements du train postérieur, puis
dans les membres antérieurs, et au bout d'un temps variable,
l'animal s'endort. Le professeur Lépine a étudié l'action de
cet agent sur la température, il a opéré sur le cobaye. Il a
injecté sous la peau une solution aqueuse de sulfonal à la dose
de 0 gr. 078 par kilogramme; l'animal n'a présenté aucun
symptôme spécial, et bien que le milieu ambiant fut chaud, il
s'est un peu refroidi; en quelques heures, la température cen-
trale s'est abaissée de 14 dixièmes de degré; la température de
la peau a paru s'abaisser également; mais ce dernier résultat
n'a pas été suffisamment établi.
Le Dr Kast a étudié l'action du sulfonal chez l'homme sain.
A la dose de 2 à 3 grammes, ce médicament détermine une
sensation de lassitude et diminue l'intensité des perceptions;
cette dose suffit parfois pour amener le sommeil. Chez les ma-
lades la dose hypnotique varie de 1 à 3 grammes, et le médi-
cament agit promptement chez ceux qui sont atteints d'insom-
nie nerveuse, le sommeil se produit d'après Kast d'une demi-
heure à deux heures après l'administration et se prolonge de
6 à 8 heures. Nous verrons que ces chiffres doivent être un peu
modifiés d'après les travaux plus récents de Roubinovisch.
Depuis les publications de Kast, le sulfonal a été étudié par de
SUR LE SULFONAL. 395
nombreux médecins. Le Dr Rabbas l'a expérimenté chez les
alienés et lui a reconnu une action soporifique très nette,
même chez ceux qui étaient habitués aux narcotiques. Il n'a
pas dépassé la dose de 3 grammes et jamais, même après un
usage prolongé du médicament, il n'a observé de troubles
digestifs, respiratoires ou circulatoires. Kramer, qui a confirmé
les faits annoncés par Kast, a même constaté expérimentale-
ment que le sulfonal n'influençait en aucune façon la digestion
stomacale, ou l'action saccharifiante de la salive, ce que ne
font pas les autres hypnotiques tels que le chloral, la paral-
déhyde et l'hydrate d'amylène.
Le Dr Rosin a expérimenté le sulfonal sur un grand nombre
de malades atteints d'affections diverses, il administrait ce mé-
dicament à des doses variant de 1 à 4 grammes, et il lui a paru
présenter à ces doses une activité comparable à celle de 10 à 15
milligrammes dectilorhydrate de morphine. Avec la dose maxima
de 4 grammes, le sommeil produit était très intense et durait
de 3 à 4 heures le jour et de 8 à 12 heures la nuit. Le réveil
est parfois suivi d'une sensation de vertige qui se prolonge
dans la journée; et l'action du médicament se manifeste encore
pendant la nuit suivante, car le sommeil est plus profond qu'à
l'ordinaire. Schwalbe, expérimentant le sulfonal chez des su-
jets atteints d'affections diverses a obtenu le sommeil 7 fois
sur 10 et toujours dans les cas d'insomnie nerveuse. Le résul-
tat était incertain ou peu marqué dans les affections organiques.
Le médicament réussit bien chez l'enfant. La dose administrée
variait de 1 à 2 grammes et l'auteur n'a observé que rarement
quelques accidents consécutifs et toujours passagers, tels que
vertiges, céphalée, vomissements ou diarrhée.
Oestreicher a surtout expérimenté le sulfonal chez les mor-
phinomanes auxquels il l'administrait à la dose de 2 à 3
grammes au commencement de la suppression brusque de la
morphine. L'action a été aussi peu efficace que celle du chloral
dans les mêmes conditions. '
Otto a expérimenté le sulfonal comme calmant, dans certains
cas d'excitation prolongée et à doses fractionnées de 0 gr. 50
centigrammes répétées 5 à 6 fois par jour. Les résultats ont
été généralement satisfaisants. Comme hypnotique, à la dose
de 2 grammes il a obtenu les résultats précités.
En France, le sulfonal a été expérimenté la première fois
par le Dr Samuel Garnier, qui conclut à l'efficacité incontes-
396 REVUE PHARMACOLOGIQUE.
table de cet hypnotique à la dose de 2 à 5 grammes. Le pro-
fesseur Lépine (de Lyon) a vérifié tous les bons effets de ce
médicament.
Le D Auguste Voisin a obtenu un sommeil profond de six
à neuf heures à là'-suite de l'administration de 1 à 1 gr.,50
de sulfonal. 1 -
- Enfin, M. Roubinovich a tout dernièrement, expérimenté ce
médicament dans le service de M. le Dr Bouchereau, à Sainte-
Anne, et a publié un long et intéressant travail sur l'action du
sultonal. chez les aliénés. Il a réuni 24 observations très
détaillées, en notant les variations de la température, du
pouls, de la composition de l'urine, la dose administrée, le
temps nécessaire à l'apparition du sommeil, la durée de ce
sommeil, et les phénomènes,insolites, concomitants ou consé-
cutifs.
M. Roubinovich n'a administré que deux fois le sulfonal à
doses fractionnées de 0, 25 gr., répétée plusieurs fois
par jour et l'a donné à doses variant de 0 gr., 73 à
3 grammes. Sur 27o fois le sommeil s'est manifesté 263 fois,
il n'a donc fait défaut que 12.
Les conclusions tirées de son travail sont les suivantes :
Le sulfonal administré à la dose de 0 gr., 75 à
3 grammes détermine le. plus souvent deux à quatre heures
après l'ingestion, un sommeil qui se prolonge pendant quatre
à neuf heures. Ce sommeil est le plus souvent continu,
calme et profond. En dehors de l'action hypnotique le sul-
fonal parait calmer l'agitation des maniaques. Le sulfonal
s'accumule dans l'organisme et son action peut persister encore
plusieurs jours après l'administration d'une dose massive.
Il n'y a pas de phénomène d'accoutumance. L'auteur n'a
observé aucune modification dans l'excrétion urinaire.
Une fois M. Roubinovich a observé une légère augmentation
de température et trois fois une fréquence un peu plus grande
du pouls. L'action du sulfonal surl'appareil gastro-intestinal a
été nulle, sauf dans quelques cas où la dose administrée a
dépassé 3 grammes. La motilitc a été nettement touchée
dans deux cas (dose 5 grammes). Au réveil on a parfois cons-
taté une légère hébétude dans l'expression du visage, quelque-
fois un peu de somnolence qui se prolongeait toute la journée.
.En résumé, le sulfonal est un bon hypnotique. utile surtout
dans les insomnies nerveuses, et dans celles qui accompagnent
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 397
les affections mentales. On doit l'administrer à doses massives
variant de 0 gr., 5 à 3 grammes. Il est bon de ne pas con-
tinuer la même dose plusieurs jours de suite : on la diminue
sauf à l'accroître lorsque l'action hypnotique se ralentit.
Le mode d'administration est très simple : le sulfonal doit
être finement pulvérisé et administré en cachets ; on peut
aussi le faire dissoudre ou le mettre en suspension dans un
liquide chaud et le donner soit au moment du coucher, soit
au commencement du' dernier repas.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
PATHOLOGIQUES
XXVII. Ablation des hémisphères cérébraux chez le pigeon; par le
Dr DE 13oECE et L. LE l3ur. (Bull. de la Soc. de méd. ment, de
Belgique, 1890.)
L'intérêt de cette observation réside principalement dans la
longue durée de la survie de l'animal (plus de deux ans et demi).
L'autopsie a démontré : -. il qu'il restait quelques débris de l'écorce
en avant, en arrière et sur les côtés du cerveau; 2° que la substance
encéphalique restante ne présentait pas de foyer de dégénéres-
cence ni de ramollissement; 3° qu'il n'y avait pas de dégénérescence
secondaire, ce qui semble indiquer que chez le pigeon, il n'existe
pas de cordon pyramidal ou bien que les filets psycho-moleurs sont
dispersés dans les cordons médullaires.
Au point de vue clinique, ce pigeon ne présentait pas de troubles
de la motilité ni de la sensibilité; il voyait et entendait, mais
avait perdu le sens générique. Le phénomène le plus intéressant
est la persistance de la vision, ce qui prouve que des communica-
tions ont dû se rétablir entre les tubercules quadrijumeaux de la
partie respectée de l'écorce. G. DENY.
XXVIII. Contribution A L'ÉTUDE delà circulation cérébrale; parles
Dr de BOECK et I. WERUOOGEX. (Bull. de la Soc. de méd. ment.
- de Belgique, 1890.)
Les auteurs de ce travail se sont proposé de démontrer que la
répartition du sang, circulant dans le cerveau, peut être différente
dans les deux systèmes cortical et ganglionaire.
398 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Dans ce but, ils ont étudié les effets de l'acide carbonique, de
l'éther sulfurique et de la morphine sur la circulation cérébrale. Ils
ont constaté : 1° que l'acide carbonique produisait une vaso-dila-
tation générale de tous les vaisseaux du cerveau ; 2° que l'élher éle-
vait la pression artérielle générale et augmentait le débit des
vaisseaux cérébraux; 3° que sous l'influence de la morphine, il se
produisait une anémie de l'écorce du cerveau et une hypérémie de
la base. Ces recherches permettent jusqu'à un certain point de se
rendre compte de l'action favorable des injections sous-cutanées
d'éther dans la syncope et de l'action hypnotique de la morphine,
en même temps que des accidents consécutifs à sa pénétration dans
le système veineux. G. D.
XXIX. Valeur pathologique DES ganglions DE CASSER lenticulaire,
spinal ET cardiaque. (On the pa</tO/0.') : M value of the Gasserian,
lenticular, spinal, and cardiac ganglict); par Hale W111TE. (Drain.,
vol. LI, oct. 1890.)
Le ganglion de Gasser a été examiné dans trente-six cas de mala-
dies diverses, et l'on a trouvé quelques altérations de ces éléments
nerveux ainsi que de petites hémorrhagies; dans un cas d'herpès
du trijumeau, Wyss et Kaposi ont trouvé de la névrite de ce gan-
glion. Quant au ganglion lenticulaire, les altérations de ses cellules
paraissent avoir une grande valeur. Les troubles du ganglion spinal
ont été vus dans un cas d'herpès soster. Des lésions du ganglion
cardiaque ont été trouvées en différents cas : anévrysme de l'aorte,
hypertrophie du coeur, rétrécissement mitral, maladie de Bright,
tuberculose. PAUL BLOCQ.
XXX. DE l'incertitude CONVULSIVE DES pupilles (hippus) dans LES
affections du système nerveux central; par 0. Damsch. (Neurol.
Centralbl., 1890.)
Les lignes visuelles étant parallèles (regard au loin) et l'intensité
de l'éclairage ne variant pas (lumière diffuse du jour), les pupilles
des individus sains conservent une largeur constante; celles des
nerveux subissent une série de rétrécissements et de de dilatations
d'une ou deux secondes. C'est l'hippus. On le rencontre en tant que
phénomène autonome, indépendant d'autres anomalies oculaires,
dans la sclérose en plaques, et les affections cérébrales en foyer
chez les neurasthéniques, il est proportionnel au degré del'excita-
bilité du malade. Il coïncide avec l'exagération du réflexe tendi-
neux palellaire et s'accompagne d'hyperexcitabilité réflexe des
pupilles, tandis que la catalepsie de l'iris marche de pair avec l'ab-
sence de réflexe tendineux du genou. P. Keraval.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 399
XXXI. HISTOLOGIE DES grandes CELLULES des cornes antérieures
par P. KEONTH.,L. (Neurol. Centnnlbl., 1890.)
On emprunte à la pièce à examiner gros comme une petite tête
d'épingle, et on le place sur le porte-objet; on le couvre du
couvre-objet et l'on comprime de façon à l'étaler en une mince
couche. On instille sur le bord du couvre-objet une goutte d'une
solution de bleu de méthyle à 0,5 p. 100; on souJève ! légèrement le
couvre-objet jusqu'à ce que, par capillarité, toute la préparation
soit imbibée, ce qui a lieu en une demi-minute à une minute. On
absorbe l'excès de matière colorante à l'aide de papier-filtre, on
détache avec prudence le couvre-objet du porte-objet, et l'on fait
sécher à l'air la préparation qui adhère à l'un des verres. Au bout
de cinq à dix minutes on monte dans le baume.
Par ce procédé, on voit que : 1 les cellules nerveuses des cornes
anlérieures n'ont pas de granulations ; 2° elles servent à conduire
l'excitation d'une fibre à un grand nombre de fibres.
Du moins, chez le lapin, on suit tel prolongement, qui a une
structure fibrillaire indéniable, jusqu'à la cellule ; ces fibrilles,
on ne les retrouve plus sur un autre prolongement de la même
cellule. Chez l'homme, il existe des granulations en groupes, soit
dans les prolongements, soit dans les cellules, granulations rondes
ou fusiformes qui sont le produit de décomposition des fibrilles.
P. KERAVAL.
XXXII. Du FAISCEAU ANORMAL DU BULBE DE HENLE ET PICE; parK. SCDAF-
FER. - Des faisceaux anormaux du bulbe; par P. I(noNTUAL.
(Neurol. Centralbl., 1890.)
Tout ce que Pick a dit du faisceau de Henle et du sien est vrai,
excepté quant à l'origine. Son faisceau vient non des derniers ves-
tiges des cordons latéraux, mais de ceux des cordons postérieurs.
Il fait communiquer le corps restiforme avec les débris du cordon
postérieur ou noyau de Burdach (figures à l'appui).
Le contingent des fibres du corps restiforme émanées des cordons pos-
térieurs est considérable. Il reçoit à l'endroit spécifié, deux espèces de
fibres : des fibres croisées et des fibres directes. Abstraction faite des
fibres arciformes postéro-externes qui viennent du noyau du faisceau de
Goll, il reçoit des fibres émanées du noyau du faisceau de Burdach.
Voici des coupes du bulbe d'un individu ayant succombé à une
paralysie bulbaire. (P. Kronthal.) Au milieu du noyau d'origine
de l'hypoglosse ressorlent deux faisceaux (techniques de Weigert)
cylindriques. Le plus volumineux mesure 240 P; il occupe la ligne
médiane du cûté gauche du raphé et est séparé du plancher du
4° ventricule de quatre diamètres égaux au sien. Il est traversé par
les premièresfibresd'entre-croisemeut du raphé. Le noyau deThypo-
400 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
glosse est à ses côtés. Le plus petit (160 la), distant des premiers
d'une étendue d'un diamètre égal au sien, est latéral par rapport
à celui-ci, et occupe une situation plus profonde dans la substance
nerveuse. Plus haut, ces deux faisceaux se rapprochent et fusionnent
en un cordon dont la situation correspond à celle du plus pelit ren-
forcé ; un groupe de cellules occupe l'épaisseur de ce cordon, leur
place correspond au noyau central inférieur quoiqu'il soit pour
cela un peu trop rapproché du plancher ventriculaire
P. IIEtiA\'AL.
1
XXXIII. Sphère auditive ET mouvements DE l'oreille ;
par 1. BACmsl.v. (Neurol. Celzl1'CLIGI., 1890.)
Si l'on soumet à l'action d'un courant électrique l'angle inférieur
du lobe temporal, on provoque l'élévation de la paupière ;et des
mouvements du pavillon de l'oreille du côté opposé. P. K.
XXXIV. Altération DE la bandelette OPTIQUE ET DU serf OPTIQUE dans
les lésions du lobe occipital du cerveau, par C. Moeli. (.-11'Ch.
f.Psych.,XXU,l.) 1.) . ,
Deux observations montrant que les lésions cérébrales du lobe
occipital atteint pendant son développement se traduisent par l'a-
trophie de la bandelette optique et du nerf optique du : côté opposé
une affection eu foyer qui détruit la substance blanche du même
lobe (Obs. 111) détermine la dégénérescence du corps genouillé la-
téral et de la bandelette optique. M. Moeli fait à ce propos remar-
quer que l'artère cérébrale postérieure irrigue non seulement les
lobesoccipitaux et temporaux mais aussi le corps genouillé et le
pulvinar (artériole thalamique externe). , P. K. ,
XXXV.I)'ui'\E excitation trophique de la peau produite par LE courant
galvanique; par Il. KOEBNER. (Neurol. Cerztralbl., 1890.)
Un courant électrique continu faible appliqué du front (anode)
à la nuque (cathode large) a provoqué une sorte de zona suivi d'es-
chare et de taches blanches cicatricielles le long de la branche
cervicale transverse du plexus cervical superficiel. Guérison en
quelques semaines. P. K.
XXXVI. Barbes du CALAMUS (Stria,' acusticæ) ET partie inférieure
du ruban DE REIL; par C. DE MONAKOW. (AI'ch. f. Psych., XXII, 1.)
Chez un chat et chez un chien nouveau-nés, l'auteur a réussi à
sectionner la partie inférieure du ruban de Reil dans le plan
immédiatement postérieur au tubercule quadrijumeau inférieur.
Les animaux ont survécu six mois à l'intervention.
.REVUE D'ANATOMIË ET DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES. 401
L'analyse des lésions consécutives et leur judicieuse interpréta-
tion lui permettent d'affirmer que :
La partie inférieure du rnban de Reil se compose d'une série de seg-
ments de libres appartenant à divers systèmes :
Il 0 ) REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
A. Des faisceaux de fibres blanches fines allant au ruban de Reil
latéral. - il. De grosses libres myéténiques allant au vestige du
cordon autéro-latéral.
H. La face supérieure (dorsale) de la même substance grise donne
de fortes et nombreuses fibres blanches qui s'infléchissent à angle
aigu, vont au raphé et s'entre-croisent en cet endroit avec les trous-
seaux de fibres issus du noyau rouge de la calotte de l'autre côté
(entre-croisement ventral de la calotte de Forel). Puis, de haut en
bas, elles forment un trousseau compact, des deux côté de la ligne
médiane, et se dirigent en dehors; dans le ruban de Reil latéral,
elles descendent et vont aborder, en dehors, le côté externe du
ruban de Reil, à la hauteur de l'olive supérieure; elles sont
situées entre le ruban de Reil et l'origine du facial, et traversent
les trousseaux du corps trapézoïde. A la hauteur de la grosse olive
elles occupent les côtés et la partie supérieure de ce dernier organe
et passent ensuite dans le cordon latéral. , , P. K.
XXXIX. UN cerveau lourd; par OBERSTELeR. (Ccalrulb.
f. Nervenheilk, 1890.)
Cerveau d'un déséquilibré de cinquante-huit ans, ayant dissipé
des millions. Il pèse, dépouillé de ses membranes, 2,190 grammes.
En tenant compte de l'exagération de poids (8 p. 100), produite par
l'absorption du liquide durcissant (bichromate de potasse) on
arrive à 2,028 grammes, c'est-à-dire à un chiffre un peu plus fort
que celui du cerveau de Tourguéniew (2 kilog.). Etat microsco-
pique normal. P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
I. La paralysie générale A Gucrr.; par le Dr PEETERS. (Bztll. de
la Soc. de méd. ment, de Belgiqtie, 18J0.)" ' ' ? ,. '
Il résulte de cette statistique qu'il a été admis à Gheel de 1856 à
1885; 7,656 aliénés et 668 paralytiques généraux, soit un peu plus
de 8 p. 100 du total des admissions. Pour les hommes pris séparé- z
ment, la proportion des paralytiques est de 12 p. 100, pour les
femmes de 4 p. 100." . '
En divisant la période de trente ans comprise dans ces recherches
en trois séries de dix années, on constate que le nombre des admis-
sions, tant des paralytiques que des aliénés en général, suit une
progression lentement ascendante.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALB. 403
Sur ces 668 cas de paralysie générale, aucun n'a été observé
avant l'âge de 20 ans; de 20 à 30, on en a noté 32; de 30 à 40 ans,
181 ; de 40 à 50 ans, 270; de 50 à 60 ans, 43 : i; de 60 à 70 ans, 28,
et au delà de 70 ans, 2.
Les paralytiques mariés étaient au nombre de 372, plus de la
moitié du chiffre total, ce qui se comprend aisément, l'âge auquel
se développe de préférence la paralysie générale étant également
celui où l'on est le plus souvent marié. Il ne faudrait donc pas
s'appuyer sur ces chiffres pour admettre un rapport de causalité
entre le mariage et la folie paralytique. ' G. D.
Il. Syphilis ET paralysie générale; par le Dr CUYLITS. (BüLi. de la
Soc. de méd. ment. de Belgique, 1890.)
III. Surmenage ET folie paralytique; par le Dr CU1'LITS.
La conclusion qui se dégage de ces deux travaux peut se for-
muler ainsi : « Le surmenage, les traumatismes, les abus d'alcool,
de tabac, etc., ne produisent rien chez l'homme sain; ils produisent
une aliénation quelconque chez l'héréditaire nerveux; ils pro-
duisent la paralysie générale quand cet héréditaire est syphilitique
de naissance ou qu'il le devient plus tard. » Il résulte donc de cette
conception pathogénique que pour constituer la paralysie générale,
deux éléments sont nécessaires : l'hérédité d'abord et la syphilis
ensuite.
La statistique qui a servi de base il cette théorie ne porte que sur
les 30 paralytiques généraux de l'asile d'Evère (19 hommes et
11 femmes). Sur ces 30 paralytiques, 13 avaient eu certainement
la syphilis, chez 8 la syphilis était seulement probable, et chez les
9 autres rien n'autorisait à en supposer l'existence. G. D.
IV. NOTE sur la paralysie générale D'ORIGINE syphilitique; par
le Dr CAMUSET. (Ann. nzédico-psychol., février 1891.)
La question des rapports de la syphilis avec la paralysie gêné*
raie est l'ordre du jour : d'un intérêt majeur évident, aussi bien
au point de vue doctrinal qu'au point de vue pratique, elle ren-
ferme plusieurs points délicats à élucider et la difficulté consistera
presque toujours à savoir si, oui ou non, les paralytiques généraux
ont eu la syphilis. ' ,l
Il est probable que des statistiques bien faites permettront d'élu-
cider un des points importants de la question : « La syphilis est-elle
un facteur étiologique de la paralysie générale ? » Encore ces sta-
tistiques ne peuvent-elles être menées à bien que par des obser-
vateurs voyant passer annuellement sous leurs yeux 'un grand
nombre de nouveaux malades et, dans ce genre de recherches, il
est nécessaire que les observations soient prises par la même per-
40t REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
sonne, car il serait à craindre, autrement, que des facteurs plus ou
moins dissemblables soient réunis, confondus, et additionnés
ensemble : une preuve du bien fondé de cette crainte est fournie
par'les écarts incroyables dans les chiffres donnés, à ce sujet, au
dernier Congrès de Rouen.
L'auteur, dans un essai de statistique, a trouvé que nombre de
paralytiques généraux n'ont jamais eu la syphilis, mais que, d'autre
part, les paralytiques généraux ont des antécédents syphilitiques
plus souvent que les autres aliénés.
Mais ce travail apporte plus particulièrement une contribution
d'un autre genre à l'étude des rapports de la syphilis et de la para-
lysie générale : quand la syphilis précède de peu le début de la
paralysie générale et qu'on est naturellement porté à lui attribuer
une influence étiologique réelle, la paralysie généialese distingue-
t-elle par quelques caractères tranchés ? Il semble qu'il en soit
ainsi.
D'une série d'observations, dont deux, particulièrement instruc-
tives à cet égard, dans lesquelles la syphilis avait précédé d'un an
le début de la paralysie générale et où la durée de l'affection a été
respectivement de douze et treize ans, l'auteur tire, sous toutes
réserves, du reste, les conclusions suivantes :
1° La lenteur de l'évolution s'observe particulièrement dans les
paralysies générales que l'on a le plus de raison de considérer
comme étant provoquées parla syphilis.
2 A ce caractère principal s'ajoutent, quoique d'une façon moins
constante : la fréquence et la durée des rémissions et la forme
démentielle pure ou la forme mélancolique, plutôt que la forme
expansive. E. BLIN.
Y. Lipomes symétriques multiples chez UN paralytique général;
par le Dr Targowla. {Annales médico-psychologiques, mars 189).) .)
Il s'agit d'un homme de quarante-deux ans, paralytique général
à la première période et chez lequel on a constaté l'existence de
tumeurs graisseuses arrivées à un développement plus ou moins
complet, disposées d'une façon symétrique dans plusieurs régions
du corps. Les régions zygomatiques, mastoïdiennes, mentionnière,
claviculaires, deltoïdiennes et sacrées en sont le siège. La consis-
tance de ces tumeurs varie : elles sont molles, difiluentes, dépres-
sibles dans certaines régions, résistantes, lobulées dans d'autres;
une de ces tumeurs a une consistance fibreuse.
Le développement généralisé de ces tumeurs et surtout leur dis-
position symétrique permettent de croire qu'on se trouve ici en
présence de tumeurs de nature analogue aux pseudo-lipomes symé-
triques d'origine névropathique qu'on observe chez les tabétiques
et les individus atteints de névralgie tenace : l'union fréquente
REVUE *DE PATHOLOGIE MENTALE. ' 405
de l'ataxie locomotrice et de la paralysie générale vient encore jus-
tifier cette opinion. ". ,
En sorte que ces pseudo-lipomes symétriques constituent chez
ce malade un trouble trophique survenu à titre de symptôme épi-
sodique au cours d'une paralysie générale. E. B. z
VI. Contribution A l'étude DE la paralysie générale considérée
chez LES arabes; par le Dr 1VEILIiON. {Annales médico-psychol.,
juin 1891.)
La paralysie générale est-elle, comme on l'a dit, un résultat des
progrès de la civilisation et certaines races sont-elles réfractaires à
la maladie ? telles sont les questions à la solution desquelles
M. Meilhon apporte quelques données nouvelles en étudiant la para-
lysie générale chez les Arabes. '
Du le, janvier 1860 au 31 décembre 1889, sur 498 Arabes entrés à
l'asile d'Aix, 13 seulement étaient paralytiques généraux, soit une
proportion de 2,61 p. 200;-d'où cette première conclusion que la.
paralysie générale est très rare chez les Arabes, ce qui tient peut-
être à l'idiosyncrasie de la race, peut-être aussi à leur existence
exempte d'ambition, à leurs préceptes d'hygiène et en particulier la
prohibition des boissons alcooliques.
Or, en étudiant de plus près la statistique des entrées, année par
année, on voit que du Il, janvier 1860 au 31 décembre 1876, c'est-
à-dire en dix-sept ans, sur 245 Arabes entrés, il n'y avait pas un
seul paralytique général, tandis que de 4877 à 1889, parmi les
253 Arabes entrés, se trouvent 13 paralytiques généraux. >
Pendant ces 12 dernières années la proportion se trouve donc
ramenée à 5,13 p. 100, ce qui est encore un chiffre très faible.
Quel est donc le facteur étiologique assez puissant pour avoir
provoqué chez nos Arabes une maladie à laquelle ils semblent avoir
échappé jusqu'en 1877. , , r
Tout d'abord, à partir de 1877, en même temps qu'apparait la
démence paralytique, se montre une progression croissante dans
les cas d'alcoolisme. De plus, si on fait le relevé des professions des
malades, on voit que, par leur profession, les Arabes qui sont devenus
paralytiques généraux avaient rompu avec l'existence amollie des.
Arabes pour se mêler à la vie cérébrale des Européens, adoptant
leurs moeurs, leurs habitudes, leurs excès, préparant ainsi un ter- r
rain pathologique favorable au développement de la paralysie,
générale. , Il .11 t'I ? > » 1
En résumé : 1° la paralysie générale est rare chez les Arabes et.
elle revêt surtout la forme maniaque; .i ,. ; , ,'
2° Bile ne parait pas antérieure à 1877; . ( '. t
3° La qualité de ceux qui en sont atteints est une nouvelle'
preuve que la paralysie générale est surtout une maladie de la -
civilisation. E. B.
406' REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. ,
VII. DE LA FRÉQUENCE RELATIVE DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE CIIFZ LES
laïques ET CHEZ LES religieux; par le Dr BOUCIIAUD. {Annales
médico-psychol, juin 1891.)
L'étiologie de la paralysie générale est, malgré les documents
accumulés, le chapitre le plus obscur de son histoire.
M. Bouchaud, au lieu de relever, comme cela se fait habituelle-
ment les circonstances qui favorisent le développement de cette
maladie, s'est proposé d'établir que, dans certaines classes de la
société, elle se montre exceptionnellement : le champ d'observa-
tions se trouvera ainsi circonscrit dans d'étroites limites et pour
découvrir ce qui lui donne naissance, il suffira d'interroger un
petit nombre de faits et de rechercher dans chacun d'eux ce qui en
fait une exception Il la règle.
Or, d'après les statistiques des asiles qui reçoivent un nombre
relativement assez élevé de religieux, l'asile de Lommelet, l'asile
de Lehon, près Dinan, et un asile de Lyon, tous tenus par les frères
Saint-Jean-de-Dieu, J'auteur a trouvé que, tandis que chez les,
aliénés ordinaires on constate 27,75 p. 100 de paralytiques géné-
raux, on n'en voit que 2,4 p. 100 chez les aliénés religieux.
Une première conséquence tirée par l'auteur de la rareté de la
paralysie générale chez les religieux est que la nature de cette
maladie et celle des autres formes de la folie sont essentiellement
distinctes. Celles-ci en effet demandent pour se développer un ter-
rain spécial et, le plus souvent, on constate l'existence d'une pré-
disposition héréditaire comme cause prédominante. Or, les reli-
gieux ne sont pas indemnes de cette prédisposition héréditaire,
aussi observe-t-on assez souvent chez eux comme chez les laïques
des cas d'aliénation mentale simple. Donc, s'ils sont rarement
atteints de paralysie générale, cela tient à ce que cette maladie
résulte de causes particulières et que l'influence héréditaire joue
un faible rôle. ·
Ces causes spéciales, déterminantes, ne paraissent pouvoir être
attribuées qu'au genre de vie et la vie religieuse diffère à cet égard
notablement de la vie commune, nous dit M. Bouchaud.
On s'accorde à reconnaître que les professions libérales, exigeant
souvent des travaux intellectuels excessifs, du surmenage, fournis-
' sent à la paralysie générale son plus fort contingent : et pourtant
'les religieux, bien qu'ils fassent partie des professions libérales
sont très rarement atteints de paralysie. Les professions libérales
ne sont donc pas par elles-mêmes une cause déterminante de cette
affection. Que trouvons-nous parmi les autres causes de la para-
lysie générale ? ' !
Les excès vénériens. Cette opinion, qui est celle de la grande
majorité' des aliénistes, se trouve confirmée par la statistique,
puisque la paralysie générale est très rare chez les religieux qui
pratiquent la continence, c'est un fait de notoriété publique.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 407
Bien qu'on soit loin de s'entendre sur le degré de son influence,
il n'en est pas moins certain que la syphilis est reconnue comme
une des causes de la paralysie générale.
Or, elle est, c'est bien entendu, exceptionnelle parmi les religieux
et l'on est amené à conclure que l'opinion qui fait jouer à la
syphilis un grand rôle dans la production de la paralysie générale,
est celle qui se rapproche le plus de la vérité.
Comme la syphilis, l'alcoolisme est susceptible de donner nais-
sance soit à une paralyaie générale vraie, soit à une pseudo-para-
lysie générale. Or, si l'alcoolisme est une des causes de la paralysie
générale, on comprend que cette sorte d'intoxication ne se présen-
tant pour ainsi dire pas chez les religieux, il doit en être ainsi de
la paralysie générale.
En somme il résulte des statistiques produites que chez les reli-
gieux la paralysie générale est excessivement rare et il ne semble
pas que cette rareté exceptionnelle puisse se trouver ailleurs que
dans la manière de vivre particulière à l'état religieux.
Comme corollaire, on est autorisé à considérer les excès véné-
riens, la syphilis et l'alcoolisme, très rares chez les religieux, comme
les trois facteurs qui contribuent le plus efficacement au développe-
ment de la paralysie générale. E. B.
VIII. Observation DE folie ÉROTIQUE avec autopsie; par le
Dr HOSPITAL. {Annales médica-psychol" fév. 1891.)
Il s'agit d'un homme de soixante ans, présentant un certain
degré de débilité mentale et ayant encouru toute une série de con-
damnations pour des actes empreints d'un caractère d'immoralité
instinctive révoltante. Les actes reprochés à S... ne revêtent par eux-
mêmes aucun caractère de folie et son interrogatoire ne révèle
au premier abord rien qui puisse faire admettre l'irresponsabilité.
Mais un examen plus approfondi montre le contraste frappant
entre l'individualité de S... qui est d'une virilité médiocre tant au
physique qu'au moral et cette série de laits monstrueux, accomplis
brutalement, sans la moindre précaution, à la vue du public, per-
pétrés comme sous l'influence inconsciente d'une impulsion irré-'
sistible, d'une façon irrégulière, à de rares intervalles; de plus il
existe une amnésie complète, non simulée, des actes commis et si à
cela on ajoute que S... a présenté au cours de son existence quel-
ques crises qui devaient être épileptiques, d'après celle qu'il a été
permis d'observer à l'asile, on peut conclure que S..., lors de ses
déportements, était sous l'influence d'une aura névropathique de
nature épileptiforme et par conséquent irresponsable.
Interné d'office, le malade tomba peu à peu dans un état de dé-
mence presque complet, puis succomba presque brusquement' sous
l'influence d'une attaque comateuse.
408 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
, A l'autopsie : foyer hémorrha-ique ancien à la partie inférieure
du lobe antérieur gauche du cerveau, large de deux centimètres,
profond de un centimètre. Un deuxième foyer analogue, mais plus
petit, à la face inférieure du lobe moyen gauche. Puis, comme
lésions récentes : une congestion généralisée de la substance blan-
che avec ça et là, en arrière, de petits foyers apoplectiques gros
comme un grain de millet, mais surtout une hémorrhagie céré-
belleuse de la partie antérieure du lobe cérébelleux gauche où se
trouve une anfractuosité de la dimension d'une noisette, d'où le
sang a fusé dans le quatrième ventricule. ,
Les lésions anciennes indiquent qu'il y a eu des congestions
cérébrales ayant très bien pu être suivies temporairement d'exci-
tation maniaque, se traduisant par des actes, et ayant à la longue
déterminé la démence. Quant à l'hémorrhagie cérébelleuse, elle
fait admettre que cet organe pouvait bien être malade depuis
longtemps et cette double impulsion pouvait alors se tourner vers
l'érotisme, à certains moments. E. B.
IX. AMENTIA (démence aiguè) ou désordre incohérent 'des IDÉES
- (VelwÏ1'1'theit) synonymes : DÉLIRE SYSTÉMATIQ UE GI¡NÉRAL AIG (; (W ahn-
sinn); manie; manie avec FUREUR (Tobsucict) mélancolie avec
agitation; mélancolie STUPIDE des auteurs; par Ch. Meynert,
(Jah2,bücherf. Psychiat., IX, 1 et 2.)
Le titre' dit assez que le savant professeur de Vienne entend ran-
ger sous une même étiquette l'ensemble des syndromes énumérés.
Des hallucinations, des illusions provoquent des espèces de som-
niation qui dès le premier coup troublent le mécanisme des asso-
ciations d'idées et subordonnent les images corticales principales
aux images corticales secondaires par la sollicitation des centres
sous-corticaux, ces centres travaillant toujours en raison inverse
des centres corticaux. L'épuisement des fonctions cérébrales est le
générateur de cette interversion. Suivant le terrain morbide pré-
domine ultérieurement tel ou tel élément psychopathique dans le
complexus en question. C'est pourquoi la dissociation de l'idéogé-
nèse ou Yerwirrtheit s'accompagne plus ou moins de délire, d'hallu-
cinations, de dépression, d'agitation, de stupeur. L'hérédité en est
le facteur le plus certain, joignez-y toutes les causes physiques, in-
tellectuelles et morales de surmenage. P. K.
X. DE l'ostéomalacie ET DE l'aliénation mentale; par J. WAGNER.
(Jahrbuech. f. Psychiat., IX. 1 et 2.)
Sur 1,500 aliénés de la clinique psychiatrique de Vienne (six ans
1 Voyez Archivesde Neurologie, t. XIX, p. 422; XVII, p. 312; XIII p.314
et VII, p. 393.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 409
d'observation) l'auteur a trouvé six ostéomalacies (5 F. 1 IL) dont
l'affection organique avait passé inaperçue. C'est tout ce qu'il
peut dire. P. K.
XI. DES psychoses dans la tétanie; par DE CRANRL-HOCH\V : 1RT.
(Jahrbuech. f. Psycle., IX., 1 et 2.) ,
Tétanie de Corvisart. Trois observations. Après quoi aliénation'
mentale; puis disparition simultanée de latétanie et de la psychose.
La tétanie n'est pas simplement une affection spinale; en effet on
observe bien souvent de la mydriase, du myosis, de l'inégalité pu-
pillaire, de la neurorétinite, de la céphalalgie, du vertige, des hé-
bétudes, des angoisses nocturnes, desattaques épileptoïdes, surtout
dans la tétanie consécutive aux extirpations de goitres. P. K.
XII. DE la FOLIE systématique {VerrùcUtheil) ' , mélancolique;
par H. SCHLOESS. {Jahrbuech, f. Psch., IX., 1 et 2.)
État morbide caractérisé par la systématisation, la cristallisation'
d'idées délirantes fixes. Quatre observations raisonnées. P. K..
XIII. Des psychoses consécutives aux opérations pratiquées SUR LES
YEUX; par DE Frankl-Hochwart. {Jahrbuech. f. Psych. IX, 1 et 2.)
Trente et une observations empruntées à la clinique psychiatri-
que de Vienne ou de Dobran. A la suite d'extraction de cataractes'
ou d'interventions opératoires pour glaucome, on a vu survenir un
désordre dans les idées avec hallucinations et angoisses terribles,
qu'il y ait ou non alcoolisme, marasme et misère physiologique.-
Ces psychoses consécutives sont proportionnellement plus fré-
quentes que celles qui succèdent à une opération chirurgicale
quelconque; le chloroforme et le shock traumatique n'ont évidem-
ment rien à faire dans l'espèce. L'auteur incrimine l'excitation des
rameaux oculaires sensitifs, la cécité agissant comme cause morale,
et le séjour dans l'obscurité. P. K.
XIV. DE l'influenza dans SES rapports avec LES névropathies ET
LES psychopathies; par VAN Deventer (Cetttralbl. f. lVeT7)cnltcilk.
Internat. Monatschrift. N. F. 1. 1890). Névroses ET psychoses
consécutives A l'influenza; par SOLLHRIG. - Battements DE COEUR
NERVEUX consécutifs A l'influenza; par R3fIRING. Angine DE
POITRINE CONSÉCU'fIVE A 1'1NPLUEN7,.4; par ROEIIRING.(Neurol.Centl'albl.,
1890). -DES psychoses consécutives A l'influenza; par f.MISPEL-
baum. (Allg. Zeitschr. f. Psychiat. XLVII, 1.)
En somme, plus de trente-cinq observations. L'influenza pro-
1 Comparez dans les Archives de Neurologie, t. XIX, p.418, le mémoire
de Werner, t. XVIII, p. 312; t. XIII, p. 31 E ; t. VIII, p. 393.
410 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
voque-t-elle ou aggrave-t-elle une névrose ou une psychose préexis-
tante ? MM. Deventer et Mispelbaum croient que l'influenza cons-
titue le coup de fouet donné à l'action de tares héréditaires ou de
prédispositions préalables; il faut tenir compte également de l'in-
toxication alcoolique préexistante, des complications pneumoni-
ques. En résumé, il n'y a pas, d'après eux, d'influenza encéphalique
pure pas plus qu'il n'y a de psychoses puerpérales essentielles.
Sans doute l'influenza agit sur le cerveau comme la toxhémie typhi-
que, mais chez des sujets prédisposés. Les cas de Roehring témoi-
gnent d'une déchéance physiologique (hyponutrition) retentissant
sur les conducteurs nerveux. P. K.
XV. CONTRIBUTION A la pathogénie DE la FOLIE circulaire;
par W. SCHUBERT. {Neurol. Centralbl., 1890.)
Meynert dit : La manie, due à une hyperémie fonctionnelle de
l'écorce, peut être occasionnée par un défaut d'innervation du cen-
tre vasculaire qui entraîne une dilatation artérielle. L'hyperémie
par dilatation agit aussi sur le eenlre¡vaseulaire qui, récupérant son
énergie, pour un instant au moins, surexcite les vaso-moteurs ;
ceux-ci mettent un frein au courant irrigateur; l'écorce subit une
dénutrition, de là la mélancolie.
Voici deux observations : qui révèlent l'existence de processus
vaso-paralytique; accès d'asthme pendant le stade maniaque.
P. K.
XVI. D'une maladie DE famille TOUTE spéciale ayant revêtu la
FORME DE démence progressive, avec lésions AN ATOMIQUES parti-
culières; par E.-A. HOMES. (Neurol. Cenlralbl., 1890.)
Début aux âges de vingt, vingt et un, douze ans. Durée : six à
sept ans. Vertiges, lourdeur de tête, douleurs céphaliques, fatigue
générale, diminution de l'appétit, affaiblissement progressif des
facultés et de la mémoire, incoordination des mouvements, tituba-
tion, parole pâteuse indistincte, finalement démence complète,
raideur, puis contracture des membres ramenés contre le ventre,
salivation, dysphagie, tremblements. L'autopsie révèle : des adhé-
rences de la pie-mère avec le cerveau antérieur, une atrophie indé-
niable des circonvolutions principalement des ascendantes, des
plaques blanchâtres dans les parois de la sylvienne, et des foyers
de ramollissement dans les deux moyens lenticulaires. On trouve,
au microscope, une atrophie des cellules de la deuxième couche
(ascendants et troisième frontale), un léger degré d'épaississement
de la névroglie, de légères altérations vasculaires (réplétion extraor-
dinaire des vaisseaux, prolifération des cellules de leurs parois),
une diminution médiocre des fibres tangentielles (couche externe)
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 411
et peut-être aussi des fibres qui coupent les faisceaux de la cou-
ronne rayonnante. Endartérite circonscrite de l'artère basilaire et
de la sylvienne gauche. Intégrité de la moelle. Cirrhose hépatique
fréquente à la période d'atrophie (épaississement des parois vascu-
laires) ; macrosplénie (endartérite de l'artère splénique). P. K.
XVII. L'anatomie pathologique DE la démence paralytique;
par E. MENDEL. (Neurol. Centralbl., 1890.)
Revue des altérations de la névroglie, des vaisseaux, des cellules,
des fibres nerveuses, des lésions de la moelle, comparées aux altéra-
tions que l'on trouve dans le cerveau des chiens soumis à l'action
de la force centrifuge.
Conclusions : Dans l'état actuel de la science, la paralysie générale a
pour substratum primitif une lébion des parois vasculaires qui entraîne
l'hypérémie, le stase, la diapédèse des globules rouges, l'inflammation
de la névroglie; secondairement, les éléments nerveux sont détruits.
C'est une encéphalite interstitielle diffuse terminée par de l'atrophie
cérébrale. ' P. K.
XVIII. QUELQUES MOTS sur l'association DES névroses fonctionnelles
AVEC DES AFFECTIONS ORGANIQUES DU SYSTÈME NERVEUX ; par
H. OPPP : NHEI3f. (Neurol. Cenltwlbl., 1890.)
L'auteur étudie l'association des symptômes de l'hystérie avec la
gliose spinale, la syphilis cérébrale, la paralysie faciale périphé-
rique. En revanche l'hystérie pure peut, par action réflexe, produire
des symptômes corticaux en apparence. L'embarras est souvent
grand, même quand on appelle à son aide l'hypnotisme qui semble
debarrasser le malade ou la malade de troubles organiques, en
faisant intervenir l'action de celles des fibres qui ne sont pas encore
totalement détruites. P. K.
XIX. UN cas DE paralysie DE PLUSIEURS NERFS crâniens ;
par E. Mindel. (Neurol. centralbl., 1890.)
Paralysie du facial et de l'oculomoteur communs d'un côté; ori-
gine rhumatismale. P. K.
XX. Manie transitoire; parScuwAss. (Allg. Zeitsch. f.
Psych., LVII., 1.)
La manie à courte évolution, dont on ne trouve pas clairement
l'étiologie, est une affection épileptique; c'est dans cette direction
qu'il faut poursuivre les recherches. Si on ne trouve rien, on ne
perdra pas de vue le malade , tôt ou tard, on trouvera la preuve
de cette assertion. P. K.
412 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XXI. CONTRIBUTION A la pathologie générale ET A la pathogénie DE la
folie; par A. FAUSER. (.Ilg. Zeitsch.f. Psych., XLVIL,1.)
Il est impossible, dès le principe, de rattacher l'aliénation men-
tale à des lésions physiologiques ou anatomo-patholoiques. Il
faudrait bien connaître la physiologie normale dans ses rapports
avec l'anatomie du cerveau. P. K.
XXII. De L'INFLUENCE DE l'onde DES courbes menstruelles sur
l'évolution DES AFFECTIONS cÉnÉJJRO-PSYCIIIQU¡ : S; par SCUUELE.
(Allg. Zeitsch. f. Psych., XLVII, 1.)
Il existe réellement des folies périodiques menstruelles; les
interruptions de la crise psychopatique correspondent exactement
au milieu de la phase intermenstruelle. Il existe aussi des faits de
pseudo-stupeur qui se modifie à certaines phases de l'époque inter-
menstruelle ; l'arrivée du flux menstruel correspond souvent à la
cime de l'onde qui trace l'évolution psychopatique, qui dessiné la
transformation brusque d'une mélancolie en manie, d'une exalta-
tion maniaque en stupeur. C'est ce que nous apprend l'analyse
comparative des deux espèces de tracés. P. K.
XXIII. Observations sur LE suicide; par J. THOMsoN. Archiv.
f. Psychiat. XXII, 1.) .
Le suicide n'est pas si volontaire qu'il le peut paraître, notam-
ment quand la vie dure. Il existe des causes prédisposantes telles
que l'hérédité, l'imitation. S'il s'agit de la suicidomanie chronique,
ce sont la sénilité, la folie (principalement la lypémauie et la dip-
somanie), l'hérédité, la race qui préparent le terrain psychique; la
siticidontvtie aiguë résulte de la manie transitoire, des obsessions
des impulsions des onanistes et des nostalgiques. ,
statistique DE l'auteur
SOCIÉTÉS SAVANTES. 413
. Au point de vue pratique, il est exceptionnel de ne pas trouver
dans les familles des suicidés de tare héréditaire. Il existe en revan-
che beaucoup de familles dont les membres, quoiqu'ils ne soient
pas normaux, ne se suicident jamais; si quelques-uns manifestent
pour une raison ou pour une autre une idée de suicide, il faut les
interner dans un asile. P. K.
SOCIÉTÉS SAVANTES
CONGRÈS DE LI SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE LA PROVINCE
DU RHIN
QUARANTE-CINQUIÈME SESSION A DONN. 1.
Séance du 28 juin 1890. Présidence DE M. PEL111N.
M. PRiE. Un cas d'aliénation mentale dans la névrite multilocu-
laire. C'est une observation à l'appui de la thèse de Iiorsahow=..
M. ScumTZ. - De l'aliénation mentale consécutive l'influenza'.
Mémoire publié.
Discussion. - M. Pklman. A l'asile de Bonn, l'influenza n'a pas
amélioré l'aliénation mentale; plusieurs paralytiques sont morts
de pneumonie. Nous avons reçu douze malades qui devaient leur
psychopathie à l'influenza; on constata : affaiblissement des facultés
intellectuelles, slupidité, propos absurdes, comme dans les délires
d'inanition, mais pronostic défavorable; en effet l'amélioration ne
fut que très lente et, presque toujours, il 3·eut des rechutes. Ces
observations ont été consignées dans le travail de ! lIispelhaum '.
M. NOETEL a observé à l'asile d'Andel'l1ach six cas de psychose
consécutive à l'influenza; dans trois cas, l'influenza joua simple-
ment le rôle d'une cause occasionnelle. L'action réelle de l'influenza
reste d'ailleurs bien obscure; en effet, l'influenza a atteint le quart
de la population de l'asile, elle a sévi en ville sur bien des individus
1 Voy. Archives de Neurologie, t. XX, p. 118.
' Id., t. XX, p. 73.
' /d., Revues analytiques.
` ld., lof. ..
1 \ SOCIÉTÉS SAVANTES.
prédisposés, et cependant on n'a pas remarqué de manifestations
ayant pu être imputées à cette affection. En revanche, plusieurs
personnes décrépites sont mortes de pneumonie.
M. OEUE6E. Mon expérience et ma façon de voir sur le rapport
et l'influence réciproques de l'influenza et des psychoses se rangent
sous trois chefs principaux : 1° L'influenza a-t-elle produit l'aliéna-
tion mentale ? .
En aucun cas, elle n'a suffi à déterminer la folie; elle a donné
un coup de fouet à d'autres facteurs (causes psychiques; tares
héréditaires). - 2° Comment l'influenza a-t-elle agi chez les
aliénés ?
Elle n'a guère exercé de modifications que celles que produit la
fièvre. Il n'y a qu'un paralytique en rémission qui en ait ressenti
d'indéniables bienfaits. 3° Qu'enseigne la bibliographie sur cette
question ? Rien de précis.
M. SCIlI\OETER. -Cuuatelle des aliénés et procédure de l'interdiction.
Une longue pratique de l'assistance judiciaire des aliénés et le grand
nombre d'interdictions qu'il a vu prononcer à Eichberâ autorisent
l'orateur à demander de substituer la curatelle à cette mesure radi-
cale. Cette dernière coûte d'ailleurs trop cher; en second lieu elle
est difficile à lever; enfin elle ne vaut pas la curatelle qui, n'étant
que temporaire, permet de préserver les intérêts des malades tout
aus=i bien que l'autre, en même temps qu'elle cesse aussitôt que
l'aliéné a reconquis la raison.
Discussion. M. PELMAN appelle l'attention du Congrès sur les
dispositions adoptées à cet égard dans le projet de loi dit de la révi-
sion de la loi de 1838 en France.
M. Hertz. Des locaux de séclusion. Laséclusion, ou l'isolement,
peut se faire non pas seulement à l'aide de la cellule (slrong room
des Anglais) mais aussi à l'aide de locaux moins terribles quoique
aussi bien disposés pour la sécurité des malades {single room). Les
unes et les autres conviennent aux aliénés violents, malpropres,
prompts à se faire du mal, mais je prescrirais plus volontiers la
cellule aux hommes, les petits locaux aux femmes.
Du reste, ce n'est pas un malade sur dix qu'il fautisoler. C'est un
sur cinq, c'est-à-dire 20 p. 100. Par conséquent les asiles actuels
sont bien loin de remplir ce desideratum; aussi y a-t-on dis-
posé, en outre des quartiers cellulaires proprement dits, des
chambres d'isolement, jusque dans les sections de tranquilles; de
cette façon on a en réalité doublé et davantage le nombre des
cellules.
Mais il est très difficile de construire un quartier cellulaire dans
lequel on n'entende aucun bruit, on évite les souillures des malades,
on sache, tout en les isolant, leur dispenser l'air et la lumière à
profusion. Il faut rejeter la forme linéaire, et surtout le corridor
SOCIÉTÉS SAVANTES. 41o
qui s'ouvre sur une cellule de chaque côté. On n'adoptera pas
davantage l'enclavement de la cellule entre deux corridors; il est
enfin impossible de bien surveiller la maisonnette isolée munie à
ses angles d'une salle du jour et d'une chambre à coucher, entourée
de sa courette. Ce qu'il faudrait, c'est briser une enfilade rectiligne
en un ou deux angles droits, de façon à obtenir un double front avec
une double rangée de cellules, chaque série de cellules s'ouvrirait
sur un seul corridor; mais il importerait que chaque cellule fût
bien séparée de sa voisine, qu'elle n'ait avec elle rien de commun,
même en ce qui a trait au chauffage et aux appareils de déjec-
tions.
En ce qui regarde la cellule en soi, voici celle qui par la plupart
de ses éléments nous a réussi depuis vingt ans. Le bâtiment occupe
l'extrémité ouest d'un quartier préexistant et fait une saillie trans-
versale sur le reste de la construction ; tout entier sur cave, il est en
briques massives. Les couloirs donnent accès à une baie de douze
pieds et demi; on pénètre à l'étage supérieur par un escalier incom-
bustible encaissé dans la paroi est et, qui est muni de son entrée
spéciale. Ce bâtiment contient sur sa face ouest quatre chambres
d'isolement; les deux chambres d'angle ont chacune son vestibule
adjacent au corridor. Chaque cellule du rez-de-chaussée mesure
14 pieds de haut, 16 de profondeur, 13 de large; on y peut mettre
commodément deux lits en long.
Nous nous servons d'une fenêtre à hautes parois revêtue à l'inté-
rieur de lambris de bois, dont le dôme est coupé en deux par une
flèche, elle mesure six pieds de large et six pieds et demi de haut. Au
dehors, elle est grillée, non pas avec un appareil rappelant laprison,
mais par des barreaux qui font corps avec les croisillons ; on y a
placé des stores. Les deux battants se ferment à l'aide de verroux
à bascule; ils ont chacun neuf vitres fumées. Le volet intérieur
de la fenêtre, obliquement disposé, est à sept pieds au-dessus du
sol de la chambre. L'embrasure intérieure de la fenêtre est pro-
tégée par un cadre à charnières dont les panneaux sont de toile
métallique; il glisse le long des lambris et n'intercepte pas l'air,
car, entre lui et la fenêtre, il existe un espace qui permet de la
laisser entrouverte. ,
Directement en face de cette fenêtre à dôme, se trouve l'orifice
de la porte qui mesure 3 pieds de long et 6 pieds et demi de haut.
Deux organes le ferment à la distance de l'épaisseur du mur. La.
porte intérieure qui s'ouvre en dedans se compose de deux feuil-
lets vissés l'un sur l'autre; elle a six panneaux. Les quatre pan-
neaux supérieurs (deux à droite, deux à gauche d'une croix mé-
. diane) sont en fort tissu métallique à mailles étroites. Une tige de
fer en T, assujettit cet ensemble. La porte extérieure, qui s'ouvre en
dehors, est constituée par deux feuillets vissés l'un sur l'autre. Le
feuillet interne est tout à fait lisse; le feuillet externe repré-
416 SOCIÉTÉS SAVANTES.
sente un cadre sans panneaux, le feuillet interne étant en
rapport avec les vides. La première porte est à serrure; la porte
externe à verroux. Les vides de la porte intérieure permettent
l'observation continue; la porte extérieure assure l'isolement com-
plet. Au-dessus de la porte est un judas de 2 pieds de haut et de
3 pieds de large qui ferme intérieurement par un panneau mobile,
et, du côté du corridor, par uu hublot à charnières. On a ménagé
au niveau du sol, près de la porte, un passage par lequel on glisse
une chaise percée; ce passage se ferme à l'aide d'un panneau
grillé. Il peut servir, de concert avec le judas, à pénétrer jusqu'au
malade. L'étage supérieur du bâtiment en question est réservé aux
femmes. Le chauffage des dix cellules se fait simultanément par
l'air chaud.
QUARANTE-SIXIÈME SESSION A BONN.
Séance du 15 novembe 1890. Présidence DE M. Pelman.
M. STEINER. - Du développement des fonctions du cerveau. Nous
nous bornerons à étudier le développement du tronc du cerveau
(développement phylogénique), n'étant pas en état pour le moment
d'étudier les fonctions chez l'embryon, de faire de l'ontogénie.
Chez les poissons osseux, le cerveau n'a pas de fonctions; c'est le
centre visuel qui leur donnela spontanéité nécessaire à la recherche
de leur proie. Chez les vertébrés les plus primitifs, chez les pois-
sons cartilagineux (lessquales), le cerveau tout entier est un centre
olfactif. Les cerveaux antérieurs ou cerveaux proprement dits des ver-
tébrés quelconques étant homologue, il est évident que le cerveau
des vertébrés a pour origine le centre olfactif. D'autre part, tout
centre sensoriel et en particulier les centres sensoriels élevés, sont
identiques à ce cerveau primitif; en d'autres termes, chaque centre'
sensoriel est un cerveau primitif. Enfin, dans la série des vertébrés
on constate, dans la sphère du système nerveux central, une ten-
dance au déplacement des fonctions d'arrière en avant, par suite,
les centres sensoriels des vertébrés inférieurs (cerveaux primitifs),
se transportent graduellement d'arrière en avant sur l'écorce du
cerveau émanée du centre olfactif, et tous les cerveaux primitifs,
jusque là disséminés en diverses parties du cerveau, finissent par se
réunir en une surface commune.
M. ZACFIER. - Deux cas de paralysie générale aiguë. La première
observation concerne un malade qui, après un stade de mélancolie
prodomique de plusieurs mois, fut atteint de paralysie générale qui
évolua en quatre semaines. Chez l'autre malade, la paralysie géné-
rale dura environ deux mois et demi. Dans les deux cas, les vais-
seaux et le tissu interstitiel n'étaient relativement que peu altérés,
tandis qu'il y avait une atrophie considérable et étendue des fibres
SOCIÉTÉS SAVANTES. 417
myéliniques. Il existe donc des cas de paralysie générale ayant
pour substratum anatomique primitif.une atrophie des fibres myé-
liniques.
Discussion. - M. Hertz. C'est un délire aigu. Le trou déchiré
postérieur devait être rétréci, ainsi que je l'ai démontré en pareil
cas. m. PELMAN. Ne serait-ce pas une maladie infectieuse du cer-
veau ? 2
M. Vacher. Le stade prodromique si long chez un des malades, et
l'absence de tout élément infectieux à l'autopsie dans les autres vis-
cères contredit à cette idée. Et d'ailleurs, l'atrophie des fibres myéli-
niques du cerveau n'a, jusqu'à ce jour, pas été rencontrée dans les
maladies infectieuses aiguës. Assertion à l'appui de M. Fr. Schultze.
M. FR. SCIIULTZE. Ce que l'on sait de la formation de cavités
dans le cerveau et la moelle. Voici un jeune homme de dix-huit ans
qui a eu grand'peine à apprendre, et qui, depuis 1886, est atteint
d'épilepsie à crises progressivement violentes; une chute survenue
en août 1888 n'exerça pas d'influence sur les accès. Il entre en
décembre 1888 ; on constate de l'imbécillité, des attaques d'épilepsie,
des symptômes spasmodiques, tels que contractures et convulsions
cloniques dans les bras et les jambes, surtout à droite, dans la
langue, sur toute la face y compris le front. On diagnostique : lésion
du lobe frontal et peut-être de la protubérance, due probablement
à un arrêt de développement. Marasme rapide, mort au bout de
quelques mois. Autopsie : Lacune portant sur les deux premières
frontales et la frontale ascendante, ayant pour limite superficielle
la substance corticale atrophiée d'ailleurs par places. On ne cons-
tate aucun élément qui puisse faire rattacher la lésion à une l1émor-
rhagie, à un gliome résorbé, à un traumatisme. Ce n'est point de la
porencéphalie, car la lacune ne va pas jusqu'à la surface. Reste
l'hypothèse d'un ramollissement chronique sans lésion vasculaire
primigène. Seuls Wernicke et Naunyn ont décrit des faits de ce
genre chez les individus d'un certain âge.
M. PERETTI. Courte communication sur des expériences faites ci
l'aide du chlorhydrate de Piperaidize (spermine). Cette substance
extraite du liquide testiculaire est une double éthylénimine; pure,
elle a cour formule :
418 8 SOCIÉTÉS SAVANTES.
un gramme elle n'est pas toxique. Le patient ressent une brûlure
pendant trente secondes; le lieu de l'injection reste un peu sen-
sible à la pression pendant quelques heures et c'est tout. Il parait
certain qu'elle exerce une action stimulante, qu'elle relève les forces
musculanes (mensurations dynamométriques); le sommeil devient
meilleur, la courbe du pouls s'élève, la ligne de. descente est plus
droite. Elle parait avoir relevé une femme en marasme, faisant
disparaître l'oedème, et lui imprimant une énergie nouvelle; dose :
un centigramme à quinze milligrammes. Mais elle est demeurée
sans action sur les fonctions génésiques. Continuons donc nos essais
principalement chez les aliénés atteints de psychoses d'inanition
et chez les malades déprimés qui se sentent mous et fatigués.
La prochaine réunion aura lieu, en juin 1891. (Allg. Zeilsch.
f. Psych., XLVIII, t, 2.) . ', y P. KERAVAL.
" ..u ? 1 ,
.1 SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN t
t 1 .... 4 , 1
- <. : ...,> t .. .
Séance du 16 mars 4891'. Présidence DE M. LOEHR aîné.
M. Cramer. De l'atrophie du cervelet. Il s'agit d'un épileptique
mort à quarante-huit ans d'état de mal. Cette affection, qui le han-
tait depuis l'âge ,de quatorze ans, commençait généralement par
des convulsions sur le territoire du facial gauche et dans les extré-
mités du même côté. Les accès étaient souvent suivis de para-
lysies flasques des extrémités en question. Aucun trouble de coor-
dination. L'hémisphère cérébelleux gauche est, à l'oeil nu, d'un
tiers moins développé que celui du côté droit; l'hémisphère céré-
bral droit est, lui aussi, un peu moindre que celui du côté gauche.
L'écorce du cervelet à gauche est atteinte de sclérose à des phases
diverses; intégrité du vermis supérieur et du vermis inférieur. Dans
les parties les plus fortement scléreuses, il n'y a plus du tout de
cellules de Purkinje; la couche granuleuse s'est' aussi considéra-
blement éclaircie : En d'autres points, on trouve, selon le degré de
la sclérose, divers degrés d'atrophie des cellules de Purkinje. Suivant
l'intensité de cette atrophie, les grosses fibres myéliniques de l'écorce
et de la substance blanche ont subi une dégénérescence parallèle,
mais partout on constate la conservation en parfait état d'un épais
feutrage de fibres minuscules. Par conséquent, les grosses fibres
myéliniques sont en rapport avec les cellules de Purkinje. L'altéra-
tion des grosses fibres en question et l'intégrité des fibres fines, se
poursuit dans la substance blanche du lobe gauche du cervelet.
Le corps godroné du même côté réduit de moitié contient peu de
, . r . J ..
' Voyez Archives de Neurologie. Séance de décembre 1890.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 419
cellules à tous les stades de l'atrophie pigmentaire, dans son bile,
on trouve une légère éclaircie des fibres. Le pédoncule cérébelleux
supérieur gauche est diminué d'un tiers, de même que le noyau
rouge de la calotte du côté opposé; atrophie également prononcée
du pulvinar de la couche optique du côté opposé. Comme il n'y a
pas d'altérations cérébrales intenses, comme il n'y a pas eu inflam-
mation des parties atteintes par l'atrophie, on est autorisé à croire
qu'il existe une connexion entre le pédoncule cérébelleux supérieur,
le noyau rouge de la calotte du côté opposé, le pulvinar du côté opposé.
Sont encore atrophiés, le pédoncule cérébelleux moyen du côté
malade et la substance grise de la protubérance du côté opposé.
Atrophie macroscopique et microscopique (atrophie des fibres) du
corps restiforme du côté gauche. De là : atrophie du cordon latéral
du même côté et du noyau d'origine de ce cordon. Disparition
notable du système des fibres arciformes externes antérieures du
côté malade; atrophie encore plus prononcée des fibres arciformes
internes à droite ou à gauche. Atrophie partielle des noyaux d'ori-
gine des cordons postérieurs des deux côtés. Atrophie excessive du
noyau d'origine du faisceau grêle du côté opposé; atrophie marquée
de la grosse olive du côté opposé, diminution notable du trousseau
de fibres qui part du corps restiforme atrophié pour gagner l'olive
de l'autre côté. Par conséquent, le corps restiforme joint le cordon
latéral et le noyau d'origine du cordon latéral du même côté; il est en
connexion avec les noyaux d'origine (homonyme et croisé) du cordon
postérieur (fibres arciformes externes, couche intermédiaire des
olives, fibres arciformes internes, noyau du cordon grêle) il est en
relation avec la grosse olive du côté opposé. Nous n'avons pu cons-
tater d'altération dans le ruban de Reil et l'acoustique.
Le lobe moyen étant demeuré intact, il n'y avait pas eu d'in-
coordination. L'épilepsie ayant débuté à l'âge de quatorze ans, et la
base du crâne ne présentant aucune anomalie de développement,
la sclérose a dû commencer à la puberté.
M. WEBER. - Du traitement de l'épilepsie par l'hydrate d'amylène.
Expériences faites chez soixante-dix épileptiques. Afin d'éviter les
effets désagréables du médicament, on administreau début 2 grammes;
pour atteindre progressivement 6 grammes, dose qui ne fut pas
dépassée. Il s'agissait de 33 hommes et de 37 femmes de seize à
cinquante-et-un ans, épileptiques depuis longtemps; qui présentaient
tous les degrés de l'affaiblissement intellectuel. On choisit de préfé-
rence des malades ayant des accès convulsifs réguliers et se succé-
dant à des intervalles peu espacés; de cette façon il était facile de
se rendre compte du nombre mensuel des attaques. Leurs attaques
les prenaient surtout la nuit, enfin, dans le nombre, quelques-uns
avaient des états de mal à certaines époques déterminées notam-
ment à l'époque des règles. La plupart étaient aussi affectés de
petit mal. Le médicament ne fit décroître. et finalement complè-
420 SOCIÉTÉS SAVANTES.
tement disparaître l'épilepsie qu'en un seul cas; chez 5 p. 100 des
sujets, les attaques diminuèrent, mais sans qu'il y eût amélioration
de l'état général, d'autres incidents survinrent qui empêchèrent de
continuer l'amylène. Chez près de 80 p. 100, on n'observa rien de
spécial; pas d'amélioration.
' Somme toute, l'amylène n'exerça d'action spéciale ni sur les
périodes d'agitation, ni sur les crises d'angoisse, ni sur le désordre
dans les idées post-épileptique Elle n'améliora en rien l'étal mental;
loin de là, ce médicament abrutissant les malades, ils ne prirent
plus aucun plaisir à s'occuper, et se montrèrent de plus en plus
indifférents.
DMCMMtOt ? M.JASTnowiTz confirme les assertions de M. Weber.
C'est également l'opinion de M. JOLLY, M. ZiNNainé. Redoublons
donc d'activité scientifique à l'égard des malheureux épileptiques
et plaçons à la tête des établissements qu'ils contiennent des méde-
cins chercheurs.
M. LOEHR pose la question des effets de l'hypnotisme.
Discussion. M. ASCIIEn. J'ai, sur plusieurs délirants chroniques
présentant des hallucinations sensorielles actives, essayé d'appliquer
l'hypnotisme. Je n'ai jamais réussi à les endormir. En revanche, j'ai
facilement endormi une hystérique ; il s'agissait d'une malade ayant
par intervalles de l'angoisse et des hallucinations tellement impé-
rieuses qu'elle devenait agressive. On l'endort alors pendant plu-
sieurs heures et, quand on la réveille, elle ne retombe pas dans la
crise en question. On l'endort en lui suggérant qu'elle doit dormir
et 'en exerçant une légère pression sur les globes oculaires. Les
résultats favorables sont constants chez elle depuis deux ans.
M. Otto. Moi aussi, chez une hystérique, qui de temps à autre
était atteinte d'angoisse avec agitation, violences, tentatives de
suicide pendant plusieurs jours, j'ai pratiqué l'hypnotisme par sug-
gestion, recommençant plusieurs fois de suite lorsque, par im-
prévu, elle se réveillait et se montrait encore agitée. J'ai réussi à
conjurer ces crises. Toute question de supercherie doit être écartée
dans l'espèce. (Allg. Zeitsch f. Psgch., XLVIII, 1-2.) P. Keraval.
Séance du 14 juin 1890 '. Présidence de M. Lama aîné. E.
- M. La : un aîné résume les travaux de l'année écoulée. Le Bureau
est renommé par acclamations, sur la proposition de M. Muller
(de Blankenbourg). Le Président rend compte à la Société des pré-
paratifs faits en vue du Congrès International de Berlin. Grâce à
' Voy. Archives de Neurologie, séances de juin 1889. Il n'en a pas été
publié d'intermédiaires. (P. K.)
SOCIÉTÉS SAVANTES. 421
la prévenance de quelques membres de la Société,- celle-ci peut
disposer d'une somme assez forte destinée à rendre aux congres-
sistes aussi agréable que possible le séjour du local mis à leur dis-
position par la commission (Carlstrasse, n° 29). -
M. FALK (de Berlin). - Communication casuistique. C'est l'histoire
d'un homme de soixante ans présentant depuis deux ans et demi
les apparences de la démence, qui guérit à la suite d'une néphror-
rhagie traumatique. , '
Discussion. M. NEUE : -IDORFF (de Bernbourg). C'était un cas
de catatonie ; le rapport entre l'hémorrhagie rénale et l'amélio-
ration est tout accidentel.
M. EDEL (de Charlottenbourg). Le suicide dans les asiles
d'aliénés et le § 222 du Code pénal. Voici un argument à l'appui
de MM. Hasse, Pelman, Hagen. En ce qui concerne l'asile que
dirige M. Edel depuis vingt et un ans, il a noté ce qui suit :
Dans les seize premières années, le nombre des admissions de
particuliers était limité; on hospitalisait en moyenne vingt à cin-
quante malades au compte des communes et principalement de la
commune de Berlin ; pendant cette période, pas un seul suicide rie
put être exécuté. Mais depuis cinq ans, depuis que l'établissement
s'est considérablement développé, depuis qu'on y bospitalise an-
nuellement quatre cents aliénés, depuis surtout que les admissions
particulières se sont notablement accrues et, parmi'elles, les obser-
vations de psychoses aiguës ou curables, depuis, par conséquent,
que le caractère de l'asile est changé, que cet établissement d'asile-
hospice qu'il était, est devenu à la fois un hospice et une maison
de traitement, depuis cette nouvelle destination, il s'est produit des
suicides. C'est ainsi que depuis le lor janvier 1883 jusqu'au 12 janvier
1890, on a hospitalisé 1,185 aliénés; on a dû enregistrer quatre,
suicides. ' , ,. -. )
Or, le § 222 du Code pénal allemand dispose dans les termes suivants :
« Quiconque aura, par négligence, été la cause de la mort d'un homme,
sera puni d'un jour à trois ans de prison...
- « Si le coupable avait charge d'âmes à raison de sa fonction, de sa(
profession, de son industrie, l'emprisonnement pourra être porté au
maximum à cinq années. » , . , ,
Eh bien ! malgré les perfectionnements de tous ordres introduits
dans un asile, malgré toutes les précautions, toutes les mesures de
sécurité, malgré le concours de plusieurs médecins et d'un nombre
respectable d'inspecteurs, de surveillants, d'infirmiers, de veilleurs'
il est impossible d'éviter les suicides, surlout si, comme il est'
rationnel, on pratique le système du no-restraint et du maximum'
de liberté possible. Mais il y a lieu de se gendarmer contre l'api
plication du § 222 aux directeurs-médecins des asiles d'aliénés.
422 SOCIÉTÉS SAVANTES.
. Discussion. M. NEUENDORFF cite un cas de suicide imprévu chez
un malade aliéné depuis huit ans, employé à la colonie agricole
depuis trois ans, sous les yeux mêmes des infirmiers. M. RICHTER
(de Dalldorf). Les craintes de M. Edel sont en pratique exagérées;
jamais le pouvoir judiciaire, prévenu à temps, n'a poursuivi. "
M. JASTROWITz (de Berlin). Que le personnel inférieur reçoive de
temps autre des leçons de l'autorité judiciaire, nous n'avons pas
à nous en plaindre. Bien au contraire. En général, les magistrats
sont très prudents en pareille matière. M. LEPPMANN (de Moabit).
Oui, mais les manières de voir des juges sur la responsabilité sont
essentiellement différentes. M. I\IOELI (de Dalldorff).- Il est bon
d'être assuré contre les négligences du personnel secondaire quand
il désobéit aux instructions qu'on lui donne.
M. ASCHER. Du traitement par la suspension. Cette méthode a
été appliquée à 23 malades affectés de paralysie générale (11 observ.)
de vésanies avec hallucinations (3), de délire chronique systéma-
tique (1), de désordre avec incohérence dans les idées (1), d'épi-
lepsie (1), d'imbécillité (1), de démence simple (1), sénile (1), alcoo-
lique (1), ainsi qu'à deux femmes hystériques. Les indications qui
nous ont servi de base furent : l'incontinence' de la vessie et du'
rectum, l'incertitude de la démarche, l'ataxie, les douleurs lanci-
nantes. Nous avons essayé de rappeler le réflexe tendineux patel-
laire absent chez un paralytique général et un délirant systéma-
tique chronique, cela sans résultat. Ce réflexe reparut en revanche
chez un dément alcoolique qui se trouva bien de la suspension,
après avoir disparu pendant dix-huit mois.
Si l'on examine spécialement les paralytiques généraux, on voit
qu'il se produisit chez un d'entre eux un affaiblissement physique
tel que l'on dut renoncer à cette méthode. En ce qui concerne les
dix autres, il convient de les diviser en deux groupes : chez cinq
d'entre eux la suspension demeura impuissante, chez les cinq
autres, il se produisit une certaine amélioration. Remarquez qu'on
avait pris soin de choisir des malades indemnes de tout délire et
présentant une allure uniformément calme. Sur les cinq paralyti-
ques non influencés par la suspension, trois voient leur état s'ag-
graver ; le gâtisme augmente, les forces diminuent. Deux paralyti-
ques furent atteints d'une paralysie du nerf péronier, l'excitabilité
électrique subit peu de changement, et d'ailleurs, cette paralysie
rétrocéda; la suspension ne modifia en rien l'état mental.
L'amélioration obtenue chez les cinq paralytiques 'généraux déjà
cités consista en : affermissement des mouvements et sûreté de
la démarche, disparition du gâtisme, retour de la sensibilité et des
phénomènes tendineux. Il est évident qu'elle doit être imputée à la
suspension. ,
Les trois délirants hallucinés mentionnés plus haut étaient des
SOCIÉTÉS SAVANTES. 423
tabétiques avancés. Chez l'un d'eux, en quatre semaines les dou-
leurs disparurent; il se remit à marcher alors qu'il était aupara-
vant cloué au lit. Chez un autre atteint d'amaurose et d'inconti-
nence d'urine, cette dernière infirmité disparut, son état général
s'améliora. Chez le troisième, non seulement les phénomènes soma-
tiques rétrocédèrent, mais le délire et les hallucinations disparurent
totalement. L'action favorable de la suspension est donc indé-
niable. ,* .
La suspension eut également raison de l'ataxie et des douleurs
d'un tabétique dément et d'un tabélique épileptique; elle rétablit
les facultés, et les fonctions vésico-rectales d'un aliéné atteint de
désordre dans les idées avec gâtisme et impotence. Mais, deux mois
après, il succombait dans le marasme. Chez un dément alcoolique,
l'incontinence d'urine cessa.
En somme, douze faits d'amélioration des symptômes; cette amé-
lioration porte surtout sur la motilité et les sphincters. faut donc
suspendre les aliénés, à moins qu'ils ne soient atteints d'une affec-
tion organique du coeur et des poumons, et à la condition qu'on
supprime la suspension à la moindre alerte.
Discussion.- M. Richter redoute l'emploi de la suspension dans
la paralysie générale. -
M. l\IOELI. Quels que soient les aliénés auxquels on l'applique,
ce qui frappe, c'est qu'on la dirige contre des accidents spinaux.
Puis il s'agit, notons-le, de déments; par suite, l'influence morale
de la suspension est à rejeter. En ce qui concerne les vésaniques
tabétiques, il est certain que l'intensité des conceptions délirantes
est en rapport avec les accidents spinaux; il n'est donc pas surpre-
nant que la rétrocession de ces, derniers entraine l'atténuation
des premières. Enfin, on n'a pas le droit de se priver d'un moyen
qui transforme, au moins momentanément, des infirmes et des
gâteux en individus plus valides; la santé générale n'a qu'à y
gagner. ' -' - ' '
M. OTTO (de Dalldorf). De la Microgyrie (avec présentation de "
pièces). Ces pièces proviennent de deux idiots de cinq ans, deux
garçons, dont l'un était en même' temps atteint de contracture
généralisée, et l'autre présentait de l'affaiblissement des mouve-
ments. On constate à la surface du cerveau de fines tubérosités,
surtout dans les régions frontale et pariétale; ces tubérosités sont
produites par de toutes petites circonvolutions correspondant, les
unes à des circonvolutions normalement développées, les autres à
des anomalies de développement. Les insulas ne sont qu'incom-
plètement recouvertes; les faisceaux pyramidaux sont, des deux
côtés, dans le bulbe, étriqués. La substance blanche des hémisphères
est dissociée en un grand nombre de fines ramifications; on y voit
aussi les parois des sillons se souder par places, tandis qu'en
424 4 , SOCIÉTÉS SAVANTES.
d'autres, il existe, en plein centre ovale, des oasis de cellules ner-
veuses. Les fibres intra-corticales sont bien développées; la couche
des grandes cellules pyramidales est au contraire défectueuse; ces
éléments sont rares, petits; au contraire les cellules rondes y pré-
dominent ; impossible de trouver les cellules pyramidales géantes
de Betz.
M. Cramer (d'Eberswalde). D'un groupe déterminé d'hallucina-
tions sensorielles dans les . anomalies primitives de l'humeur. Sera
publié in extenso. Nous l'analyserons alors. (Allg. Zeilsch. f. Psy-
chiat¡ ? XLVII, 3-4.) P. KERAVAL.
SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES
. DE BERLIN
Séance du 9 juin 1890 '. Présidence DE M. W. SANDER.
M. KRONTHAL. Deux cas anatomo-pathologiques remarquables de
la moelle. Voy. Neurolog. Centralbl., 1890 E. 2.
M. BERNHARDT. Pnrésie congénitale unilatérale du trijumeau, de
l'oculo-moteur externe et du facial. Voy. Neurolog. Centrulbl., 1890".
M. BERNHAHDT. Névrose peu connue de la langue et de la cavité
buccale. Voy. Neurolog. Ceatralbl., 4890 i.
Séance du 14 juillet 1890. - Présidence DE NI. SANDER.
M. MENDEL. Un cas de paralysie de plusieurs nerfs crâniens.
Voy. Neurol. Centralbl., 1890 5.
M.Oppenheim. Association de névroses fonctionnelles à des lésions
organiques du système nerveux. Voy. Neurol. Centralbl., 18906.
' Voy. Archives de Neuroloqie. Séance de mai 1890.
' Id., Revues analytiques.
' Id., id.
4 ld., id.
° Id., id.
' Id., id.
sociétés savantes. 425
Séance du 10 novembre 1890. - Présidence DE M. SANDER.
M. BHRNHARDT. Contribution à l'étiologie du tabès. Voy. Neu-
l'olog. Centmlbl., 1890.
Discussion. M. OPPENIIEIM, pas plus que M. Remak, ne croit à
l'étiologie traumatique du tabès. M. Remak cite l'exemple d'une
tabétique qui a pu, depuis douze ans qu'il l'observe, faire trois gros-
sesses heureuses sans que l'ataxie ait en rien été influencée par
l'état puerpéral. M. Oppenheimcitel'histoired'unejeune couturière
à la machine, âgée de vingt-deux ans, qui niait obstinément avoir
jamais eu la syphilis n'ayant, disait-elle, jamais eu aucun rapport
avec un homme; cinq ans plus tard, l'occasion la ramenait à son
observation, elle était mariée; elle avait avorté, la syphilis était
nettement mise en évidence, et elle avouait franchement que neuf
ans avant son mariage, elle avait cohabité avec son mari actuel
incontestablement syphilitique.
La question a une grande, importance médico-légale. A plusieurs
reprises, M. Oppenheim a fait à ce sujet des expertises. Il a presque
constamment constaté que les premiers phénomènes du tabès
étaient antérieurs au traumatisme, mais que la lésion accidentelle
avait donné un coup de fouet à la maladie. Tout récemment, par
exemple, un jeune homme faisait une chute de voiture, il se frac-
turait la cuisse gauche. Il présentaitles signes d'un tabes-type, mais
ces accidents étaient plus accentués du côté de l'extrémité lésée.
On constatait qu'il avait éprouvé des douleurs lancinantes avant
l'accident, de plus, le callus de consolidation était celui d'un tabé-
tique. Il était néanmoins évident que l'accident avait aggravé con-
sidérablement l'ataxie.
M. Oppenheim s'élève contre le terme de tabes illusoire ou pseudo-
tabes des neurasthéniques. Sans doute les neurasthéniques présentent
parfois des troubles subjectifs qui rappellent ceux du tabes, mais
les phénomènes objectifs ne ressemblent pas à ceux du tabès.
M. SANDER appelle l'attention de la Société sur la Société de palro-
nage de Berlin pour les aliénés guéris et demande le concours de
ceux des membres qui n'ont pas encore apporté leur obole'.
Séance du 8 décembre 1890. Présidence DE M. SaNDeR.
M. REMAK communique à la Société l'Observation d'une paralysie
bulbaire chez une fillette de douze ans. Evolution fatale en huit mois.
Pas d'autopsie. Atteinte de la branche supérieure du facial (orbi-
culaire des paupières). Mémoire publié dans les Arch. f. Psychiat.
' Voy. le rapport de M. Bourneville au Conseil supérieur de l'Assis-
tance publique, juin 1891.
426 SOCIÉTÉS savantes.
Discussion. M. BanIVnnnnT rappelle la paralysie bulbaire de
l'enfance constatée par Berger sur une même famille. On constatait
dans l'espèce divers arrêts de formation, notamment aux mains et
aux doigts. '
M. Lei-,4. Un cas médico-légal d'abus de la cocaïne. Voy. Neu-
rolog. Centralbl., 4890'. '.
Discussion. M. HEIMANN (de Charlottenbourg). Les symptômes
morbides relatés par M. Lewin ne prouvent nullement l'abus de la
cocaïne. 11 n'est en effet nullement question dans l'observation
d'hypéridrose intense, d'émaciation extraordinaire et rapide, de
facies terreux, d'yeux caves, de perversion de la sensibilité, d'hal-
lucinations de la vue; d'ordinaire, les cocaïnistes voient et sentent
des poux, des fourmis leur sortir des pores de la peau ou sous les
ongles des doigts, ils sont prolixes dans leurs écrits et leurs discours
et présomptueux. Il ne s'agit pas davantage d'épilepsie cocaïnique.
Les trois observations que nous possédons de cette névrose montrent
qu'elle a toujours été précédée de délire systématique cocainique
dont les symptômes nous sont connus, et que l'épilepsie consécu-
tive a eu pour complexus clinique le tableau morbide classique. On
n'observe, ni dans le cocaïnisme, ni dans les intoxications sem-
blables, pas d'équivalents épileptiques.
M : MITTENzwEIG. Ce cas n'a pas trait à une psychose; ce sont des
troubles élémentaires (hallucinations et illusions).
M. IIEmarrrr. La cocaïne chez les héréditaires et les individus à
tares psychiques agit tout comme chez les individus normaux. Chez
tous les cocaïnistes j'ai observé les mêmes symptômes; l'intensité
des accidents dépend simplement de la durée de l'intoxication et
de l'élévation des doses de cocaïne; ce sont elles qui produisent un
délire systématique cocaïnique suivi ou non d'épilepsie cocaï-
nique.' ,
M. 1\f¡TTENZWF.IG. II est à remarquer que le malade en question
avait des hallucinations bien que depuis plusieurs jours il ne prît
plus de cocaïne. 1 ,
M. MINDEL. C'est un individu, anormal dès la jeunesse, affecté de
tares héréditaires : le cocaïnisme ne joue dans l'espèce qu'un rôle
accessoire, (Arch. f. Psychiat., XXIII, 1.) P. KERAVAL.
1 Voy. Archives de Neurologie. Revues analytiques.
ORGANISATION DES ASILES
LA RÉORGANISATION DU SERVICE MÉDICAL
' . DANS LES ASILES D'ALIÉNÉS; '
, .. 11
Par le D' MARANDON DE DIONTYEL. '
1
A propos de la diminution progressive du nombre des guérisons
dans les asiles français signalée par le professeur Pierret au con-
grès de Lyon, M. Sollier a poussé tout récemment dans Le Progrès
un cri d'alarme justifié et qui se fait entendre au moment pro-
pice puisque la Chambre parait décidée à s'occuper efficacement
de la loi sénatoriale sur les aliénés. Le médecin lyonnais a attribué
' ce fâcheux résultat sur lequel il appelait l'attention aux retards
apportés à l'isolement, retards qui amenaient l'incurabilité là où
des soins donnés à la première heure auraient assuré la guérison.
Pour bien apprécier toute la valeur de cette assertion, il faut avoir
été attaché aux asiles de province, il faut avoir étudié de près les
errements d'après lesquels le but est, non pas de se mouvoir dans
les limites du crédit voté pour l'hospitalisation des aliénés, mais
de réaliser sur ce ehapitre d'importants restes à annuler. Les
imprudents ! ils croient ainsi réduire les dépenses départemen-
tales, quand ils grèvent de plus en plus les budgets à venir. Dans
la Seine où toutes facilités sont données pour les admissions, où
les portes de Sainte-Anne s'ouvrent grandes aux placements volon-
taires gratuits, grâce à la vigoureuse campagne menée dans ce
sens par M. Bourneville1, on ne se doute guère de cette situation.
En province, d'une manière générale, n'est isolé que l'aliéné
dûment dangereux ; tant que le malade n'a pas commis quelque
acte hautement répréhensible, toutes les démarches des familles
échouent devant une opposition systématique et quand on se décide
à le trouver mûr pour l'asile, il a perdu toutes les chances de cura-
bilité. Il tombe alors à la charge du département pour toute la
durée d'une vie parfois très longue, tandis qu'un séjour de quelques
1 Rapports sur le service' des aliénés. (Budgets de 1878, p. 24;
1879, p. 61, 62 ; 1880, p. 66; 1881, p. 17 et 1882, p. 27). Voir aussi :
Bourneville, Procès-verbaux de la Commission de surveillance des asiles,
passim et surtout mars, avril, mai 1891. ,
428 ORGANISATION DES ASILES.
mois eut suffi jadis à le rendre à la raison et à la société. Jamais
je ne suis parvenu à convaincre les intéressés qu'une prompte
séquestration est une mesure économique. En désespoir de cause,
je tournais la difficulté au grand profit des aliénés et des finances
départementales. Invariablement je conseillais aux parents qui
s'adressaient à moi de consentir un léger sacrifice d'argent et d'o-
pérer un placement volontaire, puis d'informer l'administration
que leurs ressources ne leur permettaient pas de continuer le
paiement. De mon côté je déclarais le malade archi-daugereux,
force était alors de le maintenir à titre d'indigent. J'ai la convic-
tion d'avoir contribué par ce stratagème à guérir bon nombre d'alié-
nés et à épargner par là aux départements les frais considérables
d'un entretien prolongé. Aussi je n'hésite pas à le recommander
hautement à tous mes collègues de la province, de même que' je
n'ai point hésité dans mon mémoire sur la loi sénatoriale ' 1 sup-
plier la Chambre d'être plus démocratique que le Sénat et de voter
le placement volontaire gratuit ou tout au moins l'obligation de
secourir immédiatement l'aliéné inoffensif s'il est curable, et cela
par économie autant que par humanité2.
Je crois en conséquence avec le professeur Pierret que le retard
apporté à l'isolement est pour beaucoup dans la diminution qu'il
relève du nombre des guérisons, mais cette cause est loin d'être
unique, plus importante peut-être encore est celle qu'incrimine
M. Sollier dans son excellent article. Avec nos immenses asiles et
le nombre considérable des entrées, il nous est matériellement
impossible d'étudier à fond chaque malade, de pénétrer dans son
for intérieur et de découvrir par une recherche minutieuse et
patiente, les ressorts psychiques encore intacts qu'une habile thé-
rapeutique morale arriverait à utiliser. Par exemple, j'ai 11 Ville-
Evrard plusde six cents aliénés en traitement et j'en reçois annuel-
lement un nombre encore plus considérable, soit à soigner dans
l'année de douze à treize cents malades ! et très nombreux sont
eu France les services ainsi surchargés. Maudits soient ceux qui ont
inventé les asiles-casernes, aussi fatals aux aliénés qu'à la science,
car il est à remarquer que la production scientifique comme les
soins donnés est presque toujours en raison inverse du chiffre de
la population, la visite dans ces conditions se bornant, ainsi que
le remarque M. Sollier, le plus souvent à une inspection surtout
matérielle au point de vue de l'hygiène, de l'entretien, de la bonne
tenue des malades, et au traitement des cas suraigus et des mala-
dies incidentes. Un service d'aliénés ne devrait comporterau maxi-
' ' Annales d'Ilyqiène pratique et de Médecine légale. Sept. 1887.
* C'est 11 une thèse que nous avons soutenue depuis longtemps. (Voir
entre autres nos Rapports sur la révision de la loi du 39 juin 1838) et
nos articles dans le Progrès médical et les Archives de Neurologie. (13.).
DE LA RÉORGANISATION DU SERVICE MÉDICAL 429
mum que trois cents malades et encore à la condition que le mou-
vement des entrées n'excédât pas deux cents. Cinq cents personnes
à traiter dans l'année, c'est même déjà trop pour une thérapeutique
individuelle et méthodique d'autant plus difficile qu'elle est presque
toute entière à trouver, car M. Sollier relève avec raison qu'elle est
la partie la plus négligée dans les asiles. Jugez de ma satisfaction
quand j'ai vu M. Reinach, au milieu de critiques passionnées que ni
les uns ni les autres nous n'avons jamais méritées, se plaindre dans
son exposé de motifs que les aliénistes ne sont pas assez nombreux,
que le temps matériel de visiter et de soigner complètement les ma-
lades leur fait défaut. Vous signalez là, M. le député, un des plus
grands vices de l'organisation actuelle et mettre à le corriger votre
talent et votre autorité serait rendre un signalé service aux aliénés.
Pour remédier économiquement au mal dont il se plaint, M. Sol-
lier propose d'attribuer un rôle plus actif, plus indépendant aux
médecins-adjoints en leur confiant un service autonome formé de
certaines sections, tels les incurables et les alcooliques par exemple.
Je le veux bien, sous la réserve toutefois que l'adjoint aura la
signature de tous les certificats, partant la responsabilité; sinon on
se heurtera à toutes les difficultés et à toutes les complications
que M. Chambard ' a déjà signalées. Cette solution aurait en outre
l'incontestable avantage de relever la situation de ces fonction-
naires qui est bien la plus fausse, si j'osais je dirais la plus ridicule
qui soit. Avec un chef de service qui accomplit rigoureusement
toutes les obligations de sa charge, et que secondent des internes,
le médecin-adjoint n'est utile qu'en cas d'absence ou de maladie,
durant le mois de congé annuel que mon prédécesseur à Toulouse,
le D1' Pons, appelait, avec beaucoup d'esprit, son douzième p)'D1'i-
soire. Le reste du temps, il est le plus souvent plutôt nuisible, car
n'étant rien il veut être quelque chose et dès lors il crée des
embarras. Egal à son chef par le diplôme, quelquefois supérieur
même à lui parles connaissances et les travaux publiés, il suit la
visite sans autorité ni prestige, car il est sans initiative fut-ce en
matière de thérapeutique interne; il n'est que ce qu'on veut bien
lui permettre d'être; aussi s'il tombe malade ou s'il s'absente, per-
sonne ne s'aperçoit qu'il n'est plus là. Les quelques légers ser-
vices qu'il peut bien rendre, la contre-visite, les pansements diffi-
ciles, les opérations de petile chirurgie, les autopsies, un bon
interne les remplira mieux que lui, car du moins, il ne les esti-
mera pas trop subalternes. Encore supposons-nous un chef de
service aimable et bienveillant, mais que l'adjoint en rencontre un
légèrement pointilleux, tant soit peu jaloux de ses droits et de ses
prérogatives, aimant assez à exercer son autorité; quand même
' Annales médico-psychologiques, 1889.
430 ORGANISATION DES ASILES.
ils seraient tous les deux célibataires, ce qui supprime pourtant un
terrible élément de discorde, pour sûr il y aura brouilles. Alors le
supérieur supprimera en fait son subordonné auquel il ne daignera
pas adresser la parole et le service n'ira pas plus mal pour cela,
preuve péremptoire de la complète inutilité de celui-ci, tant que
celui-là fait sa visite. La proposition de M. Sollier offrirait donc
cet autre avantage d'espacer ces deux confrères. S'il est vrai que
dans les asiles, l'unique moyen de vivre en bonne intelligence est
de ne jamais se voir, cela l'est surtout pour eux.
Le rôle de cinquième roue de carrosse, utile seulement en cas
d'accident, attribué jusqu'ici aux médecins adjoints est pour moi,
sinon la principale, du moins une des causes du recrutement diffi-
cile de ces fonctionnaires. Il faut avoir, en effet, le courage de
l'avouer, afin de tâcher d'y remédier : le concours de l'adjuvat a
été jusqu'ici un fiasco lamentable. Dans certaines régions, le jury
est revenu bredouille; dans les favorisées, il y a eu autant de candi-
dats que de places tout juste, et cela même à Paris où la première
année, trois vacances attirèrent trois concurrents et où la seconde
ils furent quatre à se disputer six postes'. A quoi est dû ce résultat
navrant ? Voilà ce que notre devoir est de rechercher, à nous qui
jugeons ce concours nécessaire et qui le considérons comme une
des plus utiles innovations. Je viens d'indiquer une des causes à
mon avis : j'estime qu'il y en a trois autres que j'exposerai avec
la bonne foi et la franchise quejetiensà honneur de mettre dans
tous mes écrits, et avec le bien pour seul objectif.
Tout d'abord, est-il bien certain que l'organisation adoptée pour
le concours de l'adjuvat n'ait pas contribué en partie à éloigner les
candidats ? Beaucoup le pensent, puisque l'an dernier le Congrès de
Rouen a demandé qu'il fût centralisé à Paris. Moi-même, j'ai expo-
sé 1l cette époque les raisons qui me paraissaient militer en faveur
de cette modification, ou tout au moins d'un concours unique pour
toute la France, et je me suis efforcé de trouver les moyens pratiques
de la réaliser sans imposer aux postulants de trop lourdes charges 2.
Si on acceptait la réorganisation du service médical telle que je la
proposerai dans un instant, il n'y aurait aucun inconvenient à
réunir tous les concurrents à Paris, car les avantages donnés d'em-
blée compenseraient largement les dépenses imposées 3.
* Assurément il est regrettable que le nombre des candidats ne soit
pas plus nombreux. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que l'insti-
tution même du concours a pour premier résultat d'éliminer les candi- .
dats qui n'ont pas travaillé suffisamment. Après la mort du Dr Iîerthier,
il s'est produit 19 candidatures. Lorsque le concours a été institué, il n'y
a plus eu que 7 candidats qui se sont fait inscrire. (B.)
. Annales méd. Psych., 1890. -
Partisan convaincu de la décentralisation et de l'utilité qu'il y aurait A
DE LA RÉORGANISATION DU SERVICE MÉDICAL. 431
Quoi qu'il en soit de-l'avenir, dans l'état actuel des choses, une
organisation défectueuse du concours n'est pas la raison princi-
pale du peu d'empressement pour l'adjuvat des asiles. Plus impor-
tante est l'absence de garanties. En effet, si le concours procure à
l'élu une position d'adjoint, elle ne lui assure, avec la législation
en vigueur, ni sa nomination au grade de médecin en chef, ni son il
traitement en aucun cas, ni sa pension de retraite. La carrière des
asiles, c'est l'incertain et l'inconnu, m'ont répondu des confrères
distingués que j'exhortais à se présenter. est dès lors indispensable
qu'on renonce à la latitude de choisir les chefs du service médical en
dehors des adjoints en fonctions, car avoir passé par les épreuves
publiques de l'internat et de l'adjuvat, être obligé même dans
les conditions les plus favorables, de rester dans ces deux emplois
huit et dix ans, doivent créer des droits sûrs à un avancement
régulier. Sans doute au point de vue strict de la légalité, la latitude
dont je parle n'est pas contestable, puisque la loi de 1838 qui nous
régit toujours a commis ce malheureux oubli de ne pas assurer le
recrutement du personnel, mais même avec cette loi ce summum
jus n'est-il pas une summa injustitial Dans tous les cas le découra-
gement du corps de l'adjuvat est de plus en plus général et pro-
fond. Il se comprend si on considère qu'à cette incertitude des
nominations s'ajoute l'incertitude du traitement et de la pension
de retraite. Certains départements refusent de payer les classes
élevées sous prélexte du peu d'importance de leur établissement';
d'autres consentent bien à en faire le sacrifice, mais à la condition
qu'on aura parcouru toute la carrière chez eux; tandis que ceux-ci
se réservent le droit d'apprécier, malgré les décisions ministérielles,
le mérite du fonctionnaire et que ceux-là vont jusqu'à repousser
toute retraite. N'était l'espoir que la Chambre votera au cours de
cette législature la nouvelle loi et garantira les nominations, les
traitements et les retraites, je crois que le recrutement par le con-
cours serait presque impossible. Je prie en conséquence M,Reinach
accroître la vie des facultés provinciales nous avons fait prévaloir l'idée,
du concours régional. C'était aussi dans le but de ne pas décourager les
anciens internes des asiles de la Seine qui ne concoureraient peut-être
pas, dans la crainte d'être envoyés aux extrémités de la France. (B.) .)
Il Il est certain que le nombre des candidats pour l'adjuvat augmentera
si lesjeunes médecins qui sont laborieux trouvent des garanties dans le
concours. On conçoit très bien que pour les fonctions de directeur-mé-
decin, l'administration examine avec soin les candidatures ; mais, pour
les places de médecin en chef, il ne devrait jamais y avoir d'irrégularités.
Ces nominations devraient se faire par un roulement analogue à celui
qui existe pour les médecins du Bureau Central, à Paris, et des médecins
des hôpitaux. Quand il y a une place vacante, c'est le plus ancien des
médecins nommés et le premier de la promotion qui choisit et c'est jus-
tice. Jamais on ne fait valoir d'influences extérieures. (B.)
432 ORGANISATION DES ASILES.
de vouloir bien me permettre d'appeler toute son attention sur
cette question du personnel, de le supplier de demander à ses col-
lègues une organisation complète qui sauvegarde les droits et les
intérêts de chacun. Il sera certainement aidé dans cette oeuvre de
justice, déjà votée au-Sénat, par le gouvernement qui l'a défen-
due avec succès à la Chambre haute. Justement M. Reinach dans
son rapport se plaint que les fonctionnaires des asiles n'aient pas
toujours été recrutés avec tout le soin désirable, à quoi le Dr Gi-
raud 1 a pu lui répondre que ces nominations fâcheuses ont été
faites parfois sur la recommandation de ses amis politiques et en
récompense de services politiques2. Que M. Reinach réclame
donc des dispositions légales qui obligent les pouvoirs publics
à choisir un personnel d'élite et il rendra un immense service
aux aliénés. Certes, il est bon de s'intéresser à la liberté indivi-
duelle, de l'entourer de mille garanties, on ne m'accusera pas
de ne pas assez m'y arrêter, puisque sur ce point, me séparant
de tous mes collègues, j'ai demandé la substitution de l'autorité
judiciaire à l'autorité administrative et ai insisté sur l'absolue
nécessité d'un contrôle non pas postérieur mais antérieur à l'isole-
ment3; néanmoins il est une chose encore plusimportante à mon
sens, c'est d'assurer aux malades des soins intelligents et compé-
tents, car ils sont légions, ces infortunés, tandis que ceux dont il
s'agit de sauvegarder les droits ne seront jamais que quelques-
uns à peine. Lors de la visite dont la commission parlementaire
a honoré Ville-Evrard, nous avons tous été frappés de l'ardent
désir dont étaient animés tous ses membres de ne tenir compte
d'aucune idée préconçue pour chercher avec impartialité le vrai
et l'appliquer. C'est pourquoi nous espérons beaucoup.
Mais malgré une organisation plus perfectionnée du concours,
malgré toutes les garanties, malgré une situation morale conve-
nable, je doute encore du bon recrutement médical si on n'amé-
liore pas la situation matérielle des adjoints, car elle est, je crois,
la cause principale de la pénurie de candidats qui nous a surpris.
Deux mille cinq cents francs de traitement annuel ! Au prix où est la
vie en cette fin siècle, c'est la misère même en province 4. On objectera
1 Annales médico-psychologiques., 1856.
1 Ce sont ces nominations irrégulières, faites souvent pour récompenser
des services politiques ou en faveur de parents.de hauts personnages, qui
découragent le personnel médical des asiles qui a fait ses preuves.
Nous reviendrons sur cette question. (B.)
3 Ann. d'Hygiène publique et de Médecine légale, 1887.
1 Dans notre rapport à la Commission ministérielle de 1881, nous
proposions pour les médecins-adjoints deux classes au lieu de trois, la
deuxième à 3,000 fr. au lieu de 2,000 et la première à 4,000 ; pour les
médecins en chef, de 5 à 8,000 fr. quatre classes au lieu de six et les
traitements pour les médecins directeurs,
DE LA RÉORGANISATION DU SERVICE MÉDICAL. 433
peut-être qu'il y a lejlogement, l'éclairage et le chauffage, qu'après
deux ans la solde est de trois mille francs et de.quatre mille après
quatre ans. Eh bien ? croit-on sérieusement que ces émoluments de
saute-ruisseaux décideront un savant d'avenir à perdre plusieurs
années de sa vie scientifique à préparer deux concours, surtout
avec le manque absolu de garantie dont je parlais plus haut ? Mais
même une nouvelle loi donna-t-elle toute sécurité, ne nous illusion-
nons pas, les temps sont positifs, et en tout aujourd'hui, on en a
tout juste pour son argent. Vous désirez avoir un personnel d'élite,
payez-le. Vous le recruterez, je vous en réponds, dans des condi-
tions excellentes, si vous offrez d'emblée les quatre mille francs
que vous demandez aujourd'hui de mettre quatre ans à obtenir,
sans même vous engager à les verser ; dans des conditions meil-
leures encore, si, selon l'idée de M. Sollier, vous faites de l'adjoint
non une doublure inutile, mais un médecin traitant et responsable
avec un service autonome et indépendant. Alors, dira-t-on, ce ne
sera plus un adjoint, mais un chef de service. Parfaitement, répon-
drai-jp, et je ne vois pas du tout pourquoi ayant les charges, il
n'en aurait pas le titre. Conclusion : suppression de l'adjuvat, plus
dangereux qu'efficace, qui procure plus d'ennui qu'il ne rend de
services, je l'ai démontré, et augmentation du nombre des méde-
cins en chef, de telle sorte que chacun d'eux n'ait jamais plus de
trois cents malades à soigner. Dans les asiles tels qu'ils doivent être
de cinq à six cents aliénés, la division par sexe fournira deux ser-
vices très distincts. Dans les asiles-casernes, les sections d'hommes
et de femmes contenant chacune cette population, il faudra les
subdiviser; on y arrivera en détachant pour un médecin certains
services spéciaux : pensionnat, épileptiques, infirmeries et malpro-
pres. Néanmoins, je reconnais combien artificiel est ce groupement,
par conséquent il importe que les nouveaux asiles qu'on construira
ne contiennent pas plus de trois cents lits par sexe, d'ailleurs
l'hygiène y gagnera en même temps que les soins médicaux seront
mieux assurés.
Hélas je nage en pleine illusion et je suis rappelé à la réalité
par la réunion des services; j'oubliais que l'adjuvat en est le fils
naturel. Que deviendrait, en effet, cette unité indispensable, sans
laquelle tout croule dans un établissement d'aliénés, s'il y avait
dans la maison d'autres volontés que celle du directeur-médecin ? 'f
C'est uniquement pour ne rien soustraire à son contrôle qu'on a
inventé les adjoints, destinés, dites-vous, à jouer les sous-préfets, de
même que dans un département, il n'y a qu'un chef et des subor-
donnés, comme si l'application de soins médicaux était compa-
rable à l'expédition d'affaires administratives. L'expérience vous
répond qu'en vain vous entourerez le directeur-médecin de tels
collaborateurs, à moins de leur confier un service dont ils seront
absolument les maîtres, les aliénés seront plus mal soignés que
Archives, t. XXII. 28
434 ORGANISATION bES ASILES.
s'ils n'étaient point là, car ils seront tiraillés entre Hippocrate et
Galien : « Je n'ai déjà pas la force de supporter la maladie, gémis-
sait un malade dans ces conditions, où voulez-vous que je prenne
celle de supporter deux médications. » Et si vous leur confiez ce
service, que devient votre unité nécessaire, clef de voûte de tout le
système ? D'ailleurs, cette inutilité des adjoints est depuis longtemps
connue, mais plutôt que de toucher à l'arche sainte de la Réu-
nion, on a imaginé que l'adjuvat était nécessaire pour acquérir
une certaine somme de connaissances administratives. Le médecin
adjoint apprendra l'administration ! L'aimable facétie ! Pour cela,
il faudrait tout au moins qu'il eut les moyens de s'immiscer dans
les affaires de l'économat et dans celles de la direction. Or, en
premier lieu, dans un asile, l'adjoint et l'économe sont des enne-
mis nés. Pour ma part, j'ai dû sans cesse, durant ma direction
médico-administrative, intervenir pour empêcher tous mes collabo-
rateurs sans exception dans ces deux emplois de se couper la gorge,
et durant mon adjuvat dans deux établissements, j'ai dû, malgré
mes goûts pacifiques, opérer pour mon compte. La cause ? deman-
dez-la à la jalousie. En second lieu, le directeur-médecin qui per-
met à peine à son collègue d'intervenir activement en matière
thérapeutique, à de très rares exceptions près, lui interdit toute
ingérence dans l'administration de l'asile, de crainte d'être criti-
qué ou pis encore. Il résulte de tout cela, qu'au point de vue d'une
instruction administrative, l'adjuvat est encore plus inutile qu'à tout
autre. Le seul avantage que retire l'adjoint de son stage est d'être
complètement édifié sur la merveilleuse boite à potins et à
mesquines envies qu'est un asile d'aliénés, bien heureux s'il n'en
sort pas lui-même perfectionné dans ce genre d'exercices et de
distractions. Il en sort dans tous les cas aigri, car il a souffert tout
le temps du rôle niais qu'il a joué et, goutte à goutte, son âme s'est
imbibée de fiel; son caractère s'en ressent, surtout durant les pre-
mières années de ses fonctions de chef de service, le rendant à son
insu peu indulgent à son tour pour ses subordonnés.
Donc l'adjuvat est inutile et plutôt nuisible; donc il n'y a des
adjoints que parce qu'il y a des directeurs-médecins. En vérité, il
n'est pas de conséquence fâcheuse que cette maudite réunion des
services n'engendre, pas de progrès qu'elle n'entrave; non, les alié-
nés n'ont pas de pire ennemie. Nous entrevoyons un but à atteindre,
éminemment utile aux malades qui seraient mieux soignés et ainsi
verraient s'accroître dans d'énormes proportions leurs chances de
guérison; la voilà qui se dresse barrant la route, et nous sommes
seuls, M. Chambard et moi, à avoir le courage de crier sus à cette
perfidie. Mes deux précédents mémoires, en effet, s'ils ont soulevé
colères et animosités - à mon très vif regret, car je ne poursuis
que la vérité et de tous mes souvenirs classiques le plus cher à ma
mémoire est le vers sublime que Sophocle a mis dans la bouche
DE LA RÉORGANISATION DU SERVICE MÉDICAL. 43S
d'Anlione : « Je suis née pour partager l'amour et non la haine »
mes deux précédents mémoires ne m'ont suscité que des contra-
dicteurs, le premier en M. Camuset, le second en M. Samuel Gar-
nier et en M. Lapointe.Très probablement, nous ne nous convain-
crons ni les uns ni les autres, mais nous écrivons moins pour nous
que pour ceux qui ont charge de modifier la loi de 1838. J'ai exposé
avec franchise que la réunion des services n'avait rien qui expliquât
l'enthousiasme de mes collègues, j'ai dit combien au contraire je
jugeais subalternes les fonctions administratives qui, en fin de
compte, se réduisaient pour moi en une trinité d'attributs secon-
daires et on m'a reproché de me contredire par là moi-même,
comme si leur manque de relief les empêchait d'être absorbants
et d'engendrer mille préoccupations gênantes pour la recherche
scientifique, ainsi que l'a développé M. Chambard, bien loin de
reposer l'esprit du savant selon l'appréciation à priori de M. Cons-
tans. M. Samuel Garnier en a même conclu, avec regret il est vrai,
un regret sans doute aussi immense que ma douleur de l'apprendre,
que mes cinq années de direction n'avaient pas suffi à me faire
toucher du doigt l'étendue relative des devoirs qui m'incombaient
à l'époque du fait de mes fonctions. Anxieux, j'ai poursuivi avec la
certitude qu'il allait, lui, me faire toucher du doigt l'étendue rela-
tive desdits devoirs. Mais non; il m'a supposé capable de l'accu-
ser d'outrecuidante fatuité et il s'est dérobé. J'aurais été pourtant
bien heureux de toucher du doigt l'étendue relative des devoirs
administratifs; d'abord, j'aurais su comment porter désormais le
panache directorial pour le porter dignement, si jamais j'avais
l'honneur d'en être de nouveau orné, et puis surtout, j'aurais enfin
connu la cause de l'admiration de mes contradicteurs qui, parole
d'honneur, vantent les beautés de la direction comme on vante le s
charmes d'une maîtresse. Que c'est mal à M. Samuel Garnier
d'avoir tant de modestie. Sa vertu m'oblige à maintenir toutes mes
appréciations précédentes 1.
Du reste, quelque grandiose que serait la réunion, n'empêche
qu'elle ne soit nuisible aux malades et à la science. Seulement, il
résulte des critiques de mes trois contradicteurs et de mes conver-
sations avec beaucoup de collègues que je n'ai point réussi, mais
là pas du tout réussi à me faire comprendre. J'ai eu grand tort de
n'avoir pas exposé dans ses détails le projet Bourneville8 que je
me suis borné à désigner comme le vrai remède au mal dont nous
souffrons. Tous, en effet, m'opposent la situation actuelle dans les
' Nous laissons de côté pour le moment les remarques que nous
aurions à faire au sujet de la réunion des fonctions de médecin-direc-
teur.
' * Rapport sur l'organisation du personnel médical et administratif,
1882.. z
436 . ' ORGANISATION DES ASILES. · 1
asiles où les services sont divisés : conflits inévitables résultant de
deux autorités égales et parallèles, à moins que le médecin n'ab-
dique toute initiative, au grand détriment de ses malades; entraves
apportées au travail des aliénés qui est le meilleur agent thérapeu-
tique ; améliorations réalisées dans les seuls asiles où les fonctions
sont réunies; confiance du malade, première condition du traite-
ment, obtenue à la seule condition que le médecin soit tout puis-
sant ; impossibilité de modifier à son gré le régime d'alimentation
commune par des régimes particuliers sans la libre disposition des
crédits; médecins considérés par l'agent administrateur comme
des parasites, etc., etc. Mais, mes très chers confrères, vous avez
mille fois raison, toutes ces observations sont très fondées; aussi
de cette division des services, je n'en veux pas plus que vous et si le
choix était forcément limité entre elle et la réunion, je serais plus
acharné encore que vous-même à demander la réunion. Heureuse-
ment, il n'en est rien. Avec le projet Bourneville, toutes vos objec-
tions tombent, car l'application de ce projet opérerait dans les
asiles la révolution salutaire qui s'est effectuée récemment dans les
hôpitaux militaires. Les aliénistes sont aujourd'hui vis-à-vis de la
direction administrative exactement dans la situation où étaient
encore, il n'y a pas longtemps, les médecins de l'armée vis-à-vis
de l'intendance. Aujourd'hui, ceux-ci ont la suprématie et l'indé-
pendance, or le projet Bourneville nous les assure. Qu'on en juge
d'après les dispositions suivantes approuvées par le cinquième
groupe de la commission ministérielle chargée d'étudier les
réformes que pouvaient comporter la législation et les règlements
concernant les asiles d'aliénés, cinquième groupe composé de
MM. Herold, président, Bail, l.unier, Foville, Pilon et Bourneville
rapporteur :
' » Tous ont reconnu la nécessité de placer les asiles sous la supl'é-
matie médicale, tout en assurant l'unité de direction. En consé-
quence, à l'unanimité, ils ont décidé qu'il était indispensable de
subordonner le directeur administratif aux médecins chefs de service,
et afin de bien marquer cette subordination en principe, le groupe
adopta la dénomination d'administrateur que M. Herold proposa do
substituer à celle de directeur. En outre, afin de bien marquer
encore cette subordination en pratique, M. Bourneville proposa
qu'il fût créé un conseil d'administration composé du corps médical,
du pharmacien, de l'administrateur et de l'économe. La Présidence
en aurait été dévolue à l'un des médecins , qui aurait été rééligible
après un an. Après discussion, cette proposition a rallié la majorité
des membres du groupe, mais à la condition que le pharmacien et
l'économe ne feraient pas partie du conseil d'administration auquel
ils pourraient assister, ainsi que les médecins adjoints. Et finale-
ment, la rédaction suivante a été adoptée.à l'unanimité : « L'admi-
nistrateur est chargé, sous l'autorité du préfet et sous le contrôle du
DE LA RÉORGANISATION DU SERVICE MÉDICAL. 437
service médical, de la direction de l'asile et de la gestion de ses terres
et revenus. «Restai à savoir comment le contrôle du service médical
s'exercerait sur les actes d'administration. Les membres du cin-
quième groupe, également à l'unanimité, ont précisé ce contrôle
dans la formule ci-après : « Le contrôle du service médical sur l'ad-
ministration de l'asile s'exerce par un comité de médecins e-chefs de
service, dont le président est renouvelé chaque année; ce comité corres-
pond directement avec le préfet par l'intermédiaire de son président. »
Toujours dans le même ordre d'idées, c'est-à-dire afin de bien
indiquer la pensée qui inspire les membres du groupe et sur la
remarque judicieuse de M. Lunier, les membres du groupe, à l'una-
nimité, ont demandé que, dorénavant, le règlement portât en
première ligne le service médical et les attributions qui lui sont
confiées.
Eh bien ! je le demande maintenant à mes honorables adver-
saires, avec ce projet, que reste-t-il de leurs objections ? M. Lapointe
a-t-il'le droit de conserver ses craintes sur le bon fonctionnement
du travail, ce remède par excellence ? M. Camuset est-il autorisé
encore à dire que la division des services fait du médecin un subal-
terne impuissant qu'on n'est pas loin de traiter en parasite ? Certes,
non, car complète satisfaction serait donnée aux légitimes récla-
mations du corps médical sans l'obliger à s'absorber dans les soins
futiles et stérilisants du grand ménage, pour me servir des expres-
sions du clinicien Morel, qui fut toujours l'ennemi déclaré de la
réunion. Quelles lances il romprait en ce moment s'il eut encore
vécu, et surtout de quel poids son opinion pèserait sur les décisions
à prendre. Le disciple obscur et faible, une fois de plus, sent toute
la perte du maître illustre et puissant, mais le malheur nous pour-
suit sans merci ; voilà que M. Bourneville, en ce moment, n'est pas
à la Chambre pour reprendre et défendre les décisions du cinquième
groupe de la commission ministérielle dont il fut le rapporteur
autorisé. M. Reinach voudra-t-il me permettre de lui signaler ce
projet aussi fécond que simple. Dire pourtant que c'est à son occa-
sion que M. Samuel Garnier, oubliant tout à coup la modestie
grande qui, l'instant d'avant, l'empêchait de me faire toucher du
doigt l'étendue relative des devoirs administratifs, s'est senti
devenir prophète de malheur. Sur le ton inspiré de la Python
antique, poussant le fameux : Deus, ecce Deus j et avec le déses-
poir de Cassandre effrayée des désastres entrevus de la patrie, il
s'écrie : « Nous n'avons que faire de voire administrateur; notre
.organisation est conçue pour bien fonctionner sans lui. Et si des
conditions nouvelles différentes, puisées dans vos projets théoriques,
venaient à être adoptées pour le fonctionnement des asiles, je
n'hésite pas à prédire pour lui, dans l'avenir, le gâchis le plus
tangible qu'il soit possible d'organiser. » Pour sûr, Ezéchiel lui-
même n'aurait pas parlé avec plus d'assurance des événements
438 ' . ORGANISATION DES ASILES. ' '
futurs, mais voyez comme les temps sont mauvais et l'incrédulité
souveraine : j'ai plus de confiance dans l'expérience humaine des
hommes d'élite nommés plus haut que dans la double vue de
l'oracle dijonnais !
Le projet Bourneville étendu à tous les asiles de France, au lieu
d'être exclusivement appliqué à ceux de la Seii.e et à quelques
autres grands établissements pour lesquels il a été spécialement
rédigé aurait surtout cet appréciable avantage de permettre d'avoir
de nombreux médecins en chef avec des services de trois cents
malades au maximum, ce qui est la première et l'indispensable
amélioration à réaliser. C'est en réfléchissant sur les moyens pra-
' tiques d'y arriver que je me suis mieux rendu compte de l'inuti-
lité de l'adjuvat tel qu'il fonctionne et des avantages de sa
suppression. Maître absolu chez lui, sans préoccupations adminis-
tratives, le médecin des asiles, non seulement aurait le loisir de
traiter individuellement au moral comme au physique, chacun de
ses malades dont le nombre serait limité, mais en les étudiant mieux
et de plus près, il découvrirait certainement des choses nouvelles
dont il enrichirait la science. Relativement à l'internat par lequel
devraient passer les concurrents, je n'ai rien à ajouter à ce que
'ai formulé dans mon dernier mémoire, il n'en est pas de même
relativement à un corps spécial d'aliénistes pour la Seine. Cette
idée a toujours été défendue par M. Bourneville qui invoque en sa
aveur la multiplicité des établissements du département, la popu-
lation considérable de ses aliénés, les candidats nombreux, qui
seraient fournis par l'internat des hôpitaux, ainsi que la nécessité
de relever l'enseignement de la médecine mentale à Paris, et
' d'avoir dans les asiles un personnel instruit et aussi capable que
celui des hôpitaux. J'ai écrit l'an dernier, qu'elle me souriait assez
en principe mais qu'en pratique, elle se heurtait à cet écueil, que
les médecins adjoints attachés exclusivement à la Seine risque-
raient le plus souvent de s'éterniser dans l'adjuvat, éventualité qui
éloignerait beaucoup de candidats sérieux. Avec la nouvelle orga-
nisation que je présente, cette objection n'a pas sa raison d'être,
j'ai pu d'ailleurs apprécier combien la perspective de quitter Paris
empêchent des jeunes gens de valeur de se présenter au concours
de l'adjuvat même pour la région de la Seine. Dans tous les cas il
serait équitable de conserver les droits acquis à l'avancement aux
aliénistes de province qui concourraient avec succès pour le corps
spécial.
Quant à l'avancement, pour l'un et l'autre corps d'aliénistes,
qu'il se manifeste sous forme d'élévation de classe ou sous forme
de résidence, dans la Seine même, il y a des asiles plus agréables
à habiter les uns que les autres je maintiens mes précédentes
appréciations : il devra être toujours donné sur présentation du
comité supérieur des aliénés, d'après surtout les titres scientifiques
DE LA RÉORGANISATION DU SERVICE MÉDICAL. 439
Ce ne sont pas les lamentations de M. Samuel Garnier qui modi-
fieront 'mon opinion. Pour mon savant confrère de Dijon, les
recherches scientifiques ne doivent venir que par surcroît, la
raison d'être de l'aliémste étant l'accomplissement consciencieuse-
ment rigoureux des devoirs professionnels. Tout au plus accepte-
t-il qu'on déplace un peu l'axe de l'avancement en faveur de ceux
qui se livrent aux travaux de la spécialité, car, se contenter, d'après
lui, de la seule satisfaction d'enrichir la science de données nou-
velles est la caractéristique d'un véritable savant. C'est faire beau-
coup d'honneur aux travailleurs, mais à inscrire cette maxime
même en lettres d'or, au frontispice des asiles, on risquerait fort
de n'engendrer que paressse et stérilité. Je crois, en effet, les
savants un peu plus hommes, et malgré la haute opinion que leur
garde mon collègue, assez sensible au vieux dicton : « Tout travail
mérite salaire Je ne saurais donc accepter que l'idéal de
l'aliéniste soit pour les pouvoirs publics le médécin qui fait
proprement sa visite et qui donne avec conscience et exactitude
aux aliénés les soins nécessaires. Que cet idéal reste celui de
M. Samuel Garnier je n'y vois pour ma part aucun inconvénient,
mais qu'il devienne celui de l'Etat, non, car il ne saurait être qu'un
minimum. Il importe que le travail scientifique soit largement
encouragé afin de faire regagner à la psychiatrie française le pre-
mier rang qu'elle en train de perdre, et un des meilleurs moyens
à employer est de distinguer nettement l'homme de science de la
machine à certificats.
Je résumerai dans les propositions suivantes la réorganisation
du service médical des asiles telle qu'elle découle des considéra-
tions de ce mémoire :
1° Division des services dans tous les asiles avec suprématie
médicale assurée par la suppression du directeur et son remplace-
ment par un simple administrateur placé sous le contrôle du
service médical, conformément au projet Bourneville;
2° Un médecin en chef par trois cents malades au maximum,
avec le traitement au début de la quatrième classe (4 000 fr. le
logement, le chauffage et l'éclairage), nommé;au concours public,
parmi les internes des asiles publics d'aliénés comptant au moins
un an d'e"xercice et recrutés eux aussi par concours public ;
3° Deux corps de médecins aliénistes : l'un spécial au départe-
ment de la Seine, le second pour les autres départements;
4° Traitemenls et pensions de retraite payés par l'Etat ;
5° Avancement, soit sous forme d'élévation de ,classe, soit sous
forme de résidence, donné sur présentation du conseil supérieur
des aliénés, d'après surtout les titres scientifiques des candidats ;
6° Organisation du service médical fixée par une loi.
BIBLIOGRAPHIE
Y. Etudes de psychologie expérimentale; par Alfred BmET.
- ' .. -. (0. Doin, Paris, 1888.) .
L'auteur a réuni dans ce volume plusieurs mémoires dont quel-
ques-uns avaient été publiés auparavant dans divers périodiques :
A, Le fétichisme dans l'amour; B, la vie psychique des micro-orga-
nismes; c, l'intensité des images mentales; D, le problème hypnotique;
E, l'écriture hystérique.
a. Lé fétichisme religieux étant l'adoration d'un objet maté-
riel auquel le fétichiste attribue un pouvoir mystérieux, le féti-
chisme amoureux consiste lui dans l'importance exagérée que l'on
attache à un détail secondaire et insignifiant de l'objet de la pas-
sion. C'est pour mieux dire le penchant qu'éprouvent certains
sujets pour des objets qui sont normalement incapables de satis-
faire les besoins génitaux. Il existe en grand dans l'état physiolo-
gique; et se montre développé 'à l'extrême dans quelques cas
pathologiques, ainsi qu'il appert d'excellentes observations rap-
portées par MM. Charcot et Magnan. Alors, il peut être considéré
comme un des stigmates de la folie des dégénérés héréditaires.
Comment cette manifestation prend-elle naissance, quel est son
rôle dans la psychologie de l'amour ? tel est le thème que traite
l'auteur dans cette première partie de son livre.
b.- Dans cette division, la plus importante de l'ouvrage de
M. Binet, l'auteur a réuni les observations déjà nombreuses qu'ont
fait les naturalistes sur la vie psychique des êtres microscopiques.
Après avoir'décrit les organes moteurs et les organes des sens,
agents de ces manifestations intelligentes, il nous les montre en-
trant en fonction, à l'occasion des actes les plus importants de leur
vie, ceux relatifs à la respiration et à la nutrition. C'est dans ce
dernier cas qu'apparaissent des phénomènes d'une complexité inté-
ressante qui ne tendraient à rien moins qu'à démontrer que ces
animalcules sont doués de mémoire et de volonté et en font
preuve, soit dans le choix de la nourriture, soit dans les modes de
présentation des aliments. L'étude de la fécondation est également
intéressante en ce qu'elle éclaire jusqu'à un certain point la ques-
tion encore si obscure de la génération chez les animaux supérieurs.
c. - Qu'est-ce qu'une image intense, qu'est-ce qu'une image
faible, quelles causes réalisent l'une ou l'autre qualité ? Telles sont
les questions dont M. Binet cherche la solution dans la troisième
- BIBLIOGRAPHIE. 441
partie de son ouvrage, et il a recours pour les résoudre à des expé-
riences faites sur des hypnotisées.
. d. - Dans la partie de son livre consacrée au « Problème hyp-
notique », l'auteur expose quelques considérations sur la valeur
des phénomènes somatiques observés par les expérimentateurs de
la Salpêtrière et niés par les expérimentateurs de Nancy, question
qu'à reprise avec des développements plus complets M. le Dr Ba-
binski dans cette revue. M. Binet montre quels sont dans ce
domaine les dangers de l'auto-suggestion, et ceux de la simula-
tion, il examine enfin la portée des expériences négatives à ce
même point de vue.
e. Dans quelques expériences qu'a entreprises l'auteur sur
a l'écriture hystérique », il résulterait'que toute excitation senso-
rielle produite par un objet quelconque ou par l'aimant, déter-
mine dans un sujet hypérexcitahle une dynamogénie générale qui
se traduit non seulement par une augmentation de force dynamo-
métrique, mais par un agrandissement des caractères graphiques.
.. ' -, Paul BLOCQ.
XI. Les aliénés criminels; par le Dr ÂLUMAN. (Th., Paris, 1891.)
. Après un historique de la question, l'auteur examine les aliénés
criminels dans les différentes formes d'aliénation, qu'il range ainsi
par ordre de bénignité criminelle décroissante : paralysie générale,
infériorités cérébrales (imbécillité, idiotie, démence, états mélan-
coliques, états maniaques (folie circulaire, hystérie), folie puerpé-
rale, folies toxiques, folies partielles, épilepsie, folie impulsive.
Il est bien difficile de se prononcer sur la sortie définitive quand
on n'observe pas d'hallucinations dont la persistance est le plus
juste critérium. En tous cas, l'autorité judiciaire doit intervenir
pour la mise en liberté. - Sans se prononcer sur la question de la
responsabilité atténuée ou de l'irresponsabilité, l'auteur pense qu'en
dehors des cas où l'aliénation est manifeste, on doit se montrer
très généreux pour les individus atteints antérieurement d'aliéna-
tion. 11 insiste sur la grande distinction qu'il y a à faire entre les
aliénés criminels et les fous moraux d'une part, et les aliénés inof-
fensifs de l'autre au point de vue du mode de placement, préco-
nisant pour les premiers des établissements se rapprochant des
prisons et pour les seconds des asiles ressemblant plutôt aux hôpi-
taux. P. S.
XII. Etude clinique sur la mélancolie sénile chez la femme;
. par le Dr TOULOUSE. (Th., Paris, 1891.)
Très courte monographie appuyée sur quatorze observations, et
d'après laquelle l'auteur conclut que lesvieilles femmes sont sujettes
442 BIBLIOGRAPHIE.
à une forme spéciale de mélancolie qu'on peut appeler forme
sénile, et qui n'est pas tant en rapport avec l'âge qu'avec la sénilité
précoce ou tardive. Cette forme aurait pour symptômes propres :
l'affaiblissement intellectuel et physique; le délire peu intense et
monotone, à tendances hypochondriaques; les hallucinations rares
et peu extériorisées; l'apathie affective; les impulsions insolites et
les actes désordonnés. Son évolution est chronique et mène plus
ou moins rapidement à la démence dont elle n'est souvent qu'un
épisode de début. P. S.
XIII. Les maladies de l'esprit; par le Dr P. Max-Simon. 1 vol.
de 315 pages. - J.-B. Baillière, 1892.
Ce livre appartient à ce genre d'ouvrages hybrides qui, à couvert
sous le pavillon scientifique, s'adressent en réalité aux gens du
monde. Sans valeur pour les hommes du métier, ils servent ordi-
nairement à fausser l'esprit des lecteurs sur la science qu'ils pré-
tendent vulgariser.
Le premier chapitre ayant pour titre « Le sens délirant » (2)
commence par une définition fausse : le- délire sensoriel, c'est
l'hallucinatiou. Mieux vaut ne pas parler des pages qui suivent sur
les diverses sortes d'hallucinations. Mais je crois utile de signaler
les passages sur les hallucinations psychiques où il n'est même pas
fait allusion aux travaux si intéressants et si originaux de M. Séglas
sur cette question. L'auteur semble du reste peu au courant de
l'état actuel de la science si on en juge par le chapitre des tics où
il confond, sous cette dénomination, les actes des aliénés accom-
plis sous l'influence d'une impulsion, d'une hallucination (tels que
le persécuté qui se jette à terre parce qu'on vient de lui envoyer
une décharge électrique, un mélancolique qui s'agenouille), les
véritables tics des idiots, les attitudes spéciales à certaines formes
mentales, le délire du toucher, etc.
Il y parle de tout excepté des tics véritables. La signification de
ce mot semble lui échapper complètement, et il est difficile d'ac-
cumuler autant d'erreurs en si peu de pages.
La seconde partie de cet ouvrage est consacrée aux causes de la
folie où toutes les banalités que le sujet comporte sont complai-
samment exposées, et au traitement, chapitre dans lequel l'auteur
aurait pu chercher, s'adressant aux gens du monde, à détruire avec
preuves à l'appui les préjugés qui sont encore si tenaces à l'endroit
des mesures à prendre vis-à-vis des aliénés. Mais il n'a pas même
saisi cette occasion de faire oeuvre utile.
Le titre lui-même n'est pas exempt de critique, car il n'est peut-
être pas sans inconvénient de donner à un livre le titre absolument
identique à celui d'un autre du même genre et assez récent, ce
qui peut prêter à une confusion qui ne pourrait du reste, dans le
BIBLIOGRAPHIE. 443
cas particulier, être que préjudiciable à ce dernier. C'est une ques-
tion de propriété littéraire qui n'est pas sans intérêt.
P. S.
XIV. Les Morphinomanes; par le Dr Henri GUIMBKIL. 1 vol. in-1G ?
J.-B. Baillière, 1892.
L'auteur en écrivant son livre est plus préoccupé, on le sent,
d'écrire pour les gens du monde, que pour le public médical. Je
crois qu'il a eu tort, car sa monographie claire, méthodique et
mise au courant de la science, aurait certainement gagné il ,être
écrite dans un autre esprit. Elle n'aurait pas perdu de sa valeur
par la suppression de titres de chapitres tels que « Ephémère
volupté et supplices durables, « Les paradis artificiels » ; des néolo-
gismes tels que la « Mensogéomanie » et d'une foule de figures de
rhétorique légèrement emphatiques auxquelles on peut se trouver
entraîné pour frapper l'idée de ses lecteurs.
Au point de vue scientifique, qu'est-ce que l'hystérie nerveuse
périphérique, surtout à propos d'une observation de M. Déjerine,
ayant trait à une paralysie par névrite périphérique survenue chez
un tabétique morphinomane ? Qu'est-ce encore que le suicide
voulu, et le suicide n'a-t-il pas pour caractère essentiel d'être volon-
taire ? P
La comparaison du collapsus morphinique avec la stupeur des
aliénés repose-t-elle sur une base bien sérieuse ? '1
C'est dans toutes les considérations d'ordre physiologique que
l'ouvrage pêche le plus et il était facile de s'en dispenser, car l'au-
teur n'en tire guère de déductions pratiques.
Quant au traitement qu'il expose sous le titre de « Mon traite-
ment de la morphinomanie » il ne présente rien de nouveau si ce
n'est l'emploi, comme substitutif, du phosphate de codéine à la
dose de 10 à 50 centigrammes par jour en injections sous-cutanées.
Quant aux autres particularités, dont le détail est du reste bien
exposé, tous les médecins qui ont eu à soigner des morphinomanes
dans des maisons de santé les ont mises en pratique depuis long-
temps. Ajoutons que quoique qualifié des épithètes les plus ter-
rifiantes, l'exposé de la morphinomanie ne parait pas vouloir
dégoûter beaucoup le lecteur, qui sera en effet bien plus à même
de comprendre les « éphémères voluptés » que les « supplices
durables » et surtout les troubles physiques de la morphinomanie,
de sorte que je crains bien qu'il ne soit plutôt tenté de s'y adonner,
que d'en cesser l'usage, puisque c'est si peu dangereux et que cela
guérit sans douleurs dans quelques cas, par le traitement de
l'auteur. P. S.
VARIA
SOINS A prendre DES aliénés A LEUR sortie DE l'asile ; par le
Dr A.-W. HORSIIOLT, 11L-D., médecin assistant à l'asile d'aliénés de
l'Etat, Stockton-Cal.
La meilleure méthode de soulager dans leur malheur les pauvres
gens sans emploi qui peuvent et voudraient travailler, et le secours
qui est en même temps le plus avantageux à l'individu, est de le
rendre capable de se subvenir à lui-même. Ceci est encore plus
vrai dans le cas d'une personne, homme ou femme, qui, lorsqu'elle
sort d'un asiie d'aliénés guérie d'une affection mentale se trouve
elle seule, sans amis et sans argent, car pour elle, un travail ou
une occupation n'est pas seulement un moyen d'existence, mais un
palliatif forçant ses pensées à suivre une bonne direction. 1
Les chances d'obtenir un emploi sont, de nos jours, assez mau-
vaises pour les malheureux ; leur situation est cependant encore
meilleure que celle de leurs frères convalescents aliénés. 11 n'est
malheureusement que trop vrai que le public, en général, n'a
aucune sympathie pour ces infortunés, ou du moins sa sympathie
s'arrête subitement quand il s'agit d'être en contact avec eux.
Les maladies mentales ne sont pas toutes bien comprises par la
généralité des gens qui les considèrent faussement comme étant
toujours à l'état latent, mais qui se produisent d'une manière sou-
vent instantanée et poussent à commettre des actes de violence.
Aussi, l'idée fausse dominante est que la folie est de fait incurable
et qu'elle n'est à l'état de sommeil chez celui qui a été une fois
interné dans un asile et que, par conséquent, la société craint et
repousse. Bien qu'il y ait beaucoup d'associations charitables dans
ce pays, travaillant sincèrement et avec succès en faveur des pauvres
dignes d'intérêt, aucune d'elles cependant n'arrive à fournir aux
fous pauvres et convalescents l'assistance dont il a besoin. A cause
de l'influence des idées populaires à l'égard des fous et de ceux qui
relèvent d'une maladie mentale, les sociétés de bienfaisance exis-
tantes, ou ont peur ou ne possèdent pas tout ce qu'il faut pour
s'occuper de cette catégorie d'individus qui viennent réclamer leur
bienveillance. Tandis que les pauvres ordinaires sont, en général,
aptes à toute espèce de travail qui peut se présenter, l'occupation
que l'on doit procurer aux fous convalescents doit convenir, autant
que possible, à leur condition mentale et physique. Il est donc né-
varia. 445
cessai re de choisir un genre de travail en les y préparant par un
traitement préventif qui doit agir sur eux comme un agent salu-
taire.
Afin de faire face aux exigences de cette idée charitable, une
société qui a pris le titre de : The aflercare Association of the insane,
s'est formée récemment en Angleterre, laquelle, suivant un rap-
port du Brilish médical journal du 14 juin 1890, parait avoir donné
un excellent résultat. Pendant l'année passée, des emplois conve-
nables ont été trouvés pour cinquante femmes convalescentes ayant
quitté les asiles dans une condition misérable et sans amis. D'autres
convalescents ont été mis en pension avec succès dans des cottages
sous la surveillance d'amis de l'endroit. Les personnes assistées
venaient de dix-huit asiles différents. Parmi les membres de la
Société se trouvent en général des membres du clergé, des méde-
cins, des gens charitables.
Une telle société trouverait certainement un riche champ d'opé-
ration en Californie. Non seulement le nombre d'internements
dans les asiles est rarement considérable et les sorties sont proba-
blement en proportion, mais la condition dans laquelle se trouve à
sa sortie un fou indigent est exceptionnellement malheureux dans
cet État. Les résidents de Californie sont, en général, peu disposés
à s'intéresser à la cause des étrangers et l'individu pauvre, sans
amis, sans emploi, est de fait regardé comme un vagabond. De tels
infortunés pourraient-ils réussir à trouver du travail. Il s'ensuit
naturellement qu'étant obligé de prendre ce qui se trouve, le tra-
vail obtenu dans beaucoup de cas devient une cause d'épuisement
physique et moral.
Les patrons eux-mêmes ne s'emploient pas le moins du monde à
entourer leurs employés du confort intérieur même le plus modeste,
Ainsi il est de coutume pour les ouvriers des fermes de préparer
leur lit dont la composition est souvent trop insuffisante; ils
couchent dans des dépendances peu convenables, et en été ils ont
pour abri des meules de paille.
En soulageant cette misère qui, chez les femmes, est beaucoup
plus grande que parmi les hommes, nous porterions secours, non
seulement aux individus, mais encore l'Etat en bénéficierait dans
une large mesure. Procurer un emploi convenable aux malades
sortant des asiles, ce serait là agir d'une manière prophylactique
au point de vue des recherches, et on réduirait ainsi, d'une façon
indirecte, lé nombre des pensionnaires et ce dernier résultat per-
mettrait de retirer de l'asile les malades confiés à ses soins et qui
ne sont pas dans une situation il être renvoyés et livrés à eux-
mêmes. Cette manièie d'assister les convalescents aliénés indigents
peut être pratiquée en s'adressant à des personnes disposées à faire
oeuvre de charité, qu'elles appartiennent ou non au corps médical,
oeuvre qui aurait pour but la formation d'une société semblable à
446 varia .
celle qui existe déjà en Angleterve. Il serait peut-être préférable
de commencer ce mouvement en s'attirant les sympathies du clergé
et celle de nos médecins mêmes de l'Etat tout entier. (Occidental
medical Times, p. 569, 1890.)
La question de l'assistance des aliénés qui sortent convales-
cents ou guéris des asiles, a été dans ces dernières années
l'occasion de nombreux travaux à l'étranger et en France.
Nous avons éte chargé par le Conseil supérieur d'Assistance
publique, de faire un rapport sur les Sociétés de patronage.
Dans ce rapport, nous avons exposé la situation de ces Sociétés
'en France et à l'étranger, et terminé par un exposé de statuts
pouvant servir de bases à l'organisation de ces Sociétés. Le
rapport a donné lieu à une discussion très intéressante sur
laquelle nous aurons l'occasion de revenir.
La commission de surveillance des asiles de la Seine a mis
également à son ordre du jour l'organisation d'une Société de
patronage pour les aliénés du département de la Seine. B.
LES PROFESSIONS ET L'IDIOTIE.
M. Galton a publié dans le Journal of Mentale Science une étude
sur la natalité des membres de quelques-unes des professions libé-
rales de Londres. Il fait connaître que la profession de légiste
avocats, magistrats) présente les hommes les plus éminents et le
moins d'idiots. La profession médicale vient ensuite et en dernier
lieu le clergé qui produit le plus petit nombre d'hommes émi-
nents et le plus grand nombre d'idiots et de faibles d'esprit. Les
avocats donnent naissance à six fois autant d'hommes éminents
que le clergé. Le clergé donne naissance à six fois autant d'idiots
que les avocats.
De telles déductions statistiques nous paraissent être trom-
peuses et contraires à la science au dernier degré. D'abord le terme
éminent a une signification des plus élastiques. Un avocat, en raison
de sa professio,n peut acquérir une notoriété et être éminent,
quand intellectuellement il est très inférieur à un médecin qui est
comparativement obscur. L'état intellectuel d'un homme ne dépend
pas aujourd'hui de son mérite personnel. Quant à l'idiotie, ceux
qui sont familiers avec les causes de cet état savent que l'action du
père ne peut avoir ici qu'une légère influence. Presque 30 p. 100
des cas d'idiotie et d'imbécilité ont pour cause et sont le résultat
des accidents au temps de la grossesse.
Un autre pour cent considérable est dû aux fièvres infectieuses et
accidents après la naissance. Toutefois d'autres cas sont dus à une
peur soudaine ou aune lésion produite chez la mère pendant la gros-
VARIA. 447
sesse. Quelquefois l'influence héréditaire directe vient entièrement
aussi bien de la mère que du père. Tout bien considéré, on peut con-
clure que la forme particulière du travail cérébral suivi par le père
ne peut exercer qu'une très minime influence sur la production
d'enfants idiots ou imbéciles.
La conclusion formulée que le travail ministériel a une tendance
six fois aussi grande à la production d'idiots, que le travail légal
est un pur non-sens, nous regrettons de voir circuler cette con-
clusion associée avec le nom d'un savant aussi ingénieux et aussi
ardent que celui de M. Galton. (The Médical Itecord, 31n janvier 1801,
p. 113.)
DE l'instruction DES affaires EN médecine mentale; par le
Dr Ciiambard. {Annales Médico-psychol., avril 1891.)
Les dossiers qui accompagnent les aliénés internés dans les asiles
sont en général insuffisants. On n'y trouve guère de renseigne-
ments sérieux sur les antécédents héréditaires et personnels du
sujet, les circonstances de son arrestation, non plus que sur le
nombre et les causes des séquestrations et des condamnations
judiciaires qu'il peut avoir antérieurement subies. Si de pareilles
lacunesn'empêchentpas, en général de formuler un gros diagnostic,
elles peuvent créer des difficultés presque insurmontables si l'on
veut se livrer à une analyse clinique plus approfondie et donner à
l'administration, sur les questions d'interdiction, de capacité, de
mise en liberté ou de maintien, des avis sérieusement motivés.
Ainsi, en ce qui concerne un malade dont l'histoire est rapportée
par M.Chambard, à s'en tenir à l'interrogatoire du malade, ainsi
qu'à l'examen des pièces relatives à son internement, on se trou-
vait en présence d'un brave jeune homme, d'antécédents irrépro-
chables, à qui une situation toute particulière : liberté illimitée
dans une grande ville étrangère, gousset bien garni, désoeuvre-
ment, attente d'un départ pour un lointain voyage, avaient joué
un vilain tour (excès de boisson, tapage sur la voie publique, pro-
jets incohérents de réforme de l'administration française, etc.) ;
mais qu'il faudrait bientôt rendre à ses affaires.
Cependant quelques stigmates physiques de dégénérescence très
accusés, en même temps que quelques réticences dans l'interro-
gatoire, donnèrent l'idée de faire rechercher dans les archives la
trace de quelque internement antérieur. Le dossier reçu était fort
intéressant, car en treize ans la malade, alors âgé de trente ans,
avait subi deux internements dans un asile d'aliénés pour des acci-
dents d'origine alcoolique et quatorze condamnations dont six
pour escroquerie et vol, entraînant plus de sept ans et demi de
prison : se voyant démasqué, le malade avoua son passé et raconta
de. plus que son père était mort d'un accès de delirium tremens.
4M 8 VARIA.
On se trouvait donc en présence d'un dégénéré héréditaire à ten-
dances criminelles et à antécédents judiciaires.
B... se conduisit convenablement à l'asile, mais ne tarda pas à
demander sa mise en liberté à l'administration préfectorale qui
demanda son avis au médecin, à ce sujet.
La question ne laissait pas que d'être embarrassante; car au
point de vue théorique B... est un aliéné guéri d'un accès épiso-
dique dé manie alcoolique ayant occasionné son internement,
mais qui reste et restera un dégénéré héréditaire atteint d'une
perversion morale profonde, incurable et dangereux. ce titre
une séquestration indéfinie serait scientifiquement justifiée. Mais,
pratiquement la situation est tout autre : B... appartient à une
classe de dégénérés pour laquelle la société élève non des asiles,
mais des prisons. Nos établissements ne peuvent ni les tolérer, ni
les conserver, ni les utiliser. C'est à la société qu'il appartient de
séparer ces derniers des délinquants d'accident et de leur appli-
quer les mesures à la fois radicales et humaines que commandent
leur incurabilité et leur irresponsabilité. ·
Ainsi B... qui, à première vue, n'était qu'un honnête alcoolique
à renvoyer après une observation sommaire est, en réalité, un
homme dangereux, doublement récidiviste de l'asile et de la prison
et c'est pour ainsi dire au hasard que le médecin a dû de pou-
voir faire le diagnostic exact.
Le médecin aliéniste appelé à prononcer de véritables jugements,
ne saurait s'entourer de trop de garanties. On sait combien l'évolu-
tion, et par suite le pronostic d'une affection mentale diffèrent
selon qu'elle frappe ou non un héréditaire la connaissance des
antécédents pathologiques de l'aliéné n'est pas moins importante
(paralysie générale, épilepsie, etc.). Mais c'est surtout lorsque se
pose la question de la mise en liberté d'un interné qu'il importe de
connaître à fond ses antécédents personnels, sa biographie, son
milieu, les actes délictueux qu'il peut avoir commis et surtout les
faits qui ont rendu nécessaire sa séquestration actuelle et souvent
ses séquestrations antérieures.
Aux enquêtes sommaires, hâtivement, quelque fois inintelligem-
ment exécutées, il faudrait subsistuer de véritables instructions
psychiatriques, méthodiques et complètes dont on pourrait diviser
les éléments en deux catégories comprenant : l'une les éléments
qui devraient accompagner constamment et obligatoirement chaque
dossier de nouvel interné ou éléments obligatoires, l'autre les élé-
ments qui ne seraient fournis au médecin que sur sa demande ou
éléments facultatifs. Les : éléments obligatoires seraient :
10 Le casier judiciaire ;
2° Le casier manicomial ou relevé des internments déjà subis par
le malade;
3° Un procès-verbal d'enquête sérieux rédigé après enquête per-
VARIA. ' 449
sonnelle par le maire de la commune ou le commissaire de police
du quartier, relatant les actes, les faits, qui ont attiré sur le malade
l'attention de l'autorité et rendu sa séquestration nécessaire.
Les éléments facultatifs suivants pourraient être, lorsque cela
serait nécessaire, réclamés par le médecin.
- 1° Le dossier judiciaire.
2° Le dossier manicomial formé des principaux certificats et des
rapports d'enquête extraits des dossiers des asiles dans lesquels le
malade a séjourné.
3° Une note biographique et mésologique indiquant les principaux
faits de la vie du malade et permettant de juger du milieu dans
lequel il est appelé à vivre. Elle pourrait être rédigée, après enquête,
par le maire de la commune.
4° Une note médicale sur les antécédents héréditaires et patlio-
logiques du malade, dont la rédaction pourrait être confiée au
médecin le mieux placé pour connaitre l'interne et sa famille.
1 E. B.
Lorsque nous étions au Conseil général de la Seine, nous
nous sommes fait l'écho des réclamations tout à fait justifiées
des médecins des asiles auprès des différents Préfets de police
qui se sont succédé à l'effet d'avoir communication des docu-
ments de police, susceptibles de contribuer au diagnostic et au
pronostic. Pour notre compte, ces renseignements nous ren-
draient de grands services afin d'établir d'une façon précise
l'histoire des enfants qui nous sont envoyés et qui ont été
arrêtés une ou plusieurs fois à la suite de vagabondage ou de
méfaits. Malheureusement, à part quelques exceptions, nous
n'avons pu avoir satisfaction, ni pour nos collègues, ni pour
nous. : B.
APPLICATION DE V1 : 1C.1TOIIlES PAR SUGGESTION HYPNOTIQUE
Dans la Bollaitc%naia Gaselci Botkina, nos 26, 37 et 28, de l'année
1890, p. 650, le D=Jal;ov, V. Rybalkin, (de St-Pétersbourg) publie
ses remarquables expériences qui confirment les rapports de Pre-
salmiens (1840), Focachon, Beaunis, Delboeuf, Forel, Jendrassik et
Krafft-Ebing touchant la production d'ampoules sur la peau par la
suggestion hypnotique. Les expériences de l'auteur ont été faites
en présence d'un grand nombre de médecins de l'hospice deMa-
rïïnskaïa; le sujet était un peintre en bâtiments, de bonne consti-
tution et bien portant, âgé de seize ans, atteint de la véritable
nystérie et très propre aux expériences d'hypnotisme ainsi qu'aux
suggestions qui suivent cet état.
ARCHIVES, t. XXII. 29
480 FAITS DIVERS.
Le 21 février, à 8 h. 45 du soir, le malade fut frappé d'un profond
sommeil hypnotique ; on lui dit, au moment de son réveil, qu'it
grelottait de froid et qu'il devait se rapprocher de la cheminée de
la chambre afin de se réchauffer ; lorsqu'en exécutant cette action
il toucha la cheminée de son avant-bras droit, il ressentit une forte
brûlure (douleur, rougeur, chaleur, ampoule) au milieu de la sur-
face interne de ce membre. On répéta trois fois les suggestions,
puis on ordonna au jeune homme de se réveiller. Il obéit à toutes
les suggestions de la façon la plus ponctuelle, poussant des cris de
douleur aussitôt que la surface, objet de la suggestion, vint en con-
tact avec la cheminée (qui était tout à fait froide). En examinant
immédiatement cette partie, on trouva une boursouflure légère,
un peu pâle, entourée d'une zone rougeâtre, douloureuse au toucher
et à la pression, et qui correspondait exactement Eu point indiqué
par la suggestion. Le membre fut alors pansé et le jeune homme
envoyé se coucher dans la chambre). Il lui fut impossible de s'en-
dormir, tourmenté qu'il était par la douleur aiguë et «déchirante»
suite de c l'accident».
A la levéedu pansementà Il heures du soir, une boursouflure con-
sidérable avec érythème papuluire apparut, et la zone voisine, large
de 4 ou 5 centimètres, était extrêmement tendre. Le membre fut de
nouveau pansé avec soin et réexaminé le lendemain matin à
10 heures ; on trouva à cet endroit, deux marques de vésicatoire
d'une teinte jaune, légèrement transparente, l'une de la grandeur
d'une noix, l'autre de celle d'un pois.
Autour de chaque vésicatoire se voyait un groupe de petites vési-
cules (chacune de la grosseur d'une tête d'épingle).
Après un second examen à trois heures du soir (dix-huit heures
après l'accident), toutes les petites vésicules s'étaient confondues en
une grande ampoule. Deux heures après, cette ampoule perça. Les
suites ne présentaient rien d'anormal, comparées à celles d'une
brûlure ordinaire : British Médical Journal, 13 septembre 1890 et
The Journal of àlental Science, octobre 1890, p. 592.
FAITS DIVERS
Asiles d'aliénés. - Promotions. - Arrêté du 27 septembre 1891.
Le D' BLIN, médecin-adjoint, nommé de l'asile public d'aliénés
d'Evreux à l'asile public de Vaucluse, est maintenu dans la 2° classe.
Arrêté du 13 octobre. Le Dr Marie, médecin-adjoint, nommé
de l'asile public d'aliénés de la Hoche-Gaudoll (Mayenne) à l'asile
public d'Evreux, est maintenu dans la 2° classe.
FAITS DIVERS. 4SI
La Société de NÉVROP.\THOLOGOE et de psychiatrie de Saint-Péters-
bourg a décerné, dans sa dernière séance, le titre de membre
honoraire à notre éminent directeur, M. le professeur Charcot.
Médecins morphinomanes. - Le Mercredi médical publie la note
suivante : « Un drame de famille s'est déroulé hier à Nancy. Vers
midi, M. Michel Lévy, âgé de soixante-dix ans, rentier, rue Mon-
tesquieu, à Nancy, s'affaissait sur le trottoir au moment où il
sortait de sa maison; il venait d'être atteint de deux coups de feu
dans le bas-ventre, la mort fut immédiate. Les voisins arrêtèrent
aussitôt le meurtrier, Louis Lévy, âgé de trente-trois ans, doc-
teur en médecine à Metz, neveu de la victime. Louis Lévy, à
bout de ressources, était venu demander un secours Il son oncle,
qui refusa. C'est alors qu'il tira sur lui deux coups de revolver.
Mmo Lévy, accourant au bruit de la détonation, son neveu la mit
en joue, mais le coup, heureusement, rata. Louis Lévy avala
ensuite le contenu d'un paquet de morphine; mais, dans sa préci-
pitation, il n'en prit qu'une faible partie. On croit que le meurtrier
est un morphinomane. Il déclare ne rien se rappeler. » Ce n'est
pas la première fois que, depuis assez peu de temps, on parle de
médecins morphinomanes. On se souvient du fameux procès Wla-
dimiroff-Dida. Mmo Dida était la veuve d'un médecin morphinomane
qui avait jugé bon de faire participer sa femme à son intoxication,
pour la rendre peu ardente, a-t-on dit, parce que lui-même avait
de la frigidité. Quelques semaines plus tard se déroulaient devant
les tribunaux un procès en adultère où les coupables étaient un
médecin morphinomane et la femme d'un pharmacien, rendue
morphinomane. Il paraît, d'ailleurs, que la morphinomanie à deux
n'est pas très rare. A ce propos, rappelons un fait signalé il y a
quelques jours par l'Union médicale : un mari voulant plaider en
divorce, rendit exprès sa femme morphinomane et de là tira argu-
ment pour faire prononcer un jugement contre elle. » Nous
nous permettons d'ajouter que nous avons été les premiers à insis-
ter dans ce journal sur la Morphinomanie à deux. Il nous suffira
sans doute de rappeler ces articles (Progrès médical, n° 5, 31 jan-
vier 1891, p. 101 et n° 6, 7 février 1891, p. 120)... pour qu'on ne
les oublie pas. / , . , .
Les suicides A BERLIN. - Le ministre de la justice de Prusse vient
d'inviter les différents directeurs des hôpitaux de Berlin à lui trans-
mettre leurs appréciations 'sur les causes des suicides dont le
nombre va en augmentant d'une manière effrayante dans la capi-
tale. Du lor juillet au 00, il y en a eu, à Berlin, 147. La plupart des
chefs de service dans les cliniques attribuent ces suicides à l'abus
croissant du schnaps ou eau-de-vie de pommes de terre, que les
Berlinois ont pris l'habitude, depuis peu, de boire avec la bière.
{Bulletin méd., 2 août.) .
452 FAITS DIVERS.
. LE traitement DES morphinomanes A NEH'-YOE6. - On vient d'éta-
blir, à Brooklyn, une maison de santé pour les morphinomanes.
On y dispose de 12 lits pour ces malades et ceux qui fout abus du
chloral. Le traitement consiste dans une médication pulmonaire
par le bromure de sodium et dans la restriction rapide de l'usage
du narcotique. Cette période de restriction dure de dix à douze
jours. (Rev. gén. de Clin, et de Thér.) ,
SERVICE DES aliénés dans LE département DU LOIEET. Dans la
séance du mercredi 19 août M. Verdureau a lu le rapport sur le
service des aliénés. Le Conseil ouvre, pour 1892, un crédit de
170,000 francs qui sera affecté à ce service, maintient le chiffre de
1 fr. 50 comme taux de la journée des aliénés en passage ; dit que
l'application du tarif arrêté dans la session d'avril 1888, en ce qui
concerne le contingent des communes, sera continué. Il approuve
le compte-rendu annuel du directeur des aliénés. Un crédit de
2,500 francs est voté pour frais de séjour des malades qui sont
envoyés aux eaux thermales.
Civilisation ET SUICIDE. D'après William Matlews, le nombre
des suicidés par an serait de 180,000. Ce chiffre irait en augmen-
tant d'année en année. L'augmentation des cas de suicide serait
en rapport direct avec la civilisation progressive. L'auteur a établi
une statistique d'après laquelle les habitants des montagnes n'at-
tentent presque jamais à leurs jours et les habitants des pays
marécageux très rarement. Par contre, les habitants des régions
traversées par de grands fleuves, fournissent le plus grand contin-
gent. On observe le maximum de suicides au mois de juin et le
minimum en décembre; puis c'est toujours les dix premiers jours
du mois, qu'on constate le plus grand nombre de suicides. Quant
aux nations, ce sont les Allemands qui se suicident le plus et les
Slaves le moins souvent. La France vient en deuxième et l'Angle-
terre en troisième ligne. (Bulletin méd., 11 nov.) - .
UN alcoolique parricide. Dans un accès de délire alcoolique,
poussé par une force étrange qui lui donnait l'insurmontable goût
de tuer, Théodore Werner a essayer d'assassiner son père. Cette
tentative de parricide s'est accomplie rue Vercingétorix, 22. Le
père est un mécanicien de la Société des téléphones; le fils est un
ajusteur de vingt-deux ans. Avant-hier soir, M. Werner dormait,
lorsqu'il fut réveillé par une douleur. C'était son fils, accroupi sur
lui, qui lui serrait le cou dans l'une de ses mains et, de l'autre
main, le frappait à coups de couteau. Le vieillard appela; les voi-
sins accoururent; on enfonça la porte; on s'empara du meurtrier
qui, le lendemain, interrogé par M. Peschard, le commissaire, mit
son épouvantable action sur le compte de l'obsession et de l'ivresse.
Le blessé est à l'hôpital Necker. - ' t ,
FAITS DIVERS. 253
Du juge criminel. A la rentrée de la cour de Poitiers, le dis-
cours d'usage a été prononcé par 11. Wolff, substitut du procureur
général, qui a traité Du juge criminel. D'après l'honorable magis-
trat, la médecine légale est appelée à prendre une importance de
plus en plus considérable dans l'appréciation des responsabilités,
et il est à désirer que les juges criminels acquièrent des connais-
sances spéciales leur permettant d'être eux-mêmes un peu des
experts. (Semaine méd.)
UN cas DE fulguration. La Lancet rapporte le cas suivant. Un
coup de foudre atteignit un homme conduisant une faneuse et un
cheval, placé en tête, fut tué sur le coup. Le conducteur resta sur
son siège la tête penchée en avant. Le Dr Palmer constata chez cet
homme : 100 pulsations à la minute, 40 respirations, la dilatation
des pupilles, la fixité du regard, l'anesthésie des conjonctives et une
sorte de rigidité musculaire. L'état normal ne revint que le lende-
main. Il n'y a rien d'étonnant il ce que dans ces conditions
l'homme n'ait pas subi en un instant le même sort que le cheval.
On sait en effet que la foudre agit avec une intensité bien plus
considérable chez les quadrupèdes que chez les bipèdes. Faut-il
attribuer cela à ce que l'électricité du sol pénètre dans le corps par
quatre pieds au lieu de deux, théorie qui a été défendue ? Nous ne
le savons; mais le fait n'en est pas moins réel. Quant aux symp-
tômes signalés par le Dr Palmer chez son malade, ils ressemblent
assez à ceux d'une attaque de catalepsie. Peut-être cet homme
était-il hystérique et peut-être le coup de foudre a-t-il été la cause
de l'apparition d'une attaque d'hystérie ? C'est là une simple hypo-
thèse que nous soumettons à M. le Dr Palmer {Progrès méd., 13 sep-
tembre 1891.) ..
Asiles d'aliénés DE France. Concours d'admissibilité aux emplois
de médecins-adjoints des Asiles publics d'aliénés (arrêté ministériel
du 18 juillet 1888). Conditions du concours. Un concours aura
lieu à Lyon, Lille et Bordeaux le 10 décembre prochain, à Paris,
Nancy et Montpellier le 15 du même mois. Le nombre de ceux des
candidats ayant subi l'examen avec succès qui pourront être décla-
rés admissibles est fixé à six pour la région de Paris, à cinq pour
celle de Lille et à trois pour chacune des régions de Lyon, Bor-
deaux, Nancy et Montpellier. Les docteurs en médecine satisfaisant
aux conditions ci-dessus indiquées et qui désirent subir les épreuves
devant le jury qui fonctionnera dans l'une ou l'autre des régions,
devront adresser leur demande, sur papier timbré, au ministère
de l'intérieur, Direction de l'Assistance et de l'Hygiène publiques,
1 ? bureau, de manière à ce qu'elle soit parvenue dans la journée
du 20 novembre prochain, avant 5 heures, dernier délai de rigueur.
Cette demande, accompagnée de pièces énumérées. ci-dessus, doit
indiquer la région dans laquelle le candidat veut subir le concours.
454 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Les candidats qui seront autorisés par le ministre de l'intérieur à y
prendre part en seront prévenus officiellement et recevront égale-
ment les indications nécessaires au sujet de l'endroit où siégera le
jury et l'heure à laquelle ils devront se présenter.
Pour la circonscription de Paris, le concours s'ouvrira le 15 dé-
membre. Le jury est ainsi composé : Président, Dr Drouineau, ins-
pecteur général ; Drs Féré, médecin de Bicêtre; Brunet, médecin-
directeur de l'asile d'Evreux; Camuset, médecin-directeur de
l'asile de Bonneval; Bail ( ? ), professeur à la Faculté de médecine;
suppléant, M. Schils, médecin de l'asile de Levesellec.
Pour la circonscription de Lyon, le concours s'ouvrira le 10 dé-
cembre. Le jury est ainsi composé : Président, Dr A. Regnard,
inspecteur général; MM. Lapointe, médecin de l'asile d'Auxerre;
Dufour, médecin de l'asile de Saint-Robert; Faucher, médecin de
l'asile de la Charité; Pierret, professeur de clinique mentale ; sup-
pléant, Dr Fabre, médecin de l'asile de Saint-Dizier.
Pour la circonscription de Lille, le concours s'ouvrira le 10 dé-
cembre. Le jury est ainsi composé : Président, Dr Drouineau;
Drs Pilleyre, médecin de l'asile de Prémontré ; Martineleq, méde-
cin de l'asile de Clermont; Taguet, médecin de l'asile d'Armen-
tières ; M. X..., professeur à la Faculté de médecine; suppléant,
M. Cortyl, médecin, directeur de l'asile de Saint-Venant.
Pour la circonscription de Bordeaux, le concours s'ouvrira le
10 décembre. Le jury est ainsi composé : Président. M. le Dr Napias,
inspecteur général; Drs Reverchon, médecin de Saint-Luc; Bes-
sières, médecin de l'asile de Saint-Alban; Pons, médecin de l'asile
de Bordeaux; X..., délégué de la Faculté de médecine; suppléant,
Dr Larrieu, médecin de l'asile de Cadillac.
Pour la circonscription de Montpellier, le concours s'ouvrira le
15 décembre. Voici la composition du jury : Président, D1' Napias;
Drs Campagne, médecin de l'asile de Montdevergues; Dauby,
médecin de l'asile d'Aix;Boubila, médecin de l'asile de Marseille;
mairet, professeur de clinique mentale à la Faculté ; suppléant,
Dr Maunier, médecin de l'asile de Pierrefeu.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Audry (J.). Elude de pathologie nerveuse : L'athétosc double et les
chorées chroniques de l'enfance. Volume in-go de 41t pages, avec 2 pho-
tographies et 1 planche hors texte. Prix : 10 francs.
Brunet (D.). Rapport présenté au conseil général de l'Eure (session
d'août 1891) sur l'asile public d'aliénés d'Evreux. Brochure in-4" de 57
pages. Evreux, 1891. E. Quettier.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 455
GUIhll3AIL (H.). Les morphinomanes. (Comment on devient moi, 1 *
nomane; - Les prédestinés; -Ephémère volupté et supplices durables;
- Désordres physiques et troubles de l'intelligence; - Médecine légale ;
Traitement. Vol. in-18 de 313 pages. Prix : 3 fr. 50. Paris, 1891.
Librairie J.-B. Baillière.
KnAuss (W.-C.) The People vs. Sadie Mc Mullen. -A Medico-legal case.
Brochure ut-8° de 15 pages. Buffalo, N. Y. - Journal ofNervonsand
Mental Disease.
KURELLA (H.). - Ueber Asymétrie des Schædels bei Torticollis. Brochure
in-8° de 4 pages. Coblentz, 1891. Librairie Groos.
LOEWENBERG. - D'une forme particulière de vertige auriculaire. Bro-
chure in-8° de 38 pages. Paris, 1891. Bulletin médical.
Lumbroso (G.). Délia méningite cronica simplice dell'adulto e dz una
sua spéciale forma a tipo istero-epiletlica. (Septo méningite cronica emor-
ragica). Volume in-8" de 113 pages, avec 1 planche hors-texte. Livorno,
1890. Tipografia Vigo.
MAx-StnoN (P.). Les maladies de l'Esprit. Volume in-18 de 319 pages.
Paris, 1891. Librairie J.-B. Baillière.
Oliva. - De l'action antiseptique de l'euphorine en chirurgie. Brochure
in-8° de 7 pages. Turin, 1891. Hôpital des rachitiques.
PESON (G.) et Bovst : o (R.). De l'euphorine dans quelques dermatoses
ainsi que dans les manifestations ulcéreuses, vénériennes et syphilitiques.
Brochure in-8° de 23 pages. Turin, 1891. Hôpital des rachitiques.
HACK TUlOE. PI'ichU1'd and Symonds in especial relation to Mental
Science, with chapters on Moral insanity. Volume in-8° cartonné de
116 pages. London, 1891. J. et A. Churchill.
Annual of the Universal médical sciences. 1891, 6 volumes in-8° carton-
nés. - London 1891. P. A. Davis.
Write (H.). On the position and value of those lésions of the braÍ11
which cause a rise of température. Brochure in-8' de 38 pages avec une
planche. London, 1891. Journal of physiology.
Wmrc (H.). On the relation of the température of the groin to that
of the rectum zn the rabbit, both normally and after destruction of the
cérébral cortex. Brochure in-8" de 7 pages. London, 1891. - Journal
of physiology.
Avis A NOS abonnés. L'échéance du 1" Janvier étant l'une des plus
importantes de l'année, nous prions instamment nos souscripteurs, dont
l'abonnement expire à cette date, de nous envoyer le plus tôt possible
le montant de leur renouvellement. Ils pourront nous adresser ce mon-
tant par l'intermédiaire du bureau de poste de leur localité. qui leur
remettra un reçu de la somme versée. Nous prenons à notre charge les
frais de 3 p. 100 prélevés par la poste et nos abonnés n'ont rien à payer
en sus du prix de leur renouvellement.
Nous leur rappelons que, il moins d'avis contraire. la quittance de
réabonnement leur sera présentée le 25 Janvier, augmentée de un franc
pour frais de recouvrement. Nous les engageons donc il nous envoyer de
suite leur renouvellement par un mandat-poste.
Le rédacteur-gérant, Bourneville.
TABLE DES MATIÈRES
Alcoolisme 'et paralysie générale,
par liousset, 233 ; Magnan, 23'F ;
Marie et Bonnet, 237 ; Combe-
male, 238, 259 ; Mairet, 238 ; Char-
pentier, 239; Cadéac, 240.
ALEXIE pure, par Ohtholl, 9-7.
Aliénés, criminels, par Christian,
135; - responsabilité et séques-
tration des - persécuteurs, par
Coutagne; 242 ; révision de la
loi sur les -, 156; - oeil chez
les -, par Roger, 261 ; osteo-
malacie chez les ? par Wagner,
' 't08 ; - curatelle des - et procé-
dure de l'interdiction, par Schroe-
ter, 414.
Asiles, de traitement de Leubus,
. par Aller, 279 ; - réorganisation
du service médical des -, par
Marandon de Alontyel, 427 ; de
Moscou, par Poutzke, 136; -
promotions et nominations dans
les -, 155, 293,450. Concours de
l'adjuvat, 453.
Amentia, par Meynert, 408.
ANEVHYSME de l'aorte descendante,
par Brasch, 276.
Antipyrine dans les maladies men-
tales, par Roscioli, 227.
Astasie-abasie (deux cas d'-), par
Bonamaison, 93.
ATHOPIXE et duboisine dans lesrnala-
dies mentales,par Ostermayer, 232.
Bibliographie : Entozoaires de l'en-
céphale, par Scypiorslci, 150 ; -
Neurasthénie, par Bouveret, 150 ;
- Maladies de l'esprit, par Pi-
chon, 152; - Hérédité et alcoo-
lisme, par Legrain, 152;- Fonc-
tions du cerveau, par Soury, 285;
- Mouvements de salut et se-
cousses de tête chez les enfants,
par Hadden, 288 ; Diffusion
anomale des agents thérapeu-
tiques, par Peterson, 290 ;
Hallucinations hémiopiques ho-
monymes, par Peterson, 290 ; z
Polynévrite à forme de paralysie
générale spinale antérieure subai-
guë et rapide, par Gosselet, 291 ;
- Etudes de psychologie expéri-
mentale, par Minet, 440 ; Les
aliénés criminels, par Allaman,
lit ; - Etude clinique sur la mé-
lancolie sénile chez la femme,
par Toulouse, 441 ; Les mala-
dies de l'esprit, par Max Simon,
442 ; - Les morphinomanes, par
Guimbail, 443.
Bulbe, faisceaux anormaux du ,
par Schaffer, Kronthal. 399.
Bulletin bibliographique. 159, 304,
453.
CALALUS, par Monakow, 400.
Canal VERTÉBRAL, ablation des parois
osseuses du -, par Kronthal, 269.
Catalepsie, par Kroepelm, 277.
CERVEAU, conservation du -, par
Baginsky, Rosenbach, 125;
coloration des coupes du -, par
Baginsky, 273; Kyste méningé
congénital, par Lauderer, 285 ;
ablation des hémisphères du
chez le pigeon, par de Boeck et Le
Boeuf, 397;- lourd, par Ohers-
teiner, 402; - fonctions du -,
par Steiner, 416; cavités du-
et de la moelle, par Scllultze,ltl7.
CERVELET, fonctions du -, par
Bechterew, 137 ; cellules du ,
par Renaut, 256 ; - atrophie du
, par Cramer. 418.
Chorée, sénile héréditaire, par Ros-
solimo, 137 ; - minor, par Ger-
lach, 230; - cerveau dans la ,
par lVoIlenLern, 274.
Circulation CÉRÉBRALE par de Boeck
et Werhoogen, 397.
CoNGnËs des médecins Russes, 4'G;
des médecins aliénistes de
TABLE DES MATIÈRES. 457
France, 153, 233; - des aliénistes
de l'est de l'Allemagne, 277 ; -
des aliénistes de l'Allemanne du
sud-ouest, 280; - de la Société
psychiatrique de la province du
Rhin, 413.
Contagion psychique, par Kuhnen,
283.
Cordons postérieurs, émanant des
circonvolutions centrales, par r
Flechsig et Hoesel, 132 ; - dou-
ble entrecroisement des -, par
Unverricht, 401.
Connes antérieures, histologie des
- , par Kronthal, 399.
Couche optique, affections de la -,
par Kiriltseff, 138.
Crâne, tumeurs de la fosse posté-
rieure du - par Wollenberg et
Oppenheim, 123 ; - traumatisme
avec perforation du -, par Pe-
trucci, 177.
Crime et épilepsie, par Baker, 224.
Criminels, Anthropologie et biolo-
gie des -, par Noecke, 141 ;
par Ilaudsley, 221.
Démence, progressive familiale, par
Homen, 440; - paralytique, par
Mendel, 411.
DÉIOnouATltm endémique, 1.ï5.
Diabète sucbé et tabès, par Guinon
et Souques, 305.
Dystrophie musculaire progressive,
par Sperling, l31elchowslcy, 125 ;
- par Spprling, 270.
ELECTROTIIÉnAPEUTIQUE, par Rep-
rnann, 137, 140.
Encéphale, dégénérescence kvstique
de l ? par Piclç, 129.
Encéphalite aiguë, par Friedmann,
132.
Epilepsie, corticale, par Soury, 97,
Ruseubach, 127 ; - partielle, par
lioller, Loewersfeld, 127 ; - antl-
fébrine dans l ? par 1\'ilder-
muth, 229; - hydrate d'amylène
dans l ? par Ùildermuth, 229,
\\'eber, 419 ; température dans
les accès d ? par Mairet, 250.
Epileptiques, assistance des -,
par Lacour, 2'r0, 450.
Faits divers, 159, 293, 450.
Folie, influence de la menstruation
sur la -, par Schule, 412 ; - pa-
thologie générale de la -, par
Fauser, 412; érotique, par Hos-
pital, 407; systématique mé-
lancoliqne, par Sehloess, 10J ; -
pathogénie de la - circulaire, par
Schubert, 410.
Fulguration, 453.
Ganglions, physiologie des-infra-
corticaux, par Ziehen, 130; -
sympathiques, par Hale M'Iiite,
398.
Genou, variétés qualitatives du
phénomène du -, par Benedikt,
126.
GLlOM.\TOSE, par Egorof, 137, 1'r0.
Hallucinations , psycho-motrices,
pal Séglas, 24; - sensorielles
dans les anomalies primitives de
l'humeur, par Cramer, 142; de
la vue liée à une lésion intra-
crànienne, par Chaumier, 261.
H1· : \IIATROPnIE faciale progressive,
par Popoff, 346. 0
Hémorriiagie sous dure-mérienne,
par 1111ttenszwriâ, 124.
HyosciNE, dans les maladies men-
tales, par Sighicelli, 228, Serger,
232.
Hypnotisme, en thérapeutique, par
Itossolimo, 137; Tokarski, 148.
Hystérie masculine, par Charcot,
1, par Bourneville et Sollier, 362;
épidémie il ? par Chatalof,
138; grave avec aliénation
mentale, par Siemerling, 269.
IDÉES DE grandeur chez les persé-
cutés, par Christian, 325.
Idiots, déformation du nez chez
les , par Revillet, 261.
Influenza, névroses et pychoses de
l ? par Kim, 280, Deventer, Soll-
brig, Roehring, Misspelbaum,409.
Injection de suc testiculaire dans
les maladies mentales, par Fronda,
228.
Maladies nerveuses, traitement des
- , par Aliiioi, 136.
Mamie transitoire, par Schwass, 411.
Médicaments nouveaux en aliéna-
tion mentale, 231.
Mélancolie, guérie par un érysipèle,
par Sczypiorski, 231 ; - troubles
trophiques et sécrétoires dans la
, par Saury, 258 ; - effet para-
doxal de la suppression de la
morphine dans la -, par Cullerre,
259.
Meurtre, par Noecke, 227.]
488 TABLE DES MATIÈRES.
Microgyrie, par Otto, 423.
Moelle épiniére, voies motrices de
la-, par Rossolimo, 52, 189; -
lésions de la substance grise de
la - dans les lésions des cordons
latéraux, par Fuerstner, 128 ; -
altérations remarquable de la -,
par Kronthal, 133 ; - anomalies
de développement de la , par
Buchliolz, 133 ; - technique his-
tologique de la , par Minor,
\\'iedmann, Ibregia, 134 ; affec-
tions systématiques de la -, par
Minor, 146; lésions combinées
de la dans l'enfance, par
Oppenheim, 268.
Morphinomanie, 451, 452.
Musculaire, contraction et con-
ductibilité des nerfs, par Golds-
cheider, 275.
Mutisme mélancolique, pathogénie
du -, par Séglas, 267.
Nerfs, paralysie de plusieurs -
crdr : iens, par Mendel, 4l1 ; - de
l'entre-croisement des fibres ner-
veuses dans le chiasma des
optiques, par Delbrueck, 129 ; -
altérations des - optiques à la
suite de la lésion du lobe occi- -
pital, par lI1oeli, 273; - racines
du auditif, par Baginsky, 273;
altérations des cellules du
noyau du facial chez le lapin
à la suite de l'arrachement, par
Nissl, 283; - structure des -
périphériques, par Epoff, 147.
Névrite, troubles trophiques de la
peau dans la -, par Erlenmeyer,
125; - alcoolique multiloculaire,
par Thomsen, 131 ; alcoolique
avec myosite, par Siemerling, 271.
Névrose traumatique, et aliénation
mentale, par Richter, 227; - et
affections organiques du système
nerveux, par Oppenheim, 411.
Neurasthénie tardive avec idées
obsédantes, par Séglas, 266.
Noyaux arciformes, par Jelgersma,
' 126.
OCULO-teTBUR commun, nouveau
groupe cellulaire de l ? par
Vestphal 269 ; - paralysie de
l ? par UhthotI, 270.
OEIL, chez les aliénés, par Royer, 261 ;
paralysie progressive des mus-
cles de l ? par Westphal, 269.
Olfaction, appareil nerveux central
de l ? par Trolard : -63, 203.
OPTIQUE, altération de la bandelette
et du nerf - dans les lésions du
lobe occipital, par Moeli, 'F00.
Oreille, mouvements de 1'- et
sphère auditive, par Baginsky,
400.
Ostéomalacie dans l'aliénation men-
tale, par Wagner, 408.
Paralysie, bulbaire, par Remak,
275, 125; - radiculaire de la
première paire dorsale simulant
la syringomyélie, par Charcot,
161; - brachiale totale, par Ona-
noff, 357 ; histéro-traunaatlque
des quatre membres, par Sérieux,
31 ; isolée Au nerf bus-scapulaire
droit, par Bernhardt, 125; du
péronier, par Bel'l1hardt, 268;
Sperling, 268; du sus-scapu-
laire gauche, par Sperling, 269 ;
- générale, progressive, fré-
, quence et lésions de la moelle
dans la , par Iioeberlin, 129 ;
étiologie de la -, par Camuset,
240, Magnan, Joffroy, 2'll, Ballet,
242; chlorures d'or et de so-
dium dans la -, par Boubila,
259; trépan dans un cas de
- , par Rey, 260 ; à Gheel, par
Peeters, 402; - syphilis et -, par
Cuylits, 403; surmenage et -,
par Cuylits, 403;- d'origine sy-'
phtlitique, par Camuset, 403;
lipomes symétriques dans la -
par Targowla, 104; - chez les
Arabes, par Meilhon, 405;
chez les laïques et les religieux,
par Bouchaud 406; - aiué,
par Zacher, 416. '
Peau, excitation trophique de la
par le courant galvanique, par
Hoebner, 400.
PEINESCORRECT10NNELLES,l'éfOrmedeS
, par Sommer, 226.
Personnalité, dédoublement de la
, par Séglas, 24.
Perversion SEXUELLE, dans la no-
blesse allemande, 225.
Pinéale (glande), tumeur isolée de
la -, par Kny, 100; - ablation
de la - chez le chien, par
Schultze, 101.
Pipérazidine, expériences sur le
chlorhydrate de -, par Peretti,
417. "'
l'OLIEECCI'IfAl.Orl1'(iLl1'E progressive,
par Seeligmuller, 123.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 459
PonENCr11.1LIE, par Kreuser, 285.
Prix Esquirol, Aubanel et Belhom-
me, 135.
Psychiatrie, des particularités indi-
viduelles en -, 1 W.
Psychoses, postyphoïde, par Dou-
brovière, 13 ! J; - dans la tétanie,
par l ? ranl¡\-Hochwart, 409; -
consécutive aux opérations des
yeux, par Frankl Hochwart, 409.
Pupilles, incertitude convulsive des
- , par Danisch, 398.
Réflexe anal, par Rossolimo, 148.
ItIGIDITÉ articulaire, spasmodique
de l'enfance, par Ziehl, 128.
Ruban de Reil, histologie du -,
par Rossolimo, 129.
Scarlatine, troubles cérébraux con-
sécutifs à la -, par Rouillard, 267.
Sclérose, en plaques, au début.
par Uhthoff, 268 ; - fonctions de
la vessie dans la -, par Oppe-
nheim, 271.
SÉCLUSION, des locaux de -, par
Hertz, 414.
Simulation, par Richter, 220.
SONDE oesophagienne, par Targowla,
266.
Strabisme, comme indication du
siège de la lésion cérébrale dans
la rigidité spasmodique de l'en-
fance, par Ziehl, 128.
Suicide, par Thomson, 412 ; dans
les asiles d'aliénés, par Edel, 12l ;
- et civilisation, 452.
SULFONAL, par Yvon, 392.
Suspension, par Ascher, 422.
S1'Ii1\GGJI1'ÉLIE et scoliose, par
Rumpf, Bernhardt, Kronthal, 12.
Tabès et diabète sucré, par Guinon
et Souques, 305; étiologie du
- , par Bernhardt, Oppenheim,
425.
Traitement au lit et cellule, par
Hebold, 144.
Trapèze, lacune partielle du mus-
cle droit, par Eulenburg, 272.
TUBERCULES quadrijumeaux, origine
de la substance blanche des -,
par Held. 401.
Tumeurs cérébrales, par Oppenheim
et Remak, 127 ; - Symptomato-
lagie des -, par Rossolimo, Roth,
Kersakof, 138.
Urines, toxicité des - des aliénés,
par `Veill et Dubois, 251.
Vaccinales (cultures), par Belle,
262.
Varia, 261,444.
Vésication par suggestion, 230, 449.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Allaman, 441.
Alter, 279.
Ascher, 220, 422. z
Baginsky, 125, 273,400.
Baker, 224.
Ballet, 242.
Bechterew,133.
Belle, 262.
Benedikt, 126.
Bernhardt, 12 ? 12 ï,
268,425.
Bichhowsky, 125.
Binet, 440.
Blin, 401, 405, 407, 408.
Bloc,[, 153, 398, 41o.
Boéck (de), 397.
Bonamaison, 93.
Bonnet, 239.
Boubila, 259.
Bouchaud, 406.
Bourneville, 291, 294,
362, 449.
Bouveret, 150. -
Brasch, 276.
Briand, 135.
Buchholz, 133.
Cadéac, 240.
Camuse ! , 240, 404.
Charcot, 1, 161.
Charpentier, 150, 151,
152, 239.
Chatalof, 138.
Chaumier, 261.
Christian, 135, 325.
Combemale, 238.
Coutagne, 242.
Cramer, 142, 143, 418.
Cullerre, 259.
Cuylits, 403.
Danisch, 398.
Delbruck, 129.
Deny, 397, 395, 403.
Deventer, 409.
Doubrovine, 139.
Aubois, 251.
Edel, 421.
Egorof, 137, 140.
460 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Epoff, 147.
Erlenmeyer, 125.
Eulenburg, 272.
Fauser, 412.
Flechaig, 132. ' ·
Frankl-Hochewait, 409.
Friedmann, 132.
Fronda, 228. -
Fuerstner, 128. Z,
, <
Gerlach, 230.
Goldscheidel', 275.
Gosselet, 291.
Guimbail, 413. '
Guinon, 1, 305.
Hadden, 288.
Hale-White, 398.
Ilallion, 161.
]fcbo)d,14t.
Held, 401.
Hertz, 411.
Hase),)32. ,
Ilomen, 410.
Hospital, 407.
Jelmersma, 126.
Joliroy, 241, 2a7.
Keraval, 123 il 134, 156;
398 à u02 ; 409 à 426.
]iiii-tscliel', 138.
Kirn, 280.
Koebel'lin, 129.
Koebner, 400.
Kny, 100.
I(oi : sal : of, 138.
Creuser, 285.
Kroeprlin, 277.
Kronthal, 124, 133, 269.
399.
Kuhnen, 283.
Lacour, 246.
Lauderer, 283.
Le Boeuf, 397.
Lowenfeld, 127.
Magnan, 237, 241.
maire.238 :
Marandon de l\Iontyel,
427.
Marie, 237.
illaudsley, 221.
bleilhon, 405.
Mendel, 143, rll.
Meynert, 408.
1111llor, 134, 136.
1\lispelbaum, 409. -,
jlittensweig, 12L
nloeli, 143, 273, 400.
l\Ionakow, f00.
Naecl : e,.141, 227.
Nissl, 283. *
Obersteiner, 402.
Obregia, 134.
Onanofl, 357.
Oppenheim, 123, 127,
2G8, 271, 425, 141.
Orchanski, 149.
Ostermayer, 232.
Otto, 423.
Peeters, 402.
Perettl, 417.
Peterson, 290.
l'etrucci. 177.
Pick, 139.
Popoff, 316.
Poutzke, 136.
Remak, 127, 275.
Renaut, 256.
Repmanll, 137, 140.
Révillet, 260.
Ray, 260.
Richter, 220, 227.
Roehring, 409.
Roscioli, 227.
RosenuaCh. 125, 127.
Rossolimo,52, 129, 137,
' 138, 148, 189.
liotli, 138.
Roubinovitcli, 150.
Rouillarrl, 267.
Rousset, 233.
Boyer, 261.
Rumpf, 124.
Saurv, 258.
Schatier, 399,
Schloess, 409.
Schroeter, 41 ?
Schubert, 410.
Schule, 412. ,
Schultze, 101, il7.
Schwass, 411. ·
Scxypiorski, 150, 231.
Seeligmuller, 123. ·
Séglas, 21, 266, 267.
Serger, 232. ,
Sérieux, 31.
Siemerling, 269, 271.
Sighicelli, 228. p
Simon (Max), 442.
Sollbrin 409. -
Sollier, 362, 441 à 443.
Sommer, 226.
Souques, 305.
Soury, 97, 288. ,
Sperling, 125, 269.
Steiner, 416.
Targowla, 266, 01.
Thomsen, 131.
Thomson, 412.
Toulouse, 442.
Trolard, 69, 203.
Uhthoff, 268, 270, 274.
Unverricht, 401.
Wagner, 408.
Weber, 419.
Weill, 251.
\Verhoogen,397.
Westphal, 269.
Wiedmann, 134.
Wildermuth, 229. ,
Wollenberg, 123, 27-1.
Yvon, 392.
Zacher, 416.
Ziehcn, 130.
Ziehl, 128.
Evrcu : CI. llsmassr, imp. -- 1L';Il.