ARCHIVES
DE r.
NEUROLOGIE
Vl P.13 X , IMPRIMERIE DE CHARLES lien
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DE Ex
NEUROLOGIE
REVUE
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
PUBLIBF. 30119 LA DIItIW110\ DE
J.-M. OU ARGOT
AMX I.A rcitl.AlmllAriON DIC
MM. BALLET, BERNARD, BITOT BLANCIIAI1), BONNAIIIE (E.), UOUCHËREAU,
BmAND(5f.),BRCOX(P.),B)USSAUD(Ë.),'BHOUA)U)EL(P.),f : ATSARAS,C) ! AHPEriTOEn,
COTAItU, UEBOVE(61.), DELASIAUVE, DENY, DUMÉNIL, DUIIET, UUVAL(lLrnms),
VERRIER, GAUTIEZ, GÉRENTE, GILLES DE LA TOUHETTE, GOMBAULT, GRASSET,
HUBLI ? , HUCH41tU, JENUItASSIK, JOh'PItOY (A.), KAHN (T.), KELLER, KÉRAVAL (P.),
KOJEWNIKOF, LANDOUZY, LANNOIS, éCORCHé, LEGRAIN, LEGRAND DU SAIiLLE,
LEMOINNE, MAGNAN, MAIRET, M,R.4,NI)ON DE MONTYEL, MARIE, MAYGIIIER,
MAYOtt, IIEIIZI : JE\VSKY,hIUSGRAVE-CLA1',PAItINAUD, PETEL, P1ERHET,
PIGNOL, PITRES, POPOFF, RAYMOND, REGNA)) ! ) (P.). REGNARD (A.), HICHEX (P.),
SÉGLAS, SEGUIN (E.-C.), SIICOItSKY, SOUZA LEITE, TALAMON, TARNOWSKY,
TEINTURIER (I : .J,TIIW.11 : (H.), TROISIEII (E.), VA1LLAR1), V1GOUROUX (R.).
\0)S[N(J.),ZOHHAB.
Rédacteur en chef : BOURNEVII.LE
Secrétaire de la rédaction : Cil. Férue
Dessinateur : LEUBA.
Tome XI. - 1886. 1
Avec 2 planches et 12 ligures dans le texte.
PARIS
BUREAUX DU PHOGIIÈS MIsUICAi.
ilq, rue des Garnies.
1886
Vol. XI. Janvier 1885. N" 31
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
CLINIQUE NERVEUSE
DES MANIFESTATIONS \IF11NGITIQUES ET CÉRÉBRALES DES
OREILLONS [Contribution ci l'étude des troubles nerveux consé-
cutifs aux maladies aiguës) ;
Par les D9 M. LANNOIS et G. LEMOINE
I. Les oreillons ont été considérés par quelques
auteurs comme une affection locale relevant de causes
locales ; mais cette manière de voir, qui d'ailleurs a
toujours eu des opposants, n'est plus guère soutenue
aujourd'hui : pour la grande majorité des pathologistes
la maladie ourlienne est une maladie générale, vrai-
semblablement de nature infectieuse.
Cette opinion s'impose, au point de vue purement
clinique, par le seul fait des allures mobiles de la ma-
ladie, qui se traduit par les localisations lesplus variées :
à la parotidite, manifestation habituelle de la maladie
et qui lui a donné son nom, on voit succéder l'orchite
ou la vulvite; ici c'est la mamelle qui se prend, là
l'appareil sécréteur de l'urine ; chez tel malade l'agent
infectieux des oreillons va se localiser sur les séreuses
Archives, t. XI. 1
2 CLINIQUE NERVEUSE.
articulaires ou cardiaques, chez tel autre sur les
organes des sens, l'oeil ou l'oreille.
On aurait pu s'étonner, dans de telles conditions,
si le cerveau et ses enveloppes étaient restées
indemnes; aussi n'en est-il rien. On peut même dire
que les manifestations cérébrales des oreillons devaient
être parmi les premières à frapper les observateurs;
car, dans cette maladie si bénigne, elles sont presque
les seules qui aient par elles-mêmes un pronostic
grave, presque les [seules qui puissent causer la
mort.
La terminaison fatale par accidents cérébraux est
déjà signalée par Hamilton ' qui en rapporte un
exemple : Au printemps de 1758, un jeune homme de
vingt-deux ans présente des oreillons doubles et de
l'orchite; le deuxième jour, il 'est pris de délire et de
folie furieuse et succombe le troisième. Il ne fut pas
fait d'autopsie.
Trenel 2 rapporte deux cas de mort dûs à des
troubles cérébraux mal déterminés, et Astley Coopter 3
a vu la disparition soudaine des oreillons être suivie de
symptômes de compression cérébrale et de délire chez
un enfant qui succomba au bout de huit jours ; il pense
que dans ce cas la rétrocession s'est faite sous l'influence
de lotions d'alcool et de sous-acétate de plomb.
Aussi dans son Traité de Pathologie médicale *,
J. Frank admet-il sans réserve que la disparition des
t Hamilton. - London .41ed. Journ., t. ll.
2 Trenet. Tlipse de Sli-asbourg, 1812.
3 A. Cooper. 7 ? -aMc<t'o)t française de Cliassaignac et Richelot, 1835,
-p. 334.
4 J. Frank. Pathologie Médicale, t. V.
MANIFESTATIONS MENINGITIQUES DES OREILLONS. "3
fluxions parotidiennes peut être suivie de céphalalgie,
de délire, et même de mort.
Niemeyer' cite également un cas de mort par ménin-
gite dans le cours des oreillons.
On trouverait certainement d'autres cas de termi-
naison fatale à la suite des accidents cérébraux tels
qu'ils ont été indiqués parles anciens auteurs, Murât,
Groffier, Ressiguier, etc. Plus récemment Malabouche2
en a cité un cas, et M. Gillet' a rapporté l'histoire
d'un homme qui succomba rapidement après avoir
présenté du délire et deux pertes de connaissance suc-
cessives. Nous ne croyons pas devoir insister plus
longuement sur ces faits en raison des indécisions de
la description clinique et de l'absence de constations
anatomo-pathologiques.
Nous laisserons aussi de côté les faits qui ont été
publiés récemment par M. Glénereau`; la plupart de
ses malades avaient déjà présenté antérieurement des
accidents cérébraux graves (convulsions', attaques
épileptiformes, etc.).
Mais il s'en faut heureusement que le pronostic de
ces accidents soit toujours aussi grave; un peu avant
l'apparition de l'orchite ourlienne, ou coïncidant avec
celle-ci, on voit parfois survenir des troubles cérébraux
très intenses, rappelant la méningite, et qui, après avoir
donné lieu aux plus vives inquiétudes, se dissipent
rapidement et disparaissent sans laisser de traces.
1 Niemeyer. - Traité de Pathol. interne, 1869.
2 Malabouche. Thèse de àlontpellie)-, 1867, 11- 14. : 1 Gillet. Gaz. des Hôpitaux, 1873.
1 Glénereau. Sur une épidémie d'oreillons 'compliqués d'accidents
cérébraux (Bull. de Thérap., mai, É884).
4 CLINIQUE NERVEUSE.
Behr rapporte le fait d'un homme qui, atteint d'o-
reillons le 25 décembre, ne semblait pas en mauvaise
voie, lorsque le 20 il tomba brusquement dans le coma.
Behr le trouve dans l'état suivant : face pâle, yeux
fixes, carphologie, fièvre intense, pouls à 115, respi-
ration stertoreuse. Le lendemain matin il allait mieux
mais le soir même il présentait une nouvelle attaque
comateuse. Deux jours plus tard, amélioration sensible
qui va en s'accentuant, et le 7 janvier le malade est
guéri.
Dans le mémoire de Lyncha consacré aux manifes-
tations nerveuses de la goutte, on trouve un cas d'o-
reillons dans lequel il survint des accidents cérébraux
sous forme de délire avec illusions des sens et bourdon-
nements d'oreille. La face était pâle, le malade excité
et nerveux; pendant la nuit, délire violent. Le lende-
main, il est calme, le pouls est à 40, pas de dilata-
tion des pupilles. Ces accidents disparaissent rapide-
ment après une nuit tranquille et un sommeil profond.
La leçon clinique de Trousseau', si remarquable et
si souvent citée, fit bien connaître en France la possi-
bilité de ces accidents nerveux et les rendit classiques.
On connaît les deux cas qu'il avait observés : chez le
premier malade, au déclin des oreillons, anxiété inex-
primable, face,pâle, grippée, pouls petit, inégal, extré-
mités froides, tous phénomènes qui disparaissent avec
le début de l'orchite. Chez le deuxième, un jeune homme
de dix-sept ans, des oreillons légers passent inaperçus,
1 Behr. - Ilufeland's Journal, LXI, Hft. I.
2 Lynch. The Dublin quart. Journ. ofmed. Se., t. XXI, 1856, p. 29n.
à Trousseau. - Arch. géit. de méd., 1854 et Clinique de l'Hdtel-Diezi,
1, p. 252, 5e édition.
MANIFESTATIONS MÉNINGITIQUES DES OREILLONS. 5
puis il survient une fièvre ardente avec délire, carpho-
logie, vomissements, selles séreuses et involontaires;
on concevait déjà les plus vives inquiétudes lorsque
l'apparition d'une orchite permit à Trousseau de porter
un pronostic favorable.
Ce sont donc là des faits bien connus, et pour notre
part, nous avons vu à l'hôpital militaire de la Charité,
à Lyon, un cas qu'on aurait facilement pris pour une
méningite, si on n'avait été renseigné par l'état du tes-
ticule. On trouve de même dans la thèse de Lemar-
chand', un cas de Laveran, où l'état général était si
grave qu'on hésitait entre une fièvre typhoïde et une
méningite, lorsqu'on découvrit par hasard une tumé-
faction de l'un des testicules.
Un des derniers travaux importants sur ces manifes-
tations ourliennes est le mémoire de Gaillard, qui
leur consacre une notable partie de sa thèse et qui,
pour soutenir la parenté du rhumatisme et desoreillons,
les compare aux complications cérébrales du rhuma-
tisme articulaire aigu. Il rapporte six observations dans
lesquelles on trouve notés, à des degrés divers, de l'a-
battement, de la stupeur, des contractions spasmo-
diques, de la raideur de la nuque, de l'opisthotonos,
de la céphalalgie, de l'hyperesthésie, de la photophobie,
du délire, et enfin du coma.
Le malade qui fait l'objet de sa sixième observation
fut même, durant sa convalescence, atteint de manie
et d'aliénation mentale que l'auteur s'efforce de ratta-
cher aux oreillons.
En somme, il résulte de cette énumération, peut-être : ' Lemarchand. Thèse de Paris, 1875, Laveran. Art. Oreillons
in dict. Decliambre.
6 CLINIQUE NERVEUSE.
trop longue pour le lecteur et qu'on pourrait facile-
ment allonger encore, que la maladie ourlienne peut
s'accompagner de symptômes méningitiques , que ceux-ci
se présentent habituellement avec les allures mena-
çantes et que, si bien souvent la menace ne se réalise,
il n'en faut pas moins leur attribuer une bonne part
des morts par oreillons. Mais, nous le répétons, ce sont
là des idées bien connues depuis les leçons de Trousseau,
et nous n'aurions pas entrepris de rédiger cette note si
nous n'avions dû arriver qu'à cette constatation.
II. Ce que nous désirons montrer, c'est qu'il existe
dans le cours des oreillons des accidents cérébraux
autres que ces phénomènes méningitiques, accidents qui
ne sont plus comme ceux-ci aigus et transitoires, mais
qui au contraire persistent pendant un temps rela-
tivement long et attestent une lésion plus grave du
cerveau lui-même, nous voulons parler de l'aphasie et
des paralysies.
Il est possible, nous aurons à revenir sur ce point,
qu'il existe dans les deux cas un état inflammatoire
des méninges, mais dans le premier il n'y a qu'une
irritation des couches corticales sous-jacentes, dans le
second il y a une lésion des cellules de la substance
grise, une véritable encéphalite superficielle.
Nous résumerons d'abord un cas recueilli dans le
service du Dr Monro, et dont les notes sont dues à
M. Healy'; il nous servira de transition.
Un jeune homme de quinze ans, très nerveux, ayant beau-
coup de goût pour les mathématiques, contracte les oreillons.
1 Case of ya·otitis followed by o)'c/<t<M<K ! MCK : ny)7 ? < ? température,
^ecocerJ The Lancet, août 1883).
MANIFESTATIONS MENINGITIQUES DES OREILLONS. 7
Il paraissait guéri lorsque survinrent du délire, de la fièvre
et, le lendemain, une orchite. A partir de ce moment, la fièvre
au lieu de céder augmente considérablement et atteint le chiffre
énorme de 4.1,7 le soir du cinquième jour. Les pupilles sont
dilatées et insensibles à la lumière; constipation opiniâtre. Le
délire augmente et devient furieux les jours suivants, de sorte
qu'on est obligé d'attacher l'enfant. Le huitième jour, coma,
pouls filiforme et presque insensible. Toutefois, la température
s'étant légèrement abaissée le lendemain (39°,4), il revint' un
peu à lui, mais présenta des crises de manie furieuse pendant,
lesquelles il cherchait à mordre. Il est à noter qu'il n'y eut pas,
de céphalalgie, ni de vomissements.
A partir de ce moment il se rétablit lentement. Pendant' ·
près de six mois il eut de la peine à marcher, la démarche était
incertaine et incoordonnée. Il y a une difficulté manifeste de
la parole : il fait des efforts comme s'il voulait parler le plus !
vite possible et n'énonce qu'incomplètement les mots. Agra-
phie marquée. Les pupilles continuent à être très dilatées, et le '
malade s'émotionne facilement quand on lui parle.
Les phénomènes méningitiques du début sont donc
suivis ici de troubles persistant pendant six mois : z,
troubles de la parole, agraphie, parésie et incoordina-.
tion des membres inférieurs. Dans l'observation sui-
vante, rapportée sans grands détails d'ailleurs part
M. Janson-Zuède', on trouve de l'aphasie et une pa-
ralysie localisée au bras droit. Ces accidents furent
transitoires.
Il s'agissait d'un jeune homme de dix-sept ans, atteint de
parotidite et d'orchite à droite, chez lequel le pronostic sem-
blait favorable, lorsqu'il fut pris tout à coup de délire furieux;
la face est très pâle, la langue sèche et fuligineuse, la déglu-
tition difficile, les pupilles immobiles; il y a en même temps
de l'aphasie et une monoplégie brachiale droite avec anesthésie,
le pouls est très lent, enfin il y a de l'anurie.
Sous l'influence d'un traitement énergique (drastiques, ré-
1 Janson-Zuède. Ann. de la Soc. méd.-ch. de Liège, mai 1884.
8 CLINIQUE NERVEUSE.
vulsifs, etc.), les accidents s'amendèrent rapidement et au
bout de cinq jours, les symptômes graves avaient disparu. Le
malade guérit rapidement.
Il est regrettable que ce fait intéressant n'ait été
rapporté qu'avec peu de détails, et que ceux même
qui sont donnés offrent peu de précision, ! L'aphasie est le symptôme le plus frappant dans une
observation rapportée récemment par 11Z. Sorel', et c'est
à peine si le malade a recouvré l'intégrité de la parole
au bout de quinze mois.
G... (Jean), vingt-quatre ans, caporal infirmier, entre à l'hô-
pital militaire de Sétif le 27 mai 1882, au quatrième jour d'une
épididymo-orchite droite qui a été précédée d'une parotidite
double fugace. L'orchite rétrocède dès le 29, la fièvre ayant
atteint son apogée (41°,ts) le 28 mai; l'apyrexie est complète
le 2 juin.
Le délire fait son apparition le 29 mai, alors que la tempé-
rature commence à descendre mais est encore au-dessus de 40° ;
il se continue les deux jours suivants et ne cède que le 1 Pr juin
au moment où la défervescence s'achève. Ce délire de moyenne
intensité a les plus grandes analogies avec celui de la fièvre
typhoïde ; il est plus ou moins professionnel et cesse momen-
tanément quand on provoque l'attention du malade.
"Au délire succède un abattement des plus marqués, avec
anorexie presque absolue, d'une durée de quatre à cinq jours.
Le le, et le 2 juin, le pouls, petit, bat 90 fois à la minute,
l'urine est albumineuse et les selles contiennent un peu de
mucus sanguinolent.
La convalescence ne s'accuse que peu à peu ; en même temps
apparaissent des troubles du langage. Les réponses sont lentes ;
la langue, qui parait moins mobile au malade, fourche sur
certaines syllabes ; les mots sont cherchés, sans qu'il y ait subs-
titution de l'un par l'autre, mais assez souvent le mot propre
fait défaut ouest trouvé avec peine; cependant, d'après le
i Sorel. Orchite ourlienue atrophiatte; complications cérébrales,
aphasie légère, mais prolongée (Arch. de inéd. niil., d3c. 1883).
MANIFESTATIONS MENINGITIQUES DES OREILLONS. 9
malade, l'idéation est intacte, la conception des mots nette,
seul le passage à l'expression verbale est difficultueux. Il n'y
a chez lui ni cécité, ni surdité verbale, mais seulement un
certain degré d'aphasie motrice. Un mot trop long reste inachevé,
la formation des dernières syllabes étant oubliée au temps même
où les premières sont prononcées.
Le malade sort de l'hôpital le 2 juillet; ses forces restant
amoindries, et les troubles du laugage persistant, bien qu'atté-
nués, il est envoyé en congé de deux mois vers le milieu de
septembre. A son retour, en novembre, les forces sont reve-
nues ; il éprouve encore quelque difficulté à s'exprimer et c'est
à peine s'il a recouvré l'intégrité du langage en septembre 1883.
Enfin dans le cas que nous avons nous-mêmes ob-
servé, l'atteinte du cerveau est plus profonde et plus
persistante ; notre malade présente de l'aphasie et une
hémiplégie droite qui vont, il est vrai, en s'améliorant,
mais qui paraissent cependant suffisantes pour motiver
la réforme. Voici le fait :
Thorreau, 2° canonnierau 32e régiment d'artillerie à Orléans,
s'esttoujours bien porté, et n'a jamais eu d'accidents de rhuma-
tisme, ni de syphilis. Ses parents (père et mère) sont bien
portants; jamais, dit-il, il ne les a vus malades.
Le z ? mars 1883 (il régnait à ce moment au 32° d'artillerie une
épidémie d'oreillons qui atteignit t5t malades), il est admis à
l'infirmerie pour des oreillons doubles sans symptômes inquié-
tants et sans gonflement excessif des régions parotidiennes. La
tuméfaction commence à diminuer dès le z5 et le malade
paraît en bonne voie.
Le 28 au soir, le malade est pris subitement de vomissements
d'abord alimentaires, puis bilieux, et perd connaissance. L'un
de nous, appelé immédiatement, voit le malade quelques ins-
tants après et le trouve dans un état de stupeur voisin du coma.
Toutefois, en l'excitant un peu, on arrive à le tirer momenta-
nément de sa torpeur; il semble alors comprendre les inter-
rogations qu'on lui pose et essaie de répondre et ne réussit
qu'à rendre des sons inintelligibles; il retombe rapidement
dans son état primitif d'assoupissement.
Le corps est dans la résolution, mais on constate facilement
10 CLINIQUE NERVEUSE.
une paralysie absolue du mouvement dans les membres supé-
rieur et inférieur du côté droit. Il y a une hémianesthésie
complète des membres et du tronc; une épingle, enfoncée
jusque dans le tissu cellulaire sous- cutané, ne provoque aucune
réaction, tandis qu'à gauche les pincements, et les piqûres un
peu violents sont parfaitement sentis.
Il a en même temps un certain degré de contracture dans
les membres du côté droit qui sont dans l'extension ; on éprouve
une résistance manifeste soit pour les fléchir, soit pour les
étendre.
Les pupilles sont dilatées. On constate à la main une éléva-
tion très notable de la température. On interroge ses voisins
sur les phénomènes qui ont accompagné la perte de connais-
sance ; rien ne rappelle les phénomènes épileptiformes.
Le malade est envoyé à l'hôpital d'urgence.
Le 29 mars, à la visite du matin, on trouve comme la veille
une hémiplégie droite; la face est paralysée du côté gauche.
Déviation conjuguée des deux yeux à gauche. La langue est
aussi un peu déviée du côté gauche. La raideur des membres
persiste quoique atténuée; l'anesthésie a beaucoup diminué.
La connaissance est parfaitement revenue; mais il ne peut,
malgré ses efforts, articuler aucune syllabe; il comprend très
bien ce qu'on lui dit et répond oui et non par des signes de tête.
Il porte fréquemment la main gauche à sa tête et fait com-
prendre qu'il souffre beaucoup. Les pupilles sont toujours di-
latées.
Les vomissements bilieux se sont renouvelés ce matin ; ano-
rexie, soif vive, constipation; le ventre est manifestement ré-
tracté.
La fièvre est assez marquée, 39°, le matin, 39°,la le soir;
mais il y a un fait qui frappe immédiatement, c'est la lenteur
relative du pouls qui ne bat que 60 fois à la minute. L'aus-
cultation du coeur et de la poitrine reste négative.
Sulfate de soude, dix sangsues aux apophyses mastoïdes.
Le 30, l'état est le même mais un peu amélioré; la paralysie
et l'aphasie persistent, mais la déviation des yeux a disparu et
la paralysie faciale est très atténuée. Le retour de la sensibilité
est très appréciable, quoique encore imparfait. Cependant la
fièvre est toujours notable, 38°, 8 le matin, 39°, 5 le soir.
De plus on apprend que le malade a uriné au lit, et on constate
qu'il s'agit d'une miction par rengorgement ; car la vessie est
MANIFESTATIONS 112ÉNInGITIQUES DES OREILLONS. 'il i
pleine et la sonde en retire une assez grande quantité de liquide
limpide et fortement coloré.
Le 1" avril, les symptômes continuent à s'améliorer; la
raideur musculaire et l'hémianesthésie ont presque complète-
ment disparu. Le malade, qu'il avait encore fallu sonder la
veille, urine seul. La température s'abaisse, 38°,5 le matin,
38°,7 le soir.
Pendant quelques jours, l'état se maintient stationnaire et
il faut arriver au douzième jour après l'accident, au 10 avril,
pour voir reparaître quelques mouvements assez faibles
d'ailleurs dans les membres paralysés. La paralysie de la face
s'est complètement dissipée. Il répond oui et non et répète le
mot pain quand on le prononce devant lui. La température
après avoir suivi une marche régulièrement décroissante est
aujourd'hui normale. Le malade commence à avoir un peu
d'appétit, mais il est toujours constipé et on lui donne tous les
deux ou trois jours un peu de magnésie.
Un changement des plus notables se produit à partir de ce
moment ; il nomme les objets qu'on lui présente (assiette,
couteau, etc.) sans trop de difficulté. Les membres, sous
l'influence des courants faradiques, reprennent leurs mouve-
ments, et il les déplace facilement dans son lit. Le 25 avril, il
peut faire quelques pas appuyé sur une canne.
Pour ne pas allonger inutilement cette observation, nous
ajouterons seulement qu'au moment où le malade a été perdu
de vue, l'aphasie avait disparu presque complètement et ne se
traduisait plus que par de l'hésitation pour prononcer certains
mots ; on ne peut en particulier lui faire articuler convenable-
ment le mot fourchette. Il y a encore de la faiblesse assez
marquée dans les membres à droite : la main droite serre avec
beaucoup moins d'énergie que la gauche. Il traîne la jambe en
marchant et est obligé de s'appuyer sur sa béquille ou sur sa
canne; il se fatigue vite. L'état général est excellent.
A la date du ler avril 1885, nous avons appris que Thoreau
était complètement guéri de sa paralysie et que depuis plus
d'un an il s'était placé dans nne ferme.
Quelle est la nature des troubles nerveux que nous
venons de décrire au cours des oreillons. Le mot de
métastase, qui suffisait aux anciens auteurs, n'est en
12 CLINIQUE NERVEUSE.
somme qu'une étiquette qui ne peut nous satisfaire;
aussi a-t-on cherché une explication plus précise, sans
beaucoup de succès, il faut l'avouer.
Pour Eichhorst', ces accidents seraient dûs simple-
ment à une hyperhémie cérébrale passive, reconnaissant
pour cause la compression de la jugulaire par la tumeur
parotidienne : explication qui n'est pas soutenable,
en présence de faits (celui de Janson-Zuède, par exemple)
dans lesquels la lésion cérébrale siège du côté opposé
à l'oreillon, ou d'observations dans lesquelles on voit
les troubles cérébraux survenir précisément au moment
où la parotidite disparaît.
On a invoqué aussi la possibilité d'embolies car-
diaques, et le fait trouverait un appui dans les obser-
vations si intéressantes rapportées par M. Jaccoud et
M. Grancher, en France, par Appleyard, en Angleterre,
d'endocardites aiguës développées au cours des oreil-
lons : mais, outre que l'embolie ne pourrait expliquer
les phénomènes d'excitation cérébrale, il est des cas,
comme le nôtre, où l'intégrité du coeur est nettement
indiquée. Nous n'ignorons pas qu'une coagulation
pourrait se former insidieusement dans un point du
coeur, dans l'auricule gauche par exemple, et devenir
le point de départ de l'embolus ; dans l'intéressante
discussion d'un cas d'hémiplégie droite et d'aphasie
survenues chez un malade atteint de fièvre typhoïde,
M. Vulpian en a admis la possibilité. Il conclut ce-
pendant que chez son malade il y avait plutôt une
thrombose de la sylvienne gauche qu'une embolie.
i Eichhorst. Ziemmsen's Ilandbuch, 1883.
2 Vulpian. 0<)'K(;< ! 07tde<'ay ? e ? eKtte gauche dans la fièvre
typhoïde (Reu. dernéd., févr. 88 ? ).
MANIFESTATIONS MENINGITIQUES DES OREILLONS. 13
La complexité des lésions dans notre cas rend toute
explication bien plus difficile encore. Puisque l'absence
de constatation anatomique nous réduit aux hypo-
thèses, nous pourrions admettre qu'il s'est fait en un
point de la sylvienne gauche une endartérite et une
thrombose tenant sous leur dépendance l'aphasie et
l'hémiplégie; il ne s'agirait d'ailleurs que d'une obs-
truction incomplète ou ayant cédé rapidement, puisque
l'aphasie disparut au bout de quelques jours et la
paralysie après quelques mois.
Cette thrombose nous semble probable, mais elle ne
peut suffire à elle seule à expliquer tous les phénomènes
observés. Elle ne rend pas compte en particulier de
l'hémiplégie faciale gauche, non plus que des phéno-
mènes divers tels que la fièvre, les vomissements,
l'anesthésie, les phénomènes pupillaires, etc. Notons
également qu'il serait aussi difficile de les expliquer
tous par une lésion de la protubérance.
Tous ces symptômes, fièvre, vomissements, consti-
pation, ralentissement relatif du pouls, raideur des
membres paralysés, dilatation pupillaire, nous semblent
nettement se rattacher chez notre malade à une hyper-
hémie active des méninges et de la couche corticale
sous-jacente. Il y avait vraisemblablement chez lui de
la méningo-encéphalite, et cette méningo-encéphalite
atteignait les deux hémisphères. Si on admet ce point,
comme nous sommes disposés à le faire, on pourra se
rendre compte assez facilement des phénomènes obser-
vés : la lésion cérébrale consécutive à la méningite,
peut-être à des exsudais plus ou moins abondants pour
certains points, était légère sur le tiers inférieur de
a circonvolution frontale ascendante droite et n'a
14 le CLINIQUE NERVEUSE.
entraîné qu'une hémiplégie faciale gauche passagère ;
plus intense dans la région psycho-motrice et sur le
pied de la troisième circonvolution frontale à gauche,
- s'accompagnait d'un certain degré d'obstruction de la
sylvienne gauche, elle a entraîné de l'aphasie ayant
duré une quinzaine de jours et de l'hémiplégie plus
durable, quoique également passagère. Il se serait
passé là ce qui s'observe d'ailleurs dans certaines mé-
ningites aiguës, et surtout dans la méningite tubercu-
leuse, où l'on voit des paralysies partielles très diverses,
échappant à toute formule absolue, aussi variables
que le siège et le nombre des lésions.
III.-Nous pensons donc, en résumé, que les acci-
dents encéphalopathiques des oreillons doivent être
rattachés à des lésions méningées d'ordre congestif ou
inflammatoire; le plus souvent celles-ci ne déterminent
qu'une irritation superficielle qui disparaît rapide-
ment après avoir donné lieu à des symptômes plus
redoutables en apparence qu'en réalité. Au contraire,
dans quelques cas de nombre heureusement restreint,
elles donnent naissance consécutivement à des lésions
de l'encéphale lui-même (encéphalite ou ramollisse-
ment) qui produisent alors des aphasies et des para-
lysies plus ou moins graves et durables. Parfois même
elles peuvent entraîner la mort.
Il nous semble aussi qu'un enseignement se dégage
des observations que nous avons rapportées : chez le
malade de Janson-Zuède, les accidents cédèrent en peu
de jours aux émissions sanguines locales et aux pur-
gatifs. Il faut donc, chez les malades ourliens présen-
NEVRALGIE ET PARALYSIE OCULAIRE. 15
tant des symptômes cérébraux qui peuvent tout à coup
prendre des allures menaçantes, recourir à une théra-
peutique immédiate et énergique.
NÉVRALGIE ET PARALYSIE OCULAIRE A RETOUR PÉRIODIQUE,
CONSTITUANT UN SYNDROME CLINIQUE SPÉCIAL;
Par II. PARINAUD et P. MARIE.
L'affection dont il s'agit n'a pas encore été décrite
en France, et nous ne croyons pas qu'il .en ait été
publié d'observation, du moins dans les principaux
recueils que nous avons pu consulter à ce sujet.
C'est tout récemment (1884) que P.-J. Môbius a
appelé sur elle l'attention dans un travail où se
trouvent rapportés un cas qu'il a étudié personnelle-
ment et deux autres observations analogues de v.
Hasner et de Saundby; depuis ce travail, d'autres
observations ont été publiées par Thomsen, Remak,
Saundby etc. ; il semble donc que les cas soient plus
fréquents qu'on aurait pu le penser tout d'abord;
ajoutons que de l'analyse de toutes ces observations,
eu égard à l'analogie vraiment frappante des symp-
tômes présentés, il nous paraît légitime de conclure
qu'on est là en présence non pas d'une association
fortuite de phénomènes plus ou moins bizarres, mais
d'un syndrome parfaitement comparable à lui-même
et méritant une place à part dans la nosographie.
C'est à la consultation externe de M. le professeur
Charcot que nous avons eu l'occasion de voir et
16 CLINIQUE NERVEUSE.
d'étudier la malade dont nous publions ci-après l'ob-
servation.
Observation I (Personnelle) 11m° Marie Per..., vingt-
six ans, mariée, trois enfants, pas de fausses couches, bonne
santé habituelle d'un caractère un peu emporté.
Mère un peu nerveuse, sans attaques. Grand'mère mater-
nelle morte après deux attaques d'apoplexie. Père alcoolique
violent, pas d'attaques.
Pas de syphilis appréciable; l'impaludisme n'est pas en
cause. Pas de bradytrophiques dans la famille.
Depuis l'âge de six ou sept ans, cette malade éprouve chaque
année au printemps des crises de névralgie orbitaire avec para-
lysie transitoire des muscles de l'oeil dont voici la description :
quand la malade se réveille, elle ressent une sorte « d'engour-
dissement dans le cerveau et dès qu'elle remue les yeux pour
regarder dans la chambre, une violente douleur se déclare au-
dessus du sourcil gauche, pas ailleurs. Cette douleur s'exagère,
et, vers neuf ou dix heures du matin, elle atteint son maxi-
mum. La malade éprouve une soif d'air intense, ouvre toutes
les fenêtres, puis la douleur se calme et disparaît complète-
ment vers midi, en laissant une sensation de lourdeur très
prononcée dans la tête. La nuit suivante, le sommeil est assez
bon et, le matin, les mêmes accidents se reproduisent.
Les accès augmentent d'intensité pendant cinq ou six jours,
restent dans le même état pendant une huitaine de jours, puis
diminuent. Les douleurs peuvent persister pendant deux mois;
au moment où elles sont le plus intenses il y a un peu d'em-
barras gastrique, perte d'appétit, quelquefois des vomissements,
c'est à la fin de la crise de douleurs que surviennent la diplopie
et la chute de la paupière, qui durent environ deux ou trois
mois et disparaissent peu à peu. La diplopie a été assez
gênante pour que la malade ne pût sortir sans être accom-
pagnée. 11 y a, entre chaque crise, des périodes de sept à neuf
mois, où la malade est tout à fait bien n'éprouvant ni dou-
leur ni diplopie.
Vers l'âge de quinze ans, au moment de l'établissement des
1 Celte observation a été communiquée par nous au^Congrès de la So-
ciété franchise d'ophthatmotogie de 1885, et insérée dans les Bulletins de
la Société, [). 283, 1885.
NÉVRALGIE ET PARALYSIE OCULAIRE. 17
règles, les crises ont diminué d'intensité. Elles revenaient tous
les ans, mais la douleur était moins vive ; elles se terminaient
par de la diplopie sans chute de la paupière.
Depuis cinq ans que la malade est mariée, les crises sont
. encore moins fortes; celle de 1883, n'a duré que quinze jours.
Au printemps de 1884, la crise a reparu, encore légère; mais,
pour la première fois, il y en a eu une seconde vers le 8 dé-
cembre. C'est celle-ci qu'il nous a été donné d'observer.
L'examen des yeux fait le 2 janvier, pendant un accès de
moyenne intensité, a donné les résultats suivants :
Paralysie de la troisième paire gauche intéressant toutes les
branches sauf celle du releveur de la paupière supérieure qui
fonctionne normalement. La paralysie est incomplète, le droit
interne est le plus intéressé.
Diplopie caractéristique de la paralysie des droits interne,
supérieur, inférieur, et du petit oblique.
Légère mydriase. L'inégalité pupillaire s'accuse quand on
fait réagir la pupille par la lumière ou la convergence.
Paralysie incomplète de l'accommodation H m = + 1,25 D
dans les deux yeux. S=0 Du 0 G ,=o; champ visuel normal.
Pas de lésions ophthalmoscopiques. Les phosphènes sont beau-
coup plus intenses sur l'oeil malade que sur l'oeil droit.
Le nerf sus-orbitaire gauche, n'est pas notablement doulou-
reux à la pression.
Si l'on provoque la contraction des muscles paralysés, la
douleur sus-orbitaire se développe immédiatement avec une
grande intensité. C'est ce qui a lieu en particulier pour le droit
interne qui est le plus intéressé. Instinctivement la malade
tient le regard fixé à gauche et en bas. Dans cette position
qui met les muscles au repos, elle ne souffre pas.
Un nouvel examen pratiqué le 8 janvier à six heures du soir,
après l'accès, a donné les mêmes résultats.
Le 46 janvier, la malade, qui a pris de fortes doses de qui-
nine va beaucoup mieux. Depuis deux jours, elle n'a pas eu
d'accès. Les symptômes oculaires persistent à l'exception de la
paralysie du droit inférieur qui a disparu. Il n'y a pas de di-
plopie dans la moitié inférieure du champ visuel.
Cette affection est donc caractérisée, d'abord par
une périodicité spéciale, en second lieu par l'asso- !
ciation de deux symptômes, la névralgie et la paralysie
AIHI3,.t, XI. 2
t8 : . CLINIQUE NERVEUSE.
des'muscles de l'oeil ; ou verra que, dans les observa-
tions qui suivent, les mêmes symptômes ont été cons-
tatés et que l'affection s'est dans tous les cas montrée
sous un aspect toujours semblable.
. Observation II (Résumée) '. Fille de six ans, dès l'âge de
onze mois, avait déjà eu pendant trois jours l'oeil droit de tra-
vers ; à l'âge de trois ans pendant neuf ou dix jours, violentes
douleurs dans l'oeil droit, à la suite desquelles celui-ci se met
encore de travers avec chute de la paupière supérieure ; dispa-
rition progressive de la paralysie en huit semaines. Depuis
lors, les accidents se reproduisirent de la même façon chaque
année, c'est-à-dire trois autres fois, apparaissant généralement
au mois d'août; par exception, l'attaque actuelle était sur-
venue au printemps,, débutant par des vomissements d'une
durée de huit jours et par une violente douleur qui en dura
quatorze. Deux jours après la cessation des vomissements,
la fente palpébrale commença à devenir plus petite; et du soir
au matin, l'oeil fut complètement fermé, en même temps que
les douleurs cessaient entièrement; cet état dura quelques
semaines, puis peu à peu de légers mouvements revinrent
dans les paupières et, dix semaines après le début de la para-
lysie on ne pouvait plus remarquer aucun trouble dans les
mouvements des muscles de l'oeil, mais la mydriase subsistait
encore; la mère indiquait d'ailleurs que déjà auparavant, en
dehors des accès, on s'étonnait souvent de la largeur anormale
de la pupille droite de sa fille; et affirmait que toujours, dès
que la chute de la paupière avait eu lieu, les douleurs dispa-
raissaient aussitôt.
Observation III, de von Hasner 1 (résumée).- Fille de dix-
sept ans qui, depuis l'âge de treize ans, tous les mois/avait une
paralysie de l'oculo-moteur commun gauche. Celle-ci commen-
çait par du mal de tête et des vomissements et durait trois
jours. La menstruation s'était établie à l'âge de quinze ans,
1 P : J. Môbius. Ueber periodisch wiederkehrende Oculoniotoriusiah-
mung )9<f Wanderversammlung der sùdwestdeutsclien, Neurologen Berl.
Klin. Gi'ochschft., 1884, n° 38).
1 Prager n2éd. lYocheachr., 1883, n° 10, d'après l'analyse donnée par
Moblus.
NÉVRALGIE ET PARALYSIE OCULAIRE. 19
durait trois jours, et coïncidait avec la paralysie oculaire. On
remarqua que le ptosis disparaissait le deuxième jour, et que
les muscles de l'oeil redevenaient libres le troisième jour,
mais que la mydriase et la paralysie de l'accommodation étaient
encore peu modifiées le huitième jour.
Observation IV, de R. Saundby (résumée). Fille de
dix-neuf ans, ordinairement d'une bonne santé souffrait
depuis l'âge de douze ans, à des intervalles de six à neuf
mois d'accès particuliers. Ils débutaient par de la douleur au-
dessus de l'oeil gauche, des nausées, de la saburre, des vomis-
sements, dès vertiges et de la somnolence, et enfin survenait
du ptosis. Saundby trouva pendant l'accès une paralysie com-
plète des muscles droits interne, supérieur, inférieur, ptosis,
dilatation de la pupille et paralysie de l'accommodation; au
bout de quelques jours , amélioration , la douleur et les
vomissements disparurent ; le ptosis diminua. Au bout d'en-
viron trois semaines le droit supérieur était seul encore para-
lysé, il y avait aussi une légère trace de ptosis. Au bout de
deux mois, violent accès de douleur et de nausées d'une
durée de trois jours. Un accès observé par Saundby deux ans
plus tard avait commencé par de la douleur dans la tempe
gauche, des nausées de la saburre et de la constipation; ces
sympômes disparurent au bout de trois jours et l'oeil fut
paralysé. Huit semaines après le commencement de l'accès, il
existait encore de la paralysie du droit supérieur, de la parésie
du droit inférieur du sphincter de l'iris et du muscle ciliaire.
Observation V, de Thomsen2 (résumée). Le malade, actuel-
lement âgé de trente-quatre ans, d'une bonne santé générale,
sans antécédents héréditaires, fut pour la première fois, à
l'âge de cinq ans, pris d'une paralysie du moteur oculaire
commun de l'oeil droit en même temps que de nausées, de
douleurs céphaliques et oculaires ; depuis lors, cette paralysie
revient régulièrement une ou deux fois par an (mai et octobre)
toujours accompagnée des mômes prodromes. La paralysie
est complète (ptosis absolu, paralysie des droits supérieur,
1 Lancet, 2 sept. 1882, d'après l'analyse de Môbius.
2 Berl. Gesellsch. f. Psych. u. Ne2-veizki-a ? zkh., 10 nov. 1884, d'après le
compte rendu du Neurol. Cbl. 1884 no 23. Cette observation a croyons-nous
été publiée dans les Chartté-.4m : alen. Nous n'avons pas eu ce recueil à
notre disposition.
20 CLINIQUE NERVEUSE.
interné et inférieur, immobilité pupillaire et paralysie de l'ac-
commodation), et dure quelques semaines. Dans la période
libre d'accès existe une parésie d'intensité moyenne de l'oculo-
moteur. Depuis l'âge de treize ans, à la suite d'un traumatisme
céphalique, le malade, a des attaques d'épilepsie. L'auteur
fait remarquer. : 1° que la paralysie de l'oculo-moteur est,
lorsqu'elle s'établit, accompagnée de symptômes psychico-ner-
veux ; 2° qu'un accès incomplet fut observé à la suite d'un
choc moral intense et que la paralysie se trouva augmentée
après un accès d'angoisse nocturne (Angtanfall) ; 3° que le
'champ visuel des deux yeux, mais surtout celui de l'oeil droit
montre un rétrécissement concentrique tout à fait propor-
tionnel à l'intensité de la paralysie, augmentant ou diminuant
avec celle-ci. Au plus fort de la paralysie, le champ visuel de
l'oeil droit ne mesurait que 3-5°, à gauche 20°; les cercles des
couleurs se comportent d'une façon analogue.
L'acuité visuelle se montre, elle aussi, lors de l'acmé de
l'accès plutôt plus abaissée que dans l'intervalle.
L'auteur fait encore remarquer l'existence d'attaques épi-
leptiques, sans d'ailleurs vouloir établir aucune relation entre
les deux affections.
A la suite de la communication de Thomsen, Remak
rapporta :
Observation VI. Avoir soigné, il y a environ deux ans, un
brasseur (alcoolique) âgé de vingt-deux ans, qui depuis sa
douzième année avait des accès commençant par des nausées,
des vomissements et des douleurs dans la tempe gauche puis
aboutissant à de la photophobie et à la paralysie de l'oculo-
moteur commun ; ces accès duraient en tout deux ou trois
semaines et revenaient environ deux fois par an. Depuis trois
ou quatre ans, l'accès se renouvelle environ tous les trois
mois et depuis quelque temps, il persiste même dans l'inter-
valle un léger degré de paralysie du moteur oculaire commun.
Une tentative faite à Koenigsberg pour corriger cette para-
.lysie persistante par une opération de strabisme ne produisit
d'effet que jusqu'à l'accès suivant. Remak n'a pas examiné le
champ visuel de son malade. Il pense que Môbius a tort de
considérer son observation comme un cas de tumeur, et qu'il
est plus probable que cette affection doit être rapprochée de
la migraine.
névralgie ET paralysie oculaire. 21
Observation VII (résumée)'. Jeune négociant malade de-
puis quatre jours, ayant, lorsqu'il fut vu par Manz, une para7
lysie totale du moteur oculaire commun droit, un ptosis très
prononcé, une déviation très forte de l'oeil en dehors. Dans
les plus grands efforts de vision à gauche, l'oeil n'atteignait
pas la position moyenne, le mouvement en haut et en dehors
faisant complètement défaut. Dans le regard en bas on cons-
tatait nettement l'action du trochlearis. La pupille était d'une
largeur moyenne, notablement plus large qu'à gauche; elle
n'avait aucun mouvement. L'acuité visuelle (examinée avec
un diaphragme) ne mesurait du côté malade que 4/6, tandis
qu'elle était normale du côté sain. Dans celui-là existait une
hypermétropie de 1 dioptrie, dans celui-ci seulement de 0,25
dioptrie. L'accommodation était tellement diminuée à droite
que le malade, pour lire les caractères d'impression de gros-
seur moyenne, avait besoin d'un verre convexe de 4j5 diop-
trie.
En outre de la diplopie, le malade se plaignait d'une dou-
leur sourde et térébrante dans le voisinage de l'oeil, et surtout
derrière l'oeil. Cette douleur avait d'ailleurs commencé dès le
jour précédent à devenir un peu moins violente.
L'ophthalmoscope montrait seulement un peu de dilatation
des plus grosses veines rétiniennes.
D'après les renseignements donnés par le malade, cette
affection, dont il a fréquemment éprouvé les atteintes, aurait
débuté vers l'âge de quatorze ou quinze ans à la suite d'une
saignée pratiquée à la tempe à cause de violentes douleurs
de tête. Ces douleurs de tête, siégeant surtout du côté droit,
se sont d'ailleurs manifestées dès la plus tendre enfance et
survenaient de temps en temps. Depuis l'âge de quatorze ou
quinze ans, la paralysie oculaire se montre très souvent,
environ toutes les quatre ou six semaines, dit le malade; elle
est toujours précédée des mêmes douleurs de tête hémicrâ-
niennes qui, dès l'apparition de la paralysie, diminuaient et
ne tardaient pas à cesser complètement. Quant à la durée de
la paralysie, elle était très variable; tantôt▶ elle disparaissait
au bout d'un ou de quelques jours, ◀tantôt▶ au bout de quelques
semaines seulement,et cela surtout dans les dernières années.
1 W. Manz. Ein Fall von periodischer Oculomotorius-Lcthmung. Berl.
Klin. Woch., 1885, no 40.
22 CLINIQUE NERVEUSE. ' -
L'emploi du courant constant aurait, d'après le malade, quel-
quefois diminué la durée de la paralysie.
Dans l'intervalle des accès, la disparition de la douleur de
tète était seule complète, mais non celle de la paralysie, car,
d'après le malade, il conservait une pupille un peu élargie
et un léger strabisme divergent avec diplopie quand il regar-
dait fortement à droite.
Manz n'a pu observer son malade que pendant quelques
jours, celui-ci ayant voulu continuer son voyage; déjà le
second jour, la douleur de tête avait complètement disparu,
et le ptosis était devenu plus modéré, sous l'influence de l'ésé-
rine. La pupille s'était bien rétractée ; après deux séances de
courants continus , les fonctions de l'oeil s'étaient amé-
liorées. Le quatrième jour, la paupière supérieure s'était suffi-
samment relevée pour, découvrir la pupille. La mobilité du
bulbe oculaire avait un peu augmenté, surtout du côté nasal.
Observation VIII. (R. Saundby). Un cas de migraine avec
paralysie de la y paire (Lancet, 10 janvier 1885). William
P..., admis le 31 août 1884 à l'hôpital général de Birmingham
pour malaise et douleur au-dessus de l'oeil droit et dans la région
malaire droite. L'oeil droit était fermé; il était indisposé
depuis 3 jours (Sickness) avec mal de tête, mais sans douleur
localisée. Un an auparavant, il avait été dans cet hôpital pour
une affection semblable ; sur le livre des observations on trouve
qu'en novembre 83, il avait été admis comme souffrant d'une
douleur au-dessus de l'oreille droite, pendant les quatre jours
précédents il avait vu double. Il y avait un peu de ptosis à droite;
léger écoulement par l'oreille gauche ayant cessé immédia-
tement après l'entrée à l'hôpital ; il y avait une certaine
faiblesse dans l'action du nerf facial gauche, surtout pour
la partie inférieure ; l'ouïe n'était affectée d'aucun côté. Intel-
ligence pas.très développée ; rien de spécial chez les parents ;
intelligence de la mère peu développée.
Etat actuel (2 septembre 1884). L'enfant, qui parait d'une
bonne complexion, n'a pas vomi depuis son admission et ne se
plaint d'aucune douleur. Il y a ptosis de l'oeil droit et parésie
du droit interne ; il voit double et, quand il marche, couvre son
oeil droit ; pas de sensibilité du cuir chevelu. Léger degré d'asy-
métrie des plis naso-labiaux, la bouche semble un peu tirée à
droite ; mais la partie supérieure de la. face est tout à fait nor-
névralgie ET paralysie oculaire. 23
mâle ; la langue se tire bien droite ; il marcheparfaitement, pas
d'état vertigineux. Les viscères, notamment l'estomac, ne
présentent aucun trouble. L'examen des yeux fait par Ealès
le 6 septembre n'a montré aucune paralysie des muscles ni
aucune altération du fond de l'oeil.
Saundby considère ce cas malgré les lacunes de l'observation
(lacunes dues à ce qu'il n'a pu étudier le malade que plusieurs
jours après le début de l'affection), comme un cas de « migraine
récurrente avec paralysie de la 3- paire », et rappelle qu'il y a
deux ans il apublié dans la Lancet un cas beaucoup plus accen-
tué de cette affection, le seul dont il ait connaissance jusqu'à
présent : Wilks parle il est vrai de la paralysie de la 3° paire
dans la migraine mais sans citer aucune observation; Horner,
d'autre part, a décrit une forme de ptosis qu'il attribue à la
paralysie des fibres musculaires lisses de Mùller qui se rendent
dans l'orbiculaire des paupières.
En somme, on le voit dans toutes ces observations 1,
on retrouve les mêmes symptômes se montrant dans
le même ordre, tout d'abord malaise général avec
phénomènes gastriques et douleurs, suivis, après .un
laps de temps plus ou moins long, de paralysies ocu-
laires avec diplopie et strabisme; ces paralysies ont,
elles aussi, une durée variable et peuvent persister,
avec une intensité très affaiblie il est vrai, plusieurs
mois après la disparition des premiers symptômes. Un
autre caractère des plus singuliers, celui qui a parti-
culièrement attiré l'attention des observateurs, c'est
la tendance aux récidives et surtout à la périodicité de
1 Depuis la rédaction de ce travail nous avons trouvé dans la Semaine
Médicale sous la rubrique « Lettres d'Angleterre » l'indication de deux
autres cas de cette affection : l'un de Suell chez une fille de huit ans qui
avait eu sa première attaque à l'âge de dix-huit mois. L'autre de
E. Clark, fille de douze ans, sujette à des migraines toutes les semaines
le strabisme divergent, le ptosis et la dilatation de la pupille duraient en
général plusieurs jours. Quant au cas de Ormerod, les détails nous
manquent et nous ne pouvons affirmer qu'il appartienne au même ordre
de faits, ce qui à première vue nous semble peu probable étant donné
l'âge de la malade. ' . ,
24 CLINIQUE NERVEUSE.
celles-ci (1 ou fois par an, tous les trois mois, tous
les mois).
Quant au rétrécissement du champ visuel, il n'est
signalé que dans l'observation de Thomsen, peut-être
n'a-t-il pas été exploré par les autres auteurs,
pour nous, nous l'avons recherché d'une façon
méthodiqne et nous pouvons affirmer qu'il n'existait
pas ; il est vrai qu'au moment où nous voyions la
malade, la période aiguë avait en partie disparu.
Au point de vue de l'étiologie il ne semble pas qu'il
y ait une prédominance bien marquée pour un des
sexes, le nombre des observations étant encore trop
restreint pour qu'il soit possible de se prononcer à cet
égard, sur nos huit observations, quatre concernent
des femmes, les quatre autres des hommes. Mais ce
qui mérite d'être mis tout spécialement en lumière,
c'est l'âge du début; toujours cette affection commence
à se manifester dans l'enfance, et quelquefois même
dans l'âge le plus tendre. A ce propos, nous ferons
.remarquer l'âge de onze mois signalé dans l'obser-
vation de Môbius et le retour des accidents à l'âge de
trois ans. Le début à douze ou treize ans semble
être assez ordinaire.
Reste la question de la nature de cette affection. Il
est un point sur lequel insiste avec raison Môbius,
l'origine centrale, celle-ci nous semble indiscutable,
mais pour ce qui est de la localisation exacte des
parties de l'encéphale dans lesquelles se trouve le
point de départ de ces phénomènes, nous ne pensons
pas qu'il soit actuellement possible de la déterminer
d'une façon rigoureuse. En intitulant ce travail :
« Névralgie et paralysie oculaire à retour périodique »,
névralgie ET paralysie oculaire. 25
nous avons eu surtout en vue d'indiquer l'existence
de la douleur, sans spécifier aucunement la nature de
celle-ci. L'idée, qui au premier abord est la plus ration-
nelle, est évidemment celle que l'on -a affaire à une
sorte de migraine, telle est aussi la manière de voir
de Saundby et de F. Remak ; mais il faut avouer qu'on
est ici en présence d'une migraine d'une espèce bien
singulière et qui ne revêt guère les caractères ordi-
naires de cette affection, car ici la douleur est limitée
non seulement à un côté, mais à un segment de la
face, il existe des phénomènes paralytiques plus
intenses que ceux que l'on observe ordinairement et
surtout persistant bien longtemps après la disparition
de la douleur, de telle sorte qu'on pourrait dire qu'on
est là en présence d'une migraine non seulement
« accompagnée o, mais encore « suivie » . Enfin, le peu de
fréquence des attaques, leur périodicité, sont encore
des caractères que l'on ne retrouve guère dans les
formes actuellement connues de la migraine.
On pourrait donc se demander s'il ne s'agit pas
d'une lésion organique grossière, comme tendrait à le
faire penser l'observation suivante de Weiss ?
OBSERVATIONIX, de Weiss' (résumée). - Femmè phthisique
reçue à l'hôpital sans aucune affection oculaire (2 septembre
1884). - Le, 8 septembre paralysie totale du moteur ocu-
laire commun gauche; celle-ci avait disparu le 20 septembre. La
malade affirme que depuis son enfance, tous les ans, d'une
façon transitoire, elle était sujette au même accident. Le 14
octobre, de nouveau paralysie totale persistant jusqu'à la fin
d'octobre. - Lorsque je vis la malade au commencement de
novembre, on ne remarquait plus rien d'anormal à l'oeil gauche
sauf un léger ptosis. Le 20 novembre en plus du ptosis, se
reis ? Wiener Med. lvoclieîischr., 25 avril. 1885.
26 - CLINIQUE NERVEUSE.
montrèrent de la mydriase, l'absence de réaction de la pupille
à la lumière et à la corvergence, les muscles innervés par le
moteur oculaire commun ne se contractaient plus. Le peu
d'intelligence de la malade et son manque de connaissance
de l'allemand ne permirent pas de constater l'existence de la
diplopie. L'examen ophthalmoscopique fut négatif bien que
répété plusieurs fois. L'autopsie pratiquée parle Dr Kolisko
donna les résultats suivants : Phthisie tuberculeuse des
poumons. - L'oculo-moteur commun gauche est aplati, gri-
sâtre. Dans ses racines, à la sortie du pédoncule cérébral, existent
des granulations nombreuses,grises, delagrosseurd'unegraine
de pavot qui déterminent une légère tuméfaction mamelonnée
des racines nerveuses. L'oculo-moteur commun droit, ainsi
que tous les autres nerfs crâniens n'est pas altéré. Les muscles
innervés par l'oculo-moteur commun gauche ont subi la dégé-
nération graisseuse. L'examen microscopique, à l'état frais, des
granulations montre un nombre assez considérable de bacilles
de la tuberculose. Dans une coupe à travers le pédoncule
durci on constate que les granulations n'ont pas gagné la pro-
fondeur de l'organe.
Nous avouons qu'il nous est difficile d'accepter
l'opinion émise par Weiss que, chez cette malade, la
paralysie de la troisième paire était due à une inflam-
mation tuberculeuse chronique des racines de ce nerf,
inflammation dont chaque poussée se serait traduite
par une attaque de paralysie. Certes les dernières
attaques, celles qu'a observées l'auteur, ont pu recon-
naître cette cause, mais si réellement (et vu le peu
d'intelligence de la malade et son manque de connais-
sance de l'allemand, il est permis d'émettre quelque
doute à cet égard), elle a dès l'enfance présenté la
paralysie oculaire à retour périodique, nous ne pouvons
admettre que ce soit sous l'influence directe de la
tuberculose dont elle est morte.
Quant à l'observation de Gubler, citée par Weiss, et
dans laquelle on constata l'existence d'une exsudation
NÉVRALGIE ET PARALYSIE OCULAIRE. 27
plastique du cerveau englobant complètement le nerf
moteur oculaire commun, nous croyons devoir la
récuser absolument, comme n'appartenant pas au
même groupe de faits que celles dont nous nous
occupons ici. '
En résumé, ce qui nous semble le plus probable,
c'est l'origine centrale de l'affection et l'analogie du
processus qui la produit avec celui de la migraine;
quant à une explication méthodique des phénomènes
toute tentative de ce genre nous paraît actuellement
prématurée.
Suivant l'avis de notre maître M. le professeur Char-
cot, nous insisterons tout spécialement sur ce fait qu'il
faut se garder de confondre ce syndrome présentant
des caractères tout spéciaux avec les cas assez nom-
breux où il existe des paralysies oculaires à répétition.
Dans cette série de cas, il faut signaler entre autres
les tumeurs de la base, et, à ce propos, M. Charcot nous
citait l'exemple d'une jeune dame qu'il soignait tout
récemment encore et chez laquelle survenaient des
accès de céphalée durant quelques jours et qui plusieurs
fois s'étaient accompagnés d'un peu de strabisme de
l'oeil gauche, de diplopie et d'un sentiment d'engour-
dissement de la face à gauche et dans la moitié de la
langue; la malade mourut subitement ou du moins
très rapidement, l'autopsie ne put être faite, mais la
présence d'un néoplasme du côté de la base de l'en-
céphale ne faisait aucun doute pour les médecins qui
la soignaient.
. De même, chez un homme de cinquante et un ans,
que nous observons actuellement à la Salpêtrière et
- chez lequel une double névrite optique, de la céphalée
28 CLINIQUE NERVEUSE.
avec vomissements et d'autres symptômes bien marqués
ne laissent aucun doute sur l'existence d'une tumeur
cérébrale, il est survenu une première fois de la
diplopie en avril 1882, avec une durée de trois mois,
puis cette diplopie s'est montrée de nouveau en
février 1884 et enfin en janvier 1885.
C'est surtout dans le tabès que ces paralysies à
rechutes ou même à récidives sont fréquentes. Elles
surviennent d'ordinaire rapidement, précédées d'un
peu de céphalalgie, sans cause appréciable. Elles
guérissent après quinze jours ou un mois, pour repa-
raître un ou deux ans après, encore transitoires, ou
pour s'installer définitivement. Il ne faut pas s'attendre
à trouver toujours des symptômes tabétiques évidents,
lorsque ces paralysies éclatent; il n'est pas rare de
voir des malades qui ont eu, à deux ou trois reprises
différentes, de la diplopie, longtemps avant que leur
affection se caractérise. C'est ce qui a fait méconnaître
la nature de ces paralysies que l'on considérait comme
rhumatismales et bénignes à cause de la facilité avec
laquelle elles guérissent. Un malade vient consulter
l'un de nous il y a deux ans pour une paralysie de la
sixième paire gauche ; il raconte que, dix ans avant,
il a eu de la diplopie transitoire, qui a reparu deux
fois encore depuis cette époque ; comme il sait que ces
paralysies guérissent facilement, il n'y attache pas une
grande importance. On ne constatait chez lui à ce mo-
ment, comme symptômes tabétiques, que le signe d'Ar-
gyll Robertson et quelques douleurs fulgurantes mal
caractérisées. Il est actuellement franchement tabétique.
Dans la sclérose en plaques, on observe également
de la diplopie avec récidives, coïncidant généra-
. DES ZONES CÉRÉBRALES MOTRICES. ' 29
lement avec une aggravation des autres symptômes.
Il en est quelquefois ainsi dans la paralysie générale,
dans certaines formes de syphilis cérébrale, où les
rechutes échappent à toute règle. Mais, nous le ré-
pétons, il fait bien de confondre tous ces faits avec
l'affection spéciale dont il est ici question.
PATHOLOGIE NERVEUSE
OBSERVATIONS POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION DES
ZONES CÉRÉBRALES MOTRICES ET A LA PATHOGÉNIE DES
DÉGÉNÉRESCENCES SECONDAIRES DE LA MOELLE;
Par le D Mabtial HUBLÉ
La connaissance des faisceaux moteurs, notamment celle
du faisceau pyramidal, a été remarquablement éclairée par
l'étude des dégénérescences secondaires : c'est ainsi que
MM. Charcot et Bouchard, Flechsig, Brissaud, etc., sont
arrivés à suivre entièrement ce faisceau dans sa distribution.
C'est à l'appui de ces points, bien connus déjà de la science
des localisations, que nous apportons deux nouveaux faits, qui
nous ont paru offrir un assez haut intérêt pour être enregistrés
et être le point de départ de quelques déductions.
Observation I (Personnelle). Pêriencéphalite chronique. Foyeas
étendus de ramollissement cérébral occupant la zone rolundique du
côté gauche (couches corticales motrices, couche optique, corps
strié); dégénération secondaire descendante. Hémiplégie avec
aphasie; généralisation des phénomènes paralytiques, contractures : tardives, etc., sans troubles sensitivo-sensoriels.
Bur... (Adolphe), soldat au 95e régiment d'infanterie, quarante-
trois ans, est entré le 9 ? janvier 1882, à l'hôpital de Bourges
(salle 6, no 15; service de M. Rizet).
30 1 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Enfant trouvé, élevé dans un hospice, ses antécédents nous sont
à peu près inconnus. Les seuls renseignements incomplets et
obscurs, que nous pouvons recueillir, nous sont donnés par
M. A ? officier supérieur, dont B... est l'ordonnance depuis
vingt ans : le malade, qui jouissait d'une bonne santé habi-
tuelle, a séjourné pendant plusieurs années eiilalgérie, et est depuis
longtemps adonné à l'alcoolisme. On ne sait s'il a eu la syphilis,
etc... Serviteur intelligent et dévoué jusqu'à cette époque, ses
facultés ont subitement baissé il y a deux mois; pas de mégalo-
manie, ni de kleptomanie ; pas d'ictus apoplectique.
A son entrée à l'hôpital, le malade présente de l'aphasie, ou
plutôt de l'amnésie verbale, intelligence très obtuse ; il existe une
paraplégie motrice incomplète des deux membres inférieurs, plus
marquée adroite ; le membre supérieur droit, dont la force muscu-
laire est très amoindrie, retombe aussi beaucoup plus facilement
que le gauche. Intégrité absolue de la sensibilité générale et spéciale.
Les sphincters sont frappés de parésie : le malade a des évacua-
tions vésicales et alvines involontaires.
Le phénomène de la trépidation provoquée (épilepsie spinale)
est manifeste, le pied exécutant une série d'oscillations régulières
après l'effort que nous faisons pour ramener sa face dorsale vers
la région jambière antérieure (8 janvier). Le phénomène du genou
existe des deux côtés : il est un peu plus accusé à droite qu'à
gauche, où il est normal.
Les symptômes s'accentuent de plus en plus vers le ler février :
l'hémiplégie s'est accrue (côté droit). Des contractures surviennent
assez rapidement du 9 au 4 0 février, localisées d'abord à la main,
à l'avant-bras et au pied droits. Bientôt, les altérations médul-
laires secondaires accompagnant visiblement les lésions cérébrales
diagnostiquées à gauche, la paralysie se généralise, les contrac-
tures augmentent et s'étendent au côté gauche. Le malade reste
immobile et rigide dans son lit; il répond à peine aux questions;
l'idéation est nulle : seuls quelques noms (celui de son Colonel,
celui du cheval qu'il soignait habituellement) changent sa physio-
nomie et déterminent un rire idiot. Toutes les excrétions sont in-
volontaires ; la préhension des aliments est impossible, la dégluti-
tion elle-même se fait de plus en plus mal; le malade, cependant,
n'a pas, et n'a jamais eu de vomissements; toutes les parties sail-
lantes de ce corps amaigri sont le siège d'eschares qui se détachent
tous les jours : la plus étendue existe au sacrum. La sensibilité
tactile persiste toujours.
Danslesdeux derniers septénaires, B... était en pleine démence :
il cherchait à s'enfuir, nu, jusque dans les couloirs, poussant des
cris rauques, mangeant ses déjections et les projetant autour de
lui. Enfin, l'habitus cadavéreux, l'oeil atone et devenu insensible,
quelques frémissements se manifestant parfois dans les muscles
DES ZONES CÉRÉBRALES MOTRICES. 31
de la face (des lèvres en particulier), la peau desséchée et terreuse,
le malade meurt dans le marasme le 21 mars, à 6 heures du soir.
Autopsie (23 mars). Habitus extérieur : cadavre émacié à l'ex-
trême, rigidité cadavérique prononcée; eschares très étendues de
la face postérieure du corps : au niveau de la 7e vertèbre cervi-
cale, aux omoplates, aux coudes, aux poignets (où existent des
plaques gangreneuses de 6 centimètres de hauteur sur 4 ou 5
centimètres de large), au sacrum (où les troubles trophiques ont
déterminé une perte de substance de 12 à 13 centimètres de dia-
mètre, à bords taillés à pic), aux trochanters, aux talons.
Cavité crânienne : Le volume de l'encéphale est normal. Rien de
remarquable à la face externe de la dure-mère; l'ara7chnoïde est
injectée, sillonnée de vaisseaux turgescents; les espaces sous-
arachnoïdiens ne sont pas distendus, le liquide céphalo-rachidien
est en quantité normale. Les vaisseaux ne sont pas en général
altérés : cependant l'artère sylvienne gauche est plus dure, plus
rigide que les autres artères de l'encéphale, et a subi dans une
certaine mesure la dégénérescence athéromateuse. Adhérences nom-
breuses des méninges à la face convexe des deux hémisphères
cérébraux, surtout au niveau des lobes frontaux, et à gauche;
cette surface présente plusieurs plaques d'une coloration rosée
laiteuse. Au niveau de la racine des 2° et 3e circonvolutions fron-
tales gauches, de la frontale ascendante el du lobule paracenlrcd de
ce côté, on remarque une plaque jaune avec diminution de consis-
tance de la substance cérébrale, un ramollissement assez étendu sans
constituer toutefois un foyer bien nettement circonscrit. Sur le
lobule del'insula du côté gauche (moitié antérieure), on remarque
un foyer ancien, réparé, de I centimètre et demi de diamètre,
et qui tranche, par sa coloration gris-jaunâtre, sur le reste de la
substance cérébrale.
Les diverses coupes du cerveau (centre ovale, coupe verticale et
transversale) montrent un piqueté rouge, congestif, généralisé
d'encéphalite. Les cavités ventrigalaires ne contiennent pas de
liquide et ne présentent aucune altération.
La couche optique gauche et le bord antéro-interne du noyau
lenticulaire de ce côté sont indurés et présentent une coloration
grise manifestement plus foncée que les mêmes centres du lobe op-
posé et que le reste de la substance grise; une partie delà substance
blanche avoisinante a, en avant, participé visiblement à la forma-
tion de cet ancien foyer. La capsule interne, les pédoncules céré-
braux, le cervelet, le bulbe, la protubérance n'offrent, à l'oeil nu,
rien de particulier à noter. La moelle n'a pas été examinée.
Réflexions. Nous nous bornerons, rapprochant des faits
cliniques les altérations cadavériques, aux remarques sui-
32 pathologie NERVEUSE.
vantes : a) Nous avons noté dès les premiers jours qui ont
suivi l'entrée du malade à l'hôpital, les phénomènes d'hémi-
plégie et d'aphasie (mais avec conservation des mouvements
de la langue); nous avons vu dans ces symptômes la traduction
de désordres corticaux, autrement dit des zones motrices du
cerveau, désordres siégeant vraisemblablement sur l'hémi-
sphère gauche, étant connue la localisation de la faculté du
langage. Mais un bien plus haut intérêt s'attachait à ce fait que,
à aucune période de la maladie, les phénomènes paralytiques et
logoplégiques n'ont été accompagnés d'hémianesthésie, ce qui
ne concorde nullement avec la théorie de subordination et de
correspondance parfaite de l'anesthésie et de la paralysie
motrice, admise par Hitzig, Nothnagel et, depuis, par Schiff
(congrès de Genève, 1878). Par contre, le fait vient à l'appui
de l'opinion de Charcot, qu'il n'y a pas de corrélation néces-
saire entre ces deux symptômes. G. Ballet la résume ainsi :
«Toute lésion permanente de ces circonvolutions (la pariétale et
la frontale ascendantes) produit une paralysie motrice, parce
que ces circonvolutions constituent les centres moteurs ; mais
elle n'engendre que des troubles passagers et peu marqués de
la sensibilité, car les circonvolutions précédentes ne consti-
tuent qu'une minime partie de la zone sensitive I » : Dans
notre cas, la localisation des lésions de ramollissement au tiers
postérieur des circonvolutions frontales et à la frontale ascen-
dante, laissant intact tout le reste de la couche corticale à
partir de la pariétale ascendante, donne une explication très
simple de l'absence d'hémianesthésie chez notre malade ;
effectivement, s'il n'y a pas de centres sensitifs à proprement
parler, il existe une zone sensitive, qui comprend toute la partie
corticale des circonvolutions situées en arrière de la scissure
de Rolando; et, à mesure qu'on s'éloigne de cette limite pour
se rapprocher des lobes postérieurs cette zone, jusque-là
encore sensitivo-motrice, devient exclusivement sensitive. La
lésion destructive n'atteignant pas cette étendue, ne pouvait
conséquemment donner lieu à une hémianesthésie d'origine
corticale. Or, on a vu que la partie postérieure de la capsule
interne (carrefour sensitif de Charcot) était également intacte.
b) En outre des lésions existant sur la racine des deux
dernières circonvolutions frontales, nous en avons observé :
1 G. Le Blat. Rech. anatom. et cliniques sur le faisceau sensitif.
DES ZONES cérébrales motrices. 33
1° sur les deux tiers supérieurs de la circonvolution frontale
ascendante et la moitié antérieure du lobule paracentral a
gauche ; 2° sur une portion de noyau lenticulaire et sur la
couche optique du même hémisphère,- c'est-à-dire sur les
couches profondes de la zone grise : couches situées au som-
met de cette région pyramidale dont la base est à l'écorce grise
des circonvolutions médianes (ou ascendantes) et qui, se diri-
geant en bas et en dedans, a son sommet tronqué au segment
postérieur de la capsule interne (zone 2,olai ? dique de Charcot).
Or, on sait que les lésions destructives corticales, siégeant à
cette partie du manteau de l'hémisphère, produisent ordinai-
rement des dégénérations secondaires du faisceau pyramidal.
On explique plus facilement encore qu'elles en déterminent la
production lorsqu'il existe des lésions concomitantes des corps
opto-striés 1.
L'hypothèse que nous avions formulée au lit du malade,
d'un processus secondaire descendant, ne nous semble donc
nullement aventureuse, en présence de l'impuissance motrice
des membres et des contractures qui, survenues dans les der-
niers temps de la vie, n'ont jamais disparu. Aussi regrettons-
nous de ne pas avoir été à même d'ouvrir la cavité rachi-
dienne, pour donner, selon toutes probabilités, une nouvelle
infirmation à l'hypothèse d'IIitzie, qui fait des contractures
tardives des hémiplégiques un simple mouvement associé exces-
sif, provoqué par le moindre mouvement volontaire exécuté
par le côté sain. Pourtant, un autre pathologiste d'outre-Rhin,
Erb. se rallie à la doctrine française, laquelle rattache aux
dégénérescences secondaires descendantes ces contractures, et
en fait, quand elles sont permanentes et complètes, un signe
d'incurabilité presque constante. Enfin, un signe de la plus
grande valeur appuyait notre opinion, le malade vivant, c'est
l'existence du réflexe tendineux, du clonus du pied, lequel a
précédé, puis accompagne les contractures. Quant au réflexe
du tendon rotulien, on a vu dans l'observation qu'il a toujours
existé et qu'il s'est manifesté avec de plus grandes oscillations
du côté paralysé; c'est la règle, ainsi que l'a démontré la sta-
tistique de 0. Berger. Du reste, l'exagération de ce réflexe,
qui accompagne d'ordinaire le syndrome clinique des para-
1 Voy. les travaux de Pitres, Issartier et, eu particulier, un cas de para-
lysie générale, rapporté par ce dernier auteur, et qui appartient à
M. Déjerine.
Archives, t. XI. 3
34 pathologie nerveuse.
lysies spasmodiques, tout en ayant un intérêt réel, n'a pas
une signification absolue.
En terminant cette première partie, faisons remarquer,
pour simple mémoire, le fait de l'absence totale de vomisse-
ments, dans ce cas comme dans celui qui suit. Or, l'intolé-
rance gastrique est signalée comme un phénomène habituel
chez les sujets atteints de ramollissement cérébral.
Observation' 11 (Personnelle). Athérôme artériel généralisé.
Ramollissement cérébral : 1" vaste foyer central à droite (corps
calleux, noyau caudé, anse 7-ola71111qzie); lésion dégénérative secon-
duire du pédoncule cérébral et du faisceau pyramidal correspon-
dant ; hémiplégie motrice a gauche, sans M;ies</të6';e; contractures
permanentes, etc.; 2" foyer cortical du lobe frontal gauche ;
extension de la paralysie au côté droit du corps, aphasie, etc.
Bid... (Jean), cinquante-cinq ans, ouvrier civil de la fonderie
de canons de Bourges, entré à l'hôpital le 27 mars 1882.
Antécédents. Marié, père de famille, adonné depuis de longues
années à ['alcoolisme; habituellement méchant et violent, dange-
reux lorsqu'il est ivre (nombreux actes de violence sur sa femme
et ses enfants; une de ses filles a dû, pour cette cause, fuir la
maison paternelle) ; en 1871, un jour qu'il était en état d'ivresse,
il a fait une chute sur la tête, laquelle a déterminé une commotion
cérébrale intense; il s'est fait, en môme temps, une fracture du
fémur gauche au-dessous des trochanters, et la réduction a dû
être faite dans une période où le malade avait des alternatives
de phénomènes graves d'excitation et de coma; il est resté ainsi
plusieurs jours sans connaissance.
On ne sait rien relativementàl'existence de maladies nerveuses
d'un ordre quelconque ou de diallièses'dans la famille. (Rensei-
gnements recueillis en commun avec M. Donner, médecin-major.)
B... a eu, le 34 février dernier, une attaque d'apoplexie : il est
tombé subitement, perdant connaissance. A dater de cet instant,
il a conservé une hémiparalysie de la motililé, étendue à toute la
moitié gauche du corps; peu de jours après l'ictus apoplectique,
l'idéation est revenue au=si nette qu'auparavant; la parole n'a
conservé aucun trouble. Ne voulant pas rester à charge à sa
famille, le malade entre à l'hôpital le 27 mars.
jE<atae< : <e ? L'aspect de B... est celui d'un petit vieillard,
maigre, dont la physionomie sénile fui ferait attribuer au moins
dix ans de plus que son âge. Il existe une hémiparésie gauche
totale, portant sur le membre supérieur, le membre inférieur, et
un peu sur la face du même côté; pas de modification très sen-
sil)1(3 dans les traits, la langue est déviée d gauche.
des zones cékébralks motrices. 35
Les mouvements du membre supérieur sont possibles mais lents,
limités et très faibles; le malade peut soulever légèrement la
jambe et la cuisse gauches; la marche est impossible. Il n'y a
pas de contractures bien nettes; toutefois, le bras gauche a une
tendance à la flexion permanente.
Le réflexe tendineux du pied, que l'on ne constate pas à droite,
existe à gauche. Le phénomène du genou existe des deux côtés,
mais il est difficile d'apprécier une différence entre les deux.
La sensibilité générale est conservée, il en est de même des
sens spéciaux. L'intelligence parait nette, la parole est libre. Il
est facile de faire manger le malade; la miction, en quantité
normale et les selles, à peu près quotidiennes, sont exclusivement
volontaires. Il n'y a pas de vomissements.
Le malade n'est soumis à aucune médication interne autre que
les purgatifs salins répétés; le 30 mars, on commence une série
d'électrisations au moyen des courants continus descendants sur
toute l'étendue de la colonne vertébrale; à chaque séance quoti-
dienne, de dix à quinze minutes, nous avons employé un nombre
progressif d'éléments, de six à vingt, pendant vingt jours consé-
cutifs (appareil de Gaiffe). Ce traitement est resté sans effet appré-
ciable.
15 avril. Les membres supérieur et inférieur gauches sont
plus énergiquement contractures dans la flexion depuis quelques
jours. La trépidation épileptoïde du pied gauche est facilement
provoquée; le réflexe du genou est exagéré du même côté.
25. Pour la première fois aujourd'hui, le malade ne peut
répondre aux questions : si on le presse de répondre, il concentre
ses efforts vers ce but, mais il ne lui est pas possible d'articuler
une parole et il se met à pleurer : on observe (ce qui est fré-
quent) l'abolition de la faculté du langage (alalie) sans paralysie
de la langue (glosoplégie); nous remarquons, en outre, que la
moitié droite du corps, libre la veille, est frappée à son tour de
paralysie, moins complète celle-ci que ne l'était l'hémiplégie
gauche. Aucune manifestation bruyante ne s'est produite, cepen-
dant; dans le cours de la nuit, l'infirmier de garde n'a eu con-
naissance de rien. Les symptômes 'constatés ce matin suffisent au
diagnostic d'une nouvelle lésion destructive, siégeant dans l'hémi-
sphère cérébral gauche, vraisemblablement sur les circonvolutions
frontales (aphasie).
B... n'a jamais eu d'hémichorée, ni d'athétose; pas de troubles
des organes des sens : pas de cécité unilatérale (on verra plus
loin l'importance du fait de l'intégrité de la vision). A dater de
ce moment, la déchéance s'accuse : les selles et les urines sont
involontaires, les contractures s'accentuent dans le sens de la
flexion et persistent. Le malade pleure souvent.
36 pathologie nerveuse.
1 ? mai. Il existe une eschare à la région sacrée et une autre
au coude gauche. La déglutition s'est accomplie presque jusqu'au
dernier jour ; l'intelligence n'a jamais été totalement abolie, la
parole n'est jamais revenue. Il meurt le 19 mai, à six heures du soir.
Autopsie (pratiquée le 20 mai). - Habitas extérieur : Amaigris-
sement notable, rigidité cadavérique peu prononcée; il existe
une eschare médiane de n centimètres à la région sacrée, et une
autre plus petite au niveau de l'apophyse olécrâne du côté gauche.
Cavité crânienne. La boite osseuse, le péricrâne sont sains. Il
existe quelques adhérences de la face supérieure de la dure-mère
avec la voûte crânienne; pas d'altération des méninges. Toutes
les artères de l'encéphale sont envahies par t'athérôme, depuis
l'hexagone de Willis jusqu'aux dernières terminaisons des deux
côtés. Nulle part la dégénérescence n'est aussi complète que dans
les tuniques des artères sylvienne et cérébrale antérieure droites,
qui ne sont plus que des cylindres rigides. La calcification a,
d'ailleurs, envahi la presque totalité du système artériel : les
artères cérébrales postérieures, vertébrales, basilaire, ra-
diales, etc., sont dures, moniliformes. Plusieurs contiennent des
caillots fibrineux, adhérents aux rugosités de la tunique interne.
Le cerveau est volumineux, les circonvolutions sont belles ;
l'organe est infiltré, uedématié dans une certaine mesure.
a) Hémisphère droit. Une coupe verticale et transversale
passant en arrière des tubercules mamillaires et en avant des
pédoncules cérébraux montre un vaste foyer de ramollissement
blanc qui intéresse, dans presque toute son épaisseur, la moitié
droite du corps calleux et qui s'étend, par son angle supérieur,
jusqu'au delà de la scissure calloso-marginale. Dirigé en dehors,
il intéresse la substance blanche au niveau du centre ovale de
Vieussens, sur une étendue transversale de 25 millimètres envi-
ron, et envoie un diverticulum en haut et en dehors jusqu'à
4 centimètre environ de la substance grise corticale de la scissure
de Rolando ; enfin, à sa partie inférieure, la lésion a détruit la
substance cérébrale presque jusqu'à la membrane épendymaire,
et la moitié supérieure de la queue du noyau caudé.
Une deuxième coupe verticale de l'hémisphère droit, pratiquée
dans le sens antéro-postérieur, a 1 centimètre en dehors de la
scissure interhémisphérique, met à nu le foyer dans toute sa lon-
gueur : il occupe toute la circonvolution du corps calleux et s'étend
longitudinalement depuis le niveau du genou jusqu'au delà' du
bourrelet de cette commissure, que la perte de substance dépasse
de 1 centimètre en arrière. Le contenu du foyer, parfaitement
blanc, apparaît comme une pulpe lactée semi-fluide, dans laquelle
sont suspendus des flocons blanchâtres; il n'y a pas d'apparence
de processus de réparation. En outre, le corps calleux lui-même
DES ZONES CÉRÉBRALES MOTRICES. 37
est gravement intéressé : il est détruit dans toute sa moitié
droite, à partir du sillon médian, dans les deux tiers antérieurs ;
il n'y a plus trace des tractus transversaux; toutefois, son épais-
seur n'est en aucun point détruite totalement, et sa face infé-
rieure, saine, forme toujours la partie antérieure du ventricule
latéral, le plancher du canal circumpédoncutaire. Le trigone
cérébral est intact. La couche optique, le noyau lenticulaire du
corps strié, la région capsulaire ne présentent aucune altération.
La corne sphénoidale du venlricule latéral contientde la sérosité
sanglante; la corne d'Ammon, l'ergot de Morand, sont sains. Le
tubercule quadrijumeau postérieur droit est le siège d'un petit ilôt
scléreux, dur au toucher, et très manifestement gris.
Sur le pied du pédoncule cérébral correspondant existe une
coloration grise des fibres, qui ont été évidemment prises de dégé-
nération secondaire. La lésion occupe le faisceau pédonculaire
moyen qui, parsa couleur gris-perle et sa consistance, se distingue
de la façon la plus nette du tissu nerveux environnant (faisceaux
interne et externe) : l'altération semble toutefois empiéter sur
quelques fibres du faisceau interne; elle affecte une forme régu-
lière, une répartition égale sur toute l'étendue, contrairement
à la sclérose en plaques, qui est irrégulière et disséminée sous
forme d'ilôts très limités (Cliarcot, Bourneville').
La coupe horizontale de la région laisse voir intact le tegmentum
(étage supérieur), ainsi que le locus zziger de Soemmering, dont la
teinte naturellement grise ne se distingue que difficilement de la
coloration acquise par les fibres dégénérées.
Laissant indemnes les fibres transversales de la protubérance,
la même altération se retrouve sur la pyramide droite, laquelle
est dégénérée, franchement grise et légèrement atrophiée dans
toute son étendue jusqu'au niveau de son entre-croisement avec
les fibres du côté opposé.
b). Hémisphère gauche. Le lobe frontal a seul souffert des
altéialions constatées sur les artères frontales externe et infé-
rieure et sylvienne ; on y trouve un foyer cortical de 3 centi-
mètres de long, au quart antérieur de la circonvolution du corps
calleux; la même lésion existe sur le pied des deuxième et troi-
sième circonvolutions frontales.
Ici le ramollissement, d'un blanc sale dans laplus grande partie
de son étendue, présente plusieurs points d'un jaune rougeâtre,
ce qui dénote que la lésion est de date plus récente que celle du
côté droit; aussi, est-ce en vain que nous avons cherché une alté-
ration secondaire appréciable; le reste de l'hémisphère est sain;
on noie cependant une assez grande abondance de liquide séro-
1 Bourneville. De la sclérose en plaques. Paris, 1869.
38 PATHOLOGIE NERVEUSE.
sanguinolent dans le ventricule latéral. Le cervelet est sain. La
moelle n'a pas été examinée au-dessous de l'entre-croisement. des
pyramides.
Réflexions. Avant d'aborder la pathogénie des foyers de
ramollissement et, ensuite, celle de la sclérose spinale secon-
daire, quelques remarques nous paraissent utiles sur la traduc-
tion clinique des faits anatomiques.
L'apoplexie d'emblée est rare dans la thrombose et les phé-
nomènes paralytiques n'y présentent pas la distribution ni la
marche régulière qui les caractérisent dans l'hémorrhagie; or
l'observation décrit, pour la première attaque, un ictus apo-
plectique. Ce fait pouvait primitivement rendre incertain le
diagnostic : depuis, la marche des phénomènes paralytiques
ne subissant pas de modification heureuse militait en faveur
d'une lésion destructive de nature nécrobiotique : c'est le type
à début brusque et à marche chronique. Trois mois plus tard,
survient une deuxième attaque : cet épisode aigu, qui tranche
surles allures tranquilles que la maladie a présentées jusqu'alors
traduit l'obturation de l'une des artères déformées et athéro-
mateuses, et, par la persistance des symptômes, indique que
la thrombose n'a pas étésusceptible d'une compensation rapide.
C'est ainsi qu'à l'ouverture du crâne, la première altération qui
nous frappe est le volume et l'imbibition oedémateuse du cer-
veau : conséquence nécessaire de l'accroissement de pression
dans les artères profondément dégénérées et dont les parois,
rugueuses et inextensibles, étaient couvertes intérieurement
de petits coagula fibrineuc. A la faveur de leur siège, ces alté-
rations, qui existent au plus haut degré dans l'artère sylvienne
droite, ont nui directement à la nutrition de l'hémisphère et du
corps strié, ses tributaires, et, finalement, déterminé le pro-
cessus régressif, suite fatale de l'ischémie de ce territoire. A
gauche, c'est le département de la cérébrale antérieure (lobe
frontal) qui a seul souffert; quoiqu'il en soit, l'établissement
d'une circulation collatérale immédiate était impossible : il eût
fallu pour cela que l'obturation siégeât au delà du cercle de
Willis; mais comment l'infarctus ne se fut-il pas produit,
alors que le tronc basilaire et la cérébrale postérieure étaient,
comme les autres artères, le siège d'obstructions !
Userait inopportun d'insister sur la perte de substance des
circonvolutions frontales gauches; notons seulement qu'ici,
comme dans 1'OnsERVAïfON I, cette lésion a déterminé la perte
DES ZONES CÉRÉBRALES MOTRICES. 39
de la faculté du langage, et une hémiplégie des membres
droits, sans anesthésie.
A droite, une vaste lésion a intéressé le corps calleux dans
la moitié de son étendue : c'est là certainement le plus ancien
foyer. Malheureusement, on ignore à peu près complètement
le rôle des fibres qui ont leur origine ou leur terminaison dans
les noyaux ganglionnaires delà base du cerveau (couche optique,
corps strié); ainsi en est-il surtout des fibres commissurales :
corps calleux, commissures blanches (antérieure et postérieure),
commissure grise, etc... Pour le corps calleux en particulier,
Flourens et Longet affirment que la lésion expérimentale ne
détermine aucun trouble appréciable, soit moteur, soit sensitif.
La pathologie ne fournit pas de renseignements plus instruc-
tifs ; ainsi Malinverni, cité par Gavoy rapporte l'observation
d'un cas d'absence congénitale du corps calleux chez un homme
qui jouissait pendant sa vie de l'intégrité des facultés intellec-
tuelles ! Il est donc utile de relever soigneusement, et de décrire
avec tous leurs détails anatomiques, les cas de lésions de ces
centres et d'en déterminer exactement les limites. Dans notre
deuxième observation, la lésion destructive d'une portion du
noyau caudé ainsi que celle delà substance blanche sous-rolan-
dique, d'une moitié du corps calleux et do la circonvolution qui
le surmonte a donné lieu à une hémiparalysie gauche exclusi-
vement motrice : ces régions de l'encéphale sont doncies centres
uniquement moteurs et nullement sensitifs.
Bien mieux connus dans la substance blanche des hémi-
sphères sont le trajet et le rôle physiologique des faisceaux
nerveux constitués par l'épanouissement des pédoncules céré-
braux. La lecture de l'autopsie de Bid... suffit à se rendre
compte de la situation du foyer : il siège en avant et au-dessus
de la capsule interne. Or ce tractus est intact (ce qu'avait fait
prévoir l'absence d'anesthésie) : pourrait-on voir dans ce fait
une difficulté ou une anomalie ? Non, si l'on se rappelle que,
plus loin encore que cette capsule, « le faisceau pyramidal
peut être poursuivi jusque dans l'épaisseur du centre ovale, et
même jusqu'à la couche corticale »(Charcot)2; qu'enfin la thèse
de Pitres établit que les lésions, siégeant dans la substance
1 E. Savoy. ? H '<HM<on ? e<opo)'a/t ! c du cerveau 0. Doin,1882
* Charcot. Leçons sur les localisations.
;1 Pitres. Recherches sur les lésions du centre ovale des hémisphères
cérébraux étudiées au point de vue des localisations cérébrales. Paris, 1878.
M PATHOLOGIE NERVEUSE.
blanche sub-jacente aux centres corticaux, donnent lieu aux
mêmes symptômes localisés que les lésions de ces centres eux-
mêmes. Or le ramollissement a détruit, dans ce même centre
ovale, justement la portion de l'espace sous-rolandique consti-
tuée par les tractus blancs qui circonscrivent la dépression du
sillon de Rolando, et que Parrot appelle l'anse rolandique; et
il est bien démontré (Flechsig, Parrot, Charcot) que cette région
motrice est en rapport avec le système bulbo-spinal, par l'inter-
médiaire du trajet intra-encéphalique des faisceaux pyramidaux.
Important donc est le fait de l'intégrité de la couche optique et
de la capsule interne, car il faut en induire que c'est par les
fibres pédonculaires indirectes que la lésion descendante s'est
produite, c'est-à-dire par cette série de fibres qui, parties de
l'étage inférieur (ou pied) du pédoncule se rendent les unes au
noyau lenticulaire, les autres au noyau caudé.
Il est encore intéressant, avec cette altération étendue du
pédoncule, de trouver indemme la racine de la troisième paire :
en effet, il n'a jamais été constaté de paralysie alterne de ce
nerf, ni du moteur oculaire commun avec hémianesthésie du
côté opposé de la face et des membres. On n'a jamais non plus
observé l'hémiopie, la paralysie du grand oblique de l'oeil, etc. ;
signes habituels de lésion ou de compression de la bandelette
optique et de la racine du n. pathétique. Enfin il n'y a jamais
eu d'amblyopie croisée, symptôme qu'on sait d'ailleurs accom-
pagner d'ordinaire les lésions cérébrales qui produisent l'hé-
mianesthésie (Charcot). Cette absence d'hérniopie ou d'am-
blyopie latérale, en un mot l'intégrité absolue et constante de
la vue est d'autant plus remarquable que l'examen nécropsique
a révélé une altération scléreuse de l'un des tubercules quadri-
izimeaux 1.
Ici s'arrêtent nos recherches : nous n'avons pu vérifier
ultérieurement, par un examen microscopique, la nature du
processus morbide (les pièces conservées ayant été égarées) :
mais si les lésions n'ont pu être constatées à l'oeil nu dans la
première observation, nous avons été plus heureux dans la
seconde, qui ne laisse aucun doute dans notre esprit. Rappe-
lons à ce propos que les dégénérations secondaires qui sur-
viennent à la suite des lésions du cerveau, si nettes lorsque
l'accident originel remonte à une époque assez éloignée, ne
4 Citons, à ce sujet, pour mémoire, les expériences de l'iourens et
l'observation de Bastian.
DES ZONES CÉRÉBRALES MOTRICES. il
sont appréciables qu'au microscope si la maladie première est
récente. Cliniquement, la lésion descendante est silencieuse au
début : pour Bouchard, elle se développerait dès le sixième
jour après l'attaque : les symptômes n'apparaissent jamais à
cette époque ; pourtant Vulpian les a vus commencer dès le
vingtième jour. Jaccoud n'admet les lésions secondaires que
plusieurs mois (cinq, six mois) après l'accident initial : dans
notre OBSERVATION 11, tout au moins, nous les avons consta-
tées bien avant ce terme, et nous nous trouvons dans les
limites admises par Bouchard et Grasset, qui donnent deux
mois comme chiffre moyen.
Quant à 1'013SEFLVATIoN I, si ces lésions n'étaient pas, il est
vrai, visibles à l'oeil nu, nous gardons la conviction que
l'examen histologique de la moelle aurait décelé de nombreuses
fibrilles de tissu conjonctif, caractère univoque de la sclérose,
et la substitution plus ou moins étendue de la névroglie aux
éléments nerveux (cellules et tubes).
Nous pouvons résumer en ces quelques conclusions, l'ensei-
gnement à retirer de nos observations :
1- Que des lésions destructives des couches corticales de la
troisième circonvolution frontale gauche ont, selon la règle,
déterminé l'aphasie véritable (perte de la parole sans paralysie
de la langue);
20 Que les lésions destructives de l'écorce grise de la zone
rolandique (frontale ascendante et lobule paracentral) ont pro-
duit une paralysie exclusivement motrice ;
3° Qu'une lésion destructive très étendue du corps calleux
ne s'est traduite par aucun symptôme particulier, autre que la
paralysie motrice, du côté opposé;
4° Que l'hémiplégie résultant de ces lésions s'est accompa-
gnée de contractures tardives et permanentes : ces signes appar-
tiennent aux dégénérescences scléreuses secondaires descerz-
daiites (que nous savons être des lésions systématisées au
même titre que les myélites primitives des cordons latéraux ou
des faisceaux de Tiirck) ;
5° Qu'une lésion en foyer du centre ovale, lésion étendue et
peu éloignée du pied de la couronne rayonnante, a entraîné,
tout tri respectant la capsule interne, une dégénérescence bien
constatée du faisceau pyramidal, ce qui est plus fréquent lors-
qu'il existe une altération de cette capsule.
zon2 RECUEIL DE FAITS.
EXPLICATION DE LA PLANCHE I
FOVFR DE RAMOLLISSEMENT, AVANT D,TnmT LA MOITIÉ DU CORPS CALLEUX, ETC.
Hémisphère cérébral droit de Bid... (Ons. II). Coupe verticale et trans-
versale, entre les tubercules mnmitlaires et les pédoncules cérébraux,
dessin demi-schématique d'après croquis fait d'après nature le jour de
l'autopsie.
Ce, corps calleux.
ventricule de la cloison transparente.
C 0, Couche optique.
Anz, corne d'Ammon.
SI ? , sillon de Rolanclo.
7, foyer de ramollissement ayant détruit la moitié du corps calleux, la
circonvolution qui le surmonte, lit partie supérieure du noyau caudé
\' C n, et une grande portion de la substance blanche sous-roiandique.
Sy, scissure de Sylvius et lobule de l'insula.
C. bit., capsule interne.
Spi. r/, corne spliénoidale du ventricule latéral.
RECUEIL DE FAITS
NOTE SUR UN CAS D'INVERSION DU SENS GÉNITAL
AVEC l : l'ILl : P5lG;
Par M. LEGUAIS, interne Sainte-Anne (Bureau d'admission).
Les perversions sexuelles que l'on observe chezcer-
tains névropathes présentent des caractères si spéciaux
et si tranchés que certains auteurs n'ont pas hésité a
en faire une véritable entité morbide, et qu'ils ont
rangé ces troubles singuliers sous l'étiquette de mono-
manie. Mais si, quittant l'étude de ces manifestations
morbides prises séparément, on aborde l'examen plus
INVERSION DU SENS GÉNITAL. 43
général de l'état mental habituel à ces prétendus mo-
nomanes, on remarque que celui-ci est loin d'être
simple. Outre un état de déséquilibration bien carac-
téristique qui forme comme le fond môme du caractère
des individus, l'on peut voir souvent se développer
d'autres manifestations morbides qui apparaissent
comme autant de syndromes d'une même maladie. Ces
syndromes, constituant, pour certains auteurs, autant
de monomanies différentes, sont ◀tantôt▶ persistants,
◀tantôt▶ passagers. Souvent, et c'est un caractère impor-
tant à noter, les malades semblent marcher de mono-
manie en monomanie, et toute leur vie intellectuelle
n'est véritablement qu'une série d'épisodes étranges
qui font de cette catégorie d'individus de véritables
aliénés. Ce sont eux que l'on a désignés sous le nom
de dégénérés.
Si l'on interroge, en effet, leurs antécédents héré-
ditaires, on ne tarde pas à se convaincre que bon
nombre des ascendants ont présenté des troubles psy-
chiques analogues. II y a une véritable tare cérébrale
que l'on retrouve en analysant soigneusement la vie
des membres de la famille. Certains n'ont présenté
que l'état desimpicdéséquiiibration, sans que jamais
vienne se greffer sur lui, l'une de ces monomanies,
l'un de ces syndromes dont nous avons parlé plus
haut. D'autres ont été syndromiques, d'autres enfin ont
été des aliénés proprement dits. Ces faits sont si vrais
et si constants, qu'on peut affirmer, étant donné l'un
de ces syndromes épisodiques pris au hasard, qu'ouest
en présence d'un héréditaire. On peut parfois ne pas
retrouver la trace, mais peut-on dire que l'on connaît
exactement l'état mental d'individus avec qui l'on n'a
44 RECUEIL DE FAITS.
pas vécu, surtout quand on ne les connaît que par
ouï-dire et que les parents, destinés à éclairer le mé-
decin dans ses recherches, prennent souvent à tâche
de l'égarer ?
Si, après une analyse minutieuse de tous ces faits,
l'on veut en faire la synthèse, on remarque qu'ils cons-
tituent des épisodes saillants dans la vie intellectuelle
des membres d'une même famille. Cet état mental qui
se transmet, cet ensemble de syndromes auxquels il
donne naissance, est ce que l'on a désigné sous le nom
de folie héréditaire. Dès lors, chacun des phénomènes
bizarres observés chez les malades, chacune des mono-
manies, en un mot, n'a plus maintenant que la valeur
d'un symptôme.
. En dehors de ces symptômes purement psychiques
de la maladie, il est souvent donné d'observer des signes
physiques de dégénérescence. Tels sont, par exemple :
une implantation vicieuse des dents, une asymétrie
faciale plus ou moins prononcée, le prognathisme de
la mâchoire inférieure, de grandes oreilles détachées
de la tête,, coïncidant surtout avec un lobule sessile,
les difformités crâniennes, le bec-de-lièvre, des malfor-
mations des organes génitaux, l'hermaphrodisme, etc.
Voilà des signes indéniables de dégénérescence phy-
sique. Pourquoi ne pas admettre que simultanément
une dégénérescence intellectuelle puisse se développer ?
Le cerveau n'est-il pas soumis, à l'égal des autres
organes du corps, aux influences pathogéniques, aux
phénomènes morbides complexes aboutissant à une
dégénérescence ? Dès lors, n'est-il pas logique d'admettre
à côté des stigmates indiscutables de la déchéance phy-
sique, ce que M. Magnan a si heureusement appelées
INVERSION DU SENS GÉNITAL. 45
stigmates psychiques de la déchéance mentale. La folie
héréditaire n'est autre que cette déchéance mentale qui
se transmet, à l'égal des diathèses. C'est une maladie
bien nette, bien caractérisée, présentant comme toute
autre affection somatique soii étiologie, ses symptômes,
sa marche, son diagnostic et son pronostic.
Si l'on admet comme possible cette dégénéres-
cence des centres nerveux, on admet du même coup
son hérédité. Les dégénérés sont tous deshéréditaires,
et il est désormais impossible de séparer l'un de l'autre
ces deux termes : dégénérescence mentale et folie
héréditaire si l'ouveut bien attachera ce dernier le sens
particulier que lui a donné M. Magnan.
L'un des stigmates psychiques le plus communément
rencontrés au cours de la folie héréditaire est l'aber-
ration du sens génital à quelque degré qu'elle soit
poussée. La littérature médicale abonde en faits de ce
genre. L'inversion du sens génital dont nous rappor-
tons ici un cas est l'une des modalités les moins fré-
quentes de ce syndrome. Citons à ce sujet un travail
de MM. Charcot et Magnan, paru dans les Archives de
Neurologie en 1882, où l'on trouvera, à côté de l'ana-
lyse decas semblables, les indications bibliographiques
nécessaires pour guider le lecteur dans ses recherches.
Observation. Le nommé G..., âgé de trente-cinq ans,
est entré dans le service de M. Magnan, le 8 juin 1885.
Le certificat d'un médecin de la ville porte : « Epilepsie avec
troubles intellectuels ». Le malade présente en effet depuis l'âge
de dix-sept ans des attaques fréquentes d'épilepsie, suivies la
plupart du temps de troubles psychiques. Il présente, en
outre, tous les attributs d'une débilité mentale assez pro-
noncée. Voici en quelques lignes son histoire :
Le père est mort d'un cancer de la langue. C'était un homme
'il ! (; I)L 1 ? \I'IS.
sensé, instruit, paraissant avoir joui d'un équilibre intellectuel
satisfaisant pendant toute sa vie.
La mère est intelligente; son instruction est moyenne. Elle
est névropathe. Jamais "lie u'a eu do crise convulsive, mais
elle éprouve de temps à autre quelques phénomènes nerveux
a,sez typiques, tels que sensation de boule avec constriction
ala gorge.
En remontant plus haut, nous trouvons :
Du côté paternel : une cousine germaine du père morte
folle dans un asile. La l'orme d'aliénation mentale ne nous a
pas été indiquée. Un oncle paternel a suivi la carrière du
théâtre depuis sa jeunesse, en vertu d'un goût spécial qu'il avait
toujours manifesté. Il a fait partie de la troupe delà Comédie-Fran-
çaise pendant huit années, puis il a été perdu de vue. Du côté
maternel, trois oncles sont intelligents, mais, suivant l'expres-
sion de M™0 G..., tous trois sont « enragés pour les femmes ».
Deux d'entre eux sont âgés de plus de soixante ans, et viennent
de se remarier pour la troisième fois. Us ne sont heureux que
quand ils causent de sujets légers, où les femmes entrent pour
quelque chose. Le troisième, n'en est encore qu'à son second
mariage, mais présente les mêmes allures que ses frères. Tous
trois ont eu des enfants débiles, faisant peu de progrès à
l'école. Le grand-père maternel était très porté pour les plai-
sirs de l'amour. Sa femme l'appelait « coureur de filles ». Pen-
dant toute sa vie, il a été débauché, délaissant le foyer con-
jugal, pour vivre entouré des premières filles venues. La grand'-
mère du grand-père maternel a été folle. Elle est morte dans
une maison de santé. Parmi les collatéraux de notre malade,
nous trouvons :
. Un frère mort en venant au monde;
Un frère venu avant terme (fausse couche de quatre mois);
Enfin, une soeur âgée de trente ans. Elle est bien portante,
parait bien équilibrée; mais, fait à noter, depuis dix ans qu'elle
est mariée, elle est restée stérile. Nulle part, nous ne trouvons
trace des syndromes habituels aux dégénérés, ni d'épilcpsie,
ni de vertiges, ni d'excès alcooliques. Aucun des membres de
la famille n'a, parait-il, présenté de malformations des organes
génitaux. Tels sont les quelques renseignements que nous
avons pu recueillir sur les antécédents de notre malade. Ils
sont malheureusement un peu incomplets, en dépit de la bonne
INVERSION DU SENS GÉNITAL. 17 i
volonté de il" G..., de qui nous les tenons. Bon nombre de
membres de la famille ont échappé à notre analyse.
G... est venu à terme, mais il a toujours subi du retard
dans son évolution, tant physique qu'intellectuelle. Chétif à sa
naissance, il n'a parlé et n'a marché qu'à cinq ans; les dents
sont venues à deux ans. A sept ans, l'enfant aurait été exa-
miné par le Dr Ilaspail, qui aurait déclaré que les fontanelles
n'étaient pas encore ossifiées.
Les dents sont toujours restées petites, comme frappées d'un
arrêt de développement. Le côté droit du corps est un peu plus
maigre et un peu plus faible que le côté gauche. Les organes
génitaux sont normalement constitués. Notons encore d'autres
stigmates physiques de dégénérescence : le corps est petit; la
tète peu développée; le crâne est asymétrique; la physionomie
est déjà sénile. La voix est faible, un peu flùtée.
La culture intellectuelle de G... est à peu près nulle. Pen-
dant le séjour de dix-sept ans qu'il a fait à l'asile libre de John
Bost à Bétel (Dordogne), on est parvenu à lui faire lire quelques
lettres.
Dès l'enfance, G... était vicieux, Il choisissait de préférence
pour s'amuser des enfants beaucoup plus jeunes que lui;
rempli de prévenances singulières pour ces derniers, il prati-
quait sur eux des attouchements. Ce fait a toujours existé. A
neuf ans, il choisissait pour ses plaisirs un petit garçon de
quatre ans. Lui-même se livrait fréquemment à la masturba-
tion. Sa mère devait lui lier les mains quand elle ne pouvait
pas le surveiller. Toutes les nuits, depuis l'âge de quatre ou
cinq ans, il était en érection pendant des heures entières. Sa
mère, que cet état inquiétait, se relevait souvent, et constatait
chaque fois le même état d'érection.
Il n'a jamais pu être guéri de ces habitudes. Placé dans sa
jeunesse dans différentes écoles, on a dû toujours le renvoyer
à cause des mauvais conseils qu'il donnait à ses plus jeunes
condisciples, dont il recherchait les pratiques manuelles.
Vers douze ans, son plaisir était encore de déshabiller les
poupées, de les regarder nues ; il les fouettait avec une certaine
animation et toujours en rougissant. « On voyait qu'il aimait
cela » dit la mère. Celle-ci était effrayée de ces dispositions si
précoces, et les faits sont restés gravés dans sa mémoire. Les
poupées étaient fabriquées par la mère et ne présentaient dans
leur costume ni les attributs de l'homme, ni celui de la femme.
48 recueil DE faits.
G... n'a pu nous dire si, à cette époque, en regardant les
poupées nues, il évoquait dans son esprit le souvenir des
organes masculins plutôt que celui des organes féminins. Il ne
détestait pas de jouer avec les petites filles, mais jamais il n'a
tenté de pratiquer des attouchements sur ces dernières. Plus
tard, son goût pour le sexe masculin n'a l'ait que s'accentuer.
Vers l'âge de seize ans, il regardait les filles avec un certain
dégoût, tandis qu'il se sentait épris pour les jeunes garçons.
Plus tard encore on lui parla de mariage; mais il déclara que,
s'il se mariait, il ne se livrerait qu'à des ouvrages féminins.
D'ailleurs chez sa mère, les occupations ordinaires delà femme
étaient les siennes : il se livrait aux soins du ménage, faisait
le lit et la cuisine de ses parents.
A dix-sept ans, on l'enferma à l'asile de Bétel, et ce n'est
qu'un an après qu'il eut sa première attaque d'épilepsie.
Jusque-là, d'après les renseignements, rien ne pouvait faire
prévoir l'invasion de la maladie. Pas de vertiges, pas de pâ-
leurs subites, pas de moments d'absence. Le malade n'urinait
pas au lit.
La première attaque d'épilepsie fut suivie de troubles
psychiques. G... courait partout; s'il voyait une fenêtre
ouverte, il tentait de se précipiter dans le vide. Pendant deux
années, les crises revinrent fréquemment, espacées par des
intervalles très irréguliers; et toujours elles étaient suivies des
mêmes troubles intellectuels. Puis, les attaques survinrent
seules, sans troubles consécutifs, si ce n'est un léger égare-
ment très passager. Depuis quelques années, les crises sont
plus rares; souvent elles sont remplacées par des vertiges.
Jamais les intervalles des crises n'ont été marqués par des
impulsions d'aucune sorte,
Les attaques sont classiques; elles sont survenues de jour
comme de nuit. Très souvent, un mal de tête violent prévient
le malade qu'il va tomber, il peut se baisser pour éviter la
chute. D'autres fois, il tourne trois fois sur lui-même, et tombe
sans avoir eu le temps de choisir l'endroit de sa chute. D'ail-
leurs les attaques complètes sont constituées par les phéno-
mènes suivants : chute, morsure à la langue, écume à la
bouche, convulsions toniques prédominant à droite, émission
des urines.
L'aberration du sens génital ne s'est pas amendée. Elle a
continué à évoluer simultanément avec l'épilepsie. A l'asile, il
INVERSION DU SENS génital. 49
s'est encore livré fréquemment à la masturbation. Son goût
pour les jeunes gens s'est manifesté par des déclarations
d'amour qu'il faisait aux jeunes malades, soignés avec lui.
Dernièrement encore il était amoureux d'un jeune homme de
dix-sept ans, avec lequel il s'est livré à des actes de pédé-
rastie passive. Assez souvent pendant son séjour à l'asile, le
même fait s'est reproduit. Interrogé ce sujet, G... répond
qu'il éprouve à ces pratiques une satisfaction inexprimable.
11 ne comprend pas ce qu'il y a d'immoral et d'anti-naturel
dans sa manière d'être, et professe d'ailleurs toujours le même
dégoût pour la femme. Quand on lui demande la raison de sa
conduite, il répond : « Que voulez-vous ? il est gentil, il est
beau garçon et je l'aime. » Notons toutefois qu'à l'âge de
treize ans, il se mit un jour à regarder sa mère avec des yeux
étranges, il se précipita sur elle et l'embrassant avec passion,
il lui dit : « Tu es belle, » mais ce fait ne s'est produit qu'une
seule fois.
Comme il parvenait toujours à tromper la surveillance de
ses gardiens, le directeur de l'asile de Bétel a supplié la
famille de retirer le malade.
Sorti de l'asile, il y a un mois environ, il a été replacé
aussitôt à Saint-Anne, où il est actuellement observé.
Telle est, rapidement esquissée, l'histoire de G...
Nous y trouvons la confirmation de ce que nous avan-
cions plus haut. Notre malade est un type d'héréditaire.
Stigmates physiques et stigmates psychiques de dégé-
nérescence, se trouvent réunis chez lui.
La tare héréditaire remonte ici très loin. Nous pou-
vons la suivre du côté maternel jusqu'à la grand'mère
du grand-père qui était folle. Du côté paternel, nous
perdons sa trace après l'avoir constatée chez une cou-
sine germaine du père, également folle.
Notre cas présente encore un autre intérêt : G... est
épileptique.
En aucune façon, l'on ne pourrait mettre' sur le
compte de l'épilepsie la perversion du sens génital
auuvEg, t. Il 4
50 REVUE CRITIQUE.
dont nous rapportons l'histoire. L'épilepsie ne présente
pas de ces syndromes et dans l'espèce, ils sont bien
caractéristiques de l'état mental que notre malade tient
de ses ascendants héréditaires. Dans notre cas, nous
voyons évoluer simultanément le syndrome et l'épi-
lepsie. Cette dernière vient se greffer, comme il arrive
souvent, sur un terrain débile, mais elle conserve son
indépendance. Notre observation montre donc en outre
un cas de coexistence de deux troubles intellectuels.
REVUE CRITIQUE
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE^CHEZ LES FEMMES ';
Par M. LECORCHÉ.
LE COMA DIABÉTIQUE ET L'ACÉTONÉMIE
Depuis la publication de notre Traité du diabète, où nous
exposions l'état de la science sur cette question, l'histoire de
l'acétonémie s'est enrichie de faits nombreux et intéressants
qui nécessitent une étude nouvelle. Aussi croyons-nous utile
de refaire ici sur un plus large plan un exposé complet des
théories et des divers aspects du coma diabétique. Nous indi-
querons au préalable les principaux travaux qui méritent
d'être plus spécialement consultés sur ce sujet.
Prout. On stoinach and rénal diseases.
Bence Jones. Lectures on pathology, 1854.
Petters ? Beo&ctc/t<MHeH Me diètes. Prag.Yiertetjalar.,485.
1 Voy. tome X, page 395.
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 51
Kaulich. Prtig. Vt€ ? 1860.
Kussmaul. - Deutsch. Arch. f. Klin. med., 1874.
Cantani, Le diabète sucré. Trad. fr., 1876.
Pavy. On diabètes.
Dickinson. On diseases of Kidneys., 1877.
Lambl. - Vi ? ,chow's Ai-chiv., 1857.
Rupstein. Dubois Reymond's Archiv., 1874.
Berti. Giorn. Venet. di scieiz. met., 1874.
Hilton Faggs. Guy's Hosp. Reports, 1874.
Seegen. De;' diabètes mellitus, 1875.
Scott Donkin. On relation betwern diabètes and foorl, 1875.
W. Harris. Saint-Ba ? ,th. Hosp. Reports, 1875.
J. Cyr. De la mort subite dans le diabète. Arch. méd., 1875.
Kien. Gaz. méd. Strasbourg, 1878 et 1880.
Quincke. Ueber coma diabeticunz, Berlin. Klin., Woch., 1880.
Sanders et Hamilton. - Edimb. med. journ., 1879.
Hertz. Deutsch. med. Woch., 1881.
Ebstein. Deutsch. Arch. f. Klin med., 1881.
Schmitz. Deutsch. med. Voch., 1881.
Joenicke. Deutsch. Arch. f. Klin. med., 1881.
Jaksch. Deutsch. chem. Gesell., 1882.
Taylor. Guy's Hosp. Rep., 1882.
Dreyfous. Th. agrég. Paris, 1883.
De Gennes. Th. Doct. Paris, 1884.
Frerichs. Ueber der diabètes, 1884.
Hertzka. Die Zuckerharuruhr, 1884.
I. PATHOGÉNIE DU COMA DIABÉTIQUE
Les nombreuses théories, proposées pour expliquer le dé-
veloppement des symptômes graves qui terminent souvent
l'évolution du diabète, peuvent se diviser en deux groupes
distincts. Dans le premier nous rangerons les diverses hypo-
thèses qui attribuent les accidents mortels à des altérations
matérielles et appréciables, subies par les tissus ou les liquides
du diabétique ; le deuxième groupe comprend les théories qui
font de la mort brusque ou rapide le résultat d'une intoxication
par quelqu'un des produits de la fermentation anormale du
glycose, que ce produit soit l'acétone ou un des composés voi-
sins de ce corps. On va voir que cette division correspond en
réalité à la distinction que nous établissons dans la manière
de comprendre le coma ultime des diabétiques, sans que tou-
tefois cette distinction paraisse avoir guidé en quoi que ce soit
les auteurs dans la .conception de leurs théories.
52 REVUE CRITIQUE.
Premier groupe. Lésions matérielles. Il est bien évi-
dent qu'on ne saurait s'attacher à discuter longuement la
valeur des diverses modifications signalées pour certains cas
dans les centres nerveux. Si l'on veut parler de lésions gros-
sières, d'hémorragies ou de ramollissements du cerveau, c'est
sortir de la question; le diabétique, en raison de l'état de ses
vaisseaux, est exposé, tout comme un autre athéromateux ou
scléreux, à faire une attaque d'apoplexie ou une hémiplégie,
qui n'ont rien de commun avec ce que l'on est convenu d'ap-
peler proprement le coma diabétique. Si l'on invoque l'anémie,
la congestion ou l'oedème cérébral, que signifient des lésions
aussi disparates pour expliquer un état symptomatique qui a
son autonomie et sa caractéristique propre ? L'anémie, la con-
gestion ou l'oedème du cerveau se rencontrent dans le rhuma-
tisme cérébral, dans le mal de Bright, dans bien d'autres
maladies à manifestations cérébrales ; ils sont les effets de la
cause première qui provoque la perturbation générale terminée
par le coma : ils ne sauraient l'expliquer.
Dans un travail récent, Abeles a signalé chez trois diabé-
tiques, morts avec des accidents acétonémiques, l'accumulation
de glycogène dans la substance cérébrale'. On trouvait aussi
du glycose dans le foie, les reins, le pancréas; il n'y en avait
pas dans les muscles. Or, d'après les recherches de Seegen,
de Kratschmer, de Paschutin, d'Abeles lui-même, le cerveau
à l'état normal ne contient pas de glycogène. Chez deux autres
diabétiques, mort l'un de phthisie, l'autre de furonculose,
Abeles ne constata pas non plus la présence du glycogène
dans le cerveau, ni du reste dans les autres organes. On pour-
rait donc se demander si l'accumulation de cette substance
dans les centres'nerveux ne joue pas un rôle dans la produc-
tion du coma. Mais Abeles ne soulève même pas cette question;
il se contente de dire que le dépôt du glycogène dans le cer-
veau et dans les différents organes est le fait du diabète même,
et que, si ce dépôt a pu être constaté dans le cas de mort par
acétonémie, c'est que la terminaison fatale a été plus rapide
que chez les deux diabétiques morts d'épuisement à la suite
de furoncles ou de tuberculose. Il n'y a donc pas lieu d'insister
sur ce point.
1 Abeles ? Glycogengehalt veoschiedener organ in coma (liab. Cen-
lralbl. nied. 117zsseh. Lecot'ch6. -.Diabète. 1885.
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 53
Est-il nécessaire de s'étendre sur les lésions rénales ? Qu'im-
porte que Griesinger ait constaté 32 fois sur 64 des altérations
des reins chez les diabétiques, ou que Dickinson, sur vingt-
sept autopsies, n'ait trouvé que deux fois les reins normaux' ? .
Cela nous semblerait plutôt un argument pour mettre les.
reins hors de cause; car il est certain que les trente-deux ma=
lades de Griesinger et les vingt-cinq diabétiques de'Diekinson.'
ne sont pas tous morts avec les symptômes du coma dit.
diabétique. Sans doute il est possible que le diabète se com-
plique d'une maladie de Bright et que le malade meure' avec
l'ensemble symptomatique désigné sous le nom d'urémie,
Mais est-ce une raison pour confondre le coma urémique avec
le coma diabétique ? Cliniquement, de l'aveu général, ces deux
états ne présentent pas une analogie qui autorise la confusion.1
D'autre part, savons-nous au juste ce qu'est pathogénique-
ment l'urémie ? Est-ce autre chose qu'une expression clinique ?
Abstraction faite de toutes les théories, dont aucune n'est dé-.
montrée, en nous en tenant aux faits mêmes, l'urémie est'
l'ensemble des phénomènes d'intoxication générale qui sur-,
viennent dans le cours de la maladie des reins. Ce qui revient'
à dire que c'est le diagnostic de la lésion rénale qui permet le.
diagnostic de l'urémie. Or, si un diabétique succombe dans le.
coma sans avoir présenté le moindre signe de lésion rénale,
ni albuminurie, ni anurie, et c'est le cas dans la plupart des
observations de coma diabétique, de quel droit conclure à.
l'urémie ? Et lorsque le clinicien fait la différence des deux'
états, comment admettre que le pathogéniste fasse la cohfu-.
sion, sans profit même pour lui ? Quant aux lésions histolo-
giques, à la nécrose épithéliale des tubuli signalée par.
Ebstein, nous en parlerons plus loin. Ce n'est là qu'un fait
accessoire, si intéressant qu'il soit, en le supposant vrai dans
tous les cas, et qui, même dans la pensée de l'auteur, est
primé par l'existence d'un produit toxique, cause réelle des
accidents.
Une part plus importante doit être faite aux lésions cons-
tatées du côté du coeur. L'atrophie du muscle, cardiaque a été
observée chez un certain nombre de diabétiques (Dickinson,
Paget). Scott Donkin, s'appuyant sur ce fait, a rapporté la
mort subite dans le diabète à une syncope. Richard Schmitz
soutient la même hypothèse; il y a pour lui, chez la plupart
des diabétiques, un'état d'atonie dû "myocarde, quis -à : urt
54 REVUE CRITIQUE.
moment donné, aboutit à une véritable insuffisance cardiaque
et à un état syncopal rapidement mortel. Frerichs admet
aussi une dégénérescence et une destruction granulo-graisseuse
des fibres du coeur, qui, dans certains cas, détermine une
véritable paralysie cardiaque avec collapsus. Les faits de ce
genre ne nous paraissent pas discutables; nous en avons
observé plusieurs pour notre part. Mais si le collapsus car-
diaque peut expliquer un certain nombre d'observations de
mort rapide dans le diabète, il ne saurait constituer un mode
d'interprétation applicable à tous les cas.
Restent les altérations du sang lui-même ; on en a décrit
trois principales : des changements dans la forme et les fonc-
tions des globules sanguins, une augmentation de la viscosité
du plasma par excès du sucre ; l'hyperglycémie avec déshydra-
tation des tissus ; la surcharge graisseuse du sang avec embolies
capillaires. Pour ce qui est des déformations subies par les
hématies, elles sont fort discutables; car la plupart des
auteurs qui ont examiné le sang pendant la vie n'ont rien
constaté d'anormal dans les formes des globules rouges. Le
fonctionnement défectueux des hématies est possible, probable
même; mais de quelle nature est-il ? Il est difficile d'ad-
mettre un trouble analogue à celui qui détermine l'intoxi-
cation par l'oxyde de carbone, car rien ne ressemble moins
au coma asphyxique que le coma diabétique. L'hypergly-
cémie avec déshydratation des tissus est une hypothèse qui
ne s'appuie que sur la disparition brusque du sucre urinaire
au moment des accidents; mais cette suppression de la glyco-
surie est exceptionnelle dans les cas de coma, et d'autre part
elle s'observe fréquemment chez les diabétiques d'une manière
plus ou moins passagère, sans qu'il en résulte le moindre
trouble cérébral dyspnéique. La théorie de Sanders et de
Hamilton est certainement la plus spécieuse. Elle repose sur
un fait vrai, la présence en excès de matières grasses dans le
sang des diabétiques. Dans trois cas de coma diabétique, ces
auteurs ont observé que le sang, après la mort, se séparait par
le repos en deux couches, l'une inférieure rouge, formée par
les globules sanguins, l'aulre supérieure, d'un blanc laiteux,
composé d'une véritable émulsion de globules huileux. Les
capillaires du poumon étaient remplis de gouttelettes grais-
seuses mises en évidence par l'acide osmique; on en trouvait
aussi, mais en moindre abondance, dans les reins et les autres
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 55
organes. Voit et Hertz ont constaté cet état lipémiquedu sang
dans deux autres cas de coma diabétique. Starr prétend même
avoir reconnu sur le vivant à l'aide de l'opthalmoscope des
embolies graisseuses des vaisseaux rétiniens. Mais, d'une part,
ces observations sont trop peu nombreuses pour entraîner la
conviction; de l'autre, Frerichs nie formellement avoir jamais
pu vérifier dans une autopsie l'existence d'embolies grais-
seuses des capillaires. Enfin, il faut remarquer que dans les
cas de Sanders et Hamilton il est dit expressément que le
sang exhalait une forte odeur d'acide acétique. Or, la présence
de matières grasses en excès dans le sang étant un fait com-
mun chez le diabétique, n'est-il pas vraisemblable que c'est la
transformation acide du liquide sanguin après la mort qui a
rendu plus facile et plus nette la séparation de ces matières
grasses en une couche surnageant au-dessous du caillot cruo-
rique, comme il arrive dans un mélange mal battu d'huile et
de vinaigre ? 2 -
Deuxième groupe. Empoisonnement par un produit dé la
fermentation du glycose. Les hypothèses qui s'inspirent de
cette idée se résument en somme dans la théorie de l'acéto-
némie. C'est Pettérs et Kaulich qui, frappés de l'odeur spéciale
de certaines urines diabétiques, eurent les premiers la pensée
d'y rechercher l'acétone et d'attribuer à une intoxication par
cette substance les phénomènes comateux qui terminent par-'
fois le diabète. Pour Kaulich, l'acétone se forme dans l'esto-
mac, par fermentation, aux dépens du sucre et de ses dérivés,
l'alcool et l'acide acétique, la muqueuse gastrique étant préa-
lablement altérée par une inflammation catarrhale. L'absorp-
tion de l'acétone formée en excès et son passage dans le sang
détermineraient l'explosion des accidents. Gehrard et Rupstein
ont depuis admis que l'acétone pouvait se produire directement
dans le sang même, aux dépens de l'éthyldiacétate de soude.
Kussmaul chercha à démontrer expérimentalement la
théorie. En injectant sous la peau ou en faisant inhaler à des
animaux de 8 à 10 grammes d'acétone, il provoqua chez eux
des symptômes d'ivresse et d'assoupissement analogues à
ceux que provoquent, à moins forte dose, l'éther et le chloro-
forme. Il admit comme probable que l'acétone, passant d'une
manière continue et prolongée dans le sang, amène à la longue
un empoisonnement chronique qui, surtout chez les individus
déjà débilités, pourrait prendre brusquement une allure aiguë,
56 REVUE CRITIQUE.
de la même façon que l'alcoolisme chronique aboutit peu à
peu, chez les buveurs de profession, au delirium tremens.
Cette théorie, si séduisante, parut trop simple. Il arriva
alors ce qui déjà était arrivé pour la cholémie et l'urémie.
L'empoisonnement par l'urée n'ayant paru possible chez les
animaux qu'à des doses excessives, on avait incriminé -la
transformation de l'urée en carbonate d'ammoniaque, puis
successivement toutes les substances contenues dans l'urine.
les matières extractives, les sels de potasse, l'urine en nature,
les ptomaïnes, sans arriver à aucun résultat décisif. De même,
pour l'acétonémie, on invoqua de préférence à l'acétone
quelques-uns des produits voisins de ce corps, l'acide éthyl-
diacétique, l'éther éthyldiacétique, l'acide acétylacétique. Et
finalement Freri chs aboutit à cette conclusion, que le mot
d'acétonémie doit être banni de la pathologie, l'empoisonne-
ment résultant pour lui non d'un produit déterminé, mais
d'une série de transformations dans le sang, dont les différents
stades intermédiaires nous échappent et dont nous ne connais-
sons que les produit s ultimes, l'acide acétique et l'acétone.
Telles sont les théories. Aucune à notre avis ne peut rendre
un compte satisfaisant de tous les faits. Mais, comme nous
l'avons déjà dit, il importe de faire des distinctions. Le
nombre des théories s'explique, si l'on songe que chacun,
jugeant d'après un petit nombre d'observations, édifiait une
hypothèse, qui ne s'adaptait qu'aux cas restreints dont il avait
été témoin. Aujourd'hui le nombre des faits est assez consi-
dérable pour permettre de se dégager de l'impression du
moment et d'embrasser la question d'une vue plus générale.
Or, abstraction faite des apoplexies par lésion cérébrale
grossière, ramollissement ou hémorragie, et des accidents
urémiques liés à une complication brightique évidente, qui
ne doivent même pas entrer en ligne de compte, il existe
deux ordres de faits bien distincts dans l'ensemble des acci-
dents observés et publiés sous le nom de coma diabétique.
Ces deux ordres de faits, nous les différencions par ce point
fondamental pour nous, la présence ou l'absence de l'acétone
dans les urines ou dans l'air respiré. Dans l'un, à aucun
moment des accidents qui amènent la mort, on ne constate
ni l'odeur acétonique de l'haleine ni la réaction caractéris-
tique dans l'urine. Dans l'autre, au contraire,.l'urine traitée
par le perchlorure de fer donne. la réaction rouge-bourgogne
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 57
et le malade exhale cette odeur aigrelette, éthérée, qui indique
une imprégnation par l'acétone; odeur si nette, si spéciale,
que nul ne la méconnaît après l'avoir une fois constatée.
Cliniquement, les différences symptomatiques ne sont pas
moins bien tranchées. Dans le premier cas, les malades
tombent progressivement ou brusquement dans un état de
torpeur, de faiblesse générale, d'anéantissement, qui aboutit
rapidement au coma; il y a d'emblée un refroidissement
général; le pouls est imperceptible, les battements du coeur se
sentent à peine, et cependant il n'existe aucune trace d'as-
phyxie, la face est pâle et les téguments décolorés.
Dans le second cas, les phénomènes débutent par une période
d'excitation parfois extrêmement marquée. Il y aune agitation
plus ou moins grande, une sensation de malaise, de^ douleurs
dans le ventre et l'hypochondre droit. L'excitation cérébrale
se traduit par une vivacité inaccoutumée, une loquacité qui
rappelle la première période de l'ivresse; la parole est brève,
rapide, bredouillée; l'excitation peut aller jusqu'à un véritable
délire maniaque et chez l'enfant jusqu'aux convulsions. En
même temps, survient cette espèce de dyspnée spéciale avec
inspirations énergiques, sans signe physique à l'auscultation.
Le pouls est vif, précipité et la température s'élève jusqu'à
380,5 et 39°. Ce n'est qu'après cette phase d'excitation, qui
peut durer plus ou moins longtemps et même ne pas aboutir,
qu'apparaît le coma, que la température baisse et que la mort
survient dans la prostration et le refroidissement.
A deux ensembles symptomatiques aussi différents, une
même explication pathogénique ne saurait convenir. Et c'est
parce qu'on a confondu ces deux catégories de faits sous le
nom de coma diabétique qu'aucune théorie n'a pu sembler
satisfaisante et applicable à tous les cas.
Les faits de notre premier groupe peuvent s'appliquer par
l'hyperglycémie, parla déshydratation ou le dessèchement des
tissus. Mais nous croyons que c'est surtout de la théorie de
Scott Donkin et de Schmitz qu'ils sont justiciables. L'affaiblis-
sement et l'insuffisance cardiaque nous paraissent dominer la
situation. On pourrait désigner cette première catégorie sous
le nom de coma diabétique simple ou plutôt de collapsus dî'a-
bétique. " " " ,
Quant au. deuxième- groupe, de faits, il n'a certainement
aucune parenté pathogénique avec la-première. Le coma, ici,
58 REVUE CRITIQUE.
est précédé par une période d'excitation et de réaction avec
élévation de la température qui n'existe jamais dans le col-
lapsus diabétique. L'analogie de ces deux phases successives
d'excitation et de dépression est évidente avec la marche des
phénomènes dans l'ivresse alcoolique ou chez les individus
soumis à l'inhalation du chloroforme ou de l'éther. Le diabé-
tique, en pareil cas, est soumis à l'action d'une cause sem-
blable. Il est intoxiqué par un produit accidentellement formé
dont les effets sur le système nerveux sont voisins de ceux de
l'alcool, du chloroforme ou de l'éther. Ce produit, il nous reste
à en discuter la nature et le nom; mais le fait de l'interven-
tion d'une substance toxique dans le développement des acci-
dents nous parait hors de cause; il ne s'agit plus d'un simple
collapsus, il s'agit d'un coma par intoxication.
Cette substance toxique, quelle est-elle ? On peut ramener
à trois les opinions émises à ce sujet : ou c'est l'acétone, ou
c'est un corps voisin de l'acétone, éther ou acide éthyl ou
acétylacétique; ou bien c'est toute la série des corps intermé-
diaires entre le sucre, l'acide acétique et l'acétone. Cette der-
nière opinion, qui est celle de Frerichs, ne nous paraît pas
soutenable. La manière dont les accidents se produisent, leur
similitude dans tous les cas, semblent bien indiquer qu'ils
résultent de l'action sur l'organisme d'un produit déterminé et
toujours le même, et non de l'empoisonnement par une série
de substances se métamorphosant et se détruisant au sur et à
mesure de leur formation. Le produit toxique est une aldé-
hyde, si l'on veut, ou un éther, ou un acide, ou un acétone,
mais ce n'est pas successivement et en même temps ces divers
corps en voie de transformation. D'ailleurs, en déclarant que
les stades des processus chimiques antérieurs à l'acétone nous
sont inconnus et nous seront difficiles à découvrir en raison de
la rapidité des changements que subissent les substances de
cette série, Frerichs reconnaît l'impossibilité de toute démons-
tration effective de son hypothèse et nous en ôte jusqu'à
l'espoir.
L'idée d'attribuer les phénomènes d'intoxication à un des
corps voisins de l'acétone plutôt qu'à l'acétone même est plus
vraisemblable. Elle est peut-être vraie. Il est possible que la
substance toxique soit en réalité l'éther, ou l'acide éthylacé-
tique, ou l'acide acétylacétique, ou quelque autre dérivé ana-
logue. Mais nous ne voyons, dans l'état actuel de nos connais-
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 59
sances, aucune raison péremptoire de donner la préférence à
un de ces composés plutôt qu'à l'acétone. Expérimentalement,
on produit avec l'acétone, chez les animaux, des symptômes
qui ne diffèrent pas plus de ceux du coma diabétique que les
accidents provoqués par Quincke ou par Gehrardt avec l'éther
ou l'acide éthyldiacétique. Chimiquement, il est aussi difficile
de comprendre ou d'expliquer la formation dans l'organisme
de ces différents corps que celle de l'acétone. Il n'y a donc
aucune raison valable et démonstrative pour renoncer à la
théorie de l'acétone en faveur de celle de l'éther ou de l'acide
éthyldiacétique. D'ailleurs, il est certain que d'autres com-
posés chimiques, de constitution analogue, sont capables de
produire des accidents semblables à ceux de l'acétonémie. La
démonstration ne sera complète que le jour où, expérimentant
successivement chacun des termes de la série chimique, on en
aura trouvé un dont les effets pathologiques se rapprochent au
plus près des symptômes constatés dans le coma par intoxication
des diabétiques. Jusqu'à ce jour, nous ne voyons rien qui nous
oblige à rejeter l'idée que cette intoxication est due à la pré-
sence de l'acétone dans le sang.
Quelles objections a-t-on, en effet, opposées à cette manière
de voir ? La difficulté de s'expliquer la formation de l'acétone
dans l'organisme humain aux dépens du glycose ? Mais la
chimie a-t-elle pu encore expliquer la formation de la xanthine
ou do l'acide urique aux dépens des matières albuminoïdes ?
L'organisme vivant n'est-il pas la plus puissante des cornues,
apte aux décompositions et aux combinaisons les plus com-
plexes dont aucune cornue de chimiste n'est capable ? Ce
n'est, d'ailleurs, pas le cas pour l'acétone. En distillant du
sucre et de la chaux, on fait de l'acétone. Pourquoi le tube
digestif ne serait-il pas capable de cette opération ? Ne savons-
nous pas que dans l'estomac le sucre peut subir la fermenta-
tion alcoolique, et l'acool à son tour la fermentation acétique ?
Est-il étonnant que d'autres transformations puissent aussi
se produire et aboutir en dernier terme à l'acétone ? D'ailleurs,
ce n'est là qu'une question afférente à celle qui nous occupe.
Peu importe comment l'acétone se forme dans l'organisme,
le point capital est qu'elle s'y forme et qu'elle y existe. Or, la
présence de l'acétone chez les diabétiques n'est pas contestée.
L'affirmation de Kaulich a été vérifiée par bien d'autres
auteurs. Lambl a trouvé l'acétone dans l'estomac et le sang,
60 REVUE CRITIQUE.
Morler dans la salive ; il est inutile d'énumérer tous ceux qui
en ont constaté l'existence dans l'urine. Berti l'a extraite, par
distillation, du coeur, du foie, du cerveau. Il est sans doute
intéressant pour le chimiste de chercher par quelles transfor-
mations successives a passé la matière pour se trouver à l'état
d'acétone dans les tissus; il suffit au pathologiste de savoir
qu'elle s'y trouve.
A cela on répond qu'elle s'y trouve en trop petite quantité
pour donner lieu aux accidents mortels dont on la rend res-
ponsable. Mais l'acétone n'est-elle pas une substance volatile !
Une partie peut avoir disparu quand on pratique l'analyse des
tissus ou des liquides. Trouve-t-on beaucoup de chloroforme
dans le corps des individus qui succombent à l'intoxication par
ce produit ? D'ailleurs, cette objection est connexe à la suivante,
et la réponse aux deux arguments se confond.
La principale objection, en effet, des adversaires de l'acéto-
némie est la résistance opposée par les animaux à des doses
même considérables d'acétone, et Kussmaul lui-même l'a
formulée en ces termes : « Ce qui empêche, dit-il, l'esprit
d'admettre une acétonémie aiguë spontanée, c'est qu'il faudrait
des quantités considérables d'acétone pour produire chez
l'homme une intoxication et le coma, d'autant plus qu'il n'est
nullement prouvé que ce corps, qui se volatilise si facilement
par les poumons, peut se développer dans l'organisme en
grande abondance et s'y accumuler. » Le fait n'est pas niable ;
Kussmaul a dû employer 5 ou 6 grammes en injections sous-
cutanées, et 20 grammes en inhalations pour amener non la
mort, mais des symptômes d'ivresse et d'assoupissement chez
de jeunes chiens. Il a fallu à de Gennes 150 à 180 gouttes
d'acétone en injection hypodermique pour déterminer la mort
des cobayes adultes.
Ebstein a essayé de répondre à cette difficulté en préten-
dant que la nécrose de l'épithélium rénal était la vraie cause
de l'intoxication, que, les reins altérés n'éliminant plus l'acé-
tone, celle-ci s'accumulait et amenait les accidents mortels.
Mais cette hypothèse ne résiste pas à la critique; le rein n'est
pas la seule voie d'élimination de l'acétone; il est probable
même, étant donné le peu d'acétone obtenue par distillation
de l'urine, que ce n'est qu'une voie accessoire.- L'acétone,
substance volatile, s'élimine surtout par les poumons; peu
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 61
importe donc que l'épithélium rénal soit ou non altéré,
puisque la voie pulmonaire reste toujours libre.
Ce n'est pas le rein qu'il faut incriminer, c'est l'organisme
tout entier. Comment comparer les animaux en expérience,
vigoureux, bien portants, auxquels on injecte sous la peau
une certaine quantité de poison et le diabétique épuisé qui
succombe à l'acétonémie ? Dans un empoisonnement, il ne
faut pas seulement considérer la dose de poison absorbée, il
faut aussi tenir compte de la résistance individuelle de l'or-
ganisme intoxiqué. Pour le chloroforme, par exemple, ne
voit-on pas certains sujets rester sans danger pendant plusieurs
heures soumis à l'action des vapeurs toxiques ; d'autres, au
contraire, succomber brusquement dès les premières doses
inhalées ? Les diabétiques eux-mêmes offrent une résistance
variable, suivant les cas, à l'action de l'acétone. On en voit
présenter, pendant un temps plus ou moins long, l'odeur et
la réaction spéciales de l'urine, et cela, à diverses reprises,
sans autres accidents qu'un peu d'excitation ou de dépression
et quelques vertiges. Puis, à un moment donné, quand la
vitalité cellulaire est épuisée, que les tissus mal nourris n'ont
plus de réaction, que le système nerveux affaibli est sans
défense, l'intoxication devient fatale et tue. Est-il nécessaire
que la dose'd'acétone ait été plus forte ? Rien ne le prouve;
il est aussi juste de dire que la dose, insuffisante pour atteindre
dans sa 'vitalité un organisme encore vigoureux, est devenue
insuffisante pour tuer un organisme débilité. Enfin, si la
question de quantité préoccupe encore l'esprit comme une
objection valable, on doit remarquer que les conditions de
l'acétonémie expérimentale ne sont, à un autre point de vue,
nullement celles de l'acétonémie pathologique. On inj ecte à
un animal 8 à 10 grammes d'acétone sous la peau; cette
acétone est absorbée, puis éliminée plus ou moins rapidement;
elle agit en tous cas d'un seul coup, pour ainsi dire, et pen-
dant un temps assez court. Le diabétique, au contraire, est
sous le coup d'une intoxication continue; l'acétone est en
vain éliminée par les urines et par les poumons; elle continue
à se former dans le tube digestif et dans le sang, et à impré-
gner l'organisme. Le diabétique acétonémique est dans les
conditions d'un animal qui vivrait dans une atmosphère
saturée d'acétone. Peut-on savoir, dans cette, occurrence,
quelles proportions d'acétone se produisent dans les tissus,
62 REVUE CRITIQUE.
et, puisque l'élimination se fait à mesure, peut-on juger, par
la quantité trouvée après la mort, de la quantité formée pen-
dant la vie ?
En résumé, on le voit, les objections opposées à la théorie
de l'acétonémie ne nous paraissent pas suffisantes pour nous
la faire rejeter. Cette théorie nous semble expliquer d'une
manière rationnelle les faits qui ressortissent à notre deuxième
groupe, le coma par intoxication. C'est à ces faits que nous
donnons le nom de coma acétonémique, le nom de coma dia-
bétiqise simple ou collapsus diabétique servant à différencier
les accidents de tout autre nature dont nous avons formé
notre première catégorie.
II. FORMES CLINIQUES DU COMA DIABÉTIQUE
I. Coma diabétique simple ou collapsus diabétique. Les
accidents que nous réunissons sous ce titre doivent être abso-
lument distingués de l'acétonémie proprement dite. Comme
l'acétonémie, ils se caractérisent par un état d'anéantissement
et un coma terminal plus ou moins complet, mais ils en dif-
fèrent par trois points principaux :
Le défaut de symptômes d'excitation au début;
L'absence de l'odeur chloroformique de l'haleine;
L'absence de la réaction acétonémique dans l'urine.
Le type est ainsi constitué. Un diabétique avéré, après une
évolution plus ou moins longue de son diabète, est pris brus-
quement d'une sensation de faiblesse extrême; rapidement,
cet état de faiblesse devient tel que le malade ne peut se
soutenir et est obligé de garder le lit ; on ne constate cepen-
dant aucune trace de paralysie proprement dite, bien que le
sujet ait à peine la force de mouvoir ses membres : la face
est pâle, la voix éteinte; l'intelligence est conservée. Le pouls
et les battements du coeur s'affaiblissent et deviennent diffi-
cilement perceptibles, et en vingt-quatre ou quarante-huit
heures le malade succombe, sans avoir présenté d'autres
symptômes que cet aspect d'épuisement, de torpeur générale,
◀tantôt▶ avec toute sa connaissance, ◀tantôt▶ dans une sorte de
demi coma.
11 n'est pas douteux qu'un certain nombre de cas décrits par
les auteurs, depuis Prout, et rangés indifféremment sous le
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 63
nom de coma diabétique, ne rentrent dans cette catégorie
de faits ; mais, d'après la lecture des observations, il est assez
difficile d'en faire la distinction avec le vrai coma acétoné-
mique, les observations étant, d'ordinaire, fort incomplètes, et
l'aspect comateux du malade ayant seul frappé l'attention du
médecin. Aujourd'hui que la possibilité d'accidents comateux
comme terminaison du diabète est une chose connue, hors de
conteste, il importe de pénétrer dans l'analyse et dans le
détail des divers symptômes qui précèdent ou accompagnent
ces accidents. Or, ni le début ni les caractères objectifs du
collapsus diabétique ne sont ceux du coma de l'intoxication
acétonique. On ne constate pas la phase d'excitation, analogue
à l'ivresse alcoolique ou chloroformique. Ce qui, d'emblée,
domine la situation, c'est la perte rapide des forces, c'est l'af-
faissement général du sujet. Cet anéantissement qui, dès les
premiers moments, révèle la gravité fatale des accidents,
s'accompagne d'un abaissement de la température centrale et
périphérique. Le thermomètre est au-dessous de la normale,
en même temps que les extrémités pâlissent et se refroi-
dissent. Il n'y a pas, à proprement parler, de perte de con-
naissance, mais seulement de la somnolence, d'où il est, en
général, facile de tirer le malade, un état de torpeur intellec-
tuelle analogue à la torpeur musculaire. Les pupilles sont
dilatées, mais sensibles à la lumière. Cet état ne mérite pas,
en réalité, le nom de coma, mais pjutôt celui de collapsus ;
c'est quelque chose de semblable au collapsus qui marque par-
fois la défervescence brusque de la pneumonie chez les vieil-
lards et qui peut aussi, en pareil cas, devenir mortel.
Ce qui, pour nous, fait la gravité de ce collapsus et sans
doute l'explique en grande partie, c'est l'atonie du coeur. Dès
le début, en effet, le pouls, ◀tantôt▶ normal comme fréquence,
◀tantôt▶ très accéléré, atteignant cent vingt, cent trente pul-
sations par minute, devient faible, petit, tout en restant
régulier dans son rythme. Les battements du coeur vont
s'affaiblissant et finissent par devenir à peine perceptibles.
Néanmoins la respiration est normale, le nombre des inspi-
rations étant de vingt à vingt-cinq par minute; en tout cas,
la dyspnée caractéristique de l'acétonémie manque complè-
tement.
Mais, en dehors de cet ensemble symptomatique déjà spé-
cial, il est un fait qui nous parait essentiel comme élément
64 REVUE CRITIQUE.
de diagnostic et qui ne permet pas de confondre le collapsus
simple des diabétiques avec l'intoxication acétonémique, c'est
l'absence de toute odeur d'acétone dans l'air expiré, carac-
tère négatif qui a pour corollaire l'absence de la réaction
de l'urine par le perchlorure de fer ou les autres réactifs de
l'acétone. Si l'on n'observe pas d'élimination acétonique par
les deux émonctoires ordinaires de cette substance, les reins
et les poumons, c'est donc qu'il n'y a pas formation anor-
male d'acétone dans l'organisme ; l'acétone ne saurait donc
être rendu responsable de ces accidents de collapsus. Par
cette seule raison que l'odeur et la réaction de l'acétone font
défaut, ces observations de collapsus nous semblent devoir
être absolument séparées des cas de coma où ces deux signes
se constatent.
Il faut ajouter que la quantité d'urine rendue est plutôt
augmentée que diminuée chez ces malades, et la fonction
glycogénique du foie ne parait pas sensiblement entravée.
Frerichs a noté que, chez un de ses diabétiques mort avec les
symptômes que nous venons de décrire, la vessie était remplie
d'urine, et cette urine contenait 50 grammes de sucre par
litre. Mais nous devons dire que le même fait peut se rencon-
trer dans le coma acétonémique. '
Quant aux causes qui provoquent le collapsus diabétique,
elles restent encore fort obscures, en raison du petit nombre
de faits bien étudiés. Frerichs n'a pu relever aucune étiologie
digne d'être notée chez une jeune fille, âgée de vingt-deux ans,
devenue diabétique à la suite de chagrins d'amour. Cette
jeune fille rendait en moyenne de deux à trois litres d'urine
par jour, contenant 40 à 50 grammes de sucre par litre.
Son état s'était sensiblement amélioré sous l'influence de
l'opium, du quinquina et des eaux de Carlsbad, lorsque tout à
coup, et sans raison appréciable, on vit augmenter la quan-
tité d'urine rendue; la peau et les muqueuses pâlirent, en
même temps qne survenait une accélération anormale des
battements cardiaques et une faiblesse extrême de la force
contractile. Au bout de quelques jours, se produisit une fai-
blesse générale de la malade, sans perte de connaissance,
suivie rapidement d'un affaiblissement, de plus en plus
marqué, des pulsations du coeur, et de mort en quelques
heures.
Dans une autre observation toutefois, le collapsus parait
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 65
avoir été provoqué, comme le coma acétonémique, par une
fatigue intempestive. Une femme, âgée de quarante ans, qui
perdait de 4SO à 600 grammes de sucre par jour, avec six litres
d'urine, fut prise tout à coup, à la suite d'un voyage de douze
milles, de somnolence bientôt suivie de coma, et mourut en
six heures.
II. Intoxication et coma acétonémiques L'intoxication
est caractérisée, pour nous, par quatre ordres principaux de
phénomènes :
1° La réaction spéciale de l'urine et l'odeur de l'haleine ;
2° Des troubles gastro-intestinaux ;
3° Des troubles respiratoires ;
t° Des troubles nerveux.
Ces différents symptômes se rencontrent réunis dans les
cas typiques ; ils peuvent se combiner de diverses manières
dans les cas incomplets; mais l'odeur aigrelette de l'haleine
ou la réaction de l'urine doivent de toute nécessité exister
pour justifier la nature acétonémique des accidents ; et, réci-
proquement, chaque fois que ces deux phénomènes existent,
que la réaction symptomatique soit complète ou incomplète,
le malade est pour nous un acétonémique. Nous précisons ce
point, parce que nous ne saurions admettre, comme le veut
Frerichs, deux groupes d'accidents, suivant que l'on observe
ou non la douleur thoracique et la dyspnée. Sans doute la
dyspnée est un des symptômes les plus caractéristiques de
l'intoxication. Mais ce symptôme peut manquer ou s'atténuer
devant les phénomènes nerveux ou gastro-intestinaux, sans
qu'on soit en droit de catégoriser les observations de ce genre
dans une classe à part, distincte de l'acétonémie. Que l'urémie
se traduise par de la dyspnée, des vomissements ou du coma,
elle n'en reste pas moins l'urémie. Il n'y a pas lieu de raison-
ner autrement pour l'acétonémie.
1° ° Odeur de l'haleine et réaction de Tureiae. L'odeur de
l'haleine a été comparée à l'odeur du chloroforme, à celle de
la pomme trop mûre. Ces comparaisons peuvent donner une
idée de cette odeur éthérée toute spéciale; en réalité, c'est
l'odeur même de l'éther éthyldiacétique ou de l'acétone. Les
émanations acétoniques peuvent être plus ou moins marquées;
◀tantôt▶ on ne les constate qu'en flairant en quelque sorte le
malade, ◀tantôt▶ elles sont tellement intenses et pénétrantes
A)tCH)t'L5, t. Xi. 5
66 REVUE CRITIQUE.
qu'elles saturent pour ainsi dire l'air de la chambre, au point
d'incommoder les assistants. L'odeur de l'haleine est parfois
le premier indice des accidents graves qui menacent le dia-
bétique ; dans d'autres cas, elle ne se produit qu'au cours
même des phénomènes d'intoxication. A elle seule, elle per-
met le diagnostic; et, sans autre renseignement, en présence
d'un individu plongé dans le coma ou se plaignant de ma-
laises nerveux divers, de vertiges, de troubles dyspeptiques,
la constatation de l'haleine acétonique autorise à affirmer le
diabète.
L'urine peut donner la même sensation odorante; mais il
est préférable de recourir, pour déceler l'acétone, à un des
deux procédés suivants :
Le premier et le plus usité est la réaction que fournit le
perchlorure de fer. Dans une urine, additionnée au préa-
lable de quelques gouttes d'acétone, si on fait tomber une à
deux gouttes de perchlorure de fer, on obtient immédiate-
ment une belle coloration rouge rubis. Il suffit donc d'ajouter
quelques gouttes de ce réactif à une urine où l'on soupçonne
la présence de l'acétone pour mettre cette substance en évi-
dence. On comprend que, suivant la quantité d'acétone con-
tenue dans l'urine, la réaction sera plus ou moins nette, et
la teinte obtenue variera du rouge clair au rouge du vin de
Bourgogne.
Le deuxième procédé est celui de Le Nobel. Les réactifs
nécessaires sont : 1° une solution forte d'ammoniaque ; 2° une
solution au cent cinquantième de nitro-prussiate de soude
(10 centigrammes pour 15 grammes d'eau). On ajoute à l'urine
une certaine proportion de la solution ammoniacale : puis on y
verse quelques gouttes de nitro-prussiate et l'on voit se déve-
lopper lentement une coloration violette.
2° Troubles gastro-intestznaux. Ces troubles marquent
en général la période de début de l'intoxication ; ils consistent
en inappétence, nausées, vomissements et diarrhée, avec ou
sans douleurs concomitantes. Leur fréquence est telle que,
d'après Kaulich, l'acétonémie est toujours liée à un certain
degré de gastrite catarrhale nécessaire à la production de
l'acétone. Pour nous, ces symptômes d'irritation gastro-intes-
tinale sont le fait de l'élimination de la substance toxique par
ia muqueuse digestive; le mécanisme nous parait le même
que pour l'urémie gastro-intestinale. En tout cas, ils ne mé-
TROUBLES NE11VKUX DANS LE I)lAliÈ'IE CHEZ LES FEMMES. 67
ritent le nom de phénomènes acétonémiques qu'autant qu'ils
coexistent avec l'odeur éthérée de l'haleine ou de la réaction
urinaire, car la dyspepsie n'est pas rare chez les diabétiques à
l'état de complication accidentelle et sans aucune relation avec
l'intoxication acétonémique.
Ces troubles digestifs sont parfois à peine accusés; il faut
les rechercher et on ne constate que de l'inappétence et quel-
ques nausées. D'autres fois, au contraire, ils attirent toute
l'attention, au point d'égarer le diagnostic. Taylor a signalé la
fréquence des douleurs gastriques et abdominales, et ces dou-
leurs, jointes à des vomissements répétés, ont pu donner
l'idée d'une complication péritonique. Buhl a observé un cas
où la diarrhée était assez abondante pour mériter le nom de
chloréiforme, et Tappeiner, dans ses expériences sur les oies,
a reproduit ces phénomènes diarrhéiques. Mais, à ce degré
d'intensité, l'acétonémie gastro-intestinale est un fait excep-
tionnel ; tout se borne, d'ordinaire, à quelques symptômes
d'embarras gastrique; la langue est blanche, chargée, comme
poisseuse; il y a du dégoût pour les aliments, une constipation
habituelle, parfois quelques selles liquides; le ventre est sen-
sible à la palpation, légèrement ballonné.
3° Troubles respiratoires. La dyspnée est un des phéno-
mènes les plus caractéristiques de l'acétonomie. C'est une
dyspnée sans lésion matérielle, semblable à la dyspnée uré-
mique. L'auscultation montre que le murmure vésiculaire est
ample et normal dans toute l'étendue de la poitrine ; les bat-
tements de coeur sont réguliers, un peu accélérés seulement.
Kussmaul et Kien ont bien décrit l'aspect particulier de cette
dyspnée. « La respiration, dit Kussmaul, se fait comme si la
malade avait soif d'air, avec une violence singulière qui con-
traste avec son épuisement général. » En pareil cas, la gène
respiratoire se produit sous forme de véritables crises, débu-
tant brusquement avec une violence extrême et aboutissant
rapidement au coma mortel. Dans d'autres cas, l'intensité est
moindre; les malades se plaignent d'une sensation de dyspnée
continuelle; ils éprouvent d'une manière incessante le besoin
de faire de profondes inspirations; la respiration est haute et
entrecoupée, comme celle de quelqu'un en proie à une émo-
tion vive. Parfois, la dyspnée s'accompagne de douleurs vives,
occupant l'un ou l'autre hypochondre, le plus souvent l'hypo-
chondre droit, et présentant les caractères d'une névralgie
68 REVUE CRITIQUE.
intercostale. Certainement, nous le répétons, cette dyspnée est
pour ainsi dire pathognomonique ; mais elle peut manquer
complètement, sans que pour cela l'intoxication acétonémique
soit moins évidente.
40 Troubles nerveux. Il faut distinguer ici deux ordres
de faits : les phénomènes initiaux qui marquent le début de
l'empoisonnement; ce sont des symptômes d'excitation qui
résultent du premier contact de la substance toxique avec la
matière nerveuse; les phénomènes terminaux, phénomènes
de dépression qui aboutissent à la mort et qui sont la consé-
qnence de la saturation toxhémique de l'organisme.
La première action de l'acétone sur le système nerveux,
comme celle de l'alcool, du chloroforme, de l'éther, est une
action excitante. Il est vraisemblable que les malades réagis-
sent dans une certaine mesure suivant leur caractère propre,
et que, ici comme dans l'ivresse alcoolique, il faut tenir compte
de l'idiosyncrasie individuelle; mais les observations faites
dans cet ordre d'idées font défaut. Ce qui est certain, c'est
que chez l'enfant, par exemple, on constate assez souvent
l'existence de convulsions (Leroux), qui manquent d'habitude
chez l'adulte. Chez celui-ci, ce sont les troubles psychiques
qui dominent; un changement brusque dans les habitudes
cérébrales du malade : une gaieté ou une vivacité anormales,
une irritabilité excessive, une succession plus rapide d'idées
ou de mots, un ton plus bref, peuvent être les premiers indices
de l'intoxication. Parfois, on observe une certaine incohérence
de la pensée ou du langage. Dans un cas, de véritables acci-
dents de manie aiguë, ont été signalés. D'autres fois, ce sont
des éblouissements, des vertiges, des tintements d'oreille, de
la céphalalgie, qui ont été notés, ou bien quelques douleurs
vagues ou des douleurs névralgiques en différents points du
corps.
Il n'y a pas de fièvre à proprement parler, mais seulement
une légère excitation fébrile, constatable néanmoins au ther-
momètre. On a dit que dans l'acétonémie la température était
au-dessous de la normale. Cela est vrai, d'une manière cons-
tante, à la période terminale, dans la phase comateuse. Mais,
au début, si l'on prend, soir et matin, la température du ma-
lade, on note assez souvent une élévation appréciable, qui ne
dépasse pas, en général 380 à 38°,2; nous avons observé
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 69
38°,5, 38°,6 et 39° dans les premiers jours (OBs. XXXVIII,
LXXXIV).
Cette phase d'excitation est d'ordinaire assez courte; elle
peut passer inaperçue, et comme le médecin n'est souvent
appelé qu'au moment où les accidents inquiétants se produi-
sent, on comprend que certains ont pu dire que le coma se
produisait d'emblée. Nous croyons que le coma ne survient
jamais d'emblée dans l'acétonémie et que, à défaut de l'obser-
vation personnelle, un interrogatoire détaillé de l'entourage
du malade permet toujours de relever quelques-uns des symp-
tômes d'excitation préalable que nous avons indiqués.
Quoi qu'il en soit, les phénomènes de dépression ne tardent
pas à se manifester. Le premier en date, car il existe déjà au
moment de la phase d'excitation, est cette sensation de fai-
blesse générale, d'anéantissement physique, qu'accusent tous
les^malades et qui n'est d'ailleurs que l'exagération de la sen-
sation de fatigue habituelle à tous les diabétiques. Ils devien-
nent indifférents à tout ce qui les entoure, répondent à peine
aux questions, ne demandent qu'une chose, c'est qu'on les
laisse tranquilles.
Puis survient un état de somnolence, une torpeur irrésis-
tible ; on peut encore attirer momentanément l'attention du
malade, mais il retombe aussitôt dans sa somnolence demi
comateuse.
Bientôt le coma devient de plus en plus profond; il n'y a
pas de paralysie, et la sensibilité à la douleur, à la piqûre, au
pincement, bien qu'obtuse, est conservée. Mais toute excita-
tion est infructueuse à provoquer un mouvement ; les membres
soulevés retombent flasques et inertes. Les extrémités sont
froides ; la température centrale s'abaisse à 36°, 35° (OBs. LXXV)
et même au-dessous; le pouls reste toujours accéléré. La face
est pâle et immobile, les pupilles dilatées en général. Le ma-
lade s'éteint ainsi peu à peu, sans convulsions, en faisant de
temps à autre de longues et profondes inspirations.
Variétés et marche. Tels sont les différents symptômes
qui traduisent l'action de l'acétone sur l'organisme. Le tableau
peut être plus ou moins fruste, plus ou moins complet. Il
semble à priori qu'on pourrait, comme pour l'urémie, décrire
trois variétés principales, suivant la prédominance symptoma-
tique des accidents, et admettre une acétonémie gastro.irates-
70 REVUE CRITIQUE.
tinale, une acétonémie respiratoire et une acétonémie nerveuse.
Mais, si on en juge par les faits connus, la division en catégo-
ries aussi tranchée est loin d'être si nette que pour l'urémie.
En réalité, les trois ordres de symptômes coexistent presque
toujours, à des degrés divers il est vrai, mais en connexion
assez constante pour qu'il ne soit pas permis d'en faire des
formes distinctes.
La constitution de variétés cliniques, au point de vue de la
marche des accidents, est plus légitime. La plus commune,
celle que visent habituellement les auteurs dans leurs descrip-
tions, est la forme à marche rapide et continue, aboutissant à
la mort en trente-six ou quarante-huit heures à dater du début
des symptômes d'intoxication. Cette forme est le type de l'acé-
tonémie à sa plus haute puissance. Certains auteurs admettent
une évolution encore plus foudroyante, le coma pouvant,
d'après eux, survenir d'emblée et entraîner la mort en quel-
ques heures; mais nous avons déjà dit que les observations de
ce genre nous paraissaient sujettes.à caution, à moins qu'elles
ne rentrent dans le groupe de faits que nous avons réunis
sous le nom de collapsus diabétique simple.
1° Acétonémie aiguë. L'acétonémie aiguë présente dans
son évolution deux périodes : une période initiale, d'excitation,
et une période terminale, de coma. Le thermomètre peut, dans
une certaine mesure, caractériser ces deux phases, la tem-
pérature étant au-dessus de la normale dans la première, et
au-dessous dans la seconde. Mais il faut savoir que l'élévation
thermométrique initiale n'est ni aussi marquée ni aussi cons-
tante que la baisse terminale, et que c'est à peine si parfois le
thermomètre accuse quelques dixièmes de degré au-dessus du
chiffre normal, tandis qu'il descend facilement, pendant le
coma, au-dessous de 36°. Outre cette légère réaction fébrile,
les symptômes de la première période sont de la céphalalgie,
des vertiges, une sensation de malaise général, des douleurs
en divers points du corps, ou bien une excitation cérébrale
anormale, semblables à celle d'une légère ivresse, des troubles
digestifs, parfois quelques vomissements, avec constipation ou
un peu de diarrhée, enfin un besoin continuel de faire de pro-
fondes inspirations, s'exaspérant par moments sous forme de
crises dyspnéiques. La deuxième période s'annonce par une
somnolence et une torpeur invincibles; puis, progressivement
ou brusquement, cette somnolence fait place à un état coma-
TBOUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 71
teux avec refroidissement général, qui va en s'accentuant
jusqu'à la mort.
Môme dans cette forme aiguë de l'acétonémie, les accidents
n'ont pas toujours une évolution aussi précipitée qu'on l'a dit.
Au lieu de trois à quatre jours, durée maxima assignée à l'af-
fection, les phénomènes d'intoxication peuvent se prolonger
pendant huit à dix et douze jours avant d'aboutir à la mort.
C'est sur la période d'excitation que porte cette prolongation;
car, du moment que survient la phase comateuse, on peut
prédire à bref délai la terminaison fatale. C'est ainsi que chez
le malade de notre Observation XXXVII l'acétonémie se
traduisit d'abord par de la céphalalgie, des vertiges ; puis se
montra une douleur assez vive, persistante, localisée à la
région dorsale et à l'épigastre, accompagnée d'une dyspnée
intense qui forçait parfois la malade à passer assise une partie
de ses nuits, sans qu'on pût constater à l'auscultation des
poumons le moindre indice d'une lésion quelconque. L'ha-
leine, dès les premiers jours, était aigrelette; la soif vive, la
constipation opiniâtre. La sensibilité était diminuée aux
membres supérieurs; l'affaissement était considérable, la ma-
lade n'avait pas la force de tenir les objets qu'elle essayait
de prendre. Cet état persista quelque temps, s'aggravant ou
s'améliorant d'un jour à l'autre, jusqu'au moment où l'affais-
sement fit place à un état comateux, accompagné de quelques
mouvements convulsifs du membre supérieur droit. Ce coma
se termina en quatre jours par la mort; il n'y eut pas de
paralysie; mais, à deux ou trois reprises, le dernier jour, il se
produisit de véritables attaques de convulsions généralisées.
Eu même temps que la gravité de l'état général s'accentuait,
la quantité de sucre diminuait de moitié; pendant toute la
durée des accidents, outre l'odeur de l'haleine, nous pûmes
constater à différentes fois la réaction de l'acétone dans les
urines.
2° Acétonémie chronique. Les faits de ce genre servent
en quelque sorte de transition entre les formes rapides de
l'intoxication et ce que nous appelons l'acétonémie chronique.
Les symptômes accusés par le malade sont les mêmes que
dans l'acétonémie aiguë; mais ils se prolongent pendant
plusieurs semaines avant-d'amener le coma mortel. Ce qui
domine, c'est l'état d'accablement, d'affaissement, commun
à toutes les formes d'acétonémie. Le malade, épuisé, torpide,
72 ' REVUE CRITIQUE.
se meut avec peine ; il reste de préférence couché ou assis ;
il est indifférent à tout, ennuyé de tout effort intellectuel ou
physique. Sa respiration est pénible, suspirieuse; il fait de
temps à autre de profondes inspirations, où toutes les forces
thoraciques semblent entrer en jeu. Dans la journée, la som-
nolence est habituelle ; les nuits, au contraire, sont agitées,
troublées à la fois par la gêne respiratoire et par l'impossibilité
de dormir. Le dégoût pour tout aliment est insurmontable ;
le ventre est légèrement douloureux et ballonné. L'haleine
exhale cette odeur pénétrante (Oss. VII, LU, CIV), qui im-
prègne parfois la chambre du malade au point d'incommoder
les personnes qui s'y trouvent. L'urine, pendant tout ce temps,
donne, en général, d'une manière régulière, la réaction rouge
bourgogne par le perchlorure de fer; ce n'est qu'après cinq à
six semaines de ces manifestations morbides que se produit
enfin le coma, prélude de la mort. Cette allure chronique de
l'acétonémie ne peut s'expliquer que de deux façons : ou bien
l'acétone est produite en trop faible quantité pour déterminer
immédiatement des accidents graves; ou bien l'organisme du
malade est encore suffisamment résistant pour lutter avec
succès contre les effets du poison, et annihiler en partie sa
puissance. Le coma survient quand l'équilibre est rompu au
profit de l'acétone.
3° Acétonémie intermittente. A côté de ces deux formes
à évolution continue et fatalement mortelle, il faut faire une
place pour les cas où l'acétonémie, s'essayant en quelque sorte
avant d'aboutir au coma, procède par poussées passagères,
apparaissant et disparaissant à plusieurs reprises dans le cours
du diabète, sans conséquences graves (OBs. VII, XL VII, LU,
CIV). On voit ainsi des diabétiques présenter, à intervalles
plus ou moins éloignés, l'odeur aigrelette de l'haleine et la
réaction acétonique de l'urine, en même temps que se mani-
festent sous une forme atténuée quelques-uns des symptômes
fonctionnels décrits plus haut; ◀tantôt▶, et le plus souvent, ce
sont des troubles digestifs : langue chargée, embarras gas-
trique, constipation persistante, ou bien diarrhée légère, par-
fois, vomissements répétés ; ◀tantôt▶ c'est une gène respiratoire
plus ou moins marquée; d'autres fois, on constate une irrita-
bilité ou une vivacité anormale, plus habituellement un état
de somnolence diurne avec sensation d'affaissement extrême.
. Puis, au bout de quelques jours, ces symptômes se dissipent,
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 73
la réaction et l'odeur acétonique disparaissent, et le malade
reprend son état de santé antérieur. Mais, après une succession
plus ou moins fréquente, plus ou moins prolongée de ces
attaques passagères et avortées, une dernière crise finit par
revêtir la forme grave aiguë et le malade succombe dans le
coma à une intoxication plus complète.
Notre Observation XLVII nous offre un exemple de cette
variété d'acétonémie intermittente. Pendant plusieurs années,
nous avons pu constater chez cette femme, à différentes
reprises, des tentatives d'acétonémie, avec odeur spéciale de
l'haleine et réaction acétonique de l'urine. Ces accès passagers
coïncidaient toujours avec une diminution de la glycosurie, la
proportion de sucre tombant de 75 ou 80 grammes à 20 ou
25 grammes. Ils se produisaient d'ordinaire à la suite de
troubles digestifs et ne duraient que quelques jours. Sous
l'influence du régime seul, on voyait rapidement disparaître
les troubles fonctionnels en même temps que la réaction
acétonurique. En août 188a, à la suite de fatigue et de sur-
menage, une nouvelle crise acétonémique se manifesta, mais,
cette fois, l'intoxication fut rapidement fatale, et la malade
succomba en quatre jours. Le samedi, elle fut prise de phéno-
mènes dyspnéiques, s'accentuant surtout la nuit, et se mon-
trant par accès, et d'une sensation de faiblesse extrême; elle
crut d'abord à des accès d'asthme et ne modifia pas son régime.
Les accidents s'aggravèrent dans la nuit du dimanche au lundi ;
la dyspnée devint intense; le mardi survinrent des vomisse-
ments, et dans la soirée le malade succomba dans une crise
respiratoire.
Nous ne savons s'il est permis de regarder comme un
exemple d'acétonémie avortée le fait curieux signalé dans
notre Observation XLIX. La malade était une femme de
quatre-vingts ans, reconnue diabétique en 1877; elle rendait
100 grammes de sucre par jour et environ deux litres d'urine.
La glycosurie diminua sous l'influence des alcalins. Mais, en
1878, l'urine ne renfermant plus que des traces de sucre, cette
femme fut prise de convulsions toniques des bras et des
jambes. Ces convulsions survenaient par crises qui ne du-
raient guère plus d'une demi minute à une minute; elles se
renouvelaient quinze à vingt fois par jour, sous l'influence
du moindre mouvement volontaire, du moindre contact. L'in-
telligence n'était pas atteinte; on constatait un certain degré
71 REVUE CRITIQUE.
d'hyperesthésie, mais pas de paralysie. Au bout de quelques
jours, ces symptômes cédèrent au traitement alcalin. S'agis-
sait-il là d'une attaque passagère d'acétonémie ? Les convul-
sions sont rarement le fait de l'intoxication acétonémique en
dehors de l'enfance, bien qu'elles puissent s'observer chez
l'adulte, comme le prouve notre observation citée plus haut.
Mais nous n'avons pas recherché chez cette malade la réaction
acétonurique. Ce qui est certain, c'est que ces troubles convul-
sifs n'étaient pas liés à une lésion cérébrale. Si on rejette
l'acétonémie, on ne pourrait guère les attribuer qu'à la dimi-
nution trop rapide et trop marquée de la glycosurie.
Causes occasionnelles. Les symptômes que nous venons
de décrire s'observent aussi bien chez la femme que chez
l'homme. Au point de vue symptomatique, le sexe ne parait
avoir aucune influence sur la marche de l'acétonémie. En a-t-il
une sur sa fréquence ? Sur les 32 observations réunies par
J. Cyr dans son intéressant travail, 112 seulement ont trait à
des femmes, Frerichs de même a observé moins souvent des
accidents acétonémiques chez la femme que chez l'homme.
Pour nous, nos observations nous donnent une fréquence égale
dans les deux sexes. Sur nos 114 cas, nous avons noté sept
fois le coma acétonémique.
Si la cause intime, première, qui détermine la fermentation
acétonique nous échappe encore, les conditions qui paraissent
favoriser ce travail chimique, ou du moins l'action nocive du
poison formé, les causes occasionnelles en un mot de l'intoxi-
cation sont assez bien connues. La plus fréquente est à coup
sûr le surmenage brusque de l'organisme par une fatigue anor-
male, comme une longue course ou un voyage. Cette cause est
indiquée dès les premières observations de Prout ; elle a frappé
depuis tous ceux qui ont eu l'occasion d'observer des cas d'acé-
toiiéniie 1. Elle se trouve signalée dans plus de la moitié des cas
colligés par J. Cyr, 17 fois sur 32. D'ordinaire, c'est à la suite
d'un voyage entrepris pour venir consulter un médecin ou
pour se rendre aux eaux que les accidents éclatent. Nous avons
rapporté dans nos Éludes médicales l'histoire de ce diabétique
qui, venu de Bordeaux pour nous consulter, par un temps très
froid, fut pris en arrivant à Paris d'un malaise avec affaisse-
ment général, bientôt suivi de coma, et succomba en trente-
six heures avec tous les symptômes d'une acétonémie suraiguë.
1 Voir Bourneville et Teinturier, Progrès médical.
TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 75
Affections aiguës intercurrentes. Dans d'autres cas, l'acé-
tonémie apparaît dans le cours ou à la suite d'une affection
intercurrente ou d'une complication qui épuise le diabétique.
Dans notre Observation LXXV, les accidents se sont dévelop-
pés dans la convalescence d'une bronchite. L'acétonémie n'est
pas rare dans le cours des pneumonies lobaires qui se pro-
duisent chez les diabétiques usés et elle en rend le pronostic
presque nécessairement fatal. Parfois, ce sont des troubles
digestifs qui semblent provoquer l'intoxication ; mais ici l'étio-
logie n'est pas aussi nette, les troubles digestifs faisant eux-
mêmes partie du tableau symptomatique, il est assez difficile
d'ordinaire de se prononcer sur leur rôle pathogénique. Le
traumatisme (Verneuil) a été aussi observé comme cause des
accidents.
Albuminurie. Chez deux de nos malades (OBs. XXXVII et
LXXIV), nous avons constaté que l'acétonémie survint consé-
cutivement à l'apparition de l'albuminurie. Existe-t-il une con-
nexion, un rapport entre ces deux états ? En tout cas, la con-
nexion, est loin d'être ni nécessaire, ni fréquente. Nous nous
sommes d'ailleurs déjà suffisamment expliqué sur ce point ; il
est possible que l'existence d'une néphrite favorise la produc-
tion de l'intoxication, en altérant un des principaux émonctoires
de l'acétone ; mais l'acétonémie ne peut être regardée comme
forcément liée à l'albuminurie.
Influence du traitement. D'après Pavy,' et Lasègue répé-
tait volontiers l'assertion de l'auteur anglais, le diabète grave
non traité se termine par la phtisie pulmonaire, le diabète
traité aboutit à l'acétonémie. L'opinion de Pavy est sans doute
trop absolue ; mais elle est vraie dans de certaines limites. Le
diabète peut être traité sans aboutir à l'acétonémie, mais il doit
être traité avec prudence. Nous avons déjà répété bien des fois
qu'il faut se garder de s'attacher à faire disparaître complète-
ment et trop brusquement le sucre de l'urine des diabétiques.
La suppression rapide de la glycosurie les expose non, seule-
ment à l'acétonémie, mais à des complications de toute nature.
Qu'un traitement intempestif ait été institué ou que d'autres
causes occasionnelles puissent être invoquées, il est certain que
presque toujours le début de l'acétonémie coïncide avec une
diminution et parfois même une disparition du sucre urinaire.
Influence de la diète carnée. Certains modes de traitement
ont été plus spécialement incriminés, en particulier la diète
76 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
carnée. Joenicke, dans le service deBiermer, a vu l'acétonémie
se produire chez des malades soumis au régime exclusivement
carné ; les accidents disparaissaient après la suppression du
régime. La même observation a été faite par Ebstein ; d'après
ce dernier, la diète carnée agirait en favorisant la nécrose épi-
théliale des tubuli, véritable cause pour lui de l'intoxication
acétonémique.
Influence des opiacés. Enfin, d'après plusieurs faits de
Taylor et de Hilton Fagge, il semblerait que l'emploi des
opiacés puisse aider au développement des accidents toxiques.
Il est difficile d'attribuer d'une manière générale une semblable
action à l'opium. Nous administrons couramment l'opium aux
diabétiques et nous n'avons jamais observé d'acétonémie dans
ces conditions. Ce qu'il faut dire, c'est que les opiacés sont évi-
demment contre-indiqués chez les diabétiques qui font de l'acé-
tonémie. Donnés à un pareil moment. ils ne peuvent que pré-
cipiter la phase d'assoupissement et de coma ; leur effet nar-
cotique vient s'ajouter aux effets toxiques de l'acétone, mais il
ne les provoque pas.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
I. SUR UNE HÉ)ÏAT05fYEL ! E CONSÉCUTIVE A L'ÉLONGATION NER-
VEUSE, AVEC APPOINT A L'ANATOMIE PATHOLOGIQUE DU TABES
dorsal; par Th. RuMpF. (Arch. f. Psych., XV, 2.)
Observation relative à un homme de cinquante-huit ans.
Ataxie- locomotrice type. Le 14 octobre 1881, élongation bila-
térale modérée du sciatique. Le jour suivant, les troubles de
la sensibilité augmentent, il se produit des convulsions clo-
niques ininterrompues dans les muscles des jambes et du dos,
de la paralysie vésico-rectale. Cystite catarrhale avec frissons;
finalement, pneumonie, mort. C'est à la hauteur de la huitième
vertèbre dorsale qu'existe un épanchement sanguin de 3 cen-
timètres de long; dégénérescence grise des cordons postérieurs.
REVUE DE pathologie nerveuse. 77
Atteinte indiscutable des vaisseaux qui irriguent les cordons
postérieurs, soit dans les segments scléreux, soit dans les seg-
ments indemnes (coupes longitudinales); leurs tuniques
moyenne et adventice sont considérablement épaissies ; elles
présentent une abondante hypergénèse des noyaux qui se
prolonge dans le tissu conjonctif ambiant, d'où la compres-
sion des fibres nerveuses longitudinales et leur dégénéres-
cence à un moment donné. Donc le point de départ de la
lésion est, dans l'espèce, le vaisseau. Autre preuve : les zones
de dégénérescence descendante secondaire ne décèlent aucune
trace d'altération vasculaire. Enfin, dernière particularité,
raréfaction des fibres nerveuses dans les colonnes de Clarke.
P. K.
II. SUR LES paralysies spinales avec ataxie;
par L. Loewenfeld. (Arch. f. Psych., XV, 2.)
Deux observations très intéressantes au point de vue clinique,
avec discussion analytique, critique, et diagnostic différen-
tiel entre elles et les faits parallèles de Fischer, Kahler et
Pick, le nervo-tabes de Dé,jerine, etc. Malheureusement pas
d'autopsie. Sans altération de la santé générale, sans aucune
maladie antérieure, en un mois et demi à deux mois, sur-
viennent dans les quatre extrémités des troubles moteurs et
sensitifs. Ce sont : de l'affaiblissement, delà paralysie, réguliè-
rement ou irrégulièrement, symétriquement ou asymétrique-
ment distribués dans les quatre membres ; en même temps,
troubles de la sensibilité subjectifs ou objectifs, dont l'intensité
est en rapport avec les troubles de la motilité. Intégrité des
nerfs céphaliques et des sphincters ; absence de douleurs en
ceinture; rien du côté de la colonne vertébrale; rien dans les
muscles abdominaux ou thoraciques. L'Observation I con-
cerne une femme de trente-deux ans adonnée aux boissons
alcooliques, aux excès de bière, présentant un affaiblissement
très marqué de la mémoire avec désordre dans les idées ; apa-
thie. L'Observation II est celle d'un homme de quarante-
quatre ans, modéré dans son genre de vie. Dans les deux cas,
l'évolution fut bénigne et rapide; l'amélioration obtenue per-
met d'espérer une guérison. Diagnostic : poliomyélite antérieure
subaiguë avec quelques altérations des cornes postérieures ou des
faisceaux radiculaires postérieurs. P. K.
78 revue DE pathologie nerveuse.
III. Un cas DE paralysie ascendante aiguë; parJ. HOFFMANN
(Arch. f. Psych., XV, 1).
Observation accompagnée - à' autopsie et d'analyse histolo-
gique. Caractères cliniques. Marche ascendante de la paraly-
sie ; troubles de la sensibilité bornés à des formications pas-
sagères, évolution apyrétique, absence d'atrophie; réaction
normale des muscles et des nerfs à l'égard du courant galva-
nique et, excepté pour le facial droit, à l'égard du courant fara-
aique; finalement la moelle allongée est atteinte (dès lors, mort
rapide). En somme, type Landry. Caractères anatomiques.
Altérations myélitiques dans la région des pyramides et des cor-
dons latéraux expliquant la paralysie et la parésie motrice des ex-
trémités, tuméfaction des cylindraxes, avec intégrité delasubs-
tance grise et des nerfs périphériques. Intégrité -des noyaux
bulbaires, y compris les fibres intra-bulbaires du facial, mais
tuméfaction des cylindraxes dans les pyramides et les corps
restiformes, hémorrhagies et infiltrats vasculaires, méningés, et
épendymaires (quatrième ventricule) semblant indiquer l'exis-
tence antérieure de processus inflammatoires intenses ; on peut
suivre les altérations des vaisseaux jusqu'au niveau des noyaux
du facial. P. K.
IV. DE L1 myopathie atuophique progressive; par LNDOUZY
et Déjerink. (Revue de inéd., février et avril 1885.)
Cette affection, que Duchenne (de Boulogne) a décrite sous le
nom d'atrophie musculaire progressive de l'enfance"est une maladie
spéciale qui n'est pas de même nature que l'atrophie musculaire
progressive de l'adulte; car, tandis que cette dernière est la
conséquence d'une lésion spinale, le système nerveux ne prend
aucune part dans l'évolution de l'atrophie de l'enfance qui est
exclusivement myopathiqzte.
La myopathie atrophique progressive débute le plus souvent
dans l'enfance parles muscles de la face, quelquefois, dans l'ado-
lescence ou à l'âge adulte, par les membres supérieurs ou, plus
souvent, par les inférieurs, et peut revêtir trois types : le type
facio-scapulo-huméral, scapulo-huméral, fémoro-tibial. Dans le
premier cas, quand les muscles de la face sont atteints, la phy-
sionomie du malade revêt un caractère tout particulier (faciès
myopathique) soit au repos (faciès béat, lèvres saillantes, front
lisse, pseudo-exorbitisme), soit pendant les efforts de mimique
REVUE DE pathologie nerveuse. 79
(rire en travers, immobilité des traits). De la face, l'atrophie se
généralise aux membres, en étant toujours plus marquée u leur
racine : elle frappe les muscles à'une façon individuelle, de telle
sorte que dans le domaine d'un même nerf on trouve des muscles
complètement détruits au milieu d'autres normaux. Ceux qui
' restent intacts le plus longtemps sont le sous et sus-épineux, le
sous-scapulaiie, les fléchisseurs de la main et des doigts. Les
muscles annexés à des appareils spéciaux (vue, mastication,
déglutition, phonation, respiration) ne sont jamais atteints. Les
muscles altérés sont atrophiés dès le début; jamais il n'y a d'hy-
pertrophie dans aucun muscle, qu'il soit frappé ou non par le
processus atrophique. La consistance des muscles n'a rien de par-
ticulier ; quelques-uns cependant (biceps) sont souvent dans un
état de rétraction très prononcé. Les contractions fibrillaires font
défaut; plus de contractions idio-musculaires. La contractilité
électrique n'est modifiée que quantitativement, sans réaction de
dégénérescence. Les réflexes tendineux ne disparaissent en
général que quand les muscles sont très atrophiés; les réflexes
cutanés, la sensibilité générale et spéciale, la nutrition de la peau,
les sphincters restent intacts.
La lésion anatomique consiste dans une myosite parenchyma-
teuse primitive atrophique avec sclérose très légère, sans que les
muscles altérés présentent la moindre augmentation de volume.
Les vaisseaux, les nerfs n'offrent aucune altération.
Au point de vue diagnostique, l'atrophie des muscles de la face
a une valeur absolue qui permettra de repousser d'emblée l'idée
d'une atrophie musculaire myélopathiqne. Si les muscles de la
face sont intacts, la conservation de muscles particuliers, la
rétraction de certains autres, l'absence de contractions fibrillaires,
de réaction de dégénérescence, la conservation des réflexes
tendineux, la lenteur de l'évolution, les antécédents héréditaires
empêcheront de songer au type scapulo-huméral myélopathique.
La sclérose latérale amyotrophique ne peut être confondue
(paralysie bulbaire, contractures - La paralysie pseudo-
hypertrophique s'accompagne toujours d'un état hypertrophique
de quelques muscles; elle respecte la face, débute dans la pre-
mière enfance, et est rare après la vingtième année. - Enfin, la
myopathie atrophique progressive se distingue de la « forme
.juvénile » de Erb par la participation de la face à l'atrophie,
l'absence de pseudo-hypertrophie, et la fréquence de l'hérédité
directe ou collatérale.
Le pronostic est grave, car la marche est lente mais continue.
La pathogénie reste inconnue; l'hérédité est la seule cause
étiologique connue. La thérapeutique devra l'adresser autant à
la modification reconstituante qu'à l'électrothérapie.
En résumé, on peut dire, d'après ce mémoire qui renferme sept
80 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
observations personnelles et une relation d'autopsies plus détaillées,
que la myopathie atrophique progressive constitue, dans le
domaine des atrophies musculaires protopathiques, une affection
spéciale aussi bien au point de vue anatomique qu'au point de
vue clinique dans son étiologie, ses symptômes, son évolution.
J. SÉGLAS.
V. Deux cas DE la maladie des jointures DE CHARCOT; par Cit. A1'HIN.
(Médical Ch ? ,onicle, avril 1885.)
11 s'agit de deux cas d'arthropathies du genou; l'un est survenu
pendant que le malade était au lit, l'autre avant que tout symp-
tôme ataxique eût été remarqué. Comme le fait remarquer l'au-
teur, ces deux cas sont très propres à montrer que le trauma-
tisme n'est pour rien dans la pathogénie de l'affection. D'autre
part, l'état général des sujets permet d'établir que le rhumatisme
n'est nullement en cause. CH. F.
VI. ISCHURIF hystérique ; par W. Frew. (The Glascoiv médical
journ., sept. 1885.)
M. Frew rapporte un cas d'ischurie hystérique chez une femme
offrant des antécédents héréditaires vésaniques. La sécrétion uri-
r.aire était compensée par un flux diarrhéique; mais, contraire-
ment à ce qu'on observait si nettement dans le cas de M. Charcot,
les matières vomies n'avaient aucune odeur. Il faut dire toutefois
que l'analyse régulière de ces matières ne parait pas avoir été
faite. Ch. F.
VU. SUR la présence ET l'importance DE L'AtiESTHiSIE SENSORIELLE
DANS LES AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL; parR. THomsrN
et H. Oppenheim. (Arch. f. Psych., XV, 2 et 3.)
Transcrivons d'abord les conclusions du mémoire :
1- L'anesthésie et l'hémianesthésie sensorielle ne caractérisent pas
l'hystérie; on la rencontre dans bien d'autres affections du système ner-
veux central. 2»Elleconstitue un complexussymptomatiquequipresque
partout, malgré l'absence par ci par là de certains éléments, présente le
même tableau. 3" Le .symptôme le plus constant en est le rétrécisse-
ment bilatéral du champ visuel. - 4° La participation des autres organes
sensoriels et de la sensibilité cutanée et muqueuse est éminemment
variable. 5" Il n'existe pas de rapport fixe entre les troubles fonction-
nels de chacun des appareils sensoriels et la sensibilité cutanée. 6°
Les hémianesthésies vraies sont rares; elles n'existent pas si par
hémianesthésie on entend admettre l'intégrité complète de l'autre moi-
tié du corps. 7° L'anesthésie sensorielle est ou stationnaire (et l'on
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 81
constate alors des oscillations plus ou moins fortes en intensité ou en
étendue) ou plus rarement passagères. 8" Presque tous les malades
atteints d'anesthésiesensoriette présentent des anomalies psychiques
déterminées (troubles de la connaissance, hallucinations, rêveries, obnu-
hilation et, en fait de perturbation^de l'affectivité, des phénomènes d'exci-
tation et de dépression avec angoisse, avec ou sans conception déli-
rante). 9" La profondeur de l'anesthésie sensorielle est, dans la plu-
part des ras, directement parallèle à l'état psychique; dans certains
cas, elle vient et s'en va avec l'altération psychopathique. 10- Presque
jamais, dans l'espèce, on ne note l'absence de malaises nerveux (sensa-
tion de pression céphalique, paresthésies sensorielles, tremblement).
I I^ L'anesthésie sensorielle se rencontre dans l'épilepsie, l'hystérie, l'hys-
téro-épilepsie, l'alcoolisme, le nervosisme, la neurasthémie, la chorée, les
états d'angoisses, le railway-spine. Les lésions céphaliques, la sclérose
multiloculaire, la névrose de Weatphal (tableau clinique de la dégénéres-
cence grise cérébro-spinale sans lésion), les affections organiques de l'en-
céphale; enfin, à la suite de certaines psychoses encore inclassables.
t2'' L'anesthésie sensorielle survient par conséquent : I, de concert avec
les anomalies psychiques sus-énoncées, en tant que tableau morbide
autonome; II de concert avec d'autres affections du système nerveux cen-
tral ; névroses et psychoses; III comme épiphénomène enté sur des affec-
tions palpables, il lésion, du système nerveux central ; elle n'a, d'après
nos observations, pas l'importance d'un symptôme de lésion en foyer ;
c'est une manifestation cérébrale d'ordre général. - 13^ L'anesthésie ou
l'hémianesthésie sensorielle ne permet pas de conclure à posteriori rela-
tivement au caractère ni au pronostic de la maladie fondamentale.
Ces conclusions résument la teneur des six paragraphes sui-
vants :
I. Anesthésie sensorielle de l'épilepsie. A. Passagère. B. Sta-
tionnaire. Dix-neuf observations. Elle s'y rencontre a, sous la
forme passagère : à la suite de l'attaque, quand l'attaque se com-
plique d'un état de dépression ou d'excitabilité de la sphère affec-
tive, la connaissance demeurant intacte, ou quand l'attaque laisse
après elle un trouble de la connaissance; àla suite des équivalents
psychiques de la névrose et des attaques abortives; onne la trouve
pas à la suite des attaques purement convulsives; - h, sous la
forme stationnaire : chez les épileptiques malades depuis long-
temps, dont l'intelligence est un peu affaiblie, cela, indépendam-
ment de l'attaque et de son mode. Il s'agit, dans tous ces cas, d'un
rétrécissement concentrique du champ visuel qui s'effectue, dans
les quatre directions, sur une étendue presque égale.
II. Anesthésie sensorielle de l'hystérie. Vingt-huit malades au-
raient été suivies (26 f. h.); les auteurs ne relatent que dix ob-
servations, dont un homme. D'après eux, dans la plupart des cas
d'hystérie, la paralysie de la sensibilité cutanée est non pas totale
sur un côté, mais partielle sur les deux côtés du corps, non pas
stationnaire, mais extrêmement variable en intensité comme eu
Archives, t. Xi. 6
82 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
étendue, tout à fait capricieuse, et, au besoin, elle alterne avec une
hémianesthésie plus ou moins vive. Il n'existerait aucun rapport
fixe entre les allures de chacun des appareils sensoriels et la sen-
sibilité de la peau. On trouverait, par exemple, de l'anesthésie
sensorielle contrastant avec l'intégrité absolue et constante de la
sensibilité cutanée, et, inversement, une insensibilité totale de la
peau de la tête contrastant avec un fonctionnement presque
absolument normal des fonctions sensorielles. Dans quelques cas
isolés, on noterait une anesthésie cutanée bilatérale, alors qu'il y
aurait anesthésie sensorielle unilatérale et vice et versa; eu d'au-
tres cas, l'atteinte plus marquée d'un appareil sensoriel du côté
droit (acuité auditive) cadrait avec l'affection prédominante d'un
autre appareil sensoriel du côté gauche (rétrécissement concen-
trique du champ visuel), ce qui ne veut pas dire, du reste, que les
appareils respectifs du côté opposé chacun à chacun ne soient pas
malades du tout. Il peut encore arriver que l'odorat, fouie, le
goût soient isolément anesthésiques, les autres restant intacts; le
sens musculairepeut être troublé indépendammentde l'anesthésie
cutanée existante, mais on ne rencontre pour ainsi dire jamais
une allure normale, purement unilatérale, d'un champ visuel
quand les autres organes sensoriels sont atteints. Généralement,
les champs visuels des deux yeux présentent un rétrécissement
concentrique aussi fort; de même, le champ de perception du-
blanc et des couleurs est rétréci dans une égale mesure; par-
fois, quand le champ visuel de la vision périphérique est diminué
dans une très forte mesure, il y a achromatopsie pour le rouge et
le vert; la diminution de l'acuité visuelle est chose bien connue.
On rencontrerait l'anesthésie sensorielle aussi bien dans les
formes les plus légères que dans les formes les plus graves et
les plus opiniâtres de l'hystérie, que celle-ci se traduise ou non
par des convulsions. Nous ferons remarquer à MM. Thoînseiz et
Oppenheim que, si les faits sont exacts, ils n'infirment en rien la loi
de Charcot tout entière basée sur les rapports des perturbations de la
sensibilité générale et spéciale aoec L'ovurie, dont ils ne tiennent pas
compte ici.
III. Anesthésie sensorielle dans les névroses générales (à l'exclu-
sion de l'épilepsie et de l'hystérie). A. Neurasthénie (faiblesse
irritable) et nervosisnte. Voyez les Observations XXX, XXXI, XXXII,
qui, d'après les auteurs, les dispensent de donner les nombreuses
observations recueillies par eux, toutes semblables à celles-ci
dans leurs traits principaux. On trouverait un rétrécissement
concentrique typique du champ visuel pour le blanc et toutes les
couleurs, accompagné de troubles de la sensibilité cutanée occu-
pant d'ordinaire certaines parties isolées de la surface du corps
(fréquemment le cuir chevelu, plus rarement une moitié du corps),
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 83
accompagné également de lacunes fonctionnelles des autres
organes sensoriels : souvent le rétrécissement du champ visuel
est la seule anomalie perceptible; d'autres fois, tel ou tel organe
sensoriel ou tous les organes sensoriels participent à l'affection.
B. Chorée. Sur vingt faits, trois témoignent d'anomalies de la
sensibilité générale et spéciale. L'un d'eux concerne sinon une
chorée hystérique, du moins une chorée chez une hystérique
(OBs. XXXIV) ; le second a trait à une chorée sans hystérie
(Ocs. XXXV); dans le troisième, il s'agit d'une chorée survenue
chez un jeune garçon non hystérique à la suite d'une émotion
morale (OBs. XXXVI). Dans ces trois cas, il y eut rétrécissement
concentrique du champ visuel très prononcé à la période d'acmé
de la maladie.- C. Hémicrdnie, tic douloureux, névralgies simples.
On n'a trouvé qu'isolément, une fois, un rétrécissement modéré du
champ visuel. Pas d'observations. Névrose professionnelle (crampe
des écrivains). Ons. XXXI. Même note. Etats d'angoisse. Que l'an-
goisse soit le seul phénomène ou le phénomène principal dans
la plupart des cas de cette sorte, on observe un rétrécissement
concentrique du champ visuel habituellement associé a d'autres
anomalies sensitivo-sensorielles. Exemple : un cas d'agoraphobie
(OBs. XXXVII), caractérisé par une hémianopsie latérale droite
stationnaire; toutes les fois qu'il se manifeste une crise d'angoisse,
les moitiés conservées du champ visuel présentent un rétrécisse-
ment concentrique plus ou moins accentué.
IV. Anesthésie sensorielle consécutive a des lésions céphaliques et
à des commotions traumatiques (accidents). -Ce genre d'accidents
donne naissance : Il à des modifications dans les allures psychi-
ques; 2° à certains malaises nerveux; 3° à des troubles de la
sensibilité dans le sens le plus large du mot. Il s'agit générale-
nieul d'accidents de chemins de fer. Ces manifestations sont
généralement stables, ce qui les différencie de celles de 1'liys-
téi ie. Dans une proportion centésimale assez notable, on trouva
aussi des phénomènes se rattachant à des lésions irréparables
du système nerveux (fixité, immobilité de la pupille, atrophie
des deux nerfs optiques, complexus symptomatique psychosen-
soriel de l'épilepsie vraie (Ous. X1XVIII-XLVI).
V. Anesthésie sensorielle dans les affections qui évoluent en pré-
sentant le tableau clinique d'une affection en foyer cérébro-spinale
multiloculaire (Obs. 1LV11-L). -Qu'll y ait ou non un substratum
anatomique défini, on observe des troubles sensitivo-sensoriels ;
l'élément le plus constant en est le rétrécissement concentrique
du champ visuel. Mais il varie en raison directe des accidents
psychiques, quelle que soit la progression de la lésion; de plus,
la bilatéralité en est presque la règle. Il n'est donc pas l'expres-
sion directe d'une lésion en foyer. Il ne saurait non plus servir
84 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
d'élément diagnostique entre l'hystérie et la sclérose multilocn-
]aire.
VI. Remarques sur l'existence de l'anesthésie sensorielle dans les
lésions de l'encéphale confirmées ou diagnostiquées pendant la vie. -
Les troubles de la sensibilité cutanée émanent de lésions de la
partie postérieure de la capsule interne. L'hé mi anesthésie, y com-
pris les organes des sens, est un trouble purement fonctionnel
résultant de la cessation d'action de la moitié du cerveau. P. K.
VIII. Observation de myxoedème ; par M. H. HARTMANN.
(France méd., 1884, I.)
Il s'agit d'une femme de trente-six ans qui, vers la vingtième
année, à la suite d'un érysipèle, présenta presque simultanément
des symptômes de goitre exopthalmique qui disparurent rapide-
ment et une enflure généralisée qui, au contraire, persista.
Actuellement, la peau des membres, du tronc et surtout du visage,'
est le siège d'une sorte de bouffissure ou d'épaississement bien
différents de l'oedème ordinaire; du reste, pas d'albuminurie. Le
tégument est en outre remarquable par sa pâleur et sa séche-
resse ; la face est sans expression, comme couverte d'un masque;
les cheveux sont rares et friables; les dents cariées. Le volume de
la glande thyroïde n'a pu être apprécié.
Pas d'anesthésie ; il existe une sensation continuelle de refroi-
dissement. Malheureusement le chiffre exact de la température
n'a pas été relevé. Grande faiblesse musculaire, parole lente et
embarrassée, paresse intellectuelle très prononcée, état habituel
de somnolence : tels sont les autres symptômes principaux qui
ont été notés chez cette malade. G. D.
IX. Pouls lent; épilepsie bulbaire; par R. Lépine.
[Lyon méd., 1884, t. XLV.)
L'auteur croit que les attaques syucopales qui ont'été signalées
dans les cas de pouls lent seraient souvent de véritables attaques
d'épilepsie,' et qu'il s'agirait alors d'une épilepsie d'origine 6ul-
baire.
A l'appui de cette hypothèse, M. Lëpine cite l'observation d'un
malade atteint de pouls lent (trente-quatre pulsations par minute)
chez lequel les prétendues attaques syncopales étaient bien de
nature épileptique, car elles s'accompagnaient au début de quel-
ques convulsions localisées à la face. A l'autopsie, on trouva une
compression du bulbe par l'apophyse basilaire. G. D.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 85
X. Noie SUR un cas d'oblitération de l'artère basilaire ET SUR
QUELQUES POINTS DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE DU RAMOLLISSE-
MENT cérébral; par M. MAYET. (Lyon méd., 1884, t. XLV.)
Chez une femme qui mourut après trente-six heures de coma,
on trouva l'artère basilaire oblitérée en arrière de l'origine des
cérébrales postérieurespar un caillotdur, blanchâtre et homogène.
On trouva en outre un ramollissement blanc crémeux de toute
la protubérance et un petit foyer nécrobiotique, probablement
ancien, dans la couche optique gauche.
En raison de l'intégrité complète de la paroi artérielle au
niveau du bouchon fibrineux et des caractères même du caillot,
l'auteur pense qu'il s'agit dans ce cas non pas d'une thrombose
mais d'une embolie, bien qu'il n'ait pu en découvrir l'origine, le
coeur et l'aorte n'étant le siège d'aucune lésion. Un certain
nombre de considérations intéressantes destinées à élucider la
physiologie pathologique du ramollissement cérébral terminent
cette observation. G. D.
XI. Noie SUR UN cas DE pied tabétique avec lésions osseuses ET
artiiropathies ; par M. le Dr J. BOYER. (Lyon méd., 1884, t. XL VI.)
Il s'agit d'un ataxique chez lequel, entre autres troubles tro-
phiques, on a noté une tuméfaction de deux pieds constituée
par une infiltration oedémateuse des parties molles, une hyper-
trophie notable des têtes de l'astragale, du calcanéuni et du
scaphoide et par une soudure complète du cuboide et des trois
cunéiformes avec les métatarsiens. Ces lésions, qui ont été
déjà signalées par Page et désignées par Charcot et Féré sous le
nom de pied tabétique, sont de même nature que celles qui carac-
térisent les autres arthropathies des ataxiques. G. D.
XII. Paralysie double par les béquilles; par M. C. VINAY.
(Lyon i ? îéd., 188, t. XLVI.)
Observation d'un malade qui, deux mois après l'usage de
béquilles défectueuses, éprouva des fourmillements dans les doigts,
de la faiblesse du côté des extenseurs de la main, puis une impo-
tence presque complète des membres supérieurs. Tous les muscles
innervés par les deux nerfs radiaux, y compris le triceps, étaient
paralysés.
L'auteur fait suivre cette observation de quelques considéra-
tions sur l'impotence fonctionnelle du triceps qui est beaucoup
plus fréquente, selon lui, qu'on ne le croit généralement dans
les paralysies par les béquilles, et il ajoute quelques préceptes au
sujet du traitement de la prophylaxie de cette affection. G. D.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
I. La MANIE SE PRÉSENTE-T-ELLE SOUS LA FORME DE MODALITÉ
morbide autonome ? par TILING. (Jah2-büch. f. Psych., V,
1-2.)
Ce qui caractérise la manie, c'est que, tandis que tous les
autres aliénés paraissent, de parleurs hallucinations, leurs idées
délirantes, leurs conceptions irrésistibles, être enchaînés dans
un monde spécial et ne prêter que peu ou pas d'attention à la
réalité des objets ambiants, le maniaque vit et s'agite dans le
monde réel. Les portes de ses sens sont largement ouvertes,
toutes prêtes à engloutir avidement ce que le monde extérieur
offre à leur curiosité; il y a augmentation dans l'acuité et la
rapidité de fonctionnement des sens et delà pensée. De là l'in-
terprétation prématurée d'impressions sensorielles, de là des
illusions, mais sans hallucinations (les hallucinations etlesidées
délirantes sont incompatibles avec la vivacité de l'idéogénèse
et de la perception), sans altération qualitative de la connais-
sance. La mobilité instantanée, caméléonique, de l'humeur du
maniaque ne sera pas confondue avec l'aménomanie, pas plus
qu'on ne prendra pour de la manie le désordre dans les idées
accompagné d'hallucinations avec excitation, qui forme une
phase de transition ; dans l'état maniaque en effet (hypérémie
cérébrale), les nerfs sensoriels sont physiologiquement centri-
pètes, dans l'autre ensemble syndromique (anémie cérébrale),
ils ont une fonction centrifuge. Ceci posé, il existe des cas de
manie idiopathique à marche typique (une observ.), de ma-
nie périodique (une observ.), mais la manie se montre encore
comme épisode dans la folie circulaire (une observ.), dans la
folie systématique aiguë (une observ.), dans la folie catato-
nique systématique ou non (une observ.), dans la paralysie
générale au début (une observ.). P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 87
IL Tentative D'HOMICIDE D'UN ÉLÈVE D'UN LYCÉE SUR son PRO-
FESSEUR. Tare héréditaire organique. Confusion SENSO-
RIELLE CONTESTÉE A l'époque DE l'acte. Acquittement.
Rapport médico-légal de DE KRAFFT-EBING. (Jahibüch. f.
Psych., V, 1-2.)
Il s'agit d'un acte de vengeance prémédité, mais passionnel.
P. K.
III. MEURTRE ET tentative DE MEURTRE. Alcoolisme CHRO-
NIQUE. IVRESSE pathologique. Irresponsabilité ; par J.
FRITSCH. (Jakrbüch. f. Psych., V, 1-2.)
Homme de trente-trois ans, adonné à la boisson depuis
juillet 1882, faisant, depuis 1872, des scènes dejalousie à sa
concubine. Le 14 au matin, nouvelle scène de jalousie; il s'en
va boire, rentre ivre à onze heures, demande à sa femme des
excuses que celle-ci se refuse à lui faire, tue son fils âgé de
six ans (coups sur le crâne), et frappe sa femme à la tète avec
une pioche. Arrêté, il manifeste des regrets de ses actes, dont
il se souvient. Pendant l'interrogatoire ultérieur, il se sou-
vient de tout, excepté d'avoir frappé sa compagne. Etat
actuel. Alcoolisme chronique (inégalité pupillaire, parésie du
facial gauche, tremblements de la langue et des mains), affai-
blissement psychique, modifications du caractère, excitabilité,
délire de jalousie, hallucinations passagères, insomnie, émous-
sement des facultés morales, apathie. Les commémoratifs font
mention de l'ivrognerie depuis 1869, d'une fièvre typhoïde en
1869, de fièvre intermittente en 1870, d'une intoxication grave
par les gaz d'égouts en 1876, de. quatre accès de délirium
tremens en ces quatre dernières années. Amnésie notable en ce
qui concerne l'époque etles circonstances du crime. Intolérance
à l'égard des spiritueux. A l'aide de ces éléments, M. Fristch
porte le jugement résumé dans la suscription. P. K.
IV. CONTRIBUTION A la pathologie ET A l'anatomie PATHOLO-
GIQUE DE la paralysie progressive ; par ZACHER. (Arch. f.
Psych., XV, 2.) -
Le sous-titre seul importe ici. Le voici :
Sur le romplextrs symptomatique spasmodique de la paralysie
progressive. Long mémoire qui est basé sur cinq belles observa-
88 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
tions accompagnées d'autopsies et d'études microscopiques
très complètes. Etude critique très détaillée. Conclusions.
1° Le syndrome spasmodique de la paralysie progressive peut être pro-
duit soit par des altérations pathologiques de l'encéphale, notamment de
la zone corticale motrice seule, soit par une lésion de la moelle, com-
pliquant les altérations encéphaliques, quand cette lésion atteint le fais-
ccau pyramidal; .
2° L'évolution toute spéciale de ce syndrome dans la paralysie pro-
gressive doit, suivant toutes probabilités, être rattachée aux altérations
pathologiques du cerveau ou de l'écorce;
3° Quand il existe en même temps une lésion des cordons postérieurs,
et en particulier des zones radiculaires postérieures, les symptômes spas-
modiques ne se peuvent développer dans les segments du corps corres-
pondant à la région spinale ullectée;
4o 11 faut probablement rapporter les symptômes spasmodiques à cer-
tains processus réllexes qui, à raison des altérations pathologiques,
s'exagèrent dès leur origine cérébrale par l'intermédiaire des tractus
nerveux dont le trajet se fait dans le faisceau pyramidal ou par leur
passage dans les voies conductrices mêmes. P. K.
V. CONTRIBUTION A l'explication physiologique de la conscience ;
par Langwieser. (Allg. Zeitschr. f. Psyclt., LI, 1.)
Etude purement spéculative de physiologie d'après laquelle le
cerveau met l'homme en communication avec le monde extérieur;
il enregistre, tandis que le cervelet régulariserait ces enregistre-
ments seusorlo-couceptuels. Du double courant vibratoire du
cerveau, actionné par l'extérieur, vers le cervelet et du cervelet
vers le cerveau résulte la connaissance qui se compose de la
notion des objets extérieurs (impression aboutissant à la concep-
tion, à la connaissance du monde extérieur) et de l'état d'impres-
sionnabilite irritalive des nerfs et organes centraux (aperception;
connaissance consciente du processus générateur et de sa teneur).
P. K.
VI. Quelques Mors sur certains asiles d'aliénés; par HASSE. (Allg.
Zeitschr. f. Psych., XLI, i.)
9° Koenigslutter et ses quatre nouveaux pavillons pour quatorze
malades : égalité d'hommes et de femmes '. Ces constructions
ont pour but de désencombrer l'asiie; elles dominent l'établis-
sement. De l'angle ouest extrême de ce dernier aux pavillons les
1 Les quelques lignes d'analyse qui vont suivre complètent les
indications de Aï. LoEUn sur les Progrès dans l'assistance des aliértes
effectués en Allemagne en ces dernières années à l'aide des asiles d'aliénés.
Voy. Archives de Neurologie. Varia, t. X, p. 138, '295 et suiv.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 119
plus voisins destinés aux malades de troisième classe, il y a près
de' 170 mètres; de ceux-ci aux édifices des deux autres classes,
on compte 230 mètres. Cet ensemble occupe une superficie de
434 ares transformés en parcs; derrière lui existent 204 ares de
grands bois qui le préserveront contre les vents d'ouest. Les
matériaux employés ont été la brique ordinaire extérieurement
rehaussée par des teintes rouges et jaunes mariées ensemble à
l'aide d'harmonieux revêtements; les murailles sontparcourues par
une chasse d'air; les escaliers sont en pierre; sur les quatre faces,
on a disposé des galènes, des balcons, des saillies, des véran-
dahs, des terrasses; la source Lutter y dispense, à l'aide de
conduites appropriées, une eau très pure; les eaux ménagères
sont adaptées à l'irrigation du sol; chauffage à l'air chaud. Le
sous-sol renferme les bains et, pour les pensionnaires-hommes
de première et deuxième classes, un bassin natatoire, dont l'eau
peut êlwe chauffée et renouvelée ad //6t<um, les'appareils de chauf-
fage, la tisanene. Les pavillons des pensionnaires de première
et deuxième classe sont ainsi divisés : au rez-de-chaussée, sorte
d'entre-sol élevé, quatre chambres qui s'ouvent deux à deux dans
deux salles de réunion, se commandant a l'aide de deux grandes
portes à vantaux; l'une de ces salles est le réfectoire commun,
l'autre représente un salon de conversation avec billards (section
des hommes) et boudoir (section des femmes). Réfectoire et salon
sont pourvus d'une grande vérandah. Vis-à-vis de l'entrée, existe
une chambre de surveillant, une chambre de bains, un cabinet
de toilette. Même disposition au premier étage, avec cette dilfé-
rence que les quatre chambres distinctes sont habitées chacune
par deux malades, que les locaux situés au-dessus des salles de
société, réduits de moitié en hauteur, servent de vestiaire, de
lingerie, de magasins, qu'enfin, au-dessus du cabinet de toilette
et de la chambre de bains, on rencontre, des deux côtés de l'esca-
lier, deux balcons. Ici aussi, le palier fait vis-à-vis à une chambre
de surveillant intercalée entre les deux séries de chambres de
malades. Les pavillons de troisième classe se décomposent en :
habitation de jour au rez-de-chaussée pour lotis les malades, et
chambres au premier étage. Au rez-de-chaussée, sont : la salle a
manger commune pour vingt-cinq malades et deux gardiens, de
chaque côté deux salles de jour d'égales dimensions (jeux, lec-
ture, entretien); en arrière et de chaque côté, une chambre à
dew lits destinée aux indispositions. Au premier, douze malades
dorment au-dessus du réfectoire, six ou sept couchent, eu outre,
au-dessus de chaque salle; deux gardiens habitent au-dessus des
deux chambres du rez-de-chaussée; en arrière, au-dessus du ves-
tibule, dans le prolongement du petit dortoir médian, ou a mé-
nagé un lavabo et un cabinet de toilette séparés de ce dortoir
par une simple porte vitrée; à côté, un grand local sert de lin-
90 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
gerie-vesliaire, et renferme des cabinets d'aisances. Plus haut,
on trouve encore une grande chambre avec balcon. Latrines à
tous les étages ;
2° Description sommaire, avec critiques, du Morning Side
Roycl Edinburgh Asylum. visité par M. liasse en octobre 1884. Il
conclut en ces termes : « Cet établissement présente tant d'avan-
tages que je n'hésite pas à le considérer comme un des meilleurs
que j'aie vus et visités en Suisse, Allemagne, France, Angleterre».
STATISTIQUE
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 91
travail, la rémunération qu'on leur alloue est le huitième de la
valeur de son produit. Broadmoor renferme 330 chambres d'iso-
lement. On veille avec soin à la dissémination desvieux criminels
et les malades très dangereux sont rigoureusement séparés les uns
des autres. Un gardien par six malades. L'Etat a la charge des dé-
penses; mais, en certains cas, on obtient des contributions des
communes. La direction suprême appartient au secrétaire d'Etat
des affaires intérieures du royaume. En ce qui concerne la nature
des crimes, au 31 décembre 1881, sur 379 hommes il y avait
149 meurtriers; sur 123 femmes, 78 avaient commis des homicides.
Le dégoût de la vie et la propension aux violences s'observent
plus fréquemment à Broadmoor que dans les asiles ordinaires :
l'idiotie y est rare ; au 31 décembre 1881, on comptait 20 épitep-
tiques( ! 7 h. 3 f.), 18 paralytiques généraux (1 lui. 5 f.). Etiolo;;ie :
sur 64 aliénés reçus en 1881 (51 h. 13 f.), on connaissait la cause
de la maladie chez 64 individus (34 h. 10 f.) : 13 hommes étaient
alcooliques; 7 hommes et 3 femmes représentaient t des héréditaires.
Aliénés sortis en 1881.
92 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
vent aux criminels les bénéfices du traitement spécial qui, lors-
qu'il détermine la guérison, n'entraîne pas assez vite, quand il
l'entraîne ' leur élimination de Boadmoor. P. K.
VU. Etude sur un cas DE suicide par coups DE revolver (affaire
G. de Crest); par M. le D, Henry Coutagne. (Lyon inéd., t. XLV.)
La relation détaillée des pai ticularités qui ont distingué ce
suicide fait l'objet d'un long rapport médico-légal dont la lecture
pourra fournir quelques données utiles pour l'appréciation de
cas analogues. G. D.
V111. Cas DE folie sénile, AVEC remarques; par G. -H. Swage.
(Journal of Mental Science. Juillet 1883.)
Dans ce travail, auquel de brèves considérations sur les états
pathologiques qui sont associés à la folie chez les vieillards ou
qui compliquent certaines hérédités névropathiques servant de
préambule, l'auteur a rassemblé sept cas de Jolie observés chez
des vieillards. Les deux premies et les deux derniers cas sont
des cas de mélancolie sénile ; le troisième est un cas de démence
sénile avec hémiplégie; le quatrième a trait à un malade qui
présentait les symptômes de la paralysie générale des aliénés;
dans le cinquième cas, il s agit d'un vieillard de soixante ans,
mélancolique, ayant présenté des idées de persécution et de
suicide : ce dernier malade a guéri, et sa guérison s'est main-
tenue, au moins jusqu'ici. M. G.-li. Savage fait remarquer à ce
propos que la folie qui survient au delà de l'âge de soixante ans
n'est pas nécessairement incurable, bien qu'à lavent», lorsqu'elle
se manifeste pour la première fois à un âge aussi avancé et en
dehors de toute influence héréditaire, elle ne présente que de
bien faibleschances de guérison. R. NI. C.
IX. Un cas DE paralysie générale chez une jeune femme; début
A L'AGE DE quinze ans; par Joseph YIGLES1VURTH. (Journal Of
Mental Science, juillet 1883.)
L'observation de cette malade, recueillie avec le plus grand
soin, est publiée dans ce mémoire avec tous les détails : nous ne
relevons ici que les points saillants et caractéristiques :
Fille de 'vingt-un ans (lors de son entrée le 18 novembre 1881);
pas d'hérédité ; le père cependant aurait eu autrefois des habitudes
alcooliques. La jeune fille parait avoir été maltraitée par sabelle-
mère. et même avoir soullert de la faim ; elle n'a été que peu
1 Voy. Archives de Neurologie, /oc. mt., I. IV, p. 122.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 93
ou point réglée. Ecoulement chronique par l'oreille depuis
une chute dans l'escalier faite à l'âge de deux ans. Elle sait lire
et écrire, A quinze ans, sa mémoire diminue et ses jambes s'allai-
blissent au point qu'elle tombe fréquemment dans la rue. Jusqu'à à
vingt ans et demi cependant, elle continue à s'occuper de
quelques soins de ménage, mais d'une façon molle, maladroite
et enfantine. Peu de temps avant son admission à l'asile, on la
trouve un matin marmotant quelques mots inintelligibles, et
avec le bras gauche paralysé ; le lendemain, elle est prise pour la
première fois de vomissements qui persistent pendant plusieurs
jours; en trois jours, elle recouvre la parole et l'usage du bras;
mais l'intelligence est plus obtuse que jamais. Elle ne parait avoir
eu aucun accident convulsif. Elle est malpropre depuis deux ans.
A son entrée à l'asile, on se trouve en présence d'une fille
petite, mal constituée, mal nourrie, ayant les deux pupilles
dilatées (mais la droite beaucoup plus que la gauche), et insen-
sible à l'excitation lumineuse comme à toute aceommolation.
La langue est titée droite, mais elle est tremblottante, et son
tremblement est à la fois total et fibrillaire. Les lèvres tremblent
également quand la malade parle, et la parole est hésitante et
embarrassée. Pas d'ataxie bien nette dans la déiiiarche, mais
comme une sorte de maladresse. Le réflexe du genou manque
totalement des deux côtés; le réflexe plantaire est conservé. Les
grandes fonctions viscérales sont intactes.
Pendant six semaines, son état ne change pas ; mais ensuite
il s'aggrave ; elle oublie jusqu'à son nom, et, le 29 décembre, on
constate de la déviation conjuguée des yeux à droite : ce phéno-
mène est passager. Elle est gâteuse. Le 1"' janvier elle est
prise d'attaques qui paraissent avoir été de nature tétanique, et
dont chacune dure de quatre à cinq minutes. Puis son état mental
s'améliore un peu ; mais une escharre commence à se former
au siège. Le 3 février, son état mental s'aggrave de nouveau ;
en même temps elle s'affaiblit d'une façon rapidement progres-
sive et meurt le 18 février.
Les constatations faites à l'autopsie sont relatées avec soin et
détail : ne pouvant les reproduire ici, nous nous bornerons à
dire qu'elles confirmaient le diagnostic.
L'auteur fait remarquer en terminant que l'intérêt que pré-
sente ce cas réside surtout dans l'âge de la malade ; bien que le
début de la maladie soit ici fixé à quinze ans, il est probable
qu'on serait autorisé à le faire remonter encore plus haut. Il
existe déjà dans la science deux cas de paralysie générale à
début exceptionnellement précoce (seize ans pour l'un et douze
ans pour l'autre) '; mais ces deux cas ont trait à des garçons ; le
1 Voy. Journal of Mental Science, tin, d'octobre 1877 et d'octobte 1881. 1.
94 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. '
cas actuel parait être le plus piécoce de ceux qui ont été observés
chez la femme. Il faut fajouter que, si l'on étudie, pour les
comparer entre eux et avec les cas observés chez l'adulte, ces
trois cas exceptionnels on constate : 1° que dans aucun de ces
cas précoces il n'y a eu d'idées de grandeur, ni même de période
quelconque d'excitation, mais que les symptômes mentaux
étaient plutôt ceux d'une démence lentement 'progressive :
2° que les symptômes moteurs qui sont si nettement caracté-
ristiques de la paralysie générale ont toujours été très accusés ;
3° que dans deux au moins de ces cas, la durée de la maladie a
été d'une longueur exceptionnelle. R. M. C.
X. Deux cas de mort rapide, AVEC symptômes manuques ; par
G. SAVAGE. (Journal of. Mental Science, juillet 1883.)
11 n'y a entre ces deux faits d'autre connexité que celle qui
résulte de la \io)cnce de l'excitation maniaque et de la rapidité
delà terminaison fatale chez les deux malades. Voici le lésumé
sommaire des deux observations : la première a trait à un cas de
paralysie générale au début; dans la seconde, il s'agit d'un accès
de marne ayant succédé à une blessure de la tête.
UBSIGRVA11UN 1. - Ilououe de quarante-cinq ans, sobre sans
aucun antécédent suspect du côté de la famille, ayant eu la
syphilis dans sa jeunesse, mais ne paraissant en avoir gardé
aucune trace constitutionnelle. A son entrée, qui est postérieure
de onze jours au déhut de la maiadie,tieatto([uace, vantard,
agité et violent ; il déraisonne complètement. Pupilles irrégulières,
tremblement de la langue ; écriture tremblée, réflexes normaux.
L'agitation violente persiste jour et nuit ; rien ne peut la
calmes ; sept semaines après son admission, il se calme tout à
coup et meurt une demi-heure après.
A l'autopsie, on trouve les lésions de la paralysie générale et
début, et en outre, une congestion intense des deux poumons;
l'aorte, à son origine, était athéromateuse.
Observation Il. Homme de vingt-sept ans, sobre, actif, ayant
des aliénés dans sa famille; trois mois avant son entrée, il s'est
fait, en tombant de cheval, une grave blessure à la tête : relevé
sans connaissance, il n'a pas tardé à revenir à lui, mais ses
amis ont remarqué un changement notable dans son caractère
et sa manière d'être. Brusquement il s'agite, devient violent, se
met à délirer. Après dix jours d'une agitation violente et conti-
nuelle, il meurt rapidement.
A l'autopsie, on ne trouve aucune trace de la blessure reçue-
trois mois avant : les lobes antérieurs adhéraient l'un à l'autre
SOCIÉTÉS SAVANTES. 95
sur toute l'étendue du premier tiers de la scissure longitudinale.
Plaque gangreneuse sur plusieurs orteils. Autres organes
sains. R. 11. C.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ NIÉDICO-PSYCHOI,OGIQUE
Séance du 30 octobre 1885. Présidence DE M. D,GO4ET.
M. Le Président annonce la mort du D'hunier, et M. Ritti, secré-
taire général, donne lecture du discours prononcé sur la tombe de
ce membre regretté.
M. Christian rend compte des travaux du congrès de médecine
mentale tenu récemment à Anvers.
Note sur un cas d'amnésie traumatique par M. Rouillard.
Il s'agit d'une sage-femme d'une cinquantaine d'années, qui, à
la suite d'une chute faite en allant donner ses soins à une accou-
chée, remplit exactement sa mission et ne put ensuite se rappe-
ler aucun détail sur les circonstances de l'accouchement. La mé-
moire perdue pendant quelques heures, est revenue subitement
après une abondante hémorragie utérine. Aucun trouble mor-
bide ne s'est manifesté depuis.
M. Charpentier voit bien dans ce cas, l'histoire d'une malade
ayant ses règles, faisant une chute, perdant la mémoire consécu-
tivement, et la retrouvant après une hémorragie utérine, mais
ne voit pas de traumatisme expliquant le phénomène. Il est plus
porté à voir dans ce fait la manifestation épileptique on conges-
tive d'un trouble mental ; de la sorte s'expliquerait la chute dans
l'escalier.
M. Motet rapporte deux autres cas d'amnésie traumatique ve-
nant à l'appui de l'opinion de M. Rouillard.
M. Féré. Le fait qui vient de nous être communiqué par
M. Rouillard n'offre pas la grande netteté que lui attribue son
auteur ; en effet, les phénomènes qu'il décrit et surtout l'amnésie
ne sont pas caractéristiques, car les épileptiques et les somnam-
bules peuvent offrir des manifestations semblables.
96 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Rou[LL,1111) fait remarquer que l'épilepsie ou les troubles con-
gestifs ne sont que des hypothèses dans le cas qu'il rapporte.
M. LEGRAND du Saule, au contraire, ne voit d'hypothétique dans
l'observation que le traumatisme. Marcel 13matn.
.VU* CONGRÈS DES NATURALISTES ET MÉDECINS
ALLEMANDS ' 1
Session de Magdebourg 1884.
Section de Psychiatrie et Neurologie.
Séance des 18 ci ? 3 septembre
M. Poetz. De la valeur des asiles d'aliénés agricoles pour le traite-
ment des aliénés et en particulier de l'installation de l'établissement
de traitement et d'hospitalisation de Riltergutt Altscherbitz dans
la province de Saxe. L'encombrement et la nécessité d'occuper
les malades dans une large mesure, tout en leur donnant une
plus grande liberté, a conduit à fonder des colonies d'aliénés
sous deux formes principales : des colonies de familles, des colo-
nies agricoles. On obtient, au moyen de colonies fermières, de
meilleures conditions hygiéniques, plus d'avantages économiques,
des prix de journée plus faibles, une utilisation mieux entendue du
travail. A Altscherbitz, la colonie n'est pas éloignée de l'asile
maternel, ce qui permet de ne se point départir d'une constante
surveillance, d'employer les aliénés excitables et passagèrement
agités. Dans ]*établissement central, on a pu, grâce à un aména-
gement architectural bien conduit, grâce à une minutieuse sur-
veillance, se passer de la plupart des moyens de contrainleet des
systèmes spéciaux des autres asiles. Et cependant on n'a qu'un
gardien par dix malades; les évasions et les accidents ne sont pas
plus nombreux qu'ailleurs, 80 p. 100 des malades sont occupés=.
M. v. GUDDEN. Sur les tubercules mamillaires (corpus mamillare)
et les piliers du trigone. Dans le tome XI des Archiv. Psych.,
l'auteur a montré que les tubercules mamillaires (corpus ma-
' Voy. Archives de Neurologie, t. VIII, p. 22 ?
= fd., f. Y, p. 14n.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 97
niillare) de chaque côté se composentdedeuxgangtionsindépen-
dants l'un de l'autre. L'un, placé sur la ligne médiane, est formé
de petites cellules. L'autre, placé latéralement, est constitué par
de gi-atidescelltiles. Les piliers du trigone ascendants et descendants
ne représentent pas des organes en continuité avec les tubercules
mamillaires : ce sont des trousseaux de fibres séparés les uns des
autres qui n'ont aucun rapport physiologique entre eux. Le pilier
ascendant (antérieur), après un entrecroisement parfait en arrière
des tubercules mamillaires, traverse simplement ceux-ci, entre le
ganglion médian et le ganglion latéral, sans affecter plus ample
connexion avec eux, s'infléchit en forme de genou, affecte un
trajet supérieur d'arrière en avant, pour atteindre le bord posté-
rieur de la commissure antérieure. Le pilier descendant (fais-
ceau de Vicq d'Azyr), issu du tubercule antérieur de la couche op-
tique se dirige intérieurement d'avant en arrière, et se rend dans
le ganglion médian du tubercule mamillaire, d'où part un se-
cond faisceau qui, confondu pendant une certaine étendue avec
le faisceau de Vicq d'Azyr, affecte un trajet médian par rapport
à ce dernier, pour bientôt bifurquer en arrière et se perdre dans
l'étage supérieur des pédoncules cérébraux (calotte) :
Ce faisceau de la calotte des tubercules mamillaires ne doit pas être
confondu avec le faisceau de la calotte de Meynert nommé par de Gudden
pédoncule du corps mamillaire, qui appartient au ganglion latéral sus-
énoncé, et que l'on peut suivre à la base de l'encéphale, en arrière, entre
le faisceau de Meynert et le pédoncule cérébral.
Enlevez un hémisphère cérébral à un lapin, vous obtiendrez
l'atrophie du faisceau de l'hémisphère qui se rend au tubercule
antérieur de la couche optique, faisceau dont le trajet n'est pas
encore empreint d'une exactitude suffisante, mais qui, soit dit en
passant, est surtout en rapport avec le lobe pariéto-occipital; vous
obtiendrez encore l'atrophie du groupe de cellules nerveuses du
tubercule antérieur correspondant, du faisceau de Vicq d'Azyr, du
ganglion médian du corps mamillaire et du faisceau de la calotte
qui en part. Mais l'ablation d'unhémisphère cérébral, comprisla
corne d'Ammon, sans le corps strié, n'entraîne jamais la dispa-
rition de tout le faisceau de Vicq d'Azyr, notamment dans le voi-
sinage immédiat du ganglion atrophié ; la même observation
peut être faite à propos du ganglion médian. Pourquoi ? Voici le
résultat des recherches entreprises depuis cette époque. On peut
enlever, avec l'hémisphère cérébral, le corps strié, avec le corps
strié la partie antérieure de la couche optique, y compris son tu-
bercule antérieur; malgré cette mutilation, les restes sus-men-
tionnés demeurent intacts. C'est que le ganglion médian n'est pas
simple ; il se compose, à son tour, de deux ganglions : un ganglion
ventral postérieur, un ganglion dorsal antérieur. Le ganglion ven-
Archives, t. XL 7
98 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Irai postérieur dépend du faisceau deVicqd'Azyr, il disparait avec ce
dernier. Mais le ganglion dorsal antérieur, qui en est indépendant,
persiste; il est le centre du faisceau de la calotte qui demeure
conservé pour cette raison. Pour faire disparaître le faisceau de
la calotte, il faut, après avoir énucléé un oeil, pénétrer par le trou
optique, ou transpercer en passant par la paroi crânienne la cou-
vexilé du cerveau, pour aller détruire le ganglion dorsal antérieur.
Cette démonstration de l'existence dans chaque corps mamillaire
de trois ganglions indépendants l'un de l'autre n'enlevé rien aux
constatations objectives antérieures des atrophies déjà consignées;
l'interprétation seule était erronée. Après l'ablation d'un hémis-
phère, disait M. de Gudden, le faisceau de la calotte s'atrophie
aussi, il n'en reste qu'un élément. Cela est encore vrai. Seulement,
cette atrophie partielle est uniquement la conséquence d'un arrêt
de développement par pression, de même que, dans l'asymétrie
des hémisphères cérébraux de l'homme, le renflement du nerf ol-
faclif ne parvient pas à son complet développement à cause de la
pression exercée par l'apophyse crista-patli, sur laquelle se renverse
l'hémisphère cérébral normal ; de là l'atrophie partielle du nerf
lui-même. Le ganglion ventral postérieur meurt après le faisceau
de Vicq d'Azyr correspondant; celui de l'autre côté, conserve,
verse du côté de la lacune produite ; le ganglion dorsal antérieur
du même côté (opéré) fait de même et présente son segment ven-
tral entre le ganglion latéral de son côté et le ganglion ventral
postérieur de l'autre côté ; il est comprimé et demeure en retard
dans son accroissement, de là une atrophie parallèle des trous-
seaux de fibres correspondantes de son faisceau de la calotte.
Par conséquent, le faisceau de la calotte du corps mamillaire
est au milieu par rapport au faisceau de Vicq'd'Azyr, il accompagne
ce dernier pendant un long trajet, puis s'infléchit en arrière ets'en-
trecroise avec le faisceau de Meynert,qui unit le ganglion del'habe-
nula (petit noyau grissuperficiel de lacouche optique situéen avant
et au-dessus du point où la commissure postérieure pénètre dans la
couche optique) au ganglion interpédonculaire découvert par de
Gudden'. Il n'est pas exact, comme l'avait annoncé de Gudden, que
le faisceau de Meynert soit croisé sur le côté par le faisceau de la
calotte ; l'entrecroisement a lieu sur la ligne médiane ; la méthode
de préparation et l'association d'autres tractus dans le même sens
ont causé l'erreur. En comparant en effet des sections horizontales,
antéro-postérieures, verticales et transversales d'encéphales de la-
pins, on voit ces deux faisceaux, s'avançant en arrière entre les
faisceaux de Meynert, laisser de côté les racines de l'oculo-moleur
commun, subir un commencement de dissociation lissurale de par
les faisceaux d'entre-croisement à la calotte, former une série de
' Voy. Archiv. ? Psych., XI, 2.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 99
huit à neuf plans transverses étages (sections transverses et verti-
cales) qui s'épanouissent à mesure qu'on gagne les régions posté-
rieui es, se rapprochent encore les uns des autres entre les deux en-
trecroisements principaux mentionnés, et, derrière eux, se perdent
en deux groupes cellulaires assez volumineux placés à côté du
raphé, sur la face ventrale de» faisceaux longitudinaux postérieurs.
Dans la même région, mais sur le dos du faisceau longitudinal
postérieur, il y a deux ganglions volumineux dont les connexions
et les dépendances sont encore totalement inconnues. La destruc-
tion du ganglion dorsal antérieur précité entraine la mort du gan-
glion placé sur la face ventrale du faisceau longitudinal posté-
rieur, en arrière du grand entrecroisement de la calotte ; en
même temps meurt le faisceau de la calotte. L'ablation d'un hé-
misphère cérébral, avec ou sans le corps strié, avec ou sans la
partie antérieure de la couche optique, détermine l'atrophie des
tractus du faisceau de la calotte situés inférieurement, ainsi
que de la portion ventrale du ganglion qui occupe le plan ventral
du faisceau longitudinal postérieur. (Voyez supra l'atrophie par
compression de la portion ventrale du ganglion dorsal antérieur
du corps mamillaire.) M. Gudden propose de donner son nom au
ganglion situé sur le ventre du faisceau longitudinal postérieur ;
le faisceau de la calotte, dont le commencement avait du reste été
vu chez l'homme parVicq d'Azyr, s'appelleraitfaisceaudeGudden
Quant aux piliers antérieurs du trigone, ils se composent de trois
faisceaux : un inférieur(postérieur) entrecroisé ; un latéral nonen-
trecroisé; un supérieur (antérieur) entrecroisé. en existe encore
un quatrième, supérieur (antérieur) entrecroisé. Cette description
mériterait des développements plus opportuns ailleurs.
Sui- les rapports des maladies des organes sexuels de la
femme aveu les troubles psychiques. D'abord deux observations.
Une femme, grosse de huit mois, est prise successivement de dé-
pression et de manie furieuse. On la guérit en pratiquant l'accou-
chement prématuré artificiel : intégrité des organes génitaux; il
n'existait qu'une grande sensibilité des ovaires. Une jeune fille de
seize ans, non encore menstruée, devenue, sans raison, agilée et
awieuse, présente de la congestion céphalique, vagabonde, est
désordonnée et loquace, se querelle avec des jeunes gens ; durée,
quatre ou six jours; répétition des accès : quatre fois en quatre
semaines ; dans l'intervalle, alitement à plusieurs reprises avec
plainte decéphalalgie et d'élancements cruro-abdominanx ; le soir,
anxiété fréquente. L'examen décèle une grande sensibilité de la
région ovarienne et de l'atrésie du col utérin : on débride, la
menstruation s'établit, et, avec elle, la guérison. Il y a donc, en
certains cas, une relation pathogénétique enlre une affection
sexuelle et une psychose. Mais cette relation ne se voit que dans
des proportions Ires faibles, car sur quatre-vingt-dix malades ca-
i()0 SOCIETES SAVANTES.
pables d'être menstruées, il n'y en avait que quatre non réglées,
dix-neuf réglées irrégulièrement, soixante-sept étaient régulière-
ment menstruées. A côté de cela, généralement un examen précis
montre d'autres causes psychopathiques, la perturbation mentale
s'établissant et cessant sans modification de l'affection sexuelle.
Fréquemment celle-ci est consécutive à la maladie psychique, à
raison de troubles nutritifs et d'onanisme. En réalité, il n'y a que
peu de cas dans lesquels l'affection génitale est démontrée être la
cause du trouble psychique. Mais il ne faut pratiquer l'examen
gynécologique que lorsqu'il existe des signes d'affection génitale et
quand on n'a pas à lutter contre la résistance des patientes. Une
psychose peut prendre sa source dans une maladie génitale par
l'intermédiaire de l'hyperesthésie psychique et somatique générale,
produite par cette affection, du trouble de nutrition de même ori-
gine, d'un réflexe mental, tel que la crainte de voir s'aggraver les
malaises sentis (influence morale dépressive) ; le mécanisme est le
même pour les psychopathies des premiers jours qui suivent la
délivrance. Dans ces cas, il doit exister une prédisposition hérédi-
taire ou acquise. Quant aux faits, du reste rares, dans lesquels un
traitement gynécologique se trouve indiqué, il n'est pas nécessaire
d'avoir dans l'asile un gynécologue exercé, car rien n'empêche au
besoin de le faire venir du dehors. Le traitement gynécologique
est-il invariablement inoffensif ? L'orateur a vu une catégorie de
cas où le traitement a produit ou accéléré une psychose; ala suite
d'agitation, d'angoisses, d'hyperesthésies, d'inappétence, il est
survenu des hallucinations et des conceptions délirantes ; ces ag-
gravations seront évitées quand les gynécologues seront plus ins-
truitseu psychiatrie. ,
Discussion : M. de Gudden prend la défense des gynécologues.
H;TZ[G.Hoematot'/tttcAM, syringomyélie, structure anormale du
manteau de substance blanche de la moelle épinière. Cas dans
lequel un gros épanchement de sang isolé dans le tissu de la pie-
mère spinale, siégeait uniquement dans celte méninge ; il exis-
tait en même temps une cavité centrale longue de 6 centim.
dans la moelle dorsale inférieure. Il s'agit d'une femme de cin-
quante-quatre ans; prédisposée, névropathique, mélancolique
ayant eu jadis, à plusieurs reprises, des poussées de congestion
céphalique. Le 29 décembre 4882, elle présente des douleurs à la
nuque, dans la tête, par tout le corps, avec vertiges et abattement.
Le 30, il existe en outre une hyperesthésie générale, très marquée
le long de la colonne vertébrale, avec légère mydriase gauche, et
catarrhe bronchique très étendu. Le 31, amélioration le matin;
recrudescence dans l'après-midi, les douleurs affectant lu forme
d'accès névralgiques ; grande lourdeur dans les membres pendant
les mouvements; les muscles du mollet gauche semblent tendus et
SOCIETES SAVANTES. 101
durs. Le 1° janvier 1883, pendant la nuit, douleurs très violentes,
nombreuses sensations anormales, finalement paralysie complote de
la sensibilité, de la motilité, des réflexes sur la moitié inférieure du
corps jusqu'à l'ombilic. Entre l'ombilic et la sixième côte gauche,
douleurs intercostales névralyiformes en ceinture (hypéresthésie
modérée de la peau) ; elles disparaissent et laissent après elles un
sentiment de lourdeur et des sensations anormales dans l'extré-
mité supérieure dont les mouvements sont faiblement ralentis.
P= 160, à peine sensible. liesp = 38, superficielle. Albuminurie,
collapsus. 2 janvier; éruption herpétique dans la zone sus-men-
tionnéo, rien autre. On faradise le matin les extrémités infé-
rieures ; la mobilité revient quoique pénible l'après-midi dans la
cuisse gauche, les jambes et les orteils du même côté ; à droite, mou-
vements latéraux, quoique pénibles, de l'extrémité; les parties jus-
que-làanestliésiquesperçoiveutles piqûres d'aiguilles, maisellessont
obtuses. Paralysie de la vessie. Mort à quatre heures du matin par
oedème pulmonaire. Autopsie. Poids du cerveau = <,62C grammes.
Epanchement de sang tout récent sous-arachnoidien, en lame, à
la convexité des lobes occipitaux et de la portion postérieure du
lobe pariétal droit; il s'étend à une grande partie de la face su-
périeure du cervelet. Quelques ecchymoses récentes sous l'épen-
dyme du troisième ventricule. Artères vertébrales extrêmement
atheromateuses. Dure-mère spinale, rouge-bleu, transparente, ten-
due, intérieurement soulevée en massue ; espace sous-dure-mérien
vide. Dans la moelle, l'espace sous-dure-mérien, est, depuis la par-
tie moyenne de la moelle dorsale jusqu'au cône médullaire, dis-
tendu par un coagulum sanguin récent, rouge-noir; sa surface de
section présente des adhérences, la substance nerveuse y est un
peu tuméfiée, la portion inférieure de la moelle dorsale est déli-
quescente. La cavité en question commence à 9,5 centimètres au-
dessus du cône mé tullaire ; elle est longue de .'i,8 centimètres ;
par sa situation, comme parsa constitution, elle ressemble à plu-
sieurs des synngo-myéties publiées. Elle est exclusivement comprise
dans la partie antérieure des cordons postérieurs et la commissure
grise ; sa configuration est irrégulière, si bien que l'extrémité des
cornes postérieures lui est, par places, contiguë, et, qu'en d'autres
endroits, la cavité pénètre entre les deux cordons postérieurs. On
y trouve en plusieurs points une gaine résistante périphérique;
ailleurs la même membrane parait la scinder en deux comparti-
ments. Dilatation multiloculaire de la commissure grise, au m-
veau de la cavité, d'avant en arrière ; d'où plusieurs cavités secon-
daires plus ou moins nombreuses, plus ou moins volumineuses,
ayant écarté le tissu épaissi et iniittré d'éléments cellulaires.
Nulle part il n'existe de revêtement épithélial. Le canal central
estici ouvert, là oblitéré, là encore méconnaissable; sur quelques
coupes, on croirait voir le canal central oblitéré, fort sombre, au
102 SOCIÉTÉS SAVANTES.
milieu du tissu aréolaire de la commissure grise. La substance
blanche présente des anomalies uniques constituées gi-osso )a0(GO
par d'épais faisceaux de fibres affectant d'abord une direction
transversale, puis un trajet longitudinal en rapport avec les vais-
seaux sanguins. Ainsi, à peu prés à 20 centimètres au-dessus du
cône médullaire, la corne postérieure envoie immédiatement
après son origine un long prolongement conique en dedans et en
arrière, jusqu'au sillon médian postérieur. Entre ce prolongement
et la commissure grise, sur une hauteur d'1/ ? centimètre, il n'y a
des deux côtés que peu ou point de sections transverses de fibres
nerveuses, mais la substance blanche paraît constellée de fins
rayons qui donnent l'impression d'une tumeur. Il en est de même
pour divers points de la moelle, par exemple au lieu de passage
du renflement cervical à la région dorsale. De forts grossissements
décèlent que l'on a affaire à des libres nerveuses, généialement de
fin calibre, qui, émanées de la substance grise, se dirigent sur
une certaine étendue transversalement, puis, ou bien côtoient
longitudinalement le vaisseau le plus proche, ou bien forment une
anse dans les environs d'une section de ce vaisseau. A la hauteur
exacte de 26 centimètres au-dessus du cône spinal, la substance
blanche des cordons latéraux et postérieurs est parsemée de taches
très nombreuses, transparentes. Toutes sont composées de rami-
fications vasculaires dont la convexité est, sans exception, tournée
du côté de la substance grise ; ici existe une aire claire, sorte
d'éventail constitué par de larges faisceaux de fibres nerveuses
transversales qui, en ellet, disposées en éventail, écartent, plus
loin, les rameaux vasculaires et se recourbent, à leur côté concave,
en lignes arquées, de sorte qu'il est un point où le paysage ordi-
naire d'une coupe transverse est remplacé par des fibres ner-
veuses très fines pressés les unes contre les autres. En réalité, on a
affaire à des trousseaux de fibres nerveuses déplacées par un vais-
seau rétracté, ce qui naturellement ne peut s'être produit que
pendant la période embryonnaire ; les fibres nerveuses déplacées
paraissent tendre à la déchéance, comme le prouve l'existence, en
certains points. de nombreuses vacuoles qui prêtent au dessin
microscopique l'aspect du coquillage.
Peut-être la syringo-myélie émane-t-elle de ce déplacement des
fibres nerveuses par la rétraction des vaisseaux ; on conçoit en effet
que ce processus puisse entraîner la formation de cavités. La des-
truction des fibres déplacées apporte un argument pathorénétique
suffisant. Et ces deux causes réunies peuvent concourir au même
but. En tout cas, il importe de remarquer que les masses com-
pactes de fibres transverses occupent le même point de la coupe
que la cavité, c'est-à-dire la pointe des cordons postérieurs.
L'auteur fait passer sous les yeux de l'assistance une série de
dessins et préparations microscopiques 11 l'appui.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 103
M. Gaasnsr. Sur le mouvement du sang dans le crâne. Il est
généralement reconnu que le sang circule à l'intérieur du ci âne.
en des conditions toutes spéciales, et, en particulier, que la
pression de la colonne sanguine à l'intérieur d'un vaisseau n'est
fias forcément égale à la tension qu'elle exerce sur la paroi du
même vaisseau, enfin qu'une partie de la pression peut être
transmise au liquide cérébro-spinal, d'où elle gagne les parois
osseuses ou élastiques de cette cavité. Mais quelle est l'intensité
de la pression qui normalement relève du liquide cérébro-spinal ?
Quelle influence une modification de cette pression exerce-t-elle
sur les fonctions du cerveau ? Examinons le côté purement
physique de ces questions à la lumière de l'expérience suivante
qui décèle les vibrations toutes spéciales des vaisseaux jusqu'à
ce jour étrangères aux formules. Soit un tuyau R fermé et plein
d'eau à pression nulle, à parois rigides; on le fait traverser par
un vaisseau élastique G à parois très minces dont les deux extré-
mités sont engagées dans les pièces obturatrices du tuyau à
l'aide d'un système étanche. On dirige dans le vaisseau élastique
un courant continu de liquide sous pression d'une colonne d'eau
A; il s'évacue dans l'unité de temps une quotité déterminée du
liquide, cette quotité croit quand on élève la colonne d'eau A.
Or, dès que A atteint une hauteur déterminée, le vaisseau
élastique se metàvibreretie courant de Hquidejusque-Ià continu,
est rapidement et successivement interrompu et rétabli, de nom-
breuses interruptiousdecourantseutraiuentdans l'unité de temps
une diminution considérable dans l'écoulement du liquide par
le vaisseau élastique; cette quotité devient faible bien que la
pression se soit accrue. 11 est de prime abord difficile d'expliquer
la genèse des vibrations vasculaires et des oscillations continues
du courant, à l'aide des formules physiques ayant cours dans la
théorie de la circulation intracrànienne ; mais, si l'on emploie
un tuyau de verre transparent, on voit aussitôt qu'il n'y a que
l'extrémité périphérique du vaisseau élastique qui vibre, qu'elle
est très rapidement et alternativement comprimée et décom-
primée.
Pourquoi donc l'extrémité périphérique du vaisseau est-elle
soumise à la compression rhythmique ? C'est que : Il dans tout
tuyau élastique parcouru par un courant de liquide, la pression
la plus faible règne à l'extrémité périphérique; 2" dans le
tuyau élastique G, tant que son contenu est eu repos, la pression
se transmet également sur toutes ses tranches; cette pression
peut être partiellement ou totalement transmise au contenu de
tuyau R; par conséquent, dans le cas le plus favorable, la pression
a 1 intérieur de R sera égale à la pression de l'intérieur de G
mais n'y sera jamais plus haute, et il ne saurait y avoir de
compression du vaisseau G à aucune place tant que son contenu
10 le SOCIÉTÉS SAVANTES.
demeurera en repos ; - 3° dans le tuyau R, il s'exerce sur
toutes les tranches une pression égale, positive, quand le liquide
coule à travers le tuyau élastique G. La démonstration est
parfaite lorsque l'on met un manomètre membraneux (inventé
par M. Grashey) en communication avec le tuyau R sans lui faire
perdre une goutte de liquide. L'extrémité périphérique du vaisseau
G étant complètement ouverte, on voit les vibrations du vaisseau
se produire dès que dans R la pression atteint la hauteur indis-
pensable pour presser complètement l'une contre l'autre les
parois du vaisseau élastique G remplies d'eau à pression nulle.
Donc. plus les parois de G sont rigides, plus tard surviennent les
vibrations, et inversement; quand le vaisseau élastique G a des
parois si délicates qu'elles se peuvent toucher sans pression, le
vaisseau vibre, dès que la pression atteint dans R une valeur
positive. Rétrécit-on un peu l'extrémité périphérique du vaisseau
G complètement ouverte, ou lui ajoute-t-on, en dehors de l'appa-
reil, un tuyau élastique, ce qui augmente la pression à
l'extrémité périphérique du vaisseau G, aussitôt les vibrations
du vaisseau cessent; ces vibrations ne reparaissent que lorsque la
pression à l'intérieur du tuyau R, subissant une élévation, est
devenue assez grande pour vaincre la pression dans l'extrémité
périphérique du vaisseau G.
La genèse des vibrations vasculaires est la suivante : A l'extré-
mité périphérique du vaisseau G, règne la plus faible pression
lorsqu'il est parcouru par un courant de liquide; dans le tuyau R
se produit pendant le courant une pression positive qui comprime
l'extrémité périphérique du conduit parce qu'elle oppose à la
compression la plus faible résistance. La compression du vaisseau
suspend le courant de liquide ; mais, en même temps que cesse
le courant, la pression positive croit à l'extrémité périphérique
de G. L'extrémité périphérique du conduit G devient donc libre
et perméable, et le courant interrompu se rétablit; ce qui
abaisse encore la pression de l'extrémité périphérique de G, et
en permet de nouveau la compression. Ainsi se produit alterna-
tivement une série rapide d'élévations et d'abaissements de la
paroi vasculaire, en d'autres termes, la vibration de cette paroi :
Application de ces données à la théorie de la circulation
intracî,dnieiiie.
1° Quand la pression relative au liquide cérébro-spinal s'accroît, il peut
survenir une vibration des extrémités périphériques des vaisseaux de
l'encéphale, en supposant que l'augmentation de pression ne provienne
pas de ces extrémités mêmes. 2° Ce sont les veines cérébrales qui doi-
vent être tenues pour les extrémités péuphériques des vaisseaux encépha-
liques ; comme les parois des sinus sont peu compressibles et que les
veines cérébrales possèdent des parois tellement minces que leur lumiète e
SOCIÉTÉS SAVANTES. 105
s'efface sans qu'il se produise de pression extérieure positive, il suffit que
la pression cérébrale s'accroisse pour que les veines cérébrales entrent
en vibration avant leur abouchement dans les sinus. 3° Ces vibrations sur-
viennent aussitôt que la pression du liquide cérébro-spinal devient plus
grande que la pression régnante dans les eatrémités lniphérntnes des
veines cérébrales, pression qui, comme l'on sait, estégale.'i la résistance
que rencontre le sang dans les sinus et dans les veines jusqu'à ce qu'il
arrive il l'oreillette du coeur. L'augmentation de cette résistance peut
arrêter les vibrations tant que la pression cérébrale n'a pas subi une
élévation parallèle. 4· Si l'on réussit à entendre ou à faire entendre ces
vibrations, on arrive a juger par leur intensité de la grandeur de la pres-
sion cérébrale même dans un crâne intact; leur existence prouve que la
pression cérébrale a atteint un degré d'élévation égal pour le moins à
celui de la résistance que nous venons de consigner. 5° La doctrine ac-
tuelle de la pression cérébrale prétend établir que, lorsque cette pression
augmente, les capillaires cérébraux sont comprimés en première ligne.
Cette assertion est inexacte; car, bien que les capillaires possèdent des
parois plus minces que les grosses veines cérébrales, ils ne l'empottent
nullement sur les grosses veines, en ce qui concerne leur aptitude il
s'aplatir, à cause de leur plus faible lumière. ; les veines, au contraire,
s'affaissent sans qu'il se produise de pression extérieure positive. Par
conséquent, c'est la pression du sang à l'intérieur des capillaires ou des
grosses veines qui décide de la plus ou moins grande conipressibilité des
uns ou des autres. On sait que la pression du sang dans les capillaires
est supérieure il la pression du sang dans les grosses veines cérébrales;
par suite, l'augne Million de la pression cérébrale déterminera une cont-
pression des grosses veines du cerveau et non une compression de ses
capillaires; il en résultera la stase et le ralentissement du courant san-
guin ainsi que la v il)L-itioii (les parois vasculaires veineuses.
6° Les expériences de physique munirent que, dans certaines circons-
tances, une élévation delà pression artéi ielle n'active pas la circulation
1 l'iutérieur tlu crâne, mais la ralentit. 7» On sait que, chez maints enfants
dont les fontanelles crâniennes ne sont point encore fermées, on peut à
la surface du crâne percevoir un bruit tout particulier (bruit cérébral ou
crânien). L'origine de ce bruit n'est encore en aucune laçon élucidée; les
uns le qualifient d'artériel, les autres le regardent comme veineux.
Hennig le localise de préférence dans les veines de l'encéphale ; cette
opinion trouve un appui dans les expériences précédentes, puisqu'elles
révèlent que, dans certaines conditions, l'extrémité périphérique d'un
tuyau élastique passant dans un récipient fermé et rempli d'eau entre
en vibration.
Discussion :
M. Binswanger. Certains bruits subjectifs de- raclage et de
frottement dont se plaignent maints individus nerveux, en
particulier à la suite d'efforts, bruits qu'ils localisent dans la
région duvertex, doivent-ils être rapportés à des troubles circula-
toires semblables à ceux qui engendrent les bruits cérébraux des
enfants ? Rép. Cela n'est faisable que quand on arrive à
la constatation objective de ces bruits.
INIENDEL et Bi-,\s%'ANGI,11 Se sont vainement efforcés de
106 SOCIÉTÉS SAVANTES.
percevoir ces bruits intracrâniens. Rép. : L'oreille et le
stéthoscope ne suffisent pas dans l'espèce; il est nécessaire de
faire intervenir certaines précautions.
M. Jehn. Les "conditions mises en relief par M. Grashey sont
peut-être bien en relation avec les dilatations des espaces péri-
vasculaires et péricellulaires de l'écorce du cerveau rencontrés
dans le délire aigu. Conformément aux indications de Herz, il
a trouvé deux fois un rétrécissement unilatéral, une lois un
rétrécissement bilatéral des trous déchirés postérieurs.
Rép. : Ce rétrécissement est défavorable aux vibrations vascu-
laires.
1111. 13cacEn, Binswanger, STRUEMPFLL. Les modifications circu-
latoires en rapport avec les troubles nerveux n'ont d'ordinaire
qu'un rôle secondaire.
M. 11dI3LB.UM. Sur une forme clinique de la folie morale.
L'hébéphrénie de l'auteur représente une psychopathie qui se
rattache aux processus de développement de la puberté; avec ou
sans stade prodromique mélancolique, il se produit une période
maniaque courte suivie d'un stade terminal de démence à progrès
rapides. Les caractères consistent en une allure niaise et sans-
gêne des jeunes malades fréquemment en pi oie a des perversions
morales impulsives. A côté de cela, il existe des cas qui,
semblables, par leurs caractères et par leurs relations avec la
puberté, à l'hébéphrénie pure, en diffèrent cependant par ce
fait que le stade maniaque est peu développé, et que l'affaiblis-
sement ps-ciiique 1)to ? ressif manque presque absolument. Alors le
pronostic est meilleur, et le traitement plus fructueux, Il s'agit de
garçons ou de filles en lutte avec la morale et la loi, coupables sur-
tout de larcins, qui. à l'encontre de la plupartdes failsde foliemo-
rale, présentent une vivacité remarquable des facultés affectives ,
l'intelligence n'est pas amoindrie, et l'impuissance de travail
et d'exécution psychique tient à un léger état d'épuisement
psycho-somatique. La plupart de ces malades ont été atteints
jadis d'une maiadtegraveayaut englobé les organes intracrâniens ;
ils éprouvent encore souvent des vertiges, de la céphalalgie,
des névralgies, de la dépression transitoire; tous ont de l'anémie
des muqueuses-ans qu'ils soient nécessairement affaiblis dans
les autres points de leur économie. Généralement il existe une
tare héréditaire, surtout par ivrognerie et alcoolisme des
ascendants. On i encontre fréquemment de l'asymétrie du crâne,
absence du lobule de l'oieijle, etc. Cette forme nouvelle est de
Yhelioîdophrénie ou de l'/teoMf. Traitement médicamenteux et
pédagog.que.
M. Jehn. Temps de la puberté et question du surmenage. Le
rapport, pour la Prusse, de la députation scientifique, a dû rpcoh-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 107
naître que les élèves des établissements scolaires supérieurs
étaient exposes à maintes causes nocives : le rapport relatif au
temps de scolarité des études supérieures d'Alsace-Lorraine a
franchement avoué qu'il existait un surmenage temporaire produit
par le développement de la puberté'. L'accroissement du système
osseux, particulièrement vif à cette époque, et surtout le dévelop-
pement de 1 appareil génital, avec les modifications circulatoires
qui en dérivent et l'influence énorme de la vie sexuelle sur la vie
psychique, provoquent un bouleversement de l'organisme de
l'enfant qui trouve son expression dans mille malaises somatiques
très divers, et, au point de vue mental, dans de l'indécision, dans
la mollesse et le dégoût de l'activité volontaire. Les impulsions
instinctives singulières de cet âge. qui existent chez l'enfant bien
portant augmentent chez les individus nerveux; à cette phase de
transition appartiennent les conceptions irrésistibles, les actes
impulsifs, surtout du côté sexuel, ainsi qu'en bien des cas l'ona-
nisme, souvent issu d'ii ritation spinale. En vérité, à cette période
où la puberté s'installe, c'est-à-dire dès les quinzième et seizième
années de la vie, un grand nombre d'aliénés se montrent peu
disposés à l'étude, et plusieurs sont directement atteints par des
processus pathologiques; or, c'est précisément elle que l'école
choisit pour tendre à surexciter les facultés en substituant à l'en-
seignement par la mémoire la culture intellectuelle d'ordre
élevé. Les pédagogues ont eux-mêmes reconnu bien des défauts
à ces errements : ils se sont efforcés de,réaliser des améliora-
tions ; mais, et ceci ressort des plaintes des spécialistes en matière
d'enseignement, on ne peut atteindre de résultat que par le con-
cours des médecins et des professeurs. il s'agit de limiter le plus
possible les heures de travail, d'exempter une partie des élèves
de cet âge de la fréquentation de l'école, de modifier la gymnas-
tique en introduisant les jeux gymnastiques anglais.
Discussion des deux mémoires précédents.
M. Meschede a, dans ces dix dernières années particulièrement.
eu à observer des cas fréquents de perturbation mentale chez des
institutrices et des élèves de l'école normale d'institutrices. Il est
indubitable qu'on a affaire ici à du surmenage.
M. MENDEL. A quoi bon donner un nouveau nom à la pcyclio-
pathie esquissée tout à l'heure par 11. Iiahl>aum; elle ne diffère
pas tellement des autres hébéphrénies.
M. Gumprecht, professeur titulaire des classes supérieures. Oui,
il faut que les maîtres envisagent le surmenage, mais les parents
ne tendent-ils pas à surmener leurs fils par les multiples excitants
de la vie moderne ? Evidemment il est sympathique à l'enseigne-
Voy. Achives de Neurologie, t. V, p. 391, et t. VU, p. 3r>2.
108 SOCIÉTÉS SAVANTES.
ment de la gymnastique, mais l'éducation anglaise accorde trop
aux exercices physiques.
M. Berger. Sur les rapports étiologiques entre la syphilis et le
tubes. -- Voici deux malades. L'un en proie presque continuelle-
ment pendant dix ans à des accidents syphilitiques, sans autre
cause constatable de tabes; l'autre, affecté de tabès dans sa
soixante-douzième année (preuve nécroscopique), après avoir eu
la syphilis puur la première fois deux ans auparavant. Ces deux
faits prouvent qu'il ne faut pas rayer la syphilis de l'étiologie du
tabès. Un récolement de cent nouveaux cas de tabès typiques
révèle 43 p. 100 de syphilitiques l'en ne tenant compte que des
individus ayant été atteints de manifestations secondaires); le
laps de temps moyen écoulé entre l'infection syphilitique et le
développement du tabes est de huit années 1 dixièmes. Peut-être
vaut-il la peine de mentionner la prédominance des paralysies
des muscles de l'oett chez les tabétiques ayant des antécédents
syphilitiques. Mais il est incorrect de vouloir que le tabes concor-
dant avec la syphilis se traduise par d'autres symptômes que le
tabes ayant toute autre cause, car le substratum anatomique est le
même dans les deux cas. Il est probable, en résumé, que la syphi-
lis est une cause de tabès, mais d'autres causes aussi peuvent
produire l'ataxie locomotrice.
M. SFrriG.uuLLea. Myélite des &teut'.s.L'orateur communique
quatre cas de paralysie spinale alcoolique (sans autopsie). Les
deux cas les plus légers concernent des gens qui étaient chargés
de la dégustation de vin rouge, cognac, liqueurs; les symptômes
consistent en ? violentes douleurs erratiques dans les extrémités
et la région lombaire, faiblesse des jambes rendant de temps à
autre la marche et la station debout impossibles, avec sensation
de brûlure et d'engourdissement dans les pieds; ces accidents
disparurent quand les patients cessèrent la dégustation. Les deux
autres cas se rapportent à des buveurs de profession ; la sympto-
matoiog'ie se traduisit d'abord par divers accès parétiques dans
les jambes, puis soudain se produisit de la paraplégie rapidement
suivie de paralysie des deux extrémités supérieures avec douleurs
violentes et sensations d'engourdissement des pieds et des mains,
bientôt remplacées par des contractures vives, de l'atrophie mus-
culaire, de la diminution de l'excitabilité électrique des mains et
des pieds : jamais de réaction dégénérative; fonctionnement
normal de la vessie et du rectum; à la suite d'une assez longue
abstinence d'alcool, il s'effectua une amélioration de la motililé,
de l'état des muscles, voire des contractures
M. Skixigmuller. Sur l'hémiunesthésic. Cas intéressant de
paralysie de la sensibilité et de la motilité, ayant pendant deux
ans occupé le côté droit du Li one et gauche de la tête, avec affai-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 109
blissenient ou disparition de l'ensemble des fonctions sensorielles
et rapide développement de contractures dans les extrémités
droites. Pas d'hyperesthésie ovarienne; pas de tare névropathique.
Traitement électrique, en commençant exclusivement par la
brosse faradique ; guérison en quatorze jours, même sur la moitié
du corps non touchée par le courant. L'exposé de deux autres
faits sert à établir le diagnostic différentiel entre ]'hémianesthésie
cérébrale et l'hémianesthésie hystérique. A côté des cas, rares en
Allemagne, d'hémianesthésie ovarienne, l'auteur a constaté, cela
plus fréquemment, de l'hyperesthésie ovarienne, c'est-à-dire une
ovarie bien tranchée, accompagnée d'hyperesthésie à la pression,
de toute la moitié du corps du même côté et en particulier de
l'épigastre et de la région pariétale. La diplopie, la déviation de
la langue, l'asymétrie du voile du palais, la paralysie faciale
unies à l'hémianestliésie sansova.rie, admettent-elles le diagnosic
de l'hystérie ? L'orateur ne saurait le nier résolument, de sorte
que la distinction est encore difficile. -
M. vox GUDDFN. De l'inflammation neuroparalytique. Nouvelles
expériences prouvant que la destruction de la cornée qui suit la
section du nerf trijumeau doit être rapportée non à la neuropa-
ralysie, mais à des influences extérieures nuisibles : 10 chez deux
lapins nouveau-nés, on sectionne le nerf optique à l'intérieur de
l'orbite, avec les nerfs ciliaires. La cornée, tout à fait insensible.
demeure absolument claire. La conservation des nerfs palpébraux
permettait, dausl'espèce, la fermeture des paupières auplus léger
contact des cils; '-)0 chez un lapin nouveau-né on sectionne le nerf
optique, les rameaux ciliaires et les rameaux palpébraux du triju-
meau, etl'oculo-moteurcommun. Les cils sontinsensibles, et cepen-
dant la cornée demeure intacte, grâce à la blépharoptose de la
paupière supérieure et à la troisièmepaupière formant rideau. Ce
n'est que lorsque l'animal fut mis au râtelier avec les autres que
se produisit une lésion cornéenne; on l'isola et les altérations
traumatiques disparurent à peu près complètement; 3° d'autres
interventions montrent que l'action destructrice consécutive à la
section du trijumeau est retardée par l'extirpation du ganglion
cervical supérieur, mais cela provient de la paralysie du muscle
organique de Millier. L'abaissement de la paupière supérieure
donne à la cornée un reste de protection ; 4° un lapin non isolé
auquel on a sectionné le trijumeau présente dès le jour suivant
un trouble cornéen très accentué. En nettoyant avec soin et fré-
quemment le foyer, on obtient une amélioration qui permet de
se départir ultérieurement de pansements minutieux, il ne se
produit qu'un leucome consistant ; 5° un lapin auquel on sectionne
le trijumeau ne conserve la tiansparence de sa cornée pendant
six jours qu'à force de soins; pour peu qu'on se relâche, il se
produira un trouble léger qui rétrocédera un peu à son tour.
HO SOCIETES SAVANTES.
Mais on n'est pas parvenu, en conservant le trijumeau, à sous-
traire la cornée à la destruction d'origine extérieure. A la suite
de la destruction du facial et de la troisième paupière, le muscle
rétracteur du globe oculaire peut retirer l'oeil assez profondément
pour permettre la fermeture complète des paupières, au moins
passagèrement. D'autres expériences, il a paru découler que la
cornée privée de ses nerfs réagit sous l'influence des mêmes
excitants, et de la même manière que la cornée normale. Si
donc on arrive à préserver de l'inflammation la cornée soustraite
à l'influence nerveuse, et si, dans le cas où cette inflammation
survient, on arrive à la guérir, on doit pouvoir, dans le cas de
paralysie, mettre à l'abri des accidents du décubitus la peau bien
plus résistante, en régulaiisunt la pression, en procédant à des
pansements, etc. L'expérience a démontré à l'orateur la rectitude
de cette assertion.
Discussion :
)1. GusiiL ? y propose, pour obtenir l'alternance des régions
comprimées, sans gêner les malades, de construire des lits pou-
vant être inclinés en divers sens suivant une pente voulue, à l'ins-
tar des berceaux.
M. vos Gudden fera installer un lit de ce genre.
M. MKNUEL adresse une question relative au décubitus acutissi-
mus. L'orateur réplique que, dans son établissement, on n'en a
jamais vu se produire en dehors de celui qui résulte du défaut
de soins.
M. SCHULZ présente un sarcome primitif de la pie-mère spinale
dans toute sa longueur.
M. Mesciiede. Sur l'installation d'asiles d' aliénés-hospices et d'iisi-
les d'aliénés de traitement, séparés les uns des autres. Cetteséparation
est indispensable . 1° parce que la combinaison des deux espèces
d'asiles retarde, à raison de leur encombrement général, trop
longtemps l'admission de; nirlades curables; 2" parce que
la prévoyance médico-administtalive qu'exigent les nombreux
incurables absorbe les forces vives du médecin au détriment
des curables; 3- parce que les incurables n'ont pas besoin des
inslallations coûteuses qui incombent à un asile de traitement;
ils se trouvent mieux des hospices simples, mais bien aménagés,
pourvus d'une exploitation agricole; 4° parce que la vie en
commun avec de nombreux incurables agit défavorablement sur
l'état psychique des aliénés curables; 50 parce que les parents
confient plus volontiers et de meilleure heure leurs malades à
un établissement de traitement pur. L'orateur aurait, à l'hôpital
municipal de laviUedeKoenigsbergoiftenu 46,2 p. 100 de
guérison; c'est une proportion favorable, si on la compare à celle
des asiles mixtes.
SOCIÉTÉS SAVANTES. Hl
Discussion :
M. Jehn. On ne peut suivre l'évolution d'un cas pathologique
que dans les établissements combinés; le fardeau administratif
des médecins-directeurs n'est pas moindre dans l'asile de trai-
tement pur ; la présence des malades calmes agit plutôt favora-
blement sur les entrants.
M. Siesiens partage les idées de M. Jehn, il a une contradic-
tion'.toute prête à opposer à chacun des arguments de Meschede.
M. Kanaea combat également Meschede; dans les asiles
mixles de Bavière, la proportion centésimale des guérisons n'est
pas moindre qu'àKoenigsberg, quand on élimine du calcul tous
les incurables.
M. MESCHEDE. La première objection de Jehn est sans importance;
les incurables calmes, inoffensifs n'appartiennent pas à un asile
actif au point de vue thérapeutique.
M. Kaiilbaum est d'accord avec Meschede, en ce sens que, dans
les établissements mixtes, les malades se sont à ce point multi-
pliés qu'on se trouve gêné pour les traiter. Maints asiles sont
devenus des hospices d'infirmes. Il faudrait transporter une partie
de ces malades dans des asiles d'infirmes proprement dits pour
psychopathes.
M. EysFLci-i. De l'influence des conditions atmosphériques et en
particulier de l'ozone sur l'état des névropathes chroniques.
Depuis décembre 1882, l'auteur a noté la pression, la température,
l'étal hygrométrique et ozaométrique de l'air. La détermination
quantitative de l'ozone a eu lieu chaque jour en trois périodes,
à l'aide du papier iodo-amidoné, d'après l'échelle des couleurs
de Lender. La proportion la plus forte se ; manifeste en moyenne
la nuit; pas d'ozone quand les nuages se forment en abondance.
Les malades avaient en même temps à remplir eux-mêmes des
pancarles de questions contrôlées et, au besoin, complétées par
le médecin. Quelle est l'influence de l'ozone sur le sommeil ?
Près de 2,000 observations individuelles (neurasthénie, hystérie,
hypochondrie, états d'excitation ou de faiblesse, maladies de coeur,
affections chroniques des poumons) autorisent les conclusions sui-
vantes : 9°Un air assez chargé d'ozone en permanence (au-delà du
n° 10 de l'échelle) n'agit pas favorablement, surtout sur les étals
d'agitation du système nerveux. Il ne; s'agit ici que de la propor-
tion diurne, les locaux d'habitation n'ayant pas encore décelé
d'ozone, 3° La réaction du papier d'épreuve qui ne dépasse
pas le n° 10, mais qui avoisine ce point d'une façon assez
continue, fournit généralement les résultats les plus favorables :
3o les réactions entre les n', 9 et 4, produisent des troubles
déjà perceptibles, surtout quand, en même temps, l'état hygros-
copique s'éloigner de la moyenne; 4° une proportion encore
i<2 SOCIÉTÉS SAVANTES.
plus faible entraîne souvent des troubles tout a fait remar-
quables du côté de l'état général ; une réascension rapide déter-
mine souvent une amélioration frappante. Ainsi quand soudain
on constate une très faible quantité d'ozone, les individus
déprimés sont encore plus tristes, plus mécontents, plus apa-
thiques ; ceux qui sont sous l'influence de congestions passives
deviennent plus irritables, anxieux, indécis. Une quantité très
forte d'ozone produit ou augmente les phénomènes d'excitation,
les angoisses, les conceptions irrésistibles, l'excitabilité hysté-
rique, les idées de persécution ; mais tous les états d'affaiblis-
sement, d'affaissement purement physique se trouvent alors à
leur aise. Les variations ozonométriques médiocres exercent peu
d'influence. L'orage exerce ◀tantôt▶ une action excitante, ◀tantôt▶
une action paralysante. Le sommeil dépend, dans une forte
mesure des autres conditions que voici : Quel air a respiré le
malade ? combien de temps et dans quelle attitude (station
assise, marche, piomenade en voiture) ? L'a-t-il respiré pendant
la journée ? Quelle proportion d'ozone a prédominé pendant la
nuit au dehors ?
M. 1 r.ESCa. Sur l'état anatomique de la moelle épinière de deux
microcéphales. Examen des chiffres et mensurations tout
récemment consignés par Mme Steinlechner, dans sa thèse. Des
dessins et tableaux, il résulte que, quand le cerveau antérieur
(hémisphère, corps strié, corps calleux, trigone) présente une
lacune très prononcée, le développement des faisceaux pyra-
midaux et des cordons de Goll souffre un certain arrêt dans
la quantité de la substance; il en est de même des cordons
antérieurs bien qu'à un moindre degré. Des lacunes très
étendues s'accompagnent encore d'atrésies de la substance grise
et en particulier, des cellules nerveuses de la moelle épinière.
Mais on ne saurait distinguer si tels ou tels groupes fasci-
culaires ont plus fortement pris part au déficit dans les
systèmes en question.
Section de médecine interne
M. Struempell. De l'encéphalite aiguë des enfants (poliencéphalite
aiguë, paralysie infantile c'6('f(t). Cette affection, proche
pareille de la paralysie infantile spinale, qui, au lieu de la
substance grise antérieure de la moe'le, n'atteint que l'écorce du
cerveau, ne se manifeste généralement que pendant la première
aimée de la vie, sans que la plupart du temps on puisse constater
sûrement de cause particulière. Stade initial : fièvre, vomisse-
ments, convulsions, pouvant d'ailleurs n'être uue faiblement
marqué. Ce n'est ordinairement qu'à la suite de ce syndro.ne que
l'on iemarque la paralysie d'une moitié du corps : hémiplégie
SOCIÉTÉS SAVANTES. 113 3
assez complète qui rétrogresse graduellement et laisse après
elle des parésies occupant surtout le domaine des nerfs péroniers,
rarement celui du facial ; on a vu en plusieurs cas du strabisme.
Jamais d'atrophie musculaire dégénératrice à proprement par-
ler, jamais de réaction dégénérative ; quelquefois l'extrémité
parétique cesse de croître ; presque toujours les réflexes tendineux
sont exagérés. Il reste fréquemment en permanence des convul-
sions épileptiques qui commencent du côté paralysé, de l'athétose
dans les extrémités paralysées, du trouble de la parole. Assez
souvent on note des troubles intellectuels évidents, des lacunes
morales. La sensibilité du côté atteint est ou normale ou légè-
rement émoussée. A l'autopsie, on trouve des pertes)de substance
porancéplialiques dans le territoire cortical moteur, d'origine
inflammatoire évidente. *
Discussion :
M. Seeligmueller. Le facial est souvent légèrement atteint.
Une fois j'ai rencontré une sclérose diffuse de la substance
blanche. (.4%. Zeilschr. f. Psych. XLI, 4-5.) P. KÉRAVAL.
SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET PSYCHOLOGIE LÉGALE
DE VIENNE
Séance du 26 mai 18811.
M. 1 ntrsctt lit un mémoire sur le délire systématique des gens qui
se plaignent sans cesse. Sera publié M extenso'. 2.
Séance du 18 décembre 1884.
M. 11OLrOENDER présente une malade facile à hypnotiser. Renou-
vellement du bureau : Président, M. Meynert. - Vice-président,
M. Pohl. - Trésorier, M. Grunberg. Conseil d'administration,
MM. Vimmer, Bresslauer, Fritsch et Ptleger. Secrétaires,
MM. llolloender, von Pfungen.
1 Voy. Archives de Neurologie, t. VI. Depuis cette époque, nous ne
trouvons comme compte rendu de la Société, dansson organe, que celui
du 3t mai 1883. Cette séance ne comporte que deux faits importants :
le renouvellement du bureau, et la nomination d'un comité composé de
Fritsch, Ilofmann, Holler, lleyert, l'olrl, Pfleger, Schwab, chargé de trai-
ter la question de la Séquestration des criminels aliénés. Les autres séances
ont probablement été passées sous silence parce qu'elles sont représentées
dans le corps du journal par la publication in extenso des mémoires lus
dans le sein de la Société. On en trouvera l'analyse aux Revues anal. P. K.
2 Voy. Archives de Neurologie, Revues analytiques.
Archives, t. XI. 8
114 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Séa71ce du 29 janvier 1885.
M. Wimmer remplace 111. (lui résigne sesfonclious de
trésorier. M. Pfleger, qui quitte la société, est remplacé par
At. Bresslauer.
M. Meynert présente deux malades qui lui ont été envoyés par
Wiederhofer, de l'hôpital des enfants de Sainte-Anne. Ces petits
malades ont tous deux été atteints de convulsions cloniques, d'al-
lures différentes suivant l'étendue et les conditions dans lesquelles
elles ont progressé et diminué. Un garçon de dix ans était en
proie à des alternatives de convulsions inspiratoires et expiratoires
avec co-participation de l'ensemble des muscles auxiliaires de la
respiration. Pendant les accès les plus violents, lesjambes étaient
projetées, tandis que les bras subissaient des secousses simultanées
constantes, et que la bouche se trouvait tiraillée par des grimaces
en rapport avec les mouvements respiratoires. Il suffisait de sou-
mettre le patient à une occupation psychique quelconque pour
arrêter ou tout au moins affaiblir ces attaques convulsives, et aug-
menter, de ce fait, les intervalles de pause. On les voyait cesser
tout à fait pendant quelques minutes en faisant lire l'enfant à
haute voix devant quelqu'un ; lui proposait-on de compter le
nombre de lampes contenues dans les candélabres, on les voyait
devenir notablement plus rares. Une fillette de huit ans mani-
festait des convulsions choréiquesqui, comme on sait, augmentent
notoirement sous l'influence d'une préoccupation volontaire. -
Ces deux genresde phénomènes convulsifs ne doivent point, d'après
leur nature être indistinctement rangés sous la dénomination de
chorée. On réservera ce nom à ceux qui deviennent plus intenses à
l'occasion des mouvements intentionnels ; ils émanent de l'irradia-
tion des excitations à l'intérieur du corps strié (noyau caudé ou
lenticulaire). Quant à ceux qui s'arrêtent sous l'influence de la
sollicitation fonctionnelle du cerveau antérieur (hémisphères,
corps strié, corps calleux, trigone), que cette sollicitation soit d'o-
rigine psychique ou motrice (mouvements voulus), ils n'ont rien à
voir avec la chorée. L'association aux mouvements respiratoires
de convulsions pathologiques plaide en faveur de l'existence d'un
foyer excitant la région protubérantielle voisine du centre respi-
ratoire. Car il est évident que cette substance grise sous-corticale
doit subir un arrêt fonctionnel de la part de l'excitation du cer-
veau antérieur. Meynert rappelle les lésions nécroscopiques ren-
contrées par lui et les auteurs dans la chorée mortelle, les cas
dans lequels on a trouvé un foyer embolique l'intérieur du corps
strié. Un tel foyer peut, à raison de la destruction minime, pro-
duire des phénomènes paralytiques si faibles qu'ils échappent à
SOCIETES SAVANTES. 115
notre observation ; il n'apparaît que l'action 'irritative du foyer
qui augmente la conductibilité transversale, c'est-à-dire l'irradia-
tion à l'intérieur de la substance grise du corps strié. Dans la
chorée vraie de cette sorte, toute excitation du cerveau antérieur
excite en même temps le corps strié. L'ancienne manière de voir de
Chauveau, d'après laquelle la chorée indiquerait simplement une
lésion des ganglions sous-corticaux, au sens strict du mot, c'est-à-
dire des masses grises situées au delà de la couche optique, cette
opinion aurait en apparence un élément en sa faveur dans la des-
cription relative au chien qui, à la suite de la séparation de la
moelle et du cerveau, aurait continué à présenter des convulsions
soi-disant choréiques. Abstraction faite de cette objection que le
diagnostic établi chez un animal ne comporte que difficilement
des inductions certaines à l'actif de l'homme, la chorée de
M. Chauveau ne représente pas précisément les phénomènes issus
d'une excitation du corps strié qui doit entraîner l'arrêt de fonc-
tionnement de la substance grise sous-corticale. Dans la chorée,
en effet, il existe toujours une diminution de la sensibilité au cha-
touillement de la plante des pieds ; jamais il n'y a exagération des
réflexes tendineux ; assez souvent même les réflexes sont manifes-
tement diminués.
M. Holloender. Gommmaiccation sur les nouvelles théories de
l'épilepsie.
Séance du 26 février 1885.
M. Meynert, comme introduction à ses démonstrations, au moyen
de la chambre claire électrique, sur la fine structure du système
nerveux central, montre la répartition des masses grises sur des
coupes verticatesantéro-postérieures d'encéphaiesdesinges. Onest
frappé du volume de la substance grise contrastant avec la par-
cimonie des cellules nerveuses et des irradiations blanches qui
en partent, chez le singe et les animaux situés plus bas dans
l'échelle zoologique, quand on compare leur encéphale à celui de
l'homme. Ces faits prouvent que c'est non pas la substance fonda-
mentale servant de lit aux cellules nerveuses, mais bien la cel-
lule même, qui assure la richesse de la fonction. La configuration
et la stratification des masses grises, la variété dans la direction
et l'origine des fibres de la couronne rayonnante qui irradient
dans ces masses, légitiment l'opinion émise par Meynert, bien
avant la découverte des territoires moteurs de l'écorce, d'après la-
quelle les diverses casesde l'écorce considérées comme champs de
projection de divers groupes de fibres nerveuses possèdent égale-
ment une fonction différente; ainsi l'écorce du lobe frontal serait
motrice, celle des lobes occipitaux et temporaux serait sensorielle.
M. J. Pop est reçu membre de la société.
116 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Séance du 26 mars 1885.
M. Meynert montre, sur une série de coupes verticales antéro-
postérieures pratiquées à travers le cerveau du chevreuil et de
l'homme, le trajet des irradiations du système des fibres de la cou-
ronne rayonnante par les capsules externe et interne dans le noyau
lenticulaire. On sait, comme le montrent les préparations, que les
irradiations de la capsule interne, sont nombreuses et indubita-
bles. Leur système de fibres se rassemble pour constituer les
lames médullaires (laminas medullares) en couches épaisses de
tractus qui, en descendant, forment les parties constitutives de
l'anse du noyau lenticulaire. Une autre, partie de ce système se
rend, en fournissant les rayons du secteur que met en lumière la
coupe transverse, dans les articles moyen et interne; l'abondance
des fibres dans l'article interne en produit l'aspect blanchâtre,
d'où les noms de globus pallidus. Une étude plus exacte du trajet
de la capsule interne, du système de fibres de l'article externe du
noyau lenticulaire, du trajet de l'anse du même noyau démontre
ce qui suit. L'article externe du noyau lenticulaire reçoit aussi, par
la couronnerayonnante, des irradiations de la capsule interne. La
capsule externe forme, sur une coupe transverse (coupes verticales
et transversales), un triangle dont la base est dirigée en haut et le
sommet en bas. Ce fait de morphologie ne peut être interprété
qu'à l'aide de l'opinion d'après laquelle la capsule interne perdrait
graduellement, progressivement de haut en bas, un nombre de
fibres égal à celui de ses irradiations dans l'article externe du
noyau lenticulaire. Chez les animaux inférieurs, par exemple chez
les taupes et les chevreuils, Meynert est très facilement parvenu à
déceler les irradiations, à n'en pas douter, sur des coupes verticales
et transversales. Chez l'homme, la preuve objective en est très dif-
ficile à faire. Meynert en exhiba une rare préparation. Ce fait que
déjà l'article externe du noyau lenticulaire reçoit des irradiations
du système des fibres de la couronne rayonnante permet de saisir
aisément que la masse des fibres qui en sortent passe dans l'anse
du noyau lenticulaire et commencent non pas à la lame médullaire
externe, mais dès la base de l'article externe du noyau lenticu-
laire. M. Meynert montre en outre, sur des coupes transverses et
horizontales du cerveau, la variété des sources d'irradiation dans
les ganglions de la base et notamment les irradiations qui issues
des lobes occipitaux, temporaux et pariétaux entrent dans la cou-
che optique, ainsi que celles qui partent du lobe frontal pour ga-
gner les noyaux lenticulaire et caudé.
M. Konrad est reçu membre de la société. (Tnlar61 : li. f. Psych.
VI, 1.) .)
SOCIÉTÉS SAVANTES. 117
CONGRÈS DE PI1R$N(A'PRI ET DE NEUROPATHOLOGIE
D'ANVERS
La Société de Médecine mentale de Belgique avait décidé dans
une de ses séances, de tenir cette année à Anvers, à l'occasion
de l'Exposition universelle, une réunion extraordinaire à laquelle
seraient conviés tous les médecins aliénistes de l'étranger, ainsi
que les magistrats, lescriminalisteset, d'une façon générale, tous
ceux qui s'intéressent à la question des aliénés.
Cette réunion a eu lieu du 7 au 9 septembre dernier sous le nom
de Congrès de phréniutrie et de neuropathologie; elle était composée
en grande majorité de médecins belges et étrangers. Parmi ces
derniers, nous citerons : 111\I. Christian,et Garnier, délégués de la
Société médico-psychologique.de Paris : M. le D''Magnan, médecin
de l'asile Sainte-Anne. M. le professeur Miersjewsky (de Saint-
Pétersbourg), M. Hernberg (de Copenhague), M. Benedikt (de
Vienne), M. Hack Tuke(de Londres), etc., etc.
Les membres du Congrès ont été reçus, à l'hôtel de ville, par
M. le bourgmestre qui leur a souhaité la bienvenue et a remercié
la Société de médecine mentale d'avoir choisi la ville d'Anvers
pour siège du Congrès.
Immédiatement après cette allocution, l'assemblée a élu son
bureau.
Ont été nommés : Président, M. V. Desguin (d'Anvers);
Vice-Président, M. Lentz (de Bruxelles); Secrétaire général :
M. Iiigets (de Gand); Secrétaires, M. Cuylitz (de Bruxelles) et
J. More ! (de Gand).
M. Desguin, président de la Société de médecine mentale de
Belgique, a pris ensuite la parole; après avoir remercié les
membres étrangers d'avoir bien voulu apporter leur concours à
l'oeuvre entreprise par la Société, l'orateur a fixé l'ordre du jour
des travaux du Congrès. Deux questions importantes, dont la
portée sociale n'a pas besoin d'être démontrée vont être soumises
à ses délibérations : il s'agit, d'une part, de Rechercher les bases
d'une bonne statistique internationale des maladies mentales; de
l'autre d'examiner les Relations qui existent entre la criminalité et
la folie.
Ces deux questions ont déjà été l'objet des délibérations de la
Société de médecine mentale. M. Lefebvre, professeur à l'Uni-
versité de Louvain, a été chargé de faire un rapport sur la
première, et M. le Dr Semai, médecin directeur de l'asile
118 SOCIÉTÉS SAVANTES.
d'aliénés de llfons, sur la seconde. C'est à la discussion de ces
deux rapports qu'ont été consacrées les séances du matm ;
celles de l'après-midi ont été réservées à la lecture de commu-
nications diverses. Nous nous proposons de présenter un résumé
succinct de ces communicationset d'analyser ensuite brièvement
les rapports de MM. Lefebvre et Semai, ainsi que les discussions
auxquelles ils ont donné lieu.
11f. Oon.anT, inspecteur général des établissements d'aliénés de
la Belgique, a lu un travail sur la Colonisation des aliénés. En
Belgique, comme dans beaucoup d'autres pays, le nombre des
aliénés et particulièrement des aliénés indigents s'accroît de
jour en jour. Les asiles destinées à les recueillir deviennent
insuffisants. Au lieu d'en ériger de nouveaux à grand frais,
M. OudarL se déclare partisan de la création de nouvelles
colonies d'aliénés. Deux de ces colonies existent déjà : la pre-
mière est située à Ghell, près d'Anvers; la seconde à Berghen,
dans la province de Liège. La colonie de Gheil, qui existe depuis
plus décent ans. est très célèbre. On y compte actuellement plus
de seize cents aliénés, qui jouissent de tous les avantages de la
vie de famille et d'une liberté presque complète. Sans doute,
tous les aliénés ne peuvent pas être soumis à ce régime; M. Oudart
estime cependant qu'un tiers environ des aliénés pour lesquels
on réclame la séquestration pourraient être placés sans incon-
vénient dans une colonie. D'autre part, l'économie qui résulterait
de ce mode d'existence serait considérable; par conséquent, au
point de vue des communes, comme au point de vue des
malades, il y aurait avantage à créer de nouvelles colonies.
11. 13cwnrx·r (de Vienne) a fait ensuite une communication
sur les effets thérapeutiques de l'électricité statique. Employée
sous la forme de douche, l'électricité statique serait un puissant
modificateur de la circulation intra-ctânienne, c'est ainsi que
l'orateur explique les heureux résultats qu'il a obtenus de cet
agent dans le traitement des troubles auriculaires, parfois si
pénibles et toujours difficiles à combattre, qui accompagnent un
grand nombre de maladies du système nerveux. M. Benedikt a
rapporté, en outre, plusieurs cas d'amnésie et un cas de manie
de grandeurs qui auraient été également guéris par l'emploi de
la douche électro-statique.
M. Garnier (de Paris) a communiqué un intéressant rapport
médico-légal : il s'agit d'une jeune femme qui fut arrêtée en
flagrant délit de vol dans les magasins du Printemps. En même
temps que plusieurs objets dérobés, on trouva sur elle une
seringue de l'ravaz et une solution de morphine. L'enquête qui
fut faite à cette époque démontra que cette jeune femme faisait
depuis plusieurs années, un usage fréquent des piqûres de
SOCIÉTÉS SAVANTES. 11 9
morphine qui lui avaient été prescrites autrefois pour combattre
des douleurs névralgiques abdominales. Il résulte, d'autre part,
de l'examen auquel s'est livré le Dr Garnier que, malgré ses
dénégations, cette femme au moment du vol jouissait encore
de l'intégrité parfaite de ses facultés, du moins d'une raison
suffisante pour apprécier la nature de l'acte qu'elle commettait.
Mais là ne réside pas l'intérêt de cette communication : après
son arrestation, cette femme fut séquestrée à Saint-Lazare et mise
dans l'impossibilité absolue de se pratiquer de nouvelles piqûres :
nr, s jus l'influence de cette cessation brusque du poison, elle fut
prise de crises hystéro-maniaclues dont le Dr Garnier a pu suivre
toutes les phases et que l'on ne saurait, par conséquent, mettre
sur le compte de la simulation. Ce qui prouve, en outre, que
l'apparition de ces crises était bien due à la morphine, c'est qu'une
piqûre les faisait immédiatement cesser : d'où il est permis de
conclure qu'il existait chez cette femme une intoxication mor-
phinique réelle, malgré l'intégrité apparente de ses facultés.
M. Ph. Rey, médecin-adjoint de l'asile de Ville-Evrard, adonné
lecture d'une note dans laquelle sont envisagés les rapports de
l'hystérie avec la paralysie générale chez la femme. Sur trente
femmes atteintes de paralysie générale, l'orateur aurait noté sept
fois les symptômes évidents d'hystérie. La coïncidence de ces
deux maladies ne serait donc pas exceptionnelle, comme quelques
auteurs l'ont prétendu. D'autre part, il résulte de l'examen minu-
tieux des sept cas cités, que la marche de la paralysie générale
n'est nullement influencée du fait de l'existence de l'hystérie :
deux fois seulement, M. Rey a noté un délire érotique. Quant à
l'hystérie, ses manifestations s'atténuent en général au sur et à
mesure que la paralysie générale se développe et s'aggrave.
Dansla même séance, MM. BROKER, directeur de la maison de l'a-
sile de Bendorf,et S.»ar ont exposé les bons effets qu'ils ont retiré de
l'emploi de ialcoul devin dans le trcvitcmentde la plupart des manies
et des folies organiques ; M. GIR.1UU, médecin de l'asile de Quatre-
Mares, a donné lecture d'un travail deM. Foville (de Paris) sur le
droit de requête des aliénés devant les tribunaux civils ; M. CLORET
(de Liège) a fait une communication sur le rôle de l'excitation
maniaque dans le développement de la plupart des psychopa-
thies ; enfin, M. CurLnrz(de Bruxelles) a donné lecture d'un tra-
vail de M. Régis sur les différentes formes de délire émotif.
Dans la séance de mardi, 111. VEnRIesT, professeur à. l'Uni-
versité de Louvain, a présenté une malade qui offre uu exemple
assez remarquable de trois existences cérébrales distinctes. 11 s'agit
d'une hystérique dont les premières grandes attaques remontent
a l'âge de quinze ans. Plus tard, cette malade eut plusieurs atta-
ques de léthargie et de mort apparente de quelques heures de
120 SOCIÉTÉS SAVANTES.
durée. Plus tard encore, elle présenta un sommeil non interrompu
de quatre semaines, sans qu'elle bût ou mangeât quoique ce fût,
et, sans que, d'autre part, il se produisit une dénutrition sensible.
Une paralysie complète se montra au bras gauche, mais cessa
spontanément après une durée de quelques semaines. Par contre,
une paralysie de la jambe droite resta permanente et existe encore
aujourd'hui. Enfin, depuis 1879, la malade présente les phéno-
mènes du dédoublement de la personnalité ; elle possède réelle-
ment deux existences intellectuelles bien séparées : une existence
normale ordinaire et une existence seconde.
Lorsqu'on lui rend visite, on la trouve toujours dans 1"étitt
second, qui est devenu son état habituel. Les personnes qui n'ont
pas l'habitude de la voir ne peuvent alors constater qu'elle est
malade, car les sens et l'intelligence sont intacts et même bien
plus éveillés qu'en condition normale. Un symptôme caractéris-
tique de cet état, c'est qu'elle ne sait absolument pas avaler les
liquides et difficilement les solides. Au contraire, dans son état
physiologique régulier ou condition première, la malade est plus
triste, plus abattue ; elle sait avaler les liquides et les solides, mais
ne peut proférer aucune parole. Elle communique par écrit les
réponses aux questions qu'on lui fait. Elle n'a aucun souvenir de
ce qui s'est passé pendant son état antérieur, son état second; de
même que, durant ce dernier état, elle n'a aucun souvenir de ce
qui s'est passé pendant son état premier.
M. Verriest a, tour à tour, provoqué l'apparition des deux états;
il a présenté d'abord cette malade dans son existence seconde,
et l'a ramenée ensuite à son état normal. Pour cela, il suffit de
lui commander de s'éveiller en l'interpellant brusquement :
immédiatement quelques secousses nerveuses se produisent dans
les membres supérieurs; puis, la malade s'éveille en souriant et
se trouve dans son état normal. Alors elle ne sait plusoù elle est;
sa physionomie est inquiète, incapable d'exprimer sa pensée par
la parole (l'articulation des mots est aphone), elle écrit pour
demander le lieu où elle se trouve, quelles sont les personnes qui
l'entourent, etc., et profite de ce nouvel état pour boire avide-
ment plusieurs verres d'eau.
Cette existence première ne se maintient que pendant une
heure environ, et spontanément la malade retombe en condition
seconde. Depuis peu, il est devenu possible de la faire entrer dans
une espèce d'état tioisième en appuyant légèrement etrapidement
sur les globes oculaires : ce troisième état diffère essentiellement
de l'hypnotisme par le jeu parfait de l'intelligence et de l'impos-
sibilité de provoquer la moindre suggestion. Dans cet état, la
paralysie de la jambe droite disparaît, mais la vue se tiouble et
tous les sens deviennent obtus, à l'exception de l'ouie. La patule
SOCIÉTÉS SAVANTES. 121
se perd en même temps, mais il suffit de presser sur les dernières
vertèbres cervicales pour qu'elle revienne aussitôt, précédée de
quelques mouvements de mâchonnement et de déglutition.
Il est donc possible de faire passer cette malade par trois états
de conscience distincte. Il est impossible, dans l'état actuel de la
science, de donner l'explication physiologique de ce fait, il permet
toutefois de répéter complètement l'hypothèse de ceux qui pré-
tendent expliquer le dédoublement de la personnalité par l'indé-
pendance fonctionnelle des hémisphères cérébraux.
Cette remarquable observation avait été précédée d'une autre
communication de M. Verriest sur les paralysies par l'inconscience
que nous nous bornons a mentionner.
Après M. Verriest, M. Christian (de Paris) a fait une commu-
nication sur la prétendue fragilité des os chez les paralytiques
généraux. Le titre même de ce travail nous montre que l'orateur
ne partage pas l'opinion de beaucoup d'auteurs sur l'existence
d'une altération particulière de tissu osseux dans la paralysie
générale. Pour combattre cette opinion, M. Christian s'appuie
d'abord sur les examens microscopiques des os qu'il a pratiqués,
soit chez les paralytiques généraux, soit chez les autres aliénés ;
ces examens ont été absolument négatifs.
En outre, les observations que l'on a invoquées pour démontrer
cette altération du tissu osseux sont peu probantes, car, sans
parler des lacunes qu'elles contiennent, on est forcé de reconnaître
que dans la plupart des cas le diagnostic n'a pas été rigoureu-
sement établi.
Reste un dernier argument invoqué par les partisans de
l'ostéomalacie paralytique : ce sont les statistiques qui ont été
publiées en Angleterre; mais les conditions dans lesquelles ces
statistiques ont été dressées leur enlèvent toute valeur ; il s'agit,
en effet, du nombre total de fractures, notamment de fractures
de côtes qui ont été rencontrées à l'autopsie des paralytiques
généraux; l'époque à laquelle remontent ces fractures n'étant
pas indiquée, il est permis de supposer qu'elles sont antérieures
au développement de la paralysie générale, et, d'autre part, à
supposer même qu'elles se soient toutes montrées dans le cours
de cette maladie, il y aurait encore lieu do faire la part du
traumatisme, des chutes,, si fréquentes parmi les paralytiques
généraux, des rixes des malades entre eux, et même des violences
de leurs gardiens.
Par conséquent, au point de vue clinique comme au point de
vue histologique, rien ne démontre qu'il existe, dans la paralysie
générale, une altération spéciale du tissu osseux.
M. MARtQUK(de Bruxelles) a pris ensuite la parole pour exposer
le résultat de ses expériences sur le mécanisme du fonctionnement
122 SOCIÉTÉS SAVANTES.
des centres nerveux. (Cette communication n'a été que le résumé
d'un tiavail de l'auteur qui sera analysé ici ultérieurement.)
La seconde partie du Congrès a été consacrée à la discussion
des rapports de MM. Lefebvre et Semai. Le premier de ces
rapports a pour titre : « Des bases d'une bonne statistique
internationale des maladies mentales ». 11 est évident que, pour
élucider le problème si ardu de la genèse des maladies mentales
et celui encore controversés, des rapports delà folie avec la civi-
lisation, une statistique internalionalevfournirait des matériaux
précieux.
Mais pour qu'une statistique ait de la valeur, il faut que la
signification des unités que l'on additionne soit bien définie. Il
semble donc qu'une bonne classification des psychoses, d'une
bonne statistique soit la condition préliminaire et indispensable,
Malheureusement, cette classification n'existe pas. Est-il donc
impossible de trouver une base pour asseoir une statistique inter-
nationale. Non, d'après le rapporteur, il suffisait de s'entendre
pour adopter un certain nombre de types morbides, comprenant
les maladies mentales qu'on rencontre le plus communément
dans la pratique et auxquelles on rattacherait comme variétés
les autres formes morbides que l'observation clinique ne révèle.
En conséquence, M. Lefebvre proposait au Congrès de réunir
à l'avenir les éléments d'une statistique internationale sur le
nombre des aliénés dans une circonscription donnée, les causes
de l'aliénation en général et, autant que possible des espèces, la
durée de la maladie, sa terminaison et sa létlaalité.
La discussion de ce rapport a été très brève et n'a guère porté
que sur deux points : il s'agissait d'abord de savoir si tous les
aliénés d'un pays devaient être compris dans les statistiques et
ensuite quels étaient les types de maladies mentales assez uni-
versellement reconnus pour être admis à y figurer. A la première
question, quelques orateurs ont répondu que tous les aliénés
libres ou séquestrés, devaientnatureilementrontrer dans la statis-
tique ; maisles autres ont objecté que, dans la plupart des pays, on
n'avait aucun moyen de contrôle sur les aliénés très nombreux
qui sont soignés dans leurs familles. Delà une première difficulté
presque impossible à résoudre.
Sur le second point, des divergences ont éclaté plus
grandes encore. Si tout le monde, en effet, s'entend lorsqu'on
parle de paralysie générale, d'idiotie, de crétinisme, etc., il
n'en est plus de même lorsqu'il s'agit de psychoses proprement
dites. L'accord ne pouvait donc pas se faire et toute tentative de
ce genre aura le même résultat, parce qu'elle est prématurée.
Néanmoins, le Congrès a décidé à la suite de cette discussion
que l'élaboration d'une classification, destinée à servir de base
SOCIÉTÉS SAVANTES. 123 3
à une statistique internationale sera confiée à un comité
international composé de la façon suivante : le bureau du
Congrès nommera d'abord autant de membres qu'il y a de
nationalités, puis chacun de ces membres, après avoir référé, à
la Société psychiatrique de son pays, s'en associera deux autres.
La thèse soutenue par M. Semas dans un rapport sur les
Relations entre la criminalité et la folie est, en somme, celle qui
depuis plusieurs années déjà a été défendue avec beaucoup
d'éclat et de retentissement par MM. Maudstey, Lombroso,
Solbrig et quelques autres pour lesquels la communauté d'ori-
gine du crime et de la folie est absolument incontestable.
S'appuyant aussi bien sur les travaux de ces auteurs que sur
un grand nombre de dossiers médico-judiciaires qu'il a eus entre
les mains, 111. Semal a eu l'heureuse idée de tenter un grou-
pement des criminels, calqué sur la classification préconisée par
M. Maquard pour les dégénérés.
« Lorsque l'on compare, dit l'orateur, les actes délirants et
« criminels, on y rencontre en effet ou la passivité ou l'instinc-
« limité ou le cachet impulsif des actes, et jusqu'à cette obsession
« d'ordre purement psychique qui caractérisent les différents
« groupes de dégénérés si nettement décrits par notre savant
« collègue. Si donc il existe une psychose, une folie criminelle,
« c'est-à-dire une aberration psycho-morale poussant aux satis-
« factions égoïstes plus ou moins brutales ou raffinées, ce n'est
« encore qu'une des phases, qu'un des épiphénomènes de
« l'atavisme morbide. »
On voit par ces quelques lignes, l'importance du problème
posé par M. Semai et la hardiesse avec laquelle il a été abordé;
on pouvait donc supposer que la discussion serait assez vive, il
n'en arien été. A vrai dire, M. Semai n'a pas trouvé un seul
contradicleur parmi les orateurs qui ont pris la parole après lui,
et la conclusion de son rapport a été adoptée à l'unanimité.
Auparavant, M. l3EaEOihr (de Vienne) a tracé un tableau très
complet des différentes formes de ,1a neurasthénie chez l'enfant
et chez l'adulte, envisagée au point de vue de ses conséquences
physiques, intellectuelles et morales. D'après l'orateur, qui a
donné au développement de cette question une grande étendue.
la psychologie des criminels serait tout entière subordonnée à
l'existence de cette neurasthénie qu'il érige en véritable diallièse
etqu'il considère comme une sorte de terrain neutre sur lequel
évoluent avec une égale facilité la folie et la criminalité. Pour-
suivant cette étude au point de vue pratique, M. Henedikt a
montré les relations de la neurasthénie avec les différentes
formes de la criminalité, et tenté un groupement de criminels
basé sur cette doctrine.
124- BIBLIOGRAPHIE.
M11. NAnoors et WAUEN ont ensuite pris la parole pour
revendiquer en faveur de l'anthropologie une part importante
dans le projet d'enquête réclamée par M. Semai, puisl'assemblée
a voté, à l'unanimité, les résolutions suivantes :
« Le Congrès, en présence des faits d'ordre anatomique, phy-
siologique et clinique, qui démontrent l'utilité de recherches à
faire sur les différentes catégories de délinquants, émet le
voeu : 1° que les pouvoirs publics continuent à favoriser l'enquête
entreprise sous les auspices de la Société de médecine mentale de
Belgique; 2° qu'une commission ou seront représentés, en
nombre égal, les magistrats, l'élément médical et l'administration
supérieure des prisons, soit chargée d'organiser une enquête
qui devra s'étendre : A, aux prévenus soupçonnés d'aliénation
mentale; B, à tout individu ayant commis, en état de folie reconnue
un crime quelconque ; C, aux grands criminels; D, aux criminels
devenus aliénés depuis leur détention. »
Enfin une proposition de M. l3r.nemhn, tendantà l'établissement
de cliniques criminalistes dans les prisons pour servir à l'éducation
des juges et des magistrats, a été également adoptée à l'unanimité
par l'assemblée.
La session du Congrès de phréniatrie et de neuropathologie
de 1885 a été ensuite déclarée, close après une courte allo-
cution de M. Desguin. G. DENY.
BIBLIOGRAPHIE
1 Eléments d'anthropologie générule, par le D Paul Topinard,
professeur à l'école d'anthropologie. Paris, A. Delahaye et
E. Lecrosnier, éditeurs, place de l'Ecole-de-Médecine. 1 vol ,
1,157 pages, avec 229 figures et 3 planches.
L'histoire naturelle de l'homme, délaissée hier encore par les
naturalistes et abandonnée aux polémiques sentimentales,
occupe enfin aujourd'hui le rang qui lui est dû parmi les sciences
biologiques. Ce ne sera pas le moindre honneur de l'École de
Paris d'avoir su la dégager des recherches métaphysiques et des
discussions byzantines; grâce à la rigueur de ses méthodes et a
la précision de ses instruments, l'anthropologie n'a plus guère à
redouter les écarts d'imagination qui l'ont autrefois tant discré-
ditée dans le monde des savants. Le livre de M. Topinard marque
très nettement cette évolution : les poids, les chiffres, les mesures
qui remplissent ses nombreuses pages nous donnent, au premier
FAITS DIVERS. - 125
coup d'oeil, l'idée d'un ouvrage scientifique et non pas d'une
oeuvre lyrique. Ce n'est pas le roman, c'est l'histoire de l'homme.
« J'ai pensé, dit l'auteur, que la science de l'homme devait
rompre avec certaines croyances, envisager certaines questions
autrement, revoir ses méthodes, et, puisant à toutes les sources,
se faire internationaler. » C'est qu'en effet l'érudition tient la
première place dans ce travail ; les matériaax y sont accumulés
avec un grand soin; beaucoup d'entre eux sont d'ailleurs inédits
et pris dans les notes et les registres du laboratoire Broca.
Le livre se partage virtuellement en trois parties. La première
est consacrée aux généralités : historique, principes, méthodes
générales, questions d'ensemble, de types, de races, de milieux,
de classifications, etc. La seconde s'adresse aux travailleurs de
laboratoire; elle insiste sur les idées qui dirigent les recherches
crâniologiques et crâniométriques, discute les mesures, donne les
résultats acquis et se termine par une double liste, l'une étendue,
l'autre réduite, celle-ci à titre de mesures internationales pour
tous. La troisième partie concerne les voyageurs; elle insiste sur
la conduite qu'ils ont à tenir, sur l'anthropométrie et ses résultats
actuels; elle critique, simplifie, remanie les procédés et se ter-
mine par une double liste d'instructions pour le vivant, l'une
étendue, l'autre réduite.
A côté du travail d'érudition pure, il y a aussi dans le livre de
M. Topinard une oeuvre tout à fait personnelle. C'est pourquoi,
malgré l'abondance des documents, malgré l'aridité obligatoire
de certaines démonstrations, la lecture est facile et la recherche
rapide. Toutes les questions qui intéressent l'histoire de l'homme
sont soulevées dans cet ouvrage; assurément, toutes ne sont pas
résolues, mais les parties obscures sont présentées de façon à
attirer l'étude et à retenir l'attention.
Le Traité d'anthropologie de M. Topinard est dédié à ses
maîtres, Broca et M. de Quatrefages. Ce sont les opinions de nos
deux savants compatriotes qui servent de canevas à l'oeuvre tout
entière, c'est dire combien ce livre sera indispensable à tous
ceux qui, à leur suite, veulent contribuer au succès de l'école
française d'anthropologie. C.
FAITS DIVERS
Ecole d'infirmiers ET d'infirmières DE l'asile S.11NTE-ANNE. - Les
cours ont commencé le mardi 10 novembre f88, à deux heures
du soir, dans l'amphithéâtre de l'admission, et se continuent
126 FAITS DIVERS.
les mardis et vendredis suivants, à la même heure. Programme
pour l'année scolaire 488 : 5-8fi : Hygiène, pansement, petite chi-
rurgie et applications hydrothérapiques, physiologie, anatomie,
rapports de l'infirmier avec l'aliéné dans les différentes formes
mentales, petite pharmacie. Ces cours se font sous la direction
de MM. Bouchère vu, D.scorrET, médecin en chef, et QUES-
,NI,V]LLF, pharmacien en chef de l'asileSainte-Anne. Les personnes
étrangères à l'établissement qui désirent suivre ces'cours gra-
tuits doivent se faire inscrire tous les jours, de 10 heures à
4 heures, à la direction de l'Asile.
Statue de Broca. Les journaux politiques annoncent que le
jury chargé d'examiner les maquettes des trois lauréats du con-
cours institué récemment pour l'érection d'une statue à Broca,
vient de choisir M. Choppin, jeune statuaire sourd-muet. L'émi-
nent anthropologiste et chirurgien est représenté debout, uncrâne
dans la main gauche et un compas dans l'autre.
Concours DE l'internat en médecine des asiles d'aliénés de la
Seine. Le jury se composait de 11\I, l3oucliereaa, Legrand du
Saulle, Delens, Charpentier, Meriden, Briand, Vallon. Sur vingt
et quelques candidats inscrits, seize ont répondu à l'appel de
leur nom; ils ont alors été prévenus que le concours n'avait lieu
que pour quatre places (cinq avaient été annoncées), par suite du
retard apporté à l'ouverture du service des hommes de l'asile de
Villejuif. Le sujet était, pour la question écrite : Racines des
nerfs rachidiens (anatomie et physiologie). Les autres questions
restées dans l'urne étaient : nerf facial, artères du cerveau (ana-
tomie et physiologie).
Les questions orales ont été : Il des symptômes et complications
de la fièvre scarlatine; 2° des fractures de côtes. Les questions
restées dans l'urne étaient les suivantes : hémoptysie; du mal de
Pott et symptômes; diagnostic de l'occlusion intestinale; fractures
du col du fémur. Il s'est terminé par la nomination de 13au-
douiii, Jotideau, Journiac, IClein, Bartbomeuf, internes titulaires,
et de MM. Arnaud, Landrieu, Iloiieix de la Brousse, Paterne,
fournier.
Une visite A l'asile d'aliénés de Saint-Robert (Isère). Nous
venons de visiter l'asile des aliénés de l'Isère, situé à six kilo-
mètres de Grenoble, dans un des sites les plus ravissants de la
vallée du Grésivaudan.
L'asile est construit sur l'ancien emplacement d'un prieuré,
dont l'existence remontait au aIr siècle, on en voit encore des
traces dans le voisinage de l'établissement, et il reste une portion
du cloître dans le pensionnat des dames.
En 1844, quand M. le ))' Evrat fut nommé médecin-directeur
de l'asile, qui n'était qu'un affreux chaos et un établissement
faits DIVERS. 127 Î
détestable, il s'y trouvait 83 aliénés seulement a la charge du
département; depuis, ce nombre a décuplé. C'est au Dr l'svrat
que revient l'honneur, à travers des tracasseries bureaucratiques
sans nombre, d'avoir mis fin ;t cette situation et provoqué la
création du nouvel asile, dont le premier pavillon a été habité
en 1861 . L'asile de Saint-Robert, dont le plan est absolument per-
sonnel au 1), Kvrat, consiste en un ensemble de pavillons isolés, des-
tinés a. classer méthodiquement les malades et à les isoler selon
les fluctuations de leur état mental.
11 a été construit pour une population primitive de 400 aliénés,
et il en renferme aujourd'hui plus de 800; ses successeurs ont dû,
par suite, l'agrandir au sur et à mesure des besoins, en respec-
tant autant que possible les données du plan primitif.
C'est ainsi que M. le Dr Cortyl, étant médecin en chef, et
M. Pinot dircteur, plusieurs pavillons ont été surajoutés; c'est à
cette période, que remonte la création des pensionnats des deux
sexes et celle des ateliers.
Les pensionnats réunissent toutes les conditions de confortable
voulues : salle de réunion, de lecture, de billard, salons, cham-
bres particulières, grands et beaux jardins; vue splendide, rien
n'y manque. Les prix de pension sont excessivement modérés.
Le département de l'Isère s'est imposé des sacrifices constants
pour fournir à l'asile de Saint-Robert les moyens d'améliorer
progressivement ses services. Il y a peu d'années encore qu'il a
élevé le prix de journée des malades qu'il y entretient, en vue des
nouvelles constructions, rendues nécessaires par l'accroissement
du nombre des aliénés. Les nouveaux pavillons ont été établis
sur les plans de M. Riondel, architecte, et sur les indications de
M. le Dr Dufour, médecin en chef. Ils constituent des types
parfaits de constructions hospitalières.
M. le D Dufour est, en effet, non seulement un spécialiste
distingué, mais encore un hygiéniste consommé. Aucune des
innovations de l'hygiène ne lui est étrangère et il a réussi à
donner, aux plans qu'il a inspirés, tout ce qui peut assurer la
salubrité des habitations collectives, chauffage bien entendu,
vaste aération, soins minutieux de tous les détails, en vue de la
spécialisation de ces habitations. Sous tous les rapports ces
nouvelles constructions sont excessivement bien comprises. Elles
marquent un progrès très réel sur les anciennes.
La cuisine de l'établissement forme un pavillon isolé, entre les
nouveaux bâtiments. On y remarque, ainsi qu'à la buanderie, un
système ingénieux et très hygiénique pour l'évaporation des
buées. La cuisson des aliments y est faite à la vapeur.
M. le Dr Dufour, qui est Dauphinois, a succédé au Dr Cortyl en
qualité de médecin en chef de l'asile Saint-Robert, il y a bientôt
neuf ans. C'est à son initiative et aux indications formulées dans
128 faits divers.
ses rapports que l'on doit les dernières améliorations réalisées
par l'administration de cet établissement.
Grâce à une surveillance bien entendue, réglée par le médecin
en chef et à un traitement individuel quotidien, minutieusement
suivi, l'agitation n'existe presque plus à Saint-Robert, où les
moyens de contrainte sont à peu près nuls. On voit, en visitant
cet asile, que la direction médicale, paternelle et affectueuse qui
y existe, produit d'excellents résultats. La persuasion, les (soins
assidus, les bons procédés y sont en effet les moyens d'action du
médecin en chef et du personnel placé sous ses ordres.
Le médecin en chef veille sur tout ce qui a trait à la direction
personnelle des malades ainsi qu'à la propreté des quartiers, qui
sont d'ailleurs admirablement bien tenus.
Le Dr Dufour, qui est un esprit innovateur, a introduit certaines
améliorations à Saint-Robert, qui ne peuvent avoir qu'un excel-
lent résultat pour les malades. Il a supprimé la douche de
répression, provoqué la constitution d'un orphéon, de concerts
et de spectacles, fait créer une salle d'étude, où les aliénés, non
occupés aux travaux manuels, peuvent tout à l'aise se livrer à un
travail intellectuel quelconque et où il est fait des lectures en
commun. L'asile compte une superficie de 43 hectares, en grande
et petite culture, et possède une colonie agricole annexe,' de
ateliers manuels divers, où les malades sont employés sur la
désignation du médecin en chef.
Les fonctions de directeur et de médecin en chef, primitivement
réunies, ont été divisées en 1867. Le service administratif est confié
à M. Pinot, directeur, assisté d'un receveur et d'un économe res-
ponsables et d'un secrétaire. Le service médical comprend un
médecin, en chef, un médecin suppléant et deux élèves internes.
Nous avons visité cet asile dans ses principales parties. Chaque
chef de service y a marqué son passage, après'le docteur lfvrat,
par des améliorations importantes. Le site où il est placé est
un des plus beaux du Dauphiné, l'ensemble de ses constructions
isolées entre elles, au milieu des plantations variées et de jardins
bien entretenus, donne à l'établissement de Saint-Robert un
cachet tout particulièrement favorable.
Après s'être apitoyé sur la triste destinée des malheureux qu'il
renferme, dont le plus grand nombre, hélas ! sont incurables, le
visiteur s'en va avec cette heureuse impression, que le départe-
ment de l'Isère n'a poiut fait ! de sacrifices inutiles et qu'il
possède à Saint-Robert un asile modèle, qui lui fait le plus grand
honneur. (Les Alpes républicaines de Gap, 20 nov. 1885). -
Le rédacteur-gérant, 130UnNEVLLS.
Évreux, Ch. llumeser, imp. 186.
Vol. XI. Mars 1886. N" 32.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE MENTALE
CONSIDÉRATIONS CLINIQUES A PROPOS D'UN CAS D'ALIÉNA-
TION MENTALE INTIMEMENT LIÉE A UN ABCÈS S'OUVRANT
PAR L'OREILLE EXTERNE GAUCHE ET RECONNAISSANT
COMME INFLUENCE PATHOGÉNIQUE IMPORTANTE' UNE
FIÈVRE SAISONNIÈRE ;
Par le D, A. Ai.1111ET, agrégé.
Il y a quelque quatre ans, j'observais un cas d'alié-
nation mentale qui me frappa à différents points de
vue : par la modalité revêtue par la maladie, qui avait
débuté avec l'aspect de la paralysie générale et dont la
terminaison heureuse ressemblait plutôt à la terminai-
son d'une manie ; par les rapports qui existaient, dans
ce cas, entre la marche et la terminaison de la folie et
la marche et la terminaison d'un abcès qui s'ouvrit par
l'oreille externe gauche ; par l'influence pathogénique'
enfin qu'avait eue, dans la réalisation de l'aliénation
mentale, une fièvre saisonnière, cause qui ne figure
pas jusqu'à présent dans l'étiologie de la folie.
A quoi attribuer cette modalité particulière de la
maladie mentale ? Etions-nous en présence d'un cas de
Archives, t. Xi. 9
130 PATHOLOGIE MENTALE.
folie congestive ou paralytique de M. Baillarger ? Quelle
était la nature des rapports qui existaient chez notre
malade entre cet abcès ouvert par l'oreille et l'aliéna-
tion mentale; y avait-il entre eux une relation de
cause à effet ? Des recherches récentes ne démontrent-
elles pas, en effet, que les lésions inflammatoires de l'ap-
pareil auditif peuvent donner lieu à la folie ? Comment
enfin avait agi la fièvre saisonnière pour produire l'a-
liénation mentale ?
C'étaient là tout autant de questions que soulevait
cette observation, questions intéressantes, on le voit,
toutes d'actualité, que nous permettait de résoudre
une étude attentive, et dont la solution transportée
dans le domaine scientifique pouvait, comme nous le
verrons, servir à élucider certains points en litige. Si
nous avons retardé jusqu'à présent la publication de
ce fait et des déductions qui en découlent, c'est qu'un
élément d'appréciation nous était nécessaire; il fallait
qu'un temps suffisant se fût écoulé depuis la guérison
de la maladie : cet élément, nous le possédons actuel-
lement.
- B..., célibataire, âgé de vingt-neuf ans, entre à l'Asile public
d'aliénés de Montpellier, le 2 mars 1881..
Ce malade est très agité, crie, chante, se roule par terre,
bouscule les surveillants, se jette même sur eux et cherche à
les mordre. Le délire est généralisé sans prédominance d'au-
cune sorte, l'attention ne peut être fixée. L'intelligence est
très' embrouillée. L'état physique est mauvais ; les narines sont
fuligineuses ; les lèvres, les gencives tendent à s'encroûter les
traits sont flasques, le teint est jaunâtre avec quelques stases
sanguines.au niveau des pommettes, l'émaciation est marquée ;
il existe des tremblements des doigts. A quel genre d'aliénation
mentale avons-nous à faire dans ce cas ? Des troubles physiques,
l'embrouillement de l'intelligence, semblent indiquer l'exis-
aliénation mentale; FIÈVRE catarrhale. 131
tence d'une paralysie générale au début ; cependant quelques
signes se rattachant à l'habitus extérieur du malade nous font
réserver le diagnostic. ,
Comment s'est développée et à quelles causes rattacher
l'aliénation mentale que nous constatons chez B... ? Voici ce
que nous apprennent à ce sujet les renseignements que nous
avons pu recueillir auprès des parents, des amis du malade, et
du malade lui-même une fois guéri.
Le début de l'aliénation mentale remonte à dix-neuf jours.
Depuis quatre ou cinq jours, B... gardait le lit ou la chambre
pour une maladie fébrile, sans détermination locale. Cette mala-
die consécutive à un refroidissement était caractérisée par un
sentiment de fatigue généralisée, des douleurs lombaires, des
sensations de froid et dechaud, une pesanteur de tête, la perte
de l'appétit, bref, par tous les symptômes ordinaires delà fièvre
catarrhale, si fréquente dans notre région méditerranéenne,
surtout à cette époque de l'année. La nature de cette fièvre nous
fut d'ailleurs confirmée par le médecin traitant lui-même. B...,
disons-nous, était depuis quatre ou cinqjours, sous l'influence
de cette fièvre, lorsqu'on vint lui annoncer que son beau-frère
avait une discussion avec des voisins et allait se battre. Immé-
diatement il se lève, court dans la rue, veut se jeter sur les
adversaires de son beau-frère, mais ses amis l'entourent et le
ramènent chez lui, sans qu'aucun coup ait été échangé de part
et d'autre. B... se plaint vivement alors qu'on ne l'ait pas
laissé se venger; on lui a fait mal, dit-il, en le retenant.
Lesjours suivants, B... reprend son travail de cultivateur,
mais il n'a pas son entrain habituel ; il est sans courage, sans
force ; il est rêveur ; la nuit il a dès insomnies. Parfois il parle
seul. Dix jours après la discussion que nous venons de rappe-
ler, B... commence à délirer nettement; il prononce des paroles
incohérentes, arrête les gens qu'il rencontre pour leur deman-
der des renseignements sur les choses les plus insignifiantes et
les plus dissemblables. Puis apparaissent des idées de peur,
alternant avec des idées de vengeance, et s'accompagnant
d'une hyperesthésie auditive très marquée ; le moindre bruit
fait tressaillir le malade. Le quinzième jour, dans le courant
de la nuit, éclate un violent accès d'agitation ; B... s'imagine
qu'on va mettre le feu à sa maison, qu'on veut l'empoisonner,
le tuer, que nous sommes en pleine révolution. L'agitation est
tellement intense qu'on est obligé de l'attacher sur son lit ; elle
132 pathologie mentale.
alterne d'abord avec quelques moments de calme, puis elle
devient continue, et c'est dans cet état que B... est conduit à
l'Asile.
L'accès d'aliénation mentale au développement duquel nous
venons d'assister est le premier qu'ait eu B ? et rien dans les
antécédents personnels et héréditaires de celui-ci ne le faisait
prévoir. B... est d'une intelligence au dessus de la moyenne,
son jugement est sain et droit ; il a toujours mené une vie
régulière et n'a jamais fait d'excès d'aucune sorte. Il est culti-
vateur et jouit d'une assez large aisance.
Il n'apas eu de convulsionsétantjeune, étonne trouve ànoter
chez lui comme maladie qu'une diarrhée qu'il a contractée au
service, où il est resté quatre ans, diarrhée qui n'a duré que
quelques jours et a été sans aucune suite. Il n'a jamais eu ni
rhumatisme, ni maladie diathésique. C'est un homme forte-
ment charpenté, bien proportionné, à développement crânien
n'offrant rien de particulier, d'une taille au-dessus de la moyenne,
d'une constitution vigoureuse, et sur lequel l'hérédité pèse peu,
ainsi que le prouvent les renseignements suivants :
HÉRÉDITÉ. - Côté paternel. Grand-père mort à soixante-
cinq ans d'une maladie inconnue, mais ne se rattachant pas
au système nerveux ; grand'mère morte à soixante-dix ans
d'Une maladie inconnue, était nerveuse; -père, soixante ans,
cultivateur, se porte bien, intelligence moyenne.
Cinq oncles ou tantes. Le ler, mort à soixante-quatre ans, n'a
pu se consoler, parait-il, de la mort de sa femme ; le 2° est mort
à soixante ans à la suite d'un accident ; le 3° a soixante-quinze
ans et est bien portant; le 4°, âgé de soixante-douze ans,
a une main paralysée; le 5°, âgé de cinquante-huit ans, se
porte bien.
Côté maternel. Mère morte de consomption, à l'âge de
cinquante-quatre ans, était hémiplégique droite et aphasique
depuis quatre ans; - grand-père et grand'mère morts, l'un
à soixante-cinq ans, après trois ans de maladie, l'autre à cin-
quante-cinq ans. Les maladies auxquelles ils ont succombé
n'ont rien de commun avec le système nerveux.
Collatéraux. Six frères ou soeurs : il,, soeur, morte à
cinq ans du croup ; 2° soeur morte à dix-huit ans d'athrepsie ;
3°, mort-né ; 4°, fille ainée, vit, se porte bien ; 5° fille non
nerveuse, mariée, a un enfant bien portant ; 6°, garçon, âgé
de dix-sept ans, se porte bien. 0
ALIENATION MENTALE; AGITATION MANIAQUE. 133
Tel est le développement, tels sont les causes et le début
de l'aliénation mentale de B... Voyons maintenant la marche
et le mode de terminaison de celle-ci.
L'agitation du début diminue bientôt, disparait même pour
faire place à un état d'affaissement très marqué. B... mange
peu et cherche constamment à se coucher. Le 7 mars, on le
fait monter à l'infirmerie où il reste trois jours. A part un
léger embarras gastrique, l'examen des différents organes ne
révèle rien de particulier, la tête n'est pas chaude, la tempé-
rature axillaire ne dépasse pas la normale le matin, le premier
soir, elle atteint 38°,2 ; le pouls est lent ; il bat de 50 à 60
pulsations par minute.
A bout de trois jours, l'affaiblissement disparait, et l'agita-
tion revient. L'attention ne peut être fixée ; l'intelligence est
toujours très embrouillée ; la mémoire est obtuse ; c'est à
peine si le malade sait le nom de la ville où il se trouve, et
cependant son visage exprime l'intelligence. Il existe une
hyperesthésie auditive très marquée; le plus léger bruit pro-
voque l'attention du malade, qui se plaint en outre d'un batte-
ment continu au niveau de la fosse temporale gauche, batte-
ment qu'il compare au mouvement du balancier d'une
pendule. Cet homme mange aujourd'hui régulièrement, aussi
l'état physique s'est-il amélioré; la sécheresse des lèvres et la
fuliginosité des narines ont disparu, le teint toutefois reste
encore rouge et légèrement teinté de jaune; les tremblements
des doigts persistent.
On ne trouve chez B... aucune lésion organique; les batte-
ments du .coeur sont réguliers et n'offrent pas de bruits anor-
maux, rien du côté des poumons, du foie, de la rate; la langue
est bonne ; il existe de la constipation.
A la fin du mois de mars, l'affaissement l'emporte sur l'agi-
tation, et cet affaissement est si marqué que B... urine souvent
sous lui. Toutefois, l'alimentation se continue régulièrement,
et la santé physique s'améliore de plus en plus. Dans la pre-
mière quinzaine d'avril, toute trace d'adynamie a disparu; il
en est de même des tremblements des mains, et, quand à ce
moment-là, l'affaissement cesse pour faire place à un nouvel
accès d'agitation, le caractère maniaque de la maladie s'affirme,
l'intelligence reste cependant plus embrouillée, qu'elle ne l'est
d'ordinaire dans la manie simple. B... se plaint d'une douleur
de tête violente; il nous dit que cette douleur existe depuis
13t. PATHOLOGIE MENTALE.
le début de sa maladie; il entend toujours ces battements au
niveau de la fosse temporale]gauche, et le moindre bruit aitire
son attention, le fait même tressaillir.
A partir de la fin de la première quinzaine d'avril, les carac-
tères de l'aliénation se modifient un peu; l'agitation et l'affais-
sement ne reviennent plus par périodes comme précédemment;
ces deux ordres de phénomènes, tout en persistant, alternent
dans le courant d'une même journée. Voici ce que nous
notions à la date du 14 avril :
« B..., depuis quelques jours est agité. L'agitation est en-
tretenue par les bruits, les paroles et les cris que le malade
entend autour de lui. Un autre malade parle-t-il ou crie-t-il,
immédiatement B... se met à son tour à crier, et, s'animant
davantage, il chante, danse, et devient volontiers agressif ;
certaines expressions le mettent tout particulièrement hors
de lui ; il est irascible et violent. Sa conversation reste tou-
jours très décousue, l'intelligence embrouillée ; l'ébranlement
cérébral est évidemment considérable. B... se rend compte à
certains moments de son état, et alors il se met à pleurer
« parce qu'il est fou », dit-il. A ces phénomènes d'agitation
succèdent, dans le courant d'une même journée, des périodes
d'affaissement ou mieux de somnolence; pendant ces périodes,
en effet, B... dort, et on peut voir ainsi dans les vingt-quatre
heures se succéder plusieurs fois ces curieuses alternatives
d'agitation et de somnolence. »
En même temps que se produisent les modifications que
nous venons de rappeler, nous notons le 11 avril, l'apparition,
au niveau de la fosse temporale gauche, d'une tuméfaction de
cette région, avec oedème de la paupière inférieure. La peau
est à ce niveau, rouge, tendue ; la pression du doigt y laisse
son empreinte, la température locale est à la main plus élevée
de ce côté que de l'autre.
Pendant les mois de mai et de juin, l'état mental de B...
reste stationnaire. On constate toujours dans le courant d'une
même journée ces curieuses alternatives d'agitation et d'affais-
sement. Cependantà ]afin de juin, les troubles psychiques ont
beaucoup perdu de leur intensité. Durant cette même période,
la tuméfaction oedémateuse s'est lentement accrue et a gagné
la région pariéto-occipitale; le 2 juillet se produit par l'oreille
externe gauche un écoulement de pus qui persiste pendant
cinq ou six jours et entraîne après lui la disparition de la
ALIÉNATION MENTALE; GUÉRISON. 135
tuméfaction périphérique. En même temps, les troubles psy-
chiques s'atténuent rapidement, l'agitation disparaît, et bien-
tôt le malade ne conserve plus qu'un certain degré de torpeur
intellectuelle et somatique. Cette torpeur était assez marquée
pour faire craindre une rechute, aussi garde-t-on pendant
près de deux mois encore le malade en observation ; à ce mo-
ment, la guérison est entière et complète.
Depuis lors, c'est-à-dire depuis quatre ans, la santé physique
et mentale de B... ne s'est pas démentie; cet homme a repris
absolument son équilibre intellectuel, et l'accès d'aliénation
mentale qu'il a eue semble avoir été un simple accident.
En résumé, pendant le cours d'une fièvre saisonnière,
et consécutivement à une émotion morale assez vive,
mais peu profonde, chez un homme adulte, sans pré-
disposition acquise, et sur lequel pèse une hérédité
cérébrale peu marquée, et plus particulièrement carac-
térisée par des troubles organiques du cerveau limités,
apparaît un accès d'aliénation mentale qui se traduit
dans les premiers temps par des périodes d'agitation
violente alternant avec des périodes de torpeur, et par
un ensemble de symptômes psychiques et somatiques
qui rappellent ceux qu'on rencontre dans la paralysie
générale. Puis, les symptômes somatiques disparaissent
et, àpart un état d'obnubilition intellectuelle plus con-
sidérable que celui qui existe généralement dans la
manie, la folie revêt assez bien la physionomie de cette
dernière maladie, conservant toutefois un cachet par-
ticulier que lui impriment des alternatives d'agitation
et de somnolence qui reviennent plusieurs fois dans le
courant d'une même journée. Pendant le cours de l'alié-
nation mentale, apparaît à l'extérieur, au pourtour de
l'oreille gauche, un empâtement inflammatoire qui
augmente peu à peu, laisse intact le sens de l'ouïe, et
aboutit à la formation d'un abcès qui s'ouvre par
136 PATHOLOGIE MENTALE.
l'oreille externe. Corrélativement, les troublescérébraux
s'atténuent et disparaissent; seul, un état de torpeur
intellectuelle et somatique persiste pendant quelque
temps.
La guérison se maintient depuis quatre ans, et tout,
depuis lors, dans l'état psychique de B..., semble indi-
quer que l'aliénation mentale n'a été chez lui qu'un
accident.
Cette exposition descriptive terminée, envisageons
de plus près l'observation de B..., cherchons à nous
rendre compte de la nature de l'aliénation mentale et,
pour cela, étudions le mode de développement et les
causes de celle-ci.
Tout d'abord, existe-t-il chez notre malade une rela-
tion de cause à effet, entre les lésions inflammatoires
qui ont abouti à la formation de l'abcès qui s'est
ouvert par l'oreille gauche et le développement de
l'aliénation mentale ? C'est là une première question
qui s'impose d'une manière générale, par ce que nous
savons de l'influence que peuvent exercer les lésions
inflammatoires de l'oreille sur le développement de
l'aliénation mentale; et, d'une manière spéciale, dans
le cas actuel, par l'étroite relation qui a existé entre
la guérison de ces lésions et celle des troubles psy-
chiques. Si nous suivons comparativement le déve-
loppement de ces lésions et celui de la folie, nous
voyons que, si les premières ne se sont manifestées à
l'extérieur sous forme de tuméfaction que pendant le
cours de l'aliénation mentale, elles révèlent leur exis-
tence dès les premiers moments de cette dernière, par
deux ordres de symptômes subjectifs bien connus pour
être en rapport avec un travail irritatif profond; par
DE L'ALIÉNATION MENTALE. 137
de l'hyperesthésie auditive et par ce sentiment de bat-
tement au niveau de la région temporale que le malade
compare aux battements du balancier d'une pendule.
Par suite, s'il existe chez B... un rapport entre les
lésions inflammatoires périphériques et l'aliénation
mentale, cela ne peut être un rapport de cause à
effet, puisque cette aliénation et ces lésions sont de
même âge.
Il faut donc chercher ailleurs la cause des troubles
cérébraux qu'a présentés B...
C'est à la suite d'une émotion morale que s'est ma-
nifestée l'aliénation mentale de B..., et tout démontre
que, dans ce cas, il existe une relation de cause à effet
entre cette émotion et le développement de la folie.
Mais jusqu'où va l'influence pathogénique de cette
cause ?
Sans nier l'importance étiologique des causes morales
dans la production de l'aliénation mentale envisagée
d'une manière générale, je crois être d'accord avec la
grande majorité des médecins habitués à l'étude des
maladies mentales, en admettant que certaines condi-
tions sont nécessaires pour que ces causes aboutissent
à la réalisation de la maladie. Elles sont rarement
suffisantes pour produire par elles seules la folie; il
faut pour cela qu'elles soient ou excessivement intenses
ou longtemps continuées, et même alors existent géné-
ralement des troubles physiques et plus particulière-
ment des troubles de la nutrition qui aident leur action
étiologique. Le plus souvent, lorsque ces causes sont
suivies d'aliénation mentale ; ou bien elles trouvent
un terrain cérébral tout préparé pour l'éclosion de la
maladie, et cela, soit par une hérédité puissante, soit
138 PATHOLOGIE MENTALE.
pour tout autre cause, l'intoxication alcoolique par
exemple; ou bien, elles s'appliquent sur un individu
atteint dans sa santé physique ; c'est ainsi qu'on peut
voir la folie éclater, à la suite d'une émotion morale,
chez une femme en couches, ou encore pendant le
cours ou à la fin d'une maladie aiguë, comme la fièvre
typhoïde, le rhumatisme, etc.
Dans le cas de B..., la cause morale à la suite de
laquelle s'est développée la maladie a été passagère,
et de peu d'importance, une simple querelle. Aussi,
pour avoir produit sur les cellules cérébrales un ébran-
lement suffisant pour aboutir à la folie, cette cause
dû être puissamment aidée.
Et cependant, le terrain cérébral : sur lequel elle agis-
sait était peu prédisposé à la réalisation de la folie ;
l'hérédité qui pèse sur B... est de peu d'importance,
ainsi qu'on peuts'en convaincre par les faits consignés
sous ce titre, et rien dans les antécédents physiolo-
giques et pathologiques de ce malade n'indique une
prédisposition acquise. La manière d'être intellectuelle
et morale de B... éloigne même de toute idée de pré-
disposition. Un autre facteur a donc dû intervenir, et
comme en fouillant l'étiologie, on ne trouve dans le
cas actuel aucune autre cause susceptible d'être incri-
minée que l'état physique dans lequel était B...,
au moment où a eu lieu l'émotion morale, on arrive
naturellement à se demander si cet état n'a pas joué
un rôle dans le développement de l'aliénation men-
tale.
B... était alors sous l'influence d'un état fébrile
consécutif à un refroidissement, sous l'influence d'une
vulgaire fièvre saisonnière, revêtant les caractères de
DE L'ALIÉNATION MENTALE. 139
la fièvre catarrhale si fréquente sur notre littoral mé-
diterranéen. Cette fièvre que caractérise principalement
l'élément fluxion, et qui, sous ce rapport, a une très
grande ressemblance avec la fièvre rhumatismale, exis-
tait chez B... sans détermination locale.
Mais constater l'existence de cette fièvre au moment
de l'application de la cause émotion morale, constater
même l'absence de toute autre cause susceptible d'ex-
pliquer chez notre malade la production de la folie, ne
suffit pas pour nous permettre d'établir une relation
de cause à effet entre cette fièvre et la réalisation de
l'aliénation. mentale. Si certaines maladies aiguës, le
rhumatisme, la pneumonie, la fièvre typhoïde, etc., etc.,
sont aujourd'hui communément regardées comme pou-
vant être des causes de folie, il n'en est pas de, même
des fièvres saisonnières ; qu'on désigne ces fièvres sous
les noms de fièvre éphémère, de fièvre catarrhale, de
fièvre gastrique, etc., peu m'importe. Aussi, pour que
nous puissions dire que, chez B..., l'état fébrile dont
il était atteint a joué un rôle dans le développement de
l'aliénation mentale, devons-nous démontrer directe-
ment ce rôle. Dans ce cas, cette démonstration est
chose facile et ressort nettement de l'étude des rap-
ports qui existent entre l'évolution des troubles céré-
braux et l'évolution des lésions inflammatoires qui ont
abouti à l'abcès ouvert par l'oreille.
Nous avons vu ces troubles et ces lésions apparaître
et disparaître en même temps; et si nous les étudions
comparativement dans leur marche, nous voyous le
développement de la tuméfaction extérieure coïncider
avec une modification dans la modalité de l'aliénation
mentale. C'est alors qu'apparaissent en effet ces alter-
140 PATHOLOGIE MENTALE.
natives quotidiennes d'agitation et de somnolence que
nous avons signalées.
Une relation aussi intime dans le développement,
l'apparition, la marche et la terminaison prouve qu'il
y a plus qu'une coïncidence entre les lésions inflam-
matoires périphériques et les troubles psychiques qui
existent chez B...; elle prouve jusqu'à l'évidence une
commune origine et une commune nature. Si ces
troubles ont rapidement disparu à la suite de l'ouver-
ture de l'abcès qui met fin à ces lésions, c'est que cet
abcès est la terminaison du travail pathologique qui
tenait en même temps sous sa dépendance l'aliénation
mentale et l'inflammation périphérique. Or, on ne
peut attribuer cette dernière qu'à une cause physique,
et comme elle n'est apparue chez B..., qu'à la suite
de l'application de la cause morale, à laquelle son
développement est aussi intimement lié que celui de
l'aliénation mentale, cette cause ne peut l'avoir pro-
duite qu'en provoquant un mouvement fltixioniiaire ou
congestif 'que peut seul expliquer, mais qu'explique
parfaitement, car ici nous n'avons plus les mêmes
raisons de doute que pour les troubles psychiques
l'état fébrile sous l'influence duquel' était B... en ce
moment.
Ce mouvement fluxionnairf, reflétant en cela sa
nature, s'est diffusé en même temps à l'extérieur et
à l'intérieur du crâne, donnant lieu à un état conges-
tif et irritatif, qui a surtout porté son action en ce der-
nier point, où il aboutit à un abcès.
Ainsi se trouve démontré, par l'observation directe et
d'une manière qui me paraît absolument indubitable,
le rôle de la fièvre saisonnière dont était affecté B...
DE L'ALIÉNATION MENTALE. 141
dans la réalisation de l'aliénation mentale. La cause
émotion morale a agi, en attirant et en fixant du côté
de l'extrémité céphalique l'élément fluxion qui est
un des éléments constitutifs de cette fièvre et qui était
resté jusqu'alors sans détermination locale.
Ainsi se trouve encore démontrée, par la même obser-
vation directe et d'une manière non moins indubitable,
la nature des rapports qui ont existé chez B... entre
les lésions inflammatoires périphériques et l'aliénation
mentale; ces lésions ne sont pas la cause de la folie,
elles sont de même âge que celle-ci, ont la même ori-
gine et sont de même nature. Et, comme conséquence
de ces rapports pathogéniques entre les lésions et l'alié-
nation mentale, la nature du travail qui tient cette der-
nière sous sa dépendance se trouve, elle aussi, démon-
trée ; ce travail est de nature inflammatoire.
La nature de ce travail nous étant connue, la moda-
lité qu'a revêtue chez B... l'aliénation mentale pen-
dant assez longtemps, modalité qui rappelait celle de
la paralysie générale à son début, s'explique aisé-
ment ; cette modalité nous permet même, en jugeant
par analogie, avec ce que nous,, savons du siège des
lésions dans la paralysie générale, de dire que, chez
notre malade, le travail inflammatoire a porté en même
temps sur les méninges et sur le cerveau, réalisant
ainsi une méningo-encéphatite. Mais la marche de
cette maladie nous montre que cette méningo-encé-
phalite n'a pas parcouru ses périodes ordinaires ; elle
n'est pas arrivée jusqu'à la désorganisation de la subs-
tance nerveuse, elle est restée à sa période d'irritation
et a rétrocédé ensuite,ainsi que le prouve la marche sui-
il,,) PATHOLOGIE MENTALE.
vie par les troubles cérébraux. Les troubles somatiques
disparaissent en effet, la maladie revêt le caractère
maniaque, et seul un état d'obnubilation intellectuelle
plus considérable que celui qu'on rencontre dans la
manie ordinaire, et qui se continue pendant quelque
temps encore, sous forme de torpeur intellectuelle et
somatique, alors que les idées, délirantes ont disparu,
indique que la cellule cérébrale a été plus profondé-
ment atteinte qu'elle ne l'est généralement dans la
manie simple. D'ailleurs, l'étude comparative entre la
marche de l'aliénation mentale et celle des lésions
inflammatoires périphériques nous rend parfaitement
compte de l'évolution qu'a suivi le travail cérébral.
D'abord plus généralisé, ainsi que l'indique la physio-
nomie clinique de l'aliénation mentale, il se localise
davantage au moment où se forme l'abcès périphérique
au niveau duquel semble se condenser l'inflammation;
la maladie revêt alors le caractère maniaque et à ce
moment apparaissent ces- alternatives quotidiennes
d'agitation et de dépression dans lesquelles l'élément
congestif joue un plus grand rôle que l'élément irri-
tatif.
L'aliénation mentale qui a existé chez B... est de
nature inflammatoire; elle se rattache à une méningo-
encéphalite quia évolué vers la guérison; cette alié-
nation mentale'se lié intimement, dans son développe-
ment, sa marche et sa'terminaison, à des lésions inflam-
matoires aboutissant à un abcès ouvert par l'oreille ;
elle reconnaît la même cause que ces lésions et est de
même nature qu'elles; enfin,- une fièvre saisonnière a
joué un rôle pathogénique importante dans la produc-
tion de cette aliénation ; tels sont les faits qui se
DE L'ALIÉNATION MENTALE. 143
dégagent de l'observation de B.... Ces faits, que nous
connaissons maintenant en eux-mêmes, méritent d'être
étudiés séparément; ils se prêtent à différentes consi-
dérations et renferment des enseignements utiles.
A. L'aliénation mentale de B... est de nature itiflai2z-
maloii,e; elle se rattache à une méningo-encéphalite qui
a évolué vers la guérison.
La nature inflammatoire du travail pathologique
qui tenait sous sa dépendance les troubles cérébraux
qui existent chez B..., s'est imposée à nous par
l'étude du mode de développement pathogénique de
ces troubles. Ce n'est qu'une fois la nature inflamma-
toire de ce travail démontrée, que nous avons invo-
qué la physionomie revêtue à un certain moment par
la maladie mentale, laquelle avait l'apparence de la
paralysie générale, pour établir la modalité de ce tra-
vail, c'est-à-dire l'existence d'une méningo-encépha-
lite. C'est qu'en effet, depuis les travaux de M. Bail-
larger ', il ne suffit plus, pour qu'une maladie cérébrale
puisse être rattachée à une méningo-encéphalite,
qu'elle revête le masque ordinaire de la paralysie géné-
rale, une vésanie simple à laquelle se surajoutent des
troubles circulatoires pouvant, d'après ce savant
maître, simuler cette paralysie, M. Baillargera donné,
on le sait, aux faits de cet ordre le nom de folie para-
lytique. -
1 Baillarger. Sur la théorie de Id paralysie générale. De la folié
paralytique et de la démence paralytique, considérées comme deux naala-
dies distinctes. (Aititales médico-psychologiques, janvier, mars, juillet)
et novembre '(883.)
1 44 PATHOLOGIE MENTALE.
Chez B..., ce n'est.donc pas à une folie paralytique ,
telle-que le comprend M. Baittarger, que nous avons
eu affaire, mais à une véritable méningo-encéphatite.
Et cependant, par l'évolution qu'a suivie dans ce cas
la maladie, nous n'aurions pas dû avoir d'hésitation,
si nous en croyons, du moins, un des arguments que
fait valoir M. Baillarger en faveur de l'existence de
' 'entité morbide qu'il cherche à établir. Cet argument
est relatif aux cas de guérison de paralysie générale
rapportés par les auteurs. Pour l'éminent aliéniste, la
paralysie générale ne peut guérir; il ne comprend pas
la rétrocession de la méningo-encéphatite, qui est
pour lui la caractéristique anatomique de cette mata-
die ; les faits de guérison de paralysie générale rap-
portés par les auteurs sont des cas de fausses para-
lysies générales, ce sont des cas de folie paraly-
tique.
. L'observation de B..., dans laquelle nous avons pu
établir, d'une manière si précise, l'existence d'une
méningo-encéphatite, qui a parfaitement guéri, doit
nous mettre en garde contre ce qu'a de trop absolu
l'opiuion de M. Baittarger sur la non guérison de la
méningo-encéphalite et nous montre que la terminai-
son heureuse d'une maladie qui a présenté les signes
de la paralysie générale n'est pas un motif suffisant
pour nous permettre de rejeter dans ce cas l'existence
d'un travail inflammatoire, comme paraissent le
penser certains auteurs '.
i Sajous. De la Folie pai-atylirornze. Th. de Muntpeitier, 1885.
DE L'ALIÉNATION MENTALE. 145
B. L'aliénation mentale de B... se lie intimement dans
son développement, sa marche et sa terminaison à
des lésions inflammatoires aboutissant ci un abcès ouvert
par l'oreille ; elle reconnaît la même cause que ces
lésions et est de même nature qu'elles.
Jusqu'à présent, nous n'avons pas insisté sur le siège
des lésions périphériques qui ont abouti à l'abcès
ouvert par l'oreille externe. Ces lésions, à en juger
par la conservation absolue de l'ouïe, dont la seule
altération consiste en une hyperesthésie auditive, n'ont
atteint que secondairement l'oreille et sont surtout
limitées au pourtour de cet organe. D'abord profondes,
sans manifestations objectives extérieures, caractérisées
seulement au début par l'hyperesthésie auditive que
nous venons de rappeler, et par cette sensation de
battements que le malade compare aux battements du
balancier d'une pendule, ces lésions n'apparaissent
que plus tard à l'extérieur, sous la forme d'un empâ-
tement inflammatoire limité d'abord à la région tem-
porale, s'étendent ensuite en arrière à la région
pariéto-occipitale, et s'ouvrent enfin à l'extérieur par
l'oreille externe, revêtant ainsi, ce me semble, la
modalité clinique d'un abcès sous-piriostfque de la
région temporale.
L'observation de B... me parait, au point de vue des
lésions inflammatoires périphériques, absolument com-
parable à celle que le docteur Rhys-William publiait
en 1877, daus le journal The Lancet1. Dans cette der-
1 Rhys-William. Folie associéeà un abcès communiquant avec l'oreille
gauche par l'ouoerlure de l'abcès. (llre Lancet, 28 avril 1877, p. 60,
et Gazette médicale, 1877,)). 357.)
Archives, t. XI. 10 o
146 PATHOLOGIE MENTALE.
nière observation, on retrouve, comme chez notre
malade, associés à ces lésions, des troubles psychiques
qui ont une grande ressemblance avec ceux que nous
a présentés B....
Charles D. C..., âgé de trente-six ans, marié, laborieux et
sobre, ayant toujours joui d'une bonne santé. Trente jours
avant son admission à l'hôpital, il était devenu morose, abattu
et son langage était incohérent. Il s'imaginait à chaque ins-
tant qu'il s'occupait à faire partir des fusées d'artifice au châ-
teau d'Edimbourg. Toute la journée, il tempêtait et blasphé-
mait, disant qu'il voyait des diables et que tous ses actes
étaient influencés par un pouvoir électrique. Toutes les nuits,
il était agité, bruyant et privé de sommeil.
C'est dans cet état qu'il entra à l'hôpital. Au bout de quinze
jours, il était plus calme, mais demeurait silencieux, refusant
de répondre à aucune question. Au bout do quinze jours, il
devint de nouveau excité, gesticulant et s'adressant à lui-même
des paroles incohérentes. La santé générale était bonne, mais
il était pâle et maigre. Ceci se passait en février 1876. En
novembre, on constata un écoulement purulent abondant par
l'oreille gauche. D'après le malade, cet écoulement remontait
à plusieurs mois; l'ouïe ne paraissait pas atteinte. Peu à peu
un empâtement diffus se déclara au niveau de l'apophyse
mastoide; il envahit bientôt la portion écailleuse du temporal.
Lorsqu'on pressait sur cette dernière région, l'écoulement
devenait plus abondant. Le gonflement augmenta de plus en
plus pendant un mois ; mais le malade était tellement violent
et irascible qu'il était impossible de l'examiner sérieusement.
Le 13 décembre, l'abcès fut ouvert et la raison revint aussi-
tôt. L'écoulement par l'oreille disparut complètement. Quinze
jours plus tard, on agrandit l'incision. La première opération
avait été faite à la partie la plus déclive, à trois pouces environ
au-dessous de l'apophyse mastoïde, en arrière du sterno-
cléïdo-mastoïdien. La seconde incision, pratiquée le 9 janvier,
avait pour but de remédier à la tendance qu'avait la plaie à se
former, surtout dans sa partie inférieure. La collection puru-
lente paraissait limitée en avant par la parotide, en dedans
par la jugulaire interne. L'exploration ne révéla aucune dénu-
dation osseuse. Il n'y eut pas de surdité consécutive. La lésion
DE 1,'ALIÉNATION MENTALE. 147
primitive était donc probablement située en dehors de la
membrane du tympan.
La ressemblance symptomatique qui existe entre
l'expression du délire chez D. C. et l'expression de ce
délire chez B..., me parait ressortir nettement de la lec-
turedesobservations deces deux malades. Jen'ihsisterai
pas davantage ici sur cette ressemblance, pas plus que
sur la différence qui sépare ces deux cas, relativement
à la nature des rapports qui ont existé entre les lésions
périphériques et la folie. Chez B..., l'aliénation men-
tale et les lésions périphériques reconnaissent une même
cause; chez D. C., au contraire, la première est con-
sécutive aux secondes. Je veux seulement mettre en
relief l'analogie ou mieux l'identité du travail inflam-
matoire périphérique qui ne me paraît différer que par
deux points secondaires, par l'intensité plus grande
dans l'observation rapportée par notre confrère anglais
et parce fait que, dans cette dernière, ce travail semble
avoir son siège principal au niveau de l'apophyse mas-
toïde, tandis que, chez B..., ce siège est au niveau de la
fosse temporale. Dans les deux cas, ce travail n'atteint
que secondairement l'appareil auditif, ainsi que le
prouve la conservation de l'ouïe.
Ce travail, disons-nous, n'atteint que secondairement
l'appareil auditif, cependant les observations de B...
et de D. C... peuvent se prêter à l'étude, assez obscure
encore, des rapports qui existent entre les maladies
de l'oreille et la folie. Tous les auteurs en effet, qui,
dans ces dernières années, se sont occupés de ces rap-
ports, rappellent l'observation recueillie par le D'Rliys-
William, et s'appuient même avec complaisance sur
148 PATHOLOGIE MENTALE.
elle pour démontrer l'existence de ces derniers. Envi-
sagée à ce point de vue, l'observation de B... se prête
à d'intéressantes considérations.
' Des faits déjà nombreux, dont le nombre tend chaque
jour à s'accroître, démontrent l'influence que peuvent
exercer les lésions de l'oreille sur la production de dif-
férents troubles psychiques. Ici, parles tentations subjec-
tives auxquelles elles donnent lieu, ces lésions sont
le point de départ de perversions sensorielles que,
m'appuyant sur la physiologie et la clinique, j'ai dési-
gnées ailleurs ' sous le nom d'illusions subjectives, et que
quelques auteurs ont étudiées depuis sous le nom
d'hallucinations unilatérales. Là, ces lésions pro-
duisent des troubles délirants passagers, mais reve-
nant par accès, à des intervalles plus ou moins éloignés,
comme dans les observations rapportées par Gellé,
Bouchut, Menière, etc. Ailleurs, enfin, elles donnent
naissance à de véritables aliénations mentales.
Mais la connaissance de l'influence exercée par les
lésions de l'oreille sur le développement des troubles
cérébraux n'est qu'un côté, le plus important il est
vrai, d'une question plus générale, de la question des
rapports qui existent entre ces lésions et ces troubles.
Cette question, pour être complète, doit être envi-
sagée à deux autres points de vue. Les troubles céré-
braux ne sont-ils pas susceptibles de retentir sur l'appa-
reil auditif ? Les troubles cérébraux et les lésions de
l'oreille ne peuvent-ils pas reconnaître une même
cause ? Jusqu'à présent, l'étude de ces deux derniers
1 A. Mairet. De l'illusion en général, des sensations visuelles comme
causes d'illusions. Th. de Montpellier, 1876, et Des sensations auditives
comme causes d'illusions. (Montpellier méd., 1876.)
DE L'ALIÉNATION MENTALE. 149
points n'a pas encore été abordée pour l'aliénation
mentale; du moins elle l'a été seulement pour l'épi-
lepsie. C'est, en effet, en envisageant ainsi le problème
dans son ensemble que le D' Ormerod' étudie l'épi-
lepsie dans ses rapports avec les maladies de l'oreille.
Or, l'observation deB..., en nous montrant que, chez
notre malade, les lésions auriculaires et la folie ont une
commune origine, répond, d'une manière on ne plus
nette et précise, à une des questions qui précèdent,
les troubles cérébraux et les lésions de l'oreille ne
peuvent-ils pas reconnaître une même cause ? Par
suite, cette observation nous fait envisager le problème
des rapports entre ces lésions et ces troubles par un
côté jusqu'ici laissé dans l'ombre. è
Nous pourrions citer, parmi nos malades, d'autres
faits du même ordre que celui de B..., et, en consul-
tant les ouvrages de médecine mentale, nous en trou-
verions très probablement d'autres qui viendraient,
comme démontrer l'unité d'origine chez un même indi-
vidu des lésions auriculaires et de la maladie mentale ;
mais nous ne voulons pas étudier actuellement à fond
ce point particulier, nous avons voulu seulement le
mettre en relief, en le basant sur une observation
absolument démonstrative.
C. L'aliénation mentale de B... reconnaît comme
influence pathogénique importante une fièvre saisonnière .
En attribuant dans la pathogénie de l'aliénation
mentale de B..., à la fièvre saisonnière dont ce mal
1 J.-A. Ormerod.0 ! t'jt) ! /e.y,ttt els relation to ear disease. In
Brain, avril 1884, p. 20. -
150 PATHOLOGIE MENTALE.
lade était atteint, au moment de l'application de la
cause émotion morale, un rôle aussi important que
celui que nous lui avons attribué, nous n'avons été
inspiré que par la seule étude de ce fait, la science ne
nous fournissant aucun exemple d'une semblable pa-
thogénie. Si depuis quelque temps, on fait jouer à
quelques maladies aiguës un rôle important dans
l'étiologie de certains cas d'aliénation, les auteurs
modernes sont absolument muets pour ce qui con-
cerne la fièvre saisonnière. Esquirol, lui-même, ce
grand clinicien, n'en parle pas. Bien qu'il signale, en
effet, la fièvre gastrique, comme pouvant marquer le
début de la manie, il n'attache aucune relation de
cause à effet entre cette fièvre et la folie; pas plus, il
est vrai, qu'entre cette dernière et la fièvre typhoïde,
dont l'influence pathogénique est cependant actuelle-
ment bien connue et admise par tout le monde. « Le
plus ordinairement, dit Esquirol ' , la manie éclate
sans aucun signe fébrile; mais quelquefois son inva
sion est marquée par les symptômes les plus alarmants
◀Tantôt▶ c'est une congestion cérébrale avec des convul
sions épileptiformes, ◀tantôt▶ une fièvre gastrique, ou
une fièvre typhoïde, ◀tantôt▶ une phlegmasie. »
Cependant les cliniciens des siècles qui ont précédé
le nôtre, admettaient une relation étiologique possible,
entre les différentes fièvres saisonnières ou autres et
l'aliénation mentale. Ces fièvres donnent lieu d'abord
à un délire aigu, à la phrénésie; puis les symptômes
aigus disparaissent, le délire continue et on se trouve
en présence d'une véritable aliénation mentale. Ainsi
1 Esquiroi. Des Maladies mentales, t. Il, 1838, p. 146.
DE 1,'ALIÉNATION MENTALE. 151
Stol], pour ne citer que lui, admettait cette relation
étiologique, et il cite dans son remarquable Traité de
médecine pratique des faits tendant à démontrer cette
manière de voir. Malheureusement, ces faits sont loin
d'entraîner avec eux la conviction, et c'est moins sur
leur relation que sur l'autorité de l'illustre médecin
qui les rapporte qu'on peut se baser pour admettre la
relation étiologique qu'ils tendent à établir.
Pour fixer le lecteur à ce sujet, l'observation sui-
vante' suffira.
Je traitai, il y a trois ans, une jeune fille dont les règles
avaient toujours été peu abondantes, tardives et d'un sang
trop aqueux, qui, depuis quelques jours déjà, avait un peu de
fièvre, l'humeur fâcheuse, des lassitudes, moins d'appétit,
qui, contre sa' coutume, disait beaucoup de choses hors de
propos. On aurait pu prédire une fièvre intermittente. Tels
furent les commencements de la maladie. La malade allait et
venait, mais avec peine.
Enfin, la fièvre et le délire étant moins équivoques, on la
confia à mes soins.
C'est ma mémoire seule qui me fournit tous ces détails, que
je ne consignai point dans mon journal, en ayant été détourné
alors par la multiplicité de mes affaires. Mais je me souviens
parfaitement, parce que la maladie eut une terminaison
fâcheuse, en ce que je ne pus la guérir.
Je me chargeai donc de cette malade qui avait de la fièvre
et un délire tranquille. Mais après deux saignées et l'usage
prolongé de doux laxatifs, le délire devint furieux. La fièvre,
qui d'abord n'était pas considérable, parut alors ne plus avoir
lieu; et si quelque chose l'annonçait, je croyais devoir l'attri-
buer à la privation continuelle du sommeil, à l'agitation, aux
cris et à l'accélération de la circulation qu'ils occasionnaient.
Jugeant donc la malade sans fièvre, et voyant un délire con-
tinuel, furieux, durer plusieurs semaines, j'employai un grand
nombre des remèdes usités contre la manie, et même presque
1 Stoll. Traité de' médecine pratique, t. 111, p. 15 î. 1.
152 PATHOLOGIE MENTALE.
tous, à l'exception de l'éméto-carthartique. Elle avait déjà
fait usage inutilement des purgatifs et même ce fut alors que
son délire devint furieux de doux qu'il était. Ainsi, je n'espé-
rais rien du vomitif, puisqu'un évacuant beaucoup plus doux
avait si fort empiré son état.
Neuf semaines passèrent ainsi dans un transport continuel.
On la transporta alors dans un autre hôpital, celui-ci destiné
aux fous, où elle guérit, je ne sais par quelle méthode. Je
conjecture, d'après ce qui m'a été rapporté, qu'elle prit une
ou deux fois de la gratiole.
En présence de ce mutisme des auteurs modernes,
relativement à l'influence étiologique des fièvres sai-
sonnières sur le développement de l'aliénation mentale;
en présence de l'absence d'observations cliniques,
suffisamment précises, démontrant la tendance des
auteurs anciens à admettre celte influence, on nous
trouvera peut-être hardi d'avoir fait jouer à une fièvre
de cet ordre le rôle qu'on sait dans la pathogénie de
l'aliénation mentale de B... Et si on songe que cette
fièvre n'a pas par elle-même, c'est-à-dire de par sa
nature, une grande tendance aux localisations céré-
brales, notre hardiesse paraîtra encore plus grande.
Je sais bien que la fièvre catarrhale peut atteindre le
cerveau. Il y a longtemps que les méningites catar-
rhales sont connues et que l'observation clinique
affirme leur existence; il y a longtemps que Storck' a
décrit des apoplexies de même origine, et si ces mé-
ningites et ces apoplexies ont pu être mises en doute
pendant un certain temps, des observations récentes
et précises, telles que celles publiées par MM. Marotte
et Raymond2, me paraissent démontrer sans conteste
1 Storck. - .4n ? zusniedictis secunclics, de Febre continua, etc.
2 Raymond. - Gazette médicale, 13 septembre 1884, nu 37.
DE L'ALIÉNATION MENTALE. 153
leur existence. Mais ces localisations de la fièvre
catarrhale du côté du cerveau ne se font que dans
certaines conditions qui tiennent suit à la constitution
médicale régnante, ou même peut-être à une consti-
tution épidémique particulière, soit à l'individu lui-
même, et surtout à son âge avancé; or, rien de sem-
blable n'existait dans le cas de B... Et cependant nous
n'avons pas hésité chez notre malade à accuser l'ac-
tion pathogénique de la fièvre saisonnière dont il était
atteint. C'est que, d'une part, cette influence s'est
affirmée dans ce cas d'une manière exceptionnelle,
par le rapport intime qui existait entre le développe-
ment des lésions péri-auriculaires et le développement
de l'aliénation mentale; et que, d'autre part, quand
on élargit le point de vue; quand on envisage non
plus seulement la fièvre saisonnière comme cause de
folie, mais les maladies aiguës en général, on ne tarde
pas à voir que notre hardiesse est plus apparente que
réelle. ,
Le rhumatisme articulaire, la fièvre typhoïde, la
fièvre intermittente, la pneumonie, etc., etc., sont
tout autant de maladies aiguës dont l'influence étiolo-
gique en aliénation mentale, est actuellement admise.
Et si pour expliquer le mode d'action pathogénique
de ces maladies, on doit, dans certains cas, invoquer
leur nature, dans beaucoup d'autres, il n'en est pas
ainsi. Ces maladies aiguës de nature si différente peu-
vent en effet donner lieu à des aliénations mentales
semblables; ainsi, à la suite du rhumatisme comme à
la suite de la fièvre typhoïde et de la fièvre intermit-
tente, etc., peuvent apparaître des troubles psychiques
constituant de véritables aliénations mentales, les-
154 PATHOLOGIE MENTALE.
quelles disparaissent sous l'influence des seuls recons-
tituants, trahissant ainsi leur commune nature, par
trouble de la nutrition. Ainsi encore, peu importe la
nature de la maladie qui en est la cause, les troubles
psychiques consécutifs aux maladies aiguës revêtent
un ensemble de caractères qui permettent de les rat-
tacher soit à l'anémie, soit à des congestions ou à des
inflammations du cerveau, etc.' En d'autres termes, ce
n'est pas seulement par leur nature même que les
maladies aiguës donnent lieu à l'aliénation mentale,
mais encore par les troubles nutritifs qu'elles produi-
sent, ou par un de leurs éléments constitutifs, l'élé-
ment congestion ou fluxion dont la localisation du côté
du cerveau peut seule expliquer les phénomènes con-
gestifs et inflammatoires que nous venons de rappeler.
Or, si, d'une part, on songe que cet élément fluxion
est un des éléments constitutifs essentiels de la fièvre
saisonnière dont était atteint B... ; et si, d'autre part,
on se souvient que pendant le cours d'une maladie
aiguë, pendant le cours d'un rhumatisme, par exemple,
une émotion morale peut être, comme chez notre ma-
lade, le point de départ de la folie ainsi que le
prouve l'observation suivante prise au hasard parmi
d'autres l'influence pathogénique de cette fièvre
saisonnière s'explique parfaitement.
M... (Jean), âgé de dix-neuf ans, tailleur, présentant de nom-
breux antécédents de rhumatisme dans sa famille, fut pris
vers le milieu du mois de septembre 1863, d'un rhumatisme
aigu qui occupa les genoux, puis les pieds et les épaules, et
dura environ trois semaines. Il avait été admis pour cette
1 Ch Fernet. Du. rhumatisme aigu et de ses diverses manifestations,
Th. Paris, 1865, n 47, p. 85. -
DE L'ALIÉNATION MENTALE. 155
nauadie à l'hospice civil de Charenton. Durant sa convales-
cence, il reçut une lettre dont la lecture l'impressionna vive-
ment, et, à partir de ce moment, il commença à refuser tout
aliment, et on remarqua chez lui de l'hébétude et de la ten-
dance au sommeil. A la suite d'une saignée abondante qui lui
fut faite, M... fut pris d'excitation et de délire avec prédomi-
nance d'idées de persécution (il n'y a dans sa famille ni chez
lui aucun antécédent d'aliénation). Comme il troublait l'ordre
de l'hospice, on l'envoya à la préfecture de police, d'où il fut
dirigé sur Bicètre. On constate un délire avec excitation et
agitation extrêmes, incohérence absolue. Il y a de la fièvre, la
peau est chaude; le pouls est fréquent, à 108; la langue est
blanche; constipation. Pendant quinze jours, l'excitation ma-
niaque et la fièvre se soutiennent sans aucune rémission ; ce
ne fut qu'à partir du 16 décembre que le délire et l'agitation
commencèrent à se calmer, et après une amélioration gra-
duelle, 11... put quitter l'hospice à la fin de décembre, com-
plètement guéri.
Si on envisage les choses d'un point de vue un peu
général, le rôle qu'a joué la fièvre saisonnière dans le
développement de l'aliénation mentale de B... s'ex-
plique donc tout naturellement. Seulement, comme
cette fièvre n'a de par sa nature, que très peu de ten-
dance aux localisations cérébrales, qu'il faut des con-
ditions spéciales pour que ces localisations se pro-
duisent, son rôle dans la pathogénie de l'aliénation
mentale ne peut être qu'exceptionnel ou même qu'ac-
cideutel.
Tels sont les enseignements qui se dégagent de
l'observation de B...
Ces enseignements sont de plusieurs ordres :
1° Cette observation nous montre une méningo-
encéphalite évoluant vers la guérison ;
2° Elle nous'permet d'élargir la question des rapports
entre les lésions de l'oreille et l'aliénation mentale ;
156 PATHOLOGIE NERVEUSE.
3° Elle met en relief l'influence pathogénique pos-
sible dans le développement de l'aliénation mentale
d'une cause jusqu'à présent non indiquée, de la fièvre
saisonnière.
PATHOLOGIE NERVEUSE
DU TABES COMBINÉ (ATAXO-SPASMODIQUE), ou SCLÉROSE
POSTËRO-LATËRALE DE LA MOELLE
(CONTRIBUTION A L'ÉTUDE CLINIQUE DES MYÉLITES MIXTES) ;
Par le professeur GRASSET (de Montpellier).
« Il est intéressant, maintenant qu'on connaît bien
la symptomatologie de la plupart des lésions sys-
tématisées de la moelle, de fixer les yeux sur les cas
dans lesquels les altérations sont complexes, et sur les
modifications qu'apporte au tableau clinique habituel
des lésions simples la combinaison de plusieurs lésions
entre elles'. »
Ces paroles, prononcées à la Société anatomique le
4 novembre 1881 par Charcot, pourraient servir
d'épigraphe au présent travail.
Dans l'étude analytique que l'école contemporaine
a inaugurée des maladies du système nerveux, il fal-
lait commencer par les cas les plus simples, et c'est
ce que l'on a fait. On a séparé les myélites systémati-
sées et les myélites diffuses. Puis, dans chacun de ces
1 Comptes rendus des séances de la Soc. anatonz., 1881, p. 608.
DU TARES COMBINÉ. 157
groupes on a caractérisé les grands types cliniques,
comme l'ataxie locomotrice progressive, la sclérose
latérale amyotrophique, la paralysie spinale aiguë de
l'enfant et de l'adulte, etc.
Chemin faisant, les observateurs recueillaient des cas
plus complexes. Mais on se contentait de les noter
soigneusement, sans faire de groupes spéciaux, les
laissant en dehors de la classification adoptée comme
des raretés ou des anomalies.
Aujourd'hui la liste de ces cas complexes s'est con-
sidérablement allongée, et on peut commencer à essayer
de mettre un peu d'ordre dans leur histoire; on peut
tâcher de les grouper entre eux et de constituer ainsi
quelques types cliniques nouveaux.
Ce travail ne peut qu'être utile s'il est fait avec pru-
dence et basé sur les seules données de l'observation
clinique.
L'heure nous paraît venue de commencer cette étude
complémentaire par l'histoire du tabes combiné (ataxo-
spasmodique) ou sclérose postérolatérale de la moelle
épinière.
Les exemples de cette maladie sont déjà assez nom-
breux ; nous avons pu en réunir trente-trois, avec
autopsie, disséminés dans les divers auteurs français et
surtout allemands, et nous pourrons y ajouter le résumé
de deux ou trois observations personnelles.
Mais, si les documents paraissent suffisants pour
édifier cette histoire, l'accord ne s'est pas encore fait
sur la manière dont il faut envisager la question,
l'opinion ne semble pas s'être arrêtée encore sur une
conception définitive et classique de cette maladie
complexe.
158 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Nous serons même obligé, après analyse et discus-
sion des observations, de proposer une manière de
voir qui, par certains côtés, s'écarte des diverses opi-
nions émises jusqu'à ce jour.
Ainsi (il vaut mieux le dire tout de suite), nous
devrons nous séparer de l'Ecole française, pour admettre
l'existence d'un type clinique bien défini, distinct des
autres myélites, que l'on ne peut pas confondre avec
la masse des lésions diffuses; c'est ce type clinique que
nous proposons d'appeler tabès combiné. D'autre part,
nous devrons nous séparer aussi de l'Ecole allemande
(qui a beaucoup fait pour l'étude analytique de cette
question), en montrant que la lésion, systématisée dans
les cordons postérieurs, ne l'est pas dans les
cordons latéraux et que, par suite, ce n'est pas là
une myélite de deux systèmes, mais une myélite MIXTE,
troisième type de myélite, que l'on n'a pas encore
assez étudié, mais qui existe parfaitement, à côté delà
myélite systématisée et de la myélite diffuse, comme
.la néphrite mixte existe à côté de la néphrite paren-
chymateuse et de la néphrite interstitielle.
Ces considérations préliminaires, qui synthétisent
en quelque sorte d'avance les conclusions de notre
travail, étaient nécessaires pour justifier notre entre-
prise en montrant le but à atteindre et les propositions
à démontrer.
Cela dit, nous étudierons successivement : l'histo-
rique, l'étiologie, la symptomatologie, l'anatomie et
la physiologie pathologiques, le pronostic et le traite-
ment de la nouvelle maladie, que nous voudrions voir
figurer désormais dans la classification ordinaire des
maladies de la moelle.
DU TABES COMBINÉ. 159
I. HISTORIQUE '
C'est dans les travaux de Friedreich sur l'ataxie
héréditaire que nous avons trouvé les premières obser-
vations (avec autopsie) pouvant se rapporter au tabès
combiné. Ces mémoires, complétés par celui de Schultze,
s'échelonnent de 1863 à 1880'. Nous discuterons, au
chapitre de l'étiologie, la caractéristique que Friedreich
veut trouver à ces affections dans le seul fait de l'hé-
rédité, et nous verrons que beaucoup des cas d'ataxie
dite héréditaire appartiennent, en réalité, au tabes com-
biné. C'est à ces travaux que sont empruntées les ob-
servations 11" 1, 9-, 15, 18 et 19 de nos tableaux.
En 1867, dans un travail consacré à l'étude de la
moelle dans la paralysie générale des aliénés2, West-
phal cite quelques faits (nous 3, 4 et 5 des tableaux),
qui appartiennent aussi à la maladie que nous étudions.
Puis vient l'observation de Pierret (1871-72)3, n° 6
de nos tableaux.
Leyden4 cite un nouveau cas (u° 7) ; mais il ne tire
pas encore de conclusions. « Nous devrions encore par-
ler, dit-il, de la sclérose combinée des cordons posté-
1 Friedreich. Ueber dégénérai. Air. d. sp : ;t ? )t<e) ? <)' (Arcli. f. pathol.
Anal. ez. Pltlsiol.), 1863, XXVI, 301 et 433; XXVII, 1 ; 1876, LXV111, 14G;
1877, LXX, 140. Scliultze : UeGer combin. Strangdegenerat. evz d. Med.
spin. (arcs. lui- pathol. Anal.), 1SS0, LXXIX, t32.
2 Weslphal. - Oeber Erkrank. d. lüzckeiznz. bei cl. allqe) ? 2ein. progress.
Parai, col. 7'M ! . (Arch. sur pathol. Anat.), 1867, XXXVIII, 115; XXXIX,
333 et 6J3 ; XL, 226.
3 Pierrot. -Yole sur la scier, cle'cord. postr. dans l'at. locom. progress.
(Arch. de plysiol.), 1871-72, IV, 364.
4 Leyden. 7 ? < : i<e clin, des mal. de la moelle épin., traduct. franc, de
Richard et Viry, 603, gan et 687. ,
160 PATHOLOGIE NERVEUSE.
rieurs et des cordons latéraux, mais les observations
de cette coïncidence sont encore trop rares pour pou-
voir donner lieu à une étude approfondie. » On voit
qu'il a très peu observé ce type ataxo-spasmodique,
quand il dit, à propos de la symptomatologie du
tabès : « Les contractures sont tout à fait exception-
nelles, elles ne surviennent qu'à la suite d'un long
séjour au lit... On n'a pas observé jusqu'ici de raideur
musculaire dans l'ataxie. Les muscles sont mous, lâches
et n'opposent aucune résistance aux mouvements qu'on
veut imprimer aux membres. » Nous verrons que c'est
précisément le contraire dans le tabes combiné; d'où
la possibilité du diagnostic différentiel entre les deux
tabes.
Nous trouvons encore une observation dans un tra-
vail de Westphal' (1875), consacré à un tout autre
sujet : n°8. Prévost2 en publie une nouvelle en 1877 :
n° 9. Il qualifie les cas de cet ordre de « rares, si ce
n'est presque inconnus dans l'histoire de l'ataxie loco-
matrice ». Mais il se refuse à voir dans la lésion laté-
rale le simple résultat de l'extension de la lésion pos-
térieure ; un espace sain sépare les deux ordres
d'altération.
A peu près à la même époque, Erb% à propos du
diagnostic différentiel du tabès dorsal spasmodique et
du tabes ordinaire, parle des formes intermédiaires ou
plutôt mêlées (inischfoîïnen), dans lesquelles il y a de
' WMtphat.C/e&f)'e : ! t. Beweguzgs-l;rsckezz. rrz gel(thnzl. Glied. (Arch.
f. Psych. u. Nerucnlzranlc.), 1875, V. 822.
2 Prévost.-Ataxie locom. Sclé),. des cord, poster, compliquée d'une
scier, symétr. des cord. latér. (Arch. de ptkgsiol.), 1877, 2c sér., IV, 764.
3 Erb. - 1. Wandcmers. de, sùdwestlich. Ne2ti,oloy. u.lrretlt.izl3adezz,
20 mai 1876 (Arch. f. Psych.), 1877, VIF, 238.
. DU TABES COMBINÉ. 161
l'ataxie avec des réflexes tendineux exagérés, desparé-
sies et des tensions musculaires avec de légers troubles
de sensibilité et de vessie, etc. Il en a vu trois cas et
en cite plus spécialement un dans lequel il y avait
parésie marquée des extrémités inférieures, avec ten-
sions musculaires et exagération des réflexes tendineux,
mais aussi ataxie à un haut degré, tandis qu'aux extré-
mités supérieures l'ataxie est marquée, mais sans
parésie et sans réflexes tendineux, légers troubles de
la sensibilité et de la vessie. Il admet qu'il y a là une
combinaison des deux formes de la maladie, coexis-
tence de lésions ordinairement séparées. Il proclame
enfin la nécessité de mieux étudier ces faits, au double
point de vue clinique et anatomique.
Dans son livre' paru bientôt après, le même auteur
ne parle guère de ces complications à l'article Tabes;
mais, à propos du tabes dorsal spasmodique, il dit'
quant aux cas compliqués des symptômes de sclérose
postérieure, sur lesquels Berger vient d'attirer l'at-
tention, toutes les combinaisons possibles des symp-
tômes tabétiques se présentent; ◀tantôt▶ seulement de
légers troubles subjectifs de sensibilité avec un peu
de faiblesse vésicale; ◀tantôt▶ des douleurs lancinantes,
des paresthésies et des fourmillements avec ataxie,
oscillations les yeux fermés, etc. ; ◀tantôt▶ les phéno-
mènes tabétiques (anesthésie, ataxie, faiblesse vésicale
et génitale, etc.), prennent le dessus et l'existence
simultanée de la paralysie spinale spastique est simple-
ment indiquée par la paralysie, les tensions muscu-
1 Erb. flandb. d. spec. Pathol. u. Ther. de /i'cH : MeK. 1877, XI.
2 lbid : 236.
Aiicuives. L. XI. 11 l
163 PATHOLOGIE NERVEUSE.
laires et l'exagération des réflexes. Il y a aussi des cas
où le mélange des deux types est intime et où le dia-
gnostic devient douteux. On devra admettre le plus
probablement dans ces cas une sclérose simultanée des
cordons latéraux et des cordons postérieurs. Cela a été
observé (notamment dans la dernière phase du tabes),
spécialement par Westphal. Mais des autopsies sont
encore nécessaires pour éclaircir complètement ce
sujet.
De nouveaux travaux de Yestphal' commençaient
à paraître, beaucoup plus importants que tous les pré-
cédents. L'étude de la lésion combinée de la moelle
était le but même du mémoire. Il donne cinq obser-
vations nouvelles (nos 11, 1'2, 13, 14 et 17 de nos
tableaux), les discute, les rapproche des autres faits
déjà connus, etc. C'est là un travail capital dans l'his-
toire de la maladie que nous étudions.
L'observation de Kahler et Pick2 (n° 10) est de la
même époque. Ces auteurs étudient, à ce sujet, les
maladies systématisées combinées de la moelle, qu'ils
définissent : la maladie, simultanée et produite par une
cause commune, de plusieurs systèmes. Il faut la dis-
tinguer des autres maladies multiples de la moelle par
complication ou par extension de la lésion, soit par
conliguité (dans le tabes ordinaire), soit dans les par-
ties successives d'un même système (sclérose latérale
amyotrophique). Ils considèrent la forme de Friedreich
comme une maladie systématisée combinée héréditaire
1 Westphal. Veber combin.(prim.)Erkrank. d. Riielce ? zma),ksst2.CÀî,ch.
f. Psych.), 1877, VIII, 469 et 1879, IX, 413 et 691. 1.
2 Kahler et Pick. Ueber combin. Systemerkr. d. Ritekenm. (Arch. für
psych.), 1877, V111, 251 et IX, 413.
DU TABES COMBINÉ. 163
de la moelle (cordons pyramidaux, cérébelleux, de
Goll et zones radiculaires postérieures).
A la même période appartiennent encore l'observa-
tion de 13abesiu' (n° 16), la deuxième autopsie de Kah-
ler et Pick-2 (n° 20) sans observation, et les cas de
Slrûmpell3 (ti" 21, 22 et 23).
En France, on était bien moins avancé. Onimus 6
avait bien étudié les contractures des tabétiques et en
faisait le pivot d'une théorie de l'incoordination; mais
il ne séparait pas de la grande majorité des ataxiques
ces latéraux que nous étudions ici et à part.
Le passage suivant de Vulpin" (1882) montre les
hésitations que l'on avait encore alors à diagnostiquer
un cas qui, croyons-nous, était du tabes combiné.
« ... On avait, après discussion, admis ce diagnostic
(de tabes dorsalis); mais il faut avouer que quelques
particularités nous embarrassaient un peu. Ainsi, le
tremblement qui agitait, par sortes d'accès, les membres
du malade dans les premières périodes de l'affection,
et qui était parfois assez intense pour l'empêcher de
se tenir debout ou de tenir un objet quelconque de
l'une ou l'autre main, ne nous rappelait aucun des
phénomènes que nous avons observés dans les nom-
1 Babesiu. - Uebcr d. selbst. conibiii. Seiten- u. Hinterstr. d. Rückenm.
(Al,ch. f. palhot. Anat.), 1879, LXXVI, 74.
2 Kahler et Pick. Ve2t. jBe/Me z. Pathol. 21. pathol. Anal. d. Cen-
li,al21e2,ven-S ! Ist. I. fin neuer Fall voit gleichz. Erltrank. d. 7/t ? t<e ? u.
Seitenslr. ;Â>·clz. ? Psych.) 1SS0, X, 179.
3 Strumpe)). Beitr. z. Pathol. cl. Riielieiini. ; il. t7eAe''co')it ! ! t. Syslem-
f) ? )'a7t. ini Rucken ? ? z. (drch. f. Psych ? 1S81, XI, 26.
' Onimus. De la contracture dausl'at. loconz. et de son influence sur
incoordin. des ueouuenz. (Gaz. hebdouz.), 1878, 147. Art. Contractures
ni Dict. encycl. des se. nzédic.
5 Vull)ian. Observ. de tabes-avec phéiio ? 7z. cpilept, pendant les pre-
mières périodes de l'affection. (Revue de mérlec.), 18S ? , 142.
164 PATHOLOGIE NERVEUSE.
breux cas d'ataxie que nous avons eus sous les yeux.
D'autre part, on a constaté chez ce malade, pendant
une assez longue période de temps, des contractures
plus ou moins fortes et d'une durée de quelques heures
au moins et parfois de quelques jours, se produisant
dans certains muscles des membres inférieurs, princi-
palement dans les muscles des pieds, avec flexion spas-
modique des orteils. Pendant une certaine période
aussi, le membre inférieur du côté droit était agité par
moments d'une sorte de trépidation tout à fait sem-
blable à celle qu'on observe dans des cas de lésions
des faisceaux latéraux de la moelle épinière. Cette tré-
pidation ne pouvait pas cependant être provoquée par
le redressement de la pointe du pied; mais elle avait
lieu avec force lorsque le malade, assis sur une chaise,
relevait un peu le talon du pied droit. Elle se produi-
sait sous la même influence lorsque le malade était
debout... Les divers phénomènes morbides constatés
chez notre malade et dont il vient d'être question sem-
blaient plutôt en rapport avec l'idée d'une myélite
diffuse ou incomplètement systématisée qu'avec celle
d'une sclérose des faisceaux postérieurs; mais les autres
symptômes et la marche de l'affection ramenaient
presque invinciblement au diagnostic : tabes dorsalis.
Ce diagnostic s'imposait de plus en plus au sur et à me-
sure que l'on voyait disparaître ces accidents surajoutés
et que, d'un autre côté, la physionomie propre du tabes
se dégageait de plus en plus dans le tableau clinique. »
A la même époque cependant, Raymond' publie
1 Raymond. Sclér. des cord. poster, et des cord, lalér. coexistant chez
le même malade; prédominance presque exclusive des sdnapt. spéciaux à
la sclér. des coi-d. lalér. (Arch. de physiol.) 1S82, X, 437.
DU TABES COMBINÉ. 165
un nouveau fait intéressant (n° 25) de tabes combiné
et Brousse en fait connaître un autre (n°24) dans une
importante thèse de Montpellier consacrée à l'élude
de la maladie de Friedreich. Dans ce dernier travail,'
l'auteur, alors mon interne à l'Hôpital général, com-
mence à parler des myélites mixtes et fait entrevoir
quelques-unes des idées que je développe aujourd'hui.
A ce moment l'histoire du tabes combiné est encore
si peu faite, que Byrom-Bramwei 12 dit dans son livre :
« Je voudrais bien rencontrer un cas d'ataxie locomo-
trice avec propagation de la lésion aux faisceaux'
latéraux. Un pareil cas jetterait, je crois, une vive'
lumière sur le caractère exact du réflexe rotulien...
Quel est l'état du réflexe rotulien dans un cas d'ataxie
qui s'est compliqué de sclérose latérale ? Voilà ce que
je serais curieux de pouvoir examiner. » Nous essaie-
rons de répondre à ce désir par l'ensemble des obser-
vations réunies dans nos tableaux. '
Les observations continuent à se multiplier en Alle-
magne. Dans deux mémoires successifs, Zacher 3 pu-'
blie quatre nouveaux faits (ti" 27, 28, 30 et 31), qui
ne représentent pas le tabes combiné dans toute sa
pureté, puisqu'il s'agit de paralytiques généraux, mais
qui ont cependant leur intérêt pour l'étude que nous
faisons; et Westphal4 en fait connaître un autre (il' 29).
1 Brousse. De l'ataxie héréditaire (Maladie de Friedreich), thèse de
Montpellier. 1S8 ! , n° 37. '
2 Byrom-Bramwell. Malad. delà vzoelleépizz.,trad. franc, de Poupinel
et Th'oi ! ! 0d. 1883, 273, en noie.
3 Zachcr. Beitr. z. l'athol. M. pathol. Aral. d. progress. Parai. (Arch.
/. l'sryclz.), 1883, XIV, 463 et 1881, XV, 359. --
1 Westplial. Ueber einen Fall l'onny ? p6[s/. Spizzalparal. nzit auat.
Il,-Iund, nebst ein. Bemerkungen ïsber d. prinz. lirkr. d. Pyramidenseilen-
slrangbahnen (Ai,ch. f. Psych.). 1854, XV, 225. ' ' .
166 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Nous devons signaler alors le remarquable travail
de Ballet et Minor ', sur lequel nous aurons à revenir
à propos de la symptomatologie et surtout de l'ana-
tomie pathologique. Ces auteurs rapprochent d'un
nouveau fait personnel (n° 2G) les observations déjà
publiées; ils combattent la manière de voir des Alle-
mands, et nous verrons qu'au point de vue anatomo-
pathologique, ils font valoir de puissants arguments
contre la systématisation de la lésion tout entière.
Mais en même temps (et sur ce second point nous
combattrons leurs conclusions) ils induisent de la non-
systématisation des lésions à la non-existence clinique
du type morbide, et ils dissocient et éparpillent sous
cinq chefs, les divers cas publiés au lieu de les tous
réunir (comme nous essayons de le faire) en un seul
faisceau. C'est du reste un travail beaucoup plus ana-
tomopaihotogique que clinique, mais qui marque une
étape importante dans l'histoire du tabes combiné.
Nous ne citerons ici que pour mémoire et pour
éviter les confusions, les mémoires de Démange 2 (in-
téressants à rapprocher à certains points de vue du
travail de Ballet et Minor) sur les scléroses d'origine
vasculaire. Les mots de « contracture tabétique » em-
ployés dans le titre de l'un de ces mémoires pour-
raient faire croire qu'il s'agit là de tabes combiné.
Mais il n'en est rien. Seule, l'observation II du
1 Ballet et Minor. Etude d'un cas de fausse sclér. <enta<. combinée
de la moelle (scier, systém. ou pcrilubul. de la moelle et sclér. pzéc·ivasC.) ;
(.lrclz. de Ncurol.), issu, VII, 4.
2 Demange.-Contrib à l'élude des sclér. 12zé(litl. d'oi-ig. vosctil. (Revue
de nzédec.), octobre 1881. Les scier, des vaisseaux s ? zrz. Ibid. janvier
4885. De la contracture tabétique progressive ou sclér. diff. d'orig.
vascul. simulant la sclérose fascic. observée chez les vieillards atherom.
Ibid. juillet 1885.
DU TABES COMBINÉ. 167
deuxième mémoire, comprend un peu la symptomato-
]ogie du tabès combiné (douleurs lancinantes et abolition
des réflexes tendineux) avec des lésions des cordons
de Burdach; mais la plupart des cas sont uniquement
spasmodiques et latéraux.
A cet historique appartient au contraire de plein
droit le récent travail deDéjerine ', qui contient deux
observations nouvelles (n°s 32 et 33) et sur lequel nous
devrons revenir à propos de l'anatomie pathologique.
L'énumération de tous ces documents, réunis du
reste un peu à la hâte (et pouvant par suite, présenter
des lacunes 2) démontre bien que la question du tabes
combiné n'est pas neuve, mais qu'elle n'est pas faite
non plus. Les observations sont déjà assez nombreuses;
mais les interprétations sont diverses, contradictoires.
On peut dire que, du moins en France, l'histoire
du tabes combiné n'est pas écrite. Ceci suffit à jus-
tifier notre étude qui a la seule prétention de forte-
ment attirer l'attention sur cet important sujet.
II. étiologie.
Le dépouillement des observations, dont on trou-
vera le résumé plus loin, ne donne pas, pour l'étio-
logie du tabes combiné, des éléments de différentia-
tion : c'est l'étiologie du tabes ordinaire, on peut
presque dire l'étiologie générale des maladies chro-
niques du système nerveux.
1 Arch. de physiol., 1885.
2 Voir aussi : Damaschino : Soc. médio. des hop., IS82; Notice sur les
titres et travaux scie ? itif., 1884, p, 26; Encéphale, 1884.
168 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Nous devons cependant dire un mot plus spécial de
l'hérédité. C'est un élément auquel dans les types de
Friedreich, on altache une importance majeure.
Comme la plupart des cas de maladie de Friedreich
appartiennent au tabes combiné, il faut dire ici notre
manière de voir sur cette prétendue caractéristique.
Je pose en principe que le fait d'être héréditaire
ne peut nullement caractériser une forme spéciale de
tabès, ni même une forme quelconque de maladie
nerveuse.
L'hérédité domine la neuropathologie tout entière.
Elle est si peu inféodée à une forme plutôt qu'à une
autre, que l'on voit dans les stades successifs de l'évo-
lution héréditaire, les diverses maladies du système
nerveux se remplacer mutuellement. Féré a très bien
mis ces faits en lumière dans ses articles sur la famille
névropathique et Ballet et Landouzy les ont spéciale-
ment étudiés en ce qui concerne le tabes.
Epilepsie, aliénation mentale, hystérie, tabes, atro-
phie musculaire, etc., se succèdent, se remplacent
dans les familles, établissant le rôle étiologique con-
sidérable de l'hérédité névropathique.
On a voulu opposer cette influence de l'hérédité à
l'influence des diathèses, spécialement de la syphilis.
J'avoue n'avoir jamais bien compris cette sorte d'op-
position, entre les partisans des deux doctrines.
Une maladie du système nerveux (et on pourrait
appliquer ce même principe aux maladies des autres
appareils) est en général la résultante de plusieurs
facteurs; d'une manière plus spéciale, deux grands
groupes d'éléments étiologiques interviennent presque
nécessairement dans chaque cas : les causes de la
DU TABES COMBINÉ. 169
maladie elle-même et les causes de sa localisation sur
le système nerveux.
Dans le premier groupe se placent les diathèses et,
en tête, la syphilis et l'arthritisme; dans le deuxième
groupe, on trouve l'hérédité névropathique, le surmè-
nement des centres nerveux, etc.
Si on analyse soigneusement un nerveux, on trou-
vera presque toujours ces deux éléments représentés .
dans l'étiologie de la maladie. Ils peuvent du reste
venir du sujet lui-même l'un et l'autre : tel sera le
tabétique qui aura contracté la syphilis et surmené
son système nerveux par des excès vénériens considé-
rables, ou bien l'un de ces éléments viendra du sujet,
l'autre venant de l'hérédité : tels seront le tabétique
qui contracte la syphilis et a hérité de la disposition
névropathique et celui qui hérite de l'arthritisme et
surmène son système nerveux. Enfin, les deux élé-
ments peuvent venir, l'un et l'autre de l'hérédité : tel
est le tabétique dont la famille paternelle est profon-
dément arthritique et la famille maternelle profondé-
ment névropathique.
Cette manière de concevoir les choses n'est nulle-
ment une simple vue de l'esprit. Mise en présence
des faits, elle s'applique et se vérifie presque toujours,
du moins dans la clientèle civile; car, à l'hôpital, les
recherches de cet ordre sont à peu près complètement
impossibles.
Ce que nous venons de dire s'applique à toutes les
maladies du système nerveux, par suite à tous les
tabes, aussi bien au tabes ordinaire qu'au tabes com-
biné. Aucune forme ne se spécialise à ce point de vue
et, il est impossible de trouver dans la qualité « héré-
170 PATHOLOGIE NERVEUSE.
ditaire » une caractéristique pour la maladie de Frie-
dreich.
L'étiologie du tabes combiné paraît donc être la
même que celle du tabes vulgaire. Du reste, les faits
recueillis ne permettent pas encore des conclusions
définitives sur ce point.
Pour des raisons faciles à comprendre, nous n'avons
fait figurer dans nos tableaux ci-après, que des faits
avec autopsie. Or, la plupart ont été beaucoup plus
étudiés au point de vue anatomo-pathologique, qu'au
point de vue clinique. Presque tous les mémoires
cités dans notre Historique sont des travaux d'ana-
tomie pathologique. Par suite les antécédents des ma-
lades n'ont pas été, en général, scrutés avec cette mi-
nutieuse patience qui est toujours nécessaire dans ce
genre de recherches.
Si le tabes combiné est dorénavant accepté dans les
cadres nosolo-iques, comme nous l'espérons, on l'ob-
servera plus souvent et surtout, sachant le diagnos-
tiquer, on l'observera plus tôt et mieux. Et alors ces
recherches étiologiques se multiplieront et pourront
donner d'autres résultats.
Sous le bénéfice de ces observations, disons cepen-
dant, à titre de documents que sur les 33 cas résumés
dans nos tableaux, il y a vingt hommes et treize
femmes, que l'hérédité névropathique est signalée huit
fois (nos 1, 2, 3, 15, 18, 21, 24 et 31), la syphilis trois
fois (11" 7, 26, 29), l'hérédité alcoolique une fois (n° 1),
l'hérédité tuberculeuse ou la phtisie pulmonaire chez
le sujet quatre fois (nous 8, 10, 22, 24), plus une fois
n° 14), une affection pulmonaire chronique avec dia-
bète sucré, la scrofule une fois (n° 31), l'humidité
DU TABES COMBINÉ. 171 t
constante (pêcheur) une fois (n° 9) et une chute sur la
tête une fois (Il' -91).
Quant à nos 3 cas personnels, ils concernent des
hommes et voici ce que nous avons relevé au point
de vue étiologique, chez les deux dont nous avons
l'observation : chez l'un, hérédité arthritique et né-
vropathique, toute espèce d'excès, alcoolisme ; chez
l'autre, syphilis et excès vénériens nombreux.
Ce ne sont là, je le répète, que des documents,
encore trop peu nombreux pour étayer des conclusions
définitives.
III. SYMPTOMATOLOGIE.
Pour donner immédiatement une idée d'ensemble
du tableau clinique du tabes combiné, je vais d'abord
résumer l'histoire d'un malade, que j'ai vu récemment'
et dont l'observation a été précisément l'occasion du
présent travail.
23 septembre 1885, M. G..., âgé de quarante-neuf ans.
Mère morte d'une attaque d'apoplexie; père rhumatisant,
est mort subitement (maladie du coeur ? ) ; frère névralgique.
Lui-même fortement constitué avoue toute espèce d'excès,
notamment en alcoolisme. Pas de syphilis nette.
En 1871, début des douleurs fulgurantes, qui conlinuent de
temps en temps, par périodes. En 1873, il commence à aller
à la Matou, puis à Rennes. En 1881, il s'aperçoit, en se pro-
menant dans le bois de Vincennes, qu'il fait quelques faux
pas, plus facilement qu'autrefois ; étant à chasser à Aulus
(septembre 1881), il est tout étonné de ne pouvoir franchir un
fossé, relativement peu large; un peu plus tard, il éprouve de
la peine à monter sur un banc. Cependant, en novembre de
la même année, il est encore très solide et ne fait pas arrêter
les omnibus pour descendre.
172 PATHOLOGIE NERVEUSE.
A ce moment, on diagnostique une paraplégie au début et
on lui prescrit des douches écossaises et de la strychnine.
Brusquement, en huit ou dix jours, la marche devient très
difficile. M. Charcot, consulté alors, lui fait fermer les
yeux, constate qu'il ne peut pas se tenir, explore les réflexes
rotuliens qui étaient abolis, etc., diagnostique une ataxie
locomotrice au début (il y avait toujours aussi les douleurs
fulgurantes) et prescrit des douches froides, 'du seigle ergoté
et des pointes de feu (décembre 18881). Il marche encore beau-
coup et vient à Paris à pied de Saint-Mandé.
L'état s'aggrave progressivement et, en février 1882, il « n'a
plus de jambe du tout ». C'est vers cette époque que débute
l'anesthésie. A partir de ce moment, l'état actuel s'est graduel-
lement développé, comme nous allons le décrire.
Aux membres inférieurs l'anesthésie paraplégique est
très marquée : plus accentuée à la plante des pieds, elle est
plus incomplète aux cuisses qu'aux jambes; là (aux cuisses)
le froid est perçu et développe même une sensation exa-
gérée et particulièrement désagréable. Quand on le pique
avec une épingle aux membres inférieurs, il ne sent rien ou
presque rien (légère sensation de contact); mais, quelques
minutes après, il a des sensations douloureuses au niveau de
toutes les piqûres. Abolition des réflexes rotuliens. Le
matin, au réveil, il perd complètement ses membres dans
son lit.
Allongé dans son lit, il fait, les yeux ouverts, tous les
mouvements qu'il veut avec ses membres inférieurs et il les
exécute avec une certaine énergie. Les yeux fermés, il les
fait encore, mais avec une incoordination des plus évidentes.
Au repos, toujours dans le lit, il a, pendant l'examen, des
contractions spontanées involontaires dans les membres in-
férieurs, surtout à droite. Il éprouve souvent dans les
jambes des crampes douloureuses, qui sont la principale cause
de ses souffrances actuelles et qu'il distingue bien des an-
ciennes douleurs fulgurantes; celles-ci reviennent du reste
encore, mais plus rarement qu'autrefois.
La marche est absolument impossible les yeux fermés. Les
yeux ouverts, elle est possible avec un bras et une canne. Ce
qui la rend difficile, c'est non seulement l'incoordination, mais
surtout la raideur qui s'empare des deux membres inférieurs.
Il sent lui-même dans l'aine et au jarret comme des cordons
DU TABES COMBINÉ. 173
tendus qui lui retiennent les jambes; en fait, la cuisse et la
jambe se contracturent en extension et tout le membre in-
férieur ne forme plus qu'une barre rigide avec les membres
gros et durs.
Certains mouvements sont du reste remarquablement con-
servés. Ainsi, assis sur un fauteuil, le malade se lève sans canne
et peut se rasseoir, même lentement, sans point d'appui
extérieur.
Rien à la vessie. Erections très fréquentes et très gênantes
depuis 1871 pendant le sommeil ; depuis huit mois, elles ne
s'accompagnent plus jamais de pertes, mais persistent.
Au reste, l'anesthésie remonte jusqu'au-dessus des seins.
La colonne vertébrale est le siège de douleurs spontanées assez
vives avec tiraillements très pénibles dans les muscles des
gouttières. Pas de douleur à la percussion des apophyses
épineuses.
Dans les membres supérieurs, les douleurs ont apparu
(mains et bras) vers 1873, mais sont toujours restées moins vives
qu'aux jambes. Les deux mains présentent, au moins en
partie, une diminution très notable de la sensibilité. Pas
d'ataxie véritable : même les yeux fermés, il porte la main à
son nez, sur l'épaule opposée, etc. Cependant les mouvements
précis des doigts sont très difficiles ou même impossibles, mais
c'est plutôt à cause des contractures. Ainsi, depuis l'an dernier,
il ne peut plus écrire : quand il saisit son crayon, il le serre
atrocement; des crampes fléchissent ses doigts au point de
faire pénétrer les ongles dans la paume de la main (comme si
on lui entrait des clous dans la chair, dit-il); il ne peut plus
manoeuvrer le crayon et bientôt le lâche, plus ou moins
brusquement, toujours involontairement. Les mêmes contrac-
tions exagérées et très pénibles surviennent quand il serre sa
canne dans la main pour s'appuyer dessus.
Absolument rien du côté des sens et des fonctions cérébrales.
L'aspect et l'histoire de ce malade font immédiate-
ment penser à un tabes : l'incoordination motrice,
l'influence de l'occlusion des yeux, les douleurs ful-
gurantes, les anesthésies, l'abolition des réflexes rotu-
liens sont des signes très nets. Mais à côté de cela on
découvre facilement chez lui, des symptômes qui ne
17 le PATHOLOGIE NERVEUSE.
sont plus aussi classiques et qui troublent le dia-
gnostic.
Plusieurs médecins, ayant vu le malade dans ces
derniers temps et me l'adressant, disaient : C'est un
tabes; mais ce n'est pas un tabes comme tous les
autres; il y a des choses qui troublent. On a, en
présence de ce malade, des' hésitations analogues à
celles que M. Vulpian exprimait en présence du tabé-
tique dont nous avons parlé plus haut.
Et en effet, qu'on se rappelle les descriptions clas-
siques de l'ataxique : les muscles, dit Leyden, sont
mous, lâches et n'opposent aucune résistance aux
mouvements qu'on veut imprimer aux membres ; on
n'a pas observé jusqu'ici de raideur musculaire dans
l'ataxie ; les contractures sont tout à fait exception-
nelles, elles ne surviennent qu'à la suite d'un long sé-
jour au lit. Duchenne, dès le début de l'histoire
du tabes, signale l'absence de spasmes cloniques.
On retrouvera dans les classiques (spécialement dans
le dernier article de Raymond') la description de la
démarche des ataxiques, suivant MM. Charcot, Vul-
pian, etc. C'est toujours la projection folle, la flexion
exagérée succédant à l'extension forcée, les membres
de polichinelle.
Ici le tableau est bien différent, ou tout au moins a
des traits nouveaux.
Au repos, il y a dans les membres inférieurs des
contractions spontanées, involontaires, des crampes.
Ce qui gêne le plus la marche, c'est la raideur des
jambes. Le malade sent lui-même, dans l'aine et au
'Art. Tabes dorsalis, in Dict. e ? icyclol3., 3e série, XV.
DU TABES COMBINÉ. 175
jarret, comme des cordons tendus qui le retiennent;
en fait, dans la marche, la cuisse et la jambe se con-
tracturent en extension, et tout le membre inférieur
ne forme plus qu'une barre rigide avec ses muscles
gros et durs.
En somme, les membres inférieurs présentent su-
perposés (au moins en partie) les symptômes de la
lésion postérieure et les symptômes de la lésion laté-
rale.
La lésion postérieure semble s'arrêter au-dessous du
renflement brachial, et alors aux membres supérieurs
la symptomatologie latérale domine beaucoup plus
nettement : pas d'ataxie véritable ; même les yeux
fermés, le malade porte la main à l'épaule ou au nez,
mais les contractures rendent les mouvements précis
très difficiles, sinon impossibles. Ainsi ce qui l'em-
pêche d'écrire, ce qui le gêne pour tenir sa canne en
marchant, c'est que les contractures fléchissent tout
de suite ses doigts au point de faire pénétrer les ongles
dans la paume de la main, comme si on lui entrait
des clous dans la chair, dit-il ; et il finit par lâcher
l'objet plus ou moins brusquement, toujours involon-
tairement.
Voilà, ce me semble, le tades combiné constitué par
une réunion de symptômes qui le différencient à la
fois du tabès ataxique et du tabès spasmodique et font
prévoir (ce que l'anatomie pathologique confirmera)
une lésion simultanée des cordons postérieurs et des
cordons latéraux. (A suivre).
176 PATHOLOGIE NERVEUSE.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'HG111ATOPSIE D'ORIGINE
CENTRALE HÉIIANOPSIE corticale);
Par E.-C. SEGUIN (de New-Yoi-l).
L'hémianopsie a acquis, depuis la récente découverte des
localisations fonctionnelles de l'écorce cérébrale, une impor-
tance assez grande pour mériter une étude approfondie de la
part du physiologiste et du neurologiste. Peu de questions,
aussi insignifiantes en apparence, ont atteint un tel dévelop-
pement, à ce point qu'il est absolument impossible d'en traiter
complètement dans un travail destiné à être lu dans une
séance ordinaire de Société savante. Dans le temps qui m'a
été alloué, je ne pourrai m'occuper que d'un ou deux points du
sujet et je limiterai mes remarques au rapport qui existe entre
le symptôme hémianopsie et certaines lésions centrales ou
cérébrales. J'essaierai de montrer la valeur séméiologique
dans la pratique actuelle, plutôt que d'insister sur sa signi-
fication dans la résolution de problèmes psycho-physiolo-
giques.
Ce qui m'a engagé à choisir ce sujet, c'est que l'hiver dernier,
j'ai eu la bonne fortune d'observer un cas typique d'hémianop-
sie latérale, qui resta stationnaire jusqu'à la mort du malade
plusieurs mois plus tard, et ne s'accompagna de presque aucun
autre symptôme cérébral. Le diagnostic topographique de la
lésion fait pendant la vie fut vérifié après la mort, de sorte
que, à part l'intérêt purement scientifique du cas, ce fait ne
peut que nous encourager à faire pendant la vie des diagnos-
tics positifs, en nous inspirant de la doctrine, de jour en jour
plus lumineuse, des localisations cérébrales.
Avant de donner la relation du cas que j'ai observé, je veux
faire quelques remarques sur le but de ce travail et indiquer
brièvement les parties du sujet que je ne traiterai pas complè-
tement.
Premièrement, en ce qui concerne le but et le plan de mon
mémoire, je considérerai exclusivement les cas publiés d'hé-
mianopsie, dans lesquels l'autopsie est venuerévéler l'existence
DE L HÉ.M1AN0PSIE CORTICALE. 177 7
d'une lésion dans quelque partie du cerveau, y compris les
couches optiques. Depuis, l'important travail du D' Starr, qui
donne le résumé de tous les cas d'hémianopsie publiés jusqu'en
janvier )88t, le nombre en a quelque peu augmenté et je puis
aujourd'hui en présenter quarante. J'ajouterai que j'ai essayé
de me procurer pour chaque cas l'observation originale, dans
laquelle j'ai fait moi-même avec soin des extraits. Il n'y en a
qu'une, de Prévost (de Genève), qu'il m'ait été impossible
d'obtenir (n° 0) ; j'en parle, sous l'autorité de Westphal, mais
je ne la fais pas entrer dans ma statistique. J'ai entrepris ce
travail, afin d'éviter toute espèce d'erreur, de pouvoir mieux
grouper les cas et d'en apprécier plus pleinement la valeur
pathologique et diagnostique. Je ne prétends pas pour cela
que ma statistique soit absolument parfaite, mais je crois
qu'elle est presque complète et peut servir de point de départ
à une revue critique solide. Je répète encore que j'ai cherché
avant tout à présenter cette riche collection de cas de façon
à en faire un document d'une utilité incontestable pour le
diagnostic au point de vue pratique.
Deuxièmement, pour ep £ qui touche cala question de l'hémia-
nopsie en général, je ferai les remarques suivantes :
Le fait qu'un individu ne puisse voir que la moitié des objets
placés devant lui, et cela d'une façon temporaire ou perma-
nente, est connu des médecins depuis plus d'un siècle. En 1723,
Vater et Heinecke décrivaient trois cas de ce genre sous le
nom de visus dhnidialus.
Probablement le premier, A.-G. Richter a désigné, à la fin
du siècle dernier, le même phénomène sous le nom d'hémio-
pie, qui prévalut alors et qui est d'ailleurs encore employé,
quoique la signification propre en ait quelque peu changé de-
puis l'introduction des termes hémianopie et hémianopsie,
proposés l'un par F. Monoyer, en 1865, l'autre par J. Hirsch-
berg en 1877. Le dernier est préférable et c'est, d'ailleurs, le
plus employé.
D'après le sens que l'on attache aujourd'hui à ces mots,
hémiopie signifie perte de la perception visuelle dans une moi-
tié latérale (ou verticale) de rétine, tandis qu'hémianopsie veut
dire obscurcissement d'une moitié latérale (ou verticale) du
champ visuel. Comme les rayons lumineux s'entrecroisent
AHOUVES, t. XI. ! 2
178 PATHOLOGIE NERVEUSE.
dans l'oeil avant d'impressionner la rétine, il s'ensuit que,
par exemple, une hémiopie droite équivaut à une hémianopsie
gauche, ou en d'autres termes qu'une hémianopsie temporale
est l'équivalent et aussi le résultat d'une hémiopie nasale.
Actuellement, dans la description des cas, on a l'habitude
et il est préférable de ne pas s'occuper de l'état de la rétine,
c'est-à-dire de l'hémiopie et de décrire l'hémianopsie, c'est-à-
dire l'état du champ visuel déterminé par le campimètre ou
par tout autre moyen plus simple mais suffisant.
On distingue plusieurs variétés d'hémianopsie :
10 L'hémianopsie horizontale, supérieure ou inférieure, due
presque toujours à un défaut intérieur de l'oeil et qui intéresse
relativement peu le neurologiste;
2° L'hémianopsie verticale, due presque toujours aune lésion
de la portion retro-oculaire des fibres optiques et, par consé-
quent, d'une grande importance en neuro-pathologie. On a
employé un grand nombre de termes pour désigner les variétés
de l'hémianopsie verticale. Nous distinguons et nous adop-
tons :
a) L'hémianopsie temporale;
b) L'hémianopsie nasale;
c) L'hémianopsie latérale, souvent désignée sous le nom
d'hémianopsie homonyme.
Les deux premières variétés sont exclusivement causées,
d'après l'état actuel de nos connaissances, par une lésion du
chiasma, de ses bords antérieur, postérieur ou latéraux.
La dernière variété, d'après l'état actuel de nos connais-
sances, est toujours produite par des lésions d'un nerf optique,
ou d'une portion plus centrale de l'appareil optique, pouvant
s'étendre en arrière jusqu'au centre cortical de la vision dans
un hémisphère.
L'objet de ce travail est d'étudier les cas suivis d'autopsie,
d'hémianopsie latérale due à des lésions situées dans les par-
ties les plus reculées de l'appareil optique, depuis les premiers
centres optiques (tubercules quadrijumeaux antérieurs, corps
genouillés) jusqu'aux centres visuels de l'écorce des circonvo-
lutions.
A propos des trois formes d'hémianopsie, je considérerai
comme démontrées les propositions suivantes :
DE L'HÉMIANOPSIE CORTICALE. 179
i. Le fait d'une demi-décussation des fibres nerveuses dans
le chiasma chez l'homme a été prouvé par les recherches de
vou Gudden. Suivant cette manière de voir (qui n'est en partie
qu'un retour aux anciennes théories de Newton, Wollaston,
Müller,Hanovpr et de Graefe), les nerfs optiques sont ainsi dis-
posés : les fibres de chaque bandelette, arrivées au chiasma,
se divisent en deux parts : l'une, plus considérable, s'entre-
croise avec son homologue et prend part à la formation du
nerf optique du côté opposé, fournissant ainsi à la moitié
nasale de la rétine : c'est le faisceau croisé. L'autre, pluspetite,
ne s'entre-croise pas, mais passe directement dans le nerf op-
tique du même côté, fournissant à la moitié temporale de la
rétine : c'est le faisceau latéral. Chaque rétine reçoit dans des
fibres nerveuses des deux nerfs optiques, ou, en d'autres
termes, chaque nerf optique contient des fibres destinées aux
deux rétines.
Le faisceau interrétinien d'Hanover est purement imagi-
naire ; il n'existe pas de fibres de cet ordre. Quant à son fais-
ceau postérieur, on sait maintenant, depuis les expériences
de Gudden, qu'il est composé de fibres ne servant pas à la
vision; c'est la commissure cérébrale inférieure.
2. Les connexions des bandelettes optiques avec les corps
genouillés latéraux et les lobes optiques (tubercules quadri-
jumeaux postérieurs) sont intimes, mais chez l'homme, il est
probable qu'elles servent plutôt à des actes réflexes ou trophi-
ques qu'à la vision. On ne sait pas encore si la perception pure
de la lumière considérée comme agent d'excitation a lieu dans
ces corps, après ablation des hémisphères. Certainement, la
vue, dans le sens ordinaire du mot, est impossible dans ces
conditions.
3. Une lésion totale d'une bandelette optique produit fata-
lement l'hémianopsie latérale du champ visuel dans le sens
opposé à la lésion.
4. Une lésion portant sur la partie latérale d'une bandelette
de façon à ne comprimer que quelques-unes de ses fibres pro-
duira l'hémianopsie nasale unilatérale.
5. Une lésion portant simultanément sur les côtés du
chiasma, produira, en altérant les deux faisceaux latéraux,
l'hémianopsie nasale dans les deux yeux.
6. Une lésion comprimant le chiasma dans ses bords anté-
180 PATHOLOGIE NERVEUSE.
rieur ou postérieur produira l'hémianopsie temporale dans les
deux yeux, en altérant les deux faisceaux croisés.
7. Toutes ces lésions peuvent s'accompagner d'immobilité
ou d'irrégularité pupillaire, par névrose ou atrophie du nerf
optique, et leur diagnostic est facilité par la présence des signes
de la paralysie des autres nerfs crâniens ou d'une hémiplégie
croisée.
8. Une lésion de l'hémisphère peut être située de façon à
comprimer une bandelette optique et produire ainsi l'hémia-
aopsie du type périphérique (voy. le cas de Hirschberg, n° 5).
9. Les lésions des lobes optiques ont été rarement observées
chez l'homme et lorsqu'on les a rencontrées, elles ont été
bilatérales dans leurs effets de sorte qu'on ne peut rien dire
actuellement touchant l'hémianopsie due à une maladie de
ces parties.
Après cette courte introduction, je passe aux considérations
cliniques et pathologiques de mon travail, qui s'appuient sur
quarante observations avec autopsies et cinq cas traumatiques
sans autopsie, que j'ai pu recueillir.
Après les avoir soigneusement analysés, j'ai divisé ces
quarante-cinq cas en six catégories.
1. Les cas, au nombre de quatre, où la lésion est mal déli-
mitée et qui sont, par conséquent, inutiles pour l'étude de la
localisation.
2. Les cas, au nombre de trois, où la lésion portait sur des
parties que nous savons être parfaitement indépendantes de
l'appareil optique et où l'hémianopsie résultait de la compres-
sion des fibres du nerf et du chiasma optiques.
3. Les cas, au nombre de six, dans lesquels l'hémianopsie
était due à une lésion du corps genouillé latéral ou de la couche
optique, ou des deux ensemble.
4. Les cas où l'hémianopsie était due à une lésion de la
substance blanche du lobe occipital, au nombre de onze.
5. Les cas d'hémianopsie traumatique, due à des lésions de
la portion occipitale du crâne et de l'encéphale sous-jacent.
Ceux-ci sont au nombre de cinq.
6. Les cas, au nombre de seize, où l'hémianopsie était due à
des lésions de l'écorce cérébrale, seule ou avec la substance
DE L'HÉMIANOPSIE CORTICALE. 1 SI
blanche sous jacente. Dans ce groupe, se trouve mon obser-
vation. Parmi ces seize cas, il y en a quatre dans lesquels la
lésion était assez bien délimitée et toujours la même, pour
fournir une solution au problème de la localisation du centre
visuel cortical chez l'homme.
Pour abréger, j'ai réuni les observations sous forme de
tableaux correspondant à la division que j'ai adoptée. Je
donnerai cependant à part les quatre cas concluants, avec des
figures permettant au lecteur d'apprécier pleinement leur
valeur. Mais auparavant, je veux rapporter un cas traumatique
d'un intérêt extrême, en ce que l'hémianopsie a été le seul
signe pendant vingt-trois ans, et que la cicatrice de la tête est
encore assez distincte pour permettre l'étude de la localisa-
tion.
Observation 111. (Keen et Thomson). - P. Il..., soldat, âgé
de vingt-trois ans, fut blessé à la tête par une balle de carabine
à la bataille d'Autietans, en septembre 1862. Le projectile péné-
tra dans le crâne, au niveau de la ligne médiane, à un pouce et
quart au dessus de la protubérance occipitale externe, et sortit en
un point situé à deux pouces de la ligne médiane et à trois pouces
du point d'entrée. 11 n'y eut pas de perte de connaissance immé-
diate. Dans les jours suivants, le malade se plaignait de troubles
de la vision. Dix jours après la blessure, perte de connaissance,
hémiplégie droite. La paralysie et la perte de la mémoire durèrent
deux ou trois mois. Pas d'aphasie apparente.
Quand les auteurs le virent, en 1870, il n'y avait plus ni para-
lysie ni troubles intellectuels. Le malade se plaignait de trouble
de la vue de l'oeil droit. Les pupilles, les muscles et le fond de
l'oeil étaient normaux. Vision centrale du côté droit = I, du côté
gauche = 2/3. Le trouble dont se plaignait le patient fut reconnu
être une hémianopsie latérale droite avec ligne de division verti-
cale.
J'ai pu voir le malade moi-même, et grâce à l'obligeance de
MM. Keen et Thompson, je sais que l'hémianopsie n'a pas changé,
et qu'elle est encore aujourd'hui ce qu'elle était il y a vingt-trois
ans. J'ai examiné le malade et voici le résultat de mes recher-
ches :
Il ne présente aucun symptôme net de paralysie, d'anesthésie,
ni d'aphasie. La langue est déviée à droite et l'éminence thénar
de la main droite est un peu moindre que celle de la gauche.
183 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Examen dynamométrique : à gauche 38,34, à droite 35,34. Le
réflexe du genou est notablement augmenté, mais égal des deux
côtés.
L'examen ne révèle aucune trace d'anesthésie. Mais le malade
pense que la sensibilité tactile est un peu plus lente sur la moitié
droite de la tête et la main droite. Pas de troubles du sens mus-
culaire ; le malade, les yeux fermés, sent très bien les mouvements
passifs que l'on imprime à ses doigts et reconnaît bien les poids
que l'on place dans ses deux mains.
II se sert plus habituellement de la main gauche que de la
droite; mais cela tient au trouble de la vision qui existe du côté
droit. -
Il ne s'est produit qu'une seule attaque épileptiforme, il y a
environ six ans, pendant la nuit. La mémoire est bonne; elle
a été faible autrefois, mais il n'y a jamais eu d'amnésie des
mots.
La tête présente deux cicatrices : celle de l'entrée de la balle,
qui est très petite, et celle de la sortie, qui est large et déprimée.
Les mensurations suivantes ont été faites de façon à avoir le crâne
reposant sur le plan ahéolo-condyloidien de Broca.
L'orifice d'entrée est sur la ligne médiane à 3 centim. 5 au
dessus de la protubérance occipitale externe. La ligne tirée du
bregma à la cicatrice en suivant la ligne médiane, mesure 1 cen-
tim. 5.
L'orifice de sortie est une large dépression, située en arrière
de la précédente, près de l'éminence pariétale. Son extrémité
frontale est à 6 centim. 5 du bregma; le milieu correspond à la
ligne médiane (à S centimètres de distance). Son extrémité fronto-
latérale est à 12 centim. 7o du tragus gauche. Son diamètre trans-
versal mesure 5 centimètres; son diamètre longitudinal, 6 centim. 5j
sa profondeur est de I cenlim. 5. Le pont d'os qui relie les deux
cicatrices est large de 3 centimètres.
Le fond de la cicatrice est ferme quoique non osseux, et une
pression raisonnable ne fait pas souffrir le malade.
L'examen grossier fait reconnaître à 18 pouces de I'oeil droit
une hémianopsie latérale droite, avec une ligne verticale passant
en dehors du point de fixation. Il y a en outre une surface obscure
dans le quart supérieur gauche du côté temporal.
Le Dr G. W. Hale, chirurgien de l'hôpital pour les yeux et
les oreilles, a bien voulu faire l'examen méthodique des yeux
DE L'H$\IlAI;OP51E COR7" CAIE. 183
de H... et nous donner un tracé de son champ visuel. Voici
quels ont été les résultats de son examen : ,
D - 0 90 w - i ?
D 50 '40- -2' ? '
,. 16 16 w - 4 90'.
G = 00 70 7 ? a. 90°
D lit n-")4 J à t2'' w +, s r ° t J d 8"
19.
G lit n° )4 J a )3"w + nu 6 J'it8"
Les pupilles réagissent normalement.
Muscles de l'oeil : pas d'insuffisance d'aucun côté à 20' ou l'.
Fond de l'oeil : vaisseaux sanguins de dimensions normales. Le
quart externe temporal de chaque papille est plus blanc que nor-
malemeiit,le gauche un peu plus que le droit. Pas d'autres lésions
7''i ? 1. Le trajet probable de la balle à trajets le cerceau dans le cas III (Keen et
Xhomson) est indiqué par la portion ombrée, dans la partie occipitale de la tête,
coupant les lignes 2 et B.
- ) j i I . ; .
Vas d'hémianopsie dans lesquels la relation entre la lésion et le trouble visuel n'était pas évidente. Cas mal rapportés ou · ||
. 1 indéterminés. -Nontbrr : 4. |,
1 .li
! '
1 i ' TABLEZ'
1 1 ' Cas d'hémianopsie par lésions situées principalement
198 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Grâce à l'amabilité de MM. Peabody et Ferguson, j'ai pu
répéter le traumatisme sur le cadavre à l'hôpital de New-York.
Des couronnes de trépan furent faites sur le crâne d'un sujet
mâle dans les points correspondant aux cicatrices observées
sur la tête de H... et une pointe de fer fut poussée à travers les
deux ouvertures, suivie par une forte mèche de fil. L'hémis-
phère fut ensuite mis à durcir dans l'alcool. On trouva alors
que le trajet de la balle suivait la face dorsale de l'occipital,
à travers le lobe pariétal jusqu'aux confins de la circonvolution
pariétale ascendante. Elle avait pénétré de façon à léser le
faisceau optique dans son trajet vers le coin (fig. 1). ).
Observation 28. (Haab). Homme de soixante-huit ans. En
février 1878 pendant qu'il était en traitement pour une endopé-
'ricardite, il fut pris d'une patalysie dans les extrémités du côté
gauche. Cela guérit rapidement, laissant une certaine mala-
dresse delà main gauche. Après s'être servi de cette main, le ma-
lade éprouvait des douleurs dans le bras gauche et des palpitations.
Quand il fut vu par Haab en juillet, le malade se plaignait de
ne pouvoir pas voir de l'ceil gauche, et pensait que I'oeil droit était
sain. L'examen montra un certain degré de maladresse dans les
extrémités gauches, sans anesthésie. Intelligence normale, ouïe
bonne, vision centrale = 1 (H. 2). Il y avait une hémianopsie
homonyme gauche, la limite atteignant juste le point de fixation.
Perception des couleurs bonne à droite.
Les nerfs optiques présentent une « coloration grisâtre sénile ».
Pendant l'année, des examens répétés donnèrent toujours les
mêmes résultats. Le malade insistait sur ce fait, qu'il avait un
voile ou une image devant l'ueil gauche. Mort en juillet 1879.
Autopsie. L'extrémité postérieure de l'hémisphère droit
était de 5 centimètres plus courte que celle du côté opposé. Il y
avait une dépression au niveau du lobe occipital droit, la pie-
mère adhérant sur une excavation contenant un liquide clair.
La plaque siégeait surtout sur la face moyenne de l'hémisphère
(comprenant la pointe). Elle occupait la place de la scissure de
l'hippocampe et s'étendait au delà d'elle en haut et en bas.
Son extrémité antérieure était à 6 centimètres de la pointe du
lobe. La substance blanche n'était que peu lésée. Il n'y avait
pas de communication avec la corne postérieure du ventricule.
La hauteur de ce foyer était de 2 à 3 centimètres.
Pas d'autre lésion cérébrale. Les bandelettes, le chiasma
et les nerfs optiques étaient normaux à l'examen microsco-
DE L'HEMIANOPSIE CORTICALE.. 9 199
pique. Le diagnostic de Haab pendant la vie avait été : embolie
de l'artère irriguant la partie postérieure delà couche optique
droite.
Observation 29. (Huguenin). Fille de huit ans. Pendant t'au-
tomne.de 1878, coqueluche suivie d'altération de la santé générale
et de faiblesse de l'intelligence. En janvier 48î9, céphalalgie paroxys-
tique ; plus tard vomissements fréquents, insomnie; pas de symp-
tômes oculaires ni moteurs. A la fin de mars fortes convulsions
revenant fréquemment et constituant le principal symptôme. Dé-
mence croissante. Vue par Huguenin le 16 avril 1879. Enfant
démente; au dire des parents, comprend ce qu'elle entend et
répond bien ; mémoire faible, faiblesse musculaire générale, mais
pas de paralysie localisée. Vue et ouïe normales. Sensibilité au
pincement conservée. Nerfs optiques normaux.
Amélioration temporaire sous l'influence del'iodure de potassium
et du sirop d'iodure de fer.
Le 27 avril, second examen ophthalmoscopique. Légère névrite
avec un peu dégonflement (sans « stazitcay »). Céphalalgie. Au-
milieu de mai, on s'aperçut que la malade tenait sa tête oblique-
ment vers la gauche. Le 20, l'examen révéla une hémianopsie ho-
monyme gauche. Ce symptôme élait le seul qui indiquât une
Fig. 2. Face moyenne de l'hémisphère droit, montrant le siège de la plaque
de ramollissement dans l'obs. 8. (Haab.).
200 PATHOLOGIE NERVEUSE.
lésion en foyer du cerveau et il persista. Mort en juin, par broncho-
pneumonie.
Autopsie. On trouva deux tumeurs dans le cerveau, l'une
au sommet du lobe frontal gauche, l'autre près de la pointe
- A
du lobe occipital droit. Ependyme des ventricules granuleux ;
léger épaississement de la pie-mère au niveau du chiasma et
dans les deux scissures de Sylvius. -
Fg.3, A. Tumeur au niveau de la face moyenne du lobe occipital droit : hémia-
nopsie latérale gauche.-Il. Coupe horizontale montrant la légère pénétration de la
tumeur. (Obs. 9, Huguenin.)
DE L'HÉMIANOPSIE CORTICALE. 201
La seconde tumeur siège sur la face moyenne du lobe occi-
pital droit, dépassant de quelques millimètres le niveau du
cerveau, fermement adhérente à la pie-mère et un peu seule-
ment à la dure-mère. Sa longueur était de 3 centimètres, sa '
hauteur de 3 centimètres, son épaisseur de 2, 5 centimètres
ensevelie presque entièrement dans la substance cérébrale. La
base du lobe occipital n'était pas atteinte. Tumeurs caséeuses.
Observation 41. (P'éré). - Femme de cinquante-deux ans. En
novembre 1883, attaque apoplectique soudaine suivie d'hémiplégie
droite transitoire. A son admission à.la Salpè trière, pas de sympt8mes
moteurs. Hémianesthésie au froid et à la douleur du côté droit,
légère et partielle. Goût, ouïe et odorat normaux. Hémianopsie
latérale droite typique, la ligne verticale passant par le point de
fixation. Pas de lésions du fond de l'oeil. Il n'est pas fait mention
de l'état des pupilles.
Mort le 34 décembre 1884. L'autopsie montra seulement un
foyer de ramollissement jaune détruisant la plus grande partie du
coin gauche et empiétant un-peu sur la deuxième temporale adja-
cente (cinquième temporale de Ecker). Pas de dégénération se-
condaire. Corps genouillés, lobes optiques, bandelettes, chiasma
et nerfs optiques normaux. La commissure grise du troisième
ventricule était absente.
Fig. 4. -Facemopenne del'hémisphère gauche (Ecker). Foyer de ramollisement causant
l'hémianopsie latérale droite. Obs. 41. (Féré.)
202 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Observation z. (Séguin). M. J. W. D., âgé de quarante-six ans,
vint me consulter le 18 janvier 1884, pour de l'insomnie et de la
dyspepsie. Insomnie très-marquée dans la première partie de la
matinée. Devenu peu à peu pâle, faible et maigre. Pas de dyspnée.
L'examen révèle une anémie générale ; pouls faible, lent (63 à 66
par minute). Coeur faible, avec un souffle net d'insuffisance mi-
trale. Pulsations de la veine jugulaire externe. Urine normale,
quoique d'une densité très élevée.
Sous l'influence de la digitale, du hachisch, de la noix vomique
et de l'arsenic sous différentes formes, et d'un régime alimentaire
plus substantiel, avec un verre de bon vin de Bordeaux à chaque
repas, le retour à la santé fut obtenu en six semaines environ.
Le sommeil était bon ; le malade avait repris sa force et ses cou-
leurs. '
Le 26 novembre 1884, je fus appelé chez lui. J'appris qu'au
printemps il avait fait un voyage à la Havane et était revenu en
excellente santé selon toute apparence. Dans les trois ou quatre
mois qui suivirent il s'était surmené pour remettre sur pied ses
affaires qui étaient loin de prospérer. Il avait renoncé au vin de
Bordeaux et s'était mis à une gymnastique assez rude. Sa maison
était située au sommet d'une des rues les plus escarpées de la
ville et il y montait tous les jours avec rapidité.
Je le trouvai souffrant en apparence d'une fièvre intermittente
régulière, frissons suivis de fièvre et de sueurs. Il avait été forte-
ment purgé et était très faible. Le coeur était plus gros que la pre-
mière fois que je l'avais vu et le souffle mitral plus fort et plus
étendu. Je prescrivis de la quinine et une bonne alimentation.
Quelques jours après, le 5 décembre, on vint me chercher en
toute hâte pour une attaque nerveuse. Je trouvai M. D... très ef-
frayé, mais possédant toute sa raison et sans symptômes bien sé-
rieux. Il se plaignait d'engourdissement dans tout le côté gauche
du corps, la joue, le bras, la jambe et le tronc, plus marqué dans
la main et le pied. L'exploration ne révélait pas d'hémiplégie nette
ni d'anesthésie. Il pensait cependant que la sensibilité tactile,
lorsqu'il passait la main sur un objet, était un peu obtuse. Il in-
sistait beaucoup sur un autre symptôme qu'il qualifiait de « cécité
de l'oeil gauche ». 11 ne pouvait, disait-il, voir les objets situés à
sa gauche, sans tourner de ce côté sa tête et ses yeux. L'examen
à l'aide d'un objet brillant par les procédés ordinaires, révéla une
hémianopsie latérale gauche typique avec ligne de division verti-
cale n'embrassant pas le point de fixation. La vision centrale était
bonne comme auparavant, ainsi qu'il était facile de le constater
en lui faisant lire un journal. Le docteur C. R. Agnew fut mandé
le lendemain pour examiner les yeux du malade et il m'adressa la
lettre suivante pour me faireconnaitre le résultat de son examen :
DE L'HÉMIANOPSIE CORTICALE. 203
« Mon cher docteur,
«J'ai examiné les yeux de M. D... Il a de l'hémiopie gauche,
comme vous le dites. Il a de l'opacité des fibres du nerf optique
dans la moitié nasale de la pupille gauche, s'étendant à une petite
distance dans le fond de l'oeil, ce qui est physiologique. Il y a
quelques altérations punctiformes dans la couche de pigment des
deux rétines, principalement à gauche. Je ne pense pas que ces
faits aient aucun rapport avec le trouble visuel, qui est central,
comme vous le dites. Je suis tout-à-fait de votre avis pour tout le
reste et je n'ai rien à ajouter en ce qui concerne le traitement
local. ·
« Bien à vous, C. R. Agnew ».
Mondiagnostic était : Embolie de la branche de l'artère cérébrale
postérieure irriguant la face postéro-interne du lobe occipital
droit.
. La maladie de M. D... dura, avec des rémissions extraordinaires
et des symptômes remarquables, jusqu'au 17 mai 1885, jour de sa
mort.
Les faits principaux de cette longue maladie peuvent être résu-
més ainsi qu'il suit :
En décembre il eut une violente attaque de manie aiguë avec
hallucinations de l'ouie et de la vue, dues probablement à de
l'anémie eérébrale. Cela céda à de fortes doses de chloral, la
digitale, un régime sévère de lait et d'ceufs.
En février M. D... put aller à Nassau. Pendant son séjour là-bas
il fut repris de frissons, fièvre et sueurs qui se montrèrent rebelles
à de fortes doses de quinine. Ces frissons n'étaient pas nettement
périodiques, ils revenaient deux fois par jour, tous les deux jours
au tous les jours.
Il revint a New- York le 15 avril et les accès de fièvre nettement
intermittents furent les principaux phénomènes de cette période.
Son état général était meilleur, mais le coeur était très gros et
on entendait un très fort souffle d'insuffisance mitrale. Pendant
le mois il se fit quelques embolies viscérales el périphériques
caractérisées par de l'hématurie, de la douleur splénique avec
hypertrophie, des taches décolorées sous la peau.
(Dans le mois de novembre précédent, après l'apparition de
l'hémianopsie, il se plaignit un jour de douleur et d'enflure de
la paume de la main droite, suivies pendant quelques jours de
gonflement de toute la main.-Probablement embolie de quelque
branche de l'arcade palmaire.)
Toutes ces embolies furent reconnues à cette époque pour être
sous la dépendance de ia lésion mitrale; et il me vint enfin à
204 PATHOLOGIE NERVEUSE.
l'idée que cette fièvre intermittente rebelle, irrégulière, était
aussi d'origine cardiaque, chaque accès étant dû au détachement
de particules microscopiques des valvules malades.
Le 8 mai le docteur William H. Draper fut appelé en consulta-
tion et fit le diagnostic formel d'endocardite ulcéreuse ou maligne.
Quelque temps avant la mort, pendant environ quinze jours,
la parole du malade était quelquefois difficile à comprendre. Cette
articulation défectueuse des mots était due en partie à l'extrême
faiblesse générale, mais anssi à une impuissance des muscles buc-
caux. Les deux mains présentaient des désordres du mouvement,
du tremblement choréiforme et à gauche une légère alaxie dans
les grands mouvements.
Souvent M. D... se plaignait de froid et d'engourdissement dans
la main gauche.
A aucun moment, il n'y eut d'hémiplégie ni de monoplégie
nettes, et la sensibilité était toujours à peu près sinon tout-à-fait
normale, de sorte qu'on pouvait croire qu'il ne s'était fait aucune
embolie cérébrale depuis l'attaque de novembre. On répéta à plu-
sieurs reprises l'examen de l'hémianopsie, entre autres une fois
quelques jours avant la mort. Elle persista toujours la même et
la vue resta bonne. Le malade se plaignait toujours que son oeil
gauche était faible (fait que l'on rencontre souvent chez les hé-
mianopsiques). Quelques semaines avant sa mort il lisait et écri-
vait facilement lorsque, la faiblesse augmentant tous les jours le
força de garder le lit.
L'autopsie fut faite avec l'assistance du docteur W. R. Birdsall,
le soir de la mort, le 17 mai. La rate et les reins contenaient des
infarctus de différents âges, quelques-uns très grands ressemblant
à des foyers hémorrhagiques.
Le coeur était très hypertrophié, la valvule mitrale déformée et
portant d'énormes végétations rugueuses, une presque polypi-
forme. Des coupes de ces végétations, traitées par la méthode de
Gram, montrèrent des chaînes de micrococcus et des colonies
isolées de bactéries. Les valvules aortiques et l'aorte étaient nor-
males.
Le cerveau en général était anémié ; les vaisseaux delà base et
les artères cérébrales moyennes exemptes d'embolie et de throm-
bose. Les nerfs de la base, les bandelettes optiques et le chiasma
furent examinés avec le plus grand soin et trouvés normaux.
L'hémisphère gauche présentait une petite surface de congestion
extrême et une ecchymose au niveau des plis de la seconde cir-
convolution frontale ; il y avait une autre tache sur le pied de
cette circonvolution, s'étendant le long des circonvolutions orbi-
taires.
Au sommet de l'hémisphère droit, lésion superficielle analogue
DE L'HÈMIANOPSIE CORTICALE. 205
(ecchymose) s'étendant sur l'extrémité supérieure de la scissure de
Rolando.
En regardant le cerveau d'en haut l'extrémité occipitale de
l'hémisphère droit paraît plus mince que du côté opposé. Cet as-
pect est dû à la destruction de la face interne du lobe occipital
droit par un large foyer, évidemment ancien, de ramollissement
jaune. La lésion comprend la base du coin, les quatrième et cin-
quième circonvolutions temporales (Ecker) et une partie de la
circonvolution de l'hippocampe. La lésion n'atteint pas la pointe
du lobe occipital.
Les autres circonvolutions des deux hémisphères étaient normales.
J'ajouterai que l'examen du cerveau a été fait et les lésions Sus-
dites constatées par votre président, le docteur Birdsall et moi.
Malheureusement le cerveau n'a pas été coupé tout de suite.
Placé dans le bichromate de potasse pour y être durci et reposant
sur le lobe temporal, celui-ci ne tarda pas à se désagréger. C'est
pourquoi je ne puis vous montrer aujourd'hui que la moitié occi-
pitale de l'hémisphère droit avec le foyer de ramollissement que
je considère comme la cause véritable et essentielle de l'hémia-
nopsie. La destruction du tissu s'étend seulement à quelques
millimètres dans l'intérieur de la substance blanche. L'état de la
capsule interne, des couches optiques, etc., reste donc inconnu,
par le fait de l'accident qui m'est arrivé dans la conservation des
Fig. 5. Face interne de l'hémisphère droit (Ecker). Foyer de ramollissement
causant l'hémianopsie latérale gauche. Obs. 45. (Séguin.)
206 PATHOLOGIE NERVEUSE.
pièces. D'après l'histoire du malade, d'après l'absence d'hémiplé-
gie et d'anesthésie nette, je puis affirmer avec certitude, en l'état
actuel de nos connaissances, qu'il n'existait pas de lésions ou du
moins de lésions tangibles dans les parties centrales du cerveau.
Il n'y a donc pas pour moi l'ombre d'un doute que la destruction
du coin droit et de la cinquième circonvolution temporale n'ait
causé l'hémianopsie latérale gauche constatée pendant la vie.
Le ramollissement était produit par une embolie de la troisième
branche de l'artère cérébrale postérieure, artère occipitale de
Duret.
Les objections que peut soulever l'insuffisance de l'examen
anatomique dans ce cas, sont considérablement diminuées de
valeur par ce fait qu'il est en concordance avec nombre
d'autres ; si c'était un cas contradictoire ou anormal, il aurait
certainement beaucoup moins de valeur.
Maintenant, quelles conclusions pouvons-nous raisonna-
blement déduire de tous ces cas ? 2
1. Que des lésions de la face interne des lobes temporaux
ou même des autres départements de la base des hémisphères
peuvent produire l'hémiauopsie indirectement en comprimant
les premiers centres optiques ou les bandelettes optiques et
le chiasma.
2. Que des lésions du corps genouillé latéral ou des parties
postéro-latérales delà couche optique peuvent causer l'hémia-
nopsie, en général conjointement avec de l'hémiplégie et de
l'hémianesthésie, quelquefois de l'hémianesthésie seule.
3. Qu'une lésion de la substance blanche du lobe occipital,
au niveau des fibres les plus postérieures de la capsule interne,
peut produire l'hémianopsie seule ou accompagnée d'hémianes-
thésie. '
4. Que des lésions de la circonvolution supra-marginale, du
gyrus angularis, du lobule pariétal inférieur avec la substance
blanche sous-jacente peut causer l'hémianopsie, avec ou sans
les autres symptômes (hémiplégie, perte du sens musculaire,
surdité verbale).
5. Qu'une lésion plus étendue, comprenant le centre de la
parole, les circonvolutions motrices et les parties sus-éuon-
cées (4) due ordinairement à l'embolie ou la thrombose de la
sylvienne entière, peut produire, lorsqu'elle siège à gauche,
l'aphasie, l'alexie, l'hémianopsie et l'hémiplégie.
6. Que les lésions du lobe occipital, écorce et substance
DE L'HÉMIANOPSIE CORTICALE. 207
blanche sous-jacente, produisent la cécité quand elles sont
bilatérales, l'hémianopsie quand elles sont unilatérales. En
cela je suis d'accord avec Exner (1881).
7. Qu'une lésion du coin et de la 5° temporale (Ecker) adja-
cente d'un côté produit l'hémianopsie du côté opposé.
A l'appui de cette dernière affirmation, j'appellerai l'at-
tention sur les observations 28, 29, il et 45.
J'ai essayé de fondre ensemble les schémas des 16 cas avec
lésions occipitales (en dehors des cas traumatiques) sur une
même feuille de papier, par des applications successives de
couches d'encre de Chine. Les couches se superposant ainsi les
unes sur les autres, j'ai remarqué que le maximum d'intensité
de coloration due à la superposition du plus grand nombre de
couches, correspondait au coin et à la portion voisine de la
pointe occipitale. C'est une simplification de la méthode de
Exner et je crois qu'elle peut, avec quelques améliorations, ser-
vir pour l'enseignement clinique. (Ce diagramme fut montré
à la Société le jour de la lecture du mémoire.)
Venons-en maintenant aux considérations théoriques et
physiologiques. Le temps me presse et je ne pourrai traiter
que très sommairement cet important sujet.
Que nous enseignent les recherches physiologiques les plus
récentes au sujet de la localisation du centre visuel cortical et
des faisceaux blancs en connexion avec lui ?
Les idées de Munk et de Ferrier font autorité. Le premier a
toujours enseigné que les aires visuelles, ou centres de la vision
psychique, sont dans les lobes occipitaux et que chacun d'eux
a des connexions avec les deux rétines. Il a invariablement
produit l'hémianopsie chez les chiens en détruisant un des
lobes occipitaux. Et ces résultats ont été vérifiés sur des chats
par Gauser, assistant de von Gudden.
La théorie de Ferrier, basée sur des expériences faites sur
des singes, a reçu une apparente vérification entre les mains
du professeur John C. Dalton '. Ferrier croyait que le centre
visuel se trouvait dans le gyrus angularis. Voici quelles sont
ses conclusions les plus récentes, telles qu'elles ont été présen-
tées à « the Royal Society », publiées dans ses comptes rendus
XXXV, p, 229, et reproduites dans le Brain, april 188'4 :
1° Les lésions des lobes occipitaux et du gyrus angularis
1 .lolui C. Dalton. - Veu-3'o'k Med. lice, 26 oct. 1881.
208 PATHOLOGIE NERVEUSE.
« occipito-angular région » produisent des troubles de la vue
sans troubles des autres sens ni du mouvement.
2° La seule lésion qui produise la perte complète de la vue
est la destruction totale des lobes occipitaux et des gyrus
angularis des deux côtés. -
3° L'extirpation complète des deux gyrus angularis produit
une cécité complète, temporaire, bientôt remplacée par une
faiblesse de la vue' permanente dans les deux yeux.
4° La destruction unilatérale de l'écorce du gyrus angularis z
cause une abolition temporaire de la vision dans l'oeil opposé,
sans caractère hémiopique.
5° On peut faire de profondes incisions dans les lobes occi-
pitaux des deux côtés en même temps, ou extirper la plus
grande partie d'un ou de deux à la fois sans amener du trouble
visuel.
6° La destruction du lobe occipital et du gyrus angularis
d'un côté cause une amblyopie temporaire dans l'oeil opposé
et une hémianopsie des deux yeux du côté opposé à la lésion.
7° Comme dans aucun cas il ne s'est produit d'hémianopsie
ni d'amblyopie permanente, l'on peut en conclure que la
vision est possible avec les deux yeux, s'il reste seulement des
deux côtés quelques portions des centres visuels intactes.
On voit que les résultats de notre analyse pathologique
sont en apparence favorables aux deux théories de Munk et
de Ferrier. Mais d'une part les cas les plus concluants, ceux
avec les lésions corticales les plus limitées, sont tout à fait
opposés aux vues de Ferrier et en faveur de celles de Munk; et
d'autre part, une particularité dans l'anatomie de l'extrémité
occipitale du cerveau vient expliquer les résultats de Ferrier
sans -admettre l'existence d'un centre visuel cortical dans le
gyrus angularis. C'est que le faisceau optique de Gratiolet et
Wernicke, dans son trajet depuis la face postéro latérale delà
couche optique, passant au dehors, dans la capsule interne, est
situé en haut et sur les côtés de la corne postérieure du ventricule
latéral et au-dessous du lobule pariétal inférieur et du gyrus
angularis dans son trajet vers le lobe occipital (le coin principa-
lement). Une lésion du gyrus angularis, de la circonvolution
supra-marginale et même du lobule pariétal inférieur, atteint
presque certainement le faisceau optique et coupe ainsi toute
communication entre le centre visuel et les yeux.
Je fais passer sous vos yeux une pièce sur laquelle une
DE L'HÉMIANOPSIE CORTICALE. 209
section longitudinale, après durcissement dans le bichromate
de potasse, montre le faisceau optique visible sous l'aspect
d'une bande blanche homogène. Il est évident que les lésions
du gyrus angularis et de la circonvolution supra marginale
peuvent aisément pénétrer assez profondément pour altérer
ce faisceau.
Il me semble qu'avec ces données anatomiques, les diver-
gences entre les résultats obtenus par Ferrier et Munk s'ex-
pliquent facilement et que quelques-uns des cas de mon
6° groupe ( observations 26 et 32 ) peuvent se concilier avec les
autres.
En ce qui concerne les théories purement hypothétiques
nu cliniques touchant le trajet des fibres optiques, la plus
connue est celle du professeur Charcot. Son schéma bien
connu des trajets des fibres optiques de la rétine aux centres
visuels représente une seconde décussation des faisceaux laté-
raux à travers les tubercules quadrijumeaux (lobes optiques)
dans leur trajet vers la capsule interne, de sorte que finale-
ment chaque capsule interne contient toutes les fibres desti-
nées à l'oeil opposé. Ce schéma fut fait par Charcot pour expli-
quer et appuyer sa théorie de la production de l'amblyopie
d'un oeil par lésion du lobe occipital et de la' capsule interne
du côté opposé. Il pensait avoir observé cette amblyopie d'un
oeil et non l'hémianopsie , accompagnant l'hémianesthésie
produite par lésion de la capsule interne.
Je regrette de dire que la théorie de mon illustre maître
n'a pas été confirmée parles résultats de l'observation clinique
et de l'examen anatomo-pathologique. Je ne connais qu'un
cas qui soit en faveur de Charcot ' tandis que les seize cas
que je vous ai lus parlent hautement contre elle. A la vérité
il n'y a pas lieu de croire que le professeur Charcot ait attaché
une bien grande importance à son schéma et je comprends
qu'il l'ait déjà abandonné, cédant, comme il est toujours prêt
à le faire, devant les faits pathologiques en opposition avec
ses idées.
Grasset a récemment (1883) donné du schéma de Charcot
une modification qui est extravagante. 11 y aurait encore une
3° décussation (en comptant le chiasma pour la première)
' Petrina. In t'rayer Zcitsch. f. Heillc, Il,. p ? 9;i, Cas VIII. Voy.
tableau 1.
Archives, t. Xi. 14
210 PATHOLOGIE NERVEUSE.
quelque part dans les fibres du corps calleux, de sorte qu'a-
près que les fibres pour une rétine entière, selon le schéma
de Charcot, ont accompli un certain trajet dans la capsule
interne, les fibres du faisceau latéral croisent encore la ligne
médiane de façon que le centre visuel reçoit des fibres des
deux rétines. Cet effort pour concilier l'opinion de Charcot
concernant les effets de la lésion de la capsule interne à son
extrémité postérieure avec les résultats bien établis des lésions
des lobes occipitaux, mérite une sévère critique. Mais il suffit
de rappeler les expériences plus récentes (1884) de Bechte-
rew i, qui montrent qu'au moins chez les chiens la section
de la partie postérieure de la capsule interne produit l'hémia-
nopsie résultats qui concordent entièrement avec quelques
unes de nos observations sur l'homme.
De ses dernières recherches pathologiques von Monakow'l
tire les conclusions suivantes, relativement au trajet des fibres
optiques centrales chez l'homme :
« Les fibres optiques réunies forment dans la substance
blanche de la portion occipitale du cerveau un faisceau homo-
gène qui passe le long des fibres du corps calleux ou du tape-.
tum et se termine dans l'écorce des circonvolutions occipi-
tales, plus spécialement dans celle du coin, du lobus lingualis
et de la circonvolution descendante. » ZD
Le schéma du trajet des fibres optiques que je vous présente
est, je crois bien, en concordance avec les idées de Munk
sur la physiologie du centre visuel, avec ce que nous connais-
sons de l'anatomie des fibres optiques par la dissection et les
dégénérations secondaires (AJonakow) et enfin, ce qui n'est pas
le moins important, avec les résultats des observations ana-
tomo-patliolouiques po2,t inoî-lems aujourd'hui nombreuses.
D'après ces considérations pathologiques, anatomiques et
expérimentales, pouvons-nous maintenant attribuer une valeur
diagnostique au symptôme hémianopsie ? Oui, je le crois ; et
je poserai tout de suite en principe les propositions sui-
vantes :
t. L'hémianopsie latérale indique toujours une lésion intra-
1 W. Bechterew. Ueber die ? icieh Diii-chsch71eicluiig der Sehnee,ve21la-
sern im innere der Gi-osshi2,izhet ? zisl)htii,eiz etc. (Neurol. cealralbl., 1884,
n° 1).
1 TVcslplucl's trcle. ? Psychiatrie, XVI, 352.
Fig. 6 - Schéma des fibres optiques, servant à expliquer plus spécialement l'hémia-
nopsie latérale gauche par lésion organiques L. T. 1 ? ., demi-champ visuel temporal 1
gauche. R. N. F., demi-champ visuel nasal droit. - 0. S , oeil gauche. - 0. D.,
oeil droit. -N. T., moitiés nasale et temporale des rétines. -N. 0. S., nerf
optique gauche.-N. 0. 17., ncif optique droit. - F. C. S., faisceau croisé gauche.
- F. C. 1)., faisceau croisé dioit. - C.. chiasma ou décussation des faisceaux croi-
sés. - T. 0. 1). , bandelette optique droite. - C. G. L., corps genou il latéral. - z
L, 0., lobes optiques (tubercules qundriumenuxJ. - P. 0. C., premiers centres
optiques, comprenant le lobe optique, le coi l)s geiiotiillê latéral et le pulvinar d'un
coté. - F. 0. faisceau optique de Gratiolet dans la capsule interne. C.P., Corne
postérieure. CI- A - région du gyrns ziiigtil.i iç. - 1,. 0. S., lobe occipital gauche.
- L. 0. D., lobe occipital droit. - C, u.. coin et circonvolutions sous-jacentes cons-
tiluant le centre v isuel cortical chez l'homme. - Les lignes grasses ou ombrées repré-
sentent les parties en connexion av ec les moitiés droites des 2 rétines. Le lecteur peut
placer la lésion comme il lui plaira.
212 PATHOLOGIE NERVEUSE.
crânienne du côté opposé à la portion du champ visuel obs-
curcie.
. L'hémianopsie latérale avec immobilité pupillaire,
névrite ou atrophie du nerf optique, surtout s'il s'y joint des
symptômes de lésion de la base, est due à l'altération d'une
bandelette optique ou des premiers centres visuels d'un
côté.
Ce diagnostic peut être encore fortifié et rendu presque cer-
tain, si l'on cherche et que l'on trouve d'un côté la réaction
pupillaire, qui a été récemment indiquée par Wernicke '. La
moitié seulement de chaque pupille, dit-il ingénieusement,
devra se contracter à la lumière, lorsqu'il y aura interruption
d'un faisceau optique. Il désigna ce fait sous le nom de « réac-
tion pupillaire hémiopique ».
3. L'hémianopsie latérale, ou un obscurcissement analogue
géométriquement du champ visuel, avec hémianesthésie et
troubles ataxiques ou choréiformes du mouvement dans une
moitié du corps, sans hémiplégie nette, est probablement
due à la lésion de la partie postéro-latérale de la couche
optique ou du faisceau postérieur de division de la capsule
interne.
4. L'hémianopsie latérale, avec hémiplégie complète (deve-
nant spasmodique après quelques semaines) et hémianes-
thésie, est probablement causée par une lésion étendue de la
capsule interne, au niveau de son genou et de sa partie posté-
rieure. ,
5. L'hémianopsie latérale, avec hémiplégie typique (deve
nant spasmodique après quelques semaines), aphasie si c'est
le côté droit qui est affecté, et peu ou pas d'anesthésie, est
très-certainement due, une lésion superficielle étendue à
l'aire irriguée par l'artère cérébrale moyenne. On devra
s'attendre à trouver (comme dans l'observation 2fi, de West-
phal) un ramollissement de la zone motrice et des circonvo-
lutions situées à l'extrémité de la scissure de Sylvius, à savoir :
le lobule pariétal inférieur, la circonvolution supra-marginale,
et le gyrus angularis. L'embolie ou la thrombose de l'artère
sylvienne sera la cause la plus probable du ramollissement.
6. L'hémianopsie latérale avec légère impuissance motrice
1 Wernicke. UeGer hemiopische PMp ! '«e)tac< ! 0 ! t. (Fortsch. de)' naecl.,
1883, I, ifl-53.)
DE L'HÉMIANOPSIE CORTICALE. 9t3
d'une moitié du corps, surtout si elle est associée à un
trouble quelconque du sens musculaire, serait [.robablement
due à la lésiun du lobule pariétal inférieur et du gyrus angu-
laris, avec la substance blanche sous-jacente, pénétrant assez
profondément pour léser ou comprimer le faisceau optique
dans son trajet en arrière vers le centre visuel.
7. L'hémianopsie latérale seule, sans troublesmoteurs ni sen-
sitifs, est due, si j'en crois les preuves convaincantes apportées
par les observations 28, 29, 41 et 45, à la lésion du coin seul,
ou du coin et delà substance griseimmédiatementenvironnante
sur la face interne du lobe occipital, dans l'hémisphère opposé
à la moitié du champ visuel obscurcie. Les cas traumatiques
rentrent de prime abord ou après convalescence, dans cette
catégorie ou dans le n° 6 (observation 3).
Dans tous les cas compris dans les paragraphes 3 à 7 inclu-
sivement, les pupilles réagissent normalement ; et rarement
l'examen ophthalmoscopique dénote une lésion du nerf
optique, excepté, bien entendu, dans quelques cas de tumeur,
où l'on doit s'attendre à trouver de la névro-rétinite.
LISTE DE cas D'FIÉ61111\0l'SIE d'origine centrale avec autopsie, ET
D'HÉilfANOPStE traumatique jusqu'au 30 octobre 1885, rangés par
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latérale Convulsionen und Hemianopsie. Charité-Azzzznlen, vi,1889,
p. 342.
23, 4881. IIrusF. Hemianopsie bei Schadelverletzung. Case ii.
7.f : ? 'M/t<<e)';y'sCen<<YtH)<. f. p ? -ffc<. 7e/</;M)K, 1881, p. 205.
24, 1881. SENATOIT, IL, in WERNiCKE's Lehrbuch der Gehirn-
krankheiten, ii., p. 70, 1881.
25, 1881. Petrina. Ueber Sensibilitatsslôrungen bei Hirnrinden-
lesionen. Case viii. Zeitschr. f. Heilhunde, Prag, 1881, ii, 375.
DE L HEMIANOPSIE CORTICALE. 215
26, 188. Westpiial, C. Zur Localisation der Hemianopsie und
des ilushelgefübls beim llienschen. Clatzrité-Atzzzetletz, Bd. vii., 4882,
p. 466.
27, 1882. Marchand. Beitrag zu Kenntniss der homonymen
bilateralen Hemianopsie, und der Faserkreuzung in Chiasma
opticum. Archiv. f. Ophthal., xxviii., 2, 63. Case iii.
28, 1882. flann, 0. Ueber Cortex-Hemiopie. Kli ? tische Monats-
blâitei f. Augei2heilliiiiide, xx, 141, 1882.
29, 1882. Huguenin. Cas cité dans l'article de Haâb.
30, 1882, Diiescheeld, J. Pathological contributions to the course
oftheopticnervenbres in the brain. Brain, iv,, p. 543, Jan,, 1882.
Case i.
31, 1882. Idem. In Idem. Case ii.
32, 1882. Stenger, C. Die cerebralen Selistoruugeu der Para-
lytilcer. Arch. f. Psych., xiii., p. 242. Case vii.
33, 1882. Idem. In idem, p. 246. Case viii.
34, 1882. Wernicke and Haurr. Idiopathischer Ahscess des Occi-
pitallapeus,durch'l'repanationentleert. Vt ! 'c/tOM)'s Ai,chiv,lxxxvii.,
335.
35, 1883. Jans, L. Ein Fall von rechtsseitiges Hemianopsie und
Neuro-retinitis in Foi-e eines Gliosarcoms im linketi Occipital-
lappen. litzapp's A7-chiv. f. Ophthal., xii., p. 327.
36, 1883. ROSENIi4CII, P. Zur Casuistik der Hemianopsie.
S<.Fe<t ? s6M)'med. lVoclvenschr., 1883, No. 12. Neiii-olog. CetztralGl.,
1883. p. 442.
37, 1883. NirDE.-4, A. Ein Fall von einseitiger temporaler Hemia-
nopsie des rechten Auges nach Trépanation des linken Hinter-
hauptbeins. Archiv. f. OI)hth(il., xxix., iii., p. 143.
38, 1883. IiICIl1'En. Fait von dreimaliger Blulung in ein Gehirn.
Gesell. f.Psych. u. Nervenkrankheiten, n Juni 1883. Neurotog.
Centi-albl., 1883, p. 307.
39, 4883. ScuMAL-rx. Obs. donnée par A. Vetter. Ueber die sen-
sorielle Function des Grosshirns, etc. Deutsch. Archiv. f. hl. Aledicitz,
xxxii., p. 469. 1883.
40, 1884. \VtcuE, Ta. A case of superior homonymous hemia-
nopia. Iiiiapp's Archives of Ophthal., xiii., 3, 301.
41, 1885. Féré, Ça. Trois autopsies pour servir 1 la localisation
cérébrale des troubles de la \ision. Cas iii (du service de Charcot).
Archives de Neurologie, Mars 1883, p. 229.
42, 1885. Richter, A. Zur Frage der optischen Leitungsbahnen
des menschlichen Gehirns. Archiv. f. Psych., und Nervenkrank-
heiten, xvi,, p. 641.
43, 1885. Idem. Ueber die optischen Leitungsbahen des mens-
clilichen Gehirns. Fall iii. Allg. Zeitschr. f. Psych., xli., 1885,
p. 637.
44. 1883. Idem. lu idem. Fall in., p. 638.
216 G RECUEIL DE FAITS.
45, 1885. SEGU1N, L. C. A contribution to the Patholoy of hemia-
nopsia of central engin. Case with spécimen. Read before the
New York Neurological Society, october 6, 1883.
RECUEIL DE FAITS
NOTES POUR SERVIR A L'ÉTUDE DES RELATIONS ET DE
L'INFLUENCE RÉCIPROQUE DE L'ÉPILEPSIE OU DE L'HYS-
TÉRIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU;
Par SOUZA LEITE, externe à la Salhêtrière '.
Un certain nombre de maladies de la nutrition et les mala-
dies nerveuses peuvent se trouver associées d'une façon plus
ou moins étroite, décisive, soit chez l'individu qu'on considère,
soit chez sa famille, comme l'ont écrit plusieurs médecins d'il y a
une quarantaine d'années parmi lesquels il est juste de citer
Morel et Trousseau; néanmoins, ce n'est que plus tard que
l'étude des rapports de ce genre a été poursuivie avec plus de
méthode et d'une manière plus analytique.
. Nous allons rapporter deux observations où l'on verra la
combinaison des manifestations de l'arthritisme avec deux
névroses des plus intéressantes. La première est celle d'une
épileptique qui, au point de vue des phénomènes convulsifs, ne
s'écarte pas des descriptions classiques, mais présente d'autres
détails sur lesquels nous nous permettons de revenir. La
seconde est une hystérique hypnotisable chez qui non seule-
ment quelques symptômes hystériques, mais principalement
les caractères de l'hypnotisme, ont été modifiés par le rhuma-
tisme articulaire.
Onscavnnort i. -11h Arch.... (Lottise), trente et un ans, tempé-
rament nervoso-sanguin, est admise, le 20 janvier 1885, dans
t Nous sommes très reconnaissant à notre maître, M. le professeur
Chaucot, d'avoir bien voulu nous autoriser à publier ces deux cas. Nous
remercions également notre excellent ami, M. le Dr P. Marie, chef du
laboiatoire delà Salpètnère, des indications qu'il nous a fournies.
DE LEPILEPSIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 217
la salle Duchenne (de Boulogne), service de M. le professeur
Charcot, à la Salpêtrière.
Antécédents héréditaires : mère, cinquante-quatre ans, mariée
à vingt, eut, en enfance, des convulsions externes par entozoaires;
jusqu'à trente-six ans, elle fut sujette à des céphalées et à des
névralgies dento-faciales ; ces dernières l'obligèrent de faire
arracher quelques-unes de ses dents. Entre trente-six et cinquante-
deux ans, quatre atteintes de rhumatisme articulaire subaigu;
entre la seconde et la troisième, qui a duré quatre mois, les
céphalées réapparaissaient, s'accompagnant d'étourdissements, de
défaillances, d'étouffements et de quelques vomissements; elles
disparaissaient au bout de deux ou trois jours.
Père, soixante-dix ans, impressionnable, vit une partie de ses
cheveux blanchir plus ou moins rapidement, il fait assez souvent
des faux pas et tombe même quelquefois pris d'étourdissements ;
il n'est pas très obèse.
Grand mère maternelle génoise, morte à soixante-dix ans, à la
suite d'une paralysie généralisée avec troubles de la parole et de
la déglutition, avec sialorrhée, une certaine raideur des mem-
bres et oedème des membres pelviens; quelques années avant sa
mort, elle devenait obèse.
Grand-père maternel, maigre, victime à soixanle-six ans d'une
neuvième fluxion de poitrine; à partir de quarante-huit ans, souf-
frait d'une affection cutanée, excepté sur les parties exposées à
l'air.
Grand'mère paternelle, d'un caractère fort variable, eut des
convulsions épileptiformes par hémorrhagie cérébrale, et meurt
paralysée longtemps après.
Grand-père paternel succombe aux suites d'un vaste ulcère
variqueux d'une des jambes.
Sans doute, il n'est pas sans intérêt de noter encore quelques
autres détails héréditaires montrant un terrain morbide rarement
aussi étendu et tenace; en effet, MUe Arcli.... a un oncle maternel
goutteux; un autre eut, dans son enfance, des attaques de som-
nambulisme ; un grand-oncle eut des tumeurs hémorrhoidaires
nécessitant une opération. Une tante paternelle, à la ménopause,
est prise d'un sommeil qui ne s'accompagne pas de phénomènes
convulsifs ni d'hallucinations conscientes, ceci durait vingt minutes
environ; enfin, la plus jeune des soeurs du père de notre malade
s'est noyée dans un accès d'aliénation mentale; cette dernière
laissa trois filles, l'aînée desquelles s'est également noyée (il est
bon de dire que le mari de la dernière tante s'enivrait habituelle-
ment et rendait le ménage malheureux).
Mllyrlrch.... a deux soeurs : la première, âgée de vingt-sept ans,
est sujette à des bronchites fréquentes et tenaces; elle a eu trois
attaques de somnambulisme et deux crises nerveuses avec perte
218 RECUEIL DE FAITS.
incomplète de connaissance; la deuxième, âgée de dix-neuf ans,
est migraineuse et vit, il y a deux an=, une grande partie de ses
cheveux blanchir en quelques jours, surtout à la partie antérieure
de la tête.
~~ Antécédents personnels : pas de convulsions en enfance ; à treize
mois, fièvres paludéennes régnant endémiquement à Rochefort-
su-àler; à quinze mois, fièvre typhique ; à trois ans, rougeole
régulière et, quelque temps après, angine diphtéritique bénigne.
Les accidents de la malaria revenant de temps en temps déci-
dèrent les parents à envoyer leur fille à Bordeaux, où, après un
court séjour, les symptômes s'amendent très notablement; ils
réapparaissent dès que la malade est rentrée à Rochefort. Cette
circonstance fait que la famille de notre malade se fixe à Bor-
deaux, et là les désordres malariques s'effacent progressive-
ment.
Un an après ce changement de demeure (1861, clle avait sept
ans) des épistaxis lui surviennent, assez intenses pour remplir,
à la fin de certaines journées, une petite cuvette;'ces épistaxis
furent plus fréquentes entre huit et dix ans, ne cessèrent qu'à
l'âge de treize ans, époque de sa première menstruation; l'inter-
valle qui les séparait était environ de vingt jours. A dix ans, la
céphalée dont elle souffrait depuis longtemps s'est accrue et se
montrait plus forte le jour que la nuit; vers cette époque,persis-
tance de névralgies dentaires malgré l'avulsion et le plombage
de quelques dents cariées. A douze ans, variole bénigne,' de
courte durée.
La malade déclare n'avoir jamais eu ni de crachats, ni de
vomissements de sang, ni de saignements liémorrboïdaires. La
menstruation n'a pas été régulière, une fois ses règles établies;
la malade a vu des retards de quatre à cinq jours et aussi des
avancements de dix à quinze ; entre l'âge de quinze et dix-huit
ans, elle n'a vu que huit écoulements menstruels, et c'est alors
que sa céphalée atteint son summum d'intensité pour disparaître
ensuite peu à peu.
Au commencement de ce second retard (septembre 1869), elle
présenta ses premiers phénomènes épilepliques, survenus la nuit,
pendant lesquels elle ne s'est pas mordu la langue, mais urina
dans son lit, miction inconsciente accidentelle. Le lendemain, elle
a des nausées, des vomissements et un léger flux intestinal; les
vomissements ont persisté jusqu'au mois de février 1884. De 1869
à 4874, les accès épileptiques se reproduisent, séparés par des
intervalles dont le minimum a été de quatre et le maximum de
dix-huit mois; leur nombre serait d'environ quarante-cinq. Pen-
dant ces cinq ans, elle était, de plus, sujette à des gastralgies
lipothymies, sueurs, lesquelles duraient trente-cinq minutes à
DE L'ÉPILEPSIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 219
peu près et revenaient sept et huit fois chaque année; la malade
se sentait abattue à la suite de ces crises. C'est en 1875 que, pen-
dant un de ses accès, elle se mord la langue pour la première fois
et est presque délivrée de sa céphalée. Entre août 1875 et mars
1882, les accès convulsifs furent très rares et très légers; le petit
mal se montra alors d'une façon presque isolée. En janvier 1871,
scarlatine bénigne, du moins en apparence; elle fut entièrement
remise au commencement de février suivant. A la fin de ce der-
nier mois (âge, dix-sept ans), première attaque de rhumatisme ( ? )
survenant deux ans après le début des manifestations comiliales,
mais dans un des intervalles des accès. Elle était caractérisée par
des douleurs vives dans diverses articulations qui présentèrent
un gonflement rouge, surtout aux genoux et aux épaules; ces
deux dernières sont restées p resque immobiles. Ces arthrites du-
rèrent trois semaines, s'accompagnèrent de fièvre et donnèrent
lieu à la production de craquements consécutifs qui n'ont pas
persisté. La malade dit que son médecin d'alors envisagea les
altérations rhumatismales comme des complications de la scarla-
tine ; ces altérations ont été lentes à disparaître et ont présenté,
avant leur guérison, quelques recrudescences, surtout en été; en
un mot, leur guérison fut traînante.
En avril 1881, dix ans et deux mois après la première, nouvelle
attaque de rhumatisme articulaire se prolongeant pendant trois
semaines; outre les jointuiesscapulo-huméraleset fémoro-tibiales,
les hanches et les pieds se prennent à leur tour, la fièvre est plus
intense, la malade est oppressée; elle ressent des tournoiements
de tête et présente un peu de gonflement aux jambes; les altéra-
tions du rhumatisme vont être, cette fois, plus longues à se dis-
siper que les premières elle seront aussi relativement à celles de
la troisième atteinte.
En janvier 1 882 (à l'âge de vingt-huit ans), elle dit avoir éprouvé
un gonflement et des douleurs à l'épigastre, des envies fréquentes
d'uriner (pollakiurie), avoir eu la vue souvent trouble (des
brouillards) et des peurs imaginaires; deux mois après, survient
une nouvelle série d'accès, pendant lesquels elle aurait perdu
partiellement connaissance; elle urine inconsciemment dans son
lit, elle se mord la langue et a des convulsions. En revenant à
l'état normal, ou, après avoir passé par un état qui ne laisse pas
de présenter une analogie plus ou moins grande avec le somnam-
bulisme, elle fait souvent allusion à ce qu'elle aurait dit ou de-
mandé pendant l'accès qui s'est manifesté en dernier lieu ; ceci
provoque un certain ôtonnement dans son entourage, car la
malade n'avait rien prononcé qui eût été entendu, sauf quelques
grognements qui se produisaient dans son gosier. Une fois ces
crises épileptiques terminées, la malade ne présente pas toujours
220 RECUEIL DE FAITS.
le même aspect morbide; c'est ainsi que ◀tantôt▶ elle accuse, im-
médiatement après, un sentiment de lassitude prononcée, des
douleurs à la tête, au tronc et aux jointures, alors ce brisement
de forces disparaît au bout de deux jours, et la physionomie
redevient à peu près normale ; ◀tantôt▶, elle n'éprouve pas immé-
diatement la lassitude douloureuse, ce n'est qu'au bout de quel-
ques heures qu'elle accuse une faiblesse dans ses mouvements et
une forte envie de se coucher; alors elle est un peu engourdie,
impatiente, dysorexique et se remet plus tardivement.
Pendant l'état dont nous venons de faire la description, les
objets qu'elle touche lui paraissent froids, glacés; les aliments
solides ou liquides provoquent une sensation identique dans leur
passage jusqu'à l'estomac. Malgré cette aberration sensitive, elle
perçoit les piqûres d'aiguilles et d'autres instruments pointus.
Au mois de février 1883, la malade fut prise d'une insomnie
accablante qui a disparu lorsqu'elle était convalescente de sa
troisième attaque rhumatismale; cette insomnie serait-elle déjà
un trouble précurseur de la récidive rhumatismale ?
Deux mois après, fin d'avril, troisième attaque de rhumatisme,
moins intense et plus courte que la précédente, alors gonflement
des jambes ; celui-ci disparait pour revenir trois mois après,
quand la récidive était passée. Tant qu'a duré l'attaque elle n'a
pas présenté de phénomènes évidents d'épilepsie. Entre novem-
bre 83 et juillet 85, espace de vingt mois, elle présenta un grand
nombre d'accès ayant lieu d'une façon très analogue, comparés
les uns aux autres. Pendant le courant de 84, elle eut vingt-quatre
accès que séparaient les uns des autres des intervalles variant de
huit à cinquante jours; elle en a eu 10 de janvier à août 1885 ;
remarquons qu'au lieu d'accès, nous devions plutôt dire séries, car
à chacune des reprises du mal comitial, il y a eu en réalité de trois
à douze accès distincts.
Etal actuel (août 1885). Notre malade, dont la stature est de
Im,57, est née à terme et normalement; elle est très souvent
enchifrenée, mais paraît ne pas avoir eu de disposition à l'obésité
et ne présente pas aucun trouble de la sensibilité générale du
genre de ceux des hystériques. Quant aux sens spéciaux, elle
s'imagine voir des araignées à pattes volumineuses autour de
sa chaise et de son lit et montant sur ses jambes pour se promener
sur le tronc et sur les bras; cette hallucination est plus fréquente
à certains moments, mais alors elle n'indique pas la proximité
des accès. Quelquefois ses doigts lui semblent plus gros qu'ils ne
sont réellement, phénomène qu'on observe dans certains délires.
Sa pupille gauche est plus rétrécie que la droite, dont la péri-
phérie semble moindre que celle d'une pupille normale ; pourtant
elles réagissent à la lumière en conservant leurs diamètres res-
DE I.'ÉPILEPSIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 221
pectifs '. Ses paupières se gonflent à certainsjours, d'où diminu-
tion variable de leurs rides normales. Pas de troubles des autres
sens. Réflexes cutanés et tendineux commechez un individu sain.
Nous n'avons pu noter aucune déformation à la tête de la ma-
lade ; comparaison a été faite avec la tête de trois employées du
service, lesquelles ne sont pas tributaires des névroses. Nous
avons procédé à la mensuration de l'extrémité céphalique de la
malade et en voilà le résultat : périphérie occipito-frontale (le
ruban métrique passe au milieu du front, entre le pavillon de
l'oreille et la région temporale et à la protubérance occipitale)
= Om, 52; distance directe delà racine du nez à la même protu-
bérauce= 0, 32; distance d'un conduit auditif externe à l'autre,
le bregma étant au milieu, = 0,32 ; hauteur du menton au
bregma (lèvres rapprochées) = 0,24.
Nous ne constatons pas de déviations sur la colonne vertébrale.
Les dents se sont cariées à sa jeunesse, en partie; une des
petites molaires est notablement plus longue que les autres.
Au contraire de ce qui arrive à d'autres malades, les objets ne
tombent pas de ses mains, qui transpirent constamment, surtout
quand elle se livreàun exercice manuel comme celui du crochet :
aussi est-elle contrariée de ne pas avoir assez propre un passement
quelconque; l'année passée, cette transpiration abondante exis-
tait aussi aux aisselles.
L'enflure des régions malléolaires et du tiers inférieur des
jambes de la malade diminue beaucoup avec l'administration de
la digitale : l'auscultation deson coeur donne lesouffle de l'insuffi-
sance mitrale; à propos de ce signe physique, un détail à rap-
peler : le maximum du souffle auriculo-ventriculaire est bien au-
dessus de la cinquième côte gauche sur la ligne mamelonaire;
(un peu d'hypertrophie), mais le moment de la fonction morbide
est saisi plus aisément sur les foyers artériels. Palpitations assez
fréquentes.
Il n'est pas rare d'entendre la malade accuser des douleurs
spontanées vagues, peu vives, dans les masses musculaires, les
articulations et les os ; elles sont exagérées par la pression des
parties douloureuses ou par la traction des membres. A ces mo-
ments, elle présente un état mental excitable, en partie conscient
dont ses voisines s'aperçoivent facilement; en effet, tandis que
dans d'autres moments, la conversation de A et B ne trouble pas
le petit travail de la malade, à l'occasion de cette perturbation
i Ces caractères des pupilles d'Arch.... confirment les résultats de celles
examinées par M. le Dr P. Marie, comme on peut le vérifier dans le no 10
des Archives de Neurologie, 1882, mais nous ne pouvons pas dire au
juste si la rapidité contractile en est plus ou moins grande que celle des
pupilles d'une personne en bonne santé.
222 RECUEIL DE FAITS.
cérébrale-là elle est prompte à s'impatienter, à changer déplace;
alors elle affirme que A et B ne sont pas raisonnables lorsqu'elles
s'étonnent de son agacement moral, car, dit-elle, « rien ne dif-
fère dans la façon de me tenir ».
Le 1er novembre 1885, à sept heures du soir, en dînant chez ses
parents, elle éprouve presque subitement une sensation de cons-
triction douloureuse à la base du thorax et à l'épigastre, sensation
qui monte à la partie supérieure delà poitrine, au cou, dont le
serrement empêche le libre jeu « mon manger ne pouvait pas
passer ». Peuaprès, elle éprouve à l'épigastre des bouffées de cha-
leur qui atteignent la tête; cette agitation pénible qu'elle ne
pouvait réprimer qu'avec malaise, disparaît vite, et la malade
peut terminer son repas sans dérangerpersonne. A minuit, après
s'être endormie, elle se réveille, et voit quelqu'un qui lui demande
si elle se trouve très mal, et veutprendre un remède calmant;
la malade venait d'être prise de convulsions et était inconsciente ;
ces dernières sont revenues quatre fois dans le reste de la nuit, et
et ce n'est qu'au soir du lendemain qu'elle se remet incomplè-
tement.
Depuis plusieurs mois, la malade accuse des douleurs indécises,
de faible intensité dans les différentes jointures, spécialement
dans celles des mains, qui, sans avoir présenté en même temps les
phénomènes inflammatoires prononcés des arthrites rhumatis-
males nettes, se tuméfient parfois.
Description d'un accès. Presque toujours sans avertissements,
sans aura la malade, apparemment en bonne santé, pousse un
gémissement au milieu duquel elle tourne sa tête à gauche, se
raidit de tous ses membres, principalement dans la moitié gauche
du corps, et tombe sans connaissance, avec pâleur à la face, les
paupières closes, comme une masse inerte; la tête est alors un
peu inclinée à droite, les pupilles sont inégalement contractées;
douze secondes sont à peine passées que les paupières s'agitent
rapidement, la figure, les membres, surtout les gauches, entrent
en convulsions cloniques, le membre supérieur gauche se plaçant
avant le droit, tous deux demi fléchis; les doigts sont fléchis, le
pouce souvent sous les autres; une écume plus ou moins san-
glante se montre aux lèvres. Au bout de quarante à cinquante
secondes, les convulsions s'effacent peu à peu pour être substi-
tuées par la période de. repos relativement courte chez Arch...
n'ayant pas uriné ni mordu la langue dans ses deux dernières
crises. La durée de l'accès est de deux minutes au plus. Courba-
ture et faiblesse consécutives. Le front présente à gauche une
cicatrice linéaire provenant d'une blessure ancienne causée par
une de ces chutes.
Comme les accès ont lieu plus souvent la nuit que la journée,
DE 1,'ÉPILEPSIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 223
circonstance favorable à la malade, notre description résulte
d'une des petites séries que nous avons vues et des renseignements
de ses voisines.
La vision a été examinée trois fois par M. le Dr Parinaud qui
n'a rien constaté de notable quant à l'étendue du champ visuel,
ni quant à la perception des couleurs; dans une de ces occasions,
l'exploration se faisait quatre heures après une des séries et
l'acuité visuelle était à peu près normale.
L'attention, la comparaison et le jugement sont chez Arch... à
peu près normaux ; la mémoire est, à la suite des accès plus forts,
un peu obnubilée.
Les fonctions plus directement influencés par le système sym-
pathique ne laissent presque rien à désirer.
Quand nous interrogions M"° Arch ? une chose nous a
frappé aussitôt : c'est la qualité des nombreux antécédents de
famille lesquels, en dépit de leur variété, ont entre eux des
connexions plus ou moins serrées; alors nous avons souvent
pensé au livre de M. Charcot sur les « Maladies des vieillards »,
qui nous a appris à connaître les relations morbides auxquelles
nous venons de faire allusion et qui ont été dernièrement le
sujet d'un très important mémoire : La Famille névropa-
thique de M. Ch. Féré, médecin de la Salpêtrière. Cependant,
avant d'appeler l'attention sur les relations qui existent entre
des processus morbides concomitants et réellement plus ou
moins dépendants les unes des autres, nous relèverons les
particularités que comporte le présent cas.
A l'âgé de sept ans, alors que le trouble sérieux des fonctions
digestives, l'anémie, qui marchait vers la cachexie et d'autres
altérations, causées par l'intoxication paludéenne se dissipaient
ei qu'on voyait la malade presque guérie, des épistaxis se
montrent, deviennent inquiétantes à une certaine époque,
durent six ans au bout desquelles elles disparaissent; la dis-
parition de ces hémorrhagies nasales coïncide avec l'établisse-
ment de règles qui paraissent provoquer de la sorte une déri-
vation naturelle, si l'on peut s'exprimer ainsi. Elles s'expliquent
très probablement par l'état de dyscrasie où est resté le sang
à la suite de l'action de l'agent palustre; c'est du moins ce qui
a été mis en évidence dans les hémorrhagies, post-opératoires
surtout, par le professeur Yerneuil, M. Kirmisson, etc., chez
des anciens paludéens.
A quinze ans, des phénomènes importants eurent lieu qui,
ce semble, ont conspiré pour la détermination de la névrose,
224 RECUEIL DE FAITS.
en préparant de longue main un terrain propice à son éclosion.
D'abord, c'est à cette époque que la céphalée datant déjà
d'environ huit ans devient très forte et prive de son sommeil
la malade chez laquelle il parait se réaliser un fait curieux
d'hérédité, que certains auteurs ont dénommé laomoclaro-
2lisine héréditaire ou hérédité homochronique, car sa mère
aurait commencé à souffrir le plus de ses migraines, justement
à la même période de la vie. Ensuite, c'est au même moment
que la fonction menstruelle de notre malade se trouble le
plus; on voit des retards énormes des règles qui s'écoulent en
petite quantité. Dans ces conditions, la malade, du fait de sa
tare héréditaire complexe et indécise jusqu'alors, et du fait de
son propre contingent est la victime de la névrose effroyable
tenant en pathologie le nom de morbus divinus; la voilà sous
le coup d'accidents épileptiques qui ne cesseront pas de se
montrer ◀tantôt▶ plus, ◀tantôt▶ moins marqués, et qui s'accompa-
gueront de phénomènes se rapprochant d'autant plus du petit
mal que le nîo2-bus sace2, sera moins convulsif; c'est-à-dire qu'il
y a ici une sorte d'opposition plus ou moins accusée entre le
grand mal et le petit mal où les convulsions sont insigni-
fiantes quand elles existent et où prédominent des symptômes
autres que les convulsions.
Nous nous rappelons que la première attaque de rhumatisme
articulaire aigu, pour laquelle la scarlatine, survenue vingt-
deux jours auparavant, n'aura exercé très probablement qu'une
influence déterminante du côté des articulations, éclata dans
un moment où le mal comitial était constitué déjà depuis deux
ans. Or, cette première attaque, de même que les deux sui-
vantes, la malade les a faites quand son épilepsie n'était pas
convulsive; pourrait-on voir dans cette absence de manifesta-
tions bruyantes une occasion plus opportune pour l'apparition
des altérations rhumatismales ? Il semble que le rhumatisme
qui a retentit sérieusement sur l'endocarde ne se révèle nette-
ment que quand l'épilepsie convulsive se disssimule, que les
deux maladies se font des concessions réciproques; elles, une
fois établies, évolutionnent côté à côte en se modifiant peut-
être jusqu'à un certain point; en tout cas elles alternent dans
leurs manifestations. La parenté des névroses en général avec
le rhumatisme, Baillarger l'avait déjà reconnue, dit M. Féré
qui ajoute : L'arthritisme coïncide fréquemment avec les
névropathies. On rencontre souvent chez les nerveux et dans
DE L'ÉPILEPSIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 225
leur famille le rhumatisme, la dartre et plus souvent la
goutte '. » Notre malade offre des névralgies à la tête, certains
troubles nerveux (gastralgie, hypothymie, etc.) analogues à
ceux de la goutte anormale ; elle offre encore de l'épilepsie et
du rhumatisme articulaire ; quant à sa famille nous. résumerons
ses maladies dans un tableau rappelant celui qu'on voit dans
le livre de M. Charcot, déjà cité (p. 102). MUe Arch... n'a au-
cune asymétrie céphalique reconnaissable à un examen exté-
rieur, même attentif; dans la même salle se trouve une autre
épileptique, laquelle a fourni un résultat identique négatif,
en ce qui touche l'asymétrie fronto-faciale. Par conséquent, il
serait, au moins exagéré de dire avec certains auteurs que tous
les sujets chez lesquels l'épilepsie se montre entre dix et dix-
huit ans présentent l'asymétrie fronto-faciale comme règle.
Or nos deux malades sont devenues épileptiques dans les
termes fixés. Arch... tout en présentant un petit mal n'a ja-
mais présenté jusqu'à aujourd'hui les symptômes alarmants du
grand mal épileptique ; enfin l'exploration ophthalmoscopique
n'a jamais donné ce qu'on voit dans l'hystérie, particularité
importante pour le diagnostic de ces deux névroses ; sur
laquelle M. Charcot insiste beaucoup. L'occasion se présente
pour affirmer que MM. Thomson et Oppenhein se sont trom-
pés en prétendant que les troubles visuels des hystériques se
trouvent également chez les épileptiques et dans d'autres
maladies nerveuses.
226 RECUEIL DE FAITS.
DE L'ÉPILEPSIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 227
sente un cas type dans lequel trois périodes principales sont nette-
ment observables : 1° l'état léthargique; 2° l'état cataleptique et
3° l'état somnambulique. Nous ne pouvons mieux faire, pour leur
distinction réciproque, que d'indiquer les descriptions classiques
de MM. Charcot ', Richer 2, C. Féré s, etc.; donc, malgré l'intérêt
des phénomènes si remarquables qui caractérisent les états hyp-
notiques, nous ne nous en occuperons pas et passons de suite à
notre objectif
Le 25 décembre 1884, la malade se plaint d'un malaise inaccou-
tumé accompagné, de frissonnements, de dysorexie et d'une soif
insolite; le 26 matin, elle déclare que son sommeil n'a pas été aussi
bon que celui des nuits antécédentes, il a été interrompu par des
cauchemars. Dans le courant de la journée, elle commence à accu-
ser les premiers troubles d'une maladie sérieuse qui va évoluer et
dont la première localisation s'établit dans l'éminence thénar
droite qui est douloureuse, et déjà un peu gonflée.
Vers dix ou onze heures du soir du 26, l'articulation péronéo-
tibiale gauche supérieure est touchée et son voisinage est empâté.
Deux jours après, l'épaule gauche est prise; le 29, les manifesta-
tions articulaires se généralisent.
On constate, à ce moment, que l'insensibilité habituelle de la
peau à ses différents excitants n'est pas totale, comme elle l'était
il y a sept jours, avant l'apparition des phénomènes arthritiques;
en effet, la pression exercée sur les tissus qui entourent les articu-
lations affectées, de même que les mouvements communiqués à
ces mêmes articulations provoquent, dans ces parties, des douleurs
vives, la malade disant que ça lui fait mal et évitant leur explo-
ration.
Malgré le retour de la sensibilité dans la peau et les tissus des
articulations envahies, modification de certaines manifestations
hystériques, elle ne reconnaît pas les différentes positions où l'on
place ses membres ou leurs segments.
Le 31 du même mois, elle dit que sa jointure sterno-claviculaire
droite est douloureuse depuis hier; les jointures arthritisées anté-
rieurement le sont davantage, surtout l'épaule et le poignet gau-
ches un peu gonflés. Les genoux ne sont pas gonflés. Fièvre pas
très élevée, abattement; bruits cardiaques un peu assourdis, pas
1 J.-M. Cliarcot. Note sur les divers états nerveux déterminés par
l'hypnolisation chez les hystériques. Prog. l9éd. du 18 février 1882. (Com-
munication à l'Académie des Sciences, le 13 février). Leçons de 1884
et 1885 dans Progrès Médical.
Il. Richer. Études sur la grande hystérie, 2- éd. 1885.
;1 Ch. Féré. Les hypnotiques hystériques. (Soc. illéd. psychologique).
Mai 1883.
228 RECUEIL DE FAITS.
de souffles ni de frottements. Dysphagie modérée; petite plaque
blanche entre les amygdales.
M. Charcot hypnotise la malade en faisant remarquer que la
durée de l'opération est à peu près la même qu'auparavant et
expérimente sur les trois périodes de l'hypnose, afin d'en observer
~ les modifications possibles. Les résultats diffèrent suivant que
l'examen a lieu dans la moitié droite ou dans la moitié gauche
du corps.
A droite, les périodes de l'hypnotisme ont conservé leurs phéno-
mènes caractéristiques.
A gauche, la contraction des muscles faciaux par la pression
du nerf facial est faible; le sterno-mastoïdien pressé tourne la
face du côté droit et se contracture; les muscles des extrémités
thoracique et pelvienne n'entrent pas en contracture parla pres-
sion exercée sur leurs fibres. Les attitudes cataleptiques données
aux membres, ils ne les conservent pas.
Le frôlement ne produit pas les contractures somnambuliques;
presque pas de suggestions. Sensibilité cutanée comme au 29,
même pendant l'hypnotisme.
Sueurs profuses à odeur caractéristique. Pas de phénomènes
thoraciques importants.
Le 2 janvier 85, des modifications, qu'il importe de signaler,
surviennent pendant que la malade est hypnotisée; mais, avant
de le faire, disons que les douleurs sont intenses au poignet (très
gonflé), au genou et au pied gauches; que la température donne
4 ou 5 dixièmes de plus et que les phénomènes généraux sont
proportionnels à la fièvre. La malade est d'abord couchée. 10
léthargie : la face se contracteun peu moins qu'à l'état ordinaire,
le sterno-mastoidien, pressé, ne répond pas, mais se contracture
par le frottement de son faisceau sternal ou claviculaire; les
membres supérieur et inférieur ne se contracturent pas bien. La
pression du médian, du radial donne la contracture et la griffe
correspondantes; pour le cubital, il faut insister davantage, car,
par une pression égale à celle exercée sur les deux autres nerfs,
on n'obtient que des secousses dans les muscles devantse contrac-
turer ; autrement l'effet est ici plus tardif. Ceci se passait à droite.
A gauche, phénomènes léthargiques négatifs, sauf pour le sterno-
mastoïdien qui, frotté, tend à se raccourcir, mais étant quitté par
les doigts, se relâche de suite; il est dans la limite de sa contrac-
tilité ; 20 catalepsie : les membres droits se mettent dans l'attitude
particulière, à cettepériode moins nettement qu'à l'état ordinaire
les membres gauches l'ont perdue et, abandonnés à eux-mêmes,
d'une certaine hauteur du lit, ils retombent comme s'ils étaient
paralysés; approchés des lèvres, les doigts de la main gauche
n'éveillent pas le sourire; 3° somnambulisme : contractures par-
DE L'ÉPILEPSIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 229
ticulières à cette période. A droite, pas d'injonctions; absence
des manifestations somatiques à gauche.
Si la malade est debout, contracture léthargique un peu tardive
du sterno-mastoïdien droit ; contracture somnambulique presque
nulle des membres droits, nulle dans les membres gauches et au
sterno-mastoïdien droit; le membre inférieur droit prend seul
l'immobilité cataleptique.
Tant que dure l'hypnotisme, les attouchements du poignet
gauche ne causent pas de plaintes.
La recherche des caractères des périodes de l'hypnose, dans le
but d'en voir les changements, ne doit pas être poussée au-delà
d'un certain temps, car, par contre, le sujet ne répondra plus au
bout de six à neuf minutes, aux divers procédés employés pour
faire apparaître ces signes-là; il y aurait alors une sorte d'épui-
sement des symptômes, tandis qu'à l'état qu'on peut appeler
normal, en vertu de sa constatation ordinaire, depuis longtemps,
la détermination des signes caractérisant les phases, n'amène pas
le même résultat; alors la répétition d'expériences plus ou moins
semblables entre elles provoque, au bout de compte, presque
toujours, les manifestations convulsives de l'hystéro-épilepsie.
Le 3, il semble que les altérations articulaires s'accentuent aux
jointures des membres, surtout sur le côté gauche du corps.
Léthargie : contracture des muscles de la face et du sterno-
mastoïdien normale à gauche, un peu au-dessous du normal à
droite; contracture des membres thoraciques et pelviens, faible
adroite, nulle à gauche. Catalepsie : immobilité cataleptique des
membres adroite, pas à gauche; absence des suggestions cata-
leptiques nettes. Somnambulisme : contracture rudimentaire à
droite, nulle à gauche; suggestions somnambuliques pénibles et
difficiles; à cette période comme à la première elle se plaint quand
on remue ses membres.
Le 4, les phénomènes propres à chacune des périodes ne se
manifestent aujourd'hui que dans le membre inférieur droit, dans
les trois autres on en constate l'absence.
Le 5, diminution du gonflement du poignet gauche et amélio-
ration des jointures du côté droit. La contracture léthargique est
facile à être obtenue aux membres thoraciques, un peu moins
franche au membre inférieur droit, absente à son congénère
gauche. Manifestations cataleptiques aux membres droits; le
membresupéneur gauche n'en présente presque pas, et tomb.e en
oscillant lorsqu'il est laissé à une certaine distance du lit; sugges-
lions possibles à l'aide du bras droit, impossibles à l'aide.,du
gauche. Contracture somnambulique absente au membre inférieur
gauche.
Le 8, l'articulation du poignet gauche et de l'épaule droite
moins gonflées et moins douloureuses; phénomènes arthritiques
230 RECUEIL DE FAITS.
très amoindris au membre pelvien droit. Phénomènes léthargi-
ques aux muscles de la face, aux sterno-mastoïdiens, au membre
pelvien droit; leur absence dans les trois autres membres.
Stabilité musculaire cataleptique dans les muscles de la tête et
du cou, dans ceux des membres droits ; dans ces derniers, elle
est normale; suggestions à l'aide de la main droite (sourire, un
peu de colère); absence de stabilité aux membres gauches. Mani-
festations somnambuliques motrices à droite, pas à gauche, nous
entendons les membres.
Le 11, accentuation et'concentration-ides altérations aux
membres gauches, surtout au genou; différences assez notables
dans les phénomènes neuro-musculaires : absence de contracture
léthargique au membre inférieur gauche seul; stabilité musculaire
à droite, manquante à gauche, possibilité de suggestions comme
le sourire, etc.; manifestatations somnambuliques, comme le 8.
Le 12, diminution du gonflement du genou gauche, dont les
mouvements causent moins de douleur; contracture léthargique
et somnambulique aux quatre membres, prédominant pourtant
dans ceux du côté gauche ; stabilité musculaire beaucoup plus
affirmée à droite qu'à gauche. On voit là des oscillations fonc-
tionnelles rapides et intéressantes méritant d'être notées, ce qui
justifie des détails qui pourraient, autrement, paraître excessifs.
Le 16, le genou et surtout le poignet gauches étaient, hier
matin, plus gonflées qu'antérieurement ; aussi les contractures et
la stabilité se montraient-elles très diminuées ; le poignet n'en
offrait presque pas. Aujourd'hui, où l'état lésionnel des jointures
gauches est manifestement amendé, on peut produire sur les
membres correspondants les propriétés neuro-musculaires moins
durables encore que sur les membres de l'autre côté. (Le plus ou
moins d'accentuation des altérations articulaires retentit sur les
muscles et nerfs des membres d'une façon presque toujours.pro-
portionnelle.) Contracture léthargique et somnambulique diffi-
ciles et légères au membre supérieur gauche, assez marquées aux
trois autres de même que dans les sterno-mastoïdiens et les fa-
ciaux. Stabilité musculaire réduite presque aux trois doigts mé-
dians du membre supérieur gauche; elle est présente partout
ailleurs. Suggestion cataleptique possible à droite ; suggestions
somnambuliques mal caractérisées.
Le 20, pendant ces jours derniers, les altérations articulaires
s'étant amoindries, au point que le malade peut déplacerses ?
articles envahis et a dormi de meilleur sommeil, les manifesta-
tions neuro-musculaires ont graduellement augmenté en s'appro-
chant du normal. Appétit meilleur et plus d'animation au visage.
Les suggestions somnambuliques s'exécutent facilement, mais
elles manquent de leur vivacité' ordinaire. ·
Le 23, les. désordres inflammatoires décroissent dans le poi-
DE 1/HYSTÉRIE AVEC LU RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 231
gnet pour s'exaspérer d'une manière équivalente si on peut le
dire dans le genou gauche : l'articulation fémoro-tibiale est de-
venue plus tuméfiée, plus sensible aux explorations et aux mou-
vements qu'on lui communique lorsqu'on cherche les manifes-
tations hypnotiques, qui sont absentes dans le membre corres-
pondant, mais qui, dans les autres membres, ne s'éloignent pas
beaucoup de ce qu'elles doivent être ordinairement; ces mani-
festations s'obtiennent aussi bien dans les muscles sterno-mastoï-
diens ; les faciaux ne se contractent que pendant la léthargie. La
tête est cataleptisable. Insensibilité cutanée presque complète.
Commencement d'épanchement dans l'articulation la plus affec-
tée ce liquide séreux va augmenter tous les jours, arrive à sa
quantité maximum vers le 8 ou 10 février, y reste pendant pres-
qu'un mois et n'est sensiblement diminué qu'aux premiers jours
d'avril.
Pendant sa maladie, MUe Witt... a été soumise au salicylaté de
soude, à l'iodure de potassium en potion, aux badigeonnagesavec
la teinture d'iode et à l'application autour du genou lésé, de trois
vésicatoires qui ont produit très peu d'effet grâce probablement
à un certain degré d'anesthésie cutanée, car un vésicatoire,
appliqué sur la même partie d'un membre sensible d'une hysté-
rique hémiatiesthésique, détermina ses effets naturels.
Le 5 février, la malade est plus longue à être hypnotisée, mais
les manifestations musculaires et nerveuses s'accentuent (les ma-
nifestations nerveuses sont les griffes des muscles résultantes de
la pression des trois nerfs : médian, cubital et radial).
Le 16 de ce mois, légère amélioration du genou gauche. En
cherchant les contractures du membre inférieur de ce côté, de
petits mouvements répondent à l'excitation des extenseurs des
orteils. L'adducteur du pouce aplati, et certains muscles du
membre pelvien gauches sont notablement atrophiés.
Le dernier jour de février, on trouve un peu d'oedème à la
jambe gauche qui est engourdie ; ceci disparait au bout de trois
jours pour revenir une trentaine de jours après en même temps
qu'une tuméfaction médiocre des paupières; on examine ses
urines qui ne contiennent ni albumine, ni sucre. Depuis quelque
temps, t'ranktinisation modérée.
Le 16 avril (trois mois et demi environ après le début), l'ar-
thrite du genou et aussi du poignet gauche est très améliorée et
la malade rentrera bientôt dans sa vie ordinaire. Deux jours
après elle accuse sur la terminaison du tendon patellaire et les
parties avoisinantes une certaine douleur augmentée par la pres-
sion et disparue aux derniers jours de ce mois époque où l'amen-
dement des arthrites et même de l'état général est considérable.
Le 23, contracture' généralisée se dissipant le lendemain. Au
commencement de mai la malade est prise de deux de ses grandes
232 RECUEIL DE FAITS.
attaques, la première desquelles est suivie de contracture géné-
ralisée, qu'on fait cesser parles inspirations d'éther. Cette con-
tracture consécutive aux attaques est un fait presque habituel.
Aux derniers jours de mai, la malade est dans sa vie normale; à
cette époque on ne constate aucune perturbation dénonçant une
lésion quelconque du coeur ; les bruits en ont été dans certains
jours assourdis, légèrement soufflants ; le pouls a été parfois
- traînant, mais pas de lésions permanentes dans le domaine de
l'appareil circulatoire. Aux mois suivants la malade ne laisse pas
de faire savoir de temps à autre que son membre pelvien gauche
est moins fort que le droit (elle boite quelquefois quand elle
marche vite) et que, à certains jours, son poignet gauche la gêne;
ceci va cependant s'effacer petit à petit et elle y songe de moins
en moins.
A côté d'autres faits, nous avons vu que, si chez notre
malade, les jointures affectées par le rhumatisme étaient
douloureuses, l'anesthésie cutanée et sensorielle, de même que
l'absence de la notion de position du membre inférieur gauche,
n'étaient pas modifiées. Par contre, les caractères des trois
états de l'hypnose ont été très notablement influencés par le
rhumatisme articulaire et, à ce propos, on peut dire que plus
les altérations arthritiques articulaires étaient marquées plus
V effacement des caractères hypnotiques était évident; on pour-
rait presque conclure l'état de ceux-ci du degré des lésions
articulaires. Une circonstance à signaler, c'est l'absence de
délire ou d'autre accident cérébral observés chez des rhumati-
sants non hystériques ; ceci quoique la température ait été de
40° pendant deux jours.
Les désordres lents et chroniques observés dès le mois d'avril
résultent de ce que « à la suite d'une arthrite chronique d'ori-
gine rhumatismale, il s'est produit un certain degré d'atrophie
du triceps crural (amyotrophie d'origine articulaire) », a dit
M. le professeur Charcot en analysant la maladie de Porcen...',
cas riche d'enseignement; nous pourrons appliquer ces mots a
notre malade chez laquelle nous avons assisté à une associa-
tion intéressante de deux sous-diathèses, dont l'une tient à la
branche névropathique et l'autre tient à l'arthritisme. Encore à
sa leçon du 14 décembre 1885 M. Charcot attirait-il l'attention
de son auditoire sur la combinaison de l'hystérie avec le
1 J.-M. Charcot. Sur deux cas de moizoplégie 6rah. hyst., etc.
Prog. médical du 22 août 1885.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 233
rhumatisme articulaire presque toujours aigu, dans ces cas-là,
en remarquant qu'elle est plus fréquente chez les hystériques
mâles ; que le rhumatisme peut précéder l'éclosion des attaques
hystériques en jouant, alors, le rôle de cause provocatrice,
qu'il peut succéder à cette éclosion là, c'est le cas de notre
malade ; qu'enfin, si le rhumatisme modifie souvent les mani-
festations de l'hystérie on voit aussi quelques cas où ces mani-
festations, principalement les convulsives, restent à peu près
ce qu'elles étaient avant l'apparition de rhumatisme'; alors
les deux maladies « peuvent marcher de pair sans s'influencer
l'une l'autre ». (Leudet.)
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE
LA nutrition du cerveau; par Tu. MEYNERT.
(Jnltrbùch. f. Psych., V, 3.)
Mémoire portant en sous-titre : Fragment du chapitre sur le même
sujet, contenu dans le livre intitulé : Psychiatrie. Klinik der Er-
krankungen des Yorderhirns. Nous avons en effet reçu le premier
fascicule de ce livre; dès que nous en posséderons la fin, nous
l'analyserons en entier. P. K.
II. La STRUCTURE DES ÉLÉMENTS DU SYSTÈME NERVEUX;
par S. FRFUD. (J<t/tr6uc/t. f. Psych., V, 3.)
L'auteur a soumis à l'examen microscopique les filets nerveux de
l'écrevisse d'eau douce vivisectionnée, mais continuant à vivre ; il
s'est bien gardé de pratiquer la dissociation à l'aiguille et d'a-
jouter aucun ingrédient chimique. Le sang de l'animal constitue-
rait un liquide presque inoffensif à l'égard de la structure des
éléments nerveux. Dans ces conditions, la fibre nerveuse se pré-
sente sous la forme de tuyaux clairs comme de l'eau, dont la
paroi élastique est couverte de nombreux noyaux; on y cons-
tate un contenu quasi-liquide, ou du moins très mou, qui en sort
par pression, et se transforme en coagula généralement granu-
4 Cil. Féré. Notes pour servir à l'histoire de l'hystéro-épilepsie,
p. 12, 1882. (Extrait des Archives de Neurologie.)
234 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.
leux. Dans cette substance molle existent des fibrilles droites sépa-
rées les unes des autres. La cellule nerveuse se compose de deux
substances : l'une, disposée en réseau, se prolonge manifestement
dans les fibrilles des fibres nerveuses ; l'autre, homogène, se
prolonge probablement-dans la substance intermédiaire aux
mêmes fibrilles. Le noyau de la cellule est ◀tantôt▶ obscur, ◀tantôt▶
nettement limité par une ligne fine; il est homogène et brillant, et
contient, en dehors des deux grands corpuscules nucléaires (nu-
cléoles), de nombreux organites morphologiques, quiexécutentdes
évolutions et changent d'aspect à tout instant; ces organites
apparaissent soit sous la forme de bâtonnets courts et épais, soit
sous celle de longs fils incurvés, soit encore d'éléments pliés en
angles bifurques, ou formant des rosettes souvent très coquettes.
En embrassant d'ensemble un noyau et les organites qu'il con-
tient, on voit tel bâtonnet ou tel morceau de bâtonnet s'éloigner,
se rapprocher de l'observateur ou de son congénère, s'enfoncer
dans la profondeur, formant ainsi mille dessins changeant à
divers endroits du noyau; ces mouvements sont, quant à leur
rapidité, comparables aux mouvements amiboïdes des globules
blancs; cette vitesse varie; mais elle ne dépasse pas les limites du
mouvement protoplasmique. Une longue observation ou la com-
pression d'une cellule entraine la disparition très prompte de tous
les organites, le noyau devenant finement granuleux, s'entou-
rant d'un double contour, tandis que le corps de la cellule lui-
même passe lui-même à l'état granuleux. On a, en somme, sous
les yeux la structure générale du protoplasma vivant, identique
dans la cellule nerveuse à celle du protoplasma ordinaire; ce
protoplasma dans la fibre nerveuse se segmente en fils, et les
fibrilles de la fibre se comportent, par rapport au corps de la
cellule, comme les cils vibratiles d'une cellule de ce nom par rap-
port au réseau protoplasmique de cette dernière; ces fibrilles
sont, comme les cils vibratiles, des prolongements du protoplasma
différenciés etisolés.ConchMtOHS/M/pot/tdMes.Lesubrilles de la
fibre nerveuse sont des fils conducteurs isolés, qui, séparés dans
le nerf, fusionnent dans la cellule; une excitation d'une certaine
force peut rompre l'isolement des fibrilles, la fibre nerveuse con-
duisant dans son ensemble l'excitation. Il convient maintenant de
chercher quelle est, dans un trouble quelconque de l'innervation,
la perturbation intime qui supprime la conductibilité isolée des
fibrilles de la fibre. P.K.
III. Contributions expérimentales A la connaissance des VOIES
d'union DU CERVELET ET au trajet DES faisceaux grêles ET
cunéiformes; par P. EJAS (i1'Ch. f. Psych. XVI, -1 ).
Examen de l'encéphale de trois animaux chez lesquels Fore !
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 335.
avait, à l'aide de la cuiller de Daviel (méthode de de Gudden),
pratiqué les opérations suivantes à l'âge de deux à trois jours :
fo lapin n, tué le soixante-quatorzième jour après l'extraction
du cordon grêle droit et du faisceau cunéiforme du même côté
à la hauteur de leurs noyaux : ablation complète de ces faisceaux,
presque complète de leurs noyaux ; 2° rat tué le cinquante-
deuxième jour après l'extirpation de l'hémisphère cérébelleux
droit, avec le corps rhomboïdal et le lobule du pneumo-gastrique
du même côté : ablation d'une partie de la masse des fibres de
la moitié droite du vermis; 3° lapin 6, tué le soixante-douzième
jour après l'extirpation du lobule du pneumo-gastrique droit,
d'une partie de l'olive cérébelleuse et du pédoncule cérébelleux
moyen. Etudes histologiques.
A. Voies d'union du cervelet. a. Le corps restiforme se compose du
cordon latéral du cervelet de Dédise, du puissant trousseau de libres
qui va d'une moitié du cervelet à l'olive opposée, d'un trousseau de fibres
qui doit être en rapport avec le noyau du cordon latéral (atrophie de ce
noyau). Où se termine le corps restiforme dans le cervelet ? Il est à peu
près sûr que ce n'est pas au lobule du pneumogastrique; il est probable
que ce n'est pas dans la partie du corps rhomboïdal qui pénètre dans le
lobule du pneumogastrique. Il est supposable que le corps restiforme ou
le trousseau du corps restiforme qui provient des olives se termine prin-
cipalement dans la partie du corps rhomboïdal placée vers la ligne mé-
diane. Quant aux relations du corps restiforme avec le vermis, on n'a pu
enlever qu'une fraction de ce dernier. Il est extrêmement difficile d'en-
lever exclusivement l'hémisphère cérébelleux, sans léser en même temps
d'autres d'organes (olive cérébelleuse etc...); en tout cas l'extirpation
totale de la moitié du cervelet entraîne l'atrophie d'un corps restiforme
et toujours du corps restiforme du même côté, c'est-à-dire que les corps
restiformes ne s'entrecoisent pas dans le cervelet. b..Segnaent interne
du pédoncule cérébelleux inférieur. Proviendrait principalement du noyau
du faisceau cunéiforme. 11 est en tous cas probable que certaines fibres de
la formation réticulaire participentàla constitution du segment interne de ce
pédoncule ; il s'y adjoindrait également quelques fibres issues des cellules
qui se trouvent à l'intérieur de ce système, mais il est impossible de
confirmer l'opinion de Monakow d'après laquelle des fibres du corps resti-
forme passeraient dans le segment interne du pédoncule en question.
Où ce pédoncule se termine-t-il dans le cervelet ? triomphe de l'opinion
de Meynert, car chez le rat, on a respecté les petits noyaux du lobe central
du cervelet qui occupent le toit du quatrième ventricule; ainsi s'explique
la conservation parfaite du segment interne du pédoncule cérébelleux in-
férieur qui contraste avec l'atrophie notable du corps restiforme : on
peut également suivre, sous le' microscope, le trajet des fibres du pédon-
cule cérébelleux inférieur jusqu'à ces petits noyaux et à l'entre-croiseinent
médian. Il est possible que sou entrecroisement atteigne les petits
noyaux du côté opposé; mais jusqu'ici toute affirmation demeure, impos-
sible. c. Pédoncule cérébelleux supérieur. Ses origines ou ses terminai-
sons appartiennent à toutes les parties corticales du cervelet. Quant à son
trajet extra-cérébelleux, son atrophie est en rapport le plus intime avec.
236 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.
l'altération du noyau rouge de la calotte (de Stilling) du côté opposé,
mais ce noyau ne s'atrophie simultanément que partiellement.-d. Pédon-
cule cérébelleux moyen. Provient de l'hémisphère cérébelleux du même
côté et se rend, après s'être entrecroisé avec une partie des fibres du
pédoncule cérébelleux moyen du côté opposé, probablement à la subs-
tance grise (cellulaire) de la moitié opposée de la protubérance (l'entre-
croisement d'ailleurs n'est que partiel). Aucun rapport direct avec les pé-
doncules cérébraux ; les pédoncules cérébraux paraissent tenir des cellules
protubérantielles, et non pas directement des pédoncules cérébelleux
moyens, les fibres qui ne proviennent pas des pyramides.
En somme, il n'existe aucun rapport direct entre le cervelet et
le cerveau. Ainsi l'expansion extracérébelleuse du corps restiforme,
est à chercher dans la moelle allongée, et il n'y a de connexions
entre le cerveau et le cervelet, ni par l'intermédiaire du pé-
doncule cérébelleux moyen, ni par celui des pédoncules céré-
belleux supérieurs. Les fibres de ces derniers cessent, soit pour la
plus grande part (Forel), soit toutes (von Gudden) dansles noyaux
rouges. Plusieurs de ces fibres vont-elles plus loin, ou les fibres,
entrées en connexion avec les cellules du noyau rouge, ont-elles
d'autres connexions indirectes avec le cerveau ? Tout est hypo-
thétique. En tout cas, étant donné l'importance de la connexion en-
tre le cervelet et le cerveau, on ferait mieux de penser aux autres
faisceaux, au pédoncule cérébelleux moyen ; mais l'expérience ne
fournit aucun point de repère. Et cela probablement parce que
lés fibres du pédoncule cérébelleux moyen se terminent provi-
soirement dans les cellules protubérantielles qui empêchent tout
autre atrophie au sein de ce pédoncule.
B. Trajet du faisceau grêle. Il prend part à la formation des cordons
postérieurs d'une façon plus saillante que le faisceau cunéiforme. 11 prend
une part importante à la formation de la couche olivaire intermédiaire du
côté opposé sans qu'il soit possible d'en déterminer la quotité. Les mêmes
fibres arciformes du faisceau grêle et leurs prolongements dans la
couche intermédiaire des olives s'atrophient, et après l'extirpation du
noyau du faisceau grêle et après l'extirpation de l'écorce du lobe pariétal,
mais il est impossible de dire pourquoi l'on ne perçoit plus d'atrophie de
la couche intermédiaire des olives dès qu'on a dépassé le corps trapézoïde.
Les libres arciformes du faisceau grêle ne sont pas en connexion avec les
olives inférieures.
C. Trajet du faisceau cunéiforme. Il ne participe pas à la formation
du corps restiforme. La partie supérieure du noyau de ce faisceau donne
naissance à la partie interne du pédoncule cérébelleux inférieur. Les
rapports du faisceau cunéiforme et du noyau de Dehors (externe de l'a-
coustique) sont douteux : il y aurait plutôt lieu d'admettre que ce noyau
est en relation avec le cordon latéral. il est très probable que le faisceau
cunéiforme possède des fibres commissurales longitudinales à de courtes
distances, sans qu'il soit possible de rien dire quant aux relations de
ces dernières avec le noyau du faisceau en question : nous tendrions à
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 237
rejeter cette dernière connexion-là. Les fibres du faisceau cunéiforme ne
sont pas en connexion avec les olives ; quelques fibres arciformes cessent-
elles dans la formation réticulaire ? Cela est douteux. Planche à l'appui.
P. K.
IV. Recherches expérimentales ET ANATOMO-PaTIiOLOGIQUES sur les
RAPPORTS QUI RELIENT LA SPHERE VISUELLE (de Munk) AUX CENTRES
OPTIQUES INFRACORTICAUX ET AU NERF OPTIQUE ; par VON MONAKOW
(Arch. f. Psych. XVI, 1).
t
Il s'agit de la suite du mémoire en partie analysé par nous
dans les Archives de Neurologie, t. IX, p. 256 1 ; nous avions relé-
gué les études anatomo-cliniques à plus tard, parce qu'il sem-
blait que la suite annoncée traiterait exclusivement ce sujet. Mais
cette suite se redivise elle-même en deux sections. 1. Berhei,ches
expérimentales sur les chats. C'est le complément, par des études
microscopiques, des expériences du premier mémoire sur des
chats et lapins nouveau-nés (ablation du centre visuel chez des
chats expériences IV et V) en même temps que l'addition des
résultats grossiers issus de nouvelles vivisections (exp. VI et VII).
Conclusion. L'ablation des sphères corticales de la vue chez le chat
montre que la zone A' reçoit des fibres de projection du pulvinar, des
portions antérieures et latérales du corps genouillé externe, des couches
supérieures du tubercule bijumeau antérieur, la zone A2 affecte des
rapports semblables d'abord avec le pulvinar, puis avec les parois la-
térales et caudales du corps genouillé externe, enfin, à un faible degré,
avec le tubercule bijumeau antérieur ; - la zone A3 (ou plutôt la portion
de cette zone qui compte dans la sphère visuelle) reçoit de nombreuses
fibres de projection de la lame grise superficielle du tubercule bijumeau
antérieur et des portions médianes et antérieures du corps genouillé ex-
terne ; ses rapports avec les autres parties du corps genouillé externe ou
avec le pulvinar sont insignifiants. Par conséquent, la partie médiane
de la sphère visuelle s'unit presque exclusivement avec les portions la-
térales des centres optiques infracorticaux ; sa partie latérale s'unit
plutôt avec des portions médianes des centres optiques infracorticaux.
En ce qui concerne les centres optiques primaires, la zone As plus de
rapports avec les faisceaux du nerf optique entrecroisés, la zone A2,
avec les faisceaux du nerf optique non entrecroisés; la zone A' est pro-
bablement en connexion avec les deux faisceaux d'une manière assez
égale. L'atrophie des centres optiques primaires présente à peu près les
mêmes caractères que chez le lapin ; ici aussi les cellules nerveuses gan-
glionnaires sont le point de départ du processus pathologique dans le
pulvinar et le corps genouillé externe; dans le tubercule bijumeau an-
térieur, ce sont, ce qui ne se voyait pas chez le lapin, les cellules ner-
veuses de la couche grise superficielle qui commandent à l'atrophie.
1 Voy. Archives de Neurologie, t. X, p. 104 et 425, t. XI.
2 Voy. les figures du Progrès médical, de 1879, n° 10.
238 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.
En ce qui concerne l'origine et la disposition des fibres du nerf
optique, l'ablation de la partie médiane de la sphère visuelle entraîne
l'atrophie de toute l'étendue des faisceaux conducteurs jusqu'au nerf op-
tique sans intéresser le tubercule bijumeau antérieur (contradiction avec
les expériences de Tartuferi.-Contributo anatomico-sperimentale, Turin,
~188l).
En ce qui concerne les conditions d'origine du nerf optique chez le chat
et le lapin, il y a quelque différence : chez le premier, le tubercule biju-
meau antérieur joue certainement, comme centre optique, un rôle bien
plus saillant que chez le second et que chez l'homme ; chez le lapin et
l'homme, le corps genouillé externe et le pulvinar gagnent en impor-
tance 1 cet Ggard. P. K.
V. Etudes sur les attitudes considérées comme indicatives des
ÉTATS MORAUX ET ENVISAGÉES DANS LES OEUVRES D'AIIT; par Francis
Warner. (The Joui-iza 1 of iliciital Science, avril 1884.)
M. F. Warner poursuit depuis longtemps, avec une persévérance
et une sagacité dignes d'éloges, des études sur les attitudes, et
plus spécialement les attitudes de la main, dans leurs rapports
avec l'état moral ; les muscles, en effet, n'étant que des intermé-
diaires, dirigés et régis par un mécanisme nerveux central, leurs
attitudes doivent refléter l'état du centre nerveux. Dans le court
travail qui nous occupe, l'auteur examine à ce point de vue spé-
cial quelques-uns des chefs-d'oeuvre de l'art classique, notam-
ment : la Vénus de Médicis, la Vénus et la Diane du British
Muséum, la Fête en l'honneur de Bacchus, trouvée sur un vase
grec et reproduite dans le travail de sir William Hamilton, le
Caïn du palais Pitti à Florence, le Gladiateur mourant, et l'Her-
cule au repos. On constate, dans ces oeuvres d'art, que les atti-
tudes sont conformes à celles que l'auteur a décrites comme
appartenant aux états d'esprit qui doivent en effet appartenir aux
personnages représentés par le statuaire.
Toutefois, ainsi que le fait remarquer M. Warner, on n'a pas
très souvent l'occasion de faire ces constatations sur les chefs
d'oeuvre de l'art ; car, de même que dans la vie courante, nous
cherchons volontiers à modifier l'attitude naturelle de nos mains
en leur donnant quelque objet à tenir « par contenance », de
même le sculpteur laisse rarement libres les mains de la figure
qu'il s'est donné pour mission de représenter. R. M. C.
VI. Les conditions physiques de la conscience; par le professeur
A. HERZEN (de Lausanne). (Tite Journal of âlental Science, avril
et'mai 1884.)
Comme l'indique le Litre de cet important travail, le savant pro-
fesseur de Lausanne s'est proposé de rechercher quelles sont les
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 239
conditions physiques de la conscience et d'arriver à une théorie
qui lui semble être l'expression provisoire de la vérité, sinon son
expression définitive, et qui, tout au moins, n'est en opposition
avec aucun fait physiologique ou clinique. L'analyse d'un pareil
mémoire n'est guère possible ; nous nous bornerons à indiquer
les principaux points successivement traités par l'auteur, les lois
qu'il en déduit, les conclusions qui le terminent, enfin les consi-
dérations qui en forment le dernier chapitre.
Tout d'abord, l'auteur constate la tendance générale à aban-
donner le dualisme traditionnel pour adopter le monisme; mais
là s'arrête l'accord, et bientôt la divergence s'accuse en ce qui
touche les rapports de la conscience avec l'activité nerveuse cen-
trale : il rappelle à ce propos les opinions opposées de H. Mauds-
ley et de G.-H. Lewes; nous ne rappellerons pas ces deux théories
qui sont bien connues de tous ceux qui s'intéressent au mouve-
ment moderne de la psychologie physiologique. Après les avoir
exposées et discutées, M. Herzen conclut que ni l'une ni l'autre ne
peuvent être adoptées intégralement, parce que leurs auteurs ont
respectivement exagéré la part de vérité qui se trouve dans cha-
cune d'elles; il estime que la vérité se trouve dans l'association
des deux théories rivales, et que, quel que soit le centre actif, le
conscient et l'inconscient co-existent toujours et partout; seulement
c'est ◀tantôt▶ l'un, ◀tantôt▶ l'autre qui prédomine, et cela suivant
une loi qu'il va essayer de déterminer.
Ici, nous devons citer presque intégralement : « La physiologie
« générale nous enseigne que le tissu nerveux, fibres ou cellules,
« n'échappe point à la loi biologique universelle qui veut que, chez
« l'être vivant, la période d'activité soit la période de désorgani-
« sation, et que la désorganisation soit suivie pas à pas par la répa-
ration, sans laquelle la vie serait la mort. Mon point de départ
« est donc parfaitement net : les éléments nerveux se désintè-
« grent par l'action, et se réintègrent immédiatement après, en
« sorte que tout acte nerveux a une phase de désintégration et
«une phase de réintégration; cette dernière s'accomplit sui-
vant la modalité de la désintégration qui l'a précédée.
« Immédiatement se pose une première question : A laquelle
« de ces deux phases la conscience est-elle liée ? L'expérimenta-
« tion ne peut répondre à cette question ; l'observation seule peut
nous guider; mais elle nous guide sûrement, et si clairement
que nous ne pouvons nous tromper : l'intégration et la réintégra-
tion des centres nerveux sont absolument inconscientes. Nul
« n'est conscient du développement embryonnaire de son propre
« cerveau, non plus que de l'apparition et de l'évolution de ses or-
« ganes cérébraux, lesquelles procèdent d'une façon aussi incons-
« ciente que la croissance de l'individu, ou la nutrition de ses
« muscles et de ses os. Une fois développés, les éléments centraux
240 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.
« sont stimulés par des impressions accidentelles. Leur activité
« désintègre et fatigue l'organe central, et cette fatigue est la me-
« sure de la décomposition qui se lie à l'activité; la fatigue céré-
« brale produit le sommeil ; pendant le sommeil, le cerveau se re-
. « pose, c'est-à-dire se réintègre; le sentiment de repos qui en
« résulte donne la mesure de la réparation accomplie. Or, éveillés,
« nous sommes conscients; noussommes au contraire inconscients
« lorsque nousdormons profondément. Voilà unepremière indica-
« tion, très grossière à la vérité, du lien qui unit la conscience à la
« désorganisation des éléments actifs. Je prouverai plus tard que
« cette intermittence se retrouve dans chacun des actes centraux
« considéré isolément Il apparaît donc clairement que la
« conscience est exclusivement liée à la phase de désintégration des
«actes nerveux centraux.
« Cela posé, une nouvelle question surgit : Toute désintégration
« est-elle consciente ? Evidemment non, puisque les actes auto-
« matiques sont sub-conscients ou inconscients, bien qu'ils soient,
'< eux aussi, accompagnés de désorganisation... Mais l'observation
« démontre : que si, d'une part, les actes qui fatiguent le plus, qui
« fournissent le plus de produits de décomposition; en un mot, qui
« désintègrent le plus, sont en même temps les moins autoniati-
« ques et les plus conscients; d'autre part, les actes qui fatiguent
« le moins, ceux qui s'accomplissent avec le minimum de décom-
« position fonctionnelle sont précisément ceux qui sont le moins
« conscients et les plus automatiques. Par là il devient manifeste
«que la désintégration ne produit la conscience que lorsqu'elle
« acquiert une certaine intensité. Ici l'expérimentation devient
« possible à la condition d'être éclairée par l'indispensable con-
« trôle de l'observation intérieure; c'est pourquoi la majorité des
« observations de cet ordre doit être faite sur l'homme, et l'on ne
« doit avoir recours aux animaux que lorsque cela est absolument
«nécessaire. Je veux parler des expériences sur la durée des actes
« psychiques et sur la calorification centrale. Tout acte centralest
« nécessairement lié à la production d'une certaine quantité de
« chaleur : la chaleur produite est une des expressions de la dé-
« sorganisation fonctionnelle. Malheureusement, les observations
« sur ce point ne peuvent être faites sur l'homme avec toute la
« précision désirable, mais les admirables recherches de Schilf
« sur les animaux (Archives de physiologie, 1869, nos 4 et 2, et 1870,
« nos 1, 2, 3 et 4, ou Herzen, Revue philosophique de janvier 1877)
« ont jeté une vive lumière sur les rapports de la thermogénèse
« centrale avec l'activité psychique. Je me bornerai à rappeler ici
« que la production de chaleur est d'autant plus grande que l'im-
« pression reçue par l'animal lui est, pour un motif quelconque,
« agréable ou désagréable, qu'elle est pour lui intéressante et
« surtout capable d'attirer son attention, c'est-à-dire de pro-
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 241
« duire une vive impression , etc., c'est-à-dire si elle passe
« comme inaperçue ou à peu près, et n'éveille que peu ou point
« de conscience, il y a très peu de chaleur produite; il en résulte
« que l'influence de la même impression fréquemment renouvelée
« diminue rapidement, et que l'on arrive alors à un minimum
« constant de calorification, dû simplement à la transmission
« nerveuse. Ces faits indiquent clairement que les actes centraux
« qui sont accompagnés de la conscience la plus nette sont ceux
« qui nécessitent la décomposition la plus complète, et produisent
« la calorification la plus grande, et que, par conséquent, l'inten-
« site de la conscience est en raison directe de l'intensité de la désin-
« tégration fonctionnelle.
« Cherchons maintenant ce qui caractérise les actes centraux
« qui s'accompagnent d'un minimum de conscience, ou qui sont
« totalement inconscients. Nous l'avons déjà dit, c'est une dé-
« composition restreinte avec une calorification réduite à son mi-
« nimum : mais c'est aussi et surtout une transmission relative-
« ment très rapide. En fait, tout acte nerveux central demande
« un certain temps pour s'accomplir; la répétition, l'exercice,
« l'habitude diminuent ce temps, et le réduisent àlamoitié, au tiers
« de ce qu'il était primitivement; il atteint son maximun lorsque
« l'acte à accomplir est nouveau pour le sujet, et éveille, par con-
« séquent, chez lui une conscience très intense des sensations qui
« le provoquent, l'accompagnent et le suivent; il diminue à me-
« sure que l'acte devient plus habituel et se rapproche ainsi de
« l'automatisme; il est à son minimum lorsque l'acte est devenu
« complètement automatique et s'accomplit inconsciemment. »
Après avoir décrit quelques expériences personnelles, l'auteur re-
prend : «Ainsi, puisque les actes automatiques sont caractérisés
« par le faible degré de la désorganisation et de la calorification
« qui les accompagnent, et surtout par la rapidité avec laquelle
« ils s'accomplissent, il est évident que l'intensité de la conscience
« est en raison inverse de la facilité et de la rapidité de la transmis-
« SMHeeHh's/e. Une fois réunis, les résultats partiels qui nous ont
« été fournis par l'observation et l'expérience constituent ce que
« j'ai appelé la loi physique de la conscience, loi qui peut se for-
« muler de la façon suivante :
« La conscience est exclusivement liée à la désintégration fonc-
« tionnelle des éléments nerveux centraux; son intensité est di-
« rectement proportionnelle à cette désintégration, en même
« temps qu'elle est en raison inverse de la facilité avec laquelle
« chacun de ces éléments transmet aux autres ses vibrations fonc-
«tiotinelles, et avec laquelle il rentre dans la période de repos et
« de réintégration. »
Le lecteur nous pardonnera l'indispensable longueur de ces
citations qui pouvaient seules donner une idée précise de la
Archives, t. XL 16
242 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.
théorie de M. Herzen : l'auteur s'attache ensuite à démontrer que
cette loi, qui s'applique parfaitement à l'activiié psychique des
centres corticaux n'est pas moins vraie pour les centres subor-
donnés, tels que le centre sensori-moteur et le centre spinal :
nous ne pouvons le suivre dans cette argumentation détaillée, et
- 'nous devons nous borner à reproduire ici ses conclusions :
« I. Dans la moelle êpinière : conscience élémentaire, imper-
« sonnelle, inintelligente, ayantson maximumchez les animaux in-
« férieurs et son minimum chez les animaux supérieurs; chez ces
« derniers, à l'état normal, la conscience spinale n'est jamais
- appelée à l'activité, parce que toutes les réactions qui sont du
« ressort de la moelle s'accomplissent automatiquement, et parce
«que les stimulations, ne rencontrant dans la moelle aucun mé-
K canisme propre à la décharge, sont directement transmises aux
« centres céphaliques : ce n'est que par suite de complications
« expérimentales que cette conscience s'éveille grâce à'iadésinté-
« gration étendue et profonde que ces complications déterminent;
« elle disparaît, d'ailleurs, à mesure que de nouveaux mécanismes
« s'organisent et se fortifient.
e II. Dans les centres sensori-moteur (qui fonctionnellement
« agissent de concert comme « sensorium et motorium com-
« munia ») : conscience individuelle, perception rudimentaire,
« germe d'intelligence, caractère intelligent et volontaire des ré-
« actions, qui sont soumises à des conditions identiques à celles
« qui régissent l'intensité de la conscience spinale, mais avec cette
« différence : que, grâce à l'infinie variété des impressions exté-
« rieures et intérieures qui éveillent l'activité de ces centres, cette
« activité n'est pas réduite, comme pour la moelle, à l'état de
« mécanisme purement automatique et que, par conséquent, elle
« participe toujours plus ou moins à la patiesthésie de l'individu,
« en contribuant pour sa quote-part de conscience.
« III. -Dans lescentres corticaux (agissant comme intellectorium
'« commune ») : conscience intelligente; notion claire des rapports
« de l'individu avec les objets extérieurs et de ces objets entre eux,
« d'où résulte le caractère intentionnel et réellement volontaire
- des réactions. La conduite estregléeparlescirconstancespassées,
« présentes et futures, telles que l'individu peut les prévoir au
'« moyen de l'expérience acquise. Différent des deux modes de
-« conscience qui précèdent, celui-ci s'accroît à mesure que l'on
« monte dans l'échelle animale et atteint son maximum chez
« l'homme. L'intensité de cette conscience et la qualité de ce
« qu'elle embrasse dépendent de conditions qui sont les mêmes
« que celles qui régissent la conscience des centres sensori-moteur
« et spinal.
« IV. Finalement, dans le système nerveux tout entier, consi-
« déré comme organe de la fonction fondamental de toute
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 243
« vie de relation, suivant la phase, etc., de l'action réflexe :
« conscience ou inconscience de son activité, et conformément
« à la loi suivante. » (Cette loi est celle qui a été formulée plus
haut sous le nom de loi physique de la conscience.)
Bien que déjà peut-être nous ayons abusé des citations, nous
ne pouvons passer sous silence le dernier paragraphe du mémoire,
où l'auteur envisage les phénomènes de conscience chez les ani-
maux et leur destinée ultérieure chez l'homme ; nous en repro-
duisons les dernières lignes :
c..... Le progrès cérébral ou intellectuel.... n'a d'autres limites
« que la plasticité évolutionnelle d'une race ou d'un individu. Le
« progrès vers la perfection s'arrête nécessairement lorsque ces
« conditions de son développement ultérieur n'existent plus,
« mais il continue nécessairement lorsque ces conditions demeu-
« rent réunies. C'est ce qui fait, d'un côté, que les animaux que
« nous considérons comme inférieurs restent au point où ils sont;
« ils ont parcouru tout le champ du développement compatible
« avec leur organisation particulière, et, plus est simple la corré-
« lation organo-psychique qu'ils représentent, plus ils sont inin-
« telligents et inconscients, c'est-à-dire plus ils sont instinctifs et
« automatiques. C'est ce qui fait, d'autre part, que parmi tous les
« animaux que nous appelons supérieurs, l'homme a pu se déve-
« lopper d'une façon tellement surprenante qu'il est arrivé à
« croire qu'il n'avait rien de commun avec eux, et qu'il s'est cru
« autorisé à les renier pour ses parents : ils ont, en effet, épuisé
« les ressources que leur offrait une organisation plus pauvre, et ils
« sont désormais condamnés à se mouvoir dans le cercle d'un au-
« tomatisme plus ou moins complet, cercle que l'homme seul a pu
« briser et agrandir. Et il l'a si bien agrandi qu'il s'est ouvert à
« lui-même tout un horizon d'acquisitions nouvelles, de plus en
« plus complexes, au milieu desquelles son activité consciente
« peut trouver à s'exercer durant des périodes sans limites et à
« l'abri du risque d'être réduit à l'état d'automate intellectuel.
« Deux conditions toutefois pourraient limiter cet orgueilleux
1,,xcelsioi, de l'espèce humaine : le progrès psychique doit fatale-
« ment s'arrêter un jour, soit devant la limite absolue qui sépare
« le cognoscible de l'incognoscible, soit devant la limite non
« moins absolue delà perfectibilité organique du cerveau humain.
« Dans les deux cas, la conscience finira, sans aucun doute, par se
« détacher de plus en plus de l'activité cérébrale qui prendra pro-
« gressivement un caractère instinctif, réflexe, automatique, mé-
« canique. Mais, en dépit du travail de plus en plus intense, forcé,
« étourdissant, fiévreux auquel se livre notre race, il est certain
« que, bien longtemps avant que cette limite soit atteinte, le re-
« froidissement graduel de notre système solaire aura supprimé
« la possibilité de la vie sur la surface du globe. Cette perspective
244 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.
« est peu encourageante pour la race; mais elle n'en est pas moins
« certaine; à vrai dire, d'ailleurs, elle ne nous affecte guère en
« tant qu'individus. Devons-nous donc dire : Après nous le dé-
« luge ? Non : mais bien plutôt : Fais ce que dois ; advienne que
« pourra. » ~ R- M. C.
VII. UNE méthode POUR faciliter LES recherches SUR l'activité
volontaire; par le Dr Rieger (1885), Leipzig.
Plusieurs moyens se présentent à nous pour étudier l'activité
volontaire. La condition principale, pour toute recherche métho-
dique, c'est qu'il se produise un acte volontaire. Cet acte doit être
simple, visible, pour ainsi dire; il doit pouvoir être traduit par
des chiffres ou par la méthode graphique. L'activité muscu-
laire est celle qui se prête le mieux à ces recherches. Le
Dr Rieger choisit un acte volontaire assez simple, pour que tout
sujet en expérience puisse l'exécuter, c'est l'extension du bras
dans une position horizontale, ce bras obéissant à la volonté
doit être au repos, mais ce repos comme nous le demande la
méthode graphique n'est qu'apparent.
Voici le modus f(iciendi du Dr Rieger :
On place le bras en expérience entre un kymographe (à une
certaine distance de lui) et une source lumineuse assez intense;
l'expérience se fait dans une chambre peu éclairée. Une épingle
fixée sur un porte-plume que le sujet tient entre ses doigts,
comme pour écrire, sert de signal. On peut facilement, avec un
crayon, suivre l'ombre projetée par l'épingle sur le tambour du
kymographe et l'on obtient de cette manière le tracé des mouve-
ments du bras, au moyen de la méthode des ombres. Le temps
qu'emploie le kymographe pour accomplir une rotation entière
est de deux minutes. Si le bras obéissait à la volonté, nous
aurions obtenu sur le tracé une ligne droite qui, à sa terminai-
son, correspondrait au point de départ; dans le cas contraire,
nous aurons une ligne irrégulière présentant des zig-zags, qui la
fin de son trajet se trouve reliée plus haut ou plus bas qu'à son
point de départ. Outre ces mouvements visibles que le sujet
en expérience et l'expérimentateur peuvent constater, une ques-
tion psychologique s'attache à cette méthode. Jusqu'à quel point
le sujet en expérience peut-il se rendre compte du changement
de position que son bras a subi dans l'espace pendant l'expé-
rience ? Jusqu'à quel point peut-il se rendre compte de combien
ce bras s'est abaissé ou s'est relevé ?
- J'ai été frappé depuis longtemps de ce fait, que nous n'avions
aucune conscience de ces mouvements lents, même lorsqu'ils
nous ont fait parcourir un long trajet. Mes recherches actuelles
REVUE D ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 245
ont considérablement éclairé ce point peu connu. On ne se rend
guère compte de ce phénomène qu'en faisant des expériences
sur soi-même.
J'ai exprimé autrefois ce phénomène de la manière suivante :
« Si l'on fait l'expérience sur soi-même et que l'on veut tenir le
bras dans une immobilité absolue (le bras étant dans l'ex-
tension et tenant une plume à écrire dans la main) sans regarder,
on est tout étonné lorsqu'à la fin de l'expérience on jette un coup
d'oeil sur le tracé, et que l'on s'aperçoit que l'espace parcouru est
considérable. On est si fermement persuadé de n'avoir pas
bougé, que l'on recommence l'expérience plusieurs fois, et tou-
jours avec les mêmes résultats. Nous avons conscience des mou-
vements rapides, mais les mouvements lents, tout en passant
dans tous les muscles volontaires, échappent à notre conscience.
Dans les mouvements volontaires rapides, nous savons exacte-
ment qu'il s'est produit un mouvement et quel en a été le trajet,
ce qui nous échappe, c'est le moment précis de l'arrêt.
Ces études sur les mouvements peuvent être nommés pho ? ,oly-
tiques, de l'ancien mot plcoronomie, qui veut dire étude sur les lois
des mouvements. De là l'analyse des mouvements chez l'homme
vivant a été nommée phorolyse. Deux espèces de mouvements
échappent à notre conscience : I, ceux qui sont trop rapides et
dont les détails ne peuvent être saisis par nous; un exemple de
ce mouvement nous présente le pouls; nous avons recours au
sphygmographe pour étudier les détails du trajet de l'ondée san-
guine ; II, ceux qui, par leur lenteur, échappent aussi à notre*
conscience. «
Mais est-ce qu'une immobilité absolue est impossible (si nous
prenons comme mesure de temps toujours deux minutes) ? Le
grand nombre d'expériences auxquelles nous nous sommes livrés
a montré que la respiration même rendait cette immobilité abso-
lue, impossible, le bras prenant part aux mouvements de projec-
tion du thorax. Avant d'entrer dans plus de détails, je veux
citer des expériences sur les grenouilles, chez lesquelles l'influence
de la respiration est presque nulle. Les grenouilles, comme je
l'ai décrit dans mon article sur l'hypnotisme, peuvent être endor-
mies au moyen de manipulations simples. Etant ainsi hypnoti-
sées, les bras dans l'extension, je les plaçais devant le kymographe
et je prenais le tracé de leurs mouvements. La ligne de ce tracé
était presque droite, et le point de terminaison correspondait au
point de départ. Lés légères oscillations que l'on observait
étaient dues à l'influence de la respiration, mais elles étaient
tellement minimes qu'on pouvait les négliger.
La grenouille pouvant rester immobile pendant un quart
d'heure, nous reproduisions l'expérience plusieurs fois, et nous
obtenions toujours une ligne droite, sauf certaines secousses acci-
246 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.
dentelles, n'ayant aucune importance pour nos études. Les
muscles d'une grenouille sont en état de tenir une articulation
dans l'immobilité pendant plusieurs minutes; l'homme ne peut en
faire autant.
Si, en faisant abstraction des mouvements respiratoires, nous
observons la courbe que nous fournit un bras (l'expérience ayant
duré cinq, dix, quinze minutes), nous verrons que le tracé, arrivé
à son point de terminaison, ne correspond jamais au point de
départ, il se trouve plus haut ou plus bas. Chez l'homme, la
fatigue musculaire survient plus rapidement et, comme règle
générale, la ligne de la courbe s'abaisse; quelquefois, cependant,
on constate une élévation qui aussi est un résultat de fatigue
musculaire, comme nous le verrons plus loin.
L'immobilité, chez l'homme, peut difficilement être aussi abso-
lue que celle de la grenouille, pour toutes sortes de raisons, les
mouvements respiratoires, entre autres. Il y a cependant des
courbes qui, par leurs régularités, rappellent celles des gre-
nouilles. Ce sont les tracés fournis par des personnes apathiques
et indolentes. Un des sujets avec lequel je fis des expériences
répétées (sujet apathique et indolent), sans qu'il éprouvât de
fatigue musculaire, fournit une courbe qui, par sa régularité, se
rapprochait de celle des grenouilles; ces mouvements respira-
toires même avaient peu d'influence. Les expériences répétées
sur des sujets ordinaires finissent par produire de la fatigue ; nous
devons, en outre, prendre en considération l'état relatif de repos
ou de fatigue dans lequel on trouve le sujet avec lequel nous vou-
lons expérimenter.
Nous avons plus de mille courbes entre nos mains, des notes
sur l'état dans lequel se trouvait le sujet au moment de l'expé-
ience.
A côté de la courbe régulière de l'homme apathique, je place
des courbes d'une irrégularité extrême, provenant de sujets
faibles au point de vue intellectuel.
La courbe de la première planche provient d'un sujet physique-
ment fort et bien musclé, mais d'une faiblesse intellectuelle telle,
qu'il n'est pas en état de répondre par une phrase à la question
la plus simple. Il produit l'impression de ne pouvoir se souvenir
pendant quelque temps de l'ordre qu'il a reçu et bien compris de
tenir le bras immobile; au bout d'un certain temps, il semble
n'opposer aucune résistance à la pesanteur. Remarquons tout
de suite que la courbe de ce sujet ne diffère en rien de celle d'un
homme normal dont les muscles sont fatigués.
La courbe suivante (4) provient d'une jeune fille hystérique,
elle sert de type pour tous les sujets de même nature. Ici nous
ne voyons pas, comme dans la précédente, un abaissement gra-
duel, le tracé monte et descend sans aucune régularité. A côté
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 247
de ces courbes se trouve celle d'un homme normal z) qui a beau-
coup d'analogue avec celle du n° 1 ; mais ici, au lieu d'un sujet
apathique indolent, nous avons affaire à un jeune homme nor-
mal, fort bien musclé, qui oppose une résistance active à la force
de la pesanteur.
Les courbes peuvent en général servir d'illustration au carac-
tère et au tempérament d'un individu. Il est clair qu'un sujet
agité nous donnera une courbe différente de celle d'un homme
tranquille et phlegmatique.- Si l'agitation est considérable, nous
ne pouvons obtenir de courbe; nous en concluons que nous avons
affaire à un malade. Dans certains états mentaux que l'on
pourrait désigner de « maladies de la volonté », nous avons
obtenu de très jolis résultats. Nous avons fait beaucoup de
recherches sur des jeunes filles hystériques qui se trouvaient dans
un tel état de surexcitation qu'on les avait mises à l'hôpital des
aliénés; nous ne pouvons obtenir de courbes à ce moment, vu
leur état d'agitation; grâce à la faradisation, nous finîmes par
obtenir des courbes possibles. L'influence de la faradisation qui
était employée, plutôt comme moyen pédagogique, se faisait
souvent remarquer sur les tracés. Les courbes peuvent être d'une
certaine utilité pour les malades de cette nature, chez qui les
désordres s'observent plutôt dans leurs mouvements que dans
leurs discours. La méthode sert à laisser une image fixe de l'état
de la malade, image qui a plus de valeur que l'impression passa-
gère produite sur l'observateur. Cette méthode graphique est
préférable aux autres, parce que nous voyons intervenir la
volonté. Jusqu'à quel point la volonté est influencée par l'état de
la malade ? nous pourrons en juger facilement par les deux
courbes suivantes, qui appartiennent à la même jeune fille; sur
la première, elle se trouve dans son état normal ; la seconde
est faite au moment où elle souffrait de douleurs névral-
giques. La seconde s'abaisse considérablement. La volonté
en est affaiblie; je désire attirer l'attention sur ce fait que l'on
observe toujours un abaissement dans la courbe, lorsque la volonté
est affaiblie. Cette méthode peut être naturellement employée
dans toutes sortes de cas. Je n'en envisage que quelques-uns :
les enfants et les individus ayant une lésion du cerveau (parmi
ces derniers, les paralytiques généraux) présentent un intérêt
tout particulier. Chez ces derniers, les modifications de leur état
se constatent sur leurs courbes, comme nous avons pu nous en
assurer par. les tracés que nous avons pris. Chez les enfants, la
faculté de se tenir immobiles semble ne se développer qu'environ
vers cinq ans. Cette question aussi n'est qu'à l'étude et doit pré-
senter beaucoup d'exceptions individuelles. Je remarquerai pour
terminer ce chapitre, que la différence de sexe n'exerce aucune
influence sur cette méthode.
248 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.
Le second chapitre de cette étude est consacré à l'étude anato-
tomique et physiologique du bras, qui sert d'instrument à l'acti-
vité musculaire, et qui est envisagé comme un levier et soumis
aux mêmes lois physiques. Outre l'influence de la respiration, le
bras doit lutter contre la force de la pesanteur, au moyen des
muscles qui servent à l'élever. Pour tenir le bras dans la position
horizontale, le seul muscle qui intervient c'est le deltoïde, et il
doit déployer le plus de force pour le maintenir dans cette posi-
tion ; lorsque la fatigue musculaire survient, le bras s'abaisse, et
il se place alors dans des conditions plus favorables par rapport
à la pesanteur. L'on observe souvent sur les courbes que le tracé,
après avoir baissé à la suite de fatigue musculaire, reste station-
naire sur une ligne droite; ceci provient de ce que la fatigue
musculaire est compensée par les conditions favorables dans les-
quelles se trouve le bras par rapport à la pesanteur.
Lorsque, chez les personnes faibles, nous voyons le tracé baisser
rapidement, ce n'est pas parce que la pesanteur a pris le dessus,
mais aussi parce que le sujet, à la suite d'un grand nombre d'ex-
périences inconscientes, est arrivé à la conclusion qu'il devait dé-
ployer moins de force que s'il tenait le bras dans une position
horizontale. Cette tendance inconsciente à se placer dans une
position favorable pour n'avoir pas à lutter contre la fatigue mus-
culaire, s'observe souvent. Le sujet a recours à toutes sortes de
combinaisons de la flexion; il fléchit le coude, et dans ce cas
nous voyons se produire sur la courbe un phénomène qui, si nous
n'étions pas prévenus, aurait pu nous induire en erreur : le tracé
remonte lorsque le coude est fléchi.
Dans nos recherches, ces tendances du sujet à fléchir le bras
ne peuvent être considérées que comme signe de faiblesse. Plu-
sieurs sujets en expérience ne pouvaient lutter contre cette ten-
dance, même quand on attirait leur attention là-dessus. Ceci
nous amène à examiner des sujets malades chez lesquels on
observe souvent cette position. Il y a des sujets qui ont des lésions
du cerveau chez lesquels les tendances aux contractures s'obser-
vent dans les fléchisseurs du bras. Un fait connu depuis longtemps
c'est qu'à la suite d'hémiplégie, deux ou trois semaines après
l'attaque, le malade tient l'avant-bras et la main dans la flexion.
Dans des cas rares, cette tendance à la flexion survient dans tous
les muscles du corps. J'ai eu l'occasion de voir un exemple frap-
pant en 1884. C'était un homme de cinquante ans environ, chez
lequel on avait diagnostiqué une paralysie générale; il ne pouvait
redresser la colonne vertébrale, se tenait toujours penché; les
bras étaient dans la demi-flexion, les mains aussi; tous les fléchis-
seurs étaient contractés. Ce phénomène de contracture disparut
après la mort. Le malade ne pouvait relever la tête ni même les
yeux.
REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 249
Un autre malade, Duhring, âgé de quarante ans, avait une
tendance remarquable aux contractures. Tous les quinze jours,
il avait des attaques pendant lesquelles il perdait la conscience
et ne savait plus ce qu'il disait ni ce qu'il faisait. La seule chose
intéressante pour nous, c'est que ces attaques sont accompagnées
de crampes dans le côté gauche du corps. Quelques jours avant
son attaque il se plaignait de tiraillements douloureux dans les
fléchisseurs du bras gauche et le sterno-cléido-mastoïdien gauche.
Après les tiraillements, on voyait survenir une contracture passa-
gère de ces muscles; il se plaignait aussi de crampes dans les
muscles de l'oeil gauche et des muscles innervés par le facial
gauche. Ce malade fut en observation pendant plus d'un an, et
l'on prenait son tracé de temp-j en temps. On constata pendant
assez longtemps que chaque fois l'on pouvait prévoir l'accès sur
la courbe; en effet, le tracé du bras gauche remonte à cause
de la contracture du biceps ; à droite, il n'y avait aucune alté-
ration. Ce phénomène s'observait deux ou trois jours avant
l'attaque.
Dans de telles circonstances, ma méthode est appelée à rendre
service puisqu'elle constate des troubles qui échappent à l'obser-
vation directe. Cette tendance à la flexion, qui se rencontre chez
beaucoup de malades, a encore été peu étudiée. Je dois cepen-
dant citer le travail du Dr Krauss, dans l'Allgemeiner Zeitchrift
sur Psychiatrie, 1883, qui attire l'attention sur ce fait, que la
tendance à la flexion se remarque dans beaucoup de maladies.
Un phénomène qui se constate très facilement par les courbes,
c'est le tremblement. On aurait pu établir des différences entre
le tremblement paralytique, le tremblement fonctionnel ou inten-
tionnel ; n'ayant pas eu de matériel sous la main, je n'ai pu
poursuivre mes observations. Je me borne à montrer une courbe
de tremblement sénile. Le tremblement alcoolique va être étudié
dans la seconde partie de cet ouvrage. Dans la Planche III, je
montre une courbe de tremblement simulé faite par moi. Pour
terminer, j'ai pris aussi la courbe d'un homme normal (PI. III, 1 4)
et PI. lit 15, celle d'un hémiplégique pour montrer quels services
cette méthode est appelée à rendre. E. lancuur.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
XIII. UN CAS DE CHORÉE TRAITÉ AVEC SUCCÈS PAR LE BROMURE
DE CAMPHRE ; SPÉCIMENS DE L'ÉCRITURE D'UN CHORÉIQUE ; i
par BoURNEVlLLE. (Progrès më ? 18S5, p. 488.)
Le bromure de camphre a été employé dans un grand nombre
de maladies et surtout dans les maladies nerveuses. En ce qui
concerne la chorée, M. le Dl Pathault ' a rassemblé quatre obser-
vations de cette maladie guérie par ce médicament, et dues à
MM. Lorain, Desnos, Gallard et des Brûlais. Un autre cas a
été rapporté par M. le DrPetrovitz2. Tout récemment M. Bour-
neville a publié un autre exemple que nous allons résumer
à grands traits et que nous reproduisons surtout à cause des
spécimens de l'écriture du malade.
Lal... (Henri-Ch.), est âgé de six anset demi. 11 est très nerveux
et d'un tempérament lymphatique. Il a eu une première attaque
de chorée en 4884. Elle a commencé dans les premiers jours de
juillet, à la suite d'unepeun, et n'a disparu qu'au commencement
d'octobre, c'est-à-dire après une durée de plus de trois mois.
Traitement : bains alcalins, valériane, toniques, bromure de po-
tassium, purgatifs.
Le 2 février 4885, nous revoyons cet enfant. Il a été pris, il y a-
huit jours, de mouvements choréiques. Sa mère avait remarqué
que, depuis trois ou quatre semaines, il devenait « songeur». Au-
cun autre prodrome. Début par la langue et la moitié droite de
la face, puis envahissement du bras et de la jambe du même côté,
et enfin des membres du côté gauche, mais à un moindre degré.
L'agitation est continuelle, avec exacerbation le matin. La nuit,
si on ne le maintenait, il tomberait de son lit; il a des frayeurs
et ne veut coucher que dans les bras de son père. Parfois il
ne peut rester assis. En buvant, il répand le contenu du verre.
1 Pathautt. Des propriétés physiologiques du Groneure cle cnneplu e et
de ses usages thcrapeuliques ; 2- édit., Paris, 1875.
2 Petrovitz. Elude clinique du bromure de camphre ; thèse de Mont-
pellier, 1875.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 251
Dans la marche, il se cogne les jambes et tombe souvent. 11 est
devenu très émotionnable : si on le regarde, il s'imagine qu'on se
moque de lui et pleure. Son caractère est très modifié : il déchire
ses effets, ses bas, ses souliers, etc., tandis qu'auparavant il était
très soigneux. Il parle en mâchonnant, en coupant les mots, bave,
se mord la langue. Hier matin, il a fait une chute, a eu peur, et,
depuis ce moment, l'agitation aurait un peu diminué. Céphalalgie;
pas de vomissements, constipation. Au dynamomètre Mathieu :
5 à droite, 9 à gauche. Traitement : purgatifs, valériane, sirop d'io-
dure de fer ; 2 gr. de bromure de potassium.
42 février. La mère de L... prétend que l'agitation a peu di-
minué ; qu'elle est plus forte de deux jours l'un. Ainsi, elle est
plus prononcée aujourd'hui qu'hier : parole difficile, grimaces
incessantes, mouvements continuels des bras, des jambes. La
marche est difficile, titubante; les pieds s'appuient mal, le droit
frotte le sol et se soulève plus haut qu'il ne convient; les jambes
sont projetées de côté; l'enfant s'arrête brusquement et repart
plus vite qu'il ne voudrait. Parfois, le corps s'incline latéralement
en avant ou en arrière. La joie ou les contrariétés augmentent le
désordre musculaire. - Les fonctions digestives s'exécutent bien,
mais la constipation persiste. Traitement : 2 capsules de bro-
mure de. camphre le soir pendant deux jours; 2 matin et soir
pendant cinq jours; ensuite 2 le matin et 3 le soir; le reste
ut supra.
49 février. Au lieu de suivre
exactement la prescription,
la mère de L... lui a donné
dès le premier jour deux cap-
sules le matin et trois le soir.
Une amélioration de plus en
plus marquée s'est produite à
partir du 4 4 jusqu'à hier soir.
A ce moment, sans cause
connue, l'agitation a reparu
tout d'un coup : mouvements
de la tête, des yeux , des
membres, envie de pleurer,
etc. On l'a couché, et peu
après il s'est endormi. Dans
la journée, il avait été triste,
avait refusé de jouer avec ses
frères et était resté couché
sur un tapis. Ce matin, l'en-
fant se présente à nous dans une situation en tout semblable à
celle que nous avons décrite il y a huit jours. Il essaie d'écrire son
nom ; tout son corps remue, ses pieds battent le parquet, la plume
252 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
lui échappe; enfin, après des efforts réitérés, il arrive à tracer
le barbouillage représenté fig. 7.
Traitement : 2 capsules de bromure de camphre du 20 au 1-5; -1 le
matin et 2 le soir du 26 au 28 ; 2 matin et soir du fer au 5 mars;
sirop d'iodure de fer, tisane de valériane, bains alcalins.
5 mars. On note un mieux sensible. L'enfant boit seul, s'ha-
bille, mais ne peut se boutonner, parle plus facilement, etc. La
chorée, qui prédominait à droite, semble à peu près égale des
deux côtés. Même traitement.
19 mars. L'amélioration a continué : L... mange seul saus trop
d'inconvénients; saute à la corde, siffle, est moins impression-
nable, n'a plus peur la nuit et couche seul. Il peut maintenir
les mains- appuyées sur la table sans bouger durant une minute
environ. Il écrit encore illisiblement (fig. 8). Les grimaces sont
intermittentes. La parole est plus libre. La marche est plus
assurée, il ne se cogne ni ne tombe plus. Au dire de sa mère, L...
a grandi de 4 centimètres. Traitement : Les capsules, suppri-
mées le 16 mars, sont reprises ;huile de foie de morue, vinde,
gentiane, etc.
26 mars. Le mieux se soutient. L... mange avec une fourchette
se déshabille, s'habille, se boutonne seul, casse du bois, etc.
Même traitement, mais suppression du bromure de camphre.
16 avril. L'enfant parait à peu près guéri : parole libre, absence
de grimaces, mouvements des membres réguliers, marche na-
turelle : cependant sa mère dit qu'il lui arrive quelquefois de se
pencher brusquement comme s'il allait tomber. Le sommeil est
bon. Toutes les fonctions s'accomplissent bien. Son écriture com-
mence à être régulière (/t<7. 9).
Fig. 8.
' tig. 9. .
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 253
30 avril. L... est guéri. Sa mère, interrogée sur le médicament
qui, selon elle, a le plus heureusement agi, a déclaré aussitôt que
ce sont les capsules.
21 mai. L... n'a pas eu de nouveaux accidents. Son écriture a
repris les caractères qu'elle avait avant sa maladie (fig. 10).
Cette observation s'ajoute à celles qui ont été rapportées
par les auteurs pour montrer qu'il est possible de recourir
avec avantage au bromure de camphre dans le traitement
de la chorée. Il va de soi que l'on doit agir avec prudence,
commencer par des doses faibles, que l'on élève progres-
sivement. Dans le cas actuel, nous avons fait prendre les
capsules du matin dans l'huile de foie de morue, qui en ren-
dait la dissolution plus rapide.
XIV. CONTRIBUTION A la localisation DU CENTRE ANO-VSICAL DE
LA MOELLE ÉP1N1$DE DE L'HOnIME; par KIRC11ROFr A7·C)b. f. Psych.,
XV, 3).
Un homme de trente ans fait une chute de cheval sur les fesses;
il est atteint de paraplégie avec ischurie. La paraplégie disparait
au bout de trois mois. Trois semaines plus tard se manifestent de
l'incontinence de l'urine et des matières, puis une cystite opi-
niâtre en dépit du traitement, et finalement de la pyélonéphrite
qui tue le malade dix-neuf mois après sa chute. Autopsie : spon-
dylite traumatique guérie, au niveau de la première lombaire,
ayant déterminé une compression de la moelle, aplatie à trois cen-
timètres au-dessus du filum terminal. L'examen histologique
révèle : une atrophie extrême de tout le cône médullaire au point
d'émergence des troisième et quatrième paires sacrées; une coupe
transverse montre en particulier que les cordons antérieurs et
postérieurs droits sont excessivement réduits ; du cordon latéral
il ne reste qu'une petite portion entre les cornes antérieure et
postérieure; dans la corne antérieure droite, les cellules nerveuses
ont presque entièrement disparu, mais les fibres nerveuses émer-
gentes sont intactes. C'est aux altérations du cône que M. Kir-
chhoff rattache les accidents anovésicaux; le centre de ce nom
siégerait, pour lui, à la région dont émanent les troisième et
quatrième paires sacrées y compris le noyau sacré de Stilling qui
est placé là. P. K.
fï^, 1 U . *
254 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
XV. Expériences pour servir A l'étude DE la pathologie ET DE la
THÉRAPEUTIQUE DE LA NEURASTHENIE CÉRÉBRALE ; par ANJEL (Arch-
Psycit., XV, 3).
Chez un individu sain-toute activité cérébrale, quelle qu'en soit
l'origine, se traduit par une diminution de volume des vaisseaux
périphériques (exp. au pléthysmographe de Mosso). Or cela n'a pas
lieu chez le neurasthénique parce que l'appréhension causée par
l'intervention expérimentalelaplus simple détermine uneirritatiun
cérébrale qui a pour effet de produire le phénomène en question
avant qu'on agisse; il ne peut donc plus se produire au moment
où on observe. Une fois que le neurasthénique est aguerri, les
vaisseaux du bras répondent promptement par leur rétraction à
des impressions cérébrales faibles, de même que chez l'homme
sain, mais alors la diminution de volume subit pendant l'expé-
rience des oscillations témoignant de l'irritabilité cérébrale; ces
oscillations ont lieu à intervalles inégaux; de plus, quand on a
cessé d'agir, l'équilibre normal se rétablit très lentement et par
ondulations alternantes. Si l'on relève artificiellement par un
repas, un verre de vin, la tonicité vaso-motrice du neurasthé-
nique, on rétablit chez lui les conditions physiologiques de l'anta-
gonisme entre la circulation cérébrale et la circulation périphé-
rique; inversement on peut transformer momentanément un
sujet sain en neurasthénique, en lui faisant subir une impression
douloureuse ou l'ivresse du tabac : le pléthysmographe répond
dans le sens indiqué.
Conclusions pratiques. Il existe trois classes de neurasthénies
consistant eu troubles de l'innervation vaso-motrice sous l'in-
fluence des passions dépressives, des excès sexuels, des excès de
tabac. Toutes les fois qu'on ne relèvera pas ces causes, il s'agira
de simples troubles fonctionnels de l'innervation. Le surmenage
somatique,les refroidissements, la misère entraînent de profondes
altérations organiques d'ordre dystrophique aboutissant à l'irri-
tation spinale dont le pronostic est douteux, tandis que celui de
la neurasthénie est favorable. La physiologie pathologique et la
thérapeutique découlent tout naturellement des notions précé-
dentes. P. K.
XVI. SUR les phénomènes MUSCULUIOES; par C. REINHARD
'Aî-ch. f. Psych., XV, 3.).
Les phénomènes musculaires sont des processus moteurs déter-
minés dans un muscle par l'excitation mécanique de ce muscle.
Ils se divisent en : 40 une contraction totale constituée par une
onde contractile qui s'étend rapidement à la masse; 2° une con-
traction limitée au lieu d'incitation, marchant lentement et affec-
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 255
tant la forme 'de bourrelet circonscrit : contraction locale,
idiomuscttlvire. Ces deux formes de contractions peuvent être pro-
voquées chez les individus dont le système nerveux et musculaire
est sain, ainsi que chez les aliénés dont le système moteur est
demeuré intact, mais la contraction locale exige l'intervention
d'une excitation bien plus considérable que la contraction totale.
Les phénomènes musculaires persistent pendant le sommeil.
PendantJa narcose chloroformique, une excitation faible suffit à
engendrer une contraction locale; même réflexion, en ce qui
concerne l'agonie. On les perçoit encore après la mort, à moins
qu'il ne s'effectue une rigidité cadavérique très précoce; la con-
traction totale sera par exemple provoquée une heure après l'is-
sue fatale, la contraction locale, cinq ou six heures après.
Leurs allures dans les maladies du système moteur.
Io Il n'y a alors que peu de cas, il n'y a même que certains stades de
paralysie centrale non atropllique, dans lesquels l'excitabilité mécanique
des muscles demeure normale en tous sens. 2° Dans la pluralité des
faits, dans la majorité des stades de cesformes de paralysies, la quantité
de l'excitabilité mécanique du muscle est modifiée. En ce qui concerne la
contraction totale, celle-ci est ordinairement diminuée dans la paralysie
flasque, augmentée dans la paralysie avec rigidité : la contraction locale
n'est point altérée dans ces états. 3" Les paralysies atrophiques s'ac-
compagnent de modifications non pas quantitatives, mais qualitatives, de
l'excitabilité mécanique des muscles; on constate que le mode de con-
vulsions ou de contractions normales se pervertit ; le phénomène se produit
et disparaît très lentement, tant à l'égard de la contraction locale que de
la contraction totale.
Pour M. Reinhard, la contraction totale est un réflexe : elle
émane de l'enveloppe et des cloisons sarcolemmatiques du muscle ;
la contraction locale résulte de l'actionnement direct, sans l'inter-
médiaire de l'influx nerveux, de la substance contractile qu'un
excitant mécanique fort place dans un état voisin de la dégéné-
rescence semblable à celui qui provient d'une grande lassitude.
P. K.
XVII. Sur LES limites DU sens DE la température A l'état sain
. ET A l'état malade ; par J. Donath (Arch. f. Psych., XV, 3).
Travail fait à la clinique des maladies nerveuses de la Charité
de Berlin. L'auteur s'est proposé de déterminer les températures
les plus élevées et les plus basses qui commencent à se trans-
former en perceptions douloureuses. Il a dans ce but inventé un
instrument destiné à préciser la limite algigèize des températures
inférieures (cryalgimètre) et un autre appareil capable d'indiquer
le point algigène des températures supérieures (thermalgimètre).
Ces deux genres de thermomètres divisés en cinq dixièmes ont
256 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
une amplitude : le premier de - 480 à + 34° C.; le second de +
29" à + 1050. Il a soumis à son examen six individus sain (cinq
étudiants et un médecin) et dix tabétiques.
A. Individus sains. Douleur provoquée par le froid. Cette limite
varie, selonles divers endroits du revêtement cutané, entre-11,4 et+2,8.
La peau du ventre et la face dorsale du coude présentent le maximum de
sensibilité ; la pulpe des doigts est la moins sensible. La face antérieure
du tronc est plus sensible que la face postérieure; les extrémités supé-
rieures le sont plus que les extrémités inférieures; le côté gauche, plus
que le côté droit ; la différence moyenne entre les deux côtés oscille entre
0, 0 et 2,8. Individualités très marquéesde la sensibilité des divers sujets ;
différences variant entre 1, 5 et M, 5. 2° Douleur provoquée par la cha-
leur. Variation moyenne, selon les divers endroits, entre 36, 3 et 52, 6.
Insensibilité toute spéciale des extrémités des doigts ; sensibilité modérée
de la pointe delà langue, sensibilité plus grande du côté gauche : diffé-
rence moyenne entre le côté gauche et le côté droit, 0, 0 à 3, 4. Indivi-
dualités suivant les sujets, 2,0 à 31, 0. L'écart entre la limite infé-
rieure et supérieure du sens thermique, son amplitude différentielle
totale, abstraotion faite' des particularités régionales de l'économie, va en
ce qui concerne les divers points de la peau, de 35, 1 à 64 ; en ce qui
concerne les côtés droit et gauche du corps, de 0, 0 à 3, 8 (le côté gauche
est le plus sensible à la douleur).
B. Les tabétiques comparés aux individus sains. 1° Chez la plupart
des tabétiques, la douleur thermique ne se montre que lorsqu'on arrive
aux températures élevées ; parfois cette sensibilité douloureuse est dimi-
nuée. 2° Même observation, mulatis, nautandis, en ce qui regarde la
cryalgie ; assez souvent c'est en vain qu'on prolonge l'action de très basses
températures, on ne provoque pas de douleur. 3o C'est généralement
sur les extrémités inférieures qu'on rencontre la plus forte diminution
de la thermalgie et de la cryalgie; puis vient le tronc ; plus rarement c'est
sur les extrémités supérieures qu'on effectue cette constatation.
Conclusion physiologique. La douleur produite par le froid ou la
chaleur constitue une sensation bien plus grossière que la per-
ception de la température (degrés de chaleur modérés), et il s'en
faut de beaucoup que cette sensation douloureuse possède la
finesse de différenciation de la sensation physiologique du milieu
ambiant. Six tableaux à l'appui. P. K.
XVIII. Contribution A la QUESTION DES TROUBLES trophiques DE la
peau chez LES tabétiques ; par G. Rossolymmo (Arch. f. PSJCh.,
XV, 3).
Observation concernant un homme de quarante et un ans. La
face présente à droite, surle front, la tempe, la joue et le côté cor-
respondant du nez, des macules de vitiligo très nettes; là où il y a
des poils, ceux-ci sont devenus gris; aucune anomalie des sécré-
. tiens sudoripare ou sébacée, ou de la sensibilité dans les endroits
en question. L'auteur rattache cette anomalie au trijumeau et,
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 257
en particulier, à la racine ascendante droite de ce nerf atteinte
par propagation de la dégénérescence du cordon postérieur du
même côté. Pas d'autopsie. P. K.
XIX. SUR un cas d'affection spinale avec cécité ET paralysie géné-
RALE. Diagnostic précoce par constatation DE l'absence DU phé-
KOMËNE du genou ; par C. WESTPHAL (Arch. f. Psileh., XV, 3).
Un professeur de gymnastique de quarante-cinq ans, un peu
exalté de caractère, atteint de syphilis il y a quatre ans, se plaint
en 1878, à la suite d'une attaque d'hémianopsie accompagnée
d'aphasie, d'une série de sensations subjectives; en même temps
il se montre agité, anxieux, hypochondriaque; absence complète
de réflexe tendineux rotulien. Au mois d'octobre 1880, lésion du
nerf optique aboutissant promptement à une cécité absolue; en
1882, ces phénomènes se compliquent de troubles légers dans
l'évacuation vésicale. Au commencement de 1883, mégalomanie
avec agitation maniaque, inertie des pupilles, léger trouble de
la parole; absence de phénomène du genou : pas d'ataxie, col-
lapsus rapide entraînant la mort en quatorze jours. Autopsie.
Aucune lésion syphilitique. Atrophie simple, mais générale des
nerfs optiques. Lésion des cordons postérieurs sous forme d'une
étroite bande longeant les cornes postérieures, depuis la moelle
cervicale jusqu'à la partie moyenne de la région dorsale; à partir
de la région dorsale inférieure, l'altération s'étend à presque
toute la coupe des cordons en question, pour épargner, dans la
région lombaire, de larges segments périphériques du même
système : atrophie des racines'postérieures de la moelle lombaire.
L'absence du réflexe tendineux rotulien fut par conséquent le
signe unique et précoce de la lésion spinale dont la délimitation
explique le mutisme; l'absence de ce réflexe est en rapport avec
la localisation dorsale inférieure et lombaire supérieure de la
moelle. Planche à l'appui. P. K.
Archives, t. XI. 17
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE .
Séance du t'a janvier 1886.
Présidence de MM. DAGONET et Semelaigne.
M. Dagonet, avant de céder le fauteuil de la présidence à
M. Semelaigne, résume les principales discussions qui ont pris
naissance dans le sein de la société pendant l'année; il procède
ensuite à l'installation du nouveau bureau.
M. LE secrétaire général donne lecture du discours qu'il a
prononcé sur la tombe du regretté M. Dechambre, membre fonda-
teur de la société.
M. Motet fait un intéressant compte rendu du congrès anthro-
pologique de Rome.
Des signes physiques intellectuels et moraux de la folie héréditaire.
(Suite de la discussion.)
M. Cotard rend hommage à la vérité des tableaux cliniques
présentés par MM. Falret etMagnan; mais il critique Je nom de
folie héréditaire. Il critique également la théorie de Morel qui fait
de la transmission héréditaire une cause créatrice d'une forme
spéciale de vésanies. Il admet volontiers qu'un germe morbide soit
transmissible, mais il lui est moins aisé de concevoir que la trans-
mission elle-même soit un germe. C'est seulement en pathologie
mentale que l'on admet comme loi de l'hérédité la reproduction du
dissemblable et comme caractère propre de l'héréditaire de ne pas
ressembler à ses ascendants.
Il faudrait des faits bien démontrés pour faire accepter une
proposition aussi paradoxale. M. Cotard, sans se prononcer sur ce
point, ne croit pas démontré que les malades dits héréditaires,
soient plus imprégnés d'hérédité que les autres aliénés. Il cite les
travaux de MM. Billod etLasègue qui ont cherché à établir que la
folie dite héréditaire peut se produire en dehors de l'hérédité.
L'importance du rôle de l'hérédité doit être réduite, et il faut
admettre que d'autres causes peuventproduire la folie héréditaire,
SOCIÉTÉS SAVANTES. 259
et on se demande si ces autrescauses nesontpas également actives
même dans les cas où l'hérédité existe et si ce n'est pas à elles plutôt
qu'à l'hérédité que l'on doit rapporter les caractères spéciaux
de la folie héréditaire. Cherchant quelles peuvent être ces condi-
tions étiologiques, M. Cotard attribue la plus grande importance
à la priorité d'apparition des troubles mentaux; les héréditaires
sont avant tout des congénitaux, des infantiles et des junéviles. La
cause qui a agi importe peu ; c'est l'âge où le malade a été atteint
qui détermine la forme du mal. Il est plus étonnant de trouver
des différences entre la folie datant de l'enfance qu'entre les para-
lysies de l'adulte et celles de l'enfance, entre la surdité de l'adulte
et la surdi-mutité de l'enfance.
L'étiologie de la folie dite héréditaire doit se confondre avec
celle des anomalies et des monstruosités. L'apparition d'indi-
vidus anormaux est un fait biologique extrêmement général qui
s'observe chez les animaux et chez les végétaux aussi bien que
chez l'homme. C'est se placera un point de vue trop étroit que de
l'attribuer exclusivement à l'hérédité névropathique.
111. FALnET. M. Cotard nous dit, en somme, que, d'après nous, l'hé-
rédité consisterait en ce que les enfants ne ressemblassent pas à
leurs parents. Leslois normales de l'hérédilé sontlaressemblance
entre l'ascendant et les descendants. L'hérédité pathologique seule
est contraire à la physiologie. M. Cotard nous rappelle ensuite les
faits de Lasègue et de M. Magnan qui citent des exemples d'indi-
vidus normaux devenus, à la suite soit d'un traumatisme ou d'une
affection aiguë, comparables aux héréditaires propres. C'est là
un point qui mérite encore de fixer notre attention, mais ces excep-
tions n'empêchent pas de formuler cette opinion que la folie
héréditaire a des caractères spéciaux qui permettent d'en faire
une forme à part de la folie.
M. Bouciiereau voit avec peine s'établir une confusion entre
la folie héréditaire et la folie des dégénérés. Les premiers sont
des gens qui, vers trente ou quarante ans, ont des accès mélanco-
liques comme en ont eu leurs parents ; les dégénérés, au contraire,
se montrent, dès les premières années, sous des aspects qui leur
sont spéciaux.
M. REY, qui; a expérimenté l'action sédative de l'acéto-phénol
dans l'excitation maniaque expose des faits dont les résultats sont
négatifs. 1lf.ncer. BRIAND.
Séance du 30 novembre 1885. Présidence de M. D ? 60NET.
Présentation de malade. Suspension de la parole pendant vingt
ans chez un idiot.
M. Charpentier présente un idiot qui, ayant perdu pendant
260 SOCIETES SAVANTES.
vingt ans la parole a pu retrouver dernièrement cette faculté après
quelques applications de courants induits. 11 ne s'agit pas, à pro-
prement parler, d'une suspension complète du langage; le malade
a toujours pu dire quelques mots. Voici, du reste son vocabulaire :
« Oui, non, je ne sais pas, je voudrais retourner à la troisième
où je suis bien. » On n'en pouvait rien tirer autre chose. Il était
tombé dans le mutisme à lasuite d'uu coup qu'il avait reçu sur la
tête à l'âge de cinq ans en allant à l'école, et dont il s'était montré
très effrayé. Aujourd'hui, il répond assez nettement aux questions
qu'on lui pose, et parle même avec une grande volubilité ; il
chante et tient des discours interminables.
M. BRIAND. Ce sujet est des plus intéressants surtout, si l'on se
place à un autre point de vue que celui où s'est placé M. Charpen-
tier. Je ne crois pas, en effet, que nous soyons en présence d'un
idiot, car je ne vois pas trop comment il aurait pu guérir;
d'ailleurs, abstraction faite de l'âge, cet homme, à première vue,
aurait plutôt l'air d'un délirant chronique marchant vers la dé-
mence ; mais l'observation m'amène plutôt à penser que nous
avons affaire à un état mélancolique voisin de la stupeur et peut-
être consécutif à un traumatisme survenu chez un enfant faible
d'esprit, aujourd'hui en voie de guérison. Les secousses électri-
ques l'ont fait sortir de sa torpeur, tout comme les douches
agissent chez certains mélancoliques à la fin de leur accès. La
loquacité du malade me semble une preuve de plus en faveur de
cette manière de voir, et il n'y aurait rien de surprenant à ce
qu'un jour ou l'autre, cet individu s'excitant, son accès mélanco-
liquese transforme en accès maniaque.
.M. BOUCHEIIEj £ a aussi noté sur le certificat qu'il a délivré au
malade lors de son passage à Sainte-Anne, certaines tendances
mélancoliques qui l'ont frappé.
M. CIIIiI5Tt.lN. Je suis entièrement de l'avis de M. Briand; il ne
s'agit pas d'un idiot. Je vois là, seulement un enfant qui n'a mar-
ché qu'à trois ans, qui était d'une intelligence au-dessous de la
moyenne, mais qui cependant jusqu'à l'âge de cinq ans, allait à
l'école et se comportait comme les autres enfants. A cet âge, il
est frappé à la tête, il rentre chez lui très effrayé. Cette frayeur
ne suffit-elle pas à expliquer l'état de stupeur dans laquelle il est
resté vingt ans ?
Un jour, sous l'influence de courants électriques ou de toute
autre cause, il sort de cet état de stupeur, et parle. Mais il n'y a
rien d'étonnant à ce qu'il ait un vocabulaire plus étendu qu'à cinq
ans; pendant toute sa période de stupeur, il a entendu ce qui se
disait autour de lui; il a dû en garder quelque chose. Ces objec-
tions n'enlèvent d'ailleurs rien à la rareté et à l'intérêt de l'ob-
servation.
SOCIETES SAVANTES. 261
M. Charpentier ne tient pas au diagnostic d'idiot pourson sujet;
il a surtout voulu présenter à la société un malade qui, après vingt
ans, a pu retrouver la parole.
Des signes physiques, intellectuels et moraux de la folie hérédi-
tuire. '
M. F.LRET est parfaitement d'accord sur l'ensemble de la ques-
tion avec M. Magnan. 11 rappelle que deux opinions distinctes
règneiit sur le rôle que l'hérédité joue en pathologie mentale :
les uns admettent, avec Esquirol, l'hérédité comme cause de
la folie,mais ne luifont jouer qu'un rôle étiologique sans influence
sur la forme morbide. Les autres au contraire pensent, aveemorel,
qu'il excite un groupe de folies héréditaires ayant ses caractères
particuliers.
M. Magnan, dans son enseignement et ses communications,
admet, en dehors de cela, une folie particulière, se manifestant dès
l'enfance par des signes particuliers. C'est cette opinion que
partage M. Falret et qu'il voudrait voir adopter. Il est nécessaire
aussi de savoir, dit-il, que tous les héréditaires ne sont pas fata-
lement des aliénés ; il faut, pour devenir aliéné, autre chose qu'une
prédisposition héréditaire; c'est la cause occasionnelle. Elle inter-
vient dans certaines circonstances fort intéressantes à étudier et
transforme en un certain moment la simple prédisposition en
folie confirmée. La médecine légale a surtout besoin de connaître
ces faits pour l'appréciation des responsabilités. M. Magnan a très
logiquement agi en commençant par décrire les idiots les plus
défectueux pour arriver à ces originaux ne présentant que quel-
ques particularités maladives; mais je crains qu'il ait trop facile-
ment admis, parmi ses héréditaires, des êtres physiologiques
anormaux, des prédisposés, plutôt que des héréditaires confirmés.
J'admets, avec lui, la même distinction entre ces deux derniers
états, mais je crois que nous ne mettons pas au même niveau la
ligne de démarcation qui les sépare. Il me semble aussi, conti-
nue M. Falret, que M. Magnan a encore trop étendu le cercle des
folies héréditaires déjà trop large. Pour lui, il n'y aurait que peu
de folies : 1° les folies organiques dont la paralysie générale est
le type; 2° les folies vésaniques; 3° les folies héréditaires, compre-
nant tous les degrés de la faiblesse intellectuelle, les délires
émotifs, etc. Est-il cliniqne de faire une catégorie aussi étendue ?
Ne serait-il pas bon d'y faire des divisions, de séparer les espèces
et les variétés. M. Magnan a raison de condamner les subdivisions
à l'infini, qui sont en contradiction avec la clinique, mais il
importe aussi de ne pas créer de groupes trop étendus. J'estime,
par exemple, que la folie du doute, celte affection qui entre cer-
tainement dans le cadre des folies héréditaires, mériterait une
description spéciale et une place à part dans un groupe déterminé.
262 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Enfin, notre collègue a. cherché à démontrer le rapport existant
entre certains types de folies héréditaires et certaines lésions
organiques. Peut-être a-t-ilélé un peu loin, car l'histoire des loca-
lisations cérébrales est troppeu avancée pour qu'on soit très affir-
matif sur toutes les questions qui en découlent.
M. Magnan, maintenant que la discussion est ouverte, voudrait
que tous les membres désireux de prendre la parole dévelopas-
sentleur opinion pour qu'il puisse en reprendre les points princi-
paux et les discuter. M. B.
Séance du 29 décembre 1885. Présidence DE M. DAGONFT.
Renouvellement du, bureau. Après élections, le bureau de la
Société est ainsi composé pour l'année 1886 : président, M. Sé-
melagne; vice-président, M. Magnan; secrétaire général,
11f. Ritt; - secnétaires atztzuels, 111A1. Charpentier et Garnier;
trésorier, M. A. Voisin.
Prix Aubancl. Sont nommés membres de la commission du
prix Aubanel : MM. Falret, Magnan, Legrand du Saulle, Chris-
tian, et Charpentier, rapporteur.
Pria; Esqidrol. Sont nommés membres de la commission du
prix Esquirol : MM. Baillarger, Foville, Blanche, Métivipr, et
Briand, rapporteur.
Pria; Belhomme. La commission du prix Belliomme est com-
posée de MM. Delasiauve, Motet, Legrand du Saulle, Féré, et
Ballet, rapporteur.
Prix Moreau de Tours. Sont nommés pour faire partie de la
commission du prix Moreau de Tours : MM. Bouchereau, Voisin,
Cotard, Paul Moreau de Tours et Briand. M. B.
Séance du 22 février 1886. Présidence de M. Semelaigne. '
Des signes physiques intellectuels et moraux de la folie héréditaire.
' M. Charpentier combat le groupe de la folie héréditaire avec
les arguments suivants : 4 la dénomination de folie héréditaire
est inexacte; 2° la folie héréditaire admise par les auteurs ! qui
veulent la faire entrer dans le cadre nosologique de la pathologie
mentale, n'est pas limitée; 3- les folies comprises sous cettedéno-
mination n'ont aucun caractère commun ; 4° le groupe folie héré-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 263
ditaire comprend des folies disparates; 5° les faits de M. Falret
s'éloignent des autres groupes morbides, et ne se soutiennent entre
eux que par des caractères négatifs; 6° si les dégénérés de
M. Magnan doivent entrer dans le groupe de la folie héréditaire,
comme ces dégénérescences reconnaissent à l'origine des états
morbides chez les ascendants, il reste à déduire que ce groupe se
compose de toutes les folies héréditaires transmises par hérédité;
7° les recherches en pathologie ordinaire et surtout de pathologie
cutanée ont peu porté jusqu'alors sur les caractères particuliers
des maladies transmises par hérédité ; 8° le groupe des folies
héréditaires est le résultat de la méthode synthétique qui n'est
pas applicable à la pathologie mentale laquelle, en raison de son
développement tardif et lent, doit rester analytique; 9° il y a des
contradictions nombreuses au sujet du caractère particulier des
folies héréditaires; 10° les stigmates physiques doivent être ré-
servés exclusivement aux dégénérés; il y a d'ailleurs des dégénérés
à stigmates physiques sans folie; 11° le groupe des folies héré-
ditaires n'est utile ni au point de vue scientifique de classification
ni au point de vue médico-légal.
Les conclusions de M. Charpentier peuvent ainsi se résumer :
A. L'expression du fou héréditaire est à conserver parce que tout
les aliénistes se comprennent en employant cette expression; B.
Le groupement des folies en folies héréditaires ne peut être tel
que si on veut se borner à étudier l'influence de l'hérédité. Dans
ce cas, il faut alors distinguer entre eux : les héréditaires d'ordre
congestif ou par trouble circulatoire; les héréditaires d'ordre
vésanique ou par diathèse névropathique ; les héréditaires par
diathèse constitutionnelle ou toxique ; les dégénérés de M. Ma-
gnan ; C. Un groupe qui pourrait seul être appelé folie hérédi-
taire, car il est limité, restreint et q'uil comprend les folies les
plus difficiles à apprécier, serait celui de la folie morale, raison-
nante,' lucide, instinctive.
M. Garnier donne lecture d'un rapport de candidature, à la
suite duquel M. Saury est nommé membre titulaire.
M. Voisin rapporte, sur la demande de M. Legrand du Saulle,
plusieurs observations d'aliénées qu'il aurait guéries par l'hypno-
tisme et la suggestion. Le procédé opératoire est des plus simple.
M. Voisin se trouve-t-il en présence d'une malade qui a des hal-
lucinations ? 11 l'endort et lui suggère l'idée de n'en plus avoir ?
S'agit-il d'une dipsomane ? Il lui persuade de ne plus boire; il
donne en ce moment même ses soins à une épileptique, auquel il
a suggéré l'idée de s'arrêter dans son attaque, dès qu'il est pré-
venu par l'aura.
M. BLANCHE trouve le mot de guérison un peu vite prononcé, il
demande à faire sur ce. point de sérieuses réserves; il propose la
264 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nomination d'une commission qui se rendrait à la Salpôtrière
pour assister aux expériences de M. Voisin.
M. G.utKOEH fait observer que toutes les malades guéries par
M. Voisin avaient des hallucinations de la vue; il en conclut qu'il
s'agit probablement d'hystériques; ainsi s'expliquerait le peu de
durée des accès.
M. Christian demande à M. Voisin comment il se fait que
l'attaque d'épilepsie, dont la manifestation échappe si complè-
tement à la volonté du malade, puisse subir l'influence de cette
.volonté, si le sujet a été hypnotisé, au point de faire avorter son
attaque. z
M. Foville se montre surtout surpris des résultats obtenus chez
les dipsomanes auxquelles l'idée de ne plus boire a été suggé-
rée.
M. VoistN. J'en suis moi-même très étonné, mais mes dipso-
manes m'ont affirmé qu'elles ne buvaient plus. Depuis fort long-
temps, mon épileptique n'a pas de grandes attaques; cependant,
dans un accès de délire post-épileptique, il a écrit une lettre dont
il n'a pas gardé le souvenir.
M. Blanche. Cette lettre était-elle sensée ?
M. Voisin. Oui.
SI. Magnan. Je n'ai, pour ma part, jamais vu un épileptique
accomplir dans un accès aucun acte inconscient raisonné, tandis
qu'au contraire j'en ai vu souvent accomplissant des actes incons-
cients, incohérents et automatiques. Peut-être M. Voisin a-t-il eu
affaire à un hystérique, et alors tout s'expliquerait.
M. Garnier propose l'ordre du jour suivant qui est adopté : la a
Société médico-psychologique, considérant que les faits exposés
par M. Voisin nécessitent un examen plus complet, nomme une
commission choisie dans son sens à l'effet de les constater.
MABCEL Brigand.
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN
Séance du 15 décembre 1881 '.
" M. Loehr, senior, ouvre la séance par la communication des
excuses présentées par les collègues empêchés. Il prononce en
1 Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. 1 il.
SOCIETES SAVANTES. 265
quelques mots bien sentis l'éloge du profeseur Neumann décédé;
l'assistance se lève en l'honneur de sa mémoire.
M. Koenig (de Dalldorff) présente un cerveau d'idiot. Il s'agit
d'un enfant de onze ans, mort le 19 novembre dernier.
C'était le quatrième rejeton d'une mère syphilitique, infectée
trois mois avant sa conception par son mari, buveur acharné.
Cette femme ne suivit le traitement convenable qu'après l'accou-
chement. Elle prétend cependant que l'enfant en question serait
venu au monde bien portant; vers la fin de sa première année,
on aurait constaté un marasme qui se prolongea plusieurs mois
pour se terminer par la paralysie de toutes les extrémités.
Rougeole dans sa neuvième année. N'a jamais appris à parler
ni à marcher. Le 47 avril, jour de l'admission à l'asile, voici ce
que l'on note : Taille, un mètre; enfant faible, fortement amaigri,
demeurant dans le décubitus dorsal, la tête un peu fléchie en
arrière. Visage pâle et défait. Pas de raideur delà nuque. Crâne
petit, mésocéplale, symétrique; absence de cicatrices.
MENSURATIONS CRANIENNES
266 SOCIETES SAVANTES.
palatine ; slerno-cléido-masloïdiens fortement tendus. Type de
respiration coslo-abdominale. Peau très chaude. Température
normale dans l'aisselle et dans le rectum. Circonférence thora-
cique, 55 à 56 centimètres; espaces intercostaux très larges. Son
de percussion partout un peu tympanique; à l'auscultation,
rhonchus partout avec respiration vésiculaire. Bruits du coeur
purs. Ventre légèrement gonflé; foie et rate ne paraissant pas
augmentés de volume. Le patient tient bras et jambes serrés
près du corps; les extrémités supérieures atrophiées, sont fléchies
sur l'articulation du coude, et suivant l'articulation, radio-cubitale
inférieure, les avant-bras demeurent en pronation, surtout à
droite ; les doigts sont rétractés dans la main. Les membres infé-
rieurs également très atrophiés, se tiennent fléchis suivant l'arti-
culation coxo-fémorale et l'articulation du genou; les pieds
présentent l'attitude varus-équinc. Les deux testicules sont des-
cendus. Commencement d'escarre par décubitus au sacrum.
Impossible de fléchir la tête en avant; mais, quand l'enfant est
couché sur le dos, il la tourne parfaitement à droite et à gauche.
On parvient sans grande difficulté à vaincre les contractures des
membres, mais momentanément, et il semble que ces manipu-
lations provoquent de la douleur. Capable de saisir les objets à
l'aide des membres supérieurs, le petit malade préfère presque
toujours employer sa main gauche; en même temps il se pro-
duit un mouvement associé dans la main droite. Immobilité des
membres inférieurs; le déplacement forcé d'une de ces extrémités
détermine un mouvement associé dans l'autre. Diminution de la
sensibilité; les piqûres d'aiguilles ne sont perçues, et encore très
légèrement, qu'au visage, au cou, à la plante du pied, du côté
gauche, mais les corps chauds engendrent une sensation dou-
loureuse, vive. Affaiblissement très marqué des réflexes cutanés
et tendineux; le chatouillement de la plante des pieds se traduit
par un mouvement associé du côté opposé; réflexes cornéens et
nasaux très accentués. Excitabilité électrique normale. L'affai-
blissement devint dans la suite progressif, tous les autres phéno-
mènes restant les mêmes; le patient criait beaucoup, gâtait,
devait être alimenté. Température normale, mais augmentation
de la chaleur cutanée perceptible au toucher (action vaso-mo-
trice ? ). Pas d'accidents épileptiformes. Nullité des facultés psychi-
ques. Marasme et mort, sans que les accidents du ;décubitus se
fussent étendus. Au<opSM, dix-neuf heures après la mort. Crâne
léger, symétrique, diploé assez développé; suture frontale ossifiée ;
les deux pariétaux offrent, dans le voisinage de la suture sagittale,
des fossettes assez profondes du volume d'une lentille à une pièce
de cinquante centimes; dure-mère tendue, sans modification; sinus
longitudinal supérieur, de largeur modérée, contient peu de sang
coagulé. Le cerveau apparaît comme projeté en avant, en même
SOCIÉTÉS SAVANTES. 267
temps qu'il s'évacue une copieuse quantité de liquide; méninges
troubles, notamment dans les parties postérieures. Poids du cer-
veaux 730; hémisphères égaux; intégrité du cervelet, des nerfs
et vaisseaux de la base, atrophie extrême du corps calleux, de la
voûte à trois piliers, de la cloison transparente; forte dilatation
des ventricules latéraux remplis de beaucoup de liquide. On place
dans la liqueur deMueller protubérance, bulbe, moelle. Leeeruecau
présente un arrêt de développement très notable qui occupe prin-
cipalement les lobes occipitaux et temporaux; le lobe frontal est le
plus complet, mais il y manque le sillon proerolandique. En outre,
l'écorce du lobe pariétal fait totalement défaut sur la face externe; -,
cette lacune atteint jusqu'à la frontale ascendante ainsi qu'une
partie de la troisième temporale, sur la zone limite entre les lobes
occipitaux et temporaux ; aucune altération n'occupe la face mé-
diane de l'organe. Ces anomalies sont assez symétriques; la seule
distinction, c'est que l'hémisphère gauche montre une scissure de
Sylvius très large qui s'étend jusque dans le sillon pariéto-occipi-
tal (perpendiculaire externe), tandis que l'hémisphère droit pos-
sède une scissure de Sylvius plus étroite, de longueur ordinaire. A
droite, la partie supérieure de la frontale ascendante est repré-
sentée ; il n'en est pas ainsi à gauche. Conclusion. La symétrie ac-
centuée de la lacune, rapprochée de son siège dans le domaine de
la scissure de Sylvius, permet de supposer qu'il y a eu, à la suite
d'un trouble circulatoire, une encéphalite dontle facteur pourrait
bien avoir été la syphilis. Evidemment ces lésions remontent à
l'époque foetale, au cinquième mois intra-utérin; elles ont dû gê-
ner partiellement, dès cette époque, le développement du cerveau ;
l'encéphalite a progressé après l'accouchement et s'est traduite par
la paralysie du quinzième mois de la vie. Puis s'est opérée une
accalmie. La localisation de la zone motrice explique la parésie
des extrémités; la plus grande étendue de la lésion, à gauche,
explique la prédominance de la parésie à droite. Peut-être con-
vient-il de rattacher le trouble thermique vaso-moteur à la lésion
du lobe pariétal, à l'exemple des auteurs ?
Discussion : M. LOEHRMM ? '. A-t-on sur le père des renseigne-
ments ? Réponse. Cet individu a eu plusieurs attaques de
delirium tremens. 1
M. 10,NAKOw. Les pyramides sont-elles conservées ou dégé-
nérées ? Réponse. On les examinera au microscope.
M. .15TIL011'rTZ. Evidemment la symétrie, quoique incomplète,
de la lacune plaide en faveur d'un trouble nutritif consécutif à
une lésion artérielle. En ce qui le concerne, il a plusieurs fois
rencontré dans la substance blanche de cerveaux d'enfants, des
foyers symétriques, mais beaucoup plus petits, dont il ignore la
cause.
268 SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Sébastian donne le compte rendu d'un cas de folie aiguë
mortelle accompagnée de convulsions localisées. Une jeune fille de
dix-neuf ans, jusque-là bien portante, exposée, à l'époque de ses
règles, à un vif refroidissement, ressent de violentes céphalal-
gies. Il se produit alors une explosion de manie ; tapage, bavar-
dage ; elle ne reconnaît plus les siens. Le troisième jour, éclate
un accès convulsif accompagné de perte de connaissance rapi-
dement passagère. Les deux jours suivants, accès convulsif
exclusivement localisé à la moitié gauche de la face et au bras
gauche ; répétition de cet accident de plus en plus fréquente avec
périodes de sopor de plus en plus marquées ; par là-dessus fièvre
avec accélération caractéristique du pouls. Dès le septième jour,
coma complet; c'est à peine si les convulsions de la face et du
bras du côté gauche présentent des intermittences; la fièvre et
la fréquence du pouls augmentent progressivement, grincement
de dents; faibles cris, évacuation involontaire de l'urine. Le
neuvième jour, les convulsions s'étendent de temps à autre à
toutes les extrémités; pneumonie d'ordre alimentaire, mort.
Autopsie. Intégrité parfaite de l'encéphale ; coeur extrêmement
gras, athérome aortique très prononcé, dégénérescence grais-
seuse modérée des deux reins, métrite chronique, dégénéres-
cence kystique et fibreuse des deux ovaires. Analogie remar-
quable de ce fait avec les trois observations de L. Meyer, décrites
sous le nom d'hystérie aiguë mortelle ; tout diagnostic exact est
du reste impossible. En tout cas, il n'en existe aucun autre
semblable dans la littérature médicale des trente dernières
années. Sera publié in extenso.
Discussion : M. OTTO. Quel était l'état microscopique des lobes
temporaux ? -Réponse. Rien d'anormal.
M. Jastrowitz. Celui qui a vu évoluer un délire aigu véritable,
correct, dans la plénitude de son intensité classique, où le .
malade frise littéralement la mort, celui-là aurait de la peine à
admettre comme telle la désignation précédente. Ce délire, bien
modéré en somme, accompagné d'un faible trouble de la con-
naissance, l'absence complète de convulsions oesophagiennes,
l'explosion de convulsions bientôt subintrantes, avec perte de
connaissance presque absolue, et en même temps limitées à la
région du facial et au bras du côté gauche; tout cela élimine le
diagnostic inscrit. Sinon il faudrait ranger sous la dénomination
de délire aigu toute perturbation psychique, se traduisant no-
tamment par de l'agitation, qui ne rentre pas dans le cadre des
psychoses nettement dessinées, dès qu'elle se termine par la
mort, ou même toute psychopathie du même genre aboutissant,
issue que je n'ai point encore vue, à la guérison. Il serait plus
correct, jusqu'à nouvel ordre, de recueillir les cas en question, et
SOCIÉTÉS SAVANTES. 269
d'en réserver à l'avenir la classification. Sans doute cette obser-
vation se rapproche de l'hystérie mortelle aiguë de L. lleyer,
mais le nom est encore mal choisi, car, dans aucun de ces
faits, on ne voit prédominer de syndrome hystérique; la dégé-
nérescence des ovaires n'autorise pas ce diagnostic après coup.
La dégénérescence du coeur est remarquable, sans qu'on puisse
en déchiffrer l'origine. L'autopsie ne révèle pas la pathogénie des
convulsions localisées : intégrité des ascendantes, delà protubé-
rance, du bulbe, des cornes d'Ainmon, des vaisseaux, le micros-
cope révèle simplement, sous forme dubitative, une faible multi-
plication des noyaux de l'écorce. Quant à la pneumonie dite
alimentaire, la malade mourait dans la nuit du samedi au
dimanche; or, dès le mercredi, on ne lui administrait plus aucune
nourriture, par conséquent, elle n'avait pu s'introduire dans
les bronches que de la salive mêlée au sang (morsures de la
langue).
M. IDELER a observé, dans le vieil asile de la ville, deux cas de
délire aigu chez la femme. dans le cas de Lévy, constaté
l'existence de sueurs visqueuses fétides. Dans ses faits à lui on
n'a pas eu à noter de convulsions. Fiordispini et Solfanelli ont
appelé l'attention dans- le- délire aigu sur les sueurs profuses
visqueuses empestantes. Réponse. Les sueurs ne présentaient
que l'odeur habituelle.. 1
M. La : un senior. Pendant le cours de sa pratique féconde en
psychoses chez la femme, il n'a pas vu de fait semblable à
celui de Levy. Et cependant chacun sait que les grands établis-
sements privés sont bien plus fournis que les asiles publics en
observations de toutes nuances. Le cas de Lévy rappelle non un
délire aigu, mais une maladie infectieuse.
11. lIasmt : S.w.vhr (de Tûl : iû, .Iapon). Sur l'assistance des aliénés
et la psychiatrie au Japon. Les Européens ne possèdent sur ce
sujet aucune notion, parce que la langue et l'écriture japonaises
sont ardues pour les étrangers, les médecins européens qui sont
allés là-bas ne se sont que peu ou point intéressés à la question,
les médecins japonais n'ont pas consacré leurs efforts à cet
historique. Du reste, les relations des Japonais avec les étrangers
datent simplement de 1851 ; avant cette année, ils ne se frottaient
presqu'exclusivemeunt qu'aux Chinois et aux Hollandais, et
encore dans un seul port, celui de Nagasaki, et principalement
au point de vue commercial. Dans les dix dernières années, on
a ouvert de nombreux ports, on a laissé accéder partout les
étrangers; aussi les produits commerciaux, artistiques, indus-
triels du Japon se sont-ils répandus partout en Europe, mais il
n'en a pas encore été ainsi pour, la médecine et la psychiatrie.
On ignore donc presque totalement les connaissances médico-
270 SOCIETES SAVANTES.
psychologiques des Japonais. Wernich paraît être le premier qui,
dans ses Etudes de géographie médicale, ait fourni quelques docu-
ments sur les maladies mentales au Japon. Sakahy lui-même
ne peut rien communiquer d'exact, car les sources lui manquent;
il essaie simplement de coordonner et de relater ce qu'il a 1u.
vu, entendu dire.
Histoire de la psychiatrie. Tonte description, toutrapportfait jus-
qu'àprésentdéfaut. Ce n'est que dansles grands travaux historiques
ou dans les narrations de même ordre que l'on trouve quelques
compte rendus sur des cas de folie. Il n'est cependant pas dou-
teux que, dans les temps antérieurs, on n'ait observé (quelques
psychoses. Ou en a même distingué diverses formes auxquelles
on a donné des noms différents, originaires les uns du vieux
chinois, les autres du japonais véritable, noms qui maintenant
encore sont en usage parmi les profanes.
SOCIETES SAVANTES. 271
espace clos. Cette thérapeutique était pratiquée dans le temple
de Bouddha ou dans l'habitation même des malades.Actuellement
il en est encore partout ainsi.
Depuis la dernière révolution (1867-1868) dans laquelle le schô-
gun déclara remettre les rênes du gouvernemententre les mains du
mikado, le gouvernement japonais a prêté son assistance à la
psychiatrie. En 1873, on a installé dans la capitale de Tôkiô un
asile d'infirmes, où l'on reçoit, avec les ;enssans abri, des malades,
des blessés, des impotents, des orphelins, des aliénés besogneux.
Puis on a construit pour la ville et sur son territoire un asile
d'aliénés spécial qu'on a appelé Tôliiô-Teiiliû-iii. On aurait
encore a Saikiô (Miaco ou Kioto des Européens et des Américains)
construit un établissement public. (Voy. Von denSteinen. Arch. f.
Psych. XIII'.)
Généralités sur les aliénés au Japon. Il est impossible de dire
si le nombre des aliénés a progressé, et progresse dans ces der-
niers temps au Japon, car il n'existe pas [de statistique compa-
rative ancienne. Mais actuellement les médecins s'occupent de
statistique , en particulier au bureau de statistique (Tûkci-
Kioka) et au département de la police (Keïschi-Tsiô). Le rap-
port de la préfecture de police pour la première moitié de
1881 signale 474 aliénés qui dans les provinces auraient constitué
un danger pour la sécurité publique. Or, la population de ces
provinces, c'est-à-dire de celles qui ont déjà publié leur recen-
sement, forme un ensemble de 1G ? 00,000 habitants; il y aurait
donc un aliéné pour 34,200 habitants. Dans le courant de cette
année, M. Sakaky possédera des chiffres plus complets et plus
exacts (statistique de tout le pays). On peut dès maintenant dire
que ce rapport de 0,003 p. 100 est infiniment petit, mais qu'on
n'oublie pas qu'il s'agit des malades dangereux. Le bureau
central de statistique a publié ce qui suit : En 1882, il est mort
108,774 malades atteints d'affections nerveuses ou mentales, soit
environ 16,26 p. 100 de la mortalité totale. Evidemment ce docu-
ment ne peut permettre de tirer le chiffre absolu concernant les
affections psychiques. Ces nombres ne fournissent pas non plus de
données relatives ou absolues, concernant les aliénés du Japon
entier ni la proportion des aliénés du Japon comparée à celle
des aliénés d'autres pays.
Asiles du Japon. Il existerait au Japon sept établissements
d'aliénés, dont cinq privés. Le'fûl : iû-lu=fénki0-iu(élahlisse-
ment de la ville de le plus grand de tous, mérite une
description spéciale. Situé dans la région de la ville la plus saine et
Ai-ch. de Neurologie, t. IV., p. 252.
272 sociétés savantes.
la plus calme, à côté de l'université, àHongô, il occupe le milieu
d'un terrain de 69,600 m. q., et est circonscrit, non par des murs,
mais par de simples haies en bois. Ce sont des constructions à rez-
de-chaussée, dans lesquelles le bois joue, comme dans les maisons
japonaises, le rôle fondamental. Elles sont entourées de grandsjar-
dins quiserventdepromenadesauxmaiades. Onycompte unbâti;
ment pour lesfoncliouuaires(r1), quatre pavillons de malades pour
deux cents aliénés (B-E), un obitoire (F), une cuisine (G). Les
pavillons sont orientés du sud au nord, en arrière les uns des autres,
séparés par des jardins, mais reliés par un long corridor. Lesdeux
antérieurs (B C) reçoivent des malades tranquilles; une partie
contient la salle d'examens : B est réservé aux hommes, C aux
femmes; entre eux est située la pharmacie (d), la salle des méde-
cins de jour (f), une chambre de serviteurs (e), une chambre de
garde (g); chacun de ces pavillons renferme douze chambres de
malades (a) et quatre cellules (cc') qui d'ailleurs ne sont que rare-
ment utilisées. Les deux pavillons postérieurs (D-E)'sont moitié
moins grands ; ils sont attribués aux agités et aux gâteux; l'un est
pour les hommes, l'autre pour les femmes; entre eux, est la
chambre des médecins, et une chambre de garder, y.). Chauffage
à l'aide de tuyaux vaporifères déjà installés, mais qui ne fonc-
tionnent pas encore; on utilise provisoirement des poêles très
simples. Fenêtres pourvues d'un grillage en fer mince, à larges
mailles. Le personnel se compose : d'un directeur (T. iVahûi), d'uu
médecin en chef (SUtow), de trois médecins, de deux pharmaciens,
de deux gardiens en chef, de quatre employés, de gardiens, gar-
diennes, d'un portier, d'un cuisinier, de serviteurs, etc.. (Fig. 11.)
Les malades proviennent presque tous des classes pauvres; les
riches fréquentent généralement les asiles privés ou restent chez
eux. Le vêtement se compose d'une toge bleu-clair, sans diffé-
rence de sexes. No-restraint. On ne met en cellule que les aliénés
très agités; on n'use ni des camisoles, ni des sièges de force, ni
de chaînes. On ne les occupe pas; ils s'entretiennent, lisent,
fument. Quelques femmes cousent, ou font de petits travaux sem-
blables. A des moments déterminés, tous les malades sont par les
gardiens conduits au jardin, où ils se promènent pendant une heure
ou deux, à l'exception naturellement des agités, ou des individus
atteints d'affections somatiques. Trois repas par jour; mets japo-
nais, au premier plan le riz; puis, poissons, viandes, légumes. Les
faibles reçoivent des mets spéciaux, tels que lait, oeufs, etc. L'ad-
ministration des boissons alcooliques est réservée aux cas spéciaux.
Au repas ordinaire', on donne du thé bouilli trô-s faible.
A.Bâtiments d'administration et lo-
caux économiques (Dsimusche);
BC. Pawllons pour malades tran-
quiHes(Biuhi(su);
DE. Papillons pour malades agités
(Bibliitsti) :
F. Obitoirc (Scltibitsu) ;
G. Cuisine (M.tkanai-dsio);
H. Habitation du portier (Monban-
dsio) ;
a. Chambres de malades (l31dhitsn`;
a'. Chambres de malades avec cel-
lules (Ori) ;
6. Chambres pour gardiens (Kan-
Biônin no Ileja;
c. Locaux de débarras (Mono-ôki);
d. Pharmacie (JakkiLku
e. Chambres des serviteurs (Kodsu-
kai no Héa);
f. Chambres de médecins de jour
tTdtsioku-i no llej;.);
0. Chambres de garde (Osctsu-dsio);
h. Chambres de bain et de toilette
(niutb-bn, kao arai tokoro) ;
i. Watter-eloset (Sotsuin);
Je. Entrées (Irikutsi);
1. Corridors (Rùka).
ni. Portes à serrures (Dsiotsuki
no To`;
n. Puits (Ido).
4
MOUVEMENT DE LA POPULATION DE L'ASILE DE TOKIO
SOCIÉTÉS SAVANTES. 275
En résumé, la population moyenne de cet établissement a été,
pour les années 1882-83, de 120 à 1 : ;0 malades; il y a eu par an
80guérisons, 45 améliorations, 23 sorties sans guérison, la mor-
talité a été de 30; on n'a pu pratiquer l'autopsie que d'un très
petit nombre de corps.
Outre cet asile municipal, il existe, à Tôkiô, trois asiles privés
qui n'ont guère d'importance. M. Sakaky en a visité un à Ta-
iiiàtsi fondé en novembre 4878, par son directeur et proprié-
taire, Kàlow;.o on y traite, avec les psychoses, maintes névroses, et,
en particulier, l'épilepsie : traitement d'après la méthode chi-
noise combinée à la balnéothérapie et au massage.
A la clinique de l'université (Daigaku) de Tôkiô, il n'existe, pour
le moment, pas de quartier sépare pour les affections psychiques :
on garde simplement les malades dans une chambre à part, afin
deles exhiber à la clinique.
Au reste, on projette d'effectuer, surtout dans les provinces,de
nouvelles constructions pour établissements d'aliénés.
Prédominance de telles ou <cMes/'o)-mesp ? eAopa</t<fy : <e. L'au-
teur n'a jusqu'ici que peu de renseignements sur ce point. Fré-
quence de la mélancolie, de la manie, de la folie systématique,
mais les malades de la première et de la dernière catégorie
viennent en très petit nombre se faire traiter par le médecin. La
paralysie générale ne parait pas être très fréquente; l'auteur
n'en a observé que deux cas, en près de deux ans, à la clinique du
professeur Belz; il s'agissait, dans ces deux cas, d'un stade assez
avancé de la maladie. L'idiotie est assez fréquente ; la plupart du
temps elle est consécutive à l'hydrocéphalie qui parait se produire
assez souvent au Japon. Du crélinisme, on ne sait rien. On ob-
serve très fréquemment l'hystérie et l'épilepsie sans troubles
psychiques proprement dits; M. Sakaky n'a jamais vu ces né-
vroses accompagnées de vésanie. L'alcoolisme est proportionnelle-
ment peu connu; cela vient manifestement de ce que les Japonais
peuvent généralement peu supporter les boissons alcooliques, et
s'en privent par conséquent, ils ne boivent que modérément le
saké (riz fermenté), qui, du reste, renferme 9, H à 43, 6 p. 100
d'alcool et peu d'huile empyreumatique. Les rapports de la police
concernant la première moitié de 1884 constatent que, sur
27,000 personnes, il n'y a eu qu'un seul excès d'alcool nécessitant
son intervention. Voyez : A Descriptive Catalogue of the Exhibits
sent by the sanitary Bureau of the Japanese home Department.
Londres, 1884etIawàu-pO 1884.
Les Japonais n'empruntent pas les jouissances de l'opium. Les
lois pénales, relatives au commerce de cette substance sont les
suivantes : § 237. L'importation, la préparation, la vente du tabac
d'opium sont punies delà déportation pour un temps.-§ ` ? 38. Les
mêmes actes portant sur les instruments à fumer l'opium entrai-
276 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nent la séquestration dans une maison de correction peu sévère.
- 239. Les mêmes faits imputables à un douanier sont régis par
les§ 237 et 238 selon le cas, mais avec augmentation de peine.
§ 240. La location, l'outillage, l'installation d'un local pour y
fumer l'opium sont prévus par un emprisonnement correctif léger.
- §241 .Tout individu convaincu d'avoir fumé de l'opium sera con-
damné à deux ou trois ans de prison. § 242. La possession, Je
don, la réception de tabac d'opium oud'instruments pour le fumer
vaudront un mois à un an de prison. Aussi l'opium n'est-il em-
ployé que comme agent pharmaceutique et l'intoxication ne s'ob-
serve-t-elle au Japon que très rarement, tout au plus dans un but
de suicide.
Le suicide et les tentatives de suicide y sont pratiqués ◀tantôt▶ à
raison de troubles psychopathiques, ◀tantôt▶ pour d'autres motifs
(pauvreté, amour, etc.). Le nombre s'en est un peu accru. En 1880,
on comptait un suicide pour 9,490 habitants; en 1882, il y en avait
4 pour 8,000. La suspension, la noyade, l'empoisonnement, les
coups de feu sont les pratiques employées. On ne s'ouvre mainte-
nant presque plus le ventre (Maràkiri ou Séppuku); cette ma-
nière de procéder représentait le mode de suicide par point
d'honneur; il Ilorissait surtout comme châtiment quasi-honori-
fique il y a environ 400 ans. Pendant la dernière révolution, il y
en a eu encore des cas isolés. '
Médecine légale de lapsychiatric au Jupon. L'orateur n'a encore
sur les temps anciens aucun document de cette nature. Il existe
aujourd'hui un Code pénal japonais : Keï-liù, mis en vigueur en
juillet 1880; on y trouve 430 paragraphes. Le plus important au
point de vue psychiatrique est le paragraphe 78. Il n'y a ni crime,
ni délit quand l'inculpé à l'époque de l'acte répréhensible ne
jouissait pas de la libre disposition de sa volonté, à raison d'une per-
turbation de l'activité psychique. Pour trancher cette question, on a
recours devant la cour, àdes médecins les cas les plus difficiles sont
soumis à une exploration exacte dans un asile. Les ivrognes, qui
d'habitude présentent un fonctionnement psychique anormal, et
qui parfois peuvent perdre la conscience, ne rentrent pas dans
cette catégorie. Voici d'autres articles importants au point de vue
qui nous occupe : § 79, § 80. Irresponsabilité absolue des jeunes
gens de moins de douze ans accomplis; irresponsabilité de ceux
de plus de douze ans, mais de moins de seize années échues, à la
condition qu'ils ne possèdent point le discernement nécessaire
pour se rendre compte delà valeur pénale de leur acte, sinon ils
sont punissables, mais on adoucirala peine de deux degrés. 81.
Ceux de moins de vingt ans accomplis sont punissables, mais on
adoucira la peine d'un degré. On compte aujourd'hui l'âge à
partir du jour de l'accouchement, tandis qu'auparavant on comp-
tait à partir du quantième de l'année. § 82. Irresponsabilité des
SOCIÉTÉS SAVANTES. 377
sourds-muets. Dans certaines circonstances, on les internera, pen-
dant cinq ans au besoin, dans un établissement d'éducation, cette
mesure ne constituant pas d'ailleurs un châtiment.
M. Sakaky s'engage à combler plus tard toutes les lacunes
de cette communication. Il présente un traité de psychiatrie en
langue et matériaux japonais, avec la disposition typographique
accoutumée, dans lequel les formes morbides de la folie sont dési-
gnées en allemand et en anglais.
Le Président le remercie, au nom de l'assemblée, de son inté-
ressante communication et lui souhaite un résultat en rapport
avec la grandeur de la tâche à laquelle il est appelé, celle de
contribuer à la réorganisation de l'assistance des aliénés dans sa
patrie.
M. Hans Lu;an. Contribution à l'acéloiiu7-ic des aliénés. Au con-
grès de médecine interne de 1883, de Jaksch annonçait qu'il avait
souvent trouvé la diacéturie (réaction de l'urine au perchlorure
de fer, et présence de l'acétone dans le produit de la distillation
de cette humeur) dans les cas où les malades, peu ou point fébri-
citants, présentaient des symptômes nerveux intenses : cépha-
lalgie, parfois délire, parfois somnolence, apathie, petitesse d'un
pouls filiforme, voire même collapsus, sans que l'examen révélât
autre chose que de l'acide diacétiquedans l'urine. Ces états se dis-
siperaient en général promptement; fréquemment tout se dénoue
presque en un moment après une selle copieuse. De là la néces-
sité de rechercher dans l'urine des aliénés l'acétone et le corps
donnant la réaction au perchlorure de fer. M. Loehr a dans ce
but interrogé la réaction de Gerhardt au perchlorure de fer,
celle de Lieben qui donne de l'iodoforme (addition à l'urine d'io-
diure de potassium ioduré et de lessive de potasse ou de soude),
celle de Légal et Nobel (coloration rouge au nitroprussiate de
soude et à la lessive de potasse, suivie d'une coloration pourpre
par l'acide* acétique). Il a, à plusieurs reprises, interrogé ces
réactions tant dans l'urine que dans son produit de distillation
chez plus de cent patientes, atteintes de formes psychopathiques
les plus diverses, dans la plupart des phases de la maladie
ou pour chacune de ces phases, quand l'état clinique variait. La
conclusion est que, à l'exception d'un cas, ces réactions ne
se montrent que chez des malades en état d'abstinence complète
ou partielle. Sur huit malades qui depuis Pâques dernier avaient
refusé de manger (six absolument, dont une à deux reprises
différentes), la coloration rouge-brun au perchlorure de fer ne
s'est montrée que chez deux seulement. Dans ces deux faits,
il s'agissait de malades n'ayant quelque temps auparavant que
peu ingéré; chez elles, l'urine donnait simultanément très
nettement la réaction Légal; chez elles, dès le premier jour de
278 SOCIÉTÉS SAVANTES.
l'abstinence absolue on vit concurremment apparaître et la réaction
au perchlorure de fer et la réaction Légal. Chez les six autres,
aucune réaction au perchlorure de fer; la durée du refus absolu
d'aliments atteignit ici jusqu'à quatre jours; ;la réaction Légal
dans l'urine se montra trois fois le premier jour, une fois le
second jour, deux fois le troisième jour d'abstinence absolue, elle
fut absente une fois, même après quatre jours d'inanition. En
revanche, le produit de la distillation de l'urine (obtenu avec
l'urine pure ou avec l'urine additionnée d'acide sulfurique) pré-
senta nettement les réactions Lieben et Légal, dans tous les cas
de refus conipletdpiiouri-iture, et cela dès le premier jour de con-
tinence. Les mêmes réactions dans le produit de la distillation
de l'urine se rencontrèrent aussi chez deux malades ; l'une d'elles
pendant plus de huit jours, jeûna la journée, pour, la nuit, manger
en bloc les mets conservés froids; l'autre n'ingéra, durant quatre
jours, qu'une tartine de beurre le matin et une partie du souper
le soir. Ajoutons l'histoire d'une hystérique qui pendant plus de
dix mois vomit la plupart des repas une heure après l'ingestion
au plus tard, et dont l'urine, distillée, fournit, à une époque où
tous les repas subissaient le même sort, deux fois les réactions en
question, tandis qu'à d'autres périodes, bien que les circonstances
parussent être identiques, on ne les obtenait plus. L'odeur dou-
ceâtre bien connue de la pomme, exhalée par les sitiophobes, fut
notée en deux cas à l'approche des malades; dans l'un de ces
faits, l'urine réagissait au perchlorure de fer, et présentait aussi la
réaction Légal; dans l'autre, elle ne fournit que la réaction Légal.
Dans le premier cas, l'urine exhalait aussi l'odeur douceâtre de la
pomme; du reste nous pensons que cette odeur n'est pas celle de
l'acétone et, de plus, qu'il y a une énorme différence entre l'odeur
de l'acétone'et l'odeur de l'haleine ou de l'urine des sitiophobes.
Nos observations ne nous ont pas permis d'établir avec certitude
si les réactions de l'acétone fournies par l'urine, qui se montrent
dès le début de l'abstinence (premier jour), se continuent pendant
sa durée, ou s'il n'arrive pas un moment, au cours de la sitiophobie
prolongée, où elles disparaissent (voy. l'observation de Siemens ;
disparition de l'acétone au douzième jour de l'abstinence chez un
systématique absolument sitiophobe. Neurol. Centralbl. 1884) '.
M. Loehr donne cependant une observation qui plaide en faveur
de la disparition graduelle de l'acétone par la prolongation de
l'abstinence. Dans un autre cas, le produit de la distillation de
l'urine montra nettement les réactions Lieben et Légal quand l'abs-
tinence fut supprimée. Il s'agit d'une malade qui, auparavant,
avait assez souvent refusé de manger, mais qui depuis longtemps
s'était réhabituée à accepter des rations d'aliments irrévocablement
z Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. 268, et t. X, p. 232.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 279
fixées. Elle ne retint qu'une fois ses urines pendant deux jours
et demi, à la suite d'hallucinations et de conceptions délirantes;
puis elle émit 830 centimètres cubes d'urine d'une densité de 40311. :
absence de sucre et d'albumine, absence de la réaction au per-
chlorure de fer, absence de la réaction Légal, mais le produit de
la distillation décèle les réactions Légal et Lieben. Ce jour-là, la
patiente avait accepté ses aliments ordinaires; il existait de la
constipation. Avant cela, on n'avait obtenu aucune réaction, en
dépit de plusieurs examens, même dans le produit de distillation ;
ces réactions manquèrent encore les'jours suivants ainsi que
plus lard. Chez d'autres individus ayant retenu volontairement
leurs urines, rétention qui n'avait jamais été poussée aussi loin'
que suprci, les réactions en question firent constamment défaut.
Eliminons cette dernière observation tout à fait isolée ; il ne
reste, pour l'acétonurie, que les cas d'alimentation insuffisante.
M. Loehr n'a pas trouvé l'acétonurie dans les faits cités comme
types par de Jaksch. Comme il a examiné les psychopathes les
plus difléretits, il conclut que des symptômes nerveux intenses pro-
duits par une perturbation mentale ne t''<iceomp<M/Ke) ! ('pas cl'ucéto-
nurie. Et ses observations démontrent combien de semaines l'acé-
tonuri.e peut durer sans qu'on constate plus de phénomènes ner-
veux qu'ailleurs, qu'en un mot l'acétonurie et les troubles ner-
veux mis en relief ne sont pas dans un rapport immédiat. Reste
alors l'acétonurie de l'inanition. La ressemblance entre l'odeUr
exhalée par les sitiophobes et celle de maints diabétiques faisait
supposer que l'acétone se forme dans l'organisme inanitié, car on
croyait que l'acétone produisait l'odeur de pommes du diabétique.
Seifert vint alors qui trouva que la réaction au perchlorure de
' fer se montre chez les malades insuffisamment nourris (Verhandl.
d. physic. med. Gesellschdft. su. Wi< ? 6u;'jy, 1882). Hoppe-Seyler
trouva cette réaction dans l'urine d'un malade intoxiqué par
l'acide sulfurique, à une époque où les douleurs l'empêchaient
de rien prendre ; en même temps, le produit de distillation de
son urine présentait la réaction l,iel)en (Zeilschi-. f. klin. Aled. VI, 5).
Tuczek rattacha impérieusement l'acétonurie à l'état d'inanition,
il l'observa chez les sitiophobes depuis le quatrième ou cinquième
jour pendant toute la durée de l'abstinence, même incomplète,
et jusque pendant les deux ou trois jours qui suivent l'abstinence
(At'c/t.y. Psych. XV) '. Les lignes qui précèdent confirment précisé-
ment cette dernière assertion, elles montrent en outre que dès le
premier jour de l'abstinence, et sur le seuil de l'inanition, l'acétone se
forme dans l'organisme, car toujours alors, sinon l'urine, du moins
le produit de la distillation de l'urine fournit les réactions de l'acé-
tone, au bout de vingt-quatre heures, bien avant par conséquent
'Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. 268.
280 SOCIETES SAVANTES.
la fétidité des inanitiés. En second lieu, chez les sitiophobes, la co-
loration au perchlorure de fer s'accompagne delà réaction Légal
dans l'urine; d'autre part, l'une peut persister des jours durant
sans que l'autre se produise; mais le produit de la distillation
offre, dans les deux cas, la même réaction. Ou bien, pour nous
servir des termes de Jaksch, on a, dans des conditions en ap-
parence identiques, aujourd'hui l'acétonurie, demain la diacétu-
rie dans l'inanition. Donc l'acétonurie et iadiacéturie ne seraient
pas essentiellement différentes l'une de l'autre. Chez deux enfants
atteints de scarlatine, M. Loehr a trouvé, à la phase de fièvre éle-
vée, une forte réaction au perchlorure de fer en même temps que
la réaction Légal, plus tard le produit de la distillation de l'urine
seul donnait les réactions Lésât et Lieben.
Il doit donc y,avoir divers corps qui par la distillation, donnent
de l'acétone; mais ils se doivent engendrer dans l'organisme sous
des influences en apparence les mêmes. Si l'on suppose que le
corps qui donne la réaction au perchlorure de fer fournit, par
une plus ample décomposition, l'acétone, la différence entre l'acé-
tonurie et la diacéturie ne doit précisément consister qu'en ceci ;
dans un cas la décomposition a déjà lieu partout dans l'organisme,
dans un autre cas elle a lieu pendant la distillation.
. On ignore où se forment dans l'organisme la ou les substances
en question. IIoppe-Seyler,a, dans son cas d'intoxication par
l'acide sulfurique, rencontré une notable multiplication de
l'acide sulfovinique par rapport à sa proportion dans les sulfates.
On pourrait donc tendre à penser au tube intestinal, comme au
lieu de formation de la substance qui donne l'acétone. Mais le
produit de la distillation des fèces des inanitiés, délayées préala-
blement soit avec de l'eau, soit avec de l'acide sulfurique dilué, z
ne fournit ni la réaction Lieben, ni la réaction Légal. Le même
essai sur les vomissements de l'hystérique sus-mentionnée, n'a
rien donné non plus. Chez la femme qui constitue une observa-
tion analogue à celle de Siemens, on trouvait aussi à deux reprises
différentes de l'acide sulfovinique, qu'il s'agit d'un jour d'absti-
nence absolue ou d'un jour d'abstinence incomplète, mais on
n'obtenait que 9 à 7 p. 400 de l'ensemble de l'acide sulfurique. A
raison de la similitude de réaction et de structure de la créatinine
(Nobel, acétone et substances connexes. Arch. f. exper. Path. zend
Pkarmokol. t. XVIII), on pourrait croire qu'au cours de l'inanition
la créatine du muscle se transforme en acétone, mais on en
constatait dans l'urine de la sitiophobes.
Maintenant la substance dont il s'agit est-elle de l'acétone ?
Cela est admissible, vu le produit de la distillation effectué
qui toujours fournit positivement les réactions Lieben et Légal,
alors que jamais il ne s'y montre la réaction rouge-brun au per..
chlorure de fer. Mais, pour l'affirmer, il faudrait présenter l'acé-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 281
[une extraite en nature; or, quand on a exécuté les expériences,
il ne reste plus assez du produit de la distillation pour procéder
à l'extraction. Il est, en revanche, douteux que l'acétone existe
déjà dans l'urine de t'inanitié. En cette espèce, M. Loelir n'ajamais
pu produire nettement la réaction iodoformique, même quand
I s'était formé une très belle réaction Légal, et quand la réac-
tion au perchlorure de fer faisait défaut, tandis que la réaction
iodoformique se montre aussi bien que la réaction Légal quand
on ajoute a l'urine normale de l'acétone. Les corps qui donnent
ces diverses réactions dans l'urine doivent donc être les éléments
générateurs de l'acétone. Le corps qui donne la réaction au per-
chlorure de fer n'est pas, en tous cas, de l'acide éth\Idiacétique,
car, chez la femme que nous avons rapprochée de l'observation
de Siemens, cette réaction se rencontra pendant la dernière pé-
)iode sans qu'on obtint la réaction plus sensible de Légal, et la
réaction au perchlorure de fer, si forte qu'elle fût souvent dans
l'urine, ne s'est jamais montrée dans le produit de distillation, bien
qu'on n'eût ajouté à l'urine à distiller aucun acide. Et cependant
on continue à parler d'acétonurie ; il le faut bien, puisqu'on n'a
aucune expression pour remplacer celle ci et que c'est un terme
court passé dans l'usage.
Le temps avancé s'oppose à plus ample discussion.
l.aiiquel commun. (Allg. Zeitsch, f. Psych., XL11, 1.)
P. KMAV.4L.
Séuuceclvt I(i tuors 188.'i' 1
Le président Loeiir, senior, ou\re la séance à trois heures et
demie en annonçant que M. Scurtnr(de Sorau), quidevaitprendre
la parole sur le thème : Extraits de psychiatrie médico-légule, se
trouve empêché par un voyage administratif. M. Ideler, malade,
ne peut assister à la séance. MM. Goldstein et Loehr junior, sont
reçus membres de la société.
M. Schroeter (11.). Deux ces de blessure grave du crâne avec
trouble mental. Il est quelquefois difficile de rattacher nettement
une perturbation psychique à un traumatisme antérieur, car il
faut tenir compte des anamnestiques et de la prédisposition indi-
viduelle, tous éléments que, lorsqu'il s'est écoulé un temps très
long entre l'accident et les phénomènes psychopathiques, un
spécialiste est seul en état d'apprécier avec le soin et la compé-
tence voulus.
Observation I. Homme de quarante-quatre ans, père de trois
enfants bien portants. D'après son beau-frère, aurait toujours
' Voy. Archives de Neurologie.
282 SOCIÉTÉS SAVANTES.
joui d'une bonne santé mentale; sain d'esprit et normalement
développé au point de vue psychique dans sa jeunesse, il était si
grêle, qu'à l'âge de vingt ans, on redouta la phthisie pulmonaire.
Il y a environ vingt ans, il éprouva en déchargeant du blé un
grave accident crânien. Depuis lors, il se plaignit parfois, notam-
ment à l'occasion de certains mouvements ou d'efforts, de dou-
leurs occipitales etrachidiennes qui se prolongeaient dans le côté
droit. il abandonna successivement les professions de cloutier,
garde champêtre, facteur rural, facteur au chemin de fera raison
des courants d'air, et finit par devenir sergent de ville, seule oc-
cupation capable de donner un aliment à son zèle et à sa bra-
voure. Pendant les jours gras de 1883, il reçut probablement un
coup de bouteille'sur l'occiput. 11 lui resta en cet endroit une
tumeur qui fut opérée à la pentecôte de 1884; on aurait extrait
du cerveau un éclat osseux. Ou ne connaît aucune tare héréditaire
dans la famille. Le trouble mental, qui nécessite son entrée à
l'asile (13 sept. 4884), remonte à deux ou trois ans; il n'a cessé
d'évoluer, maisen présentant des oscillations; actuellement, le ma-
lade caresse des idées de suicide, il en a fait une tentative. Il croit
qu'il doit être transporté à Mayence où il sera exécuté pour man-
quements au service ; cette idée détermine par moments du trem-
blement. Il y a plus de trois ans qu'il accuse une sensation de
chaleur céphalique, de la constipation, de l'inappétence ; descelle
époque, humeurmorose. Pendant l'été de 4882, sensations impor-
lunes à la tête et dans les yeux, affaiblissement de la mémoire.
Depuis l'agression de 1883, agression qui d'ailleurs, n'a laissé après
elle aucune blessure, onperçoit, au niveau de l'angle supérieur de
l'occipital, une dépression transverse, profonde, irrégulière, dont
les bords ne sont point fracturés ; une douleur constante qui
siège à ce niveau lui enlève tout repos la nuit; les conceptions
délirantes antérieures reviennent alors plus tenaces, et l'on doit
employer le chloral qui détermine pendant assez longtemps le
calme cherché. Au printemps suivant, les douleurs reparaissent
bien plus violentes, elles s'étendent à toute la tête, en avant et
vers les arcades sourcilières ; en même temps, actes délirants ; on
intervient chirurgicalement au niveau de la dépression. Ren-
seignements pris à la clinique de Francfort. Douleurs occipitales
continues excessives à l'occasion des changements de temps et de
température, sensations de poids dans les yeux, au milieu du
front, au-dessus de la racine du nez. Quand le malade reçut le
coup en question (1883), il lui sembla qu'on projetait ses yeux en
avant, hors de l'orbite, il lui est impossbie de rien supporter qui
pèse sur la région occipitale. De temps à autre, il souffre le long
du rachis ; parfois, il éprouve des formications à la plante des
pieds et aux talons; la lumière l'éblouit, mauvaise humeur, lassi-.
tude, sursauts au moindre appel; chez lui, se croit entouré d'en-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 283
nemis ; mémoire extraordinairement affaiblie. Diagnostic. Com-
pression du lobe occipital gauche par une exostose consécutive
à une fracture avec éclatement. Une incision cruciale permet
d'enlever à la gouge un calus difforme ; la lame vitrée contient
des éclats que l'on retire à la pince. Ces éclats, plutôt périphéri-
que ? prédominent à gauche, ils ont déprimé la dure-mère dont
les battements, nuls au début de l'opération, apparaissent vers la
fin ; cette membrane n'a pas été perforée ; on ne la ponctionne
pas. La plaie guérit sans presque de fièvre. Le malade s'en re-
tourne chez lui, débarrassé de ses douleurs, enjoué, gai. Mais, dès
la quinzaine suivante, tous les accidents psychiques reparaissent :
idées délirantes avec hallucinations de l'ouïe, tentatives de sui-
cide (essaie de s'ouvrir les radiales). A l'asile (13 sept. 1884), il
donne des renseignements exacts sur sa personne et ce qui le
regarde, mais il proteste contre l'idée qu'il aurait perdu la rai-
son ; accuse, parmi ses malaises antérieurs, de violentes cépha-
lalgies, des mouvements choréiformes, des tremblements convul-
sifs, s'abstient de la société de ses compagnons, devientsitiophobe,
parce que « ses pauvres enfants meurent de faim », prend une
physionomie déprimée, gémit et se plaint beaucoup pendant la
nuit, tombe aux genoux des médecins en leur demandant de le
sauver, exprime des conceptions lypémaniaques nuancées d'idées
religieuses. Par moments, son anxiété s'accroit;dénodté de la vie,
il entend fréquemment des agents de police l'appeler (hallucina-
tions de l'ouïe considérées par lui comme réelles : on lui reproche
ses fautes, on le menace de le pendre). Céphalalgies frontales
vives, en particulier au milieu de la glabelle, avec irradiation vers
la racine du nez, l'angle interne de l'oeil gauche ; fréquemment,
en outre, douleurs térébrantes à l'occiput ; sensations de tension
péricrânienne ; on retrouve la cicatrice consécutive à l'opération
en question, cicatrice sensible dont-il s'échappe, à la pression,
une gouttelette de sérosité, etc... Les dimensions crâniennes ne
révèlent aucune particularité. Acuité auditive fortement diminuée
des deux côtés; elle devient de temps à autre meilleure, quoique
ne récupérant à aucun moment ses propriétés normales... OEil
gauche plus volumineux, sans modification de la fente palpébrale;
l'oplitlialmoscope révèle une papille plus blanche, plus nette que
du côté droit, quoique la papille, les artères, les veines, ne pré-
sentent aucune anomalie relative au niveau des organes, à leur
volume, d'aucun côté... Intégrité de iamotiitté et de la sensibi-
lité des organes vasomoteurs et secrétoires, des réflexes cutanés et
tendineux, de la force motrice; atteinte de la mémoire dans
toute son étendue... Mais le malade finit par se calmer ; l'anxiété,
les hallucinations, les conceptions délirantes rétrocèdent au bout
de cinq semaines; il se met travailler; de la douleur de tête il
reste une inexprimable sensation de boulimie. Puis, quelques se-
281 SOCIÉTÉS SAVANTES.
maines plus tard, nouveau dégoût du travail, sorte de folie systé-
matique hallucinatoire aux idées d'empoisonnement ; mais bien-
tôt la santé psychique reparaît parfaite. Sortie, à Litre d'essai, le
24 janvier 11885 ; la douleur de tête est devenue supportable ;
l'écriture et le style incohérents et stcrotypés jusqu'alors, témoi-
gnent de la coordination complète des idées et de leur multipli-
cité. La guérison s'est maintenue. M. Schroeter rattache à
l'accident d'il y a vingt ans les premiers phénomènes sensoriels
(céphalalgies, flammes, dépressions, malaises hypochondriaques,
affaiblissement de la mémoire, idées délirantes), bien qu'ils se
soient produits dans un laps de temps très éloigné. A ce moment
s'ajoute un traumatisme nouveau ; alors on voit survenir une
douleur locale excessive, de l'insomnie, des troubles oculaires, des
troubles de l'ouïe, et, somme toute, une psychose présentant tous
les caractères d'une folie traumatique avec ses alternatives de
mieux et de plus mal. L'avant-coin pourrait bien être incriminé
plus spécialement (recherches de Munk et f;oltz).
Observation II. Homme de vingt-sept ans, célibataire. Héré-
dité paternelle et maternelle ; la grossesse et l'accouchement qui
le concernent se sont effectués normalement ; il s'est développé
régulièrement jusqu'à l'âge de quatre ans, époque à laquelle il
eut la tête prise et gravement lésée dans une machine(perte de con-
naissance pendant un temps assez long). Aurait bien appris à
l'école et serait devenu un bon commis. En 1883, il se met à né-
gliger ses affaires, depuis cinq ans déjà, il tournait à la misan-
thropie ; mutisme, idées d'empoisonnement, refus de manger ; se
retire seul, se promène au hasard nuit et jour et nourrit des
.conceptions délirantes. On le compare à feu son père. Il n'est plus
apte qu'à la garde d'une mère débile et hystérique ; on redoute
des accidents. Traité sans résultat à l'hôpital. Entré à l'asile le
2 mai 1884. Graduellement il reprend du maintien, s'occupe aux
soins domestiques, se met à travailler, devient raisonnable et lo-
gique dans ses actes; ses parents le reprennent le 27 juillet. Mais
on le replace le 2 ! ) novembre. Etat actuel. Petite stature (il pèse
z+ lui. 5 et mesure lm 5z).) ; physionomie intelligente, regard sou-
vent vif, mais généralement tête baissée et sombre. Crâne de
forme normale ; rien de particulier dans l'indication des dia-
mètres. Au niveau du frontal gauche, existe une large cicatrice
radiée, adhérente à l'os ; le tissu osseux lui-même déprimé se
creuse de plus en plus vers le sinus; cette cavité commence au
milieu du rebord sus-orbitaire gauche et s'étendant vers le front,
sur un parcours de 275 mill., présente alors une largeur de 2 cent.,
le sourcil est coupé en sa partie moyenne par la cicatrice, et sa
moitié externe se trouve rétractée, de telle sorte qu'elle est plus
élevée de 1 cent. que sa moitié interne. Intégrité à peu près
complète du facial ; intégrité de la langue, de la luette, du voile
SOCIÉTÉS SAVANTES. 285
du palais, un peu de nasonnement de la voix, intégrité des pu-
pilles, du fond de l'aeil, du champ visuel, de l'ouïe, des nerfs
sensoriels, des réflexes, de la sensibilité et de la motilité générale.
Rien du côté de l'excitabilité électrique, si ce n'est un peu d'exa-
gération dans la contractilité des muscles de l'éminence thénar.
Ni lipothymie, ni accès convulsifs. Humeur variable ; par instants
on a affaire à un homme insupportable et inutilisable qui, de
temps à autre, se plaint si bruyamment qu'il faut l'isoler une
couple d'heures ; il porte fréquemment la main à sa cicatrice et
se plaint de douleurs dans le sinciput; en même temps, il offre les
signes de perturbations vaso-motrices (visage un peu rouge, pouls
un peu accéléré et plein, mais normal et régulier), puis il rede-
vient joyeux, récupère la plénitude de ses facultés de relation et
de son entendement, participant aux exercices communs ainsi
qu'aux travaux de la maison. A d'autres moments, il se conduira
comme un enfant, prendra des poses singulières, ou conservera, à
l'instar d'un cataleptique, celles qu'on lui fait prendre. Hallucina-
tions de l'ouïe et de la sensibilité générale, changeantsuivantleur
teneur variable, sa mauiéte d'être et fournissant matière à des
idées de persécution : par exemple, flammes se mouvant à terre
tout autour de lui. Intelligence d'ailleurs assez active tous
égards, à part quelques idées puériles et divers souhaits frivoles et
mobiles. Le siège de la cicatrice frontale, qui occupe le tiiveaudes
première et deuxième frontales gauches, suscite l'hypothèse, qu'à
l'époque de l'accident, il peut y avoir eu lésion de l'écorce du cer-
veau, d'où la céphalalgie localisée. Mais il n'y a pas eu d'action à
distance, comme en témoigne l'intégrité intellectuelle. Il est im-
possible de rattacher à la lésion du crâne et de son contenu le
trouble mental, postérieur à elle, parce qu'il faut tenir compte de
la tare héréditaire. Inversement la lésion en question représente
un facteur pathogénétique prédisposant à l'explosion d'une affec-
tion mentale chez un héréditaire; cet élément anatomo-pathoio-
gique expliquerait la fixité de la psychopathie, constituant le
pivot d'une foule de phénomènes morbides, variant dans leur
mode et dans leur intensité.
Discussion : M. Jastrowitz. Combien peu la forme des psy-
choses correspond aux causes qui les ont produites ! Le travail
d'llartmauu le reconnaît, quand il indique que les psychoses
traumatiques se composent successivement : d'un stade lypéma-
niaque (incubation), d'une période de manie avec affaiblisse-
ment intellectuel, d'une phase maniaque avec désordre dans les
idées. ,
M. l''ALK. Il faut distinguer si la psychose succède de bonne
1 Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. 270.
286 SOCIÉTÉS SAVANTES.
heure à la lésion, ou si elle ne se produit que plusieurs jours
plus tard. Il a rencontré des cas d'affaiblissement intellectuel
dont la cause ne se pouvait guère rattacher qu'à des lésions re-
montant à la jeunesse.
M. Jastrowitz. Les lésions traumatiques peuvent devenir le point
de départ de tumeurs; chez maints paralytiques généraux,
les anamnestiques décèlent un traumatisme.
M. Loehr senior n'a enregistré dans sa pratique aucun cas de ce
genre; peut-être est-ce parce qu'il s'agit de préférence de la
femme. La bibliographie contient de rares exemples de psychoses
consécutives à des blessures crâniennes ; en revanche, dans l'épi-
lepsie, on invoque fréquemment les traumatismes comme causes.
111. GOLDSTGIN. Sur les rapports delà syphilis avec la paralysie
progressive. Mémoire publié in extenso à part '.
Discussion : M. ScHROETËR se rattache à cette assertion de l'au-
teur d'après laquelle, quand il y a eu syphilis, la marche de la
maladie est très rapide.
M. ZEKKER rappelle un mémoire lu au congrès international de
Copenhague, suivant lequel la paralysie générale serait un acci-
dent tardif de la syphilis. Il est, comme l'auteur, d'avis que le
traitement antisyphilitique accélère l'évolution de la paralysie
générale.
M. jASTHOWtTZ. Au sein même de cette société, Jung a parlé sur
le même sujet. Evidemment l'influence de la syphilis constitue
plus qu'un facteur simplement prédisposant. Dans son établisse-
ment, 51 p. 100 des paralytiques généraux ont eu, d'après les
médecins ou les profanes instruits, bien réellement la syphilis. Il
ne s'agit donc pas d'une simple prédisposition, mais d'un rapport
intime. Il convient, en outre, de se rappeicrque la paralysie géné-
rale atteint chez la femme, presque exclusivement les filles pu-
bliques, Gedicken fournit, d'après Jaspersen, une proportion de
95 p. 100, mais ce dernier a rangé dans la classe des affections
syphilitiques la gonorrhée, ce qui surcharge le rapport. Aujour-
d'hui même, chez une fille publique de ce genre, on a trouvé à
l'autopsie de la pachyméningite, de l'atrophie cérébrale, de la
périhépatile et de la périsplénite.
M. Ener, raconte l'histoire d'une femme publique atteinte de
paralysie générale consécutive à la syphilis; la paralysie générale
n'évolua pas du tout rapidement, la malade n'est morte qu'après
quatre ans de séjour à l'établissement.
11. J,sTnowtTZ. Lcwin, il y a quelque temps, disait à la Société
1 Voy. Archio. de Neurol. llevues analytiques.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 287
de médecine que sur 100 filles publiques, il n'avait observé aucune
paralysie générale ; cela n'a rien de surprenant, car dans un
service de syphilitiques on peut méconnaître la paralysie géné-
rale.
M. FALK. Dans les temps les plusreculés, la syphilis, pas plus que
la paralysie générale, ne constituaient des affections si fré-
quentes. Du reste, la syphilis constitutionnelle s'accompagne de
foyers de ramollissement ou de gommes, sans paralysie générale
concomitante.
M. JASTItO\1'1TZ. Les altérations anatomiques en question peu-
vent sans doute donner naissance à des psychoses qui ne sont
pas de la paralysie générale; elles représentent des affections en
foyer avec démence. Mais il est extrêmement probable que, dans
le cerveau, de même que dans d'autres organes, il y a des lésions
syphilitiques généralisées que nous ne connaissons pas encore.
Les altérations syphilitiques des vaisseaux découvertes par
Ileubner n'ont jeté aucune lumière sur ce point.
M. Folk rapporte le compte rendu de deux autopsies médico-
légales relatives à des individus encore capables de travailler,
brusquement fauchés par des accidents traumatiques. On trouva
dans le cerveau des gommes, sans autre altération viscérale sy-
philitique ; il n'y avait eu pendant la vie aucun symptôme de
psychose.
M. 1,(i : iiR seizioi,. On est frappé des différences accusées par les
statistiques sur la fréquence de la syphilis dans laparatysie géné-
rale. Jessen, à l'asile de Siegburg, trouve une proportion de
7p. 900; à l'asile d'Anderiia(-,11, elle monte à 3a p. 100. A Co-
penhague la proportion devient encore plus élevée. Il importe
énormément dans l'espèce, de s'inquiéter des classes sociales dont
proviennent les malades, ou des grandes villes qui avoisinent les
asiles. Quoi qu'il en soit, la syphilis dans la paralysie générale
atteint une proportion centésimale plus 'élevée que dans les
autres psychoses. Snell n'a cessé de professer que quiconque a eu
la syphilis il y a vingt ans n'est point aliéné de par la syphilis,
surtout s'il est établi qu'il ait eu des enfants bien portants.
M. Loeiir senior. Etude sur le congrès médical international de Co-
pOt/tCtyue.A la suite de considérations générales qui s'écai tent peu
de celles que l'on a présentées en France dans divers recueils sur
ce congrès, l'auteur cite, parmi les plus brillants représentants des
nations : Pasteur, Virchow, Pa,-et. Il ajoute : « Le plus populaire
d'entre eux fut Pasteur ». Les savants qui prirent la part la plus
active aux travaux de la section de Psychiatrie et iyezii-optithologie
furent : pour l'Allemagne, Hurkart, Euienburg, Fuerstner, Poetx,
Koehler, Lorent, Mueller, Moebius, Edel, Loehr senior; pour
288 SOCIÉTÉS SAVANTES.
l'Autriche, Adamliiewiez, Obersteiner; pour la Russie, Afanas-
siew, Rôti), Rosenbacb, l3ashenew; pour les provinces du Nord y
compris la Finlande, Friedenreich, Goedeke,Kjcllberg,Stecnberg,
l'onloppiclau, Rohmeii. Homén, Hallager, Soelau, Lindboe,
Joederhom ; pour la Hollande, Mamaer; pour Constantiuople,
Zamhacu; pour le Portugal, Magalhaes e Lemos.
M. le professeur Steenberg, président du congrès, délégua ses.
fonctions à ses collègues élus présidents d'honneur. Ce furent,
eu ce qui concerne notre section, Rail, Limier, Magnan, Itamaer,
Eulenburg, Loehr, Obersteiner, Adamkiewicz, Goedoke, Kjellberg.
Communications : .'
A. Steenuerg. Aperçu statistique sur les aliénés et les Institur
lions psyclcicttriqzces de la ScandinaLie. mémoire écrit en fran-
çais. Nous ne l'analyserons donc pas ; on fera bien de se reporter
comparativement à notre analyse du mémoire de Claus '.
B . An.nhwmcz . Contribution ci l'histologie pathologique du
tabès. (En allemand.)- Il existe deux sortes de tabès. L'une se
rattache à une dégénérescence interstitielle du tissu conjonctif
qui accompagne les artères des cordons postérieurs. L'autre ré-
sulte d'une lésion primitive des fibres nerveuses : elle commence
principalement dans les cordons de Goll ainsi que dans les zones
des cordons cunéiformes qui ont la forme d'un F; de cette forme
on reconnait-surtout les détails à l'aide de la coloration à la sa-
fi,aiiille 2.
C. 013LRsiFlrçElt. Sur lu rraorplaiomwie <;<60H traitement. (En alle-
mand). Il s'agit non de sevrer les malades brusquement, lente-
ment ou par un procédé intermédiaire, mais bien d'adapter le
mode de traitement à chaque individu. On n'obtiendra la gué-
rison que si les douleurs physiques ou psychiques pour lesquels il
prenait la morphine ont été préalablement supprimées; on ne
guérira ni les individus âgés (de plus de 60 ans), ni ceux dont la
constitution somatique est très affaiblie, ni ceux qui sont émi-
nemment excitables. Une grande prudence est recommandée à
l'égard des personnes atteintes de lésions organiques du coeur
avancées. Pendant le sevrage, le chlorhydrate de cocaïne (à la
dose de 5 40 centigrammes plusieurs fois par jour) diminue très
notablement les sensations désagréables résultant de l'abstinence
de la morphine. Il n'y a de dangereux pour la vie que le collapsus
qui peut survenir, même très longtemps après l'abstinence de la
1 Voy. Archives de Neurologie, t. VII, p. 278, et 398, t. VIII, p. 109
et 255.
2 Voy. Progrès médical, 1885.
SOCIETES SAVANTES. 289
morphine. Les accidents, qui résultent du morphinisme chro-
nique, et qui parfois persistent à la suite d'un sevrage en appa-
rence très fructueux, sont des accidents psychiques capables
d'aboutir, à l'occasion, au suicide ou à une perturbation mentale
organisée. '
D. Poetz. L'importance des colonies de travail agricole pour le
traitement des maladies mentales. (En allemand.)- Le système de
ces colonies a pour but de désencombrer les asiles, et de procurer
aux malades la plus grande somme de liberté et de bien-être
exigible. 11 va de pair avec les soins des aliénés dans les familles
groupées autour de l'établissement'. Grâce à ces colonies, onmul-
tiplie, augmente, organise, utilise toutes les activités; on diminue
la cherté de la vie, on dispense les avantages hygiéniques de la
vie à la campagne. Leurs désavantages sont : la plus grande dif-
ficulté du contrôle et de la surveillance, ainsi que l'impossibilité
de séquestrer des aliénés violents et ceux qui tendent à s'enfuir.
A. Alt-Scherbitz2, on a réduit ces inconvénients dans la mesure
du possible par l'association d'un asile central à une série
d'édifices agricoles.
E. KIFLLBERG. Du rôle des écoles dans la production des maladies
mentales. (En français.)
F. Eulenburg. La curabilité de tabes. (En allemand.) Il existe
des guérisons complètes (dans le sens clinique du mot) de cette
maladie; mais on ne saurait en admettre la réalité que quand le
diagnostic ne souffre aucun doute, quand la disparition graduelle
des symptômes caractéristiques est certaine, quand il est indubi-
table que les fonctions sont revenues ad integrum, quand, depuis
des années, il ne s'est effectué aucune récidive. Enfin, 1 p. 100 des
tabétiques guérit sans qu'un mode spécial de traitement ait con-
duit à ce résultat, sans qu'il existe de crilerium de curabilité. Au
point de vue anatomo-pathologique; il n'existe peut-être aucune
espèce de guérison; car on rencontre, dans les cas où la guérison
est produite cliniquement, des dégénérescences extrêmement
diffuses dans les cordons postérieurs. On peut regarder comme
les cas les plus favorables ceux dans lesquels le processus a com-
mencé par la périphérie, par exemple, par les rameaux termi-
naux des nerfs de la peau ou dans les travées interstitielles de la
moelle.
G. BALL. De l'hérédité dans la paralysie générale. (En français.)
1 Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. 414, t. V, p. 125 et 266, t. IX,
p. 416.
Id., t. X, p. 140.
Archives, t. XI. 19 9
290 SOCIÉTÉS SAVANTES.-
Il. ROUMKLL. Du rôle de la syphilis dans la paralysie générale.
(En français.)
J. EuLENBURG. Les névroses vaso-motrices et trophiques. (En allc-
mand.) L'auteur établit les propositions suivantes : 1°-on abuse'
souvent des expressions de névroses vasomotrices (ou aiigioizé-
vroses) et de trophonévroses, à cause du peu de précision apporté à
la définition de ces termes. C'est à l'expérimentation rapprochée
de la clinique qu'il appartient de faire cesser le vague, de bien
spécifier les troubles pathologiques de l'innervation ainsi dési-
gnés, de les légitimer eu quoique sorte, enfin de tracer les limites
respectives des angionévroses et des trophonévroses; 20 il existe
des angionévroses centrales (cérébrales, médullaires, hulhaires)
et des angionévrojes périphériques, des névroses des vaso-constric-
teurs, des névroses des vaso-dilatateurs, des angionévroses cuta-
nées et viscérales. Les exemples les plus parfaits d'angionévroses
cutanées sont notamment fournis par certaines formes d'érythème
et par l'urticaire; 3° on ne saurait révoquer en doute l'existence
des nerfs trophiques et des névroses de ces nerfs (trophonévroses);
4" on observe de semblables névroses à la peau, aux appareils
terminaux (muscles, os, articulations), dans les glandes, dans les
viscères, dans les organes des sens, etc.; 5° les troubles de l'inner-
verlion, qui relèvent de ces affictions, peuvent être distingués,
d'après leur nature et leur genèse, en : a) ceux qui ont pour base
un défaut, une diminution, une sttppression de l'activité fonction-
iielle des nerfs trophiques (agénésies, atrophies, aplasies névro-
tiques) ; 6) ceux qui reposent sur une exagération chronique de la
fonction des nerf trophiques (hypertrophies, hyperplasies névro-
tiques) ; c) ceux dont on peut rattacher la cause à un état d'irri-
tatioit aigu, généralement inflammatoire (névrotique), des nerfs tro-
phiques (dystrophies névrotiques et paratroplies). Des exemples
évidents de forme relatives aux §§ a et sont constitués par
l'atrophie et l'hypertrophie faciales unilatérales, formes cliniques
pures, à rapprocher des mêmes accidents portant sur le tronc et
les extrémités dont elles sont soeurs. On a des exemples des affec-
tions que vise le § c (dystrophies par irritation aiguë), dans l'her-
pès zoster et certains autres exanthèmes (pemphigus), dans cer-
taines modalités dues au décubitus, dans les oplithalmies dites
neuroparalyliques. On n'est pas encore en état de décider si la
gangrène symétrique des extrémités résulte de troubles dans
l'innervation des nerfs vasomoteurs ou trophiques, ou de ces
deux ordres de nerfs à la fois.
- J. Ban.uuc. Traitement des congestions et exsudations chroniques
de la moelle <'pu ! tere au moyen de vcnl ntscs (Et)' aile -
mand.) ·
SOCIÉTÉS SAVANTES. 291
K. ROT)) et Friedenreicii. Sur la sclérose latérale anM/0< ! 'Op/t ? if.
En français.)
L. Adamkiewicz. Sur l'irritation, la lésion, la compression du
cerveau. (En allemand.) - Toute intervention étrangère qui vient
modifier la manière d'être normale du cerveau, soit en en alté-
rant la circulation, soit en agissant directement sur sa substance,
provoque une réaction de l'organe, qui se révèle par le trouble
des fonctions de certains appareils ou de certains systèmes de
l'économie, tels : l'oeil, les poumons, la charpente musculaire.
Les manifestations correspondantes sont : le nystagmus, l'aryth-
mie et l'irrégularité de la respiration, des convulsions. Désignant
comme excitants les agents qui font réagir la substance nerveuse,
nous devons dire que le nystagmus et les autres troubles font - z
tionnels sus-énoncés sont des phénomènes d'excitation. Le cer-
veau est donc un à l'égard des excitants physiologiques qui
déchaînent toujours les mêmes réactions indiquées. Chaque exci-
tant détermine dans la substance nerveuse un état anormal d'au-
tant plus accusé que l'excitant est plus intense. Mais la substance
nerveuse supportera cet état anormal jusqu'à une certaine limite.
Plus un excitant est intense, plus vite cette limite sera atteinte ;
à ce moment, l'état de la substance nerveuse change : d'actif il
devient passif : aux phénomènes d'excitation succèdent des phéno-
mènes de paralysie. La paralysie se traduit d'abord par le sopor
et le coma; finalement, quand l'altération de la substance ner-
veuse est généralisée, par une paralysie généralisée. Ces notions
sont de toute antiquité; c'est sur elles qu'est assise la pathologie,
les phénomènes d'excitation et de paralysie formant par leur com-
binaison autant de signes pathognomoniques des états patholo-
giques suivants. Sous le nom de compression cérébrale, on enseigne
qu'il y a un foyer intracrânien qui en empiétant sur l'espace
ambiant, comprime le liquide céréhrospinal, et détermine un ac-
croissement de tension à l'intérieur du crâne. Il en résulterait de
l'anémie cérébrale. On a supposé, en établissant cette doctrine que
la substance nerveuse est incompressible. Or, expérimentalement,
cette hypothèse est fausse; ses conclusions sont donc erronées, il
y a, dans l'espèce, non point anémie, mais liyperéiiiie cérébrale;
L'expression de contusion cérébrale désigne une lésion trauma-
tique du cerveau se traduisant par les phénomènes indiqués
311l)i-ii. Or, nous savons aujourd'hui qu'une lésion limitée au cer-
veau ne produit que de simples accidents de déficit fonctionnel
qui dépendent exclusivement de la fonction de l'endroit lésé. La
rubrique de commotion cérébrale englobait une foule d'états coma-
teux engendrés par des traumatismes violents généralisés, pro-
duits, par conséquent, par action réflexe ; on les distinguerait en
états de surexcitation et états de paralysie' cérébrale. En résumé,
' . SOCIETES SAVANTES.
a compression, la contusion, la commotion constituent des syn-
dromes identiques qui résultent de l'excitation ou de la paralysie
de la substance nerveuse. Ils n'ont pas d'autonomie propre. Mais
il est bon, dans l'intérêt de la pathologie générale et de l'analyse
pathogénétique, d'étudier séparément : 1° l'excitation et la paralysie
du cerveau; 2° les lésions du cerveau ; 3° la compression du cerveau.
La compression possède sa pathologie propre, caractéristique.
De même que les effets d'une lésion cérébrale dépendent du mode
de lésion, de même ceux de la compression dépendent du mode
et du degré de compression. Il y a lieu de distinguer trois degrés.
Dans un premier degré, la compression est adéquate à la com-
pressibilité de la masse nerveuse. Pas de symptômes. Au second
degré, la compression dépassela faculté de compressibilité de cette
substance compatible avec son intégrité : troubles fonctionnels
spéciaux à un troisième degré, il y a simultanément destruction
de la matière nerveuse; les phénomènes ne se distinguent pas de
ceux du traumatisme ordinaire.
M. Mueller. Les éléments de dyscrasie qui jouent un rôle dans la
genèse des psychoses et des névroses. (En allemand.) Les altéra-
tions de la constitution normale du sang constituent la source la
plus féconde en perturbationset en affections du système nerveux,
tant dans ses départements centraux que dans ses départements
périphériques. Les facteurs de dyscrasie proviennent en partie
des matériaux étrangers à l'organisme, \enus du dehors, qui,
pénétrant dans le torrent circulatoire, deviennent la cause d'al-
térations des fonctions du système nerveux. Ces éléments patho-
gènes sont : les uns toxiques ou septiques, les autres gazeux.
D'aucuns, enfin, sont formés par des bactéries, qui modifient la
crase du sang, ◀tantôt▶ rapidement, tautot lentement, et générale-
ment aboutissent à des affections spécifiques du système nerveux.
Un groupe de dyscrasies provient de la pénétration dans l'écono-
mie d'alcool, de morphine, de tabac; charriés aussi par le sys-
tème vasculaire, ces agents troublent les fonctions du système
nerveux et déterminent généralement des névroses à forme spé-
ciale. Il faut enfin tenir pour des dyscrasies ces états du sang
qui se forment dans le corps lui-même ou du corps lui-même;
tels les produits de nutrition vicieuse, d'une hématopoïèse altérée
par oxydation défectueuse par arrêts d'excrétion (cholémie, uré-
mie). Emploi de l'analyse spectrale du sang pour le diagnostic
des dégénérescences hématiques.
N. Hallager. Les troubles psychiques dits équivalents d'épilepsie.
(En français.)
0. K7ELLBEIiG. La valeur des exercices dans le traitement des n4cila-
(lies mentales. (En français.)
'SOCIETES SAVANTES. 293
P. Rosenbach. Sur la pathogénie de l'épilepsie. ( En alle-
mand.)
Q. STORCH. Contribution au traitement de la migraine et de la
céphalée chez la femme. (En allemand.) Deux cas sont rapportés
dans lesquels le traitement local d'érosions, polypes muqueux
etc., de l'utérus ont notablement amélioré les accès d'hémi-
crânie.
Aux discussions ont participé MM. Zenker, Falk, Loehr sen.,
Edel. Séance terminée à cinq heures. (Allg. Zeitschr. f.'Psych.,
XLII, 2.) P. K.
XIX- CONGRÈS DES MESURES DE LA SOCIÉTÉ DES ALIÉNISTES
DE LA BASSE SAXE ET DE WESTPHALIE
Séance du 1 el mai 4 885 1.
M. Snell est choisi comme président. Secrétaire : M. Tannen.
M. SNELL. Sur les formes morbides présentées par les aliénés reçus
à l'asile de traitement et d'hospitalisation d'llilde.sheim pendant ces
vingt-huit dernières années \. L'intérêt de ce rapport gît dans le
diagnostic et le classement uniformes adoptés par l'auteur, en
conformité avec des principes scientifiques qui n'ont jamais varié.
Nombre des admissions. Accroissement progressif de 1857 à 1866.
En 1866, ou ouvrit le deuxième asile d'aliénés de la province de
Hanovre, à Gcetlingen3. En 1868, on ouvrit le troisième établisse-
ment à Osnabriich4. Aussi se produisit-il momentanément moins
d'entrées à Hiidesueim. Mais on ne tarde pas à voir les admissions
augmeuterde nouveau, au point que, dans ces dernières années, il
dépasse le nombre des admissions antérieures à l'installation des
deux derniers asiles.
Voy. Archives de Neurologie.
s/d ? t.X,p.298.
3 Id.
à Id.
.294 SOCIÉTÉS SAVANTES.
' .. 1 .... ' TABLEAU STATISTIQUE
.SOCIETES SAVANTES. 295
plus souvent que dans la mélancolie les formes légères; cela
s'explique par le fait que la manie, si atténuée qu'en soit la forme,
cause d'ordinaire beaucoup de désordre, et devient très dange-
reuse : dès qu'on s'oppose aux actes impulsifs de ces' malades, on
les agite. Quant aux vésanies proprement dites à délire orga-
nisé, il y en a moitié moins que de manies. Cependant, la vésanio
serait bien plus fréquente. Il s'agit généralement ici de délires se
développant très lentement, les malades se conduisent convena-
ment, ils continuent à s'occuper. Les idées de persécution, fondées
sur des hallucinations, sont plus tard généralement compliquées
d'idées de présomption; et cependant le délirant sait se maîtriser,
il conserve un jugement sain sur tout ce qui n'est pas sa personne
et qui ne touche pas à ses idées délirantes. Aussi la vie au dehors
est-elle encore possible pour beaucoup de ces malades. Ainsi
s'explique que, si rare que soit la guérison de ce délire chronique,
il est fréquent de le voir atteindre un stade de calme pendant
lequel les idées délirantes et les hallucinations n'entament plus
le domaine affectif de la sensibilité morale : le patient vit donc en
paix avec le monde extérieur. En revanche, dans les cas plus défa-
vorables, il faut demander à l'asile un traitement de plusieurs
années, et les délires à forme aiguë jettent le désarroi et devien-
nent dangereux. Dans ces dernières années, les psychopathies de
ce genre ont augmenté à l'asile d'Hildeslieim. Il en est de même
des cas d'affaiblissement intellectuel et d'imbécillité. Le nombre
des idiots s'est également accruquelque peu, malgré l'installatiou
d'un grand asile spécial à Langenhagen. Augmentation de la
paralysie générale et des troubles mentaux imputables à l'épi-
lepsie. La progression relative du nombre des formes incurables
sus-énoncées explique la diminution re'ative, mais encore légère,
des cas de guérison.
Aperçu relatif aux améliorations introduites dans l'assistance des
aliénés de la province de Hanovre, au cours des vingt-huit années
dernières1. Au début de l'année 1857, l'asile d'Ilildeslieim, le
seul du royaume, entretenait 637 malades. On y atteignit, jusqu'en
1866, le chiffre de 893; à cette époque, on ouvrit l'asile de Goet-
tingen. Aujourd'hui, les trois asiles publics de la province séques-
trent environ 1,600 aliénés; la moitié d'entre eux occupe Ilil-
desheim. Les asiles privés d'Ilten ', de Liebenburg, de Koenigshof.et
quelques autres de moindre importance, contiennent actuellement
500 malades à peu près. Total général : plus de 2,000 aliénés. La
proportion des aliénés séquestrés comparés à l'ensemble de la
population est de 1 : 1,000.
1 Voy. Archives de Neurologie, mémoire de Laehr, t. X, p. 293. ,
'-Id., t. V, p. 125 et 266; t. IX, p. 414 et 416.
296 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Discussion : M. Scholz. A Brème, il a plus rarement observé les
perturbations mentales primitives.
MM. KELP et Waurendorfi' ont aussi constaté la plus grande
rareté de la manie. -
M. Rubarth. A Westphalie, dans ces derniers temps, il y a plus
de cas curables que jadis : cela tient à la gratuité de pensions qui
concernent des cas morbides récents.
M. Nicol, médecin praticien à Hanovre, présente trois malades
atteints de tabès, et un malade affecté de paralysie spinale spasmo-
dique. Dans un cas de tabes ataxique, il y avait conservation du
réflexe patellaire, quoique la myélopathie eût commencé à Pâques
1883. Le second ataxique avait conservé sa virilité, mais l'éjacu-
lation. lui causait un ténesme anal tellement douloureux, qu'il
n'osait plus coïter : ataxie extrêmement accentuée des membres
inférieurs et des mouvements de préhension. Le troisième ataxique
présentait peu d'ataxie dans les membres inférieurs, alors que,
depuis quinze à vingt ans, il souffrait de violentes crises gastri-
ques, d'inappétence et offrait le signe de Romberg.
Le malade atteint de paralysie spinale spasmodique est un musi-
cien né en 845, indemne d'hérédité et de syphilis. Début de
l'affection médullaire en 1870, par de violentes douleurs dans les
jambes et en particulier dans le genou gauche, comme si on lui
entrait dans cette région un instrument piquant : impossible à lui
de fléchir les genoux le matin. En 1872, il lui semble que les deux
genoux ont augmenté d'épaisseur; les douleurs ont augmenté.
En 1874, prend les bains d'Oynliausen. Jadis, il a toujours ressenti
le jour, de vives douleurs dans les genoux; il lui était impossible
de tenir ses jambes au repos; au lit, survenait une amélioration,
à raison de la suppression de l'action de la pesanteur; sommeil
et appétit aussi bons qu'aujourd'hui. En 1875, traitementmédical
sans résultat, grande lassitude. En 1876, prend beaucoup de bains
à Norderney, amélioration notable; c'est là que, pour la première
fois, il s'est aperçu que son corps portait presque exclusivement sur
les parties antérieures de ses semelles débottés et que l'on pouvait
voir les raies que traçaient dans la poussière ses pieds en traînant
sur le sol. A l'automne de la même année, réapparition des dou-
leurs, plus ou moins violentes, avec des alternatives d'exacerbation
et de rémission, toujours précédés de changements de tempéra-
ture. Marche plus ou moins gênée. De 1877-1882, usage de bains
de vapeur russes et romains, et, concurremment, électrisation
dépourvue de méthode et de plan, basée sur les diagnostics vagues
et variés de lésion de la moelle et d'hypocondrie. Il y a trois ans,
pouvait encore monter rapidement les escaliers sans aide, mais
causait à ce sujet, des frayeurs mortelles à sa femme. Depuis deux
ans, il lui faut, en les redescendant, rester en suspens aux paliers
SOCIÉTÉS SAVANTES. 297
de refuge. Depuis cette époque, il ne se sent plus aussi vigoureux
de son bras gauche, qui souvent, en jouant du violon, lui semble
presque paralysé. Etat actuel. Patient de belle prestance, de
bon embonpoint, bien musclé, ne marche que sur la pointe des
pieds, le talon demeurant en l'air et n'entrant pas en contact avec
le sol; peut, les yeux fermés, marcher et se tenir debout, aucun
trouble de la sensibilité; pour fléchir le genou, il s'incline à
gauche sur la hanche et rapproche la cuisse du ventre sans oser
rapprocher sa jambe de la face postérieure de la cuisse parce que
la tension des muscles chargés de l'extension fait obstacle aux
muscles chargés de la flexion. Au lieu d'opérer la flexion en
question, il préfère étendre toute la jambe en arrière, la pointe
des pieds demeurant sur le sol en flexion plantaire. Exagération
très notable du réflexe patellaire, surtout au niveau du genou
gauche. Absence du phénomène du pied. Intégrité de la virilité.
Excitabilité neuro-musculaire normale. De cette observation,
M. Nicol rapproche l'histoire d'un confrère danois de trente-six
ans, marié, père de trois enfants sains, qui, depuis sa convales-
cence d'une pneumonie double, souffre, il y a quatre ans de cela,
d'une paralysie spinale spasmodique, ne l'empêchant pas de
vaquer aux soins d'une clientèle très étendue à pied. Descend les
escaliers avec rapidité. Son père, peintre en portraits, aurait
présenté les phénomènes en question pendant trente ans, ce qui
ne l'empêcha pas d'atteindre l'âge de soixante-cinq ans.
Les trois observations de tabes sus-mentionnées portent : 10 sur
un secrétaire au chemin de fer, né en 1848, issu de parents sains,
marié, sans enfant; 2° sur un huissier decinquante ans, indemne
également d'hérédité, marié et père d'enfants sains ; 30 sur un
négociant né en 1832, marié, père aussi d'enfants sains.
Dans le premier fait, la syphilis n'est probablement pas en jeu.
A Pâques 1883, le patient remarque, pour la première fois, un
émoussement de la sensibilité plantaire qui disparaît bientôt. A
la Pentecôte suivante, il éprouve sur les jambes une sensation de «e
froid désagréable, causée par un coup de vent. En juillet 1883, de
temps à autre flatulence cédant rapidement à un traitement mé-
dical ; en même temps, aggravation de l'état général, parfois sen-
sation de fatigue et de lassitude, notamment en montant les
escaliers : « il les monte plutôtavec les mains qu'avec les jambes ».
A inoël 1883, inappétence passagère, genoux faibles, la marche
provoque de la sueur. Les articulations des genoux sont constam-
ment le siège d'une légère sensation de traînée comparable à une
caresse du vent, et, fréquemment, une de ces jointures lui manque,
de sorte qu'il lui faut se rattraper pour ne pas tomber, avec l'autre
pied rapidement projeté en avant. Au printemps de 1884, on lui
ordonne l'exercice qui lui est impossible; il se borne à prendre,
contre la défense, des bains chauds qui produisent en lui un bien-
298 SOCIÉTÉS SAVANTES.
être marqué. Du 1 1 août à fin septembre, bains à Nenndorf.
Pendant les quatre premières semaines, vingt-huit bains, auxquels
un ajoute ◀tantôt▶ du sel, ◀tantôt▶ du soufre; on le galvanise pour la
première fois. Amélioration à tous égards. A ce moment, dyssen-
terie de trois semaines; quand il quitte le lit, il lui faut, à l'instar
d'un enfant, réapprendre à marcher, en poussant un siège devant
lui. Il se rétablit cependant au point que, le 25 octobre 1884, il
reprend son service qu'il n'a point quitté depuis; en même temps,
traitement galvanique et ingestion alternative d'eaux ferrugi-
neuses iodées et albumineuses. Il récupère ses forces et son em-
bonpoint, si bien que, même par le verglas, il peut, chaque jour,
marcher durant deux à trois heures, jusqu'au milieu d'avril 1885,
époque à laquelle, sans prodromes, il est pris brusquement de fai-
blesse, d'inappétence, de troubles digestifs. Puis, tout se dissipe,
.et l'on reprend, sans autre encombre, le traitement aux cou-
rants galvaniques. A l'inverse des tabétiques, il se sent mieux
quand la température est basse; actuellement, on constate de l'a-
.taxie dans les jambes, le signe de Romberg ; la perte de la viri-
lité ; l'intégrité delà sensibilité, à part les anomalies sensorielles
enregistrées, des fonctions excrétoires, de l'appareil visuel : pas
de douleurs eu ceinture, ni lancinantes; conservation, voire quelque
exagération des réflexes patellaires.
Le second malade, indemne aussi de syphilis, accuse des troubles
de la marche depuis à peu près deux ans, à la suite de la guérison
d'une dermatose, qui durait depuis dix ans. Stature puissante; sol-
dat et chasseur acharné. Diplopie, douleurs en ceinture, ataxie ex-
trêmement prononcée dansles quatre membres; ne peut marcher
sans canne ; signe de Romberg très accusé ; la jambe gauche est
moins ataxique que la jambe droite ; absence de réflexe patellaire;
conservation de la virilité, mais coït accompagné de ténesme anal ;
constipation modérée; jamais de douleurs lancinantes, mais
grande sensibilité à la plante des pieds sous l'influence de la
pression : réaction normale des pupilles.
Le troisième tabétique marche comme un estropié; cela depuis
quatre ans; il n'a cependant consulté que pour des vomissements
mucobilieux ; on l'a envoyé àMarienbad; il mentionne des crises
gastriques anciennes. Depuis quinze ans, perte de la virilité ; cons-
tipation; myosis pupillaire très prononcée; absence de réflexe pa-
stellaire ; signe de Romberg; intégrité de la sensibilité; pas de
diplopie; pas de douleurs en ceinture; rien du côté de la miction.
Depuis 1870, ne coite plus que de temps à autre, et plus du tout
-depuis six ans : c'est, à son retour de Marienbad, après s'être
abstenu pendant longtemps de rapports sexuels, qu'il s'est, pour
la première fois, aperçu de son impotence ; son poids a diminué
de trente livres. L'ataxie apparaît surtout quand, après lui avoir
fait fermer les yeux, on lui fait exécuter dans une baignoire des
SOCIÉTÉS SAVANTES. 299 9
mouvements circulaires; il n'est, pour le reste, ataxiqueque quand
on lui obture les yeux, sa vue rectifiant assez ses mouvements
pour qu'il puisse presque se passer d'une canne; il est encore
assez agile pour rapprocher ses pieds de sa bouche, mais non les
yeux fermés.
Ces trois tabétiques mentionnent que les petits bobos traumati-
ques guérissent promptement chez eux. C'est le contraire de ce
qui a lieu chez les tabétiques syphilitiques, ayant pris du mercure.
« Ma peau, disait l'un d'eux, mt, comme du papier buvard humide,
l'intérieur de mon corps est comme rembourré de briques. » (Al-
lusion aux crises gastriques.) Chez un dernier malade et divers
autres tabétiques ayant eu la syphilis, on constatait, au lieu d'une
résignation calme et d'une humeur presque gaie, un sombre déses-
poir. Peut-être en cherchant bien, rencontrerait-on d'autres signes
permettant d'établir un diagnostic différentiel entre le tubes ataxique
idiopalhique elle tabes ataxique syphilitique.
M. Eckeliiann (de llarbur) traite de Vaphasie. Ce mémoire sera
publié à part in extenso avec quelques modifications '.
M. KEH' (d'Oldenbur). De l'asthme et des psychoses.- Un rappel
d'abord sur sa communication, dans la séance du ter mai 1872.
(Allg. Zcitschr. f. Psych., XXIX). L'an dernier Conolly Norman,
directeur de l'asile irlandais de Castebar lui écrivait pour obtenir
des détails plus précissur son observation et l'histoire decas sem-
en ajoutant qu'il avait fait une communication à la
Boitish médical Associai ion sur la répercussion viettî,iiii2le de l'asthme
et tle la folie, observée par lui plusieurs fois,sans qu'il ait trouvé dans
la littérature médicale d'autre fait que celui de Kelp. Cette année
même, il lui envoyait un tirage à partduTouzwal of 3leizitil Science,
avril 1885, du mémoire intitulé : On insanity alternuling with spas-
znodic czslhnza, comprenant ses observations et celle de Kelp.
. Voici celle de lielp : -.
Un jeune homme de vingt-huit ans, de bonne famille, entre
en 18-j à l'asile de Wehnen. Hérédité; bonne éducation; bonne
instruction. Depuis plusieurs années de dyspnée violente, à marche
◀tantôt▶ aiguë, ◀tantôt▶ chronique, atteignant parfois une intensité
qui met sa vie en danger. Seules les piqûres de morphine cou-
paient les accès, mais pour peu de temps; il finit par se les faire
lui-même aux doses de 0,03 à 0,00, si bien qu'en se guérissant,
il s'est morphinisé; quand il suspend ses injections, il éprouve
toute espèce de sensations désagréables et une sorte d'agitation
qui l'empêchent de dormir. En 1870, il ajoute à ce traitement
l'absorption quotidienne de un à trois grammes de chloral et
même davantage. Toutes les tentatives qu'il a faites pour se
1 Nous l'analyserons alors.
300 SOCIETES SAVANTES.
sevrer l'ont transformé en une espèce de fou furieux délirant;
vite il a recouru à ses narcotiques dont l'abus colossal a duré pres-
que un an. Finalement, disparition absolue des accès d'asthme;
mais ceux-ci sont alors remplacés par ;de la surexitation senso-
rielle, de l'affaiblissement de la volonté et de l'intelligence déplus
en plus marqués. D'abord un peu agité, il ne tarde pas à tomber
dans la stupeur dont on ne peut le faire sortir qu'en l'interpellant
énergiquement; puis, paroles incohérentes, hallucinations et illu-
sions de presque tous les sens; il croit qu'on lui injecte du mer-
cure ; dépression extrême de l'affectivité; prédominance d'an-
goisses, accompagnées de désespoirs, d'idées d'empoisonnement.
On lui administre inutilement du KBr; les bouillons à l'extrait de
viande et le vin rouge relèvent l'état de ses forces. Cette fois,
l'état psychique, sans être modifié, témoigne d'un grand calme.
Multiplication des idées délira nies; sa chambre est une chambre
de torture, on lui seringue toute espèce, de saletés; il voit, à l'aide
d'appareils réflecteurs, les endroits éloignés, les événements, les
personnes; partout aux environs, il existe des conduits souter-
rains où l'on tue constamment des hommes. Confusion du temps,
des lieux, des personnes qu'il voit tous les jours. Ce délire lypé-
ruano-liallucinatoire dure à peu près sept mois, pendant lesquels
on redoute la démence consécutive. Tout à coup reparaissent les
accès d'asthme, accompagnés de dypsnée extrême, de râles so-
nores, sans rhonchus sous-crépitants; peu de toux, peu d'expec-
toration ; absence complète de murmure vésiculaire, et d'accidents
cardiaques. Chaque accès entraîne le découragement, la demande
des injections de morphine dont le refus provoque une agitation
excessive. L'asthme diminue à son tour d'intensité et le malade
apparaît amélioré au point de vue mental. Trois mois de cette
phase asthmatique font totalement disparaître hallucinations et
idées délirantes; mais, en revanche, l'asthme ne laisse plus au pa-
tient que quelques périodes de tranquillité. La guérison des trou-
bles mentaux est demeurée complète; il est parti après un traite-
ment de onze mois et n'est pas revenu à l'asile tant l'intégrité
psychique était assurée. Quelques années plus tard, il mourait de
son affection thoracique et de l'abus des injections morphi-
niques qu'il avait recommencées.
M. Kelp rapprocha de ce fait quatre des sept observations de
Norman qui établissent le rapport entre le complexus symptoma-
tique des accidents psychiques et l'asthme. Dans les trois autres
faits de Norman, rien de particulier à signaler. En somme, l'auteur
anglais constata, dans l'espèce, deux fois de la mélancolie aiguë,
quatre fois une psychose dégénérative chronique en partie liée
à des conceptions irrésistibles, mais à des obsessions affectant une
évolution rapide, une fois de l'agitation maniaque. La production des
conceptions irrésistibles serait surtout provoquée ici par des excès
SOCIETES SAVANTES. 301
sexuels ou diverses tares héréditaires entées sur une constitution
neuropathique (opinions concordantes de Schuele et de Krafit-
Ebing). « Bien que, ajoute M. Kelp, les sept cas de Norman ne
représentent pas des observations détaillées, on doit accepter qu'il
s'agit bien d'un asthme nerveux qui joue, par rapport àla psychose,
le rôle d'une affection métastatique vicaciante, et suppose, par
suite, un élément nerveux sous roche. Cette constatation a quel-
que importance pour la pathogénie des psychoses; elle l'enrichit
d'un nouveau genre de mécanisme qui permet d'en éclairer la
marche plus vivement que dans d'autres cas. » C'est, du reste,
l'histoire des psychoses consécutives à l'excitation des nerfs sen-
sitifs (névralgie frontale, occipitale, voy. Griesinger); c'est l'his-
toire encore des troubles succédant aux accès d'épilepsie ou rem-
plaçant un accès ou une aura épileptique. Le cas de Kelp révèle,
après la cessation de l'asthme nerveux, une surexcitation des nerfs
sensoriels, l'apparition de phénomènes d'angoisse et d'hallucina-
tions de la vue, d'une ressemblance frappante avec les accidents
du cas de Griesinger (névralgie de la cinquième paire). Les états
d'excitation des nerfs sensibles se propagent à certaines parties
du cerveau, d'où la transformation. L'asthme nerveux n'est-il pas
lui-même une névrose du nerf vague; les filets sensitifs contenus
dans ce nerf, qui règlent le-rhythme des mouvements respira-
toires, se rendent à la moelle allongée où aboutissent également
des nerfs moteurs chargés d'animer les muscles respiratoires.
L'excitation de ces rameaux, si prononcée dans l'asthme nerveux,
peut aussi se transmettre au cerveau et provoquer ainsi tout le
complexus symptomatique de la psychose décrite. Il n'y a à cela
rien d'étonnant, puisqu'aux maladies des organes respiratoires se
raltache étiologiquement le développement de certains troubles
psychiques : psychopathie spéciale des phthisiques; folie surve-
nant dans le cours de la pneumonie. Wille et Schuele ont vu se
développer des psychoses aiguës et chroniques dans le cours ou à
la suite de la pleurésie.
La prochaine séance aura lieu le ler mai 1886, à Hanovre, hôtel 1
Kasten. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLII, 2.) P. K.
302 SOCIÉTÉS SAVANTES.
X- CONGRÈS DES NEUROLOGUES ET ALIÉNISTES
DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST1
SESSIOIN DE
Séance du 13 juin 1885.
M. le premier curateur, conseiller aulique Scuul;LE salue l'as-
sistance. M. le président d'âge, conseiller aulique de ltevz. pro-
pose et fait accepter la présidence de Boeumier. Secrétaires :
111. 'luczcl : et Laquer.
Communication des lettres d'absents empêchés. La commis-
sion thermale a fait remettre des cartes permettant de pénétrer
sur son territoire.
M. 1lLYElàlt.l\Y (de Râle). Sur la po<t0<)tt/( ! <e antérieure aiguë et
la paralysie de Landry, Un jeune homme de vingt-deux ans
aurait été atteint d'une fièvre modérée (n'ayant pas dépassé 39°);
puis, soudain il se serait affaissé sur lui-même. Ou constate
quatre jours plus tard, le 32 novembre 1884, une parésie modé-
rée des extrémités inférieures, et, le lendemain une paralysie
complète qui gagne la paroi musculaire de l'abdomen. Flacci-
dité des organes paralysés ; conservation du phénomène du ge-
nou, des réflexes plantaires eterémastériens; pas de troubles de
la sensibilité ; excitabilité électrique normale; pendant quatre
jours légère paralysie de la vessie, nul trouble de la.défécation.
Puis, pendant quelques jours, la fièvre décroît tandis que la pa-
ralysie envahit les extrémités supérieures. Le 27, accidents bul-
baires ; difficulté de la déglutition et delà respiration, mais ces
accidents rétrocèdent bientôt; état stationnaire quant à la pa-
ralysie des extrémités, et rapide disparition des réflexes dans les
membres inférieurs. Excitabilité électiiqup normale; absence
d'atrophie en masse des muscles paralysés : pas de convulsions
fibrillaires dans ces muscles. La paralysie des extrémités supé-
rieures s'améliore bientôt. Traitement à j'antipyrine; hydrothé-
rapie, galvanisation de la moelle; injections hypodermiques de
strychnine jusqu'à la dose de millier., trois fois par jour. Le
28 décembre, frisson violent avec claquement de dents et trem-
blement; nouvel accès de lièvre : dyspnée, pneumonie fibrineuse
du lobe inférieur droit. Expectoration impossible; asphyxie,
'Yoy.)'c/t ? cA'<; ! (t'o ? t.)X)p.92.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 303
mort dans la nuit du 31 décembre. Autopsie, ) Intégrité de la
structure des muscles et des nerfs périphériques, aucune ano-
matie dans l'encéphale, à part de l'oedème et de la cyanose. La
moelle ne présente extérieurement aucune anomalie; les mem-
branes et les racines nerveuses offrent une constitution normale
ainsi que l'ensemble delà substance blanche et les cornes posté-
rieures, mais les cornes antérieures grises sontsemées de macules
rouge-brique qui, dans la moelle lombaire, tranchent nettement
sur le pourtour. Ces macules s'effacent dans la moelle dorsale;
on commence à les rencontrer dans la partie inférieure de celle-
ci au centre même de la substance grise, tandis que, lorsqu'on
monte vers sa partie supérieure et vers la région inférieure de
la moelle cervicale, on les trouve limitées aux cornes antérieures,
la moelle cervicale supérieure demeurant absolument normale.
Le microscope décèle dans les points malades une vive injection
vasculaire, une copieuse accumulation de cellules granuleuses
surtout le long des vaisseaux; les cellules nerveuses sont les unes
conservées, les autres déchues et remplacées par des masses I)ya-
lines. Conclusion. Il existe une forme de poliomyélite antérieure
aiguë qui emprunte le tableau symptomatique de la paralysie
de Landry, mais il importe de remarquer qu'il s'agit, dans l'es-
pèce, d'une poliomyélite de la forme la plus légère, c'est-à-dire
dépourvue d'atrophie et de réaction dégénérative des muscles
paralysés. Ce qui prouve que la paralysie de Landry et la polio-
myélite antérieure aiguë repiésenlent simplement divers degrés
d'une unité nosoiogique.
M. Eiiii (d'Heidelberg). Sur la maladie de Thomsen. Publié in
extenso dans le Ncunol. Centralbl. de 188.3 '.
Discussion ;
M. HITZIG. iN'a-t-on pas trouvé, dans les deux cas en question,
de troubles de la parole ?
M. 11,Rj3. Il n'existait pas de troubles de la parole proprement
dits. Les garçons ont simplement indiqué que parfois ils éprou-
vaient une gène d'ailleurs peu considérable à parler. Ils ont tou-
jours pu rapidement compter. La déglutition s'est parfois trouvée
ralentie; ainsi jamais ils n'ont pu avaler coup sur coup.
M. l3a : uur.ea. Remarquait-on un mouvement ondulatoire dirigé
de la cathode à l'anode, ou une onde rétrograde comme il s'en
produit dans les cas d'hyperoxcitabilité mécanique anormale des
muscles 2 - nI. I : un. Non.
M. Edinger a rencontré dans le diabète et l'ictère, un ralentis-
sement semblable dans la courbe de la contraction. Par consô-
1 On eu trouvera l'analyse aux Revues analytiques.
304 SOCIÉTÉS SAVANTES.
quent, une telle anomalie n'est pas nécessairement engendrée
par une myopathie ou une neuropathie.
M. ERB. Les casd'Edinger n'excluent pas tout à fait l'idée d'une
affection des muscles; les altérations chimiques de la substance
musculaire entrent en ligne de compte, ainsi que le prouve l'ac-
tion des poisons. -
M. JOLI,Y (de SLraSIJOLir-). Sur la paraplégie dans la grossesse.
Jeune fille de seize ans; un mois après la suspension des règles,
douleurs épigastriques et vomissements fréquents, quelquefois
mêlés de sang. En même temps faiblesse des extrémités infé-
rieures aboutissant, au troisième mois de la grossesse, à une
complète paralysie des mêmes extrémités; celle paralysie subsiste
pendant tout le cours de la grossesse. L'accouchement a lieu en
septembre 1881 ; il est normal, mais l'enfant succombe peu après.
Quatre jours plus tard, ou constate une paralysie flasque des
deux jambes; exagération du phénomène du genou, diminu-
tion considérable de la sensibilité, surtout à gauche ; extrémités
froides et cyanosées. La peau conduit très peu Je courant élec-
trique ; contractions et réactions normales des muscles et des
nerfs à l'égard des deux espèces de courant; pas de réaction dé-
générative. L'emploi du courant faradique détermine une amélio-
ration graduelle des phénomènes paralytiques ; six mois plus
lard, la malade peut marcher à l'aide d'une canne, mais le corps
entier et surtout la tête sont agités pendant cet exercice comme
dans la sclérose en plaques. A deux reprises différentes, aphonie
passagère; au laryngoscope, paralysie des cordes vocales. La gué-
rison s'effectue avec une rapidité surprenante à la suite d'un
projet de traitement au fer rouge. L'apparition de la maladie à
une époque si précoce de la giossesse et la prédominance des
phénomènes d'un côté, détruisent l'hypothèse de la compression
pathogénétique, qui généralement provoque une atrophie du
système musculaire avec altération de la réaction électrique.
L'issue favorable montre qu'on avait affaire non à une lésion
spinale grave, telle que myélite ou sclérose disséminée, mais
bien à une paralysie purement fonctionnelle. Il est à croire que
la grossesse s'est traduite par une réaction sur le système ner-
veux semblable à celle des hystériques, par excitation centripète;
il s'agit d'une paralysie hystériforme. La cyanose, le refroidisse-
ment, la résistance de la peau à conduire le courant électrique,
prouveraient que les vaso-constricteurs ont été les facteurs inter-
médiaires de la paraplégie. M. Jolly a observé un second fait du
même ordre ; la grossesse avait déterminé des vomissements et
des troubles très prononcés de 'la nutrition générale ; on provoque
au cinquième mois l'avortement ; cet avortement fut suivi de
phénomènes hystériques des plus violents accompagnés de pa-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 305
ralysic, de contracture, de cyanose et de refroidissement excessif
des membres inférieurs. Du reste l'annonce d'une prochaine cau-
térisation au fer rouge révèle par ses résultats la nature hysté-
rique des accidents.
M. Fuerstner (d'IIeidelber;).,Nouvcllcs communications sur la
gliose de l'écorce du cerveau. L'auteur a, il y a un an, pris ce
même sujet'. Il y revient, parce qu'il a quatre autres faits
observés et analysés en commun avec SrÛlILI.N(;IeR. Il s'agit de
deux hommes et de deux femmes, parmi lesquels un malade de
cinquante-six ans, les autres comptent de quarante à quarante-
cinq ans. Dans tous les cas on a trouvé des anomalies du crâne,
un état trouble diffus de la pie-mère (on put cependant, après
un séjour de huit à dix jours dans la liqueur de lltueller, décorti-
quer les organes); atrophie considérable mais non uniforme du
cerveau antérieur (hémisphères, corps strié, corps calleux, tri-
gone); nombreuses granulations et tubérosités saillantes, au-
dessus delà surface des circonvolutions; ces inamelons contien-
nent dans leur intérieur des cavités; on constate encore à la pé-
riphérie de nombreux retraits. La coupe décèle une expansion
considérable de la couche corticale externe; il en part des orga-
nites nés dans son épaisseur qui forment des tuméfactions pro-
fondes ; ces petites tumeurs sont entourées de tissu fibreux qui
limite les cavités. Ces productions sont particulièrement nom-
breuses dans la région operculaire, à l'insula, sur le gyrus rectus,
sur la circonvolution du corps calleux. On ne constate de foyeis
que chez le premier malade ; à la hauteur des olives, le noyau
cruciforme, doublé de volume, , est le point de départ d'une
zone de destruction qui, pénétrant dans les pyramides, en a
ravagé partiellement les noyaux. Dans les quatre cas, atro-
phie du nerf optique, dégénérescence grise des cordons pos-
térieurs' à divers degrés d'intensité , mais à localisation
identique, intégrité d'un segment situé en arrière de la com-
missure postérieure, d'un territoire parallèle à la corne pos-
térieure. d'une bande adjacente à la périphérie postérieure. Au
point de vue clinique, dans trois observations, on constate de
l'hérédité : l'enfant avait présenté des anomalies du système ner-
^eux central (faiblesse intellectuelle, bizarreries, excitabilité,
phénomènes convulsifs dans les mains et les muscles de la face).
Plus tard, pendant des années, il y avait eu des accès d'épilepsie,
suivis de graves accidents cérébrospinaux, survenus dans le pre-
mier cas, la suite d'une psychose fonctionnelle ayant duré plus
de vingt années; ce furent : de la démence absolument distincte
de celle de la paralysie générale, des anomalies psychiques va-
riables d'un autre ordre, des troubles de la parole, des aphasies
'Voy.)'c/<.deA)fro ? t.tX,)).9H.
Archives, t. XI. 20
306 SOCIETES SAVANTES.
précoces. L'évolution ultérieure fut caractérisée ; en trois cas,
par du tabès ; en un cas, par un foyer sis dans la moelle allongée
(mentionné supri). Fuerstner rattache le point de départ et le
terrain du processus à la couche externe; c'est d'elle (émigration
de leucocytes, cellules-araignées) que part la prolifération gtio-
mateuse pour se répandre intus et extra. Il y a simplement une
répercussion exclusivement limitée aux parties superficielles de
la seconde couche : intégrité complète des troisièmes et qua-
trième couches dans lesquelles on ne trouve aucune trace d'hype-
rémie, de prolifération vasculaire, d'épaississement des parois
des vaisseaux, tandis que des altérations vasculaires se présentent
en bien des points dans la couche externe.
On distinguera cette maladie de la sclérose multiloculaire par
la prédominance des lésions dans l'écorce, l'absence d'épaississe-
ments vasculaires, la formation de cavités; au point de vue cli-
nique, on n'y rencontre pas le tremblement à l'occasion des
mouvements voulus, le nystagmus et le trouble de la parole, si
typiques dans la sclérose en plaques ; son stade prodromique
remonte à l'enfance; son apparition précoce se manifeste par
des accès d'épilepsie et d'aphasie. Dans les cas où des processus
diffus de l'écorce -aboutissent à des foyers multiples de la moelle,
on observelecontraire de ce que nous venons de signaler : foyers
dans l'écorce grise avec gtioso diffuse, el, en outre, lésion systé-
matique de la moelle.
S'agit-il de la distinguer de la paralysie générale et, notam-
ment, des cas dans lesquels, les symptômes cérébraux se
précédaient ou suivaient des phénomènes tabétiques , il faut
d'abord se rappeler que la paralysie générale ne possède pas
d'état anatomo-pathotogique spécifique. En effet, l'atrophie du
cerveau antérieur, les traces et résidus d'hyperémie avec altéra-
tions concurrentes des parois vasculaires, sont répandus sur toute
l'écorce; on peut, malgré la netteté des symptômes cliniques,
trouver des cellules nerveuses complètement intactes. La méthode
d'Exner1 a ses causes d'erreur; les descriptions de 1'uczel : ' 2 atten-
dent une sanction définitive, mais on peut, dès maintenant, dire
que la disparition des fibres nerveuses n'est pas spéciale àlapara-
lysie générale, car Tuczek l'a signalée dans un cas de démence
sénile indéniable, ce qui prouve que les troubles somatiques et
le trouble de la parole de la paralysie générale ne sont pas en
rapport avec cette déchéance. Fuerstner a, dans ces derniers
temps, examiné des cerveaux de paralysie générale : il n'y avait
ni tubérosités ni granulations. On a tort, d'ailleurs, de rattacher
1 Voy. Archives de Neurologie, t. Vf, p. 403, VII, p. 365, VIII, 90 et
336, IX, 401..
s Id.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 307
à la paralysie générale certains complexus symptomatiques céré-
braux tels que ceux qui surviennent à la suite du tabes, de la
syringomyélie, de la sclérose multiloculaire de la moelle, et cer-
tains états qui se montrent chez des gens qui, antérieurement,
ont eu la syphilis (abstraction faite naturellement des affections
en foyer et des lésions vasculaires), car le symptôme fondamen-
tal de la paralysie générale est la démence. Or, la démence, mis
à part les démences terminales, a une allure toute différente
dans l'affection qui nous occupe et dans la paralysie générale.
La qualité et la quantité des diverses sortes de démence n'ont de
valeur que si on les caractérise avec netteté. De plus, dans les cas
décorés à tort de paralysie générale, il est fréquent de voir les
autres phénomènes somatiques de la paralysie générale n'exister
que partiellement, et à un faible degré; tels : les troubles de la
pupille, les troubles dans l'innervation du facial, ceux de la pa-
role ; ou bien, ils font totalement défaut, et l'évolution en est
tout autre. Ces cas sont donc à séparer de la paralysie générale
classique, typique. Sans doute, une catégorie de paralytiques
généraux peuvent avoir présenté, pendant l'enfance, des ano-
malies psychiques; sans doute, la lésion cérébrospinale plus tar-
dive a dépendu de conditions préparatoires; mais il s'agit de la
minorité des paralytiques généraux; et, d'après Fuerstner, ce sont
les cas où le tabès se combine à la paralysie générale.
Quant au processus qui fait le sujet de cette communication,
il est le type des processus chroniques, car, dès la période foetale,
il a pu atteindre un développement élevé (cas d'Hartdegen '), il
peut exister dans l'enfance (cas de Bourneville, Brueckner, Pol-
lak 2). Les anomalies de la motilité et de l'intelligence, que les
malades ont présentées pendant l'enfance, sont produites par
un substratum anatomique (gliose de l'écorce cérébrale); à un
âge plus avancé, quand ces lésions ont pris une certaine exten-
sion, se montrent des symptômes cérébraux plus vastes rappelant
les perturbations de la paralysie générale, auxquels se joignent
alors l'atrophie des nerfs optiques etjla dégénérescence grise des
cordons postérieurs. Il faut principalement tenir compte des cas
dans lesquels l'individu a, dans son enfance; présenté des ano-
malies psychiques ou somatiques (convulsions) et a présenté plus
tard des attaques d'épilepsie, de l'aphasie, un ensemble morbide
rappelant la paralysie générale, enfin de l'atrophie des nerfs
optiques avee du tabès . L'association du complexus clinique
en question et du tabès est du reste sujette à des variations.
Ce mémoire sera publié in-extenso '.
1 Voy. Archives de Neurologie. Revues analytiques, VI, p. 265.
2 Ici., t. V, p. 394.
3 Nous développerons alors cette analyse s'il y a lieu. P. K
308 SOCIETES SAVANTES.
Discussion :
M. TUCZER, (de Marbourg). D'autres examens lui ont démontré
comme constante la disparition des fibres nerveuses à myéline
dans l'écorce des paralysés généraux. Il n'a jamais prétendu
que cet état fût pathognomonique; la publication de son observa-
tion de démence sénile est accompagnée de réserves. Dans le
Neiii-olog. Centralbl., de 1883 il s'exprimait en ces termes :
« Il me parait probable qu'il s'agit d'un substratum anatomo-
« pathologique se montrant constant dans la démence para-
« lytique; ce substratum appartient-il exclusivement à cette mala-
« die, je n'ose provisoirement en décider; il faut attendre les
« résultats de semblables recherches portant sur les autres formes
« de démences; un établissement destiné au traitement des cas
« aigus ne saurait naturellement fournir les matériaux complets
« à cet égard. »
M. Schultze (d'Iieidelhern). Sur la paralysie saturnine. Com-
munication provisoire sur un cas de paralysie saturnine avec
atrophie, chez un homme de vingt-six ans, ayant souflert aupa-
ravant pendant quatre ans de l'intoxication par le plomb. Mort
par atrophie granuleuse des reins. L'examen n'est pas encore
complètement terminé. Voir le mémoire qui sera publié dans ce
recueil ? .
M. Zacher (de SLepliansfeld). Sur la disparition par atrophie
des fibres nerveuses à myéline de l'écorce du cerveau dans la para-
lysie progressive et d'autres maladies chroniques du cerveau. Sera
publié in-extenso 3.
La discussion, renvoyée à la séance du 14 pour permettre aux
membres du congrès de prendre connaissance des préparations
présentées, a sa place naturelle ici.
M. TuczFr,. Les méthodes les plus récentes de Weigert sont
excellentes; elles ont, sur celle d'Exner, l'avantage de permettte
la conservation des pièces. Mais elles ne mettent pas en évidence
plus de fibres que cette dernière qui ne lui a jamais fait faux
bond. En second lieu, pour obtenir un résultat fructueux, avec
les méthodes de Weigert, il faut disposer d'un long temps; le
succès dépend de bien des détails dans l'exécution, de la durée
du durcissement, de la coloration, de la double élection, du choix
du liquide qui éclaircit, et de la durée d'action de ce liquide; si on
laisse séjourner les coupes colorées, et ayant subi la double élec-
tion trop longtemps dans l'essence de cèdre ou d'origan, elles
1 Voy. Archives de Neurologie, VI, 403, VII, 365, V)H. 90 et 336, IX, toi.
» Nous l'analyserons alors.
3 kl.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 309
pâlissent. Il est prudent de contrôler les préparations soumises
aux deux espèces de méthodes; cette observation s'applique sur-
tout aux pièces de l'embryon. Avant d'examiner et de juger l'atro-
phie des fibres, il convient de comparer des coupes d'égale épais-
seur, de bien connaître les allures topographiques des diverses
zones corticales en ce qui concerne leur richesse respective en
fibres nerveuses à myéline. M. Tuczek n'a aucune confiance dans
la méthode de Friedmann, car, comme Zacher l'avoue lui-même,
elle ne fixe pas uniformément ni complètement les fibres dans
toutes les couches de l'écorce indistinctement ; sur bien des
préparations de cerveau normal, il a vu manquer presque abso-
lument la coloration des fibres fines de la couche des petites cel-
lules nerveuses. H n'est d'ailleurs pas possible, en moins de deux
ans, d'examiner trente cerveaux avec la méthode qu'exige cette
question. Il convient donc de soumettre les états nécroscopiques
de Zacher à une confirmation ultérieure à l'aide d'autres méthodes
indubitablement fidèles. Cependant, qu'on veuille bien remarquer
que, dans tous les cas de paralysie générale examinés par lui,
(au nombre de douze), Zachera confirmé la disparition des fibres
constatée par Tuczek. Les divergences ne sont qu'apparentes. Ainsi,
en jetant un regard sur la planche 1 du mémoire de Tuczek' on
voit que ce dernier a vu disparaitre non-seulement les fibres pa-
rallèles de la couche la plus externe (fibres tangentielles de Tuc-
zek, zonales de Zacher), mais encore celles des couches successives
y compris les couches profondes. Si Zacher prétend que ce sont
des fibres de la couche n" Il qui font le plus défaut=, cela tient
à l'imperfection du procédé Friedmann. Evidemment, l'étendue
et l'intensité du processus anatomo-pathoiogique présentent des
- variétés selon chaque cas particulier, en ce qui regarde sa locali-
sation ; Tuczek l'a lui-même indiqué tout en maintenant que,
d'une manière générale, le lobe frontal est le plus fortement
atteint. Cette individualisation topographique prête au reste un
appui à la manière de voir de Zacher, selon laquelle la paralysie
générale se traduit cliniquement par des tableaux symptoma-
tiques différents 1. C'est aussi l'avis dptuezek 4; tout observateur
a pu constater que l'on observe au premier plan, ◀tantôt▶ les
troubles moteurs, ◀tantôt▶ les troubles intellectuels, ◀tantôt▶ les
troubles de la parole. Forel a, sur cette constatation clinique,
basé sa division de la paralysie générale en trois groupes. Ce
serait un travail bien utile que d'établir par des examens métho-
1 Voy. Archives de Neurologie, t. X, p. 46G, Vlll, p 90 et 336. VI,
p. 365, VI p. 403. , . '
'H.
3 Communication sur la gliose de l'écorce cérébrale, plus haut, p. 305.
* Et de tout le monde en France comme à l'étranger. P. K.
310 SOCIETES SAVANTES.
des, à l'aide des procédés tout nouveaux de Weigert, si ces trois
groupes ne reposent pas chacun sur une caractéristique anato-
mique, si, par exemple, les altérations ne prédominent pas, en
tel ou tel cas, sur l'écorce du territoire moteur, sur celle des cir-
convolutions frontales, sur celle des régions de la parole. Dans
quelques faits de trouble psychique sénile, Zacher a rencontré la
disparition atrophique des fibres nerveuses de l'écorce; il l'a
trouvée dans quelques faits de folie systématique ainsi que dans
certaines observations de psychose épileptique concernant dans
leur ensemble des alcooliques; même relevé à l'égard de quelques
idiots. Eh bien ! la parenté entre les troubles psychiques delà
paralysie générale et ceux de la sénilité a, de tout temps, été
spécifiée à l'aide de l'expression de sénilité précoce appliquée aux
premiers; dans la paralysie générale, la lésion, qui porte princi-
palement sur le cerveau frontal, a pour facteurs toutes les causes
d'usure en rapport avec le combat pour la vie ; dans l'involuliun
sénile du cerveau, c'est encore le lobe frontal qui est le plus géné-
ralement atrophié. Nous savons que l'alcool est un poison du
cerveau; il y avait donc lieu de penser que, comme l'ergotine, il
anéantissait certaines espèces de fibres. Les états nécroscopiques
de l'idiotie montrent nettement qu'il y a sous roche un arrêt de
développement qui atteint des fibres nerveuses de l'écorce fron-
tale dont la génération est réservée à une époque plus tardive de
la croissance, comme l'a montré Tuczek. Une investigation métho-
dique de ces encéphales eûtpeul-être encore décelé d'autres traces
d'anêts de développement. En tout cas, si l'atrophie des fibres
intracorticales du cerveau du paralytique général est constante,
elle n'est point un signe pathognomonique de cette maladie. La
confirmation de même désordre en d'autres formes psychopalhi- z
ques qui, au point de vue pathogénétique, permettent d'être envi-
sagées comme des affections proches parentes, cette confirmation
renversera l'espérance d'avoir trouvé le signe microscopique uni-
voque de la démence paralytique et imposera l'obligation de
continuer à chercher.
M. Zacher persiste à patronner la méthode de Friedmann, dont
les différentes opérations ont permis de fixer avec une exactitude
toute particulière, fort complète, les fibres de chacune des couches
de l'écorce; sans doute, elle ne représente pas un modèle de sim-
plicité, mais elle produit des préparations aptes à la conserva-
tion. Il est certain que ses observations de folie systématique et
de folie épileptique concernaient des alcooliques et il reconnaît
n'avoir pas suffisamment insisté sur ce point. Mais il est impossible
d'obéir à l'indication de Tuczek, d'examiner partout, dans son
entier, l'encéphale de chaque individu.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 311
Séance du 14 jzcin 1883.
M. ,lOLL1·, président, lit un télégramme de remerciements du
directeur-médecin LUD1VIG (d'Heppenheim) fondateur de ce Congrès,
qui se réunit aujourd'hui pour la dixième fois; à ce savant les
membres du congrès avaient envoyé leurs salutations respec-
tueuses. L'assistance se lève ensuite |en l'honneur delà mémoire
de KRETZ (d'Illenau) décédé l'an dernier.
On procède à la discussion sur le mémoire de Zacher, reportée
par nous à sa place logique.
M. TUCZEK (deMarbourg). Co;î 1),ibutioiz à l'élit de des iii 1 e,jul)t ioii s de
la conscience. L'orateur étudie un cas de manie transitoire marquée
par une évolution prolongée; le premier accès en effet fut, à un inter-
valle de plusieurs jours, suivi de deux autres, le dernier aboutis-
sant à la guérison par l'intermédiaire d'un stade d'obnubilation
psychique de plusieurs jours. Somme toute, l'ensemble du pa-
roxysme comporta environ quatorze jours. Il s'agit d'un canton-
nier garde-voie de trente et un ans, indemne d'épilepsie et d'al-
coolisme, dépourvu de tare héréditaire, auparavant toujours bien
portant, qui, après avoir fait sans interruption un service de
quarante heures, après avoir été exposé à l'action cumulative de
violentes émotions morales, entra soudain dans un accès de rage
pendant lequel il se blessa et blessa sa mère gravement. Cette
crise, pas plus que les autres crises consécutives, ne lui laissa
aucun souvenir, ou bien il n'en conserva qu'un souvenir extrême-
ment sommaire. Etat de somniation dans leur intervalle. Les
lacunes de la mémoire seraient proportionnelles à la somme des
déficits conceptuels, c'est-à-dire au degré de l'interruption de la
conscience. L'analyse du rêve normal montre l'importance qu'il
y a à vérifier l'existence des rêves pendant les états d'incons-
cience. Les hallucinations que l'on prétend exister au cours de
ces interruptions (manie transitoire, délire alcoolique) ont leur
sanction dans cette vérification, et leur origine dans l'interpré-
tation erronée, comme toutes les interprétations du rêveur, de
paresthésies réelles. Il est du reste difficile, en pareilles circons-
tances, de redresser de semblables erreurs alors que la guérison
a eu lieu; nouvel exemple dans un cas d'interruption de la con-
naissance remontant à un traumatisme, compliquée ensuite d'une
manie classique mais à évolution rapide (à peine deux mois de
délire). Mémoire publié in extenso dans la Ber·l. filin. Wochens-
chrift.
Discussion :
M. BOEUMLER, a vu se produire des accès de manie transitoire
dans le cours de maladies aiguës (fièvre typhoide, scarlatine,
312 SOCIETES SAVANTES.
érysipèle, pneumonie, etc.) surtout au moment où l'apyrexie
commence; cette apyrexie parait agir comme un shock. On y
trouve aussi des lial luciiiatioiis et des idées de persécution, sans
qu'il y ait terrain alcoolique.
M. Feurstner. Les cas de Beumler sont dûs à de l'anémie avec
hallucinations sans interruption de la connaissance. Pourquoi
Tuczek ne qualifie-t-il pas les siens de.folie épileptique ' ? Il est sou-
vent difficile d'établir s'il n'y a pas eu auparavant quelques at-
taques d'épilepsie ou de lipothymies convulsives épileptiques, voire
des attaques nocturnes. Les observations de Tuczek se rapportent
a des affections épileptoïdes.
M. TuczEK. Dans mon cas, il y a eu un accès isolé, conséquence
directe de dommages saisissables. L'étiologie en est très nette.
il est impossible de le rattacher à l'épilepsie sans plus amples
points de repère.
M. HITZIG. La confusion de l3eeumler vient de ce que Tuczek a
introduit le nom impropre de folie transitoire. Qu'il se serve
plutôt du terme de manie.
M. Iilav s'élève contre la tendance générale à regarder comme
des sommations les états mentionnés par Tuczek. Les phéno-
mènes du delirium tremens relèvent de véritables hallucinations
sensorielles.
M. Schuele. Krafft-Ebing, parmi les cas du même genre, ne
produit sous la dénomination du mémoire de Tuczelc que ceux
qui ont récidivé.
M. 1'ucze. Schwartzer cite des cas qui ont évolué sans récidive;
Krafft-Ebinb agit de même dans ses publications ultérieures, et,
en particulier dans son traité, et dans sa psychopathologie légale.
Il a choisi la dénomination de folie transitoire parce qu'avant
tout, ce qui importe, c'estle caractère des rêves dans les états
d'interruption de la conscience, qu'il s'agisse d'un accès de rage,
d'un accès de manie, de l'interprétation délirante relative à la
personnalité. Entrer dans le détail de la situation sociale des hal-
lucinations sensorielles dans le monde des délires alcooliques nous
conduirait trop loin.
M. Grashey (de Wùrzbourâ). Sur la paralysie agitante. Cet au-
teur a étudié de près le rhythme des tremblements dans quatre
cas de paralysie agitante chez des individus de soixante-quatorze
à quatre-vingt-trois ans profondément atteints, ainsi que les cir-
constances qui arrêtent ou exagèrent les mouvements anormaux.
A l'aide du poiygraphedeMarey, il a pris le tracé des oscillations
de la main droite, de la main gauche et de la langue. Les courbes
présentées sont intéressantes, carie chronographe électrique a
permis d'inscrire la division exacte du temps qui coupe unifor-
- SOCIÉTÉS SAVANTES. 313
mément l'ensemble des ordonnées; un simple coup d'oeil jeté sur
la feuille révèle la grande régularité des secousses et permet d'en
calculer aisément la durée.
314 SOCIÉTÉS SAVANTES.
la vie. Ce travail est encore sur le chantier. Jusqu'ici il a constaté
que les noyaux eu question sont en connexion avec le cervelet,
et probablement ausssi avec le cerveau par l'intermédiaire de la
substance réticulée qui gagne les noyaux du côté opposé, et
même du côté homonyme ( ? ) Il a montré nettement que la subs-
tance réticulée se relie au cervelet par l'intermédiaire du raphé
de la protubérance, qui, dès la première semaine delà vie, con-
tient des fibres myéliniques. La plupart des noyaux des nerfs
crâniens, sinon tous, reçoivent d'autres tractus du faisceau longi-
tudinal postérieur. Jusqu'au septième mois de l'époque foetale, ce
faisceau ne peut être suivi en avant, sur les côtés du troisième
ventricule, que jusqu'au noyau de l'oculomoteur commun ou jus-
qu'à son extrémité la plus antérieure. Noyaux de l'oculo-moteur
commun et du pathétique. Le premier se compose de groupes de
cellules qui envoient chacun leurs petites fibres au nerf en ques-
tion. Au-dessus et au-dessous de chaque noyau de l'oculomoteur,
sur la ligne médiane par rapport au noyau principal, existe un
petit noyau de cellules fusiformes dont les relations avec le nerf
ne sont pas certaines. Là où le noyau de l'oculo-moteur apparaît
dans toute sa vigueur on trouve, sur la ligne médiane, c'est-à-dire
entre les deux noyaux, un noyau médian qui, de chaque côté,
envoie des fibres au nerf. Le noyau ou les noyaux des oculomo-
teurs communs sont en connexion avec des fibres issues de la
substance blanche profonde des tubercules quadrijumeaux du
même côté et du côté opposé ( ? )(ces fibres affectent une direction
latérale et inférieure); avec le faisceau longitudinal postérieur,ainsi
qu'avec des fibres issues de la substance réticulaire du côté opposé.
Le procédé de Weigert révèle colorées en gris autour de l'aque-
duc de Sylvius de nombreuses fibres fines qui se rattachent aux
tubercules quadrijumeaux; on ne possède encore aucune certi-
tude relativement à leurs rapports avec le noyau de l'oculomoteur
commun. Vers la partie antérieure et au-dessus du noyau prin-
cipal, existe, au-dessous des tubercules quadrijumeaux, une autre
collection de cellules nerveuses qu'il n'est pas toujours facile de
séparer franchement du noyau de l'oculomoteur commun; dans
ces cellules arrivent de nombreux tractus issus de la substance
blanche profonde des tubercules quadrijumeaux; la situation de
ce noyau est celle du noyau dorsal de l'oeulo-motetti, commun de Gnd-
dot, mais ou n'a encore pu la déterminer avec précision etcerti-
titude. D'autres préparations colorées par la méthode de Weigert
font voir, grâce aune direction méthodique des plans découpes,
le trajet entier du pathétique; les fibres de ce nerf s'entre-croisent,
quoi qu'en ait dit tout récemment Mauthner.
Discussion : .'
M. Stilling. Il est exact que les fibres du pathétique s'entre-
SOCIÉTÉS SAVANTES. 315
croisent; on le voit très bien dans lespréparations par dissociation
méthodique (recherches des libres) à l'acide pyroligneux, mais
elles ne s'entrecroisent que partiellement. Une racine non entre-
croisée pénètre dans le cervelet; elle est difficile à reconnaître. Le
pathétique possède encore une troisième racine descendante qui
est entrecroisée; très mince, elle se dirige dans les couches les
plus postérieures et les plus supérieures du ruban de Reil. Stil-
ling'a démontré ces relations au sein de ce congrès, il y a plu-
sieurs années. Le pathétique a donc trois origines : 1° dans le
cerveau moyen; 2° dansle cervelet; 3° dans la moelle allongée.
M. Friedmann (de Stephansfeld). Contribution à l'étude du sopor
et des mouvements automatiques dans les états d'hébétude. Si
l'on prend comme type, le sopor tel qu'on l'observe dans les étals
d'obnubilation épileptique et, pour une part, dans les attaques
congestives de la paralysie générale (où le coma est le plus fré-
quent), voici les différences que l'on doit consigner entre le sopor
et le sommeil normal, jugées à la lumière de l'observation sui-
vante. Un épileptique de vingt-quatre ans est pris, après trois
jours d'obnubiiation modérément grave, d'un assoupissement
profond; pendant ce sopor, décubitus passif (résolution générale),
aucune aperception sensorielle apparente, mai il répond encore
aux appels par des mouvements du regard, sans cependant fixer;
la spontanéité ne se traduit que par des mouvements automati-
ques d'un bras, mouvements presque ininterrompus, et toujours
égaux à eux-mêmes, monotones; pupilles larges; diminution de
la sensibilité cutanée; c'est au beau milieu de cet état que sur-
vient un soir le sommeil; alors cessent les mouvements automa-
tiques ; pupilles étroites, mouvements des globes oculaires propres
au sommeil 1; si on excite fortement la sensibilité de ce ma-
lade, notamment en le secouant violemment, on l'éveille, et il
reprend le sopor précité, c'est-à-dire que les pupilles se dilatent
au maximum et que les mouvements automatiques reparaissent;
au bout de quelque temps, nouveau sommeil; le joursuivantper-
sistance de l'état d'obnubilation (comparer avec les mémoires de
Siemens et Witkowski 2.)
Quelle différence y a-t-il entre le sopor et le coma accompagné
de résolution musculaire ? Le type du coma, c'est le coma qui, au
point de vue symptomatique, ne se distingue pas du sommeil si
ce n'est par l'impossibilité où l'on est de sortir le malade de sa
somnolence. On y constate du myosis et les mouvements continus
des yeux propres au sommeil (par absence d'excitation du bulbe),
de la diminution des réflexes. Ce coma par exemple, se peut voir
1 Voy. archives de Neurologie, t. X, p. 259, 231 et 232.
' Id., t. X, p. 259 et w3t..
316 SOCIÉTÉS SAVANTES.
pendant des jours entiers à la suite d'un état de Inal épileptique.
11 se distingue du sopor, lequel est caractérisé d'une part par
l'existence de phénomènes d'excitation d'ordre moteur, d'autre
part par la persistance de la réaction réflexe à l'égard des nerfs
sensoriels élevés et par le défaut d'action psychique proprement
dite. Les mouvements soporeux des yeux ' peuvent se joindre à
ces états. Dans l'état de mal épileptique où le retour au fonc-
tionnement normal des organes centraux s'effectue en partant du
coma réactionnel par étapes nettement séparées , on aurait
constaté l'apparition simultanée des trois caractères en ques-
tion du sopor, derrière la résolution comateuse semblable au
sommeil.
La nature des phénomènes d'excitation d'ordre moteur permet
encore une distinction fondemautale entreie sopor et le sommeil.
Ces phénomènes d'excitation des centres inférieurs ne sont pas
tout à fait constants, mais on note souvent de l'exagération des
réflexes tendineux, et de la rigidité spasmodique; la manifesta-
tion la plus régulièrement trouvée, c'est l'hyperexcitabilité méca-
nique des muscles. Ce symptôme renforce l'analogie du sopor avec
l'hypnotisme. On constate constamment dans le sopor l'exagéra-
tion fonctionnelle du système moteur, qui se traduit par des
mouvements automatiques. Généralement ils offrent nettement
deux particularités spécifiques. Ils portent l'empreinte d'une
action bornée; ce sera par exemple un mouvement de préhension
effectuée sans interruption, ni modification, pendant un temps
remarquablement long, voire durant un jour entier; suscite-t-oti
ces actes automatiques par voie réflexe, on note la même répéti-
tion d'un mouvement sans but, ou une durée démesurément
longue de la contraction musculaire. En second lieu, il est extrê-
mement facile de provoquer ces actes automatiques à l'aide de
sollicitations extérieures, relativement faibles, le mouvement
exagérant en somme l'intensité de l'excitation. Ces deux pro-
priétés témoignent de l'hyperexeitabilité des centres moteurs;
leur puissance de travail est plus grande, puisqu'ils entrent plus
facilement en jeu, puisque le mouvement qu'ils produisent dure
plus longtemps, et leur puissance de travail tient à l'existence de
phénomènes d'arrêt empêchant la propagation de l'excitation à
l'intérieur du cerveau, comme en témoigne l'uniformité du,mouve-
ment ; un mouvement monotone prouve le cantonnement de l'ex-
citation dans un même centre et le défaut de transmission au
centre voisin. (Voy. le mémoire d'Unverricht) i. Le sopor elles
états qui lui ressemblent (certains stades de la narcose morphi-
nique) ont donc pour substratum, des arrêts à l'intérieur des
1 Voy. Arch. de Neurologie, t. X, p. 259 et 231.
' Id., t. IX, p. 79.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 317
centres; ces arrêts expliquent une grande partie du déficit foiic-
tiorznel r noté dans l'espèce. Le sommeil, au contraire, résulte
d'une interruption de la conductibilité entre le centre et la péri-
phérie : déficit de la motilité par ce mécanisme.
Les mêmes mouvements automatiques exagérés, empreints des
mêmes caractères spéciaux, se rencontrent assez fréquemment
dans certaines psychosesprimitives, ainsi dans les psychoses aiguës
consécutives à des fatigues corporelles ou psychiques graves. Ces
mouvements apparaissent môme au début, les uns sous la forme
d'accès (agitations convulsives avec rotation et cris qui persistent
des heures entières, et se répètent uniformes en déployant une
grande intensité, les autres sous forme de réflexes automatiques
relativement violents sans but déterminé. Une modalité de ces
mouvements est constituée par les gestes de rejet. Si on les com-
pare aux mouvements automatiques du sopor, il appert que les
facultés psychiques ne participent guère à leur genèse, et que les
centres nerveux moteurs entrent seuls en jeu pour les produire.
Réciproquement, l'étiologie des psychoses envisagées ici, montre
que la suractivité du système moteur, les phénomènes d'hyperex-
citabilité accompagnés d'arrêts encéphaliques, résultent de fai-
blesse irritable de l'encéphale par fatigue nerveusement.
M. WrrKowsKt (de Iloerdt). Sur les délires des alcooliques. A
côté du delirium tremens ordinaire, il existe deux autres types
principaux de délire des buveurs. Tous deux sont des processus
autonomes qui ne sont les symptômes d'aucune maladie.
tFo'mf ? J)e<.<fpo<t<H ! 'm ! 0.On constate sénéralcnieut que
de forts excès ont précédé de peu l'invasion de la maladie. Mais
entre les excès et le délire, il s'écoule toujours demi à trois jours;
jamais le délire ne succède immédiatement aux excès. Avec
les autres troubles de l'innervation peu accusés, on trouve
des hallucinations sensorielles mais moins développées, moins
nombreuses et moins élémentaires que dans le delirium tre-
mens, on ne rencontre pas cette succession kaléidoscopique de
visions variant à vue d'oeil en grandeur, en couleur, en éloigne-
ment, c'est au contraire un système formé de tableaux etd'é\éne'
ments liés entre eux, aboutissant à la conception d'une histoire
de persécution bien agencée. Les malades racontent qu'on
les a volés, frappés, insultés, électrisés, ils parlent de l'interven-
tion des voisins et vous entretiennent longtemps de la persécution
machinée à laquelle ils ont essayé d'échapper par la fuite, sans
y pouvoir parvenir. On assiste à une suite logique bien enchaînée
d'épisodes conçus dans une sommation. C'est généralement la
1 Voy. la note de lv page YVI11 dR t : t traduction Kcraval du traité de
Nolhnagel, surlcs Maladies de l'Encéphale, basé sur l'élude des localisa-
tions. Paris, 1885.
318 SOCIÉTÉS SAVANTES.
nuit que s'est déroulé le drame, ou qu'il a débuté; au moment de
son admission, le patient le raconte comme un événement passé.
Le souvenir parait persister jusque dans les détails, voire dix ans
plus tard (un exemple de l'auteur), ce qui pourrait servir d'élé-
ment au diagnostic différentiel entre le délire et les étals d'agi-
tation aigus d'un autre genre dûs à l'ébriété ou à l'épilepsie. Géné-
ralement l'épisode se déroule encore au-delà de la nuit, mais il
est rare qu'il persiste plus de trois fois vingt-quatre heures. A part
des accidents accessoires tels que le saut d'une fenêtre pendant
la fuite qui en imposent pour une tentative de suicide, la vie du
malade n'est pas en danger. En revanche, il n'est pas rare devoir
la terminaison par folie systématique ou l'affaiblissement intel-
lectuel.
2° Forme. Se.produit spontanément sans cause occasionnelle
particulière. C'est une modalité de transition entre le délire et
une maladie mentale ordinaire. La forme et la durée de l'affec-
tion, le degré du trouble de la connaissance, l'abondance des hallu-
cinations sensorielles témoignent de sa situation intermédiaire.
.La variété la plus fréquente est celle que l'on désigne en Alle-
magne sous le nom de folie systématique alcoolique aiguë, mais il
existe aussi d'autres formes se rattachant plus exactement à la
manie, à la mélancolie, à l'hystérie, à la stupeur, à la paralysie
générale. Ces semi-délires qui durent plusieurs semaines ont be-
soin, pour éclore, d'un terrain préparé depuis assez longtemps;
ils se développent néanmoins parfois tout à fait prématurément
chez les individus atteints de débilité mentale, dans les cas de
traumatisme, chez des êtres impubères.
Quant au delirium tremens lui-même, les formes mixtes en
sont plus fréquentes que les cas tout à fait purs. Voici quelques
exemples principaux de ce mélange. De forts excès sont suivis
d'abstinence, soit volontaire, soit consécutive à la séquestration,
à un malaise, au défaut d'argent. A la suite d'un délire de persécu-
tion consistant mais épisodique, comme conçu en rêve, se mani-
festent des troubles digestifs, des tremblements, des visions,
multiples, des sueurs, des modifications du pouls. Si le premier
stade est peu développé, il échappe aux anamnestiques ; il semble
alors que le delirium tremens se montre immédiatement après
l'excès, mais aucun cas soumis à un examen complet ne démontre
pareille continuité, pas plus qu'il n'existe de délire d'intoxication
du même ordre directement consécutif à l'inanition, à une ma-
ladie, à une blessure. Il est vrai qu'un buveur peut, de par son
délire d'intoxication, se faire une blessure qui entraîne la diète, et
par conséquent l'apparition de phénomènes d'inanition; inverse-
ment un delirium tremens peut, de par l'angoisse et le désordre
dans les idées, provoquer de nouveaux excès qui engendrent
les accidents sus-énoncés. Enfin l'état de nutrition générale
SOCIÉTÉS SAVANTES. 319 j
si défectueux des ivrognes développera parfois, à la suite
d'excès exceptionnellement intenses, des formes mixtes de délire.
il convient aussi de séparer des phénomènes dûs à l'intoxication
alcoolique, les symptômes psychiques semblables, sous maints
rapports, à ceux de l'épilepsie qui, comme on sait, complique ex-
trêmement fréquemment le delirium tremens.
Dans les formes mixtes de delirium tremens spontané, d'abord
il ne semble pas y avoir eu de cause occasionnelle, mais la recher-
che décèle le concours del'abstiuence, des accidents, des malaises.
Les troubles digestifs revêtent à ce sujet une fréquence toute spé-
ciale; ce ne sont pas de simples prodroines, ils sont l'occasion du
délire;il est plus rare d'avoir à relever d'autres causes somatiques,
telles que des hémorrhagies. Dans ces circonstances, existent les
formes de transition les plus multiples . Tremblement, fai-
blesse, hébétude, insomnie sont les symptômes les moins marqués
les hallucinations de l'ouïe prédominent au plus haut point; les
idées délirantes fixes, celles de jalousie surtout, persistent bien
souvent longtemps après que les autres phénomènes ont disparu,
quoique dans la pluralité des cas, elles s'évanouissent à leur tour.
Il peut s'y joindre des troubles de la sensibilité morale primitifs,
de la stupeur, de l'exagération profuse de l'idéogénèse, despares-
thesies ; en un mot tous les centres psychiques et nerveux peuvent
donner naissance à deséléments, fugaces passagers, qui modifient
le délire tremblant proprement dit, et le rapprochent momenta-
nément des maladies mentales alcooliques véritables.
La plupart des auteurs ont attribué une importance pathogéné-
tique égale à l'excès de boisson et à la suspension des habitudes
alcooliques. Rose en 1884, comparait l'affaissement qui suit de
récents excès aux effets de l'inanition. Il en est qui se montrent
des défenseurs exclusifs de telle ou telle doctrine. Les auteurs qui
suivent, présentent tous un élément qui rappelle les phénomènes
décrits par Witkowski sous le titre de phénomènes de l'intoxica-
tion alcoolique. Ainsi Barkhausen, en 4828, distingue le délire
asthénique, le plus fréquent, du délire stliénique à évolution plus
favorable, plus prompte, qui précède assez souvent l'autre. Mars-
ton en 1860, parle du délire des gens ivres, et du délire de l'é-
briété. Casloldi, en 1871, admet une névrose proprement
dite des buveurs (delirium tremens),et un délire aigu des buveurs
qui survient de un à deux jours après les excès. Lasègue, en t88l,
montre l'importance des états de sommation initiaux; son terme
d'alcoolisme subaigu correspond au delirium tremensspontané de
Witkowski; Magnan (1874) et de Speyr(1882) décrivent des cas de
ce genre elles modalités de passage au delirium tremens. Le deli-
rium tremens fébrile de Magnan n'a pas de raison d'être en tant
que groupe univoque, car diverses causes (blessures, accidents
gangreneux du décubitus, diarrhées, attaques d'épilepsie, ménin-
320 SOCIÉTÉS SAVANTES.
gîte) occasionnent de la fièvre, et la constatation d'alcool dans
les cadavres, rattachée par lui à des excès récents, constatation
que ses observations sont loin de toutes confirmer, ne prouve
rien, carRajewsky(1875)-a trouvé de l'alcool à l'état normal.
En somme :
1° Grande ressemblance entre le delirium tremens proprement
dit et tous les délires d'épuisement, d'inanition, de sevrage d'un
agent excito-moteur.
2° Chez le même individu, suivant la variété des genres de pa-
thouénie, on voit se montrer les diverses formes du delirium tre-
mens. Ce fait est propre à faire rejeter l'idée d'une prédisposition
individuelle.
M. KAST (de Fribourg). Contribution à l anatomie pathologique de
l'ataxie subaigue. Une fillette de quatorze ans, jusque là parfai-
tement bien portante, est prise d'une angoisse légère; consécuti-
vement elle est atteinte de troubles de la motilité dans les extré-
mités supérieures consistant en un défaut de coordination.
Plusieurs semaines après, ataxie statique excessivement accusée
dans les jambes aboutissant finalement à l'impossibilité de se tenir
debout et de marcher; intégrité des mouvements isolés. Diminu-
tion très accentuée de la sensibilité, dans tous ses modes; ralen-
tissement des impressions douloureuses. Atrophie des interosseux
des deux mains et des muscles de la langue. inulle part il n'existe
de réaction dégénérative,mais il faut employer de très forts cou-
rants pour ne déterminer que de faibles contractions. Absence
complète de réflexes patellaires. En dernier lieu les symptômes
spinaux en question se compliquent de phénomènes bulbaires :
paralysie du voile du palais, troubles de l'innervation du larynx,
dysphagie. La malade, très affaiblie, succombe à une pneumonie
par introduction d'aliments dans les voies respiratoires. Durée
totale de la maladie : neuf mois environ. Diagnostic clinique.
Lésion des cordons postérieurs consécutive à la diphthérie ; dégé-
nérescence des cornes antérieures de la moelle ainsi que des
noyaux du bulbe. Au microscope, comme à l'oeil nu, intégrité des
centres nerveux : les nerfs périphériques, et en particulier les hypo-
gtosses et les récurrents, présentent une dégénérescence remar-
quable. On n'a pas encore terminé l'examen des autres nerfs,
mais tout porte à croire qu'il s'agit de lésions périphériques ayant
entraîné un complexus symptomatique qu'on ne saurait inter-
préter ciiniquement que comme le tableau d'une maladie spino-
bulbaire.
Sur ce, les travaux du congrès sont dédales clos. On se sépare
après avoir encore une fois désigné l3ade comme lieu de réunion
pour la prochaine session, et confié les fonctions de curateurs à
lii. T3urLFn (de Fribourg) et l'rsc : «r : n (d'llleuau). (Arch. f-
Psych.; XVI, : 1.) P. l 1-" R.% N'.% T.
VARIA
Rapport SUR les progrès de l'assistance des aliénés effectués en
ALLE11 : 1GNE au moyen des asiles pendant ces dernières années ;
par IiOEHR '.
Royaume de Bavière. Le trop plein se constate partout.
On n'a pas, dans ces trois dernières années, exécuté d'agrandis-
sements à Deggendorf, à Klingenmûnster, à Munich, à Erlangen;
à Werneck on a ajouté une aile.
Gabersee, près la station de Wasserburg sur l'Inn.C'est un éta-
blissement tout nouveau, construit sous le titre de second Kreis-
Irren-Heil-uud Pflegeanstalt (asile de traitement et d'hospitali-
sation) de la Bavière supérieure avec exploitation agricole et sys-
tèmes d'assistance en liberté. Deux petites fermes Gabersee et
Pile '-bain - déjà acquises par le district en 1882, constituent
l'ensemble de l'asile, dont la superficie totale égale 85 hectares
parmi lesquels 35 forment des prairies ou du terrain de labour,
le reste comprenant des bois, des jardins, des chemins, des sur-
faces construites. Les bâtiments de l'économat sont restés tels
quels; les locaux d'habitation ont été adaptés, à peu de modifi-
cation près, aux besoins de l'asile. Le domaine de Gabersee
contient les servitudes, les bureaux, un temple provisoire, et un
quartier pour 15 femmes habitant en liberté. Pfle-liain a été tout
à fait transformé en une station ouverte de 31 malades hommes.
Entre ces deux corps de logis, qui sont à dix minutes l'un de
l'autre, on a projeté la construction des autres édifices; on les
élèvera successivement sous forme de pavillons disséminés. L'an-
née précédente, on a construit un bâtiment d'habitation pour le
directeur un bâtiment économique avec cuisine et buanderie
et leurs dépendances (boulangerie et logement pour 16 femmes
vivant en liberté)- un pavillon pour 32 femmes (section fermée)
un pavillon pour 32 hommes (section fermée) avec obitoire.
On a en novembre dernier (ces constructions n'ont demandé que
sept mois) reçu 60 malades de Munich; un nombre égal a été
reçu ce printemps. On procède, au sur et à mesure des besoins,
'Voy. le t. X, p. 138 et 295.
ARCH ives, t. fil. 21
322 VARIA.
à l'érection soit de pavillons fermés, soit de maisons de cam-
pagne ouvertes. On prévoit 500 malades. Jusqu'à ce jour, on a
dépensé 650,000 marks (812,500 fr.), dont 200,000 (250,000 fr.) ont
été consacrés à l'acquisition des domaines et du mobilier et
50,000 (62,500 fr.).aux travaux du service des eaux.
Rarthaus Pricll près Regensburg. Aux adaptations nécessitées
par les logis du cloître, aux agrandissements antérieurs, on a
ajouté des constructions neuves depuis 1880, pour une somme de
640,000 marks (800,000 fr.) dont il faut défalquer 64,000 marks
(80,000 fr.) ayant servi à acquérir un nouveau terrain. On a cons-
truit les quartiers des femmes qui peuvent héberger 150 malades
à l'aise, et au besoin 180 aliénées. Tout l'établissement comprend
360 malades; le chiffre de la population actuel est de ` ? 80. Eu
général on a pratiqué la séparation horizontale de ? locaux d'ha-
bitation et des dortoirs ; aux premiers sont adjoints des jardins
dont l'accès est très commode et qui presque' tous ont vue sur
Regensburg et la vallée du Danube. Le service des bains est dé-
centralisé., Le chauffage a lieu au moyen de poêles en faïence ;
chauffage à air dans les bâtiments d'agités et d'isolement. Ce der-
nier contient douze chambres et une salle. Les latrines sont la
plupart en communication avec un système de tuyaux ; les pavil-
lons détachés sont réunis par des galeries.
Hesse Electorale de jadis. On y avait construit, au prix
de 1,616,985 marks (2,02j,23tfr.),)'asi(o de Afto ? dont on
prenait possession le 8 juin 18î6. Vers 1882, addition d'une étuve
accélérée 2,940 marks (3,775 fr.}; d'un puits avec pompe à feu
34,811 marks (f3,513 fr.) ; d'un corps de logis de fonctionnaires,
32,056 marks (40,070 fr.); la dépense totale s'élevait donc à
1,686,793 marks (2,108,491 fr.). Nombre des présences au début
de 1882 = 232; 109 hommes ; 123 femmes. On se mit ensuite à
réorganiser les asiles de Dferxhctuserr et /7<M ? : ff, où l'on entrete-
nait non seulement des aliénés, mais encore' des aveugles et des
infirmes. Leur encombrement exigea qu'on groupât les deux der-
nières catégories de malades pour les confier plus tard à des éta-
blissements autonomes. On projeta des quartiers pour travailleurs
agités et demi-agités, devant contenir 200 places. On résolut de
faire 50 places pour les malades alités et ceux qui réclament une
surveillance continue. On reconnut nécessaire de construire une
nouvelle buanderie ainsi qu'un nouveau .bâtiment économique.
Maison se trouvaitgénepar le resserrement de ces établissements
dans l'étroite vallée de l'Uns. Pour Merxhauhen, on a prévu au
rez-de.-chaussée une, grande salle destinée, à 100 malades; elle
doit aussi servir de lieu de réunion les dimanches et jours fériés.
Une autre salle réunira 200 malades qui y prendront leurs repas
VARIA. 323
Au premier étage, deux grands dortoirs de 50 malades chacun ;
entre eux quelques chambres de malades et d'isolement. Lequar-
tier du lazareth comprendra : à l'entresol et au premier, quatre
ailes en forme de pavillons de chacun 10 lits (cubage, 1,000
mètres cubes d'air); au centre, des chambres d'isolement; des
cellules, des lieux d'aisances. Ceci fait, llerxltansen sera consti-
tué par un asile d'infirmes (6a places) une section de malades
agités ou semi agités ne travaillant pas (60 lits)-,un quartier de
120 agités un taxareth de 0, malades un quartier de 200
travailleurs un pensionnat pour 50 personnes. Jusqu'ici les
prévisions architecturales n'avaient été établies que pour 300 à
320 individus. Aujourd'hui, les conslructions.,qui les concernent
sont terminées. Il s'agit d'édifier pour, les 200 malades supplé-
mentaires.- Hainaa, dès 1877, vu s'élever une construction nou-
velle pour 80 malades agités ou semi-agités..On arrivera sous peu
à héberger 600 malades, là où l'on,, n'en hospitalisait que 300 à
320. Mais il faut du temps pour que les infirmes et les aveugles
soient renvoyés et que les vieux quartiers soient réorganisés.
Depuis la transformation politique de la région, on a déjà dé-
pensé 4 millions pour transformer ou reconstruire des asiles d'a-
liénés. Toute plainte ne cessera que lorsque ces établissements
seront en état de recevoir 2 malades pour 1,000 habitants. On a
décidé d'appeler à leur tête des médecins résidents et des direc-
teurs médicaux spécialistes; une grande partie de l'administration
financière sera dès lors confiée à une autorité spéciale;
;t
Il s'est fondé a Ei;h6erg une société de secours pour les aliénés
sortants.
hicdric/c, à 20 -minutes d'Eichberg, on est en train de cons-
truire un asile pour épileptiques femmes du culte catholique. Di-
recteur : le conseiller spirituel Zaun. La maison Saint-Yaientin,
construction à deux étages, recevra 60 à 80 patients. Elle a comme
annexe une laiterie. Dépenses : 200,000 marks (2o0,000 fr.).
Royaume de Saxe. Clinique psychiatrique de Leip : ;ig. On
t'agrandit par la construction d'un nouveau pavillon pour atfec-
tions contagieuses et gâtisme. Somme accordée : 34,000 marks
(4 ? ,500 fr.). ' , . ,
Asile hospice de Coldils. On y a installé une. ventilation appro-
priée, un organe à rincer les pissotières. On a construit une nou-
velle salle d'autopsie ainsi qu'un dépôt de pétrole. A la métairie
de Zschadras, l'économe a obtenu une autonomie limitée, sous
l'autorité suprême du directeur. On a abattu un domaine eu
ruines; on en a acheté un plus grand, de sorte que la superfieie
324 VARIA.
du territoire de l'asile est devenu de 8,632 ares. On a relié la mé-
tairie à l'asile par un téléphone'. 1.
Asile de traitement de Sonizenstein. On a dans les jardins cons-
truit deux édifices pour 50. à 60 malades chacun.
Asile-hospice d'Hubertusburg. On y a agrandi l'établissement
d'éducation d'arriérés; il peut recevoir 100 enfants des deux sexes.
Le grand rendez-vous de chasse a été restauré; on y a installé
des malades tranquilles de toutes classes; on l'a doté d'un châ-
teau d'eau, ainsi que de jardins destinés à la promenade des
aliénés qui y sont renfermés. Le quartier des enfants idiots a été
transféré à Moritzburg près Dresde, et on y a amené les épilep-
tiques de Keenigswartha. La métairie de Reckwitz a acquis un
nouveau domaine ; l'augmentation de la surface permet de multi-
plier le nombre des colons. On a construit une nouvelle buan-
derie fonctionnant à la vapeur.
A l'hospice et asile d'infirmes de Ilocltoeitzsche2c, on a établi une
conduite d'eaux très riche, jouissant d'une pression considérable.
On a transformé et agrandi le dépôt d'aliénés criminels de
Waldheim.
Pour tous ces établissements, on a mis en vigueur un nouveau
régime alimentaire uniforme, radicalement augmenté et amélioré.
Enfin, on a constitué un fonds de secours pour les aliénés sortants
et en congé.
Royaume de Wurtemberg. Winne ? zthal a, depuis 18'7a,
été soumis à une reconstruction partielle. On s'est proposé de
placer tous les locaux administratifs en dehors du bâtiment prin-
cipal, afin d'utiliser ce dernier pour un plus grand nombre de
malades; en même temps, on corrigerait les installations défec-
tueuses jusqu'alors. Chauffage à la vapeur de Sulzer. Ce qui pres-
sait, c'étaient les quartiers de tranquilles des deux sexes : ils sont
prêts. On a amélioré radicalement le quartier des femmes agitées.
Cette année, on agrandira et on remaniera celui des hommes
agités, puis on complétera la conduite d'eau insuffisante. Depuis
longtemps, mais surtout l'an dernier, rétablissement a étendu
son territoire pour pouvoir développer le travail agricole.
Zwiefalten. Série de transformations dans ces dix dernières
années; elles ne prendront fin que dans cinq ans. Le nombre des
malades a été porté de 160 à 400. On a amélioré de fond en
comble les installations intérieures. Exécution du chauffage cen-
tral, du parquetage; on a cimenté; on a construit de nouvelles
latrines en modifiant leur système, une nouvelle conduite d'eau;
1 Installation bien nécessaire dans la plupart des asiles de France
pour relier entre eux les services et les fonctionnaires. P. K.
VARIA. 325
on a amélioré les égouts; on a installé une cuisine et une buan-
derie à vapeur, des communications télégraphiques, procédé à
des embellissements, etc. *
Schusseni-ied . On agrandit cette année l'établissement; il
pourra dès lors recevoir 20 malades agités de plus.
Mais on est également dans le Wurttemberg, obligé d'avoir
recours aux asiles privés pour augmenter l'assistance publique.
Citons ceux de Goeppingen et Pfullingen. Les établissements de
l'Etat hospitalisent ensemble 900 malades.
Soit : 200 à Winneuthal.
300 à Schussenried.
400 à Zwicfalten.
Les asiles privés en reçoivent 600 :
326 VARIA.
chaude et froide, fosses mobiles; les combles renferment des cham-
bres spacieuses destinées aux élèves. Jusqu'alors cette institution a
rempli son but. ,
Parmi d'autres modifications architecturales, citons l'améliora-
tion des latrines (système de fosses mobiles installées en des
pavillons construits en dehors des services), du côté des femmes;
l'ensemble des transformations de cette section, comme dans celle
des hommes, a été terminée encinq divisions. Ce sont : l'agrandis-
sement du quartier cellulaire ; la construction, pour ses habitants,
de salles de réunion, belles, grandes, aérées, claires, de cours de
séelusion avec des annexes également séparés ; d'une chambre de.
bains propre à une division,-d'une chambre d'isolement destinée
aune autre division,- de deux sous-sols spacieux comme adjuvants
de l'horticulture. On a reconstruit la serre, en la transportant plus
au sud. Pendant l'été de 1883, on a commencé sans interruption,
jusqu'à ce que l'installation en fût complète, le nouvel obitoire ;
il se compose d'un dépôt mortuaire, d'une salle d'autopsie, d'une
salle de microscopie. En ce qui concerne les services économiques,
on a agrandi les étables.
Hertheii. Asile de Saint-Joseph pour arriérés et épileptiques. De
70 (1880), on a porté le nombre des assistés f07(1853). On espère
construire un grand bâtiment central.
ilosbach. Asile d'idiots pour enfants de six à seize ans, suscep-
tibles d'éducation. Cet établissement est plein. Le conseiller d'ad-
ministration a décidé de construire un second bâtiment pour 60
enfants; dépense présumée : 60,000 marks (î5,ooo fr.) qu'il faut
trouver.
En somme, le gouvernement du'grand-due, devant l'accord des
corps constitués, a, l'an dernier, conclu à une réorganisation ou à
un agrandissement grandiose de l'assistance des aliénés : ce sont :
Il La construction d'un asile régional central pour 1,000 indi-
vidus près d'Emmendigen, petite ville de quelques milliers d'ha-
bitants, située, par voie ferrée, à une demi-heure de Fribourg. Il
se composera d'un asile'.central fermé destiné à 200 malades, ainsi
que d'une colonie modelée sur celle d'Altscherbitz. Dépenses
prévues, 4 millions y compris les 7,200 ares de terrain de très
bonne qualité pour labour et prairies. Le plan détaillé est exécuté.
On commencera par ne prendre que 400 malades; on a par con-
séquent calculé la première quote-part nécessaire au but en ques-
tion. Dans ces 400 malades, l'établissement central ligure pour 200.
Ce contingent sera pris aux deux asiles d'llleuau et d'Heidelberg,
qui regorgent d'agités, ainsi qu'à celui de Pforzheim. On agira de
même pour les 200 colons que l'on choisira d'après leurs capa-
cités agricoles. Les places devenues libres par ce fait dans les deux
asiles envisagés seront ensuite remplies par des malades qui atten'
VARIA. 327
dent leur admission. De cette façon, itienau, fieidelbérg,
Pforzheim, Hmmendigen concourront à l'oeuvre d'assistance des
aliénés. De plus, Pforzheim unefois débarrassée par Emmendigen,
conviendra mieux aux malades restants; mais, dès maintenant,
c'est un établissement destiné à s'éteindre. En effet, là construc-
tion initiale d'Emmeudigen réservée à 400 malades s'étendra à
chaque appoint budgétaire, proportionné aux exigences finan-
cières de la région, jusqu'à ce que son chiffre de population atteigne
1,000 individus. De sorte qu'en huit ou dix ans, Pforzheim n'aura
plus de raison d'être. A cette époque, Illenau, deux 'cliniques
psychiatriques [lleidell>er; et Fribourg (voy. infrà)], et Emmen-
digen se partageront l'hospitalisation des aliénés.
2° La construction d'une clinique psychiatrique à l'Université
de Fribourg. On y prévoit 80 malades. Dépense proposée : 700,000
marla (8 ? 000 fr.). 1
Grand-duché d'Oldenburg. - Amélioration de l'asile de
lYchzzen; en 18S2, on a construit un bâtiment de fonctionnaires,
on a agrandi le bâtiment des maniaques'.
Grand-duché de Mecklenburg-Schwerin. Asile de
Sachsenbcrg. Agrandissements étendus dans ces derniers temps.
Le 1er octobre 1876, on prenait possession de la colonie; en 1880,
on introduisit les chroniques dans leurs bâtiments. La construc-
tion de la colonie a coulé 131,32 marks 67,903 fr.), elle peut
contenir au maximum 50 malades ; il y en a actuellement 42 avec
deux gardiens. Elle se compose d'un rez-de-chaussée et d'un
étage. Intérieurement sont deux grandes salles.de jour et les
locaux économiques, les lieux d'aisance et l'habitation du jardi-
nier marié; au-dessus, dortoirs très spacieux. Il y existes des con-
duites d'eau; les latrines se composent de simples baquets. Ajou-
tons à cela deux bâtiments d'exploitation parmi lesquels une
grange, une remise (constituant un édifice), et les loges réservées
aux bestiaux (20 vaches, 6 chevaux, 38 porcs, poules, etc.). Les
fenêtres ne sont pas grillées, à l'exception des vestiaires, il n'existe
pas de serrures, simple chauffage à l'aide de poëles de faïence.
Les aliments sont apportés"dans un wagon manoeuvré par des
malades, mais divisé 'en compartiments fermés. La cuisine de
l'asile qui les fournit est située à quelquesacenls pas..1 droite de
la maison d'habitation s'élève la buanderie ella serre. L'ensemble
delà colonie est situé au nord-ouest, dans la direction de la chaussée
qui conduit à Wismar; son enclos est formé d'un simple échalier
dont aucune issue ne se ferme complètement. Les deux corps de
bâtiments construits pour les aliénés chroniques ont coûté 451,7o7
' Vov. Archives du Neurologie, t. X p. 235.
329 VARIA.
marks (p6r,696 fr.); ils sont destinés chacun à cent hommes et
cent femmes. Leur long côté, parallèle à l'asile de traitement,
court du sud-est au nord-ouest. On y trouve un rez-de-chaussée et
un étage, édifiés en briques, style Renaissance. Les locaux d'habi-
tation occupent le sud-est. Ce sont : quatre grandes salles de jour
utilisées également comme réfectoires (deux droite, deur à gauche
de chaque étage), et, à côté d'eux, les dortoirs orientés au nord-
est (deux salles communes et plusieurs petites chambres). Chacun
des quatre quartiers a à sa disposition deux cellules et un cabinet
d'aisances (système des fosses mobiles), des conduites d'eau, un
chauffage à l'aide de poëles de faïence, l'éclairage au pétrole,
Toutes les fenêtres sont grillées. Chaque corps de bâtiment possède
une chambre de bains, munie de deux baignoires. Au nord-est de
cet hospice et parallèles à lui existent les deux nouveaux bâtiments
cellulaires contenant l'un 20 hommes, l'autre 20 femmes; la
construction a coûté 115,444 marks (144,305 fr.); on en a pris
possession en 1884. Chacun représente un petit édifice en briques
crues; les locaux d'habitation et les chambres à coucher sont ex-
posés au sud-est; on y rencontre une grande salle de jour qui sert
en même temps de réfectoire; le long côté N.-O. est essentielle-
ment formé par un large corridor. Des deux extrémités du fronton
de la construction se détachent deux avances orientées au nord-
est qui contiennent chacune trois cellules précédées par une anti-
chambre commune; elles jouissent de l'éclairage latéral, et sont,
deux exceptées, pourvues de latrines; chauffage à l'eau chaude,
établissant en même temps la ventilation; système de fosses mo-
biles. Au rez-de-chaussée, calorifère central avec une étuve, cave
au bois et au charbon, etc. Toutes les fenêtres sont grillées. Chaque
bâtiment cellulaire contient une chambre de bains avec une bai-
gnoire. Le rez-de-chaussée du nouveau bâtiment cellulaire des
femmes loge a son extrémité nord l'obitoire, avec dépôt mortuaire
et salle d'autopsies adjacente.
Entre les deux nouveaux bâtiments cellulaires, se trouve la por-
terie gardée par le menuisier qui cumule les deux fonctions. C'est
dans le domaine formé par l'asile de traitement, les corps de
logis d'hospitalisation pure, les nouvelles constructions cellu-
laires et la porterie, que réside le nouveau bâtiment économique
livré en 1883; coût : 173,799 marks (217,248 fr.). Il se compose
d'un édifice en briques crues divisé enunrez-de-chauséeetunétage.
Au milieu, en bas, la cuisine à vapeur; au-dessus la grande salle
des fêtes avec ses dépendances; adroite et à gauche, les bureaux,
les habitations des familles du receveur et de l'économe, cellesdu
personnel de la cuisine et du serrurier.
Enfin, entre les communs et l'asile de traitement, on a, l'an
dernier, élevé un petit bâtiment qui renferme la glacière et un
VARIA. 329
abattoir. Autres améliorations à signaler parmi celles effectuées
dans ces trois dernières années.
i° Nouvelle canalisation par laquelle les eaux sales de l'éta-
blissement et des nouveaux bâtiments économiques sont conduites,
en arrière de l'église, dans une prairie suffisamment éloignée de
l'asile; avant celte installation, on les conduisait à travers le parc
dans un point du lac voisin de celui où la machine puisait pour
l'asile son eau ménagère; 2° agrandissement de la salle
de billard; 3° agrandissement du temple; 4° exécution d'un
prolongement architectural dans les deux anciens bâtiments cellu-
laires ;- 5° installation particulière permettant de recevoir des
criminels aliénés dans deux cellules du quartier des hommes;
6° les derniers bâtiments sont en voie d'exécution.
L'asile de ilIeclileizboui,g-Stielitz n'a pas subi d'améliorations.
Grand-duché de Hesse.tf<;ppeH/tC ! ? H. Le 1 el octobre 1883
tout près de la grande cuisine, on a ouvert un nouveau réfectoire
gaîment décoré, destiné-à 73 hommes choisis de préférence dans
les sections d'agités. Les malades s'y rendent par un corridor
souterrain neutre. Les aliments y arrivent dans de grands plats
transmis à travers une ouverture pratiquée dans la muraille qui
sépare la cuisine du réfectoire. Six gardiens les servent (deux dis-
tributeurs, 4 sommelliers.) En 20 à 25 minutes le repas est ter-
miné ; la vaisselle, les restes, et le couvert regagnent sans en-
combre la cuisine par la voie indiquée. Puis, les gardiens et les
autres gens de service prennent, en deux brigades, leurs aliments.
L'excellence de cette disposition repose sur la contiguïté du réfec-
toire et de la cuisine, sur l'alimentation du malade en dehors de
sa résidence, sur la facilité avec laquelle on surveille et l'on dis-
pense le repas d'un bout à l'autre. Du ler octobre 1883 au mois de
mars 1884, la vaisselle de porcelaine et la verrerie employées
n'ont subi aucune avarie. Et cependant 73 individus mangent
en commun à midi et le soir. Malheureusement le local est trop
restreint pour que la moitié des hommes puisse y être admis.
On projette une semblable disposition pour le service des femmes.
A l'hôpital régional de Hofheim, on a terminé la nouvelle cons-
truction d'un bâtiment d'isolement, nécessaire dans le cas où une
maladie infectieuse se déclarerait; on a pris ses mesures pourpré-
server les escaliers contre l'incendie; des appareils de ventilation
ont été installés dans presque tous les locaux; dans plusieurs, on a
remplacé les anciennes cheminées, qui menaçaient de mettre le
feu, par des cheminées russes ; beaucoup de chambres ont été pour-
vues de plancher en chêne, on a installé un établissement de bains,
dans l'ancien édifice réservé aux soeurs, on a monté une laverie
centrale à eau chaude.
330 VARIA.
Grand-duché de Saxe-Weimar. A l'asile de Iéna, on a
augmenté d'un tiers le contingent des infirmiers; le poste de gar-
dien en chef est maintenant tenu par un personnage compétent.
.On dispose actuellement d'un gardien par huit ou neuf malades,
proportion, d'après l'avis du directeur, encore trop faible pour un
asile de traitement. On a dû griller une partie des chambres
d'isolement delà surveillance continue; quelques-unes ont été
munies de verres infrangibles. On a installé un laboratoire de mi-
croscopie pour les cliniciens consommés.
A \ l3lunlsenlwia, on comptait, à la fin de 1880, 455 malades. On
sait qu'il s'agit ici de l'hôpital Frédéric-Charles, qui a pour syno-
nyme : asile de traitement et d'eîzt7-etion régional des aliénés de la
Saxe, avec colonie et quartier d'infirmes. L'addition ou l'agrandisse-
ment de 6 divisions d'hommes et de femmes, permit, de concert
avec l'installation d'une colonie agricole, d'élever létaux de la po-
pulation à 243 (1" août 1884); 203 occupent la section des aliénés,
2s ! hommes travaillent à la colonie, 18 sont des infirmes. Le
produit du travail de ces malheureux a atteint 3,100 marks.
(3,8-,5fr. ); 2,410 marks (3,012 fr.) sont imputables à l'agriculture;
les économies des travailleurs sur leur pécule ont été de 2,137
marks (2,671 fr.)
Grand-duché de Saxe-Cobourg-Gotha. Duché de Saxe-
Meiningen et principauté de Schwarzburg-Rudolstadt.
L'asile d'Ilildbiii-gh(iiisen n'a dans ces cinq dernières années pas
supporté d'agrandissements considérables. On a acheté plusieurs
domaines, entre autres celui de la ferme de Karolinenburg, de
sorte que l'aire de l'établissement est de 3,446 ares 90. Karolinen-
burg a été transformé en colonie agricole; en 1880, on y comp-
tait 20 malades; en 1882, on la réunissait à l'asile par une
route carrossable, et l'on construisait un nouveau bâtiment qui
actuellement touche à sa fin; il renferme dans le sous-sol trois
salles pour ateliers, et, par ses autres locaux, peut héberger 80 à 90
malades : il y en a à présent 60. De chaque côté de la route qui
joint l'asile à la colonie, on a construit, près de l'établissement
central, deux nouveaux bâtiments; c'est d'abord un quartier de
femmes qui, à la fin- de 1883, donnait' asile à 30 malades, mais
peut en recevoir le double, et, en face de lui, une buanderie. La
buanderie peut elle-même servir d'habitation à 30 ou 40 femmes.
C'est ainsi qu'on a fait disparaître l'encombrement.
Duché de Anhalt.-On a remplacé les deux asiles régionaux
de Dessau et Bernburg, supprimés en 1873, par le nouvel asile ré-
gional de traitement et d'entretien d'aliénés près Dernburg. Composé
de neuf bâtiments, il devait, à l'origine, recevoir 132 malades;
quelques années plus tard, en faisant loger le receveur en dehors
VARIA. 331
de l'établissement, on gagnait six places d'hommes. Il y a trois
ans, on ajoutait I hectare de terrain au domaine de culture séparé
de l'asile fermé par un chemin communal ; de là la colonie agricole,
avec ses deux pavillons contenant chacun 20 hommes et avecsa bou-
iangene : autonome depuis deux années, elle fournit des bénéfices-
Cette métairiese compose de ces deux pavillons, plus d'un bâtiment
pour l'élable (24 bêtes à cornes) et l'écurie (4 chevaux), d'une belle
grange, d'une porcherie, d'un poulailler. Un des deux bâtiments
économiques d'autrefois, derrière la cuisine de l'asile fermé, a
été adaplé à la résidence de 30 travailleuses; 20 femmes y sont
depuis le printemps dernier. De même que la colonie, ce bâtiment
sans grilles, jouit du chauffage à l'eau chaude, de l'éclairage au
gaz, d'une conduite d'eau; les locaux où l'on travaille sont placés
en bas. Des dortoirs occupent l'étage supérieur. Un téléphone unit
l'asile à la colonie. Le bâtiment cellulaire de la division des femmes
a été doté d'une annexe qui comprend une grande salle aérée et
quatre cellules, le tout dépourvu de grilles. Depuis 1883, un médecin
adjoint réside à l'établissement.
Duché de Brunswick. L'encombrement de l'asile de
l3rtnstuick a, depuis des années, suscité diverses propositions. On a
décidé d'y construire quatre pavillons qui permettraient de re-
cevoir 74 malades des deux sexes; effectuée dans ces dernières
années, cette construction est maintenant habitée : Elle occupe un
coleau; le pavillon le plus rapproché de l'asile est à t70 mètres
de lui. On lui a rattaché 434 ares 05 de terrain qui ont été trans-
formés en parc. Dans le pavillon destiné aux hommes pension-
naires de lr0 et 2" classe, un sous-sol renferme une piscine dont
on peut, à volonté, réchauffer l'eau. Le pavillon des hommes et des
dames de 1 « et 2" possède au rez-de-chaussée quatre chambres,
réservées chacune à un malade de lre classe, mais en relation
avec salon de conversation ; au premier étage, chambres à
deux lits. Les malades de 30 classe habitent le rez-de-chaussée,
mais dorment à l'étage supérieur. En bas, on trouve un réfec
toire pour 25 malades et 2 gardiens; des deux côtés, salle de jour.
Deux petites chambres servent aux aliénés passagèrement indis-
posés. Partout on ainstallé balcons, et verandahs.Portes et fenêtres
à jeu libre.
Duché de Saxe-Altenburg. Eu 1848, on avait ouvert
l'asile de Roda à 70 malades. En 1859, on exécutait une nouvelle
construction pour 50 aliénés ; autre addition architecturale eu
t869 pour 76 psychopathes. Le troisième agrandissement étendu
a eu lieu en 1884 ; les constructions ont coûté 1,350,000 marks
(1,687 ? )00 fr.) ; on a dû acquérir du mobilier pour une somme de
24,500 marks (30,625 fr.). L'établissement contient aujourd'hui
332 VARIA.
385 aliénés. Les nouvel les cons tractions comprennent : l'agrandisse-
ment de l'habitation du directeur, une grande habitation sé-
parée pour la famille du second médecin de l'établissement et pour
le médecin adjoint, une aile neuve pour t4 aliénées femmes,
un pavillon isolé pour 8 à 10 femmes semi-agitées, deux pavil-
lons isolés destinés aux affections intercurrentes, pour les deux
sexes, une buanderie isolée avec ses dépendances. Fenêtres dé-
pourvues de grilles (modèle de Sarreguemines), ventilation et chauf-
fage à l'aide de canaux d'air spéciaux et des poêles à cellules de
l'ingénieur Born de Magdebourg. Chaque quartier a son installa-
tion balnéaire spéciale. Superficie du territoire = : 638 ares 315.
On construit tout près un asile d'idiots, destiné provisoirement à : *6 malades éducables ; il comprend un pavillon, des bâtiments
administratifs, et économiques; 85,000 marcs (106,21O fr.) sont
imputés à cette institution sur les fonds de l'Etat.
Ville de Hambourg. Le rapport concernant l'année 4883,
contient des plaintes relatives à l'encombrement. Le bâtiment
principal destiné à 340 malades en renferme actuellement 476.
Maint quartier fournit à ses habitants moins de 900 pieds cubes
d'air. On propose donc d'élever trois nouveaux édifices pour in-
curables et pour malades. Dans le courant de l'année on a vu
naître de nombreux cas d'érysipèle souvent graves. On a pu oc-
cuper au travail agricole 139 hommes. Le capital de la fondation
Julius et dela caisse des secours a été grossi de legs particuliers ;
il est aujourd'hui de 101,î00 marks (12"1,125 fr.). L'exploitation
agricole a atteint le chiffre de 57;000 marks (71,250 fr.).
Ville de Brème. En 1883, on a érigé un bâtiment pour 30
agités chroniques environ.
Ville de Lübeck. - En 1881, on décidait d'édifier deux ailes
pour 40 lits ; elles étaient occupées en 1882. Ce qui a permis de
restaurer lés veilles constructions à fonds et de multiplier le per-
sonnel qui actuellement est de 23 individus pour 98 malades
(Allg. Zeitschr. f. Psych. Xl.l, 4 et 5). P. Ki'.RAVAL.
FAITS DIVERS
Asile d'aliénés de la Seine : mouvement de la population
en 1885. Sauf quelques placements volontaires qui sont faits
directement par les familles dans les divers asiles, tous les aliénés
passent parle Bureau d'admission des asiles, annexe de l'asile
Clinique (Sainte-Anne). Voici quel a été le mouvement de la po-
pulatioti du bureau d'admission en 1885 :
334 FAITS DIVERS.
Prix de la sociÉrf; MÉD)C\LE 1) ? NIIENS. Le sujet du prix pour
l'année 1887 est : Influence de l'alcoolisme siii les maladies aiguës.
Société d'anthropologie. Prix l3cr(illorz : M. le D Bertillou a
^laissé en mourant, à la Société d'anthropologie de Paris, une
somme de ;i,000 fr., dont les arrérages devront servir à fonder un
prix biennal, destiné à récompenser le meilleur travail envoyé sur
un sujet concernant l'anthropologie.
La Société DE médecine légale vient de procéderai ! renouvelle-
ment de son bureau qui, pour l'année 1886, est composé comme
il suit : président : AL le Dr Blanche; vice-présidents : MM. Hoi-
telup, magistrat, et le be Polaillori secrétaire général : l. le
Dt Gatlard; secrétaires des séances : le Dr Le Blond, le
De Socquet; archiviste : àl. Joseph Lefort, avocat, docteur en
droit; trésorier : M. Mayet, pharmacien. Membres de la com-
mission permanente chargée de répondre dans l'intervalle des
séances aux demandes d'avis motivés, adressées à la Société.
MM. Blanche, président; Gallard, secrétaire général; l3oudet,
avocat; le Dr Brouardel, le Dr Foville, le 'D Laugier, le Dr l,ii-
taud, le Dr Pinard, le De Polaillon; Rocher, avocat; le Dr 'rberl :
Yvon, pharmacien. Ilei ? î61,es du conseil de famille .' MAI. Btdn-
che, président; Ilorteloup et PolaiLoti, vice-présidents; Chaude,
avocat; Benoist, magistrat; Boudet, avocat; Dr Falret, ])'Motet.
Membres du comité de publication : 1111. Gallard, secrétaire gé-
iiéral ; Le Blond, Jules Lefort, Meignien, Poucttet, Socquet. Dans
la même séance, la Société a nommé membres honoraires :
MAI. les D" Pénard et Worms. La Société tient ses séances, le
2" lundi de chaque mois, à quatre heures très précises, au palais
de justice dans la salle des référés. Les séances sont publiques.
Six places de membres correspondants nationaux sont déclarées
vacantes; les candidats sont invités à faire parvenir leurs demandes
sans retard au secrétariat général, 7, rue Monaigny.
Un nouvel asile d'aliénés. Le Parlement a adopté un projet
de loi autorisant le départemant de la Somme, .conformément à
la demande que le conseil général en a faite, à emprunter, à un
taux d'intérêt qui ne pourra pas dépasser 4 fr. 75 p. 100 une
somme de 1,90 : i,000 fr., applicalde pour une part à la création
d'un asile départemental d'aliénés.
Prix institué par le roi des Belge ? Le prix annuel de
25,000 fr., destiné à encourager les oeuvres intellectuelles et ins-
titué par le roi de Belgique, sera attribué en 1889 n au meilleur
travail sur les progrès de l'électricité comme moteur, moyen
d'éclairage, et sur les applications qui en peuvent être faites n.
S'adresser au ministère de l'industrie et des travaux publics à
Bruxelles pour tous les renseignements.
FAITS DIVERS. 335
Un Fou en liberté. Sous ce litre, les journaux politiques
publient le fait suivant : «Hier, à midi, un frère de l'asile Lochcn
(Côtes-du-Nord), chargé de conduire un aliéné à la Ville-Evrard,
se disposait à entrer dans la gare de Vincennes, lorsque le fou.
calme jusqu'alors, exigea d'être conduit auprès d'un oncle qui
habite Paris. Son compagnon ayant refusé d'accéder à sa demande,
l'aliéné refusa d'avancer et poussa des cris perçants.
« Cet incident amena sur la place de la. Bastille un rassemble-
ment de plus de cinq cents personnes, lesquelles prirent fait et
cause pour le fou contre le frère, malgré l'intervention des agents
qui furent mis au courant des faits. La foule ne voulut point en-
tendre raison, et le malheureux aliéné fut, pour ainsi dire, arra-
ché des mains des agents et mis en liberté. Il en profita pour
prendre la fuite, et, dans la soirée d'hier, on n'avait encore pu
obtenir aucune de ses nouvelles. M. Delamarre, commissaire de
police, a ouvert une enquête. »
La « foule » nous parait avoir été aussi insensée que l'aliéné.
Ses libérateurs ( ? ) n'ont pas réfléchi que ce malheureux pouvait
peut-être assassiner quelque citoyen sous l'influence de son délire,
ou se suicider, ou commettre des actes graves.
Asile de la Providence pouu les : 1LIÉVIV : S. - 'Mous attirons
l'attention sur cet établissement fondé depuis plus de trente ans,
et qui a été longtemps la seule maison de ce genre dans la partie
ouest de l'Etat de New-York. On ne compte plus le bien qui yja été
accompli ni le nombre des gens qui y ont recouvré la raison.
Nous pouvons dire que l'oeuvre accomplie frappe par sa magnifi-
cence. Par des agrandissements successifs, l'établissement peut
recevoir cent cinquante malades. On projette des agrandissements
nouveaux, adaptés au traitement de la folie; d'autre part, on
a ouvert des salles spéciales pour les pauvres. L'établissement a
pris le nom de la soeur Rosalind Brown, qui était supérieure. l'en-
dant trente ans, le traitement médical a été dirigé par le Dl Wil-
liam Ring. On lui a adjoint le Dr Floyd-S.-Arego médecin privé
de l'asile, et maintenant médecin à Bull'alo. Les médecins auront
tout avantage à visiter cet établissement.
Asile royal de GLASGOW. La réunion annuelle du conseil
de l'asile de Glasgow a eu lieu la semaine dernière. Du rapport
du secrétaire, il résulte que la population de l'asile au commen-
cement de l'année était de 483 malades. Il y a eu 188 admissions
et 161 sorties, dont67 malades guéris et 39 décès; il restait donc
à la fin de l'année 471 malades. 291 étaient payants; 180 à la
charge des paroisses. Le nombre des malades payants était
augmenté de 10, celui des malades de paroisse diminué, car,
avant la fin de l'année, on a retiré des déments chroniques et
336 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
incurables, pour des aménagements neufs. Le fond de réserve
de l'asile est maintenant de 22,639 livres, 15 schel., 4 d. Le recteur,
en proposant l'adoption du rapport, remercie au nom de tous
les directeurs, les médecins, les malades et les employés, et les
assure de son extrême satisfaction. Le rapport a été adopté à
l'unanimité, et le Dl Yelloubes et ses assistants ont reçu les
remerciements de l'assemblée pour la façon consciencieuse et
efficace dont ils s'étaient acquittés de leurs devoirs. (Brit. med.
Joiii-n., 30 janv. 1886.) '
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
De SAK (Le père Louis). Étude pathologico-théologique. de Sainte-
Thérèse. Brochure in-8° de 114 pages. Louvain, 1886.-Fonteyn et Pans,
chea. Fetscherin et Chuit.
Transactions of the ophthalmo-logical society of tlie united kingdom.
Vol. IV (1883-1884); volume in-8» cart. de 376 nages, avec planches hors
texte Vol. V (1884-1885); vol. 111-80 cart. de 260 pages. London, 1884
et 1885. - 3. et A. Cliurcliill.
BFNNETT (H.) A caseof locomotor a<a.cy,u) : MoM<6ft'Mae of the postmor
colurnus of the spiraal cord. Brochure in-8° de 11 pages, avec 2 planches
hors texte. Extrait du tome XVIII of the « Clirtical Societg's Tiansac-
Berjon (A). La grande hystérie chez l'homme. Phénomènes 1s
d"inhibition et de dynamogénie, changements de la personnalité, action i
des médicaments à distance. D'après les travaux de i\111. Bnunnu ut
Bunor. Broclmre in-8 de 81 pages, avec 10 planches hors texte. -
Prix : 3 fr. Paris, 188G. - .1. B. Baillivre et fils.
HACK TUKF (D.) Le corps et l'esprit, action du moral et de l'imagina-
introduction par A FOVILLE. Volume in-8° de 404 pages. Prix : 6 fr.
Paris,188G. - Librairie J.-B. Baillil;re.
Le rédacteur-gérant, 13oURNEVILLE.
Bvrem. f.h. Iitwsser, imp - 38G.
Vol. XI. Mai 1886. NU 33.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE NERVEUSE
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA NÉVRITE SEG.IENTAIRE
(altérations DES NERFS dans un cas DE paralysie diphthéritique) ;
Par MM. A. PITRES, professeur à la Faculté de médecine de Bordeaux,
et L. VAILLARD, professeur agrégé du Val-de-Grâce.
Parmi les altérations des nerfs périphériques que
l'on range dans le groupe des névrites, celles qui in-
téressent la fibre nerveuse d'une manière prédomi-
nante ou exclusive sont de beaucoup les plus com-
munes ; en raison de cette localisation à l'élément noble
de l'organe, on les désigne habituellement sous le nom
de névrites parenchymateuses .
Les lésions de cet ordre peuvent se développer sous
l'influence de conditions pathogéniques très diverses;
mais, quelle que soit la cause qui les détermine, elles
produisent toujours dans la structure du tube nerveux
une série de modifications aboutissant à l'atrophie plus
ou moins complète.
Dans l'immense majorité des faits le processus en
jeu ne s'éloigne point, en apparence, de celui qui ap-
Archives, t. XI. ' 22
338 PATHOLOGIE NERVEUSE.
partient à la dégénération wallérienne proprement
dite; les altérations histologiques reproduisent exacte-
ment celles que M. Ranvier a décrites sur le bout in-
férieur d'un nerf sectionné. A la période initiale, le
noyau des segments interannulaires se tuméfie et se
multiplie; le protoplasma végète, devient plus abon-
dant, sectionne en des points multiples le cylindre de
myéline et lefilament axile. Progressivement la myéline,
morcelée de plus en plus, se dispose sous forme de
blocs, de boules ou de grains disséminés dans un
protoplasma granuleux auquel s'ajoute un nombre
variable de noyaux. Puis les débris de myéline sont
éliminés. Le calibre de la fibre nerveuse diminue et-
bientôt celle-ci se trouve réduite à la gaîne de
Schwann que distendent de loin en loin quelques
noyaux ovoïdes. Ces lésions essentiellement carac-
térisées par la segmentation, la disparition de la myéline
et la destruction rapide du cylindre-axe se produisent
d'une manière identique et sans discontinuité sur toute
la longueur de la fibre nerveuse.
A côté de cette forme, il en est une autre, décrite
pour la première fois par M. Gombault' sous le nom
de névrite segnaentaire péri-axile.
Sur des cobayes soumis à un empoisonnement lent
par le plomb et n'ayant présenté aucun phénomène de
paralysie diffuse ou localisée, M. Gombault a observé
un mode particulier d'altération des nerfs qui diffère
à tous égards du précédent. « Contrairement, dit-il, à
ce qui se passe dans le cas de la section d'un nerf,
1 Gombault. Contribution n l'étude de la névrite paî,e71chynialeuse
subaigué et chronique. Névrite segmentaire péri-axile. (Archives de
Neurologie, 1880, p. Il.)
DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 339
l'altération ne porte ici que sur une étendue limitée de
la longueur de la fibre, et immédiatement au-dessous,
comme immédiatement au-dessus du point intéressé
celle-ci reprend son volume et son aspect habituels.
Il y a plus, l'examen de certaines fibres isolées sur
une grande longueur permet de s'assurer que la même
lésion circonscrite peut s'être produite à la fois sur
deux points de la longueur d'une même fibre, séparés
l'un de l'autre par un intervalle au niveau duquel la fibre
paraît absolument saine. » Le plus habituellement,
l'étendue de l'altération mesure à peu près la longueur
d'un segment, mais elle peut dépasser ces limites,
comme aussi se restreindre à une partie seulement
d'un segment interannulaire.
Dans les points ainsi atteints, les caractères de la
lésion sont ceux d'une véritable inflammation paren-
chymateuse, avec cette particularité toutefois que la
gaîne de myéline et le protoplasma sontseuls intéressés,
tandis que le cylindre-axe n'est jamais interrompu et
reste en relation avec les centres. Les modifications
subies par la myéline débutent généralement vers les
extrémités du segment, au voisinage d'un étrangle-
ment interannulaire, pour gagner ensuite les por-
tions intermédiaires. En outre elles procèdent de la
périphérie vers le centre de la gaîne de myéline, alté-
rant d'abord les couches externes, avant d'atteindre les
parties profondes. D'autre part, enfin, la myéline, au
lieu de se segmenter en blocs volumineux, comme cela
s'observe au début de la dégénération wallérienne, se
résout en fines granulations émulsionnées dans un
protoplasma abondant, au milieu duquel on rencontre
un nombre parfois considérable de noyaux. La myéline
340 PATHOLOGIE NERVEUSE.
ainsi désagrégée tend progressivement à disparaître,
ses débris deviennent de plus en plus rares, et bientôt
on n'en trouve aucune trace dans l'intérieur du
tube nerveux; les noyaux persistent au contraire,
et parsèment encore la gaîne de myéline consi-
dérablement réduite de calibre. Mais, fait remarquable,
quel que soit le degré de l'altération, le cylindre-axe
n'est jamais détruit. Il ne cesse point d'être recon-
naissable au milieu des débris de myéline et lorsque
ceux-ci ont été complètement éliminés, il semble à lui
seul constituer toute la fibre nerveuse. Cette intégrité
du filament axile, malgré l'effondrement de la gaîne
myélinique, constitue un trait caractéristique et justifie,
dans l'espèce, la dénomination de névrite segmentaire
péri-axile imposée par M. Gombault à cette curieuse
lésion; elle explique aisément l'absence de troubles
moteurs chez les animaux dont les nerfs périphériques
présentaient ces altérations.
Cette forme nouvelle de névrite n'est nullement
spéciale au cochon d'Inde ou au saturnisme chronique.
Elle se montre aussi chez l'homme, et M. Gombault a
pu l'observer chez des sujets atteints d'atrophie mus-
culaire protopathique, de sclérose latérale amyotro-
phique et de névrite traumatique. Le même auteur l'a
rencontrée encore dans la paralysie diphthéritique et
chez un sujet dont l'affection avait évolué clinique-
ment sous la forme d'une paralysie ascendante aiguë '.
Toutefois, la névrite segmentaire péri-axile ne semble
pas avoir été fréquemment rencontrée dans les recher-
ches ultérieures sur l'anatomie pathologique des nerfs
1 Gombau]t. JVo<e sur le rôle que jouent les lésions segmentaires dans
l'évolution delà névrite parenchymateuse. {Soc. analonaigue, 4881, p. 157.)
DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 3M
périphériques, et depuis 1880, époque à laquelle en
fut donnée la première description, P. Meyer seul a
signalé son existence dans un cas de paralysie diphthé-
ritique '.
Au cours de nombreuses études sur les névrites,
nous n'avions point eu l'occasion d'observer des faits
analogues lorsque l'examen d'un cas de paralysie
diphthéritique généralisée nous a permis de constater
des altérations très semblables, mais non identiques à
celles que décrit M. Gombault. Si, dans le fait dont il
s'agit, la distribution segmentaire des lésions est très
évidente sur un grand nombre de fibres, le type du
processus s'éloigne cependant par quelques traits im-
portants de celui qui a été donné comme caractéristique
de la névrite segmentaire péri-axile. Aussi croyons-
nous devoir le rapporter avec détails.
Observation. 7'M'CMOM pulmonaire. Diphthérie cu-
tanée consécutive à l'application d'un vésicatoire. Am-
blyopie ; paralysie du voile du palais ; paralysie, des quatre
membres avec troubles de la sensibilité. Parésie du dia-
p/; ? 'aM : e. Arythmie du coeur. Mort par hémorrhagie
pulmonaire. Intégrité du cerveau et de la moelle.
Névrites à forme segmentaire des nerfs périphériques et des
racines spinales.
Uchan, gendarme, âgé de trente-sept ans, a toujours joui
d'une bonne santé jusqu'au mois de janvier 1884, époque à
laquelle il fut atteint d'une bronchite avec fièvre qui nécessita
son entrée à l'hôpital du Val-de-Gràce. Au cours de cette affec-
tion survinrent des hémoptysiespeu abondantes, mais répétées.
Un traitement de courte durée suffit à amender les symptômes
pulmonaires et le malade, à peu près rétabli, quitta l'hôpital
1 Il. leyer. Recherches anatomiques sur la paralysie diphthéritique.
(Ai-eh. fiw putk. anal. Bil. LXXXV Ileft 2. Analyse in Revue de Hayem
t. XX, p. 57, 1882.)
342 PATHOLOGIE NERVEUSE.
pour jouir d'un congé de convalescence dans sa famille. Mais
après un très court répit la santé décline, la toux se réveille,
de nouvelles hémoptysies se produisent, et, dès l'expiration
'de son congé, Uchan est nouveau dirigé sur le Val-de-Grâce,
au mois de juin 1884.
La tuberculose pulmonaire est alors nettement confirmée et
se traduit par les signes non douteux d'une petite excavation
localisée au sommet du poumon gauche. L'état général est
alors satisfaisant, l'appétit intact, l'amaigrissement peu pro-
noncé, les forces sont à peine amoindries; seules l'anhéla-
tion et une toux persistante avec expectoration muco-puru-
lente fatiguent le malade.
Le 4 juillet la fièvre s'allume, la toux s'exagère; il s'est
produit au voisinage du foyer tuberculeux une poussée con-
gestive pour laquelle il parait opportun d'appliquer un vésica-
toire dans la région sous-claviculaire gauche. A ce même
moment un malade atteint d'angine diphthéritique est placé
dans le service. Le 8 juillet la plaie de ce vésicatoire de-
vient très douloureuse, rouge, saignante, puis se recouvre
sur toute son étendue d'une fausse membrane grisâtre, consis-
tante, difficile à détacher, au-dessous de laquelle le derme
présente une teinte ecchymotique.
Le 11 juillet la fausse membrane se détache par places,
mais se reproduit lelendemain; et après des alternatives de dis-
parition et de récidive, tombe définitivement le 20 juillet. La
plaie du vésicatoire ne montre ensuite aucune tendance à la
cicatrisation; elle reste rouge, saigne au moindre contact et
devient le siège d'une hyperesthésie excessivement vive.
25. Uchan éprouve dans le bras gauche des douleurs
contusives, vagues, sans localisation*précise, auxquelles s'ajou-
tent parfois des élancements sur le trajet du cubital et du ra-
dial. Ces douleurs sont plus vives au niveau de l'épaule et
manifestement exagérées soit par les mouvements, soit par la
pression des muscles; la sensibilité est normale dans ses diffé-
rents modes.
Les jours suivants ces mêmes symptômes persistent sans
modification; la plaie du vésicatoire se cicatrise lentement.
' 6 août. Le malade se plaint de troubles de la vue dont le
début parait remonter au moment où ont apparu les douleurs
du bras gauche : la lecture est difficile, presque impossible, les
objets éloignés ou rapprochés apparaissent confus et comme
DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 343
noyés dans un brouillard. Les membranes extérieures de l'oeil,
les milieux et la rétine ne présentent aucune altération.
10. - La déglutition des aliments et surtout des liquides
devient malaisée; ces derniers refluent vers les fosses nasales
ou tombent àl'orifice du larynx en déterminant de pénibles
accès de toux. A l'examen de la bouche, le voile du palais est
immobile, vertical, insensible aux excitations. -
En outre le malade accuse un affaiblissement de la niotilité
du bras gauche ; ce membre est devenu lourd, paresseux et
moins habile à saisir les objets. La sensibilité est émoussée
depuis l'épaule jusqu'à l'extrémité des doigts, les sensations
sont perçues avec un léger retard. Les douleurs signalées dans
ce bras continuent à se produire avec les mêmes caractères.
18. La parésie du bras gauche s'accentue. Les membres
inférieurs deviennent vacillants et se fatiguent après quelques
pas. La marche est incertaine, hésitante, maladroite et réclame
pour s'effectuer le concours d'une attention'soutenue. Les
jambes fléchissent pendant la station debout et celle-ci ne peut
être maintenue au delà de quelques minutes. La sensibilité
est normale.
25. - Le bras gauche, presque complètement paralysé, ne
peut être soulevé au-dessus du plan du lit; quelques mouve-
ments limités persistent encore dans les doigts. Anesthésie
absolue sur toute l'étendue du membre; les douleurs spon-
tanées ne cessent pas de s'y produire.
L'affaiblissement des membres inférieurs se prononce davan-
tage et c'est avec une grande difficulté que le malade arrive à
se traîner de lit en lit ; les jambes fléchissent, se dérobent à
chaque pas, les pieds se détachent à peine du sol. La sensi-
bilité y est fortement émoussée, particulièrement à la plante
des pieds ; le malade croit toujours marcher sur du coton. Au-
cun trouble du côté des sphincters.
3 septembre. - Paralysie et anesthésie absolues du bras
gauche qui continue à être le siège de douleurs très vives, oc-
cupant successivement le trajet des différents nerfs.
La parésie des membres inférieurs est devenue telle que la
marche ou la station debout sont impossibles. Le malade reste
confiné au lit; à peine peut-il déplacer ses jambes en les fai-
sant glisser sur lo plan du lit. Pas de douleurs spontanées ni
provoquées, La sensibilité au contact, à la douleur, à la-tem-
pérature est considérablement amoindrie. Les réflexes- plan-
344 PATHOLOGIE NERVEUSE.
taires, rotuliens, testiculaires sont presque nuls. Le sens
musculaire est aboli; le malade n'a plus la notion de la posi-
tion de ses membres inférieurs, les perd dans son lit, et ne
peut indiquer les diverses attitudes qu'on leur communique.
15. La paralysie des membres inférieurs est devenue
complète, absolue, intéressant au même degré la motilité et la
sensibilité.
Le bras droit commence à .se prendre et devient lourd,
malhabile, paresseux. La sensibilité cutanée de ce segment est
intéressée dans tous ses modes.
Les troubles de la vue ont complètement disparu et le fonc-
tionnement du voile du palais est aujourd'hui normal.
18. Le malade éprouve une gêne insolite de la respira- ,
tion, à laquelle succède progressivement une dyspnée per-
manente entrecoupée par des accès d'apnée. Ces troubles, que
n'expliquent aucune lésion pleurale, pulmonaire ou cardiaque,
dépendent uniquement d'une parésie du diaphragme. La
respiration s'effectue suivant le type costal supérieur. Le
diaphragme se meut à peine; au moment de l'inspiration, l'épi-
gastre et les hypochondres se dépriment pour se soulever en-
suite pendant l'expiration.
A ces symptômes s'ajoutent le 2t septembre des troubles
cardiaques caractérisés par de l'angoisse précordiale, de l'ary-
thmie et un affaiblissement notoire de la contraction ventricu-
laire : le pouls est irrégulier, intermittent, ondulant, petit,
parfois filiforme et à peine perceptible. La dyspnée s'exagère,
et on constate alors l'existence d'une congestion pulmonaire,
plus particulièrement intense du côté gauche. Cette congestion
aboutit le 25 à une hémoptysie abondante qui se continue
pendant trois jours par le rejet de crachats sanglants, d'un
rouge vif et finement aérés. Fresque aussitôt se produit une
amélioration croissante, rapide des troubles respiratoires et
cardiaques : la paralysie du diaphragme disparait et le coeur
reprend son rythme, sa contractilité habituels.
18 octobre. Le bras droit, atteint en dernier lieu, est
complètement paralysé, privé de sensibilité.
A ce moment les quatre membres sont donc frappés de
paralysie flasque, complète et totale. Les masses musculaires
ont diminué de volume, et ne réagissent que faiblement à l'exci-
tation faradique. La sensibilité est partout abolie dans tous
ses modes, sauf au niveau du tronc. Les douleurs spontanées
DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 345
persistent dans le bras gauche. Aucun trouble de la vessie et
du rectum.
La cicatrice du vésicatoire devient le siège de picotements
douloureux. L'épiderme qui le recouvre se fendille, s'exfolie;
le derme rougit et il se forme sur trois points différents un
ulcère arrondi, saignant, de la dimension d'une pièce de
50 centimes et très-sensible au moindre contact. Chacune de
ces ulcérations s'agrandit ultérieurement et tend à rejoindre la
perte de substance voisine.
2t. -Des douleurs vives, contusives, permanentes, se pro-
duisent dans le membre inférieur gauche particulièrement au
niveau du pied, du mollet et de la face interne des cuisses;
elles s'exagèrent pendant la nuit, et prennent alors le caractère
d'un rongement excessivement pénible. La paralysie reste
complète et absolue. Les masses musculaires ont subi un amai-
grissement rapide et très prononcé.
23. Les douleurs ne cessent point de se faire sentir dans
le bras et la jambe gauches, surtout pendant la nuit.
La paralysie du bras et de la jambe droits commence à s'a-
mender, quelques mouvements deviennent d'abord possibles
dans les doigts et les orteils, puis le malade arrive progressive-
ment à déplacer ses membres en les faisant glisser sur le plan
du lit. Les divers muscles réagissent mieux à l'excitation élec-
trique. Parallèlement la sensibilité revient dans ces mêmes
régions.
4 novembre. L'amélioration s'est accentuée du côté droit.
Le malade peut mouvoir le bras et la jambe, mais la force
musculaire est- très amoindrie; sensibilité presque normale.
Les douleurs persistent toujours du côté gauche. La main
a recouvré quelques mouvements limités.
Les ulcérations développées an niveau du vésicatoire ne pré-
sentent aucune tendance à la guérison et sont toujours le
siège d'une très vive hyperesthésie.
Le 6 novembre survient brusquement de la dyspnée, une
toux incessante suivie du rejet de crachats sanglants. Le 7,
hémoptysie copieuse. L'hémorrhagie se reproduit avec abon-
dance le 8 et le 9. Mort le 10 novembre.
AUTOPSIE. - Thorax. Plèvres saines. Au sommet du pou-
mon gauche existe une caverne du volume d'une pomme,
entourée à sa périphérie par un semis très abondant de tuber-
346 PATHOLOGIE NERVEUSE.
cules jaunes, caséeux, non ramollis; sa paroi mince, lisse,
régulière est parcourue par une branche de l'artère pulmonaire
égalant à peu près en diamètre celui d'une plume de corbeau.
Ce vaisseau porte un renflement anévrysmal, de la grosseur
d'un pois et dont la face libre présente une fissure intéressant
toute la paroi du sac. Quelques nodules tuberculeux sont dissé-
minés dans les trois quarts inférieurs du poumon gauche ; vers
le bord libre de la base, ils deviennent plus confluents et
forment des groupes compacts occupant des lobules entiers. Le
reste du parenchyme ne montre aucune altération. Dans le
poumon droit, quelques rares tubercules crus vers le sommet;
état normal dans les autres parties. Coeur et péricarde sains.
Abdomen. - Le péritoine, l'intestin, les reins, le foie et la
rate ne présentent aucune modification.
Crâne. Méninges absolument saines. Le cerveau n'offre
rien de particulier à signaler, aussi bien à sa superficie que
dans ses parties centrales.
Hachis. Dure-mère saine. La pie-mère est intacte dans
toute son étendue, sauf dans la région lombaire où elle présente
au niveau du sillon médian antérieur, quatre petites plaques
du volume d'une lentille, consistantes, blanc grisâtre, d'aspect
cartilagineux, distantes les unes des autres de 1 centimètre
environ. A leur voisinage, la pie-mère parait légèrement hype-
rémiée.
A l'oeil nu, la moelle ne montre aucune altération appré-
ciable. .
Les différents nerfs des membres supérieurs et inférieurs
mis à nu sur la. plus grande partie de leur trajet, les racines
sensitives et motrices ont conservé leur apparence habituelle
et ne diffèrent enriende l'état normal. Denombreuxfragments
ont été recueillis, plongés durant vingt-quatre heures dans une
solution d'acide osmique au centième, puis colorés au picro-
carminate d'ammoniaque et dissociés pour l'examen histolo-
gique.
Examen uistologique. J/oe//e. Les coupes pratiquées après
durcissement dans les régions cervicale, dorsale et lombaire de
la moelle, démontrent l'intégrité absolue de cet organe. Sur
quelques préparations provenant de l'extrémité supérieure du
renflement lombaire, l'une des cornes antérieures semble
diminuée de volume, mais cette apparence ne s'accompagne
DE la NÉVRITE segmentaire 347
d'aucune altération appréciable du tissu. Les cellules sont
notamment aussi bien développées dans la corne atrophiée que
dans la corne homologue; les parois vasculaires, les gaines
lymphatiques présentent leur aspect habituel et la névroglie
n'est le siège d'aucune modification. La substance blanche est
partout absolument saine.
Nerfs périphériques. A. Nerfs du membre supérieur
gauche. 1° Filets du radial à la face dorsale delà main.
Presque toutes les fibres présentent des altérations manifestes,
variables seulement par leur physionomie et surtout leur mode
de répartition.
Les plus nombreuses sont désorganisées sur toute l'étendue
qu'elles occupent dans la préparation et montrent une série
d'altérations ne différant en rien de celles que l'on reconnaît
aux névrites dégénératives. La gaine de myéline est morcelée
en blocs volumineux ou en boules inégales entre lesquels
s'insinuent des noyaux et un protoplasma granuleux. Le
cylindre-axe est sectionné. Ailleurs, la myéline a disparu
en grande partie, la fibre est atrophiée et réduite à la gaine
de Schwann que distendent de loin en loin des amas for-
més par des gouttelettes ou des grains noirs et des noyaux;
de là un aspect moniliforme. Ailleurs enfin, la gaine de
Schwann ne contient plus aucun vestige de myéline : ◀tantôt▶
elle est affaissée, plissée et se teinte légèrement en rose pâle
sur lequel tranchent quelques noyaux ovoïdes plus colorés ;
◀tantôt▶ elle conserve encore un certain calibre et semble
contenir une substance amorphe, homogène, d'un jaune
ambré dans laquelle sont enchâssés des noyaux ovoïdes ou
arrondis. Les tubes ainsi atrophiés sont assez abondants, et
constituent parfois des faisceaux entiers.
A côté de ces fibres, il en est d'autres qui, à un examen
superficiel, semblent conserver leurs attributs normaux, mais
sont en réalité le siège d'altérations importantes. Contraire-
mont à ce que l'on observe sur les tubes précédents, la lésion
n'intéresse' ici qu'une partie restreinte de la fibre nerveuse :
paifois elle se cantonne dans une faible étendue d'un segment
interannulaire, au voisinage d'un étranglement; le plus sou-
vent, elle désorganise un, deux segments entiers et peut même
se développer sur une longueur de 8 ou 10 millimètres. Au-
dessus comme au-dessous de la portion altérée, la fibre reprend
ses caractères normaux. Il n'est pas rare de rencontrer sur une
348 pathologie NERVEUSE.
même fibre deux et même trois foyers successifs d'altération,
séparés par des segments d'une intégrité parfaite(fig.6. Pl. II).
Les segments ou portions altérées se présentent sous des
aspects différents qui répondent à des modalités variables et à
des degrés plus ou moins avancés du processus névritique ; mais
c'est surtout pendant les phases initiales que se manifestent
les dissemblances.
Dans une première forme, les altérations s'établissent sur le
mode suivant. Au début, la périphérie du cylindre de myéline
est seule atteinte (fig. 1). Les couches les plus excentriques,
celles qui sont immédiatement en contact avec la gaîne de
Schwann, perdent leur homogénéité, deviennent plusclaires,
granuleuses, et se résolvent en une infinité de petits grains,
de couleur cendrée. La partie ainsi désorganisée constitue une
sorte de manchon au centre duquel persiste un cordon de
myéline encore intact et dont l'épaisseur varie suivant les
points en raison de l'activité plus ou moins grande du processus
qui a détruit les couches excentriques.
A un degré plus avancé, le cylindre de myéline est intéressé
'dans toute son épaisseur, et le diamètre de la fibre nerveuse
apparaît agrandi au niveau des points atteints. La gaine de
Schwann est distendue par un amas ininterrompu de; grosses
sphères remplies de granulations très fines, grisâtres, jau-
nâtres ou ambrées (fig. 2 et 3); entre ces sphères existe une
matière protoplasmique grenue, teinte en jaune et des noyaux
en nombre variable. Malgré l'examen le plus attentif, il
est impossible de distinguer dans les segments ainsi modi-
fiés le moindre vestige du filament axile . Et cependant,
aux deux extrémités de la portion lésée, la fibre nerveuse
reprend sa structure normale ou à peu près normale, car sou-
vent les noyaux des segments contigus aux foyers d'altération
sont tuméfiés, leur protoplasma est devenu plus abondant,
contient deux ou trois gouttelettes noires et corrode même la
myéline à son voisinage.
Puis les débris de myéline tendent à disparaître. Le tube
diminué de diamètre présente une série de renflements où sont
accumulées quelques sphères semblables à celles qui ont été
décrites, une petite quantité de protoplasma et des noyaux plus
ou moins nombreux (fig. 4). Entre ces renflements, la gaine
de Schwann est ◀tantôt▶ complètement vide, ratatinée, filiforme,
◀tantôt▶ occupée encore par une matière homogène, de couleur
DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 349
ambrée où se rencontrent des noyaux ovoïdes. Dans ce cas
également, les recherches les plus attentives ne permettent pas
de découvrir les indices de la persistance du cylindre-axe. Aux
confins de l'altération, la fibre nerveuse reprend sa structure
normale.
Enfin, au degré ultime, toute trace de myéline ayant disparu,
l'atrophie est complète. La gaîne de Schwann se présente sous
la forme d'un mince tractus incolore ou légèrement teinté en
rosepâle sur laquelle se détache une succession de petits noyaux
ovoïdes (fig. 5); ou bien elle n'est pas complètement flétrie et
paraît contenir encore une matière homogène, d'un jaune
ambré et aussi des noyaux disposés en série linéaire (fig. 6,
PI. II). Le cylindre-axe n'y est pas mieux reconnaissable que
dans les cas précédents.
Dans une autre forme de l'altération segmentaire les phé-
nomènes initiaux s'éloignent des précédents. La lésion est
encore répartie par foyers intercalés entre des segments d'ap-
parence normale, mais la myéline s'y détruit suivant les pro-
cédés propres à la dégénération wallérienne. Dès le début, en
effet, elle est divisée en blocs volumineux ou en boules noires
par la végétation exubérante du protoplasma (fig. 7); le.
cylindre-axe est rompu; sectionné en même temps que la
myéline. Celle-ci se morcelé de plus en plus, disparaît gra-
duellement et laisse enfin la portion altérée réduite à la gaine
de Schwann affaissée ou plissée. Quelque soit d'ailleurs le degré
de l'atrophie, jamais on ne constate dans la gaîne de Schwann
les vestiges du filament axile.
Le tissu conjonctif constituant du nerf participe presque
toujours dans une certaine mesure à l'altération qui intéresse
à un si haut degré le tube nerveux. Ses fibres sont légèrement
Juméfiées et plus appréciables qu'à l'état habituel. Il est en
outre infiltré d'éléments cellulaires arrondis ou fusiformes
dont le protoplasma contient un grand nombre de grains
colorés en noir par l'acide osmique. L'endothélium des capil-
laires est également chargé des mêmes débris de myéline.
Indépendamment de ces modifications diverses qui tra-
duisent les degrés successifs du processus destructeur, on
observe sur maintes fibres des images représentant au con-
traire la phase de restauration. C'est ainsi que certains tubes,
dans touteleur longueur, sont grêles, pâles, d'un gris cendré et
constitués par des segments très courts. Sur d'autres où l'alté-
350 PATHOLOGIE NERVEUSE.
ration a évolué suivant le type segmentaire, on voit au milieu
de segments de diamètre uniforme et bien colorés en noir par
l'acide osmique, une portion mince, claire, formée de myéline
régulière, mais dont l'épaisseur égale à peine la moitié ou le
tiers du tube normal; de distance en distance celle-ci est dé-
primée par de gros noyaux ovoïdes (fig. 8 et 9). Il s'agit évi-
demment là de libres ou de segments régénérés.
2" Tronc du radial dans la gouttière de torsion. Présente
des lésions identiques à celles qui ont été décrites dans les
branches terminales, avec cette différence toutefois que les
tubes altérés semblent ici beaucoup moins abondants.
3° Cubital à la partie moyenne du bras. Lésions sem-
blables à celles des filets du radial.
4° Médian à la partie moyenne du bras. Mêmes altérations.
B. Nerfs du membre supérieur droit. Le cubital et le
coraco-brachial présentent des lésions dont l'étendue et la
forme ne diffèrent en rien de celles qui ont été signalées dans
les nerfs du bras gauche. Sur le tronc du médian on constate
des modifications de même ordre, mais la proportion des
fibres lésées y semble bien moins importante. Le radial est
peu altéré : outre des gaines vides et quelques tubes variqueux
sur toute leur longueur, il renferme aussi de rares fibres dont
certains segments sont désorganisés. La plupart des fibres
sont, en effet, indemnes ou ne présentent d'autre particularité
qu'une tuméfaction du noyau des segments, avec végétation
appréciable du protoplasma. 0 rad
C. Nerfs du membre inférieur gauche. Le saphène externe
renferme à peine quelques fibres réellement intactes; celles-ci
deviennent un peu plus nombreuses dans le sciatique poplité
externe et interne ou cependant les tubes sains sont en propor-
tion fortement dominante. Les formes de la lésion sont d'ail-'
leurs complètement semblables à celles qui ont été signalées à
propos du radial gauche et montrent une association du proces-
sus propre à la dégénération wallérienne et des altération';
segmentaires. Dans les différents nerfs, on rencontre en outre
les indices d'une phase de restauration plus ou moins étendue.
D. Nerfs du membre inférieur droit. Un grand nombre
des fibres du saphène interne sont intactes ou régénérées;
les autres sont désorganisées sur toute leur longueur ou
seulement au niveau de certains segments. Les fibres alto-
DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 351
rées dominent au contraire dans le sciatique poplité interne
et deviennent tellement abondantes dans le poplité externe
qu'il est difficile d'y rencontrer quelques tubes conservant
les attributs de l'état normal. Les formes de la lésion sont
d'ailleurs celles qui ont été déjà décrites.
Le tronc du sciatique est bien moins atteint que les branches
et renferme une proportion dominante de fibres saines.
E. Racines spinales. L'examen des racines antérieures
des quatrième, cinquième, sixième ganglions cervicaux, des
deuxième et troisième ganglions lombaires montre un très
petit nombre de fibres altérées, éparses au milieu de tubes
absolument intacts. La lésion y présente les caractères et les
diverses formes de la névrite segmentaire signalés à propos
des nerfs périphériques. Quelques fibres, normales par ailleurs,
montrent également une tuméfaction notable du noyau des
segments avec abondance insolite du protoplasma. On compte
en outre un certain nombre de tubes présentant les attributs
de la régénération.
Les racines postérieures des troisième, sixième, septième
ganglions cervicaux , et des quatrième et cinquième gan -
glions lombaires offrent des modifications identiques.
Ce fait est intéressant à plus d'un titre. Il concerne
un tuberculeux qui, dans le cours de son affection -
pulmonaire, contracte une diphthérie cutanée et pré-
sente peu de temps après une paralysie progressive,
généralisée, complète de la motilité. Cette paralysie
s'accompagne de troubles profonds de la sensibilité
caractérisés par de l'anesthésie absolue et des phéno-
mènes douloureux qui, sur certains membres, précè-
dent l'apparition des désordres moteurs et ne cessent
point de se manifester alors que l'anesthésie est réa-
lisée. Enfin la physionomie de ces accidents est com-
plétée par l'atrophie et la diminution de l'excitabilité
faradique des muscles paralysés. Les centres nerveux,
cerveau et moelle, sont dans un état de parfaite inté-
352 PATHOLOGIE NERVEUSE.
grité. Les racines spinales, antérieures et postérieures,
les différents nerfs périphériques examinés montrent
au contraire des altérations significatives auxquelles
il convient de rattacher les symptômes observés durant
la vie.
Mais ces névrites dépendent-elles de la tuberculose
ou de la diphthérie ? Il est peut être difficile d'incri-
miner avec certitude l'un ou l'autre de ces facteurs
pathogéniques. L'on sait, en effet, que les névrites
périphériques diffuses sont communes chez les tuber-
culeux', et des faits, aujourd'hui nombreux, ont dé-
montré d'autre part que des lésions de même nature
peuvent être produites par la diphthérie. Toutefois la
marche clinique des accidents observés chez le malade
offre une ressemblance si frappante avec l'évolution
que l'on attribue d'ordinaire aux paralysies diphthéri-
tiques, le début par les troubles de l'accommodation et
la paralysie du voile du palais, l'envahissement ulté-
rieur et progressif des membres, du diaphragme consti-
tuent un ensemble de caractères si particuliers, que
nous inclinerions volontiers à voir dans l'espèce un
exemple de paralysie d'origine diphthéritique.
S'il en est réellement ainsi, les résultats de l'examen
anatomo-pathoiogique ne sont pas dénués d'importance
en ce qui concerne la pathogénie encore discutée de
cette complication. Ils établissent, en effet, qu'une
paralysie généralisée, absolue de la sensibilité et de la
motricité peut survenir sans altération médullaire et
dépendre uniquement de névrites multiples. Telle n'est
cependant pas l'opinion communément accréditée.
Pitres et Vaillard. Des névrites périphériques chez les tuberculeux.
{Revue de médecine, mars 18s6.)
DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 353
Sans faire ici mention des diverses théories émises à
ce sujet, nous nous bornerons à rappeler que M. Dé-
jerine', après avoir décrit dans plusieurs faits de para-
lysie diphthéritique des lésions intéressant les racines
antérieures et les nerfs périphériques, dénie à ces
dernières toute existence propre, indépendante, et
les considère comme un incident secondaire, un état
deutéropathique, consécutif à une altération de la
moelle. Il s'agirait alors d'une téphro-myélite légère (si
peu accusée à la vérité qu'elle peut sembler probléma-
tique dans quelques-uns des faits étudiés par l'auteur).
En raison de la modification subie par les cellules des
cornes antérieures, cl le. tube nerveux, dit-il, n'étant
plus sous l'influence de ses centres trophiques qui seuls
peuvent maintenir son intégrité anatomique et physio-
logique est modifié profondément dans sa vitalité : la
myéline et le cylindre-axe deviennent de véritables
corps étrangers et déterminent, du côté des noyaux et
du protoplosma des modifications inflammatoires ».
L'atteinte de la moelle serait donc le fait primordial,
l'altération des racines et des nerfs une simple consé-
quence.
Chez un sujet atteint de paralysie diphthéritique,
P. Meyer a a constaté également des lésions simul-
tanées des nerfs périphériques, des racines spinales et
de la substance grise de la moelle, ces dernières uni-
quement caractérisées par la disparition des prolonge-
ments cellulaires, parfois du noyau et des nucléoles.
t Déjerine. Recherches sur les lésions du système nerveux péri-
phérique dans la paralysie diphthéritique (Archives de physiologie, 1878.)
2 P. Meyer, loc. citât.
Archives, t. XI. 23
35 re PATHOLOGIE NERVEUSE.
Mais l'auteur ne conclue pas à un lien de subor-
dination entre les unes et les autres. Il estime au
contraire que l'altération du système nerveux central
et périphérique dépend uniquement « de ce que l'ac-
tion du poison diphthéritique porte sur les différents
points du système nerveux, tout aussi bien sur les nerfs
que le centre spinal ».
Dans le fait que nous avons rapporté la moelle ne
présente aucune altération appréciable. Il est donc ra-
tionnel de penser que les lésions des nerfs périphéri-
ques et des racines sont autochthones, primitives, in-
dépendantes et relèvent uniquement d'une localisation
du poison infectieux sur cette partie du système
nerveux.
Au point de vue purement anatomique, les lésions
des nerfs périphériques montrent quelques caractères
spéciaux sur lesquels il importe d'insister. Ces lésions
consistent dans l'association constante de la névrite
dé-énérative banale avec une névrite segmentaire d'un
genre particulier, ne justifiant en rien la dénomination
de péri-axile.
La première reproduit les traits habituels de la dé-
génération watlérienne, atteint les fibres sur toute leur
longueur et les détruit suivant un procédé semblable à
celui que l'on observe dans le bout inférieur d'un nerf
sectionné.
La seconde n'intéresse pas toute l'étendue du tube
nerveux; elle est discontinue, se cantonne eu certains
points qu'elle frappe à l'exclusion des autres. ◀Tantôt▶
elle désorganise un ou deux segments, ◀tantôt▶ elle oc-
cupe une longueur de 3, 5 et même 8 millimètres, mais
peut aussi se limiter à une très minime partie d'un
DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 355
seul segment, toujours au voisinage immédiat d'un-
étranglement interannulaire. Aux deux extrémités de
la portion atteinte, quelle que soit d'ailleurs son
étendue, la fibre nerveuse reprend son aspect normal
et sa structure habituelle. Parfois, on observe sur la
même fibre deux ou trois foyers successifs d'altération,
séparés par des segments dont l'intégrité est parfaite.
Le processus intime de cette lésion segmentaire n'est
pas toujours identique et se présente sous deux aspects
différents.
Sur le plus grand nombre des fibres, la désorgani-
sation de la myéline s'effectue d'après un mode
analogue à celui que décrit M. Gombault. Elle débute
par la périphérie du tube nerveux pour en atteindre
ensuite toute l'épaisseur. La myéline se désagrège en
fines granulations noires ou grises, ordinairement
réunies en amas arrondis, assez bien délimités, qui
contiennent souvent à leur centre un gros noyau et ne
sont pas sans offrir quelque similitude avec les corps
granuleux de Gluge. Ces amas sont ◀tantôt▶ serrés et
pressés, ◀tantôt▶ épars dans une matière protoplasmique
parsemée de noyaux. Les masses granuleuses dispa-
raissent progressivement; au sur et à mesure de leur
élimination, la fibre s'amincit, s'atrophie, d'abord en
quelques 'points, puis sur toute son étendue et se
réduit alors à la gaine de Schwann entourant encore
un nombre variable de noyaux ovoïdes. Mais, fait im-
portant, il est impossible de retrouver sur aucune des
portions altérées les apparences ou les vestiges du
cylindre-axe. Si, dans les périodes initiales, ce tractus
peut être masqué par l'abondance des débris de myéline
qui remplissent confusément le tube, il ne saurait en
356 PATHOLOGIE NERVEUSE.
être de même lorsque la disparition partielle ou com-
plète de ces masses permet d'explorer librement le
contenu de la gaine de Schwann. A l'aide des grossisse-
ments les plus forts et par un examen minutieux, c'est
en vain que l'on recherche dans ces conditions des
images semblables à celles que M. Gombault a figurées;
nulle part on ne peut constater l'existence d'un fila-
ment rappelant de près ou de loin le cylindre-axe.
La névrite segmentaire peut évoluer encore suivant
un mode quelque peu différent du précédent. On ren-
contre, en effet, dans la continuité de certaines fibres,
normales par ailleurs, un ou plusieurs segments dont
les altérations reproduisent exactement celles que
l'on observe sur le bout périphérique d'un nerf sec-
tionné. La myéline s'y fragmente d'après les mêmes
procédés, en blocs volumineux, en boules grosses ou
fines, séparées par un protoplasma granuleux et des
noyaux. La multiplication de ces derniers est, il est
vrai, moins active que dans la variété précédente;
mais la destruction du cylindre-axe est tout aussi
certaine et l'on n'en peut trouver aucune trace soit entre
les blocs ou les amas de myéline, soit dans les seg-
ments atrophiés. Dans ce cas encore, aux portions
altérées font suite des segments qui ne s'éloignent de
l'état normal que par la tuméfaction du noyau et la
plus grande abondance du protoplasma périnucléaire.
Quelle que soit donc la variété de cette névrite seg-
mentaire, le cylindre-axe est impliqué dans la destruc-
tion des autres parties constituantes du tube nerveux et
disparaît, dès le début, sans que la vitalité des segments
placés au-dessus et au-dessous de la lésion paraisse
notoirement compromise.
DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 357
Cette particularité assez inattendue est en contra-
diction formelle avec les notions physiologiques généra-
lement admises. On sait, en effet, que toute section
nerveuse entraîne à sa suite la dégénération desfibres sé-
parées de leur centre trophique. Or, l'interruption du cy-
lindre-axe semble bien équivaloir à la division totale de
la fibre; cependant il n'en est rien, les portions du tube
nerveux isolées de leur centre conservent leur inté-
grité apparente. L'interruption du cylindre-axe se
produit même quelquefois sur deux ou trois tronçons
successifs sans que les segments intermédiaires sem-
blent influencés par cette circonstance.
Admettant avec M. Ranvier que la dégénération
consécutive à la section du cylindre-axe débute par
la périphérie de la fibre, et remonte progressivement
vers son extrémité centrale, pensera-t-on que, dans
l'espèce, cette dégénération existe, mais ne s'est pas
encore étendue jusqu'au niveau de l'altération segmen-
taire ? S'il en était ainsi, les filets terminaux du radial
devraient assurément montrer des lésions bien diffé-
rentes de celles que présente le tronc du nerf, et con-
tenir uniquement des tubes dégénérés sur toute leur
longueur. Or, tel n'est point le cas; les formes de la
lésion sont identiques de part et d'autre, la névrite
segmentaire est également commune dans les deux
portions du nerf.
Nous ne saurions aller au delà de la constatation
du fait et interpréter cette dérogation aux lois recon-
nues de la dégénération wallérienne. Mais, si inexpli-
cable qu'elle soit, la particularité précédente semble
affirmer du moins l'individualité physiologique et pa-
thologique du segment interannulaire ; elle démontre
358 PATHOLOGIE NERVEUSE.
aussi que, dans certaines circonstances, le cylindre-axe
peut être rompu en un ou plusieurs points de son
trajet sans que les parties sous-jacentes de la fibre ner-
veuse souffrent en apparence de cette séparation des
centres réputés trophiques.
Ainsi qu'il ressort encore des détails histologiques,
à côté de la névrite segmentaire, on rencontre dans
tous les nerfs examinés des fibres altérées sur toute
leur longueur, et présentant les attributs ordinaires de
la dégénération wallérienne. Cette coexistence a été
signalée par M. Gombault dans les différents cas qu'il
a étudiés, et par P. Meyer dans la paralysie diphthé-
ritique ; elle semble donc constituer un fait général.
D'après le premier de ces auteurs, ces deux formes de
lésion sont liées l'une à l'autre par un lien étroit de
subordination : les altérations dites dégénératives n'in-
terviennent qu'à titre secondaire, comme simple con-
séquence de l'évolution propre à la névrite segmen-
taire péri-axile. Celle-ci constitue la lésion initiale,
nécessaire; ◀tantôt▶ le processus demeure superficiel et
respecte le cylindre-axe, ◀tantôt▶ il l'intéresse à des degrés
divers, le détruit même et détermine alors dans les
portions sous-jacentes de la fibre des altérations iden-
tiques à celles qui se produisent après la section d'un
nerf. La destruction du cylindre-axe pouvant s'effectuer
à des hauteurs très variables pour des fibres différentes,
il en résulte que dans chaque préparation on rencontre
un certain nombre de tubes complètement dégénérés.
Dans une note lue à la Société anatomique', M. Gom-
bault a insisté de nouveau sur les rapports qui unissent
1 Gombault. - Note sur le rôle que jouent les lésions segmentaires dans
1a névrile parenclayntaleuse. (soc. 'a ? tat 1881, p. 157.)
DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 359
ces deux ordres de faits et cherché à établir que l'on
ne saurait concevoir les névrites dégénératives, primi-
tives, en dehors d'une lésion préexistante représentée
par la névrite segmentaire péri-axile. « Comment
comprendre, dit-il, la dégénération wallérienne se dé-
veloppant d'emblée sur une fibre nerveuse qui a con-
servé ses rapports avec une cellule nerveuse inaltérée ?
Il faut nécessairement admettre une lésion intermé-
diaire, préparatoire en quelque sorte, et cette lésion
est tellement nécessaire que, si l'examen anatomique
ne permettait pas de la constater, on serait obligé d'en
supposer l'existence. » Tout récemment enfin, le même
auteur développait encore cette opinion en décrivant
dans la névrite alcoolique une forme d'altération à
laquelle il donne le nom de phase préwallérienne1 .
Si l'interprétation fournie par M. Gombault semble
rationnelle, elle n'est peut-être pas applicable' a tous
les cas. Nous avons eu, en effet, l'occasion d'observer
un nombre déjà grand de névrites primitives, diffuses,
indépendantes de toute lésion médullaire et d'examiner
ainsi un nombre considérable de nerfs pris en différents
points de leur trajet. Ces nerfs présentaient les divers
degrés de l'altération et dans l'immense majorité des
cas, sauf pour le cas particulier de la diphthérie, il
nous a été impossible de constater autre chose que les
lésions décrites par M. Ranvier comme propres à la
dégénération wallérienne. De tels faits semblent éta-
blir que les névrites primitives, c'est-à-dire sans rela-
tion avec une lésion primordiale des centres nerveux,
1 Gombault. Sur les lésions de la névrite alcoolique. (Acad. des
sciences, 22 février 1SS6, p. 436 des comptes-rendus). - .
360 PATHOLOGIE NERVEUSE.
peuvent évoluer suivant un mode absolument identi-
que à celui qui succède à la section d'un nerf.
Quelquefois, très rarement il est vrai et sur un
nombre très restreint de fibres, nous avons rencontré
la distribution segmentaire des altérations, mais celles-
ci ne s'éloignaient en rien du type dégénératif dont
elle gardaient les caractères. De même , dans le
fait étudié au cours de ce travail, nous avons vu la
névrite dite dégénérative se montrer avec ses attributs
ordinaires sur certains segments isolés au milieu d'une
fibre saine par ailleurs. Une telle particularité n'in-
dique-t-elle pas que ce dernier genre d'altération se
manifeste à titre primitif, indépendant et, par suite,
que la névrite segmentaire peut évoluer ◀tantôt▶ sous
cette forme, ◀tantôt▶ sous une autre, représentant toutes
deux des modalités très analogues d'un même pro-
cessus ; les seules différences résultent, en effet, de
légères variantes dans le mode de disparition de la
myéline. En réalité, nous inclinerions volontiers à
considérer autrement que M. Gombault l'association
constante de l'altération wallérienne avec la névrite
segmentaire. Loin de se subordonner l'une à l'autre,
elles seraient les manifestations simultanées d'un seul
et même travail pathologique qui parfois envahit une
grande étendue de la fibre nerveuse, parfois l'intéresse
d'une manière discontinue, et. se cantonne sur un ou
plusieurs segments en conservant toujours un fond de
caractères communs et des tendances éminemment
destructives.
La forme segmentaire de la névrite que nous avons
observée dans la paralysie diphthéritique est en elle-
même fort intéressante; car elle explique comment des
DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 361
lésions, en apparence minimes, déterminent des
troubles sensitifs et moteurs considérables. Elle peut
facilement rester inaperçue. Si l'examen ne porte pas
sur des points multiples d'un même nerf et sur des
fibres suffisamment longues, on risque en effet de ne
pas rencontrer les altérations dont-il s'agit, et de con-
sidérer comme indemne un nerf profondément lésé.
Encore est-il nécessaire de pratiquer les dissociations
avec grand soin et d'isoler, pour ainsi dire, chacune
des fibres. Vues en groupe, elles présentent le plus
souvent les caractères de l'état normal; la méprise est
facile, et c'est seulement par l'étude individuelle des
tubes nerveux que l'on distingue ces altérations seg-
mentaires qui échappent à un examen rapide et su-
perficiel.
EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE Il
(Dessins faits ti la chambre claire.)
Fig. 1. Segment dont la gaine de myéline est altérée dans ses por-
tions périphériques, a, et transformée en une matière granuleuse d'un
gris cendré. Au centre, persiste un cordon, 4, de myéline homogène,
encore intacte; s, segments normaux.
Fig. 2. Segment dont la myéline est réduite en une série de grosses
sphères remplies de fines granulations noires, grises, jaunes ou am-
brées. Entre ces sphères, on ne distingue aucune trace de cylindre-axe;
s, segments normaux.
Fig. 3. Segment où les débris de myéline sont représentés par
linéiques sphères remplies de granulations noires, grises, ambrées et au
milieu desquelles on rencontre souvent un noyau. Entre les sphères, la
gaine de Schwann affaissée ou plissée, contient encore une matière -e
protoplasmique grenue, jaune ou grise; a, plus de trace de cylindre-
axe ; s, segments normaux.
rig. 4. Altération segmentaire. Disparition presque complète do
la myéline. Sur la plus grande partie de son étendue, la gaine de
Schwann est flétrie, plissée; aucune trace du cylindre-axe; - s, segments
normaux.
Fig, 5. Segment atrophié. a, gaine de Schwann vide, plissée.
b, noyaux; aucune trace de cylindre-axe; s, segments normaux.
362 PATHOLOGIE NERVEUSE. '
Fig. 6. - Altérations segmentaires successives, séparées par des se,-
ments ou des portions de segment encore intacts; - s, segments iii-
demnes. a, segments atrophiés; la gaine de Schwann plissée semble
contenir une matière homogène d'un jaune ambré et des noyaux ovoïdes.
Fig. 7. Portion de segment présentant en a des lésions semblables
à celles que l'on observe dans la dégénération wallérienne.
Fig. 8 et 9. Segment et portion de segment présentant la phase de
restauration.
DE L'IITP\0'l'IS111.;
Par le Dr Euxest JENDKASSIK
Assistant de la lr0 clinique médicale de Buda-Pest
- Si on compare les expériences des divers auteurs
sur l'hypnotisme, on trouve une grande série- de diffé-
rentes formes, même on trouve à peine deux expéri-
mentateurs qui aient obtenu tout à fait le même
résultat; bien qu'opérant sur plusieurs individus, ils
aient répété beaucoup de fois leurs expériences et aient
constaté maintes fois l'exactitude de leurs observations.
Quant à moi, je suis convaincu que ce n'est pas
tout à fait le jeu du hasard, quand M. Rieger a
observé surtout des phénomènes psychiques pendant
le sommeil hypnotique, quand M. Heidenhain a pu
imiter les productions de Hansen, quand M. Charcot
a pu distinguer les différentes phases, quand M. Bern-
heim a réussi à montrer les phénomènes les plus sur-
prenants de la' suggestion, et quand enfin M. Hôgyes
a vu des symptômes semblables aux mouvements asso-
ciés ; ce serait vraiment un hasard étrange qui pré-
senterait à chaque observateur des phénomènes qui
correspondent à merveille avec sa spécialité, tandis
de l'hypnotisme. 363
qu'il lui cacherait la plus grande partie des symp-
tômes observés par d'autres; car M. Rieger s'occupe de
la psychiatrie; M. Heidenhain a cherché la solution
physiologique des productions de Hansen; M. Charcot,
avec sa pénétrante faculté d'observation et sa sagacité,
a classifié les névroses en élevant les distinctions de
ces affections à la hauteur actuelle, et M. Hcigyes a fait
un travail remarquable sur la localisation des mouve-
ments associés des yeux. Chacun, comme on le voit,
trouve des symptômes qui conviennent le mieux à ses
études spéciales à sa façon de penser ne pouvant
produire qu'un peu des phénomènes observés par
les autres. J'ai mentionné seulement quelques-uns des
auteurs, mais celui qui connaît la littérature sait qu'on
pourra en ajouter un très grand nombre. Est-ce qu'il
y a plusieurs formes du sommeil hypnotique où peut-
être les expérimentateurs ont une certaine influence
sur cet état ?
Je veux essayer de répondre à cette question, mais,
avant de le faire, je dois m'occuper de la nature des
symptômes de l'hypnotisme pour pouvoir ensuite mieux
pénétrer dans la connaissance du mécanisme de cet
état. Les hypothèses sur l'hypnotisme abondent, mais
il n'est pas dans mon intention de les énumérer toutes.
Il y en a un grand nombre qui ont déjà été souvent
combattues, comme l'hypothèse de Preyer qui expli-
quait l'hypnotisme par des actions chimiques. Aussi,
je laisse à part les théories fondées sur les vaso-mo-
teurs (Ruinpff, etc.). D'après Rieger, l'hypnotisme
« n'est ni plus ni moins qu'une folie (Wahnsinn) pro-
duite par l'expérience ». Abstraction faite de la lar-
geurdece terme, qui n'explique rien, je n'entrevois
36 PATHOLOGIE NERVEUSE.
pas pourquoi on qualifierait de folie une contracture
ou une paralysie que l'on peut produire isolément chez
certains individus tout à- fait dans la même forme,
comme on la voit se produire en apparence spontané-
ment dans l'hystérie.
Je viens aux hypothèses d'inhibition. Un grand
nombre d'auteurs sont assez heureux pour trouverune
explication suffisante dans l'action d'inhibition : M.Hei-
denhain prit d'abord pour cause de l'hypnotisme
l'arrêt d'action (Thatigheitshemmung) des cellules
ganglionnaires dans la substance corticale; cet arrêt
serait produit par l'irritation légère des yeux et de la
peau de la face; plus tard, en collaboration avec
Berger, il ajoutait aussi une irritation des centres
réflexes subcorticaux.
Bubnoff et Heidenhain' croient qu'on peut démon-
trer avec grande probabilité, qu'une grande série de
ces phénomènes variés et énigmatiques qu'on voit
apparaître dans l'hypnotisme est causé par un abaisse-
ment anormal des inhibitions physiologiques, qui
accompagnent ordinairement les irritations centrales
elles restreignent dans le temps et dans l'espace. Que
de choses ne pourrait-on expliquer à l'aide de ces
fonctions d'arrêt ! L'inhibition joue un grand rôle
dans la physiologie moderne. On n'est plus content
d'une influence d'arrêt; au lieu de chercher la cause
de l'inhibitiou, les partisans de cette doctrine suppo-
sent une action inhibitive. D'après Bubnoff et Heiden-
hain : « celui qui abaisse son bras élevé ordonne du
' Pfiüger's Archiv der Physiologie, XXVI, 3. 4. Ueber Erregungs und
Hemmungoorgdnge itmerhalb d. mot. Hirncentrea.
DE l'hypnotisme. 365
repos à la partie irritée de son cerveau en faisant s'en-
fler l'inhibition. »
Concernant ces arrêts, la substance de la question
est celle que voici : on peut se demander s'il y a des
centres spéciaux d'inhibition, dont l'unique fonction
serait d'empêcher ou d'arrêter les fonctions d'autres
centres ou des organes de la terminaison, etc.; ou bien
il n'y a pas de ces centres et l'action d'apparence
inhibitive n'est que l'effet des actions opposées, et en
casque ce centre agiterait à lui seul, il aurait une
fonction d'excitation simple sur les organes spéciaux.
Par exemple, si je veux soulever mon bras, lorsque quel-
qu'un le retient, il n'y aura aucun mouvement visible
malgré tous les efforts; dans ce cas, je crois qu'il est
bien sûr que ce n'est pas le « centre d'inhibition » qui
est en action. Dans ce cas, c'est aisé d'entrevoir la
cause de l'empêchement ; cependant ce n'est pas tou-
jours ainsi avec nos connaissances actuelles qu'il est
souvent impossible de deviner le mécanisme de l'in-
uuence qui se présente à nos yeux comme inhibition;
seulement, pour moi, ce n'est pas une raison suffisante
pour supposer des centres inhibitifs. Bubnoff et Heiden-
hain supposent que les cellules ganglionnaires sont dans
un certain mouvement moléculaire pendant leur vie;
si ce mouvement augmente d'abord l'irritabilité devient
plus considérable, puis à un certain degré l'irritation
commence. Si au contraire cette vibration diminue l'in-
hibition apparaît. D'après leur avis, cette diminution
serait probablement causée par une vibration molécu-
laire d'une direction contraire à celle du mouvement.
S'il y a des centres d'inhibition, leur action exige
un double travail du système nerveux, de même si
366 PATHOLOGIE NERVEUSE.
l'inhibition est causée par une vibration moléculaire
contraire à celle de l'action, parce que l'inhibition ne
s'accorde avec le bon sens qu'en admettant qu'il y ait
quelque chose, quelque action à empêcher; de plus,
pour que l'inhibition ait un résultat, il faut qu'elle
soit d'une certaine force , et elle doit supprimer
un mouvement totalement, il faut qu'elle soit encore
plus forte que l'action. De cette circonstance il résulte
que l'opinion de Bubnoff et de Heidenhain est insou-
tenable quand ils affirment que comme il y a (selon
leur hypothèse) dans le cerveau, pendant l'irritation
centrale à côté des fonctions proprement dites, irrita-
tives-aussi des fonctions inhibitives, « l'intensité rela-
tive de ces dernières détermine la durée de l'irritation
et son étendue » ; parce que, si cette théorie était juste,
l'irritation active resterait toujours égale (abstraction
faite de ce qu'elle pourrait cesser totalement pendant
le repos); car ce n'est pas de cette manière qu'on pour-
rait s'imaginer que l'intensité d'inhibition détermine
seule la grandeur de l'effet. Dans ce cas, on peut faci-
lement comprendre que l'irritation, pendant son
action, devrait être toujours la plus forte possible, et
que la plus forte action résultera de l'amoindrisse-
ment manifeste de l'inhibition. Au contraire, le mou-
vement le plus faible exigera le plus grand travail du
système nerveux, puisqu'il faudra que l'inhibition
supprime presque entièrement l'action, tandis que pour
le maximum du travail il suffira de la moitié de cette
force. Mais si nous voulons supposer que l'intensité
relative de l'action et de l'inhibition détermine la gran-
deur du travail, l'inhibition demande une dissipation
des forces telle qu'on pourrait très difficilement
DE l'hypnotisme. 367
justifier la cause. Quant aux expériences de Bubnoff
et Heidenhain, desquelles ils ont tiré ces déductions,
je crois qu'on peut les expliquer plus simplement. Je
ne peux pas m'occuper ici du travail entier, je veux
me borner aux expériences qui ont la plus grande
ressemblance aux phénomènes hypnotiques. Bubnoff
et Heidenhain ont observé que, s'ils ont ouvert le crâne
d'un chien narcotiséàun certain degré avec de la mor-
phine et, s'ils ont irrité une partie de l'écorce grise
qui correspondait à un membre à l'aide d'un courant
faradique, la contraction du muscle qui s'était subite-
ment produite ne finissait pas avec la rupture du
courant, mais au contraire, pareille à l'état catalep-
tique, elle restait au même degré.
Ce résultat de l'expérience ne peut pas être expli-
qué par une augmentation de l'irritabilité, comme cela
est démontré d'une façon très claire par Bubnoff et
lIeidenhain; seulement, pour obtenir une explication,
ils se croyaient forcés d'avoir recours à l'inhibition.
Dans la déduction de cette explication, ils sortent de
ce point de vue ; puisque chez l'homme sain, l'irritation
provoquée par la volonté peut être interrompue d'un
coup, il est probable que cette interruption est due à
l'inhibition. Je ne peux pas accepter ce raisonnement.
Si avec la cessation de la cause irritante dans un nerf
périphérique l'irritation cesse immédiatement, je ne
saurais entrevoir pourquoi, à l'état normal, cela n'au-
rait pas lieu dans le système nerveux central, pour-
quoi il faudrait avoir une action d'arrêt pour régler
une irritation dans le temps. Et puis, comme on peut
finir un mouvement quand on le veut, on peut le re-
produire aussi à l'instant voulu. Je crois que, s'il est
368 pathologie NERVEUSE.
difficile à comprendre comment une irritation peut
cesser instantanément, il n'est pas plus aisé de savoir
comment l'inhibition pourrait cesser d'un coup. L'agent
irritant éloigné, l'irritation elle-même finit, et il ne reste
qu'une légère modification de l'irritabilité. Ce fait est
un des plus sûrs dans la physiologie du système ner-
veux ; et il n'y a aucune raison^de chercher d'autres
relations pour expliquer des fonctions tout à faithomo-
logues.
L'expérience- de Bubnoff et Heidenhain, dont j'ai
fait mention, prouve que, dans l'état produit par le
poison, l'irritation du centre continue aussi après l'en-
lèvement des rhéophores. Puisqu'il faut localiser les
fonctions volontaires dans l'écorce grise, je crois qu'il
est très vraisemblable que l'animal étant à un haut
degré de. morphinisme ne peut pas modifier l'action de
son cerveau et, en conséquence, la partie irritée con-
serve au même degré l'irritation. Aussi je ne trouve
pas si surprenant la circonstance qu'après avoir légè-
rement touché un membre on arrivait à faire contracter
les muscles de ce membre par l'irritation de la zone
motrice correspondante, à l'aide d'un courant beaucoup
plus faible que sans la touche, parce qu'il semble être
sûr qu'au moins la sensibilité du mouvement est loca-
lisée aux zones motrices ; or, nous savons qu'une
irritation découlée laisse une élévation d'irritabilité
et ainsi l'explication du phénomène décrit serait donnée
en guise de celle qu'a donnée un élève de M. Heiden-
hain en disant : qu'il semble être « comme si le chien
devrait être mené à remuer sa jambe ».
L'expérience suivante est encore plus intéressante.
Si, pendant la contraction tonique provoquée soit par
DE l'hypnotisme. 369
un courant électrique, soit par des autres procédés, ils
ont appliqué sur la zone motrice correspondante un
courant moins fort que celui qui pouvait produire la
contraction, la contraction diminuait, même elle cessait
tout à fait. En face de cette expérience, Bubnoff et
Heidenhain croient que l'hypothèse deMeynert, Munk
et Wernicke, sur l'origine des mouvements, est insou-
tenable. Cette hypothèse dit, comme on le sait, que
les images des mouvements sont emmagasinées dans
les zones motrices. Comment donc pourrait-on com-
prendre, disent-ils, que, tandis que les courants forts
provoquent les images du mouvement, les courants
faibles provoquent ceux du repos. Pour ma part, je
crois que, contrairement à l'opinion de Bubnoff et fiei.
denhain, cette expérience confirme plutôt l'hypothèse
de Wernicke, que l'irritation des zones motrices par
l'électricité agit aussi par l'évocation des images du
mouvement. En effet, en appliquant les rhéophores sur
l'écorce grise motrice d'un chien non narcotisé, nous
réussirons à produire une excitation dont l'intensité
sera en proportion directe de la force du courant, et
cette excitation finira avec la rupture du courant.
Après les expériences que je viens de relater, l'irrita-
tion une fois produite chez un chien morphinisé ne
finit pas au moment de la rupture; mais elle s'affaiblit
très lentement, les muscles contractés se relâchent'
dans un laps de temps relativement très long; en con-
séquence, on peut dire que leurs centres ' restent
pour quelque temps au degré de l'irritation reçue.
Ce degré de l'irriatioa dépend de la force du cou-
rant dont on s'est servi, et il lui est proportionnel.
Après'tout cela, je trouve très naturel qu'un courant'
Archives, t. XI. 4
370 pathologie nerveuse.
plus fort évoquera une image d'un mouvement plus
intense; un courant faible, au contraire, une image
plus petite. Or, si on a produit une contraction forte à
l'aide d'un courant intense, et si cette contracture reste
aussi après la rupture du courant à cause du morphi-
nisme ; et, voici le point sur lequel je veux insister, si on
applique alors une irritation faible à la même partie
du cerveau, on produit la mémoire d'une action peu
intense; en conséquence, la contracture diminuera,
c'est-à-dire le cerveau comprendra la transition de
l'irritation du plus fort au plus faible, conforme au
cours naturel du relâchement comme repos. Que c'est
vraiment ainsi qu'il faut expliquer le résultat de ces
expériences qui est encore appuyé par une circons-
tance que voici : plusieurs fois, quand ils ont appliqué
le courant faible sur la zone motrice d'un muscle, qui
était mis en contraction, le muscle ne fut relâché que
pour un moment, et tout de suite il se contracta un peu.
Ce cas, je crois, a eu lieu alors quand le centre, dans
sa conscience troublée par le morphium, prenait au
premier moment cette irritation faible comme relâche,
mais pendant l'application peut-être un peu plus pro-
longée ou plus intense; la contraction se reproduisait
en raison de la force de cette dernière irritation.
Après ces considérations, je ne peux pas accepter
l'action inhibitive, ni son rôle dans les phénomènes
hypnotiques, et je m'attache aux paroles de Valentiu,
qui dit : « l'expression de nerf d'arrêt est un terme
qui,. loin d'expliquer les phénomènes, nous retient de
chercher une explication plus précise... »
. Selon l3rotvn-Séquard : « essentiellement l'hypno-
tisme n'est qu'un effet et un ensemble d'actes d'inhi-
DE l'hypnotisme. 371 1
bition et de dynamogénie ». Avec ces mots, on peut
beaucoup expliquer, mais peu comprendre. M. Charcot
n'a pas fait d'hypothèse, il dit seulement dans ses
leçons que, pendant la léthargie, le travail de l'écorce
est éteint : « le cerveau est endormi » ; pendant la
catalepsie, les influences extérieures éveillent une
petite partie des cellules de l'écorce; enfin, pendant
l'état somnambulique la partie éveillée est un peu plus
étendue.
Dans l'étude de ces phénomènes, une très impor-
tante question est de savoir si, pendant le sommeil
hypnotique, ou au moins pendant une de ses phases,
la fonction de l'écorce du cerveau est complètement
abolie, comme cela est l'opinion d'une grande partie
des auteurs. A mon avis, cette fonction n'est pas
exclue pendant aucune des phases. Dans la suite, je
tâcherai de prouver cette opinion, mais je ne m'occu-
perai que de la léthargie, pour les deux autres phases
unetelle preuve est inutile. M. Chambard soutient, entre
autres, que pendant la léthargie le cerveau est fonction-
nellement absent et que l'action réflexe excito-motrice
est accrue, comme chez la grenouille décapitée. Mais
si l'application des données des expériences physiolo-
giques faites sur les animaux se doit faire avec beau-
coup de circonspection à la physiologie humaine,
c'est surtout nécessaire dans la physiologie du système
nerveux. Même le chien montre une différence impor-
tante si nous comparons son système nerveux à celui
de l'homme. Si nous enlevons une partie de l'écorce
grise motrice d'un chien, nous verrons dans quelque
temps que le chien regagne son pouvoir dans ses
membres, il parvient à marcher, peut-être pas avec
372 PATHOLOGIE NERVEUSE.
la même adresse qu'auparavant, mais pourtant assez
bien, sans qu'on puisse apercevoir une régénération
dans les parties lésées. ^Ce n'est pas ' ainsi chez
l'homme (d'après Ferrier, le singe en fait aussi excep-
tion) ; si une destruction quelconque se fait sur l'écorce
cérébrale humaine, jamais l'individu ne pourra remuer
soir membre, correspondant, une paralysie complète
suivra cette lésion, et avec la dégénération secondaire
la funeste contracture s'installera. Presque toutes les
actions de l'homme dépendent de l'écorce grise de son
cerveau, et c'est tout à fait erroné si une grande partie
des savants (Ferrier, Heidenhain, Bernheim, etc.) con-
sidèrent la marche comme un réflexe spinal (ou sub-
cortical) en alléguant pour raison que l'homme ne
fait pas attention à chaque pas aux petits mouvements
dont la marche est composée; même on dépasse le
but quand on est absorbé dans ses idées. La marche
et les actions homologues ne sont que relativement
sans connaissance : après une longue habitude nous
conduisons aisément l'irritation dans les voies corres-
pondantes, presque sans nous en apercevoir; mais
après une lésion destructive d'une partie de la subs-
tance corticale des zones motrices, même en laissant
intacts les centres subcorticaux : l'extrémité correspon-
dante ne pourra jamais exécuter aucun mouvement
volontaire. A peine peut-on considérer quelque chose
pour mieux approuver que ce que tous les mouve-
ments que nous avons appris par de longs exercices,
dépendent de la fonction des champs moteurs, et si,
après une lésion analogue, les animaux conservent
leur pouvoir sur leurs extrémités, il faut se rappeler
que la plus grande partie de leurs mouvements est
DE l'hypnotisme. 373
innée. De même, en parlant, nous ne cherchons pas
péniblement les mouvements nécessaires pour-pro-
noncer les syllabes, pourtant l'élude de l'aphasie a
clairement démontré à quelle partie de la substance
corticale est liée la faculté du langage.
De ces réflexions il résulte que, pendant la léthargie^
toute fonction corticale n'est pas abolie, parce que
l'individu qui se trouve en sommeil léthargique peut,
au moins dans une grande partie des cas, se tenir
debout ou assis, dans la position en laquelle il fut
hypnotisé. ·
Mais analysons les phénomènes de l'hyperexcitabilité
neuro-musculaire, lesquels sont considérés aussi par
MM. Charcot et Richer' comme réflexes spinaux. En
premier lieu, ils traitent des réflexes tendineux, ils les
trouvent exagérés. A mon avis, il faut faire une diffé-
rence entre les phénomènes décrits comme réflexes
tendineux et entre les vrais réflexes tendineux. Je
crois qu'on peut prouver qu'ils ont eu affaire à des
mouvements réflexes de nature tout à fait différente.
A quelque degré que ce réflexe soit élevé, jamais on
n'a vu ni une contraction, ni une contracture se pro-
duire après la seule pression du tendon. De plus, si,
pendant la léthargie, nous augmentons peu à peu cette
pression, ce qu'indique le tracé sphygmographique, la
contracture augmente aussi, c'est en contradiction
avec tout ce que nous avons observé jusqu'ici touchant
les phénomènes des réflexes tendineux. Même dans les
cas où l'exagération de ce symptôme est très pro-
.' Charcot et Richer. Contribution à l'étude de l'hypnotisme, du phé-
nomène de <'/ty/M)'M : C ! <a& : 7 ! <<' neuro-musculaire (Archives de Neurologie,
1881, no 5, 6, 7.) .)
37<i.' PATHOLOGIE NERVEUSE.
noncée,-il faut appliquer un coup rapide, bien que.
doux, pour provoquer la contraction du muscle, ce
qui est la propriété générale des réflexes spinaux.
Pour les autres phénomènes de l'hyperexcitabilité
neuro-musculaire, il est aussi difficile à approuver l'hy-
pothèse d'origine réflexe spinale. La contraction s'é-
tend aussi aux muscles non irrités, ainsi les muscles
synergiques participent presque toujours au mouve-
ment provoqué. Quelquefois on observe une fonction
tout à fait contraire à l'attente et souvent cette fausse
réaction reste persévérante.
Il arrive bien quelquefois, dans les cas où la fonc-
tion réflexe de la moelle épinière est fortement accrue,
que la contraction apparaît aussi dans un muscle qui
n'était pas directement irrité; mais, dans ces cas, cette
propagation de l'irritation se fait selon les lois de
Pflùger, et MM. Charcot et Richer avouent que, dans
les circonstances hypnotiques, cela n'arrive pas tou-
jours. Ils cherchent l'explication de ce fait dans une
modification de l'activité réflexe qui ne serait pas uni-
forme dans tous les points de l'axe médullaire.
En outre, il y a des contradictions en grand nombre
à cette théorie; je crois qu'il serait inutile de les énu-
mérer toutes ; on a observé des individus chez lesquels,
durant la léthargie, l'hyperexcitabilité neuro-muscu-
laire s'est interrompue tout d'un coup, sans autre
changement visible et en sa place une paralysie se pré-
senta. De plus, il n'existe pas d'exemple où, chez des
malades atteints d'une énorme exagération de l'activité
réflexe de la moelle épinière d'une cause quelconque,
on aurait pu produire une contracture, pour quelque
temps, par une simple malaxation des tendons ou des
de l'hypnotisme. 375
muscles. Aussi une circonstance que voici, ne s'accorde
guère avec cette hypothèse : en excitant les antago-
nistes, les muscles contractés se relâchent; au con-
traire, en cas de vraie exagération de cette activité,
toute irritation augmente la contracture (comparer la
contracture permanente des hémiplégiques, l'empoi-
sonnement avec de la strychnine, le tétanos). Et puis,
n'est-il pas assez, pour détruire cette localisation de
l'augmentation de l'irritabilité, le fait mentionné par
MM. Charcot et Richer : que c'est principalement sur
les sujets qui présentent à un haut degré l'hyperexci-
tabilité neuro-musculaire que la simple pression du
tendon fait merveille et est douée d'une ellicacilé bien
plus grande que le choc, au double point de vue de la
précision et de l'intensité de la contracture. Enfin,
pourquoi la contracture dure-t-elle encore après qu'on a
éveillé l'hypnotisé, quand d'ailleurs le cerveau a repris
son activité et son influence inhibitive ? De ce fait il
est à conclure que certaines zones du cerveau ne
retrouvent point leurs influences sur les parties corres-
pondantes de la moelle épinière; ce qui nous mène
aussi à la localisation de ces phénomènes dans le
cerveau.
Mais si l'hyperexcitabilité neuro-musculaire n'est
point un réflexe spinal; où a-t-elle sa cause ? A mon
avis, elle a la même origine que les phénomènes de la
catalepsie, du somnambulisme, c'est-à-dire qu'elle naît
aussi de la suggestion. Les phénomènes de la suggestion
ne sont proprement dits que les phénomènes de l'activité
réflexe de la substance corticale. Dans le sens le plus
étendu du terme réflexe, on peut nommer ainsi toute
manifestation du système nerveux provoquée par une
376 PATHOLOGIE NERVEUSE.
influence extérieure. Un grand nombre des auteurs
entendent par réflexe exclusivement l'activité réflexe
delà moelle, c'est-à-dire des-parties sous-pédoncu 1 aires,
Or, il est bien connu qu'il y a des influences extérieures
auxquelles la substance corticale réponde apparem-
ment indépendamment de notre volonté, ce sont les
réflexes corticaux qu'on peut nommer phénomènes de
suggestion.
La différence entre les réflexes du premier ordre
(spinaux) et ceux du deuxième ordre (corticaux) est
assez bien marquée ; c'est ce que je veux démontrer
tout à l'heure. Tandis que ceux-là se manifestent seu-
lement par un simple mouvement, ceux-ci ont pour
effet des mouvements plus complexes , dont on a
acquis l'habitude par un long exercice. Ceux du pre-
mier ordre correspondent à l'organisation de la moelle
épinière et sont transmis, selon les lois de Pflûger, de
couche en couche; ceux du deuxième ordre s'étendent
moins de cette façon, mais plutôt sur des voies sou-
vent exercées, ou sur des fibres qui étaient peu avant
en action et, en conséquence, conduisent mieux le cou-
rant nerveux. La différence la plus caractéristique se
manifeste dans la proportion qui est entre l'extension
et l'intensité du mouvement produit. Cela exige une
explication un peu plus détaillée. Quand une irritation
entre par la racine postérieure dans la moelle, elle
peut prendre deux directions : elle peut être trans-
mise par les fibres fines de la substance grise dans les
cornes antérieures et de là dans les racines anté-
rieures : c'est l'arc de réflexe du premier ordre; ou
bien, passant par la substance blanche, elle peut
monter à l'écorce grise du cerveau, et, éveillant ici la
DE l'hypnotisme. 377
fonction des cellules, l'irritation ainsi provoquée peut
descendre par le faisceau pyramidal et arriver aux
racines antérieures : voici l'arc de réflexe du deuxième
ordre. Dans les circonstances normales, l'une et
l'autre voie est ouverte; dans des cas pathologiques,
l'arc du deuxième ordre peut être rompu à lui seul,
ou bien tous les deux arcs ; l'interruption de l'axe du
premier ordre seul doit être très rare. Ces conditions
anatomiques constituent une différence entre les deux
réflexes. En effet, si l'irritation ne peut pas parvenir
dans l'arc du deuxième ordre, après une simple loi
physique, elle produira un effet plus fort dans celui du
premier ordre. Donc, plus la voie du réflexe du cerveau
est interrompue, plus le réflexe spinal devient fort et
gagne en étendue. C'est un fait incontestable, sur lequel
se fonde l'influence inhibitive du cerveau sur les
réflexes spinaux. Voyons à présent le réflexe du
deuxième ordre. L'irritation arrivée dans la substance
corticale a plusieurs voies (par les systèmes des fibres
d'association); la voie principale est évidemment la
zone motrice correspondante. Il est facile à com-
prendre que la voie du deuxième ordre ouverte, l'in-
fluence extérieure aura d'autant plus de réaction
qu'elle a moins d'étendue dans la substance corticale,
donc le réflexe du deuxième ordre aura d'autant plus
d'intensité qu'il a moins d'extension.
Ces conditions résultent des propriétés physiolo-
giques de ces parties. L'extension de l'irritation n'est
pas égale dans la moelle et dans le cerveau. Dans la
moelle, l'extension dépend seulement de la conducti-
bilité des éléments nerveux, la volonté de l'individu
n'a aucune influence sur cette propriété. Dans le
378 PATHOLOGIE NERVEUSE.
cerveau, au contraire, c'est la volonté ordinairement
qui participe beaucoup dans l'extension de l'irritation
c'est la fonction psychique du cerveau; aussi les im-
pressions extérieures ne provoquent pas toujours les
mêmes effets dans l'écorce grise, l'effet dépend de la
direction dans laquelle l'irritabilité ou la conductibilité
des systèmes d'association était plus grande pendant
le sommeil ordinaire. Cette irritabilité est à peu près
éteinte pendant l'état de veille, elle change toujours
de siège. Ce changement se fait par ce qu'on nomme
la volonté et par d'autres conditions de nature plus
accidentelle. La volonté, à elle seule, n'est pas suffi-
sante. M. Pflùger a démontré que le cerveau, sans
impressions du monde extérieur, ne peut pas se tenir en
état de veille, ceja est aussi prouvé par des observa-
tions pathologiques ; si les individus complètement anes-
thésiques ne reçoivent aucune impression par l'ouïe
ou par la vue, ils sont accablés très vite de sommeil.
L'exagération du réflexe du premier ordre produit
les phénomènes dont la loi de Pflùger est déduite;
l'augmentation du réflexe du deuxième ordre peut être
observée dans le sommeil hypnotique (quelquefois
aussi dans d'autres circonstances), parce que, comme
j'en veux parler plus tard, dans cet état l'irritation ne
peut pas s'étendre normalement dans la substance
corticale, elle reste restreinte à des limites étroites. Je
crois que ces différences mettent hors de doute que les
phénomènes de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire
se fondent sur la fonction réflexe de l'écorce. Un réflexe
spinal d'une pareille extension s'étendrait bien loin,
et augmenterait encore par suite d'une irritation des
antagonistes, tandis qu'il est facile de comprendre ces
DE l'hypnotisme. 379
phénomènes en supposant que, pendant la léthargie,
ce sont seulement les parties irritées (par l'influence de
l'expérimentateur) du cerveau qui fonctionnent; en
conséquence, à un degré très élevé, il n'y a presque
pas d'extension de l'irritation. Pendant la catalepsie,
l'extension du courant nerveux centripète est déjà un
peu plus grande, et par conséquent la réaction en est
plus faible et naturellement plus étendue. La pro-
priété commuas de toutes les trois phases de l'état
hypnotique est que la contraction une fois provoquée
devient permanente. Cela prouve que la suggestion n'a
fait qu'ouvrir la voie par laquelle la substance corti-
cale entretient le courant nerveux. On pourrait aussi
comprendre le relâchement de la contracture après la
malaxation des antagonistes. On sait depuis Duchenne
qu'à chaque mouvement, outre les muscles qui l'exé-
cutent, encore les antagonistes se contractent et que
la raison de ces derniers aux premiers détermine la
sûreté, la direction et la grandeur du mouvement.
Cela arrive de même dans les contractures pendant la
léthargie, et ces contractions sont toujours propor-
tionnées à la force de l'influence extérieure, et il est
dans notre pouvoir de l'augmenter; mais elle ne change
pas spontanément. Quand nous frictionnons les anta-
gonistes des muscles, mis préalablement en contrac-
ture, nous provoquons la contracture dans ceux-là, et
avec cela nous changeons leurs rôles : les muscles qui i
étaient en contracture se relâchent à présent à un degré
qui est en raison de l'intensité de la contraction provo-
quée par cette nouvelle malaxation ; si nous nous arrê-
tons au moment, quand nous sommes arrivé à la posi-
tion moyenne, le relâchement réussira; autrement, non.
380 PATHOLOGIE NERVEUSE.
C'est tout à fait le même procédé que j'ai déjà décrit
chez les chiens narcotisés de MM. Heidenhain et Bubnoff.
Tout cela met en évidence que les phénomènes du
sommeil hypnotique procèdent d'une fonction, quoique
modifiée, de la substance corticale. Je veux m'occuper
de cette modification, laquelle est l'essence de l'hypno-
tisme. (A suivre.)
DU TABES COMBINÉ (ATAXO-SPASMODIQUE), ou SCLÉROSE
POSTÉRO-LATÉRALE DE LA MOELLE 1
(contribution A l'étude clinique DES myélites mixtes);
Par le professeur GRASSET (de Montpellier).
Voici maintenant une seconde observation moins
complète que la précédente, dans laquelle la sclérose
latérale domine beaucoup la scène, mais qui n'est pas
cependant un simple tabes dorsal spasmodique.
10 mai 1883, M. de L...
Syphilis (chancre, ulcérations àla'gorge, psoriasis palmaire)
traitée par Ricord; plus tard, traitement de la syphilis des
centres nerveux appliqué par Charcot, Fournier, Doyon
(à Uriage) et Bouyet (à Amélie) sans amélioration notable.
Excès nombreux.
Début vers 1870 ou 1872 par des crises douloureuses et de
la diplopie; plus tard relâchement des sphincters, puis atteinte
des jambes, surtout de la gauche.
Actuellement pas de troubles de sensibilité, jamais d'anes-
thésie plantaire. Exagération des réflexes rotuliens surtout à
gauche. Marche raide, en contractures. Mélange de paralysie
et de raideur. Marche renversé en arrière et quelquefois un
peu en sautillant. L'occlusion des yeux n'a pas grand effet
sensible sur l'équilibre; L... est cependant obligé de toujours
regarder droit devant lui où il mettra le pied. Léger tremble
ment dans les mains, spécialement dans la main droite, quand
1 Voy. t. XI, p. 156.
DU TABES COMBINÉ. 381
il fait un mouvement avec la jambe du même côté. Tombe
assez souvent, non qu'il s'entrave, dit-il; mais parce qu'il
butte contre le moindre obstacle. Sphincters toujours faibles.
Ici c'est au tabes dorsal spasmodique que l'on pense
tout d'abord ; mais les douleurs du début, la diplopie,
le relâchement des sphincters et l'influence (quoique
légère) de l'occlusion des yeux sont des signes de tabes
ataxique qui rendent plus probable le diagnostic de
tabes combiné.
Enfin j'ai vu un troisième malade dont je n'ai mal-
heureusement pas l'observation.
Il avait de la trépidation épileptoïde, des contrac-
tures, de l'exagération du réflexe rotulien; une perte
de la sensibilité paraplégique, l'impossibilité de mar-
cher les yeux fermés (la sensibilité étant plus atteinte
à gauche et la motilité à droite) ; un rétrécissement
énorme du champ visuel (vision uniquement conservée
dans la partie tout à fait supérieure de la rétine).
Ces trois histoires de malades ne peuvent que donner
une idée générale du tableau clinique du tabes com-
biné. Mais elles ne peuvent pas servir à démontrer
péremptoirement l'existence positive de cette maladie.
Sans contrôle nécropsique, on ne peut pas, en effet,
affirmer l'exactitude du diagnostic posé. J'ai donc dû
réunir dans les auteurs toutes les observations analo-
gues, suivies d'autopsie, que j'ai pu trouver. Pour évi-
ter les longueurs, j'ai réuni dans les tableaux qui sui-
vent les traits principaux de toutes ces observations.
C'est sur la comparaison de ces trente-trois faits
que nous pouvons établir et développer l'histoire
symptomatique du tabes combiné, pressentie par nos
observations personnelles.
I 1
1 i TABLEAUX i e
i TA.BLEA.UX. z
392 PATHOLOGIE NERVEUSE.
Pour relever et étudier les symptômes notés dans ces
observations de nos tableaux, nous les grouperons en
deux catégories : d'abord, les symptômes dé sclérose
postérieure (tabes ataxique ordinaire), ensuite ceux
de sclérose latérale (tabes dorsal spasmodique) ; en
troisième lieu, nous parlerons à part de l'état des
réflexes rotuliens qui ont une importance toute
spéciale dans une question de cet ordre.
I. Dans les symptômes du tabes postérieur, nous
envisagerons successivement : l'incoordination motrice,
les douleurs et anesthésiés, les troubles céphaliques,
mésocéphaliques et divers.
1. Des phénomènes d'incoordination plus ou moins
accentués existent dans les deux tiers des cas (22 sur
33).
Dans -13 cas (nos 1, 2, 6, 9, 10, 11, 13, 15, 17, 18,
19, 32 et 33), l'ataxie est notée très nettement et à
un haut degré, soit dans les quatre membres, soit dans
deux.
Dans 8 autres cas (no' 3, 4, 5, 7, 12, 23, 29 et 30),
le phénomène est signalé à un moindre degré : mala-
dresse, oscillations dans les mouvements, indécision,
marche incertaine et chancelante, difficultés à se tenir
sur une jambe ou à monter sur une chaise, etc.
L'influence de l'occlusion des yeux est expressé-
ment indiquée dans six cas (il" 1, 4, 15, 24, 28 et 33).
Enfin, dans 11 cas (il" 8, 14, 16, 20, 21, 22, 24,
25, 26, 27 et 31), on n'a noté aucun phénomène de
cet ordre; nous verrons que chez la plupart de ces
derniers malades il y avait d'autres symptômes tàbé-
tiques.
DU TABES COMBINÉ. 393
2. a. Les symptômes douloureux sont notés sous
des formes diverses, dans 19 des 33 cas.
Dans 10 observations (nos 1, 2, 14, 16, 19, 23, 25,
26, 32 et 33), on a nettement signalé les douleurs
fulgurantes et dans 9 autres (n°8 3, 6, 9, 13, 15, 17,
18, 21 et 29), des douleurs de différents ordres : dans
les membres, dans le thorax, l'abdomen, de tension, de
pression circulaire, gastralgiques, dans les lombes, etc.
Dans 14 cas (n08 4, 5, 7, 8, 10, 11,12, 20, 22, 24,
27, 28, 30 et 31), aucun phénomène douloureux n'a
été inscrit dans l'observation.
En rapprochant les 11 cas négatifs pour l'incoordi-
nation et les 14 cas négatifs pour les douleurs, on
voit qu'il en reste seulement 6 (11" 8, 20, 22, 24, 27
et 31), dans lesquels on n'ait noté ni incoordination
motrice ni douleur.
b. Ce dernier groupe d'observations négatives est
encore bien plus réduit quand on ajoute la considération
des auesthésies. Sept observations seulement (il.. 4, 5,
10, 15,20, 25 et 31) sont entièrement muettes à ce point
de vue, et en rapprochant ces numéros de ceux précé-
demment indiqués comme négatifs, nous n'en trouvons
plus que deux (ti" 20 et 31), dans lesquels il n'y ait eu
aucun phénomène d'incoordination ou de sensibilité.
Sur les 26 cas positifs à ce dernier point de vue,
l'anesthésie est nettement notée à des degrés divers,
dans 19 (n°' 1, 2, 3, 6, 7, 8, 16, 17, 18, 19, 22, 23,
26, 27, 28, 29, 30, 32 et 33). Dans les 7 autres (il" 9,
11, 12, 13, 14, 21 et 24) on a signalé des phéno-
mènes variés de paresthésie, retard dans la perception,
localisation fautive des sensations, etc.
3. Dans ce troisième groupe, nous plaçons tous
3 ! H le PATHOLOGIE NERVEUSE.
les autres symptômes du tabes (céphaliques, mésocé-
phaliques, des sphincters et de l'appareil génital, tro-
phiques et vaso-moteurs).
Les troubles oculaires (diplopie, paralysie oculaire,
amblyopie, cécité) ont été notés dans 13 cas (u"8 3, 7,
9, il, 12, 13, 16, 17, 19, 21, 24, 26 et 33); le nys-
tagmus dans 4 (ti" 1, 2, 17 et 18); les phénomènes
cérébraux proprement dits (parole, intelligence, ver-
tiges, délire, nerfs crâniens) dans 19 (Il°9 1, 2, 3, 4,
5, 7, 10, 11, 12, 15, 18, 23, 24, 26, 27, 28, 29, 30
et 31); les troubles méso-céphaliques (toux, dyspnée)
dans 4 (11" 2, 11, 12 et 18); les altérations des sphinc-
ters ou de l'appareil génital dans 17 (n°5 7, 9, 11,12,
14, 15, z 17, 18, 19, 21, 22, 23, 26, 28, 29 et
31) ; les troubles trophiques et vaso-moteurs dans 13
(n08 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16, 18, 19, 21, 25, 26 6
et 32).
Enfin seulement dans 3 cas (11" 6, 8 et 20) on n'a
signalé aucun des symptômes de cette catégorie.
Si, continuant notre méthode d'enquête, nous rap-
prochons cette dernière liste négative de la précédente,
nous ne trouvons plus qu'une seule observation qui
ne présente aucun symptôme de tabes postérieur, c'est
le n° 20. Or, sous ce numéro, est mentionné une
autopsie intéressante faite par Kahler et Pick, mais
sans aucune observation clinique.
Nous pouvons donc dire, en somme, que dans tous
les cas réunis dans nos tableaux, on a noté quelque
phénomène de tabes postérieur, ordinaire ou ataxique.
On remarquera que nous n'avons relevé dans nos
résumés et dans nos réflexions que ceux des symp-
' DU TABES COMBINÉ. 395
tomes de l'ataxie locomotrice qui n'appartiennent pas
au tabes dorsal spasmodique.
Voilà donc un premier élément établi pour la cons-
titution clinique du type « tabes combiné » ; c'est
l'élément « tabes ordinaire » qui différencie la maladie
que nous étudions du tabes dorsal spasmodique.
II. Passons maintenant au deuxième élément symp-
tomatique, c'est-à-dire au groupe de phénomènes qui,
dans le tabes combiné, appartiennent à la sclérose
latérale, et qui, par suite, différencient la maladie que
nous étudions du tabes ataxique ordinaire.
Dans ce groupe nous étudierons les phénomènes
paralytiques ou parétiques et surtout les phénomènes
d'excitation motrice.
1. Dans 3 cas seulement (11" 20, 23 et 31), dont
celui de Kahler et Pick sans observation, on n'a pas
noté d'affaiblissement moteur.
Dans 3 autres cas (nous 17, 25 et 30), les troubles
moteurs sont mentionnés (dans les membres inférieurs)
sans que les mots de parésie ou paralysie soient pro-
noncés.
Enfin, dans les 27 autres il y a un degré quelcon-
que d'affaiblissement musculaire bien constaté et spé-
cialement noté dans l'observation.
2. Les symptômes d'excitation- motrice sont plus
importants encore à relever, parce qu'ils caractérisent
mieux le syndrome que nous cherchons, à côté du
syndrome ataxique, dans le tabes combiné.
On a noté des contractures, des crampes, des se-
cousses, des mouvements involontaires, de la raideur,
de la résistance aux déplacements passifs, du trem-
396 PATHOLOGIE NERVEUSE.
blement, le phénomène du pied, la démarche spas-
tique ou des convulsions dans 26 cas sur 33.
Sur les 7 autres cas, un (n° 20) n'a pas d'observa-
tion, un autre (n° 32) a été observé trop tard, 4 autres
(u°' 10, 11, 12 et 13) ont eu des symptômes d'affai-
blissemënt moteur. Seul, le malade du n° 23 n'a eu
aucun trouble se rapportant aux cordons latéraux;
et encore nous trouvons dans le tableau, pour lui,
« troubles de la marche » sans détails; ce qui est in-
suffisant pour éloigner l'idée de démarche spastique,
par exemple.
La conclusion de ce relevé statistique un peu aride
me paraît très claire.
Dans tous les cas relatés sur nos tableaux on a noté
quelque symptôme du tabes ataxique ; dans tous les cas,
sauf un, on a noté quelque symptôme du tabes spasmo-
dique. On peut donc dire, déjà de par la clinique, que
ces cas appartiennent à un type spécial, qui n'est ni le
tabes ataxique ni le tabes spasmodique, mais qui tient de
l'un et de l'autre : c'est ce type à part que nous proposons
d'appeler « tabes combiné ».
III. Dans tout ce que nous venons de dire, le
domaine des cordons latéraux et le domaine des cor-
dons postérieurs étaient distincts, séparés, mais non
contradictoires. Il reste un dernier ordre de phéno-
mènes sur lequel l'influence des deux systèmes médul-
laires paraît être absolument opposée.
Ce sont les réflexes tendineux.
On sait, en effet, que dans le tabes ataxique les
réflexes rotuliens sont abolis, tandis que dans le tabes
spasmodique ils sont exagérés. Que seront-ils dans
DU TABES COMBINÉ. 397
le tabes combiné ? C'est une question intéressante,
dont nous avons vu (à l'historique) Byrom Bramwell
signaler toute l'importance.
C'est pour cela que, dans nos tableaux, nous avons
consacré à ce symptôme une colonne spéciale, dont
nous allons relever maintenant les renseignements.
Dans 14 observations, l'état des réflexes rotuliens
n'est pas expressément indiqué, soit que ces cas fus-
sent antérieurs au travail de Westphal sur la valeur
de ce signe dans le tabes, soit pour toute autre cause.
Sur les 19 autres cas, l'abolition est signalée dans
12 (noe 10, 13, 15, 18, 19, 23, 24, 27, 28, 30, 31
et 32).
Dans les sept derniers, il y avait exagération, mais
à des degrés divers. Dans un cas (n° 21) les réflexes
sont indiqués comme « conservés, vifs » ; dans un
autre (n° 22) « vifs, plutôt exagérés » ; dans deux
(11" 16 et 25) « un peu exagérés » ; dans un (n° 29) « exa-.
gérés ». Dans deux seulement (n08 26 et 33) l'exagéra-
tion est « très manifeste » ou « notable ».
En somme, on peut dire que l'abolition est beau-
coup plus fréquente que l'exagération (12 cas sur 19)
et même dans les 7 cas avec exagération, ce symp-
tôme n'a un degré considérable que dans deux.
Il ne faut cependant pas attacher une trop grande
importance à cette statistique.
Comme les observations résumées dans nos tableaux
sont toutes accompagnées d'autopsie, elles ont, en
général, été prises dans les dernières années de la vie
et ne remontent que rarement au début de la maladie
(du moins avec une précision suffisante pour indiquer
l'état des réflexes rotuliens dans les phases initiales).
398 MÉDECINE LÉGALE.
Or, il est très possible que ces réflexes, exagérés au
début, soient abolis à la fin.
C'est ce qui est arrivé notamment chez deux ma-
lades (11" 27 et 30) qui ont été observés assez long-
temps pour qu'on pût constater : chez le 27, les
réflexes tendineux conservés en juin 1880 disparus le
10 janvier 1881 ; chez le 30, les mêmes réflexes con-
servés avant janvier 1882 , disparus après cette
époque.
Dès lors, il est probable que quand, la maladie
étant mieux connue et acceptée, on acceptera les faits
sans autopsie et on posera les diagnostics de bonne
heure, on pourra recueillir sur l'état de ces réflexes
rotuliens des renseignements plus complets et plus
démonstratifs. (A suivre.)
MÉDECINE LÉGALE
RAPPORT MËDtCO-LËGAL SUR ANNETTE G...
(hystérie ET MOItPHI01LNIE
Par Mil. CHARCOT, BROUARDEL et MOTET, rapporteur.
La chambre des appels de police correctionnelle avait à
juger, il y a quelques jours, une affaire sur laquelle l'attention
avait été vivement éveillée. Il s'agissait d'une jeune femme
qui, inculpée de vol, avait été jugée par l'une des chambres du
tribunal de première instance, et condamnée à trois mois de
prison. Les faits étaicnt ccrtains. Annette G... avait enlevé une
couverture du lit de la chambre meublée qu'elle habitait avec
sa mère, elle l'avait portée au mont-de-piété, clic avait vendu
la reconnaissance. 11 était difficile pour le tribunal d'apprécier
HYSTÉRIE ET MORP ! 1[OMAN1E. 399
autrement qu'il le fit une série d'actes aussi simples; et,
n'ayant aucun renseignement qui l'éclairât sur l'état mental
de la prévenue qui ne présentait aucun moyen de défense, il
ne put que prononcer une condamnation.
Mais A. G..., à peine arrivée à la prison de Saint-Lazare,
dut être placée à l'infirmerie, elle était dans un état singulier,
et l'on s'aperçut immédiatement qu'on avait affaire à une mor-
phinomane hystérique au plus haut degré. On s'occupa beau-
coup d'elle, on crut qu'elle s'hypnotisait facilement, et son
défenseur d'une part, d'autres influences, d'autre part, la
déterminèrent à faire appel du jugement qui l'avait condam-
née à trois mois d'emprisonnement. La cause vint en cet état
devant la cour. Annette G... eut une attaque d'hystérie à l'au-
dience, et son défenseur prit des conclusions tendant à établir
que sa cliente avait obéi à une suggestion quand elle avait volé,
à une autre suggestion quand elle avait fait appel; et, sans
bien préciser ce qu'il- entendait par le mot de suggestion,
faisant valoir, d'ailleurs, le fâcheux état de santé d'A. G..., il
demanda qu'il plût à la cour de nommer des experts pour exa-
miner l'état mental d'Annette G..., dire si cette fille n'avait pas
obéi à une suggestion pendant une période de somnambulisme
provoqué, si elle ne devait pas être considérée commeirrespon-
sable de ses actes.
La cour ayant fait droit à ces conclusions, nous avons été
chargés de l'examen de la nommée Annette G... La question
était des plus intéressantes à étudier. Au moment où les faits
d'hypnotisme, de suggestion, entrent de vive force dans la
presse, dans le roman, allaient-ils aussi faire irruption dans le
domaine de la médecine légale. Il importait de soumettre à un
contrôle sévère les faits allégués pour Annette G..., et de dire,
si l'occasion s'en présentait, en quoi consistent les phénomènes
de suggestion, comment il convient de les interpréter etpour-
quoi, en se plaçant au point de vue médico-légal, les difficul-
tés d'examen qu'ils peuvent présenter ne sont pas aussi graves
que le pourraient supposer ceux ou celles qui les allégueraient
comme moyen de défense. Nous n'avons pas eu, dans l'affaire
soumise à notre examen, à nous occuper de la suggestion
hypnotique. Nous n'en n'avons pas trouvé trace dans les faits
que nous avions à étudier. Le rapport que nous publions in
extenso les fera suffisamment connaître, et déterminera la
nature des troubles nerveux que uous avons constatés.
400 MÉDECINE LÉGALE.
«Nous, soussignés, Caarscor, membre de l'Institut, professeur à
la Faculté de médecine; BROUARBEL, professeur à la Faculté de
médecine; Motet, médecin en chef de la maison d'éducation cor-
rectionnelle, commis le 21 décembre d88;i, par un arrêt de la
Cour de Paris, Chambre des appels de police correctionnelle, à
l'effet de constater l'état mental de la fille G...'(Annette), appelant
d'un jugement du tribunal de la Seine, qui l'a condamnée à trois
mois de prison pour vol; après avoir prêté serment, recueilli les
renseignements de nature à nous éclairer, et visité la prévenue à
la prison de Saint-Lazare, avons consigné dans le présent rapport
les résultats de notre examen :
Annette G..., âgée de vingt-six ans, est depuis près de treize
ans atteinte de troubles nerveux qui paraissent avoir eu pour
cause déterminante, chez une jeune fille, d'ailleurs prédisposée,
les émotions pendant la Commune. Réfugiée avec ses camarades
dans les caveaux de l'église Sainte-Marguerite, elle aurait, quand
les troupes déblayèrent la rue Saint-Bernard, assisté à l'exécution
d'insurgés dans les jardins de l'église. Elle avait onze ans à ce
moment, elle conserva un souvenir très vif de cette scène; et si,
dès cette époque, elle n'eut pas d'accidents nerveux,- elle eut du
moins des troubles du sommeil, dont on ne se préoccupa pas.
A treize ans les règles apparurent. Annette G... fut sujette à
chaque retour des périodes menstruelles à des douleurs vives dans
la région épigastrique; ces malaises sans gravité ne l'arrêtaient
pas et ne dépassaient pas, après tout, la mesure de ce qu'on ob-
serve si souvent chez les jeunes filles à tempérament nerveux pré-
dominant.
Nous devons à sa mère, femme intelligente et que sa profession
de sage-femme rendait plus apte qu'une autre à observer attenti-
vement sa fille, la date précise de l'explosion des accidents ner-
veux dont elle a souffert, sans interruption on peut dire, depuis
le 20 septembre 1875.
Annette G... avait quinze ans; réglée d'une manière assez régu-
lière, peu abondamment, elle était au moment de ses époques.
Sa mère l'emmène faire une promenade à Saiut-Cloud, elle
revient le soir, en bateau, et se sent prise de froid. Le lendemain,
les règles cessent brusquement, et le surlendemain, elle s'alite.
Les douleurs dans la région épigastrique sont des plus aiguës,
l'alimentation devient presque impossible, et pendantsix semaines,
la malade ne prend presque rien, sinon de l'eau sucrée. Vers la
septième semaine elle a du strabisme convergent; elle est prise
par accès, de rires que rien n'arrête. On lui donne du musc; le
strabisme cesse, elle devient sourde. 0 Quand un accident, d'une
certaine forme cessait, dit sa mère, un autre apparaissait. » Elle
eut des visions elfrayauLes; les accès hallucinatoires se répétaient
HYSTÉRIE ET MORPHIOMANIE. 401
toutes les nuits et duraient jusqu'à trois heures du matin. Elle
assistait à des scènes terrifiantes; elle voyait, comme dans l'enclos
de l'église Sainte-Marguerite, fusiller des hommes; elle faisait le
geste de tirer un coup de fusil et poussait des cris.
Elle eut ensuite du délire continu pendant près de six mois. Il
lui était impossible de se tenir debout. Elle marchait sur les mains
et les genoux, vivait blottie dans un coin, sous une table; le
désordre mental pendant celte période fut complet; elle tutoyait
tout le monde, disait des injures; par moments elle parlait d'une
manière si singulière que sa mère seule pouvait la comprendre.
A-t-elle eu alors une sorte d'aphasie ? cela est possible, les expli-
cations de sa mère restent un peu confuses sur ce point : ce qui
est certain, c'est que pendant longtemps encore après cette phase
d'aliénation mentale, il lui était impossible d'articuler le nom de
sa soeur Suzanne.
Nous avons voulu savoir quel était son état pendant « ses crises ».
Sa mère nous les décrit fort exactement. Aussitôt que An-
nette G... avait mangé, si peu que ce fût, elle était prise de rai-
deur de tout le corps, elle était allongée sur son lit, immobile,
les yeux fermés, les mains tournées, la paume en dehors, les
doigts en griffe. Elle restait de quatre à six heures ainsi, et elle
sortait de cet état sans convulsions.
En 187o, à la fin de l'année, elle commença à faire usage de la
morphine en injections. Elle éprouva immédiatement un soula-
gement profond, en ce sens qu'elle put s'alimenter mieux. Les
«crises» ne furent pas suspendues cependant ; elles eurent un
autre caractère qu'elles ont conservé jusqu'à cette année. Tout à
coup, elle se met à crier ou à chanter, puis elle ferme les yeux,
et la raideur envahit tout le corps, elle tombe le plus souvent;
d'autres fois, elle se redresse seule et se tient debout, immobile.
Sa mère a remarqué que dans cette position, elle ouvre démesu-
rément les yeux, et qu'il suffit de passer la main devant ses yeux,
pour qu'elle tombe sur son lit près duquel on l'a portée.
La morphine a eu sur elle une influence bien connue d'ailleurs,
c'est de lui donner une activité plus grande, de lui permettre de
se livrer à quelques occupations chez elle; mais aussi l'appétit, le
besoin de l'injection est devenu de plus eu plus impérieux, de
plus en plus tyrannique; progressivement il a fallu élever les
doses, et Annette G... en était arrivée à absorber, dans une ving-
taine d'injections chaque jour, près de un gramme de chlorhy-
drate de morphine; et comme toutes les morphinomanes, elle
avoue «qu'il n'y avait que cela qui la faisait vivre». Un comprend
sans peine, le désarroi intellectuel auquel était arrivée cette jeune
femme sous la double influence des troubles nerveux dont elle'
est atteinte depuis si longtemps et d'une intoxication morphi-
nique aussi profonde.
Archives, t. XI. 26
402 MÉDECINE LÉGALE.
z' Sa maladie en empêchant sa mère de se livrer à sa profession,
avait épuisé toutes les ressources. Le travail à l'aiguille ne suffi-
sait pas toujours à les faire vivre. Le mobilier avait peu à peu
disparu. On était arrivé à vivre en garni; un jour, pendant l'ab-
sence de sa mère qui n'avait pas plus qu'elle mangé depuis la
veille, Annette G... prit une des couvertures du lit, alla l'engager
au Mont-de-Piété et vendit la reconnaissance. Elle avoue sans
détours, et ne cherche pas d'autre excuse que celle de la misère
et de la faim. Elle n'a pas pensé à mettre au compte d'un trouble
intellectuel un acte qu'elle apprécie comme il convient de Je
faire et qu'elle regrette vivement aujourd'hui.
Condamnée à trois mois d'emprisonnement, elle était à Saint-
Lazare, lorsqu'elle se décida à faire appel de ce jugement dans
des circonstances qui ont paru assez étranges pour que la cour
accueillit les conclusions de la défense et ordonnât un examen
médico-légal. On supposait qu'Annette G... avait obéi à une sug-
gestion ; que, dans un moment où elle était sous l'influence de
l'hypnotisafion provoquée par l'un des médecins internes de la
prison de Saint-Lazare, elle avait exécuté l'ordre qui lui avait été
donné par lui, qu'elle était descendue inconsciente au greffe,
qu'elle avait fait écrire par l'un des greffiers la formule de l'appel,
puis l'avait signée. Nous dirons ce qu'il faut penser de cette pré-
tendue suggestion.
Il importait, tout d'abord, de déterminer rigoureusement la
nature des troubles nerveux dont Annette G... pouvait être
atteinte, de préciser leurs caractères, la sincérité de la prévenue
devait être aussi nettement établie.
Les recherches cliniques ont été plus spécialement dirigées
par M. le professeur Charcot. L'examen eut lieu le 14 janvier 1886.
Annette G... éprouve, au moment où elle est amenée devant
nous, un sentiment de vive émotion; elle a peur, et, après avoir
'épondu aux premières questions, elle est prise d'un état synco-
pal, de courte durée d'ailleurs. Une fois remise, elle se laisse exa-
miner sans résistance aucune; nous constatons :
40 Une insensibilité complète de la piqûre à la tête, au cou et
aux mains ;
2° L'abolition du réflexe pharyngien ;
3° La douleur à lapression de la légion ovarienne droite;
4° De la polyopie monoculaire droite ou gauche;
5° De la dyschromatopsie des deux yeux, surtout de l'oeil droit;.
6° Le rétrécissement du champ visuel au maximum à droite,
par la lumière blanche. Le cercle du rouge est en dehors du
cercle du bleu, à gauche surtout.
Interrogée sur les accidents nerveux dont elle souffre, Annette
G... dit que « son attaque » est précédée de violents battements
HYSTÉRIE ET MORPHIOMANIE. t03
très douloureux dans la tempe droite, de bourdonnements dans
les deux oreilles, plus particulièrement perçus à droite, de pal-
pitations. Puis ses membres se raidissent, elle perd connaissance
et ne sait pas alors si elle a ou non des convulsions.
M. le professeur Charcot essaie de l'hypnotiser en lui faisant
regarder fixement un de ses doigts. Cette tentative ne détermine,
qu'une attaque d'hystérie à forme cataleptoïde : les membres
sont raides, étendus, gardent quelque temps la position qu'on
leur donne; les paupières sont agitées par un frémissement
vibratoire constant. La malade, complètement isolée du monde
extérieur, ne répond plus aux questions qu'on lui adresse.
M. le Dr Le Pileur, médecin en chef de l'infirmerie de Saint-
Lazare, constate que les phénomènes produits sont complètement
analogues à ceux qu'il a vus déjà chez Annette G... Ils appar-
tiennent exclusivement l'attaque d'hystérie avec raideur générali-
sée desmembres.
Cette attaque n'est ni très violente, ni de très longue durée;
la malade en sort d'elle-même, sans aucune intervention de
notre part; elle aune très courte période d'étonnement, et, sans
autre transition, elle reprend son entretien avec nous. Elle n'ac-
cuse pas d'autre sensation que celle d'une grande fatigue avec
une céphalalgie légère.
Il nous importait de savoir comment elle était descendue au
greffe pour formuler son appel. Elle nous raconte très simple-
ment et très sincèrement comment les faits s'étaient passés. La
veille, le médecin interne qui, en essayant de l'hypnotiser, n'a-
vait rien provoqué de plus chez elle que l'attaque d'hystérie
cataleptoïde dont nous venions d'être témoins, l'avait engagée,
en dehors du sommeil provoqué, à faire appel du jugement
du tribunal correctionnel; le lendemain dans la matinée,
il en fut encore question dans la salle d'infirmerie; et, dans
un état qui ne rappelle en rien l'état de suggestion hypnotique,
Annette G... descendit au greffe ; elle avoue « qu'elle n'avait pas
bien envie de faire appel, mais que sans céder à une injonc-
tion plus forte que sa volonté, ayant conscience de ce qu'elle fai-
sait, elle avait prié le greffier d'écrire, et elle avait signé ».
Ce n'est pas ainsi que se comportent les hystériques obéissant,
sans résistance possible, à un ordre donné pendant la période
d'hypnotisme. Nous ne croyons pas utile d'entrer dans des détails
plus précis au sujet de ces faits; mais il nous est permis de dire
que les phénomènes de suggestion ne se produisent pas d'une
manière aussi simple que seraient tentés de le supposer ceux qui
pourraient, un jour ou l'autre, les alléguer comme excuse; et,
qu'au point de vue médico-légal, si l'étude en peut présenter
quelques difficultés, elles ne sont pas telles que le problème ne
404 MÉDECINE LÉGALE.
puisse être résolu à l'aide d'une observation sérieusement con-
duite.
Pour nous, il n'y a pas eu plus de suggestion dans le fait du
vol commis sous l'incitation de la misère et de la faim que dans
le fait de l'appel interjeté avec le concours du greffier de la pri-
son. Mais, il reste un état mental particulier sur lequel nous
avons le devoir d'insister.
Annette G... est atteinte d'hystérie. Depuis onze ans, elle a
présenté les manifestations les plus variées de la névrose, en res-
tant cependant toujours dans le type classique. La mobilité des
accidents nerveux s'est doublée, comme il arrive presque tou-
jours, de la mobilité dans le caractère. Sans arriver jamais aux
exagérations fantasques de la plupart de ces malades, elle en a eu
toute l'instabilité d'humeur. Ses souffrances, la longue durée des
troubles nerveux l'ont souvent découragée, et c'est dans l'abus de
la morphine qu'elle a cherché et trouvé un peu de calme. Mais
l'intoxication morphinique a déterminé chez elle ses effets habi-
tuels, un besoin, un appétit irrésistible pour le médicament qui
lui rendait, pour quelques heures, à chaque prise nouvelle, une
senalion de bien-être, « de retour à la vie ».
Chez les morphinomanes, cette sensation est avidement recher-
chée ; l'abstinence les met dans un élat d'angoisse qui va toujours
croissant, et aboutit à de véritables crises d'excitation, de vio-
lence, souvent même de délire. Chez Annette G... arrêtée le
9 novembre et conduite au dépôt de la préfecture de police, la
suppression de la morphine fut brusque : des accidents vertigi-
neux, des spasmes, des syncopes survinrent; et quand celte
femme arrive à Saint-Lazare, elleétait dans un tel état de dépres-
sion, de faiblesse, qu'elle avait pu, sans se rendre compte, sans
se souvenir de rien, comparaître devant le tribunal correctionnel
et ignorer sa condamnation. Admise immédiatement à l'infir-
merie, elle fut soumise pendant quelques jours aux injections de
morphine, que M. le Dr Le Pileur a remplacées depuis par l'o-
pium à doses fractionnées. Annette G... s'est peu à peu modifiée,
et à notre visite, elle avait repris les apparences d'une santé
meilleure. Mais elle est encore sujette à des syncopes, à des
crises cataleptoïdes, elle reste une malade chez laquelle les acci-
dents nerveux peuvent reparaitre avec leur intensité première.
Dans ces conditions, le vol pour lequel elle est poursuivie,
commis au plein d'un état de désarroi intellectuel et moral, sous
la pression de la misère et de la faim, doit être considéré non
plus comme un acte librement exécuté, mais comme l'une de ces
sollicitations instinctives qui ne trouvent pas, dans un espritdébi-
lité par la maladie, le contre-poids de délibération et de résistance
suffisantes. La culpabilité disparaît derrière l'état pathologique,
RAMOLLISSEMENT DES CORNES OCCIPITALES. 405
et nous sommes d'avis que la cour peut exonérer Annette G... de
la responsabilité de l'acte qui'lui est imputé. »
La cour a accepté ces conclusions, et Annette G... a été
immédiatement mise en liberté. i
RECUEIL DE FAITS
RAMOLLISSEMENT DES CORNES OCCIPITALES DANS
L'ÉPILEPSIE ;
Par M. G. ZOHRAB, interne des hôpitaux de Lyon.
Nous nous proposons, dans ce court mémoire, de faire
connaître une lésion assez singulière, vraisemblablement très
rare, sur laquelle notre maître, M. le professeur Teissier, a
appelé notre attention et qui, jusqu'à ce jour, n'a pas été
notée dans les observations nécroscopiques faites sur des
épileptiques.
L'épilepsie essentielle, idiopathique est encore rangée dans
la classe des névroses; on la considère comme une entité
morbide sine mater ta, une affection fonctionnelle à la suite
d'une déviation des propriétés physiologiques des cellules ner-
veuses cérébrales, ou bulbaires et ne possédant pas une lésion
anatomo-pathologique spéciale et constante.
Nous tenons pour probable qu'avec le perfectionnement de
nos moyens d'investigation histologiques et histochimiques,
avec le progrès des études physiologiques et avec la pratique
méthodique d'une autopsie bien faite, on parviendra à dé-
couvrir sinon une lésion nécroscopique caractéristique, peut-
être un arrangement moléculaire particulier, une distribution
spéciale des cellules nerveuses du système cérébro-spinal.
Jusqu'ici les diverses théories émises : la théorie hématique
de Kussmaull et Tenner, la théorie chimique de Frerichs,
celle des inégalités en poids des hémisphères (Tood, Par-
.406 RECUEIL DE FAITS.
£ happe, Follet), celle de leur asymétrie (Falret et Beaume)
n'ont pas encore aidé à résoudre ce problème.
Nous pouvons en dire autant de l'asymétrie faciale et crâ-
nienne (Lasègue) du rétrécissement du canal vertébral (Soelbrig,
de Munich) de l'inégalité des cornes d'Ammon et de leur
atrophie ou sclérose (Meynert, Kéraval), de l'asymétrie des
lobes du cervelet (Bra).
Il en est de même de la constatation d'un exsudat albumineux
interstitiel, d'une dégénérescence graisseuse et du ramollisse-
ment cérébral, de l'ectasie des capillaires cérébraux et de l'épais-
sissement de leurs parois, ainsi que de l'état plus hyperhémié
de la moitié inférieure du bulbe : toutes lésions constatées par
Schrôder van der Kolk qui ne paraissent pas être constantes
et primitives.
Les ectasies capillaires dans la moelle allongée, l'existence
d'un exsudat albumineux granuleux, de nombreux corps
amylacés et de cellules ganglionnaires fortement pigmentées
notamment dans les noyaux de l'hypoglosse et du pneumo-
gastrique et les diverses altérations des ganglions sympathiques
observées par Echeverria, ne constituent pas des lésions exclu-
sives de l'épilepsie, et sont loin d'être constantes dans cette
affection.
De plus Meyer constate les mêmes particularités patholo-
giques dans la moelle allongée et dans l'écorce cérébrale;
mais ce sont là des faits inconstants, secondaires et non spé-
ciaux à l'épilepsie.
Pour notre part, nous avons pratiqué, sous la direction de
notre chef de service M. le professeur Teissier, quatre au-
topsies : deux sur des femmes regardées comme atteintes
d'épilepsie essentielle, et deux sur des hommes qui avaient
présenté des crises épileptiformes dans le cours d'une lésion
cérébrale. C'est la constatation d'une lésion identique, échappée
jusqu'à ce jour aux observateurs, qui nous a suggéré l'idée de
l'étudier dans tous ses détails.
Nous espérons par là, en apportant par l'exposé qui suit
quelques matériaux utiles contribuer, pour notre faible part, à
la solution de l'intéressant problème de la pathogénie de l'épi-
lepsie.
Observation 1. Mlle D..., vingt ans. H;/sM<'0-ëpt<ep4'M«j/)'tMtei<
. crises, vertiges, incontinence d'urine dès l'enfance, asymétrie
RAMOLLISSEMENT DES CORNES OCCIPITALES. 407
faciale, folie épileptique, manie religieuse ; hallucinations. Au-
topsie : ramollissement de la substance blanche nerveuse entourant
les deux, cornes occipitales des deux ventricules latéraux.
Antécédents héréditaires. Père mort à rage de soixante ans
d'une fluxion de poitrine. Pas d'alcoolisme ni de syphilis. Mère bien
portante; un frère et une soeur en bonne santé. Quatre frères et
soeurs morts en bas âge. Pas d'affection nerveuse, ni d'antécédents
rhumatismaux dans la famille et chez les collatéraux.
Antécédents personnels. M"«D... a passé une partie de son en-
fance de huit à quinze ans en pension, travaillant à obtenir son
brevet supérieur. Jusqu'à l'âge de douze ans, la malade urinait fré-
quemment au lit. Cette incontinence nocturne fit place à des ver-
tiges. Au milieu d'une conversation, d'une lecture, elle s'arrêtait
brusquement, poussait un soupir, paraissait entrer en syncope. Tous
ces accidents duraient à peine quelques secqndes, etelle reprenait
la phrase interrompue.
A quinze ans, pendant les vacances, le 21 août 1878, apparition
des règles et de la première crise.
Depuis lors, retour périodique, et régulier des menstrues, sans
la moindre interruption.
Les crises reviennent d'abord à intervalles assez éloignés, tous les
mois ou toutes les cinq semaines, de préférence la nuit.
La malade passe trois ans à la Teppe de 1879 à882 ; son état,
sans s'être amélioré, reste stationnaire.
A cette dernière date, elle rentre à l'hospice des aliénées à B...
où très affectée de sa situation, elle serait sujette à des crises très
fréquentes (sept dans une nuit). Elle présente de l'agitation, de
la fièvre et du délire. Quinze jours après, sa mère la retire de
l'asile, où son état n'avait fait qu'empirer.
Reçue à l'hospice de l'Antiquaille, dans le service des épilepti-
ques le 22 août 1882, la malade prend des crises très fortes avec
morsures de la langue, sans aura, mais fréquemment avec émis-
sion involontaire d'urine. Quelques minutes après, elle a de la
peine à rassembler ses idées et à les formuler ; à part ces phéno-
mènes, l'intelligence est nette, la mémoire fidèle.
L'appétit est bon, les fonctions de la circulation et de la res-
piration sont normales. Bourdonnements d'oreilles et surdité,
passagère. , z
Les convulsions cloniques et toniques généralisées paraissent
quelquefois plus fortes à gauche, soit aux membres, soit à la face
et aux yeux.
Au moins de février 1883, elle prend, étant à table, un accès de
délire pendant lequel elle s'écriait qu'elle voulait mourir.
Pendant son séjour à l'Antiquaille jusqu'à son entrée au..
408 RECUEIL DE FAITS.
Perron au mois de juin 1882, elle ne cesse, malgré un traitement
bromure énergique de prendre de fortes crises tous les trois,
quatre ou cinq jours, en moyenne neuf à dix par mois, et quel-
quefois trois par jour. Le traitement parlechloral n'a pas exercé
d'influence bien appréciable sur la fréquence des crises. Les injec-
tions hypodermiques répétées de morphine d'un demi à trois
centigrammes sont suivies d'amélioration.
Entrée au Perron le 5 juin 1883.
Ftat actuel. L'indice céphalique de la patiente est de 85-56.
Des crises et des vertiges se succèdent presque tous les jours.
On a noté j usqu'à 17 7 accès pendant la nuit du 13 au 44 4 juin avec
lièvre de 38° 9 à 40o 4 (température vectale).
Le 16 juin, lematin, surexcitation maniaque, crises aiguës, ré-
pétées, subintrantes, avec température de 40° 2 suivies d'une
grande prostration pendant laquelle la malade ne cesse de répéter :
« Eh bien Eh bien ! »
Au mois de juillet, état de mal pendant une semaine, avec
subdélirium etmanie religieuse. Incontinence d'urine, conscience
des vertiges, pas de trouble de sensibilité ni de plaques anesthé-
siques. Pas d'inégalité pupillaire.
L'administration de la poudre de feuilles de digitale en infusion
pendant quatre à cinq jours diminue notablement la fréquence
des crises sans modifier le tracé du pouls ou du coeur. La malade
supporte mal le bromure.
En 1884, accès de folie épileptique, gaité exagérée avec éclats
de rire et grande loquacité. Elle s'écrie souvent : où suis-je ( ? ),
est-ce que je suis folle ? Céphalalgies violentes; sensibilité cutanée
exagérée et douloureuse au contact dans les deux régions tem-
porales gauche et droite. Déviation conjuguée des yeux ◀tantôt▶ à
droite, ◀tantôt▶ à gauche. Etat de fureur épileptique.
En novembre 1884, on note : la sensibilité cutanée est intacte,
sans plaques d'anesthésie, ni d'hyperesthésie. Au coeur, les bruits
sont éclatants, pas de souffle.
Après une crise, l'urine est acide, d'un aspect louche avec léger
nuage albumineux obtenu par le procédé de Gtibler. - 13 grammes
d'urée par litre.
Au mois de juin, tuméfaction énorme de la lèvre inférieure et
et de la langue à la suite de morsures : .la malade croyait avoir
avalé un cafard et voulait l'expulser.
Le 27 du même mois, on observe en dehors de toute crise des
crampes dans les muscles des mains et une impotence fonction-
nelle du membre inférieur gauche.
Le 24 décembre : torticolis du côté gauche Le réflexe rotulien
droit est exagéré, tous les autres réflexes tendineux et cutanés
sont abolis.
RAMOLLISSEMENT DES CORNES OCCIPITALES. 409
Le 28 décembre au soir, crises épileptiques subintrantes avec
râle à grosses bulbes disséminées aux deux poumons; menace
d'asphyxie, cyanose, sudation générale et abondante, hyper-
thermie notable. Calme relatif à la suite d'une injection sous-cu-
tanéede0,01 d'apomorphine, des ventouses sèches sur la poitrine
et du chloral à l'intérieur.
Le 29 décembre au soir, reprise des crises subintrantes, nou-
velle injection de 0,01 d'apomorphine pendant la période des
convulsions toniques; deux minutes après, diminution légère des
convulsions avec nausées, mais pas de vomissements.
Quelques minutes après, les crises reviennent de plus en plus
fortes, et voici ce qu'on observe : une dilatation pupillaire
moyenne et égale des deux côtés, une température axillaire de
38° 9, un pouls lent mais régulier, 30 par minute en moyenne.
Les battements du coeur sont tumultueux, irréguliers et plus ou
moins effacés par les rhonchus bullaires de la respiration. Incon-
tinence d'urine. Sudation excessive. Pâleur et cyanose de la face.
Déviation conjuguée des yeux, ◀tantôt▶ à gauche, ◀tantôt▶ à droite.
L'examen des urines est impossible. La malade meurt dans l'as-
phyxie le 30 décembre à 3 heures du matin.
Autopsie le 31 décembre à 10 heures dumatin : .'
Cuir chevelu peu épais et se décortiquant facilement; l'épais-
seur des parois crâniennes ne dépasse pas 01 006; pas d'asymé-
trie dans la base du crâne.
Les méninges présentent une congestion veineuse intense, pas
d'épaississement, pas de fausses membranes ni d'adhérences.
La pie-mère paraît normale. Les sinus sont très engorgés.
Cerveau : L'hémisphère droit pèse 600 gr.
Plusieurs taches purpurines à la surface de la substance corti-
cale. Les circonvolutions présentent une teinte hortensia très
prononcée; elles sont volumineuses et de consistance diffluente.
Le pied de la scissure rolandique est à 0m 104 de l'extrémité an-
térieure du lobe frontal, tandis que le sommet en est à 0" 130.
L'hémisphère gauche pèse 600 gr., il présente les mêmes lésions
à sa face. Le pied du sillon de Rolando est à Oe 102 de l'extrémité
antérieure du lobe frontal, tandis que le sommet en esta Om4R5.
A la coupe pédiculo-pariétale et occipitale du cerveau, on
constate sur les deux hémisphères un ramollissement blanc,
diffluent, crémeux, puriforme de la substance blanche entourant
dans une étendue de 3 centim. les deux cornes occipitales des
ventricules latéraux.
A l'examen microscopique, on trouve des corps granuleux et des
globules adipeux en grande abondance, avec quelques rares
corps amyloïdes. Rien à noter du côté des centres gris et des
410 RECUEIL DE FAITS.
ventricules. Pas d'inégalité des cornes d'Ammon, ni atrophie ni
ramollissement.
Cervelet : Les deux lobes du cervelet pèsent séparément 45 gr.
La substance n'en parait pas ramollie. Les deux corps rhom-
boïdes présentent sensiblement le même volume. On ne remarque
pas de différence dans la répartition des deux substances blanche
et grise.
La protubérance et le bulbe n'offrent rien de particulier à noter.
Les autres viscères n'ont pas été examinés. ·
Réflexions. Nous sommes donc en présence d'une jeune
fille atteinte d'épilepsie essentielle depuis l'âge de quinze ans
à l'autopsie de laquelle nous n'avons trouvé d'autre lésion que
le ramollissement entourant les cornes occipitales des deux
ventricules latéraux. Tout le reste de la substance cérébrale, à
part une consistance un peu moindre des circonvolutions et la
présence de plusieurs taches purpurines à leur surface, parais-
sait normal à l'oeil nu.
Le ramollissement que nous avons noté ne semblait pas
plus accentué d'un côté que de l'autre bien que quelquefois les
convulsions eussent été plus fortes à gauche qu'à droite.
Observation 11. -Alile L. D..., dix-huit cens.- Epilepsie essentielle
à grandes crises. Otite scléreuse et suppurée de l'oreille
moyenne gauche. Surdité absolue du même côté. Autopsie :
ramollissement de la corne occipitale gauche. Tumeur du
cervelet.
Antécédents héréditaires. Le grand-père et la grand'mère de
la malade sont encore vivants et bien portants.
Le père a succombé à une affection pulmonaire à un âgé in-
déterminé.
Mère morte de chagrin de la perte de sa petite fille. Pas de dia-
thèse nerveuse, ni rhumatismale dans la famille.
Antécédents personnels. Jusqu'à l'âge de cinq ans, bonne
tante habituelle. A cette époque, la malade prit la rougeole et.ce
fut pendant sa convalescence que, sans cause connue, éclate la
première crise. A ce moment, se manifeste une légère surdité
à gauche.
Au début, les crises étaient plus fréquentes et plus fortes, sur-
venant environ toutes les semaines. Depuis l'âge de dix ans, leur
fréquence a diminué.
Réglée à onze ans, menstrues régulières. Le. plus souvent les
RAMOLLISSEMENT DES CORNES OCCIPITALES. 411 i
crises apparaissent au moment de la disparition du flux cata-
ménial. Variole à quatorze ans n'ayant pas réagi sur son affection.
Etat actuel. Indice céphalique 0,81. L. M... est de petite taille,
le visage large et défiguré par la variole. Hypertrophie légère du
corps thyroïde.
D'une intelligence médiocre, la malade sait à peine lire, et pré-
sente un léger embarras de la parole. Le caractère est méchant.
Actuellement, 7 août 1880, la malade n'a qu'une seule crise
par mois. L'accès est complet, précédé d'un aura consistant dans
une sensation de constriction, à l'épigastre.
Quelquefois, miction involontaire, jamais de vertiges ni d'absence.
On note dans la même année une crise d'aphonie momentanée.
A la suite de médication bromurée, cessation des crises pendant
un an (1882). En 1883, elle prend des crises tous les mois. L'exa-
men du coeur n'offre rien d'anormal. Ni sucre ni albumine dans
les urines recueillies avant et après les crises. Le 13 du mois de
novembre 1884, céphalées atroces, continues coïncidant avec l'ap-
parition des règles.
Les deux pupilles sont paresseuses. Les bruits du coeur parais-
sent normaux.-Rien aux poumons. Les urines sont normales.
Le 24 du même mois, faux besoins de défécation, moeléna et
état catarrhal. -- Pas de fièvre. Douleurs abdominales géné-
ralisées. Pas de coliques. Vomissements alimentaires. -
Les réflexes tendineux musculaires et cutanés sont abolis.
Le 12 décembre, on note de vomissements incoercibles, des
céphalées frontales et persistantes, des vertiges, de la titubation.
Rien à noter du côté de la papille à l'examen ophthalmoscopique.
- Les pupilles ne sont pas dilatées. Crampes stomacales.
Plusieurs crises épileptiques dans la journée.
Le 21 décembre, les pupilles sont dilatées. La céphalée fron-
tale est plus accentuée à gauche. Otorrhée purulente fétide de
l'oreille gauche. - Aspect blanc, grisâtre du tympan et perfora-
tion de cette membrane. La surdité est complète. Le décu-
bitus latéral droit est bien supporté par la malade. Nausées
et vomissements. L'ensemble des symptômes présenté par
la malade fait croire à une maladie de Ménière. Le sulfate
et le bromhydrate de quinine, l'aconitine les injections asep-
tiques dans l'oreille, les vésicatoires à la nuque, n'ont pas
diminué les céphalées.
Rien à noter du côté de la sensibilité cutanée et des autres
organes des sens. De temps en temps, la malade est prise d'oscilla-
tions rhythmiques antéro-postérieures de la tête, oscillations peu
accentuées et durant quelques secondes seulement et s'accompa-
gnant de rougeur et de pâleur de la face.
Le 10 janvier 1885, vers une heure du matin, la malade demande
412 RECUEIL DE FAITS.
à ce qu'on la place dans le décubitus latéral gauche et meurt
sans présenter de convulsions.
t..
Autopsie faite trente heures après la mort.
Poumons : oedème et congestion généralisée, surtout du poumon
RAMOLLISSEMENT DES CORNES OCCIPITALES. 413
droit. t. Coeur : poids 255 grammes. -Rétrécissement de l'orifice mi-
tral. Les valvules aortiques etmitrales sontamincies sur leurs bords
et présentent des perforations multiples.
La longueur du ventricule gauche mesure 7centimètres;celledu
ventricule droit, 6 centim.- La longueur de l'infundibulum pul-
monaire est de 5 centim. La circonférence de l'orifice aortique
mesure 5 centim. 7, celle de l'orifice pulmonaire, 7 centim. 5. La
capacité du ventricule droit est très petite. Tout le reste du
coeur est normal.
Pas de lésions osseuses du crâné, pas d'asymétrie. Le rocher
gauche intact.
Les méninges sont très congestionnées surtout à gauche. Pas
de fausses membranes ni d'infiltration oedémateuse.
Cerveau : Hémisphère droit : poids 580 gr. Les circonvolutions
de lobe frontal sont étalées et aplaties, elles affectent une disposi-
tion rudimentaire et présentent peu de plis de passage. Le pied de
la circonvolution frontale ascendante mesure Om018 et sa partie
moyenne On 015. Le pied de la scissure rolandique est à on 102 de
l'extrémité antérieure du lobe frontal, tandis que le sommet en
est de On 122. Rien à noter la coupe. Pas de ramollissement,
ni d'induration, ni d'atrophie de la corne d'Ammon.
Hémisphère gauche : poids 580 gr. Les circonvolutions pariétale
et frontale ascendantes sont moins aplaties que celles de l'autre
hémisphère. Le pied du sillon de Rolando est à On 097 de l'extré-
mité antérieure de lobe frontal, tandis que le sommet en est dis-
tant de On 123. Pas de ramollissement des circonvolutions. Plu-
sieurs taches couleur hortensia à leur surface.
A la coupe pédiculo-pariétale et occipitale du cerveau, on
trouve un ramollissement crémeux puriforme limité à la substance
blanche périépendymaire du prolongement postérieur du ventri-
cule latéral. Les centres gris paraissent normaux.
Pas d'épanchement dans les ventricules.
Cervelet : sur la face postéro-supérieure du lobe droite, on re-
marque une tumeur de la grosseur d'une noix et recouverte par
une mince couche de substance cérébrale. Cette tumeur forme
l'une des parois d'une cavité contenant un liquide séro-citrin,
sans odeur, à réaction acide. Le néoplasme offre un aspect lobulé.
il est transparent, gélatineux, de couleur jaunâtre, avec tous les
caractères d'un myo-sarcôrne.
Le lobe gauche du cervelet ne présente rien de particulier, Il
pèse 40 gr., tandis que le droit pèse 49 gr.
Réflexions. Deux faits principaux se dégagent de cette
observation : -Premièrement l'accentuation des convulsions du
côté droit; deuxièmement une lésion manifeste et unique de
414 RECUEIL DE FAITS.
la substance périépendymaire limitée à la corne occipitale du
ventricule latéral gauche (à droite, la substance blanche qui
entoure la corne occipitale paraît saine à l'oeil nu, sauf à con-
firmer notre assertion par l'examen histologique). Si bien
que de l'examen de ces deux faits semble ressortir d'abord
cet enseignement qu'il paraît bien exister un certain rap-
port de cause à effet entre le ramollissement de la corne
occipitale et les convulsions épileptiques.
A ces deux observations nous allons en ajouter deux autres
dues à l'obligeance de notre collègue et ami M. Peaupère, et qui
ont trait à deux individus qui pendant le cours d'une affection
cérébrale présentèrent des crises épileptiformes : là encore
nous allons retrouver la même détermination anatomo-
pathologique.
Observation III. 31.... âgé de soixante-seie, boulanger.
Hémorrhagie cérébrale. Crises épileptiformes. Autopsie :
ramollissement de la corne' occipitale du ventricule latéral droit.
Antécédents héréditaires : père mort d'une attaque d'apoplexie.
Pas d'affection nerveuse du côté de la mère.
Antécédents personnels. Le malade est père de plusieurs en-
fants chez lesquels on ne remarque rien d'anormal. Il a fait des
excès de travail dans sa jeunesse et se livrait à la boisson. Jamais
d'abus vénériens; syphilis non probable. Il a subi des pertes
d'argent à la suite des spéculations malheureuses.
En 4861, il eut la main prise sous un marteau-pilon et reçut
les soins du DeDesgranges, qui lui amputa les trois derniers doigts
de la main droite. Cette mutilation le fit admettre à l'hospice.
La santé générale antérieure était bonne. Depuis son entrée à
l'hospice, aigri par les propos de ses voisins de salle, il a vu son
caractère se modifier et devenir plus irritable au point de se croire
en butte à l'envie de tous les gens du service.
A plusieurs reprises, il fut atteint de crises caractérisées par des
convulsions cloniques généralisées sans prédominance d'un côté,
avec morsure de la langue, perte de connaissance et état soporeux
à la fin de l'accès.
Etat actuel. Perte notable de la mémoire. Pas de faiblesse
dans les membres . - Pas de trépidation plantaire. Le
réflexe rotulien parait légèrement exagéré des deux côtés. Rien
à noter du côté des poumons et des organes des sens. On
trouve à l'auscultation du coeur, les signes d'une insuffisance
mitrale. Pas de troubles de sensibilité ni de motilité.
RAMOLLISSEMENT DES CORNES OCCIPITALES. 415 5
L'état général est bon. Les urines sont normales. Le 2 janvier
1883, perte de connaissance et coma. La respiration est sterto-
reuse et les pupilles sont dilatées. On n'observe pas de relâche-
ment des sphincters.
Il meurt le soir sans présenter de convulsions.
L'autopsie a été faite le 3 janvier au matin.
Coeu ? , : il est volumineux et non hypertrophié. Il pèse 650 gr.
Plaques laiteuses sur la face antérieure et postérieure de
l'organe. Insuffisance mitrale. Sclérose cartilagineuse des
muscles papillaires du ventricule gauche. La valve interne de la
mitrale présente de légères plaques d'athérome. Ventricule
droit très diminué de volume et de capacité. Léger athérome
des artères coronaires. Toutes les autres parties du coeur sont
normales.
Cerveau : hémisphère droit pesant 620 gr. Les circonvolution
sont très volumineuses. Peu de plis de passage. '
Un vaste foyer hémorrhagique récent occupant toute la partie
supérieure des circonvolutions frontale et pariétale ascendantes.
Les noyaux gris centraux paraissent intacts.
A la coupe pédiculo-pariétale et occipitale, on observe un ra-
mollissement crémeux avec diffluence de la substance blanche
limitant l'extrémité occipitale de ventricule latéral.
Hémisphère gauche : poids; 596 gr.; sain.
Pas d'inégalité des cornes d'Ammon. -Pas de ramollissement,
ni d'induration de cette région.
Foie : infarctus cicatrisés à la surface, rien à la coupe.
Bâte : congestion et plaques cartilagineuses à sa surface.
Reins : le rein gauche présente une sclérose commençante de
la substance des pyramides et de la substance corticale; kystes
urineux nombreux à la surface. La capsule n'est pas adhérente.
Le rein droit offre une surcharge graisseuse des bassinets.
Capsule légèrement adhérente.
Poumons : congestion et oedème à la base, emphysème au
sommet. - Ganglions péribronchiques indurés.
Nombreuses plaques de sclérose sur les plèvres.
Observation IV. C..., âgé de quarante ans. Tailleur.
Onanisme invétéré. Hémiplégie gauche. -Crises épileptiformes.
Mort à la suite de crises subintrantes. Autopsie : ramollisse-
ment de la substance blanche nerveuse entourant le prolonge-
ment postérieur du ventricule latéral droit.
Père mort à soixante ans d'une pneumonie. Mère rhuma-
tisante morte à quatre-vingts ans. Il a sept enfants bien portants.
416 ' RECUEIL DE FAITS.
On ne relève dans ses antécédents ni rhumatisme, ni alcoolisme,
ni syphilis, mais seulement des habitudes invétérées d'onanisme.
Il y a trois ans, il eut une congestion cérébrale avec perte de
connaissance dont il guérit complètement. Un an plus tard, survint
une attaque apoplectiforme avec chute et perte de connaissance
qui fut suivie d'une hémiplégie gauche complète avec hyperes-
thésie du même côté.
Depuis, la sensibilité est incomplètement revenue et, actuelle-
ment encore une piqûre d'épingle est mal sentie par le malade
qui localise difficilement la douleur.
La motilité n'a pas reparu ni dans le membre supérieur, ni
dans le membre inférieur gauche. C'est à peine s'il peut cons-
tracter quelques muscles. ,
La pupille gauche est plus dilatée que la droite.
Le malade présente un trouble des sentiments affectifs. Lamé-
moire est diminuée et l'intelligence affaiblie. Il pleure facile-
ment. Les réflexes sont exagérés du côté paralysé, mais normaux
à droite. Contractures épileptoïdes des membres.-Rien au coeur,
ni aux poumons. - Depuis son entrée à l'hospice, survint chez lui
des crises épileptiformes sans cri initial, mais avec perte de con-
naissance et convulsions cloniques et toniques avec prédominance
du côté hémiplégique. Ces convulsions débutent par le côté
gauche pour se généraliser ensuite. On note chez lui une
dysurie qui, dans ces derniers temps, se convertit en incontinence
d'urine.
Depuis le mois de novembre 1884, alternatives de constipation
et de diarrhée. Le 47 janvier 1885 survint une diarrhée
rebelle qui s'arrêta brusquement quatre jours avanlle décès.
Crises subintrantes du 47 au 18 février et mort le 18 février à
8 heures du matin dans un état de prostrationcomplète.
L'autopsie est pratiquée vingt-quatre heures après le décès.
Méninges : décortication facile. OEdème de la pie-mère.
Athérome des artères de la base. -
Cerveau : l'hémisphère gauche pèse 535 gr. ; il est sain. L'hé mis-'
phère droit pèse 42a gr. Lescirconvolutionsfrontalessont étroites
et peu développées.
On trouve à la coupe un ancien foyer de ramollissement
parallèle au ventricule latéral, dont il occupe le côté inféro-externe.
Le paroi de ce ventricule est intacte dans toute son étendue, sauf
au niveau de la paitie située dans le lobe occipital où il existe en
ramollissement puriforme, ditfluent delà substance blanche ner-
veuse entourant la corne occipitale. Le foyer hémorrhagique se
prolonge dans le lobule de l'insula.
Les corps opto-striés sont également envahis par l'hémorrhagle,.
DES CORNES POSTÉRIEURES OCCIPITALES. 417
de même que la capsule interne. Les cornes d'Ammon gauche et
droite paraissent saines. Epanchement ventriculaire notable.
Cervelet : lobe gauche; poids 70 gr., intact.
Le lobe droit pèse 60 gr. et renferme un ancien foyer de ra-
mollissement. Les corps rhomboidaux ont le même volume des
deux côtés. La consistance de la substance grise et blanche est
normale. -
Le bulbe et la protubérance paraissent intacts. z
La moelle n'a pas été examinée.
Coeur : poids, 37S gr. Plaques d'athérome faisant un relief cons-
dérable dans l'intérieur de l'aorte.
Circonférence de-l'aorte : 8 centim. 2, celle de l'artère pulmo-
naire mesure cenlim. 2. La longueur du ventricule gauche me-
sure 8 centim. 7. Les coronaires sont athéromateuses et per-
méables. Toutes les autres parties du coeur sont normales.
Poumons : oedème et congestions généralisés. Emphysème aux
sommets, et adhérences des lobes inférieurs. Ancienne pleurésie
droite.
Le rein gauche est normal. Le rein droit présente quelques points
atteints de dégénérescence graisseuse.
Le foie et la vésicule pèsent ensemble 1,730 gr. Le foie est en
voie de dégénérescence graisseuse et amyloïde.
Rate normale.
Les intestins ne présentent rien de particulier à noter.
Réflexions. En résumé, voici deux nouveaux faits qui,
joints à nos premières observations, nous démontrent à n'en
pas douter l'existence d'une altération spéciale caractérisée par
un ramollissement localisé à une région déterminée et coïnci-
dant avec des crises épileptiformes répétées.-
Ce qui attire surtout l'attention c'est la localisation de ces
altérations anatomiques ou leur exagération dans l'hémisphère
cérébral opposé au côté du corps où les convulsions sont plus
marquées.
Pareille lésion ne parait pas avoir été notée encore dans une
publication connue. Nous ne la trouvons signalée ni dans les
thèses du Dr Coulbeau et du DI Cassaone, ni dans le mémoire
de Bourneville et Bricon, ni dans le livre classique de Gowers.
Le silence d'observateurs aussi compétents nous a inspiré
quelques doutes sur la valeur et la signification de cette
lésion. Nous nous sommes demandé, en effet, si nous n'étions
pas en face d'une simple désintégration cadavérique ; mais en
vain nous avons cherché cette altération dans les nouvelles
Archives, t. XI. 27
418 RECUEIL DE FAITS. CORNES POSTÉRIEURES OCCIPITALES.
autopsies de sujets morts d'affections variées que nous avons
eu à pratiquer depuis. Nos investigations furent absolument
négatives. ^ ( ' ., ... - -.
De plus si cet état crémeux, puriforme était un effet de dé-
composition post morlem pourquoi se localiserait -il dans cette
région plutôt que dans une autre ? Tout ce que nous pouvons
dire c'est que cette altération survient pendant la vie : mais est
elle primitive ? 'est-elle secondaire ? c'est ce que nous est im-
possible de déterminer. ' "v"
De même, nous sommes peu édifiés sur sa vraie signification
et sur les rapports qui peuvent exister entre elle et les marii-
festations épileptiques développées parallèlement, quelle qu'en
ait été la forme.
Les expériences pratiquées par Ferrier et Nothnagel ne ser-
vent guore'à nous éclairer. -Elles se rapportent plutôt à la
corne d'Ammon et ses connexions et aux ventricules latéraux
et nullement à celte région si reculée, si centrale que nous
avons trouvé altérée dans les autopsies que nous venons de
rapportera " " 4
Du reste, dans nos nécropsies, la corne d'Ammon a été
trouvée constamment saine, du moins à l'oeil nu, et nous
pouvons remarquer en passant, que, comme dans les cas déjà
relatés par les auteurs, cette intégrité coïncidait avec l'absence
de troubles sensitifs.
Quoi qu'il en soit, ces faits tendent évidemment à prouver
que les, théories pathogéniques actuelles voulant substituer à
l'ancienne théorie bulbaire de Schôoder van *der Kolk l'hypo-
thèse d'une excitation constante des couches corticales du cer-
veau (du lobe occipital surtout (Iloseiibacli), comme provoquant
l'épilepsie, qu'elle soit partielle ou généralisée, symptoma-
tique ou idiopathique, sont tout au moins trop exclusives.
Il existe certainement dans l'intérieur des hémisphères céré-
braux ou dans les régions bulbo-protubérantielles des points
dont l'excitation répétée peut provoquer l'attaque épileptique.
Dans nos observations, ces points, plus vulnérables sont
naturellement les régions formées de substance blanche ner-
veuse qui entourent les prolongements postérieurs des ventri-
cules latéraux.
-L'expérience démontrera plus tard s'il existe dans ces ré-
gions occipitales de véritables zones épileptoyènes, ou bien s'il
y a seulement dans cette partie de la substance blanche un
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 419
de ces foyers de résistance moindre qu'on est autorisé à sup-
poser exister chez les sujets prédisposés, et 'dont l'excitation,
plus facilement mise en jeu par les influences diverses (excita-
tions viscérales, périphériques ou même dyscrasiques) pro-
duirait à la longue l'usure, le ramollissement d'abord, plus
tard peut-être l'induration, la sclérose. -
En résumé et comme conclusion de ces différents faits,
nous pensons pouvoir admettre : - -
1" Qu'il existe un certain nombre de cas d'épilepsie essen-
tielle ou symptomatique accompagnés d'un ramollissement de
la partie sous-épendymaire des cornes occipitales des ventri-
cules latéraux;
2° Que dans ces cas les convulsions cloniques sont propor-
tionnelles à l'intensité de la lésion et toujours plus marquées
dans le côté du corps opposé à l'hémisphère cérébral plus
particulièrement atteint; , .
3° Que l'influence pathogénique de cette lésion est encore
obscure, mais qu'elle laisse supposer dans cette partie de la
substance blanche l'existence d'une zone épileptogene qu'il
appartient à l'expérience de démontrer. - '
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
t
XX. DE la valeur DE L'ÉLECl'ItICIl'li DaN3 le TRUTEMENT DE la folie;
- . par A. II. Newth. (The Journal o/'meatut SCiel2ee, Octobre 4 884) . '
Dans ce travail, l'auteur plaide la cause de l'électricité dans le
traitement des affections mentales; il retrace en quelques- tirais
)'hisLo ! iqne de la question, puis traite successivement du choix
des piles, de 'a (orme sous laquelle il convient d'employer l'élec-
tricité, de 1 ? direction que l'ou doit, suivant les rasult,Ils à
atteindre, donner au courant, etc.; enfin il engage -vivement 'ses
conifères à essayer l'emploi de ce moyen thérapeutique avec-pru-
dence, mais aussi avec confiance et persévérance. 11 est convaincu
qu'une pile appropriée, convenablement appliquée conformément
aux indications, donnera des résultats extrêmement favorables;
420 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
il ajoute qu'il n'est pas nécessaire, pour obtenir ces résultats
d'être un électro-thérapeutiste consommé; il suffit pour cela
de prendre les précautions convenables et, dans le choix des cas
et le mode d'application, de se laisser guider par le vulgaire bon
-sens. * R. 11. C.
XXI. Un cas DE tumeur endothéliale DE la DURE-MÈRE : Paralysie
générale; parT. W. MAC DOWALL. (Tlze Journal of Mental Science,
avril 1884.)
Le cas est celui d'un homme de quarante-huit ans qui avait
reçu quelques années auparavant un traumatisme violent à la tête,
traumatisme qui avait déterminé une fracture du crâne et la
perte de l'oeil droit. Le diagnostic porté à son entrée à l'asile est
celui de démence paralytique. Le malade mourut dix mois après
son entrée : à l'autopsie on note les principaux faits suivants :
cerveau difficile à enlever, à cause des adhérences qui existaient
entre la surface orbitaire des lobes frontaux etla dure-mère : à ce
niveau, on trouve une tumeur dure qui déborde de chaque côté la
crête de l'ethmoïde. Les os, quoique présentant une couleur spé-
ciale, ne sont pas atteints; mais la dure-mère, en avant de la
selle turcique, ne peut-être ni séparée ni distinguée delà tumeur.
A la surface inférieure du cerveau, on voit une tumeur qui s'é-
tend de la commissure optique au bord des lobes frontaux; elle
parait déplacer seulement les circonvolutions et intéresser princi-
palement la première frontale de chaque côté : son extrémité
postérieure touche, mais sans l'envahir, la commissure et les
nerfs optiques. Le nerf optique droit et son tractus sont très atro-
phiés. A la face supérieure du cerveau, les circonvolutions sont
aplaties, et les membranes adhèrent en plusieurs points aux tissus
sous-jacents. Une section antéro-postérieure montre que la tu-
meur occupe presque la totalité de chacun des lobes frontaux ;
elle est tellement dure qu'elle crie sous le scalpel. Elle n'est pas
entourée de tissu cérébral ramolli, et elle est presque partout
séparallle des tissus voisins. Une grande partie de la face supé-
rieure du lobe frontal gauche est molle au loucher; mais son as-
pect extérieur n'est pas modifié.
L'examen microscopique de la tumeur en a démontré la nature
manifestement cancéreuse. R. M. C.
XXII. Relation D'UNE épidémie A phénomènes HYSTÉRO-CHORÉtQUES;
.- observée A ALMN (Ardèche) en 1882; par le Dr M. 13oozuL
(Lyon méd., 1881k, t. XL VII.)
Il s'agit d'une dizaine de jeunes filles, presque toutes ouvrières
en soie et travaillant dans le même atelier, qui furent successi-
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 44-1
vement atteintes, en quelques jours, de phénomènes choériques
et de manifestations hystériques.
L'isolement, le chloral, la chloroformisation, les douches et
les bromures employés successivement ou concurremment
n'amenèrent que peu de résultats et, d'après l'auteur, la dispari-
tion de l'épidémie devrait être attribuée exclusivement à l'emploi
des injections de pilocarpine à la dose de 1 à 4 centigrammes.
G. D. -
XXIII. Epilepsie J.1CK50NIENNEDANS un cas DE LÉSION sous-corticale :
par L. Bouveret et M. EPARVIER (Lyoiz inéd., 1884, t. XLVII.)
Cette maladie a duré deux mois et son évolution comprend
quatre phases assez distinctes : la première fut caractérisée par
des crises convulsives limitées au bras droit, la deuxième par une
paralysie de ce bras, la troisième par l'apparition de crises
convulsives intenses probablement limitées aux membres droits,
et la quatrième par une hémiplégie droite totale avec production
de crises convulsives généralisées aux quatre membres et à la
face.
A l'autopsie, on trouva un vaste foyer de ramollissement dans
la région de centre ovale sous-jacente à la région corticale
motrice, composée de deux parties, d'âge différent : la partie
inférieure ancienne, était représentée par deux kystes à parois
déjà distinctes ; la partie supérieure, plus récente, n'était encore
qu'à la période de ramollissement rouge.
D'après les auteurs, c'est vraisemblablement à cette zone de
ramollissement rouge, qu'il faudrait attribuer les monoplégies
brachiales et crurales droites; tandis que les kystes plus anciens
serviraient à expliquer les secousses convulsives du bras droit.
Quant aux convulsions hémiplégiques, M. Bouveret pense qu'elles
doivent être rapportées à l'excitation des irradiations du faisceau
pyramidal au niveau du foyer de ramollissement. G. D.
XXIV. Un cas de congestion cérébrale POPLECTIRORME ou d'apoplexie
séreuse ; par Joseph Wiglesworth. (The Journnl of menlul Science.
Janvier 1883). -
Nous résumons ici les réflexions de l'auteur parce qu'elles
reproduisent tous les points importants de l'observation clinique.
La congestion cérébrale idiopathique, terminée par la mort,
est une affection très obscure, bien que décrite dans les livres clas-
siques : d'autre part on nous assure que l'apoplexie séreuse doit
être rayée de la nomenclature pathologique; et cependant chez
le malade qui fait le sujet de cette observation, et qui a succombé
à l'âge de trente-cinq ans, les symptômes observés étaient mani-
422 REVUE de pathologie NERVEUSE.
festement ceux de la compression cérébrale, et ils étaient telle-
ment marqués, ils sont survenus si rapidement qu'on' a porté en
toute confiance le diagnostic d'hémorrhagie cérébrale, probable-
ment ventriculaire. Les phénomènes observés après la mort (com-
- pression des circonvolutions les unes contre les autres, et absence
de liquide sous-arachnoidien) concordaient avec les symptômes
cliniques, et pourraient être considérés comme favorables à
l'hypothèse d'un épanchement primitif de sérosité dans les ven-
tricules, en un mot d'une apoplexie séreuse.
D'autre part les signes de congestion veineuse (faisaient tota-
lement défaut, tandis que ceux de l'hyperémie artérielle étaient
manifestes.' L'auteur inclinerait personnellement à admettre
l'hypothèse d'une hyperémie artérielle du cerveau, et à considérer
comme purement consécutif l'épanchement séreux iutra-venlri-
tuiaire ; mais quant à la cause même de l'hyperémie, il se recou-
.Hait impuissant à la préciser. '
- Un cas de ce genre doit suggérer quelques réflexions au sujet
- du diagnostic et du traitement; peut-on' en faire le diagnostic
différentiel avec l'bémorrhagie cérébrale, surtout si celle-ci est
ventriculaire ? Cela est sans doute difficile; l'auteur toutefois
insiste sur ce point que, chez son malade, la température était,
-et est demeurée, au-dessous de la normale. Quant au traite-
ment, il y aurait lieu évidemment de le modifier en présence d'un
diagnostic précis; mais l'analogie des symptômes avec ceux de
l'hémorrhagie cérébrale rend cette modification pratiquement
bien difficile. il. M. C.
XXV. 11CU0111tU.IG1E CÉRÉnEH.EUSE; ANOMALIES DES ARTÈRES CÉDÉ-
.; orales ; par JAUNIES SU.W. (The' Journal of Mental Science,
juillet 1884.)
. Femme de soixante-quatorze ans, dont les premiers troubles in-
tellectuels remontent à un an; elle est incohérente, agitée, exci-
table, bruyante, violente; elle a eu des idées de suicide; elle est
convaincue que tout le monde cherche à lui nuire et à lui faire
du mal. Entrée en août 1880, elle est prise en novembre d'une
hémiplégie droite incomplète et passagère, avec troubles du lan-
gage articulé, mais sans aphasie amnésique proprement dite. Sa
démarche est incertaine.\Un an plus tard, attaque à début brusque,
avec perte de connaissance et écume à la bouche : elle se remet
incomplètement et conserve un peu d'anesthésie du côté gauche.
Nausées et vomissements. Inégalité pupillaire (dilatation à
gauche). Puis coma et mort. - A l'autopsie, on constate de
l'alhérôme des artères cérébrales; mais, en outre, ces artères pré-
senteutles anomalies suivantes : la cérébrale postérieure droite est
fournie par la carotide interne ; du côté droit de l'artère basilaire,
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 433
après cérébelleuse supérieure droite, partent une petite branche
qui rampe autour du pédoncule, puis une petite branche commu-
niquante postérieure qui rejoint en avant la cérébrale postérieure
droite. A gauche les artères fournies par le tronc basilaire sont
normales quant à leur origine et à leur distribution. La céré-
brale postérieure droite se divise près de son origine carotidienne
en deux branches également anormales. - , ,
Le lobe droit du cervelet est de teinte foncée à sa face inférieure
et ramolli; sectionné il,laisse : voirun,caillot. pesant environ
5 gr. 4/4, évidemment frais, voisin de la surface à la partie infé-
rieure et interne, et appuyé sur la protubérance et la moelle. Le
quatrième ventricule contenait un peu de sang noir et fluide. Le
cervelet tout entier était congestionné, et la portion du lobe
droit située dans le voisinage immédiat du caillot était ramollie.
. Dans lesréllfxions qui accompagnent cette observation, l'au-
teur fait remarquer que les troubles moteurs de 1880 étaient pro-
bablement dus à une emhulie de l'une des branches artérielles qui
alimentent le lobe cérébelleux droit, ou bien à une légère hémor-
rbagie ayant intéressé 'ce lobe, et dont les traces auraient été
effacées par l'accident terminal survenu un an plus lard. Suivant
l'opinion (déduite des rapports anatomiques du cerveau avec le
cervelet et de l'ohseï vation des faits pathologiques) et qui attribue
au cercelet une action directe et non croisée, les lésions du lobe
droit s'accompagneraient de faiblesse dans les membres du
même côté. ,
Les symptômes moteurs et sensoriels étaient beaucoup plus
marqués du côté opposé à la lésion dans J'attaque terminale;
mais cela était évidemment dû à la pression exercée par un caillot
relativement volumineux sur les fibres cérébrales du côté droit de
la protubérance et de la moelle.
L'incertitude de la démarche, les nausées, les vomissements
indiquaient le siège de la lésion; enfin, après la première attaque
on a constaté (malheureusement sans pratiquer l'examen de l'o-
reille) un atlaiblissement de l'ouïe : c'est là un fait intéressant à
rapprocher de la description que Meynert a donnée de la racine
du nerf auditif, dont la plupart des fibres pénétreraient dans le
cervelet. °- - ' - IV. M. C.
XXVI. Sur LE rapport qui existe entre les phénomènes tendineux
ET la réaction dégénérative ; par E. REll.IE (Arch. f. Psych.,
XVI, 1). ). .
L'auteur passe d'abord une revue des résultats expérimentaux
relatifs à' I*élon-aliou et à la lésion des nerfs. Il en tire que toute
paralysie motrice périphérique absolue d'un nerf mixte entraî-
nera la perte des phénomènes tendineux, que la réaction dégéné-
424 REVUE DE pathologie NERVEUSE.
rative survienne ultérieurement ou non, et que^ par conséquent,
dans toute parésie les phénomènes tendineux doivent absolument
manquer, même quand il ne se développera pas de réaction dégé-
nérative partielle. Passant ensuite à ses observations person-
nelles sur les paralysies légères (Cas. I et II), il constate que les
phénomènes tendineux font défaut dans les paralysies spiuo-
périphériques absolues, légères, sans modification de l'excitabilité
électrique; dans les altérations névritiques des nerfs mixtes avec
réaction dégénérative consécutive des muscles,- même lorsqu'il
n'existe ni paralysie ni modification considérable de l'excitabilité
des nerfs; dans toutes les paralysies dégénératives graves, d'ori-
gine névritique ou poliomyélitique. Dans les cas de paralysie
grave, atrophique, à lésion intense du nerf ou de la moelle
(Cas. III), la-réaction dégénérative se transforme, lorsqu'il s'effec-
tue une guérison, en diminution de l'excitabilité redevenue nor-
male, bien avant qu'on ait à penser au retour des phénomènes
tendineux. Mais il existe des exceptions (OBs. IV et V) à la loi que
les phénomènes tendineux manquent toutes les fois que les
muscles où on les provoque présentent la réaction dégénérative
et même alors que la réaction dégénérative a rétrocédé; peut-
être faut-il chercher dans ce contraste un élément de diagnostic
en faveur d'une lésion centrale.
' Conclusions générales. l- L'exagération des phénomènes tendineux,
et en particulier du phénomène du pied, ne peut se produire de concert
avec la réaction dégénérative du système musculaire correspondant que
dans le cas de lésion spinale, et, avant tout, comme nous l'avons cons-
taté, dans le cas de sclérose latérale amyotrophique. 2- La persis-
tance des phénomènes tendineux, malgré l'existence d'une réaction dégé-
iiérative partielle très nette du système musculaire correspondant, ne se
montre très probablement que dans les paralysies spinales atrophiques
(poliomyélite antérieure). 3" L'absence des phénomènes tendineux
constitue la règle : a, dans toutes les paralysies flasques graves amyotio-
phiques (à suppression de l'excitabilité nerveuse), d'origine spinale
(poliomyélite) ou périphérique (névrite) ; cette absence survit, dans le cas
de retour à la normale, longtemps à la réaction dégénérative galvano-
musculaire ; b, dans la névrite dégénérative la plus légère, primitivement
périphérique, des troncs nerveux mixtes, peut-être même sans paralysie;
c, dans la paralysie périphérique absolue, et peut-être aussi dans la para-
lysie centrale, mais sans réaction dégénérative subsidiaire. P. K.
XXVII. Sur la valeur DE l'examen ÉLECTRO-DIAGNOSTIQUE DU champ
visuel, signalé par Engelskjoen; par E. KoNRAD et J. WaGNER.
(Arch. f. Psych., XVI, 4).
Contrôle critique du mémoire d'Engelskjoen, à la lumière
-de sept observations (hystéro-épilepsie, hémi-cranie, épilepsie)
et de l'examen de Wagner lui-même. (Obs. VIII). Evidem-
REVUE DE pathologie, nerveuse. 425
ment, après l'électrisation, le champ visuel's'augmente et se
rétrécit, mais on observe les mêmes phénomènes, en dehors de
toute électrisation, à des intervalles de recherches périmétriques
répétées. Et, quand on compare les indications campimétiques
des segments supérieur et inférieur avant et après l'électrisation,
la constance des résultats est en faveur du secteur inférieur parce
qu'involontairement on modifie par le bord palpébral plus ou
moins contracté la limite du secteur supérieur. En supposant
même que les muscles palpébraux échappent complètement à
l'action volontaire, le courant agit sur l'innervation de ces
muscles. Or, les examens d'Engelskjoen se rattachent surtout au
segment supérieur du champ visuel. Il faut donc cesser d'attri-
buer les modifications du champ visuel en question aune action
que le courant exercerait sur le centre du bulbe et d'attribuer à
l'un des genres de courants une valeur spécifique quelconque.
L'excitation purement périphérique de la peau d'un sujet sain
(extenseurs et fléchisseurs du bras) entraîne, elle aussi, une modi-
fication du champ visuel. Etau surplus, l'électrisation de la moelle
allongée peut bien agir par action réflexe. En résumé :
L'innervation des paupières pendant la fixation du regard varie à
divers moments, la largeur de la fente palpébrale varie involontaire-
ment, par conséquent on ne saurait faire cas de quelques degrés ou centi-
mètres dans l'amplitude énorme d'un champ usuel; le maintien de la
tête exerce aussi une influence et il peut varier dans les divers examens
périmétriques.
L'examen électrodiagnostiquedu champ visuel ne saurait servir
de norme pour choisir, dans les névroses centrales, le genre de
courants à employer. P. K.
XXVIII. SUR UN cas DE DESTRUCTION DU LOBE temporal gauche par UN
NÉOPLASME SANS APHASIE, CHEZ UN GAUCHER; par C. ŸESTPHAL
(Séparât abdruckans de)' Berlilt. E7j ? IVocheîischi ? no 49, 1884).
Tout l'intérêt de cette observation git précisément dans l'habi-
tude du malade de se servir de la main gauche, habitude qui en
faisait un droitier du cerveau. C'est pourquoi la lésion siégeant à
gauche ne détermina pas des symptômes; elle en eût provoqué, si
elle eût siégé à droite. P. K.
XXIX. LE mode d'action thérapeutique dissemblable DES DEUX sortes
DE COURANTS ÉLECTRIQUES ET L'EXAMEN ÉLECTRO-DIAGNOSTIQUE DU
champ visuel; par C. Engelsksjoen (Arch. f. Psych., XVI, 1).
Seconde partie du mémoire '. Développement atténué de la
1 Voy. drchives de Neurologie, t. X, p. 104 et 425.
426 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
théorie déjà exposée en détail (22 observations). Le fonds de : la
doctrine est à peu près le' même, mais l'auteur insiste sur la dif-
férence qui existerait, d'après lui, entre l'électrisation centrale et
l'électrisation périphérique de la peau. Il met en relief les effets
curatifs réflexes des deux sortes de courants qui agiraient par
excitation simple et par action réflexe spécifique. Toutes deux
seraient capables d'exercer une action excitante semblable alors
que chacun aurait une action spécifique opposée à celle de l'autre
(action des ganglions dans les névroses viscérales). L'excitation
directe parles courants des ganglions vaso-moteurs et, par suite,
le choix du genre des courants basé sur cette excitation, cède la
place à l'action curatrice réflexe (par excitation périphérique).
L'auteur avoue que le choix du genre de courants en un cas donné
est loin d'être toujours aussi facile. P. K.
UV cas D'ANGIOS\RCOME central DE la moelle ; par G. GLASER.
(Arch. f. Psych., XVI, 1).
Femme de quarante-deux ans sans tare héréditaire d'aucune
sorte ; chagrins, soucis, misère, sept accouchements coup sur
coup. Plusieurs avortements. Pendant la dernière grossesse, il y
a deux ans,coliques avec irradiations lancinantes dans les jambes
s'aggravant vers la fin de la gestation; pendant la puerpéralilé,
paré.-ie des extrémités infétieures. Quelques semaines plus lard,
amélioration suivie d'aggravation , troubles de coordination ,
alaxie. signe de Romberg. Finalement, démarche spasmodique
avec paresthésies, et disparition de la sensibilité, incontinence de
l'urine' goutte à goutte, constipation, typémanioavec tentative de
suicide. Puis amélioration passagère terminée par une exaceiba-
tion : douleurs dans les membres, paresthésies, exagération des
réflexes tendineux , immobilité pupillaire, atrophie musculaire et
cutanée, cv-tite, in-omnie, accidents du décubitus; mort. Au-
topsie. Congestion, état trouble et adhérences en dedans et en
dehors de la dur"-mère spinale, fluctuante en différents points,
notamment à la région cervicale; dans les poches ou tiouve une
substance à demi coagulée grai-seuo qui s'échappe avec des lam-
beaux membraneux et des grains blanchâtres du volume d'un
grain de mil. La moelle est, par places, parsemée d'une matière
molle et graisseuse; ailleurs, elle est criblée de cavités sises au sein
des cordons de Gott avec vascularisation anormale, petites hé-
morrhagies, zones transparentes grises : le centre de l'organe est
occupé par un néoplasme caverneux qui en prend toute la lon-
gueur ; il émane de la substance grise, comprime la substance
nerveuse et la transforme ça et là en kystes. Deux planches à
l'appui. P. K.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
XI. Un cas DE perversion sexuelle chez un homme; par G.-H.
; SAVAGE. (The Journal o/'J7Mht< Science, octobre 1884.)
' L'observation peut se résumer ainsi :
Homme de vingt-huit ans : père violent et excitable, un frère
bizarre, un autre frère ivrogne : ce malade, anémique et impres-
sionnable, commence son récit en disant que ce qu'il a de mieux
à faire c'est de se tuer, car son état est tellement anlinaturel que
son désir serait d'être mort pour ne pas faire honte à sa famille.
Il est actif, travailleur, et gagne largement sa vie en voyageant
pour une maison étrangère : il vit à l'écart de toute société et de
tout amusement. Il répète fréquemment, en y mettant quelque
amour-propre, qu'il est chrétien pratiquant : son seul plaisir est
la musique, à laquelle il a renoncé pour ne pa; aller dans le
monde, ou il rencontrait d'autres hommes. Il se masturbe depuis
l'âge de onze ans : il n'a jamais eu de rapports sexuels; les femmes
ne lui inspirent (et autant du moins qu'il peut se souvenir, ne lui
ont jamais inspiré) aucun désir. Il a manifesté ses sentiments à
son patron, qu'il a voulu embrasser; celui-ci l'a menacé de le
congédier. Eu Amérique, où les hommes sont de taille moyenne,
il ne souffrait pas trop; mais il n'en est pas de même en Angle-
terre, où il rencontre fréquemment des hommes de haute taille,
en présence desquels il a des érections suivies d'ejaculaliou s'il ne
se soustrait pas à leur présence.
Il n'y a ni tremblement ni perle de mémoire; les sens paraissent
normaux à tous égards; la faculté de raisonner est absolument
intacte.
M. Savage lui a donné des conseils appropriés à son état; mais
il n'a eu depuis aucune nouvelle de ce malade. H. M. C.
XII. DE l'alimentation ET DE L%-MIDICATIOiN par le rictum; par
1V.-Juliu Mickle. (The Journal of Mental Science, avril 1881.)
L'auteur ne se fait pa', dans son mémoire, l'avocat de l'alimen-
tation par le rectum; il veut, au contraire, que l'on n'ait recours
à la voie rectale que dans les cas exceptionnels où cette voie est
la seule,qui reste ouverte à la nutrition. Il mdiquejes cas où l'on
est réduit à ce moyen de conserver la vie, énumère les procèdes
428 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
généralement en usage et signale ceux qui lui ont paru particu-
lièrement avantageux.
La médication rectale est d'un usage plus fréquent que'l'ali-
mentation rectale, puisqu'il suffit que les voies ordinaires soient
très passagèrement interdites pour qu'on soit obligé d'y recourir;
à propos de cette médication, M. Mickle signale quelques points
de pratique intéressants : c'est ainsi que dans les convulsions
épileptiformes, il a réussi à diminuer la tendance convulsive par
l'emploi régulier et fréquent de lavements simples ou laxatifs.
Contre ces mêmes convulsions, il a employé avec succès, pour les
juguler ou les prévenir, les lavements de chloral (I gr. 80 à
2 grammes dans une petite quantité de véhicule) : toutefois il
convient, après l'administration de ce lavement, et surtout si l'on
est ou si l'on a été obligé de le renouveler, de surveiller le pouls
et le coeur, et, si on les voit s'affaiblir, d'administrer des stimu-
lants diffusibles. Enfin, l'auteur rapporte plusieurs cas de collapsus
dans lesquels l'administration de lavements d'eau-de-vie a donné
d'excellents et très rapides résultais. R. M. C.
XIII. SUR les recherches anatomo-pathologiques dans LES asiles
d'aliénés; par James AD m. (The Journal of Mental Science, oc-
tobre 1884.)
L'auteur de ce mémoire se demande si l'on tire dans les asiles
d'aliénés un parti satisfaisant des ressources que ces établisse-
ments offrent aux recherches anatomo-pathologiques, et si les
résultats fournis par ces recherches sont présentés au public sous
la forme la plus instructive que l'on puisse souhaiter. Il pense que
dans la majorité des asiles les recherches d'anatomie patholo-
gique sont faites avec soin, mais que les résultats obtenus demeu-
rent trop souvent consignés pour toujours dans le registre
d'autopsie d'où ils ne sortent plus, et où ils ne sont même pas
suffisamment consultés. Il serait à souhaiter qu'ils fussent publiés
d'une façon collective, et peut-être alors la forme tabulaire serait-
elle celle qui serait particulièrement instructive et avantageuse
aux travailleurs : tel est le résumé des idées principales de ce
mémoire où plusieurs autres questions de détail sont traitées
incidemment'. R. n1. C.
XIV. Les affections utérines ET la folie; par Joseph WiGLESWORTH.
(The Journal of Mental Science, janvier 1885.)
Nous ne pouvons reproduire ici que les conclusions de ce très
intéressant travail :
« La conclusion générale que l'on parait pouvoir déduire des
i Nous ne saurions trop appeler l'attention des médecins des asiles
français sur les réflexions du médecin anglais (B.).
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 429
» faits rapportés dans ce travail, c'est que les états anormaux
« de l'utérus sont beaucoup plus fréquents chez les aliénés qu'on
« ne le suppose communément. Bien que je ne puisse citer aucun
« cas où le diagnostic et le traitement d'une affection utérine
« aient eu, pour conséquence, la guérison de l'affection mentale,
« je pense que l'on n'en sera pas étonné si l'on songe que le
« nombre des cas récents de folie que j'ai pu étudier a été beau-
« coup moindre que je ne l'aurais souhaité; or, il est bien évident
« que c'est seulement dans les cas récents que l'on peut espérer
« des succès de ce genre. Toutefois, parmi les cas mentionnés
« dans les tableaux ou commentés dans le texte de ce mémoire,
« plusieurs sont, je crois, très suggestifs. Il m'est impossible de
« ne pas admettre, comme très probable, qu'il doit se présenter
« des cas dans lesquels, faute d'avoir reconnu une affection uté-
« rine, on laisse passer à l'état incurable une affection primiti-
« vement curable grossissant ainsi le nombre déjà considérable
« de la population permanente des asiles. Le seul moyen d'éviter
« ce risque consiste à avoir plus fréquemment recours à l'explo-
« ration utérine au moment de l'entrée des malades; et j'incline
« fortement à penser que si ce point de pathologie attirait plus
« qu'il ne le fait, je crois, actuellement l'attention des aliénistes,
« on pourrait retirer d'une pareille étude des résultats d'une
« réelle valeur pratique. » R. M. C.
XV. UN CAS ATTRIBUÉ A LA MANIE AIGUË, TERMINÉ PAR LA MORT APRÈS
une série d'attaques PILEI'TIFORfES par W. E. R : 1'JiSDEN VVOOD.
(The Journal of Mental Science. Octobre 1881).
Il s'agit d'un homme de trente-huit ans, chez lequel, pendant
toute la durée de sa maladie, on n'avait constaté d'autres symp-
tOmes que ceux de la manie aiguë, en sorte que c'est à peine si
l'on avait pensé à la possibilité de la paralysie générale : toutefois
la succession des convulsions épileptiformes qui ont rapidement
amené la mort et les constatations faites à l'autopsie ne permet-
tent de rattacher ce cas à aucune autre catégorie pathologique
qu'à la paralysie générale.
L'auteur fait remarquer à ce propos combien il est important
dans un asile défaire toutes les autopsies : dans ce cas particulier
par exemple, il est très évident que pour les enfants du malade
les risques d'hérédité sont, en présence d'une paralysie générale,
bien moindres qu'ils ne l'eussent été s'il se fût agi d'un accès de
manie aiguë terminé promptement par la mort. R. M. C.
XVI. UN cas DE FOLIE consécutive A UN traumatisme DE la 1tète;
par H. RAYNER. (The Journal of mental Science. Octobre t8SH.
Homme de vingt-six ans, voyageur de commerce, bien consti-
430 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
tué, mais forcé par sa profession à un usage peu modéré des sti-
mulants alcooliques; a fait il y trois semaines, élant en élat
d'ivresse, une chute de voiture, qui a déterminé une plaie siégeant
à droite à un pouce de la protubérance occipitale. Il est resté
21 heures sans connaissance, et pendant ce temps a eu trois
« attaques a, a mordu sa langue et.a présenté des phénomènes
convulsifs bien accentués; le lendemain, douleurs dans toute la
tête, idées délirantes, agitation, qui motivent son admission à
l'asile. Au moment de l'entrée, pupilles légèrement inégales (dila-
tation à droite); tremblement et légère .incoordination dans les
muscles de la face : l'aspect du malade suggérerait l'idée d'une
paralysie générale, mais il n'y a aucun affaiblissement mental et
l'exaltation a disparu. 11 y a de la céphalalgie et de l'insomnie,
qui disparaissent graduellement, mais se reproduisent sous l'in-
tluence de la moindre fatigue. Après deux mois de séjour à l'asile,
il sort guéri. Il. 11. C.
XVII. Quatre cas DE MÉHXCOUEDANS une seule famille; par Joseph
Wiglesworth. (T/te Journal of Mental Science. Jamier 1885).
Considérés isolément, ces cas qui ne s'écartent pas du type
classique de la mélancolie, ne présenteraient pas grand in-
térêt, mais leur réunion dans une seule famille, surtout en l'ab-
sence d'antécédents héréditaires, est assurément un fait rare. La
mère à la vérité est morte d'une affection cérébrale, mais qui
parait avoir été d'un caractère accidentel, et ne s'être accompa-
gnée d'aucun trouble intellectuel : elle a eu six enfants; quatre,
(ce sont les quatre soeurs qui font l'objet de ce mémoire) ont été
atteintes de mélancolie, et deux d'entre elles se sont suicidées;
des deux autres, l'un, le fils aîné a présenté des signes de dépres-
sion mentale que l'auteur incline fort à considérer comme patho-
logiques, et l'autre a seul échappé aux troubles intellectuels.
. R. M. Ç.
XVIII. Discours présidentiel prononcé A la séance annuelle DE
l'association médico-psychologique. (Juillet 1884); par Il. Rayner :
(Tlae Journul of Mental Science. Octobl e -1881). -
Dans ce discours important, AI. Rayner a envisagé l'avenir de
l'aliénation mentale au triple point de vue de la législation, de
l'accroi-sement du nombre des malades et du perfectionnement
des moyens propln lactiques et curatil's. Un pareil sujet forçait
l'orateur à toucher successivement à bien des points différents;
aussi n'eL-11 guère possible d'analyser ce discours rempli de don-
nées utiles, défaits intéressants et de suggestions heureu-es, telles
que sa grande compétence pouvait les suggérer à l'auteur. " '
, Zl R. M. C.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 431
XIX. Remarques sur QUELQUES points secondaires DE l'administra-
TION des asiles; par J.-A. Campbell. (The Journal of Mental
Science, octobre 1883.) , .
-L'auteur, pensant avec raison que le directeur d'un asile d'a-
liéner ne doit pas imiter le préteur romain, qui se désintéressait
des petites chose=, signale à ses confrères quelques dispositions
d'ordre secondaire dont l'adoption lui parait avantageuse. Après
avoir examiné la question du travail des aliénés, travail qui doit
être approprié à leurs aptitudes physiques et professionnelles, il
passe eu revue les points suivants : fiches d'admission, listes des
malades qui vont au travail (avec indication de ceux qui ont des
tendances à l'évasion ou au suicide), instructions spéciales aux
fonctionnaires de l'asile, ordres aux surveillants de qualtier (ces
ordres devraient être quotidiennement inscrits sur un cahier que
les surveillant aurait entre les mains durant la visite '), régime,
habillement des malades, chaussure, dispositions spéciales rela-
tives à la construction des water-closets. aux lavabos, aux salles
de bains. En somme, les directeurs d'asiles peuvent trouver dans
ce travail, à côté de conseils généralement déjà suivis, quelques
suggestions utiles. R. M. C.
XX. Sur L\ pathologie DE certains cas DE « 21EL : INCFIOL1.1ATT0NITAu »
ou démence aiguë; par J. V1GLESWOILTII. (Tiee JULlrJ2C11 Of llle72ta1
Science, octobre 1883.)
o
En se basant sur l'analyse élémentaire de la fonction nerveuse
et spécialement sur les phénomènes de contiôle et d'inhibition
qui s'exercent de la part des centres les plus élevés sur les confies
intérieurs plus nombreux, en étudiant d'autre part avec soin
deux cas de démence aiguë qui se sont terminés par la mort, et
dont il relate l'observation détaillée et suivie d'autopsie, l'auteur
a été amené a formuler les conclusions suivantes :
- 1" De l'ensemble mal défini des cas que l'on désigne habituelle-
ment sous le nom de mélancolie, de mélanchoha atluuita », de
démence aiguë, il convient de distraire un groupe qui constitue
une entité clinique et pathologique bien définie.
2° Ce groupe est caractérisé cliniquement par l'association d'un
degré plus ou moins marqué d'absorption en soi (self-u6sory7tion)
aboutissant à la vacuité mentale, avec une affection bien définie
du système musculaire constituée par des tremblements museu-
lahes ou la rigidité des muscles.
3u La base pathologique de ce groupe est constituée par une
1 C'est ce qui se pratique dans notre service à Bicêtre (B.).
432 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
affection inflammatoire primitive des cellules nerveuses, laquelle
est surtout accusée dans les cellules dites motrices, où elle prend
peut-être naissance, mais hors du territoire desquelles elle montre
une tendance bien nette à s'étendre.
- En terminant ce travail très intéressant et très digne d'une
lecture attentive, l'auteur exprime la pensée que le groupe de la
mélancolie, de la démence aiguë est un groupe peu homogène,
dans lequel on a fait entrer des affections très différentes : il s'est
proposé dans ce mémoire de définir l'un des groupes secondaires
qui contribuent à former un grand groupe artificiel et confus; il
ne se dissimule pas d'ailleurs que ses inductions sont actuelle-
ment basées sur un trop petit nombre de cas pour devenir défini-
tivement valables; mais la terminaison parla mort est assez rare
dans les cas de ce genre pour qu'il ait cru intéressant de relater,
sans plus tarder, ces deux observations suivies de mort et d'au-
topsie, et pour tenter d'en tirer lesconclusions qu'elles paraissent
comporter. R. M. C.
XXI. Observations cliniques sur LE sang des aliénés ; par S. Ru-
THERFORD A1.4CPII : 11L. (The Journal of Mental Science, octobre 4884
et janvier 1885.) .
L'auteur croit pouvoir déduire de ses recherches les conclusions
suivantes que nous reproduisons intégralement :
« 1°Bien qu'il ne soit pas démontré que l'anémie soit par elle-
« même une cause de folie, il n'en est pas moins vrai que l'état ané-
« mique du sang est incontestablement, dans un grand nombre de
« cas, intimement lié aux maladies mentales.
« 2° Le sang, chez les déments des asiles contient une quantité
« d'hémoglobine et d'hémacytes inférieure à la normale, et cette
K détérioration augmente avec l'âge.
«3° Le sang chez les malades connus pour se livrer à la masturba-
M tion subit une détérioration marquée.
« 4° Le sang est au-dessous de la normale dans la paralysie gé-
« nérale, et cette infériorité est plus marquée à la période active
« et à la période de paralysie complète de la maladie que durant
« les périodes intermédiaires d'inactivité et de calme.
« 50 On constate bien chez les épileptiques une altération delà
« qualité du sang; mais cette infériorité n'est pas aussi marquée
« que chez les déments du même âge.
« 6° L'emploi prolongé et continu du bromure de potassium n'al-
« tère pas la qualilé du sang-
« î° L'agitation prolongée a sur la qualité du sang une influence
« détériorante.
« 8° Chez la moyenne des malades, au moment de leur admis-
'. sion, le sang est considérablement au-dessous de la normale.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 433
« 9° Chez les malades qui guérissent, la qualité du sang se mo-
« difie dans un sens favorable pendant le séjour à l'asile, et à
« leur sortie, le sang n'est plus que très légèrement inférieur à la
« normale.
« 10o Il paraît y avoir une relation étroite entre l'augmentation
« du poids du corps, l'amélioration de la qualité du sang et la
« guérison mentale.
« 110 11 y a, dans tous les cas, une amélioration bien nette
« dans l'état du sang, pendant la convalescence mentale, mais
« cette amélioration est à la fois plus marquée et plus rapide chez
« les malades qui ont suivi un traitement tonique.
« 4 20 Les quatre médicaments toniques, qui, isolés ou combinés,
« se sont montrés les plus utiles pour ramener le sang à sa qualité
« normale, peuvent être classés dans l'ordre suivant qui est celui
« de leur efficacité : a) fer, quinine et strychnine ; b) fer et qui-
« nine; c)fer seul; d) extrait de malt.
« 430. Dans les cas observés, l'arsenic s'est montré peu utile
« comme tonique du sang; ni la quassia, ni l'huile de foie de
« morue n'ont donné de résultats satisfaisants.
« 14° Le rapport étroit qui existe entre l'amélioration de la
«qualité du sang, l'augmentation du poids du corps et la gué-
« rison mentale, les conditions opposées que l'on observe dans les
« cas de démence incurable et persistante, l'amélioration marquée
« que l'on obtient au moyen de certains agents médicamenteux,
« sont autant de raisons qui démontrent qu'il y a là pour la cli-
« nique, surtout au point de vue du traitement curatif de l'alié-
« nation mentale, une voie de recherches qui n'a pas, jusqu'ici,
« suffisamment attiré l'attention. » R. M. C.
XXII. Précautions contre L'INCENDIE dans LES asiles d'aliénés ;
par James IIONDEN. (The Journal of Mental Science, avril 1884.) z
L'auteur expose tous les dangers qui peuvent résulter d'un
incendie survenant dans un asile d'aliénés; il insiste particulière-'
ment sur la nécessité de ménager dans les asiles des prises d'eau
suffisantes pour permettre d'éteindre un commencement d'in-
cendie, de disposer ces prises d'eau de façon qu'elles soient tou-
jours aisément accessibles, d'organiser dans chaque asile une
escouade d'hommes pour le service des incendies, d'exercer ces
hommes et de vérifier l'état du matériel au moins une fois par
mois; enfin il indique quelques dispositions intérieures permet-
tant la rapide évacuation des malades en cas de danger. - -
R. M. C. '
Archives, t. XI. 28
434 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
XXIII. Recherches SUR la valeur qu'il CONVIENT d'accorder aux
DIVERS TAUX DE GUÉRISONS DES DIFFÉRENTS ASILES, CONSIDÉRÉS
comme preuves DE leur efficacité ; par T.-A. CHAPMAN (The Jour-
2zal of Mental Science, juillet 1884).
L'auteur se basant sur les relevés fournis par les asiles d'aliénés
d'Angleterre, et après les avoir étudiés et compulsés avec soin, a
élé amené à formuler les conclusions suivantes :
1° Le taux brut des guérisons ne saurait donner la mesure
de l'efficacité d'un asile, et cela par les raisons suivantes :
2° Le taux brut des guérisons est dans un rapport direct avec
la proportion, constatée dans les admissions : 4° des malades qui
sont atteints d'aliénation mentale pour la première fois, et chez
lesquels le début de la maladie ne remonte pas à plus de trois
mois ; 2° des malades qui ont déjà eu un ou plusieurs accès
d'aliénation et chez lesquels le début de la maladie remonte à
plus d'un an. '
3° Les guérisons portant sur la première de ces deux catégories
de malades, sont directement en rapport avec la curabilité des
cas qui y figurent.
4° Ces résultats, bien que basés sur une analyse très générale
des faits observés, bien que défigurés dans une certaine mesure
par certaines erreurs de chiffre évidentes et par la probabilité
tout au moins d'autres erreurs semblables et nombreuses, ces
résultats, disons-nous, rendent compte dans une si large mesure
des variations observées dans le taux brut des guérisons, qu'une
analyse très complète permettrait seule d'expliquer les variations
d'une façon satisfaisante.
5° 11 résulte de l'examen des relevés, une présomption très
appréciable (mais n'allant nullement, cependant, jusqu'à la
preuve ou à la démonstration) contre l'efficacité des grands
asiles.
6° S'il n'y a pas, au point de vue des différentes catégories de
malades en traitement, d'uniformité complète entre les résultats
obtenus dans les divers asiles, ces résultats sont du moins beau-
coup plus voisins de cette uniformité que les relevés de guérison
habituellement cités ne tendraient à le faire croire. R. M. C.
XXIV. SUR QUELQUES rapports du DELIRIUM TRE61ENS avec la folie ;
parG.-H. S.1VAGE. (TILC Joztrrzal of AIz2Ltul ScieILCe, janvier 1885).
L'auteur se demande d'abord si le delirium tremens est plus
fréquent chez les sujets névropathes que chez les personnes
exemptes de toute prédisposition nerveuse, et il croit que la ré-
ponse a cette question doit être affirmative. Il recherche ensuite
si la tendance névropathique exerce une influence appréciable
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 435
sur la forme, la durée ou les conséquences du delirium tremens ;
et il arrive à la conclusion que le delirium tremens ou les trou-
bles mentaux analogues sont plus aisément provoqués, soit chez
les sujets à hérédité nerveuse, soit chez ceux qui sont devenus
nerveux par une cause ou par une autre, que chez les personnes
qui sont à l'abri de ces motifs d'instabilité mentale. Chez les
sujets nerveux, le delirium tremens peut ou suivre sa marche
ordinaire ou changer rapidement de caractère, et prendre les
allures, soit de la mélancolie, soit, plus fréquemment de la ma-
nie aiguë; celle-ci, en pareil cas, se rapproche souvent par la
nature du délire, de la période initiale de la paralysie générale.
La durée de l'accès de manie peut être plus ou moins longue. Le
danger consiste alors à méconnaître la nature de ces symptômes
et à laisser l'excitation épuiser le malade, et le conduire à la
mort. Quelquefois le sujet refuse de manger ; il faut recourir sans
hésitation à l'alimentation forcée. Une fois le delirium tremens
passé, la période de dépression est quelquefois extrêmement
accusée ; elle peut s'accompagner d'idées de suicide et t d'homicide,
ou de persécution nécessitant une surveillance rigoureuse et un
traitement actif.
Lorsqu'ils se répètent, les accès de delirium tremens déter-
minent une instabilité mentale très favorable au développement
de la folie avec hallucinations. R. M. C.
XXV. Note SUR UN cas DE maladie D'ADMSON associée A la FOLIE;
par S. RUTHERFORD Macphail. (The Journal of Mental Science,
janvier 1885.)
Cette observation rapportée avec détail, est celle d'un aliéné
de 42 ans, chez lequel on notait en même temps que des trouble^
cérébraux, les signes parfaitement caractérisés de la maladie
d'Addison. Le malade a succombé et son autopsie est soigneuse-
ment relatée.
L'auteur lui-même est d'avis qu'il ne faut voir chez cet homme,
entre la folie et la maladie d'Addison, d'autre relation qu'un
rapport de coïncidence ; toutefois il croit que cette coïncidence
n'avait, jusqu'ici, jamais été observée. R. ill. C.
XXVI. Folie CHEZ LES jumelles : deux jumelles atteintes DE MÊLANCO-
LIE; par A.-F. Mickle. (The Journal of Mental Science, avril 1884.)
L'auteur rapporte dans ce travail l'observation de deux jumelles
qui présentent une ressemblance frappante, non seulement dans
les traits du visage mais dans les manières, le son de voix et la
façon de s'exprimer; leurs occupations différentes les ont sépa-
rées ; l'une d'elles, même, après son mariage est partie pour
436 REVUE DE PALIIOLOGIE MENTALE.
l'Amérique; toutes deux sont actuellement aliénées et présentent
la même forme d'aliénation : elles sont toutes deux mélanco-
liques, croient toutes deux avoir perdu leur âme et s'expliquent
dans des termes identiques; toutes deux se déclarent indignes de
vivre et ont une tendance très marquée au suicide. La double
observation des deux soeurs est relatée avec détail. R. M. C.
XXVII. Cas DE MEURTRE durant UN accès DE FOLIE temporaire provo-
QUÉ PAR DES EXCÈS DE BOISSON. EpILEPSIE zizi) ACQUITTEMENT POUR
cause DE folie; par D. YELLOWLRES. (The Journal of Mental Science,
octobre 1883.)
Il s'agit d'un soldat qui, rentré d'Egypte le 28 décembre 1882,
commit, durant deux jours, de glands excès de boisson : trouvé
ivre mort sur la voie publique, il fut conduit au poste de police et
mis dans une cellule qu'occupait déjà un autre ivrogne, et qu'une
ronde visitait toutes les demi-heures : à 10 h. 45, les deux pri-
sonniers dormaient lourdement; à la ronde suivante, à 11 h. 10,
le premier occupant fut trouvé couvert de sang : le soldat l'avait
tué à coups de pied; très calme, les bras croisés, couvert de sang,
il répondit dans deux interrogatoires successifs qu'il ne savait pas
comment cela était arrivé. Le médecin de la police, qui l'exa-
mina sur le champ, constata qu'il ne présentait pas l'aspect d'un
homme ivre, mais qu'il paraissait égaré, et exprima l'avis qu'il
était, lors du meurtre, sous le coup d'un accès de folie temporaire;
depuis ce moment, on n'a noté aucun trouble mental. D'autre
part, il résulte de l'enquête faite ultérieurement que le meurtrier
avait une intelligence inférieure à la moyenne, qu'il avait pris
des habitudes alcooliques depuis son entrée au service, que même
avant d'avoir contracté ces habitudes, il était sujet à des éblouis-
sements et des étourdissements suivis de céphalalgies vio-
lentes, qu'il urinait quelquefois involontairement dans son lit
quand il avait bu, et même alors qu'il était sobre; un camarade,
qu'on n'a pu retrouver, aurait observé chez lui une attaque con-
vulsive. Ivre, il était tellement violent qu'il fallait l'attacher; il
commit, dans cet état, une tentative de suicide dont il ne se
souvenait aucunement le lendemain. Une autre fois, il se jeta à
l'eau du haut d'un pont, parce que, étant ivre, il rentrait en
retard à la caserne; il ne s'est pas non plus souvenu de ce fait le
lendemain. Même oubli au sujet de coups de bâton donnés à une
femme qu'il ne connaissait pas, et qui lui valurent trente jours
de prison. Enfin, il déclare ne se souvenir aucunement du meurtre
pour lequel il est actuellement poursuivi.
Conformément aux conclusions des experts, le soldat a été
acquitté comme ayant agi sous l'empire d'un accès de folie.
Ce résultat était à peu près inévitable au point de vue judi-
REVUE DÉ PATHOLOGIE MENTALE. 437
ciaire ; mais on peut se demander s'il s'agissait là d'un délire
d'origine exclusivement alcoolique; plusieurs des faits recueillis
dans l'enquête attirent l'attention vers l'épilepsie; et, s'il s'agis-
sait réellement d'une attaque épileplique, ajoute l'auteur en
terminant, il serait intéressant de savoir « que la convulsion épi-
leptique alcoolique peut être remplacée par une explosion de
violence, tout comme l'épilepsie ordinaire peut quelquefois revêtir
la forme de l'excitation mentale au lieu de se traduire par une
convulsion physique. a R. M. C.
XXVIII. LE cas Hawranek : par F. SCHLANGENH-1USEN (Allg. Zeitschr.
. f. Psycla., XLI, 3). i
Histoire d'un aliéné criminel placé dans un asile pour avoir
égorgé sa mère. Il s'évade et commet successivement sept
meurtres. Folie religieuse systématique avec hallucination le
poussant à tuer. Il est lui-même tué d'un coup de houe en fla-
grant délit. Opinions de l'auteur confirmatrices de celle de Zinn
(Congr. annuel des aliénistes allemands à Eisenach,16sept. )882)'.
P. K.
XXIX. SUR LE TROUBLE DU langage écrit chez LES DEMI-IDIOTS, et sa
ressemblance avec LE balbutiement ; par BERKHAN (Arch. f.
Psyc7t., XVI, 1.)
C'est une sorte de balbutiement écrit, consistant dans l'impos-
sibilité de tracer correctement certains mots dictés élémentaires,
l'arriéré étant cependant capable d'écrire nettement et sans
hésitation, et même de prononcer sans altération les vocables
proposés au moment où il les écrit tout de travers. Vingt sur
quarante-quatre de ces malades ont présenté cette perturbation,
souvent d'une manière bizarre. Au degré le plus léger, on cons-
tate : l'omission de certaines lettres, leur remplacement par
d'autres, leur association à des caractères hétérogènes (6. cas). A
des degrés plus avancés, il devient difficile ou à peine possible de
reconnaître beaucoup de mots écrits (2 cas). Aux degrés extrêmes,
tous les mots sont défigurés à l'exception des mots simples qui
reviennent le plus souvent- (articles, -pronoms démonstratifs,
verbes) : l'enfant qui a écrit est incapable de se relire. L'auteur
donne d'abord trois cas dans lesquels les malades estropient de
diverses manières les mêmes mots les jours où ils présentent un
balbutiement parlé de nature identique, variable lui aussi à
divers moments. Ainsi dans le balbutiement écrit comme dans le
balbutiement parlé : «dut = gut; lont = lobt; Ranten-
1 Arch. de Neurologie, t. VI, p. 139.
438 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE
Ratten : Guv = Gustav; lon- 16nnen ; Selgel- Segel ; roten=
rot; Tur, Trüter, Stre=Thiere; Schanime - Schnee.» Un enfant
qui balbutie dira et écrira aujourd'hui : die Wolle ist weich; -
demain : die Wolle is weih; après-demain : die Molle fleisch.
Malgré quatre exemples d'enfants balbutiant verbalement et par
écrit, malgré cinq exemples d'enfants balbutiant par écrit et bé-
gayant, malgré un exemple d'enfant balbutiant par écrit,
bégayant et balbutiant oralement, on ne peut dire qu'invariable-
ment les mots balbutiés et bégayés verbalement soient précisé-
ment ceux qui sont vicieusement écrits. Par suite, l'infirmité en
question de la parole n'a aucun rapport avec la même infirmité
de l'écriture qui l'accompagne; il n'y a pas dépendance ; il y a
simple simultanéité.
Traitement du balbutiement écrit :
la Faire écrire des mots déterminés. 2° Faire articuler un mot
estropié par écrit. 3° Faire écrire les vocables articulés après rectification
parlée, et en même temps faire écrire et parler les mots dont on a rectifié
l'articulation et le mode d'écriture. 4° Faire écrire en entier les mots
envisagés en en recomposant chaque segment.
Les résultats sont remarquables avec le temps. P. h.
XXX. Observation DE déviation DU rhythme cardiaque avec POULS
LENT ET CRISES ÉPILEPTIFORMES SYNCOPALES; par M. le Dr GUINAND
(de Rive-de-Gier). (Lyon méd., 1884, t. XLVII.)
Cette observation offre une grande analogie avec les faits
relatés d'abord par M. Charcot, puis par MM. Bourneville, Blon-
deau etTruchet, sous le nom de pouls lent avec crises épifep-
tiques. Mais, indépendamment de la lenteur du pouls, il y avait
chez cette malade, du côté du coeur, des troubles rythmiques
caractérisés par des battements deux et trois fois plus nombreux
que ceux qui étaient perçus à la radiale. Ce fait vient, par consé-
quent, l'appui de ceux qu'a publiés M. Tripier en faveur de la
déviation du rhythme cardiaque dans les cas de pouls lent associé
à l'épilepsie. La constatation bien nette, à l'approche de chaque
crise, d'un ralentissement plus marqué du pouls et sa suspension
pendant la durée de celle-ci, autorisant à mettre sous la dépen-
dance de l'état syncopal ou de l'arrêt momentané du coeur,
l'apparition des crises épileptiformes. G. D.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE
I. Contributions électro-thérapeutiques; par W. B. Neftel
(Ai-ch. f. Psych., XVI, 1). ).
I. Névralgies et affections douloureuses du même ordre. A. Traite-
ment galvanique polaire des névralgies, et en particulier de celles
du plexus lombaire et de la sciatique. II vaut mieux appliquer la
cathode sur l'hypogastre que sur le sternum ; on place d'abord
l'anode plate et large en station fixe sur la colonne lombaire;
puis, on la promène de haut en bas sur les points douloureux en
exerçant une pression forte. On se sert soit de courants faibles ou
modérément forts, soit de courants graduellement augmentés,
sans nuire au coeur ni aux organes splanchniques sus-diaphrag-
matiques. Pour éviter l'action caustique de la cathode, on la
choisit plate et grosse, et on la promène lentement sur la série
des endroits voisins. C. Méthode polaire symétrique. Anode sur
les nerfs malades; cathode sur les points symétriques de l'autre
côté, afin d'éviter le transfert assez fréquent des points doulou-
reux (observation à l'appui). C. Méthode électrolytique. Appli-
cable aux névrômes ou tubercules douloureux générateurs de
certaines névralgies avec points douloureux de Valleix (douleurs
continues opiniâtres ne suivant pas le trajet d'un rameau ner-
veux). On introduit une aiguille en continuité avec la cathode
dans le lieu douloureux; action d'un fort courant pendant
1 minute et demie; nul autre inconvénient qu'une eschare. Une
seule séance a guéri une patiente de douleurs datant de quinze
ans. Observation. D. Névralgies hystériques, a.) Celles d'origine
périphérique, soudaines dans leur apparition, récidivant brutale-
ment à la moindre émotion, sans influence sur la nutrition géné-
rale, sont des épiphenomènes secondaires dus à l'atteinte du
cerveau par la névrose; elles résistent à toute espèce de traite-
ment gynécologique ou autre. Courants galvaniques au début
excessivement faibles et très courts; une fois la tolérance établie,
on en augmente la force, on passe même aux courants d'induc-
tion. Grande prudence pour la recherche des zones, pour la
durée de la séance. Commencer par le traitement polaire à l'a-
node ou par lamétliodepolairesymétrique;arriverfinalementaux
courants d'induction (phénomènes de transfert). 6.)Celles d'origine
440 REVUE DE THERAPEUTIQUE.
viscérale exigent soit le traitement connu (Archiv f. Psych., X, 3)'
soit la galvanisation encéphalique (Archiv f. Psych., VIII, 2). Si
ces procédés sont insuffisants (cas les plus graves), on galvanise
le sympathique -cervical, mais en employant rapidement 20 à
30 El. Siem, et même davantage, en allongeant la durée de la
séance et en ne s'effrayant ni d'oscillations considérables impri.
mées dans la direction, l'augmentation de l'intensité, les commu-
tations métalliques des courants; cette méthode excellerait
souvent d'une façon surprenante chez tous les nerveux anémi-
ques : ou non (anode dans la fosse auriculo-maxillaire) et même
dans les cas de lésion organique (cathode dans la région précitée).
- Trois observations. Distinction entre leshypochondriaques vrais
-et les hypochondriaques paresthésiques ; à ces derniers convien-
drait la galvanisation encéphalique, mais non sans avoir au préa-
lable appliqué en station fixe l'anode à la nuque et une large
.cathode à l'épigastre en renforçant graduellement le courant
sans secousses, puis en en abaissant progressivement l'intensité
en sens inverse. E. Névrite. Par exemple, névrite traumatique
chronique, d'origine extérieure, portant sur le plexus brachial ou
ses branches terminales des doigts; outrele troublefonctionnel, on
constate une douleur considérable incoercible n'ayant cédé à aucun
moyen de traitement. Emploi de courants d'induction de plus en
plus intenses au cours d'une même séance jusqu'à production de
contractions tétaniques des groupesmusculaires de la région ou du
voisinage (alternatives de flexion et d'extension forcées à plusieurs
reprises). Chaque séance est suivie d'un apaisement marqué; on
la répète chaque jour, et l'on voit disparaître graduellement tous
les symptômes. Même résultat pour toute autre névrite. L'auteur
attribue les effets bienfaisants de ce mode d'électrisation à l'élon-
gation des conducteurs par les mouvements forcés ainsi produits,
ainsi qu'à l'excitation réitérée des vaisseaux sanguins et lympha-
tiques (modification locale de la nutrition). F. Morphinomanie.
La cause en est précisément aux névralgies chroniques.il importe
de diminuer quotidiennement la dose des anesthésiques (éther,
chloral, alcooliques, morphine); en deux semaines le sevrage est
affectué; mais alors, quarante-huit heures plus tard, on admi-
nistre des doses modérées de morphine que l'on remplace par
de petites quantités d'hyoscyamine ou de belladone pour^s'adresser
finalement à de fortes proportions de quinine associée à une nour-
riture réconfortante et à des vins généreux. Trois observations.
. II. Traitement galvanique de l'atrophie musculaire progressive. -
On prend souvent pendant longtemps des troubles nerveux pure-
ment fonctionnels, hystériques, pour des lésions cérébro-spinales
graves. De même, il existe une paralysie musculaire progressive
d'origine périphérique (myopathie et névrite primitive) et une
paralysie musculaire progressive d'origine centrale (poliomyélite).
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 41l
La première cède au traitement galvanique local méthodique
exposé plus haut (électrisation des muscles et des nerfs jusqu'à
leur entrée dans la moelle). Une observation.
III. Traitement électrique de la crampe des écrivains et des pia-
reisles. Quatre observations prouvant que le meilleur procédé
consiste en l'application ascendante de forts courants d'induction,
alternativement augmentés et diminués d'intensité. On les force
jusqu'à imprimer, par intervalles, aux muscles la plus forte con-
traction possible en flexion et en extension (élongation physiolo-
gique du nerf). (Voy. le §. 1. E.) - P. K.
II. NOUVELLE contribution A la QUESTION DES résultats DE L'ÉLO\G.1-
TION DU FACIAL DANS LE TIC CONVULSIF DE LA FACE; par M. BERN-
HARDT (Arch. f. Psych., XV 3).
' Dans quatre cas del'auteur, dont le présent mémoire contient une
observation complète, l'élongation ne détermina que temporaire-
meut ; un résultat heureux, pendant tout letemps que dura la pa-
ralysie consécutive à l'élongation, les convulsions cessèrent pour
revenir dès que fut guérie la lésion due à l'opération. D'après Bern-
hardt, la science contient actuellement dix-sept cas d'élongation
du facial pour tic convulsif, qui se décomposent en une guérison
persistante (cas de Southam) deux résultats incertains (cas de
Southam et de Gray) deux résultats partiels ou améliorations
(Baum, Schüssier, Eulenburg, Hoffmann) - dix résultats nuls
(Sturge, Godlee, Putmann, Bernhardt). Ces insuccès viennent de
ce que les conditions anatomo-topographiques empêchent d'isoler
le nerf sur une longue étendue ; on est obligé de circonscrire la
traction (de là, compression et écrasement.local), sans pouvoir
agir sur les centres. L'action thérapeutique ne saurait donc
survivre à la guérison de l'interruption périphérique; il faudrait
pouvoir modifierla nutrition du centre dont provientlaconvulsion.
P. K.
III. Injection hypodermique DE nitrite d'amyle dans UN cas DE
LOMBAGO ; CONVULSIONS EPILEPTIFORMES CONSÉCUTIVEMENT A L'INJEC-
TION ; par S.-A.-K. Strahan. (The journal of Dlental Science,
juillet 1884.) .
Un homme de cinquante-trois ans, atteint de manie chronique,
d'ailleurs en bonne santé physique, est pris d'un lombago qui
demeure rebelle aux moyens ordinaires; onlui injecte dix gouttes
d'une solution à dix pour cent de nitrite d'amyle dans l'alccol
rectifié : la douleur disparait immédiatement, mais au bout d'une
minute et demie, il pâlit et tombe étendu sur le lit; à peine est-il
dans la-position horizontale que la face et le cuir chevelu se con-
442 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
gestionnent et que le malade est pris de convulsions 'violentes qui
durent à. peu près une demi-minute et affectent surtout la face e
les extrémités supérieures, n'atteignant que très légèrement les
membres inférieurs. Les pupilles, observées immédiatement après
la crise convulsive, ne paraissent pas affectées; avant la crise et
lors de son début, le pouls s'est affaibli; il est devenu insaisissable
juste au moment où les mouvements musculaires allaient com-
mencer. Deux ou trois minutes après leur cessation, les phénomènes
convulsifs se sont reproduits de la même manière, avec une inten-
sité plus grande et une durée un peu plus courte; après quel-
ques inhalations de chloroforme, le malade se trouva tout à fait
remis, et put prendre un bon repas une heure après. La douleur
lombaire ne reparut pas, et aucun accident nouveau ne survint.
Ce fait démontre d'abord que le nitrite d'amyle n'est pas aussi
constant dans son action qu'on l'admet généralement, et que son
action de dépression, d'inhibition, son action paralysante, en un
mot, sur le coeur, ne doit jamais être perdue de vue.
Il est intéressant également au point de vue controversé de
l'action du coeur durant la période d'invasion des attaques épilep-
tiques ou épileptiformes. En effet, le malade qui fait le sujet de
cette observation n'était point entré à l'asile comme épileptique,
il y avait passé six ans sans avoir d'accès convulsifs de quelque
forme que ce fût, et après l'incident qui vient d'être relaté, il n'en
a jamais eu aucun. R. M. C.
IV. Contribution A l'action thérapeutique du sulfate DE cura-
RINE; par G. LEHMANN (Allg. Zeitschr. f. Psych., XLI, 3).
L'alitement détermine un calme psychique plus ou moins
grand. 11 est donc indiqué de sidérer l'appareil locomoteur pour
provoquer l'alitement forcé. Le sulfate de curarine, poudre blan-
che, cristalline, légèrement hygroscopique, de Gehe de Dresde, se
conserve intact sous la formule suivante : sulfate curarine, 0,20; -
eau distillée, 8 parties. eau de laurier cerise, 2 parties. -En
l'injectant sous la peau on obtient une légère brûlure sans autres
accidents ; on peut aussi le donner à l'intérieur en gouttes. Onze
expériences ont été faites sur sept lapins, deux chiens, deux chats
aux doses hypodermiques respectives de 0,001 ; 0,003 ; 0,005 et
davantage ; on a constaté delà paralysie plus oumoins marquée
et des convulsions des extrémités, de l'hyperexcitabilité muscu-
laire et cutanée, une respiration superficielle : à doses mortelles
il se produit de l'expiration forcée, de l'affaiblissement des con-
tractions cardiaques, des éjections spontanées d'urine, de la sali-
vation, du larmoiement. Septfois l'auteur, quia du reste expéri-
menté sur lui-même, l'a aussi injecté sous la peau de personnes
saines aux doses de 0,005 à 0,02 ; dans trois cas, il a invariable-
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 443
ment obtenu un résultat nul à la dose de z ; quatre faits
témoignent d'une augmentation de fréquence initiale du pouls,
suivie de sensation subjective de lourdeur de tête avec hébétude,
fatigue, lassitude (intégrité des pupilles et des réflexes) ; à la dose
de 0,04, on obtient le plus souvent des phénomènes paralytiques
légers (lassitude dans les jambes, ptosis faible), mais gare aux
phénomènes excessivement graves (une observation à l'appui).
A l'intérieur, 0,02 à 0,05 entraînèrent en deux cas sur cinq, une
obnubilation de la vue avec hébétude et abattement de plusieurs
heures. L'ingestion interne commence à agir au bout de vingt à
trente minutes; l'injection hypodermique opère en cinq à dix
minutes. Les tentatives thérapeutiques n'ont en général porté
aucun fruit. Sur 150 essais se décomposant en 58 injections hypo-
dermiques et 92 administrations internes, on réussit dans le cin-
quième des cas relatifs aux premières, et quatorze fois sur les
autres. Les faits positifs témoignent d'une remarquable incons-
tance dans les effets du médicament ; à doses égales, chez divers
aliénés on observe des phénomènes diffférents, de même que
chez le même individu. Le sulfate de curarine ne saurait être
recommandé. P. K.
V. Contribution A l'action DE l'ergotine dans les psychoses ; par
H. Lebel. Appendice de Joecte<. ( Allg. Zeitschr. f. Psych.,
XLI, 3).
La mixture exhilarante de Luton (teinture d'ergotine, une
cuillerée tlié; solution de phosphate de soude à 10 p. 100, une
cuillerée à soupe) peut produire une gaieté semblable à celle de
l'ivresse une demi-heure à une heure après l'ingestion gastrique.
Il semble que cet agent puisse exercer un effet curatif permanent
car son emploi prolongé a dans plusieurs cas imprimé une évolu-
tion favorable à des cas de lypémanie et de stupidité restés sta-
tionnaires jusque-là. Son ingestion pendant des mois n'a provoqué
ni ergotisme, ni troubles de la menstruation. Les matériaux
d'observation sont encore insuffisants, dit l'auteur. A continuer.
La note de Joeckel est relative au travail d'Adam (Annales rnédico-
psychol., juill. 1881)sur ce sujet. P. K.
VI. Réflexions pratiques sur l'emploi DE l'électricité dans LES
affections mentales ; par A. de Watteville. (The journal of
Mental Science, janvier 1885.) .) ,
Avec la haute compétence qu'on lui .connaît et qu'on lui recon-
naît en la matière, M. de Watteville s'est efforcé de donner dans
un court mémoire une esquisse des principes qui doivent guider
le médecin dans l'application de l'électricité au traitement des
444 REVUE DE thérapeutique.
maladies mentales. 11 passe d'abord en revue l'appareil instru-
mental, les notions relatives à l'intensité du courant, (les collec-
teurs, les commutateurs, les galvanomètres, les électrodes et les
différentes formes qu'il convient de leur donner; puis il résume
comme suit les principales indications que l'électrothérapie est
appelée à remplir : *
« 1° Obtenir l'équilibre de l'innervation cérébrale en agissant
« directement sur la nutrition de ceux des centres qui, soit phy-
« siologiquement, soit organiquement, sont reconnus altérés, et
« cela par des influences moléculaires, vaso-motrices ou autres.
« L'expérience nous apprend que ce résultat peut être atteint dans
« un certain nombre de cas, par la galvanisation directe de la
« tête et du cou. »
« 2o Relever l'innervation périphérique et spinale, et rétablir
« ainsi, par voie indirecte, leur équilibre nécessaire en remédiant
« à l'insuffisance des influx afférents sur lesquels cet équilibre
« repose en partie. Dans ce cas, la galvanisation rachidienne, et la
« faradisation générale (avec l'électrode humide ou le pinceau)
M rendent des services. »
« 3° Lorsque les phénomènes cérébraux sont liés à des troubles des
« viscères abdominaux ou pelviens (paresthésies viscérales, torpi-
« dite, etc.) corriger ou atténuer ces troubles par l'application de
« l'un ou l'autre courant, ou mieux encore par la méthode que
« ,j'ai décrite sous le nom de galvano-faradisation. La valeur de
« l'électricité dans le traitement des névroses viscérales est consi-
« dérable, quoique jusqu'ici méconnue. »
« 4° Remédier à certains symptômes à mesure qu'ils se mani-
« festent, suivant les règles formulées dans les traités usuels. On
« ne doit pas oublier, par exemple, que la faradisation générale
« est un bon agent tonique et un excitant de la nutrition générale;
« dans quelques cas aussi, l'emploi judicieux de l'électricité est
« propre à provoquer le sommeil. »
Dans ce travail, M. de Watteville n'a fait aucune allusion à la
direction qu'il convient de donner au courant; il s'explique sur
ce silence volontaire enrappelantune opinion qu'il a déjà formulée
dans ses ouvrages, à savoir : que toutes les règles données par les
partisans de telle ou telle direction du courant, de tel ou tel mode
d'application des pôles, reposent ou sur des erreurs physiques ou
sur des considérations a priori : l'expérience n'a pas confirmé les
premières; la marche de la science a renversé la base sur laquelle
s'appuyaient les secondes. L'auteur est convaincu que s'il existe
jamais une différence d'action thérapeutique entre les deux pôles,
cette différence ne peut être définie que d'une façon empirique,
car elle repose sur quelque idiosyncrasie du malade observé. « La
« doctrine de l'électro-tonus, dit-il, ne saurait trouver place dans
a le traitement. » Ce que l'on peut établir comme règle générale,
REVUE DE THERAPEUTIQUE. 445
c'est que les meilleurs résultats s'obtiennent par l'application
successive des deux pôles aux points choisis; il faut toutefois se
souvenir que l'action locale du cathode est plus énergique, tant
au point de vue chimique qu'à celui de la stimulation.
Les applications de l'électricité au traitement des maladies
mentales ont été jusqu'ici trop peu nombreuses pour que M. de
Watteville se croie actuellement autorisé à préciser les cas où
cette méthode peut se montrer particulièrement utile : cependant
on peut dès maintenant constater que c'est dans les affections
caractérisées par la dépression nerveuse, que l'on a jusqu'ici obtenu
le plus de résultats favorables. D'autre part, les symptômes d'ex-
citation, s'ils ne commandent pas l'abstention complète, imposent
du moins une extrême prudence. Enfin, il est permis de prévoir
que ce n'est pas dans les cas anciens et confirmés que l'électricité
rendra ses plus importants services, mais que c'est en quelque
sorte sur les frontières de la folie qu'elle trouvera le terrain le
plus favorable à son action thérapeutique. R. M. C.
VII. Effets thérapeutiques du CIILORYDR.1TE d'apomorphine en INDEX-
TIONS sous-cutanées D1\s l'hystéro-epilepsie ; par S. LAURENCIN,
interne des hôpitaux (Lyon méd., 1884, t. XLVII.)
L'auteur rapporte l'observation d'une malade, âgée de vingt
ans, nerveuse, qui devient hystéro-épileptique par imitation; elle
avait de dix à quinze crises par jour : Tous les traitements ayant
échoué ou eut l'idée de lui pratiquer chaque jourune ou plusieurs
injections sous-cutanées de chlorhydrate d'apomorphine à la
dose de 2 à 10 milligrammes. Quatre mois après le début de ce
traitement, les crises disparurent complètement et, d'après
l'auteur, c'est à l'apomorphine qu'il faudrait attribuer cette
guérison, sinon définitive, du moins momentanée. G. D.
VIII.DR l'apomorphine dans certains troubles nerveux; parle Dl
E. Weil, chef de clinique médicale (Lyozz 7nétl., 1884, t. XLYII.)
Il ressort de ce travail, basé seulement sur trois observations,
que le chlorhydrate d'apomorphine en injections sous-cutanées
à la dose de 2 à 6 milligrammes peut amener une action favo-
rable sur certains symptômes d'origine spasmodique, tels que le
hoquet, et sur quelques affections nerveuses à manifestations
convulsives, soit qu'il s'agisse de crises intermittentes (épilepsie
corticale), soit qu'il s'agisse de phénomènes plus ou moins
continus (chorée). En outre, les effets sédatifs de ce médicament
seraient complètement indépendants de son action nauséeuse.
G. D.
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE
Séance du 29 17t(L7'S 1886. Présidence DE M. Semelaigne
Le Président annonce à la Société qu'un de ses membres,
M. Ballet, vient d'être, à la suite d'un brillant concours, reçu
agrégé de l'École de médecine.
Le Secrétaire général donne lecture d'une lettre de M. Luys
qui, depuis plusieurs années, a cherché à traiter les maladies
mentales par l'hypnotisme, mais sans résultat; il est donc en
complet désaccord avec M. Voisin. « Pour pouvoir hypnotiser
un sujet quelconque, ne faut-il pas tout d'abord avoir' son
acquiescement, fixer son regard et son attention ? Comment donc
arriver à une pareille situation de calme chez une hallucinée dont
l'esprit est sans cesse en mouvement et dont les globes oculaires,
lorsqu'on cherche à les immobiliser avec les doigts, sont sans
cesse en mouvement sous les paupières abaissées ? Comment
obtenir une attention contemplative, par un objet brillant, chez
un sujet dont les facultés subjectives sont en perpétuel état
d'obsession ? Ce sont là des conditions fondamentales qui se
contredisent J'ai donc bien fait de témoigner devant la société
toute ma surprise devant les résultats imprévus exposés à la der-
nière séance et acceptés dans une certaine mesure par quelques
personnes peu au courant des difficultés du problème à résoudre.
C'est pour cela qu'il serait bon d'apprendre de notre collègue
par quels mystérieux procédés il est arrivé à pouvoir hypnotiser
certaines aliénées, et quelle est la méthode nouvelle suivie par
lui pour obtenir les résultats annoncés pour des suggestions thé-
rapeutiques. »
M. Voisin présente quelques malades qu'il a traitées et guéries
par l'hypnotisme. C'est d'abord une jeune fille, autrefois hallu-
cinée ; puis une femme de 40 ans qui, depuis 10 ans, a par inter-
valles des hallucinations de la vue en rapport avec des idées de
suicide. Elle voyait constamment le cadavre de son maître et
entendait des voix qui lui reprochaient de l'avoir tué; M. Voisin
BIBLIOGRAPHIE. 447
lui a suggéré l'idée de ne plus voir ce cadavre et l'hallucination
a disparu. Une autre femme, hystéro-épileptique, à qui on repro-
chait la mort de son père, s'est aussi vue débarrassée de ses
hallucinations par l'hypnotisme. Celle-ci ne s'endormait qu'après
une résistance de trois ou quatre heures.
Des signes physiques intellectuels et moraux de la folie hérédi-
taire. (Suite de la discussion.)
M. BoucHEREAU expose les diverses opinions qui ont cours sur le
rôle de l'hérédité en pathologie mentale. Il regrette qu'on ait
confondu la folie héréditaire et la folie des dégénérés. La pre-
mière se transmettrait dans les conditions de transmissions ordi-
naires des autres maladies et peut s'accroître ou disparaître sui-
vant les circonstances, tandis qu'il faudrait autre chose que
l'hérédité pour faire cet être bizarre désigné du nom de dégé-
néré ; il faudrait soit des lésions centrales ou périphérique-, soit
enfin une complication congénitale ou acquise, encore mal déter-
minée. Marcel BRIAND.
BIBLIOGRAPHIE
Il. La Psychologie du Raisonnement (recherches expérimen-
tales par l'hypnotisme); par Alfred Binet. (Félix Alcan,
18S6.)
M. Binet se propose dans ce petit volume d'étudier le méca-
nisme du raisonnement au point de vue psychologique. Pour
cela, il prend un raisonnement très simple, celui que l'on fait
instinctivement et inconsciemment quand on perçoit un objet
extérieur, et il.le dissocie en ses éléments psychologiques. Le
raisonnement le plus élevé procède de la même façon ; il suf-
fira donc de démonter les rouages de la perception extérieure,
et la théorie sera valable pour toutes les espèces de raisonne-
ments. Bien entendu la définition du raisonnement prise
comme point de départ est celle de Stuart Mill qui, rompant
dvec la théorie scolastique, a établi que la forme syllogistique
n'est pas le raisonnement lui-même, qu'au fond ce raisonne-
ment est une inférence du particulier au particulier, et non
pas, comme le croyaient les anciens, une conséquence d'une
448 BIBLIOGRAPHIE.
proposition générale. La forme syllogistique ne fait que légali-
ser le raisonnement : on n'en a pas besoin pour raisonner,
mais pour s'assurer si on raisonne correctement. Le type uni-
versel du raisonnement est tel : certains individus ont un attribut
donné, un individu ou des individus ressemblent aux premiers
par certains autres attributs, donc ils leur ressemblent aussi
par l'attribut donné.
Cette définition est une définition logique; au point de vue
psychologique, l'étude que fait M. Binet le conduit à ses con-
clusions : «l'élément fondamental de l'esprit est l'image; le
raisonnement est une organisation d'images, déterminé parles
propriétés des images seules, et enfin il suffit que les images
soient mises en présence pour qu'elles s'organisent et que le
raisonnement s'ensuive avec la fatalité d'un réflexe ».
La perception est l'acte qui se passe lorsque notre esprit
entre en rapport avec des objets extérieurs et présents. Mais
ce n'est pas un acte simple, mais bien un acte très complexe,
et qui comprend une action sur les sens et une réaction du
cerveau. C'est le processus par lequel l'esprit complète une
impression des sens par une escorte d'images. L'étude de l'illu-
sion des sens montre bien cette complexité; car, dans ce cas-là,
la sensation reste ce qu'elle doit être, mais c'est l'interpréta-
tion de cette sensation qui est erronée.
Les Anglais, avant tout le monde, ont montré que l'image
n'est autre chose qu'une sensation conservée et reproduite
spontanément, c'est-à-dire indépendamment de l'excitation du
sens qui lui a donné naissance. Il y a donc plusieurs sortes
d'images, autant qu'il y a de sensations spéciales, autant qu'il
y a de sens, y compris le sens musculaire. Chaque personne a
plus d'aptitude à former telle ou telle toile d'image et à s'en
servir plus ou moins exclusivement pour penser; d'où l'exis-
tence de types sensoriels, comme l'a établi M. Charcot. Le
type visuel est le plus fréquent après le type indifférent. Une
belle observation relatée dans la thèse de M. Bernard montre
bien en quoi consistent ces types sensoriels.
Mais en quel point du cerveau localiser la production de
l'image ? MM.Féré et Binet ont élucidé cette question en ayant
recours à l'hypnotisme. Et il faut les féliciter d'être entrés les
premiers dans cette voie expérimentale. Les résultats déjà
obtenus ne peuvent que les encourager à persévérer, malgré les
préjugés qui s'élèvent nécessairement contre toute idée nou-
BIBLIOGRAPHIE. 449
velle et hardie ! L'image est un phénomène qui résulte d'une
excitation des centres sensoriels corticaux.[Bain avait déjà émis
cette proposition, mais sans la démontrer. La démonstration
est faite, en s'appuyant principalement sur les sensations et
les images visuelles, plus commodes à évoquer et à contrôler
(Voyez l'article de MM. Binet et Féré dans la Revue
scientifique, 1885).
Dans la perception externe, avons-nous dit, une sensation
éveille une série d'images.
L'hypnotisme montre que, quand on suggère une hallucina-
tion à une hystérique, on fait joindre à une sensation exacte
une image fausse. Mettons ce point important plus en relief
en citant une expérience. On montre à une hystérique en
somnambulisme un papier blanc en lui disant : Voici votre
portrait. Elle voit et décrit complètement ce portrait, y ajou-
tant les détails que son imagination lui suggère. Si on mêle
ce papier à une quantité d"autr'es tout semblables en appa-
rence, le sujet le reconnaîtra toujours en disant que c'est son
portrait. Qu'est-il donc arrivé ? On a ajouté à la sensation que
donne ce carton blanc, toujours reconnaissable pour le sujet
grâce à l'hyperesthésie de sa vue, une image imaginaire qui
s'est soudée à ce repère extérieur, le carton blanc, et qui se
comporte comme lui; car on peut avec une glace qui reflète le
papier faire voir deux portraits au sujet et ainsi de suite. L'hal-
lucination hypnotique est formée d'une image suggérée qui
s'associe à un point de repère, tandis que, dans la perception,
l'image est suggérée directement par la sensation. Dans l'illu-
sion des sens ordinaire, il y a aussi une image fausse suggérée
par l'impression des sens; c'est une perception fausse qui
montre bien le mécanisme de la perception vraie. La sensation
suggère une image ou plusieurs qui sont soudées par l'esprit à
la sensation et qui paraissent ne faire qu'un avec elle. Mais
ces images ajoutent notablement aux notions fournies directe-
ment par les sens au moment de la perception. Par exemple,
s'il s'agit de reconnaître un livre que nous avons sous les yeux,
nous ajoutons aux sensations brutes de la vue toutes les idées
correspondant aux propriétés de l'objet en tant que livre, toutes
choses qui ne nous sont fournies que par un réveil de sensations
antérieures, c'est-à-dire une évocation d'images. C'est grâce à
toutes ces images que nous reconstituons les propriétés d'un
objet, que nous le plaçons dans une classe donnée ou que
Archives, t. XI. 29
450 BIBLIOGRAPHIE.
nous le reconnaissons enfin individuellement : toutes choses
que ne nous fournit pas l'expérience présente. Nous dépassons
la sensation brûle dans la perception extérieure. Les expérien-
ces hypnotiques, que nous ne pouvons relater au long ici,
démontrent.que la perception commence par être générique et
ne s'élève que peu à peu à la reconnaissance tout à fait parti-
culière, individuelle. (Voyez page 70.)
Quel que soit le degré decetteperception,ily aune croyance
à la réalité du lieu qui unit les propriétés de l'objet révélées
par la sensation, et celles représentées par les Images ressus-
citées par cette sensation. Il y a donc un jugement (Paulhau),
qui d'ailleurs reste souvent inconscient ou non formulé sous
forme de proposition, mais qui n'en existe pas moins. La
psychologie anglaise a bien établi que tout jugement a pour
but d'exprimer entre deux choses une relation de ressem-
blance, de contiguïté ou de succession, et que toutes les fois
que. deux images sont fortement associées, nous croyons que les
choses liées ainsi dans notre esprit le sont de la même façon
dans la réalité.
On voit par tout ce qui précède que la perception consiste,
comme le raisonnement, dans l'application d'un souvenir à la
connaissance d'un fait nouveau et aboutit à la généralisation
de ce souvenir. Dans la plupart des raisonnements, comme
dans la perception, les expériences antérieures ou les sensa-
tions antérieures ne sont pas conscientes, Enfin le fondement
de tout raisonnement est, nous le savons, la reconnaissance
d'une similitude : c'est aussi celui de toute perception. Raison-
nement et perception n'ont-ils donc pas la même constitution
psychologique intime ? On avait déjà dit d'ailleurs que l'illusion
des sens était un sophisme.
M. Binet fait ici remarquer avec juste raison que, pour que la
théorie du raisonnement soit valable, il faut : 1° qu'elle rentre
dans les lois psychologiques connues d'association par ressem-
blance et par contiguité; 20 qu'elle explique le jugement qui
est au fond de toute perception ; et enfin 3° qu'elle montre
comment les deux associations toutes faites, deux jugements,
qui constituent les prémisses, peuvent se réunir pour former
la conclusion, le jugement final.
Cette théorie est toute neuve, car des prédécesseurs de
M. Binet ou ont échoué dans cette tentative ou ont laissé ce
problème de côté.
BIBLIOGRAPHIE. 451
La loi de fusion des sensations ou des images semblables
n'est pas nouvelle; mais elle est rajeunie ici par une explica-
tion élégante de l'expérience de Weber. L'hypothèse de l'iden-
tité de siège cérébral des états de conscience semblables expli-
que bien comment une ressemblance est efficace, qu'elle soit
consciente ou non. De plus, la formation des idées générales
se fait par la même loi.
Tous ces préliminaires étant posés, comparons directement
une perception, celle d'un livre par exemple, et un raisonne-
ment. Les expériences sur des somnambules décrites très
'minutieusement dans l'ouvrage exagérant les phénomènes les
laissent mieux reconnaitre. La perceplion du livre, grâce aux
intermédiaires pathologiques est ramenée au mécanisme sui-
vant : l'image actuelle d'un livre (A) suscite dans notre pensée
par la force de la similarité l'image oculaire du même livre
(B), provenant d'une vision antérieure; et ce second état de
conscience (B) suscite par la force de la contiguité le groupe
d'images (C) correspondant à des propriétés du livre non
parues actuellement et qui s'accolent à l'image actuelle du
livre* L'état (B), intermédiaire, est inconscient par fusion
immédiate avec (A), suivant la loi de fusion bien connue. C'est
donc une association par ressemblance qui introduit une asso-
ciation par contiguité; ou encore c'est une assimilation partielle
de deux images. Or, examinons un raisonnement en forme :
tous les hommes sont mortels; Socrate est homme; donc
.Socrate est mortel. Ce ne sont que des propositions représen-
tant une relation entre des images qui existent dans notre
esprit, en y ajoutant une affirmation. L'ordre dans lequel les
images sont en réalité n'est pas celui indiqué plus haut, c'est
- celui-ci : Socrate est homme; les hommes sont mortels; Socrate
est mortel. L'image Socrate par ressemblance suscite l'image
homme; celle-ci suscite l'image mort par contiguité; l'image
mort et l'image Socrate coexistent simultanément et se soudent.
En réalité, ce sont des groupes d'images qui opèrent; mais
pourquoi ne pas appliquer à un groupe les mêmes propriétés
que nous avons reconnues aux images isolées ? On peut donc
définir le raisonnement : « l'établissement d'une association
entre deux états de conscience, au moyen d'un état de cons-
cience intermédiaire qui ressemble au premier état, qui est
associé au second, et qui, en se fusionnant avec le -premier,
l'associe au second ». La mise sous forme de propositions ne
452 -) BIBLIOGRAPHIE.
fait qu'ajouter une simple constatation de la succession des
images.
Le raisonnement, comme la perception, procède des lois
fondamentales des images, tout est raisonnement à un degré
plus ou moins élevé. L'esprit^ dit M. Wundt, est une chose
qui raisonne; M. Binet ajoute automatiquement, consciem-
ment ou inconsciemment.
Nous nous sommes efforcés dans cette analyse de reproduire
l'enchaînement des idées qui conduit à la conclusion finale,
en laissant de côté une foule de points secondaires, quoique
importants en eux-mêmes, que M. Binet a touchés en passant.
Il eût été trop long, malheureusement, de citer même quel-
ques unes des nombreuses expériences relatées dans cet
ouvrage. Par l'hypnotisme, il grossit les phénomènes, en les
déformant un peu, de façon à les faire ressortir et à montrer
leurs éléments constitutifs. MM. Binet et Féré, ouvrent une
voienouvelle de l'expérimentation en psychologie. L'esprit vrai-
ment scientifique de M. Binet saura tirer de cette ingénieuse
méthode toutes les conséquences qu'elle comporte nécessaire-
ment. P. CHASLIN.
III. Etudes cliniques sur la grande hystérie ou hysléro-épilepsie ; par
Faut Richer (Je édition avec 497 figures et 10 gravures à l'eau-
forte).
Cette nouvelle édition, qui comprend trois cents pages de plus
que la précédente, est divisée en quatre parties : 4 la grandehysté-
rie ; 2° le grand hypnotisme; 3° l'hystérie dans l'histoire; 4° l'hys-
térie dans l'art.
Dans la l le partie sont étudiées toutes les grandes variétés de
la grande attaque, dont un grand tableau d'ensemble représen-
tant les diverses attitudes et leurs successions permet d'en mieux
comprendre et retenir les formes frustes, les recherches nouvelles
de Féré, Ballet et Gaube y sont consignées.
2° partie. De l'Hypnotisme chez les sujets atteints de grande
Hysléne ou grand Hypnotisme.
Ici le plan de la précédente édition complètement modifié per-
met à l'auteur d'exposer, avec la plus grande clarté, les procédés
d'hypnose y compris la suggestion, de nombreux tracés graphiques
permettent au lecteur d'apprécier toute la rigueur scientifique
apportée à l'étude des propriétés neuro-musculaires danslesétats
léthargiques, cataleptiques, somnambuliques et en particulier la
contracture, la secousse musculaire et l'état cataleptoïde. La
BIBLIOGRAPHIE. 453
même méthode se retrouve dans les articles sur les modifications
de la sensibilité générale et spéciale, sur celles de larespiration et
de la circulation. Après un exposé complet des phénomènes sug-
gestifs, automatisme, impulsions,lillusions, hallucinations et une
étude nouvelle sur les phénomènes hypnotiques à l'état de veille,
l'auteur tente heureusement un essai de nosographie .à l'aide
d'une étude synthétique des diverses périodes de l'hypnotisme.
3° Tout un appendice intitulé : l'Hystérie dans l'histoire, passe
en revue dans l'ordre chronologique les chorées épidémiques, les
épidémies de possession démoniaque, les convulsionnaires et les
démoniaques ; avec une très grande finesse d'appréciation,
M. Richer fait ressortir avec quelle exactitude se retrouvent dans
les descriptions anciennes les signes de la grande hystérie et de
ses variétés qui ont fait l'objet de la première partie.
46 La dernière partie : de l'Hystérie dans l'art, qui est essen-
tiellement nouvelle et propre à cette édition, est une application
très ingénieuse de la même méthode appliquée non plus aux do-
cuments écrits, mais aux documents : artistiques, peintures, fres-
ques, sculptures, gravures, documents dans lesquels se trouvent
reproduites les différentes attitudes des possédées, choréiques
extatiques d'autrefois, attitudes dont M. Richer, en véritable
connaisseur, excelle à décrire les ressemblances avec les attitudes
de la grande hystérie.
Un ivoire de la bibliothèque deRavenne (ve siècle), des fresques
de Francesco di Giorgio, d'André dei Sarte (1510), de Louis Car-
rache, du Dominiquin, les transfigurations de Raphaël et de
Déodat Delmont, les oeuvres nombreuses de Rubens sur les pos-
sédées, sont reproduites en gravure dans cet ouvrage, sans comp-
ter les grands secours ni le pèlerinage au tombeau du diacre
Paris; toutes ces reproductions, qui ne sont pas seulement des
sujets d'ornementation pour le livre, font bien comprendre la
pensée féconde de l'auteur : faire revivre d'anciens souvenirs his-
toriques et montrer combien la science, employée avec méthode,
est précieuse pour donner aux faits passés une explication vraie
et, par conséquent, plus conforme à la réalité.
Comme tous les ouvrages conçus clairement, cette étude est ex-
posée dans un style facile qui en augmente l'attrait de la lecture,
et le peut faire aborder par tous les esprits désireux de connaître
tout ce qui intéresse celte question si neuve et si importante.
Charpentier.
IV. Etude clinique sur les aliénés héréditaires. (Thèse de doctorat) ;
par Théodore TATY.
L'auteur a choisi pour sujet les aliénés héréditaires et non la
folie héréditaire. C'est en cherchant à répondre à la question : A
451 BIBLIOGRAPHIE.
quels signes peut-on reconnaître la folie héréditaire, qu'il a été
conduit à recueillir soixante-quinze observations 'd'aliénés à anté-
cédents héréditaires et à déduite, au point de vue des stigmates
physiques, qu'il n'est aucune manifestation qui soit constante et
qu'on ne puisse rapporter à une cause de dégénérescence autre
que l'hérédité de la folie. Comme signes intellectuels plus fré-
quents, l'auteur note la tendance à la raillerie, à la discussion, à
la malice; il fait remarquer qu'à la cohérence des idées s'ajoute
l'originalité et la bizarrerie'des conceptions. Si la tare héréditaire
est grave, le début se fait à la puberté; si l'aliénation doit aboutir
aux délires systématisés et aux hallucinations, le début aurait
lieu à la ménopause. D'ailleurs l'auteur fait ressortirla fréquence
des psychoses menstruelles chez ces héréditaires. Un chapitre
spécial est consacré à l'apparition tardive de la démence, à sa
longue durée et à son aspect incomplet chez les aliénés hérédi-
taires.
Nous avons été frappé par la lecture d'une observation d'un
aliéné manifestement héréditaire avec signes physiques, mais sans
aucun trouble intellectuel antérieur. Une telle observation fait
apprécier la réserve de l'auteur et comprendre avec quelle sage
raison il a eu pour but de décrire les aliénés héréditaires qui
existent incontestablement et non la folie héréditaire qui n'est
qu'une sorte de caput mortuum destiné à recueillir tous les faits
inclassables. En bonne clinique, quand on est en présence de
faits qu'on ne peut classer, on doit avouer son impuissance, et
non leur donner un nom capable de masquer la faiblesse qu'on
- ne veut pas avouer. Charpentier.
V. Des analogies entre la folie à deux et le suicide à deux;
par .T. ( : 11POL1.IN.liI. (Thèse, 188p.)
L'auteur résume d'abord les caractères des principales formes
de folie à deux, qui ont été décrites : Io la folie imposée (J. Falret
et Lasègue), dans laquelle un seul sujet est aliéné et impose sa
folie à l'autre qui est débile; 2° la folie simultanée (Régis), dans
laquelle des sujets prédisposés à des titres divers deviennent fous
en même temps sous l'influence des mêmes causes occasionnelles,
et s'imprègnent réciproquement de leurs idées délirantes; 3° la
folie MmntM)M'<jfude(Marandon de Montyel),dans laquelle deux sujets
également prédisposés tombent dans le même délire : celui qui
est pris le dernier ne devient fou que sous l'influence qu'exerce le
délire de l'autre sur sa propre prédisposition héréditaire. Cette
forme ne se distingue de la première qu'en ce que le sujet passif
est un prédisposé à l'aliénation, tandis que, dans la forme décrite
par Faire et Lasègue, c'est simplement un débile; on comprend
que la distinction a surtout de l'importance au point de vue du
BIBLIOGRAPHIE. 455
pronostic à'porter sur l'avenir du sujet passif ; 4° la folie trans-
formée (Kiernan), dans laquelle plusieurs fous renfermés dans un
asile changent leurs idées délirantes pour celles d'un fou plus
intelligent; ou, plus exactement, dans laquelle plusieurs fous se
laissent imposer une nouvelle idée délirante par un autre fou qui
les domine.
Puis, traitantdusuicide,111. Chpolanslii commence par déclarer
que cet acte n'est pas nécessairement une manifestation de la
folie, contrairement à l'opinion d'Esquirol, de ralret, de Bourdin
et de la plupart des aliénistes contemporains; pour lui, rattacher
le suicide à la folie constitue un danger social, parce que, si ou
peut dire que le suicide est un acte morbide on pourra en dire
autant de toute espèce de crime, et alors tout sera excusable.
Nous proposerons de retourner la déduction et dire que de certains
malades sont aussi dangereux que des criminels, il faut les con-
sidérer aussi comme des nuisibles et prendre contre eux les mêmes
mesures de précaution que contre des criminels, puisque leurs
actes sont aussi préjudiciables à la société. D'ailleurs, parmi ses
nombreuses observations, l'auteur ne cite aucun cas de suicide
accompli par des sujets dont l'état d'intégrité mentale soit nette-
ment établi, il s'agit toujours d'irréguliers incapables de sup-
porter les conséquences d'actes antisociaux, comme ils avaient été
incapables de résister à la tentation de les accomplir. Cependant
M. Ch. concède que « ne se suicide pas qui veut », et il pense que le
suicide à deux peut être comparé à la folie à deux, et que les dif-
férents exemples de suicide collectif sont justiciables d'une
classification analogue. Il existerait : 1° un suicide imposé; 2° un
suicide simultané (le seul exemple cité est un cas de folie gémel-
laire) ; 3° un suicide coanmuniqué; 4° un suicide par transformation,
auxquels on peut adapter les définitions des différentes formes de
folie à deux. Il est impossible d'entreprendre une discussion de
ces conclusions ne s'appuyant que sur des observations mal prises
ou très vagues qui ne sont souvent que des « faits divers ». En
tout cas les quelques observations détaillées qu'on trouve dans ce
travail ne font que venir à l'appui des conclusions de M. P. Mo-
reau (de Tours) qu'on peut résumer en disant qu'il n'y a que des
prédisposés qui soient susceptibles de subir la contagion du sui-
cide. Ca. 1 .
VI. Etude anatomique et clinique sur la sclérose en plaques; par le
Dr J. Babinski, ancien interne des hôpitaux de Paris, prépara-
teur des travaux pratiques à la Faculté. (Thèse, 1885.)
La thèse de M. Babinski n'est pas une monographie de la sclé-
rose en plaques. L'auteur s'est proposé exclusivement dans ce
456 BIBLIOGRAPHIE.
travail d'apporter de nouveaux documents pour l'histoire anato-
mique et clinique de cette affection.
La première partie de cette étude est consacrée au coté anato-
mique. Dans un premier chapitre, M. Babinski s'attache aux deux
points suivants : l'absence de dégénérations descendantes et
ascendantes dans la sclérose en plaques qui a semblé être une
dérogation à la loi wallérienne; - le mécanisme par lequel se
produit la destruction des gaines'de myéline. Sur le premier, il
confirme l'explication proposée déjà par MM. Charcot et Vulpian,
mais 'que l'insuffisance des méthodes histologiques employées à
cette époque par ces éminents observateurs ne leur avait pas per-
mis de démontrer. Non, l'absence habituelle de dégénérations
secondaires dans la sclérose en plaques ne constitue pas une déroga-
tion à la loi wallérienne ; cette apparente anomalie tient à ce que
lés cylindres-axes sont ordinairement conservés dans les plaques de
sclérose. Dans les cas où leur intégrité n'est pas complète, il se
développe, comme dans les autres affections destructives du sys-
tème nerveux central, des dégénérations secondaires dont l'inten-
sité est en rapport avec le nombre des cylindres-axes détruits.
Quant à la destruction des gaines de myéline, loin d'être sous la
dépendance d'un phénomène mécanique, d'une compression exercée
sur les tubes nerveux par le tissu conjonctif de nouvelle forma-
tion, comme on l'a cru jusqu'à présent, elle est liée, au contraire,
à un phénomène vital, et résulte principalement de l'activité nutri-
tive des cellules de la névroglie et des cellules lymphatiques sor-
ties des vaisseaux par diapédèse. On peut s'expliquer ainsi, plus
facilement qu'avec la théorie mécanique, la persistance ordinaire
et très prolongée d'un grand nombre de cylindres-axes dans les
plaques de sclérose. La myéline, en effet, est une substance, pour
ainsi.dire inerte, qui ne peut opposer de résistance au travail
destructif exeicé sur elle par les cellules lymphatiques, tandis
que les cylindres-axes, ayant conservé leurs connexions avec les
cellules nerveuses d'où ils émanent, sont doués d'une vitalité qui
leur permet de lutter contre l'action de ces cellules.
Dans le chapitre il, l'auteur fait une étude comparative des
diverses . variétés de scléroses de la moelle, afin de faire mieux
ressortir par ce rapprochement les caractères anatomiques de la
sclérose en plaques. Or, la nature de la dégénération des tubes
nerveux, analogue à celle qui s'observe dans le bout central d'un
nerf sectionné au voisinage de la section, la persistance d'un
grand nombre de cylindres-axes dénudés, l'intensité des altéra-
tions des parois vasculaires, la disparition souvent complète de la
myéline au centre des îlots de sclérose, constituent, au point de
vue histologique, les traits essentiels de la sclérose en plaques.
Au contraire, la sclérose systématique secondaire doit ses carac-
tères distinctifs à un mode de dégénération des tubes nerveux
BIBLIOGRAPHIE. %I57
analogue à celui qui s'observe dans le bout périphérique d'un
nerf sectionné, à l'absence de cylindres-axes dénudés, au peu
d'intensité des lésions vasculaires, à la persistance au milieu du
tissu de sclérose d'un grand nombre de tubes à myéline. Par
la persistance possible d'un certain nombre de cylindres-axes
dénudés, par l'intensité des altérations vasculaires, par la dispa-
rition parfois complète de la myéline dans les faisceaux scléro-
rés, la sclérose tabétique se rapproche davantage, au point de vue
de ses caractères histologiques, de la sclérose en plaques que de
la sclérose secondaire.
Dans le chapitre III, M. Babinski traite la question de la régéné-
ration des tubes nerneux de la moelle. Il a rassemblé et analysé les
principaux documents relatifs à ce sujet, et conclut que cette
régénération chez l'homme est tout à fait exceptionnelle, si tant est
qu'elle soit possible. Par conséquent, la disparition de phéno-
mènes paralytiques chez un sujet atteint de myélite indique d'une
façon presque certaine qu'il s'agit d'une myélite non destructive
et peut conduire au diagnostic de sclérose en plaques.
A cette étude anatomique sont annexées deux planches en
lithographie représentant des préparations faites, la plupart
d'après la méthode de M. Weigert.
Dans la deuxième partie consacrée à ['étude clinique, l'auteur,
après avoir résumé brièvement l'état des connaissances actuelles,
relate douze observations qui sont la base de son travail; six
d'entre elles sont inédites et cinq sont personnelles. Plusieurs
dessins, dans le texte, représentent une série de coupes de la
moelle échelonnées de haut en bas et permettent de se rendre
rapidement et exactement compte du siège des plaques de sclé-
rose dans les observations personnelles de M. Babinski.
Dans les chapitres suivants sont décrites certaines variétés et
certaines formes de la sclérose en plaques qui n'ont pas encore
été étudiées ou ne l'ont été que d'une manière insuffisante.
L'hémiplégie dans la sclérose en plaques n'est pas toujours consé-
cutive à une attaque apoplecliforme; elle peut se développer
progressivement. Elle constitue parfois pendant un temps plus ou
moins long le trait le plus saillant du tableau symptomatique, et
peut donner faussement l'idée d'une lésion cérébrale en foyer.
Des plaques de sclérose disséminées dans la moelle peuvent,
lorsque les cylindres-axes sont détruits, se manifester clinique-
ment par les symptômes qu'on observe dans la myélite circons-
crite destructive (paralysie et anesthésie des membres inférieurs,
troubles dans les fonctions de la vessie et du rectum, eschares). Il
y a peut-être lieu de désigner une pareille affection sous le nom
de sclérose en plaques à forme destructive.
Si la marche de la sclérose en plaques est d'ordinaire éminem-
ment chronique, elle peut exceptionnellement présenter une
458 BIBLIOGRAPHIE.
évolution aiguë; on peut dire dans ces cas qu'on a affaire à une
forme aiguë de la sclérose en plaques.
Enfin, il existe une affection dont la symtomatologie est exacte-
ment celle de la sclérose en plaques : paralysie avec contractures,
tremblement à l'occasion des mouvements volontaires, exagéra-
tion des réflexes tendineux, troubles de la parole et absence de
troubles dans les fonctions organiques, et dans laquelle cependant
les lésions échappent complètement à nos moyens d'investigation.
M. Babinski en a réuni trois observations et conclut avec M. West-
phal qu'il existe une névrose qu'on peut appeler pseudo-sclérosé
en plaques. CH. F.
VII. Contribution à l'étude de la maladie de 31eniére et de son
traitement; par LEL.1RGE. (Thèse, 1885.)
« La maladie de llienière, conclut l'auteur, n'étant le plus sou-
vent qu'un complexus symptomatique reconnaissant des causes
diverses, on est autorisé à admettre que le traitement par le sul-
fate de quinine n'est pas applicable à tous les cas. » Nous le
croyons volontiers, mais on aurait pu s'attendre à trouver dans la
thèse au moins une observation dans laquellelesulfate de quinine
(eut été employé sans succès ; il n'y eu a aucune. « En parti-
culier, il sera inefficace, continue-t-il, dans ceux où les phéno-
mènes congestifs dominent la scène morbide. » Quelques observa-
tions, en particulier, celles de M. Gellé, témoignent en effet qua
les émissions sanguines locales ou générales ont pu être utiles;
mais quelques renseignements sur ces phénomènes congestifs
auraient pu trouver place au chapitre « symptomatologie ». CE. F.
VIII. Etude sur un mode particulier d'administration de l'opium
dans le delirium tremens ; par L. PUISTIFNNE. (Th. 1885).
M. Puistienne expose le procédé de M. Constantin Paul qui
consiste à administrer le laudanum à la dose de dix gouttes
répétée chaque heure jusqu'à ce qu'on obtienne le calme; en
tenant compte, bien entendu, des susceptibilités individuelles.
Souvent l'excitation se reproduit, mais chaque retour est calmé
plus tôt que le précédent par l'application du même traitement.
Cu. F.
IX. Eludes sur les différentes formes de myélites tuberculeuses ;
par L.-J3. 1'olsr. : nn;r. (Thèse, 11885.) -
La myélite tuberculeuse peut se présenter sous trois formes ana-
tomiques : a, forme infiltrée; b, forme diffuse àgranulationsisoia-
bles ; c, forme subaiguë ouchrouique à tumeur volumineuse unique
INDEX bibliographique 459
ouàgrosaes tumeurs toujours peu nombreuses. Lesmyélites tu-
berculeuses sont toujours secondaires. Elles se présentent avec
des caractères cliniques assez variables ; ◀tantôt▶, comme dans la forme
chronique ou subaiguë, elles affectent tous les symptômes d'une
compression de la moelle : ◀tantôt comme dans la forme infiltrée
ou nodulaire, elles donnent lieu à des phénomènes douloureux,
et qui sont souvent masqués par les troubles propres à l'infec-
tion cérébrale concomitante. Cu. F.
X. Zehn Vorlesungea ùber fteiz Bau der nerv6sen Centralorgane ;
par L. Edinger. (Leipzig, F.-C.-W. Vogel, éditeur, 1885.)
Ces dix leçons constituent un résumé clair, méthodique,
attrayant, de l'anatomie du système nerveux central, ou plutôt de
la texture et des rapports de l'ensemble des systèmes des organes
centraux. Cent vingt gravures schématiques ou demi-schéma-
tiques animent encore davantage la peinture d'un style vivant,
précis, descriptif au possible. Une particularité qui constitue un
réel service, c'est l'habitude prise par certains auteurs, et M. Edin-
ger est du nombre, de supprimer, pour ainsi dire, les légendes
au bas des figures; chaque organe, chaque segment d'organe,
chaque tractus ayant acquis droit de citoyen, porte désormais son
nom inscrit en toutes lettres sur son propre corps : avec celte
méthode il n'y a plus de temps perdu, on évite les erreurs typo-
graphiques relatives aux lettres indicatrices, on supprime tout
malentendu. P. K.
XI. Des troubles nerveux dans l'intoxication par le sulfure de
carbone; par N.-E. Bonnet..(Thèse de Paris, 4885.)
L'intoxication par le sulfure de carbone produit des troubles
nerveux divers qui peuvent atteindre la sensibilité (hyperesthésie,
anesthésie, unilatérale, bilatérale, etc.), de la motilité (accidents
convulsifs, paralytiques, unilatéraux, ambilatéraux), des troubles
des organes des sens. Ces accidedts aflectent une marche qu'on
peut diviser en deux périodes : période d'excitation et période
de dépression. Quelquefois on observe une incoordination des
mouvements analogues à celle du labes ataxique. Ce pseudo-
tabes n'est pas progressif et peut être suivi de guérison. L'intoxi-
cation par le sulfure du carbone détermine souvent une dépres-
sion psychique, quelquefois elle devient la cause occasionnelle de
troubles mentaux variés. Cu. F.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE.
Du vertige auriculaire consécutif aux injections de liquide dans le
conduit auditif externe ; par A. IULLOT. (Thèse de Paris, 188ï.)
460 NÉCROLOGIE.
Contribution à l'étude du rhumatisme cérébral, traitement par
l'hydrothérapie; par H. DUPI1É. (Thèse de Paris, 1885.)
De l'atrophie du triceps crural dans les fractures de la rotule ; par
DESEUCHE. (Thèse de Paris, 1885.)
La thérapeutique morale et la suggestion; par Alphandery. (Thèse
de Paris, 1885.)
Du délire toxique et du délire urémique en particulier ; par
COTTON D'ENGLESQUEVILLE. (Thèse de Paris, 1885.)
Contribution à l'étude de la régénération des nerfs périphériques ;
parMARacuEY. (Thèse de Paris, 188.)
Élude sur les nzéningo-myélites chroniques; par BÉHOER. (Thèse de
Paris. 1885.)
Contribution ft l'étude de la sclérodermie ; par E. COLLIN. (Thèse
de Paris, 1886.)
La névralgie utérine, ses dangers, son traitement ; par SoTo Y IL-
faro. (Thèse de Paris, 1886.)
D6spse : fdo-<a&M/'par LEVAL-PICQUECHEF. (Thèse de Paris, 1885.)
Études cliniques et physiologiques sur les muscles ; par Gilles DE
la TOURETTE. (Thèse de Paris, 1885.)
Considérations sur l'influence de l'alcool chez les arthritiques ; par
Chevassus. (Thèse de Paris, 1886.) .
NÉCROLOGIE
M. LE Dr H. LEGRAND DU SAULLE
La médecine légale et la médecine mentale viennent de faire
une perte cruelle dans la personne de M. Legrand du Saulle, mé-
decin de la Salpêtrière, médecin en chef de l'infirmerie spéciale
près le dépôt de la Préfecture de police, membre fondateur de la
Société de médecine légale, ancien président de la Société mé-
dico-psychologique, officier de la Légion d'honneur.
M. Legrand du Saulle, décédé le jeudi 6 mai, était né en 1830
à Dijon, où il commença ses études médicales. Dès le début, il
s'attacha à l'étude des maladies mentales et fut successivement
interne des asiles de Dijon, de Rouen et de Charenton. Dès son
arrivée à Paris, il collabora à la Gazette des Hôpitaux avec le
professeur Trousseau dont il publia presque toutes les leçons
cliniques. Il fut l'un des fondateurs de la Société de médecine
faits DIVERS. 461
légale avec MM. Gallard et Devergie et rédigea les Annales médico-
psychologiques. Médecin de Bicêtre depuis 1867, il passa, il y a
quelques années, à l'hospice de la Salpêtrière. On doit à M. Le-
grand du Saulle un grand nombre d'ouvrages médicaux ayant
trait à la pathologie mentale et à la médecine légale. Nous cite-
rons entre autres : La Folie devant les tribunaux, couronné par
l'Institut, Paris, 1884; Le Délire des persécutions, 1873; La
Folie héréditaire, 1873; La Folie du doute, 1875; Etudes mé-
dico-légales sur les épileptiques, 1877; -Etude clinique sur la peur
des espaces (agoraphobie), 1878; Signes physiques des folies rai-
sonnantes, 4878; -Etude médico-légale sur les testaments contestés
pour cause de folie (couronné par l'Institut), 1879; Etude mé-
dico-légale sur l'interdiction des aliénés et sur le conseil judiciaire,
1881 ; Les Hystériques, 1883 ; enfin un volumineux Traité de
médecine légale, de jurisprudence médicale et de toxicologie, 1886,
en collaboration, pour la 2° édition, avec M. G. Berryer, avocat,
et M. Gabriel Pouchet, agrégé à la Faculté de médecine. Il « a
publié en outre, un grand nombre d'articles dans la Gazette des
Hôpitaux jusqu'à ces derniers jours.
FAITS DIVERS
Infirmerie spéciale DE la préfecture DE police. M. le Dr LEGRAS
est nommé médecin adjoint en remplacement de M. le Dr Ch. Féré,
démissionnaire.
Maison nationale DE CsARENTO ? M. le Dr DAMALtX, aide d'ana-
tomie à la Faculté, est nommé chirurgien de la Maison nationale.
Une Société DE Neurologie vient d'être fondée à Londres ; c'est
à l'initiative de M. de Watteville, éditeur durain, qu'est duecette
nouvelle création. Une commission provisoire nommée dans une
réunion préparatoire a élaboré des statuts qui ont été adoptés
dans une seconde réunion; la société définitivement constituée a
procédé à l'élection de son bureau pour l'année 1886 : Dl Hug-
lings Jackson, président; D" Wilks et James Crichton, vice-prési-
dents ; De Bristowe, trésorier.
Un esprit malin. Sous ce titre, le Moniteur judiciaire, de
Lyon, publie le fait suivant, qui ne manque pas d'intérêt :
462 FAITS divers.
' « Les audiences de la justice de paix sont quelquefois égayées
par des incidents bien drôles. A l'une des dernières audiences
d'un des cantons de Lyon, se présente timidement et les yeux
baissés une demoiselle d'âge un peu mur, d'autres diraient une
vieille fille. Un monsieur, à quielle a fait donner un billet d'in-
vitation, a écrit qu'il ne connaît nullement la demanderesse.
« Celle-ci, d'une voix mal assurée, explique que le susdit mon-
sieur, qui habite l'appartement au-dessus du sien, pénètre chaque
nuit dans la chambre de la plaignante, lui tient les propos les
plus inconvenants et cherche à attenter à son honneur. (Mouve-
ment d'attention dans l'auditoire.)
«M. le juge de paix conseille à la demanderesse de mieux
fermer sa porte; mais celle-ci se récrie et dit que le séducteur
n'a jamais franchi personnellement cette porte; que tous les
griefs dont elle se plaint lui sont causés par l'esprit de son voisin,
qui serait, dit-elle; un spirite très puissant et très malfaisant;
que cet esprit pénètre chaque nuit auprès d'elle et lui enlève
tout sommeil.
«L'hilarité des assistants coupe la parole à la pauvre fille, qui
jure ses grands dieux qu'elle dit la vérité; et M. le juge de paix
a beaucoup de peine à lui faire comprendre qu'il n'est pas com-
pétent pour juger cette affaire délicate, et qu'elle ferait mieux
d'aller consulter un médecin... aliéniste.» (Le Temps, 26 avril
1886.)
Un soldat FOU. - On mande de Huy le 26, à la Gazette de Liège,
qu'un soldat du 9° de ligne cantonné à Marchin, pris d'un accès
de folie, a quitté son poste et a gagné le bois voisin, menaçant
les passants et tirant des coups de feu. Des soldats envoyés à sa
recherche le retrouvèrent, mais le fuyard fit feu sur ses cama-
rades. Ceux-ci ripostèrent et cette chasse dura près de deux
heures. Le fou tira trente cartouches sans atteindre personne et
finalement lomba percé d'une balle. Son cadavre a été déposé à
l'église de Marchin. De tels actes montrent combien il y a encore
- de propagande à faire pour que chacun soitbien persuadé que l'on
doit employer les moyens de douceur et la persuasion pour venir
à bout des aliénés.
Nécrologie. M. le Dr Bn.LOD, ancien médecin en chef de
l'asile du Vaucluse, est décédé le 26 février à Château-Gonthier,
à l'âge de soixante-sept ans. Il laisse de nombreuses publications :
Recherches et considérations relatives <t la symptomalologie de l'épi-
lepsie (Ann. 2néd. psych. -18+3); Considérations méclico-psycholo-
giques sur le traitement de la folie (thèse, <846); Des maladies
de la volonté ou étude des lésions de cette faculté dans l'alié-
nation mentale; Considérations sur les intervalles dits lucides
chez les aliénés; Des lésions de l'association des idées; - Dès
FAITS DIVERS. 463
aliénés avec conscience de leur état; Des effets comparatifs de
la chronicité et de l'hérédité dans la détermination de certains types
de folie (Ann. méd. 2)sych.), etc. La plupart de ses mémoires ont
été réunis dans deux volumes qu'il a publiés il y a deux ans. Il
faut en outre, citer son Traité de la Pellagre, et son étude sur les
Aliénés en Italie.
- Le 1), Edouard Fournier, médecin de l'Institut national des
sourds-muets, vient de mourir à l'àge de cinquante-deux ans. Parmi
ses nombreuses publicalions, nous citerons plus spécialement les
suivants : Physiologie de la voix et de la parole (t vol. in-8°. Paris,
1866); Physiologie et instruction du sourd-muet (I vol. in-8°. Paris,
1868); Physiologie du système nerveux cérébro-spinal (I vol. in-8°.
Paris, 1872); Recherches expérimentales sur le fonctionnement du cer-
veau (1 vol. in-8°. Paris, d813); Essai de physiologie, la bête et
l'homme I vol. in-8°. Paris, 1877), etc.
Le Dr Jules Découse, chirurgien de la Maison nationale de
Charenton, maire de la commune de Saint-Maurice, membre du
conseil général de la Seine, est décédé le 27 février 1886, à l'âge
de quarante-trois ans.
Successivement chirurgien de la marine, médecin requis des
hôpitaux militaires de Paris, il devint en 1867 interne de la
maison de la Charenton. Il soutint, en 1871, sa thèse pour le doc-
tora : Sur la chirurgie des aliénés. L'année suivante, il fut nommé
chirurgien de la Maison nationale de Charenton, en remplacement
de M. le Dr Déguise, mis à la retraite. (Aazrz. méd. pysch.)
Assistance des aliénés A BERLIN. La construction d'un nouvel
asile pour les aliénés fait partie des projets qui doivent être réa-
lisés à l'aide du nouvel emprunt municipal de cinquante millions
de marks. Les administrateurs de l'asile de Dalldorf ont proposé
de faire construire, dans le voisinage immédiat de Berlin, un
asile de six cents lits, exclusivement consacré aux épileptiques ;
on bâtirait, ensuite, et un peu plus loin, un autre asile pour
douze cents aliénés, dont une partie serait des pensionnaires
placés au compte de leurs familles. En outre, on ajouterait à
l'asile de Dalldorf deux nouveaux pavillons contenant, ensemble
une centaine de lits ; on arriverait, ainsi, à créer un supplément
de treize cents places. La statistique prouve malheureusement
que le besoin de ces places est tout à fait pressant. L'asile de
Dalldorf, bien que créé pour 1,020 malades, est arrivé à en con-
tenir 1,250, et l'augmentation du nombre des aliénés et des épilep-
tiques est telle qu'il ne peut plus suffire aux demandes d'ad-
mission.
En 1860, le nombre des malades de ces deux catégories, dont
1' assistance incombait à la ville de Beilin, n'était que de 228, ce
464 BULLETIN bibliographique
qui faisait 0,43 par mille de la population. En 1870, la propor-
tion était déjà de 521, soit 0,67 pour mille. En 1880, on comptait
1,240 malades, soit 1,10 par mille; au 101 octobre 1885, leur
nombre était de 1,976, ce qui fait plus de 1,50 par mille. D'après
les nouvelles prévisions de dépenses, le nombre des aliénés et des
épileptiques à la charge de la ville est déjà évalué à 2,100. Quand
on a décidé la création de l'asile de Dalldorf, on a cru que cet
établissement unique suffirait à soigner tousles maladesau traite-
ment desquels la ville doit pourvoir. Mais celle-ci est déjà obligée
de faire entretenir 723 malades dans différents asiles privés, et le
nombre va en être porté à 830. Si la progression reste la même, il
y aura bientôt autant de malades placés dans les asiles privés, que
dans celui de Dalldorf, qui en contient 1,280.
On s'occupe, aussi, de la création, dans la ville même de Berlin,
d'un bureau d'admission pour les aliénés ; jusqu'à présent, ce ser-
vice est installé, en vertu d'un traité, à l'hôpital de la Charité ; les
administrateurs de l'asile de Dalldorf, après examen approfondi
de la question, ont déclaré qu'il serait préférable pour la ville de
reprendre, en mains propres, tout le service des aliénés et de créer
un établissement spécial pour leur première admission. Cet éta-
blissement contiendrait cent cinquante places, et serait doté de
toutes les dépendances nécessaires. ( Ceiztralblatt sur Ner-
venheilkunrle, etc., iio du 15 février 1886.)
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Brousse (A.). De l'involution sénile (des modifications organiques
et fonctionnelles dans la vieillesse). Bi-ocliure iii-8- de 163 pages. -
Prix : 3 fr. 50. Paris, 1886. Librairie A. Delahaye etE. Lecrosnier.
LANOAILLE de LtcutSE. Tarassis, Troubles de l'Ame et du corps chez
l'homme dans les temps modernes et dans l'histoire. Brochure in-8° de
40 pages. Paris, 1896. Librairie J.-B. Bailhère et lits.
SAuny (H.). Etude clinique sur la folie héréditaire (Les dégénérés).
Brochure in-8» de 233 pages. Paris, 1886. Librairie A. Delahaye et
E. Lecrosnier.
Le rédacteur-gérant, BOUIINGVILLI's.
TABLE DES MATIÈRES
Acétonurie des aliénés, par Lcebr
277.
Addison (maladie d'- et folie), 435.
Alcool dans le traitement de ma-
nie, 119.
Alcooliques (délire des) par Wit-
kowski, 317.
Aliénation mentale (cas d') intime-
ment liée a un abcès s'ouvrant
par l'oreille externe gauche et
reconnaissant comme influence
pathogénique importante une fiè-
vre saisonnière, par Mairet, 129.
Aliénés (colonisation des), par Ou-
dart, 118 ; (Requêtes des -
devant les tribunaux civils), 119;
- (statistique des), 122.
Aliénés héréditaire, par Taty, 455. ,
Aliénés (statistique), ? 88 ; - (à l'a-
sile d'Hildeuleim), parSuell, 293.
Alimentation par le rectum, 427.
Amnésie traumatique , par Rouil-
lard, 95.
Anestliésie sensorielle dans les af-
fections du système nerveux cen-
tral, par Tliomsen et Oppenheim,
80.
Anthropologie par Topinard, 124.
Apomorphine dans l'hystérie et les
troubles nerveux, 445.
Apoplexie séreuse, 421.
Artère basilaire (oblitération de la),
85.
Asiles, par Hasse, 88.
Asiles de Saxe, par Pcetz, 9G ; - z
de la Seine (mouvement de la
population en 1 SS5), 333 ; - (ius-
pection médicale (les), 333 ; - z
asile du 111urbiUau, 333 ;-de Saint-
Albau, 333 ; - de de Somme, 334 ;
- de lit Providence, 335 ; de Glas-
cow, 33; - (auatomie pattolo-
gique dans les), 428; (adminis-
tration des), 431; (précautions
contre les incendies, dans les),
433; - Guérison dans les), 434.
Asiles-hospices, 110-
Assistance des aliénés au Japon,
lwr Sal : al : y, ? G9; - eu Allema-
gne, par Loelir, 320.
Asthme et psychoses, par Kelp, 299.
Ataxie subaigue (anatomie patholo-
gique de 1'), par Kast, 3-20.
Attitudes considérées comme indi-
catives des états moraux et envi-
sagées dans les oeuvres d'art, par
Warner,2jS.
Balbutiement écrit chez les idiots,
4 37.
Béquilles (paralysie double par). 85.
Buveurs (myélite des) par Seelig-
muller, 108.
Cécité, 257.
Cerveau (nutcitiou du), par llteynert,
233; - (irritation, lésion, com-
pression du), par Adamlciewicz,
291 ? atroplue desfibres myé-
line dans l'écorce du dans la
paralysie proâressive), pacZacher,
30S ; ^zones motrices), pat Hu-
blé, 29; - (ramollissement (lu) ;
85 ; (masses risestlu), parJley-
nert,1 15 ? (auomalies des artères
du), 422; - lésion du lobe tem-
poral gauche sans aphasie chez
un gaucher, 425.
Cervelet (voies d'union du), 234); z
(lit), 422.
Chorée traitée par le bromure de
camphre, par Bourneville, 250.
Colonies agricoles, 389.
Colonisation des aliénés, 118.
ConRestion cérébrale apopiectifbrme,
421.
Archives, L. XI. 30
fez table DES matières.
Congrès (international de Copenha-
gue), 287 ; - des neurologues et
aliénistes de l'Allemagne du sud-
ouest), 302;-(LVIIe -des natu-
ralistes et médecins allemands,
9G;-(de phréniâtrie etde neuro-
pathologie d'Anvers, 117.
Conscience les conditions physi
ques, de la), par Ilerzeu, 238;
(mterruptions de la), par Tuczek,
311 ; - (explications physiologi-
ques de la), par Lann vieser, 88.
Convulsions cloniques, par Meynert,
114.
Couronne rayonnante, par Meynert,
116.
Criminalité et folie, 123.
Crâne (mouvement du sang dans
le), Gi,asli( ? 103.
Curarine (action thérapeutique du
sulfate de), 442.
Dégénérations secondaires de la
moelle, par Ilublé, 19.
Délire émotif, 119.
Delirium tremens et folie, 434; -
(opium dans le), 458.
Diabète (troubles nerveux dans le
chez les femmes), par Lécorcli6,
5 ? ef.
Dure-mère (tumeur de la), 420.
Dyscrasie, psychoses et névroses,
par Mueler, 292. et iiévroses,
Ecoles et maladies mentales, 289.
Ecriture d'un chroréique, 250.
Electricité statique (elfets thérapeu-
tiques de 1'), par l3enedlct, t18;
(danslettaitementdelafolie),
419, 445.
Electrothérapie, par Neftel, 439.
Elongation nerveuse, hématomyélie,
76.
Encéphalite aiguë des enfants, par
Struempell, 112.
Epidémie hystéro-choréidue, n20.
Epilepsie bulbaire, 84.
Epilepsie et rhumatisme, 2t6 ;
(ramollissement des cornes occi-
11ltles dans 1'), par Zohrab, 405.
Epilepsie partielle par lésion sous-
corticale, 421.
Ergotine et psychoses, 443.
Face (tic de la et élongation du
facial), 441.
Faisceaux grêles et cunéiformes,
234.
Folie aiguë mortelle accompagnée
de convulsions localisées, par
Levy, 268.
Folie gémellaire, 435.
Folie héréditaire, 258, 261, 262, 447.
Folie sénile, par Savage, 92.
Folie et électricité, 419; - (et ma-
ladies utérines),428; - (consécu-
tive dt un traumatisme sur là tête),
429; - (et delirium tremens), 434.
Gliose de l'écorce cérébrale, par
Fnerstner, 30p.
Grossesse et paraplégie, 304.
H ! 'bcphrénic, par ICahllwum, 106.
Ilématomyélie consécptive 3 l'élon-
gation nerveuse, dans l'ataxie,
par Rumpf, 76.
Ilémiauesthésie, par Seeligmuller,
108.
Hémianopsie d'origine centrale, par
Ségtiiii, 176.
Hérédité de la paralysie générale,
289.
Hoematorachis, 100.
Hypnotisme (de l'), par Jendrassik,
358.
Hystérie (études cliniques sur la
grande), par Richer, 152.
Hystérie et morphinisme, 398.
Hystérie et paralysie générale, 119.
Hystérie et rhumatisme, 216.
Hystéro-choreique (épidémie), 420.
Idiot (cerveau d'), par Koentg. 265.
Itifl.immation iieuroparalttqtie, pii
Gudden, 109.
Ischurie hystérique, par Frew, 80.
Jointmes (les - de Char-
cot),parAtMn ? 0.
Lombago (injection hypodermique
de nitrite d'amyle dans le), ; -
(convulsions consécutives), 441.
Maniaque (excitation), il9.
Maniaques (mort rapide avec symp-
tdmes), par Savage, 92.
Manie (est-elle une forme morbide
autonome ? ), par Tilling, 86.
Manie aiguë, 429.
Médication par le rectum, 427.
llelaucholia attonita, 431.
Mélancolie de famille, 430.
lfénière (malalie de), 458.
Mental (trouble consécutif à une
blessure du crâne), par Schroe-
ter, 281.
Meurtre et alcoolisme, par Fritsch,
87; (et folie), 436, 437.
table des matières. 467 7
Microcéphale (anatomie de la moel-
le), par Flesch, 112.
Migraines (traitement), par Storch,
293.
Moelle épinière (localisation du
centre ano-vésical dans la), par
Kirchholf, Hï3; - (anoio-sarcome
central de la), 446.
Morplunisme (rapport médico-légal),
398.
lllorphiomanie, par Obersteiner,288.
Musculaires (phénomènes), par Rei-
nhard, 254.
Mutisme durant 20 ans chez nu
idiot, par Charpentier, 259.
Myélite des buveurs, par Sectig-
muller,108; - (tulerculeuse), 458.
Myopathie atrophique progressive,
par Lamlouzy et Déjerine, 78.
MY% me, par Harhnann, 84.
Nerfs crâniens (trajet des faisceaux
centraux des), par Edinner, 313.
Nerveux (structure des éléments du
système), par Front], 233.
par Beiiedikt, 123.
Neurasthemie cérébrale, par Anjel,
254.
Névrite segmentaire (contribution 1
l'étude de la), par Pitres et Vail-
lard, 337.
NévropatUies et ozone, 111.
Névroses vaso-motrices et trophi-
(lues, par Eulenbnrg, 290.
Nitrite d amvle (convulsions consé-
cutives à l'injection de), 441.
Oculaire (névralgie et paralysie -
à retour périodique, constituant
un syndrome clinique spécial, par
Yarinautl et Marie, 15.
Oreillons (des manifestations céré-
brales et ménuigitiques des), par
Lannois et Lemoine, 1.
Os (fragilité des - chez les para-
lytiques généraux), par Christian,
121.
Ozone et névropathies, 111.
Paralysie agitante, par Grasley, 312.
Paralysie z
mann, 78.
Paralysie double par béquilles, par
Vinas, 85.
Paralysie générale, 87, 257, 286;
(chez une jeune femme), par Wi- i
gleswoitli, 92, 420.
Paralysie saturnine, par Schulze,
308.
Paralysies spinales avec ataxie, par
Leewenfelcl, 77.
Paralysie spinale spasmodique, par
Nicol, 296.
Paraplégie dans la grossesse, par
Jolis, 301,. -
Personnalité multiple, 119.
l'oliomyelite antérieure aiguë et
paralysie de Landry, par Immer-
mann, 30.
Pouls lent, épilelisie bulbaire, par
l.épiue, S4, 435.
Prix Aubanel, Esquirol, Belhomme,
More.au de Tout s, 26t).
Puberté et surmenage, par Jelm,
106.
Raisonnement (psychologie du), par
Binet, 447.
Réaction de dégénérescence et phé-
nomènes tendineux-, par Bernai;,
423.
Rhumatisme articulaire aigu, ses
relations avec l'hystérie et l'épi-
lepsie, par Souza Leite, 216.
Sclérose en plaques (étude anato-
mique et clinique sur la), par
Babinsky, 455.
Sclérose latérale amyotrophique,
291.
Sénile (folie), par Savage, 92.
Sens de la température à l'état sain
et a l'état morbide, par Donatli,
255.
Sens génital (inversion du avec
épilepsie), par terrain, 42; par
Savage, 427.
Sexuels, (maladies des organes -
chez la femme, et troubles psychi-
ques), par Hasse, 99.
Société de psychiatrie et z
lo ie légale de Vienne, 113.
Société psychiatrique de Merlin, 26 'i.
Société 6 iné(lico-I)seliolo,-i(Itte, 95,
Sopor, par Fi iediiianti, 315.
25s, 44s.
Spinale (affection avec cécité et
paralysie générale),parWestpha),
257.
Suggestion hypnotique dans le trai-
tement des atlectious meutales,
par Voisin, 263, 446.
Suicide (cas de), 92 : suicide à
deux, par Chpolianski, 454.
Sulfure de carbone (troubles ner-
veux dans l'intoxication par le).
459.
Surmenage et puberté, par Jelm,
106.
468 TABLE DES \i \1'Ii;2LS.
Syphilis et tabès, par Berger, 108. «
Système nerveux central (structure
du), par Edinger, 45J.
Tabès combiné (ataxo-spasmodique)
ou sclérose postéro-latérale de la
moelle, par Grasset, 156, 380.
Tabes (histologie pathologique du),
par Adamkiewicz, 988; (cura-
bilité du), par Eulenburg, 989;
(cas de,, par Nicol, 296; - ( '-et
syphilis), par Berger, 108.
Tabëtique(pied),parBoyer,8D.
Tabétiqup,s.4trotibles trophiques de
la peau chez les), par Rossoiym-
ino, 256.
Thomsen (maladie de), 303.
Visuel (examen électro-diagnostic
du champ), 424, 42ï.
Visuelle (sphère), ses relations avec
les centres optiques infra-corti-
caux et le nerf optique, yar nlona-
kow, 237.
Vol par une hystérique, < ! ;9.
Volontaire (recherches sur l'activité,)
par Piéger, 2 ?
TABLE
DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Dam, 425.
Atlamhiewicz, 288, 291.
Angel, 254.
Z ·
Babinsky, 135.
Bail, 289.
Baïaduc, 290.
l3enetltlct, 118, 12.J.
Berger, 108.
Berkltan, 437.
Bernlanlt, 441.
Binet, 4 47.
Binswanger, 105.
Blanche, 203.
Boeumler, 303, 311.
Bonnet 459.
Bouchereau, 259, 260, 417.
Bourneullp, 250.
Bouveret, 421. 1 .
Bouzol, 420.
Boyer, 85.
Briaml, 96, 259, 260, 262, 264, il,7.
Bi,ou,irdel, 298.
Campbell, 431.
Chapman, 434.
Chariot, 398.
Charpentier, 95, 29, 2G ! , 26-).
Chaslin, 452.
Chpoliansky, 454.
Christian, 191, 260.
Cotard, 258.
Coutagnp, 92.
Dagonet, 258.
Deiiy, 8 85, 92, 121, 421, .38, 443.
Déjerme, 78.
Donath, 255.
Dotvall (\l;tc), 420.
Edel, 286....
Edinger, 303, 313, 459
Enoelslajrnn, 4 ?
Eparwer, 4°I.
Erb, 303.
Eulenburg, 289, 290.
Eyselein, 111.
l'alk, 2S3, 257.
lulret, ? 69, 261 .
Féré, 80, 95, 4s, 458, 459.
Flesch, 112.
Ftiedenreicli, 291
Freunil, 233.
lrew, 80.
Friedmaim, 315.
Fritsch, 87.
Fuerstnsr, 305.
Garnier, LIS.
Glaser-, 426.
Uollstein, QS6.
Grasset, 156, 380.
Grashey, 103, 110, 312.
Gudridi, 109.
Guinand, 438.
Gumprccht, 107.
Hallages, 292.
liasse, 88, 99.
Hartmann, 84.
Herzen, 238.
Hitzig, 100.
Hoffmann, 78.
Howclen, 433.
Hublé, 29. '
Ideler, 269.
lmmermaun, 301.
Iraclidy, 249.
Jastrowitz, 268, 283, 286, 287.
Jelm, 106, 111.
Jenclrassik, 356.
Jolly, 304.
470 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
Kahlbaum, 106, 111.
Kahn, 313.
Kast, 320.
Iiéraval, 77, 78, Si, 86, 87, 88, 92,
113, 233, 234, 23 238, 253, 254,
255, 256, 257, 281, 301, 320, 332,
424, 425, 4 ? G, 437, 438, 441, .i43,
'.59.
Kelp, 299.
Kirchlioff, 253.
Kjellberg, 292.
Kceni, 2G5.
Kourad, 424.
Landouzy, 78.
Langwieser, 88.
Lannois, 1.
Laurencin, 445.
Lécorclé, 54.
Legrain, 42.
Lehmann, 442.
Leite (Souza), 216.
Lelare, 45ç.
Lerrioiiie, 1.
Lépine, 84.'
Levy, 2G8.
Loetr (senior), 269, 277, 286, 287.
Lcevenfield, 77.
Luys, 446.
Diacphail, 432, 435.
Magnan, 262.
lllawet, 129.
Marie, 15.
nlayet, 85.
lllendel, 105, 110.
nleschecle, 107, 110, tt t.
lleynert, i t 4, 1 5, 116, 233.
illickle, 427, 435.
llloualcow, 237.
Motet, 95, 398. ·
z
Musgrave-CIay (de), 95,94, 95, 238,
244, 4s0, 422, 423, 427, 42S, 429,
430, 431, 432, 433, 434, 435, 436,
437,442,445.
Nebel, 443.
Neftel, 439.
Neroth, 419.
Nicol, 296.
Obersteiner, 288.
Oppenheim, 80.
Oudart, 118.
Parinaud, 15.
Pitres, 337.
Pcetz, 96, 289.
Puistienne, 458.
Rayner,429,430.
Reinltard, 255.
z
Rey, 119, 259.
licher,
ltieger, 244.
Rosenbaclt, 293.
Rossolymmo, 256.
rots, 291.
Roui))an),95.
llumpll, 76.
Sakaky, 269.
Savaôe, z 427, 434.
Sclilangenliaiisen, 437.
Schraeter, 981.
Schultzv, 308
Seeligmuller, 108.
Séglas, 80.
Seguiu, 97G.
Semai, 123.
Sltaw, 42` ? .
Soleil, 293.
Starch, 293.
Steenberg, 288.
Stillina, 314.
Straltan, 441.
Struempell, 912.
Taty, 453.
Thomsen, 80.
Tilling, 86.
Topinard, 124.
Tuczek, 308, 311.
Paillard, 337.
Vejas, 2jl.
Verriest, 119.
Vinay, 85.
Voiceuet, 458.
Voisin, 263, 446. '
Wagner, 42 ?
Warner, 238.
Watteville (de), 443.
Wcil, 443.
Westphal, 257, 425.
Wigtesworth, 92, 42), 4RS, 430, 431
Witkowski, 317.
Wood, 429.
Yellowlees, 436.
Zaclter, 87, 308, 310.
Zeiiker, 286.
Zohrab, 405.
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE PREMIÈRE
FOYER DL RAMOLLISSEMENT AYANT DÉTRUIT LA MOITIE DU CORPS C1LLCIJY, ETC.
Hémisphère cérébral droit de 131d... (Ons. II). Coupe verticale et <)'M ? M-
versale, entre les tubercules mamill aires et les pédoncules cérébraux,
dessin deini-schëmanque d'après un croquis fait d'après nature le jour de
l'autopsie *
C c, corps calleux.
VSI, ventricule de la cloison transparente.
C 0, Couche optique.
A m, corne (I'Aininoii
SR, sillon de Rolando.
F, foyer de ramollissement ayant détruit la moitié du corps calleux, la
circonvolution qui le surmonte, la partie supérieure du noyau caudé
NCa, et une grande portion de la substance blanche sous-rolandiquc
Si/, scissure de Sylvius et lobule de l'insula.
C. iiit., capsule interne.
Sph. V l, corne sphënoidaie du ventricule latéral.
472 EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE II
(Dessins faits à la chambre claire.)
F ? f7Scgme)it()ont.)a.g'.nnedcmyetineesta)tfreedanssGS por-
tions hériphértques, a, et transformée en une matière granuleuse d'un
gris cendré. Au centre, persiste un cordon, b, de myéline homogène,
encore intacte; s, segments normaux.
Fig. 2. Segment dont la myéliue est réduite en une série de grosses
sphères remplies de fines granulations noires, grises, jaunes ou am-
brées. Entre ces sphères, on ne distingue aucune trace de cylindre-axe;
- s, segments normaux.
Fig. 3. Segment où les débris de myéline sont représentés par
quelques sphères remplies de granulations noires, grises, ambrées et au
milieu desquelles on rencontre souvent un noyau. Entre les sphères, la
gaine de Sehwann affaissée ou plissée, contient encore une matière
protoplasmique grenue, jaune ou grise; a, plus de trace de cyluldre-
axe; s, segments normaux.
Ftg. 4. Altération segmentaire. Disparition presque complète de
la myéline. Sur la plus grande partie de son étendue, la gaine de
Schmaun est Ilétrie, plissée; aucune trace du cylindre-axe; s, segments
normaux.
1%ig. 5. - Segment atrophié.a.gainedeSchwannvide.plissée.
&,noyaux;aucunettacedec\tindre-axe ? s, segments normaux.
Fig. 6. Altérations segmentaires successives, séparées par des seg-
ments ou des portions de segment encore intacts; s, segments in-
demnes. a, segments atrophiés ; la gaine de Sehwann plissée semble
contenir une matière homogène d'un jaune ambré et des noyaux ovoïdes.
Fig. 7. Portion de segment présentant en a des lésions semblables
à celles que l'on observe dans la dégénération wallérienne.
Fig. 8 et 9. Segment et portion de segment présentant la phase de
restauration.
4 IImiisskv. mnp - 580.