(1886) Archives de neurologie [Tome 11, n° 31-33] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1886) Archives de neurologie [Tome 11, n° 31-33] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

DE r.

NEUROLOGIE

Vl P.13 X , IMPRIMERIE DE CHARLES lien

ARCHIVES

DE Ex

NEUROLOGIE

REVUE

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

PUBLIBF. 30119 LA DIItIW110\ DE

J.-M. OU ARGOT

AMX I.A rcitl.AlmllAriON DIC

MM. BALLET, BERNARD, BITOT BLANCIIAI1), BONNAIIIE (E.), UOUCHËREAU,

BmAND(5f.),BRCOX(P.),B)USSAUD(Ë.),'BHOUA)U)EL(P.),f : ATSARAS,C) ! AHPEriTOEn,

COTAItU, UEBOVE(61.), DELASIAUVE, DENY, DUMÉNIL, DUIIET, UUVAL(lLrnms),

VERRIER, GAUTIEZ, GÉRENTE, GILLES DE LA TOUHETTE, GOMBAULT, GRASSET,

HUBLI ? , HUCH41tU, JENUItASSIK, JOh'PItOY (A.), KAHN (T.), KELLER, KÉRAVAL (P.),

KOJEWNIKOF, LANDOUZY, LANNOIS, éCORCHé, LEGRAIN, LEGRAND DU SAIiLLE,

LEMOINNE, MAGNAN, MAIRET, M,R.4,NI)ON DE MONTYEL, MARIE, MAYGIIIER,

MAYOtt, IIEIIZI : JE\VSKY,hIUSGRAVE-CLA1',PAItINAUD, PETEL, P1ERHET,

PIGNOL, PITRES, POPOFF, RAYMOND, REGNA)) ! ) (P.). REGNARD (A.), HICHEX (P.),

SÉGLAS, SEGUIN (E.-C.), SIICOItSKY, SOUZA LEITE, TALAMON, TARNOWSKY,

TEINTURIER (I : .J,TIIW.11 : (H.), TROISIEII (E.), VA1LLAR1), V1GOUROUX (R.).

\0)S[N(J.),ZOHHAB.

Rédacteur en chef : BOURNEVII.LE

Secrétaire de la rédaction : Cil. Férue

Dessinateur : LEUBA.

Tome XI. - 1886. 1

Avec 2 planches et 12 ligures dans le texte.

PARIS

BUREAUX DU PHOGIIÈS MIsUICAi.

ilq, rue des Garnies.

1886

Vol. XI. Janvier 1885. N" 31

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

CLINIQUE NERVEUSE

DES MANIFESTATIONS \IF11NGITIQUES ET CÉRÉBRALES DES

OREILLONS [Contribution ci l'étude des troubles nerveux consé-

cutifs aux maladies aiguës) ;

Par les D9 M. LANNOIS et G. LEMOINE

I. Les oreillons ont été considérés par quelques

auteurs comme une affection locale relevant de causes

locales ; mais cette manière de voir, qui d'ailleurs a

toujours eu des opposants, n'est plus guère soutenue

aujourd'hui : pour la grande majorité des pathologistes

la maladie ourlienne est une maladie générale, vrai-

semblablement de nature infectieuse.

Cette opinion s'impose, au point de vue purement

clinique, par le seul fait des allures mobiles de la ma-

ladie, qui se traduit par les localisations lesplus variées :

à la parotidite, manifestation habituelle de la maladie

et qui lui a donné son nom, on voit succéder l'orchite

ou la vulvite; ici c'est la mamelle qui se prend, là

l'appareil sécréteur de l'urine ; chez tel malade l'agent

infectieux des oreillons va se localiser sur les séreuses

Archives, t. XI. 1

2 CLINIQUE NERVEUSE.

articulaires ou cardiaques, chez tel autre sur les

organes des sens, l'oeil ou l'oreille.

On aurait pu s'étonner, dans de telles conditions,

si le cerveau et ses enveloppes étaient restées

indemnes; aussi n'en est-il rien. On peut même dire

que les manifestations cérébrales des oreillons devaient

être parmi les premières à frapper les observateurs;

car, dans cette maladie si bénigne, elles sont presque

les seules qui aient par elles-mêmes un pronostic

grave, presque les [seules qui puissent causer la

mort.

La terminaison fatale par accidents cérébraux est

déjà signalée par Hamilton ' qui en rapporte un

exemple : Au printemps de 1758, un jeune homme de

vingt-deux ans présente des oreillons doubles et de

l'orchite; le deuxième jour, il 'est pris de délire et de

folie furieuse et succombe le troisième. Il ne fut pas

fait d'autopsie.

Trenel 2 rapporte deux cas de mort dûs à des

troubles cérébraux mal déterminés, et Astley Coopter 3

a vu la disparition soudaine des oreillons être suivie de

symptômes de compression cérébrale et de délire chez

un enfant qui succomba au bout de huit jours ; il pense

que dans ce cas la rétrocession s'est faite sous l'influence

de lotions d'alcool et de sous-acétate de plomb.

Aussi dans son Traité de Pathologie médicale *,

J. Frank admet-il sans réserve que la disparition des

t Hamilton. - London .41ed. Journ., t. ll.

2 Trenet. Tlipse de Sli-asbourg, 1812.

3 A. Cooper. 7 ? -aMc<t'o)t française de Cliassaignac et Richelot, 1835,

-p. 334.

4 J. Frank. Pathologie Médicale, t. V.

MANIFESTATIONS MENINGITIQUES DES OREILLONS. "3

fluxions parotidiennes peut être suivie de céphalalgie,

de délire, et même de mort.

Niemeyer' cite également un cas de mort par ménin-

gite dans le cours des oreillons.

On trouverait certainement d'autres cas de termi-

naison fatale à la suite des accidents cérébraux tels

qu'ils ont été indiqués parles anciens auteurs, Murât,

Groffier, Ressiguier, etc. Plus récemment Malabouche2

en a cité un cas, et M. Gillet' a rapporté l'histoire

d'un homme qui succomba rapidement après avoir

présenté du délire et deux pertes de connaissance suc-

cessives. Nous ne croyons pas devoir insister plus

longuement sur ces faits en raison des indécisions de

la description clinique et de l'absence de constations

anatomo-pathologiques.

Nous laisserons aussi de côté les faits qui ont été

publiés récemment par M. Glénereau`; la plupart de

ses malades avaient déjà présenté antérieurement des

accidents cérébraux graves (convulsions', attaques

épileptiformes, etc.).

Mais il s'en faut heureusement que le pronostic de

ces accidents soit toujours aussi grave; un peu avant

l'apparition de l'orchite ourlienne, ou coïncidant avec

celle-ci, on voit parfois survenir des troubles cérébraux

très intenses, rappelant la méningite, et qui, après avoir

donné lieu aux plus vives inquiétudes, se dissipent

rapidement et disparaissent sans laisser de traces.

1 Niemeyer. - Traité de Pathol. interne, 1869.

2 Malabouche. Thèse de àlontpellie)-, 1867, 11- 14. : 1 Gillet. Gaz. des Hôpitaux, 1873.

1 Glénereau. Sur une épidémie d'oreillons 'compliqués d'accidents

cérébraux (Bull. de Thérap., mai, É884).

4 CLINIQUE NERVEUSE.

Behr rapporte le fait d'un homme qui, atteint d'o-

reillons le 25 décembre, ne semblait pas en mauvaise

voie, lorsque le 20 il tomba brusquement dans le coma.

Behr le trouve dans l'état suivant : face pâle, yeux

fixes, carphologie, fièvre intense, pouls à 115, respi-

ration stertoreuse. Le lendemain matin il allait mieux

mais le soir même il présentait une nouvelle attaque

comateuse. Deux jours plus tard, amélioration sensible

qui va en s'accentuant, et le 7 janvier le malade est

guéri.

Dans le mémoire de Lyncha consacré aux manifes-

tations nerveuses de la goutte, on trouve un cas d'o-

reillons dans lequel il survint des accidents cérébraux

sous forme de délire avec illusions des sens et bourdon-

nements d'oreille. La face était pâle, le malade excité

et nerveux; pendant la nuit, délire violent. Le lende-

main, il est calme, le pouls est à 40, pas de dilata-

tion des pupilles. Ces accidents disparaissent rapide-

ment après une nuit tranquille et un sommeil profond.

La leçon clinique de Trousseau', si remarquable et

si souvent citée, fit bien connaître en France la possi-

bilité de ces accidents nerveux et les rendit classiques.

On connaît les deux cas qu'il avait observés : chez le

premier malade, au déclin des oreillons, anxiété inex-

primable, face,pâle, grippée, pouls petit, inégal, extré-

mités froides, tous phénomènes qui disparaissent avec

le début de l'orchite. Chez le deuxième, un jeune homme

de dix-sept ans, des oreillons légers passent inaperçus,

1 Behr. - Ilufeland's Journal, LXI, Hft. I.

2 Lynch. The Dublin quart. Journ. ofmed. Se., t. XXI, 1856, p. 29n.

à Trousseau. - Arch. géit. de méd., 1854 et Clinique de l'Hdtel-Diezi,

1, p. 252, 5e édition.

MANIFESTATIONS MÉNINGITIQUES DES OREILLONS. 5

puis il survient une fièvre ardente avec délire, carpho-

logie, vomissements, selles séreuses et involontaires;

on concevait déjà les plus vives inquiétudes lorsque

l'apparition d'une orchite permit à Trousseau de porter

un pronostic favorable.

Ce sont donc là des faits bien connus, et pour notre

part, nous avons vu à l'hôpital militaire de la Charité,

à Lyon, un cas qu'on aurait facilement pris pour une

méningite, si on n'avait été renseigné par l'état du tes-

ticule. On trouve de même dans la thèse de Lemar-

chand', un cas de Laveran, où l'état général était si

grave qu'on hésitait entre une fièvre typhoïde et une

méningite, lorsqu'on découvrit par hasard une tumé-

faction de l'un des testicules.

Un des derniers travaux importants sur ces manifes-

tations ourliennes est le mémoire de Gaillard, qui

leur consacre une notable partie de sa thèse et qui,

pour soutenir la parenté du rhumatisme et desoreillons,

les compare aux complications cérébrales du rhuma-

tisme articulaire aigu. Il rapporte six observations dans

lesquelles on trouve notés, à des degrés divers, de l'a-

battement, de la stupeur, des contractions spasmo-

diques, de la raideur de la nuque, de l'opisthotonos,

de la céphalalgie, de l'hyperesthésie, de la photophobie,

du délire, et enfin du coma.

Le malade qui fait l'objet de sa sixième observation

fut même, durant sa convalescence, atteint de manie

et d'aliénation mentale que l'auteur s'efforce de ratta-

cher aux oreillons.

En somme, il résulte de cette énumération, peut-être : ' Lemarchand. Thèse de Paris, 1875, Laveran. Art. Oreillons

in dict. Decliambre.

6 CLINIQUE NERVEUSE.

trop longue pour le lecteur et qu'on pourrait facile-

ment allonger encore, que la maladie ourlienne peut

s'accompagner de symptômes méningitiques , que ceux-ci

se présentent habituellement avec les allures mena-

çantes et que, si bien souvent la menace ne se réalise,

il n'en faut pas moins leur attribuer une bonne part

des morts par oreillons. Mais, nous le répétons, ce sont

là des idées bien connues depuis les leçons de Trousseau,

et nous n'aurions pas entrepris de rédiger cette note si

nous n'avions dû arriver qu'à cette constatation.

II. Ce que nous désirons montrer, c'est qu'il existe

dans le cours des oreillons des accidents cérébraux

autres que ces phénomènes méningitiques, accidents qui

ne sont plus comme ceux-ci aigus et transitoires, mais

qui au contraire persistent pendant un temps rela-

tivement long et attestent une lésion plus grave du

cerveau lui-même, nous voulons parler de l'aphasie et

des paralysies.

Il est possible, nous aurons à revenir sur ce point,

qu'il existe dans les deux cas un état inflammatoire

des méninges, mais dans le premier il n'y a qu'une

irritation des couches corticales sous-jacentes, dans le

second il y a une lésion des cellules de la substance

grise, une véritable encéphalite superficielle.

Nous résumerons d'abord un cas recueilli dans le

service du Dr Monro, et dont les notes sont dues à

M. Healy'; il nous servira de transition.

Un jeune homme de quinze ans, très nerveux, ayant beau-

coup de goût pour les mathématiques, contracte les oreillons.

1 Case of ya·otitis followed by o)'c/<t<M<K ! MCK : ny)7 ? < ? température,

^ecocerJ The Lancet, août 1883).

MANIFESTATIONS MENINGITIQUES DES OREILLONS. 7

Il paraissait guéri lorsque survinrent du délire, de la fièvre

et, le lendemain, une orchite. A partir de ce moment, la fièvre

au lieu de céder augmente considérablement et atteint le chiffre

énorme de 4.1,7 le soir du cinquième jour. Les pupilles sont

dilatées et insensibles à la lumière; constipation opiniâtre. Le

délire augmente et devient furieux les jours suivants, de sorte

qu'on est obligé d'attacher l'enfant. Le huitième jour, coma,

pouls filiforme et presque insensible. Toutefois, la température

s'étant légèrement abaissée le lendemain (39°,4), il revint' un

peu à lui, mais présenta des crises de manie furieuse pendant,

lesquelles il cherchait à mordre. Il est à noter qu'il n'y eut pas,

de céphalalgie, ni de vomissements.

A partir de ce moment il se rétablit lentement. Pendant' ·

près de six mois il eut de la peine à marcher, la démarche était

incertaine et incoordonnée. Il y a une difficulté manifeste de

la parole : il fait des efforts comme s'il voulait parler le plus !

vite possible et n'énonce qu'incomplètement les mots. Agra-

phie marquée. Les pupilles continuent à être très dilatées, et le '

malade s'émotionne facilement quand on lui parle.

Les phénomènes méningitiques du début sont donc

suivis ici de troubles persistant pendant six mois : z,

troubles de la parole, agraphie, parésie et incoordina-.

tion des membres inférieurs. Dans l'observation sui-

vante, rapportée sans grands détails d'ailleurs part

M. Janson-Zuède', on trouve de l'aphasie et une pa-

ralysie localisée au bras droit. Ces accidents furent

transitoires.

Il s'agissait d'un jeune homme de dix-sept ans, atteint de

parotidite et d'orchite à droite, chez lequel le pronostic sem-

blait favorable, lorsqu'il fut pris tout à coup de délire furieux;

la face est très pâle, la langue sèche et fuligineuse, la déglu-

tition difficile, les pupilles immobiles; il y a en même temps

de l'aphasie et une monoplégie brachiale droite avec anesthésie,

le pouls est très lent, enfin il y a de l'anurie.

Sous l'influence d'un traitement énergique (drastiques, ré-

1 Janson-Zuède. Ann. de la Soc. méd.-ch. de Liège, mai 1884.

8 CLINIQUE NERVEUSE.

vulsifs, etc.), les accidents s'amendèrent rapidement et au

bout de cinq jours, les symptômes graves avaient disparu. Le

malade guérit rapidement.

Il est regrettable que ce fait intéressant n'ait été

rapporté qu'avec peu de détails, et que ceux même

qui sont donnés offrent peu de précision, ! L'aphasie est le symptôme le plus frappant dans une

observation rapportée récemment par 11Z. Sorel', et c'est

à peine si le malade a recouvré l'intégrité de la parole

au bout de quinze mois.

G... (Jean), vingt-quatre ans, caporal infirmier, entre à l'hô-

pital militaire de Sétif le 27 mai 1882, au quatrième jour d'une

épididymo-orchite droite qui a été précédée d'une parotidite

double fugace. L'orchite rétrocède dès le 29, la fièvre ayant

atteint son apogée (41°,ts) le 28 mai; l'apyrexie est complète

le 2 juin.

Le délire fait son apparition le 29 mai, alors que la tempé-

rature commence à descendre mais est encore au-dessus de 40° ;

il se continue les deux jours suivants et ne cède que le 1 Pr juin

au moment où la défervescence s'achève. Ce délire de moyenne

intensité a les plus grandes analogies avec celui de la fièvre

typhoïde ; il est plus ou moins professionnel et cesse momen-

tanément quand on provoque l'attention du malade.

"Au délire succède un abattement des plus marqués, avec

anorexie presque absolue, d'une durée de quatre à cinq jours.

Le le, et le 2 juin, le pouls, petit, bat 90 fois à la minute,

l'urine est albumineuse et les selles contiennent un peu de

mucus sanguinolent.

La convalescence ne s'accuse que peu à peu ; en même temps

apparaissent des troubles du langage. Les réponses sont lentes ;

la langue, qui parait moins mobile au malade, fourche sur

certaines syllabes ; les mots sont cherchés, sans qu'il y ait subs-

titution de l'un par l'autre, mais assez souvent le mot propre

fait défaut ouest trouvé avec peine; cependant, d'après le

i Sorel. Orchite ourlienue atrophiatte; complications cérébrales,

aphasie légère, mais prolongée (Arch. de inéd. niil., d3c. 1883).

MANIFESTATIONS MENINGITIQUES DES OREILLONS. 9

malade, l'idéation est intacte, la conception des mots nette,

seul le passage à l'expression verbale est difficultueux. Il n'y

a chez lui ni cécité, ni surdité verbale, mais seulement un

certain degré d'aphasie motrice. Un mot trop long reste inachevé,

la formation des dernières syllabes étant oubliée au temps même

où les premières sont prononcées.

Le malade sort de l'hôpital le 2 juillet; ses forces restant

amoindries, et les troubles du laugage persistant, bien qu'atté-

nués, il est envoyé en congé de deux mois vers le milieu de

septembre. A son retour, en novembre, les forces sont reve-

nues ; il éprouve encore quelque difficulté à s'exprimer et c'est

à peine s'il a recouvré l'intégrité du langage en septembre 1883.

Enfin dans le cas que nous avons nous-mêmes ob-

servé, l'atteinte du cerveau est plus profonde et plus

persistante ; notre malade présente de l'aphasie et une

hémiplégie droite qui vont, il est vrai, en s'améliorant,

mais qui paraissent cependant suffisantes pour motiver

la réforme. Voici le fait :

Thorreau, 2° canonnierau 32e régiment d'artillerie à Orléans,

s'esttoujours bien porté, et n'a jamais eu d'accidents de rhuma-

tisme, ni de syphilis. Ses parents (père et mère) sont bien

portants; jamais, dit-il, il ne les a vus malades.

Le z ? mars 1883 (il régnait à ce moment au 32° d'artillerie une

épidémie d'oreillons qui atteignit t5t malades), il est admis à

l'infirmerie pour des oreillons doubles sans symptômes inquié-

tants et sans gonflement excessif des régions parotidiennes. La

tuméfaction commence à diminuer dès le z5 et le malade

paraît en bonne voie.

Le 28 au soir, le malade est pris subitement de vomissements

d'abord alimentaires, puis bilieux, et perd connaissance. L'un

de nous, appelé immédiatement, voit le malade quelques ins-

tants après et le trouve dans un état de stupeur voisin du coma.

Toutefois, en l'excitant un peu, on arrive à le tirer momenta-

nément de sa torpeur; il semble alors comprendre les inter-

rogations qu'on lui pose et essaie de répondre et ne réussit

qu'à rendre des sons inintelligibles; il retombe rapidement

dans son état primitif d'assoupissement.

Le corps est dans la résolution, mais on constate facilement

10 CLINIQUE NERVEUSE.

une paralysie absolue du mouvement dans les membres supé-

rieur et inférieur du côté droit. Il y a une hémianesthésie

complète des membres et du tronc; une épingle, enfoncée

jusque dans le tissu cellulaire sous- cutané, ne provoque aucune

réaction, tandis qu'à gauche les pincements, et les piqûres un

peu violents sont parfaitement sentis.

Il a en même temps un certain degré de contracture dans

les membres du côté droit qui sont dans l'extension ; on éprouve

une résistance manifeste soit pour les fléchir, soit pour les

étendre.

Les pupilles sont dilatées. On constate à la main une éléva-

tion très notable de la température. On interroge ses voisins

sur les phénomènes qui ont accompagné la perte de connais-

sance ; rien ne rappelle les phénomènes épileptiformes.

Le malade est envoyé à l'hôpital d'urgence.

Le 29 mars, à la visite du matin, on trouve comme la veille

une hémiplégie droite; la face est paralysée du côté gauche.

Déviation conjuguée des deux yeux à gauche. La langue est

aussi un peu déviée du côté gauche. La raideur des membres

persiste quoique atténuée; l'anesthésie a beaucoup diminué.

La connaissance est parfaitement revenue; mais il ne peut,

malgré ses efforts, articuler aucune syllabe; il comprend très

bien ce qu'on lui dit et répond oui et non par des signes de tête.

Il porte fréquemment la main gauche à sa tête et fait com-

prendre qu'il souffre beaucoup. Les pupilles sont toujours di-

latées.

Les vomissements bilieux se sont renouvelés ce matin ; ano-

rexie, soif vive, constipation; le ventre est manifestement ré-

tracté.

La fièvre est assez marquée, 39°, le matin, 39°,la le soir;

mais il y a un fait qui frappe immédiatement, c'est la lenteur

relative du pouls qui ne bat que 60 fois à la minute. L'aus-

cultation du coeur et de la poitrine reste négative.

Sulfate de soude, dix sangsues aux apophyses mastoïdes.

Le 30, l'état est le même mais un peu amélioré; la paralysie

et l'aphasie persistent, mais la déviation des yeux a disparu et

la paralysie faciale est très atténuée. Le retour de la sensibilité

est très appréciable, quoique encore imparfait. Cependant la

fièvre est toujours notable, 38°, 8 le matin, 39°, 5 le soir.

De plus on apprend que le malade a uriné au lit, et on constate

qu'il s'agit d'une miction par rengorgement ; car la vessie est

MANIFESTATIONS 112ÉNInGITIQUES DES OREILLONS. 'il i

pleine et la sonde en retire une assez grande quantité de liquide

limpide et fortement coloré.

Le 1" avril, les symptômes continuent à s'améliorer; la

raideur musculaire et l'hémianesthésie ont presque complète-

ment disparu. Le malade, qu'il avait encore fallu sonder la

veille, urine seul. La température s'abaisse, 38°,5 le matin,

38°,7 le soir.

Pendant quelques jours, l'état se maintient stationnaire et

il faut arriver au douzième jour après l'accident, au 10 avril,

pour voir reparaître quelques mouvements assez faibles

d'ailleurs dans les membres paralysés. La paralysie de la face

s'est complètement dissipée. Il répond oui et non et répète le

mot pain quand on le prononce devant lui. La température

après avoir suivi une marche régulièrement décroissante est

aujourd'hui normale. Le malade commence à avoir un peu

d'appétit, mais il est toujours constipé et on lui donne tous les

deux ou trois jours un peu de magnésie.

Un changement des plus notables se produit à partir de ce

moment ; il nomme les objets qu'on lui présente (assiette,

couteau, etc.) sans trop de difficulté. Les membres, sous

l'influence des courants faradiques, reprennent leurs mouve-

ments, et il les déplace facilement dans son lit. Le 25 avril, il

peut faire quelques pas appuyé sur une canne.

Pour ne pas allonger inutilement cette observation, nous

ajouterons seulement qu'au moment où le malade a été perdu

de vue, l'aphasie avait disparu presque complètement et ne se

traduisait plus que par de l'hésitation pour prononcer certains

mots ; on ne peut en particulier lui faire articuler convenable-

ment le mot fourchette. Il y a encore de la faiblesse assez

marquée dans les membres à droite : la main droite serre avec

beaucoup moins d'énergie que la gauche. Il traîne la jambe en

marchant et est obligé de s'appuyer sur sa béquille ou sur sa

canne; il se fatigue vite. L'état général est excellent.

A la date du ler avril 1885, nous avons appris que Thoreau

était complètement guéri de sa paralysie et que depuis plus

d'un an il s'était placé dans nne ferme.

Quelle est la nature des troubles nerveux que nous

venons de décrire au cours des oreillons. Le mot de

métastase, qui suffisait aux anciens auteurs, n'est en

12 CLINIQUE NERVEUSE.

somme qu'une étiquette qui ne peut nous satisfaire;

aussi a-t-on cherché une explication plus précise, sans

beaucoup de succès, il faut l'avouer.

Pour Eichhorst', ces accidents seraient dûs simple-

ment à une hyperhémie cérébrale passive, reconnaissant

pour cause la compression de la jugulaire par la tumeur

parotidienne : explication qui n'est pas soutenable,

en présence de faits (celui de Janson-Zuède, par exemple)

dans lesquels la lésion cérébrale siège du côté opposé

à l'oreillon, ou d'observations dans lesquelles on voit

les troubles cérébraux survenir précisément au moment

où la parotidite disparaît.

On a invoqué aussi la possibilité d'embolies car-

diaques, et le fait trouverait un appui dans les obser-

vations si intéressantes rapportées par M. Jaccoud et

M. Grancher, en France, par Appleyard, en Angleterre,

d'endocardites aiguës développées au cours des oreil-

lons : mais, outre que l'embolie ne pourrait expliquer

les phénomènes d'excitation cérébrale, il est des cas,

comme le nôtre, où l'intégrité du coeur est nettement

indiquée. Nous n'ignorons pas qu'une coagulation

pourrait se former insidieusement dans un point du

coeur, dans l'auricule gauche par exemple, et devenir

le point de départ de l'embolus ; dans l'intéressante

discussion d'un cas d'hémiplégie droite et d'aphasie

survenues chez un malade atteint de fièvre typhoïde,

M. Vulpian en a admis la possibilité. Il conclut ce-

pendant que chez son malade il y avait plutôt une

thrombose de la sylvienne gauche qu'une embolie.

i Eichhorst. Ziemmsen's Ilandbuch, 1883.

2 Vulpian. 0<)'K(;< ! 07tde<'ay ? e ? eKtte gauche dans la fièvre

typhoïde (Reu. dernéd., févr. 88 ? ).

MANIFESTATIONS MENINGITIQUES DES OREILLONS. 13

La complexité des lésions dans notre cas rend toute

explication bien plus difficile encore. Puisque l'absence

de constatation anatomique nous réduit aux hypo-

thèses, nous pourrions admettre qu'il s'est fait en un

point de la sylvienne gauche une endartérite et une

thrombose tenant sous leur dépendance l'aphasie et

l'hémiplégie; il ne s'agirait d'ailleurs que d'une obs-

truction incomplète ou ayant cédé rapidement, puisque

l'aphasie disparut au bout de quelques jours et la

paralysie après quelques mois.

Cette thrombose nous semble probable, mais elle ne

peut suffire à elle seule à expliquer tous les phénomènes

observés. Elle ne rend pas compte en particulier de

l'hémiplégie faciale gauche, non plus que des phéno-

mènes divers tels que la fièvre, les vomissements,

l'anesthésie, les phénomènes pupillaires, etc. Notons

également qu'il serait aussi difficile de les expliquer

tous par une lésion de la protubérance.

Tous ces symptômes, fièvre, vomissements, consti-

pation, ralentissement relatif du pouls, raideur des

membres paralysés, dilatation pupillaire, nous semblent

nettement se rattacher chez notre malade à une hyper-

hémie active des méninges et de la couche corticale

sous-jacente. Il y avait vraisemblablement chez lui de

la méningo-encéphalite, et cette méningo-encéphalite

atteignait les deux hémisphères. Si on admet ce point,

comme nous sommes disposés à le faire, on pourra se

rendre compte assez facilement des phénomènes obser-

vés : la lésion cérébrale consécutive à la méningite,

peut-être à des exsudais plus ou moins abondants pour

certains points, était légère sur le tiers inférieur de

a circonvolution frontale ascendante droite et n'a

14 le CLINIQUE NERVEUSE.

entraîné qu'une hémiplégie faciale gauche passagère ;

plus intense dans la région psycho-motrice et sur le

pied de la troisième circonvolution frontale à gauche,

- s'accompagnait d'un certain degré d'obstruction de la

sylvienne gauche, elle a entraîné de l'aphasie ayant

duré une quinzaine de jours et de l'hémiplégie plus

durable, quoique également passagère. Il se serait

passé là ce qui s'observe d'ailleurs dans certaines mé-

ningites aiguës, et surtout dans la méningite tubercu-

leuse, où l'on voit des paralysies partielles très diverses,

échappant à toute formule absolue, aussi variables

que le siège et le nombre des lésions.

III.-Nous pensons donc, en résumé, que les acci-

dents encéphalopathiques des oreillons doivent être

rattachés à des lésions méningées d'ordre congestif ou

inflammatoire; le plus souvent celles-ci ne déterminent

qu'une irritation superficielle qui disparaît rapide-

ment après avoir donné lieu à des symptômes plus

redoutables en apparence qu'en réalité. Au contraire,

dans quelques cas de nombre heureusement restreint,

elles donnent naissance consécutivement à des lésions

de l'encéphale lui-même (encéphalite ou ramollisse-

ment) qui produisent alors des aphasies et des para-

lysies plus ou moins graves et durables. Parfois même

elles peuvent entraîner la mort.

Il nous semble aussi qu'un enseignement se dégage

des observations que nous avons rapportées : chez le

malade de Janson-Zuède, les accidents cédèrent en peu

de jours aux émissions sanguines locales et aux pur-

gatifs. Il faut donc, chez les malades ourliens présen-

NEVRALGIE ET PARALYSIE OCULAIRE. 15

tant des symptômes cérébraux qui peuvent tout à coup

prendre des allures menaçantes, recourir à une théra-

peutique immédiate et énergique.

NÉVRALGIE ET PARALYSIE OCULAIRE A RETOUR PÉRIODIQUE,

CONSTITUANT UN SYNDROME CLINIQUE SPÉCIAL;

Par II. PARINAUD et P. MARIE.

L'affection dont il s'agit n'a pas encore été décrite

en France, et nous ne croyons pas qu'il .en ait été

publié d'observation, du moins dans les principaux

recueils que nous avons pu consulter à ce sujet.

C'est tout récemment (1884) que P.-J. Môbius a

appelé sur elle l'attention dans un travail où se

trouvent rapportés un cas qu'il a étudié personnelle-

ment et deux autres observations analogues de v.

Hasner et de Saundby; depuis ce travail, d'autres

observations ont été publiées par Thomsen, Remak,

Saundby etc. ; il semble donc que les cas soient plus

fréquents qu'on aurait pu le penser tout d'abord;

ajoutons que de l'analyse de toutes ces observations,

eu égard à l'analogie vraiment frappante des symp-

tômes présentés, il nous paraît légitime de conclure

qu'on est là en présence non pas d'une association

fortuite de phénomènes plus ou moins bizarres, mais

d'un syndrome parfaitement comparable à lui-même

et méritant une place à part dans la nosographie.

C'est à la consultation externe de M. le professeur

Charcot que nous avons eu l'occasion de voir et

16 CLINIQUE NERVEUSE.

d'étudier la malade dont nous publions ci-après l'ob-

servation.

Observation I (Personnelle) 11m° Marie Per..., vingt-

six ans, mariée, trois enfants, pas de fausses couches, bonne

santé habituelle d'un caractère un peu emporté.

Mère un peu nerveuse, sans attaques. Grand'mère mater-

nelle morte après deux attaques d'apoplexie. Père alcoolique

violent, pas d'attaques.

Pas de syphilis appréciable; l'impaludisme n'est pas en

cause. Pas de bradytrophiques dans la famille.

Depuis l'âge de six ou sept ans, cette malade éprouve chaque

année au printemps des crises de névralgie orbitaire avec para-

lysie transitoire des muscles de l'oeil dont voici la description :

quand la malade se réveille, elle ressent une sorte « d'engour-

dissement dans le cerveau et dès qu'elle remue les yeux pour

regarder dans la chambre, une violente douleur se déclare au-

dessus du sourcil gauche, pas ailleurs. Cette douleur s'exagère,

et, vers neuf ou dix heures du matin, elle atteint son maxi-

mum. La malade éprouve une soif d'air intense, ouvre toutes

les fenêtres, puis la douleur se calme et disparaît complète-

ment vers midi, en laissant une sensation de lourdeur très

prononcée dans la tête. La nuit suivante, le sommeil est assez

bon et, le matin, les mêmes accidents se reproduisent.

Les accès augmentent d'intensité pendant cinq ou six jours,

restent dans le même état pendant une huitaine de jours, puis

diminuent. Les douleurs peuvent persister pendant deux mois;

au moment où elles sont le plus intenses il y a un peu d'em-

barras gastrique, perte d'appétit, quelquefois des vomissements,

c'est à la fin de la crise de douleurs que surviennent la diplopie

et la chute de la paupière, qui durent environ deux ou trois

mois et disparaissent peu à peu. La diplopie a été assez

gênante pour que la malade ne pût sortir sans être accom-

pagnée. 11 y a, entre chaque crise, des périodes de sept à neuf

mois, où la malade est tout à fait bien n'éprouvant ni dou-

leur ni diplopie.

Vers l'âge de quinze ans, au moment de l'établissement des

1 Celte observation a été communiquée par nous au^Congrès de la So-

ciété franchise d'ophthatmotogie de 1885, et insérée dans les Bulletins de

la Société, [). 283, 1885.

NÉVRALGIE ET PARALYSIE OCULAIRE. 17

règles, les crises ont diminué d'intensité. Elles revenaient tous

les ans, mais la douleur était moins vive ; elles se terminaient

par de la diplopie sans chute de la paupière.

Depuis cinq ans que la malade est mariée, les crises sont

. encore moins fortes; celle de 1883, n'a duré que quinze jours.

Au printemps de 1884, la crise a reparu, encore légère; mais,

pour la première fois, il y en a eu une seconde vers le 8 dé-

cembre. C'est celle-ci qu'il nous a été donné d'observer.

L'examen des yeux fait le 2 janvier, pendant un accès de

moyenne intensité, a donné les résultats suivants :

Paralysie de la troisième paire gauche intéressant toutes les

branches sauf celle du releveur de la paupière supérieure qui

fonctionne normalement. La paralysie est incomplète, le droit

interne est le plus intéressé.

Diplopie caractéristique de la paralysie des droits interne,

supérieur, inférieur, et du petit oblique.

Légère mydriase. L'inégalité pupillaire s'accuse quand on

fait réagir la pupille par la lumière ou la convergence.

Paralysie incomplète de l'accommodation H m = + 1,25 D

dans les deux yeux. S=0 Du 0 G ,=o; champ visuel normal.

Pas de lésions ophthalmoscopiques. Les phosphènes sont beau-

coup plus intenses sur l'oeil malade que sur l'oeil droit.

Le nerf sus-orbitaire gauche, n'est pas notablement doulou-

reux à la pression.

Si l'on provoque la contraction des muscles paralysés, la

douleur sus-orbitaire se développe immédiatement avec une

grande intensité. C'est ce qui a lieu en particulier pour le droit

interne qui est le plus intéressé. Instinctivement la malade

tient le regard fixé à gauche et en bas. Dans cette position

qui met les muscles au repos, elle ne souffre pas.

Un nouvel examen pratiqué le 8 janvier à six heures du soir,

après l'accès, a donné les mêmes résultats.

Le 46 janvier, la malade, qui a pris de fortes doses de qui-

nine va beaucoup mieux. Depuis deux jours, elle n'a pas eu

d'accès. Les symptômes oculaires persistent à l'exception de la

paralysie du droit inférieur qui a disparu. Il n'y a pas de di-

plopie dans la moitié inférieure du champ visuel.

Cette affection est donc caractérisée, d'abord par

une périodicité spéciale, en second lieu par l'asso- !

ciation de deux symptômes, la névralgie et la paralysie

AIHI3,.t, XI. 2

t8 : . CLINIQUE NERVEUSE.

des'muscles de l'oeil ; ou verra que, dans les observa-

tions qui suivent, les mêmes symptômes ont été cons-

tatés et que l'affection s'est dans tous les cas montrée

sous un aspect toujours semblable.

. Observation II (Résumée) '. Fille de six ans, dès l'âge de

onze mois, avait déjà eu pendant trois jours l'oeil droit de tra-

vers ; à l'âge de trois ans pendant neuf ou dix jours, violentes

douleurs dans l'oeil droit, à la suite desquelles celui-ci se met

encore de travers avec chute de la paupière supérieure ; dispa-

rition progressive de la paralysie en huit semaines. Depuis

lors, les accidents se reproduisirent de la même façon chaque

année, c'est-à-dire trois autres fois, apparaissant généralement

au mois d'août; par exception, l'attaque actuelle était sur-

venue au printemps,, débutant par des vomissements d'une

durée de huit jours et par une violente douleur qui en dura

quatorze. Deux jours après la cessation des vomissements,

la fente palpébrale commença à devenir plus petite; et du soir

au matin, l'oeil fut complètement fermé, en même temps que

les douleurs cessaient entièrement; cet état dura quelques

semaines, puis peu à peu de légers mouvements revinrent

dans les paupières et, dix semaines après le début de la para-

lysie on ne pouvait plus remarquer aucun trouble dans les

mouvements des muscles de l'oeil, mais la mydriase subsistait

encore; la mère indiquait d'ailleurs que déjà auparavant, en

dehors des accès, on s'étonnait souvent de la largeur anormale

de la pupille droite de sa fille; et affirmait que toujours, dès

que la chute de la paupière avait eu lieu, les douleurs dispa-

raissaient aussitôt.

Observation III, de von Hasner 1 (résumée).- Fille de dix-

sept ans qui, depuis l'âge de treize ans, tous les mois/avait une

paralysie de l'oculo-moteur commun gauche. Celle-ci commen-

çait par du mal de tête et des vomissements et durait trois

jours. La menstruation s'était établie à l'âge de quinze ans,

1 P : J. Môbius. Ueber periodisch wiederkehrende Oculoniotoriusiah-

mung )9<f Wanderversammlung der sùdwestdeutsclien, Neurologen Berl.

Klin. Gi'ochschft., 1884, n° 38).

1 Prager n2éd. lYocheachr., 1883, n° 10, d'après l'analyse donnée par

Moblus.

NÉVRALGIE ET PARALYSIE OCULAIRE. 19

durait trois jours, et coïncidait avec la paralysie oculaire. On

remarqua que le ptosis disparaissait le deuxième jour, et que

les muscles de l'oeil redevenaient libres le troisième jour,

mais que la mydriase et la paralysie de l'accommodation étaient

encore peu modifiées le huitième jour.

Observation IV, de R. Saundby (résumée). Fille de

dix-neuf ans, ordinairement d'une bonne santé souffrait

depuis l'âge de douze ans, à des intervalles de six à neuf

mois d'accès particuliers. Ils débutaient par de la douleur au-

dessus de l'oeil gauche, des nausées, de la saburre, des vomis-

sements, dès vertiges et de la somnolence, et enfin survenait

du ptosis. Saundby trouva pendant l'accès une paralysie com-

plète des muscles droits interne, supérieur, inférieur, ptosis,

dilatation de la pupille et paralysie de l'accommodation; au

bout de quelques jours , amélioration , la douleur et les

vomissements disparurent ; le ptosis diminua. Au bout d'en-

viron trois semaines le droit supérieur était seul encore para-

lysé, il y avait aussi une légère trace de ptosis. Au bout de

deux mois, violent accès de douleur et de nausées d'une

durée de trois jours. Un accès observé par Saundby deux ans

plus tard avait commencé par de la douleur dans la tempe

gauche, des nausées de la saburre et de la constipation; ces

sympômes disparurent au bout de trois jours et l'oeil fut

paralysé. Huit semaines après le commencement de l'accès, il

existait encore de la paralysie du droit supérieur, de la parésie

du droit inférieur du sphincter de l'iris et du muscle ciliaire.

Observation V, de Thomsen2 (résumée). Le malade, actuel-

lement âgé de trente-quatre ans, d'une bonne santé générale,

sans antécédents héréditaires, fut pour la première fois, à

l'âge de cinq ans, pris d'une paralysie du moteur oculaire

commun de l'oeil droit en même temps que de nausées, de

douleurs céphaliques et oculaires ; depuis lors, cette paralysie

revient régulièrement une ou deux fois par an (mai et octobre)

toujours accompagnée des mômes prodromes. La paralysie

est complète (ptosis absolu, paralysie des droits supérieur,

1 Lancet, 2 sept. 1882, d'après l'analyse de Môbius.

2 Berl. Gesellsch. f. Psych. u. Ne2-veizki-a ? zkh., 10 nov. 1884, d'après le

compte rendu du Neurol. Cbl. 1884 no 23. Cette observation a croyons-nous

été publiée dans les Chartté-.4m : alen. Nous n'avons pas eu ce recueil à

notre disposition.

20 CLINIQUE NERVEUSE.

interné et inférieur, immobilité pupillaire et paralysie de l'ac-

commodation), et dure quelques semaines. Dans la période

libre d'accès existe une parésie d'intensité moyenne de l'oculo-

moteur. Depuis l'âge de treize ans, à la suite d'un traumatisme

céphalique, le malade, a des attaques d'épilepsie. L'auteur

fait remarquer. : 1° que la paralysie de l'oculo-moteur est,

lorsqu'elle s'établit, accompagnée de symptômes psychico-ner-

veux ; 2° qu'un accès incomplet fut observé à la suite d'un

choc moral intense et que la paralysie se trouva augmentée

après un accès d'angoisse nocturne (Angtanfall) ; 3° que le

'champ visuel des deux yeux, mais surtout celui de l'oeil droit

montre un rétrécissement concentrique tout à fait propor-

tionnel à l'intensité de la paralysie, augmentant ou diminuant

avec celle-ci. Au plus fort de la paralysie, le champ visuel de

l'oeil droit ne mesurait que 3-5°, à gauche 20°; les cercles des

couleurs se comportent d'une façon analogue.

L'acuité visuelle se montre, elle aussi, lors de l'acmé de

l'accès plutôt plus abaissée que dans l'intervalle.

L'auteur fait encore remarquer l'existence d'attaques épi-

leptiques, sans d'ailleurs vouloir établir aucune relation entre

les deux affections.

A la suite de la communication de Thomsen, Remak

rapporta :

Observation VI. Avoir soigné, il y a environ deux ans, un

brasseur (alcoolique) âgé de vingt-deux ans, qui depuis sa

douzième année avait des accès commençant par des nausées,

des vomissements et des douleurs dans la tempe gauche puis

aboutissant à de la photophobie et à la paralysie de l'oculo-

moteur commun ; ces accès duraient en tout deux ou trois

semaines et revenaient environ deux fois par an. Depuis trois

ou quatre ans, l'accès se renouvelle environ tous les trois

mois et depuis quelque temps, il persiste même dans l'inter-

valle un léger degré de paralysie du moteur oculaire commun.

Une tentative faite à Koenigsberg pour corriger cette para-

.lysie persistante par une opération de strabisme ne produisit

d'effet que jusqu'à l'accès suivant. Remak n'a pas examiné le

champ visuel de son malade. Il pense que Môbius a tort de

considérer son observation comme un cas de tumeur, et qu'il

est plus probable que cette affection doit être rapprochée de

la migraine.

névralgie ET paralysie oculaire. 21

Observation VII (résumée)'. Jeune négociant malade de-

puis quatre jours, ayant, lorsqu'il fut vu par Manz, une para7

lysie totale du moteur oculaire commun droit, un ptosis très

prononcé, une déviation très forte de l'oeil en dehors. Dans

les plus grands efforts de vision à gauche, l'oeil n'atteignait

pas la position moyenne, le mouvement en haut et en dehors

faisant complètement défaut. Dans le regard en bas on cons-

tatait nettement l'action du trochlearis. La pupille était d'une

largeur moyenne, notablement plus large qu'à gauche; elle

n'avait aucun mouvement. L'acuité visuelle (examinée avec

un diaphragme) ne mesurait du côté malade que 4/6, tandis

qu'elle était normale du côté sain. Dans celui-là existait une

hypermétropie de 1 dioptrie, dans celui-ci seulement de 0,25

dioptrie. L'accommodation était tellement diminuée à droite

que le malade, pour lire les caractères d'impression de gros-

seur moyenne, avait besoin d'un verre convexe de 4j5 diop-

trie.

En outre de la diplopie, le malade se plaignait d'une dou-

leur sourde et térébrante dans le voisinage de l'oeil, et surtout

derrière l'oeil. Cette douleur avait d'ailleurs commencé dès le

jour précédent à devenir un peu moins violente.

L'ophthalmoscope montrait seulement un peu de dilatation

des plus grosses veines rétiniennes.

D'après les renseignements donnés par le malade, cette

affection, dont il a fréquemment éprouvé les atteintes, aurait

débuté vers l'âge de quatorze ou quinze ans à la suite d'une

saignée pratiquée à la tempe à cause de violentes douleurs

de tête. Ces douleurs de tête, siégeant surtout du côté droit,

se sont d'ailleurs manifestées dès la plus tendre enfance et

survenaient de temps en temps. Depuis l'âge de quatorze ou

quinze ans, la paralysie oculaire se montre très souvent,

environ toutes les quatre ou six semaines, dit le malade; elle

est toujours précédée des mêmes douleurs de tête hémicrâ-

niennes qui, dès l'apparition de la paralysie, diminuaient et

ne tardaient pas à cesser complètement. Quant à la durée de

la paralysie, elle était très variable; tantôt elle disparaissait

au bout d'un ou de quelques jours, tantôt au bout de quelques

semaines seulement,et cela surtout dans les dernières années.

1 W. Manz. Ein Fall von periodischer Oculomotorius-Lcthmung. Berl.

Klin. Woch., 1885, no 40.

22 CLINIQUE NERVEUSE. ' -

L'emploi du courant constant aurait, d'après le malade, quel-

quefois diminué la durée de la paralysie.

Dans l'intervalle des accès, la disparition de la douleur de

tète était seule complète, mais non celle de la paralysie, car,

d'après le malade, il conservait une pupille un peu élargie

et un léger strabisme divergent avec diplopie quand il regar-

dait fortement à droite.

Manz n'a pu observer son malade que pendant quelques

jours, celui-ci ayant voulu continuer son voyage; déjà le

second jour, la douleur de tête avait complètement disparu,

et le ptosis était devenu plus modéré, sous l'influence de l'ésé-

rine. La pupille s'était bien rétractée ; après deux séances de

courants continus , les fonctions de l'oeil s'étaient amé-

liorées. Le quatrième jour, la paupière supérieure s'était suffi-

samment relevée pour, découvrir la pupille. La mobilité du

bulbe oculaire avait un peu augmenté, surtout du côté nasal.

Observation VIII. (R. Saundby). Un cas de migraine avec

paralysie de la y paire (Lancet, 10 janvier 1885). William

P..., admis le 31 août 1884 à l'hôpital général de Birmingham

pour malaise et douleur au-dessus de l'oeil droit et dans la région

malaire droite. L'oeil droit était fermé; il était indisposé

depuis 3 jours (Sickness) avec mal de tête, mais sans douleur

localisée. Un an auparavant, il avait été dans cet hôpital pour

une affection semblable ; sur le livre des observations on trouve

qu'en novembre 83, il avait été admis comme souffrant d'une

douleur au-dessus de l'oreille droite, pendant les quatre jours

précédents il avait vu double. Il y avait un peu de ptosis à droite;

léger écoulement par l'oreille gauche ayant cessé immédia-

tement après l'entrée à l'hôpital ; il y avait une certaine

faiblesse dans l'action du nerf facial gauche, surtout pour

la partie inférieure ; l'ouïe n'était affectée d'aucun côté. Intel-

ligence pas.très développée ; rien de spécial chez les parents ;

intelligence de la mère peu développée.

Etat actuel (2 septembre 1884). L'enfant, qui parait d'une

bonne complexion, n'a pas vomi depuis son admission et ne se

plaint d'aucune douleur. Il y a ptosis de l'oeil droit et parésie

du droit interne ; il voit double et, quand il marche, couvre son

oeil droit ; pas de sensibilité du cuir chevelu. Léger degré d'asy-

métrie des plis naso-labiaux, la bouche semble un peu tirée à

droite ; mais la partie supérieure de la. face est tout à fait nor-

névralgie ET paralysie oculaire. 23

mâle ; la langue se tire bien droite ; il marcheparfaitement, pas

d'état vertigineux. Les viscères, notamment l'estomac, ne

présentent aucun trouble. L'examen des yeux fait par Ealès

le 6 septembre n'a montré aucune paralysie des muscles ni

aucune altération du fond de l'oeil.

Saundby considère ce cas malgré les lacunes de l'observation

(lacunes dues à ce qu'il n'a pu étudier le malade que plusieurs

jours après le début de l'affection), comme un cas de « migraine

récurrente avec paralysie de la 3- paire », et rappelle qu'il y a

deux ans il apublié dans la Lancet un cas beaucoup plus accen-

tué de cette affection, le seul dont il ait connaissance jusqu'à

présent : Wilks parle il est vrai de la paralysie de la 3° paire

dans la migraine mais sans citer aucune observation; Horner,

d'autre part, a décrit une forme de ptosis qu'il attribue à la

paralysie des fibres musculaires lisses de Mùller qui se rendent

dans l'orbiculaire des paupières.

En somme, on le voit dans toutes ces observations 1,

on retrouve les mêmes symptômes se montrant dans

le même ordre, tout d'abord malaise général avec

phénomènes gastriques et douleurs, suivis, après .un

laps de temps plus ou moins long, de paralysies ocu-

laires avec diplopie et strabisme; ces paralysies ont,

elles aussi, une durée variable et peuvent persister,

avec une intensité très affaiblie il est vrai, plusieurs

mois après la disparition des premiers symptômes. Un

autre caractère des plus singuliers, celui qui a parti-

culièrement attiré l'attention des observateurs, c'est

la tendance aux récidives et surtout à la périodicité de

1 Depuis la rédaction de ce travail nous avons trouvé dans la Semaine

Médicale sous la rubrique « Lettres d'Angleterre » l'indication de deux

autres cas de cette affection : l'un de Suell chez une fille de huit ans qui

avait eu sa première attaque à l'âge de dix-huit mois. L'autre de

E. Clark, fille de douze ans, sujette à des migraines toutes les semaines

le strabisme divergent, le ptosis et la dilatation de la pupille duraient en

général plusieurs jours. Quant au cas de Ormerod, les détails nous

manquent et nous ne pouvons affirmer qu'il appartienne au même ordre

de faits, ce qui à première vue nous semble peu probable étant donné

l'âge de la malade. ' . ,

24 CLINIQUE NERVEUSE.

celles-ci (1 ou fois par an, tous les trois mois, tous

les mois).

Quant au rétrécissement du champ visuel, il n'est

signalé que dans l'observation de Thomsen, peut-être

n'a-t-il pas été exploré par les autres auteurs,

pour nous, nous l'avons recherché d'une façon

méthodiqne et nous pouvons affirmer qu'il n'existait

pas ; il est vrai qu'au moment où nous voyions la

malade, la période aiguë avait en partie disparu.

Au point de vue de l'étiologie il ne semble pas qu'il

y ait une prédominance bien marquée pour un des

sexes, le nombre des observations étant encore trop

restreint pour qu'il soit possible de se prononcer à cet

égard, sur nos huit observations, quatre concernent

des femmes, les quatre autres des hommes. Mais ce

qui mérite d'être mis tout spécialement en lumière,

c'est l'âge du début; toujours cette affection commence

à se manifester dans l'enfance, et quelquefois même

dans l'âge le plus tendre. A ce propos, nous ferons

.remarquer l'âge de onze mois signalé dans l'obser-

vation de Môbius et le retour des accidents à l'âge de

trois ans. Le début à douze ou treize ans semble

être assez ordinaire.

Reste la question de la nature de cette affection. Il

est un point sur lequel insiste avec raison Môbius,

l'origine centrale, celle-ci nous semble indiscutable,

mais pour ce qui est de la localisation exacte des

parties de l'encéphale dans lesquelles se trouve le

point de départ de ces phénomènes, nous ne pensons

pas qu'il soit actuellement possible de la déterminer

d'une façon rigoureuse. En intitulant ce travail :

« Névralgie et paralysie oculaire à retour périodique »,

névralgie ET paralysie oculaire. 25

nous avons eu surtout en vue d'indiquer l'existence

de la douleur, sans spécifier aucunement la nature de

celle-ci. L'idée, qui au premier abord est la plus ration-

nelle, est évidemment celle que l'on -a affaire à une

sorte de migraine, telle est aussi la manière de voir

de Saundby et de F. Remak ; mais il faut avouer qu'on

est ici en présence d'une migraine d'une espèce bien

singulière et qui ne revêt guère les caractères ordi-

naires de cette affection, car ici la douleur est limitée

non seulement à un côté, mais à un segment de la

face, il existe des phénomènes paralytiques plus

intenses que ceux que l'on observe ordinairement et

surtout persistant bien longtemps après la disparition

de la douleur, de telle sorte qu'on pourrait dire qu'on

est là en présence d'une migraine non seulement

« accompagnée o, mais encore « suivie » . Enfin, le peu de

fréquence des attaques, leur périodicité, sont encore

des caractères que l'on ne retrouve guère dans les

formes actuellement connues de la migraine.

On pourrait donc se demander s'il ne s'agit pas

d'une lésion organique grossière, comme tendrait à le

faire penser l'observation suivante de Weiss ?

OBSERVATIONIX, de Weiss' (résumée). - Femmè phthisique

reçue à l'hôpital sans aucune affection oculaire (2 septembre

1884). - Le, 8 septembre paralysie totale du moteur ocu-

laire commun gauche; celle-ci avait disparu le 20 septembre. La

malade affirme que depuis son enfance, tous les ans, d'une

façon transitoire, elle était sujette au même accident. Le 14

octobre, de nouveau paralysie totale persistant jusqu'à la fin

d'octobre. - Lorsque je vis la malade au commencement de

novembre, on ne remarquait plus rien d'anormal à l'oeil gauche

sauf un léger ptosis. Le 20 novembre en plus du ptosis, se

reis ? Wiener Med. lvoclieîischr., 25 avril. 1885.

26 - CLINIQUE NERVEUSE.

montrèrent de la mydriase, l'absence de réaction de la pupille

à la lumière et à la corvergence, les muscles innervés par le

moteur oculaire commun ne se contractaient plus. Le peu

d'intelligence de la malade et son manque de connaissance

de l'allemand ne permirent pas de constater l'existence de la

diplopie. L'examen ophthalmoscopique fut négatif bien que

répété plusieurs fois. L'autopsie pratiquée parle Dr Kolisko

donna les résultats suivants : Phthisie tuberculeuse des

poumons. - L'oculo-moteur commun gauche est aplati, gri-

sâtre. Dans ses racines, à la sortie du pédoncule cérébral, existent

des granulations nombreuses,grises, delagrosseurd'unegraine

de pavot qui déterminent une légère tuméfaction mamelonnée

des racines nerveuses. L'oculo-moteur commun droit, ainsi

que tous les autres nerfs crâniens n'est pas altéré. Les muscles

innervés par l'oculo-moteur commun gauche ont subi la dégé-

nération graisseuse. L'examen microscopique, à l'état frais, des

granulations montre un nombre assez considérable de bacilles

de la tuberculose. Dans une coupe à travers le pédoncule

durci on constate que les granulations n'ont pas gagné la pro-

fondeur de l'organe.

Nous avouons qu'il nous est difficile d'accepter

l'opinion émise par Weiss que, chez cette malade, la

paralysie de la troisième paire était due à une inflam-

mation tuberculeuse chronique des racines de ce nerf,

inflammation dont chaque poussée se serait traduite

par une attaque de paralysie. Certes les dernières

attaques, celles qu'a observées l'auteur, ont pu recon-

naître cette cause, mais si réellement (et vu le peu

d'intelligence de la malade et son manque de connais-

sance de l'allemand, il est permis d'émettre quelque

doute à cet égard), elle a dès l'enfance présenté la

paralysie oculaire à retour périodique, nous ne pouvons

admettre que ce soit sous l'influence directe de la

tuberculose dont elle est morte.

Quant à l'observation de Gubler, citée par Weiss, et

dans laquelle on constata l'existence d'une exsudation

NÉVRALGIE ET PARALYSIE OCULAIRE. 27

plastique du cerveau englobant complètement le nerf

moteur oculaire commun, nous croyons devoir la

récuser absolument, comme n'appartenant pas au

même groupe de faits que celles dont nous nous

occupons ici. '

En résumé, ce qui nous semble le plus probable,

c'est l'origine centrale de l'affection et l'analogie du

processus qui la produit avec celui de la migraine;

quant à une explication méthodique des phénomènes

toute tentative de ce genre nous paraît actuellement

prématurée.

Suivant l'avis de notre maître M. le professeur Char-

cot, nous insisterons tout spécialement sur ce fait qu'il

faut se garder de confondre ce syndrome présentant

des caractères tout spéciaux avec les cas assez nom-

breux où il existe des paralysies oculaires à répétition.

Dans cette série de cas, il faut signaler entre autres

les tumeurs de la base, et, à ce propos, M. Charcot nous

citait l'exemple d'une jeune dame qu'il soignait tout

récemment encore et chez laquelle survenaient des

accès de céphalée durant quelques jours et qui plusieurs

fois s'étaient accompagnés d'un peu de strabisme de

l'oeil gauche, de diplopie et d'un sentiment d'engour-

dissement de la face à gauche et dans la moitié de la

langue; la malade mourut subitement ou du moins

très rapidement, l'autopsie ne put être faite, mais la

présence d'un néoplasme du côté de la base de l'en-

céphale ne faisait aucun doute pour les médecins qui

la soignaient.

. De même, chez un homme de cinquante et un ans,

que nous observons actuellement à la Salpêtrière et

- chez lequel une double névrite optique, de la céphalée

28 CLINIQUE NERVEUSE.

avec vomissements et d'autres symptômes bien marqués

ne laissent aucun doute sur l'existence d'une tumeur

cérébrale, il est survenu une première fois de la

diplopie en avril 1882, avec une durée de trois mois,

puis cette diplopie s'est montrée de nouveau en

février 1884 et enfin en janvier 1885.

C'est surtout dans le tabès que ces paralysies à

rechutes ou même à récidives sont fréquentes. Elles

surviennent d'ordinaire rapidement, précédées d'un

peu de céphalalgie, sans cause appréciable. Elles

guérissent après quinze jours ou un mois, pour repa-

raître un ou deux ans après, encore transitoires, ou

pour s'installer définitivement. Il ne faut pas s'attendre

à trouver toujours des symptômes tabétiques évidents,

lorsque ces paralysies éclatent; il n'est pas rare de

voir des malades qui ont eu, à deux ou trois reprises

différentes, de la diplopie, longtemps avant que leur

affection se caractérise. C'est ce qui a fait méconnaître

la nature de ces paralysies que l'on considérait comme

rhumatismales et bénignes à cause de la facilité avec

laquelle elles guérissent. Un malade vient consulter

l'un de nous il y a deux ans pour une paralysie de la

sixième paire gauche ; il raconte que, dix ans avant,

il a eu de la diplopie transitoire, qui a reparu deux

fois encore depuis cette époque ; comme il sait que ces

paralysies guérissent facilement, il n'y attache pas une

grande importance. On ne constatait chez lui à ce mo-

ment, comme symptômes tabétiques, que le signe d'Ar-

gyll Robertson et quelques douleurs fulgurantes mal

caractérisées. Il est actuellement franchement tabétique.

Dans la sclérose en plaques, on observe également

de la diplopie avec récidives, coïncidant généra-

. DES ZONES CÉRÉBRALES MOTRICES. ' 29

lement avec une aggravation des autres symptômes.

Il en est quelquefois ainsi dans la paralysie générale,

dans certaines formes de syphilis cérébrale, où les

rechutes échappent à toute règle. Mais, nous le ré-

pétons, il fait bien de confondre tous ces faits avec

l'affection spéciale dont il est ici question.

PATHOLOGIE NERVEUSE

OBSERVATIONS POUR SERVIR A LA DÉTERMINATION DES

ZONES CÉRÉBRALES MOTRICES ET A LA PATHOGÉNIE DES

DÉGÉNÉRESCENCES SECONDAIRES DE LA MOELLE;

Par le D Mabtial HUBLÉ

La connaissance des faisceaux moteurs, notamment celle

du faisceau pyramidal, a été remarquablement éclairée par

l'étude des dégénérescences secondaires : c'est ainsi que

MM. Charcot et Bouchard, Flechsig, Brissaud, etc., sont

arrivés à suivre entièrement ce faisceau dans sa distribution.

C'est à l'appui de ces points, bien connus déjà de la science

des localisations, que nous apportons deux nouveaux faits, qui

nous ont paru offrir un assez haut intérêt pour être enregistrés

et être le point de départ de quelques déductions.

Observation I (Personnelle). Pêriencéphalite chronique. Foyeas

étendus de ramollissement cérébral occupant la zone rolundique du

côté gauche (couches corticales motrices, couche optique, corps

strié); dégénération secondaire descendante. Hémiplégie avec

aphasie; généralisation des phénomènes paralytiques, contractures : tardives, etc., sans troubles sensitivo-sensoriels.

Bur... (Adolphe), soldat au 95e régiment d'infanterie, quarante-

trois ans, est entré le 9 ? janvier 1882, à l'hôpital de Bourges

(salle 6, no 15; service de M. Rizet).

30 1 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Enfant trouvé, élevé dans un hospice, ses antécédents nous sont

à peu près inconnus. Les seuls renseignements incomplets et

obscurs, que nous pouvons recueillir, nous sont donnés par

M. A ? officier supérieur, dont B... est l'ordonnance depuis

vingt ans : le malade, qui jouissait d'une bonne santé habi-

tuelle, a séjourné pendant plusieurs années eiilalgérie, et est depuis

longtemps adonné à l'alcoolisme. On ne sait s'il a eu la syphilis,

etc... Serviteur intelligent et dévoué jusqu'à cette époque, ses

facultés ont subitement baissé il y a deux mois; pas de mégalo-

manie, ni de kleptomanie ; pas d'ictus apoplectique.

A son entrée à l'hôpital, le malade présente de l'aphasie, ou

plutôt de l'amnésie verbale, intelligence très obtuse ; il existe une

paraplégie motrice incomplète des deux membres inférieurs, plus

marquée adroite ; le membre supérieur droit, dont la force muscu-

laire est très amoindrie, retombe aussi beaucoup plus facilement

que le gauche. Intégrité absolue de la sensibilité générale et spéciale.

Les sphincters sont frappés de parésie : le malade a des évacua-

tions vésicales et alvines involontaires.

Le phénomène de la trépidation provoquée (épilepsie spinale)

est manifeste, le pied exécutant une série d'oscillations régulières

après l'effort que nous faisons pour ramener sa face dorsale vers

la région jambière antérieure (8 janvier). Le phénomène du genou

existe des deux côtés : il est un peu plus accusé à droite qu'à

gauche, où il est normal.

Les symptômes s'accentuent de plus en plus vers le ler février :

l'hémiplégie s'est accrue (côté droit). Des contractures surviennent

assez rapidement du 9 au 4 0 février, localisées d'abord à la main,

à l'avant-bras et au pied droits. Bientôt, les altérations médul-

laires secondaires accompagnant visiblement les lésions cérébrales

diagnostiquées à gauche, la paralysie se généralise, les contrac-

tures augmentent et s'étendent au côté gauche. Le malade reste

immobile et rigide dans son lit; il répond à peine aux questions;

l'idéation est nulle : seuls quelques noms (celui de son Colonel,

celui du cheval qu'il soignait habituellement) changent sa physio-

nomie et déterminent un rire idiot. Toutes les excrétions sont in-

volontaires ; la préhension des aliments est impossible, la dégluti-

tion elle-même se fait de plus en plus mal; le malade, cependant,

n'a pas, et n'a jamais eu de vomissements; toutes les parties sail-

lantes de ce corps amaigri sont le siège d'eschares qui se détachent

tous les jours : la plus étendue existe au sacrum. La sensibilité

tactile persiste toujours.

Danslesdeux derniers septénaires, B... était en pleine démence :

il cherchait à s'enfuir, nu, jusque dans les couloirs, poussant des

cris rauques, mangeant ses déjections et les projetant autour de

lui. Enfin, l'habitus cadavéreux, l'oeil atone et devenu insensible,

quelques frémissements se manifestant parfois dans les muscles

DES ZONES CÉRÉBRALES MOTRICES. 31

de la face (des lèvres en particulier), la peau desséchée et terreuse,

le malade meurt dans le marasme le 21 mars, à 6 heures du soir.

Autopsie (23 mars). Habitus extérieur : cadavre émacié à l'ex-

trême, rigidité cadavérique prononcée; eschares très étendues de

la face postérieure du corps : au niveau de la 7e vertèbre cervi-

cale, aux omoplates, aux coudes, aux poignets (où existent des

plaques gangreneuses de 6 centimètres de hauteur sur 4 ou 5

centimètres de large), au sacrum (où les troubles trophiques ont

déterminé une perte de substance de 12 à 13 centimètres de dia-

mètre, à bords taillés à pic), aux trochanters, aux talons.

Cavité crânienne : Le volume de l'encéphale est normal. Rien de

remarquable à la face externe de la dure-mère; l'ara7chnoïde est

injectée, sillonnée de vaisseaux turgescents; les espaces sous-

arachnoïdiens ne sont pas distendus, le liquide céphalo-rachidien

est en quantité normale. Les vaisseaux ne sont pas en général

altérés : cependant l'artère sylvienne gauche est plus dure, plus

rigide que les autres artères de l'encéphale, et a subi dans une

certaine mesure la dégénérescence athéromateuse. Adhérences nom-

breuses des méninges à la face convexe des deux hémisphères

cérébraux, surtout au niveau des lobes frontaux, et à gauche;

cette surface présente plusieurs plaques d'une coloration rosée

laiteuse. Au niveau de la racine des 2° et 3e circonvolutions fron-

tales gauches, de la frontale ascendante el du lobule paracenlrcd de

ce côté, on remarque une plaque jaune avec diminution de consis-

tance de la substance cérébrale, un ramollissement assez étendu sans

constituer toutefois un foyer bien nettement circonscrit. Sur le

lobule del'insula du côté gauche (moitié antérieure), on remarque

un foyer ancien, réparé, de I centimètre et demi de diamètre,

et qui tranche, par sa coloration gris-jaunâtre, sur le reste de la

substance cérébrale.

Les diverses coupes du cerveau (centre ovale, coupe verticale et

transversale) montrent un piqueté rouge, congestif, généralisé

d'encéphalite. Les cavités ventrigalaires ne contiennent pas de

liquide et ne présentent aucune altération.

La couche optique gauche et le bord antéro-interne du noyau

lenticulaire de ce côté sont indurés et présentent une coloration

grise manifestement plus foncée que les mêmes centres du lobe op-

posé et que le reste de la substance grise; une partie delà substance

blanche avoisinante a, en avant, participé visiblement à la forma-

tion de cet ancien foyer. La capsule interne, les pédoncules céré-

braux, le cervelet, le bulbe, la protubérance n'offrent, à l'oeil nu,

rien de particulier à noter. La moelle n'a pas été examinée.

Réflexions. Nous nous bornerons, rapprochant des faits

cliniques les altérations cadavériques, aux remarques sui-

32 pathologie NERVEUSE.

vantes : a) Nous avons noté dès les premiers jours qui ont

suivi l'entrée du malade à l'hôpital, les phénomènes d'hémi-

plégie et d'aphasie (mais avec conservation des mouvements

de la langue); nous avons vu dans ces symptômes la traduction

de désordres corticaux, autrement dit des zones motrices du

cerveau, désordres siégeant vraisemblablement sur l'hémi-

sphère gauche, étant connue la localisation de la faculté du

langage. Mais un bien plus haut intérêt s'attachait à ce fait que,

à aucune période de la maladie, les phénomènes paralytiques et

logoplégiques n'ont été accompagnés d'hémianesthésie, ce qui

ne concorde nullement avec la théorie de subordination et de

correspondance parfaite de l'anesthésie et de la paralysie

motrice, admise par Hitzig, Nothnagel et, depuis, par Schiff

(congrès de Genève, 1878). Par contre, le fait vient à l'appui

de l'opinion de Charcot, qu'il n'y a pas de corrélation néces-

saire entre ces deux symptômes. G. Ballet la résume ainsi :

«Toute lésion permanente de ces circonvolutions (la pariétale et

la frontale ascendantes) produit une paralysie motrice, parce

que ces circonvolutions constituent les centres moteurs ; mais

elle n'engendre que des troubles passagers et peu marqués de

la sensibilité, car les circonvolutions précédentes ne consti-

tuent qu'une minime partie de la zone sensitive I » : Dans

notre cas, la localisation des lésions de ramollissement au tiers

postérieur des circonvolutions frontales et à la frontale ascen-

dante, laissant intact tout le reste de la couche corticale à

partir de la pariétale ascendante, donne une explication très

simple de l'absence d'hémianesthésie chez notre malade ;

effectivement, s'il n'y a pas de centres sensitifs à proprement

parler, il existe une zone sensitive, qui comprend toute la partie

corticale des circonvolutions situées en arrière de la scissure

de Rolando; et, à mesure qu'on s'éloigne de cette limite pour

se rapprocher des lobes postérieurs cette zone, jusque-là

encore sensitivo-motrice, devient exclusivement sensitive. La

lésion destructive n'atteignant pas cette étendue, ne pouvait

conséquemment donner lieu à une hémianesthésie d'origine

corticale. Or, on a vu que la partie postérieure de la capsule

interne (carrefour sensitif de Charcot) était également intacte.

b) En outre des lésions existant sur la racine des deux

dernières circonvolutions frontales, nous en avons observé :

1 G. Le Blat. Rech. anatom. et cliniques sur le faisceau sensitif.

DES ZONES cérébrales motrices. 33

1° sur les deux tiers supérieurs de la circonvolution frontale

ascendante et la moitié antérieure du lobule paracentral a

gauche ; 2° sur une portion de noyau lenticulaire et sur la

couche optique du même hémisphère,- c'est-à-dire sur les

couches profondes de la zone grise : couches situées au som-

met de cette région pyramidale dont la base est à l'écorce grise

des circonvolutions médianes (ou ascendantes) et qui, se diri-

geant en bas et en dedans, a son sommet tronqué au segment

postérieur de la capsule interne (zone 2,olai ? dique de Charcot).

Or, on sait que les lésions destructives corticales, siégeant à

cette partie du manteau de l'hémisphère, produisent ordinai-

rement des dégénérations secondaires du faisceau pyramidal.

On explique plus facilement encore qu'elles en déterminent la

production lorsqu'il existe des lésions concomitantes des corps

opto-striés 1.

L'hypothèse que nous avions formulée au lit du malade,

d'un processus secondaire descendant, ne nous semble donc

nullement aventureuse, en présence de l'impuissance motrice

des membres et des contractures qui, survenues dans les der-

niers temps de la vie, n'ont jamais disparu. Aussi regrettons-

nous de ne pas avoir été à même d'ouvrir la cavité rachi-

dienne, pour donner, selon toutes probabilités, une nouvelle

infirmation à l'hypothèse d'IIitzie, qui fait des contractures

tardives des hémiplégiques un simple mouvement associé exces-

sif, provoqué par le moindre mouvement volontaire exécuté

par le côté sain. Pourtant, un autre pathologiste d'outre-Rhin,

Erb. se rallie à la doctrine française, laquelle rattache aux

dégénérescences secondaires descendantes ces contractures, et

en fait, quand elles sont permanentes et complètes, un signe

d'incurabilité presque constante. Enfin, un signe de la plus

grande valeur appuyait notre opinion, le malade vivant, c'est

l'existence du réflexe tendineux, du clonus du pied, lequel a

précédé, puis accompagne les contractures. Quant au réflexe

du tendon rotulien, on a vu dans l'observation qu'il a toujours

existé et qu'il s'est manifesté avec de plus grandes oscillations

du côté paralysé; c'est la règle, ainsi que l'a démontré la sta-

tistique de 0. Berger. Du reste, l'exagération de ce réflexe,

qui accompagne d'ordinaire le syndrome clinique des para-

1 Voy. les travaux de Pitres, Issartier et, eu particulier, un cas de para-

lysie générale, rapporté par ce dernier auteur, et qui appartient à

M. Déjerine.

Archives, t. XI. 3

34 pathologie nerveuse.

lysies spasmodiques, tout en ayant un intérêt réel, n'a pas

une signification absolue.

En terminant cette première partie, faisons remarquer,

pour simple mémoire, le fait de l'absence totale de vomisse-

ments, dans ce cas comme dans celui qui suit. Or, l'intolé-

rance gastrique est signalée comme un phénomène habituel

chez les sujets atteints de ramollissement cérébral.

Observation' 11 (Personnelle). Athérôme artériel généralisé.

Ramollissement cérébral : 1" vaste foyer central à droite (corps

calleux, noyau caudé, anse 7-ola71111qzie); lésion dégénérative secon-

duire du pédoncule cérébral et du faisceau pyramidal correspon-

dant ; hémiplégie motrice a gauche, sans M;ies</të6';e; contractures

permanentes, etc.; 2" foyer cortical du lobe frontal gauche ;

extension de la paralysie au côté droit du corps, aphasie, etc.

Bid... (Jean), cinquante-cinq ans, ouvrier civil de la fonderie

de canons de Bourges, entré à l'hôpital le 27 mars 1882.

Antécédents. Marié, père de famille, adonné depuis de longues

années à ['alcoolisme; habituellement méchant et violent, dange-

reux lorsqu'il est ivre (nombreux actes de violence sur sa femme

et ses enfants; une de ses filles a dû, pour cette cause, fuir la

maison paternelle) ; en 1871, un jour qu'il était en état d'ivresse,

il a fait une chute sur la tête, laquelle a déterminé une commotion

cérébrale intense; il s'est fait, en môme temps, une fracture du

fémur gauche au-dessous des trochanters, et la réduction a dû

être faite dans une période où le malade avait des alternatives

de phénomènes graves d'excitation et de coma; il est resté ainsi

plusieurs jours sans connaissance.

On ne sait rien relativementàl'existence de maladies nerveuses

d'un ordre quelconque ou de diallièses'dans la famille. (Rensei-

gnements recueillis en commun avec M. Donner, médecin-major.)

B... a eu, le 34 février dernier, une attaque d'apoplexie : il est

tombé subitement, perdant connaissance. A dater de cet instant,

il a conservé une hémiparalysie de la motililé, étendue à toute la

moitié gauche du corps; peu de jours après l'ictus apoplectique,

l'idéation est revenue au=si nette qu'auparavant; la parole n'a

conservé aucun trouble. Ne voulant pas rester à charge à sa

famille, le malade entre à l'hôpital le 27 mars.

jE<atae< : <e ? L'aspect de B... est celui d'un petit vieillard,

maigre, dont la physionomie sénile fui ferait attribuer au moins

dix ans de plus que son âge. Il existe une hémiparésie gauche

totale, portant sur le membre supérieur, le membre inférieur, et

un peu sur la face du même côté; pas de modification très sen-

sil)1(3 dans les traits, la langue est déviée d gauche.

des zones cékébralks motrices. 35

Les mouvements du membre supérieur sont possibles mais lents,

limités et très faibles; le malade peut soulever légèrement la

jambe et la cuisse gauches; la marche est impossible. Il n'y a

pas de contractures bien nettes; toutefois, le bras gauche a une

tendance à la flexion permanente.

Le réflexe tendineux du pied, que l'on ne constate pas à droite,

existe à gauche. Le phénomène du genou existe des deux côtés,

mais il est difficile d'apprécier une différence entre les deux.

La sensibilité générale est conservée, il en est de même des

sens spéciaux. L'intelligence parait nette, la parole est libre. Il

est facile de faire manger le malade; la miction, en quantité

normale et les selles, à peu près quotidiennes, sont exclusivement

volontaires. Il n'y a pas de vomissements.

Le malade n'est soumis à aucune médication interne autre que

les purgatifs salins répétés; le 30 mars, on commence une série

d'électrisations au moyen des courants continus descendants sur

toute l'étendue de la colonne vertébrale; à chaque séance quoti-

dienne, de dix à quinze minutes, nous avons employé un nombre

progressif d'éléments, de six à vingt, pendant vingt jours consé-

cutifs (appareil de Gaiffe). Ce traitement est resté sans effet appré-

ciable.

15 avril. Les membres supérieur et inférieur gauches sont

plus énergiquement contractures dans la flexion depuis quelques

jours. La trépidation épileptoïde du pied gauche est facilement

provoquée; le réflexe du genou est exagéré du même côté.

25. Pour la première fois aujourd'hui, le malade ne peut

répondre aux questions : si on le presse de répondre, il concentre

ses efforts vers ce but, mais il ne lui est pas possible d'articuler

une parole et il se met à pleurer : on observe (ce qui est fré-

quent) l'abolition de la faculté du langage (alalie) sans paralysie

de la langue (glosoplégie); nous remarquons, en outre, que la

moitié droite du corps, libre la veille, est frappée à son tour de

paralysie, moins complète celle-ci que ne l'était l'hémiplégie

gauche. Aucune manifestation bruyante ne s'est produite, cepen-

dant; dans le cours de la nuit, l'infirmier de garde n'a eu con-

naissance de rien. Les symptômes 'constatés ce matin suffisent au

diagnostic d'une nouvelle lésion destructive, siégeant dans l'hémi-

sphère cérébral gauche, vraisemblablement sur les circonvolutions

frontales (aphasie).

B... n'a jamais eu d'hémichorée, ni d'athétose; pas de troubles

des organes des sens : pas de cécité unilatérale (on verra plus

loin l'importance du fait de l'intégrité de la vision). A dater de

ce moment, la déchéance s'accuse : les selles et les urines sont

involontaires, les contractures s'accentuent dans le sens de la

flexion et persistent. Le malade pleure souvent.

36 pathologie nerveuse.

1 ? mai. Il existe une eschare à la région sacrée et une autre

au coude gauche. La déglutition s'est accomplie presque jusqu'au

dernier jour ; l'intelligence n'a jamais été totalement abolie, la

parole n'est jamais revenue. Il meurt le 19 mai, à six heures du soir.

Autopsie (pratiquée le 20 mai). - Habitas extérieur : Amaigris-

sement notable, rigidité cadavérique peu prononcée; il existe

une eschare médiane de n centimètres à la région sacrée, et une

autre plus petite au niveau de l'apophyse olécrâne du côté gauche.

Cavité crânienne. La boite osseuse, le péricrâne sont sains. Il

existe quelques adhérences de la face supérieure de la dure-mère

avec la voûte crânienne; pas d'altération des méninges. Toutes

les artères de l'encéphale sont envahies par t'athérôme, depuis

l'hexagone de Willis jusqu'aux dernières terminaisons des deux

côtés. Nulle part la dégénérescence n'est aussi complète que dans

les tuniques des artères sylvienne et cérébrale antérieure droites,

qui ne sont plus que des cylindres rigides. La calcification a,

d'ailleurs, envahi la presque totalité du système artériel : les

artères cérébrales postérieures, vertébrales, basilaire, ra-

diales, etc., sont dures, moniliformes. Plusieurs contiennent des

caillots fibrineux, adhérents aux rugosités de la tunique interne.

Le cerveau est volumineux, les circonvolutions sont belles ;

l'organe est infiltré, uedématié dans une certaine mesure.

a) Hémisphère droit. Une coupe verticale et transversale

passant en arrière des tubercules mamillaires et en avant des

pédoncules cérébraux montre un vaste foyer de ramollissement

blanc qui intéresse, dans presque toute son épaisseur, la moitié

droite du corps calleux et qui s'étend, par son angle supérieur,

jusqu'au delà de la scissure calloso-marginale. Dirigé en dehors,

il intéresse la substance blanche au niveau du centre ovale de

Vieussens, sur une étendue transversale de 25 millimètres envi-

ron, et envoie un diverticulum en haut et en dehors jusqu'à

4 centimètre environ de la substance grise corticale de la scissure

de Rolando ; enfin, à sa partie inférieure, la lésion a détruit la

substance cérébrale presque jusqu'à la membrane épendymaire,

et la moitié supérieure de la queue du noyau caudé.

Une deuxième coupe verticale de l'hémisphère droit, pratiquée

dans le sens antéro-postérieur, a 1 centimètre en dehors de la

scissure interhémisphérique, met à nu le foyer dans toute sa lon-

gueur : il occupe toute la circonvolution du corps calleux et s'étend

longitudinalement depuis le niveau du genou jusqu'au delà' du

bourrelet de cette commissure, que la perte de substance dépasse

de 1 centimètre en arrière. Le contenu du foyer, parfaitement

blanc, apparaît comme une pulpe lactée semi-fluide, dans laquelle

sont suspendus des flocons blanchâtres; il n'y a pas d'apparence

de processus de réparation. En outre, le corps calleux lui-même

DES ZONES CÉRÉBRALES MOTRICES. 37

est gravement intéressé : il est détruit dans toute sa moitié

droite, à partir du sillon médian, dans les deux tiers antérieurs ;

il n'y a plus trace des tractus transversaux; toutefois, son épais-

seur n'est en aucun point détruite totalement, et sa face infé-

rieure, saine, forme toujours la partie antérieure du ventricule

latéral, le plancher du canal circumpédoncutaire. Le trigone

cérébral est intact. La couche optique, le noyau lenticulaire du

corps strié, la région capsulaire ne présentent aucune altération.

La corne sphénoidale du venlricule latéral contientde la sérosité

sanglante; la corne d'Ammon, l'ergot de Morand, sont sains. Le

tubercule quadrijumeau postérieur droit est le siège d'un petit ilôt

scléreux, dur au toucher, et très manifestement gris.

Sur le pied du pédoncule cérébral correspondant existe une

coloration grise des fibres, qui ont été évidemment prises de dégé-

nération secondaire. La lésion occupe le faisceau pédonculaire

moyen qui, parsa couleur gris-perle et sa consistance, se distingue

de la façon la plus nette du tissu nerveux environnant (faisceaux

interne et externe) : l'altération semble toutefois empiéter sur

quelques fibres du faisceau interne; elle affecte une forme régu-

lière, une répartition égale sur toute l'étendue, contrairement

à la sclérose en plaques, qui est irrégulière et disséminée sous

forme d'ilôts très limités (Cliarcot, Bourneville').

La coupe horizontale de la région laisse voir intact le tegmentum

(étage supérieur), ainsi que le locus zziger de Soemmering, dont la

teinte naturellement grise ne se distingue que difficilement de la

coloration acquise par les fibres dégénérées.

Laissant indemnes les fibres transversales de la protubérance,

la même altération se retrouve sur la pyramide droite, laquelle

est dégénérée, franchement grise et légèrement atrophiée dans

toute son étendue jusqu'au niveau de son entre-croisement avec

les fibres du côté opposé.

b). Hémisphère gauche. Le lobe frontal a seul souffert des

altéialions constatées sur les artères frontales externe et infé-

rieure et sylvienne ; on y trouve un foyer cortical de 3 centi-

mètres de long, au quart antérieur de la circonvolution du corps

calleux; la même lésion existe sur le pied des deuxième et troi-

sième circonvolutions frontales.

Ici le ramollissement, d'un blanc sale dans laplus grande partie

de son étendue, présente plusieurs points d'un jaune rougeâtre,

ce qui dénote que la lésion est de date plus récente que celle du

côté droit; aussi, est-ce en vain que nous avons cherché une alté-

ration secondaire appréciable; le reste de l'hémisphère est sain;

on noie cependant une assez grande abondance de liquide séro-

1 Bourneville. De la sclérose en plaques. Paris, 1869.

38 PATHOLOGIE NERVEUSE.

sanguinolent dans le ventricule latéral. Le cervelet est sain. La

moelle n'a pas été examinée au-dessous de l'entre-croisement. des

pyramides.

Réflexions. Avant d'aborder la pathogénie des foyers de

ramollissement et, ensuite, celle de la sclérose spinale secon-

daire, quelques remarques nous paraissent utiles sur la traduc-

tion clinique des faits anatomiques.

L'apoplexie d'emblée est rare dans la thrombose et les phé-

nomènes paralytiques n'y présentent pas la distribution ni la

marche régulière qui les caractérisent dans l'hémorrhagie; or

l'observation décrit, pour la première attaque, un ictus apo-

plectique. Ce fait pouvait primitivement rendre incertain le

diagnostic : depuis, la marche des phénomènes paralytiques

ne subissant pas de modification heureuse militait en faveur

d'une lésion destructive de nature nécrobiotique : c'est le type

à début brusque et à marche chronique. Trois mois plus tard,

survient une deuxième attaque : cet épisode aigu, qui tranche

surles allures tranquilles que la maladie a présentées jusqu'alors

traduit l'obturation de l'une des artères déformées et athéro-

mateuses, et, par la persistance des symptômes, indique que

la thrombose n'a pas étésusceptible d'une compensation rapide.

C'est ainsi qu'à l'ouverture du crâne, la première altération qui

nous frappe est le volume et l'imbibition oedémateuse du cer-

veau : conséquence nécessaire de l'accroissement de pression

dans les artères profondément dégénérées et dont les parois,

rugueuses et inextensibles, étaient couvertes intérieurement

de petits coagula fibrineuc. A la faveur de leur siège, ces alté-

rations, qui existent au plus haut degré dans l'artère sylvienne

droite, ont nui directement à la nutrition de l'hémisphère et du

corps strié, ses tributaires, et, finalement, déterminé le pro-

cessus régressif, suite fatale de l'ischémie de ce territoire. A

gauche, c'est le département de la cérébrale antérieure (lobe

frontal) qui a seul souffert; quoiqu'il en soit, l'établissement

d'une circulation collatérale immédiate était impossible : il eût

fallu pour cela que l'obturation siégeât au delà du cercle de

Willis; mais comment l'infarctus ne se fut-il pas produit,

alors que le tronc basilaire et la cérébrale postérieure étaient,

comme les autres artères, le siège d'obstructions !

Userait inopportun d'insister sur la perte de substance des

circonvolutions frontales gauches; notons seulement qu'ici,

comme dans 1'OnsERVAïfON I, cette lésion a déterminé la perte

DES ZONES CÉRÉBRALES MOTRICES. 39

de la faculté du langage, et une hémiplégie des membres

droits, sans anesthésie.

A droite, une vaste lésion a intéressé le corps calleux dans

la moitié de son étendue : c'est là certainement le plus ancien

foyer. Malheureusement, on ignore à peu près complètement

le rôle des fibres qui ont leur origine ou leur terminaison dans

les noyaux ganglionnaires delà base du cerveau (couche optique,

corps strié); ainsi en est-il surtout des fibres commissurales :

corps calleux, commissures blanches (antérieure et postérieure),

commissure grise, etc... Pour le corps calleux en particulier,

Flourens et Longet affirment que la lésion expérimentale ne

détermine aucun trouble appréciable, soit moteur, soit sensitif.

La pathologie ne fournit pas de renseignements plus instruc-

tifs ; ainsi Malinverni, cité par Gavoy rapporte l'observation

d'un cas d'absence congénitale du corps calleux chez un homme

qui jouissait pendant sa vie de l'intégrité des facultés intellec-

tuelles ! Il est donc utile de relever soigneusement, et de décrire

avec tous leurs détails anatomiques, les cas de lésions de ces

centres et d'en déterminer exactement les limites. Dans notre

deuxième observation, la lésion destructive d'une portion du

noyau caudé ainsi que celle delà substance blanche sous-rolan-

dique, d'une moitié du corps calleux et do la circonvolution qui

le surmonte a donné lieu à une hémiparalysie gauche exclusi-

vement motrice : ces régions de l'encéphale sont doncies centres

uniquement moteurs et nullement sensitifs.

Bien mieux connus dans la substance blanche des hémi-

sphères sont le trajet et le rôle physiologique des faisceaux

nerveux constitués par l'épanouissement des pédoncules céré-

braux. La lecture de l'autopsie de Bid... suffit à se rendre

compte de la situation du foyer : il siège en avant et au-dessus

de la capsule interne. Or ce tractus est intact (ce qu'avait fait

prévoir l'absence d'anesthésie) : pourrait-on voir dans ce fait

une difficulté ou une anomalie ? Non, si l'on se rappelle que,

plus loin encore que cette capsule, « le faisceau pyramidal

peut être poursuivi jusque dans l'épaisseur du centre ovale, et

même jusqu'à la couche corticale »(Charcot)2; qu'enfin la thèse

de Pitres établit que les lésions, siégeant dans la substance

1 E. Savoy. ? H '<HM<on ? e<opo)'a/t ! c du cerveau 0. Doin,1882

* Charcot. Leçons sur les localisations.

;1 Pitres. Recherches sur les lésions du centre ovale des hémisphères

cérébraux étudiées au point de vue des localisations cérébrales. Paris, 1878.

M PATHOLOGIE NERVEUSE.

blanche sub-jacente aux centres corticaux, donnent lieu aux

mêmes symptômes localisés que les lésions de ces centres eux-

mêmes. Or le ramollissement a détruit, dans ce même centre

ovale, justement la portion de l'espace sous-rolandique consti-

tuée par les tractus blancs qui circonscrivent la dépression du

sillon de Rolando, et que Parrot appelle l'anse rolandique; et

il est bien démontré (Flechsig, Parrot, Charcot) que cette région

motrice est en rapport avec le système bulbo-spinal, par l'inter-

médiaire du trajet intra-encéphalique des faisceaux pyramidaux.

Important donc est le fait de l'intégrité de la couche optique et

de la capsule interne, car il faut en induire que c'est par les

fibres pédonculaires indirectes que la lésion descendante s'est

produite, c'est-à-dire par cette série de fibres qui, parties de

l'étage inférieur (ou pied) du pédoncule se rendent les unes au

noyau lenticulaire, les autres au noyau caudé.

Il est encore intéressant, avec cette altération étendue du

pédoncule, de trouver indemme la racine de la troisième paire :

en effet, il n'a jamais été constaté de paralysie alterne de ce

nerf, ni du moteur oculaire commun avec hémianesthésie du

côté opposé de la face et des membres. On n'a jamais non plus

observé l'hémiopie, la paralysie du grand oblique de l'oeil, etc. ;

signes habituels de lésion ou de compression de la bandelette

optique et de la racine du n. pathétique. Enfin il n'y a jamais

eu d'amblyopie croisée, symptôme qu'on sait d'ailleurs accom-

pagner d'ordinaire les lésions cérébrales qui produisent l'hé-

mianesthésie (Charcot). Cette absence d'hérniopie ou d'am-

blyopie latérale, en un mot l'intégrité absolue et constante de

la vue est d'autant plus remarquable que l'examen nécropsique

a révélé une altération scléreuse de l'un des tubercules quadri-

izimeaux 1.

Ici s'arrêtent nos recherches : nous n'avons pu vérifier

ultérieurement, par un examen microscopique, la nature du

processus morbide (les pièces conservées ayant été égarées) :

mais si les lésions n'ont pu être constatées à l'oeil nu dans la

première observation, nous avons été plus heureux dans la

seconde, qui ne laisse aucun doute dans notre esprit. Rappe-

lons à ce propos que les dégénérations secondaires qui sur-

viennent à la suite des lésions du cerveau, si nettes lorsque

l'accident originel remonte à une époque assez éloignée, ne

4 Citons, à ce sujet, pour mémoire, les expériences de l'iourens et

l'observation de Bastian.

DES ZONES CÉRÉBRALES MOTRICES. il

sont appréciables qu'au microscope si la maladie première est

récente. Cliniquement, la lésion descendante est silencieuse au

début : pour Bouchard, elle se développerait dès le sixième

jour après l'attaque : les symptômes n'apparaissent jamais à

cette époque ; pourtant Vulpian les a vus commencer dès le

vingtième jour. Jaccoud n'admet les lésions secondaires que

plusieurs mois (cinq, six mois) après l'accident initial : dans

notre OBSERVATION 11, tout au moins, nous les avons consta-

tées bien avant ce terme, et nous nous trouvons dans les

limites admises par Bouchard et Grasset, qui donnent deux

mois comme chiffre moyen.

Quant à 1'013SEFLVATIoN I, si ces lésions n'étaient pas, il est

vrai, visibles à l'oeil nu, nous gardons la conviction que

l'examen histologique de la moelle aurait décelé de nombreuses

fibrilles de tissu conjonctif, caractère univoque de la sclérose,

et la substitution plus ou moins étendue de la névroglie aux

éléments nerveux (cellules et tubes).

Nous pouvons résumer en ces quelques conclusions, l'ensei-

gnement à retirer de nos observations :

1- Que des lésions destructives des couches corticales de la

troisième circonvolution frontale gauche ont, selon la règle,

déterminé l'aphasie véritable (perte de la parole sans paralysie

de la langue);

20 Que les lésions destructives de l'écorce grise de la zone

rolandique (frontale ascendante et lobule paracentral) ont pro-

duit une paralysie exclusivement motrice ;

3° Qu'une lésion destructive très étendue du corps calleux

ne s'est traduite par aucun symptôme particulier, autre que la

paralysie motrice, du côté opposé;

4° Que l'hémiplégie résultant de ces lésions s'est accompa-

gnée de contractures tardives et permanentes : ces signes appar-

tiennent aux dégénérescences scléreuses secondaires descerz-

daiites (que nous savons être des lésions systématisées au

même titre que les myélites primitives des cordons latéraux ou

des faisceaux de Tiirck) ;

5° Qu'une lésion en foyer du centre ovale, lésion étendue et

peu éloignée du pied de la couronne rayonnante, a entraîné,

tout tri respectant la capsule interne, une dégénérescence bien

constatée du faisceau pyramidal, ce qui est plus fréquent lors-

qu'il existe une altération de cette capsule.

zon2 RECUEIL DE FAITS.

EXPLICATION DE LA PLANCHE I

FOVFR DE RAMOLLISSEMENT, AVANT D,TnmT LA MOITIÉ DU CORPS CALLEUX, ETC.

Hémisphère cérébral droit de Bid... (Ons. II). Coupe verticale et trans-

versale, entre les tubercules mnmitlaires et les pédoncules cérébraux,

dessin demi-schématique d'après croquis fait d'après nature le jour de

l'autopsie.

Ce, corps calleux.

ventricule de la cloison transparente.

C 0, Couche optique.

Anz, corne d'Ammon.

SI ? , sillon de Rolanclo.

7, foyer de ramollissement ayant détruit la moitié du corps calleux, la

circonvolution qui le surmonte, lit partie supérieure du noyau caudé

\' C n, et une grande portion de la substance blanche sous-roiandique.

Sy, scissure de Sylvius et lobule de l'insula.

C. bit., capsule interne.

Spi. r/, corne spliénoidale du ventricule latéral.

RECUEIL DE FAITS

NOTE SUR UN CAS D'INVERSION DU SENS GÉNITAL

AVEC l : l'ILl : P5lG;

Par M. LEGUAIS, interne Sainte-Anne (Bureau d'admission).

Les perversions sexuelles que l'on observe chezcer-

tains névropathes présentent des caractères si spéciaux

et si tranchés que certains auteurs n'ont pas hésité a

en faire une véritable entité morbide, et qu'ils ont

rangé ces troubles singuliers sous l'étiquette de mono-

manie. Mais si, quittant l'étude de ces manifestations

morbides prises séparément, on aborde l'examen plus

INVERSION DU SENS GÉNITAL. 43

général de l'état mental habituel à ces prétendus mo-

nomanes, on remarque que celui-ci est loin d'être

simple. Outre un état de déséquilibration bien carac-

téristique qui forme comme le fond môme du caractère

des individus, l'on peut voir souvent se développer

d'autres manifestations morbides qui apparaissent

comme autant de syndromes d'une même maladie. Ces

syndromes, constituant, pour certains auteurs, autant

de monomanies différentes, sont tantôt persistants,

tantôt passagers. Souvent, et c'est un caractère impor-

tant à noter, les malades semblent marcher de mono-

manie en monomanie, et toute leur vie intellectuelle

n'est véritablement qu'une série d'épisodes étranges

qui font de cette catégorie d'individus de véritables

aliénés. Ce sont eux que l'on a désignés sous le nom

de dégénérés.

Si l'on interroge, en effet, leurs antécédents héré-

ditaires, on ne tarde pas à se convaincre que bon

nombre des ascendants ont présenté des troubles psy-

chiques analogues. II y a une véritable tare cérébrale

que l'on retrouve en analysant soigneusement la vie

des membres de la famille. Certains n'ont présenté

que l'état desimpicdéséquiiibration, sans que jamais

vienne se greffer sur lui, l'une de ces monomanies,

l'un de ces syndromes dont nous avons parlé plus

haut. D'autres ont été syndromiques, d'autres enfin ont

été des aliénés proprement dits. Ces faits sont si vrais

et si constants, qu'on peut affirmer, étant donné l'un

de ces syndromes épisodiques pris au hasard, qu'ouest

en présence d'un héréditaire. On peut parfois ne pas

retrouver la trace, mais peut-on dire que l'on connaît

exactement l'état mental d'individus avec qui l'on n'a

44 RECUEIL DE FAITS.

pas vécu, surtout quand on ne les connaît que par

ouï-dire et que les parents, destinés à éclairer le mé-

decin dans ses recherches, prennent souvent à tâche

de l'égarer ?

Si, après une analyse minutieuse de tous ces faits,

l'on veut en faire la synthèse, on remarque qu'ils cons-

tituent des épisodes saillants dans la vie intellectuelle

des membres d'une même famille. Cet état mental qui

se transmet, cet ensemble de syndromes auxquels il

donne naissance, est ce que l'on a désigné sous le nom

de folie héréditaire. Dès lors, chacun des phénomènes

bizarres observés chez les malades, chacune des mono-

manies, en un mot, n'a plus maintenant que la valeur

d'un symptôme.

. En dehors de ces symptômes purement psychiques

de la maladie, il est souvent donné d'observer des signes

physiques de dégénérescence. Tels sont, par exemple :

une implantation vicieuse des dents, une asymétrie

faciale plus ou moins prononcée, le prognathisme de

la mâchoire inférieure, de grandes oreilles détachées

de la tête,, coïncidant surtout avec un lobule sessile,

les difformités crâniennes, le bec-de-lièvre, des malfor-

mations des organes génitaux, l'hermaphrodisme, etc.

Voilà des signes indéniables de dégénérescence phy-

sique. Pourquoi ne pas admettre que simultanément

une dégénérescence intellectuelle puisse se développer ?

Le cerveau n'est-il pas soumis, à l'égal des autres

organes du corps, aux influences pathogéniques, aux

phénomènes morbides complexes aboutissant à une

dégénérescence ? Dès lors, n'est-il pas logique d'admettre

à côté des stigmates indiscutables de la déchéance phy-

sique, ce que M. Magnan a si heureusement appelées

INVERSION DU SENS GÉNITAL. 45

stigmates psychiques de la déchéance mentale. La folie

héréditaire n'est autre que cette déchéance mentale qui

se transmet, à l'égal des diathèses. C'est une maladie

bien nette, bien caractérisée, présentant comme toute

autre affection somatique soii étiologie, ses symptômes,

sa marche, son diagnostic et son pronostic.

Si l'on admet comme possible cette dégénéres-

cence des centres nerveux, on admet du même coup

son hérédité. Les dégénérés sont tous deshéréditaires,

et il est désormais impossible de séparer l'un de l'autre

ces deux termes : dégénérescence mentale et folie

héréditaire si l'ouveut bien attachera ce dernier le sens

particulier que lui a donné M. Magnan.

L'un des stigmates psychiques le plus communément

rencontrés au cours de la folie héréditaire est l'aber-

ration du sens génital à quelque degré qu'elle soit

poussée. La littérature médicale abonde en faits de ce

genre. L'inversion du sens génital dont nous rappor-

tons ici un cas est l'une des modalités les moins fré-

quentes de ce syndrome. Citons à ce sujet un travail

de MM. Charcot et Magnan, paru dans les Archives de

Neurologie en 1882, où l'on trouvera, à côté de l'ana-

lyse decas semblables, les indications bibliographiques

nécessaires pour guider le lecteur dans ses recherches.

Observation. Le nommé G..., âgé de trente-cinq ans,

est entré dans le service de M. Magnan, le 8 juin 1885.

Le certificat d'un médecin de la ville porte : « Epilepsie avec

troubles intellectuels ». Le malade présente en effet depuis l'âge

de dix-sept ans des attaques fréquentes d'épilepsie, suivies la

plupart du temps de troubles psychiques. Il présente, en

outre, tous les attributs d'une débilité mentale assez pro-

noncée. Voici en quelques lignes son histoire :

Le père est mort d'un cancer de la langue. C'était un homme

'il ! (; I)L 1 ? \I'IS.

sensé, instruit, paraissant avoir joui d'un équilibre intellectuel

satisfaisant pendant toute sa vie.

La mère est intelligente; son instruction est moyenne. Elle

est névropathe. Jamais "lie u'a eu do crise convulsive, mais

elle éprouve de temps à autre quelques phénomènes nerveux

a,sez typiques, tels que sensation de boule avec constriction

ala gorge.

En remontant plus haut, nous trouvons :

Du côté paternel : une cousine germaine du père morte

folle dans un asile. La l'orme d'aliénation mentale ne nous a

pas été indiquée. Un oncle paternel a suivi la carrière du

théâtre depuis sa jeunesse, en vertu d'un goût spécial qu'il avait

toujours manifesté. Il a fait partie de la troupe delà Comédie-Fran-

çaise pendant huit années, puis il a été perdu de vue. Du côté

maternel, trois oncles sont intelligents, mais, suivant l'expres-

sion de M™0 G..., tous trois sont « enragés pour les femmes ».

Deux d'entre eux sont âgés de plus de soixante ans, et viennent

de se remarier pour la troisième fois. Us ne sont heureux que

quand ils causent de sujets légers, où les femmes entrent pour

quelque chose. Le troisième, n'en est encore qu'à son second

mariage, mais présente les mêmes allures que ses frères. Tous

trois ont eu des enfants débiles, faisant peu de progrès à

l'école. Le grand-père maternel était très porté pour les plai-

sirs de l'amour. Sa femme l'appelait « coureur de filles ». Pen-

dant toute sa vie, il a été débauché, délaissant le foyer con-

jugal, pour vivre entouré des premières filles venues. La grand'-

mère du grand-père maternel a été folle. Elle est morte dans

une maison de santé. Parmi les collatéraux de notre malade,

nous trouvons :

. Un frère mort en venant au monde;

Un frère venu avant terme (fausse couche de quatre mois);

Enfin, une soeur âgée de trente ans. Elle est bien portante,

parait bien équilibrée; mais, fait à noter, depuis dix ans qu'elle

est mariée, elle est restée stérile. Nulle part, nous ne trouvons

trace des syndromes habituels aux dégénérés, ni d'épilcpsie,

ni de vertiges, ni d'excès alcooliques. Aucun des membres de

la famille n'a, parait-il, présenté de malformations des organes

génitaux. Tels sont les quelques renseignements que nous

avons pu recueillir sur les antécédents de notre malade. Ils

sont malheureusement un peu incomplets, en dépit de la bonne

INVERSION DU SENS GÉNITAL. 17 i

volonté de il" G..., de qui nous les tenons. Bon nombre de

membres de la famille ont échappé à notre analyse.

G... est venu à terme, mais il a toujours subi du retard

dans son évolution, tant physique qu'intellectuelle. Chétif à sa

naissance, il n'a parlé et n'a marché qu'à cinq ans; les dents

sont venues à deux ans. A sept ans, l'enfant aurait été exa-

miné par le Dr Ilaspail, qui aurait déclaré que les fontanelles

n'étaient pas encore ossifiées.

Les dents sont toujours restées petites, comme frappées d'un

arrêt de développement. Le côté droit du corps est un peu plus

maigre et un peu plus faible que le côté gauche. Les organes

génitaux sont normalement constitués. Notons encore d'autres

stigmates physiques de dégénérescence : le corps est petit; la

tète peu développée; le crâne est asymétrique; la physionomie

est déjà sénile. La voix est faible, un peu flùtée.

La culture intellectuelle de G... est à peu près nulle. Pen-

dant le séjour de dix-sept ans qu'il a fait à l'asile libre de John

Bost à Bétel (Dordogne), on est parvenu à lui faire lire quelques

lettres.

Dès l'enfance, G... était vicieux, Il choisissait de préférence

pour s'amuser des enfants beaucoup plus jeunes que lui;

rempli de prévenances singulières pour ces derniers, il prati-

quait sur eux des attouchements. Ce fait a toujours existé. A

neuf ans, il choisissait pour ses plaisirs un petit garçon de

quatre ans. Lui-même se livrait fréquemment à la masturba-

tion. Sa mère devait lui lier les mains quand elle ne pouvait

pas le surveiller. Toutes les nuits, depuis l'âge de quatre ou

cinq ans, il était en érection pendant des heures entières. Sa

mère, que cet état inquiétait, se relevait souvent, et constatait

chaque fois le même état d'érection.

Il n'a jamais pu être guéri de ces habitudes. Placé dans sa

jeunesse dans différentes écoles, on a dû toujours le renvoyer

à cause des mauvais conseils qu'il donnait à ses plus jeunes

condisciples, dont il recherchait les pratiques manuelles.

Vers douze ans, son plaisir était encore de déshabiller les

poupées, de les regarder nues ; il les fouettait avec une certaine

animation et toujours en rougissant. « On voyait qu'il aimait

cela » dit la mère. Celle-ci était effrayée de ces dispositions si

précoces, et les faits sont restés gravés dans sa mémoire. Les

poupées étaient fabriquées par la mère et ne présentaient dans

leur costume ni les attributs de l'homme, ni celui de la femme.

48 recueil DE faits.

G... n'a pu nous dire si, à cette époque, en regardant les

poupées nues, il évoquait dans son esprit le souvenir des

organes masculins plutôt que celui des organes féminins. Il ne

détestait pas de jouer avec les petites filles, mais jamais il n'a

tenté de pratiquer des attouchements sur ces dernières. Plus

tard, son goût pour le sexe masculin n'a l'ait que s'accentuer.

Vers l'âge de seize ans, il regardait les filles avec un certain

dégoût, tandis qu'il se sentait épris pour les jeunes garçons.

Plus tard encore on lui parla de mariage; mais il déclara que,

s'il se mariait, il ne se livrerait qu'à des ouvrages féminins.

D'ailleurs chez sa mère, les occupations ordinaires delà femme

étaient les siennes : il se livrait aux soins du ménage, faisait

le lit et la cuisine de ses parents.

A dix-sept ans, on l'enferma à l'asile de Bétel, et ce n'est

qu'un an après qu'il eut sa première attaque d'épilepsie.

Jusque-là, d'après les renseignements, rien ne pouvait faire

prévoir l'invasion de la maladie. Pas de vertiges, pas de pâ-

leurs subites, pas de moments d'absence. Le malade n'urinait

pas au lit.

La première attaque d'épilepsie fut suivie de troubles

psychiques. G... courait partout; s'il voyait une fenêtre

ouverte, il tentait de se précipiter dans le vide. Pendant deux

années, les crises revinrent fréquemment, espacées par des

intervalles très irréguliers; et toujours elles étaient suivies des

mêmes troubles intellectuels. Puis, les attaques survinrent

seules, sans troubles consécutifs, si ce n'est un léger égare-

ment très passager. Depuis quelques années, les crises sont

plus rares; souvent elles sont remplacées par des vertiges.

Jamais les intervalles des crises n'ont été marqués par des

impulsions d'aucune sorte,

Les attaques sont classiques; elles sont survenues de jour

comme de nuit. Très souvent, un mal de tête violent prévient

le malade qu'il va tomber, il peut se baisser pour éviter la

chute. D'autres fois, il tourne trois fois sur lui-même, et tombe

sans avoir eu le temps de choisir l'endroit de sa chute. D'ail-

leurs les attaques complètes sont constituées par les phéno-

mènes suivants : chute, morsure à la langue, écume à la

bouche, convulsions toniques prédominant à droite, émission

des urines.

L'aberration du sens génital ne s'est pas amendée. Elle a

continué à évoluer simultanément avec l'épilepsie. A l'asile, il

INVERSION DU SENS génital. 49

s'est encore livré fréquemment à la masturbation. Son goût

pour les jeunes gens s'est manifesté par des déclarations

d'amour qu'il faisait aux jeunes malades, soignés avec lui.

Dernièrement encore il était amoureux d'un jeune homme de

dix-sept ans, avec lequel il s'est livré à des actes de pédé-

rastie passive. Assez souvent pendant son séjour à l'asile, le

même fait s'est reproduit. Interrogé ce sujet, G... répond

qu'il éprouve à ces pratiques une satisfaction inexprimable.

11 ne comprend pas ce qu'il y a d'immoral et d'anti-naturel

dans sa manière d'être, et professe d'ailleurs toujours le même

dégoût pour la femme. Quand on lui demande la raison de sa

conduite, il répond : « Que voulez-vous ? il est gentil, il est

beau garçon et je l'aime. » Notons toutefois qu'à l'âge de

treize ans, il se mit un jour à regarder sa mère avec des yeux

étranges, il se précipita sur elle et l'embrassant avec passion,

il lui dit : « Tu es belle, » mais ce fait ne s'est produit qu'une

seule fois.

Comme il parvenait toujours à tromper la surveillance de

ses gardiens, le directeur de l'asile de Bétel a supplié la

famille de retirer le malade.

Sorti de l'asile, il y a un mois environ, il a été replacé

aussitôt à Saint-Anne, où il est actuellement observé.

Telle est, rapidement esquissée, l'histoire de G...

Nous y trouvons la confirmation de ce que nous avan-

cions plus haut. Notre malade est un type d'héréditaire.

Stigmates physiques et stigmates psychiques de dégé-

nérescence, se trouvent réunis chez lui.

La tare héréditaire remonte ici très loin. Nous pou-

vons la suivre du côté maternel jusqu'à la grand'mère

du grand-père qui était folle. Du côté paternel, nous

perdons sa trace après l'avoir constatée chez une cou-

sine germaine du père, également folle.

Notre cas présente encore un autre intérêt : G... est

épileptique.

En aucune façon, l'on ne pourrait mettre' sur le

compte de l'épilepsie la perversion du sens génital

auuvEg, t. Il 4

50 REVUE CRITIQUE.

dont nous rapportons l'histoire. L'épilepsie ne présente

pas de ces syndromes et dans l'espèce, ils sont bien

caractéristiques de l'état mental que notre malade tient

de ses ascendants héréditaires. Dans notre cas, nous

voyons évoluer simultanément le syndrome et l'épi-

lepsie. Cette dernière vient se greffer, comme il arrive

souvent, sur un terrain débile, mais elle conserve son

indépendance. Notre observation montre donc en outre

un cas de coexistence de deux troubles intellectuels.

REVUE CRITIQUE

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE^CHEZ LES FEMMES ';

Par M. LECORCHÉ.

LE COMA DIABÉTIQUE ET L'ACÉTONÉMIE

Depuis la publication de notre Traité du diabète, où nous

exposions l'état de la science sur cette question, l'histoire de

l'acétonémie s'est enrichie de faits nombreux et intéressants

qui nécessitent une étude nouvelle. Aussi croyons-nous utile

de refaire ici sur un plus large plan un exposé complet des

théories et des divers aspects du coma diabétique. Nous indi-

querons au préalable les principaux travaux qui méritent

d'être plus spécialement consultés sur ce sujet.

Prout. On stoinach and rénal diseases.

Bence Jones. Lectures on pathology, 1854.

Petters ? Beo&ctc/t<MHeH Me diètes. Prag.Yiertetjalar.,485.

1 Voy. tome X, page 395.

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 51

Kaulich. Prtig. Vt€ ? 1860.

Kussmaul. - Deutsch. Arch. f. Klin. med., 1874.

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Frerichs. Ueber der diabètes, 1884.

Hertzka. Die Zuckerharuruhr, 1884.

I. PATHOGÉNIE DU COMA DIABÉTIQUE

Les nombreuses théories, proposées pour expliquer le dé-

veloppement des symptômes graves qui terminent souvent

l'évolution du diabète, peuvent se diviser en deux groupes

distincts. Dans le premier nous rangerons les diverses hypo-

thèses qui attribuent les accidents mortels à des altérations

matérielles et appréciables, subies par les tissus ou les liquides

du diabétique ; le deuxième groupe comprend les théories qui

font de la mort brusque ou rapide le résultat d'une intoxication

par quelqu'un des produits de la fermentation anormale du

glycose, que ce produit soit l'acétone ou un des composés voi-

sins de ce corps. On va voir que cette division correspond en

réalité à la distinction que nous établissons dans la manière

de comprendre le coma ultime des diabétiques, sans que tou-

tefois cette distinction paraisse avoir guidé en quoi que ce soit

les auteurs dans la .conception de leurs théories.

52 REVUE CRITIQUE.

Premier groupe. Lésions matérielles. Il est bien évi-

dent qu'on ne saurait s'attacher à discuter longuement la

valeur des diverses modifications signalées pour certains cas

dans les centres nerveux. Si l'on veut parler de lésions gros-

sières, d'hémorragies ou de ramollissements du cerveau, c'est

sortir de la question; le diabétique, en raison de l'état de ses

vaisseaux, est exposé, tout comme un autre athéromateux ou

scléreux, à faire une attaque d'apoplexie ou une hémiplégie,

qui n'ont rien de commun avec ce que l'on est convenu d'ap-

peler proprement le coma diabétique. Si l'on invoque l'anémie,

la congestion ou l'oedème cérébral, que signifient des lésions

aussi disparates pour expliquer un état symptomatique qui a

son autonomie et sa caractéristique propre ? L'anémie, la con-

gestion ou l'oedème du cerveau se rencontrent dans le rhuma-

tisme cérébral, dans le mal de Bright, dans bien d'autres

maladies à manifestations cérébrales ; ils sont les effets de la

cause première qui provoque la perturbation générale terminée

par le coma : ils ne sauraient l'expliquer.

Dans un travail récent, Abeles a signalé chez trois diabé-

tiques, morts avec des accidents acétonémiques, l'accumulation

de glycogène dans la substance cérébrale'. On trouvait aussi

du glycose dans le foie, les reins, le pancréas; il n'y en avait

pas dans les muscles. Or, d'après les recherches de Seegen,

de Kratschmer, de Paschutin, d'Abeles lui-même, le cerveau

à l'état normal ne contient pas de glycogène. Chez deux autres

diabétiques, mort l'un de phthisie, l'autre de furonculose,

Abeles ne constata pas non plus la présence du glycogène

dans le cerveau, ni du reste dans les autres organes. On pour-

rait donc se demander si l'accumulation de cette substance

dans les centres'nerveux ne joue pas un rôle dans la produc-

tion du coma. Mais Abeles ne soulève même pas cette question;

il se contente de dire que le dépôt du glycogène dans le cer-

veau et dans les différents organes est le fait du diabète même,

et que, si ce dépôt a pu être constaté dans le cas de mort par

acétonémie, c'est que la terminaison fatale a été plus rapide

que chez les deux diabétiques morts d'épuisement à la suite

de furoncles ou de tuberculose. Il n'y a donc pas lieu d'insister

sur ce point.

1 Abeles ? Glycogengehalt veoschiedener organ in coma (liab. Cen-

lralbl. nied. 117zsseh. Lecot'ch6. -.Diabète. 1885.

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 53

Est-il nécessaire de s'étendre sur les lésions rénales ? Qu'im-

porte que Griesinger ait constaté 32 fois sur 64 des altérations

des reins chez les diabétiques, ou que Dickinson, sur vingt-

sept autopsies, n'ait trouvé que deux fois les reins normaux' ? .

Cela nous semblerait plutôt un argument pour mettre les.

reins hors de cause; car il est certain que les trente-deux ma=

lades de Griesinger et les vingt-cinq diabétiques de'Diekinson.'

ne sont pas tous morts avec les symptômes du coma dit.

diabétique. Sans doute il est possible que le diabète se com-

plique d'une maladie de Bright et que le malade meure' avec

l'ensemble symptomatique désigné sous le nom d'urémie,

Mais est-ce une raison pour confondre le coma urémique avec

le coma diabétique ? Cliniquement, de l'aveu général, ces deux

états ne présentent pas une analogie qui autorise la confusion.1

D'autre part, savons-nous au juste ce qu'est pathogénique-

ment l'urémie ? Est-ce autre chose qu'une expression clinique ?

Abstraction faite de toutes les théories, dont aucune n'est dé-.

montrée, en nous en tenant aux faits mêmes, l'urémie est'

l'ensemble des phénomènes d'intoxication générale qui sur-,

viennent dans le cours de la maladie des reins. Ce qui revient'

à dire que c'est le diagnostic de la lésion rénale qui permet le.

diagnostic de l'urémie. Or, si un diabétique succombe dans le.

coma sans avoir présenté le moindre signe de lésion rénale,

ni albuminurie, ni anurie, et c'est le cas dans la plupart des

observations de coma diabétique, de quel droit conclure à.

l'urémie ? Et lorsque le clinicien fait la différence des deux'

états, comment admettre que le pathogéniste fasse la cohfu-.

sion, sans profit même pour lui ? Quant aux lésions histolo-

giques, à la nécrose épithéliale des tubuli signalée par.

Ebstein, nous en parlerons plus loin. Ce n'est là qu'un fait

accessoire, si intéressant qu'il soit, en le supposant vrai dans

tous les cas, et qui, même dans la pensée de l'auteur, est

primé par l'existence d'un produit toxique, cause réelle des

accidents.

Une part plus importante doit être faite aux lésions cons-

tatées du côté du coeur. L'atrophie du muscle, cardiaque a été

observée chez un certain nombre de diabétiques (Dickinson,

Paget). Scott Donkin, s'appuyant sur ce fait, a rapporté la

mort subite dans le diabète à une syncope. Richard Schmitz

soutient la même hypothèse; il y a pour lui, chez la plupart

des diabétiques, un'état d'atonie dû "myocarde, quis -à : urt

54 REVUE CRITIQUE.

moment donné, aboutit à une véritable insuffisance cardiaque

et à un état syncopal rapidement mortel. Frerichs admet

aussi une dégénérescence et une destruction granulo-graisseuse

des fibres du coeur, qui, dans certains cas, détermine une

véritable paralysie cardiaque avec collapsus. Les faits de ce

genre ne nous paraissent pas discutables; nous en avons

observé plusieurs pour notre part. Mais si le collapsus car-

diaque peut expliquer un certain nombre d'observations de

mort rapide dans le diabète, il ne saurait constituer un mode

d'interprétation applicable à tous les cas.

Restent les altérations du sang lui-même ; on en a décrit

trois principales : des changements dans la forme et les fonc-

tions des globules sanguins, une augmentation de la viscosité

du plasma par excès du sucre ; l'hyperglycémie avec déshydra-

tation des tissus ; la surcharge graisseuse du sang avec embolies

capillaires. Pour ce qui est des déformations subies par les

hématies, elles sont fort discutables; car la plupart des

auteurs qui ont examiné le sang pendant la vie n'ont rien

constaté d'anormal dans les formes des globules rouges. Le

fonctionnement défectueux des hématies est possible, probable

même; mais de quelle nature est-il ? Il est difficile d'ad-

mettre un trouble analogue à celui qui détermine l'intoxi-

cation par l'oxyde de carbone, car rien ne ressemble moins

au coma asphyxique que le coma diabétique. L'hypergly-

cémie avec déshydratation des tissus est une hypothèse qui

ne s'appuie que sur la disparition brusque du sucre urinaire

au moment des accidents; mais cette suppression de la glyco-

surie est exceptionnelle dans les cas de coma, et d'autre part

elle s'observe fréquemment chez les diabétiques d'une manière

plus ou moins passagère, sans qu'il en résulte le moindre

trouble cérébral dyspnéique. La théorie de Sanders et de

Hamilton est certainement la plus spécieuse. Elle repose sur

un fait vrai, la présence en excès de matières grasses dans le

sang des diabétiques. Dans trois cas de coma diabétique, ces

auteurs ont observé que le sang, après la mort, se séparait par

le repos en deux couches, l'une inférieure rouge, formée par

les globules sanguins, l'aulre supérieure, d'un blanc laiteux,

composé d'une véritable émulsion de globules huileux. Les

capillaires du poumon étaient remplis de gouttelettes grais-

seuses mises en évidence par l'acide osmique; on en trouvait

aussi, mais en moindre abondance, dans les reins et les autres

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 55

organes. Voit et Hertz ont constaté cet état lipémiquedu sang

dans deux autres cas de coma diabétique. Starr prétend même

avoir reconnu sur le vivant à l'aide de l'opthalmoscope des

embolies graisseuses des vaisseaux rétiniens. Mais, d'une part,

ces observations sont trop peu nombreuses pour entraîner la

conviction; de l'autre, Frerichs nie formellement avoir jamais

pu vérifier dans une autopsie l'existence d'embolies grais-

seuses des capillaires. Enfin, il faut remarquer que dans les

cas de Sanders et Hamilton il est dit expressément que le

sang exhalait une forte odeur d'acide acétique. Or, la présence

de matières grasses en excès dans le sang étant un fait com-

mun chez le diabétique, n'est-il pas vraisemblable que c'est la

transformation acide du liquide sanguin après la mort qui a

rendu plus facile et plus nette la séparation de ces matières

grasses en une couche surnageant au-dessous du caillot cruo-

rique, comme il arrive dans un mélange mal battu d'huile et

de vinaigre ? 2 -

Deuxième groupe. Empoisonnement par un produit dé la

fermentation du glycose. Les hypothèses qui s'inspirent de

cette idée se résument en somme dans la théorie de l'acéto-

némie. C'est Pettérs et Kaulich qui, frappés de l'odeur spéciale

de certaines urines diabétiques, eurent les premiers la pensée

d'y rechercher l'acétone et d'attribuer à une intoxication par

cette substance les phénomènes comateux qui terminent par-'

fois le diabète. Pour Kaulich, l'acétone se forme dans l'esto-

mac, par fermentation, aux dépens du sucre et de ses dérivés,

l'alcool et l'acide acétique, la muqueuse gastrique étant préa-

lablement altérée par une inflammation catarrhale. L'absorp-

tion de l'acétone formée en excès et son passage dans le sang

détermineraient l'explosion des accidents. Gehrard et Rupstein

ont depuis admis que l'acétone pouvait se produire directement

dans le sang même, aux dépens de l'éthyldiacétate de soude.

Kussmaul chercha à démontrer expérimentalement la

théorie. En injectant sous la peau ou en faisant inhaler à des

animaux de 8 à 10 grammes d'acétone, il provoqua chez eux

des symptômes d'ivresse et d'assoupissement analogues à

ceux que provoquent, à moins forte dose, l'éther et le chloro-

forme. Il admit comme probable que l'acétone, passant d'une

manière continue et prolongée dans le sang, amène à la longue

un empoisonnement chronique qui, surtout chez les individus

déjà débilités, pourrait prendre brusquement une allure aiguë,

56 REVUE CRITIQUE.

de la même façon que l'alcoolisme chronique aboutit peu à

peu, chez les buveurs de profession, au delirium tremens.

Cette théorie, si séduisante, parut trop simple. Il arriva

alors ce qui déjà était arrivé pour la cholémie et l'urémie.

L'empoisonnement par l'urée n'ayant paru possible chez les

animaux qu'à des doses excessives, on avait incriminé -la

transformation de l'urée en carbonate d'ammoniaque, puis

successivement toutes les substances contenues dans l'urine.

les matières extractives, les sels de potasse, l'urine en nature,

les ptomaïnes, sans arriver à aucun résultat décisif. De même,

pour l'acétonémie, on invoqua de préférence à l'acétone

quelques-uns des produits voisins de ce corps, l'acide éthyl-

diacétique, l'éther éthyldiacétique, l'acide acétylacétique. Et

finalement Freri chs aboutit à cette conclusion, que le mot

d'acétonémie doit être banni de la pathologie, l'empoisonne-

ment résultant pour lui non d'un produit déterminé, mais

d'une série de transformations dans le sang, dont les différents

stades intermédiaires nous échappent et dont nous ne connais-

sons que les produit s ultimes, l'acide acétique et l'acétone.

Telles sont les théories. Aucune à notre avis ne peut rendre

un compte satisfaisant de tous les faits. Mais, comme nous

l'avons déjà dit, il importe de faire des distinctions. Le

nombre des théories s'explique, si l'on songe que chacun,

jugeant d'après un petit nombre d'observations, édifiait une

hypothèse, qui ne s'adaptait qu'aux cas restreints dont il avait

été témoin. Aujourd'hui le nombre des faits est assez consi-

dérable pour permettre de se dégager de l'impression du

moment et d'embrasser la question d'une vue plus générale.

Or, abstraction faite des apoplexies par lésion cérébrale

grossière, ramollissement ou hémorragie, et des accidents

urémiques liés à une complication brightique évidente, qui

ne doivent même pas entrer en ligne de compte, il existe

deux ordres de faits bien distincts dans l'ensemble des acci-

dents observés et publiés sous le nom de coma diabétique.

Ces deux ordres de faits, nous les différencions par ce point

fondamental pour nous, la présence ou l'absence de l'acétone

dans les urines ou dans l'air respiré. Dans l'un, à aucun

moment des accidents qui amènent la mort, on ne constate

ni l'odeur acétonique de l'haleine ni la réaction caractéris-

tique dans l'urine. Dans l'autre, au contraire,.l'urine traitée

par le perchlorure de fer donne. la réaction rouge-bourgogne

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 57

et le malade exhale cette odeur aigrelette, éthérée, qui indique

une imprégnation par l'acétone; odeur si nette, si spéciale,

que nul ne la méconnaît après l'avoir une fois constatée.

Cliniquement, les différences symptomatiques ne sont pas

moins bien tranchées. Dans le premier cas, les malades

tombent progressivement ou brusquement dans un état de

torpeur, de faiblesse générale, d'anéantissement, qui aboutit

rapidement au coma; il y a d'emblée un refroidissement

général; le pouls est imperceptible, les battements du coeur se

sentent à peine, et cependant il n'existe aucune trace d'as-

phyxie, la face est pâle et les téguments décolorés.

Dans le second cas, les phénomènes débutent par une période

d'excitation parfois extrêmement marquée. Il y aune agitation

plus ou moins grande, une sensation de malaise, de^ douleurs

dans le ventre et l'hypochondre droit. L'excitation cérébrale

se traduit par une vivacité inaccoutumée, une loquacité qui

rappelle la première période de l'ivresse; la parole est brève,

rapide, bredouillée; l'excitation peut aller jusqu'à un véritable

délire maniaque et chez l'enfant jusqu'aux convulsions. En

même temps, survient cette espèce de dyspnée spéciale avec

inspirations énergiques, sans signe physique à l'auscultation.

Le pouls est vif, précipité et la température s'élève jusqu'à

380,5 et 39°. Ce n'est qu'après cette phase d'excitation, qui

peut durer plus ou moins longtemps et même ne pas aboutir,

qu'apparaît le coma, que la température baisse et que la mort

survient dans la prostration et le refroidissement.

A deux ensembles symptomatiques aussi différents, une

même explication pathogénique ne saurait convenir. Et c'est

parce qu'on a confondu ces deux catégories de faits sous le

nom de coma diabétique qu'aucune théorie n'a pu sembler

satisfaisante et applicable à tous les cas.

Les faits de notre premier groupe peuvent s'appliquer par

l'hyperglycémie, parla déshydratation ou le dessèchement des

tissus. Mais nous croyons que c'est surtout de la théorie de

Scott Donkin et de Schmitz qu'ils sont justiciables. L'affaiblis-

sement et l'insuffisance cardiaque nous paraissent dominer la

situation. On pourrait désigner cette première catégorie sous

le nom de coma diabétique simple ou plutôt de collapsus dî'a-

bétique. " " " ,

Quant au. deuxième- groupe, de faits, il n'a certainement

aucune parenté pathogénique avec la-première. Le coma, ici,

58 REVUE CRITIQUE.

est précédé par une période d'excitation et de réaction avec

élévation de la température qui n'existe jamais dans le col-

lapsus diabétique. L'analogie de ces deux phases successives

d'excitation et de dépression est évidente avec la marche des

phénomènes dans l'ivresse alcoolique ou chez les individus

soumis à l'inhalation du chloroforme ou de l'éther. Le diabé-

tique, en pareil cas, est soumis à l'action d'une cause sem-

blable. Il est intoxiqué par un produit accidentellement formé

dont les effets sur le système nerveux sont voisins de ceux de

l'alcool, du chloroforme ou de l'éther. Ce produit, il nous reste

à en discuter la nature et le nom; mais le fait de l'interven-

tion d'une substance toxique dans le développement des acci-

dents nous parait hors de cause; il ne s'agit plus d'un simple

collapsus, il s'agit d'un coma par intoxication.

Cette substance toxique, quelle est-elle ? On peut ramener

à trois les opinions émises à ce sujet : ou c'est l'acétone, ou

c'est un corps voisin de l'acétone, éther ou acide éthyl ou

acétylacétique; ou bien c'est toute la série des corps intermé-

diaires entre le sucre, l'acide acétique et l'acétone. Cette der-

nière opinion, qui est celle de Frerichs, ne nous paraît pas

soutenable. La manière dont les accidents se produisent, leur

similitude dans tous les cas, semblent bien indiquer qu'ils

résultent de l'action sur l'organisme d'un produit déterminé et

toujours le même, et non de l'empoisonnement par une série

de substances se métamorphosant et se détruisant au sur et à

mesure de leur formation. Le produit toxique est une aldé-

hyde, si l'on veut, ou un éther, ou un acide, ou un acétone,

mais ce n'est pas successivement et en même temps ces divers

corps en voie de transformation. D'ailleurs, en déclarant que

les stades des processus chimiques antérieurs à l'acétone nous

sont inconnus et nous seront difficiles à découvrir en raison de

la rapidité des changements que subissent les substances de

cette série, Frerichs reconnaît l'impossibilité de toute démons-

tration effective de son hypothèse et nous en ôte jusqu'à

l'espoir.

L'idée d'attribuer les phénomènes d'intoxication à un des

corps voisins de l'acétone plutôt qu'à l'acétone même est plus

vraisemblable. Elle est peut-être vraie. Il est possible que la

substance toxique soit en réalité l'éther, ou l'acide éthylacé-

tique, ou l'acide acétylacétique, ou quelque autre dérivé ana-

logue. Mais nous ne voyons, dans l'état actuel de nos connais-

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 59

sances, aucune raison péremptoire de donner la préférence à

un de ces composés plutôt qu'à l'acétone. Expérimentalement,

on produit avec l'acétone, chez les animaux, des symptômes

qui ne diffèrent pas plus de ceux du coma diabétique que les

accidents provoqués par Quincke ou par Gehrardt avec l'éther

ou l'acide éthyldiacétique. Chimiquement, il est aussi difficile

de comprendre ou d'expliquer la formation dans l'organisme

de ces différents corps que celle de l'acétone. Il n'y a donc

aucune raison valable et démonstrative pour renoncer à la

théorie de l'acétone en faveur de celle de l'éther ou de l'acide

éthyldiacétique. D'ailleurs, il est certain que d'autres com-

posés chimiques, de constitution analogue, sont capables de

produire des accidents semblables à ceux de l'acétonémie. La

démonstration ne sera complète que le jour où, expérimentant

successivement chacun des termes de la série chimique, on en

aura trouvé un dont les effets pathologiques se rapprochent au

plus près des symptômes constatés dans le coma par intoxication

des diabétiques. Jusqu'à ce jour, nous ne voyons rien qui nous

oblige à rejeter l'idée que cette intoxication est due à la pré-

sence de l'acétone dans le sang.

Quelles objections a-t-on, en effet, opposées à cette manière

de voir ? La difficulté de s'expliquer la formation de l'acétone

dans l'organisme humain aux dépens du glycose ? Mais la

chimie a-t-elle pu encore expliquer la formation de la xanthine

ou do l'acide urique aux dépens des matières albuminoïdes ?

L'organisme vivant n'est-il pas la plus puissante des cornues,

apte aux décompositions et aux combinaisons les plus com-

plexes dont aucune cornue de chimiste n'est capable ? Ce

n'est, d'ailleurs, pas le cas pour l'acétone. En distillant du

sucre et de la chaux, on fait de l'acétone. Pourquoi le tube

digestif ne serait-il pas capable de cette opération ? Ne savons-

nous pas que dans l'estomac le sucre peut subir la fermenta-

tion alcoolique, et l'acool à son tour la fermentation acétique ?

Est-il étonnant que d'autres transformations puissent aussi

se produire et aboutir en dernier terme à l'acétone ? D'ailleurs,

ce n'est là qu'une question afférente à celle qui nous occupe.

Peu importe comment l'acétone se forme dans l'organisme,

le point capital est qu'elle s'y forme et qu'elle y existe. Or, la

présence de l'acétone chez les diabétiques n'est pas contestée.

L'affirmation de Kaulich a été vérifiée par bien d'autres

auteurs. Lambl a trouvé l'acétone dans l'estomac et le sang,

60 REVUE CRITIQUE.

Morler dans la salive ; il est inutile d'énumérer tous ceux qui

en ont constaté l'existence dans l'urine. Berti l'a extraite, par

distillation, du coeur, du foie, du cerveau. Il est sans doute

intéressant pour le chimiste de chercher par quelles transfor-

mations successives a passé la matière pour se trouver à l'état

d'acétone dans les tissus; il suffit au pathologiste de savoir

qu'elle s'y trouve.

A cela on répond qu'elle s'y trouve en trop petite quantité

pour donner lieu aux accidents mortels dont on la rend res-

ponsable. Mais l'acétone n'est-elle pas une substance volatile !

Une partie peut avoir disparu quand on pratique l'analyse des

tissus ou des liquides. Trouve-t-on beaucoup de chloroforme

dans le corps des individus qui succombent à l'intoxication par

ce produit ? D'ailleurs, cette objection est connexe à la suivante,

et la réponse aux deux arguments se confond.

La principale objection, en effet, des adversaires de l'acéto-

némie est la résistance opposée par les animaux à des doses

même considérables d'acétone, et Kussmaul lui-même l'a

formulée en ces termes : « Ce qui empêche, dit-il, l'esprit

d'admettre une acétonémie aiguë spontanée, c'est qu'il faudrait

des quantités considérables d'acétone pour produire chez

l'homme une intoxication et le coma, d'autant plus qu'il n'est

nullement prouvé que ce corps, qui se volatilise si facilement

par les poumons, peut se développer dans l'organisme en

grande abondance et s'y accumuler. » Le fait n'est pas niable ;

Kussmaul a dû employer 5 ou 6 grammes en injections sous-

cutanées, et 20 grammes en inhalations pour amener non la

mort, mais des symptômes d'ivresse et d'assoupissement chez

de jeunes chiens. Il a fallu à de Gennes 150 à 180 gouttes

d'acétone en injection hypodermique pour déterminer la mort

des cobayes adultes.

Ebstein a essayé de répondre à cette difficulté en préten-

dant que la nécrose de l'épithélium rénal était la vraie cause

de l'intoxication, que, les reins altérés n'éliminant plus l'acé-

tone, celle-ci s'accumulait et amenait les accidents mortels.

Mais cette hypothèse ne résiste pas à la critique; le rein n'est

pas la seule voie d'élimination de l'acétone; il est probable

même, étant donné le peu d'acétone obtenue par distillation

de l'urine, que ce n'est qu'une voie accessoire.- L'acétone,

substance volatile, s'élimine surtout par les poumons; peu

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 61

importe donc que l'épithélium rénal soit ou non altéré,

puisque la voie pulmonaire reste toujours libre.

Ce n'est pas le rein qu'il faut incriminer, c'est l'organisme

tout entier. Comment comparer les animaux en expérience,

vigoureux, bien portants, auxquels on injecte sous la peau

une certaine quantité de poison et le diabétique épuisé qui

succombe à l'acétonémie ? Dans un empoisonnement, il ne

faut pas seulement considérer la dose de poison absorbée, il

faut aussi tenir compte de la résistance individuelle de l'or-

ganisme intoxiqué. Pour le chloroforme, par exemple, ne

voit-on pas certains sujets rester sans danger pendant plusieurs

heures soumis à l'action des vapeurs toxiques ; d'autres, au

contraire, succomber brusquement dès les premières doses

inhalées ? Les diabétiques eux-mêmes offrent une résistance

variable, suivant les cas, à l'action de l'acétone. On en voit

présenter, pendant un temps plus ou moins long, l'odeur et

la réaction spéciales de l'urine, et cela, à diverses reprises,

sans autres accidents qu'un peu d'excitation ou de dépression

et quelques vertiges. Puis, à un moment donné, quand la

vitalité cellulaire est épuisée, que les tissus mal nourris n'ont

plus de réaction, que le système nerveux affaibli est sans

défense, l'intoxication devient fatale et tue. Est-il nécessaire

que la dose'd'acétone ait été plus forte ? Rien ne le prouve;

il est aussi juste de dire que la dose, insuffisante pour atteindre

dans sa 'vitalité un organisme encore vigoureux, est devenue

insuffisante pour tuer un organisme débilité. Enfin, si la

question de quantité préoccupe encore l'esprit comme une

objection valable, on doit remarquer que les conditions de

l'acétonémie expérimentale ne sont, à un autre point de vue,

nullement celles de l'acétonémie pathologique. On inj ecte à

un animal 8 à 10 grammes d'acétone sous la peau; cette

acétone est absorbée, puis éliminée plus ou moins rapidement;

elle agit en tous cas d'un seul coup, pour ainsi dire, et pen-

dant un temps assez court. Le diabétique, au contraire, est

sous le coup d'une intoxication continue; l'acétone est en

vain éliminée par les urines et par les poumons; elle continue

à se former dans le tube digestif et dans le sang, et à impré-

gner l'organisme. Le diabétique acétonémique est dans les

conditions d'un animal qui vivrait dans une atmosphère

saturée d'acétone. Peut-on savoir, dans cette, occurrence,

quelles proportions d'acétone se produisent dans les tissus,

62 REVUE CRITIQUE.

et, puisque l'élimination se fait à mesure, peut-on juger, par

la quantité trouvée après la mort, de la quantité formée pen-

dant la vie ?

En résumé, on le voit, les objections opposées à la théorie

de l'acétonémie ne nous paraissent pas suffisantes pour nous

la faire rejeter. Cette théorie nous semble expliquer d'une

manière rationnelle les faits qui ressortissent à notre deuxième

groupe, le coma par intoxication. C'est à ces faits que nous

donnons le nom de coma acétonémique, le nom de coma dia-

bétiqise simple ou collapsus diabétique servant à différencier

les accidents de tout autre nature dont nous avons formé

notre première catégorie.

II. FORMES CLINIQUES DU COMA DIABÉTIQUE

I. Coma diabétique simple ou collapsus diabétique. Les

accidents que nous réunissons sous ce titre doivent être abso-

lument distingués de l'acétonémie proprement dite. Comme

l'acétonémie, ils se caractérisent par un état d'anéantissement

et un coma terminal plus ou moins complet, mais ils en dif-

fèrent par trois points principaux :

Le défaut de symptômes d'excitation au début;

L'absence de l'odeur chloroformique de l'haleine;

L'absence de la réaction acétonémique dans l'urine.

Le type est ainsi constitué. Un diabétique avéré, après une

évolution plus ou moins longue de son diabète, est pris brus-

quement d'une sensation de faiblesse extrême; rapidement,

cet état de faiblesse devient tel que le malade ne peut se

soutenir et est obligé de garder le lit ; on ne constate cepen-

dant aucune trace de paralysie proprement dite, bien que le

sujet ait à peine la force de mouvoir ses membres : la face

est pâle, la voix éteinte; l'intelligence est conservée. Le pouls

et les battements du coeur s'affaiblissent et deviennent diffi-

cilement perceptibles, et en vingt-quatre ou quarante-huit

heures le malade succombe, sans avoir présenté d'autres

symptômes que cet aspect d'épuisement, de torpeur générale,

tantôt avec toute sa connaissance, tantôt dans une sorte de

demi coma.

11 n'est pas douteux qu'un certain nombre de cas décrits par

les auteurs, depuis Prout, et rangés indifféremment sous le

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 63

nom de coma diabétique, ne rentrent dans cette catégorie

de faits ; mais, d'après la lecture des observations, il est assez

difficile d'en faire la distinction avec le vrai coma acétoné-

mique, les observations étant, d'ordinaire, fort incomplètes, et

l'aspect comateux du malade ayant seul frappé l'attention du

médecin. Aujourd'hui que la possibilité d'accidents comateux

comme terminaison du diabète est une chose connue, hors de

conteste, il importe de pénétrer dans l'analyse et dans le

détail des divers symptômes qui précèdent ou accompagnent

ces accidents. Or, ni le début ni les caractères objectifs du

collapsus diabétique ne sont ceux du coma de l'intoxication

acétonique. On ne constate pas la phase d'excitation, analogue

à l'ivresse alcoolique ou chloroformique. Ce qui, d'emblée,

domine la situation, c'est la perte rapide des forces, c'est l'af-

faissement général du sujet. Cet anéantissement qui, dès les

premiers moments, révèle la gravité fatale des accidents,

s'accompagne d'un abaissement de la température centrale et

périphérique. Le thermomètre est au-dessous de la normale,

en même temps que les extrémités pâlissent et se refroi-

dissent. Il n'y a pas, à proprement parler, de perte de con-

naissance, mais seulement de la somnolence, d'où il est, en

général, facile de tirer le malade, un état de torpeur intellec-

tuelle analogue à la torpeur musculaire. Les pupilles sont

dilatées, mais sensibles à la lumière. Cet état ne mérite pas,

en réalité, le nom de coma, mais pjutôt celui de collapsus ;

c'est quelque chose de semblable au collapsus qui marque par-

fois la défervescence brusque de la pneumonie chez les vieil-

lards et qui peut aussi, en pareil cas, devenir mortel.

Ce qui, pour nous, fait la gravité de ce collapsus et sans

doute l'explique en grande partie, c'est l'atonie du coeur. Dès

le début, en effet, le pouls, tantôt normal comme fréquence,

tantôt très accéléré, atteignant cent vingt, cent trente pul-

sations par minute, devient faible, petit, tout en restant

régulier dans son rythme. Les battements du coeur vont

s'affaiblissant et finissent par devenir à peine perceptibles.

Néanmoins la respiration est normale, le nombre des inspi-

rations étant de vingt à vingt-cinq par minute; en tout cas,

la dyspnée caractéristique de l'acétonémie manque complè-

tement.

Mais, en dehors de cet ensemble symptomatique déjà spé-

cial, il est un fait qui nous parait essentiel comme élément

64 REVUE CRITIQUE.

de diagnostic et qui ne permet pas de confondre le collapsus

simple des diabétiques avec l'intoxication acétonémique, c'est

l'absence de toute odeur d'acétone dans l'air expiré, carac-

tère négatif qui a pour corollaire l'absence de la réaction

de l'urine par le perchlorure de fer ou les autres réactifs de

l'acétone. Si l'on n'observe pas d'élimination acétonique par

les deux émonctoires ordinaires de cette substance, les reins

et les poumons, c'est donc qu'il n'y a pas formation anor-

male d'acétone dans l'organisme ; l'acétone ne saurait donc

être rendu responsable de ces accidents de collapsus. Par

cette seule raison que l'odeur et la réaction de l'acétone font

défaut, ces observations de collapsus nous semblent devoir

être absolument séparées des cas de coma où ces deux signes

se constatent.

Il faut ajouter que la quantité d'urine rendue est plutôt

augmentée que diminuée chez ces malades, et la fonction

glycogénique du foie ne parait pas sensiblement entravée.

Frerichs a noté que, chez un de ses diabétiques mort avec les

symptômes que nous venons de décrire, la vessie était remplie

d'urine, et cette urine contenait 50 grammes de sucre par

litre. Mais nous devons dire que le même fait peut se rencon-

trer dans le coma acétonémique. '

Quant aux causes qui provoquent le collapsus diabétique,

elles restent encore fort obscures, en raison du petit nombre

de faits bien étudiés. Frerichs n'a pu relever aucune étiologie

digne d'être notée chez une jeune fille, âgée de vingt-deux ans,

devenue diabétique à la suite de chagrins d'amour. Cette

jeune fille rendait en moyenne de deux à trois litres d'urine

par jour, contenant 40 à 50 grammes de sucre par litre.

Son état s'était sensiblement amélioré sous l'influence de

l'opium, du quinquina et des eaux de Carlsbad, lorsque tout à

coup, et sans raison appréciable, on vit augmenter la quan-

tité d'urine rendue; la peau et les muqueuses pâlirent, en

même temps qne survenait une accélération anormale des

battements cardiaques et une faiblesse extrême de la force

contractile. Au bout de quelques jours, se produisit une fai-

blesse générale de la malade, sans perte de connaissance,

suivie rapidement d'un affaiblissement, de plus en plus

marqué, des pulsations du coeur, et de mort en quelques

heures.

Dans une autre observation toutefois, le collapsus parait

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 65

avoir été provoqué, comme le coma acétonémique, par une

fatigue intempestive. Une femme, âgée de quarante ans, qui

perdait de 4SO à 600 grammes de sucre par jour, avec six litres

d'urine, fut prise tout à coup, à la suite d'un voyage de douze

milles, de somnolence bientôt suivie de coma, et mourut en

six heures.

II. Intoxication et coma acétonémiques L'intoxication

est caractérisée, pour nous, par quatre ordres principaux de

phénomènes :

1° La réaction spéciale de l'urine et l'odeur de l'haleine ;

2° Des troubles gastro-intestinaux ;

3° Des troubles respiratoires ;

t° Des troubles nerveux.

Ces différents symptômes se rencontrent réunis dans les

cas typiques ; ils peuvent se combiner de diverses manières

dans les cas incomplets; mais l'odeur aigrelette de l'haleine

ou la réaction de l'urine doivent de toute nécessité exister

pour justifier la nature acétonémique des accidents ; et, réci-

proquement, chaque fois que ces deux phénomènes existent,

que la réaction symptomatique soit complète ou incomplète,

le malade est pour nous un acétonémique. Nous précisons ce

point, parce que nous ne saurions admettre, comme le veut

Frerichs, deux groupes d'accidents, suivant que l'on observe

ou non la douleur thoracique et la dyspnée. Sans doute la

dyspnée est un des symptômes les plus caractéristiques de

l'intoxication. Mais ce symptôme peut manquer ou s'atténuer

devant les phénomènes nerveux ou gastro-intestinaux, sans

qu'on soit en droit de catégoriser les observations de ce genre

dans une classe à part, distincte de l'acétonémie. Que l'urémie

se traduise par de la dyspnée, des vomissements ou du coma,

elle n'en reste pas moins l'urémie. Il n'y a pas lieu de raison-

ner autrement pour l'acétonémie.

1° ° Odeur de l'haleine et réaction de Tureiae. L'odeur de

l'haleine a été comparée à l'odeur du chloroforme, à celle de

la pomme trop mûre. Ces comparaisons peuvent donner une

idée de cette odeur éthérée toute spéciale; en réalité, c'est

l'odeur même de l'éther éthyldiacétique ou de l'acétone. Les

émanations acétoniques peuvent être plus ou moins marquées;

tantôt on ne les constate qu'en flairant en quelque sorte le

malade, tantôt elles sont tellement intenses et pénétrantes

A)tCH)t'L5, t. Xi. 5

66 REVUE CRITIQUE.

qu'elles saturent pour ainsi dire l'air de la chambre, au point

d'incommoder les assistants. L'odeur de l'haleine est parfois

le premier indice des accidents graves qui menacent le dia-

bétique ; dans d'autres cas, elle ne se produit qu'au cours

même des phénomènes d'intoxication. A elle seule, elle per-

met le diagnostic; et, sans autre renseignement, en présence

d'un individu plongé dans le coma ou se plaignant de ma-

laises nerveux divers, de vertiges, de troubles dyspeptiques,

la constatation de l'haleine acétonique autorise à affirmer le

diabète.

L'urine peut donner la même sensation odorante; mais il

est préférable de recourir, pour déceler l'acétone, à un des

deux procédés suivants :

Le premier et le plus usité est la réaction que fournit le

perchlorure de fer. Dans une urine, additionnée au préa-

lable de quelques gouttes d'acétone, si on fait tomber une à

deux gouttes de perchlorure de fer, on obtient immédiate-

ment une belle coloration rouge rubis. Il suffit donc d'ajouter

quelques gouttes de ce réactif à une urine où l'on soupçonne

la présence de l'acétone pour mettre cette substance en évi-

dence. On comprend que, suivant la quantité d'acétone con-

tenue dans l'urine, la réaction sera plus ou moins nette, et

la teinte obtenue variera du rouge clair au rouge du vin de

Bourgogne.

Le deuxième procédé est celui de Le Nobel. Les réactifs

nécessaires sont : 1° une solution forte d'ammoniaque ; 2° une

solution au cent cinquantième de nitro-prussiate de soude

(10 centigrammes pour 15 grammes d'eau). On ajoute à l'urine

une certaine proportion de la solution ammoniacale : puis on y

verse quelques gouttes de nitro-prussiate et l'on voit se déve-

lopper lentement une coloration violette.

2° Troubles gastro-intestznaux. Ces troubles marquent

en général la période de début de l'intoxication ; ils consistent

en inappétence, nausées, vomissements et diarrhée, avec ou

sans douleurs concomitantes. Leur fréquence est telle que,

d'après Kaulich, l'acétonémie est toujours liée à un certain

degré de gastrite catarrhale nécessaire à la production de

l'acétone. Pour nous, ces symptômes d'irritation gastro-intes-

tinale sont le fait de l'élimination de la substance toxique par

ia muqueuse digestive; le mécanisme nous parait le même

que pour l'urémie gastro-intestinale. En tout cas, ils ne mé-

TROUBLES NE11VKUX DANS LE I)lAliÈ'IE CHEZ LES FEMMES. 67

ritent le nom de phénomènes acétonémiques qu'autant qu'ils

coexistent avec l'odeur éthérée de l'haleine ou de la réaction

urinaire, car la dyspepsie n'est pas rare chez les diabétiques à

l'état de complication accidentelle et sans aucune relation avec

l'intoxication acétonémique.

Ces troubles digestifs sont parfois à peine accusés; il faut

les rechercher et on ne constate que de l'inappétence et quel-

ques nausées. D'autres fois, au contraire, ils attirent toute

l'attention, au point d'égarer le diagnostic. Taylor a signalé la

fréquence des douleurs gastriques et abdominales, et ces dou-

leurs, jointes à des vomissements répétés, ont pu donner

l'idée d'une complication péritonique. Buhl a observé un cas

où la diarrhée était assez abondante pour mériter le nom de

chloréiforme, et Tappeiner, dans ses expériences sur les oies,

a reproduit ces phénomènes diarrhéiques. Mais, à ce degré

d'intensité, l'acétonémie gastro-intestinale est un fait excep-

tionnel ; tout se borne, d'ordinaire, à quelques symptômes

d'embarras gastrique; la langue est blanche, chargée, comme

poisseuse; il y a du dégoût pour les aliments, une constipation

habituelle, parfois quelques selles liquides; le ventre est sen-

sible à la palpation, légèrement ballonné.

3° Troubles respiratoires. La dyspnée est un des phéno-

mènes les plus caractéristiques de l'acétonomie. C'est une

dyspnée sans lésion matérielle, semblable à la dyspnée uré-

mique. L'auscultation montre que le murmure vésiculaire est

ample et normal dans toute l'étendue de la poitrine ; les bat-

tements de coeur sont réguliers, un peu accélérés seulement.

Kussmaul et Kien ont bien décrit l'aspect particulier de cette

dyspnée. « La respiration, dit Kussmaul, se fait comme si la

malade avait soif d'air, avec une violence singulière qui con-

traste avec son épuisement général. » En pareil cas, la gène

respiratoire se produit sous forme de véritables crises, débu-

tant brusquement avec une violence extrême et aboutissant

rapidement au coma mortel. Dans d'autres cas, l'intensité est

moindre; les malades se plaignent d'une sensation de dyspnée

continuelle; ils éprouvent d'une manière incessante le besoin

de faire de profondes inspirations; la respiration est haute et

entrecoupée, comme celle de quelqu'un en proie à une émo-

tion vive. Parfois, la dyspnée s'accompagne de douleurs vives,

occupant l'un ou l'autre hypochondre, le plus souvent l'hypo-

chondre droit, et présentant les caractères d'une névralgie

68 REVUE CRITIQUE.

intercostale. Certainement, nous le répétons, cette dyspnée est

pour ainsi dire pathognomonique ; mais elle peut manquer

complètement, sans que pour cela l'intoxication acétonémique

soit moins évidente.

40 Troubles nerveux. Il faut distinguer ici deux ordres

de faits : les phénomènes initiaux qui marquent le début de

l'empoisonnement; ce sont des symptômes d'excitation qui

résultent du premier contact de la substance toxique avec la

matière nerveuse; les phénomènes terminaux, phénomènes

de dépression qui aboutissent à la mort et qui sont la consé-

qnence de la saturation toxhémique de l'organisme.

La première action de l'acétone sur le système nerveux,

comme celle de l'alcool, du chloroforme, de l'éther, est une

action excitante. Il est vraisemblable que les malades réagis-

sent dans une certaine mesure suivant leur caractère propre,

et que, ici comme dans l'ivresse alcoolique, il faut tenir compte

de l'idiosyncrasie individuelle; mais les observations faites

dans cet ordre d'idées font défaut. Ce qui est certain, c'est

que chez l'enfant, par exemple, on constate assez souvent

l'existence de convulsions (Leroux), qui manquent d'habitude

chez l'adulte. Chez celui-ci, ce sont les troubles psychiques

qui dominent; un changement brusque dans les habitudes

cérébrales du malade : une gaieté ou une vivacité anormales,

une irritabilité excessive, une succession plus rapide d'idées

ou de mots, un ton plus bref, peuvent être les premiers indices

de l'intoxication. Parfois, on observe une certaine incohérence

de la pensée ou du langage. Dans un cas, de véritables acci-

dents de manie aiguë, ont été signalés. D'autres fois, ce sont

des éblouissements, des vertiges, des tintements d'oreille, de

la céphalalgie, qui ont été notés, ou bien quelques douleurs

vagues ou des douleurs névralgiques en différents points du

corps.

Il n'y a pas de fièvre à proprement parler, mais seulement

une légère excitation fébrile, constatable néanmoins au ther-

momètre. On a dit que dans l'acétonémie la température était

au-dessous de la normale. Cela est vrai, d'une manière cons-

tante, à la période terminale, dans la phase comateuse. Mais,

au début, si l'on prend, soir et matin, la température du ma-

lade, on note assez souvent une élévation appréciable, qui ne

dépasse pas, en général 380 à 38°,2; nous avons observé

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 69

38°,5, 38°,6 et 39° dans les premiers jours (OBs. XXXVIII,

LXXXIV).

Cette phase d'excitation est d'ordinaire assez courte; elle

peut passer inaperçue, et comme le médecin n'est souvent

appelé qu'au moment où les accidents inquiétants se produi-

sent, on comprend que certains ont pu dire que le coma se

produisait d'emblée. Nous croyons que le coma ne survient

jamais d'emblée dans l'acétonémie et que, à défaut de l'obser-

vation personnelle, un interrogatoire détaillé de l'entourage

du malade permet toujours de relever quelques-uns des symp-

tômes d'excitation préalable que nous avons indiqués.

Quoi qu'il en soit, les phénomènes de dépression ne tardent

pas à se manifester. Le premier en date, car il existe déjà au

moment de la phase d'excitation, est cette sensation de fai-

blesse générale, d'anéantissement physique, qu'accusent tous

les^malades et qui n'est d'ailleurs que l'exagération de la sen-

sation de fatigue habituelle à tous les diabétiques. Ils devien-

nent indifférents à tout ce qui les entoure, répondent à peine

aux questions, ne demandent qu'une chose, c'est qu'on les

laisse tranquilles.

Puis survient un état de somnolence, une torpeur irrésis-

tible ; on peut encore attirer momentanément l'attention du

malade, mais il retombe aussitôt dans sa somnolence demi

comateuse.

Bientôt le coma devient de plus en plus profond; il n'y a

pas de paralysie, et la sensibilité à la douleur, à la piqûre, au

pincement, bien qu'obtuse, est conservée. Mais toute excita-

tion est infructueuse à provoquer un mouvement ; les membres

soulevés retombent flasques et inertes. Les extrémités sont

froides ; la température centrale s'abaisse à 36°, 35° (OBs. LXXV)

et même au-dessous; le pouls reste toujours accéléré. La face

est pâle et immobile, les pupilles dilatées en général. Le ma-

lade s'éteint ainsi peu à peu, sans convulsions, en faisant de

temps à autre de longues et profondes inspirations.

Variétés et marche. Tels sont les différents symptômes

qui traduisent l'action de l'acétone sur l'organisme. Le tableau

peut être plus ou moins fruste, plus ou moins complet. Il

semble à priori qu'on pourrait, comme pour l'urémie, décrire

trois variétés principales, suivant la prédominance symptoma-

tique des accidents, et admettre une acétonémie gastro.irates-

70 REVUE CRITIQUE.

tinale, une acétonémie respiratoire et une acétonémie nerveuse.

Mais, si on en juge par les faits connus, la division en catégo-

ries aussi tranchée est loin d'être si nette que pour l'urémie.

En réalité, les trois ordres de symptômes coexistent presque

toujours, à des degrés divers il est vrai, mais en connexion

assez constante pour qu'il ne soit pas permis d'en faire des

formes distinctes.

La constitution de variétés cliniques, au point de vue de la

marche des accidents, est plus légitime. La plus commune,

celle que visent habituellement les auteurs dans leurs descrip-

tions, est la forme à marche rapide et continue, aboutissant à

la mort en trente-six ou quarante-huit heures à dater du début

des symptômes d'intoxication. Cette forme est le type de l'acé-

tonémie à sa plus haute puissance. Certains auteurs admettent

une évolution encore plus foudroyante, le coma pouvant,

d'après eux, survenir d'emblée et entraîner la mort en quel-

ques heures; mais nous avons déjà dit que les observations de

ce genre nous paraissaient sujettes.à caution, à moins qu'elles

ne rentrent dans le groupe de faits que nous avons réunis

sous le nom de collapsus diabétique simple.

1° Acétonémie aiguë. L'acétonémie aiguë présente dans

son évolution deux périodes : une période initiale, d'excitation,

et une période terminale, de coma. Le thermomètre peut, dans

une certaine mesure, caractériser ces deux phases, la tem-

pérature étant au-dessus de la normale dans la première, et

au-dessous dans la seconde. Mais il faut savoir que l'élévation

thermométrique initiale n'est ni aussi marquée ni aussi cons-

tante que la baisse terminale, et que c'est à peine si parfois le

thermomètre accuse quelques dixièmes de degré au-dessus du

chiffre normal, tandis qu'il descend facilement, pendant le

coma, au-dessous de 36°. Outre cette légère réaction fébrile,

les symptômes de la première période sont de la céphalalgie,

des vertiges, une sensation de malaise général, des douleurs

en divers points du corps, ou bien une excitation cérébrale

anormale, semblables à celle d'une légère ivresse, des troubles

digestifs, parfois quelques vomissements, avec constipation ou

un peu de diarrhée, enfin un besoin continuel de faire de pro-

fondes inspirations, s'exaspérant par moments sous forme de

crises dyspnéiques. La deuxième période s'annonce par une

somnolence et une torpeur invincibles; puis, progressivement

ou brusquement, cette somnolence fait place à un état coma-

TBOUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 71

teux avec refroidissement général, qui va en s'accentuant

jusqu'à la mort.

Môme dans cette forme aiguë de l'acétonémie, les accidents

n'ont pas toujours une évolution aussi précipitée qu'on l'a dit.

Au lieu de trois à quatre jours, durée maxima assignée à l'af-

fection, les phénomènes d'intoxication peuvent se prolonger

pendant huit à dix et douze jours avant d'aboutir à la mort.

C'est sur la période d'excitation que porte cette prolongation;

car, du moment que survient la phase comateuse, on peut

prédire à bref délai la terminaison fatale. C'est ainsi que chez

le malade de notre Observation XXXVII l'acétonémie se

traduisit d'abord par de la céphalalgie, des vertiges ; puis se

montra une douleur assez vive, persistante, localisée à la

région dorsale et à l'épigastre, accompagnée d'une dyspnée

intense qui forçait parfois la malade à passer assise une partie

de ses nuits, sans qu'on pût constater à l'auscultation des

poumons le moindre indice d'une lésion quelconque. L'ha-

leine, dès les premiers jours, était aigrelette; la soif vive, la

constipation opiniâtre. La sensibilité était diminuée aux

membres supérieurs; l'affaissement était considérable, la ma-

lade n'avait pas la force de tenir les objets qu'elle essayait

de prendre. Cet état persista quelque temps, s'aggravant ou

s'améliorant d'un jour à l'autre, jusqu'au moment où l'affais-

sement fit place à un état comateux, accompagné de quelques

mouvements convulsifs du membre supérieur droit. Ce coma

se termina en quatre jours par la mort; il n'y eut pas de

paralysie; mais, à deux ou trois reprises, le dernier jour, il se

produisit de véritables attaques de convulsions généralisées.

Eu même temps que la gravité de l'état général s'accentuait,

la quantité de sucre diminuait de moitié; pendant toute la

durée des accidents, outre l'odeur de l'haleine, nous pûmes

constater à différentes fois la réaction de l'acétone dans les

urines.

2° Acétonémie chronique. Les faits de ce genre servent

en quelque sorte de transition entre les formes rapides de

l'intoxication et ce que nous appelons l'acétonémie chronique.

Les symptômes accusés par le malade sont les mêmes que

dans l'acétonémie aiguë; mais ils se prolongent pendant

plusieurs semaines avant-d'amener le coma mortel. Ce qui

domine, c'est l'état d'accablement, d'affaissement, commun

à toutes les formes d'acétonémie. Le malade, épuisé, torpide,

72 ' REVUE CRITIQUE.

se meut avec peine ; il reste de préférence couché ou assis ;

il est indifférent à tout, ennuyé de tout effort intellectuel ou

physique. Sa respiration est pénible, suspirieuse; il fait de

temps à autre de profondes inspirations, où toutes les forces

thoraciques semblent entrer en jeu. Dans la journée, la som-

nolence est habituelle ; les nuits, au contraire, sont agitées,

troublées à la fois par la gêne respiratoire et par l'impossibilité

de dormir. Le dégoût pour tout aliment est insurmontable ;

le ventre est légèrement douloureux et ballonné. L'haleine

exhale cette odeur pénétrante (Oss. VII, LU, CIV), qui im-

prègne parfois la chambre du malade au point d'incommoder

les personnes qui s'y trouvent. L'urine, pendant tout ce temps,

donne, en général, d'une manière régulière, la réaction rouge

bourgogne par le perchlorure de fer; ce n'est qu'après cinq à

six semaines de ces manifestations morbides que se produit

enfin le coma, prélude de la mort. Cette allure chronique de

l'acétonémie ne peut s'expliquer que de deux façons : ou bien

l'acétone est produite en trop faible quantité pour déterminer

immédiatement des accidents graves; ou bien l'organisme du

malade est encore suffisamment résistant pour lutter avec

succès contre les effets du poison, et annihiler en partie sa

puissance. Le coma survient quand l'équilibre est rompu au

profit de l'acétone.

3° Acétonémie intermittente. A côté de ces deux formes

à évolution continue et fatalement mortelle, il faut faire une

place pour les cas où l'acétonémie, s'essayant en quelque sorte

avant d'aboutir au coma, procède par poussées passagères,

apparaissant et disparaissant à plusieurs reprises dans le cours

du diabète, sans conséquences graves (OBs. VII, XL VII, LU,

CIV). On voit ainsi des diabétiques présenter, à intervalles

plus ou moins éloignés, l'odeur aigrelette de l'haleine et la

réaction acétonique de l'urine, en même temps que se mani-

festent sous une forme atténuée quelques-uns des symptômes

fonctionnels décrits plus haut; tantôt, et le plus souvent, ce

sont des troubles digestifs : langue chargée, embarras gas-

trique, constipation persistante, ou bien diarrhée légère, par-

fois, vomissements répétés ; tantôt c'est une gène respiratoire

plus ou moins marquée; d'autres fois, on constate une irrita-

bilité ou une vivacité anormale, plus habituellement un état

de somnolence diurne avec sensation d'affaissement extrême.

. Puis, au bout de quelques jours, ces symptômes se dissipent,

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 73

la réaction et l'odeur acétonique disparaissent, et le malade

reprend son état de santé antérieur. Mais, après une succession

plus ou moins fréquente, plus ou moins prolongée de ces

attaques passagères et avortées, une dernière crise finit par

revêtir la forme grave aiguë et le malade succombe dans le

coma à une intoxication plus complète.

Notre Observation XLVII nous offre un exemple de cette

variété d'acétonémie intermittente. Pendant plusieurs années,

nous avons pu constater chez cette femme, à différentes

reprises, des tentatives d'acétonémie, avec odeur spéciale de

l'haleine et réaction acétonique de l'urine. Ces accès passagers

coïncidaient toujours avec une diminution de la glycosurie, la

proportion de sucre tombant de 75 ou 80 grammes à 20 ou

25 grammes. Ils se produisaient d'ordinaire à la suite de

troubles digestifs et ne duraient que quelques jours. Sous

l'influence du régime seul, on voyait rapidement disparaître

les troubles fonctionnels en même temps que la réaction

acétonurique. En août 188a, à la suite de fatigue et de sur-

menage, une nouvelle crise acétonémique se manifesta, mais,

cette fois, l'intoxication fut rapidement fatale, et la malade

succomba en quatre jours. Le samedi, elle fut prise de phéno-

mènes dyspnéiques, s'accentuant surtout la nuit, et se mon-

trant par accès, et d'une sensation de faiblesse extrême; elle

crut d'abord à des accès d'asthme et ne modifia pas son régime.

Les accidents s'aggravèrent dans la nuit du dimanche au lundi ;

la dyspnée devint intense; le mardi survinrent des vomisse-

ments, et dans la soirée le malade succomba dans une crise

respiratoire.

Nous ne savons s'il est permis de regarder comme un

exemple d'acétonémie avortée le fait curieux signalé dans

notre Observation XLIX. La malade était une femme de

quatre-vingts ans, reconnue diabétique en 1877; elle rendait

100 grammes de sucre par jour et environ deux litres d'urine.

La glycosurie diminua sous l'influence des alcalins. Mais, en

1878, l'urine ne renfermant plus que des traces de sucre, cette

femme fut prise de convulsions toniques des bras et des

jambes. Ces convulsions survenaient par crises qui ne du-

raient guère plus d'une demi minute à une minute; elles se

renouvelaient quinze à vingt fois par jour, sous l'influence

du moindre mouvement volontaire, du moindre contact. L'in-

telligence n'était pas atteinte; on constatait un certain degré

71 REVUE CRITIQUE.

d'hyperesthésie, mais pas de paralysie. Au bout de quelques

jours, ces symptômes cédèrent au traitement alcalin. S'agis-

sait-il là d'une attaque passagère d'acétonémie ? Les convul-

sions sont rarement le fait de l'intoxication acétonémique en

dehors de l'enfance, bien qu'elles puissent s'observer chez

l'adulte, comme le prouve notre observation citée plus haut.

Mais nous n'avons pas recherché chez cette malade la réaction

acétonurique. Ce qui est certain, c'est que ces troubles convul-

sifs n'étaient pas liés à une lésion cérébrale. Si on rejette

l'acétonémie, on ne pourrait guère les attribuer qu'à la dimi-

nution trop rapide et trop marquée de la glycosurie.

Causes occasionnelles. Les symptômes que nous venons

de décrire s'observent aussi bien chez la femme que chez

l'homme. Au point de vue symptomatique, le sexe ne parait

avoir aucune influence sur la marche de l'acétonémie. En a-t-il

une sur sa fréquence ? Sur les 32 observations réunies par

J. Cyr dans son intéressant travail, 112 seulement ont trait à

des femmes, Frerichs de même a observé moins souvent des

accidents acétonémiques chez la femme que chez l'homme.

Pour nous, nos observations nous donnent une fréquence égale

dans les deux sexes. Sur nos 114 cas, nous avons noté sept

fois le coma acétonémique.

Si la cause intime, première, qui détermine la fermentation

acétonique nous échappe encore, les conditions qui paraissent

favoriser ce travail chimique, ou du moins l'action nocive du

poison formé, les causes occasionnelles en un mot de l'intoxi-

cation sont assez bien connues. La plus fréquente est à coup

sûr le surmenage brusque de l'organisme par une fatigue anor-

male, comme une longue course ou un voyage. Cette cause est

indiquée dès les premières observations de Prout ; elle a frappé

depuis tous ceux qui ont eu l'occasion d'observer des cas d'acé-

toiiéniie 1. Elle se trouve signalée dans plus de la moitié des cas

colligés par J. Cyr, 17 fois sur 32. D'ordinaire, c'est à la suite

d'un voyage entrepris pour venir consulter un médecin ou

pour se rendre aux eaux que les accidents éclatent. Nous avons

rapporté dans nos Éludes médicales l'histoire de ce diabétique

qui, venu de Bordeaux pour nous consulter, par un temps très

froid, fut pris en arrivant à Paris d'un malaise avec affaisse-

ment général, bientôt suivi de coma, et succomba en trente-

six heures avec tous les symptômes d'une acétonémie suraiguë.

1 Voir Bourneville et Teinturier, Progrès médical.

TROUBLES NERVEUX DANS LE DIABÈTE CHEZ LES FEMMES. 75

Affections aiguës intercurrentes. Dans d'autres cas, l'acé-

tonémie apparaît dans le cours ou à la suite d'une affection

intercurrente ou d'une complication qui épuise le diabétique.

Dans notre Observation LXXV, les accidents se sont dévelop-

pés dans la convalescence d'une bronchite. L'acétonémie n'est

pas rare dans le cours des pneumonies lobaires qui se pro-

duisent chez les diabétiques usés et elle en rend le pronostic

presque nécessairement fatal. Parfois, ce sont des troubles

digestifs qui semblent provoquer l'intoxication ; mais ici l'étio-

logie n'est pas aussi nette, les troubles digestifs faisant eux-

mêmes partie du tableau symptomatique, il est assez difficile

d'ordinaire de se prononcer sur leur rôle pathogénique. Le

traumatisme (Verneuil) a été aussi observé comme cause des

accidents.

Albuminurie. Chez deux de nos malades (OBs. XXXVII et

LXXIV), nous avons constaté que l'acétonémie survint consé-

cutivement à l'apparition de l'albuminurie. Existe-t-il une con-

nexion, un rapport entre ces deux états ? En tout cas, la con-

nexion, est loin d'être ni nécessaire, ni fréquente. Nous nous

sommes d'ailleurs déjà suffisamment expliqué sur ce point ; il

est possible que l'existence d'une néphrite favorise la produc-

tion de l'intoxication, en altérant un des principaux émonctoires

de l'acétone ; mais l'acétonémie ne peut être regardée comme

forcément liée à l'albuminurie.

Influence du traitement. D'après Pavy,' et Lasègue répé-

tait volontiers l'assertion de l'auteur anglais, le diabète grave

non traité se termine par la phtisie pulmonaire, le diabète

traité aboutit à l'acétonémie. L'opinion de Pavy est sans doute

trop absolue ; mais elle est vraie dans de certaines limites. Le

diabète peut être traité sans aboutir à l'acétonémie, mais il doit

être traité avec prudence. Nous avons déjà répété bien des fois

qu'il faut se garder de s'attacher à faire disparaître complète-

ment et trop brusquement le sucre de l'urine des diabétiques.

La suppression rapide de la glycosurie les expose non, seule-

ment à l'acétonémie, mais à des complications de toute nature.

Qu'un traitement intempestif ait été institué ou que d'autres

causes occasionnelles puissent être invoquées, il est certain que

presque toujours le début de l'acétonémie coïncide avec une

diminution et parfois même une disparition du sucre urinaire.

Influence de la diète carnée. Certains modes de traitement

ont été plus spécialement incriminés, en particulier la diète

76 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

carnée. Joenicke, dans le service deBiermer, a vu l'acétonémie

se produire chez des malades soumis au régime exclusivement

carné ; les accidents disparaissaient après la suppression du

régime. La même observation a été faite par Ebstein ; d'après

ce dernier, la diète carnée agirait en favorisant la nécrose épi-

théliale des tubuli, véritable cause pour lui de l'intoxication

acétonémique.

Influence des opiacés. Enfin, d'après plusieurs faits de

Taylor et de Hilton Fagge, il semblerait que l'emploi des

opiacés puisse aider au développement des accidents toxiques.

Il est difficile d'attribuer d'une manière générale une semblable

action à l'opium. Nous administrons couramment l'opium aux

diabétiques et nous n'avons jamais observé d'acétonémie dans

ces conditions. Ce qu'il faut dire, c'est que les opiacés sont évi-

demment contre-indiqués chez les diabétiques qui font de l'acé-

tonémie. Donnés à un pareil moment. ils ne peuvent que pré-

cipiter la phase d'assoupissement et de coma ; leur effet nar-

cotique vient s'ajouter aux effets toxiques de l'acétone, mais il

ne les provoque pas.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

I. SUR UNE HÉ)ÏAT05fYEL ! E CONSÉCUTIVE A L'ÉLONGATION NER-

VEUSE, AVEC APPOINT A L'ANATOMIE PATHOLOGIQUE DU TABES

dorsal; par Th. RuMpF. (Arch. f. Psych., XV, 2.)

Observation relative à un homme de cinquante-huit ans.

Ataxie- locomotrice type. Le 14 octobre 1881, élongation bila-

térale modérée du sciatique. Le jour suivant, les troubles de

la sensibilité augmentent, il se produit des convulsions clo-

niques ininterrompues dans les muscles des jambes et du dos,

de la paralysie vésico-rectale. Cystite catarrhale avec frissons;

finalement, pneumonie, mort. C'est à la hauteur de la huitième

vertèbre dorsale qu'existe un épanchement sanguin de 3 cen-

timètres de long; dégénérescence grise des cordons postérieurs.

REVUE DE pathologie nerveuse. 77

Atteinte indiscutable des vaisseaux qui irriguent les cordons

postérieurs, soit dans les segments scléreux, soit dans les seg-

ments indemnes (coupes longitudinales); leurs tuniques

moyenne et adventice sont considérablement épaissies ; elles

présentent une abondante hypergénèse des noyaux qui se

prolonge dans le tissu conjonctif ambiant, d'où la compres-

sion des fibres nerveuses longitudinales et leur dégénéres-

cence à un moment donné. Donc le point de départ de la

lésion est, dans l'espèce, le vaisseau. Autre preuve : les zones

de dégénérescence descendante secondaire ne décèlent aucune

trace d'altération vasculaire. Enfin, dernière particularité,

raréfaction des fibres nerveuses dans les colonnes de Clarke.

P. K.

II. SUR LES paralysies spinales avec ataxie;

par L. Loewenfeld. (Arch. f. Psych., XV, 2.)

Deux observations très intéressantes au point de vue clinique,

avec discussion analytique, critique, et diagnostic différen-

tiel entre elles et les faits parallèles de Fischer, Kahler et

Pick, le nervo-tabes de Dé,jerine, etc. Malheureusement pas

d'autopsie. Sans altération de la santé générale, sans aucune

maladie antérieure, en un mois et demi à deux mois, sur-

viennent dans les quatre extrémités des troubles moteurs et

sensitifs. Ce sont : de l'affaiblissement, delà paralysie, réguliè-

rement ou irrégulièrement, symétriquement ou asymétrique-

ment distribués dans les quatre membres ; en même temps,

troubles de la sensibilité subjectifs ou objectifs, dont l'intensité

est en rapport avec les troubles de la motilité. Intégrité des

nerfs céphaliques et des sphincters ; absence de douleurs en

ceinture; rien du côté de la colonne vertébrale; rien dans les

muscles abdominaux ou thoraciques. L'Observation I con-

cerne une femme de trente-deux ans adonnée aux boissons

alcooliques, aux excès de bière, présentant un affaiblissement

très marqué de la mémoire avec désordre dans les idées ; apa-

thie. L'Observation II est celle d'un homme de quarante-

quatre ans, modéré dans son genre de vie. Dans les deux cas,

l'évolution fut bénigne et rapide; l'amélioration obtenue per-

met d'espérer une guérison. Diagnostic : poliomyélite antérieure

subaiguë avec quelques altérations des cornes postérieures ou des

faisceaux radiculaires postérieurs. P. K.

78 revue DE pathologie nerveuse.

III. Un cas DE paralysie ascendante aiguë; parJ. HOFFMANN

(Arch. f. Psych., XV, 1).

Observation accompagnée - à' autopsie et d'analyse histolo-

gique. Caractères cliniques. Marche ascendante de la paraly-

sie ; troubles de la sensibilité bornés à des formications pas-

sagères, évolution apyrétique, absence d'atrophie; réaction

normale des muscles et des nerfs à l'égard du courant galva-

nique et, excepté pour le facial droit, à l'égard du courant fara-

aique; finalement la moelle allongée est atteinte (dès lors, mort

rapide). En somme, type Landry. Caractères anatomiques.

Altérations myélitiques dans la région des pyramides et des cor-

dons latéraux expliquant la paralysie et la parésie motrice des ex-

trémités, tuméfaction des cylindraxes, avec intégrité delasubs-

tance grise et des nerfs périphériques. Intégrité -des noyaux

bulbaires, y compris les fibres intra-bulbaires du facial, mais

tuméfaction des cylindraxes dans les pyramides et les corps

restiformes, hémorrhagies et infiltrats vasculaires, méningés, et

épendymaires (quatrième ventricule) semblant indiquer l'exis-

tence antérieure de processus inflammatoires intenses ; on peut

suivre les altérations des vaisseaux jusqu'au niveau des noyaux

du facial. P. K.

IV. DE L1 myopathie atuophique progressive; par LNDOUZY

et Déjerink. (Revue de inéd., février et avril 1885.)

Cette affection, que Duchenne (de Boulogne) a décrite sous le

nom d'atrophie musculaire progressive de l'enfance"est une maladie

spéciale qui n'est pas de même nature que l'atrophie musculaire

progressive de l'adulte; car, tandis que cette dernière est la

conséquence d'une lésion spinale, le système nerveux ne prend

aucune part dans l'évolution de l'atrophie de l'enfance qui est

exclusivement myopathiqzte.

La myopathie atrophique progressive débute le plus souvent

dans l'enfance parles muscles de la face, quelquefois, dans l'ado-

lescence ou à l'âge adulte, par les membres supérieurs ou, plus

souvent, par les inférieurs, et peut revêtir trois types : le type

facio-scapulo-huméral, scapulo-huméral, fémoro-tibial. Dans le

premier cas, quand les muscles de la face sont atteints, la phy-

sionomie du malade revêt un caractère tout particulier (faciès

myopathique) soit au repos (faciès béat, lèvres saillantes, front

lisse, pseudo-exorbitisme), soit pendant les efforts de mimique

REVUE DE pathologie nerveuse. 79

(rire en travers, immobilité des traits). De la face, l'atrophie se

généralise aux membres, en étant toujours plus marquée u leur

racine : elle frappe les muscles à'une façon individuelle, de telle

sorte que dans le domaine d'un même nerf on trouve des muscles

complètement détruits au milieu d'autres normaux. Ceux qui

' restent intacts le plus longtemps sont le sous et sus-épineux, le

sous-scapulaiie, les fléchisseurs de la main et des doigts. Les

muscles annexés à des appareils spéciaux (vue, mastication,

déglutition, phonation, respiration) ne sont jamais atteints. Les

muscles altérés sont atrophiés dès le début; jamais il n'y a d'hy-

pertrophie dans aucun muscle, qu'il soit frappé ou non par le

processus atrophique. La consistance des muscles n'a rien de par-

ticulier ; quelques-uns cependant (biceps) sont souvent dans un

état de rétraction très prononcé. Les contractions fibrillaires font

défaut; plus de contractions idio-musculaires. La contractilité

électrique n'est modifiée que quantitativement, sans réaction de

dégénérescence. Les réflexes tendineux ne disparaissent en

général que quand les muscles sont très atrophiés; les réflexes

cutanés, la sensibilité générale et spéciale, la nutrition de la peau,

les sphincters restent intacts.

La lésion anatomique consiste dans une myosite parenchyma-

teuse primitive atrophique avec sclérose très légère, sans que les

muscles altérés présentent la moindre augmentation de volume.

Les vaisseaux, les nerfs n'offrent aucune altération.

Au point de vue diagnostique, l'atrophie des muscles de la face

a une valeur absolue qui permettra de repousser d'emblée l'idée

d'une atrophie musculaire myélopathiqne. Si les muscles de la

face sont intacts, la conservation de muscles particuliers, la

rétraction de certains autres, l'absence de contractions fibrillaires,

de réaction de dégénérescence, la conservation des réflexes

tendineux, la lenteur de l'évolution, les antécédents héréditaires

empêcheront de songer au type scapulo-huméral myélopathique.

La sclérose latérale amyotrophique ne peut être confondue

(paralysie bulbaire, contractures - La paralysie pseudo-

hypertrophique s'accompagne toujours d'un état hypertrophique

de quelques muscles; elle respecte la face, débute dans la pre-

mière enfance, et est rare après la vingtième année. - Enfin, la

myopathie atrophique progressive se distingue de la « forme

.juvénile » de Erb par la participation de la face à l'atrophie,

l'absence de pseudo-hypertrophie, et la fréquence de l'hérédité

directe ou collatérale.

Le pronostic est grave, car la marche est lente mais continue.

La pathogénie reste inconnue; l'hérédité est la seule cause

étiologique connue. La thérapeutique devra l'adresser autant à

la modification reconstituante qu'à l'électrothérapie.

En résumé, on peut dire, d'après ce mémoire qui renferme sept

80 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

observations personnelles et une relation d'autopsies plus détaillées,

que la myopathie atrophique progressive constitue, dans le

domaine des atrophies musculaires protopathiques, une affection

spéciale aussi bien au point de vue anatomique qu'au point de

vue clinique dans son étiologie, ses symptômes, son évolution.

J. SÉGLAS.

V. Deux cas DE la maladie des jointures DE CHARCOT; par Cit. A1'HIN.

(Médical Ch ? ,onicle, avril 1885.)

11 s'agit de deux cas d'arthropathies du genou; l'un est survenu

pendant que le malade était au lit, l'autre avant que tout symp-

tôme ataxique eût été remarqué. Comme le fait remarquer l'au-

teur, ces deux cas sont très propres à montrer que le trauma-

tisme n'est pour rien dans la pathogénie de l'affection. D'autre

part, l'état général des sujets permet d'établir que le rhumatisme

n'est nullement en cause. CH. F.

VI. ISCHURIF hystérique ; par W. Frew. (The Glascoiv médical

journ., sept. 1885.)

M. Frew rapporte un cas d'ischurie hystérique chez une femme

offrant des antécédents héréditaires vésaniques. La sécrétion uri-

r.aire était compensée par un flux diarrhéique; mais, contraire-

ment à ce qu'on observait si nettement dans le cas de M. Charcot,

les matières vomies n'avaient aucune odeur. Il faut dire toutefois

que l'analyse régulière de ces matières ne parait pas avoir été

faite. Ch. F.

VU. SUR la présence ET l'importance DE L'AtiESTHiSIE SENSORIELLE

DANS LES AFFECTIONS DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL; parR. THomsrN

et H. Oppenheim. (Arch. f. Psych., XV, 2 et 3.)

Transcrivons d'abord les conclusions du mémoire :

1- L'anesthésie et l'hémianesthésie sensorielle ne caractérisent pas

l'hystérie; on la rencontre dans bien d'autres affections du système ner-

veux central. 2»Elleconstitue un complexussymptomatiquequipresque

partout, malgré l'absence par ci par là de certains éléments, présente le

même tableau. 3" Le .symptôme le plus constant en est le rétrécisse-

ment bilatéral du champ visuel. - 4° La participation des autres organes

sensoriels et de la sensibilité cutanée et muqueuse est éminemment

variable. 5" Il n'existe pas de rapport fixe entre les troubles fonction-

nels de chacun des appareils sensoriels et la sensibilité cutanée. 6°

Les hémianesthésies vraies sont rares; elles n'existent pas si par

hémianesthésie on entend admettre l'intégrité complète de l'autre moi-

tié du corps. 7° L'anesthésie sensorielle est ou stationnaire (et l'on

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 81

constate alors des oscillations plus ou moins fortes en intensité ou en

étendue) ou plus rarement passagères. 8" Presque tous les malades

atteints d'anesthésiesensoriette présentent des anomalies psychiques

déterminées (troubles de la connaissance, hallucinations, rêveries, obnu-

hilation et, en fait de perturbation^de l'affectivité, des phénomènes d'exci-

tation et de dépression avec angoisse, avec ou sans conception déli-

rante). 9" La profondeur de l'anesthésie sensorielle est, dans la plu-

part des ras, directement parallèle à l'état psychique; dans certains

cas, elle vient et s'en va avec l'altération psychopathique. 10- Presque

jamais, dans l'espèce, on ne note l'absence de malaises nerveux (sensa-

tion de pression céphalique, paresthésies sensorielles, tremblement).

I I^ L'anesthésie sensorielle se rencontre dans l'épilepsie, l'hystérie, l'hys-

téro-épilepsie, l'alcoolisme, le nervosisme, la neurasthémie, la chorée, les

états d'angoisses, le railway-spine. Les lésions céphaliques, la sclérose

multiloculaire, la névrose de Weatphal (tableau clinique de la dégénéres-

cence grise cérébro-spinale sans lésion), les affections organiques de l'en-

céphale; enfin, à la suite de certaines psychoses encore inclassables.

t2'' L'anesthésie sensorielle survient par conséquent : I, de concert avec

les anomalies psychiques sus-énoncées, en tant que tableau morbide

autonome; II de concert avec d'autres affections du système nerveux cen-

tral ; névroses et psychoses; III comme épiphénomène enté sur des affec-

tions palpables, il lésion, du système nerveux central ; elle n'a, d'après

nos observations, pas l'importance d'un symptôme de lésion en foyer ;

c'est une manifestation cérébrale d'ordre général. - 13^ L'anesthésie ou

l'hémianesthésie sensorielle ne permet pas de conclure à posteriori rela-

tivement au caractère ni au pronostic de la maladie fondamentale.

Ces conclusions résument la teneur des six paragraphes sui-

vants :

I. Anesthésie sensorielle de l'épilepsie. A. Passagère. B. Sta-

tionnaire. Dix-neuf observations. Elle s'y rencontre a, sous la

forme passagère : à la suite de l'attaque, quand l'attaque se com-

plique d'un état de dépression ou d'excitabilité de la sphère affec-

tive, la connaissance demeurant intacte, ou quand l'attaque laisse

après elle un trouble de la connaissance; àla suite des équivalents

psychiques de la névrose et des attaques abortives; onne la trouve

pas à la suite des attaques purement convulsives; - h, sous la

forme stationnaire : chez les épileptiques malades depuis long-

temps, dont l'intelligence est un peu affaiblie, cela, indépendam-

ment de l'attaque et de son mode. Il s'agit, dans tous ces cas, d'un

rétrécissement concentrique du champ visuel qui s'effectue, dans

les quatre directions, sur une étendue presque égale.

II. Anesthésie sensorielle de l'hystérie. Vingt-huit malades au-

raient été suivies (26 f. h.); les auteurs ne relatent que dix ob-

servations, dont un homme. D'après eux, dans la plupart des cas

d'hystérie, la paralysie de la sensibilité cutanée est non pas totale

sur un côté, mais partielle sur les deux côtés du corps, non pas

stationnaire, mais extrêmement variable en intensité comme eu

Archives, t. Xi. 6

82 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

étendue, tout à fait capricieuse, et, au besoin, elle alterne avec une

hémianesthésie plus ou moins vive. Il n'existerait aucun rapport

fixe entre les allures de chacun des appareils sensoriels et la sen-

sibilité de la peau. On trouverait, par exemple, de l'anesthésie

sensorielle contrastant avec l'intégrité absolue et constante de la

sensibilité cutanée, et, inversement, une insensibilité totale de la

peau de la tête contrastant avec un fonctionnement presque

absolument normal des fonctions sensorielles. Dans quelques cas

isolés, on noterait une anesthésie cutanée bilatérale, alors qu'il y

aurait anesthésie sensorielle unilatérale et vice et versa; eu d'au-

tres cas, l'atteinte plus marquée d'un appareil sensoriel du côté

droit (acuité auditive) cadrait avec l'affection prédominante d'un

autre appareil sensoriel du côté gauche (rétrécissement concen-

trique du champ visuel), ce qui ne veut pas dire, du reste, que les

appareils respectifs du côté opposé chacun à chacun ne soient pas

malades du tout. Il peut encore arriver que l'odorat, fouie, le

goût soient isolément anesthésiques, les autres restant intacts; le

sens musculairepeut être troublé indépendammentde l'anesthésie

cutanée existante, mais on ne rencontre pour ainsi dire jamais

une allure normale, purement unilatérale, d'un champ visuel

quand les autres organes sensoriels sont atteints. Généralement,

les champs visuels des deux yeux présentent un rétrécissement

concentrique aussi fort; de même, le champ de perception du-

blanc et des couleurs est rétréci dans une égale mesure; par-

fois, quand le champ visuel de la vision périphérique est diminué

dans une très forte mesure, il y a achromatopsie pour le rouge et

le vert; la diminution de l'acuité visuelle est chose bien connue.

On rencontrerait l'anesthésie sensorielle aussi bien dans les

formes les plus légères que dans les formes les plus graves et

les plus opiniâtres de l'hystérie, que celle-ci se traduise ou non

par des convulsions. Nous ferons remarquer à MM. Thoînseiz et

Oppenheim que, si les faits sont exacts, ils n'infirment en rien la loi

de Charcot tout entière basée sur les rapports des perturbations de la

sensibilité générale et spéciale aoec L'ovurie, dont ils ne tiennent pas

compte ici.

III. Anesthésie sensorielle dans les névroses générales (à l'exclu-

sion de l'épilepsie et de l'hystérie). A. Neurasthénie (faiblesse

irritable) et nervosisnte. Voyez les Observations XXX, XXXI, XXXII,

qui, d'après les auteurs, les dispensent de donner les nombreuses

observations recueillies par eux, toutes semblables à celles-ci

dans leurs traits principaux. On trouverait un rétrécissement

concentrique typique du champ visuel pour le blanc et toutes les

couleurs, accompagné de troubles de la sensibilité cutanée occu-

pant d'ordinaire certaines parties isolées de la surface du corps

(fréquemment le cuir chevelu, plus rarement une moitié du corps),

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 83

accompagné également de lacunes fonctionnelles des autres

organes sensoriels : souvent le rétrécissement du champ visuel

est la seule anomalie perceptible; d'autres fois, tel ou tel organe

sensoriel ou tous les organes sensoriels participent à l'affection.

B. Chorée. Sur vingt faits, trois témoignent d'anomalies de la

sensibilité générale et spéciale. L'un d'eux concerne sinon une

chorée hystérique, du moins une chorée chez une hystérique

(OBs. XXXIV) ; le second a trait à une chorée sans hystérie

(Ocs. XXXV); dans le troisième, il s'agit d'une chorée survenue

chez un jeune garçon non hystérique à la suite d'une émotion

morale (OBs. XXXVI). Dans ces trois cas, il y eut rétrécissement

concentrique du champ visuel très prononcé à la période d'acmé

de la maladie.- C. Hémicrdnie, tic douloureux, névralgies simples.

On n'a trouvé qu'isolément, une fois, un rétrécissement modéré du

champ visuel. Pas d'observations. Névrose professionnelle (crampe

des écrivains). Ons. XXXI. Même note. Etats d'angoisse. Que l'an-

goisse soit le seul phénomène ou le phénomène principal dans

la plupart des cas de cette sorte, on observe un rétrécissement

concentrique du champ visuel habituellement associé a d'autres

anomalies sensitivo-sensorielles. Exemple : un cas d'agoraphobie

(OBs. XXXVII), caractérisé par une hémianopsie latérale droite

stationnaire; toutes les fois qu'il se manifeste une crise d'angoisse,

les moitiés conservées du champ visuel présentent un rétrécisse-

ment concentrique plus ou moins accentué.

IV. Anesthésie sensorielle consécutive a des lésions céphaliques et

à des commotions traumatiques (accidents). -Ce genre d'accidents

donne naissance : Il à des modifications dans les allures psychi-

ques; 2° à certains malaises nerveux; 3° à des troubles de la

sensibilité dans le sens le plus large du mot. Il s'agit générale-

nieul d'accidents de chemins de fer. Ces manifestations sont

généralement stables, ce qui les différencie de celles de 1'liys-

téi ie. Dans une proportion centésimale assez notable, on trouva

aussi des phénomènes se rattachant à des lésions irréparables

du système nerveux (fixité, immobilité de la pupille, atrophie

des deux nerfs optiques, complexus symptomatique psychosen-

soriel de l'épilepsie vraie (Ous. X1XVIII-XLVI).

V. Anesthésie sensorielle dans les affections qui évoluent en pré-

sentant le tableau clinique d'une affection en foyer cérébro-spinale

multiloculaire (Obs. 1LV11-L). -Qu'll y ait ou non un substratum

anatomique défini, on observe des troubles sensitivo-sensoriels ;

l'élément le plus constant en est le rétrécissement concentrique

du champ visuel. Mais il varie en raison directe des accidents

psychiques, quelle que soit la progression de la lésion; de plus,

la bilatéralité en est presque la règle. Il n'est donc pas l'expres-

sion directe d'une lésion en foyer. Il ne saurait non plus servir

84 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

d'élément diagnostique entre l'hystérie et la sclérose multilocn-

]aire.

VI. Remarques sur l'existence de l'anesthésie sensorielle dans les

lésions de l'encéphale confirmées ou diagnostiquées pendant la vie. -

Les troubles de la sensibilité cutanée émanent de lésions de la

partie postérieure de la capsule interne. L'hé mi anesthésie, y com-

pris les organes des sens, est un trouble purement fonctionnel

résultant de la cessation d'action de la moitié du cerveau. P. K.

VIII. Observation de myxoedème ; par M. H. HARTMANN.

(France méd., 1884, I.)

Il s'agit d'une femme de trente-six ans qui, vers la vingtième

année, à la suite d'un érysipèle, présenta presque simultanément

des symptômes de goitre exopthalmique qui disparurent rapide-

ment et une enflure généralisée qui, au contraire, persista.

Actuellement, la peau des membres, du tronc et surtout du visage,'

est le siège d'une sorte de bouffissure ou d'épaississement bien

différents de l'oedème ordinaire; du reste, pas d'albuminurie. Le

tégument est en outre remarquable par sa pâleur et sa séche-

resse ; la face est sans expression, comme couverte d'un masque;

les cheveux sont rares et friables; les dents cariées. Le volume de

la glande thyroïde n'a pu être apprécié.

Pas d'anesthésie ; il existe une sensation continuelle de refroi-

dissement. Malheureusement le chiffre exact de la température

n'a pas été relevé. Grande faiblesse musculaire, parole lente et

embarrassée, paresse intellectuelle très prononcée, état habituel

de somnolence : tels sont les autres symptômes principaux qui

ont été notés chez cette malade. G. D.

IX. Pouls lent; épilepsie bulbaire; par R. Lépine.

[Lyon méd., 1884, t. XLV.)

L'auteur croit que les attaques syucopales qui ont'été signalées

dans les cas de pouls lent seraient souvent de véritables attaques

d'épilepsie,' et qu'il s'agirait alors d'une épilepsie d'origine 6ul-

baire.

A l'appui de cette hypothèse, M. Lëpine cite l'observation d'un

malade atteint de pouls lent (trente-quatre pulsations par minute)

chez lequel les prétendues attaques syncopales étaient bien de

nature épileptique, car elles s'accompagnaient au début de quel-

ques convulsions localisées à la face. A l'autopsie, on trouva une

compression du bulbe par l'apophyse basilaire. G. D.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 85

X. Noie SUR un cas d'oblitération de l'artère basilaire ET SUR

QUELQUES POINTS DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE DU RAMOLLISSE-

MENT cérébral; par M. MAYET. (Lyon méd., 1884, t. XLV.)

Chez une femme qui mourut après trente-six heures de coma,

on trouva l'artère basilaire oblitérée en arrière de l'origine des

cérébrales postérieurespar un caillotdur, blanchâtre et homogène.

On trouva en outre un ramollissement blanc crémeux de toute

la protubérance et un petit foyer nécrobiotique, probablement

ancien, dans la couche optique gauche.

En raison de l'intégrité complète de la paroi artérielle au

niveau du bouchon fibrineux et des caractères même du caillot,

l'auteur pense qu'il s'agit dans ce cas non pas d'une thrombose

mais d'une embolie, bien qu'il n'ait pu en découvrir l'origine, le

coeur et l'aorte n'étant le siège d'aucune lésion. Un certain

nombre de considérations intéressantes destinées à élucider la

physiologie pathologique du ramollissement cérébral terminent

cette observation. G. D.

XI. Noie SUR UN cas DE pied tabétique avec lésions osseuses ET

artiiropathies ; par M. le Dr J. BOYER. (Lyon méd., 1884, t. XL VI.)

Il s'agit d'un ataxique chez lequel, entre autres troubles tro-

phiques, on a noté une tuméfaction de deux pieds constituée

par une infiltration oedémateuse des parties molles, une hyper-

trophie notable des têtes de l'astragale, du calcanéuni et du

scaphoide et par une soudure complète du cuboide et des trois

cunéiformes avec les métatarsiens. Ces lésions, qui ont été

déjà signalées par Page et désignées par Charcot et Féré sous le

nom de pied tabétique, sont de même nature que celles qui carac-

térisent les autres arthropathies des ataxiques. G. D.

XII. Paralysie double par les béquilles; par M. C. VINAY.

(Lyon i ? îéd., 188, t. XLVI.)

Observation d'un malade qui, deux mois après l'usage de

béquilles défectueuses, éprouva des fourmillements dans les doigts,

de la faiblesse du côté des extenseurs de la main, puis une impo-

tence presque complète des membres supérieurs. Tous les muscles

innervés par les deux nerfs radiaux, y compris le triceps, étaient

paralysés.

L'auteur fait suivre cette observation de quelques considéra-

tions sur l'impotence fonctionnelle du triceps qui est beaucoup

plus fréquente, selon lui, qu'on ne le croit généralement dans

les paralysies par les béquilles, et il ajoute quelques préceptes au

sujet du traitement de la prophylaxie de cette affection. G. D.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

I. La MANIE SE PRÉSENTE-T-ELLE SOUS LA FORME DE MODALITÉ

morbide autonome ? par TILING. (Jah2-büch. f. Psych., V,

1-2.)

Ce qui caractérise la manie, c'est que, tandis que tous les

autres aliénés paraissent, de parleurs hallucinations, leurs idées

délirantes, leurs conceptions irrésistibles, être enchaînés dans

un monde spécial et ne prêter que peu ou pas d'attention à la

réalité des objets ambiants, le maniaque vit et s'agite dans le

monde réel. Les portes de ses sens sont largement ouvertes,

toutes prêtes à engloutir avidement ce que le monde extérieur

offre à leur curiosité; il y a augmentation dans l'acuité et la

rapidité de fonctionnement des sens et delà pensée. De là l'in-

terprétation prématurée d'impressions sensorielles, de là des

illusions, mais sans hallucinations (les hallucinations etlesidées

délirantes sont incompatibles avec la vivacité de l'idéogénèse

et de la perception), sans altération qualitative de la connais-

sance. La mobilité instantanée, caméléonique, de l'humeur du

maniaque ne sera pas confondue avec l'aménomanie, pas plus

qu'on ne prendra pour de la manie le désordre dans les idées

accompagné d'hallucinations avec excitation, qui forme une

phase de transition ; dans l'état maniaque en effet (hypérémie

cérébrale), les nerfs sensoriels sont physiologiquement centri-

pètes, dans l'autre ensemble syndromique (anémie cérébrale),

ils ont une fonction centrifuge. Ceci posé, il existe des cas de

manie idiopathique à marche typique (une observ.), de ma-

nie périodique (une observ.), mais la manie se montre encore

comme épisode dans la folie circulaire (une observ.), dans la

folie systématique aiguë (une observ.), dans la folie catato-

nique systématique ou non (une observ.), dans la paralysie

générale au début (une observ.). P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 87

IL Tentative D'HOMICIDE D'UN ÉLÈVE D'UN LYCÉE SUR son PRO-

FESSEUR. Tare héréditaire organique. Confusion SENSO-

RIELLE CONTESTÉE A l'époque DE l'acte. Acquittement.

Rapport médico-légal de DE KRAFFT-EBING. (Jahibüch. f.

Psych., V, 1-2.)

Il s'agit d'un acte de vengeance prémédité, mais passionnel.

P. K.

III. MEURTRE ET tentative DE MEURTRE. Alcoolisme CHRO-

NIQUE. IVRESSE pathologique. Irresponsabilité ; par J.

FRITSCH. (Jakrbüch. f. Psych., V, 1-2.)

Homme de trente-trois ans, adonné à la boisson depuis

juillet 1882, faisant, depuis 1872, des scènes dejalousie à sa

concubine. Le 14 au matin, nouvelle scène de jalousie; il s'en

va boire, rentre ivre à onze heures, demande à sa femme des

excuses que celle-ci se refuse à lui faire, tue son fils âgé de

six ans (coups sur le crâne), et frappe sa femme à la tète avec

une pioche. Arrêté, il manifeste des regrets de ses actes, dont

il se souvient. Pendant l'interrogatoire ultérieur, il se sou-

vient de tout, excepté d'avoir frappé sa compagne. Etat

actuel. Alcoolisme chronique (inégalité pupillaire, parésie du

facial gauche, tremblements de la langue et des mains), affai-

blissement psychique, modifications du caractère, excitabilité,

délire de jalousie, hallucinations passagères, insomnie, émous-

sement des facultés morales, apathie. Les commémoratifs font

mention de l'ivrognerie depuis 1869, d'une fièvre typhoïde en

1869, de fièvre intermittente en 1870, d'une intoxication grave

par les gaz d'égouts en 1876, de. quatre accès de délirium

tremens en ces quatre dernières années. Amnésie notable en ce

qui concerne l'époque etles circonstances du crime. Intolérance

à l'égard des spiritueux. A l'aide de ces éléments, M. Fristch

porte le jugement résumé dans la suscription. P. K.

IV. CONTRIBUTION A la pathologie ET A l'anatomie PATHOLO-

GIQUE DE la paralysie progressive ; par ZACHER. (Arch. f.

Psych., XV, 2.) -

Le sous-titre seul importe ici. Le voici :

Sur le romplextrs symptomatique spasmodique de la paralysie

progressive. Long mémoire qui est basé sur cinq belles observa-

88 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

tions accompagnées d'autopsies et d'études microscopiques

très complètes. Etude critique très détaillée. Conclusions.

1° Le syndrome spasmodique de la paralysie progressive peut être pro-

duit soit par des altérations pathologiques de l'encéphale, notamment de

la zone corticale motrice seule, soit par une lésion de la moelle, com-

pliquant les altérations encéphaliques, quand cette lésion atteint le fais-

ccau pyramidal; .

2° L'évolution toute spéciale de ce syndrome dans la paralysie pro-

gressive doit, suivant toutes probabilités, être rattachée aux altérations

pathologiques du cerveau ou de l'écorce;

3° Quand il existe en même temps une lésion des cordons postérieurs,

et en particulier des zones radiculaires postérieures, les symptômes spas-

modiques ne se peuvent développer dans les segments du corps corres-

pondant à la région spinale ullectée;

4o 11 faut probablement rapporter les symptômes spasmodiques à cer-

tains processus réllexes qui, à raison des altérations pathologiques,

s'exagèrent dès leur origine cérébrale par l'intermédiaire des tractus

nerveux dont le trajet se fait dans le faisceau pyramidal ou par leur

passage dans les voies conductrices mêmes. P. K.

V. CONTRIBUTION A l'explication physiologique de la conscience ;

par Langwieser. (Allg. Zeitschr. f. Psyclt., LI, 1.)

Etude purement spéculative de physiologie d'après laquelle le

cerveau met l'homme en communication avec le monde extérieur;

il enregistre, tandis que le cervelet régulariserait ces enregistre-

ments seusorlo-couceptuels. Du double courant vibratoire du

cerveau, actionné par l'extérieur, vers le cervelet et du cervelet

vers le cerveau résulte la connaissance qui se compose de la

notion des objets extérieurs (impression aboutissant à la concep-

tion, à la connaissance du monde extérieur) et de l'état d'impres-

sionnabilite irritalive des nerfs et organes centraux (aperception;

connaissance consciente du processus générateur et de sa teneur).

P. K.

VI. Quelques Mors sur certains asiles d'aliénés; par HASSE. (Allg.

Zeitschr. f. Psych., XLI, i.)

9° Koenigslutter et ses quatre nouveaux pavillons pour quatorze

malades : égalité d'hommes et de femmes '. Ces constructions

ont pour but de désencombrer l'asiie; elles dominent l'établis-

sement. De l'angle ouest extrême de ce dernier aux pavillons les

1 Les quelques lignes d'analyse qui vont suivre complètent les

indications de Aï. LoEUn sur les Progrès dans l'assistance des aliértes

effectués en Allemagne en ces dernières années à l'aide des asiles d'aliénés.

Voy. Archives de Neurologie. Varia, t. X, p. 138, '295 et suiv.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 119

plus voisins destinés aux malades de troisième classe, il y a près

de' 170 mètres; de ceux-ci aux édifices des deux autres classes,

on compte 230 mètres. Cet ensemble occupe une superficie de

434 ares transformés en parcs; derrière lui existent 204 ares de

grands bois qui le préserveront contre les vents d'ouest. Les

matériaux employés ont été la brique ordinaire extérieurement

rehaussée par des teintes rouges et jaunes mariées ensemble à

l'aide d'harmonieux revêtements; les murailles sontparcourues par

une chasse d'air; les escaliers sont en pierre; sur les quatre faces,

on a disposé des galènes, des balcons, des saillies, des véran-

dahs, des terrasses; la source Lutter y dispense, à l'aide de

conduites appropriées, une eau très pure; les eaux ménagères

sont adaptées à l'irrigation du sol; chauffage à l'air chaud. Le

sous-sol renferme les bains et, pour les pensionnaires-hommes

de première et deuxième classes, un bassin natatoire, dont l'eau

peut êlwe chauffée et renouvelée ad //6t<um, les'appareils de chauf-

fage, la tisanene. Les pavillons des pensionnaires de première

et deuxième classe sont ainsi divisés : au rez-de-chaussée, sorte

d'entre-sol élevé, quatre chambres qui s'ouvent deux à deux dans

deux salles de réunion, se commandant a l'aide de deux grandes

portes à vantaux; l'une de ces salles est le réfectoire commun,

l'autre représente un salon de conversation avec billards (section

des hommes) et boudoir (section des femmes). Réfectoire et salon

sont pourvus d'une grande vérandah. Vis-à-vis de l'entrée, existe

une chambre de surveillant, une chambre de bains, un cabinet

de toilette. Même disposition au premier étage, avec cette dilfé-

rence que les quatre chambres distinctes sont habitées chacune

par deux malades, que les locaux situés au-dessus des salles de

société, réduits de moitié en hauteur, servent de vestiaire, de

lingerie, de magasins, qu'enfin, au-dessus du cabinet de toilette

et de la chambre de bains, on rencontre, des deux côtés de l'esca-

lier, deux balcons. Ici aussi, le palier fait vis-à-vis à une chambre

de surveillant intercalée entre les deux séries de chambres de

malades. Les pavillons de troisième classe se décomposent en :

habitation de jour au rez-de-chaussée pour lotis les malades, et

chambres au premier étage. Au rez-de-chaussée, sont : la salle a

manger commune pour vingt-cinq malades et deux gardiens, de

chaque côté deux salles de jour d'égales dimensions (jeux, lec-

ture, entretien); en arrière et de chaque côté, une chambre à

dew lits destinée aux indispositions. Au premier, douze malades

dorment au-dessus du réfectoire, six ou sept couchent, eu outre,

au-dessus de chaque salle; deux gardiens habitent au-dessus des

deux chambres du rez-de-chaussée; en arrière, au-dessus du ves-

tibule, dans le prolongement du petit dortoir médian, ou a mé-

nagé un lavabo et un cabinet de toilette séparés de ce dortoir

par une simple porte vitrée; à côté, un grand local sert de lin-

90 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

gerie-vesliaire, et renferme des cabinets d'aisances. Plus haut,

on trouve encore une grande chambre avec balcon. Latrines à

tous les étages ;

2° Description sommaire, avec critiques, du Morning Side

Roycl Edinburgh Asylum. visité par M. liasse en octobre 1884. Il

conclut en ces termes : « Cet établissement présente tant d'avan-

tages que je n'hésite pas à le considérer comme un des meilleurs

que j'aie vus et visités en Suisse, Allemagne, France, Angleterre».

STATISTIQUE

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 91

travail, la rémunération qu'on leur alloue est le huitième de la

valeur de son produit. Broadmoor renferme 330 chambres d'iso-

lement. On veille avec soin à la dissémination desvieux criminels

et les malades très dangereux sont rigoureusement séparés les uns

des autres. Un gardien par six malades. L'Etat a la charge des dé-

penses; mais, en certains cas, on obtient des contributions des

communes. La direction suprême appartient au secrétaire d'Etat

des affaires intérieures du royaume. En ce qui concerne la nature

des crimes, au 31 décembre 1881, sur 379 hommes il y avait

149 meurtriers; sur 123 femmes, 78 avaient commis des homicides.

Le dégoût de la vie et la propension aux violences s'observent

plus fréquemment à Broadmoor que dans les asiles ordinaires :

l'idiotie y est rare ; au 31 décembre 1881, on comptait 20 épitep-

tiques( ! 7 h. 3 f.), 18 paralytiques généraux (1 lui. 5 f.). Etiolo;;ie :

sur 64 aliénés reçus en 1881 (51 h. 13 f.), on connaissait la cause

de la maladie chez 64 individus (34 h. 10 f.) : 13 hommes étaient

alcooliques; 7 hommes et 3 femmes représentaient t des héréditaires.

Aliénés sortis en 1881.

92 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

vent aux criminels les bénéfices du traitement spécial qui, lors-

qu'il détermine la guérison, n'entraîne pas assez vite, quand il

l'entraîne ' leur élimination de Boadmoor. P. K.

VU. Etude sur un cas DE suicide par coups DE revolver (affaire

G. de Crest); par M. le D, Henry Coutagne. (Lyon inéd., t. XLV.)

La relation détaillée des pai ticularités qui ont distingué ce

suicide fait l'objet d'un long rapport médico-légal dont la lecture

pourra fournir quelques données utiles pour l'appréciation de

cas analogues. G. D.

V111. Cas DE folie sénile, AVEC remarques; par G. -H. Swage.

(Journal of Mental Science. Juillet 1883.)

Dans ce travail, auquel de brèves considérations sur les états

pathologiques qui sont associés à la folie chez les vieillards ou

qui compliquent certaines hérédités névropathiques servant de

préambule, l'auteur a rassemblé sept cas de Jolie observés chez

des vieillards. Les deux premies et les deux derniers cas sont

des cas de mélancolie sénile ; le troisième est un cas de démence

sénile avec hémiplégie; le quatrième a trait à un malade qui

présentait les symptômes de la paralysie générale des aliénés;

dans le cinquième cas, il s agit d'un vieillard de soixante ans,

mélancolique, ayant présenté des idées de persécution et de

suicide : ce dernier malade a guéri, et sa guérison s'est main-

tenue, au moins jusqu'ici. M. G.-li. Savage fait remarquer à ce

propos que la folie qui survient au delà de l'âge de soixante ans

n'est pas nécessairement incurable, bien qu'à lavent», lorsqu'elle

se manifeste pour la première fois à un âge aussi avancé et en

dehors de toute influence héréditaire, elle ne présente que de

bien faibleschances de guérison. R. NI. C.

IX. Un cas DE paralysie générale chez une jeune femme; début

A L'AGE DE quinze ans; par Joseph YIGLES1VURTH. (Journal Of

Mental Science, juillet 1883.)

L'observation de cette malade, recueillie avec le plus grand

soin, est publiée dans ce mémoire avec tous les détails : nous ne

relevons ici que les points saillants et caractéristiques :

Fille de 'vingt-un ans (lors de son entrée le 18 novembre 1881);

pas d'hérédité ; le père cependant aurait eu autrefois des habitudes

alcooliques. La jeune fille parait avoir été maltraitée par sabelle-

mère. et même avoir soullert de la faim ; elle n'a été que peu

1 Voy. Archives de Neurologie, /oc. mt., I. IV, p. 122.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 93

ou point réglée. Ecoulement chronique par l'oreille depuis

une chute dans l'escalier faite à l'âge de deux ans. Elle sait lire

et écrire, A quinze ans, sa mémoire diminue et ses jambes s'allai-

blissent au point qu'elle tombe fréquemment dans la rue. Jusqu'à à

vingt ans et demi cependant, elle continue à s'occuper de

quelques soins de ménage, mais d'une façon molle, maladroite

et enfantine. Peu de temps avant son admission à l'asile, on la

trouve un matin marmotant quelques mots inintelligibles, et

avec le bras gauche paralysé ; le lendemain, elle est prise pour la

première fois de vomissements qui persistent pendant plusieurs

jours; en trois jours, elle recouvre la parole et l'usage du bras;

mais l'intelligence est plus obtuse que jamais. Elle ne parait avoir

eu aucun accident convulsif. Elle est malpropre depuis deux ans.

A son entrée à l'asile, on se trouve en présence d'une fille

petite, mal constituée, mal nourrie, ayant les deux pupilles

dilatées (mais la droite beaucoup plus que la gauche), et insen-

sible à l'excitation lumineuse comme à toute aceommolation.

La langue est titée droite, mais elle est tremblottante, et son

tremblement est à la fois total et fibrillaire. Les lèvres tremblent

également quand la malade parle, et la parole est hésitante et

embarrassée. Pas d'ataxie bien nette dans la déiiiarche, mais

comme une sorte de maladresse. Le réflexe du genou manque

totalement des deux côtés; le réflexe plantaire est conservé. Les

grandes fonctions viscérales sont intactes.

Pendant six semaines, son état ne change pas ; mais ensuite

il s'aggrave ; elle oublie jusqu'à son nom, et, le 29 décembre, on

constate de la déviation conjuguée des yeux à droite : ce phéno-

mène est passager. Elle est gâteuse. Le 1"' janvier elle est

prise d'attaques qui paraissent avoir été de nature tétanique, et

dont chacune dure de quatre à cinq minutes. Puis son état mental

s'améliore un peu ; mais une escharre commence à se former

au siège. Le 3 février, son état mental s'aggrave de nouveau ;

en même temps elle s'affaiblit d'une façon rapidement progres-

sive et meurt le 18 février.

Les constatations faites à l'autopsie sont relatées avec soin et

détail : ne pouvant les reproduire ici, nous nous bornerons à

dire qu'elles confirmaient le diagnostic.

L'auteur fait remarquer en terminant que l'intérêt que pré-

sente ce cas réside surtout dans l'âge de la malade ; bien que le

début de la maladie soit ici fixé à quinze ans, il est probable

qu'on serait autorisé à le faire remonter encore plus haut. Il

existe déjà dans la science deux cas de paralysie générale à

début exceptionnellement précoce (seize ans pour l'un et douze

ans pour l'autre) '; mais ces deux cas ont trait à des garçons ; le

1 Voy. Journal of Mental Science, tin, d'octobre 1877 et d'octobte 1881. 1.

94 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. '

cas actuel parait être le plus piécoce de ceux qui ont été observés

chez la femme. Il faut fajouter que, si l'on étudie, pour les

comparer entre eux et avec les cas observés chez l'adulte, ces

trois cas exceptionnels on constate : 1° que dans aucun de ces

cas précoces il n'y a eu d'idées de grandeur, ni même de période

quelconque d'excitation, mais que les symptômes mentaux

étaient plutôt ceux d'une démence lentement 'progressive :

2° que les symptômes moteurs qui sont si nettement caracté-

ristiques de la paralysie générale ont toujours été très accusés ;

3° que dans deux au moins de ces cas, la durée de la maladie a

été d'une longueur exceptionnelle. R. M. C.

X. Deux cas de mort rapide, AVEC symptômes manuques ; par

G. SAVAGE. (Journal of. Mental Science, juillet 1883.)

11 n'y a entre ces deux faits d'autre connexité que celle qui

résulte de la \io)cnce de l'excitation maniaque et de la rapidité

delà terminaison fatale chez les deux malades. Voici le lésumé

sommaire des deux observations : la première a trait à un cas de

paralysie générale au début; dans la seconde, il s'agit d'un accès

de marne ayant succédé à une blessure de la tête.

UBSIGRVA11UN 1. - Ilououe de quarante-cinq ans, sobre sans

aucun antécédent suspect du côté de la famille, ayant eu la

syphilis dans sa jeunesse, mais ne paraissant en avoir gardé

aucune trace constitutionnelle. A son entrée, qui est postérieure

de onze jours au déhut de la maiadie,tieatto([uace, vantard,

agité et violent ; il déraisonne complètement. Pupilles irrégulières,

tremblement de la langue ; écriture tremblée, réflexes normaux.

L'agitation violente persiste jour et nuit ; rien ne peut la

calmes ; sept semaines après son admission, il se calme tout à

coup et meurt une demi-heure après.

A l'autopsie, on trouve les lésions de la paralysie générale et

début, et en outre, une congestion intense des deux poumons;

l'aorte, à son origine, était athéromateuse.

Observation Il. Homme de vingt-sept ans, sobre, actif, ayant

des aliénés dans sa famille; trois mois avant son entrée, il s'est

fait, en tombant de cheval, une grave blessure à la tête : relevé

sans connaissance, il n'a pas tardé à revenir à lui, mais ses

amis ont remarqué un changement notable dans son caractère

et sa manière d'être. Brusquement il s'agite, devient violent, se

met à délirer. Après dix jours d'une agitation violente et conti-

nuelle, il meurt rapidement.

A l'autopsie, on ne trouve aucune trace de la blessure reçue-

trois mois avant : les lobes antérieurs adhéraient l'un à l'autre

SOCIÉTÉS SAVANTES. 95

sur toute l'étendue du premier tiers de la scissure longitudinale.

Plaque gangreneuse sur plusieurs orteils. Autres organes

sains. R. 11. C.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ NIÉDICO-PSYCHOI,OGIQUE

Séance du 30 octobre 1885. Présidence DE M. D,GO4ET.

M. Le Président annonce la mort du D'hunier, et M. Ritti, secré-

taire général, donne lecture du discours prononcé sur la tombe de

ce membre regretté.

M. Christian rend compte des travaux du congrès de médecine

mentale tenu récemment à Anvers.

Note sur un cas d'amnésie traumatique par M. Rouillard.

Il s'agit d'une sage-femme d'une cinquantaine d'années, qui, à

la suite d'une chute faite en allant donner ses soins à une accou-

chée, remplit exactement sa mission et ne put ensuite se rappe-

ler aucun détail sur les circonstances de l'accouchement. La mé-

moire perdue pendant quelques heures, est revenue subitement

après une abondante hémorragie utérine. Aucun trouble mor-

bide ne s'est manifesté depuis.

M. Charpentier voit bien dans ce cas, l'histoire d'une malade

ayant ses règles, faisant une chute, perdant la mémoire consécu-

tivement, et la retrouvant après une hémorragie utérine, mais

ne voit pas de traumatisme expliquant le phénomène. Il est plus

porté à voir dans ce fait la manifestation épileptique on conges-

tive d'un trouble mental ; de la sorte s'expliquerait la chute dans

l'escalier.

M. Motet rapporte deux autres cas d'amnésie traumatique ve-

nant à l'appui de l'opinion de M. Rouillard.

M. Féré. Le fait qui vient de nous être communiqué par

M. Rouillard n'offre pas la grande netteté que lui attribue son

auteur ; en effet, les phénomènes qu'il décrit et surtout l'amnésie

ne sont pas caractéristiques, car les épileptiques et les somnam-

bules peuvent offrir des manifestations semblables.

96 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Rou[LL,1111) fait remarquer que l'épilepsie ou les troubles con-

gestifs ne sont que des hypothèses dans le cas qu'il rapporte.

M. LEGRAND du Saule, au contraire, ne voit d'hypothétique dans

l'observation que le traumatisme. Marcel 13matn.

.VU* CONGRÈS DES NATURALISTES ET MÉDECINS

ALLEMANDS ' 1

Session de Magdebourg 1884.

Section de Psychiatrie et Neurologie.

Séance des 18 ci ? 3 septembre

M. Poetz. De la valeur des asiles d'aliénés agricoles pour le traite-

ment des aliénés et en particulier de l'installation de l'établissement

de traitement et d'hospitalisation de Riltergutt Altscherbitz dans

la province de Saxe. L'encombrement et la nécessité d'occuper

les malades dans une large mesure, tout en leur donnant une

plus grande liberté, a conduit à fonder des colonies d'aliénés

sous deux formes principales : des colonies de familles, des colo-

nies agricoles. On obtient, au moyen de colonies fermières, de

meilleures conditions hygiéniques, plus d'avantages économiques,

des prix de journée plus faibles, une utilisation mieux entendue du

travail. A Altscherbitz, la colonie n'est pas éloignée de l'asile

maternel, ce qui permet de ne se point départir d'une constante

surveillance, d'employer les aliénés excitables et passagèrement

agités. Dans ]*établissement central, on a pu, grâce à un aména-

gement architectural bien conduit, grâce à une minutieuse sur-

veillance, se passer de la plupart des moyens de contrainleet des

systèmes spéciaux des autres asiles. Et cependant on n'a qu'un

gardien par dix malades; les évasions et les accidents ne sont pas

plus nombreux qu'ailleurs, 80 p. 100 des malades sont occupés=.

M. v. GUDDEN. Sur les tubercules mamillaires (corpus mamillare)

et les piliers du trigone. Dans le tome XI des Archiv. Psych.,

l'auteur a montré que les tubercules mamillaires (corpus ma-

' Voy. Archives de Neurologie, t. VIII, p. 22 ?

= fd., f. Y, p. 14n.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 97

niillare) de chaque côté se composentdedeuxgangtionsindépen-

dants l'un de l'autre. L'un, placé sur la ligne médiane, est formé

de petites cellules. L'autre, placé latéralement, est constitué par

de gi-atidescelltiles. Les piliers du trigone ascendants et descendants

ne représentent pas des organes en continuité avec les tubercules

mamillaires : ce sont des trousseaux de fibres séparés les uns des

autres qui n'ont aucun rapport physiologique entre eux. Le pilier

ascendant (antérieur), après un entrecroisement parfait en arrière

des tubercules mamillaires, traverse simplement ceux-ci, entre le

ganglion médian et le ganglion latéral, sans affecter plus ample

connexion avec eux, s'infléchit en forme de genou, affecte un

trajet supérieur d'arrière en avant, pour atteindre le bord posté-

rieur de la commissure antérieure. Le pilier descendant (fais-

ceau de Vicq d'Azyr), issu du tubercule antérieur de la couche op-

tique se dirige intérieurement d'avant en arrière, et se rend dans

le ganglion médian du tubercule mamillaire, d'où part un se-

cond faisceau qui, confondu pendant une certaine étendue avec

le faisceau de Vicq d'Azyr, affecte un trajet médian par rapport

à ce dernier, pour bientôt bifurquer en arrière et se perdre dans

l'étage supérieur des pédoncules cérébraux (calotte) :

Ce faisceau de la calotte des tubercules mamillaires ne doit pas être

confondu avec le faisceau de la calotte de Meynert nommé par de Gudden

pédoncule du corps mamillaire, qui appartient au ganglion latéral sus-

énoncé, et que l'on peut suivre à la base de l'encéphale, en arrière, entre

le faisceau de Meynert et le pédoncule cérébral.

Enlevez un hémisphère cérébral à un lapin, vous obtiendrez

l'atrophie du faisceau de l'hémisphère qui se rend au tubercule

antérieur de la couche optique, faisceau dont le trajet n'est pas

encore empreint d'une exactitude suffisante, mais qui, soit dit en

passant, est surtout en rapport avec le lobe pariéto-occipital; vous

obtiendrez encore l'atrophie du groupe de cellules nerveuses du

tubercule antérieur correspondant, du faisceau de Vicq d'Azyr, du

ganglion médian du corps mamillaire et du faisceau de la calotte

qui en part. Mais l'ablation d'unhémisphère cérébral, comprisla

corne d'Ammon, sans le corps strié, n'entraîne jamais la dispa-

rition de tout le faisceau de Vicq d'Azyr, notamment dans le voi-

sinage immédiat du ganglion atrophié ; la même observation

peut être faite à propos du ganglion médian. Pourquoi ? Voici le

résultat des recherches entreprises depuis cette époque. On peut

enlever, avec l'hémisphère cérébral, le corps strié, avec le corps

strié la partie antérieure de la couche optique, y compris son tu-

bercule antérieur; malgré cette mutilation, les restes sus-men-

tionnés demeurent intacts. C'est que le ganglion médian n'est pas

simple ; il se compose, à son tour, de deux ganglions : un ganglion

ventral postérieur, un ganglion dorsal antérieur. Le ganglion ven-

Archives, t. XL 7

98 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Irai postérieur dépend du faisceau deVicqd'Azyr, il disparait avec ce

dernier. Mais le ganglion dorsal antérieur, qui en est indépendant,

persiste; il est le centre du faisceau de la calotte qui demeure

conservé pour cette raison. Pour faire disparaître le faisceau de

la calotte, il faut, après avoir énucléé un oeil, pénétrer par le trou

optique, ou transpercer en passant par la paroi crânienne la cou-

vexilé du cerveau, pour aller détruire le ganglion dorsal antérieur.

Cette démonstration de l'existence dans chaque corps mamillaire

de trois ganglions indépendants l'un de l'autre n'enlevé rien aux

constatations objectives antérieures des atrophies déjà consignées;

l'interprétation seule était erronée. Après l'ablation d'un hémis-

phère, disait M. de Gudden, le faisceau de la calotte s'atrophie

aussi, il n'en reste qu'un élément. Cela est encore vrai. Seulement,

cette atrophie partielle est uniquement la conséquence d'un arrêt

de développement par pression, de même que, dans l'asymétrie

des hémisphères cérébraux de l'homme, le renflement du nerf ol-

faclif ne parvient pas à son complet développement à cause de la

pression exercée par l'apophyse crista-patli, sur laquelle se renverse

l'hémisphère cérébral normal ; de là l'atrophie partielle du nerf

lui-même. Le ganglion ventral postérieur meurt après le faisceau

de Vicq d'Azyr correspondant; celui de l'autre côté, conserve,

verse du côté de la lacune produite ; le ganglion dorsal antérieur

du même côté (opéré) fait de même et présente son segment ven-

tral entre le ganglion latéral de son côté et le ganglion ventral

postérieur de l'autre côté ; il est comprimé et demeure en retard

dans son accroissement, de là une atrophie parallèle des trous-

seaux de fibres correspondantes de son faisceau de la calotte.

Par conséquent, le faisceau de la calotte du corps mamillaire

est au milieu par rapport au faisceau de Vicq'd'Azyr, il accompagne

ce dernier pendant un long trajet, puis s'infléchit en arrière ets'en-

trecroise avec le faisceau de Meynert,qui unit le ganglion del'habe-

nula (petit noyau grissuperficiel de lacouche optique situéen avant

et au-dessus du point où la commissure postérieure pénètre dans la

couche optique) au ganglion interpédonculaire découvert par de

Gudden'. Il n'est pas exact, comme l'avait annoncé de Gudden, que

le faisceau de Meynert soit croisé sur le côté par le faisceau de la

calotte ; l'entrecroisement a lieu sur la ligne médiane ; la méthode

de préparation et l'association d'autres tractus dans le même sens

ont causé l'erreur. En comparant en effet des sections horizontales,

antéro-postérieures, verticales et transversales d'encéphales de la-

pins, on voit ces deux faisceaux, s'avançant en arrière entre les

faisceaux de Meynert, laisser de côté les racines de l'oculo-moleur

commun, subir un commencement de dissociation lissurale de par

les faisceaux d'entre-croisement à la calotte, former une série de

' Voy. Archiv. ? Psych., XI, 2.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 99

huit à neuf plans transverses étages (sections transverses et verti-

cales) qui s'épanouissent à mesure qu'on gagne les régions posté-

rieui es, se rapprochent encore les uns des autres entre les deux en-

trecroisements principaux mentionnés, et, derrière eux, se perdent

en deux groupes cellulaires assez volumineux placés à côté du

raphé, sur la face ventrale de» faisceaux longitudinaux postérieurs.

Dans la même région, mais sur le dos du faisceau longitudinal

postérieur, il y a deux ganglions volumineux dont les connexions

et les dépendances sont encore totalement inconnues. La destruc-

tion du ganglion dorsal antérieur précité entraine la mort du gan-

glion placé sur la face ventrale du faisceau longitudinal posté-

rieur, en arrière du grand entrecroisement de la calotte ; en

même temps meurt le faisceau de la calotte. L'ablation d'un hé-

misphère cérébral, avec ou sans le corps strié, avec ou sans la

partie antérieure de la couche optique, détermine l'atrophie des

tractus du faisceau de la calotte situés inférieurement, ainsi

que de la portion ventrale du ganglion qui occupe le plan ventral

du faisceau longitudinal postérieur. (Voyez supra l'atrophie par

compression de la portion ventrale du ganglion dorsal antérieur

du corps mamillaire.) M. Gudden propose de donner son nom au

ganglion situé sur le ventre du faisceau longitudinal postérieur ;

le faisceau de la calotte, dont le commencement avait du reste été

vu chez l'homme parVicq d'Azyr, s'appelleraitfaisceaudeGudden

Quant aux piliers antérieurs du trigone, ils se composent de trois

faisceaux : un inférieur(postérieur) entrecroisé ; un latéral nonen-

trecroisé; un supérieur (antérieur) entrecroisé. en existe encore

un quatrième, supérieur (antérieur) entrecroisé. Cette description

mériterait des développements plus opportuns ailleurs.

Sui- les rapports des maladies des organes sexuels de la

femme aveu les troubles psychiques. D'abord deux observations.

Une femme, grosse de huit mois, est prise successivement de dé-

pression et de manie furieuse. On la guérit en pratiquant l'accou-

chement prématuré artificiel : intégrité des organes génitaux; il

n'existait qu'une grande sensibilité des ovaires. Une jeune fille de

seize ans, non encore menstruée, devenue, sans raison, agilée et

awieuse, présente de la congestion céphalique, vagabonde, est

désordonnée et loquace, se querelle avec des jeunes gens ; durée,

quatre ou six jours; répétition des accès : quatre fois en quatre

semaines ; dans l'intervalle, alitement à plusieurs reprises avec

plainte decéphalalgie et d'élancements cruro-abdominanx ; le soir,

anxiété fréquente. L'examen décèle une grande sensibilité de la

région ovarienne et de l'atrésie du col utérin : on débride, la

menstruation s'établit, et, avec elle, la guérison. Il y a donc, en

certains cas, une relation pathogénétique enlre une affection

sexuelle et une psychose. Mais cette relation ne se voit que dans

des proportions Ires faibles, car sur quatre-vingt-dix malades ca-

i()0 SOCIETES SAVANTES.

pables d'être menstruées, il n'y en avait que quatre non réglées,

dix-neuf réglées irrégulièrement, soixante-sept étaient régulière-

ment menstruées. A côté de cela, généralement un examen précis

montre d'autres causes psychopathiques, la perturbation mentale

s'établissant et cessant sans modification de l'affection sexuelle.

Fréquemment celle-ci est consécutive à la maladie psychique, à

raison de troubles nutritifs et d'onanisme. En réalité, il n'y a que

peu de cas dans lesquels l'affection génitale est démontrée être la

cause du trouble psychique. Mais il ne faut pratiquer l'examen

gynécologique que lorsqu'il existe des signes d'affection génitale et

quand on n'a pas à lutter contre la résistance des patientes. Une

psychose peut prendre sa source dans une maladie génitale par

l'intermédiaire de l'hyperesthésie psychique et somatique générale,

produite par cette affection, du trouble de nutrition de même ori-

gine, d'un réflexe mental, tel que la crainte de voir s'aggraver les

malaises sentis (influence morale dépressive) ; le mécanisme est le

même pour les psychopathies des premiers jours qui suivent la

délivrance. Dans ces cas, il doit exister une prédisposition hérédi-

taire ou acquise. Quant aux faits, du reste rares, dans lesquels un

traitement gynécologique se trouve indiqué, il n'est pas nécessaire

d'avoir dans l'asile un gynécologue exercé, car rien n'empêche au

besoin de le faire venir du dehors. Le traitement gynécologique

est-il invariablement inoffensif ? L'orateur a vu une catégorie de

cas où le traitement a produit ou accéléré une psychose; ala suite

d'agitation, d'angoisses, d'hyperesthésies, d'inappétence, il est

survenu des hallucinations et des conceptions délirantes ; ces ag-

gravations seront évitées quand les gynécologues seront plus ins-

truitseu psychiatrie. ,

Discussion : M. de Gudden prend la défense des gynécologues.

H;TZ[G.Hoematot'/tttcAM, syringomyélie, structure anormale du

manteau de substance blanche de la moelle épinière. Cas dans

lequel un gros épanchement de sang isolé dans le tissu de la pie-

mère spinale, siégeait uniquement dans celte méninge ; il exis-

tait en même temps une cavité centrale longue de 6 centim.

dans la moelle dorsale inférieure. Il s'agit d'une femme de cin-

quante-quatre ans; prédisposée, névropathique, mélancolique

ayant eu jadis, à plusieurs reprises, des poussées de congestion

céphalique. Le 29 décembre 4882, elle présente des douleurs à la

nuque, dans la tête, par tout le corps, avec vertiges et abattement.

Le 30, il existe en outre une hyperesthésie générale, très marquée

le long de la colonne vertébrale, avec légère mydriase gauche, et

catarrhe bronchique très étendu. Le 31, amélioration le matin;

recrudescence dans l'après-midi, les douleurs affectant lu forme

d'accès névralgiques ; grande lourdeur dans les membres pendant

les mouvements; les muscles du mollet gauche semblent tendus et

SOCIETES SAVANTES. 101

durs. Le 1° janvier 1883, pendant la nuit, douleurs très violentes,

nombreuses sensations anormales, finalement paralysie complote de

la sensibilité, de la motilité, des réflexes sur la moitié inférieure du

corps jusqu'à l'ombilic. Entre l'ombilic et la sixième côte gauche,

douleurs intercostales névralyiformes en ceinture (hypéresthésie

modérée de la peau) ; elles disparaissent et laissent après elles un

sentiment de lourdeur et des sensations anormales dans l'extré-

mité supérieure dont les mouvements sont faiblement ralentis.

P= 160, à peine sensible. liesp = 38, superficielle. Albuminurie,

collapsus. 2 janvier; éruption herpétique dans la zone sus-men-

tionnéo, rien autre. On faradise le matin les extrémités infé-

rieures ; la mobilité revient quoique pénible l'après-midi dans la

cuisse gauche, les jambes et les orteils du même côté ; à droite, mou-

vements latéraux, quoique pénibles, de l'extrémité; les parties jus-

que-làanestliésiquesperçoiveutles piqûres d'aiguilles, maisellessont

obtuses. Paralysie de la vessie. Mort à quatre heures du matin par

oedème pulmonaire. Autopsie. Poids du cerveau = <,62C grammes.

Epanchement de sang tout récent sous-arachnoidien, en lame, à

la convexité des lobes occipitaux et de la portion postérieure du

lobe pariétal droit; il s'étend à une grande partie de la face su-

périeure du cervelet. Quelques ecchymoses récentes sous l'épen-

dyme du troisième ventricule. Artères vertébrales extrêmement

atheromateuses. Dure-mère spinale, rouge-bleu, transparente, ten-

due, intérieurement soulevée en massue ; espace sous-dure-mérien

vide. Dans la moelle, l'espace sous-dure-mérien, est, depuis la par-

tie moyenne de la moelle dorsale jusqu'au cône médullaire, dis-

tendu par un coagulum sanguin récent, rouge-noir; sa surface de

section présente des adhérences, la substance nerveuse y est un

peu tuméfiée, la portion inférieure de la moelle dorsale est déli-

quescente. La cavité en question commence à 9,5 centimètres au-

dessus du cône mé tullaire ; elle est longue de .'i,8 centimètres ;

par sa situation, comme parsa constitution, elle ressemble à plu-

sieurs des synngo-myéties publiées. Elle est exclusivement comprise

dans la partie antérieure des cordons postérieurs et la commissure

grise ; sa configuration est irrégulière, si bien que l'extrémité des

cornes postérieures lui est, par places, contiguë, et, qu'en d'autres

endroits, la cavité pénètre entre les deux cordons postérieurs. On

y trouve en plusieurs points une gaine résistante périphérique;

ailleurs la même membrane parait la scinder en deux comparti-

ments. Dilatation multiloculaire de la commissure grise, au m-

veau de la cavité, d'avant en arrière ; d'où plusieurs cavités secon-

daires plus ou moins nombreuses, plus ou moins volumineuses,

ayant écarté le tissu épaissi et iniittré d'éléments cellulaires.

Nulle part il n'existe de revêtement épithélial. Le canal central

estici ouvert, là oblitéré, là encore méconnaissable; sur quelques

coupes, on croirait voir le canal central oblitéré, fort sombre, au

102 SOCIÉTÉS SAVANTES.

milieu du tissu aréolaire de la commissure grise. La substance

blanche présente des anomalies uniques constituées gi-osso )a0(GO

par d'épais faisceaux de fibres affectant d'abord une direction

transversale, puis un trajet longitudinal en rapport avec les vais-

seaux sanguins. Ainsi, à peu prés à 20 centimètres au-dessus du

cône médullaire, la corne postérieure envoie immédiatement

après son origine un long prolongement conique en dedans et en

arrière, jusqu'au sillon médian postérieur. Entre ce prolongement

et la commissure grise, sur une hauteur d'1/ ? centimètre, il n'y a

des deux côtés que peu ou point de sections transverses de fibres

nerveuses, mais la substance blanche paraît constellée de fins

rayons qui donnent l'impression d'une tumeur. Il en est de même

pour divers points de la moelle, par exemple au lieu de passage

du renflement cervical à la région dorsale. De forts grossissements

décèlent que l'on a affaire à des libres nerveuses, généialement de

fin calibre, qui, émanées de la substance grise, se dirigent sur

une certaine étendue transversalement, puis, ou bien côtoient

longitudinalement le vaisseau le plus proche, ou bien forment une

anse dans les environs d'une section de ce vaisseau. A la hauteur

exacte de 26 centimètres au-dessus du cône spinal, la substance

blanche des cordons latéraux et postérieurs est parsemée de taches

très nombreuses, transparentes. Toutes sont composées de rami-

fications vasculaires dont la convexité est, sans exception, tournée

du côté de la substance grise ; ici existe une aire claire, sorte

d'éventail constitué par de larges faisceaux de fibres nerveuses

transversales qui, en ellet, disposées en éventail, écartent, plus

loin, les rameaux vasculaires et se recourbent, à leur côté concave,

en lignes arquées, de sorte qu'il est un point où le paysage ordi-

naire d'une coupe transverse est remplacé par des fibres ner-

veuses très fines pressés les unes contre les autres. En réalité, on a

affaire à des trousseaux de fibres nerveuses déplacées par un vais-

seau rétracté, ce qui naturellement ne peut s'être produit que

pendant la période embryonnaire ; les fibres nerveuses déplacées

paraissent tendre à la déchéance, comme le prouve l'existence, en

certains points. de nombreuses vacuoles qui prêtent au dessin

microscopique l'aspect du coquillage.

Peut-être la syringo-myélie émane-t-elle de ce déplacement des

fibres nerveuses par la rétraction des vaisseaux ; on conçoit en effet

que ce processus puisse entraîner la formation de cavités. La des-

truction des fibres déplacées apporte un argument pathorénétique

suffisant. Et ces deux causes réunies peuvent concourir au même

but. En tout cas, il importe de remarquer que les masses com-

pactes de fibres transverses occupent le même point de la coupe

que la cavité, c'est-à-dire la pointe des cordons postérieurs.

L'auteur fait passer sous les yeux de l'assistance une série de

dessins et préparations microscopiques 11 l'appui.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 103

M. Gaasnsr. Sur le mouvement du sang dans le crâne. Il est

généralement reconnu que le sang circule à l'intérieur du ci âne.

en des conditions toutes spéciales, et, en particulier, que la

pression de la colonne sanguine à l'intérieur d'un vaisseau n'est

fias forcément égale à la tension qu'elle exerce sur la paroi du

même vaisseau, enfin qu'une partie de la pression peut être

transmise au liquide cérébro-spinal, d'où elle gagne les parois

osseuses ou élastiques de cette cavité. Mais quelle est l'intensité

de la pression qui normalement relève du liquide cérébro-spinal ?

Quelle influence une modification de cette pression exerce-t-elle

sur les fonctions du cerveau ? Examinons le côté purement

physique de ces questions à la lumière de l'expérience suivante

qui décèle les vibrations toutes spéciales des vaisseaux jusqu'à

ce jour étrangères aux formules. Soit un tuyau R fermé et plein

d'eau à pression nulle, à parois rigides; on le fait traverser par

un vaisseau élastique G à parois très minces dont les deux extré-

mités sont engagées dans les pièces obturatrices du tuyau à

l'aide d'un système étanche. On dirige dans le vaisseau élastique

un courant continu de liquide sous pression d'une colonne d'eau

A; il s'évacue dans l'unité de temps une quotité déterminée du

liquide, cette quotité croit quand on élève la colonne d'eau A.

Or, dès que A atteint une hauteur déterminée, le vaisseau

élastique se metàvibreretie courant de Hquidejusque-Ià continu,

est rapidement et successivement interrompu et rétabli, de nom-

breuses interruptiousdecourantseutraiuentdans l'unité de temps

une diminution considérable dans l'écoulement du liquide par

le vaisseau élastique; cette quotité devient faible bien que la

pression se soit accrue. 11 est de prime abord difficile d'expliquer

la genèse des vibrations vasculaires et des oscillations continues

du courant, à l'aide des formules physiques ayant cours dans la

théorie de la circulation intracrànienne ; mais, si l'on emploie

un tuyau de verre transparent, on voit aussitôt qu'il n'y a que

l'extrémité périphérique du vaisseau élastique qui vibre, qu'elle

est très rapidement et alternativement comprimée et décom-

primée.

Pourquoi donc l'extrémité périphérique du vaisseau est-elle

soumise à la compression rhythmique ? C'est que : Il dans tout

tuyau élastique parcouru par un courant de liquide, la pression

la plus faible règne à l'extrémité périphérique; 2" dans le

tuyau élastique G, tant que son contenu est eu repos, la pression

se transmet également sur toutes ses tranches; cette pression

peut être partiellement ou totalement transmise au contenu de

tuyau R; par conséquent, dans le cas le plus favorable, la pression

a 1 intérieur de R sera égale à la pression de l'intérieur de G

mais n'y sera jamais plus haute, et il ne saurait y avoir de

compression du vaisseau G à aucune place tant que son contenu

10 le SOCIÉTÉS SAVANTES.

demeurera en repos ; - 3° dans le tuyau R, il s'exerce sur

toutes les tranches une pression égale, positive, quand le liquide

coule à travers le tuyau élastique G. La démonstration est

parfaite lorsque l'on met un manomètre membraneux (inventé

par M. Grashey) en communication avec le tuyau R sans lui faire

perdre une goutte de liquide. L'extrémité périphérique du vaisseau

G étant complètement ouverte, on voit les vibrations du vaisseau

se produire dès que dans R la pression atteint la hauteur indis-

pensable pour presser complètement l'une contre l'autre les

parois du vaisseau élastique G remplies d'eau à pression nulle.

Donc. plus les parois de G sont rigides, plus tard surviennent les

vibrations, et inversement; quand le vaisseau élastique G a des

parois si délicates qu'elles se peuvent toucher sans pression, le

vaisseau vibre, dès que la pression atteint dans R une valeur

positive. Rétrécit-on un peu l'extrémité périphérique du vaisseau

G complètement ouverte, ou lui ajoute-t-on, en dehors de l'appa-

reil, un tuyau élastique, ce qui augmente la pression à

l'extrémité périphérique du vaisseau G, aussitôt les vibrations

du vaisseau cessent; ces vibrations ne reparaissent que lorsque la

pression à l'intérieur du tuyau R, subissant une élévation, est

devenue assez grande pour vaincre la pression dans l'extrémité

périphérique du vaisseau G.

La genèse des vibrations vasculaires est la suivante : A l'extré-

mité périphérique du vaisseau G, règne la plus faible pression

lorsqu'il est parcouru par un courant de liquide; dans le tuyau R

se produit pendant le courant une pression positive qui comprime

l'extrémité périphérique du conduit parce qu'elle oppose à la

compression la plus faible résistance. La compression du vaisseau

suspend le courant de liquide ; mais, en même temps que cesse

le courant, la pression positive croit à l'extrémité périphérique

de G. L'extrémité périphérique du conduit G devient donc libre

et perméable, et le courant interrompu se rétablit; ce qui

abaisse encore la pression de l'extrémité périphérique de G, et

en permet de nouveau la compression. Ainsi se produit alterna-

tivement une série rapide d'élévations et d'abaissements de la

paroi vasculaire, en d'autres termes, la vibration de cette paroi :

Application de ces données à la théorie de la circulation

intracî,dnieiiie.

1° Quand la pression relative au liquide cérébro-spinal s'accroît, il peut

survenir une vibration des extrémités périphériques des vaisseaux de

l'encéphale, en supposant que l'augmentation de pression ne provienne

pas de ces extrémités mêmes. 2° Ce sont les veines cérébrales qui doi-

vent être tenues pour les extrémités péuphériques des vaisseaux encépha-

liques ; comme les parois des sinus sont peu compressibles et que les

veines cérébrales possèdent des parois tellement minces que leur lumiète e

SOCIÉTÉS SAVANTES. 105

s'efface sans qu'il se produise de pression extérieure positive, il suffit que

la pression cérébrale s'accroisse pour que les veines cérébrales entrent

en vibration avant leur abouchement dans les sinus. 3° Ces vibrations sur-

viennent aussitôt que la pression du liquide cérébro-spinal devient plus

grande que la pression régnante dans les eatrémités lniphérntnes des

veines cérébrales, pression qui, comme l'on sait, estégale.'i la résistance

que rencontre le sang dans les sinus et dans les veines jusqu'à ce qu'il

arrive il l'oreillette du coeur. L'augmentation de cette résistance peut

arrêter les vibrations tant que la pression cérébrale n'a pas subi une

élévation parallèle. 4· Si l'on réussit à entendre ou à faire entendre ces

vibrations, on arrive a juger par leur intensité de la grandeur de la pres-

sion cérébrale même dans un crâne intact; leur existence prouve que la

pression cérébrale a atteint un degré d'élévation égal pour le moins à

celui de la résistance que nous venons de consigner. 5° La doctrine ac-

tuelle de la pression cérébrale prétend établir que, lorsque cette pression

augmente, les capillaires cérébraux sont comprimés en première ligne.

Cette assertion est inexacte; car, bien que les capillaires possèdent des

parois plus minces que les grosses veines cérébrales, ils ne l'empottent

nullement sur les grosses veines, en ce qui concerne leur aptitude il

s'aplatir, à cause de leur plus faible lumière. ; les veines, au contraire,

s'affaissent sans qu'il se produise de pression extérieure positive. Par

conséquent, c'est la pression du sang à l'intérieur des capillaires ou des

grosses veines qui décide de la plus ou moins grande conipressibilité des

uns ou des autres. On sait que la pression du sang dans les capillaires

est supérieure il la pression du sang dans les grosses veines cérébrales;

par suite, l'augne Million de la pression cérébrale déterminera une cont-

pression des grosses veines du cerveau et non une compression de ses

capillaires; il en résultera la stase et le ralentissement du courant san-

guin ainsi que la v il)L-itioii (les parois vasculaires veineuses.

6° Les expériences de physique munirent que, dans certaines circons-

tances, une élévation delà pression artéi ielle n'active pas la circulation

1 l'iutérieur tlu crâne, mais la ralentit. 7» On sait que, chez maints enfants

dont les fontanelles crâniennes ne sont point encore fermées, on peut à

la surface du crâne percevoir un bruit tout particulier (bruit cérébral ou

crânien). L'origine de ce bruit n'est encore en aucune laçon élucidée; les

uns le qualifient d'artériel, les autres le regardent comme veineux.

Hennig le localise de préférence dans les veines de l'encéphale ; cette

opinion trouve un appui dans les expériences précédentes, puisqu'elles

révèlent que, dans certaines conditions, l'extrémité périphérique d'un

tuyau élastique passant dans un récipient fermé et rempli d'eau entre

en vibration.

Discussion :

M. Binswanger. Certains bruits subjectifs de- raclage et de

frottement dont se plaignent maints individus nerveux, en

particulier à la suite d'efforts, bruits qu'ils localisent dans la

région duvertex, doivent-ils être rapportés à des troubles circula-

toires semblables à ceux qui engendrent les bruits cérébraux des

enfants ? Rép. Cela n'est faisable que quand on arrive à

la constatation objective de ces bruits.

INIENDEL et Bi-,\s%'ANGI,11 Se sont vainement efforcés de

106 SOCIÉTÉS SAVANTES.

percevoir ces bruits intracrâniens. Rép. : L'oreille et le

stéthoscope ne suffisent pas dans l'espèce; il est nécessaire de

faire intervenir certaines précautions.

M. Jehn. Les "conditions mises en relief par M. Grashey sont

peut-être bien en relation avec les dilatations des espaces péri-

vasculaires et péricellulaires de l'écorce du cerveau rencontrés

dans le délire aigu. Conformément aux indications de Herz, il

a trouvé deux fois un rétrécissement unilatéral, une lois un

rétrécissement bilatéral des trous déchirés postérieurs.

Rép. : Ce rétrécissement est défavorable aux vibrations vascu-

laires.

1111. 13cacEn, Binswanger, STRUEMPFLL. Les modifications circu-

latoires en rapport avec les troubles nerveux n'ont d'ordinaire

qu'un rôle secondaire.

M. 11dI3LB.UM. Sur une forme clinique de la folie morale.

L'hébéphrénie de l'auteur représente une psychopathie qui se

rattache aux processus de développement de la puberté; avec ou

sans stade prodromique mélancolique, il se produit une période

maniaque courte suivie d'un stade terminal de démence à progrès

rapides. Les caractères consistent en une allure niaise et sans-

gêne des jeunes malades fréquemment en pi oie a des perversions

morales impulsives. A côté de cela, il existe des cas qui,

semblables, par leurs caractères et par leurs relations avec la

puberté, à l'hébéphrénie pure, en diffèrent cependant par ce

fait que le stade maniaque est peu développé, et que l'affaiblis-

sement ps-ciiique 1)to ? ressif manque presque absolument. Alors le

pronostic est meilleur, et le traitement plus fructueux, Il s'agit de

garçons ou de filles en lutte avec la morale et la loi, coupables sur-

tout de larcins, qui. à l'encontre de la plupartdes failsde foliemo-

rale, présentent une vivacité remarquable des facultés affectives ,

l'intelligence n'est pas amoindrie, et l'impuissance de travail

et d'exécution psychique tient à un léger état d'épuisement

psycho-somatique. La plupart de ces malades ont été atteints

jadis d'une maiadtegraveayaut englobé les organes intracrâniens ;

ils éprouvent encore souvent des vertiges, de la céphalalgie,

des névralgies, de la dépression transitoire; tous ont de l'anémie

des muqueuses-ans qu'ils soient nécessairement affaiblis dans

les autres points de leur économie. Généralement il existe une

tare héréditaire, surtout par ivrognerie et alcoolisme des

ascendants. On i encontre fréquemment de l'asymétrie du crâne,

absence du lobule de l'oieijle, etc. Cette forme nouvelle est de

Yhelioîdophrénie ou de l'/teoMf. Traitement médicamenteux et

pédagog.que.

M. Jehn. Temps de la puberté et question du surmenage. Le

rapport, pour la Prusse, de la députation scientifique, a dû rpcoh-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 107

naître que les élèves des établissements scolaires supérieurs

étaient exposes à maintes causes nocives : le rapport relatif au

temps de scolarité des études supérieures d'Alsace-Lorraine a

franchement avoué qu'il existait un surmenage temporaire produit

par le développement de la puberté'. L'accroissement du système

osseux, particulièrement vif à cette époque, et surtout le dévelop-

pement de 1 appareil génital, avec les modifications circulatoires

qui en dérivent et l'influence énorme de la vie sexuelle sur la vie

psychique, provoquent un bouleversement de l'organisme de

l'enfant qui trouve son expression dans mille malaises somatiques

très divers, et, au point de vue mental, dans de l'indécision, dans

la mollesse et le dégoût de l'activité volontaire. Les impulsions

instinctives singulières de cet âge. qui existent chez l'enfant bien

portant augmentent chez les individus nerveux; à cette phase de

transition appartiennent les conceptions irrésistibles, les actes

impulsifs, surtout du côté sexuel, ainsi qu'en bien des cas l'ona-

nisme, souvent issu d'ii ritation spinale. En vérité, à cette période

où la puberté s'installe, c'est-à-dire dès les quinzième et seizième

années de la vie, un grand nombre d'aliénés se montrent peu

disposés à l'étude, et plusieurs sont directement atteints par des

processus pathologiques; or, c'est précisément elle que l'école

choisit pour tendre à surexciter les facultés en substituant à l'en-

seignement par la mémoire la culture intellectuelle d'ordre

élevé. Les pédagogues ont eux-mêmes reconnu bien des défauts

à ces errements : ils se sont efforcés de,réaliser des améliora-

tions ; mais, et ceci ressort des plaintes des spécialistes en matière

d'enseignement, on ne peut atteindre de résultat que par le con-

cours des médecins et des professeurs. il s'agit de limiter le plus

possible les heures de travail, d'exempter une partie des élèves

de cet âge de la fréquentation de l'école, de modifier la gymnas-

tique en introduisant les jeux gymnastiques anglais.

Discussion des deux mémoires précédents.

M. Meschede a, dans ces dix dernières années particulièrement.

eu à observer des cas fréquents de perturbation mentale chez des

institutrices et des élèves de l'école normale d'institutrices. Il est

indubitable qu'on a affaire ici à du surmenage.

M. MENDEL. A quoi bon donner un nouveau nom à la pcyclio-

pathie esquissée tout à l'heure par 11. Iiahl>aum; elle ne diffère

pas tellement des autres hébéphrénies.

M. Gumprecht, professeur titulaire des classes supérieures. Oui,

il faut que les maîtres envisagent le surmenage, mais les parents

ne tendent-ils pas à surmener leurs fils par les multiples excitants

de la vie moderne ? Evidemment il est sympathique à l'enseigne-

Voy. Achives de Neurologie, t. V, p. 391, et t. VU, p. 3r>2.

108 SOCIÉTÉS SAVANTES.

ment de la gymnastique, mais l'éducation anglaise accorde trop

aux exercices physiques.

M. Berger. Sur les rapports étiologiques entre la syphilis et le

tubes. -- Voici deux malades. L'un en proie presque continuelle-

ment pendant dix ans à des accidents syphilitiques, sans autre

cause constatable de tabes; l'autre, affecté de tabès dans sa

soixante-douzième année (preuve nécroscopique), après avoir eu

la syphilis puur la première fois deux ans auparavant. Ces deux

faits prouvent qu'il ne faut pas rayer la syphilis de l'étiologie du

tabès. Un récolement de cent nouveaux cas de tabès typiques

révèle 43 p. 100 de syphilitiques l'en ne tenant compte que des

individus ayant été atteints de manifestations secondaires); le

laps de temps moyen écoulé entre l'infection syphilitique et le

développement du tabes est de huit années 1 dixièmes. Peut-être

vaut-il la peine de mentionner la prédominance des paralysies

des muscles de l'oett chez les tabétiques ayant des antécédents

syphilitiques. Mais il est incorrect de vouloir que le tabes concor-

dant avec la syphilis se traduise par d'autres symptômes que le

tabes ayant toute autre cause, car le substratum anatomique est le

même dans les deux cas. Il est probable, en résumé, que la syphi-

lis est une cause de tabès, mais d'autres causes aussi peuvent

produire l'ataxie locomotrice.

M. SFrriG.uuLLea. Myélite des &teut'.s.L'orateur communique

quatre cas de paralysie spinale alcoolique (sans autopsie). Les

deux cas les plus légers concernent des gens qui étaient chargés

de la dégustation de vin rouge, cognac, liqueurs; les symptômes

consistent en ? violentes douleurs erratiques dans les extrémités

et la région lombaire, faiblesse des jambes rendant de temps à

autre la marche et la station debout impossibles, avec sensation

de brûlure et d'engourdissement dans les pieds; ces accidents

disparurent quand les patients cessèrent la dégustation. Les deux

autres cas se rapportent à des buveurs de profession ; la sympto-

matoiog'ie se traduisit d'abord par divers accès parétiques dans

les jambes, puis soudain se produisit de la paraplégie rapidement

suivie de paralysie des deux extrémités supérieures avec douleurs

violentes et sensations d'engourdissement des pieds et des mains,

bientôt remplacées par des contractures vives, de l'atrophie mus-

culaire, de la diminution de l'excitabilité électrique des mains et

des pieds : jamais de réaction dégénérative; fonctionnement

normal de la vessie et du rectum; à la suite d'une assez longue

abstinence d'alcool, il s'effectua une amélioration de la motililé,

de l'état des muscles, voire des contractures

M. Skixigmuller. Sur l'hémiunesthésic. Cas intéressant de

paralysie de la sensibilité et de la motilité, ayant pendant deux

ans occupé le côté droit du Li one et gauche de la tête, avec affai-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 109

blissenient ou disparition de l'ensemble des fonctions sensorielles

et rapide développement de contractures dans les extrémités

droites. Pas d'hyperesthésie ovarienne; pas de tare névropathique.

Traitement électrique, en commençant exclusivement par la

brosse faradique ; guérison en quatorze jours, même sur la moitié

du corps non touchée par le courant. L'exposé de deux autres

faits sert à établir le diagnostic différentiel entre ]'hémianesthésie

cérébrale et l'hémianesthésie hystérique. A côté des cas, rares en

Allemagne, d'hémianesthésie ovarienne, l'auteur a constaté, cela

plus fréquemment, de l'hyperesthésie ovarienne, c'est-à-dire une

ovarie bien tranchée, accompagnée d'hyperesthésie à la pression,

de toute la moitié du corps du même côté et en particulier de

l'épigastre et de la région pariétale. La diplopie, la déviation de

la langue, l'asymétrie du voile du palais, la paralysie faciale

unies à l'hémianestliésie sansova.rie, admettent-elles le diagnosic

de l'hystérie ? L'orateur ne saurait le nier résolument, de sorte

que la distinction est encore difficile. -

M. vox GUDDFN. De l'inflammation neuroparalytique. Nouvelles

expériences prouvant que la destruction de la cornée qui suit la

section du nerf trijumeau doit être rapportée non à la neuropa-

ralysie, mais à des influences extérieures nuisibles : 10 chez deux

lapins nouveau-nés, on sectionne le nerf optique à l'intérieur de

l'orbite, avec les nerfs ciliaires. La cornée, tout à fait insensible.

demeure absolument claire. La conservation des nerfs palpébraux

permettait, dausl'espèce, la fermeture des paupières auplus léger

contact des cils; '-)0 chez un lapin nouveau-né on sectionne le nerf

optique, les rameaux ciliaires et les rameaux palpébraux du triju-

meau, etl'oculo-moteurcommun. Les cils sontinsensibles, et cepen-

dant la cornée demeure intacte, grâce à la blépharoptose de la

paupière supérieure et à la troisièmepaupière formant rideau. Ce

n'est que lorsque l'animal fut mis au râtelier avec les autres que

se produisit une lésion cornéenne; on l'isola et les altérations

traumatiques disparurent à peu près complètement; 3° d'autres

interventions montrent que l'action destructrice consécutive à la

section du trijumeau est retardée par l'extirpation du ganglion

cervical supérieur, mais cela provient de la paralysie du muscle

organique de Millier. L'abaissement de la paupière supérieure

donne à la cornée un reste de protection ; 4° un lapin non isolé

auquel on a sectionné le trijumeau présente dès le jour suivant

un trouble cornéen très accentué. En nettoyant avec soin et fré-

quemment le foyer, on obtient une amélioration qui permet de

se départir ultérieurement de pansements minutieux, il ne se

produit qu'un leucome consistant ; 5° un lapin auquel on sectionne

le trijumeau ne conserve la tiansparence de sa cornée pendant

six jours qu'à force de soins; pour peu qu'on se relâche, il se

produira un trouble léger qui rétrocédera un peu à son tour.

HO SOCIETES SAVANTES.

Mais on n'est pas parvenu, en conservant le trijumeau, à sous-

traire la cornée à la destruction d'origine extérieure. A la suite

de la destruction du facial et de la troisième paupière, le muscle

rétracteur du globe oculaire peut retirer l'oeil assez profondément

pour permettre la fermeture complète des paupières, au moins

passagèrement. D'autres expériences, il a paru découler que la

cornée privée de ses nerfs réagit sous l'influence des mêmes

excitants, et de la même manière que la cornée normale. Si

donc on arrive à préserver de l'inflammation la cornée soustraite

à l'influence nerveuse, et si, dans le cas où cette inflammation

survient, on arrive à la guérir, on doit pouvoir, dans le cas de

paralysie, mettre à l'abri des accidents du décubitus la peau bien

plus résistante, en régulaiisunt la pression, en procédant à des

pansements, etc. L'expérience a démontré à l'orateur la rectitude

de cette assertion.

Discussion :

)1. GusiiL ? y propose, pour obtenir l'alternance des régions

comprimées, sans gêner les malades, de construire des lits pou-

vant être inclinés en divers sens suivant une pente voulue, à l'ins-

tar des berceaux.

M. vos Gudden fera installer un lit de ce genre.

M. MKNUEL adresse une question relative au décubitus acutissi-

mus. L'orateur réplique que, dans son établissement, on n'en a

jamais vu se produire en dehors de celui qui résulte du défaut

de soins.

M. SCHULZ présente un sarcome primitif de la pie-mère spinale

dans toute sa longueur.

M. Mesciiede. Sur l'installation d'asiles d' aliénés-hospices et d'iisi-

les d'aliénés de traitement, séparés les uns des autres. Cetteséparation

est indispensable . 1° parce que la combinaison des deux espèces

d'asiles retarde, à raison de leur encombrement général, trop

longtemps l'admission de; nirlades curables; 2" parce que

la prévoyance médico-administtalive qu'exigent les nombreux

incurables absorbe les forces vives du médecin au détriment

des curables; 3- parce que les incurables n'ont pas besoin des

inslallations coûteuses qui incombent à un asile de traitement;

ils se trouvent mieux des hospices simples, mais bien aménagés,

pourvus d'une exploitation agricole; 4° parce que la vie en

commun avec de nombreux incurables agit défavorablement sur

l'état psychique des aliénés curables; 50 parce que les parents

confient plus volontiers et de meilleure heure leurs malades à

un établissement de traitement pur. L'orateur aurait, à l'hôpital

municipal de laviUedeKoenigsbergoiftenu 46,2 p. 100 de

guérison; c'est une proportion favorable, si on la compare à celle

des asiles mixtes.

SOCIÉTÉS SAVANTES. Hl

Discussion :

M. Jehn. On ne peut suivre l'évolution d'un cas pathologique

que dans les établissements combinés; le fardeau administratif

des médecins-directeurs n'est pas moindre dans l'asile de trai-

tement pur ; la présence des malades calmes agit plutôt favora-

blement sur les entrants.

M. Siesiens partage les idées de M. Jehn, il a une contradic-

tion'.toute prête à opposer à chacun des arguments de Meschede.

M. Kanaea combat également Meschede; dans les asiles

mixles de Bavière, la proportion centésimale des guérisons n'est

pas moindre qu'àKoenigsberg, quand on élimine du calcul tous

les incurables.

M. MESCHEDE. La première objection de Jehn est sans importance;

les incurables calmes, inoffensifs n'appartiennent pas à un asile

actif au point de vue thérapeutique.

M. Kaiilbaum est d'accord avec Meschede, en ce sens que, dans

les établissements mixtes, les malades se sont à ce point multi-

pliés qu'on se trouve gêné pour les traiter. Maints asiles sont

devenus des hospices d'infirmes. Il faudrait transporter une partie

de ces malades dans des asiles d'infirmes proprement dits pour

psychopathes.

M. EysFLci-i. De l'influence des conditions atmosphériques et en

particulier de l'ozone sur l'état des névropathes chroniques.

Depuis décembre 1882, l'auteur a noté la pression, la température,

l'étal hygrométrique et ozaométrique de l'air. La détermination

quantitative de l'ozone a eu lieu chaque jour en trois périodes,

à l'aide du papier iodo-amidoné, d'après l'échelle des couleurs

de Lender. La proportion la plus forte se ; manifeste en moyenne

la nuit; pas d'ozone quand les nuages se forment en abondance.

Les malades avaient en même temps à remplir eux-mêmes des

pancarles de questions contrôlées et, au besoin, complétées par

le médecin. Quelle est l'influence de l'ozone sur le sommeil ?

Près de 2,000 observations individuelles (neurasthénie, hystérie,

hypochondrie, états d'excitation ou de faiblesse, maladies de coeur,

affections chroniques des poumons) autorisent les conclusions sui-

vantes : 9°Un air assez chargé d'ozone en permanence (au-delà du

n° 10 de l'échelle) n'agit pas favorablement, surtout sur les étals

d'agitation du système nerveux. Il ne; s'agit ici que de la propor-

tion diurne, les locaux d'habitation n'ayant pas encore décelé

d'ozone, 3° La réaction du papier d'épreuve qui ne dépasse

pas le n° 10, mais qui avoisine ce point d'une façon assez

continue, fournit généralement les résultats les plus favorables :

3o les réactions entre les n', 9 et 4, produisent des troubles

déjà perceptibles, surtout quand, en même temps, l'état hygros-

copique s'éloigner de la moyenne; 4° une proportion encore

i<2 SOCIÉTÉS SAVANTES.

plus faible entraîne souvent des troubles tout a fait remar-

quables du côté de l'état général ; une réascension rapide déter-

mine souvent une amélioration frappante. Ainsi quand soudain

on constate une très faible quantité d'ozone, les individus

déprimés sont encore plus tristes, plus mécontents, plus apa-

thiques ; ceux qui sont sous l'influence de congestions passives

deviennent plus irritables, anxieux, indécis. Une quantité très

forte d'ozone produit ou augmente les phénomènes d'excitation,

les angoisses, les conceptions irrésistibles, l'excitabilité hysté-

rique, les idées de persécution ; mais tous les états d'affaiblis-

sement, d'affaissement purement physique se trouvent alors à

leur aise. Les variations ozonométriques médiocres exercent peu

d'influence. L'orage exerce tantôt une action excitante, tantôt

une action paralysante. Le sommeil dépend, dans une forte

mesure des autres conditions que voici : Quel air a respiré le

malade ? combien de temps et dans quelle attitude (station

assise, marche, piomenade en voiture) ? L'a-t-il respiré pendant

la journée ? Quelle proportion d'ozone a prédominé pendant la

nuit au dehors ?

M. 1 r.ESCa. Sur l'état anatomique de la moelle épinière de deux

microcéphales. Examen des chiffres et mensurations tout

récemment consignés par Mme Steinlechner, dans sa thèse. Des

dessins et tableaux, il résulte que, quand le cerveau antérieur

(hémisphère, corps strié, corps calleux, trigone) présente une

lacune très prononcée, le développement des faisceaux pyra-

midaux et des cordons de Goll souffre un certain arrêt dans

la quantité de la substance; il en est de même des cordons

antérieurs bien qu'à un moindre degré. Des lacunes très

étendues s'accompagnent encore d'atrésies de la substance grise

et en particulier, des cellules nerveuses de la moelle épinière.

Mais on ne saurait distinguer si tels ou tels groupes fasci-

culaires ont plus fortement pris part au déficit dans les

systèmes en question.

Section de médecine interne

M. Struempell. De l'encéphalite aiguë des enfants (poliencéphalite

aiguë, paralysie infantile c'6('f(t). Cette affection, proche

pareille de la paralysie infantile spinale, qui, au lieu de la

substance grise antérieure de la moe'le, n'atteint que l'écorce du

cerveau, ne se manifeste généralement que pendant la première

aimée de la vie, sans que la plupart du temps on puisse constater

sûrement de cause particulière. Stade initial : fièvre, vomisse-

ments, convulsions, pouvant d'ailleurs n'être uue faiblement

marqué. Ce n'est ordinairement qu'à la suite de ce syndro.ne que

l'on iemarque la paralysie d'une moitié du corps : hémiplégie

SOCIÉTÉS SAVANTES. 113 3

assez complète qui rétrogresse graduellement et laisse après

elle des parésies occupant surtout le domaine des nerfs péroniers,

rarement celui du facial ; on a vu en plusieurs cas du strabisme.

Jamais d'atrophie musculaire dégénératrice à proprement par-

ler, jamais de réaction dégénérative ; quelquefois l'extrémité

parétique cesse de croître ; presque toujours les réflexes tendineux

sont exagérés. Il reste fréquemment en permanence des convul-

sions épileptiques qui commencent du côté paralysé, de l'athétose

dans les extrémités paralysées, du trouble de la parole. Assez

souvent on note des troubles intellectuels évidents, des lacunes

morales. La sensibilité du côté atteint est ou normale ou légè-

rement émoussée. A l'autopsie, on trouve des pertes)de substance

porancéplialiques dans le territoire cortical moteur, d'origine

inflammatoire évidente. *

Discussion :

M. Seeligmueller. Le facial est souvent légèrement atteint.

Une fois j'ai rencontré une sclérose diffuse de la substance

blanche. (.4%. Zeilschr. f. Psych. XLI, 4-5.) P. KÉRAVAL.

SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET PSYCHOLOGIE LÉGALE

DE VIENNE

Séance du 26 mai 18811.

M. 1 ntrsctt lit un mémoire sur le délire systématique des gens qui

se plaignent sans cesse. Sera publié M extenso'. 2.

Séance du 18 décembre 1884.

M. 11OLrOENDER présente une malade facile à hypnotiser. Renou-

vellement du bureau : Président, M. Meynert. - Vice-président,

M. Pohl. - Trésorier, M. Grunberg. Conseil d'administration,

MM. Vimmer, Bresslauer, Fritsch et Ptleger. Secrétaires,

MM. llolloender, von Pfungen.

1 Voy. Archives de Neurologie, t. VI. Depuis cette époque, nous ne

trouvons comme compte rendu de la Société, dansson organe, que celui

du 3t mai 1883. Cette séance ne comporte que deux faits importants :

le renouvellement du bureau, et la nomination d'un comité composé de

Fritsch, Ilofmann, Holler, lleyert, l'olrl, Pfleger, Schwab, chargé de trai-

ter la question de la Séquestration des criminels aliénés. Les autres séances

ont probablement été passées sous silence parce qu'elles sont représentées

dans le corps du journal par la publication in extenso des mémoires lus

dans le sein de la Société. On en trouvera l'analyse aux Revues anal. P. K.

2 Voy. Archives de Neurologie, Revues analytiques.

Archives, t. XI. 8

114 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Séa71ce du 29 janvier 1885.

M. Wimmer remplace 111. (lui résigne sesfonclious de

trésorier. M. Pfleger, qui quitte la société, est remplacé par

At. Bresslauer.

M. Meynert présente deux malades qui lui ont été envoyés par

Wiederhofer, de l'hôpital des enfants de Sainte-Anne. Ces petits

malades ont tous deux été atteints de convulsions cloniques, d'al-

lures différentes suivant l'étendue et les conditions dans lesquelles

elles ont progressé et diminué. Un garçon de dix ans était en

proie à des alternatives de convulsions inspiratoires et expiratoires

avec co-participation de l'ensemble des muscles auxiliaires de la

respiration. Pendant les accès les plus violents, lesjambes étaient

projetées, tandis que les bras subissaient des secousses simultanées

constantes, et que la bouche se trouvait tiraillée par des grimaces

en rapport avec les mouvements respiratoires. Il suffisait de sou-

mettre le patient à une occupation psychique quelconque pour

arrêter ou tout au moins affaiblir ces attaques convulsives, et aug-

menter, de ce fait, les intervalles de pause. On les voyait cesser

tout à fait pendant quelques minutes en faisant lire l'enfant à

haute voix devant quelqu'un ; lui proposait-on de compter le

nombre de lampes contenues dans les candélabres, on les voyait

devenir notablement plus rares. Une fillette de huit ans mani-

festait des convulsions choréiquesqui, comme on sait, augmentent

notoirement sous l'influence d'une préoccupation volontaire. -

Ces deux genresde phénomènes convulsifs ne doivent point, d'après

leur nature être indistinctement rangés sous la dénomination de

chorée. On réservera ce nom à ceux qui deviennent plus intenses à

l'occasion des mouvements intentionnels ; ils émanent de l'irradia-

tion des excitations à l'intérieur du corps strié (noyau caudé ou

lenticulaire). Quant à ceux qui s'arrêtent sous l'influence de la

sollicitation fonctionnelle du cerveau antérieur (hémisphères,

corps strié, corps calleux, trigone), que cette sollicitation soit d'o-

rigine psychique ou motrice (mouvements voulus), ils n'ont rien à

voir avec la chorée. L'association aux mouvements respiratoires

de convulsions pathologiques plaide en faveur de l'existence d'un

foyer excitant la région protubérantielle voisine du centre respi-

ratoire. Car il est évident que cette substance grise sous-corticale

doit subir un arrêt fonctionnel de la part de l'excitation du cer-

veau antérieur. Meynert rappelle les lésions nécroscopiques ren-

contrées par lui et les auteurs dans la chorée mortelle, les cas

dans lequels on a trouvé un foyer embolique l'intérieur du corps

strié. Un tel foyer peut, à raison de la destruction minime, pro-

duire des phénomènes paralytiques si faibles qu'ils échappent à

SOCIETES SAVANTES. 115

notre observation ; il n'apparaît que l'action 'irritative du foyer

qui augmente la conductibilité transversale, c'est-à-dire l'irradia-

tion à l'intérieur de la substance grise du corps strié. Dans la

chorée vraie de cette sorte, toute excitation du cerveau antérieur

excite en même temps le corps strié. L'ancienne manière de voir de

Chauveau, d'après laquelle la chorée indiquerait simplement une

lésion des ganglions sous-corticaux, au sens strict du mot, c'est-à-

dire des masses grises situées au delà de la couche optique, cette

opinion aurait en apparence un élément en sa faveur dans la des-

cription relative au chien qui, à la suite de la séparation de la

moelle et du cerveau, aurait continué à présenter des convulsions

soi-disant choréiques. Abstraction faite de cette objection que le

diagnostic établi chez un animal ne comporte que difficilement

des inductions certaines à l'actif de l'homme, la chorée de

M. Chauveau ne représente pas précisément les phénomènes issus

d'une excitation du corps strié qui doit entraîner l'arrêt de fonc-

tionnement de la substance grise sous-corticale. Dans la chorée,

en effet, il existe toujours une diminution de la sensibilité au cha-

touillement de la plante des pieds ; jamais il n'y a exagération des

réflexes tendineux ; assez souvent même les réflexes sont manifes-

tement diminués.

M. Holloender. Gommmaiccation sur les nouvelles théories de

l'épilepsie.

Séance du 26 février 1885.

M. Meynert, comme introduction à ses démonstrations, au moyen

de la chambre claire électrique, sur la fine structure du système

nerveux central, montre la répartition des masses grises sur des

coupes verticatesantéro-postérieures d'encéphaiesdesinges. Onest

frappé du volume de la substance grise contrastant avec la par-

cimonie des cellules nerveuses et des irradiations blanches qui

en partent, chez le singe et les animaux situés plus bas dans

l'échelle zoologique, quand on compare leur encéphale à celui de

l'homme. Ces faits prouvent que c'est non pas la substance fonda-

mentale servant de lit aux cellules nerveuses, mais bien la cel-

lule même, qui assure la richesse de la fonction. La configuration

et la stratification des masses grises, la variété dans la direction

et l'origine des fibres de la couronne rayonnante qui irradient

dans ces masses, légitiment l'opinion émise par Meynert, bien

avant la découverte des territoires moteurs de l'écorce, d'après la-

quelle les diverses casesde l'écorce considérées comme champs de

projection de divers groupes de fibres nerveuses possèdent égale-

ment une fonction différente; ainsi l'écorce du lobe frontal serait

motrice, celle des lobes occipitaux et temporaux serait sensorielle.

M. J. Pop est reçu membre de la société.

116 6 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Séance du 26 mars 1885.

M. Meynert montre, sur une série de coupes verticales antéro-

postérieures pratiquées à travers le cerveau du chevreuil et de

l'homme, le trajet des irradiations du système des fibres de la cou-

ronne rayonnante par les capsules externe et interne dans le noyau

lenticulaire. On sait, comme le montrent les préparations, que les

irradiations de la capsule interne, sont nombreuses et indubita-

bles. Leur système de fibres se rassemble pour constituer les

lames médullaires (laminas medullares) en couches épaisses de

tractus qui, en descendant, forment les parties constitutives de

l'anse du noyau lenticulaire. Une autre, partie de ce système se

rend, en fournissant les rayons du secteur que met en lumière la

coupe transverse, dans les articles moyen et interne; l'abondance

des fibres dans l'article interne en produit l'aspect blanchâtre,

d'où les noms de globus pallidus. Une étude plus exacte du trajet

de la capsule interne, du système de fibres de l'article externe du

noyau lenticulaire, du trajet de l'anse du même noyau démontre

ce qui suit. L'article externe du noyau lenticulaire reçoit aussi, par

la couronnerayonnante, des irradiations de la capsule interne. La

capsule externe forme, sur une coupe transverse (coupes verticales

et transversales), un triangle dont la base est dirigée en haut et le

sommet en bas. Ce fait de morphologie ne peut être interprété

qu'à l'aide de l'opinion d'après laquelle la capsule interne perdrait

graduellement, progressivement de haut en bas, un nombre de

fibres égal à celui de ses irradiations dans l'article externe du

noyau lenticulaire. Chez les animaux inférieurs, par exemple chez

les taupes et les chevreuils, Meynert est très facilement parvenu à

déceler les irradiations, à n'en pas douter, sur des coupes verticales

et transversales. Chez l'homme, la preuve objective en est très dif-

ficile à faire. Meynert en exhiba une rare préparation. Ce fait que

déjà l'article externe du noyau lenticulaire reçoit des irradiations

du système des fibres de la couronne rayonnante permet de saisir

aisément que la masse des fibres qui en sortent passe dans l'anse

du noyau lenticulaire et commencent non pas à la lame médullaire

externe, mais dès la base de l'article externe du noyau lenticu-

laire. M. Meynert montre en outre, sur des coupes transverses et

horizontales du cerveau, la variété des sources d'irradiation dans

les ganglions de la base et notamment les irradiations qui issues

des lobes occipitaux, temporaux et pariétaux entrent dans la cou-

che optique, ainsi que celles qui partent du lobe frontal pour ga-

gner les noyaux lenticulaire et caudé.

M. Konrad est reçu membre de la société. (Tnlar61 : li. f. Psych.

VI, 1.) .)

SOCIÉTÉS SAVANTES. 117

CONGRÈS DE PI1R$N(A'PRI ET DE NEUROPATHOLOGIE

D'ANVERS

La Société de Médecine mentale de Belgique avait décidé dans

une de ses séances, de tenir cette année à Anvers, à l'occasion

de l'Exposition universelle, une réunion extraordinaire à laquelle

seraient conviés tous les médecins aliénistes de l'étranger, ainsi

que les magistrats, lescriminalisteset, d'une façon générale, tous

ceux qui s'intéressent à la question des aliénés.

Cette réunion a eu lieu du 7 au 9 septembre dernier sous le nom

de Congrès de phréniutrie et de neuropathologie; elle était composée

en grande majorité de médecins belges et étrangers. Parmi ces

derniers, nous citerons : 111\I. Christian,et Garnier, délégués de la

Société médico-psychologique.de Paris : M. le D''Magnan, médecin

de l'asile Sainte-Anne. M. le professeur Miersjewsky (de Saint-

Pétersbourg), M. Hernberg (de Copenhague), M. Benedikt (de

Vienne), M. Hack Tuke(de Londres), etc., etc.

Les membres du Congrès ont été reçus, à l'hôtel de ville, par

M. le bourgmestre qui leur a souhaité la bienvenue et a remercié

la Société de médecine mentale d'avoir choisi la ville d'Anvers

pour siège du Congrès.

Immédiatement après cette allocution, l'assemblée a élu son

bureau.

Ont été nommés : Président, M. V. Desguin (d'Anvers);

Vice-Président, M. Lentz (de Bruxelles); Secrétaire général :

M. Iiigets (de Gand); Secrétaires, M. Cuylitz (de Bruxelles) et

J. More ! (de Gand).

M. Desguin, président de la Société de médecine mentale de

Belgique, a pris ensuite la parole; après avoir remercié les

membres étrangers d'avoir bien voulu apporter leur concours à

l'oeuvre entreprise par la Société, l'orateur a fixé l'ordre du jour

des travaux du Congrès. Deux questions importantes, dont la

portée sociale n'a pas besoin d'être démontrée vont être soumises

à ses délibérations : il s'agit, d'une part, de Rechercher les bases

d'une bonne statistique internationale des maladies mentales; de

l'autre d'examiner les Relations qui existent entre la criminalité et

la folie.

Ces deux questions ont déjà été l'objet des délibérations de la

Société de médecine mentale. M. Lefebvre, professeur à l'Uni-

versité de Louvain, a été chargé de faire un rapport sur la

première, et M. le Dr Semai, médecin directeur de l'asile

118 SOCIÉTÉS SAVANTES.

d'aliénés de llfons, sur la seconde. C'est à la discussion de ces

deux rapports qu'ont été consacrées les séances du matm ;

celles de l'après-midi ont été réservées à la lecture de commu-

nications diverses. Nous nous proposons de présenter un résumé

succinct de ces communicationset d'analyser ensuite brièvement

les rapports de MM. Lefebvre et Semai, ainsi que les discussions

auxquelles ils ont donné lieu.

11f. Oon.anT, inspecteur général des établissements d'aliénés de

la Belgique, a lu un travail sur la Colonisation des aliénés. En

Belgique, comme dans beaucoup d'autres pays, le nombre des

aliénés et particulièrement des aliénés indigents s'accroît de

jour en jour. Les asiles destinées à les recueillir deviennent

insuffisants. Au lieu d'en ériger de nouveaux à grand frais,

M. OudarL se déclare partisan de la création de nouvelles

colonies d'aliénés. Deux de ces colonies existent déjà : la pre-

mière est située à Ghell, près d'Anvers; la seconde à Berghen,

dans la province de Liège. La colonie de Gheil, qui existe depuis

plus décent ans. est très célèbre. On y compte actuellement plus

de seize cents aliénés, qui jouissent de tous les avantages de la

vie de famille et d'une liberté presque complète. Sans doute,

tous les aliénés ne peuvent pas être soumis à ce régime; M. Oudart

estime cependant qu'un tiers environ des aliénés pour lesquels

on réclame la séquestration pourraient être placés sans incon-

vénient dans une colonie. D'autre part, l'économie qui résulterait

de ce mode d'existence serait considérable; par conséquent, au

point de vue des communes, comme au point de vue des

malades, il y aurait avantage à créer de nouvelles colonies.

11. 13cwnrx·r (de Vienne) a fait ensuite une communication

sur les effets thérapeutiques de l'électricité statique. Employée

sous la forme de douche, l'électricité statique serait un puissant

modificateur de la circulation intra-ctânienne, c'est ainsi que

l'orateur explique les heureux résultats qu'il a obtenus de cet

agent dans le traitement des troubles auriculaires, parfois si

pénibles et toujours difficiles à combattre, qui accompagnent un

grand nombre de maladies du système nerveux. M. Benedikt a

rapporté, en outre, plusieurs cas d'amnésie et un cas de manie

de grandeurs qui auraient été également guéris par l'emploi de

la douche électro-statique.

M. Garnier (de Paris) a communiqué un intéressant rapport

médico-légal : il s'agit d'une jeune femme qui fut arrêtée en

flagrant délit de vol dans les magasins du Printemps. En même

temps que plusieurs objets dérobés, on trouva sur elle une

seringue de l'ravaz et une solution de morphine. L'enquête qui

fut faite à cette époque démontra que cette jeune femme faisait

depuis plusieurs années, un usage fréquent des piqûres de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 11 9

morphine qui lui avaient été prescrites autrefois pour combattre

des douleurs névralgiques abdominales. Il résulte, d'autre part,

de l'examen auquel s'est livré le Dr Garnier que, malgré ses

dénégations, cette femme au moment du vol jouissait encore

de l'intégrité parfaite de ses facultés, du moins d'une raison

suffisante pour apprécier la nature de l'acte qu'elle commettait.

Mais là ne réside pas l'intérêt de cette communication : après

son arrestation, cette femme fut séquestrée à Saint-Lazare et mise

dans l'impossibilité absolue de se pratiquer de nouvelles piqûres :

nr, s jus l'influence de cette cessation brusque du poison, elle fut

prise de crises hystéro-maniaclues dont le Dr Garnier a pu suivre

toutes les phases et que l'on ne saurait, par conséquent, mettre

sur le compte de la simulation. Ce qui prouve, en outre, que

l'apparition de ces crises était bien due à la morphine, c'est qu'une

piqûre les faisait immédiatement cesser : d'où il est permis de

conclure qu'il existait chez cette femme une intoxication mor-

phinique réelle, malgré l'intégrité apparente de ses facultés.

M. Ph. Rey, médecin-adjoint de l'asile de Ville-Evrard, adonné

lecture d'une note dans laquelle sont envisagés les rapports de

l'hystérie avec la paralysie générale chez la femme. Sur trente

femmes atteintes de paralysie générale, l'orateur aurait noté sept

fois les symptômes évidents d'hystérie. La coïncidence de ces

deux maladies ne serait donc pas exceptionnelle, comme quelques

auteurs l'ont prétendu. D'autre part, il résulte de l'examen minu-

tieux des sept cas cités, que la marche de la paralysie générale

n'est nullement influencée du fait de l'existence de l'hystérie :

deux fois seulement, M. Rey a noté un délire érotique. Quant à

l'hystérie, ses manifestations s'atténuent en général au sur et à

mesure que la paralysie générale se développe et s'aggrave.

Dansla même séance, MM. BROKER, directeur de la maison de l'a-

sile de Bendorf,et S.»ar ont exposé les bons effets qu'ils ont retiré de

l'emploi de ialcoul devin dans le trcvitcmentde la plupart des manies

et des folies organiques ; M. GIR.1UU, médecin de l'asile de Quatre-

Mares, a donné lecture d'un travail deM. Foville (de Paris) sur le

droit de requête des aliénés devant les tribunaux civils ; M. CLORET

(de Liège) a fait une communication sur le rôle de l'excitation

maniaque dans le développement de la plupart des psychopa-

thies ; enfin, M. CurLnrz(de Bruxelles) a donné lecture d'un tra-

vail de M. Régis sur les différentes formes de délire émotif.

Dans la séance de mardi, 111. VEnRIesT, professeur à. l'Uni-

versité de Louvain, a présenté une malade qui offre uu exemple

assez remarquable de trois existences cérébrales distinctes. 11 s'agit

d'une hystérique dont les premières grandes attaques remontent

a l'âge de quinze ans. Plus tard, cette malade eut plusieurs atta-

ques de léthargie et de mort apparente de quelques heures de

120 SOCIÉTÉS SAVANTES.

durée. Plus tard encore, elle présenta un sommeil non interrompu

de quatre semaines, sans qu'elle bût ou mangeât quoique ce fût,

et, sans que, d'autre part, il se produisit une dénutrition sensible.

Une paralysie complète se montra au bras gauche, mais cessa

spontanément après une durée de quelques semaines. Par contre,

une paralysie de la jambe droite resta permanente et existe encore

aujourd'hui. Enfin, depuis 1879, la malade présente les phéno-

mènes du dédoublement de la personnalité ; elle possède réelle-

ment deux existences intellectuelles bien séparées : une existence

normale ordinaire et une existence seconde.

Lorsqu'on lui rend visite, on la trouve toujours dans 1"étitt

second, qui est devenu son état habituel. Les personnes qui n'ont

pas l'habitude de la voir ne peuvent alors constater qu'elle est

malade, car les sens et l'intelligence sont intacts et même bien

plus éveillés qu'en condition normale. Un symptôme caractéris-

tique de cet état, c'est qu'elle ne sait absolument pas avaler les

liquides et difficilement les solides. Au contraire, dans son état

physiologique régulier ou condition première, la malade est plus

triste, plus abattue ; elle sait avaler les liquides et les solides, mais

ne peut proférer aucune parole. Elle communique par écrit les

réponses aux questions qu'on lui fait. Elle n'a aucun souvenir de

ce qui s'est passé pendant son état antérieur, son état second; de

même que, durant ce dernier état, elle n'a aucun souvenir de ce

qui s'est passé pendant son état premier.

M. Verriest a, tour à tour, provoqué l'apparition des deux états;

il a présenté d'abord cette malade dans son existence seconde,

et l'a ramenée ensuite à son état normal. Pour cela, il suffit de

lui commander de s'éveiller en l'interpellant brusquement :

immédiatement quelques secousses nerveuses se produisent dans

les membres supérieurs; puis, la malade s'éveille en souriant et

se trouve dans son état normal. Alors elle ne sait plusoù elle est;

sa physionomie est inquiète, incapable d'exprimer sa pensée par

la parole (l'articulation des mots est aphone), elle écrit pour

demander le lieu où elle se trouve, quelles sont les personnes qui

l'entourent, etc., et profite de ce nouvel état pour boire avide-

ment plusieurs verres d'eau.

Cette existence première ne se maintient que pendant une

heure environ, et spontanément la malade retombe en condition

seconde. Depuis peu, il est devenu possible de la faire entrer dans

une espèce d'état tioisième en appuyant légèrement etrapidement

sur les globes oculaires : ce troisième état diffère essentiellement

de l'hypnotisme par le jeu parfait de l'intelligence et de l'impos-

sibilité de provoquer la moindre suggestion. Dans cet état, la

paralysie de la jambe droite disparaît, mais la vue se tiouble et

tous les sens deviennent obtus, à l'exception de l'ouie. La patule

SOCIÉTÉS SAVANTES. 121

se perd en même temps, mais il suffit de presser sur les dernières

vertèbres cervicales pour qu'elle revienne aussitôt, précédée de

quelques mouvements de mâchonnement et de déglutition.

Il est donc possible de faire passer cette malade par trois états

de conscience distincte. Il est impossible, dans l'état actuel de la

science, de donner l'explication physiologique de ce fait, il permet

toutefois de répéter complètement l'hypothèse de ceux qui pré-

tendent expliquer le dédoublement de la personnalité par l'indé-

pendance fonctionnelle des hémisphères cérébraux.

Cette remarquable observation avait été précédée d'une autre

communication de M. Verriest sur les paralysies par l'inconscience

que nous nous bornons a mentionner.

Après M. Verriest, M. Christian (de Paris) a fait une commu-

nication sur la prétendue fragilité des os chez les paralytiques

généraux. Le titre même de ce travail nous montre que l'orateur

ne partage pas l'opinion de beaucoup d'auteurs sur l'existence

d'une altération particulière de tissu osseux dans la paralysie

générale. Pour combattre cette opinion, M. Christian s'appuie

d'abord sur les examens microscopiques des os qu'il a pratiqués,

soit chez les paralytiques généraux, soit chez les autres aliénés ;

ces examens ont été absolument négatifs.

En outre, les observations que l'on a invoquées pour démontrer

cette altération du tissu osseux sont peu probantes, car, sans

parler des lacunes qu'elles contiennent, on est forcé de reconnaître

que dans la plupart des cas le diagnostic n'a pas été rigoureu-

sement établi.

Reste un dernier argument invoqué par les partisans de

l'ostéomalacie paralytique : ce sont les statistiques qui ont été

publiées en Angleterre; mais les conditions dans lesquelles ces

statistiques ont été dressées leur enlèvent toute valeur ; il s'agit,

en effet, du nombre total de fractures, notamment de fractures

de côtes qui ont été rencontrées à l'autopsie des paralytiques

généraux; l'époque à laquelle remontent ces fractures n'étant

pas indiquée, il est permis de supposer qu'elles sont antérieures

au développement de la paralysie générale, et, d'autre part, à

supposer même qu'elles se soient toutes montrées dans le cours

de cette maladie, il y aurait encore lieu do faire la part du

traumatisme, des chutes,, si fréquentes parmi les paralytiques

généraux, des rixes des malades entre eux, et même des violences

de leurs gardiens.

Par conséquent, au point de vue clinique comme au point de

vue histologique, rien ne démontre qu'il existe, dans la paralysie

générale, une altération spéciale du tissu osseux.

M. MARtQUK(de Bruxelles) a pris ensuite la parole pour exposer

le résultat de ses expériences sur le mécanisme du fonctionnement

122 SOCIÉTÉS SAVANTES.

des centres nerveux. (Cette communication n'a été que le résumé

d'un tiavail de l'auteur qui sera analysé ici ultérieurement.)

La seconde partie du Congrès a été consacrée à la discussion

des rapports de MM. Lefebvre et Semai. Le premier de ces

rapports a pour titre : « Des bases d'une bonne statistique

internationale des maladies mentales ». 11 est évident que, pour

élucider le problème si ardu de la genèse des maladies mentales

et celui encore controversés, des rapports delà folie avec la civi-

lisation, une statistique internalionalevfournirait des matériaux

précieux.

Mais pour qu'une statistique ait de la valeur, il faut que la

signification des unités que l'on additionne soit bien définie. Il

semble donc qu'une bonne classification des psychoses, d'une

bonne statistique soit la condition préliminaire et indispensable,

Malheureusement, cette classification n'existe pas. Est-il donc

impossible de trouver une base pour asseoir une statistique inter-

nationale. Non, d'après le rapporteur, il suffisait de s'entendre

pour adopter un certain nombre de types morbides, comprenant

les maladies mentales qu'on rencontre le plus communément

dans la pratique et auxquelles on rattacherait comme variétés

les autres formes morbides que l'observation clinique ne révèle.

En conséquence, M. Lefebvre proposait au Congrès de réunir

à l'avenir les éléments d'une statistique internationale sur le

nombre des aliénés dans une circonscription donnée, les causes

de l'aliénation en général et, autant que possible des espèces, la

durée de la maladie, sa terminaison et sa létlaalité.

La discussion de ce rapport a été très brève et n'a guère porté

que sur deux points : il s'agissait d'abord de savoir si tous les

aliénés d'un pays devaient être compris dans les statistiques et

ensuite quels étaient les types de maladies mentales assez uni-

versellement reconnus pour être admis à y figurer. A la première

question, quelques orateurs ont répondu que tous les aliénés

libres ou séquestrés, devaientnatureilementrontrer dans la statis-

tique ; maisles autres ont objecté que, dans la plupart des pays, on

n'avait aucun moyen de contrôle sur les aliénés très nombreux

qui sont soignés dans leurs familles. Delà une première difficulté

presque impossible à résoudre.

Sur le second point, des divergences ont éclaté plus

grandes encore. Si tout le monde, en effet, s'entend lorsqu'on

parle de paralysie générale, d'idiotie, de crétinisme, etc., il

n'en est plus de même lorsqu'il s'agit de psychoses proprement

dites. L'accord ne pouvait donc pas se faire et toute tentative de

ce genre aura le même résultat, parce qu'elle est prématurée.

Néanmoins, le Congrès a décidé à la suite de cette discussion

que l'élaboration d'une classification, destinée à servir de base

SOCIÉTÉS SAVANTES. 123 3

à une statistique internationale sera confiée à un comité

international composé de la façon suivante : le bureau du

Congrès nommera d'abord autant de membres qu'il y a de

nationalités, puis chacun de ces membres, après avoir référé, à

la Société psychiatrique de son pays, s'en associera deux autres.

La thèse soutenue par M. Semas dans un rapport sur les

Relations entre la criminalité et la folie est, en somme, celle qui

depuis plusieurs années déjà a été défendue avec beaucoup

d'éclat et de retentissement par MM. Maudstey, Lombroso,

Solbrig et quelques autres pour lesquels la communauté d'ori-

gine du crime et de la folie est absolument incontestable.

S'appuyant aussi bien sur les travaux de ces auteurs que sur

un grand nombre de dossiers médico-judiciaires qu'il a eus entre

les mains, 111. Semal a eu l'heureuse idée de tenter un grou-

pement des criminels, calqué sur la classification préconisée par

M. Maquard pour les dégénérés.

« Lorsque l'on compare, dit l'orateur, les actes délirants et

« criminels, on y rencontre en effet ou la passivité ou l'instinc-

« limité ou le cachet impulsif des actes, et jusqu'à cette obsession

« d'ordre purement psychique qui caractérisent les différents

« groupes de dégénérés si nettement décrits par notre savant

« collègue. Si donc il existe une psychose, une folie criminelle,

« c'est-à-dire une aberration psycho-morale poussant aux satis-

« factions égoïstes plus ou moins brutales ou raffinées, ce n'est

« encore qu'une des phases, qu'un des épiphénomènes de

« l'atavisme morbide. »

On voit par ces quelques lignes, l'importance du problème

posé par M. Semai et la hardiesse avec laquelle il a été abordé;

on pouvait donc supposer que la discussion serait assez vive, il

n'en arien été. A vrai dire, M. Semai n'a pas trouvé un seul

contradicleur parmi les orateurs qui ont pris la parole après lui,

et la conclusion de son rapport a été adoptée à l'unanimité.

Auparavant, M. l3EaEOihr (de Vienne) a tracé un tableau très

complet des différentes formes de ,1a neurasthénie chez l'enfant

et chez l'adulte, envisagée au point de vue de ses conséquences

physiques, intellectuelles et morales. D'après l'orateur, qui a

donné au développement de cette question une grande étendue.

la psychologie des criminels serait tout entière subordonnée à

l'existence de cette neurasthénie qu'il érige en véritable diallièse

etqu'il considère comme une sorte de terrain neutre sur lequel

évoluent avec une égale facilité la folie et la criminalité. Pour-

suivant cette étude au point de vue pratique, M. Henedikt a

montré les relations de la neurasthénie avec les différentes

formes de la criminalité, et tenté un groupement de criminels

basé sur cette doctrine.

124- BIBLIOGRAPHIE.

M11. NAnoors et WAUEN ont ensuite pris la parole pour

revendiquer en faveur de l'anthropologie une part importante

dans le projet d'enquête réclamée par M. Semai, puisl'assemblée

a voté, à l'unanimité, les résolutions suivantes :

« Le Congrès, en présence des faits d'ordre anatomique, phy-

siologique et clinique, qui démontrent l'utilité de recherches à

faire sur les différentes catégories de délinquants, émet le

voeu : 1° que les pouvoirs publics continuent à favoriser l'enquête

entreprise sous les auspices de la Société de médecine mentale de

Belgique; 2° qu'une commission ou seront représentés, en

nombre égal, les magistrats, l'élément médical et l'administration

supérieure des prisons, soit chargée d'organiser une enquête

qui devra s'étendre : A, aux prévenus soupçonnés d'aliénation

mentale; B, à tout individu ayant commis, en état de folie reconnue

un crime quelconque ; C, aux grands criminels; D, aux criminels

devenus aliénés depuis leur détention. »

Enfin une proposition de M. l3r.nemhn, tendantà l'établissement

de cliniques criminalistes dans les prisons pour servir à l'éducation

des juges et des magistrats, a été également adoptée à l'unanimité

par l'assemblée.

La session du Congrès de phréniatrie et de neuropathologie

de 1885 a été ensuite déclarée, close après une courte allo-

cution de M. Desguin. G. DENY.

BIBLIOGRAPHIE

1 Eléments d'anthropologie générule, par le D Paul Topinard,

professeur à l'école d'anthropologie. Paris, A. Delahaye et

E. Lecrosnier, éditeurs, place de l'Ecole-de-Médecine. 1 vol ,

1,157 pages, avec 229 figures et 3 planches.

L'histoire naturelle de l'homme, délaissée hier encore par les

naturalistes et abandonnée aux polémiques sentimentales,

occupe enfin aujourd'hui le rang qui lui est dû parmi les sciences

biologiques. Ce ne sera pas le moindre honneur de l'École de

Paris d'avoir su la dégager des recherches métaphysiques et des

discussions byzantines; grâce à la rigueur de ses méthodes et a

la précision de ses instruments, l'anthropologie n'a plus guère à

redouter les écarts d'imagination qui l'ont autrefois tant discré-

ditée dans le monde des savants. Le livre de M. Topinard marque

très nettement cette évolution : les poids, les chiffres, les mesures

qui remplissent ses nombreuses pages nous donnent, au premier

FAITS DIVERS. - 125

coup d'oeil, l'idée d'un ouvrage scientifique et non pas d'une

oeuvre lyrique. Ce n'est pas le roman, c'est l'histoire de l'homme.

« J'ai pensé, dit l'auteur, que la science de l'homme devait

rompre avec certaines croyances, envisager certaines questions

autrement, revoir ses méthodes, et, puisant à toutes les sources,

se faire internationaler. » C'est qu'en effet l'érudition tient la

première place dans ce travail ; les matériaax y sont accumulés

avec un grand soin; beaucoup d'entre eux sont d'ailleurs inédits

et pris dans les notes et les registres du laboratoire Broca.

Le livre se partage virtuellement en trois parties. La première

est consacrée aux généralités : historique, principes, méthodes

générales, questions d'ensemble, de types, de races, de milieux,

de classifications, etc. La seconde s'adresse aux travailleurs de

laboratoire; elle insiste sur les idées qui dirigent les recherches

crâniologiques et crâniométriques, discute les mesures, donne les

résultats acquis et se termine par une double liste, l'une étendue,

l'autre réduite, celle-ci à titre de mesures internationales pour

tous. La troisième partie concerne les voyageurs; elle insiste sur

la conduite qu'ils ont à tenir, sur l'anthropométrie et ses résultats

actuels; elle critique, simplifie, remanie les procédés et se ter-

mine par une double liste d'instructions pour le vivant, l'une

étendue, l'autre réduite.

A côté du travail d'érudition pure, il y a aussi dans le livre de

M. Topinard une oeuvre tout à fait personnelle. C'est pourquoi,

malgré l'abondance des documents, malgré l'aridité obligatoire

de certaines démonstrations, la lecture est facile et la recherche

rapide. Toutes les questions qui intéressent l'histoire de l'homme

sont soulevées dans cet ouvrage; assurément, toutes ne sont pas

résolues, mais les parties obscures sont présentées de façon à

attirer l'étude et à retenir l'attention.

Le Traité d'anthropologie de M. Topinard est dédié à ses

maîtres, Broca et M. de Quatrefages. Ce sont les opinions de nos

deux savants compatriotes qui servent de canevas à l'oeuvre tout

entière, c'est dire combien ce livre sera indispensable à tous

ceux qui, à leur suite, veulent contribuer au succès de l'école

française d'anthropologie. C.

FAITS DIVERS

Ecole d'infirmiers ET d'infirmières DE l'asile S.11NTE-ANNE. - Les

cours ont commencé le mardi 10 novembre f88, à deux heures

du soir, dans l'amphithéâtre de l'admission, et se continuent

126 FAITS DIVERS.

les mardis et vendredis suivants, à la même heure. Programme

pour l'année scolaire 488 : 5-8fi : Hygiène, pansement, petite chi-

rurgie et applications hydrothérapiques, physiologie, anatomie,

rapports de l'infirmier avec l'aliéné dans les différentes formes

mentales, petite pharmacie. Ces cours se font sous la direction

de MM. Bouchère vu, D.scorrET, médecin en chef, et QUES-

,NI,V]LLF, pharmacien en chef de l'asileSainte-Anne. Les personnes

étrangères à l'établissement qui désirent suivre ces'cours gra-

tuits doivent se faire inscrire tous les jours, de 10 heures à

4 heures, à la direction de l'Asile.

Statue de Broca. Les journaux politiques annoncent que le

jury chargé d'examiner les maquettes des trois lauréats du con-

cours institué récemment pour l'érection d'une statue à Broca,

vient de choisir M. Choppin, jeune statuaire sourd-muet. L'émi-

nent anthropologiste et chirurgien est représenté debout, uncrâne

dans la main gauche et un compas dans l'autre.

Concours DE l'internat en médecine des asiles d'aliénés de la

Seine. Le jury se composait de 11\I, l3oucliereaa, Legrand du

Saulle, Delens, Charpentier, Meriden, Briand, Vallon. Sur vingt

et quelques candidats inscrits, seize ont répondu à l'appel de

leur nom; ils ont alors été prévenus que le concours n'avait lieu

que pour quatre places (cinq avaient été annoncées), par suite du

retard apporté à l'ouverture du service des hommes de l'asile de

Villejuif. Le sujet était, pour la question écrite : Racines des

nerfs rachidiens (anatomie et physiologie). Les autres questions

restées dans l'urne étaient : nerf facial, artères du cerveau (ana-

tomie et physiologie).

Les questions orales ont été : Il des symptômes et complications

de la fièvre scarlatine; 2° des fractures de côtes. Les questions

restées dans l'urne étaient les suivantes : hémoptysie; du mal de

Pott et symptômes; diagnostic de l'occlusion intestinale; fractures

du col du fémur. Il s'est terminé par la nomination de 13au-

douiii, Jotideau, Journiac, IClein, Bartbomeuf, internes titulaires,

et de MM. Arnaud, Landrieu, Iloiieix de la Brousse, Paterne,

fournier.

Une visite A l'asile d'aliénés de Saint-Robert (Isère). Nous

venons de visiter l'asile des aliénés de l'Isère, situé à six kilo-

mètres de Grenoble, dans un des sites les plus ravissants de la

vallée du Grésivaudan.

L'asile est construit sur l'ancien emplacement d'un prieuré,

dont l'existence remontait au aIr siècle, on en voit encore des

traces dans le voisinage de l'établissement, et il reste une portion

du cloître dans le pensionnat des dames.

En 1844, quand M. le ))' Evrat fut nommé médecin-directeur

de l'asile, qui n'était qu'un affreux chaos et un établissement

faits DIVERS. 127 Î

détestable, il s'y trouvait 83 aliénés seulement a la charge du

département; depuis, ce nombre a décuplé. C'est au Dr l'svrat

que revient l'honneur, à travers des tracasseries bureaucratiques

sans nombre, d'avoir mis fin ;t cette situation et provoqué la

création du nouvel asile, dont le premier pavillon a été habité

en 1861 . L'asile de Saint-Robert, dont le plan est absolument per-

sonnel au 1), Kvrat, consiste en un ensemble de pavillons isolés, des-

tinés a. classer méthodiquement les malades et à les isoler selon

les fluctuations de leur état mental.

11 a été construit pour une population primitive de 400 aliénés,

et il en renferme aujourd'hui plus de 800; ses successeurs ont dû,

par suite, l'agrandir au sur et à mesure des besoins, en respec-

tant autant que possible les données du plan primitif.

C'est ainsi que M. le Dr Cortyl, étant médecin en chef, et

M. Pinot dircteur, plusieurs pavillons ont été surajoutés; c'est à

cette période, que remonte la création des pensionnats des deux

sexes et celle des ateliers.

Les pensionnats réunissent toutes les conditions de confortable

voulues : salle de réunion, de lecture, de billard, salons, cham-

bres particulières, grands et beaux jardins; vue splendide, rien

n'y manque. Les prix de pension sont excessivement modérés.

Le département de l'Isère s'est imposé des sacrifices constants

pour fournir à l'asile de Saint-Robert les moyens d'améliorer

progressivement ses services. Il y a peu d'années encore qu'il a

élevé le prix de journée des malades qu'il y entretient, en vue des

nouvelles constructions, rendues nécessaires par l'accroissement

du nombre des aliénés. Les nouveaux pavillons ont été établis

sur les plans de M. Riondel, architecte, et sur les indications de

M. le Dr Dufour, médecin en chef. Ils constituent des types

parfaits de constructions hospitalières.

M. le D Dufour est, en effet, non seulement un spécialiste

distingué, mais encore un hygiéniste consommé. Aucune des

innovations de l'hygiène ne lui est étrangère et il a réussi à

donner, aux plans qu'il a inspirés, tout ce qui peut assurer la

salubrité des habitations collectives, chauffage bien entendu,

vaste aération, soins minutieux de tous les détails, en vue de la

spécialisation de ces habitations. Sous tous les rapports ces

nouvelles constructions sont excessivement bien comprises. Elles

marquent un progrès très réel sur les anciennes.

La cuisine de l'établissement forme un pavillon isolé, entre les

nouveaux bâtiments. On y remarque, ainsi qu'à la buanderie, un

système ingénieux et très hygiénique pour l'évaporation des

buées. La cuisson des aliments y est faite à la vapeur.

M. le Dr Dufour, qui est Dauphinois, a succédé au Dr Cortyl en

qualité de médecin en chef de l'asile Saint-Robert, il y a bientôt

neuf ans. C'est à son initiative et aux indications formulées dans

128 faits divers.

ses rapports que l'on doit les dernières améliorations réalisées

par l'administration de cet établissement.

Grâce à une surveillance bien entendue, réglée par le médecin

en chef et à un traitement individuel quotidien, minutieusement

suivi, l'agitation n'existe presque plus à Saint-Robert, où les

moyens de contrainte sont à peu près nuls. On voit, en visitant

cet asile, que la direction médicale, paternelle et affectueuse qui

y existe, produit d'excellents résultats. La persuasion, les (soins

assidus, les bons procédés y sont en effet les moyens d'action du

médecin en chef et du personnel placé sous ses ordres.

Le médecin en chef veille sur tout ce qui a trait à la direction

personnelle des malades ainsi qu'à la propreté des quartiers, qui

sont d'ailleurs admirablement bien tenus.

Le Dr Dufour, qui est un esprit innovateur, a introduit certaines

améliorations à Saint-Robert, qui ne peuvent avoir qu'un excel-

lent résultat pour les malades. Il a supprimé la douche de

répression, provoqué la constitution d'un orphéon, de concerts

et de spectacles, fait créer une salle d'étude, où les aliénés, non

occupés aux travaux manuels, peuvent tout à l'aise se livrer à un

travail intellectuel quelconque et où il est fait des lectures en

commun. L'asile compte une superficie de 43 hectares, en grande

et petite culture, et possède une colonie agricole annexe,' de

ateliers manuels divers, où les malades sont employés sur la

désignation du médecin en chef.

Les fonctions de directeur et de médecin en chef, primitivement

réunies, ont été divisées en 1867. Le service administratif est confié

à M. Pinot, directeur, assisté d'un receveur et d'un économe res-

ponsables et d'un secrétaire. Le service médical comprend un

médecin, en chef, un médecin suppléant et deux élèves internes.

Nous avons visité cet asile dans ses principales parties. Chaque

chef de service y a marqué son passage, après'le docteur lfvrat,

par des améliorations importantes. Le site où il est placé est

un des plus beaux du Dauphiné, l'ensemble de ses constructions

isolées entre elles, au milieu des plantations variées et de jardins

bien entretenus, donne à l'établissement de Saint-Robert un

cachet tout particulièrement favorable.

Après s'être apitoyé sur la triste destinée des malheureux qu'il

renferme, dont le plus grand nombre, hélas ! sont incurables, le

visiteur s'en va avec cette heureuse impression, que le départe-

ment de l'Isère n'a poiut fait ! de sacrifices inutiles et qu'il

possède à Saint-Robert un asile modèle, qui lui fait le plus grand

honneur. (Les Alpes républicaines de Gap, 20 nov. 1885). -

Le rédacteur-gérant, 130UnNEVLLS.

Évreux, Ch. llumeser, imp. 186.

Vol. XI. Mars 1886. N" 32.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE MENTALE

CONSIDÉRATIONS CLINIQUES A PROPOS D'UN CAS D'ALIÉNA-

TION MENTALE INTIMEMENT LIÉE A UN ABCÈS S'OUVRANT

PAR L'OREILLE EXTERNE GAUCHE ET RECONNAISSANT

COMME INFLUENCE PATHOGÉNIQUE IMPORTANTE' UNE

FIÈVRE SAISONNIÈRE ;

Par le D, A. Ai.1111ET, agrégé.

Il y a quelque quatre ans, j'observais un cas d'alié-

nation mentale qui me frappa à différents points de

vue : par la modalité revêtue par la maladie, qui avait

débuté avec l'aspect de la paralysie générale et dont la

terminaison heureuse ressemblait plutôt à la terminai-

son d'une manie ; par les rapports qui existaient, dans

ce cas, entre la marche et la terminaison de la folie et

la marche et la terminaison d'un abcès qui s'ouvrit par

l'oreille externe gauche ; par l'influence pathogénique'

enfin qu'avait eue, dans la réalisation de l'aliénation

mentale, une fièvre saisonnière, cause qui ne figure

pas jusqu'à présent dans l'étiologie de la folie.

A quoi attribuer cette modalité particulière de la

maladie mentale ? Etions-nous en présence d'un cas de

Archives, t. Xi. 9

130 PATHOLOGIE MENTALE.

folie congestive ou paralytique de M. Baillarger ? Quelle

était la nature des rapports qui existaient chez notre

malade entre cet abcès ouvert par l'oreille et l'aliéna-

tion mentale; y avait-il entre eux une relation de

cause à effet ? Des recherches récentes ne démontrent-

elles pas, en effet, que les lésions inflammatoires de l'ap-

pareil auditif peuvent donner lieu à la folie ? Comment

enfin avait agi la fièvre saisonnière pour produire l'a-

liénation mentale ?

C'étaient là tout autant de questions que soulevait

cette observation, questions intéressantes, on le voit,

toutes d'actualité, que nous permettait de résoudre

une étude attentive, et dont la solution transportée

dans le domaine scientifique pouvait, comme nous le

verrons, servir à élucider certains points en litige. Si

nous avons retardé jusqu'à présent la publication de

ce fait et des déductions qui en découlent, c'est qu'un

élément d'appréciation nous était nécessaire; il fallait

qu'un temps suffisant se fût écoulé depuis la guérison

de la maladie : cet élément, nous le possédons actuel-

lement.

- B..., célibataire, âgé de vingt-neuf ans, entre à l'Asile public

d'aliénés de Montpellier, le 2 mars 1881..

Ce malade est très agité, crie, chante, se roule par terre,

bouscule les surveillants, se jette même sur eux et cherche à

les mordre. Le délire est généralisé sans prédominance d'au-

cune sorte, l'attention ne peut être fixée. L'intelligence est

très' embrouillée. L'état physique est mauvais ; les narines sont

fuligineuses ; les lèvres, les gencives tendent à s'encroûter les

traits sont flasques, le teint est jaunâtre avec quelques stases

sanguines.au niveau des pommettes, l'émaciation est marquée ;

il existe des tremblements des doigts. A quel genre d'aliénation

mentale avons-nous à faire dans ce cas ? Des troubles physiques,

l'embrouillement de l'intelligence, semblent indiquer l'exis-

aliénation mentale; FIÈVRE catarrhale. 131

tence d'une paralysie générale au début ; cependant quelques

signes se rattachant à l'habitus extérieur du malade nous font

réserver le diagnostic. ,

Comment s'est développée et à quelles causes rattacher

l'aliénation mentale que nous constatons chez B... ? Voici ce

que nous apprennent à ce sujet les renseignements que nous

avons pu recueillir auprès des parents, des amis du malade, et

du malade lui-même une fois guéri.

Le début de l'aliénation mentale remonte à dix-neuf jours.

Depuis quatre ou cinq jours, B... gardait le lit ou la chambre

pour une maladie fébrile, sans détermination locale. Cette mala-

die consécutive à un refroidissement était caractérisée par un

sentiment de fatigue généralisée, des douleurs lombaires, des

sensations de froid et dechaud, une pesanteur de tête, la perte

de l'appétit, bref, par tous les symptômes ordinaires delà fièvre

catarrhale, si fréquente dans notre région méditerranéenne,

surtout à cette époque de l'année. La nature de cette fièvre nous

fut d'ailleurs confirmée par le médecin traitant lui-même. B...,

disons-nous, était depuis quatre ou cinqjours, sous l'influence

de cette fièvre, lorsqu'on vint lui annoncer que son beau-frère

avait une discussion avec des voisins et allait se battre. Immé-

diatement il se lève, court dans la rue, veut se jeter sur les

adversaires de son beau-frère, mais ses amis l'entourent et le

ramènent chez lui, sans qu'aucun coup ait été échangé de part

et d'autre. B... se plaint vivement alors qu'on ne l'ait pas

laissé se venger; on lui a fait mal, dit-il, en le retenant.

Lesjours suivants, B... reprend son travail de cultivateur,

mais il n'a pas son entrain habituel ; il est sans courage, sans

force ; il est rêveur ; la nuit il a dès insomnies. Parfois il parle

seul. Dix jours après la discussion que nous venons de rappe-

ler, B... commence à délirer nettement; il prononce des paroles

incohérentes, arrête les gens qu'il rencontre pour leur deman-

der des renseignements sur les choses les plus insignifiantes et

les plus dissemblables. Puis apparaissent des idées de peur,

alternant avec des idées de vengeance, et s'accompagnant

d'une hyperesthésie auditive très marquée ; le moindre bruit

fait tressaillir le malade. Le quinzième jour, dans le courant

de la nuit, éclate un violent accès d'agitation ; B... s'imagine

qu'on va mettre le feu à sa maison, qu'on veut l'empoisonner,

le tuer, que nous sommes en pleine révolution. L'agitation est

tellement intense qu'on est obligé de l'attacher sur son lit ; elle

132 pathologie mentale.

alterne d'abord avec quelques moments de calme, puis elle

devient continue, et c'est dans cet état que B... est conduit à

l'Asile.

L'accès d'aliénation mentale au développement duquel nous

venons d'assister est le premier qu'ait eu B ? et rien dans les

antécédents personnels et héréditaires de celui-ci ne le faisait

prévoir. B... est d'une intelligence au dessus de la moyenne,

son jugement est sain et droit ; il a toujours mené une vie

régulière et n'a jamais fait d'excès d'aucune sorte. Il est culti-

vateur et jouit d'une assez large aisance.

Il n'apas eu de convulsionsétantjeune, étonne trouve ànoter

chez lui comme maladie qu'une diarrhée qu'il a contractée au

service, où il est resté quatre ans, diarrhée qui n'a duré que

quelques jours et a été sans aucune suite. Il n'a jamais eu ni

rhumatisme, ni maladie diathésique. C'est un homme forte-

ment charpenté, bien proportionné, à développement crânien

n'offrant rien de particulier, d'une taille au-dessus de la moyenne,

d'une constitution vigoureuse, et sur lequel l'hérédité pèse peu,

ainsi que le prouvent les renseignements suivants :

HÉRÉDITÉ. - Côté paternel. Grand-père mort à soixante-

cinq ans d'une maladie inconnue, mais ne se rattachant pas

au système nerveux ; grand'mère morte à soixante-dix ans

d'Une maladie inconnue, était nerveuse; -père, soixante ans,

cultivateur, se porte bien, intelligence moyenne.

Cinq oncles ou tantes. Le ler, mort à soixante-quatre ans, n'a

pu se consoler, parait-il, de la mort de sa femme ; le 2° est mort

à soixante ans à la suite d'un accident ; le 3° a soixante-quinze

ans et est bien portant; le 4°, âgé de soixante-douze ans,

a une main paralysée; le 5°, âgé de cinquante-huit ans, se

porte bien.

Côté maternel. Mère morte de consomption, à l'âge de

cinquante-quatre ans, était hémiplégique droite et aphasique

depuis quatre ans; - grand-père et grand'mère morts, l'un

à soixante-cinq ans, après trois ans de maladie, l'autre à cin-

quante-cinq ans. Les maladies auxquelles ils ont succombé

n'ont rien de commun avec le système nerveux.

Collatéraux. Six frères ou soeurs : il,, soeur, morte à

cinq ans du croup ; 2° soeur morte à dix-huit ans d'athrepsie ;

3°, mort-né ; 4°, fille ainée, vit, se porte bien ; 5° fille non

nerveuse, mariée, a un enfant bien portant ; 6°, garçon, âgé

de dix-sept ans, se porte bien. 0

ALIENATION MENTALE; AGITATION MANIAQUE. 133

Tel est le développement, tels sont les causes et le début

de l'aliénation mentale de B... Voyons maintenant la marche

et le mode de terminaison de celle-ci.

L'agitation du début diminue bientôt, disparait même pour

faire place à un état d'affaissement très marqué. B... mange

peu et cherche constamment à se coucher. Le 7 mars, on le

fait monter à l'infirmerie où il reste trois jours. A part un

léger embarras gastrique, l'examen des différents organes ne

révèle rien de particulier, la tête n'est pas chaude, la tempé-

rature axillaire ne dépasse pas la normale le matin, le premier

soir, elle atteint 38°,2 ; le pouls est lent ; il bat de 50 à 60

pulsations par minute.

A bout de trois jours, l'affaiblissement disparait, et l'agita-

tion revient. L'attention ne peut être fixée ; l'intelligence est

toujours très embrouillée ; la mémoire est obtuse ; c'est à

peine si le malade sait le nom de la ville où il se trouve, et

cependant son visage exprime l'intelligence. Il existe une

hyperesthésie auditive très marquée; le plus léger bruit pro-

voque l'attention du malade, qui se plaint en outre d'un batte-

ment continu au niveau de la fosse temporale gauche, batte-

ment qu'il compare au mouvement du balancier d'une

pendule. Cet homme mange aujourd'hui régulièrement, aussi

l'état physique s'est-il amélioré; la sécheresse des lèvres et la

fuliginosité des narines ont disparu, le teint toutefois reste

encore rouge et légèrement teinté de jaune; les tremblements

des doigts persistent.

On ne trouve chez B... aucune lésion organique; les batte-

ments du .coeur sont réguliers et n'offrent pas de bruits anor-

maux, rien du côté des poumons, du foie, de la rate; la langue

est bonne ; il existe de la constipation.

A la fin du mois de mars, l'affaissement l'emporte sur l'agi-

tation, et cet affaissement est si marqué que B... urine souvent

sous lui. Toutefois, l'alimentation se continue régulièrement,

et la santé physique s'améliore de plus en plus. Dans la pre-

mière quinzaine d'avril, toute trace d'adynamie a disparu; il

en est de même des tremblements des mains, et, quand à ce

moment-là, l'affaissement cesse pour faire place à un nouvel

accès d'agitation, le caractère maniaque de la maladie s'affirme,

l'intelligence reste cependant plus embrouillée, qu'elle ne l'est

d'ordinaire dans la manie simple. B... se plaint d'une douleur

de tête violente; il nous dit que cette douleur existe depuis

13t. PATHOLOGIE MENTALE.

le début de sa maladie; il entend toujours ces battements au

niveau de la fosse temporale]gauche, et le moindre bruit aitire

son attention, le fait même tressaillir.

A partir de la fin de la première quinzaine d'avril, les carac-

tères de l'aliénation se modifient un peu; l'agitation et l'affais-

sement ne reviennent plus par périodes comme précédemment;

ces deux ordres de phénomènes, tout en persistant, alternent

dans le courant d'une même journée. Voici ce que nous

notions à la date du 14 avril :

« B..., depuis quelques jours est agité. L'agitation est en-

tretenue par les bruits, les paroles et les cris que le malade

entend autour de lui. Un autre malade parle-t-il ou crie-t-il,

immédiatement B... se met à son tour à crier, et, s'animant

davantage, il chante, danse, et devient volontiers agressif ;

certaines expressions le mettent tout particulièrement hors

de lui ; il est irascible et violent. Sa conversation reste tou-

jours très décousue, l'intelligence embrouillée ; l'ébranlement

cérébral est évidemment considérable. B... se rend compte à

certains moments de son état, et alors il se met à pleurer

« parce qu'il est fou », dit-il. A ces phénomènes d'agitation

succèdent, dans le courant d'une même journée, des périodes

d'affaissement ou mieux de somnolence; pendant ces périodes,

en effet, B... dort, et on peut voir ainsi dans les vingt-quatre

heures se succéder plusieurs fois ces curieuses alternatives

d'agitation et de somnolence. »

En même temps que se produisent les modifications que

nous venons de rappeler, nous notons le 11 avril, l'apparition,

au niveau de la fosse temporale gauche, d'une tuméfaction de

cette région, avec oedème de la paupière inférieure. La peau

est à ce niveau, rouge, tendue ; la pression du doigt y laisse

son empreinte, la température locale est à la main plus élevée

de ce côté que de l'autre.

Pendant les mois de mai et de juin, l'état mental de B...

reste stationnaire. On constate toujours dans le courant d'une

même journée ces curieuses alternatives d'agitation et d'affais-

sement. Cependantà ]afin de juin, les troubles psychiques ont

beaucoup perdu de leur intensité. Durant cette même période,

la tuméfaction oedémateuse s'est lentement accrue et a gagné

la région pariéto-occipitale; le 2 juillet se produit par l'oreille

externe gauche un écoulement de pus qui persiste pendant

cinq ou six jours et entraîne après lui la disparition de la

ALIÉNATION MENTALE; GUÉRISON. 135

tuméfaction périphérique. En même temps, les troubles psy-

chiques s'atténuent rapidement, l'agitation disparaît, et bien-

tôt le malade ne conserve plus qu'un certain degré de torpeur

intellectuelle et somatique. Cette torpeur était assez marquée

pour faire craindre une rechute, aussi garde-t-on pendant

près de deux mois encore le malade en observation ; à ce mo-

ment, la guérison est entière et complète.

Depuis lors, c'est-à-dire depuis quatre ans, la santé physique

et mentale de B... ne s'est pas démentie; cet homme a repris

absolument son équilibre intellectuel, et l'accès d'aliénation

mentale qu'il a eue semble avoir été un simple accident.

En résumé, pendant le cours d'une fièvre saisonnière,

et consécutivement à une émotion morale assez vive,

mais peu profonde, chez un homme adulte, sans pré-

disposition acquise, et sur lequel pèse une hérédité

cérébrale peu marquée, et plus particulièrement carac-

térisée par des troubles organiques du cerveau limités,

apparaît un accès d'aliénation mentale qui se traduit

dans les premiers temps par des périodes d'agitation

violente alternant avec des périodes de torpeur, et par

un ensemble de symptômes psychiques et somatiques

qui rappellent ceux qu'on rencontre dans la paralysie

générale. Puis, les symptômes somatiques disparaissent

et, àpart un état d'obnubilition intellectuelle plus con-

sidérable que celui qui existe généralement dans la

manie, la folie revêt assez bien la physionomie de cette

dernière maladie, conservant toutefois un cachet par-

ticulier que lui impriment des alternatives d'agitation

et de somnolence qui reviennent plusieurs fois dans le

courant d'une même journée. Pendant le cours de l'alié-

nation mentale, apparaît à l'extérieur, au pourtour de

l'oreille gauche, un empâtement inflammatoire qui

augmente peu à peu, laisse intact le sens de l'ouïe, et

aboutit à la formation d'un abcès qui s'ouvre par

136 PATHOLOGIE MENTALE.

l'oreille externe. Corrélativement, les troublescérébraux

s'atténuent et disparaissent; seul, un état de torpeur

intellectuelle et somatique persiste pendant quelque

temps.

La guérison se maintient depuis quatre ans, et tout,

depuis lors, dans l'état psychique de B..., semble indi-

quer que l'aliénation mentale n'a été chez lui qu'un

accident.

Cette exposition descriptive terminée, envisageons

de plus près l'observation de B..., cherchons à nous

rendre compte de la nature de l'aliénation mentale et,

pour cela, étudions le mode de développement et les

causes de celle-ci.

Tout d'abord, existe-t-il chez notre malade une rela-

tion de cause à effet, entre les lésions inflammatoires

qui ont abouti à la formation de l'abcès qui s'est

ouvert par l'oreille gauche et le développement de

l'aliénation mentale ? C'est là une première question

qui s'impose d'une manière générale, par ce que nous

savons de l'influence que peuvent exercer les lésions

inflammatoires de l'oreille sur le développement de

l'aliénation mentale; et, d'une manière spéciale, dans

le cas actuel, par l'étroite relation qui a existé entre

la guérison de ces lésions et celle des troubles psy-

chiques. Si nous suivons comparativement le déve-

loppement de ces lésions et celui de la folie, nous

voyons que, si les premières ne se sont manifestées à

l'extérieur sous forme de tuméfaction que pendant le

cours de l'aliénation mentale, elles révèlent leur exis-

tence dès les premiers moments de cette dernière, par

deux ordres de symptômes subjectifs bien connus pour

être en rapport avec un travail irritatif profond; par

DE L'ALIÉNATION MENTALE. 137

de l'hyperesthésie auditive et par ce sentiment de bat-

tement au niveau de la région temporale que le malade

compare aux battements du balancier d'une pendule.

Par suite, s'il existe chez B... un rapport entre les

lésions inflammatoires périphériques et l'aliénation

mentale, cela ne peut être un rapport de cause à

effet, puisque cette aliénation et ces lésions sont de

même âge.

Il faut donc chercher ailleurs la cause des troubles

cérébraux qu'a présentés B...

C'est à la suite d'une émotion morale que s'est ma-

nifestée l'aliénation mentale de B..., et tout démontre

que, dans ce cas, il existe une relation de cause à effet

entre cette émotion et le développement de la folie.

Mais jusqu'où va l'influence pathogénique de cette

cause ?

Sans nier l'importance étiologique des causes morales

dans la production de l'aliénation mentale envisagée

d'une manière générale, je crois être d'accord avec la

grande majorité des médecins habitués à l'étude des

maladies mentales, en admettant que certaines condi-

tions sont nécessaires pour que ces causes aboutissent

à la réalisation de la maladie. Elles sont rarement

suffisantes pour produire par elles seules la folie; il

faut pour cela qu'elles soient ou excessivement intenses

ou longtemps continuées, et même alors existent géné-

ralement des troubles physiques et plus particulière-

ment des troubles de la nutrition qui aident leur action

étiologique. Le plus souvent, lorsque ces causes sont

suivies d'aliénation mentale ; ou bien elles trouvent

un terrain cérébral tout préparé pour l'éclosion de la

maladie, et cela, soit par une hérédité puissante, soit

138 PATHOLOGIE MENTALE.

pour tout autre cause, l'intoxication alcoolique par

exemple; ou bien, elles s'appliquent sur un individu

atteint dans sa santé physique ; c'est ainsi qu'on peut

voir la folie éclater, à la suite d'une émotion morale,

chez une femme en couches, ou encore pendant le

cours ou à la fin d'une maladie aiguë, comme la fièvre

typhoïde, le rhumatisme, etc.

Dans le cas de B..., la cause morale à la suite de

laquelle s'est développée la maladie a été passagère,

et de peu d'importance, une simple querelle. Aussi,

pour avoir produit sur les cellules cérébrales un ébran-

lement suffisant pour aboutir à la folie, cette cause

dû être puissamment aidée.

Et cependant, le terrain cérébral : sur lequel elle agis-

sait était peu prédisposé à la réalisation de la folie ;

l'hérédité qui pèse sur B... est de peu d'importance,

ainsi qu'on peuts'en convaincre par les faits consignés

sous ce titre, et rien dans les antécédents physiolo-

giques et pathologiques de ce malade n'indique une

prédisposition acquise. La manière d'être intellectuelle

et morale de B... éloigne même de toute idée de pré-

disposition. Un autre facteur a donc dû intervenir, et

comme en fouillant l'étiologie, on ne trouve dans le

cas actuel aucune autre cause susceptible d'être incri-

minée que l'état physique dans lequel était B...,

au moment où a eu lieu l'émotion morale, on arrive

naturellement à se demander si cet état n'a pas joué

un rôle dans le développement de l'aliénation men-

tale.

B... était alors sous l'influence d'un état fébrile

consécutif à un refroidissement, sous l'influence d'une

vulgaire fièvre saisonnière, revêtant les caractères de

DE L'ALIÉNATION MENTALE. 139

la fièvre catarrhale si fréquente sur notre littoral mé-

diterranéen. Cette fièvre que caractérise principalement

l'élément fluxion, et qui, sous ce rapport, a une très

grande ressemblance avec la fièvre rhumatismale, exis-

tait chez B... sans détermination locale.

Mais constater l'existence de cette fièvre au moment

de l'application de la cause émotion morale, constater

même l'absence de toute autre cause susceptible d'ex-

pliquer chez notre malade la production de la folie, ne

suffit pas pour nous permettre d'établir une relation

de cause à effet entre cette fièvre et la réalisation de

l'aliénation. mentale. Si certaines maladies aiguës, le

rhumatisme, la pneumonie, la fièvre typhoïde, etc., etc.,

sont aujourd'hui communément regardées comme pou-

vant être des causes de folie, il n'en est pas de, même

des fièvres saisonnières ; qu'on désigne ces fièvres sous

les noms de fièvre éphémère, de fièvre catarrhale, de

fièvre gastrique, etc., peu m'importe. Aussi, pour que

nous puissions dire que, chez B..., l'état fébrile dont

il était atteint a joué un rôle dans le développement de

l'aliénation mentale, devons-nous démontrer directe-

ment ce rôle. Dans ce cas, cette démonstration est

chose facile et ressort nettement de l'étude des rap-

ports qui existent entre l'évolution des troubles céré-

braux et l'évolution des lésions inflammatoires qui ont

abouti à l'abcès ouvert par l'oreille.

Nous avons vu ces troubles et ces lésions apparaître

et disparaître en même temps; et si nous les étudions

comparativement dans leur marche, nous voyous le

développement de la tuméfaction extérieure coïncider

avec une modification dans la modalité de l'aliénation

mentale. C'est alors qu'apparaissent en effet ces alter-

140 PATHOLOGIE MENTALE.

natives quotidiennes d'agitation et de somnolence que

nous avons signalées.

Une relation aussi intime dans le développement,

l'apparition, la marche et la terminaison prouve qu'il

y a plus qu'une coïncidence entre les lésions inflam-

matoires périphériques et les troubles psychiques qui

existent chez B...; elle prouve jusqu'à l'évidence une

commune origine et une commune nature. Si ces

troubles ont rapidement disparu à la suite de l'ouver-

ture de l'abcès qui met fin à ces lésions, c'est que cet

abcès est la terminaison du travail pathologique qui

tenait en même temps sous sa dépendance l'aliénation

mentale et l'inflammation périphérique. Or, on ne

peut attribuer cette dernière qu'à une cause physique,

et comme elle n'est apparue chez B..., qu'à la suite

de l'application de la cause morale, à laquelle son

développement est aussi intimement lié que celui de

l'aliénation mentale, cette cause ne peut l'avoir pro-

duite qu'en provoquant un mouvement fltixioniiaire ou

congestif 'que peut seul expliquer, mais qu'explique

parfaitement, car ici nous n'avons plus les mêmes

raisons de doute que pour les troubles psychiques

l'état fébrile sous l'influence duquel' était B... en ce

moment.

Ce mouvement fluxionnairf, reflétant en cela sa

nature, s'est diffusé en même temps à l'extérieur et

à l'intérieur du crâne, donnant lieu à un état conges-

tif et irritatif, qui a surtout porté son action en ce der-

nier point, où il aboutit à un abcès.

Ainsi se trouve démontré, par l'observation directe et

d'une manière qui me paraît absolument indubitable,

le rôle de la fièvre saisonnière dont était affecté B...

DE L'ALIÉNATION MENTALE. 141

dans la réalisation de l'aliénation mentale. La cause

émotion morale a agi, en attirant et en fixant du côté

de l'extrémité céphalique l'élément fluxion qui est

un des éléments constitutifs de cette fièvre et qui était

resté jusqu'alors sans détermination locale.

Ainsi se trouve encore démontrée, par la même obser-

vation directe et d'une manière non moins indubitable,

la nature des rapports qui ont existé chez B... entre

les lésions inflammatoires périphériques et l'aliénation

mentale; ces lésions ne sont pas la cause de la folie,

elles sont de même âge que celle-ci, ont la même ori-

gine et sont de même nature. Et, comme conséquence

de ces rapports pathogéniques entre les lésions et l'alié-

nation mentale, la nature du travail qui tient cette der-

nière sous sa dépendance se trouve, elle aussi, démon-

trée ; ce travail est de nature inflammatoire.

La nature de ce travail nous étant connue, la moda-

lité qu'a revêtue chez B... l'aliénation mentale pen-

dant assez longtemps, modalité qui rappelait celle de

la paralysie générale à son début, s'explique aisé-

ment ; cette modalité nous permet même, en jugeant

par analogie, avec ce que nous,, savons du siège des

lésions dans la paralysie générale, de dire que, chez

notre malade, le travail inflammatoire a porté en même

temps sur les méninges et sur le cerveau, réalisant

ainsi une méningo-encéphatite. Mais la marche de

cette maladie nous montre que cette méningo-encé-

phalite n'a pas parcouru ses périodes ordinaires ; elle

n'est pas arrivée jusqu'à la désorganisation de la subs-

tance nerveuse, elle est restée à sa période d'irritation

et a rétrocédé ensuite,ainsi que le prouve la marche sui-

il,,) PATHOLOGIE MENTALE.

vie par les troubles cérébraux. Les troubles somatiques

disparaissent en effet, la maladie revêt le caractère

maniaque, et seul un état d'obnubilation intellectuelle

plus considérable que celui qu'on rencontre dans la

manie ordinaire, et qui se continue pendant quelque

temps encore, sous forme de torpeur intellectuelle et

somatique, alors que les idées, délirantes ont disparu,

indique que la cellule cérébrale a été plus profondé-

ment atteinte qu'elle ne l'est généralement dans la

manie simple. D'ailleurs, l'étude comparative entre la

marche de l'aliénation mentale et celle des lésions

inflammatoires périphériques nous rend parfaitement

compte de l'évolution qu'a suivi le travail cérébral.

D'abord plus généralisé, ainsi que l'indique la physio-

nomie clinique de l'aliénation mentale, il se localise

davantage au moment où se forme l'abcès périphérique

au niveau duquel semble se condenser l'inflammation;

la maladie revêt alors le caractère maniaque et à ce

moment apparaissent ces- alternatives quotidiennes

d'agitation et de dépression dans lesquelles l'élément

congestif joue un plus grand rôle que l'élément irri-

tatif.

L'aliénation mentale qui a existé chez B... est de

nature inflammatoire; elle se rattache à une méningo-

encéphalite quia évolué vers la guérison; cette alié-

nation mentale'se lié intimement, dans son développe-

ment, sa marche et sa'terminaison, à des lésions inflam-

matoires aboutissant à un abcès ouvert par l'oreille ;

elle reconnaît la même cause que ces lésions et est de

même nature qu'elles; enfin,- une fièvre saisonnière a

joué un rôle pathogénique importante dans la produc-

tion de cette aliénation ; tels sont les faits qui se

DE L'ALIÉNATION MENTALE. 143

dégagent de l'observation de B.... Ces faits, que nous

connaissons maintenant en eux-mêmes, méritent d'être

étudiés séparément; ils se prêtent à différentes consi-

dérations et renferment des enseignements utiles.

A. L'aliénation mentale de B... est de nature itiflai2z-

maloii,e; elle se rattache à une méningo-encéphalite qui

a évolué vers la guérison.

La nature inflammatoire du travail pathologique

qui tenait sous sa dépendance les troubles cérébraux

qui existent chez B..., s'est imposée à nous par

l'étude du mode de développement pathogénique de

ces troubles. Ce n'est qu'une fois la nature inflamma-

toire de ce travail démontrée, que nous avons invo-

qué la physionomie revêtue à un certain moment par

la maladie mentale, laquelle avait l'apparence de la

paralysie générale, pour établir la modalité de ce tra-

vail, c'est-à-dire l'existence d'une méningo-encépha-

lite. C'est qu'en effet, depuis les travaux de M. Bail-

larger ', il ne suffit plus, pour qu'une maladie cérébrale

puisse être rattachée à une méningo-encéphalite,

qu'elle revête le masque ordinaire de la paralysie géné-

rale, une vésanie simple à laquelle se surajoutent des

troubles circulatoires pouvant, d'après ce savant

maître, simuler cette paralysie, M. Baillargera donné,

on le sait, aux faits de cet ordre le nom de folie para-

lytique. -

1 Baillarger. Sur la théorie de Id paralysie générale. De la folié

paralytique et de la démence paralytique, considérées comme deux naala-

dies distinctes. (Aititales médico-psychologiques, janvier, mars, juillet)

et novembre '(883.)

1 44 PATHOLOGIE MENTALE.

Chez B..., ce n'est.donc pas à une folie paralytique ,

telle-que le comprend M. Baittarger, que nous avons

eu affaire, mais à une véritable méningo-encéphatite.

Et cependant, par l'évolution qu'a suivie dans ce cas

la maladie, nous n'aurions pas dû avoir d'hésitation,

si nous en croyons, du moins, un des arguments que

fait valoir M. Baillarger en faveur de l'existence de

' 'entité morbide qu'il cherche à établir. Cet argument

est relatif aux cas de guérison de paralysie générale

rapportés par les auteurs. Pour l'éminent aliéniste, la

paralysie générale ne peut guérir; il ne comprend pas

la rétrocession de la méningo-encéphatite, qui est

pour lui la caractéristique anatomique de cette mata-

die ; les faits de guérison de paralysie générale rap-

portés par les auteurs sont des cas de fausses para-

lysies générales, ce sont des cas de folie paraly-

tique.

. L'observation de B..., dans laquelle nous avons pu

établir, d'une manière si précise, l'existence d'une

méningo-encéphatite, qui a parfaitement guéri, doit

nous mettre en garde contre ce qu'a de trop absolu

l'opiuion de M. Baittarger sur la non guérison de la

méningo-encéphalite et nous montre que la terminai-

son heureuse d'une maladie qui a présenté les signes

de la paralysie générale n'est pas un motif suffisant

pour nous permettre de rejeter dans ce cas l'existence

d'un travail inflammatoire, comme paraissent le

penser certains auteurs '.

i Sajous. De la Folie pai-atylirornze. Th. de Muntpeitier, 1885.

DE L'ALIÉNATION MENTALE. 145

B. L'aliénation mentale de B... se lie intimement dans

son développement, sa marche et sa terminaison à

des lésions inflammatoires aboutissant ci un abcès ouvert

par l'oreille ; elle reconnaît la même cause que ces

lésions et est de même nature qu'elles.

Jusqu'à présent, nous n'avons pas insisté sur le siège

des lésions périphériques qui ont abouti à l'abcès

ouvert par l'oreille externe. Ces lésions, à en juger

par la conservation absolue de l'ouïe, dont la seule

altération consiste en une hyperesthésie auditive, n'ont

atteint que secondairement l'oreille et sont surtout

limitées au pourtour de cet organe. D'abord profondes,

sans manifestations objectives extérieures, caractérisées

seulement au début par l'hyperesthésie auditive que

nous venons de rappeler, et par cette sensation de

battements que le malade compare aux battements du

balancier d'une pendule, ces lésions n'apparaissent

que plus tard à l'extérieur, sous la forme d'un empâ-

tement inflammatoire limité d'abord à la région tem-

porale, s'étendent ensuite en arrière à la région

pariéto-occipitale, et s'ouvrent enfin à l'extérieur par

l'oreille externe, revêtant ainsi, ce me semble, la

modalité clinique d'un abcès sous-piriostfque de la

région temporale.

L'observation de B... me parait, au point de vue des

lésions inflammatoires périphériques, absolument com-

parable à celle que le docteur Rhys-William publiait

en 1877, daus le journal The Lancet1. Dans cette der-

1 Rhys-William. Folie associéeà un abcès communiquant avec l'oreille

gauche par l'ouoerlure de l'abcès. (llre Lancet, 28 avril 1877, p. 60,

et Gazette médicale, 1877,)). 357.)

Archives, t. XI. 10 o

146 PATHOLOGIE MENTALE.

nière observation, on retrouve, comme chez notre

malade, associés à ces lésions, des troubles psychiques

qui ont une grande ressemblance avec ceux que nous

a présentés B....

Charles D. C..., âgé de trente-six ans, marié, laborieux et

sobre, ayant toujours joui d'une bonne santé. Trente jours

avant son admission à l'hôpital, il était devenu morose, abattu

et son langage était incohérent. Il s'imaginait à chaque ins-

tant qu'il s'occupait à faire partir des fusées d'artifice au châ-

teau d'Edimbourg. Toute la journée, il tempêtait et blasphé-

mait, disant qu'il voyait des diables et que tous ses actes

étaient influencés par un pouvoir électrique. Toutes les nuits,

il était agité, bruyant et privé de sommeil.

C'est dans cet état qu'il entra à l'hôpital. Au bout de quinze

jours, il était plus calme, mais demeurait silencieux, refusant

de répondre à aucune question. Au bout do quinze jours, il

devint de nouveau excité, gesticulant et s'adressant à lui-même

des paroles incohérentes. La santé générale était bonne, mais

il était pâle et maigre. Ceci se passait en février 1876. En

novembre, on constata un écoulement purulent abondant par

l'oreille gauche. D'après le malade, cet écoulement remontait

à plusieurs mois; l'ouïe ne paraissait pas atteinte. Peu à peu

un empâtement diffus se déclara au niveau de l'apophyse

mastoide; il envahit bientôt la portion écailleuse du temporal.

Lorsqu'on pressait sur cette dernière région, l'écoulement

devenait plus abondant. Le gonflement augmenta de plus en

plus pendant un mois ; mais le malade était tellement violent

et irascible qu'il était impossible de l'examiner sérieusement.

Le 13 décembre, l'abcès fut ouvert et la raison revint aussi-

tôt. L'écoulement par l'oreille disparut complètement. Quinze

jours plus tard, on agrandit l'incision. La première opération

avait été faite à la partie la plus déclive, à trois pouces environ

au-dessous de l'apophyse mastoïde, en arrière du sterno-

cléïdo-mastoïdien. La seconde incision, pratiquée le 9 janvier,

avait pour but de remédier à la tendance qu'avait la plaie à se

former, surtout dans sa partie inférieure. La collection puru-

lente paraissait limitée en avant par la parotide, en dedans

par la jugulaire interne. L'exploration ne révéla aucune dénu-

dation osseuse. Il n'y eut pas de surdité consécutive. La lésion

DE 1,'ALIÉNATION MENTALE. 147

primitive était donc probablement située en dehors de la

membrane du tympan.

La ressemblance symptomatique qui existe entre

l'expression du délire chez D. C. et l'expression de ce

délire chez B..., me parait ressortir nettement de la lec-

turedesobservations deces deux malades. Jen'ihsisterai

pas davantage ici sur cette ressemblance, pas plus que

sur la différence qui sépare ces deux cas, relativement

à la nature des rapports qui ont existé entre les lésions

périphériques et la folie. Chez B..., l'aliénation men-

tale et les lésions périphériques reconnaissent une même

cause; chez D. C., au contraire, la première est con-

sécutive aux secondes. Je veux seulement mettre en

relief l'analogie ou mieux l'identité du travail inflam-

matoire périphérique qui ne me paraît différer que par

deux points secondaires, par l'intensité plus grande

dans l'observation rapportée par notre confrère anglais

et parce fait que, dans cette dernière, ce travail semble

avoir son siège principal au niveau de l'apophyse mas-

toïde, tandis que, chez B..., ce siège est au niveau de la

fosse temporale. Dans les deux cas, ce travail n'atteint

que secondairement l'appareil auditif, ainsi que le

prouve la conservation de l'ouïe.

Ce travail, disons-nous, n'atteint que secondairement

l'appareil auditif, cependant les observations de B...

et de D. C... peuvent se prêter à l'étude, assez obscure

encore, des rapports qui existent entre les maladies

de l'oreille et la folie. Tous les auteurs en effet, qui,

dans ces dernières années, se sont occupés de ces rap-

ports, rappellent l'observation recueillie par le D'Rliys-

William, et s'appuient même avec complaisance sur

148 PATHOLOGIE MENTALE.

elle pour démontrer l'existence de ces derniers. Envi-

sagée à ce point de vue, l'observation de B... se prête

à d'intéressantes considérations.

' Des faits déjà nombreux, dont le nombre tend chaque

jour à s'accroître, démontrent l'influence que peuvent

exercer les lésions de l'oreille sur la production de dif-

férents troubles psychiques. Ici, parles tentations subjec-

tives auxquelles elles donnent lieu, ces lésions sont

le point de départ de perversions sensorielles que,

m'appuyant sur la physiologie et la clinique, j'ai dési-

gnées ailleurs ' sous le nom d'illusions subjectives, et que

quelques auteurs ont étudiées depuis sous le nom

d'hallucinations unilatérales. Là, ces lésions pro-

duisent des troubles délirants passagers, mais reve-

nant par accès, à des intervalles plus ou moins éloignés,

comme dans les observations rapportées par Gellé,

Bouchut, Menière, etc. Ailleurs, enfin, elles donnent

naissance à de véritables aliénations mentales.

Mais la connaissance de l'influence exercée par les

lésions de l'oreille sur le développement des troubles

cérébraux n'est qu'un côté, le plus important il est

vrai, d'une question plus générale, de la question des

rapports qui existent entre ces lésions et ces troubles.

Cette question, pour être complète, doit être envi-

sagée à deux autres points de vue. Les troubles céré-

braux ne sont-ils pas susceptibles de retentir sur l'appa-

reil auditif ? Les troubles cérébraux et les lésions de

l'oreille ne peuvent-ils pas reconnaître une même

cause ? Jusqu'à présent, l'étude de ces deux derniers

1 A. Mairet. De l'illusion en général, des sensations visuelles comme

causes d'illusions. Th. de Montpellier, 1876, et Des sensations auditives

comme causes d'illusions. (Montpellier méd., 1876.)

DE L'ALIÉNATION MENTALE. 149

points n'a pas encore été abordée pour l'aliénation

mentale; du moins elle l'a été seulement pour l'épi-

lepsie. C'est, en effet, en envisageant ainsi le problème

dans son ensemble que le D' Ormerod' étudie l'épi-

lepsie dans ses rapports avec les maladies de l'oreille.

Or, l'observation deB..., en nous montrant que, chez

notre malade, les lésions auriculaires et la folie ont une

commune origine, répond, d'une manière on ne plus

nette et précise, à une des questions qui précèdent,

les troubles cérébraux et les lésions de l'oreille ne

peuvent-ils pas reconnaître une même cause ? Par

suite, cette observation nous fait envisager le problème

des rapports entre ces lésions et ces troubles par un

côté jusqu'ici laissé dans l'ombre. è

Nous pourrions citer, parmi nos malades, d'autres

faits du même ordre que celui de B..., et, en consul-

tant les ouvrages de médecine mentale, nous en trou-

verions très probablement d'autres qui viendraient,

comme démontrer l'unité d'origine chez un même indi-

vidu des lésions auriculaires et de la maladie mentale ;

mais nous ne voulons pas étudier actuellement à fond

ce point particulier, nous avons voulu seulement le

mettre en relief, en le basant sur une observation

absolument démonstrative.

C. L'aliénation mentale de B... reconnaît comme

influence pathogénique importante une fièvre saisonnière .

En attribuant dans la pathogénie de l'aliénation

mentale de B..., à la fièvre saisonnière dont ce mal

1 J.-A. Ormerod.0 ! t'jt) ! /e.y,ttt els relation to ear disease. In

Brain, avril 1884, p. 20. -

150 PATHOLOGIE MENTALE.

lade était atteint, au moment de l'application de la

cause émotion morale, un rôle aussi important que

celui que nous lui avons attribué, nous n'avons été

inspiré que par la seule étude de ce fait, la science ne

nous fournissant aucun exemple d'une semblable pa-

thogénie. Si depuis quelque temps, on fait jouer à

quelques maladies aiguës un rôle important dans

l'étiologie de certains cas d'aliénation, les auteurs

modernes sont absolument muets pour ce qui con-

cerne la fièvre saisonnière. Esquirol, lui-même, ce

grand clinicien, n'en parle pas. Bien qu'il signale, en

effet, la fièvre gastrique, comme pouvant marquer le

début de la manie, il n'attache aucune relation de

cause à effet entre cette fièvre et la folie; pas plus, il

est vrai, qu'entre cette dernière et la fièvre typhoïde,

dont l'influence pathogénique est cependant actuelle-

ment bien connue et admise par tout le monde. « Le

plus ordinairement, dit Esquirol ' , la manie éclate

sans aucun signe fébrile; mais quelquefois son inva

sion est marquée par les symptômes les plus alarmants

Tantôt c'est une congestion cérébrale avec des convul

sions épileptiformes, tantôt une fièvre gastrique, ou

une fièvre typhoïde, tantôt une phlegmasie. »

Cependant les cliniciens des siècles qui ont précédé

le nôtre, admettaient une relation étiologique possible,

entre les différentes fièvres saisonnières ou autres et

l'aliénation mentale. Ces fièvres donnent lieu d'abord

à un délire aigu, à la phrénésie; puis les symptômes

aigus disparaissent, le délire continue et on se trouve

en présence d'une véritable aliénation mentale. Ainsi

1 Esquiroi. Des Maladies mentales, t. Il, 1838, p. 146.

DE 1,'ALIÉNATION MENTALE. 151

Stol], pour ne citer que lui, admettait cette relation

étiologique, et il cite dans son remarquable Traité de

médecine pratique des faits tendant à démontrer cette

manière de voir. Malheureusement, ces faits sont loin

d'entraîner avec eux la conviction, et c'est moins sur

leur relation que sur l'autorité de l'illustre médecin

qui les rapporte qu'on peut se baser pour admettre la

relation étiologique qu'ils tendent à établir.

Pour fixer le lecteur à ce sujet, l'observation sui-

vante' suffira.

Je traitai, il y a trois ans, une jeune fille dont les règles

avaient toujours été peu abondantes, tardives et d'un sang

trop aqueux, qui, depuis quelques jours déjà, avait un peu de

fièvre, l'humeur fâcheuse, des lassitudes, moins d'appétit,

qui, contre sa' coutume, disait beaucoup de choses hors de

propos. On aurait pu prédire une fièvre intermittente. Tels

furent les commencements de la maladie. La malade allait et

venait, mais avec peine.

Enfin, la fièvre et le délire étant moins équivoques, on la

confia à mes soins.

C'est ma mémoire seule qui me fournit tous ces détails, que

je ne consignai point dans mon journal, en ayant été détourné

alors par la multiplicité de mes affaires. Mais je me souviens

parfaitement, parce que la maladie eut une terminaison

fâcheuse, en ce que je ne pus la guérir.

Je me chargeai donc de cette malade qui avait de la fièvre

et un délire tranquille. Mais après deux saignées et l'usage

prolongé de doux laxatifs, le délire devint furieux. La fièvre,

qui d'abord n'était pas considérable, parut alors ne plus avoir

lieu; et si quelque chose l'annonçait, je croyais devoir l'attri-

buer à la privation continuelle du sommeil, à l'agitation, aux

cris et à l'accélération de la circulation qu'ils occasionnaient.

Jugeant donc la malade sans fièvre, et voyant un délire con-

tinuel, furieux, durer plusieurs semaines, j'employai un grand

nombre des remèdes usités contre la manie, et même presque

1 Stoll. Traité de' médecine pratique, t. 111, p. 15 î. 1.

152 PATHOLOGIE MENTALE.

tous, à l'exception de l'éméto-carthartique. Elle avait déjà

fait usage inutilement des purgatifs et même ce fut alors que

son délire devint furieux de doux qu'il était. Ainsi, je n'espé-

rais rien du vomitif, puisqu'un évacuant beaucoup plus doux

avait si fort empiré son état.

Neuf semaines passèrent ainsi dans un transport continuel.

On la transporta alors dans un autre hôpital, celui-ci destiné

aux fous, où elle guérit, je ne sais par quelle méthode. Je

conjecture, d'après ce qui m'a été rapporté, qu'elle prit une

ou deux fois de la gratiole.

En présence de ce mutisme des auteurs modernes,

relativement à l'influence étiologique des fièvres sai-

sonnières sur le développement de l'aliénation mentale;

en présence de l'absence d'observations cliniques,

suffisamment précises, démontrant la tendance des

auteurs anciens à admettre celte influence, on nous

trouvera peut-être hardi d'avoir fait jouer à une fièvre

de cet ordre le rôle qu'on sait dans la pathogénie de

l'aliénation mentale de B... Et si on songe que cette

fièvre n'a pas par elle-même, c'est-à-dire de par sa

nature, une grande tendance aux localisations céré-

brales, notre hardiesse paraîtra encore plus grande.

Je sais bien que la fièvre catarrhale peut atteindre le

cerveau. Il y a longtemps que les méningites catar-

rhales sont connues et que l'observation clinique

affirme leur existence; il y a longtemps que Storck' a

décrit des apoplexies de même origine, et si ces mé-

ningites et ces apoplexies ont pu être mises en doute

pendant un certain temps, des observations récentes

et précises, telles que celles publiées par MM. Marotte

et Raymond2, me paraissent démontrer sans conteste

1 Storck. - .4n ? zusniedictis secunclics, de Febre continua, etc.

2 Raymond. - Gazette médicale, 13 septembre 1884, nu 37.

DE L'ALIÉNATION MENTALE. 153

leur existence. Mais ces localisations de la fièvre

catarrhale du côté du cerveau ne se font que dans

certaines conditions qui tiennent suit à la constitution

médicale régnante, ou même peut-être à une consti-

tution épidémique particulière, soit à l'individu lui-

même, et surtout à son âge avancé; or, rien de sem-

blable n'existait dans le cas de B... Et cependant nous

n'avons pas hésité chez notre malade à accuser l'ac-

tion pathogénique de la fièvre saisonnière dont il était

atteint. C'est que, d'une part, cette influence s'est

affirmée dans ce cas d'une manière exceptionnelle,

par le rapport intime qui existait entre le développe-

ment des lésions péri-auriculaires et le développement

de l'aliénation mentale; et que, d'autre part, quand

on élargit le point de vue; quand on envisage non

plus seulement la fièvre saisonnière comme cause de

folie, mais les maladies aiguës en général, on ne tarde

pas à voir que notre hardiesse est plus apparente que

réelle. ,

Le rhumatisme articulaire, la fièvre typhoïde, la

fièvre intermittente, la pneumonie, etc., etc., sont

tout autant de maladies aiguës dont l'influence étiolo-

gique en aliénation mentale, est actuellement admise.

Et si pour expliquer le mode d'action pathogénique

de ces maladies, on doit, dans certains cas, invoquer

leur nature, dans beaucoup d'autres, il n'en est pas

ainsi. Ces maladies aiguës de nature si différente peu-

vent en effet donner lieu à des aliénations mentales

semblables; ainsi, à la suite du rhumatisme comme à

la suite de la fièvre typhoïde et de la fièvre intermit-

tente, etc., peuvent apparaître des troubles psychiques

constituant de véritables aliénations mentales, les-

154 PATHOLOGIE MENTALE.

quelles disparaissent sous l'influence des seuls recons-

tituants, trahissant ainsi leur commune nature, par

trouble de la nutrition. Ainsi encore, peu importe la

nature de la maladie qui en est la cause, les troubles

psychiques consécutifs aux maladies aiguës revêtent

un ensemble de caractères qui permettent de les rat-

tacher soit à l'anémie, soit à des congestions ou à des

inflammations du cerveau, etc.' En d'autres termes, ce

n'est pas seulement par leur nature même que les

maladies aiguës donnent lieu à l'aliénation mentale,

mais encore par les troubles nutritifs qu'elles produi-

sent, ou par un de leurs éléments constitutifs, l'élé-

ment congestion ou fluxion dont la localisation du côté

du cerveau peut seule expliquer les phénomènes con-

gestifs et inflammatoires que nous venons de rappeler.

Or, si, d'une part, on songe que cet élément fluxion

est un des éléments constitutifs essentiels de la fièvre

saisonnière dont était atteint B... ; et si, d'autre part,

on se souvient que pendant le cours d'une maladie

aiguë, pendant le cours d'un rhumatisme, par exemple,

une émotion morale peut être, comme chez notre ma-

lade, le point de départ de la folie ainsi que le

prouve l'observation suivante prise au hasard parmi

d'autres l'influence pathogénique de cette fièvre

saisonnière s'explique parfaitement.

M... (Jean), âgé de dix-neuf ans, tailleur, présentant de nom-

breux antécédents de rhumatisme dans sa famille, fut pris

vers le milieu du mois de septembre 1863, d'un rhumatisme

aigu qui occupa les genoux, puis les pieds et les épaules, et

dura environ trois semaines. Il avait été admis pour cette

1 Ch Fernet. Du. rhumatisme aigu et de ses diverses manifestations,

Th. Paris, 1865, n 47, p. 85. -

DE L'ALIÉNATION MENTALE. 155

nauadie à l'hospice civil de Charenton. Durant sa convales-

cence, il reçut une lettre dont la lecture l'impressionna vive-

ment, et, à partir de ce moment, il commença à refuser tout

aliment, et on remarqua chez lui de l'hébétude et de la ten-

dance au sommeil. A la suite d'une saignée abondante qui lui

fut faite, M... fut pris d'excitation et de délire avec prédomi-

nance d'idées de persécution (il n'y a dans sa famille ni chez

lui aucun antécédent d'aliénation). Comme il troublait l'ordre

de l'hospice, on l'envoya à la préfecture de police, d'où il fut

dirigé sur Bicètre. On constate un délire avec excitation et

agitation extrêmes, incohérence absolue. Il y a de la fièvre, la

peau est chaude; le pouls est fréquent, à 108; la langue est

blanche; constipation. Pendant quinze jours, l'excitation ma-

niaque et la fièvre se soutiennent sans aucune rémission ; ce

ne fut qu'à partir du 16 décembre que le délire et l'agitation

commencèrent à se calmer, et après une amélioration gra-

duelle, 11... put quitter l'hospice à la fin de décembre, com-

plètement guéri.

Si on envisage les choses d'un point de vue un peu

général, le rôle qu'a joué la fièvre saisonnière dans le

développement de l'aliénation mentale de B... s'ex-

plique donc tout naturellement. Seulement, comme

cette fièvre n'a de par sa nature, que très peu de ten-

dance aux localisations cérébrales, qu'il faut des con-

ditions spéciales pour que ces localisations se pro-

duisent, son rôle dans la pathogénie de l'aliénation

mentale ne peut être qu'exceptionnel ou même qu'ac-

cideutel.

Tels sont les enseignements qui se dégagent de

l'observation de B...

Ces enseignements sont de plusieurs ordres :

1° Cette observation nous montre une méningo-

encéphalite évoluant vers la guérison ;

2° Elle nous'permet d'élargir la question des rapports

entre les lésions de l'oreille et l'aliénation mentale ;

156 PATHOLOGIE NERVEUSE.

3° Elle met en relief l'influence pathogénique pos-

sible dans le développement de l'aliénation mentale

d'une cause jusqu'à présent non indiquée, de la fièvre

saisonnière.

PATHOLOGIE NERVEUSE

DU TABES COMBINÉ (ATAXO-SPASMODIQUE), ou SCLÉROSE

POSTËRO-LATËRALE DE LA MOELLE

(CONTRIBUTION A L'ÉTUDE CLINIQUE DES MYÉLITES MIXTES) ;

Par le professeur GRASSET (de Montpellier).

« Il est intéressant, maintenant qu'on connaît bien

la symptomatologie de la plupart des lésions sys-

tématisées de la moelle, de fixer les yeux sur les cas

dans lesquels les altérations sont complexes, et sur les

modifications qu'apporte au tableau clinique habituel

des lésions simples la combinaison de plusieurs lésions

entre elles'. »

Ces paroles, prononcées à la Société anatomique le

4 novembre 1881 par Charcot, pourraient servir

d'épigraphe au présent travail.

Dans l'étude analytique que l'école contemporaine

a inaugurée des maladies du système nerveux, il fal-

lait commencer par les cas les plus simples, et c'est

ce que l'on a fait. On a séparé les myélites systémati-

sées et les myélites diffuses. Puis, dans chacun de ces

1 Comptes rendus des séances de la Soc. anatonz., 1881, p. 608.

DU TARES COMBINÉ. 157

groupes on a caractérisé les grands types cliniques,

comme l'ataxie locomotrice progressive, la sclérose

latérale amyotrophique, la paralysie spinale aiguë de

l'enfant et de l'adulte, etc.

Chemin faisant, les observateurs recueillaient des cas

plus complexes. Mais on se contentait de les noter

soigneusement, sans faire de groupes spéciaux, les

laissant en dehors de la classification adoptée comme

des raretés ou des anomalies.

Aujourd'hui la liste de ces cas complexes s'est con-

sidérablement allongée, et on peut commencer à essayer

de mettre un peu d'ordre dans leur histoire; on peut

tâcher de les grouper entre eux et de constituer ainsi

quelques types cliniques nouveaux.

Ce travail ne peut qu'être utile s'il est fait avec pru-

dence et basé sur les seules données de l'observation

clinique.

L'heure nous paraît venue de commencer cette étude

complémentaire par l'histoire du tabes combiné (ataxo-

spasmodique) ou sclérose postérolatérale de la moelle

épinière.

Les exemples de cette maladie sont déjà assez nom-

breux ; nous avons pu en réunir trente-trois, avec

autopsie, disséminés dans les divers auteurs français et

surtout allemands, et nous pourrons y ajouter le résumé

de deux ou trois observations personnelles.

Mais, si les documents paraissent suffisants pour

édifier cette histoire, l'accord ne s'est pas encore fait

sur la manière dont il faut envisager la question,

l'opinion ne semble pas s'être arrêtée encore sur une

conception définitive et classique de cette maladie

complexe.

158 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Nous serons même obligé, après analyse et discus-

sion des observations, de proposer une manière de

voir qui, par certains côtés, s'écarte des diverses opi-

nions émises jusqu'à ce jour.

Ainsi (il vaut mieux le dire tout de suite), nous

devrons nous séparer de l'Ecole française, pour admettre

l'existence d'un type clinique bien défini, distinct des

autres myélites, que l'on ne peut pas confondre avec

la masse des lésions diffuses; c'est ce type clinique que

nous proposons d'appeler tabès combiné. D'autre part,

nous devrons nous séparer aussi de l'Ecole allemande

(qui a beaucoup fait pour l'étude analytique de cette

question), en montrant que la lésion, systématisée dans

les cordons postérieurs, ne l'est pas dans les

cordons latéraux et que, par suite, ce n'est pas là

une myélite de deux systèmes, mais une myélite MIXTE,

troisième type de myélite, que l'on n'a pas encore

assez étudié, mais qui existe parfaitement, à côté delà

myélite systématisée et de la myélite diffuse, comme

.la néphrite mixte existe à côté de la néphrite paren-

chymateuse et de la néphrite interstitielle.

Ces considérations préliminaires, qui synthétisent

en quelque sorte d'avance les conclusions de notre

travail, étaient nécessaires pour justifier notre entre-

prise en montrant le but à atteindre et les propositions

à démontrer.

Cela dit, nous étudierons successivement : l'histo-

rique, l'étiologie, la symptomatologie, l'anatomie et

la physiologie pathologiques, le pronostic et le traite-

ment de la nouvelle maladie, que nous voudrions voir

figurer désormais dans la classification ordinaire des

maladies de la moelle.

DU TABES COMBINÉ. 159

I. HISTORIQUE '

C'est dans les travaux de Friedreich sur l'ataxie

héréditaire que nous avons trouvé les premières obser-

vations (avec autopsie) pouvant se rapporter au tabès

combiné. Ces mémoires, complétés par celui de Schultze,

s'échelonnent de 1863 à 1880'. Nous discuterons, au

chapitre de l'étiologie, la caractéristique que Friedreich

veut trouver à ces affections dans le seul fait de l'hé-

rédité, et nous verrons que beaucoup des cas d'ataxie

dite héréditaire appartiennent, en réalité, au tabes com-

biné. C'est à ces travaux que sont empruntées les ob-

servations 11" 1, 9-, 15, 18 et 19 de nos tableaux.

En 1867, dans un travail consacré à l'étude de la

moelle dans la paralysie générale des aliénés2, West-

phal cite quelques faits (nous 3, 4 et 5 des tableaux),

qui appartiennent aussi à la maladie que nous étudions.

Puis vient l'observation de Pierret (1871-72)3, n° 6

de nos tableaux.

Leyden4 cite un nouveau cas (u° 7) ; mais il ne tire

pas encore de conclusions. « Nous devrions encore par-

ler, dit-il, de la sclérose combinée des cordons posté-

1 Friedreich. Ueber dégénérai. Air. d. sp : ;t ? )t<e) ? <)' (Arcli. f. pathol.

Anal. ez. Pltlsiol.), 1863, XXVI, 301 et 433; XXVII, 1 ; 1876, LXV111, 14G;

1877, LXX, 140. Scliultze : UeGer combin. Strangdegenerat. evz d. Med.

spin. (arcs. lui- pathol. Anal.), 1SS0, LXXIX, t32.

2 Weslphal. - Oeber Erkrank. d. lüzckeiznz. bei cl. allqe) ? 2ein. progress.

Parai, col. 7'M ! . (Arch. sur pathol. Anat.), 1867, XXXVIII, 115; XXXIX,

333 et 6J3 ; XL, 226.

3 Pierrot. -Yole sur la scier, cle'cord. postr. dans l'at. locom. progress.

(Arch. de plysiol.), 1871-72, IV, 364.

4 Leyden. 7 ? < : i<e clin, des mal. de la moelle épin., traduct. franc, de

Richard et Viry, 603, gan et 687. ,

160 PATHOLOGIE NERVEUSE.

rieurs et des cordons latéraux, mais les observations

de cette coïncidence sont encore trop rares pour pou-

voir donner lieu à une étude approfondie. » On voit

qu'il a très peu observé ce type ataxo-spasmodique,

quand il dit, à propos de la symptomatologie du

tabès : « Les contractures sont tout à fait exception-

nelles, elles ne surviennent qu'à la suite d'un long

séjour au lit... On n'a pas observé jusqu'ici de raideur

musculaire dans l'ataxie. Les muscles sont mous, lâches

et n'opposent aucune résistance aux mouvements qu'on

veut imprimer aux membres. » Nous verrons que c'est

précisément le contraire dans le tabes combiné; d'où

la possibilité du diagnostic différentiel entre les deux

tabes.

Nous trouvons encore une observation dans un tra-

vail de Westphal' (1875), consacré à un tout autre

sujet : n°8. Prévost2 en publie une nouvelle en 1877 :

n° 9. Il qualifie les cas de cet ordre de « rares, si ce

n'est presque inconnus dans l'histoire de l'ataxie loco-

matrice ». Mais il se refuse à voir dans la lésion laté-

rale le simple résultat de l'extension de la lésion pos-

térieure ; un espace sain sépare les deux ordres

d'altération.

A peu près à la même époque, Erb% à propos du

diagnostic différentiel du tabès dorsal spasmodique et

du tabes ordinaire, parle des formes intermédiaires ou

plutôt mêlées (inischfoîïnen), dans lesquelles il y a de

' WMtphat.C/e&f)'e : ! t. Beweguzgs-l;rsckezz. rrz gel(thnzl. Glied. (Arch.

f. Psych. u. Nerucnlzranlc.), 1875, V. 822.

2 Prévost.-Ataxie locom. Sclé),. des cord, poster, compliquée d'une

scier, symétr. des cord. latér. (Arch. de ptkgsiol.), 1877, 2c sér., IV, 764.

3 Erb. - 1. Wandcmers. de, sùdwestlich. Ne2ti,oloy. u.lrretlt.izl3adezz,

20 mai 1876 (Arch. f. Psych.), 1877, VIF, 238.

. DU TABES COMBINÉ. 161

l'ataxie avec des réflexes tendineux exagérés, desparé-

sies et des tensions musculaires avec de légers troubles

de sensibilité et de vessie, etc. Il en a vu trois cas et

en cite plus spécialement un dans lequel il y avait

parésie marquée des extrémités inférieures, avec ten-

sions musculaires et exagération des réflexes tendineux,

mais aussi ataxie à un haut degré, tandis qu'aux extré-

mités supérieures l'ataxie est marquée, mais sans

parésie et sans réflexes tendineux, légers troubles de

la sensibilité et de la vessie. Il admet qu'il y a là une

combinaison des deux formes de la maladie, coexis-

tence de lésions ordinairement séparées. Il proclame

enfin la nécessité de mieux étudier ces faits, au double

point de vue clinique et anatomique.

Dans son livre' paru bientôt après, le même auteur

ne parle guère de ces complications à l'article Tabes;

mais, à propos du tabes dorsal spasmodique, il dit'

quant aux cas compliqués des symptômes de sclérose

postérieure, sur lesquels Berger vient d'attirer l'at-

tention, toutes les combinaisons possibles des symp-

tômes tabétiques se présentent; tantôt seulement de

légers troubles subjectifs de sensibilité avec un peu

de faiblesse vésicale; tantôt des douleurs lancinantes,

des paresthésies et des fourmillements avec ataxie,

oscillations les yeux fermés, etc. ; tantôt les phéno-

mènes tabétiques (anesthésie, ataxie, faiblesse vésicale

et génitale, etc.), prennent le dessus et l'existence

simultanée de la paralysie spinale spastique est simple-

ment indiquée par la paralysie, les tensions muscu-

1 Erb. flandb. d. spec. Pathol. u. Ther. de /i'cH : MeK. 1877, XI.

2 lbid : 236.

Aiicuives. L. XI. 11 l

163 PATHOLOGIE NERVEUSE.

laires et l'exagération des réflexes. Il y a aussi des cas

où le mélange des deux types est intime et où le dia-

gnostic devient douteux. On devra admettre le plus

probablement dans ces cas une sclérose simultanée des

cordons latéraux et des cordons postérieurs. Cela a été

observé (notamment dans la dernière phase du tabes),

spécialement par Westphal. Mais des autopsies sont

encore nécessaires pour éclaircir complètement ce

sujet.

De nouveaux travaux de Yestphal' commençaient

à paraître, beaucoup plus importants que tous les pré-

cédents. L'étude de la lésion combinée de la moelle

était le but même du mémoire. Il donne cinq obser-

vations nouvelles (nos 11, 1'2, 13, 14 et 17 de nos

tableaux), les discute, les rapproche des autres faits

déjà connus, etc. C'est là un travail capital dans l'his-

toire de la maladie que nous étudions.

L'observation de Kahler et Pick2 (n° 10) est de la

même époque. Ces auteurs étudient, à ce sujet, les

maladies systématisées combinées de la moelle, qu'ils

définissent : la maladie, simultanée et produite par une

cause commune, de plusieurs systèmes. Il faut la dis-

tinguer des autres maladies multiples de la moelle par

complication ou par extension de la lésion, soit par

conliguité (dans le tabes ordinaire), soit dans les par-

ties successives d'un même système (sclérose latérale

amyotrophique). Ils considèrent la forme de Friedreich

comme une maladie systématisée combinée héréditaire

1 Westphal. Veber combin.(prim.)Erkrank. d. Riielce ? zma),ksst2.CÀî,ch.

f. Psych.), 1877, VIII, 469 et 1879, IX, 413 et 691. 1.

2 Kahler et Pick. Ueber combin. Systemerkr. d. Ritekenm. (Arch. für

psych.), 1877, V111, 251 et IX, 413.

DU TABES COMBINÉ. 163

de la moelle (cordons pyramidaux, cérébelleux, de

Goll et zones radiculaires postérieures).

A la même période appartiennent encore l'observa-

tion de 13abesiu' (n° 16), la deuxième autopsie de Kah-

ler et Pick-2 (n° 20) sans observation, et les cas de

Slrûmpell3 (ti" 21, 22 et 23).

En France, on était bien moins avancé. Onimus 6

avait bien étudié les contractures des tabétiques et en

faisait le pivot d'une théorie de l'incoordination; mais

il ne séparait pas de la grande majorité des ataxiques

ces latéraux que nous étudions ici et à part.

Le passage suivant de Vulpin" (1882) montre les

hésitations que l'on avait encore alors à diagnostiquer

un cas qui, croyons-nous, était du tabes combiné.

« ... On avait, après discussion, admis ce diagnostic

(de tabes dorsalis); mais il faut avouer que quelques

particularités nous embarrassaient un peu. Ainsi, le

tremblement qui agitait, par sortes d'accès, les membres

du malade dans les premières périodes de l'affection,

et qui était parfois assez intense pour l'empêcher de

se tenir debout ou de tenir un objet quelconque de

l'une ou l'autre main, ne nous rappelait aucun des

phénomènes que nous avons observés dans les nom-

1 Babesiu. - Uebcr d. selbst. conibiii. Seiten- u. Hinterstr. d. Rückenm.

(Al,ch. f. palhot. Anat.), 1879, LXXVI, 74.

2 Kahler et Pick. Ve2t. jBe/Me z. Pathol. 21. pathol. Anal. d. Cen-

li,al21e2,ven-S ! Ist. I. fin neuer Fall voit gleichz. Erltrank. d. 7/t ? t<e ? u.

Seitenslr. ;Â>·clz. ? Psych.) 1SS0, X, 179.

3 Strumpe)). Beitr. z. Pathol. cl. Riielieiini. ; il. t7eAe''co')it ! ! t. Syslem-

f) ? )'a7t. ini Rucken ? ? z. (drch. f. Psych ? 1S81, XI, 26.

' Onimus. De la contracture dausl'at. loconz. et de son influence sur

incoordin. des ueouuenz. (Gaz. hebdouz.), 1878, 147. Art. Contractures

ni Dict. encycl. des se. nzédic.

5 Vull)ian. Observ. de tabes-avec phéiio ? 7z. cpilept, pendant les pre-

mières périodes de l'affection. (Revue de mérlec.), 18S ? , 142.

164 PATHOLOGIE NERVEUSE.

breux cas d'ataxie que nous avons eus sous les yeux.

D'autre part, on a constaté chez ce malade, pendant

une assez longue période de temps, des contractures

plus ou moins fortes et d'une durée de quelques heures

au moins et parfois de quelques jours, se produisant

dans certains muscles des membres inférieurs, princi-

palement dans les muscles des pieds, avec flexion spas-

modique des orteils. Pendant une certaine période

aussi, le membre inférieur du côté droit était agité par

moments d'une sorte de trépidation tout à fait sem-

blable à celle qu'on observe dans des cas de lésions

des faisceaux latéraux de la moelle épinière. Cette tré-

pidation ne pouvait pas cependant être provoquée par

le redressement de la pointe du pied; mais elle avait

lieu avec force lorsque le malade, assis sur une chaise,

relevait un peu le talon du pied droit. Elle se produi-

sait sous la même influence lorsque le malade était

debout... Les divers phénomènes morbides constatés

chez notre malade et dont il vient d'être question sem-

blaient plutôt en rapport avec l'idée d'une myélite

diffuse ou incomplètement systématisée qu'avec celle

d'une sclérose des faisceaux postérieurs; mais les autres

symptômes et la marche de l'affection ramenaient

presque invinciblement au diagnostic : tabes dorsalis.

Ce diagnostic s'imposait de plus en plus au sur et à me-

sure que l'on voyait disparaître ces accidents surajoutés

et que, d'un autre côté, la physionomie propre du tabes

se dégageait de plus en plus dans le tableau clinique. »

A la même époque cependant, Raymond' publie

1 Raymond. Sclér. des cord. poster, et des cord, lalér. coexistant chez

le même malade; prédominance presque exclusive des sdnapt. spéciaux à

la sclér. des coi-d. lalér. (Arch. de physiol.) 1S82, X, 437.

DU TABES COMBINÉ. 165

un nouveau fait intéressant (n° 25) de tabes combiné

et Brousse en fait connaître un autre (n°24) dans une

importante thèse de Montpellier consacrée à l'élude

de la maladie de Friedreich. Dans ce dernier travail,'

l'auteur, alors mon interne à l'Hôpital général, com-

mence à parler des myélites mixtes et fait entrevoir

quelques-unes des idées que je développe aujourd'hui.

A ce moment l'histoire du tabes combiné est encore

si peu faite, que Byrom-Bramwei 12 dit dans son livre :

« Je voudrais bien rencontrer un cas d'ataxie locomo-

trice avec propagation de la lésion aux faisceaux'

latéraux. Un pareil cas jetterait, je crois, une vive'

lumière sur le caractère exact du réflexe rotulien...

Quel est l'état du réflexe rotulien dans un cas d'ataxie

qui s'est compliqué de sclérose latérale ? Voilà ce que

je serais curieux de pouvoir examiner. » Nous essaie-

rons de répondre à ce désir par l'ensemble des obser-

vations réunies dans nos tableaux. '

Les observations continuent à se multiplier en Alle-

magne. Dans deux mémoires successifs, Zacher 3 pu-'

blie quatre nouveaux faits (ti" 27, 28, 30 et 31), qui

ne représentent pas le tabes combiné dans toute sa

pureté, puisqu'il s'agit de paralytiques généraux, mais

qui ont cependant leur intérêt pour l'étude que nous

faisons; et Westphal4 en fait connaître un autre (il' 29).

1 Brousse. De l'ataxie héréditaire (Maladie de Friedreich), thèse de

Montpellier. 1S8 ! , n° 37. '

2 Byrom-Bramwell. Malad. delà vzoelleépizz.,trad. franc, de Poupinel

et Th'oi ! ! 0d. 1883, 273, en noie.

3 Zachcr. Beitr. z. l'athol. M. pathol. Aral. d. progress. Parai. (Arch.

/. l'sryclz.), 1883, XIV, 463 et 1881, XV, 359. --

1 Westplial. Ueber einen Fall l'onny ? p6[s/. Spizzalparal. nzit auat.

Il,-Iund, nebst ein. Bemerkungen ïsber d. prinz. lirkr. d. Pyramidenseilen-

slrangbahnen (Ai,ch. f. Psych.). 1854, XV, 225. ' ' .

166 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Nous devons signaler alors le remarquable travail

de Ballet et Minor ', sur lequel nous aurons à revenir

à propos de la symptomatologie et surtout de l'ana-

tomie pathologique. Ces auteurs rapprochent d'un

nouveau fait personnel (n° 2G) les observations déjà

publiées; ils combattent la manière de voir des Alle-

mands, et nous verrons qu'au point de vue anatomo-

pathologique, ils font valoir de puissants arguments

contre la systématisation de la lésion tout entière.

Mais en même temps (et sur ce second point nous

combattrons leurs conclusions) ils induisent de la non-

systématisation des lésions à la non-existence clinique

du type morbide, et ils dissocient et éparpillent sous

cinq chefs, les divers cas publiés au lieu de les tous

réunir (comme nous essayons de le faire) en un seul

faisceau. C'est du reste un travail beaucoup plus ana-

tomopaihotogique que clinique, mais qui marque une

étape importante dans l'histoire du tabes combiné.

Nous ne citerons ici que pour mémoire et pour

éviter les confusions, les mémoires de Démange 2 (in-

téressants à rapprocher à certains points de vue du

travail de Ballet et Minor) sur les scléroses d'origine

vasculaire. Les mots de « contracture tabétique » em-

ployés dans le titre de l'un de ces mémoires pour-

raient faire croire qu'il s'agit là de tabes combiné.

Mais il n'en est rien. Seule, l'observation II du

1 Ballet et Minor. Etude d'un cas de fausse sclér. <enta<. combinée

de la moelle (scier, systém. ou pcrilubul. de la moelle et sclér. pzéc·ivasC.) ;

(.lrclz. de Ncurol.), issu, VII, 4.

2 Demange.-Contrib à l'élude des sclér. 12zé(litl. d'oi-ig. vosctil. (Revue

de nzédec.), octobre 1881. Les scier, des vaisseaux s ? zrz. Ibid. janvier

4885. De la contracture tabétique progressive ou sclér. diff. d'orig.

vascul. simulant la sclérose fascic. observée chez les vieillards atherom.

Ibid. juillet 1885.

DU TABES COMBINÉ. 167

deuxième mémoire, comprend un peu la symptomato-

]ogie du tabès combiné (douleurs lancinantes et abolition

des réflexes tendineux) avec des lésions des cordons

de Burdach; mais la plupart des cas sont uniquement

spasmodiques et latéraux.

A cet historique appartient au contraire de plein

droit le récent travail deDéjerine ', qui contient deux

observations nouvelles (n°s 32 et 33) et sur lequel nous

devrons revenir à propos de l'anatomie pathologique.

L'énumération de tous ces documents, réunis du

reste un peu à la hâte (et pouvant par suite, présenter

des lacunes 2) démontre bien que la question du tabes

combiné n'est pas neuve, mais qu'elle n'est pas faite

non plus. Les observations sont déjà assez nombreuses;

mais les interprétations sont diverses, contradictoires.

On peut dire que, du moins en France, l'histoire

du tabes combiné n'est pas écrite. Ceci suffit à jus-

tifier notre étude qui a la seule prétention de forte-

ment attirer l'attention sur cet important sujet.

II. étiologie.

Le dépouillement des observations, dont on trou-

vera le résumé plus loin, ne donne pas, pour l'étio-

logie du tabes combiné, des éléments de différentia-

tion : c'est l'étiologie du tabes ordinaire, on peut

presque dire l'étiologie générale des maladies chro-

niques du système nerveux.

1 Arch. de physiol., 1885.

2 Voir aussi : Damaschino : Soc. médio. des hop., IS82; Notice sur les

titres et travaux scie ? itif., 1884, p, 26; Encéphale, 1884.

168 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Nous devons cependant dire un mot plus spécial de

l'hérédité. C'est un élément auquel dans les types de

Friedreich, on altache une importance majeure.

Comme la plupart des cas de maladie de Friedreich

appartiennent au tabes combiné, il faut dire ici notre

manière de voir sur cette prétendue caractéristique.

Je pose en principe que le fait d'être héréditaire

ne peut nullement caractériser une forme spéciale de

tabès, ni même une forme quelconque de maladie

nerveuse.

L'hérédité domine la neuropathologie tout entière.

Elle est si peu inféodée à une forme plutôt qu'à une

autre, que l'on voit dans les stades successifs de l'évo-

lution héréditaire, les diverses maladies du système

nerveux se remplacer mutuellement. Féré a très bien

mis ces faits en lumière dans ses articles sur la famille

névropathique et Ballet et Landouzy les ont spéciale-

ment étudiés en ce qui concerne le tabes.

Epilepsie, aliénation mentale, hystérie, tabes, atro-

phie musculaire, etc., se succèdent, se remplacent

dans les familles, établissant le rôle étiologique con-

sidérable de l'hérédité névropathique.

On a voulu opposer cette influence de l'hérédité à

l'influence des diathèses, spécialement de la syphilis.

J'avoue n'avoir jamais bien compris cette sorte d'op-

position, entre les partisans des deux doctrines.

Une maladie du système nerveux (et on pourrait

appliquer ce même principe aux maladies des autres

appareils) est en général la résultante de plusieurs

facteurs; d'une manière plus spéciale, deux grands

groupes d'éléments étiologiques interviennent presque

nécessairement dans chaque cas : les causes de la

DU TABES COMBINÉ. 169

maladie elle-même et les causes de sa localisation sur

le système nerveux.

Dans le premier groupe se placent les diathèses et,

en tête, la syphilis et l'arthritisme; dans le deuxième

groupe, on trouve l'hérédité névropathique, le surmè-

nement des centres nerveux, etc.

Si on analyse soigneusement un nerveux, on trou-

vera presque toujours ces deux éléments représentés .

dans l'étiologie de la maladie. Ils peuvent du reste

venir du sujet lui-même l'un et l'autre : tel sera le

tabétique qui aura contracté la syphilis et surmené

son système nerveux par des excès vénériens considé-

rables, ou bien l'un de ces éléments viendra du sujet,

l'autre venant de l'hérédité : tels seront le tabétique

qui contracte la syphilis et a hérité de la disposition

névropathique et celui qui hérite de l'arthritisme et

surmène son système nerveux. Enfin, les deux élé-

ments peuvent venir, l'un et l'autre de l'hérédité : tel

est le tabétique dont la famille paternelle est profon-

dément arthritique et la famille maternelle profondé-

ment névropathique.

Cette manière de concevoir les choses n'est nulle-

ment une simple vue de l'esprit. Mise en présence

des faits, elle s'applique et se vérifie presque toujours,

du moins dans la clientèle civile; car, à l'hôpital, les

recherches de cet ordre sont à peu près complètement

impossibles.

Ce que nous venons de dire s'applique à toutes les

maladies du système nerveux, par suite à tous les

tabes, aussi bien au tabes ordinaire qu'au tabes com-

biné. Aucune forme ne se spécialise à ce point de vue

et, il est impossible de trouver dans la qualité « héré-

170 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ditaire » une caractéristique pour la maladie de Frie-

dreich.

L'étiologie du tabes combiné paraît donc être la

même que celle du tabes vulgaire. Du reste, les faits

recueillis ne permettent pas encore des conclusions

définitives sur ce point.

Pour des raisons faciles à comprendre, nous n'avons

fait figurer dans nos tableaux ci-après, que des faits

avec autopsie. Or, la plupart ont été beaucoup plus

étudiés au point de vue anatomo-pathologique, qu'au

point de vue clinique. Presque tous les mémoires

cités dans notre Historique sont des travaux d'ana-

tomie pathologique. Par suite les antécédents des ma-

lades n'ont pas été, en général, scrutés avec cette mi-

nutieuse patience qui est toujours nécessaire dans ce

genre de recherches.

Si le tabes combiné est dorénavant accepté dans les

cadres nosolo-iques, comme nous l'espérons, on l'ob-

servera plus souvent et surtout, sachant le diagnos-

tiquer, on l'observera plus tôt et mieux. Et alors ces

recherches étiologiques se multiplieront et pourront

donner d'autres résultats.

Sous le bénéfice de ces observations, disons cepen-

dant, à titre de documents que sur les 33 cas résumés

dans nos tableaux, il y a vingt hommes et treize

femmes, que l'hérédité névropathique est signalée huit

fois (nos 1, 2, 3, 15, 18, 21, 24 et 31), la syphilis trois

fois (11" 7, 26, 29), l'hérédité alcoolique une fois (n° 1),

l'hérédité tuberculeuse ou la phtisie pulmonaire chez

le sujet quatre fois (nous 8, 10, 22, 24), plus une fois

n° 14), une affection pulmonaire chronique avec dia-

bète sucré, la scrofule une fois (n° 31), l'humidité

DU TABES COMBINÉ. 171 t

constante (pêcheur) une fois (n° 9) et une chute sur la

tête une fois (Il' -91).

Quant à nos 3 cas personnels, ils concernent des

hommes et voici ce que nous avons relevé au point

de vue étiologique, chez les deux dont nous avons

l'observation : chez l'un, hérédité arthritique et né-

vropathique, toute espèce d'excès, alcoolisme ; chez

l'autre, syphilis et excès vénériens nombreux.

Ce ne sont là, je le répète, que des documents,

encore trop peu nombreux pour étayer des conclusions

définitives.

III. SYMPTOMATOLOGIE.

Pour donner immédiatement une idée d'ensemble

du tableau clinique du tabes combiné, je vais d'abord

résumer l'histoire d'un malade, que j'ai vu récemment'

et dont l'observation a été précisément l'occasion du

présent travail.

23 septembre 1885, M. G..., âgé de quarante-neuf ans.

Mère morte d'une attaque d'apoplexie; père rhumatisant,

est mort subitement (maladie du coeur ? ) ; frère névralgique.

Lui-même fortement constitué avoue toute espèce d'excès,

notamment en alcoolisme. Pas de syphilis nette.

En 1871, début des douleurs fulgurantes, qui conlinuent de

temps en temps, par périodes. En 1873, il commence à aller

à la Matou, puis à Rennes. En 1881, il s'aperçoit, en se pro-

menant dans le bois de Vincennes, qu'il fait quelques faux

pas, plus facilement qu'autrefois ; étant à chasser à Aulus

(septembre 1881), il est tout étonné de ne pouvoir franchir un

fossé, relativement peu large; un peu plus tard, il éprouve de

la peine à monter sur un banc. Cependant, en novembre de

la même année, il est encore très solide et ne fait pas arrêter

les omnibus pour descendre.

172 PATHOLOGIE NERVEUSE.

A ce moment, on diagnostique une paraplégie au début et

on lui prescrit des douches écossaises et de la strychnine.

Brusquement, en huit ou dix jours, la marche devient très

difficile. M. Charcot, consulté alors, lui fait fermer les

yeux, constate qu'il ne peut pas se tenir, explore les réflexes

rotuliens qui étaient abolis, etc., diagnostique une ataxie

locomotrice au début (il y avait toujours aussi les douleurs

fulgurantes) et prescrit des douches froides, 'du seigle ergoté

et des pointes de feu (décembre 18881). Il marche encore beau-

coup et vient à Paris à pied de Saint-Mandé.

L'état s'aggrave progressivement et, en février 1882, il « n'a

plus de jambe du tout ». C'est vers cette époque que débute

l'anesthésie. A partir de ce moment, l'état actuel s'est graduel-

lement développé, comme nous allons le décrire.

Aux membres inférieurs l'anesthésie paraplégique est

très marquée : plus accentuée à la plante des pieds, elle est

plus incomplète aux cuisses qu'aux jambes; là (aux cuisses)

le froid est perçu et développe même une sensation exa-

gérée et particulièrement désagréable. Quand on le pique

avec une épingle aux membres inférieurs, il ne sent rien ou

presque rien (légère sensation de contact); mais, quelques

minutes après, il a des sensations douloureuses au niveau de

toutes les piqûres. Abolition des réflexes rotuliens. Le

matin, au réveil, il perd complètement ses membres dans

son lit.

Allongé dans son lit, il fait, les yeux ouverts, tous les

mouvements qu'il veut avec ses membres inférieurs et il les

exécute avec une certaine énergie. Les yeux fermés, il les

fait encore, mais avec une incoordination des plus évidentes.

Au repos, toujours dans le lit, il a, pendant l'examen, des

contractions spontanées involontaires dans les membres in-

férieurs, surtout à droite. Il éprouve souvent dans les

jambes des crampes douloureuses, qui sont la principale cause

de ses souffrances actuelles et qu'il distingue bien des an-

ciennes douleurs fulgurantes; celles-ci reviennent du reste

encore, mais plus rarement qu'autrefois.

La marche est absolument impossible les yeux fermés. Les

yeux ouverts, elle est possible avec un bras et une canne. Ce

qui la rend difficile, c'est non seulement l'incoordination, mais

surtout la raideur qui s'empare des deux membres inférieurs.

Il sent lui-même dans l'aine et au jarret comme des cordons

DU TABES COMBINÉ. 173

tendus qui lui retiennent les jambes; en fait, la cuisse et la

jambe se contracturent en extension et tout le membre in-

férieur ne forme plus qu'une barre rigide avec les membres

gros et durs.

Certains mouvements sont du reste remarquablement con-

servés. Ainsi, assis sur un fauteuil, le malade se lève sans canne

et peut se rasseoir, même lentement, sans point d'appui

extérieur.

Rien à la vessie. Erections très fréquentes et très gênantes

depuis 1871 pendant le sommeil ; depuis huit mois, elles ne

s'accompagnent plus jamais de pertes, mais persistent.

Au reste, l'anesthésie remonte jusqu'au-dessus des seins.

La colonne vertébrale est le siège de douleurs spontanées assez

vives avec tiraillements très pénibles dans les muscles des

gouttières. Pas de douleur à la percussion des apophyses

épineuses.

Dans les membres supérieurs, les douleurs ont apparu

(mains et bras) vers 1873, mais sont toujours restées moins vives

qu'aux jambes. Les deux mains présentent, au moins en

partie, une diminution très notable de la sensibilité. Pas

d'ataxie véritable : même les yeux fermés, il porte la main à

son nez, sur l'épaule opposée, etc. Cependant les mouvements

précis des doigts sont très difficiles ou même impossibles, mais

c'est plutôt à cause des contractures. Ainsi, depuis l'an dernier,

il ne peut plus écrire : quand il saisit son crayon, il le serre

atrocement; des crampes fléchissent ses doigts au point de

faire pénétrer les ongles dans la paume de la main (comme si

on lui entrait des clous dans la chair, dit-il); il ne peut plus

manoeuvrer le crayon et bientôt le lâche, plus ou moins

brusquement, toujours involontairement. Les mêmes contrac-

tions exagérées et très pénibles surviennent quand il serre sa

canne dans la main pour s'appuyer dessus.

Absolument rien du côté des sens et des fonctions cérébrales.

L'aspect et l'histoire de ce malade font immédiate-

ment penser à un tabes : l'incoordination motrice,

l'influence de l'occlusion des yeux, les douleurs ful-

gurantes, les anesthésies, l'abolition des réflexes rotu-

liens sont des signes très nets. Mais à côté de cela on

découvre facilement chez lui, des symptômes qui ne

17 le PATHOLOGIE NERVEUSE.

sont plus aussi classiques et qui troublent le dia-

gnostic.

Plusieurs médecins, ayant vu le malade dans ces

derniers temps et me l'adressant, disaient : C'est un

tabes; mais ce n'est pas un tabes comme tous les

autres; il y a des choses qui troublent. On a, en

présence de ce malade, des' hésitations analogues à

celles que M. Vulpian exprimait en présence du tabé-

tique dont nous avons parlé plus haut.

Et en effet, qu'on se rappelle les descriptions clas-

siques de l'ataxique : les muscles, dit Leyden, sont

mous, lâches et n'opposent aucune résistance aux

mouvements qu'on veut imprimer aux membres ; on

n'a pas observé jusqu'ici de raideur musculaire dans

l'ataxie ; les contractures sont tout à fait exception-

nelles, elles ne surviennent qu'à la suite d'un long sé-

jour au lit. Duchenne, dès le début de l'histoire

du tabes, signale l'absence de spasmes cloniques.

On retrouvera dans les classiques (spécialement dans

le dernier article de Raymond') la description de la

démarche des ataxiques, suivant MM. Charcot, Vul-

pian, etc. C'est toujours la projection folle, la flexion

exagérée succédant à l'extension forcée, les membres

de polichinelle.

Ici le tableau est bien différent, ou tout au moins a

des traits nouveaux.

Au repos, il y a dans les membres inférieurs des

contractions spontanées, involontaires, des crampes.

Ce qui gêne le plus la marche, c'est la raideur des

jambes. Le malade sent lui-même, dans l'aine et au

'Art. Tabes dorsalis, in Dict. e ? icyclol3., 3e série, XV.

DU TABES COMBINÉ. 175

jarret, comme des cordons tendus qui le retiennent;

en fait, dans la marche, la cuisse et la jambe se con-

tracturent en extension, et tout le membre inférieur

ne forme plus qu'une barre rigide avec ses muscles

gros et durs.

En somme, les membres inférieurs présentent su-

perposés (au moins en partie) les symptômes de la

lésion postérieure et les symptômes de la lésion laté-

rale.

La lésion postérieure semble s'arrêter au-dessous du

renflement brachial, et alors aux membres supérieurs

la symptomatologie latérale domine beaucoup plus

nettement : pas d'ataxie véritable ; même les yeux

fermés, le malade porte la main à l'épaule ou au nez,

mais les contractures rendent les mouvements précis

très difficiles, sinon impossibles. Ainsi ce qui l'em-

pêche d'écrire, ce qui le gêne pour tenir sa canne en

marchant, c'est que les contractures fléchissent tout

de suite ses doigts au point de faire pénétrer les ongles

dans la paume de la main, comme si on lui entrait

des clous dans la chair, dit-il ; et il finit par lâcher

l'objet plus ou moins brusquement, toujours involon-

tairement.

Voilà, ce me semble, le tades combiné constitué par

une réunion de symptômes qui le différencient à la

fois du tabès ataxique et du tabès spasmodique et font

prévoir (ce que l'anatomie pathologique confirmera)

une lésion simultanée des cordons postérieurs et des

cordons latéraux. (A suivre).

176 PATHOLOGIE NERVEUSE.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'HG111ATOPSIE D'ORIGINE

CENTRALE HÉIIANOPSIE corticale);

Par E.-C. SEGUIN (de New-Yoi-l).

L'hémianopsie a acquis, depuis la récente découverte des

localisations fonctionnelles de l'écorce cérébrale, une impor-

tance assez grande pour mériter une étude approfondie de la

part du physiologiste et du neurologiste. Peu de questions,

aussi insignifiantes en apparence, ont atteint un tel dévelop-

pement, à ce point qu'il est absolument impossible d'en traiter

complètement dans un travail destiné à être lu dans une

séance ordinaire de Société savante. Dans le temps qui m'a

été alloué, je ne pourrai m'occuper que d'un ou deux points du

sujet et je limiterai mes remarques au rapport qui existe entre

le symptôme hémianopsie et certaines lésions centrales ou

cérébrales. J'essaierai de montrer la valeur séméiologique

dans la pratique actuelle, plutôt que d'insister sur sa signi-

fication dans la résolution de problèmes psycho-physiolo-

giques.

Ce qui m'a engagé à choisir ce sujet, c'est que l'hiver dernier,

j'ai eu la bonne fortune d'observer un cas typique d'hémianop-

sie latérale, qui resta stationnaire jusqu'à la mort du malade

plusieurs mois plus tard, et ne s'accompagna de presque aucun

autre symptôme cérébral. Le diagnostic topographique de la

lésion fait pendant la vie fut vérifié après la mort, de sorte

que, à part l'intérêt purement scientifique du cas, ce fait ne

peut que nous encourager à faire pendant la vie des diagnos-

tics positifs, en nous inspirant de la doctrine, de jour en jour

plus lumineuse, des localisations cérébrales.

Avant de donner la relation du cas que j'ai observé, je veux

faire quelques remarques sur le but de ce travail et indiquer

brièvement les parties du sujet que je ne traiterai pas complè-

tement.

Premièrement, en ce qui concerne le but et le plan de mon

mémoire, je considérerai exclusivement les cas publiés d'hé-

mianopsie, dans lesquels l'autopsie est venuerévéler l'existence

DE L HÉ.M1AN0PSIE CORTICALE. 177 7

d'une lésion dans quelque partie du cerveau, y compris les

couches optiques. Depuis, l'important travail du D' Starr, qui

donne le résumé de tous les cas d'hémianopsie publiés jusqu'en

janvier )88t, le nombre en a quelque peu augmenté et je puis

aujourd'hui en présenter quarante. J'ajouterai que j'ai essayé

de me procurer pour chaque cas l'observation originale, dans

laquelle j'ai fait moi-même avec soin des extraits. Il n'y en a

qu'une, de Prévost (de Genève), qu'il m'ait été impossible

d'obtenir (n° 0) ; j'en parle, sous l'autorité de Westphal, mais

je ne la fais pas entrer dans ma statistique. J'ai entrepris ce

travail, afin d'éviter toute espèce d'erreur, de pouvoir mieux

grouper les cas et d'en apprécier plus pleinement la valeur

pathologique et diagnostique. Je ne prétends pas pour cela

que ma statistique soit absolument parfaite, mais je crois

qu'elle est presque complète et peut servir de point de départ

à une revue critique solide. Je répète encore que j'ai cherché

avant tout à présenter cette riche collection de cas de façon

à en faire un document d'une utilité incontestable pour le

diagnostic au point de vue pratique.

Deuxièmement, pour ep £ qui touche cala question de l'hémia-

nopsie en général, je ferai les remarques suivantes :

Le fait qu'un individu ne puisse voir que la moitié des objets

placés devant lui, et cela d'une façon temporaire ou perma-

nente, est connu des médecins depuis plus d'un siècle. En 1723,

Vater et Heinecke décrivaient trois cas de ce genre sous le

nom de visus dhnidialus.

Probablement le premier, A.-G. Richter a désigné, à la fin

du siècle dernier, le même phénomène sous le nom d'hémio-

pie, qui prévalut alors et qui est d'ailleurs encore employé,

quoique la signification propre en ait quelque peu changé de-

puis l'introduction des termes hémianopie et hémianopsie,

proposés l'un par F. Monoyer, en 1865, l'autre par J. Hirsch-

berg en 1877. Le dernier est préférable et c'est, d'ailleurs, le

plus employé.

D'après le sens que l'on attache aujourd'hui à ces mots,

hémiopie signifie perte de la perception visuelle dans une moi-

tié latérale (ou verticale) de rétine, tandis qu'hémianopsie veut

dire obscurcissement d'une moitié latérale (ou verticale) du

champ visuel. Comme les rayons lumineux s'entrecroisent

AHOUVES, t. XI. ! 2

178 PATHOLOGIE NERVEUSE.

dans l'oeil avant d'impressionner la rétine, il s'ensuit que,

par exemple, une hémiopie droite équivaut à une hémianopsie

gauche, ou en d'autres termes qu'une hémianopsie temporale

est l'équivalent et aussi le résultat d'une hémiopie nasale.

Actuellement, dans la description des cas, on a l'habitude

et il est préférable de ne pas s'occuper de l'état de la rétine,

c'est-à-dire de l'hémiopie et de décrire l'hémianopsie, c'est-à-

dire l'état du champ visuel déterminé par le campimètre ou

par tout autre moyen plus simple mais suffisant.

On distingue plusieurs variétés d'hémianopsie :

10 L'hémianopsie horizontale, supérieure ou inférieure, due

presque toujours à un défaut intérieur de l'oeil et qui intéresse

relativement peu le neurologiste;

2° L'hémianopsie verticale, due presque toujours aune lésion

de la portion retro-oculaire des fibres optiques et, par consé-

quent, d'une grande importance en neuro-pathologie. On a

employé un grand nombre de termes pour désigner les variétés

de l'hémianopsie verticale. Nous distinguons et nous adop-

tons :

a) L'hémianopsie temporale;

b) L'hémianopsie nasale;

c) L'hémianopsie latérale, souvent désignée sous le nom

d'hémianopsie homonyme.

Les deux premières variétés sont exclusivement causées,

d'après l'état actuel de nos connaissances, par une lésion du

chiasma, de ses bords antérieur, postérieur ou latéraux.

La dernière variété, d'après l'état actuel de nos connais-

sances, est toujours produite par des lésions d'un nerf optique,

ou d'une portion plus centrale de l'appareil optique, pouvant

s'étendre en arrière jusqu'au centre cortical de la vision dans

un hémisphère.

L'objet de ce travail est d'étudier les cas suivis d'autopsie,

d'hémianopsie latérale due à des lésions situées dans les par-

ties les plus reculées de l'appareil optique, depuis les premiers

centres optiques (tubercules quadrijumeaux antérieurs, corps

genouillés) jusqu'aux centres visuels de l'écorce des circonvo-

lutions.

A propos des trois formes d'hémianopsie, je considérerai

comme démontrées les propositions suivantes :

DE L'HÉMIANOPSIE CORTICALE. 179

i. Le fait d'une demi-décussation des fibres nerveuses dans

le chiasma chez l'homme a été prouvé par les recherches de

vou Gudden. Suivant cette manière de voir (qui n'est en partie

qu'un retour aux anciennes théories de Newton, Wollaston,

Müller,Hanovpr et de Graefe), les nerfs optiques sont ainsi dis-

posés : les fibres de chaque bandelette, arrivées au chiasma,

se divisent en deux parts : l'une, plus considérable, s'entre-

croise avec son homologue et prend part à la formation du

nerf optique du côté opposé, fournissant ainsi à la moitié

nasale de la rétine : c'est le faisceau croisé. L'autre, pluspetite,

ne s'entre-croise pas, mais passe directement dans le nerf op-

tique du même côté, fournissant à la moitié temporale de la

rétine : c'est le faisceau latéral. Chaque rétine reçoit dans des

fibres nerveuses des deux nerfs optiques, ou, en d'autres

termes, chaque nerf optique contient des fibres destinées aux

deux rétines.

Le faisceau interrétinien d'Hanover est purement imagi-

naire ; il n'existe pas de fibres de cet ordre. Quant à son fais-

ceau postérieur, on sait maintenant, depuis les expériences

de Gudden, qu'il est composé de fibres ne servant pas à la

vision; c'est la commissure cérébrale inférieure.

2. Les connexions des bandelettes optiques avec les corps

genouillés latéraux et les lobes optiques (tubercules quadri-

jumeaux postérieurs) sont intimes, mais chez l'homme, il est

probable qu'elles servent plutôt à des actes réflexes ou trophi-

ques qu'à la vision. On ne sait pas encore si la perception pure

de la lumière considérée comme agent d'excitation a lieu dans

ces corps, après ablation des hémisphères. Certainement, la

vue, dans le sens ordinaire du mot, est impossible dans ces

conditions.

3. Une lésion totale d'une bandelette optique produit fata-

lement l'hémianopsie latérale du champ visuel dans le sens

opposé à la lésion.

4. Une lésion portant sur la partie latérale d'une bandelette

de façon à ne comprimer que quelques-unes de ses fibres pro-

duira l'hémianopsie nasale unilatérale.

5. Une lésion portant simultanément sur les côtés du

chiasma, produira, en altérant les deux faisceaux latéraux,

l'hémianopsie nasale dans les deux yeux.

6. Une lésion comprimant le chiasma dans ses bords anté-

180 PATHOLOGIE NERVEUSE.

rieur ou postérieur produira l'hémianopsie temporale dans les

deux yeux, en altérant les deux faisceaux croisés.

7. Toutes ces lésions peuvent s'accompagner d'immobilité

ou d'irrégularité pupillaire, par névrose ou atrophie du nerf

optique, et leur diagnostic est facilité par la présence des signes

de la paralysie des autres nerfs crâniens ou d'une hémiplégie

croisée.

8. Une lésion de l'hémisphère peut être située de façon à

comprimer une bandelette optique et produire ainsi l'hémia-

aopsie du type périphérique (voy. le cas de Hirschberg, n° 5).

9. Les lésions des lobes optiques ont été rarement observées

chez l'homme et lorsqu'on les a rencontrées, elles ont été

bilatérales dans leurs effets de sorte qu'on ne peut rien dire

actuellement touchant l'hémianopsie due à une maladie de

ces parties.

Après cette courte introduction, je passe aux considérations

cliniques et pathologiques de mon travail, qui s'appuient sur

quarante observations avec autopsies et cinq cas traumatiques

sans autopsie, que j'ai pu recueillir.

Après les avoir soigneusement analysés, j'ai divisé ces

quarante-cinq cas en six catégories.

1. Les cas, au nombre de quatre, où la lésion est mal déli-

mitée et qui sont, par conséquent, inutiles pour l'étude de la

localisation.

2. Les cas, au nombre de trois, où la lésion portait sur des

parties que nous savons être parfaitement indépendantes de

l'appareil optique et où l'hémianopsie résultait de la compres-

sion des fibres du nerf et du chiasma optiques.

3. Les cas, au nombre de six, dans lesquels l'hémianopsie

était due à une lésion du corps genouillé latéral ou de la couche

optique, ou des deux ensemble.

4. Les cas où l'hémianopsie était due à une lésion de la

substance blanche du lobe occipital, au nombre de onze.

5. Les cas d'hémianopsie traumatique, due à des lésions de

la portion occipitale du crâne et de l'encéphale sous-jacent.

Ceux-ci sont au nombre de cinq.

6. Les cas, au nombre de seize, où l'hémianopsie était due à

des lésions de l'écorce cérébrale, seule ou avec la substance

DE L'HÉMIANOPSIE CORTICALE. 1 SI

blanche sous jacente. Dans ce groupe, se trouve mon obser-

vation. Parmi ces seize cas, il y en a quatre dans lesquels la

lésion était assez bien délimitée et toujours la même, pour

fournir une solution au problème de la localisation du centre

visuel cortical chez l'homme.

Pour abréger, j'ai réuni les observations sous forme de

tableaux correspondant à la division que j'ai adoptée. Je

donnerai cependant à part les quatre cas concluants, avec des

figures permettant au lecteur d'apprécier pleinement leur

valeur. Mais auparavant, je veux rapporter un cas traumatique

d'un intérêt extrême, en ce que l'hémianopsie a été le seul

signe pendant vingt-trois ans, et que la cicatrice de la tête est

encore assez distincte pour permettre l'étude de la localisa-

tion.

Observation 111. (Keen et Thomson). - P. Il..., soldat, âgé

de vingt-trois ans, fut blessé à la tête par une balle de carabine

à la bataille d'Autietans, en septembre 1862. Le projectile péné-

tra dans le crâne, au niveau de la ligne médiane, à un pouce et

quart au dessus de la protubérance occipitale externe, et sortit en

un point situé à deux pouces de la ligne médiane et à trois pouces

du point d'entrée. 11 n'y eut pas de perte de connaissance immé-

diate. Dans les jours suivants, le malade se plaignait de troubles

de la vision. Dix jours après la blessure, perte de connaissance,

hémiplégie droite. La paralysie et la perte de la mémoire durèrent

deux ou trois mois. Pas d'aphasie apparente.

Quand les auteurs le virent, en 1870, il n'y avait plus ni para-

lysie ni troubles intellectuels. Le malade se plaignait de trouble

de la vue de l'oeil droit. Les pupilles, les muscles et le fond de

l'oeil étaient normaux. Vision centrale du côté droit = I, du côté

gauche = 2/3. Le trouble dont se plaignait le patient fut reconnu

être une hémianopsie latérale droite avec ligne de division verti-

cale.

J'ai pu voir le malade moi-même, et grâce à l'obligeance de

MM. Keen et Thompson, je sais que l'hémianopsie n'a pas changé,

et qu'elle est encore aujourd'hui ce qu'elle était il y a vingt-trois

ans. J'ai examiné le malade et voici le résultat de mes recher-

ches :

Il ne présente aucun symptôme net de paralysie, d'anesthésie,

ni d'aphasie. La langue est déviée à droite et l'éminence thénar

de la main droite est un peu moindre que celle de la gauche.

183 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Examen dynamométrique : à gauche 38,34, à droite 35,34. Le

réflexe du genou est notablement augmenté, mais égal des deux

côtés.

L'examen ne révèle aucune trace d'anesthésie. Mais le malade

pense que la sensibilité tactile est un peu plus lente sur la moitié

droite de la tête et la main droite. Pas de troubles du sens mus-

culaire ; le malade, les yeux fermés, sent très bien les mouvements

passifs que l'on imprime à ses doigts et reconnaît bien les poids

que l'on place dans ses deux mains.

II se sert plus habituellement de la main gauche que de la

droite; mais cela tient au trouble de la vision qui existe du côté

droit. -

Il ne s'est produit qu'une seule attaque épileptiforme, il y a

environ six ans, pendant la nuit. La mémoire est bonne; elle

a été faible autrefois, mais il n'y a jamais eu d'amnésie des

mots.

La tête présente deux cicatrices : celle de l'entrée de la balle,

qui est très petite, et celle de la sortie, qui est large et déprimée.

Les mensurations suivantes ont été faites de façon à avoir le crâne

reposant sur le plan ahéolo-condyloidien de Broca.

L'orifice d'entrée est sur la ligne médiane à 3 centim. 5 au

dessus de la protubérance occipitale externe. La ligne tirée du

bregma à la cicatrice en suivant la ligne médiane, mesure 1 cen-

tim. 5.

L'orifice de sortie est une large dépression, située en arrière

de la précédente, près de l'éminence pariétale. Son extrémité

frontale est à 6 centim. 5 du bregma; le milieu correspond à la

ligne médiane (à S centimètres de distance). Son extrémité fronto-

latérale est à 12 centim. 7o du tragus gauche. Son diamètre trans-

versal mesure 5 centimètres; son diamètre longitudinal, 6 centim. 5j

sa profondeur est de I cenlim. 5. Le pont d'os qui relie les deux

cicatrices est large de 3 centimètres.

Le fond de la cicatrice est ferme quoique non osseux, et une

pression raisonnable ne fait pas souffrir le malade.

L'examen grossier fait reconnaître à 18 pouces de I'oeil droit

une hémianopsie latérale droite, avec une ligne verticale passant

en dehors du point de fixation. Il y a en outre une surface obscure

dans le quart supérieur gauche du côté temporal.

Le Dr G. W. Hale, chirurgien de l'hôpital pour les yeux et

les oreilles, a bien voulu faire l'examen méthodique des yeux

DE L'H$\IlAI;OP51E COR7" CAIE. 183

de H... et nous donner un tracé de son champ visuel. Voici

quels ont été les résultats de son examen : ,

D - 0 90 w - i ?

D 50 '40- -2' ? '

,. 16 16 w - 4 90'.

G = 00 70 7 ? a. 90°

D lit n-")4 J à t2'' w +, s r ° t J d 8"

19.

G lit n° )4 J a )3"w + nu 6 J'it8"

Les pupilles réagissent normalement.

Muscles de l'oeil : pas d'insuffisance d'aucun côté à 20' ou l'.

Fond de l'oeil : vaisseaux sanguins de dimensions normales. Le

quart externe temporal de chaque papille est plus blanc que nor-

malemeiit,le gauche un peu plus que le droit. Pas d'autres lésions

7''i ? 1. Le trajet probable de la balle à trajets le cerceau dans le cas III (Keen et

Xhomson) est indiqué par la portion ombrée, dans la partie occipitale de la tête,

coupant les lignes 2 et B.

- ) j i I . ; .

Vas d'hémianopsie dans lesquels la relation entre la lésion et le trouble visuel n'était pas évidente. Cas mal rapportés ou · ||

. 1 indéterminés. -Nontbrr : 4. |,

1 .li

! '

1 i ' TABLEZ'

1 1 ' Cas d'hémianopsie par lésions situées principalement

198 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Grâce à l'amabilité de MM. Peabody et Ferguson, j'ai pu

répéter le traumatisme sur le cadavre à l'hôpital de New-York.

Des couronnes de trépan furent faites sur le crâne d'un sujet

mâle dans les points correspondant aux cicatrices observées

sur la tête de H... et une pointe de fer fut poussée à travers les

deux ouvertures, suivie par une forte mèche de fil. L'hémis-

phère fut ensuite mis à durcir dans l'alcool. On trouva alors

que le trajet de la balle suivait la face dorsale de l'occipital,

à travers le lobe pariétal jusqu'aux confins de la circonvolution

pariétale ascendante. Elle avait pénétré de façon à léser le

faisceau optique dans son trajet vers le coin (fig. 1). ).

Observation 28. (Haab). Homme de soixante-huit ans. En

février 1878 pendant qu'il était en traitement pour une endopé-

'ricardite, il fut pris d'une patalysie dans les extrémités du côté

gauche. Cela guérit rapidement, laissant une certaine mala-

dresse delà main gauche. Après s'être servi de cette main, le ma-

lade éprouvait des douleurs dans le bras gauche et des palpitations.

Quand il fut vu par Haab en juillet, le malade se plaignait de

ne pouvoir pas voir de l'ceil gauche, et pensait que I'oeil droit était

sain. L'examen montra un certain degré de maladresse dans les

extrémités gauches, sans anesthésie. Intelligence normale, ouïe

bonne, vision centrale = 1 (H. 2). Il y avait une hémianopsie

homonyme gauche, la limite atteignant juste le point de fixation.

Perception des couleurs bonne à droite.

Les nerfs optiques présentent une « coloration grisâtre sénile ».

Pendant l'année, des examens répétés donnèrent toujours les

mêmes résultats. Le malade insistait sur ce fait, qu'il avait un

voile ou une image devant l'ueil gauche. Mort en juillet 1879.

Autopsie. L'extrémité postérieure de l'hémisphère droit

était de 5 centimètres plus courte que celle du côté opposé. Il y

avait une dépression au niveau du lobe occipital droit, la pie-

mère adhérant sur une excavation contenant un liquide clair.

La plaque siégeait surtout sur la face moyenne de l'hémisphère

(comprenant la pointe). Elle occupait la place de la scissure de

l'hippocampe et s'étendait au delà d'elle en haut et en bas.

Son extrémité antérieure était à 6 centimètres de la pointe du

lobe. La substance blanche n'était que peu lésée. Il n'y avait

pas de communication avec la corne postérieure du ventricule.

La hauteur de ce foyer était de 2 à 3 centimètres.

Pas d'autre lésion cérébrale. Les bandelettes, le chiasma

et les nerfs optiques étaient normaux à l'examen microsco-

DE L'HEMIANOPSIE CORTICALE.. 9 199

pique. Le diagnostic de Haab pendant la vie avait été : embolie

de l'artère irriguant la partie postérieure delà couche optique

droite.

Observation 29. (Huguenin). Fille de huit ans. Pendant t'au-

tomne.de 1878, coqueluche suivie d'altération de la santé générale

et de faiblesse de l'intelligence. En janvier 48î9, céphalalgie paroxys-

tique ; plus tard vomissements fréquents, insomnie; pas de symp-

tômes oculaires ni moteurs. A la fin de mars fortes convulsions

revenant fréquemment et constituant le principal symptôme. Dé-

mence croissante. Vue par Huguenin le 16 avril 1879. Enfant

démente; au dire des parents, comprend ce qu'elle entend et

répond bien ; mémoire faible, faiblesse musculaire générale, mais

pas de paralysie localisée. Vue et ouïe normales. Sensibilité au

pincement conservée. Nerfs optiques normaux.

Amélioration temporaire sous l'influence del'iodure de potassium

et du sirop d'iodure de fer.

Le 27 avril, second examen ophthalmoscopique. Légère névrite

avec un peu dégonflement (sans « stazitcay »). Céphalalgie. Au-

milieu de mai, on s'aperçut que la malade tenait sa tête oblique-

ment vers la gauche. Le 20, l'examen révéla une hémianopsie ho-

monyme gauche. Ce symptôme élait le seul qui indiquât une

Fig. 2. Face moyenne de l'hémisphère droit, montrant le siège de la plaque

de ramollissement dans l'obs. 8. (Haab.).

200 PATHOLOGIE NERVEUSE.

lésion en foyer du cerveau et il persista. Mort en juin, par broncho-

pneumonie.

Autopsie. On trouva deux tumeurs dans le cerveau, l'une

au sommet du lobe frontal gauche, l'autre près de la pointe

- A

du lobe occipital droit. Ependyme des ventricules granuleux ;

léger épaississement de la pie-mère au niveau du chiasma et

dans les deux scissures de Sylvius. -

Fg.3, A. Tumeur au niveau de la face moyenne du lobe occipital droit : hémia-

nopsie latérale gauche.-Il. Coupe horizontale montrant la légère pénétration de la

tumeur. (Obs. 9, Huguenin.)

DE L'HÉMIANOPSIE CORTICALE. 201

La seconde tumeur siège sur la face moyenne du lobe occi-

pital droit, dépassant de quelques millimètres le niveau du

cerveau, fermement adhérente à la pie-mère et un peu seule-

ment à la dure-mère. Sa longueur était de 3 centimètres, sa '

hauteur de 3 centimètres, son épaisseur de 2, 5 centimètres

ensevelie presque entièrement dans la substance cérébrale. La

base du lobe occipital n'était pas atteinte. Tumeurs caséeuses.

Observation 41. (P'éré). - Femme de cinquante-deux ans. En

novembre 1883, attaque apoplectique soudaine suivie d'hémiplégie

droite transitoire. A son admission à.la Salpè trière, pas de sympt8mes

moteurs. Hémianesthésie au froid et à la douleur du côté droit,

légère et partielle. Goût, ouïe et odorat normaux. Hémianopsie

latérale droite typique, la ligne verticale passant par le point de

fixation. Pas de lésions du fond de l'oeil. Il n'est pas fait mention

de l'état des pupilles.

Mort le 34 décembre 1884. L'autopsie montra seulement un

foyer de ramollissement jaune détruisant la plus grande partie du

coin gauche et empiétant un-peu sur la deuxième temporale adja-

cente (cinquième temporale de Ecker). Pas de dégénération se-

condaire. Corps genouillés, lobes optiques, bandelettes, chiasma

et nerfs optiques normaux. La commissure grise du troisième

ventricule était absente.

Fig. 4. -Facemopenne del'hémisphère gauche (Ecker). Foyer de ramollisement causant

l'hémianopsie latérale droite. Obs. 41. (Féré.)

202 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Observation z. (Séguin). M. J. W. D., âgé de quarante-six ans,

vint me consulter le 18 janvier 1884, pour de l'insomnie et de la

dyspepsie. Insomnie très-marquée dans la première partie de la

matinée. Devenu peu à peu pâle, faible et maigre. Pas de dyspnée.

L'examen révèle une anémie générale ; pouls faible, lent (63 à 66

par minute). Coeur faible, avec un souffle net d'insuffisance mi-

trale. Pulsations de la veine jugulaire externe. Urine normale,

quoique d'une densité très élevée.

Sous l'influence de la digitale, du hachisch, de la noix vomique

et de l'arsenic sous différentes formes, et d'un régime alimentaire

plus substantiel, avec un verre de bon vin de Bordeaux à chaque

repas, le retour à la santé fut obtenu en six semaines environ.

Le sommeil était bon ; le malade avait repris sa force et ses cou-

leurs. '

Le 26 novembre 1884, je fus appelé chez lui. J'appris qu'au

printemps il avait fait un voyage à la Havane et était revenu en

excellente santé selon toute apparence. Dans les trois ou quatre

mois qui suivirent il s'était surmené pour remettre sur pied ses

affaires qui étaient loin de prospérer. Il avait renoncé au vin de

Bordeaux et s'était mis à une gymnastique assez rude. Sa maison

était située au sommet d'une des rues les plus escarpées de la

ville et il y montait tous les jours avec rapidité.

Je le trouvai souffrant en apparence d'une fièvre intermittente

régulière, frissons suivis de fièvre et de sueurs. Il avait été forte-

ment purgé et était très faible. Le coeur était plus gros que la pre-

mière fois que je l'avais vu et le souffle mitral plus fort et plus

étendu. Je prescrivis de la quinine et une bonne alimentation.

Quelques jours après, le 5 décembre, on vint me chercher en

toute hâte pour une attaque nerveuse. Je trouvai M. D... très ef-

frayé, mais possédant toute sa raison et sans symptômes bien sé-

rieux. Il se plaignait d'engourdissement dans tout le côté gauche

du corps, la joue, le bras, la jambe et le tronc, plus marqué dans

la main et le pied. L'exploration ne révélait pas d'hémiplégie nette

ni d'anesthésie. Il pensait cependant que la sensibilité tactile,

lorsqu'il passait la main sur un objet, était un peu obtuse. Il in-

sistait beaucoup sur un autre symptôme qu'il qualifiait de « cécité

de l'oeil gauche ». 11 ne pouvait, disait-il, voir les objets situés à

sa gauche, sans tourner de ce côté sa tête et ses yeux. L'examen

à l'aide d'un objet brillant par les procédés ordinaires, révéla une

hémianopsie latérale gauche typique avec ligne de division verti-

cale n'embrassant pas le point de fixation. La vision centrale était

bonne comme auparavant, ainsi qu'il était facile de le constater

en lui faisant lire un journal. Le docteur C. R. Agnew fut mandé

le lendemain pour examiner les yeux du malade et il m'adressa la

lettre suivante pour me faireconnaitre le résultat de son examen :

DE L'HÉMIANOPSIE CORTICALE. 203

« Mon cher docteur,

«J'ai examiné les yeux de M. D... Il a de l'hémiopie gauche,

comme vous le dites. Il a de l'opacité des fibres du nerf optique

dans la moitié nasale de la pupille gauche, s'étendant à une petite

distance dans le fond de l'oeil, ce qui est physiologique. Il y a

quelques altérations punctiformes dans la couche de pigment des

deux rétines, principalement à gauche. Je ne pense pas que ces

faits aient aucun rapport avec le trouble visuel, qui est central,

comme vous le dites. Je suis tout-à-fait de votre avis pour tout le

reste et je n'ai rien à ajouter en ce qui concerne le traitement

local. ·

« Bien à vous, C. R. Agnew ».

Mondiagnostic était : Embolie de la branche de l'artère cérébrale

postérieure irriguant la face postéro-interne du lobe occipital

droit.

. La maladie de M. D... dura, avec des rémissions extraordinaires

et des symptômes remarquables, jusqu'au 17 mai 1885, jour de sa

mort.

Les faits principaux de cette longue maladie peuvent être résu-

més ainsi qu'il suit :

En décembre il eut une violente attaque de manie aiguë avec

hallucinations de l'ouie et de la vue, dues probablement à de

l'anémie eérébrale. Cela céda à de fortes doses de chloral, la

digitale, un régime sévère de lait et d'ceufs.

En février M. D... put aller à Nassau. Pendant son séjour là-bas

il fut repris de frissons, fièvre et sueurs qui se montrèrent rebelles

à de fortes doses de quinine. Ces frissons n'étaient pas nettement

périodiques, ils revenaient deux fois par jour, tous les deux jours

au tous les jours.

Il revint a New- York le 15 avril et les accès de fièvre nettement

intermittents furent les principaux phénomènes de cette période.

Son état général était meilleur, mais le coeur était très gros et

on entendait un très fort souffle d'insuffisance mitrale. Pendant

le mois il se fit quelques embolies viscérales el périphériques

caractérisées par de l'hématurie, de la douleur splénique avec

hypertrophie, des taches décolorées sous la peau.

(Dans le mois de novembre précédent, après l'apparition de

l'hémianopsie, il se plaignit un jour de douleur et d'enflure de

la paume de la main droite, suivies pendant quelques jours de

gonflement de toute la main.-Probablement embolie de quelque

branche de l'arcade palmaire.)

Toutes ces embolies furent reconnues à cette époque pour être

sous la dépendance de ia lésion mitrale; et il me vint enfin à

204 PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'idée que cette fièvre intermittente rebelle, irrégulière, était

aussi d'origine cardiaque, chaque accès étant dû au détachement

de particules microscopiques des valvules malades.

Le 8 mai le docteur William H. Draper fut appelé en consulta-

tion et fit le diagnostic formel d'endocardite ulcéreuse ou maligne.

Quelque temps avant la mort, pendant environ quinze jours,

la parole du malade était quelquefois difficile à comprendre. Cette

articulation défectueuse des mots était due en partie à l'extrême

faiblesse générale, mais anssi à une impuissance des muscles buc-

caux. Les deux mains présentaient des désordres du mouvement,

du tremblement choréiforme et à gauche une légère alaxie dans

les grands mouvements.

Souvent M. D... se plaignait de froid et d'engourdissement dans

la main gauche.

A aucun moment, il n'y eut d'hémiplégie ni de monoplégie

nettes, et la sensibilité était toujours à peu près sinon tout-à-fait

normale, de sorte qu'on pouvait croire qu'il ne s'était fait aucune

embolie cérébrale depuis l'attaque de novembre. On répéta à plu-

sieurs reprises l'examen de l'hémianopsie, entre autres une fois

quelques jours avant la mort. Elle persista toujours la même et

la vue resta bonne. Le malade se plaignait toujours que son oeil

gauche était faible (fait que l'on rencontre souvent chez les hé-

mianopsiques). Quelques semaines avant sa mort il lisait et écri-

vait facilement lorsque, la faiblesse augmentant tous les jours le

força de garder le lit.

L'autopsie fut faite avec l'assistance du docteur W. R. Birdsall,

le soir de la mort, le 17 mai. La rate et les reins contenaient des

infarctus de différents âges, quelques-uns très grands ressemblant

à des foyers hémorrhagiques.

Le coeur était très hypertrophié, la valvule mitrale déformée et

portant d'énormes végétations rugueuses, une presque polypi-

forme. Des coupes de ces végétations, traitées par la méthode de

Gram, montrèrent des chaînes de micrococcus et des colonies

isolées de bactéries. Les valvules aortiques et l'aorte étaient nor-

males.

Le cerveau en général était anémié ; les vaisseaux delà base et

les artères cérébrales moyennes exemptes d'embolie et de throm-

bose. Les nerfs de la base, les bandelettes optiques et le chiasma

furent examinés avec le plus grand soin et trouvés normaux.

L'hémisphère gauche présentait une petite surface de congestion

extrême et une ecchymose au niveau des plis de la seconde cir-

convolution frontale ; il y avait une autre tache sur le pied de

cette circonvolution, s'étendant le long des circonvolutions orbi-

taires.

Au sommet de l'hémisphère droit, lésion superficielle analogue

DE L'HÈMIANOPSIE CORTICALE. 205

(ecchymose) s'étendant sur l'extrémité supérieure de la scissure de

Rolando.

En regardant le cerveau d'en haut l'extrémité occipitale de

l'hémisphère droit paraît plus mince que du côté opposé. Cet as-

pect est dû à la destruction de la face interne du lobe occipital

droit par un large foyer, évidemment ancien, de ramollissement

jaune. La lésion comprend la base du coin, les quatrième et cin-

quième circonvolutions temporales (Ecker) et une partie de la

circonvolution de l'hippocampe. La lésion n'atteint pas la pointe

du lobe occipital.

Les autres circonvolutions des deux hémisphères étaient normales.

J'ajouterai que l'examen du cerveau a été fait et les lésions Sus-

dites constatées par votre président, le docteur Birdsall et moi.

Malheureusement le cerveau n'a pas été coupé tout de suite.

Placé dans le bichromate de potasse pour y être durci et reposant

sur le lobe temporal, celui-ci ne tarda pas à se désagréger. C'est

pourquoi je ne puis vous montrer aujourd'hui que la moitié occi-

pitale de l'hémisphère droit avec le foyer de ramollissement que

je considère comme la cause véritable et essentielle de l'hémia-

nopsie. La destruction du tissu s'étend seulement à quelques

millimètres dans l'intérieur de la substance blanche. L'état de la

capsule interne, des couches optiques, etc., reste donc inconnu,

par le fait de l'accident qui m'est arrivé dans la conservation des

Fig. 5. Face interne de l'hémisphère droit (Ecker). Foyer de ramollissement

causant l'hémianopsie latérale gauche. Obs. 45. (Séguin.)

206 PATHOLOGIE NERVEUSE.

pièces. D'après l'histoire du malade, d'après l'absence d'hémiplé-

gie et d'anesthésie nette, je puis affirmer avec certitude, en l'état

actuel de nos connaissances, qu'il n'existait pas de lésions ou du

moins de lésions tangibles dans les parties centrales du cerveau.

Il n'y a donc pas pour moi l'ombre d'un doute que la destruction

du coin droit et de la cinquième circonvolution temporale n'ait

causé l'hémianopsie latérale gauche constatée pendant la vie.

Le ramollissement était produit par une embolie de la troisième

branche de l'artère cérébrale postérieure, artère occipitale de

Duret.

Les objections que peut soulever l'insuffisance de l'examen

anatomique dans ce cas, sont considérablement diminuées de

valeur par ce fait qu'il est en concordance avec nombre

d'autres ; si c'était un cas contradictoire ou anormal, il aurait

certainement beaucoup moins de valeur.

Maintenant, quelles conclusions pouvons-nous raisonna-

blement déduire de tous ces cas ? 2

1. Que des lésions de la face interne des lobes temporaux

ou même des autres départements de la base des hémisphères

peuvent produire l'hémiauopsie indirectement en comprimant

les premiers centres optiques ou les bandelettes optiques et

le chiasma.

2. Que des lésions du corps genouillé latéral ou des parties

postéro-latérales delà couche optique peuvent causer l'hémia-

nopsie, en général conjointement avec de l'hémiplégie et de

l'hémianesthésie, quelquefois de l'hémianesthésie seule.

3. Qu'une lésion de la substance blanche du lobe occipital,

au niveau des fibres les plus postérieures de la capsule interne,

peut produire l'hémianopsie seule ou accompagnée d'hémianes-

thésie. '

4. Que des lésions de la circonvolution supra-marginale, du

gyrus angularis, du lobule pariétal inférieur avec la substance

blanche sous-jacente peut causer l'hémianopsie, avec ou sans

les autres symptômes (hémiplégie, perte du sens musculaire,

surdité verbale).

5. Qu'une lésion plus étendue, comprenant le centre de la

parole, les circonvolutions motrices et les parties sus-éuon-

cées (4) due ordinairement à l'embolie ou la thrombose de la

sylvienne entière, peut produire, lorsqu'elle siège à gauche,

l'aphasie, l'alexie, l'hémianopsie et l'hémiplégie.

6. Que les lésions du lobe occipital, écorce et substance

DE L'HÉMIANOPSIE CORTICALE. 207

blanche sous-jacente, produisent la cécité quand elles sont

bilatérales, l'hémianopsie quand elles sont unilatérales. En

cela je suis d'accord avec Exner (1881).

7. Qu'une lésion du coin et de la 5° temporale (Ecker) adja-

cente d'un côté produit l'hémianopsie du côté opposé.

A l'appui de cette dernière affirmation, j'appellerai l'at-

tention sur les observations 28, 29, il et 45.

J'ai essayé de fondre ensemble les schémas des 16 cas avec

lésions occipitales (en dehors des cas traumatiques) sur une

même feuille de papier, par des applications successives de

couches d'encre de Chine. Les couches se superposant ainsi les

unes sur les autres, j'ai remarqué que le maximum d'intensité

de coloration due à la superposition du plus grand nombre de

couches, correspondait au coin et à la portion voisine de la

pointe occipitale. C'est une simplification de la méthode de

Exner et je crois qu'elle peut, avec quelques améliorations, ser-

vir pour l'enseignement clinique. (Ce diagramme fut montré

à la Société le jour de la lecture du mémoire.)

Venons-en maintenant aux considérations théoriques et

physiologiques. Le temps me presse et je ne pourrai traiter

que très sommairement cet important sujet.

Que nous enseignent les recherches physiologiques les plus

récentes au sujet de la localisation du centre visuel cortical et

des faisceaux blancs en connexion avec lui ?

Les idées de Munk et de Ferrier font autorité. Le premier a

toujours enseigné que les aires visuelles, ou centres de la vision

psychique, sont dans les lobes occipitaux et que chacun d'eux

a des connexions avec les deux rétines. Il a invariablement

produit l'hémianopsie chez les chiens en détruisant un des

lobes occipitaux. Et ces résultats ont été vérifiés sur des chats

par Gauser, assistant de von Gudden.

La théorie de Ferrier, basée sur des expériences faites sur

des singes, a reçu une apparente vérification entre les mains

du professeur John C. Dalton '. Ferrier croyait que le centre

visuel se trouvait dans le gyrus angularis. Voici quelles sont

ses conclusions les plus récentes, telles qu'elles ont été présen-

tées à « the Royal Society », publiées dans ses comptes rendus

XXXV, p, 229, et reproduites dans le Brain, april 188'4 :

1° Les lésions des lobes occipitaux et du gyrus angularis

1 .lolui C. Dalton. - Veu-3'o'k Med. lice, 26 oct. 1881.

208 PATHOLOGIE NERVEUSE.

« occipito-angular région » produisent des troubles de la vue

sans troubles des autres sens ni du mouvement.

2° La seule lésion qui produise la perte complète de la vue

est la destruction totale des lobes occipitaux et des gyrus

angularis des deux côtés. -

3° L'extirpation complète des deux gyrus angularis produit

une cécité complète, temporaire, bientôt remplacée par une

faiblesse de la vue' permanente dans les deux yeux.

4° La destruction unilatérale de l'écorce du gyrus angularis z

cause une abolition temporaire de la vision dans l'oeil opposé,

sans caractère hémiopique.

5° On peut faire de profondes incisions dans les lobes occi-

pitaux des deux côtés en même temps, ou extirper la plus

grande partie d'un ou de deux à la fois sans amener du trouble

visuel.

6° La destruction du lobe occipital et du gyrus angularis

d'un côté cause une amblyopie temporaire dans l'oeil opposé

et une hémianopsie des deux yeux du côté opposé à la lésion.

7° Comme dans aucun cas il ne s'est produit d'hémianopsie

ni d'amblyopie permanente, l'on peut en conclure que la

vision est possible avec les deux yeux, s'il reste seulement des

deux côtés quelques portions des centres visuels intactes.

On voit que les résultats de notre analyse pathologique

sont en apparence favorables aux deux théories de Munk et

de Ferrier. Mais d'une part les cas les plus concluants, ceux

avec les lésions corticales les plus limitées, sont tout à fait

opposés aux vues de Ferrier et en faveur de celles de Munk; et

d'autre part, une particularité dans l'anatomie de l'extrémité

occipitale du cerveau vient expliquer les résultats de Ferrier

sans -admettre l'existence d'un centre visuel cortical dans le

gyrus angularis. C'est que le faisceau optique de Gratiolet et

Wernicke, dans son trajet depuis la face postéro latérale delà

couche optique, passant au dehors, dans la capsule interne, est

situé en haut et sur les côtés de la corne postérieure du ventricule

latéral et au-dessous du lobule pariétal inférieur et du gyrus

angularis dans son trajet vers le lobe occipital (le coin principa-

lement). Une lésion du gyrus angularis, de la circonvolution

supra-marginale et même du lobule pariétal inférieur, atteint

presque certainement le faisceau optique et coupe ainsi toute

communication entre le centre visuel et les yeux.

Je fais passer sous vos yeux une pièce sur laquelle une

DE L'HÉMIANOPSIE CORTICALE. 209

section longitudinale, après durcissement dans le bichromate

de potasse, montre le faisceau optique visible sous l'aspect

d'une bande blanche homogène. Il est évident que les lésions

du gyrus angularis et de la circonvolution supra marginale

peuvent aisément pénétrer assez profondément pour altérer

ce faisceau.

Il me semble qu'avec ces données anatomiques, les diver-

gences entre les résultats obtenus par Ferrier et Munk s'ex-

pliquent facilement et que quelques-uns des cas de mon

6° groupe ( observations 26 et 32 ) peuvent se concilier avec les

autres.

En ce qui concerne les théories purement hypothétiques

nu cliniques touchant le trajet des fibres optiques, la plus

connue est celle du professeur Charcot. Son schéma bien

connu des trajets des fibres optiques de la rétine aux centres

visuels représente une seconde décussation des faisceaux laté-

raux à travers les tubercules quadrijumeaux (lobes optiques)

dans leur trajet vers la capsule interne, de sorte que finale-

ment chaque capsule interne contient toutes les fibres desti-

nées à l'oeil opposé. Ce schéma fut fait par Charcot pour expli-

quer et appuyer sa théorie de la production de l'amblyopie

d'un oeil par lésion du lobe occipital et de la' capsule interne

du côté opposé. Il pensait avoir observé cette amblyopie d'un

oeil et non l'hémianopsie , accompagnant l'hémianesthésie

produite par lésion de la capsule interne.

Je regrette de dire que la théorie de mon illustre maître

n'a pas été confirmée parles résultats de l'observation clinique

et de l'examen anatomo-pathologique. Je ne connais qu'un

cas qui soit en faveur de Charcot ' tandis que les seize cas

que je vous ai lus parlent hautement contre elle. A la vérité

il n'y a pas lieu de croire que le professeur Charcot ait attaché

une bien grande importance à son schéma et je comprends

qu'il l'ait déjà abandonné, cédant, comme il est toujours prêt

à le faire, devant les faits pathologiques en opposition avec

ses idées.

Grasset a récemment (1883) donné du schéma de Charcot

une modification qui est extravagante. 11 y aurait encore une

3° décussation (en comptant le chiasma pour la première)

' Petrina. In t'rayer Zcitsch. f. Heillc, Il,. p ? 9;i, Cas VIII. Voy.

tableau 1.

Archives, t. Xi. 14

210 PATHOLOGIE NERVEUSE.

quelque part dans les fibres du corps calleux, de sorte qu'a-

près que les fibres pour une rétine entière, selon le schéma

de Charcot, ont accompli un certain trajet dans la capsule

interne, les fibres du faisceau latéral croisent encore la ligne

médiane de façon que le centre visuel reçoit des fibres des

deux rétines. Cet effort pour concilier l'opinion de Charcot

concernant les effets de la lésion de la capsule interne à son

extrémité postérieure avec les résultats bien établis des lésions

des lobes occipitaux, mérite une sévère critique. Mais il suffit

de rappeler les expériences plus récentes (1884) de Bechte-

rew i, qui montrent qu'au moins chez les chiens la section

de la partie postérieure de la capsule interne produit l'hémia-

nopsie résultats qui concordent entièrement avec quelques

unes de nos observations sur l'homme.

De ses dernières recherches pathologiques von Monakow'l

tire les conclusions suivantes, relativement au trajet des fibres

optiques centrales chez l'homme :

« Les fibres optiques réunies forment dans la substance

blanche de la portion occipitale du cerveau un faisceau homo-

gène qui passe le long des fibres du corps calleux ou du tape-.

tum et se termine dans l'écorce des circonvolutions occipi-

tales, plus spécialement dans celle du coin, du lobus lingualis

et de la circonvolution descendante. » ZD

Le schéma du trajet des fibres optiques que je vous présente

est, je crois bien, en concordance avec les idées de Munk

sur la physiologie du centre visuel, avec ce que nous connais-

sons de l'anatomie des fibres optiques par la dissection et les

dégénérations secondaires (AJonakow) et enfin, ce qui n'est pas

le moins important, avec les résultats des observations ana-

tomo-patliolouiques po2,t inoî-lems aujourd'hui nombreuses.

D'après ces considérations pathologiques, anatomiques et

expérimentales, pouvons-nous maintenant attribuer une valeur

diagnostique au symptôme hémianopsie ? Oui, je le crois ; et

je poserai tout de suite en principe les propositions sui-

vantes :

t. L'hémianopsie latérale indique toujours une lésion intra-

1 W. Bechterew. Ueber die ? icieh Diii-chsch71eicluiig der Sehnee,ve21la-

sern im innere der Gi-osshi2,izhet ? zisl)htii,eiz etc. (Neurol. cealralbl., 1884,

n° 1).

1 TVcslplucl's trcle. ? Psychiatrie, XVI, 352.

Fig. 6 - Schéma des fibres optiques, servant à expliquer plus spécialement l'hémia-

nopsie latérale gauche par lésion organiques L. T. 1 ? ., demi-champ visuel temporal 1

gauche. R. N. F., demi-champ visuel nasal droit. - 0. S , oeil gauche. - 0. D.,

oeil droit. -N. T., moitiés nasale et temporale des rétines. -N. 0. S., nerf

optique gauche.-N. 0. 17., ncif optique droit. - F. C. S., faisceau croisé gauche.

- F. C. 1)., faisceau croisé dioit. - C.. chiasma ou décussation des faisceaux croi-

sés. - T. 0. 1). , bandelette optique droite. - C. G. L., corps genou il latéral. - z

L, 0., lobes optiques (tubercules qundriumenuxJ. - P. 0. C., premiers centres

optiques, comprenant le lobe optique, le coi l)s geiiotiillê latéral et le pulvinar d'un

coté. - F. 0. faisceau optique de Gratiolet dans la capsule interne. C.P., Corne

postérieure. CI- A - région du gyrns ziiigtil.i iç. - 1,. 0. S., lobe occipital gauche.

- L. 0. D., lobe occipital droit. - C, u.. coin et circonvolutions sous-jacentes cons-

tiluant le centre v isuel cortical chez l'homme. - Les lignes grasses ou ombrées repré-

sentent les parties en connexion av ec les moitiés droites des 2 rétines. Le lecteur peut

placer la lésion comme il lui plaira.

212 PATHOLOGIE NERVEUSE.

crânienne du côté opposé à la portion du champ visuel obs-

curcie.

. L'hémianopsie latérale avec immobilité pupillaire,

névrite ou atrophie du nerf optique, surtout s'il s'y joint des

symptômes de lésion de la base, est due à l'altération d'une

bandelette optique ou des premiers centres visuels d'un

côté.

Ce diagnostic peut être encore fortifié et rendu presque cer-

tain, si l'on cherche et que l'on trouve d'un côté la réaction

pupillaire, qui a été récemment indiquée par Wernicke '. La

moitié seulement de chaque pupille, dit-il ingénieusement,

devra se contracter à la lumière, lorsqu'il y aura interruption

d'un faisceau optique. Il désigna ce fait sous le nom de « réac-

tion pupillaire hémiopique ».

3. L'hémianopsie latérale, ou un obscurcissement analogue

géométriquement du champ visuel, avec hémianesthésie et

troubles ataxiques ou choréiformes du mouvement dans une

moitié du corps, sans hémiplégie nette, est probablement

due à la lésion de la partie postéro-latérale de la couche

optique ou du faisceau postérieur de division de la capsule

interne.

4. L'hémianopsie latérale, avec hémiplégie complète (deve-

nant spasmodique après quelques semaines) et hémianes-

thésie, est probablement causée par une lésion étendue de la

capsule interne, au niveau de son genou et de sa partie posté-

rieure. ,

5. L'hémianopsie latérale, avec hémiplégie typique (deve

nant spasmodique après quelques semaines), aphasie si c'est

le côté droit qui est affecté, et peu ou pas d'anesthésie, est

très-certainement due, une lésion superficielle étendue à

l'aire irriguée par l'artère cérébrale moyenne. On devra

s'attendre à trouver (comme dans l'observation 2fi, de West-

phal) un ramollissement de la zone motrice et des circonvo-

lutions situées à l'extrémité de la scissure de Sylvius, à savoir :

le lobule pariétal inférieur, la circonvolution supra-marginale,

et le gyrus angularis. L'embolie ou la thrombose de l'artère

sylvienne sera la cause la plus probable du ramollissement.

6. L'hémianopsie latérale avec légère impuissance motrice

1 Wernicke. UeGer hemiopische PMp ! '«e)tac< ! 0 ! t. (Fortsch. de)' naecl.,

1883, I, ifl-53.)

DE L'HÉMIANOPSIE CORTICALE. 9t3

d'une moitié du corps, surtout si elle est associée à un

trouble quelconque du sens musculaire, serait [.robablement

due à la lésiun du lobule pariétal inférieur et du gyrus angu-

laris, avec la substance blanche sous-jacente, pénétrant assez

profondément pour léser ou comprimer le faisceau optique

dans son trajet en arrière vers le centre visuel.

7. L'hémianopsie latérale seule, sans troublesmoteurs ni sen-

sitifs, est due, si j'en crois les preuves convaincantes apportées

par les observations 28, 29, 41 et 45, à la lésion du coin seul,

ou du coin et delà substance griseimmédiatementenvironnante

sur la face interne du lobe occipital, dans l'hémisphère opposé

à la moitié du champ visuel obscurcie. Les cas traumatiques

rentrent de prime abord ou après convalescence, dans cette

catégorie ou dans le n° 6 (observation 3).

Dans tous les cas compris dans les paragraphes 3 à 7 inclu-

sivement, les pupilles réagissent normalement ; et rarement

l'examen ophthalmoscopique dénote une lésion du nerf

optique, excepté, bien entendu, dans quelques cas de tumeur,

où l'on doit s'attendre à trouver de la névro-rétinite.

LISTE DE cas D'FIÉ61111\0l'SIE d'origine centrale avec autopsie, ET

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7.f : ? 'M/t<<e)';y'sCen<<YtH)<. f. p ? -ffc<. 7e/</;M)K, 1881, p. 205.

24, 1881. SENATOIT, IL, in WERNiCKE's Lehrbuch der Gehirn-

krankheiten, ii., p. 70, 1881.

25, 1881. Petrina. Ueber Sensibilitatsslôrungen bei Hirnrinden-

lesionen. Case viii. Zeitschr. f. Heilhunde, Prag, 1881, ii, 375.

DE L HEMIANOPSIE CORTICALE. 215

26, 188. Westpiial, C. Zur Localisation der Hemianopsie und

des ilushelgefübls beim llienschen. Clatzrité-Atzzzetletz, Bd. vii., 4882,

p. 466.

27, 1882. Marchand. Beitrag zu Kenntniss der homonymen

bilateralen Hemianopsie, und der Faserkreuzung in Chiasma

opticum. Archiv. f. Ophthal., xxviii., 2, 63. Case iii.

28, 1882. flann, 0. Ueber Cortex-Hemiopie. Kli ? tische Monats-

blâitei f. Augei2heilliiiiide, xx, 141, 1882.

29, 1882. Huguenin. Cas cité dans l'article de Haâb.

30, 1882, Diiescheeld, J. Pathological contributions to the course

oftheopticnervenbres in the brain. Brain, iv,, p. 543, Jan,, 1882.

Case i.

31, 1882. Idem. In Idem. Case ii.

32, 1882. Stenger, C. Die cerebralen Selistoruugeu der Para-

lytilcer. Arch. f. Psych., xiii., p. 242. Case vii.

33, 1882. Idem. In idem, p. 246. Case viii.

34, 1882. Wernicke and Haurr. Idiopathischer Ahscess des Occi-

pitallapeus,durch'l'repanationentleert. Vt ! 'c/tOM)'s Ai,chiv,lxxxvii.,

335.

35, 1883. Jans, L. Ein Fall von rechtsseitiges Hemianopsie und

Neuro-retinitis in Foi-e eines Gliosarcoms im linketi Occipital-

lappen. litzapp's A7-chiv. f. Ophthal., xii., p. 327.

36, 1883. ROSENIi4CII, P. Zur Casuistik der Hemianopsie.

S<.Fe<t ? s6M)'med. lVoclvenschr., 1883, No. 12. Neiii-olog. CetztralGl.,

1883. p. 442.

37, 1883. NirDE.-4, A. Ein Fall von einseitiger temporaler Hemia-

nopsie des rechten Auges nach Trépanation des linken Hinter-

hauptbeins. Archiv. f. OI)hth(il., xxix., iii., p. 143.

38, 1883. IiICIl1'En. Fait von dreimaliger Blulung in ein Gehirn.

Gesell. f.Psych. u. Nervenkrankheiten, n Juni 1883. Neurotog.

Centi-albl., 1883, p. 307.

39, 4883. ScuMAL-rx. Obs. donnée par A. Vetter. Ueber die sen-

sorielle Function des Grosshirns, etc. Deutsch. Archiv. f. hl. Aledicitz,

xxxii., p. 469. 1883.

40, 1884. \VtcuE, Ta. A case of superior homonymous hemia-

nopia. Iiiiapp's Archives of Ophthal., xiii., 3, 301.

41, 1885. Féré, Ça. Trois autopsies pour servir 1 la localisation

cérébrale des troubles de la \ision. Cas iii (du service de Charcot).

Archives de Neurologie, Mars 1883, p. 229.

42, 1885. Richter, A. Zur Frage der optischen Leitungsbahnen

des menschlichen Gehirns. Archiv. f. Psych., und Nervenkrank-

heiten, xvi,, p. 641.

43, 1885. Idem. Ueber die optischen Leitungsbahen des mens-

clilichen Gehirns. Fall iii. Allg. Zeitschr. f. Psych., xli., 1885,

p. 637.

44. 1883. Idem. lu idem. Fall in., p. 638.

216 G RECUEIL DE FAITS.

45, 1885. SEGU1N, L. C. A contribution to the Patholoy of hemia-

nopsia of central engin. Case with spécimen. Read before the

New York Neurological Society, october 6, 1883.

RECUEIL DE FAITS

NOTES POUR SERVIR A L'ÉTUDE DES RELATIONS ET DE

L'INFLUENCE RÉCIPROQUE DE L'ÉPILEPSIE OU DE L'HYS-

TÉRIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU;

Par SOUZA LEITE, externe à la Salhêtrière '.

Un certain nombre de maladies de la nutrition et les mala-

dies nerveuses peuvent se trouver associées d'une façon plus

ou moins étroite, décisive, soit chez l'individu qu'on considère,

soit chez sa famille, comme l'ont écrit plusieurs médecins d'il y a

une quarantaine d'années parmi lesquels il est juste de citer

Morel et Trousseau; néanmoins, ce n'est que plus tard que

l'étude des rapports de ce genre a été poursuivie avec plus de

méthode et d'une manière plus analytique.

. Nous allons rapporter deux observations où l'on verra la

combinaison des manifestations de l'arthritisme avec deux

névroses des plus intéressantes. La première est celle d'une

épileptique qui, au point de vue des phénomènes convulsifs, ne

s'écarte pas des descriptions classiques, mais présente d'autres

détails sur lesquels nous nous permettons de revenir. La

seconde est une hystérique hypnotisable chez qui non seule-

ment quelques symptômes hystériques, mais principalement

les caractères de l'hypnotisme, ont été modifiés par le rhuma-

tisme articulaire.

Onscavnnort i. -11h Arch.... (Lottise), trente et un ans, tempé-

rament nervoso-sanguin, est admise, le 20 janvier 1885, dans

t Nous sommes très reconnaissant à notre maître, M. le professeur

Chaucot, d'avoir bien voulu nous autoriser à publier ces deux cas. Nous

remercions également notre excellent ami, M. le Dr P. Marie, chef du

laboiatoire delà Salpètnère, des indications qu'il nous a fournies.

DE LEPILEPSIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 217

la salle Duchenne (de Boulogne), service de M. le professeur

Charcot, à la Salpêtrière.

Antécédents héréditaires : mère, cinquante-quatre ans, mariée

à vingt, eut, en enfance, des convulsions externes par entozoaires;

jusqu'à trente-six ans, elle fut sujette à des céphalées et à des

névralgies dento-faciales ; ces dernières l'obligèrent de faire

arracher quelques-unes de ses dents. Entre trente-six et cinquante-

deux ans, quatre atteintes de rhumatisme articulaire subaigu;

entre la seconde et la troisième, qui a duré quatre mois, les

céphalées réapparaissaient, s'accompagnant d'étourdissements, de

défaillances, d'étouffements et de quelques vomissements; elles

disparaissaient au bout de deux ou trois jours.

Père, soixante-dix ans, impressionnable, vit une partie de ses

cheveux blanchir plus ou moins rapidement, il fait assez souvent

des faux pas et tombe même quelquefois pris d'étourdissements ;

il n'est pas très obèse.

Grand mère maternelle génoise, morte à soixante-dix ans, à la

suite d'une paralysie généralisée avec troubles de la parole et de

la déglutition, avec sialorrhée, une certaine raideur des mem-

bres et oedème des membres pelviens; quelques années avant sa

mort, elle devenait obèse.

Grand-père maternel, maigre, victime à soixanle-six ans d'une

neuvième fluxion de poitrine; à partir de quarante-huit ans, souf-

frait d'une affection cutanée, excepté sur les parties exposées à

l'air.

Grand'mère paternelle, d'un caractère fort variable, eut des

convulsions épileptiformes par hémorrhagie cérébrale, et meurt

paralysée longtemps après.

Grand-père paternel succombe aux suites d'un vaste ulcère

variqueux d'une des jambes.

Sans doute, il n'est pas sans intérêt de noter encore quelques

autres détails héréditaires montrant un terrain morbide rarement

aussi étendu et tenace; en effet, MUe Arcli.... a un oncle maternel

goutteux; un autre eut, dans son enfance, des attaques de som-

nambulisme ; un grand-oncle eut des tumeurs hémorrhoidaires

nécessitant une opération. Une tante paternelle, à la ménopause,

est prise d'un sommeil qui ne s'accompagne pas de phénomènes

convulsifs ni d'hallucinations conscientes, ceci durait vingt minutes

environ; enfin, la plus jeune des soeurs du père de notre malade

s'est noyée dans un accès d'aliénation mentale; cette dernière

laissa trois filles, l'aînée desquelles s'est également noyée (il est

bon de dire que le mari de la dernière tante s'enivrait habituelle-

ment et rendait le ménage malheureux).

Mllyrlrch.... a deux soeurs : la première, âgée de vingt-sept ans,

est sujette à des bronchites fréquentes et tenaces; elle a eu trois

attaques de somnambulisme et deux crises nerveuses avec perte

218 RECUEIL DE FAITS.

incomplète de connaissance; la deuxième, âgée de dix-neuf ans,

est migraineuse et vit, il y a deux an=, une grande partie de ses

cheveux blanchir en quelques jours, surtout à la partie antérieure

de la tête.

~~ Antécédents personnels : pas de convulsions en enfance ; à treize

mois, fièvres paludéennes régnant endémiquement à Rochefort-

su-àler; à quinze mois, fièvre typhique ; à trois ans, rougeole

régulière et, quelque temps après, angine diphtéritique bénigne.

Les accidents de la malaria revenant de temps en temps déci-

dèrent les parents à envoyer leur fille à Bordeaux, où, après un

court séjour, les symptômes s'amendent très notablement; ils

réapparaissent dès que la malade est rentrée à Rochefort. Cette

circonstance fait que la famille de notre malade se fixe à Bor-

deaux, et là les désordres malariques s'effacent progressive-

ment.

Un an après ce changement de demeure (1861, clle avait sept

ans) des épistaxis lui surviennent, assez intenses pour remplir,

à la fin de certaines journées, une petite cuvette;'ces épistaxis

furent plus fréquentes entre huit et dix ans, ne cessèrent qu'à

l'âge de treize ans, époque de sa première menstruation; l'inter-

valle qui les séparait était environ de vingt jours. A dix ans, la

céphalée dont elle souffrait depuis longtemps s'est accrue et se

montrait plus forte le jour que la nuit; vers cette époque,persis-

tance de névralgies dentaires malgré l'avulsion et le plombage

de quelques dents cariées. A douze ans, variole bénigne,' de

courte durée.

La malade déclare n'avoir jamais eu ni de crachats, ni de

vomissements de sang, ni de saignements liémorrboïdaires. La

menstruation n'a pas été régulière, une fois ses règles établies;

la malade a vu des retards de quatre à cinq jours et aussi des

avancements de dix à quinze ; entre l'âge de quinze et dix-huit

ans, elle n'a vu que huit écoulements menstruels, et c'est alors

que sa céphalée atteint son summum d'intensité pour disparaître

ensuite peu à peu.

Au commencement de ce second retard (septembre 1869), elle

présenta ses premiers phénomènes épilepliques, survenus la nuit,

pendant lesquels elle ne s'est pas mordu la langue, mais urina

dans son lit, miction inconsciente accidentelle. Le lendemain, elle

a des nausées, des vomissements et un léger flux intestinal; les

vomissements ont persisté jusqu'au mois de février 1884. De 1869

à 4874, les accès épileptiques se reproduisent, séparés par des

intervalles dont le minimum a été de quatre et le maximum de

dix-huit mois; leur nombre serait d'environ quarante-cinq. Pen-

dant ces cinq ans, elle était, de plus, sujette à des gastralgies

lipothymies, sueurs, lesquelles duraient trente-cinq minutes à

DE L'ÉPILEPSIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 219

peu près et revenaient sept et huit fois chaque année; la malade

se sentait abattue à la suite de ces crises. C'est en 1875 que, pen-

dant un de ses accès, elle se mord la langue pour la première fois

et est presque délivrée de sa céphalée. Entre août 1875 et mars

1882, les accès convulsifs furent très rares et très légers; le petit

mal se montra alors d'une façon presque isolée. En janvier 1871,

scarlatine bénigne, du moins en apparence; elle fut entièrement

remise au commencement de février suivant. A la fin de ce der-

nier mois (âge, dix-sept ans), première attaque de rhumatisme ( ? )

survenant deux ans après le début des manifestations comiliales,

mais dans un des intervalles des accès. Elle était caractérisée par

des douleurs vives dans diverses articulations qui présentèrent

un gonflement rouge, surtout aux genoux et aux épaules; ces

deux dernières sont restées p resque immobiles. Ces arthrites du-

rèrent trois semaines, s'accompagnèrent de fièvre et donnèrent

lieu à la production de craquements consécutifs qui n'ont pas

persisté. La malade dit que son médecin d'alors envisagea les

altérations rhumatismales comme des complications de la scarla-

tine ; ces altérations ont été lentes à disparaître et ont présenté,

avant leur guérison, quelques recrudescences, surtout en été; en

un mot, leur guérison fut traînante.

En avril 1881, dix ans et deux mois après la première, nouvelle

attaque de rhumatisme articulaire se prolongeant pendant trois

semaines; outre les jointuiesscapulo-huméraleset fémoro-tibiales,

les hanches et les pieds se prennent à leur tour, la fièvre est plus

intense, la malade est oppressée; elle ressent des tournoiements

de tête et présente un peu de gonflement aux jambes; les altéra-

tions du rhumatisme vont être, cette fois, plus longues à se dis-

siper que les premières elle seront aussi relativement à celles de

la troisième atteinte.

En janvier 1 882 (à l'âge de vingt-huit ans), elle dit avoir éprouvé

un gonflement et des douleurs à l'épigastre, des envies fréquentes

d'uriner (pollakiurie), avoir eu la vue souvent trouble (des

brouillards) et des peurs imaginaires; deux mois après, survient

une nouvelle série d'accès, pendant lesquels elle aurait perdu

partiellement connaissance; elle urine inconsciemment dans son

lit, elle se mord la langue et a des convulsions. En revenant à

l'état normal, ou, après avoir passé par un état qui ne laisse pas

de présenter une analogie plus ou moins grande avec le somnam-

bulisme, elle fait souvent allusion à ce qu'elle aurait dit ou de-

mandé pendant l'accès qui s'est manifesté en dernier lieu ; ceci

provoque un certain ôtonnement dans son entourage, car la

malade n'avait rien prononcé qui eût été entendu, sauf quelques

grognements qui se produisaient dans son gosier. Une fois ces

crises épileptiques terminées, la malade ne présente pas toujours

220 RECUEIL DE FAITS.

le même aspect morbide; c'est ainsi que tantôt elle accuse, im-

médiatement après, un sentiment de lassitude prononcée, des

douleurs à la tête, au tronc et aux jointures, alors ce brisement

de forces disparaît au bout de deux jours, et la physionomie

redevient à peu près normale ; tantôt, elle n'éprouve pas immé-

diatement la lassitude douloureuse, ce n'est qu'au bout de quel-

ques heures qu'elle accuse une faiblesse dans ses mouvements et

une forte envie de se coucher; alors elle est un peu engourdie,

impatiente, dysorexique et se remet plus tardivement.

Pendant l'état dont nous venons de faire la description, les

objets qu'elle touche lui paraissent froids, glacés; les aliments

solides ou liquides provoquent une sensation identique dans leur

passage jusqu'à l'estomac. Malgré cette aberration sensitive, elle

perçoit les piqûres d'aiguilles et d'autres instruments pointus.

Au mois de février 1883, la malade fut prise d'une insomnie

accablante qui a disparu lorsqu'elle était convalescente de sa

troisième attaque rhumatismale; cette insomnie serait-elle déjà

un trouble précurseur de la récidive rhumatismale ?

Deux mois après, fin d'avril, troisième attaque de rhumatisme,

moins intense et plus courte que la précédente, alors gonflement

des jambes ; celui-ci disparait pour revenir trois mois après,

quand la récidive était passée. Tant qu'a duré l'attaque elle n'a

pas présenté de phénomènes évidents d'épilepsie. Entre novem-

bre 83 et juillet 85, espace de vingt mois, elle présenta un grand

nombre d'accès ayant lieu d'une façon très analogue, comparés

les uns aux autres. Pendant le courant de 84, elle eut vingt-quatre

accès que séparaient les uns des autres des intervalles variant de

huit à cinquante jours; elle en a eu 10 de janvier à août 1885 ;

remarquons qu'au lieu d'accès, nous devions plutôt dire séries, car

à chacune des reprises du mal comitial, il y a eu en réalité de trois

à douze accès distincts.

Etal actuel (août 1885). Notre malade, dont la stature est de

Im,57, est née à terme et normalement; elle est très souvent

enchifrenée, mais paraît ne pas avoir eu de disposition à l'obésité

et ne présente pas aucun trouble de la sensibilité générale du

genre de ceux des hystériques. Quant aux sens spéciaux, elle

s'imagine voir des araignées à pattes volumineuses autour de

sa chaise et de son lit et montant sur ses jambes pour se promener

sur le tronc et sur les bras; cette hallucination est plus fréquente

à certains moments, mais alors elle n'indique pas la proximité

des accès. Quelquefois ses doigts lui semblent plus gros qu'ils ne

sont réellement, phénomène qu'on observe dans certains délires.

Sa pupille gauche est plus rétrécie que la droite, dont la péri-

phérie semble moindre que celle d'une pupille normale ; pourtant

elles réagissent à la lumière en conservant leurs diamètres res-

DE I.'ÉPILEPSIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 221

pectifs '. Ses paupières se gonflent à certainsjours, d'où diminu-

tion variable de leurs rides normales. Pas de troubles des autres

sens. Réflexes cutanés et tendineux commechez un individu sain.

Nous n'avons pu noter aucune déformation à la tête de la ma-

lade ; comparaison a été faite avec la tête de trois employées du

service, lesquelles ne sont pas tributaires des névroses. Nous

avons procédé à la mensuration de l'extrémité céphalique de la

malade et en voilà le résultat : périphérie occipito-frontale (le

ruban métrique passe au milieu du front, entre le pavillon de

l'oreille et la région temporale et à la protubérance occipitale)

= Om, 52; distance directe delà racine du nez à la même protu-

bérauce= 0, 32; distance d'un conduit auditif externe à l'autre,

le bregma étant au milieu, = 0,32 ; hauteur du menton au

bregma (lèvres rapprochées) = 0,24.

Nous ne constatons pas de déviations sur la colonne vertébrale.

Les dents se sont cariées à sa jeunesse, en partie; une des

petites molaires est notablement plus longue que les autres.

Au contraire de ce qui arrive à d'autres malades, les objets ne

tombent pas de ses mains, qui transpirent constamment, surtout

quand elle se livreàun exercice manuel comme celui du crochet :

aussi est-elle contrariée de ne pas avoir assez propre un passement

quelconque; l'année passée, cette transpiration abondante exis-

tait aussi aux aisselles.

L'enflure des régions malléolaires et du tiers inférieur des

jambes de la malade diminue beaucoup avec l'administration de

la digitale : l'auscultation deson coeur donne lesouffle de l'insuffi-

sance mitrale; à propos de ce signe physique, un détail à rap-

peler : le maximum du souffle auriculo-ventriculaire est bien au-

dessus de la cinquième côte gauche sur la ligne mamelonaire;

(un peu d'hypertrophie), mais le moment de la fonction morbide

est saisi plus aisément sur les foyers artériels. Palpitations assez

fréquentes.

Il n'est pas rare d'entendre la malade accuser des douleurs

spontanées vagues, peu vives, dans les masses musculaires, les

articulations et les os ; elles sont exagérées par la pression des

parties douloureuses ou par la traction des membres. A ces mo-

ments, elle présente un état mental excitable, en partie conscient

dont ses voisines s'aperçoivent facilement; en effet, tandis que

dans d'autres moments, la conversation de A et B ne trouble pas

le petit travail de la malade, à l'occasion de cette perturbation

i Ces caractères des pupilles d'Arch.... confirment les résultats de celles

examinées par M. le Dr P. Marie, comme on peut le vérifier dans le no 10

des Archives de Neurologie, 1882, mais nous ne pouvons pas dire au

juste si la rapidité contractile en est plus ou moins grande que celle des

pupilles d'une personne en bonne santé.

222 RECUEIL DE FAITS.

cérébrale-là elle est prompte à s'impatienter, à changer déplace;

alors elle affirme que A et B ne sont pas raisonnables lorsqu'elles

s'étonnent de son agacement moral, car, dit-elle, « rien ne dif-

fère dans la façon de me tenir ».

Le 1er novembre 1885, à sept heures du soir, en dînant chez ses

parents, elle éprouve presque subitement une sensation de cons-

triction douloureuse à la base du thorax et à l'épigastre, sensation

qui monte à la partie supérieure delà poitrine, au cou, dont le

serrement empêche le libre jeu « mon manger ne pouvait pas

passer ». Peuaprès, elle éprouve à l'épigastre des bouffées de cha-

leur qui atteignent la tête; cette agitation pénible qu'elle ne

pouvait réprimer qu'avec malaise, disparaît vite, et la malade

peut terminer son repas sans dérangerpersonne. A minuit, après

s'être endormie, elle se réveille, et voit quelqu'un qui lui demande

si elle se trouve très mal, et veutprendre un remède calmant;

la malade venait d'être prise de convulsions et était inconsciente ;

ces dernières sont revenues quatre fois dans le reste de la nuit, et

et ce n'est qu'au soir du lendemain qu'elle se remet incomplè-

tement.

Depuis plusieurs mois, la malade accuse des douleurs indécises,

de faible intensité dans les différentes jointures, spécialement

dans celles des mains, qui, sans avoir présenté en même temps les

phénomènes inflammatoires prononcés des arthrites rhumatis-

males nettes, se tuméfient parfois.

Description d'un accès. Presque toujours sans avertissements,

sans aura la malade, apparemment en bonne santé, pousse un

gémissement au milieu duquel elle tourne sa tête à gauche, se

raidit de tous ses membres, principalement dans la moitié gauche

du corps, et tombe sans connaissance, avec pâleur à la face, les

paupières closes, comme une masse inerte; la tête est alors un

peu inclinée à droite, les pupilles sont inégalement contractées;

douze secondes sont à peine passées que les paupières s'agitent

rapidement, la figure, les membres, surtout les gauches, entrent

en convulsions cloniques, le membre supérieur gauche se plaçant

avant le droit, tous deux demi fléchis; les doigts sont fléchis, le

pouce souvent sous les autres; une écume plus ou moins san-

glante se montre aux lèvres. Au bout de quarante à cinquante

secondes, les convulsions s'effacent peu à peu pour être substi-

tuées par la période de. repos relativement courte chez Arch...

n'ayant pas uriné ni mordu la langue dans ses deux dernières

crises. La durée de l'accès est de deux minutes au plus. Courba-

ture et faiblesse consécutives. Le front présente à gauche une

cicatrice linéaire provenant d'une blessure ancienne causée par

une de ces chutes.

Comme les accès ont lieu plus souvent la nuit que la journée,

DE 1,'ÉPILEPSIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 223

circonstance favorable à la malade, notre description résulte

d'une des petites séries que nous avons vues et des renseignements

de ses voisines.

La vision a été examinée trois fois par M. le Dr Parinaud qui

n'a rien constaté de notable quant à l'étendue du champ visuel,

ni quant à la perception des couleurs; dans une de ces occasions,

l'exploration se faisait quatre heures après une des séries et

l'acuité visuelle était à peu près normale.

L'attention, la comparaison et le jugement sont chez Arch... à

peu près normaux ; la mémoire est, à la suite des accès plus forts,

un peu obnubilée.

Les fonctions plus directement influencés par le système sym-

pathique ne laissent presque rien à désirer.

Quand nous interrogions M"° Arch ? une chose nous a

frappé aussitôt : c'est la qualité des nombreux antécédents de

famille lesquels, en dépit de leur variété, ont entre eux des

connexions plus ou moins serrées; alors nous avons souvent

pensé au livre de M. Charcot sur les « Maladies des vieillards »,

qui nous a appris à connaître les relations morbides auxquelles

nous venons de faire allusion et qui ont été dernièrement le

sujet d'un très important mémoire : La Famille névropa-

thique de M. Ch. Féré, médecin de la Salpêtrière. Cependant,

avant d'appeler l'attention sur les relations qui existent entre

des processus morbides concomitants et réellement plus ou

moins dépendants les unes des autres, nous relèverons les

particularités que comporte le présent cas.

A l'âgé de sept ans, alors que le trouble sérieux des fonctions

digestives, l'anémie, qui marchait vers la cachexie et d'autres

altérations, causées par l'intoxication paludéenne se dissipaient

ei qu'on voyait la malade presque guérie, des épistaxis se

montrent, deviennent inquiétantes à une certaine époque,

durent six ans au bout desquelles elles disparaissent; la dis-

parition de ces hémorrhagies nasales coïncide avec l'établisse-

ment de règles qui paraissent provoquer de la sorte une déri-

vation naturelle, si l'on peut s'exprimer ainsi. Elles s'expliquent

très probablement par l'état de dyscrasie où est resté le sang

à la suite de l'action de l'agent palustre; c'est du moins ce qui

a été mis en évidence dans les hémorrhagies, post-opératoires

surtout, par le professeur Yerneuil, M. Kirmisson, etc., chez

des anciens paludéens.

A quinze ans, des phénomènes importants eurent lieu qui,

ce semble, ont conspiré pour la détermination de la névrose,

224 RECUEIL DE FAITS.

en préparant de longue main un terrain propice à son éclosion.

D'abord, c'est à cette époque que la céphalée datant déjà

d'environ huit ans devient très forte et prive de son sommeil

la malade chez laquelle il parait se réaliser un fait curieux

d'hérédité, que certains auteurs ont dénommé laomoclaro-

2lisine héréditaire ou hérédité homochronique, car sa mère

aurait commencé à souffrir le plus de ses migraines, justement

à la même période de la vie. Ensuite, c'est au même moment

que la fonction menstruelle de notre malade se trouble le

plus; on voit des retards énormes des règles qui s'écoulent en

petite quantité. Dans ces conditions, la malade, du fait de sa

tare héréditaire complexe et indécise jusqu'alors, et du fait de

son propre contingent est la victime de la névrose effroyable

tenant en pathologie le nom de morbus divinus; la voilà sous

le coup d'accidents épileptiques qui ne cesseront pas de se

montrer tantôt plus, tantôt moins marqués, et qui s'accompa-

gueront de phénomènes se rapprochant d'autant plus du petit

mal que le nîo2-bus sace2, sera moins convulsif; c'est-à-dire qu'il

y a ici une sorte d'opposition plus ou moins accusée entre le

grand mal et le petit mal où les convulsions sont insigni-

fiantes quand elles existent et où prédominent des symptômes

autres que les convulsions.

Nous nous rappelons que la première attaque de rhumatisme

articulaire aigu, pour laquelle la scarlatine, survenue vingt-

deux jours auparavant, n'aura exercé très probablement qu'une

influence déterminante du côté des articulations, éclata dans

un moment où le mal comitial était constitué déjà depuis deux

ans. Or, cette première attaque, de même que les deux sui-

vantes, la malade les a faites quand son épilepsie n'était pas

convulsive; pourrait-on voir dans cette absence de manifesta-

tions bruyantes une occasion plus opportune pour l'apparition

des altérations rhumatismales ? Il semble que le rhumatisme

qui a retentit sérieusement sur l'endocarde ne se révèle nette-

ment que quand l'épilepsie convulsive se disssimule, que les

deux maladies se font des concessions réciproques; elles, une

fois établies, évolutionnent côté à côte en se modifiant peut-

être jusqu'à un certain point; en tout cas elles alternent dans

leurs manifestations. La parenté des névroses en général avec

le rhumatisme, Baillarger l'avait déjà reconnue, dit M. Féré

qui ajoute : L'arthritisme coïncide fréquemment avec les

névropathies. On rencontre souvent chez les nerveux et dans

DE L'ÉPILEPSIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 225

leur famille le rhumatisme, la dartre et plus souvent la

goutte '. » Notre malade offre des névralgies à la tête, certains

troubles nerveux (gastralgie, hypothymie, etc.) analogues à

ceux de la goutte anormale ; elle offre encore de l'épilepsie et

du rhumatisme articulaire ; quant à sa famille nous. résumerons

ses maladies dans un tableau rappelant celui qu'on voit dans

le livre de M. Charcot, déjà cité (p. 102). MUe Arch... n'a au-

cune asymétrie céphalique reconnaissable à un examen exté-

rieur, même attentif; dans la même salle se trouve une autre

épileptique, laquelle a fourni un résultat identique négatif,

en ce qui touche l'asymétrie fronto-faciale. Par conséquent, il

serait, au moins exagéré de dire avec certains auteurs que tous

les sujets chez lesquels l'épilepsie se montre entre dix et dix-

huit ans présentent l'asymétrie fronto-faciale comme règle.

Or nos deux malades sont devenues épileptiques dans les

termes fixés. Arch... tout en présentant un petit mal n'a ja-

mais présenté jusqu'à aujourd'hui les symptômes alarmants du

grand mal épileptique ; enfin l'exploration ophthalmoscopique

n'a jamais donné ce qu'on voit dans l'hystérie, particularité

importante pour le diagnostic de ces deux névroses ; sur

laquelle M. Charcot insiste beaucoup. L'occasion se présente

pour affirmer que MM. Thomson et Oppenhein se sont trom-

pés en prétendant que les troubles visuels des hystériques se

trouvent également chez les épileptiques et dans d'autres

maladies nerveuses.

226 RECUEIL DE FAITS.

DE L'ÉPILEPSIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 227

sente un cas type dans lequel trois périodes principales sont nette-

ment observables : 1° l'état léthargique; 2° l'état cataleptique et

3° l'état somnambulique. Nous ne pouvons mieux faire, pour leur

distinction réciproque, que d'indiquer les descriptions classiques

de MM. Charcot ', Richer 2, C. Féré s, etc.; donc, malgré l'intérêt

des phénomènes si remarquables qui caractérisent les états hyp-

notiques, nous ne nous en occuperons pas et passons de suite à

notre objectif

Le 25 décembre 1884, la malade se plaint d'un malaise inaccou-

tumé accompagné, de frissonnements, de dysorexie et d'une soif

insolite; le 26 matin, elle déclare que son sommeil n'a pas été aussi

bon que celui des nuits antécédentes, il a été interrompu par des

cauchemars. Dans le courant de la journée, elle commence à accu-

ser les premiers troubles d'une maladie sérieuse qui va évoluer et

dont la première localisation s'établit dans l'éminence thénar

droite qui est douloureuse, et déjà un peu gonflée.

Vers dix ou onze heures du soir du 26, l'articulation péronéo-

tibiale gauche supérieure est touchée et son voisinage est empâté.

Deux jours après, l'épaule gauche est prise; le 29, les manifesta-

tions articulaires se généralisent.

On constate, à ce moment, que l'insensibilité habituelle de la

peau à ses différents excitants n'est pas totale, comme elle l'était

il y a sept jours, avant l'apparition des phénomènes arthritiques;

en effet, la pression exercée sur les tissus qui entourent les articu-

lations affectées, de même que les mouvements communiqués à

ces mêmes articulations provoquent, dans ces parties, des douleurs

vives, la malade disant que ça lui fait mal et évitant leur explo-

ration.

Malgré le retour de la sensibilité dans la peau et les tissus des

articulations envahies, modification de certaines manifestations

hystériques, elle ne reconnaît pas les différentes positions où l'on

place ses membres ou leurs segments.

Le 31 du même mois, elle dit que sa jointure sterno-claviculaire

droite est douloureuse depuis hier; les jointures arthritisées anté-

rieurement le sont davantage, surtout l'épaule et le poignet gau-

ches un peu gonflés. Les genoux ne sont pas gonflés. Fièvre pas

très élevée, abattement; bruits cardiaques un peu assourdis, pas

1 J.-M. Cliarcot. Note sur les divers états nerveux déterminés par

l'hypnolisation chez les hystériques. Prog. l9éd. du 18 février 1882. (Com-

munication à l'Académie des Sciences, le 13 février). Leçons de 1884

et 1885 dans Progrès Médical.

Il. Richer. Études sur la grande hystérie, 2- éd. 1885.

;1 Ch. Féré. Les hypnotiques hystériques. (Soc. illéd. psychologique).

Mai 1883.

228 RECUEIL DE FAITS.

de souffles ni de frottements. Dysphagie modérée; petite plaque

blanche entre les amygdales.

M. Charcot hypnotise la malade en faisant remarquer que la

durée de l'opération est à peu près la même qu'auparavant et

expérimente sur les trois périodes de l'hypnose, afin d'en observer

~ les modifications possibles. Les résultats diffèrent suivant que

l'examen a lieu dans la moitié droite ou dans la moitié gauche

du corps.

A droite, les périodes de l'hypnotisme ont conservé leurs phéno-

mènes caractéristiques.

A gauche, la contraction des muscles faciaux par la pression

du nerf facial est faible; le sterno-mastoïdien pressé tourne la

face du côté droit et se contracture; les muscles des extrémités

thoracique et pelvienne n'entrent pas en contracture parla pres-

sion exercée sur leurs fibres. Les attitudes cataleptiques données

aux membres, ils ne les conservent pas.

Le frôlement ne produit pas les contractures somnambuliques;

presque pas de suggestions. Sensibilité cutanée comme au 29,

même pendant l'hypnotisme.

Sueurs profuses à odeur caractéristique. Pas de phénomènes

thoraciques importants.

Le 2 janvier 85, des modifications, qu'il importe de signaler,

surviennent pendant que la malade est hypnotisée; mais, avant

de le faire, disons que les douleurs sont intenses au poignet (très

gonflé), au genou et au pied gauches; que la température donne

4 ou 5 dixièmes de plus et que les phénomènes généraux sont

proportionnels à la fièvre. La malade est d'abord couchée. 10

léthargie : la face se contracteun peu moins qu'à l'état ordinaire,

le sterno-mastoidien, pressé, ne répond pas, mais se contracture

par le frottement de son faisceau sternal ou claviculaire; les

membres supérieur et inférieur ne se contracturent pas bien. La

pression du médian, du radial donne la contracture et la griffe

correspondantes; pour le cubital, il faut insister davantage, car,

par une pression égale à celle exercée sur les deux autres nerfs,

on n'obtient que des secousses dans les muscles devantse contrac-

turer ; autrement l'effet est ici plus tardif. Ceci se passait à droite.

A gauche, phénomènes léthargiques négatifs, sauf pour le sterno-

mastoïdien qui, frotté, tend à se raccourcir, mais étant quitté par

les doigts, se relâche de suite; il est dans la limite de sa contrac-

tilité ; 20 catalepsie : les membres droits se mettent dans l'attitude

particulière, à cettepériode moins nettement qu'à l'état ordinaire

les membres gauches l'ont perdue et, abandonnés à eux-mêmes,

d'une certaine hauteur du lit, ils retombent comme s'ils étaient

paralysés; approchés des lèvres, les doigts de la main gauche

n'éveillent pas le sourire; 3° somnambulisme : contractures par-

DE L'ÉPILEPSIE AVEC LE RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 229

ticulières à cette période. A droite, pas d'injonctions; absence

des manifestations somatiques à gauche.

Si la malade est debout, contracture léthargique un peu tardive

du sterno-mastoïdien droit ; contracture somnambulique presque

nulle des membres droits, nulle dans les membres gauches et au

sterno-mastoïdien droit; le membre inférieur droit prend seul

l'immobilité cataleptique.

Tant que dure l'hypnotisme, les attouchements du poignet

gauche ne causent pas de plaintes.

La recherche des caractères des périodes de l'hypnose, dans le

but d'en voir les changements, ne doit pas être poussée au-delà

d'un certain temps, car, par contre, le sujet ne répondra plus au

bout de six à neuf minutes, aux divers procédés employés pour

faire apparaître ces signes-là; il y aurait alors une sorte d'épui-

sement des symptômes, tandis qu'à l'état qu'on peut appeler

normal, en vertu de sa constatation ordinaire, depuis longtemps,

la détermination des signes caractérisant les phases, n'amène pas

le même résultat; alors la répétition d'expériences plus ou moins

semblables entre elles provoque, au bout de compte, presque

toujours, les manifestations convulsives de l'hystéro-épilepsie.

Le 3, il semble que les altérations articulaires s'accentuent aux

jointures des membres, surtout sur le côté gauche du corps.

Léthargie : contracture des muscles de la face et du sterno-

mastoïdien normale à gauche, un peu au-dessous du normal à

droite; contracture des membres thoraciques et pelviens, faible

adroite, nulle à gauche. Catalepsie : immobilité cataleptique des

membres adroite, pas à gauche; absence des suggestions cata-

leptiques nettes. Somnambulisme : contracture rudimentaire à

droite, nulle à gauche; suggestions somnambuliques pénibles et

difficiles; à cette période comme à la première elle se plaint quand

on remue ses membres.

Le 4, les phénomènes propres à chacune des périodes ne se

manifestent aujourd'hui que dans le membre inférieur droit, dans

les trois autres on en constate l'absence.

Le 5, diminution du gonflement du poignet gauche et amélio-

ration des jointures du côté droit. La contracture léthargique est

facile à être obtenue aux membres thoraciques, un peu moins

franche au membre inférieur droit, absente à son congénère

gauche. Manifestations cataleptiques aux membres droits; le

membresupéneur gauche n'en présente presque pas, et tomb.e en

oscillant lorsqu'il est laissé à une certaine distance du lit; sugges-

lions possibles à l'aide du bras droit, impossibles à l'aide.,du

gauche. Contracture somnambulique absente au membre inférieur

gauche.

Le 8, l'articulation du poignet gauche et de l'épaule droite

moins gonflées et moins douloureuses; phénomènes arthritiques

230 RECUEIL DE FAITS.

très amoindris au membre pelvien droit. Phénomènes léthargi-

ques aux muscles de la face, aux sterno-mastoïdiens, au membre

pelvien droit; leur absence dans les trois autres membres.

Stabilité musculaire cataleptique dans les muscles de la tête et

du cou, dans ceux des membres droits ; dans ces derniers, elle

est normale; suggestions à l'aide de la main droite (sourire, un

peu de colère); absence de stabilité aux membres gauches. Mani-

festations somnambuliques motrices à droite, pas à gauche, nous

entendons les membres.

Le 11, accentuation et'concentration-ides altérations aux

membres gauches, surtout au genou; différences assez notables

dans les phénomènes neuro-musculaires : absence de contracture

léthargique au membre inférieur gauche seul; stabilité musculaire

à droite, manquante à gauche, possibilité de suggestions comme

le sourire, etc.; manifestatations somnambuliques, comme le 8.

Le 12, diminution du gonflement du genou gauche, dont les

mouvements causent moins de douleur; contracture léthargique

et somnambulique aux quatre membres, prédominant pourtant

dans ceux du côté gauche ; stabilité musculaire beaucoup plus

affirmée à droite qu'à gauche. On voit là des oscillations fonc-

tionnelles rapides et intéressantes méritant d'être notées, ce qui

justifie des détails qui pourraient, autrement, paraître excessifs.

Le 16, le genou et surtout le poignet gauches étaient, hier

matin, plus gonflées qu'antérieurement ; aussi les contractures et

la stabilité se montraient-elles très diminuées ; le poignet n'en

offrait presque pas. Aujourd'hui, où l'état lésionnel des jointures

gauches est manifestement amendé, on peut produire sur les

membres correspondants les propriétés neuro-musculaires moins

durables encore que sur les membres de l'autre côté. (Le plus ou

moins d'accentuation des altérations articulaires retentit sur les

muscles et nerfs des membres d'une façon presque toujours.pro-

portionnelle.) Contracture léthargique et somnambulique diffi-

ciles et légères au membre supérieur gauche, assez marquées aux

trois autres de même que dans les sterno-mastoïdiens et les fa-

ciaux. Stabilité musculaire réduite presque aux trois doigts mé-

dians du membre supérieur gauche; elle est présente partout

ailleurs. Suggestion cataleptique possible à droite ; suggestions

somnambuliques mal caractérisées.

Le 20, pendant ces jours derniers, les altérations articulaires

s'étant amoindries, au point que le malade peut déplacerses ?

articles envahis et a dormi de meilleur sommeil, les manifesta-

tions neuro-musculaires ont graduellement augmenté en s'appro-

chant du normal. Appétit meilleur et plus d'animation au visage.

Les suggestions somnambuliques s'exécutent facilement, mais

elles manquent de leur vivacité' ordinaire. ·

Le 23, les. désordres inflammatoires décroissent dans le poi-

DE 1/HYSTÉRIE AVEC LU RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU. 231

gnet pour s'exaspérer d'une manière équivalente si on peut le

dire dans le genou gauche : l'articulation fémoro-tibiale est de-

venue plus tuméfiée, plus sensible aux explorations et aux mou-

vements qu'on lui communique lorsqu'on cherche les manifes-

tations hypnotiques, qui sont absentes dans le membre corres-

pondant, mais qui, dans les autres membres, ne s'éloignent pas

beaucoup de ce qu'elles doivent être ordinairement; ces mani-

festations s'obtiennent aussi bien dans les muscles sterno-mastoï-

diens ; les faciaux ne se contractent que pendant la léthargie. La

tête est cataleptisable. Insensibilité cutanée presque complète.

Commencement d'épanchement dans l'articulation la plus affec-

tée ce liquide séreux va augmenter tous les jours, arrive à sa

quantité maximum vers le 8 ou 10 février, y reste pendant pres-

qu'un mois et n'est sensiblement diminué qu'aux premiers jours

d'avril.

Pendant sa maladie, MUe Witt... a été soumise au salicylaté de

soude, à l'iodure de potassium en potion, aux badigeonnagesavec

la teinture d'iode et à l'application autour du genou lésé, de trois

vésicatoires qui ont produit très peu d'effet grâce probablement

à un certain degré d'anesthésie cutanée, car un vésicatoire,

appliqué sur la même partie d'un membre sensible d'une hysté-

rique hémiatiesthésique, détermina ses effets naturels.

Le 5 février, la malade est plus longue à être hypnotisée, mais

les manifestations musculaires et nerveuses s'accentuent (les ma-

nifestations nerveuses sont les griffes des muscles résultantes de

la pression des trois nerfs : médian, cubital et radial).

Le 16 de ce mois, légère amélioration du genou gauche. En

cherchant les contractures du membre inférieur de ce côté, de

petits mouvements répondent à l'excitation des extenseurs des

orteils. L'adducteur du pouce aplati, et certains muscles du

membre pelvien gauches sont notablement atrophiés.

Le dernier jour de février, on trouve un peu d'oedème à la

jambe gauche qui est engourdie ; ceci disparait au bout de trois

jours pour revenir une trentaine de jours après en même temps

qu'une tuméfaction médiocre des paupières; on examine ses

urines qui ne contiennent ni albumine, ni sucre. Depuis quelque

temps, t'ranktinisation modérée.

Le 16 avril (trois mois et demi environ après le début), l'ar-

thrite du genou et aussi du poignet gauche est très améliorée et

la malade rentrera bientôt dans sa vie ordinaire. Deux jours

après elle accuse sur la terminaison du tendon patellaire et les

parties avoisinantes une certaine douleur augmentée par la pres-

sion et disparue aux derniers jours de ce mois époque où l'amen-

dement des arthrites et même de l'état général est considérable.

Le 23, contracture' généralisée se dissipant le lendemain. Au

commencement de mai la malade est prise de deux de ses grandes

232 RECUEIL DE FAITS.

attaques, la première desquelles est suivie de contracture géné-

ralisée, qu'on fait cesser parles inspirations d'éther. Cette con-

tracture consécutive aux attaques est un fait presque habituel.

Aux derniers jours de mai, la malade est dans sa vie normale; à

cette époque on ne constate aucune perturbation dénonçant une

lésion quelconque du coeur ; les bruits en ont été dans certains

jours assourdis, légèrement soufflants ; le pouls a été parfois

- traînant, mais pas de lésions permanentes dans le domaine de

l'appareil circulatoire. Aux mois suivants la malade ne laisse pas

de faire savoir de temps à autre que son membre pelvien gauche

est moins fort que le droit (elle boite quelquefois quand elle

marche vite) et que, à certains jours, son poignet gauche la gêne;

ceci va cependant s'effacer petit à petit et elle y songe de moins

en moins.

A côté d'autres faits, nous avons vu que, si chez notre

malade, les jointures affectées par le rhumatisme étaient

douloureuses, l'anesthésie cutanée et sensorielle, de même que

l'absence de la notion de position du membre inférieur gauche,

n'étaient pas modifiées. Par contre, les caractères des trois

états de l'hypnose ont été très notablement influencés par le

rhumatisme articulaire et, à ce propos, on peut dire que plus

les altérations arthritiques articulaires étaient marquées plus

V effacement des caractères hypnotiques était évident; on pour-

rait presque conclure l'état de ceux-ci du degré des lésions

articulaires. Une circonstance à signaler, c'est l'absence de

délire ou d'autre accident cérébral observés chez des rhumati-

sants non hystériques ; ceci quoique la température ait été de

40° pendant deux jours.

Les désordres lents et chroniques observés dès le mois d'avril

résultent de ce que « à la suite d'une arthrite chronique d'ori-

gine rhumatismale, il s'est produit un certain degré d'atrophie

du triceps crural (amyotrophie d'origine articulaire) », a dit

M. le professeur Charcot en analysant la maladie de Porcen...',

cas riche d'enseignement; nous pourrons appliquer ces mots a

notre malade chez laquelle nous avons assisté à une associa-

tion intéressante de deux sous-diathèses, dont l'une tient à la

branche névropathique et l'autre tient à l'arthritisme. Encore à

sa leçon du 14 décembre 1885 M. Charcot attirait-il l'attention

de son auditoire sur la combinaison de l'hystérie avec le

1 J.-M. Charcot. Sur deux cas de moizoplégie 6rah. hyst., etc.

Prog. médical du 22 août 1885.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 233

rhumatisme articulaire presque toujours aigu, dans ces cas-là,

en remarquant qu'elle est plus fréquente chez les hystériques

mâles ; que le rhumatisme peut précéder l'éclosion des attaques

hystériques en jouant, alors, le rôle de cause provocatrice,

qu'il peut succéder à cette éclosion là, c'est le cas de notre

malade ; qu'enfin, si le rhumatisme modifie souvent les mani-

festations de l'hystérie on voit aussi quelques cas où ces mani-

festations, principalement les convulsives, restent à peu près

ce qu'elles étaient avant l'apparition de rhumatisme'; alors

les deux maladies « peuvent marcher de pair sans s'influencer

l'une l'autre ». (Leudet.)

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE

LA nutrition du cerveau; par Tu. MEYNERT.

(Jnltrbùch. f. Psych., V, 3.)

Mémoire portant en sous-titre : Fragment du chapitre sur le même

sujet, contenu dans le livre intitulé : Psychiatrie. Klinik der Er-

krankungen des Yorderhirns. Nous avons en effet reçu le premier

fascicule de ce livre; dès que nous en posséderons la fin, nous

l'analyserons en entier. P. K.

II. La STRUCTURE DES ÉLÉMENTS DU SYSTÈME NERVEUX;

par S. FRFUD. (J<t/tr6uc/t. f. Psych., V, 3.)

L'auteur a soumis à l'examen microscopique les filets nerveux de

l'écrevisse d'eau douce vivisectionnée, mais continuant à vivre ; il

s'est bien gardé de pratiquer la dissociation à l'aiguille et d'a-

jouter aucun ingrédient chimique. Le sang de l'animal constitue-

rait un liquide presque inoffensif à l'égard de la structure des

éléments nerveux. Dans ces conditions, la fibre nerveuse se pré-

sente sous la forme de tuyaux clairs comme de l'eau, dont la

paroi élastique est couverte de nombreux noyaux; on y cons-

tate un contenu quasi-liquide, ou du moins très mou, qui en sort

par pression, et se transforme en coagula généralement granu-

4 Cil. Féré. Notes pour servir à l'histoire de l'hystéro-épilepsie,

p. 12, 1882. (Extrait des Archives de Neurologie.)

234 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.

leux. Dans cette substance molle existent des fibrilles droites sépa-

rées les unes des autres. La cellule nerveuse se compose de deux

substances : l'une, disposée en réseau, se prolonge manifestement

dans les fibrilles des fibres nerveuses ; l'autre, homogène, se

prolonge probablement-dans la substance intermédiaire aux

mêmes fibrilles. Le noyau de la cellule est tantôt obscur, tantôt

nettement limité par une ligne fine; il est homogène et brillant, et

contient, en dehors des deux grands corpuscules nucléaires (nu-

cléoles), de nombreux organites morphologiques, quiexécutentdes

évolutions et changent d'aspect à tout instant; ces organites

apparaissent soit sous la forme de bâtonnets courts et épais, soit

sous celle de longs fils incurvés, soit encore d'éléments pliés en

angles bifurques, ou formant des rosettes souvent très coquettes.

En embrassant d'ensemble un noyau et les organites qu'il con-

tient, on voit tel bâtonnet ou tel morceau de bâtonnet s'éloigner,

se rapprocher de l'observateur ou de son congénère, s'enfoncer

dans la profondeur, formant ainsi mille dessins changeant à

divers endroits du noyau; ces mouvements sont, quant à leur

rapidité, comparables aux mouvements amiboïdes des globules

blancs; cette vitesse varie; mais elle ne dépasse pas les limites du

mouvement protoplasmique. Une longue observation ou la com-

pression d'une cellule entraine la disparition très prompte de tous

les organites, le noyau devenant finement granuleux, s'entou-

rant d'un double contour, tandis que le corps de la cellule lui-

même passe lui-même à l'état granuleux. On a, en somme, sous

les yeux la structure générale du protoplasma vivant, identique

dans la cellule nerveuse à celle du protoplasma ordinaire; ce

protoplasma dans la fibre nerveuse se segmente en fils, et les

fibrilles de la fibre se comportent, par rapport au corps de la

cellule, comme les cils vibratiles d'une cellule de ce nom par rap-

port au réseau protoplasmique de cette dernière; ces fibrilles

sont, comme les cils vibratiles, des prolongements du protoplasma

différenciés etisolés.ConchMtOHS/M/pot/tdMes.Lesubrilles de la

fibre nerveuse sont des fils conducteurs isolés, qui, séparés dans

le nerf, fusionnent dans la cellule; une excitation d'une certaine

force peut rompre l'isolement des fibrilles, la fibre nerveuse con-

duisant dans son ensemble l'excitation. Il convient maintenant de

chercher quelle est, dans un trouble quelconque de l'innervation,

la perturbation intime qui supprime la conductibilité isolée des

fibrilles de la fibre. P.K.

III. Contributions expérimentales A la connaissance des VOIES

d'union DU CERVELET ET au trajet DES faisceaux grêles ET

cunéiformes; par P. EJAS (i1'Ch. f. Psych. XVI, -1 ).

Examen de l'encéphale de trois animaux chez lesquels Fore !

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 335.

avait, à l'aide de la cuiller de Daviel (méthode de de Gudden),

pratiqué les opérations suivantes à l'âge de deux à trois jours :

fo lapin n, tué le soixante-quatorzième jour après l'extraction

du cordon grêle droit et du faisceau cunéiforme du même côté

à la hauteur de leurs noyaux : ablation complète de ces faisceaux,

presque complète de leurs noyaux ; 2° rat tué le cinquante-

deuxième jour après l'extirpation de l'hémisphère cérébelleux

droit, avec le corps rhomboïdal et le lobule du pneumo-gastrique

du même côté : ablation d'une partie de la masse des fibres de

la moitié droite du vermis; 3° lapin 6, tué le soixante-douzième

jour après l'extirpation du lobule du pneumo-gastrique droit,

d'une partie de l'olive cérébelleuse et du pédoncule cérébelleux

moyen. Etudes histologiques.

A. Voies d'union du cervelet. a. Le corps restiforme se compose du

cordon latéral du cervelet de Dédise, du puissant trousseau de libres

qui va d'une moitié du cervelet à l'olive opposée, d'un trousseau de fibres

qui doit être en rapport avec le noyau du cordon latéral (atrophie de ce

noyau). Où se termine le corps restiforme dans le cervelet ? Il est à peu

près sûr que ce n'est pas au lobule du pneumogastrique; il est probable

que ce n'est pas dans la partie du corps rhomboïdal qui pénètre dans le

lobule du pneumogastrique. Il est supposable que le corps restiforme ou

le trousseau du corps restiforme qui provient des olives se termine prin-

cipalement dans la partie du corps rhomboïdal placée vers la ligne mé-

diane. Quant aux relations du corps restiforme avec le vermis, on n'a pu

enlever qu'une fraction de ce dernier. Il est extrêmement difficile d'en-

lever exclusivement l'hémisphère cérébelleux, sans léser en même temps

d'autres d'organes (olive cérébelleuse etc...); en tout cas l'extirpation

totale de la moitié du cervelet entraîne l'atrophie d'un corps restiforme

et toujours du corps restiforme du même côté, c'est-à-dire que les corps

restiformes ne s'entrecoisent pas dans le cervelet. b..Segnaent interne

du pédoncule cérébelleux inférieur. Proviendrait principalement du noyau

du faisceau cunéiforme. 11 est en tous cas probable que certaines fibres de

la formation réticulaire participentàla constitution du segment interne de ce

pédoncule ; il s'y adjoindrait également quelques fibres issues des cellules

qui se trouvent à l'intérieur de ce système, mais il est impossible de

confirmer l'opinion de Monakow d'après laquelle des fibres du corps resti-

forme passeraient dans le segment interne du pédoncule en question.

Où ce pédoncule se termine-t-il dans le cervelet ? triomphe de l'opinion

de Meynert, car chez le rat, on a respecté les petits noyaux du lobe central

du cervelet qui occupent le toit du quatrième ventricule; ainsi s'explique

la conservation parfaite du segment interne du pédoncule cérébelleux in-

férieur qui contraste avec l'atrophie notable du corps restiforme : on

peut également suivre, sous le' microscope, le trajet des fibres du pédon-

cule cérébelleux inférieur jusqu'à ces petits noyaux et à l'entre-croiseinent

médian. Il est possible que sou entrecroisement atteigne les petits

noyaux du côté opposé; mais jusqu'ici toute affirmation demeure, impos-

sible. c. Pédoncule cérébelleux supérieur. Ses origines ou ses terminai-

sons appartiennent à toutes les parties corticales du cervelet. Quant à son

trajet extra-cérébelleux, son atrophie est en rapport le plus intime avec.

236 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.

l'altération du noyau rouge de la calotte (de Stilling) du côté opposé,

mais ce noyau ne s'atrophie simultanément que partiellement.-d. Pédon-

cule cérébelleux moyen. Provient de l'hémisphère cérébelleux du même

côté et se rend, après s'être entrecroisé avec une partie des fibres du

pédoncule cérébelleux moyen du côté opposé, probablement à la subs-

tance grise (cellulaire) de la moitié opposée de la protubérance (l'entre-

croisement d'ailleurs n'est que partiel). Aucun rapport direct avec les pé-

doncules cérébraux ; les pédoncules cérébraux paraissent tenir des cellules

protubérantielles, et non pas directement des pédoncules cérébelleux

moyens, les fibres qui ne proviennent pas des pyramides.

En somme, il n'existe aucun rapport direct entre le cervelet et

le cerveau. Ainsi l'expansion extracérébelleuse du corps restiforme,

est à chercher dans la moelle allongée, et il n'y a de connexions

entre le cerveau et le cervelet, ni par l'intermédiaire du pé-

doncule cérébelleux moyen, ni par celui des pédoncules céré-

belleux supérieurs. Les fibres de ces derniers cessent, soit pour la

plus grande part (Forel), soit toutes (von Gudden) dansles noyaux

rouges. Plusieurs de ces fibres vont-elles plus loin, ou les fibres,

entrées en connexion avec les cellules du noyau rouge, ont-elles

d'autres connexions indirectes avec le cerveau ? Tout est hypo-

thétique. En tout cas, étant donné l'importance de la connexion en-

tre le cervelet et le cerveau, on ferait mieux de penser aux autres

faisceaux, au pédoncule cérébelleux moyen ; mais l'expérience ne

fournit aucun point de repère. Et cela probablement parce que

lés fibres du pédoncule cérébelleux moyen se terminent provi-

soirement dans les cellules protubérantielles qui empêchent tout

autre atrophie au sein de ce pédoncule.

B. Trajet du faisceau grêle. Il prend part à la formation des cordons

postérieurs d'une façon plus saillante que le faisceau cunéiforme. 11 prend

une part importante à la formation de la couche olivaire intermédiaire du

côté opposé sans qu'il soit possible d'en déterminer la quotité. Les mêmes

fibres arciformes du faisceau grêle et leurs prolongements dans la

couche intermédiaire des olives s'atrophient, et après l'extirpation du

noyau du faisceau grêle et après l'extirpation de l'écorce du lobe pariétal,

mais il est impossible de dire pourquoi l'on ne perçoit plus d'atrophie de

la couche intermédiaire des olives dès qu'on a dépassé le corps trapézoïde.

Les libres arciformes du faisceau grêle ne sont pas en connexion avec les

olives inférieures.

C. Trajet du faisceau cunéiforme. Il ne participe pas à la formation

du corps restiforme. La partie supérieure du noyau de ce faisceau donne

naissance à la partie interne du pédoncule cérébelleux inférieur. Les

rapports du faisceau cunéiforme et du noyau de Dehors (externe de l'a-

coustique) sont douteux : il y aurait plutôt lieu d'admettre que ce noyau

est en relation avec le cordon latéral. il est très probable que le faisceau

cunéiforme possède des fibres commissurales longitudinales à de courtes

distances, sans qu'il soit possible de rien dire quant aux relations de

ces dernières avec le noyau du faisceau en question : nous tendrions à

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 237

rejeter cette dernière connexion-là. Les fibres du faisceau cunéiforme ne

sont pas en connexion avec les olives ; quelques fibres arciformes cessent-

elles dans la formation réticulaire ? Cela est douteux. Planche à l'appui.

P. K.

IV. Recherches expérimentales ET ANATOMO-PaTIiOLOGIQUES sur les

RAPPORTS QUI RELIENT LA SPHERE VISUELLE (de Munk) AUX CENTRES

OPTIQUES INFRACORTICAUX ET AU NERF OPTIQUE ; par VON MONAKOW

(Arch. f. Psych. XVI, 1).

t

Il s'agit de la suite du mémoire en partie analysé par nous

dans les Archives de Neurologie, t. IX, p. 256 1 ; nous avions relé-

gué les études anatomo-cliniques à plus tard, parce qu'il sem-

blait que la suite annoncée traiterait exclusivement ce sujet. Mais

cette suite se redivise elle-même en deux sections. 1. Berhei,ches

expérimentales sur les chats. C'est le complément, par des études

microscopiques, des expériences du premier mémoire sur des

chats et lapins nouveau-nés (ablation du centre visuel chez des

chats expériences IV et V) en même temps que l'addition des

résultats grossiers issus de nouvelles vivisections (exp. VI et VII).

Conclusion. L'ablation des sphères corticales de la vue chez le chat

montre que la zone A' reçoit des fibres de projection du pulvinar, des

portions antérieures et latérales du corps genouillé externe, des couches

supérieures du tubercule bijumeau antérieur, la zone A2 affecte des

rapports semblables d'abord avec le pulvinar, puis avec les parois la-

térales et caudales du corps genouillé externe, enfin, à un faible degré,

avec le tubercule bijumeau antérieur ; - la zone A3 (ou plutôt la portion

de cette zone qui compte dans la sphère visuelle) reçoit de nombreuses

fibres de projection de la lame grise superficielle du tubercule bijumeau

antérieur et des portions médianes et antérieures du corps genouillé ex-

terne ; ses rapports avec les autres parties du corps genouillé externe ou

avec le pulvinar sont insignifiants. Par conséquent, la partie médiane

de la sphère visuelle s'unit presque exclusivement avec les portions la-

térales des centres optiques infracorticaux ; sa partie latérale s'unit

plutôt avec des portions médianes des centres optiques infracorticaux.

En ce qui concerne les centres optiques primaires, la zone As plus de

rapports avec les faisceaux du nerf optique entrecroisés, la zone A2,

avec les faisceaux du nerf optique non entrecroisés; la zone A' est pro-

bablement en connexion avec les deux faisceaux d'une manière assez

égale. L'atrophie des centres optiques primaires présente à peu près les

mêmes caractères que chez le lapin ; ici aussi les cellules nerveuses gan-

glionnaires sont le point de départ du processus pathologique dans le

pulvinar et le corps genouillé externe; dans le tubercule bijumeau an-

térieur, ce sont, ce qui ne se voyait pas chez le lapin, les cellules ner-

veuses de la couche grise superficielle qui commandent à l'atrophie.

1 Voy. Archives de Neurologie, t. X, p. 104 et 425, t. XI.

2 Voy. les figures du Progrès médical, de 1879, n° 10.

238 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.

En ce qui concerne l'origine et la disposition des fibres du nerf

optique, l'ablation de la partie médiane de la sphère visuelle entraîne

l'atrophie de toute l'étendue des faisceaux conducteurs jusqu'au nerf op-

tique sans intéresser le tubercule bijumeau antérieur (contradiction avec

les expériences de Tartuferi.-Contributo anatomico-sperimentale, Turin,

~188l).

En ce qui concerne les conditions d'origine du nerf optique chez le chat

et le lapin, il y a quelque différence : chez le premier, le tubercule biju-

meau antérieur joue certainement, comme centre optique, un rôle bien

plus saillant que chez le second et que chez l'homme ; chez le lapin et

l'homme, le corps genouillé externe et le pulvinar gagnent en impor-

tance 1 cet Ggard. P. K.

V. Etudes sur les attitudes considérées comme indicatives des

ÉTATS MORAUX ET ENVISAGÉES DANS LES OEUVRES D'AIIT; par Francis

Warner. (The Joui-iza 1 of iliciital Science, avril 1884.)

M. F. Warner poursuit depuis longtemps, avec une persévérance

et une sagacité dignes d'éloges, des études sur les attitudes, et

plus spécialement les attitudes de la main, dans leurs rapports

avec l'état moral ; les muscles, en effet, n'étant que des intermé-

diaires, dirigés et régis par un mécanisme nerveux central, leurs

attitudes doivent refléter l'état du centre nerveux. Dans le court

travail qui nous occupe, l'auteur examine à ce point de vue spé-

cial quelques-uns des chefs-d'oeuvre de l'art classique, notam-

ment : la Vénus de Médicis, la Vénus et la Diane du British

Muséum, la Fête en l'honneur de Bacchus, trouvée sur un vase

grec et reproduite dans le travail de sir William Hamilton, le

Caïn du palais Pitti à Florence, le Gladiateur mourant, et l'Her-

cule au repos. On constate, dans ces oeuvres d'art, que les atti-

tudes sont conformes à celles que l'auteur a décrites comme

appartenant aux états d'esprit qui doivent en effet appartenir aux

personnages représentés par le statuaire.

Toutefois, ainsi que le fait remarquer M. Warner, on n'a pas

très souvent l'occasion de faire ces constatations sur les chefs

d'oeuvre de l'art ; car, de même que dans la vie courante, nous

cherchons volontiers à modifier l'attitude naturelle de nos mains

en leur donnant quelque objet à tenir « par contenance », de

même le sculpteur laisse rarement libres les mains de la figure

qu'il s'est donné pour mission de représenter. R. M. C.

VI. Les conditions physiques de la conscience; par le professeur

A. HERZEN (de Lausanne). (Tite Journal of âlental Science, avril

et'mai 1884.)

Comme l'indique le Litre de cet important travail, le savant pro-

fesseur de Lausanne s'est proposé de rechercher quelles sont les

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 239

conditions physiques de la conscience et d'arriver à une théorie

qui lui semble être l'expression provisoire de la vérité, sinon son

expression définitive, et qui, tout au moins, n'est en opposition

avec aucun fait physiologique ou clinique. L'analyse d'un pareil

mémoire n'est guère possible ; nous nous bornerons à indiquer

les principaux points successivement traités par l'auteur, les lois

qu'il en déduit, les conclusions qui le terminent, enfin les consi-

dérations qui en forment le dernier chapitre.

Tout d'abord, l'auteur constate la tendance générale à aban-

donner le dualisme traditionnel pour adopter le monisme; mais

là s'arrête l'accord, et bientôt la divergence s'accuse en ce qui

touche les rapports de la conscience avec l'activité nerveuse cen-

trale : il rappelle à ce propos les opinions opposées de H. Mauds-

ley et de G.-H. Lewes; nous ne rappellerons pas ces deux théories

qui sont bien connues de tous ceux qui s'intéressent au mouve-

ment moderne de la psychologie physiologique. Après les avoir

exposées et discutées, M. Herzen conclut que ni l'une ni l'autre ne

peuvent être adoptées intégralement, parce que leurs auteurs ont

respectivement exagéré la part de vérité qui se trouve dans cha-

cune d'elles; il estime que la vérité se trouve dans l'association

des deux théories rivales, et que, quel que soit le centre actif, le

conscient et l'inconscient co-existent toujours et partout; seulement

c'est tantôt l'un, tantôt l'autre qui prédomine, et cela suivant

une loi qu'il va essayer de déterminer.

Ici, nous devons citer presque intégralement : « La physiologie

« générale nous enseigne que le tissu nerveux, fibres ou cellules,

« n'échappe point à la loi biologique universelle qui veut que, chez

« l'être vivant, la période d'activité soit la période de désorgani-

« sation, et que la désorganisation soit suivie pas à pas par la répa-

ration, sans laquelle la vie serait la mort. Mon point de départ

« est donc parfaitement net : les éléments nerveux se désintè-

« grent par l'action, et se réintègrent immédiatement après, en

« sorte que tout acte nerveux a une phase de désintégration et

«une phase de réintégration; cette dernière s'accomplit sui-

vant la modalité de la désintégration qui l'a précédée.

« Immédiatement se pose une première question : A laquelle

« de ces deux phases la conscience est-elle liée ? L'expérimenta-

« tion ne peut répondre à cette question ; l'observation seule peut

nous guider; mais elle nous guide sûrement, et si clairement

que nous ne pouvons nous tromper : l'intégration et la réintégra-

tion des centres nerveux sont absolument inconscientes. Nul

« n'est conscient du développement embryonnaire de son propre

« cerveau, non plus que de l'apparition et de l'évolution de ses or-

« ganes cérébraux, lesquelles procèdent d'une façon aussi incons-

« ciente que la croissance de l'individu, ou la nutrition de ses

« muscles et de ses os. Une fois développés, les éléments centraux

240 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.

« sont stimulés par des impressions accidentelles. Leur activité

« désintègre et fatigue l'organe central, et cette fatigue est la me-

« sure de la décomposition qui se lie à l'activité; la fatigue céré-

« brale produit le sommeil ; pendant le sommeil, le cerveau se re-

. « pose, c'est-à-dire se réintègre; le sentiment de repos qui en

« résulte donne la mesure de la réparation accomplie. Or, éveillés,

« nous sommes conscients; noussommes au contraire inconscients

« lorsque nousdormons profondément. Voilà unepremière indica-

« tion, très grossière à la vérité, du lien qui unit la conscience à la

« désorganisation des éléments actifs. Je prouverai plus tard que

« cette intermittence se retrouve dans chacun des actes centraux

« considéré isolément Il apparaît donc clairement que la

« conscience est exclusivement liée à la phase de désintégration des

«actes nerveux centraux.

« Cela posé, une nouvelle question surgit : Toute désintégration

« est-elle consciente ? Evidemment non, puisque les actes auto-

« matiques sont sub-conscients ou inconscients, bien qu'ils soient,

'< eux aussi, accompagnés de désorganisation... Mais l'observation

« démontre : que si, d'une part, les actes qui fatiguent le plus, qui

« fournissent le plus de produits de décomposition; en un mot, qui

« désintègrent le plus, sont en même temps les moins autoniati-

« ques et les plus conscients; d'autre part, les actes qui fatiguent

« le moins, ceux qui s'accomplissent avec le minimum de décom-

« position fonctionnelle sont précisément ceux qui sont le moins

« conscients et les plus automatiques. Par là il devient manifeste

«que la désintégration ne produit la conscience que lorsqu'elle

« acquiert une certaine intensité. Ici l'expérimentation devient

« possible à la condition d'être éclairée par l'indispensable con-

« trôle de l'observation intérieure; c'est pourquoi la majorité des

« observations de cet ordre doit être faite sur l'homme, et l'on ne

« doit avoir recours aux animaux que lorsque cela est absolument

«nécessaire. Je veux parler des expériences sur la durée des actes

« psychiques et sur la calorification centrale. Tout acte centralest

« nécessairement lié à la production d'une certaine quantité de

« chaleur : la chaleur produite est une des expressions de la dé-

« sorganisation fonctionnelle. Malheureusement, les observations

« sur ce point ne peuvent être faites sur l'homme avec toute la

« précision désirable, mais les admirables recherches de Schilf

« sur les animaux (Archives de physiologie, 1869, nos 4 et 2, et 1870,

« nos 1, 2, 3 et 4, ou Herzen, Revue philosophique de janvier 1877)

« ont jeté une vive lumière sur les rapports de la thermogénèse

« centrale avec l'activité psychique. Je me bornerai à rappeler ici

« que la production de chaleur est d'autant plus grande que l'im-

« pression reçue par l'animal lui est, pour un motif quelconque,

« agréable ou désagréable, qu'elle est pour lui intéressante et

« surtout capable d'attirer son attention, c'est-à-dire de pro-

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 241

« duire une vive impression , etc., c'est-à-dire si elle passe

« comme inaperçue ou à peu près, et n'éveille que peu ou point

« de conscience, il y a très peu de chaleur produite; il en résulte

« que l'influence de la même impression fréquemment renouvelée

« diminue rapidement, et que l'on arrive alors à un minimum

« constant de calorification, dû simplement à la transmission

« nerveuse. Ces faits indiquent clairement que les actes centraux

« qui sont accompagnés de la conscience la plus nette sont ceux

« qui nécessitent la décomposition la plus complète, et produisent

« la calorification la plus grande, et que, par conséquent, l'inten-

« site de la conscience est en raison directe de l'intensité de la désin-

« tégration fonctionnelle.

« Cherchons maintenant ce qui caractérise les actes centraux

« qui s'accompagnent d'un minimum de conscience, ou qui sont

« totalement inconscients. Nous l'avons déjà dit, c'est une dé-

« composition restreinte avec une calorification réduite à son mi-

« nimum : mais c'est aussi et surtout une transmission relative-

« ment très rapide. En fait, tout acte nerveux central demande

« un certain temps pour s'accomplir; la répétition, l'exercice,

« l'habitude diminuent ce temps, et le réduisent àlamoitié, au tiers

« de ce qu'il était primitivement; il atteint son maximun lorsque

« l'acte à accomplir est nouveau pour le sujet, et éveille, par con-

« séquent, chez lui une conscience très intense des sensations qui

« le provoquent, l'accompagnent et le suivent; il diminue à me-

« sure que l'acte devient plus habituel et se rapproche ainsi de

« l'automatisme; il est à son minimum lorsque l'acte est devenu

« complètement automatique et s'accomplit inconsciemment. »

Après avoir décrit quelques expériences personnelles, l'auteur re-

prend : «Ainsi, puisque les actes automatiques sont caractérisés

« par le faible degré de la désorganisation et de la calorification

« qui les accompagnent, et surtout par la rapidité avec laquelle

« ils s'accomplissent, il est évident que l'intensité de la conscience

« est en raison inverse de la facilité et de la rapidité de la transmis-

« SMHeeHh's/e. Une fois réunis, les résultats partiels qui nous ont

« été fournis par l'observation et l'expérience constituent ce que

« j'ai appelé la loi physique de la conscience, loi qui peut se for-

« muler de la façon suivante :

« La conscience est exclusivement liée à la désintégration fonc-

« tionnelle des éléments nerveux centraux; son intensité est di-

« rectement proportionnelle à cette désintégration, en même

« temps qu'elle est en raison inverse de la facilité avec laquelle

« chacun de ces éléments transmet aux autres ses vibrations fonc-

«tiotinelles, et avec laquelle il rentre dans la période de repos et

« de réintégration. »

Le lecteur nous pardonnera l'indispensable longueur de ces

citations qui pouvaient seules donner une idée précise de la

Archives, t. XL 16

242 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.

théorie de M. Herzen : l'auteur s'attache ensuite à démontrer que

cette loi, qui s'applique parfaitement à l'activiié psychique des

centres corticaux n'est pas moins vraie pour les centres subor-

donnés, tels que le centre sensori-moteur et le centre spinal :

nous ne pouvons le suivre dans cette argumentation détaillée, et

- 'nous devons nous borner à reproduire ici ses conclusions :

« I. Dans la moelle êpinière : conscience élémentaire, imper-

« sonnelle, inintelligente, ayantson maximumchez les animaux in-

« férieurs et son minimum chez les animaux supérieurs; chez ces

« derniers, à l'état normal, la conscience spinale n'est jamais

- appelée à l'activité, parce que toutes les réactions qui sont du

« ressort de la moelle s'accomplissent automatiquement, et parce

«que les stimulations, ne rencontrant dans la moelle aucun mé-

K canisme propre à la décharge, sont directement transmises aux

« centres céphaliques : ce n'est que par suite de complications

« expérimentales que cette conscience s'éveille grâce à'iadésinté-

« gration étendue et profonde que ces complications déterminent;

« elle disparaît, d'ailleurs, à mesure que de nouveaux mécanismes

« s'organisent et se fortifient.

e II. Dans les centres sensori-moteur (qui fonctionnellement

« agissent de concert comme « sensorium et motorium com-

« munia ») : conscience individuelle, perception rudimentaire,

« germe d'intelligence, caractère intelligent et volontaire des ré-

« actions, qui sont soumises à des conditions identiques à celles

« qui régissent l'intensité de la conscience spinale, mais avec cette

« différence : que, grâce à l'infinie variété des impressions exté-

« rieures et intérieures qui éveillent l'activité de ces centres, cette

« activité n'est pas réduite, comme pour la moelle, à l'état de

« mécanisme purement automatique et que, par conséquent, elle

« participe toujours plus ou moins à la patiesthésie de l'individu,

« en contribuant pour sa quote-part de conscience.

« III. -Dans lescentres corticaux (agissant comme intellectorium

'« commune ») : conscience intelligente; notion claire des rapports

« de l'individu avec les objets extérieurs et de ces objets entre eux,

« d'où résulte le caractère intentionnel et réellement volontaire

- des réactions. La conduite estregléeparlescirconstancespassées,

« présentes et futures, telles que l'individu peut les prévoir au

'« moyen de l'expérience acquise. Différent des deux modes de

-« conscience qui précèdent, celui-ci s'accroît à mesure que l'on

« monte dans l'échelle animale et atteint son maximum chez

« l'homme. L'intensité de cette conscience et la qualité de ce

« qu'elle embrasse dépendent de conditions qui sont les mêmes

« que celles qui régissent la conscience des centres sensori-moteur

« et spinal.

« IV. Finalement, dans le système nerveux tout entier, consi-

« déré comme organe de la fonction fondamental de toute

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 243

« vie de relation, suivant la phase, etc., de l'action réflexe :

« conscience ou inconscience de son activité, et conformément

« à la loi suivante. » (Cette loi est celle qui a été formulée plus

haut sous le nom de loi physique de la conscience.)

Bien que déjà peut-être nous ayons abusé des citations, nous

ne pouvons passer sous silence le dernier paragraphe du mémoire,

où l'auteur envisage les phénomènes de conscience chez les ani-

maux et leur destinée ultérieure chez l'homme ; nous en repro-

duisons les dernières lignes :

c..... Le progrès cérébral ou intellectuel.... n'a d'autres limites

« que la plasticité évolutionnelle d'une race ou d'un individu. Le

« progrès vers la perfection s'arrête nécessairement lorsque ces

« conditions de son développement ultérieur n'existent plus,

« mais il continue nécessairement lorsque ces conditions demeu-

« rent réunies. C'est ce qui fait, d'un côté, que les animaux que

« nous considérons comme inférieurs restent au point où ils sont;

« ils ont parcouru tout le champ du développement compatible

« avec leur organisation particulière, et, plus est simple la corré-

« lation organo-psychique qu'ils représentent, plus ils sont inin-

« telligents et inconscients, c'est-à-dire plus ils sont instinctifs et

« automatiques. C'est ce qui fait, d'autre part, que parmi tous les

« animaux que nous appelons supérieurs, l'homme a pu se déve-

« lopper d'une façon tellement surprenante qu'il est arrivé à

« croire qu'il n'avait rien de commun avec eux, et qu'il s'est cru

« autorisé à les renier pour ses parents : ils ont, en effet, épuisé

« les ressources que leur offrait une organisation plus pauvre, et ils

« sont désormais condamnés à se mouvoir dans le cercle d'un au-

« tomatisme plus ou moins complet, cercle que l'homme seul a pu

« briser et agrandir. Et il l'a si bien agrandi qu'il s'est ouvert à

« lui-même tout un horizon d'acquisitions nouvelles, de plus en

« plus complexes, au milieu desquelles son activité consciente

« peut trouver à s'exercer durant des périodes sans limites et à

« l'abri du risque d'être réduit à l'état d'automate intellectuel.

« Deux conditions toutefois pourraient limiter cet orgueilleux

1,,xcelsioi, de l'espèce humaine : le progrès psychique doit fatale-

« ment s'arrêter un jour, soit devant la limite absolue qui sépare

« le cognoscible de l'incognoscible, soit devant la limite non

« moins absolue delà perfectibilité organique du cerveau humain.

« Dans les deux cas, la conscience finira, sans aucun doute, par se

« détacher de plus en plus de l'activité cérébrale qui prendra pro-

« gressivement un caractère instinctif, réflexe, automatique, mé-

« canique. Mais, en dépit du travail de plus en plus intense, forcé,

« étourdissant, fiévreux auquel se livre notre race, il est certain

« que, bien longtemps avant que cette limite soit atteinte, le re-

« froidissement graduel de notre système solaire aura supprimé

« la possibilité de la vie sur la surface du globe. Cette perspective

244 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.

« est peu encourageante pour la race; mais elle n'en est pas moins

« certaine; à vrai dire, d'ailleurs, elle ne nous affecte guère en

« tant qu'individus. Devons-nous donc dire : Après nous le dé-

« luge ? Non : mais bien plutôt : Fais ce que dois ; advienne que

« pourra. » ~ R- M. C.

VII. UNE méthode POUR faciliter LES recherches SUR l'activité

volontaire; par le Dr Rieger (1885), Leipzig.

Plusieurs moyens se présentent à nous pour étudier l'activité

volontaire. La condition principale, pour toute recherche métho-

dique, c'est qu'il se produise un acte volontaire. Cet acte doit être

simple, visible, pour ainsi dire; il doit pouvoir être traduit par

des chiffres ou par la méthode graphique. L'activité muscu-

laire est celle qui se prête le mieux à ces recherches. Le

Dr Rieger choisit un acte volontaire assez simple, pour que tout

sujet en expérience puisse l'exécuter, c'est l'extension du bras

dans une position horizontale, ce bras obéissant à la volonté

doit être au repos, mais ce repos comme nous le demande la

méthode graphique n'est qu'apparent.

Voici le modus f(iciendi du Dr Rieger :

On place le bras en expérience entre un kymographe (à une

certaine distance de lui) et une source lumineuse assez intense;

l'expérience se fait dans une chambre peu éclairée. Une épingle

fixée sur un porte-plume que le sujet tient entre ses doigts,

comme pour écrire, sert de signal. On peut facilement, avec un

crayon, suivre l'ombre projetée par l'épingle sur le tambour du

kymographe et l'on obtient de cette manière le tracé des mouve-

ments du bras, au moyen de la méthode des ombres. Le temps

qu'emploie le kymographe pour accomplir une rotation entière

est de deux minutes. Si le bras obéissait à la volonté, nous

aurions obtenu sur le tracé une ligne droite qui, à sa terminai-

son, correspondrait au point de départ; dans le cas contraire,

nous aurons une ligne irrégulière présentant des zig-zags, qui la

fin de son trajet se trouve reliée plus haut ou plus bas qu'à son

point de départ. Outre ces mouvements visibles que le sujet

en expérience et l'expérimentateur peuvent constater, une ques-

tion psychologique s'attache à cette méthode. Jusqu'à quel point

le sujet en expérience peut-il se rendre compte du changement

de position que son bras a subi dans l'espace pendant l'expé-

rience ? Jusqu'à quel point peut-il se rendre compte de combien

ce bras s'est abaissé ou s'est relevé ?

- J'ai été frappé depuis longtemps de ce fait, que nous n'avions

aucune conscience de ces mouvements lents, même lorsqu'ils

nous ont fait parcourir un long trajet. Mes recherches actuelles

REVUE D ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 245

ont considérablement éclairé ce point peu connu. On ne se rend

guère compte de ce phénomène qu'en faisant des expériences

sur soi-même.

J'ai exprimé autrefois ce phénomène de la manière suivante :

« Si l'on fait l'expérience sur soi-même et que l'on veut tenir le

bras dans une immobilité absolue (le bras étant dans l'ex-

tension et tenant une plume à écrire dans la main) sans regarder,

on est tout étonné lorsqu'à la fin de l'expérience on jette un coup

d'oeil sur le tracé, et que l'on s'aperçoit que l'espace parcouru est

considérable. On est si fermement persuadé de n'avoir pas

bougé, que l'on recommence l'expérience plusieurs fois, et tou-

jours avec les mêmes résultats. Nous avons conscience des mou-

vements rapides, mais les mouvements lents, tout en passant

dans tous les muscles volontaires, échappent à notre conscience.

Dans les mouvements volontaires rapides, nous savons exacte-

ment qu'il s'est produit un mouvement et quel en a été le trajet,

ce qui nous échappe, c'est le moment précis de l'arrêt.

Ces études sur les mouvements peuvent être nommés pho ? ,oly-

tiques, de l'ancien mot plcoronomie, qui veut dire étude sur les lois

des mouvements. De là l'analyse des mouvements chez l'homme

vivant a été nommée phorolyse. Deux espèces de mouvements

échappent à notre conscience : I, ceux qui sont trop rapides et

dont les détails ne peuvent être saisis par nous; un exemple de

ce mouvement nous présente le pouls; nous avons recours au

sphygmographe pour étudier les détails du trajet de l'ondée san-

guine ; II, ceux qui, par leur lenteur, échappent aussi à notre*

conscience. «

Mais est-ce qu'une immobilité absolue est impossible (si nous

prenons comme mesure de temps toujours deux minutes) ? Le

grand nombre d'expériences auxquelles nous nous sommes livrés

a montré que la respiration même rendait cette immobilité abso-

lue, impossible, le bras prenant part aux mouvements de projec-

tion du thorax. Avant d'entrer dans plus de détails, je veux

citer des expériences sur les grenouilles, chez lesquelles l'influence

de la respiration est presque nulle. Les grenouilles, comme je

l'ai décrit dans mon article sur l'hypnotisme, peuvent être endor-

mies au moyen de manipulations simples. Etant ainsi hypnoti-

sées, les bras dans l'extension, je les plaçais devant le kymographe

et je prenais le tracé de leurs mouvements. La ligne de ce tracé

était presque droite, et le point de terminaison correspondait au

point de départ. Lés légères oscillations que l'on observait

étaient dues à l'influence de la respiration, mais elles étaient

tellement minimes qu'on pouvait les négliger.

La grenouille pouvant rester immobile pendant un quart

d'heure, nous reproduisions l'expérience plusieurs fois, et nous

obtenions toujours une ligne droite, sauf certaines secousses acci-

246 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.

dentelles, n'ayant aucune importance pour nos études. Les

muscles d'une grenouille sont en état de tenir une articulation

dans l'immobilité pendant plusieurs minutes; l'homme ne peut en

faire autant.

Si, en faisant abstraction des mouvements respiratoires, nous

observons la courbe que nous fournit un bras (l'expérience ayant

duré cinq, dix, quinze minutes), nous verrons que le tracé, arrivé

à son point de terminaison, ne correspond jamais au point de

départ, il se trouve plus haut ou plus bas. Chez l'homme, la

fatigue musculaire survient plus rapidement et, comme règle

générale, la ligne de la courbe s'abaisse; quelquefois, cependant,

on constate une élévation qui aussi est un résultat de fatigue

musculaire, comme nous le verrons plus loin.

L'immobilité, chez l'homme, peut difficilement être aussi abso-

lue que celle de la grenouille, pour toutes sortes de raisons, les

mouvements respiratoires, entre autres. Il y a cependant des

courbes qui, par leurs régularités, rappellent celles des gre-

nouilles. Ce sont les tracés fournis par des personnes apathiques

et indolentes. Un des sujets avec lequel je fis des expériences

répétées (sujet apathique et indolent), sans qu'il éprouvât de

fatigue musculaire, fournit une courbe qui, par sa régularité, se

rapprochait de celle des grenouilles; ces mouvements respira-

toires même avaient peu d'influence. Les expériences répétées

sur des sujets ordinaires finissent par produire de la fatigue ; nous

devons, en outre, prendre en considération l'état relatif de repos

ou de fatigue dans lequel on trouve le sujet avec lequel nous vou-

lons expérimenter.

Nous avons plus de mille courbes entre nos mains, des notes

sur l'état dans lequel se trouvait le sujet au moment de l'expé-

ience.

A côté de la courbe régulière de l'homme apathique, je place

des courbes d'une irrégularité extrême, provenant de sujets

faibles au point de vue intellectuel.

La courbe de la première planche provient d'un sujet physique-

ment fort et bien musclé, mais d'une faiblesse intellectuelle telle,

qu'il n'est pas en état de répondre par une phrase à la question

la plus simple. Il produit l'impression de ne pouvoir se souvenir

pendant quelque temps de l'ordre qu'il a reçu et bien compris de

tenir le bras immobile; au bout d'un certain temps, il semble

n'opposer aucune résistance à la pesanteur. Remarquons tout

de suite que la courbe de ce sujet ne diffère en rien de celle d'un

homme normal dont les muscles sont fatigués.

La courbe suivante (4) provient d'une jeune fille hystérique,

elle sert de type pour tous les sujets de même nature. Ici nous

ne voyons pas, comme dans la précédente, un abaissement gra-

duel, le tracé monte et descend sans aucune régularité. A côté

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 247

de ces courbes se trouve celle d'un homme normal z) qui a beau-

coup d'analogue avec celle du n° 1 ; mais ici, au lieu d'un sujet

apathique indolent, nous avons affaire à un jeune homme nor-

mal, fort bien musclé, qui oppose une résistance active à la force

de la pesanteur.

Les courbes peuvent en général servir d'illustration au carac-

tère et au tempérament d'un individu. Il est clair qu'un sujet

agité nous donnera une courbe différente de celle d'un homme

tranquille et phlegmatique.- Si l'agitation est considérable, nous

ne pouvons obtenir de courbe; nous en concluons que nous avons

affaire à un malade. Dans certains états mentaux que l'on

pourrait désigner de « maladies de la volonté », nous avons

obtenu de très jolis résultats. Nous avons fait beaucoup de

recherches sur des jeunes filles hystériques qui se trouvaient dans

un tel état de surexcitation qu'on les avait mises à l'hôpital des

aliénés; nous ne pouvons obtenir de courbes à ce moment, vu

leur état d'agitation; grâce à la faradisation, nous finîmes par

obtenir des courbes possibles. L'influence de la faradisation qui

était employée, plutôt comme moyen pédagogique, se faisait

souvent remarquer sur les tracés. Les courbes peuvent être d'une

certaine utilité pour les malades de cette nature, chez qui les

désordres s'observent plutôt dans leurs mouvements que dans

leurs discours. La méthode sert à laisser une image fixe de l'état

de la malade, image qui a plus de valeur que l'impression passa-

gère produite sur l'observateur. Cette méthode graphique est

préférable aux autres, parce que nous voyons intervenir la

volonté. Jusqu'à quel point la volonté est influencée par l'état de

la malade ? nous pourrons en juger facilement par les deux

courbes suivantes, qui appartiennent à la même jeune fille; sur

la première, elle se trouve dans son état normal ; la seconde

est faite au moment où elle souffrait de douleurs névral-

giques. La seconde s'abaisse considérablement. La volonté

en est affaiblie; je désire attirer l'attention sur ce fait que l'on

observe toujours un abaissement dans la courbe, lorsque la volonté

est affaiblie. Cette méthode peut être naturellement employée

dans toutes sortes de cas. Je n'en envisage que quelques-uns :

les enfants et les individus ayant une lésion du cerveau (parmi

ces derniers, les paralytiques généraux) présentent un intérêt

tout particulier. Chez ces derniers, les modifications de leur état

se constatent sur leurs courbes, comme nous avons pu nous en

assurer par. les tracés que nous avons pris. Chez les enfants, la

faculté de se tenir immobiles semble ne se développer qu'environ

vers cinq ans. Cette question aussi n'est qu'à l'étude et doit pré-

senter beaucoup d'exceptions individuelles. Je remarquerai pour

terminer ce chapitre, que la différence de sexe n'exerce aucune

influence sur cette méthode.

248 REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE.

Le second chapitre de cette étude est consacré à l'étude anato-

tomique et physiologique du bras, qui sert d'instrument à l'acti-

vité musculaire, et qui est envisagé comme un levier et soumis

aux mêmes lois physiques. Outre l'influence de la respiration, le

bras doit lutter contre la force de la pesanteur, au moyen des

muscles qui servent à l'élever. Pour tenir le bras dans la position

horizontale, le seul muscle qui intervient c'est le deltoïde, et il

doit déployer le plus de force pour le maintenir dans cette posi-

tion ; lorsque la fatigue musculaire survient, le bras s'abaisse, et

il se place alors dans des conditions plus favorables par rapport

à la pesanteur. L'on observe souvent sur les courbes que le tracé,

après avoir baissé à la suite de fatigue musculaire, reste station-

naire sur une ligne droite; ceci provient de ce que la fatigue

musculaire est compensée par les conditions favorables dans les-

quelles se trouve le bras par rapport à la pesanteur.

Lorsque, chez les personnes faibles, nous voyons le tracé baisser

rapidement, ce n'est pas parce que la pesanteur a pris le dessus,

mais aussi parce que le sujet, à la suite d'un grand nombre d'ex-

périences inconscientes, est arrivé à la conclusion qu'il devait dé-

ployer moins de force que s'il tenait le bras dans une position

horizontale. Cette tendance inconsciente à se placer dans une

position favorable pour n'avoir pas à lutter contre la fatigue mus-

culaire, s'observe souvent. Le sujet a recours à toutes sortes de

combinaisons de la flexion; il fléchit le coude, et dans ce cas

nous voyons se produire sur la courbe un phénomène qui, si nous

n'étions pas prévenus, aurait pu nous induire en erreur : le tracé

remonte lorsque le coude est fléchi.

Dans nos recherches, ces tendances du sujet à fléchir le bras

ne peuvent être considérées que comme signe de faiblesse. Plu-

sieurs sujets en expérience ne pouvaient lutter contre cette ten-

dance, même quand on attirait leur attention là-dessus. Ceci

nous amène à examiner des sujets malades chez lesquels on

observe souvent cette position. Il y a des sujets qui ont des lésions

du cerveau chez lesquels les tendances aux contractures s'obser-

vent dans les fléchisseurs du bras. Un fait connu depuis longtemps

c'est qu'à la suite d'hémiplégie, deux ou trois semaines après

l'attaque, le malade tient l'avant-bras et la main dans la flexion.

Dans des cas rares, cette tendance à la flexion survient dans tous

les muscles du corps. J'ai eu l'occasion de voir un exemple frap-

pant en 1884. C'était un homme de cinquante ans environ, chez

lequel on avait diagnostiqué une paralysie générale; il ne pouvait

redresser la colonne vertébrale, se tenait toujours penché; les

bras étaient dans la demi-flexion, les mains aussi; tous les fléchis-

seurs étaient contractés. Ce phénomène de contracture disparut

après la mort. Le malade ne pouvait relever la tête ni même les

yeux.

REVUE D'ANATOMIE ET DE PHYSIOLOGIE. 249

Un autre malade, Duhring, âgé de quarante ans, avait une

tendance remarquable aux contractures. Tous les quinze jours,

il avait des attaques pendant lesquelles il perdait la conscience

et ne savait plus ce qu'il disait ni ce qu'il faisait. La seule chose

intéressante pour nous, c'est que ces attaques sont accompagnées

de crampes dans le côté gauche du corps. Quelques jours avant

son attaque il se plaignait de tiraillements douloureux dans les

fléchisseurs du bras gauche et le sterno-cléido-mastoïdien gauche.

Après les tiraillements, on voyait survenir une contracture passa-

gère de ces muscles; il se plaignait aussi de crampes dans les

muscles de l'oeil gauche et des muscles innervés par le facial

gauche. Ce malade fut en observation pendant plus d'un an, et

l'on prenait son tracé de temp-j en temps. On constata pendant

assez longtemps que chaque fois l'on pouvait prévoir l'accès sur

la courbe; en effet, le tracé du bras gauche remonte à cause

de la contracture du biceps ; à droite, il n'y avait aucune alté-

ration. Ce phénomène s'observait deux ou trois jours avant

l'attaque.

Dans de telles circonstances, ma méthode est appelée à rendre

service puisqu'elle constate des troubles qui échappent à l'obser-

vation directe. Cette tendance à la flexion, qui se rencontre chez

beaucoup de malades, a encore été peu étudiée. Je dois cepen-

dant citer le travail du Dr Krauss, dans l'Allgemeiner Zeitchrift

sur Psychiatrie, 1883, qui attire l'attention sur ce fait, que la

tendance à la flexion se remarque dans beaucoup de maladies.

Un phénomène qui se constate très facilement par les courbes,

c'est le tremblement. On aurait pu établir des différences entre

le tremblement paralytique, le tremblement fonctionnel ou inten-

tionnel ; n'ayant pas eu de matériel sous la main, je n'ai pu

poursuivre mes observations. Je me borne à montrer une courbe

de tremblement sénile. Le tremblement alcoolique va être étudié

dans la seconde partie de cet ouvrage. Dans la Planche III, je

montre une courbe de tremblement simulé faite par moi. Pour

terminer, j'ai pris aussi la courbe d'un homme normal (PI. III, 1 4)

et PI. lit 15, celle d'un hémiplégique pour montrer quels services

cette méthode est appelée à rendre. E. lancuur.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

XIII. UN CAS DE CHORÉE TRAITÉ AVEC SUCCÈS PAR LE BROMURE

DE CAMPHRE ; SPÉCIMENS DE L'ÉCRITURE D'UN CHORÉIQUE ; i

par BoURNEVlLLE. (Progrès më ? 18S5, p. 488.)

Le bromure de camphre a été employé dans un grand nombre

de maladies et surtout dans les maladies nerveuses. En ce qui

concerne la chorée, M. le Dl Pathault ' a rassemblé quatre obser-

vations de cette maladie guérie par ce médicament, et dues à

MM. Lorain, Desnos, Gallard et des Brûlais. Un autre cas a

été rapporté par M. le DrPetrovitz2. Tout récemment M. Bour-

neville a publié un autre exemple que nous allons résumer

à grands traits et que nous reproduisons surtout à cause des

spécimens de l'écriture du malade.

Lal... (Henri-Ch.), est âgé de six anset demi. 11 est très nerveux

et d'un tempérament lymphatique. Il a eu une première attaque

de chorée en 4884. Elle a commencé dans les premiers jours de

juillet, à la suite d'unepeun, et n'a disparu qu'au commencement

d'octobre, c'est-à-dire après une durée de plus de trois mois.

Traitement : bains alcalins, valériane, toniques, bromure de po-

tassium, purgatifs.

Le 2 février 4885, nous revoyons cet enfant. Il a été pris, il y a-

huit jours, de mouvements choréiques. Sa mère avait remarqué

que, depuis trois ou quatre semaines, il devenait « songeur». Au-

cun autre prodrome. Début par la langue et la moitié droite de

la face, puis envahissement du bras et de la jambe du même côté,

et enfin des membres du côté gauche, mais à un moindre degré.

L'agitation est continuelle, avec exacerbation le matin. La nuit,

si on ne le maintenait, il tomberait de son lit; il a des frayeurs

et ne veut coucher que dans les bras de son père. Parfois il

ne peut rester assis. En buvant, il répand le contenu du verre.

1 Pathautt. Des propriétés physiologiques du Groneure cle cnneplu e et

de ses usages thcrapeuliques ; 2- édit., Paris, 1875.

2 Petrovitz. Elude clinique du bromure de camphre ; thèse de Mont-

pellier, 1875.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 251

Dans la marche, il se cogne les jambes et tombe souvent. 11 est

devenu très émotionnable : si on le regarde, il s'imagine qu'on se

moque de lui et pleure. Son caractère est très modifié : il déchire

ses effets, ses bas, ses souliers, etc., tandis qu'auparavant il était

très soigneux. Il parle en mâchonnant, en coupant les mots, bave,

se mord la langue. Hier matin, il a fait une chute, a eu peur, et,

depuis ce moment, l'agitation aurait un peu diminué. Céphalalgie;

pas de vomissements, constipation. Au dynamomètre Mathieu :

5 à droite, 9 à gauche. Traitement : purgatifs, valériane, sirop d'io-

dure de fer ; 2 gr. de bromure de potassium.

42 février. La mère de L... prétend que l'agitation a peu di-

minué ; qu'elle est plus forte de deux jours l'un. Ainsi, elle est

plus prononcée aujourd'hui qu'hier : parole difficile, grimaces

incessantes, mouvements continuels des bras, des jambes. La

marche est difficile, titubante; les pieds s'appuient mal, le droit

frotte le sol et se soulève plus haut qu'il ne convient; les jambes

sont projetées de côté; l'enfant s'arrête brusquement et repart

plus vite qu'il ne voudrait. Parfois, le corps s'incline latéralement

en avant ou en arrière. La joie ou les contrariétés augmentent le

désordre musculaire. - Les fonctions digestives s'exécutent bien,

mais la constipation persiste. Traitement : 2 capsules de bro-

mure de. camphre le soir pendant deux jours; 2 matin et soir

pendant cinq jours; ensuite 2 le matin et 3 le soir; le reste

ut supra.

49 février. Au lieu de suivre

exactement la prescription,

la mère de L... lui a donné

dès le premier jour deux cap-

sules le matin et trois le soir.

Une amélioration de plus en

plus marquée s'est produite à

partir du 4 4 jusqu'à hier soir.

A ce moment, sans cause

connue, l'agitation a reparu

tout d'un coup : mouvements

de la tête, des yeux , des

membres, envie de pleurer,

etc. On l'a couché, et peu

après il s'est endormi. Dans

la journée, il avait été triste,

avait refusé de jouer avec ses

frères et était resté couché

sur un tapis. Ce matin, l'en-

fant se présente à nous dans une situation en tout semblable à

celle que nous avons décrite il y a huit jours. Il essaie d'écrire son

nom ; tout son corps remue, ses pieds battent le parquet, la plume

252 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

lui échappe; enfin, après des efforts réitérés, il arrive à tracer

le barbouillage représenté fig. 7.

Traitement : 2 capsules de bromure de camphre du 20 au 1-5; -1 le

matin et 2 le soir du 26 au 28 ; 2 matin et soir du fer au 5 mars;

sirop d'iodure de fer, tisane de valériane, bains alcalins.

5 mars. On note un mieux sensible. L'enfant boit seul, s'ha-

bille, mais ne peut se boutonner, parle plus facilement, etc. La

chorée, qui prédominait à droite, semble à peu près égale des

deux côtés. Même traitement.

19 mars. L'amélioration a continué : L... mange seul saus trop

d'inconvénients; saute à la corde, siffle, est moins impression-

nable, n'a plus peur la nuit et couche seul. Il peut maintenir

les mains- appuyées sur la table sans bouger durant une minute

environ. Il écrit encore illisiblement (fig. 8). Les grimaces sont

intermittentes. La parole est plus libre. La marche est plus

assurée, il ne se cogne ni ne tombe plus. Au dire de sa mère, L...

a grandi de 4 centimètres. Traitement : Les capsules, suppri-

mées le 16 mars, sont reprises ;huile de foie de morue, vinde,

gentiane, etc.

26 mars. Le mieux se soutient. L... mange avec une fourchette

se déshabille, s'habille, se boutonne seul, casse du bois, etc.

Même traitement, mais suppression du bromure de camphre.

16 avril. L'enfant parait à peu près guéri : parole libre, absence

de grimaces, mouvements des membres réguliers, marche na-

turelle : cependant sa mère dit qu'il lui arrive quelquefois de se

pencher brusquement comme s'il allait tomber. Le sommeil est

bon. Toutes les fonctions s'accomplissent bien. Son écriture com-

mence à être régulière (/t<7. 9).

Fig. 8.

' tig. 9. .

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 253

30 avril. L... est guéri. Sa mère, interrogée sur le médicament

qui, selon elle, a le plus heureusement agi, a déclaré aussitôt que

ce sont les capsules.

21 mai. L... n'a pas eu de nouveaux accidents. Son écriture a

repris les caractères qu'elle avait avant sa maladie (fig. 10).

Cette observation s'ajoute à celles qui ont été rapportées

par les auteurs pour montrer qu'il est possible de recourir

avec avantage au bromure de camphre dans le traitement

de la chorée. Il va de soi que l'on doit agir avec prudence,

commencer par des doses faibles, que l'on élève progres-

sivement. Dans le cas actuel, nous avons fait prendre les

capsules du matin dans l'huile de foie de morue, qui en ren-

dait la dissolution plus rapide.

XIV. CONTRIBUTION A la localisation DU CENTRE ANO-VSICAL DE

LA MOELLE ÉP1N1$DE DE L'HOnIME; par KIRC11ROFr A7·C)b. f. Psych.,

XV, 3).

Un homme de trente ans fait une chute de cheval sur les fesses;

il est atteint de paraplégie avec ischurie. La paraplégie disparait

au bout de trois mois. Trois semaines plus tard se manifestent de

l'incontinence de l'urine et des matières, puis une cystite opi-

niâtre en dépit du traitement, et finalement de la pyélonéphrite

qui tue le malade dix-neuf mois après sa chute. Autopsie : spon-

dylite traumatique guérie, au niveau de la première lombaire,

ayant déterminé une compression de la moelle, aplatie à trois cen-

timètres au-dessus du filum terminal. L'examen histologique

révèle : une atrophie extrême de tout le cône médullaire au point

d'émergence des troisième et quatrième paires sacrées; une coupe

transverse montre en particulier que les cordons antérieurs et

postérieurs droits sont excessivement réduits ; du cordon latéral

il ne reste qu'une petite portion entre les cornes antérieure et

postérieure; dans la corne antérieure droite, les cellules nerveuses

ont presque entièrement disparu, mais les fibres nerveuses émer-

gentes sont intactes. C'est aux altérations du cône que M. Kir-

chhoff rattache les accidents anovésicaux; le centre de ce nom

siégerait, pour lui, à la région dont émanent les troisième et

quatrième paires sacrées y compris le noyau sacré de Stilling qui

est placé là. P. K.

fï^, 1 U . *

254 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

XV. Expériences pour servir A l'étude DE la pathologie ET DE la

THÉRAPEUTIQUE DE LA NEURASTHENIE CÉRÉBRALE ; par ANJEL (Arch-

Psycit., XV, 3).

Chez un individu sain-toute activité cérébrale, quelle qu'en soit

l'origine, se traduit par une diminution de volume des vaisseaux

périphériques (exp. au pléthysmographe de Mosso). Or cela n'a pas

lieu chez le neurasthénique parce que l'appréhension causée par

l'intervention expérimentalelaplus simple détermine uneirritatiun

cérébrale qui a pour effet de produire le phénomène en question

avant qu'on agisse; il ne peut donc plus se produire au moment

où on observe. Une fois que le neurasthénique est aguerri, les

vaisseaux du bras répondent promptement par leur rétraction à

des impressions cérébrales faibles, de même que chez l'homme

sain, mais alors la diminution de volume subit pendant l'expé-

rience des oscillations témoignant de l'irritabilité cérébrale; ces

oscillations ont lieu à intervalles inégaux; de plus, quand on a

cessé d'agir, l'équilibre normal se rétablit très lentement et par

ondulations alternantes. Si l'on relève artificiellement par un

repas, un verre de vin, la tonicité vaso-motrice du neurasthé-

nique, on rétablit chez lui les conditions physiologiques de l'anta-

gonisme entre la circulation cérébrale et la circulation périphé-

rique; inversement on peut transformer momentanément un

sujet sain en neurasthénique, en lui faisant subir une impression

douloureuse ou l'ivresse du tabac : le pléthysmographe répond

dans le sens indiqué.

Conclusions pratiques. Il existe trois classes de neurasthénies

consistant eu troubles de l'innervation vaso-motrice sous l'in-

fluence des passions dépressives, des excès sexuels, des excès de

tabac. Toutes les fois qu'on ne relèvera pas ces causes, il s'agira

de simples troubles fonctionnels de l'innervation. Le surmenage

somatique,les refroidissements, la misère entraînent de profondes

altérations organiques d'ordre dystrophique aboutissant à l'irri-

tation spinale dont le pronostic est douteux, tandis que celui de

la neurasthénie est favorable. La physiologie pathologique et la

thérapeutique découlent tout naturellement des notions précé-

dentes. P. K.

XVI. SUR les phénomènes MUSCULUIOES; par C. REINHARD

'Aî-ch. f. Psych., XV, 3.).

Les phénomènes musculaires sont des processus moteurs déter-

minés dans un muscle par l'excitation mécanique de ce muscle.

Ils se divisent en : 40 une contraction totale constituée par une

onde contractile qui s'étend rapidement à la masse; 2° une con-

traction limitée au lieu d'incitation, marchant lentement et affec-

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 255

tant la forme 'de bourrelet circonscrit : contraction locale,

idiomuscttlvire. Ces deux formes de contractions peuvent être pro-

voquées chez les individus dont le système nerveux et musculaire

est sain, ainsi que chez les aliénés dont le système moteur est

demeuré intact, mais la contraction locale exige l'intervention

d'une excitation bien plus considérable que la contraction totale.

Les phénomènes musculaires persistent pendant le sommeil.

PendantJa narcose chloroformique, une excitation faible suffit à

engendrer une contraction locale; même réflexion, en ce qui

concerne l'agonie. On les perçoit encore après la mort, à moins

qu'il ne s'effectue une rigidité cadavérique très précoce; la con-

traction totale sera par exemple provoquée une heure après l'is-

sue fatale, la contraction locale, cinq ou six heures après.

Leurs allures dans les maladies du système moteur.

Io Il n'y a alors que peu de cas, il n'y a même que certains stades de

paralysie centrale non atropllique, dans lesquels l'excitabilité mécanique

des muscles demeure normale en tous sens. 2° Dans la pluralité des

faits, dans la majorité des stades de cesformes de paralysies, la quantité

de l'excitabilité mécanique du muscle est modifiée. En ce qui concerne la

contraction totale, celle-ci est ordinairement diminuée dans la paralysie

flasque, augmentée dans la paralysie avec rigidité : la contraction locale

n'est point altérée dans ces états. 3" Les paralysies atrophiques s'ac-

compagnent de modifications non pas quantitatives, mais qualitatives, de

l'excitabilité mécanique des muscles; on constate que le mode de con-

vulsions ou de contractions normales se pervertit ; le phénomène se produit

et disparaît très lentement, tant à l'égard de la contraction locale que de

la contraction totale.

Pour M. Reinhard, la contraction totale est un réflexe : elle

émane de l'enveloppe et des cloisons sarcolemmatiques du muscle ;

la contraction locale résulte de l'actionnement direct, sans l'inter-

médiaire de l'influx nerveux, de la substance contractile qu'un

excitant mécanique fort place dans un état voisin de la dégéné-

rescence semblable à celui qui provient d'une grande lassitude.

P. K.

XVII. Sur LES limites DU sens DE la température A l'état sain

. ET A l'état malade ; par J. Donath (Arch. f. Psych., XV, 3).

Travail fait à la clinique des maladies nerveuses de la Charité

de Berlin. L'auteur s'est proposé de déterminer les températures

les plus élevées et les plus basses qui commencent à se trans-

former en perceptions douloureuses. Il a dans ce but inventé un

instrument destiné à préciser la limite algigèize des températures

inférieures (cryalgimètre) et un autre appareil capable d'indiquer

le point algigène des températures supérieures (thermalgimètre).

Ces deux genres de thermomètres divisés en cinq dixièmes ont

256 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

une amplitude : le premier de - 480 à + 34° C.; le second de +

29" à + 1050. Il a soumis à son examen six individus sain (cinq

étudiants et un médecin) et dix tabétiques.

A. Individus sains. Douleur provoquée par le froid. Cette limite

varie, selonles divers endroits du revêtement cutané, entre-11,4 et+2,8.

La peau du ventre et la face dorsale du coude présentent le maximum de

sensibilité ; la pulpe des doigts est la moins sensible. La face antérieure

du tronc est plus sensible que la face postérieure; les extrémités supé-

rieures le sont plus que les extrémités inférieures; le côté gauche, plus

que le côté droit ; la différence moyenne entre les deux côtés oscille entre

0, 0 et 2,8. Individualités très marquéesde la sensibilité des divers sujets ;

différences variant entre 1, 5 et M, 5. 2° Douleur provoquée par la cha-

leur. Variation moyenne, selon les divers endroits, entre 36, 3 et 52, 6.

Insensibilité toute spéciale des extrémités des doigts ; sensibilité modérée

de la pointe delà langue, sensibilité plus grande du côté gauche : diffé-

rence moyenne entre le côté gauche et le côté droit, 0, 0 à 3, 4. Indivi-

dualités suivant les sujets, 2,0 à 31, 0. L'écart entre la limite infé-

rieure et supérieure du sens thermique, son amplitude différentielle

totale, abstraotion faite' des particularités régionales de l'économie, va en

ce qui concerne les divers points de la peau, de 35, 1 à 64 ; en ce qui

concerne les côtés droit et gauche du corps, de 0, 0 à 3, 8 (le côté gauche

est le plus sensible à la douleur).

B. Les tabétiques comparés aux individus sains. 1° Chez la plupart

des tabétiques, la douleur thermique ne se montre que lorsqu'on arrive

aux températures élevées ; parfois cette sensibilité douloureuse est dimi-

nuée. 2° Même observation, mulatis, nautandis, en ce qui regarde la

cryalgie ; assez souvent c'est en vain qu'on prolonge l'action de très basses

températures, on ne provoque pas de douleur. 3o C'est généralement

sur les extrémités inférieures qu'on rencontre la plus forte diminution

de la thermalgie et de la cryalgie; puis vient le tronc ; plus rarement c'est

sur les extrémités supérieures qu'on effectue cette constatation.

Conclusion physiologique. La douleur produite par le froid ou la

chaleur constitue une sensation bien plus grossière que la per-

ception de la température (degrés de chaleur modérés), et il s'en

faut de beaucoup que cette sensation douloureuse possède la

finesse de différenciation de la sensation physiologique du milieu

ambiant. Six tableaux à l'appui. P. K.

XVIII. Contribution A la QUESTION DES TROUBLES trophiques DE la

peau chez LES tabétiques ; par G. Rossolymmo (Arch. f. PSJCh.,

XV, 3).

Observation concernant un homme de quarante et un ans. La

face présente à droite, surle front, la tempe, la joue et le côté cor-

respondant du nez, des macules de vitiligo très nettes; là où il y a

des poils, ceux-ci sont devenus gris; aucune anomalie des sécré-

. tiens sudoripare ou sébacée, ou de la sensibilité dans les endroits

en question. L'auteur rattache cette anomalie au trijumeau et,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 257

en particulier, à la racine ascendante droite de ce nerf atteinte

par propagation de la dégénérescence du cordon postérieur du

même côté. Pas d'autopsie. P. K.

XIX. SUR un cas d'affection spinale avec cécité ET paralysie géné-

RALE. Diagnostic précoce par constatation DE l'absence DU phé-

KOMËNE du genou ; par C. WESTPHAL (Arch. f. Psileh., XV, 3).

Un professeur de gymnastique de quarante-cinq ans, un peu

exalté de caractère, atteint de syphilis il y a quatre ans, se plaint

en 1878, à la suite d'une attaque d'hémianopsie accompagnée

d'aphasie, d'une série de sensations subjectives; en même temps

il se montre agité, anxieux, hypochondriaque; absence complète

de réflexe tendineux rotulien. Au mois d'octobre 1880, lésion du

nerf optique aboutissant promptement à une cécité absolue; en

1882, ces phénomènes se compliquent de troubles légers dans

l'évacuation vésicale. Au commencement de 1883, mégalomanie

avec agitation maniaque, inertie des pupilles, léger trouble de

la parole; absence de phénomène du genou : pas d'ataxie, col-

lapsus rapide entraînant la mort en quatorze jours. Autopsie.

Aucune lésion syphilitique. Atrophie simple, mais générale des

nerfs optiques. Lésion des cordons postérieurs sous forme d'une

étroite bande longeant les cornes postérieures, depuis la moelle

cervicale jusqu'à la partie moyenne de la région dorsale; à partir

de la région dorsale inférieure, l'altération s'étend à presque

toute la coupe des cordons en question, pour épargner, dans la

région lombaire, de larges segments périphériques du même

système : atrophie des racines'postérieures de la moelle lombaire.

L'absence du réflexe tendineux rotulien fut par conséquent le

signe unique et précoce de la lésion spinale dont la délimitation

explique le mutisme; l'absence de ce réflexe est en rapport avec

la localisation dorsale inférieure et lombaire supérieure de la

moelle. Planche à l'appui. P. K.

Archives, t. XI. 17

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE .

Séance du t'a janvier 1886.

Présidence de MM. DAGONET et Semelaigne.

M. Dagonet, avant de céder le fauteuil de la présidence à

M. Semelaigne, résume les principales discussions qui ont pris

naissance dans le sein de la société pendant l'année; il procède

ensuite à l'installation du nouveau bureau.

M. LE secrétaire général donne lecture du discours qu'il a

prononcé sur la tombe du regretté M. Dechambre, membre fonda-

teur de la société.

M. Motet fait un intéressant compte rendu du congrès anthro-

pologique de Rome.

Des signes physiques intellectuels et moraux de la folie héréditaire.

(Suite de la discussion.)

M. Cotard rend hommage à la vérité des tableaux cliniques

présentés par MM. Falret etMagnan; mais il critique Je nom de

folie héréditaire. Il critique également la théorie de Morel qui fait

de la transmission héréditaire une cause créatrice d'une forme

spéciale de vésanies. Il admet volontiers qu'un germe morbide soit

transmissible, mais il lui est moins aisé de concevoir que la trans-

mission elle-même soit un germe. C'est seulement en pathologie

mentale que l'on admet comme loi de l'hérédité la reproduction du

dissemblable et comme caractère propre de l'héréditaire de ne pas

ressembler à ses ascendants.

Il faudrait des faits bien démontrés pour faire accepter une

proposition aussi paradoxale. M. Cotard, sans se prononcer sur ce

point, ne croit pas démontré que les malades dits héréditaires,

soient plus imprégnés d'hérédité que les autres aliénés. Il cite les

travaux de MM. Billod etLasègue qui ont cherché à établir que la

folie dite héréditaire peut se produire en dehors de l'hérédité.

L'importance du rôle de l'hérédité doit être réduite, et il faut

admettre que d'autres causes peuventproduire la folie héréditaire,

SOCIÉTÉS SAVANTES. 259

et on se demande si ces autrescauses nesontpas également actives

même dans les cas où l'hérédité existe et si ce n'est pas à elles plutôt

qu'à l'hérédité que l'on doit rapporter les caractères spéciaux

de la folie héréditaire. Cherchant quelles peuvent être ces condi-

tions étiologiques, M. Cotard attribue la plus grande importance

à la priorité d'apparition des troubles mentaux; les héréditaires

sont avant tout des congénitaux, des infantiles et des junéviles. La

cause qui a agi importe peu ; c'est l'âge où le malade a été atteint

qui détermine la forme du mal. Il est plus étonnant de trouver

des différences entre la folie datant de l'enfance qu'entre les para-

lysies de l'adulte et celles de l'enfance, entre la surdité de l'adulte

et la surdi-mutité de l'enfance.

L'étiologie de la folie dite héréditaire doit se confondre avec

celle des anomalies et des monstruosités. L'apparition d'indi-

vidus anormaux est un fait biologique extrêmement général qui

s'observe chez les animaux et chez les végétaux aussi bien que

chez l'homme. C'est se placera un point de vue trop étroit que de

l'attribuer exclusivement à l'hérédité névropathique.

111. FALnET. M. Cotard nous dit, en somme, que, d'après nous, l'hé-

rédité consisterait en ce que les enfants ne ressemblassent pas à

leurs parents. Leslois normales de l'hérédilé sontlaressemblance

entre l'ascendant et les descendants. L'hérédité pathologique seule

est contraire à la physiologie. M. Cotard nous rappelle ensuite les

faits de Lasègue et de M. Magnan qui citent des exemples d'indi-

vidus normaux devenus, à la suite soit d'un traumatisme ou d'une

affection aiguë, comparables aux héréditaires propres. C'est là

un point qui mérite encore de fixer notre attention, mais ces excep-

tions n'empêchent pas de formuler cette opinion que la folie

héréditaire a des caractères spéciaux qui permettent d'en faire

une forme à part de la folie.

M. Bouciiereau voit avec peine s'établir une confusion entre

la folie héréditaire et la folie des dégénérés. Les premiers sont

des gens qui, vers trente ou quarante ans, ont des accès mélanco-

liques comme en ont eu leurs parents ; les dégénérés, au contraire,

se montrent, dès les premières années, sous des aspects qui leur

sont spéciaux.

M. REY, qui; a expérimenté l'action sédative de l'acéto-phénol

dans l'excitation maniaque expose des faits dont les résultats sont

négatifs. 1lf.ncer. BRIAND.

Séance du 30 novembre 1885. Présidence de M. D ? 60NET.

Présentation de malade. Suspension de la parole pendant vingt

ans chez un idiot.

M. Charpentier présente un idiot qui, ayant perdu pendant

260 SOCIETES SAVANTES.

vingt ans la parole a pu retrouver dernièrement cette faculté après

quelques applications de courants induits. 11 ne s'agit pas, à pro-

prement parler, d'une suspension complète du langage; le malade

a toujours pu dire quelques mots. Voici, du reste son vocabulaire :

« Oui, non, je ne sais pas, je voudrais retourner à la troisième

où je suis bien. » On n'en pouvait rien tirer autre chose. Il était

tombé dans le mutisme à lasuite d'uu coup qu'il avait reçu sur la

tête à l'âge de cinq ans en allant à l'école, et dont il s'était montré

très effrayé. Aujourd'hui, il répond assez nettement aux questions

qu'on lui pose, et parle même avec une grande volubilité ; il

chante et tient des discours interminables.

M. BRIAND. Ce sujet est des plus intéressants surtout, si l'on se

place à un autre point de vue que celui où s'est placé M. Charpen-

tier. Je ne crois pas, en effet, que nous soyons en présence d'un

idiot, car je ne vois pas trop comment il aurait pu guérir;

d'ailleurs, abstraction faite de l'âge, cet homme, à première vue,

aurait plutôt l'air d'un délirant chronique marchant vers la dé-

mence ; mais l'observation m'amène plutôt à penser que nous

avons affaire à un état mélancolique voisin de la stupeur et peut-

être consécutif à un traumatisme survenu chez un enfant faible

d'esprit, aujourd'hui en voie de guérison. Les secousses électri-

ques l'ont fait sortir de sa torpeur, tout comme les douches

agissent chez certains mélancoliques à la fin de leur accès. La

loquacité du malade me semble une preuve de plus en faveur de

cette manière de voir, et il n'y aurait rien de surprenant à ce

qu'un jour ou l'autre, cet individu s'excitant, son accès mélanco-

liquese transforme en accès maniaque.

.M. BOUCHEIIEj £ a aussi noté sur le certificat qu'il a délivré au

malade lors de son passage à Sainte-Anne, certaines tendances

mélancoliques qui l'ont frappé.

M. CIIIiI5Tt.lN. Je suis entièrement de l'avis de M. Briand; il ne

s'agit pas d'un idiot. Je vois là, seulement un enfant qui n'a mar-

ché qu'à trois ans, qui était d'une intelligence au-dessous de la

moyenne, mais qui cependant jusqu'à l'âge de cinq ans, allait à

l'école et se comportait comme les autres enfants. A cet âge, il

est frappé à la tête, il rentre chez lui très effrayé. Cette frayeur

ne suffit-elle pas à expliquer l'état de stupeur dans laquelle il est

resté vingt ans ?

Un jour, sous l'influence de courants électriques ou de toute

autre cause, il sort de cet état de stupeur, et parle. Mais il n'y a

rien d'étonnant à ce qu'il ait un vocabulaire plus étendu qu'à cinq

ans; pendant toute sa période de stupeur, il a entendu ce qui se

disait autour de lui; il a dû en garder quelque chose. Ces objec-

tions n'enlèvent d'ailleurs rien à la rareté et à l'intérêt de l'ob-

servation.

SOCIETES SAVANTES. 261

M. Charpentier ne tient pas au diagnostic d'idiot pourson sujet;

il a surtout voulu présenter à la société un malade qui, après vingt

ans, a pu retrouver la parole.

Des signes physiques, intellectuels et moraux de la folie hérédi-

tuire. '

M. F.LRET est parfaitement d'accord sur l'ensemble de la ques-

tion avec M. Magnan. 11 rappelle que deux opinions distinctes

règneiit sur le rôle que l'hérédité joue en pathologie mentale :

les uns admettent, avec Esquirol, l'hérédité comme cause de

la folie,mais ne luifont jouer qu'un rôle étiologique sans influence

sur la forme morbide. Les autres au contraire pensent, aveemorel,

qu'il excite un groupe de folies héréditaires ayant ses caractères

particuliers.

M. Magnan, dans son enseignement et ses communications,

admet, en dehors de cela, une folie particulière, se manifestant dès

l'enfance par des signes particuliers. C'est cette opinion que

partage M. Falret et qu'il voudrait voir adopter. Il est nécessaire

aussi de savoir, dit-il, que tous les héréditaires ne sont pas fata-

lement des aliénés ; il faut, pour devenir aliéné, autre chose qu'une

prédisposition héréditaire; c'est la cause occasionnelle. Elle inter-

vient dans certaines circonstances fort intéressantes à étudier et

transforme en un certain moment la simple prédisposition en

folie confirmée. La médecine légale a surtout besoin de connaître

ces faits pour l'appréciation des responsabilités. M. Magnan a très

logiquement agi en commençant par décrire les idiots les plus

défectueux pour arriver à ces originaux ne présentant que quel-

ques particularités maladives; mais je crains qu'il ait trop facile-

ment admis, parmi ses héréditaires, des êtres physiologiques

anormaux, des prédisposés, plutôt que des héréditaires confirmés.

J'admets, avec lui, la même distinction entre ces deux derniers

états, mais je crois que nous ne mettons pas au même niveau la

ligne de démarcation qui les sépare. Il me semble aussi, conti-

nue M. Falret, que M. Magnan a encore trop étendu le cercle des

folies héréditaires déjà trop large. Pour lui, il n'y aurait que peu

de folies : 1° les folies organiques dont la paralysie générale est

le type; 2° les folies vésaniques; 3° les folies héréditaires, compre-

nant tous les degrés de la faiblesse intellectuelle, les délires

émotifs, etc. Est-il cliniqne de faire une catégorie aussi étendue ?

Ne serait-il pas bon d'y faire des divisions, de séparer les espèces

et les variétés. M. Magnan a raison de condamner les subdivisions

à l'infini, qui sont en contradiction avec la clinique, mais il

importe aussi de ne pas créer de groupes trop étendus. J'estime,

par exemple, que la folie du doute, celte affection qui entre cer-

tainement dans le cadre des folies héréditaires, mériterait une

description spéciale et une place à part dans un groupe déterminé.

262 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Enfin, notre collègue a. cherché à démontrer le rapport existant

entre certains types de folies héréditaires et certaines lésions

organiques. Peut-être a-t-ilélé un peu loin, car l'histoire des loca-

lisations cérébrales est troppeu avancée pour qu'on soit très affir-

matif sur toutes les questions qui en découlent.

M. Magnan, maintenant que la discussion est ouverte, voudrait

que tous les membres désireux de prendre la parole dévelopas-

sentleur opinion pour qu'il puisse en reprendre les points princi-

paux et les discuter. M. B.

Séance du 29 décembre 1885. Présidence DE M. DAGONFT.

Renouvellement du, bureau. Après élections, le bureau de la

Société est ainsi composé pour l'année 1886 : président, M. Sé-

melagne; vice-président, M. Magnan; secrétaire général,

11f. Ritt; - secnétaires atztzuels, 111A1. Charpentier et Garnier;

trésorier, M. A. Voisin.

Prix Aubancl. Sont nommés membres de la commission du

prix Aubanel : MM. Falret, Magnan, Legrand du Saulle, Chris-

tian, et Charpentier, rapporteur.

Pria; Esqidrol. Sont nommés membres de la commission du

prix Esquirol : MM. Baillarger, Foville, Blanche, Métivipr, et

Briand, rapporteur.

Pria; Belhomme. La commission du prix Belliomme est com-

posée de MM. Delasiauve, Motet, Legrand du Saulle, Féré, et

Ballet, rapporteur.

Prix Moreau de Tours. Sont nommés pour faire partie de la

commission du prix Moreau de Tours : MM. Bouchereau, Voisin,

Cotard, Paul Moreau de Tours et Briand. M. B.

Séance du 22 février 1886. Présidence de M. Semelaigne. '

Des signes physiques intellectuels et moraux de la folie héréditaire.

' M. Charpentier combat le groupe de la folie héréditaire avec

les arguments suivants : 4 la dénomination de folie héréditaire

est inexacte; 2° la folie héréditaire admise par les auteurs ! qui

veulent la faire entrer dans le cadre nosologique de la pathologie

mentale, n'est pas limitée; 3- les folies comprises sous cettedéno-

mination n'ont aucun caractère commun ; 4° le groupe folie héré-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 263

ditaire comprend des folies disparates; 5° les faits de M. Falret

s'éloignent des autres groupes morbides, et ne se soutiennent entre

eux que par des caractères négatifs; 6° si les dégénérés de

M. Magnan doivent entrer dans le groupe de la folie héréditaire,

comme ces dégénérescences reconnaissent à l'origine des états

morbides chez les ascendants, il reste à déduire que ce groupe se

compose de toutes les folies héréditaires transmises par hérédité;

7° les recherches en pathologie ordinaire et surtout de pathologie

cutanée ont peu porté jusqu'alors sur les caractères particuliers

des maladies transmises par hérédité ; 8° le groupe des folies

héréditaires est le résultat de la méthode synthétique qui n'est

pas applicable à la pathologie mentale laquelle, en raison de son

développement tardif et lent, doit rester analytique; 9° il y a des

contradictions nombreuses au sujet du caractère particulier des

folies héréditaires; 10° les stigmates physiques doivent être ré-

servés exclusivement aux dégénérés; il y a d'ailleurs des dégénérés

à stigmates physiques sans folie; 11° le groupe des folies héré-

ditaires n'est utile ni au point de vue scientifique de classification

ni au point de vue médico-légal.

Les conclusions de M. Charpentier peuvent ainsi se résumer :

A. L'expression du fou héréditaire est à conserver parce que tout

les aliénistes se comprennent en employant cette expression; B.

Le groupement des folies en folies héréditaires ne peut être tel

que si on veut se borner à étudier l'influence de l'hérédité. Dans

ce cas, il faut alors distinguer entre eux : les héréditaires d'ordre

congestif ou par trouble circulatoire; les héréditaires d'ordre

vésanique ou par diathèse névropathique ; les héréditaires par

diathèse constitutionnelle ou toxique ; les dégénérés de M. Ma-

gnan ; C. Un groupe qui pourrait seul être appelé folie hérédi-

taire, car il est limité, restreint et q'uil comprend les folies les

plus difficiles à apprécier, serait celui de la folie morale, raison-

nante,' lucide, instinctive.

M. Garnier donne lecture d'un rapport de candidature, à la

suite duquel M. Saury est nommé membre titulaire.

M. Voisin rapporte, sur la demande de M. Legrand du Saulle,

plusieurs observations d'aliénées qu'il aurait guéries par l'hypno-

tisme et la suggestion. Le procédé opératoire est des plus simple.

M. Voisin se trouve-t-il en présence d'une malade qui a des hal-

lucinations ? 11 l'endort et lui suggère l'idée de n'en plus avoir ?

S'agit-il d'une dipsomane ? Il lui persuade de ne plus boire; il

donne en ce moment même ses soins à une épileptique, auquel il

a suggéré l'idée de s'arrêter dans son attaque, dès qu'il est pré-

venu par l'aura.

M. BLANCHE trouve le mot de guérison un peu vite prononcé, il

demande à faire sur ce. point de sérieuses réserves; il propose la

264 SOCIÉTÉS SAVANTES.

nomination d'une commission qui se rendrait à la Salpôtrière

pour assister aux expériences de M. Voisin.

M. G.utKOEH fait observer que toutes les malades guéries par

M. Voisin avaient des hallucinations de la vue; il en conclut qu'il

s'agit probablement d'hystériques; ainsi s'expliquerait le peu de

durée des accès.

M. Christian demande à M. Voisin comment il se fait que

l'attaque d'épilepsie, dont la manifestation échappe si complè-

tement à la volonté du malade, puisse subir l'influence de cette

.volonté, si le sujet a été hypnotisé, au point de faire avorter son

attaque. z

M. Foville se montre surtout surpris des résultats obtenus chez

les dipsomanes auxquelles l'idée de ne plus boire a été suggé-

rée.

M. VoistN. J'en suis moi-même très étonné, mais mes dipso-

manes m'ont affirmé qu'elles ne buvaient plus. Depuis fort long-

temps, mon épileptique n'a pas de grandes attaques; cependant,

dans un accès de délire post-épileptique, il a écrit une lettre dont

il n'a pas gardé le souvenir.

M. Blanche. Cette lettre était-elle sensée ?

M. Voisin. Oui.

SI. Magnan. Je n'ai, pour ma part, jamais vu un épileptique

accomplir dans un accès aucun acte inconscient raisonné, tandis

qu'au contraire j'en ai vu souvent accomplissant des actes incons-

cients, incohérents et automatiques. Peut-être M. Voisin a-t-il eu

affaire à un hystérique, et alors tout s'expliquerait.

M. Garnier propose l'ordre du jour suivant qui est adopté : la a

Société médico-psychologique, considérant que les faits exposés

par M. Voisin nécessitent un examen plus complet, nomme une

commission choisie dans son sens à l'effet de les constater.

MABCEL Brigand.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN

Séance du 15 décembre 1881 '.

" M. Loehr, senior, ouvre la séance par la communication des

excuses présentées par les collègues empêchés. Il prononce en

1 Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. 1 il.

SOCIETES SAVANTES. 265

quelques mots bien sentis l'éloge du profeseur Neumann décédé;

l'assistance se lève en l'honneur de sa mémoire.

M. Koenig (de Dalldorff) présente un cerveau d'idiot. Il s'agit

d'un enfant de onze ans, mort le 19 novembre dernier.

C'était le quatrième rejeton d'une mère syphilitique, infectée

trois mois avant sa conception par son mari, buveur acharné.

Cette femme ne suivit le traitement convenable qu'après l'accou-

chement. Elle prétend cependant que l'enfant en question serait

venu au monde bien portant; vers la fin de sa première année,

on aurait constaté un marasme qui se prolongea plusieurs mois

pour se terminer par la paralysie de toutes les extrémités.

Rougeole dans sa neuvième année. N'a jamais appris à parler

ni à marcher. Le 47 avril, jour de l'admission à l'asile, voici ce

que l'on note : Taille, un mètre; enfant faible, fortement amaigri,

demeurant dans le décubitus dorsal, la tête un peu fléchie en

arrière. Visage pâle et défait. Pas de raideur delà nuque. Crâne

petit, mésocéplale, symétrique; absence de cicatrices.

MENSURATIONS CRANIENNES

266 SOCIETES SAVANTES.

palatine ; slerno-cléido-masloïdiens fortement tendus. Type de

respiration coslo-abdominale. Peau très chaude. Température

normale dans l'aisselle et dans le rectum. Circonférence thora-

cique, 55 à 56 centimètres; espaces intercostaux très larges. Son

de percussion partout un peu tympanique; à l'auscultation,

rhonchus partout avec respiration vésiculaire. Bruits du coeur

purs. Ventre légèrement gonflé; foie et rate ne paraissant pas

augmentés de volume. Le patient tient bras et jambes serrés

près du corps; les extrémités supérieures atrophiées, sont fléchies

sur l'articulation du coude, et suivant l'articulation, radio-cubitale

inférieure, les avant-bras demeurent en pronation, surtout à

droite ; les doigts sont rétractés dans la main. Les membres infé-

rieurs également très atrophiés, se tiennent fléchis suivant l'arti-

culation coxo-fémorale et l'articulation du genou; les pieds

présentent l'attitude varus-équinc. Les deux testicules sont des-

cendus. Commencement d'escarre par décubitus au sacrum.

Impossible de fléchir la tête en avant; mais, quand l'enfant est

couché sur le dos, il la tourne parfaitement à droite et à gauche.

On parvient sans grande difficulté à vaincre les contractures des

membres, mais momentanément, et il semble que ces manipu-

lations provoquent de la douleur. Capable de saisir les objets à

l'aide des membres supérieurs, le petit malade préfère presque

toujours employer sa main gauche; en même temps il se pro-

duit un mouvement associé dans la main droite. Immobilité des

membres inférieurs; le déplacement forcé d'une de ces extrémités

détermine un mouvement associé dans l'autre. Diminution de la

sensibilité; les piqûres d'aiguilles ne sont perçues, et encore très

légèrement, qu'au visage, au cou, à la plante du pied, du côté

gauche, mais les corps chauds engendrent une sensation dou-

loureuse, vive. Affaiblissement très marqué des réflexes cutanés

et tendineux; le chatouillement de la plante des pieds se traduit

par un mouvement associé du côté opposé; réflexes cornéens et

nasaux très accentués. Excitabilité électrique normale. L'affai-

blissement devint dans la suite progressif, tous les autres phéno-

mènes restant les mêmes; le patient criait beaucoup, gâtait,

devait être alimenté. Température normale, mais augmentation

de la chaleur cutanée perceptible au toucher (action vaso-mo-

trice ? ). Pas d'accidents épileptiformes. Nullité des facultés psychi-

ques. Marasme et mort, sans que les accidents du ;décubitus se

fussent étendus. Au<opSM, dix-neuf heures après la mort. Crâne

léger, symétrique, diploé assez développé; suture frontale ossifiée ;

les deux pariétaux offrent, dans le voisinage de la suture sagittale,

des fossettes assez profondes du volume d'une lentille à une pièce

de cinquante centimes; dure-mère tendue, sans modification; sinus

longitudinal supérieur, de largeur modérée, contient peu de sang

coagulé. Le cerveau apparaît comme projeté en avant, en même

SOCIÉTÉS SAVANTES. 267

temps qu'il s'évacue une copieuse quantité de liquide; méninges

troubles, notamment dans les parties postérieures. Poids du cer-

veaux 730; hémisphères égaux; intégrité du cervelet, des nerfs

et vaisseaux de la base, atrophie extrême du corps calleux, de la

voûte à trois piliers, de la cloison transparente; forte dilatation

des ventricules latéraux remplis de beaucoup de liquide. On place

dans la liqueur deMueller protubérance, bulbe, moelle. Leeeruecau

présente un arrêt de développement très notable qui occupe prin-

cipalement les lobes occipitaux et temporaux; le lobe frontal est le

plus complet, mais il y manque le sillon proerolandique. En outre,

l'écorce du lobe pariétal fait totalement défaut sur la face externe; -,

cette lacune atteint jusqu'à la frontale ascendante ainsi qu'une

partie de la troisième temporale, sur la zone limite entre les lobes

occipitaux et temporaux ; aucune altération n'occupe la face mé-

diane de l'organe. Ces anomalies sont assez symétriques; la seule

distinction, c'est que l'hémisphère gauche montre une scissure de

Sylvius très large qui s'étend jusque dans le sillon pariéto-occipi-

tal (perpendiculaire externe), tandis que l'hémisphère droit pos-

sède une scissure de Sylvius plus étroite, de longueur ordinaire. A

droite, la partie supérieure de la frontale ascendante est repré-

sentée ; il n'en est pas ainsi à gauche. Conclusion. La symétrie ac-

centuée de la lacune, rapprochée de son siège dans le domaine de

la scissure de Sylvius, permet de supposer qu'il y a eu, à la suite

d'un trouble circulatoire, une encéphalite dontle facteur pourrait

bien avoir été la syphilis. Evidemment ces lésions remontent à

l'époque foetale, au cinquième mois intra-utérin; elles ont dû gê-

ner partiellement, dès cette époque, le développement du cerveau ;

l'encéphalite a progressé après l'accouchement et s'est traduite par

la paralysie du quinzième mois de la vie. Puis s'est opérée une

accalmie. La localisation de la zone motrice explique la parésie

des extrémités; la plus grande étendue de la lésion, à gauche,

explique la prédominance de la parésie à droite. Peut-être con-

vient-il de rattacher le trouble thermique vaso-moteur à la lésion

du lobe pariétal, à l'exemple des auteurs ?

Discussion : M. LOEHRMM ? '. A-t-on sur le père des renseigne-

ments ? Réponse. Cet individu a eu plusieurs attaques de

delirium tremens. 1

M. 10,NAKOw. Les pyramides sont-elles conservées ou dégé-

nérées ? Réponse. On les examinera au microscope.

M. .15TIL011'rTZ. Evidemment la symétrie, quoique incomplète,

de la lacune plaide en faveur d'un trouble nutritif consécutif à

une lésion artérielle. En ce qui le concerne, il a plusieurs fois

rencontré dans la substance blanche de cerveaux d'enfants, des

foyers symétriques, mais beaucoup plus petits, dont il ignore la

cause.

268 SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Sébastian donne le compte rendu d'un cas de folie aiguë

mortelle accompagnée de convulsions localisées. Une jeune fille de

dix-neuf ans, jusque-là bien portante, exposée, à l'époque de ses

règles, à un vif refroidissement, ressent de violentes céphalal-

gies. Il se produit alors une explosion de manie ; tapage, bavar-

dage ; elle ne reconnaît plus les siens. Le troisième jour, éclate

un accès convulsif accompagné de perte de connaissance rapi-

dement passagère. Les deux jours suivants, accès convulsif

exclusivement localisé à la moitié gauche de la face et au bras

gauche ; répétition de cet accident de plus en plus fréquente avec

périodes de sopor de plus en plus marquées ; par là-dessus fièvre

avec accélération caractéristique du pouls. Dès le septième jour,

coma complet; c'est à peine si les convulsions de la face et du

bras du côté gauche présentent des intermittences; la fièvre et

la fréquence du pouls augmentent progressivement, grincement

de dents; faibles cris, évacuation involontaire de l'urine. Le

neuvième jour, les convulsions s'étendent de temps à autre à

toutes les extrémités; pneumonie d'ordre alimentaire, mort.

Autopsie. Intégrité parfaite de l'encéphale ; coeur extrêmement

gras, athérome aortique très prononcé, dégénérescence grais-

seuse modérée des deux reins, métrite chronique, dégénéres-

cence kystique et fibreuse des deux ovaires. Analogie remar-

quable de ce fait avec les trois observations de L. Meyer, décrites

sous le nom d'hystérie aiguë mortelle ; tout diagnostic exact est

du reste impossible. En tout cas, il n'en existe aucun autre

semblable dans la littérature médicale des trente dernières

années. Sera publié in extenso.

Discussion : M. OTTO. Quel était l'état microscopique des lobes

temporaux ? -Réponse. Rien d'anormal.

M. Jastrowitz. Celui qui a vu évoluer un délire aigu véritable,

correct, dans la plénitude de son intensité classique, où le .

malade frise littéralement la mort, celui-là aurait de la peine à

admettre comme telle la désignation précédente. Ce délire, bien

modéré en somme, accompagné d'un faible trouble de la con-

naissance, l'absence complète de convulsions oesophagiennes,

l'explosion de convulsions bientôt subintrantes, avec perte de

connaissance presque absolue, et en même temps limitées à la

région du facial et au bras du côté gauche; tout cela élimine le

diagnostic inscrit. Sinon il faudrait ranger sous la dénomination

de délire aigu toute perturbation psychique, se traduisant no-

tamment par de l'agitation, qui ne rentre pas dans le cadre des

psychoses nettement dessinées, dès qu'elle se termine par la

mort, ou même toute psychopathie du même genre aboutissant,

issue que je n'ai point encore vue, à la guérison. Il serait plus

correct, jusqu'à nouvel ordre, de recueillir les cas en question, et

SOCIÉTÉS SAVANTES. 269

d'en réserver à l'avenir la classification. Sans doute cette obser-

vation se rapproche de l'hystérie mortelle aiguë de L. lleyer,

mais le nom est encore mal choisi, car, dans aucun de ces

faits, on ne voit prédominer de syndrome hystérique; la dégé-

nérescence des ovaires n'autorise pas ce diagnostic après coup.

La dégénérescence du coeur est remarquable, sans qu'on puisse

en déchiffrer l'origine. L'autopsie ne révèle pas la pathogénie des

convulsions localisées : intégrité des ascendantes, delà protubé-

rance, du bulbe, des cornes d'Ainmon, des vaisseaux, le micros-

cope révèle simplement, sous forme dubitative, une faible multi-

plication des noyaux de l'écorce. Quant à la pneumonie dite

alimentaire, la malade mourait dans la nuit du samedi au

dimanche; or, dès le mercredi, on ne lui administrait plus aucune

nourriture, par conséquent, elle n'avait pu s'introduire dans

les bronches que de la salive mêlée au sang (morsures de la

langue).

M. IDELER a observé, dans le vieil asile de la ville, deux cas de

délire aigu chez la femme. dans le cas de Lévy, constaté

l'existence de sueurs visqueuses fétides. Dans ses faits à lui on

n'a pas eu à noter de convulsions. Fiordispini et Solfanelli ont

appelé l'attention dans- le- délire aigu sur les sueurs profuses

visqueuses empestantes. Réponse. Les sueurs ne présentaient

que l'odeur habituelle.. 1

M. La : un senior. Pendant le cours de sa pratique féconde en

psychoses chez la femme, il n'a pas vu de fait semblable à

celui de Levy. Et cependant chacun sait que les grands établis-

sements privés sont bien plus fournis que les asiles publics en

observations de toutes nuances. Le cas de Lévy rappelle non un

délire aigu, mais une maladie infectieuse.

11. lIasmt : S.w.vhr (de Tûl : iû, .Iapon). Sur l'assistance des aliénés

et la psychiatrie au Japon. Les Européens ne possèdent sur ce

sujet aucune notion, parce que la langue et l'écriture japonaises

sont ardues pour les étrangers, les médecins européens qui sont

allés là-bas ne se sont que peu ou point intéressés à la question,

les médecins japonais n'ont pas consacré leurs efforts à cet

historique. Du reste, les relations des Japonais avec les étrangers

datent simplement de 1851 ; avant cette année, ils ne se frottaient

presqu'exclusivemeunt qu'aux Chinois et aux Hollandais, et

encore dans un seul port, celui de Nagasaki, et principalement

au point de vue commercial. Dans les dix dernières années, on

a ouvert de nombreux ports, on a laissé accéder partout les

étrangers; aussi les produits commerciaux, artistiques, indus-

triels du Japon se sont-ils répandus partout en Europe, mais il

n'en a pas encore été ainsi pour, la médecine et la psychiatrie.

On ignore donc presque totalement les connaissances médico-

270 SOCIETES SAVANTES.

psychologiques des Japonais. Wernich paraît être le premier qui,

dans ses Etudes de géographie médicale, ait fourni quelques docu-

ments sur les maladies mentales au Japon. Sakahy lui-même

ne peut rien communiquer d'exact, car les sources lui manquent;

il essaie simplement de coordonner et de relater ce qu'il a 1u.

vu, entendu dire.

Histoire de la psychiatrie. Tonte description, toutrapportfait jus-

qu'àprésentdéfaut. Ce n'est que dansles grands travaux historiques

ou dans les narrations de même ordre que l'on trouve quelques

compte rendus sur des cas de folie. Il n'est cependant pas dou-

teux que, dans les temps antérieurs, on n'ait observé (quelques

psychoses. Ou en a même distingué diverses formes auxquelles

on a donné des noms différents, originaires les uns du vieux

chinois, les autres du japonais véritable, noms qui maintenant

encore sont en usage parmi les profanes.

SOCIETES SAVANTES. 271

espace clos. Cette thérapeutique était pratiquée dans le temple

de Bouddha ou dans l'habitation même des malades.Actuellement

il en est encore partout ainsi.

Depuis la dernière révolution (1867-1868) dans laquelle le schô-

gun déclara remettre les rênes du gouvernemententre les mains du

mikado, le gouvernement japonais a prêté son assistance à la

psychiatrie. En 1873, on a installé dans la capitale de Tôkiô un

asile d'infirmes, où l'on reçoit, avec les ;enssans abri, des malades,

des blessés, des impotents, des orphelins, des aliénés besogneux.

Puis on a construit pour la ville et sur son territoire un asile

d'aliénés spécial qu'on a appelé Tôliiô-Teiiliû-iii. On aurait

encore a Saikiô (Miaco ou Kioto des Européens et des Américains)

construit un établissement public. (Voy. Von denSteinen. Arch. f.

Psych. XIII'.)

Généralités sur les aliénés au Japon. Il est impossible de dire

si le nombre des aliénés a progressé, et progresse dans ces der-

niers temps au Japon, car il n'existe pas [de statistique compa-

rative ancienne. Mais actuellement les médecins s'occupent de

statistique , en particulier au bureau de statistique (Tûkci-

Kioka) et au département de la police (Keïschi-Tsiô). Le rap-

port de la préfecture de police pour la première moitié de

1881 signale 474 aliénés qui dans les provinces auraient constitué

un danger pour la sécurité publique. Or, la population de ces

provinces, c'est-à-dire de celles qui ont déjà publié leur recen-

sement, forme un ensemble de 1G ? 00,000 habitants; il y aurait

donc un aliéné pour 34,200 habitants. Dans le courant de cette

année, M. Sakaky possédera des chiffres plus complets et plus

exacts (statistique de tout le pays). On peut dès maintenant dire

que ce rapport de 0,003 p. 100 est infiniment petit, mais qu'on

n'oublie pas qu'il s'agit des malades dangereux. Le bureau

central de statistique a publié ce qui suit : En 1882, il est mort

108,774 malades atteints d'affections nerveuses ou mentales, soit

environ 16,26 p. 100 de la mortalité totale. Evidemment ce docu-

ment ne peut permettre de tirer le chiffre absolu concernant les

affections psychiques. Ces nombres ne fournissent pas non plus de

données relatives ou absolues, concernant les aliénés du Japon

entier ni la proportion des aliénés du Japon comparée à celle

des aliénés d'autres pays.

Asiles du Japon. Il existerait au Japon sept établissements

d'aliénés, dont cinq privés. Le'fûl : iû-lu=fénki0-iu(élahlisse-

ment de la ville de le plus grand de tous, mérite une

description spéciale. Situé dans la région de la ville la plus saine et

Ai-ch. de Neurologie, t. IV., p. 252.

272 sociétés savantes.

la plus calme, à côté de l'université, àHongô, il occupe le milieu

d'un terrain de 69,600 m. q., et est circonscrit, non par des murs,

mais par de simples haies en bois. Ce sont des constructions à rez-

de-chaussée, dans lesquelles le bois joue, comme dans les maisons

japonaises, le rôle fondamental. Elles sont entourées de grandsjar-

dins quiserventdepromenadesauxmaiades. Onycompte unbâti;

ment pour lesfoncliouuaires(r1), quatre pavillons de malades pour

deux cents aliénés (B-E), un obitoire (F), une cuisine (G). Les

pavillons sont orientés du sud au nord, en arrière les uns des autres,

séparés par des jardins, mais reliés par un long corridor. Lesdeux

antérieurs (B C) reçoivent des malades tranquilles; une partie

contient la salle d'examens : B est réservé aux hommes, C aux

femmes; entre eux est située la pharmacie (d), la salle des méde-

cins de jour (f), une chambre de serviteurs (e), une chambre de

garde (g); chacun de ces pavillons renferme douze chambres de

malades (a) et quatre cellules (cc') qui d'ailleurs ne sont que rare-

ment utilisées. Les deux pavillons postérieurs (D-E)'sont moitié

moins grands ; ils sont attribués aux agités et aux gâteux; l'un est

pour les hommes, l'autre pour les femmes; entre eux, est la

chambre des médecins, et une chambre de garder, y.). Chauffage

à l'aide de tuyaux vaporifères déjà installés, mais qui ne fonc-

tionnent pas encore; on utilise provisoirement des poêles très

simples. Fenêtres pourvues d'un grillage en fer mince, à larges

mailles. Le personnel se compose : d'un directeur (T. iVahûi), d'uu

médecin en chef (SUtow), de trois médecins, de deux pharmaciens,

de deux gardiens en chef, de quatre employés, de gardiens, gar-

diennes, d'un portier, d'un cuisinier, de serviteurs, etc.. (Fig. 11.)

Les malades proviennent presque tous des classes pauvres; les

riches fréquentent généralement les asiles privés ou restent chez

eux. Le vêtement se compose d'une toge bleu-clair, sans diffé-

rence de sexes. No-restraint. On ne met en cellule que les aliénés

très agités; on n'use ni des camisoles, ni des sièges de force, ni

de chaînes. On ne les occupe pas; ils s'entretiennent, lisent,

fument. Quelques femmes cousent, ou font de petits travaux sem-

blables. A des moments déterminés, tous les malades sont par les

gardiens conduits au jardin, où ils se promènent pendant une heure

ou deux, à l'exception naturellement des agités, ou des individus

atteints d'affections somatiques. Trois repas par jour; mets japo-

nais, au premier plan le riz; puis, poissons, viandes, légumes. Les

faibles reçoivent des mets spéciaux, tels que lait, oeufs, etc. L'ad-

ministration des boissons alcooliques est réservée aux cas spéciaux.

Au repas ordinaire', on donne du thé bouilli trô-s faible.

A.Bâtiments d'administration et lo-

caux économiques (Dsimusche);

BC. Pawllons pour malades tran-

quiHes(Biuhi(su);

DE. Papillons pour malades agités

(Bibliitsti) :

F. Obitoirc (Scltibitsu) ;

G. Cuisine (M.tkanai-dsio);

H. Habitation du portier (Monban-

dsio) ;

a. Chambres de malades (l31dhitsn`;

a'. Chambres de malades avec cel-

lules (Ori) ;

6. Chambres pour gardiens (Kan-

Biônin no Ileja;

c. Locaux de débarras (Mono-ôki);

d. Pharmacie (JakkiLku

e. Chambres des serviteurs (Kodsu-

kai no Héa);

f. Chambres de médecins de jour

tTdtsioku-i no llej;.);

0. Chambres de garde (Osctsu-dsio);

h. Chambres de bain et de toilette

(niutb-bn, kao arai tokoro) ;

i. Watter-eloset (Sotsuin);

Je. Entrées (Irikutsi);

1. Corridors (Rùka).

ni. Portes à serrures (Dsiotsuki

no To`;

n. Puits (Ido).

4

MOUVEMENT DE LA POPULATION DE L'ASILE DE TOKIO

SOCIÉTÉS SAVANTES. 275

En résumé, la population moyenne de cet établissement a été,

pour les années 1882-83, de 120 à 1 : ;0 malades; il y a eu par an

80guérisons, 45 améliorations, 23 sorties sans guérison, la mor-

talité a été de 30; on n'a pu pratiquer l'autopsie que d'un très

petit nombre de corps.

Outre cet asile municipal, il existe, à Tôkiô, trois asiles privés

qui n'ont guère d'importance. M. Sakaky en a visité un à Ta-

iiiàtsi fondé en novembre 4878, par son directeur et proprié-

taire, Kàlow;.o on y traite, avec les psychoses, maintes névroses, et,

en particulier, l'épilepsie : traitement d'après la méthode chi-

noise combinée à la balnéothérapie et au massage.

A la clinique de l'université (Daigaku) de Tôkiô, il n'existe, pour

le moment, pas de quartier sépare pour les affections psychiques :

on garde simplement les malades dans une chambre à part, afin

deles exhiber à la clinique.

Au reste, on projette d'effectuer, surtout dans les provinces,de

nouvelles constructions pour établissements d'aliénés.

Prédominance de telles ou <cMes/'o)-mesp ? eAopa</t<fy : <e. L'au-

teur n'a jusqu'ici que peu de renseignements sur ce point. Fré-

quence de la mélancolie, de la manie, de la folie systématique,

mais les malades de la première et de la dernière catégorie

viennent en très petit nombre se faire traiter par le médecin. La

paralysie générale ne parait pas être très fréquente; l'auteur

n'en a observé que deux cas, en près de deux ans, à la clinique du

professeur Belz; il s'agissait, dans ces deux cas, d'un stade assez

avancé de la maladie. L'idiotie est assez fréquente ; la plupart du

temps elle est consécutive à l'hydrocéphalie qui parait se produire

assez souvent au Japon. Du crélinisme, on ne sait rien. On ob-

serve très fréquemment l'hystérie et l'épilepsie sans troubles

psychiques proprement dits; M. Sakaky n'a jamais vu ces né-

vroses accompagnées de vésanie. L'alcoolisme est proportionnelle-

ment peu connu; cela vient manifestement de ce que les Japonais

peuvent généralement peu supporter les boissons alcooliques, et

s'en privent par conséquent, ils ne boivent que modérément le

saké (riz fermenté), qui, du reste, renferme 9, H à 43, 6 p. 100

d'alcool et peu d'huile empyreumatique. Les rapports de la police

concernant la première moitié de 1884 constatent que, sur

27,000 personnes, il n'y a eu qu'un seul excès d'alcool nécessitant

son intervention. Voyez : A Descriptive Catalogue of the Exhibits

sent by the sanitary Bureau of the Japanese home Department.

Londres, 1884etIawàu-pO 1884.

Les Japonais n'empruntent pas les jouissances de l'opium. Les

lois pénales, relatives au commerce de cette substance sont les

suivantes : § 237. L'importation, la préparation, la vente du tabac

d'opium sont punies delà déportation pour un temps.-§ ` ? 38. Les

mêmes actes portant sur les instruments à fumer l'opium entrai-

276 SOCIÉTÉS SAVANTES.

nent la séquestration dans une maison de correction peu sévère.

- 239. Les mêmes faits imputables à un douanier sont régis par

les§ 237 et 238 selon le cas, mais avec augmentation de peine.

§ 240. La location, l'outillage, l'installation d'un local pour y

fumer l'opium sont prévus par un emprisonnement correctif léger.

- §241 .Tout individu convaincu d'avoir fumé de l'opium sera con-

damné à deux ou trois ans de prison. § 242. La possession, Je

don, la réception de tabac d'opium oud'instruments pour le fumer

vaudront un mois à un an de prison. Aussi l'opium n'est-il em-

ployé que comme agent pharmaceutique et l'intoxication ne s'ob-

serve-t-elle au Japon que très rarement, tout au plus dans un but

de suicide.

Le suicide et les tentatives de suicide y sont pratiqués tantôt à

raison de troubles psychopathiques, tantôt pour d'autres motifs

(pauvreté, amour, etc.). Le nombre s'en est un peu accru. En 1880,

on comptait un suicide pour 9,490 habitants; en 1882, il y en avait

4 pour 8,000. La suspension, la noyade, l'empoisonnement, les

coups de feu sont les pratiques employées. On ne s'ouvre mainte-

nant presque plus le ventre (Maràkiri ou Séppuku); cette ma-

nière de procéder représentait le mode de suicide par point

d'honneur; il Ilorissait surtout comme châtiment quasi-honori-

fique il y a environ 400 ans. Pendant la dernière révolution, il y

en a eu encore des cas isolés. '

Médecine légale de lapsychiatric au Jupon. L'orateur n'a encore

sur les temps anciens aucun document de cette nature. Il existe

aujourd'hui un Code pénal japonais : Keï-liù, mis en vigueur en

juillet 1880; on y trouve 430 paragraphes. Le plus important au

point de vue psychiatrique est le paragraphe 78. Il n'y a ni crime,

ni délit quand l'inculpé à l'époque de l'acte répréhensible ne

jouissait pas de la libre disposition de sa volonté, à raison d'une per-

turbation de l'activité psychique. Pour trancher cette question, on a

recours devant la cour, àdes médecins les cas les plus difficiles sont

soumis à une exploration exacte dans un asile. Les ivrognes, qui

d'habitude présentent un fonctionnement psychique anormal, et

qui parfois peuvent perdre la conscience, ne rentrent pas dans

cette catégorie. Voici d'autres articles importants au point de vue

qui nous occupe : § 79, § 80. Irresponsabilité absolue des jeunes

gens de moins de douze ans accomplis; irresponsabilité de ceux

de plus de douze ans, mais de moins de seize années échues, à la

condition qu'ils ne possèdent point le discernement nécessaire

pour se rendre compte delà valeur pénale de leur acte, sinon ils

sont punissables, mais on adoucirala peine de deux degrés. 81.

Ceux de moins de vingt ans accomplis sont punissables, mais on

adoucira la peine d'un degré. On compte aujourd'hui l'âge à

partir du jour de l'accouchement, tandis qu'auparavant on comp-

tait à partir du quantième de l'année. § 82. Irresponsabilité des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 377

sourds-muets. Dans certaines circonstances, on les internera, pen-

dant cinq ans au besoin, dans un établissement d'éducation, cette

mesure ne constituant pas d'ailleurs un châtiment.

M. Sakaky s'engage à combler plus tard toutes les lacunes

de cette communication. Il présente un traité de psychiatrie en

langue et matériaux japonais, avec la disposition typographique

accoutumée, dans lequel les formes morbides de la folie sont dési-

gnées en allemand et en anglais.

Le Président le remercie, au nom de l'assemblée, de son inté-

ressante communication et lui souhaite un résultat en rapport

avec la grandeur de la tâche à laquelle il est appelé, celle de

contribuer à la réorganisation de l'assistance des aliénés dans sa

patrie.

M. Hans Lu;an. Contribution à l'acéloiiu7-ic des aliénés. Au con-

grès de médecine interne de 1883, de Jaksch annonçait qu'il avait

souvent trouvé la diacéturie (réaction de l'urine au perchlorure

de fer, et présence de l'acétone dans le produit de la distillation

de cette humeur) dans les cas où les malades, peu ou point fébri-

citants, présentaient des symptômes nerveux intenses : cépha-

lalgie, parfois délire, parfois somnolence, apathie, petitesse d'un

pouls filiforme, voire même collapsus, sans que l'examen révélât

autre chose que de l'acide diacétiquedans l'urine. Ces états se dis-

siperaient en général promptement; fréquemment tout se dénoue

presque en un moment après une selle copieuse. De là la néces-

sité de rechercher dans l'urine des aliénés l'acétone et le corps

donnant la réaction au perchlorure de fer. M. Loehr a dans ce

but interrogé la réaction de Gerhardt au perchlorure de fer,

celle de Lieben qui donne de l'iodoforme (addition à l'urine d'io-

diure de potassium ioduré et de lessive de potasse ou de soude),

celle de Légal et Nobel (coloration rouge au nitroprussiate de

soude et à la lessive de potasse, suivie d'une coloration pourpre

par l'acide* acétique). Il a, à plusieurs reprises, interrogé ces

réactions tant dans l'urine que dans son produit de distillation

chez plus de cent patientes, atteintes de formes psychopathiques

les plus diverses, dans la plupart des phases de la maladie

ou pour chacune de ces phases, quand l'état clinique variait. La

conclusion est que, à l'exception d'un cas, ces réactions ne

se montrent que chez des malades en état d'abstinence complète

ou partielle. Sur huit malades qui depuis Pâques dernier avaient

refusé de manger (six absolument, dont une à deux reprises

différentes), la coloration rouge-brun au perchlorure de fer ne

s'est montrée que chez deux seulement. Dans ces deux faits,

il s'agissait de malades n'ayant quelque temps auparavant que

peu ingéré; chez elles, l'urine donnait simultanément très

nettement la réaction Légal; chez elles, dès le premier jour de

278 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'abstinence absolue on vit concurremment apparaître et la réaction

au perchlorure de fer et la réaction Légal. Chez les six autres,

aucune réaction au perchlorure de fer; la durée du refus absolu

d'aliments atteignit ici jusqu'à quatre jours; ;la réaction Légal

dans l'urine se montra trois fois le premier jour, une fois le

second jour, deux fois le troisième jour d'abstinence absolue, elle

fut absente une fois, même après quatre jours d'inanition. En

revanche, le produit de la distillation de l'urine (obtenu avec

l'urine pure ou avec l'urine additionnée d'acide sulfurique) pré-

senta nettement les réactions Lieben et Légal, dans tous les cas

de refus conipletdpiiouri-iture, et cela dès le premier jour de con-

tinence. Les mêmes réactions dans le produit de la distillation

de l'urine se rencontrèrent aussi chez deux malades ; l'une d'elles

pendant plus de huit jours, jeûna la journée, pour, la nuit, manger

en bloc les mets conservés froids; l'autre n'ingéra, durant quatre

jours, qu'une tartine de beurre le matin et une partie du souper

le soir. Ajoutons l'histoire d'une hystérique qui pendant plus de

dix mois vomit la plupart des repas une heure après l'ingestion

au plus tard, et dont l'urine, distillée, fournit, à une époque où

tous les repas subissaient le même sort, deux fois les réactions en

question, tandis qu'à d'autres périodes, bien que les circonstances

parussent être identiques, on ne les obtenait plus. L'odeur dou-

ceâtre bien connue de la pomme, exhalée par les sitiophobes, fut

notée en deux cas à l'approche des malades; dans l'un de ces

faits, l'urine réagissait au perchlorure de fer, et présentait aussi la

réaction Légal; dans l'autre, elle ne fournit que la réaction Légal.

Dans le premier cas, l'urine exhalait aussi l'odeur douceâtre de la

pomme; du reste nous pensons que cette odeur n'est pas celle de

l'acétone et, de plus, qu'il y a une énorme différence entre l'odeur

de l'acétone'et l'odeur de l'haleine ou de l'urine des sitiophobes.

Nos observations ne nous ont pas permis d'établir avec certitude

si les réactions de l'acétone fournies par l'urine, qui se montrent

dès le début de l'abstinence (premier jour), se continuent pendant

sa durée, ou s'il n'arrive pas un moment, au cours de la sitiophobie

prolongée, où elles disparaissent (voy. l'observation de Siemens ;

disparition de l'acétone au douzième jour de l'abstinence chez un

systématique absolument sitiophobe. Neurol. Centralbl. 1884) '.

M. Loehr donne cependant une observation qui plaide en faveur

de la disparition graduelle de l'acétone par la prolongation de

l'abstinence. Dans un autre cas, le produit de la distillation de

l'urine montra nettement les réactions Lieben et Légal quand l'abs-

tinence fut supprimée. Il s'agit d'une malade qui, auparavant,

avait assez souvent refusé de manger, mais qui depuis longtemps

s'était réhabituée à accepter des rations d'aliments irrévocablement

z Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. 268, et t. X, p. 232.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 279

fixées. Elle ne retint qu'une fois ses urines pendant deux jours

et demi, à la suite d'hallucinations et de conceptions délirantes;

puis elle émit 830 centimètres cubes d'urine d'une densité de 40311. :

absence de sucre et d'albumine, absence de la réaction au per-

chlorure de fer, absence de la réaction Légal, mais le produit de

la distillation décèle les réactions Légal et Lieben. Ce jour-là, la

patiente avait accepté ses aliments ordinaires; il existait de la

constipation. Avant cela, on n'avait obtenu aucune réaction, en

dépit de plusieurs examens, même dans le produit de distillation ;

ces réactions manquèrent encore les'jours suivants ainsi que

plus lard. Chez d'autres individus ayant retenu volontairement

leurs urines, rétention qui n'avait jamais été poussée aussi loin'

que suprci, les réactions en question firent constamment défaut.

Eliminons cette dernière observation tout à fait isolée ; il ne

reste, pour l'acétonurie, que les cas d'alimentation insuffisante.

M. Loehr n'a pas trouvé l'acétonurie dans les faits cités comme

types par de Jaksch. Comme il a examiné les psychopathes les

plus difléretits, il conclut que des symptômes nerveux intenses pro-

duits par une perturbation mentale ne t''<iceomp<M/Ke) ! ('pas cl'ucéto-

nurie. Et ses observations démontrent combien de semaines l'acé-

tonuri.e peut durer sans qu'on constate plus de phénomènes ner-

veux qu'ailleurs, qu'en un mot l'acétonurie et les troubles ner-

veux mis en relief ne sont pas dans un rapport immédiat. Reste

alors l'acétonurie de l'inanition. La ressemblance entre l'odeUr

exhalée par les sitiophobes et celle de maints diabétiques faisait

supposer que l'acétone se forme dans l'organisme inanitié, car on

croyait que l'acétone produisait l'odeur de pommes du diabétique.

Seifert vint alors qui trouva que la réaction au perchlorure de

' fer se montre chez les malades insuffisamment nourris (Verhandl.

d. physic. med. Gesellschdft. su. Wi< ? 6u;'jy, 1882). Hoppe-Seyler

trouva cette réaction dans l'urine d'un malade intoxiqué par

l'acide sulfurique, à une époque où les douleurs l'empêchaient

de rien prendre ; en même temps, le produit de distillation de

son urine présentait la réaction l,iel)en (Zeilschi-. f. klin. Aled. VI, 5).

Tuczek rattacha impérieusement l'acétonurie à l'état d'inanition,

il l'observa chez les sitiophobes depuis le quatrième ou cinquième

jour pendant toute la durée de l'abstinence, même incomplète,

et jusque pendant les deux ou trois jours qui suivent l'abstinence

(At'c/t.y. Psych. XV) '. Les lignes qui précèdent confirment précisé-

ment cette dernière assertion, elles montrent en outre que dès le

premier jour de l'abstinence, et sur le seuil de l'inanition, l'acétone se

forme dans l'organisme, car toujours alors, sinon l'urine, du moins

le produit de la distillation de l'urine fournit les réactions de l'acé-

tone, au bout de vingt-quatre heures, bien avant par conséquent

'Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. 268.

280 SOCIETES SAVANTES.

la fétidité des inanitiés. En second lieu, chez les sitiophobes, la co-

loration au perchlorure de fer s'accompagne delà réaction Légal

dans l'urine; d'autre part, l'une peut persister des jours durant

sans que l'autre se produise; mais le produit de la distillation

offre, dans les deux cas, la même réaction. Ou bien, pour nous

servir des termes de Jaksch, on a, dans des conditions en ap-

parence identiques, aujourd'hui l'acétonurie, demain la diacétu-

rie dans l'inanition. Donc l'acétonurie et iadiacéturie ne seraient

pas essentiellement différentes l'une de l'autre. Chez deux enfants

atteints de scarlatine, M. Loehr a trouvé, à la phase de fièvre éle-

vée, une forte réaction au perchlorure de fer en même temps que

la réaction Légal, plus tard le produit de la distillation de l'urine

seul donnait les réactions Lésât et Lieben.

Il doit donc y,avoir divers corps qui par la distillation, donnent

de l'acétone; mais ils se doivent engendrer dans l'organisme sous

des influences en apparence les mêmes. Si l'on suppose que le

corps qui donne la réaction au perchlorure de fer fournit, par

une plus ample décomposition, l'acétone, la différence entre l'acé-

tonurie et la diacéturie ne doit précisément consister qu'en ceci ;

dans un cas la décomposition a déjà lieu partout dans l'organisme,

dans un autre cas elle a lieu pendant la distillation.

. On ignore où se forment dans l'organisme la ou les substances

en question. IIoppe-Seyler,a, dans son cas d'intoxication par

l'acide sulfurique, rencontré une notable multiplication de

l'acide sulfovinique par rapport à sa proportion dans les sulfates.

On pourrait donc tendre à penser au tube intestinal, comme au

lieu de formation de la substance qui donne l'acétone. Mais le

produit de la distillation des fèces des inanitiés, délayées préala-

blement soit avec de l'eau, soit avec de l'acide sulfurique dilué, z

ne fournit ni la réaction Lieben, ni la réaction Légal. Le même

essai sur les vomissements de l'hystérique sus-mentionnée, n'a

rien donné non plus. Chez la femme qui constitue une observa-

tion analogue à celle de Siemens, on trouvait aussi à deux reprises

différentes de l'acide sulfovinique, qu'il s'agit d'un jour d'absti-

nence absolue ou d'un jour d'abstinence incomplète, mais on

n'obtenait que 9 à 7 p. 400 de l'ensemble de l'acide sulfurique. A

raison de la similitude de réaction et de structure de la créatinine

(Nobel, acétone et substances connexes. Arch. f. exper. Path. zend

Pkarmokol. t. XVIII), on pourrait croire qu'au cours de l'inanition

la créatine du muscle se transforme en acétone, mais on en

constatait dans l'urine de la sitiophobes.

Maintenant la substance dont il s'agit est-elle de l'acétone ?

Cela est admissible, vu le produit de la distillation effectué

qui toujours fournit positivement les réactions Lieben et Légal,

alors que jamais il ne s'y montre la réaction rouge-brun au per..

chlorure de fer. Mais, pour l'affirmer, il faudrait présenter l'acé-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 281

[une extraite en nature; or, quand on a exécuté les expériences,

il ne reste plus assez du produit de la distillation pour procéder

à l'extraction. Il est, en revanche, douteux que l'acétone existe

déjà dans l'urine de t'inanitié. En cette espèce, M. Loelir n'ajamais

pu produire nettement la réaction iodoformique, même quand

I s'était formé une très belle réaction Légal, et quand la réac-

tion au perchlorure de fer faisait défaut, tandis que la réaction

iodoformique se montre aussi bien que la réaction Légal quand

on ajoute a l'urine normale de l'acétone. Les corps qui donnent

ces diverses réactions dans l'urine doivent donc être les éléments

générateurs de l'acétone. Le corps qui donne la réaction au per-

chlorure de fer n'est pas, en tous cas, de l'acide éth\Idiacétique,

car, chez la femme que nous avons rapprochée de l'observation

de Siemens, cette réaction se rencontra pendant la dernière pé-

)iode sans qu'on obtint la réaction plus sensible de Légal, et la

réaction au perchlorure de fer, si forte qu'elle fût souvent dans

l'urine, ne s'est jamais montrée dans le produit de distillation, bien

qu'on n'eût ajouté à l'urine à distiller aucun acide. Et cependant

on continue à parler d'acétonurie ; il le faut bien, puisqu'on n'a

aucune expression pour remplacer celle ci et que c'est un terme

court passé dans l'usage.

Le temps avancé s'oppose à plus ample discussion.

l.aiiquel commun. (Allg. Zeitsch, f. Psych., XL11, 1.)

P. KMAV.4L.

Séuuceclvt I(i tuors 188.'i' 1

Le président Loeiir, senior, ou\re la séance à trois heures et

demie en annonçant que M. Scurtnr(de Sorau), quidevaitprendre

la parole sur le thème : Extraits de psychiatrie médico-légule, se

trouve empêché par un voyage administratif. M. Ideler, malade,

ne peut assister à la séance. MM. Goldstein et Loehr junior, sont

reçus membres de la société.

M. Schroeter (11.). Deux ces de blessure grave du crâne avec

trouble mental. Il est quelquefois difficile de rattacher nettement

une perturbation psychique à un traumatisme antérieur, car il

faut tenir compte des anamnestiques et de la prédisposition indi-

viduelle, tous éléments que, lorsqu'il s'est écoulé un temps très

long entre l'accident et les phénomènes psychopathiques, un

spécialiste est seul en état d'apprécier avec le soin et la compé-

tence voulus.

Observation I. Homme de quarante-quatre ans, père de trois

enfants bien portants. D'après son beau-frère, aurait toujours

' Voy. Archives de Neurologie.

282 SOCIÉTÉS SAVANTES.

joui d'une bonne santé mentale; sain d'esprit et normalement

développé au point de vue psychique dans sa jeunesse, il était si

grêle, qu'à l'âge de vingt ans, on redouta la phthisie pulmonaire.

Il y a environ vingt ans, il éprouva en déchargeant du blé un

grave accident crânien. Depuis lors, il se plaignit parfois, notam-

ment à l'occasion de certains mouvements ou d'efforts, de dou-

leurs occipitales etrachidiennes qui se prolongeaient dans le côté

droit. il abandonna successivement les professions de cloutier,

garde champêtre, facteur rural, facteur au chemin de fera raison

des courants d'air, et finit par devenir sergent de ville, seule oc-

cupation capable de donner un aliment à son zèle et à sa bra-

voure. Pendant les jours gras de 1883, il reçut probablement un

coup de bouteille'sur l'occiput. 11 lui resta en cet endroit une

tumeur qui fut opérée à la pentecôte de 1884; on aurait extrait

du cerveau un éclat osseux. Ou ne connaît aucune tare héréditaire

dans la famille. Le trouble mental, qui nécessite son entrée à

l'asile (13 sept. 4884), remonte à deux ou trois ans; il n'a cessé

d'évoluer, maisen présentant des oscillations; actuellement, le ma-

lade caresse des idées de suicide, il en a fait une tentative. Il croit

qu'il doit être transporté à Mayence où il sera exécuté pour man-

quements au service ; cette idée détermine par moments du trem-

blement. Il y a plus de trois ans qu'il accuse une sensation de

chaleur céphalique, de la constipation, de l'inappétence ; descelle

époque, humeurmorose. Pendant l'été de 4882, sensations impor-

lunes à la tête et dans les yeux, affaiblissement de la mémoire.

Depuis l'agression de 1883, agression qui d'ailleurs, n'a laissé après

elle aucune blessure, onperçoit, au niveau de l'angle supérieur de

l'occipital, une dépression transverse, profonde, irrégulière, dont

les bords ne sont point fracturés ; une douleur constante qui

siège à ce niveau lui enlève tout repos la nuit; les conceptions

délirantes antérieures reviennent alors plus tenaces, et l'on doit

employer le chloral qui détermine pendant assez longtemps le

calme cherché. Au printemps suivant, les douleurs reparaissent

bien plus violentes, elles s'étendent à toute la tête, en avant et

vers les arcades sourcilières ; en même temps, actes délirants ; on

intervient chirurgicalement au niveau de la dépression. Ren-

seignements pris à la clinique de Francfort. Douleurs occipitales

continues excessives à l'occasion des changements de temps et de

température, sensations de poids dans les yeux, au milieu du

front, au-dessus de la racine du nez. Quand le malade reçut le

coup en question (1883), il lui sembla qu'on projetait ses yeux en

avant, hors de l'orbite, il lui est impossbie de rien supporter qui

pèse sur la région occipitale. De temps à autre, il souffre le long

du rachis ; parfois, il éprouve des formications à la plante des

pieds et aux talons; la lumière l'éblouit, mauvaise humeur, lassi-.

tude, sursauts au moindre appel; chez lui, se croit entouré d'en-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 283

nemis ; mémoire extraordinairement affaiblie. Diagnostic. Com-

pression du lobe occipital gauche par une exostose consécutive

à une fracture avec éclatement. Une incision cruciale permet

d'enlever à la gouge un calus difforme ; la lame vitrée contient

des éclats que l'on retire à la pince. Ces éclats, plutôt périphéri-

que ? prédominent à gauche, ils ont déprimé la dure-mère dont

les battements, nuls au début de l'opération, apparaissent vers la

fin ; cette membrane n'a pas été perforée ; on ne la ponctionne

pas. La plaie guérit sans presque de fièvre. Le malade s'en re-

tourne chez lui, débarrassé de ses douleurs, enjoué, gai. Mais, dès

la quinzaine suivante, tous les accidents psychiques reparaissent :

idées délirantes avec hallucinations de l'ouïe, tentatives de sui-

cide (essaie de s'ouvrir les radiales). A l'asile (13 sept. 1884), il

donne des renseignements exacts sur sa personne et ce qui le

regarde, mais il proteste contre l'idée qu'il aurait perdu la rai-

son ; accuse, parmi ses malaises antérieurs, de violentes cépha-

lalgies, des mouvements choréiformes, des tremblements convul-

sifs, s'abstient de la société de ses compagnons, devientsitiophobe,

parce que « ses pauvres enfants meurent de faim », prend une

physionomie déprimée, gémit et se plaint beaucoup pendant la

nuit, tombe aux genoux des médecins en leur demandant de le

sauver, exprime des conceptions lypémaniaques nuancées d'idées

religieuses. Par moments, son anxiété s'accroit;dénodté de la vie,

il entend fréquemment des agents de police l'appeler (hallucina-

tions de l'ouïe considérées par lui comme réelles : on lui reproche

ses fautes, on le menace de le pendre). Céphalalgies frontales

vives, en particulier au milieu de la glabelle, avec irradiation vers

la racine du nez, l'angle interne de l'oeil gauche ; fréquemment,

en outre, douleurs térébrantes à l'occiput ; sensations de tension

péricrânienne ; on retrouve la cicatrice consécutive à l'opération

en question, cicatrice sensible dont-il s'échappe, à la pression,

une gouttelette de sérosité, etc... Les dimensions crâniennes ne

révèlent aucune particularité. Acuité auditive fortement diminuée

des deux côtés; elle devient de temps à autre meilleure, quoique

ne récupérant à aucun moment ses propriétés normales... OEil

gauche plus volumineux, sans modification de la fente palpébrale;

l'oplitlialmoscope révèle une papille plus blanche, plus nette que

du côté droit, quoique la papille, les artères, les veines, ne pré-

sentent aucune anomalie relative au niveau des organes, à leur

volume, d'aucun côté... Intégrité de iamotiitté et de la sensibi-

lité des organes vasomoteurs et secrétoires, des réflexes cutanés et

tendineux, de la force motrice; atteinte de la mémoire dans

toute son étendue... Mais le malade finit par se calmer ; l'anxiété,

les hallucinations, les conceptions délirantes rétrocèdent au bout

de cinq semaines; il se met travailler; de la douleur de tête il

reste une inexprimable sensation de boulimie. Puis, quelques se-

281 SOCIÉTÉS SAVANTES.

maines plus tard, nouveau dégoût du travail, sorte de folie systé-

matique hallucinatoire aux idées d'empoisonnement ; mais bien-

tôt la santé psychique reparaît parfaite. Sortie, à Litre d'essai, le

24 janvier 11885 ; la douleur de tête est devenue supportable ;

l'écriture et le style incohérents et stcrotypés jusqu'alors, témoi-

gnent de la coordination complète des idées et de leur multipli-

cité. La guérison s'est maintenue. M. Schroeter rattache à

l'accident d'il y a vingt ans les premiers phénomènes sensoriels

(céphalalgies, flammes, dépressions, malaises hypochondriaques,

affaiblissement de la mémoire, idées délirantes), bien qu'ils se

soient produits dans un laps de temps très éloigné. A ce moment

s'ajoute un traumatisme nouveau ; alors on voit survenir une

douleur locale excessive, de l'insomnie, des troubles oculaires, des

troubles de l'ouïe, et, somme toute, une psychose présentant tous

les caractères d'une folie traumatique avec ses alternatives de

mieux et de plus mal. L'avant-coin pourrait bien être incriminé

plus spécialement (recherches de Munk et f;oltz).

Observation II. Homme de vingt-sept ans, célibataire. Héré-

dité paternelle et maternelle ; la grossesse et l'accouchement qui

le concernent se sont effectués normalement ; il s'est développé

régulièrement jusqu'à l'âge de quatre ans, époque à laquelle il

eut la tête prise et gravement lésée dans une machine(perte de con-

naissance pendant un temps assez long). Aurait bien appris à

l'école et serait devenu un bon commis. En 1883, il se met à né-

gliger ses affaires, depuis cinq ans déjà, il tournait à la misan-

thropie ; mutisme, idées d'empoisonnement, refus de manger ; se

retire seul, se promène au hasard nuit et jour et nourrit des

.conceptions délirantes. On le compare à feu son père. Il n'est plus

apte qu'à la garde d'une mère débile et hystérique ; on redoute

des accidents. Traité sans résultat à l'hôpital. Entré à l'asile le

2 mai 1884. Graduellement il reprend du maintien, s'occupe aux

soins domestiques, se met à travailler, devient raisonnable et lo-

gique dans ses actes; ses parents le reprennent le 27 juillet. Mais

on le replace le 2 ! ) novembre. Etat actuel. Petite stature (il pèse

z+ lui. 5 et mesure lm 5z).) ; physionomie intelligente, regard sou-

vent vif, mais généralement tête baissée et sombre. Crâne de

forme normale ; rien de particulier dans l'indication des dia-

mètres. Au niveau du frontal gauche, existe une large cicatrice

radiée, adhérente à l'os ; le tissu osseux lui-même déprimé se

creuse de plus en plus vers le sinus; cette cavité commence au

milieu du rebord sus-orbitaire gauche et s'étendant vers le front,

sur un parcours de 275 mill., présente alors une largeur de 2 cent.,

le sourcil est coupé en sa partie moyenne par la cicatrice, et sa

moitié externe se trouve rétractée, de telle sorte qu'elle est plus

élevée de 1 cent. que sa moitié interne. Intégrité à peu près

complète du facial ; intégrité de la langue, de la luette, du voile

SOCIÉTÉS SAVANTES. 285

du palais, un peu de nasonnement de la voix, intégrité des pu-

pilles, du fond de l'aeil, du champ visuel, de l'ouïe, des nerfs

sensoriels, des réflexes, de la sensibilité et de la motilité générale.

Rien du côté de l'excitabilité électrique, si ce n'est un peu d'exa-

gération dans la contractilité des muscles de l'éminence thénar.

Ni lipothymie, ni accès convulsifs. Humeur variable ; par instants

on a affaire à un homme insupportable et inutilisable qui, de

temps à autre, se plaint si bruyamment qu'il faut l'isoler une

couple d'heures ; il porte fréquemment la main à sa cicatrice et

se plaint de douleurs dans le sinciput; en même temps, il offre les

signes de perturbations vaso-motrices (visage un peu rouge, pouls

un peu accéléré et plein, mais normal et régulier), puis il rede-

vient joyeux, récupère la plénitude de ses facultés de relation et

de son entendement, participant aux exercices communs ainsi

qu'aux travaux de la maison. A d'autres moments, il se conduira

comme un enfant, prendra des poses singulières, ou conservera, à

l'instar d'un cataleptique, celles qu'on lui fait prendre. Hallucina-

tions de l'ouïe et de la sensibilité générale, changeantsuivantleur

teneur variable, sa mauiéte d'être et fournissant matière à des

idées de persécution : par exemple, flammes se mouvant à terre

tout autour de lui. Intelligence d'ailleurs assez active tous

égards, à part quelques idées puériles et divers souhaits frivoles et

mobiles. Le siège de la cicatrice frontale, qui occupe le tiiveaudes

première et deuxième frontales gauches, suscite l'hypothèse, qu'à

l'époque de l'accident, il peut y avoir eu lésion de l'écorce du cer-

veau, d'où la céphalalgie localisée. Mais il n'y a pas eu d'action à

distance, comme en témoigne l'intégrité intellectuelle. Il est im-

possible de rattacher à la lésion du crâne et de son contenu le

trouble mental, postérieur à elle, parce qu'il faut tenir compte de

la tare héréditaire. Inversement la lésion en question représente

un facteur pathogénétique prédisposant à l'explosion d'une affec-

tion mentale chez un héréditaire; cet élément anatomo-pathoio-

gique expliquerait la fixité de la psychopathie, constituant le

pivot d'une foule de phénomènes morbides, variant dans leur

mode et dans leur intensité.

Discussion : M. Jastrowitz. Combien peu la forme des psy-

choses correspond aux causes qui les ont produites ! Le travail

d'llartmauu le reconnaît, quand il indique que les psychoses

traumatiques se composent successivement : d'un stade lypéma-

niaque (incubation), d'une période de manie avec affaiblisse-

ment intellectuel, d'une phase maniaque avec désordre dans les

idées. ,

M. l''ALK. Il faut distinguer si la psychose succède de bonne

1 Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. 270.

286 SOCIÉTÉS SAVANTES.

heure à la lésion, ou si elle ne se produit que plusieurs jours

plus tard. Il a rencontré des cas d'affaiblissement intellectuel

dont la cause ne se pouvait guère rattacher qu'à des lésions re-

montant à la jeunesse.

M. Jastrowitz. Les lésions traumatiques peuvent devenir le point

de départ de tumeurs; chez maints paralytiques généraux,

les anamnestiques décèlent un traumatisme.

M. Loehr senior n'a enregistré dans sa pratique aucun cas de ce

genre; peut-être est-ce parce qu'il s'agit de préférence de la

femme. La bibliographie contient de rares exemples de psychoses

consécutives à des blessures crâniennes ; en revanche, dans l'épi-

lepsie, on invoque fréquemment les traumatismes comme causes.

111. GOLDSTGIN. Sur les rapports delà syphilis avec la paralysie

progressive. Mémoire publié in extenso à part '.

Discussion : M. ScHROETËR se rattache à cette assertion de l'au-

teur d'après laquelle, quand il y a eu syphilis, la marche de la

maladie est très rapide.

M. ZEKKER rappelle un mémoire lu au congrès international de

Copenhague, suivant lequel la paralysie générale serait un acci-

dent tardif de la syphilis. Il est, comme l'auteur, d'avis que le

traitement antisyphilitique accélère l'évolution de la paralysie

générale.

M. jASTHOWtTZ. Au sein même de cette société, Jung a parlé sur

le même sujet. Evidemment l'influence de la syphilis constitue

plus qu'un facteur simplement prédisposant. Dans son établisse-

ment, 51 p. 100 des paralytiques généraux ont eu, d'après les

médecins ou les profanes instruits, bien réellement la syphilis. Il

ne s'agit donc pas d'une simple prédisposition, mais d'un rapport

intime. Il convient, en outre, de se rappeicrque la paralysie géné-

rale atteint chez la femme, presque exclusivement les filles pu-

bliques, Gedicken fournit, d'après Jaspersen, une proportion de

95 p. 100, mais ce dernier a rangé dans la classe des affections

syphilitiques la gonorrhée, ce qui surcharge le rapport. Aujour-

d'hui même, chez une fille publique de ce genre, on a trouvé à

l'autopsie de la pachyméningite, de l'atrophie cérébrale, de la

périhépatile et de la périsplénite.

M. Ener, raconte l'histoire d'une femme publique atteinte de

paralysie générale consécutive à la syphilis; la paralysie générale

n'évolua pas du tout rapidement, la malade n'est morte qu'après

quatre ans de séjour à l'établissement.

11. J,sTnowtTZ. Lcwin, il y a quelque temps, disait à la Société

1 Voy. Archio. de Neurol. llevues analytiques.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 287

de médecine que sur 100 filles publiques, il n'avait observé aucune

paralysie générale ; cela n'a rien de surprenant, car dans un

service de syphilitiques on peut méconnaître la paralysie géné-

rale.

M. FALK. Dans les temps les plusreculés, la syphilis, pas plus que

la paralysie générale, ne constituaient des affections si fré-

quentes. Du reste, la syphilis constitutionnelle s'accompagne de

foyers de ramollissement ou de gommes, sans paralysie générale

concomitante.

M. JASTItO\1'1TZ. Les altérations anatomiques en question peu-

vent sans doute donner naissance à des psychoses qui ne sont

pas de la paralysie générale; elles représentent des affections en

foyer avec démence. Mais il est extrêmement probable que, dans

le cerveau, de même que dans d'autres organes, il y a des lésions

syphilitiques généralisées que nous ne connaissons pas encore.

Les altérations syphilitiques des vaisseaux découvertes par

Ileubner n'ont jeté aucune lumière sur ce point.

M. Folk rapporte le compte rendu de deux autopsies médico-

légales relatives à des individus encore capables de travailler,

brusquement fauchés par des accidents traumatiques. On trouva

dans le cerveau des gommes, sans autre altération viscérale sy-

philitique ; il n'y avait eu pendant la vie aucun symptôme de

psychose.

M. 1,(i : iiR seizioi,. On est frappé des différences accusées par les

statistiques sur la fréquence de la syphilis dans laparatysie géné-

rale. Jessen, à l'asile de Siegburg, trouve une proportion de

7p. 900; à l'asile d'Anderiia(-,11, elle monte à 3a p. 100. A Co-

penhague la proportion devient encore plus élevée. Il importe

énormément dans l'espèce, de s'inquiéter des classes sociales dont

proviennent les malades, ou des grandes villes qui avoisinent les

asiles. Quoi qu'il en soit, la syphilis dans la paralysie générale

atteint une proportion centésimale plus 'élevée que dans les

autres psychoses. Snell n'a cessé de professer que quiconque a eu

la syphilis il y a vingt ans n'est point aliéné de par la syphilis,

surtout s'il est établi qu'il ait eu des enfants bien portants.

M. Loeiir senior. Etude sur le congrès médical international de Co-

pOt/tCtyue.A la suite de considérations générales qui s'écai tent peu

de celles que l'on a présentées en France dans divers recueils sur

ce congrès, l'auteur cite, parmi les plus brillants représentants des

nations : Pasteur, Virchow, Pa,-et. Il ajoute : « Le plus populaire

d'entre eux fut Pasteur ». Les savants qui prirent la part la plus

active aux travaux de la section de Psychiatrie et iyezii-optithologie

furent : pour l'Allemagne, Hurkart, Euienburg, Fuerstner, Poetx,

Koehler, Lorent, Mueller, Moebius, Edel, Loehr senior; pour

288 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'Autriche, Adamliiewiez, Obersteiner; pour la Russie, Afanas-

siew, Rôti), Rosenbacb, l3ashenew; pour les provinces du Nord y

compris la Finlande, Friedenreich, Goedeke,Kjcllberg,Stecnberg,

l'onloppiclau, Rohmeii. Homén, Hallager, Soelau, Lindboe,

Joederhom ; pour la Hollande, Mamaer; pour Constantiuople,

Zamhacu; pour le Portugal, Magalhaes e Lemos.

M. le professeur Steenberg, président du congrès, délégua ses.

fonctions à ses collègues élus présidents d'honneur. Ce furent,

eu ce qui concerne notre section, Rail, Limier, Magnan, Itamaer,

Eulenburg, Loehr, Obersteiner, Adamkiewicz, Goedoke, Kjellberg.

Communications : .'

A. Steenuerg. Aperçu statistique sur les aliénés et les Institur

lions psyclcicttriqzces de la ScandinaLie. mémoire écrit en fran-

çais. Nous ne l'analyserons donc pas ; on fera bien de se reporter

comparativement à notre analyse du mémoire de Claus '.

B . An.nhwmcz . Contribution ci l'histologie pathologique du

tabès. (En allemand.)- Il existe deux sortes de tabès. L'une se

rattache à une dégénérescence interstitielle du tissu conjonctif

qui accompagne les artères des cordons postérieurs. L'autre ré-

sulte d'une lésion primitive des fibres nerveuses : elle commence

principalement dans les cordons de Goll ainsi que dans les zones

des cordons cunéiformes qui ont la forme d'un F; de cette forme

on reconnait-surtout les détails à l'aide de la coloration à la sa-

fi,aiiille 2.

C. 013LRsiFlrçElt. Sur lu rraorplaiomwie <;<60H traitement. (En alle-

mand). Il s'agit non de sevrer les malades brusquement, lente-

ment ou par un procédé intermédiaire, mais bien d'adapter le

mode de traitement à chaque individu. On n'obtiendra la gué-

rison que si les douleurs physiques ou psychiques pour lesquels il

prenait la morphine ont été préalablement supprimées; on ne

guérira ni les individus âgés (de plus de 60 ans), ni ceux dont la

constitution somatique est très affaiblie, ni ceux qui sont émi-

nemment excitables. Une grande prudence est recommandée à

l'égard des personnes atteintes de lésions organiques du coeur

avancées. Pendant le sevrage, le chlorhydrate de cocaïne (à la

dose de 5 40 centigrammes plusieurs fois par jour) diminue très

notablement les sensations désagréables résultant de l'abstinence

de la morphine. Il n'y a de dangereux pour la vie que le collapsus

qui peut survenir, même très longtemps après l'abstinence de la

1 Voy. Archives de Neurologie, t. VII, p. 278, et 398, t. VIII, p. 109

et 255.

2 Voy. Progrès médical, 1885.

SOCIETES SAVANTES. 289

morphine. Les accidents, qui résultent du morphinisme chro-

nique, et qui parfois persistent à la suite d'un sevrage en appa-

rence très fructueux, sont des accidents psychiques capables

d'aboutir, à l'occasion, au suicide ou à une perturbation mentale

organisée. '

D. Poetz. L'importance des colonies de travail agricole pour le

traitement des maladies mentales. (En allemand.)- Le système de

ces colonies a pour but de désencombrer les asiles, et de procurer

aux malades la plus grande somme de liberté et de bien-être

exigible. 11 va de pair avec les soins des aliénés dans les familles

groupées autour de l'établissement'. Grâce à ces colonies, onmul-

tiplie, augmente, organise, utilise toutes les activités; on diminue

la cherté de la vie, on dispense les avantages hygiéniques de la

vie à la campagne. Leurs désavantages sont : la plus grande dif-

ficulté du contrôle et de la surveillance, ainsi que l'impossibilité

de séquestrer des aliénés violents et ceux qui tendent à s'enfuir.

A. Alt-Scherbitz2, on a réduit ces inconvénients dans la mesure

du possible par l'association d'un asile central à une série

d'édifices agricoles.

E. KIFLLBERG. Du rôle des écoles dans la production des maladies

mentales. (En français.)

F. Eulenburg. La curabilité de tabes. (En allemand.) Il existe

des guérisons complètes (dans le sens clinique du mot) de cette

maladie; mais on ne saurait en admettre la réalité que quand le

diagnostic ne souffre aucun doute, quand la disparition graduelle

des symptômes caractéristiques est certaine, quand il est indubi-

table que les fonctions sont revenues ad integrum, quand, depuis

des années, il ne s'est effectué aucune récidive. Enfin, 1 p. 100 des

tabétiques guérit sans qu'un mode spécial de traitement ait con-

duit à ce résultat, sans qu'il existe de crilerium de curabilité. Au

point de vue anatomo-pathologique; il n'existe peut-être aucune

espèce de guérison; car on rencontre, dans les cas où la guérison

est produite cliniquement, des dégénérescences extrêmement

diffuses dans les cordons postérieurs. On peut regarder comme

les cas les plus favorables ceux dans lesquels le processus a com-

mencé par la périphérie, par exemple, par les rameaux termi-

naux des nerfs de la peau ou dans les travées interstitielles de la

moelle.

G. BALL. De l'hérédité dans la paralysie générale. (En français.)

1 Voy. Archives de Neurologie, t. IX, p. 414, t. V, p. 125 et 266, t. IX,

p. 416.

Id., t. X, p. 140.

Archives, t. XI. 19 9

290 SOCIÉTÉS SAVANTES.-

Il. ROUMKLL. Du rôle de la syphilis dans la paralysie générale.

(En français.)

J. EuLENBURG. Les névroses vaso-motrices et trophiques. (En allc-

mand.) L'auteur établit les propositions suivantes : 1°-on abuse'

souvent des expressions de névroses vasomotrices (ou aiigioizé-

vroses) et de trophonévroses, à cause du peu de précision apporté à

la définition de ces termes. C'est à l'expérimentation rapprochée

de la clinique qu'il appartient de faire cesser le vague, de bien

spécifier les troubles pathologiques de l'innervation ainsi dési-

gnés, de les légitimer eu quoique sorte, enfin de tracer les limites

respectives des angionévroses et des trophonévroses; 20 il existe

des angionévroses centrales (cérébrales, médullaires, hulhaires)

et des angionévrojes périphériques, des névroses des vaso-constric-

teurs, des névroses des vaso-dilatateurs, des angionévroses cuta-

nées et viscérales. Les exemples les plus parfaits d'angionévroses

cutanées sont notamment fournis par certaines formes d'érythème

et par l'urticaire; 3° on ne saurait révoquer en doute l'existence

des nerfs trophiques et des névroses de ces nerfs (trophonévroses);

4" on observe de semblables névroses à la peau, aux appareils

terminaux (muscles, os, articulations), dans les glandes, dans les

viscères, dans les organes des sens, etc.; 5° les troubles de l'inner-

verlion, qui relèvent de ces affictions, peuvent être distingués,

d'après leur nature et leur genèse, en : a) ceux qui ont pour base

un défaut, une diminution, une sttppression de l'activité fonction-

iielle des nerfs trophiques (agénésies, atrophies, aplasies névro-

tiques) ; 6) ceux qui reposent sur une exagération chronique de la

fonction des nerf trophiques (hypertrophies, hyperplasies névro-

tiques) ; c) ceux dont on peut rattacher la cause à un état d'irri-

tatioit aigu, généralement inflammatoire (névrotique), des nerfs tro-

phiques (dystrophies névrotiques et paratroplies). Des exemples

évidents de forme relatives aux §§ a et sont constitués par

l'atrophie et l'hypertrophie faciales unilatérales, formes cliniques

pures, à rapprocher des mêmes accidents portant sur le tronc et

les extrémités dont elles sont soeurs. On a des exemples des affec-

tions que vise le § c (dystrophies par irritation aiguë), dans l'her-

pès zoster et certains autres exanthèmes (pemphigus), dans cer-

taines modalités dues au décubitus, dans les oplithalmies dites

neuroparalyliques. On n'est pas encore en état de décider si la

gangrène symétrique des extrémités résulte de troubles dans

l'innervation des nerfs vasomoteurs ou trophiques, ou de ces

deux ordres de nerfs à la fois.

- J. Ban.uuc. Traitement des congestions et exsudations chroniques

de la moelle <'pu ! tere au moyen de vcnl ntscs (Et)' aile -

mand.) ·

SOCIÉTÉS SAVANTES. 291

K. ROT)) et Friedenreicii. Sur la sclérose latérale anM/0< ! 'Op/t ? if.

En français.)

L. Adamkiewicz. Sur l'irritation, la lésion, la compression du

cerveau. (En allemand.) - Toute intervention étrangère qui vient

modifier la manière d'être normale du cerveau, soit en en alté-

rant la circulation, soit en agissant directement sur sa substance,

provoque une réaction de l'organe, qui se révèle par le trouble

des fonctions de certains appareils ou de certains systèmes de

l'économie, tels : l'oeil, les poumons, la charpente musculaire.

Les manifestations correspondantes sont : le nystagmus, l'aryth-

mie et l'irrégularité de la respiration, des convulsions. Désignant

comme excitants les agents qui font réagir la substance nerveuse,

nous devons dire que le nystagmus et les autres troubles font - z

tionnels sus-énoncés sont des phénomènes d'excitation. Le cer-

veau est donc un à l'égard des excitants physiologiques qui

déchaînent toujours les mêmes réactions indiquées. Chaque exci-

tant détermine dans la substance nerveuse un état anormal d'au-

tant plus accusé que l'excitant est plus intense. Mais la substance

nerveuse supportera cet état anormal jusqu'à une certaine limite.

Plus un excitant est intense, plus vite cette limite sera atteinte ;

à ce moment, l'état de la substance nerveuse change : d'actif il

devient passif : aux phénomènes d'excitation succèdent des phéno-

mènes de paralysie. La paralysie se traduit d'abord par le sopor

et le coma; finalement, quand l'altération de la substance ner-

veuse est généralisée, par une paralysie généralisée. Ces notions

sont de toute antiquité; c'est sur elles qu'est assise la pathologie,

les phénomènes d'excitation et de paralysie formant par leur com-

binaison autant de signes pathognomoniques des états patholo-

giques suivants. Sous le nom de compression cérébrale, on enseigne

qu'il y a un foyer intracrânien qui en empiétant sur l'espace

ambiant, comprime le liquide céréhrospinal, et détermine un ac-

croissement de tension à l'intérieur du crâne. Il en résulterait de

l'anémie cérébrale. On a supposé, en établissant cette doctrine que

la substance nerveuse est incompressible. Or, expérimentalement,

cette hypothèse est fausse; ses conclusions sont donc erronées, il

y a, dans l'espèce, non point anémie, mais liyperéiiiie cérébrale;

L'expression de contusion cérébrale désigne une lésion trauma-

tique du cerveau se traduisant par les phénomènes indiqués

311l)i-ii. Or, nous savons aujourd'hui qu'une lésion limitée au cer-

veau ne produit que de simples accidents de déficit fonctionnel

qui dépendent exclusivement de la fonction de l'endroit lésé. La

rubrique de commotion cérébrale englobait une foule d'états coma-

teux engendrés par des traumatismes violents généralisés, pro-

duits, par conséquent, par action réflexe ; on les distinguerait en

états de surexcitation et états de paralysie' cérébrale. En résumé,

' . SOCIETES SAVANTES.

a compression, la contusion, la commotion constituent des syn-

dromes identiques qui résultent de l'excitation ou de la paralysie

de la substance nerveuse. Ils n'ont pas d'autonomie propre. Mais

il est bon, dans l'intérêt de la pathologie générale et de l'analyse

pathogénétique, d'étudier séparément : 1° l'excitation et la paralysie

du cerveau; 2° les lésions du cerveau ; 3° la compression du cerveau.

La compression possède sa pathologie propre, caractéristique.

De même que les effets d'une lésion cérébrale dépendent du mode

de lésion, de même ceux de la compression dépendent du mode

et du degré de compression. Il y a lieu de distinguer trois degrés.

Dans un premier degré, la compression est adéquate à la com-

pressibilité de la masse nerveuse. Pas de symptômes. Au second

degré, la compression dépassela faculté de compressibilité de cette

substance compatible avec son intégrité : troubles fonctionnels

spéciaux à un troisième degré, il y a simultanément destruction

de la matière nerveuse; les phénomènes ne se distinguent pas de

ceux du traumatisme ordinaire.

M. Mueller. Les éléments de dyscrasie qui jouent un rôle dans la

genèse des psychoses et des névroses. (En allemand.) Les altéra-

tions de la constitution normale du sang constituent la source la

plus féconde en perturbationset en affections du système nerveux,

tant dans ses départements centraux que dans ses départements

périphériques. Les facteurs de dyscrasie proviennent en partie

des matériaux étrangers à l'organisme, \enus du dehors, qui,

pénétrant dans le torrent circulatoire, deviennent la cause d'al-

térations des fonctions du système nerveux. Ces éléments patho-

gènes sont : les uns toxiques ou septiques, les autres gazeux.

D'aucuns, enfin, sont formés par des bactéries, qui modifient la

crase du sang, tantôt rapidement, tautot lentement, et générale-

ment aboutissent à des affections spécifiques du système nerveux.

Un groupe de dyscrasies provient de la pénétration dans l'écono-

mie d'alcool, de morphine, de tabac; charriés aussi par le sys-

tème vasculaire, ces agents troublent les fonctions du système

nerveux et déterminent généralement des névroses à forme spé-

ciale. Il faut enfin tenir pour des dyscrasies ces états du sang

qui se forment dans le corps lui-même ou du corps lui-même;

tels les produits de nutrition vicieuse, d'une hématopoïèse altérée

par oxydation défectueuse par arrêts d'excrétion (cholémie, uré-

mie). Emploi de l'analyse spectrale du sang pour le diagnostic

des dégénérescences hématiques.

N. Hallager. Les troubles psychiques dits équivalents d'épilepsie.

(En français.)

0. K7ELLBEIiG. La valeur des exercices dans le traitement des n4cila-

(lies mentales. (En français.)

'SOCIETES SAVANTES. 293

P. Rosenbach. Sur la pathogénie de l'épilepsie. ( En alle-

mand.)

Q. STORCH. Contribution au traitement de la migraine et de la

céphalée chez la femme. (En allemand.) Deux cas sont rapportés

dans lesquels le traitement local d'érosions, polypes muqueux

etc., de l'utérus ont notablement amélioré les accès d'hémi-

crânie.

Aux discussions ont participé MM. Zenker, Falk, Loehr sen.,

Edel. Séance terminée à cinq heures. (Allg. Zeitschr. f.'Psych.,

XLII, 2.) P. K.

XIX- CONGRÈS DES MESURES DE LA SOCIÉTÉ DES ALIÉNISTES

DE LA BASSE SAXE ET DE WESTPHALIE

Séance du 1 el mai 4 885 1.

M. Snell est choisi comme président. Secrétaire : M. Tannen.

M. SNELL. Sur les formes morbides présentées par les aliénés reçus

à l'asile de traitement et d'hospitalisation d'llilde.sheim pendant ces

vingt-huit dernières années \. L'intérêt de ce rapport gît dans le

diagnostic et le classement uniformes adoptés par l'auteur, en

conformité avec des principes scientifiques qui n'ont jamais varié.

Nombre des admissions. Accroissement progressif de 1857 à 1866.

En 1866, ou ouvrit le deuxième asile d'aliénés de la province de

Hanovre, à Gcetlingen3. En 1868, on ouvrit le troisième établisse-

ment à Osnabriich4. Aussi se produisit-il momentanément moins

d'entrées à Hiidesueim. Mais on ne tarde pas à voir les admissions

augmeuterde nouveau, au point que, dans ces dernières années, il

dépasse le nombre des admissions antérieures à l'installation des

deux derniers asiles.

Voy. Archives de Neurologie.

s/d ? t.X,p.298.

3 Id.

à Id.

.294 SOCIÉTÉS SAVANTES.

' .. 1 .... ' TABLEAU STATISTIQUE

.SOCIETES SAVANTES. 295

plus souvent que dans la mélancolie les formes légères; cela

s'explique par le fait que la manie, si atténuée qu'en soit la forme,

cause d'ordinaire beaucoup de désordre, et devient très dange-

reuse : dès qu'on s'oppose aux actes impulsifs de ces' malades, on

les agite. Quant aux vésanies proprement dites à délire orga-

nisé, il y en a moitié moins que de manies. Cependant, la vésanio

serait bien plus fréquente. Il s'agit généralement ici de délires se

développant très lentement, les malades se conduisent convena-

ment, ils continuent à s'occuper. Les idées de persécution, fondées

sur des hallucinations, sont plus tard généralement compliquées

d'idées de présomption; et cependant le délirant sait se maîtriser,

il conserve un jugement sain sur tout ce qui n'est pas sa personne

et qui ne touche pas à ses idées délirantes. Aussi la vie au dehors

est-elle encore possible pour beaucoup de ces malades. Ainsi

s'explique que, si rare que soit la guérison de ce délire chronique,

il est fréquent de le voir atteindre un stade de calme pendant

lequel les idées délirantes et les hallucinations n'entament plus

le domaine affectif de la sensibilité morale : le patient vit donc en

paix avec le monde extérieur. En revanche, dans les cas plus défa-

vorables, il faut demander à l'asile un traitement de plusieurs

années, et les délires à forme aiguë jettent le désarroi et devien-

nent dangereux. Dans ces dernières années, les psychopathies de

ce genre ont augmenté à l'asile d'Hildeslieim. Il en est de même

des cas d'affaiblissement intellectuel et d'imbécillité. Le nombre

des idiots s'est également accruquelque peu, malgré l'installatiou

d'un grand asile spécial à Langenhagen. Augmentation de la

paralysie générale et des troubles mentaux imputables à l'épi-

lepsie. La progression relative du nombre des formes incurables

sus-énoncées explique la diminution re'ative, mais encore légère,

des cas de guérison.

Aperçu relatif aux améliorations introduites dans l'assistance des

aliénés de la province de Hanovre, au cours des vingt-huit années

dernières1. Au début de l'année 1857, l'asile d'Ilildeslieim, le

seul du royaume, entretenait 637 malades. On y atteignit, jusqu'en

1866, le chiffre de 893; à cette époque, on ouvrit l'asile de Goet-

tingen. Aujourd'hui, les trois asiles publics de la province séques-

trent environ 1,600 aliénés; la moitié d'entre eux occupe Ilil-

desheim. Les asiles privés d'Ilten ', de Liebenburg, de Koenigshof.et

quelques autres de moindre importance, contiennent actuellement

500 malades à peu près. Total général : plus de 2,000 aliénés. La

proportion des aliénés séquestrés comparés à l'ensemble de la

population est de 1 : 1,000.

1 Voy. Archives de Neurologie, mémoire de Laehr, t. X, p. 293. ,

'-Id., t. V, p. 125 et 266; t. IX, p. 414 et 416.

296 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Discussion : M. Scholz. A Brème, il a plus rarement observé les

perturbations mentales primitives.

MM. KELP et Waurendorfi' ont aussi constaté la plus grande

rareté de la manie. -

M. Rubarth. A Westphalie, dans ces derniers temps, il y a plus

de cas curables que jadis : cela tient à la gratuité de pensions qui

concernent des cas morbides récents.

M. Nicol, médecin praticien à Hanovre, présente trois malades

atteints de tabès, et un malade affecté de paralysie spinale spasmo-

dique. Dans un cas de tabes ataxique, il y avait conservation du

réflexe patellaire, quoique la myélopathie eût commencé à Pâques

1883. Le second ataxique avait conservé sa virilité, mais l'éjacu-

lation. lui causait un ténesme anal tellement douloureux, qu'il

n'osait plus coïter : ataxie extrêmement accentuée des membres

inférieurs et des mouvements de préhension. Le troisième ataxique

présentait peu d'ataxie dans les membres inférieurs, alors que,

depuis quinze à vingt ans, il souffrait de violentes crises gastri-

ques, d'inappétence et offrait le signe de Romberg.

Le malade atteint de paralysie spinale spasmodique est un musi-

cien né en 845, indemne d'hérédité et de syphilis. Début de

l'affection médullaire en 1870, par de violentes douleurs dans les

jambes et en particulier dans le genou gauche, comme si on lui

entrait dans cette région un instrument piquant : impossible à lui

de fléchir les genoux le matin. En 1872, il lui semble que les deux

genoux ont augmenté d'épaisseur; les douleurs ont augmenté.

En 1874, prend les bains d'Oynliausen. Jadis, il a toujours ressenti

le jour, de vives douleurs dans les genoux; il lui était impossible

de tenir ses jambes au repos; au lit, survenait une amélioration,

à raison de la suppression de l'action de la pesanteur; sommeil

et appétit aussi bons qu'aujourd'hui. En 1875, traitementmédical

sans résultat, grande lassitude. En 1876, prend beaucoup de bains

à Norderney, amélioration notable; c'est là que, pour la première

fois, il s'est aperçu que son corps portait presque exclusivement sur

les parties antérieures de ses semelles débottés et que l'on pouvait

voir les raies que traçaient dans la poussière ses pieds en traînant

sur le sol. A l'automne de la même année, réapparition des dou-

leurs, plus ou moins violentes, avec des alternatives d'exacerbation

et de rémission, toujours précédés de changements de tempéra-

ture. Marche plus ou moins gênée. De 1877-1882, usage de bains

de vapeur russes et romains, et, concurremment, électrisation

dépourvue de méthode et de plan, basée sur les diagnostics vagues

et variés de lésion de la moelle et d'hypocondrie. Il y a trois ans,

pouvait encore monter rapidement les escaliers sans aide, mais

causait à ce sujet, des frayeurs mortelles à sa femme. Depuis deux

ans, il lui faut, en les redescendant, rester en suspens aux paliers

SOCIÉTÉS SAVANTES. 297

de refuge. Depuis cette époque, il ne se sent plus aussi vigoureux

de son bras gauche, qui souvent, en jouant du violon, lui semble

presque paralysé. Etat actuel. Patient de belle prestance, de

bon embonpoint, bien musclé, ne marche que sur la pointe des

pieds, le talon demeurant en l'air et n'entrant pas en contact avec

le sol; peut, les yeux fermés, marcher et se tenir debout, aucun

trouble de la sensibilité; pour fléchir le genou, il s'incline à

gauche sur la hanche et rapproche la cuisse du ventre sans oser

rapprocher sa jambe de la face postérieure de la cuisse parce que

la tension des muscles chargés de l'extension fait obstacle aux

muscles chargés de la flexion. Au lieu d'opérer la flexion en

question, il préfère étendre toute la jambe en arrière, la pointe

des pieds demeurant sur le sol en flexion plantaire. Exagération

très notable du réflexe patellaire, surtout au niveau du genou

gauche. Absence du phénomène du pied. Intégrité de la virilité.

Excitabilité neuro-musculaire normale. De cette observation,

M. Nicol rapproche l'histoire d'un confrère danois de trente-six

ans, marié, père de trois enfants sains, qui, depuis sa convales-

cence d'une pneumonie double, souffre, il y a quatre ans de cela,

d'une paralysie spinale spasmodique, ne l'empêchant pas de

vaquer aux soins d'une clientèle très étendue à pied. Descend les

escaliers avec rapidité. Son père, peintre en portraits, aurait

présenté les phénomènes en question pendant trente ans, ce qui

ne l'empêcha pas d'atteindre l'âge de soixante-cinq ans.

Les trois observations de tabes sus-mentionnées portent : 10 sur

un secrétaire au chemin de fer, né en 1848, issu de parents sains,

marié, sans enfant; 2° sur un huissier decinquante ans, indemne

également d'hérédité, marié et père d'enfants sains ; 30 sur un

négociant né en 1832, marié, père aussi d'enfants sains.

Dans le premier fait, la syphilis n'est probablement pas en jeu.

A Pâques 1883, le patient remarque, pour la première fois, un

émoussement de la sensibilité plantaire qui disparaît bientôt. A

la Pentecôte suivante, il éprouve sur les jambes une sensation de «e

froid désagréable, causée par un coup de vent. En juillet 1883, de

temps à autre flatulence cédant rapidement à un traitement mé-

dical ; en même temps, aggravation de l'état général, parfois sen-

sation de fatigue et de lassitude, notamment en montant les

escaliers : « il les monte plutôtavec les mains qu'avec les jambes ».

A inoël 1883, inappétence passagère, genoux faibles, la marche

provoque de la sueur. Les articulations des genoux sont constam-

ment le siège d'une légère sensation de traînée comparable à une

caresse du vent, et, fréquemment, une de ces jointures lui manque,

de sorte qu'il lui faut se rattraper pour ne pas tomber, avec l'autre

pied rapidement projeté en avant. Au printemps de 1884, on lui

ordonne l'exercice qui lui est impossible; il se borne à prendre,

contre la défense, des bains chauds qui produisent en lui un bien-

298 SOCIÉTÉS SAVANTES.

être marqué. Du 1 1 août à fin septembre, bains à Nenndorf.

Pendant les quatre premières semaines, vingt-huit bains, auxquels

un ajoute tantôt du sel, tantôt du soufre; on le galvanise pour la

première fois. Amélioration à tous égards. A ce moment, dyssen-

terie de trois semaines; quand il quitte le lit, il lui faut, à l'instar

d'un enfant, réapprendre à marcher, en poussant un siège devant

lui. Il se rétablit cependant au point que, le 25 octobre 1884, il

reprend son service qu'il n'a point quitté depuis; en même temps,

traitement galvanique et ingestion alternative d'eaux ferrugi-

neuses iodées et albumineuses. Il récupère ses forces et son em-

bonpoint, si bien que, même par le verglas, il peut, chaque jour,

marcher durant deux à trois heures, jusqu'au milieu d'avril 1885,

époque à laquelle, sans prodromes, il est pris brusquement de fai-

blesse, d'inappétence, de troubles digestifs. Puis, tout se dissipe,

.et l'on reprend, sans autre encombre, le traitement aux cou-

rants galvaniques. A l'inverse des tabétiques, il se sent mieux

quand la température est basse; actuellement, on constate de l'a-

.taxie dans les jambes, le signe de Romberg ; la perte de la viri-

lité ; l'intégrité delà sensibilité, à part les anomalies sensorielles

enregistrées, des fonctions excrétoires, de l'appareil visuel : pas

de douleurs eu ceinture, ni lancinantes; conservation, voire quelque

exagération des réflexes patellaires.

Le second malade, indemne aussi de syphilis, accuse des troubles

de la marche depuis à peu près deux ans, à la suite de la guérison

d'une dermatose, qui durait depuis dix ans. Stature puissante; sol-

dat et chasseur acharné. Diplopie, douleurs en ceinture, ataxie ex-

trêmement prononcée dansles quatre membres; ne peut marcher

sans canne ; signe de Romberg très accusé ; la jambe gauche est

moins ataxique que la jambe droite ; absence de réflexe patellaire;

conservation de la virilité, mais coït accompagné de ténesme anal ;

constipation modérée; jamais de douleurs lancinantes, mais

grande sensibilité à la plante des pieds sous l'influence de la

pression : réaction normale des pupilles.

Le troisième tabétique marche comme un estropié; cela depuis

quatre ans; il n'a cependant consulté que pour des vomissements

mucobilieux ; on l'a envoyé àMarienbad; il mentionne des crises

gastriques anciennes. Depuis quinze ans, perte de la virilité ; cons-

tipation; myosis pupillaire très prononcée; absence de réflexe pa-

stellaire ; signe de Romberg; intégrité de la sensibilité; pas de

diplopie; pas de douleurs en ceinture; rien du côté de la miction.

Depuis 1870, ne coite plus que de temps à autre, et plus du tout

-depuis six ans : c'est, à son retour de Marienbad, après s'être

abstenu pendant longtemps de rapports sexuels, qu'il s'est, pour

la première fois, aperçu de son impotence ; son poids a diminué

de trente livres. L'ataxie apparaît surtout quand, après lui avoir

fait fermer les yeux, on lui fait exécuter dans une baignoire des

SOCIÉTÉS SAVANTES. 299 9

mouvements circulaires; il n'est, pour le reste, ataxiqueque quand

on lui obture les yeux, sa vue rectifiant assez ses mouvements

pour qu'il puisse presque se passer d'une canne; il est encore

assez agile pour rapprocher ses pieds de sa bouche, mais non les

yeux fermés.

Ces trois tabétiques mentionnent que les petits bobos traumati-

ques guérissent promptement chez eux. C'est le contraire de ce

qui a lieu chez les tabétiques syphilitiques, ayant pris du mercure.

« Ma peau, disait l'un d'eux, mt, comme du papier buvard humide,

l'intérieur de mon corps est comme rembourré de briques. » (Al-

lusion aux crises gastriques.) Chez un dernier malade et divers

autres tabétiques ayant eu la syphilis, on constatait, au lieu d'une

résignation calme et d'une humeur presque gaie, un sombre déses-

poir. Peut-être en cherchant bien, rencontrerait-on d'autres signes

permettant d'établir un diagnostic différentiel entre le tubes ataxique

idiopalhique elle tabes ataxique syphilitique.

M. Eckeliiann (de llarbur) traite de Vaphasie. Ce mémoire sera

publié à part in extenso avec quelques modifications '.

M. KEH' (d'Oldenbur). De l'asthme et des psychoses.- Un rappel

d'abord sur sa communication, dans la séance du ter mai 1872.

(Allg. Zcitschr. f. Psych., XXIX). L'an dernier Conolly Norman,

directeur de l'asile irlandais de Castebar lui écrivait pour obtenir

des détails plus précissur son observation et l'histoire decas sem-

en ajoutant qu'il avait fait une communication à la

Boitish médical Associai ion sur la répercussion viettî,iiii2le de l'asthme

et tle la folie, observée par lui plusieurs fois,sans qu'il ait trouvé dans

la littérature médicale d'autre fait que celui de Kelp. Cette année

même, il lui envoyait un tirage à partduTouzwal of 3leizitil Science,

avril 1885, du mémoire intitulé : On insanity alternuling with spas-

znodic czslhnza, comprenant ses observations et celle de Kelp.

. Voici celle de lielp : -.

Un jeune homme de vingt-huit ans, de bonne famille, entre

en 18-j à l'asile de Wehnen. Hérédité; bonne éducation; bonne

instruction. Depuis plusieurs années de dyspnée violente, à marche

tantôt aiguë, tantôt chronique, atteignant parfois une intensité

qui met sa vie en danger. Seules les piqûres de morphine cou-

paient les accès, mais pour peu de temps; il finit par se les faire

lui-même aux doses de 0,03 à 0,00, si bien qu'en se guérissant,

il s'est morphinisé; quand il suspend ses injections, il éprouve

toute espèce de sensations désagréables et une sorte d'agitation

qui l'empêchent de dormir. En 1870, il ajoute à ce traitement

l'absorption quotidienne de un à trois grammes de chloral et

même davantage. Toutes les tentatives qu'il a faites pour se

1 Nous l'analyserons alors.

300 SOCIETES SAVANTES.

sevrer l'ont transformé en une espèce de fou furieux délirant;

vite il a recouru à ses narcotiques dont l'abus colossal a duré pres-

que un an. Finalement, disparition absolue des accès d'asthme;

mais ceux-ci sont alors remplacés par ;de la surexitation senso-

rielle, de l'affaiblissement de la volonté et de l'intelligence déplus

en plus marqués. D'abord un peu agité, il ne tarde pas à tomber

dans la stupeur dont on ne peut le faire sortir qu'en l'interpellant

énergiquement; puis, paroles incohérentes, hallucinations et illu-

sions de presque tous les sens; il croit qu'on lui injecte du mer-

cure ; dépression extrême de l'affectivité; prédominance d'an-

goisses, accompagnées de désespoirs, d'idées d'empoisonnement.

On lui administre inutilement du KBr; les bouillons à l'extrait de

viande et le vin rouge relèvent l'état de ses forces. Cette fois,

l'état psychique, sans être modifié, témoigne d'un grand calme.

Multiplication des idées délira nies; sa chambre est une chambre

de torture, on lui seringue toute espèce, de saletés; il voit, à l'aide

d'appareils réflecteurs, les endroits éloignés, les événements, les

personnes; partout aux environs, il existe des conduits souter-

rains où l'on tue constamment des hommes. Confusion du temps,

des lieux, des personnes qu'il voit tous les jours. Ce délire lypé-

ruano-liallucinatoire dure à peu près sept mois, pendant lesquels

on redoute la démence consécutive. Tout à coup reparaissent les

accès d'asthme, accompagnés de dypsnée extrême, de râles so-

nores, sans rhonchus sous-crépitants; peu de toux, peu d'expec-

toration ; absence complète de murmure vésiculaire, et d'accidents

cardiaques. Chaque accès entraîne le découragement, la demande

des injections de morphine dont le refus provoque une agitation

excessive. L'asthme diminue à son tour d'intensité et le malade

apparaît amélioré au point de vue mental. Trois mois de cette

phase asthmatique font totalement disparaître hallucinations et

idées délirantes; mais, en revanche, l'asthme ne laisse plus au pa-

tient que quelques périodes de tranquillité. La guérison des trou-

bles mentaux est demeurée complète; il est parti après un traite-

ment de onze mois et n'est pas revenu à l'asile tant l'intégrité

psychique était assurée. Quelques années plus tard, il mourait de

son affection thoracique et de l'abus des injections morphi-

niques qu'il avait recommencées.

M. Kelp rapprocha de ce fait quatre des sept observations de

Norman qui établissent le rapport entre le complexus symptoma-

tique des accidents psychiques et l'asthme. Dans les trois autres

faits de Norman, rien de particulier à signaler. En somme, l'auteur

anglais constata, dans l'espèce, deux fois de la mélancolie aiguë,

quatre fois une psychose dégénérative chronique en partie liée

à des conceptions irrésistibles, mais à des obsessions affectant une

évolution rapide, une fois de l'agitation maniaque. La production des

conceptions irrésistibles serait surtout provoquée ici par des excès

SOCIETES SAVANTES. 301

sexuels ou diverses tares héréditaires entées sur une constitution

neuropathique (opinions concordantes de Schuele et de Krafit-

Ebing). « Bien que, ajoute M. Kelp, les sept cas de Norman ne

représentent pas des observations détaillées, on doit accepter qu'il

s'agit bien d'un asthme nerveux qui joue, par rapport àla psychose,

le rôle d'une affection métastatique vicaciante, et suppose, par

suite, un élément nerveux sous roche. Cette constatation a quel-

que importance pour la pathogénie des psychoses; elle l'enrichit

d'un nouveau genre de mécanisme qui permet d'en éclairer la

marche plus vivement que dans d'autres cas. » C'est, du reste,

l'histoire des psychoses consécutives à l'excitation des nerfs sen-

sitifs (névralgie frontale, occipitale, voy. Griesinger); c'est l'his-

toire encore des troubles succédant aux accès d'épilepsie ou rem-

plaçant un accès ou une aura épileptique. Le cas de Kelp révèle,

après la cessation de l'asthme nerveux, une surexcitation des nerfs

sensoriels, l'apparition de phénomènes d'angoisse et d'hallucina-

tions de la vue, d'une ressemblance frappante avec les accidents

du cas de Griesinger (névralgie de la cinquième paire). Les états

d'excitation des nerfs sensibles se propagent à certaines parties

du cerveau, d'où la transformation. L'asthme nerveux n'est-il pas

lui-même une névrose du nerf vague; les filets sensitifs contenus

dans ce nerf, qui règlent le-rhythme des mouvements respira-

toires, se rendent à la moelle allongée où aboutissent également

des nerfs moteurs chargés d'animer les muscles respiratoires.

L'excitation de ces rameaux, si prononcée dans l'asthme nerveux,

peut aussi se transmettre au cerveau et provoquer ainsi tout le

complexus symptomatique de la psychose décrite. Il n'y a à cela

rien d'étonnant, puisqu'aux maladies des organes respiratoires se

raltache étiologiquement le développement de certains troubles

psychiques : psychopathie spéciale des phthisiques; folie surve-

nant dans le cours de la pneumonie. Wille et Schuele ont vu se

développer des psychoses aiguës et chroniques dans le cours ou à

la suite de la pleurésie.

La prochaine séance aura lieu le ler mai 1886, à Hanovre, hôtel 1

Kasten. (Allg. Zeitsch. f. Psych., XLII, 2.) P. K.

302 SOCIÉTÉS SAVANTES.

X- CONGRÈS DES NEUROLOGUES ET ALIÉNISTES

DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST1

SESSIOIN DE

Séance du 13 juin 1885.

M. le premier curateur, conseiller aulique Scuul;LE salue l'as-

sistance. M. le président d'âge, conseiller aulique de ltevz. pro-

pose et fait accepter la présidence de Boeumier. Secrétaires :

111. 'luczcl : et Laquer.

Communication des lettres d'absents empêchés. La commis-

sion thermale a fait remettre des cartes permettant de pénétrer

sur son territoire.

M. 1lLYElàlt.l\Y (de Râle). Sur la po<t0<)tt/( ! <e antérieure aiguë et

la paralysie de Landry, Un jeune homme de vingt-deux ans

aurait été atteint d'une fièvre modérée (n'ayant pas dépassé 39°);

puis, soudain il se serait affaissé sur lui-même. Ou constate

quatre jours plus tard, le 32 novembre 1884, une parésie modé-

rée des extrémités inférieures, et, le lendemain une paralysie

complète qui gagne la paroi musculaire de l'abdomen. Flacci-

dité des organes paralysés ; conservation du phénomène du ge-

nou, des réflexes plantaires eterémastériens; pas de troubles de

la sensibilité ; excitabilité électrique normale; pendant quatre

jours légère paralysie de la vessie, nul trouble de la.défécation.

Puis, pendant quelques jours, la fièvre décroît tandis que la pa-

ralysie envahit les extrémités supérieures. Le 27, accidents bul-

baires ; difficulté de la déglutition et delà respiration, mais ces

accidents rétrocèdent bientôt; état stationnaire quant à la pa-

ralysie des extrémités, et rapide disparition des réflexes dans les

membres inférieurs. Excitabilité électiiqup normale; absence

d'atrophie en masse des muscles paralysés : pas de convulsions

fibrillaires dans ces muscles. La paralysie des extrémités supé-

rieures s'améliore bientôt. Traitement à j'antipyrine; hydrothé-

rapie, galvanisation de la moelle; injections hypodermiques de

strychnine jusqu'à la dose de millier., trois fois par jour. Le

28 décembre, frisson violent avec claquement de dents et trem-

blement; nouvel accès de lièvre : dyspnée, pneumonie fibrineuse

du lobe inférieur droit. Expectoration impossible; asphyxie,

'Yoy.)'c/t ? cA'<; ! (t'o ? t.)X)p.92.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 303

mort dans la nuit du 31 décembre. Autopsie, ) Intégrité de la

structure des muscles et des nerfs périphériques, aucune ano-

matie dans l'encéphale, à part de l'oedème et de la cyanose. La

moelle ne présente extérieurement aucune anomalie; les mem-

branes et les racines nerveuses offrent une constitution normale

ainsi que l'ensemble delà substance blanche et les cornes posté-

rieures, mais les cornes antérieures grises sontsemées de macules

rouge-brique qui, dans la moelle lombaire, tranchent nettement

sur le pourtour. Ces macules s'effacent dans la moelle dorsale;

on commence à les rencontrer dans la partie inférieure de celle-

ci au centre même de la substance grise, tandis que, lorsqu'on

monte vers sa partie supérieure et vers la région inférieure de

la moelle cervicale, on les trouve limitées aux cornes antérieures,

la moelle cervicale supérieure demeurant absolument normale.

Le microscope décèle dans les points malades une vive injection

vasculaire, une copieuse accumulation de cellules granuleuses

surtout le long des vaisseaux; les cellules nerveuses sont les unes

conservées, les autres déchues et remplacées par des masses I)ya-

lines. Conclusion. Il existe une forme de poliomyélite antérieure

aiguë qui emprunte le tableau symptomatique de la paralysie

de Landry, mais il importe de remarquer qu'il s'agit, dans l'es-

pèce, d'une poliomyélite de la forme la plus légère, c'est-à-dire

dépourvue d'atrophie et de réaction dégénérative des muscles

paralysés. Ce qui prouve que la paralysie de Landry et la polio-

myélite antérieure aiguë repiésenlent simplement divers degrés

d'une unité nosoiogique.

M. Eiiii (d'Heidelberg). Sur la maladie de Thomsen. Publié in

extenso dans le Ncunol. Centralbl. de 188.3 '.

Discussion ;

M. HITZIG. iN'a-t-on pas trouvé, dans les deux cas en question,

de troubles de la parole ?

M. 11,Rj3. Il n'existait pas de troubles de la parole proprement

dits. Les garçons ont simplement indiqué que parfois ils éprou-

vaient une gène d'ailleurs peu considérable à parler. Ils ont tou-

jours pu rapidement compter. La déglutition s'est parfois trouvée

ralentie; ainsi jamais ils n'ont pu avaler coup sur coup.

M. l3a : uur.ea. Remarquait-on un mouvement ondulatoire dirigé

de la cathode à l'anode, ou une onde rétrograde comme il s'en

produit dans les cas d'hyperoxcitabilité mécanique anormale des

muscles 2 - nI. I : un. Non.

M. Edinger a rencontré dans le diabète et l'ictère, un ralentis-

sement semblable dans la courbe de la contraction. Par consô-

1 On eu trouvera l'analyse aux Revues analytiques.

304 SOCIÉTÉS SAVANTES.

quent, une telle anomalie n'est pas nécessairement engendrée

par une myopathie ou une neuropathie.

M. ERB. Les casd'Edinger n'excluent pas tout à fait l'idée d'une

affection des muscles; les altérations chimiques de la substance

musculaire entrent en ligne de compte, ainsi que le prouve l'ac-

tion des poisons. -

M. JOLI,Y (de SLraSIJOLir-). Sur la paraplégie dans la grossesse.

Jeune fille de seize ans; un mois après la suspension des règles,

douleurs épigastriques et vomissements fréquents, quelquefois

mêlés de sang. En même temps faiblesse des extrémités infé-

rieures aboutissant, au troisième mois de la grossesse, à une

complète paralysie des mêmes extrémités; celle paralysie subsiste

pendant tout le cours de la grossesse. L'accouchement a lieu en

septembre 1881 ; il est normal, mais l'enfant succombe peu après.

Quatre jours plus tard, ou constate une paralysie flasque des

deux jambes; exagération du phénomène du genou, diminu-

tion considérable de la sensibilité, surtout à gauche ; extrémités

froides et cyanosées. La peau conduit très peu Je courant élec-

trique ; contractions et réactions normales des muscles et des

nerfs à l'égard des deux espèces de courant; pas de réaction dé-

générative. L'emploi du courant faradique détermine une amélio-

ration graduelle des phénomènes paralytiques ; six mois plus

lard, la malade peut marcher à l'aide d'une canne, mais le corps

entier et surtout la tête sont agités pendant cet exercice comme

dans la sclérose en plaques. A deux reprises différentes, aphonie

passagère; au laryngoscope, paralysie des cordes vocales. La gué-

rison s'effectue avec une rapidité surprenante à la suite d'un

projet de traitement au fer rouge. L'apparition de la maladie à

une époque si précoce de la giossesse et la prédominance des

phénomènes d'un côté, détruisent l'hypothèse de la compression

pathogénétique, qui généralement provoque une atrophie du

système musculaire avec altération de la réaction électrique.

L'issue favorable montre qu'on avait affaire non à une lésion

spinale grave, telle que myélite ou sclérose disséminée, mais

bien à une paralysie purement fonctionnelle. Il est à croire que

la grossesse s'est traduite par une réaction sur le système ner-

veux semblable à celle des hystériques, par excitation centripète;

il s'agit d'une paralysie hystériforme. La cyanose, le refroidisse-

ment, la résistance de la peau à conduire le courant électrique,

prouveraient que les vaso-constricteurs ont été les facteurs inter-

médiaires de la paraplégie. M. Jolly a observé un second fait du

même ordre ; la grossesse avait déterminé des vomissements et

des troubles très prononcés de 'la nutrition générale ; on provoque

au cinquième mois l'avortement ; cet avortement fut suivi de

phénomènes hystériques des plus violents accompagnés de pa-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 305

ralysic, de contracture, de cyanose et de refroidissement excessif

des membres inférieurs. Du reste l'annonce d'une prochaine cau-

térisation au fer rouge révèle par ses résultats la nature hysté-

rique des accidents.

M. Fuerstner (d'IIeidelber;).,Nouvcllcs communications sur la

gliose de l'écorce du cerveau. L'auteur a, il y a un an, pris ce

même sujet'. Il y revient, parce qu'il a quatre autres faits

observés et analysés en commun avec SrÛlILI.N(;IeR. Il s'agit de

deux hommes et de deux femmes, parmi lesquels un malade de

cinquante-six ans, les autres comptent de quarante à quarante-

cinq ans. Dans tous les cas on a trouvé des anomalies du crâne,

un état trouble diffus de la pie-mère (on put cependant, après

un séjour de huit à dix jours dans la liqueur de lltueller, décorti-

quer les organes); atrophie considérable mais non uniforme du

cerveau antérieur (hémisphères, corps strié, corps calleux, tri-

gone); nombreuses granulations et tubérosités saillantes, au-

dessus delà surface des circonvolutions; ces inamelons contien-

nent dans leur intérieur des cavités; on constate encore à la pé-

riphérie de nombreux retraits. La coupe décèle une expansion

considérable de la couche corticale externe; il en part des orga-

nites nés dans son épaisseur qui forment des tuméfactions pro-

fondes ; ces petites tumeurs sont entourées de tissu fibreux qui

limite les cavités. Ces productions sont particulièrement nom-

breuses dans la région operculaire, à l'insula, sur le gyrus rectus,

sur la circonvolution du corps calleux. On ne constate de foyeis

que chez le premier malade ; à la hauteur des olives, le noyau

cruciforme, doublé de volume, , est le point de départ d'une

zone de destruction qui, pénétrant dans les pyramides, en a

ravagé partiellement les noyaux. Dans les quatre cas, atro-

phie du nerf optique, dégénérescence grise des cordons pos-

térieurs' à divers degrés d'intensité , mais à localisation

identique, intégrité d'un segment situé en arrière de la com-

missure postérieure, d'un territoire parallèle à la corne pos-

térieure. d'une bande adjacente à la périphérie postérieure. Au

point de vue clinique, dans trois observations, on constate de

l'hérédité : l'enfant avait présenté des anomalies du système ner-

^eux central (faiblesse intellectuelle, bizarreries, excitabilité,

phénomènes convulsifs dans les mains et les muscles de la face).

Plus tard, pendant des années, il y avait eu des accès d'épilepsie,

suivis de graves accidents cérébrospinaux, survenus dans le pre-

mier cas, la suite d'une psychose fonctionnelle ayant duré plus

de vingt années; ce furent : de la démence absolument distincte

de celle de la paralysie générale, des anomalies psychiques va-

riables d'un autre ordre, des troubles de la parole, des aphasies

'Voy.)'c/<.deA)fro ? t.tX,)).9H.

Archives, t. XI. 20

306 SOCIETES SAVANTES.

précoces. L'évolution ultérieure fut caractérisée ; en trois cas,

par du tabès ; en un cas, par un foyer sis dans la moelle allongée

(mentionné supri). Fuerstner rattache le point de départ et le

terrain du processus à la couche externe; c'est d'elle (émigration

de leucocytes, cellules-araignées) que part la prolifération gtio-

mateuse pour se répandre intus et extra. Il y a simplement une

répercussion exclusivement limitée aux parties superficielles de

la seconde couche : intégrité complète des troisièmes et qua-

trième couches dans lesquelles on ne trouve aucune trace d'hype-

rémie, de prolifération vasculaire, d'épaississement des parois

des vaisseaux, tandis que des altérations vasculaires se présentent

en bien des points dans la couche externe.

On distinguera cette maladie de la sclérose multiloculaire par

la prédominance des lésions dans l'écorce, l'absence d'épaississe-

ments vasculaires, la formation de cavités; au point de vue cli-

nique, on n'y rencontre pas le tremblement à l'occasion des

mouvements voulus, le nystagmus et le trouble de la parole, si

typiques dans la sclérose en plaques ; son stade prodromique

remonte à l'enfance; son apparition précoce se manifeste par

des accès d'épilepsie et d'aphasie. Dans les cas où des processus

diffus de l'écorce -aboutissent à des foyers multiples de la moelle,

on observelecontraire de ce que nous venons de signaler : foyers

dans l'écorce grise avec gtioso diffuse, el, en outre, lésion systé-

matique de la moelle.

S'agit-il de la distinguer de la paralysie générale et, notam-

ment, des cas dans lesquels, les symptômes cérébraux se

précédaient ou suivaient des phénomènes tabétiques , il faut

d'abord se rappeler que la paralysie générale ne possède pas

d'état anatomo-pathotogique spécifique. En effet, l'atrophie du

cerveau antérieur, les traces et résidus d'hyperémie avec altéra-

tions concurrentes des parois vasculaires, sont répandus sur toute

l'écorce; on peut, malgré la netteté des symptômes cliniques,

trouver des cellules nerveuses complètement intactes. La méthode

d'Exner1 a ses causes d'erreur; les descriptions de 1'uczel : ' 2 atten-

dent une sanction définitive, mais on peut, dès maintenant, dire

que la disparition des fibres nerveuses n'est pas spéciale àlapara-

lysie générale, car Tuczek l'a signalée dans un cas de démence

sénile indéniable, ce qui prouve que les troubles somatiques et

le trouble de la parole de la paralysie générale ne sont pas en

rapport avec cette déchéance. Fuerstner a, dans ces derniers

temps, examiné des cerveaux de paralysie générale : il n'y avait

ni tubérosités ni granulations. On a tort, d'ailleurs, de rattacher

1 Voy. Archives de Neurologie, t. Vf, p. 403, VII, p. 365, VIII, 90 et

336, IX, 401..

s Id.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 307

à la paralysie générale certains complexus symptomatiques céré-

braux tels que ceux qui surviennent à la suite du tabes, de la

syringomyélie, de la sclérose multiloculaire de la moelle, et cer-

tains états qui se montrent chez des gens qui, antérieurement,

ont eu la syphilis (abstraction faite naturellement des affections

en foyer et des lésions vasculaires), car le symptôme fondamen-

tal de la paralysie générale est la démence. Or, la démence, mis

à part les démences terminales, a une allure toute différente

dans l'affection qui nous occupe et dans la paralysie générale.

La qualité et la quantité des diverses sortes de démence n'ont de

valeur que si on les caractérise avec netteté. De plus, dans les cas

décorés à tort de paralysie générale, il est fréquent de voir les

autres phénomènes somatiques de la paralysie générale n'exister

que partiellement, et à un faible degré; tels : les troubles de la

pupille, les troubles dans l'innervation du facial, ceux de la pa-

role ; ou bien, ils font totalement défaut, et l'évolution en est

tout autre. Ces cas sont donc à séparer de la paralysie générale

classique, typique. Sans doute, une catégorie de paralytiques

généraux peuvent avoir présenté, pendant l'enfance, des ano-

malies psychiques; sans doute, la lésion cérébrospinale plus tar-

dive a dépendu de conditions préparatoires; mais il s'agit de la

minorité des paralytiques généraux; et, d'après Fuerstner, ce sont

les cas où le tabès se combine à la paralysie générale.

Quant au processus qui fait le sujet de cette communication,

il est le type des processus chroniques, car, dès la période foetale,

il a pu atteindre un développement élevé (cas d'Hartdegen '), il

peut exister dans l'enfance (cas de Bourneville, Brueckner, Pol-

lak 2). Les anomalies de la motilité et de l'intelligence, que les

malades ont présentées pendant l'enfance, sont produites par

un substratum anatomique (gliose de l'écorce cérébrale); à un

âge plus avancé, quand ces lésions ont pris une certaine exten-

sion, se montrent des symptômes cérébraux plus vastes rappelant

les perturbations de la paralysie générale, auxquels se joignent

alors l'atrophie des nerfs optiques etjla dégénérescence grise des

cordons postérieurs. Il faut principalement tenir compte des cas

dans lesquels l'individu a, dans son enfance; présenté des ano-

malies psychiques ou somatiques (convulsions) et a présenté plus

tard des attaques d'épilepsie, de l'aphasie, un ensemble morbide

rappelant la paralysie générale, enfin de l'atrophie des nerfs

optiques avee du tabès . L'association du complexus clinique

en question et du tabès est du reste sujette à des variations.

Ce mémoire sera publié in-extenso '.

1 Voy. Archives de Neurologie. Revues analytiques, VI, p. 265.

2 Ici., t. V, p. 394.

3 Nous développerons alors cette analyse s'il y a lieu. P. K

308 SOCIETES SAVANTES.

Discussion :

M. TUCZER, (de Marbourg). D'autres examens lui ont démontré

comme constante la disparition des fibres nerveuses à myéline

dans l'écorce des paralysés généraux. Il n'a jamais prétendu

que cet état fût pathognomonique; la publication de son observa-

tion de démence sénile est accompagnée de réserves. Dans le

Neiii-olog. Centralbl., de 1883 il s'exprimait en ces termes :

« Il me parait probable qu'il s'agit d'un substratum anatomo-

« pathologique se montrant constant dans la démence para-

« lytique; ce substratum appartient-il exclusivement à cette mala-

« die, je n'ose provisoirement en décider; il faut attendre les

« résultats de semblables recherches portant sur les autres formes

« de démences; un établissement destiné au traitement des cas

« aigus ne saurait naturellement fournir les matériaux complets

« à cet égard. »

M. Schultze (d'Iieidelhern). Sur la paralysie saturnine. Com-

munication provisoire sur un cas de paralysie saturnine avec

atrophie, chez un homme de vingt-six ans, ayant souflert aupa-

ravant pendant quatre ans de l'intoxication par le plomb. Mort

par atrophie granuleuse des reins. L'examen n'est pas encore

complètement terminé. Voir le mémoire qui sera publié dans ce

recueil ? .

M. Zacher (de SLepliansfeld). Sur la disparition par atrophie

des fibres nerveuses à myéline de l'écorce du cerveau dans la para-

lysie progressive et d'autres maladies chroniques du cerveau. Sera

publié in-extenso 3.

La discussion, renvoyée à la séance du 14 pour permettre aux

membres du congrès de prendre connaissance des préparations

présentées, a sa place naturelle ici.

M. TuczFr,. Les méthodes les plus récentes de Weigert sont

excellentes; elles ont, sur celle d'Exner, l'avantage de permettte

la conservation des pièces. Mais elles ne mettent pas en évidence

plus de fibres que cette dernière qui ne lui a jamais fait faux

bond. En second lieu, pour obtenir un résultat fructueux, avec

les méthodes de Weigert, il faut disposer d'un long temps; le

succès dépend de bien des détails dans l'exécution, de la durée

du durcissement, de la coloration, de la double élection, du choix

du liquide qui éclaircit, et de la durée d'action de ce liquide; si on

laisse séjourner les coupes colorées, et ayant subi la double élec-

tion trop longtemps dans l'essence de cèdre ou d'origan, elles

1 Voy. Archives de Neurologie, VI, 403, VII, 365, V)H. 90 et 336, IX, toi.

» Nous l'analyserons alors.

3 kl.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 309

pâlissent. Il est prudent de contrôler les préparations soumises

aux deux espèces de méthodes; cette observation s'applique sur-

tout aux pièces de l'embryon. Avant d'examiner et de juger l'atro-

phie des fibres, il convient de comparer des coupes d'égale épais-

seur, de bien connaître les allures topographiques des diverses

zones corticales en ce qui concerne leur richesse respective en

fibres nerveuses à myéline. M. Tuczek n'a aucune confiance dans

la méthode de Friedmann, car, comme Zacher l'avoue lui-même,

elle ne fixe pas uniformément ni complètement les fibres dans

toutes les couches de l'écorce indistinctement ; sur bien des

préparations de cerveau normal, il a vu manquer presque abso-

lument la coloration des fibres fines de la couche des petites cel-

lules nerveuses. H n'est d'ailleurs pas possible, en moins de deux

ans, d'examiner trente cerveaux avec la méthode qu'exige cette

question. Il convient donc de soumettre les états nécroscopiques

de Zacher à une confirmation ultérieure à l'aide d'autres méthodes

indubitablement fidèles. Cependant, qu'on veuille bien remarquer

que, dans tous les cas de paralysie générale examinés par lui,

(au nombre de douze), Zachera confirmé la disparition des fibres

constatée par Tuczek. Les divergences ne sont qu'apparentes. Ainsi,

en jetant un regard sur la planche 1 du mémoire de Tuczek' on

voit que ce dernier a vu disparaitre non-seulement les fibres pa-

rallèles de la couche la plus externe (fibres tangentielles de Tuc-

zek, zonales de Zacher), mais encore celles des couches successives

y compris les couches profondes. Si Zacher prétend que ce sont

des fibres de la couche n" Il qui font le plus défaut=, cela tient

à l'imperfection du procédé Friedmann. Evidemment, l'étendue

et l'intensité du processus anatomo-pathoiogique présentent des

- variétés selon chaque cas particulier, en ce qui regarde sa locali-

sation ; Tuczek l'a lui-même indiqué tout en maintenant que,

d'une manière générale, le lobe frontal est le plus fortement

atteint. Cette individualisation topographique prête au reste un

appui à la manière de voir de Zacher, selon laquelle la paralysie

générale se traduit cliniquement par des tableaux symptoma-

tiques différents 1. C'est aussi l'avis dptuezek 4; tout observateur

a pu constater que l'on observe au premier plan, tantôt les

troubles moteurs, tantôt les troubles intellectuels, tantôt les

troubles de la parole. Forel a, sur cette constatation clinique,

basé sa division de la paralysie générale en trois groupes. Ce

serait un travail bien utile que d'établir par des examens métho-

1 Voy. Archives de Neurologie, t. X, p. 46G, Vlll, p 90 et 336. VI,

p. 365, VI p. 403. , . '

'H.

3 Communication sur la gliose de l'écorce cérébrale, plus haut, p. 305.

* Et de tout le monde en France comme à l'étranger. P. K.

310 SOCIETES SAVANTES.

des, à l'aide des procédés tout nouveaux de Weigert, si ces trois

groupes ne reposent pas chacun sur une caractéristique anato-

mique, si, par exemple, les altérations ne prédominent pas, en

tel ou tel cas, sur l'écorce du territoire moteur, sur celle des cir-

convolutions frontales, sur celle des régions de la parole. Dans

quelques faits de trouble psychique sénile, Zacher a rencontré la

disparition atrophique des fibres nerveuses de l'écorce; il l'a

trouvée dans quelques faits de folie systématique ainsi que dans

certaines observations de psychose épileptique concernant dans

leur ensemble des alcooliques; même relevé à l'égard de quelques

idiots. Eh bien ! la parenté entre les troubles psychiques delà

paralysie générale et ceux de la sénilité a, de tout temps, été

spécifiée à l'aide de l'expression de sénilité précoce appliquée aux

premiers; dans la paralysie générale, la lésion, qui porte princi-

palement sur le cerveau frontal, a pour facteurs toutes les causes

d'usure en rapport avec le combat pour la vie ; dans l'involuliun

sénile du cerveau, c'est encore le lobe frontal qui est le plus géné-

ralement atrophié. Nous savons que l'alcool est un poison du

cerveau; il y avait donc lieu de penser que, comme l'ergotine, il

anéantissait certaines espèces de fibres. Les états nécroscopiques

de l'idiotie montrent nettement qu'il y a sous roche un arrêt de

développement qui atteint des fibres nerveuses de l'écorce fron-

tale dont la génération est réservée à une époque plus tardive de

la croissance, comme l'a montré Tuczek. Une investigation métho-

dique de ces encéphales eûtpeul-être encore décelé d'autres traces

d'anêts de développement. En tout cas, si l'atrophie des fibres

intracorticales du cerveau du paralytique général est constante,

elle n'est point un signe pathognomonique de cette maladie. La

confirmation de même désordre en d'autres formes psychopalhi- z

ques qui, au point de vue pathogénétique, permettent d'être envi-

sagées comme des affections proches parentes, cette confirmation

renversera l'espérance d'avoir trouvé le signe microscopique uni-

voque de la démence paralytique et imposera l'obligation de

continuer à chercher.

M. Zacher persiste à patronner la méthode de Friedmann, dont

les différentes opérations ont permis de fixer avec une exactitude

toute particulière, fort complète, les fibres de chacune des couches

de l'écorce; sans doute, elle ne représente pas un modèle de sim-

plicité, mais elle produit des préparations aptes à la conserva-

tion. Il est certain que ses observations de folie systématique et

de folie épileptique concernaient des alcooliques et il reconnaît

n'avoir pas suffisamment insisté sur ce point. Mais il est impossible

d'obéir à l'indication de Tuczek, d'examiner partout, dans son

entier, l'encéphale de chaque individu.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 311

Séance du 14 jzcin 1883.

M. ,lOLL1·, président, lit un télégramme de remerciements du

directeur-médecin LUD1VIG (d'Heppenheim) fondateur de ce Congrès,

qui se réunit aujourd'hui pour la dixième fois; à ce savant les

membres du congrès avaient envoyé leurs salutations respec-

tueuses. L'assistance se lève ensuite |en l'honneur delà mémoire

de KRETZ (d'Illenau) décédé l'an dernier.

On procède à la discussion sur le mémoire de Zacher, reportée

par nous à sa place logique.

M. TUCZEK (deMarbourg). Co;î 1),ibutioiz à l'élit de des iii 1 e,jul)t ioii s de

la conscience. L'orateur étudie un cas de manie transitoire marquée

par une évolution prolongée; le premier accès en effet fut, à un inter-

valle de plusieurs jours, suivi de deux autres, le dernier aboutis-

sant à la guérison par l'intermédiaire d'un stade d'obnubilation

psychique de plusieurs jours. Somme toute, l'ensemble du pa-

roxysme comporta environ quatorze jours. Il s'agit d'un canton-

nier garde-voie de trente et un ans, indemne d'épilepsie et d'al-

coolisme, dépourvu de tare héréditaire, auparavant toujours bien

portant, qui, après avoir fait sans interruption un service de

quarante heures, après avoir été exposé à l'action cumulative de

violentes émotions morales, entra soudain dans un accès de rage

pendant lequel il se blessa et blessa sa mère gravement. Cette

crise, pas plus que les autres crises consécutives, ne lui laissa

aucun souvenir, ou bien il n'en conserva qu'un souvenir extrême-

ment sommaire. Etat de somniation dans leur intervalle. Les

lacunes de la mémoire seraient proportionnelles à la somme des

déficits conceptuels, c'est-à-dire au degré de l'interruption de la

conscience. L'analyse du rêve normal montre l'importance qu'il

y a à vérifier l'existence des rêves pendant les états d'incons-

cience. Les hallucinations que l'on prétend exister au cours de

ces interruptions (manie transitoire, délire alcoolique) ont leur

sanction dans cette vérification, et leur origine dans l'interpré-

tation erronée, comme toutes les interprétations du rêveur, de

paresthésies réelles. Il est du reste difficile, en pareilles circons-

tances, de redresser de semblables erreurs alors que la guérison

a eu lieu; nouvel exemple dans un cas d'interruption de la con-

naissance remontant à un traumatisme, compliquée ensuite d'une

manie classique mais à évolution rapide (à peine deux mois de

délire). Mémoire publié in extenso dans la Ber·l. filin. Wochens-

chrift.

Discussion :

M. BOEUMLER, a vu se produire des accès de manie transitoire

dans le cours de maladies aiguës (fièvre typhoide, scarlatine,

312 SOCIETES SAVANTES.

érysipèle, pneumonie, etc.) surtout au moment où l'apyrexie

commence; cette apyrexie parait agir comme un shock. On y

trouve aussi des lial luciiiatioiis et des idées de persécution, sans

qu'il y ait terrain alcoolique.

M. Feurstner. Les cas de Beumler sont dûs à de l'anémie avec

hallucinations sans interruption de la connaissance. Pourquoi

Tuczek ne qualifie-t-il pas les siens de.folie épileptique ' ? Il est sou-

vent difficile d'établir s'il n'y a pas eu auparavant quelques at-

taques d'épilepsie ou de lipothymies convulsives épileptiques, voire

des attaques nocturnes. Les observations de Tuczek se rapportent

a des affections épileptoïdes.

M. TuczEK. Dans mon cas, il y a eu un accès isolé, conséquence

directe de dommages saisissables. L'étiologie en est très nette.

il est impossible de le rattacher à l'épilepsie sans plus amples

points de repère.

M. HITZIG. La confusion de l3eeumler vient de ce que Tuczek a

introduit le nom impropre de folie transitoire. Qu'il se serve

plutôt du terme de manie.

M. Iilav s'élève contre la tendance générale à regarder comme

des sommations les états mentionnés par Tuczek. Les phéno-

mènes du delirium tremens relèvent de véritables hallucinations

sensorielles.

M. Schuele. Krafft-Ebing, parmi les cas du même genre, ne

produit sous la dénomination du mémoire de Tuczelc que ceux

qui ont récidivé.

M. 1'ucze. Schwartzer cite des cas qui ont évolué sans récidive;

Krafft-Ebinb agit de même dans ses publications ultérieures, et,

en particulier dans son traité, et dans sa psychopathologie légale.

Il a choisi la dénomination de folie transitoire parce qu'avant

tout, ce qui importe, c'estle caractère des rêves dans les états

d'interruption de la conscience, qu'il s'agisse d'un accès de rage,

d'un accès de manie, de l'interprétation délirante relative à la

personnalité. Entrer dans le détail de la situation sociale des hal-

lucinations sensorielles dans le monde des délires alcooliques nous

conduirait trop loin.

M. Grashey (de Wùrzbourâ). Sur la paralysie agitante. Cet au-

teur a étudié de près le rhythme des tremblements dans quatre

cas de paralysie agitante chez des individus de soixante-quatorze

à quatre-vingt-trois ans profondément atteints, ainsi que les cir-

constances qui arrêtent ou exagèrent les mouvements anormaux.

A l'aide du poiygraphedeMarey, il a pris le tracé des oscillations

de la main droite, de la main gauche et de la langue. Les courbes

présentées sont intéressantes, carie chronographe électrique a

permis d'inscrire la division exacte du temps qui coupe unifor-

- SOCIÉTÉS SAVANTES. 313

mément l'ensemble des ordonnées; un simple coup d'oeil jeté sur

la feuille révèle la grande régularité des secousses et permet d'en

calculer aisément la durée.

314 SOCIÉTÉS SAVANTES.

la vie. Ce travail est encore sur le chantier. Jusqu'ici il a constaté

que les noyaux eu question sont en connexion avec le cervelet,

et probablement ausssi avec le cerveau par l'intermédiaire de la

substance réticulée qui gagne les noyaux du côté opposé, et

même du côté homonyme ( ? ) Il a montré nettement que la subs-

tance réticulée se relie au cervelet par l'intermédiaire du raphé

de la protubérance, qui, dès la première semaine delà vie, con-

tient des fibres myéliniques. La plupart des noyaux des nerfs

crâniens, sinon tous, reçoivent d'autres tractus du faisceau longi-

tudinal postérieur. Jusqu'au septième mois de l'époque foetale, ce

faisceau ne peut être suivi en avant, sur les côtés du troisième

ventricule, que jusqu'au noyau de l'oculomoteur commun ou jus-

qu'à son extrémité la plus antérieure. Noyaux de l'oculo-moteur

commun et du pathétique. Le premier se compose de groupes de

cellules qui envoient chacun leurs petites fibres au nerf en ques-

tion. Au-dessus et au-dessous de chaque noyau de l'oculomoteur,

sur la ligne médiane par rapport au noyau principal, existe un

petit noyau de cellules fusiformes dont les relations avec le nerf

ne sont pas certaines. Là où le noyau de l'oculo-moteur apparaît

dans toute sa vigueur on trouve, sur la ligne médiane, c'est-à-dire

entre les deux noyaux, un noyau médian qui, de chaque côté,

envoie des fibres au nerf. Le noyau ou les noyaux des oculomo-

teurs communs sont en connexion avec des fibres issues de la

substance blanche profonde des tubercules quadrijumeaux du

même côté et du côté opposé ( ? )(ces fibres affectent une direction

latérale et inférieure); avec le faisceau longitudinal postérieur,ainsi

qu'avec des fibres issues de la substance réticulaire du côté opposé.

Le procédé de Weigert révèle colorées en gris autour de l'aque-

duc de Sylvius de nombreuses fibres fines qui se rattachent aux

tubercules quadrijumeaux; on ne possède encore aucune certi-

tude relativement à leurs rapports avec le noyau de l'oculomoteur

commun. Vers la partie antérieure et au-dessus du noyau prin-

cipal, existe, au-dessous des tubercules quadrijumeaux, une autre

collection de cellules nerveuses qu'il n'est pas toujours facile de

séparer franchement du noyau de l'oculomoteur commun; dans

ces cellules arrivent de nombreux tractus issus de la substance

blanche profonde des tubercules quadrijumeaux; la situation de

ce noyau est celle du noyau dorsal de l'oeulo-motetti, commun de Gnd-

dot, mais ou n'a encore pu la déterminer avec précision etcerti-

titude. D'autres préparations colorées par la méthode de Weigert

font voir, grâce aune direction méthodique des plans découpes,

le trajet entier du pathétique; les fibres de ce nerf s'entre-croisent,

quoi qu'en ait dit tout récemment Mauthner.

Discussion : .'

M. Stilling. Il est exact que les fibres du pathétique s'entre-

SOCIÉTÉS SAVANTES. 315

croisent; on le voit très bien dans lespréparations par dissociation

méthodique (recherches des libres) à l'acide pyroligneux, mais

elles ne s'entrecroisent que partiellement. Une racine non entre-

croisée pénètre dans le cervelet; elle est difficile à reconnaître. Le

pathétique possède encore une troisième racine descendante qui

est entrecroisée; très mince, elle se dirige dans les couches les

plus postérieures et les plus supérieures du ruban de Reil. Stil-

ling'a démontré ces relations au sein de ce congrès, il y a plu-

sieurs années. Le pathétique a donc trois origines : 1° dans le

cerveau moyen; 2° dansle cervelet; 3° dans la moelle allongée.

M. Friedmann (de Stephansfeld). Contribution à l'étude du sopor

et des mouvements automatiques dans les états d'hébétude. Si

l'on prend comme type, le sopor tel qu'on l'observe dans les étals

d'obnubilation épileptique et, pour une part, dans les attaques

congestives de la paralysie générale (où le coma est le plus fré-

quent), voici les différences que l'on doit consigner entre le sopor

et le sommeil normal, jugées à la lumière de l'observation sui-

vante. Un épileptique de vingt-quatre ans est pris, après trois

jours d'obnubiiation modérément grave, d'un assoupissement

profond; pendant ce sopor, décubitus passif (résolution générale),

aucune aperception sensorielle apparente, mai il répond encore

aux appels par des mouvements du regard, sans cependant fixer;

la spontanéité ne se traduit que par des mouvements automati-

ques d'un bras, mouvements presque ininterrompus, et toujours

égaux à eux-mêmes, monotones; pupilles larges; diminution de

la sensibilité cutanée; c'est au beau milieu de cet état que sur-

vient un soir le sommeil; alors cessent les mouvements automa-

tiques ; pupilles étroites, mouvements des globes oculaires propres

au sommeil 1; si on excite fortement la sensibilité de ce ma-

lade, notamment en le secouant violemment, on l'éveille, et il

reprend le sopor précité, c'est-à-dire que les pupilles se dilatent

au maximum et que les mouvements automatiques reparaissent;

au bout de quelque temps, nouveau sommeil; le joursuivantper-

sistance de l'état d'obnubilation (comparer avec les mémoires de

Siemens et Witkowski 2.)

Quelle différence y a-t-il entre le sopor et le coma accompagné

de résolution musculaire ? Le type du coma, c'est le coma qui, au

point de vue symptomatique, ne se distingue pas du sommeil si

ce n'est par l'impossibilité où l'on est de sortir le malade de sa

somnolence. On y constate du myosis et les mouvements continus

des yeux propres au sommeil (par absence d'excitation du bulbe),

de la diminution des réflexes. Ce coma par exemple, se peut voir

1 Voy. archives de Neurologie, t. X, p. 259, 231 et 232.

' Id., t. X, p. 259 et w3t..

316 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pendant des jours entiers à la suite d'un état de Inal épileptique.

11 se distingue du sopor, lequel est caractérisé d'une part par

l'existence de phénomènes d'excitation d'ordre moteur, d'autre

part par la persistance de la réaction réflexe à l'égard des nerfs

sensoriels élevés et par le défaut d'action psychique proprement

dite. Les mouvements soporeux des yeux ' peuvent se joindre à

ces états. Dans l'état de mal épileptique où le retour au fonc-

tionnement normal des organes centraux s'effectue en partant du

coma réactionnel par étapes nettement séparées , on aurait

constaté l'apparition simultanée des trois caractères en ques-

tion du sopor, derrière la résolution comateuse semblable au

sommeil.

La nature des phénomènes d'excitation d'ordre moteur permet

encore une distinction fondemautale entreie sopor et le sommeil.

Ces phénomènes d'excitation des centres inférieurs ne sont pas

tout à fait constants, mais on note souvent de l'exagération des

réflexes tendineux, et de la rigidité spasmodique; la manifesta-

tion la plus régulièrement trouvée, c'est l'hyperexcitabilité méca-

nique des muscles. Ce symptôme renforce l'analogie du sopor avec

l'hypnotisme. On constate constamment dans le sopor l'exagéra-

tion fonctionnelle du système moteur, qui se traduit par des

mouvements automatiques. Généralement ils offrent nettement

deux particularités spécifiques. Ils portent l'empreinte d'une

action bornée; ce sera par exemple un mouvement de préhension

effectuée sans interruption, ni modification, pendant un temps

remarquablement long, voire durant un jour entier; suscite-t-oti

ces actes automatiques par voie réflexe, on note la même répéti-

tion d'un mouvement sans but, ou une durée démesurément

longue de la contraction musculaire. En second lieu, il est extrê-

mement facile de provoquer ces actes automatiques à l'aide de

sollicitations extérieures, relativement faibles, le mouvement

exagérant en somme l'intensité de l'excitation. Ces deux pro-

priétés témoignent de l'hyperexeitabilité des centres moteurs;

leur puissance de travail est plus grande, puisqu'ils entrent plus

facilement en jeu, puisque le mouvement qu'ils produisent dure

plus longtemps, et leur puissance de travail tient à l'existence de

phénomènes d'arrêt empêchant la propagation de l'excitation à

l'intérieur du cerveau, comme en témoigne l'uniformité du,mouve-

ment ; un mouvement monotone prouve le cantonnement de l'ex-

citation dans un même centre et le défaut de transmission au

centre voisin. (Voy. le mémoire d'Unverricht) i. Le sopor elles

états qui lui ressemblent (certains stades de la narcose morphi-

nique) ont donc pour substratum, des arrêts à l'intérieur des

1 Voy. Arch. de Neurologie, t. X, p. 259 et 231.

' Id., t. IX, p. 79.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 317

centres; ces arrêts expliquent une grande partie du déficit foiic-

tiorznel r noté dans l'espèce. Le sommeil, au contraire, résulte

d'une interruption de la conductibilité entre le centre et la péri-

phérie : déficit de la motilité par ce mécanisme.

Les mêmes mouvements automatiques exagérés, empreints des

mêmes caractères spéciaux, se rencontrent assez fréquemment

dans certaines psychosesprimitives, ainsi dans les psychoses aiguës

consécutives à des fatigues corporelles ou psychiques graves. Ces

mouvements apparaissent môme au début, les uns sous la forme

d'accès (agitations convulsives avec rotation et cris qui persistent

des heures entières, et se répètent uniformes en déployant une

grande intensité, les autres sous forme de réflexes automatiques

relativement violents sans but déterminé. Une modalité de ces

mouvements est constituée par les gestes de rejet. Si on les com-

pare aux mouvements automatiques du sopor, il appert que les

facultés psychiques ne participent guère à leur genèse, et que les

centres nerveux moteurs entrent seuls en jeu pour les produire.

Réciproquement, l'étiologie des psychoses envisagées ici, montre

que la suractivité du système moteur, les phénomènes d'hyperex-

citabilité accompagnés d'arrêts encéphaliques, résultent de fai-

blesse irritable de l'encéphale par fatigue nerveusement.

M. WrrKowsKt (de Iloerdt). Sur les délires des alcooliques. A

côté du delirium tremens ordinaire, il existe deux autres types

principaux de délire des buveurs. Tous deux sont des processus

autonomes qui ne sont les symptômes d'aucune maladie.

tFo'mf ? J)e<.<fpo<t<H ! 'm ! 0.On constate sénéralcnieut que

de forts excès ont précédé de peu l'invasion de la maladie. Mais

entre les excès et le délire, il s'écoule toujours demi à trois jours;

jamais le délire ne succède immédiatement aux excès. Avec

les autres troubles de l'innervation peu accusés, on trouve

des hallucinations sensorielles mais moins développées, moins

nombreuses et moins élémentaires que dans le delirium tre-

mens, on ne rencontre pas cette succession kaléidoscopique de

visions variant à vue d'oeil en grandeur, en couleur, en éloigne-

ment, c'est au contraire un système formé de tableaux etd'é\éne'

ments liés entre eux, aboutissant à la conception d'une histoire

de persécution bien agencée. Les malades racontent qu'on

les a volés, frappés, insultés, électrisés, ils parlent de l'interven-

tion des voisins et vous entretiennent longtemps de la persécution

machinée à laquelle ils ont essayé d'échapper par la fuite, sans

y pouvoir parvenir. On assiste à une suite logique bien enchaînée

d'épisodes conçus dans une sommation. C'est généralement la

1 Voy. la note de lv page YVI11 dR t : t traduction Kcraval du traité de

Nolhnagel, surlcs Maladies de l'Encéphale, basé sur l'élude des localisa-

tions. Paris, 1885.

318 SOCIÉTÉS SAVANTES.

nuit que s'est déroulé le drame, ou qu'il a débuté; au moment de

son admission, le patient le raconte comme un événement passé.

Le souvenir parait persister jusque dans les détails, voire dix ans

plus tard (un exemple de l'auteur), ce qui pourrait servir d'élé-

ment au diagnostic différentiel entre le délire et les étals d'agi-

tation aigus d'un autre genre dûs à l'ébriété ou à l'épilepsie. Géné-

ralement l'épisode se déroule encore au-delà de la nuit, mais il

est rare qu'il persiste plus de trois fois vingt-quatre heures. A part

des accidents accessoires tels que le saut d'une fenêtre pendant

la fuite qui en imposent pour une tentative de suicide, la vie du

malade n'est pas en danger. En revanche, il n'est pas rare devoir

la terminaison par folie systématique ou l'affaiblissement intel-

lectuel.

2° Forme. Se.produit spontanément sans cause occasionnelle

particulière. C'est une modalité de transition entre le délire et

une maladie mentale ordinaire. La forme et la durée de l'affec-

tion, le degré du trouble de la connaissance, l'abondance des hallu-

cinations sensorielles témoignent de sa situation intermédiaire.

.La variété la plus fréquente est celle que l'on désigne en Alle-

magne sous le nom de folie systématique alcoolique aiguë, mais il

existe aussi d'autres formes se rattachant plus exactement à la

manie, à la mélancolie, à l'hystérie, à la stupeur, à la paralysie

générale. Ces semi-délires qui durent plusieurs semaines ont be-

soin, pour éclore, d'un terrain préparé depuis assez longtemps;

ils se développent néanmoins parfois tout à fait prématurément

chez les individus atteints de débilité mentale, dans les cas de

traumatisme, chez des êtres impubères.

Quant au delirium tremens lui-même, les formes mixtes en

sont plus fréquentes que les cas tout à fait purs. Voici quelques

exemples principaux de ce mélange. De forts excès sont suivis

d'abstinence, soit volontaire, soit consécutive à la séquestration,

à un malaise, au défaut d'argent. A la suite d'un délire de persécu-

tion consistant mais épisodique, comme conçu en rêve, se mani-

festent des troubles digestifs, des tremblements, des visions,

multiples, des sueurs, des modifications du pouls. Si le premier

stade est peu développé, il échappe aux anamnestiques ; il semble

alors que le delirium tremens se montre immédiatement après

l'excès, mais aucun cas soumis à un examen complet ne démontre

pareille continuité, pas plus qu'il n'existe de délire d'intoxication

du même ordre directement consécutif à l'inanition, à une ma-

ladie, à une blessure. Il est vrai qu'un buveur peut, de par son

délire d'intoxication, se faire une blessure qui entraîne la diète, et

par conséquent l'apparition de phénomènes d'inanition; inverse-

ment un delirium tremens peut, de par l'angoisse et le désordre

dans les idées, provoquer de nouveaux excès qui engendrent

les accidents sus-énoncés. Enfin l'état de nutrition générale

SOCIÉTÉS SAVANTES. 319 j

si défectueux des ivrognes développera parfois, à la suite

d'excès exceptionnellement intenses, des formes mixtes de délire.

il convient aussi de séparer des phénomènes dûs à l'intoxication

alcoolique, les symptômes psychiques semblables, sous maints

rapports, à ceux de l'épilepsie qui, comme on sait, complique ex-

trêmement fréquemment le delirium tremens.

Dans les formes mixtes de delirium tremens spontané, d'abord

il ne semble pas y avoir eu de cause occasionnelle, mais la recher-

che décèle le concours del'abstiuence, des accidents, des malaises.

Les troubles digestifs revêtent à ce sujet une fréquence toute spé-

ciale; ce ne sont pas de simples prodroines, ils sont l'occasion du

délire;il est plus rare d'avoir à relever d'autres causes somatiques,

telles que des hémorrhagies. Dans ces circonstances, existent les

formes de transition les plus multiples . Tremblement, fai-

blesse, hébétude, insomnie sont les symptômes les moins marqués

les hallucinations de l'ouïe prédominent au plus haut point; les

idées délirantes fixes, celles de jalousie surtout, persistent bien

souvent longtemps après que les autres phénomènes ont disparu,

quoique dans la pluralité des cas, elles s'évanouissent à leur tour.

Il peut s'y joindre des troubles de la sensibilité morale primitifs,

de la stupeur, de l'exagération profuse de l'idéogénèse, despares-

thesies ; en un mot tous les centres psychiques et nerveux peuvent

donner naissance à deséléments, fugaces passagers, qui modifient

le délire tremblant proprement dit, et le rapprochent momenta-

nément des maladies mentales alcooliques véritables.

La plupart des auteurs ont attribué une importance pathogéné-

tique égale à l'excès de boisson et à la suspension des habitudes

alcooliques. Rose en 1884, comparait l'affaissement qui suit de

récents excès aux effets de l'inanition. Il en est qui se montrent

des défenseurs exclusifs de telle ou telle doctrine. Les auteurs qui

suivent, présentent tous un élément qui rappelle les phénomènes

décrits par Witkowski sous le titre de phénomènes de l'intoxica-

tion alcoolique. Ainsi Barkhausen, en 4828, distingue le délire

asthénique, le plus fréquent, du délire stliénique à évolution plus

favorable, plus prompte, qui précède assez souvent l'autre. Mars-

ton en 1860, parle du délire des gens ivres, et du délire de l'é-

briété. Casloldi, en 1871, admet une névrose proprement

dite des buveurs (delirium tremens),et un délire aigu des buveurs

qui survient de un à deux jours après les excès. Lasègue, en t88l,

montre l'importance des états de sommation initiaux; son terme

d'alcoolisme subaigu correspond au delirium tremensspontané de

Witkowski; Magnan (1874) et de Speyr(1882) décrivent des cas de

ce genre elles modalités de passage au delirium tremens. Le deli-

rium tremens fébrile de Magnan n'a pas de raison d'être en tant

que groupe univoque, car diverses causes (blessures, accidents

gangreneux du décubitus, diarrhées, attaques d'épilepsie, ménin-

320 SOCIÉTÉS SAVANTES.

gîte) occasionnent de la fièvre, et la constatation d'alcool dans

les cadavres, rattachée par lui à des excès récents, constatation

que ses observations sont loin de toutes confirmer, ne prouve

rien, carRajewsky(1875)-a trouvé de l'alcool à l'état normal.

En somme :

1° Grande ressemblance entre le delirium tremens proprement

dit et tous les délires d'épuisement, d'inanition, de sevrage d'un

agent excito-moteur.

2° Chez le même individu, suivant la variété des genres de pa-

thouénie, on voit se montrer les diverses formes du delirium tre-

mens. Ce fait est propre à faire rejeter l'idée d'une prédisposition

individuelle.

M. KAST (de Fribourg). Contribution à l anatomie pathologique de

l'ataxie subaigue. Une fillette de quatorze ans, jusque là parfai-

tement bien portante, est prise d'une angoisse légère; consécuti-

vement elle est atteinte de troubles de la motilité dans les extré-

mités supérieures consistant en un défaut de coordination.

Plusieurs semaines après, ataxie statique excessivement accusée

dans les jambes aboutissant finalement à l'impossibilité de se tenir

debout et de marcher; intégrité des mouvements isolés. Diminu-

tion très accentuée de la sensibilité, dans tous ses modes; ralen-

tissement des impressions douloureuses. Atrophie des interosseux

des deux mains et des muscles de la langue. inulle part il n'existe

de réaction dégénérative,mais il faut employer de très forts cou-

rants pour ne déterminer que de faibles contractions. Absence

complète de réflexes patellaires. En dernier lieu les symptômes

spinaux en question se compliquent de phénomènes bulbaires :

paralysie du voile du palais, troubles de l'innervation du larynx,

dysphagie. La malade, très affaiblie, succombe à une pneumonie

par introduction d'aliments dans les voies respiratoires. Durée

totale de la maladie : neuf mois environ. Diagnostic clinique.

Lésion des cordons postérieurs consécutive à la diphthérie ; dégé-

nérescence des cornes antérieures de la moelle ainsi que des

noyaux du bulbe. Au microscope, comme à l'oeil nu, intégrité des

centres nerveux : les nerfs périphériques, et en particulier les hypo-

gtosses et les récurrents, présentent une dégénérescence remar-

quable. On n'a pas encore terminé l'examen des autres nerfs,

mais tout porte à croire qu'il s'agit de lésions périphériques ayant

entraîné un complexus symptomatique qu'on ne saurait inter-

préter ciiniquement que comme le tableau d'une maladie spino-

bulbaire.

Sur ce, les travaux du congrès sont dédales clos. On se sépare

après avoir encore une fois désigné l3ade comme lieu de réunion

pour la prochaine session, et confié les fonctions de curateurs à

lii. T3urLFn (de Fribourg) et l'rsc : «r : n (d'llleuau). (Arch. f-

Psych.; XVI, : 1.) P. l 1-" R.% N'.% T.

VARIA

Rapport SUR les progrès de l'assistance des aliénés effectués en

ALLE11 : 1GNE au moyen des asiles pendant ces dernières années ;

par IiOEHR '.

Royaume de Bavière. Le trop plein se constate partout.

On n'a pas, dans ces trois dernières années, exécuté d'agrandis-

sements à Deggendorf, à Klingenmûnster, à Munich, à Erlangen;

à Werneck on a ajouté une aile.

Gabersee, près la station de Wasserburg sur l'Inn.C'est un éta-

blissement tout nouveau, construit sous le titre de second Kreis-

Irren-Heil-uud Pflegeanstalt (asile de traitement et d'hospitali-

sation) de la Bavière supérieure avec exploitation agricole et sys-

tèmes d'assistance en liberté. Deux petites fermes Gabersee et

Pile '-bain - déjà acquises par le district en 1882, constituent

l'ensemble de l'asile, dont la superficie totale égale 85 hectares

parmi lesquels 35 forment des prairies ou du terrain de labour,

le reste comprenant des bois, des jardins, des chemins, des sur-

faces construites. Les bâtiments de l'économat sont restés tels

quels; les locaux d'habitation ont été adaptés, à peu de modifi-

cation près, aux besoins de l'asile. Le domaine de Gabersee

contient les servitudes, les bureaux, un temple provisoire, et un

quartier pour 15 femmes habitant en liberté. Pfle-liain a été tout

à fait transformé en une station ouverte de 31 malades hommes.

Entre ces deux corps de logis, qui sont à dix minutes l'un de

l'autre, on a projeté la construction des autres édifices; on les

élèvera successivement sous forme de pavillons disséminés. L'an-

née précédente, on a construit un bâtiment d'habitation pour le

directeur un bâtiment économique avec cuisine et buanderie

et leurs dépendances (boulangerie et logement pour 16 femmes

vivant en liberté)- un pavillon pour 32 femmes (section fermée)

un pavillon pour 32 hommes (section fermée) avec obitoire.

On a en novembre dernier (ces constructions n'ont demandé que

sept mois) reçu 60 malades de Munich; un nombre égal a été

reçu ce printemps. On procède, au sur et à mesure des besoins,

'Voy. le t. X, p. 138 et 295.

ARCH ives, t. fil. 21

322 VARIA.

à l'érection soit de pavillons fermés, soit de maisons de cam-

pagne ouvertes. On prévoit 500 malades. Jusqu'à ce jour, on a

dépensé 650,000 marks (812,500 fr.), dont 200,000 (250,000 fr.) ont

été consacrés à l'acquisition des domaines et du mobilier et

50,000 (62,500 fr.).aux travaux du service des eaux.

Rarthaus Pricll près Regensburg. Aux adaptations nécessitées

par les logis du cloître, aux agrandissements antérieurs, on a

ajouté des constructions neuves depuis 1880, pour une somme de

640,000 marks (800,000 fr.) dont il faut défalquer 64,000 marks

(80,000 fr.) ayant servi à acquérir un nouveau terrain. On a cons-

truit les quartiers des femmes qui peuvent héberger 150 malades

à l'aise, et au besoin 180 aliénées. Tout l'établissement comprend

360 malades; le chiffre de la population actuel est de ` ? 80. Eu

général on a pratiqué la séparation horizontale de ? locaux d'ha-

bitation et des dortoirs ; aux premiers sont adjoints des jardins

dont l'accès est très commode et qui presque' tous ont vue sur

Regensburg et la vallée du Danube. Le service des bains est dé-

centralisé., Le chauffage a lieu au moyen de poêles en faïence ;

chauffage à air dans les bâtiments d'agités et d'isolement. Ce der-

nier contient douze chambres et une salle. Les latrines sont la

plupart en communication avec un système de tuyaux ; les pavil-

lons détachés sont réunis par des galeries.

Hesse Electorale de jadis. On y avait construit, au prix

de 1,616,985 marks (2,02j,23tfr.),)'asi(o de Afto ? dont on

prenait possession le 8 juin 18î6. Vers 1882, addition d'une étuve

accélérée 2,940 marks (3,775 fr.}; d'un puits avec pompe à feu

34,811 marks (f3,513 fr.) ; d'un corps de logis de fonctionnaires,

32,056 marks (40,070 fr.); la dépense totale s'élevait donc à

1,686,793 marks (2,108,491 fr.). Nombre des présences au début

de 1882 = 232; 109 hommes ; 123 femmes. On se mit ensuite à

réorganiser les asiles de Dferxhctuserr et /7<M ? : ff, où l'on entrete-

nait non seulement des aliénés, mais encore' des aveugles et des

infirmes. Leur encombrement exigea qu'on groupât les deux der-

nières catégories de malades pour les confier plus tard à des éta-

blissements autonomes. On projeta des quartiers pour travailleurs

agités et demi-agités, devant contenir 200 places. On résolut de

faire 50 places pour les malades alités et ceux qui réclament une

surveillance continue. On reconnut nécessaire de construire une

nouvelle buanderie ainsi qu'un nouveau .bâtiment économique.

Maison se trouvaitgénepar le resserrement de ces établissements

dans l'étroite vallée de l'Uns. Pour Merxhauhen, on a prévu au

rez-de.-chaussée une, grande salle destinée, à 100 malades; elle

doit aussi servir de lieu de réunion les dimanches et jours fériés.

Une autre salle réunira 200 malades qui y prendront leurs repas

VARIA. 323

Au premier étage, deux grands dortoirs de 50 malades chacun ;

entre eux quelques chambres de malades et d'isolement. Lequar-

tier du lazareth comprendra : à l'entresol et au premier, quatre

ailes en forme de pavillons de chacun 10 lits (cubage, 1,000

mètres cubes d'air); au centre, des chambres d'isolement; des

cellules, des lieux d'aisances. Ceci fait, llerxltansen sera consti-

tué par un asile d'infirmes (6a places) une section de malades

agités ou semi agités ne travaillant pas (60 lits)-,un quartier de

120 agités un taxareth de 0, malades un quartier de 200

travailleurs un pensionnat pour 50 personnes. Jusqu'ici les

prévisions architecturales n'avaient été établies que pour 300 à

320 individus. Aujourd'hui, les conslructions.,qui les concernent

sont terminées. Il s'agit d'édifier pour, les 200 malades supplé-

mentaires.- Hainaa, dès 1877, vu s'élever une construction nou-

velle pour 80 malades agités ou semi-agités..On arrivera sous peu

à héberger 600 malades, là où l'on,, n'en hospitalisait que 300 à

320. Mais il faut du temps pour que les infirmes et les aveugles

soient renvoyés et que les vieux quartiers soient réorganisés.

Depuis la transformation politique de la région, on a déjà dé-

pensé 4 millions pour transformer ou reconstruire des asiles d'a-

liénés. Toute plainte ne cessera que lorsque ces établissements

seront en état de recevoir 2 malades pour 1,000 habitants. On a

décidé d'appeler à leur tête des médecins résidents et des direc-

teurs médicaux spécialistes; une grande partie de l'administration

financière sera dès lors confiée à une autorité spéciale;

;t

Il s'est fondé a Ei;h6erg une société de secours pour les aliénés

sortants.

hicdric/c, à 20 -minutes d'Eichberg, on est en train de cons-

truire un asile pour épileptiques femmes du culte catholique. Di-

recteur : le conseiller spirituel Zaun. La maison Saint-Yaientin,

construction à deux étages, recevra 60 à 80 patients. Elle a comme

annexe une laiterie. Dépenses : 200,000 marks (2o0,000 fr.).

Royaume de Saxe. Clinique psychiatrique de Leip : ;ig. On

t'agrandit par la construction d'un nouveau pavillon pour atfec-

tions contagieuses et gâtisme. Somme accordée : 34,000 marks

(4 ? ,500 fr.). ' , . ,

Asile hospice de Coldils. On y a installé une. ventilation appro-

priée, un organe à rincer les pissotières. On a construit une nou-

velle salle d'autopsie ainsi qu'un dépôt de pétrole. A la métairie

de Zschadras, l'économe a obtenu une autonomie limitée, sous

l'autorité suprême du directeur. On a abattu un domaine eu

ruines; on en a acheté un plus grand, de sorte que la superfieie

324 VARIA.

du territoire de l'asile est devenu de 8,632 ares. On a relié la mé-

tairie à l'asile par un téléphone'. 1.

Asile de traitement de Sonizenstein. On a dans les jardins cons-

truit deux édifices pour 50. à 60 malades chacun.

Asile-hospice d'Hubertusburg. On y a agrandi l'établissement

d'éducation d'arriérés; il peut recevoir 100 enfants des deux sexes.

Le grand rendez-vous de chasse a été restauré; on y a installé

des malades tranquilles de toutes classes; on l'a doté d'un châ-

teau d'eau, ainsi que de jardins destinés à la promenade des

aliénés qui y sont renfermés. Le quartier des enfants idiots a été

transféré à Moritzburg près Dresde, et on y a amené les épilep-

tiques de Keenigswartha. La métairie de Reckwitz a acquis un

nouveau domaine ; l'augmentation de la surface permet de multi-

plier le nombre des colons. On a construit une nouvelle buan-

derie fonctionnant à la vapeur.

A l'hospice et asile d'infirmes de Ilocltoeitzsche2c, on a établi une

conduite d'eaux très riche, jouissant d'une pression considérable.

On a transformé et agrandi le dépôt d'aliénés criminels de

Waldheim.

Pour tous ces établissements, on a mis en vigueur un nouveau

régime alimentaire uniforme, radicalement augmenté et amélioré.

Enfin, on a constitué un fonds de secours pour les aliénés sortants

et en congé.

Royaume de Wurtemberg. Winne ? zthal a, depuis 18'7a,

été soumis à une reconstruction partielle. On s'est proposé de

placer tous les locaux administratifs en dehors du bâtiment prin-

cipal, afin d'utiliser ce dernier pour un plus grand nombre de

malades; en même temps, on corrigerait les installations défec-

tueuses jusqu'alors. Chauffage à la vapeur de Sulzer. Ce qui pres-

sait, c'étaient les quartiers de tranquilles des deux sexes : ils sont

prêts. On a amélioré radicalement le quartier des femmes agitées.

Cette année, on agrandira et on remaniera celui des hommes

agités, puis on complétera la conduite d'eau insuffisante. Depuis

longtemps, mais surtout l'an dernier, rétablissement a étendu

son territoire pour pouvoir développer le travail agricole.

Zwiefalten. Série de transformations dans ces dix dernières

années; elles ne prendront fin que dans cinq ans. Le nombre des

malades a été porté de 160 à 400. On a amélioré de fond en

comble les installations intérieures. Exécution du chauffage cen-

tral, du parquetage; on a cimenté; on a construit de nouvelles

latrines en modifiant leur système, une nouvelle conduite d'eau;

1 Installation bien nécessaire dans la plupart des asiles de France

pour relier entre eux les services et les fonctionnaires. P. K.

VARIA. 325

on a amélioré les égouts; on a installé une cuisine et une buan-

derie à vapeur, des communications télégraphiques, procédé à

des embellissements, etc. *

Schusseni-ied . On agrandit cette année l'établissement; il

pourra dès lors recevoir 20 malades agités de plus.

Mais on est également dans le Wurttemberg, obligé d'avoir

recours aux asiles privés pour augmenter l'assistance publique.

Citons ceux de Goeppingen et Pfullingen. Les établissements de

l'Etat hospitalisent ensemble 900 malades.

Soit : 200 à Winneuthal.

300 à Schussenried.

400 à Zwicfalten.

Les asiles privés en reçoivent 600 :

326 VARIA.

chaude et froide, fosses mobiles; les combles renferment des cham-

bres spacieuses destinées aux élèves. Jusqu'alors cette institution a

rempli son but. ,

Parmi d'autres modifications architecturales, citons l'améliora-

tion des latrines (système de fosses mobiles installées en des

pavillons construits en dehors des services), du côté des femmes;

l'ensemble des transformations de cette section, comme dans celle

des hommes, a été terminée encinq divisions. Ce sont : l'agrandis-

sement du quartier cellulaire ; la construction, pour ses habitants,

de salles de réunion, belles, grandes, aérées, claires, de cours de

séelusion avec des annexes également séparés ; d'une chambre de.

bains propre à une division,-d'une chambre d'isolement destinée

aune autre division,- de deux sous-sols spacieux comme adjuvants

de l'horticulture. On a reconstruit la serre, en la transportant plus

au sud. Pendant l'été de 1883, on a commencé sans interruption,

jusqu'à ce que l'installation en fût complète, le nouvel obitoire ;

il se compose d'un dépôt mortuaire, d'une salle d'autopsie, d'une

salle de microscopie. En ce qui concerne les services économiques,

on a agrandi les étables.

Hertheii. Asile de Saint-Joseph pour arriérés et épileptiques. De

70 (1880), on a porté le nombre des assistés f07(1853). On espère

construire un grand bâtiment central.

ilosbach. Asile d'idiots pour enfants de six à seize ans, suscep-

tibles d'éducation. Cet établissement est plein. Le conseiller d'ad-

ministration a décidé de construire un second bâtiment pour 60

enfants; dépense présumée : 60,000 marks (î5,ooo fr.) qu'il faut

trouver.

En somme, le gouvernement du'grand-due, devant l'accord des

corps constitués, a, l'an dernier, conclu à une réorganisation ou à

un agrandissement grandiose de l'assistance des aliénés : ce sont :

Il La construction d'un asile régional central pour 1,000 indi-

vidus près d'Emmendigen, petite ville de quelques milliers d'ha-

bitants, située, par voie ferrée, à une demi-heure de Fribourg. Il

se composera d'un asile'.central fermé destiné à 200 malades, ainsi

que d'une colonie modelée sur celle d'Altscherbitz. Dépenses

prévues, 4 millions y compris les 7,200 ares de terrain de très

bonne qualité pour labour et prairies. Le plan détaillé est exécuté.

On commencera par ne prendre que 400 malades; on a par con-

séquent calculé la première quote-part nécessaire au but en ques-

tion. Dans ces 400 malades, l'établissement central ligure pour 200.

Ce contingent sera pris aux deux asiles d'llleuau et d'Heidelberg,

qui regorgent d'agités, ainsi qu'à celui de Pforzheim. On agira de

même pour les 200 colons que l'on choisira d'après leurs capa-

cités agricoles. Les places devenues libres par ce fait dans les deux

asiles envisagés seront ensuite remplies par des malades qui atten'

VARIA. 327

dent leur admission. De cette façon, itienau, fieidelbérg,

Pforzheim, Hmmendigen concourront à l'oeuvre d'assistance des

aliénés. De plus, Pforzheim unefois débarrassée par Emmendigen,

conviendra mieux aux malades restants; mais, dès maintenant,

c'est un établissement destiné à s'éteindre. En effet, là construc-

tion initiale d'Emmeudigen réservée à 400 malades s'étendra à

chaque appoint budgétaire, proportionné aux exigences finan-

cières de la région, jusqu'à ce que son chiffre de population atteigne

1,000 individus. De sorte qu'en huit ou dix ans, Pforzheim n'aura

plus de raison d'être. A cette époque, Illenau, deux 'cliniques

psychiatriques [lleidell>er; et Fribourg (voy. infrà)], et Emmen-

digen se partageront l'hospitalisation des aliénés.

2° La construction d'une clinique psychiatrique à l'Université

de Fribourg. On y prévoit 80 malades. Dépense proposée : 700,000

marla (8 ? 000 fr.). 1

Grand-duché d'Oldenburg. - Amélioration de l'asile de

lYchzzen; en 18S2, on a construit un bâtiment de fonctionnaires,

on a agrandi le bâtiment des maniaques'.

Grand-duché de Mecklenburg-Schwerin. Asile de

Sachsenbcrg. Agrandissements étendus dans ces derniers temps.

Le 1er octobre 1876, on prenait possession de la colonie; en 1880,

on introduisit les chroniques dans leurs bâtiments. La construc-

tion de la colonie a coulé 131,32 marks 67,903 fr.), elle peut

contenir au maximum 50 malades ; il y en a actuellement 42 avec

deux gardiens. Elle se compose d'un rez-de-chaussée et d'un

étage. Intérieurement sont deux grandes salles.de jour et les

locaux économiques, les lieux d'aisance et l'habitation du jardi-

nier marié; au-dessus, dortoirs très spacieux. Il y existes des con-

duites d'eau; les latrines se composent de simples baquets. Ajou-

tons à cela deux bâtiments d'exploitation parmi lesquels une

grange, une remise (constituant un édifice), et les loges réservées

aux bestiaux (20 vaches, 6 chevaux, 38 porcs, poules, etc.). Les

fenêtres ne sont pas grillées, à l'exception des vestiaires, il n'existe

pas de serrures, simple chauffage à l'aide de poëles de faïence.

Les aliments sont apportés"dans un wagon manoeuvré par des

malades, mais divisé 'en compartiments fermés. La cuisine de

l'asile qui les fournit est située à quelquesacenls pas..1 droite de

la maison d'habitation s'élève la buanderie ella serre. L'ensemble

delà colonie est situé au nord-ouest, dans la direction de la chaussée

qui conduit à Wismar; son enclos est formé d'un simple échalier

dont aucune issue ne se ferme complètement. Les deux corps de

bâtiments construits pour les aliénés chroniques ont coûté 451,7o7

' Vov. Archives du Neurologie, t. X p. 235.

329 VARIA.

marks (p6r,696 fr.); ils sont destinés chacun à cent hommes et

cent femmes. Leur long côté, parallèle à l'asile de traitement,

court du sud-est au nord-ouest. On y trouve un rez-de-chaussée et

un étage, édifiés en briques, style Renaissance. Les locaux d'habi-

tation occupent le sud-est. Ce sont : quatre grandes salles de jour

utilisées également comme réfectoires (deux droite, deur à gauche

de chaque étage), et, à côté d'eux, les dortoirs orientés au nord-

est (deux salles communes et plusieurs petites chambres). Chacun

des quatre quartiers a à sa disposition deux cellules et un cabinet

d'aisances (système des fosses mobiles), des conduites d'eau, un

chauffage à l'aide de poëles de faïence, l'éclairage au pétrole,

Toutes les fenêtres sont grillées. Chaque corps de bâtiment possède

une chambre de bains, munie de deux baignoires. Au nord-est de

cet hospice et parallèles à lui existent les deux nouveaux bâtiments

cellulaires contenant l'un 20 hommes, l'autre 20 femmes; la

construction a coûté 115,444 marks (144,305 fr.); on en a pris

possession en 1884. Chacun représente un petit édifice en briques

crues; les locaux d'habitation et les chambres à coucher sont ex-

posés au sud-est; on y rencontre une grande salle de jour qui sert

en même temps de réfectoire; le long côté N.-O. est essentielle-

ment formé par un large corridor. Des deux extrémités du fronton

de la construction se détachent deux avances orientées au nord-

est qui contiennent chacune trois cellules précédées par une anti-

chambre commune; elles jouissent de l'éclairage latéral, et sont,

deux exceptées, pourvues de latrines; chauffage à l'eau chaude,

établissant en même temps la ventilation; système de fosses mo-

biles. Au rez-de-chaussée, calorifère central avec une étuve, cave

au bois et au charbon, etc. Toutes les fenêtres sont grillées. Chaque

bâtiment cellulaire contient une chambre de bains avec une bai-

gnoire. Le rez-de-chaussée du nouveau bâtiment cellulaire des

femmes loge a son extrémité nord l'obitoire, avec dépôt mortuaire

et salle d'autopsies adjacente.

Entre les deux nouveaux bâtiments cellulaires, se trouve la por-

terie gardée par le menuisier qui cumule les deux fonctions. C'est

dans le domaine formé par l'asile de traitement, les corps de

logis d'hospitalisation pure, les nouvelles constructions cellu-

laires et la porterie, que réside le nouveau bâtiment économique

livré en 1883; coût : 173,799 marks (217,248 fr.). Il se compose

d'un édifice en briques crues divisé enunrez-de-chauséeetunétage.

Au milieu, en bas, la cuisine à vapeur; au-dessus la grande salle

des fêtes avec ses dépendances; adroite et à gauche, les bureaux,

les habitations des familles du receveur et de l'économe, cellesdu

personnel de la cuisine et du serrurier.

Enfin, entre les communs et l'asile de traitement, on a, l'an

dernier, élevé un petit bâtiment qui renferme la glacière et un

VARIA. 329

abattoir. Autres améliorations à signaler parmi celles effectuées

dans ces trois dernières années.

i° Nouvelle canalisation par laquelle les eaux sales de l'éta-

blissement et des nouveaux bâtiments économiques sont conduites,

en arrière de l'église, dans une prairie suffisamment éloignée de

l'asile; avant celte installation, on les conduisait à travers le parc

dans un point du lac voisin de celui où la machine puisait pour

l'asile son eau ménagère; 2° agrandissement de la salle

de billard; 3° agrandissement du temple; 4° exécution d'un

prolongement architectural dans les deux anciens bâtiments cellu-

laires ;- 5° installation particulière permettant de recevoir des

criminels aliénés dans deux cellules du quartier des hommes;

6° les derniers bâtiments sont en voie d'exécution.

L'asile de ilIeclileizboui,g-Stielitz n'a pas subi d'améliorations.

Grand-duché de Hesse.tf<;ppeH/tC ! ? H. Le 1 el octobre 1883

tout près de la grande cuisine, on a ouvert un nouveau réfectoire

gaîment décoré, destiné-à 73 hommes choisis de préférence dans

les sections d'agités. Les malades s'y rendent par un corridor

souterrain neutre. Les aliments y arrivent dans de grands plats

transmis à travers une ouverture pratiquée dans la muraille qui

sépare la cuisine du réfectoire. Six gardiens les servent (deux dis-

tributeurs, 4 sommelliers.) En 20 à 25 minutes le repas est ter-

miné ; la vaisselle, les restes, et le couvert regagnent sans en-

combre la cuisine par la voie indiquée. Puis, les gardiens et les

autres gens de service prennent, en deux brigades, leurs aliments.

L'excellence de cette disposition repose sur la contiguïté du réfec-

toire et de la cuisine, sur l'alimentation du malade en dehors de

sa résidence, sur la facilité avec laquelle on surveille et l'on dis-

pense le repas d'un bout à l'autre. Du ler octobre 1883 au mois de

mars 1884, la vaisselle de porcelaine et la verrerie employées

n'ont subi aucune avarie. Et cependant 73 individus mangent

en commun à midi et le soir. Malheureusement le local est trop

restreint pour que la moitié des hommes puisse y être admis.

On projette une semblable disposition pour le service des femmes.

A l'hôpital régional de Hofheim, on a terminé la nouvelle cons-

truction d'un bâtiment d'isolement, nécessaire dans le cas où une

maladie infectieuse se déclarerait; on a pris ses mesures pourpré-

server les escaliers contre l'incendie; des appareils de ventilation

ont été installés dans presque tous les locaux; dans plusieurs, on a

remplacé les anciennes cheminées, qui menaçaient de mettre le

feu, par des cheminées russes ; beaucoup de chambres ont été pour-

vues de plancher en chêne, on a installé un établissement de bains,

dans l'ancien édifice réservé aux soeurs, on a monté une laverie

centrale à eau chaude.

330 VARIA.

Grand-duché de Saxe-Weimar. A l'asile de Iéna, on a

augmenté d'un tiers le contingent des infirmiers; le poste de gar-

dien en chef est maintenant tenu par un personnage compétent.

.On dispose actuellement d'un gardien par huit ou neuf malades,

proportion, d'après l'avis du directeur, encore trop faible pour un

asile de traitement. On a dû griller une partie des chambres

d'isolement delà surveillance continue; quelques-unes ont été

munies de verres infrangibles. On a installé un laboratoire de mi-

croscopie pour les cliniciens consommés.

A \ l3lunlsenlwia, on comptait, à la fin de 1880, 455 malades. On

sait qu'il s'agit ici de l'hôpital Frédéric-Charles, qui a pour syno-

nyme : asile de traitement et d'eîzt7-etion régional des aliénés de la

Saxe, avec colonie et quartier d'infirmes. L'addition ou l'agrandisse-

ment de 6 divisions d'hommes et de femmes, permit, de concert

avec l'installation d'une colonie agricole, d'élever létaux de la po-

pulation à 243 (1" août 1884); 203 occupent la section des aliénés,

2s ! hommes travaillent à la colonie, 18 sont des infirmes. Le

produit du travail de ces malheureux a atteint 3,100 marks.

(3,8-,5fr. ); 2,410 marks (3,012 fr.) sont imputables à l'agriculture;

les économies des travailleurs sur leur pécule ont été de 2,137

marks (2,671 fr.)

Grand-duché de Saxe-Cobourg-Gotha. Duché de Saxe-

Meiningen et principauté de Schwarzburg-Rudolstadt.

L'asile d'Ilildbiii-gh(iiisen n'a dans ces cinq dernières années pas

supporté d'agrandissements considérables. On a acheté plusieurs

domaines, entre autres celui de la ferme de Karolinenburg, de

sorte que l'aire de l'établissement est de 3,446 ares 90. Karolinen-

burg a été transformé en colonie agricole; en 1880, on y comp-

tait 20 malades; en 1882, on la réunissait à l'asile par une

route carrossable, et l'on construisait un nouveau bâtiment qui

actuellement touche à sa fin; il renferme dans le sous-sol trois

salles pour ateliers, et, par ses autres locaux, peut héberger 80 à 90

malades : il y en a à présent 60. De chaque côté de la route qui

joint l'asile à la colonie, on a construit, près de l'établissement

central, deux nouveaux bâtiments; c'est d'abord un quartier de

femmes qui, à la fin- de 1883, donnait' asile à 30 malades, mais

peut en recevoir le double, et, en face de lui, une buanderie. La

buanderie peut elle-même servir d'habitation à 30 ou 40 femmes.

C'est ainsi qu'on a fait disparaître l'encombrement.

Duché de Anhalt.-On a remplacé les deux asiles régionaux

de Dessau et Bernburg, supprimés en 1873, par le nouvel asile ré-

gional de traitement et d'entretien d'aliénés près Dernburg. Composé

de neuf bâtiments, il devait, à l'origine, recevoir 132 malades;

quelques années plus tard, en faisant loger le receveur en dehors

VARIA. 331

de l'établissement, on gagnait six places d'hommes. Il y a trois

ans, on ajoutait I hectare de terrain au domaine de culture séparé

de l'asile fermé par un chemin communal ; de là la colonie agricole,

avec ses deux pavillons contenant chacun 20 hommes et avecsa bou-

iangene : autonome depuis deux années, elle fournit des bénéfices-

Cette métairiese compose de ces deux pavillons, plus d'un bâtiment

pour l'élable (24 bêtes à cornes) et l'écurie (4 chevaux), d'une belle

grange, d'une porcherie, d'un poulailler. Un des deux bâtiments

économiques d'autrefois, derrière la cuisine de l'asile fermé, a

été adaplé à la résidence de 30 travailleuses; 20 femmes y sont

depuis le printemps dernier. De même que la colonie, ce bâtiment

sans grilles, jouit du chauffage à l'eau chaude, de l'éclairage au

gaz, d'une conduite d'eau; les locaux où l'on travaille sont placés

en bas. Des dortoirs occupent l'étage supérieur. Un téléphone unit

l'asile à la colonie. Le bâtiment cellulaire de la division des femmes

a été doté d'une annexe qui comprend une grande salle aérée et

quatre cellules, le tout dépourvu de grilles. Depuis 1883, un médecin

adjoint réside à l'établissement.

Duché de Brunswick. L'encombrement de l'asile de

l3rtnstuick a, depuis des années, suscité diverses propositions. On a

décidé d'y construire quatre pavillons qui permettraient de re-

cevoir 74 malades des deux sexes; effectuée dans ces dernières

années, cette construction est maintenant habitée : Elle occupe un

coleau; le pavillon le plus rapproché de l'asile est à t70 mètres

de lui. On lui a rattaché 434 ares 05 de terrain qui ont été trans-

formés en parc. Dans le pavillon destiné aux hommes pension-

naires de lr0 et 2" classe, un sous-sol renferme une piscine dont

on peut, à volonté, réchauffer l'eau. Le pavillon des hommes et des

dames de 1 « et 2" possède au rez-de-chaussée quatre chambres,

réservées chacune à un malade de lre classe, mais en relation

avec salon de conversation ; au premier étage, chambres à

deux lits. Les malades de 30 classe habitent le rez-de-chaussée,

mais dorment à l'étage supérieur. En bas, on trouve un réfec

toire pour 25 malades et 2 gardiens; des deux côtés, salle de jour.

Deux petites chambres servent aux aliénés passagèrement indis-

posés. Partout on ainstallé balcons, et verandahs.Portes et fenêtres

à jeu libre.

Duché de Saxe-Altenburg. Eu 1848, on avait ouvert

l'asile de Roda à 70 malades. En 1859, on exécutait une nouvelle

construction pour 50 aliénés ; autre addition architecturale eu

t869 pour 76 psychopathes. Le troisième agrandissement étendu

a eu lieu en 1884 ; les constructions ont coûté 1,350,000 marks

(1,687 ? )00 fr.) ; on a dû acquérir du mobilier pour une somme de

24,500 marks (30,625 fr.). L'établissement contient aujourd'hui

332 VARIA.

385 aliénés. Les nouvel les cons tractions comprennent : l'agrandisse-

ment de l'habitation du directeur, une grande habitation sé-

parée pour la famille du second médecin de l'établissement et pour

le médecin adjoint, une aile neuve pour t4 aliénées femmes,

un pavillon isolé pour 8 à 10 femmes semi-agitées, deux pavil-

lons isolés destinés aux affections intercurrentes, pour les deux

sexes, une buanderie isolée avec ses dépendances. Fenêtres dé-

pourvues de grilles (modèle de Sarreguemines), ventilation et chauf-

fage à l'aide de canaux d'air spéciaux et des poêles à cellules de

l'ingénieur Born de Magdebourg. Chaque quartier a son installa-

tion balnéaire spéciale. Superficie du territoire = : 638 ares 315.

On construit tout près un asile d'idiots, destiné provisoirement à : *6 malades éducables ; il comprend un pavillon, des bâtiments

administratifs, et économiques; 85,000 marcs (106,21O fr.) sont

imputés à cette institution sur les fonds de l'Etat.

Ville de Hambourg. Le rapport concernant l'année 4883,

contient des plaintes relatives à l'encombrement. Le bâtiment

principal destiné à 340 malades en renferme actuellement 476.

Maint quartier fournit à ses habitants moins de 900 pieds cubes

d'air. On propose donc d'élever trois nouveaux édifices pour in-

curables et pour malades. Dans le courant de l'année on a vu

naître de nombreux cas d'érysipèle souvent graves. On a pu oc-

cuper au travail agricole 139 hommes. Le capital de la fondation

Julius et dela caisse des secours a été grossi de legs particuliers ;

il est aujourd'hui de 101,î00 marks (12"1,125 fr.). L'exploitation

agricole a atteint le chiffre de 57;000 marks (71,250 fr.).

Ville de Brème. En 1883, on a érigé un bâtiment pour 30

agités chroniques environ.

Ville de Lübeck. - En 1881, on décidait d'édifier deux ailes

pour 40 lits ; elles étaient occupées en 1882. Ce qui a permis de

restaurer lés veilles constructions à fonds et de multiplier le per-

sonnel qui actuellement est de 23 individus pour 98 malades

(Allg. Zeitschr. f. Psych. Xl.l, 4 et 5). P. Ki'.RAVAL.

FAITS DIVERS

Asile d'aliénés de la Seine : mouvement de la population

en 1885. Sauf quelques placements volontaires qui sont faits

directement par les familles dans les divers asiles, tous les aliénés

passent parle Bureau d'admission des asiles, annexe de l'asile

Clinique (Sainte-Anne). Voici quel a été le mouvement de la po-

pulatioti du bureau d'admission en 1885 :

334 FAITS DIVERS.

Prix de la sociÉrf; MÉD)C\LE 1) ? NIIENS. Le sujet du prix pour

l'année 1887 est : Influence de l'alcoolisme siii les maladies aiguës.

Société d'anthropologie. Prix l3cr(illorz : M. le D Bertillou a

^laissé en mourant, à la Société d'anthropologie de Paris, une

somme de ;i,000 fr., dont les arrérages devront servir à fonder un

prix biennal, destiné à récompenser le meilleur travail envoyé sur

un sujet concernant l'anthropologie.

La Société DE médecine légale vient de procéderai ! renouvelle-

ment de son bureau qui, pour l'année 1886, est composé comme

il suit : président : AL le Dr Blanche; vice-présidents : MM. Hoi-

telup, magistrat, et le be Polaillori secrétaire général : l. le

Dt Gatlard; secrétaires des séances : le Dr Le Blond, le

De Socquet; archiviste : àl. Joseph Lefort, avocat, docteur en

droit; trésorier : M. Mayet, pharmacien. Membres de la com-

mission permanente chargée de répondre dans l'intervalle des

séances aux demandes d'avis motivés, adressées à la Société.

MM. Blanche, président; Gallard, secrétaire général; l3oudet,

avocat; le Dr Brouardel, le Dr Foville, le 'D Laugier, le Dr l,ii-

taud, le Dr Pinard, le De Polaillon; Rocher, avocat; le Dr 'rberl :

Yvon, pharmacien. Ilei ? î61,es du conseil de famille .' MAI. Btdn-

che, président; Ilorteloup et PolaiLoti, vice-présidents; Chaude,

avocat; Benoist, magistrat; Boudet, avocat; Dr Falret, ])'Motet.

Membres du comité de publication : 1111. Gallard, secrétaire gé-

iiéral ; Le Blond, Jules Lefort, Meignien, Poucttet, Socquet. Dans

la même séance, la Société a nommé membres honoraires :

MAI. les D" Pénard et Worms. La Société tient ses séances, le

2" lundi de chaque mois, à quatre heures très précises, au palais

de justice dans la salle des référés. Les séances sont publiques.

Six places de membres correspondants nationaux sont déclarées

vacantes; les candidats sont invités à faire parvenir leurs demandes

sans retard au secrétariat général, 7, rue Monaigny.

Un nouvel asile d'aliénés. Le Parlement a adopté un projet

de loi autorisant le départemant de la Somme, .conformément à

la demande que le conseil général en a faite, à emprunter, à un

taux d'intérêt qui ne pourra pas dépasser 4 fr. 75 p. 100 une

somme de 1,90 : i,000 fr., applicalde pour une part à la création

d'un asile départemental d'aliénés.

Prix institué par le roi des Belge ? Le prix annuel de

25,000 fr., destiné à encourager les oeuvres intellectuelles et ins-

titué par le roi de Belgique, sera attribué en 1889 n au meilleur

travail sur les progrès de l'électricité comme moteur, moyen

d'éclairage, et sur les applications qui en peuvent être faites n.

S'adresser au ministère de l'industrie et des travaux publics à

Bruxelles pour tous les renseignements.

FAITS DIVERS. 335

Un Fou en liberté. Sous ce litre, les journaux politiques

publient le fait suivant : «Hier, à midi, un frère de l'asile Lochcn

(Côtes-du-Nord), chargé de conduire un aliéné à la Ville-Evrard,

se disposait à entrer dans la gare de Vincennes, lorsque le fou.

calme jusqu'alors, exigea d'être conduit auprès d'un oncle qui

habite Paris. Son compagnon ayant refusé d'accéder à sa demande,

l'aliéné refusa d'avancer et poussa des cris perçants.

« Cet incident amena sur la place de la. Bastille un rassemble-

ment de plus de cinq cents personnes, lesquelles prirent fait et

cause pour le fou contre le frère, malgré l'intervention des agents

qui furent mis au courant des faits. La foule ne voulut point en-

tendre raison, et le malheureux aliéné fut, pour ainsi dire, arra-

ché des mains des agents et mis en liberté. Il en profita pour

prendre la fuite, et, dans la soirée d'hier, on n'avait encore pu

obtenir aucune de ses nouvelles. M. Delamarre, commissaire de

police, a ouvert une enquête. »

La « foule » nous parait avoir été aussi insensée que l'aliéné.

Ses libérateurs ( ? ) n'ont pas réfléchi que ce malheureux pouvait

peut-être assassiner quelque citoyen sous l'influence de son délire,

ou se suicider, ou commettre des actes graves.

Asile de la Providence pouu les : 1LIÉVIV : S. - 'Mous attirons

l'attention sur cet établissement fondé depuis plus de trente ans,

et qui a été longtemps la seule maison de ce genre dans la partie

ouest de l'Etat de New-York. On ne compte plus le bien qui yja été

accompli ni le nombre des gens qui y ont recouvré la raison.

Nous pouvons dire que l'oeuvre accomplie frappe par sa magnifi-

cence. Par des agrandissements successifs, l'établissement peut

recevoir cent cinquante malades. On projette des agrandissements

nouveaux, adaptés au traitement de la folie; d'autre part, on

a ouvert des salles spéciales pour les pauvres. L'établissement a

pris le nom de la soeur Rosalind Brown, qui était supérieure. l'en-

dant trente ans, le traitement médical a été dirigé par le Dl Wil-

liam Ring. On lui a adjoint le Dr Floyd-S.-Arego médecin privé

de l'asile, et maintenant médecin à Bull'alo. Les médecins auront

tout avantage à visiter cet établissement.

Asile royal de GLASGOW. La réunion annuelle du conseil

de l'asile de Glasgow a eu lieu la semaine dernière. Du rapport

du secrétaire, il résulte que la population de l'asile au commen-

cement de l'année était de 483 malades. Il y a eu 188 admissions

et 161 sorties, dont67 malades guéris et 39 décès; il restait donc

à la fin de l'année 471 malades. 291 étaient payants; 180 à la

charge des paroisses. Le nombre des malades payants était

augmenté de 10, celui des malades de paroisse diminué, car,

avant la fin de l'année, on a retiré des déments chroniques et

336 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

incurables, pour des aménagements neufs. Le fond de réserve

de l'asile est maintenant de 22,639 livres, 15 schel., 4 d. Le recteur,

en proposant l'adoption du rapport, remercie au nom de tous

les directeurs, les médecins, les malades et les employés, et les

assure de son extrême satisfaction. Le rapport a été adopté à

l'unanimité, et le Dl Yelloubes et ses assistants ont reçu les

remerciements de l'assemblée pour la façon consciencieuse et

efficace dont ils s'étaient acquittés de leurs devoirs. (Brit. med.

Joiii-n., 30 janv. 1886.) '

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

De SAK (Le père Louis). Étude pathologico-théologique. de Sainte-

Thérèse. Brochure in-8° de 114 pages. Louvain, 1886.-Fonteyn et Pans,

chea. Fetscherin et Chuit.

Transactions of the ophthalmo-logical society of tlie united kingdom.

Vol. IV (1883-1884); volume in-8» cart. de 376 nages, avec planches hors

texte Vol. V (1884-1885); vol. 111-80 cart. de 260 pages. London, 1884

et 1885. - 3. et A. Cliurcliill.

BFNNETT (H.) A caseof locomotor a<a.cy,u) : MoM<6ft'Mae of the postmor

colurnus of the spiraal cord. Brochure in-8° de 11 pages, avec 2 planches

hors texte. Extrait du tome XVIII of the « Clirtical Societg's Tiansac-

Berjon (A). La grande hystérie chez l'homme. Phénomènes 1s

d"inhibition et de dynamogénie, changements de la personnalité, action i

des médicaments à distance. D'après les travaux de i\111. Bnunnu ut

Bunor. Broclmre in-8 de 81 pages, avec 10 planches hors texte. -

Prix : 3 fr. Paris, 188G. - .1. B. Baillivre et fils.

HACK TUKF (D.) Le corps et l'esprit, action du moral et de l'imagina-

introduction par A FOVILLE. Volume in-8° de 404 pages. Prix : 6 fr.

Paris,188G. - Librairie J.-B. Baillil;re.

Le rédacteur-gérant, 13oURNEVILLE.

Bvrem. f.h. Iitwsser, imp - 38G.

Vol. XI. Mai 1886. NU 33.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE NERVEUSE

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA NÉVRITE SEG.IENTAIRE

(altérations DES NERFS dans un cas DE paralysie diphthéritique) ;

Par MM. A. PITRES, professeur à la Faculté de médecine de Bordeaux,

et L. VAILLARD, professeur agrégé du Val-de-Grâce.

Parmi les altérations des nerfs périphériques que

l'on range dans le groupe des névrites, celles qui in-

téressent la fibre nerveuse d'une manière prédomi-

nante ou exclusive sont de beaucoup les plus com-

munes ; en raison de cette localisation à l'élément noble

de l'organe, on les désigne habituellement sous le nom

de névrites parenchymateuses .

Les lésions de cet ordre peuvent se développer sous

l'influence de conditions pathogéniques très diverses;

mais, quelle que soit la cause qui les détermine, elles

produisent toujours dans la structure du tube nerveux

une série de modifications aboutissant à l'atrophie plus

ou moins complète.

Dans l'immense majorité des faits le processus en

jeu ne s'éloigne point, en apparence, de celui qui ap-

Archives, t. XI. ' 22

338 PATHOLOGIE NERVEUSE.

partient à la dégénération wallérienne proprement

dite; les altérations histologiques reproduisent exacte-

ment celles que M. Ranvier a décrites sur le bout in-

férieur d'un nerf sectionné. A la période initiale, le

noyau des segments interannulaires se tuméfie et se

multiplie; le protoplasma végète, devient plus abon-

dant, sectionne en des points multiples le cylindre de

myéline et lefilament axile. Progressivement la myéline,

morcelée de plus en plus, se dispose sous forme de

blocs, de boules ou de grains disséminés dans un

protoplasma granuleux auquel s'ajoute un nombre

variable de noyaux. Puis les débris de myéline sont

éliminés. Le calibre de la fibre nerveuse diminue et-

bientôt celle-ci se trouve réduite à la gaîne de

Schwann que distendent de loin en loin quelques

noyaux ovoïdes. Ces lésions essentiellement carac-

térisées par la segmentation, la disparition de la myéline

et la destruction rapide du cylindre-axe se produisent

d'une manière identique et sans discontinuité sur toute

la longueur de la fibre nerveuse.

A côté de cette forme, il en est une autre, décrite

pour la première fois par M. Gombault' sous le nom

de névrite segnaentaire péri-axile.

Sur des cobayes soumis à un empoisonnement lent

par le plomb et n'ayant présenté aucun phénomène de

paralysie diffuse ou localisée, M. Gombault a observé

un mode particulier d'altération des nerfs qui diffère

à tous égards du précédent. « Contrairement, dit-il, à

ce qui se passe dans le cas de la section d'un nerf,

1 Gombault. Contribution n l'étude de la névrite paî,e71chynialeuse

subaigué et chronique. Névrite segmentaire péri-axile. (Archives de

Neurologie, 1880, p. Il.)

DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 339

l'altération ne porte ici que sur une étendue limitée de

la longueur de la fibre, et immédiatement au-dessous,

comme immédiatement au-dessus du point intéressé

celle-ci reprend son volume et son aspect habituels.

Il y a plus, l'examen de certaines fibres isolées sur

une grande longueur permet de s'assurer que la même

lésion circonscrite peut s'être produite à la fois sur

deux points de la longueur d'une même fibre, séparés

l'un de l'autre par un intervalle au niveau duquel la fibre

paraît absolument saine. » Le plus habituellement,

l'étendue de l'altération mesure à peu près la longueur

d'un segment, mais elle peut dépasser ces limites,

comme aussi se restreindre à une partie seulement

d'un segment interannulaire.

Dans les points ainsi atteints, les caractères de la

lésion sont ceux d'une véritable inflammation paren-

chymateuse, avec cette particularité toutefois que la

gaîne de myéline et le protoplasma sontseuls intéressés,

tandis que le cylindre-axe n'est jamais interrompu et

reste en relation avec les centres. Les modifications

subies par la myéline débutent généralement vers les

extrémités du segment, au voisinage d'un étrangle-

ment interannulaire, pour gagner ensuite les por-

tions intermédiaires. En outre elles procèdent de la

périphérie vers le centre de la gaîne de myéline, alté-

rant d'abord les couches externes, avant d'atteindre les

parties profondes. D'autre part, enfin, la myéline, au

lieu de se segmenter en blocs volumineux, comme cela

s'observe au début de la dégénération wallérienne, se

résout en fines granulations émulsionnées dans un

protoplasma abondant, au milieu duquel on rencontre

un nombre parfois considérable de noyaux. La myéline

340 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ainsi désagrégée tend progressivement à disparaître,

ses débris deviennent de plus en plus rares, et bientôt

on n'en trouve aucune trace dans l'intérieur du

tube nerveux; les noyaux persistent au contraire,

et parsèment encore la gaîne de myéline consi-

dérablement réduite de calibre. Mais, fait remarquable,

quel que soit le degré de l'altération, le cylindre-axe

n'est jamais détruit. Il ne cesse point d'être recon-

naissable au milieu des débris de myéline et lorsque

ceux-ci ont été complètement éliminés, il semble à lui

seul constituer toute la fibre nerveuse. Cette intégrité

du filament axile, malgré l'effondrement de la gaîne

myélinique, constitue un trait caractéristique et justifie,

dans l'espèce, la dénomination de névrite segmentaire

péri-axile imposée par M. Gombault à cette curieuse

lésion; elle explique aisément l'absence de troubles

moteurs chez les animaux dont les nerfs périphériques

présentaient ces altérations.

Cette forme nouvelle de névrite n'est nullement

spéciale au cochon d'Inde ou au saturnisme chronique.

Elle se montre aussi chez l'homme, et M. Gombault a

pu l'observer chez des sujets atteints d'atrophie mus-

culaire protopathique, de sclérose latérale amyotro-

phique et de névrite traumatique. Le même auteur l'a

rencontrée encore dans la paralysie diphthéritique et

chez un sujet dont l'affection avait évolué clinique-

ment sous la forme d'une paralysie ascendante aiguë '.

Toutefois, la névrite segmentaire péri-axile ne semble

pas avoir été fréquemment rencontrée dans les recher-

ches ultérieures sur l'anatomie pathologique des nerfs

1 Gombau]t. JVo<e sur le rôle que jouent les lésions segmentaires dans

l'évolution delà névrite parenchymateuse. {Soc. analonaigue, 4881, p. 157.)

DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 3M

périphériques, et depuis 1880, époque à laquelle en

fut donnée la première description, P. Meyer seul a

signalé son existence dans un cas de paralysie diphthé-

ritique '.

Au cours de nombreuses études sur les névrites,

nous n'avions point eu l'occasion d'observer des faits

analogues lorsque l'examen d'un cas de paralysie

diphthéritique généralisée nous a permis de constater

des altérations très semblables, mais non identiques à

celles que décrit M. Gombault. Si, dans le fait dont il

s'agit, la distribution segmentaire des lésions est très

évidente sur un grand nombre de fibres, le type du

processus s'éloigne cependant par quelques traits im-

portants de celui qui a été donné comme caractéristique

de la névrite segmentaire péri-axile. Aussi croyons-

nous devoir le rapporter avec détails.

Observation. 7'M'CMOM pulmonaire. Diphthérie cu-

tanée consécutive à l'application d'un vésicatoire. Am-

blyopie ; paralysie du voile du palais ; paralysie, des quatre

membres avec troubles de la sensibilité. Parésie du dia-

p/; ? 'aM : e. Arythmie du coeur. Mort par hémorrhagie

pulmonaire. Intégrité du cerveau et de la moelle.

Névrites à forme segmentaire des nerfs périphériques et des

racines spinales.

Uchan, gendarme, âgé de trente-sept ans, a toujours joui

d'une bonne santé jusqu'au mois de janvier 1884, époque à

laquelle il fut atteint d'une bronchite avec fièvre qui nécessita

son entrée à l'hôpital du Val-de-Gràce. Au cours de cette affec-

tion survinrent des hémoptysiespeu abondantes, mais répétées.

Un traitement de courte durée suffit à amender les symptômes

pulmonaires et le malade, à peu près rétabli, quitta l'hôpital

1 Il. leyer. Recherches anatomiques sur la paralysie diphthéritique.

(Ai-eh. fiw putk. anal. Bil. LXXXV Ileft 2. Analyse in Revue de Hayem

t. XX, p. 57, 1882.)

342 PATHOLOGIE NERVEUSE.

pour jouir d'un congé de convalescence dans sa famille. Mais

après un très court répit la santé décline, la toux se réveille,

de nouvelles hémoptysies se produisent, et, dès l'expiration

'de son congé, Uchan est nouveau dirigé sur le Val-de-Grâce,

au mois de juin 1884.

La tuberculose pulmonaire est alors nettement confirmée et

se traduit par les signes non douteux d'une petite excavation

localisée au sommet du poumon gauche. L'état général est

alors satisfaisant, l'appétit intact, l'amaigrissement peu pro-

noncé, les forces sont à peine amoindries; seules l'anhéla-

tion et une toux persistante avec expectoration muco-puru-

lente fatiguent le malade.

Le 4 juillet la fièvre s'allume, la toux s'exagère; il s'est

produit au voisinage du foyer tuberculeux une poussée con-

gestive pour laquelle il parait opportun d'appliquer un vésica-

toire dans la région sous-claviculaire gauche. A ce même

moment un malade atteint d'angine diphthéritique est placé

dans le service. Le 8 juillet la plaie de ce vésicatoire de-

vient très douloureuse, rouge, saignante, puis se recouvre

sur toute son étendue d'une fausse membrane grisâtre, consis-

tante, difficile à détacher, au-dessous de laquelle le derme

présente une teinte ecchymotique.

Le 11 juillet la fausse membrane se détache par places,

mais se reproduit lelendemain; et après des alternatives de dis-

parition et de récidive, tombe définitivement le 20 juillet. La

plaie du vésicatoire ne montre ensuite aucune tendance à la

cicatrisation; elle reste rouge, saigne au moindre contact et

devient le siège d'une hyperesthésie excessivement vive.

25. Uchan éprouve dans le bras gauche des douleurs

contusives, vagues, sans localisation*précise, auxquelles s'ajou-

tent parfois des élancements sur le trajet du cubital et du ra-

dial. Ces douleurs sont plus vives au niveau de l'épaule et

manifestement exagérées soit par les mouvements, soit par la

pression des muscles; la sensibilité est normale dans ses diffé-

rents modes.

Les jours suivants ces mêmes symptômes persistent sans

modification; la plaie du vésicatoire se cicatrise lentement.

' 6 août. Le malade se plaint de troubles de la vue dont le

début parait remonter au moment où ont apparu les douleurs

du bras gauche : la lecture est difficile, presque impossible, les

objets éloignés ou rapprochés apparaissent confus et comme

DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 343

noyés dans un brouillard. Les membranes extérieures de l'oeil,

les milieux et la rétine ne présentent aucune altération.

10. - La déglutition des aliments et surtout des liquides

devient malaisée; ces derniers refluent vers les fosses nasales

ou tombent àl'orifice du larynx en déterminant de pénibles

accès de toux. A l'examen de la bouche, le voile du palais est

immobile, vertical, insensible aux excitations. -

En outre le malade accuse un affaiblissement de la niotilité

du bras gauche ; ce membre est devenu lourd, paresseux et

moins habile à saisir les objets. La sensibilité est émoussée

depuis l'épaule jusqu'à l'extrémité des doigts, les sensations

sont perçues avec un léger retard. Les douleurs signalées dans

ce bras continuent à se produire avec les mêmes caractères.

18. La parésie du bras gauche s'accentue. Les membres

inférieurs deviennent vacillants et se fatiguent après quelques

pas. La marche est incertaine, hésitante, maladroite et réclame

pour s'effectuer le concours d'une attention'soutenue. Les

jambes fléchissent pendant la station debout et celle-ci ne peut

être maintenue au delà de quelques minutes. La sensibilité

est normale.

25. - Le bras gauche, presque complètement paralysé, ne

peut être soulevé au-dessus du plan du lit; quelques mouve-

ments limités persistent encore dans les doigts. Anesthésie

absolue sur toute l'étendue du membre; les douleurs spon-

tanées ne cessent pas de s'y produire.

L'affaiblissement des membres inférieurs se prononce davan-

tage et c'est avec une grande difficulté que le malade arrive à

se traîner de lit en lit ; les jambes fléchissent, se dérobent à

chaque pas, les pieds se détachent à peine du sol. La sensi-

bilité y est fortement émoussée, particulièrement à la plante

des pieds ; le malade croit toujours marcher sur du coton. Au-

cun trouble du côté des sphincters.

3 septembre. - Paralysie et anesthésie absolues du bras

gauche qui continue à être le siège de douleurs très vives, oc-

cupant successivement le trajet des différents nerfs.

La parésie des membres inférieurs est devenue telle que la

marche ou la station debout sont impossibles. Le malade reste

confiné au lit; à peine peut-il déplacer ses jambes en les fai-

sant glisser sur lo plan du lit. Pas de douleurs spontanées ni

provoquées, La sensibilité au contact, à la douleur, à la-tem-

pérature est considérablement amoindrie. Les réflexes- plan-

344 PATHOLOGIE NERVEUSE.

taires, rotuliens, testiculaires sont presque nuls. Le sens

musculaire est aboli; le malade n'a plus la notion de la posi-

tion de ses membres inférieurs, les perd dans son lit, et ne

peut indiquer les diverses attitudes qu'on leur communique.

15. La paralysie des membres inférieurs est devenue

complète, absolue, intéressant au même degré la motilité et la

sensibilité.

Le bras droit commence à .se prendre et devient lourd,

malhabile, paresseux. La sensibilité cutanée de ce segment est

intéressée dans tous ses modes.

Les troubles de la vue ont complètement disparu et le fonc-

tionnement du voile du palais est aujourd'hui normal.

18. Le malade éprouve une gêne insolite de la respira- ,

tion, à laquelle succède progressivement une dyspnée per-

manente entrecoupée par des accès d'apnée. Ces troubles, que

n'expliquent aucune lésion pleurale, pulmonaire ou cardiaque,

dépendent uniquement d'une parésie du diaphragme. La

respiration s'effectue suivant le type costal supérieur. Le

diaphragme se meut à peine; au moment de l'inspiration, l'épi-

gastre et les hypochondres se dépriment pour se soulever en-

suite pendant l'expiration.

A ces symptômes s'ajoutent le 2t septembre des troubles

cardiaques caractérisés par de l'angoisse précordiale, de l'ary-

thmie et un affaiblissement notoire de la contraction ventricu-

laire : le pouls est irrégulier, intermittent, ondulant, petit,

parfois filiforme et à peine perceptible. La dyspnée s'exagère,

et on constate alors l'existence d'une congestion pulmonaire,

plus particulièrement intense du côté gauche. Cette congestion

aboutit le 25 à une hémoptysie abondante qui se continue

pendant trois jours par le rejet de crachats sanglants, d'un

rouge vif et finement aérés. Fresque aussitôt se produit une

amélioration croissante, rapide des troubles respiratoires et

cardiaques : la paralysie du diaphragme disparait et le coeur

reprend son rythme, sa contractilité habituels.

18 octobre. Le bras droit, atteint en dernier lieu, est

complètement paralysé, privé de sensibilité.

A ce moment les quatre membres sont donc frappés de

paralysie flasque, complète et totale. Les masses musculaires

ont diminué de volume, et ne réagissent que faiblement à l'exci-

tation faradique. La sensibilité est partout abolie dans tous

ses modes, sauf au niveau du tronc. Les douleurs spontanées

DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 345

persistent dans le bras gauche. Aucun trouble de la vessie et

du rectum.

La cicatrice du vésicatoire devient le siège de picotements

douloureux. L'épiderme qui le recouvre se fendille, s'exfolie;

le derme rougit et il se forme sur trois points différents un

ulcère arrondi, saignant, de la dimension d'une pièce de

50 centimes et très-sensible au moindre contact. Chacune de

ces ulcérations s'agrandit ultérieurement et tend à rejoindre la

perte de substance voisine.

2t. -Des douleurs vives, contusives, permanentes, se pro-

duisent dans le membre inférieur gauche particulièrement au

niveau du pied, du mollet et de la face interne des cuisses;

elles s'exagèrent pendant la nuit, et prennent alors le caractère

d'un rongement excessivement pénible. La paralysie reste

complète et absolue. Les masses musculaires ont subi un amai-

grissement rapide et très prononcé.

23. Les douleurs ne cessent point de se faire sentir dans

le bras et la jambe gauches, surtout pendant la nuit.

La paralysie du bras et de la jambe droits commence à s'a-

mender, quelques mouvements deviennent d'abord possibles

dans les doigts et les orteils, puis le malade arrive progressive-

ment à déplacer ses membres en les faisant glisser sur le plan

du lit. Les divers muscles réagissent mieux à l'excitation élec-

trique. Parallèlement la sensibilité revient dans ces mêmes

régions.

4 novembre. L'amélioration s'est accentuée du côté droit.

Le malade peut mouvoir le bras et la jambe, mais la force

musculaire est- très amoindrie; sensibilité presque normale.

Les douleurs persistent toujours du côté gauche. La main

a recouvré quelques mouvements limités.

Les ulcérations développées an niveau du vésicatoire ne pré-

sentent aucune tendance à la guérison et sont toujours le

siège d'une très vive hyperesthésie.

Le 6 novembre survient brusquement de la dyspnée, une

toux incessante suivie du rejet de crachats sanglants. Le 7,

hémoptysie copieuse. L'hémorrhagie se reproduit avec abon-

dance le 8 et le 9. Mort le 10 novembre.

AUTOPSIE. - Thorax. Plèvres saines. Au sommet du pou-

mon gauche existe une caverne du volume d'une pomme,

entourée à sa périphérie par un semis très abondant de tuber-

346 PATHOLOGIE NERVEUSE.

cules jaunes, caséeux, non ramollis; sa paroi mince, lisse,

régulière est parcourue par une branche de l'artère pulmonaire

égalant à peu près en diamètre celui d'une plume de corbeau.

Ce vaisseau porte un renflement anévrysmal, de la grosseur

d'un pois et dont la face libre présente une fissure intéressant

toute la paroi du sac. Quelques nodules tuberculeux sont dissé-

minés dans les trois quarts inférieurs du poumon gauche ; vers

le bord libre de la base, ils deviennent plus confluents et

forment des groupes compacts occupant des lobules entiers. Le

reste du parenchyme ne montre aucune altération. Dans le

poumon droit, quelques rares tubercules crus vers le sommet;

état normal dans les autres parties. Coeur et péricarde sains.

Abdomen. - Le péritoine, l'intestin, les reins, le foie et la

rate ne présentent aucune modification.

Crâne. Méninges absolument saines. Le cerveau n'offre

rien de particulier à signaler, aussi bien à sa superficie que

dans ses parties centrales.

Hachis. Dure-mère saine. La pie-mère est intacte dans

toute son étendue, sauf dans la région lombaire où elle présente

au niveau du sillon médian antérieur, quatre petites plaques

du volume d'une lentille, consistantes, blanc grisâtre, d'aspect

cartilagineux, distantes les unes des autres de 1 centimètre

environ. A leur voisinage, la pie-mère parait légèrement hype-

rémiée.

A l'oeil nu, la moelle ne montre aucune altération appré-

ciable. .

Les différents nerfs des membres supérieurs et inférieurs

mis à nu sur la. plus grande partie de leur trajet, les racines

sensitives et motrices ont conservé leur apparence habituelle

et ne diffèrent enriende l'état normal. Denombreuxfragments

ont été recueillis, plongés durant vingt-quatre heures dans une

solution d'acide osmique au centième, puis colorés au picro-

carminate d'ammoniaque et dissociés pour l'examen histolo-

gique.

Examen uistologique. J/oe//e. Les coupes pratiquées après

durcissement dans les régions cervicale, dorsale et lombaire de

la moelle, démontrent l'intégrité absolue de cet organe. Sur

quelques préparations provenant de l'extrémité supérieure du

renflement lombaire, l'une des cornes antérieures semble

diminuée de volume, mais cette apparence ne s'accompagne

DE la NÉVRITE segmentaire 347

d'aucune altération appréciable du tissu. Les cellules sont

notamment aussi bien développées dans la corne atrophiée que

dans la corne homologue; les parois vasculaires, les gaines

lymphatiques présentent leur aspect habituel et la névroglie

n'est le siège d'aucune modification. La substance blanche est

partout absolument saine.

Nerfs périphériques. A. Nerfs du membre supérieur

gauche. 1° Filets du radial à la face dorsale delà main.

Presque toutes les fibres présentent des altérations manifestes,

variables seulement par leur physionomie et surtout leur mode

de répartition.

Les plus nombreuses sont désorganisées sur toute l'étendue

qu'elles occupent dans la préparation et montrent une série

d'altérations ne différant en rien de celles que l'on reconnaît

aux névrites dégénératives. La gaine de myéline est morcelée

en blocs volumineux ou en boules inégales entre lesquels

s'insinuent des noyaux et un protoplasma granuleux. Le

cylindre-axe est sectionné. Ailleurs, la myéline a disparu

en grande partie, la fibre est atrophiée et réduite à la gaine

de Schwann que distendent de loin en loin des amas for-

més par des gouttelettes ou des grains noirs et des noyaux;

de là un aspect moniliforme. Ailleurs enfin, la gaine de

Schwann ne contient plus aucun vestige de myéline : tantôt

elle est affaissée, plissée et se teinte légèrement en rose pâle

sur lequel tranchent quelques noyaux ovoïdes plus colorés ;

tantôt elle conserve encore un certain calibre et semble

contenir une substance amorphe, homogène, d'un jaune

ambré dans laquelle sont enchâssés des noyaux ovoïdes ou

arrondis. Les tubes ainsi atrophiés sont assez abondants, et

constituent parfois des faisceaux entiers.

A côté de ces fibres, il en est d'autres qui, à un examen

superficiel, semblent conserver leurs attributs normaux, mais

sont en réalité le siège d'altérations importantes. Contraire-

mont à ce que l'on observe sur les tubes précédents, la lésion

n'intéresse' ici qu'une partie restreinte de la fibre nerveuse :

paifois elle se cantonne dans une faible étendue d'un segment

interannulaire, au voisinage d'un étranglement; le plus sou-

vent, elle désorganise un, deux segments entiers et peut même

se développer sur une longueur de 8 ou 10 millimètres. Au-

dessus comme au-dessous de la portion altérée, la fibre reprend

ses caractères normaux. Il n'est pas rare de rencontrer sur une

348 pathologie NERVEUSE.

même fibre deux et même trois foyers successifs d'altération,

séparés par des segments d'une intégrité parfaite(fig.6. Pl. II).

Les segments ou portions altérées se présentent sous des

aspects différents qui répondent à des modalités variables et à

des degrés plus ou moins avancés du processus névritique ; mais

c'est surtout pendant les phases initiales que se manifestent

les dissemblances.

Dans une première forme, les altérations s'établissent sur le

mode suivant. Au début, la périphérie du cylindre de myéline

est seule atteinte (fig. 1). Les couches les plus excentriques,

celles qui sont immédiatement en contact avec la gaîne de

Schwann, perdent leur homogénéité, deviennent plusclaires,

granuleuses, et se résolvent en une infinité de petits grains,

de couleur cendrée. La partie ainsi désorganisée constitue une

sorte de manchon au centre duquel persiste un cordon de

myéline encore intact et dont l'épaisseur varie suivant les

points en raison de l'activité plus ou moins grande du processus

qui a détruit les couches excentriques.

A un degré plus avancé, le cylindre de myéline est intéressé

'dans toute son épaisseur, et le diamètre de la fibre nerveuse

apparaît agrandi au niveau des points atteints. La gaine de

Schwann est distendue par un amas ininterrompu de; grosses

sphères remplies de granulations très fines, grisâtres, jau-

nâtres ou ambrées (fig. 2 et 3); entre ces sphères existe une

matière protoplasmique grenue, teinte en jaune et des noyaux

en nombre variable. Malgré l'examen le plus attentif, il

est impossible de distinguer dans les segments ainsi modi-

fiés le moindre vestige du filament axile . Et cependant,

aux deux extrémités de la portion lésée, la fibre nerveuse

reprend sa structure normale ou à peu près normale, car sou-

vent les noyaux des segments contigus aux foyers d'altération

sont tuméfiés, leur protoplasma est devenu plus abondant,

contient deux ou trois gouttelettes noires et corrode même la

myéline à son voisinage.

Puis les débris de myéline tendent à disparaître. Le tube

diminué de diamètre présente une série de renflements où sont

accumulées quelques sphères semblables à celles qui ont été

décrites, une petite quantité de protoplasma et des noyaux plus

ou moins nombreux (fig. 4). Entre ces renflements, la gaine

de Schwann est tantôt complètement vide, ratatinée, filiforme,

tantôt occupée encore par une matière homogène, de couleur

DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 349

ambrée où se rencontrent des noyaux ovoïdes. Dans ce cas

également, les recherches les plus attentives ne permettent pas

de découvrir les indices de la persistance du cylindre-axe. Aux

confins de l'altération, la fibre nerveuse reprend sa structure

normale.

Enfin, au degré ultime, toute trace de myéline ayant disparu,

l'atrophie est complète. La gaîne de Schwann se présente sous

la forme d'un mince tractus incolore ou légèrement teinté en

rosepâle sur laquelle se détache une succession de petits noyaux

ovoïdes (fig. 5); ou bien elle n'est pas complètement flétrie et

paraît contenir encore une matière homogène, d'un jaune

ambré et aussi des noyaux disposés en série linéaire (fig. 6,

PI. II). Le cylindre-axe n'y est pas mieux reconnaissable que

dans les cas précédents.

Dans une autre forme de l'altération segmentaire les phé-

nomènes initiaux s'éloignent des précédents. La lésion est

encore répartie par foyers intercalés entre des segments d'ap-

parence normale, mais la myéline s'y détruit suivant les pro-

cédés propres à la dégénération wallérienne. Dès le début, en

effet, elle est divisée en blocs volumineux ou en boules noires

par la végétation exubérante du protoplasma (fig. 7); le.

cylindre-axe est rompu; sectionné en même temps que la

myéline. Celle-ci se morcelé de plus en plus, disparaît gra-

duellement et laisse enfin la portion altérée réduite à la gaine

de Schwann affaissée ou plissée. Quelque soit d'ailleurs le degré

de l'atrophie, jamais on ne constate dans la gaîne de Schwann

les vestiges du filament axile.

Le tissu conjonctif constituant du nerf participe presque

toujours dans une certaine mesure à l'altération qui intéresse

à un si haut degré le tube nerveux. Ses fibres sont légèrement

Juméfiées et plus appréciables qu'à l'état habituel. Il est en

outre infiltré d'éléments cellulaires arrondis ou fusiformes

dont le protoplasma contient un grand nombre de grains

colorés en noir par l'acide osmique. L'endothélium des capil-

laires est également chargé des mêmes débris de myéline.

Indépendamment de ces modifications diverses qui tra-

duisent les degrés successifs du processus destructeur, on

observe sur maintes fibres des images représentant au con-

traire la phase de restauration. C'est ainsi que certains tubes,

dans touteleur longueur, sont grêles, pâles, d'un gris cendré et

constitués par des segments très courts. Sur d'autres où l'alté-

350 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ration a évolué suivant le type segmentaire, on voit au milieu

de segments de diamètre uniforme et bien colorés en noir par

l'acide osmique, une portion mince, claire, formée de myéline

régulière, mais dont l'épaisseur égale à peine la moitié ou le

tiers du tube normal; de distance en distance celle-ci est dé-

primée par de gros noyaux ovoïdes (fig. 8 et 9). Il s'agit évi-

demment là de libres ou de segments régénérés.

2" Tronc du radial dans la gouttière de torsion. Présente

des lésions identiques à celles qui ont été décrites dans les

branches terminales, avec cette différence toutefois que les

tubes altérés semblent ici beaucoup moins abondants.

3° Cubital à la partie moyenne du bras. Lésions sem-

blables à celles des filets du radial.

4° Médian à la partie moyenne du bras. Mêmes altérations.

B. Nerfs du membre supérieur droit. Le cubital et le

coraco-brachial présentent des lésions dont l'étendue et la

forme ne diffèrent en rien de celles qui ont été signalées dans

les nerfs du bras gauche. Sur le tronc du médian on constate

des modifications de même ordre, mais la proportion des

fibres lésées y semble bien moins importante. Le radial est

peu altéré : outre des gaines vides et quelques tubes variqueux

sur toute leur longueur, il renferme aussi de rares fibres dont

certains segments sont désorganisés. La plupart des fibres

sont, en effet, indemnes ou ne présentent d'autre particularité

qu'une tuméfaction du noyau des segments, avec végétation

appréciable du protoplasma. 0 rad

C. Nerfs du membre inférieur gauche. Le saphène externe

renferme à peine quelques fibres réellement intactes; celles-ci

deviennent un peu plus nombreuses dans le sciatique poplité

externe et interne ou cependant les tubes sains sont en propor-

tion fortement dominante. Les formes de la lésion sont d'ail-'

leurs complètement semblables à celles qui ont été signalées à

propos du radial gauche et montrent une association du proces-

sus propre à la dégénération wallérienne et des altération';

segmentaires. Dans les différents nerfs, on rencontre en outre

les indices d'une phase de restauration plus ou moins étendue.

D. Nerfs du membre inférieur droit. Un grand nombre

des fibres du saphène interne sont intactes ou régénérées;

les autres sont désorganisées sur toute leur longueur ou

seulement au niveau de certains segments. Les fibres alto-

DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 351

rées dominent au contraire dans le sciatique poplité interne

et deviennent tellement abondantes dans le poplité externe

qu'il est difficile d'y rencontrer quelques tubes conservant

les attributs de l'état normal. Les formes de la lésion sont

d'ailleurs celles qui ont été déjà décrites.

Le tronc du sciatique est bien moins atteint que les branches

et renferme une proportion dominante de fibres saines.

E. Racines spinales. L'examen des racines antérieures

des quatrième, cinquième, sixième ganglions cervicaux, des

deuxième et troisième ganglions lombaires montre un très

petit nombre de fibres altérées, éparses au milieu de tubes

absolument intacts. La lésion y présente les caractères et les

diverses formes de la névrite segmentaire signalés à propos

des nerfs périphériques. Quelques fibres, normales par ailleurs,

montrent également une tuméfaction notable du noyau des

segments avec abondance insolite du protoplasma. On compte

en outre un certain nombre de tubes présentant les attributs

de la régénération.

Les racines postérieures des troisième, sixième, septième

ganglions cervicaux , et des quatrième et cinquième gan -

glions lombaires offrent des modifications identiques.

Ce fait est intéressant à plus d'un titre. Il concerne

un tuberculeux qui, dans le cours de son affection -

pulmonaire, contracte une diphthérie cutanée et pré-

sente peu de temps après une paralysie progressive,

généralisée, complète de la motilité. Cette paralysie

s'accompagne de troubles profonds de la sensibilité

caractérisés par de l'anesthésie absolue et des phéno-

mènes douloureux qui, sur certains membres, précè-

dent l'apparition des désordres moteurs et ne cessent

point de se manifester alors que l'anesthésie est réa-

lisée. Enfin la physionomie de ces accidents est com-

plétée par l'atrophie et la diminution de l'excitabilité

faradique des muscles paralysés. Les centres nerveux,

cerveau et moelle, sont dans un état de parfaite inté-

352 PATHOLOGIE NERVEUSE.

grité. Les racines spinales, antérieures et postérieures,

les différents nerfs périphériques examinés montrent

au contraire des altérations significatives auxquelles

il convient de rattacher les symptômes observés durant

la vie.

Mais ces névrites dépendent-elles de la tuberculose

ou de la diphthérie ? Il est peut être difficile d'incri-

miner avec certitude l'un ou l'autre de ces facteurs

pathogéniques. L'on sait, en effet, que les névrites

périphériques diffuses sont communes chez les tuber-

culeux', et des faits, aujourd'hui nombreux, ont dé-

montré d'autre part que des lésions de même nature

peuvent être produites par la diphthérie. Toutefois la

marche clinique des accidents observés chez le malade

offre une ressemblance si frappante avec l'évolution

que l'on attribue d'ordinaire aux paralysies diphthéri-

tiques, le début par les troubles de l'accommodation et

la paralysie du voile du palais, l'envahissement ulté-

rieur et progressif des membres, du diaphragme consti-

tuent un ensemble de caractères si particuliers, que

nous inclinerions volontiers à voir dans l'espèce un

exemple de paralysie d'origine diphthéritique.

S'il en est réellement ainsi, les résultats de l'examen

anatomo-pathoiogique ne sont pas dénués d'importance

en ce qui concerne la pathogénie encore discutée de

cette complication. Ils établissent, en effet, qu'une

paralysie généralisée, absolue de la sensibilité et de la

motricité peut survenir sans altération médullaire et

dépendre uniquement de névrites multiples. Telle n'est

cependant pas l'opinion communément accréditée.

Pitres et Vaillard. Des névrites périphériques chez les tuberculeux.

{Revue de médecine, mars 18s6.)

DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 353

Sans faire ici mention des diverses théories émises à

ce sujet, nous nous bornerons à rappeler que M. Dé-

jerine', après avoir décrit dans plusieurs faits de para-

lysie diphthéritique des lésions intéressant les racines

antérieures et les nerfs périphériques, dénie à ces

dernières toute existence propre, indépendante, et

les considère comme un incident secondaire, un état

deutéropathique, consécutif à une altération de la

moelle. Il s'agirait alors d'une téphro-myélite légère (si

peu accusée à la vérité qu'elle peut sembler probléma-

tique dans quelques-uns des faits étudiés par l'auteur).

En raison de la modification subie par les cellules des

cornes antérieures, cl le. tube nerveux, dit-il, n'étant

plus sous l'influence de ses centres trophiques qui seuls

peuvent maintenir son intégrité anatomique et physio-

logique est modifié profondément dans sa vitalité : la

myéline et le cylindre-axe deviennent de véritables

corps étrangers et déterminent, du côté des noyaux et

du protoplosma des modifications inflammatoires ».

L'atteinte de la moelle serait donc le fait primordial,

l'altération des racines et des nerfs une simple consé-

quence.

Chez un sujet atteint de paralysie diphthéritique,

P. Meyer a a constaté également des lésions simul-

tanées des nerfs périphériques, des racines spinales et

de la substance grise de la moelle, ces dernières uni-

quement caractérisées par la disparition des prolonge-

ments cellulaires, parfois du noyau et des nucléoles.

t Déjerine. Recherches sur les lésions du système nerveux péri-

phérique dans la paralysie diphthéritique (Archives de physiologie, 1878.)

2 P. Meyer, loc. citât.

Archives, t. XI. 23

35 re PATHOLOGIE NERVEUSE.

Mais l'auteur ne conclue pas à un lien de subor-

dination entre les unes et les autres. Il estime au

contraire que l'altération du système nerveux central

et périphérique dépend uniquement « de ce que l'ac-

tion du poison diphthéritique porte sur les différents

points du système nerveux, tout aussi bien sur les nerfs

que le centre spinal ».

Dans le fait que nous avons rapporté la moelle ne

présente aucune altération appréciable. Il est donc ra-

tionnel de penser que les lésions des nerfs périphéri-

ques et des racines sont autochthones, primitives, in-

dépendantes et relèvent uniquement d'une localisation

du poison infectieux sur cette partie du système

nerveux.

Au point de vue purement anatomique, les lésions

des nerfs périphériques montrent quelques caractères

spéciaux sur lesquels il importe d'insister. Ces lésions

consistent dans l'association constante de la névrite

dé-énérative banale avec une névrite segmentaire d'un

genre particulier, ne justifiant en rien la dénomination

de péri-axile.

La première reproduit les traits habituels de la dé-

génération watlérienne, atteint les fibres sur toute leur

longueur et les détruit suivant un procédé semblable à

celui que l'on observe dans le bout inférieur d'un nerf

sectionné.

La seconde n'intéresse pas toute l'étendue du tube

nerveux; elle est discontinue, se cantonne eu certains

points qu'elle frappe à l'exclusion des autres. Tantôt

elle désorganise un ou deux segments, tantôt elle oc-

cupe une longueur de 3, 5 et même 8 millimètres, mais

peut aussi se limiter à une très minime partie d'un

DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 355

seul segment, toujours au voisinage immédiat d'un-

étranglement interannulaire. Aux deux extrémités de

la portion atteinte, quelle que soit d'ailleurs son

étendue, la fibre nerveuse reprend son aspect normal

et sa structure habituelle. Parfois, on observe sur la

même fibre deux ou trois foyers successifs d'altération,

séparés par des segments dont l'intégrité est parfaite.

Le processus intime de cette lésion segmentaire n'est

pas toujours identique et se présente sous deux aspects

différents.

Sur le plus grand nombre des fibres, la désorgani-

sation de la myéline s'effectue d'après un mode

analogue à celui que décrit M. Gombault. Elle débute

par la périphérie du tube nerveux pour en atteindre

ensuite toute l'épaisseur. La myéline se désagrège en

fines granulations noires ou grises, ordinairement

réunies en amas arrondis, assez bien délimités, qui

contiennent souvent à leur centre un gros noyau et ne

sont pas sans offrir quelque similitude avec les corps

granuleux de Gluge. Ces amas sont tantôt serrés et

pressés, tantôt épars dans une matière protoplasmique

parsemée de noyaux. Les masses granuleuses dispa-

raissent progressivement; au sur et à mesure de leur

élimination, la fibre s'amincit, s'atrophie, d'abord en

quelques 'points, puis sur toute son étendue et se

réduit alors à la gaine de Schwann entourant encore

un nombre variable de noyaux ovoïdes. Mais, fait im-

portant, il est impossible de retrouver sur aucune des

portions altérées les apparences ou les vestiges du

cylindre-axe. Si, dans les périodes initiales, ce tractus

peut être masqué par l'abondance des débris de myéline

qui remplissent confusément le tube, il ne saurait en

356 PATHOLOGIE NERVEUSE.

être de même lorsque la disparition partielle ou com-

plète de ces masses permet d'explorer librement le

contenu de la gaine de Schwann. A l'aide des grossisse-

ments les plus forts et par un examen minutieux, c'est

en vain que l'on recherche dans ces conditions des

images semblables à celles que M. Gombault a figurées;

nulle part on ne peut constater l'existence d'un fila-

ment rappelant de près ou de loin le cylindre-axe.

La névrite segmentaire peut évoluer encore suivant

un mode quelque peu différent du précédent. On ren-

contre, en effet, dans la continuité de certaines fibres,

normales par ailleurs, un ou plusieurs segments dont

les altérations reproduisent exactement celles que

l'on observe sur le bout périphérique d'un nerf sec-

tionné. La myéline s'y fragmente d'après les mêmes

procédés, en blocs volumineux, en boules grosses ou

fines, séparées par un protoplasma granuleux et des

noyaux. La multiplication de ces derniers est, il est

vrai, moins active que dans la variété précédente;

mais la destruction du cylindre-axe est tout aussi

certaine et l'on n'en peut trouver aucune trace soit entre

les blocs ou les amas de myéline, soit dans les seg-

ments atrophiés. Dans ce cas encore, aux portions

altérées font suite des segments qui ne s'éloignent de

l'état normal que par la tuméfaction du noyau et la

plus grande abondance du protoplasma périnucléaire.

Quelle que soit donc la variété de cette névrite seg-

mentaire, le cylindre-axe est impliqué dans la destruc-

tion des autres parties constituantes du tube nerveux et

disparaît, dès le début, sans que la vitalité des segments

placés au-dessus et au-dessous de la lésion paraisse

notoirement compromise.

DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 357

Cette particularité assez inattendue est en contra-

diction formelle avec les notions physiologiques généra-

lement admises. On sait, en effet, que toute section

nerveuse entraîne à sa suite la dégénération desfibres sé-

parées de leur centre trophique. Or, l'interruption du cy-

lindre-axe semble bien équivaloir à la division totale de

la fibre; cependant il n'en est rien, les portions du tube

nerveux isolées de leur centre conservent leur inté-

grité apparente. L'interruption du cylindre-axe se

produit même quelquefois sur deux ou trois tronçons

successifs sans que les segments intermédiaires sem-

blent influencés par cette circonstance.

Admettant avec M. Ranvier que la dégénération

consécutive à la section du cylindre-axe débute par

la périphérie de la fibre, et remonte progressivement

vers son extrémité centrale, pensera-t-on que, dans

l'espèce, cette dégénération existe, mais ne s'est pas

encore étendue jusqu'au niveau de l'altération segmen-

taire ? S'il en était ainsi, les filets terminaux du radial

devraient assurément montrer des lésions bien diffé-

rentes de celles que présente le tronc du nerf, et con-

tenir uniquement des tubes dégénérés sur toute leur

longueur. Or, tel n'est point le cas; les formes de la

lésion sont identiques de part et d'autre, la névrite

segmentaire est également commune dans les deux

portions du nerf.

Nous ne saurions aller au delà de la constatation

du fait et interpréter cette dérogation aux lois recon-

nues de la dégénération wallérienne. Mais, si inexpli-

cable qu'elle soit, la particularité précédente semble

affirmer du moins l'individualité physiologique et pa-

thologique du segment interannulaire ; elle démontre

358 PATHOLOGIE NERVEUSE.

aussi que, dans certaines circonstances, le cylindre-axe

peut être rompu en un ou plusieurs points de son

trajet sans que les parties sous-jacentes de la fibre ner-

veuse souffrent en apparence de cette séparation des

centres réputés trophiques.

Ainsi qu'il ressort encore des détails histologiques,

à côté de la névrite segmentaire, on rencontre dans

tous les nerfs examinés des fibres altérées sur toute

leur longueur, et présentant les attributs ordinaires de

la dégénération wallérienne. Cette coexistence a été

signalée par M. Gombault dans les différents cas qu'il

a étudiés, et par P. Meyer dans la paralysie diphthé-

ritique ; elle semble donc constituer un fait général.

D'après le premier de ces auteurs, ces deux formes de

lésion sont liées l'une à l'autre par un lien étroit de

subordination : les altérations dites dégénératives n'in-

terviennent qu'à titre secondaire, comme simple con-

séquence de l'évolution propre à la névrite segmen-

taire péri-axile. Celle-ci constitue la lésion initiale,

nécessaire; tantôt le processus demeure superficiel et

respecte le cylindre-axe, tantôt il l'intéresse à des degrés

divers, le détruit même et détermine alors dans les

portions sous-jacentes de la fibre des altérations iden-

tiques à celles qui se produisent après la section d'un

nerf. La destruction du cylindre-axe pouvant s'effectuer

à des hauteurs très variables pour des fibres différentes,

il en résulte que dans chaque préparation on rencontre

un certain nombre de tubes complètement dégénérés.

Dans une note lue à la Société anatomique', M. Gom-

bault a insisté de nouveau sur les rapports qui unissent

1 Gombault. - Note sur le rôle que jouent les lésions segmentaires dans

1a névrile parenclayntaleuse. (soc. 'a ? tat 1881, p. 157.)

DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 359

ces deux ordres de faits et cherché à établir que l'on

ne saurait concevoir les névrites dégénératives, primi-

tives, en dehors d'une lésion préexistante représentée

par la névrite segmentaire péri-axile. « Comment

comprendre, dit-il, la dégénération wallérienne se dé-

veloppant d'emblée sur une fibre nerveuse qui a con-

servé ses rapports avec une cellule nerveuse inaltérée ?

Il faut nécessairement admettre une lésion intermé-

diaire, préparatoire en quelque sorte, et cette lésion

est tellement nécessaire que, si l'examen anatomique

ne permettait pas de la constater, on serait obligé d'en

supposer l'existence. » Tout récemment enfin, le même

auteur développait encore cette opinion en décrivant

dans la névrite alcoolique une forme d'altération à

laquelle il donne le nom de phase préwallérienne1 .

Si l'interprétation fournie par M. Gombault semble

rationnelle, elle n'est peut-être pas applicable' a tous

les cas. Nous avons eu, en effet, l'occasion d'observer

un nombre déjà grand de névrites primitives, diffuses,

indépendantes de toute lésion médullaire et d'examiner

ainsi un nombre considérable de nerfs pris en différents

points de leur trajet. Ces nerfs présentaient les divers

degrés de l'altération et dans l'immense majorité des

cas, sauf pour le cas particulier de la diphthérie, il

nous a été impossible de constater autre chose que les

lésions décrites par M. Ranvier comme propres à la

dégénération wallérienne. De tels faits semblent éta-

blir que les névrites primitives, c'est-à-dire sans rela-

tion avec une lésion primordiale des centres nerveux,

1 Gombault. Sur les lésions de la névrite alcoolique. (Acad. des

sciences, 22 février 1SS6, p. 436 des comptes-rendus). - .

360 PATHOLOGIE NERVEUSE.

peuvent évoluer suivant un mode absolument identi-

que à celui qui succède à la section d'un nerf.

Quelquefois, très rarement il est vrai et sur un

nombre très restreint de fibres, nous avons rencontré

la distribution segmentaire des altérations, mais celles-

ci ne s'éloignaient en rien du type dégénératif dont

elle gardaient les caractères. De même , dans le

fait étudié au cours de ce travail, nous avons vu la

névrite dite dégénérative se montrer avec ses attributs

ordinaires sur certains segments isolés au milieu d'une

fibre saine par ailleurs. Une telle particularité n'in-

dique-t-elle pas que ce dernier genre d'altération se

manifeste à titre primitif, indépendant et, par suite,

que la névrite segmentaire peut évoluer tantôt sous

cette forme, tantôt sous une autre, représentant toutes

deux des modalités très analogues d'un même pro-

cessus ; les seules différences résultent, en effet, de

légères variantes dans le mode de disparition de la

myéline. En réalité, nous inclinerions volontiers à

considérer autrement que M. Gombault l'association

constante de l'altération wallérienne avec la névrite

segmentaire. Loin de se subordonner l'une à l'autre,

elles seraient les manifestations simultanées d'un seul

et même travail pathologique qui parfois envahit une

grande étendue de la fibre nerveuse, parfois l'intéresse

d'une manière discontinue, et. se cantonne sur un ou

plusieurs segments en conservant toujours un fond de

caractères communs et des tendances éminemment

destructives.

La forme segmentaire de la névrite que nous avons

observée dans la paralysie diphthéritique est en elle-

même fort intéressante; car elle explique comment des

DE LA NÉVRITE SEGMENTAIRE. 361

lésions, en apparence minimes, déterminent des

troubles sensitifs et moteurs considérables. Elle peut

facilement rester inaperçue. Si l'examen ne porte pas

sur des points multiples d'un même nerf et sur des

fibres suffisamment longues, on risque en effet de ne

pas rencontrer les altérations dont-il s'agit, et de con-

sidérer comme indemne un nerf profondément lésé.

Encore est-il nécessaire de pratiquer les dissociations

avec grand soin et d'isoler, pour ainsi dire, chacune

des fibres. Vues en groupe, elles présentent le plus

souvent les caractères de l'état normal; la méprise est

facile, et c'est seulement par l'étude individuelle des

tubes nerveux que l'on distingue ces altérations seg-

mentaires qui échappent à un examen rapide et su-

perficiel.

EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE Il

(Dessins faits ti la chambre claire.)

Fig. 1. Segment dont la gaine de myéline est altérée dans ses por-

tions périphériques, a, et transformée en une matière granuleuse d'un

gris cendré. Au centre, persiste un cordon, 4, de myéline homogène,

encore intacte; s, segments normaux.

Fig. 2. Segment dont la myéline est réduite en une série de grosses

sphères remplies de fines granulations noires, grises, jaunes ou am-

brées. Entre ces sphères, on ne distingue aucune trace de cylindre-axe;

s, segments normaux.

Fig. 3. Segment où les débris de myéline sont représentés par

linéiques sphères remplies de granulations noires, grises, ambrées et au

milieu desquelles on rencontre souvent un noyau. Entre les sphères, la

gaine de Schwann affaissée ou plissée, contient encore une matière -e

protoplasmique grenue, jaune ou grise; a, plus de trace de cylindre-

axe ; s, segments normaux.

rig. 4. Altération segmentaire. Disparition presque complète do

la myéline. Sur la plus grande partie de son étendue, la gaine de

Schwann est flétrie, plissée; aucune trace du cylindre-axe; - s, segments

normaux.

Fig, 5. Segment atrophié. a, gaine de Schwann vide, plissée.

b, noyaux; aucune trace de cylindre-axe; s, segments normaux.

362 PATHOLOGIE NERVEUSE. '

Fig. 6. - Altérations segmentaires successives, séparées par des se,-

ments ou des portions de segment encore intacts; - s, segments iii-

demnes. a, segments atrophiés; la gaine de Schwann plissée semble

contenir une matière homogène d'un jaune ambré et des noyaux ovoïdes.

Fig. 7. Portion de segment présentant en a des lésions semblables

à celles que l'on observe dans la dégénération wallérienne.

Fig. 8 et 9. Segment et portion de segment présentant la phase de

restauration.

DE L'IITP\0'l'IS111.;

Par le Dr Euxest JENDKASSIK

Assistant de la lr0 clinique médicale de Buda-Pest

- Si on compare les expériences des divers auteurs

sur l'hypnotisme, on trouve une grande série- de diffé-

rentes formes, même on trouve à peine deux expéri-

mentateurs qui aient obtenu tout à fait le même

résultat; bien qu'opérant sur plusieurs individus, ils

aient répété beaucoup de fois leurs expériences et aient

constaté maintes fois l'exactitude de leurs observations.

Quant à moi, je suis convaincu que ce n'est pas

tout à fait le jeu du hasard, quand M. Rieger a

observé surtout des phénomènes psychiques pendant

le sommeil hypnotique, quand M. Heidenhain a pu

imiter les productions de Hansen, quand M. Charcot

a pu distinguer les différentes phases, quand M. Bern-

heim a réussi à montrer les phénomènes les plus sur-

prenants de la' suggestion, et quand enfin M. Hôgyes

a vu des symptômes semblables aux mouvements asso-

ciés ; ce serait vraiment un hasard étrange qui pré-

senterait à chaque observateur des phénomènes qui

correspondent à merveille avec sa spécialité, tandis

de l'hypnotisme. 363

qu'il lui cacherait la plus grande partie des symp-

tômes observés par d'autres; car M. Rieger s'occupe de

la psychiatrie; M. Heidenhain a cherché la solution

physiologique des productions de Hansen; M. Charcot,

avec sa pénétrante faculté d'observation et sa sagacité,

a classifié les névroses en élevant les distinctions de

ces affections à la hauteur actuelle, et M. Hcigyes a fait

un travail remarquable sur la localisation des mouve-

ments associés des yeux. Chacun, comme on le voit,

trouve des symptômes qui conviennent le mieux à ses

études spéciales à sa façon de penser ne pouvant

produire qu'un peu des phénomènes observés par

les autres. J'ai mentionné seulement quelques-uns des

auteurs, mais celui qui connaît la littérature sait qu'on

pourra en ajouter un très grand nombre. Est-ce qu'il

y a plusieurs formes du sommeil hypnotique où peut-

être les expérimentateurs ont une certaine influence

sur cet état ?

Je veux essayer de répondre à cette question, mais,

avant de le faire, je dois m'occuper de la nature des

symptômes de l'hypnotisme pour pouvoir ensuite mieux

pénétrer dans la connaissance du mécanisme de cet

état. Les hypothèses sur l'hypnotisme abondent, mais

il n'est pas dans mon intention de les énumérer toutes.

Il y en a un grand nombre qui ont déjà été souvent

combattues, comme l'hypothèse de Preyer qui expli-

quait l'hypnotisme par des actions chimiques. Aussi,

je laisse à part les théories fondées sur les vaso-mo-

teurs (Ruinpff, etc.). D'après Rieger, l'hypnotisme

« n'est ni plus ni moins qu'une folie (Wahnsinn) pro-

duite par l'expérience ». Abstraction faite de la lar-

geurdece terme, qui n'explique rien, je n'entrevois

36 PATHOLOGIE NERVEUSE.

pas pourquoi on qualifierait de folie une contracture

ou une paralysie que l'on peut produire isolément chez

certains individus tout à- fait dans la même forme,

comme on la voit se produire en apparence spontané-

ment dans l'hystérie.

Je viens aux hypothèses d'inhibition. Un grand

nombre d'auteurs sont assez heureux pour trouverune

explication suffisante dans l'action d'inhibition : M.Hei-

denhain prit d'abord pour cause de l'hypnotisme

l'arrêt d'action (Thatigheitshemmung) des cellules

ganglionnaires dans la substance corticale; cet arrêt

serait produit par l'irritation légère des yeux et de la

peau de la face; plus tard, en collaboration avec

Berger, il ajoutait aussi une irritation des centres

réflexes subcorticaux.

Bubnoff et Heidenhain' croient qu'on peut démon-

trer avec grande probabilité, qu'une grande série de

ces phénomènes variés et énigmatiques qu'on voit

apparaître dans l'hypnotisme est causé par un abaisse-

ment anormal des inhibitions physiologiques, qui

accompagnent ordinairement les irritations centrales

elles restreignent dans le temps et dans l'espace. Que

de choses ne pourrait-on expliquer à l'aide de ces

fonctions d'arrêt ! L'inhibition joue un grand rôle

dans la physiologie moderne. On n'est plus content

d'une influence d'arrêt; au lieu de chercher la cause

de l'inhibitiou, les partisans de cette doctrine suppo-

sent une action inhibitive. D'après Bubnoff et Heiden-

hain : « celui qui abaisse son bras élevé ordonne du

' Pfiüger's Archiv der Physiologie, XXVI, 3. 4. Ueber Erregungs und

Hemmungoorgdnge itmerhalb d. mot. Hirncentrea.

DE l'hypnotisme. 365

repos à la partie irritée de son cerveau en faisant s'en-

fler l'inhibition. »

Concernant ces arrêts, la substance de la question

est celle que voici : on peut se demander s'il y a des

centres spéciaux d'inhibition, dont l'unique fonction

serait d'empêcher ou d'arrêter les fonctions d'autres

centres ou des organes de la terminaison, etc.; ou bien

il n'y a pas de ces centres et l'action d'apparence

inhibitive n'est que l'effet des actions opposées, et en

casque ce centre agiterait à lui seul, il aurait une

fonction d'excitation simple sur les organes spéciaux.

Par exemple, si je veux soulever mon bras, lorsque quel-

qu'un le retient, il n'y aura aucun mouvement visible

malgré tous les efforts; dans ce cas, je crois qu'il est

bien sûr que ce n'est pas le « centre d'inhibition » qui

est en action. Dans ce cas, c'est aisé d'entrevoir la

cause de l'empêchement ; cependant ce n'est pas tou-

jours ainsi avec nos connaissances actuelles qu'il est

souvent impossible de deviner le mécanisme de l'in-

uuence qui se présente à nos yeux comme inhibition;

seulement, pour moi, ce n'est pas une raison suffisante

pour supposer des centres inhibitifs. Bubnoff et Heiden-

hain supposent que les cellules ganglionnaires sont dans

un certain mouvement moléculaire pendant leur vie;

si ce mouvement augmente d'abord l'irritabilité devient

plus considérable, puis à un certain degré l'irritation

commence. Si au contraire cette vibration diminue l'in-

hibition apparaît. D'après leur avis, cette diminution

serait probablement causée par une vibration molécu-

laire d'une direction contraire à celle du mouvement.

S'il y a des centres d'inhibition, leur action exige

un double travail du système nerveux, de même si

366 PATHOLOGIE NERVEUSE.

l'inhibition est causée par une vibration moléculaire

contraire à celle de l'action, parce que l'inhibition ne

s'accorde avec le bon sens qu'en admettant qu'il y ait

quelque chose, quelque action à empêcher; de plus,

pour que l'inhibition ait un résultat, il faut qu'elle

soit d'une certaine force , et elle doit supprimer

un mouvement totalement, il faut qu'elle soit encore

plus forte que l'action. De cette circonstance il résulte

que l'opinion de Bubnoff et de Heidenhain est insou-

tenable quand ils affirment que comme il y a (selon

leur hypothèse) dans le cerveau, pendant l'irritation

centrale à côté des fonctions proprement dites, irrita-

tives-aussi des fonctions inhibitives, « l'intensité rela-

tive de ces dernières détermine la durée de l'irritation

et son étendue » ; parce que, si cette théorie était juste,

l'irritation active resterait toujours égale (abstraction

faite de ce qu'elle pourrait cesser totalement pendant

le repos); car ce n'est pas de cette manière qu'on pour-

rait s'imaginer que l'intensité d'inhibition détermine

seule la grandeur de l'effet. Dans ce cas, on peut faci-

lement comprendre que l'irritation, pendant son

action, devrait être toujours la plus forte possible, et

que la plus forte action résultera de l'amoindrisse-

ment manifeste de l'inhibition. Au contraire, le mou-

vement le plus faible exigera le plus grand travail du

système nerveux, puisqu'il faudra que l'inhibition

supprime presque entièrement l'action, tandis que pour

le maximum du travail il suffira de la moitié de cette

force. Mais si nous voulons supposer que l'intensité

relative de l'action et de l'inhibition détermine la gran-

deur du travail, l'inhibition demande une dissipation

des forces telle qu'on pourrait très difficilement

DE l'hypnotisme. 367

justifier la cause. Quant aux expériences de Bubnoff

et Heidenhain, desquelles ils ont tiré ces déductions,

je crois qu'on peut les expliquer plus simplement. Je

ne peux pas m'occuper ici du travail entier, je veux

me borner aux expériences qui ont la plus grande

ressemblance aux phénomènes hypnotiques. Bubnoff

et Heidenhain ont observé que, s'ils ont ouvert le crâne

d'un chien narcotiséàun certain degré avec de la mor-

phine et, s'ils ont irrité une partie de l'écorce grise

qui correspondait à un membre à l'aide d'un courant

faradique, la contraction du muscle qui s'était subite-

ment produite ne finissait pas avec la rupture du

courant, mais au contraire, pareille à l'état catalep-

tique, elle restait au même degré.

Ce résultat de l'expérience ne peut pas être expli-

qué par une augmentation de l'irritabilité, comme cela

est démontré d'une façon très claire par Bubnoff et

lIeidenhain; seulement, pour obtenir une explication,

ils se croyaient forcés d'avoir recours à l'inhibition.

Dans la déduction de cette explication, ils sortent de

ce point de vue ; puisque chez l'homme sain, l'irritation

provoquée par la volonté peut être interrompue d'un

coup, il est probable que cette interruption est due à

l'inhibition. Je ne peux pas accepter ce raisonnement.

Si avec la cessation de la cause irritante dans un nerf

périphérique l'irritation cesse immédiatement, je ne

saurais entrevoir pourquoi, à l'état normal, cela n'au-

rait pas lieu dans le système nerveux central, pour-

quoi il faudrait avoir une action d'arrêt pour régler

une irritation dans le temps. Et puis, comme on peut

finir un mouvement quand on le veut, on peut le re-

produire aussi à l'instant voulu. Je crois que, s'il est

368 pathologie NERVEUSE.

difficile à comprendre comment une irritation peut

cesser instantanément, il n'est pas plus aisé de savoir

comment l'inhibition pourrait cesser d'un coup. L'agent

irritant éloigné, l'irritation elle-même finit, et il ne reste

qu'une légère modification de l'irritabilité. Ce fait est

un des plus sûrs dans la physiologie du système ner-

veux ; et il n'y a aucune raison^de chercher d'autres

relations pour expliquer des fonctions tout à faithomo-

logues.

L'expérience- de Bubnoff et Heidenhain, dont j'ai

fait mention, prouve que, dans l'état produit par le

poison, l'irritation du centre continue aussi après l'en-

lèvement des rhéophores. Puisqu'il faut localiser les

fonctions volontaires dans l'écorce grise, je crois qu'il

est très vraisemblable que l'animal étant à un haut

degré de. morphinisme ne peut pas modifier l'action de

son cerveau et, en conséquence, la partie irritée con-

serve au même degré l'irritation. Aussi je ne trouve

pas si surprenant la circonstance qu'après avoir légè-

rement touché un membre on arrivait à faire contracter

les muscles de ce membre par l'irritation de la zone

motrice correspondante, à l'aide d'un courant beaucoup

plus faible que sans la touche, parce qu'il semble être

sûr qu'au moins la sensibilité du mouvement est loca-

lisée aux zones motrices ; or, nous savons qu'une

irritation découlée laisse une élévation d'irritabilité

et ainsi l'explication du phénomène décrit serait donnée

en guise de celle qu'a donnée un élève de M. Heiden-

hain en disant : qu'il semble être « comme si le chien

devrait être mené à remuer sa jambe ».

L'expérience suivante est encore plus intéressante.

Si, pendant la contraction tonique provoquée soit par

DE l'hypnotisme. 369

un courant électrique, soit par des autres procédés, ils

ont appliqué sur la zone motrice correspondante un

courant moins fort que celui qui pouvait produire la

contraction, la contraction diminuait, même elle cessait

tout à fait. En face de cette expérience, Bubnoff et

Heidenhain croient que l'hypothèse deMeynert, Munk

et Wernicke, sur l'origine des mouvements, est insou-

tenable. Cette hypothèse dit, comme on le sait, que

les images des mouvements sont emmagasinées dans

les zones motrices. Comment donc pourrait-on com-

prendre, disent-ils, que, tandis que les courants forts

provoquent les images du mouvement, les courants

faibles provoquent ceux du repos. Pour ma part, je

crois que, contrairement à l'opinion de Bubnoff et fiei.

denhain, cette expérience confirme plutôt l'hypothèse

de Wernicke, que l'irritation des zones motrices par

l'électricité agit aussi par l'évocation des images du

mouvement. En effet, en appliquant les rhéophores sur

l'écorce grise motrice d'un chien non narcotisé, nous

réussirons à produire une excitation dont l'intensité

sera en proportion directe de la force du courant, et

cette excitation finira avec la rupture du courant.

Après les expériences que je viens de relater, l'irrita-

tion une fois produite chez un chien morphinisé ne

finit pas au moment de la rupture; mais elle s'affaiblit

très lentement, les muscles contractés se relâchent'

dans un laps de temps relativement très long; en con-

séquence, on peut dire que leurs centres ' restent

pour quelque temps au degré de l'irritation reçue.

Ce degré de l'irriatioa dépend de la force du cou-

rant dont on s'est servi, et il lui est proportionnel.

Après'tout cela, je trouve très naturel qu'un courant'

Archives, t. XI. 4

370 pathologie nerveuse.

plus fort évoquera une image d'un mouvement plus

intense; un courant faible, au contraire, une image

plus petite. Or, si on a produit une contraction forte à

l'aide d'un courant intense, et si cette contracture reste

aussi après la rupture du courant à cause du morphi-

nisme ; et, voici le point sur lequel je veux insister, si on

applique alors une irritation faible à la même partie

du cerveau, on produit la mémoire d'une action peu

intense; en conséquence, la contracture diminuera,

c'est-à-dire le cerveau comprendra la transition de

l'irritation du plus fort au plus faible, conforme au

cours naturel du relâchement comme repos. Que c'est

vraiment ainsi qu'il faut expliquer le résultat de ces

expériences qui est encore appuyé par une circons-

tance que voici : plusieurs fois, quand ils ont appliqué

le courant faible sur la zone motrice d'un muscle, qui

était mis en contraction, le muscle ne fut relâché que

pour un moment, et tout de suite il se contracta un peu.

Ce cas, je crois, a eu lieu alors quand le centre, dans

sa conscience troublée par le morphium, prenait au

premier moment cette irritation faible comme relâche,

mais pendant l'application peut-être un peu plus pro-

longée ou plus intense; la contraction se reproduisait

en raison de la force de cette dernière irritation.

Après ces considérations, je ne peux pas accepter

l'action inhibitive, ni son rôle dans les phénomènes

hypnotiques, et je m'attache aux paroles de Valentiu,

qui dit : « l'expression de nerf d'arrêt est un terme

qui,. loin d'expliquer les phénomènes, nous retient de

chercher une explication plus précise... »

. Selon l3rotvn-Séquard : « essentiellement l'hypno-

tisme n'est qu'un effet et un ensemble d'actes d'inhi-

DE l'hypnotisme. 371 1

bition et de dynamogénie ». Avec ces mots, on peut

beaucoup expliquer, mais peu comprendre. M. Charcot

n'a pas fait d'hypothèse, il dit seulement dans ses

leçons que, pendant la léthargie, le travail de l'écorce

est éteint : « le cerveau est endormi » ; pendant la

catalepsie, les influences extérieures éveillent une

petite partie des cellules de l'écorce; enfin, pendant

l'état somnambulique la partie éveillée est un peu plus

étendue.

Dans l'étude de ces phénomènes, une très impor-

tante question est de savoir si, pendant le sommeil

hypnotique, ou au moins pendant une de ses phases,

la fonction de l'écorce du cerveau est complètement

abolie, comme cela est l'opinion d'une grande partie

des auteurs. A mon avis, cette fonction n'est pas

exclue pendant aucune des phases. Dans la suite, je

tâcherai de prouver cette opinion, mais je ne m'occu-

perai que de la léthargie, pour les deux autres phases

unetelle preuve est inutile. M. Chambard soutient, entre

autres, que pendant la léthargie le cerveau est fonction-

nellement absent et que l'action réflexe excito-motrice

est accrue, comme chez la grenouille décapitée. Mais

si l'application des données des expériences physiolo-

giques faites sur les animaux se doit faire avec beau-

coup de circonspection à la physiologie humaine,

c'est surtout nécessaire dans la physiologie du système

nerveux. Même le chien montre une différence impor-

tante si nous comparons son système nerveux à celui

de l'homme. Si nous enlevons une partie de l'écorce

grise motrice d'un chien, nous verrons dans quelque

temps que le chien regagne son pouvoir dans ses

membres, il parvient à marcher, peut-être pas avec

372 PATHOLOGIE NERVEUSE.

la même adresse qu'auparavant, mais pourtant assez

bien, sans qu'on puisse apercevoir une régénération

dans les parties lésées. ^Ce n'est pas ' ainsi chez

l'homme (d'après Ferrier, le singe en fait aussi excep-

tion) ; si une destruction quelconque se fait sur l'écorce

cérébrale humaine, jamais l'individu ne pourra remuer

soir membre, correspondant, une paralysie complète

suivra cette lésion, et avec la dégénération secondaire

la funeste contracture s'installera. Presque toutes les

actions de l'homme dépendent de l'écorce grise de son

cerveau, et c'est tout à fait erroné si une grande partie

des savants (Ferrier, Heidenhain, Bernheim, etc.) con-

sidèrent la marche comme un réflexe spinal (ou sub-

cortical) en alléguant pour raison que l'homme ne

fait pas attention à chaque pas aux petits mouvements

dont la marche est composée; même on dépasse le

but quand on est absorbé dans ses idées. La marche

et les actions homologues ne sont que relativement

sans connaissance : après une longue habitude nous

conduisons aisément l'irritation dans les voies corres-

pondantes, presque sans nous en apercevoir; mais

après une lésion destructive d'une partie de la subs-

tance corticale des zones motrices, même en laissant

intacts les centres subcorticaux : l'extrémité correspon-

dante ne pourra jamais exécuter aucun mouvement

volontaire. A peine peut-on considérer quelque chose

pour mieux approuver que ce que tous les mouve-

ments que nous avons appris par de longs exercices,

dépendent de la fonction des champs moteurs, et si,

après une lésion analogue, les animaux conservent

leur pouvoir sur leurs extrémités, il faut se rappeler

que la plus grande partie de leurs mouvements est

DE l'hypnotisme. 373

innée. De même, en parlant, nous ne cherchons pas

péniblement les mouvements nécessaires pour-pro-

noncer les syllabes, pourtant l'élude de l'aphasie a

clairement démontré à quelle partie de la substance

corticale est liée la faculté du langage.

De ces réflexions il résulte que, pendant la léthargie^

toute fonction corticale n'est pas abolie, parce que

l'individu qui se trouve en sommeil léthargique peut,

au moins dans une grande partie des cas, se tenir

debout ou assis, dans la position en laquelle il fut

hypnotisé. ·

Mais analysons les phénomènes de l'hyperexcitabilité

neuro-musculaire, lesquels sont considérés aussi par

MM. Charcot et Richer' comme réflexes spinaux. En

premier lieu, ils traitent des réflexes tendineux, ils les

trouvent exagérés. A mon avis, il faut faire une diffé-

rence entre les phénomènes décrits comme réflexes

tendineux et entre les vrais réflexes tendineux. Je

crois qu'on peut prouver qu'ils ont eu affaire à des

mouvements réflexes de nature tout à fait différente.

A quelque degré que ce réflexe soit élevé, jamais on

n'a vu ni une contraction, ni une contracture se pro-

duire après la seule pression du tendon. De plus, si,

pendant la léthargie, nous augmentons peu à peu cette

pression, ce qu'indique le tracé sphygmographique, la

contracture augmente aussi, c'est en contradiction

avec tout ce que nous avons observé jusqu'ici touchant

les phénomènes des réflexes tendineux. Même dans les

cas où l'exagération de ce symptôme est très pro-

.' Charcot et Richer. Contribution à l'étude de l'hypnotisme, du phé-

nomène de <'/ty/M)'M : C ! <a& : 7 ! <<' neuro-musculaire (Archives de Neurologie,

1881, no 5, 6, 7.) .)

37<i.' PATHOLOGIE NERVEUSE.

noncée,-il faut appliquer un coup rapide, bien que.

doux, pour provoquer la contraction du muscle, ce

qui est la propriété générale des réflexes spinaux.

Pour les autres phénomènes de l'hyperexcitabilité

neuro-musculaire, il est aussi difficile à approuver l'hy-

pothèse d'origine réflexe spinale. La contraction s'é-

tend aussi aux muscles non irrités, ainsi les muscles

synergiques participent presque toujours au mouve-

ment provoqué. Quelquefois on observe une fonction

tout à fait contraire à l'attente et souvent cette fausse

réaction reste persévérante.

Il arrive bien quelquefois, dans les cas où la fonc-

tion réflexe de la moelle épinière est fortement accrue,

que la contraction apparaît aussi dans un muscle qui

n'était pas directement irrité; mais, dans ces cas, cette

propagation de l'irritation se fait selon les lois de

Pflùger, et MM. Charcot et Richer avouent que, dans

les circonstances hypnotiques, cela n'arrive pas tou-

jours. Ils cherchent l'explication de ce fait dans une

modification de l'activité réflexe qui ne serait pas uni-

forme dans tous les points de l'axe médullaire.

En outre, il y a des contradictions en grand nombre

à cette théorie; je crois qu'il serait inutile de les énu-

mérer toutes ; on a observé des individus chez lesquels,

durant la léthargie, l'hyperexcitabilité neuro-muscu-

laire s'est interrompue tout d'un coup, sans autre

changement visible et en sa place une paralysie se pré-

senta. De plus, il n'existe pas d'exemple où, chez des

malades atteints d'une énorme exagération de l'activité

réflexe de la moelle épinière d'une cause quelconque,

on aurait pu produire une contracture, pour quelque

temps, par une simple malaxation des tendons ou des

de l'hypnotisme. 375

muscles. Aussi une circonstance que voici, ne s'accorde

guère avec cette hypothèse : en excitant les antago-

nistes, les muscles contractés se relâchent; au con-

traire, en cas de vraie exagération de cette activité,

toute irritation augmente la contracture (comparer la

contracture permanente des hémiplégiques, l'empoi-

sonnement avec de la strychnine, le tétanos). Et puis,

n'est-il pas assez, pour détruire cette localisation de

l'augmentation de l'irritabilité, le fait mentionné par

MM. Charcot et Richer : que c'est principalement sur

les sujets qui présentent à un haut degré l'hyperexci-

tabilité neuro-musculaire que la simple pression du

tendon fait merveille et est douée d'une ellicacilé bien

plus grande que le choc, au double point de vue de la

précision et de l'intensité de la contracture. Enfin,

pourquoi la contracture dure-t-elle encore après qu'on a

éveillé l'hypnotisé, quand d'ailleurs le cerveau a repris

son activité et son influence inhibitive ? De ce fait il

est à conclure que certaines zones du cerveau ne

retrouvent point leurs influences sur les parties corres-

pondantes de la moelle épinière; ce qui nous mène

aussi à la localisation de ces phénomènes dans le

cerveau.

Mais si l'hyperexcitabilité neuro-musculaire n'est

point un réflexe spinal; où a-t-elle sa cause ? A mon

avis, elle a la même origine que les phénomènes de la

catalepsie, du somnambulisme, c'est-à-dire qu'elle naît

aussi de la suggestion. Les phénomènes de la suggestion

ne sont proprement dits que les phénomènes de l'activité

réflexe de la substance corticale. Dans le sens le plus

étendu du terme réflexe, on peut nommer ainsi toute

manifestation du système nerveux provoquée par une

376 PATHOLOGIE NERVEUSE.

influence extérieure. Un grand nombre des auteurs

entendent par réflexe exclusivement l'activité réflexe

delà moelle, c'est-à-dire des-parties sous-pédoncu 1 aires,

Or, il est bien connu qu'il y a des influences extérieures

auxquelles la substance corticale réponde apparem-

ment indépendamment de notre volonté, ce sont les

réflexes corticaux qu'on peut nommer phénomènes de

suggestion.

La différence entre les réflexes du premier ordre

(spinaux) et ceux du deuxième ordre (corticaux) est

assez bien marquée ; c'est ce que je veux démontrer

tout à l'heure. Tandis que ceux-là se manifestent seu-

lement par un simple mouvement, ceux-ci ont pour

effet des mouvements plus complexes , dont on a

acquis l'habitude par un long exercice. Ceux du pre-

mier ordre correspondent à l'organisation de la moelle

épinière et sont transmis, selon les lois de Pflûger, de

couche en couche; ceux du deuxième ordre s'étendent

moins de cette façon, mais plutôt sur des voies sou-

vent exercées, ou sur des fibres qui étaient peu avant

en action et, en conséquence, conduisent mieux le cou-

rant nerveux. La différence la plus caractéristique se

manifeste dans la proportion qui est entre l'extension

et l'intensité du mouvement produit. Cela exige une

explication un peu plus détaillée. Quand une irritation

entre par la racine postérieure dans la moelle, elle

peut prendre deux directions : elle peut être trans-

mise par les fibres fines de la substance grise dans les

cornes antérieures et de là dans les racines anté-

rieures : c'est l'arc de réflexe du premier ordre; ou

bien, passant par la substance blanche, elle peut

monter à l'écorce grise du cerveau, et, éveillant ici la

DE l'hypnotisme. 377

fonction des cellules, l'irritation ainsi provoquée peut

descendre par le faisceau pyramidal et arriver aux

racines antérieures : voici l'arc de réflexe du deuxième

ordre. Dans les circonstances normales, l'une et

l'autre voie est ouverte; dans des cas pathologiques,

l'arc du deuxième ordre peut être rompu à lui seul,

ou bien tous les deux arcs ; l'interruption de l'axe du

premier ordre seul doit être très rare. Ces conditions

anatomiques constituent une différence entre les deux

réflexes. En effet, si l'irritation ne peut pas parvenir

dans l'arc du deuxième ordre, après une simple loi

physique, elle produira un effet plus fort dans celui du

premier ordre. Donc, plus la voie du réflexe du cerveau

est interrompue, plus le réflexe spinal devient fort et

gagne en étendue. C'est un fait incontestable, sur lequel

se fonde l'influence inhibitive du cerveau sur les

réflexes spinaux. Voyons à présent le réflexe du

deuxième ordre. L'irritation arrivée dans la substance

corticale a plusieurs voies (par les systèmes des fibres

d'association); la voie principale est évidemment la

zone motrice correspondante. Il est facile à com-

prendre que la voie du deuxième ordre ouverte, l'in-

fluence extérieure aura d'autant plus de réaction

qu'elle a moins d'étendue dans la substance corticale,

donc le réflexe du deuxième ordre aura d'autant plus

d'intensité qu'il a moins d'extension.

Ces conditions résultent des propriétés physiolo-

giques de ces parties. L'extension de l'irritation n'est

pas égale dans la moelle et dans le cerveau. Dans la

moelle, l'extension dépend seulement de la conducti-

bilité des éléments nerveux, la volonté de l'individu

n'a aucune influence sur cette propriété. Dans le

378 PATHOLOGIE NERVEUSE.

cerveau, au contraire, c'est la volonté ordinairement

qui participe beaucoup dans l'extension de l'irritation

c'est la fonction psychique du cerveau; aussi les im-

pressions extérieures ne provoquent pas toujours les

mêmes effets dans l'écorce grise, l'effet dépend de la

direction dans laquelle l'irritabilité ou la conductibilité

des systèmes d'association était plus grande pendant

le sommeil ordinaire. Cette irritabilité est à peu près

éteinte pendant l'état de veille, elle change toujours

de siège. Ce changement se fait par ce qu'on nomme

la volonté et par d'autres conditions de nature plus

accidentelle. La volonté, à elle seule, n'est pas suffi-

sante. M. Pflùger a démontré que le cerveau, sans

impressions du monde extérieur, ne peut pas se tenir en

état de veille, ceja est aussi prouvé par des observa-

tions pathologiques ; si les individus complètement anes-

thésiques ne reçoivent aucune impression par l'ouïe

ou par la vue, ils sont accablés très vite de sommeil.

L'exagération du réflexe du premier ordre produit

les phénomènes dont la loi de Pflùger est déduite;

l'augmentation du réflexe du deuxième ordre peut être

observée dans le sommeil hypnotique (quelquefois

aussi dans d'autres circonstances), parce que, comme

j'en veux parler plus tard, dans cet état l'irritation ne

peut pas s'étendre normalement dans la substance

corticale, elle reste restreinte à des limites étroites. Je

crois que ces différences mettent hors de doute que les

phénomènes de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire

se fondent sur la fonction réflexe de l'écorce. Un réflexe

spinal d'une pareille extension s'étendrait bien loin,

et augmenterait encore par suite d'une irritation des

antagonistes, tandis qu'il est facile de comprendre ces

DE l'hypnotisme. 379

phénomènes en supposant que, pendant la léthargie,

ce sont seulement les parties irritées (par l'influence de

l'expérimentateur) du cerveau qui fonctionnent; en

conséquence, à un degré très élevé, il n'y a presque

pas d'extension de l'irritation. Pendant la catalepsie,

l'extension du courant nerveux centripète est déjà un

peu plus grande, et par conséquent la réaction en est

plus faible et naturellement plus étendue. La pro-

priété commuas de toutes les trois phases de l'état

hypnotique est que la contraction une fois provoquée

devient permanente. Cela prouve que la suggestion n'a

fait qu'ouvrir la voie par laquelle la substance corti-

cale entretient le courant nerveux. On pourrait aussi

comprendre le relâchement de la contracture après la

malaxation des antagonistes. On sait depuis Duchenne

qu'à chaque mouvement, outre les muscles qui l'exé-

cutent, encore les antagonistes se contractent et que

la raison de ces derniers aux premiers détermine la

sûreté, la direction et la grandeur du mouvement.

Cela arrive de même dans les contractures pendant la

léthargie, et ces contractions sont toujours propor-

tionnées à la force de l'influence extérieure, et il est

dans notre pouvoir de l'augmenter; mais elle ne change

pas spontanément. Quand nous frictionnons les anta-

gonistes des muscles, mis préalablement en contrac-

ture, nous provoquons la contracture dans ceux-là, et

avec cela nous changeons leurs rôles : les muscles qui i

étaient en contracture se relâchent à présent à un degré

qui est en raison de l'intensité de la contraction provo-

quée par cette nouvelle malaxation ; si nous nous arrê-

tons au moment, quand nous sommes arrivé à la posi-

tion moyenne, le relâchement réussira; autrement, non.

380 PATHOLOGIE NERVEUSE.

C'est tout à fait le même procédé que j'ai déjà décrit

chez les chiens narcotisés de MM. Heidenhain et Bubnoff.

Tout cela met en évidence que les phénomènes du

sommeil hypnotique procèdent d'une fonction, quoique

modifiée, de la substance corticale. Je veux m'occuper

de cette modification, laquelle est l'essence de l'hypno-

tisme. (A suivre.)

DU TABES COMBINÉ (ATAXO-SPASMODIQUE), ou SCLÉROSE

POSTÉRO-LATÉRALE DE LA MOELLE 1

(contribution A l'étude clinique DES myélites mixtes);

Par le professeur GRASSET (de Montpellier).

Voici maintenant une seconde observation moins

complète que la précédente, dans laquelle la sclérose

latérale domine beaucoup la scène, mais qui n'est pas

cependant un simple tabes dorsal spasmodique.

10 mai 1883, M. de L...

Syphilis (chancre, ulcérations àla'gorge, psoriasis palmaire)

traitée par Ricord; plus tard, traitement de la syphilis des

centres nerveux appliqué par Charcot, Fournier, Doyon

(à Uriage) et Bouyet (à Amélie) sans amélioration notable.

Excès nombreux.

Début vers 1870 ou 1872 par des crises douloureuses et de

la diplopie; plus tard relâchement des sphincters, puis atteinte

des jambes, surtout de la gauche.

Actuellement pas de troubles de sensibilité, jamais d'anes-

thésie plantaire. Exagération des réflexes rotuliens surtout à

gauche. Marche raide, en contractures. Mélange de paralysie

et de raideur. Marche renversé en arrière et quelquefois un

peu en sautillant. L'occlusion des yeux n'a pas grand effet

sensible sur l'équilibre; L... est cependant obligé de toujours

regarder droit devant lui où il mettra le pied. Léger tremble

ment dans les mains, spécialement dans la main droite, quand

1 Voy. t. XI, p. 156.

DU TABES COMBINÉ. 381

il fait un mouvement avec la jambe du même côté. Tombe

assez souvent, non qu'il s'entrave, dit-il; mais parce qu'il

butte contre le moindre obstacle. Sphincters toujours faibles.

Ici c'est au tabes dorsal spasmodique que l'on pense

tout d'abord ; mais les douleurs du début, la diplopie,

le relâchement des sphincters et l'influence (quoique

légère) de l'occlusion des yeux sont des signes de tabes

ataxique qui rendent plus probable le diagnostic de

tabes combiné.

Enfin j'ai vu un troisième malade dont je n'ai mal-

heureusement pas l'observation.

Il avait de la trépidation épileptoïde, des contrac-

tures, de l'exagération du réflexe rotulien; une perte

de la sensibilité paraplégique, l'impossibilité de mar-

cher les yeux fermés (la sensibilité étant plus atteinte

à gauche et la motilité à droite) ; un rétrécissement

énorme du champ visuel (vision uniquement conservée

dans la partie tout à fait supérieure de la rétine).

Ces trois histoires de malades ne peuvent que donner

une idée générale du tableau clinique du tabes com-

biné. Mais elles ne peuvent pas servir à démontrer

péremptoirement l'existence positive de cette maladie.

Sans contrôle nécropsique, on ne peut pas, en effet,

affirmer l'exactitude du diagnostic posé. J'ai donc dû

réunir dans les auteurs toutes les observations analo-

gues, suivies d'autopsie, que j'ai pu trouver. Pour évi-

ter les longueurs, j'ai réuni dans les tableaux qui sui-

vent les traits principaux de toutes ces observations.

C'est sur la comparaison de ces trente-trois faits

que nous pouvons établir et développer l'histoire

symptomatique du tabes combiné, pressentie par nos

observations personnelles.

I 1

1 i TABLEAUX i e

i TA.BLEA.UX. z

392 PATHOLOGIE NERVEUSE.

Pour relever et étudier les symptômes notés dans ces

observations de nos tableaux, nous les grouperons en

deux catégories : d'abord, les symptômes dé sclérose

postérieure (tabes ataxique ordinaire), ensuite ceux

de sclérose latérale (tabes dorsal spasmodique) ; en

troisième lieu, nous parlerons à part de l'état des

réflexes rotuliens qui ont une importance toute

spéciale dans une question de cet ordre.

I. Dans les symptômes du tabes postérieur, nous

envisagerons successivement : l'incoordination motrice,

les douleurs et anesthésiés, les troubles céphaliques,

mésocéphaliques et divers.

1. Des phénomènes d'incoordination plus ou moins

accentués existent dans les deux tiers des cas (22 sur

33).

Dans -13 cas (nos 1, 2, 6, 9, 10, 11, 13, 15, 17, 18,

19, 32 et 33), l'ataxie est notée très nettement et à

un haut degré, soit dans les quatre membres, soit dans

deux.

Dans 8 autres cas (no' 3, 4, 5, 7, 12, 23, 29 et 30),

le phénomène est signalé à un moindre degré : mala-

dresse, oscillations dans les mouvements, indécision,

marche incertaine et chancelante, difficultés à se tenir

sur une jambe ou à monter sur une chaise, etc.

L'influence de l'occlusion des yeux est expressé-

ment indiquée dans six cas (il" 1, 4, 15, 24, 28 et 33).

Enfin, dans 11 cas (il" 8, 14, 16, 20, 21, 22, 24,

25, 26, 27 et 31), on n'a noté aucun phénomène de

cet ordre; nous verrons que chez la plupart de ces

derniers malades il y avait d'autres symptômes tàbé-

tiques.

DU TABES COMBINÉ. 393

2. a. Les symptômes douloureux sont notés sous

des formes diverses, dans 19 des 33 cas.

Dans 10 observations (nos 1, 2, 14, 16, 19, 23, 25,

26, 32 et 33), on a nettement signalé les douleurs

fulgurantes et dans 9 autres (n°8 3, 6, 9, 13, 15, 17,

18, 21 et 29), des douleurs de différents ordres : dans

les membres, dans le thorax, l'abdomen, de tension, de

pression circulaire, gastralgiques, dans les lombes, etc.

Dans 14 cas (n08 4, 5, 7, 8, 10, 11,12, 20, 22, 24,

27, 28, 30 et 31), aucun phénomène douloureux n'a

été inscrit dans l'observation.

En rapprochant les 11 cas négatifs pour l'incoordi-

nation et les 14 cas négatifs pour les douleurs, on

voit qu'il en reste seulement 6 (11" 8, 20, 22, 24, 27

et 31), dans lesquels on n'ait noté ni incoordination

motrice ni douleur.

b. Ce dernier groupe d'observations négatives est

encore bien plus réduit quand on ajoute la considération

des auesthésies. Sept observations seulement (il.. 4, 5,

10, 15,20, 25 et 31) sont entièrement muettes à ce point

de vue, et en rapprochant ces numéros de ceux précé-

demment indiqués comme négatifs, nous n'en trouvons

plus que deux (ti" 20 et 31), dans lesquels il n'y ait eu

aucun phénomène d'incoordination ou de sensibilité.

Sur les 26 cas positifs à ce dernier point de vue,

l'anesthésie est nettement notée à des degrés divers,

dans 19 (n°' 1, 2, 3, 6, 7, 8, 16, 17, 18, 19, 22, 23,

26, 27, 28, 29, 30, 32 et 33). Dans les 7 autres (il" 9,

11, 12, 13, 14, 21 et 24) on a signalé des phéno-

mènes variés de paresthésie, retard dans la perception,

localisation fautive des sensations, etc.

3. Dans ce troisième groupe, nous plaçons tous

3 ! H le PATHOLOGIE NERVEUSE.

les autres symptômes du tabes (céphaliques, mésocé-

phaliques, des sphincters et de l'appareil génital, tro-

phiques et vaso-moteurs).

Les troubles oculaires (diplopie, paralysie oculaire,

amblyopie, cécité) ont été notés dans 13 cas (u"8 3, 7,

9, il, 12, 13, 16, 17, 19, 21, 24, 26 et 33); le nys-

tagmus dans 4 (ti" 1, 2, 17 et 18); les phénomènes

cérébraux proprement dits (parole, intelligence, ver-

tiges, délire, nerfs crâniens) dans 19 (Il°9 1, 2, 3, 4,

5, 7, 10, 11, 12, 15, 18, 23, 24, 26, 27, 28, 29, 30

et 31); les troubles méso-céphaliques (toux, dyspnée)

dans 4 (11" 2, 11, 12 et 18); les altérations des sphinc-

ters ou de l'appareil génital dans 17 (n°5 7, 9, 11,12,

14, 15, z 17, 18, 19, 21, 22, 23, 26, 28, 29 et

31) ; les troubles trophiques et vaso-moteurs dans 13

(n08 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16, 18, 19, 21, 25, 26 6

et 32).

Enfin seulement dans 3 cas (11" 6, 8 et 20) on n'a

signalé aucun des symptômes de cette catégorie.

Si, continuant notre méthode d'enquête, nous rap-

prochons cette dernière liste négative de la précédente,

nous ne trouvons plus qu'une seule observation qui

ne présente aucun symptôme de tabes postérieur, c'est

le n° 20. Or, sous ce numéro, est mentionné une

autopsie intéressante faite par Kahler et Pick, mais

sans aucune observation clinique.

Nous pouvons donc dire, en somme, que dans tous

les cas réunis dans nos tableaux, on a noté quelque

phénomène de tabes postérieur, ordinaire ou ataxique.

On remarquera que nous n'avons relevé dans nos

résumés et dans nos réflexions que ceux des symp-

' DU TABES COMBINÉ. 395

tomes de l'ataxie locomotrice qui n'appartiennent pas

au tabes dorsal spasmodique.

Voilà donc un premier élément établi pour la cons-

titution clinique du type « tabes combiné » ; c'est

l'élément « tabes ordinaire » qui différencie la maladie

que nous étudions du tabes dorsal spasmodique.

II. Passons maintenant au deuxième élément symp-

tomatique, c'est-à-dire au groupe de phénomènes qui,

dans le tabes combiné, appartiennent à la sclérose

latérale, et qui, par suite, différencient la maladie que

nous étudions du tabes ataxique ordinaire.

Dans ce groupe nous étudierons les phénomènes

paralytiques ou parétiques et surtout les phénomènes

d'excitation motrice.

1. Dans 3 cas seulement (11" 20, 23 et 31), dont

celui de Kahler et Pick sans observation, on n'a pas

noté d'affaiblissement moteur.

Dans 3 autres cas (nous 17, 25 et 30), les troubles

moteurs sont mentionnés (dans les membres inférieurs)

sans que les mots de parésie ou paralysie soient pro-

noncés.

Enfin, dans les 27 autres il y a un degré quelcon-

que d'affaiblissement musculaire bien constaté et spé-

cialement noté dans l'observation.

2. Les symptômes d'excitation- motrice sont plus

importants encore à relever, parce qu'ils caractérisent

mieux le syndrome que nous cherchons, à côté du

syndrome ataxique, dans le tabes combiné.

On a noté des contractures, des crampes, des se-

cousses, des mouvements involontaires, de la raideur,

de la résistance aux déplacements passifs, du trem-

396 PATHOLOGIE NERVEUSE.

blement, le phénomène du pied, la démarche spas-

tique ou des convulsions dans 26 cas sur 33.

Sur les 7 autres cas, un (n° 20) n'a pas d'observa-

tion, un autre (n° 32) a été observé trop tard, 4 autres

(u°' 10, 11, 12 et 13) ont eu des symptômes d'affai-

blissemënt moteur. Seul, le malade du n° 23 n'a eu

aucun trouble se rapportant aux cordons latéraux;

et encore nous trouvons dans le tableau, pour lui,

« troubles de la marche » sans détails; ce qui est in-

suffisant pour éloigner l'idée de démarche spastique,

par exemple.

La conclusion de ce relevé statistique un peu aride

me paraît très claire.

Dans tous les cas relatés sur nos tableaux on a noté

quelque symptôme du tabes ataxique ; dans tous les cas,

sauf un, on a noté quelque symptôme du tabes spasmo-

dique. On peut donc dire, déjà de par la clinique, que

ces cas appartiennent à un type spécial, qui n'est ni le

tabes ataxique ni le tabes spasmodique, mais qui tient de

l'un et de l'autre : c'est ce type à part que nous proposons

d'appeler « tabes combiné ».

III. Dans tout ce que nous venons de dire, le

domaine des cordons latéraux et le domaine des cor-

dons postérieurs étaient distincts, séparés, mais non

contradictoires. Il reste un dernier ordre de phéno-

mènes sur lequel l'influence des deux systèmes médul-

laires paraît être absolument opposée.

Ce sont les réflexes tendineux.

On sait, en effet, que dans le tabes ataxique les

réflexes rotuliens sont abolis, tandis que dans le tabes

spasmodique ils sont exagérés. Que seront-ils dans

DU TABES COMBINÉ. 397

le tabes combiné ? C'est une question intéressante,

dont nous avons vu (à l'historique) Byrom Bramwell

signaler toute l'importance.

C'est pour cela que, dans nos tableaux, nous avons

consacré à ce symptôme une colonne spéciale, dont

nous allons relever maintenant les renseignements.

Dans 14 observations, l'état des réflexes rotuliens

n'est pas expressément indiqué, soit que ces cas fus-

sent antérieurs au travail de Westphal sur la valeur

de ce signe dans le tabes, soit pour toute autre cause.

Sur les 19 autres cas, l'abolition est signalée dans

12 (noe 10, 13, 15, 18, 19, 23, 24, 27, 28, 30, 31

et 32).

Dans les sept derniers, il y avait exagération, mais

à des degrés divers. Dans un cas (n° 21) les réflexes

sont indiqués comme « conservés, vifs » ; dans un

autre (n° 22) « vifs, plutôt exagérés » ; dans deux

(11" 16 et 25) « un peu exagérés » ; dans un (n° 29) « exa-.

gérés ». Dans deux seulement (n08 26 et 33) l'exagéra-

tion est « très manifeste » ou « notable ».

En somme, on peut dire que l'abolition est beau-

coup plus fréquente que l'exagération (12 cas sur 19)

et même dans les 7 cas avec exagération, ce symp-

tôme n'a un degré considérable que dans deux.

Il ne faut cependant pas attacher une trop grande

importance à cette statistique.

Comme les observations résumées dans nos tableaux

sont toutes accompagnées d'autopsie, elles ont, en

général, été prises dans les dernières années de la vie

et ne remontent que rarement au début de la maladie

(du moins avec une précision suffisante pour indiquer

l'état des réflexes rotuliens dans les phases initiales).

398 MÉDECINE LÉGALE.

Or, il est très possible que ces réflexes, exagérés au

début, soient abolis à la fin.

C'est ce qui est arrivé notamment chez deux ma-

lades (11" 27 et 30) qui ont été observés assez long-

temps pour qu'on pût constater : chez le 27, les

réflexes tendineux conservés en juin 1880 disparus le

10 janvier 1881 ; chez le 30, les mêmes réflexes con-

servés avant janvier 1882 , disparus après cette

époque.

Dès lors, il est probable que quand, la maladie

étant mieux connue et acceptée, on acceptera les faits

sans autopsie et on posera les diagnostics de bonne

heure, on pourra recueillir sur l'état de ces réflexes

rotuliens des renseignements plus complets et plus

démonstratifs. (A suivre.)

MÉDECINE LÉGALE

RAPPORT MËDtCO-LËGAL SUR ANNETTE G...

(hystérie ET MOItPHI01LNIE

Par Mil. CHARCOT, BROUARDEL et MOTET, rapporteur.

La chambre des appels de police correctionnelle avait à

juger, il y a quelques jours, une affaire sur laquelle l'attention

avait été vivement éveillée. Il s'agissait d'une jeune femme

qui, inculpée de vol, avait été jugée par l'une des chambres du

tribunal de première instance, et condamnée à trois mois de

prison. Les faits étaicnt ccrtains. Annette G... avait enlevé une

couverture du lit de la chambre meublée qu'elle habitait avec

sa mère, elle l'avait portée au mont-de-piété, clic avait vendu

la reconnaissance. 11 était difficile pour le tribunal d'apprécier

HYSTÉRIE ET MORP ! 1[OMAN1E. 399

autrement qu'il le fit une série d'actes aussi simples; et,

n'ayant aucun renseignement qui l'éclairât sur l'état mental

de la prévenue qui ne présentait aucun moyen de défense, il

ne put que prononcer une condamnation.

Mais A. G..., à peine arrivée à la prison de Saint-Lazare,

dut être placée à l'infirmerie, elle était dans un état singulier,

et l'on s'aperçut immédiatement qu'on avait affaire à une mor-

phinomane hystérique au plus haut degré. On s'occupa beau-

coup d'elle, on crut qu'elle s'hypnotisait facilement, et son

défenseur d'une part, d'autres influences, d'autre part, la

déterminèrent à faire appel du jugement qui l'avait condam-

née à trois mois d'emprisonnement. La cause vint en cet état

devant la cour. Annette G... eut une attaque d'hystérie à l'au-

dience, et son défenseur prit des conclusions tendant à établir

que sa cliente avait obéi à une suggestion quand elle avait volé,

à une autre suggestion quand elle avait fait appel; et, sans

bien préciser ce qu'il- entendait par le mot de suggestion,

faisant valoir, d'ailleurs, le fâcheux état de santé d'A. G..., il

demanda qu'il plût à la cour de nommer des experts pour exa-

miner l'état mental d'Annette G..., dire si cette fille n'avait pas

obéi à une suggestion pendant une période de somnambulisme

provoqué, si elle ne devait pas être considérée commeirrespon-

sable de ses actes.

La cour ayant fait droit à ces conclusions, nous avons été

chargés de l'examen de la nommée Annette G... La question

était des plus intéressantes à étudier. Au moment où les faits

d'hypnotisme, de suggestion, entrent de vive force dans la

presse, dans le roman, allaient-ils aussi faire irruption dans le

domaine de la médecine légale. Il importait de soumettre à un

contrôle sévère les faits allégués pour Annette G..., et de dire,

si l'occasion s'en présentait, en quoi consistent les phénomènes

de suggestion, comment il convient de les interpréter etpour-

quoi, en se plaçant au point de vue médico-légal, les difficul-

tés d'examen qu'ils peuvent présenter ne sont pas aussi graves

que le pourraient supposer ceux ou celles qui les allégueraient

comme moyen de défense. Nous n'avons pas eu, dans l'affaire

soumise à notre examen, à nous occuper de la suggestion

hypnotique. Nous n'en n'avons pas trouvé trace dans les faits

que nous avions à étudier. Le rapport que nous publions in

extenso les fera suffisamment connaître, et déterminera la

nature des troubles nerveux que uous avons constatés.

400 MÉDECINE LÉGALE.

«Nous, soussignés, Caarscor, membre de l'Institut, professeur à

la Faculté de médecine; BROUARBEL, professeur à la Faculté de

médecine; Motet, médecin en chef de la maison d'éducation cor-

rectionnelle, commis le 21 décembre d88;i, par un arrêt de la

Cour de Paris, Chambre des appels de police correctionnelle, à

l'effet de constater l'état mental de la fille G...'(Annette), appelant

d'un jugement du tribunal de la Seine, qui l'a condamnée à trois

mois de prison pour vol; après avoir prêté serment, recueilli les

renseignements de nature à nous éclairer, et visité la prévenue à

la prison de Saint-Lazare, avons consigné dans le présent rapport

les résultats de notre examen :

Annette G..., âgée de vingt-six ans, est depuis près de treize

ans atteinte de troubles nerveux qui paraissent avoir eu pour

cause déterminante, chez une jeune fille, d'ailleurs prédisposée,

les émotions pendant la Commune. Réfugiée avec ses camarades

dans les caveaux de l'église Sainte-Marguerite, elle aurait, quand

les troupes déblayèrent la rue Saint-Bernard, assisté à l'exécution

d'insurgés dans les jardins de l'église. Elle avait onze ans à ce

moment, elle conserva un souvenir très vif de cette scène; et si,

dès cette époque, elle n'eut pas d'accidents nerveux,- elle eut du

moins des troubles du sommeil, dont on ne se préoccupa pas.

A treize ans les règles apparurent. Annette G... fut sujette à

chaque retour des périodes menstruelles à des douleurs vives dans

la région épigastrique; ces malaises sans gravité ne l'arrêtaient

pas et ne dépassaient pas, après tout, la mesure de ce qu'on ob-

serve si souvent chez les jeunes filles à tempérament nerveux pré-

dominant.

Nous devons à sa mère, femme intelligente et que sa profession

de sage-femme rendait plus apte qu'une autre à observer attenti-

vement sa fille, la date précise de l'explosion des accidents ner-

veux dont elle a souffert, sans interruption on peut dire, depuis

le 20 septembre 1875.

Annette G... avait quinze ans; réglée d'une manière assez régu-

lière, peu abondamment, elle était au moment de ses époques.

Sa mère l'emmène faire une promenade à Saiut-Cloud, elle

revient le soir, en bateau, et se sent prise de froid. Le lendemain,

les règles cessent brusquement, et le surlendemain, elle s'alite.

Les douleurs dans la région épigastrique sont des plus aiguës,

l'alimentation devient presque impossible, et pendantsix semaines,

la malade ne prend presque rien, sinon de l'eau sucrée. Vers la

septième semaine elle a du strabisme convergent; elle est prise

par accès, de rires que rien n'arrête. On lui donne du musc; le

strabisme cesse, elle devient sourde. 0 Quand un accident, d'une

certaine forme cessait, dit sa mère, un autre apparaissait. » Elle

eut des visions elfrayauLes; les accès hallucinatoires se répétaient

HYSTÉRIE ET MORPHIOMANIE. 401

toutes les nuits et duraient jusqu'à trois heures du matin. Elle

assistait à des scènes terrifiantes; elle voyait, comme dans l'enclos

de l'église Sainte-Marguerite, fusiller des hommes; elle faisait le

geste de tirer un coup de fusil et poussait des cris.

Elle eut ensuite du délire continu pendant près de six mois. Il

lui était impossible de se tenir debout. Elle marchait sur les mains

et les genoux, vivait blottie dans un coin, sous une table; le

désordre mental pendant celte période fut complet; elle tutoyait

tout le monde, disait des injures; par moments elle parlait d'une

manière si singulière que sa mère seule pouvait la comprendre.

A-t-elle eu alors une sorte d'aphasie ? cela est possible, les expli-

cations de sa mère restent un peu confuses sur ce point : ce qui

est certain, c'est que pendant longtemps encore après cette phase

d'aliénation mentale, il lui était impossible d'articuler le nom de

sa soeur Suzanne.

Nous avons voulu savoir quel était son état pendant « ses crises ».

Sa mère nous les décrit fort exactement. Aussitôt que An-

nette G... avait mangé, si peu que ce fût, elle était prise de rai-

deur de tout le corps, elle était allongée sur son lit, immobile,

les yeux fermés, les mains tournées, la paume en dehors, les

doigts en griffe. Elle restait de quatre à six heures ainsi, et elle

sortait de cet état sans convulsions.

En 187o, à la fin de l'année, elle commença à faire usage de la

morphine en injections. Elle éprouva immédiatement un soula-

gement profond, en ce sens qu'elle put s'alimenter mieux. Les

«crises» ne furent pas suspendues cependant ; elles eurent un

autre caractère qu'elles ont conservé jusqu'à cette année. Tout à

coup, elle se met à crier ou à chanter, puis elle ferme les yeux,

et la raideur envahit tout le corps, elle tombe le plus souvent;

d'autres fois, elle se redresse seule et se tient debout, immobile.

Sa mère a remarqué que dans cette position, elle ouvre démesu-

rément les yeux, et qu'il suffit de passer la main devant ses yeux,

pour qu'elle tombe sur son lit près duquel on l'a portée.

La morphine a eu sur elle une influence bien connue d'ailleurs,

c'est de lui donner une activité plus grande, de lui permettre de

se livrer à quelques occupations chez elle; mais aussi l'appétit, le

besoin de l'injection est devenu de plus eu plus impérieux, de

plus en plus tyrannique; progressivement il a fallu élever les

doses, et Annette G... en était arrivée à absorber, dans une ving-

taine d'injections chaque jour, près de un gramme de chlorhy-

drate de morphine; et comme toutes les morphinomanes, elle

avoue «qu'il n'y avait que cela qui la faisait vivre». Un comprend

sans peine, le désarroi intellectuel auquel était arrivée cette jeune

femme sous la double influence des troubles nerveux dont elle'

est atteinte depuis si longtemps et d'une intoxication morphi-

nique aussi profonde.

Archives, t. XI. 26

402 MÉDECINE LÉGALE.

z' Sa maladie en empêchant sa mère de se livrer à sa profession,

avait épuisé toutes les ressources. Le travail à l'aiguille ne suffi-

sait pas toujours à les faire vivre. Le mobilier avait peu à peu

disparu. On était arrivé à vivre en garni; un jour, pendant l'ab-

sence de sa mère qui n'avait pas plus qu'elle mangé depuis la

veille, Annette G... prit une des couvertures du lit, alla l'engager

au Mont-de-Piété et vendit la reconnaissance. Elle avoue sans

détours, et ne cherche pas d'autre excuse que celle de la misère

et de la faim. Elle n'a pas pensé à mettre au compte d'un trouble

intellectuel un acte qu'elle apprécie comme il convient de Je

faire et qu'elle regrette vivement aujourd'hui.

Condamnée à trois mois d'emprisonnement, elle était à Saint-

Lazare, lorsqu'elle se décida à faire appel de ce jugement dans

des circonstances qui ont paru assez étranges pour que la cour

accueillit les conclusions de la défense et ordonnât un examen

médico-légal. On supposait qu'Annette G... avait obéi à une sug-

gestion ; que, dans un moment où elle était sous l'influence de

l'hypnotisafion provoquée par l'un des médecins internes de la

prison de Saint-Lazare, elle avait exécuté l'ordre qui lui avait été

donné par lui, qu'elle était descendue inconsciente au greffe,

qu'elle avait fait écrire par l'un des greffiers la formule de l'appel,

puis l'avait signée. Nous dirons ce qu'il faut penser de cette pré-

tendue suggestion.

Il importait, tout d'abord, de déterminer rigoureusement la

nature des troubles nerveux dont Annette G... pouvait être

atteinte, de préciser leurs caractères, la sincérité de la prévenue

devait être aussi nettement établie.

Les recherches cliniques ont été plus spécialement dirigées

par M. le professeur Charcot. L'examen eut lieu le 14 janvier 1886.

Annette G... éprouve, au moment où elle est amenée devant

nous, un sentiment de vive émotion; elle a peur, et, après avoir

'épondu aux premières questions, elle est prise d'un état synco-

pal, de courte durée d'ailleurs. Une fois remise, elle se laisse exa-

miner sans résistance aucune; nous constatons :

40 Une insensibilité complète de la piqûre à la tête, au cou et

aux mains ;

2° L'abolition du réflexe pharyngien ;

3° La douleur à lapression de la légion ovarienne droite;

4° De la polyopie monoculaire droite ou gauche;

5° De la dyschromatopsie des deux yeux, surtout de l'oeil droit;.

6° Le rétrécissement du champ visuel au maximum à droite,

par la lumière blanche. Le cercle du rouge est en dehors du

cercle du bleu, à gauche surtout.

Interrogée sur les accidents nerveux dont elle souffre, Annette

G... dit que « son attaque » est précédée de violents battements

HYSTÉRIE ET MORPHIOMANIE. t03

très douloureux dans la tempe droite, de bourdonnements dans

les deux oreilles, plus particulièrement perçus à droite, de pal-

pitations. Puis ses membres se raidissent, elle perd connaissance

et ne sait pas alors si elle a ou non des convulsions.

M. le professeur Charcot essaie de l'hypnotiser en lui faisant

regarder fixement un de ses doigts. Cette tentative ne détermine,

qu'une attaque d'hystérie à forme cataleptoïde : les membres

sont raides, étendus, gardent quelque temps la position qu'on

leur donne; les paupières sont agitées par un frémissement

vibratoire constant. La malade, complètement isolée du monde

extérieur, ne répond plus aux questions qu'on lui adresse.

M. le Dr Le Pileur, médecin en chef de l'infirmerie de Saint-

Lazare, constate que les phénomènes produits sont complètement

analogues à ceux qu'il a vus déjà chez Annette G... Ils appar-

tiennent exclusivement l'attaque d'hystérie avec raideur générali-

sée desmembres.

Cette attaque n'est ni très violente, ni de très longue durée;

la malade en sort d'elle-même, sans aucune intervention de

notre part; elle aune très courte période d'étonnement, et, sans

autre transition, elle reprend son entretien avec nous. Elle n'ac-

cuse pas d'autre sensation que celle d'une grande fatigue avec

une céphalalgie légère.

Il nous importait de savoir comment elle était descendue au

greffe pour formuler son appel. Elle nous raconte très simple-

ment et très sincèrement comment les faits s'étaient passés. La

veille, le médecin interne qui, en essayant de l'hypnotiser, n'a-

vait rien provoqué de plus chez elle que l'attaque d'hystérie

cataleptoïde dont nous venions d'être témoins, l'avait engagée,

en dehors du sommeil provoqué, à faire appel du jugement

du tribunal correctionnel; le lendemain dans la matinée,

il en fut encore question dans la salle d'infirmerie; et, dans

un état qui ne rappelle en rien l'état de suggestion hypnotique,

Annette G... descendit au greffe ; elle avoue « qu'elle n'avait pas

bien envie de faire appel, mais que sans céder à une injonc-

tion plus forte que sa volonté, ayant conscience de ce qu'elle fai-

sait, elle avait prié le greffier d'écrire, et elle avait signé ».

Ce n'est pas ainsi que se comportent les hystériques obéissant,

sans résistance possible, à un ordre donné pendant la période

d'hypnotisme. Nous ne croyons pas utile d'entrer dans des détails

plus précis au sujet de ces faits; mais il nous est permis de dire

que les phénomènes de suggestion ne se produisent pas d'une

manière aussi simple que seraient tentés de le supposer ceux qui

pourraient, un jour ou l'autre, les alléguer comme excuse; et,

qu'au point de vue médico-légal, si l'étude en peut présenter

quelques difficultés, elles ne sont pas telles que le problème ne

404 MÉDECINE LÉGALE.

puisse être résolu à l'aide d'une observation sérieusement con-

duite.

Pour nous, il n'y a pas eu plus de suggestion dans le fait du

vol commis sous l'incitation de la misère et de la faim que dans

le fait de l'appel interjeté avec le concours du greffier de la pri-

son. Mais, il reste un état mental particulier sur lequel nous

avons le devoir d'insister.

Annette G... est atteinte d'hystérie. Depuis onze ans, elle a

présenté les manifestations les plus variées de la névrose, en res-

tant cependant toujours dans le type classique. La mobilité des

accidents nerveux s'est doublée, comme il arrive presque tou-

jours, de la mobilité dans le caractère. Sans arriver jamais aux

exagérations fantasques de la plupart de ces malades, elle en a eu

toute l'instabilité d'humeur. Ses souffrances, la longue durée des

troubles nerveux l'ont souvent découragée, et c'est dans l'abus de

la morphine qu'elle a cherché et trouvé un peu de calme. Mais

l'intoxication morphinique a déterminé chez elle ses effets habi-

tuels, un besoin, un appétit irrésistible pour le médicament qui

lui rendait, pour quelques heures, à chaque prise nouvelle, une

senalion de bien-être, « de retour à la vie ».

Chez les morphinomanes, cette sensation est avidement recher-

chée ; l'abstinence les met dans un élat d'angoisse qui va toujours

croissant, et aboutit à de véritables crises d'excitation, de vio-

lence, souvent même de délire. Chez Annette G... arrêtée le

9 novembre et conduite au dépôt de la préfecture de police, la

suppression de la morphine fut brusque : des accidents vertigi-

neux, des spasmes, des syncopes survinrent; et quand celte

femme arrive à Saint-Lazare, elleétait dans un tel état de dépres-

sion, de faiblesse, qu'elle avait pu, sans se rendre compte, sans

se souvenir de rien, comparaître devant le tribunal correctionnel

et ignorer sa condamnation. Admise immédiatement à l'infir-

merie, elle fut soumise pendant quelques jours aux injections de

morphine, que M. le Dr Le Pileur a remplacées depuis par l'o-

pium à doses fractionnées. Annette G... s'est peu à peu modifiée,

et à notre visite, elle avait repris les apparences d'une santé

meilleure. Mais elle est encore sujette à des syncopes, à des

crises cataleptoïdes, elle reste une malade chez laquelle les acci-

dents nerveux peuvent reparaitre avec leur intensité première.

Dans ces conditions, le vol pour lequel elle est poursuivie,

commis au plein d'un état de désarroi intellectuel et moral, sous

la pression de la misère et de la faim, doit être considéré non

plus comme un acte librement exécuté, mais comme l'une de ces

sollicitations instinctives qui ne trouvent pas, dans un espritdébi-

lité par la maladie, le contre-poids de délibération et de résistance

suffisantes. La culpabilité disparaît derrière l'état pathologique,

RAMOLLISSEMENT DES CORNES OCCIPITALES. 405

et nous sommes d'avis que la cour peut exonérer Annette G... de

la responsabilité de l'acte qui'lui est imputé. »

La cour a accepté ces conclusions, et Annette G... a été

immédiatement mise en liberté. i

RECUEIL DE FAITS

RAMOLLISSEMENT DES CORNES OCCIPITALES DANS

L'ÉPILEPSIE ;

Par M. G. ZOHRAB, interne des hôpitaux de Lyon.

Nous nous proposons, dans ce court mémoire, de faire

connaître une lésion assez singulière, vraisemblablement très

rare, sur laquelle notre maître, M. le professeur Teissier, a

appelé notre attention et qui, jusqu'à ce jour, n'a pas été

notée dans les observations nécroscopiques faites sur des

épileptiques.

L'épilepsie essentielle, idiopathique est encore rangée dans

la classe des névroses; on la considère comme une entité

morbide sine mater ta, une affection fonctionnelle à la suite

d'une déviation des propriétés physiologiques des cellules ner-

veuses cérébrales, ou bulbaires et ne possédant pas une lésion

anatomo-pathologique spéciale et constante.

Nous tenons pour probable qu'avec le perfectionnement de

nos moyens d'investigation histologiques et histochimiques,

avec le progrès des études physiologiques et avec la pratique

méthodique d'une autopsie bien faite, on parviendra à dé-

couvrir sinon une lésion nécroscopique caractéristique, peut-

être un arrangement moléculaire particulier, une distribution

spéciale des cellules nerveuses du système cérébro-spinal.

Jusqu'ici les diverses théories émises : la théorie hématique

de Kussmaull et Tenner, la théorie chimique de Frerichs,

celle des inégalités en poids des hémisphères (Tood, Par-

.406 RECUEIL DE FAITS.

£ happe, Follet), celle de leur asymétrie (Falret et Beaume)

n'ont pas encore aidé à résoudre ce problème.

Nous pouvons en dire autant de l'asymétrie faciale et crâ-

nienne (Lasègue) du rétrécissement du canal vertébral (Soelbrig,

de Munich) de l'inégalité des cornes d'Ammon et de leur

atrophie ou sclérose (Meynert, Kéraval), de l'asymétrie des

lobes du cervelet (Bra).

Il en est de même de la constatation d'un exsudat albumineux

interstitiel, d'une dégénérescence graisseuse et du ramollisse-

ment cérébral, de l'ectasie des capillaires cérébraux et de l'épais-

sissement de leurs parois, ainsi que de l'état plus hyperhémié

de la moitié inférieure du bulbe : toutes lésions constatées par

Schrôder van der Kolk qui ne paraissent pas être constantes

et primitives.

Les ectasies capillaires dans la moelle allongée, l'existence

d'un exsudat albumineux granuleux, de nombreux corps

amylacés et de cellules ganglionnaires fortement pigmentées

notamment dans les noyaux de l'hypoglosse et du pneumo-

gastrique et les diverses altérations des ganglions sympathiques

observées par Echeverria, ne constituent pas des lésions exclu-

sives de l'épilepsie, et sont loin d'être constantes dans cette

affection.

De plus Meyer constate les mêmes particularités patholo-

giques dans la moelle allongée et dans l'écorce cérébrale;

mais ce sont là des faits inconstants, secondaires et non spé-

ciaux à l'épilepsie.

Pour notre part, nous avons pratiqué, sous la direction de

notre chef de service M. le professeur Teissier, quatre au-

topsies : deux sur des femmes regardées comme atteintes

d'épilepsie essentielle, et deux sur des hommes qui avaient

présenté des crises épileptiformes dans le cours d'une lésion

cérébrale. C'est la constatation d'une lésion identique, échappée

jusqu'à ce jour aux observateurs, qui nous a suggéré l'idée de

l'étudier dans tous ses détails.

Nous espérons par là, en apportant par l'exposé qui suit

quelques matériaux utiles contribuer, pour notre faible part, à

la solution de l'intéressant problème de la pathogénie de l'épi-

lepsie.

Observation 1. Mlle D..., vingt ans. H;/sM<'0-ëpt<ep4'M«j/)'tMtei<

. crises, vertiges, incontinence d'urine dès l'enfance, asymétrie

RAMOLLISSEMENT DES CORNES OCCIPITALES. 407

faciale, folie épileptique, manie religieuse ; hallucinations. Au-

topsie : ramollissement de la substance blanche nerveuse entourant

les deux, cornes occipitales des deux ventricules latéraux.

Antécédents héréditaires. Père mort à rage de soixante ans

d'une fluxion de poitrine. Pas d'alcoolisme ni de syphilis. Mère bien

portante; un frère et une soeur en bonne santé. Quatre frères et

soeurs morts en bas âge. Pas d'affection nerveuse, ni d'antécédents

rhumatismaux dans la famille et chez les collatéraux.

Antécédents personnels. M"«D... a passé une partie de son en-

fance de huit à quinze ans en pension, travaillant à obtenir son

brevet supérieur. Jusqu'à l'âge de douze ans, la malade urinait fré-

quemment au lit. Cette incontinence nocturne fit place à des ver-

tiges. Au milieu d'une conversation, d'une lecture, elle s'arrêtait

brusquement, poussait un soupir, paraissait entrer en syncope. Tous

ces accidents duraient à peine quelques secqndes, etelle reprenait

la phrase interrompue.

A quinze ans, pendant les vacances, le 21 août 1878, apparition

des règles et de la première crise.

Depuis lors, retour périodique, et régulier des menstrues, sans

la moindre interruption.

Les crises reviennent d'abord à intervalles assez éloignés, tous les

mois ou toutes les cinq semaines, de préférence la nuit.

La malade passe trois ans à la Teppe de 1879 à882 ; son état,

sans s'être amélioré, reste stationnaire.

A cette dernière date, elle rentre à l'hospice des aliénées à B...

où très affectée de sa situation, elle serait sujette à des crises très

fréquentes (sept dans une nuit). Elle présente de l'agitation, de

la fièvre et du délire. Quinze jours après, sa mère la retire de

l'asile, où son état n'avait fait qu'empirer.

Reçue à l'hospice de l'Antiquaille, dans le service des épilepti-

ques le 22 août 1882, la malade prend des crises très fortes avec

morsures de la langue, sans aura, mais fréquemment avec émis-

sion involontaire d'urine. Quelques minutes après, elle a de la

peine à rassembler ses idées et à les formuler ; à part ces phéno-

mènes, l'intelligence est nette, la mémoire fidèle.

L'appétit est bon, les fonctions de la circulation et de la res-

piration sont normales. Bourdonnements d'oreilles et surdité,

passagère. , z

Les convulsions cloniques et toniques généralisées paraissent

quelquefois plus fortes à gauche, soit aux membres, soit à la face

et aux yeux.

Au moins de février 1883, elle prend, étant à table, un accès de

délire pendant lequel elle s'écriait qu'elle voulait mourir.

Pendant son séjour à l'Antiquaille jusqu'à son entrée au..

408 RECUEIL DE FAITS.

Perron au mois de juin 1882, elle ne cesse, malgré un traitement

bromure énergique de prendre de fortes crises tous les trois,

quatre ou cinq jours, en moyenne neuf à dix par mois, et quel-

quefois trois par jour. Le traitement parlechloral n'a pas exercé

d'influence bien appréciable sur la fréquence des crises. Les injec-

tions hypodermiques répétées de morphine d'un demi à trois

centigrammes sont suivies d'amélioration.

Entrée au Perron le 5 juin 1883.

Ftat actuel. L'indice céphalique de la patiente est de 85-56.

Des crises et des vertiges se succèdent presque tous les jours.

On a noté j usqu'à 17 7 accès pendant la nuit du 13 au 44 4 juin avec

lièvre de 38° 9 à 40o 4 (température vectale).

Le 16 juin, lematin, surexcitation maniaque, crises aiguës, ré-

pétées, subintrantes, avec température de 40° 2 suivies d'une

grande prostration pendant laquelle la malade ne cesse de répéter :

« Eh bien Eh bien ! »

Au mois de juillet, état de mal pendant une semaine, avec

subdélirium etmanie religieuse. Incontinence d'urine, conscience

des vertiges, pas de trouble de sensibilité ni de plaques anesthé-

siques. Pas d'inégalité pupillaire.

L'administration de la poudre de feuilles de digitale en infusion

pendant quatre à cinq jours diminue notablement la fréquence

des crises sans modifier le tracé du pouls ou du coeur. La malade

supporte mal le bromure.

En 1884, accès de folie épileptique, gaité exagérée avec éclats

de rire et grande loquacité. Elle s'écrie souvent : où suis-je ( ? ),

est-ce que je suis folle ? Céphalalgies violentes; sensibilité cutanée

exagérée et douloureuse au contact dans les deux régions tem-

porales gauche et droite. Déviation conjuguée des yeux tantôt à

droite, tantôt à gauche. Etat de fureur épileptique.

En novembre 1884, on note : la sensibilité cutanée est intacte,

sans plaques d'anesthésie, ni d'hyperesthésie. Au coeur, les bruits

sont éclatants, pas de souffle.

Après une crise, l'urine est acide, d'un aspect louche avec léger

nuage albumineux obtenu par le procédé de Gtibler. - 13 grammes

d'urée par litre.

Au mois de juin, tuméfaction énorme de la lèvre inférieure et

et de la langue à la suite de morsures : .la malade croyait avoir

avalé un cafard et voulait l'expulser.

Le 27 du même mois, on observe en dehors de toute crise des

crampes dans les muscles des mains et une impotence fonction-

nelle du membre inférieur gauche.

Le 24 décembre : torticolis du côté gauche Le réflexe rotulien

droit est exagéré, tous les autres réflexes tendineux et cutanés

sont abolis.

RAMOLLISSEMENT DES CORNES OCCIPITALES. 409

Le 28 décembre au soir, crises épileptiques subintrantes avec

râle à grosses bulbes disséminées aux deux poumons; menace

d'asphyxie, cyanose, sudation générale et abondante, hyper-

thermie notable. Calme relatif à la suite d'une injection sous-cu-

tanéede0,01 d'apomorphine, des ventouses sèches sur la poitrine

et du chloral à l'intérieur.

Le 29 décembre au soir, reprise des crises subintrantes, nou-

velle injection de 0,01 d'apomorphine pendant la période des

convulsions toniques; deux minutes après, diminution légère des

convulsions avec nausées, mais pas de vomissements.

Quelques minutes après, les crises reviennent de plus en plus

fortes, et voici ce qu'on observe : une dilatation pupillaire

moyenne et égale des deux côtés, une température axillaire de

38° 9, un pouls lent mais régulier, 30 par minute en moyenne.

Les battements du coeur sont tumultueux, irréguliers et plus ou

moins effacés par les rhonchus bullaires de la respiration. Incon-

tinence d'urine. Sudation excessive. Pâleur et cyanose de la face.

Déviation conjuguée des yeux, tantôt à gauche, tantôt à droite.

L'examen des urines est impossible. La malade meurt dans l'as-

phyxie le 30 décembre à 3 heures du matin.

Autopsie le 31 décembre à 10 heures dumatin : .'

Cuir chevelu peu épais et se décortiquant facilement; l'épais-

seur des parois crâniennes ne dépasse pas 01 006; pas d'asymé-

trie dans la base du crâne.

Les méninges présentent une congestion veineuse intense, pas

d'épaississement, pas de fausses membranes ni d'adhérences.

La pie-mère paraît normale. Les sinus sont très engorgés.

Cerveau : L'hémisphère droit pèse 600 gr.

Plusieurs taches purpurines à la surface de la substance corti-

cale. Les circonvolutions présentent une teinte hortensia très

prononcée; elles sont volumineuses et de consistance diffluente.

Le pied de la scissure rolandique est à 0m 104 de l'extrémité an-

térieure du lobe frontal, tandis que le sommet en est à 0" 130.

L'hémisphère gauche pèse 600 gr., il présente les mêmes lésions

à sa face. Le pied du sillon de Rolando est à Oe 102 de l'extrémité

antérieure du lobe frontal, tandis que le sommet en esta Om4R5.

A la coupe pédiculo-pariétale et occipitale du cerveau, on

constate sur les deux hémisphères un ramollissement blanc,

diffluent, crémeux, puriforme de la substance blanche entourant

dans une étendue de 3 centim. les deux cornes occipitales des

ventricules latéraux.

A l'examen microscopique, on trouve des corps granuleux et des

globules adipeux en grande abondance, avec quelques rares

corps amyloïdes. Rien à noter du côté des centres gris et des

410 RECUEIL DE FAITS.

ventricules. Pas d'inégalité des cornes d'Ammon, ni atrophie ni

ramollissement.

Cervelet : Les deux lobes du cervelet pèsent séparément 45 gr.

La substance n'en parait pas ramollie. Les deux corps rhom-

boïdes présentent sensiblement le même volume. On ne remarque

pas de différence dans la répartition des deux substances blanche

et grise.

La protubérance et le bulbe n'offrent rien de particulier à noter.

Les autres viscères n'ont pas été examinés. ·

Réflexions. Nous sommes donc en présence d'une jeune

fille atteinte d'épilepsie essentielle depuis l'âge de quinze ans

à l'autopsie de laquelle nous n'avons trouvé d'autre lésion que

le ramollissement entourant les cornes occipitales des deux

ventricules latéraux. Tout le reste de la substance cérébrale, à

part une consistance un peu moindre des circonvolutions et la

présence de plusieurs taches purpurines à leur surface, parais-

sait normal à l'oeil nu.

Le ramollissement que nous avons noté ne semblait pas

plus accentué d'un côté que de l'autre bien que quelquefois les

convulsions eussent été plus fortes à gauche qu'à droite.

Observation 11. -Alile L. D..., dix-huit cens.- Epilepsie essentielle

à grandes crises. Otite scléreuse et suppurée de l'oreille

moyenne gauche. Surdité absolue du même côté. Autopsie :

ramollissement de la corne occipitale gauche. Tumeur du

cervelet.

Antécédents héréditaires. Le grand-père et la grand'mère de

la malade sont encore vivants et bien portants.

Le père a succombé à une affection pulmonaire à un âgé in-

déterminé.

Mère morte de chagrin de la perte de sa petite fille. Pas de dia-

thèse nerveuse, ni rhumatismale dans la famille.

Antécédents personnels. Jusqu'à l'âge de cinq ans, bonne

tante habituelle. A cette époque, la malade prit la rougeole et.ce

fut pendant sa convalescence que, sans cause connue, éclate la

première crise. A ce moment, se manifeste une légère surdité

à gauche.

Au début, les crises étaient plus fréquentes et plus fortes, sur-

venant environ toutes les semaines. Depuis l'âge de dix ans, leur

fréquence a diminué.

Réglée à onze ans, menstrues régulières. Le. plus souvent les

RAMOLLISSEMENT DES CORNES OCCIPITALES. 411 i

crises apparaissent au moment de la disparition du flux cata-

ménial. Variole à quatorze ans n'ayant pas réagi sur son affection.

Etat actuel. Indice céphalique 0,81. L. M... est de petite taille,

le visage large et défiguré par la variole. Hypertrophie légère du

corps thyroïde.

D'une intelligence médiocre, la malade sait à peine lire, et pré-

sente un léger embarras de la parole. Le caractère est méchant.

Actuellement, 7 août 1880, la malade n'a qu'une seule crise

par mois. L'accès est complet, précédé d'un aura consistant dans

une sensation de constriction, à l'épigastre.

Quelquefois, miction involontaire, jamais de vertiges ni d'absence.

On note dans la même année une crise d'aphonie momentanée.

A la suite de médication bromurée, cessation des crises pendant

un an (1882). En 1883, elle prend des crises tous les mois. L'exa-

men du coeur n'offre rien d'anormal. Ni sucre ni albumine dans

les urines recueillies avant et après les crises. Le 13 du mois de

novembre 1884, céphalées atroces, continues coïncidant avec l'ap-

parition des règles.

Les deux pupilles sont paresseuses. Les bruits du coeur parais-

sent normaux.-Rien aux poumons. Les urines sont normales.

Le 24 du même mois, faux besoins de défécation, moeléna et

état catarrhal. -- Pas de fièvre. Douleurs abdominales géné-

ralisées. Pas de coliques. Vomissements alimentaires. -

Les réflexes tendineux musculaires et cutanés sont abolis.

Le 12 décembre, on note de vomissements incoercibles, des

céphalées frontales et persistantes, des vertiges, de la titubation.

Rien à noter du côté de la papille à l'examen ophthalmoscopique.

- Les pupilles ne sont pas dilatées. Crampes stomacales.

Plusieurs crises épileptiques dans la journée.

Le 21 décembre, les pupilles sont dilatées. La céphalée fron-

tale est plus accentuée à gauche. Otorrhée purulente fétide de

l'oreille gauche. - Aspect blanc, grisâtre du tympan et perfora-

tion de cette membrane. La surdité est complète. Le décu-

bitus latéral droit est bien supporté par la malade. Nausées

et vomissements. L'ensemble des symptômes présenté par

la malade fait croire à une maladie de Ménière. Le sulfate

et le bromhydrate de quinine, l'aconitine les injections asep-

tiques dans l'oreille, les vésicatoires à la nuque, n'ont pas

diminué les céphalées.

Rien à noter du côté de la sensibilité cutanée et des autres

organes des sens. De temps en temps, la malade est prise d'oscilla-

tions rhythmiques antéro-postérieures de la tête, oscillations peu

accentuées et durant quelques secondes seulement et s'accompa-

gnant de rougeur et de pâleur de la face.

Le 10 janvier 1885, vers une heure du matin, la malade demande

412 RECUEIL DE FAITS.

à ce qu'on la place dans le décubitus latéral gauche et meurt

sans présenter de convulsions.

t..

Autopsie faite trente heures après la mort.

Poumons : oedème et congestion généralisée, surtout du poumon

RAMOLLISSEMENT DES CORNES OCCIPITALES. 413

droit. t. Coeur : poids 255 grammes. -Rétrécissement de l'orifice mi-

tral. Les valvules aortiques etmitrales sontamincies sur leurs bords

et présentent des perforations multiples.

La longueur du ventricule gauche mesure 7centimètres;celledu

ventricule droit, 6 centim.- La longueur de l'infundibulum pul-

monaire est de 5 centim. La circonférence de l'orifice aortique

mesure 5 centim. 7, celle de l'orifice pulmonaire, 7 centim. 5. La

capacité du ventricule droit est très petite. Tout le reste du

coeur est normal.

Pas de lésions osseuses du crâné, pas d'asymétrie. Le rocher

gauche intact.

Les méninges sont très congestionnées surtout à gauche. Pas

de fausses membranes ni d'infiltration oedémateuse.

Cerveau : Hémisphère droit : poids 580 gr. Les circonvolutions

de lobe frontal sont étalées et aplaties, elles affectent une disposi-

tion rudimentaire et présentent peu de plis de passage. Le pied de

la circonvolution frontale ascendante mesure Om018 et sa partie

moyenne On 015. Le pied de la scissure rolandique est à on 102 de

l'extrémité antérieure du lobe frontal, tandis que le sommet en

est de On 122. Rien à noter la coupe. Pas de ramollissement,

ni d'induration, ni d'atrophie de la corne d'Ammon.

Hémisphère gauche : poids 580 gr. Les circonvolutions pariétale

et frontale ascendantes sont moins aplaties que celles de l'autre

hémisphère. Le pied du sillon de Rolando est à On 097 de l'extré-

mité antérieure de lobe frontal, tandis que le sommet en est dis-

tant de On 123. Pas de ramollissement des circonvolutions. Plu-

sieurs taches couleur hortensia à leur surface.

A la coupe pédiculo-pariétale et occipitale du cerveau, on

trouve un ramollissement crémeux puriforme limité à la substance

blanche périépendymaire du prolongement postérieur du ventri-

cule latéral. Les centres gris paraissent normaux.

Pas d'épanchement dans les ventricules.

Cervelet : sur la face postéro-supérieure du lobe droite, on re-

marque une tumeur de la grosseur d'une noix et recouverte par

une mince couche de substance cérébrale. Cette tumeur forme

l'une des parois d'une cavité contenant un liquide séro-citrin,

sans odeur, à réaction acide. Le néoplasme offre un aspect lobulé.

il est transparent, gélatineux, de couleur jaunâtre, avec tous les

caractères d'un myo-sarcôrne.

Le lobe gauche du cervelet ne présente rien de particulier, Il

pèse 40 gr., tandis que le droit pèse 49 gr.

Réflexions. Deux faits principaux se dégagent de cette

observation : -Premièrement l'accentuation des convulsions du

côté droit; deuxièmement une lésion manifeste et unique de

414 RECUEIL DE FAITS.

la substance périépendymaire limitée à la corne occipitale du

ventricule latéral gauche (à droite, la substance blanche qui

entoure la corne occipitale paraît saine à l'oeil nu, sauf à con-

firmer notre assertion par l'examen histologique). Si bien

que de l'examen de ces deux faits semble ressortir d'abord

cet enseignement qu'il paraît bien exister un certain rap-

port de cause à effet entre le ramollissement de la corne

occipitale et les convulsions épileptiques.

A ces deux observations nous allons en ajouter deux autres

dues à l'obligeance de notre collègue et ami M. Peaupère, et qui

ont trait à deux individus qui pendant le cours d'une affection

cérébrale présentèrent des crises épileptiformes : là encore

nous allons retrouver la même détermination anatomo-

pathologique.

Observation III. 31.... âgé de soixante-seie, boulanger.

Hémorrhagie cérébrale. Crises épileptiformes. Autopsie :

ramollissement de la corne' occipitale du ventricule latéral droit.

Antécédents héréditaires : père mort d'une attaque d'apoplexie.

Pas d'affection nerveuse du côté de la mère.

Antécédents personnels. Le malade est père de plusieurs en-

fants chez lesquels on ne remarque rien d'anormal. Il a fait des

excès de travail dans sa jeunesse et se livrait à la boisson. Jamais

d'abus vénériens; syphilis non probable. Il a subi des pertes

d'argent à la suite des spéculations malheureuses.

En 4861, il eut la main prise sous un marteau-pilon et reçut

les soins du DeDesgranges, qui lui amputa les trois derniers doigts

de la main droite. Cette mutilation le fit admettre à l'hospice.

La santé générale antérieure était bonne. Depuis son entrée à

l'hospice, aigri par les propos de ses voisins de salle, il a vu son

caractère se modifier et devenir plus irritable au point de se croire

en butte à l'envie de tous les gens du service.

A plusieurs reprises, il fut atteint de crises caractérisées par des

convulsions cloniques généralisées sans prédominance d'un côté,

avec morsure de la langue, perte de connaissance et état soporeux

à la fin de l'accès.

Etat actuel. Perte notable de la mémoire. Pas de faiblesse

dans les membres . - Pas de trépidation plantaire. Le

réflexe rotulien parait légèrement exagéré des deux côtés. Rien

à noter du côté des poumons et des organes des sens. On

trouve à l'auscultation du coeur, les signes d'une insuffisance

mitrale. Pas de troubles de sensibilité ni de motilité.

RAMOLLISSEMENT DES CORNES OCCIPITALES. 415 5

L'état général est bon. Les urines sont normales. Le 2 janvier

1883, perte de connaissance et coma. La respiration est sterto-

reuse et les pupilles sont dilatées. On n'observe pas de relâche-

ment des sphincters.

Il meurt le soir sans présenter de convulsions.

L'autopsie a été faite le 3 janvier au matin.

Coeu ? , : il est volumineux et non hypertrophié. Il pèse 650 gr.

Plaques laiteuses sur la face antérieure et postérieure de

l'organe. Insuffisance mitrale. Sclérose cartilagineuse des

muscles papillaires du ventricule gauche. La valve interne de la

mitrale présente de légères plaques d'athérome. Ventricule

droit très diminué de volume et de capacité. Léger athérome

des artères coronaires. Toutes les autres parties du coeur sont

normales.

Cerveau : hémisphère droit pesant 620 gr. Les circonvolution

sont très volumineuses. Peu de plis de passage. '

Un vaste foyer hémorrhagique récent occupant toute la partie

supérieure des circonvolutions frontale et pariétale ascendantes.

Les noyaux gris centraux paraissent intacts.

A la coupe pédiculo-pariétale et occipitale, on observe un ra-

mollissement crémeux avec diffluence de la substance blanche

limitant l'extrémité occipitale de ventricule latéral.

Hémisphère gauche : poids; 596 gr.; sain.

Pas d'inégalité des cornes d'Ammon. -Pas de ramollissement,

ni d'induration de cette région.

Foie : infarctus cicatrisés à la surface, rien à la coupe.

Bâte : congestion et plaques cartilagineuses à sa surface.

Reins : le rein gauche présente une sclérose commençante de

la substance des pyramides et de la substance corticale; kystes

urineux nombreux à la surface. La capsule n'est pas adhérente.

Le rein droit offre une surcharge graisseuse des bassinets.

Capsule légèrement adhérente.

Poumons : congestion et oedème à la base, emphysème au

sommet. - Ganglions péribronchiques indurés.

Nombreuses plaques de sclérose sur les plèvres.

Observation IV. C..., âgé de quarante ans. Tailleur.

Onanisme invétéré. Hémiplégie gauche. -Crises épileptiformes.

Mort à la suite de crises subintrantes. Autopsie : ramollisse-

ment de la substance blanche nerveuse entourant le prolonge-

ment postérieur du ventricule latéral droit.

Père mort à soixante ans d'une pneumonie. Mère rhuma-

tisante morte à quatre-vingts ans. Il a sept enfants bien portants.

416 ' RECUEIL DE FAITS.

On ne relève dans ses antécédents ni rhumatisme, ni alcoolisme,

ni syphilis, mais seulement des habitudes invétérées d'onanisme.

Il y a trois ans, il eut une congestion cérébrale avec perte de

connaissance dont il guérit complètement. Un an plus tard, survint

une attaque apoplectiforme avec chute et perte de connaissance

qui fut suivie d'une hémiplégie gauche complète avec hyperes-

thésie du même côté.

Depuis, la sensibilité est incomplètement revenue et, actuelle-

ment encore une piqûre d'épingle est mal sentie par le malade

qui localise difficilement la douleur.

La motilité n'a pas reparu ni dans le membre supérieur, ni

dans le membre inférieur gauche. C'est à peine s'il peut cons-

tracter quelques muscles. ,

La pupille gauche est plus dilatée que la droite.

Le malade présente un trouble des sentiments affectifs. Lamé-

moire est diminuée et l'intelligence affaiblie. Il pleure facile-

ment. Les réflexes sont exagérés du côté paralysé, mais normaux

à droite. Contractures épileptoïdes des membres.-Rien au coeur,

ni aux poumons. - Depuis son entrée à l'hospice, survint chez lui

des crises épileptiformes sans cri initial, mais avec perte de con-

naissance et convulsions cloniques et toniques avec prédominance

du côté hémiplégique. Ces convulsions débutent par le côté

gauche pour se généraliser ensuite. On note chez lui une

dysurie qui, dans ces derniers temps, se convertit en incontinence

d'urine.

Depuis le mois de novembre 1884, alternatives de constipation

et de diarrhée. Le 47 janvier 1885 survint une diarrhée

rebelle qui s'arrêta brusquement quatre jours avanlle décès.

Crises subintrantes du 47 au 18 février et mort le 18 février à

8 heures du matin dans un état de prostrationcomplète.

L'autopsie est pratiquée vingt-quatre heures après le décès.

Méninges : décortication facile. OEdème de la pie-mère.

Athérome des artères de la base. -

Cerveau : l'hémisphère gauche pèse 535 gr. ; il est sain. L'hé mis-'

phère droit pèse 42a gr. Lescirconvolutionsfrontalessont étroites

et peu développées.

On trouve à la coupe un ancien foyer de ramollissement

parallèle au ventricule latéral, dont il occupe le côté inféro-externe.

Le paroi de ce ventricule est intacte dans toute son étendue, sauf

au niveau de la paitie située dans le lobe occipital où il existe en

ramollissement puriforme, ditfluent delà substance blanche ner-

veuse entourant la corne occipitale. Le foyer hémorrhagique se

prolonge dans le lobule de l'insula.

Les corps opto-striés sont également envahis par l'hémorrhagle,.

DES CORNES POSTÉRIEURES OCCIPITALES. 417

de même que la capsule interne. Les cornes d'Ammon gauche et

droite paraissent saines. Epanchement ventriculaire notable.

Cervelet : lobe gauche; poids 70 gr., intact.

Le lobe droit pèse 60 gr. et renferme un ancien foyer de ra-

mollissement. Les corps rhomboidaux ont le même volume des

deux côtés. La consistance de la substance grise et blanche est

normale. -

Le bulbe et la protubérance paraissent intacts. z

La moelle n'a pas été examinée.

Coeur : poids, 37S gr. Plaques d'athérome faisant un relief cons-

dérable dans l'intérieur de l'aorte.

Circonférence de-l'aorte : 8 centim. 2, celle de l'artère pulmo-

naire mesure cenlim. 2. La longueur du ventricule gauche me-

sure 8 centim. 7. Les coronaires sont athéromateuses et per-

méables. Toutes les autres parties du coeur sont normales.

Poumons : oedème et congestions généralisés. Emphysème aux

sommets, et adhérences des lobes inférieurs. Ancienne pleurésie

droite.

Le rein gauche est normal. Le rein droit présente quelques points

atteints de dégénérescence graisseuse.

Le foie et la vésicule pèsent ensemble 1,730 gr. Le foie est en

voie de dégénérescence graisseuse et amyloïde.

Rate normale.

Les intestins ne présentent rien de particulier à noter.

Réflexions. En résumé, voici deux nouveaux faits qui,

joints à nos premières observations, nous démontrent à n'en

pas douter l'existence d'une altération spéciale caractérisée par

un ramollissement localisé à une région déterminée et coïnci-

dant avec des crises épileptiformes répétées.-

Ce qui attire surtout l'attention c'est la localisation de ces

altérations anatomiques ou leur exagération dans l'hémisphère

cérébral opposé au côté du corps où les convulsions sont plus

marquées.

Pareille lésion ne parait pas avoir été notée encore dans une

publication connue. Nous ne la trouvons signalée ni dans les

thèses du Dr Coulbeau et du DI Cassaone, ni dans le mémoire

de Bourneville et Bricon, ni dans le livre classique de Gowers.

Le silence d'observateurs aussi compétents nous a inspiré

quelques doutes sur la valeur et la signification de cette

lésion. Nous nous sommes demandé, en effet, si nous n'étions

pas en face d'une simple désintégration cadavérique ; mais en

vain nous avons cherché cette altération dans les nouvelles

Archives, t. XI. 27

418 RECUEIL DE FAITS. CORNES POSTÉRIEURES OCCIPITALES.

autopsies de sujets morts d'affections variées que nous avons

eu à pratiquer depuis. Nos investigations furent absolument

négatives. ^ ( ' ., ... - -.

De plus si cet état crémeux, puriforme était un effet de dé-

composition post morlem pourquoi se localiserait -il dans cette

région plutôt que dans une autre ? Tout ce que nous pouvons

dire c'est que cette altération survient pendant la vie : mais est

elle primitive ? 'est-elle secondaire ? c'est ce que nous est im-

possible de déterminer. ' "v"

De même, nous sommes peu édifiés sur sa vraie signification

et sur les rapports qui peuvent exister entre elle et les marii-

festations épileptiques développées parallèlement, quelle qu'en

ait été la forme.

Les expériences pratiquées par Ferrier et Nothnagel ne ser-

vent guore'à nous éclairer. -Elles se rapportent plutôt à la

corne d'Ammon et ses connexions et aux ventricules latéraux

et nullement à celte région si reculée, si centrale que nous

avons trouvé altérée dans les autopsies que nous venons de

rapportera " " 4

Du reste, dans nos nécropsies, la corne d'Ammon a été

trouvée constamment saine, du moins à l'oeil nu, et nous

pouvons remarquer en passant, que, comme dans les cas déjà

relatés par les auteurs, cette intégrité coïncidait avec l'absence

de troubles sensitifs.

Quoi qu'il en soit, ces faits tendent évidemment à prouver

que les, théories pathogéniques actuelles voulant substituer à

l'ancienne théorie bulbaire de Schôoder van *der Kolk l'hypo-

thèse d'une excitation constante des couches corticales du cer-

veau (du lobe occipital surtout (Iloseiibacli), comme provoquant

l'épilepsie, qu'elle soit partielle ou généralisée, symptoma-

tique ou idiopathique, sont tout au moins trop exclusives.

Il existe certainement dans l'intérieur des hémisphères céré-

braux ou dans les régions bulbo-protubérantielles des points

dont l'excitation répétée peut provoquer l'attaque épileptique.

Dans nos observations, ces points, plus vulnérables sont

naturellement les régions formées de substance blanche ner-

veuse qui entourent les prolongements postérieurs des ventri-

cules latéraux.

-L'expérience démontrera plus tard s'il existe dans ces ré-

gions occipitales de véritables zones épileptoyènes, ou bien s'il

y a seulement dans cette partie de la substance blanche un

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 419

de ces foyers de résistance moindre qu'on est autorisé à sup-

poser exister chez les sujets prédisposés, et 'dont l'excitation,

plus facilement mise en jeu par les influences diverses (excita-

tions viscérales, périphériques ou même dyscrasiques) pro-

duirait à la longue l'usure, le ramollissement d'abord, plus

tard peut-être l'induration, la sclérose. -

En résumé et comme conclusion de ces différents faits,

nous pensons pouvoir admettre : - -

1" Qu'il existe un certain nombre de cas d'épilepsie essen-

tielle ou symptomatique accompagnés d'un ramollissement de

la partie sous-épendymaire des cornes occipitales des ventri-

cules latéraux;

2° Que dans ces cas les convulsions cloniques sont propor-

tionnelles à l'intensité de la lésion et toujours plus marquées

dans le côté du corps opposé à l'hémisphère cérébral plus

particulièrement atteint; , .

3° Que l'influence pathogénique de cette lésion est encore

obscure, mais qu'elle laisse supposer dans cette partie de la

substance blanche l'existence d'une zone épileptogene qu'il

appartient à l'expérience de démontrer. - '

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

t

XX. DE la valeur DE L'ÉLECl'ItICIl'li DaN3 le TRUTEMENT DE la folie;

- . par A. II. Newth. (The Journal o/'meatut SCiel2ee, Octobre 4 884) . '

Dans ce travail, l'auteur plaide la cause de l'électricité dans le

traitement des affections mentales; il retrace en quelques- tirais

)'hisLo ! iqne de la question, puis traite successivement du choix

des piles, de 'a (orme sous laquelle il convient d'employer l'élec-

tricité, de 1 ? direction que l'ou doit, suivant les rasult,Ils à

atteindre, donner au courant, etc.; enfin il engage -vivement 'ses

conifères à essayer l'emploi de ce moyen thérapeutique avec-pru-

dence, mais aussi avec confiance et persévérance. 11 est convaincu

qu'une pile appropriée, convenablement appliquée conformément

aux indications, donnera des résultats extrêmement favorables;

420 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

il ajoute qu'il n'est pas nécessaire, pour obtenir ces résultats

d'être un électro-thérapeutiste consommé; il suffit pour cela

de prendre les précautions convenables et, dans le choix des cas

et le mode d'application, de se laisser guider par le vulgaire bon

-sens. * R. 11. C.

XXI. Un cas DE tumeur endothéliale DE la DURE-MÈRE : Paralysie

générale; parT. W. MAC DOWALL. (Tlze Journal of Mental Science,

avril 1884.)

Le cas est celui d'un homme de quarante-huit ans qui avait

reçu quelques années auparavant un traumatisme violent à la tête,

traumatisme qui avait déterminé une fracture du crâne et la

perte de l'oeil droit. Le diagnostic porté à son entrée à l'asile est

celui de démence paralytique. Le malade mourut dix mois après

son entrée : à l'autopsie on note les principaux faits suivants :

cerveau difficile à enlever, à cause des adhérences qui existaient

entre la surface orbitaire des lobes frontaux etla dure-mère : à ce

niveau, on trouve une tumeur dure qui déborde de chaque côté la

crête de l'ethmoïde. Les os, quoique présentant une couleur spé-

ciale, ne sont pas atteints; mais la dure-mère, en avant de la

selle turcique, ne peut-être ni séparée ni distinguée delà tumeur.

A la surface inférieure du cerveau, on voit une tumeur qui s'é-

tend de la commissure optique au bord des lobes frontaux; elle

parait déplacer seulement les circonvolutions et intéresser princi-

palement la première frontale de chaque côté : son extrémité

postérieure touche, mais sans l'envahir, la commissure et les

nerfs optiques. Le nerf optique droit et son tractus sont très atro-

phiés. A la face supérieure du cerveau, les circonvolutions sont

aplaties, et les membranes adhèrent en plusieurs points aux tissus

sous-jacents. Une section antéro-postérieure montre que la tu-

meur occupe presque la totalité de chacun des lobes frontaux ;

elle est tellement dure qu'elle crie sous le scalpel. Elle n'est pas

entourée de tissu cérébral ramolli, et elle est presque partout

séparallle des tissus voisins. Une grande partie de la face supé-

rieure du lobe frontal gauche est molle au loucher; mais son as-

pect extérieur n'est pas modifié.

L'examen microscopique de la tumeur en a démontré la nature

manifestement cancéreuse. R. M. C.

XXII. Relation D'UNE épidémie A phénomènes HYSTÉRO-CHORÉtQUES;

.- observée A ALMN (Ardèche) en 1882; par le Dr M. 13oozuL

(Lyon méd., 1881k, t. XL VII.)

Il s'agit d'une dizaine de jeunes filles, presque toutes ouvrières

en soie et travaillant dans le même atelier, qui furent successi-

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 44-1

vement atteintes, en quelques jours, de phénomènes choériques

et de manifestations hystériques.

L'isolement, le chloral, la chloroformisation, les douches et

les bromures employés successivement ou concurremment

n'amenèrent que peu de résultats et, d'après l'auteur, la dispari-

tion de l'épidémie devrait être attribuée exclusivement à l'emploi

des injections de pilocarpine à la dose de 1 à 4 centigrammes.

G. D. -

XXIII. Epilepsie J.1CK50NIENNEDANS un cas DE LÉSION sous-corticale :

par L. Bouveret et M. EPARVIER (Lyoiz inéd., 1884, t. XLVII.)

Cette maladie a duré deux mois et son évolution comprend

quatre phases assez distinctes : la première fut caractérisée par

des crises convulsives limitées au bras droit, la deuxième par une

paralysie de ce bras, la troisième par l'apparition de crises

convulsives intenses probablement limitées aux membres droits,

et la quatrième par une hémiplégie droite totale avec production

de crises convulsives généralisées aux quatre membres et à la

face.

A l'autopsie, on trouva un vaste foyer de ramollissement dans

la région de centre ovale sous-jacente à la région corticale

motrice, composée de deux parties, d'âge différent : la partie

inférieure ancienne, était représentée par deux kystes à parois

déjà distinctes ; la partie supérieure, plus récente, n'était encore

qu'à la période de ramollissement rouge.

D'après les auteurs, c'est vraisemblablement à cette zone de

ramollissement rouge, qu'il faudrait attribuer les monoplégies

brachiales et crurales droites; tandis que les kystes plus anciens

serviraient à expliquer les secousses convulsives du bras droit.

Quant aux convulsions hémiplégiques, M. Bouveret pense qu'elles

doivent être rapportées à l'excitation des irradiations du faisceau

pyramidal au niveau du foyer de ramollissement. G. D.

XXIV. Un cas de congestion cérébrale POPLECTIRORME ou d'apoplexie

séreuse ; par Joseph Wiglesworth. (The Journnl of menlul Science.

Janvier 1883). -

Nous résumons ici les réflexions de l'auteur parce qu'elles

reproduisent tous les points importants de l'observation clinique.

La congestion cérébrale idiopathique, terminée par la mort,

est une affection très obscure, bien que décrite dans les livres clas-

siques : d'autre part on nous assure que l'apoplexie séreuse doit

être rayée de la nomenclature pathologique; et cependant chez

le malade qui fait le sujet de cette observation, et qui a succombé

à l'âge de trente-cinq ans, les symptômes observés étaient mani-

422 REVUE de pathologie NERVEUSE.

festement ceux de la compression cérébrale, et ils étaient telle-

ment marqués, ils sont survenus si rapidement qu'on' a porté en

toute confiance le diagnostic d'hémorrhagie cérébrale, probable-

ment ventriculaire. Les phénomènes observés après la mort (com-

- pression des circonvolutions les unes contre les autres, et absence

de liquide sous-arachnoidien) concordaient avec les symptômes

cliniques, et pourraient être considérés comme favorables à

l'hypothèse d'un épanchement primitif de sérosité dans les ven-

tricules, en un mot d'une apoplexie séreuse.

D'autre part les signes de congestion veineuse (faisaient tota-

lement défaut, tandis que ceux de l'hyperémie artérielle étaient

manifestes.' L'auteur inclinerait personnellement à admettre

l'hypothèse d'une hyperémie artérielle du cerveau, et à considérer

comme purement consécutif l'épanchement séreux iutra-venlri-

tuiaire ; mais quant à la cause même de l'hyperémie, il se recou-

.Hait impuissant à la préciser. '

- Un cas de ce genre doit suggérer quelques réflexions au sujet

- du diagnostic et du traitement; peut-on' en faire le diagnostic

différentiel avec l'bémorrhagie cérébrale, surtout si celle-ci est

ventriculaire ? Cela est sans doute difficile; l'auteur toutefois

insiste sur ce point que, chez son malade, la température était,

-et est demeurée, au-dessous de la normale. Quant au traite-

ment, il y aurait lieu évidemment de le modifier en présence d'un

diagnostic précis; mais l'analogie des symptômes avec ceux de

l'hémorrhagie cérébrale rend cette modification pratiquement

bien difficile. il. M. C.

XXV. 11CU0111tU.IG1E CÉRÉnEH.EUSE; ANOMALIES DES ARTÈRES CÉDÉ-

.; orales ; par JAUNIES SU.W. (The' Journal of Mental Science,

juillet 1884.)

. Femme de soixante-quatorze ans, dont les premiers troubles in-

tellectuels remontent à un an; elle est incohérente, agitée, exci-

table, bruyante, violente; elle a eu des idées de suicide; elle est

convaincue que tout le monde cherche à lui nuire et à lui faire

du mal. Entrée en août 1880, elle est prise en novembre d'une

hémiplégie droite incomplète et passagère, avec troubles du lan-

gage articulé, mais sans aphasie amnésique proprement dite. Sa

démarche est incertaine.\Un an plus tard, attaque à début brusque,

avec perte de connaissance et écume à la bouche : elle se remet

incomplètement et conserve un peu d'anesthésie du côté gauche.

Nausées et vomissements. Inégalité pupillaire (dilatation à

gauche). Puis coma et mort. - A l'autopsie, on constate de

l'alhérôme des artères cérébrales; mais, en outre, ces artères pré-

senteutles anomalies suivantes : la cérébrale postérieure droite est

fournie par la carotide interne ; du côté droit de l'artère basilaire,

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 433

après cérébelleuse supérieure droite, partent une petite branche

qui rampe autour du pédoncule, puis une petite branche commu-

niquante postérieure qui rejoint en avant la cérébrale postérieure

droite. A gauche les artères fournies par le tronc basilaire sont

normales quant à leur origine et à leur distribution. La céré-

brale postérieure droite se divise près de son origine carotidienne

en deux branches également anormales. - , ,

Le lobe droit du cervelet est de teinte foncée à sa face inférieure

et ramolli; sectionné il,laisse : voirun,caillot. pesant environ

5 gr. 4/4, évidemment frais, voisin de la surface à la partie infé-

rieure et interne, et appuyé sur la protubérance et la moelle. Le

quatrième ventricule contenait un peu de sang noir et fluide. Le

cervelet tout entier était congestionné, et la portion du lobe

droit située dans le voisinage immédiat du caillot était ramollie.

. Dans lesréllfxions qui accompagnent cette observation, l'au-

teur fait remarquer que les troubles moteurs de 1880 étaient pro-

bablement dus à une emhulie de l'une des branches artérielles qui

alimentent le lobe cérébelleux droit, ou bien à une légère hémor-

rbagie ayant intéressé 'ce lobe, et dont les traces auraient été

effacées par l'accident terminal survenu un an plus lard. Suivant

l'opinion (déduite des rapports anatomiques du cerveau avec le

cervelet et de l'ohseï vation des faits pathologiques) et qui attribue

au cercelet une action directe et non croisée, les lésions du lobe

droit s'accompagneraient de faiblesse dans les membres du

même côté. ,

Les symptômes moteurs et sensoriels étaient beaucoup plus

marqués du côté opposé à la lésion dans J'attaque terminale;

mais cela était évidemment dû à la pression exercée par un caillot

relativement volumineux sur les fibres cérébrales du côté droit de

la protubérance et de la moelle.

L'incertitude de la démarche, les nausées, les vomissements

indiquaient le siège de la lésion; enfin, après la première attaque

on a constaté (malheureusement sans pratiquer l'examen de l'o-

reille) un atlaiblissement de l'ouïe : c'est là un fait intéressant à

rapprocher de la description que Meynert a donnée de la racine

du nerf auditif, dont la plupart des fibres pénétreraient dans le

cervelet. °- - ' - IV. M. C.

XXVI. Sur LE rapport qui existe entre les phénomènes tendineux

ET la réaction dégénérative ; par E. REll.IE (Arch. f. Psych.,

XVI, 1). ). .

L'auteur passe d'abord une revue des résultats expérimentaux

relatifs à' I*élon-aliou et à la lésion des nerfs. Il en tire que toute

paralysie motrice périphérique absolue d'un nerf mixte entraî-

nera la perte des phénomènes tendineux, que la réaction dégéné-

424 REVUE DE pathologie NERVEUSE.

rative survienne ultérieurement ou non, et que^ par conséquent,

dans toute parésie les phénomènes tendineux doivent absolument

manquer, même quand il ne se développera pas de réaction dégé-

nérative partielle. Passant ensuite à ses observations person-

nelles sur les paralysies légères (Cas. I et II), il constate que les

phénomènes tendineux font défaut dans les paralysies spiuo-

périphériques absolues, légères, sans modification de l'excitabilité

électrique; dans les altérations névritiques des nerfs mixtes avec

réaction dégénérative consécutive des muscles,- même lorsqu'il

n'existe ni paralysie ni modification considérable de l'excitabilité

des nerfs; dans toutes les paralysies dégénératives graves, d'ori-

gine névritique ou poliomyélitique. Dans les cas de paralysie

grave, atrophique, à lésion intense du nerf ou de la moelle

(Cas. III), la-réaction dégénérative se transforme, lorsqu'il s'effec-

tue une guérison, en diminution de l'excitabilité redevenue nor-

male, bien avant qu'on ait à penser au retour des phénomènes

tendineux. Mais il existe des exceptions (OBs. IV et V) à la loi que

les phénomènes tendineux manquent toutes les fois que les

muscles où on les provoque présentent la réaction dégénérative

et même alors que la réaction dégénérative a rétrocédé; peut-

être faut-il chercher dans ce contraste un élément de diagnostic

en faveur d'une lésion centrale.

' Conclusions générales. l- L'exagération des phénomènes tendineux,

et en particulier du phénomène du pied, ne peut se produire de concert

avec la réaction dégénérative du système musculaire correspondant que

dans le cas de lésion spinale, et, avant tout, comme nous l'avons cons-

taté, dans le cas de sclérose latérale amyotrophique. 2- La persis-

tance des phénomènes tendineux, malgré l'existence d'une réaction dégé-

iiérative partielle très nette du système musculaire correspondant, ne se

montre très probablement que dans les paralysies spinales atrophiques

(poliomyélite antérieure). 3" L'absence des phénomènes tendineux

constitue la règle : a, dans toutes les paralysies flasques graves amyotio-

phiques (à suppression de l'excitabilité nerveuse), d'origine spinale

(poliomyélite) ou périphérique (névrite) ; cette absence survit, dans le cas

de retour à la normale, longtemps à la réaction dégénérative galvano-

musculaire ; b, dans la névrite dégénérative la plus légère, primitivement

périphérique, des troncs nerveux mixtes, peut-être même sans paralysie;

c, dans la paralysie périphérique absolue, et peut-être aussi dans la para-

lysie centrale, mais sans réaction dégénérative subsidiaire. P. K.

XXVII. Sur la valeur DE l'examen ÉLECTRO-DIAGNOSTIQUE DU champ

visuel, signalé par Engelskjoen; par E. KoNRAD et J. WaGNER.

(Arch. f. Psych., XVI, 4).

Contrôle critique du mémoire d'Engelskjoen, à la lumière

-de sept observations (hystéro-épilepsie, hémi-cranie, épilepsie)

et de l'examen de Wagner lui-même. (Obs. VIII). Evidem-

REVUE DE pathologie, nerveuse. 425

ment, après l'électrisation, le champ visuel's'augmente et se

rétrécit, mais on observe les mêmes phénomènes, en dehors de

toute électrisation, à des intervalles de recherches périmétriques

répétées. Et, quand on compare les indications campimétiques

des segments supérieur et inférieur avant et après l'électrisation,

la constance des résultats est en faveur du secteur inférieur parce

qu'involontairement on modifie par le bord palpébral plus ou

moins contracté la limite du secteur supérieur. En supposant

même que les muscles palpébraux échappent complètement à

l'action volontaire, le courant agit sur l'innervation de ces

muscles. Or, les examens d'Engelskjoen se rattachent surtout au

segment supérieur du champ visuel. Il faut donc cesser d'attri-

buer les modifications du champ visuel en question aune action

que le courant exercerait sur le centre du bulbe et d'attribuer à

l'un des genres de courants une valeur spécifique quelconque.

L'excitation purement périphérique de la peau d'un sujet sain

(extenseurs et fléchisseurs du bras) entraîne, elle aussi, une modi-

fication du champ visuel. Etau surplus, l'électrisation de la moelle

allongée peut bien agir par action réflexe. En résumé :

L'innervation des paupières pendant la fixation du regard varie à

divers moments, la largeur de la fente palpébrale varie involontaire-

ment, par conséquent on ne saurait faire cas de quelques degrés ou centi-

mètres dans l'amplitude énorme d'un champ usuel; le maintien de la

tête exerce aussi une influence et il peut varier dans les divers examens

périmétriques.

L'examen électrodiagnostiquedu champ visuel ne saurait servir

de norme pour choisir, dans les névroses centrales, le genre de

courants à employer. P. K.

XXVIII. SUR UN cas DE DESTRUCTION DU LOBE temporal gauche par UN

NÉOPLASME SANS APHASIE, CHEZ UN GAUCHER; par C. ŸESTPHAL

(Séparât abdruckans de)' Berlilt. E7j ? IVocheîischi ? no 49, 1884).

Tout l'intérêt de cette observation git précisément dans l'habi-

tude du malade de se servir de la main gauche, habitude qui en

faisait un droitier du cerveau. C'est pourquoi la lésion siégeant à

gauche ne détermina pas des symptômes; elle en eût provoqué, si

elle eût siégé à droite. P. K.

XXIX. LE mode d'action thérapeutique dissemblable DES DEUX sortes

DE COURANTS ÉLECTRIQUES ET L'EXAMEN ÉLECTRO-DIAGNOSTIQUE DU

champ visuel; par C. Engelsksjoen (Arch. f. Psych., XVI, 1).

Seconde partie du mémoire '. Développement atténué de la

1 Voy. drchives de Neurologie, t. X, p. 104 et 425.

426 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

théorie déjà exposée en détail (22 observations). Le fonds de : la

doctrine est à peu près le' même, mais l'auteur insiste sur la dif-

férence qui existerait, d'après lui, entre l'électrisation centrale et

l'électrisation périphérique de la peau. Il met en relief les effets

curatifs réflexes des deux sortes de courants qui agiraient par

excitation simple et par action réflexe spécifique. Toutes deux

seraient capables d'exercer une action excitante semblable alors

que chacun aurait une action spécifique opposée à celle de l'autre

(action des ganglions dans les névroses viscérales). L'excitation

directe parles courants des ganglions vaso-moteurs et, par suite,

le choix du genre des courants basé sur cette excitation, cède la

place à l'action curatrice réflexe (par excitation périphérique).

L'auteur avoue que le choix du genre de courants en un cas donné

est loin d'être toujours aussi facile. P. K.

UV cas D'ANGIOS\RCOME central DE la moelle ; par G. GLASER.

(Arch. f. Psych., XVI, 1).

Femme de quarante-deux ans sans tare héréditaire d'aucune

sorte ; chagrins, soucis, misère, sept accouchements coup sur

coup. Plusieurs avortements. Pendant la dernière grossesse, il y

a deux ans,coliques avec irradiations lancinantes dans les jambes

s'aggravant vers la fin de la gestation; pendant la puerpéralilé,

paré.-ie des extrémités infétieures. Quelques semaines plus lard,

amélioration suivie d'aggravation , troubles de coordination ,

alaxie. signe de Romberg. Finalement, démarche spasmodique

avec paresthésies, et disparition de la sensibilité, incontinence de

l'urine' goutte à goutte, constipation, typémanioavec tentative de

suicide. Puis amélioration passagère terminée par une exaceiba-

tion : douleurs dans les membres, paresthésies, exagération des

réflexes tendineux , immobilité pupillaire, atrophie musculaire et

cutanée, cv-tite, in-omnie, accidents du décubitus; mort. Au-

topsie. Congestion, état trouble et adhérences en dedans et en

dehors de la dur"-mère spinale, fluctuante en différents points,

notamment à la région cervicale; dans les poches ou tiouve une

substance à demi coagulée grai-seuo qui s'échappe avec des lam-

beaux membraneux et des grains blanchâtres du volume d'un

grain de mil. La moelle est, par places, parsemée d'une matière

molle et graisseuse; ailleurs, elle est criblée de cavités sises au sein

des cordons de Gott avec vascularisation anormale, petites hé-

morrhagies, zones transparentes grises : le centre de l'organe est

occupé par un néoplasme caverneux qui en prend toute la lon-

gueur ; il émane de la substance grise, comprime la substance

nerveuse et la transforme ça et là en kystes. Deux planches à

l'appui. P. K.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

XI. Un cas DE perversion sexuelle chez un homme; par G.-H.

; SAVAGE. (The Journal o/'J7Mht< Science, octobre 1884.)

' L'observation peut se résumer ainsi :

Homme de vingt-huit ans : père violent et excitable, un frère

bizarre, un autre frère ivrogne : ce malade, anémique et impres-

sionnable, commence son récit en disant que ce qu'il a de mieux

à faire c'est de se tuer, car son état est tellement anlinaturel que

son désir serait d'être mort pour ne pas faire honte à sa famille.

Il est actif, travailleur, et gagne largement sa vie en voyageant

pour une maison étrangère : il vit à l'écart de toute société et de

tout amusement. Il répète fréquemment, en y mettant quelque

amour-propre, qu'il est chrétien pratiquant : son seul plaisir est

la musique, à laquelle il a renoncé pour ne pa; aller dans le

monde, ou il rencontrait d'autres hommes. Il se masturbe depuis

l'âge de onze ans : il n'a jamais eu de rapports sexuels; les femmes

ne lui inspirent (et autant du moins qu'il peut se souvenir, ne lui

ont jamais inspiré) aucun désir. Il a manifesté ses sentiments à

son patron, qu'il a voulu embrasser; celui-ci l'a menacé de le

congédier. Eu Amérique, où les hommes sont de taille moyenne,

il ne souffrait pas trop; mais il n'en est pas de même en Angle-

terre, où il rencontre fréquemment des hommes de haute taille,

en présence desquels il a des érections suivies d'ejaculaliou s'il ne

se soustrait pas à leur présence.

Il n'y a ni tremblement ni perle de mémoire; les sens paraissent

normaux à tous égards; la faculté de raisonner est absolument

intacte.

M. Savage lui a donné des conseils appropriés à son état; mais

il n'a eu depuis aucune nouvelle de ce malade. H. M. C.

XII. DE l'alimentation ET DE L%-MIDICATIOiN par le rictum; par

1V.-Juliu Mickle. (The Journal of Mental Science, avril 1881.)

L'auteur ne se fait pa', dans son mémoire, l'avocat de l'alimen-

tation par le rectum; il veut, au contraire, que l'on n'ait recours

à la voie rectale que dans les cas exceptionnels où cette voie est

la seule,qui reste ouverte à la nutrition. Il mdiquejes cas où l'on

est réduit à ce moyen de conserver la vie, énumère les procèdes

428 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

généralement en usage et signale ceux qui lui ont paru particu-

lièrement avantageux.

La médication rectale est d'un usage plus fréquent que'l'ali-

mentation rectale, puisqu'il suffit que les voies ordinaires soient

très passagèrement interdites pour qu'on soit obligé d'y recourir;

à propos de cette médication, M. Mickle signale quelques points

de pratique intéressants : c'est ainsi que dans les convulsions

épileptiformes, il a réussi à diminuer la tendance convulsive par

l'emploi régulier et fréquent de lavements simples ou laxatifs.

Contre ces mêmes convulsions, il a employé avec succès, pour les

juguler ou les prévenir, les lavements de chloral (I gr. 80 à

2 grammes dans une petite quantité de véhicule) : toutefois il

convient, après l'administration de ce lavement, et surtout si l'on

est ou si l'on a été obligé de le renouveler, de surveiller le pouls

et le coeur, et, si on les voit s'affaiblir, d'administrer des stimu-

lants diffusibles. Enfin, l'auteur rapporte plusieurs cas de collapsus

dans lesquels l'administration de lavements d'eau-de-vie a donné

d'excellents et très rapides résultais. R. M. C.

XIII. SUR les recherches anatomo-pathologiques dans LES asiles

d'aliénés; par James AD m. (The Journal of Mental Science, oc-

tobre 1884.)

L'auteur de ce mémoire se demande si l'on tire dans les asiles

d'aliénés un parti satisfaisant des ressources que ces établisse-

ments offrent aux recherches anatomo-pathologiques, et si les

résultats fournis par ces recherches sont présentés au public sous

la forme la plus instructive que l'on puisse souhaiter. Il pense que

dans la majorité des asiles les recherches d'anatomie patholo-

gique sont faites avec soin, mais que les résultats obtenus demeu-

rent trop souvent consignés pour toujours dans le registre

d'autopsie d'où ils ne sortent plus, et où ils ne sont même pas

suffisamment consultés. Il serait à souhaiter qu'ils fussent publiés

d'une façon collective, et peut-être alors la forme tabulaire serait-

elle celle qui serait particulièrement instructive et avantageuse

aux travailleurs : tel est le résumé des idées principales de ce

mémoire où plusieurs autres questions de détail sont traitées

incidemment'. R. n1. C.

XIV. Les affections utérines ET la folie; par Joseph WiGLESWORTH.

(The Journal of Mental Science, janvier 1885.)

Nous ne pouvons reproduire ici que les conclusions de ce très

intéressant travail :

« La conclusion générale que l'on parait pouvoir déduire des

i Nous ne saurions trop appeler l'attention des médecins des asiles

français sur les réflexions du médecin anglais (B.).

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 429

» faits rapportés dans ce travail, c'est que les états anormaux

« de l'utérus sont beaucoup plus fréquents chez les aliénés qu'on

« ne le suppose communément. Bien que je ne puisse citer aucun

« cas où le diagnostic et le traitement d'une affection utérine

« aient eu, pour conséquence, la guérison de l'affection mentale,

« je pense que l'on n'en sera pas étonné si l'on songe que le

« nombre des cas récents de folie que j'ai pu étudier a été beau-

« coup moindre que je ne l'aurais souhaité; or, il est bien évident

« que c'est seulement dans les cas récents que l'on peut espérer

« des succès de ce genre. Toutefois, parmi les cas mentionnés

« dans les tableaux ou commentés dans le texte de ce mémoire,

« plusieurs sont, je crois, très suggestifs. Il m'est impossible de

« ne pas admettre, comme très probable, qu'il doit se présenter

« des cas dans lesquels, faute d'avoir reconnu une affection uté-

« rine, on laisse passer à l'état incurable une affection primiti-

« vement curable grossissant ainsi le nombre déjà considérable

« de la population permanente des asiles. Le seul moyen d'éviter

« ce risque consiste à avoir plus fréquemment recours à l'explo-

« ration utérine au moment de l'entrée des malades; et j'incline

« fortement à penser que si ce point de pathologie attirait plus

« qu'il ne le fait, je crois, actuellement l'attention des aliénistes,

« on pourrait retirer d'une pareille étude des résultats d'une

« réelle valeur pratique. » R. M. C.

XV. UN CAS ATTRIBUÉ A LA MANIE AIGUË, TERMINÉ PAR LA MORT APRÈS

une série d'attaques PILEI'TIFORfES par W. E. R : 1'JiSDEN VVOOD.

(The Journal of Mental Science. Octobre 1881).

Il s'agit d'un homme de trente-huit ans, chez lequel, pendant

toute la durée de sa maladie, on n'avait constaté d'autres symp-

tOmes que ceux de la manie aiguë, en sorte que c'est à peine si

l'on avait pensé à la possibilité de la paralysie générale : toutefois

la succession des convulsions épileptiformes qui ont rapidement

amené la mort et les constatations faites à l'autopsie ne permet-

tent de rattacher ce cas à aucune autre catégorie pathologique

qu'à la paralysie générale.

L'auteur fait remarquer à ce propos combien il est important

dans un asile défaire toutes les autopsies : dans ce cas particulier

par exemple, il est très évident que pour les enfants du malade

les risques d'hérédité sont, en présence d'une paralysie générale,

bien moindres qu'ils ne l'eussent été s'il se fût agi d'un accès de

manie aiguë terminé promptement par la mort. R. M. C.

XVI. UN cas DE FOLIE consécutive A UN traumatisme DE la 1tète;

par H. RAYNER. (The Journal of mental Science. Octobre t8SH.

Homme de vingt-six ans, voyageur de commerce, bien consti-

430 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

tué, mais forcé par sa profession à un usage peu modéré des sti-

mulants alcooliques; a fait il y trois semaines, élant en élat

d'ivresse, une chute de voiture, qui a déterminé une plaie siégeant

à droite à un pouce de la protubérance occipitale. Il est resté

21 heures sans connaissance, et pendant ce temps a eu trois

« attaques a, a mordu sa langue et.a présenté des phénomènes

convulsifs bien accentués; le lendemain, douleurs dans toute la

tête, idées délirantes, agitation, qui motivent son admission à

l'asile. Au moment de l'entrée, pupilles légèrement inégales (dila-

tation à droite); tremblement et légère .incoordination dans les

muscles de la face : l'aspect du malade suggérerait l'idée d'une

paralysie générale, mais il n'y a aucun affaiblissement mental et

l'exaltation a disparu. 11 y a de la céphalalgie et de l'insomnie,

qui disparaissent graduellement, mais se reproduisent sous l'in-

tluence de la moindre fatigue. Après deux mois de séjour à l'asile,

il sort guéri. Il. 11. C.

XVII. Quatre cas DE MÉHXCOUEDANS une seule famille; par Joseph

Wiglesworth. (T/te Journal of Mental Science. Jamier 1885).

Considérés isolément, ces cas qui ne s'écartent pas du type

classique de la mélancolie, ne présenteraient pas grand in-

térêt, mais leur réunion dans une seule famille, surtout en l'ab-

sence d'antécédents héréditaires, est assurément un fait rare. La

mère à la vérité est morte d'une affection cérébrale, mais qui

parait avoir été d'un caractère accidentel, et ne s'être accompa-

gnée d'aucun trouble intellectuel : elle a eu six enfants; quatre,

(ce sont les quatre soeurs qui font l'objet de ce mémoire) ont été

atteintes de mélancolie, et deux d'entre elles se sont suicidées;

des deux autres, l'un, le fils aîné a présenté des signes de dépres-

sion mentale que l'auteur incline fort à considérer comme patho-

logiques, et l'autre a seul échappé aux troubles intellectuels.

. R. M. Ç.

XVIII. Discours présidentiel prononcé A la séance annuelle DE

l'association médico-psychologique. (Juillet 1884); par Il. Rayner :

(Tlae Journul of Mental Science. Octobl e -1881). -

Dans ce discours important, AI. Rayner a envisagé l'avenir de

l'aliénation mentale au triple point de vue de la législation, de

l'accroi-sement du nombre des malades et du perfectionnement

des moyens propln lactiques et curatil's. Un pareil sujet forçait

l'orateur à toucher successivement à bien des points différents;

aussi n'eL-11 guère possible d'analyser ce discours rempli de don-

nées utiles, défaits intéressants et de suggestions heureu-es, telles

que sa grande compétence pouvait les suggérer à l'auteur. " '

, Zl R. M. C.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 431

XIX. Remarques sur QUELQUES points secondaires DE l'administra-

TION des asiles; par J.-A. Campbell. (The Journal of Mental

Science, octobre 1883.) , .

-L'auteur, pensant avec raison que le directeur d'un asile d'a-

liéner ne doit pas imiter le préteur romain, qui se désintéressait

des petites chose=, signale à ses confrères quelques dispositions

d'ordre secondaire dont l'adoption lui parait avantageuse. Après

avoir examiné la question du travail des aliénés, travail qui doit

être approprié à leurs aptitudes physiques et professionnelles, il

passe eu revue les points suivants : fiches d'admission, listes des

malades qui vont au travail (avec indication de ceux qui ont des

tendances à l'évasion ou au suicide), instructions spéciales aux

fonctionnaires de l'asile, ordres aux surveillants de qualtier (ces

ordres devraient être quotidiennement inscrits sur un cahier que

les surveillant aurait entre les mains durant la visite '), régime,

habillement des malades, chaussure, dispositions spéciales rela-

tives à la construction des water-closets. aux lavabos, aux salles

de bains. En somme, les directeurs d'asiles peuvent trouver dans

ce travail, à côté de conseils généralement déjà suivis, quelques

suggestions utiles. R. M. C.

XX. Sur L\ pathologie DE certains cas DE « 21EL : INCFIOL1.1ATT0NITAu »

ou démence aiguë; par J. V1GLESWOILTII. (Tiee JULlrJ2C11 Of llle72ta1

Science, octobre 1883.)

o

En se basant sur l'analyse élémentaire de la fonction nerveuse

et spécialement sur les phénomènes de contiôle et d'inhibition

qui s'exercent de la part des centres les plus élevés sur les confies

intérieurs plus nombreux, en étudiant d'autre part avec soin

deux cas de démence aiguë qui se sont terminés par la mort, et

dont il relate l'observation détaillée et suivie d'autopsie, l'auteur

a été amené a formuler les conclusions suivantes :

- 1" De l'ensemble mal défini des cas que l'on désigne habituelle-

ment sous le nom de mélancolie, de mélanchoha atluuita », de

démence aiguë, il convient de distraire un groupe qui constitue

une entité clinique et pathologique bien définie.

2° Ce groupe est caractérisé cliniquement par l'association d'un

degré plus ou moins marqué d'absorption en soi (self-u6sory7tion)

aboutissant à la vacuité mentale, avec une affection bien définie

du système musculaire constituée par des tremblements museu-

lahes ou la rigidité des muscles.

3u La base pathologique de ce groupe est constituée par une

1 C'est ce qui se pratique dans notre service à Bicêtre (B.).

432 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

affection inflammatoire primitive des cellules nerveuses, laquelle

est surtout accusée dans les cellules dites motrices, où elle prend

peut-être naissance, mais hors du territoire desquelles elle montre

une tendance bien nette à s'étendre.

- En terminant ce travail très intéressant et très digne d'une

lecture attentive, l'auteur exprime la pensée que le groupe de la

mélancolie, de la démence aiguë est un groupe peu homogène,

dans lequel on a fait entrer des affections très différentes : il s'est

proposé dans ce mémoire de définir l'un des groupes secondaires

qui contribuent à former un grand groupe artificiel et confus; il

ne se dissimule pas d'ailleurs que ses inductions sont actuelle-

ment basées sur un trop petit nombre de cas pour devenir défini-

tivement valables; mais la terminaison parla mort est assez rare

dans les cas de ce genre pour qu'il ait cru intéressant de relater,

sans plus tarder, ces deux observations suivies de mort et d'au-

topsie, et pour tenter d'en tirer lesconclusions qu'elles paraissent

comporter. R. M. C.

XXI. Observations cliniques sur LE sang des aliénés ; par S. Ru-

THERFORD A1.4CPII : 11L. (The Journal of Mental Science, octobre 4884

et janvier 1885.) .

L'auteur croit pouvoir déduire de ses recherches les conclusions

suivantes que nous reproduisons intégralement :

« 1°Bien qu'il ne soit pas démontré que l'anémie soit par elle-

« même une cause de folie, il n'en est pas moins vrai que l'état ané-

« mique du sang est incontestablement, dans un grand nombre de

« cas, intimement lié aux maladies mentales.

« 2° Le sang, chez les déments des asiles contient une quantité

« d'hémoglobine et d'hémacytes inférieure à la normale, et cette

K détérioration augmente avec l'âge.

«3° Le sang chez les malades connus pour se livrer à la masturba-

M tion subit une détérioration marquée.

« 4° Le sang est au-dessous de la normale dans la paralysie gé-

« nérale, et cette infériorité est plus marquée à la période active

« et à la période de paralysie complète de la maladie que durant

« les périodes intermédiaires d'inactivité et de calme.

« 50 On constate bien chez les épileptiques une altération delà

« qualité du sang; mais cette infériorité n'est pas aussi marquée

« que chez les déments du même âge.

« 6° L'emploi prolongé et continu du bromure de potassium n'al-

« tère pas la qualilé du sang-

« î° L'agitation prolongée a sur la qualité du sang une influence

« détériorante.

« 8° Chez la moyenne des malades, au moment de leur admis-

'. sion, le sang est considérablement au-dessous de la normale.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 433

« 9° Chez les malades qui guérissent, la qualité du sang se mo-

« difie dans un sens favorable pendant le séjour à l'asile, et à

« leur sortie, le sang n'est plus que très légèrement inférieur à la

« normale.

« 10o Il paraît y avoir une relation étroite entre l'augmentation

« du poids du corps, l'amélioration de la qualité du sang et la

« guérison mentale.

« 110 11 y a, dans tous les cas, une amélioration bien nette

« dans l'état du sang, pendant la convalescence mentale, mais

« cette amélioration est à la fois plus marquée et plus rapide chez

« les malades qui ont suivi un traitement tonique.

« 4 20 Les quatre médicaments toniques, qui, isolés ou combinés,

« se sont montrés les plus utiles pour ramener le sang à sa qualité

« normale, peuvent être classés dans l'ordre suivant qui est celui

« de leur efficacité : a) fer, quinine et strychnine ; b) fer et qui-

« nine; c)fer seul; d) extrait de malt.

« 430. Dans les cas observés, l'arsenic s'est montré peu utile

« comme tonique du sang; ni la quassia, ni l'huile de foie de

« morue n'ont donné de résultats satisfaisants.

« 14° Le rapport étroit qui existe entre l'amélioration de la

«qualité du sang, l'augmentation du poids du corps et la gué-

« rison mentale, les conditions opposées que l'on observe dans les

« cas de démence incurable et persistante, l'amélioration marquée

« que l'on obtient au moyen de certains agents médicamenteux,

« sont autant de raisons qui démontrent qu'il y a là pour la cli-

« nique, surtout au point de vue du traitement curatif de l'alié-

« nation mentale, une voie de recherches qui n'a pas, jusqu'ici,

« suffisamment attiré l'attention. » R. M. C.

XXII. Précautions contre L'INCENDIE dans LES asiles d'aliénés ;

par James IIONDEN. (The Journal of Mental Science, avril 1884.) z

L'auteur expose tous les dangers qui peuvent résulter d'un

incendie survenant dans un asile d'aliénés; il insiste particulière-'

ment sur la nécessité de ménager dans les asiles des prises d'eau

suffisantes pour permettre d'éteindre un commencement d'in-

cendie, de disposer ces prises d'eau de façon qu'elles soient tou-

jours aisément accessibles, d'organiser dans chaque asile une

escouade d'hommes pour le service des incendies, d'exercer ces

hommes et de vérifier l'état du matériel au moins une fois par

mois; enfin il indique quelques dispositions intérieures permet-

tant la rapide évacuation des malades en cas de danger. - -

R. M. C. '

Archives, t. XI. 28

434 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

XXIII. Recherches SUR la valeur qu'il CONVIENT d'accorder aux

DIVERS TAUX DE GUÉRISONS DES DIFFÉRENTS ASILES, CONSIDÉRÉS

comme preuves DE leur efficacité ; par T.-A. CHAPMAN (The Jour-

2zal of Mental Science, juillet 1884).

L'auteur se basant sur les relevés fournis par les asiles d'aliénés

d'Angleterre, et après les avoir étudiés et compulsés avec soin, a

élé amené à formuler les conclusions suivantes :

1° Le taux brut des guérisons ne saurait donner la mesure

de l'efficacité d'un asile, et cela par les raisons suivantes :

2° Le taux brut des guérisons est dans un rapport direct avec

la proportion, constatée dans les admissions : 4° des malades qui

sont atteints d'aliénation mentale pour la première fois, et chez

lesquels le début de la maladie ne remonte pas à plus de trois

mois ; 2° des malades qui ont déjà eu un ou plusieurs accès

d'aliénation et chez lesquels le début de la maladie remonte à

plus d'un an. '

3° Les guérisons portant sur la première de ces deux catégories

de malades, sont directement en rapport avec la curabilité des

cas qui y figurent.

4° Ces résultats, bien que basés sur une analyse très générale

des faits observés, bien que défigurés dans une certaine mesure

par certaines erreurs de chiffre évidentes et par la probabilité

tout au moins d'autres erreurs semblables et nombreuses, ces

résultats, disons-nous, rendent compte dans une si large mesure

des variations observées dans le taux brut des guérisons, qu'une

analyse très complète permettrait seule d'expliquer les variations

d'une façon satisfaisante.

5° 11 résulte de l'examen des relevés, une présomption très

appréciable (mais n'allant nullement, cependant, jusqu'à la

preuve ou à la démonstration) contre l'efficacité des grands

asiles.

6° S'il n'y a pas, au point de vue des différentes catégories de

malades en traitement, d'uniformité complète entre les résultats

obtenus dans les divers asiles, ces résultats sont du moins beau-

coup plus voisins de cette uniformité que les relevés de guérison

habituellement cités ne tendraient à le faire croire. R. M. C.

XXIV. SUR QUELQUES rapports du DELIRIUM TRE61ENS avec la folie ;

parG.-H. S.1VAGE. (TILC Joztrrzal of AIz2Ltul ScieILCe, janvier 1885).

L'auteur se demande d'abord si le delirium tremens est plus

fréquent chez les sujets névropathes que chez les personnes

exemptes de toute prédisposition nerveuse, et il croit que la ré-

ponse a cette question doit être affirmative. Il recherche ensuite

si la tendance névropathique exerce une influence appréciable

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 435

sur la forme, la durée ou les conséquences du delirium tremens ;

et il arrive à la conclusion que le delirium tremens ou les trou-

bles mentaux analogues sont plus aisément provoqués, soit chez

les sujets à hérédité nerveuse, soit chez ceux qui sont devenus

nerveux par une cause ou par une autre, que chez les personnes

qui sont à l'abri de ces motifs d'instabilité mentale. Chez les

sujets nerveux, le delirium tremens peut ou suivre sa marche

ordinaire ou changer rapidement de caractère, et prendre les

allures, soit de la mélancolie, soit, plus fréquemment de la ma-

nie aiguë; celle-ci, en pareil cas, se rapproche souvent par la

nature du délire, de la période initiale de la paralysie générale.

La durée de l'accès de manie peut être plus ou moins longue. Le

danger consiste alors à méconnaître la nature de ces symptômes

et à laisser l'excitation épuiser le malade, et le conduire à la

mort. Quelquefois le sujet refuse de manger ; il faut recourir sans

hésitation à l'alimentation forcée. Une fois le delirium tremens

passé, la période de dépression est quelquefois extrêmement

accusée ; elle peut s'accompagner d'idées de suicide et t d'homicide,

ou de persécution nécessitant une surveillance rigoureuse et un

traitement actif.

Lorsqu'ils se répètent, les accès de delirium tremens déter-

minent une instabilité mentale très favorable au développement

de la folie avec hallucinations. R. M. C.

XXV. Note SUR UN cas DE maladie D'ADMSON associée A la FOLIE;

par S. RUTHERFORD Macphail. (The Journal of Mental Science,

janvier 1885.)

Cette observation rapportée avec détail, est celle d'un aliéné

de 42 ans, chez lequel on notait en même temps que des trouble^

cérébraux, les signes parfaitement caractérisés de la maladie

d'Addison. Le malade a succombé et son autopsie est soigneuse-

ment relatée.

L'auteur lui-même est d'avis qu'il ne faut voir chez cet homme,

entre la folie et la maladie d'Addison, d'autre relation qu'un

rapport de coïncidence ; toutefois il croit que cette coïncidence

n'avait, jusqu'ici, jamais été observée. R. ill. C.

XXVI. Folie CHEZ LES jumelles : deux jumelles atteintes DE MÊLANCO-

LIE; par A.-F. Mickle. (The Journal of Mental Science, avril 1884.)

L'auteur rapporte dans ce travail l'observation de deux jumelles

qui présentent une ressemblance frappante, non seulement dans

les traits du visage mais dans les manières, le son de voix et la

façon de s'exprimer; leurs occupations différentes les ont sépa-

rées ; l'une d'elles, même, après son mariage est partie pour

436 REVUE DE PALIIOLOGIE MENTALE.

l'Amérique; toutes deux sont actuellement aliénées et présentent

la même forme d'aliénation : elles sont toutes deux mélanco-

liques, croient toutes deux avoir perdu leur âme et s'expliquent

dans des termes identiques; toutes deux se déclarent indignes de

vivre et ont une tendance très marquée au suicide. La double

observation des deux soeurs est relatée avec détail. R. M. C.

XXVII. Cas DE MEURTRE durant UN accès DE FOLIE temporaire provo-

QUÉ PAR DES EXCÈS DE BOISSON. EpILEPSIE zizi) ACQUITTEMENT POUR

cause DE folie; par D. YELLOWLRES. (The Journal of Mental Science,

octobre 1883.)

Il s'agit d'un soldat qui, rentré d'Egypte le 28 décembre 1882,

commit, durant deux jours, de glands excès de boisson : trouvé

ivre mort sur la voie publique, il fut conduit au poste de police et

mis dans une cellule qu'occupait déjà un autre ivrogne, et qu'une

ronde visitait toutes les demi-heures : à 10 h. 45, les deux pri-

sonniers dormaient lourdement; à la ronde suivante, à 11 h. 10,

le premier occupant fut trouvé couvert de sang : le soldat l'avait

tué à coups de pied; très calme, les bras croisés, couvert de sang,

il répondit dans deux interrogatoires successifs qu'il ne savait pas

comment cela était arrivé. Le médecin de la police, qui l'exa-

mina sur le champ, constata qu'il ne présentait pas l'aspect d'un

homme ivre, mais qu'il paraissait égaré, et exprima l'avis qu'il

était, lors du meurtre, sous le coup d'un accès de folie temporaire;

depuis ce moment, on n'a noté aucun trouble mental. D'autre

part, il résulte de l'enquête faite ultérieurement que le meurtrier

avait une intelligence inférieure à la moyenne, qu'il avait pris

des habitudes alcooliques depuis son entrée au service, que même

avant d'avoir contracté ces habitudes, il était sujet à des éblouis-

sements et des étourdissements suivis de céphalalgies vio-

lentes, qu'il urinait quelquefois involontairement dans son lit

quand il avait bu, et même alors qu'il était sobre; un camarade,

qu'on n'a pu retrouver, aurait observé chez lui une attaque con-

vulsive. Ivre, il était tellement violent qu'il fallait l'attacher; il

commit, dans cet état, une tentative de suicide dont il ne se

souvenait aucunement le lendemain. Une autre fois, il se jeta à

l'eau du haut d'un pont, parce que, étant ivre, il rentrait en

retard à la caserne; il ne s'est pas non plus souvenu de ce fait le

lendemain. Même oubli au sujet de coups de bâton donnés à une

femme qu'il ne connaissait pas, et qui lui valurent trente jours

de prison. Enfin, il déclare ne se souvenir aucunement du meurtre

pour lequel il est actuellement poursuivi.

Conformément aux conclusions des experts, le soldat a été

acquitté comme ayant agi sous l'empire d'un accès de folie.

Ce résultat était à peu près inévitable au point de vue judi-

REVUE DÉ PATHOLOGIE MENTALE. 437

ciaire ; mais on peut se demander s'il s'agissait là d'un délire

d'origine exclusivement alcoolique; plusieurs des faits recueillis

dans l'enquête attirent l'attention vers l'épilepsie; et, s'il s'agis-

sait réellement d'une attaque épileplique, ajoute l'auteur en

terminant, il serait intéressant de savoir « que la convulsion épi-

leptique alcoolique peut être remplacée par une explosion de

violence, tout comme l'épilepsie ordinaire peut quelquefois revêtir

la forme de l'excitation mentale au lieu de se traduire par une

convulsion physique. a R. M. C.

XXVIII. LE cas Hawranek : par F. SCHLANGENH-1USEN (Allg. Zeitschr.

. f. Psycla., XLI, 3). i

Histoire d'un aliéné criminel placé dans un asile pour avoir

égorgé sa mère. Il s'évade et commet successivement sept

meurtres. Folie religieuse systématique avec hallucination le

poussant à tuer. Il est lui-même tué d'un coup de houe en fla-

grant délit. Opinions de l'auteur confirmatrices de celle de Zinn

(Congr. annuel des aliénistes allemands à Eisenach,16sept. )882)'.

P. K.

XXIX. SUR LE TROUBLE DU langage écrit chez LES DEMI-IDIOTS, et sa

ressemblance avec LE balbutiement ; par BERKHAN (Arch. f.

Psyc7t., XVI, 1.)

C'est une sorte de balbutiement écrit, consistant dans l'impos-

sibilité de tracer correctement certains mots dictés élémentaires,

l'arriéré étant cependant capable d'écrire nettement et sans

hésitation, et même de prononcer sans altération les vocables

proposés au moment où il les écrit tout de travers. Vingt sur

quarante-quatre de ces malades ont présenté cette perturbation,

souvent d'une manière bizarre. Au degré le plus léger, on cons-

tate : l'omission de certaines lettres, leur remplacement par

d'autres, leur association à des caractères hétérogènes (6. cas). A

des degrés plus avancés, il devient difficile ou à peine possible de

reconnaître beaucoup de mots écrits (2 cas). Aux degrés extrêmes,

tous les mots sont défigurés à l'exception des mots simples qui

reviennent le plus souvent- (articles, -pronoms démonstratifs,

verbes) : l'enfant qui a écrit est incapable de se relire. L'auteur

donne d'abord trois cas dans lesquels les malades estropient de

diverses manières les mêmes mots les jours où ils présentent un

balbutiement parlé de nature identique, variable lui aussi à

divers moments. Ainsi dans le balbutiement écrit comme dans le

balbutiement parlé : «dut = gut; lont = lobt; Ranten-

1 Arch. de Neurologie, t. VI, p. 139.

438 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE

Ratten : Guv = Gustav; lon- 16nnen ; Selgel- Segel ; roten=

rot; Tur, Trüter, Stre=Thiere; Schanime - Schnee.» Un enfant

qui balbutie dira et écrira aujourd'hui : die Wolle ist weich; -

demain : die Wolle is weih; après-demain : die Molle fleisch.

Malgré quatre exemples d'enfants balbutiant verbalement et par

écrit, malgré cinq exemples d'enfants balbutiant par écrit et bé-

gayant, malgré un exemple d'enfant balbutiant par écrit,

bégayant et balbutiant oralement, on ne peut dire qu'invariable-

ment les mots balbutiés et bégayés verbalement soient précisé-

ment ceux qui sont vicieusement écrits. Par suite, l'infirmité en

question de la parole n'a aucun rapport avec la même infirmité

de l'écriture qui l'accompagne; il n'y a pas dépendance ; il y a

simple simultanéité.

Traitement du balbutiement écrit :

la Faire écrire des mots déterminés. 2° Faire articuler un mot

estropié par écrit. 3° Faire écrire les vocables articulés après rectification

parlée, et en même temps faire écrire et parler les mots dont on a rectifié

l'articulation et le mode d'écriture. 4° Faire écrire en entier les mots

envisagés en en recomposant chaque segment.

Les résultats sont remarquables avec le temps. P. h.

XXX. Observation DE déviation DU rhythme cardiaque avec POULS

LENT ET CRISES ÉPILEPTIFORMES SYNCOPALES; par M. le Dr GUINAND

(de Rive-de-Gier). (Lyon méd., 1884, t. XLVII.)

Cette observation offre une grande analogie avec les faits

relatés d'abord par M. Charcot, puis par MM. Bourneville, Blon-

deau etTruchet, sous le nom de pouls lent avec crises épifep-

tiques. Mais, indépendamment de la lenteur du pouls, il y avait

chez cette malade, du côté du coeur, des troubles rythmiques

caractérisés par des battements deux et trois fois plus nombreux

que ceux qui étaient perçus à la radiale. Ce fait vient, par consé-

quent, l'appui de ceux qu'a publiés M. Tripier en faveur de la

déviation du rhythme cardiaque dans les cas de pouls lent associé

à l'épilepsie. La constatation bien nette, à l'approche de chaque

crise, d'un ralentissement plus marqué du pouls et sa suspension

pendant la durée de celle-ci, autorisant à mettre sous la dépen-

dance de l'état syncopal ou de l'arrêt momentané du coeur,

l'apparition des crises épileptiformes. G. D.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE

I. Contributions électro-thérapeutiques; par W. B. Neftel

(Ai-ch. f. Psych., XVI, 1). ).

I. Névralgies et affections douloureuses du même ordre. A. Traite-

ment galvanique polaire des névralgies, et en particulier de celles

du plexus lombaire et de la sciatique. II vaut mieux appliquer la

cathode sur l'hypogastre que sur le sternum ; on place d'abord

l'anode plate et large en station fixe sur la colonne lombaire;

puis, on la promène de haut en bas sur les points douloureux en

exerçant une pression forte. On se sert soit de courants faibles ou

modérément forts, soit de courants graduellement augmentés,

sans nuire au coeur ni aux organes splanchniques sus-diaphrag-

matiques. Pour éviter l'action caustique de la cathode, on la

choisit plate et grosse, et on la promène lentement sur la série

des endroits voisins. C. Méthode polaire symétrique. Anode sur

les nerfs malades; cathode sur les points symétriques de l'autre

côté, afin d'éviter le transfert assez fréquent des points doulou-

reux (observation à l'appui). C. Méthode électrolytique. Appli-

cable aux névrômes ou tubercules douloureux générateurs de

certaines névralgies avec points douloureux de Valleix (douleurs

continues opiniâtres ne suivant pas le trajet d'un rameau ner-

veux). On introduit une aiguille en continuité avec la cathode

dans le lieu douloureux; action d'un fort courant pendant

1 minute et demie; nul autre inconvénient qu'une eschare. Une

seule séance a guéri une patiente de douleurs datant de quinze

ans. Observation. D. Névralgies hystériques, a.) Celles d'origine

périphérique, soudaines dans leur apparition, récidivant brutale-

ment à la moindre émotion, sans influence sur la nutrition géné-

rale, sont des épiphenomènes secondaires dus à l'atteinte du

cerveau par la névrose; elles résistent à toute espèce de traite-

ment gynécologique ou autre. Courants galvaniques au début

excessivement faibles et très courts; une fois la tolérance établie,

on en augmente la force, on passe même aux courants d'induc-

tion. Grande prudence pour la recherche des zones, pour la

durée de la séance. Commencer par le traitement polaire à l'a-

node ou par lamétliodepolairesymétrique;arriverfinalementaux

courants d'induction (phénomènes de transfert). 6.)Celles d'origine

440 REVUE DE THERAPEUTIQUE.

viscérale exigent soit le traitement connu (Archiv f. Psych., X, 3)'

soit la galvanisation encéphalique (Archiv f. Psych., VIII, 2). Si

ces procédés sont insuffisants (cas les plus graves), on galvanise

le sympathique -cervical, mais en employant rapidement 20 à

30 El. Siem, et même davantage, en allongeant la durée de la

séance et en ne s'effrayant ni d'oscillations considérables impri.

mées dans la direction, l'augmentation de l'intensité, les commu-

tations métalliques des courants; cette méthode excellerait

souvent d'une façon surprenante chez tous les nerveux anémi-

ques : ou non (anode dans la fosse auriculo-maxillaire) et même

dans les cas de lésion organique (cathode dans la région précitée).

- Trois observations. Distinction entre leshypochondriaques vrais

-et les hypochondriaques paresthésiques ; à ces derniers convien-

drait la galvanisation encéphalique, mais non sans avoir au préa-

lable appliqué en station fixe l'anode à la nuque et une large

.cathode à l'épigastre en renforçant graduellement le courant

sans secousses, puis en en abaissant progressivement l'intensité

en sens inverse. E. Névrite. Par exemple, névrite traumatique

chronique, d'origine extérieure, portant sur le plexus brachial ou

ses branches terminales des doigts; outrele troublefonctionnel, on

constate une douleur considérable incoercible n'ayant cédé à aucun

moyen de traitement. Emploi de courants d'induction de plus en

plus intenses au cours d'une même séance jusqu'à production de

contractions tétaniques des groupesmusculaires de la région ou du

voisinage (alternatives de flexion et d'extension forcées à plusieurs

reprises). Chaque séance est suivie d'un apaisement marqué; on

la répète chaque jour, et l'on voit disparaître graduellement tous

les symptômes. Même résultat pour toute autre névrite. L'auteur

attribue les effets bienfaisants de ce mode d'électrisation à l'élon-

gation des conducteurs par les mouvements forcés ainsi produits,

ainsi qu'à l'excitation réitérée des vaisseaux sanguins et lympha-

tiques (modification locale de la nutrition). F. Morphinomanie.

La cause en est précisément aux névralgies chroniques.il importe

de diminuer quotidiennement la dose des anesthésiques (éther,

chloral, alcooliques, morphine); en deux semaines le sevrage est

affectué; mais alors, quarante-huit heures plus tard, on admi-

nistre des doses modérées de morphine que l'on remplace par

de petites quantités d'hyoscyamine ou de belladone pour^s'adresser

finalement à de fortes proportions de quinine associée à une nour-

riture réconfortante et à des vins généreux. Trois observations.

. II. Traitement galvanique de l'atrophie musculaire progressive. -

On prend souvent pendant longtemps des troubles nerveux pure-

ment fonctionnels, hystériques, pour des lésions cérébro-spinales

graves. De même, il existe une paralysie musculaire progressive

d'origine périphérique (myopathie et névrite primitive) et une

paralysie musculaire progressive d'origine centrale (poliomyélite).

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 41l

La première cède au traitement galvanique local méthodique

exposé plus haut (électrisation des muscles et des nerfs jusqu'à

leur entrée dans la moelle). Une observation.

III. Traitement électrique de la crampe des écrivains et des pia-

reisles. Quatre observations prouvant que le meilleur procédé

consiste en l'application ascendante de forts courants d'induction,

alternativement augmentés et diminués d'intensité. On les force

jusqu'à imprimer, par intervalles, aux muscles la plus forte con-

traction possible en flexion et en extension (élongation physiolo-

gique du nerf). (Voy. le §. 1. E.) - P. K.

II. NOUVELLE contribution A la QUESTION DES résultats DE L'ÉLO\G.1-

TION DU FACIAL DANS LE TIC CONVULSIF DE LA FACE; par M. BERN-

HARDT (Arch. f. Psych., XV 3).

' Dans quatre cas del'auteur, dont le présent mémoire contient une

observation complète, l'élongation ne détermina que temporaire-

meut ; un résultat heureux, pendant tout letemps que dura la pa-

ralysie consécutive à l'élongation, les convulsions cessèrent pour

revenir dès que fut guérie la lésion due à l'opération. D'après Bern-

hardt, la science contient actuellement dix-sept cas d'élongation

du facial pour tic convulsif, qui se décomposent en une guérison

persistante (cas de Southam) deux résultats incertains (cas de

Southam et de Gray) deux résultats partiels ou améliorations

(Baum, Schüssier, Eulenburg, Hoffmann) - dix résultats nuls

(Sturge, Godlee, Putmann, Bernhardt). Ces insuccès viennent de

ce que les conditions anatomo-topographiques empêchent d'isoler

le nerf sur une longue étendue ; on est obligé de circonscrire la

traction (de là, compression et écrasement.local), sans pouvoir

agir sur les centres. L'action thérapeutique ne saurait donc

survivre à la guérison de l'interruption périphérique; il faudrait

pouvoir modifierla nutrition du centre dont provientlaconvulsion.

P. K.

III. Injection hypodermique DE nitrite d'amyle dans UN cas DE

LOMBAGO ; CONVULSIONS EPILEPTIFORMES CONSÉCUTIVEMENT A L'INJEC-

TION ; par S.-A.-K. Strahan. (The journal of Dlental Science,

juillet 1884.) .

Un homme de cinquante-trois ans, atteint de manie chronique,

d'ailleurs en bonne santé physique, est pris d'un lombago qui

demeure rebelle aux moyens ordinaires; onlui injecte dix gouttes

d'une solution à dix pour cent de nitrite d'amyle dans l'alccol

rectifié : la douleur disparait immédiatement, mais au bout d'une

minute et demie, il pâlit et tombe étendu sur le lit; à peine est-il

dans la-position horizontale que la face et le cuir chevelu se con-

442 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

gestionnent et que le malade est pris de convulsions 'violentes qui

durent à. peu près une demi-minute et affectent surtout la face e

les extrémités supérieures, n'atteignant que très légèrement les

membres inférieurs. Les pupilles, observées immédiatement après

la crise convulsive, ne paraissent pas affectées; avant la crise et

lors de son début, le pouls s'est affaibli; il est devenu insaisissable

juste au moment où les mouvements musculaires allaient com-

mencer. Deux ou trois minutes après leur cessation, les phénomènes

convulsifs se sont reproduits de la même manière, avec une inten-

sité plus grande et une durée un peu plus courte; après quel-

ques inhalations de chloroforme, le malade se trouva tout à fait

remis, et put prendre un bon repas une heure après. La douleur

lombaire ne reparut pas, et aucun accident nouveau ne survint.

Ce fait démontre d'abord que le nitrite d'amyle n'est pas aussi

constant dans son action qu'on l'admet généralement, et que son

action de dépression, d'inhibition, son action paralysante, en un

mot, sur le coeur, ne doit jamais être perdue de vue.

Il est intéressant également au point de vue controversé de

l'action du coeur durant la période d'invasion des attaques épilep-

tiques ou épileptiformes. En effet, le malade qui fait le sujet de

cette observation n'était point entré à l'asile comme épileptique,

il y avait passé six ans sans avoir d'accès convulsifs de quelque

forme que ce fût, et après l'incident qui vient d'être relaté, il n'en

a jamais eu aucun. R. M. C.

IV. Contribution A l'action thérapeutique du sulfate DE cura-

RINE; par G. LEHMANN (Allg. Zeitschr. f. Psych., XLI, 3).

L'alitement détermine un calme psychique plus ou moins

grand. 11 est donc indiqué de sidérer l'appareil locomoteur pour

provoquer l'alitement forcé. Le sulfate de curarine, poudre blan-

che, cristalline, légèrement hygroscopique, de Gehe de Dresde, se

conserve intact sous la formule suivante : sulfate curarine, 0,20; -

eau distillée, 8 parties. eau de laurier cerise, 2 parties. -En

l'injectant sous la peau on obtient une légère brûlure sans autres

accidents ; on peut aussi le donner à l'intérieur en gouttes. Onze

expériences ont été faites sur sept lapins, deux chiens, deux chats

aux doses hypodermiques respectives de 0,001 ; 0,003 ; 0,005 et

davantage ; on a constaté delà paralysie plus oumoins marquée

et des convulsions des extrémités, de l'hyperexcitabilité muscu-

laire et cutanée, une respiration superficielle : à doses mortelles

il se produit de l'expiration forcée, de l'affaiblissement des con-

tractions cardiaques, des éjections spontanées d'urine, de la sali-

vation, du larmoiement. Septfois l'auteur, quia du reste expéri-

menté sur lui-même, l'a aussi injecté sous la peau de personnes

saines aux doses de 0,005 à 0,02 ; dans trois cas, il a invariable-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 443

ment obtenu un résultat nul à la dose de z ; quatre faits

témoignent d'une augmentation de fréquence initiale du pouls,

suivie de sensation subjective de lourdeur de tête avec hébétude,

fatigue, lassitude (intégrité des pupilles et des réflexes) ; à la dose

de 0,04, on obtient le plus souvent des phénomènes paralytiques

légers (lassitude dans les jambes, ptosis faible), mais gare aux

phénomènes excessivement graves (une observation à l'appui).

A l'intérieur, 0,02 à 0,05 entraînèrent en deux cas sur cinq, une

obnubilation de la vue avec hébétude et abattement de plusieurs

heures. L'ingestion interne commence à agir au bout de vingt à

trente minutes; l'injection hypodermique opère en cinq à dix

minutes. Les tentatives thérapeutiques n'ont en général porté

aucun fruit. Sur 150 essais se décomposant en 58 injections hypo-

dermiques et 92 administrations internes, on réussit dans le cin-

quième des cas relatifs aux premières, et quatorze fois sur les

autres. Les faits positifs témoignent d'une remarquable incons-

tance dans les effets du médicament ; à doses égales, chez divers

aliénés on observe des phénomènes diffférents, de même que

chez le même individu. Le sulfate de curarine ne saurait être

recommandé. P. K.

V. Contribution A l'action DE l'ergotine dans les psychoses ; par

H. Lebel. Appendice de Joecte<. ( Allg. Zeitschr. f. Psych.,

XLI, 3).

La mixture exhilarante de Luton (teinture d'ergotine, une

cuillerée tlié; solution de phosphate de soude à 10 p. 100, une

cuillerée à soupe) peut produire une gaieté semblable à celle de

l'ivresse une demi-heure à une heure après l'ingestion gastrique.

Il semble que cet agent puisse exercer un effet curatif permanent

car son emploi prolongé a dans plusieurs cas imprimé une évolu-

tion favorable à des cas de lypémanie et de stupidité restés sta-

tionnaires jusque-là. Son ingestion pendant des mois n'a provoqué

ni ergotisme, ni troubles de la menstruation. Les matériaux

d'observation sont encore insuffisants, dit l'auteur. A continuer.

La note de Joeckel est relative au travail d'Adam (Annales rnédico-

psychol., juill. 1881)sur ce sujet. P. K.

VI. Réflexions pratiques sur l'emploi DE l'électricité dans LES

affections mentales ; par A. de Watteville. (The journal of

Mental Science, janvier 1885.) .) ,

Avec la haute compétence qu'on lui .connaît et qu'on lui recon-

naît en la matière, M. de Watteville s'est efforcé de donner dans

un court mémoire une esquisse des principes qui doivent guider

le médecin dans l'application de l'électricité au traitement des

444 REVUE DE thérapeutique.

maladies mentales. 11 passe d'abord en revue l'appareil instru-

mental, les notions relatives à l'intensité du courant, (les collec-

teurs, les commutateurs, les galvanomètres, les électrodes et les

différentes formes qu'il convient de leur donner; puis il résume

comme suit les principales indications que l'électrothérapie est

appelée à remplir : *

« 1° Obtenir l'équilibre de l'innervation cérébrale en agissant

« directement sur la nutrition de ceux des centres qui, soit phy-

« siologiquement, soit organiquement, sont reconnus altérés, et

« cela par des influences moléculaires, vaso-motrices ou autres.

« L'expérience nous apprend que ce résultat peut être atteint dans

« un certain nombre de cas, par la galvanisation directe de la

« tête et du cou. »

« 2o Relever l'innervation périphérique et spinale, et rétablir

« ainsi, par voie indirecte, leur équilibre nécessaire en remédiant

« à l'insuffisance des influx afférents sur lesquels cet équilibre

« repose en partie. Dans ce cas, la galvanisation rachidienne, et la

« faradisation générale (avec l'électrode humide ou le pinceau)

M rendent des services. »

« 3° Lorsque les phénomènes cérébraux sont liés à des troubles des

« viscères abdominaux ou pelviens (paresthésies viscérales, torpi-

« dite, etc.) corriger ou atténuer ces troubles par l'application de

« l'un ou l'autre courant, ou mieux encore par la méthode que

« ,j'ai décrite sous le nom de galvano-faradisation. La valeur de

« l'électricité dans le traitement des névroses viscérales est consi-

« dérable, quoique jusqu'ici méconnue. »

« 4° Remédier à certains symptômes à mesure qu'ils se mani-

« festent, suivant les règles formulées dans les traités usuels. On

« ne doit pas oublier, par exemple, que la faradisation générale

« est un bon agent tonique et un excitant de la nutrition générale;

« dans quelques cas aussi, l'emploi judicieux de l'électricité est

« propre à provoquer le sommeil. »

Dans ce travail, M. de Watteville n'a fait aucune allusion à la

direction qu'il convient de donner au courant; il s'explique sur

ce silence volontaire enrappelantune opinion qu'il a déjà formulée

dans ses ouvrages, à savoir : que toutes les règles données par les

partisans de telle ou telle direction du courant, de tel ou tel mode

d'application des pôles, reposent ou sur des erreurs physiques ou

sur des considérations a priori : l'expérience n'a pas confirmé les

premières; la marche de la science a renversé la base sur laquelle

s'appuyaient les secondes. L'auteur est convaincu que s'il existe

jamais une différence d'action thérapeutique entre les deux pôles,

cette différence ne peut être définie que d'une façon empirique,

car elle repose sur quelque idiosyncrasie du malade observé. « La

« doctrine de l'électro-tonus, dit-il, ne saurait trouver place dans

a le traitement. » Ce que l'on peut établir comme règle générale,

REVUE DE THERAPEUTIQUE. 445

c'est que les meilleurs résultats s'obtiennent par l'application

successive des deux pôles aux points choisis; il faut toutefois se

souvenir que l'action locale du cathode est plus énergique, tant

au point de vue chimique qu'à celui de la stimulation.

Les applications de l'électricité au traitement des maladies

mentales ont été jusqu'ici trop peu nombreuses pour que M. de

Watteville se croie actuellement autorisé à préciser les cas où

cette méthode peut se montrer particulièrement utile : cependant

on peut dès maintenant constater que c'est dans les affections

caractérisées par la dépression nerveuse, que l'on a jusqu'ici obtenu

le plus de résultats favorables. D'autre part, les symptômes d'ex-

citation, s'ils ne commandent pas l'abstention complète, imposent

du moins une extrême prudence. Enfin, il est permis de prévoir

que ce n'est pas dans les cas anciens et confirmés que l'électricité

rendra ses plus importants services, mais que c'est en quelque

sorte sur les frontières de la folie qu'elle trouvera le terrain le

plus favorable à son action thérapeutique. R. M. C.

VII. Effets thérapeutiques du CIILORYDR.1TE d'apomorphine en INDEX-

TIONS sous-cutanées D1\s l'hystéro-epilepsie ; par S. LAURENCIN,

interne des hôpitaux (Lyon méd., 1884, t. XLVII.)

L'auteur rapporte l'observation d'une malade, âgée de vingt

ans, nerveuse, qui devient hystéro-épileptique par imitation; elle

avait de dix à quinze crises par jour : Tous les traitements ayant

échoué ou eut l'idée de lui pratiquer chaque jourune ou plusieurs

injections sous-cutanées de chlorhydrate d'apomorphine à la

dose de 2 à 10 milligrammes. Quatre mois après le début de ce

traitement, les crises disparurent complètement et, d'après

l'auteur, c'est à l'apomorphine qu'il faudrait attribuer cette

guérison, sinon définitive, du moins momentanée. G. D.

VIII.DR l'apomorphine dans certains troubles nerveux; parle Dl

E. Weil, chef de clinique médicale (Lyozz 7nétl., 1884, t. XLYII.)

Il ressort de ce travail, basé seulement sur trois observations,

que le chlorhydrate d'apomorphine en injections sous-cutanées

à la dose de 2 à 6 milligrammes peut amener une action favo-

rable sur certains symptômes d'origine spasmodique, tels que le

hoquet, et sur quelques affections nerveuses à manifestations

convulsives, soit qu'il s'agisse de crises intermittentes (épilepsie

corticale), soit qu'il s'agisse de phénomènes plus ou moins

continus (chorée). En outre, les effets sédatifs de ce médicament

seraient complètement indépendants de son action nauséeuse.

G. D.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE

Séance du 29 17t(L7'S 1886. Présidence DE M. Semelaigne

Le Président annonce à la Société qu'un de ses membres,

M. Ballet, vient d'être, à la suite d'un brillant concours, reçu

agrégé de l'École de médecine.

Le Secrétaire général donne lecture d'une lettre de M. Luys

qui, depuis plusieurs années, a cherché à traiter les maladies

mentales par l'hypnotisme, mais sans résultat; il est donc en

complet désaccord avec M. Voisin. « Pour pouvoir hypnotiser

un sujet quelconque, ne faut-il pas tout d'abord avoir' son

acquiescement, fixer son regard et son attention ? Comment donc

arriver à une pareille situation de calme chez une hallucinée dont

l'esprit est sans cesse en mouvement et dont les globes oculaires,

lorsqu'on cherche à les immobiliser avec les doigts, sont sans

cesse en mouvement sous les paupières abaissées ? Comment

obtenir une attention contemplative, par un objet brillant, chez

un sujet dont les facultés subjectives sont en perpétuel état

d'obsession ? Ce sont là des conditions fondamentales qui se

contredisent J'ai donc bien fait de témoigner devant la société

toute ma surprise devant les résultats imprévus exposés à la der-

nière séance et acceptés dans une certaine mesure par quelques

personnes peu au courant des difficultés du problème à résoudre.

C'est pour cela qu'il serait bon d'apprendre de notre collègue

par quels mystérieux procédés il est arrivé à pouvoir hypnotiser

certaines aliénées, et quelle est la méthode nouvelle suivie par

lui pour obtenir les résultats annoncés pour des suggestions thé-

rapeutiques. »

M. Voisin présente quelques malades qu'il a traitées et guéries

par l'hypnotisme. C'est d'abord une jeune fille, autrefois hallu-

cinée ; puis une femme de 40 ans qui, depuis 10 ans, a par inter-

valles des hallucinations de la vue en rapport avec des idées de

suicide. Elle voyait constamment le cadavre de son maître et

entendait des voix qui lui reprochaient de l'avoir tué; M. Voisin

BIBLIOGRAPHIE. 447

lui a suggéré l'idée de ne plus voir ce cadavre et l'hallucination

a disparu. Une autre femme, hystéro-épileptique, à qui on repro-

chait la mort de son père, s'est aussi vue débarrassée de ses

hallucinations par l'hypnotisme. Celle-ci ne s'endormait qu'après

une résistance de trois ou quatre heures.

Des signes physiques intellectuels et moraux de la folie hérédi-

taire. (Suite de la discussion.)

M. BoucHEREAU expose les diverses opinions qui ont cours sur le

rôle de l'hérédité en pathologie mentale. Il regrette qu'on ait

confondu la folie héréditaire et la folie des dégénérés. La pre-

mière se transmettrait dans les conditions de transmissions ordi-

naires des autres maladies et peut s'accroître ou disparaître sui-

vant les circonstances, tandis qu'il faudrait autre chose que

l'hérédité pour faire cet être bizarre désigné du nom de dégé-

néré ; il faudrait soit des lésions centrales ou périphérique-, soit

enfin une complication congénitale ou acquise, encore mal déter-

minée. Marcel BRIAND.

BIBLIOGRAPHIE

Il. La Psychologie du Raisonnement (recherches expérimen-

tales par l'hypnotisme); par Alfred Binet. (Félix Alcan,

18S6.)

M. Binet se propose dans ce petit volume d'étudier le méca-

nisme du raisonnement au point de vue psychologique. Pour

cela, il prend un raisonnement très simple, celui que l'on fait

instinctivement et inconsciemment quand on perçoit un objet

extérieur, et il.le dissocie en ses éléments psychologiques. Le

raisonnement le plus élevé procède de la même façon ; il suf-

fira donc de démonter les rouages de la perception extérieure,

et la théorie sera valable pour toutes les espèces de raisonne-

ments. Bien entendu la définition du raisonnement prise

comme point de départ est celle de Stuart Mill qui, rompant

dvec la théorie scolastique, a établi que la forme syllogistique

n'est pas le raisonnement lui-même, qu'au fond ce raisonne-

ment est une inférence du particulier au particulier, et non

pas, comme le croyaient les anciens, une conséquence d'une

448 BIBLIOGRAPHIE.

proposition générale. La forme syllogistique ne fait que légali-

ser le raisonnement : on n'en a pas besoin pour raisonner,

mais pour s'assurer si on raisonne correctement. Le type uni-

versel du raisonnement est tel : certains individus ont un attribut

donné, un individu ou des individus ressemblent aux premiers

par certains autres attributs, donc ils leur ressemblent aussi

par l'attribut donné.

Cette définition est une définition logique; au point de vue

psychologique, l'étude que fait M. Binet le conduit à ses con-

clusions : «l'élément fondamental de l'esprit est l'image; le

raisonnement est une organisation d'images, déterminé parles

propriétés des images seules, et enfin il suffit que les images

soient mises en présence pour qu'elles s'organisent et que le

raisonnement s'ensuive avec la fatalité d'un réflexe ».

La perception est l'acte qui se passe lorsque notre esprit

entre en rapport avec des objets extérieurs et présents. Mais

ce n'est pas un acte simple, mais bien un acte très complexe,

et qui comprend une action sur les sens et une réaction du

cerveau. C'est le processus par lequel l'esprit complète une

impression des sens par une escorte d'images. L'étude de l'illu-

sion des sens montre bien cette complexité; car, dans ce cas-là,

la sensation reste ce qu'elle doit être, mais c'est l'interpréta-

tion de cette sensation qui est erronée.

Les Anglais, avant tout le monde, ont montré que l'image

n'est autre chose qu'une sensation conservée et reproduite

spontanément, c'est-à-dire indépendamment de l'excitation du

sens qui lui a donné naissance. Il y a donc plusieurs sortes

d'images, autant qu'il y a de sensations spéciales, autant qu'il

y a de sens, y compris le sens musculaire. Chaque personne a

plus d'aptitude à former telle ou telle toile d'image et à s'en

servir plus ou moins exclusivement pour penser; d'où l'exis-

tence de types sensoriels, comme l'a établi M. Charcot. Le

type visuel est le plus fréquent après le type indifférent. Une

belle observation relatée dans la thèse de M. Bernard montre

bien en quoi consistent ces types sensoriels.

Mais en quel point du cerveau localiser la production de

l'image ? MM.Féré et Binet ont élucidé cette question en ayant

recours à l'hypnotisme. Et il faut les féliciter d'être entrés les

premiers dans cette voie expérimentale. Les résultats déjà

obtenus ne peuvent que les encourager à persévérer, malgré les

préjugés qui s'élèvent nécessairement contre toute idée nou-

BIBLIOGRAPHIE. 449

velle et hardie ! L'image est un phénomène qui résulte d'une

excitation des centres sensoriels corticaux.[Bain avait déjà émis

cette proposition, mais sans la démontrer. La démonstration

est faite, en s'appuyant principalement sur les sensations et

les images visuelles, plus commodes à évoquer et à contrôler

(Voyez l'article de MM. Binet et Féré dans la Revue

scientifique, 1885).

Dans la perception externe, avons-nous dit, une sensation

éveille une série d'images.

L'hypnotisme montre que, quand on suggère une hallucina-

tion à une hystérique, on fait joindre à une sensation exacte

une image fausse. Mettons ce point important plus en relief

en citant une expérience. On montre à une hystérique en

somnambulisme un papier blanc en lui disant : Voici votre

portrait. Elle voit et décrit complètement ce portrait, y ajou-

tant les détails que son imagination lui suggère. Si on mêle

ce papier à une quantité d"autr'es tout semblables en appa-

rence, le sujet le reconnaîtra toujours en disant que c'est son

portrait. Qu'est-il donc arrivé ? On a ajouté à la sensation que

donne ce carton blanc, toujours reconnaissable pour le sujet

grâce à l'hyperesthésie de sa vue, une image imaginaire qui

s'est soudée à ce repère extérieur, le carton blanc, et qui se

comporte comme lui; car on peut avec une glace qui reflète le

papier faire voir deux portraits au sujet et ainsi de suite. L'hal-

lucination hypnotique est formée d'une image suggérée qui

s'associe à un point de repère, tandis que, dans la perception,

l'image est suggérée directement par la sensation. Dans l'illu-

sion des sens ordinaire, il y a aussi une image fausse suggérée

par l'impression des sens; c'est une perception fausse qui

montre bien le mécanisme de la perception vraie. La sensation

suggère une image ou plusieurs qui sont soudées par l'esprit à

la sensation et qui paraissent ne faire qu'un avec elle. Mais

ces images ajoutent notablement aux notions fournies directe-

ment par les sens au moment de la perception. Par exemple,

s'il s'agit de reconnaître un livre que nous avons sous les yeux,

nous ajoutons aux sensations brutes de la vue toutes les idées

correspondant aux propriétés de l'objet en tant que livre, toutes

choses qui ne nous sont fournies que par un réveil de sensations

antérieures, c'est-à-dire une évocation d'images. C'est grâce à

toutes ces images que nous reconstituons les propriétés d'un

objet, que nous le plaçons dans une classe donnée ou que

Archives, t. XI. 29

450 BIBLIOGRAPHIE.

nous le reconnaissons enfin individuellement : toutes choses

que ne nous fournit pas l'expérience présente. Nous dépassons

la sensation brûle dans la perception extérieure. Les expérien-

ces hypnotiques, que nous ne pouvons relater au long ici,

démontrent.que la perception commence par être générique et

ne s'élève que peu à peu à la reconnaissance tout à fait parti-

culière, individuelle. (Voyez page 70.)

Quel que soit le degré decetteperception,ily aune croyance

à la réalité du lieu qui unit les propriétés de l'objet révélées

par la sensation, et celles représentées par les Images ressus-

citées par cette sensation. Il y a donc un jugement (Paulhau),

qui d'ailleurs reste souvent inconscient ou non formulé sous

forme de proposition, mais qui n'en existe pas moins. La

psychologie anglaise a bien établi que tout jugement a pour

but d'exprimer entre deux choses une relation de ressem-

blance, de contiguïté ou de succession, et que toutes les fois

que. deux images sont fortement associées, nous croyons que les

choses liées ainsi dans notre esprit le sont de la même façon

dans la réalité.

On voit par tout ce qui précède que la perception consiste,

comme le raisonnement, dans l'application d'un souvenir à la

connaissance d'un fait nouveau et aboutit à la généralisation

de ce souvenir. Dans la plupart des raisonnements, comme

dans la perception, les expériences antérieures ou les sensa-

tions antérieures ne sont pas conscientes, Enfin le fondement

de tout raisonnement est, nous le savons, la reconnaissance

d'une similitude : c'est aussi celui de toute perception. Raison-

nement et perception n'ont-ils donc pas la même constitution

psychologique intime ? On avait déjà dit d'ailleurs que l'illusion

des sens était un sophisme.

M. Binet fait ici remarquer avec juste raison que, pour que la

théorie du raisonnement soit valable, il faut : 1° qu'elle rentre

dans les lois psychologiques connues d'association par ressem-

blance et par contiguité; 20 qu'elle explique le jugement qui

est au fond de toute perception ; et enfin 3° qu'elle montre

comment les deux associations toutes faites, deux jugements,

qui constituent les prémisses, peuvent se réunir pour former

la conclusion, le jugement final.

Cette théorie est toute neuve, car des prédécesseurs de

M. Binet ou ont échoué dans cette tentative ou ont laissé ce

problème de côté.

BIBLIOGRAPHIE. 451

La loi de fusion des sensations ou des images semblables

n'est pas nouvelle; mais elle est rajeunie ici par une explica-

tion élégante de l'expérience de Weber. L'hypothèse de l'iden-

tité de siège cérébral des états de conscience semblables expli-

que bien comment une ressemblance est efficace, qu'elle soit

consciente ou non. De plus, la formation des idées générales

se fait par la même loi.

Tous ces préliminaires étant posés, comparons directement

une perception, celle d'un livre par exemple, et un raisonne-

ment. Les expériences sur des somnambules décrites très

'minutieusement dans l'ouvrage exagérant les phénomènes les

laissent mieux reconnaitre. La perceplion du livre, grâce aux

intermédiaires pathologiques est ramenée au mécanisme sui-

vant : l'image actuelle d'un livre (A) suscite dans notre pensée

par la force de la similarité l'image oculaire du même livre

(B), provenant d'une vision antérieure; et ce second état de

conscience (B) suscite par la force de la contiguité le groupe

d'images (C) correspondant à des propriétés du livre non

parues actuellement et qui s'accolent à l'image actuelle du

livre* L'état (B), intermédiaire, est inconscient par fusion

immédiate avec (A), suivant la loi de fusion bien connue. C'est

donc une association par ressemblance qui introduit une asso-

ciation par contiguité; ou encore c'est une assimilation partielle

de deux images. Or, examinons un raisonnement en forme :

tous les hommes sont mortels; Socrate est homme; donc

.Socrate est mortel. Ce ne sont que des propositions représen-

tant une relation entre des images qui existent dans notre

esprit, en y ajoutant une affirmation. L'ordre dans lequel les

images sont en réalité n'est pas celui indiqué plus haut, c'est

- celui-ci : Socrate est homme; les hommes sont mortels; Socrate

est mortel. L'image Socrate par ressemblance suscite l'image

homme; celle-ci suscite l'image mort par contiguité; l'image

mort et l'image Socrate coexistent simultanément et se soudent.

En réalité, ce sont des groupes d'images qui opèrent; mais

pourquoi ne pas appliquer à un groupe les mêmes propriétés

que nous avons reconnues aux images isolées ? On peut donc

définir le raisonnement : « l'établissement d'une association

entre deux états de conscience, au moyen d'un état de cons-

cience intermédiaire qui ressemble au premier état, qui est

associé au second, et qui, en se fusionnant avec le -premier,

l'associe au second ». La mise sous forme de propositions ne

452 -) BIBLIOGRAPHIE.

fait qu'ajouter une simple constatation de la succession des

images.

Le raisonnement, comme la perception, procède des lois

fondamentales des images, tout est raisonnement à un degré

plus ou moins élevé. L'esprit^ dit M. Wundt, est une chose

qui raisonne; M. Binet ajoute automatiquement, consciem-

ment ou inconsciemment.

Nous nous sommes efforcés dans cette analyse de reproduire

l'enchaînement des idées qui conduit à la conclusion finale,

en laissant de côté une foule de points secondaires, quoique

importants en eux-mêmes, que M. Binet a touchés en passant.

Il eût été trop long, malheureusement, de citer même quel-

ques unes des nombreuses expériences relatées dans cet

ouvrage. Par l'hypnotisme, il grossit les phénomènes, en les

déformant un peu, de façon à les faire ressortir et à montrer

leurs éléments constitutifs. MM. Binet et Féré, ouvrent une

voienouvelle de l'expérimentation en psychologie. L'esprit vrai-

ment scientifique de M. Binet saura tirer de cette ingénieuse

méthode toutes les conséquences qu'elle comporte nécessaire-

ment. P. CHASLIN.

III. Etudes cliniques sur la grande hystérie ou hysléro-épilepsie ; par

Faut Richer (Je édition avec 497 figures et 10 gravures à l'eau-

forte).

Cette nouvelle édition, qui comprend trois cents pages de plus

que la précédente, est divisée en quatre parties : 4 la grandehysté-

rie ; 2° le grand hypnotisme; 3° l'hystérie dans l'histoire; 4° l'hys-

térie dans l'art.

Dans la l le partie sont étudiées toutes les grandes variétés de

la grande attaque, dont un grand tableau d'ensemble représen-

tant les diverses attitudes et leurs successions permet d'en mieux

comprendre et retenir les formes frustes, les recherches nouvelles

de Féré, Ballet et Gaube y sont consignées.

2° partie. De l'Hypnotisme chez les sujets atteints de grande

Hysléne ou grand Hypnotisme.

Ici le plan de la précédente édition complètement modifié per-

met à l'auteur d'exposer, avec la plus grande clarté, les procédés

d'hypnose y compris la suggestion, de nombreux tracés graphiques

permettent au lecteur d'apprécier toute la rigueur scientifique

apportée à l'étude des propriétés neuro-musculaires danslesétats

léthargiques, cataleptiques, somnambuliques et en particulier la

contracture, la secousse musculaire et l'état cataleptoïde. La

BIBLIOGRAPHIE. 453

même méthode se retrouve dans les articles sur les modifications

de la sensibilité générale et spéciale, sur celles de larespiration et

de la circulation. Après un exposé complet des phénomènes sug-

gestifs, automatisme, impulsions,lillusions, hallucinations et une

étude nouvelle sur les phénomènes hypnotiques à l'état de veille,

l'auteur tente heureusement un essai de nosographie .à l'aide

d'une étude synthétique des diverses périodes de l'hypnotisme.

3° Tout un appendice intitulé : l'Hystérie dans l'histoire, passe

en revue dans l'ordre chronologique les chorées épidémiques, les

épidémies de possession démoniaque, les convulsionnaires et les

démoniaques ; avec une très grande finesse d'appréciation,

M. Richer fait ressortir avec quelle exactitude se retrouvent dans

les descriptions anciennes les signes de la grande hystérie et de

ses variétés qui ont fait l'objet de la première partie.

46 La dernière partie : de l'Hystérie dans l'art, qui est essen-

tiellement nouvelle et propre à cette édition, est une application

très ingénieuse de la même méthode appliquée non plus aux do-

cuments écrits, mais aux documents : artistiques, peintures, fres-

ques, sculptures, gravures, documents dans lesquels se trouvent

reproduites les différentes attitudes des possédées, choréiques

extatiques d'autrefois, attitudes dont M. Richer, en véritable

connaisseur, excelle à décrire les ressemblances avec les attitudes

de la grande hystérie.

Un ivoire de la bibliothèque deRavenne (ve siècle), des fresques

de Francesco di Giorgio, d'André dei Sarte (1510), de Louis Car-

rache, du Dominiquin, les transfigurations de Raphaël et de

Déodat Delmont, les oeuvres nombreuses de Rubens sur les pos-

sédées, sont reproduites en gravure dans cet ouvrage, sans comp-

ter les grands secours ni le pèlerinage au tombeau du diacre

Paris; toutes ces reproductions, qui ne sont pas seulement des

sujets d'ornementation pour le livre, font bien comprendre la

pensée féconde de l'auteur : faire revivre d'anciens souvenirs his-

toriques et montrer combien la science, employée avec méthode,

est précieuse pour donner aux faits passés une explication vraie

et, par conséquent, plus conforme à la réalité.

Comme tous les ouvrages conçus clairement, cette étude est ex-

posée dans un style facile qui en augmente l'attrait de la lecture,

et le peut faire aborder par tous les esprits désireux de connaître

tout ce qui intéresse celte question si neuve et si importante.

Charpentier.

IV. Etude clinique sur les aliénés héréditaires. (Thèse de doctorat) ;

par Théodore TATY.

L'auteur a choisi pour sujet les aliénés héréditaires et non la

folie héréditaire. C'est en cherchant à répondre à la question : A

451 BIBLIOGRAPHIE.

quels signes peut-on reconnaître la folie héréditaire, qu'il a été

conduit à recueillir soixante-quinze observations 'd'aliénés à anté-

cédents héréditaires et à déduite, au point de vue des stigmates

physiques, qu'il n'est aucune manifestation qui soit constante et

qu'on ne puisse rapporter à une cause de dégénérescence autre

que l'hérédité de la folie. Comme signes intellectuels plus fré-

quents, l'auteur note la tendance à la raillerie, à la discussion, à

la malice; il fait remarquer qu'à la cohérence des idées s'ajoute

l'originalité et la bizarrerie'des conceptions. Si la tare héréditaire

est grave, le début se fait à la puberté; si l'aliénation doit aboutir

aux délires systématisés et aux hallucinations, le début aurait

lieu à la ménopause. D'ailleurs l'auteur fait ressortirla fréquence

des psychoses menstruelles chez ces héréditaires. Un chapitre

spécial est consacré à l'apparition tardive de la démence, à sa

longue durée et à son aspect incomplet chez les aliénés hérédi-

taires.

Nous avons été frappé par la lecture d'une observation d'un

aliéné manifestement héréditaire avec signes physiques, mais sans

aucun trouble intellectuel antérieur. Une telle observation fait

apprécier la réserve de l'auteur et comprendre avec quelle sage

raison il a eu pour but de décrire les aliénés héréditaires qui

existent incontestablement et non la folie héréditaire qui n'est

qu'une sorte de caput mortuum destiné à recueillir tous les faits

inclassables. En bonne clinique, quand on est en présence de

faits qu'on ne peut classer, on doit avouer son impuissance, et

non leur donner un nom capable de masquer la faiblesse qu'on

- ne veut pas avouer. Charpentier.

V. Des analogies entre la folie à deux et le suicide à deux;

par .T. ( : 11POL1.IN.liI. (Thèse, 188p.)

L'auteur résume d'abord les caractères des principales formes

de folie à deux, qui ont été décrites : Io la folie imposée (J. Falret

et Lasègue), dans laquelle un seul sujet est aliéné et impose sa

folie à l'autre qui est débile; 2° la folie simultanée (Régis), dans

laquelle des sujets prédisposés à des titres divers deviennent fous

en même temps sous l'influence des mêmes causes occasionnelles,

et s'imprègnent réciproquement de leurs idées délirantes; 3° la

folie MmntM)M'<jfude(Marandon de Montyel),dans laquelle deux sujets

également prédisposés tombent dans le même délire : celui qui

est pris le dernier ne devient fou que sous l'influence qu'exerce le

délire de l'autre sur sa propre prédisposition héréditaire. Cette

forme ne se distingue de la première qu'en ce que le sujet passif

est un prédisposé à l'aliénation, tandis que, dans la forme décrite

par Faire et Lasègue, c'est simplement un débile; on comprend

que la distinction a surtout de l'importance au point de vue du

BIBLIOGRAPHIE. 455

pronostic à'porter sur l'avenir du sujet passif ; 4° la folie trans-

formée (Kiernan), dans laquelle plusieurs fous renfermés dans un

asile changent leurs idées délirantes pour celles d'un fou plus

intelligent; ou, plus exactement, dans laquelle plusieurs fous se

laissent imposer une nouvelle idée délirante par un autre fou qui

les domine.

Puis, traitantdusuicide,111. Chpolanslii commence par déclarer

que cet acte n'est pas nécessairement une manifestation de la

folie, contrairement à l'opinion d'Esquirol, de ralret, de Bourdin

et de la plupart des aliénistes contemporains; pour lui, rattacher

le suicide à la folie constitue un danger social, parce que, si ou

peut dire que le suicide est un acte morbide on pourra en dire

autant de toute espèce de crime, et alors tout sera excusable.

Nous proposerons de retourner la déduction et dire que de certains

malades sont aussi dangereux que des criminels, il faut les con-

sidérer aussi comme des nuisibles et prendre contre eux les mêmes

mesures de précaution que contre des criminels, puisque leurs

actes sont aussi préjudiciables à la société. D'ailleurs, parmi ses

nombreuses observations, l'auteur ne cite aucun cas de suicide

accompli par des sujets dont l'état d'intégrité mentale soit nette-

ment établi, il s'agit toujours d'irréguliers incapables de sup-

porter les conséquences d'actes antisociaux, comme ils avaient été

incapables de résister à la tentation de les accomplir. Cependant

M. Ch. concède que « ne se suicide pas qui veut », et il pense que le

suicide à deux peut être comparé à la folie à deux, et que les dif-

férents exemples de suicide collectif sont justiciables d'une

classification analogue. Il existerait : 1° un suicide imposé; 2° un

suicide simultané (le seul exemple cité est un cas de folie gémel-

laire) ; 3° un suicide coanmuniqué; 4° un suicide par transformation,

auxquels on peut adapter les définitions des différentes formes de

folie à deux. Il est impossible d'entreprendre une discussion de

ces conclusions ne s'appuyant que sur des observations mal prises

ou très vagues qui ne sont souvent que des « faits divers ». En

tout cas les quelques observations détaillées qu'on trouve dans ce

travail ne font que venir à l'appui des conclusions de M. P. Mo-

reau (de Tours) qu'on peut résumer en disant qu'il n'y a que des

prédisposés qui soient susceptibles de subir la contagion du sui-

cide. Ca. 1 .

VI. Etude anatomique et clinique sur la sclérose en plaques; par le

Dr J. Babinski, ancien interne des hôpitaux de Paris, prépara-

teur des travaux pratiques à la Faculté. (Thèse, 1885.)

La thèse de M. Babinski n'est pas une monographie de la sclé-

rose en plaques. L'auteur s'est proposé exclusivement dans ce

456 BIBLIOGRAPHIE.

travail d'apporter de nouveaux documents pour l'histoire anato-

mique et clinique de cette affection.

La première partie de cette étude est consacrée au coté anato-

mique. Dans un premier chapitre, M. Babinski s'attache aux deux

points suivants : l'absence de dégénérations descendantes et

ascendantes dans la sclérose en plaques qui a semblé être une

dérogation à la loi wallérienne; - le mécanisme par lequel se

produit la destruction des gaines'de myéline. Sur le premier, il

confirme l'explication proposée déjà par MM. Charcot et Vulpian,

mais 'que l'insuffisance des méthodes histologiques employées à

cette époque par ces éminents observateurs ne leur avait pas per-

mis de démontrer. Non, l'absence habituelle de dégénérations

secondaires dans la sclérose en plaques ne constitue pas une déroga-

tion à la loi wallérienne ; cette apparente anomalie tient à ce que

lés cylindres-axes sont ordinairement conservés dans les plaques de

sclérose. Dans les cas où leur intégrité n'est pas complète, il se

développe, comme dans les autres affections destructives du sys-

tème nerveux central, des dégénérations secondaires dont l'inten-

sité est en rapport avec le nombre des cylindres-axes détruits.

Quant à la destruction des gaines de myéline, loin d'être sous la

dépendance d'un phénomène mécanique, d'une compression exercée

sur les tubes nerveux par le tissu conjonctif de nouvelle forma-

tion, comme on l'a cru jusqu'à présent, elle est liée, au contraire,

à un phénomène vital, et résulte principalement de l'activité nutri-

tive des cellules de la névroglie et des cellules lymphatiques sor-

ties des vaisseaux par diapédèse. On peut s'expliquer ainsi, plus

facilement qu'avec la théorie mécanique, la persistance ordinaire

et très prolongée d'un grand nombre de cylindres-axes dans les

plaques de sclérose. La myéline, en effet, est une substance, pour

ainsi.dire inerte, qui ne peut opposer de résistance au travail

destructif exeicé sur elle par les cellules lymphatiques, tandis

que les cylindres-axes, ayant conservé leurs connexions avec les

cellules nerveuses d'où ils émanent, sont doués d'une vitalité qui

leur permet de lutter contre l'action de ces cellules.

Dans le chapitre il, l'auteur fait une étude comparative des

diverses . variétés de scléroses de la moelle, afin de faire mieux

ressortir par ce rapprochement les caractères anatomiques de la

sclérose en plaques. Or, la nature de la dégénération des tubes

nerveux, analogue à celle qui s'observe dans le bout central d'un

nerf sectionné au voisinage de la section, la persistance d'un

grand nombre de cylindres-axes dénudés, l'intensité des altéra-

tions des parois vasculaires, la disparition souvent complète de la

myéline au centre des îlots de sclérose, constituent, au point de

vue histologique, les traits essentiels de la sclérose en plaques.

Au contraire, la sclérose systématique secondaire doit ses carac-

tères distinctifs à un mode de dégénération des tubes nerveux

BIBLIOGRAPHIE. %I57

analogue à celui qui s'observe dans le bout périphérique d'un

nerf sectionné, à l'absence de cylindres-axes dénudés, au peu

d'intensité des lésions vasculaires, à la persistance au milieu du

tissu de sclérose d'un grand nombre de tubes à myéline. Par

la persistance possible d'un certain nombre de cylindres-axes

dénudés, par l'intensité des altérations vasculaires, par la dispa-

rition parfois complète de la myéline dans les faisceaux scléro-

rés, la sclérose tabétique se rapproche davantage, au point de vue

de ses caractères histologiques, de la sclérose en plaques que de

la sclérose secondaire.

Dans le chapitre III, M. Babinski traite la question de la régéné-

ration des tubes nerneux de la moelle. Il a rassemblé et analysé les

principaux documents relatifs à ce sujet, et conclut que cette

régénération chez l'homme est tout à fait exceptionnelle, si tant est

qu'elle soit possible. Par conséquent, la disparition de phéno-

mènes paralytiques chez un sujet atteint de myélite indique d'une

façon presque certaine qu'il s'agit d'une myélite non destructive

et peut conduire au diagnostic de sclérose en plaques.

A cette étude anatomique sont annexées deux planches en

lithographie représentant des préparations faites, la plupart

d'après la méthode de M. Weigert.

Dans la deuxième partie consacrée à ['étude clinique, l'auteur,

après avoir résumé brièvement l'état des connaissances actuelles,

relate douze observations qui sont la base de son travail; six

d'entre elles sont inédites et cinq sont personnelles. Plusieurs

dessins, dans le texte, représentent une série de coupes de la

moelle échelonnées de haut en bas et permettent de se rendre

rapidement et exactement compte du siège des plaques de sclé-

rose dans les observations personnelles de M. Babinski.

Dans les chapitres suivants sont décrites certaines variétés et

certaines formes de la sclérose en plaques qui n'ont pas encore

été étudiées ou ne l'ont été que d'une manière insuffisante.

L'hémiplégie dans la sclérose en plaques n'est pas toujours consé-

cutive à une attaque apoplecliforme; elle peut se développer

progressivement. Elle constitue parfois pendant un temps plus ou

moins long le trait le plus saillant du tableau symptomatique, et

peut donner faussement l'idée d'une lésion cérébrale en foyer.

Des plaques de sclérose disséminées dans la moelle peuvent,

lorsque les cylindres-axes sont détruits, se manifester clinique-

ment par les symptômes qu'on observe dans la myélite circons-

crite destructive (paralysie et anesthésie des membres inférieurs,

troubles dans les fonctions de la vessie et du rectum, eschares). Il

y a peut-être lieu de désigner une pareille affection sous le nom

de sclérose en plaques à forme destructive.

Si la marche de la sclérose en plaques est d'ordinaire éminem-

ment chronique, elle peut exceptionnellement présenter une

458 BIBLIOGRAPHIE.

évolution aiguë; on peut dire dans ces cas qu'on a affaire à une

forme aiguë de la sclérose en plaques.

Enfin, il existe une affection dont la symtomatologie est exacte-

ment celle de la sclérose en plaques : paralysie avec contractures,

tremblement à l'occasion des mouvements volontaires, exagéra-

tion des réflexes tendineux, troubles de la parole et absence de

troubles dans les fonctions organiques, et dans laquelle cependant

les lésions échappent complètement à nos moyens d'investigation.

M. Babinski en a réuni trois observations et conclut avec M. West-

phal qu'il existe une névrose qu'on peut appeler pseudo-sclérosé

en plaques. CH. F.

VII. Contribution à l'étude de la maladie de 31eniére et de son

traitement; par LEL.1RGE. (Thèse, 1885.)

« La maladie de llienière, conclut l'auteur, n'étant le plus sou-

vent qu'un complexus symptomatique reconnaissant des causes

diverses, on est autorisé à admettre que le traitement par le sul-

fate de quinine n'est pas applicable à tous les cas. » Nous le

croyons volontiers, mais on aurait pu s'attendre à trouver dans la

thèse au moins une observation dans laquellelesulfate de quinine

(eut été employé sans succès ; il n'y eu a aucune. « En parti-

culier, il sera inefficace, continue-t-il, dans ceux où les phéno-

mènes congestifs dominent la scène morbide. » Quelques observa-

tions, en particulier, celles de M. Gellé, témoignent en effet qua

les émissions sanguines locales ou générales ont pu être utiles;

mais quelques renseignements sur ces phénomènes congestifs

auraient pu trouver place au chapitre « symptomatologie ». CE. F.

VIII. Etude sur un mode particulier d'administration de l'opium

dans le delirium tremens ; par L. PUISTIFNNE. (Th. 1885).

M. Puistienne expose le procédé de M. Constantin Paul qui

consiste à administrer le laudanum à la dose de dix gouttes

répétée chaque heure jusqu'à ce qu'on obtienne le calme; en

tenant compte, bien entendu, des susceptibilités individuelles.

Souvent l'excitation se reproduit, mais chaque retour est calmé

plus tôt que le précédent par l'application du même traitement.

Cu. F.

IX. Eludes sur les différentes formes de myélites tuberculeuses ;

par L.-J3. 1'olsr. : nn;r. (Thèse, 11885.) -

La myélite tuberculeuse peut se présenter sous trois formes ana-

tomiques : a, forme infiltrée; b, forme diffuse àgranulationsisoia-

bles ; c, forme subaiguë ouchrouique à tumeur volumineuse unique

INDEX bibliographique 459

ouàgrosaes tumeurs toujours peu nombreuses. Lesmyélites tu-

berculeuses sont toujours secondaires. Elles se présentent avec

des caractères cliniques assez variables ; tantôt, comme dans la forme

chronique ou subaiguë, elles affectent tous les symptômes d'une

compression de la moelle : tantôt comme dans la forme infiltrée

ou nodulaire, elles donnent lieu à des phénomènes douloureux,

et qui sont souvent masqués par les troubles propres à l'infec-

tion cérébrale concomitante. Cu. F.

X. Zehn Vorlesungea ùber fteiz Bau der nerv6sen Centralorgane ;

par L. Edinger. (Leipzig, F.-C.-W. Vogel, éditeur, 1885.)

Ces dix leçons constituent un résumé clair, méthodique,

attrayant, de l'anatomie du système nerveux central, ou plutôt de

la texture et des rapports de l'ensemble des systèmes des organes

centraux. Cent vingt gravures schématiques ou demi-schéma-

tiques animent encore davantage la peinture d'un style vivant,

précis, descriptif au possible. Une particularité qui constitue un

réel service, c'est l'habitude prise par certains auteurs, et M. Edin-

ger est du nombre, de supprimer, pour ainsi dire, les légendes

au bas des figures; chaque organe, chaque segment d'organe,

chaque tractus ayant acquis droit de citoyen, porte désormais son

nom inscrit en toutes lettres sur son propre corps : avec celte

méthode il n'y a plus de temps perdu, on évite les erreurs typo-

graphiques relatives aux lettres indicatrices, on supprime tout

malentendu. P. K.

XI. Des troubles nerveux dans l'intoxication par le sulfure de

carbone; par N.-E. Bonnet..(Thèse de Paris, 4885.)

L'intoxication par le sulfure de carbone produit des troubles

nerveux divers qui peuvent atteindre la sensibilité (hyperesthésie,

anesthésie, unilatérale, bilatérale, etc.), de la motilité (accidents

convulsifs, paralytiques, unilatéraux, ambilatéraux), des troubles

des organes des sens. Ces accidedts aflectent une marche qu'on

peut diviser en deux périodes : période d'excitation et période

de dépression. Quelquefois on observe une incoordination des

mouvements analogues à celle du labes ataxique. Ce pseudo-

tabes n'est pas progressif et peut être suivi de guérison. L'intoxi-

cation par le sulfure du carbone détermine souvent une dépres-

sion psychique, quelquefois elle devient la cause occasionnelle de

troubles mentaux variés. Cu. F.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE.

Du vertige auriculaire consécutif aux injections de liquide dans le

conduit auditif externe ; par A. IULLOT. (Thèse de Paris, 188ï.)

460 NÉCROLOGIE.

Contribution à l'étude du rhumatisme cérébral, traitement par

l'hydrothérapie; par H. DUPI1É. (Thèse de Paris, 1885.)

De l'atrophie du triceps crural dans les fractures de la rotule ; par

DESEUCHE. (Thèse de Paris, 1885.)

La thérapeutique morale et la suggestion; par Alphandery. (Thèse

de Paris, 1885.)

Du délire toxique et du délire urémique en particulier ; par

COTTON D'ENGLESQUEVILLE. (Thèse de Paris, 1885.)

Contribution à l'étude de la régénération des nerfs périphériques ;

parMARacuEY. (Thèse de Paris, 188.)

Élude sur les nzéningo-myélites chroniques; par BÉHOER. (Thèse de

Paris. 1885.)

Contribution ft l'étude de la sclérodermie ; par E. COLLIN. (Thèse

de Paris, 1886.)

La névralgie utérine, ses dangers, son traitement ; par SoTo Y IL-

faro. (Thèse de Paris, 1886.)

D6spse : fdo-<a&M/'par LEVAL-PICQUECHEF. (Thèse de Paris, 1885.)

Études cliniques et physiologiques sur les muscles ; par Gilles DE

la TOURETTE. (Thèse de Paris, 1885.)

Considérations sur l'influence de l'alcool chez les arthritiques ; par

Chevassus. (Thèse de Paris, 1886.) .

NÉCROLOGIE

M. LE Dr H. LEGRAND DU SAULLE

La médecine légale et la médecine mentale viennent de faire

une perte cruelle dans la personne de M. Legrand du Saulle, mé-

decin de la Salpêtrière, médecin en chef de l'infirmerie spéciale

près le dépôt de la Préfecture de police, membre fondateur de la

Société de médecine légale, ancien président de la Société mé-

dico-psychologique, officier de la Légion d'honneur.

M. Legrand du Saulle, décédé le jeudi 6 mai, était né en 1830

à Dijon, où il commença ses études médicales. Dès le début, il

s'attacha à l'étude des maladies mentales et fut successivement

interne des asiles de Dijon, de Rouen et de Charenton. Dès son

arrivée à Paris, il collabora à la Gazette des Hôpitaux avec le

professeur Trousseau dont il publia presque toutes les leçons

cliniques. Il fut l'un des fondateurs de la Société de médecine

faits DIVERS. 461

légale avec MM. Gallard et Devergie et rédigea les Annales médico-

psychologiques. Médecin de Bicêtre depuis 1867, il passa, il y a

quelques années, à l'hospice de la Salpêtrière. On doit à M. Le-

grand du Saulle un grand nombre d'ouvrages médicaux ayant

trait à la pathologie mentale et à la médecine légale. Nous cite-

rons entre autres : La Folie devant les tribunaux, couronné par

l'Institut, Paris, 1884; Le Délire des persécutions, 1873; La

Folie héréditaire, 1873; La Folie du doute, 1875; Etudes mé-

dico-légales sur les épileptiques, 1877; -Etude clinique sur la peur

des espaces (agoraphobie), 1878; Signes physiques des folies rai-

sonnantes, 4878; -Etude médico-légale sur les testaments contestés

pour cause de folie (couronné par l'Institut), 1879; Etude mé-

dico-légale sur l'interdiction des aliénés et sur le conseil judiciaire,

1881 ; Les Hystériques, 1883 ; enfin un volumineux Traité de

médecine légale, de jurisprudence médicale et de toxicologie, 1886,

en collaboration, pour la 2° édition, avec M. G. Berryer, avocat,

et M. Gabriel Pouchet, agrégé à la Faculté de médecine. Il « a

publié en outre, un grand nombre d'articles dans la Gazette des

Hôpitaux jusqu'à ces derniers jours.

FAITS DIVERS

Infirmerie spéciale DE la préfecture DE police. M. le Dr LEGRAS

est nommé médecin adjoint en remplacement de M. le Dr Ch. Féré,

démissionnaire.

Maison nationale DE CsARENTO ? M. le Dr DAMALtX, aide d'ana-

tomie à la Faculté, est nommé chirurgien de la Maison nationale.

Une Société DE Neurologie vient d'être fondée à Londres ; c'est

à l'initiative de M. de Watteville, éditeur durain, qu'est duecette

nouvelle création. Une commission provisoire nommée dans une

réunion préparatoire a élaboré des statuts qui ont été adoptés

dans une seconde réunion; la société définitivement constituée a

procédé à l'élection de son bureau pour l'année 1886 : Dl Hug-

lings Jackson, président; D" Wilks et James Crichton, vice-prési-

dents ; De Bristowe, trésorier.

Un esprit malin. Sous ce titre, le Moniteur judiciaire, de

Lyon, publie le fait suivant, qui ne manque pas d'intérêt :

462 FAITS divers.

' « Les audiences de la justice de paix sont quelquefois égayées

par des incidents bien drôles. A l'une des dernières audiences

d'un des cantons de Lyon, se présente timidement et les yeux

baissés une demoiselle d'âge un peu mur, d'autres diraient une

vieille fille. Un monsieur, à quielle a fait donner un billet d'in-

vitation, a écrit qu'il ne connaît nullement la demanderesse.

« Celle-ci, d'une voix mal assurée, explique que le susdit mon-

sieur, qui habite l'appartement au-dessus du sien, pénètre chaque

nuit dans la chambre de la plaignante, lui tient les propos les

plus inconvenants et cherche à attenter à son honneur. (Mouve-

ment d'attention dans l'auditoire.)

«M. le juge de paix conseille à la demanderesse de mieux

fermer sa porte; mais celle-ci se récrie et dit que le séducteur

n'a jamais franchi personnellement cette porte; que tous les

griefs dont elle se plaint lui sont causés par l'esprit de son voisin,

qui serait, dit-elle; un spirite très puissant et très malfaisant;

que cet esprit pénètre chaque nuit auprès d'elle et lui enlève

tout sommeil.

«L'hilarité des assistants coupe la parole à la pauvre fille, qui

jure ses grands dieux qu'elle dit la vérité; et M. le juge de paix

a beaucoup de peine à lui faire comprendre qu'il n'est pas com-

pétent pour juger cette affaire délicate, et qu'elle ferait mieux

d'aller consulter un médecin... aliéniste.» (Le Temps, 26 avril

1886.)

Un soldat FOU. - On mande de Huy le 26, à la Gazette de Liège,

qu'un soldat du 9° de ligne cantonné à Marchin, pris d'un accès

de folie, a quitté son poste et a gagné le bois voisin, menaçant

les passants et tirant des coups de feu. Des soldats envoyés à sa

recherche le retrouvèrent, mais le fuyard fit feu sur ses cama-

rades. Ceux-ci ripostèrent et cette chasse dura près de deux

heures. Le fou tira trente cartouches sans atteindre personne et

finalement lomba percé d'une balle. Son cadavre a été déposé à

l'église de Marchin. De tels actes montrent combien il y a encore

- de propagande à faire pour que chacun soitbien persuadé que l'on

doit employer les moyens de douceur et la persuasion pour venir

à bout des aliénés.

Nécrologie. M. le Dr Bn.LOD, ancien médecin en chef de

l'asile du Vaucluse, est décédé le 26 février à Château-Gonthier,

à l'âge de soixante-sept ans. Il laisse de nombreuses publications :

Recherches et considérations relatives <t la symptomalologie de l'épi-

lepsie (Ann. 2néd. psych. -18+3); Considérations méclico-psycholo-

giques sur le traitement de la folie (thèse, <846); Des maladies

de la volonté ou étude des lésions de cette faculté dans l'alié-

nation mentale; Considérations sur les intervalles dits lucides

chez les aliénés; Des lésions de l'association des idées; - Dès

FAITS DIVERS. 463

aliénés avec conscience de leur état; Des effets comparatifs de

la chronicité et de l'hérédité dans la détermination de certains types

de folie (Ann. méd. 2)sych.), etc. La plupart de ses mémoires ont

été réunis dans deux volumes qu'il a publiés il y a deux ans. Il

faut en outre, citer son Traité de la Pellagre, et son étude sur les

Aliénés en Italie.

- Le 1), Edouard Fournier, médecin de l'Institut national des

sourds-muets, vient de mourir à l'àge de cinquante-deux ans. Parmi

ses nombreuses publicalions, nous citerons plus spécialement les

suivants : Physiologie de la voix et de la parole (t vol. in-8°. Paris,

1866); Physiologie et instruction du sourd-muet (I vol. in-8°. Paris,

1868); Physiologie du système nerveux cérébro-spinal (I vol. in-8°.

Paris, 1872); Recherches expérimentales sur le fonctionnement du cer-

veau (1 vol. in-8°. Paris, d813); Essai de physiologie, la bête et

l'homme I vol. in-8°. Paris, 1877), etc.

Le Dr Jules Découse, chirurgien de la Maison nationale de

Charenton, maire de la commune de Saint-Maurice, membre du

conseil général de la Seine, est décédé le 27 février 1886, à l'âge

de quarante-trois ans.

Successivement chirurgien de la marine, médecin requis des

hôpitaux militaires de Paris, il devint en 1867 interne de la

maison de la Charenton. Il soutint, en 1871, sa thèse pour le doc-

tora : Sur la chirurgie des aliénés. L'année suivante, il fut nommé

chirurgien de la Maison nationale de Charenton, en remplacement

de M. le Dr Déguise, mis à la retraite. (Aazrz. méd. pysch.)

Assistance des aliénés A BERLIN. La construction d'un nouvel

asile pour les aliénés fait partie des projets qui doivent être réa-

lisés à l'aide du nouvel emprunt municipal de cinquante millions

de marks. Les administrateurs de l'asile de Dalldorf ont proposé

de faire construire, dans le voisinage immédiat de Berlin, un

asile de six cents lits, exclusivement consacré aux épileptiques ;

on bâtirait, ensuite, et un peu plus loin, un autre asile pour

douze cents aliénés, dont une partie serait des pensionnaires

placés au compte de leurs familles. En outre, on ajouterait à

l'asile de Dalldorf deux nouveaux pavillons contenant, ensemble

une centaine de lits ; on arriverait, ainsi, à créer un supplément

de treize cents places. La statistique prouve malheureusement

que le besoin de ces places est tout à fait pressant. L'asile de

Dalldorf, bien que créé pour 1,020 malades, est arrivé à en con-

tenir 1,250, et l'augmentation du nombre des aliénés et des épilep-

tiques est telle qu'il ne peut plus suffire aux demandes d'ad-

mission.

En 1860, le nombre des malades de ces deux catégories, dont

1' assistance incombait à la ville de Beilin, n'était que de 228, ce

464 BULLETIN bibliographique

qui faisait 0,43 par mille de la population. En 1870, la propor-

tion était déjà de 521, soit 0,67 pour mille. En 1880, on comptait

1,240 malades, soit 1,10 par mille; au 101 octobre 1885, leur

nombre était de 1,976, ce qui fait plus de 1,50 par mille. D'après

les nouvelles prévisions de dépenses, le nombre des aliénés et des

épileptiques à la charge de la ville est déjà évalué à 2,100. Quand

on a décidé la création de l'asile de Dalldorf, on a cru que cet

établissement unique suffirait à soigner tousles maladesau traite-

ment desquels la ville doit pourvoir. Mais celle-ci est déjà obligée

de faire entretenir 723 malades dans différents asiles privés, et le

nombre va en être porté à 830. Si la progression reste la même, il

y aura bientôt autant de malades placés dans les asiles privés, que

dans celui de Dalldorf, qui en contient 1,280.

On s'occupe, aussi, de la création, dans la ville même de Berlin,

d'un bureau d'admission pour les aliénés ; jusqu'à présent, ce ser-

vice est installé, en vertu d'un traité, à l'hôpital de la Charité ; les

administrateurs de l'asile de Dalldorf, après examen approfondi

de la question, ont déclaré qu'il serait préférable pour la ville de

reprendre, en mains propres, tout le service des aliénés et de créer

un établissement spécial pour leur première admission. Cet éta-

blissement contiendrait cent cinquante places, et serait doté de

toutes les dépendances nécessaires. ( Ceiztralblatt sur Ner-

venheilkunrle, etc., iio du 15 février 1886.)

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Brousse (A.). De l'involution sénile (des modifications organiques

et fonctionnelles dans la vieillesse). Bi-ocliure iii-8- de 163 pages. -

Prix : 3 fr. 50. Paris, 1886. Librairie A. Delahaye etE. Lecrosnier.

LANOAILLE de LtcutSE. Tarassis, Troubles de l'Ame et du corps chez

l'homme dans les temps modernes et dans l'histoire. Brochure in-8° de

40 pages. Paris, 1896. Librairie J.-B. Bailhère et lits.

SAuny (H.). Etude clinique sur la folie héréditaire (Les dégénérés).

Brochure in-8» de 233 pages. Paris, 1886. Librairie A. Delahaye et

E. Lecrosnier.

Le rédacteur-gérant, BOUIINGVILLI's.

TABLE DES MATIÈRES

Acétonurie des aliénés, par Lcebr

277.

Addison (maladie d'- et folie), 435.

Alcool dans le traitement de ma-

nie, 119.

Alcooliques (délire des) par Wit-

kowski, 317.

Aliénation mentale (cas d') intime-

ment liée a un abcès s'ouvrant

par l'oreille externe gauche et

reconnaissant comme influence

pathogénique importante une fiè-

vre saisonnière, par Mairet, 129.

Aliénés (colonisation des), par Ou-

dart, 118 ; (Requêtes des -

devant les tribunaux civils), 119;

- (statistique des), 122.

Aliénés héréditaire, par Taty, 455. ,

Aliénés (statistique), ? 88 ; - (à l'a-

sile d'Hildeuleim), parSuell, 293.

Alimentation par le rectum, 427.

Amnésie traumatique , par Rouil-

lard, 95.

Anestliésie sensorielle dans les af-

fections du système nerveux cen-

tral, par Tliomsen et Oppenheim,

80.

Anthropologie par Topinard, 124.

Apomorphine dans l'hystérie et les

troubles nerveux, 445.

Apoplexie séreuse, 421.

Artère basilaire (oblitération de la),

85.

Asiles, par Hasse, 88.

Asiles de Saxe, par Pcetz, 9G ; - z

de la Seine (mouvement de la

population en 1 SS5), 333 ; - (ius-

pection médicale (les), 333 ; - z

asile du 111urbiUau, 333 ;-de Saint-

Albau, 333 ; - de de Somme, 334 ;

- de lit Providence, 335 ; de Glas-

cow, 33; - (auatomie pattolo-

gique dans les), 428; (adminis-

tration des), 431; (précautions

contre les incendies, dans les),

433; - Guérison dans les), 434.

Asiles-hospices, 110-

Assistance des aliénés au Japon,

lwr Sal : al : y, ? G9; - eu Allema-

gne, par Loelir, 320.

Asthme et psychoses, par Kelp, 299.

Ataxie subaigue (anatomie patholo-

gique de 1'), par Kast, 3-20.

Attitudes considérées comme indi-

catives des états moraux et envi-

sagées dans les oeuvres d'art, par

Warner,2jS.

Balbutiement écrit chez les idiots,

4 37.

Béquilles (paralysie double par). 85.

Buveurs (myélite des) par Seelig-

muller, 108.

Cécité, 257.

Cerveau (nutcitiou du), par llteynert,

233; - (irritation, lésion, com-

pression du), par Adamlciewicz,

291 ? atroplue desfibres myé-

line dans l'écorce du dans la

paralysie proâressive), pacZacher,

30S ; ^zones motrices), pat Hu-

blé, 29; - (ramollissement (lu) ;

85 ; (masses risestlu), parJley-

nert,1 15 ? (auomalies des artères

du), 422; - lésion du lobe tem-

poral gauche sans aphasie chez

un gaucher, 425.

Cervelet (voies d'union du), 234); z

(lit), 422.

Chorée traitée par le bromure de

camphre, par Bourneville, 250.

Colonies agricoles, 389.

Colonisation des aliénés, 118.

ConRestion cérébrale apopiectifbrme,

421.

Archives, L. XI. 30

fez table DES matières.

Congrès (international de Copenha-

gue), 287 ; - des neurologues et

aliénistes de l'Allemagne du sud-

ouest), 302;-(LVIIe -des natu-

ralistes et médecins allemands,

9G;-(de phréniâtrie etde neuro-

pathologie d'Anvers, 117.

Conscience les conditions physi

ques, de la), par Ilerzeu, 238;

(mterruptions de la), par Tuczek,

311 ; - (explications physiologi-

ques de la), par Lann vieser, 88.

Convulsions cloniques, par Meynert,

114.

Couronne rayonnante, par Meynert,

116.

Criminalité et folie, 123.

Crâne (mouvement du sang dans

le), Gi,asli( ? 103.

Curarine (action thérapeutique du

sulfate de), 442.

Dégénérations secondaires de la

moelle, par Ilublé, 19.

Délire émotif, 119.

Delirium tremens et folie, 434; -

(opium dans le), 458.

Diabète (troubles nerveux dans le

chez les femmes), par Lécorcli6,

5 ? ef.

Dure-mère (tumeur de la), 420.

Dyscrasie, psychoses et névroses,

par Mueler, 292. et iiévroses,

Ecoles et maladies mentales, 289.

Ecriture d'un chroréique, 250.

Electricité statique (elfets thérapeu-

tiques de 1'), par l3enedlct, t18;

(danslettaitementdelafolie),

419, 445.

Electrothérapie, par Neftel, 439.

Elongation nerveuse, hématomyélie,

76.

Encéphalite aiguë des enfants, par

Struempell, 112.

Epidémie hystéro-choréidue, n20.

Epilepsie bulbaire, 84.

Epilepsie et rhumatisme, 2t6 ;

(ramollissement des cornes occi-

11ltles dans 1'), par Zohrab, 405.

Epilepsie partielle par lésion sous-

corticale, 421.

Ergotine et psychoses, 443.

Face (tic de la et élongation du

facial), 441.

Faisceaux grêles et cunéiformes,

234.

Folie aiguë mortelle accompagnée

de convulsions localisées, par

Levy, 268.

Folie gémellaire, 435.

Folie héréditaire, 258, 261, 262, 447.

Folie sénile, par Savage, 92.

Folie et électricité, 419; - (et ma-

ladies utérines),428; - (consécu-

tive dt un traumatisme sur là tête),

429; - (et delirium tremens), 434.

Gliose de l'écorce cérébrale, par

Fnerstner, 30p.

Grossesse et paraplégie, 304.

H ! 'bcphrénic, par ICahllwum, 106.

Ilématomyélie consécptive 3 l'élon-

gation nerveuse, dans l'ataxie,

par Rumpf, 76.

Ilémiauesthésie, par Seeligmuller,

108.

Hémianopsie d'origine centrale, par

Ségtiiii, 176.

Hérédité de la paralysie générale,

289.

Hoematorachis, 100.

Hypnotisme (de l'), par Jendrassik,

358.

Hystérie (études cliniques sur la

grande), par Richer, 152.

Hystérie et morphinisme, 398.

Hystérie et paralysie générale, 119.

Hystérie et rhumatisme, 216.

Hystéro-choreique (épidémie), 420.

Idiot (cerveau d'), par Koentg. 265.

Itifl.immation iieuroparalttqtie, pii

Gudden, 109.

Ischurie hystérique, par Frew, 80.

Jointmes (les - de Char-

cot),parAtMn ? 0.

Lombago (injection hypodermique

de nitrite d'amyle dans le), ; -

(convulsions consécutives), 441.

Maniaque (excitation), il9.

Maniaques (mort rapide avec symp-

tdmes), par Savage, 92.

Manie (est-elle une forme morbide

autonome ? ), par Tilling, 86.

Manie aiguë, 429.

Médication par le rectum, 427.

llelaucholia attonita, 431.

Mélancolie de famille, 430.

lfénière (malalie de), 458.

Mental (trouble consécutif à une

blessure du crâne), par Schroe-

ter, 281.

Meurtre et alcoolisme, par Fritsch,

87; (et folie), 436, 437.

table des matières. 467 7

Microcéphale (anatomie de la moel-

le), par Flesch, 112.

Migraines (traitement), par Storch,

293.

Moelle épinière (localisation du

centre ano-vésical dans la), par

Kirchholf, Hï3; - (anoio-sarcome

central de la), 446.

Morplunisme (rapport médico-légal),

398.

lllorphiomanie, par Obersteiner,288.

Musculaires (phénomènes), par Rei-

nhard, 254.

Mutisme durant 20 ans chez nu

idiot, par Charpentier, 259.

Myélite des buveurs, par Sectig-

muller,108; - (tulerculeuse), 458.

Myopathie atrophique progressive,

par Lamlouzy et Déjerine, 78.

MY% me, par Harhnann, 84.

Nerfs crâniens (trajet des faisceaux

centraux des), par Edinner, 313.

Nerveux (structure des éléments du

système), par Front], 233.

par Beiiedikt, 123.

Neurasthemie cérébrale, par Anjel,

254.

Névrite segmentaire (contribution 1

l'étude de la), par Pitres et Vail-

lard, 337.

NévropatUies et ozone, 111.

Névroses vaso-motrices et trophi-

(lues, par Eulenbnrg, 290.

Nitrite d amvle (convulsions consé-

cutives à l'injection de), 441.

Oculaire (névralgie et paralysie -

à retour périodique, constituant

un syndrome clinique spécial, par

Yarinautl et Marie, 15.

Oreillons (des manifestations céré-

brales et ménuigitiques des), par

Lannois et Lemoine, 1.

Os (fragilité des - chez les para-

lytiques généraux), par Christian,

121.

Ozone et névropathies, 111.

Paralysie agitante, par Grasley, 312.

Paralysie z

mann, 78.

Paralysie double par béquilles, par

Vinas, 85.

Paralysie générale, 87, 257, 286;

(chez une jeune femme), par Wi- i

gleswoitli, 92, 420.

Paralysie saturnine, par Schulze,

308.

Paralysies spinales avec ataxie, par

Leewenfelcl, 77.

Paralysie spinale spasmodique, par

Nicol, 296.

Paraplégie dans la grossesse, par

Jolis, 301,. -

Personnalité multiple, 119.

l'oliomyelite antérieure aiguë et

paralysie de Landry, par Immer-

mann, 30.

Pouls lent, épilelisie bulbaire, par

l.épiue, S4, 435.

Prix Aubanel, Esquirol, Belhomme,

More.au de Tout s, 26t).

Puberté et surmenage, par Jelm,

106.

Raisonnement (psychologie du), par

Binet, 447.

Réaction de dégénérescence et phé-

nomènes tendineux-, par Bernai;,

423.

Rhumatisme articulaire aigu, ses

relations avec l'hystérie et l'épi-

lepsie, par Souza Leite, 216.

Sclérose en plaques (étude anato-

mique et clinique sur la), par

Babinsky, 455.

Sclérose latérale amyotrophique,

291.

Sénile (folie), par Savage, 92.

Sens de la température à l'état sain

et a l'état morbide, par Donatli,

255.

Sens génital (inversion du avec

épilepsie), par terrain, 42; par

Savage, 427.

Sexuels, (maladies des organes -

chez la femme, et troubles psychi-

ques), par Hasse, 99.

Société de psychiatrie et z

lo ie légale de Vienne, 113.

Société psychiatrique de Merlin, 26 'i.

Société 6 iné(lico-I)seliolo,-i(Itte, 95,

Sopor, par Fi iediiianti, 315.

25s, 44s.

Spinale (affection avec cécité et

paralysie générale),parWestpha),

257.

Suggestion hypnotique dans le trai-

tement des atlectious meutales,

par Voisin, 263, 446.

Suicide (cas de), 92 : suicide à

deux, par Chpolianski, 454.

Sulfure de carbone (troubles ner-

veux dans l'intoxication par le).

459.

Surmenage et puberté, par Jelm,

106.

468 TABLE DES \i \1'Ii;2LS.

Syphilis et tabès, par Berger, 108. «

Système nerveux central (structure

du), par Edinger, 45J.

Tabès combiné (ataxo-spasmodique)

ou sclérose postéro-latérale de la

moelle, par Grasset, 156, 380.

Tabes (histologie pathologique du),

par Adamkiewicz, 988; (cura-

bilité du), par Eulenburg, 989;

(cas de,, par Nicol, 296; - ( '-et

syphilis), par Berger, 108.

Tabëtique(pied),parBoyer,8D.

Tabétiqup,s.4trotibles trophiques de

la peau chez les), par Rossoiym-

ino, 256.

Thomsen (maladie de), 303.

Visuel (examen électro-diagnostic

du champ), 424, 42ï.

Visuelle (sphère), ses relations avec

les centres optiques infra-corti-

caux et le nerf optique, yar nlona-

kow, 237.

Vol par une hystérique, < ! ;9.

Volontaire (recherches sur l'activité,)

par Piéger, 2 ?

TABLE

DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Dam, 425.

Atlamhiewicz, 288, 291.

Angel, 254.

Z ·

Babinsky, 135.

Bail, 289.

Baïaduc, 290.

l3enetltlct, 118, 12.J.

Berger, 108.

Berkltan, 437.

Bernlanlt, 441.

Binet, 4 47.

Binswanger, 105.

Blanche, 203.

Boeumler, 303, 311.

Bonnet 459.

Bouchereau, 259, 260, 417.

Bourneullp, 250.

Bouveret, 421. 1 .

Bouzol, 420.

Boyer, 85.

Briaml, 96, 259, 260, 262, 264, il,7.

Bi,ou,irdel, 298.

Campbell, 431.

Chapman, 434.

Chariot, 398.

Charpentier, 95, 29, 2G ! , 26-).

Chaslin, 452.

Chpoliansky, 454.

Christian, 191, 260.

Cotard, 258.

Coutagnp, 92.

Dagonet, 258.

Deiiy, 8 85, 92, 121, 421, .38, 443.

Déjerme, 78.

Donath, 255.

Dotvall (\l;tc), 420.

Edel, 286....

Edinger, 303, 313, 459

Enoelslajrnn, 4 ?

Eparwer, 4°I.

Erb, 303.

Eulenburg, 289, 290.

Eyselein, 111.

l'alk, 2S3, 257.

lulret, ? 69, 261 .

Féré, 80, 95, 4s, 458, 459.

Flesch, 112.

Ftiedenreicli, 291

Freunil, 233.

lrew, 80.

Friedmaim, 315.

Fritsch, 87.

Fuerstnsr, 305.

Garnier, LIS.

Glaser-, 426.

Uollstein, QS6.

Grasset, 156, 380.

Grashey, 103, 110, 312.

Gudridi, 109.

Guinand, 438.

Gumprccht, 107.

Hallages, 292.

liasse, 88, 99.

Hartmann, 84.

Herzen, 238.

Hitzig, 100.

Hoffmann, 78.

Howclen, 433.

Hublé, 29. '

Ideler, 269.

lmmermaun, 301.

Iraclidy, 249.

Jastrowitz, 268, 283, 286, 287.

Jelm, 106, 111.

Jenclrassik, 356.

Jolly, 304.

470 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

Kahlbaum, 106, 111.

Kahn, 313.

Kast, 320.

Iiéraval, 77, 78, Si, 86, 87, 88, 92,

113, 233, 234, 23 238, 253, 254,

255, 256, 257, 281, 301, 320, 332,

424, 425, 4 ? G, 437, 438, 441, .i43,

'.59.

Kelp, 299.

Kirchlioff, 253.

Kjellberg, 292.

Kceni, 2G5.

Kourad, 424.

Landouzy, 78.

Langwieser, 88.

Lannois, 1.

Laurencin, 445.

Lécorclé, 54.

Legrain, 42.

Lehmann, 442.

Leite (Souza), 216.

Lelare, 45ç.

Lerrioiiie, 1.

Lépine, 84.'

Levy, 2G8.

Loetr (senior), 269, 277, 286, 287.

Lcevenfield, 77.

Luys, 446.

Diacphail, 432, 435.

Magnan, 262.

lllawet, 129.

Marie, 15.

nlayet, 85.

lllendel, 105, 110.

nleschecle, 107, 110, tt t.

lleynert, i t 4, 1 5, 116, 233.

illickle, 427, 435.

llloualcow, 237.

Motet, 95, 398. ·

z

Musgrave-CIay (de), 95,94, 95, 238,

244, 4s0, 422, 423, 427, 42S, 429,

430, 431, 432, 433, 434, 435, 436,

437,442,445.

Nebel, 443.

Neftel, 439.

Neroth, 419.

Nicol, 296.

Obersteiner, 288.

Oppenheim, 80.

Oudart, 118.

Parinaud, 15.

Pitres, 337.

Pcetz, 96, 289.

Puistienne, 458.

Rayner,429,430.

Reinltard, 255.

z

Rey, 119, 259.

licher,

ltieger, 244.

Rosenbaclt, 293.

Rossolymmo, 256.

rots, 291.

Roui))an),95.

llumpll, 76.

Sakaky, 269.

Savaôe, z 427, 434.

Sclilangenliaiisen, 437.

Schraeter, 981.

Schultzv, 308

Seeligmuller, 108.

Séglas, 80.

Seguiu, 97G.

Semai, 123.

Sltaw, 42` ? .

Soleil, 293.

Starch, 293.

Steenberg, 288.

Stillina, 314.

Straltan, 441.

Struempell, 912.

Taty, 453.

Thomsen, 80.

Tilling, 86.

Topinard, 124.

Tuczek, 308, 311.

Paillard, 337.

Vejas, 2jl.

Verriest, 119.

Vinay, 85.

Voiceuet, 458.

Voisin, 263, 446. '

Wagner, 42 ?

Warner, 238.

Watteville (de), 443.

Wcil, 443.

Westphal, 257, 425.

Wigtesworth, 92, 42), 4RS, 430, 431

Witkowski, 317.

Wood, 429.

Yellowlees, 436.

Zaclter, 87, 308, 310.

Zeiiker, 286.

Zohrab, 405.

EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCHE PREMIÈRE

FOYER DL RAMOLLISSEMENT AYANT DÉTRUIT LA MOITIE DU CORPS C1LLCIJY, ETC.

Hémisphère cérébral droit de 131d... (Ons. II). Coupe verticale et <)'M ? M-

versale, entre les tubercules mamill aires et les pédoncules cérébraux,

dessin deini-schëmanque d'après un croquis fait d'après nature le jour de

l'autopsie *

C c, corps calleux.

VSI, ventricule de la cloison transparente.

C 0, Couche optique.

A m, corne (I'Aininoii

SR, sillon de Rolando.

F, foyer de ramollissement ayant détruit la moitié du corps calleux, la

circonvolution qui le surmonte, la partie supérieure du noyau caudé

NCa, et une grande portion de la substance blanche sous-rolandiquc

Si/, scissure de Sylvius et lobule de l'insula.

C. iiit., capsule interne.

Sph. V l, corne sphënoidaie du ventricule latéral.

472 EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE II

(Dessins faits à la chambre claire.)

F ? f7Scgme)it()ont.)a.g'.nnedcmyetineesta)tfreedanssGS por-

tions hériphértques, a, et transformée en une matière granuleuse d'un

gris cendré. Au centre, persiste un cordon, b, de myéline homogène,

encore intacte; s, segments normaux.

Fig. 2. Segment dont la myéliue est réduite en une série de grosses

sphères remplies de fines granulations noires, grises, jaunes ou am-

brées. Entre ces sphères, on ne distingue aucune trace de cylindre-axe;

- s, segments normaux.

Fig. 3. Segment où les débris de myéline sont représentés par

quelques sphères remplies de granulations noires, grises, ambrées et au

milieu desquelles on rencontre souvent un noyau. Entre les sphères, la

gaine de Sehwann affaissée ou plissée, contient encore une matière

protoplasmique grenue, jaune ou grise; a, plus de trace de cyluldre-

axe; s, segments normaux.

Ftg. 4. Altération segmentaire. Disparition presque complète de

la myéline. Sur la plus grande partie de son étendue, la gaine de

Schmaun est Ilétrie, plissée; aucune trace du cylindre-axe; s, segments

normaux.

1%ig. 5. - Segment atrophié.a.gainedeSchwannvide.plissée.

&,noyaux;aucunettacedec\tindre-axe ? s, segments normaux.

Fig. 6. Altérations segmentaires successives, séparées par des seg-

ments ou des portions de segment encore intacts; s, segments in-

demnes. a, segments atrophiés ; la gaine de Sehwann plissée semble

contenir une matière homogène d'un jaune ambré et des noyaux ovoïdes.

Fig. 7. Portion de segment présentant en a des lésions semblables

à celles que l'on observe dans la dégénération wallérienne.

Fig. 8 et 9. Segment et portion de segment présentant la phase de

restauration.

4 IImiisskv. mnp - 580.