(1888) Oeuvres complètes de J. M. Charcot. Tome 5. Maladies des poumons et du système vasculaire
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(1888) Oeuvres complètes de J. M. Charcot. Tome 5. Maladies des poumons et du système vasculaire

OEUVRES COMPLÈTES

DE

J. M. CHARCOT

MALADIES

DES POUMONS ET DU SYSTÈME VASCULAIRE

TOME V

KVHa 51 FIGURES DANS LE TKXÏE ET 2 PLANCHES

PARIS

AUX BUREAUX DU PROGRÈS MÉDICAL i4, rue des Carmes.

E. LECROSNI ER ET BABÉ

LIBRAIRES-ÉDITEURS

Place de l'École-de-Médecine.

1888 ¿2e***s£§£

Tous droits réservé/.VV

5?

AVIS DE L'EDITEUR

Ce volume comprend les leçons, les mémoires et les ob-servations de M. Charcot sur les maladies des poumons, du sang, do cœur et des vaisseaux. La réunion en un même vo-lume de ces travaux, disséminés dans un grand nombre de recueils, sera accueillie favorablement, nous l'espérons, par le public médical. Sans doute, parmi ces travaux, dont cer-tains datent de plus de 30 ans, il en est quelques-uns qui n'ont guère, aujourd'hui, qu'un intérêt historique. Nous avons cru devoir les rééditer cependant, persuadé que l'histoire, elle aussi, est riche en enseignements.

Au lieu de publier par ordre de date ces divers documents, nous avons préféré les grouper suivant la nature des questions. C'est ainsi, que pour les maladies des poumons, nous avons été amené à intercaler, entre les leçons, des mémoires relatifs au sujet traité dans ces leçons. Pour cette partie du volume, nous avons été aidé des conseils de notre ami le Dr Gombault, qui était le chef du laboratoire de notre éminent maître, lors-qu'il était professeur d'anatomie pathologique. Nous remer-cions M. Gombault de son bienveillant concours.

BOURNEVILLE.

PREMIERE PARTIE

Maladies des Poumons.

LEÇONS

o

DU

COURS D'ANATOMIE PATHOLOGIQUE

Les Instituts pathologiques et la Clinique. — La struc-ture lobulaire du poumon.

Sommaire. — Objet du cours : lésions inflammatoires aiguës et chroniques des voies bronchiques et du parenchyme pulmonaire ; — tuberculose du poumon. — Solution apparente. — Nécessité d'une revision ; exemple de la phtisie tuberculeuse, dualité ou unicité de la tuberculose. — Difficultés de ces études. — Méthode qu'il convient d'employer. — Manière d'envi-sager l'anatomie pathologique ou la somatologie morbide. — Relations entre l'anatomie pathologique, l'anatomie normale et la clinique. ?— Système allemand : séparation complète de la clinique et de l'anatomie pathologique. — Instituts anatomo-pathologiques. — Anatomie médicale de structure. — Structure lobulaire du poumon. — Parties similaires ou éléments de texture. —Lobules. — Espaces interlobulaires et intralobulai-res. — Comparaison entre le foie et le poumon.

Messieurs,

L'anatomie pathologique de l'appareil respiratoire sera, ainsi que je l'ai annoncé, l'objet principal du cours de cette année : "'est vous dire que nous allons entreprendre une série d'é-

1 Leçons publiées par Bourneville dans le Projrès médical, 1877. Charcot. Œuvres complètes, t. v., Poumons. 1

(FACULTÉ DE MÉDECINE, 1877)

PREMIÈRE LEÇON

tudes qui intéressent au plus haut degré la médecine pratique et c'est là un point de vue qu'il n'est sans doute pas hors de propos de mettre en relief dans un enseignement de la nature de celui-ci.

Lésions inflammatoires tant aiguës que chroniques des voies bronchiques et du parenchtjme pulmonaire, considérées dans leurs formes très variées et très complexes ; tuberculose du poumon, tels sont, en effet, quelques-uns des grands chapitres que nous rencontrerons chemin faisant ; chapitres classiques par excellence et sur lesquels, sans toutefois négliger les autres, nous devrons diriger votre attention d'une façon toute spéciale.

Le champ que nous allons parcourir ensemble appartient, vous le voyez, Messieurs, à la pathologie la plus usuelle, la plus vulgaire et il pourrait vous sembler au premier abord que, dans ce domaine tant de fois exploré par les grands maîtres, les voies soient partout largement ouvertes et qu'il n'y ait plus, pour celui qui s'y engage, d'obstacles à redouter.

Si vous pensiez ainsi, je me verrais obligé de vous détrom-per, car plus d'une fois, je ne puis vous le laisser ignorer, nous nous trouverons dans le cours de notre exposé, en pré-sence de questions ardues, de questions d'autant plus redou-tables qu'elles avaient pu paraître un moment résolues, et qu'après mûr examen, il a fallu reconnaître que la solution proposée devait être soumise aune revision complète, radicale.

Il me suffira pour justifier ce que j'avance de citer, pour exemple, le cas de la phtisie tuberculeuse du poumon. Vous n'ignorez pas comment l'histoire de la tuberculose est entrée, depuis quelques années, dans une période critique. Les uns proclamant, au nom de l'anatomie pathologique, la doctrine dite de la dualité, régnante aujourd'hui surtout en Allemagne; les autres s'appuyant également sur les données anatomiques, mais tenant grand compte aussi des enseignements de la cli-

nique, protestent contre Ja scission et tendent à nous ramener aux vues du grand Laennec. Ce qui vient d'être dit de la tuber-culose, en général, s'applique nécessairement de tous points à la tuberculose pulmonaire en particulier.

Quel parti prendre dans un tel débat, en présence d'obser-vations ou d'expériences contradictoires, émanant souvent d'auteurs compétents, et tellement nombreuses que pour vous en présenter le seul exposé, je serai obligé de vous con-duire au milieu d'un dédale presque inextricable de docu-ments. Je n'ai cité qu'un exemple, j'aurais pu en citer bien d'autres ; mais je m'arrête, car je ne voudrais pas, assombris-sant nos horizons, semer parmi vous l'inquiétude, le découra-gement dès nos premiers pas et j'ai hâte, en manière de cor-rectif, d'affirmer la conviction que, j'espère, vous partagerez bientôt : c'est qu'à l'aide d'une méthode déjà plusieurs fois éprouvée, à l'aide aussi d'une certaine dose de patience et de bonne volonté, nous parviendrons, sans trop de fatigue, à l'ac-3omplissement de la tâche que nous allons entreprendre.

Puisque je viens de prononcer le mot de méthode, il ne sera peut-être pas inutile, avant d'entrer dans l'objet spécial du cours, d'indiquer en quelques mots, ainsi que je me trouve d'ailleurs entraîné à le faire chaque année en pareille circons-tance, les errements que j'ai l'habitude de suivre dans la pra-tique de mon enseignement, et dont je ne crois pas devoir me départir.

Je trouverai là l'occasion d'éclairer les nouveau-venus sur ma manière de faire et aussi de répondre peut-être à quelques-unes des critiques qui pourraient m'être adressées. On pourrait me reprocher par exemple, entre autres choses, de m'écarter trop souvent des limites et des attributs de celte chaire; d'accorder du développement à des questions étrangères à ma compé-tence et qu'il ne m'appartient pas de toucher parce qu'elles

sont, assure-l-on, exclusivement du ressort soit de la clinique r soit de la physiologie, soit même de l'anatomie pure. Je-serais sensible à ces observations s'il m'était démontré que le domaine qui m'est confié est aussi étroitement limité qu'on le prétend. Mais je me vois contraint de déclarer qu'au con-traire, dans mon opinion, aucune limite fixe, précise, philo-sophiquement établie, ne sépare ce domaine des autres par-lies de la science biologique, que l'étude de la lésion organique en elle-même n'a pas de vitalité qui lui soit essentiellement propre et que, réduit à n'envisager que ce seul point de vue, notre enseignement tomberait bientôt dans le formalisme et dans le marasme.

On a quelquefois parlé, je ne l'ignore pas, d'une anatomic pathologique idéale, constituant une science à part, qui doit « trouver en elle-même une méthode qui lui soit propre, une classification fondée sur la nature des objets dont elle s'occupe, c'est-à-dire sur celle des lésions considérées indépendamment des symptômes qui les accompagnent et des lieux où elles siègent1. » Mais on ne saurait s'incliner ici sans discussion devant l'autorité des noms, quelqu'imposante qu'elle soit.

De fait, jamais cet isolement dans lequel on a voulu confi-ner l'anatomie pathologique ne s'est réellement constitué ; j'ajouterai qu'il ne saurait jamais l'être parce qu'un tel isole-ment n'est pas dans la nature des choses et qu'il n'a pas de fondement théorique.

En effet, l'anatomie pathologique — qu'on pourrait mieux appeler la somatologic morbide si des raisons toutes prati-ques n'empêchaient d'y adjoindre la chimie pathologique, —? l'anatomie pathologique, dis-je, chacun semble le reconnaître aujourd'hui, n'aurait qu'une existence incertaine, une portée restreinte, un rôle effacé si elle était véritablement réduite à la seule contemplation de la lésion morte. Dans la situation

1 Laënnec. — Dictionnaire des sciences médicales, t. II, p. 50, 1812.

qui lui serait ainsi faite, ou bien elle serait absorbée dans l'anatomie normale dont elle deviendrait un appendice, ou bien l'accumulation des matériaux, des faits partiels laissés à son autonomie précaire, serviraient tout au plus à constituer une sorte de musée plus ou moins encombré de pièces catalo-guées suivant un arrangement nécessairement arbitraire.

C'est qu'en réalité, les attaches de l'anatomie pathologique avec les départements limitrophes de la biologie sont indisso-lubles. Placée, en quelque sorte, dans une situation intermé-diaire, entre l'anatomie normale d'un côté et la pathologie de l'autre, elle les relie étroitement l'une à l'autre en même temps qu'elle se confond avec elles par une transition insensible.

À l'anatomie normale, elle emprunte ses méthodes, sa technique aujourd'hui si perfectionnée, sans y changer rien d'essentiel; car, dans l'examen méthodique de la lésion, elle n'a pas de procédés qui lui appartiennent en propre. Elle lui emprunte même ses matériaux d'étude, ou si l'on veut son sitbstratwn, car la lésion considérée dans l'organe, dans le tissu, dans l'élément, n'étant jamais, à tout prendre, qu'une modification plus ou moins accentuée de l'élément, du tissu, de l'organe préexistants, l'état pathologique, sur ces divers points, ne saurait être dégagé de l'état normal que par le rap-prochement minutieux des deux termes de comparaison, et ici le départ peut être tellement difficile à faire, que l'on hésite plus d'une fois à décider si telle particularité de forme ou de structure appartient à l'une ou à l'autre.

Les rapports qui relient l'anatomie pathologique à la clini-que ne sont pas moins étroits. S'il est vrai que le médecin ne doit pas connaître seulement l'organe altéré mort, mais encore l'organe altéré vivant, agissant, exerçant les fonctions qui lui sont propres, il est clair que, dans ses investigations

anatomiques, il ne peut se dispenser de J élude préalable dès-phénomènes dont il recherche la raison organique, la condition matérielle, le mécanisme. L'anatomo-pathologiste ne doit pas oublier que derrière toute perturbation fonctionnelle révélée par la clinique, il y a pour lui un problème résolu ou à résou-dre, une lésion délicate ou grossière, passagère ou durable à décrire ou à trouver. Or, comment pourra-t-il apprécier la portée et connaître les conditions même du problème s'il n'en a pas les éléments constamment placés sous les yeux. Et, pour ne citer qu'un exemple propre à faire sentir les nécessités de la situation, qui pourrait méconnaître que les progrès rapide-ment accomplis de nos jours, après tant de recherches et de travaux souvent restés stériles, dans le champ de la patholo-gie du système nerveux, sont surtout le fruit de la doctrine qui réclame la confrontation incessante des données anatomo-pathologiques avec celles de la clinique, faite à la lumière de l'esprit physiologique ?

Tous voyez par là, que, suivant notre idéal, si l'anatomo-pathologiste doit concentrer une bonne partie de ses efforts dans les travaux du laboratoire et de l'amphithéâtre d'autop-sie, il ne devra jamais déserter cependant la pratique assidue d'un service d'hôpital.

On opposera peut-être à ces vues ce qui se passe dans un pays voisin du nôtre, où les choses sont réglementées tout autrement. Là le clinicien enseignant, — je n'ai pas à re-chercher si son enseignement tire du système un grand profit, — le clinicien, dis-je, ne prend à l'autopsie qu'une part indirecte. L'examen du cadavre appartient de fait au pro-fesseur d'anatomie pathologique, qu'aucune obligation n'ap-pelle, d'ailleurs, dans la salle des malades et qui ne peut con-naître, par conséquent, que par les renseignements qui lui sont transmis plus ou moins bénévolement, l'histoire clinique

des sujets qui lui sont confiés. Ainsi se trouvent constituées côte à côte, deux spécialités bien tranchées, séparées, quoi qu'on en dise, par une barrière quelquefois infranchissable, car, ainsi qu'on pouvait le pressentir, YAnatom et le Kliniker, cela est dans la nature des choses, ne sont pas nécessaire-ment toujours en bonne intelligence. Et cependant, Messieurs, personne ne songe à contester que dans le pays où règne celte discipline, l'anatomie pathologique brille actuellement d'un vif éclat.

Mais il ne faut pas se laisser prendre aux apparences, et il y aurait lieu de rechercher si les progrès accomplis en anato-mie pathologique sous le régime en question, sont bien réelle-ment, comme on le soutient volontiers, l'effet de l'application de ce régime ou s'ils ne relèvent pas plutôt de causes extrin-sèques.

L'influence toute-puissante de quelques chefs d'école, per-sonnalités de premier ordre, exceptionnelles, et qu'il ne sera peut-être pas facile de remplacer un jour, pourrait certaine-ment être invoquée tout d'abord, pour une part, dans le succès obtenu. On doit tenir compte aussi du nombre relative-ment considérable des Universités qui existent dans le pays dont il s'agit et auxquelles répondent autant de foyers d'études autonomes : conditions particulièrement favorables à multi-plier les travailleurs et à stimuler l'émulation. Il convient de tenir compte enfin du génie spécial à la race, de ses aptitudes vraiment particulières aux recherches patientes d'anatomie délicale.

Une faudrait pas croire, d'ailleurs, que les inconvénients du système n'aient.pas été plusieurs fois déjà ressentis et signalés par nos voisins et que « tout soit pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles », même en Allemagne. L'un des rédacteurs d'une des feuilles médicales les plus esti-mées de l'autre côté des Vosges, s'écriait tout récemment:

L'universalité de notre science s'en va, hélas ! se dissolvant chaque jour ; elle se résout en un nombre de plus en plus grand de spécialités étroites!... Qui pourrait cependant tracer la limite qui sépare l'anatomie pathologique de la clinique1 !. Je crois savoir, de source certaine, que l'un des professeurs éminents auxquels je faisais allusion tout à l'heure, ne voulant pas se soumettre à l'obligation si dure pour un palhologiste habitué aux vues d'ensemble de n'avoir à contempler jamais les phénomènes que par un seul côté, a réclamé et obtenu qu'un service de médecine interne fut annexé à sa chaire. J'i-gnore si son exemple a été suivi.

Enfin, il ne serait peut-être pas fort difficile de reconnaître, en y regardant d'un peu près, que bon nombre de nos collègues de l'étranger, privés du stimulant de l'observation clinique, en arrivent peu à peu à se désintéresser du point de vue pa-thologique, et sont entraînés, par une pente naturelle, à s'at-tacher surtout aux études d'analomie pure, lesquelles, dans la situation qui leur est faite, leur offre nécessairement plus d'attrait scientifique.

Je n'insisterai pas davantage, car une étude en règle de ces questions nous entraînerait fort loin, et d'ailleurs, j'ai voulu seulement, aujourd'hui, indiquer d'une façon sommaire les fondements multiples sur lesquels doit, à mon avis, s'établir l'enseignement de l'anatomie pathologique. Puissent ces vues prévaloir dans l'organisation actuellement en voie d'exécution de nos nouvelles Facultés provinciales ! Autant que personne, peut-être, je me suis montré et je suis resté partisan déclaré des importations étrangères, dans ce qu'elles ont de légitime et j'admire sur plus d'un point le fonctionnement de ces Insti-tuts pathologiques dont nos voisins de l'Est se montrent fiers, à bons droits. Je ne suis pas, tant s'en faut, sous de certaines

1 Berliner Klin. Wochensch., p. 470, n° 39, 1873.

réserves, il est vrai, l'ennemi de ce qu'on appelle les spécia-lités. Je sais, par expérience, jusqu'à quel point les investiga-tions anatomo-palhologiques, principalement dans la direction histologique, réclament des études spéciales ; et, à ce propos, je saisis avec empressement l'occasion qui m'est offerte de rendre hommage à l'un des maîtres en histologie, M. Ranvier, dont le concours bienveillant ne m'a jamais fait défaut. Mais je ne crois pas que, dans l'espèce, nos efforts doivent aboutira l'imi-tation servile de ce qui se fait à l'étranger ; j'ose espérer, en particulier, que mes futurs collègues, conformément à ce qu'on pourrait appeler la tradition française, seront mis à même de rester, par un côté, « des cliniciens. »

I.

Il est temps d'en venir à l'objet particulier de nos études. Il va s'agir d'abord, suivant la méthode que je viens de vous exposer, de nous assurer des connaissances solides relative-ment à l'anatomie normale. Car, comment pourrions-nous, en procédant d'une autre façon, être mis à même de reconnaître avec certitude les caractères de l'état pathologique dans les di-verses parties de cet organe complexe?

Je suppose connues de vous toutes les particularités d'ana-tomie descriptive qui le concernent ; je pourrais aussi vous supposer munis, dès à présent, des notions approfondies sur l'anatomie de structure et vous renvoyer d'ailleurs aux ouvrages spéciaux où vous trouverez à cet égard les renseignements les plus minutieux. Mais il y a lieu de remarquer, toutefois, que les descriptions des anatomistes n'ont pas été faites, d'habi-tude, en vue d'une application immédiate à l'étude des lésions. Or, tel détail de structure, de configuration, qui n'a, pour l'anatomie pure, qu'un intérêt de second ordre, peut avoir,

au contraire, une importance considérable au point de vue de l'anatomie pathologique. J'ajouterai que, pour ce qui a trait à l'organe pulmonaire, nous ne possédons pas encore une étude régulière du genre de celle qu'on doit*à Kiernan pour le foie, étude où les détails de topographie microscopique si néces-saires à celui qui doit apprendre à s'orienter dans la recherche des lésions délicates, sont considérées d'une façon spéciale. Nous devrons donc nous efforcer de combler autant que possi-ble cette lacune.

Ces considérations qui vous feront comprendre, Messieurs, que, à côté de l'anatomie normale de structure, il y a lieu de donner une place à une anatomie correspondante, faite en vue de l'application à la pathologie et qu'il serait bon peut-être d'appeler anatomie médicale de structure, justifieront, je l'es-père, les développements dans lesquels je vais entrer.

II.

En premier lieu, nous devons nous appliquer à envisager la structure lobuiaire du poumon. Par nos éludes passées, re-lativement à divers viscères, le rein, le foie, par exemple, vous savez combien la notion de l'arrangement lobulaire offre d'in-térêt pour l'examen anatomo-palhologique de ces organes. C'est là, vous ai-je enseigné, une des clefs de la situation. Eh bien, ce que j'ai dit alors je puis le répéter aujourd'hui à pro-pos du poumon.

On sait, depuis fort longtemps, que le poumon est composé de parties toutes faites sur le même modèle et dont chacune reproduit en petit, dans ses caractères essentiels au moins, la constitution de l'organe tout entier. Ces parties similaires ou, comme on pourrait les nommer encore, ces éléments de tex-

titre ne sont autres que les lobules. Ils ont une indépendance anatomique réelle : il est, en effet, facile de les injecter, de les insuffler séparément. On peut les isoler les uns des autres, sans altérer d'une manière notable la structure propre, à l'aide de l'hydrotomie et de la dissection. Après ces opérations, ils sont comparables aux feuilles d'un arbre supportées par leur pétiole, celui-ci étant simplement figuré par un ramuscule bronchique.

Mais, tandis que dans d'autres organes, je citerai le foie, les dimensions du lobule élémentaire sont assez minimes (1 p.), elles se montrent dans le poumon, vous le savez, comparative-ment colossales. Dans le poumon, les grands lobules atteignent quelquefois jusqu'à un centimètre cube. Il y a, du reste, sous ce rapport, de très grandes variations et il est possible de ren-contrer dans la profondeur de l'organe, remplissant l'angle des divisions bronchiques, de très petits lobules qui, eux, ont à peine les dimensions d'un pois.

La forme des lobules est aussi très variable. Les lobules, qu'on qualifie de superficiels, parce qu'ils sont placés sous la plèvre, ont généralement l'aspect de pyramides dont la base pentagonale ou hexagonale 1 est marquée à la surface de l'organe par des sillons rectilignes s'unissant à angle droit ou obtus, et, en outre, chez l'adulte et surtout chez le vieillard, par une ligne noire plus ou moins foncée, tandis que le som-met, qui reçoit une bronchiole, est dirigé vers les parties cen-trales. — Quant aux lobules qui constituent les bords tran-chants du poumon, ils offrent habituellement la forme d'un coin dont la base est tournée vers le centre. — Enfin, les lo-bules profonds revêtent des configurations si multipliées qu'on ne saurait guère les rattacher à un type commun.

Tout à l'heure, je vous parlais de l'indépendance relative dont jouissent les lobules et de la possibilité de les isoler les

1 Voyez Sappey. — Traité d'anatomie descriptive, t. IV, p. 450, fig. 830.

uns des autres par la dissection ; cet isolement, cependant, ne peut s'opérer sans que la trame conjonctive qui les relie entre eux soit détruite. Et s'il en est ainsi, cela tient à ce que tous les lobules sont comme enclavés dans une trame conjonctive qui les enveloppe de toutes parts d'une sorte de capsule. Celle-ci se confond, d'un côté, avec le tissu cellulaire sous-pleural et, de l'autre, avec les tractus cellulaires qui, à partir du hile, ac-compagnent les tuyaux bronchiques dans leurs divisions et subdivisions.

La connaissance de cette région de la trame conjonctive du poumon n'est pas, tant s'en faut, à dédaigner. Elle offre même, vous le verrez, un intérêt majeur au point de vue pathologi-que. Qu'il me suffise de vous faire remarquer pour le mo-ment: 1° qu'elle sert de support à de nombreux vaisseaux ou lacunes lymphatiques, à des ramifications de la veine pulmo-naire ; 2° que ces vaisseaux aussi bien que la gangue conjonc-tive elle-même peuvent être primitivement le siège de lésions importantes. Elle forme ce qu'on pourrait appeler dans le pou-mon, les espaces interlobalaires, se rapprochant des espaces du même nom dont nous avons parlé dans notre description des lobules du foie.

Ces espaces sont tout à fait distincts de ceux que, par opposi-tion, je qualifierai ftintra-lobulaires. Ces derniers sont consti-tués par des tractus conjonctifs qui suivent, jusque dans la pro-fondeur du lobule, les ramifications bronchiques et celles de l'artère pulmonaire.

Imitant les auteurs, j'ai comparé plusieurs fois les lobules pulmonaires aux feuilles d'un arbre supportées par leurs pé-tioles. Mais, en réalité, le pétiole en question est au moins double pour chaque feuille, car il est nécessairement composé, au moins par un rameau bronchique et par une branche de l'artère pulmonaire, lesquels sont accollés l'un à l'autre par

une espèce de gaîne conjonctive que je vous proposais, il y a quelques instants, de désigner sous le nom d'espaces intra-lobulaires, dénomination justifiée par les apparences qu'elle présente sur les sections propres aux études anatomo-palholo-giques et empruntée d'ailleurs à la nomenclature proposée pour le foie par Kiernan. La relation constante qui unit dans ces espaces l'artère pulmonaire et la bronchiole est un fait qui mérite d'être relevé. Elle nous servira plus d'une fois de guide pour nous orienter dans nos études. J'ai fait placer sous vos yeux une planche qui met assez bien

Fig. 1. — Schéma montrant les principaux traits de l'anatomie des poumons, —x, artère pulmonaire. — y, bronche avec ses rameaux. — m, trjnc de la veine pulmonaire.

en relief quelques-unes des particularités sur lesquelles je viens d'insister (Fig. i). Elle est empruntée à un intéressant travail de M. Heale sur la structure du poumon *. Elle mon-tre, entre autres, l'accollement constant de l'artériole et de la bronchiole qui s'enfoncent dans le lobule ; elle montre aussi le trajet isolé des veines pulmonaires dans les espaces in-ter-lobulaires. Elle fait voir, enfin, que ces derniers vaisseaux ne se réunissent aux bronches et aux artères pulmonaires

1 Heale. — Physiolog. Anit, ofthe Lung, London, 1862, p. 79.

que lorsque ceux-ci représentent déjà des branches de ca libre.

Chemin faisant, dans cet aperçu sommaire, vous avez pu noter les analogies et aussi les différences qu'offre l'arange-ment réciproque des diverses parties qui forment d'un côté le foie, de l'autre le poumon.

Dans le foie, le centre du lobule est marqué par la présence de la veine intra-lobulaire, appartenant au système des veines sus-hépatiques. Cette veine est là en contact immédiat avec les cellules du parenchyme du foie, sans interposition de tissu conjonctif. — Dans le poumon, au contraire, le centre du lobule est occupé par une bronchiole accompagnée de son artère sa-tellite, branche de l'artère pulmonaire, et ces deux canaux sont enveloppés par une gaîne conjonctive qui supporte, en outre, des artérioles bronchiques et des lymphatiques.

Dans le foie, les espaces conjonctifs interlobulaires donnent passage aux canalicules biliaires, aux ramifications de la veine porte, à des vaisseaux lymphatiques et à des branches de l'artère hépatique. — Dans le poumon, ce sont surtout des vaisseaux lymphatiques et des branches dépendant du système de la veine pulmonaire qui occupent les espaces interlobu-laires.

Après cette esquisse, destinée à faire ressortir les traits prin-cipaux concernant les relations que les lobules possèdent soit entre eux, soit avec les vaisseaux artériels et veineux et les bronchioles, il nous faudra considérer la disposition des parties dans le lobule lui-même. C'est par là que nous commencerons la prochaine leçon. Nous serons entraînés, à ce sujet, dans des détails minutieux, d'une exposition difficile. Toutefois, je crois pouvoir vous dire que, plus tard, vous ne regretterez pas le temps que nous jugeonsn écessaire de consacrer à ce travail.Se-

Ion notre habitude, d'ailleurs,pour soutenir votre attention sans trop de fatigue, nous saisirons toutes les occasions de relever les applications, qui peuvent être faites à nos études spéciales, des notions que nous essaierons de vous remettre en mé-moire.

DEUXIÈME LEÇON

ù

La structure lobulaire du poumon (Suite).

Sommaire. — Histologie normale. — Bronche intra-lobulaire. — Bronchioles terminales. — Lobules secondaires ou acini pulmonaires (système des conduits alvéolaires de M. Schaltze ; — lobulettes de M. II. Waters). — Texture des acini : conduites alvéolaires ; — alvéoles pariétaux ; — in-fundibula. — Espaces interinfundibulaires et interalvéolaires.

Messieurs,

Après l'aperçu sommaire que je vous ai présenté dans la première leçon, relativement à la texture lobulaire du poumon, tout n'est pas dit ; aussi, faut-il aujourd'hui pousser plus avant l'examen. Nous devons, en effet, considérer plus minutieuse-ment que nous l'avons fait jusqu'ici, l'arrangement des parties dans le lobule lui-même. Cette étude nous conduira à la con-naissance de détails topographiques très circonstanciés et nous permettra, par conséquent, de tenter, dans un avenir pro-chain, une localisation étroite et précise des diverses altérations du parenchyme pulmonaire.

Faisant appel à l'histologie proprement dite, nous serons en outre obligés de remonter autant que possible jusqu'aux éléments anatomiques ; car c'est en eux, à tout prendre, que nous pouvons avoir quelques chances de rencontrer anatomiquement la première empreinte des processus mor-bides.

I.

J'ai fait placer sous vos yeux une figure schématique fort instructive, que j'ai empruntée à l'édition la plus récente du Traité d'histologie, publié par M. Rindfleisch 1. Cet anato-miste distingué s'est livré dans ces dernières années à une série d'études concernant la structure normale du poumon, en vue surtout des applications anatomo-palhologiques. Sous ce rapport, les recherches de M. Rindfleisch nous intéressent na-turellement d'une façon toute spéciale. J'ajouterai que les faits qu'il s'est efforcé de mettre en lumière sont de tous points conformes aux résultats consignés par M. Eilhard Schultze dans un des travaux les plus justement estimés qui aient paru sur la matière 2.

Cette planche (Fig. 2) représente la coupe pratiquée suivant l'axe principal d'un lobule pulmonaire de grande dimension, c'est-à-dire mesurant environ un centimètre en longueur et un demi-centimètre dans le sens transversal. Une petite bron-che, appartenant à la catégorie de celles que M. le professeur Sappey désigne sous le nom de sublobulaires, pénètre la sub-stance du lobule par une des extrémités de celui-ci. Nous fai-sons abstraction du rameau satellite de l'artère pulmonaire et de ses divisions intra-lobulaires afin de ne point surcharger le tableau.

Vous voyez comment ce petit tuyau bronchique, dont le diamètre, au moment, de son entrée, est de 1 a environ (Sap-pey), se dirige suivant l'axe central du lobule, sans diminuer beaucoup de volume, jusqu'à un point où il se divise en deux branches secondaires qui s'écartent l'une de l'autre sous un

1 4° édition, fig. 141.

2 Strickers Handbuch, t. I, p. 46.

Charcot. Œuvres complètes., t. v., Poumons. 2

angle aigu. Mais, dans son parcours, ce troncule, qui porte le nom de bronche intra-lobidaire, a donné naissance à d'autres rameaux qui s'en sont détachés selon l'ordre alternant et sous une incidence presque perpendiculaire. Dans le cas que nous supposons, le nombre des rameaux de

Fig. S.

second ordre, y compris ceux qui proviennent de la divisiun dichotomique terminale, est de sept. Ce n'est pas là, toute-fois, veuillez le remarquer, Messieurs, un chiffre constant, tant s'en faut: le nombre de ces rameaux se montre variable.

Quoi qu'il en soit, chacun d'eux se divise encore à son tour et fournit des bronchioles remarquables et par leur court tra-jet et par l'étendue relativement considérable de leur diamè-

tre(4/3 de \x environ, d'après Rindfleisch). Le nombre de ces bronchioles courtes se trouve être, dans,l'exemple choisi, de 14 ; mais il pourrait y en avoir beaucoup moins, soit 4 dans un très petit lobule, ou beaucoup plus, jusqu'à 20 ou 30 dans les plus gros lobules. J'ajouterai que ces bronches courtes ne ré-pondent pas toujours à des ramifications de deuxième ordre par rapport au tronc bronchique, mais bien quelquefois à des ramifications de troisième ou de quatrième ordre.

Ces bronchioles méritent, comme vous allez le voir, de fixer votre altention et doivent être désignées par un nom particu-lier: je les appellerai bronchioles terminales; elles représentent en effet la fin du système bronchique proprement dit. Les di-visions ultimes qui leur font suite offrent dans leur structure et, du même pas, dans le rôle physiologique qu'elles accom-plissent, des modifications profondes; en d'autre termes, l'ori-fice des bronchioles terminales, qui regardela surface du lobule s'ouvre dans un système de canalicules où s'opère le phéno-mène de l'hématose et dont la structure, en raison même de ses fonctions nouvelles, s'éloigne de celle des bronches.

II.

L'ensemble des canalicules aériens qui communiquent avec une bronchiole terminale — dont ils sont en quelque sorte l'expansion — constitue un petit système, tout à fait indépen-dant des autres systèmes analogues qui sont en relation de con-tinuité avec les autres bronchioles du même ordre.

Ce sont donc, ainsi qu'il vous est aisé de vous en rendre compte, autant de lobules nouveaux en lesquels peut être dé-composé le grand lobule. De fait, chacun des lobules secon-daires ainsi formé est séparé de ceux qui l'avoisinent par une lamelle de tissu conjonctif, assez distincte chez le fœtus et les

très jeunes enfants, fort délicate, au contraire, chez l'adulte où cependant elle se reconnaît quelquefois très bien sur la base des lobules sous-pleuraux quand cette base est marquée par une traînée pigmentaire.

Je vous proposerai, avec M. Rindfleisch, de désigner ce nou-vel élément de texture sous le nom d'admis pulmonaire. La désignation de lobule secondaire me semble d'un emploi peu commode; elle a été, d'ailleurs, plus d'une fois compromise, par suite de l'usage arbitraire qu'en ont fait les auteurs: les uns appelant lobule secondaire ce que d'autres appellent lobule primitif; il en est, enfin, qui appliquent les mots lobule secondaire à une partie seulement de l'acinus tout entier.

Vacinus pulmonaire, ainsi déterminé, correspond exacte-ment au système des conduits alvéolaires de M. Schultze, aux lobulettes de M. Waters, auteur d'un travail très estimable sur la structure du poumon, publié à Londres en 1860 cette appellation «lobulettes» a tout au moins l'inconvénient de n'appartenir à aucune langue, malgré sa consonnance française. Yoici assez de raisons, je pense, pour justifier l'emploi de cette dénomination acinus pulmonaire à laquelle je m'arrête. [Fig. 3et6.)

Comme chacune des bronches terminales supporte à son extrémité un acinus, qui y est appendu à peu près à la manière

1 Houghton Waters. — The anatomy of the human Lung. London, 1860.

Fig. 3. — Sytème des conduits alvéolaires avec les infundibula, pris sur le bord du pou-mon d'un singe (Cercopithecus). — Injection au mercure, grossissement de 10 diam. — a, termi-naison bronchique. — 6, b, infundibula. — c, c, con-duits alvéolaires.

d'un fruit, le grand lobule pulmonaire, dans le cas invoquépar M. Rindfleisch, serait donc formé par 14 acini, autant qu'il y a de bronchioles. Mais il convient de remarquer que le nombre des acini est variable dans la même proportion que celui des bronchioles terminales, ho. forme et les dimensions des acini se rapportent au contraire à un type presque constant: ce sont de petites pyramides dont l'axe longitudinal ou mieux celui qui va de l'extrémité de la bronchiole terminale à la surface, a une étendue à peu près égale (Rindfleisch, Schultze.)

III,

Tous les acini sont faits sur le même modèle quant à la texture et ce qu'on dit de l'un, à ce propos, s'applique exacte-ment aux autres. Les détails de cette texture doivent être ac-tuellement, denotre part, l'objet de quelques développements, car, s'il est vrai que c'est dans les acini que se passent les phénomènes physiologiques les plus importants, dont l'organe pulmonaire est le siège, c'est là aussi que se produisent les al-térations qui devront plus particulièrement fixer notre attention.

Il importe de distinguer, d'ailleurs, ce qu'on pourrait appe-ler l'architectonique des canalicules respiratoires et l'analyse des éléments qui entrent dans leur composition. Nous nous attacherons d'abord au premier point.

Nous abordons là, Messieurs, une question d'anatomie déli-cate fort débattue depuis l'époque, éloignée déjà, où Malpighi l'a, pour la première fois, sérieusement abordée et qui, malgré les nombreux travaux dont elle a été l'objet, n'est pas encore résolue sur tous les points d'une façon absolument satisfai-sante. Les quelques recherches personnelles que j'ai dû faire à ce sujet, pour les besoins de cet enseignement, m'ont con-

duit à considérer la descriptiontracée par M. Schultze et adoptée par Henle et quelques autres anatomistes comme étant celle qui se rapproche le plus de la réalité. Du reste, la description de M. Schultze ne s'éloigne pas, au moins dans les traits essen-tiels, de celle qu'a donnée M. Rossignol, en 1847, dans un mé-moire qui fait époque !. Je m'appuierai aussi dans mon exposé sur les enseignements fournis par l'étude des lésions. L'anato-mie pathologique, vous ne l'ignorez pas, peut prêter son con-coursà l'anatomie normale: la maladie, en effet, fait souvent ressortir, en les exagérant, des dispositions de structure qui, à peine accentuées dans l'état physiologique, pourraient passer inaperçues ou être mal interprétées.

Avant de nous engager dans cette étude, il sera opportun, je crois, de considérer, en premier lieu, la disposition beaucoup plus simple que présentent les dernières expansions des rami-fications bronchiques, à l'état fœtal. Pour rendre cet exposé plus clair, je place sous vos yeux un dessin fait sur nature et figurant la disposition de l'appareil des canalicules bronchiques chez un fœtus de trois mois que nous venons d'examiner. Yous voyez une bronche de calibre se ramifier plusieurs fois et donner naissance à un troncule d'où partent trois petits canaux qui, eux, se divisent encore, et on constate que chacune des divisions, ainsi produites, se termine par un renflement ayant la forme d'une ampoule.

Il est facile, sur le modèle de cette disposition, d'établir un schéma tout à fait propre à faciliter l'intelligence de l'arrange-ment' beaucoup plus complexe des terminaisons de l'arbre aérien chez l'adulte.

Supposons une bronchiole se terminant par une ampoule pyriforme. Les parois de celte ampoule se déprimeront, à un moment donné, sur deux points, de telle sorte qu'il en résul-tera trois petits culs-de-sac. Chacun de ces culs-de-sac se di-

1 Concours des savants étrangers, Académie royale de Belgique.

visera, à son tour, suivant le même procédé, en deux culs-de-sac : d'où il suit que nous aurons trois culs-de-sac de premier ordre, terminés par deux ampoules secondaires.

Voilà, Messieurs, une disposition très simple reproduisant» à peu de chose près, les dispositions de l'état fœtal et qui ne s'éloigne pas foncièrement, vous allez le reconnaître, de la disposition réelle, plus compliquée, qu'on observe chez l'a-dulte.

Dans chaque acinus, les canaux aériens composent un sys-tème assez compliqué dont les parois, qui limitent l'acinus du côté de sa surface extérieure, se continuent avec les parois de la bronche terminale. Au point où celle-ci s'abouche avec les canalicules, elle subit une sorte d'évasement répondant à un espace vestibulaire vers lequel viennent converger et s'ouvrir, pour chaque acinus, trois ou six conduits cylindriques. Ces conduits, que l'on désigne sous le nom de conduits alvéolai-res*, à partir du point de réunion (Waters) ou vestibule, s'é-cartent les uns des autres en rayonnant et formant entre eux des angles très aigus. Chemin faisant, ils se ramifient plusieurs fois, suivant le mode dichotomique, et se terminent enfin par des extrémités aveugles, renflées en forme d'entonnoir. Le diamètre transverse des conduits alvéolaires varie entre 0,4 et 0,2 chez l'adulte (Schultze). Un contraste frappant existe entre les parois de ces conduits et celles de la bronche termi-nale. En effet, tandis que les parois de la bronche terminale restent parfaitement lisses, celles des conduits alvéolaires sont parsemées d'une série de petits renflements qui font en quel-que sorte hernie à leur surface externe et constituent autant de logettes ou alvéoles. Ces logettes, qui, pour la plupart, ont des dimensions égales, sont séparées les unes des autres par de minces cloisons s'avançant vers l'axe du conduit, perpen-

Alveolargioige, — Air Sacs ("Waters), — Bronches alvéolaires, — Pelioli infundibidorum (Schultze, 1862).

diculairement a sa direction. Les extrémités libres de ces cloi-sons laissent entre elles, au centre du conduit, un espace, une voie libre, un passage, pour nous servir des expressions de Todd elBowmann. Cette voie s'étend du vestibule aux infun-dibules qu'elle fait communiquer entre eux et, le long de son trajet, elle donne accès, par un large orifice, dans chacun des alvéoles latéraux. Ces alvéoles, qui sont pour ainsi dire greffés sur les parois des conduits alvéolaires, portent le nom d'al-véoles pariétaux.

D'après la disposition que nous venons d'indiquer, ces al-véoles ne communiquent pas directement les uns avec les au-tres, mais seulement par l'intermédiaire du chemin ou du pas-sage central. Et, si vous voulez bien me permettre une com-paraison, je vous dirai que la figure, obtenue par une section longitudinale passant par l'axe médian du conduit, rappelle l'as-pect de ces longs corridors des prisons modernes dans lesquels s'ouvrent les cellules latérales.

Les rentlements placés à l'extrémité des conduits sont faits sur un plan semblable à celui des conduits eux-mêmes. Eu d'autres termes, on a sous les yeux des parois creusées d'al-véoles s'ouvrant dans un espace commun autour duquel ils rayonnent. C'est là une disposition qui rappelle celle d'une maison romaine avec son impluvium central et ses cubicula. En général, les alvéoles des infundibula sont plus profonds que ceux des conduits alvéolaires, mais, en revanche, ils sont sé-parés par des parois plus minces.

Les infundibula — ce terme appartient à la nomenclature de Rossignol — ont été quelquefois désignés sous le nom de complexus alvéolaires. Plusieurs auteurs les ont appelés lo-bules primitifs (Sappey, etc.); d'autres, lobules secondaires (Le Fort). Chaque infundibulum est composé d'ordinaire d'une douzaine d'alvéoles; pourtant, il peut se faire que leur nombre soit un peu plus ou un peu moins considérable, et la surface

de section transversale d'un conduit alvéolaire peut offrir qua-tre ou cinq alvéoles.

Il n'y a Pas a considérer seulement des infundibules termi-naux, il y a aussi des infundibules pariétaux : ceux-ci sont greffés de distance en distance sur les canaux alvéolaires de premier ou de second ordre et communiquent avec eux par un orifice d'une largeur variable.

Les alvéoles, examinés soit dans les infundibules, soit dans les conduits alvéolaires, ont, chez l'enfant, une forme généra-lement globuleuse ; cependant, quelquefois, ils ont une forme polyédrique. Leurs dimensions sont différentes suivant les

Fig. 4, — Coupe pratiquée sur le poumon de l'homme.

— a, a, conduits alvéolaires (airsacs) ; — b, b, alvéoles.

— Les parties éclairées re-présentent les parois des conduits des al.éoles.

âges et suivant les circonstances pathologiques. Nous aurons à revenir plus tard sur ce point. Cependant, nous pouvons dire, dès à présent, qu'on s'accorde à leur reconnaître, chez l'adulte, un diamètre moyen égal à 0,15 p (Schultze).

Tels sont, en définitive, Messieurs, les grands traits de la structure des canaux dont la réunion constitue un acinus. Il faut ajouter que les diverses parties de ce petit appareil, in-fundibules et conduits alvéolaires, se lassent en quelque sorte

les uns contre les autres, de façon à occuper le moins de place possible et sont à peine séparées par de minces tractus con-jonctifs. Le tissu conjonctif intercanaliculaire et interinfundi-bulaire, tout mince qu'il soit, se dessine néanmoins, dans certains cas, sur le plan des sections et aussi sur la base des lobules superficiels où il est parfois marqué par des lignes pig-mentaires. Il y a donc lieu de distinguer sur la base des lobu-les sous-pleuraux, en outre des espaces interacineux, des es-paces, circonscrits dans les précédents et qu'on peut appeler interinfudibulaires. Enfin, dans l'aire des espaces infundibu-laires, on découvre sur les surfaces de section, examinées à l'aide des plus forts grossissements, les espaces interalvéo-laires {Fig. 4) -.

Cette disposition explique les apparences représentées dans un grand nombre d'ouvrages et destinées à montrer sur la coupe d'un poumon desséché, pratiquée parallèlement à la surface pleurale et très près de cette surface, le fond des cavi-tés infundibulaires.

» Voir aussi : Henle, loc. cit., p. 290, et Kôlliker, loc. cit., p. 614.

TROISIÈME LEGÓN

Structure des bronches et des cavités respiratoires. — Epithélium pulmonaire.

Sommaire. — Des parois des canaux respiratoires : tuniques fibreuse externe, musculeuse, fibreuse interne, muqueuse à cils vibratiles. — Modifications de structure suivant les dimensions des canaux aériens.

Messieurs,

Aumomentoùnous nous sommes séparés, ily a une douzaine de jours je m'efforçais de vous faire connaître la disposition générale, ou, si je puis ainsi parler, l'architecture de ces ca-naux respiratoires ultimes, dont l'ensemble constitue le der-nier élément de l'arrangement lobulaire du poumon, en d'au-tres termes Vacinus (Fig. 5).

J'aurai très prochainement l'occasion de vous montrer les applications importantes qui peuvent être faites des notions que nous avons acquises sur ce point pour l'interprétation des phénomènes du domaine pathologique. Mais, avant d'en arri-ver là, nous devons étudier avec soin tous les détails de la construction de ces parties fondamentales de l'organe pulmo-naire. Nous ne connaissons encore que la configuration géné-rale, le plan d'ensemble de ces parties. Aujourd'hui, nous de-vons apporter tout notre soin à étudier les matériaux qui en-

Cette leçon a été faite après la rentrée des vacances de Pâques (1877).

trent dans leur constitution soit individuellement, soit dam leur mode d'arrangement mutuel.

D'une façon très sommaire, il est possible d'avancer que les parois des canalicules respiratoires proprement dites {con-duits alvéolaires, infundibula, alvéoles pulmonaires) sont construites sur le même plan et avec les mêmes matériaux que

-V"

Fig. 5. — Un acinus pulmonaire. — Préparation originale. Injection à la cire. Enfant nouveau-né. —H, Bron-chiole. — V, branche de l'artère pul-monaire. — K, K, conduits alvéolai-res. — A, espace interlobulaire.

les parois des canaux bronchiques, dont elles sont d'ailleurs le prolongement, la dernière expansion.

J'ai placé sous vos yeux, dans la dernière séance, un croquis figurant l'ensemble des conduits aériens, depuis les bronches de calibre jusqu'à la dernière terminaison en cul-de-sac chez un fœtus de trois mois. L'unité de composition de l'appareil tout entier frappe les yeux sur les préparations du genre de celles que représente ce dessin. Il serait bien difficile d'établir, au point de vue de la texture, une ligne de démar-cation tranchée entre les diverses parties qui le constituent. Au milieu d'une gangue conjonctive embryonnaire paraissent creusés des conduits, sans paroi propre bien distincte, se

continuant les uns avec les autres par une transition insen-sible, et revêtus, dans toute leur étendue, d'un épithélium se rapportant au type cylindrique. Composé, dans les bronches de calibre, de cellules dont le diamètre vertical l'emporte de beaucoup sur le diamètre transverse, cet épilhélium tend à s'aplatir progressivement à mesure que le diamètre des con-duits aériens devient plus étroit, mais la forme cylindrique est encore très accentuée dans les cellules qui tapissent les extré-mités en cul-de-sac.

Chez l'enfant et surtout chez l'adulte, les choses ne sont pas aussi simples. Ici encore, l'analogie de composition, qui existe entre les conduits bronchiques et les canaux respiratoires est facile à mettre en relief; toutefois, il y a lieu, en outre, de faire ressortir des différences capitales. Ceci nous conduit na-turellement à établir, au point de vue de la structure intime, un parallèle entre ces deux parties distinctes de l'appareil pul-monaire : la lumière naîtra du contraste.

A. Laissant de côté, pour le moment, les régions supérieures des canaux aériens (larynx, trachée, premières divisions bron-chiques), nous considérerons seulement les bronches intra-pulmonaires. Or, parmi celles-ci, il convient, pour le but que nous poursuivons, de distinguer celles dont le diamètre dé-passe un millimètre, de celles dont le calibre reste au-dessous de ce chiffre (Fig. 6).

B. Les premières, c'est-à-dire les bronches relativement vo-lumineuses, ont des parois dont la structure rappelle celle des parois de la trachée, par la présence, dans leur épaisseur, de plaques cartilagineuses et de glandules muqueuses. Yoici les principaux détails de la structure de la paroi. Pour plus de simplicité dans notre description, nous ferons abstraction des vaisseaux sanguins ou lymphatiques dont il sera question plus tard et d'une manière spéciale.

Une section pratiquée perpendiculairement au grand axe sur une bronche de cet ordre, convenablement préparée et dur-cie, laisse constater ce qui suit :

1° Pour les trois quarts au moins, la paroi est constituée par une tunique qu'on désigne sous le nom de tunique fibreuse externe ou adventice, et dont la masse est formée de tissu fi-breux, dense, disposé sous forme de faisceaux, les uns longitu-

Fig. 6. — Une partie de la coupe d'une bronche de 6 millim. de diamètre. — Homme, grossissement; a, Couche fibreuse externe. — b, Couche musculaire. — c, Couche fibreuse interne, avec la membran fondamentale. —d, Couche epitheliale. (D'après F.-E. Schultze.)

dinaux, les autres transversaux. Dans son épaisseur se voient de nombreuses fibres élastiques groupées en faisceaux dont la direction est longitudinale : c'est dans l'épaisseur de cette tunique que se voient les plaques cartilagineuses (Fig. 6, a), ainsi que les glandules muqueuses.

2° Plus en dedans, on trouve la tunique musculeuse, compo sée par des fibres lisses disposées en faisceaux circulaires (Fig. 6, b). Chez l'homme, l'épaisseur de celte couche sur une bronche de 4 ^ est de 0,1 p., et, sur une bronche de 2 ^ elle est de 0,05 Cette couche, envisagée sous le rapport pa-

thologique, offre un intérêt incontestable. La transformation embryonnaire de la couche, décrite tout d'abord, et la des-truction concomitante des noyaux cartilagineux qu'elle pos-sède, jouent, d'après les observations récentes, un rôle sérieux dans la pathogénie de certaines dilatations bronchiques. Si l'on en croit les recherches de M. Trojanowski confirmées par quelques observations qui me sont propres, la même ap-préciation s'appliquerait à l'atrophie de la tunique musculaire.

Du reste, vous n'ignorez pas, Messieurs, l'importance accor-dée au jeu des fibres de Reissessen dans quelques théories de la bronchite spasmodiqite. Ces théories ont été un peu démo-dées quand M. Winlrich eut vérifié la valeur des expériences de M. Williams, expériences d'après lesquelles les irritations du pneumogastrique auraient pour effet de produire un resser-rement des conduits bronchiques, suffisant pour expulser une certaine quantité d'air. Mais, dans ces derniers temps, M. Bert a reprisses expériences de M. Williams et, grâce à la rigou-reuse exactitude des procédés graphiques qu'il a employés, il a pu en confirmer les résultats expérimentaux.

3° Plus en dedans encore, on rencontre la couche fibreuse interne, ainsi que l'appelle M. Schultze, et qu'il est possible de regarder comme correspondant au derme de la membrane muqueuse bronchique (Fig. 6, c). Du côté de la cavité bron-chique, elle se limite par une ligne onduleuse. Les saillies des ondes correspondent aux plis longitudinaux, visibles à l'œil nu sur la face interne des conduits bronchiques moyennement distendus. Le slroma de cette tunique est composé de tissu cellulaire lâche qui, au contact de l'épithélium, s'épaissit sous forme d'une membrane anhyste (membrane fondamentale). Des fibres élastiques, groupées en faisceaux allongés, s'obser-vent partout dans l'épaisseur des plis longitudinaux.

i Biermer, p. 753.

4o La dernière couche, que nous devons étudier, est remar-quable en ce qu'elle est presque entièrement constituée par des cellules épithéliales cylindriques à cils vibrátiles (Fig. 6, d). Le revêtement, ici, est formé d'une couche unique de grandes cellules dont les extrémités effilées touchent la mem-brane fondamentale ; mais les intervalles, que ces extrémités laissent entre elles, sont remplis de cellules rondes ou poly-gonales, privées de cils. Selon toute probabilité, ce sont là de jeunes cellules destinées à remplacer les cellules adultes qui viendraient à manquer.

En outre des cellules à cils vibrátiles, il convient de signaler l'existence, çà et là, de cellules cylindriques privées de cils, qui ont été bien décrites par E. Schultze !. Ce sont des cellules caliciformes ou muqueuses, ainsi qu'on les appelle encore. Elles sont creusées, vous le savez, par une cavité en capsule, s'ouvrant par un orifice arrondi et qui laisse échapper de temps à autre la matière muqueuse qu'elles sécrètent. En effet, on les considère aujourd'hui comme de véritables glandes muqueuses unicellulaires. Remarquez, Messieurs, que l'épilhélium cylin-drique se continue sur le conduit excréteur des glandes mu-queuses; mais, à ce niveau, il s'aplatit, devient cubique et perd ses cils vibrátiles.

Je n'insisterai pas sur le rôle attribué aux cils vibrátiles. Je me contenterai de vous rappeler que ce rôle consisterait surtout à diriger les produits de sécrétion bronchique vers l'orifice laryngé et à empêcher la pénétration dans les voies respira-toires profondes des corps étrangers pulvérulents, suspendus dans l'atmosphère. Nous verrons bientôt que la barrière qu'ils opposent à l'introduction de ces corps étrangers est loin d'être infranchissable.

Je crois utile, Messieurs, de vous faire remarquer en pas-sant que cette tunique, d'une constitution si délicate en appa-

1 E. Schultze's Archiv, Bd. II, p. 192.

renée, résiste pourtant assez énergiquement aux causes de destruction qui peuvent l'atteindre. Ainsi, dans les irritations expérimentales de la muqueuse bronchique, pratiquées à l'aide de l'ammoniaque (5 à 6 gouttes d'une solution à 9 pour 100), M. OErtel1 a vu, et nous avons vu nous-même, les cellules cylindriques à cils vibrátiles — à la vérité plus ou moins pro-fondément altérées — former encore une couche distincte entre la membrane fondamentale et la fausse membrane fibri-neuse qui se dépose, en pareille circonstance, à la surface de la membrane muqueuse. Cette persistance de la couche d'épi-thélium cylindrique se voit aussi, d'après les observations que j'ai faites récemment, dans un grand nombre de cas de diphtérie bronchique.

C. Après les détails dans lesquels nous venons d'entrer, il nous sera facile d'indiquer en quelques mots les modifications de texture que présentent les parois des canaux bronchiques dont les dimensions restent au-dessous de 1 ¡*.

Io Ces modifications se font principalement sentir dans la tunique fibreuse externe. En premier lieu, cette membrane devient relativement très mince : ainsi, sur une bronche de 0,4 y- de diamètre, elle a seulement 0,02 y. (Fig. 1, a). De plus, et c'est là un trait important, les plaques cartilagineuses et les glandes muqueuses y font défaut. Vous ne devez donc pas vous attendre à trouver ces éléments anatomiques dans les parois des bronches inlra-lobulaires dont le diamètre, vous le savez, est au-dessous de 1 u.

2° La couche musculaire (Fig. 1,, b) est, ici encore, très accentuée ; mais elle n'est plus continue et forme une série de petits sphincters sur les dernières bronchioles. Suivant

1 Deutsches Archiv, 1874, p. 203.

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons. 3

M. Rindfleisch, un de ces petits sphincters qui, quelquefois, s'hyperlrophie notablement dans l'altération du poumon connue sous le nom d'induration brune, marque le point où. la bronchiole terminale s'ouvre dans les conduits alvéolai-res2.

3° La couche interne ou muqueuse (Fig. 7, c), conserve

Fig. 7. — f7»â partie de la coupe d'une bronche de 0,4 millim. d'épaisseur (porc). — Grosseur, 24 0/1.-a, Couche externe. — b, Couche musculaire — c, Cou ho fibreuse interne. — d, Epithélium. - f, [h alvéole voisin (D'apivs Schultze).

d'abord son aspect plissé et ondulé ; puis, elle tend à devenir lisse; en même temps qu'elle revêt ces caractères, elle s'amin-cit dans les bronchioles terminales.

4° Quant aux cellules qui constituent le revêtement ôpithé-lial, elles gardent leur caractère jusqu'aux bronchioles (Fig. 7, d). A cet endroit, elles prennent la forme cubique et même, à la fin, au niveau de l'abouchement de ces bronchioles dans les conduits alvéolaires, elles deviennent pavimenteuses

i Rindfleisch, toc. cit., 4e édition, p. 488.

(Fig. 8) en même temps qu'elles perdent leurs cils (Fig. 9.)

D. Les développements qui précèdent nous mettent en me-sure, Messieurs, d'étudier avec fruit la constitution des parois des canalicules respiratoires. Elle nous offrira les mêmes maté-riaux que ceux des parois bronchiques, modifiés toutefois dans leur forme, leur nombre relatif et aussi dans leur mode d'a-gencement.

Un seul exemple suffira pour vous faire saisir l'importance

Considérons d'abord la charpente ou, si vous l'aimez mieux, le gros œuvre des conduits alvéolaires. Cette charpente est composée : 1° des tractus conjonctifs qui représentent, au dire de M. Kôlliker, à la fois la tunique fibreuse externe et l'in-terne ; 2° des faisceaux de fibres élastiques qui acquièrent ici une grande valeur ; 3° des fibres musculaires lisses dont le rôle, au contraire, est assez effacé.

La paroi conjonctive proprement dite consiste en une mem-brane très ténue, hyaline, transparente, aisément reconnais-sable sur le fond des alvéoles et qui présente ça et là des noyaux ovalaires (Schultze), nullement entourés de granula-tions. Cette membrane, si délicate à l'état normal, n'en acquiert, pas moins, dans l'état pathologique, une épaisseur considé--

Fig. 8. — Emprun-tée au Traité d'histologie de M. Kôlliker, 2« éd. française, fig. 354.

des modifications survenues dans la confi-guration des éléments : le revêtement épi-thélial des parois bronchiques, au moment où il se continue sur les parois alvéolaires, devient tellement méconnaissable, en raison de l'aplatissement que subissent les cel-lules, que son existence même a pu pendant longtemps être méconnue et vivement con-testée.

rable, alors qu'elle devient le point de départ d'une formation embryonnaire: c'est ce qu'on observe dans la broncho-pneu-monie subaiguë ou chronique simple — une des formes de la cirrhose du poumon — ou dans la broncho-pneumonie chro-nique de nature tuberculeuse (Fig. 9).

Les fibres élastiques constituent par leur présence un des caractères analomiques les plus saillants des canalicules res-piratoires lorsqu'on les examine au microscope. Elles sont

Fig. 9. — Coupe d'un infundibulum latéral. Poumon d'un homme adulte. — a, Orifice d'un infundibulum. — b, b, noyaux de fibres musculaires lisses.

abondantes, surtout dans les conduits alvéolaires principaux. Là, elles forment des faisceaux circulaires épais, à l'orifice même des conduits, du côté de la bronche terminale, — à l'orifice des infundibules latéraux ou terminaux ; — on voit enfin des anneaux de fibres élastiques, moins épais que les précédents, à l'orifice de chacun des alvéoles qui entrent dans la composition, soit des conduits alvéolaires, soit des infundi-

bules. Cette disposition est très reconnaissable sur Ja figure 9, empruntée au mémoire de M. Schultze. Cette figure montre l'orifice d'un infundibulum latéral, c'est-à-dire placé sur le trajet d'un conduit alvéolaire. L'œil pénètre à travers cet orifice dans la cavité des alvéoles qui composent l'infundibu-lum. La travée annulaire à laquelle l'orifice infundibulaire est redevable de sa solidité et de sa résistance est très épaisse; l'épaisseur des travées secondaires qui forment un anneau autour de l'orifice de chacun des alvéoles est beaucoup moindre.

De ces travées principales parlent des fibres élastiques déli-cates se ramifiant dans l'épaisseur de la tunique conjonctive qui constitue la paroi alvéolaire où ces fibres se dessinent sous l'aspect d'un réseau dont les mailles laissent voir les noyaux ovalaires du tissu conjonctif.

Les altérations que peuvent subir ces fibres élastiques ont été, jusqu'ici, peu étudiées. Cependant M. Cornil1 a montré qu'elles offrent quelquefois, dans leur parcours, des cassures nettes qui les divisent en un grand nombre de fragments de longueur variable et ressemblant à des bâtonnets.

Ainsi que je l'ai annoncé, Messieurs, les fibres musculaires lisses n'existent qu'en faible proportion dans les parois des canalicules respiratoires. Leur existence, longtemps contestée, a été mise hors de doute parles travaux de Colberg, de Schultze et deReindfleisch. Elles se rencontrent toujours isolées, ne for-mant jamais de faisceaux un peu épais, au moins dans les con-ditions physiologiques. D'une façon générale, on les observe sur tous les points où se trouvent de grosses travées de fibres élastiques, et là, elle s'entremêlent avec ces fibres. D'après M. Reindfleisch, elles s'hypertrophient et se multiplient dans

1 Cornil et llanvier. — Manuel oV histologie path., p. 658.

l'induration brune du poumon. Elles deviennent alors facile-ment reconnaissables au niveau des éperons qui marquent la séparation des conduits alvéolaires, des infundibules et aussi de chaque alvéole.

QUATRIÈME LEÇON

De l'épithélium pulmonaire.

Sommaire. — Importance de la couche èpithéliale. — Réalité de son exis-tence. — Sa disposition chez les animaux (triton, grenouille, reptiles, chat, etc.) ; — chez le fœtus humain.

Messieurs,

Je me propose de vous entretenir aujourd'hui de la couche èpithéliale — ou endothéliale ainsi qu'on l'appelle quelquefois — qui, à l'état normal, revêt dans toute son étendue, la cavité des canalicules respiratoires et qui, comme je vous l'annon-çais dans la dernière séance, joue un rôle très important dans l'anatomie pathologique des affections du parenchyme pulmo-naire.

Yous ne trouverez pas superflus, je l'espère, les détails assez minutieux dans lesquels nous allons entrer à ce propos, lorsque je vous aurai fait remarquer que les lésions de ces éléments si délicats qui, en anatomie normale, tiennent une place s étroite que leur existence même a été contestée, occupent er réalité, et fort souvent, le premier rang dans les conditions anatomo-pathologiques.

Ces lésions, en effet, prédominent, on peut le dire sans être taxé d'exagération, dans l'histoire de quelques-unes des in-flammations du poumon les plus vulgaires, les plus répan-dues et qu'il nous importe, par conséquent, au premier chef,

de bien connaître. Telles sont, par exemple, les broncho-pneu-monies aiguës, subaiguës, ou chroniques, tuberculeuses ou non tuberculeuses, ces affections majeures dans le grand chapitre de la pathologie pulmonaire. Or, comment sera-t-il possible d'ap-précier d'une manière convenable les^ diverses phases du pro-cessus morbide dans les affections que nous venons d'énumé-rer, si nous ne sommes pas munis au préalable de connais-sances solides relativement aux conditions physiologiques ?

1.

Chez tous les animaux, pourvus d'organes pulmonaires, il existe, à la surface des cavités respiratoires, un revêtement cellulaire qui représente l'épithélium des parois bronchiques et est en continuité avec lui : c'est là un fait qui, depuis plu-sieurs années, n'est plus mis en doute par personne. Il y a longtemps qu'on sait aussi que, chez l'homme, à l'état fœtal, et chez le nouveau-né, ce revêtement s'observe éga-lement et que même la constatation en peut être faite par les procédés les plus simples. Mais, le point demeuré en litige jusque dans ces derniers temps, c'est la présence de la couche épithéliale, dont il s'agit, à toutes les époques de la vie chez l'homme.

Il y a quinze ans à peine l, un anatomiste habile, M. le pro-fesseur Zenker annonçait qu'il n'était pas parvenu à mettre en évidence l'épithélium pulmonaire, chez un supplicié, examiné dans ce but, une heure seulement après la décapitation, c'est-à-dire dans des conditions particulièrement favorables à ce genre d'études. Aujourd'hui, Messieurs, l'accord est à peu près fait sur ce sujet et l'existence du revêtement épithélial alvéo-

» BeitrUge zùr norm. und patholog. Anatomie der Lunge. Dresden, 1862 p. 15.

laire^i toutes les époques de la vie chez l'homme sain, est très généralement reconnue ; on ne diffère plus guère que sur les détails secondaires d'anatomie délicate.

II.

Avant de procéder à la description de l'épilhélium pul-monaire chez l'homme, on a coutume de faire connaître, d'une manière sommaire, la disposition qu'il offre chez les animaux

Fig. 10. — Epithelium pulmonaire du triton, (trito cristasus).— a, capillaires.— b, contours des cellules épitliéliales. — c, noyaux des cellules épitholiales. — d, un noyau qui semble appartenir à deux cellules. (D'après Elenz).

où l'étude est plus facile. Nous nous conformerons à cet usage qui permet de bénéficier des avantages de la méthode compa-rative.

J'ai fait placer sous vos yeux quelques-unes des figures an-nexées à un travail célèbre dans l'espèce, celui d'Elenz, un

des élèves de Eberth1. C'est à ces deux auteurs qu'est, due h première démonstration régulière, indiscutable, de l'épithé" lium pulmonaire. Les résultats qu'ils ont obtenus sont dus { l'application au cas spécial de la méthode des imprégnations argentiques, mise en œuvre, vous le savez, avec un grand suc-cès, par MM. Recklinghausen et His, pour l'étude des endo-théliums des membranes séreuses et des vaisseaux sanguins et lymphatiques.

A. Chez le triton, le poumon a une structure éminemment simple2 et représente, en quelque sorte, un alvéole pulmonaire d'un mammifère. A un grossissement convenable et après les préparations nécessaires, la paroi de cette cavité respiratoire, examinée par sa face interne, laisse voir les détails suivants [Fig. 10). ?

Yous reconnaissez tout d'abord les mailles du réseau capil-laire qui rampe à la surface de la tunique conjonctive. Ce ré-seau dessine des espaces ou fossettes qui se détachent en clair au milieu des tractus rouges qui forment les vaisseaux sup. posés remplis de sang ou de matière à injection. Dans cha-cune de ces fossettes, on remarque un ou plusieurs noyaux arrondis : ce sont les noyaux des cellules épilhéliales pulmo-naires. Jamais ils ne se rencontrent sur la paroi même des vaisseaux, toujours ils occupent les fossettes. L'imprégnation par l'argent, vous le voyez, a dessiné des lignes noires dont la réunion forme des figures polygonales (b). Ces lignes se voient aussi bien sur les fossettes que sur les capillaires. Vous avez compris qu'elle marquent la limite des diverses cellules épithéliales, l'imprégnation d'argent ayant pour effet de colorer en brun le ciment qui unit ces cellules les unes aux autres.

1 Wurzt. VerhandL, 1861. Bd o. 1-2 hefi. p. 66.

2 Carpenter. — P/njsiologie, édit. américaine, p. 283.

Chacune d'elle est représentée par une mince lamelle trans-parente, de telle sorte que, par leur réunion, elle constitue une membrane très délicate. Il est possible de détacher cette membrane des parties sous-jacentes par un artifice de prépa-ration et on peut constater alors que les noyaux seuls font à la surface un certain relief qui s'accuse uniquement du côté de la profonde ou adhérente et jamais du côté qui regarde la cavité alvéolaire. C'est que, en effet, ainsi qu'il est facile de s'en assurer par l'examen d'une coupe méthodique faite per-pendiculairement au grand axe de l'alvéole, les noyaux sont logés dans la fossette intercapillaire, tandis que les plaques de protoplasma recouvrent les capillaires (Fig. H)1.

Fig. H. — Schéma d'une coupe perpendiculaire d'une maille capillaire du triton. — La coupe est faite dans la direction de la ligne ab. — aa, ca-pillaires.— c, noyaux. — dd, cellules epitheliales aplaties.

Voilà une disposition, je le dis par anticipation, qui vous donne déjà une idée assez juste de ce qui existe dans l'espèce humaine. Chez la grenouille, cette disposition est essentielle-ment la même. Il y a lieu de relever seulement que, chez elle, les noyaux ont une tendance à siéger sur les angles ou sur le bord des cellules, tandis que chez le triton elles occupaient d'habitude la partie centrale.

Le revêtement épithélial pulmonaire, lorsqu'il se présente avec les caractères qui viennent d'être indiqués, peut être dit continu et uniforme. Il est continu ou complet parce que les cellules voisines se touchent sans lacunes intermédiaires ; il

4 Voyez : Elenz, fig. 2, et Schultze.

est uniforme, parce que toutes les cellules sont faites sur 1 même modèle {Vollstandig undgluchmassig).

B. Yoici maintenant quelques dispositions un peu diffé-rentes. Chez les reptiles, le revêtement est également continu ou complet, mais on y observe une particularité qui se retrouve souvent chez les animaux d'un ordre plus élevé. Ici, les parois alvéolaires sont occupées encore par des cellules complètes, c'est-à-dire possédant un protoplasma plus ou moins grenu et un noyau ; mais, dans les intervalles des fossettes et sur les fossettes elles-mêmes, on voit se dessiner les contours de pla-ques ou cellules claires, d'une largeur variable dont la plupart

Fiy. 12. — Culs-de-sac des ramification:-bronchiques chez un fœtus de trois mois. — a, epithelium. — 6, membrane limitante.— c, tissu embryonnaire.

n'offrent pas de noyau. Ces plaques résulteraient de la fusion d'un certain nombre de cellules qui, en même temps que leur individualité, perdraient leur noyau. En pareille circonstance, on dit que le revêtement épithélial est contimi et polymor-phe.

C. Arrivons rapidement, sans transition, aux animaux supé-

rieurs, car l'anatomie comparée n'est pas, pour nous, le but, elle n'est que le moyen. Or, nous retrouvons chez les animaux mammifères adultes, chez le chat entre autres, le revêtement épithélial continu, mais polymorphe, que nous décrivons tout à l'heure. À l'état fœtal, au contraire, chez cet animal, comme chez tous les mammifères, l'épithélium est uni-forme.

III.

C'en est assez, Messieurs, pour ce qui concerne les ani-maux ; il nous faut actuellement considérer l'homme, objet spécial de nos études. En premier lieu, nous envisagerons l'état fœtal, époque de la vie où le revêtement épithélial. peut toujours être mis en évidence, même par les procédés les plus élémentaires.

Je mets sous vos yeux un dessin représentant la coupe en travers de l'extrémité en cul-de-sac d'une ramification bron-chique ultime, chez un fœ'.us de trois mois. La disposition est, ici, des plus simples : une bordure régulière de cel-lules, composant une seule couche, plus haute que large, se rapportant, par conséquent, d'une manière très nette, au type cylindrique et présentant un noyau sphéroïde bien accentué, recouvre la paroi de la cavité dans toute son étendue [Fig. 12).

Tout récemment, un fœtus de sept mois, qui avait respiré peut-être pendant deux heures, a été mis à notre disposition. Je vais vous exposer en quelques mots les particularités très intéressantes qu'offrait l'examen du poumon de cet enfant. Les alvéoles étaient partout revêtus, comme dans le cas précédent, d'un épithélium complet. Seulement, par rapport à la consti-tution de ce dernier, il importe de faire une distinction : 1° Les

uns, relativement très étroits (Fig. 13, n), avaient conservé ce que j'appellerai le caractère fœtal, c'est-à-dire que les cel-lules de revêtement se montraient aussi hautes que larges; — 2° Sur d'autres alvéoles plus larges, plus distendus (Fig. 13, m), les cellules de l'épithélium avaient subi une espèce d'apla-tissement, de telle sorte que, sur les coupes transversales, on les voyait sous l'apect de cellules fusiformes, possédant un noyau très saillant, et, quand l'œil rencontrait de front la paroi alvéolaire, sous l'aspect de cellules polygonales ; — 3° Enfin, on observait des alvéoles dans lesquels il était loisible de reconnaître un état pour ainsi dire intermé-diaire.

Sur une portion de la cavité, le revêtement était encore

Fig. /5—1. Epithélium des alvéoles pulmonaires, chez un fœtus de sept mois, ayant respiré deux heures.

II. Alvéole non distendu, resté à Y état fœtal.

III. Alvéole distendu ; la plupart des cellules épithéliales ont subi un aplatissement plus ou moins prononcé.

constitué par des cellules cuboïdes, tandis que sur d'autres, contiguës aux précédentes, les cellules avaient éprouvé un aplatissement très manifeste.

Cet aplatissement des cellules épithéliales est la règle chez les fœtus à terme qui ont respiré, même à peine quelques

ni

heures. Voici, d'ailleurs, les caraclères du revêtement épithé-lial chez le nouveau-né (Fig. 14).

L'épithélium est continu, composé pour la plus grande par-tie des cellules polygonales, ayant un noyau central, sphéri-que et un protoplasma grenu. Quant à ses contours, ils sont visibles sans préparation ou faciles à dessiner par l'action soit du nitrate d'argent, soit de l'osmium. Mais, selon toute vrai-semblance, par suite de la fusion de quelques cellules voi-sines, il est interrompu çà et là par des plaques claires, plus ou moins larges, sur lesquelles les noyaux peuvent rester appa-rents ou être, au contraire, complètement effacés. Il s'agit donc là, en définitive, d'un épithélium continu mais polymorphe. En général, les cellules à protoplasma se voient plutôt dans les mailles intercapillaires et, par contre, les plaques sans noyaux recouvrent les vaisseaux.

Fig. 14. — Revêtement épithélial des alvéoles pulmo-naires chez le nouveau-né, d'après Schultze et Henle.

L'aplatissement de la cellule èpithéliale qui commence à se prononcera une certaine époque de la vie fœtale, et qui se complète chez le nouveau-né, est-il la conséquence toute mécanique de la dilatation que subissent les cavités respira-toires soit par le fait du développement, soit par le fait de la distension des cavités par l'air atmosphérique? Je ne voudrais pas le garantir, bien que cette opinion ait été émise récemment par M. Kiïttner i. Pour l'établir, cet auteur se fonde sur les résultats de l'examen des poumons de dix-neuf fœtus (hom-mes et animaux), M. Rûttner poussait une injection de géla-

Virchow's Archiv, 1876, t. LXVI, p. 12.

line dans les poumons encore chauds, puis il pratiquait lexa-men microscopique. Celui-ci faisait reconnaîlre que, dans les alvéoles où le liquide avait pénétré, l'épithélium était aplati tandis que dans ceux qui n'avaient pas été distendus les cel-lules avaient conservé la forme cubique.

Un résultat acquis par M. Kùtlner dans ses recherches et qui me paraît mieux démontré que le précédent, c'est que, chez les animaux adultes, le chien entre autres, les épithé-liums, dans les cavités respiratoires, seraient d'autant plus larges et d'autant plus plats, qu'ils siègent dans une région plus voisine du fond des cavités alvéolaires. En revanche, les cellules situées sur les bords tranchants qui limitent les orifices de ces alvéoles, surtout dans la partie désignée sous le nom de conduits alvéolaires, se rapprocheraient par leurs caractères morphologiques des cellules pavimen-teuses qui tapissent la face interne de la bronchiole termi-nale.

Voici les dimensions respectives des cellules de revêtement prises sur les divers points des canalicules respiratoires d'un chien adulte.

Epithélium des bronchioles terminales....... 0,009 «.

— des replis des parois alvéolaires.. . 0,013 u. du fond de l'alvéole............. 0,050 y-

J'ai obtenu des résultats conformes à ceux qui précèdent chez le cochon d'Inde.

IV.

Nous voici parvenus au point où nous devons indiquer comment il est possible de déceler l'existence du revêtement

épithélial pulmonaire dans l'espèce humaine, à l'état normal, pendant la vie extra-utérine et où nous devons, en outre, vous en faire apprécier les caractères.

Dans certains cas pathologiques, rien n'est plus simple, ainsi que vous le reconnaîtrez bientôt. C'est déjà là, sans doute, un argument à invoquer en faveur de la réalité même de ce revêtement. On pourrait faire valoir aussi qu'il serait étrange que l'homme seul fît, sous ce rapport, exception parmi tous les autres mammifères. Mais ces considérations ne sont pas, à tout prendre, des arguments absolument péremploi-res.

Les difficultés proviennent principalement de ce que les méthodes qui sont appliquées avec succès chez les animaux, celle de l'imprégnation d'argent, par exemple, sont inappli-cables dans le cas de l'homme, parce que, chez lui, l'investi-gation anatomique ne peut se faire que vingt-quatre ou qua-rante-huit heures après la mort, à moins de conditions spé-ciales qui n'ont pas encore été mises à profit. Or, l'emploi des méthodes'en question n'est suivi de résultats satisfaisants que chez l'animal frais, alors que les tissus ont conservé un certain degré de vitalité. Ce sont donc les procédés les plus sommaires qui, jusqu'ici, ont été mis en œuvre. Ces poumons sont durcis par l'alcool et réduits en tranches minces. A ce moment, une difficulté particulière se présente : la lame èpithéliale dont l'existence est supposée devra être coupée deux fois avant d'être portée sous l'objectif du microscope et l'on comprend que le mince filament qui devra résulter de celle double sec-lion sera bien souvent chassé de la préparation par le fait même des manipulations qui précèdent nécessairement l'exa-men. Il faut ajouter que les vaisseaux capillaires qui rampent sur les orifices des cloisons offrent fréquemment, quand ils ne sont pas injectés et que l'œil les rencontre de profil, l'appa-rence de cellules fusiformes, munies d'un noyau allongé ;

Gharcot. Œuvres complètes, t. y, Poumons. 4

d'où, une cause d'erreur d'interprétation que M. Zenker n'a pas manqué de faire ressortir.

Pour l'éviter, Colberg a pris le soin d'injecter les vaisseaux à l'aide d'une substance colorée, avant de réduire le poumon en tranches minces. Sur les préparations ainsi faites et bien réussies, on observe ce qui suit : Une mince lamelle, composée de cellules d'apparence fusiforme, jointes les unes aux autres par leurs bords, forme un revêtement sur toute l'étendue de la paroi de l'alvéole passant au-dessus des vaisseaux capil-laires. Au niveau des légers renflements cellulaires, on dis-tingue les noyaux, sphériques ou légèrement ovalaires et en-tourés de quelque granulations brillantes qui se dessinent dans leur voisinage, au sein du protoplasma \ Quelquefois, la mem-brane de revêtement est roulée sur elle-même dans la cavité de l'alvéole.

Il peut arriver que cette membrane se présente de face et si, en pareil cas, on a eu la précaution de faire intervenir l'ac-tion du carmin, on note les particularités ci-après : De distance en distance, sur cette espèce de pellicule plissée, on aperçoit des noyaux ou des vestiges de noyaux, souvent semi-lunaires,

réfractant assez fortement la lumière etdontle contour arrondi est complété par une ligne également demi circulaire de fines granulations (Fig. 15) 2. Les divisions qui séparent les cellules les unes des autres ne sont pas visibles; mais nous recon-

1 Voyez la fig. 1 du mémoire de Colberg.

2 Reindfleisch, fig. 335.

Fi /5. — D'après Reindfleisch, 4e édit., p. 138.

naîtrons bientôt qu'elles s'accusent sous l'influence des moin-dres irritations.

Tels sont, Messieurs, les faits propres à mettre en évidence l'existence d'un revêtement épithélial à la surface des canali-cules respiratoires chez l'homme à l'état normal. On peut, d'a-près ces données, affirmer qu'il s'agit là d'un revêtement complet, continu, recouvrant les vaisseaux eux-mêmes; mais il est difficile de décider, à l'aide de ces moyens d'étude très-imparfaits, si cet épithélium est composé de cellules unifor-mes portant toutes des noyaux ou des vestiges de noyaux. Nous verrons bientôt que les faits du domaine pathologique plaident en faveur de l'uniformité des cellules du revêtement épithélial pulmonaire.

Toutefois, avant d'aborder l'exposé des faits pathologiques, il est deux points que nous ne pouvons nous dispenser de toucher :

1° Si l'on en juge par les caractères morphologiques, les cellules aplaties, soudées les unes aux autres, à noyaux rudimentaires, n'ont sans doute qu'une vitalité obscure. Elles acquièrent, comme nous aurons l'occasion de le montrer, une sorte de de revivescence sous l'influence des causes irritalives. 'Les recherches de Mûller et de Ludwig, infirmées à la vérité par celles de Pfluger, Slrasbury et Wolfberg, tendent à établir que le tissu du poumon joue dans l'accomplissement des actes chimiques de la respiration, le rôle d'une glande. Il aurait sur l'exhalation de l'acide carbonique une action spécifique en vertu de laquelle cet acide serait, à proprement parler, sécrété. Si cela était vrai, il faudrait, selon toute probabilité, rattacher cette fonction à l'épithélium pulmonaire. Toujours est-il que la présence de cet épithélium à la surface du poumon suffit pour prouver que le contact immédiat del'air inspiré avec

la paroi des vaisseaux capillaires du poumon, n'est pas une con-dition nécessaire à l'accomplissement régulier des actes res-piratoires.

2° L'autre point sur lequel je veux appeler votre attention estle suivant: Composé d'une seule couche de cellules plates, soudées entre elles par un ciment, l'épithélium pulmonaire de l'adulte se confond en quelque sorte, morphologiquement, avec les endothéliums qui recouvrent les membranes séreuses, les parois des vaisseaux lymphatiques et sanguins et dont un caractère commun, vous le savez, est de se développer chez l'embryon aux dépens du feuillet moyen du blastoderme ; tandis que les feuillets externe et interne donnent naissance h des revêtements cellulaires ayant plusieurs couches — tels sont les revêtements épidermiques, — ou encore à des revête-ments d'une ou plusieurs couches constituées par des cellules molles et épaisses : à cette dernière catégorie appartiennent les revêtements de la membrane muqueuse gastro-intestinale et des parois bronchiques. Or, les cellules de revêlement des canalicules respiratoires, comme celles qui tapissent les bron-ches, naissent dans le feuillet interne. Il y a donc, dans cette organisation, une anomalie assez remarquable puisque, d'a-près son lieu d'origine embryogénique et sa continuité avec la muqueuse bronchique, l'épithélium pulmonaire est susceptible d'être considéré comme un véritable epithélium, tandis que, au point de vue morphologique, il se rapproche des endothéliums.

Nous ne faisons que signaler en passsant cette difficulté, dont la solution appartient à l'anatomie philosophique et nous devons nous borner à déclarer que, pratiquement, dans les conditions pathologiques, l'épithélium pulmonaire se com-porte tantôt à la manière des endothéliums développés aux dépens du feuillet blastodermique moyen, tantôt à la manière

des epitheliums proprement dits. C'est là une assertion qu'il ne nous sera pas difficile de justifier dans la prochaine séance dont la première partie sera consacrée à une rapide esquisse des principales modifications que peut subir l'épithélium pul-monaire sous l'influence des causes pathologiques.

CINQUIÈME LEÇON

Pathologie générale de l'épithélium pulmonaire.

Sommaire. — L'épithélium pulmonaire se développe aux dépens du feuillet moyen du blastoderme comme les endotheliums. — Pathologiquement, l'épithélium pulmonaire se comporte à la façon des endotheliums et des epitheliums. — Développement des poumons: cellules hypoblastiques et tissu mésoblastique.

Caractères des inflammations aiguës des tissus vasculaires. — Irritation nutritive. —Irritation formative. — Cellules géantes. — Prolifération par scission.

I.

Messieurs,

En terminant, dans la dernière séance, la description du revêtement épithélial pulmonaire, considéré dans les condi-tions normales, chez l'homme, pendant le cours de la vie extra-utérine, je vous faisais remarquer que ce revêtement, composé d'une seule couche de cellules plates, juxtaposées et soudées entre elles par un ciment, se confond en quelque sorte morphologiquement avec les endotheliums qui recou-vrent les membranes séreuses, les parois des vaisseaux san-guins et lymphatiques, etc.

Un caractère commun à ces endotheliums, dont l'épithélium pulmonaire reproduit le type morphologique,est, vous le savez,

de se développer chez l'embryon aux dépens du feuillet moyen du blastoderme, tandis que les epitheliums proprement dits naissent des feuillets interne et externe.

Or, suivant M. His, auteur de travaux embryogéniques bien connus et quelques observateurs qui ont développé les vues qu'il a émises à ce sujet, il y a une distinction fondamentale à éhiblir entre les epitheliums proprement dits et les endothe-liums déjà séparés, vous le voyez, parle siège de leur dévelop-pement. Ceux-ci doivent être assimilés aux cellules plates du tissu conjonctif, dont ils ne représentent qu'une simple modi-fication quant à la forme, et dont ils possèdent, d'ailleurs, toutes les propriétés physiologiques.

Ils n'ont, à part certaines ressemblances, rien de commun avec les epitheliums, et ces deux ordres de tissu conservent leur autonomie et leur indépendance réciproques dans les diverses circonstances de la vie extra-utérine relatives aux phénomènes d'accroissement, de régénération, de formation néoplasique.

Ainsi, suivant M. Waldeyer, grand partisan dansle domaine pathologique de la doctrine de M. His, jamais le tissu conjonc-tif ne peut se développer palhologiquement aux dépens du tissu epithelial et inversement, jamais une cellule conjonctive ou endothéliale ne peut reproduire une cellule épithéliale ; et pour ne citer qu'un exemple, relatif au tissu epithelial, les cel-lules du carcinome ou de l'épithéliome — c'est là une consé-quence de la doctrine — doivent naître toujours au sein ou dans le voisinage immédiat d'un revêtement epithelial ; si une tumeur carcimonateuse ou épithéliale se rencontre au sein du tissu conjonctif, elle y est de provenance étrangère, métasta-tique, c'est un foyer secondaire dont le germe vient d'ailleurs.

Je me garderai bien d'entrer dans le débat suscité par cette doctrine, parce qu'elle ne concerne pas directement l'objet spécial de nos études actuelles; je veux me borner à relever ici

que le cas de l'épithélium pulmonaire peut être considéré comme formant exception à la règle trop absolue qu'on vou-drait poser ; car, d'un côté, bien qu'en continuité directe avec le revêtement épithélial bronchique, il reproduit la forme des endotheliums; d'un autre côté, sous l'action des causes patho-logiques, il se comporte, ainsi que nous l'avons laissé pressen-tir, tantôt à la manière des endotheliums développés aux dé-pens du feuillet moyen, tantôt à la manière des epitheliums proprement dits, dont il reprend, dans de certaines circon-stances, à la fois, tous les caractères physiologiques et mor-phologiques.

Il y a là un point de vue devant lequel il ne sera peut-être pas inopportun de nous arrêter un instant; ce sera pour nous une occasion de vous présenter une sorte d'esquisse de l'ana-tomie pathologique générale de l'épithélium pulmonaire, et de justifier du même coup une assertion que j'ai émise dans la dernière séance, à savoir que les lésions de ces éléments tien-nent une grande place dans l'anatomie pathologique du poumon.

II.

Permettez-moi, au préalable, de vous rappeler, très som-mairement, quelques détails d'embryogénie élémentaire que nous devons utiliser chemin faisant.

Je place sous vos yeux un dessin représentant une coupe perpendiculaire à l'axe spinal et passant par la partie moyenne d'un embryon de poule, après 56 heures d'incuba-tion (Fig- 16). Les principaux détails du développement sont déjà à cette époque très accentués. Voici le feuillet ex-terne ou épiblaste, l'ancien feuillet séreux; l'interne ou hypo-blaste. Le moyen ou mésoblaste, divisé déjà, à cette époque du développement, en deux feuillets secondaires : somatoplè-

vre et splanchioplèvre, laissant entre eux la cavité pleuro-pé-ritonéale.

Un mot maintenant relalivement à ce qui concerne particu-lièrement le développement des poumons. A l'origine, les deux poumons sont, vous le savez, des bourgeons ou prolongements de l'œsophage. Déjà le troisième jour, de chaque côté de cette partie du tube digestif (Fig. 17), on trouve, par la dissection, deux prolongements ou diverticulums qui répondent à chacun des poumons. Les bourgeons, comme le tube digestif lui-

Fîg. 16. — Coupe transversale de F embryon de Poulet vers la 50 heure de l'incubation. — A, feuille externe. — A', coupe de la moelle épinière. — B, feuillet interne. — CC, vertèbres primitives. - D, corde dorsale. — EE, aortes primitives. — F, cavité pleuro-péritonéale. — GG, corps de Wolff. — M, feuillet moyen. — (Ranvier, Leçons d'anato-mie générale, fig. 1.)

même, se composent essentiellement de deux parties bien distinctes: 1° une couche de cellules hypoblastiques qui pren-nent bientôt le caractère d'un revêtement épithélial cylindri-que ; et 2° une couche épaisse de tissu mêsoblastique. Par la suite, les culs-de-sac se ramifient, poussent des prolonge-ments au sein du mésoblasle, prolongements se terminant par de petits renflements. Ces derniers répondent aux conduits alvéolaires et aux alvéoles, les autres aux ramifications bron-chiques. Tandis que les cellules "hypoblastiques formeront un revêtement sur toute l'étendue de la surface de ces cavités, le mésoblaste donnera naissance aux tissus élastique, musculaire, cartilagineux, conjonctif, etc. (Fig. 18), qui entrent dans la

composilion des parois des conduits aériens. Les vaisseaux y pénètrent vers le vingtième jour.

Nous ferons tout à l'heure l'application de ces notions élé-

Fig. ¡7. — Schéma d'une portion du canal digestif d'un poulet du qua-trième jour (D'après Gôtte). — Le trait noir intérieui représente l'hy-poblaste, la partie externe moins sombre, le mésoblaste. — Ig, di-verticulum pulmonaire, présentant une extrémité terminale renflée qui forme la vésicule pulmonaire primitive. — St, estomac. — l, deux diverticulums hépatiques, dont les extrémités terminales sont réunies par des rangées non inter-rompues par des cellules hypobla-stiques, —p, diverticulum vésicu-laire qui en naît (Fig. 42 des Elé-ments d'embryologie de Foster et Balfour).

Fig. IS. — Quatre schémas destinés à montrer la formation des poumons (D'après Gôtte). — a, mésoblaste. — 6, hypoblaste. — d, cavité du canal digestif. — l, cavité du diverticu-lum pulmonaire, — En 1, le canal digestif a subi un étranglement qui l'a séparé en deux canaux, l'un supérieur, l'autre inférieur; le premier étant le véritable canal alimentaire, le second le tube pulmonaire ; ils sont en communi a'ion l'un avec l'autre. — fin 2,1e tube inférieur (pulmonaire) s'est élargi. — En 3, la portion élargie s'est étranglée de manière à former encore deux tubes qui com-muniquent l'un avec l'autre et tous deux avec lé canal digestif. — En 4, ils se sont complètement séparés l'un de l'autre ainsi que du tube digestif, le mésoblaste a commencé également à présenter les signes de change-ments internes qui se sont produits. (Fig. 43 de Foster et Balfour, loc. cit.).

mentaires; actuellement, j'en viens à la démonstration d'une des propositions que j'émettais à l'instant, à savoir que sous l'influence de certaines causes pathologiques, l'épithélium pulmonaire se comporte à la manière des endotheliums déve-loppés dans le feuillet moyen.

III.

Il s'agira ici des modifications apportées par certaines formes du processus inflammatoire. Dans les inflammations aiguës des tissus vasculaires, il y a à distinguer, vous ne l'avez pas oublié, deux groupes de phénomènes : 1° les phéno-mènes vasculaires proprement dits, comprenant la distension des vaisseaux, l'émigration des leucocytes, la formation des exsudats ; 2° les phénomènes cellulaires relatifs à une parti" cipation plus ou moins active des éléments extra-vasculaires préexistants.

Ce sont ces phénomènes du dernier ordre qu'on doit M. Virchow d'avoir bien mis en lumière dans le domaine pa-thologique, mais dont il s'était un peu exagéré l'importance. Quoi qu'il en soit avec cet auteur, il y a lieu de distinguer ce qu'il appelle, à tort ou à raison, Yirritation nutritive.

Cet état est caractérisé par un gonflement de l'élément cel-lulaire, dont le protoplasma devient granuleux (tuméfaction trouble) en même temps que se manifestent certains phéno-mènes de vitalité, tels que mouvements amiboïdes, par exemple.

Dans d'autres cas, ou à un degré plus avancé, se produisent les phénomènes ^irritation formative. Ici, les éléments ten-dent à se multiplier, à proliférer, et le mode le plus vulgaire qu'on observe en pareil cas, c'est la division par scission. Elle porte sur le nucléole d'abord, puis sur le noyau, puis sur le protoplasma de la cellule. Une variante de ce processus est la formation de grandes cellules ou plaques à noyaux. Elle a lieu quand le protoplasma ne se divise pas, et il se produit ainsi une variété de ces cellules géantes dont il nous faudra vous parler longuement à propos de la tuberculose.

Ce mode de multiplication, très vulgaire dans l'état physio-logique, ainsi que l'a montré Remak dans le cas du développe-ment embryonnaire, l'est aussi, vous le savez, dans l'état pa-thologique.

Or, Messieurs, ces phénomènes de prolifération par scission ont été étudiés maintes fois dans tous leurs détails, à propos de l'inflammation expérimentale ou spontanée des parties re-vêtues d'un endothélium.

Je rappellerai les observations de MM. Corail et Ranvier sur les résultats de l'inflammation expérimentale de l'épi-ploon chez les animaux adultes, par l'introduction, dans le péritoine, d'une faible solution de nitrate d'argent ou de teinture d'iode. Il est établi par ces expériences que la cellule endo-ihéliale se gonfle d'abord, puis se détache, et subit, d'ailleurs, les- divers phénomènes de la prolifération par scission. — Il se forme souvent, dans ces circonstances, de grandes plaques à plusieurs noyaux. — Chez l'homme, dans la péritonite rele-vant de l'état puerpéral, M. Kundrat1 a observé des faits ana-logues. Les phénomènes sont, d'ailleurs, identiques pour les autres membranes séreuses, quel que soit le mode de l'in-flammation, dans la péricardite rhumatismale par exemple. (Voy. Corail et Ranvier, loc. cit., p. 459, fig. 307.)

Dans le tissu conjonctif lâche, composé, vous le savez, de faisceaux fibrillaires revêtus çà et là de cellules plates, celles-ci se comportent absolument dans le phlegmon spontané ou expérimental, de la même façon que les cellules endothéliales des membranes séreuses. Je citerai à ce propos les observa-tions de Ranvier, celles de Fleming, celles que nous avons faites dans le temps avec M. Debove (Cours inédit, Sur l'in-flammation en général, 1872). En outre de la formation des exsudais et de la diapédèse des leucocytes, il y a lieu de rele-ver dans tous ces cas la multiplication par scission de cellules

1 Manuel d'histologie pathologique, p. 75, fig. 41.

plates aboutissant à la formation d'éléments embryonnaires ou petites cellules rondes.

Les phénomènes de scission sont beaucoup moins manifes-tes, si jamais ils ont été nettement observés, dans les condi-tions pathologiques, en ce qui concerne les épithéliums pro-prement dits ; ce n'est pas que ces épithéliums ne soient sus-ceptibles de présenter une régénération et une multiplication très actives. Je me bornerai à citer à ce propos le résultat des expériences que nous avons faites, M. Gombault et moi, sur la ligature du canal cholédoque. On sait qu'au-dessus du point rétréci ce canal subit alors une distension considérable. Le revêtement épithélial cylindrique s'accommode à ces nouvelles conditions, et 12 ou 15 jours après l'opération on trouve la paroi du conduit dilaté tapissée uniformément par un epithé-lium cylindrique complet et très régulier. Il n'y manque pas une cellule et celles-ci ne paraissent pas avoir augmenté no-tablement de volume. On ignore, quant à présent, suivant quel processus s'opère l'énorme multiplication des cellules épithéliales qui a lieu en pareil cas l.

4 Leçons sur les maladies du foie, 1877, p. 164, 169, 229.

SIXIÈME LEGON

Anatomie pathologique générale de l'épithélium pulmonaire (Suite).

Sommaire . — L'épithélium pulmonaire se comporte à la façon des endothé-liums : démonstration. — Broncho-pneumonie expérimentale: lésions au bout de six heures et vers le deuxième et le troisième jour. — Pneumo-nies épithéliales, pneumokonioses. — Expériences : introduction de pou-dre d'oxyde de fer dans les voies respiratoires ; pénétration au fond de ces voies et dans les cellules de l'endothélium ; localisation dans les acini sous forme lobulaire.

Faits pathologiques qui montrent que l'épithélium pulmonaire se comporte aussi à la façon des épithéliums : cancer mucoïde (Malassez) ; pneumo-nie fibroïde des tuberculeux (Thaonj ; carnisation (Legendre), ou forme pseudo-lobaire de la broncho-pneumonie ; caractères de ces lésions.

I.

Messieurs,

Considérons maintenant l'épithélium pulmonaire ; nous allons voir, dans les processus inflammatoires aigus, se re-produire tous les phénomènes rappelés tout à l'heure, à pro-pos de l'endothélium.

Prenons l'exemple de la broncho-pneumonie aiguë ou subai-guë et examinons d'abord le cas où la maladie est provoquée expérimentalement chez les animaux, circonstance dans la-quelle l'analyse des phénomènes est rendue plus facile. Un des procédés les plus simples pour déterminer l'altération dont il

s'agit, est, vous le savez, la section des pneumogastriques, ou mieux des nerfs récurrents chez certains animaux, le lapin par exemple. Vous n'ignorez pas que la lésion du poumon, observée en pareil cas, se rapproche de tous points de la broncho-pneumonie ou pneumonie lobulaire de l'homme, et je relèverai à ce propos que la pneumonie lobaire ou fibrineuse bien distincte à cet égard de la précédente, n'a pu, jusqu'ici, être reproduite expérimentalement. Il y a longtemps qu'on s'est occupé a. provoquer ce genre de broncho-pneumonie dans le but justement d'étudier anatomiquement toutes les phases du processus morbide. Parmi les travaux récents publiés sur ce sujet, je citerai ceux de M. Friedlander (Berlin, 1873; et Virchow's Archiv., 68, Bd., 3 sept. 1876); ceux de M. Dres-chfeld (de Manchester) (Lancet, jan. 8, 1876, p. 47); ceux enfin d'Otto Frey, rassemblés ' dans un mémoire publié à Berlin en 1877.

La section des récurrents chez le lapin, adoptée par Fried-lander et Frey de préférence à la section des pneumogastri-ques, offre l'avantage de laisser souvent les animaux vivre pendant un temps relativement fort long. Ainsi, sur 72 ani-maux opérés par M. Friedlander, 26 sont morts spontanément du 1er au 18° jour.

Il paraît bien établi, ainsi que Traube l'avait avancé, que l'origine de la peumonie ainsi produite est en quelque sorte toute traumatique. Les animaux sont devenus incapables de fermer la glotte, circonstance qui les trouble fort tout d'abord, mais à laquelle ils s'adaptent peu à peu. La cause mécanique des lésions pulmonaires est l'introduction dans les voies aé-riennes et jusqu'aux alvéoles, de corps étrangers ; parcelles alimentaires, mucosités buccales, qu'on retrouve dans les ca-vités aériennes à l'autopsie, et, dans les cas où, après la sec-tion des récurrents, l'animal a été soumis à la trachéotomie, le liquide qui s'écoule de la la plaie à l'intérieur de la trachée.

Or, voici l'indication sommaire des principaux résultats obtenus dans ces recherches. — Lorsque l'animal succombe avant l'accomplissement des six premières heures qui suivent l'opération, on trouve dans les alvéoles, les cellules épithé-liales gonflées, tuméfiées et tendant à prendre une forme sphérique : leur protoplasma est trouble, grenu (tuméfac-tion trouble). Leurs noyaux se colorent vivement par le car-min.

Les cellules ainsi tuméfiées tendent à se détacher de la paroi et à devenir libres dans la cavité alvéolaire. Elles sont capables de devenir le siège de mouvements amiboïdes et, en poussant des prolongements, elles peuvent s'incorporer les corps voisins : leucocytes, hématies.

La tuméfaction dont il s'agit ne serait pas, d'après les re-cherches de M. Friedlander, • un indice certain de l'existence d'un processus inflammatoire ; elle peut s'observer, en effet, dans le cas où l'on produit expérimentalement un simple œdème du poumon, soit en provoquant des embolies capillaires, soit en déterminant la compression de l'aorte ascendante. D'ailleurs, toujours suivant M. Friedlander, le simple contact du sérum suffit pour amener le gonflement des cellules et le développement des mouvements amiboïdes.

Le tableau change lorsque l'examen porte sur des animaux qui ont succombé vers le deuxième ou le troisième jour. On peut alors assister, en quelque sorte, à toutes les phases de la multiplication par scission des éléments cellulaires. Il n'est pas rare de rencontrer alors des plaques à noyaux, — une variété des cellules géantes. M. Friedlander a figuré une de ces cel-lules qui avait acquis des dimensions énormes et renfermait des fragments de cellules végétales ( Virchow's Archiv. loc.cit.). — Les phénomènes sont analogues lorsque, ainsi que l'a montré M. Dreschfeld (loc. cit.), le processus irritalif est déter-

miné, non plus par la résection des récurrents, mais par l'in-jection dans les voies bronchiques dune solution faible de nitrate d'argent.

IL

Dans toutes les broncho-pneumonies aiguës ou subaiguës provoquées expérimentalement, de même que dans celles qui se produisent spontanément, les phénomènes de la proliféra-tion cellulaire endothéliale, se montrent à peu près toujours compliquées, à des degrés divers, de la présence dans les ca-nalicules respiratoires de produits d'exsudation fibrineuse, de leucocytes et de globules rouges sanguins émigrés. En consé-quence, ces produits et ces éléments devront se rencontrer toujours, dans la cavité alvéolaire, en promiscuité avec les élé-ments qui résultent de la prolifération èpithéliale.

Mais il est telle circonstance où la scission et la multipli-cation des éléments cellulaires dont il s'agit peut être observée dans des conditions plus simples, c'est-à-dire dégagée de la présence des produits d'exsudation. Les pneumonies de ce dernier genre peuvent être dites alors Épùhéliaies par excel-lence, ou encore, comme les appelle M. Buhl, pneumonies des-quamatives (Limgenentziïndung Desquamatives) i.

Tel est, pour citer un exemple pris dans le domaine de l'expérimentation, le cas de la pneumonie chronique primi-tive, provoquée chez les animaux par l'introduction dans les voies aériennes de poussières suspendues dans l'atmos-phère, de particules mélalliques en particulier. Ces pneumo-nies chroniques expérimentales, en quelque sorte trauma-tiques, ont, vous le savez, leur pendant dans la pathologie humaine.

Buhl. — Tuberkulose und Schwmdsucht. Munchen, 1872. Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons. -j

Il existe, en effet, chez l'homme, tout un groupe d'affec-tions pulmonaires désignées, depuis les travaux de M. Zenker, sous le nom de Pneumonokonioses (t| xdvtç, poussière), les-quelles sont provoquées par l'influence de cette même cause. C'est là un groupe qui, tant s'en faut, n'est pas dénué d'inté-rêt pratique et sur lequel nous devrons, quelque jour, fixer votre attention. Pour le moment, je veux me contenter de dé-tacher de l'histoire des pneumonokonioses un épisode que je prendrai dans le domaine expérimental. Il s'agit de quelques expériences entreprises dans mon laboratoire sur le cochon d'Inde. La tête des animaux est plongée dans un sac rempli de poudre d'oxyde rouge de fer ; le collet du sac est fixé, bien entendu, à l'aide d'un lien autour de leur cou ; — on les voit agiter à chaque instant le sac en question, et la poussière que celui-ci contient se mêle, nécessairement, à l'air qu'ils aspi-rent. L'animal est délivré seulement à l'heure des repas et pendant la nuit. Notre but, dans ces expériences, a été de re-produire chez l'animal la forme de pneumonokonioses qu'on désigne chez l'homme sous le nom de sidérose, et qui se pro-duit, comme l'a fait voir M. Zenker, dans la pratique de cer-taines professions.

Les résultats que nous avons obtenus ont été satisfaisants. Yoici l'indication de quelques-uns d'entre eux. Je ferai abs-traction, pour le moment, des phénomènes cliniques qui, ce-pendant, ne sont pas sans intérêt *.

Nous, avons reconnu que les particules métalliques très fines de la poudre d'oxyde de fer pénétraient, dans ces conditions, jusqu'au fond des voies respiratoires, c'est-à-dire dans les con-duits respirateurs eux-mêmes, où il est facile d'en démontrer la présence dès le 15° jour de l'expérience.

Un second résultat est que les particules métalliques siègent

1 Ces expériences ont été faites avec la collaboration de M. Gombault, pré-parateur du cours.

primitivement dans la substance des cellules de l'endolhélium pulmonaire. Celles de ces cellules qui renferment ces parti-cules sont volumineuses, gonflées, tantôt détachées de la paroi alvéolaire, tantôt encore adhérentes.

Jamais les particules ne s'arrêtent en chemin, dans un point quelconque des voies bronchiques qu'elles ont dû parcourir, cependant, dans toute leur étendue.

Il résulte de nos expériences que la matière étrangère se lo-calise toujours, çà et là, dans certains groupes d'acini voisins les uns des autres, c'est-à-dire sous la forme lobulaire, et non pas d'une façon diffuse. Sur ces points, par suite de l'accumu-lation dans les cavités alvéolaires de cellules épifhéliales gon-flées et aussi en conséquence de l'épaississement des parois de l'alvéole, il se forme des petits noyaux d'induration lobulaire qui, à l'état frais, se distinguent, sur une surface de section éclairée par la lumière réfléchie, par une coloration d'un rouge ocreux, circonstance qui, soit dit en passant, rappelle les ca-ractères microscopiques des foyers de sidérose pulmonaire chez l'homme.

Enfin, nos expériences nous ont mis à même d'étudier les diverses phases de la pneumonie èpithéliale, considérée dans toute sa pureté, c'est-à-dire dégagée de l'immixtion de pro-duits d'exsudation. C'est qu'en effet l'irritation produite sur le revêtement cellulaire des canalicules respiratoires par la pré-sence dans ces cavités, des particules métalliques, ne reste pas limitée à celles des cellules où les particules se sont fixées. Elle se propage et s'étend aux cellules voisines, et l'on peut reconnaître là toute la série des modifications successives sur lesquelles j'ai déjà insisté, à savoir : gonflement de la cellule dont les limites deviennent accentuées, précises, au point de dessiner, sans autre préparation, le cloisonnement de ce revê-tement endothélial; scission du noyau, scission de la cellule ;

formation de plaques a noyaux ou cellules géantes. Je répé-terai que, dans cette forme de pneumonie épithéliale chroni-que primitive, les diverses phases du processus de scission et de prolifération se trouvent dégagées de toute intervention, même accessoire, des phénomènes d'exsudation.

Lorsque l'animal a été sacrifié environ deux mois après le début de l'expérience, on reconnaît que les alvéoles dont la cavité est déjà rétrécie par l'épaississement de leurs parois, se trouvent littéralement comblés sur certains points, par l'accu-mulation de cellules gonflées et desquamées, et telle est la raison de l'existence de ces petits noyaux d'induration dont il a été question tout à l'heure.

Nous abandonnons là le compte rendu de nos expériences, car notre but a été surtout, quant à présent, de vous présen-ter un exemple de pneumonie épithéliale ou desquamalive en dehors de toute complication. J'ajouterai seulement que, même dans les expériences prolongées jusqu'au deuxième mois, ja-mais, sur aucun point, nous n'avons vu les éléments cellulaires prolifères subir une métamorphose caséeuse ; et, cependant remarquez-le bien, il s'agit du cochon d'Inde, cet animal émi-nemment propre à subir les lésions de l'inflammation caséeuse, sous l'influence de l'action des agents les plus divers, des causes les plus banales.

J'en ai dit assez, je crois, pour justifier l'une des proposi-sitions que j'émettais au début de cette leçon, à savoir que les altérations de l'épithélium pulmonaire prennent une large part dans la production de certaines lésions inflammatoires du pa-renchyme pulmonaire et que, dans ces circonstances, les cellu-les épithéliales se comportent à la manière des endothéliums. Il me reste à faire voir maintenant que, sous l'influence de causes pathologiques autres que celles que nous avons invoquées jus-

qu'ici, ce revêtement cellulaire peut prendre les caractères morphologiques et aussi les propriétés de l'épithélium propre-ment dit. La cellule plate qui, chez l'adulte à l'état normal, tapisse la paroi interne du canalicule respiratoire, se trouve alors remplacée par un épithélium cylindrique ou encore par un épithélium formé de cellules molles cuboïdes, dispo-sitions qui reproduisent, on le voit, les caractères de l'état fœtal.

A l'appui de ce que j'avance, je citerai d'abord pour exemple certains cas de cancer du poumon chez l'homme, bien étudiées par M. Malassez i, sous Je nom de cancer mu-coïde.

Lestroma de ce cancer est constitué, ainsi que cela se voit du reste, pour d'autres formes du cancer du poumon, —par la paroi alvéolaire elle-même, non manifestement altérée et présentant encore en tout cas, parfaitement caractérisée, sa charpente de fibres élastiques. Ces parois paraissent tapissées par un revêtement continu de cellules qui remplace le revête-ment normal et qui, sur certains points, affectent la forme cuboïde tandis que, sur d'autres points, elles sont littérale-ment cylindriques. — Tantôt il n'y a qu'un seul rang de cel-lules, tantôt il y en a plusieurs. Ces dispositions variées peu-vent se rencontrer sur divers points de la surface d'un même alvéole.

En dehors du cancer nous citerons, encore à titre d'exem-ple, le cas beaucoup plus vulgaire des diverses broncho-pneu-monies subaiguës et chroniques.

C'est ainsi que M. Thaon, dans la 'pneumonie fibroide des tuberculeux, a fait voir que les parois alvéolaires épaissies — par suite de leur transformation en tissu embryonnaire ou même fibreux — sont tapissées par un revêtement en colle-rette de cellules cuboïdes, qui remplacent l'épithélium plat.

1 Archives de Physiologie, 1876, p. 353.

Au centre de la cavité alvéolaire se trouvent habituellement des amas de cellules épithéliales ovoïdes desquamées, der-niers vestiges de l'ancien revêtement1.

Dans les petits noyaux de pneumonie lobulaire subaiguë ou chronique, qui se rencontrent fréquemment chez les nouveau-nés syphilitiques, on observe, ainsi que l'ont fait voir MM. Cornil et Ranvier (Fig 88)2, absolument la même disposi-tion.

Fig. 19. — Coupe à travers un noyau d'hépatisation. — A, Tissu conjonctif du poumon en prolifération; b, cellules pavimenteuses disposées le long des alvéoles; c, cellules spliéri-ques libres au milieu de ceux-ci; w, vaisseau. Grossissement de 300 diamètres. (Cornil et Ranvier, loc. cit., fig. 268, p. 710).

Sous le nom de carnisation, Legendre (Maladies de l'en-fance, 1846, p. 223) a parfaitement décrit une altération du poumon qui, ainsi que j'aurai l'occasion de vous le démontrer, représente à l'état subaigu ou chronique la broncho-pneumonie aiguë simple. Cette altération me semble être beaucoup plus fréquente que les auteurs ne paraissent l'admettre; j'ai eu,

1 Thaon. — Recherches anatomo-pathologiques sur la tuberculose. Paris, 1873.

! Cornil et Ranvier. — Manuel d'histologie pathologique.

en effet, l'occasion de l'étudier cette année surune assez grande échelle, grâce à l'envoi qui m'a été fait obligeamment par mon collègue, M. le professeur Parrot, des pièces provenant de l'hospice des Enfants-Trouvés. On l'observe communément, surtout chez les très jeunes enfants, où elle se développe en conséquence de la rougeole, de la coqueluche, ou même d'une broncho-pneumonie vulgaire. Il s'agit là d'une forme pseudo-lobaire de la broncho-pneumonie ; c'est dire que la lésion occupe la majeure partie d'un lobe, l'inférieur surtout, dans sa partie postérieure. Le tissu du poumon sur les points altérés offre, dans les cas avancés, suivant la remarque de Legendre, à peu près la coloration et la consistance du tissu du cœur ou de l'utérus gravide.

La surface de section est généralement uniforme, lisse, non granuleuse, à peu près sèche ou laissant écouler à peine une petite quantité d'un liquide clair. Elle paraît habituellement, quand on l'examine avec attention, marbrée sur certains points, par suite de la présence d'acini ou de groupes d'acini qui offrent encore des altérations de la forme aiguë ; il s'y dessine souvent des cloisons résultant de l'épaississement des Iractus conjonclifs interlobulaires. La partie indurée est privée de crépitation ; elle s'insuffle quelquefois, mais toujours d'une façon très incomplète. La péri-bronchite et la dilatation des bronches sont des accompagnements fréquents de ce genre d'altération. C'est là une des formes delà cirrhose du poumon, bien distincte, ainsi que je le montrerai en temps et lieu, de la pneumonie fibroïde consécutive à la pneumonie lobaire pro-longée.

Or, Messieurs, le grand caractère histologique dans la forme d'altération dont je viens de vous rappeler les principaux traits microscopiques, c'est la combinaison de l'épaississement des parois alvéolaires, lesquelles ont subi la métamorphose em-bryonnaire, avec l'existence d'un revêtement épithélial formé

non plus de cellules plates mais bien de cellules cuboïdes. — Tout cela peut exister et existe habituellement, c'est là un fait qu'il importe de relever, sans qu'il y ait dans aucun point des poumons la moindre trace de dégénéralion caséeuse, de no-dules tuberculeux.

N'est-il pas intéressant de voir dans cette forme subaiguë ou chronique de la broncho-pneumonie les parois de l'alvéole pulmonaire — qui dans le développement embryonnaire nais-sent du mésoblaste — reprendre le caractère embryonnaire, en même temps que le revêtement épilhélial — issu de Yhypo-blasie —reprend lui aussi la forme qu'il présentait dans la vie intra-utérine.

Cette circonstance, remarquable dans l'histoire de la bron-cho-pneumonie chronique, vous paraîtra sans doute encore plus digne d'intérêt lorsque je vous aurai fait remarquer qu'elle se reproduit absolument avec les mêmes caractères, dans quelques variétés d'inflammation interstitielle, ou de cirrhose s'attaquant à d'autres viscères que le poumon.

Il s'agirait donc là, vous le voyez, non pas d'un fait partiel propre au poumon, mais d'un fait général commun à tout un groupe de cirrhoses viscérales.

Je vous demande la permission, la chose en vaut la peine, d'entrer dans quelques développements pour établir la propo-sition que je viens de formuler. C'est ce que j'essaierai de faire dans la prochaine leçon.

SEPTIÈME LEÇON

Des cirrhoses viscérales épithéliales en général.

Sommaire. — Caractères anatomo-pathologiques Communs à certaines for mes de la broncho-pneumonie subaîguë ou chronique. — Retour à l'état embryonnaire du revêtement épithélial et des parois des alvéoles. — Pro-duction de phénomènes analogues dans les cirrhoses viscérales. — Rein contracté ; atrophie, cirrhose*. — Cirrhose rénale ; analogie avec la cir-rhose broncho-pneumonique.

Messieurs,

J'ai relevé, en faisant la leçon précédente, un caractère anatomo-palhologique commun à certaines formes de la broncho-pneumonie subaiguë ou chronique. Yoici, vous ne l'avez pas oublié, en quoi ce caractère consiste : tandis que la paroi des canalicules respiratoires se transforme en tissu em-bryonnaire, l'endothélium de revêtement est remplacé par un epithélium se rapportant au type cylindrique, et analogue, par conséquent, à celui qui tapisse les bronches.

J'ai cité à titre d'exemple : la pneumonie fibroïde des tuberculeux, d'après des descriptions de M. Thaon ; la pneu-monie tobulaire des nouveau-nés syphilitiques, d'après MM. Cornil et Ranvier; le cas delà carnisation du poumon, décrite par Legendre et Railly, et qui représente, suivant moi, à l'état chronique, la broncho-pneumonie vulgaire. J'aurais pu ajouter que, chez ceux des animaux soumis à la section des récurrents qui ont survécu plusieurs semaines aux suites de

l'opération, M. Friedlander a rencontré dans les poumons des altérations fort analogues à celles dont je vous ai donné l'ex-posé sommaire à propos de l'homme.

Dans tous les cas, je le répète, en ce qui concerne les lésion? subies par les canalicules respiratoires, il y a lieu dedistinguei deux éléments :

1° Végétation cellulaire de la paroi conjonctive des alvéoles, entraînant la destruction des éléments spéciaux de la région, à savoir: fibres musculaires de la vie organique, faisceaux de fibres élastiques, etc.;

2° Substitution d'un revêlement épithélial de type cylindri-que, au revêtement de cellules plates, endothélial morpholo-giquement, qui répond, chez l'homme, après la naissance, à l'état normal.

Maintenant, Messieurs, veuillez vous reporter aux quelques détails d'embryologie élémentaire, que je vous ai retracés dans une leçon précédente. Remettez-vous en mémoire les premiers linéaments du développement du poumon.

Vous savez comment les deux bourgeons ou diverticules, appendus à l'extrémité postérieure de l'œsophage, sont com-posés de deux parties bien distinctes: i° une couche de cel-lules hypoblastiques, bientôt représentée par un revêtement épithélial cylindrique, régnant sur toute l'étendue des canaux respiratoires ; 2° une couche épaisse de tissu mésoblastique au sein de laquelle se développent les éléments musculaires, élastiques, les vaisseaux, etc. (Fig. 20 et 21).

Pour en revenir aux lésions broncho-pneumoniques subai-guës et chroniques, dont je vous entretenais tout à l'heure, il est intéressant de voir, vous disais-je, le revêtement épithélial, originaire de l'hypoblaste, reprendre, sous l'influence d'un processus irritatif, la forme qu'il présentait dans la vie intra-utérine, en même temps que les parois de l'alvéole, qui, dans le premier développement, naissent du méso-

blaste, reprennent, elles aussi, le caractère embryonnaire.

Incontestablement, c'est là, je le répète, un incident remar-quable dans l'histoire anatomique des boncho-pneumonies chroniques. Mais le fait vous paraîtra, sans doute, plus digne

Fig. SO. — Schéma d'une portion du canal digestif d'un poulet au qua-trième jour. (D'après Gôtte).—Le trait noir intérieur représente l'hy-poblaste, la partie externe moins sombre, le mésoblaste. — Ig, di-verticulum pulmonaire présentant une extrémité terminale renflée qui forme la vésicule pulmonaire primitive. •— St, estomac. — l, dcu\ diverticulums hépatiques.dont les extrémités terminales sont réu-nies pur des rangées non interrom-pues de cellules hypoblastiques.— p, diverticulum pancréatique et diverticulum vésiculaire qui en naissent. (Fig. 42 des Eléments d'embryologie de Foster et Bal-four).

Fig. Si. — Quatre schémas destinés à montrer la formation des poumons (D'après Gôtte). —• a, mésoblaste. — b, hjpoblaste. — d, cavité du canal digestif. — l, cavité du diverticu-lum pulmonaire. — En i, le canal digestif a subi un étranglement qui l'a séparé en deux canaux, l'un supérieur, l'autre inférieur; le premier étant le véritable canal alimentaire, le second le tube pulmonaire; ils sont en communication l'un avec l'autre. — En 2, le tube inférieur (pulmonaire) s'est élargi. — En 3, la portion élargie s'est étranglée d° manière à former encore deux tubes qui communiquent l'un avec l'autre et, tous deux, avec le canal digestif. ?— En 4, ils se sont complètement séparés l'un de l'autre ainsi que du tube digestif, le mésoblaste a commencé également à présenter les signes de changements internes qui se sont produits (Fiy. 43 de Foster et Balfour. loc. cit.),

d'intérêt encore, si je parviens à vous montrer qu'il se repro-duit avec les mêmes caractères et la même signification dans quelques variétés d'inflammation interstitielle, les cirrhoses (si vous voulez les appeler ainsi), qui s'attaquent à d'autres viscères que les poumons. Je vous ai fait pressentir déjà que,

dans mon opinion, il s'agirait là, non pas d'un fait partiel, d'un épisode, mais bien d'un caractère anatomique commun à tout un groupe de cirrhoses viscérales, et relevant, par conséquent, du domaine de l'anatomie pathologique générale. Ici viennent se placer les développements propres à justifier la proposition que je viens d'émettre à nouveau.

Faisant appel à nos études antérieures je me propose d'examiner, au point de vue particulier sur lequel j'ai dirigé votre attention, d'abord le cas du rein, puis celui du foie.

Je vais vous entraîner dans une digression qui vous con-duira, en apparence, un peu loin du but prochain de nos études actuelles. Il n'y aura pas lieu de le regretter, si je par-viens à vous faire sentir que les considérations du genre de celles qui vont vous être présentées, pourront contribuer quel-que jour à dégager le chapitre des pneumonies chroniques de l'obscurité qui l'enveloppe encore, quant à présent, sur plus d'un point.

I.

J'invoquerai d'abord l'exemple de la forme de néphrite interstitielle chronique qui, dans le langage de l'anatomie macroscopique, porte le nom de rein contracté', petit rein rouge, rein goutteux, rein saturnin, rein granuleux, dénominations empruntées presque toutes, vous le savez, à la nomenclature anglaise 2.

C'est, suivant moi, au point de vue anatomique aussi bien qu'au point de vue de la nosographie, une espèce distincte, d'une autre forme d'affection rénale, appartenant, elle aussi, à

1 Voir les Leçons sur les maladies du foie, des voies biliaires et des reins, faites à la Faculté de médecine. 1. vol. in-8; Paris, 1877.

2 Voir Gharcot, loc. cit., pp. 297 et suiv.

l'ancien cadre de la maladie de Bright, forme dans laquelle l'or-gane est également atrophié, cirrhose, et que M. G. Johnson a désigné sous le nom de petit rein jaune ; d'autres disent petit rein graisseux, bigarré (medley kidneij).

Cette dernière variété d'altération rénale se rattache, comme l'a démontré M. G. Jonhson, à l'histoire de la néphrite paren-chymateuse, dont elle représente une phase avancée. Elle n'a de commun avec l'altération dite le petit rein rouge, que de siéger dans le même organe, dont elle détermine aussi l'atro-phie scléreuse, et de se révéler cliniquement par un certain nombre de symptômes analogues, circonstance qui ne saurait surprendre, puisqu'il s'agit de deux affections ayant pour substratum principal le même organe l.

Je rappelle, en passant, cette distinction à établir entre le petit rein jaune ou gras, et le petit rein rouge, parce que les raisons anatomiquessur lesquelles elle se fonde ne me parais-sent pas avoir été suffisamment remarquées, si j'en juge du moins par certains articles critiques, récemment publiés, qui visent mon enseignement d'il y a trois ans, et où les conclu-sions diffèrent de celles que j'avais formulées à l'époque.

C'est dans la région du labyrinthe — et, à ce propos, je vous renvoie encore à nos précédentes études — que siègent parti-culièrement les lésions dans le cas du petit rein rouge. J'ai essayé d'établir, avec M. Kelsch, que l'atrophie du labyrinthe et l'intégrité relative des rayons médullaires expliquent l'exis-tence des granulations qui font saillie sur la surface de l'or-gane et s'y dessinent en clair sur un fond rouge. Les parties rouges et déprimées répondent à la région labyrinlhique ou des canaliculi contorti atrophiés ; les parties plus claires, sail-lantes, les granulations, en un mot, à la région centrale du

1 Voir, sur ce point, Charcot, toc. cit., p. 391, et sutout le mémoire de M. G. lohnson : On tlte /omis and stages of Brighfs Diseases of the Kiduey. In Med. ckir. Tra?is. Vol. XLII, 1853, avec planches coloriées.

lobule, ou autrement dit, des rayons médullaires composés surtout de canaux collecteurs 1 et restés relativement sains (Fig. 22).

Histologiquement, deux faits dominent la situation : 1° l'épi-thélium glandulaire des canalicules contournés à la suite d'altérations diverses présente l'altération granulo-graisseuse

Fig. 22. ?— Coupe faite sur un rein contracté perpendicu-lairement à la direction des lobules. — Les parties rlaires, a, fo niant la granulation, correspondent au centre du lobule et représentent la coupe des canaux collecteurs. — Les parlies fondées, b, qui circonscrivent la granulation, sont constituées par les tubes contournés, atrophiés par du tissu embryonnaire de nouvelle formation, et par les glomérules, (/.(Figure demi-schâmatique, d'après les pré-parations de M. Kelsch).

Fig. 23. — Tubes uriui-fères atrophiés et con-tenant de petites cellu-les en partie désinté-grées et des granula-tions graisseuses. — Gross. de 427 diamè-tres. — Comparez le diamètre de ces tubes atrophiés avec ceux de la figure 332 dessinée au même grossisse-ment (Cornil et Ran-vier).

et finalement disparaît ; 2° en môme temps, le tissu conjonctif qui sert de soutien à ces canalicules subit la végétation em-bryonnaire et se développe à l'excès.

Mais voici le détail sur lequel je veux ajourd'hui appeler tout spécialement votre attention : à un moment donné du processus, l'épithélium glandulaire sombre, granuleux, à bâtonnets qui, dans l'état normal, tapisse cette partie des

* Charcot, loc. cil., pp. 302-303.

conduits urinifères, est remplacé par un epithélium cubique rappelant morphologiquement l'épilhôlium de type cylindrique des conduits collecteurs. Cette modification du revêtement épilhélial a été décrite par tous les auteurs qui se sont occupés de l'histologie du rein contracté: G. Johnson, Cornil, Ranvier, Kelsch, etc. (Fig. 23). Je n'ai pas manqué de vous la faire remarquer, il y a trois ans, dans mon exposé et sur les pré-parations du cours pratique. Elle paraît être, dans l'histologie du petit rein rouge, un caractère fondamental, et, si elle peut se rencontrer dans les autres formes de la sclérose rénale, elle n'y est jamais qu'un fait partiel, en quelque sorte acci-dentel.

Vous saisissez aisément, et sans qu'il soit nécessaire d'in-sister, l'analogie que je veux établir, au point de vue anatomo-pathologique entre l'espèce de cirrhose rénale, sur laquelle j'appelle votre attention et la cirrhose broncho-pneumonique. Le rapprochement vous paraîtra peut-êLre plus saisissant si je vous remets en mémoire à propos du rein, comme je le ferai tout à l'heure à propos du poumon, quelques détails tirés du domaine embryogénique.

Dès le deuxième jour, chez le poulet, on voit se constituer un groupe de cellules de chaque côté de la partie non divisée du mésoblaste, en dehors des proto-vertèbres, entre celles-ci, l'épiblaste et le mésoblaste. — C'est le 1er rudiment du corps de WolLT. (Fig. 24, GG). L'amas en question, composé de cellules mésoblastiques, se creuse bientôt d'une petite cavité qui se montre revêtue de cellules cylindriques. — C'est ainsi que le canal de Wolfî est formé. D'où proviennent ces cellules cylindriques ? M. Waldeyer suppose, mais c'est là une vue purement théorique, qu'elles sont d'origine épiblastique, et qu'elles auraient été, par une sorte « d'inclusion », sépa-rées de l'épiblaste à l'époque de la réunion apparente de l'épi-blaste et du mésoblaste (Foster et Balfour, p. 190).

Quoi qu'il en soit, vers le 4e jour, commence à se dessiner la structure du corps de Wolff. — On voit alors une série de tubes contournés s'aboucher dans le canal de Wolff et aboutii aux glomérules vasculaires qui, pendant ce temps, se sonl formés, de leur côté, dans l'épaisseur du mésoblaste. Le mode de développement paraît être le suivant: de la partie anté-rieure de chaque conduit, naissent, du côté interne, des di-verticules qui s'allongent peu à peu et forment des tubes re-pliés sur eux-mêmes. Ces tubes sont, comme le canal de Wolfl

Fig. 34. — Coupe transversale de l'embryon de poulet vers la 50" heure de l'incubation. — A, feuillet externe. — A', coupe de la moelle épinière. — B, feuillet interne. — CC, vertèbres primitives. — D, corde dorsale. — EE, aortes primitives. — F, cavité pleuro-pé-ritonéale. — G G, corps de Wolff.— M, feuillet moyen. (Ranvier, Leçons d'anatomie gé-nérale, fig. 1. Jn Progrès Médical).

lui-même, tapissés d'un épithélium cylindrique, mais plus épais toutefois que dans le premier cas. Tel est, en gros, le premier développement du corps de Wolff, que l'on appelle rein primitif (Urnière, Waldeyer). Pour ce qui est du rein dé-finitif, qui seul nous occupe ici, il se développe peu après, exactement sur le même modèle, aussi bien chez le poulet (Waldeyer, p. 132, fig. 4C), que chez le mouton (Kuppfer, Schultz s Archiv., Bd. I. fig. 245), par un prolongement qui part de la partie postérieure du corps de Wolff.

En résumé, au point de vue que nous envisageons actuelle-ment, la comparaison des lésions de la cirrhose broncho-pneumonirrae avec celles du « petit rein rouge » fait recon-

naître que dans les deux cas, le processus fondamental est mutalis mutandis, le même au fond, à savoir : Retour à l'état embryonnaire des éléments nés du mésoblaste et, en ce qui concerne le revêtement épithélial, tendance à la reproduction des caractères de l'état fœtal.

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons.

HUITIÈME LEÇON

Des cirrhoses viscérales épithéliales en général (suite).

Sommaire. — Cirrhoses biliaires. — Notions relatives à la structure du foie. — Altérations du foie dans la cirrhose biliaire. — Parallèle entre les cirrhoses biliaires, la cirrhose broncho-pneumonique, la cirrhose rénale (rein contracté). — Développement embryonnaire du foie. — Origine des cirrhoses: épithéliale ou conjonctive? — La lésion épithéliale est la pre-mière en date. — Arguments à l'appui.

I.

Messieurs,

Ce qui vient d'être dit à propos du rein, je puis le répéter, en quelque sorte mot pour mot, au sujet ,du foie, en prenant pour exemple le groupe des inflammations interstitielles chro-niques, que nous avons étudiées en détail l'an passé, sous le nom de cirrhoses biliaires.

Ce groupe, — vous vous le rappelez sans doute, — com-prend, quant à présent, les espèces suivantes : 1° Cirrhose expérimentalement déterminée chez les animaux par la liga-ture du canal cholédoque ; et, à ce propos, il me vient à l'es-prit que, suivant toute vraisemblance, la ligature de l'uretère déterminerait, dans le tissu du rein, des lésions analogues à celles qui se développent dans le foie, en conséquence de l'oc-clusion expérimentale du conduit d'excrétion biliaire. Il y a là un point de doctrine dont je me propose d'entreprendre bientôt la vérification '.

1 Voici la relation d'une expérience que nous avons faite, M. Gombault et

2° Cirrhose résultant, chez J homme, de J oblitération du canal cholédoque par un calcul biliaire, ou de tout autre ob-

moi, dans le laboratoire de la Faculté, et dont les résultats tendent, comme on va le voir, à justifier mes prévisions.

Le 2 avril 1877, on pratiqua la ligature de l'uretère du côté droit chez un cochon d'Inde mâle adulte. L'animal se rétablit promptement et le 25 avril, 23 jours après l'opération, on le tua par le chloroforme.

Autopsie. — Rien à noter du côté du péritoine, à part une adhérence ccl-luleusede l'intestin grêle au niveau de la plaie abdominale. Rien à noter du côté des viscères autres que le rein droit.

Uretère droit, au-dessus de la ligature, très distendu, gros comme une plume d'oie, sinueux, rempli par un liquide trouble, jaunâtre. Au-dessous du lien constricteur, le conduit bien que moins volumineux qu'au-dessus, conserve encore un calibre bien supérieur (10 fois au moins) à celui de l'uretère gauche. Le liquide qui distend l'uretère, examiné au microscope, renferme une grande quantité de globules de pus.

Rein droit. — Volumineux, d'un volume double de celui du côté opposé, pâle, jaunâtre, à surface lisse, parsemée de petites taches plus pâles. L'aug-mentation de volume du rein droit tient uniquement à la distension du bassinet par un liquide analogue à celui que contient l'uretère. Une inci-sion pratiquée sur le rein montre une dilatation considérable du bassinet et un aplatissement complet de la papille. La substance rénale, dans son ensemble, est moins épaisse que dans le rein normal. Epaisseur de la sub-stance rénale mesurée au niveau d'une coupe passant par la papille : Rein droit, 6 mm. Rein gauche, 14 mm. Epaisseur de la substance corticale : Rein droit, 2 mm. Rein gauche, 5 mm. Les gros orifices vasculaires, situés à l'union de la substance corticale et de la substance tubuleuse, sont beau-coup moins visibles que ceux du côté sain.

Examen microscopique. — La capsule fibreuse du rein est très épaissie aux dépens de l'atmosphère adipeuse dont la graisse en a disparu.

Substance médullaire. 1° Papille. Les gros canaux collecteurs de la papille sont notamment dilatés. Ils possèdent un épithélium cubique moins élevé qu'à l'état normal. — Leur cavité est remplie par de petits éléments ronds analogues aux leucocytes; peut-être ces éléments sont-ils le produit d'une desquamation èpithéliale très active. Dans l'intervalle des gros canaux col-lecteurs, le tissu conjonctif a quelque peu augmenté d'épaisseur et est in-filtré d'un certain nombre d'éléments embryonnaires.

Dans la substance médullaire proprement dite, les tubes sont dans l'en-semble dilatés, tapissés par un épithélium cubique et remplis pour la plu-part de cellules épithéliales desquamées, petites et arrondies. Ces canaux sont séparés les uns des autres par des traînées de tissu conjonctif em-bryonnaire.

Substance corticale (Fig. 25). — Comparons cette figure à la Fig. 26, qui représente les parties homologues du rein gauche, non altéré, du même animal. Les pyramides de Ferrein présentent, d'une façon générale, les altérations signalées à propos de la substance médullaire. C'est dans le labyrinthe que les lésions sont le plus accentuées. Du côté du tissu intersti-tiel, production exubérante de ce tissu, B, B, tantôt à un état d'organisation plus ou moins avancée, tantôt complètement embryonnaire,d'où épaississe-ment des travées intercanaliculaires. De dislance en distance, les leuco-cytes infiltrent le tissu en telle abondance et sont tellement rapprochés les

stacle au cours de la bile dans ce conduit ; enfin, 3° la cirrhose hypertrophique avec ictère.

uns des autres, qu'on a sous les yeux de véritables abcès microscopiques. Ces abcès miliaires n'ont du reste pas de siège de prédilection car on les

Fig. 25. — Rein droit d'un cobaye sou-mis à l'expérience de la ligature de l'uretère. ?— G, glomérule de Malpi-ghi. — A, tube contourné tapissé par un epithélium cubique. — B, tissu conjonctif embryonnaire.

observe tantôt autour des tubes urinifères, tantôt dans le voisinage d'un glomérule, tantôt près d'une artère. Tubes contournés (A, A.). — Au premier abord, quelques-uns paraissenl

Fig. 26. — Rein droit du même cobaye dont l'uretère est resté libre. — A. tube contourné rempli d'épithélium à bâtonnets. — B, espace conjonctif très étroit séparant les tubes les uns des autres. — G, glomérule de Matpighi-

dilatés, mais ce n'est là qu'une apparence comme il est facile de s'en con-vaincre à l'aide de la mensuration. D'une façon générale (à part quelques rares exceptions), ils sont plus petits d'un tiers que les tubes normaux. Mais leur contenu s'est complètement modifié. Au lieu d'un tube entière-

Avant d'entrer dans le détail des faits qui permettront d'éta-blir le parallèle que j'ai en vue, il me paraît indispensable de rappeler quelques traits de la structure du foie. Vous savez commentles canalicules biliaires forment, dansles espaces etles fissures qui séparent les lobules hépatiques les uns des autres, un réseau de conduits présentant une paroi propre, tapissée d'un revêtement épithélial cubique, c'est-à-dire se rapportant au type cylindrique qui règne dans toute l'étendue des gran-des voies biliaires. Les conduits, qui forment ces réseaux, communiquent, ainsi que l'injection l'a démontré, à plein canal, et sont en continuité avec le système des conduils biliaires intra-lobulaires ou autrement dit des capillaires bi-liaires. Ceux-ci, comme les conduits inlerlobulaires, s'anasto-mosent entre eux, de manière à former un réseau ; mais ils s'en distinguent principalement en ce que leur lumière est comparativement très étroite, et qu'ils ne possèdent pas de parois propres. Ils sont conslilués, en effet, par de simples dépressions qu'on voit sur un des côtés d'un certain nombre de cellules hépatiques, formant dans le lobule une même co-lonne ou travée.

ment rempli par un epithélium granuleux, comme cela s'observe à l'état normal (F/g. 25), on a sous les yeux un tube pourvu d'un revêtement très régulier de petites cellules cubiques Fig. 26) et dont la cavité est complète-ment vide ou occupée par un amas de petites cellules rondes. En outre de ces tubes volumineux et qui sont peut-être les moins nombreux, on en trouve un grand nombre d'autres, également tapissés par un epithélium cu-bique, mais tout à fait aplati et qu'il n'est pas toujours facile de différen-cier des vaisseaux sanguins et même des amas leucocytiques qui appar-tiennent au tissu conjonctif. Enfin, on retrouve de distance en distance quelques tubes contournés pourvus d'un epithélium possédant encore plus ou moins nettement les caractères de l'état normal. A part les petits vais-seaux, qui, plongés au milieu d'une gangue conjonctive enflammée, ont des parois embryonnaires, les gros vaisseaux n'ont pas subi dans leur structure de modifications bien profondes, les parois des grosses artères en particu-lier paraissent saines.

Quant aux glomérules de Malpighi, il est difficile de décider s'ils sont plus riches en noyaux qu'à l'état normal. Seulement l'endothélium de la capsule de ltowman est en général plus volumineux. Nous nous proposons de multiplier et de varier cette expérience que le cochon d'Inde paraît très bien supporter.

L'anatomie comparée permet d'ailleurs de ramener cette structure, en apparence si compliquée, si anormale dans l'es-pèce, au type de construction des autres appareils glandu-laires. Ainsi, chez la couleuvre 1, les parois du canal glandu-laire sont représentées par les parois des vaisseaux, sanguins, lesquelles sont en contact immédiat avec une des faces des colonnes de cellules hépatiques. Lps capillaires biliaires ne sont autre chose que des espaces réservés dans l'intervalle des rangées de cellules hépatiques appartenant à une même co-lonne ou travée. Ils communiquent directement avec les con-

duits excréteurs biliaires qui, eux, ont une paroi propre revê-tue par un épithélium cubique ou cylindrique. La seule différence fondamentale qui existe, au point de vue que nous envisageons, entre le foie et les autres appareils glandulaires, est que les conduits intra-lobulaires ou capillaires biliaires ra-mifiés, au lieu de rester isolés les uns des autres et de se ter-miner en un cul-de-sac ou dans un renflement en ampoule, s'anastomosent de manière à former un réseau, disposition que présentent déjà, d'ailleurs, les conduits excréteurs biliaires. En supposant que celte disposition réticulée n'existât point et que les cellules hépatiques d"une même colonne fussent enve-loppées d'une paroi propre, on aurait l'apparence représentée dans un schéma ingénieusement construit (Fig. 27) que je trouve dans la récente publication de M. Farabeuf. (Cours d'histologie, leçon xiu, p. 2. Paris, 1877.)

1 Voir les Leçons sur les maladies du foie, p. 42, 43.

Fig. 27. — (D'après M. Farabeuf). — V, V, vaisseau. —? VL, vaisseau long, — Cexc, canal excréteur. — CH, cellule hépatique.

Les colonnes de cellules hépatiques, avec leur espace capil-laire réservé au centre, sont comparables à des culs-de-sac revêtus de cellules d'épithélium glandulaire en continuité avec le revêtement épithélial cylindrique qui tapisse la partie du conduit représentant le canal d'excrétion. Vous voyez sur le schéma que la dernière cellule cubique du conduit d'excré-tion est en contact immédiat avec la première cellule hépati-que de la rangée correspondante

Ces détails étaient nécessaires pour faire bien comprendre le genre d'altération que subit le foie dans la cirrhose biliaire. En pareil cas, dans le lobule, les colonnes de cellules hépati-ques tendent à disparaître. La lésion s'accuse d'abord à la partie périphérique du lobule, et elle s'étend progressivement vers la région centrale, occupée par la veine intra-lobulaire. Elle s'opère par le mécanisme suivant : les rangées de cellules hépatiques d'une même colonne sont remplacées successive-ment par des cellules épithéliales cubiques, en tout semblables à celles qui existent, à l'état normal, dans les canaux inlerlo-bulaires. En même temps, la colonne cellulaire ou autrement dit la série de cellules cubiques qui, désormais la représente, diminue de diamètre et, du même pas, il se forme autour d'elle une couche conjonctive embryonnaire plus ou moins épaisse qui la sépare des vaisseaux avec lesquels elle était au-trefois en contact immédiat (Fig. 28). Quand le processus est parvenu à son plus haut degré, ainsi que cela se voit quel-quefois dans la cirrhose hgpertrophique, on ne trouve plus dans l'aire du lobule, où s'est développée une gangue con-jonctive luxuriante, qu'un réseau de canalicules semblable au réseau des canalicules interlobulaires et qui s'est, en quelque

1 Ces vues relatives à la structure de la glande hépatique se trouvent confirmées par les récentes recherches de MM. Kelsch et Kierner. {Arch. de physiologie, 1870, p. 771).

sorle, substitué au réseau que forme, dans l'état normal, l'a-nastomose des colonnes de cellules hépatiques.

Tel est le dernier terme de l'altération. Vous voyez que le résultat définitif rappelle la disposition sur laquelle nous in-sistions tout à l'heure à propos du rein et du poumon. C'est ici le lieu, pour compléter le parallèle, de faire intervenir, pour le

Fig. 28. — Cirrhose hypertrophique du cheval. (Pièce fournie par M. Nocart, d'Alfortj. — La coupe représente le bord d'un lobule du foie, au point où les canalicules biliaires de nouvelle foomation, A, A, se continuent avec les rangées de cellules hépatiques, B, B. Ces rangées, isolées les unes des autres par des travées conjonctives épaissies, s'anastomo-sent entre elles et desservent un réseau qui rappelle par sa disposition celui des canicules biliaires. —On voit, de plus, en D, que les deux systèmes communiquent directement l'un avec l'autre. Au point de jonction, D, la transition de l'un à l'autre ne se fait pas brusque-ment et l'on peut observer toutes les firmes intermédiaires, entre la cellule hépatique, telle qu'on le voit en B, et le petit épithélium cubique qui tapisse la paroi du canicule biliaire en A .

foie, quelques notions relatives au développement embryon-naire de cet organe.

Chez le poulet1, ainsi que l'a depuis longtemps montré Remak, on voit vers le deuxième jour de l'incubation se déve-lopper de chaque côté du duodénum, un diverlicule plein d'a-bord, rempli qu'il est de cellules hypoblasliques et qu'entoure une couche épaisse de tissu mésoblaslique.

Vers la fin du troisième jour, les diverlicules en question deviennent creux et sont tapissés d'un revêtement épithélial

* Foster et Balfour, p. loo.

du type cylindrique. Bientôt, ils poussent dans la masse mé-soblaslique des prolongements ramifiés qui se ramifient eux-mêmes et s'anastomosent. Les ramifications ultimes consti-tuent dans l'amas mésoblastique un réseau serré de conduits solides remplis de cellules hypoblastiques. Suivant Foster et Balfour, les prolongements creux des diverlicules doivent être considérés comme les rudiments de l'appareil des conduits biliaires, tandis que le réseau formé par des cylindres rem-plis de cellules hypoblastiques représente le parenchyme hépa-tique du foie adulte. Supposez, en effet, que chacun de ces cylindres, plein de cellules, représente un conduit dont la ca-vité est presque effacée, et vous retrouverez les principaux linéaments du plan de la structure du foie de l'adulte, telle que les travaux de Hering surtout nous l'ont fait bien con-naître.

Si, après cet aperçu sommaire, vous vous reportez aux dé-tails des altérations de la cirrhose biliaire, vous ne manquerez pas à coup sûr d'être frappés des analogies qui rapprochenl, au point de vue de la texture, le foie ainsi altéré, de l'organe hépatique considéré dans la première période du développe-ment embryonnaire.

Sans vouloir insister plus longuement sur la comparaison que j'ai essayé d'établir entre les cirrhoses biliaires, la cirrhose broncho-pmumonique et la forme de néphrite interstitielle qui, dans le langage de l'anatomie pathologique macroscopi-que, s'appelle le rein contracté, je relève cependant encore une fois les traits de ressemblance qui permettent de rappro-cher sous un chef commun des affections 1res diverses par le nom de l'organe qu'elles occupent et par l'ensemble des symp-tômes qui les révèlent pendant la vie. En somme, deux élé-ments principaux sont ici à considérer: 1° Modifications dure-vêlement épithélial glandulaire, de provenance hypoblastique ;

2° modifications de la paroi conjonctive, de provenance mé-soblastique, qui sert de support à ce revêtement.

Si l'on envisage maintenant le point de vue pathogénique, il y a lieu de rechercher si ces deux éléments ont la même valeur, si les deux ordres de lésions se développent parallèle-ment, ou si, au contraire, l'une d'elles précède l'autre et do-mine en quelque sorte la situation.

En d'autres termes, l'épithélium est-il affecté en premier lieu et les lésions dont il souffre se communiquent-elles secondai-rement aux tissus sous-jacenls, ou bien l'altération de la gangue conjonctive précède-t-elle, au contraire, celle dont l'épithélium est le siège; ou enfin, les deux éléments anatomo-pathologiques sont-ils contemporains, faut-il leur accorder la même valeur pathogénique?

Les questions qui viennent d'être posées sont certainement fort intéressantes au point de vue de nos études particulières. Je ne vois pas que, dans l'état actuel des choses, elles puissent être définitivement résolues ; il est légitime cependant d'en rechercher la solution la plus vraisemblable.

Après un examen de toutes les circonstances, j'incline à croire que la lésion épithéliale est la première en date, l'ori-gine et le point de départ de tous les désordres, et je vous pro-poserai, en conséquence, de désigner sous le nom à"1 épithé-liales les cirrhoses viscérales, quel que soit l'organe qu'elles affectent, se présentant douées des caractères anatomiques que je m'efforçais de faire ressortir tout à l'heure.

Je vous demande la permission de passer rapidement en re-vue les divers arguments sur lesquels se fonde ma manière de voir.

Nous sommes conduits par ce qui précède à entreprendre une courte incursion dans le domaine de la physiologie patho-logique générale des épithéliums.

II.

Tout porte à croire aujourd'hui que les tissus épithéliaux jouissent d'une existence, jusqu'à un certain point autonome, indépendante de celle des tissus sous-jacents qui leur servent de support. Ainsi, dans les conditions pathologiques, par exemple, les épilhéliums peuvent se modifier dans leur forme, se régénérer, se multiplier sans le concours, ou tout au moins sans la participation directe de la gangue conjonctive sur la-quelle ils reposent, sous la seule influence des liquides inter-stitiels, influence nécessaire à l'entretien de la vitalité de tous les tissus.

a) L'activité propre d'un épithélium ancien, préformé, son influence directe sur la génération et la multiplication des cellules épithéliales de même ordre, détruite par une cause quelconque, a éternise dans tout son jour, par des expériences récentes.

On savait depuis longtemps qu'à la surface d'une plaie en voie de cicatrisation, le développement du revêtement épithé-lial nouveau, se fait, d'abord au contact de l'épithélium ancien, et procède ainsi de la périphérie de la plaie vers ses parties centrales.

L'influence exercée sur la régénération et la multiplication des éléments cellulaires nouveaux, par les cellules anciennes est ici déjà manifeste. Elle a été mise hors de doute par une expérience ingénieuse qui a eu son retentissement dans la pratique : il s'agit de la transplantation de l'épiderme, imagi-née par M. Reverdin. Le lambeau transplanté doit comprendre dans son épaisseur, la couche vraiment vivante de l'épiderme c'est-à-dire une partie du réseau de Malpighi. Sans entrer

dans le détail de cette expérience remarquable, je rappellerai que le lambeau transplanté contracte bientôt des adhérences avec le tissu de granulation qui forme le fond de la plaie et que, consécutivement, on voit sur les bords de celte sorte de greffe, se former l'épiderme nouveau, qui constitue un îlot dont les bords s'étendent de jour en jour. M. Schweninger dans ces derniers temps, avarié l'expérience, et il a montré que la transplantation d'un cheveu, portant encore une partie de sa gaîne épidermique, peut devenir également le point de départ de la formation d'un îlot épidermique.

b) Une autre série d'expériences est plus propre encore, peut-être, que la précédente à montrer l'indépendance dont

jouissentles épithéliums à l'égard des tissus sous-jacents. Elles appartienent à M. Zielonko (Schultze s Archiv. 1873).

La cornée d'une grenouille est extirpée et introduite, aussi-tôt après l'opération, dans la cavité du sac lymphatique sous-cutané d'une autre grenouille bien portante. On a eu le soin d'introduire cette cornée repliée sur elle-même, de façon que sa surface externe ou épidermique, regarde les parois du sac lymphatique (Fig. 29). Bientôt, il se forme autour du corps étranger une sorte de fausse membrane ou kyste fibrineux qui ne s'applique pas immédiatement sur la face épidermique de la cornée, mais en reste séparée par un espace. Or, bientôt la cavité en question se trouve tapissée dans toute son étendue par son epithélium régulièrement disposé, de manière à rap-

Fig. SO. — Schéma, d'après Zielonko. — G, la cornée repliée. — D, membrane de Descemet. — ,E, epithélium de la cornée. — E', epithélium nouveau. — F, couche fibrineuse.

peler, à part la multiciplité des couches, le revêtement endo-thelial d'une membrane séreuse. On peut suivre pas à pas, dans cette expérience, le développement du revêlement epithe-lial nouveau, qui, de la surface de section de la cornée, s'étend progressivement sur la face interne de l'enveloppe fibreuse. Ainsi, au contact de l'épithélium ancien, l'épithélium nouveau

Fig. 30. — Coupe microscopique d'un cancer épithélial de la partie externe du nez. (Can-cer corné). — a, Couche cornée. — b, Couche de Malpighi. — c, c, Racine des poils, disposés irrégulièrement et formes de couches concentriques de cellules épithéliales. — d, Stroma du cancer (dessin demi-schématique). — e, Globes épithéliaux, sans tissu con-jonctif intermédiaire, disséminés dans le stroma. — /, Globes épithéliaux au centre d'une couronne de cellules épithéliales. — g, Prolongements épidermiques disposés irrégulière-ment avec globes épithéliaux, qui s'avancent jusque dans le tissu conjonctif sous-cutané. — hh, Deux grands alvéoles cancéreux; leur content] est tombé en grande partie; sur leur paroi on voit encore une cou-he de cellules conjonctives plates, et au centre les restes d'une masse de cellules épithéliales cornées.

5e régénère et se répand, se greffe, à la surface d'une mem-brane fibrineuse c'est-à-dire non organisée.

c) C'est ici le lieu de rappeler que les produits de la végé-alion d'un revêtement épithélial peuvent non seulement se-'épandre en surface, mais s'étendre encore dans l'épaisseur

el la profondeur des tissus sous-jacents, à la manière d'appen-dices digitiformes, par le mécanisme de l'invagination. Ce pro-cédé rappelle le mode de développement des glandes tel qu'il s'observe dans la période embryonnaire, suivant les descrip-tions de Remak et de Kôlliker. D'après ces auteurs, vous le savez, quand une glande naît au-dessous d'une surface cou-verte d'épithélium, il part de la face profonde du revêtement, de provenance épiblastique, un bourgeon qui s'enfonce pro-gressivement dans l'épaisseur des tissus sous-jacents, de pro-venance mésoblastique, et ce bourgeon est constitué d'abord par des cellules du même ordre que celle qui forme l'épithé-lium dont il provient.

C'est sur ce modèle que paraissent se former certains can-cers, —- tous les cancers disent quelques auteurs, entre autres M. "Waldeyer — quelques-uns d'entre eux se forment certaine-ment ainsi : les épithéliomes pavimenleux, par exemple, et aussi les cylindriques. Ce mode de développement est facile-ment mis en évidence, dans le cas du cancroide, dans les pre-mières périodes de son développement à la surface de la peau. On voit, en pareil cas, sur des coupes pratiquées perpendicu-lairement à la surface du tégument externe (Fig. 30), des pro-longements épithéliaux partir soit du fond des sillons inter-papillaires, soit des glandes sébacées des follicules pileux, et pénétrer dans l'épaisseur du derme sous forme de doigts de gant. Ces appendices épithéliaux sont en quelque sorte com-parables aux acinis des glandes en cul-de-sac ou en grappe. Il est à remarquer, toutefois, qu'il ne s'agit pas là d'une structure épithéliale régulière. En effet, ainsi que l'a depuis longtemps relevé M. Cornil, dans le prolongement épithélial, les cellules n'offrent pas un arrangement régulier, et, de plus, elles ne sont pas séparées du tissu au sein duquel elles plongent par une tunique propre.

La formation de semblables prolongements épithéliaux ne

se voit pas seulement, il importe de le faire remarquer, dans le cas du cancer. Elle s'observe dans le lupus, dans l'éléphan-thiasis, suivant les recherches de M. Friedlander. On l'observe aussi, d'après le même auteur, et ceci nous ramène au chapitre des pneumonies chroniques, dans l'épaisseur des parois bron-chiques, chez les animaux où l'on a réusssi à produire expé-rimentalement la pneumonie catarrhale prolongée. (Cari. Friedlander. ITeber epithelwucherwig und Krebs, fig. 8, pl. 1. Strasbourg, 1877).

Je pense en avoir dit assez, Messieurs, pour faire ressortir la prédominance du rôle des lésions épithéliales dans l'accom-plissement de certaines altérations pathologiques, car il est au moins fort vraisemblable, que, dans tous les cas que je viens de citer, la lésion des tissus sous-jacents est un phéno-mène secondaire, en quelque sorte accessoire.

Pour en revenir maintenant aux cirrhoses que je proposais d'appeler épithéliales, la réalité du fait que j'essaye de mettre en relief, déjà rendu très vraisemblable par tout ce qui pré-cède, le devient plus encore peut-être dans les conditions expé-rimentales.

Je rappellerai que les lésions de la cirrhose biliaire sont, ainsi que nous l'avons montré, M. Gombault et moi, imitées pour ainsi dire, en conséquence de la ligature du canal cholé-doque. On voit, en pareil cas, l'altération se répandre de proche en proche le long des canaux biliaires et s'étendre peu à peu jusqu'aux capillaires biliaires intra-acineux. 11 est vrai que, dans cette expérience, l'énorme végétation épithéliale déjà plusieurs fois signalée, ne se montre pas nettement déga-gée de la participation du tissu conjonctif sous-jacent. Mais il n'en n'est plus de même dans le cas de la pneumonie épithé-liale prolongée, consécutive à la section des récurrents. L'ana-lyse que nous vous avons présentée des lésions qu'on observe

en pareille circonstance, d'après les travaux de MM. Friedlan-der et Otto-Frey, montre que les altérations portent, à l'ori-gine, uniquement sur le revêtement épithélial, et que la pneumonie, ainsi produite, est, par-dessus tout, une pneu-monie èpithéliale, avant de devenir une pneumonie intersti-tielle.

L'intérêt pratique qui s'attache aux distinctions que je cher-che à faire prévaloir — distinctions subtiles en apparence, peut-être, au premier abord, — ne peut manquer de ressortir à vos yeux, si vous voulez bien vous reporter à l'histoire des cirrhoses hépatiques et rénales, telle que je vous l'ai présentée dans le cours des précédentes années. Les cirrhoses biliaires, ou autrement dit épithéliales, constituent désormais, on peut le dire, autant d'espèces anatomiques absolument distinctes de la cirrhose vulgaire, et auxquelles se rattache, pendant la vie, un ensemble symptomatique particulier à chacune d'elles, le-quel permet d'établir, dans la majorité des cas, le diagnostic. J'ai appelé aussi, autrefois, votre attention sur les différences tant anatomiques que cliniques qui séparent les unes des autres les diverses formes de maladies rénales, naguère encore en-globées sous la dénomination commune de maladie de Bright chronique.

Il est à espérer, Messieurs, que des études, conduites d'après les mêmes principes, nous permettront de débrouiller le chaos encore très confus des pneumonies clironiques dites fibroides. Dès à présent, il est certain qu'à côté de la pneumonie chro-nique d'origine catarrhale, et que je proposais d'appeler tout à l'heure cirrhose èpithéliale du poumon, et dont je vous ai pré-senté déjà, par anticipation, une esquisse anatomo-palhologi-que, que je me réserve d'accentuer plus tard, il existe d'autres espèces de pneumonies fibroïdes, bien distinctes, au moins analomiquement. Telle est, par exemple, la pneumonie chro-nique consécutive ci la pneumonie lobaire aiguë. Telle est aussi

la pneumonie chronique inter-lobulaire qui me paraît devoir être rattachée à l'inflammation des lymphatiques du poumon, et dont je serai conduit à vous dire quelques mots dans une occa-sion prochaine. Je laisse, à dessein, pour le moment, mon énumération incomplète.

Quant à présent, à la vérité, ces diverses formes de pneu-monie chronique, parfaitement séparées au point de vue ana-tomo-pathologique, n'ont pas encore trouvé leur place dans la clinique. Mais on ne saurait guère douter qu'elles l'acquièrent quelque jour, car, l'expérience le démontre, il est rare que la détermination exacte d'une espèce anatomo-palhologique n'ait pas, tôt ou tard, son retentissement dans le domaine de la pra-tique.

Charcot. Œuvres complètes, t. v. Poumons.

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NEUVIÈME LEGÓN

ú

Séparation de la pneumonie lobaire et de la broncho-pneumonie. — Description de la broncho-pneumonie '.

Sommaire. — Séparation de la pneumonie lobaire et de la broncho-pneu-monie. — Description de la broncho-pneumonie: vue d'ensemble des lé-sions multiples qu'elle présente. Leur nature inflammatoire. — Lésions élémentaires principales: bronchite, splénisation, nodules péribronchiques; dénominations synonymes adoptées par les auteurs. — Analyse histolo-gique de ces lésions : 1° Examen topographique du lobule pulmonaire à l'aide d'un faible grossissement : nodules péribronchiques plus ou moins étendus, entourés de zones de splénisation. —2° Emploi d'un fort grossis-sement : altérations de la pneumonie catarrhale dans les zones de spléni-sation ; fréquence d'un réseau fibrineux dans les nodules péribronchiques. — Terminaisons : résolution ; passage à l'état subaigu et chronique.

I.

Messieurs,

Pendant longtemps on n'a pas cherché à établir les caractères différentiels qui séparent la pneumonie lobaire de la broncho-pneumonie. Rilliet et Barthez les premiers ont proclamé la bénignité relative de la pneumonie lobaire chez l'enfant. Après eux, Ziemssen sur 201 cas de pneumonie croupale n'a relevé que 7 décès. Il faut remarquer qu'il ne s'agit ici que de l'en-fance; chez le nouveau-né, la pneumonie lobaire n'existe pas.

i Résumé des leçons sur la broncho-pneumonie, fait par M. le Dr Ralzer.

M. Parrot n'a jamais eu l'occasion d'en voir d'exemple soit cli-niquement, soit à l'amphithéâtre de l'hôpital.

Si maintenant nous examinons la pneumonie lobaire des vieillards, nous avons à faire ressortir que la maladie a, ici encore, revêtu des caractères paradoxaux qui ne lui appartien-nent pas. On peut consulter à cet égard avec intérêt le mé-moire d'ailleurs si important de llourmann et Decham-bre (1836)1, et aussi les études cliniques de Beau sur les mala-dies des vieillards (1842). On parlait de caractères analomiques spéciaux tels que Yhépatisationplan/forme, sans granulations; on relevait dans le domaine clinique l'absence de frisson, l'ab-sence fréquente du râle crépitant, même dans les cas où la maladie n'était pas latente, l'absence de crachats spéciaux, enfin la mobilité remarquable du souffle qui disparaît un jour pour reparaître le lendemain et se porte rapidement d'un côté à l'autre. Mais les études d'anatomie pathologique et de clini-que poursuivies parallèlement et d'après les principes appli-qués antérieurement dans le domaine de la pathologie infantile eurent bientôt montré que les vieillards sont à la fois sujets à la pneumonie lobaire et à la broncho-pneumonie. Or ce n'est pas à la première, mais à la seconde, qu'il faut rapporter les ano-malies très réelles, quoique un peu exagérées, qui ont été autre-fois relevées. C'est encore à des pathologisles français qu'on est redevable de cette œuvre de débrouillement. Il faut citer ici en première ligne le nom de Gillette qui, dans un article très court, mais tracé de main de maître, a établi, d'après des ob-servations recueillies à la Salpêlrière la séparation dont il s'agit sur des bases inébranlables (1851. Suppl. au Dict. des Die t.) ; puis viennent la thèse de M. Roccas2 et le livre de M. Durand-

1 llourmann et Dechambre. — Recherches cliniques pour servir à l'histoire des maladies des vieillards (Arch. de Médecine, t. X, p. 263, 1836).

2 Roccas. — De ta broncho-pneumonie et de la pneumonie catarrhale. Th. de Paris, 1850.

Fardel. Il résulte de l'étude parallèle de ces deux formes que la pneumonie lobaire doit être séparée anatomiquement et clini-quement de la broncho-pneumonie dont nous devons nous attacher maintenant à faire ressortir les caractères.

II.

La lésion qui porte le nom de la broncho-pneumonie est constituée par la réunion en proportions variées d'un certain nombre d'éléments divers et il rentre dans le plan de mon exposé, avant d'envisager ces lésions constituantes une à une, de les montrer dans une sorte d'esquisse, rassemblées dans un cas individuel, et de vous les présenter telles qu'elles se voient le plus souvent dans la réalité concrète. C'est ce que nous ferons bientôt.

Sous le nom de broncho-pneumonie sont comprises des alté-rations diverses, parmi lesquelles il y a lieu d'établir un cer-tain nombre de distinctions plus ou moins tranchées. Le ca-ractère commun du groupe, c'est l'existence d'une lésion pul-monaire inflammatoire consécutive à une inflammation bron-chique. Sans lésion bronchique procréatrice, il ne saurait y avoir broncho-pneumonie. Mais la lésion pulmonaire se montre-t-elle variable suivant la nature de la lésion bronchique ori-ginelle? La pneumonie morbilleuse, par exemple, ne doit pas être exactement semblable à celles qui suivent la diphtérie, la coqueluche, la fièvre typhoïde, etc.. On pourrait entrepren-dre, par conséquent, pour chacune d'elles une description particulière. Mais, en somme, dans les diverses formes, les traits de ressemblance l'emportent sur les traits distinctifs, et afin de ne pas multiplier les espèces sans nécessité, nous les com-prendrons dans un groupe commun : ce seront les bron-

cho-pneumonies ou encore les pneumonies catarrhales.

Nous y rattacherons pour des raisons qui vous seront don-nées, celles qui surviennent à la suite de certaines lésions de l'encéphale.

Par contre nous vous proposerons d'isoler absolument de ce groupe les lésions pulmonaires qui forment le substratum analomique le plus habituel de la phtisie pulmonaire vulgaire ou phtisie calarrhale.

Incontestablement, ces lésions appartiennent à la grande classe des broncho-pneumonies, mais la lésion bronchique pro-vocatrice est ici toute spéciale, spécifique en quelque sorte. Les lésions pulmonaires qu'elle provoque, bien qu'elles soient calquées sur le modèle des broncho-pneumonies simples, en diffèrent cependant par les caractères les plus importants. Séparer la phtisie pulmonaire catarrhale de l'histoire de la tu-berculose pulmonaire, ce serait méconnaître à la fois les en-seignements de la clinique et de l'anatomie pathologique.

Une autre remarque me paraît encore nécessaire. Quelques auteurs frappés des caractères qu'offrent certaines des lésions de la broncho-pneumonie, considérées surtout dans une phase peu avancée, tendent à méconnaître leur véritable nature. Ce sont, disent-ils, des altérations d'origine purement mécanique et consécutives surtout à l'obturation des bronches : il faut les rayer du cadre des inflammations. Mon maître Béhier entre autres a soutenu avec talent cette opinion que je n'ai jamais pu partager. C'était entre nous une cause de dissentiment scientifique. Certes je suis loin de méconnaître la part des phé-nomènes mécaniques dans la production des lésions pulmo-naires, mais celles-ci présentent, même à une époque voisine de leur début, les caractères d'un processus inflammatoire.

Après ces préliminaires, nous pourrons maintenant repren-dre l'exposé des lésions de la broncho-pneumonie.

Voici un cas de pneumonie morbilleuse, chez un enfant de trois ou quatre ans qui a succombé au quinzième jour de la maladie. Nous voyons les lésions disposées sur les bords posté-rieurs des poumons et sur les bords des lobes inférieurs. A gauche, la lésion forme une grande plaque uniforme; à droite elle est disposée symétriquement, mais par lobules. La pneu-monie est donc d'un côtépseudo-lob aire, et de l'autre lobulaire ou mamelonnée, mais au fond identique.

Nous voyons, en résumé, une pneumonie double, à siège spécial dans les parties déclives, disposée symétriquement.

Examinons maintenant les lésions : 1° La surface du poumon présente des plaques un peu déprimées d'une coloration bleuâtre ou rouge-brun ; les cloisons interlobulaires se voient nettement; 2° Par la coupe on obtient une surface plane, lisse, sans granulations ; il s'écoule un peu de liquide brun ; le tissu est peu friable et peut s'insuffler en grande partie. C'est la lé-sion dite splénisation, pneumonie planiforme, pneumonie pseudo-lobaire de Barrier, congestion lobulaire généralisée de Rillietet Barthez, hépatisation rouge broncho-pneumonique de Damaschino ; 3° dans les cas où elle occupe seulement quel-ques lobules, on l'appelle encore pneumonie lobulaire mame-lonnée, congestion ou hépatisation lobulaire généralisée, splé-nisation par lobules. La dénomination de splénisation a été employée par Roccas et plus anciennement par Sarcone ; c'est elle que je crois aussi devoir adopter ; 4° Mais si vous regardez avec attention dans l'axe du lobule, vous apercevez, autour des bronchioles, un certain nombre de points festonnés, grisâtres, plus ou moins saillants, un peu friables et granuleux, laissant s'écouler un liquide purulent. Cette lésion a souvent l'aspect d'une petite grappe ; on peut en voir plusieurs dans un même lobule, on peut aussi la voir envahir le lobule entier. Elle est l'accompagnement presque nécessaire et au moins très fré-quent de la splénisation, chez le vieillard et chez l'enfant. Je

propose de donner à celle lésion le nom de nodule péri bron-chique. Elle a reçu les noms d''hépatisation partielle (Rilliet et Barthez), (Yhépatisation grise lobulaire (Damaschino). Si les lobules ainsi en élat d'hépatisation grise partielle sont assez nombreux pour se souder et faire disparaître les régions splénifiées, on a dès lors une lésion en apparence semblable à la pneumonie lobaire grise: c'est Y hépatisation lobulaire gé-néralisée de Rilliet et Barthez, ou encore Y hépatisation grise pseudo-lob aire de Damaschino. Rilliet et Barthez ont donné des caractères excellents qui permettent de distinguer ces deux lésions. Pour la pneumonie lobaire, c'est l'état très manifeste-ment granuleux de la surface de section et de plus, le mode de répartition des lésions à divers degrés en zones concentriques. Tandis que le centre de la région hépatisée est gris, les zones périphériques en sont encore à la période d'hépatisation rouge ou même de congestion. Dans la pneumonie lobulaire généra-lisée, l'inégalité des lésions s'accuse d'un lobule à un autre; on voit çà et là des lobules rouges, gris, jaunes (pneumonie marbrée ou panachée) avec conservation des espaces interlo-bulaires. En outre, les granulations sont plus petites, moins évidentes ; les lésions sont toujours doubles et symétriques ; les bronches sont dilatées, remplies de muco-pus; enfin il y a de l'emphysème des régions non atteintes.

En résumé, cette description met en évidence deux lésions bien caractéristiques dans le parenchyme du lobule : la splé-nisation, disséminée un peu partout, et qui appartient surtout à sa périphérie ; le nodule péribronchique, localisé dans les portions centrales du lobule.

Si j'ajoute à ces lésions l'état des bronches et des bronchioles remplies de muco-pus et un peu dilatées ; Y emphysème des lobes respectés par la phlegmasie ; et enfin une altération parti-culière du poumon, Y état fœtal ou carnification dont je ne veux pas parler actuellement pour ne pas compliquer la des-

cription, j'aurai énuméré à peu près toutes les lésions élémen-taires macroscopiques dont l'ensemble constitue la broncho-pneumonie aiguë.

Il s'agit, après cet exposé, de rechercher la raison de ces ea-

Fig. Si. — Pneumonie lobulaire consécutive à la rougeole. (Oc. 1, double Nachet). — A, Coupe des cartilages d'une bronche de moyen calibre. — b, coupe des glandes en-flammées. — B*, B*, travées conjonctives périlobulaires épaissies. — C, coupe des vais-seaux sanguins. — I), vaisseaux lymphatiques. — E, travées conjonctives périacineuses.— F, nodules péribronchiques contenant à leur centre une bronchiole, a', et une arteriole, b'. — G, tissu intermédiaire aux nodules atteint de splénisation.

ractères anatomiques et de déterminer la marche et la nature du processus. Ainsi que nous le verrons, l'examen microsco-pique montrera en outre qu'il s'agit bien de lésions inflamma-toires et non de lésions d'origine purement mécanique, comme le voulait Béhier

Cette analyse hislologique comprend deux opérations succes-sives :

l°L'examenlopographiquedelacoupe d'unlobule failavecun grossissement faible (Fig. 31). Cet examen montre les travées interlobulaires épaissies et de plus, des points hépatisation et des points de splénisation. Ceux-ci sont répandus dans tout

Fig. 32. — Coupe d'un nodule péribronchique. — A, artère. — B, bronche contenant du pus et dont l'épithélium est resté en place. — C, tissu conjonctif péribronchique épaissi. — [), zone d'hépatisation péribronchique (alvéoles remplis de fibrine et de globules de pus). — E, tissu splénisé.

le lobule, les premiers occupent surtout la périphérie des bron-ches et çà et là quelques acini. Ce sont les nodules péribron-chiques. Quelquefois on ne trouve pas la bronche au centre de ces derniers, lorsque la coupe n'a pas été bien dirigée. En rai-son de l'abondance et de la condensation des exsudats, les nodules très opaques apparaissent dans les parties splé-nisées, qu'on me passe la comparaison, comme des îlots au milieu de la mer.

2° Un grossissement plus puissant est nécessaire pour re-

connaître la nature des éléments qui encombrent les cavités alvéolaires (Fig. 32). L'examen fait alors connaître :

A. Dans les parties splénifiées du lobule, la congestion vas-culaire des parois des alvéoles, et, s'il s'agit d'un cas prolongé, un commencement d'infiltration par les cellules embryon-naires. En outre, les alvéoles contiennent des cellules épithé-liales volumineuses à un ou à plusieurs noyaux, et des leuco-cytes. Si le cas est ancien, les cellules ont l'aspect de corps granuleux. Ces altérations sont celles de la pneumonie épithé-liale ou desquammative (Buhl).

B. Dans les nodules péribronchiques, l'exsudat est constitué tout autrement. Les alvéoles et conduits alvéolaires péribron-chiques sont remplis de leucocytes et de cellules épithéliales englobés dans un réseau fibrincux qui peut être aussi abon-dant que dans la pneumonie fibrineuse. Cette dénomination appliquée à la pneumonie lobaire est donc critiquable et il n'est pas juste de dire, avec M. Jaccoud, que l'absence d'exsu-dat fibrineux est le caractère fondamental de la pneumonie catarrhale. Certaines pneumonies catarrhales sont remarquables par l'abondance de cet exsudât que j'ai retrouvé dans la rou-geole, la fièvre typhoïde, la coqueluche, etc.. Toutefois, la composition des nodules péribronchiques est variable, les amas épithéliaux dominent parfois dans le contenu des alvéoles; tan-tôt ce sont les leucocytes, et il y a quelquefois une véritable pneumonie péribronchique suppurée.

Enfin, les bronches sont toujours très altérées, plus encore proportionnellement que le parenchyme pulmonaire. Elles contiennent un muco-pus épais ou des fausses membranes dans le croup. L'épithélium est conservé, mais les parois sont infiltrées, il y a de lapéribronchite, quelquefois de la dilatation des bronches. L'artère qui accompagne la bronchiole est

saine et ne s'altère que dans une période plus avancée.

Les vaisseaux lymphatiques du poumon participent au pro-cessus. Dans les sinus lymphatiques périlobulaires et périaci-neux, sous laplèvre, autour des bronches et des vaisseaux, on trouve des amas de leucocytes et quelquefois de globules rouges. Il n'est pas rare non plus de les voir remplis par un exsudât fibrino-leucocytique, semblable à celui qu'on voit dans le nodule péri-bronchique.

En somme, vous voyez que l'examen histologique décèle une grande variabilité des lésions inflammatoires dans le lo-bule. C'est là ce qui caractérise la bronchopneumonie. Nous trouvons, en effet, tantôt des exsudais fibrineux, tantôt des amas de leucocytes tantôt de la pneumonie desquammative.

La terminaison peut avoir lieu de deux manières : 1° Si le malade guérit, la résolution s'opère plus ou moins rapidement. Elle est marquée cliniquement par la disparition également rapide ou lente des signes physiques. En même temps les pro-duits d'exsudation ou de prolifération cellulaire sont éliminés par les bronches, ou bien subissent la dégénération granulo-graisseuse et sont résorbés ; — 2° La broncho-pneumonie peut passer à l'état chronique et aboutir à la cirrhose du poumon.

DIXIÈME LEGON

Broncho-pneumonies expérimentales. — État fœtal et son rôle dans la broncho-pneumonie.—Irritation epithe-liale.

Sommaire. — Pathogénie de la broncho-pneumonie. — Broncho-pneumonies produites expérimentalement: 1° par les injections de liquides irritants dans les bronches ; 2« par la section du pneumogastrique ; 3° par la section des nerfs récurrents. — Les lésions broncho-pneumoniques qui succèdent à cette dernière opération évoluent parallèlement à celles de la broncho-pneumonie de l'homme. — Pénétration des corps étrangers dans les ca-naux bronchiques: importance de leur rôle pathogénique. — Pénétration du muco-pus bronchique dans les alvéoles et altérations lobulaires consé-cutives.

— Rôle accessoire de l'état fœtal dans la broncho-pneumonie. — L'irritation èpithéliale dans les glandes et dans le poumon. — L'irritation èpithéliale progresse des bronches jusque dans le lobule où elle détermine la spléni-sation. — Moins constants que la splénisation, les nodules péri-bronchi-ques sont en rapport avec les dispositions anatomiques des vaisseaux bronchiques terminaux dans le lobule.

Messieurs,

Avant de poursuivre l'élude de l'évolution de la broncho-pneumonie, il est utile d'entrer dans quelques détails sur ses lésions observées dans les conditions expérimentales. Il y a longtemps que la broncho-pneumonie qui se produit chez les animaux à la suite de la section du pneumogastrique, a été comparée à la broncho-pneumonie de l'homme. Mais les expé-rimentateurs sont encore loin de s'accorder sur la nature des lésions ainsi provoquées.

On a produit souvent aussi des broncho-pneumonies chez les animaux en injectant dans les bronches divers liquides irritants (ammoniaque, térébenthine, nitrate d'argent, etc.). On détermine ainsi des inflammations suraiguës qui ne ressem-blent guère à la broncho-pneumonie.

Traube1, Schiff2, Arnsperger, Boddaërt3 ont déterminé parla section du pneumogastrique des lésions plus voisines de celles qu'on observe dans la pathologie humaine, mais qui ont tou-tefois une évolution encore trop rapide. La supériorité appar-tient aux recherches de Friedlander4 et de Frey s. C'est d'après leurs travaux et d'après des recherches de contrôle faites dans mon laboratoire, que j'ai établi la description qui va sui-vre.

Sur des lapins ou déjeunes chiens, on pratique la section des nerfs récurrents ; cette section laisse une survie d'une vingtaine de jours. Les animaux, d'abord assez incommodés, s'habituent dans une certaine mesure à cette nouvelle manière d'être. L'opération est suivie tout d'abord de lésions inflam-matoires de la trachée et des bronches. Au bout de vingt-quatre heures déjà, on les trouve remplies de muco-pus et de corps étrangers divers (débris alimentaires, poils, cellules d'épithélium buccal), que l'on peut constater jusque dans les alvéoles. On en arrive ainsi à cette conclusion déjà formulée par Traube, qu'il s'agit là d'une condition pathogénique d'une importance capitale. On ne peut ici accuser les troubles d'in-nervation pulmonaire, puisque les nerfs laryngés n'ont au-cune relation avec le poumon. Ce sont donc ces corps élran-

1 Traube. — Beitrage zur experimen. Physiot. und. Pathol. Heft 1, Ber-lin, 1846.

ä Schiff. — Lehrbuch der Phijs. 1858-59, p. 406 et suiv. 3 Boddaërt. — Mélanges de path. rnéd. t. VI, 1862.

1 Friedlander. — Untersuchungen über Lungentzündung nebst Bemerkungen über das normale Lungenepithel. Berlin 1873.

" Frey. — Die pathologischen Lunqenveranderungen ?iach Lähmung der Nervi vagi. Leipzig, 1877.

gers qu'il faut considérer avec Frey comme la cause principale de la bronchite et des accidents consécutifs. Quant aux lésions pulmonaires, elles occupent les lobes supérieurs, mais à part cette localisation, ressemblent beaucoup à celles qu'on observe chez l'homme.

Dans une première période, environ 24 heures après Ja sec-tion des récurrents, on trouve une infiltration œdémateuse des lobes supérieurs, une véritable splénisation ; dans quelques lobules, on trouve des points gris plus ou moins volumineux, correspondant aux nodules péribronchiques. L'analyse histo-logique montre dans les parties splénisées un exsudât séreux avec prolifération èpithéliale, des globules sanguins et quel-ques rares leucocytes. Dans les noyaux gris, on trouve surtout des leucocytes et quelquefois un réseau fibrineux, en par-ticulier chez le chien.

Dans une seconde période, les lésions pulmonaires pren-nent de plus en plus les caractères de l'hépatisation grise. On voit des masses grises volumineuses, opaques et friables. Dans les parties splénisées, les masses d'épithélium encom-brent les alvéoles. Dans les parties hépatisées, on trouve des leucocytes en nombre considérable; les vaisseaux sont exsan-gues ou bourrés de globules blancs. On constate en outre de la périartérite et de la péribronchite.

Dans une troisième période, c'est-à-dire au bout de huit à quinze jours, les régions splénisées ont une couleur plus pâle, grisâtre; on trouve des lobules d'une couleur jaune. Les lésions interstitielles sont déjà plus prononcées et les cellules embryonnaires infiltrent les parois alvéolaires. Aussi bien dans les régions splénisées que dans les points hépatisés, les cellules épithéliales et les leucocytes subissent la dégénération grais-seuse.

En résumé, dans ces conditions expérimentales, on peut constater, comme chez l'homme, l'opposition qui existe àl'exa-

men microscopique et histologique entre les parties splénisées et les parties hépatisées. Dès l'origine, les lésions appartien-nent manifestement au processus inflammatoire. Enfin, on peut constater facilement la tendance qu'elles présentent à passer à l'état chronique, en voyant se produire la périartérite et la péribronchite et l'infiltration de cellules embryonnaires dans les parois alvéolaires. On peut arriver ainsi à reproduire les lésions de la broncho-pneumonie chronique aussi bien que celles de la broncho-pneumonie aiguë.

Chez les animaux, l'introduction de corps étrangers dans les voies respiratoires joue donc un rôle capital sur l'importance duquel Traube, Friedlander, Frey ont appuyé avec raison. Chez l'homme, les corps étrangers dans diverses circonstances ren-dent compte aussi de la production de certaines broncho-pneu-monies. Elles peuvent succédera la pénétration dans les voies aériennes de plusieurs substances étrangères, parcelles ali-mentaires, pus, liquide buccal, etc.. Il existe ainsi des bron-cho-pneumonies aiguës consécutives au cancer de la langue, aux abcès rétro-pharyngiens, aux paralysies du pharynx; il faut y rattacher encore celles qui surviennent dans les cas où intervient l'intoxication par l'opium, ainsi que l'a signalé Volk-mann. Les pneumonokonioses appartiennent au groupe des pneumonies chroniques, mais la pneumonie des apoplectiques peut encore être expliquée par la pénétration du liquide buc-cal dans les voies aériennes, résultant des troubles de la dé-glutition.

Dans les circonstances ordinaires de la broncho-pneumonie, ce n'est plus le mécanisme de l'irritation par des corps étran-gers que l'on peut invoquer, c'est le muco-pus bronchique qui tientleur place et joue le même rôle. Malgré la contraction des fibres lisses qui entourent les bronchioles, ce muco-pus irritant peut arriver jusque dans le lobule. Cette pénétration du muco-pus, directement constatée par Buhl, justifie dans une certaine

mesure l'opinion de Fauvel1 qui expliquait par ce mécanisme d'aspiration la formation des grains jaunes et des vacuoles.

Mais ces divers essais d'explication ne nous font comprendre que d'une manière insuffisante le mécanisme de la production des divers éléments anatomo-pathologiques dont la réunion constitue l'altération complexe dite broncho-pneumonie. La question, nous devons le reconnaître, n'est pas mûre pour une solution rigoureuse. Les essais d'interprétation que je vais hasarder ne vous fourniront que des données provisoires, d'attente en quelque sorte, et je vous prie de ne les accepter qu'en tenant compte de ces réserves.

Ainsi que nous l'avons vu, la splénisation est l'élément le plus constant, le plus répandu, celui qui tient le plus de place dans l'ensemble complexe des lésions broncho-pneumoniques. Pourtant vous n'ignorez pas sans doute que quelques auteurs, Legendre et Bailly2, Gairdner, Béhier, etc.. n'ont vu dans la splénisation qu'une lésion en quelque sorte mécanique, une sorte de collapsus pulmonaire résultant de l'affaissement des alvéoles privés d'air par suite de l'obstruction des bronches correspondantes.

C'est ici, Messieurs, le cas de vous dire quelques mots de cette lésion parfaitement réelle du poumon qu'on désigne avec Legendre et Bailly sous le nom $ état fœtal, de carnification ou de collapsus pulmonaire, et de vous indiquer sommairement les relations que présente cet état qui n'a rien d'inflammatoire avec la splénisation, qui d'après ma description, est nettement une lésion irritative.

Mentionné dans les écrits de Laënnec, d'Andrai et de Louis,

1 Fauvel. — Recherches sur la bronchite capillaire purulente et pseudo-membraneuse. Th. de Taris 1840.

* Legendre et Bailly. — Nouvelles recherches sur quelques maladies du pou-mon chez les enfants (Arch. gén. de méd., lrc série, t. IV. p. 55, 184, 235, 1844).

c'est en 1884 seulemenl que l'état fœtal a été l'objet d'une description en règle dans le travail de Legendre et Bailly. On doit Je distinguer de Yatéleclasic que .Jœrg le premier a fait connaître en 18.'12J. Mais l'aléleclasie est une lésion congénitale qui consiste en un défaut d'expansion d'un cerlain nombre de lobules qui restent affaissés après la naissance. L'état fœtal de Legendre et Bailly résulte au contraire de ce que le tissu pulmonaire chez l'enfant ou même chez l'adulte, reprend plus ou moins complètement, par suite de la disparition de l'air con-tenu dans les alvéoles, l'état anatomique qu'il présentait avant l'établissement de la respiration : c'est donc un retour à Y état fœtal.

Celle lésion, ainsi que l'a montré Gairdner en 1850 2, est dé-terminée par l'oblitération des bronches parles produits de sé-crétion. Elle lient évidemment une grande place dans la bron-chopneumonie, mais Legendre et Bailly et après eux Gairdner et Béhier3 sont allés trop loin lorsqu'ils ont prétendu que l'état fœtal doit être substitué à la pneumonie lobulaire partielle ou généralisée décrite avant eux par Rilliet et Barlhez. Il serait oiseux d'insister sur celte erreur, car malgré de réelles analo-gies, il est possible de distinguer les deux lésions, même par le simple examen macroscopique. Voici d'ailleurs la description de l'état fœtal telle qu'elle a été donnée par Legendre et Bailly: l'état fœtal peut être lobulaire ou lobaire et occupe en général les deux poumons. La lésion est symétrique ou présente une grande tendance à la symétrie : elle siège souvent sur les bords tranchants du poumon. Les parties lésées sont exactement limitées par les espaces interlobulaires et sont plus ou moins

1 Jœrg. — De morbo pulmonum organico et respiratione neonatorum imper-fecta orto, Lipsia, 1832. — Dei Fotuslunge in gebornen Kinde fier Pathologie Thérapie und geritliche arzneiwissenschaft geschildert, 1835.

2 Gairdner. — On the bronehial states of the Lung connected veith Bronchitis and Branchial obstruction (Edinb. ntonthly Jonrn. vol. XII et XIII, 1850-54 ).

3 Hardy et Béhier. — Traité élémentaire de Pathologie interne, f. II, 1864.

Cuarcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons. 8

rétractées. La coloration est violacée ou brune. La consistance est charnue, sans friabilité, d'où le nom de camification. La section est sèche, lisse, sans modifications apparentes dans la structure de l'organe : il s'écoule de la sérosité sanguinolente. Un fragment gagne le fond de l'eau. Les bronches contiennent du muco-pus; enfin l'insufflation rend au parenchyme tous les caractères de l'état normal. En somme, l'état fœtal ne diffère de la splénisation que par l'absence des noyaux d'hépatisation disséminés, par l'absence de friabilité, la rétraction du tissu et l'insufflation plus facile. L'examen histologique montre les alvéoles affaissés ne contenant qu'un exsudât albumineux ; pas de lésions épithéliales, à moins que l'inflammation ne com-mence à s'ajouter au collapsus. (

Il n'est pas douteux que cette lésion précède souvent l'in-flammation broncho-pneumonique, mais il n'y a pas filiation nécessaire entre ces deux états. Tous deux procèdent de la lésion bronchique. Celle-ci contient deux éléments pathogé-niques : l'un mécanique, c'est l'oblitération bronchique par les produits d'exsudation; l'autre vital, c'est l'inflammation qui peut s'étendre jusqu'au revêtement des cavités alvéolaires. Si la lésion mécanique précède souvent la lésion vitale, c'est que les effets mécaniques de l'oblitération peuvent se produire brusquement, tandis qu'un certain temps est nécessaire pour la progression du processus inflammatoire.

En résumé, l'état fœtal et la splénisation sont deux éléments distincts, mais qui coexistent souvent parce qu'ils procèdent de la bronchite; en réalité, il n'y a entre eux qu'un rapport de coexistence ou de succession. Ils peuvent se produire isolé-ment. Le collapsus n'est pas nécessairement suivi de spléni-sation et celle-ci n'est pas nécessairement précédée de col-lapsus. C'est là un fait qui deviendra plus évident encore par l'histoire de la broncho-pneumonie chronique. On peut re-marquer aussi que la prolongation du collapsus ne suffit

pas pour que la splénisation lui succède. Cela est si vrai que le collapsus pleurélique, par exemple, ne conduit pas à la splénisation ; il peut durer en quelque sorte indéfiniment sans aboutir à la pneumonie desquammative.

Comment donc expliquer la desquammation épithéliale qui accompagne la splénisation?

Irritation épithéliale. — La bronche avec son revêtement d'épithélium cylindrique peut être comparée au conduit excré-teur d'une glande dont les acini sont représentés par les cavi-tés alvéolaires. Or, il semble d'une manière générale que les modifications d'origine irritative qui atteignent l'épithélium des conduits excréteurs d'une glande se propagent de proche en proche jusqu'à l'épithélium de revêtement des acini. C'est ainsi qu'après la ligature du canal cholédoque, l'irritation se propage dans toute l'étendue du revêtement épithélial jus-qu'aux cellules hépatiques qui représentent l'épithélium des capillaires biliaires intralobulaires. De même la ligature de l'uretère est suivie de lésions de l'épithélium des canaux con-tournés qui se transforme et est remplacé par un epithélium cubique. Le même processus se répète dans le poumon, lors-que l'irritation atteint l'épithélium des bronches; elle progresse jusqu'au lobule et atteint les cellules plates de revêtement de l'alvéole qui s'irritent, se gonflent, prolifèrent et finissent par disparaître dans les cas prolongés, pour être remplacés par un revêtement continu d'épithélium cubique. La trame con-jonctive qui sert de support à l'épithélium prend part au pro-cessus et s'hyperplasie : le poumon tend à se scléroser. Comme on le voit, toutes les lésions de ce groupe méritent le nom de cirrhoses épithéliales, s'il est vrai que l'irritation épithéliale soit, comme je le pense, le point de départ de fous les acci-dents.

Tel serait le processus de la splénisation. Quant aux nodules

péribronchiques, leur formation est moins constante. Tandis que la splénisation, avec la lésion èpithéliale qui l'accompagne, est en quelque sorte l'élément fondamental, régulier, du pro-cessus broncho-pneumonique, l'hépatisation péribronchique semble en quelque sorte accessoire et presque à l'état de complication. Mais c'est une complication très fréquente, presque nécessaire, qui prend, ainsi que nous l'avons vu, un développement tel, dans quelques circonstances, qu'elle arrive à se substituer à la splénisation. C'est par l'inflammation du réseau capillaire des alvéoles voisins de la bronche que l'on peut expliquer la formation du nodule péribronchique, car ce réseau est en grande partie constitué par les rameaux termi-naux des vaisseaux bronchiques. Cette disposition anatomique fait comprendre pourquoi le nodule péribronchique n'occupe pas seulement l'extrémité de la bronche, mais l'enveloppe dans une certaine étendue. On retrouve des nodules sembla-bles dans la broncho-pneumonie tuberculeuse.

Si nous résumons maintenant ces données pathogéniques, nous voyons que l'irritation èpithéliale est le fait général dam; la broncho-pneumonie; la pénétration des produits muco-purulenls dans les cavités alvéolaires serait en quelque sorte accidentelle; enfin la formation des nodules péribronchiques serait subordonnée principalement à l'existence de la péri-bronchite.

En terminant cet exposé de la marche et de la palhogénie des lésions broncho-pneumoniques, je tiens à répéter que les explications que je \iens de vous donner ne doivent être ac-ceptées qu'à titre provisoire. Je suis tout prêt à les aban-donner le jour où il s'en produira d'autres plus plausibles et mieux en rapport avec la réalité des choses.

DE LA PNEUMONIE CHRONIQUE

Le petit nombre cie travaux qui ont été écrits sur la pneu-monie chronique semble témoigner déjà des difficultés du su-jet. Il s'agit, en effet, de décrire une maladie rare, et dont Laennec avait pu même contester l'existence. Aujourd'hui, après les travaux de MM. Andral, Chomel, Grisolle, Requin, Raymond et quelques autres, personne ne saurait nier qu'il existe une espèce particulière d'inflammation parenchymaleuse du poumon, caractérisée anatomiquement par diverses variétés d'induration pulmonaire, et représentant à l'état chronique la forme aiguë de la pneumonie lobaire dégagée de toute compli-cation. Mais il est certainement peu de médecins qui aient eu l'occasion de vérifier, soit au lit du malade, soit à l'amphithéâ-tre, les descriptions produites par les auteurs que nous venons de citer. Ces descriptions, d'ailleurs, ont presque toujours été présentées avec réserve. Ainsi, Chomel avouait n'avoir pu réu-nir et comparer que huit cas, lorsqu'il composa son article Pneumonie chronique pour la 2e édition du Dictionnaire de Médecine en 2o volumes. M. le professeur Grisolle n'avait pu suivre qu'une seule fois l'évolution de la maladie au moment

(THÈSE D'AGRÉGATION, 1860).

INTRODUCTION

où il publia son Traité de la Pneumonie. Depuis ce temps, les matériaux ne se sont guère multipliés; et Ton réunirait diffi-cilement aujourd'hui, je crois, en compulsant les divers re-cueils ou les traités ex professa, plus de dix ou douze observa-tions de pneumonie chronique lobaire simple, douées de toutes les garanties qu'on est en droit d'exiger. Le nombre des faits publiés comme exemples de pneumonie chronique est beau-coup plus considérable sans doute; mais en y regardant de près, on ne tarde pas à reconnaître que, pour la plupart, ils ne sont point relatifs à cette maladie. Le plus souvent, en effet, il s'agit de cas où une induration, sans caractère inflammatoire appréciable, persistait à la suite d'une pneumonie aiguë depuis longtemps guérie. D'autres fois, ce sont des exemples de ces pneumonies aiguës à lente évolution dont on a pu dire qu'elles sont aiguës par les symptômes, et chroniques par la durée. Or, ces faits doivent, ce nous semble, être distraits de la pneu-monie chronique proprement dite, et étudiés à part, si l'on ne veut pas voir s'introduire la plus grande confusion dans l'his-toire déjà si difGcile de cette maladie.

Ayant à traiter un sujet encore à l'étude, nous nous sommes trouvés heureux de pouvoir étayer nos descriptions de trois observations inédites. L'une de ces observations appartient à M. le docteur Monneret, qui, avec la plus grande obligeance, a bien voulu nous autoriser à l'insérer dans ce travail ; les deux autres ont été recueillies par nous il y a plusieurs années dans les hôpitaux \

La pneumonie aiguë lobaire simple n'est pas la seule forme d'inflammation parenchymateuse aiguë du poumon qui se trouve représentée à l'état chronique. Des foyers tuberculeux,

1 Je prie mes collègues dans les hôpitaux. MM. Monneret, Gubler, Aran, llérard, Woillez, de recevoir mes remercîments pour les renseignements qu'ils ont bien voulu me communiquer et qui m'ont été d'une grande uti-lité pour la rédaction de ce travail.

gangreneux, des corps étrangers introduits dans les voies res-piratoires peuvent, par exemple, dans certains cas être le point de départ d'un travail de phlegmasie chronique. Mais ici en-core les faits manquent, ou en tout cas ne fournissent pas ma-tière à de grands développements; nous avons cependant dit quelques mots de ces diverses variétés de la pneumonie chro-nique dans un article accessoire où nous étudions aussi, fort brièvement, quelques affections du poumon qui ont été plu-sieurs fois considérées comme étant d'origine et de nature in-flammatoire.

Un historique en règle des diverses vicissitudes qu'ont su-bies les questions relatives à la pneumonie chronique, offrirait peu d'intérêt, et nous n'aurions pu d'ailleurs que répéter ici mot pour mot ce qu'a dit à ce sujet M. Raymond, dans sa dis-sertation inaugurale; pour ce qui concerne la bibliographie, nous nous bornerons à indiquer, chemin faisant, les sources 1

Voici d'ailleurs un aperçu historique et bibliographique: Morgagni, Lettres 19. 5, 7. — Avenbrugger et Corvisart, Nouvelle mé-tho'ie, etc. (Squirrhp du poumon, Voniique ichureuse), 1818, p. 297.— Racine, thèse de Paris, in-8°. an XI. — Broussais, Phleymas. chron., t. I, p. 2'9.— Bayle, De ta phthisie, Paris, 1810. (Obs. 4*?). Voir aussi page 251 t27eobs., Poumons indu'és, excavations, i.as de traces de tubercules). — betenneur, thèse de Paris, 1811. — Bazière, thèse de Paris, 1815. — Chaix, thèse de Paris, 1819. Pinel et Bricheteau, Diet, des sciences mé liçales, 1820. — Laënnec, Auscult., 2« édit., 18°6. — Chomel, Diet, en 2! vol. — Bouillaud. Diet, de mëii. et de dur. — Andrai, Anat. Patholog., L III, p. M6. Clin, méd , t. 111, p. 462 (obs. 64, p. 446). — Lebert, Journ. des comi, médico-cìiirur., mai 1840.

— Grisolle, Traité de la pneumonie, 184l, p. 79 (Sur l'anat. pathol, p. 348 ; Sur la symptom., obs. de Requin). •— Baymond, thèse île Paris, 1842, obs. 3 et 4; les obs. 1 et 2 douteuses. — Chomel, Diet., en 25 vol., 1842 (Nosographie de In pneumoni- chronique, fondée sur huit faits, 1845). Corbin (d'Orléans), Gaz. médìc., p. 806, 1 obs. 1 — Bat, thèse de Paris, 1845, n' 14.

— Rayer, Gaz. nié*'., 1846 fobs. 1, p. 993). — Requin, Traité de path, méd., 1846, t. II, p. 165 (1 obs.) — Lacour, thèse de Paris. 1847 (pas d'obs.) — Macquet, Société anatomiq., 1847, p. 2: 8. — Hardy et Béhier. Traile de path, int., 1850, t. II, p. 641 (Mention de plusieurs obs. : Abcès, Ohserv. lie Monne-ret, Analyse microscopique, par lîobin), 1851. — Popham, Gaz. méd,., 1851 (1 obs. ? p. 675.) — Bricheteau, Traité des malad. chronique, 1851, etc.. p. :37. — Durand-Fardel, Mal. des vieillards, 185., p. 5 3 (9 obs ,6 nu moins douteuses). — Dupré, Gaz. medic, janv. lev. 1853 (Diagnostic). Baimbert, Gaz. hebdom. 1856, page 655, 2 observations? — Cotton, Gaz. hebdomad.,

malheureusement trop peu nombreuses où nous avons pu pui-ser d'utiles renseignements.

1836, page 6ïS. v- Heschl, Gaz. htbdomad., 1856, page 675 (Anatom. pa-thologique). S

Maison, Guy's-Hosp. Reports, 1843, p. 365. — llope, Principles illustrai.. etc., Lond. 1854, p. 15. — X'oirot, Annuaire, 1858, t. III, 2 observations, Car/ti/irat. — Wunderlich, Pa'h. et Thêrap., 1856, t. III, Bd. passim. —-Cruveilhier, Atlas d'anat. path., t. I, et Anatom. putlwl., 1845, t. I, p. 139-421. — Bennett. Clinical lectures, Edinb. 1858, p. 643, 2 observations? — Stokes, Diseuses of the Chest., Dublin, 1837, p. 353. — Cruveilhier, Anat. path. gêner., t. III. p. 608. — Société onatomiq., t. XXII, p. 238, 261 ; t. XXIV, p. 221 ; t. XXIX, p. 5. 445 ; t. XXX, d. 46.

En général, nos recherches chez les auteurs étrangers ont été peu fruc-tueuses.

CHAPITRE PREMIER.

DE LA PNEUMONIE CHRONIQUE SIMPLE.

I.

Anatomie pathologique. — Les altérations que l'on rencon-tre dans les poumons, chez les individus qui succombent à la suite de pneumonie chronique, se présentent sous des aspects variés, mais qu'on peut cependant toujours ramener à un cer-tain nombre de types fondamentaux. Étudions-les d'abord dans les cas où la maladie, ayant eu une issue relativement prompte; elles sont peu avancées dans leur développement et permettent ainsi de saisir la transition entre l'état aigu et l'état chronique proprement dit.

A. Induration rouge : Andral Hope "2, Forster8. — Hépa-tisation indurée: Lebert. — Les caractères de cette forme dif-fèrent peu de ceux qui appartiennent à l'hépatisation rouge de la pneumonie aiguë. Le tissu malade est rouge, compact, lourd, non crépitant; la surface de section en est très manifes-tement granuleuse. La seule différence un peu notable consiste

i Clinique médicale, t. III, p. 462, et Précis d'anal, pathol., t. HL, p. 516.

" Principles and illustrai. of morbidanatom;/. London, 1834, p. 15. 3 Forster. — Handbuch der path. Anat., Bd.'II, S. 161.

en ce que la consistance est devenue plus ferme ; à la friabilité, au ramollissement, a succédé l'induration; on a noté aussi, dans les cas qui paraissent correspondre à des phases un peu plus avancées de l'altération, une certaine sécheresse des lis-sus, accompagnée généralement d'une diminution dans la vas-cul ari lé et d'une teinte plus pâle. On connaît malheureusement fort peu les modifications que subit, en pareil cas, l'organe pulmonaire dans sa texture infime. Chez un homme mort à la suite d'une pneumonie, dont la durée avait été d'un mois, l'or-gane malade présentait, à l'œil nu, les particularités que nous venons de signaler. Dans ce cas, M. Leberl1 trouva la substance pulmonaire infiltrée d'une matière d'exsudation ferme et con-sistante, paraissant être surtout de nature fibrineuse et ayant son siège tant dans les vésicules que dans le tissu cellulaire interstitiel; les fibres pulmonaires, quoique écartées, étaient partout parfaitement bien conservées; on retrouvait çà et là les diverses espèces de corps granuleux qu'on rencontre dans l'état aigu; mais, en outre, il existait un certain nombre de cellules fusiformes. Ce dernier fait, qui se trouve d'ailleurs en conformité parfaite avec quelques résultats obtenus, dans leurs investigations microscopiques, par MM. Forster et Heschl2, est important à signaler ; il permet jusqu'à un certain point de rattacher l'induration rouge à l'induration grise, et de les considérer comme représentant deux phases, deux degrés successifs d'une même altération. En effet, un des principaux caractères de cette dernière forme de la pneumonie est fondé, ainsi que nous le dirons plus bas, sur la prédominance anor-male de tissus lamineux et fibroïdes de nouvelle formation, au sein du parenchyme pulmonaire. Or, on sait que les cellules fusiformes représentent les premiers rudiments du développe-ment de ces tissus.

' Atlas d'anatomie pathologique, t. I, p. 618.

4 Prager Viertelj., 51-52, 1858, (Jeber Lungen Induration, etc.

B. Induration jaune ; Ilope1. — Induration alhuminette : Ad-dison 2. —Hépatisation jaune : Lebert8. — Tissu ferme, dense et sec; coloration jaune pâle \ teintée de rouge; la texture est en général granuleuse; cependant çà et là les granulations sont effacées^ et la surface de section paraît lisse et plane. La substance exsudée est plus abondante que dans le cas précé-dent; elle distend le parenchyme du poumon, au point que dans certains cas on le dirait injecté avec de la cire ou du suif; bon nombre de vaisseaux capillaires sont devenus imperméa-bles, comprimés qu'ils sont par le fait de la distension exagé-rée des vésicules pulmonaires; de là dérive un aspect anémique tout particulier que présente l'induration, dans les points où ses caractères sont le plus accusés. Les éléments anatomiques qu'on trouve à l'aide du microscope sont d'ailleurs à peu de chose près les mêmes que dans la forme précédente; ce sont des cellules épithéliales présentant divers degrés d'altération, des globules pyoïdes, purulents, et enfin çà et là des cellules fusiformes. M. Lebert semble admettre que l'hépatisalion jaune se forme à la suite de l'induration rouge, et que celle-ci doit nécessairement précéder celle-là. Rien ne démontre cependant, quant à présent, qu'il en soit ainsi ; c'est même, probablement, plutôt à des différences dans l'abondance ou la nature chimi-que des exsudais qu'il faut rapporter la diversité d'aspect ob-servé. Dans les cas dont il s'agit, la constitution du sujet, la erase du sang, doivent avoir, on le conçoit à priori, la plus grande influence sur la composition des liquides déversés dans l'organe enflammé. Depuis longtemps déjà, M. le profes-seur Cruveilhier a appelé l'attention sur l'existence d'une va-

1 Lnc. cit. (Yellow induration).

2 Addison. — Observât, on pneumonía and ils conséquences (Guy's Hospital Reports, 2e série, 1843, p. 363}.

3 Loc. cit.

1 Voir un bel exemple de ce genre dans Cruveilhier, Allas d'anatomie pa-thologique, 2Qo livr., Pneumonie subaiôue, etc.

ri été de la pneumonie aiguë, qu'il propose d'appeler du nom de pneumonie œdémateuse, et qui survient principalement chez les individus atteints de cachexie séreuse. On a admis, dans ces derniers temps, en outre de ces pneumonies séreuses, et, à notre avis, tout aussi légitimement, des pneumonies fibri-neuses, hématoïdes, suivant que l'exsudat pneumonique est très riche en fibrine ou, au contraire, remarquable surtout par la prédominance des éléments colorés du sang l. Il est probable que ces variétés de la pneumonie aiguë devront se retrouver dans les formes lentes et chroniques de la maladie; mais c'est Jà un point de vue que nous nous bornerons à signaler, sans vouloir y insister plus longuement. Nous ferons remarquer seulement que l'induration jaune ne paraît pas exiger, pour se constituer, plus de temps qu'il n'en faut à l'induration rouge; on l'a rencontrée à peu près dans les mêmes circonstances que celle-ci, c'est-à-dire chez des individus qui avaient succombé de un mois à six semaines après le début des premiers accidents thoraciques.

C. Induration grise, ardoisée: Andral, Grisolle, Chomel; grey, grey-iron induration : Âddison, Hope; Lurg en-indura-tion : auct. Germ. — bans les deux variétés anatomiques de la pneumonie chronique que nous venons de décrire et qui rap-pellent, à quelques nuances près, le tableau si exact qu'a tracé Laennec de l'hépatisation rouge, le parenchyme pulmonaire ne semble pas encore avoir éprouvé, dans sa texture intime, de mo-difications profondes, irréparables; les exsudais qui infiltrent les tissus sont encore liquides ou liquéfiables, et ils possèdent à peu près les mêmes qualités chimiques ou microscopiques qu'on leur connaît dans l'état aigu. Dans l'induration grise que nous devons maintenant décrire, et qui doit caractériser ana-

1 Schutzenberger. — Compte rendu de ta clinique médicale. Strasbourg, 1856.

tomiquement les formes décidément chroniques de la pneu-monie, il n'en est plus de même; ici, en effet, ainsi que nous chercherons à l'établir d'après les observations des auteurs, et d'après celles qui nous sont propres, la trame lamineuse du poumon tend à s'accroître et à prédominer sur les autres élé-ments, qu'elle peut même étouffer complètement, au moins dans les degrés les plus avancés de l'affection. On peut alors désigner avec M. le professeur Cruveilhier, sous le nom de Métamorphose fibreuse 1, le mode d'altération que subit, en pareil cas, le poumon. En même temps la vascularité de l'or-gane diminue d'une manière notable, les divers épilhéliums s'altèrent ou même disparaissent, enfin on trouve infiltrée entre les divers éléments qui persistent, une matière amorphe finement granuleuse, douée de caractères micro-chimiques particuliers.

Traçons d'abord les caractères extérieurs de l'induration grise.

Bien différente de l'hcpatisation aiguë et des formes de l'hô-patisation chronique dont nous venons d'indiquer plus haut les caractères, elle offre une consistance très ferme, à tel point qu'il y a parfois grande difficulté, et parfois même impossibilité complète d'écraser entre les doigts le parenchyme induré. Dans les exemples les plus prononcés, le tissu malade crie sous le scalpel comme le ferait un fibro-cartilage ; dans tous les cas il est dense, tout à fait imperméable, privé de crépita-tion, et plonge rapidement sous l'eau. Du reste la coloration, des parties du poumon ainsi affectées est variable : le plus souvent elle est d'un gris cendré, ardoisé; celte coloration, du reste, peut être uniforme, mais le plus souvent, elle se trouve marbrée de teintes rouges, bleu foncé, quelquefois même verdâtres, noirâtres, ou noires. La coupe présente par-fois l'aspect granulé; alors les granulations sont en général

1 Anatomie pathol. générai, t. III, n" 003.

plus fines et moins apparentes que dans l'hépatisation aiguë, et il faut y regarder de très près ou même s'aider de la loupe pour en constater l'existence ; d'autres fois, au contraire, elle est unie et parfaitement lisse. Nous croyons, avec M. le profes-seur Grisolle1, que les granulations sont d'autant moins mar-quées, d'autant plus effacées que la maladie est plus ancienne. En effet, nous verrons plus loin que la texture du poumon est bien autrement modifiée dans les cas où il y a induration plane, que dans ceux où l'induration granulée domine. Un fait à noter, c'est que l'aspect granuleux se révèle quelquefois à la cassure, alors qu'il n'est plus appréciable sur une surface de section. On peut d'ailleurs quelquefois, et M. Grisolle a rap-porté un exemple de ce genre, suivre chez un même sujet, sur un même poumon toutes les transitions, toutes les gradations qui peuvent exister entre l'hépatisation rouge aiguë et les indu-rations diverses propres à l'état chronique. — L'induration grise est en général peu vasculaire; elle est sèche et ne laisse suinter, même alors qu'on la comprime fortement, qu'une très petite quantité de liquide séreux. — Un caractère qui paraît avoir frappé tous les auteurs, et qu'ils ont pour la plupart noté avec soin, c'est la présence sur la surface de section de lignes blanchâtres, régulièrement entre-croisées, et circonscrivant des espaces polygonaux plus ou moins réguliers. Ces tractus fibro-celluleux sont en définitive formés par l'hypertrophie du tissu lamineux qui sépare les grands et les petits lobules. Ils paraissent être surtout marqués dans les cas d'induration plane; ils étaient très évidents et formaient un des traits do-minants de l'altération chez les deux sujets dont nous avons recueilli l'histoire, et qui sont des exemples de pneumonie chronique simple de très longue durée.

Etude histologique de l'induration grise. — M. le docteur

1 Traite de la pneumonie, p. 81.

Robin a eu plusieurs fuis l'occasion d'étudier les modifications histologiques que subit le parenchyme pulmonaire dans les cas d'induration grise; il a bien voulu nous faire part des ré-sultats de ses recherches. On doit au docteur Ileschl1 quelques travaux sur le même sujet, intéressants surtout pour ce qui concerne les degrés les plus avancés de l'induration. Nous avons nous-même examiné avec soin l'état du poumon dans un cas où la métamorphose fibreuse était très prononcée (obs. I). C'est en nous appuyant sur ces documents que nous allons tracería description suivante.

Dans les premiers degrés de l'induration grise, ardoisée, une matière amorphe, finement granuleuse, molle et friable, remplit les canalicules (vésicules pulmonaires), que circonscrit la trame des fibres élastiques. La même matière se retrouve entre les éléments de cette trame qu'elle dissocie. La matière amorphe pâlit et devient transparente sous l'influence de l'acide acétique qui y laisse subsister cependant un petit nombre de granules graisseux. Aux faisceaux des fibres élastiques et sui-vant leur direction générale s'interposent des éléments fibro-plasliques, enchevêtrés par leurs extrémités et prenant ainsi une disposition fasciculée très élégante. Le noyau n'est sou-vent visible que sur un petit nombre de ces corps fusiformes. La couche èpithéliale, qui dans l'état normal sépare le contenu des canalicules (vésicules) du tissu de la trame élastique, a par-fois complètement disparu. Les épithéliums cylindrique et pavirnenteux sont plus granuleux qu'à l'état normal, surtout les derniers; on les rencontre soit isolés, soit juxtaposés en plaques plus ou moins larges, dans lesquelles on voit des gra-nulations masquer le noyau de chaque cellule. Il y a des leu-cocytes, la plupart granuleux: les uns petits, régulièrement sphériques (globules de pus); les autres atteignant jusqu'à

1 Voir l'analyse que nous avons donnée de ce travail dans la Gazette heb-domadaire, 1857, p. 519. (Voir plus loin).

trois centièmes de millimètre, et contenant en abondance des granulations graisseuses (corps granuleux de l'inflammation (Ilobin).—M. le docteur Bouchut est arrivé, de son côté, à des résultats tout à fait concordants avec ceux que nous venons de présenter, dans ses études sur les caractères anatomiques de la pneumonie chronique des nouveau-nés. Celte altération, d'ailleurs fort rare suivant lui, se présente toujours à l'état lo-baire et consiste en une induration rouge-grisâtre du poumon. Le tissu malade est presque entièrement composé de matière amorphe, homogène, interposée aux éléments du poumon, parsemée de corps granuleux de l'inflammation, et de nom-breux éléments fibro-plastiques. Il renferme souvent en outre des granulations miliaires, demi-transparentes, fort petites, qu'on pourrait prendre pour des granulations tuberculeuses, et qui sont formées d'éléments fibro-plastiques ou de cellules d'épithélium pavimenteux entassées les unes sur les autres1. — Cette matière amorphe, finement granuleuse, de la pneu-monie chronique, n'est pas sans présenter quelques analogies avec celle qui imprègne les tissus dans les cas d'infiltration grise tuberculeuse. Yoici, d'après M. Robin2, les caractères qui permettraient de différencier les deux ordres d'altérations : La matière amorphe de l'infiltration grise tuberculeuse est beaucoup plus ferme, moins granuleuse, plus transparente que celle de la pneumonie chronique; elle renferme soit des cyloblastions, soit des noyaux fibro-plastiques ovoïdes, plus ou moins nombreux, lesquels, du reste, ne sont souvent visibles qu'après l'addition d'acide acétique. On y trouve aussi des vais-seaux capillaires peu nombreux, il est vrai, mais constants et apercevables, au moins après l'addition de l'acide acétique. Aucune difficulté ne subsisterait plus dans les cas où la ma-tière aurait pris, en certains points, une coloration jaunâtre

1 Traité des maladies des enfants nouveau-nés. Paris, 1813, p. 316.

2 Note communiquée par l'auteur.

et renfermerait les noyaux particuliers dits corpuscules du tu-bercule.

A un degré plus avancé de la lésion, les espaces inlervési-culaires ont doublé, ou même triplé d'épaisseur; les cellules fusiformes ont disparu, et elles ont été remplacées par du tissu conjonctif plus ou moins dense, à fibrilles plus ou moins déliées. A un moment donné, les vésicules se sont affaissées par suite de la résorption de leur contenu ; les vaisseaux capil-laires ont en grande partie disparu, laissant après eux des amas pigmentaires. Alors le parenchyme pulmonaire paraît presque complètement composé de tissu conjonctif (Heschl). C'est là le dernier terme delà métamorphose fibreuse.

Les tissus ainsi modifiés peuvent subir cependant encore une altération nouvelle. Ils sont frappés de dégénération graisseuse; ils se ramollissent ou suppurent. Par suite, il se forme un genre particulier d'abcès au centre des parties indu-rées ; mais c'est là un point sur lequel nous aurons à revenir plus longuement.

Lésions concomitantes. — Lorsque l'induration grise a envahi la totalité ou la presque totalité d'un lobe, celui-ci adhère en général fortement aux parois thoraciques, la plèvre qui l'enveloppe de toutes parts et lui forme une espèce de coque fibreuse, est considérablement épaissie ; il n'en est plus ainsi lorsque l'induration est moins étendue et qu'elle siège dans les parties centrales : dans deux cas de ce genre observés par MM. Hardy et Béhier, la plèvre était parfaitement saine.

Dans l'excellent article sur la pneumonie chronique qui fait partie de leur Traité de pathologie interne, MM. Hardy et Béhier indiquent l'augmentation de volume du poumon parmi les caractères anatomiques de la maladie 1 ; ce caractère nous

1 Traité de pathologie interne, t. Il, p. 042. Charcot. Œuvres complètes, x. v, Poumons. 9

semble devoir appartenir seulement aux premiers degrés de la maladie, car dans la plupart des observations accompagnées de relations nécroscopiques un peu détaillées que nous avons compulsées, et où le début de l'affection remontait à une époque éloignée, on a noté un certain degré d'atrophie des parties indurées du poumon. Le poumon droit, atteint dans sa totalité, était environ d'un tiers moins volumineux que le gau-che dans notre observation III ; dans l'autre cas, le lube infé-rieur droit était seul atteint, et son volume avait diminué d'environ moitié (observ. I).

Dans ces deux cas, les tuyaux bronchiques au niveau des parties indurées n'avaient subi aucune dilatation; ils présen-taient seulement à leur surface interne un peu de rougeur due à l'injection de la membrane muqueuse. Les mêmes faits sont signalés dans deux observations que M. le docteur Monneret a bien voulu nous communiquer. MM. Grisolle, Raymond, Hardy et Béhier ne signalent pas la dilatation des bronches dans leurs descriptions des altérations de la pneumonie chronique ; M. Chomel en parle comme d'un fait tout à fait accessoire. M. Durand-Fardel l, qui a observé surtout des vieillards, admet au contraire qu'il existe des rapports fréquents entre la dilatation bronchique et l'induration pulmonaire de la pneu-monie chronique ; mais nous craignons que cet auteur n'ait pas toujours suffisamment distingué de Xinduration grise les diverses variétés d'affaissement pulmonaire ou de carnification qui, chez les gens âgés, se rencontrent si fréquemment de concert, soit avec la bronchite, soit aussi avec la dilatation des bronches. C'est du reste un point sur lequel nous devrons revenir: mais quant à présent nous croyons pouvoir indiquer parmi les caractères de l'induration grise, la non-existence de dilatations bronchiques au niveau des parties lésées, même

1 Maladies des vieillards, p. G02.

dans les cas où la maladie, remontant à une époque éloignée, ja métamorphose fibreuse est la plus prononcée.

On aie plus souvent noté, dans les relations nécroscopiques, d'une manière expresse, l'absence de tubercules, et dans les parties indurées et dans les parties restées saines du poumon.

Siège, étendue. — Dans la majorité des cas qui ont été rapportés, l'induration pulmonaire s'étendait sans interrup-tion de continuité, à une partie plus ou moins considérable d'un lobe, ou même d'un poumon. Dans notre première observation, un poumon tout entier était induré; dans la deuxième, l'altération avait envahi la totalité d'un des lobes inférieurs.Le plus souvent, suivant Chomel (cinq fois sur huit), elle occupait les régions inférieures; une fois seulement le lobe supérieur avait été atteint seul. M. Durand-Fardel a été conduit, au contraire, par l'analyse de ses propres observa-tions, à admettre que le lobe supérieur est plus souvent at-teint que ne Test l'inférieur, mais il a certainement réuni dans une même catégorie des formes très diverses d'affections pul-monaires. Quoi qu'il en soit, les questions relatives au siège le plus habituel des altérations pulmonaires dans la pneumo-nie chronique simple ne nous paraissent pas pouvoir être résolues quant à présent d'une manière définitive, en raison du petit nombre d'observations suffisantes que l'on possède sur ce sujet.

D. Foyers gangreneux. — Abcès chronique. — Vomique ichoreuse. Avenbrugger etCorvisart.

a. Une observation consignée dans la clinique de M. An-dral et depuis maintes fois reproduite, semble démontrer que, dans certains cas, la gangrène peut éclater au sein d'un

' Clinique médicale, t. III, obs. 64, p. 446.

lobe pulmonaire induré par le fait de l'inflammation chroni-que. D'après un travail du docteur Traube (de Berlin), dont nous ne connaissons malheureusement pas tous les détails1, ce genre d'accident serait même dans l'espèce assez fréquent, puisque sur quatorze cas de gangrène du poumon observés par cet auteur, il y en a neuf qui paraissent avoir succédé à une pneumonie chronique avec induration du parenchyme pulmonaire. Mais, dans les cas de ce genre, l'insuffisance des détails concernant l'évolution et le mode de succession des symptômes, rend le plus souvent douteux si c'est bien la pneumonie qui a été l'affection primitive, ou si c'est, au con-traire, la gangrène qui a précédé l'inflammation. L'observa-tion suivante recueillie par nous, il y a plusieurs années, à l'hôpital de La Charité, paraît établir que la gangrène pulmo-naire peut se développer d'une manière transitoire, acciden-telle, chez un sujet qui aurait présenté auparavant des symp-tômes en rapport avec l'existence d'une pneumonie chronique ulcéreuse.

Observation I. — Pneumonie chronique ulcéreuse. — Induration ardoisée occupant toute l'étendue du lobe inférieur du poumon droit. —? Caverne ulcéreuse dans les parties indurées. — Pas de tubercules soit dans les poumons, soit ailleurs. — Analyse micros-copique des tissus altérés.

Le nommé Cordier (Jean-Pierre), âgé de 46 ans, terrassier, en-tre à l'hôpital de la Charité, salle Saint-Charles, n° 8, le 16 juil-let 1854. Cet homme, assez vigoureusement constitué, avait tou-jours joui d'une bonne santé, lorsque, if y a quatre ans, il fut pris d'une affection de poitrine qui nécessita son séjour à l'hôpital pendant un mois. La maladie en question a été désignée, à ce qu'il paraît, sous le nom de bronchite. Le malade est sorti incomplè-tement guéri, et, depuis cette époque, il a maigri considérable-

1 Canstatt. Jares., p. 261, III Bd., 1834.

ment et est devenu cacochyme. Il ne pouvait reprendre son tra-vail que de temps en temps, et chaque hiver il se trouvait arrêté par des rhumes qui l'obligeaient à rester chez lui, il a eu plu-sieurs fois des crachements de sang pur.

Il y a deux ou trois mois, le malade fut forcé d'entrer à l'hôpi-tal pour une fluxion de poitrine, pendant laquelle il y aurait eu des vomissements de sang abondants. A cette époque, les vésica--toires ont été à plusieurs reprises appliqués sur le côté droit de la poitrine.

Lors de l'entrée à l'hôpital, 16 juillet, le malade dit avoir été repris depuis huit jours ; mais malheureusement il ne répond qu'avec humeur, et ne peut nous donner sur cette dernière partie des antécédents des détails bien précis. Voici l'état dans lequel nous le trouvons : maigreur très prononcée, pommettes rouges et saillantes, œil brillant, peau chaude, pouls assez fréquent. Il se plaint de douleurs siégeant dans le côté droit de la poitrine dont il ne peut préciser te siège, peu de toux, expectoration assez abondante de crachats muco-purulents verdâtres, épais, arrondis, n'ayant pas de fétidité. Moiteur générale, il n'y a pas eu de fris-sons. Anorexie complète depuis huit jours. Langue couverte d'un enduit blanc très épais. Etat local : le cœur est à l'état normal, résonnance naturelle et même peut-être un peu exagérée, à la percussion, au niveau des deux espaces sous-claviculaires. A l'auscultation respiration sourde, difficile à entendre, mais absence de râles humides ou secs, de craquements, etc. En ar-rière, les deux sommets présentent les mêmes caractères. Le lobe inférieur du poumon gauche est très sonore et la respiration s'y fait normalement. Adroite, on constate une matité très pronon-cée qui commence au niveau de la pointe de l'omoplate et qui se confond complètement par en bas avec la matité hépatique. Vers la partie la plus inférieure de la poitrine du même côté, on obtient par la percussion, outre la résistance au doigt, un bruit comme tympanique mais profond et sourd. L'auscultation, dans toute l'étendue des parties où la percussion a démontré l'existence de la matité, fait reconnaître l'existence d'un souffle bronchique éloi-gné, mélangé de râle sous-crépitant à grosses bulles. Dans l'en-

droit où, par la percussion, on a obtenu le son tympanique, le souffle prend le caractère du souffle caverneux, et les râles celui du gargouillement à grosses bulles éclatant avec un bruit légère-ment métallique ; bronchophonie et nasonnement très prononcés dans toute l'étendue du lobe inférieur, surtout au niveau de la pointe de l'omoplate.

Le traitement a été : vésicatoire sur le côté droit de la poitrine. Tartre slibié, 0,10 centigrammes chaque jour en potion. Sous l'influence de ce traitement et de la diète, la fièvre n'a pas tardé à tomber et, au bout de huit jours, cet homme était à peu près dans l'état où il se trouvait lors de sa dernière rechute. Il mange, mais a peu d'appétit, il a un peu de fièvre le soir, un peu de toux, d'oppression quand il marche, d'ailleurs l'expectoration est peu abondante, muco-purulente, non fétide.

Le 30 juillet et les huit jours qui suivent, les crachats sont devenus extrêmement abondants et la toux plus fréquente, ils sont formés par de la sérosité dans laquelle nagent des muco-ilés d'un jaune verdâtre sale, ayant l'aspect des crachats des phtisi-ques avec cavernes, mais ne prenant pas cependant la forme num-mutaire. Ils sont extrêmement fétides et le malade répand au loin une odeur manifestement gangreneuse (alors régnaient les grandes chaleurs). Pendant les huit jours que dure cet état, le malade s'affaiblit rapidement, maigrit de plus en plus, et est pris d'une diarrhée séreuse abondante que rien ne peut arrêter. Traitement: usage de la créosote, toniques (vin de quinquina), opiacés, etc.

Vers le 8 août, l'expectoration diminue et cesse de présenter l'odeur fétide ; la diarrhée cesse en même temps; le malade reprend courage et dit qu'il se sent renaître ; l'appétit qui avait cessé re-vient complètement. Cependant les jambes commencent à enfler ; le 19 les membres inférieurs sont le siège d'une anasarque assez prononcée ; le 21 les bourses commencent à se gonfler; cependant les urines ne sont point albumineuses. L'état local de la poitrine, constaté à plusieurs reprises par l'auscultation et la percussion, n'apprend rien de nouveau. Du 21 août au 25 septembre, rien de nouveau, le malade s'affaiblit de plus en plus. Un peu de toux, anhélation quand il marche, fièvre hectique le soir. Le 25, les

crachats sont redevenus très abondants, ils paraissent muco-pu-rulents, verts, arrondis et présentent à leur centre une coloration d'un rouge vineux et évidemment produite par la présence de glo-bules sanguins. Ils ne sont point du tout fétides; en môme temps, diarrhée incessante, comme cholériforme ; la face maigrit tout à coup d'une manière très remarquable et devient un peu violacée. Les extrémités se refroidissent, la peau des mains est violacée et les plis qu'on y imprime persistent longtemps. Le pouls est petit, misérable, presque insensible. Le malade succombe le 2 oclobre, sans que rien ait pu modifier son état.

Autopsie faite le -4 octobre. — Thorax. A l'ouverture de la poi-trine, les parties antérieures des deux poumons paraissent forte-ment distendues par l'air et d'une coloration pâle. Aucune adhé-rence ne retient les poumons aux parois thoraciques, si ce n'est à droite et en bas, au niveau du lobe inférieur.

En ce point le lobe inférieur droit adhère très intimement dans toute son étendue aux parties voisines; à la face interne des côtes, au côté droit du corps des vertèbres correspondantes, au dia-phragme. — Lorsque ces adhérences sont détruites, ce qui ne peut se faire qu'avec difficulté, on s'assure que les os sont tout à fait sains.

Ce lobe est environ moitié moins volumineux qu'à l'état normal, il est pesant et paraît à l'extérieur d'un brun rouge foncé. Une coupe est pratiquée dans son épaisseur, du bord postérieur vers la racine des bronches, de manière à le diviser en deux parties égales. On voit alors que le tissu pulmonaire, qui résiste au scalpel à peu près comme le ferait un fibro-cartilage, présente une surface uniformément lisse, brillante, dune couleur ardoisée foncée, parse-mée de tracius blanchâtres d'aspect fibreux, lesquels représentent évidemment le tissu cellulaire inlerlobulaire épaissi et circonscri-vant des espaces polygonaux d'étendue variable. Les tuyaux bronchiques de deuxième et de troisième ordre se reconnaissent aisément, ainsi que les vaisseaux un peu volumineux, au milieu de ce tissu condensé, dans l'épaisseur duquel ils paraissent comme sculptés. Les premiers ne sont nullement dilatés. Leur membrane muqueuse présente une coloration d'un rouge très vif qui con-

traste avec la coloration ardoisée foncée du tissu ambiant. — Lorsqu'on examine attentivement, soit à l'œil nu, soit mieux encore à l'aide d'une loupe, le tissu circonscrit par les tractus fibreux dont nous avons parlé, on le voit subdivisé en un nombre considérable de petits polygones de deuxième ordre tous à peu près de même diamètre et paraissant présenter à leur centre une petite dépression. L'ensemble de ces dépressions donne au tissu pulmonaire, examiné de près, un aspect spongieux.

Il ne s'écoule de la surface de section, quand on fa comprime, qu'une très petite quantité d'un liquide légèrement trouble. Nous dirons plus loin quels sont les caractères microscopiques de ce suc.

Au voisinage de sa surface et au niveau de son bord postérieur le lobe pulmonaire est creusé d'une excavation allongée, dont le grand axe, dirigé de haut en bas, présente environ 1 décimètre d'étendue; tandis que dans les sens transverse et antéro-posté-rieur le diamètre de l'excavation ne dépasse pas 2 ou au plus 3 centimètres. Les parois de cette excavation sont irrégulières, anfractueuses, on dirait qu'elles ont été taillées à l'emporte-pièce dans le tissu induré du poumon. Leur surface iutérieure est lisse et formée par le tissu pulmonaire lui-même: il n'y a point de re-couvrement membraneux. Cette cavité renferme un liquide d'une coloration verdàtre, ayant l'aspect de pus très séreux et exhalant une odeur fade, mais non gangreneuse. La cavité est divisée çà et là par des trabécules formées par les parties du parenchyme qui ont échappé à la destruction et par des tuyaux bronchiques. — Des bronches d'assez fort calibre s'ouvrent directement clans la caverne. En avant de cette grande excavation et au voisinage du diaphragme, le tissu pulmonaire présente en outre un espace ra-molli, d'un diamètre d'une pièce de 1 franc, formant une sorte d'escarre arrondie, d'une coloration jaunâtre et d'une odeur as-sez forte mais non gangreneuse.

Le lobe moyen, le lobe supérieur du poumon droit, les deux lobes du poumon gauche sont très volumineux, très pâles, à bords très obtus, en un mot emphysémateux. On ne trouve en aucun point des poumons rien quiressemble à des tubercules.

Le cœur, de volume normal, est parfaitement sain.

Les ganglions bronchiques sont peu volumineux et ne contien-nent pas de tubercules.

Abdomen. Le foie est parfaitement sain, non graisseux; reins sains; rate petite.

Intestin. Coloration violacée de la membrane muqueuse, de la fin de l'iléon et de tout le côlon. La muqueuse est tapissée par une matière blanche, visqueuse et tenace; d'ailleurs pas de pso-rentérie, pas de gonflement des plaques de Peyer.

Analyse microscopique des parties altérées du poumon . ?— A. Le suc exprimé du tissu du parenchyme contient: 1° Une énorme quantité de granulations graisseuses, surtout au voisinage des excavations et de l'escarre ; 23 une assez grande quantité de cel-lules épithéliales pavimenteuses diversement altérées. La plupart contiennent des gouttelettes de graisse ; 3° quelques globules sanguins; 4° des éléments fibro-plastiques très allongés, présen-tant pour la plupart des noyaux distincts, ces éléments sont as-sez rares ; 5° on trouve çà et là des cellules épithéliales pavimen-teuses adhérant les unes aux autres et constituant par leur réu-nion des espèces de culs-de-sac. — B. Le tissu pulmonaire, examiné sur une tranche mince, est composé : 1° d'aréoles fi-breuses ; les éléments fibro-celluleux ont des bords nets, très tranchés; ils sont très abondants ; 2° dans les aréoles et entre les fibres, matière amorphe finement granuleuse et cellules épi-théliales. — Le tout est infiltré d'abondantes granulations grais-seuses.

Pendant les quinze jours qui ont précédé l'apparition des crachats à odeur gangreneuse, le malade dont nous venons de rapporter l'histoire présentait des symptômes qui avaient con-duit au diagnostic suivant: induration occupant dans toute son étendue le lobe inférieur du poumon droit, excavation siégeant au sein des tissus indurés. La nature de cette indura-tion était d'ailleurs restée indéterminée. Les signes de gan-grène pulmonaire persistèrent pendant huit jours ; après quoi

ils cessèrent complètement pour ne plus jamais reparaître. A l'autopsie, on trouve le lobe inférieur du poumon droit in-duré dans toute son étendue, il présente tous les caractères de Y Induration grise, plane. Une excavation siège au niveau de son bord postérieur ; elle est dépourvue, à sa face interne, de toute espèce de revêtement membraneux, et semble sculptée dans l'épaisseur des tissus indurés. Le liquide contenu dans cette excavation avait l'aspect du pus très séreux. Il exhalait une odeur fade, mais nullement gangreneuse. Une petite escarre molle, jaunâtre, prête à se détacher, existait au voisi-nage de cette excavation. Elle ne répandait pas non plus l'o-deur de gangrène proprement dite. Les bronches n'étaient nulle part dilatées, et il n'y avait pas traces de tubercules, soit dans les poumons, soit dans les autres organes.

Il nous paraît infiniment probable, d'après l'ensemble des faits, que, chez ce malade, la gangrène a frappé accidentelle-ment un point quelconque des parois de l'excavation, et que telle a été l'origine des accidents graves qui se sont manifes-tés à un moment donné. La présence d'une petite escarre molle au voisinage de la grande excavation, rend cette opi-nion au moins fort probable. En tout cas, il est certain, et c'est là un point que nous tenons à faire ressortir, que l'exca-vation préexistait à la gangrène. Ceci nous conduit à parler des excavations ou abcès qui, dans la pneumonie chronique primitive, peuvent se former au sein même des parties in-durées.

6. Avenbrugger et Gorvisart1 nous paraissent avoir décrit sous le nom de squirrhe du poumon, ce qu'on appelle au-jourd'hui induration grise : or ces auteurs admettaient que la substance du squirrhe pulmonaire peut se fondre en une ma-tière ichoreuse de manière à produire une sorte particulière

* Loc. cit., p. 294, elpassim.

de vomique, et ils cherchaient à distinguer de toutes les au-tres espèces de phtisie celle qui résulte de ce travail pathologiqne.—Le D1 Stokes 1 dit avoir rencontré plusieurs fois un abcès d'un volume considérable siégeant au milieu du lobe inférieur d'un poumon atteint d'une induration chro-nique. — Dans son intéressant travail sur la pneumonie et ses suites, le docteur Thomas Àddison 4 décrit avec soin l'indu-ration grise de la pneumonie chronique, et établit que les par-ties qui présentent ce mode d'altération peuvent subir une espèce particulière de ramollissement. Ce ramollissement, d'après l'auteur, s'opère lentement, quelquefois sur plusieurs points en même temps ; les excavations qui en sont la consé-quence siègent habituellement dans les lobes inférieurs ou moyens ; mais ils peuvent cependant aussi occuper les lobes supérieurs. Dans plusieurs cas il a été constaté que les lobes indurés, de même que les autres parties de l'organe respira-toire, étaient tout à fait exempts de tubercules. MAI. Hardy et Béhier3 ont rencontré deux fois de petits abcès siégeant au milieu d'un lobe pulmonaire frappé d'hépatisation chronique : « Dans le premier cas, deux excavations séparées l'une de l'autre occupaient la partie postérieure du lobe inférieur du poumon droit ; la plus grande, qui eut contenu une petite pomme d'api, était remplie d un liquide puriforme, rosé, pa-raissant être du pus mêlé à du détritus pulmonaire sans odeur gangreneuse. Les parois étaient anfractueuses, irrégu-lières, dénuées de fausses membranes; elles paraissaient for-mées par le tissu pulmonaire lui-même, on y voyait béantes des bronches du volume d'une plume de corbeau. Dans l'au-tre observation il n'existait qu'une excavation située de même vers le bord postérieur et près du sommet du lobe supérieur

1 Stokes. •— Diseuses of the cliest., p. 307.

3 Observât on pneurnoma md ils conséquences (Guifs Hospital Reports, 2e sé-rie, 1843, p. 365, rid. pl. VI et pl. III). 3 Loc. cet., p. 643.

du poumon droit; elle pouvait contenir un petit œuf de poule, et renfermait une petite quantité d'un pus grisâtre, bien lié, sans débris de tubercules... La coupe des parois faisait voir qu'elles étaient formées par le parenchyme pulmonaire lui-même durci et imperméable !, »

Nous devons à l'obligeance de M. le docteur Monneret de pouvoir insérer l'observation suivante, qu'il a recueillie en 1847 à l'hôpital Bon-Secours, et qui est un bel exemple de pneumonie chronique simple ulcéreuse, terminée par la formation d'excavations multiples dans les parties indurées.

Obs. II. Pneumonie chronique. — Induration grise des poumons. — Excavations multiples. — Pas de tubercules.

Colin, âgée de vingt et un an, bijoutière, non mariée, entrée à l'hôpital Bon-Secours, salle Sainte-Anne, le 20 février 1847.

Sa santé est habituellement bonne. Elle raconte que, dans les premiers jours de janvier, elle a commencé à tousser et à éprou-ver une notable oppression lorsqu'elle faisait quelque mouvement et se livrait à un travail fatigant. L'écoulement des règles qui étaient venues à leur temps ordinaire, est supprimé par l'exposi-tion des mains à un froid très vif. C'est à cette cause qu'elle attri-bue sa maladie actuelle et surtout l'oppression et la toux. Elle ne se rappelle pas avoir ressenti de frissons ni de point de côté ; seulement elle assure que, trois à quatre jours après s'être exposée au froid, elle fut prise de fièvre et rendit une petite quantité de sang mêlé aux crachats. Elle fit peu attention à cet accident et put continuer son travail, quoique imparfaitement, durant huit à dix jours. Elle s'alita ensuite, et son mal fut traité par des bois-sons adoucissantes et l'application de sangsues au siège.

Elle dit que c'est pour la première fois qu'elle s'enrhume ou du moins que la maladie dure aussi longtemps. Jamais elle n'a eu d'hémoptysie ni de maladie qu'on puisse rapporter aux organes

1 Loc. cit.

pectoraux. Quand elle est entrée à l'hôpital, elle n'offrait aucun signe d'amaigrissement, quoiqu'elle fût souffrante depuis un mois et demi. Les règles avaient reparu à leur époque habituelle-

État actuel. — 24 février. Du côté droit, depuis la clavicule jusqu'à la quatrième côte, on perçoit une vibration 'pectorale in-tense; le son est moins clair ; souffle très marqué, superficiel et venant dans l'oreille. Bronchophonie très forte. En arrière, point de voussure appréciable, matité dans toute la hauteur du pou-mon, la fosse sus-épineuse exceptée ; souffle et bronchophonie imitant le souffle caverneux et la pectoriloquie au point de faire croire à l'existence d'excavations superficielles ou vastes. La res-piration n'est nullement gênée quand la malade ne fait pas de mouvements. Tous les décubitus sont possibles. Toux rare, ex-pectoration nulle.

Pointillé et rougeur de la pointe de la langue; soif médio-cre ; constipation.

(Tisane pectorale, eau de Sedlitz à Ao grammes. Saignée, ven-touses scarifiées sur la partie droite du thorax).

22 et 23. Le sang n'a pu être examiné. Le pouls est à 120 ; la respiration à 28. Mêmes signes physiques, si ce n'est que pendant la toux on entend un râle crépitant qui imite le bruit de taffetas lointain. Quatre ou cinq selles.

L'affection est considérée d'abord comme une pneumonie aiguë et traitée comme telle. (Tartre stibié, 25 centigrammes ; large vésicatoire sur la partie postérieure droite de la poitrine).

24. Le soir il existe un redoublement fébrile très manifeste. A la visite du matin, le pouls est à 132, la peau très chaude, aride, l'expression faciale naturelle, la langue sèche, pointillée. Plu-sieurs vomissements provoqués par l'émétique, huit à dix selles. (Pectorale sucrée ; tartre stibié, 30 centigrammes; opium, 3 cen-tigrammes).

25. Mêmes signes physiques ; le souffle est plus fort qu'à l'épo-que de l'admission de la malade à l'hôpital. Quand on la fait tousser, on perçoit un râle muqueux très abondant dans toute la partie antérieure du poumon droit ; en arrière, du râle sous-cré-pitant (35 centigrammes de tartre stibiéL

26. Redoublement fébrile très intense dans la soirée ; senti-ment de faiblesse et de fatigue extrême; vomissements répétés ; disparition du râle crépitant en arrière ; langue humide, ventre souple, indolent. (Même traitement).

27. Pouls à 140 ; la respiration est gênée, 32 inspirations péni-bles.

L'état de la malade est exactement le même les jours suivants. Le 2 mars, le côté droit de la face est très rouge. Une dyspnée intense, accusée par la malade, est survenue dans la soirée, res-piration, 40 ; pouls, 124. Râle crépitant dans les fortes inspira-tions ou pendant la toux, perçu dans toute la partie postérieure droite. (Traitement : tisane pectorale, on suspend l'usage de la potion slibiée).

Les symptômes ne changent pas jusqu'au 6 mars. A cette épo-que, les règles reparaissent à leur temps ordinaire. Cependant la fièvre continue toujours; le pouls est à 140; la respiration à 40 ; même râle sous-crépitant. Toux plus fréquente, expectora-tion de crachats rares, transparents et visqueux comme du verre fondu.

(Traitement : potion avec extrait de quinquina, 6 décigrammes, pilules de cynoglosse, bouillon).

13. Chaleur vive de la peau ; dyspnée ; intelligence présente.

14. Pouls, 168 ; respiration, 60 ; délire pendant la nuit ; cyanose du visage ; dyspnée extrêmes pupilles dilatées ; expression de stupeur ; expectoration de crachats de couleur jus de pruneau.

Autopsie le 15. Temps froid.

Poumon droit. — 600 grammes de liquide séro-purulent dû à un épanchement.

Le poumon est libre de toute adhérence, malgré l'existence d'une pleurésie toute récente, marquée par l'existence de quel-ques fausses membranes molles et faciles à déchirer. En divisant le lobe supérieur du poumon droit dans toute sa hauteur, on trouve, disséminées çà et là, huit cavités irrégulières de la gros-seur d'une noisette, contenant de la matière purulente blanchâ-tre ; aucun détritus de tubercule ramolli. Plusieurs sont rappro-chées et communiquent entre elles. Quelques-unes sont tapissées

défausses membranes encore molles et mal organisées. La paroi interne des autres est inégale, anfractueuse. Le tissu pulmonaire y est à nu, induré et fortement imprégné de matière mélanique. On voit les bronches aboutir à ces cavités qui me paraissent évi-demment formées par la suppuration et le ramollissement inflam-matoire du tissu pulmonaire. Dans la paroi de ces abcès on ne trouve aucune matière qui ressemble à du tubercule crû ou en voie de ramollissement.

Entre les cavités pathologiques dont il vient d'être question, le tissu est sillonné par un grand nombre d intersections blanchâtres, dues aux cloisons celluleuses et aux vaisseaux épaissis et oblitérés ; ailleurs il existe dans les lobules une coloration grisâtre, ou plu-tôt une sorte de décoloration, de transparence des tissus au mi-lieu desquels on découvre de nombreuses taches de mélanose naturelle (pneumonie chronique grise). La disposition cloisonnée des lobules dans les points que j'ai indiqués est encore plus mani-feste dans les lobules indurés en gris. On n'y aperçoit qu'avec peine les petites bronches.

Enfin, la plèvre présente en trois points des taches blanchâtres qui correspondent à du tissu pulmonaire infiltré de pus concret.

Lobe moyen. Il est presque entièrement transformé en un tissu grisâtre, transparent, dense, résistant, presque fibreux, duquel ne s'écoule, par une forte pression, que du liquide séreux. A son bord postérieur, emphysème extra-vésiculaire.

Lobe inférieur. A la partie supérieure se trouve une cavité de la grosseur dune noix, renfermant du pus liquide. La paroi est for-mée par du tissu pulmonaire dur, friable, jaunâtre et fortement infiltré de pus concret. Pas de fausses membranes dans la cavité pathologique. Le reste du lobe inférieur est dur, friable, non cré-pitant, non granulé, rougeâtre et ne laisse écouler qu'à grand'-peine un liquide séro-sanguinolent.

La membrane muqueuse des bronches est d'un rouge vif, car-miné, qui s'étend jusque dans les plus petites bronches. Celles-ci sont pleines d'un liquide purulent, blanchâtre et très épais.

Les ganglions bronchiques sont hypertrophiés, mais ne contien-nent pas la moindre trace de matière tuberculeuse. Je l'ai inutile-

ment cherchée soit dans le poumon droit, soit dans le poumon gauche qui était sain ; je n'ai rien rencontré qui y ressemblât, et Vexamen microscopique a achevé de confirmer mon opinion.

Les détails anatomiques qui accompagnent les observations de MM. Monneret, Hardy et Béhier et la nôtre propre, sont fort explicites. Les excavations trouvées au centre du tissu pulmonaire induré n'étaient point d'origine tuberculeuse ; elles ne présentaient aucun des caractères des ampoules qui résultent de la dilatation d'un rameau bronchique. L'histoire de la maladie, dans les observations I et II, tend à prouver en outre, que les cavités dont il s'agit "s'étaient formées à une époque plus ou moins éloignée du début des accidents thora-ciques, et alors que l'induration pulmonaire était déjà an-cienne. Enfin, dans l'observation I, on pouvait suivre, pour ainsi dire dans toutes leurs phases, les métamorphoses qu'é-prouvent probablement dans tous les cas de ce genre les tis-sus indurés, avant que la période de ramollissement ne soit décidément constituée. En effet, les différents éléments qui constituent le parenchyme pulmonaire avaient subi à divers degrés la dégénération graisseuse. Cette dégénération était surtout avancée au voisinage de l'excavation qui siégeait au niveau du bord postérieur du lobe inférieur droit ; elle était très manifeste encore en un point situé au voisinage de cette grande excavation, et où l'on rencontrait une sorte d'escarre, molle, jaunâtre, arrondie, du diamètre d'une pièce de 1 fr., encore adhérente aux parties voisines, et qui exhalait une odeur assez forte, mais non gangreneuse l.

1 On peut rapprocher de cet ordre de faits l'observation intéressante rap-portée par M. le professeur Cruveilhier dans la 32" livraison de Y Atlas d? ana-tomie pathologique (pl. V). Dans ce cas, un travail d'inflammation aigué s'était emparé du tissu pulmonaire préalablement induré ; un fragment de poumon s'était séparé du reste de l'organe, et flottait dans une vaste exca-vation aux parois de laquelle il était appendu par un mince pédicule.

De lo-ut ceci nous croyons pouvoir conclure que les observa-tions d'Avenbrugger, Corvisart, Stokes, Addison et quelques autres, étaient parfaitement fondées, et que les parties d'un poumon atteintes d'induration grise peuvent, ainsi que ces auteurs l'avaient annoncé, être le siège d'un mode particulier de ramollissement, qui aboutit à la formation d'ulcérations, d'excavations pulmonaires plus ou moins spacieuses ; ces exca-vations renferment un liquide ichoreux, séro-purulent, d'au-tres fois même purulent; leurs parois peuvent, dans quelques circonstances, devenir le siège d'une fonte gangreneuse (obs. I). Enfin, dans d'autres cas, la gangrène paraît être pri-mitive et précéder l'ulcération. Les relations intimes qu'on sait exister entre le ramollissement, l'ulcération et la gan-grène permettent d'ailleurs d'admettre que tous ces faits, en apparence si divers, doivent rentrer dans une même catégorie, et que ce sont là des modes variés d'un processus morbide tou-jours le même au fond1. On pourrait, ce nous semble, dési-gner sous le nom de pneumonie chronique ulcéreuse 2 cette forme de la maladie dans laquelle la fonte ichoreuse s'empare du poumon induré, par suite d'un travail d'inflammation lente 3.

1 Voyez sur ce sujet, Paget, Lectures on inflammation. — On ulcération, lect. v. London, 1850.

2 Mon ami le docteur Gubler a eu l'obligeance de me communiquer une note relative à un malade qui succomba après avoir présenté tous les signes de la phtisie tuberculeuse: Souffle caverneux et râles caverneux prononcés, surtout à la base du poumon droit, fièvre hectique, etc. — A l'autopsie on trouva tous les caractères de la pneumonie chronique avec ulcérations. Une des cavernes contenait une concrétion solide d'une forme irrégulière. L'analyse démontra que ce calcul était composé de carbonates et de phos-phates terreux, dont les particules étaient cimentées par de la matière ani-male. — « Ce calcul, » dit M. Gubler en terminant la note dont il s'agit, « est donc tout à fait comparable aux concrétions phosphatiques qui se for-ment dans la vessie lorsque l'urine reste ammoniacale, et que j'ai vu se déposer à la surface des calculs biliaires dans des cas de cholécystite se-condaire ». Il n'y a pas de trace de tuberculisation.

3 Elle ne répondrait point à la phtisie ulcéreuse de Bayle, qui bien évidemment n'était autre chose qu'une forme de la gangrène du pou-mon.

Charcot. Œuvres complètes, t. y,Poumons. 10

II.

Évolution. — Formes de la maladie. — Symptômes géné-raux. — La pneumonie chronique peut .se développer de deux manières ; tantôt elle succède aux symptômes plus ou moins manifestes d'une pneumonie aiguë, tantôt, au con-traire, elle débute avec des commencements obscurs, insi-dieux. Le premier cas paraît être le plus fréquent ; telle est du moins l'opinion qu'on trouve exprimée dans les articles de MM. Chomel, Hardy et Behier ; telle est aussi celle à laquelle nous sommes conduits par la comparaison des observations. — On peut rechercher d'abord s'il existe dans le premier cas quelques phénomènes qui marquent d'une manière particu-lière la transition de l'état aigu à l'état chronique : « On voit d'abord, dit M. le professeur Grisolle *, la maladie s'amender, en apparence du moins ; la fièvre diminue ou cesse même tout à fait. La douleur thoracique disparaît ; les crachats per-dent leur viscosité ainsi que leur coloration hémorragique ; l'appétit renaît, mais nonobstant cette amélioration, quelques symptômes persistent opiniâtrement, les forces et l'embon-point, loin de reprendre, se perdent de plus en plus, et l'on trouve en explorant la poitrine qu'une portion plus ou moins considérable du poumon reste encore imperméable à l'air, c'est-à-dire que la percussion constate une matité d'une cer-taine étendue, et que là l'auscultation rencontre la respiration bronchique, la bronchophonie avec des râles sous-crépitants etmuqueux. » Cette persistance des phénomènes locaux qui révèlent l'existence d'une induration pulmonaire après la dis-parition plus ou moins absolue des symptômes réactionnels, se

i Grisolle. — Traité delà pneumonie, p. 330.

trouve signalée dans des observations où l'on a pu assister aux premiers débuts de l'affection, mais ce ne serait point là un caractère d'une valeur absolue, propre, par exemple, à présager que telle pneumonie, plutôt que telle autre, menace de se constituer à Tétat chronique. On sait, en effet, par les observations de M. le professeur Grisolle, qu'un lent retour du poumon à l'état normal est un fait commun, sinon même ha-bituel, à la suite des pneumonies les mieux guéries. La fai-blesse du bruit respiratoire, une respiration rude mêlée de râles sous-crépitants, tels sont souvent les seuls indices de cette résolution imparfaite; mais on a vu cependant des cas où le souffle tubaire, la bronchophonie et une matité plus ou moins prononcée ont pu persister pendant deux ou trois mois après la guérison complète d'une pneumonie, sans qu'il y ait jamais eu pour cela la moindre tendance à la récidive, le moin-dre retour des accidents fébriles. Les cas de ce genre n'ap-partiennent évidemment pas, au moins d'une manière di-recte, à l'histoire de la pneumonie chronique1 : on pourrait les interpréter, ce nous semble, en admettant que les matériaux d'exsudation ne se sont point résorbés et ont pu séjourner pendant longtemps au sein du parenchyme pulmonaire sans qu'il y ait eu cependant coexistence d'un travail inflammatoire. Quoi qu'il en soit, lorsque la pneumonie doit se perpétuer à l'état chronique, les phénomènes généraux, s'ils se sont effacés déjà pendant un temps plus ou moins long, ne tardent pas à reparaître, et alors deux cas peuvent se présenter : tantôt la réaction acquiert d'emblée les caractères plus ou moins tran-

1 On trouve deux exemples de ce genre dans la thèse de M. Raymond. Il les désigne sous le nom de pneumonie chronique ; ce sont les deux seuls cas de guérison qu'il rapporte. Un autre fait semblable, recueilli dans le service de M. Rayer, a été inséré dans la Gazette médicale, 1846. MM. Aran et Hérard m'ont dit avoir observé récemment chacun un cas de pneumonie avec persistance des phénomènes locaux pendant plusieurs mois après la cessation du mouvement fébrile. Ces cas-là sont sans doute loin d'être rares.

chés de la fièvre hectique, tantôt, au contraire, il y a préala-blement réapparition momentanée de l'état aigu ou, autre-ment dit, rechute.

Au bout d'un temps variable, la fièvre hectique se dessine d'une manière plus prononcée, plus persistante. Chaque soir, la peau est chaude et la face s'anime; il y a quelquefois des sueurs nocturnes profuses 1 ; bientôt la nutrition s'altère, et les malades dépérissent. On a mentionné, dans plusieurs cas, l'existence d'un œdème siégeant aux membres inférieurs. En un mot, on observe un ensemble de phénomènes qui, joints aux symptômes thoraciques tels que toux, dyspnée, etc., re-produisent tous les traits les plus habituels de la phtisie pul-monaire tuberculeuse. La phtisie galopante elle-même pourra être simulée jusqu'à un certain point par la pneumonie chronique, ainsi qu'on peut le voir d'après l'observation que nous a communiquée M. Monneret. Chez la femme qui fait l'objet de celte observation, l'évolution de la maladie a été re-lativement rapide ; la peau était constamment brûlante, le pouls d'une grande fréquence, la toux répétée, la dyspnée intense. En même temps, l'auscultation et la percussion fai-saient constater l'existence d'une induration et d'excavations siégeant au sommet de l'un des poumons.

Lorsque doit survenir la terminaison fatale, le mouvement fébrile devient incessant, une diarrhée incoercible se mani-feste quelquefois (obs. I) ; en général, le malade succombe dans le dernier degré du marasme (obs. II). Dans les quelques cas signalés par les auteurs comme exemples de guérison, l'a-mélioration s'est montrée d'abord dans les symptômes géné-raux, et elle s'est accompagnée de sueurs abondantes qui

» Il n'en était pas ainsi clans le cas observé par M. Grisolle, mais cela était bien marqué dans le cas IV de la thèse de M. Raymond et dans plu-sieurs autres. L'absence de sueurs est notée expressément dans l'observa-tion III.

avaient le caractère de sueurs critiques ; puis la décroissance des phénomènes locaux s'est effectuée d'une manière lente et progressive (Raymond, Chomel).

On ignore, quant à présent, si la formation des abcès ou des excavations dans les parties indurées s'annonce par quelques phénomènes généraux particuliers. Les signes obtenus par l'examen physique de la poitrine, ou encore l'expectoration soudaine d'une grande quantité de pus *, paraissent seuls pou-voir la révéler. Il n'en serait pas de même dans les cas où il y a fonte gangreneuse ; alors, outre l'hémoptysie, l'odeur fétide de l'haleine et des crachats, on aurait à constater un ensemble de symptômes graves, résultant de la résorption des matières putrides puisées dans le foyer gangreneux (obs. I).

Deux mois et demi, trois ou quatre mois suffisent souvent pour que la pneumonie chronique accomplisse toutes les phases de son évolution. Mais, dans d'autres circonstances, la durée de la maladie est beaucoup plus longue et paraît pou-voir dépasser une année (obs. I). Les malades qui succom-bent, même rapidement, n'ont pas pour cela nécessairement des excavations dans les poumons (obs. III). — Cependant, la pneumonie chronique ulcéreuse paraît être plus rapidement fatale que les autres formes de la maladie.

L'observation suivante, recueillie par nous à l'hôpital de la Pitié en 1850, est un bel exemple de pneumonie chronique non ulcéreuse (induration grise avec métamorphose fibreuse très avancée), occupant le poumon droit dans toute son éten-due. On peut y étudier l'évolution de la maladie, du moins dans les premières phases de son développement, car, à une certaine époque, un abcès volumineux, bientôt suivi d'un dé-collement considérable, se développe dans les parois thoraci-ques et vient modifier le cours naturel des choses.

1 Wunderlich. — Patholog. u. Thérapie, 3 Bd., p. 3ô5.

Obs. III. — Observation de pneumonie chronique succédant à une pneumonie aiguë. — Carie de plusieurs côtes, abcès ossifluents.— Mort quatre mois après le début de la maladie. —Autopsie. — Induration grise dans toute tétendue du poumon droit. — Pas traces de tubercules.

Le nommé Champion, bonnetier, âgé de soixante et un ans, est admis à l'hôpital de la Pitié, le 30 mars 1850, salle Saint-Raphaël, n° 6. —C'est un homme d'une constitution moyenne, d'apparence assez chétive. Cependant il dit se porter bien habituellement. Toutefois il tousse depuis quelques mois et il a un peu maigri. Il y a cinq jours, frisson, point de côté, crachats rouilles. Le jour de l'entrée on constate : au sommet du poumon droit, de la raa-tité en avant sous la clavicule et en arrière au niveau de la fosse sus-épineuse. A l'auscultation, souffle bronchique mêlé de râle sous-crépi tant. Le murmure vésiculaire paraît affaibli au niveau de la partie postérieure du lobe inférieur; on le perçoit cepen-dant et il paraît mélangé de râles muqueux fins. Réaction fébrile de moyenne intensité ; prostration, pas de délire ; crachats rouilles caractéristiques. — Le Ier avril, même état local : 100 pulsations ; délire la nuit. — Le 2 avril, état adynamique très prononcé, cra-chats rouilles très foncés ; le souffle bronchique gagne le lobe in-férieur. — Le 3, l'état typhoïde persiste ; dans les deux tiers su-périeurs du lobe inférieur on perçoit du souffle bronchique très prononcé mêlé de ronchus secs très rudes ; matité dans les points correspondants ; râles sous-crépitants dans le tiers inférieur. — Le 4, 92 pulsations, amendement prononcé de l'état général ; cra-chats muco-purulents, non rouilles. — Le 5, le pouls tombe à 84. — Le 6, râle crépitant de retour ; dans la partie supérieure du lobe inférieur, plus de souffle bronchique ; le souffle persiste au sommet. — Le 7, soixante-huit pulsations, la température de la peau tout à fait normale. — Du 8 au 11, même état général. Ce-pendant le souffle persiste au sommet du poumon. — Le 12, quand on fait tousser le malade, du râle crépitant redux ? se mêle au souffle bronchique à la fin de l'inspiration. — Du 12 au 17, même

état général, même état local ; le souffle et la matité persistent au sommet ; bronchophonie intense et matité au niveau du lobe in-férieur ; on n'y perçoit pas de souffle, mais le murmure vésiculaire ne se perçoit pas non plus distinctement ; il y a comme un silence. Cependant point d'égophonie. — Le 18, le malade, qui jusque-là n'avait pris que des bouillons et des potages, assure avoir très faim. On lui accorde une portion d'aliments. ?— Du i8 au 29, le malade se lève, mais il a peu de force, il mange à peine; un peu de fièvre le soir ; toujours même état local; le 29 le malade a eu du frisson le matin. Il y a eu de la dyspnée, la respiration est rede-venue fréquente, la fièvre reparaît, râle crépitant mélangé au souffle bronchique ; une épistaxis. — Le 30, application d'un vé-sicatoire sur la partie postérieure et moyenne de la poitrine à droite. — 6, 7, 8, 9 mai, Je malade se dit mieux, mais il a toujours des frissons erratiques, le soir les yeux sont injectés, les pom-mettes rouges ; il a peu d'appétit et mange à peine: les signes d'induration pulmonaire persistent. — Le 9 mai, la pointe de l'o-moplate droite est soulevée par un abcès profond. Une incision pratiquée au sommet de la fumeur donne issue à 500 grammes environ de pus bien lié. — Du 6 mai au Ier juin, on ouvre plu-sieurs fois l'abcès, l'orifice s'étant refermé. Le pus est toujours abondant, mais il devient de plus en plus séreux; pendant ce temps l'état général est toujours fâcheux ; fièvre hectique, amai-grissement rapide ; cependant il n'y a pas de dévoiement ; tous les signes d'induration pulmonaire persistent. Pendant ce temps, peu de toux, expectoration muco-purulente peu abondante, pas de sueurs nocturnes. — Pendant le mois de juin, l'ouverture faite à l'abcès devient fistuleuse, il s'en écoule constamment une petite quantité de pus séreux. Le poumon est examiné à plusieurs re-prises, les signes physiques indiquent toujours l'existence d'une induration. Le malade continue à maigrir, mais il n'y a ni toux ni oppression, il n'a pas de dévoiement, pas de sueurs la nuit. Il mange à peine la moitié de la portion d'aliments qui lui est ac-cordée. — Du 1er au 19 juillet, l'état général s'aggrave graduel-lement, la fièvre hectique persiste, mais Un y a pas de sueurs la nuit. Pas de diarrhée, plutôt de la constipation, pas d infiltration

des membres inférieurs. L'expectoration qui était depuis longtemps peu abondante, muco-purulente, devient le 9 juillet très abon-dante. Les crachais ont jusqu'à un certain point la forme nummu-laire et l'apparence du pus, ils n'ont point d'odeur fétide. Voici le résultat de l'examen de la poitrine fait ce jour-là : poumon gau-che, rien à la percussion non plus qu'à l'auscultation, si ce n'est une rudesse assez prononcée du murmure vésiculaire avec mé-lange de râles vibrants. Poumon droit : en avant, sous la clavi-cule, matité assez prononcée ; murmure respiratoire éloigné, dif-ficile à percevoir. En arrière, matité dans toute l'étendue de la poitrine par l'auscultation au niveau du lobe supérieur, murmure indistinct, faible et lointain, résonnance de la voix au niveau du lobe inférieur ; souffle tubaire très prononcé dans toute l'étendue du lobe, mêlé de râle muqueux à grosses bulles, à timbre métal-lique et simulant le gargouillement. Cependant, il y a broncho-phonie et non pectoriloquie. L'auscultation, pratiquée depuis à plusieurs reprises, ne donne pas toujours le même résultat: ainsi, tantôt ilparaît y avoir silence complet dans toute l'étendue des lobes inférieurs et supérieurs ; tantôt, au contraire, on perçoit du souffle tubaire mélangé de râle muqueux à timbre métallique. On a omis de noter si, à cette variation dans les symptômes, correspondaient quelques variations dans l'abondance de l'expectoration. Le ma-lade succombe le 19 dans le dernier degré du marasme.

Voici d'une manière sommaire le traitement suivi pendant la maladie. Pendant la période d'acuité, c'est-à-dire du 30 mars au 6 avril, le tartre stibié à la dose de 0,30 centigrammes a été ad-ministré à deux reprises; quinquina en potion et kermès, pendant la durée de l'état typhoïde. — Le 11 avril, on applique un vési-catoire. Lors de la rechute, le 30 avril, on applique un nouveau vésicatoire ; toniques et corroborants pendant mai, juin et juillet.

Autopsie. — Dernier degré du marasme ; un orifice fistuleux existe à droite, au-dessous et en dedans de la pointe de l'omo-plate. Un stylet introduit par cette fistule pénètre très profondé-ment par en haut, tandis qu'en dehors et en bas le stylet touche des os dénudés ; on incise la peau dans diverses directions et après

l'ouverture du foyer dont la face interne est recouverte d'une membrane pyogénique tomenteuse, assez épaisse; on voit que les muscles intercostaux, au niveau des troisième, quatrième, cin-quième et sixième côtes, sont dénudés, disséqués, verdâtres, dé-truits en plusieurs points. La face externe des côtes est elle-même mise à nu ça et là, et on y observe par places, tantôt les caractères de la carie, tantôt ceux de la nécrose. La face interne des côtes n'est d'ailleurs point altérée. Il n'existe entre la cavité de l'abcès et celle de la poitrine aucune communication. La plèvre pariétale, très épaissie, remplit les espaces intercostaux dans les points ou les fibres musculaires sont dissociées.

Poitrine. ?—Poumon gauche, volumineux, crépitant, parfaite-ment sain dans toute son étendue; on n'y trouve pas traces de tubercules. — Poumon droit. Il adhère de toutes parts tant au pé-ricarde, qu'aux parois thoraciques et au diaphragme. Les adhé-rences sont anciennes, fortement organisées et le poumon ne s'en-lève qu'avec la plus grande difficulté. La plèvre, très épaissie, lui constitue une sorte de coque fibreuse, de couleur jaunâtre et d'en-viron 4 millimètres d'épaisseur. Le poumon droit est environ d'un tiers moins volumineux que le gauche. Il est lourd, son tissu est très dense, nullement friable, le doigt ne peut y pénétrer. Une section y est pratiquée dans le sens cle l'axe longitudinal qui le divise en deux parties à peu près égales. Le tissu résiste au scalpel comme le ferait un fibro-cartilage. On reconnaît sur fa surface de section que les trois lobes sont pour ainsi dire réunis en un seul et que l'altération est exactement la même dans toute l'étendue du poumon. La surface de section est lisse, non granuleuse, d'une co-loration grise tirant sur le bleu avec des marbrures noirâtres irré-gulièrement disposées. Il ne s'en écoule qu'un peu de liquide jau-nâtre, lequel paraît venir surtout des bronches. Celles-ci ne sont nullement dilatées.

Quand on examine plus attentivement la surface de section, on la voit divisée fort régulièrement par des traînées cellulo-fibreuses qui subdivisent ie poumon en lobules manifestement plus petits qu'ils ne le sont dans l'état normal. Ces cloisons celluleuses sont pâles, blanchâtres, peu vasculaires, très résistantes, d'aspect liga-

menteux. Elles envoient dans l'intérieur des lobules des prolonge-ments fibro-celluleux de même aspect, mais de plus en plus déliés, et qui subdivisent le lobule en lobules secondaires, puis en lobules tertiaires. L'aire polygonale de ces aréoles présente seule la colo-ration ardoisée et le piqueté mélanotique. Les derniers cloisonne-ments, visibles seulement à la loupe, paraissent marqués non plus par des tractus fibreux seulement, mais en outre par la matière noire du poumon disposée régulièrement sous forme de liséré le long de ces tractus. Ce poumon ne contient pas de tubercules. Le cœur est peu volumineux, flasque, non altéré. Les autres viscères, examinés avec soin, n'ont présenté aucune altération.

Symptômes locaux. — A. Lorsque l'état chronique est con-stitué, la douleur de côté est souvent à peine marquée. — La dyspnée est elle-même peu prononcée ; cependant elle consti-tue parfois un des phénomènes prédominants, dans le cas principalement où la maladie affecte les allures de la phtisie galopante (obs. II). — La toux, en général peu intense, peut prendre le caractère convulsif1. —L'expectoration habituelle est modérée ; quelquefois elle devient momentanément abon-dante, et prend l'aspect purulent dans le cas où la cavité d'un abcès se met en communication avec les tuyaux bronchiques2. En dehors de cette circonstance, les crachats muqueux, muco-purulents, n'ont pas d'autres caractères que ceux de la bron-chite chronique ; ils peuvent cependant prendre une couleur violacée ou une odeur fétide, quand les parois d'un abcès su-bissent la fonte gangreneuse (obs. I). — D'après MM. Hardy et Béhier3, les crachats rouilles ou colorés en jaune qui se mon-trent parfois, doivent le plus souvent être attribués à la coexistence d'une pneumonie aiguë. Cette pneumonie n'est pas toujours accidentelle et semble être, dans certains cas, un indice de l'extension progressive du travail phlegmasique

' Wunderlich, loc. cit., p. 365. 2 Idem.

?'• Loc. cit., p. 645.

aux parties du poumon jusque-là restées saines (obs. II). — Des hémoptysies répétées se sont montrées dans plusieurs cas.

B. L'auscultation et la percussion de la poitrine ne fournis-sent aucun signe qui soit véritablement propre à la maladie. La matité est absolue, comme dans l'épanchement pleuréti-que, lorsque la partie affectée du poumon est superficielle, et le doigt qui percute perçoit à un haut degré le sentiment de résistance ; mais elle n'a d'ailleurs aucun caractère particulier. Lorsqu'une excavation s'est formée, si elle est d'une certaine étendue et située au voisinage des parois thoraciques, elle peut donner un son tympanique vide, lequel devient plus clair et plus sourd, à mesure que la cavité devient plus grande. Dans quelques cas rares, la percussion détermine alors le bruit de pot fêlé \ — M. Monneret a constaté plusieurs fois que la vi-bration thoracique est accrue au niveau des parties indurées. — Par l'auscultation, on ne perçoit en général aucun phéno-mène dont l'existence ne puisse être prévue à priori. Ainsi, lorsqu'il n'existe pas d'excavation, il y a du souffle bronchique et de la bronchophonie. MM. Hardy et Béhier font remarquer toutefois que le souffle bronchique est lubaire, excessivement fort et simule le souffle caverneux dans des cas où il n'existe cependant pas de cavernes. Les râles qui accompagnent le souffle sont souvent volumineux et peuvent présenter un tim-bre métallique. M. Aran nous a dit avoir observé un cas où l'abondance et la grosseur des râles humides, jointes au siège de l'affection sous la clavicule droite, avaient fait porter le dia-gnostic d'une phtisie pulmonaire tuberculeuse. On fut fort étonné, lors de l'autopsie, de trouver la partie malade dure comme du cartilage, élastique, d'une couleur gris de fer,

1 Skoda. — Traité de la percussion, etc. Paris, 1834. (Phénomènes qui accompagnent l'induration. — Voyez les détails de notre première obser-vation).

sans dilatation bronchique, cavernes ou tubercules. Par contre, rauscultation a pu quelquefois ne donne?" que des signes néga-tifs; c'est-à-dire qu'en pareille circonstance, on n'entendait ni murmure vésiculaire, ni aucun bruit pathologique, pendant l'inspiration et l'expiration Cette absence de murmure vési-culaire et de tout bruit anormal au niveau des parties indurées a été également notée dans une de nos observations (obs. III) ; seulement cela n'était point, dans ce cas, un phénomène per-manent, car de temps en temps, le silence était remplacé par du souffle tubaire mélangé de râle muqueux à timbre métal-lique. On a malheureusement omis de noter si à cette variation dans les symptômes fournis par l'auscultation correspondaient quelques changements dans l'abondance ou la nature de l'ex-pectoration. Cela eût été cependant fort intéressant; cardans la pneumonie aiguë, où l'absence de tout bruit respiratoire, normal ou anormal, s'observe quelquefois, ce phénomène paraît en général dépendre de l'obstruction des tuyaux bronchiques des parties hépatisées par une grande quan-tité de liquide visqueux ou par un bouchon d'exsudation con-crète 2.

C. M. Stokes signale le rétrécissement thoracique comme pouvant se présenter à la suite des pneumonies chroniques. Celte opinion à été souvent reproduite, mais il ne paraît pas qu'elle ait été justifiée par des observations précises. Suivant Wunderlich3, ce serait surtout lorsque l'induration occupe,

1 Grisolle.— Traite de pathologie, t. 1, p. 341.— Requin. Traité de patho-logie, t. II, p. 167.

2 Skoda.— Traité de la percussion, 1854, p. 339.— Dans un cas de ce genre, dont a été témoin M. YVintrich, le silence était absolu, et il n'existait point de frémissement thoracique. On crut à un empyème, et la thoracocentèse fut pratiquée. A l'autopsie, on trouva une pneumonie lobaire, très étendue, avec exsudât fibrineux (croupôse Pneumonie). Tous les tuyaux bronchiques du lobe atteint, même les plus volumineux, étaient remplis d'une exsudation fibrîneuse concrète (Virchow's Hand., 2 hait. V Bd., p. 296).

3 Loc. cit., p. 365.

soit le sommet, soit toute l'étendue du poumon, que le rétré-cissement est prononcé ; on le rencontrerait, au contraire, ra-rement dans les cas où le lobe inférieur seul est atteint. MM. Raimbert1 et Cotton2 font également figurer l'aplatisse-ment du thorax parmi les symptômes de la pneumonie chroni-que ; mais ils n'apportent aucun fait précis à l'appui de leur manière de voir. Le poumon altéré parle fait de l'induration subit, comme on l'a vu, un certain degré d'atrophie. Consé-quemment, il est possible que, dans quelques cas, les parois tlioraciques suivent la partie malade dans son mouvement de retrait. C'est là un sujet de recherches.

Diagnostic. — A moins qu'on n'ait assisté aux premiers dé-veloppements de la maladie, et qu'on n'ait pu recueillir à cet égard des renseignements précis et décisifs, il sera bien diffi-cile, pour ne pas dire impossible, d'arriver au diagnostic de la pneumonie chronique. La tuberculisation pulmonaire, la dila tation des bronches étendue à tous les rameaux d'un lobe, la pleurésie chronique, telles sont les affections avec lesquelles on pourra surtout la confondre.

A. Pour ce qui concerne d'abord la tuberculisation, le siège habituel de l'altération pourrait fournir quelques indices ; ainsi, il est très peu commun que la tuberculisation occupe, au moins d'une manière exclusive et prédominante, le lobe inférieur d'un poumon, bien que cela se voie cependant quel-quefois3, principalement, il est vrai, chez les sujets peu avan-

1 Gaz. hebdomad., 185C.

2 Ibidem.

3 Sur 250 phtisiques observés par M. Hughes, chez un seul, les tubercules siégeaient exclusivement dans un des lobes inférieurs d'un poumon {Gmfs tiospit. Rep., p. 223, 1842). M. Piorry a rapporté plusieurs cas de tubercu-lisation prédominante des lobes inférieurs chez l'adulte. J'ai observé moi-même trois cas de ce genre : dans deux de ces cas il y avait des excavations nombreuses; les lobes supérieurs étaient restés indemnes.

ces en âge, cas dans lequel la pneumonie chronique est infi-niment rare. L'induration pneumonique occupe plutôt les lobes inférieurs que les supérieurs, ou tout au moins elle n'a pas de prédilection plus marquée pour ceux-ci que pour ceux-là. — La pneumonie chronique n'envahit qu'un seul côté à la fois ; elle se manifeste ordinairement par un engorgement limité ; l'induration tuberculeuse, au contraire, occupe le plus souvent plusieurs points d'un même poumon, sinon les deux organes, et y existe à des états différents, en rapport avec les époques différentes de son développement. — La pneumonie chronique du sommet simulera surtout la phtisie avancée ; et la confusion serait, on le conçoit, presque impossible à éviter, dans le cas où des excavations se seraient formées dans le lobe atteint d'induration pneumonique. — Si l'auscultation donnait des signes négatifs au niveau d'un point du poumon où la per-cussion accuserait cependant une matité intense avec résistance au doigt, cela indiquerait la pneumonie chronique plutôt que la tuberculisation. — La considération des symptômes géné-raux, du mode d'évolution de la maladie, ne semble pas pou-voir fournir, quant à présent, de données bien importantes. Sous ce dernier rapport, la phtisie lente, comme la phtisie rapide, peuvent être simulées par la pneumonie chronique ulcéreuse. On a noté dans certains cas de la dernière maladie l'absence de sueurs nocturnes (Grisolle, et obs. II) au milieu même des symptômes hectiques les plus pronon-cés.

B. Lorsque les tuyaux bronchiques de tout un lobe se sont dilatés et que le tissu pulmonaire qui les enveloppe se trouves condensé, on observe des phénomènes qui rappellent jusqu'à, un certain point ceux de la pneumonie chronique. Il y a, en effet,, alors matité au niveau de la partie affectée, respiration bron-chique intense, râles humides nombreux à timbre métallique ;

l'affection siège surtout au niveau des lobes inférieurs l. Mais dans la dilatation des bronches la fièvre existe rarement ou d'une manière très passagère, l'embonpoint se conserve ; d'ail-leurs l'expectoration est très abondante, elle s'opère par crises, par secousses rapprochées, ou encore les mucosités remontent comme par flots et sont rejelôes presque sans efforts. Ces données suffiraient sans doute pour conduire au diagnostic. Il peut arriver cependant quelquefois que dans les cas de dilata-tion des bronches, tout comme dans la pneumonie chronique, l'auscultation fasse constater, au niveau des parties malades, une absence complète de bruit respiratoire*. Mais c'est là, en pareil cas, un phénomène tout passager; et pour peu que le malade fasse quelques efforts de toux, on peut voir presque aussitôt succéder au silence le plus absolu, le souffle bron-chique le plus intense : pareille chose n'arrive point, suivant le docteur Rapp 3, quand le parenchyme pulmonaire, au lieu d'être simplement affaissé, comme cela se voit dans la dilata-tion bronchique, se trouve considérablement induré, ainsi que cela a lieu dans la pneumonie chronique.

C. Il serait sans doute fort difficile, dans certains cas donnés, de ne point confondre la pneumonie chronique avec la pleu-résie chronique partielle, en effet, dans l'une et l'autre cir-constance, il y a matité absolue, et il peut y avoir absence complète de bruit respiratoire normal ou anormal. La vibration thoracique exagérée que M. Monneret a constatée dans plu-sieurs cas de pneumonie chronique pourrait être ici d'un grand secours, puisqu'elle n'appartient pas à la pleurésie. Mais il n'est pas certain que l'exagération de la vibration se montre dans les cas de pneumonie où il y a absence de bruit respira-

1 Barth. — Rech. sur la dilat. des bronches, 1856, p. 56.

2 Banberger. — Œsterr. Zeitschr., 1859, n' 3.

3 Rapp. — Wurzb. VerhandL, Bd. I.

toire, et l'on peut tout au moins élever des doutes à cet égard : dans les cas où la vibration exagérée a été notée jusqu'à pré-sent, il y avait du souffle bronchique et de la bronchophonie intenses. Quoi qu'il en soit, les symptômes généraux ont, dans la pneumonie chronique, une importance et un caractère de gravité tout autres que dans la pleurésie partielle, et cela pourrait peut-être suffire, les circonstances aidant, à décider le diagnostic.

D. L'histoire clinique de la carnisation qui se développe quelquefois comme conséquence des pneumonies catarrhales à lente évolution, est encore toute à faire. Dans les cas très peu nombreux d'ailleurs où cette affection a été observée, elle avait simulé la phtisie pulmonaire1. Il serait impossible, quant à présent, d'indiquer les caractères à l'aide desquels on pourrait la distinguer de la pneumonie chronique proprement dite. Si cependant l'affection s'était développée à la suite d'une fièvre éruptive (rougeole) ou d'une fièvre typhoïde, l'idée de carnisation devrait peut-être plutôt venir à l'esprit que celle d'une pneumonie chronique.

E. Une affection d'ailleurs fort rare, Y infiltration cancéreuse du poumon, pourrait encore, au point de vue du diagnostic, être mise en parallèle avec l'induration de la pneumonie chro-nique. Yoici d'abord les traits de ressemblance. Dans le cas de cancer, aussi bien que dans la pneumonie, la percus-sion donne un son mat dans le côté affecté, en même temps que l'auscultation fait percevoir une respiration diffuse et fai-ble. Plus tard, lorsque la matière cancéreuse s'élimine en par-tie, la percussion devient plus claire, un peu amphorique, et l'on entend une respiration caverneuse avec râles muqueux et caverneux. Les crachats peuvent alors être rendus fétides

1 Legendre. — Maladies de l'enfance, p. 233.

par l'existence d'une gangrène circonscrite dans le poumon. Voici maintenant des symptômes qui n'appartiennent guère qu'au cancer' : hémoplysies très fréquentes, dyspnée souvent très intense, douleur pectorale quelquefois très prononcée. Par suite de la gêne que le dépôt cancéreux apporte à la circu-lation veineuse, il y a dilatation des veines superficielles et œdème partiel des parois Ihoraciques; puis, en dernier lieu, les symptômes de la cachexie cancéreuse se manifestent dans toute leur intensité'.

Étiologie. — En ce qui concerne l'étiologie de la pneumo-nie chronique, on en est à peu près réduit à des conjectures. On a dit souvent que la pneumonie aiguë avait cette fâcheuse issue, lorsque le traitement avait été mal dirigé, et que surtout on n'avait pas assez insisté sur la médication antiphlogistique; mais on peut faire remarquer à ce sujet que fort souvent, prin-cipalement dans ces dernières années, les pneumomies aiguës ont été abandonnées à elles-mêmes, ou tout au plus traitées par des moyens qui équivalent à peu près à l'expectation pure. Cependant on ne les a pas vues, pour cela, passerplus commu-nément à l'état chronique. Lorsque la pneumonie aiguë passe à l'état chronique, c'est surtout, sans doute, parce qu'elle rencontre dansl'organisme du sujet qu'elle atteint des circons-tances particulières propres à la développer, à la fixer. La fai-blesse de la constitution, par exemple, pourra produire ce ré-sultat, comme l'ont vu Requin et M. le professeur Grisolle. L'existence d'un état cachectique, déterminé pardes maladies antérieures ou même en pleine activité, paraît avoir aussi une certaine influence. Ainsi, suivant le professeur Heschl2, Vin-duration pulmonaire (pneumonie chronique), rare à Vienne,

1 J'emprunte cette symptomatologie du cancer au traité de Walshe : On the nature and treafm. of cancer. London, 1846.

2 Veber Lungen-lnduration (Prag. Vierte/j. SI, 1856).

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons. H

se montre assez fréquemment, au contraire, à Cracovie. Là, elle atteint presque exclusivement des individus dominés par l'influence palustre, et qui, à la suite de fièvres intermittentes de longue durée, ont contracté des engorgements spléniques ou hépatiques, avec ou sans hydropisie et dégénération rénale. Bright paraît avoir rencontré quelquefois la pneumonie chro-nique chez des individus atteints d'albuminurie avec néphrite albumineuse *. Suivant Magnus Huss2, on rencontre, as-sez fréquemment, chez les ivrognes de profession, des indu-rations pulmonaires qu'il faut rapporter à une phlegmasie chronique.— La syphilis doit-elle figurer parmi les conditions possibles du développement de la pneumonie chronique ? Cela n'est rien moins que démontré. Notons cependant que parmi les observations rassemblées par M. le docteur Lagneau, dans sa thèse Sur les affections pulmonaires causées ou influencées par la syphilis", il en est deux, malheureusement fort in-complètes, qui rappellent quelques-uns des traits de la pneu-monie chronique. Dans ces deux cas, les symptômes thoraci-ques ont paru être influencés favorablement par le traitement spécifique. On trouve encore, dans la2e édition du Traité des maladies vénériennes deYidal, l'observation d'une personne atteinte de syphilis qui succomba à la suite d'accidents thoraci-ques. Al'autopsie, on trouva une induration d'un gris bleuâtre, autour des ramifications bronchiques du lobe inférieur du poumon. Il n'y avait aucune trace d'ulcérations dans les bron-ches. On a invoqué encore, mais sans preuves suffisantes, l'in-fluence des maladies organiques du cœur, principalement

1 Rayer.— Traité des maladies des rems, t. II, p. 291, 293. M. Rayer dit n'avoir rencontré pour son compte en pareille circonstance que la pneumo-nie lobulaire ou lobaire aiguë.

- Alcoolismus chronicus. Stockholm, 1832, p. 18.

3 Paris, 1831, obs. 39, 44. L'une de ces observations est tirée des Annales de ha médecine physiologique, t. VII, p. 576, 1825, où elle a été insérée sous le titre de Pneumonie chronique réputée vénérienne ; l'autre est empruntée à un travail de William Munk (Lond. med. Gaz., 1841).

celle des rétrécissements ou des insuffisances de la valvule mitrale. Peut-être dans ces cas-là s'agissait-il d'une simple carnification, et non pas d'une pneumonie chronique vraie. Quant à présent, cette maladie a été observée surtout chez l'adulte ; elle paraît être très rare dans l'enfance (Barthez et Rilliet, Bouchut). Quelques auteurs la disent plus commune dans la vieillesse qu'à toute autre époque delà vie; cela est possible, mais il ne paraît pas encore démontré qu'il en soit réellement ainsi.

Pronostic — Très grave, de l'aveu de tous les auteurs ; Re-quin mettait même en doute que la pneumonie chronique fût susceptible de se résoudre, pour peu qu'elle eût une cer-taine étendue. On peut espérer que, lorsque la maladie aura été plus étudiée, et qu'on sera parvenu à la reconnaître dans ses premiers développements, il sera possible d'enrayer sa marche progressive. Les exemples de guérison qu'on cite jusqu'à présent n'appartiennent point, pour la plupart, à la forme chronique proprement dite; ce sont des cas de pneumo-nie aiguë à lente évolution ou dans lesquels la résolution a été tardive, mais qui n'avaient jamais, à proprement parler, dépouillé les caractères de l'état aigu.

Thérapeutique. — S'il s'agissait d'un cas de date récente, s'il était donné, par exemple, d'assister au passage de la pneu-monie aiguë à l'état chronique, on pourrait peut-être, les for-ces du sujet le permettant, tenter la médication antiphlogisti-que locale; on pourrait encore administrer le tartre stibié, mais surtout insister sur l'application de larges vésicatoires sur le côté affecté. — Lorsque l'état chronique est constitué, même indication de la médication révulsive et notamment de l'emploi d'un ou de plusieurs cautères sur la poitrine, ou en-core d'un large selon.— L'état des forces dans une maladie

de ce genre devrait nécessairement être pris en grande consi-dération ; les toniques, les corroborants pourraient trouver leur application. — Si la maladie paraissait liée à la syphilis, un traitement spécifique serait institué; dans un cas rapporté dans la thèse de M. Lagneau, et auquel nous avons déjà fait allusion, ce traitement a paru avoir une influence réelle. — Nous avons parlé déjà de deux cas de pneumonie chronique observés par M. Bennet chez des enfants; la maladie avait si-mulé la phtisie ; l'huile de foie de morue à haute dose fut em-ployée et les malades guérirent. Mais étaient-ce bien là des cas de péripneumonie chronique ? N'étaient-ce pas plulôt des cas de carnification pulmonaire, survenue comme conséquence d'une pneumonie catarrhale prolongée?

Nosographie. — La description de la pneumonie chronique simple, que nous venons de présenter, est sans doute fort imparfaite. Pour la tracer, il nous a été impossible de nous soumettre à cette méthode rigoureuse qui veut que l'on compte les observations tout en les pesant. Les matériaux dont nous pouvions disposer étaient trop peu nombreux pour cela. Nous avons dû, par conséquent, nous borner à méditer sur un petit nombre d'histoires de la maladie. Ainsi nous ne pouvions saisir que les traits fortement accusés, et les détails devaientnécessai-rement nous échapper fort souvent.

Dans une nosographie purement symptomatique comme l'était celle de Sauvages, la pneumonie chronique eût été rangée parmi les phtisies1. Une consomption plus ou moins rapide jointe à quelques symptômes thoraciques, tels que toux et dyspnée; tel est, en effet, l'un de ses caractères extérieurs

i I'htisis ; character est corporis emaciatio cum amphimerina tenta, tussi, dyspnœa et ut plurimum puris stupo. (Sauvage, Nosol. met/t., cl. X, Ca-chexie, ord. I, II.) — Phthisis pulmonaris est consumptio totius corporis cum febre a mala affectione et ab ulceratione pulmonum tandem originem ducens. (Morton. — Phthisiologia, Franc. etLeipz., 1691, p. 76.)

les plus habituels et en même temps les plus faciles à saisir. Il permettrait déjà de reconnaître, dans la pneumonie chroni-que simple, deux formes principales: 1° la pneumonie chroni-que à forme de phtisie lente; 2° la pneumonie chronique à forme de phtisie rapide.

Dans une nosographie organique, la pneumonie chronique simple doit prendre rang parmi les inflammations parenchy-mateuses. En considérant toutefois que l'induration du tissu pulmonaire avec hypertrophie de l'élément conjonctif (Méta-morphose fibreuse, Cruveilhier) et diminution de la vascularité des parties, est un de ses traits distinctifs, on pourrait être tenté peut-être de lui refuser le caractère inflammatoire. Ce-pendant la présence d'un exsudât particulier, — la matière amorphe finement granuleuse — et la connaissance d'un tra-vail phlegmasique antérieur révélé, au moins dans la plupart des cas, par l'examen clinique, suffiraient, ce nous semble, pour spécifier l'induration inflammatoire et la distinguer de celle qui ne reconnaîtrait point une pareille origine.

Au point de vue de la nosographie organique, la pneumo-nie chronique est une inflammation parenchymateuse. On peut y distinguer deux formes ou plutôt deux degrés: 1° la pneumonie chronique non ulcéreuse; 2° la pneumonie chro-nique ulcéreuse.

CHAPITRE II

de quelques lésions du parenchyme du poumon dans leurs rapports avec la pneumonie chronique.

A. Carnification. Etat fœtal simple, congestionnel (Legendre et Bailly) ; atelectasis (Jorg) ; affaissement pulmonaire; -— Col-lapsus of the Lùng (auteurs anglais). — La partie carnifiée pa-raît à l'extérieur déprimée ; elle est molle et flasque; elle pré-sente une couleur violacée ou rouge pâle; elle est marquée de lignes blanches circonscrivant des surfaces anguleuses qui des-sinent les lobules du poumon; elle ne crépite pas, et elle est plus lourde que l'eau. Sa coupe présente un tissu d'un rouge plus ou moins foncé, lisse, résistant sous le doigt qui le presse et se laissant pénétrer avec peine; son aspect est celui d'un muscle à fibres serrées et peu distinctes. Quand on le presse, il s'en écoule un liquide séreux, peu abondant. Un grattage modéré n'enlève ni ne détruit le parenchyme. Enfin, l'insuffla-tion distend avec assez de facilité la partie malade et lui rend plus ou moins complètement l'aspect du tissu normal. Les bronches qui parcourent les parties ainsi carnifiées contiennent une quantité plus ou moins considérable d'un mucus épais et verdâtre l.

On sait les diverses opinions qui ont été émises concernant

1 Barthez et Rilliet. — Maladies des enfants, t. I, p. 433.

la nature de celte lésion, qui n'a, comme on le voit, rien de commun, anatomiquement parlant, avec les diverses formes de l'induration pulmonaire que nous avons décrites. Les uns l'ex-pliquent par un simple affaissement des vésicules pulmonaires consécutif à l'oblitération des tuyaux bronchiques par le mucus qu'ils renferment (Gairdner) 1 ; et les expériences entreprises sur les animaux démontrent que cette théorie toute mécanique peut rendre compte d'un certain nombre de faits. D'autres admettent qu'une stase du sang- dans le tissu intervésiculaire, suivie ou non d'un travail phlegmasique lent et sourd, est la cause de l'affaissement des vésicules du poumon. D'autres, enfin, professent une opinion mixte. Quoi qu'il en soit de ces opinions, qui sont probablement toutes acceptables dans de certaines limites, on tombe aujourd'hui généralement d'accord sur un point: c'est que cette forme d'ulcération pulmonaire doit être nettement distinguée des diverses variétés d'hépati-sation granuleuse qui caractérisent anatomiquement la péri-pneumonie vraie. Résultat d'une phlegmasie intervésiculaire ou produit d'un affaissement tout mécanique des canalicules aériens, elle est un accompagnement habituel de ces formes variées d'affections pulmonaires que les anciens appelaient fausses pneumonies, et qu'on a réunies aujourd'hui sous le nom de pneumonies catarrhales. Bien distincte de l'hépatisa-tion aiguë ou chronique par ses caractères anatomiques, la carnificalion en diffère donc encore par la nature des affections auxquelles elle se rattache et d'où elle dérive. D'ailleurs, avec les caractères que nous lui avons assignés, elle appartient ex-clusivement à l'état aigu. Ce serait donc par un double abus du terme qu'on appellerait carnificalion l'une quelconque des lé-sions de la péripneumonie chronique2.

1 On the patholûgical anatomy of bronchitis. Edinburgh, IsbO.

2 Pendant un séjour d'un an à l'hospice de la Salpêtrière, nous avons pu nous convaincre maintes fois que la carnification est commune chez les vieillards comme chez l'enfant. L'insufflation, chez ceux-ci comme chez ceux-

B. Carnisation. — Sous ce nom, Legendre 1 a décrit un état particulier du poumon qu'il a rencontré deux fois chez des enfants qui avaient succombé à la suite de pneumonies calarrhales à évolution lente. C'est pour ainsi dire la carnifica-tion à l'état chronique. Voici avec quels caractères la camisa-tion se présentait dans un de ces cas : tissu dur, pesant, d'une couleur rougeâtre uniforme; dans quelques points la disposi-tion lobulée était conservée, toute apparence de structure vési-culaire avait disparu; à la coupe, tissu lisse, dense, rougeâtre, ressemblant assez bien an tissu charnu du cœur. Ce lobe était parcouru de bronches notablement dilatées. Le sujet de cette observation était un enfant de trois ans qui avait succombé quatre mois après le début d'une pneumonie catarrhale.

Bans l'autre cas, les premiers accidents thoraciques avaient paru quatre ans avant la mort. Il s'agit d'un enfant de sept ans. Le lobe inférieur du poumon gauche lourd et dur au toucher, sans la moindre apparence de structure vésiculaire, était con-verti en un tissu ressemblant beaucoup, pour la couleur et la consistance, au tissu de l'utérus après la grossesse. Coupé en travers, ce lobe présentait une surface criblée d'aréoles, pou-vant loger depuis un petit pois, jusqu'à une grosse amande de noisette, et remplie d'un liquide muco-purulent opaque, d'un jaune verdâtre ; ces aréoles étaient constituées par les bronches dilatées. L'origine particulière de cette lésion, aussi bien que ses caractères purement anatomiques, la distinguent comme on voit très nettement des diverses formes de ïinduration pul-monaire.

C. Affaissement pulmonaire, atrophie du poumon au voisi-nage des bi^onches dilatées. — Cirrhose du poumon : Corri-

là, rend aux tissus carnifiés, en grande partie du moins, les caractères de l'état normal. Rien de semblable n'a lieu dans les cas de pneumonie gra-nuleuse ou vésiculaire. 1 Maladies de l'enfance, 1846, p. 223.

gan — Lorsque la dilatation bronchique est très étendue, qu'elle occupe par exemple, tout un Jobe, « le tissu pulmonaire intermédiaire, dit Laënnec, est flasque, privé d'air, évidem-ment comprimé, et tout à fait dans le même état que celui d'un poumon refoulé vers la colonne vertébrale par un épan-chement séreux ou purulent dans la plèvre. » C'est en effet sous cet aspect que l'altération se présente dans la majorité des cas2. L'anatomie intime démontre en pareille circonstance, une atrophie de tous les éléments du poumon; le tissu aréo-laire est devenu plus apparent par suite de l'affaissement des parties intermédiaires, mais il n'a subi d'ailleurs aucune mo-dification notable. On ignore si, lorsqu'il en est ainsi, l'altéra-tion du poumon a précédé ou suivi la dilatation bronchique, mais il est certain que celle-ci n'est point la conséquence di-recte, nécessaire, de celle-là, car dans maintes circonstances où les bronches de tout un lobe avaient subi, comme dans les cas précédents, une dilatation très prononcée, on a pu trouver le parenchyme intermédiaire doué de tous les caractères de l'état normal3.

Cependant, le docteur Corrigan a pensé que les tractus fibro-celluleux qui sillonnent le tissu d'un poumon affaissé au pour-tour des ampoules bronchiques, joue un rôle très important dans la production de la dilatation de ces conduits; il suppose que ces tractus sont le siège d'un travail d'inflammation lente qui y occasionne un dépôt de lymphe plastique; celle-ci s'or-ganiserait bientôt en un tissu fibreux nouveau, doué d'une force permanente de rétraction, qui tendrait à diminuer sans cesse le volume du poumon. Les tubes aérifères, dont la ré-

i Archiv. génér. de méd., t. II, 2" série, 1838.

* Barth (27 fois sur 30). — Recherches sur la dilatation des bronches, 1856, p. 36. Voyez aussi Cruveilhier, Analom. pathol. génér., t. II, p. 877, et Bamberger, Bemerkungen ueber die bronchiectasis sacciformis {OEsterreich. Zeitsckri/t, 1839, n» 2).

3 Bamberger, loc. cit.

sislance est faible, sollicités dans tous les sens par le tissu., fibreux qui les enveloppe, et, ne pouvant se déplacer dans toutes les directions à la fois, cèdent en se dilatant. La pression atmosphérique qui s'exerce à l'intérieur de ces tubes, favorise leur dilatation1. Cette théorie fait, en définitive, provenir la dilatation bronchique d'une sorte de pneumonie chronique interlobulaire. Il est possible qu'elle soit applicable à un cer-tain nombre de faits; mais certainement elle ne saurait être admise pour les cas très nombreux dont nous avons parlé plus haut et dans lesquels le tissu aréolaire est devenu plus saillant, plus apparent par suite de l'affaissement des parties intermé-diaires, mais n'a cependant éprouvé dans sa texture, aucune altération appréciable. Quoiqu'il en soit, et bien que l'existence de celte forme de pneumonie chronique décrite par Corrigan, sous le nom de cirrhose du poumon, nous paraisse un peu hypothétique, nous en avons tracé les principaux caractères, dans le but de leur opposer ceux qui distinguent l'induration grise, de la pneumonie chronique proprement dite. En cas d'induration grise, le tissu conjonctif interlobulaire a subi une hypertrophie notable ; le poumon n'a éprouvé cependant qu'une diminution de volume relalivement peu notable, les bronches ne sont nullement dilatées. Tels sont les caractères cl is fi actifs qu'il nous a paru important de faire ressortir.

Dans des cas sans doute exceptionnels, le tissu du poumon intermédiaire aux ampoules bronchiques, présente dans une étendue plus ou moins limitée, les caractères non équivoques de l'induration grise. L'observation VIe du travail de M. Earth offre un exemple de ce genre : il nous paraît probable que dans ces cas, le travail phlegmasique s'est propagé des bronches au parenchyme du poumon 2.

• Gubler.— De la cirrhose, Paris, 1853.

2 Mon ami, M. A. Verneuil, a donné une bonne analyse anatomique de ce poumon induré, dans les Bulletins de la Société anatomique, 'l? année, 1854, p. 7.

]). Induration mélaniquc. — Dans certaines circonstances, l'induration grise, ardoisée, de la pneumonie chronique simple, offre des marbrures d'une teinte noirâtre plus prononcée que de coutume, et prend souvent même le caractère de ce qu'on a appelé l'induration mélanique; doit-on pour cela rattacher à la pneumonie chronique tous les modes d'altération si variés, dans lesquels le parenchymedu poumon présente un certain degré d'induration, joint à une coloration noire? Non sans doute, au moins dans un bon nombre de cas : ainsi, pour ne citer qu'un exemple, dans cette forme de la mélanose que M. le professeur Nafalis Guillot a fait connaître1, et qu'on ob-serve fréquemment chez les vieillards, du charbon formé de toutes pièces dans l'organisme, se dépose sous forme de pous-sière dans l'interstice des divers éléments du parenchyme pulmonaire. 11 en résulte, lorsque l'altération est portée à un certain degré, une atrophie plus ou moins prononcée de ces éléments, et l'augmentation de consistance des tissus qui existe en pareil cas, paraît reconnaître principalement pour causé l'accumulation même de la matière charbonneuse.

La maladie des aiguiseurs nous offre une autre forme de l'induration mélanique du poumon. Dans ce cas, suivant les recherches de MM. Hall (de Sheffield), Beale et Bennet(d'£din-burgh)2, les lésions du parenchyme pulmonaire paraissent être le résultat d'un travail d'exsudation et elles ne diffèrent en rien d'essentiel de celles qui caractérisent la pneumonie chronique. La coloration noire que présentent la plupart des points affectés, résulte de l'adjonction d'une certaine quan-tité de granules de pigment à la matière exsudée. Un fait bien digne d'être noté, c'est qu'on retrouve çà et là des parti-

1 Archiv. génér. de méd., t. VU, 40 livraison.

* Voir l'analyse que nous avons donnée de ce travail dans la Gazette heb-domadaire, 1886, p. 400.

cules de grès au sein des parlies affectées. Il semblerait d'après cela que chez les aiguiseurs, l'inspiration et l'inlroduction, dans les voies aériennes profondes, des particules de grès projetées par les meules pendant l'aiguisage, peut déterminer une sorte de pneumonie lobulaire chronique avec induration mélanique des parties affectées. Des lésions pulmonaires fort analogues aux précédentes ont été rencontrées par M. Tardieu, chez les mouleurs en cuivre 1 ; ici, ce sont, comme on sait, des molécules de charbon2 venues du dehors, qui jouent le rôle de corps étrangers, et se fixent dans le parenchyme du poumon où l'analyse chimique les découvre. Mais le résultat semble être le même au fond et il est assez probable qu'une inflammation chronique se développe dans les parties irri-tées par la présence des parcelles charbonneuse. Suivant quelques recherches faites par Yirchow, les poumons des brouilleurs (Spurious melanis, miner s lung) présentent, en outre, de l'infractus charbonneux, les traces évidentes d'une inflammation parenchymateuse chronique 3. Chez les houil-leurs, chez les aiguiseurs, les parties indurées du poumon peuvent d'ailleurs, comme on sait, se ramollir et se creuser d'excavations, ainsi que nous avons vu que cela avait lieu dans le cas de péri pneumonie chronique ulcéreuse. Ce seraient donc là en définitive autant d'espèces de pneumonie chroni-que, comparables sans doute anatomiquement, à la pneumo-nie chronique simple. Mais, en raison des causes particulières qui les développent, et de toutes les autres circonstances de leur histoire, elles doivent en être nettement distinguées4.

i Voyez ces belles études sur la profession de mouleur en cuivre, in An-nales d'hygiène, 2° série, ÎSU, t. II, p. 1. « Et peut-être aussi des parcelles siliceuses. 3 Edinb. med. Jauni., sept. 1858, p. 21t.

* Suivant Oppert, toutefois, qui a visité la plupart des musées anatomi-ques d'Angleterre, et y a examiné les poumons de mineurs qu'on y con-serve, ces excavations se rencontreraient assez rarement (Deutsche Klinik, n» 36, 1857.)

E. Indurations pulmonaires autour des foyers tuberculeux, gangreneux ; au voisinage des kystes hydatiques, etc., etc. — Nous en dirons autant des indurations pulmonaires qui se dé-veloppent autour des foyers tuberculeux, gangreneux, des kystes hydatiques, etc., etc. ; elles ne jouent d'ailleurs, dans l'histoire de la maladie qu'elles compliquent, qu'un rôle acces-soire, ne s'y révèlent même point, en général, par des symp-tômes particuliers. Nous en parlerons donc très brièvement.

La plupart des formes d'altération pulmonaire que nous avons décrites, à propos de la pneumonie chronique lobaire, peuvent se rencontrer chez les individus qui succombent à la phtisie pulmonaire autour des cavernes et des tubercules ramollis. Ainsi, chez un enfant de dix ans, M. Leberta trouvé, autour d'une excavation qui occupait le sommet d'un poumon, tous les caractères de l'hépatisation jaune1. Le plus commu-nément toutefois c'est l'induration grise ardoisée, granulée, mais surtout l'induration plane 2, qu'on rencontre en pareil cas. Les cloisons celluleuses interlobulaires sont quelquefois très apparentes 3. Cette induration est en général peu étendue, et, le plus communément, disposée sous forme d'une couche qui n'a guère que quelques lignes d'épaisseur. M. Grisolle l'a cependant vue quelquefois épaisse de plusieurs centimè-tres 4.

Le cercle induré, qui avoisine les foyers gangreneux pul-monaires, présente souvent aussi, ainsi que l'a fait remarquer Laënnec5, la texture granulée la plus évidente. Suivant Bayle6,

. i Physiolog. pathol., t. I, p. 420. 'Rilliet et Barthez, t. III- — Grisolle. — Traité delà pneumonie, p. 87. «Chomel. — Dictionn. de méd., t. XXI, p. 224.

* Voici un chiffre qui pourra donner une idée de la fréquence de la pneu-monie chronique consécutive ~hez les tuberculeux : sur 26 cas de tubercu-lisation pulmonaire, MM. Rillet et Barthez ont rencontré 19 fois les lésions de la pneumonie chronique (Maladies des enfants, t. III, p. 711).

5 Laënnec. -- Traité de l'auscultation, t. I, p. 583, 1837.

' Bayle.— Recherches sur la phthisie, p. 31, 1810.

ce cercle peut s'étendre dans une largeur de 6 à 1S lignes au delà de l'endroit ulcéré ; ce qui établit alors autour de l'ulcé-ration une sorte de noyau dur, tandis que dans toutes les par-ties qui en sont un peu éloignées, le poumon reste mou, crépitant et sain. Si la gangrène n'était plus, comme dansle cas dont il s'agit, le fait primitif et capital ; si, en d'autres ter-mes, elle avait succédé à la pneumonie chronique, l'induration, loin d'être circonscrite au pourtour du foyer, occuperait la presque totalité ou même la totalité du lobe (obs. 1).

F. Infiltration grise tuberculeuse. — Infiltration gélati-neuse. — Nous avons donné ailleurs des caractères histologï-ques, à l'aide desquels on pourrait, d'après M. Robin, distin-guer l'infiltration grise tuberculeuse de l'infiltration par la matière amorphe finement granuleuse propre à l'induration phlegmasique. « Ou a aussi décrit Y infiltration gélatineuse comme une forme sous laquelle pouvait apparaître la matière tuberculeuse dans les poumons. Déjà signalée par Laënnec, cette substance a été ensuite retrouvée par tous les bons au-teurs, et à peu près exclusivement dans les poumons des phti-siques ; cependant M. Louis dit n'y avoir jamais rencontré de granulations tuberculeuses. Je regrette, pour mon compte, de ne pas en avoir fait l'analyse microscopique, car j'avoue que je conserve des doutes sur sa nature tuberculeuse, et j'ai tout lieu de croire qu'elle est plutôt constituée par une exsudation destinée à former du tissu connectif »

G. Carniftcation congestive : Isambert et Charles Robin 2. — Lésion pulmonaire fréquente chez les vieillards, et qui semble se lier soit à une affection organique du cœur, soit à une affec-tion chronique des poumons, telle que catarrhe chronique an

1 Lebert. —Atlas d'anatomie pathologique, p. 670.

2 Mémoires de la Société de biologie, 1855, p. 2.

emphysème, toutes les fois qu'une gêne considérable est sur-venue dans la circulation pulmonaire et a pu déterminer des hémorragies interstitielles. Son caractère principal est une induration du poumon et une augmentation de l'élasticité et de la ténacité du parenchyme, qui lui donne la consistance de la chair musculaire. Le tissu induré est sec, plus dense que l'eau, et laisse échapper quelquefois une sérosité sanglante et spumeuse. La lésion est caractérisée essentiellement : Io par l'interposition, entre les éléments normaux du tissu pulmonaire, d'une matière amorphe de nouvelle formation ; 2° par la pré-sence de granulations d'hématoïdine provenant d'hémorragies interstitielles antérieures, granulations qui peuvent présenter deux dispositions principales, à savoir : a. une infiltration gé-nérale ; S. une disposition en amas ou mamelons séparés par des interstices presque à l'état normal. — Les premières phases de cette lésion ont été bien décrites par Yirchow, sous le nom de pigment-induration 1. L'existence d'une substance amorphe finement granulée et mêlée quelquefois à des élé-ments fibro-plastiques, la rapproche de Vinduration grise de la pneumonie chronique. Le travail d'inflammation chronique est peut-être, en pareil cas, déterminé par la présence des granulations pigmentaires, qui joueraient ici le rôle de corps étrangers.

Virchovfs Archiv., I Bd., p. 462.

APPENDICE

cas de pneumonie chronique ulcéreuse

J'ai recueilli le fait suivant à l'hôpital de la Charité, en 4854.

Obs. — Pneumonie chronique ulcéreuse. — Excavation énorme non d'origine tuberculeuse, occupant toute Vétendue du lobe inférieur du poumon gauche. — Antoinette Auvoilée, trente-cinq ans, salle Sainte-Rose, service de M. Giraldès. — Cette femme entre à l'hô-pital, pour être soulagée de douleurs de reins extrêmement vives qu'elle présente depuis longtemps. Le toucher vaginal donne tous les signes d'une antéversion complète de l'utérus. Pendant son séjour à l'hôpital, elle tousse, dépérit et bientôt une expectora-tion abondante se déclare. Cette expectoration, et cela a été noté avec soin, ne présente aucune fétidité. On trouve à la percussion, de la matité, dans la partie inférieure du poumon gauche, et à l'aus-cultation du gazouillement, du souffle caverneux. On pense à l'existence d'une vomique, la malade meurt dans le marasme,

A l'autopsie, tout le poumon gauche, est adhérent intimement à la plèvre pariétale par d'épaisses fausses membranes fibreuses. Les deux lobes du poumon sont unis par une fausse membrane blanche, nacrée, très épaisse. La partie inférieure du sommet du poumon présente une induration verdàtre très prononcée; le som-met lui-même a subi une sorte de transformation fibreuse et if est creusé d'une dizaine de petites excavations du volume d'un pois.

Ces excavations sont tapissées par une fausse membrane et ne con-tiennent que du mucus. Pas de trace de tubercule dans leur inté-rieur ou à leur pourtour. Le lobe supérieur est creusé par une vaste caverne qui a plus que le volume du poing d'un adulte. Cette caverne est remplie par une sérosité trouble, légèrement purulente et contenant des flocons albumineux. Elle est tapissée par un dépôt tomenteux, gris verdâtre, qui s'enlève aisément en raclant avec le scalpel. Les parois sont constituées par le tissu du poumon induré et présentent une coloration gris-noirâtre en même temps qu'une induration très prononcée. Ce qui reste du tissu du poumon est si peu épais, que, dans quelques points, l'épais-seur de la paroi n'atteint pas un demi-centimètre et n'est presque constituée uniquement que par la fausse membrane fibreuse pleu-rafe. Dans ce tissu induré à la coupe, il n'y a rien qui ressemble à du tubercule. Le poumon droit, au sommet, présente des enfon-cements correspondant à quelques tubercules caséeux peu abon-dants. Le reste du tissu est sain. — Suit la description de l'uté-rus. — Les autres organes sont sains. — Le poumon gauche avait perdu un tiers de son volume. Le poumon droit était volumineux, emphysémateux.

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons.

12

LEÇONS

in:

COURS D'ÂNÀÏOMIE PATHOLOGIQUE

Des pneumonies chroniques (Cirrhoses du poumon)1.

Sommaire. — Caractères distinctifs des pneumonies chroniques.

I. Pneumonies lobaires chroniques. — Ses modes de terminaison ; résolution rapide et résolution lente. — Des pneumonies lobaires prolongées. — Pneumonie chronique succédant, à courte échéance, à la pneumonie lobaire. —Pneumonie lobaire prolongée. — Pneumonie lobaire chronique succédant à plusieurs pneumonies lobaires aiguës développées dans le même point. — Pneumonie lobaire récurrente: Exemples. — Formes de la lésion: induration rouge, induration grise ou ardoisée.

II. Broncho-pneumonie chronique. — Causes. — Formes. — Caractères histo-logiques.

III. Pneumonies chroniques pleurogènes. — Rôle des lymphatiques dans leur production. — Nature de la pneumonie qui accompagne l'évolution de la tuberculose pulmonaire.

Ces leçons ont eu pour but principal de séparer nettement, en fixant leurs caractères distinctifs, plusieurs espèces de

1 Leçons résumées par M. le Dr Balzer.

(FACULTÉ DE MÉDECINE, 1877-1878)

(2° Partie)

ONZIÈME LEÇON

pneumonies comprises el. confondues par les auteurs sous les noms de 'pneumonie chronique, pneumonie interstitielle, phtisie fibroïde, cirrhose du poumon, etc., dénominations vagues qu'ils emploient à peu près indifféremment. Chacune de ces appellations, dit M. Charcot, toutes synonymes et de même valeur, ne saurait représenter qu'un terme générique, et les diverses espèces du genre méritent une étude spéciale et un nom particulier. Les unes, représentant à l'état chro-nique la péripneumonie aiguë, ont pour siège principal et pour lieu d'origine les alvéoles : ce sont les pneumonies lobaires chroniques ; les autres succèdent à des inflammations des bronches ou de la plèvre : ce sont les broncho-pneumonies chroniques et les pneumonies chroniques pleurogènes. Ces variétés seules seront passées en revue dans ce résumé ; nous omettrons les pneumonokonioses, qui sont également des pneumonies lobulaires chroniques déterminées par la présence dans les voies aériennes de poussières de diverses natures, mais dont il sera bientôt question (p. 203)

I. — Des pneumonies lobaires chroniques.

1° Des divers modes de terminaison de la pneumonie lobaire aiguë. Résolution rapide et résolution lente. — La pneumonie lobaire est marquée dans sa période de résolution par des mo-difications anatomiques qui se rapportent à deux processus fondamentaux: 1° la dégénération ou infiltration graisseuse; 2° la dégénération muqueuse. Ces transformations sont subies à des degrés divers par tous les éléments contenus dans les alvéoles : réseau fibrineux, leucocytes, et cellules épithéliales détachées des parois. Le dernier terme est la production d'un liquide muqueux, chargé de granulations graisseuses, qui peut être résorbé ou rejeté par l'expectoration, et, comme les parois alvéolaires n'ont subi pendant la maladie aucune mo-

dification appréciable de structure, tout rentre bientôt dans l'ordre.

La résolution s'accomplit vingt-quatre ou quarante-huit heures après la chute brusque du mouvement fébrile; elle s'accompagne d'une expectoration spéciale offrant des carac-tères en rapport avec les modifications qui se passent au sein du parenchyme. Les crachats sont opaques, muco-purulents : ils forment une masse muqueuse, chargée de leucocytes, de granulations graisseuses libres et de cellules épithéliales pré-sentant tous les caractères de la dégénération granulo-grais-seuse. Leur quantité s'élève à 240 ou 330 grammes dans les 24 heures, d'après Biermer, tandis que, d'après le même au-teur, elle n'est que de 30 à 120 grammes pendant la période d'hépalisation rouge. En général, l'amélioration des symp-tômes est sans rapport avec la quantité de l'expectoration. Fox a vu les signes physiques disparaître dans un cas où la pneumonie s'étendait à tout un lobe, sans que la quantité de l'expectoration fût augmentée.

A côté de la résolution rapide, qui est habituelle dans la pneumonie lobaire, il faut placer la résolution lente. Ici, les phénomènes d'élimination sont retardés par suite de circon-stances mal définies, et les signes physiques de l'induration pulmonaire persistent pendant des semaines et des mois entiers, sans que le malade, désormais hors de danger, pa-raisse en ressentir un grand dommage. Grisolle a vu. cette résolution lente s'opérer du vingtième au cinquante-cinquième jour, 66 fois sur 103 cas. Sur 26 cas observés par M. Wilson Fox à ce point de vue, la résolution s'opéra cinq fois entre le vingtième et le vingt-cinquième jour ; dans un cas, elle ne fut complète que le trentième jour. Andral a vu la résolution s'achever dans un cas, seulement au bout de quatre mois. Comme le fait remarquer M. Charcot (th. d'agrég., p. 148), ces cas n'appartiennent pas à l'histoire des pneumonies chro-

niques; les matériaux d'exsudation persistent pendant long-temps au sein du parenchyme pulmonaire, sans qu'il y ait persistance du travail inflammatoire.

2° Des pneumonies lobaires prolongées. — La résolution lente s'observe donc assez fréquemment dans des cas où. tout rentre dans l'ordre, malgré celte prolongation inquiétante. Il n'en est pas toujours ainsi, et le tissu pulmonaire devient parfois, dans ces circonstances, le siège d'altérations anatomi-ques plus ou moins indélébiles : à la pneumonie aiguë suc-cède une pneumonie interstitielle.

Longtemps mis en doute1, ce mode de terminaison a été prouvé par les observations de Grisolle2, de Hardy et Béhier 3 et par la thèse d'agrégation de M. Charcot 4. On le rencontre rarement, et dans des conditions spéciales, chez le vieillard le plus souvent.

Deux catégories de cas peuvent s'observer: 1° Après une première attaque de pneumonie aiguë, la fièvre cesse momen-tanément; mais les signes physiques persistent, et la lésion chronique s'établit. Celle-ci ne se développe qu'à la suite d'un certain nombre de récurrences de la pneumonie aiguë, qui, à chaque récidive, se localise sur le même point du pou-mon. Citons quelques exemples de ces deux ordres de faits.

Pneumonie chronique succédant à courte échéance à la pneumonie lobaire. — Pneumonie lobaire prolongée. — L'étude des cas de ce genre établit l'existence de trois variétés de pneumonie chronique, correspondant à différents stades de l'altération.

• D'après Buhl et Jurgensen, il n'existerait pas d'induration chronique d'origine croupale.

* Grisolle. — Traité de la pneumonie, 1841.

3 Hardy et Béhier. — Traité de pathologie interne, 1850, t. II.

4 De la Pneumonie chronique, th. d'agrég., 1860 (Voir p. 117 à 177.)

a) Exemple de la première variété. — Femme de 75 ans, nommée Robillard, observée à la Salpêtrière, morle subite-ment 35 jours après le début de la pneumonie aiguë, la dé-fervescence ayant eu lieu le huitième jour, brusquement, avec un abaissement delà température au-dessous delà normale; comme cela a lieu chez l'adulte, les signes locaux persistent ; bientôt la fièvre reparaît, un état typhoïde s'établit, et des es-charres se forment.

L'autopsie montre les lésions qui caractérisent le premier stade de ce genre de pneumonie interstitielle, à savoir l'indu-ration rouge du poumon : les cavités alvéolaires sont encom-brées de masses muqueuses englobant des globules blancs, des corps granuleux, des cellules épithéliales et des granula-tions graisseuses libres. Les parois alvéolaires ne présentaient d'autre altération qu'un très léger épaississement, et tout porte à croire que l'élimination de ces produits eût eu lieu tard, si la mort n'était pas survenue aussi brusquement.

b) Exemple de la deuxième variété. — Le deuxième cas a été emprunté à l'ouvrage de Grisolle1 : après une pneumonie régulière dans son évolution el dans sa défervescence, le ma-lade est repris d'accidents fébriles et succombe deux mois et demi après le début. Les lésions furent encore ici celles de Yinduration rouge; mais, de plus, on trouvait par places de Yinduration grise, lésions correspondant à une phase plus avancée de l'altération, au deuxième stade dans lequel se re-trouvent encore les principaux caractères de la pneumonie lobaire, en particulier les granulations.

Ce fait a servi à établir la transition entre la deuxième va-riété et la troisième, décrite dans la thèse d'agrégation de M. Charcot2.

i Traité de ta pneumonie, 1841, p. 79. * Loco citâto.

c) bxcmpte de la troisième variété. — Il s'agit encore ici d'un cas de pneumonie régulière chez un homme de 60 ans, chez lequel les accidents locaux persistèrent après la chute de la fièvre. Plus tard, celle-ci reparut, en prenant le caractère hectique, et le malade succomba au bout de 4 mois. On trouva, à l'autopsie, tout le lobe inférieur transformé en une masse fibreuse, atrophié, sans dilatation bronchique et sans tuber-cules, présentant une coque pleurale épaisse. Ce sont les carac-tères de Yinduration grise ou ardoisée, c'est-à-dire le troisième stade, le dernier terme de ce genre de pneumonie.

Comme on le voit, la pneumonie lobaire peut être l'occasion du développement d'une pneumonie chronique qui lui succède sans qu'il y ait d'interruption bien marquée entre les deux phases de la maladie. Une autre forme de pneumonie chroni-que se rattache également à l'histoire de l'induration rouge ou ardoisée : c'est la pneumonie lobaire récurrente.

3° Pneumonie lobaire chronique succédant à plusieurs pneu-monies lobaires aiguës développées dans le même point. — Pneumonie lobaire récurrente. — Les attaques répétées de pneumonie aiguë ont été depuis longtemps signalées par les auteurs l. Il existerait chez certaines personnes une véritable disposition constitutionnelle à la pneumonie lobaire, et l'on a remarqué de plus que, dans les cas de ce genre, le même pou-mon, les mêmes parties de ce poumon, sont le siège de ces récurrences fluxionnaires. Sur 35 cas de pneumonie, Grisolle les a vues se produire 25 fois sur le poumon d'abord affecté.Le nombre des récurrences qui se produisent chez un même sujet est souvent des plus remarquables. Ainsi Andral a vu la pneu-monie se produire 15 fois chez un malade dans l'espace de onze ans. Chomel a cité 10 récidives, Frank H, Rust 28. Un enfant observé par Ziemssen a éprouvé en 5 ans quatre atta-

i W. Fox, loc. cit., p. 612.

ques de pneumonie ayant pour siège le lobe inférieur gauche, et une occupant le lobe supérieur droit. Les intervalles qui séparent les récurrences sont plus ou moins longs : suivant M. Fox, leur durée moyenne serait de trois à cinq ans, mais ils semblent se rapprocher à mesure que les pneumonies se multiplient.

Du reste, la rareté de ces faits paraîtrait sans doute moins grande, si l'observation de la ville pouvait être opposée à celle de l'hôpital, ou encore si l'étude de la maladie était faite dans un hospice comme la Salpêtrière, où les malades ne sont jamais perdus de vue. C'est ainsi que M. Charcot a pu observer un certain nombre de ces récurrences, et il en cite deux exem-ples particulièrement remarquables à divers points de vue: 1° à cause du nombre des récurrences qui, suivant la règle, se sont faites pour la plupart au moins sur le même poumon et au même point; 2° parce que l'autopsie a permis de con-stater l'état des parties qui avaient été le siège de ces inva-sions pneumoniques si fréquentes ; enfin parce qu'il a pu suivre plusieurs fois d'une manière régulière l'observation cli-nique de ces récurrences fluxionnaires et leur courbe ther-mique.

Le premier est celui d'une malade nommée Coudraux, morte à l'âge de 76 ans. Elle entra pour la première fois, en 1861, dans le service de M. Charcot, dont M. Soulier était alors in-terne, et succomba six ans après, en 1867, pendant l'année d'internat de M. Lépine. Elle eut, dans ce laps de temps, huit atteintes de pneumonie aiguë, dont sept se développèrent dans le poumon gauche. Le tableau suivant permet de suivre facilement les diverses phases de cette singulière évolution.

Poumon gauche. ?1864. Janvier. — lrc attaque connue. Mai. — 2" attaque.

1864. Janvier. — 3B attaque. Mai. — 4e attaque

1865. Janvier. — 5" attaque. Avril. — 6« attaque.

1867. Janvier. — 7e attaque.

Poumon droit.

1867. Mars. — 8e attaque. — Mort.

Autopsie. —Poumon gauche: pneumonie chronique, indu-ration rouge et ardoisée, avec adhérences pleurales du lobe inférieur droit. Poumon droit : hépalisation grise récente de toute l'étendue du lobe supérieur.

M. Charcot fait remarquer que toutes ces attaques de pneu-monie aiguë ont été régulières (crachats rouilles, signes sté-thoscopiques classiques, courbe thermique particulière, etc.). En général, les attaques du côté du poumon gauche, surtout les dernières, ont été peu intenses ; la résolution était lente : il persistait de la toux, de l'oppression, et un peu de respiration rude avec râles sous-crépitants dans le lobe moyen gauche. Il est clair qu'une lésion permanente, probablement un certain degré d'induration, persistait dans l'intervalle des accès, s'accompagnant vraisemblablement (l'analyse histologique n'a malheureusement pas été faite) d'un épaississement des parois des alvéoles, qui permettait encore cependant la production d'exsudats fibrineux dans leur cavité. La malade a succombé à une pneumonie droite : peut-on croire que l'état du poumon gauche n'a plus permis, dans les derniers temps, l'évolution d'une pneumonie aiguë ?

Le deuxième cas, fort analogue au précédent, ne présente pas moins d'intérêt. Le tableau suivant résumera l'histoire de cette malade, nommée Yion, qui a succombé à l'âge de 81 ans :

Poumon droit. — Sommet.

Poumon gauche.

Sommet.

1863. Novembre. — lro attaque con-

nue : courbe régulière avec defervescence ; sortie trois mois après, conservant au sommet du souffle et des râles crépitants.

1864. Novembre. — 2e attaque ; même

siège ; courbe régulière avec defervescence : sortie un mois après, ayant toujours du souffle.

1866. — 4e attaque avec complica-tion de pleurésie enkystée à droite, qui cause la mort.

Autopsie. — Induration ardoisée du sommet du poumon droit. Pleurésie enkystée du même côté au niveau du lobe inférieur. Induration fibreuse du sommet du poumon gauche.

D'après ces deux observations, M. Charcot interprète de la manière suivante les phénomènes qui se passent dans les pneu-monies. Il est démontré que la peumonie lobaire, lorsqu'elle se résout lentement, laisse après elle une lésion permanente, un certain degré d'induration hyperplasique de la trame pul-monaire. Il s'établit ainsi une prédisposition aux récurrences, ou tout au moins une cause d'appel propre à déterminer leur siège, ainsi que Paget1 a soin de le faire remarquer. On peut citer à l'appui de cette opinion le cas des néo-membranes pleurales, renfermant des vaisseaux à parois embryonnaires, et qui deviennent facilement le siège de phlegmasies à répé-tition, pouvant se traduire chaque fois par la formation d'un nouvel exsudât séro-fibrineux.

1 Lectures on Inflammation, on Ulcération, lect. V. London, 1850.

1865

Décembre. — 3e attaque. Sor-tie un mois après, ayant encore du souffle. On ignore si elle avait eu déjà une pneumonie de ce côté.

Mais, quelle que soit l'évolution de la pneumonie chro-nique, qu'elle succède immédiatement à la pneumonie aiguë ou qu'elle soit le résultat de récidives nombreuses dans Je même point, la lésion s'offre toujours à l'observation sous les deux formes principales déjà mentionnées:

Io L'induration rouge (Àndral *, Hope 2, Forster 3), Yhépa-tisation indurée (Lebert), est le pendant à l'état chronique de l'hépatisation rouge de l'état aigu. La lésion est lobaire ; le tissu pulmonaire est compact, lourd, non crépitant; la surface de sa section est sèche et granuleuse. Toutefois les granula-tions sont peut-être moins volumineuses que dans la pneu-monie aiguë ; c'est, en somme, l'hépatisation rouge, avec une consistance plus ferme du tissu pulmonaire. Il faut y ajouter un épaississement sous-pleural, sous forme de coque fibreuse : enfin il est à noter que les bronches ne sont pas dilatées, et même que le cloisonnement interlobulaire peut n'être pas appréciable. Le microscope nous montre les parois alvéolaires épaissies par la présence d'éléments ronds, fusiformes, quel-quefois même par du tissu fibrillaire. Les fibres élastiques sont encore manifestes. Le contenu des alvéoles rétrécis présente la forme de pelotons de cellules épithéliales englobées dans un magma granulo-graisseux. Souvent, les cellules contiennent des cristaux de margarine, dont quelques-uns sont en liberté. Déjà l'épithélium tend à se régénérer : on le voit sous la forme de larges cellules polygonales ; on ne trouve pas d'épithéliums cubiques.

Cette induration rouge s'observe, comme nous l'avons vu, dans les cas à issue relativement prompte après un mois ou six semaines de maladie. Dans quelques cas rares, au bout

4 Clinique médicale, t. III, p. 462, et Précis d'anatomie pathologique, t. III, p. 516.

2 Principies and Illustrât, of Morbid Anatomy. London, 1834, p. 15. a Forster. — Handbuch der path. Anat. Bd. II, S. 161.

d'un temps égal ou un peu peu plus long, le poumon hépatisé prend une teinte jaune, anémique, qui a valu à cette lésion les noms d'induration jaune (Hope J) ou d'hê-patisation jaune (Lebert), d'induration albumineuse (Addi-son 2).

2° L "induration grise, ardoisée 3 (Andral, Grisolle *, Chomel8) présente deux phases distinctes : a) Une première phase s'é-tablit après deux ou trois mois de durée de la maladie totale. Le poumon est plus ferme, sa coupe plus sèche ; il commence à devenir plus petit. Les granulations se rencontrent encore, mais plus petites ; pas de dilatation des bronches, mais les tra-vées interlobulaires se dessinent nettement. Souvent, Yindura-tion rouge et F induration grise existent en même temps sur divers points d'un même poumon. — b) Dans la deuxième phase de l'induration grise, une véritable métamorphose fibreuse pneumonique se produit, dans l'espace de 4 ou 5 mois, un an ou même davantage. Les lésions histologiques sont ici beaucoup plus accentuées, comme le montre une ob-servation de MM. Ackermann et Thierfelder, relative à un homme de 26 ans mort deux ans et demi après la pneumonie aiguë initiale 6.

La consistance du poumon est très ferme : il crie sous le scalpe], et le doigt ne peut le pénétrer; sa coloration est ardoisée, verdâtre ou noirâtre ; sa surface est lisse ; plus de granulations ; le tissu est légèrement spongieux ; les travées alvéolaires se dessinent dans son intérieur, mais jamais très fortement. La coque pleurale est épaisse ; le poumon ratatiné,

1 Loc. cit. (Yellow induration).

2 Addison. — Observ. on Pneumonia and its Conséquences {Guys Hospital Reports, 2" série. 1843, p. 365).

3 Grey induration (Addison). * Andral, Grisolle, loc. citât.

8 Chomel. — Dict. en 21 vol., art. Pneumonie. 6 Deutsch. Archiv., X. Bd. Leipzig, 1872.

est réduit aux deux tiers, à la moitié, ou même au tiers de ;Son volume normal. Pas de dilatations bronchiques.

L'analyse histologique montre le développement considéra-ble du tissu fibreux, par suite duquel les alvéoles ont diminué »en nombre et en étendue. Ils sont partout rétrécis; on voit souvent dans leur intérieur des végétations polypi formes de Ha paroi fibreuse, laquelle renferme un grand nombre de cel-lules fusiformes. L'épithélium contenu dans les alvéoles est polygonal ; on ne trouve pas d'épithélium cubique. Les alvéoles renferment en outre des cristaux aciculés nombreux (cristaux de margarine?). Pas de caséification ; mais, dans plusieurs cas, on trouve une dégénération particulière qui conduit à la formation de cavités, sans revêtement membraneux, sculptées en quelque sorte dans le parenchyme pulmonaire induré. Ces cavités ont été désignées sous le nom (ïidcères du poumon, pour les distinguer des abcès de la pneumonie aiguë et des cavernes tuberculeuses. Ce nom d'ulcère n'était employé de-puis Hunter que pour les pertes de substance des parties exposées (peau, membrane muqueuse). Mais M. Charcot rap-pelle qu'autrefois on appelait aussi ulcère les pertes de sub-stance des organes parenchymateux, les excavations auxquelles -le nom d'abcès ne convient pas. La pneumonie anthracosique présente, elle aussi, des excavations de ce genre, c'est-à-dire :non tuberculeuses. Les excavations d'origine tuberculeuse et des dilatations des bronches ne sont donc pas les seules exca-vations qui peuvent exister dans le poumon ; il en est d'autres que le clinicien et l'anatomiste doivent apprendre à con-naître.

II. — De la broncho-pneumonie chronique '.

Celte forme de pneumonie interstitielle est anatomique-

1 Syn. : pneumonie chronique, pneumonie interstitielle, phtisie fibroïde, cirrhose du poumon, etc.

ment bien distincte, dans toutes ses phases, de la lésion cor-respondante qui succède à la pneumonie lobaire aiguë.

Legendre et Bailly 1 ont les premiers donné, en 1844, une bonne description de cette lésion ; ils l'ont désignée sous le nom de carnisation, et il faut bien la distinguer delà carnifica-tion, laquelle n'est autre chose que l'état fœtal. Avant eux cependant, Corrigan avait, en 1838, indiqué nettement les principaux traits de la carnisation avancée, dans son célèbre travail intitulé: Cirrhosis of the Lung. (Dublin journal of médical science. Dublin, 1838, t. XIII).

Il faut signaler aussi un mémoire de M. Sutton 2 et de nom-breux travaux présentés dans ces dernières années àla Société pathologique de Londres. Ces travaux sont en quelque sorte résumés dans deux articles publiés dans le troisième volume de Y Encyclopédie de Reynolds 3.

Mais la distinction que veut établir M. Charcot entre les deux grandes formes de pneumonie chronique se trouve à peine ébauchée dans les écrits de ces divers auteurs. Us con-fondent ensemble les diverses variétés de cirrhose pulmo-naire, même celles qui se rattachent à la tuberculose.

M. Charcot établit tout d'abord que, de même que la pneu-monie lobaire aiguë précède l'induration rouge et grise, de même la broncho-pneumonie chronique se développe comme le type aigu correspondant à la suite d'un catarrhe bronchique, de la rougeole, de la coqueluche, de la fièvre typhoïde.

Dans ces derniers temps, Ziemssen 4, Bartels 5 et Jurgen-

i Legendre et Bailly. — Archiv, de méd., janvier 1844. ä Fibroïd degeneration of the Lungs (Médical and Surgical Transact., p. 287, 1865).

3 Wilson Fox. — Pneumonie chronique, et Ch. Bastian, Cirrhose du poumon, System of Medicine (Beynolds, t. III, 1871).

* Pleuritis und Pneumonie in Kindesalter. Berlin, 1862.

5 Bartels. — Bemerkungen über eine Masern-Epidemie mit besonderer Berücksichtigung der dabei vorgekommenen Lungenaffectionen (Virch. Arch., 1861).

sen 1 ont publié des observations intéressantes qui démontrent l'existence d'une forme de transition, d'une broncho-pneu-monie sub aiguë, qui dès l'origine tend à la chronicité.

Le type clinique broncho-pneumonie aiguë n'a pas, on le sait, l'évolution régulière et fixe de la pneumonie lobaire. A côté de formes aiguës qui peuvent simuler la pneumonie lo-baire par leurs caractères cliniques principaux et même par la marche de la température, il existe une forme subaiguë qui se montre dès l'origine avec son caractère particulier : appa-reil fébrile relativement peu intense, oscillations prononcées de la courbe thermique. Sa durée peut atteindre 15 jours, trois semaines. Quelquefois elle se résout, quelquefois elle se prolonge et passe à l'état chronique. Bartels cite un cas qui a duré sept mois. Elle peut même se continuer pendant plusieurs années et aboutit enfin à Yindaration atrophique du poumon avec dilatation des bronches.

Celte forme peut se présenter surtout après un catarrhe aigu ou chronique, après la coqueluche (Ziemssen), quelquefois après la rougeole (Bartels), et, suivant M. Charcot, après la fièvre typhoïde, bien que dans ce dernier cas la forme aiguë ou subaiguë soit en quelque sorte la règle. L'étude macrosco-pique de la lésion dans cette forme subaiguë a clé bien faite par les auteurs, mais tout restait à faire en ce qui concerne les caractères histologiques ; cette lacune a été heureusement comblée par M. Charcot à l'aide d'observations et de pièces qui lui ont été obligeamment fournies par MM. les Drs Parrot et Archambault, et provenant d'enfants âgés de six semaines à cinq ans, morts deux ou trois semaines après le début des ac-cidents broncho-pneumoniques, à la suite de rougeole ou de bronchite. On retrouve en pareil cas les principaux traits de la broncho-pneumonie aiguë :

1 ZietnssemS Supplément.

4° Localisation symétrique des lésions aux parties inférieures, et postérieures, avec tendance remarquable à se fixer dans un. seul lobe, sous la forme pseudo-lobaire ; 2° coloration violacée» ou rosée pâle ; 3° consistance justifiant jusqu'à un certain, point le nom de carnisation (tissu musculaire) ; 4° pas d'atro-phie ; 5° insufflation très incomplète; 6° coupe lisse, sèche, laissant couler à peine un peu de liquide séreux, sans granu-lations, présentant, en un mot, une surface homogène qui contraste avec l'aspect marbré de la broncho-pneumonie aiguë.

Cette opposition absolue disparaît à une étude plus atten-tive et l'œil nu ou armé de la loupe reconnaît bientôt les dé-tails suivants : Io bronches dilatées (dilatations fusiformes), surtout dans les lobes inférieurs ; quelquefois, aspect aréolaire comparable à celui du fromage de gruyère ou des pierres ver-moulues, œuvre des pholades (Corrigan) ; ces cavités con-tiennent un muco-pus pouvant présenter l'aspect caséeux ; de plus, contrairement à ce qui existe dans la pneumonie lobaire chronique, le tissu conjonctif péribronchique et périvasculaire est considérablement épaissi; 2° cloisons interlobulaires très marquées, surtout chez l'enfant : ce cloisonnement est égale-ment beaucoup moins net dans la pneumonie lobaire ; il con-stitue un caractère important des pneumonies pleurogènes et de la pneumomie fibroïde des phthisiques, qui d'ailleurs n'est qu'une broncho-pneumonie ; 3° enfin les nodules péri-bronchiques de la forme aiguë se retrouvent encore sous une forme atténuée ou effacée. On distingue autour des bron-chioles, à un examen attentif, des petits grains agglomérés, quelques grappes qui tranchent par leur coloration grise ou jaunâtre, ou par une légère saillie, sur le fond rosé et lisse de la coupe du poumon.

Ainsi, dans la forme subaiguë, ce fond rosé ou violacé qui caractérise la carnisation correspond à la splénisation de la

forme aiguë, en même temps que la présence des nodules vient compléter l'analogie. A ces caractères macroscopiques, il faut ajouter les fausses membranes pleurales, sans adhéren-ces, l'emphysème et la tuméfaction des ganglions bron-chiques.

M. Charcot complète ensuite cette description macroscopi-que à l'aide des données nouvelles que lui fournit l'analyse histologique :

1° Les bronches contiennent du muco-pus; leur epithélium est longtemps conservé, mais tuméfié ; infiltration de la mu-queuse et de la tunique adventice des bronches, d'abord par des cellules rondes et fusiformes, puis formation de fibrilles ; destruction des tuniques musculaires et élastiques (Troja-nowsky). La dilatation bronchique qui accompagne cette des-truction est donc un fait primitif, antérieur à l'atrophie du poumon, ce qui réduit à néant la théorie de Corrigan, d'après laquelle elle serait consécutive à l'atrophie du poumon et à la rétraction du tissu conjonctif. M. Charcot rappelle encore, contre cette théorie, l'intégrité des bronches, qui s'observe dans la pneumonie lobaire chronique, malgré la transforma-tion du parenchyme en tissu fibroïde, évidemment doué ce-pendant de rétractilité.

2° Le tissu conjonctif interlobulaire subit la métamorphose embryonnaire, comme le tissu péribronchique.

3° Dans les nodules péribronchiques, les alvéoles sont rem-plis d'exsudat fibreux dont les filaments englobent principa-lement des cellules épithéliales.

Enfin, dans les parties carnisées, roses et lisses, correspon-dant aux parties splénisées de l'état aigu, on trouve les altéra-tions de la pneumonie desquamative, mais avec des caractères

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons. 13

spéciaux qui n'appartiennent pas à l'état aigu : a) épaississe-ment des parois des alvéoles et des conduits alvéolaires qui sont déformés et envahis d'abord par des éléments embryon-naires et fusiformes, puis par des fibrilles ; b) cellules épithé-liales gonflées, fondues en un magma, remplies de cristaux aciculés, offrant les réactions delà margarine sous l'influence de l'éther et de la benzine, se résolvant en gouttelettes de graisse sous l'influence de la chaleur; c) enfin, dans les points où la lésion est la plus avancée, la paroi alvéolaire est revêtue par un épithélium cubique, tandis qu'à son centre se trouvent des cellules atteintes à divers degrés de la dégénéralion qui vient d'être indiquée.

M. Charcot suit pas à pas les analogies qui existent entre la forme aiguë et la forme subaiguë, et ce parallèle permet de mieux interpréter les caractères des lésions lorsqu'il s'agit de broncho-pneumonies décidément chroniques. Il en donne la description d'après un cas observé par M. Olivier, chez une femme de 20 ans, morte en couches, un an après le début des accidents pulmonaires. La lésion était au premier degré dans le lobe supérieur, avec des nodules péribronchiques distincts, des bronches peu dilatées. Lobes inférieur et moyen con-fondus, déjà atrophiés ; dilatations considérables des bronches : quelques-unes ampullaires, simulant des cavernes et renfer-mant un pus caséeux. On retrouve donc ici l'aspect décrit par Corrigan, avec le cloisonnement interlobulaire, l'épaississe-ment de la coque fibreuse pleurale, et un certain degré d'atro-phie du poumon. Malgré la date plus ancienne des lésions, les caractères hislologiques sont, dans ce cas, les mêmes que dans la broncho-pneumonie subaiguë, avec quelques variantes de peu d'importance1.

1 On trouvera également dans ma thèse (Contribution à Vétude de la bron-cho-pneumonie, 1878), faite avec l'aide des conseils et des leçons de M. Charcot, deux observations de broncho-pneumonie subaiguë ayant duré trois mois environ. Le premier cas est celui d'une petite fille de trois ans,.

Dans les cas plus anciens encore, datant de plusieurs années, comme celui de Jiirgensen1 (huit ans), les traits principaux de cette description sont encore plus accusés : Io Atrophie considérable du poumon, qui peut être réduit au volume du poing et dont le tissu dur, criant sous le scalpel, est comme cartilagineux. 2° La teinte rosée de la carnisation est remplacée par une coloration ardoisée, verdâtre ; la surface est lisse, sans nodules. 3° Induration fibreuse, avec affaisse-ment des alvéoles et cloisonnement du poumon. 4° Enfin dila-tation des bronches plus ou moins prononcée, caractère im-portant qui manque dans l'induration grise ardoisée qui constitue la période ultime de la pneumonie lobaire chro-nique.

A ce degré terminadla lésion broncho-pneumonique s'accom-pagne, dit M. Charcot, de lésions concomitantes utiles à con-naître au point de vue de l'interprétation des phénomènes cli-niques qui peuvent contribuer à caractériser cette forme de pneumonie chronique: Io C'est d'abord l'hypertrophie du ven-tricule droit (dix fois sur trente, Bastían), laquelle ne se voit guère dans la pneumonie lobaire et entraîne une hydropisie notée dans un certain nombre d'observations (œdème des membres inférieurs et ascite). 2° Déplacement plus ou moins prononcé du cœur, du même côté que la lésion pulmonaire : à gauche, vers la région sous-claviculaire ; à droite, et en haut, au niveau de la quatrième côte, à droite du sternum. Dans ces

chez laquelle les accidents pulmonaires s'étaient développés à la suite d'une rougeole. Dans l'autre cas, ils avaient succédé à des troubles cardiaques, chez une petite fille de quatre ans. A l'autopsie, on trouva les lésions ca-ractéristiques de la carnisation développées dans un seul poumon, dans le premier cas, dans les deux poumons, dans le deuxième. L'examen microsco-pique montra des lésions semblables à celles que décrit M. Charcot : infil-tration de leucocytes dans les parois des bronches et des alvéoles, accumu-lation de leucocytes, de corps granuleux et de graisse, dans les alvéoles, épaississement du tissu conjonctif, conservation du nodule péribronchique très net,surtout dans le second cas. (Balzer.) 1 Ziernssem' Supplément, p. 197.

cas, le cœur bat en quelque sorte à nu sous la paroi thoraci-que, et l'impulsion peut être sentie depuis la deuxième jusqu'à la quatrième côte, au sommet, du côté de l'aisselle (Peacock, Reynolds System). 3° Le diaphragme remonte jusque vers la quatrième côte (Traube), et il se produit une déformation de la poitrine conforme à la description classique donnée par Laënnec à propos de l'atrophie pulmonaire consécutive à la pleurésie chronique : aplatissement dans tous les sens, rétrécis-sement des espaces intercostaux (Nothnagel), épaule et pointe de l'omoplate abaissées.

Les autres caractères spéciaux sont en rapport avec l'exis-tence habituelle des dilatations bronchiques : expectoration abondante, fétide ; hémoptysies fréquentes (seize fois sur trente-neuf) ; accès fébriles à forme pseudo-intermittente ; enfin Biermer signale une complication singulière : quatre fois des abcès du cerveau, deux fois de nature gangreneuse.

En résumé, dit M. Charcot, il s'agit dans ces cas d'une lésion remontant à l'enfance ou à la jeunesse, dont le début a été marqué par une affection aiguë ou subaiguë (rougeole, coquelu-che, fièvre typhoïde, bronchite), occupant le lobe inférieur et se révélant cliniquement par des phénomènes qui se rattachent les uns à l'atrophie pulmonaire, les autres à la dilatation bron-chique.

III. — Des pneumonies chroniques pleurogènes.

Les lymphatiques superficiels du poumon sont situés dans l'espace sous-pleural, à une assez grande dislance de la cavité séreuse: est-ce là, dit M. Charcot, une disposition constante, ou n'existe-t-il pas des relations plus directes entre ces lym-phatiques et la plèvre, laquelle n'est, en anatomie générale, qu'une grande cavité lymphatique, toujours baignée par la lymphe? La constatation anatomique de ces relations rendrait

facilement compte d'un certain nombre de faits pathologiques peu compréhensibles sans cela.

Certaines pleurésies, en général de mauvaise nature, obser-vées chez l'homme, et sur lesquelles M. Moxon 1 a l'un des premiers appelé l'attention, s'accompagnent d'une angioleucite pulmonaire généralisée: il en est de même des pleurésies puerpérales, ainsi que l'ont fait voir Heiberg, Longuet. Très fréquemment, les lymphatiques du poumon sont affectés, lorsqu'un cancer du sein s'est étendu à la plèvre costale (Char-cot et Debove). Dans les conditions expérimentales, l'injection de pus putride ou de produits tuberculeux dans la plèvre du co-chon d'Inde ou du lapin produit, pour ainsi dire, à coup sûr, la lymphangite pulmonaire. Or, dans tous ces cas, le tissu de la plèvre ne paraît pas sérieusement affecté: faut-il admettre qu'il y ait là inhibition de proche en proche à travers l'épais-seur relativement considérable de la plèvre et du tissu sous-pleural, ou n'existe-t-il pas en certains points des bouches absorbantes, analogues à celles que le génie de Bichat avait imaginées? Des recherches récentes ont établi qu'une sem-blable disposition existe sur la plèvre pariétale : elles sont dues à M. Dybkowsky et ont été faites dans le laboratoire de Ludwig, sous la direction du maître, et les résultats qu'il a obtenus sur le chien et le lapin s'appliquent à l'homme, chez lequel les lymphatiques de la plèvre présentent les mêmes dis-positions. Au niveau des espaces intercostaux, l'injection montre un réseau lymphatique très riche, aboutissant à des vaisseaux à valvules qui suivent les bords inférieur ou supé-rieur de la côte pour aller se rendre, dans les parties anté-rieures, aux lymphatiques qui accompagnent les vaisseaux mammaires et, dans les parties postérieures, aux vaisseaux qui sont le long de la colonne vertébrale (voir la figure du Mé-moire de Dybkowsky). Ces lymphatiques sont disposés en deux

1 Moxon. — Path. Transactions, 1816, p. 46, et 1872. p. 20.

réseaux : l'un, profond, est situé dans l'épaisseur du tissu con-jonctif pleural ; l'autre, superficiel, est disposé au milieu d'un lacis de faisceaux conjonctifs qui constitue la membrane fonda-mentale de la plèvre. En certains points, le vaisseau lympha-tique superficiel est immédiatement en contact avec le revête-ment endothélial dont il n'est séparé que par l'épaisseur de sa propre paroi, composée elle-même d'une couche endothéliale. En certains points, des orifices réservés entre les cellules feraient communiquer directement la cavité séreuse avec ces lymphatiques superficiels. Cette disposition n'est pas admise par tous les anatomisfes; mais, quoi qu'il en soit, on obtient avec une grande facilité la résorption des liquides introduits dans la plèvre (bleu de Prusse, par exemple), et par suite des injections lymphatiques aussi complètes que par les autres pro-cédés.

Ces dispositions anatomiques observées sur le lapin et sur le chien ont été constatées chez l'homme par M. Wagner (Arch. de Heilkunde, 1870), qui a même vu, dans la pleurésie fibrineuse, aiguë ou chronique, les lymphatiques superficiels contenant de la fibrine se continuer immédiatement avec le dépôt fibrineux de la fausse membrane. MM. Cornil et Ranvier ont fait des remarques analogues. Ces faits expérimentaux et pathologiques établissent, d'après M. Charcot, que la résorp-tion du contenu pleural se fait aisément en certains points de la plèvre costale, par la voie des lymphatiques, et probable-ment par l'intermédiaire de trous ou pertuis préformés.

D'après Klein, les mêmes données sont applicables à la plè-vre pulmonaire ; il a reconnu l'existence d'orifices remplis à l'état normal par quelques cellules lymphatiques, et il a même pu voir, assure-t-il, à l'état pathologique, les filaments fibri-neux de la surface pleurale pénétrer par ces orifices jusque dans le réseau lymphatique sous-pleural. M. Troisier a égale-ment retrouvé, dans l'épaisseur de la plèvre, des particules de

carmin provenant d'injections faites dans la plèvre. Ces don-nées trouvent leur application dans l'histoire des lésions pul-monaires consécutives à celles de la plèvre, mais il faut encore tenir compte dans leur étude d'autres éléments importants.

Les lésions pulmonaires s'étendent souvent à la plèvre ; c'est en quelque sorte la règle dans la pneumonie fibrineuse lobaire. Cette propagation s'explique non seulement par le voi-sinage de la séreuse, mais par une vascularisation commune. Le réseau capillaire respiratoire, celui des acini, est en jeu dans la pneumonie fibrineuse lobaire; ce réseau, émanation de l'artère pulmonaire, fournit des rameaux à la plèvre, ainsi que déjà Reissessen l'avait remarqué et comme l'ont vu aussi Kôlliker et Rindfleisch. Il faut donc, à propos de la plèvre, tenir compte non seulement des vaisseaux issus des artères bronchiques et des veines pulmonaires, mais aussi de ces branches de l'artère pulmonaire qui établissent une relation vasculaire directe entre la plèvre et la circulation des alvéoles. Il y a, d'une part, retentissement des altérations du poumon sur la plèvre, et, d'autre part, retentissement aussi des altéra-tions de la plèvre sur le poumon. Rindfleisch fait remarquer qu'il est commun de voir dans la pleurésie séro-fibrineuse les alvéoles superficiels remplis d'exsudats ûbrineux.

Les lésions de la plèvre agissent aussi sur le poumon par une autre voie, celle des lymphatiques ; c'est le cas de cer-taines pleurésies purulentes puerpérales ou non puerpérales (Moxon, Quinquaud, Heiberg, Béhier, Longuet, etc.). L'in-flammation suppurative reste alors, en général, confinée dans le lymphatique, il peut, en résulter une injection du sang par le pus ; enfin la lésion peut se propager au tissu conjonctif ambiant (interlobulaire ou sous-pleural). C'est ce qui s'est produit dans les pneumonies interstitielles aiguës, décrites par M. Moxon, et consécutives à la pleurésie purulente. Une véri-table suppuration interlobulaire se déclare en pareil cas. Le

fait avait été relevé déjà par M. Rindfleisch à propos de la pneumonie disséquante, dans laquelle un ou plusieurs lobules se trouvent comme isolés du reste de l'organe.

Si le malade survit, un processus de ce genre peut amener la formation d'une pneumonie fibroïde cloisonnée, comme l'a fait voir M. Greenhow (Lancet, March JO, 1875, p. 350). D'après M. Charcot, on peut désigner sous le nom de pleuro-gènes ces pneumonies interlobulaires chroniques, dévoloppées consécutivement à la pleurésie, par la voie des lymphatiques. C'est très vraisemblablement à ce genre de pneumonies inters-titielles pleurogènes qu'a fait allusion M. Brouardel, dans les Bulletins de la Société des hôpitaux (1872, p. 168). M. W. Fox (Reynoyld's System, art. Pn. chronique) parle aussi de ces cirrhoses du poumon consécutives à la pleurésie.

Enfin, deux observations recueillies dans le service de M. Oulmont et communiquées à M. Charcot, par M. Tapret, in-terne des hôpitaux, paraissent aussi appartenir à ce genre de pneumonie chronique ; leur analyse montrera la série des lésions graves qui peuvent se produire en pareil cas. La pre-mière concerne un homme de 48 ans, qui, 8 ans auparavant, avait subi une pleurésie droite, à la suite de laquelle il avait conservé des douleurs persistantes, avec matité, inspiration soufflante, râles sous-crépitants permanents du côté droit. De plus, oppressions fréquentes avec palpitations, hypertrophie du cœur, œdème et anasarque, pulsations du foie, albuminu-rie, tous ses symptômes accompagnant un rétrécissement du côté droit de la poitrine. Mort au milieu de symptômes asphyxiques. — Autopsie. 1° Lésions pulmonaires : tout le poumon droit est enveloppé dans une coque fibreuse épaisse d'où partent des cloisons fibreuses interlobulaires qui tra-versent toute l'étendue du lobe supérieur. Mêmes lésions dans le lobe inférieur à l'état moins avancé. Bronches un peu dila-tées, cylindriques. 2° Lésions consécutives : poumon gauche

emphysémateux, cœur droit dilaté et à parois épaisses; l'orifice tricuspide admet 5 doigts. Rein cardiaque. Intestin conges-tionné.

Le deuxième cas est fort analogue au premier. Pleurésie datant de quinze mois ; affaissement du côté droit de la poi-trine, matité, inspiration soufflante avec râles humides en permanence ; expectoration abondante depuis un an. Une pneumonie du sommet gauche, avec symptômes ataxiques, emporte le malade. —Autopsie: Coque fibreuse épaisse, en-veloppant tout le poumon ; cloisons fibreuses interlobulaires, prononcées, surtout du côté de la plèvre et dans lesquelles le microscope montre une infiltration de cellules embryonnaires. Parenchyme des lobules à peine altéré. Bronches un peu di-latées. — Dilatation des cavités droites du cœur. Congestion intense du foie et des reins.

Appendice. — Après cette étude des pneumonies chroni-ques, nous devons signaler aussi les opinions de M. Charcot sur la nature de la pneumonie qui accompagne l'évolution de la tuberculose pulmonaire. Au sujet du rôle de cette pneumo-nie, nous rappellerons seulement que M. Charcot lui attribue une importance secondaire et qu'il restitue au tubercule, au moins dans la grande majorité des cas, la prédominance que les auteurs lui avaient d'abord reconnue dans l'évolution des symptômes et du processus destructif. D'ailleurs, les pneu-monies qui s'adjoignent ainsi au tubercule pour constituer la phtisie pulmonaire ne présentent rien qui leur appartienne essentiellement en propre, et M. Charcot a retrouvé dans leur étude les principaux caractères qui appartiennent aux pneu-monies ordinaires. Il faut exclure cependant la pneumonie lo-baire; c'est la broncho-pneumonie qui constitue le deuxième élément de la phthisie aiguë, dans l'évolution tuberculeuse aiguë, chronique dans l'évolution tuberculeuse lente. Dans

les formes rapides, on trouve des nodules fibrineux ou puru-lents avec les lésions de la splénisation ; dans les formes chro-niques, le contenu alvéolaire et le tissu conjonctif périvascu-laire et périlobulaire subissent les altérations qui ont été étudiées, à propos de la broncho-pneumonie chronique, savoir : la sclérose du tissu conjonctif, la transformation cu-bique des épithéliums, la dégénérescence granulo-graisseuse du contenu alvéolaire. Au contraire, la métamorphose ca-séeuse frappe le tissu embryonnaire tuberculeux dans lequel sont confondus la bronche et les alvéoles péribronchiques avec leur contenu !.

1 Ce travail a paru dans la Revue mensuelle de médecine et de chirurgie, 1878, p. 776.

DOUZIÈME LEGÓN

Des pneumonokonioses 1

Sommaire. —Le terme pneumonokoniose a été proposé par Zenker (1867). — Division des pneumonokonioses: 1° Pneumonokonioses anthracosiques; 2° Pneumonokonioses siliceuses: 3° Pneumonokoniose sidérotique.

Anthracose pulmonaire physiologique. — La matière noire pulmonaire est pour la plus grande partie constituée par du charbon, elle pénètre dans le poumon avec l'air inspiré. — Travail de Pearson (1813). — Mode de dis-tribution de la matière noire : a) dans le poumon ; b) sur la plèvre dia-phragmatique ; c) sur la plèvre costale. — Ses caractères chimiques, elle n'est soluble que dans le réactif de Millón. — Théorie de la provenance intestinale du charbon pulmonaire Villaret (1862).—Cette théorie s'appuie: 1° Sur le fait que le charbon introduit dans le tube digestif peut passer delà dans le poumon (Œsterlen (1843). —Meusonides et Donders,Orfïla. Ch. Robin) ; — 2° Sur le rôle de l'épithélium bronchique dont les cils vibrátiles empêcheraient les poussières de pénétrer dans le poumon. Expériences de Rindfleirsh, de Ch. Bernard, de Villaret. Il est démontré aujourd'hui que l'obstacle opposé par les cils vibrátiles n'est pas absolu. Expériences de Knauff (1867). Expériences de M. Charcot. — Faits analogues observés chez l'homme, observation de Traube (1860). — La matière noire pulmo-naire diffère du pigment hématique par ses caractères morphologiques et ses réactions chimiques. — Mode de formation et caractères micro-chi-miques du pigment d'origine sanguine.

On sait que M. Zenker2 a proposé de réunir sous le nom collectif de pneumonokonioses toutes les altérations pulmo-naires qui reconnaissent pour cause l'action des particules so-lides répandues dans l'atmosphère et pénétrant dans les voies respiratoires pendant l'acte de l'inspiration. L'étude de ces

1 Leçons résumées par M. le Dr Gombault.

2 Zenker, Deutsches Archiv. t. II, p. 116, 1867.

altérations mérite, à bien des égards, de fixer l'attention des pathologistes.

Tout d'abord, elles constituent un des genres les plus im-portants de la grande classe des maladies professionnelles, et, à ce titre, elles intéressent aussi bien l'hygiène que la clinique usuelle.

Au point de vue spécial de l'anatomie pathologique, elles offrent un intérêt d'un autre genre ; en premier lieu, la cause matérielle, provocatrice de tous les désordres, le corps du délit, en d'autres termes, peut être aisément recherchée et reconnue, en raison de ses caractères morphologiques et chi-miques. En second lieu, les lésions produites en pareil cas, reconnaissant comme cause une sorte de traumatisme, doivent s'offrir, en conséquence, dans des conditions d'analyse relative-ment simples. Enfin ces mêmes lésions peuvent être expéri-mentalement reproduites chez les animaux, circonstance qui doit, on le comprend, faciliter, dans une certaine mesure, l'é-tude pathogénique des accidents.

Depuis longtemps, l'attention des médecins avait été attirée sur la possibilité du fait. On avait pensé que certaines maladies du poumon pouvaient être déterminées dans l'exercice de quelques professions par l'introduction de poussières dans la profondeur de cet organe. Cette vue se trouve exprimée déjà par l'auteur du premier traité dogmatique qui ait été écrit sur les maladies des artisans, Ramazzini1. Dans le chapitre con-sacré aux tailleurs de pierre, statuaires, etc., il dit que ces ouvriers sont affectés de maladies particulières, qui résultent de ce qu'ils s'incorporent en respirant « des fragments de pierre anguleux, pointus, qui sautent sous leurs marteaux. » Quelques-uns d'entre eux deviennent par ce fait asthmatiques, phtisiques, etc.

Malgré cette origine ancienne, la question resta longtemps

* Ramazzini, traduct. de Fourcroy, Paris, 1777, p. 325.

stationnaire, et on peut dire que c'est dans le cours des dernières années seulement que la science s'est enrichie à cet égard de données vraiment précises.

A l'exemple de Zenker, il y a lieu de diviser les pneumono-konioses en tenant compte du corps étranger qui est enjeu. Il y aura donc lieu de décrire séparément les formes sui-vantes :

1° Pneumonokonioses anthracosiques. — La lésion paraît ici surtout produite par l'introduction de particules charbonneu-ses (maladie des mineurs, miners lunqs, maladie des fondeurs en bronze, en cuivre, etc.).

2° Pneumonokonioses siliceuses. — On les appelle encore d'un seul mot, chalicoses, de kalix, silex. L'action des parti-cules siliceuses se combine ici souvent à celle des particules d'un métal, l'acier par exemple, et qui constitue une forme mixte.

3° Enfin il existe encore une pneumonokoniose sidérotique, ou sidérose pulmonaire. Ici, l'agent est l'oxyde de fer.

anthracose pulmonaire :

Cette forme est la plus commune, et c'est elle qui la pre-mière a été sérieusement étudiée. Mais, avant d'en aborder l'étude, il convient d'examiner brièvement l'état du poumon qu'on peut désigner sous le nom d'anthracose physiologique, parce que cette étude jette une certaine lumière sur les faits d'ordre pathologique qu'il s'agira d'envisager par la suite.

On sait en effet que la plupart des poumons humains sont normalement marbrés de noir. Cette apparence est due à la présence d'une substance infiltrée dans le parenchyme même de l'organe, suivant un mode de distribution régulière dont on verra tout à l'heure la description, substance qui, pour ne rien préjuger, a reçu le nom de matière noire pulmonaire.

On sait, à l'heure actuelle, que cette matière noire n'est autre chose que du charbon, et, en second lieu, que ce charbon est apporté dans le poumon avec l'air de la respiration. Yoici par quel mécanisme.

Dans l'exercice de la vie civilisée, chacun de nous, à des degrés divers, respire du charbon provenant de la combusiion des matières qui servent soit au chauffage, soit à l'éclairage. 11 en est de même, du reste, pour un certain nombre d'autres poussières, les poussières siliceuses par exemple, qui se mé-langent en proportions diverses aux particules du charbon en suspension dans l'atmosphère ; mais il est préférable, pour la clarté du sujet, de n'envisager pour le moment que les seules particules charbonneuses. Ces particules, introduites ainsi dans l'appareil respiratoire, sont à la vérité rejetées à chaque in-stant par l'expectoration, mais elles ne le sont que partielle-ment. Une certaine quantité pénètre dans la profondeur du parenchyme et s'y fixe définitivement sous forme d'amas plus ou moins volumineux. Celte pénétration s'opère lentement; il faut des années pour que l'infarctus charbonneux devienne vi-sible à l'œil nu. C'est pourquoi, nulle chez le nouveau-né, à peine appréciable chez l'enfant, la coloration noire du pou-mon commence à s'accuser chez l'adulte pour acquérir son maximum d'intensité chez le vieillard.

Ainsi se trouvent légitimés les deux termes de la dénomi-tion danthracose physiologique qui a été proposée plus haut, puisque d'une part le corps étranger est bien du charbon, puisque d'autre part la lésion qu'il détermine par sa présence n'occasionne aucun trouble fonctionnel et ne consiste en défi-nitive que dans une simple modification de texlure ne dépas-sant pas les limites du domaine physiologique.

Tel est, dans sa simple expression, le résumé sommaire des notions acquises à l'heure actuelle sur celte intéressante question. Celle-ci toutefois est assez neuve pour qu'il ne soit

pas sans intérêt de faire connaître un peu plus en détail les principaux documents qui ont servi de base à la théorie qui vient d'être émise. Cette façon si simple d'envisager les choses a en effet, rencontré plus d'un adversaire autorisé. M.Virchow par exemple, suivant en cela l'exemple d'Andral et de Breschet, a, longtemps soutenu que la matière noire pulmonaire n'est autre chose qu'un pigment hématique, et dans un traité récent, M. Henie se montre encore partisan de la même manière de voir.

Il s'agit donc tout d'abord de démontrer que la matière noire pulmonaire est en réalité constituée par des particules char-bonneuses. Cela fait, la question sera encore loin d'être épui-sée, car, après s'être entendu sur la nature du pigment pul-monaire, on s'est ensuite divisé à propos de son mode d'introduction dans l'économie, et on discute encore à l'heure actuelle pour savoir si ce charbon pénètre directement dans le poumon avec l'air inspiré, ou s'il n'est pas, au contraire, intro-duit avec les aliments dans le tube digestif, pour passer de là dans les autres organes et en particulier dans le parenchyme pulmonaire.

Le premier travail méthodique qui ait été consacré à l'étude de la matière noire pulmonaire est dû à un auteur anglais, Pearson, et fut publié en 1813 *, Or, cet auteur a parfaitement reconnu toutes les données du problème et les a résolues dans un sens conforme aux enseignements les plus récents. On verra tout à l'heure sous l'influence de quelles préoccupations les vues si justes que cet auteur a émises se sont par la suite obscurcies. Le mémoire de Pearson a une réelle impor-tance et il convient d'en mentionner ici les parties principa-les. Après avoir signalé la coloration noire des glandes bronchiques et du poumon, il fait remarquer que cette colo-ration augmente avec l'âge, pour atteindre son maximum

1 Pearson. — Philosophical Transactions. London, t. II, p. 2, 1813, p. 165.

d'intensité chez les vieillards. Il reconnaît que celte matière noire résiste aux réactifs chimiques les plus énergiques, et il déclare en conséquence qu'il s'agit là de charbon. Il pense enfin que ce charbon vient du dehors et que, apporlées par l'air pendant l'inspiration, les particules charbonneuses pénè-trent jusque dans l'intérieur des vésicules pulmonaires. Comme complément de sa théorie, Pearson fait remarquer que les animaux domestiques n'ont pas les poumons noirs, ce qui tient à deux causes : ils meurent jeunes, et ils vivent en plein air. A plus forte raison doit-il en être de même chez les ani-maux sauvages, renards, lièvres, chevreuils; et en réalité le fait a été relevé récemment et vérifié par M. Knauff 1.

On voit que la description de Pearson est exacte et que sa théorie sur la nature et le mode de pénétration de la matière noire, se rapproche autant que possible de celle qui est géné-ralement admise aujourd'hui.

A propos de la disposition qu'affecte la matière noire dans le poumon, il y a lieu toutefois de relever certains détails qui n'ont peut-être pas attiré l'attention d'une façon suffisante. Il faut d'abord rappeler que la coloration noire est en général beaucoup plus prononcée au niveau du sommet et des bords postérieurs qu'à la base, et qu'au sommet cette matière forme souvent des plaques au niveau desquelles il existe une dé-pression avec épaississement et froncement de la plèvre. Mais les points sur lesquels il convient plus particulièrement d'in-sister sont les suivants :

a. On rencontre presque constamment sur la plèvre dia-phragmalique, au pourtour du centre phrénique, des taches et des lignes noires analogues à celles du poumon.

Knauff. — Das Pigment der Respu-ationorgane (Virchow's Arch., Bd. 39, 1866).

b) On rencontre ces mêmes amas de matière noire sur la plèvre costale au niveau du bord des côtes. Or, lorsqu'on exa-mine ces taches noires de la plèvre costale par les moyens appropriés, on reconnaît qu'elles consistent en de petites houppes reliées à la plèvre par un mince pédicule et possédant une extrémité renflée flottant librement dans le liquide quand on les examine sous l'eau. Ces petites houppes sont remplies de matière charbonneuse, identique à celle du poumon, comme l'a démontré M. Pitres \ Ces petits organes, décrits par Luschka, chez l'homme, existent également chezle chien, d'après Knauff2, et d'après Klein 3 chez un certain nombre d'autres animaux. Les plus volumineux d'entre eux contiennent un glomérule vasculaire, et on tend aujourd'hui à les considérer comme de petite appareils lymphatiques. Toujours est-il que, dans les expérience de Knauff relatives à la pneumonokoniose artifi-cielle, ils ont été trouvés infiltrés de matière charbonneuse aussi bien que la substance propre du poumon.

Pearson n'avait examiné le poumon qu'à l'œil nu ; aujour-d'hui, l'examen microscopique a permis de déterminer d'une façon plus précise le mode de distribution de la matière char-bonneuse dans la profondeur du parenchyme pulmonaire. On a vu de cette façon qu'elle se rencontre : 1° dans l'intérieur des cellules épithéliales ; 2° dans la substance de la paroi alvéolaire elle-même, et là elle est encore contenue dans des éléments cellulaires ; 3° autour des vaisseaux sanguins et des canaux bronchiques, où elle se distribue de façon à rappeler le mode de disposition des gaines lymphatiques qui entourent normalement ces organes (Koschlakoff et Greenhow) 4 ; 4° à la

Pitres. — Bulletin de la Société anatomique, 1876. 2 Knauff, loco cit.

6 Klein. — The Anatomy of the Lymphatic System (The Lung, 1875).

4 Greenhow. — Black Lungs from a case of Colliers phlhisis. Flax dresser* Lungs: Pathol. Society, t. XX, 1869, p. 41; môme recueil, t. XVII, pl. IV, fig. 3 et 4.

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons. 14

périphérie des troncs lymphatiques sous-pleuraux etinterlobu-laires, rarement dans leur intérieur; 5° dans le tissu sous-pleural et dans la plèvre elle-même, où elle occupe les inter-stices des faisceaux fibreux qui constituent ces membranes ; 6° enfin, on l'a rencontrée — le fait peut d'ailleurs être facile-ment vérifié — jusque dans l'intérieur des capsules du cartilage bronchique (Koschlakoff)1.

Au point de vue morphologique, cette substance noire se montre au microscope sous les aspects suivants: 1° tantôt ce-sont de fines granulations qu'il serait impossible de distinguer des granulations pigmentaires ; 2° tantôt, au contraire, elle est cons-tituée par des corpuscules plus ou moins volumineux, anguleux et de couleur noire ; quelques-unes de ces particules sont même parfois percées de trous analogues à ceux qu'on rencontre sur les charbons provenant de la combustion de certaines plantes (Traube). Il peut arriver que ces parcelles charbon-neuses présentent une coloration rougeâtre sur les bords ; mais jamais on n'observe la série des couleurs rouge, jaune, orangée, comme cela arrive d'habitude quand il s'agit de pigment hématique (Pl. II).

Pour ce qui est des caractères chimiques, il faut relever que ces particules résistent à l'action prolongée même à chaud des acides minéraux, ainsi qu'à celle de la potasse et du chlore. Elles ne se dissolvent, comme le faitle charbon lui-même, que lorsque, suivant la méthode de Millon, on fait intervenir l'acide sulfurique d'abord, et qu'on ajoute ensuite peu à peu l'acide nitrique.

Tels sont les faits, et ils semblent par leur concordance apporter un appui solide à la doctrine de Pearson. Il ne sera

1 Koschlakoff.—Zur Fraye ueber die Entstehung des Pigments der Lnngen.— Virchow's Archio, 1866, p. 186, Od, 3"). — Virchow, Ueber das Lungcnschwarz. — Virchow's Archiv, Bd, 35, p. 1886.

pas sans intérêt toutefois d'examiner rapidement les objections qui ont été élevées par les différents auteurs contre cette doc-trine, et en premier lieu les arguments favorables à cette idée que le charbon pulmonaire est de provenance intestinale.

Il est bien certain, tout d'abord, que les particules char-bonneuses introduites dans les voies digestives peuvent perforer les parois intestinales et de là se répandre dans cer-taines parties de l'organisme. On les a retrouvées, en semblable circonstance, dans les ganglions mésentériques, les veines mésaraïques, la veine porte, le foie, le cœur droit, et dans le poumon lui-même. Les expériences qui ont mis ce fait en lumière ont eu autrefois un grand retentissement, et il suffira de citer les observations d'OEsterlen (1845), Mensonides et Donders, Orfila, Ch. Robin. Ces expériences montrent, en effet, que le charbon peut suivre cette voie détournée pour pénétrer dans le poumon ; mais elles ne montrent nullement que ce soit là sa voie habituelle, le chemin qu'il doit en quelque sorte nécessairement parcourir pour y arriver.

Il est vrai qu'à une certaine époque on crut avoir démontré directement, par des expériences instituées sur les animaux que les poussières en suspension dans l'atmosphère ne pou-vaient pénétrer, pendant la respiration, dans la profondeur des voies aériennes, et on plaçait dans les cils vibrátiles apparte-nant à l'épithélium respiratoire l'obstacle qui s'opposait à cette pénétration. Il est bien évident que, s'il en était ainsi réelle-ment, la question serait jugée, et il faudrait de toute nécessité admettre une autre voie pour l'introduction des poussières dans le poumon. L'action des cils vibrátiles est réelle en effet, comme le démontre une expérience de Rindfleisch. Il suffit de déposer sur le pharynx d'une grenouille du charbon en poudre fine pour voir, sous l'influence des mouvements des cils, les particules charbonneuses cheminer et être en définitive rejetées

au dehors. Mais, pour être très réelle, cette action des cils est-elle toujours suffisante ? l'obstacle qu'ils opposent au passage des poussières est-il toujours efficace ? C'est ce que cette expérience ne dit pas, et on verra tout à l'heure qu'en fait cet obstacle est souvent franchi.

Quoi qu'il en soit, le point de départ de la théorie qui fait jouer aux cils vibratils ce rôle prépondérant se trouve dans une expérience de M. Cl. Bernard dont les détails sont consignés dans ses Leçons sur les substances toxiques (1857, p. 64), expérience qui est peut-être restée unique et à laquelle l'éminent physiologiste ne tient sans doute pas beaucoup aujourd'hui. Un lapin fut enfermé plusieurs jours de suite dans un sac contenant de la poussière de charbon, et, lorsqu'on sacrifia l'animal, on trouva du charbon dans les fosses nasales, mais on n'en rencontra ni dans le larynx, ni dans les poumons.

C'est sur cette expérience et sur quelques autres qu'il a lui-même instituées que s'est appuyé M. Villaret *, dans le travail où il a cherché à établir la provenance intestinale du charbon pulmonaire. Tout d'abord, les expériences de cet auteur sont loin d'être irréprochables. Et, par exemple, le séjour des animaux dans l'atmosphère charbonneuse n'a évidemment pas été assez prolongé, puisque ceux-ci n'y ont jamais demeuréplus de deux à quatre heures, et cependant, déjà après un temps aussi court, la présence du charbon dans les fines bronches se trouve notée à propos de la seconde expérience. Il est vrai que celui-ci n'a pas encore pénétré dans les vésicules pulmo-naires, mais c'est là un fait qui est plutôt favorable à la doc-trine de la pénétration directe : car le charbon de provenance intestinale ne peut atteindre le poumon que par les voies lymphatiques ou sanguines, et, dans cette hypothèse, c'est la trame conjonctive de l'organe, ce sont les parois alvéolaires qui devraient être infiltrées avant les cavités bronchiques.

« Villaret. — Thèse de Paris, 1862.

Ainsi donc, on peut trouver, même dans les travaux des adversaires de la doctrine de Pearson, des faits qui plaident en sa faveur. Voici maintenant une.série imposante de faits analogues empruntés à ses partisans. Pour la partie expérimen-tale, il convient de signaler de nouveau les expériences de Knauff (1867), qui ont été citées plus haut. Ce sont, de toutes, les plus connues. Elles ont consisté à faire respirer des chiens dans une atmosphère confinée enfumée à l'aide d'une lampe. Or, dans ce cas, les seules parties qui aient été atteintes et colorées par le charbon sont les poumons, les ganglions bron-chiques et les plèvres *.

Il en a été de même dans les expériences que M. Charcot a instituées sur le cochon d'Inde. Les animaux étaient enfermés dans des sacs contenant soit de la poussière de charbon, soit de l'oxyde rouge de fer. Or, dans les cas où il s'est agi du char-bon, on a pu retrouver le corps du délit tantôt sous forme de granulations fines, souvent aussi sous forme de fragments volumineux à bords anguleux, soit libres, soit enclavés dans des cellules de l'épithélium pulmonaire desquamé 2. Ces expériences ont porté sur six animaux : quatre d'entre eux ont respiré de la poudre d'oxyde de fer; les deux autres, de la poudre de charbon. Ils étaient enfermés dans les sacs environ deux heures par jour, et laissés libres le reste du temps. Deux furent sacrifiés au douzième jour : les poussières avaient pénétré dans la cavité des alvéoles, où elles étaient contenues dans des cellules épithéliales desquamées. Des particules d'oxyde de fer avaient pénétré jusque dans l'épaisseur de la paroi alvéolaire, et on put en retrouver même une assez grande quantité dans l'inférieur des glanglions bronchiques. Les poumons présentaient à l'œil nu l'aspect décrit par Zenker

' Voir aussi Slaviansky : Virchow's Archiv, Bd, 35, p. 326.

2 M. Buppert, dans un récent travail, est arrivé à des conclusions ana-logues. (Expcvhnentelle Untersuchungen ueber Koldenstaub-inhalation. Vir-chow's Arch., 1878.)

pour la sidérose de l'homme. Chez un autre animal sacrifié au bout d'un mois, on rencontrait, outre les particularités qui viennent d'être signalées, les lésions d'une véritable pneumonie interstitielle : épaississement des parois alvéolaires, rétrécisse-ment de leur cavité, transformation cubique de leur epithélium de revêtement. Chez les trois autres, tués au bout de 2 mois et demi 3 mois, 3 mois et demi, le développement des lésions propres à la tuberculose du cochon d'Inde est venu modifier les résultats de l'expérience1. Quoi qu'il en soit, chez tous ces animaux, c'est dans le poumon et dans le poumon seul que se sont accumulées les poussières (Pl. II, fig. 3, 4 et S).

Des faits analogues ont pu être observés chez l'homme. Telle est l'observation de Traube2, publiée en 1860. Il s'agit d'un porteur de charbon qui pendant douze ans avait vécu dans une atmosphère chargée de particules charbonneuses. Bien qu'il eût cessé son travail depuis trois mois, il rendit encore des crachats noirs lors de son entrée et pendant son séjour à l'hôpital. L'examen microscopique démontra dans ces crachats la présence de particules charbonneuses. En effet, on trouvait, soit libres, soit emprisonnés dans des cellules, des corpuscules noirs de forme anguleuse, en tout semblables à ceux que four-nissait la poussière de charbon que cet individu avait si longtemps respirée. Un détail de structure permettait même de reconnaître la nature du charbon dont il s'agit. On sait que le bois des conifères est composé de grandes cellules fusi-formes ou closlres qui, sur deux de leurs faces opposées, présentent des dépressions au centre desquelles se voit un trou qui pour quelques anatomistes est bouché par une fine membrane. Or, sur quelques-unes des particules de charbon

1 II est très remarquable que chez ces animaux les lésions tuberculeuses ne se sont développées ni exclusivement ni particulièrement dans les lobules ou les particules métalliques s'étaient accumulées.

2 Traube. —Deutsche Klinik, 1860, et Berlin, klin. Wochensch., n° 3, 1866.

trouvées dans les crachats aussi bien que sur d'autres prises dans le magasin où avait travaillé le malade, on pouvait reconnaître la présence de ces séries de dépressions et de trous. Il s'agissait de charbon provenant du pin sylvestre. La couleur rousse que présentaient quelques-unes des particules devait être attribuée à leur combustion incomplète.

Il restait à démontrer que ces particules charbonneuses avaient pénétré jusque dans l'intérieur des vésicules pulmo-naires. Le malade ayant succombé à une péricardite, l'autopsie vint rendre possible la constatation du fait. Les deux poumons présentaient une coloration uniformément noire, sans noyaux d'induration. A la coupe, il s'en écoulait un liquide colorant les doigts en noir, à la manière de l'encre de Chine.

Examiné au microscope, ce liquide se montrait rempli des mêmes particules que l'on avait trouvées dans les crachats. Sur des coupes du poumon enfin, on put constater que la poussière charbonneuse avait pénétré dans la cavité des alvéoles, où elle était contenue dans l'intérieur des cellules épithéliales, tandis que la paroi alvéolaire elle-même en était exempte. Ce dernier fait, on le comprend facilement, est difficile à expliquer, si l'on admet la provenance intestinale de la poussière charbonneuse.

Le moment est venu d'envisager l'autre face de la question et de montrer en quoi la matière noire pulmonaire diffère des pigments de provenances diverses et en particulier du pigment d'origine hômatique. On sait par qu'elle série de modifications le sang épanché dans les tissus finit par donner naissance à ce pigment. Ces modifications ont été, en particulier, expérimen-talement bien étudiées par M. Langhans h

D'après cet observateur, en laissant de côté tout ce qui a trait à la résorption de la partie séreuse du caillot ainsi qu'aux

1 Langhans. — Virchow's Arch., 1870. t. XLIX, p. 66.

modifications subies par la fibrine et les leucocytes, on voit se produire du côté des globules rouges les modifications suivan-tes : une fois devenus libres, par suite de la disparition de la fibrine, ces globules seraient bientôt enclavés dans l'intérieur de grandes cellules qui sont très probablement des cellules du tissu conjonctif. Toutefois le fait de cette incorporation n'a pu être constaté directement que chez le pigeon. Les globules ainsi enclavés conservent d'abord leurs propriétés normales, mais bientôt leurs caractères physiques et chimiques se modi-fient. Ils perdent leur forme discoïde, deviennent globuleux et réfractent plus fortement la lumière. En même temps, ils perdent leur coloration normale, pour devenir jaunes, oran-gés, bruns, presque noirs. En même temps, ils acquièrent plus de résistance aux acides concentrés, même a. l'acide sul-furique. Ce dernier, cependant, contrairement à ce qui a lieu pour les particules charbonneuses, finit toujours par les dis-soudre, au bout de quelques minutes, après avoir modifié leur couleur, qui devient rouge et bleue. Le dernier terme des changements successifs que subissent les globules rouges consiste dans la production d'une série de granulations de diverses couleurs, en même temps que sur beaucoup de points la cellule enveloppante disparaît.

Des particularités très analogues ont pu être observées dans le poumon, à l'occasion des altérations que subit cet organe dans les maladies organiques du cœur. Le parenchyme pul-monaire, lorsque la lésion est très prononcée, se présente avec une teinte brune, ictôrique (Rokitansky), bien différente cependant de la coloration d'un bleu noir particulière à l'an-thracose. La cause de ce changement de coloration devrait être attribuée à de petites hémorragies microscopiques Voici en effet les lésions qui se rencontrent habituellement en pa-

1 Atlas de Thierfelder.

reil cas dans l'intérieur des alvéoles pulmonaires : 1° un cer-tain nombre de globules rouges du sang sont libres dans la cavité alvéolaire ; 2° d'autres globules rouges ont pénétré dans l'intérieur des cellules de l'épithélium du poumon ; 3° ailleurs, cet epithélium contient non plus des globules rouges, mais des granulations pigmenlaires de diverses couleurs ; 4° enfin ces mêmes granulations pigmenlaires se rencontrent libres dans la cavité de l'alvéole.

De toute cette discussion, il résulte que les caractères du pigment d'origine hématique et ceux du charbon pulmonaire sont différents, et cette différence peut être résumée de la façon suivante : 1° Dans l'anthracose, les particules charbon-neuses ont souvent une forme anguleuse spéciale ; elles pré-sentent toutes la môme coloration noire; elles résistent absolument à l'action de tous les réactifs chimiques. 2° Lors-qu'il s'agit d'un pigment d'origine hématique, au contraire, les granulations ont toutes une forme plus ou moins arrondie, quelquefois même une apparence cristalline, qui cependant s'observe rarement dans le poumon; elles offrent des colora-tions variées et sont rarement noires; enfin leur résistance à l'action des divers réactifs est bien loin d'être aussi absolue que celle du charbon.

Il existe cependant, dans l'histoire générale des pigments d'origine hématique, une dérogation à la règle qui vient d'être formulée. En pareille circonstance, le pigment, bien que déri-vant de la matière colorante du sang, se présente au dernier terme de ses transformations, sous la forme de corpuscules noirs qui, par leur couleur et aussi par leur résistance aux réactifs chimiques, se rapprochent beaucoup des particules charbonneuses. Telle est, par exemple, la mélane'mie, altération pigmentaire du sang consécutive à l'intoxication palustre. Dans ce cas, la substance pigmentaire noire qui infiltre les

cellules se forme vraisemblablement dans la rate, aux dépens de la matière colorante du sang, car, à côté des corpuscules noirs, qui sont les plus nombreux, on peut en rencontrer de bruns, de jaunes, plus rarement de rouges (Planer). Ces par-ticules pigmentaires en circulation dans le sang peuvent s'ar-rêter dans les organes et y former des amas plus ou moins volumineux qui peuvent, comme Frerichs l'a vu, résister pen-dant plusieurs jours à l'action des alcalis caustiques. On com-prend que, dans ces conditions, la pigmentation mélanique puisse arriver à simuler un infarctus charbonneux. Mais c'est là, en réalité, une difficulté secondaire, lorsqu'il s'agit du pou-mon et qui pourra être souvent résolue par des considérations d'un autre ordre. Ainsi, en pareil cas, le poumon n'est jamais le seul organe pigmenté, et d'autre part les circonstances éco-logiques sont de nature toute différente.

Il est à peine utile de mentionner l'infiltration tout à fait hypothétique du poumon par un pigment analogue à celui de la choroïde ou de la peau, pigment constitué par des granula-tions de mélanine. Mais ici encore la question pourrait être résolue à l'aide des réactions chimiques, car cette substance se dissout dans les acides concentrés, ainsi que dans la potasse, et elle se décolore par l'action du chlore.

Ainsi donc, en résumé, l'anthracose physiologique se distin-gue assez nettement de toutes les altérations qui pourraient la simuler. La matière noire pulmonaire est bien constituée par du charbon venu du dehors et introduit par la voie des con-duits respiratoires.

TREIZIÈME LEGÓN

Des pneumonokonioses (suite).

Sommaire. — L'accumulation progressive, dans les poumons, de poussières charbonneuses, silicieuscs ou autres, est compatible avec le fonctionne-ment normal, tant qu'elle reste contenue dans certaines limites, elle con-stitue la pneumonokoniose physiologique. — Au-delà de cette limite elle produit des lésions et des troubles fonctionnels, la pneumonokoniose devient pathologique.

Sidérose pulmonaire (Zenker, 1867).

Anthracosepulmonaire pathologique. — Synonymie. —Phthisie des mineurs, observation de Greenhow. — Anthracose des mouleurs en cuivre, en bronze et en fonte. — État du poumon: 1° coloration noire généralisée; ï° noyaux d'induration ; 3° cavernes pulmonaires.

Pneumonokonioses silicieuses ou alumineuses ou chalicose (Meinel, 1869). — De même que pour l'anthracose il existe une chalicose physiologique se développant avec l'âge. (Kussmaul, 1866; Riegel, 1873). — Ghalicose pa-thologique. — Maladies des tailleurs de meules (Peacock, 1860). — Phthi-sie des aiguiseurs (Holland, Hall, Desayrre). — Anatomie pathologique; noyaux d'induration, hypertrophie fibroïde delà gangue conjonctive; pig-mentation du tissu induré; formation de cavernes. — Caractères chimi-ques; emploi de l'acide fluorhydrique. — Maladie des potiers et des cô-ranciers ou peigneurs de lin (Greenhow).

L'accumulation progressive, dans les poumons, de poussiè-res charbonneuses apportées par l'air de la respiration, est donc compatible avec le fonctionnement normal de ces orga-nes tant qu'elle reste contenue dans de certaines limites ; mais il n'en est plus de même lorsque, par le fait de la consti-tution spéciale du milieu dans lequel s'effectue la respiration la quantité des poussières introduites à chaque inspiration est

trop considérable II se produit alors des troubles respiratoires correspondant à des lésions organiques provoquées par la pré-sence du corps étranger en excès. Or, il n'est pas nécessaire que ce corps étranger soit du charbon; toutes les poudres inertes peuvent conduire au même résultat.

SIDÉROSE PULMONAIRE.

Aussi, dans une étude qui est surtout anatomo-pathologique, y aura-t-il avantage à envisager tout d'abord la sidérose pul-monaire, affection beaucoup moins commune que l'anthracose, assurément, mais qui a été l'objet de la part de M. Zenker 1 d'une étude anatomique très soignée.

Yoici dans quelles circonstances M. Zenker a fait ses obser-vations. Il reçut un jour (1864) les deux poumons d'une femme de 31 ans, ayant succombé à Nuremberg dans le service de M. Geist. L'aspect de ces poumons était des plus remarquables ; jamais M. Zenker, anatomo-pathologiste de profession, et on ne peut plus compétent dans la matière, n'avait rien vu de semblable. La surface était d'une coloration rouge brique in-tense à peu près uniforme, sillonnée de lignes déprimées plus noires répondant aux espaces interlobulaire s. La plèvre pul-monaire était, elle aussi, recouverte de larges plaques rouges. Les surfaces de section présentaient la même couleur. Il en était de même aussi pour les ganglions lymphatiques du hile. On eût dit que toutes les parties étaient enduites d'une cou-leur rouge. Plusieurs cavernes plus ou moins volumineuses étaient dispersées dans les deux poumons, surtout dans les lo-bes inférieurs. Il n'existait aucune trace de tubercules miliaires ni d'infarctus caséeux.

Il était évident à première vue qu'il ne s'agissait pas là d'un

t Zenker. — Deutsch. Arch., 1867.

pigment pathologique, mais d'une substance étrangère venue du dehors. On pensa d'abord au minium et au cinabre. Mais l'analyse chimique, faite par M. Gorup Bésanez, démontra bientôt qu'il s'agissait d'oxyde de fer ; les deux poumons, pe-sant ensemble 1500 grammes, en contenaient environ 21 à 22 grammes.

On devait en conclure que la malade avait dû travailler pen-dant longtemps dans «une atmosphère chargée d'oxyde rouge de fer, dont les particules avaient pénétré dans les voies aériennes, de là dans le parenchyme pulmonaire et enfin dans les voies lymphatiques.

Les renseignements pris à ce sujet firent connaître que cette malade avait été employée pendant plusieurs années dans une fabrique de Nuremberg à la préparation du papier qui sert à couvrir l'or fin. Son travail consistait à appliquer sur une feuille de papier transparent une poudre rouge, sèche, très fine, jusqu'à imprégnation complète de la feuille. Du reste, ce travail s'effectuait dans un local étroit, ventilé d'une façon insuffisante, où l'air était obscurci par une poussière intense se déposant sur les meubles et imprégnant les vête-ments des ouvrières, dont la salive était rouge.

L'examen de cette poussière fit connaître qu'elle était due à une variété d'oxyde de fer que l'on appelle le rouge an-glais.

Un examen attentif du poumon mit en lumière les particu-larités suivantes : Des surfaces de sections s'écoulait un liquide rouge dans lequel l'examen microscopique montrait : 1° des cellules épithéliales et des noyaux remplis de particules fines, noires par transparence, rouges à la lumière réfléchie ; trai-tées par l'acide chlorhydrique, puis par le ferrocyanate de potasse, ces particules prenaient une coloration d'un bleu intense, réaction qui établit d'une façon bien nette leur na-ture.

Sur les coupes du poumon pratiquées après durcissement, on put constater que les particules d'oxyde de fer étaient non seulement contenues dans l'intérieur des cellules de l'épithé-lium alvéolaire, mais encore qu'elles étaient infiltrées dans la profondeur du parenchyme, où elles occupaient toutes les ré-gions qui ont été indiquées plus haut à propos de l'anthracose physiologique. Seulement, ici, tout ne se bornait pas à la pré-sence du corps étranger; le tissu lui-même était altéré dans sa structure : sur certains points, où l'oxyde de fer s'était accu-mulé en amas plus volumineux, on constatait l'épaississement des travées conjonctives et des parois des alvéoles, avec effa-cement plus ou moins prononcé de leurs cavités, en un mot, les lésions caractéristiques de la pneumonie interstitielle lobu-laire. Cette observation, si concluante au point de vue anato-mique, ne contenait, pour la partie clinique, que des renseigne-ments fort incomplets. On savait seulement que la malade avait succombé à des symptômes rapportés à la phtisie pul-monaire. Toutefois il y a lieu de relever que pendant la vie de la malade on avait constaté l'existence de crachats rouges qui du reste n'avaient pas été analysés. Cette lacune, M. Zenker eut l'occasion de la combler en examinant des polisseurs de glaces d'une fabrique voisine d'Erlangen. Ceshommes, qu'il ren-contrait souvent sortant de leur atelier, les vêtements tout cou-verts de poudre rouge, présentaient une expectoration rouge très analogue à celle de la précédente malade. Or, les crachats qu'ils rendaient renfermaient des cellules épithéliales farcies de granulations métalliques. Il était donc probable que, bien que ne présentant eux-mêmes aucun phénomène thoracique, ces hommes devaient avoir des infarctus sidérotiques du pou-mon. L'occasion se présenta de vérifier le fait chez un polis-seur de glaces, mort d'une maladie étrangère à la sidérose, et le poumon présentait les mêmes lésions, mais à un degré moins avancé.

En résumé, il résulte de ces faits qu'il existe une altération du poumon déterminée par l'introduction dans les voies aérien-nes de poussière d'oxyde de fer. A un faible degré, la lésion passe inaperçue ; à un degré plus prononcé, il se produit des altérations plus ou moins graves du poumon avec formation de cavernes, altérations pouvant déterminer la mort au milieu de symptômes assez mal connus, mais voisins de ceux de la phtisie vulgaire. La substance étrangère pénètre par les voies respiratoires et non en suivant le trajet détourné indiqué par M. Villaret, car il n'existait de poussière ni dans l'intestin, ni dans les glandes mésentériques.

Le domaine de la sidérose pulmonaire n'est pas très étendu encore dans la pratique, car il en existe à peine une quinzaine de cas rassemblés par M. Merkel *, et dans deux de ces cas seulement la maladie a déterminé la mort. Mais elle offre un intérêt théorique incontestable. Elle montre de la façon la plus nette que la présence des poussières peut déterminer dans le poumon une phtisie ulcéreuse sans intervention aucune de tuberculose miliaire ou de produits caséeux.

anthracose pulmonaire pathologique.

Les mêmes faits se retrouvent dans l'histoire de l'anthracose pathologique, qui, à part la nature différente du corps étran-ger, reproduit fidèlement celle de la sidérose.

Cette affection est connue et étudiée depuis longtemps, en Angleterre, sous le nom de phtisie anthracosique, phtisie des mineurs, ou encore sous les dénominations de coal miners lung, collier s lung, qui ont trait à l'étude anatomique, ou de blakspit, qui rappelle une des particularités cliniques de l'af-fection.

1 Merkel. — Ziemssen's Handbuch; Gewerbekrankeiten, p. 440.

En France, on a étudié surtout l'anthracose des mouleurs en bronze ou en cuivre, etc. Chez ces derniers, du reste, la lésion ne diflère en rien d'essentiel de celle qui se produit chez les mineurs de charbon1. Les conditions de sa production sont du reste au fond les mêmes, dans les deux cas. Il s'agit toujours de poussière charbonneuse répandue à profusion dans une atmosphère confinée. Cette poussière est fournie : 1° pour les mineurs, par le charbon fossile, par la fumée des lampes, par la combustion de la poudre employée à séparer les blocs de charbon ; 2° pour les mouleurs en cuivre, en fonte, en bronze, elle est fournie par la poussière de charbon répandue à la sur-face des moules en sable (Pl. II, fig. 192).

Les ouvriers placés dans ces conditions rendent presque tous des crachats noirs. Quant à leurs poumons, ils contiennent en abondance de la matière charbonneuse. Le plus souvent cet état du poumon est compatible avec une intégrité fonction-nelle à peu près complète de l'organe et ne diffère alors que par le degré de l'anthracose physiologique. Mais, dans quelques circonstances, le parenchyme est plus profondément atteint ; il se produit des destructions partielles de l'organe, et par suite des troubles fonctionnels graves, pouvant entraîner la mort. On voit alors se produire la phtisie anlhracosique (coalminers phthisis).

PHTISIE DES MINEURS.

Celle-ci présente, dans la plupart des cas, les mêmes carac-tères essentiels, et on peut choisir pour exemple l'observation suivante, empruntée au travail de M. Greenhow2. Il s'agit d'un homme de 65 ans, mineur depuis son enfance, employé à

1 Cons. les trav. de: Thomson, 1S24; — Gregory, 1831; — Simpson; — Marshall; — Stracton; — Mackellar; — Brockmann; — Seltmann, Deutsch. Arcli., 1866; — Crocq; — Kuborn; — Maury; — Tardieu; —Proust, 1876.

2 Greenhow. — Path. Society, t. XX, avec une bonne planche.

Tipton (Staffordshire). Depuis deux ans, cet homme avait été obligé de cesser tout travail. Il toussait et était oppressé. Le seul fait clinique qui mérite d'être relevé dans son histoire est le suivant: il avait rendu quelques jours avant sa mort une quantité considérable de crachats noirs comme de l'encre de Chine, et il avait continué à en rendre 4 ou 5 onces par jour.

Ce fait est du reste signalé dans plusieurs observations. Le blak spit est un phénomène habituel, et les crachats ainsi ren-dus contiennent des cellules d'épithélium pulmonaire remplies de charbon. À l'autopsie de ce malade, on trouva des poumons présentant une teinte générale noire à la surface aussi bien qu'à la coupe. De la surface de section s'écoulait un liquide noir tachant les doigts. Cette substance noire ne s'éclaircissait pas par l'action de l'acide nitrique bouillant.

Dans le poumon droit une coque pleurale épaisse entourait une masse solidifiée, dense, ayant la consistance du caout-chouc ou une structure alvéolaire ; au centre existe une caverne à parois déchiquetées, formées par une pulpe noire et conte-nant dans son intérieur un fragment détaché de substance pulmonaire noire, du volume d'une noisette. Le reste du pou-mon est noir, mais spongieux. Il n'existait nulle part de tuber-cules ou de matière caséeuse. A part la nature du corps étran-ger, l'analyse histologique ne fournit pas d'autres renseigne-ments que ceux qui ont été consignés plus haut, à l'occasion de la sidérose pulmonaire. Un seul détail mérite d'être relevé : c'est que des fragments de ce poumon traités par l'eau régale laissaient un résidu soluble dans l'acide fluorhydrique, etc., réaction caractéristique de la silice.

anthracose des mouleurs en cuivre, en bronze et en fonte.

Yoici quelles sont les principales opérations du moulage des pièces de bronze, etc. Le moule est fait avec un sable très fin,

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons. 15

dit sable de Versailles, qu'on a préalablement humecté pour lui conserver la forme des empreintes. Lorsque ce moule est terminé, avant de procéder à l'opération du séchage, qui pré-cède le coulage, on le saupoudre à l'aide de fine poussière de charbon. Celle-ci est renfermée dans un sac qu'on agite par mouvements saccadés, afin de tamiser la poussière à travers la trame du tissu. On comprend qu'une telle opération ait pour effet de charger l'atmosphère de poussière de charbon. Depuis quelques années, l'emploi du charbon chez les mouleurs en bronze et en cuivre a été remplacé par la fécule, mais on est obligé d'y ajouter du talc, nécessaire pour boucher les petites cavités que peut présenter le moule ; sans cette précaution, le bronze serait piqué.

Les lésions sont ici en tout semblables à celles qui viennent d'être signalées, à propos de l'anthracose des mineurs. Elles vont êlre ici résumées rapidement :

1° Coloration noire, générale, plus ou moins foncée, des deux poumons; coloration également noire des ganglions bronchiques.

2° Présence au sein des organes de noyaux d'induration composés de deux éléments bien distincts : a) infarctus char-bonneux ; — b) hyperplasie fibroïde du tissu conjonctif. Ces noyaux sont de volume variable; parfois très petits, ils peuvent, dans certains cas, atteindre le volume d'un œuf; en général, ils sont multiples et disséminés irrégulièrement dans l'épaisseur des poumons; ces noyaux offrent une coupe lisse, sèche; le tissu pulmonaire à leur niveau a la consistance du caout-chouc.

3° Au sein de ces nodules, on voit ordinairement se produire des cavités plus ou moins volumineuses, véritables cavernes pulmonaires.

PiNEUMONOKONIOSES SIL1CEUSKS OU ALUMINEUSES.

Elles ont été désignées par M. Meinel1, sous le nom de chalicose (kalix, silex).

De toutes les pneumonokonioses, ce sont les premières qui aient été signalées par les auteurs; mais c'est depuis quelques années seulement qu'elles ont été l'objet d'études anatomiques régulières.

A priori, on est porté à penser que, de même qu'il existe, chez l'homme, une anthracose physiologique, de même aussi il doit exister une chalicose physiologique, produite par l'intro-duction, dans les voies respiratoires, des poussières siliceuses qui existent normalement dans l'atmosphère. Le fait, du reste, a été mis hors de doute par les recherches de M. Kussmaul2. Démontrant que, de même que l'anthracose, la chalicose physiologique se développe avec l'âge, il a fait voir en effet que, tandis qu'il n'existait pas de silice dans le poumon du nouveau-né, il en existait déjà des traces chez un enfant de sept mois, et enfin chez l'adulte, en dehors de toute influence professionnelle, on en rencontrait en moyenne de 1 à 2 gram-mes pour les deux poumons.

Ces recherches ont été du reste reprises et complétées par M. Riegel (4 S75)3, et cet auteur est arrivé à des résultats con-cordants, ainsi que le prouve le tableau suivant :

Enfant de 4 semaines... silice. 0

— de 4 mois............. 2,44 0/0 du poids des cendres.

Adulte de 47 ans............... 13,39 0/0

— de 69 ans................ 16,09 0/0

Ainsi donc, la proportion de silice dans le poumon augmente avec l'âge. Du reste, jamais on n'a trouvé, chez des sujets

1 Meinel. — Dissertât. Erlangen, 1869.

2 Kussmaul. — Deutsch. Arch., Bd, II, 1866.

3 Riegel. — Deutsch. Arch., t. XV, p. 215.

placés dans des conditions normales, quel que fût leur âge, des chiffres comparables à ceux qui se produisent sous l'in-fluence de certaines professions.

Il importe, de plus, de faire remarquer avec M. Kussmaul que nulle part, dans l'organisme de l'homme, si ce n'est dans les cheveux, la silice n'est aussi abondante que dans les poumons. Dans le sang, il n'en existe que des traces1. Dans le foie, la rate, les muscles, le cerveau, elle est en quantité très minime. Ces résultats conduisent à admettre que la silice qu'on ren-contre dans les poumons en proportion si forte y a été intro-duite du dehors.

Une autre observation intéressante est encore due à M. Kuss-maul. Même chez les individus confinés pendant longtemps à la chambre, et par conséquent soustraits depuis longtemps à l'action des poussières siliceuses, le taux normal de la silice, pour un âge donné, ne s'abaisse pas. De cette remarque, il semble légitime de conclure que la silice n'est pas superficiel-lement déposée dans le poumon, mais qu'elle occupe la pro-fondeur même du parenchyme. D'ailleurs, à l'appui de cette manière de voir, il suffirait de faire remarquer que, clans la chalicose physiologique, les ganglions lymphatiques du pou-mon contiennent de la silice, et cela en quantité beaucoup plus considérable que tous les autres tissus, à l'exception toutefois du poumon. On est ainsi conduit à admettre que la silice, après s'être accumulée dans le poumon, pénètre de là dans les ganglions lymphatiques, suivant ainsi le même trajet que la matière noire pulmonaire.

Il est impossible de décider si les dépôts siliceux normaux sont appréciables à l'aide de l'examen microscopique et s'ils peuvent être distingués des particules charbonneuses conte-nues dans l'organe, à l'état physiologique.

1 Robin et Yerdeil.—Traité de chimie anatom. etphysiol. norm. etpathol., etc.

chal1c0s1s PATHOLOGIQUE.

Les professions qui provoquent le plus habituellement la chalicose pathologique peuvent être divisés en deux groupes :

1° Le groupe des tailleurs de pierre et de grès.

L'affection thoracique particulière dont ces ouvriers sont atteints a été depuis longtemps remarquée, comme l'indique le nom populaire de maladie Saint-Roch qui servait à la dési-gner. Parmi ceux-ci, la maladie des tailleurs de meules mérite une mention spéciale (French Millstone makcrs Phtisis), parce que M. Peacock 1 en a fait une étude spéciale, à l'aide de quelques cas observés à l'hôpital Saint-Georges. Les ouvriers en question sont occupés à tailler à coups de ciseau une pierre très dure, dite pierre meulière ou silex molaire, abondante dans le bassin de Paris et importée en Angleterre par la voie du Havre. Chaque coup de ciseau produit des étincelles et un nuage de poussière siliceuse. Les parcelles de pierre et de fer sont projetées avec force, si bien qu'elles s'incrustent dans la peau des mains et de la face des ouvriers.

2° Un autre groupe très considérable et très important, dans l'espèce, est celui des aiguiseurs. On désigne sous ce nom les ouvriers qui façonnent sur la meule le tranchant de la lame, la surface ou la pointe de divers instruments métalliques. Il paraît que la profession n'est devenue insalubre que depuis 1786, époque à laquelle l'adaptation de la vapeur a amené une révolution complète dans cette industrie. Avant cette époque, en effet, les usines étaient installées à la campagne; dans chacune d'elles, les ouvriers étaient peu nombreux; le

1 Peacock. — British and foreigris Review, 186'1, p. 215.

travail s'effectuait au voisinage des cours d'eau ; il était sou-vent interrompu pandant l'hiver. Aujourd'hui, au contraire, les ouvriers sont enfermés en grand nombre dans des locaux étroits, peu aérés, où ils restent enfermés en hiver pendant dix ou douze heures. C'est surtout dans certains grands centres manufacturiers que la profession des aigui-seurs a été étudiée, au point de vue pathologique ; à Sheffield, pour l'Angleterre, par MM. Holland et Hall à la fabrique d'armes de Châtellerault, pour la France, par Desayrre.

Les cinq mille ouvriers qui sont occupés dans les fabriques de Sheffield peuvent être divisés, au point de vue de l'hygiène professionnelle, en deux catégories distinctes, suivant qu'ils travaillent sur la meule humide ou sur la meule sèche. Ces derniers sont de beaucoup les plus exposés, les particules qui se répandent dans l'atmosphère, étant, on le comprend, beau-coup plus abondantes lorsqu'elles ne sont pas retenues par l'hu-midité de la meule. Les conditions sont fort analogues dans les fabriques d'armes, où l'aiguisage porte sur fes cuirasses, les canons de fusil, les baïonnettes, etc.

On sait depuis longtemps que les ouvriers qui travaillent dans ces conditions rendent des crachats formés de mucus, de leucocytes, de particules siliceuses facilement reconnaissables à leurs caractères micro-chimiques et morphologiques, et enfin de particules charbonneuses.

Alors même qu'il ne s'est pas développé chez eux, dans ces conditions, de pneumonie spéciale, leurs poumons contiennent un taux élevé de silice ; ainsi, chez les tailleurs de pierre, M. Kussmaul a trouvé trois fois plus de silice que chez des individus de même âge placés en dehors de la profession.

Dans un travail plus récent portant sur 19 autopsies, dont 4 suivies d'analyse chimique, M. Meinel a trouvé comme mi-nimum de silice, dans les poumons des tailleurs de pierre,

1 Anal, dans la Gaz. hebdomad., 1836, p. 400.

24,3 0/0, comme maximum 45 0/0, alors que chez les vieil-lards placés en dehors de cette profession le chiffre de la silice ne dépasse pas 16,69 0/0. M. Riegel, de son côté, est arrivé à des résullats très analogues.

Quelle que soit la profession ayant déterminé la chalicose, les lésions anatomiques ne présentent pas, bien entendu, de différences, et elles peuvent être résumées de la façon sui-vante, d'après les observations de MM. Peacock, Desayrre, Hall, Meinel, etc.

Les poumons sont farcis de nodules généralement petits, quelquefois volumineux (Hall), durs, arrêtant le scalpel. Ces petits nodules présentent, en général, une coloration noire plus ou moins foncée.

V analyse microscopique y fait découvrir: 4° une hypertro-phie fibroïde de la gangue conjonctive, entraînant le rétrécis-sement ou l'oblitération dans les parties correspondantes ; 2° des particules de silice, reconnaissables à leurs caractères micro-chimiques et morphologiques, sur lesquels il y aura lieu de re-venir dans un instant, et enfin des particules noires ayant l'apparence de la matières charbonneuse. Les auteurs ne s'expli-quent pas nettement à ce sujet: s'agit-il dans ce cas d'un pigment hémalique ou bien de matière charbonneuse ? Celte dernière opinion est la plus vraisemblable, si l'on en juge par les faits de pneumonie chronique indépendante de la chalicose et dans lesquels on constate une augmentation mani-feste dans la quantité de la matière charbonneuse. A propos de ce fait, se présente une question théorique intéressante. N'est-il pas permis de penser que les particules charbonneuses pénètrent plus facilement dans les poumons malades que dans les poumons normaux, et n'est-ce pas à cette circonstance que doit être attribuée, en grande partie tout au moins, la colora-tion ardoisée que présente le poumon dans la plupart des

pneumonies chroniques? 3° Dans un certain nombre d'obser-vations, on trouve signalée l'existence de cavernes, indépen-dantes, bien entendu, de toute lésion tuberculeuse.

Il existe quelques caractères morphologiques et chimiques permettant de reconnaître les particules siliceuses au sein des foyers d'induration.

1° Ainsi, dans plusieurs observations, on signale de petites particules crislalloïdes réfractant fortement la lumière, faciles, par conséquent, à distinguer des particules de charbon.

2° Quant aux caractères chimiques, ils sont faciles à recher-cher. On soumet les nodules à la dessiccation lente, puis on les brûle, à l'aide d'un jet de gaz. Le résidu est traité par l'eau régale, qui dissout tout ce qui n'est pas de la silice. Celle-ci est alors recueillie sur une lame de platine et exposée aux vapeurs d'acide fluorhydrique, qui en déterminent la dissolu-tion.

On peut rattacher à la chalicose la maladie des potiers, étudiée par M. Greenhow1, et dans laquelle l'altération du poumon est déterminée par l'action de particules siliceuses et alumineuses.

On peut y rattacher aussi les lésions pulmonaires observées encore par M. Greenhow, chez un certain nombre de séran-ciers ou peigneurs de lin 2. On trouve en effet, dans ces cas, des nodules de pneumonie chronique noirs et dans lesquels l'ana-lyse chimique révèle la présence delà silice.

Une semblable lésion n'a rien qui doive surprendre, les cendres de la lige du lin renfermant, d'après Mussprat, 12 pour cent d'acide silicique 3.

1 Greenhow, loc. cit.

2 Patk. Soc. Tram., t. XX, 1869, p. 51. — Flax dresses lungs.

3 Merkel, /--c. cit.

QUATORZIÈME LEÇON

Anatomie pathologique de la phtisie pulmonaire '.

Sommaire.— Résumé de l'anatomie du poumon. — Tubercule miliaire ou no-dule tuberculeux péribronchique. — Localisation dans le vestibule de l'acinus et sur les bronches d'un certain calibre.

Caséification.— Exemples: phtisiepneumonique et phtisie granuleuse aiguë. — Mortification caséeuse du tubercule; sa cause. — Ramollisse-ment des tubercules : Formation des cavernes. — Cavernes acineuses, tabulaires, polylobulaires, lobaires. — Période de réparation. — Tu-bercules de guérison ; tubercules stationnaires ; tubercules fibreux. — Lésions spécifiques de propagation. — Granulation grise. — Infection par les voies lymphatiques. — Rôle accessoire de l'inflammation pneumonique, dans l'évolution de la néoplasie tuberculeuse: opinion de Cruveilhier, Ilérard et Cornil ; — de M. Charcot.

Dans une série de leçons professées en 1877, à la Faculté de médecine, M. Charcot a montré quelle est exactement la con-stitution du tubercule et a pu, grâce à une analyse plus com-plète, établir définitivement que la pneumonie caséeuse n'est en réalité qu'une agglomération tuberculeuse. Ces leçons, ré-digées par le docteur Oulmont, seront reproduites plus loin. Dans les leçons que je vais résumer, M. Charcot expose les particularités anatomiques propres à la phtisie chronique ou phtisie vulgaire.

La lésion fondamentale est encore le nodule tuberculeux

1. Leçons résumées par M. le Dr V. Hanot.

péribronchique (Fie/. 33J; mais ici, vu la durée du processus, l'évolution du nodule s'augmente de deux phases nouvelles : une période de ramollissement et une période d'excavation. Puis il se peut faire dans des cas particulièrement favorables, que les lésions se réparent : d'où une période de réparation,

Fig. 33. — Coupe d'une bronche d'un certain calibre et d'une arteriole montrant le début de la formation du tubercule. — (D'après un dessin île M. Charcot). L'artère est à peine oblitérée. On voit que la tunique muqueuse bronchique est envahie elle-même par la neo-plasie. — a, b, c, cellules géantes. — f, membrane muqueuse ayant subi la transforma-tion embryonnaire. — e, tunique musculaire. — g, epithelium cylindrique. — h, h, cel-lules épithélioïdes. —? j, magma de pus (?) ; granulations graisseuses. — D, artère. — N, N, alvéoles.

de guérison, avec des modes divers. Enfin, des amas tubercu-leux deviennent parfois, ci un moment donné du travail mor-bide, de véritables foyers d'infection d'où émanent des granu-lations grises qui propagent plus ou moins loin la maladie (processus de propagation).

Tels sont les chapitres principaux de l'histoire analomo-pa-

thologique de la phtisie ulcéreuse, que M. Charcot a réédifiée sur des bases plus solides.

A. Le tubercule miliaire de la phtisie chronique est un no-dule péribronchique, et par là s'accuse déjà l'unité de plan de structure des diverses productions tuberculeuses. Cette ques-tion de siège est un des points les plus importants de l'anato-mie pathologique de la phtisie chronique, et M. Charcot l'a traitée dans tous ses détails.

C'est Rindfleisch qui, le premier, a eu le mérite d'étudier à ce point de vue le tubercule miliaire.

Voici en quelques mots ce qu'il a observé à ce sujet. Lors-que la phtisie chronique commence à se développer, la lésion se présente, dans le poumon, sous la forme de petits nodules grisâtres, résistant au doigt, un peu transparents, dont la dimension est de 1 millimètre 1/2 environ, et qui présentent le plus ordinairement la forme d'une feuille de trèfle, quel-quefois avec la tige qui la supporte. Ces petits nodules se réu-nissent par confluence et s'agrandissent ainsi: ils forment alors des masses arrondies ou déchiquetées, portées, à la ma-nière des feuilles d'un arbre, sur des branches plus volumi-neuses qui représentent la tige. Tel est, en effet, le véritable aspect microscopique.

Quelle est donc, à l'examen microscopique, la structure in-time de ces folioles ? Mais, pour bien comprendre la descrip-tion de Rindfleisch, il faut avoir bien présentes à l'esprit cer-taines particularités de la structure du poumon. Voici cette structure telle qu'elle a été exposée par M. Charcot.

Le poumon de l'homme se compose :

1° De bronches ou tubes ramifiés apportant l'air atmosphé-rique ;

2° De sacs respiratoires formant la masse pulmonaire ; 3°D'une enveloppe commune, la plèvre;

4° De vaisseaux sanguins et lymphatiques et de nerls.

Les ramifications des bronches sont alternes, puis dichoto-miques ; la dernière bronchiole aboutit à une ampoule cloi-sonnée, qui représente exactement le poumon primitif du ba-tracien supérieur. Les ampoules, par leur réunion, constituent un acinus, et les acini, parleur réunion, constituent le lobule, petite masse polyédrique de 1 centimètre de diamètre environ.

De même que chaque lobule a une bronche indépendante de la bronche du lobe voisin, de même chaque lobule a une bronchiole qui ne communique avec celle du lobe voisin que parla bronche qui leur a donné naissance. Cette bronchiole pénètre dans le lobule et le traverse dans toute sa longueur en s'y subdivisant.

La bronche inlra-lobiliaire, à son origine, a un diamètre assez grand (1 millimètre : Sappey) ; elle se divise en rameaux qui se détachent à angle droit ou à angle aigu et se subdivi-sent eux-mêmes jusqu'à la bronchiole terminale. Celte bron-chiole est la fin du système canalículo des bronches et le com-mencement du poumon, organe d'hématose. En effet, elle se divise elle-même enramuscules de premier, deuxième, troi-sième ordre, etc.; mais elle porte sur ses parois des alvéoles pariétaux, et elle se termine par l'acinus.

Chaque acinus forme une petite pyramide à base périphé-rique et a environ 1 millimètre de diamètre dans ses dimen-sions principales. Les tractus conjonctifs qui entourent le lo-bule entourent de même chaque acinus et donnent à chacun de ses petits organes une indépendance relative ; chez l'enfant, les acini, d'abord distincts, se soudent peuà peu pour former le lobule, comme ceux-ci se soudent et se confondent peu à peu, chez le vieillard.

L'anatomie pathologique justifie pour sa part cette division du poumon en trois éléments constitutifs : le lobe, le lobule, Y acinus.

Cet acinus reproduit les dispositions fondamentales du lo-bule. La bronchiole acineuse, de un tiers de millimètre de diamètre environ, quien forme le pédicule, se divise en ra-meaux de plus en plus petits, jusqu'à ce qu'elle arrive à l'am-poule cloisonnée du sac alvéolaire qui la termine.

Dans tout son trajet, cette bronche porte des alvéoles parié-taux et mérite le nom qui lui a été donné de canalicule respi-rateur ou conduit alvéolaire.

L'ampoule cloisonnée a été désignée sous le nom d'infun-dibule, par Rossignol ; de lobule primitif, par Sappey ; de com-plexus alvéolaire, lobule secondaire, par Le Fort. Les infundi-bules sont terminaux ; ils forment à l'extrémité des canalicules respirateurs un sac alvéolaire cloisonné, tandis que ces mêmes canalicules ramifiés portent sur leur trajet de simples alvéoles qui sont ouverts dans les conduits, comme les cellules d'une prison sur le corridor central.

Les artères suivent les ramifications bronchiques, et on pourrait les appeler : artères lobaires, lobulaires, acineuses, infundibulaires ou alvéolaires.

On sait que l'artère pulmonaire qui accompagne la bronche dans le lobule est une artère terminale (Cohnheim), c'est à-dire qu'elle n'a pas d'anastomoses directes avec les artères des lo-bules voisins. Il en est de même de la bronche lobulaire.

L'artère lobulaire pénètre dans le lobule en suivant la dis-tribution de la bronche et arrive ainsi jusqu'à la bronchiole acineuse. Là, le vaisseau sanguin se ramifie à la surface des infundibules sous l'épithélium pulmonaire, et l'hématose s'ac-complit dans les réseaux.

Les capillaires donnent naissance à des veinules qui se jettent immédiatement dans le tissu conjonctif interacineux et deviennent, par anastomose, des rameaux de plus en plus vo-lumineux dont la direction commune est centrifuge par rap-port au centre du lobule. Arrivées à l'espace péri-lobulaire, ces

veines forment de véritables confluents qui servent à recueillir la circulation de plusieurs lobules voisins. Les anastomoses veineuses sont donc très larges, entre plusieurs lobules du voi-sinage, tandis que les anastomoses artérielles n'existent pas.

Les vaisseaux lymphatiques sont extrêmement nombreux; ils ont été parfaitement étudiés par le docteur Grancher.

Chacun des deux grands systèmes qui composent le pou-mon, le système vasculaire et le système aérien, est plongé dans les mailles de ces vaisseaux.

Leur description générale est donc très simple et doit se mouler sur la description même du poumon. Les vaisseaux lymphatiques sont péribronchiques, péri-lobulaîres, péri-acineux, péri-infundibulaires. Sous la plèvre, où celte, disposi-tion anatomique se voit admirablement, les lymphatiques in-jectés en bleu de Prusse forment de grandes mailles polygo-nales (cercle péri-lobulaire).

Chacune de ces mailles contient des mailles très petites (cercle péri-acineux) qui circonscrivent à leur tour le cercle lymphatique péri-infundibulaire. 11 en est de même dans l'in-térieur du poumon, quoique les vaisseaux lymphatiques y soient moins développés et surtout plus difficiles à injecter.

Autour des vaisseaux et autour des bronches, les lympha-tiques prennent l'apparence d'un réseau lacunaire. Sur une coupe transversale, on voit quelquefois Tarière entourée d'un véritable cercle de lacunes qui forment, quand elles sont in-jectées, comme de petits lacs de ceinture.

Ailleurs, la couronne lymphatique péri-vasculaire ou péri-bronchique n'est pas complète, mais simplement semi-lunaire. Tous ces vaisseaux lymphatiques communiquent largement ensemble, et la même injection pénètre à la fois dans le sys-tème péri-aérien et dans le système péri-vasculaire. En outre, quand on pique sous la plèvre un vaisseau lymphatique et que l'injection est réussie, on voit le liquide injecter d'abord un

grand nombre de cercles péri-lobulaires avant de pénétrer dans les cercles inscrits : péri-acineux et péri-infundibulaires. Enfin, cette même injection, faite sous la plèvre costale, tra-verse toutle poumon et se montre rapidement sous la plèvre médiastine. On doit conclure de ces fails que la circulation lymphatique pulmonaire établit, entre des lobules très éloignés les uns des autres, un lien de circulation et de nutrition très intime.

Ces détails étant connus, M. Charcot étudie ensuite Yanato-mie médicale du poumon. Cette anatomie médicale consiste à rechercher sur des coupes la place constante des éléments anatomiques, les rapports des diverses parties entre el-les.

M. Charcot décrit donc une section du lobule pulmonaire comme une coupe du lobule hépatique.

Ce lobule pulmonaire se présente sous la forme d'un poly-gone auquel on peut reconnaître un centre, une partie moyenne, et une périphérie. Le centre ou espace intra-lobulaire est formé essentiellement d'une bronche accompagnée d'une artère ; une gangue de tissu conjonctif les unit, et dans les mailles de ce tissu se trouvent de nombreux vaisseaux lympha-tiques péri-bronchiques et péri-vasculaires. La partie moyenne du lobule montre la coupe des infundibules etçà et là des fila-ments dé tissu conjonctif allant du centre du lobule à la péri-phérie, séparant les acini et portant les vaisseaux sanguins et lymphatiques. Lapériphérie, ou espace inter-îobulaire, est com-posée surtout de tissu conjonctif contenant de nombreux lym-phatiques et les veines pulmonaires. Dans le foie, la partie la plus importante du lobule est la périphérie; on y trouve les canaux biliaires, l'artère hépatique et la veine porte ; tandis que le centre est formé par la veine sus-hépatique ; au con-traire, dans le poumon, c'est l'espace intra-lobulaire, c'est-à-

dire le centre, qui contient les parties importantes, c'est-à-dire la bronche et l'artère.

Dans toute la partie du trajet des divisions bronchiques qui précèdent le lobule, celles-ci sont en rapport plus ou moins immédiat avec les artères bronchiques, l'artère pulmonaire et la veine pulmonaire, et tous ces conduits sont enveloppés d'une gangue conjonctive commune. C'est l'ensemble de ces parties que M. Charcot désigne sous le nom de grands espaces. Or, les grands espaces cessent d'exister au moment où la bronchiole sus-lobulaire pénètre dans le lobule.

En ce point, les divers vaisseaux aériens ou sanguins qui jusque-là cheminaient côte à côte dans les grands espaces péri-bronchiques se dissocient. En effet, tandis que l'artère bronchique et l'artère pulmonaire pénètrent accolées à la bronche, dans le lobule, les veines pulmonaires suivent un chemin différent. Elles se dirigent vers la périphérie du lobule, où elles occupent les espaces péri-lobidaires que M. Charcot appelle petits espaces.

Toutes ces notions anatomie topographique sont de la plus haute utilité ; elles permettent de reconnaître facilement, sur des coupes, le siège exact des diverses lésions et d'en suivre les évolutions successives. Ces notions analomiques étant bien établies, on peut poursuivre le résumé du travail de Rind-fleisch.

D'après l'habile histologiste, c'est dans le point même où la bronche terminale s'abouche avec les conduits alvéolaires de l'acinus correspondant que se localise la petite néoplasie tu-berculeuse ; on la trouve donc autour de la bronchiole, à sa ter-minaison, dans l'épaisseur delà paroi, et autour de chaque conduit alvéolaire à leur origine (Fig. 34).

Rindfleisch suppose qu'à ce niveau, les éperons de divisions des bronchioles retiennent les cellules tuberculeuses qui des-

cendent des bronches supérieures, et qu'il se produit une in-fection locale d'où naît le tubercule.

Quoi qu'il en soit, si sur le nodule ainsi formé on fait une coupe, on obtiendra, si la coupe intéresse les trois conduits al-véolaires, une figure qui représentera, en quelque sorte, leur moule interne, c'est-à-dire l'apparence déjà signalée d'un

Fig. S4. — Schéma de Rindfleisch montrant le début de la neoplasie autour de la terminai-son de la bronchiole.

trèfle. Le nodule aura environ un millimètre et demi à deux millimètres de diamètre. Si l'on examine cette coupe au mi-croscope, on voit aisément qu'il ne s'agit pas là d'un tubercule élémentaire, mais d'une agglomération de nodules dont on distingue encore la forme : ce sont autant de cercles concen-triques, régulièrement disposés autour d'un certain nombre de centres de formation. D'ailleurs, il y a lieu de distinguer deux zones : 1° une zone centrale caséeuse, percée d'un trou déchi-

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons. 16

quêté qui n'est autre chose que ce qui reste du conduit alvéo-laire; 2° une zone périphérique, composée de cellules soudées par une gangue commune, laquelle pénètre dans les alvéoles voisins sous forme de prolongements sessiles ou pédicules et qu'on reconnaît aisément pour être la zone embryonnaire qui se retrouve à la périphérie de toute production tuberculeuse et décrite pour la première fois par M. Grancher.

Tel serait le point de départ de toute phtisie chronique. Peu à peu, le nodule primitif s'agrandit en s'étendant dans deux directions principales, vers la bronche et vers les extrémités des infundibules. Il s'étend aussi par envahissement des acini voisins. On le voit, les choses se passent absolument comme dans la prétendue pneumonie caséeuse.

M. Charcot a confirmé les résultats obtenus par M. Rind-fleisch, tout en les modifiant sur quelques points. M. Charcot ne croit pas à une localisation aussi étroite, aussi systématique du tubercule aggloméré primitif dans le vestibule de l'acinus, car il a observé des agglomérations tuberculeuses greffées sur des bronches d'un certain calibre. Autre divergence. Pour M. Rindfleisch, les produits de la pneumonie qui se développe autour du nodule peuvent subir la métamorphose caséeuse et contribuer à la solidification jaune. M. Charcot pense au con-traire que la caséification dans la phtisie se fait toujours exclu-sivement aux dépens de la néoplasie tuberculeuse. On peut trouver, dans l'intervalle des nodules, des alvéoles encombrés d'éléments variés qui présentent toutes les phases de la dégéné-ration granulo-graisseuse, mais rien qui rappelle la dégénéra-tion vitreuse ou caséeuse proprement dite, qui occupe le cen-tre des nodules.

Avec la phtisie chronique, apparaît une nouvelle phase du processus. La lésion tuberculeuse se développe par additions successives de trèfles voisins; mais, à un moment donné, l'îlot se ramollit, et le produit de ce ramollissement est évacué par

les bronches: une caverne s'est formée. L'histoire de ces ca-vernes est un des chapitres les plus intéressants de l'anato-mie pathologique de la phtisie pulmonaire ; mais, avant de l'entreprendre, il est utile de revenir avec plus de détails sur celle caséiûcation qui prépare la formation des cavernes.

Caséifîcation. —Pour donner une idée juste du travail de caséilication, il faut prendre pour exemples, d'une part, la phtisie pneumonique, autrement dit la broncho-pneumonie suraiguë caséeuse, et d'autre part la phtisie granuleuse aiguë. Dans les deux cas, l'évolution dure de quinze à trente jours. Cliniquement, dans le premier cas, on a devant soi une bron-cho-pneumonie grave pseudo-lobaire ; dans le second cas, une maladie à forme typhoïde avec prédominance des accidents thoraciques. A l'autopsie, on trouve, dans le premier cas, des nodules tuberculeux de volume variable, surtout dans les lobes inférieurs. Il n'y a pas de granulations grises ni dans les pou-mons ni ailleurs. Dans Je second cas, ce sont des granulations grises disséminées également dans tout l'organe et tellement serrées que les poumons en sont littéralement criblés. Ces granulations, au maximum dans les poumons, se trouvent éga-lement dans le foie, les reins, les méninges, un peu partout. Dans les deux cas, comme on le sait déjà, l'analogie, au point de vue anatomique, est aussi grande que possible ; on pourrait dire qu'il y a identité complète. Dans le premier cas, si l'on n'examine que les plus petits tubercules, le champ du micros-cope pourra ne comprendre qu'un ou deux tubercules ; dans le second cas, les tubercules, beaucoup plus petits, apparaî-tront nécessairement en plus grand nombre.

Les premiers tubercules sont toujours développés auLourde la bronche ; les granulations siègent dans n'importe quel point du parenchyme, en vertu de cette propriété de diffusion qu'elles ont à un si haut point. En dehors de cette différence

de siège, tout est semblable. Dans les deux cas, deux zones; une zone périphérique embryonnaire, une zone centrale ca-séeuse non colorée par les réactifs ordinaires. La séparation entre les deux zones est marquée par une zone intermédiaire, qui présente l'aspect d'une bande étroite, sur laquelle il faudra revenir dans un instant.

Dans les deux cas, il s'agit d'agglomérations tuberculeuses ; même en ce qui concerne la granulation, la néoplasie doit être considérée comme formée au début de plusieurs follicules ou tubercules élémentaires, réunis par une gangue embryonnaire. Les cellules géantes, dispersées çàetlà, montrent où sont les follicules.

Ces cellules constituent le centre de figure de chaque folli-cule ; les cellules épithélioïdes les enveloppent d'une zone moyenne; les zones externes embryonnaires de chaque folli-cule se confondent, en quelque sorte, en une trame qui englobe toutes les cellules géantes avec leurs cellules épithélioïdes. L'agglomération tuberculeuse se manifeste aussi clairement dans le tubercule miliaire que dans les îlots de la prétendue pneumonie caséeuse.

Pour bien comprendre la théorie de la mortification ca-séeuse des tubercules de ce genre, il faut se représenter le moment où la caséification n'existe pas encore, où le tuber-cule tout entier en est encore aux premières phases de son développement.

Il n'y a encore que des cellules embryonnaires ; elles sont distinctes les unes des autres, mais réunies par une gangue protoplasmique où se retrouvent aussi les éléments de l'organe envahi qui ont résisté à la néoplasie, c'est-à-dire les fibres élastiques des artères de calibre, des travées alvéolaires. Mais ces éléments sont rendus invisibles, noyés qu'ils sont, pour ainsi dire, dans la néoplasie. Un réactif qui réduirait les parties constitutives delà néoplasie les ferait réapparaître. C'est jus-

tement ce que fait la caséification. La forme même de la zone caséeuse donne à penser que la mortification se produit tout à coup, tout d'une pièce. Dans cette zone, tout semble à peu près homogène, demi-transparent; pas la moindre parcelle qui se colore. Les fibres élastiques sont redevenues visibles ; çà et là quelques cadavres de cellules géantes. Ques'esl-il donc passé? L'étude delà bande intermédiaire, dont il a été question un peu plus haut, l'apprend. Cette bande est constituée par des noyaux tassés les uns contre les autres et qui se colorent en-core très vivement. Le protoplasma cellulaire et le réticulum se sont atrophiés, desséchés et ont subi la dégénérescence granulo-graisseuse. À un moment donné, les noyaux eux-mêmes subissent la même dégénérescence, et le carmin ne peut plus les colorer. Mais la bande rouge intermédiaire se sera portée un peu plus en dehors, en même temps que la zone embryonnaire s'élargit aussi. Et c'est ainsi que le tubercule agrandit son domaine, à mesure que la mortification s'étend de plus en plus, du centre à la périphérie.

Tout ce qui précède s'applique exactement aux masses tu-berculeuses de la phtisie chronique.

Yoilà, dans une esquisse rapide, tout ce qu'on sait de la mortification caséeuse du tubercule. Encore une fois, il est très important de distinguer la caséification du tubercule de celle qui peut s'emparer des éléments cellulaires accumulés et re-tenus dans la trame des tissus. Cette dernière caséification est banale et diffère du tout au tout de la tuberculeuse, dans la-quelle il y a mortification d'un tissu cohérent.

« Quelle est, dit M. Charcot, la cause de la caséification du tubercule? On invoque surtout l'absence des vaisseaux, c'est sansdouteunelementimportant.il est facile d'en compren-dre les effets sur une vaste agglomération tuberculeuse; mais c'est plus difficile quand il s'agit d'un tubercule élémentaire ou follicule tuberculeux, car les cartilages non vasculaires se

nourrissent, et le nodule tuberculeux n'est pas plus loin des vaisseaux que l'ovule de la paroi des vésicules de de Graaf.

« On a dit que ces éléments portent en eux-mêmes, en nais-sant, le germe d'une mort prochaine. Le tubercule, a-t-on dit, est une néoplasie essentiellement pauvre et misérable dès le début. Mais cette phrase pittoresque ne peut passer pour une excellente raison. »

La mortification caséeuse ou vitreuse appartient en propre au tubercule ; voilà ce qui est indiscutable, voilà ce qui fait l'intérêt des recherches approfondies dont elle a été l'objet. A cette modification succède le ramollissement, l'évacuation des parties mortifiées et consécutivement la formation des ca-vernes pulmonaires.

B. Ramollissement des tubercules. Formation des cavernes, pulmonaires. —MM. Charcot et Richer ont étudié à nouveau le mécanisme de production des cavernes pulmonaires. Mais d'abord, comment se produit le ramollissement de la matière tuberculeuse ?

M. Rindfleisch suppose que les matières albuminoïdes des-séchées subissent à la longue une modification par suite de la-quelle, d'insolubles, elles deviennent solubles. Elles attirent à elles l'eau des parties voisines, et ainsi a lieu le ramollisse-ment qui n'a rien de commun, comme on le voit, avec la sup-puration. Sans mélange de pus la matière caséeuse se dissocie, et la dissociation entraîne la dislocation de la trame élastique.

La communication avec les bronches est alors complète; la matière caséeuse ramollie peut alors pénétrer dans le conduit aérien, où elle se mélange aux produits muco-purulents qui s'y trouvent accumulés. La matière caséeuse, ramollie, mêlée à des libres élastiques et au muco-pus de la lésion bronchiti-que concomitante, est évacuée par l'expectoration et laisse à sa place un vide, une excavation, une caverne.

Il faut maintenant pénétrer plus avant dans les détails de ce travail d'excavation. On doit tenir compte tout d'abord d'un premier élément dont l'importance a été parfois exagérée, mais qui joue certainement un rôle : c'est la dilatation des bronches voisines. Cette dilatation précède, en effet, très habi-tuellement la formation des cavernes. Carswel, Reinhardt et Wagner ont même prétendu que la dilatation bronchique fai-sait à elle seule tous les frais de l'excavation, et que la destruc-tion du parenchyme pulmonaire n'y entrait pour aucune part.

C'est aller beaucoup trop loin. Suivant MM. Rindfleisch et Grancher, il serait de règle de rencontrer, en amont des foyers de tissu caséifié, un certain degré de dilatation des bronches. Cette dilatation serait la résultante de plusieurs conditions agissant dans le même sens. D'une part, les parois bronchi-ques enflammées ont perdu de leur résistance ; d'autre part, l'effort inspiratoire se concentre justement sur les parois de ces bronches, à l'extrémité desquelles l'expansion vasculaire n'a plus lieu.

Sans doute, la dilatation existe et peut s'expliquer comme il vient d'être dit ; mais la condition fondamentale de la pro-duction des cavernes, c'est l'envahissement et la destruction des parois bronchiques par la néoplasie tuberculeuse.

Quand le tubercule caséeux se vide dans la bronche, celle-ci est déjà transformée en cavité cylindro-conique ouampullaire : elle forme comme le vestibule de la caverne et en fait ainsi partie.

Reste à savoir maintenant comment la matière caséeuse ra-mollie se met en communication avec les bronches voisines préalablement dilatées.

Ici encore, il sera facile de se convaincre que la formation des cavernes, depuis le commencement du processus jusqu'à la fin, n'a rien de commun avec la pneumonie, contrairement à l'opinion de Cruveilhier.

Qu'on suppose un tubercule miliaire développé primitive-ment autour d'une bronchiole et ayant envahi les parois d'un acinus voisin. La paroi bronchique étant épaissie par la néo-plasie, la lumière du conduit est rétrécie: elle est déjà en-combrée par la présence des produits d'exsudation ou de pro-lifération catarrhale, et finit par s'oblitérer. A un moment donné, le bouchon catarrhal, la paroi bronchique elle-même, la paroi acineuse aussi, subissent la fonte caséeuse, et la ma-tière ramollie se déverse dans le conduit bronchique situé en amont, et, a-t-il été dit, plus ou moins dilaté. Il en résulte une petite excavation qui occupe la place de la bronchiole et de l'a-cinus, dont il ne reste d'abord que des débris et bientôt plus rien. L'artère satellite, oblitérée par les végétations de l'endar-térite et facilement reconnaissable à la présence des tuniques élastiques, se distingue vers la partie centrale du néoplasme tuberculeux, au voisinage de la petite excavation, comme pour témoigner que là a existé une bronche. Ainsi se forment de petites cavernes primitives qu'on peut appeler cavernes aci-neuses. On voit, d'après son mode de formation, que la caverne acineuse est faite sur le plan de la disposition des bronches. Ses parois sont sinueuses et pourraient être prises facilement pour une dilatation bronchique. Il faut remarquer ici que le pus produit dans la bronche peut refluer dans la caverne ; mais il ne faudrait pas voir là une preuve de l'intervention du pro-cessus phlegmasique, dans la formation de la cavité.

Plusieurs cavernes acineuses peuvent communiquer ensem-ble; le lobule tout entier se vide en quelque sorte par la bron-che. La réunion de plusieurs cavernes acineuses forme les cavernes lobulaires qui occupent tout un lobule. Enfin il est facile de comprendre comment plusieurs cavernes lobulaires, par les progrès de la fonte caséeuse, donnent naissance à des cavernes poly'lobulaires, puis à des cavernes lobaires, c'est-à-dire occupant tout ou partie d'un lobe du poumon (Fig. 35).

Les grandes cavernes ont parfois des parois libres, comme revêtues d'une membrane blanchâtre. Mais le plus souvent, elles sont très anfractueuses. L'examen microscopique montre que, dans la règle, elles sont divisées en plusieurs grandes

Fig. 35. — Schéma montrant te mode de formation des cavernes. — (D'après un dessin de M. Charcot). — A, A, A, cavernes acineuses. — B, caverne lobulaire.

loges qui elles-mêmes sont divisées en logettes. Les grandes loges sont séparées par de grosses travées qui, le plus souvent, ne se détachent pas complètement de la ca-verne.

Les logettes, au contraire, sont séparées par de petites

travées souvent complètement libres, dans l'intérieur de la caverne, et n'adhèrent à ces parois que par leurs extré-mités.

La disposition anatomique que M. Charcot a proposé d'ap-peler les grands et les petits espaces conjonctifs pulmonaires rend compte de la présence de ces deux sortes de travées et permet, en quelque sorte, de prévoir leur structure. L'examen microscopique fait sur des coupes transversales vient confirmer cette prévision. Les grosses travées représentent les grands espaces pulmonaires, c'est-à-dire les espaces du tissu con-jonctif qui accompagnent les divisions des bronches, les artères pulmonaires et les veines pulmonaires réunies, jusqu'au point où ces dernières se séparent des premières pour occuper les espaces interlobulaires. Les petites travées sont les derniers vestiges des espaces interlobulaires dont le tissu conjonctif ne convient qu'au seul ordre de vaisseaux, les branches des veines pulmonaires.

Le mécanisme entier de la formation des cavernes se con-çoit donc parfaitement sans l'intervention d'une véritable in-flammation pulmonaire. Dansles parois, nulle trace du processus phlegmasique; dans la cavité, détritus caséeux, fragments de tissu pulmonaire ; un peu de pus qui, au contact de l'air, se transforme aisément en liquide ichoreux, plus ou moins fétide. Or, la phtisie en est alors à cette période clinique qui se carac-térise surtout par la fièvre hectique à son maximum. C'est une fièvre à oscillations ; la température est souvent peu élevée le matin, mais atteint le soir 40 et 41°. Ce tracé thermique ne peut s'expliquer par l'existence d'une pneumonie; il s'expli-que parfaitement par l'infection putride.

C. Période de réparation.— Lorsque la matière caséeuse à été complètement évacuée, elle est remplacée par un revête-ment de tissu embryonnaire sous lequel font saillie de vérila-

bles bourgeons charnus. Le lissu pulmonaire sous-jacent à cette zone s'est transformé petit à petit, sur une épaisseur va-riable, et est en état d'inflammation chronique: c'est déjà une caverne de guérison, la quiescent excavation des auteurs an-glais William et Powel. S'il ne se fait point ailleurs d'autre travail de ramollissement tuberculeux, l'état général s'amé-liore ; c'est une quasi-guérison. La véritable caverne de gué-rison, c'est la caverne tapissée de toute part par du tissu fibreux organisé, transformée en un véritable sinus aérien, pour se servir d'une expression de Cruveilhier. Lorsqu'il n'y a plus, dans le poumon, pour toute lésion que celte poche où tout le tissu embryonnaire pariétal est devenu tissu fibreux, l'état fébrile s'est complètement éteint. Dans vingt cas de ce genre, cités par E. Will, dans son article publié en 1875 (Med. Iransï), non seulement la fièvre faisait défaut, mais encore la tempé-rature était au-dessous du taux normal. La surface de la ca-verne présente aussi une série de transformations successives.

Dans la quiescent excavation, elle présente, comme les plaies en suppuration, des anses vasculaires saillantes au mi-lieu d'un tissu conjonctif ferme, des bourgeons charnus véri-tables, mais très petits. Elle donne lieu à la formation plus ou moins abondante de leucocytes qui entrent dans la composi-tion d'un liquide qui tantôt se concrète en une mince couche grisâtre, sous laquelle on trouve la surface granuleuse rougie et fortement vascularisée de l'excavation. Peu à peu, la sur-face granuleuse s'égalise et devient parfaitement lisse; la caverne est alors limitée par un tissu cicatriciel fibreux plus ou moins épais, qui peut même se rétracter et ne produit plus de pus. Quelquefois cependant, ainsi que l'ont observé MM. Hérard et Cornil, à la surface d'anciennes cavernes s'o-pèrent des phénomènes nouveaux de suppuration et même de formation de granulations tuberculeuses, reconnaissables à l'œil nu et à l'examen microscopique.

Il est important de ne pas prendre pour véritable caverne de guérison des lésions qui n'ont que l'apparence de la ca-verne guérie. Ainsi on ne considérera pas comme caverne de guérison, ainsi que l'ont fait Laennec, Cruveilhier, William, Bennets : 1° des kystes tuberculeuxavec centre ramolli; 2° des kystes avec centre caséeux ou plâtreux ; 3° des cavernes froncées; 4° des cavernes dont les bords se sont exactement accolés, qu'ils aient subi ou non le processus de l'inflam-mation chronique, si la transformation fibreuse n'est pas para-chevée.

Les bronches présentent ici des modifications qu'il faut si-gnaler; au début, elle s'arrêtent brusquement à leur union avec la caverne et leurs parois y sont nettement coupées. Mais, lorsque ces lésions sont anciennes, le bout tronqué de la bron-che se met de niveau et se continue directement par une sur-face lisse avec la paroi de l'excavation.

Tubercules de guérison (Cruveilhier). Tubercules stationnai-res (Charcot). Tubercules fibreux. —Jusqu'à présent, on a vu le tubercule évoluant fatalement jusqu'à la mortification ca-séeuse. Cependant, dit M. Charcot, le tubercule considéré sous ses formes les plus diverses est curable, ou tout au moins il peut subir dans sa texture des modifications qui le trans-forment en un corps étranger, inerte, incapable de nuire. C'est le tubercule de guérison de Cruveilhier.

Il peut arriver aussi que le tubercule, parvenu à un état de parfait développement, reste pour ainsi dire stationnaire au sein des organes dont il ne modifie pas sensiblement la tex-ture, sans aboutir à la mortification caséeuse : c'est le tuber-cule stationnaire de M. Charcot. Enfin il peut se faire qu'un tu-bercule à évolution essentiellement chronique dès l'origine perde de bonne heure sa structure cellulaire et se transforme sans avoir présenté la moindre trace de matière caséeuse,

en une petite tumeur fibreuse ; c'est le tubercule fi-breux.

Cruveilhier avait déjà fait remarquer que les tubercules en général, les tubercules pulmonaires en particulier, sont cura-bles à toutes les périodes de leur développement et sous toutes leurs formes : 1° tubercules solitaires ; 2° agrégats tu-berculeux ; 3° cavernes pulmonaires. Il y avait donc à consi-dérer : 1° des granulations de guérison ; 2° des agrégats tu-berculeux de guérison ; 3° des cavernes de guérison. Laënnec savait parfaitement que l'affection tuberculeuse n'est pas ab-solument incurable ; mais il ne s'était occupé que du mode de guérison des cavernes et il semblait croire que les désordres produits par les tubercules ne peuvent se réparer qu'après l'élimination de la matière étrangère. Cruveilhier montra que le tubercule peut s'arrêter dans son évolution à l'état de tuber-cule cru, à l'époque où la mortification caséeuse n'a pas en-core amené la' désagrégation des produits nécrosés. Si l'on compare le tubercule de guérison à une granulation miliaire, au premier abord, il y a identité. En quoi donc ce tubercule diffère-t-il du tubercule en pleine évolution destructive? La zone embryonnaire plus large a subi l'évolution fibreuse, c'est-à-dire que les éléments cellulaires de gangue intermédiaire ont disparu pour faire place à un tissu dense, composé de lamelles fibreuses dans l'intervalle desquelles on distingue à peine quelques éléments cellulaires. Ces parties n'ont plus la structure qui permet la caséification, laquelle est donc con-finée dans la partie centrale. Des vaisseaux se sont dévelop-pés dans cette zone embryonnaire, qui ne se connaît plus qu'à la présence de cellules géantes et à sa disposition géné-rale.

La matière caséeuse est en quelque sorte enkystée. Elle peut subir des transformations ultérieures qui, par l'adjonc-tion de particules calcaires, en font une sorte de mastic et au

plus haut degré un petit calcul. Il n'est pas non plus impossi-ble que ce centre caséeux puisse se résorber et disparaître. Ce travail d'enkystement est marqué par un certain degré d'irri-tation inflammatoire subaiguë qui se communique aux parties voisines. Aussi, autour de ce tubercule de guérison, toute une rangée d'alvéoles se distingue des autres en ce que les parois de ces alvéoles sont épaissies, fibreuses, en même temps que leurs cavités sont limitées par un revêtement d'é-pithélium cubique, absolument comme dans les cas de cir-rhose broncho-pneumonique primitive. Tout cela s'applique aux agglomérations tuberculeuses péri-bronchiques de la phtisie à produits massifs. Si le processus curalif est quelque peu accentué, on peut suivre, dans la zone embryonnaire or-dinairement visible, les deux phases de l'évolution fibreuse dont il vient d'être question et qui doit aboutir à l'enkysle-ment des produits caséeux, absolument comme dans le cas de tubercule miliaire. Voici une disposition que l'on rencontre souvent dans les poumons des sujets qui, après avoir présenté les signes de la phtisie pulmonaire, sont revenus à la santé et succombent à quelque maladie intercurrente. C'est l'appa-rence de l'agglomération tuberculeuse en pleine évolution. La zone caséeuse est dislincle, les travées élastiques encore visibles ; mais la zone embryonnaire n'est plus qu'une paroi kystique fibreuse. La présence des cellules géantes qui per-sistent rend à peu près indiscutable l'interprétation proposée par M. Charcot. Quant aux cavernes de guérison, le méca-nisme de leur formation a été décrit plus haut.

Dans les ganglions lymphatiques, dans la muqueuse du larynx, à la peau de la face (lupus dit scrofuleux), des tuber-cules stationnaires s'observent fréquemment.

Ici, la mortification caséeuse n'est pas chose nécessaire, fa-tale. Le tubercule, arrivé à son parfait développement, qu'il s'agisse du tubercule élémentaire ou du tubercule aggloméré,

persiste tel quel et conserve l'intégrité de sa structure, à la manière d'un parasite. Les tubercules qui présentent ce ca-ractère d'évolution ont en général une structure complexe et bien régulière; les cellules géantes, les cellules épithélioïdes, le réticulum, qui a pu faire croire à l'existence d'un vestige d'organisation lymphatique, sont très accentués.

Dans le tubercule fibreux, il ne s'agit pas d'évolution par-tielle fibreuse, s'opérant dans la zone embryonnaire, au pour-tour de la zone caséeuse, comme dans le tubercule présentant cette particularité, que de très bonne heure il perd sa struc-ture cellulaire et subit une évolution spéciale qui le transforme rapidement en une petite tumeur fibreuse, sans que jamais il y ait la moindre trace de mortification caséeuse. Le tubercule fibreux n'est donc pas la granulation grise, adulte; mais il n'en diffère pas foncièrement, et en cela Laënnec avait encore rai-son.

Le tubercule fibreux se présente sous deux formes principales : tubercule miliaire et agglomération tubercu-leuse.

? Le tubercule miliaire fibreux est caractérisé ainsi anatomi-quement. Dans un poumon sain du reste et qui présente à son sommet les caractères de la phtisie fibroïde, on trouve des granulations répondant à tous les caractères mis en relief par la description de Bayle, à propos des granulations grises: ces granulations sont groupées sous forme de bouquets, de grap-pes, dont les bronches semblent représenter le pédicule. Les nodules qui composent ces grappes ont la constitution sui-vante: agglomération de plusieurs tubercules primitifs; dis-position concentrique des zones ; cellules géantes souvent re-connaissables; structure absolument fibreuse; rien de ca-séeux. D'autres nodules, dans la même préparation présentent encore la structure embryonnaire, avec prédominance, toute-fois, déjà marquée, du substratum fibreux intercellulaire, sans

trace de mortification centrale. Le tissu du poumon, au voisi-nage, présente d'ailleurs un épaississement des espaces inter-lobulaires, des travées intralobulaires ; en un mot, tubercule et pneumonie concomitante, tout annonce un processus chro-nique primitif.

Fig. 86.— (Dessin demi-schématique).— A, tubercule de guérison entouré d une zone fibreuse où serpentent des capillaires, D. — C, coupe des bronchioles voisines, dont l'épi-thélium est devenu cylindrique. — B, cellules géantes.

On trouve aussi, a-t-il été dit, dans la phtisie essentielle-ment chronique, le tubercule fibreux sous la forme et avec les caractères des agglomérations tuberculeuses. Les nodules sont plus volumineux. Il y a une zone périphérique fibreuse et une zone centrale également fibreuse, mais où se dessinent les vestiges de l'artère, de la bronche et aussi des parois al-

véolaires ; mais tout cela est fibreux, rien n'est caséeux. M. Charcot fait remarquer qu'il est bien difficile d'admettre que la zone centrale, après avoir subi la fonte caséeuse, a été, après l'élimination et la résorption des produits caséeux, le siège d'une évolution fibreuse réparatrice. Les produits ca-séeux ne peuvent s'organiser. 11 est plus probable que l'évolu-tion fibreuse est faite ici au moment où. le tubercule tout entier est dans l'état qu'il présente à l'ordinaire : zone em-bryonnaire ; parois alvéolaires infiltrées de cellules ; alvéoles comblés par des productions embryonnaires polypiformes. Qu'on suppose cette masse embryonnaire subissant dans sa totalité l'évolution fibreuse, et on aura la représentation de ce que présente à l'examen microscopique le tubercule agglo-méré fibreux. Quand le tubercule fibreux domine, à plus forte raison quand il existe presque exclusivement, on a alors af-faire à la phtisie fibroïde. Les lésions de cette variété anato-mique de la phtisie peuvent se résumer ainsi : poumon dimi-nué de volume, présentant sur une étendue variable, dans le lobe supérieur, les caractères de la cirrhose pulmonaire ; çà et là, quelques cavernes, quelques tubercules de guérison, mais surtout des tubercules fibreux. Le mot de phtisie fibroïde doit être réservé aux cas où l'induration s'étend à tout un lobe ou à presque tout un lobe. Le processus de la transformation fibreuse se rencontre souvent limité à quelques parties du pa-renchyme, dans toutes les formes de phtisie à évolution un peu lente : suivant Thaon, il figurerait dans un tiers des cas. Cette phtisie fibroïde, à laquelle certains sujets tuberculeux semblent plus particulièrement prédisposés, ne se caractérise pas seulement au point de vue clinique par les phénomènes de la dilatation des bronches, mais par le déplacement des organes voisins, lequel peut s'expliquer aussi par les changements survenus dans la constitution physique de l'organe.

Charcot. Œuvres complètes, t. X. Poumons. 17

D. Lésions spécifiques de propagation. — C'est un fait ac-quis aujourd'hui à la science que la matière tuberculeuse, ar-rivée à la période de caséification, jouit de la propriété de propager le tubercule de proche en proche. Il semble qu'elle soit mûre alors, apte à la production de graines, qui pour-ront se détacher de la masse ramollie, et iront, transportées par les canaux lymphatiques, germer plus ou moins loin. À ce point de vue, le tubercule est une véritable néoplasie maligne, infectieuse, et cette propriété d'infection a été bien mise en lumière par les travaux de Yirchow, Rindfleisch, Lépine, Pon-fick, Charcot.

Il est incontestable que, parmi les lésions tuberculeuses de la phtisie, il en est qui doivent être considérées ainsi comme des lésions d'origine secondaire, irradiées autour de foyers primitifs ; envisagées selon cette subordination, les lésions tuberculeuses se comprennent souvent mieux dans leur en-semble, et souvent aussi l'interprétation clinique y gagne. Cette diffusion de la matière tuberculeuse autour des foyers caséeux s'effectue dans des limiles très variables, et on peut, avec M. Charcot, y établir trois étapes : infection locale ou di-recte; infection à une distance plus ou moins grande parles vaisseaux lymphatiques ; enfin infection généralisée, dissémi-nation par tout l'organisme de la granulation grise.

La granulation grise, est, en effet, la forme qu'affecte la matière tuberculeuse émanée des foyers caséeux. M. le profes-seur Lépine a insisté, et avec raison, sur l'infection locale par simple contact. Qu'on examine la plèvre qui enveloppe le poumon tuberculeux, on verra que les tubercules s'y sont propagés; on verra comment, un peu plus tard. Voici ce qu'on y voit encore. La plèvre viscérale est parsemée de granulations grises qui n'ont d'ailleurs suscité aucun travail réactionnel de voisinage; on ne constate à leur niveau ni fausses membranes, ni adhérences avec le parenchyme sous-jacent. Mais, si l'on

examine la plèvre pariétale dans la partie qui est immédiate-ment appliquée sur les granulations du feuillet opposé, on y trouve des groupes en colonnes de granulations superficielles. Leur développement résulte évidemment du contact avec le foyer primitif, il n'y a pas de traces de tubercule sur le feuillet viscéral. Mais le développement des granulations secondaires ne se fait pas seulement par contact immédiat; il semble que les semences émanant du foyer principal aient été répandues un peu partout dans la cavité pleurale. On trouve ces tuber-cules secondaires, erraliques, surtout au voisinage des fol-lioles tendineuses du diaphragme, autour desquelles elles forment des couronnes, là où les lymphatiques sous-pleuraux sont très superficiels (Bizzozero) et présentent peut-être des stomates. Quoi qu'il en soit, il n'est pas déraisonnable d'admet-tre que les choses se passent au sein du parenchyme pulmo-naire comme dans la plèvre, qu'un certain nombre de granu-lations qu'on y observe sont engendrées par le contact direct des granulations sur les éléments constitutifs de l'organe, et que l'extrême confluence des granulations par places peut s'ex-pliquer ainsi.

h'infection par les voies lymphatiques, si l'on se rappelle la disposition du système lymphatique telle qu'elle a été décrite par M. Grancher, rend aisément compte de la propagation des granulations dans toutes les parties du parenchyme, dans le feuillet viscéral de la plèvre, dans les ganglions trachéo-bronchiques. L'adénopathie frachéo-bronchique est très fré-quente chez les enfants tuberculeux. Parrot a dit que ces lé-sions ganglionnaires sont toutes consécutives à des lésions du parenchyme pulmonaire, seulement beaucoup plus avancées. Or, cette relation s'établit par les voies lymphatiques, et on peut suivre souvent, s'il s'agit d'un foyer superficiel, la traînée lymphatique qui, sous la forme d'un cordon noueux, relie le foyer pulmonaire primitif au foyer ganglionnaire consécutif.

L'analyse histologique fait reconnaître qu'il y a deux éléments distincts: l°le trajet lymphatique, rempli en général de leu-cocytes ayant subi la dégénérescence granulo-graisseuse ou de détritus caséeux provenant peut-être du foyer; 2° des no-dules ou renflements placés de distance en distance, qui sont des granulations tuberculeuses simples ou composées. Le ganglion lymphatique, lui aussi, contient nombre de granu-lations grises remarquables, comme l'a bien montré Schuppel, par la prédominance des cellules géantes. Ils siègent dans les follicules de la glande.

Yoici d'ailleurs l'aspect sous lequel se présentent les no-dules dans les préparafions microscopiques. On peut les étu-dier facilement dans un autre épisode de la phtisie pulmonaire. Si l'on examine une ulcération tuberculeuse de la muqueuse bronchique, on voit, sous la tunique musculaire, une cavité étoilée renfermant une granulation tuberculeuse et de l'en-dothélium ; c'est un lymphatique dont le calibre est rétréci par un nodule tuberculeux qui s'y est engagé, venu du foyer primitif. Le nodule peut devenir, à son tour, le point de dé-part de nodules secondaires par infection directe du tissu voi-sin. Il s'agit là de ces capillaires lymphatiques creusés dans le tissu conjonctif, sans parois distinctes. Mais la même disposi-tion se rencontre dans les lymphatiques d'une organisation plus complexe. Exemple : les lymphangites tuberculeuses des chylifères qui transportent, comme M. Cornif l'a démontré, les tubercules des ulcérations intestinales jusqu'aux ganglions mésentériques.

Le système lymphatique peut être envahi dans toute son étendue jusqu'à son embranchement dans le système circula-toire. Pouûck a pu reconnaître, dans ces derniers temps, sur le canal thoracique, les traces du passage delà matière tuber-culeuse. Là encore, ces traces consistent dans la présence, de distance en distance, de petites nodosités qui ne sont au-

Ire chose que des granulations développées dans la paroi du vaisseau. Dans ces cas, il y avait tuberculose généralisée. Il est bon de mettre bien en relief ces phénomènes de propaga-tion : là encore, les tubercules s'éloignent des produits inflammatoires simples et se rapprochent des néoplasies ma-lignes.

E. Rôle accessoire de la phlegmasie pneumonique dans l'évolution de la néoplasie tuberculeuse. — On l'a vu, tout s'est expliqué sans l'intervention de la phlegmasie du tissu pulmonaire. Celle phlegmasie a bien certainement sa part dans le processus tuberculeux, mais jusqu'où et comment intervient-elle? « Le tubercule, a-t-on dit, détermine l'es-pèce nosologique, mais la pneumonie qui lui succède con-stitue la lésion la plus grave de la tuberculose : elle dé-termine la forme aiguë ou chronique. C'est elle qui règle l'état général, qui détermine la fièvre ; c'est elle qui pro-duit les cavernes. C'est dans la pneumonie qu'est tout le dan-ger de la phtisie ; c'est elle qu'il faut arrêter et combattre. » Ainsi donc, prédominance des lésions pneumoniques, inertie de la lésion tuberculeuse. M. Charcot déclare que pour beau-coup d'organes, ces propositions sont exagérées, que pour d'autres elles sont absolument fausses.

Le grand processus de destruction de poumon est, dans la majorité des cas, indépendant de la pneumonie. Aussi, tout en reconnaissant l'importance de l'élémentpneumonique, dans la phtisie et que les phtisiques peuvent mourir par le fait de la pneumonie, M. Charcot est d'avis que cette dernière cir-constance est rare, que, dans la règle, le processus de destruc-tion et les symptômes principaux de phtisie sont indépendants de l'élément pneumonique ; qu'enfin cet élément peut faire défaut pendant toute la durée de l'évolution de la phti-sie.

Il faut rappeler ici que le tubercule est toujours semblable à lui-môme, que, suivant les circonstances, il offre cependant des variétés anatomiques en rapport avec les tendances d'évo-lution. Aussi aux deux extrêmes de la série se trouvent, d'une part, les tubercules qui aboutissent rapidement à la ca-séifieation, d'autre part les tubercules à évolution fibreuse; et les causes de ces modifications doivent être cherchées dans le tubercule lui-même, non dans la pneumonie qui l'accompagne souvent.

Quelles sont les pneumonies qui s'associent au néoplasme tuberculeux pour constituer la phtisie pulmonaire? 11 faut exclure la pneumonie lobaire. Cette espèce peut, sans doute, s'associer au tubercule, mais transitoirementet, pour ainsi dire, cliniquement. Il n'en est plus de même de la broncho-pneu-monie. C'est elle qui constitue ce deuxième élément que si-gnalait déjà Cruveilhier: aiguë dans la tuberculose aiguë, chronique dans l'évolution tuberculeuse lente. Ces broncho-pneumonies, associées au processus tuberculeux, n'ont rien de particulier. Dans la forme aiguë, on trouve les nodules fi-brineuxou purulents caractéristiques, avec les lésions de la splénisation ; dans la forme chronique, la carnification et toutes les variétés de métamorphose du contenu alvéolaire. Ce contenu peut présenter la dégénérescence granulo-graisseuse; mais ici l'amas d'épithélium dégénéré reste libre, en quelque sorte, dans la cavité alvéolaire, tandis qu'il faut rappeler en passant que la métamorphose caséeuse qui frappe Je tissu embryonnaire de la néoplasie tuberculeuse confond en une masse unique contenu et parois de l'alvéole.

Si l'on ne se contente pas de ces généralités, si l'on entre dans le détail des formes cliniques de la tuberculose pulmo-naire, on sentira mieux encore combien a été exagéré le rôle de la pneumonie.

La phtisie aiguë granuleuse se présente sous deux formes

principales : Io une forme apyrétique, lente, où les granulations s'accumulent par poussées successives, ou qui ne se manifeste que par l'asphyxie et tue par asphyxie; l'examen cadavérique ne décèle aucune pneumonie, que l'étude clinique ne pour-rait d'ailleurs expliquer; 2° une formepyrétiquc, remarquable surtout par des symptômes généraux très graves consistant en un état typhoïde et une sorte de diathèse hémorrhagique. En présence de la pyrexie, les défenseurs de la pneumonie triom-phent, et MM. Hérard et Cornil, par exemple, admettent que les phénomènes pyrétiques sont subordonnés à la pneumonie. Malheureusement pour cette théorie, la pneumonie fait souvent défaut à l'autopsie. Ainsi, pendant que M. Charcot faisait son cours, M. Landouzy lui a communiqué deux observations de phtisie aiguë pyrétique où il s'agissait de deux jeunes filles qui avaient succombé, vers le quinzième jour d'une maladie pendant laquelle les signes stéthoscopiques avaient été abso-lument négatifs, alors que la température oscillait entre 39 et 41 degrés. A l'autopsie non plus, rien qui démontrât la pneu-monie. Çà et là, quelques altérations épithéliales sans carac-tère ; nulle trace d'exsudats fibrineux ou purulents. Ainsi donc, dans cette forme de tuberculose pulmonaire, la pneu-monie manque souvent, et ces symptômes généraux peuvent, doivent s'expliquer autrement que par une pneumonie con-comitante.

Que dire maintenant de la phtisie aiguë dite pneumoni-que, qui est le simulacre clinique de la broncho-pneumonie?

Lorsque les malades succombent après une durée de mala-die qui est de un à deux mois en moyenne, il est bien cer-tain, on l'a déjà vu, qu'on trouve, en plus des tubercules, les lésions de la pneumonie catarrhale. MM. Hérard et Cornil ne manquent pas de rapporter les symptômes d'évolution, sur-tout la fièvre, à cet élément broncho-pneumonique. Mais il faudrait qu'il existât un rapport exact entre l'étendue de l'alté-

ration pneumonique et l'intensité des symptômes généraux. Or, qu'on lise avec soin les observations et on verra qu'il n'en est pas ainsi, que l'état général est proportionné à l'étendue non pas de quelques noyaux broncho-pneumoniques dissémi-nés çà et là, mais des masses caséeuses, et il n'y a plus à dé-montrer ici que ces masses sont des tubercules et non des foyers pneumoniques. Dans bon nombre de cas, il faut bien le dire, l'état général paraît lié à d'autres conditions encore plus ou moins déterminées. Ici encore, la pneumonie est un accessoire.

Dans la phtisie subaiguë, dite phtisie galopante, le processus est destructif par excellence et aboutit rapidement à la forma-tion de cavernes. À l'autopsie, les poumons apparaissent farcis de tubercules tellement confluents que leur ensemble prend l'aspect d'une pneumonie lobaire; au sommet, un peu partout, le tissu est déjà creusé de cavernes.' On peut dire que dans certains cas, il n'y a plus de tissu pulmonaire interposé aux tubercules, et par conséquent point de place pour le dévelop-pement d'un travail phlegmasique de quelque valeur.

Il faut ajouter que, d'une façon générale, c'est surtout à l'é-poque de la fonte tuberculeuse, delà formation des cavernes, que les symptômes généraux graves, le summum cle la fièvre se produisent. Les mêmes remarques s'appliquent encore plus aisément, s'il est possible, à l'évolution de la phtisie chronique, discrète ou diffuse, qui ne se différencie de la phtisie subai-guë que par une marche plus lente. La pneumonie catarrhale peut intervenir; mais son rôle est toujours effacé. Dès la pre-mière période, la fièvre s'installe avec exaspération vespérale qui d'ailleurs n'atteint pas 39 degrés (Williams); et il est cer-tain, comme Sidney Ringer l'a montré, que cette fièvre peut exister avant tout symptômelocal. D'autres fois la fièvre tombe, disparaît presque complètement en pleine évolution morbide. Est-ce possible d'invoquer ici la pneumonie?

A la période de ramollissement caractérisée parles craque-ments humides et l'expectoration de fibres élastiques, il y a sans doute fièvre avec exacerbation nocturne, pouvant attein-dre 39 degrés au maximum; mais cette fièvre se comprend très bien comme un résultat de la résorption des produits ra-mollis. Et puis comment faire intervenir la pneumonie dans les cas où la fièvre n'existe pas, ou à un très faible degré? Quant à la production des cavernes plus ou moins volumi-neuses, on a vu quelle se conçoit facilement, en dehors de toute pneumonie et que Cruveilhier se trompait quand il pré-tendait que le travail tuberculeux est incapable de produire à lui seul des cavernes, et qu'il faut pour cela le concours de la phlegmasie suppurative de l'organe.

Ainsi donc, dès l'instant que les travaux les plus récents ont démontré que les pneumonies caséeuses ne sont point des pneumonies, mais des agglomérations tuberculeuses, la pneu-monie n'est plus qu'une complication presque banale. Elle ac-compagne souvent, et dans des proportions variables, la neoplasie tuberculeuse ; mais elle n'est qu'un élément acces-soire, nullement indispensable à l'évolution analomique ou à l'interprétation des phénomènes cliniques l.

' Ce résumé est extrait de la Revue de médecine it de chirurgie, 1879, t. III, p 900.

QUINZIÈME ET SEIZIÈME LEÇONS

Tuberculose du poumon et pneumonie caséeuse l.

Sommaire. —Caractères anatomiques du tubercule. —Tubercule élémentaire ou follicule tuberculeux. — Cellules géantes : mode de formation. — Cel-lules géantes angioplastiques. — Tubercule aggloméré : son siège pri-mitif. — Doctrine de Laënnec. — Doctrine allemande. — Opinion de l'au-teur. — Phtisie à marche rapide simulant la pneumonie pseudo-lobaire. — Phtisie pneumonique aiguë ; phtisie galopante. — Analyse histologique de deux cas. — Nature tuberculeuse de la phtisie pneumonique. — For-mes aiguë et chronique de la pneumonie caséeuse. — Résumé.

Avant d'étudier la tuberculose dans le poumon, M. Charcot a cru nécessaire de présenter, en matière d'introduction, quelques considérations relatives à la caractéristique anato-mique du tubercule, en envisageant celui-ci d'une façon abs-traite, en quelque sorte, indépendamment du siège qu'il peut occuper dans tel ou tel organe.

I.

On connait ces nodules gris, demi transparents, résistants au toucher, qui répondent à la description de la granulation grise de Bayle, et dont les dimensions peuvent ne pas dé-passer 1/20 mm. (Cornil). Ces nodules sont déjà des agrégats de nodules plus petits, qu'on peut appeler tubercules élémen-taires on follicules tuberculeux. On peut étudier anatomique-

1 Leçons résumées par M. Oulmont, interne des hôpitaux.

ment ce tubercule élémentaire, en quelque sorte, à l'état d'isolement, dans diverses circonstances, et, en particulier, comme l'a fait M. Roster (Virch. Arck., 1869, t. XLVIII), en examinant les tubercules qui se rencontrent quelquefois au sein du tissu de granulation des arthrites fongueuses.

Dans l'épaisseur de ce tissu sont disséminées de petites-granulations bien distinctes les unes des autres, que les vais-seaux circonscrivent, mais sans pénétrer dans leur profon-deur. À l'examen microscopique, on reconnaît qu'elles sont composées d'une zone externe de petites cellules arrondies, appartenant au type embryonnaire, c'est-à-dire présentant un noyau volumineux, par rapport au protoplasma ; cellules ana-logues par conséquent, à celles qui constituent surtout le tissu ambiant, mais plus petites et plus lassées, plus confluentes. Au centre, est une cellule gigantesque, à protoplasma grenu, à prolongements périphériques qui semblent plonger dans la substance même du tubercule, et sur le bord de laquelle on peut compter régulièrement rangés 20, 30 ou 40 noyaux; c'est la cellule géante, à laquelle on a, dans ces derniers temps, assigné un rôle important dans la caractéristique de la tuber-culose. Autour de la cellule géante, existe une zone dite moyenne, formée de cellules plus volumineuses que celles de la zone externe, cellules épithélioldes, comme les appellent quelques auteurs ou encore scrofuleuses, dans la nomencla-ture de M. Rindfleisch.

Ces divers éléments cellulaires sont comme soudés les uns aux autres par une gangue intermédiaire. Celle-ci consiste tantôt en une substance molle, pro top lasmique. Tantôt il s'y dessine des linéaments fibroïdes, franchement iibrillaires même, surtout dans le tubercule adulte ; ou encore, suivant quelques auteurs, un tissu d'apparence réticulée, rappelant le tissu cytogène des ganglions lymphatiques, si, toutefois, ce dernier aspect n'est pas un artifice de préparation. Le tuber-

cule est dit cellulaire quand l'élément cellulaire domine l'élé-ment fibreux ; il est dit fibreux quand la proportion est inverse.

Un caraclère fait encore défaut au tubercule élémenlaire ainsi caractérisé anatomiquement : c'est Xopacité centrale, ré-pondant à la dégénération vitreuse ou caséeuse, comme on voudra l'appeler, du centre du follicule. Cette dégénération a pour résultat la fusion des éléments cellulaires et leurs infiltra-tion par des granulations graisseuses. Elle commence, dans Ja règle, par la partie centrale du follicule, c'est-à-dire par la cellule géante, et s'étend progressivement à la zone moyenne, c'est-à-dire des grosses cellules, puis à celle des cellules embryonnaires. C'est la désagrégation de ces parties caséifiées ou vitrifiées, qui, lorsqu'il s'agit d'agglomérats tu-berculeux, amène, dans les parenchymes, le poumon, par exemple, la formation des cavernes.

En somme, dans le tubercule ainsi décrit, on ne relève au-cun élément vraiment spécifique; telle n'est pas, par exemple, Ja cellule géante, qui peut faire défaut et qu'on retrouve d'ail-leurs dans l'éléphantiasis, le lupus, le syphilome, la paroi des ulcères, etc. Telles ne sont pas les cellules volumineuses, épithélioïdes, de la zone moyenne, non plus que les petites cel-lules lymphoïdes ou cytoblastions de la zone externe, aux-quelles on s'est beaucoup attaché autrefois et qui ne sont autre chose, en somme, que des cellules embryonnaires mal ou peu développées. Tel n'est pas, enfin, le stroma, qu'on retrouve avec des caractères analogues dans le tissu embryonnaire, en voie d'évolution.

11 faut considérer le tubercule comme constitué par un tissu embryonnaire, de nature spéciale : c'est comme un petit foyer inflammatoire circonscrit, mais d'un genre à part. Ses carac-tères sont :

1° La forme nodulaire, l'arrangement concentrique des élé-

ments qui le composent autour d'un centre; 2°l'absence de vaisseaux ; 3° la tendance à la vitrification ou caséification de la partie centrale; 4° l'existence très fréquente, au centre, du nodule de la cellule géante.

La nature de cette cellule géante est un point encore à l'étude. De nombreux travaux faits dans ces derniers temps, en Allemagne, ceux de Cornil et Ranvier, Thaon et Grancher, en France, ont depuis longtemps, prouvé que ces cellules sont en relation avec les vaisseaux sanguins. Quelques-uns ont pensé qu'il s'agissait là d'une simple coagulation du plasma sanguin dans le vaisseau, avec incorporation de cellules rondes provenant du sang, ou du revêtement endothélial du vais-seau. Mais la constitution même de cette cellule bien étudiée par Langhans suffit pour rejeter l'idée d'une simple coagula-tion. Un travail récent de M. Brodowski (Virch. Arch., t. LXIII, p. 113, 1875) vient d'éclairer la question. Il porte non sur le tubercule, mais sur le syphilome, où la cellule géante se pré-sente, du reste, avec tous les caractères qu'on lui connaît dans le tubercule. Pour M. Rrodowsky, la cellule géante est une production analogue aux prolongements de protoplasma dits angiop las tiques qui, d'après Arnold et Rouget, sont en rapport avecla formation des vaisseaux. Elle représenterait une ano-malie angioplastique. La bordure circulaire du manteau, qui entoure quelquefois la grande cellule, est la gaîne lympha-tique, qui, d'après les observations d'Arnold, entoure le cordon angioplastique, dans les conditions normales.

Il est probable que toutes les cellules géantes ne reconnais-sent pas ce mode de formation ; mais cette origine paraît être fréquente, surtout dans le tubercule, et l'auteur propose de désigner les cellules géantes ainsi produites sous le nom de cellules géantes angioplastiques.

Des recherches récentes de M. Malassez, à propos d'un genre de sarcome qu'il appelle angioplastique viennent à l'appui de

l'opinion de M. Brodowsky ; une cellule étoilée, à noyaux parié-taux, se voit appendue à un cordon angioplastique qui esten rapport, à son tour, avec un vaisseau. Seulementici, la cellule étoilée (ou cellule géante) renferme quelquefois des globules rouges du sang, dans des conditions où le cordon lui-même n'en renferme pas. C'est donc là, peut-être, l'analogue de la cellule vaso-formatrice découverte par M. Ranvier.

D'après ce qui précède, si, dans le tubercule comme dans le syphilome et le sarcome angioplastique, les cellules géantes

Fig. 37. — A A', granulations grises du poumon composées d'un certain nombre de tuber-cules élémentaires indiqués par les cellules géantes B B'.

offrent avec les vaisseaux sanguins la relation qui vient d'être indiquée, ceux-ci, contrairement à l'opinion courante, se trouveront représentés dans le tubercule. Seulement, ils s'y montreront à l'état rudimentaire, arrêtés dans leur dévelop-pement et tels qu'ils ne sauraient donner passage aux globules rouges'du sang. C'estlà, sans doute, une des circonstances qui favorisent le travail de modification que subit à peu près né-cessairement, dans ses parties centrales, toute formation tuber-culeuse. (Fig. 37.)

Le tubercule élémentaire une fois connu, il est plus facile de se rendre compte de la constitution du tubercule agglo-méré. Dans la langue, par exemple, 10, 12, 15 follicules agglo-mérés se montrent entourés et réunis par une zone commune de petites cellules : ils forment ainsi une unité nouvelle : tu-bercule aggloméré. Les tubercules agglomérés, c'est-à-dire composés d'un certain nombre de follicules élémentaires, peu-vent acquérir des dimensions considérables: le volume d'une noisette, par exemple, d'une noix, dit Wagner, qui les a étu-diés dans le cerveau, le testicule, etc. ; celui d'un petit œuf, suivant MM. Cornil et Ranvier qui les ont vus dans le rein, les os, et dans le poumon même, où, disent-ils, de pareils îlots, devenus caséeux peuvent être confondus par les auteurs les plus compétents avec un îlot de pneumonie caséeuse.

IL

Jusqu'ici le tubercule a été considéré dans des parties d'une structure simple : dans les parties d'une structure complexe, les parenchymes pédiculaires, par exemple, il présente les deux particularités suivantes :

1° C'est généralement, ainsi que l'a fait remarquer M. Gran-cher, autour des éléments tubuleux de l'organe que se groupe l'agglomération tuberculeuse ; ainsi, dans le testicule, autour d'un tube séminifère; dans le rein, autour d'un canalicule excréteur; dans le foie, autour d'un canalicule biliaire; dans le poumon, autour d'une bronche. Cette dernière localisation est constante dans la forme broncho-pneumonique de la tuber-culose, substratum analomique de toutes les variétés de la phtisie tuberculeuse proprement dite. Par contre, on peut voir aussi, dans le poumon comme dans la pie-mère, le tubercule se former autour d'un vaisseau, par exemple, dans la tuber-

culisation générale aiguë. Enfin, on le voit quelquefois dans les cloisons celluleuses interlobulaires, se grouper sur les pa-rois des lymphatiques qui abondent dans cette région.

2° Le tubercule développé autour d'un conduit glandulaire qui joue, en quelque sorte, ici le rôle d'un centre de formation, s'étend de proche en proche en englobant, en s'assimilant les éléments voisins. Ceux-ci, modifiés, deviennent partie inté-grante de la formation tuberculeuse, dont ils présentent, en quelque sorte, le canevas. Cela est vrai surtout pour le pou-mon, point qu'il importe de faire spécialement ressortir.

Ainsi, dans la tuberculose miliaire, la granulation, visible à l'œil nu, englobe toujours deux ou trois rangées d'alvéoles. La structure du stroma est fibroïde (Rindfleich, Klein). La gra-nulation présente d'ailleurs tous les caractères du tubercule aggloméré, à savoir plusieurs centres de formation ou, autre-ment dit, plusieurs follicules élémentaires dont chacun offre à son centre la cellule géante caractéristique. Ces follicules sont enveloppés, comme on l'a dit, par une zone commune composée de petites cellules embryonnaires. L'extension de l'agglomération tuberculeuse s'est faite, il est facile de le montrer, par une infiltration cellulaire des parois alvéolaires, d'abord, et des cavités alvéolaires ensuite. Les parois alvéo-laires persistent encore souvent au centre de l'aggloméra-tion tuberculeuse, et, à plus forte raison, dans les parties périphériques, alors même que les parties centrales ont été frappées de dégénération caséeuse : une solution de soude (Grancher) met, en effet, en évidence, dans l'épaisseur du tubercule, l'élément caractéristique des parois alvéolaires, à savoir les fibres élastiques. D'ailleurs, quelques cellules épi-théliales pulmonaires non encore détruites ou déjà transfor-mées, marquent la place qu'occupait la cavité de l'alvéole, il convient d'examiner la périphérie de l'amas tuberculeux;

en particulier, la zone des alvéoles encore libres ou dont les parois infiltrées de petites cellules ne sont pas encore très épaissies. Là, on reconnaît les bourgeons bien décrits par Cornil et Ranvier (Manuel, p. 723) et par Rindfleisch (Ma-nuel, p. 365). Partis d'un point de la paroi alvéolaire, celui qui attient aux parties centrales du tubercule, ils refoulent et aplatissent les cellules épithéliales pulmonaires, puis finissent, en se développant, par combler l'alvéole. Ces bourgeons sont formés, comme le tubercule, surtout de petites cellules et de filaments ûbriilaires. MM. Cornil et Ranvier figurent toujours un bourgeon sessile. M. Charcot en a vu très nettement de pédiculisés. Quelques observations le portent à supposer que les cellules géantes font partie de ces espèces de polypes. En tout cas, souvent elles adhèrent à la paroi de l'alvéole par une ou plusieurs languettes fibroïdes, ainsi que Klein l'a bien représenté dans une planche de son ouvrage sur les vaisseaux lymphatiques du poumon1.

Ce mode d'envahissement des cavités alvéolaires s'observe également dans les agglomérations tuberculeuses de la phti-sie chronique vulgaire : Le tubercule, comme on va le dire, se développe ici de préférence autour des tuyaux bronchiques, particulièrement des bronchioles terminales, ainsi que l'a fait voir M. Rindfleisch. En général, en pareil cas, la masse tuber-culeuse n'entoure pas complètement le tuyau bronchique ; elle s'accumule sur un de ses côtés, laissant libre la partie oppo-sée. Ainsi, chez un enfant mort de phtisie tuberculeuse chro-nique, cité comme exemple, on voit la paroi d'une bronchiole à peine épaissie d'un côté, englobée de l'autre côté dans un tubercule aggloméré de forme semi-lunaire. Le plus petit côté de cette espèce de croissant atteint à la paroi bronchique et c'est sur ce point que s'est concentrée la dégénération ca-séeuse. On comprend, d'après cette disposition, comment les

1 Planche VI, figures 26 et 21. Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons. 18

produits de cette dégénération pourront être aisément évacués dans la cavité bronchique et comment il se produira, en con-séquence, au sein d'un amas tuberculeux, une petite caverne qu'on peut appeler latérale. Les alvéoles qui confinent à ce noyau tuberculeux ainsi ramolli sur un point, dans le cas cité pour exemple, comme dans beaucoup d'autres, présen-tent à peine quelques indices d'irritation épithéliale, ou de travail exsudatif inflammatoire. « La pneumonie catarrhale, dit » M. Charcot, est ici, en quelque sorte, exclue du processus, et » il ne saurait être question de pneumonie caséeuse. C'est là, » on va le voir, une circonstance bien plus fréquente dans » l'histoire de la tuberculose chronique avec excavations, qu'on » ne le croit généralement. »

III.

L'exposé qui précède rendra plus facile la critique des opinions courantes relatives à la pneumonie caséeuse; elle sera faite à la lumière d'observations cliniques et anatomo-pa-thologiques nouvelles.

Il convient de rappeler, tout d'abord, que, pour Laënnec, la matière tuberculeuse, production accidentelle, toujours la même, quel que soit l'organe dans lequel elle se développe, se présente, en particulier dans le poumon, sous deux aspects : 1° matière grise demi-transparente, de consistance un peu moindre que celle du cartilage, représentant le premier degré de l'altération ; 2° à un degré plus avancé du développement, matière jaune, opaque, friable (tubercule cru) qui, plus tard, se désagrège, à commencer par les régions centrales des par-ties envahies et donne ainsi naissance aux cavernes.

Quant au mode de répartition de la matière tuberculeuse, dans l'organe, elle se présente là, ou bien à l'état de corps isolés, arrondis (tubercules miliaires), simples ou agglomérés,

gris ou jaunes ; ou bien à l'état de masse infiltrée dans un nom-bre variable d'alvéoles (infiltration grise, ou infitralion tuber-culeuse, jaune). Pour ce qui est du tubercule nodule, tel qu'on le conçoit aujourd'hui, d'après la description de M. Virchow, Laënnec ne le connaissait que sous la forme de granulations grises, décrites par Bayle et que ce dernier auteur considérait comme absolument distinctes de la matière tuberculeuse de Laënnec. Laënnec envisage, d'ailleurs, ces granulations comme un accident rare dans l'histoire de la tuberculose du poumon.

Telle est la doctrine de Laënnec, dans ses traits les plus généraux ; on sait comment elle a été en quelque sorte sup-plantée, sous l'influence des travaux de Reinhardt et surtout de Virchow. Pour ces auteurs, la matière tuberculeuse grise ou jaune de Laënnec, n'a rien de commun avec le tubercule, ce n'est pas une production accidentelle : c'est le résultat d'un processus inflammatoire ne différant, à l'origine, en rien d'es-sentiel, du processus de l'inflammation simple ; seulement, et c'est là le trait particulier, les produits inflammatoires sont condamnés à subir, à un moment donné, une modification spé-ciale, dite dégénération caséeuse. La matière caséeuse ainsi produite, grise, demi-transparente, dans la première phase du travail de désintégration des produits morbides, répond au tubercule gris ou à l'infiltration grise de Laënnec : jaune, dans une phase plus avancée, elle répond au tubercule jaune ou cru, à l'infiltration jaune. En un mot, sous le nom de pneumonie caséeuse, on englobe aujourd'hui à peu près tout ce que Laënnec attribuait à l'évolution de la matière tuberculeuse.

Les inflammations qui aboutissent à la métamorphose caséeuse, d'après la doctrine régnante, n'ont rien, il faut le répéter, qui les distingue originairement des inflammations vulgaires ; il s'agit là toujours d'exsudats fibrineux, de leuco-cytes émigrés ou de cellules épithéliales proliférées occupant

les cavités alvéolaires. Quand la pneumonie doit dégénérer, c'est-à-dire subir la métamorphose caséeuse, ces produits s'ac-cumulent dans les alvéoles, mais, au lieu d'être résorbés ou rejetés dans les crachats, ainsi que cela a lieu dans les condi-tions pour ainsi dire normales, ces éléments s'entassent dans les alvéoles où il se dessèchent. Du même pas des modifica-tions analogues se sont produites, dans l'épaisseur des parois alvéolaires où les éléments cellulaires se sont aussi multipliés. Le dernier terme du processus est la production d'une sorte d'infarctus, formé d'une substance homogène, pouvant attein-dre la consistance du fromage de Roquefort, où parois alvéo-laires et contenu sont absolument confondus et se détruisent du même coup, quand survient la période de désagrégation.

M. Charcot a été conduit par des observations personnelles à abandonner cette doctrine qu'il n'a, d'ailleurs, jamais accep-tée qu'à contre-cœur, et l'opinion qu'il cherche à faire préva-loir dans ses leçons peut se résumer dans les propositions suivantes :

« 1° La solidification jaune du poumon, dans la phtisie » pulmonaire tant aiguë que chronique, n'est pas le résultat » de la métamorphose des produits de l'inflammation com-» mune. Elle représente la dégénération caséeuse centrale » d'une agglomération tuberculeuse, et, de fait, elle occupe » la partie centrale d'une production embryonnaire qu'on doit » appeler tuberculeuse, parce qu'elle ne diffère anatomique-» ment par aucun caractère, si ce n'est peut-être par ses di-» mensions du tubercule aggloméré classique de nos descrip-» tions modernes.

» 2° Sans doute, les produits d'inflammation vulgaire ne font » pas défaut, parmi les lésions complexes de la pneumonie » caséeuse; ils sont presque toujours présents, sous une forme

» ou sous une autre ; mais ce n'est là qu'un fait accessoire ; » ce n'est pas le fond de la situation. »

Ces vues qui se rapprochent, à beaucoup d'égards, de celles de Laënnec, coïncident sur les points principaux avec celles qu'ont émises, dans leurs études, MM. Grancher et Thaon, en France, et M. Wilson Fox, en Angleterre. M. Charcot pense toutefois qu'il y a lieu de compléter et de rectifier les des-criptions de ces derniers auteurs sur quelques points et d'accu-ser les traits plus vigoureusement.

Ce sont les formes aiguës dites pneumoniques de la phtisie pulmonaire que M. Charcot s'est proposé d'envisager particu-lièrement dans sa démonstration, par la raison que c'est sur-tout sur l'étude de ces formes là que se fonde la doctrine qu'il veut combattre. «Sii'on parvenait, eneffet, à démontrer, dit-il, » que dans ces formes rapides de la phtisie qui prennent, cli-» niquement, les apparences de la pneumonie lobaire ou de » la broncho-pneumonie aiguë, la lésion pulmonaire est fon-» cièrement une lésion tuberculeuse, on aurait du même coup » ruiné le principal rempart derrière lequel s'abritent les par-» tisans de la doctrine en question. »

Les auteurs qui professent que, dans ces formes de la phtisie destructive aiguë, la lésion pulmonaire est, à l'origine, l'in-flammation commune et reste absolument étrangère au tuber-cule, font valoir surtout que toutes les variétés de la pneumo-nie vulgaire, la pneumonie lobaire aussi bien que la catarrhale, peuvent, lorsqu'elles se développent sur un terrain approprié, dégénérer en pneumonie caséeuse, et déterminer ainsi la phtisie du poumon.

Pour ce qui est d'abord de la pneumonie lobaire, M. Charcot pense qu'elle doit être absolument écartée du débat. Il s'efforce, eneffet, de démontrer par la critique qu'aucune des observa-tions rapportées à cette forme et où la lésion aurait abouti à

la formation de noyaux caséeux ne présentent, en réalité, le caractère qui leur a été assez généralement prêté. Toutes ces observations sans exception, — cas de Traube, cité par Lépine, de Jaccoud, de Chouppe {Arch. de M éd., 1874), de Lévy (Arch. der Ileilk., 1877), — se rapportent, pour l'aspect macrosco-pique, au type de la pneumonie lobulaire généralisée ou pneumonie pseudo-lob aire, dont elles s'éloignent, d'ailleurs, comme on va le dire, histologiquemcnt, mais échappent com-plètement à la caractéristique anatomique et clinique de la pneumonie lobaire.

Parmi nombre de faits qu'il a rassemblés et où il s'agit de ces phtisies à marche rapide et simulant, aussi bien anatomi-quement que cliniquement, la pneumonie pseudo-lobaire, M. Charcot choisit deux cas concrets pour servir de base à sa description. Dans un de ces cas, la maladie a évolué et s'est terminée par la mort en 15 jours, au milieu d'accidents fébriles très accentués, de manière à offrir un bel exemple de ce qu'on a quelquefois appelé la phtisie pneumonique aiguë; l'autre exemple se rapporte au type phtisie galopante; l'évolution totale de la maladie n'a pas dépassé 3 mois.

Voici, d'ailleurs, l'indication sommaire des principaux détails de ces deux observations :

1er cas. (Malade du service de M. le DrMesnet, pièce présen-tée à la Société anatomique par M. Maygrier)- Il s'agit d'un jeune homme de 17 ans qui toussait depuis 15 jours seule-ment, lorsqu'il fut pris de fièvre intense et se plaignit d'un point de côté à droite. Dès l'origine souffle bronchique et râles sous-crépitants, clans toute l'étendue du lobe inférieur du pou-mon droit. Crachais d'un jaune verdâtre d'abord et plus tard offrant l'apparence du chocolat. La température, pendant les 14 jours que la maladie a duré, a été, en moyenne, de 38°,5 le matin etde 40° le soir. Une angine diphléritique survenue vers

le 12e jour paraît avoir déterminé la terminaison fatale. L'autopsie, dans ce cas, permet de saisir les premières phases du développement de la pneumonie caséeuse aiguë. Il n'existait de granulations grises sur aucun point des deuxpoumons, non plus que dans les autres organes. Le lobe inférieur du poumon droit est, dans sa totalité, envahi par des îlots ou nodules très nombreux, très rapprochés, mais nulle part confluents. Dans l'intervalle de ces nodules, le tissu du poumon paraît aéré par places, sain ou seulement congestionné, sur d'autres points, dense, simplement splénisé. Parmi les nodules, les uns offrent l'apparence de l'hépatisation grise, les autres celle de l'indu-ration jaune avec consistance caséeuse, quelques-uns de ces nodules se montrent clairsemés dans l'épaisseur du lobe supé-rieur du poumon droit, d'autres dans l'épaisseur du lobe infé-rieur du poumon gauche.

2e cas. (Observation du service de M. le professeur Hardy, communiquée par M. Landouzy.) La durée de l'évolution totale a été de 3 mois. Le sommet du poumon droit est, dans toute son étendue, solidifié ; il présente surla coupe l'apparence et la consistance du fromage de Roquefort, seulement la division lobulaire est encore marquée là par l'existence de sillons ré-pondant aux espaces inter-lobulaires. Des nodules de même apparence, tantôt isolés, tantôt confluents et dont la coloration varie depuis le rose tendre jusqu'au jaune en passant par le gris, se voient dans le lobe supérieur, du côté opposé et dans le lobe inférieur du côté correspondant.

Ce sont donc là deux exemples bien nets de pneumonie caséeuse aiguëpseudo-lobaire. Yoici maintenant le résultat de l'analyse anatomique minutieuse dont ces deux cas ont été l'objet1.

1 Les préparations microscopiques, relatives à ces deux cas, ont été, de

L'examen, fait à un faible grossissement, de coupes minces du poumon durci, reproduit pour ce qui concerne la localisa-tion des nodules, tous les détails relevés antérieurement, à propos de la broncho-pneumonie simple, la morbilleuse, par exemple ; c'est-à-dire que la plupart des nodules se sont for-més autour d'une bronchiole (nodules péri-bronchiques), tandis que d'autres, moins nombreux, occupent un acinus du poumon (nodules erratiques). Ces données tendraient donc à confirmer l'impression première suscitée par l'examen à l'œil nu, qu'il s'agit là d'une broncho-pneumonie comparable, par exemple, à celle qui s'observe si fréquemment en conséquence de la rougeole. Mais une étude faite à l'aide de grossissements plus puissants vient rectifier celte impression; elle fait reconnaître ce qui suit : Les îlots ou nodules péri-bronchiques pour ne par-ler que de ceux-ci, offrent une constitution complexe, il y a lieu d'y distinguer deux régions: 1° Région centrale; celle-ci paraît constituée par une substance homogène, translucide, d'apparence vitreuse, rappelant par son aspect la dégénération amyloïde, bien qu'elle ne se colore pas, sous l'influence des réactifs qui décèlent ce genre d'altération. Les éléments de la slructure normale du poumon ne peuvent être distingués, dans cette région. Il faut en excepter cependant : a) les bronchioles, reconnaissables encore à la présence des anneaux de fibres élastiques et dont la cavité est le plus souvent comblée par un bouchon formé de cellules épithéliales et de leucocytes dégé-nérés ; b) les artérioles, satellites des bronchioles. La lumière de ces vaisseaux dont la tunique moyenne résiste longtemps à l'allération est habituellement rétrécie par le fait d'un travail d'endartérite ; — c) enfin l'aire caséeuse ou vitreuse, comme on voudra l'appeler, est traversée de toutes parts par les travées

la part de M. Charcot, le sujet d'une démonstration, dans une des séan-ces du dernier congrès de la British médical Association, à Manchester (août 1877).

élastiques marquant les limites des cavités alvéolaires mainte-nant comblées par le détritus caséeux.

2° Tout autour de celte région centrale qui répond, on le voit, à la description du centre caséeux du tubercule élémen-taire, existe, constamment, une zone continue, d'une certaine épaisseur, qui suit exactement tous les contours du bord limi-tant de la région centrale. Cette zone offre, sur les couches traitées par le carmin, une coloration rosée, qui contraste avec la teinte jaune de la région centrale; les contours alvéolaires marqués par la présence des faisceaux de fibres élastiques sont là moins apparents que dans cette dernière région. La zone en question est essentiellement constituée par du tissu em-bryonnaire, parfois de texture réticulée, qui infiltre, en quelque sorte, àia fois, et les cavités des alvéoles et leurs parois net-tement limitées, du côlé de la région centrale, elle offre, au contraire, du côté opposé, des bords déchiquetés; ce qui tient surtout à ce que le tissu embryonnaire, dans son œuvre d'en-vahissement progressif, s'établit dans l'épaisseur des parois des alvéoles, avant d'occuper leurs cavités.

« Ce qui rend, dit M. Charcot, l'étude de cette zone encore » plus intéressante, c'est la présence habituelle, au sein du » tissu embryonnaire qui la compose, des cellules géantes, » décrites à propos du tubercule élémentaire. Elles se mon-» treni là, disposées régulièrement, de distance en distance, » à la manière de sentinelles, le plus souvent sur un rang, et » alors au voisinage immédiat de la région centrale, quand la » zone est mince, quelquefois sur deux rangs, quand elle est » plus épaisse. Sur certains points, l'espèce de couronne vir-» luelle qu'elles forment autour de la région centrale se trouve » interrompue, parce que quelques-unes d'entre elles sont » déjà englobées par le processus de dégénération caséeuse. »

A ces traits, il est facile de reconnaître la description qu'a

donnée M. Grancher de ce qu'il appelle la zone embryonnaire, dans ses études sur un cas de pneumonie caséeuse. Seule-ment, dit M. Charcot, à la caractéristique anatomique donnée par cet auteur, il faut ajouter la présence habituelle des cellu-les géantes qu'il n'avait pas relevée.

Après ces détails, conclut M. Charcot, comment méconnaî-tre que ces îlots ou nodules qui, à l'œil nu, offraient les appa-

Fig. 38. — Tubercule massif. Pneumonie caséeuse des auteurs. (Dessin fait sur nature par M. le professeur Charroi). A, zone centrale caséeuse. B, cellules géantes. C. zone embryon-naire. D, coupe de vaisseaux artériels. A côté, coupe oblique des bronchioles, E, E, E ; dans ces points, lésions de la pneumonie péri-tuberculeuse indiquées dans la figure 39. II, bronche.

rences de noyaux de pneumonie vulgaire, représentent en réalité, lorsqu'on les étudie de plus près, autant $ aggloméra-tions tuberculeuses. (Fig. 38). La condensation du tissu pul-monaire dans ces nodules n'est, sur aucun point, le fait de la présence des produits d'inflammation commune : leucocytes, cellules épithéliales proliférées, exsudât fibrineux, etc.; elle ré-sulte, au contraire, de l'envahissementdes parois des alvéoles d'abord, puis de leurs cavités par un tissu embryonnaire parti-culier. La dégénération frappe d'abord les parties du nodule les

plus voisines de la bronchiole qui joue le rôle de centre de for-mation ; elle envahit progressivement les parties périphériques de l'îlot. La zone dite embryonnaire, remarquable par la présence des cellules géantes, représente les phases les moins avancées du processus et c'est là surtout que les caractères anatomiques de la production morbide sont mis facilement en relief. Si, maintenant, on s'arrête à considérer l'état que présente

Fig, 39. — Alvéoles de la pneumonie péri-tuberculeuse. — A, travées alvéolaires; — B, cel-lules épithéliales détachées et fusionnées.

le parenchyme du poumon, dans l'intervalle des nodules qui viennent d'être décrits, on reconnaît que tantôt il est sain, ou à peu près, que tantôt, au contraire, il offre des altérations très diverses, mais qui toutes, cette fois, rentrent dans la descrip-tion de la broncho-pneumonie vulgaire. Ainsi, sur certains points, les alvéoles paraissent comblés par des cellules épi-théliales pulmonaires gonflées ou en voie de prolifération (splénisation) ; sur d'autres points, un certain nombre de cavités alvéolaires sont remplies de leucocytes, de tractus fibrineux, d'exsudats gélalifmnes (noyaux à7iépatisatio?i broncho-pneumonique). Il est assez fréquent, mais cela n'est

nullement nécessaire, qu'un nodule tuberculeux soit enve-loppé de toutes parts, par une ou deux rangées d'alvéoles dis-tendus par ces produits inflammatoires et formant, sur les

Fig. 40. —Dessin demi-schématique, d'après un dessin surnature, montrant la topographie du tubercule dans le lobule pulmonaire. A, A, Coupes transversales de lobules pulmonai-res.— B. B', bronches. — E, E', Artères. — D' D" D"' D"" cellules géantes. —C, C, zone caséeuse. — F, F', zone embryonnaire.

coupes, comme une seconde zone, autour et en dehors delà zone embrtjonnaire (Fig. 39 et 40).

Ces produits divers de l'inflammation vulgaire peuvent pré-senter les degrés les plus variés de l'altération granulo-grais-seuse ou muqueuse. Mais jamais les parties où cette altération

s'est produite ne forment une masse homogène, cohérente, d'apparence vitreuse ou caséeuse, comparable à celle qui constitue la région centrale des nodules tuberculeux. « D'après » cela », dit M. Charcot, plus radical sur ce point que ne l'ont été MM. Thaon et G-rancher, « je suis amené à penser que, » même dans les conditions de la phtisie aiguë dite pneumo-» nique, la dégénération caséeuse n'a pas l'origine admise » par les auteurs. C'est au sein de l'agglomération tubercu-» leuse et aux dépens même des éléments qui la constituent, » c'est-à-dire de la néoplasie embryonnaire, que cette dégéné-» ration particulière se produit. S'il en est ainsi, l'existence » même de la dégénération caséeuse des produits d'exsuda-» tion pneumonique me paraît tout à fait compromise ; je » pense, en d'autres termes, qu'il n'est nullement démontré » que les produits d'inflammation vulgaire prennent une part « sérieuse à la solidification jaune du poumon. »

Il va sans dire que, par suite de l'extension progressive des nodules péribronchiques à des alvéoles déjà remplis, au préalable, par des produits inflammatoires, ceux-ci peuvent être englobés dans la trame embryonnaire de formation nou-velle, et se retrouver, par conséquent, plus ou moins profon-dément altérés, entremêlés aux produits de la dégénération caséo-tuberculeuse que cette trame subit nécessairement à un moment donné. Mais ce n'est là qu'une circonstance tout à fait accessoire.

Les résultats obtenus dans les deux faits qui viennent d'être considérés particulièrement, à titre de types bien tranchés, se sont trouvés exactement reproduits dans tous les cas, assez nombreux, de phtisie pneumonique aiguë ou subaiguë, qui, à l'occasion du cours d'anatomie pathologique, ont été étudiés, pendant la durée de la présente année scolaire, dans le labora-toire de la Faculté. En se fondant sur ces études nouvelles,

M. Charcot se croit autorisé à déclarer que « la phtisie pneu-monique est une affection tuberculeuse au premier chef. » Elle l'est dès l'origine, ainsi que le démontre l'observation communiquée par M. le Dr Mesnet, et où la mort est surve-nue, comme on l'a vu, au 14e jour. A cette époque, en effet, les nodules tuberculeux péri-bronchiques étaient déjà, dans ce cas, parfaitement constitués; la plupart avaient même subi, à un haut degré, la dégénération caséeuse dans leur région cen-trale ; ils constituaient dans le poumon, de beaucoup, la lésion prédominante; tandis que les altérations inflammatoires pro-prement dites, n'y jouaient, au contraire, qu'un rôle secondaire tout à fait effacé.

Ce qui vient d'être dit au sujet des formes aiguës de la pneumonie caséeuse, on peut le répéter, à peu près mot à mot, et à fortiori, à propos des formes chroniques. Le tuber-cule qu'on a voulu bannir, même de ces dernières formes, se présente là, cependant, avec les mêmes caractères que dans ia phtisie pneumonique aiguë, c'est-à-dire sous l'apparence de nodules péribronchiques ou péri-acineux (nodules errati-ques), limités par une zone embryonnaire avec ou sans l'ac-compagnement des lésions de l'inflammation commune. C'est au sein des nodules, dans leur région centrale, et ici encore, aux dépens de la néoformation embryonnaire, que se produit la dégénération vitreuse ou caséeuse; puis, ultérieurement, la désagrégation, qui conduit au ramollissement et à la forma-tion des cavernes. Les variétés, dans l'évolution de l'affection considérée dans son ensemble, semblent déterminées par le mode même de l'évolution tuberculeuse : tantôt aiguë ou suraiguë et envahissante, tantôt lente et discrète. Les forma-tions tuberculeuses péri-bronchiques, dans le mode sub-aigu ou chronique, peuvent d'ailleurs déterminer, dans les parties du poumon qui avoisinent les nodules, la production de l'in-

flammation vulgaire, celte fois sous la forme chronique ; tandis que dans les cas de phtisie pneumonique aiguë ou su-raiguë, ce sont les lésions de la broncho-pneumonie aiguë qu'on observe : c'est ainsi que la cirrhose du poumon, carac-térisée par la transformation embryonnaire avec épaississement des parois alvéolaires, et la métamorphose cubique de l'épithé-lium du poumon, pour la première fois décrite par M. Thaon, est un des éléments très habituels de la phtisie chronique vulgaire.

Il n'est pas sans intérêt de rechercher par la critique l'en-chaînement d'idées qui a pu conduire à la doctrine suivant laquelle les lésions de la pneumonie caséeuse résulteraient de la métamorphose des produits de l'inflammation simple. On remarquera, en premier lieu, que tous les auteurs partisans de cette théorie sont partis du principe que les lésions très di-verses, qu'on rencontre en même temps dans un poumon atteint de pneumonie caséeuse, représentent, en quelque sorte, les diverses phases d'un même processus morbide. Ainsi, Y in-filtration gélatineuse représenterait le premier stade de l'alté-ration qui, dans sa progression, aboutirait à l'induration grise, puis à l'induration jaune. Or, c'est là un principe inadmissi-ble ; car l'induration jaune ou grise appartient au processus tuberculeux, l'infiltration gélatiniforme à celui d'inflammation catarrhale concomitante, et ces deux processus, comme on l'a vu, marchent parallèlement, mais isolément; ils ne se confon-dent sur aucun point.

Un autre point faible de la doctrine est dans la méconnais-sance des règles de la méthode topographique. L'oubli de ces règles a conduit à laisser passer inaperçue cette zone em-bryonnaire qui, limite la région caséeuse des nodules tuber-culeux et la sépare des régions où le poumon offre les lésions de l'inflammation simple. Cette zone embryonnaire a été

pour la première fois décrite et mise en lumière par M. Gran-cher.

« Quoi qu'il en soit, dit M. Charcot, en terminant cette » série de leçons, rien ne me paraît mieux établi que l'exis-» tence de la tuberculose infiltrée ou discrète, comme élé-» ment fondamental, dans les diverses formes de la phtisie » pulmonaire; rien de plus douteux, au contraire, que l'exis-» tence d'une pneumonie caséeuse, indépendante delà tuber-» culose et jouant le rôle capital dans le processus phtisiologi-» que. Tel est pour moi le résumé de la situation »

1 Extrait de la Revue de médecine et de chirurgie, 1877, p. 817.

SUR LA STRUCTURE

et

LE MODE DE DÉVELOPPEMENT

DES CELLULES GÉANTES DANS LE TUBERCULE «.

Les considérations qui vont suivre ont trait à quelques re-cherches faites dans le laboratoire d'anatomie pathologique de la Faculté. Elles concernent uniquement les cellules géantes qui se rencontrent dans cette forme particulière du tuber-cule improprement dénommé tubercule réticulé ou cyto-gène.

On sait qu'on entend par cellules géantes des corps volumi-neux de 20 à 200 j- de diamètre, munis de nombreux noyaux périphériques, souvent de prolongements multiples, et dont le centre est une masse grenue, réfringente, d'un aspect lout-à-fait spécial. Ces formations, il est vrai, ne paraissent pas appartenir en propre au tubercule : du moins, on a signalé la présence de corps analogues au sein de productions de nature toute différente (sarcomes, syphilomes, etc.) et des recherches ultérieures pourront seules nous renseigner sur la question de savoir s'il y a, entre ces différents corps, identité de nature et de provenance, ou simple ressemblance dans la configura-lion extérieure.

1 En collaboration avec M. Gombault.

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons. 19

Quoi qu'il en soit, les cellules géantes, possédant les carac-tères qui viennent d'être rappelés, serencontrent très fréquem-ment dans le tubercule et peuvent être considérées comme un des éléments importants qui entrent dans sa constitution. Or, c'est surtout dans le tubercule réticulé qu'elles se montrent en grand nombre, et qu'il est facile d'étudier les rapports qu'elles affectent avec les autres parties de la néoplasie tuber-culeuse.

On sait que la granulation visible à l'œil nu, bien loin de pouvoir être considérée, en quelque sorte, comme l'unité tuber-culeuse, est, au contraire, complexe et composée de parties si-milaires plus petites, groupées les unes à côté des autres et devant être envisagées comme les véritables tubercules élé-mentaires. Ces tubercules élémentaires qui ont reçu le nom de tubercules submilliaires, de follicules tuberculeux, peu-vent, au lieu de se trouver réunis en amas pour constituer une granulation, être rencontrés à l'état d'isolement plus ou moins parfait et leur constitution devient dès lors assez facile à déterminer. Celle-ci, du reste, n'est pas identique dans tous les cas, et deux variétés principales peuvent être distinguées. Tan-tôt le follicule est exclusivement formé par un amas de petites cellules rondes, pressées les unes contre les autres et on lui donne alors le nom de tubercule cellulaire. Tantôt, au con-traire, il semble constitué par une sorte de réticulum sur lequel seraient collées des cellules plates d'où la dénomination de tubercule réticulé qui lui a été imposée, dans ce cas. On sait aujourd'hui que, selon toute vraisemblance, il n'existe là qu'un faux réticulum artificiellement produit par l'action des réactifs ; que le follicule est ici encore formé par un amas de cellules, mais que celles-ci sont plus développées, munies de prolongements, et se rapprochent beaucoup par leurs carac-tères des cellules plates du tissu conjonctif.

A cette première distinction, une seconde vient s'ajouter:

dans chacune de ces deux variétés, Je tubercule élémentaire peut être simple, c'est-à-dire constitué dans toute son étendue par des éléments identiques les uns aux autres ; ou bien il est complexe, et voici alors quelle est sa constitution. On peut, en semblable circonstance, reconnaître trois zone s dans le folli-cule. La partie centrale est occupée par une cellule géante ; autour de celle-ci existe une zone de cellules qui, en raison de leurs caractères spéciaux, ont recule nom de cellules épithé-lioïdes ; enfin une troisième zone, plus extérieure, est formée par des éléments plus petits, zone de tissu embryonnaire ou de tissu réticulé, suivant que le follicule appartient à l'une ou l'autre des deux variétés i.

Ainsi se trouve déterminée la place qu'occupe la cellule géante dans le tubercule : elle est située, lorsqu'elle existe, au centre du follicule tuberculeux, dont les autres éléments sont groupés autour d'elle.

Lorsqu'une semblable cellule a été isolée par dissociation et disposée de façon à flotter plus ou moins librement dans le liquide de la préparation, on reconnaît qu'elle est munie sur toutes ses faces d'une foule de prolongements. Ceux-ci sont formés par un protoplasma grenu, réfringent, fixant fortement l'acide picrique ; ils ont une grande tendance à s'accoler les uns aux autres. Par de petits coups frappés sur la lame mince, on peut leur imprimer des mouvements qui ne tardent pas à dégager de la masse principale un certain nombre de corps cellulaires, pourvus d'un ou de plusieurs noyaux et entraînant avec elles un certain nombre de ces prolongements. Ces cellu-les, une fois complètement isolées, sont faciles à reconnaître pour des cellules épithélioïdes qui avaient conservé des con-nexions intimes avec la cellule géante dont les dimensions se trouvent ainsi diminuées d'autant. Mais, au cours de cette dis-sociation sous le microscope, il devient bientôt évident qu'un

1 Note communiquée à la Sociéti de biologie (séance du 10 août).

grand nombre des prolongements signalés plus haut ne peu-vent plus être attachés de la même façon parce qu'ils sont inti-mement unis à la cellule géante et font corps avec elle. Leur protoplasma se renfle au moment où ils abordent la zone des noyaux; à ce niveau, ils sont encore assez souvent distincts les uns des autres ; au-delà, ils se perdent en se fondant dans la masse grenue de la zone centrale. Si on pousse l'opération plus loin, on peut, dans certaines circonstances, voir la cellule géante se résoudre, en quelque sorte, en un certain nombre de masses plus petites, pourvues de plusieurs noyaux, et dont la structure cellulaire ne saurait faire aucun doute.

L'étude de la cellule géante, pratiquée à l'aide de coupes et surtout à l'aide de coupes successives intéressant une même cellule à des niveaux différents, va nous fournir d'autres ren-seignements. Trois coupes successives que nous prendrons comme exemple nous ont donné les apparences suivantes: sur la première, on rencontre une véritable plaque à noyaux mul-tiples. Ces noyaux, serrés les uns contre les autres au centre delà plaque, deviennent de plus en plus rares, à mesure qu'on s'avance vers la périphérie. De celle-ci partent, dans tous les sens, une foule de prolongements qui, épais à leur base où souvent ils enveloppent un noyau, vont se perdre par une extré-mité plus mince dans le tissu voisin. Sur une seconde coupe, l'élément apparaît avec ses caractères pour ainsi dire classi-ques : centre grenu, réfringent, sans structure, fixant forte-ment l'acide picrique ; en dehors, zone très épaisse de noyaux; plus en dehors enfin, de nombreux prolongements rayonnants dans toutes les directions. Sur un seul point, la zone de noyaux est interrompue dans une certaine étendue et, dans le point correspondant, les prolongements font complètement défaut, circonstance qui semble indiquer, une fois déplus, que des relations intimes unissent les noyaux et les prolongements

de la cellule. La troisième coupe, enfin, nous montre un petit amas de cellules à protoplasma brillant, à contours assez mal délimités au centre duquel les éléments se groupent de façon à circonscrire une sorte de pertuis très étroit qu'on peut suivre* à une certaine distance dans l'épaisseur de la coupe, en faisant varier la vis du microscope. Quelques rares prolongements courts, épais, grenus, relient cette masse aux tissus voisins.

On voit donc que, sur chacune de ces trois coupes, la cellule géante a changé de forme et de constitution; de plus, détail important, elle a varié aussi de volume dans des proportions considérables. Si nous prenons comme point de départ le vo-lume de la cellule sur la coupe n° 3,et que nous représentions ce volume par un, il sera de trois sur la seconde coupe et de deux et demi sur la première. Les dificultes pratiques d'une telle recherche ne nous ont pas permis de suivre plus loin les modifications éprouvées par la cellule géante en question, Quoi qu'il en soit des faits signalés jusqu'ici, nous croyons pouvoir tirer les conclusions suivantes : la masse qui constitue la cellule géante s'effile vers une de ses extrémités. Si nous supposons que le même phénomène se produise vers l'extré-mité opposée qui manque dans la série de nos coupes, l'élé-ment sera fusiforme ; si on n'accepte pas celte hypothèse, on doit reconnaître tout au moins qu'il a la forme d'une petite massue, pourvue par conséquent d'un manche ou pédicule et d'une partie renflée. Or, pour le pédicule aussi bien que pour la zone périphérique de la partie renflée, la structure du tissu qui les composent est des plus évidentes ; il est constitué uni-quement par des élémenls cellulaires agglomérés, seulement ces éléments cellulaires ont subi une modification qui a eu pour effet de les souder les uns aux autres en amenant la fusion partielle de leur profoplasma.

Les caractères de cette modification s'accusent de la façon la plus nette au niveau dos prolongements que la cellule

géante émet dans tous les sens, nous les avons signalés plus haut et ils consistent dans le gonflement du protoplasma, son état grenu, sa tendance à l'accolement, sa réfringence spéciale, son aptitude à fixer l'acide picrique à l'exclusion du carmin. Or, ces différentes modifications se retrouvent en dehors de la cellule géante clans d'autres parties de la néoformation tuber-culeuse, portant leur action sur des parties moins complexes et se présentant par conséquent, dans des conditions d'examen plus favorables. Telle est la modification particulière qui pro-duit les cellules de la zone épithélioïde du follicule ; telle est celle qui atteint dans l'intérieur des alvéoles les cellules qui proviennent de la paroi de ces alvéoles; telle enfin celle qui, dans certaines circonstances, frappe, par places, l'endothélium des "vaisseaux d'un certain calibre. Dans tous ces cas, nous voyons cette dégénérescence inconnue dans sa nature, mais qui peut être désignée sous le nom de transformation vitreuse, produire des effets identiques. Les éléments cellulaires augmentent de volume, et tandis que leurs noyaux prolifèrent, leur protoplasma prend les caractères qui viennent d'être in-diqués. Puis, les cellules s'accolent en plus ou moins grand nombre, leurligne de séparation disparaît progressivement par fusion des protoplasmas et ainsi se trouvent constitués des équivalents en quelque sorte de la cellule géante. On sait, de plus, que cette transformation vitreuse des éléments cellulai-res dans le tubercule a pour aboutissant la caséification finale. Or, il est impossible de ne pas êlre frappé de la ressemblance qui existe, au point de vue des caractères physiques et des réactions micro-chimiques, entre la matière caséeuse et la sub-stance centrale delà cellule géante. On est ainsi amené à con-clure que la partie centrale de la cellule géante a eu, à un mo-ment donné, la structure dont nous reconnaissons l'existence au niveau de son pédicule et de sa zone périphérique, c'est-à-dire qu'il a été constitué, dans le principe, par un amas de cel-

Iules ; que plus tard ces éléments ont subi la transformation vitreuse, se sont accolés puis fondus ; qu'en un mot, le vice tu-berculeux a procédé dans la cellule géante comme dans la gra-nulation vulgaire que la caséifîcalion envahit, on le sait, en marchant du centre vers la périphérie.

Si cette conception est exacte, la cellule géante serait bien loin d'être, comme l'a indiqué M. Schûppel, formée par un élément cellulaire unique, dont le protoplasma en état d'ac-croissement actif donnerait naissance par voie de bourgeonne-ment aux cellules épithélioïdes. Elle devrait être considérée, au contraire, comme un nodule multicellulaire dès son origine, au niveau duquel le processus tuberculeux aurait atteint son dernier terme et serait représenté par deux de ses produits les plus caractéristiques et les plus avancés: la cellule vitreuse et la matière caséeuse i.

1 Extrait du Progrès Médical, n° 34, 1878.

DEUXIÈME PARTIE

Tuberculisation et Cancer.

TUBERCULISATION ET CANCER

I.

Purpura hémorragica et tuberculisation générale aiguë1.

L'observation que nous communiquons à la Société de bio-logie offre un exemple de purpura hémorragica survenant, chez l'adulte, dans le cours d'une phthisie générale aiguë qui a revêtu la forme typhoïde. Les cas du même genre sont sans doute assez rares, et nous n'en rencontrons pas qui soient de tous points identiques à celui que nous rapportons, dans les quelques monographies concernant la phthisie aiguë, qui ont été publiées depuis une douzaine d'années en France ou à l'é-tranger. Le docteur Waller rapporte cependant dans son mé-moire (Prag. Vierteljahr. 2 jähr, t. Ii, obs. 2, miliar-tubercu-lose als typhus) un cas de tuberculisation miliaire aiguë, simu-lant le typhus, et dans lequel on vit paraître sur le tronc et sur les membres de nombreuses pétéchies; mais il n'est pas question dans cette observation d'épistaxis ou de toute autre espèce d'hémorragie s'opérant par les membranes muqueuses. Il n'est peut-être pas hors de propos de faire remarquer que le docteur Waller n'a pas distingué parfaitement les pétéchies constituées par des ecchymoses cutanées, des éruptions érythé-

' Comptes rendus de La Société de biologie, 1857, p. 126.

mateuses qui surviennent quelquefois dans le cours de la phti-sie aiguë, et, en particulier, dans celle de ses observations à laquelle nous faisons allusion, il est dit que les pétéchies dis-parurent au bout de quelques jours, et qu'on vit survenir alors, sur la partie antérieure de la poitrine et sur le dos une érup-tion confluente de macules érythémateuses, semblables à celles qui constituent la roséole typhoïde et des sudamina. L'une des observations qui se trouvent à la suite de l'article purpura dans la deuxième édition de l'ouvrage de M. Rayer sur les Maladies de la Peau (t. III, p. 539) pourrait encore être rapprochée de la nôtre ; mais les caractères de la phlhisie aiguë n'y sont peut-être pas suffisamment accusés.

Quelque rares que puissent être les cas dans lesquels le purpura hémorragique se lie à la phlhisie aiguë, nous ne pen-sons pas cependant qu'on puisse voir dans la coexistence de ces deux affections l'effet d'une coïncidence fortuite. Si nous en jugeons d'après nos propres observations, chez les sujets qui succombent à la tuberculisation aiguë, surtout quand la maladie a revêtu la forme typhoïde, le sang se présente habi-tuellement dans un état de dissolution, de fluidité extrêmes. Comme conséquence du fait précédent, on rencontre en outre, chez ces mêmes sujets, dans la plupart des cavités séreuses, une certaine quantité de sérosité rougie par la matière colo-rante du sang. Ce caractère de la tuberculisation aiguë n'a pas été méconnu par tous les observateurs et le professeur Roki-tansky, en particulier, n'a pas négligé de le faire ressortir dans son Traité dAnatomie pathologique (1855, t. Ier, p. 301). Or, cette dissolution profonde du sang prédispose évidemment à la production des hémorragies, des hémorragies muqueuses,, par exemple. Et c'est ainsi, sans doute, qu'on peut expliquer pourquoi les epistaxis figurent souvent parmi les symptômes de la phlhisie aiguë ; à un degré plus marqué et sous l'influence de circonstances accessoires difficiles à préciser, elle pourra

déterminer, en outre, l'apparition des ecchymoses et des pété-chies.

Notre observation nous suggère une autre remarque : les cas pathologiques tendant à démontrer que le purpura hémor-ragique existe à titre de maladie primitive et indépendante, sont peu communs, et ils paraissent devenir chaque jour de plus en plus rares, à mesure que les investigations nécrosco-piques deviennent plus consciencieuses. Presque toujours, si-non dans tous les cas, c'est une affection qu'on peut faire dé-river d'une autre affection, l'altération d'un viscère, delà rate, par exemple, mais surtout du foie, ces organes dont les fonc-tions paraissent avoir sur la constitution du sang une influence si grande; ou bien encore, elle dérive d'une de ces maladies qui, engendrées par un poison morbide, frappent l'organisme dans son ensemble et dont un des effets les plus habituels est de produire dans la erase du sang une modification profonde. Parmi les maladies de ce dernier groupe, on peut citer, au pre-mier rang, la variole, la rougeole et la scarlatine, les typhus, la peste et la fièvre jaune, le scorbut et la diphtérite : il faudrait y joindre la tuberculisation générale aiguë, si les observations semblables à la nôtre venaient à se multiplier.

Voici cette observation : nous croyons devoir la reproduire dans tous ses détails.

Observation. — Eémoptisie, amaigrissement. — Epistaxis abon-dantes. — Purpura hémorrhagique. — Selles sanglantes. — Phti-sie pulmonaire. — Délire. — Paralysie de la paupière supérieure droite. — Rétention d'urine. — Coma. — Mort.

Autopsie. ?— Granulations grises des méninges. — Phtisiepulmo-monaire : granulations et cavernes. — Granulations des reins. — Tubercules du péritoine et de Vinleslin.

Hôpital de Lariboisière, salle St-Charles, n° 9, année 1857. Natlermann (Joseph), âgé de 28 ans, né en Alsace, fixé à Paris

depuis plusieurs années, et exerçant la profession de tailleur, est entré pour la première fois à l'hôpital de Lariboisiôre, il y a en-viron six semaines. A cette époque, on apprit de lui qu'il avait de-puis quelque temps craché du sang à plusieurs reprises, et nota-blement maigri. 11 toussait habituellement depuis la même époque, et, bien que l'auscultation n'eut pas fait alors manifestement reconnaître chez lui l'existence de tubercules pulmonaires, on le considéra cependant comme atteint de phlhisie, et on le soumit à un traitement approprié, à l'usage de l'huile de foie de morue en particulier. Au bout de trois semaines de séjour à l'hôpital, le malade, qui se trouvait notablement mieux, demanda sa sortie.

Le 30 juillet, Nattermann rentre de nouveau à l'hôpital Lari-boisière. Malade depuis plusieurs jours, il avait été pris clans la nuit d'une épistaxis abondante, et déjà la faiblesse était telle qu'il fallut le transporter sur un brancard. L'hémorragie résista pen-dant une partie de la journée du 30, et vers six heures du soir, on dut pratiquer le tamponnement des fosses nasales.

Le 31, à la visite, on le trouve dans l'état suivant : décubitus dorsal, prostration extrême, pâleur très prononcée des téguments; on remarque sur différentes parties du corps, sur la poitrine, sur le ventre, mais principalement sur les bras et sur la jambe droite, un certain nombre de taches d'un violet plus ou moins foncé, à contours nets, de la dimension d'un grain de millet ou même plus, qui ne font pas saillie au-dessus du niveau de la peau, et ne disparaissant pas sous la pression des doigts : ce sont de véritables pétéchies.

La peau est chaude, surtout vers les parties centrales, sans moiteur. On compte 96 pulsations. Il y a de l'hébétude, de la stu-peur même, et l'on ne peut guère obtenir du malade de rensei-gnements précis; toutefois, il affirme à plusieurs reprises et sans varier, qu'il est alité depuis huit jours; que, depuis cette époque, il a eu de l'inappétence, éprouvé une grande faiblesse et n'a cessé de rendre du sang en allant à la garde-robe, plusieurs fois par jour. Les urines, rares et d'une teinte foncée, ne donnent aucun précipité lorsqu'on les traite par l'acide nitrique.

Prescription: limonade sulfurique, julep avec l'eau de Rabel, 4 grammes.

1er août. — H y a eu un peu de délire, hier, dans la soirée et pen-dant la nuit. Môme état du reste. L'hémorragie nasale ne s'est pas renouvelée, il n'y a pas eu de selles sanglantes.

L'examen de la poitrine donne les résultats suivants : respira-tion rude clans toute l'étendue des deux poumons, pas de râles caverneux, pas de craquements, pas de matité clans la région des lobes supérieurs : respiration soufflante et râle muqueux à timbre caverneux, au voisinage et un peu au-dessus de la pointe de iomo-plate droite. En ce point un peu de matité. — Même prescription.

2 août. — Le malade n'a cessé de se plaindre et de délirer toute la nuit. Aujourd'hui, il dit éprouver une douleur vive siégeant au creux de l'estomac. La pression exercée à la région épigastrique exaspère beaucoup cette douleur, et lui fait pousser des cris vio-lents. La langue est sèche aux parties centrales. Le pouls est à 92, faible, irrégulier. La peau est toujours chaude. Les mouvements respiratoires s'effectuent avec régularité. Il n'y a pas eu d'hé-morragie ; le nombre des taches ecchymotiques n'a pas augmenté; cependant, la pâleur du malade est extrême.

3 août. — Délire et cris toute la nuit. Pouls à 80, très faible. L'impulsion cardiaque est à peine sensible. La peau est chaude et couverte d'une sueur gluante. Stupeur, assoupissement. La langue est sèche ; les dents sont couvertes d'un enduit fuligineux. L'abdo-men, non ballonné, est douloureux à la pression, ainsi que la ré-gion épigastrique; il y a une selle solide non sanglante. Le ma-lade a uriné dans son lit. 11 n'y a pas eu d'épistaxis, bien qu'on ait enlevé les tampons qui bouchaient les fosses nasales; mais les liens, à l'aide desquels on avait fixé les bras du malade pour l'empêcher de porter continuellement ses mains à son nez, ont dé-terminé aux poignets de larges plaques ecchymotiques.. qui les en-tourent en forme de bracelets. Prescription : cataplasmes lau-danisés sur le ventre; vin de Bordeaux, 150 gram., limonade vineuse; julep, avec extrait de quinquina 4 grammes.

baoût. —Coma, cris plaintifs, constipation. Hier soir, à deux reprises, le malade a rendu sa tisane par vomissement. Pouls fai-

ble, irrégulier, 56 pulsations. La peau est froide et couverte d'une sueur abondante. Paralysie complète de la paupière supérieure du côté droit, qu'on observe ce matin pour la première fois, et qui a dû se développer pendant la nuit. L'œil correspondant est complè-tement recouvert; la pupille est énormément dilatée et ne se res-serre point sous l'influence de la lumière. A gauche, au contraire, l'orifice pupillaire est normal, et les mouvements de la paupière parfaitement libres. D'ailleurs, pas de traces de paralysie dans les membres; pas d'anesthésie. Le malade n'a pas uriné, et la ves-sie est distendue. L'urine extraite à l'aide de la sonde et traitée par l'acide nitrique ne donne pas de précipité albumineux; con-stipation, malgré l'administration d'un lavement purgatif.

5 août. — Le pouls qui, du 31 juillet au 4 août, s'était maintenu entre 80 et 96, et qui, dans la matinée du 4 août, était descendu à 56, est ce matin à 132; il est très petit et très faible. La tempé-rature de la peau, qui hier s'était abaissée, est aujourd'hui très re-levée; il y a eu des sueurs abondantes. Il s'est développé, depuis deux jours, sur le devant de la poitrine, une éruption érythéma-teuse, composée de plaques arrondies, noires, confluentes, dispa-raissant complètement sous la pression du doigt, et bien distinctes des pétéchies dont il a été question ces jours passés, et qui, au-jourd'hui, ont changé leur teinte violet foncé contre une colora-tion jaunâtre. La respiration est devenue fréquente, très inégale. Tantôt le malade reste quelque temps sans respirer, tantôt, au contraire, il a des mouvements respiratoires profonds, énergi-ques. Cependant rien à ajouter aux signes obtenus par l'ausculta-tion le 1er août, si ce n'est que je constate quelques râles sous cré-pitants siégeant sous les parties les plus déclives. Langue très sè-che; dents recouvertes d'un enduit fuligineux. Constipation. Ré-tention d'urine. Coma profond. Même état de la paupière et de l'œil droit.

6 août. — Le malade succombe le 6 août, vers 6 heures du ma-tin. 11 y a eu, hier soir et toute la nuit, du râle laryngo-trachéal.

Autopsie faite le 1 août. — Crâne. — Les veines de la surface convexe du cerveau sont gorgées de sang noir.

Les circonvolutions cérébrales sont aplaties, comme tassées les unes contre les autres. A la base de l'encéphale, plaques de fausses membranes verdâtres au niveau du chiasma des nerfs optiques, lesquelles se répandent sous forme de traînées le long de la scis-sure de Sylvius, surtout du côté gauche.

Les nerfs moteurs oculaires sont enveloppés de fausses mem-branes, mais ils ne présentent eux-mêmes aucune altération, soit dans leur volume, leur coloration ou dans leur consistance.

Granulations grises, demi-transparentes, peu nombreuses, dissé-minées dans différents points de la base du cerveau, et disposées en forme de groupes qui occupent l'épaisseur des méninges. Les méninges elles-mêmes sont très injectées,friables ; mais on les dé-tache de la surface du cerveau, sans entraîner avec elles la sub-stance cérébrale.

Cerveau. — Les ventricules latéraux sont très dilatés et remplis d'une abondante quantité de sérosité à peine louche. Les parois de ces ventricules sont ramollies et comme tapissées d'une couche blanche, pultacée. La substance cérébrale blanche est partout ail-leurs d'une consistance normale; elle présente un piqueté très abondant, mais on n'y rencontre pas de véritables ecchymoses. Les couches optiques et les corps striés ne présentent pas d'alté-ration manifeste.

Thorax. — Les deux poumons sont farcis de granulations grises. Ces granulations siègent principalement à la partie antérieure des deux, poumons et dans les lobes inférieurs; elles sont manifeste-ment moins nombreuses dans l'épaisseur des lobes supérieurs. A la partie postérieure et supérieure du lobe inférieur du poumon droit, plusieurs cavernes contenant de la matière tuberculeuse ramollie, réunies en groupes, et dont la plus grande pourrait con-tenir une petite noix. Autour de ces excavations, le tissu du pou-mon est carnifié, d'une teinte noirâtre, marbré de veines bleuâtres, et l'on rencontre çà et là, au sein de ce tissu carnifié, des amas tu-berculeux de divers volumes et à divers degrés de développement. Un autre groupe de tubercules, dont la plupart sont en voie de ramollissement, siège dans la partie la plus déclive du même lobe. Dans l'épaisseur des lobes supérieurs des deux poumons, on ne Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons. 20

rencontre pas de tubercules proprement dits, et les granulations miliaires y sont, comme on l'a dit, moins abondantes que dans les lobes inférieurs.

Le cœur est peu volumineux, flasque; ses parois musculaires sont friables et d'une teinte jaunâtre très manifeste. La cavité du ventricule gauche est vide; mais celle du ventricule droit contient une certaine quantité de sang très liquide : on n'y rencontre pas trace de caillots.

Abdomen. — Les reins sont un peu plus volumineux qu'à l'état normal. On trouve disséminées à leur surface un certain nombre de granulations grises; quatre ou cinq de ces granulations se rencontrent aussi dans l'épaisseur de chacun des reins.

Rate. —Longueur 0.17 cent., Iargeur0.il centim. — Consis-tance assez ferme; texture granuleuse; elle ne contient pas de granulations miliaires.

Foie. — Le foie ne présente pas d'altérations. Tubercules du péritoine et traces de péritonite ancienne, siégeant surtout au pourtour du foie et de la rate.

bitestins. — La membrane muqueuse de l'iléon présente, sur-tout au niveau des plaques de Peyer, des tubercules nombreux et à divers degrés de développement. Il y a de larges ulcérations tu-berculeuses, au voisinage de la valvule iléo-cœcale.Des ulcérations de même nature et très étendues existent aussi dans le côlon des-cendant, au voisinage du rectum.

Les granulations grises qui, à l'œil nu, consistaient en un tissu solide, difficile à écraser, cassant, élastique, parurent à l'examen microscopique constituées par une matière albumino-fibrineuse amorphe finement granuleuse. On y rencontrait, dans les parties périphériques, des fibres de tissu cellulaire et des cellules apparemment épithéliales plus ou moins altérées, lesquelles provenaient du tissu ambiant. On n'y rencontrait pas ces corps qu'on désigne sous le nom de corpuscules du tubercule, et qui existaient, au contraire, dans les tubercules jaunâtres qui siégeaient au voisinage des excavations du lobe

inférieur droit. Nous n'en conclurons pas moins que ces deux produits, les granulations grises et les tubercules, malgré leur différence d'aspect et de constitution microscopique, sont au fond de même nature. Mais nous touchons là une question que nous ne voulons pas aborder pour le moment, et nous nous réservons de développer, dans une autre occasion, les argu-ments qui nous portent à rejeter complètement la distinction fondamentale qu'on a, dans ces derniers temps surtout, voulu établir entre la phtisie granuleuse ou à granulations grises, et la phtisie tuberculeuse proprement dite.

II.

Sur la paraplégie douloureuse et sur la thrombose arté-rielle qui surviennent dans certains cas de cancer .

La présente communication a pour but d'appeler l'attention sur quelques accidents qui surviennent dans le cours de l'évo-lution de certains cancers, et qui, si je ne me trompe, n'ont pas encore été signalés d'une manière particulière.

I.

Je commencerai par ce qui a trait au cancer du sein. Mon ancien maître et mon prédécesseur, à l'hospice de la Salpê-trière, M. le docteur Gazalis, avait l'habitude de faire remar-quer à ses élèves que, chez les sujets qui succombent par suite de l'atTection dont il s'agit, on rencontre très habituellement des dépôts secondaires, le plus souvent multiples, développés dans l'épaisseur du corps des vertèbres, surtout à la région lombaire. Ce fait, intéressant à plusieurs égards, se trouve confirmé pleinement par les nombreuses observations nécros-copiques que j'ai été à même de faire, pendant le cours des trois dernières années, à la Salpêtrière ; mais j'ai été conduit, en outre, à reconnaître que, si le cancer vertébral secondaire reste le plus souvent latent, il s'annonce cependant, quelque-fois, pendant la vie, par un ensemble de symptômes qui pré-

1 Communication faite à la Société médicale des hôpitaux, dans la séance du 22 mars 1865.

sente une physionomie assez particulière, et dont le nom de paraplégie douloureuse donnerait, ce nous semble, une assez bonne idée.

Voici, du reste, en quoi cela consiste : Les malades éprou-vent des douleurs dont le siège principal est la région lom-baire et qui, de là, s'irradient dans toute l'étendue des deux membres inférieurs ; ils sont parfois tourmentés par un senti-ment de constriction pénible qui, en outre, étreint, comme le ferait une ceinture, la partie la plus inférieure de l'abdomen. Dans les membres, on ne saurait localiser ces douleurs sur le trajet d'un ou de plusieurs des troncs nerveux principaux ; il semble qu'elles occupent tous les rameaux nerveux à la fois. Vives, surtout la nuit, elles ont habituellement le caractère lancinant ou même fulgurant; parfois, elles s'accompagnent, d'une sensation purement subjective de chaud ou de froid ; toujours, il s'y joint des fourmillements qui occupent surtout les extrémités ; ces douleurs persistent d'une manière à peu près continue, mais elles s'exaspèrent, toutefois, par moments, et produisent ainsi des accès plus ou moins violents, pendant lesquels les malades sont privés de sommeil, ou même dans les cas d'une grande intensité, poussent des cris déchirants. D'ailleurs, point d'analgésie ou d'anesthésie ; au contraire, les moindres pincements, voire même les moindres attouche-ments, sont très nettement perçus, et de plus, ils sont l'occa-sion de douleurs plus ou moins vives, principalement pendant la durée des accès. On n'observe aucun désordre appréciable de la conscience musculaire. — Certains troubles de la motilité vont de pair avec ces symptômes d'hyperesthésie ; la marche est difficile, en partie, sans doute, en raison des douleurs des membres, mais surtout à cause de l'affaiblissement muscu-laire ; d'ailleurs, à un degré plus avancé, cet affaiblissement est tel que les malades ne peuvent plus marcher sans l'aide d'un bras ou d'une béquille ; on les voit, lorsqu'ils s'efforcent

de faire quelques pas, détacher péniblement leurs pieds du sol; il semble que ceux-ci soient devenus plus pesants. Plus lard encore, l'atrophie musculaire se met de la partie ; les membres inférieurs s'amaigrissent en même temps qu'ils s'affaiblissent encore, et un jour, enfin, la marche et la station même sont devenus tout à fait impossibles. Nous n'avons pas, jusqu'ici, observé, soit la paralysie des sphincters, soit les altérations du produit de la sécrétion urinaire, soit encore la rapide formation d'escharres au sacrum qu'on rencontre dans certaines paraplégies, qui se rapprochent cependant, par plus d'un trait, de celle qui nous occupe. Il m'a paru que, dans les cas où les douleurs se sont montrées très vives et très persis-tantes, la vie des malades a été, par cela même, très notable-ment abrégée.

Les symptômes de paraplégie douloureuse ont été notés par moi dans six cas sur trente-six cas de cancer du sein admis à la Salpêtrière, dans la division des Incurables, pendant les trois dernières années ; à en juger par lacet accident ne serait pas rare. Il se manifeste d'ailleurs aux époques les plus variées du cours de l'affection cancéreuse primitive ; tantôt quelques mois tout au plus après le début apparent, tantôt, au con-traire, au bout de plusieurs années seulement. D'après ce que j'ai vu, c'est plus particulièrement, mais non exclusivement, toutefois, aux diverses formes du cancer dur qu'il se rattache; on l'observe tout aussi bien dans les cas où une opération a été pratiquée que dans ceux où la maladie a été abandonnée à elle-même.

Trois fois, il a été permis de rechercher la raison anatomi-que des symptômes observés pendant la vie, et voici l'indica-tion sommaire des résultats obtenus : Dans tous les cas, l'alté-ration cancéreuse du corps des vertèbres lombaires était des plus prononcées. Deux fois, c'étaient des tumeurs multiples arrondies, parfaitement circonscrites, du volume d'une noi-

sette, pour la plupart, ou môme plus grosses encore, faciles à énucléer, et développées au sein de la substance spongieuse qui se montrait partout ramollie et friable. En quelques points, la mince lamelle de tissu compacte, qui limite de toutes parts le corps des vertèbres, avait été détruite du côlé de la cavité raehidienne, de telle sorte que plusieurs tumeurs avaient fait issue dans cette cavité où elles s'étaient développées, compri-mant d'avant en arrière la dure-mère. Dans le troisième cas, les éléments cancéreux ne constituaient plus, par leur réunion, des tumeurs circonscrites; ils étaient comme infiltrés dans les cellules agrandies du tissu spongieux, et conséquemment, un examen microscopique attentif permettait seul de détermi-ner le véritable caractère de l'altération : celle-ci portait pres-que exclusivement sur les quatre dernières vertèbres lom-baires. Leur tissu était ramolli, à tel point qu'on pouvait, sans effort, le diviser à l'aide du couteau en minces lamelles ; l'une de ces vertèbres (la troisième) était aplatie, comme écrasée, et ne mesurait guère plus d'un centimètre, dans son diamètre vertical. Par suite, la colonne lombaire s'était in-curvée, de manière à rétrécir le canal racliidien, dans le sens antéro-postérieur : la dure-mère avait été refoulée dans le même sens, et les tissus nerveux, qui constituent la queue de cheval, se trouvaient comprimés et tiraillés. C'est évidem-ment à la compression et à l'irritation des racines spinales lombaires que doivent être rattachés les symptômes observés pendant la vie.

Si, comme tout porte à le croire, la forme de paraplégie dont il s'agit, n'est pas tout à fait rare, il n'est guère possible qu'elle soit restée jusqu'ici complètement inaperçue. Je puis dire, dès à présent, que M. le professeur Trousseau l'a quel-quefois rencontrée, et je tiens de bonne source que MM. les professeurs Yelpeau etNélaton ont, de leur côté, observé plu-sieurs cas qui se rapportent évidemment à cet ordre de faits.

II.

On connaît, de longue date, les oblitérations fibrineuses des veines qui se présentent si communément dans les périodes avancées des affections cancéreuses, en général, et, plus par-ticulièrement, dans les cas de carcinome utérin. On s'accorde à reconnaître aujourd'hui que ces oblitérations fibrineuses re-connaissent pour cause principale une modification particulière de la fibrine du sang, désignée par Vogel sous le nom d'mo-pexie.Vú recueilli, dans ces derniers temps, un certain nombre d'observations qui me paraissent propres à établir que, dans ces mêmes circonstances, et vraisemblement, sous l'influence des mêmes causes, la thrombose artérielle peut se produire tout aussi bien que la thrombose veineuse ; celle-là, à la vérité, bien plus rarement que celle-ci.

Chez quatre femmes, atteintes de cancer utérin, l'oblitéra-tion absolue de l'une des artères sylviennes par un caillot fibri-neux, a produit le ramollissement des parties correspondantes du cerveau. C'était un ramollissement blanc, occupant les parties des lobes antérieur et moyen qui attiennent à la scissure de Sylvius. Les tubes nerveux, réduits en parcelles ténues, étaient là variqueux; les cellules nerveuses ne pré-sentaient pas d'altération appréciable. A ces éléments, se trouvaient mêlés des corps granuleux, en assez grand nombre. Le thrombus était dense, décoloré, formé de couches fibri-neuses stratifiées. Il se prolongeait dans les ramifications prin-cipales de l'artère ; au delà et en deçà, la lumière des vais-seaux était libre. Les tuniques vasculaires ne présentaient, d'ailleurs, aucune trace de dégénération alhéromateuse, au-cune altération qu'on puisse rapporter à la préexistence d'une artérite. Le début s'était d'ailleurs opéré brusquement sans

prodromes. Il y avait eu tout à coup hémiplégie complète, absolue, avec flaccidité des membres et persistance des mou-vements réflexes ; la face était déviée. Jusqu'à l'époque de la mort, qui avait eu lieu deux ou trois jours seulement après le début, les malades étaient restées dans l'état comateux.

Encore chez un sujet atteint de cancer utérin, Xoblitération de lune des artères fémorales par un thrombus a produit une paralysie subite et complète des mouvements, ainsi qu'une anesthésie cutanée à peu près absolue du membre correspon-dant. Les battements artériels étaient tout à fait supprimés. Le membre était froid et couvert çà et là de taches livides. La mort survint avant que le sphacèle se fut déclaré. Dans ces cas, comme dans les précédents, les veines principales des mem-bres étaient oblitérées par des caillots décolorés, et évidem-ment de date ancienne.

Je rapporterai également à la thrombose artérielle deux cas de gangrène sèche de plusieurs doigts de la main, observés le premier, chez une femme atteinte de cancer gastrique; le second, chez une autre femme qui présentait un vaste cancer du sein, en cuirasse. L'autopsie a fait reconnaître, dans ces deux cas, l'existence d'un thrombus qui occupait l'extrémité inférieure de l'une des artères humerales et se prolongeait à une certaine distance, dans la cavité des artères cubitale et radiale correspondantes.

Les cavités du cœur gauche, les veines pulmonaires, l'aorte ont été explorées avec soin chez tous les sujets dont il vient Têtre question ; il n'y existait aucune trace de concrétions fibrineuses ayant pu donner lieu à une embolie. D'un autre côté, les tuniques des artères oblitérées parles caillots étaient tout à fait saines. Pour expliquer la production de la throm-bose dans tous ces cas, il ne reste plus guère, par conséquent,

qu'à invoquer l'influence d'une altération particulière du sang analogue à celle qui, lorsqu'il s'agit du sang veineux, permet de comprendre l'existence si fréquente des concrétions san-guines veineuses, chez les sujets affaiblis par une maladie de longue durée.

TROISIÈME PARTIE

Altérations du sang.

Leucocythémie et Mélanémie.

ALTÉRATIONS DU SANG

LEUCOCYTHÉMIE. — MÉLANÉMIE.

L

Observation de Leucocythémie1.

L'altération du sang, caractérisée par l'augmentation de la proportion des globules blancs, et, habituellement, liée à l'hypertrophie de la rate, la leucocythémie, en un mot (Lienaler Leukaemie de Virchow, Leucocythemia de Bennet)est encore assez peu connue en France. En Angleterre et en Allemagne, elle a été, au contraire, beaucoup étudiée, grâce à l'impul-sion donnée, dans ces deux pays, par les travaux de Bennet (d'Edimbourg) et de Virchow (de Wurtzbourg). Cependant les observations bien authentiques que possède la science sur cette intéressante affection sont encore peu nombreuses. M. le Dr Utile (de Leipzig) qui les a relevées et disposées par ordre chronologique dans un tableau que nous croyons utile de repro-duire à la fin de ce travail, n'en compte que vingt-six. A ces vingt-six observations, il faut ajouter, aujourd'hui, celle qui a été recueillie, à la Charité, dans le service de M. Rayer, par M. Leudet, et qui fait le sujet d'un travail historique et critique fort intéressant, lu à la Sociétéde Biologie, par ce médecin, le 1er mai 1852, celle de M. Uhle lui-même (Archiv. V. R. Vir-

» Comptes rendus de la Société de biologie, 1853, p. 44. — En collaboration avec M. Ch. Robin.

chow, 5, Band, 3 Ileft ; Berlin, 1852), et enfin celle qu'on va lire.

Notre observation ne diffère pas essentiellement de celles qui ont été antérieurement publiées ; elle nous a paru surtout intéressante en ce qu'elle fait bien connaître les phénomènes du début de la maladie.

Nous noterons, en outre, qu'il n'existait pas chez notre ma-lade d'hypertrophie du foie ou des ganglions lymphatiques ; que les troubles intestinaux ont été chez lui très peu pronon-cés, les suffusions séreuses à peine marquées.

Observation. — Bonne santé habituelle. — Accidents véné-riens.— Exostoses symétriques. — Chagrins: dépression morale ?et intellectuelle. — Etat actuel : amaigrissement. — Hypertrophie de la rate. — Mélancolie. — Suicide : fracture du crâne; mort.

Autoi'sie. — Enfoncement du pariétal. — Rate volumineuse. — Etat du sang. — Examen microscopique de larale et du sang.

Le nommé Martin (Louis), âgé de 45 ans, peintre en bâ-timents, entre, le 18 avril 1853, à l'hôpital de la Charité, service de la clinique, salle Saint-Charles, n° 12; mort le 22 avril. Cet homme, assez vigoureux et bien constitué, a généralement joui d'une bonne santé; il a cependant éprouvé, à deux reprises, et pour la dernière fois, il y a cinq ans, des accidents vénériens (blennorrhagies?) ; il porte actuellement, vers le tiers inférieur de la face interne des deux tibias, deux exostoses symétriquement disposées, assez volumineuses, et recouvertes de taches d'un violet sombre; il n'y a jamais eu, d'ailleurs, d'autres taches sur le tégu-ment externe; il n'a jamais eu de fièvres intermittentes et n'a jamais habité de pays où ces fièvres sont endémiques ; il n'a jamais éprouvé aucun phénomène saturnin ; jamais il n'a été retenu au lit, même pendant quelques jours, par une maladie ou par une simple indisposition. Il y a un an, environ, il éprouva de violents chagrins, qui lui furent causés par sa femme, dont il se vit forcé de se séparer ; depuis ce temps, son moral est sans cesse affecté, et son intelligence, ainsi qu'il l'avoue lui-même, s'est un

peu pervertie. Depuis cette époque, il éprouve des digestions pénibles, des maux d'estomac, de la diminution d'appétit, de la constipation alternant avec la diarrhée, des douleurs de tête. En même temps, il commence à maigrir et prend un teint cachectique ; il devient de plus en plus nerveux et irritable et se voit enfin bien-tôt incapable de faire son état ; il n'a pas travaillé depuis bientôt environ six mois.

Il y a quatre mois, environ, il remarque sur son flanc gauche, où il sent, déjà depuis longtemps, beaucoup de pesanteur, surtout quand il marche, l'existence d'une tumeur volumineuse que nous aurons à décrire. Il y a trois mois, environ, les deux membres in-férieurs se sont gonflés simuttanément et sont devenus œdémateux à deux reprises; mais, à la suite de purgations énergiques, pres-crites par un médecin, le gonflement a rapidement disparu et la tumeur du bas-ventre, au dire du malade, s'est elle-même amoin-drie, l'œdème des jambes n'a pas reparu depuis ce temps.

État actuel. — A son entrée à l'hôpital, nous trouvons le ma-lade dans l'état suivant: amaigrissement assez prononcé des membres et de la face ; abdomen tuméfié, surtout du côté gauche ; teinte pâle et un peu jaunâtre des téguments ; nulle part de l'œdème : souffle assez prononcé, intermitlent, dans les vaisseaux du cou. Malgré l'altération qu'a évidemment subie la nutrition, le malade paraît encore fort et assez vigoureux. H répond nettement à toutes les questions qu'on lui pose, mais il paraît d'une irritabilité excessive. Il parle sans cesse de ses chagrins do-mestiques, et il avoue que la nuit il est sans cesse agité par des rêves pénibles, et que parfois il n'a pas la tête à lui.

Le pouls est régulier, à 48, assez plein, le cœur a son volume normal et ses bruits sont naturels ; la peau présente une tempéra-ture convenable. Le malade assure qu'il n'éprouve jamais le moin-dre mouvement de fièvre. Respiration tout à fait normale; raison-nance normale des deux poumons, constatée par la percussion ; pas le moindre râle n'est perçu par l'auscultation de la poi-trine.

Le malade a conservé un assez bon appétit, mais il évite de

manger autant que sa faim lui commande de le faire, car, en pareil cas, mais seulement alors, la digestion devient pénible, l'estomac se gonfle et la respiration devient anxieuse pendant quelques heures ; jamais de vomissements,

Rien de notable dans l'état des sécrétions ; le malade va à la selle deux fois par jour, sans diarrhée ; il urine avec facilité et son urine est claire, exempte d'albumine et de la matière colorante de la bile.

Le foie s'élève jusqu'à la cinquième côte droite, et par en bas il ne dépasse pas le rebord costal. La langue est tout à fait natu-relle.

L'abdomen présente, ainsi que nous l'avons dit, un volume exa-géré, il est facile de s'assurer par la percussion que cet excès de volume n'est pas dû. à la présence de sérosité. Des veines volumi-neuses se dessinent en bleu sous la peau de la partie latérale gau-che de l'abdomen et de la partie latérale et inférieure du côté gauche du thorax. Par la palpation on distingue immédiatement sous le rebord des fausses côtes gauches une tumeur volumineuse, aplatie, dure, régulière, circonscrite par des bords bien nets, comme tranchants, s'étendant par en bas, jusque dans le flanc gauche, et qui atteint, en dedans, la ligne médiane, vers laquelle elle se dirige en forme de pointe obtuse. Cette tumeur ne se dé-place pas, quand on ordonne au malade de changer de position; mais on peut la soulever avec la main et la repousser par en haut vers le diaphragme, quand le malade est assis sur le lit; en plon-geant l'extrémité des doigts sous les rebords des côtes, on peut se convaincre qu'elle remonte très haut dans l'hypocondre gauche ; en un mot, elle présente à la palpation tous les caractères des rates devenues volumineuses dans le cours de certaines fièvres pa-ludéennes. La percussion pratiquée en suivant une ligne qui part de l'aisselle pour se rendre à l'épine iliaque antérieure et supé-rieure, donne à la matité une étendue de 19 centimètres dont 16 au-dessus du rebord des côtes et 4 dans le flanc gauche ; en suivant une ligne qui forme avec la précédente un angle légèrement obtus, dont le sinus regarde en haut et à droite, on obtient une matité de 25 à 30 centimètres d'étendue ; en circonscrivant avec un crayon

l'espace mat obtenu après avoir percuté dans toutes les directions intermédiaires aux deux précédentes, on dessine une figure ovale dont le grand axe est dirigé obliquement de haut en bas et de droite a gauche. La tumeur n'est le siège d'aucune douleur spon-tanée ; la pression et la percussion n'}' déterminent aucune sensa-Lion pénible ; elle ne fait guère éprouver au malade qu'un senti-ment de gêne, dont nous avons parlé, qui paraît dû à son poids, et qui est surtout remarquable pendant l'état de plénitude de l'es-tomac. — Prescription : lodure de potassium en solution, 1 gr. chaque jour ; sous-carbonate de fer, 1 gramme.

Les 19, 20 et 21, le malade mange d'un bon appétit; pendant le jour, il paraît calme, et ne donne aucun signe d'aliénation men-tale , mais, pendant la nuit, il est fort agité, il ne peut dormir; il sort à plusieurs reprises de son lit pour aller réveiller ses voisins, sous le prétexte de les entretenir de ses peines. Le 21, dans la journée, il confie à un de ses voisins qu'il a l'intention de se dé-truire. Le 22 avril, vers dix heures du soir, il profite d'un moment où l'infirmier de veille est occupé auprès d'un malade, sort brus-quement de la salle et se précipite du haut du premier étage de l'escalier. On le relève dans l'état le plus grave. L'interne de garde, immédiatement appelé, constate l'existence d'une fracture étendue de la base du crâne, et suppose l'existence d'une contusion et d'une commotion cérébrale très intense: résolution, insensibilité presque complète des membres ; respiration stertoreuse, et bien-tôt râle laryngo-lrachéal. Le malade meurt une heure environ après la chute.

Autoi'Sie faite le 24 avril, à huit heures du matin. — Crâne. — Plaie contuse delà grandeur d'une pièce de 5 francs, intéressant toute l'épaisseur du cuir chevelu, située au niveau de la partie postérieure du pariétal droit, et au fond de laquelle on perçoit une fracture avec écartement des os très manifeste ; fracture très étendue, avec enfoncement léger des fragments, occupant le tiers antérieur de l'occipital et le tiers postérieur du pariétal droit. La cavité de l'arachnoïde et le tissu cellulaire sous-arachnoïdien ren-ferment, au niveau de la fracture, une certaine quantité de sang à Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons. 21

demi coagulé, qui ne paraît pas beaucoup comprimer le cerveau. Le cerveau est injecté ; il ne présente pas de ramollissement dans les parties voisines de la fracture.

Abdomen. — Pas de liquide dans le péritoine ; foie de volume et de consistance normales; reins tout à fait sains; l'estomac et les intestins, examinés dans toute leur étendue, n'ont rien pré-senté de remarquable : aucune tuméfaction des ganglions lym-phatiques.

La rate a conservé sa l'orme naturelle, mais elle est extrême-ment volumineuse (0,30 centimètres pour le grand axe, 0,19 cen-timètres et demi de haut en bas ; épaisseur, dans son centre, 3 et demi à 4 centimètres) ; elle offre, quand on fa coupe, la couleur et à peu près la consistance d'un foie sain ; elle contient peu de sang : elle ne présente, d'ailleurs, à l'œil nu, aucune modification dans sa texture.

Thorax. — Pas de sérosité dans les plèvres; poumons sains, cœur sain, de volume normal.

État du sang. — Le sang contenu dans le ventricule droit a une couleur acajou, ou plutôt rouge brique, très singulière, il est fluide, trouble; il paraît mélangé de petits corpuscules blan-châtres, presque imperceptibles à l'œil nu, et qui lui donnent un aspect louche; il contient, en outre, de nombreux grumeaux blanchâtres et d'une teinte légèrement violacée, très semblable à des grumeaux de lait caillé, lesquels s'écoulent avec le sang et n'adhèrent nullement aux parois ventriculaires. Le sang se mon-tre avec les mêmes caractères dans toute l'étendue de la veine cave, dans la veine porte, dans les veines mésaraïques et spléni-ques. Mais ce n'est guère que dans la veine cave et le ventricule droit qu'on rencontre des grumeaux nombreux et volumineux. Dans les veines du système porte, le sang est seulement louche, trouble et d'une couleur rouge brique. Le sang que contient le cœur gauche est d'une couleur noirâtre assez foncée ; il est pois-seux, très incomplètement coagulé, et il contient deux ou trois grumeaux de couleur violette, analogues à ceux qui ont été signa-lés dans le ventricule droit. Plusieurs veines ont été ouvertes ; aucune d'elles n'était oblitérée par des caillots décolorés.

Examen microscopique du sang et de la rate, par M. Robin. — Le sang recueilli dans le cœurgauche, et qui présentait une coloration d'un rouge violet foncé, était celui qui renfermait le moins de globu-les blancs du sang. Là, ces globules blancs étaient moins nombreux que les globules rouges ; il n'y avait pas de petits caillots fibri-neux ; on rencontrait quelques cristaux losangiques, en très petite quantité. Le sang pris dans le ventricule droit avait une colora-tion d'un rouge brique, tirant au blanc plus qu'au violet ; il ren-fermait une quantité de globules blancs plus considérable que ne l'était celle des globules rouges, ou au moins à peu près égale. De ces globules blancs, les uns étaient libres, les autres étaient englo-bés avec un certain nombre de globules rouges dans de petits cail-lots fibrineux. Chacun de ces caillots était constitué par une pe-tite masse de fibrine présentant une partie nettement fibrillaire et nettement granuleuse, et une partie composée de couches homo-gènes simplement striées, sans distinction aussi nette des fibrilles isolables.

Voici, maintenant, quels étaient les caractères des globules blancs ; les globules rouges n'ayant présenté rien d'anormal ne méritent pas de description spéciale.

Nous décrirons d'abord: A, les globules du sang, puis, B, les glo-bules blancs proprement dits.

A. Globulins. —Ils sont peu nombreux relativement; toutefois, ils existent en bien plus grande quantité qu'à l'état normal. Ainsi, on en rencontre de 10 à 15 dans le champ du microscope, tandis qu'à l'état normal on en rencontre tout au plus 1 ou 2. Us ont, d'ailleurs, tous les caractères qu'ils présentent dans le sang nor-mal ; leur diamètre est régulièrement de 0,0005 à 0,0006 demillim., ils sont très finement granuleux et toujours dépourvus de noyau.

B. Globules blancs. — Nous en distinguerons deux variétés : 1° Globules blancs ayant conservé tous leurs caractères normaux, c'est-à-dire parfaitement sphériques, très finement granuleux. Quelques-uns d'entre eux présentent un assez grand nombre de granulations plus noires, à contours nets et à centre plus brillant. On les rencontre à l'élat normal, avec ces mêmes caractères; mais ils sont alors moins abondants. Tous les globules de cette caté-

gorie conservent un caractère important et qui distingue surtout l'état normal, c'est-à-dire qu'ils manquent de noyau. Leur diamètre varie entre 0,0003 et 0,0009 de millimètre.

2° Globules blancs différant de ceux que l'on rencontre à l'état normal par la présence du noyau. Les globules de cette catégo-rie diffèrent des précédents par leur diamètre qui oscille entre 0,0009 et 0,014 millim., plusieurs d'entre eux ont, en outre, une forme moins régulièrement sphérique, sphéroïdale ou polyé-drique. Ce qui les distingue particulièrement, c'est un noyau sphérique ou, plus rarement ovoïde, dont le diamètre varie entre 0,0004 et 0,0005 de millim. Ce noyau est pourvu de fines granulations, mais il n'a pas de nucléole proprement dit. Entre le noyau et le contour du globule se trouvent soit de fines granu-lations moléculaires, anafogues à celles qu'on trouve dans les globules blancs normaux, soit des granulations un peu plus foncées, à centre brillant.

Les globules, porteurs d'un noyau, étaient bien plus abondants que les nodules sans noyaux. L'acide acétique donnait aux noyaux une teinte rougeâtre; le même acide, mis en contact avec les glo-bules blancs sans noyaux, déterminait une coagulation de leur contenu, sous forme de deux ou quatre noyaux plus petits que ceux qui ont été décrits ci-dessus (n°2), ces petits noyaux présen-taient, d'ailleurs, également la coloration rougeâtre d'une ma-nière très nette et très tranchée. (Voir, d'ailleurs, pour l'étude de cette action de l'acide acétique sur les globules blancs du sang,, comparativement aux globules de pus : Ch. Robin. Examen com-paratif des Taches de sang, de rouille, etc., dans Briand, Chaude et Gaultier de Caubry, Manuel de médecine légale, 5e éd., Paris 1852,. p. 786 et la planche, p. 794.)

La différence la plus frappante qui existe entre les globules que nous venons de décrire et ceux qu'on rencontre dans le sang à l'état normal, c'est l'existence, au centre des premiers, d'un noyau qui manque dans les globules normaux ou que l'on n'y rencontre qu'après l'action de l'eau. Il faut noter, en outre, comme caractère-de l'état morbide, le grand volume des globules blancs et du noyau qu'ils renferment.

4. V. Fuller. — The Lancet, Jul. and oct. 1846.

5. V. Wintrich (Virchow), Pr. Ver. Zt., 3. 1847 ; Schm. Jahrb. Bd. 39, p. 182.

6. V. Virchow, Reinhardts und Virchoiu's Arch. Bd. 2, p. 587.

7. V. Vogel, idem, Bd. 2.

8-23, V. Bennet (Robertson, Parkes, Fuller) Monthly Journal, Jan., apr. 1851.

24-26. V. Virchow, Arch., V. 1.

On rencontrait, dans le sang du ventricule droit, mêlés aux glo-bules blancs, une grande quantité de cristaux lozangiques, fort réguliers, légèrement colorés en rouge jaunâtre. Ces mêmes cristaux étaient extrêmement abondants dans le tissu de la rate où ils formaient des amas considérables bien que visibles seule-ment au microscope.

Dans le tissu de la rate on trouvait, en outre, une très grande quantité de cellules d'épitbélium parvimenteux à angles arrondis, présentant de 0,012 à 0,015 de millimètre de diamètre, et ayant tous un noyau sphérique, sans nucléole du volume de 0,005 à 0,008 de millim. Ces cellules se distinguaient aisément des globu-les blancs très nombreux qui les accompagnaient par leur forme polyédrique, et, en outre, par l'action de l'acide acétique qui les rendaitbienmoins transparentes et necommuniquait pas au noyau de coloration rougeâtre.

Tableau des observations de Leucocythémie bien constatée (Uhle).

1. V. Virchow, Fror, N. Not, n° 780, 1845; u. R. Ver. Ztg, n°34, 1846; u. Schm. Jahrb. Bd. 57, p. 181.

2. V. Craigie ) Edinb. Journ., oct, 1845 et Schm. Jahrb. Bd. 50,

3. V. Bennet \ p. 305.

II.

De la mélanémie, altération du sang par des granules et des corpuscules de pigment

Des travaux récents ont appelé l'attention des médecins sur un ordre de faits pathologiques dans lesquels, à une altération toute spéciale et jusqu'alors non encore décrite du sang et des viscères, viendrait se joindre un ensemble de symptômes particuliers. — L'altération du sang consiste essentiellement dans la présence, au sein de ce liquide, d'un nombre plus ou moins considérable de granulations, de corpuscules ou de cellules pigmentaires ; celle des viscères est en grande partie le résultat de l'accumulation de ces mêmes corpuscules de pigment dans la cavité même des vaisseaux capillaires; quant aux symptômes qu'il conviendrait de rattacher à ces diverses altérations, ils varieraient singulièrement, principalement en raison du siège et de l'étendue des lésions. Ces lésions et ces symptômes ne paraissent pas devoir constituer une maladie primitive et ayant une existence réellement à part; on les voit habituellement se manifester dans le cours où à la suite des fièvres intermittentes, et leur étude devra peut-être, un jour, former un chapitre important dans l'histoire générale de l'in-toxication paludéenne. Le terme mélanémie (melanœmia) a été unaniment accepté, en Allemagne, pour spécifier les cas dont il s'agit, en raison de l'altération particulière du sang, qui est un de leurs traits les plus caractéristiques.

i Extrait de la Gazette hebdomadaire, 1857, p. G:9.

Les travaux concernant la mélanémie sont peu nombreux ; ils ont été presque tous publiés en Allemagne; tous sont de date récente: Bailly1 et M. Maillot2, il est vrai, avaient déjà fait remarquer l'existence fréquente d'une coloration ardoisée toute spéciale de la substance corticale du cerveau, chez les individus qui succombent aux fièvres intermittentes; Billard3 et R. Bright4, avaient rencontré cette même coloration de la substance grise chez des individus morts à la suite d'accidents cérébraux dont la nature était restée douteuse : celte colora-lion était, suivant toute probabilité, le résultat d'une altération pigmentaire ; mais sa signification devait reste ignorée, à une époque où l'usage du microscope était loin d'être répandu.

Dès 1847, II. Meckel3 rencontra des corpuscules de pig-ment dans le sang d'un aliéné qui avait succombé à la phlhisie pulmonaire. La rate, le foie et le cerveau présentaient, à un haut degré, l'altération pigmentaire. L'existence de la fièvre intermittente ne se trouve pas notée parmi les antécédents de ce malade. — Deux ans après, M. Virchow6 observa de nom-breuses cellules pigmentaires dans le sang d'un homme qui était devenu hydropique à la suite de» fièvres intermittentes prolongées : la rate et le foie contenaient en abondance des corpuscules de pigment. — Peu de temps après, Heschl 7 a étudié avec beaucoup de soin les altérations pigmentaires qui se développent dans la rate, le foie et les glandes mésentéri-ques, à la suite des fièvres intermittentes. — Dans un second travail, Meckel8 a repris l'étude delà mélanémie etil a reconnu la relation qui existe entreelle et les maladies paludéennes. —

1 Bailly. — Traité (tes fièvres intermittentes. Paris, 1825.

2 Traité des fièvres ou irritations spinales intermittentes. Paris, 1836.

3 Archives générales de médecine, L. IX, 182j, p. 492.

i Reports ofMelical Cases. London, 1831, pl. XVtl, XIX, cap. CI.

Zeitschrift für Psychiatrie, von Damerow, 1847. 0 Archiv für patholog. Anat., 1849.

7 Zeitschrift der Gesellschaft der Aerz/e zu Wien. 1830.

8 beistehe Klinik, 1850. 50.

Le travail de Planer1 sur le même sujet contient des observa-tions suivies d'autopsie. Malheureusement, l'histoire de la maladie y est toujours indiquée d'une manière très incomplète. — L'épidémie de fièvres intermittentes qui a sévi en Silésie pendant l'été de 1854, à la suite de grandes inondations, a fourni au docteur Frerichs2 l'occasion d'étudier l'affeclion mélanémique sur une grande échelle. Dans son travail, l'au-teur a pris surtout pour tâche d'élucider le point de vue clini-que. Il est à regretter qu'il n'ait pas étayé ses descriptions d'un certain nombre d'observations particulières. — Roki-tansky et Wedl ont traité de la question dans divers endroits de leurs traités d'anatomie pathologique ; Griesinger lui 3 a accordé quelques développements dans un article consacré à l'étude des maladies paludéennes. — C'est évidemment au même ordre de faits qu'il faut rattacher les observations pu-bliées par le docteur Tigri sous le nom de milza nora (rate noire), et dont on trouve l'analyse et la critique dans le pré-sent volume de la Gazette hebdomadaire 4.

Tels sont, à notre connaissance du moins, les seuls travaux qui aient été publiés sur la mélanémie; les documents qu'ils renferment sont, il faut l'avouer, souvent imparfaits, et ils ne permettent certainement pas d'édifier une histoire complète : de nouvelles recherches sont nécessaires tant pour contrôler les faits acquis que pour combler les nombreuses lacunes qui existent encore. L'occasion d'entreprendre un semblable tra-vail ne peut malheureusement pas manquer de se présenter

1 Zeitschrift der Gesellschaft der Aerzte zu Wien, 10 Jahr, 1 Bd., 1854, p. 127, 280.

s Zeitschrift für klinische Medizin., von Günsburg, 1855-6, p. 321. 3 Handbuch der spec. Patholog. von Virchow, 2 Bd, 2 Ab., 1 Heft, 1857, 5.

*Juin 1857. — Le docteur Fuehrer a parlé incidemment de la mélané-mie, dans un mémoire sur les altérations de la rate. (Archiv, von Vierordt, 15 lévrier 1856, et Gazette hebdomadaire, 1856, p. 43.

un jour ou 1 autre, principalement dans les contrées ou Jes fièvres intermittentes régnent d'une manière endémique. C'est pourquoi nous avons cru utile d'exposer, de coordonner les plus importants des documents qu'on possède sur la ques-tion, nous réservant d'en faire, chemin faisant, la critique, autant du moins que cela est possible, lorsqu'il s'agit d'un sujet sur lequel on ne possède aucune expérience person-nelle.

Le pigment qu'on trouve mêlé au sang, dans la mélanémie, se montre sous plusieurs aspects. Ce sont d'abord des granu-lations arrondies, de couleur noire, plus rarement de couleur brune, brun jaunâtre ou même rouge. Ces granulations exis-tent quelquefois à l'état de liberté ; mais, le plus souvent, elles s'agglomèrent au nombre de 2 ou 3, ou même plus encore, et paraissent alors enveloppées d'une substance hyaline, transparente, soluble dans les alcalis et dans les acides. Il en résulte des corpuscules de forme arrondie ou ovale, généralement très irrégulière, et dont le volume varie de 0mm,003 à 0mm,012. En raison de l'irrégularité même de leur forme et de l'absence habituelle d'un noyau distinct, ces corpuscules ne paraissent avoir avec les cellules proprement dites que des analogies éloignées: Ainsi pensent le professeur Meckel et le docteur Planer. Toutefois, dans un cas observé par M. le professeur Virchow, les granules de pigment étaient contenus dans de véritables cellules, dont les unes étaient allongées en manière de fuseau, tandis que les autres rappe-laient par leur forme et par leur aspect les globules blancs du sang. Cette observation de Virchow a été confirmée par les recherches de Frerichs, qui a rencontré aussi, dans un cer-tain nombre de cas, et, en particulier, dans le sang de la veine porte, des corpuscules pigmentaires qui présentaient tous les caractères des cellules à noyau. Le pigment se rencontre en-

core sous iorme de fragments, ou, si 1 on peut ainsi dire, de petits blocs (Schollc) dont le volume peut atteindre 0mm,0o. La configuration de celle variété de corpuscules est toujours des plus irrégulières; ils ont des contours anguleux et pren-nent les formes les plus variées : on dirait des fragments vio-lemment détachés d'une masse primitivement plus considéra-ble. Ils ont une coloration uniformément noire ou brune, ou bien encore ils sont mi-partie bruns et noirs. Enfin, on les voit assez souvent enveloppés d'une substance hyaline qui forme à leur pourtour une sorte d'aréole transparente. — Planer a rencontré deux fois, dans le ventricule gauche du cœur, des corpuscules transparents qui renfermaient à leur centre, outre les granules de pigment, de deux ou trois cristaux d'hématoïdine d'une belle couleur rouge, d'une confi-guration géométrique très nette.

Parmi les corpuscules pigmentaires, il en est un certain nombre qui pâlissent alors qu'on fait intervenir les acides ou les alcalis caustiques : ce sont sans doute ceux dont la forma-tion est la plus récente ; les autres, apparemment de date plus ancienne, résistent, au moins pendant fort longtemps, à l'action de ces mêmes agents. Meckel est parvenu, dans certains cas, à produire à l'aide du chlore des décolorations complètes ; mais Planer a répété cette expérience sans arriver au même résultat.

Le nombre des corpuscules de pigment varie singulière-ment, suivant les cas. Le plus souvent on en compte de dix à quinze au plus sous le champ du microscope. Ces particulari-tés peuvent être, pour la plupart, aisément constatées, alors qu'on extrait, pendant la vie, une petite quantité de sang, par le moyen d'une légère piqûre ou d'une scarification super-ficielle.

Outre les corpuscules de pigment, on trouve encore, dans

le sang des meianemiques de petits caillots hyalins qui ne ren-ferment pas de matière colorante. Leur transparence com-plète fait qu'ils peuvent aisément passer inaperçus. — Les globules rouges du sang ont diminué de nombre ; ils ne pré-sentent, d'ailleurs, aucune altération. — Meckel a observé dans certains cas, une augmentation de proportion des globu-les blancs du sang. Mais cela est loin d'être constant, et, dans la plupart des cas, le nombre de ces globules reste dans les limites normales.

On ne sait rien de positif relativement au mode de réparti-tion des corpuscules pigmentaires dans les diverses parties des systèmes artériel et veineux. Frerichs a cru remarquer cependant que, dans le système de la veine porte, ces corpus-cules sont habituellement plus abondants qu'ailleurs; ils s'y rencontrent aussi plus souvent avec les caractères de vérita-bles cellules. Pour ce qui concerne les vaisseaux capillaires, c'est d'une manière générale, dans la cavité même de ces vaisseaux, et non pas en dehors d'eux, dans les cellules des parenchymes, par exemple, ou dans les intervalles des cellu-les, que paraissent siéger surtout les corpuscules pigmen-taires qui donnent aux organes une coloration brune d'autant plus foncée qu'ils s'y amassent en nombre plus considérable. D'après cela, on peut admettre que la répartition du pigment dans les différentes régions du système capillaire est fort inégale ; caries divers organes sont loin de présenter tous au même degré l'altération mélanémique. La rate présente les lé-sions les plus prononcées et les plus constantes ; viennent en-suite le foie, le cerveau, et enfin les reins, les ganglions lym-phatiques, etc.

La rate est volumineuse, d'une consistance molle et friable, principalement lorsque l'affection est de date récente , elle est

au contraire, petite, plus petite même qu'à l'état normal, et d'une consistance très dure, si la maladie a été de longue durée. Sa couleur est d'un rouge-brun, chocolat, violet foncé, ou encore noire et véritablement charbonneuse (milza nera de Tigri). Les teintes les plus sombres correspondent naturel-lement aux degrés les plus avancés de l'altération. On a re-marqué que le pigment se rencontre fort rarement dans les cellules spléniques ou dans les corpuscules de Malpighi. On en a conclu qu'il s'accumule presque exclusivement dans les cavités des sinus vasculaires de la rate: c'est tout ce qu'on pouvait faire, en raison de l'état peu avancé de nos connais-sances concernant l'histologie normale de cet organe.

Le foie peut, suivant les cas, n'avoir pas changé de volume, ou présenter des dimensions exagérées ; il est quelquefois ma-nifestement atrophié1, principalement dans les cas anciens. Il est habituellement d'une teinte grise ardoisée plus ou moins foncée, et la coloration anormale y est uniformément répan-due, ou, au contraire, disposée sous forme de plaques, de marbrures. Il est facile de s'assurer, en examinant des coupes rendues transparentes à l'aide d'une solution alcaline ou de l'acide acétique, que les corpuscules colorés siègent à peu près uniquement dans les vaisseaux capillaires de l'organe ; on les rencontre rarement dans les cellules hépatiques ou dans leurs interstices (Ileschl, Frerichs, Wedl).

Bailly et M. Maillot avaient, nous l'avons dit, remarqué que la substance corticale du cerveau présente souvent une teinte ardoisée toute particulière chez les individus qui ont succombé à la suite de fièvres intermittentes malignes. Mais c'était là un fait d'observation dont la signification et dont la portée étaient

» Voir dans Ilaspel (Maladies de l'Algérie, p. 335) un cas qui se rapporte très probablement à cette atrophie du foie consécutive à l'altération pig-mentaire.

restées ignorées. Cette coloration anormale, ainsi que Meckel et Planer l'ont démontré, dépend de l'accumulation dans les très petits vaisseaux1 qui composent le réseau capillaire, de la substance grise, d'une quantité plus ou moins considérable de corpuscules de pigment; elle peut se montrer non-seule-ment dans la couche corticale, mais encore, bien qu'à un de-gré moins prononcé, dans toutes les autres parties de l'encé-phale et de la moelle, qui contiennent des cellules ganglion-naires. Elle se répand en teintes uniformes, ou produit des taches, des marbrures, ou bien encore un pointillé très fin et très serré. La substance blanche, à parties cas d'une intensité exceptionnelle, est généralement respectée. L'entassement des corpuscules de pigment dans les capillaires est quelque-fois porté à un tel point, que la lumière de ces vaisseaux est littéralement oblitérée, et que leurs parois sont fortement dis-tendues, comme cela arriverait par le fait d'une injection heu-reuse. Il n'est pas rare de rencontrer alors, dans les diverses parties de l'encéphale qui présentent la teinte ardoisée, de nombreux foyers d'apoplexie capillaire (Meckel, Planer, Fre-richs). L'hémorragie cérébrale proprement dite n'a pas été rencontrée en pareil cas; il n'en est pas de môme de l'hé-morragie méningée, dont l'existence a été quelquefois si-gnalée.

Lorsque les reins sont altérés, les vaisseaux de la subs-tance corticale et des glomérules de Malpighi sont oblitérés, par suite de l'agglomération des corpuscules de pigment; les pyramides sont habituellement intactes. L'altération pigmen-taire se rencontre assez fréquemment dans les glandes lym-phatiques, les membranes muqueuses, le poumon ; mais elle ne paraît pas y exister jamais à un degré très marqué.

1 Suivant Kôlliker, les plus petits capillaires de l'encéphale ont seulement de 0* 002 J à 0^,002 de diamètre.

Les corpuscules colorés que renferme le sang des mélané-miques sont doués, comme on l'a vu, de tous les caractères anatomiques ou chimiques qui distinguent les diverses varié-lés de la matière pigmentaire ; ils appartiennent donc à ce groupe de substances qui tirent leur origine de la dissolution, ou, comme on dit encore, de la métamorphose régressive que subissent les globules rouges du sang dans certaines circons-tance pathologiques. De plus, habituellement, ces métamor-phoses, qui aboutissent à la formation des granules de pig-ment, s'opèrent aux dépens du sang extravasé dans l'épais-seur d'un tissu, d'un parenchyme ; mais, dans les cas qui nous occupent, c'est au sein même du système vasculaire qu'elles doivent avoir lieu, puisque l'élude anatomique ne permet pas de reconnaître l'existence d'infiltrations, de foyers hémorragiques, où se formeraient d'abord les corpuscules de pigment, pour passer de là dans le torrent circulatoire. Il pa-raît peu probable, toutefois, que la destruction des globules rouges s'opère indistinctement et au même degré dans tous les points du système vasculaire. Il est des organes qui, comme la rate et le foie, par exemple, réunissent les condi-tions les plus favorables à cette destruction. La rate, en parti-culier, est creusée de vastes sinus vasculaires qui permettent la stagnation et favorisent sans doute les métamorphoses des globules du sang ; elle renferme souvent, même dans l'état physiologique, des corpuscules de pigment analogues à ceux qui s'y accumulent en si grand nombre, en cas de mélanémie. L'observation a fait voir, enfin, que les altérations pigmentai-res y sont généralement plus prononcées et plus constantes que partout ailleurs. Ainsi, la rate, peut être profondément al-térée alors que le foie, les reins et le cerveau ne le sont pas ou le sont à peine, et ceux-ci ne sont jamais lésés sans que celle-là ne le soit en même temps et à un plus haut degré1. Ces argu-

1 Frerichs a rapporté un cas exceptionnel dans lequel la rate ne présen-

ments, et d'autres encore dont l'exposition nous entraînerait trop loin, ont paru suffisants pour faire admettre que les cor-puscules de pigment se développent primitivement et exclusi-vement dans la rate, et peut-être aussi dans le foie et les gan-glions lymphatiques. Une fois parvenus dans le torrent circu-latoire, ceux de ces corpuscules qui ne sont pas retenus dans les petits vaisseaux du foie s'accumuleraient dans les divers organes, mais plus particulièrement dans le cerveau et dans les reins, en raison des conditions anatomiques toutes spécia-les qu'y présente le système capillaire. Telle est, en résumé, la théorie émise par Meckel et Frerichs et adoptée, à quelques variantes près, par la plupart des auteurs : nous n'entrepren-drons pas de la discuter. Nous pensons, en effet, que la solu-tion des questions qu'elle soulève pourra être obtenue seule-ment à l'époque où la physiologie aura pénétré, plus avant en-core qu'elle ne l'a fait jusqu'à ce jour, dans l'étude des phéno-mènes de la formation et, si l'on peut ainsi dire, de la défor-mation des divers éléments constitutifs du sang.

La mélanémie se développe à peu près exclusivement dans le cours où à la suite des fièvres intermittentes; c'est là un point sur lequel s'accordent tous les auteurs qui se sont oc-cupés du sujet. On l'a bien quelquefois rencontrée dans des circonstances où la fièvre d'accès n'avait pas été notée parmi les antécédents des malades ; mais les observations de ce genre sont généralement défectueuses, et elles commandent la plus grande réserve. — Jusqu'àprésent,rienne prouve que la mélanémie puisse exister à titre d'affection primitive et in-dépendante de toute autre maladie ; de nouvelles recherches sont également nécessaires pour décider s'il faut lui rapporter

tait pas l'altération pigmentaire, tandis que le foie la présentait à un haut degré. Le fait démontre, suivant l'auteur, que la rate n'est pas le seul or-gane où s'opère la destruction des globules rouges du sang. (Loc. cit., p. 329.)

les cas de pyémie, de typhus, de gangrène, auxquels Roki-tansky fait allusion dans son Traité d anatomie pathologique, et dans lesquels le sang contenait un certain nombre de cor-puscules de pigment. — Si l'on en juge d'après le travail de Frerichs, l'altération pigmentaire constituerait une complica-tion fréquente de la fièvre intermittente, au moins dans cer-taines épidémies ; le docteur Magnus lluss assure l'avoir ren-contrée à peu près constamment dans les cas nombreux de ca-chexie paludéenne qu'il a observés à Stockholm, pendant ces trois dernières années1. On ignore d'ailleurs, quelles sont les circonstances qui favorisent son développement. Peut-elle se surajouter à peu près indifféremment à toutes les formes de l'intoxication palustre ? Meckel est porté à penser qu'elle se manifeste principalement dans les cas où les accès présentent une certaine intensité et dans ceux où la rate acquiert un grand développement. Mais Planer l'a vue tantôt coïncider avec des accès d'intensité moyenne, et tantôt aussi faire com-plètement défaut, dans des cas où, cependant, la rate aurait acquis un volume considérable à la suite de fièvres intermit-tentes prolongées. Dans l'épidémie qui a été pour Frerichs l'occasion de ses recherches, la fièvre était le plus souvent de type quotidien ou tierce, rarement quarte ; l'apyrexie était souvent imparfaite, et la maladie avait une tendance mani-feste à prendre le type rémittent ou même continu. Les acci-dents cérébraux étaient des plus fréquents. — On ignore à quelle époque de la maladie la mélanémie prend naissance, mais il est certain qu'elle peut survivre aux accès même pen-dant un temps fort long. Dans plusieurs des observations rap-portées par Planer, les malades présentaient les accidents de la cachexie paludéenne à un degré plus ou moins marqué, et chez eux les accès avaient cessé d'exister quelquefois depuis plusieurs semaines ou même depuis plusieurs mois.

Archives générales de médecine, septembre 1857, p. 303.

II.

Existe-t-il, en réalité, des troubles fonctionnels qui appartien-nent en propre à la mélanémie et qui justifient son admission dans le domaine nosographique et clinique à titre, par exemple, d'élément pathologique pouvant s'associer aux diverses mala-dies dérivées de l'intoxication palustre ? — Il faut remarquer tout d'abord que, de l'aveu de tous les auteurs, on peut, sur le cadavre, rencontrer l'altération pigmentaire du sang et des vis-cères, même à un degré assez marqué,, sans qu'elle ait été révélée par des symptômes ou des accidents capables d'en faire soupçonner la présence. Planer a rencontré plusieurs cas de celte espèce : toujours la fièvre intermittente, lorsque son existence avait été signalée parmi les circonstances étiolo-giques, remontait, en pareil cas, à plusieurs années, et elle était depuis longtemps guérie. Dans tous ces cas, la mort était survenue par suite des maladies les plus diverses, et dans lesquelles la mélanémie ne paraît avoir joué aucun rôle ; mais les faits de ce genre sont exceptionnels et, en règle générale, à des altérations anatomiques un peu prononcées, semblent correspondre des perturbations fonctionnelles dont la nature et dont l'intensité varient suivant le siège et l'étendue de la lésion. Reste à savoir s'il existe réellement entre ces lésions et ces symptômes un rapport de causalité bien légitimement établi.

Les troubles fonctionnels qu'on s'est efforcé de rattacher aux vices anatomiques de l'encéphale propres aux mélanémiques, se présentent sous des formes assez variées : ce sont, dans les cas légers, de la céphalalgie, des vertiges, et dans les cas gra-ves du délire, du coma, quelquefois même, bien qu'assez rare-ment, des convulsions ou des paralysies. Tantôt ces accidents éclatent à l'improviste, sans prodromes, tantôt ils sont précé-

Charcot, Œuvres complètes, t. v, Poumons. 22

dés de symptômes qui permettent, jusqu'à un certain point, d'en prédire l'apparition. Le plus souvent, peut-être, ils s'ac-croissent progressivement, d'une manière presque continue, jusqu'à la terminaison fatale ; mais quelquefois aussi on les voit revêtir le type intermittent, quotidien ou tierce. Ils peuvent enfin, et c'est là un point qu'il est important de faire ressortir, se manifester aux époques les plus diverses de la maladie pri-mitive, à laquelle ils se surajoutent : tantôt, en effet, c'est pen-dant les premières phases de l'intoxication palustre qu'ils écla-tent, et ils se mêlent alors, en les modifiant plus ou moins profondément, aux symptômes accoutumés de la fièvre inter-mittente simple ou maligne; d'autres fois, au contraire, les ac-cès fébriles ont cessé depuis un temps plus ou moins long, et l'intoxication ne se révèle plus guère que par un degré plus ou moins prononcé, et quelquefois môme à peine saisissable, de la cachexie qui lui est particulière.

Dans les cas où des accidents cérébraux attribués aux altéra-tions pigmentaires de l'encéphale viennent compliquer les accès de fièvre intermittente, on comprend, à priori, combien il sera difficile de les démêler au milieu des symptômes si variés que ces accès peuvent s'adjoindre. Ces accidents, en effet, quelle que soit d'ailleurs la forme qu'ils revêtent: céphalalgie, vertiges, délire, coma, accès épileptiformes existant isolément, ou encore se succédant et s'entremêlant ; ces accidents, si l'on en croit la description donnée par Frerichs, éclatent pendant le cours des accès fébriles, et ils peuvent disparaître complète-ment lorsque l'accès lui-même est terminé ; le plus souvent, cependant, ils persistent à un certain degré pendant l'inter-mission ; mais alors même qu'il en est ainsi, leur intensité diminue habituellement d'une manière très manifeste dans l'in-tervalle des accès. S'ils s'accroissent d'une manière progres-sive, s'ils tendent à revêtir le type rémittent ou décidément continu, la fièvre aussi affecte les mêmes allures. — Tel est, en

raccourci, le tableau présenté par le docteur Frerichs, des acci-dents cérébraux qui dépendraient de l'altération pigmentaire de l'encéphale. Y découvre-t-on des caractères véritablement spécifiques? Pour nous, nous n'y pouvons saisir aucun trait qui ne puisse s'adapter parfaitement et de tous points à la des-cription classique des fièvres comateuses, apoplectiques, lé-thargiques, épilepliques, etc., telle qu'elle a été établie par les travaux impérissables des Mercado, des Morton, des Weiihofï, des Torti et de tant d'autres. Or, toutes ces formes graves de l'intoxication palustre, même dans leur type de développement le plus parfait, amènent quelquefois la mort, sans laisser dans l'organisme de traces de leurs ravages1. L'action directe du poison morbide sur les centres nerveux paraît suffire à elle seule pour produire les désordres fonctionnels les plus redou-tables ; et si l'on rencontre parfois à l'autopsie, soit dans l'encéphale, soit ailleurs, des lésions plus ou moins profondes, telles que la congestion sanguine des membranes, le piqueté du cerveau et l'exhalation de sérosité dans les cavités céré-brales, elles sont de seconde date et n'ont, en règle générale, joué dans le drame pathologique qu'un rôle évidemment acces-soire. Ce point litigieux naguère de l'histoire des fièvres perni-cieuses a été, ce nous semble, complètement élucidé par les recherches des médecins modernes ; la plupart des auteurs qui ont, surce sujet, uneexpérience propre s'accordent à le re-connaître. L'altération pigmentaire de l'encéphale, en particu-lier, ne saurait être évidemment considérée comme la cause unique qui détermine la production des troubles cérébraux dans les fièvres céphaliques ; elle n'existe pas dans tous les cas ; on la rencontre clans des fièvres où les troubles cérébraux

i Dans deux cas de fièvre soporeusc, mais plutôt rémittente qu'intermit-tente, observés par M. iXepple, il n'existait aucune lésion appréciable du cerveau et des méninges ; le cerveau était plutôtpàle et les vaisseaux exsan-gues. Les ventricules contenaient un peu de sérosité. (Monneret et Fleury, Compendium de médecine pratique, t. V, p. 335.) On pourrait aisément mul-tiplier ces exemples.

n'ont pas existé ; elle n'est pas toujours proportionnée à l'in-tensité des symptômes ; comment comprendre enfin qu'une lé-sion permanente puisse occasionner des désordres qui repa-raissent et s'effacent tour à tour, suivant un type parfois très régulier? Mais ces réserves étant faites, il n'est pas impossi-ble d'admettre que l'obstruction des vaisseaux capillaires du cerveau ou des méninges par les corpuscules de pigment puisse avoir, lorsqu'elle existe à un haut degré, une certaine part dans la production de quelques accidents des fièvres coma-teuses. L'obstacle qu'une pareille lésion apporte au cours du sang prédispose évidemment à la formation des foyers d'apo-plexie capillaire, des ramollissements cérébraux, des hémorra-gies méningées que l'on rencontre assez fréquemment sur les cadavres des individus qui ont succombé à la suite de ce genre de fièvre1. D'un autre côté, l'existence de ces apoplexies capil-laires, de ces hémorragies méningées, n'est-elle pas, dans quelques cas au moins, la cause qui fait que certaines fièvres soporeuses résistent parfois dès l'origine à l'emploi le plus mé-thodique de la médication quinique, et marchent fatalement, invinciblement vers une terminaison funeste ? S'il en est ainsi, et nous sommes disposés à le croire, on comprend qu'il serait important de pouvoir distinguer, à certains caractères clini-ques, les cas de cette espèce. L'examen microscopique du sang, pendant la vie, rendrait, sans doute, ici quelques servi-ces; peut-être pourrait-on, d'après le nombre et le volume des corpuscules pigmentaires qui circulent avec ce liquide, arriver à préjuger assez exactement l'état des viscères en géné-ral, et en particulier celui de l'encéphale.

Quelquefois l'affection cérébrale se montre, comme il a été dit, indépendante des accès de fièvre intermittente ; elle peut

i Voir à ce sujet : Jacquot, Mémoire sur les fièvres comateuses, etc., obs. III, p. 15, 1849, et Gazette médicale; Haspel, Maladies de l'Algérie, obs IV, V, p. 26S, 270. Paris, 1850.

alors éclater à l'improviste et avec une intensité telle, qu'elle aboutit rapidement à une terminaison funeste ; elle survient dans les cas môme où les individus se sont soustraits, par un changement de lieu, à l'action délétère du miasme paludéen; on n'y observe pas ces prodromes qui, dans la grande majorité des cas, signalent la venue des accès pernicieux même les plus foudroyants ; en d'autres termes, elle n'est pas précédée de ces accès bénins, en apparence, mais où prédomine cependant quelque symptôme empreint de malignité et dontTorti disait, dans son beau langage, que c'estle petit d'un tigre, farouche déjà, bien qu'à peine né (. A la céphalalgie, à la somnolence, succède rapidement un coma profond, et le malade succombe de un à six jours après le début des premiers accidents, ou bien il tombe comme frappé d'apoplexie, et la mort est presque subite. A l'autopsie, on trouve les vaisseaux capillaires de la substance grise du cerveau distendus par une quantité souvent considérable de corpuscules pigmentaires ; l'encéphale est parfois en outre parsemé de nombreux foyers d'apoplexie capil-laire ; il peut se faire, enfin, que l'hémorragie méningée soit venue s'ajouter à ces lésions diverses. Planer a rapporté plu-sieurs faits de cette espèce, recueillis dans le grand hôpital de Vienne. Il est difficile, ce nous semble, d'y méconnaître l'in-fluence puissante, sinon exclusive, qu'ont eue les altérations pigmentaires sur la production des phénomènes cérébraux. Malheureusement, les observations relatives à cet ordre de faits sont peu nombreuses, et elles manquent, pour la plupart, de la précision qu'on exige, avec raison, aujourd'hui : c'est donc là un sujet qui réclame de nouvelles recherches. Si l'on venait à établir, par des observations suffisantes, l'existence d'affec-tions cérébrales subordonnées à la mélanémie et survenant ino-pinément chez lesindividus qui ont subi autrefois l'intoxication palustre, il faudrait mettre ces affections en parallèle avec

1 Torti. — Therapeutice apecialis, p. 128. Venise, 1743.

celles qui paraissent dépendre d'une sorte d'apoplexie séreuse et sur lesquelles MM. Jacquot, Catteloup et Jlaspel ont appelé l'attention dans ces derniers temps car elles ont une même physionomie et elles se montrent dans des circonstances ana-logues. Il faudrait aussi, pour le diagnostic, tenir compte des cas où les troubles cérébraux qui surviennent dans le cours de la cachexie paludéenne sembleraient liés à une altération des reins qui aurait été révélée par une albuminurie plus ou moins prononcée.

Des troubles cérébraux d'un autre genre ont encore été rat-tachés à la mélanémie. Sydenham a parlé, dans plusieurs en-droits de ses œuvres 2, d'une sorte d'aliénation mentale qui surviendrait à la suite des fièvres intermittentes prolongées ; cette observation de l'illustre médecin anglais n'a pas été, que nous sachions, confirmée par les auteurs subséquents. Le doc-teur Frerichs a rencontré deux cas où des troubles intellectuels durables se sont développés consécutivement à la fièvre inter-mittente. Un de ces cas est relatif à une dame âgée de qua-rante ans et qui avait éprouvé une fièvre quotidienne sopo-reuse ; elle était tombée, à la suite de cette fièvre, dans une sorte de démence qui, deux mois après la cessation des accès, était encore en voie de progression. Dans l'autre cas, il s'agit d'une petite fille de neuf ans, jouissant autrefois d'une intelli-gence bien développée, mais qui devint complètement idiote après avoir éprouvé une fièvre tierce de forme côphalique. Les troubles cérébraux dépendraient-ils, ici, ainsi que l'auteur paraît disposé à l'admettre, d'une atrophie delà substance cor-ticale du cerveau consécutive à l'oblitération des vaisseaux ca-

1 Jacquot, loc. cit., 1849. — Jlaspel, loc. cit., p. 213.

2 En particulier dans ce passage : « Est et alia maniae species febres in-» termittentes diuturnories excipiens, in stultitiam tandem degenerans, pro-» ducta quidem adebilitate et vapiditate sanguinis a diutina fermentatione.» p. 513. Voy. aussi p. 49 et p. 60. Opéra omnia, t. I. Genevrc, 1757.

pillaires par les corspuscules de pigment? Ces deux faits ont élé recueillis par le docteur Frerichs, pendant une excursion qu'il fit en Pologne, dans une contrée où régnaient alors des fièvres intermittentes graves ; ils ne sontpas présentés avec des détails suffisants pour que nous puissions entrer dans les dis-cussions qu'ils soulèvent. Nous nous contenterons de les avoir indiqués.

Valbuminurie, liée à la fièvre intermittente, est quelquefois passagère : elle augmente pendant les accès, diminue ou dispa-raît complètement, lors des intermissions, et cesse d'exister au moment même où la fièvre est guérie ou peu de temps après la guérison. Les modifications que peut avoir subies le paren-chyme rénal, en pareil cas, sont nécessairement légères et fu-gaces ; mais, d'autres fois, l'albuminurie persiste longtemps après la cessation des accès et revêt décidément la forme chronique Alors, d'après les observations de Frerichs et de Griesinger, on rencontre souvent dans les urines, outre une quantité d'albumine plus ou moins considérable, des cylindres fibrineux microscopiques analogues à ceux qui ont été con-sidérés, dans ces derniers temps, comme constituant un des caractères de la maladie de Bright ; seulement, dans les cas qui nous occupent, les cylindres contiennent quelquefois, dans leur épaisseur, des granulations et des corpuscules pigmentaires semblables à ceux qui existent dans le sang.

L'altération pigmentaire de la substance corticale des reins peut elle être rangée parmi les causes organiques de cette albuminurie persistante qui succède aux fièvres d'accès? Planer et Frerichs ont recueilli un certain nombre de faits qui

1 Voyez sur ce sujet : Néret, Archives générales de médecine, décembre 1847. — Defer, Bulletin de la Société de biologie, t. I, 1849, p. 143. — Abeille, Gazette médicale, 24 septembre 1853.— Frerichs, loc. cit., p. 356. — llaus-chka, Compend. der speciell, Pal h., 1 Theil., 1855, p. 159. — Griesinger, loc. CH; p. 29.

rendent cette opinion assez probable. La gêne mécanique qu'éprouve le cours du sang, dans son trajet à travers le tissu du système cppillaire de l'organe, pourrait peut-être, en pa-reille circonstance, rendre compte du passage de l'albumine dans les urines. Quoi qu'il en soit, un semblable vice anatomi-que est bien de nature, on le conçoit, à favoriser la production de l'albuminurie, quelle que soit, d'ailleurs la cause qui la pro-voque.

Blackall1, MM. Rayer2 et Bouillaud3 ont rencontré des cas d'hydropisie avec urine coagulable, développée à la suite de fièvres intermittentes prolongées, qui se comportaient à tous égards à la manière de la néphrite albumineuse, et ré-sistaient à l'emploi des moyens thérapeutiques à l'aide des-quels on triomphe le plus habituellement des divers accidents de la cachexie palustre. Dans un cas du même genre, observé par M. Néret, l'autopsie fut pratiquée, et les reins présentèrent d'une manière non équivoque l'altération propre à la maladie de Bright4. Il semble établi, d'après cela, que l'albuminurie consécutive à la fièvreintermittente est quelquefois le symptôme d'une véritable néphrite albumineuse. Les faits de cet ordre devraient être distingués de ceux dans lesquels l'obstruction des vaisseaux capillaires de la substance corticale du rein par des corpuscules de pigment pourrait être invoquée pour expli-quer le passage de l'albumine dans l'urine. Cette obstruction, en effet, alors même qu'elle date de loin et quelle est très pro-noncée, n'engendre, paraît-il, que bien rarement des modifica-tionsunpeuprofondesdans le lissumême des reins. Ces organes il est vrai, sont quelquefois comme ratatinés, leur surface pré-sente des sillons plus ou moins profonds, d'où résulte une ap-parence lobulée ; mais c'est là le fait d'une atrophie qui reste

i Obsero. on the nature and cure of dropsies. London, 1818, p. 42 et suiv. s Traité des maladies des reins, t. II, p. 469. 3 Clinique médicale, t. III, p. 283.

* Archives générales de médecine, 1847, t. XV, 4" série, p. 514.

toujours partielle, et l'on n'y rencontre habituellement pas les lésions variées, et en particulier les granulations qui appartien-nent à la néphrite albumineuse.

Les altérations pigmentaires du cerveau et des reins sont à peu près les seules qui paraissent pouvoir se révéler par des symptômes particuliers. Frerichs a observé plusieurs fois des hémorragies intestinales développées, pendant le cours de fiè-vres d'accès, et qui se manifestaient d'une manière intermit-tente survenant immédiatement après chacun des paroxysmes féhriles. Il est possible que l'obstruction des vaisseaux capil-laires hépatiques ait contribué, ainsi que l'admet l'auteur, dans une certaine mesure au moins, à déterminer ces hémorragies; mais l'influence de l'obstacle mécanique sur la production du flux de sang n'était certainement pas très grande dans ces cas-là, car l'administration du sulfate de quinine s'y montrait pres-que toujours très promptement efficace. — L'accumulation des corpuscules du pigment dans la rate et dans les vaisseaux lymphatiques reste, à ce qu'il paraît, toujours latente. — L'ob-struction des vaisseaux capillaires des poumons s'observe ra-rement, et elle est toujours très disséminée. On ne saurait mettre sur son compte la dyspnée, les hémoptysies, l'œdème pulmonaire, qui accompagnent quelquefois la fièvre intermit-tente ou lui succèdent. — Les noyaux inflammatoires qu'on rencontre parfois çà et là dans la parotide et dans le tissu mus-culaire du cœur ne dépendent pas d'une agglomération de corpuscules pigmentaires. — C'est à la présence du pigment dans le sang qui circule à travers les vaisseaux capillaires de la peau que serait due, suivant Frerichs, la coloration toute par-ticulière que présente, en général, le tégument externe des in-dividus atteints de cachexie paludéenne Si lamélanémie est

i D'après les recherches de M. le docteur Vulpian, la coloration bron-zée de la peau, dans la maladie d'Addison, serait due à un dépôt de ma-tière pigmentaire qui se fait surtout dans la région tout à fait inférieure des cellules de la couche muqueuse. C'est au voisinage des noyaux que le dépôt

légère, la coloration anormale est cendrée, d'un gris jaunâtre. Dans les cas intenses, elle est d'un jaune brun, quelquefois très foncé. Il serait intéressant d'étudier plus attentivement qu'on ne l'a fait jusqu'ici celte coloration anormale de la peau, dans ses rapports avec la mélanémie; de rechercher, par exemple, si l'altération du sang par les corpuscules de pig-ment accompagnent constamment, irrévocablement la teinte bistrée particulière aux individus qui ont subi l'intoxication pa-lustre; si c'est bien aux altérations les plus profondes que cor-respondent les Ions les plus sombres, etc. Il est devenu enfin nécessaire de chercher à déterminer en quoi celte teinte bistrée diffère de la coloration bronzée de la maladie oV Addison: celle-ci serait-elle, comme celle-là paraît l'être, sous la dépendance d'une altération pigmentaire du sang. L'examen microscopique en décidera; mais, à priori, cela est peu probable, car, ainsi que l'a fait remarquer M. le docteur Dccharnbre l, les méde-cins qui ont étudié l'affection des capsules surrénales ont exa-miné, dans beaucoup de cas, les viscères abdominaux, la rate en particulier, et ils n'y ont trouvé rien d'anormal; or, le con-traire a lieu dans la mélanémie, les deux genres de coloration pourraient se distinguer à certains caractères, autant qu'on peut en juger, d'après la description peu explicite des auteurs: la coloration anormale, en cas de mélanémie, paraît être uni-formément répandue sur toute l'étendue du tégument externe; tandis que, dans la maladie d'Addison, elle est disposée, sous forme de taches isolées, qui se réunissent pour former des pla-ques à contours plus ou moins nets, et qui se détachent plus ou moins vivement sur les parties avoisinantes, d'aspect nor-mal; ou encore elle se répand en teintes à reflets noirs sur un fond uniformément obscur. Il est une circonstance qui conlri-

s'est surtout produit. (Bulletins de la Soc. de biologie, 1S5G, p. 155). Dans la mélanémie, le pigment serait contenu dans la cavité même des vaisseaux capillaires de la peau.

' Gazette hebdomadaire, 5 juin 1857, p. 387.

huerait à fixer le diagnostic dans les cas douleux : la fièvre in-termittente est signalée dans l'étiologie de la plupart des cas demélanémie; elle est mentionnée d'une manière tout à fait exceptionnelle dans les cas de maladie d'Addison. Pour le dire en passant, les observations rapportées, il y a quelques mois, par M. le docteur Tigri, dans la Gazette médicale de Toscane\ et considérées par l'auteur comme des exemples de peau bron-zée, semblent pouvoir se rattacher par tous les points à la mé-lanémie. Il y est fait mention dans tous les cas de la coloration noire de la rate (milza nera), du foie et des autres viscères qui se lie toujours à l'altération pigmenlaire du sang, et qu'on ne trouve pas signalée dansles observations relatives à la ma-ladie d'Addison2.

i Gazette hebdomadaire, toc. cit. Extrait de la Gazette hebdomadaire, 1857, p. 659.

III.

Note sur des cristaux particuliers trouvés dans le sang et dans certains viscères d'un sujet leucémique, et sur d'autres faits nécroscopiques observés sur le même sujet1.

L'étude de la leucocythémie a été poursuivie avec ardeur de-puis l'année 1845, date des premières publications de II. Ben-nett et de Virchow sur ce sujet. Les observations se sont multipliées ; on a pénétré de plus en plus dans la connaissance de la symptomatologie et de l'anatomie pathologique de cette maladie, l'une des plus intéressantes du cadre nosologique, et déjà l'une de celles qui ont été le plus sérieusement tra-vaillées. Toutefois, quels que soient les résultats obtenus jus-qu'ici, cet état morbide si complexe est assurément loin d'être connu à fond ; et il est certain qu'en creusant encore le champ de l'observation, on arrivera, soit à découvrir des faits nou-veaux, soit à recueillir des notions plus précises et plus com-plètes sur des faits déjà signalés. Aucun détail ne doit être négligé: telle particularité qui paraît aujourd'hui de mince valeur deviendra peuL-être précieuse plus tard si l'on recon-naît son existence constante, ou si l'on démêle sa significa-tion, en trouvant le lien qui le rattache, à quelque autre point de l'histoire de la maladie. Bans la conviction où nous sommes que les faits de détail ont toujours leur importance,

1 En commun avec M. Vulpian. — Extrait de la Gazette hebdomadaire, t. VIII, 1860, p. 755.

nous publions l'observation suivante. Il s'agit d'un cas de leucocythémie, cas dans lequel nous n'avons pu avoir aucun renseignement sur l'histoire de la maladie. La nécropsie et l'examen microscopique nous ont présenté quelques faits inté-ressants, entre lesquels nous devons surtout mentionner la présence d'une très grande quantité de cristaux particuliers dans le sang, cristaux dont nous donnons les principaux ca-ractères chimiques, et dont nous reproduisons ici les formes. [Figure 41.)

Obs. — Nécroscopie d'un sujet leucémique. — Cristaux particu-liers dans le sang et dans certains viscères. — Nombre considérable de globules rouges, plus petits que dans l'état normal, etc.

La nommée Laure Weiss, âgée de cinquante-huit ans, colo-riste, est amenée, le 20 septembre 1860) à l'hôpital de la Pitié, dans un état très grave, et succombe quelques heures après son entrée, salle Sainte-Marthe, n° 33. — Nécroscopie : le foie présente un volume énorme (36 centimètres sur 40); son tissu est friable, d'une couleur toute particulière qui rappelle celle du chocolat ; la rate aussi est très volumineuse (diamètre longitudinal 28 cen-timètres, diamètre transversal 19; épaisseur 10 centimètres envi-ron) : son tissu est résistant, de couleur acajou. — Le tronc de la veine porte, les mésaraïques, les splcniques, tous les vaisseaux du système porte, en un mot, sont énormément distendus par du sang à demi coagulé, présentant une couleur chocolat très re-marquable. Çà et là on rencontre dans les veines spléniques des caillots tout à fait blancs et décolorés. — Les reins, assez volumi-neux, ne paraissent pas altérés. — Les ganglions lymphatiques, exa-minés en plusieurs points, et principalement dans le mésentère, ontpourla plupart leur volume normal; quelques-uns, cependant, ont acquis le volume d'une petite noisette. —Poumons tout à fait sains.— Cœur volumineux; ses parois musculaires, épaissies, sont flasques et décolorées; il n'y a pas d'altérations valvulaires; les ventricules droit et gauche, sont fortement distendus par une certaine quantité de sang à demi coagulé et présentant la colora-

tion dont il a été parlé plus haut. — Deux épanchements de sang, présentant les mêmes caractères, existent, l'un, dans l'épaisseur de la mamelle, l'autre sous la peau de l'épaule gauche, au voisi-nage de l'insertion inférieure du deltoïde. — Bien que l'autopsie ait été commencée plus de vingt-quatre heures après la mort, le cadavre est encore chaud : la température paraît élevée, surtout au moment où. la main est introduite dans l'abdomen pour prati-quer l'extirpation des viscères.

Examen microscopique. — On a examiné le sang et les viscères le jour même de l'autopsie, vers deux heures de l'après-midi (l'au-topsie avait été faite à dix heures). L'examen a été renouvelé les jours suivants, et l'on est arrivé de la sorte aux résultats que nous allons exposer. Nous nous occuperons d'abord du sang, puis, nous dirons quelques mots du foie, de la rate et des reins.

Sang. — Le sang, le jour môme de l'autopsie, contenait déjà quelques vibrions. Depuis ce jour, il a été conservé dans des tubes non hermétiquement bouchés, et le nombre des vibrions ne s'est pas accru ; et même on n'en trouve plus au bout de six se-maines. Le sang était en caillots dans le fond de ces tubes. Ces caillots n'ont exsudé aucune trace de sérum ; il ne s'est liquéfié que quinze jours au moins après la nécropsie ; enfin, il n'a exhalé une odeur de putréfaction qu'au bout de plusieurs jours. Dans quelque endroit qu'il ait été pris (nous avons examiné le sang du cœur droit, celui du cœur gauche et celui de la veine splénique), le sang contenait une grande proportion de globules blancs, pro-portion difficile à apprécier, mais qu'on peut évaluer approxima-tivement à la moitié de la somme totale des globules rouges ou blancs. Il nous a semblé que cette proportion était plus considé-rable dans le sang de la veine splénique, mais nous n'oserions l'affirmer, en l'absence de preuve par numération, la différence n'étant pas très grande.

Nous avons à considérer dans le sang: 1° les globules rouges; 2° les globules blancs ; 3° les autres éléments visibles au micros-cope.

1° Globules rouges. — Le fait saillant, relativement à ces glo-bules, c'est l'inégalité de leurs dimensions. Un grand nombre de globules rouges (un tiers environ, et cette proportion n'a rien d'exagéré) n'ont pas le diamètre normal. On trouve des globules qui ont 6 millièmes de millimètre de diamètre, d'autres 0mm,004, 0m"\003 ; enfin, certains globules n'ont pas plus de 0mm,002, et ils ne sont pas très rares, car il y en a un ou plusieurs dans chaque champ du microscope (430 diamètres). Les plus petits de ces globules offrent une forme sphéroïdafe ; ceux qui sont inter-médiaires entre ies petits et tes normaux ; présentent çà et là la forme discoïde.

Tous les globules rouges se sont assez bien conservés avec leurs caractères pendant trois ou quatre jours.

2° Globules blancs ou incolores (leucocytes). — Ces éléments sont de deux sortes : les uns offrent immédiatement un noyau, les autres n'en présentent pas avant l'emploi des réactifs, ou même après avoir été soumis à leur influence. Les premiers, cellules véritables complètement développées, sont beaucoup plus nom-breux que les seconds.

a) Globules blancs à noyau. — Ces globules ont des dimensions peu variées et généralement assez grandes: la plupart ont de 0mm,012 à 014 de diamètre; quelques-uns ont un diamètre un peu moins considérable; d'autres un diamètre un peu plus grand. Le noyau, qui est unique, a en moyenne un diamètre de 0mm,006. Il n'est pas toujours arrondi ; il est souvent légère-ment excentrique; il est parfois un peu irrégulier, ou peut en-core offrir l'apparence réniforme. Il est parsemé, à l'intérieur, de granulations fines, dont quelques-unes sont un peu plus grosses que les autres ; mais, en général, il n'y a pas de nucléole bien reconnaissable. La cellule, qui n'est pas non plus toujours réguliè-rement arrondie, contient aussi des granulations fines et assez nombreuses.

L'acide acétique et l'acide lactique font pâlir les cellules, en rendant leurs noyaux encore plus apparents, et en les contractant

un peu. Les granulations des noyaux paraissent devenir aussi plus accentuées.

b) Globules blancs sans noyau immédiatement visible. — Les glo-bulins sont extrêmement rares ; les autres globules sans noyau ont des dimensions qui se rapprochent de celles des vraies cellules précédemment décrites. Ils contiennent aussi de nombreuses granulations.

Quelques-uns de ces globules sont remplis de granulations assez grosses, très nombreuses, à bord réfringent, lesquelles ne se dissolvent pas dans l'acide acétique. Ce sont des éléments passés à l'état gras, en voie de destruction.

Tous ces globules ne sont pas modifiés de la même façon par l'acide acétique (l'acide lactique produit le même effet que l'acide acétique). Dans les uns apparaissent un, plus souvent deux ou trois petits noyaux généralement rassemblés en groupe, et offrant toutes les dispositions notées dans les globules blancs normaux soumis à cette réaction. D'autres globules ne font que pâlir, sans qu'aucun noyau se montre. Il en est quelques-uns, rares, dans lesquels on aperçoit alors un noyau assez grand, mais presque aussi effacé que le globule lui-même.

Quelques globules blancs, montrant les principales variétés qu'on remarque avant toute réaction, sont présentés dans la fig. 41, a. Les globules blancs étaient encore visibles dans le sang conservé, au bout d'un mois. Quinze jours plus tard, on en voyait encore un certain nombre.

3° Autres éléments visibles dans le sang. — Outres les glo-bules, soit rouges, soit blancs, on aperçoit dans le sang une très grande quantité de petites granulations amorphes, formant quelquefois, par leur réunion autour des groupes des globules blancs, des amas comme cendrés et plus ou moins larges.

Cristaux. — Lors du premier examen qui a été fait le jour de l'autopsie, on n'avait pas remarqué ces cristaux, soit qu'ils n'existassent pas à ce moment, soit qu'ils fussent très peu nom-breux. Le lendemain, on en voyait quelques-uns dans chaque préparation; mais leur nombre a été en augmentant les jours

suivants, de telle sorte que le 25, on en trouvait au moins qua-rante à cinquante dans chaque préparation, et ils sont devenus encore plus nombreux.

Fig. -il. — Cristaux oclaédriques trouvés dans le sang d'un sujet leucémique, a, Cristaux et globules blancs représentés à l'aide do la chambre claire, avec un grossis-sement de 450 diamètres. I), Cristaux rompus : modes de rupture les plus ordinaires, c', c2, e3, c*, cs, c°, Cristaux groupés.

d. Cristaux modifiés par l'acide azotique.

e, Cristaux représentés, soit au moment où la chaleur commence à les dissoudre, soit au moment où ils se reforment après leur dissolution.

Ces cristaux sont incolores ou très légèrement colorés par le reflet des globules rouges; ils paraissent, au premier coup d'œil, être constitués par des tables losangiques ; mais un examen plus

Fig. 42. — Concrétion fibrineuse expectorée par un sujet non leucémique et dans la-quelle on a trouvé des leucocytes et des cristaux analogues aux précédents.

attentif démontre bientôt que ce sont des octaèdres très allongés, a formes très régulières et assez uniformes i. Us ont d'ailleurs des dimensions variées. Les grands cristaux ont 0mm,04 de longueur

i La forme octaédrique devient évidente quand on fait tourner ces cristaux sur leur axe en établissant un courant dans le liquide de la préparation.

Charcot. Œuvres complètes, t. v. Poumons. 2l

et 0mm,006 à 0,008 de largeur au niveau de la base ; d'autres ont 0mm,026 de longueur et 0mm,006 de largeur; d'autres ont 0mm,002 de longueur; il en est qui sont plus petits encore; on trouve d'ailleurs toutes les dimensions intermédiaires. Nous donnons (fig. 41, a) la reproduction de plusieurs de ces cristaux, faite à la chambre claire. Ils sont représentés ainsi avec un grossissement d'environ 450 diamètres. On voit, du reste, dans cette figure, le rapport de leurs dimensions avec celles des globules blancs.

Ces cristaux, quoique assez résistants, paraissent avoir cepen-dant une certaine fragilité. Il arrive parfois qu'un des sommets ou que les deux sommets se séparent du reste du cristal; d'autres cristaux se brisent au niveau de leur base et forment deux pyra-mides (fig. 41, b). La rupture des cristaux se fait aussi, mais rare-ment, avec une plus grande irrégularité. Le plus grand nom-bre des cristaux, presque tous, sont intacts dans chaque prépara-tion.

La très grande majorité des cristaux sont isolés, distincts les uns des autres. Il est rare de les voir unis, groupés. Lorsque cette union existe, le plus souvent elle n'a associé que deux cristaux. Les groupes que nous avons rencontrés le plus ordinairement sont ceux qui sont représentés fig. 41, c1, c3, c-3, e4, c3. Ce n'est que très exceptionnellement que nous avons vu des groupes de plus de deux cristaux; ils tendent alors à se réunir autour d'un cen-tre, d'où partent des demi-cristaux en rayonnant dans tous les sens (cs).

Ces cristaux sont insolubles dans l'eau, à froid ; ils se dissolvent au contraire facilement et rapidement dans l'eau chaude, vers 60° à 70° centigrades; ils se dissolvent aussi à cette température dans le sang qui les contient, et si on les a fait ainsi dissoudre en exposant à une chaleur convenable du sang disposé entre deux lames de verre pour l'examen microscopique, ils se reforment en-suite plus ou moins complètement au bout de plusieurs heures, et présentent alors les formes indiquées dans la fig. 41, e. A une tem-pérature inférieure à 60°, et égale à celle du sang vivant, c'est-à-dire à 38°, 40° centigrades, ces cristaux se dissolvent encore, mais lentement.

Ils sont insolubles dans l'alcool froid ou bouillant (on les a re-trouvés après un séjour du sang dans l'alcool pendant quinze jours), et pareillement insolubles dans l'éther sulfurique, dans le chloroforme, dans la glycérine, dans les solutions aqueuses ou al-cooliques d'iode.

Ils sont solubles dans les acides acétique, tartrique, lactique, sulfurique, chlorhydrique; ils se dissolvent rapidement et sans qu'il se produise la moindre bulle de gaz.

Ils sont solubles dans la potasse, la soude et l'ammoniaque.

L'acide chromique ne les dissout pas ; l'acide azotique concentré ou étendu d'eau ne les dissout pas non plus. Ce dernier fait nous a été indiqué par M. le docteur Vidal, qui a examiné aussi ce sang. Nous l'avons vérifié immédiatement. Nous avons vu que cette ré-sistance aux acides chromique et azotique est considérante. Les cristaux se retrouvent encore dans du sang mêlé à de l'acide azo-tique et laissé en contact avec cet acide pendant plus de quinze jours. Les cristaux sont toutefois modifiés d'une façon certaine par ces acides; ifs deviennent immédiatement et complètement in-solubles, soit par l'acide acétique, soit par la soude, la potasse ou l'ammoniaque 1 ; ces derniers réactifs leur donnent une teinte jaunâtre. Ceux qui ont subi l'action de l'acide azotique sont ramol-lis; les arêtes semblent devenir mousses, elles sont moins droites, et les sommets plus ou moins infléchis, suivant des lignes courbes, témoignent de la diminution de consistance des cristaux (fig. 41, d). L'acide azotique bouillant détruit le sang et les cristaux qui y sont contenus.

Les cristaux sont également nombreux dans le sang des divers points dans lesquels nous l'avons examiné.

Six semaines après la nécropsie, le sang est devenu liquide, bru-nâtre; on n'y reconnaît plus, comme éléments distincts, que des globules blancs, une quantité considérable de concrétions de pe-tite dimension, brunâtres, jaunâtres, formées probablement aux dépens de la matière colorante du sang, et enfin des cristaux.

1 Les cristaux qui ont subi l'action de l'alcool froid se dissolvent encore dans l'acide acétique et dans la soude; mais ils deviennent insolubles dans ces réactifs lorsqu'ils ont été dans l'alcool bouillant.

Parmi les globules blancs, les uns sont demeurés transparents, incolores, ou a peu près, tandis que les autres, très granuleux, sont colorés plus ou moins fortement en jaune brun. Les cristaux sont toujours très nombreux, une centaine, au moins, dans chaque préparation, et ils ne sont pas altérés. Outre les cristaux octaédriques, il y a quelques gros cristaux de formes peu régulières, probablement constitués par du carbonate de chaux.

Foie. — Dès le jour de l'autopsie, nous avons vu des cristaux octaédriques dans le foie, et nous les avons montrés ce jour-là même à la Société de biologie. Les cellules hépatiques étaient ra-mollies et se brisaient facilement; elles contenaient des globules graisseux en plus grand nombre que dans l'état normal; elles ren-fermaient en outre une quantité considérable de matière finement granuleuse, amorphe, pareille à celle que nous avons conslalée dans le sang. Cette matière, qui se voyait aussi à l'état libre, dans le liquide ambiant, peut être par suite de la rupture des cellules, donnait aux préparations du foie une certaine analogie avec celles d'un foie cireux.

Rate. — On y observait beaucoup moins de cristaux que dans le foie. Il y avait un très grand nombre d'éléments fusiformes, et l'on y trouvait la môme matière granuleuse que dans le foie. Nom-breux grains blancs, visibles à l'œil nu, et ayant même un certain volume (corpuscules de Malpighi?), adhérents au reste du tissu. Très nombreux éléments microscopiques analogues aux globules blancs du sang.

Reins. —Tissu très mou, tubuli bien conservés, epithélium non graisseux, mais peu transparent, à cause de la matière granuleuse qui remplit les cellules, et qui paraît aussi très abondante dans la cavité des tubuli. On n'a point rencontré de cristaux dans les reins,, le jour de l'autopsie.

La nécropsie dont nous venons d'exposer les résultats pré-sente deux particularités principales qui nous paraissent avoir un certain intérêt : l'une est relative à l'état des globules rou-

ges, et l'autre à la présence dans le sang de cristaux nom-breux et formés, selon toute apparence, d'une matière parti-culière et non encore déterminée.

Les globules rouges, comme on l'a vu, étaient loin d'avoir tous les dimensions normales. Un grand nombre (un bon tiers) d'entre eux étaient très petits. Cette circonstance doit être prise en considération. Bien que, dans l'élat physiologique, on observe des variétés fréquentes dans la largeur des globules, cependant le nombre des globules d'un diamètre inférieur au diamètre normal est assez restreint. Quelle conséquence pour-rait avoir cette réduction du volume des globules rouges? Il n'est guère possible de s'en faire une idée exacte, car l'état du sang dans la leucémie, l'abondance des globules blancs, la dimi-nution du nombre et de la dimension des globules rouges, les modifications chimiques qu'a dû subir le liquide nutritif, con-stituent une vicialion complexe dont les effets sont nécessai-rement complexes aussi, et au milieu desquels il est difficile de fixer le rôle qu'a pu jouer chaque altération particulière. Nous nous contenterons donc de faire remarquer que la réduction du volume des globules rouges, alors que les dimensions des glo-bules blancs sont généralement accrues, s'accorde peu avec l'hy-pothèse qui voudrait faire provenir les premiers des seconds.

Les cristaux que nous avons trouvés dans le sang nous pa-raissent formés par une substance organique. Les réactions que nous avons indiquées n'appartiennent pas aux substances minérales cristallisables qu'on pourrait rencontrer dans le sang. Nous avons consulté un assez grand nombre de figures pu-bliées par divers auteurs, et relatives aux cristaux du sang, et nous n'y avons pas rencontré des formes semblables à celles des cristaux que nous avons observés. Un seul cristal au milieu d'une des figures de Funke (Atlas der physiolog. Chemie, t. IX, fig. 5, Leipsick, 1858) présente une certaine analogie avec les

nôtres, et encore ce n est qu'une analogie assez vague. La matière organique qui constitue ces cristaux semble donc n'a-voir pas encore été signalée dans le sang, du moins en dehors des conditions dans lesquelles nous les avons constatés. Cette restriction est tout à fait nécessaire, car nous n'hésitons pas à rapporter à celte même substance, et à rapprocher, par consé-quent, des cristaux du sang de notre leucémique, ceux qui ont été vus dans le sang d'un autre sujet mort de la même maladie par l'un de nous et par M. Ch. Robin (Société de biologie, Comp-tes rendus, 1853. Observation de leucocythémie, par MM. Char-cot et Robin, p. 45) \ « On rencontrait dans le sang du ventri-» cule droit, mêlés aux globules blancs, une grande quantité » de cristaux losangiques fort réguliers, légèrement colorés » en rouge jaunâtre. Ces mêmes cristaux étaient extrêmement » abondants dans le tissu de la rate, où ils formaient des amas » considérables, bien que visibles seulement au microscope. » (Loc. cit., p. 49.) 11 n'est pas douteux que ces cristaux losan-giques soient les mêmes que les cristaux octaédriques que nous avons décrits. Nous avons, en effet, cru aussi que ces der-niers cristaux étaient losangiques, illusion bientôt dissipée par un examen plus attentif.

Ainsi ces cristaux ont été trouvés dans deux cas de leucocy-thémie, et cette circonstance leur donne une importance plus grande que s'il s'agissait d'une observation isolée, exception-nelle. On peut supposer qu'on les aurait rencontrés dans un plus grand nombre de cas si l'examen microscopique du sang et des viscères avait été fait plusieurs heures après la nécropsie, et, à plus forte raison, au bout de vingt-quatre heures. La substance qui forme ces cristaux est, eneffet, en dissolution dans le sang, et elle paraît demander un temps assez long pour passer à l'état de cristaux.

Il est clair que si ces cristaux sont rencontrés dorénavant

1 Cette observation aété reproduite à la page 315 de ce volume.

dans tous les cas de leucocythémie, ils devront prendre place aux premiers rangs parmi les altérations caractéristiques de cette maladie, car ils seront l'indice inconnu jusqu'ici, et le plus certain, de l'altération chimique des humeurs.

Dans l'observation citée plus haut (Charcot et Robin), les cristaux étaient surtout en grande abondance dans la rate; dans l'observation actuelle, c'est le foie qui en a offert le plus grand nombre; on ne peut donc pas, dès à présent, indiquer un de ces viscères comme le foyer de formation de la substance organique qui constitue ces cristaux. Quoi qu'il en soit, le nom-bre de ces cristaux dans le sang et dans les viscères indique que cette substance était en très notable quantité dans l'éco-nomie entière des sujets chez lesquels on en a constaté la pré-sence.

Mais ces cristaux devront-ils être considérés comme propres exclusivement au sang des sujets leucémiques? L'un de nous1 a eu l'occasion d'observer, en 1856, des cristaux probablement semblables dans des concrétions fibrineuses expectorées dans un cas de catarrhe sec, avec emphysème, par un sujet de vingt ans. La figure 42 représente une partie d'une de ces concré-tions, avec les cristaux qui y sont emprisonnés. Leur solubilité dans l'acide acétique, sans dégagement de bulles de gaz (on n'a pas essayé d'autres réactions), et surtout leurs for-mes, permettent de croire qu'ils étaient très analogues, sinon semblables, à ceux que nous venons de décrire2.

1 M. Charcot.-- Ces cristaux sont généralement désignés en Allemagne sous le nom de CharcoVsche kristalle. (Voir A. Villaret, Handwörterbuch der ge-sammten Medizine, 1 band 18ï8).

2 Extrait de la Gazette hebdomadaire, 1860, p. 755.

QUATRIÈME PARTIE

Maladies du système vasculaire. — Embolies artérielles et veineuses. —Thromboses. — Endocardite. — Paralysies ischémiques, etc.

MALADIES DU SYSTEME VASCULAIRE

Gas de tumeurs fibrineuses multiples contenant une ma-tière puriforme, situées dans l'oreillette droite du cœur, suivi de cas analogues et de quelques remarques cri-tiques 1.

Observation. —Antécédents: oppression, palpitations et. toux datant de Venfance. — Fièvres intermittentes. — Excès alcooliques et fatigues. — Accroissement de 1 oppression et de la toux. — Ana-sarque aiguë et généralisée. — Etat actuel : affaiblissement considé-rable. — Souffles vasculaires et cardiaques. — Signes d'excava-tions pulmonaires. — Expectoration puriforme. — Œdème. — Hypertrophie de la rate. — Signes de péricardite. — Urines albu-mineuses. — Dyspnée progressive : Mort. — Autopsie : Tubercules crétacés. — Excavations pulmonaires. — Concrétions polypifor-mes des ventricules du cœur, se ramifiant dans les vaisseaux. — Description.

Arnould, Louis, âgéde 29 ans, boutonnier. Entré le 10 juin 1850, à l'hôpital de la Charité, salle Saint-Michel, n° 8, service de M. Rayer. Mort le 6 juillet.

Cet homme n'a jamais joui d'une bonne santé; dès l'âge de 14 ans, il éprouvait, sous l'influence des moindres fatigues, de

« Mém. de la Sùc. de Biolog., 1851, p. 18;.

I.

l'oppression, de l'essoufflement, des palpitations et un peu de toux. A l'âge de 20 ans, il tombe au sort et sert comme soldat en Afrique pendant trois ans; pendant tout ce temps, il ne cesse d'être sujet à la toux et aux oppressions, incommodités qui ne l'empêchent cependant pas de répondre tant bien que mal aux exigences du service militaire. Pendant le séjour en Afrique il contracte une fièvre intermittente de type tierce, qui se produit à plusieurs re-prises, mais qui n'est pas suivie d'hydropisie. Ce malade est de retour en France depuis trois ans ; depuis cette époque, il se livre à un travail assez fatiguant, qui l'oblige à avoir les mains sans cesse plongées dans l'eau. Il a pour habitude de se livrer tous les lundis et tous les dimanches à des excès alcoliques et il fait com-munément usage de vin blanc ; il habite un logement sec et se nourrit d'ailleurs assez bien. Depuis le retour en France, et sous l'influence des nouvelles habitudes, la toux, l'oppression, les fati-gues spontanées n'ont fait que s'accroître ; cependant il n'y a à no-ter ni fièvres, ni sueurs nocturnes, ni amaigrissement, ni hémopty-sies. Il y a quatre mois environ, sans cause connue et en un seul jour, les paupières et les joues s'enflent considérablement, les membres inférieurs et les avant-bras s'œdématient ; cette produc-tion rapide de l'anasarque n'est pas accompagnée de frissons; elle n'avait pas été précédée de douleurs de reins ; le malade n'avait éprouvé qu'une grande lassitude et un peu d'inappétence; il continue néanmoins à travailler pendant une quinzaine de jours, mais bientôt les bourses elles-même se prennent ; la fatigue de-vient extrême et il se voit forcé de se rendre à l'hôpital Saint-An-toine. Le traitement qu'il y subit et qui consiste plus particulière-ment en bains de vapeur et en fumigations, reste sans effet.

Le malade quitte cet hôpital après un séjour de deux mois, il reste chez lui pendant une quinzaine de jours, sans traitement, et entre enfin, le 10 juin 1851, à l'hôpital delà Charité, où nous le trouvons dans l'état suivant :

Constitution profondément détériorée ; décoloration générale et teinte jaunâtre des téguments. Souffle à double courant dans les vaisseaux du cou. Souffle doux au premier temps du cœur ayant

son maximum a la base. — OLdeme considérable des membres su-périeurs et inférieurs ; bydropérilonie, œdème du scrotum; sim-ple bouffissure de la face.

Toux habituelle et fréquente, surtout la nuit: expectoration de crachats verts, larges, arrondis, puriformes; quelquefois d'une teinte rousse et striés de sang, sentiment d'oppression ; voix faible, mais sans raucité. La percussion delà poitrine fait recon-naître, dans toute l'étendue du côté droit, en arrière, une matité absolue avec résistance au doigt ; en avant, depuis la clavicule jusqu'au foie, résistance au doigt qui percute, mais sonorité spé-ciale. Par l'auscultation, on constate, dans toute l'étendue du. même côté, l'existence d'un souffle presque amphorique, et d'un gargouillement composé de bulles volumineuses qui s'accompa-gnent en éclatant d'un timbre métallique proprement dit ; pas de bruit de fluctuation thoracique; pectoriloquie. Le poumon gau-che paraît sain dans toute son étendue. Volume normal du cœur; nous y avons déjà noté l'existence d'un souffle hydrémique.

Foie de forme et de volume normaux. — Rate hypertrophiée ; elle a atteint de douze à treize centimètres dans son diamètre ver-tical; elle est épaisse. — Rien à noter du côté des intestins ; pas-dedévoiement. Les deux reins paraissent d'égal volume, mais tous deux semblent avoir subi une légère augmentation d'étendue ; la percussion fait reconnaître en même temps que la région des reins n'est pas douloureuse ; l'émission de l'urine est rare, non doulou-reuse. L'urine elle-même étant chauffée, puis traitée par l'acide nitrique, il s'y forme un abondant dépôt d'albumine.

Le malade n'éprouve pas de fièvre le soir; il n'a pas de sueurs-tiocturnes. Sa peau paraît, quand on la touche, au-dessous de la température normale, surtout aux extrémités : le pouls est fai-ble, dépressible, naturel pour la fréquence; le malade a conservé Lin peu d'appétit. Prescript.: Poudre de Cédran, 0, 50 centigr., demi portion d'aliments. Le 22 juin, il se manifeste du dévoie-ment, avec ténesme (cinq à six selles en 24 heures). Prescript. : Potion, laudanum, 10 gouttes, diminution des aliments. — Même état les jours suivants.

Le 24 juin, des caillots de sang noir se rencontrent pour la pre-

mière fois clans les selles ; 100 pulsations, pouls petit, mais, sou-vent redoublé, quelquefois intermittent; extrémités froides. L'état de l'urine n'est pas modifié.

Même état les jours suivants, si ce n'est que l'oppression aug-mente manifestement de jour en jour; le malade ne dit pas éprouver de palpitations.

30 juin. — Même état général, même nombre de selles ; elles contiennent toujours des caillots. Les crachats sont tout à fait puriformes, d'un vert roux, très abondant. Dans le courant de la journée, un frisson violent avec tremblement se manifeste; en même temps une douleur sourde, que la percussion exagère, se montre à la région du cœur. L'auscultation du cœur fait constater l'existence d'un bruit de cuir neuf, superficiel, très rude, percep-tible aux deux temps de chaque battement, mais dont l'intensité est augmentée à chaque inspiration pulmonaire. Prescript. : Un vésicatoire sur la région précordiale.

{"juillet. — Même état que la veille. Quelques frissons errati-ques; pas de chaleur cutanée ; même état des selles et de l'urine. — Rien de nouveau à noter dans les poumons. — Même senti-ment d'anxiété précordiale. — Les jours suivants, la dyspnée ne fait que s'accroître. — Le bruit de cuir neuf persiste.

4 juillet. — Anxiété très considérable. L'expectoration devient difficile ; les râles pulmonaires s'entendent à distance ; décubitus latéral ; dans tout le côté droit du corps sur lequel le malade est habituellement couché, l'œdème a presque complètement disparu.

Mort le6, aune heure du matin. Le malade était depuis deux jours dans un véritable état d'agonie. Le frottement péricardique a persisté jusqu'à la fin. Jamais il n'y a eu de phénomènes cérébraux.

Autopsie, faite trente heures après la mort. — Nulle trace de rigi-dité cadavérique. — Poumons. Poumon droit : adhérences intimes aux parois thoraciques ; les lobes sont confondus en un seul et reliés entre eux par une épaisse coque fibreuse. Le tissu du pou-mon a une teinte verdâtre ; il est dur, homogène et crie sous le scalpel; il est creusé d'une dizaine d'excavations volumineuses; quelques-unes communiquent entre elles. Ces excavations, dont les

parois sont lisses et rougeâtres, contiennent très peu de matière puriforme. Tubercules à l'état crétacé au sommet du poumon.

Le poumon gauche ne présente, avec les parois thoraciques, que des adhérences peu intimes et celluleuses. Son tissu est par-tout peu crépitant ; il présente à peine un peu de congestion hy-postatique aux parties les plus déclives. Un peu de dilatation des vésicules aériennes au niveau du bord antérieur. Quand on coupe le tissu pulmonaire, il s'en écoule une très-grande quantité d'un liquide clair, aéré, très fluide. Un pratiquant cette section, on remarque que des vaisseaux de divers calibres sont exactement remplis par des concrétions polypiformes que l'on peut extraire par la dissection, sous forme de cylindres ramifiés. On remonte, par la disection, jusqu'au tronc de l'artère pulmonaire, qui est elle-même remplie par une concrétion polypiforme, laquelle prend, comme nous le verrons, son origine dans le ventricule droit. Quant aux concrétions en elles-mêmes, elles sont blanchâtres ou d'une teinte vineuse, résistantes, solides, exactement moulées sur les vaisseaux qui les renferment; elles adhèrent çà et là, et très faiblement, à la membrane interne de ces derniers, qui d'ail-leurs est lisse et offre sa coloration habituelle ; elles sont dans l'artère pulmonaire et dans ses branches principales, entourées d'une couche de sang noir à peine coagulé : nulle part elles ne présentent à leur intérieur, de ramollissement ou de foyers rem-plis d'une matière puriforme.

Cœur. — La face antérieure du cœur, et la partie correspondante du feuillet séreux du péricarde, sont recouvertes de très petites, mais très nombreuses végétations fibrineuses, qui s'engrenaient réciproquement et déterminaient une légère adhérence partielle du péricarde au cœur. En arrière, le feuillet séreux péricardique ne présente rien de notable. Un peu d'une matière gélatineuse ver-dâtre autour de l'origine des gros vaisseaux. Le feuillet séreux dans les points où existent les végétations est rouge et laisse voir une fine injection vasculaire. — Volume à peu près normal du cœur.

Le ventricule gauche, dont les parois ont une épaisseur naturelle, contient un caillot, libre dans sa cavité, si ce n'est en un point voi-sin de la pointe du cœur. Ce caillot est blanchâtre, de structure

fibreuse el assez résistant ; it se prolonge d'un côté dans l'oreillette droite, et de l'autre dans l'aorte, où il se termine bientôt en pointe dans ces deux derniers points, il est enveloppé d'une couche de sang noir à peine coagulé. — La section du caillot découvre qu'il n'existe, dansson intérieur, aucun point ramolli, aucun foyer rem-pli de matière puriforme. — L'endocarde ne présente d'ailleurs aucune altération de couleur, d'épaisseur ou de consistance.

Le ventricule droit qui, avant d'être ouvert, paraissait un peu distendu, est rempli par une concrétion poiypiforme conique, la-quelle n'adhère aux parois du ventricule qu'au voisinage de la pointe du cœur. Cette concrétion se divise par en haut en deux parties : l'une pénètre dans l'artère pulmonaire, l'autre passe en-tre les valvules tricúspides et va remplir l'oreillette droite qu'elle distend en même temps qu'elle envoie des prolongements dans une certaine étendue des veines caves inférieure et supérieure. Au moment de pénétrer dans l'artère pulmonaire, la branche an-térieure de la concrétion poiypiforme, présente, au niveau des valvules sigmoïdes, une sorte d'étranglement.

En ce point, on la voit offrir trois mamelons saillants qui sont exactement moulés dans la cavité en nid de pigeon des valvules.

Nous avons dit comment la concrétion se ramifiait dans le pou-mon lui-même, et se retrouvait jusque dans ses ramifications très-ténues de l'artère pulmonaire.

Dans le ventricule droit, comme dans le poumon, la concrétion est pâle, de stucture fibreuse, striée de sang, dans le sens de sa longueur; libre dans la plus grande partie de son étendue, elle n'adhère en réalité aux parois venlriculaires que dans un seul point voisin de la pointe du cœur. Là les adhérences sont intimes et difficiles à détruire. En arrière, elle est mollement unie à l'an-gle postérieur, rentrant, du ventricule droit par une masse de sang noir coagulé, lequel forme presque à lui seul le contenu de l'oreillette et des veines caves.

En disséquant la concrétion, on la trouve à son centre pleine et homogène dans la plus grande partie de son étendue; mais dans sa partie inférieure, au voisinage du point d'adhérence, elle con-tient deux kystes, dont l'un a le volume d'une grosse noisette, el

l'autre celui d'un petit pois. Ces deux kystes, sphériques, ont une paroi propre bien distincte de la fibrine ambiante et par sa couleur, qui est verdâtre, et par sa texture, i'énucléation en est facile. L'épais-seur de la paroi est uniforme et de deux millimètres ; le contenu est un liquide vert, épais, crémeux, lout-à-fait analogue au muco-pus qu'on rencontre dans les petites bronches,lors de certains catarrhes.

Ces deux tumeurs sont les seules que renferme le caillot, mais la face interne du ventricule droit est hérissée d'une vingtaine de kystes en tout semblables, qu'on pouvait apercevoir sans prépara-tion, lors de l'ouverture de la cavité ventriculaire. Ces tumeurs sont toutes situées dans les enfoncements qui existent entre les colonnes charnues; les unes y sont enfoncées et comme cachées, les autres font plus ou moins saillie dans la cavité cardiaque ; les unes ont le volume d'un tout petit pois ; il en est d'autres qui ont celui d'une noisette. La partie saillante dans le ventricule est Jisse, arrondie, globuleuse; tantôt c'est moins d'une demi-sphère, tantôt c'est une sphère presque complète ; mais, dans tous les cas, il faut disséquer le tissu musculaire avoisinant, pour voir ces tu-meurs dans toute leur étendue; on remarque alors que chacune d'elles se prolonge sous les colonnes charnues du cœur par une sorte de pédicule fibrineux, plus ou moins aplati. La par-tie cachée des tumeurs et leur pédicule n'adhèrent d'ailleurs que très faiblement au tissu de l'endocarde. Souvent deux tu-meurs ont un même pédicule. La coloration du pédicule, comme celle du kyste, est verte. En piquant ce dernier, qui est d'aiileurs fluctuant, il s'en échappe un liquide puriforme, en tout analogue à celui qui a été signalé plus haut. Quand les plus grosses des tumeurs ont été vidées, leurs parois reviennent sur elles-mê-mes. En général, la cavité du kyste se prolonge dans le pédicule lui-même, qui est alors canaliculé et contient aussi la substance puriforme. Aucune trace d'injection, de vascularisation dans les parois des kystes ou des pédicules; celles des plus volumineux présentent à leur face interne des sortes de côtes, de saillies pa-rallèles les unes aux autres. Aucune des tumeurs appendues aux parois ventriculaires ne nous à paru pleine, mais dans quelques cas, la matière contenue était plus dense et la paroi plus épaisse. Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons et Cœur. 24

Dans le ventricule droit, comme dans le gauche, l'endocarde était complètement sain; il en était de même de la membrane in-terne de l'artère pulmonaire.

En portant sous le microscope une gouttelette de la matière pu-riforme que contiennent les kystes, on remarque qu'elle est com-posée : 1° d'une substance amorphe qui ne paraît être autre chose que de la fibrine désagrégée; 2° d'une quantité prodigieuse de granulations moléculaires ; 3° d'un certain nombre de globules arrondis, pâles, un peu plus volumineux que les globules rouges du sang. Ces globules contiennent un certain nombre de granu-lations analogues à celles qui sont libres dans le liquide ambiant; ils ne contiennent pas de noyau distinct. Quelques-uns de ces glo-bules sont parfaitement sphériques ; d'autres présentent çà et là des aplatissements et des bosselures, résultats d'un commence-ment d'altération. Aucun globule muni des caractères anatomi-ques distinguant les vrais corpuscules du pus ne se rencontre. Tous sont constitués comme nous l'avons dit plus haut.

Ces raisons font penser qu'il s'agit ici, non pas de globules de pus modifiés, ou même de globules dits pyoïdes, mais bien de véri-tables globules blancs du sang.

Foie.— Volume à peu près normal; légères bosselures à la surface ; léger degré de cirrhose.

Reins. — Ils sont d'égal volume, mais tous deux sont légèrement hypertrophiés. Accroissement d'épaisseur de la substance corticale qui est d'un jaune orangé, d'aspect graisseux et ne contient pas de granulations. Atrophie commençante de la substance tubuleuse.

Rate. — 13 centimètres de haut en bas, très épaisse. Son tissu est dur et résistant, nullement friable. En la raclant, on en enlève une pulpe analogue au raisiné. Ulcération à fond tuberculeux dans l'intestin grêle. Pâleur remarquable de la muqueuse gastro-intestinale qui nulle part n'est ramollie; pas même d'auréole con-gestionnelle au pourtour des ulcérations.

INDICATION D'OBSERVATIONS ANALOGUES. - QUELQUES REMARQUES

CRITIQUES.

Nous avons recueilli, dans divers ouvrages, vingt et une ob-

servations plus ou moins détaillées de concrétions polypifor-mes du cœur, renfermantà leur centre une matière puriforme, la nôtre est la vingt-deuxième. Après les avoir analysées, il nous semble qu'on pourrait, à un certain point de vue, les di-viser en deux catégories principales.

Première catégorie.

Obs. I. — Chez une malade morle d'angine de poitrine (angina pectoris), Alian Burns trouva dans le ventricule gauche du cœur un caillot bien organisé, adhérant fermement à l'endocarde et contenant dans son centre une cuillerée à thé de matière puri-forme parfaitement formée. (Alian Burns. — Obs. on diseases of the Heart, 1809, p. 200.)

Obs. II. — Rhumatisme articulaire aigu, vaste concrétion po-iypiforme dans le cœur droit. Cette concrétion contenait çà et là dans son intérieur une matière ramollie et comme purulente. L'oreillette droite, les veines caves supérieure et inférieure, la ju-gulaire interne, la fémorale, l'artère pulmonaire jusque dans ses ramifications les plus ténues, contenaient aussi des concrétions polypiformes qui, dans quelques-uns de ces vaisseaux, renfer-maient aussi des points de suppuration. (Legroux. — Rech. sur les concr. sanguinespolypif. Thèses de Paris, 1827, n° 215, obs. 1.)

Obs. III. — Abcès urineux, gangrène scrotale. On trouve dans le ventricule gauche du cœur deux caillots fibrineux, du volume d'un pois chacun, et suppures à leur centre ; ces caillots consti-tuaient des espèces de kystes dont la surface interne était blanche et lisse. (Legroux, loc. cii., obs. 6.)

Obs. IV. — Chez une femme de 86 ans, non phthisique, on ren-contre, dans le cœur droit, des caillots suppures à leur centre. (Legroux, loc. cit., obs. 8.)

Obs. V et VI. — Pas de renseignements sur les malades. Dans

les deux cas, on rencontre dans le ventricule gauche du cœur des concrétions fîbrineuses suppurées à leur centre. (Cruveilhier, Anat. pat/iol., 28° livr.)

Obs. VII. — Chez une femme de 45 ans., morte avec une hyper-trophie du cœur, on rencontre dans les deux ventricules des mas-ses fîbrineuses, adhérant à l'endocarde, et au centre desquelles existent de petites collections purulentes. (Guénard. — Bul. delà Soc. anat., 1835, p. 101.)

Obs. VIII. — Un homme âgé de 30 ans, non tuberculeux. Œdème avec douleur dans le membre inférieur gauche. Caillot contenant une matière puriforme dans la veine iliaque primitive gauche. Les cavités droites du cœur sont occupées par deux cail-lots non adhérents, au centre desquels on trouve une matière opaque, blanchâtre, et du pus bien formé. Aucun autre viscère ne contenait du pus. (Nivet, loc. cit., p. 102.)

Obs. IX. — Pas de renseignements sur le malade. Caillot dans le ventricule gauche séparé des parois du cœur par une bande membraniforme ; au centre du caillot existait une matière sanieuse, purulente, demi-liquide. (Mercier, loc. cit., 1836.)

Obs. X. — Femme âgée de soixante ans. Pneumonie au troi-sième degré, pas de tubercules dans les poumons. Caillot dans le ventricule droit du cœur contenant à son centre çà et là une matière ramollie et purulente. M. Donné ayant examiné cette ma-tière au microscope y constate les véritables caractères du pus. (Guéneau de Mussy, loc. cit., p. 318, 14° année.)

Obs. XI. — Pas de renseignements sur le malade. Caillots con-tenant du pus, situés dans l'oreillette droite du cœur. L'examen microscopique dénote l'existence des caractères anatomiques du pus. (Guéneau de Mussy, loc. cit.)

Obs. XII. — Gastro-entérite, pneumonie, péricardite chez une femme âgée de 75 ans. Le ventricule gauche du cœur contient

dans sa cavité un petit coagulum dont on fait jaillir quelques gouttes d'un pus phlegmoneux et unpeusanieux. (Barth, loc. cit., 1848, p. 353.)

M. Bouillaud a dû rencontrer souvent cette variété de con-crétions suppurées dans les ventricules du cœur, mais je n'en trouve d'observations ni dans le tome II du Traité des maladies du cœur, ni dans le Mémoire sur les concrétions polypifor-mes du cœur inséré dans le journal Y Expérience, i 839. Quant à Hope, ce sont les concrétions avec matière puriforme de notre deuxième catégorie qu'il paraît avoir rencontrées le plus souvent. Il ne donne pas d'observations particulières à ce sujet. (Voyez Hope, A Treatise on Diseuses of the Heart, 3e édi-tion, 1839, p. 257.)

Dans tous les cas que nous venons de rapporter en abrégé, nous voyons la matière puriforme siéger au centre d'un ou plusieurs caillots plus ou moins organisés, plus ou noins adhé-rents aux parois de la cavité qui les renferme. Ces caillots existent au nombre d'un ou deux au plus dans un même ven-tricule ; on peut les rencontrer dans le ventricule droit ou dans le ventricule gauche , quelquefois on les rencontre à la fois dans les deux cavités ventriculaires. La matière puriforme est à même le caillot dont elle occupe le centre; elle n'est ja-mais contenue dans un kyste à parois distinctes. Dans les cas où on a donné des renseignements sur les malades, ces der-niers étaient atteints de pneumonie, de rhumatisme, de phlé-bite, d'abcès urineux, d'hypertrophie du cœur ; aucun d'eux n'était porteur d'excavalions tuberculeuses dans les poumons. Dans deux cas enfin, l'examen microscopique démontre que la matière puriforme possède, en réalité, les caractères anatomi-ques du pus.

Deuxième catégorie. Les concrétions sanguines contenant une matière puriforme

de cette deuxième catégorie, ont déjà un nom en anatomie pathologique; ce ne sont en effet autre chose que les végéta-* lions globuleuses, variétéssuppuréesdeLaënnec (TraitédAus-cult. 4,111, 3e édition) les kystes purulents multiples des cavi-tés ventriculaires de M. Cruveilhier (Anat. pathoL, 28e liv.).

Obs. I. — Femme âgée de 40 ans. Tubercules pulmonaires, les uns durs, les autres ayant la consistance du fromage mou. 11 n'y a pas de cavernes. Dans la cavité du ventricule droit, plusieurs petites vésicules un peu plus grosses qu'un pois ; toutes sont pé-diculées et tiennent aux parois des ventricules par des prolonge-ments en forme de racines imbriquées dans les colonnes charnues et présentant tous les caractères des concrétions polypiformes. Dans la plupart de ces vésicules, on rencontrait une matière d'un blanc jaunâtre, puriforme et d'une consistance de bouillie. Leurs parois opaques, jaunâtres, avaient la consistance d'un blanc d'ceuf cuit, d'une épaisseur à peu près double de celle de l'ongle et assez égale. (Laennec, Traité danscuit., t. III. p. 242, 3° éd.)

Obs. II, III et IV. — 1° Femme de 26 ans. Phtisie pulmonaire (excavations tuberculeuses) ; phtisie laryngée. Une quarantaine de petites tumeurs de divers volumes font saillie dans la cavité droite du ventricule du cœur, à travers le lacis des colonnes char-nues, auxquelles elles adhèrent par des prolongements en forme de pédicule. Ces tumeurs sont constituées par des kystes fibri-neux, à parois assez résistantes, qui toutes contiennent du pus blanchâtre bien formé. L'intérieur même du ventricule renferme des caillots fîbrineux décolorés non adhérents, ne présentant pas la moindre trace de pus à l'intérieur. Caillots décolorés, non pu-rulents, dans le ventricule gauche.

2° Jeune homme âgé de 19 ans. Cavernes tuberculeuses dans les poumons. Pus tuberculeux dans les glandes sous-maxillaires. Une vingtaine de tumeurs, en tout semblables à celles de l'obser-vation précédente, existent dans le ventricule droit. Même forme, même pédicule, même contenu.

3° Femme de 25 ans. Cavernes tuberculeuses des poumons. La

cavité du ventricule droit présente une infinité de petits kystes fi-brineux, pédicules, contenant du pus à l'intérieur. Ces tumeurs sont en tout analogues à celles qu'on a signalées dans les obser-vations qui précèdent. (Ces trois observations appartiennent à M. Miquel; elles se trouvent dans la Nouvelle Bibliothèque médi-cale, t. III, an. 1829, août, sous ce titre: Tumeurs fibrineuses, contenant du pus dans le cœur des phtisiques; Affection singulière non décrite.)

Obs. V et VI. — 1° Phtisie pulmonaire. Dans le ventricule droit du cœur, concrétions globuleuses multiples, dont les pédicules pé-nètrent entre les colonnes charnues. Ces concrétions sont autant de kystes dont la cavité contient en général soit un liquide sanieux, soit un liquide offrant tous les caractères physiques du pus.

2° Tubercules pulmonaires. Dans le ventricule droit du cœur, concrétions polypiformes multiples suppurées. (Legroux, loc. cit., obs. 7 et 9.)

Obs. VIL — Pas de renseignements sur le malade. Dans le ven-tricule droit du cœur, on rencontre des kystes multiples, à parois fibrineuses, adhérant aux parois par des prolongements fibrineux qui s'enfoncent dans les intervalles des colonnes charnues. Les kystes contiennent du pus visqueux et rougeâtre. (Cruveilhier, Anat. pathol., 28e liv.)

Obs. VIII. — Femme de 28 ans. Phtisie pulmonaire. Deux lar-ges cavernes anfractueuses remplies de pus. Dans le ventricule droit du cœur, on rencontre une quinzaine de petites poches, à parois fibrineuses, contenant du pus. Ces poches ont un pédicule qui pénètre entre les colonnes charnues. Quelques petites tumeurs en tout analogues aux précédentes pour la forme et le mode de connexion, sont pleines et entièrement constituées par une matière fibrineuse homogène. (Hache, Bull, de la Soc. anat. 1832, p. 97.)

Obs. IX. —Femme âgée de 66 ans. Phtisie pulmonaire au der-

nier degré. Au bord droit du ventricule droit du cœur, on ren-contre un caillot du volume d'une noix, n'adhérant qu'en deux ou trois points aux parois du cœur. Incisé, ce caillot laisse s'écouler une petite cuillerée de pus blanchâtre, opaque, assez liquide. Ce pus était contenu dans deux poches placées à côté l'une de l'autre, dont les parois blanches, assez fermes, lisses en dedans, nulle-ment vasculaires, environnées de fibrine en dehors, semblent for-mées de pus concret. Une petite poche arrondie, contenue dans la même masse de fibrine, présente une enveloppe toute semblable, contenant un semblable liquide. (Durand-Fardel, loc. cit. 14e an-née, p. 200.)

Obs. X. — C'est celle qui nous est propre.

Dans les dix casque nous venons de signaler, nous voyons la matière puriforme contenue dans des poches multiples, de divers volumes, lesquelles sont appendues aux parois du ventricule droit, et envoient un prolongement pédicule sous les colonnes charnues dans l'intervalle desquelles elles font saillie. Dans deux cas seulement, les tumeurs à contenu puri-forme sont enveloppées de tous côtés par une concrétion san-guine plus ou moins isolée au centre du ventricule droit ; mais, dans ces deux cas, la couche membraniforme qui contient le liquide, est bien distincte de la concrétion au sein de laquelle elle est située. Ces tumeurs à contenu puriforme étaient pri-mitivement, tout porte à le croire, une concrétion polypiforme globuleuse pleine ; le pédicule conserve souvent ce caractère. Quelques tumeurs globuleuses, composées de fibrine, dans toute leur épaisseur, qu'on rencontre çà et là sur les parois du ventricule droit, en même temps que les kystes, et qui ont le même mode de connexion que ces derniers, indiquent l'état par lequel ils ont dû préalablement passer avant de renfermer une matière puriforme. Dans tous les cas où l'histoire des malades a été faite, c'est-à-dire clans neuf cas sur dix, on voit qu'il ont succombé à la phtisie pulmonaire

parvenue à un degré en général très avancé (excavalion). Le cas rapporté par Laënnec paraît seul faire exception, car ici les tubercules étaient seulement en voie de ramollissement et il n'existait pas encore d'excavations pulmonaires.

L'enkystement de la matière puriforme, la multiplicité des kystes, leur siège exclusif dans le ventricule droit du cœur, la manière dont ils adhèrent à ses parois par le moyen d'un pé-dicule s'inlriquant dans les colonnes charnues, la coexistence générale d'excavations pulmonaires tuberculeuses, voilà un ensemble de caractères assez tranchés, je crois, pour justifier la délimitation que nous avons cherché à établir entre les di-verses concrétions cardiaques dites suppurées. Mais cette dis-tinction pourra paraître assez importante peut-être, si l'on considère que dans aucun des cas de la deuxième catégorie, un seul excepté, l'analyse anatomique du contenu des con-crétions n'a été faite, et que dans le seul cas où l'investigation microscopique ait été pratiquée, elle a fait voir qu'il s'agis-sait là, non pas de pus véritable, mais bien d'une substance ayant tout simplement l'aspect physique du pus et composé de détritus fibrineux, de granulations moléculaires et de globu-les blancs du sang.

Ce ne serait d'ailleurs pas la première fois que les globu-les blancs du sang auraient, en se rassemblant dans divers points du système vasculaire, pu donner le change et faire croire à l'existence du pus collecté. C'est ainsi, par exemple, que, dans une des observations rapportées par M. Hughes Bennett, dans son mémoire sur la leucocythémie (Comptes rendus de la Soc. de Biol., avril 1851, p. 46), les petites veines des méninges paraissent comme remplies de pus; elles ne contenaient cependant que des filaments fibrineux mêlés à des globules blancs du sang. Et en dehors du système circula-toire une matière trouvée dans les bassinets et les uretères, et qu'on avait à la simple inspection jugée être du pus, fut trouvée,

à l'examen microscopique, ne pas contenir de globules puru-lents, mais seulement des cellules d'épilhélium à cylindres et pavimenteux du bassinet des reins et des uretères. (Vogel. Traité (Tanat. path. gén. p. 135). La plupart des anatomo-pathologistes modernes ont cité des cas analogues aux précé-dents.

Tout ceci étant pesé, nous sommes portés à penser que par-mi les concrétions polypiformes du cœur dites suppurées, il en est un certain nombre (cas de la première catégorie) où le liquide contenu est, en effet, du pus; on les rencontre dans di-verses maladies : la phlébite, la pneumonie au troisième degré, etc., etc. Dans d'autres cas, au contraire, ces concrétions ren-fermeraient non pas du pus, mais bien un amas de globules blancs du sang mêlé à de la fibrine désagrégée. Je fais allu-sion ici, aux cas de la deuxième catégorie, lesquels présentent celte particularité remarquable qu'on ne les a rencontrés jus-qu'à présent que chez des phtisiques porteurs de tubercules pulmonaires en général très avancés dans leur évolution.

Ce n'est là, bien entendu, qu'une hypothèse probable, et il serait imprudent de généraliser ens'appuyant sur un seul fait; mon but, dans cette note, a été d'appeler l'attention des ob-servateurs sur un point fort intéressant d'anatomie morbide, lequel demande à être élucidé.

IL

Remarques sur les kystes fibrineux renfermant une ma-tière puriforme, observés dans deux cas d'anévrisme partiel du cœur.

Dans un travail lu à la Société de Biologie, en 1851 l, j'ai cherché à établir que les productions morbides du ventricule droit du cœur, désignées par la plupart des auteurs2 sous le nom de kystes purulents, et par Laënnec sous le nom de végé-tations globuleuses* ne renferment pas, au moins dans un bon nombre de cas, du pus véritable, mais bien un liquide d'appa-rence purulente, composé de granulations protéiques, de glo-bules graisseux, de globules blancs du sang plus ou moins al-térés, et enfin, d'un détritus amorphe résultant probablement de la désagrégation de la fibrine. Je trouve la confirmation de mes recherches sur ce sujet dans les publications récentes de M. le professeur Lebert (Atlas danatom. pathologique, Ire li-vr., kystes puriformes du cœur), du professeur Rokitansky, (Lehrbuch der Pathol, anatom. 3 aufläge, band 1, p. 378,

1 Charcot. — Cas de Tumeurs fibrineuses multiples contenont une matière puriforme, etc. (Comptes rendus et mémoires delà Société de Biologie, 1851, p. 189. — Voir plus haut, p. C00.)

2 Cruveilhier. — Atlas d'anat. pathol., 23e livraison.

W. Stokes. — The diseases of the Heart, etc. Dublin, 1853. Purulent cysts of the heart. Hughes. — Guy's Hospital Reports, vol. IV, 1839.

Hasse.— Anatomical description of the diseases of circulation and respira-tion. Svjaine's Trans. London, 1846. Forget. — Précis des maladies du cœur. Strasbourg, 1849.

3 Laënnec. — Traité d'auscultation, t. III, 3e édit.

Vien., 1855). (Voyez aussi Virchow, Handbuch der Speciell. pathoL und therap. 1 band., 1 helft, Propfbildungen, etc., Erlangen, 1854.)

Depuis la publication de mon travail, j'ai eu l'occasion d'ob-server deux faits qui démontrent que la matière liquide qu'on rencontre dans certains kystes de la cavité ventriculaire gau-che du cœur peut également offrir, à l'œil nu, les apparences du pus, sans en présenter toutefois les caractères anatomi-ques.

1.

Le sac des anévrismes partiels du cœur se trouve parfois en partie rempli par une sorte de tumeur fibrineuse de forme régulièrement ovoïde, à surface légèrement rugueuse, libre et immédiatement en contact avec le sang artériel dans la plus grande partie de son étendue ; adhérant par une de ses extré-mités au fond du sac anévrismal, à l'endocarde, en ce point plus ou moins épaissi et rugueux. Ces tumeurs, dont le vo-lume peut dépasser celui d'un œuf de poule, sont parfois pleines, compactes, homogènes, formées de fibrine coagulée et disposée par couches concentriques. On peut voir des figures représentant des exemples de ce genre dans VAtlas de M. Cru-veilhier et dans la lre livraison d es Annales de l'anatomie et de la physiologie pathologiques, publiées par J. B. Pigné (Pl. I, fig. 1). D'autres fois ces tumeurs sont molles, fluctuantes, et, quand on les incise, il s'en écoule un liquide épais, trouble, d'un vert plus ou moins franc, mélangé çà et là de particules rougeâtres, et tout à fait semblable, au moins par l'aspect, à du pus phlegmoneux.

Cette deuxième variété paraît correspondre à un degré plus avancé de la maladie : il est probable que la tumeur, d'abord solide dans toute son étendue lors des premiers temps de sa

formation, s'est ramollie par la suite, d'abord dans ses parties centrales ; puis le ramollissement a gagné de proche en proche, et le liquide ainsi produit ne se trouve bientôt plus séparé de la cavité ventriculaire que par une sorte de coque fibrineuse molle, d'une épaisseur souvent très peu considérable. C'est ce qui se présentait dans les deux observations que je rapporte plus bas avec détails.

Dans ces deux cas, le contenu des kystes avait, ainsi que je l'ai fait pressentir, l'aspect physique du pus : par l'examen mi-croscopique, on lui trouva la composition suivante : 1° Matière amorphe disposée en grumeaux (produit de la désagrégation de la fibrine) ; 2° granulations moléculaires en quantité énorme ; 3° globules de graisse libres, de volumes divers et en très grand nombre; 4° globules très nombreux à membrane extérieure très mince, très transparente remplis pour la plupart de gra-nulations graisseuses et semblables pour l'aspect et le volume à des globules blancs du sang altérés; 5° cristaux aciculaires dont la nature n'a pu être déterminée {fig. 44 et 45). On peut comparer ces résultats avec ceux qui ont été obtenus par MM.Le-bert, Rokitansky et par moi-même dans l'analyse microsco-pique du contenu des végétations globuleuses du ventricule droit.

II.

Quel est le mode de production de ces tumeurs fîbrineuses, dans les cas à'anévrisme partiel du cœur? Quelles sont les mo-difications anatomiques qui marquent les diverses phases de leur évolution? Comment, alors qu'elles remplissent en grande partie la cavité du ventricule gauche du cœur, n'amènent-elles pas un plus grand trouble dans l'exercice des fonctions cir-culatoires? Qu'arriverait-il enfin si elles venaient à se rompre et à mêler tout à coup leur contenu au sang en circulation?

Ce sont là autant de questions que suscitent mes observa-tions et qu'on pourrait multiplier encore; mais leur étude né-cessiterait des développements dans lesquels je ne puis entrer aujourd'hui. Je me contenterai, pour le moment, de l'exposé des faits, me réservant de les discuter dans une communica-tion ultérieure. Toutefois, je crois devoir présenter ici les re-marques suivantes relatives aux symptômes observés pendant la vie de mes deux malades.

a) Dans la première observation, nous voyons l'affection du cœur rester complètement latente: aucune anomalie n'est re-marquée dans les bruits perçus par l'auscultation; la percus-sion reste également muette, et cela devait être, puisque la forme et le volume du cœur étaient à peu près normaux, ainsi que l'autopsie l'a démontré par la suite. Le pouls, il est vrai, s'est montré pendant toute la durée de l'affection aiguë qui a mis fin aux jours du malade, extrêmement faible, filiforme, formicant, parfois presque insensible; mais cette remarque im-portante devait être perdue au milieu des nombreux symp-tômes ataxiques qui se sont succédés, et en l'absence de tout renseignement sur l'état antérieur des fonctions circulatoires.

Ces phénomènes ataxiques s'expliquent assez bien par l'exis-tence d'une phlegmasie pulmonaire d'abord localisée dans le lobe inférieur du poumon gauche, mais y restant pendant plu-sieurs jours à son premier degré; abandonnant ensuite la par-tie primitivement affectée pour aller définitivement s'établir dans le lobe supérieur du poumon droit et y déterminer rapi-dement la suppuration. De pareils symptômes s'observent fré-quemment dans le cours de ces pneumonies successives des vieillards affaiblis par l'âge et la misère. La contracture obser-vée pendant si longtemps, et d'une manière permanente dans le membre supérieur droit de la malade, aurait pu donner le change et faire croire à l'existence d'une lésion cérébrale; l'autopsie ayant démontré l'absence d'un ramollissement du

cerveau, ce symptôme serait, aujourd'hui encore, inexplicable pour nous, si nous ne savions pas que la contracture s'observe parfois au milieu des accidents si variés de l'ataxie, nous ferons cependant une remarque à ce sujet : les artères humérale et axillaire du membre contracture ont été trouvées, à l'autopsie, remplies d'un caillot quelque peu organisé et qui prenait ra-cine sur l'extrémité supérieure du kyste fibrineux qui remplis-sait en partie la cavité gauche du cœur. Y a-t-il entre la lésion et le symptôme simple coïncidence ? c'est ce que je ne saurais décider actuellement. Encore est-il que si la contracture n'a jamais été observée comme conséquence de la formation, pen-dant la vie, d'un caillot dans les artères, on a observé, en pareil cas, des douleurs vives, des paralysies du mouvement, des anesfhésies, phénomènes voisins de la contracture et qui fré-quemment la précèdent ou lui succèdent. — Il nous paraît pro-bable que la lésion organique du cœur n'a pas été sans influence sur la production des phénomènes graves observés chez la ma-lade pendant le cours de la phlegmasie aiguë qui a terminé son existence. Avant l'invasion de celte affection, la cavité gau-che du cœur, réduite à la moitié au moins de sa capacité nor-male, suffisait cependant encore tant bien que mal à ses fonc-tions. Le jet artériel, sans doute, devait être bien faible, puis-que le cœur gauche ne recevait et n'émettait, (à chaque batte-ment,) que la moitié du sang artériel sur lequel il agit d'habi-tude; mais l'organisme s'était comme familiarisé avec cette sorte d'infirmité acquise. La venue d'une affection aiguë fébrile a dû jeter un trouble extrême dans l'exercice des fonctions du cœur déjà si menacées, et de là peut-être, du moins en partie, tirent leur origine les phénomènes si graves observés pendant les derniers jours de la vie.

à) Chez la malade qui fait le sujet de la deuxième observa-tion, notre attention a été fixée dès le début sur le trouble des

fonctions du cœur. C'était au trouble de ces fonctions que nous rapportions tous les accidents observés; il nous a été cepen-dant impossible d'établir un diagnostic précis.

Un fait quelque peu exceptionnel devait appeler notre atten-tion ; je veux parler du souffle rude et superficiel observé dans toute la région interscapulaire. Ce symptôme n'était cepen-dant pas de nature à nous mettre sur la voie du diagnostic. On a constaté l'existence d'un pareil souffle dans deux circons-tances principales : tantôt il se lie à une affection de l'aorte thoracique (anévrisme, rétrécissement, compression par une tumeur, etc.); d'autres fois, il indique l'existence d'une lésion delà valvule mitrale. « Le murmure interscapulaire, dit M. W. Stokes, peut accompagner le rétrécissement et l'insuffisance de la valvule mitrale, mais plutôt l'insuffisance. » Et ailleurs: « il peut être plus prononcé que celui qu'on perçoit à la région précordiale ». (W. Stokes, The Diseuses of the Heart and the Aorta. Dublin, 1853.) L'absence du pouls radial, constatée à plusieurs reprises, indiquait le rétrécissement de cet orifice plutôt que son insuffisance. — Le double souffle lointain qu'on entendait à la région précordiale, au niveau de l'union du car-tilage de la troisième côte avec le sternum, et dont la première partie se propageait dans la direction de l'aorte, indiquait à son tour une lésion de l'orifice aortique. Le rétrécissement de cet orifice pouvait être considérable, bien que le souffle perçu au premier temps et à la base fût très faible; car, d'un côté, l'impulsion du cœur, très volumineux d'ailleurs, ainsi que le démontrait la percussion, était très faible; il y avait donc fai-blesse du cœur, comme on dit en Angleterre, ou mieux asysto-lie, pour me servir du terme imaginé par M. Beau, ^absence complète du pouls, s'accordait parfaitement avec la supposition de ces lésions. Dans une observation fort intéressante, lue à la Société anatomique, en juillet 1854, par M. le Dr Yulpian, l'orifice aortique était rétréci de manière à ne laisser libre

qu'une fente de 2 cenlimètres de long sur 2 millimètres de large ; le souffle, au premier temps et à la base, observé peu -dantla vie, était presque nul, l'impulsion du cœur, très volumi-neux, nous le répétons, était très faible et le pouls radial pres-que insensible. (Bulletins de la Société anatomique, t. XXIX, p. 217 et suiv.)

En résumé, rétrécissement de la valvule mitrale, rétrécisse-ment très prononcé de la valvule aorlique, faiblesse du cœur, tel était le diagnostic complexe auquel nous avions cru devoir nous arrêter. Ces lésions multiples nous paraissaient pouvoir expliquer tous les symptômes observés pendant la vie : l'hy-pertrophie du foie et l'ictère, l'absence du pouls et les accès d'asthme cardiaque si prononcés, etc. La mort subite enfin trou-vait son explication. L'autopsie cependant est venue appren-dre qu'aucune de ces lésions n'existait en réalité. Tous les ac-cidents étaient produits par un anévrisme partiel du cœur, ac-compagné d'une hypertrophie considérable des parois venlri-culaires et compliqué de l'existence d'une énorme concrétion fibrineuse remplissant les deux tiers de la cavité du ventricule gauche. Nouvelle preuve, s'il en était besoin, de l'obscurité qui couvre encore le diagnostic des anévrismes partiels du cœur, malgré les savantes et laborieuses recherches des modernes1..

Obs. I. —Anévrisme partiel du cœur peu prononcé, ne se révélant pendant la vie, à l'auscultation, par aucun symptôme. — Ven-tricule gauche rempli par un kyste volumineux renfermant un liquide puriforme. — Caillot se prolongeant dans l'aorte, dans l'humérale et Vaxillaire du côté droit. — Pneumonie, hépalisation granuleuse grise.

La nommée Mélanie Berger, ancienne artiste dramatique, âgée de 68 ans, entrée à l'hospice de la Salpêtrière pour un engorge-ment des glandes du cou et une amaurose, le 12 mars 1851, est

t Voir l'aperçu bibliographique, donné par M. le D* Leudet, in Comptes rendus et Mém. de la Soc. de biologie, 185 î, p. 105.

Charcot. Œuvres complètes, t. y, Poumons et Cœur. 25

amenée à l'infirmerie, le 22 mars 1852 et placée salle St-Jean, n° 11, service de M. Gazalis. On ne peut obtenir aucun renseigne-ment de cette malade sur sa santé antérieure et sur les débuts de son affection actuelle, elle est déjà dans le délire. Cependant elle assure être sujette à des rhumatismes et se plaint de douleurs fixes dans les deux côtés de la poitrine. Réaction fébrile peu pronon-cée, pouls très petit, mais peu fréquent, régulier. A l'auscultation, un peu de râle crépitant assez fin dans la partie moyenne du lobe inférieur du poumon gauche. (Potion : tartre stibié, 0.10, diète).

Le 23 et le 24, la réaction se prononce : la malade s'agite beau-coup et parle sans cesse, la langue est sèche, la peau est chaude, le pouls est remarquablement petit et très fréquent.

25. Pouls très petit, à 108; peau très chaude, langue très sèche, état typhoïde, coma vigil, urines et selles involontaires. Le mem-bre supérieur droit est contracture, porté dans la demi-flexion. Quand on l'étend, ce qui est assez difficile, la malade pousse des cris; et quandle membre étendu est abandonné à lui-même, il se fléchit de nouveau, lentement, et reprend enfin sa position primi-tive. La sensibilité est partout conservée. A l'auscullation on ne découvre autre chose dans la poitrine que du râle sous-crépitant dans le lobe inférieur du poumon gauche; pas de matité en ce point. Rien au cœur, pas de toux, pas d'expectoration.

26. Même état. Le pouls est si fréquent qu'on ne peut le comp-ter : il est petit, tout à fait filiforme, parfois irrégulier. Les bruits du cœur sont normaux.

27. Sorte de rémission dans tous les symptômes. Pas de délire, mais sorte d'hébétude.

28. Il y a un redoublement fébrile, la face s'est injectée de nou-veau; il y a des mouvements spasmodiques des paupières et des ailes du nez du côté gauche, coma vigil; sommeil bruyant, un peu stertoreux; pouls fïfiforme, très irrégufier et extrêmement fré-quent. La contracture du membre supérieur droit persiste.

A l'auscultation, on constate pour la première fois, au sommet du poumon droit, un souffle tubaire superficiel, mélangé de râles sous-crépitants fins. La malade a rendu quelques crachats rouil-les. Le râle qui existait dans le côté gauche de la poitrine est de-

venu muqueux et a perdu le caractère pneumonique. (Potion, tar-tre stibié, 0,15.)

29. Dévoiement abondant. Coma profond, hoquet. Les batte-ments du cœur extrêmement fréquents et irréguliers, mais on n'y entend pas de bruits anormaux.

30. Mort à deux heures du matin.

Autopsie faite le 31 mars, à neuf heures du matin. — La con-tracture qui, pendant la vie, occupait le membre supérieur droit, a complètement disparu après la mort.

Encéphale. — Les méninges sont épaissies, légèrement opa-ques, infiltrées d'un liquide transparent qui les rend comme œdé-mateuses. Le cerveau n'est pas ramolli; il présente un piqueté assez évident, uniformément répandu dans toute l'étendue des deux hémisphères.

Abdomen. — Le foie présente la coloration, la consistance et le volume de l'état normal. Il renferme trois noyaux blanchâtres, du volume d'une noisette, d'aspect squirrheux, mais dont l'examen microscopique n'a pas été fait. La rate est normale. L'estomac et les intestins paraissent sains dans doute leur étendue; leur mem-brane muqueuse présente une coloration pâle.

Thorax. — Hépatisation granuleuse grise, occupant toute l'é-tendue du sommet du poumon droit.

Le cœur est à peine plus volumineux que dans l'état normal. Il n'a pas contracté d'adhérences avec le péricarde. Sa pointe paraît arrondie, obtuse et présente une coloration d'un blanc mat. On ne remarque aucune particularité dans sa forme extérieure. Les ca-vités gauches paraissent seulement un peu globuleuses et comme distendues.

En incisant la paroi antérieure du ventricule gauche, parallèle-ment au sillon interventriculaire, on voit que cette cavité est rem-plie dans ses deux tiers inférieurs, par une tumeur de forme ovoïde, bien régulière, à surface légèrement rugueuse, d'une coloration brune; l'extrémité inférieure de cette tumeur est obtuse et adhère intimement à l'endocarde qui tapisse la partie du ventricule cor-respondant à la pointe du cœur, son extrémité supérieure est lé-

gèrement accuminée et se prolonge dans la cavité de l'aorte sou forme d'un pédicule très délié qu'on peut suivre dans toute l'éten-due de la crosse. La tumeur n'est adhérente que dans son quart inférieur; dans tout le reste de son étendue elle est libre et baigne dans le sang du ventricule ; elle a environ 5 centimètres dans son-grand diamètre sur 3 centimètres et demi de large; elle est fluc-tuante : quand on l'incise, il s'en écoule environ trois cuillerées à café d'un liquide épais, opaque, d'un vert légèrement roux,.

Fig- 43. — A, kyste fibrineux contenant une matière puriforme, ouvert par sa partie anté-rieure. — B, la paroi du kyste. — C, les parois du cœur réduites à l'état d'une mince lamelle d'aspect fibreux ; point d'adhérence du kyste à 1 endocarde.

ressemblant fort bien à du pus phlegmoneux, mélangé d'un peu de sang.

La surface interne du kyste est mamelonnée, comme tomen-teuse par places; ses parois sont très minces, elles ont dans cer-tains points à peine un millimètre d'épaisseur; la substance qui les constitue a l'aspect de la fibrine coagulée; elle est disposée par la-melles concentriques; les plus extérieures de ces lamelles sont pâ-les et résistantes; celles qui tapissent immédiatement la cavité du kyste sont verdâtres et très friables (Fig. 43).

Le liquide extrait du kyste présenle, à l'examen microscopique, la composition suivante : 1° matière amorphe disposée en gru-

maux (fibrine désagrégée) ; 2° granulations moléculaires en quan-tité énorme; 3° globules de graisse libres, de volumes divers et en très grand nombre; 4° globules très nombreux, arrondis, à mem-brane extérieure très mince, très transparente, remplis pour la plupart de granulations graisseuses et ayant l'aspect et le volume des globules blancs du sang (ce sont, tout porte à le croire, des globules blancs du sang altérés); 5° des cristaux en aiguille dont la nature n'a pas été déterminée {Fig. 44 et 45).

Les parois du kyste renferment à peu près les mêmes éléments, seulement les globules graisseux y prédominent.

Les parois du ventricule gauche paraissent légèrement épaissies

fig. 44 et 45. — Eléments microscopiques composant le liquide puri'orme contenu dans le kyste. — Avant l'action de l'eau (Fig. 44); après l'action de l'eau (Fig. 45).

dans leur moitié supérieure, mais à mesure qu'elles approchent de la pointe, elles s'amincissent peu à peu; et bientôt, dans les points qui répondent aux adhérences contractées entre le kyste et l'endocarde, elles ont à peine 3 millimètres d'épaisseur. Là elles paraissent uniquement constituées en dedans par l'endocarde épaissi, rugueux, opaque, en dehors par une sorte de tissu fibreux blanc, légèrement nacré, très résistant : en tout deux couches. Plus haut, et dans toute l'étendue supérieure du ventricule gauche, on remarque sur la surface de section : 1° en dedans, au voisinage du kyste, l'endocarde épaissi, blanc, opaque, pouvant se détacher facilement des partiessous-jacentes; 2° une sorte de trame fibreuse de nouvelle formation se continuant avec la couche nacrée dont il a été question plus haut et présentant le même aspect ; 3° une

troisième couche formée de fibres musculaires, pâles, décolorées et comme infiltrées de graisse; 4° les fibres musculaires du cœur avec leur aspect normal.

L'endocarde ne présente d'altérations que dans les points où il est en contact avec le kyste auquel il paraît uni dans certains points par des lamelles celluleuses de formation nouvelle ; là, il est épaissi, blanc, opaque, légèrement rugueux à sa surface in-terne et comme chagriné. Partout ailleurs il a son aspect normal. Les valvules aortiques et les valvules auriculo-ventriculaires ne présentent aucune altération. L'aorte est saine: on n'y voit pas de plaques athéromateuses, elle n'est nullement dilatée. Le ventricule droit, l'artère pulmonaire, les deux oreillettes sont complètement exempts d'altération.

Le caillot que nous avons vu partir du kyste et se prolonger dans la crosse de l'aorte, pouvait être suivi à droite et dans toute l'étendue de l'artère axillaire et numérale, mais, à mesure qu'il s'éloignait du centre circulatoire, il paraissait moins organisé et de formation plus récente. Dans l'humérale et dans l'axillaire droite, pas plus que dans l'aorte, il n'adhérait aux parois vascu-laires qui ne présentaient aucune altération. Les artères corres-pondantes du côté gauche ne contenaient pas de caillots, mais seulement un peu de sang fluide.

Obs. II. — Anévrisme partiel de la pointe du cœur et de la cloison inter-ventriculaire. — Ventricule gauche rempli en grande partie par un kyste très volumineux et contenant un liquide puriforme.

— Pendant la vie, souffle intense isochrone aux battements du cœur, entendu surtout au-dessous de la pointe de l'omoplate gauche.

— Absence complète du pouls radial. — Pneumonie, apoplexie pulmonaire.

La nommée Jolivet Françoise, âgée de 62 ans, autrefois jour-nalière, entre à l'infirmerie de la Salpêtrière, le 21 mars 1852, salle St-Jean, n°6, service de M. Cazalis.

Antécédents. On nous apprend que cette femme est entrée à l'hospice pour une paralysie complète de la langue; elle a perdu complètement l'usage de la parole et ne peut s'exprimer que par

signes. Elle ne peut avaler les liquides qu'à l'aide d'un biberon; si elle essaye de boire autrement, elle tousse immédiatement et est prise d'une sorte de suffocation. Elle avale les solides beaucoup plus aisément, mais la déglutition se fait avec lenteur. L'intelli-gence paraît très nette, il n'y a pas de surdité. Elle nous fait com-prendre qu'à part son infirmité, elle jouissait d'une bonne santé depuis son entrée à fa Safpêtrière. Elle assure qu'elle est tombée malade il y a quinze jours seulement; elle a commencé à éprouver alors de la dyspnée, de l'anxiété. Elle s'est vue forcée souvent de s'asseoir sur son lit, et ne peut guère dormir la nuit. Quelque-fois cependant, elle peut se coucher sur le côté droit et sommeiller un peu; mais il lui est toujours impossible de se coucher sur le côté gauche. Elle a en même temps perdu l'appétit, mais elle n'a pas éprouvé de frissons. Depuis une quinzaine de jours, vertiges, bourdonnement d'oreilles, scintillement devant les yeux, toux quinteuse et sèche.

État actuel. — Apparence d'une forte constitution. La face est injectée et présente une teinte générale un peu violacée. Légère teinte ictérique des conjonctives. La malade rapporte toutes ses souffrances à la région du foie; quand on palpe ou qu'on percute cette région, elle accuse une douleur vive aussitôt qu'on arrive au niveau des fausses côtes droites. On observe en même temps que le foie, qui,d'ailleurs, ne remonte pas très haut, dépasse le rebord costal d'environ 2 pouces. Nous observons pendant la journée que la malade est habituellement couchée sur le côté droit; mais elle se lève de temps en temps tout à coup sur son séant, comme pour mieux respirer. L'œil est hagard et la malade paraît en proie à une vive anxiété. La peau n'est pas chaude. Le pouls des artères radiales est complètement insensible. La main appliquée sur la région précordiale perçoit des battements peu énergiques. La matité de cette région est absolue et très étendue; la percussion n'y provoque point de douleurs.

L'auscultation fait reconnaître des bruits sourds et comme étouffés, presque nuls. On entend un souffle peu intense ; double, ayant son maximum à la pointe et se propageant dans la direction de l'aorte. Pendant cette exploration, la malade fait comprendre

qu'elle éprouve dans le dos, au niveau de la pointe de l'omoplate, une sensation de battements. Quand on lui dit de préciser le point où elle éprouve cette sensation, elle porte la main sur le bord ex-terne gauche de la colonne vertébrale, à un décimètre environ au-dessous du niveau de l'angle de l'omoplate. L'exploration de celte région par la percussion n'y fait pas reconnaître de matité ; mais, par l'auscultation, on perçoit un souffle assez rude, paraissanlassez superficiel, et qui se propage de ce point où il a son maximum dans toutes les directions; on l'entend par en bas jusque sur le sacrum; par en haut, sur la colonne vertébrale, on l'entend en-core à 15 centimètres au-dessus du niveau de la pointe de l'omo-plate. Latéralement il se propage fort loin du côté gauche; mais on l'entend aussi à droite, quoique plus faiblement, jusqu'au ni-veau de la ligne sous-axillaire.

Par l'examen de la poitrine, on découvre en arrière, en bas et à droite, une matité très prononcée. Dans ce point même, la respi-ration est très faible et mélangée de quelques râles sous-crépi-tants.

Les extrémités sont un peu froides. La malade assure ne pas éprouver de fourmillements dans les membres tant inférieurs que supérieurs. La sensibilité et le mouvement sont parfaitement libres. Pas trace d'œdème. (Potion : opium, digitale. Une portion d'aliments.)

23 mars. La malade ne peut dormir la nuit. Elle se lève souvent tout à coup et fait quelques pas dans la salle. Elle fait comprendre qu'elle est dans ces moments-là en proie à une vive oppression. La peau devient un peu chaude; la langue est couverte d'un enduit blanc. La teinte ictérique se prononce davantage, cependant, la région du foie est moins douloureuse. L'appétit se perd.

Du 25 au 30, pas de modifications importantes. Toujours la même agitation. La malade se promène toute la nuit dans la salle et reste assise sur son lit pendant la plus grande partie du jour.

31. La teinte ictérique persiste. Même agitation. Le pouls radial est toujours nul. Extrémités froides et violacées. A la partie infé-rieure de la poitrine, souffle mélangé de quelques râles sous-cré-pitants. Toux sèche, soif.

1er avril. L'agitation et la dyspnée ne font qu'augmenter. Une cyanose générale se manifeste. La malade ne peut rester un moment en place; elle se plaint de fourmillements, de crampes dans les jambes. Le pouls est toujours insensible. La matité précordiale paraît plus étendue encore que les jours précédents. Les bruits du cœur sont très faibles et presque insensibles, son impulsion très faible. Le souffle double à la base a complètement disparu. Il en est de môme du souffle qu'on entendait distinctement à la région dorsale. La matité correspondant à la partie inférieure du pou-mon persiste et s'étend.

4. Les battements des artères humerales elles-mêmes ne sont plus perceptibles. Les carotides et fes crurales battent très faible-ment. La malade est très affaissée, elle est couchée sur le côté droit et comme repliée sur elle-même.

5. Un peu de râle laryngo-trachéal, plaintes, gémissements. Le matin vers onze heures, la malade descend de son lit; elle tombe aussitôt à terre et meurt subitement.

Autopsie faite le (î avril, à 9 h. du matin. — Encéphale. — Le lobe gauche du cervelet présente à sa face supérieure deux dé-pressions, comme formées par l'impression des doigts, ayant cha-cune environ un centimètre et demi de large sur un centimètre de profondeur. Au niveau de ces dépressions, les circonvolutions la-mellaires sont complètement effacées. Ces cavités sont recouvertes par l'arachnoïde ; elles sont remplies par un liquide transparent, communiquant avec le liquide sous-arachnoïdien. Le cervelet est sain dans tout le reste de son étendue. Vers la partie antérieure du lobe cérébral droit, au niveau de l'extrémité externe de la scissure de Sylvius, on trouve une cavité du volume d'une noix, fermée en dehors dans une partie de son étendue parles méninges cérébrales épaissies et se prolongeant en dedans, dans la profon-deur de la substance cérébrale, jusqu'au voisinage de la partie an-térieure et externe du ventricule correspondant. Cette cavité est remplie d'un tissu cellulaire à mailles larges, vasculaire et impré-gné d'une sérosité limpide. Dans cette cavité, rampent des vais-seaux nombreux, fortement contournés, et qui sont des ramifica-

tions des vaisseaux de la scissure de Sylvius. A gauche, et dans une situation analogue, une autre cavité, mais d'une capacité deux fois moindre.

Les méninges sont injectées, épaissies et fortement infiltées d'une sérosité parfaitement transparente. Piqueté cérébral général, pas de ramollissement.

Abdomen. — Foie volumineux, muscade, fortement conges-tionné, reins normaux. Rate, 10 centimètres de haut en bas, très épaisse, dure, d'une coloration et d'une consistance qui se rap-prochent de celles du foie.

Estomac. — La membrane muqueuse de l'estomac présente au voisinage du pylore une teinte ardoisée très manifeste. Au niveau de la grande courbure, deux ulcères simples, à fond nacré, à pour-tour rouge vif, ayant chacune l'étendue d'une pièce de 50 centi-mes, arrondis et communiquant entre eux par une sorte de rami-fication. — Les intestins n'ont rien présenté de notable.

Thorax. Poumons. — La plèvre droite contient une assez grande quantité d'un liquide transparent, citrin, mais dans lequel nagent, surtout dans les parties les plus déclives, des flocons albumino-fibri-neux verdâtres. Quelques plaques pseudo-membraneuses, verdâ-tres, sur la plèvre qui recouvre le lobe inférieur. L'épanchement s'étendait sur la plus grande partie du poumon, lequel était retenu aux parois thoraciques en plusieurs points par des fausses mem-branes organisées de date plus ou moins récente. Le lobe moyen et le lobe inférieur du poumon droit sont d'une coloration foncée, lourds et résistants. Quand on les divise par une section qui se pro-longe dans toute leur étendue, on remarque que les parties cen-trales sont occupées par de nombreux noyaux d'apoplexie pulmo-naire granuleuse, arrondis, circonscrits, se détachant vivement par leur coloration d'un violet foncé sur les parties environnantes dont la teinte est plus pâle; toutes les parties des deux lobes infé-rieurs, qui n'offrent pas ces altérations, présentent les caractères de l'hépatisation granuleuse grise la plus manifeste.

Le poumon gauche est sain dans toute son étendue.

Le cœur a un volume considérable. Il pèse 960 gr., avec les caillots et l'origine des artères. L'augmentation de volume paraît

appartenir exclusivement au ventricule gauche; le ventricule droit estrelativementpetit et comme relégué en arrière. L'oreillette droite est, proportion gardée, volumineuse. La pointe du cœur est extrê-mement obtuse et comme aplatie suivant la direction du grand axe de l'organe.

Pas d'adhérences péricardiques. Quantité notable de liquide citrin dans le péricarde. A la surface du cœur, surtout sur le ven-tricule gauche, au voisinage de la pointe, on voit de nombreuses plaques blanches, d'une grande étendue et d'une date évidemment très ancienne.

Le ventricule gauche est ouvert avec précaution dans toute son étendue par une incision parallèle au sillon intervenlriculaire, la cavité paraît alors très vaste, et comme globuleuse; la plus grande partie de son étendue est occupée par une vaste tumeur ovoïde, lisse à l'extérieur, se terminant en haut par une extrémité obtuse, adhérant intimement par son tiers inférieur à la paroi du ventri-cule, surtout au niveau de la pointe du cœur. Cette tumeur est. partout ailleurs, libre dans la cavité du cœur, et en rapport avec des caillots sanguins de formation récente; elle est formée d'une enveloppe composée de couches fibrineuses concentriques, très minces (environ 2 millim.) dans certains points, très épaisses dans d'autres (4 millim.) et d'un contenu liquide, épais, opaque, d'un vert brun ayant l'aspect du pus. Ce liquide, dont la quantité est considérable, présente à l'examen microscopique la composi-tion suivante : 1° détritus fibrineux amorphe ; 2° granulations mo-léculaires nombreuses; 3° globules graisseux de volumes divers, très nombreux; 4° globules blancs du sang ayant subi la dégéné-rescence graisseuse.

L'endocarde est blanc, opaque, épais, au niveau des adhérences avec le kyste et dans leur voisinage ; partout ailleurs il présente son aspect normal.

Les valvules aorticpies et l'aorte sont complètement saines. Les valvules auriculo-ventriculaires sont d'un blanc laiteux, mais d'ailleurs bien conformées.

Les parois du ventricule gauche sont épaissies (2 cent.) surtout aux parties centrales et à la base. Le tissu musculaire y conserve

son aspect normal dans les deux tiers supérieurs de leur étendue. Mais dans le tiers inférieur, dans toutes ses parties qui concourent à former la pointe du cœur, la paroi qui conserve encore une grande épaisseur (1 cent. J/2) ne présente plus du tout l'aspect musculaire; elle paraît constituée par un tissu fibrineux, résis-tant, nacré, composé de couches superposées. (La pointe du cœur déployée présente celte texture fibreuse dans une étendue de 9 cent, environ dans tous les sens.)

Lorsque la cavité du ventricule gauche a été débarrassée du kyste qu'elle renfermait, on remarque au voisinage du cœur, sur la paroi interventriculaire, dans le point de réunion de celte paroi avec la base des piliers postérieurs des valvules mitrales, un ori-fice arrondi ayant environ 2 centimètres de diamètre, ets'ouvrant dans une cavité régulièrement hémisphérique de 2 cent. 1/2 de profondeur environ. Les parois de cette cavité, ainsi que l'endo-carde, au voisinage de son orifice, ont une consistance osseuse et résonnent comme du carton quand on les frappe.

Son fond se dirige dans la cavité du ventricule droit où il fait une saillie d'environ un centimètre. La face interne est recouverte de plaques calcaires; elle paraît, du moins en certains points, re-couverte d'une membrane qui se continue insensiblement avec l'en-dccarde. Un caillot composé de lamelles fîbrineuses stratifiées, et dépendant du kyste que nous avons vu remplir la plus grande par-tie du ventricule gauche, obturaient complètement cette petite cavité anévrismale.

Les autres parties du système vasculaire n'ont pas présenté d'altération notable.

III.

Végétations des valvules auriculo-ventriculaires gau-ches, avec hypertrophie du cœur et hydropisie ascite ; ulcérations multiples de la muqueuse de l'estomac; tumeurs gélatineuses dans le foie, chez un chien âgé de douze ans 1.

Un chien de garde, matin, d'assez forte taille, et qui avait éprouvé la maladie dans les premières semaines de sa vie, s'était ensuite toujours bien porté, lorsqu'il y a quatre à cinq mois, il tomba tout à coup malade, cessa de manger régulièrement et maigrit d'une manière très prompte. Il était alors âgé de douze ans moins quelques mois. Sa maladie fut attribuée à ce qu'il avait mangé avec avidité des étoupes servant au pansement d'une plaie suppurante d'un cheval. Quoi qu'il en soit, ce fut quelques se-maines après que la maladie éclats.Dès le début, outre l'amaigris-sement et l'inappétence, il faut encore noter une soif que rien ne pouvait satisfaire, et à cette époque déjà les excréments, qui étaient toujours secs, farineux et d'une teinte grisâtre, devinrent habituellement noirs et semi-liquides. Peu à peu le train de der-rière s'affaiblit considérablement et ne peut plus supporter l'ani-mal, qui ne se déplace plus guère. La maigreur devient excessive ; mais le ventre reste volumineux et présente tous les signes de l'hydropisie ascite. Dans les dernières semaines de sa vie, l'ani-mal refuse toute nourriture; il boit sans cesse avec avidité, rend des excréments liquides jaunâtres et teints de sang. La veille de sa mort, il éprouve quelques vomissements, et rend de nouveau

t Comptes-rendus de la Société de Biologie, 1851, p. 24.

des excréments colorés en rouge. On note que le cadavre n'é-prouva pas de raideur.

Le cerveau et la moelle épinière ne présentent à l'autopsie au-cune altération qui puisse expliquer la paralysie des membres postérieurs. Le cœur est très volumineux ; les parois du ventri-cule gauche surtout sont fortement épaissies. Le bord libre des valvules auriculo-ventriculaires gauches présente une série de végétations volumineuses, transparentes, très adhérentes aux valvules. Ces végétations ont toutes leur extrémité libre dirigée vers la cavité de l'oreillette. Ces végétations examinées au micros-cope par M. Lebert et M. Davaine, paraissent essentiellement composées de fibrine à l'état amorphe, contenant des granula-tions de caractère indéterminé, insolubles dans l'acide acétique. Pas de traces de vascularisation. Les valvules auriculo-ventricu-laires droites présentent au niveau de leur bord libre un épais-sissement et quelques végétations analogues aux précédentes, mais bien moins importantes. Rien aux valvules sigmoïdes; rien de notable non plus dans les autres points de l'endocarde; les pou-mons étaient sains.

Vabdomen était distendu par une grande quantité de sérosité jaunâtre, transparente, sans flocons albumineux.

Les intestins, examinés dans toute leur étendue, ne présen-taient aucune lésion, leur muqueuse était tapissée par un mucus d'un brun rouge très fétide. Vestomac, un peu revenu sur lui-même, présentait une coloration çàet là rouge brique, et, par place, d'un violet foncé; on y voyait un nombre considérable ulcérations ovalaires, d'étendue variable, mais dont quelques-unes étaient aussi larges qu'une pièce de un franc. De ces ulcérations, les unes paraissaient en pleine activité et étaient entourées d'une auréole violacée ; d'autres semblaient en voie de réparation et ne présen-taient plus à leur pourtour ou dans leur fond de vascularité anor-male. Quelques-unes d'entre elles mettaient à découvert la tuni-que celluleuse ; d'autres, au contraire, n'avaient pas attaqué toute l'épaisseur de la membrane : c'étaient de simples exulcéra-tions.

Le foie assez volumineux et un peu bosselé, était semé de noyaux blanchâtres, diaphanes, de consistance gélatineuse, dont quelques-uns atteignaient le volume d'une grosse noi-sette.

IV.

Note sur l'endocardite ulcéreuse aiguë à forme typhoïde à propos d'un cas d'affection ulcéreuse de la valvule tricuspide avec état typhoïde et formation d'abcès multiples dans les deux poumons '.

Une forme de Y endocardite ulcéreuse aiguë est remarqua-ble en ce qu'elle s'accompagne d'un ensemble de symptômes rappelant ceux qu'on observe dans les fièvres typhoïdes ou dans l'affection purulente et qui semblent devoir être rat-tachés à une septicémie profonde. Cette forme par excellence grave de l'endocardite 2 a été surtout étudiée à l'étranger, en particulier par MM Virchow 3, Rokitansky 4, S. Kirkes 5, 0» Beckmann 6 ; tout récemment dans deux traités classiques sur les maladies du cœur, MM. Bamberger 7 et Friedreich 8 se sont appliqués à résumer les principaux traits de son histoire.

i Mém. de la Soc. de biologie, 1861, p. 205. — En collaboration avec M. Vclpian.

s Cette forme paraît correspondre à Yendocardite gangreneuse de M. Bouil-laud. (Voir Traité des maladies du cœur, t. II, p. 29-87).

3 Virchow. — Ueber Capillare (Archiv, für path. Anatom., Bd. 9% lift. 2, 1856, p. 307. — Gesumm. Abhandlungen, 1836. S. 711. — Mon als ehr if t für Geburtskunde, li. Bd. S. 409, 1858.

4 Rokitansky. — Patkol. Anatom., — Wien 1856, t. II, p. 273 ; t. I, p. 382, 380.

5 S. Kirkes. — Edinb. medicai and surgical Journal, t. XVIII, p. 119, 1853,. et Archives de med., 1853, t. I p. 3u5.

« 0. Beckmann. — Virchow's Archiv., 12 Bd. I heft. 1857, p. 59. — Idem, 20 Bd. 3, 4 hft. 1860, p. 217.

7 Bamberger. — Lehrbuch der Kraukh. der Herzens. Wien., 1857, p. 164, 165.

8 Friedreieh. — Die Kraukh. der Herzens, in Virchow's handbuch, 5 Bd. 2 Abth. 2 haelfte, p. 323, 328 ; 1361.

C'est là, néanmoins, un sujet encore incomplètement exploré et qui n'a pas attiré l'attention qu'il mérite, en raison de son importance clinique ; aussi croyons-nous utile de faire connaî-tre une observation que nous avons recueillie récemment et qui se rapporte évidemment à cet ordre de faits, du moins par les points essentiels.

Les ufcérations, dans les faits dont il s'agit, se rencontrent à peu près toujours dans les cavités gauches ; elles siègent le plus habituellement sur les valvules. Elles sont le résultat d'une fonte, d'une désagrégation rapide de la membrane in-terne du cœur, et voici comment, d'après les recherches les plus récentes1, s'accomplit ce travail morbide: les éléments constitutifs de l'endocarde, cellules plasmatiques et tissu in-termédiaire, paraissent d'abord, dans une étendue variable, infiltrées d'un produit d'exsudation; ils se distendent et se tuméfient, puis ils se ramollissent, se dissocient et se résol-vent enfin en un détritus de consistance pultacée qui, sous le microscope, paraît opaque, finement grenu, résiste à peu près absolument à l'action des réactifs énergiques, acides miné-raux où solutions alcalines concentrées, et présente consé-quemment des caractères microchimiques importants. Cette sorte de destruction moléculaire réduit, en définitive, le tissu affecté en parcelles ténues, qui se détachent successivement et sont entraînées par le courant sanguin. Il se produit ainsi des pertes de substance dont le siège, la forme, l'étendue, tant en largeur qu'en profondeur, varient et, par suite, des altéra-tions organiques, des lésions de canalisation plus ou moins graves et presque toujours irréparables. Tantôt, en effet, si l'ulcération est périphérique, les valvules se détachent par leurs bords adhérents et deviennent flottantes, ou elles se rac-courcissent par l'effet de l'érosion qu'a subie leur bord libre;

4 Virchow. — Loc. cit., et Cellular Pathologie. Berlin, 183°, p. 186. — 0. Beckermann, loc. cit. — Friedreich, loc. cit.

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons. ¿6

tantôt, si l'ulcération est au contraire centrale, elles se per-forent ou seulement s'amincissent, et, dans ce dernier cas, elles peuvent devenir le point de départ de ces productions morbides, singulières, que Thurnans Ecker2 et Rokitansky 3 ont étudiées sous le nom à'anévrismes des valvules. Les par-ties de l'endocarde ulcérées par le mécanisme qui vient d'être indiqué peuvent, d'ailleurs, se revêtir de concrétions et de vé-gétations fîbrineuses. Ce travail aigu d'ulcération peut être primitif ou, au contraire, se développer sur des valvules qui préalablement étaient déjà le siège d'affections subaiguës ou chroniques.

Avec ces altérations cardiaques, ainsi que cela peut avoir lieu d'ailleurs dans toutes les formes de l'endocardite ulcé-reuse, coexistent habituellement des foyers morbides, dissé-minés dans divers points de l'organisme7*. Ce sont le plus communément des infractus de la rate, des reins, du foie, ra-rement de véritables abcès ; certaines formes de ramollisse-ment cérébral et certaines ophthalmies à évolution rapide6: des gangrènes circonscrites ou diffuses; des plaques ecchy-motiques enfin, occupant l'épaisseur de la peau, des mem-branes séreuses et muqueuses, où siégeant même dans la profondeur des viscères. On est aujourd'hui assez générale-ment porté à admettre que ces lésions multiples sont déter-minées par des particules détachées des ulcérations de l'endo-carde et qui sont venues se fixer dans les ramifications ulti-mes du système artériel (embolie capillaire). Il est de fait

1 Thurnam. — Medic. chir. Transact., t. XXI (2e sér,, vol. III, London, 1858, p. 25(1).

* Ecker.— Ueber Aneurysmat. Ausdehnungen der Herzklappen. (Heidelberg. Med. Annal, VIII, 18',2, s. 152).

3 Rokitansky, loc. cit., t. II, p. 290.

* Voir sur ce sujet, outre les auteurs déjà cités: Hodgkin et Jackson, in Medico-chirurg. Transact., London, 1846, t. XXIX. — J. M. Charcot, Comptes rendus et Mémoires de la Société de Biologie, 1^51, t. III et 2e série, J855, t. IL (Voir p. 363 et suivantes). — E. Lancereaux, Thèses de Paris, 1862, p. 35.

8 Virchow. — Archiv, für Pathol. Anat.. 1857. Bd. 10, 1 et 2 heft. p. 183.

que plusieurs fois, dans les cas qui nous occupent, on a re-marqué, au centre des infractus ou des plaques ecchymofiques, des artérioles distendues et oblitérées par des amas d'une matière amorphe, finement grenue, opaque, résistant à Fac-tion des réactifs et, par conséquent, en tout semblable au détritus provenant des ramollissements aigus de l'endocarde \

Mais ce qui distingue plus particulièrement Xendocardite ulcéreuse à forme typhoïde, c'est précisément l'ensemble de symptômes graves qui se manifestent pendant le cours de l'affection, dans le temps même où. s'opère la destruction de la membrane interne du cœur. À ce nouveau point de vue, il y a lieu d'établir, dès à présent, deux catégories de faits. Dans la première rentrent les cas, et ce sont vraisemblablement les plus nombreux, où. prédominent les symptômes ataxo-adyna-miques; laprostration des forces est extrême, la température très élevée ; il y a des frissons erratiques, de la somnolence, du subdélirium ou un délire intense ; la langue est sèche ; la rate peut être volumineuse. Parfois, les signes d'un catarrhe bron-chique se manifestent et il y a du météorisme et de la diar-rhée. Enfin, il se développe quelquefois sur diverses parties du corps des taches ecchymotiques et des sudamina. La maladie présente une marche continue et reproduit, souvent à s'y mé-prendre, le tableau de la dothiénentérie ou mieux du typhus exanthématique 2. Les cas de la seconde catégorie rappellent plutôt l'infection purulente: des frissons violents, revenant par accès, s'y surajoutent,en effet, aux symptômes alaxo-ady-namiques 3. On a vu plusieurs fois dans les cas de l'une ou de l'autre catégorie survenir un ictère plus ou moins prononcé 4

* Virchow, 0. Beckmann, loc. cit.

* Virchow, S. Kirkes, Bamberger, Friedreich, loc. cit. » Ibidem.

* M. le Dr Lancereaux a communiqué à la Société de biologie un fait de ce genre, peu de temps après la présentation du cas qui fait l'objet de ce

et il est à peine douteux que quelques faits qui ont été ratta-chés à l'ictère grave appartiennent en réalité à l'endocardite ulcéreuse aiguë. Faut-il admettre que tous les symptômes, dont il vient d'être question, dérivent d'une intoxication déter-minée par la présence dans le sang d'un poison morbide spé-cial qui se formerait incessamment à la surface des parties affectées de l'endocarde, aux dépens des produits de la méta-morphose régressive que subit cette membrane ? Cette hypo-thèse a été invoquée à peu près par tous les auteurs qui se sont occupés du sujet. Nous ne feront que la mentionner tout en reconnaissant qu'elle compte en sa faveur un bon nombre de probabilités. Il est, entre autres, un fait d'observation d'un grand poids dans la question, c'est que le syndrome typhoïde n'est ici qu'un phénomène de seconde date. Toujours il est de quelques jours précédé par l'affection de l'endocarde qui seule peut en expliquer le développement et à laquelle conséquem-ment il paraît se rattacher à titre d'affection secondaire.

Les symptômes locaux sont ceux de l'endocardite valvulaire aiguë, avec cette différence que le processus morbide accom-plissant dans un espace de temps généralement plus court son œuvre de destruction, une observation attentive et souvent répétée peut parfois en suivre les progrès pour ainsi dire jour par jour. C'est ce qui a eu lieu dans l'observation qui fait l'ob-jet principal de cette note ; dans un cas du même genre, ob-servé par l'un de nous, il y a deux ans, à la Pitié, chez une femme parvenue au huitième mois de la grossesse, les signes d'une insuffisance aortique des plus prononcées se sont pro-gressivement développés dans l'espace de huit jours à peine.

travail. — L'observation x de Frerichs (Klinik der Leberkrankheiten, Bd. I, 1858, p. 17), et peut-être l'observation ix de Budd (On Diseases of the Liver. 29 édit., London, 1852, p. 255) doivent être rapprochées du cas de M. Lan-cereaux.

Pour achever cette courte esquisse d'une histoire de l'endo-cardite ulcéreuse typhoïde, il nous reste à faire remarquer que cette affection paraît se développer surtout chez des sujets débilités, principalement pendant l'état puerpéral *, qu'elle a plusieurs fois été rencontrée dans le cours du rhumatisme articulaire aigu, survenant chez des individus cachectiques 2; que quelquefois, enfin, elle paraît s'être établie d'emblée, sans avoir été précédée par aucun état morbide apprécia-ble.

A mesure qu'on apprendra à les mieux connaître, les faits de ce genre se multiplieront inévitablement dans la clinique. On verra par notre observation qu'ils peuvent dès à présent, au moins dans certaines circonstances favorables, être diagnos-tiqués avec quelque précision.

Cette observation diffère d'ailleurs à plusieurs égards de la plupart de celles qui ont été produites jusqu'ici. L'ulcération siégeait dans le cœur droit sur la valvule tricuspide. Les in-fraclus viscéraux, ceux de la rate et des reins, entre autres, n'existaient point ; ils étaient, si l'on peut ainsi dire, repré-sentés par des foyers multiples d'inflammation suppurée, dis-séminés dans les deux poumons. Quelques autres particula-rités se sont montrées encore, que nous ferons connaître che-min faisant.

Observation. — Affection ulcéreuse de la valvule tricuspide. —

1 L'endocardite aiguë survient assez fréquemment pendant le cours de la grossesse ou dans l'état puerpéral proprement dit où elle revêt parfois la forme ulcéreuse. Voir sur ce sujet : Virchow, Verkandl. der Gesell. fur Geburtskunde, t. II, 1858, p. 409, et Gesamm. Abhandl., s. 711. — Bamber-ger, Friedreich, loc. cit. — Simpson, Obstetric Memoirs, t. II, p. 67, 70. — Lotz, De l'état puerpueral considéré comme cause d'endocardite (Bulletin de l'Acad. deMéd. et Union Méd., 14 mai 1857). — Westphal, Endocarditis ulce-rosa inpuerpuerium (Virchow's Archiu, 20 Bd., 5 et 6 heft., p. 542, 1861).

* Un fait présenté par l'un de nous à la Société de biologie en 1851 est un bel exemple de ce genre, bien qu'il n'ait pas reçu, à cette époque, l'inter-prétation que nous en donnons aujourd'hui. (Voir Comptes rendus de la So-ciété de Biologie, t. III, p. 180 et, dans ce volume, p. 363).

État typhoïde. — Mort treize jours après le début de la maladie. — Abcès multiples des poumons l.

Le nommé V. Alphonse, âgé de 27 ans, plombier, enlre à l'Hôtel-Dieu, salle Sainte-Jeanne, n° 5, le 4 novembre 1861. De constitution assez vigoureuse, cet homme assure n'avoir jamais été atteint d'aucune maladie, et avoir joui constamment d'une santé parfaite jusqu'au 30 octobre 1861. Ce jour-là, après s'être fatigué d'une façon excessive en soignant sa femme qui était gra-vement malade, il fut pris d'un frisson très fort, de céphalalgie et de vives douleurs lombaires. Un médecin prescrivit un purga-tif, puis un vomitif, et fit appliquer un emplâtre sur la région du foie qui était devenue alors le siège d'une douleur intense. Ces moyens ne produisirent aucun soulagement, et le malade se dé-cida à entrer à l'hôpital. Le 5 novembre, à la visite du matin, on examina Je malade ayec soin, mais on ne prit pas une note dé-taillée sur son état. On constata toutes les apparences d'une affec-tion typhoïde au début: il y avait de la fièvre; faciès abattu, langue chargée d'un enduit jaunâtre, céphalalgie, toux légère. Pas d'épistaxis. Le ventre est développé et douloureux à la pres-sion: il n'y a pas de diarrhée. Il y a à la région cardiaque un bruit de souffle ayant son maximum vers la base du cœur et au premier temps ; ce bruit de souffle est assez fort. L'urine est très albumineuse (elle est traitée par l'acide azotique et par la chaleur). On prescrit deux verres d'eau de Sedlitz.

Le 6. Même état à peu près que la veille. Le bruit de souffle paraît bien plus faible que la veille. On n'a pas conservé l'u-rine.

Le 7. Face pâle, pommettes colorées; yeux chassieux, pupilles contractées. L'intelligence n'est pas très affaiblie; la mémoire est encore assez nette, le malade a assez de difficulté pour s'expri-mer. Bien qu'il n'y ait pas une stupeur très prononcée, cependant l'ensemble de la physionomie indique un état typhoïde. La peau est chaude et couverte d'une sueur visqueuse. Le ventre est bal-lonné; tympanite très prononcée. Il y a une tache rosée lenticu-

1 Un court extrait de cette observation a été inséré dans la thèse inau-gurale de M. le Dr Bail (Des embolies pulmonaires. Paris, 1802, p. 118.)

laire au-dessous de la dernière fausse côte du côté gauche.

La langue est sèche et fendillée, la bouche pâteuse ; soif con-tinuelle, inappétence. Vomissements qui suivent toute espèce d'ingestion.

Le pouls est plein et fréquent (128 pulsations). Il existe un bruit de souffle à la région moyenne du cœur, perçu entre les deux bruits normaux. Dyspnée. Râle sous-crépitant fin à la base des deux poumons. Râle sibilant en avant; sonorité à peu près normale.

Impossibilité d'uriner: le malade a essayé cinq ou six fois pen-dant la nuit sans y réussir. On le sonde, l'urine ne contient pas d'albumine.

Le 8. Le malade a dormi un peu pendant la nuit, et n'a pas eu de délire. Ce matin, sueur sur toute la surface cutanée. Expression très prononcée de stupeur. Narines pulvérulentes. Pupille du côté gauche resserrée; celle du côté droit présente une atrésie ancienne provenant d'une maladie impossible à déterminer d'après les ren-seignements du malade.

Céphalalgie vague; un peu d'étourdissement dans l'attitude assise. Le malade ne se rappelle pas s'il a uriné, s'il a été a la garde-robe et il paraît cependant qu'il a uriné et qu'hier il a eu une selle diarrhéique; aucune douleur dans les membres, les veines sous-cutanées des membres supérieurs sont très déve-loppées.

Pouls fréquent (128 pulsations), fort et un peu bondissant. Pas de sensation de palpitations ni d'étouffement. Impulsion cardia-que non exagérée. Bruit de souffle très distinct, un peu rude, au second temps, et bruit de souffle plus léger au premier temps. Le maximum de ces bruits est plutôt à la base. Au moment de l'ins-piration, il y a comme une modification des bruits du cœur, une sorte de frottement confus.

La respiration est plus fréquente qu'à l'état normal. Mêmes ré-sultats de la percussion et de l'auscultation que ceux qui ont été constatés hier.

Langue sèche et présentant des plis très accentués. Soif très vive. Ventre un peu moins ballonné. La tache lenticulaire obser-

vée hier a disparu. Pas de coliques. Il y a eu encore celte nuit des vomissements légèrement bilieux. L'urine examinée de nouveau ne contient pas d'albumine, pas de teinte bleue par l'acide azoti-que. Deux verres d'eau de Sedlitz; sinapismes.

9 novembre. —Faciès plus altéré qu'hier: pâleur. Nez un peu resserré ; teinte subiclérique des conjonctives. Pouls (128 pul-sations) fort, plsin et bondissant. Veines sous-cutanées des mem bres supérieurs et du cou très gonflées. Un peu de sommeil pen-dant la nuit, ni agitation, ni délire. Le malade n'accuse encore ni palpitation, ni dyspnée. Double bruit de souffle très marqué, rude, d'une émission brusque, vers la base du cœur, avec des al-ternatives d'affaiblissement et de renforcement. A la base il y a comme un peu de frottement ou de froissement, surtout au mo-ment de certaines inspirations. Souffle continu dans les vaisseaux du cou, avec double souffle ptus ou moins couvert suivant le mo-ment par le souffle continu. Sonorité thoracique normale dans toute l'étendue du thorax. Râles sous-crépitants fins en arrière, des deux côtés ; respiration sibiiante çà et fà dans tout fe reste de l'étendue du thorax. Toux peu fréquente.

Langue sèche, fortement sillonnée, couverte d'un enduit jau-nâtre. Soif vive. Le malade a vomi plusieurs fois après l'ingestion des liquides, tisane ou bouillon ; le liquide vomi est verdâtre. Pas de douleur abdominale, pas de taches rosées, tympanite toujours très prononcée. Pas de garde-robes, malgré l'eau de Sedlitz qui n'a pas été vomie; la rate ne paraît pas avoir un volume consi-dérable ; on avait déjà pensé hier qu'il en était ainsi, tout en fai-sant des réserves, à cause de la difficulté que la tympanite oppose à la percussion.

On sonde le malade qui n'a pas uriné, l'urine s'écoule sans qu'il y ait la moindre impulsion donnée par la vessie. Sinapis-mes ; lavements avec 30 grammes de sulfate de soude ; bouillon.

Le 10. Le malade a déliré pendant la nuit ; il parlait haut, s'asseyait et agitait les bras. Sueur abondante dans la journée d'hier et dans la nuit. Vomissements hier soir quelque temps après une injection de bouillon. Pas de miction; le lavement pur-gatif n'a pas déterminé de selles.

Ce matin, faciès assez altéré; pâleur, avec rougeur plaquée des joues; abattement, expression de stupeur. Le malade est d'ail-leurs calme et répond d'un façon très nette aux questions. Sueur sur tous les points de la peau. Pas de douleurs thoraciques ou précordiales. Pouls veineux très marqué dans la jugulaire interne et dans la jugulaire externe. Veines des membres supérieurs et inférieurs gonflées. Pouls (128 pulsations) très fort et bondissant. Matité précordiale ayant ses limites normales. Impulsion cardia-que non exagérée; pas de frottement appréciable à la main. A peu près au milieu du cœur, on entend très bien deux souffles courts très prononcés, le premier moins rude que le second; celui-ci rude, véritable bruit de scie, a une émission brusque. Si l'on ausculte au niveau de la base du cœur, ou mieux encore sur le trajet de l'aorte, on n'entend plus que le souffle du premier temps, et encore est-il moins bien distinct qu'au niveau du milieu du cœur ; celui du second temps ne s'entend plus et l'on perçoit à la place de ce bruit anormal un claquement valvulaire très net. Dans les vaisseaux du cou (côté droit), bruit de souffle artériel diastolique, bien marqué, on n'entend pas aujourd'hui de souffle continu.

Sonorité thoracique normale, un peu exagérée pourtant en avant au-dessous des clavicules, et en arrière au milieu de la fosse sous-épineuse. Respiration légèrement sibilante en certains points; râles sous-crépitants aux deux bases; surtout en arrière. Julep avec teinture de digitale (40 gouttes); sinapismes, huit ventouses scarifiées sur la région précordiale; sulfate de magné-sie (45 grammes).

11 novembre.— Le malade a beaucoup sué dans la journée d'hier et dans la nuit; il n'a pas pris le purgatif prescrit, il y a eu ce-pendant une dizaine de garde-robes liquides très abondantes. Agitation et délire hier dans la soirée jusque vers minuit. A ce moment le malade s'est calmé; mais l'agitation a reparu ce ma-tin vers cinq heures. Un peu avant la visite, au jour, le calme se rétablit de nouveau. Au moment de la visite, le malade est tout à fait tranquille; il est un peu assoupi, mais on l'éveille facifement et il répond alors nettement aux questions. Le faciès est pâle et

exprime la stupeur. Il y a une sécrétion abondante de mucus par les conjonctives, surtout du côté gauche.

La peau est chaude et humectée de sueur. Les veines sous-cutanées des membres supérieurs] et inféreiurs et de l'abdomen, ainsi que celles du cou, sont très développées. Pouls (124 pulsa-tions) plus faible qu'hier. La matité précordiale dépasse à peine le milieu du sternum, et ne remonte pas plus haut que le bord inférieur de la troisième côte. Au niveau du milieu du cœur, on entend bien le bruit double de souffle, le second plus fort que le premier, plus rude et assez brusque. A la base du cœur, les souffles tendent à disparaître, et l'on perçoit nettement le deuxième bruit normal du cœur. Au cou, bruit de souffle artériel diastolique. Pouls veineux très accusé dans les veines jugulaires interne et externe.

Un peu de dyspnée; toux plus fréquente que les jours précé-dents. Le malade se plaint d'une grande douleur dans les lombes lorsqu'on le fait asseoir. Râles sous-crépitants et vibrants dans toute l'étendue des poumons en arrière, sans souffle et sans ma-tité. Les battements du cœur produisent de temps en temps au moment de l'inspiration et au niveau de sa base, en compri-mant le poumon, un bruit analogue à un râle sous-crépitant obscur.

Langue très sèche et profondément sillonnée. Soif très vive. Pas de vomissements. Ventre fortement ballonné; pas de taches rosées lenticulaires. 11 n'y a pas de douleurs dans l'abdomen et la palpation n'en détermine pas. Pas cle douleurs, pas de gonflement des jointures.

L'urine retirée en grande abondance par le calhétérisme n'est pas trouble. 11 n'y a pas d'albumine, il ne se produit pas de teinte verte, ni de teinte bleue par l'action de l'acide azotique; il y a au bout de quelques instants, à la partie supérieure de l'urine, un léger trouble dû à la mise en liberté d'une certaine quantité d'a-cide urique. — Le sang retiré parles ventouses s'est coagulé, mais les caillots sont larges et mous, et il y a peu de sérum de séparé. — Six ventouses scarifiées sur la région du cœur, lave-ment émollient, sinapismes, bouillon.

12 novembre. — Le malade a eu encore hier plusieurs garde-robes liquides. Il a déliré pendant toute la première moitié de la nuit, et ce matin il a le faciès très abattu, sa tète est un peu ren-versée en arrière; il est évidemment très affaibli. Ses réponses sont lentes, mais très nettement articulées ; il dit qu'il se trouve très bien. Pouls faible, l'auscultation donne les mêmes résultats qu'hier; les bruits de souffle sont un peu moins distincts et ils ne s'entendent pas clairement à chaque battement du cœur; c'est surtout quand le malade retient sa respiration qu'au bout de deux ou trois battements les bruits de souffle redeviennent bien nets, surtout le souffle du second temps. Râles humides dans toute l'étendue de la poitrine, sans souffle, ni matité. Il y a encore des douleurs lombaires, le ventre est ballonné. Les veines sous-cutanées sont toujours très développées. Pas d'albumine dans l'urine retirée par le cathétérisme (pas de contractions vesicales); pas de teinte bleue par l'acide azotique. Le sang retiré par les ventouses a les mêmes caractères que celui d'hier. — Sinapis-mes; lavement émollient. Potion diacodée additionnée d'extrait de quinquina (i grammes).

La mort a lieu le 12 novembre, à 7 heures du soir, et n'est pas précédée de convulsions. Le malade a conservé sa connaissance presque jusqu'aux derniers moments.

Examen nécroscopique fait le 11 novembre, à dix heures du matin.

Cavité crânienne. — Toutes les parties de l'encéphale sont en-tièrement saines. U n'y a pas d'injection des membranes, pas de granulations tuberculeuses.

Cavité abdominale. — Les reins sont sains, non congestionnés. La raie est augmentée de volume; elle a environ la moitié de plus que son volume normal; le tissu est un peu ramolli, mais non diffluent. Le foie est volumineux, peu congestionné, sans al-tération appréciable; la vésicule biliaire et le conduit cholédoque contiennent beaucoup de bile. Les intestins sont gonflés par une accumulation considérable de gaz. 'L'intestin grêle renferme une grande quantité de matière très liquide, trouble, comme boueuse,

d'une teinte grise tirant un peu sur le vert. Il y a dans toute la lon-gueur de l'intestin grêle, mais surtout clans l'iléon, des rougeurs constituées par une injection arborisée très fine de la membrane muqueuse, rougeurs disséminées, mais cependant assez rappro-chées et s'étendantainsi à une grande partie de la surface interne de l'intestin. Les plaques de Peyer et les follicules isolés sont dans un état tout à fait normal. — L'estomac n'a pas été examiné.

Cavité thoracique. — Cœur. Le péricarde ne contient qu'une petite quantité de liquide; il n'y a de pseudo-membranes, ni sur son feuillet pariétal, ni sur son feuillet viscéral. Sur la partie an-térieure du ventricule gauche, près du sillon auriculo-ventricu-laire, existe une plaque blanchâtre, d'aspect fibreux et d'origine évidemment ancienne. Le cœur est un peu augmenté de volume. On coupe la pointe des deux ventricules, et en versant de l'eau dans l'aorte et dans l'artère pulmonaire, on constate que les val-vules sigmoïdes et les valvules semi-lunaires sont suffisantes. On achève d'ouvrir les ventricules pour examiner l'état de ces val-vules et des orifices auriculo-ventriculaires. Il y a des caillots fibrineux récents dans les deux ventricules.

Côté gauche du cœur. — Endocarde sain ; valvule mitrale saine, cependant un peu épaissie au point d'implantation des tendons valvulaires. Les valvules sigmoïdes ont leur épaisseur normale. Sur deux de ces valvules, le bord est un peu détaché à l'un des points d'adhérence à la paroi artérielle; mais, comme on l'a déjà dit, les valvules étaient suffisantes malgré cela. Un peu d'épais-sissement de la paroi aortique, en dedans et auprès de l'origne de ce vaisseau : cet épaississement est dû probablement à une multiplication des éléments situés au-dessous de la membrane in-terne; il n'}r a pas d'altération athéromateuse.

Côté droit du cœur. — L'endocarde du ventricule et de l'oreil-lette est sain. Valvules de l'artère pulmonaire normales. La valve antérieure de la valvule tricuspide est saine dans sa moitié externe; mais sa moitié interne est épaissie, opaque et percée d'une ouverture assez irrégulièrement arrondie d'un demi-centi-mètre de diamètre sur les bords de laquelle se trouvent de petites végétations fibineuses. Cette ouverture est située à trois ou quatre

millimètres du bord libre, et la partie de la valvule qui sépare l'ouverture de ce bord est très notablement ramollie. Outre les-petites végétations tibrineuses, grisâtres, d'aspect granuleux qui viennent d'être signalées, il y a une autre végétation ayant les mêmes apparences, mais plus volumineuse, tenant au bord supé-rieur de l'ouverture par un petit pédicule également fibrineux, très mobile, et qui peut, en s'abaissant, boucher complètement l'orifice anormal. Cette végétation est implantée sur la face ven-triculaire du repli valvulaire. La face ventriculaire de ce repli est d'ailleurs relativement peu malade si on la compare à la face au-riculaire: celle-ci est extrêmement inégale dans sa moitié interne, et hérissée de petits mamelons gris blanchâtre, assez faciles à dé-tacher qui paraissent constitués surtout par des dépôts de fibrine, et probablement aussi par le tissu valvulaire commençant à se désagréger. Au niveau du bord adhérent de la valvule et du côté auriculaire, au-dessus de la partie si altérée, on aperçoit deux petites taches rouges constituées par des vaisseaux injectés. Dans aucun autre point du repli valvulaire on ne voit d'injection vas-culaire. Les autres replis de la valvule triscupide sont à peu près sains.

Dans le ventricule gauche, au-dessous du bord adhérent de la valvule sigmoïde interne, on voit sur la paroi interventriculaire une ouverture abords mousses et formés par l'endocarde, qui est sain en ce point, comme sur le reste de l'étendue de la cavité ventriculaire. Cette ouverture admet presque l'extrémité du petit doigt; elle a la forme d'une boutonnière à moitié béante; c'est l'orifice d'un canal qui va déboucher par une ouverture très nette aussi, mais moins grande, dans le ventricule droit. Cette dernière ouverture située dans l'angle rentrant situé entre la valve antéro-externe (la valve altérée) de la valvule tricuspide et la valvule in-terne; elle n'a pas plus de trois millimètres de diamètre. La com-munication interventriculaire ainsi établie est évidemment très ancienne, congéniale suivant toutes probabilités.

On a examiné à l'aide du microscope la structure de la végéta-tion pédiculée gris-jaunâtre, nuancée de rouge sombre dans une assez grande étendue et qui est implantée sur le bord de l'orifice

ulcéreux de la valvule Iricuspide. Cette végétation est constituée par de la fibrine à l'état fibrillaire, au milieu de laquelle on trouve quelques globules sanguins rouges, mais très peu de leu-cocytes. Quant aux parties malades de la valvule, elles contien-nent un dépôt fibrineux fibrillaire, avec quelques rares noyaux oblongs et des éléments fusiformes plus rares encore. Dans la substance fibrineuse se trouvent des granulations graisseuses très nombreuses et très fines: on y reconnaît aussi quelques rares corps granuleux. Il n'y a ni globules purulents à noyaux, ni glo-bules pyoïdes. On a examiné aussi le sang contenu dans le ventri-cule droit, et surtout celui d'un caillot adhérent à l'une des pe-tites végétations fibrineuses de la face ventriculaire de la valve altérée; il n'y avait que de bien rares leucocytes, dont le nombre ne dépassait pas certainemeut ce qu'on trouve en général dans les caillots récents.

Poumons. — Les poumons sont adhérents dans toute leur par-tie inférieure, surtout en arrière, et l'on éprouve une assez grande difficulté pour les retirer de la cavité thoracique. Au-dessus des parties si fortement adhérentes, à la face postérieure des pou-mons, on trouve des plaques pseudo-membraneuses peu épaisses que l'on peut détacher par lambeaux assez larges et qui sont d'o-rigine assez récente. Crépitants dans toute leur partie supérieure, les poumons le sont peu à la partie inférieure ; il y a même des points où l'organe résiste à la pression du doigt, sans crépitation appréciable. Le tronc de l'artère pulmonaire et les premières branches de chaque côté ont été ouverts et examinés avec soin; il n'y avait rien d'anormal. La membrane muqueuse des bronches est assez vivement injectée.

Dans toutes les parties des deux poumons, il y a de nombreux abcès disséminés, de diverses dimensions, mais dont les plus vo-lumineux ne dépassent pas le volume d'une petite noisette; les abcès ayant ces dimensions sont même très rares. La plupart ont la grosseur d'un grain de chènevis ou même moins. Les abcès les plus petits ont une forme sphéroïdale, les plus grands ont une configuration irrégulière et ont leur paroi tapissée d'une pseudo-membrane assez épaisse. Le liquide contenu dans ces abcès a une

teinte gris-jaunâtre, et l'on y trouve de très nombreux, globules purulents et pyoïdes, ainsi que d'assez nombreuses cellules à plusieurs noyaux. Il y a aussi quelques éléments fibro-plastiques et des cellules épithéliales du poumon chargées de granulations graisseuses. Soit à la surface des poumons, soit dans leur profon-deur, on observe des ecchymoses de forme irrégulière, figurant, dans certains points, de petits foyers apoplectiques. Il n'y a pas un seul tubercule. Dans un très grand nombre de points, on re-marque des canaux pleins d'une matière blanc-jaunâtre et qui apparaissent en saillie sur les coupes, lorsqu'ils effleurent la sur-face de section. Ces canaux sont ramifiés et nous ont semblé ap-partenir au système de l'artère pulmonaire. La malière qui les emplit et les distend est sous forme d'un cylindre plein, ramifié si le canal est ramifié, constitué par une matière blanc-jaunâtre assez consistante et formée de fibrine contenant d'innombrables globules de pus. Ces cylindres fibrino-purulents sont environnés d'une très petite quantilé de liquide purulent. On n'a pas pu dé-couvrir, au milieu de la matière qui constitue ces cylindres, des fragments de fibrine pouvant avoir été détachés des végétations fîbrineuses de la valvule tricuspide.

Il s'agit en résumé, dans cette observation, d'un homme jeune, vigoureux, d'une excellente santé habituelle 1 et qui, à la suile de fatigues excessives, pendant une grave maladie de sa femme (fièvre typhoïde) est pris de frisson, de courbature et d'une céphalalgie intense. On le voit pour la première fois cinq jours après le début de sa maladie : la prostration, la cé-phalalgie, le météorisme abdominal sont des symptômes qui paraissent prédominants; ils semblent indiquer une fièvre ty-phoïde commençante. Toutefois, on est surpris de trouver un bruit de souffle cardiaque plus rude qu'il ne l'est d'ordinaire dans ces circonstances.

Les deux ou trois jours suivants, outre les phénomènes déjà

i Le malade a affirmé, à plusieurs reprises, qu'il n'avait jamais eu d'af-fection des jointures.

indiqués, on constate de la stupeur ; la muqueuse linguale devient de plus en plus sèche ; on trouve sur la peau de l'ab-domen une tache assez analogue aux taches rosées lenticu-laires, il y a de la bronchite ; mais en même temps les signes d'une affection cardiaque se dessinent, de plus en plus. Il y a un double bruit de souffle dont le maximum est au niveau du milieu du cœur ; le souffle du second temps est surtout très marqué. Il y a une constipation opiniâtre. On commence à soupçonner qu'il ne s'agit pas d'une véritable fièvre typhoïde, et, enfin, le quatrième jour après l'entrée du malade, se fon-dant sur la connaissance de faits analogues, on songe à la possibilité d'une affection ulcéreuse de l'endocarde à forme typhoïde. Pendant les derniers jours de la maladie, l'affaiblis-sement fait des progrès, il y a de l'agitation et du délire pen-dant la nuit, mais les phénomènes de l'affection cardiaque de-viennent de plus en plus marqués et l'on n'hésite pas à maintenir le diagnostic que l'on avait d'abord formulé avec une assez grande réserve. Le malade meurt treize jours après le début.

A l'autopsie, on constate l'intégrité parfaite des plaques de Peyer et des follicules isolés de l'intestin grêle. Les seuls vis-cères où l'on trouve des altérations sont le cœur et les pou-mons. Une des valves de la valvule tricuspide est épaissie, inégale, ramollie dans sa moitié interne, et au milieu de cette partie altérée, on reconnaît l'existence d'une perforation évi-demment récente sur les bords de laquelle se voient un dé-tritus pultacé d'un aspect particulier et des dépôts fibrineux; une végétation fibrineuse plus volumineuse que les autres,: pédiculée, peut jouer sur l'orifice anormal le rôle d'une sou-pape. Il y a aussi une communication congénitale, de petites dimensions, entre les deux ventricules. Dans les poumons, ou-tre les lésions de bronchite, on rencontre un nombre considé-

rable de petits noyaux pneumoniques, renfermant pour la plupart des abcès déjà formés depuis quelque temps, quelques ecchymoses interstitielles indiquant probablement la phase initiale du développement de nouveaux abcès, et de concré-tions fîbrino-purulentes siégeant dans plusieurs ramuscules de l'artère pulmonaire.

Les résultats de la nécroscopie ont donc confirmé le dia-gnostic qui avait été posé.

L'apparition de symptômes d'affection cardiaque, chez un homme qui, jusque là, n'avait eu aucun trouble du côté de l'or-gane central de la circulation, un état typhoïde concomittant très accusé, la constipation opiniâtre, et une aggravation ra-pide et progressive de la maladie, sans que l'intensité des phé-nomènes adynamiques et ataxiques répondit à cette aggrava-tion, telles sont les circonstances qui avaient surtout servi de bases au diagnostic. La fréquence bien plus grande des alté-rations dans le cœur gauche avait d'abord fait penser que l'af-fection avait pour siège soit l'appareil mitral, soit les valvules aorliques ; cependant, en considérant que le bruit de souffle le plus intense, celui du second temps, ne se propageait pas sur le trajet de l'aorte, et que, même à ce niveau, on enten-dait le second bruit normal du cœur, et en observant chaque jour le gonflement permanent du système veineux sous-cutané des membres, du tronc et du cou, on avait pensé qu'il était bien possible que la lésion siégeât dans les valvules du cœur droit; cette hypothèse ne fut du reste émise qu'avec les plus grandes réserves. On a vu qu'elle était l'expression de la vé-rité.

Les signes fournis par l'auscultation étaient très remarqua-bles. Nous venons de rappeler qu'il y avait un double bruit de souffle, que le souffle du second temps était le plus intense, que ces bruits avaient leur maximum au niveau de la région

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons. 27

moyenne du cœur, et enfin que le souffle du second temps ne se percevait plus sur le trajet de l'aorte. Sur le trajet de l'aorte, dans les artères du cou, on n'entendait plus qu'un bruit de souffle coïncidant avec le premier bruit normal, mais beaucoup plus faible que le bruit entendu au niveau du cœur à ce même premier temps. Ce bruit diastolique vasculaire était sans aucun doute un bruit anémique. Pour l'explication du double bruit du souffle cardiaque, il est difficile de savoir s'il ne fautpas faire intervenir, pour une certaine part, le passage du sang d'un ventricule dans l'autre au travers du canal congenial de communication interventriculaire. Mais il paraît certain que la perforation d'une des valves de la valvule tricúspide devait être la principale cause du bruit anormal. Il ne faut pas oublier, en effet, que ce double bruit s'affaiblissait ou s'accrois-sait par moments, que quelquefois même il était à peu près im-perceptible, ce dont on se rend un compte assez facile en son-geant au petit polype fibrineux implanté sur le bord de la perforation valvulaire et qui devait, de temps à autre, obturer plus ou moins complètement l'ouverture anormale. On a cru constamment, lorsqu'on auscultait le malade, que le premier bruit de souffle coïncidait avec le premier bruit normal. Il est possible qu'il y ait eu erreur dans cette détermination, caria manière la plus simple de comprendre la cause du double souffle consiste à admettre que le premier était produit par le passage du sang au travers de la perforation lors de la systole auriculaire (souffle le plus faible) et que le second était dû au passage du sang, en sens contraire, par la même perforation, lors de la systole venlriculaire. Les mouvements du cœur ayant été très fréquents, pendant toute la durée de la maladie, on conçoit combien il est facile de se tromper sur le moment exact de chacun des bruits de souffle.

L'état typhoïde s'est manifesté trois ou quatre jours après le

début de la maladie. Il est probable qu'il s'était fait déjà pen-dant un certain temps avant le frisson initial un sourd travail morbide dans le repli valvulaire qui allait se perforer. Ce pre-mier travail ne se sera pas accompagné de phénomènes assez intenses pour attirer l'attention du malade. C'est, sans doute, au moment où les premiers débris de la valvule se sont détachés qu'auront éclaté les troubles morbides.

Les parcelles du tissu valvulaire ramolli et des petites con-crétions fîbrineuses qui s'étaient probablement formées déjà à ce moment sur les points altérés de la valvule ont été en-traînées par le courant sanguin vers les poumons, et peut-être les plus fines de ces parcelles auront-elles pu traverser le système circulatoire pulmonaire et passer dans la circulation générale mêlées au sang artériel; ces particules, en vertu de leurs qualités septiques, auront déterminé les symptômes d'intoxication. Mais les débris moins ténus se sont arrêtés dans plusieurs ramuscules de l'artère pulmonaire où on les are-trouvés, lors de la nécroscopie, sous forme de cylindres fibrino-purulents. Agissant à la manière de corps irritants, ces em-bolies capillaires ont été très vraisemblablement l'origine des petits foyers de pneumonie suppurée qui occupaient les deux poumons. C'est du moins là le mode de production de ces abcès qui nous paraît le plus probable. Malgré l'incontestable analogie qu'ils ont, sous plusieurs rapports, avec les abcès dits métastatiques, nous ne croyons pas qu'ils aient été le pro-duit de l'infection purulente, ce terme étant pris dans son acception rigoureuse. A l'appui de cette opinion, nous ferons remarquer que les poumons étaient, dans notre cas, les seuls organes qui continssent des abcès, qu'il n'y avait nulle part, chez notre sujet, de traces d'une phlébite suppurée, que les parties malades de la valvule tricuspide ne renfermaient ni globules purulents ou noyaux, ni globules pyoïdes, qu'enfin les symptômes généraux n'ont pas été ceux qu'on rencontre d'ha-

bitude dans l'infection purulente proprement dite, puisqu'il n'y a eu qu'un seul frisson, lequel a marqué le début de l'affec-tion.

On sait, par un intéressant travail de notre collègue M. Leu-det *, que les abcès des parois de l'aorte peuvent, lorsqu'ils s'ouvrent dans la cavité du vaisseau, devenir le point de dé-part d'une véritable infection purulente. Des foyers purulents se forment aussi quelquefois dans l'épaisseur des valvules du cœur 2. Ds pourront, suivant toute probabilité dans certaines circontances, produire la même infection. Ces faits-là devront être, en pathologie, distingués de ceux qui nous occupent spé-cialement ici, bien qu'au point de vue pratique ils aboutissent à peu près aux mêmes conséquences.

Afin de prévenir une critique, qui pourrait nous être adres-sée, nous déclarons en terminant attacher peu d'importance à la dénomination d'endocardite ulcéreuse, dont nous avons fait un si fréquent usage dans la présente note. Tant qu'on ne sera pas définitivement fixé sur les caractères et sur les limites de ce qu'on doit entendre par inflammation, il conviendra peut-être, nous le reconnaissons volontiers, de s'en tenir, pour les cas comme le nôtre, où les valvules altérées ne présentent ni vascularité, ni pus, ni éléments plasmatiques, à l'appellation moins explicite à?affection aiguë ulcéreuse de Vendocarde.

i Leudet. — De Vaortite terminée par suppuration, de son influence sur la production de l'infection purulente. (Archives gén. de méd., 1861, t. IIr p. 575.)

» M. Lancereaux a montré récemment à la Société un foyer purulent dé-veloppé dans l'épaisseur de l'une des valvules mitrales.

V.

Sur la mort subite et la mort rapide, à la suite de l'obtu-ration de l'artère pulmonaire, par des caillots san-guins, dans les cas de phlébite oblitérante en gé-néral

L'oblitération plus ou moins complète de l'artère pulmonaire par des concrétions sanguines a été depuis longtemps signalée parmi les causes de mort subite2 ; ce serait même là, dans l'espèce, une cause assez commune, à en juger par le nom-bre des observations où une semblable altération a pu être in-voquée pour expliquer la terminaison soudaine et presque toujours imprévue. Ces observations, ainsi qu'on peut s'en con-vaincre par une étude un peu attentive, n'appartiennent pas toutes à une même catégorie : toutes, il est vrai, possèdent des caractères communs, à savoir, l'existence de caillots san-guins dans les troncs principaux de l'artère pulmonaire, et la mort subite ou plus ou moins rapide, et accompagnée de symptômes particuliers, qui en est la conséquence. Mais il est aisé de reconnaître que la formation des caillots a lieu dans ces cas divers sous l'influence de causes pathologiques très variées. Tantôt, en effet, elle est la conséquence d'une altération, plus ou moins prononcée, des parois vasculaires qu'on trouve, à l'autopsie, épaissies, rugueuses, athéromateuses, souvent en

d En collaboration avec M. Ball. Aran. — Des morts subites, thèse de concours. Paris, 1853, p. 23.

partie détruites ; ou encore elle dépend d'un rétrécissement du vaisseau que comprime une tumeur, un noyau d'induration pulmonaire, etc. D'autres fois, au contraire, les tuniques arté-rielles sont tout à fait exemptes d'altération ou ne présentent que des altérations légères, évidemment de seconde date, et le caillot qu'elles renferment les distend, sans y adhérer, ou tout au moins, il n'y adhère que faiblement. C'est dans cette deuxième catégorie que doit rentrer l'observation qui fait l'objet principal de ce travail.

Dans l'impossibilité où l'on est, pour les cas de cette espèce, de rattacher la formation du caillot à l'arlérite ou à toute autre altération des solides, c'est le sang lui-même qu'on a surtout incriminé. Quelques auteurs1, ayant remarqué que l'obtura-tion de l'artère pulmonaire se rencontre assez fréquemment chez des sujets atteints d'affections rénales2, ont supposé que la rétention des matériaux de l'urine, et en particulier de l'urée, aura bien pu agir sur le sang, à la manière des fer-ments, pour en déterminer la coagulation ; mais c'est là une hypothèse tout à fait gratuite. D'autres 3 ont fait observer avec raison que la coagulation spontanée du sang dans les vaisseaux a surtout lieu chez les individus cachectiques, atteints de ma-ladies chroniques, ou encore dans l'état puerpéral. Or, chez ces sujets, le sang présente souvent, comme on sait, une altéra-tération particulière, dont un des traits les plus saillants est l'élévation du chiffre de la fibrine. Mais, tout en admettant que

1 J. Paget.— On Obstructions of the Pulmonary Arteries (London Medico-Chi-rurgical Transactions, premier mémoire, 1844 ; deuxième mémoire, 1845). Willis (Pharmaceutices ratto?ialis. P. 2, sect. I, cap. n) avait déjà proposé une théorie assez analogue.

2 M. Rayer a fait voir que, dans la néphrite albumineuse, les veines rénales sont quelquefois occupées par des concrétions iibrineuses et leurs parois épaissies (Traité des maladies des reins, vol. 111, p. 330 et suiv.). Voyez sur ce sujet Lendet, Note sur l'altération des veines rénales dans quelques mala-dies du rein, etc. (Mémoire de la Société de biologie, 1853, p. 125).

3 3. Davy. — Edinburgh Médical and Surgicid Jovrnal, 1839. — Gulliver, Mé-dico-Chirurgical Transactions, 1839, p. 146. — Boucbut, Gazette médicale, 845» n» 16. — liasse, Patholog, Anat., 1, 41.

la crase particulière du sang des cachectiques peut expliquer quelquefois la formation des caillots, dans les veines situées loin du centre circulatoire, il nous paraît bien difficile de l'in-voquer, du moins à titre de cause principale, lorsqu'il s'agit d'un vaisseau comme l'artère pulmonaire, situé très près du cœur et soumis, en outre, à l'influence immédiate des mouve-ments respiratoires.

On doit à M. le professeur Virchow 1 d'avoir fait remarquer que, chez la plupart des sujets oùla coagulation du sang dans l'artère pulmonaire ne dépend pas d'une lésion du parenchyme du poumon ou des parois vasculaires, on découvre, outre le coagulum artériel, un ou plusieurs caillots de date plus ou moins ancienne, siégeant dans quelque partie du système veineux, le système de la veine porte étant, comme de juste, mis hors de cause. Or, dans tous ces cas, suivant M. Virchow, l'obstruction de l'artère pulmonaire serait une conséquence de l'oblitération veineuse ; elle serait due à la migration de frag-ments fibrineux plus ou moins volumineux, détachés des cail-lots veineux, et qui, charriés par la circulation, traverseraient les cavités du cœur droit, pénétreraient dans l'artère aussi loin que le permettrait leur volume et viendraient enfin s'y encla-ver. L'altération du sang ne seraitici qu'un élément accessoire. C'est là, sans contredit, une des faces les plus intéressantes de la théorie dite de Xembolie, théorie fondée à la fois sur l'obser-vation clinique et sur les résultats d'expériences faites sur les animaux, et développée avec un talent si remarquable par M. Virchow2.

1 Virchow. — Thrombose und Embolie, Gefœssentzùndnng und Septische Infection, in Gesimmette Abhandlungen zur Wissenchaft. Mcdicin, p. 219. Frankfurt, 1856.

2 II nous paraît inutile de rappeler ici que c'est à M. le docteur Legroux qu'on doit les premiers travaux importants sur la migration des caillots sanguins dans le système vasculaire. Mais, tandis que cet auteur s'est oc-cupé surtout de l'embolie considérée dans le système artériel, les études les plus originales de M. Virchow ont porté, au contraire, sur les embolies qui se font dans le système veineux.

Nous n'avons pas l'intention de présenter ici toute la série d'arguments sur lesquels s'appuie celte théorie, et nous ren-voyons, pour les détails, à l'exposé très intéressant qu'en a donné M. le docteur Lasègue, dans les Archives générales de médecine1. Cependant, nous chercherons à faire valoir jusqu'à quel point elle se trouve infirmée ou confirmée, en présence de faits nécroscopiques relatés dans notre observation. Mais nous voulons surtout, après avoir rapporté cette observation dans tous ses détails, en rapprocher les faits analogues que nous avons pu recueillir dans divers auteurs, et esquis-ser, à l'aide de ces documents, quelques points de l'his-toire clinique des obturations fîbrineuses de l'artère pul-monaire, considérées principalement dans leurs rapports avec la phlébite oblitérante. Une étude complète et régulière de ce genre d'accidents nous paraît être encore à peu près im-possible dans l'état actuel de la science. Voici d'abord notre observation :

Obs. I. —Phlegmatia alba dolens post-puerpérale.— Mort ra-pide. — Obstruction de l'artère pulmonaire par des caillots san-guins.

La nommée Béret (Caroline), âgée de vingt-trois ans, mar-chande des quatre saisons, entre le 13 juillet 1858, à l'hôpital de la Pitié, dans le service de M. le docteur Charcot. Cette femme est de petite taille et de chétive apparence ; elle est éminemment rachitique; les jambes en particulier, présentent une courbure très prononcée. Elle est primipare et à terme, assure-t-elle. Les premières douleurs se sont montrées la veille de son entrée, vers midi. Le 13 et le 14 les douleurs persistent, mais le travail ne fait point de progrès sensibles. Le 15, à la visite du matin, il n'était pas encore assez avancé pour qu'il fût possible de reconnaître exactement la position du fœtus; il était évident toutefois qu'il

i Lasègue. — Thrombose et embolie, exposé des théories du professeur Virchow. (Archivesgénérales de médecine, octobre 1857.)

s'agissait d'une présentation céphalique. A cinq heures du soir, le forceps put être appliqué avec succès. L'enfant était mort de-puis quelque temps déjà ; il était à terme et en apparence bien conformé. Une déchirure assez étendue du périnée s'était pro-duite pendant l'opération ; elle devient les jours suivants le siège de quelques escharres gangreneuses. Six jours environ après l'accouchement, une douleur vive se manifeste dans la fosse iliaque gauche; dans cette région, on constate bientôt l'existence d'une tumeur assez volumineuse qui ne tarde pas à devenir fluc-tuante. Bientôt après, le membre inférieur gauche devient le siège d'un œdème douloureux ; un cordon volumineux occupe le trajet de la veine fémorale gauche. Frissons erratiques, pouls fréquent, inappétence, anémie assez prononcée. Des sangsues sont appliquées d'abord à plusieurs reprises sur la tumeur iliaque ; puis on la recouvre de vésicatoires volants. Le 1er août, la malade est dans l'état suivant : la tumeur iliaque a diminué de volume et elle est actuellement peu douloureuse; mais le mem-bre inférieur gauche est douloureux à la moindre pression, et il est le siège d'un œdème très prononcé; le cordon dur, qui siège au côté interne de la cuisse, sur le trajet de la veine fémorale, parait être devenu plus volumineux. La face est paie, terreuse, le pouls fréquent (114 pulsations à la minute), faible. La tempéra-ture cependant est peu élevée. Les lochies sont peu abondantes, elles sont fétides, bien qu'il n'existe plus d'escharres à la vulve; il y a toujours de l'inappétence. Le 3 août, à la visite du matin, la malade se sent un peu mieux que les jours précédents. Le pouls est moins fréquent (90), parfaitement régulier. La douleur du membre inférieur et de la fosse iliaque gauches ont diminué; mais par contre, la malade se plaint d'une légère douleur dans la cuisse et la jambe droites, qui présentent un peu de tuméfac-tion. L'appétit est toujours peu prononcé; cependant, la malade a demandé la veille quelques aliments. Vers midi, elle est tout à coup prise d'une gêne considérable de la respiration et d'une anxiété singulière. Elle se tient assise sur son lit; le visage est d'une pâleur extrême, les extrémités sont froides. Vers deux heures: orthopnée de plus en plus prononcée; pouls très faible,

presque insensible, visage très pâle, nullement cyanose; lèvres pâles et décolorées. L'emploi des révulsifs n'est suivi d'aucun amendement; les accidents s'aggravent au contraire rapidement et la malade succombe à quatre heures de l'après-midi. 11 n'y a pas eu de râle laryngo-trachéal ; seulement, dans les derniers ins-tants de la vie, un peu d'écume s'est présentée sur les lèvres. D'après les circonstances de l'observation, et se fondant sur la connaissance de cas analogues, M. le docteur Charcot porta le diagnostic suivant : obturation des troncs principaux de l'artère pulmonaire par des caillots détachés des concrétions sanguines for-mées dans les veines du membre inférieur.

Autopsie. — Abdomen. La cavité du péritoine ne renferme pas de liquide. La membrane péritonéale est saine dans toute son étendue, si ce n'est au niveau de la tumeur iliaque, où elle est recouverte de quelques fausses membranes de formation récente. La tumeur a le volume d'un petit œuf de poule; elle siège dans l'épaisseur du ligament large du côté gauche. .Son plus grand diamètre est dirigé dans le sens tranversal; en l'incisant, il s'en écoule une assez grande quantité de pus très épais. Les parois de la poche sont recouvertes d'une sorte de fausse membrane tomen-teusé. L'ovaire gauche, aplati et presque méconnaissable, occupe l'extrémité externe de la tumeur. L'ovaire et le ligament large du côté droit sont parfaitement intacts. L'utérus, volumineux, présente les dimensions suivantes : diamètre transversal, entre les insertions des ligaments larges, 9 centimètres ; hauteur, 11 1/2 centimètres-Les parois de l'organe ont 9 centimètres d'épaisseur environ. Le tissu de l'organe paraît d'ailleurs tout à fait sain. La membrane muqueuse est d'une couleur légèrement ardoisée, mais elle est parfaitement lisse dans toute son étendue. Les sinus utérins ne contiennent ni pus, ni caillots sanguins. Les trompes utérines ne présentent pas d'altération notable.

Les dimensions des principaux diamètres du bassin ont été dé-terminées ainsi qu'il suit: diamètre sacro-pubien, 8 centimè-tres 1/2; diamètre transversal supérieur, Il centimètres 1/2; dia-mètre oblique supérieur, 10 centimètres ; diamètre cocey-pubien.

9 1/2 centimètres; diamètre bi-ischiatique, 9 1/2 centimètres;, diamètre oblique inférieur, 9 centimètres.

Le foie, la rate, les reins, n'ont pas présenté d'altération.

Les veines fémorales, hypogastrique et iliaque externe gauches,, dans toute leur étendue, se présentent sous la forme cle cordons volumineux, très durs au toucher. Leur calibre est totalement oblitéré par des caillots fibrineux. Il en est de même de la veine iliaque primitive; mais dans celle-ci, le caillot s'arrête brusque-ment au niveau d'un point que la tumeur iliaque avait dû. com-primer fortement à une certaine époque, c'est-à-dire à 3 centi-mètres environ au-dessous de la bifurcation de la veine cave inférieure. La veine saphène interne et la plupart des veines affé-rentes de la fémorale étaient également distendues par des caillots dans l'étendue de trois ou quatre centimètres à partir du point où elles s'abouchent avec cette dernière veine. La veine iliaque primitive gauche, au contraire, dans sa partie supérieure, et la veine cave inférieure, dans toute son étendue, sont parfaitement libres.

Dans le tiers supérieur de la veine fémorale, ainsi que clans la veine iliaque externe, les caillots adhèrent intimement aux parois vasculaires qui sont épaissies et dont la membrane interne est opaque et rugueuse; ils sont moins adhérents dans Thypogaslri-que. Ils sont composés, ainsi qu'on s'en assure en les divisant transversalement, de nombreuses couches concentriques. Ils sont d'une consistance ferme, friables cependant dans certains points; ça et là, même, on rencontre, entre les divers feuillets qui com-posent le caillot, des amas d'une substance semi-liquide, jaunâtre, puriforme. La coloration des caillots est en général d'un blanc jau-nâtre, avec des stries et des taches de couleur brune ou lie de vin.

Le caillot qui siège dans la veine iliaque primitive mérite une description spéciale : adhérent aux parois du vaisseau dans sa partie inférieure, qui se confond avec le coagulum de l'iliaque externe, il se termine par en haut sous forme d'un cône de plus d'un centimètre de long, libre dans la cavité de la veine et dont le sommet arrondi, mais inégal et déchiqueté, est dirigé vers le cœur. Ce cône fibrineux a d'ailleurs le même aspect et la même

consistance que les coagulums qui remplissent les veines fémorale et iliaque externes. Dans la partie inférieure de la veine fémorale et dans les veines afférentes, les caillots sont d'une couleur brun noir, plus ou moins foncé; ils sont mous, flasques; ils n'adhèrent que très légèrement aux parois des veines et sont évidemment de formation assez récente. Les veines fémorale, iliaque externe et hypogastrique du côté droit sont remplies de sang noir à peine coagulé.

Examen de la poitrine. — Le cœur est peu volumineux, flas-que. Il présente un certain degré de surcharge graisseuse. L'endo-carde ne présente aucune altération; les valvules sigmoïdes et auriculo-ventriculaires sont parfaitement saines. Le ventricule gauche contient un petit caillot mou et décoloré qui n'adhère pas à l'endocarde. On trouve dans le ventricule droit un caillot rouge et mou, évidemment de formation récente, du volume d'un tuyau de plume environ, qui envoie des prolongements dans la veine cave inférieure et dans l'oreillette droite, et qui, par en haut, pénètre dans l'artère pulmonaire. A mesure qu'il s'élève dans le tronc de Y artère pulmonaire, ce caillot augmente rapidement de volume et de consistance. Il pénètre en se ramifiant dans les branches de bifurcation du vaisseau principal, dans les rameaux de deuxième et de troisième ordre; à droite, on peut le suivre jusque dans les branches de quatrième et de cinquième ordre; à gauche, il s'arrête un peu plus tôt. Ce coagulum ramifié qui obture ainsi dans sa presque totalité l'artère pulmonaire, pré-sente dans la plus grande partie de son étendue, les caractères propres aux caillots de formation assez récente; c'est-à-dire qu'il est flasque, d'une consistance molle et d'une coloration presque noire; mais dans certains points, au contraire, il est décoloré, d'un blanc jaunâtre, consistant, friable, ramolli par places, et présentant çà et là de petits foyers d'une substance puriforme; ces caractères sont très marqués, en particulier dans les branches droites de l'artère pulmonaire, au moment où elles pénètrent dans le poumon correspondant. Là, on trouve un coagulum volu-mineux, au point de distendre fortement les parois de l'artère dans laquelle il est comme enclavé, placé à cheval sur l'éperon

saillant que forment en se bifurquant deux vaisseaux de troisième ordre, et fortement recourbé sur lui-môme pour pénétrer dans ces vaisseaux.

En ce point, le caillot ressemble sous tous les rapports, par son aspect, sa texture et par sa consistance, aux coagulums contenus dans les veines iliaques primitive et externe du côté gauche, et il est évidemment du môme âge que ceux-ci; il en diffère seulement en ce que les couches externes sont évidemment de formation plus récente que les parties centrales. Nulle part, même dans les points oh il est de formation ancienne, le caillot qui obture l'artère pulmonaire n'est adhérent aux parois du vaisseau. Celles-ci sont parfaitement saines, dans toute leur étendue.

Les poumons, volumineux, ne sont pas affaissés lors de l'ouver-ture de la cage thoracique; d'ailleurs, ils sont parfaitement sains. On n'y rencontre en particulier ni tubercules, ni noyaux d'hépa-tisation.

A lexamen microscopique, les caillots décolorés contenus dans, les veines fémorale, iliaque externe et iliaque primitive gauche, ont présenté la composition suivante: 1° fibrine présentant en-core l'aspect fibrillaire (seulement dans les parties denses du caillot) ; 2° matière amorphe disposée en grumeaux résultant de la désagrégation de la fibrine; 3° granulations moléculaires en grande quantité ; 4° globules de graisse libres, de volumes divers; 5° globules du sang déformés et diversement altérés. Les grumeaux fibrineux, fes granufalions moléculaires et les globules graisseux sont surtout abondants dans les parties ramollies du caillot.

Le coagulum de l'artère pulmonaire, examiné dans les points où, décoloré, il avait partiellement subi la fonte puriforme, pré-sentait exactement les caractères qui viennent d'être signalés.

En résumé, nous voyons une femme âgée de trente-trois ansr atteinte de phlegmatia alba dolens, dépendant en partie, sans doute, de l'état puerpéral, mais déterminée surtout par la pres-sion qu'exerçait sur les veines iliaques une tumeur phlegmo-

neuse du ligament large, être prise, tout à coup, à un moment où la maladie paraissait en voie de guérison, sans l'interven-tion d'une cause extérieure appréciable, —dix-huit jours après l'accouchement et douze jours environ après l'apparition de l'œdème douloureux, — être prise, disons-nous, d'un ensem-ble de symptômes graves qui se terminent par la mort au bout de quatre heures. La physionomie de ces accidents terminaux a été si particulière, que, jointe aux différentes circonstances de l'observation, et en particulier à l'existence de la phlegma-tia alba dolens, elle a permis d'annoncer qu'on trouverait, à l'autopsie, les branches principales de l'artère pulmonaire obli-térées par des coagulums fibrineux enclavés dans la cavité du vaisseau ; et qu'en outre la constitution anatomique de ces concrétions serait probablement la même que celle des caillots contenus dans les veines iliaques. On a vu jusqu'à quel point ces prévisions se sont réalisées.

I.

Dans celte observation, et dans quelques-unes de celles qui vont suivre, la mort subite ou rapide est survenue à une époque plus ou moins rapprochée de l'accouchement: elle a été la conséquence de l'oblitération de l'artère pulmonaire par des concrétions fîbrineuses, sans qu'il y eût altération des parois du vaisseau. Dans tous les cas, les malades étaient atteintes de phlegmatia alba dolens, depuis plusieurs jours ou plusieurs se-maines, lorsque sont apparus les symptômes graves qui ont amené brusquement la terminaison fatale ; ou bien si l'œdème douloureux n'a pas existé, l'autopsie a fait découvrir, dans une ou plusieurs veines, le plus habituellement dans les veines du bassin, des caillots fibrineux de date plus ou moins ancienne, et dont l'existence a pu quelquefois n'être pas révélée par des symptômes particuliers.

Les auteurs qui ont traité des maladies puerpérales parais-sent avoir négligé, pour la plupart, d'indiquer la possibilité d'une semblable terminaison de la phlébite oblitérante1. Ce-pendant c'est probablement à des faits de ce genre que Burns2 fait allusion lorsqu'il dit que, dans les cas de gonflement de la jambe, suite de couches, l'imprudence des malades a causé quelquefois une mort subite. Dans une intéressante disserta-tion inaugurale, M. Dehous3 rapporte l'observation d'une dame récemment accouchée, et qui avait été affectée d'un œdème douloureux fort grave ; les symptômes paraissaient s'amender depuis quelques jours, lorsque, en voulant aller à la garde-robe celte dame tomba par terre, et avant qu'on pût appeler du se-cours elle était morte. L'autopsie n'a pas été faite ; mais d'après les symptômes observés, l'auteur admettrait volontiers qu'en pareil cas le bouchon qui oblitère les veines du membre infé-rieur peut se détacher, et, entraîné par le courant circulatoire, aller produire sur un point quelconque de l'économie un obsta-cle assez puissant pour enrayer immédiatement les rouages de la vie. Voici une observation analogue, cette fois suivie d'au-topsie, et rapportée par le docteur Klinger, d'après le docteur Hoogeweg4 (de Berlin).

Obs. II. — Une primipare, âgée de vingt et un ans, éprouve, le troisième jour de ses couches, un frisson suivi de douleurs vives sur le trajet de la veine fémorale, dans le genou et le mollet. Ces douleurs se propageaient jusque dans l'abdomen. Les glandes

1 M. le docteur Mordret n'en fait pas mention dans son travail, d'ailleurs si riche de faits, Sur la mort subite dans l'état puerpéral. Paris, 1858.

2 Traité des accouchements, traduction de Galliot, p. 387. Paris, 1855.

3 Dehous. — Essai sur les tnorts subites pendant la grossesse, l'accouche-ment, etc., thèse de Paris, 1834. Cette observation a été empruntée par l'auteur à l'Union médicale, 5 juillet 1853.

* Klinger. — Beobachtungen ûber die Verstopfung der Lungenarterie durch Blutgerinnsel, in Archiv fur p/ujtiologische IJeilkunde, 1855, p. 379. Cette observation, publiée d'abord par le docteur Hoogeweg (de Berlin) dans la Preuss. Vereins-Zéitung, n° 52, 1H51, a été reproduite dans les Schirnidt'schen Jahrbiichern, 1852.

inguinales étaient gonflées, sensibles à la pression, ainsi que les parties dont il a été question plus haut, mais sans changement de couleur et sans élévation de température. Le lendemain, il se manifeste un œdème de toute la cuisse gauche, laquelle, au bout de quelques jours, avait atteint le double de son volume normal. Les douleurs étaient si vives qu'elles troublaient le sommeil. Les lochies coulent comme d'habitude; la soif est modérée; pouls, 96. L'onguent cinereum, une infusion de digitale, n'amènent au-cun changement; l'application de ventouses fait disparaître la dou-leur, cependant l'œdème persiste. Mais une forte compression, exercée à l'aide d'un bandage, fit diminuer l'œdème; si bien que la malade restait habituellement hors de son lit et prenait des forces. Tout à coup, elle tombe en poussant un cri, le visage de-vient pâle, l'œil éteint, les extrémités froides, le pouls petit, peu accéléré, respiration bruyante; expression d'une grande anxiété. Mort au bout de trois quarts d'heure.

Autopsie dix heures après la mort. Rigidité cadavérique très prononcée; les extrémités inférieures sont fléchies contre le bassin. Cerveau consistant, dur, normal du reste. Les poumons sont aérés, sains. Quand on y pratique des sections, on remarque que des vaisseaux il s'échappe des caillots de sang en partie mo-difié. Le cœur ne présente pas de lésions notables. Le foie est volumineux. Les pyramides et la substance corticale du rein gau-che sont plus rouges que cela n'a lieu au rein droit. L'utérus est tel qu'il doit être quatre semaines après l'accouchement. La veine crurale gauche et toutes les branches du membre inférieur qui s'y rendent sont complètement obstruées par des caillots fibrineux. On suit les caillots jusqu'au niveau du tiers inférieur de la cuisse; ils sont d'une consistance très dure et ils adhèrent fermement aux parois veineuses, à tel point qu'on ne peut les en détacher sans les rompre. La paroi veineuse elle-même est lisse, d'appa-rence normale. A l'extérieur, le vaisseau est adhérent au tissu cellulaire périphérique et enveloppé de toute part par une masse de tissu induré. Le caillot peut être suivi par en haut jusque dans la veine iliaque gauche, à la paroi de laquelle il n'adhère que

faiblement; il se prolonge même dans l'étendue de 1 centimètre 1/2 dans la veine cave inférieure où il se termine par une pointe conique. Au-dessus cette veine est libre. Dans les poumons, on trouve des caillots qui peuvent être suivis jusque dans les plus petits ra-meaux de l'artère pulmonaire où ils adhéraient.

Dans l'analyse que M. le docteur Strolh1 a donné d'un tra-vail publié en Allemagne, par le docteur Hecker, Sur l'obtura-tion de l'artère pulmonaire, comme cause des morts subites après l'accouchement2, nous trouvons l'observation sui-vante 3 :

Obs. III. — Une primipare, âgée de trente et un ans, accouchée naturellement, après dix-neuf heures de travail, le 12 octobre 1851, fut prise le troisième jour d'une phlébite crurale gauche des plus intenses, suivie d'œdème du membre: la digitale à l'intérieur, les frictions mercurielles (30 grammes en quatre jours), l'enveloppe-ment de la cuisse dans de la ouate et une diète sévère ne furent pas sensiblement actifs, et ce fut une application de ventouses scarifiées qui détermina un changement favorable. Un bandage compressif avait également diminué l'œdème, au point que la ma-lade put quitter le lit le vingtième jour; à la marche, elle ne se plaignit que de faiblesse et d'engourdissement du pied. Elle passa ainsi huit jours le plus souvent hors du lit. Un matin, en voulant prendre un objet sur le poêle, elle s'affaissa subitement: connaissance complète, énorme anxiété, face pâle, nez pointu, respiration haletante, très fréquente; pouls petit, déprimé; extrémités froides. Malgré tous les soins médicaux, la mort est survenue au bout de trois quarts d'heure, le vingt-neuvième jour après l'accouchement.

1 VUnion médicale, t. IX, n° 154, 27 décembre 1855.

2 Deutsche Klinik, septembre 1855, n° 36,

3 H se pourrait que cette observation, malgré quelques différences dans la rédaction et dans l'exposition des faits, fût la même que celle que nous avons rapportée d'après Klinger (notre obs. II). Afin que le lecteur puisse en juger, nous avons reproduit les deux observations in extenso.

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons et Cœur. 28

Autopsie faite dix heures après la mort. — Foie considéra-blement augmenté de volume. — Rein gauche d'un rouge plus foncé que le droit dans sa substance corticale et les pyra-mides. — Rien dans la matrice; la veine gauche et tous ses afférents totalement bouchés par des caillots fibrineux fortement adhérents. Ceux-ci se prolongeaient dans la veine iliaque com-mune gauche, mais n'y adhéraient que légèrement et s'étendaient dans la veine cave, dans une longueur d'un pouce à un pouce et demi; ce dernier caillot était tout à fait libre et se terminait par une pointe conique. La veine hypogaslrique était également bouchée, mais on ne put déterminer dans quelle longueur. Rien dans les veines du côté droit. Poumons libres et crépitants, un peu hypérémiés dans leurs portions inférieures. Les incisions qui y furent faites laissèrent voir des caillots fibrineux pendre de tous tes vaisseaux et boucher complètement leur lumière. On cessa alors les sections pour ouvrir l'artère pulmonaire dans toute sa longueur; les deux branches étaient pleines d'un coagulum fibri-neux qui les remplissait entièrement et se propageait jusque dans les ramifications fines. Ce caillot n'adhérait nulle part intimement aux parois du vaisseau et avait le même aspect que celui de la veine crurale ; il était donc d'une date plus ancienne. — Pas de lésion dans le cœur. — Cerveau un peu dense, sans autre alté-ration.

Voici maintenant l'abrégé de deux observations dans les-quelles les veines de l'utérus et de ses annexes ont été les seules qui fussent oblitérées par des concrétions fîbrineuses. Les veines crurales étaient libres, aussi n'existail-il point d'œdème douloureux. Ces deux cas sont empruntés, comme celui qui précède, au docleur Hecker.

Obs. IV. — Femme âgée de trente ans, robuste. Accouchement facile; mais il y avait adhérence du placenta et la délivrance ne put avoir lieu que dix heures après. On fit usage du chloro-forme. Au bout de trente-six heures, frisson violent. Utérus sensi-

ble à la pression, réaction fébrile intense. Au bout de trois jours, la maladie locale paraît rétrograder, mais le pouls reste très fré-quent. Le cinquième jour, à dater du frisson, la malade se sentait très bien et avait bien passé la nuit. Dans l'après-midi, malgré les fréquentes recommandations de rester tranquillement couchée, elle se leva, mais s'affaissa immédiatement, tomba à terre, se releva très péniblement, et fut trouvée à une heure et demie, assise sur le bord de son lit. A quatre heures, elle était mou-rante: pouls filiforme, difficile à compter; respiration très fré-quente, figure froide, bleuâtre ; expression de grande anxiété; enfin apathie, somnolence. La mort a lieu à dix heures et demie du soir.

Autopsie. Utérus volumineux ; encore quelques traces du pla-centa au fond de sa cavité; quelques lymphatiques contiennent du pus. Les veines sont remplies de caillots fibrineux. La veine hypo-gastrique droite est complètement bouchée par des caillots s'élendant un peu dans l'iliaque commune. Cœur normal. Pou-mon un peu œdémateux. Le tronc de l'artère pulmonaire est bouché par un thrombus qui s'étend dans ses deux branches et peut être suivi assez loin dans ses ramifications.

Obs. V. —Primipare; accouchement facile; fièvre et douleurs dans le bas-ventre pendant les quatre jours qui suivent l'accou-chement. Le cinquième jour, à la suite d'émissions sanguines, la fièvre et la douleur avaient diminué; le soir, accès de dyspnée violente. Neuf jours après, nouvel accès dyspnéique, avec douleur épigastrique ; la mort survient au bout de quelques minutes.

Autopsie. Poumons sains. L'artère pulmonaire dont les parois sont seulement imbibées, est remplie de caillots sanguins, les uns récents, les autres consistants et décolorés; quelques-uns contenaient môme une substance grisâtre, grenue, d'aspect puru-lent. Le cœur droit contenait des caillots récents. Les veines de la matrice renfermaient du pus concret, surtout vers les ligaments larges '.

1 Cette observation a été rapportée par le docteur IIerke,r d'après le docteurLévy (Hosp. Meddelscr., 1853, bd. VI, et Sckmiut's Ja/a'bûcher., 1855).

On peut rapprocher des cas précédents une intéressante observation rapportée par M. le professeur Cruveilhier, dans son Atlas d anatomie pathologique , sous ce litre : Inflamma-tion de l'artère pulmonaire, suite de phlébite. Il est, entre autres, un fait qui mérite d'être signalé dans cette observa-lion : c'est qu'il n'a pas existé de phlegmatia alba dolens, bien qu'à l'autopsie la veine crurale ait été trouvée remplie de cail-lots décolorés et adhérents.

Obs. VI. — Il s'agit, dans cette observation, d'une femme âgée de vingt-neuf ans, primipare, et qui succomba vingt-huit jours après l'accouchement. Des symptômes rapportés à l'existence d'une phlébite utérine ont été observés du 12 au 25 juillet ; du 15 juillet au 3 août, la malade avait paru marcher vers la conva-lescence. Le 3 août a lieu l'invasion subile de symptômes dys-pnéiques qui se terminent par la mort, au bout de six jours. A Yautopsie, les veines ovariques et presque toutes les veines hypo-gastriques se présentent comme des cordes dures ; elles doivent cette dureté aux caillots compactes, adhérents, décolorés, qui les remplissent. La veine iliaque externe, la veine crurale gauche et q.uelques-unes de leurs divisions contiennent des caillots moins compactes, adhérents, mais évidemment de date plus récente. L'artère pulmonaire, disséquée avec soin, offre une concrétion sanguine décolorée, légèrement adhérente aux parois, concrétion qui va se divisant à la manière de l'artère, et pénètre jusque dans un certain nombre de ramifications assez ténues. Les caillots des petites divisions étaient rouges, peu consistants, tandis que les caillots du tronc principal présentaient par leur cohérence et par leur décoloration des traces non équivoques de leur ancienneté. Au centre du caillot principal existait une collection de pus qui offrait tous les caractères du pus phlegmoneux !. Plus loin, le caillot sanguin était décoloré, mais ferme. A la base du poumon gauche, on trouve plusieurs noyaux de pneumonie lobulaire à t. I, liv. u, pl. 2 et 3, p. 18.

2 Ktait-ce bien là du pus, ou était-ce seulement du pseudo-pus? Nous penchons pour cette dernière opinion.

l'état d'induration rouge et plaques purulentes quelques superfi-cielles; il y avait aussi de l'œdème des deux poumons dans les parties postérieures des deux lobes inférieurs.

Suivant une importante remarque de M. le professeur Cru-veilhier1, — remarque confirmée, d'ailleurs, par les observa-tions de MM. Virchow2, R. Lee, Simpson, Hewit3 et plusieurs autres, — on peut considérer comme physiologique l'oblité-ration fibrineuse des sinus utérins, après l'accouchement. « J'ai » constamment trouvé, dit M. Cruveilhier, chez les femmes » mortes dans les premiers jours qui suivirent l'accouchement » les sinus utérins pleins de caillots sanguins, adhérents, que » j'ai souvent vus se prolonger jusque dans les veines hypo-» gastriques. C'est là, ajoute l'éminent professeur, l'élément » ou le point de départ de la phlegmatia alba dolens des » femmes en couches. » Si maintenant on est conduit à admet-tre que, dans les cas que nous avons rapportés, l'oblitération veineuse a été l'origine et le point de départ de l'oblitération de l'artère pulmonaire, on sera naturellement porté à penser que les femmes en couches sont tout particulièrement expo-sées à ce dernier genre d'accident.

IL

Mais ce n'est pas dans l'état puerpéral seulement qu'il sera donné de rencontrer les accidents redoutables sur lesquels nous appelons l'attention. L'oblitération de l'artère pulmonaire par des caillots fibrineux, sans altération primitive des parois artérielles, paraît devoir être observée, à la suite des affections les plus diverses, pourvu que ces affections soient compliquées de phlébite oblitérante, ou de l'oblitération d'une veine par

1 Traité oVanatomie pathologique, t. II, p. 315.

2 Loc. cit., p. 597, Die puerperalen Thrombosen.

3 The Lancet, 19 décembre 1857.

des caillots, sans phlébite. On pourra en juger par les observa-tions dont nous allons donner Fexposé sommaire :

Obs. VII. —Dans son intéressant mémoire sur les morts subites par obstruction de l'artère pulmonaire, M. le docteur Baron rap-porte, d'après M. Lediberder, l'histoire d'une jeune fille de dix-sept ans, qui n'était ni grosse ni récemment accouchée, et qui mourut subitement après avoir éprouvé des syncopes répétées. Il existait des caillots plus ou moins anciens et plus ou moins adhérents dans la veine jugulaire interne du côté gauche, ainsj que dans les veines crurales, hypogaslriques, iliaques, et enfin dans la veine cave inférieure. Les parois de ces vaisseaux étaient en général très épaissies, et le tissu cellulaire ambiant très con-densé; l'artère pulmonaire était également remplie par des caillots décolorés, mais ses parois étaient exemptes a"altération i.

Obs. VIII. — Un jeune homme vigoureux entre à la Charité de Berlin, atteint en apparence de fièvre rheumatique. Il se plaignait de douleurs dans la cuisse droite qui paraissaient avoir leur siège dans les parties molles. Pouls un peu fréquent et dur. On fait une saignée du bras et on applique des ventouses sur la cuisse. Le sang-tiré de la veine est couenneux. Le lendemain de son entrée, le malade meurt subitement.

Autopsie. Les artères pulmonaires sont remplies de caillots en partie de texture granuleuse, de couleur lie de vin, non adhérents aux parois artérielles. La veine où la saignée a été pratiquée est normale. La veine crurale droite est remplie et en partie oblitérée par un caillot adhérent. Les parois de la veine étaient épaissies, infiltrées; sa membrane interne était rugueuse2.

Obs. IX. —Un homme vigoureux, âgé de trente ans, éprouve tout à coup un frisson violent suivi d'une réaction fébrile intense. L'aus-culation de la poitrine ne fait rien découvrir d'anormal. La fièvre tombe six jours après, à la suite d'un traitement antipblogistique;

1 Baron. — Archives générales de médecine, 1838, t. III. * Virchow, loc. cit., p. 374.

]e septième jour, tout à coup dyspnée violente, anxiété extrême, extrémités froides, impulsion du cœur très faible. Ces symptômes vont s'aggravant et le malade succombe au bout de trois jours. Il a conservé sa connnaissance jusqu'au dernier moment.

Autopsie. Poumons anémiques, sains, d'ailleurs. L'artère pul-monaire est, dans toute son étendue, remplie de caillots volumi-neux, qui, dans les grosses branches, sont décolorés, ardoisés, de texture granuleuse, et légèrement adhérents à la membrane interne. La veine hypogaslrique et une petite veine iléo-lombaire qui s'y abouchent sont oblitérées par un bouchon fibrineux gris ardoisé, de texture granuleuse, comme cannelé'. Une des extré-mités du caillot pulmonaire s'adaptait exactement à l'extrémité supérieure, très inégale, du caillot veineux.

L'affection primitive, dans les cas qui précèdent, paraît avoir été la phlébite ; dans l'observation suivante, on voit la mort survenir subitement chez une femme atteinte d'oblitération veineuse, consécutivement à une affection cancéreuse de l'es-tomac et du pancréas.

Obs. X. —Femme de cinquante-six ans; cancer de l'estomac, du pancréas, du foie et du péritoine, datant de deux mois envi-ron. Le 25 août, dyspnée et orlhopnée ; le 27 août, la malade meurt subitement. Les artères pulmonaires des deux côtés sont complètement oblitérées par un caillot décoloré, non adhérent à la membrane interne; les deux veines crurales sont remplies dans une assez grande étendue par des bouchons anciens, en par-tie adhérents à la membrane interne et contenant, à l'intérieur, un détritus puriforme2.

On sait depuis longtemps que la coagulation spontanée du sang dans les veines, principalement dans les veines des membres inférieurs, peut survenir dans le cours, mais surtout à la suite de la fièvre typhoïde. Suivant le professeur ïluss3,

1 Klinger, toc. cit., p. 370. * Virchow, toc. cit., p. 330.

;t Statistiane et traitement du typh.ua, etc., p. 205. Paris, 1855.

on peut, dans ces cas, rencontrer quelquefois, en outre de l'oblitération veineuse une oblitération de l'artère pulmonaire par des caillots. Les deux observations qui suivent, empruntées au travail de M. Virchow, confirment le fait indiqué par M. Huss.

Obs. XL — Une fille de vingt-trois ans, chlorotique, était atteinte d'une fièvre typhoïde latente, ainsi que l'a révélé l'au-topsie. Elle avait éprouvé, entre autres symptômes, une douleur vive dans la région sacro-iliaque gauche. Frissons, fièvre, courba-ture, constipation, pesanteur de tête. Tous ces symptômes parais-saient s'amender lorsque la malade est prise tout à coup, au mo-ment où elle se lève pour uriner, d'un accès de syncope suivi de mouvements convulsifs; cet accès se répète à trois ou quatre reprises, et la malade succombe dans une de ces attaques.

A ïautopsie, on trouve dans l'oreillette droite un thrombus ayant le diamètre du petit doigt, sec, consistant, ridé à sa surface, de couleur gris-brun à l'extérieur, rouge-foncé à l'intérieur, formé de couches concentriques, plusieurs fois replié sur lui-même et long de cinq pouces et demi. Le tronc principal de l'artère pulmonaire du côté di'oit est rempli par un caillot volumineux qui se pro-longe dans la plupart des divisions principales et qui est sem-blable à celui qu'on a trouvé dans le cœur. 11 a environ cinq lignes de diamètre et quatre pouces de long. En arrière, la lu-mière des vaisseaux est à peu près libre ; ils contiennent du sang liquide, et çà et là des fragments fibrineux de couleur et d'épais-seur variables; quelques-uns sont à cheval sur les éperons des anastomoses. Pas d'altération des parois de l'artère. Dans les der-niers pieds de l'iléon, ulcération des plaques de Peyer dont quel-ques-unes sont envoie de cicatrisation. Gonflement des ganglions mésentériques. D'une veine sacrée moyenne part un caillot d'un pouce de long sur un quart de pouce d'épaisseur qui s'avance dans la veine cave. Ce caillot n'est que le prolongement d'un thrombus qui remplit la veine sacrée elle-même et adhère à ses parois. Les parois de cette dernière veine sont épaissies et plongent dans un tissu induré situé en avant et à gauche du sacrum, dans la direction de

la grande échancrure sciatiqne. Le nerf scialique est en partie compris dans ce tissu induré *,

Obs. XII. — Garçon de vingt-quatre ans. Fièvre typhoïde assez grave. Le malade paraît convalescent depuis quelques jours. Il a bien dormi; ventre mou, indolent. Encore un peu de toux et quelques râles sibilants dans la poitrine. Le pouls est intermittent sans être faible. L'intermission a lieu après trois battements ; 80 pulsations. A onze heures du soir, le malade qui jusque-là avait bien dormi, se réveille, demande le bassin, fait une selle liquide et rend douze onces d'urine. A peine avait-il fait tout cela et échangé quelques mots indifférents avec son voisin qu'il est pris tout à-coup de mouvements convulsifs du bras, fait quelques inspirations bruyantes et profondes, et meurt au bout de quelques minutes.

Autopsie. Ulcérations des plaques de Peyer et des follicules isolées presque entièrement cicatrisées. Gonflement des glandes mésentériques, surtout au voisinage du cœcum. Dans la branche principale de l'artère pulmonaire qui conduit au lobe inférieur du poumon droit, on trouve un caillot d'un pouce et demi de long, en partie décoloré, ridé à l'extérieur, mou à l'intérieur, composé de couches concentriques, avec une sorte de bouillie rougeâtre entre les couches. Ce caillot n'adhère nullement aux parois du vaisseau qui sont lout-à-fait saines. A deux autres endroits, productions analogues. Les deux poumons sont congestionnés et œdémateux. Dans la veine iliaque droite, au-dessous de l'embouchure de l'iléo-lombaire, on voit adhérent à la paroi interne, un caillot aplati, déchiqueté, correspondant par l'aspect et la forme avec le caillot contenu dans l'artère pulmonaire; au-dessous de lui, la mem-brane interne delà veine est fortement injectée. La veine iliaque gauche est remplie par un bouchon fibrineux, de texture spon-gieuse, caverneuse, lequel se prolonge jusqu'à l'embouchure de l'hypogastrique sous forme d'un caillot encore récent, décoloré à la surface, mou au centre. On trouve aussi des caillots dans l'hy-pogastrique et l'iléo-lombaire gauche2.

'Virchow, loc. cit., p. 341. 2 Virchow, loc. cit., p. 316.

Des recherches bibliographiques plus étendues permettraient certainement de grossir notablement1 le nombre des observa-tions de ce genre. Quoi qu'il en soit, — et ceci est la princi-cipale conclusion de cette première partie de notre travail, — celles que nous avons rapportées permettent déjà d'établir que la mort subite ou rapide par oblitération fibrineuse de T artère pulmonairen est pas un élément insolite, non-seulement dans la phlegmatia alba dolens puerpérale, mais encore dans les ?cas divers où il existe une oblitération des veines par un caillot fibrineux. C'est là, sans doute, en pareil cas, un accident heu-reusement fort rare ; mais le médecin ne doit pas en ignorer la possibilité ; il devra môme, dans certaines circonstances données, savoir l'annoncer comme une éventualité probable.

III.

Que faut-il penser de la proposition émise par M. le professeur Virchow, à savoir, que, dans tous les cas où la coagulation du sang dans l'artère pulmonaire ne dépend pas d'une lésion du parenchyme du poumon ou des parois artérielles, on doit dé-couvrir, ainsi que cela a eu lieu dans nos observations, un ou plusieurs caillots de date plus ou moins ancienne dans quelque partie du système veineux? Cette proposition est peut-être trop absolue. Il est juste, cependant, de remarquer qu'il n'existe probablement pas dans la science une seule observa-tion qui l'infirme d'une manière positive : en effet, dans tous les cas où l'obstruction de l'artère pulmonaire par des con-crétions fîbrineuses est indiquée comme un fait isolé, on paraît avoir négligé d'explorer attentivement les diverses par-

1 Virchow cite Ulsamor (Neue Zeilschrift fur Geburtskunde, 1833, Heft 2, S. 232) comme ayant rapporté des observations qui se rattachent à notre sujet. Malheureusement il nous a été impossible de consulter le travail de ce dernier auteur.

ties du système veineux pour rechercher s'il n'y existait point de caillots.

On trouve cependant, dans un intéressant mémoire de Simp-son sur la mort subite dans l'état puerpéraldeux observa-tions qui paraissent contraires à la proposition dont il s'agit ; mais, à notre avis, elles ne sont pas accompagnées de détails suffisamment précis pour qu'on puisse les considérer comme décisives. Afin qu'on en puisse juger, nous donnons la traduc-tion à peu près textuelle de ces deux observations.

Obs. XIII. — Une dame, âgée de trente-quatre ans, accouche le 18 août 1851 ; le travail fut facile el naturel. Tout alla bien jus-qu'au 30; elle marchait et paraissait en bonne sanlé : ce jour-là, en s'habillant, elle tomba sur son lit. D'après le rapport de la garde, elle eut un peu d'écume à la bouche, éprouva quelques mouvements convulsifs de la face, prononça quelques mots d'une voix faible, se renversa sur le dos et mourut. Tout cela dura à peine quelques secondes. A l'examen nécroscopique, on trouva les parois musculaires du cœur pâles et minces, principalement celles du ventricule droit. Ce ventricule contenait un peu de sang noir. Les deux branches de l'artère pulmonaire contenaient des caillots de sang qui remplissaient presque complètement le cali-bre des vaisseaux. Les principaux caillots avaient environ un pouce et un quart de long; ils étaient d'une texture ferme, et dans quel-ques points légèrement adhérents à la paroi vasculaire. En sui-vant les divisions de l'artère pulmonaire, d'autres caillots en grand nombre, et présentant les mêmes caractères que les précé-dents, le volume à part, furent trouvés jusque dans les plus peti-tes ramifications. Ainsi que nous l'apprend M. Simpson, celte au-topsie fut faite sous les yeux du docteur Paget; on s'assura qu'il n'existait point de caillots dans les veines2.

1 J.-V. Simpson. — The OLsteiric Memoirs and Contributions, t. II, p. 34 ; Jathological Observation on puerpéral Arterial Obstruction inflammation, P- 63.

* Cette observation a été publiée par M. Ilavers. (Medic. Times and Gazet., lévrier 18S2, p. 161.)

Obs. XIV. —Une dame accouche heureusement de son troisième enfant, le 4 juillet 1853. L'é'at fut très satisfaisant pendant les huit premiers jours qui suivirent. Dans l'après-midi du huitième jour, à deux heures, elle fut visitée par son médecin, qui la trouva très bien et dans d'excellentes dispositions. Un peu avant cinq heures, elle se plaignit d'une légère douleur siégeant dans l'une des cuisses. La malade attribua celle douleur à la position qu'elle avait gardée depuis longtemps. Elle se trouva soulagée en s'as-seyant, et se donna un peu de mouvement pour uriner, suivant ce que rapporte la garde; au moment où elle reprenait sa situa-tion horizontale, elle pâlit tout à coup et s'écria: « Oh ! je meurs! » Un médecin du voisinage fut immédiatement appelé, et arriva dix minutes après l'accident: il nota les phénomènes suivants: Le pouls est insensible: pâleur extrême, respiration difficile: la mort eu lieu trente cinq minutes après le début de l'attaque.

Autopsie vingt-quatre heures après la mort. Tous les viscères sont sains, à l'exception du foie qui est un peu volumineux. Il y a des calculs dans la vésicule biliaire. Le cœur paraît sain ; cepen-dant le tissu musculaire de ses parois est un peu pâle. Les artères pulmonaires sont distendues par des caillots cylindriques, résis-tants et fermes. Dans aucun autre vaisseau on ne trouva de caillots. La veine cave inférieure est vicie, et ses parois sont revenues sur elles-mêmes. Les artères pulmonaires sont saines ; les caillots qu'elle renferme sont formés de couches superposées comme ceux qu'on rencontre clans les cavités anévrysmales ; mais ils n'adhé-raient pas aux parois du vaisseau. Les couches extérieures étaient d'une consistance plus ferme que la partie centrale. Celle-ci était d'une couleur plus foncée, elle était plus molle et apparemment de date plus récente. On sut plus tard qu'avant l'accouchement la cuisse et la jambe gauches de la malade avaient été très enflées; ce gonflement avait diminué graduellement après l'accouchement, et après la mort les deux membres inférieurs ne présentèrent au-cune différence de volume.

Comme on le voit, ces deux observations sont relatives à des femmes qui succombèrent peu de temps après l'accouche-

ment. A l'autopsie, on trouva les troncs principaux de l'ar-tère pulmonaire remplis par des caillots de formation an-cienne. Dans le deuxième cas (Obs. XIV), au moins, ces cail-lots n'adhéraient point à la membrane interne de l'artère, qui était tout à fait exempte d'altération ; enfin, dans les deux cas. et c'est là le fait qu'il importe surtout de signaler ici, on n'a pas rencontré de caillots fibrineux dans les autres vaisseaux, et en particulier dans les veines. Il est fâcheux que ce dernier résultat de la nécroscopie ait été présenté d'une manière aussi générale. La femme qui est l'objet de la deuxième observation (Obs. XIV) était encore atteinte d'un œdème douloureux siégeant dans le membre inférieur gauche, peu de temps avant sa mort ; il était par conséquent important de noter tout parti-culièrement l'état dans lequel les veines crurale et iliaque du côté gauche ont été trouvées chez cette femme. Il était, en outre, tout à fait nécessaire d'indiquer si l'utérus et ses an-nexes ont été, dans les deux cas, soumis à une dissection at-tentive : ce sont là des lacunes regrettables qu'il importait de signaler, et qui permettront toujours de soupçonner que quelques lésions importantes auront bien pu passer ina-perçues.

Pour limiter notre champ d'étude, nous nous sommes astreint à n'envisager d'une manière spéciale que les faits es-sentiellement analogues à celui que nous avons observé per-sonnellement. Toujours dans ces faits, (§ I, § II) l'obstacle siégeait, comme on l'a vu, dans les troncs principaux de l'ar-tère, et les accidents produits ont été rapidement mortels. Dans une histoire plus complète, on devrait comprendre, en outre des cas, en certain nombre, rapportés par MM. Virchow, Klinger et quelques autres, où l'oblitération limitée à un nom-bre plus ou moins restreint de petites ramifications a déter-miné des désordres fonctionnels d'une bien moindre gravité et quelquefois môme à peine appréciables. On serait alors con-

duit à reconnaître que, dans cette seconde catégorie de faits, tout comme dans la première, l'oblitération de l'artère pulmo-noire par des concrétions fîbrineuses libres, indépendantes d'une altération des parois artérielles ou du parenchyme du poumon, coïncide habituellement avec l'oblitération d'une ou de plusieurs veines par des caillots anciens ; ainsi, le rapport qui lie ces deux altérations, et que nous avons essayé de faire ressortir, serait rendu plus manifeste encore.

IV.

Quelle est la raison de ce rapport que l'observation démon-tre exister entre certaines obstructions de l'artère pulmonaire et l'oblitération des veines par un caillot ; l'une de ces alté-rations doit-elle être considérée comme la condition et le point de départ de l'autre? C'est là une question que l'anato-mie et la physiologie pathologiques ont seules le pouvoir de résoudre.

M. Virchow a démontré que si l'on introduit dans la veine sous-clavière d'un animal des fragments de caillots fibrineux, de tissu musculaire, ou encore des petits bouchons de caout-chouc, etc., etc., ces divers corps étrangers peuvent être en-traînés par la circulation, traverser le cœur droit sans provo-quer de symptômes appréciables, et enfin venir se fixer dans un point quelconque de l'artère pulmonaire ; il a démontré, en outre, que si, dans ces expériences, les corps étrangers s'ar-rêtent dans le tronc principal ou dans des branches de pre-mier ordre, de manière à y produire une occlusion complète, on voit survenir chez l'animal des accidents formidables sem-blables à ceux qui se sont déclarés chez les sujets dont nous avons rapporté l'histoire. Faut-il voir dans ces expériences la reproduction, l'imitation fidèle des phénomènes qui se passent chez l'homme, dans les cas dont il s'agit ; faut-il, en d'autres

termes, admettre que dans ces cas les coagulums artériels sont, si l'on peut ainsi dire, de provenance exotique ; ce sont des fragments détachés d'un caillot veineux qui, entraînés par le torrent circulatoire, auraient été poussés jusque dans l'ar-tère pulmonaire? C'est ce que nous allons rechercher, en nous fondant principalement sur les détails nécroscopiques consignés dans l'observation qui nous est propre (Obs. Ire).

Les bouchons fibrineux que nous avons trouvés remplissant les branches principales de l'artère pulmonaire étaient évi-demment, au moins en grande partie, de date ancienne. En effet, outre qu'ils étaient décolorés, de texture grenue, friable, formés de couches superposées, imprégnées d'une substance demi-liquide d'aspect puriforme, l'examen microscopique les montrait composés de fragments fibrineux désagrégés, de gra-nulations moléculaires, de globules graisseux, de globules du sang diversement altérés; ils présentaient, en un mot, des ca-ractères qui correspondent à une époque assez avancée de la métamorphose régressive propre aux concrétions fibrineuses, et qui ne peuvent appartenir qu'à des caillots anciens L'âge de ces caillots, autant qu'on peut le déterminer d'après les ca-ractères anatomiques, était le même que celui des bouchons fibrineux qui remplissaient les veines iliaques et la veine cru-rale, c'est-à-dire que leur formation remontait au moins à huit jours. Nous avons dit, en outre, que le parenchyme du pou-mon était exempt d'altération, que les caillots fibrineux ríad-héraient en aucun point de leur étendue aux parois de f ar-tère pulmonaire ; que celles-ci enfin étaient parfaitement saines. Or, peut-on admettre que des caillots volumineux aient

i Consulter sur ce sujet: Gulliver. Med. chir. Transad., 183 \ p. 144. — Virchow. Zeitschr. fur rationn. Merf.,Bd. V, s. 226, et Gesammt. Abhandi., passim. — Donders et Jansen, Nederland. Lancet, Bd. I, p. 232, 3C6. — Kokilansky. Path. anat., Bd. II, p. 477. — Charcot. Mémoires de la Société de biologie, 1851, p. 189, et 1851, p. 301. (Voir dans ce volume, p. 36"3 et suiv.). — Robin et Verdeil. Traité de chimie anatomique, t. III, art. Fibrine.

séjourné pendant plusieurs jours dans les troncs principaux de l'artère pulmonaire sans que leur présence ait été révélée par quelque symptôme? Peut-on croire, d'un autre côté, qu'ils aient pu rester aussi longtemps en contact avec la membrane interne de l'artère sans y produire quelque altération, et sans contracter avec elle des adhérences plus ou moins intimes? Ces questions doivent être résolues négativement; autrement, ce serait vouloir se mettre en contradiction manifeste avec les enseignements les moins contestés de la physiologie et de l'ana-tomie pathologiques.

Ce n'est donc pas dans l'artère pulmonaire elle-même que se sont formés, au moins pour une bonne partie, les concré-tions fîbrineuses qui l'obturent. Si, d'un autre côté, nous por-tons notre attention sur les coagulums qui remplissent les veines crurale et iliaque gauches, nous y observons une dispo-sition dont l'importance a été mise en lumière par M. Virchow et qui explique comment des masses fîbrineuses plus ou moins volumineuses peuvent être détachées d'un caillot prin-cipal, se trouver, par suite, tout à fait libres dans la cavité d'un vaisseau où le sang circule encore, et enfin, les circons-tances aidant, être entraînées par le torrent sanguin.

Ainsi que l'ont démontré les recherches de M. Virchow aux-quelles nous faisons allusion, le coagulum qui s'est formé dans une veine, lorsqu'il l'a complètement oblitérée, se prolonge souvent dans le tronc vasculaire d'ordre supérieur avec lequel cette veine s'abouche, sous la forme d'un appendice fibrineux, le plus souvent conique, plus ou moins allongé, libre de tous côtés, si ce n'est par sa base qui se confond avec le caillot principal, et dont le sommet, dirigé vers le cœur, est ter-miné par une pointe arrondie. Cet appendice, qu'on désigne sous le nom de caillot prolongé, s'accroît par l'opposition successive de couches fîbrineuses nouvelles. En même temps qu'il s'allonge en s'étendant du côté du cœur, il s'élargit

transversalement ; mais il ne devient presque jamais assez volumineux pour interrompre la circulation du sang dans le vaisseau où il siège. Aussi, lorsque son accroissement s'est arrêté, se trouve-t-il incessamment usé, et, si l'on peut ainsi dire, miné par le courant sanguin qui l'enveloppe de toutes parts. En oulre, il tend à se ramollir spontanément et à se dé-sagréger, parce que les éléments qui le composent doivent subir les diverses phases de la métamorphose régressive qui leur est particulière. De là résulte un double travail de disso-lution, qui aboutit, en définitive, lorsqu'il s'opère régulière-ment, à la résorption complète du caillot prolongé. Par le fait de la désagrégation, les couches périphériques sont détruites en premier lieu, puis ce sont les parties centrales; les par-celles fîbrineuses, toujours extrêmement ténues, qui se déta-chent de la masse principale, se mêlent au sang et s'y dé-truisent: conséquemment, le caillot prolongé s'amoindrit progressivement, dans tous les sens, tout en conservant jus-qu'au dernier moment, la forme conique et une surface lisse et régulière ; finalement, il disparaît.

Mais des circonstances exceptionnelles peuvent se pré-senter: ainsi, par exemple, le caillot prolongé se ramollit quelquefois d'abord par les parties centrales et voisines de la base, et se résout rapidement en masses fibrineuses qui ont, dans certains cas, des dimensions relativement considérables. Devenus libres, ces fragments pourront être transportés par la circulation loin du lieu de leur origine. C'est là, très vraisem-blablement, ce qui a eu lieu dans notre observation: ici, un coagulum très dense, très volumineux, et adhérant intime-ment à la membrane vasculaire interne, oblitérait complète-ment les veines iliaque interne et crurale du côté gauche; Je caillot principal se prolongeait dans la veine iliaque primi-tive, où il constituait un appendice fibrineux en forme de cône tronqué, long de plus d'un centimètre, et libre de tous côtés,

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons et Cœur. 29

excepté par sa base. Or, 1 appendice fibrineux dont il s agit, et qui représente le caillot prolongé, ne se terminait point par une extrémité acuminée, lisse et régulière, mais bien par une surface inégale et déchiquetée : d'où l'on peut conclure que des masses fîbrineuses d'un certain volume en avaient été brusquement détachées. Quelles étaient les dimensions de ce caillot prolongé avant l'époque où la désagrégation s'est faite? Cela est difficile à déterminer : nous pensons toutefois qu'il s'étendait primitivement jusqu'au voisinage de la veine cave, peut-être même pénétrait-il dans ce vaisseau. Ce qui rend à nos yeux celte hypothèse probable, c'est que, dans les der-niers temps de la vie de la malade, des symptômes d'œdème douloureux se sont manifestés dans le membre droit. Quoi qu'il en soit, les fragments détachés du caillot prolongé ont pu être poussés jusque dans la veine cave par le courant san-guin de la veine iliaque primitive. Yoici d'ailleurs comment la circulation était entretenue dans ce dernier vaisseau : il y avait, nous l'avons dit, oblitération complète des veines cru-rale et iliaque externe ; mais la veine hypogastrique était restée, jusqu'à un certain point, perméable ; elle renfermait, il est vrai, des concrétions fibrineuses, mais celles-ci n'étaient pas généralement adhérentes, et elles laissaient substituer des intervalles à travers lesquels le courant veineux pouvait s'infiltrer.

On voit que nous sommes conduits à interpréter les faits de notre observation dans le sens de la théorie de l'embolie : cette interprétation une fois admise, tout s'enchaîne et tout s'expli-que très naturellement. Après avoir traversé la veine cave et le ventricule droit du cœur, les caillots détachés seront venus se fixer dans les branches principales de l'artère pulmonaire; l'un d'entre eux, le plus volumineux, s'y est enclavé forte-ment, et s'est mis à cheval sur l'éperon formé par la bifurca-tion de vaisseaux de troisième ordre. C'est à ce moment que

se sont développés tout à coup les premiers symptômes dysp-néiques. Mais l'occlusion de l'artère était encore incomplète et la circulation pouvait s'y faire tant bien que mal. Alors, de nouvelles couches fibrineuses se sont déposées, tant en avant et en arrière qu'à la périphérie des caillots primitivement en-gagés, et bientôt l'artère pulmonaire s'est trouvée littérale-ment oblitérée dans toute son étendue. Aussi, les symptômes ont-ils été en s'aggravant avec une rapidité effroyable, et la mort est-elle survenue au bout de quatre heures.

L'existence d'un appendice fibrineux, ou si l'on aime mieux dire d'un caillot prolongé 1, analogue à celui que nous venons de décrire, ne se trouve indiquée d'une manière explicite que dans un petit nombre des observations que nous avons repro-duites, d'après les auteurs (obs. II, III, XI). Cela tient, sans doute, en grande partie, à ce que cette disposition n'a pas encore fixé, comme elle le mérite, l'attention des observa-teurs ; de nouvelles recherches devront déterminer si c'est là une condition nécessaire à la production des embolies dans le système veineux, et s'il n'existe pas d'autres circonstances qui favorisent au même degré la migration des concrétions fibri-neuses formées dans les veines. Quoi qu'il en soit, les obser-vations dont il s'agit, concordent avec la nôtre par tous les autres points essentiels, et elles peuvent être généralement soumises à la même interprétation; on trouve même, dans quelques-unes d'entre elles, en faveur de l'embolie, des témoignages, sous quelques rapports, plus frappants encore que ne le sont ceux que nous avons présentés déjà. Ainsi, par exemple, un des points les plus difficiles à établir, dans cette théorie, parce qu'il échappe nécessairement à la démonstration directe, c'est le fait même de la migration des masses fibri-neuses détachées de l'extrémité supérieure des caillots veineux. Eh bien ! il s'est présenté tel cas où l'on a rencontré,

1 En allemand : Fortgesetzter Propf.

libre et flottant dans un point du trajet vasculaire qui sépare de l'artère pulmonaire la veine primitivement affectée, un cylindre fibrineux évidemment de date ancienne, et représen-tant assez exactement par sa forme le moule interne du vais-seau où il s'est formé; de sorte que l'on a pu surprendre, si l'on peut ainsi dire, la migration de ce caillot dans le temps même où elle s'effectuait; témoin l'observation XIe, dans laquelle il est dit qu'un thrombus ancien, ayant environ le volume du petit doigt, long de 5 pouces et demi, formé de couches concentriques et plusieurs fois replié sur lui-même, fut trouvé libre dans l'oreillette droite du cœur1. Une démons-tration non moins frappante de l'origine veineuse de certaines concrétions fibrineuses de l'artère pulmonaire est donnée par l'observation IX. Dans ce cas, en effet, l'une des extrémités du caillot extrait de l'artère a pu s'ajuster exactement à l'extrémité supérieure, irrégulière et déchiquetée du caillot veineux.

Une circonstance signalée par M. Virchow 2, et qu'on trouve notée dans plusieurs de nos observations, c'est que les symp-tômes redoutables produits par l'oblitération de l'artère pul-monaire, apparaissent, en général, à une époque où les ma-lades sont en voie d'amélioration, alors qu'ils commencent à

1 M. Fritz a rapporté un fait très intéressant d'oblitération des petits rameaux de l'artère pulmonaire par des caillots sanguins, dans lequel un thrombus d'ancienne formation occupait la veine iliaque externe, où il s'étendait par en haut jusque vis-à-vis de l'embouchure de la veine hypo-gastrique. A ce niveau, ce caillot se terminait brusquement par une surface aplatie, à bords tranchés; puis, 2 centimètres plus haut, on rencontrait dans la veine primitive une masse fibrineuse décolorée de lm,G de long et dont la base plane, elliptique, s'adaptait exactement à l'extrémité supérieure du caillot de l'iliaque externe. Cette masse fibrineuse n'était rattachée au caillot principal que par un coagulum mou, noir, et évidemment de forma-tion très récente. (Obturation métastatique des artères pulmonaires, Union médicale, 5 mars 1857.)

2 Suivant M. Strolh (Union médicale, t, IX, n° 154, p. 620) M. Virchow au-rait vu l'extrémité libre de caillots se briser à la suite de secousses impri-mées au cadavre. Il nous a été impossible de retrouver le passage où M. Virchow a consigné cette remarque importante.

quitter le lit et à marcher (obs. I, II, III, IV), ou encore au mo-ment où ils font des efforts pour uriner, par exemple, ou pour aller à la selle (obs. XI, XII). 11 est possible que, dans ces cas, les efforts aient agi mécaniquement sur l'extrémité des caillots veineux, et en aient déterminé la rupture. Aussi, croyons-nous qu'il conviendrait de recommander aux malades atteints de phlegmatia alba dolens, ou qu'on peut supposer atteints de quelque oblitération veineuse, de prolonger le séjour au lit et d'éviter, autant que possible, toute espèce d'efforts. Il faudrait éviter également, lorsqu'elle n'est pas impérieuse-ment nécessaire, la palpation des régions auxquelles appar-tiennent les veines oblitérées.

V.

Sur les douze faits d'oblitération des branches principales de l'artère pulmonaire consécutive à une oblitération veineuse, que nous avons rapportés (I, § I, II), il en est deux dans les-quels la mort a été subite, dans l'acception rigoureuse du mot, et tout à fait imprévue (obs. VIII, X). Elle a eu lieu quelques minutes seulement après le début des accidents dyspnéiques dans deux autres cas (obs, XII, V) ; au bout de trois quarts d'heure dans deux cas (obs. II, III); après quelques heures dans quatre cas (obs. I, IV, VIII, XI) ; au bout de plusieurs jours enfin dans deux cas (obs. VI, IX). Ces différences peu-vent en général s'expliquer en présence des faits révélés par l'autopsie: le caillot que l'on trouve enclavé dans les troncs principaux de l'artère pulmonaire, ne présente habituelle-ment pas une texture homogène ; il se compose d'un noyau central et, à l'extérieur, de couches fibrineuses cencentrique-ment disposées. Les plus superficielles de ces couches sont de formation très récente, tandis que les plus profondes sont,

ainsi que le noyau lui-même, de date plus ou moins ancienne. Or, il est infiniment probable que, dans les cas où la mort n'a pas été subite, le caillot s'est trouvé, au moment même où il s'est engagé, d'un volume insuffisant pour obturer complète-ment le calibre du vaisseau. C'est seulement alors que de nouvelles couches fîbrineuses se seront déposées, en se strali-liant, autour de ce caillot primitif, que l'occlusion sera devenue parfaite et que la mort aura eu lieu. Cette interprétation est d'ailleurs conforme aux résultats obtenus par M. Virchow dans quelques-unes des expériences qu'il a faites sur des animaux. Le plus souvent, les fragments de muscle ou les morceaux de caoutchouc employés dans ces expériences étaient entraînés dans l'artère pulmonaire et s'y enclavaient sans provoquer toutefois d'accidents sérieux, parce que, en raison de leur forme irrégulière, ils ne remplissaient pas complètement le calibre du vaisseau ; mais, dans certains cas, ils s'envelop-paient de caillots fibrineux, l'occlusion devenait complète et alors les symptômes graves se manifestaient.

Dans les cas où la mort n'est pas extrêmement rapide, les accidents déterminés par l'oblitération de l'artère pulmonaire présentent une physionomie très remarquable : c'est un en-semble de phénomènes dont les uns, suivant la remarque de Virchow, se rapprochent des symptômes de la syncope, tandis que les autres rappellent plutôt l'asphyxie. Une agitation, une anxiété inexprimables, bientôt suivies d'une prostration extrême, ouvrent brusquement la scène; il y a de la dyspnée, puis une orthopnée effrayantes : on peut compter jusqu'à qua-rante-cinq ou cinquante inspirations à la minute, et tous les muscles qui servent directement ou indirectement à la respi-ration, sont mis en jeu d'une manière convulsive. En même temps, l'impulsion du cœur est violente et tumultueuse ; bien-tôt, elle s'affaiblit, devient presque insensible et les mouve-

ments cardiaques augmentent alors de fréquence. Le pouls est faible, filiforme, et il est impossible de compter ses batte-ments. La face est pâle, quelquefois au contraire cyanosée ; les extrémités sont glacées, le corps est recouvert d'une sueur froide et visqueuse. Il y a des vertiges, de la céphalalgie, mais habituellement l'intelligence reste nette. Pas de toux, pas d'expectoration; la percussion et l'auscultation n'apprennent rien sur l'état de la poitrine ; seulement, dans quelques cas, on a noté l'existence d'un murmure vésiculaire très rude l. Quelquefois, on observe des mouvements convulsifs qui con-sistent dans l'extension brusque et répétée d'un ou de plu-sieurs membres, ou dans la contraction spasmodique de quel-ques-uns des muscles de la face. On a noté, dans certains cas, une protrusion remarquable des yeux2. Le plus souvent, comme nous l'avons dit, la connaissance persiste jusqu'aux derniers moments; cependant, il y a syncope complète, ou encore le malade succombe au milieu d'une torpeur pro-fonde.

En résumé, les symptômes les plus caractéristiques sont : 1° l'apparition brusque d'une violente dyspnée que n'explique pas l'examen physique de la poitrine ; 2° le refroidissement rapide des extrémités et du visage ; 3° la faiblesse et l'accélé-ration des mouvements du cœur; 4° une prostration très rapi-dement portée à l'extrême; 5° l'absence fréquente de troubles notables du sensorium ;!.

1 Klinger, loc. cil., p. 376. 4 Idem, ibid.

3 Klinger, loc. cit., p. 376. — Il est intéressant de rapprocher ces symp-tômes de ceux qu'a notés il. Virchow sur quelques-uns des animaux soumis à ses expériences. Voici quels ont été, par exemple, les phénomènes les plus saillants, dans la vingt-et-unième expérience (Virchow, loc. cit., p. 302), au moment où l'oblitération de l'artère pulmonaire est devenue complète: 1° extension du corps sous forme d'un léger opistonos; 2° arrêt brusque du cœur; 3° dilatation de la pupille et protrusion des yeux; 4° ralentissement considérable, et enfin cessation complète de la respiration.

Ces symptômes se succèdent habituellement et vont s'ag-gravant d'une manière continue. Dans quelques cas, cepen-dant, on les voit cesser momentanément, ou du moins s'amoindrir, pour reparaître ensuite avec une intensité toute nouvelle. Ds constituent alors une série d'accès plus ou moins tranchés. L'existence de ces accès a été très manifeste dans les observations V, VII et XL Les changements de position que peut éprouver, sous l'influence de la pression exercée par la colonne sanguine, un caillot libre de toute adhérence, de forme irrégulière, et relativement d'un petit volume, tant qu'il n'est pas solidement enclavé et qu'il ne s'est pas enveloppé de nouvelles couches fîbrineuses, peuvent rendre compte, ce nous semble, au moins en partie, de l'intermittence des symp-ptômes observés dans ces cas-là. Peut-être, la contraction spasmodique des branches artérielles joue-t-elle en outre ici un certain rôle 1. Celte contraction déterminée sous l'in-fluence de l'excitation produite par la présence du caillot fibrineux, pourrait se propager par action réflexe à toute l'étendue du système de l'artère pulmonaire. On comprendrait d'ailleurs, à l'aide de cette hypothèse, comment les symptômes graves, bientôt suivis de mort, peuvent apparaître, alors que l'oblitération porte exclusivement sur les branches artérielles d'un seul poumon, ainsi que cela a eu lieu dans les observa-lions XI et XII.

L'appareil de symptômes que nous avons essayé de dé-

4 Les fibres musculaires de la vie organique se rencontrent surtout vers la face interne de la membrane ou tunique élastique des artères, mais seu-lement dans les artères plus petites que les carotides et les iliaques primi-tives. (Robin). D'après Kœlliker, on trouve même dans l'aorte et sur le tronc de l'artère pulmonaire des fibres-cellules: mais elles sont si peu dévelop-pées, qu'il paraît douteux qu'elles possèdent un certain degré de contrac-tilité. Les artères carotides, sous-clavières, iliaques, axillaires, renferment des éléments contractiles plus développés. 11 ne paraît pas que des recherches spéciales aient été faites pour les divisions et subdivisions de l'artère pul-monaire ; mais il est probable que les rameaux de troisième ordre jouis-sent déjà d'une contractilité évidente.

peindre permettra, ce nous semble, le plus souvent, d'an-noncer qu'il existe une oblitération des branches principales de l'artère pulmonaire par un caillot sanguin ; il faut remar-quer toutefois que ces symptômes paraissent être, jusqu'à un eertain point, communs aux cas où l'oblitération dépend d'une altération des parois artérielles ou du parenchyme pulmonaire, et à ceux où elle est le résultat de l'embolie. Pour arriver au diagnostic, il sera, par conséquent, nécessaire de faire inter-venir toujours la considération des circonstances au milieu desquelles se déclarent les accidents. La coexistence d'une oblitération veineuse manifestée par les symptômes qui lui sont propres, ou même, en l'absence de ceux-ci, l'existence des états pathologiques ou physiologiques qui prédisposent à ce genre d'affection, pourraient en particulier conduire à penser que l'obturation de l'artère est consécutive à la migra-tion d'un caillot veineux.

A côté des cas qui font l'objet principal de cette étude, il faudra placer les faits auxquels nous avons fait allusion déjà et dans lesquels l'oblitération restant limitée à un nombre plus ou moins restreint de petites ramifications artérielles, les dé-sordres fonctionnels sont d'une gravité bien moindre et quel-quefois même à peine appréciables1. On conçoit enfin, à priori,

1 Si l'on tient compte des cas de cette espèce, on sera conduit à admettre que l'obturation des branches de l'artère pulmonaire par des caillots fibri-neux, consécutive à la phlébite oblitérante, n'est pas une affection rare. Sur 76 autopsies faites dans l'espace d'un mois (août 1846), à l'amphithéâtre de la Charité de Berlin, par M. Virchow, il en est 18 dans lesquelles on a cons-taté l'existence de thrombus siégeant dans les veines. 11 fois, sur ces 18 cas, il y avait, en outre, des caillots sanguins dans quelques-unes des divisions le l'artère pulmonaire. Voici quel était, dans ces cas, le rapport de l'obli-tération artérielle à l'oblitération veineuse :

Thrombus dans la veine cave inférieure. 1 Dans l'artère pulmonaire. 0

— dans la veine iliaque ... 1 — 1

— dans une veine hypogastrique t — 0

— dans une veine crurale ... 5 — 4

— dans une fémorale profonde . 3 — 3

— dans une tibiale postérieure .1 — 0

l'existence de cas, pour ainsi dire intermédiaires, où. les acci-dents les plus menaçants, et annonçant une occlusion des troncs principaux de l'artère, cesseraient plus ou moins brusque-ment, contre toute espérance, pour faire place à une guérison complète. L'observation suivante, que nous devons à l'obli-geance de M. le docteur Jacquemier, pourrait bien être un exemple de ce genre.

Obs. XV,— Accidents très vraisemblablement produits par une oblitération fibrineuse des troncs principaux de lartère pulmonaire, observés chez une femme en couches et terminés par la guérison. — Madame G..., 3, place Favart, âgée de vingt ans, grande, bien conformée, d'une constitution sanguine, d'une santé régulière, primipare, ayant eu une grossesse exempte de complications ou d'incommodités, accoucha naturellement après un travail d'une durée moyenne et médiocrement pénible, le 12 septembre 1855, d'une fille chélive, à crâne incomplètement développé, qui s'éleva péniblement et succomba à l'âge de quinze mois des suites d'une hydrocéphalie chronique.

Les suites de couches suivaient régulièrement leur cours, exemptes de toutes complications. Une seule chose troublait par moment le contentement de cette mère, c'est que son enfant, qui n'avait pas pu prendre son sein, prenait assez mal celui de sa nourrice et le refusait quelquefois pendant des journées en-tières.

Le douzième jour des couches, à cinq heures de l'après-midi, étant assise dans son lit et causant gaiement avec sa mère, en at-tendant un potage qu'on lui préparait, sans malaise précurseur, sans prodrome d'aucune sorte, elle est brusquement interrompue

Thrombus dans un sinus longitudinal su-

Une seule fois, l'oblitération de l'artère pulmonaire a produit des acci-dents graves, bientôt suivis par la mort. (Virchow, toc. cit., p. 224, 22'•, 354.)

périeur......

— dans un sinus Iransverse.

3 Dans l'artère pulmonaire. 3

3 — 1

18

il

dans sa conversation, pousse un léger cri d'angoisse, en portant ses deux mains à sa poitrine et tombe sans connaissance sur ses oreillers, comme frappée subitement de mort. Sa mère l'appelle, la secoue ; les gens de ta maison s'agitent autour d'elle sans qu'elle donne le moindre signe de vie. Après quelques minutes de confu-sion, on se hâte de courir chez les médecins les plus rapprochés. M. Mialhe, dont la pharmacie est à quelques pas, et un médecin du voisinage, dont le nom m'échappe, arrivent bientôt. Au mo-ment de leur arrivée, de faibles indices de respiration et de con-naissance commençaient à se manifester. L'état de la malade ne leur parut pas moins des plus alarmants et tout à fait désespéré : le pouls radial était imperceptible au doigt ; le cœur ne faisait entendre que de faibles ondulations ; au lieu d'une pâleur synco-pale, la figure présentait, au contraire, une coloration et un aspect aspbyxiques des plus prononcés. Ils s'empressèrent de stimuler les téguments par des frictions excitantes et par des sinapismes, etc.

A mon arrivée, une heure et demie après le début de l'accident, la malade était dans l'état suivant : immobilité dans le décubitus dorsal, la tête et la partie supérieure du tronc un peu relevées par des oreillers ; face tuméfiée et bleuâtre, tuméfaction et coloration plus prononcées aux lèvres; mains et pieds également tuméfiés, froids et violacés; respiration courte, peu profonde et anxieuse; sentiment de suffocation, impression de frayeur, voix à demi éteinte, paroles entrecoupées, connaissance entière ; impulsion du cœur étendue, mais molle etonduleuse; néanmoins, doubles battements distincts, réguliers et sans bruits anormaux; pouls petit, faible, fréquent, difficile à compter et disparaissant par mo-ment sous le doigt. Trois fois, dans le courant de la soirée, la perte subite de connaissance s'est reproduite, mais n'a duré que quelques instants, une minute environ. Dans ce moment, la figure, loin de pâlir, était d'une coloration plus foncée; la respiration et les mouvements du cœur n'étaient pas complètement suspendus, le pouls seul disparaissait. A dater de minuit, il s'était fait dans l'état de la malade une amélioration sensible et qui se soutenait.

C'est dans cet état que M. Barlh, appelé en consultation, vit la malade, vers dix heures du matin. Après avoir pris connaissance

de ce qui s'était passsé et après un examen attentif de la patiente, notre savant et judicieux confrère s'arrêta à l'idée de la présence d'un coagulum sanguin dans le cœur ou dans l'artère pulmonaire. Bien que la respiration fût encore fort gênée, la parole faible et entrecoupée, la malade pouvait rendre compte des impressions qu'elle avait éprouvées. Sans être avertie par le moindre malaise, elle s'était sentie prise brusquement, en parlant, d'une impression pénible, plutôt pénible que douloureuse, qu'elle ne pouvait pas bien définir et qui avait rapidement envahi toute la poitrine de bas en haut. A partir de cette impression, elle n'avait plus rien senti ni rien entendu, jusqu'au moment où l'on était occupé à ap-pliquer les premiers sinapismes. Le temps pendant lequel elle a été sans connaissance n'a guère dépassé douze à quinze minutes, bien que ce temps ait paru beaucoup plus long aux assistants. Dans l'hypothèse très probable que les accidents étaient détermi-nés parla présence d'un caillot sanguin dans les branches princi-pales de l'artère pulmonaire, on se demandera si ce caillot s'était formé sur place ou s'il s'était détaché d'un point plus ou moins éloigné, et si l'observation apprend quelque chose à cet égard. Ce queje puis assurer, c'est qu'avant comme après l'accident, il n'y a eu ni dans les membres inférieurs, ni dans le bassin aucun indice sensible d'une phlébite obturante.

Le traitement actif, qui n'avait guère consisté jusque-là que dans l'application de révulsifs cutanés et l'administration de li-quides stimulants, traitement, du reste, dont les bons effets avaient été sensibles, fut suspendu, et l'on se borna à faire prendre de simples boissons adoucissantes rendues alcalines.

Pendant les troisième, quatrième et cinquième jours, l'amélio-ration fut progressive, soutenue, mais lente, et la malade res-tait toujours dans un état grave. A dater du sixième jour, elle fit des progrès rapides, et, le dixième jour de l'accident, le retour à la santé pouvait être considéré comme complet.

Les accidents relatés dans cette intéressante observation ont présenté une physionomie si bien caractérisée que nous n'hésiterons point à les rattacher à une obturation des bran-

ches principales de l'artère pulmonaire par des caillots fibri-neux. Reste à savoir si cette obturation a été produite par embolie. Les détails donnés par M. Jacquemier et par lesquels on voit « qu'avant comme après l'accident, il n'y a eu, ni dans les membres inférieurs, ni dans « le bassin, aucun indice sensible d'une phlébite obturante, » paraîtront sans doute peu favorables à cette hypothèse. N'est-il pas possible cependant qu'une oblitération des veines de l'utérus et de ses annexes par des caillots sanguins, ait existé sans avoir été révélée par des troubles fonctionnels appréciables?

VI.

Quelle est la cause ou, si l'on peut ainsi parler, le tnéca-nisme de la mort, dans les cas d'oblitération des brandies principales de l artère pulmonaire par des caillots fibrineux ? Suivant Virchow1, par suite de Y ischémie pulmonaire plus ou moins prononcée que produit cette oblitération, le cœur gauche et l'aorte ne reçoivent plus qu'une quantité extrême-ment faible de sang chargé d'oxygène; les artères coronaires en particulier ne fournissent plus au cœur la quantité voulue de son excitant naturel; conséquemment, cet organe s'arrête dans la diastole. En même temps, il y a stase du sang veineux dans le cœur droit, dans les veines coronaires, et, en général, bien qu'à un degré plus ou moins prononcé, dans toutes les veines de l'économie. Il y aurait donc d'abord paralysie du cœur et état syncopal, puis, secondairement, asphyxie. Les mouvements tétaniques des muscles, le ralentissement de la respiration, la protrusion des yeux, etc., devraient, en par-ticulier, être rattachés à l'état asphyxique. Le docteur Panum 2,

t Loc. cit., p. 316.

2 Ueber den Tod durch Embolie (Zeitsehrift fur klin. Med., VII, Bd., 6, IL).

dans le but d'éclairer cette question, a entrepris sur les ani-maux des expériencesanaloguesàcelles instituéesparM. lepro-fesseur Virchow. Suivant lui, la mort serait due, dans les cas qui nous occupent, non pas à l'asphyxie, mais bien à l'anémie^ qui se fait subitement dans les centres nerveux, en raison de ce que le cœur gauche cesse tout à coup de recevoir du pou-mon une quantité suffisante de sang. Ce qui, suivant cet au-teur, démontre qu'il en est ainsi, c'est d'abord la pâleur des. membranes muqueuses (langue, lèvres, conjonctives), des poumons et du cerveau, qui se manifestent chez les sujets des expériences ; c'est ensuite la très petite quantité de sang que contient, en pareil cas, le cœur gauche, tandis que le cœur-droit en est, au contraire, fortement distendu.Nous nous bor-nerons à indiquer cette question très intéressante, qui, pour être résolue d'une manière satisfaisante, réclame encore de nombreuses recherches cliniques et expérimentales. 1

1 Extrait de la Gazette hebdomadaire, 1858, p. 755, 784,838.

VI

Maladies de l'aorte.

On peut rencontrer, sur le trajet, de l'aorte, la plupart des lésions qui ont été signalées sur d'autres points du système artériel; mais le volume exceptionnel de ce tronc vasculaire, et l'importance des fonctions qui lui sont dévolues, impri-ment un cachet spécial aux maladies dont il peut devenir le siège. Il est, partant, difficile, en étudiant les affections de l'aorte, de ne point empiéter quelquefois sur le domaine des lésions artérielles, envisagées dans leur ensemble. Nous nous efforcerons, autant que possible, d'éviter cet écueil; mais il ne faut pas oublier que, sous le rapport anatomique, les alté-rations de ce grand vaisseau ont plus d'une fois servi de type à la description générale, et qu'il devient alors impossible de maintenir la ligne de démarcation avec une rigueur ab-solue. Nous nous proposons d'étudier dans cet article :

1° Uaortite; 2° ïathérome et les dégénéralions ossiformes de l'aorte ; 3° les anévrysmes de l'aorte ; 4° les dilatations sim-ples de l'aorte ; 5° les oblitérations et rétrécissements de l'aorte ; 6° les concrétions fibrineuses de l'aorte ; 7° les embolies de l'aorte ; 8° les entozoaires de l'aorte ; 9° Xhypertrophie et V atrophie des tuniques de l'aorte; 10° les ruptures et perfo-rations de l'aorte par cause interne; 11° le cancer de l'aorte.

Enfin, pour compléter cette revue pathologique, nous au-

rons à parler d'un trouble purement fonctionnel, les palpita-tions nerveuses de l'aorte, dont il a été déjà question dans un article précédent.

I. Aortite. *

L'existence de phénomènes inflammatoires dans l'aorte et ses branches principales a peut-être été signalée par quelques-uns des grands médecins de l'antiquité ; mais ce n'est qu'à une époque relativement voisine de la nôtre que ce sujet a commencé à fixer l'attention des auteurs.

Les écrivains du siècle dernier en font à peine mention dans leurs ouvrages, et l'observation rapportée par Morgagni dans sa vingt-sixième lettre, est longtemps restée un fait presque complètement isolé dans la science : il s'agissait d'un homme qui mourut subitement et chez lequel on trouva, pour toute lésion, une dégénérescence des parois aortiques, qui, par-semées de plaques ossiformes sur divers points, offraient dans toute leur étendue une rougeur intense, qu'on crût devoir at-tribuer à une inflammation aiguë.

Mais c'est surtout à l'immense retentissement des travaux de J. P. Franck qu'on doit attribuer l'importance accordée, vers le commencement de ce siècle, aux inflammations arté-rielles en général et à l'aortite en particulier.

Les doctrines médicales de cet auteur célèbre, qui rattachait aux phlegmasies de cette espèce le plus grand nombre des fièvres, apportèrent à l'étude de ces questions un intérêt tout nouveau. Le mouvement scientifique de l'époque était singu-lièrement favorable aux idées de Franck : elles ne tardèrent pas à acquérir un grand nombre de partisans.

Les travaux de Reil, de Schônlein et de plusieurs autres mé-decins distingués conlribuèrenl à répandre l'opinion que l'ar-térite, caractérisée anatomiquement par la rougeur de la membrane interne des vaisseaux, par des altérations athéro-

mateuses et des dépôts calcaires, était une affection des plus fréquentes.

En France, JBroussais et M. le professeur Bouillaud vinrent prêter l'appui de leur autorité à celte manière de voir, tout en la modifiant, sous certains rapports. Au reste, l'éminent observateur que nous venons de citer ne pouvait se méprendre sur le caractère particulier de cette rougeur intra-vasculaire : « Elle n'est point occasionnée, dit-il, comme dans lesphlegma-sies des autres tissus, par une hypérémie capillaire, mais par une sorte d'infiltration de la matière colorante du sang. » Il reconnaît, en outre, qu'il est souvent très difficile de distin-guer ce phénomène des effets ordinaires de l'imbibition cada-vérique ; mais, comme les auteurs du siècle précédent, il attri-bue une grande valeur aux lésions concomitantes, comme si-gnes anatomiques de l'inflammation.

On a toujours attaché une importance capitale à la présence de concrétions oblitérantes, à l'intérieur du vaisseau. Indépen-damment des caillots sanguins, un exsudât particulier déposé sur les parois des artères malades fut signalé par Bizot qui le considérait comme l'un des premiers indices d'un travail in-flammatoire. Cette observation, d'ailleurs parfaitement exacte, ne pouvait être interprétée d'une façon différente, comme nous le verrons bientôt. Mais ce qu'il importe le plus de constater, e'est que, fondée sur ces données anatomiques, une séméiolo-gie tout entière s'était organisée; de sorte que jusqu'à ces derniers temps, il existait non seulement des caractères pour reconnaître à l'autopsie les inflammations de l'aorte, mais encore des signes pour les diagnostiquer pendant la vie. Cet édifice, si laborieusement construit, a fini par s'écrouler.

Dès le principe, les opinions de Frank avaient rencontré des contradicteurs. Laënnec, dans un passage où l'on aperçoit déjàle germe des idées qui devaient prévaloir plus tard, s'ex-prime de la manière suivante : « On pourrait tout au plus

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons et Cœur. 30

soupçonner l'inflammation dans les cas où la rougeur de la membrane interne des artères est accompagnée de gonfle-ment, d'épaississement, de boursouflement, et d'un dévelop-pement extraordinaire de petits vaisseaux dans la tunique moyenne. » Ce grand observateur ne voyait dans ces préten-dues inflammations de l'aorte qu'un phénomène purement cadavérique.

Les recherches expérimentales de MM. Trousseau et Rigot nous ont appris que des procédés artificiels pouvaient donner naissance à ces rubéfactions infra-vasculaires, et les travaux de M. Louis en ont démontré l'existence dans la fièvre ty-phoïde et les maladies qui s'accompagnent d'une altération profonde du sang; aussi ne reconnaît-on, de nos jours, qu'un simple effet d'imbibition, dans cette modification physique de la membrane interne; et la couleur jaune que l'intérieur de l'aorte présente quelquefois chez les ictériques (Crisp) est une preuve nouvelle de la facilité avec laquelle le sang abandonne aux tissus ambiants les matières colorantes dont il est impré-gné.

On est allé plus loin, et on s'est demandé si, dépourvue de vaisseaux, à l'état normal, la membrane interne des artères était susceptible de s'enflammer à la façon des séreuses et de fournir des exsudats.

Dans foutes leurs tentatives pour provoquer directement ce résultat par l'injection de substances irritantes dans les vais-seaux artériels, MM. Trousseau et Rigot ont constamment échoué. Les expériences de M. Gendrin, de Corneliani, de Notta, ont achevé la démonstration. Virchow, s'appuyant sur cet ensemble de faits et sur d'autres qui lui sont personnels, a définitivement établi qu'une inflammation capable de four-nir des exsudats ou des collections purulentes, ne peut exister que dans les couches externes ou moyennes du vaisseau; c'est ce qu'il appelle la périartérite ou la mésartérite, suivant que la

membrane externe ou moyenne est le siège de la maladie. Il réserve le nom d1endartérite aux altérations athéromateuses des artères.

On comprend, en effet, que si leur membrane interne n'est pas susceptible de s'enflammer à la manière des tissus vascu-laires, elle pourra cependant subir un travail pathologique de même nature que les cartilages, la cornée et les autres tissus privés d'une circulation capillaire. L'origine inflammatoire des altérations athéromateuses, admise par les uns, combattue par les autres, peut au moins se concilier avec nos connaissances actuelles, en se plaçant au point de vue que nous venons d'in-diquer. Mais pour rester fidèles à notre rôle de critiques, nous sommes obligés de constater que de toutes les lésions autre-fois envisagées comme des indices certains d'une inflamma-tion aiguë ou chronique de l'aorte, il en reste bien peu qui puissent être regardées comme vraiment caractéristiques; ce-pendant il en existe. Personne aujourd'hui ne regarde la ma-tière alhéromaleuse comme une variété de pus spéciale aux ar-tères : le microscope a fait justice de cette erreur; mais nous possédons des cas authentiques où des foyers purulents ont été rencontrés dans les parois de l'aorte. 11 serait impossible, en pareil cas, de nier l'inflammation.

Nous admettons donc sans aucune difficulté l'existence de l'aortite, nous croyons toutefois pouvoir élever des doutes sur la fréquence de cette maladie, et après en avoir rigoureuse-ment discuté les caractères anatomiques, nous sommes forcés de reconnaître que le tableau symptomalique qui nous a été légué par les auteurs classiques ne repose aujourd'hui sur au-cun fondement admissible.

Dans les cas, peu nombreux à la vérité, où des lésions in-flammatoires sur le trajet de l'aorte ont été nettement consta-tées à l'ouverture du corps, la marche de la maladie et les symptômes ne ressemblaient guère à ce qui avait été précé-

demment décrit. Concluons donc que, sous ce rapport, tout est à refaire actuellement, et pour mieux poser les bases de la réforme qui doit s'opérer à cet égard, voyons quelles sont les données positives que l'anatomie pathologique met à no-ire disposition.

Anatomie pathologique. — Les phénomènes qui caracté-risent rinflammation des tuniques extérieures de l'aorte (péri-aortite) sont les mêmes que dans les autres tissus vasculaires de l'économie ; on y rencontre delà tuméfaction, de la rou-geur, et une injection capillaire des plus manifestes ; en même temps les parois vasculaires sont infiltrées par un ex-sudât particulier, qui les rend plus épaisses, plus rigides et plus friables qu'àl'état normal ; le vaisseau lui-même est sou-vent rétréci au niveau du point enflammé.

La membrane interne, dépourvue de vaisseaux, est le siège d'un travail différent. On a décrit, même dans ces der-niers temps (Lancereaux), des arborisations capillaires et des ecchymoses formés immédiatement au-dessous d'elle ; ce sont des altérations dont la tunique moyenne est encore, à pro-prement parler, le siège anatomique.. Mais la surface intérieure du vaisseau se dépolit, et devient le siège d'un dépôt particu-lier, que Bizot considérait comme un exsudât inflammatoire. Une étude attentive de ce produit pathologique a conduit Roki-tansky à l'envisager d'une façon différente. Pour le célèbre professeur de Vienne, il s'agirait ici d'une affection spéciale, et pour ainsi dire idiopathique du système à sang rouge, dont l'origine serait entièrement indépendante de tout travail inflammatoire.

La membrane interne du vaisseau malade subit, d'après cette manière de voir, un épaississement occasionné par la formation d'une néo-membrane (Aiiflagernng) à la surface. D'abord hyaline et transparente, cette substance, formée de

couches stratifiées, ne larde pas à s'épaissir et à prendre un aspect laiteux ; parvenue à cet état, elle est apte à subir la dégénération athéromateuse ou à s'incruster de sels calcaires. Enfin, dans plusieurs cas, un lacis de vaisseaux capillaires se développe au sein de celte concrétion primitivement amor-phe, et semble indiquer une organisation plus avancée.

Nous ne voulons point étudier plus longtemps ici la théorie de Rokitansky, qui, après avoir été l'origine d'une contro-verse assez vive, a fini par être universellement abandonnée. Il nous suffira de rappeler que Yirchow, le principal adver-saire de celte doctrine, ne considère les produits développés à l'intérieur de l'artère que comme desimpies concrétions fi-brineuses.

Ses recherches ne lui ont jamais permis de constater l'existence d'un exsudât à la surface interne des vaisseaux : et les pseudo-membranes signalées par quelques auteurs ne sont pour lui que des fragments dissociés de la tunique interne, adhérents par une portion de leur circonférence, et libres dans le reste de leur étendue.

Nous renvoyons à l'article Artérite1 pour de plus amples dé-tails sur cette partie de la question qui dépasse les limites de notre sujet. Rappelons-nous seulement que les parois aorti-ques, subissent, au dire de tous les auleurs, des altérations de nature permanente à la suite des inflammations soit ai-guës, soit chroniques.

Un degré plus avancé, mais à coup sûr plus rare de la ma-ladie, donne lieu à la formation de foyers purulents. Dans un intéressant travail sur cette affection peu connue, M. Leudet (de Rouen) en a rassemblé quelques observations. — La pre-mière est due à M. le professeur Andral, qui trouva une dou-zaine de petits abcès, ayant chacun la grosseur d'une noi-sette, entre les tuniques externe et moyenne de ce vaisseau.

1 Du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales.

Il n'existait dans ce cas, aucune rougeur périphérique. — Le second appartient à Spengler, qui a vu un abcès volumineux occuper l'origine de l'aorte, chez un homme affecté d'endo-cardite ulcéreuse, et qui succomba à l'infection purulente, la poche s'étant ouverte dans le vaisseau. — La troisième a été publiée par M. le professeur Schutzenberger : l'abcès avait le volume d'une noisette ; il était logé entre les tuniques ex-terne et moyenne, à l'origine de l'artère ; il s'ouvrit à l'inté-rieur, et le malade mourut d'infection purulente.— La qua-trième est .personnelle à M. Leudet : il s'agit d'une infiltration purulente delà tunique moyenne, avec formation d'un abcès de la grosseur d'une aveline, situé en-dessous de la mem-brane cclluleuse. — Enfin la cinquième est le cas si remarqua-ble de Rokilansky, dans lequel un abcès de ce genre donna lieu consécutivement à un anévrisme de l'aorte. Chez tous ces malades, la collection purulente était logée dans les deux tuniques extérieures.

M. Leudet a rassemblé encore trois ou quatre faits, em-pruntés à Lebert et à Yirchow, dans lesquels la présence du pus fut anatomiquement constatée dans les parois artérielles. On voit donc que cette lésion, malgré sa rareté, a été plus d'une fois signalée par des observateurs dignes de foi.

Il faut cependant éviter avec soin de confondre les collec-tions athéromateuses avec des abcès artériels. Yirchow rap-porte que, dans une de ses autopsies, il a été sur le point de commettre cette erreur; mais l'analyse micrographique n'a pas tardé à le détromper : il croyait avoir trouvé un alhérome, il s'agissait d'une collection purulente.

L'oblitération complète de l'aorte par des caillots fibrineux, à la suite d'une inflammation aiguë, est au nombre des lésions les plus exceptionnelles ; mais il arrive souvent que le vaisseau est rétréci, au niveau du point enflammé par l'épaississement des tuniques altérées, ou par le développement des concré-

lions qui adhèrent aux parois artérielles. La friabilité des membranes vasculaires est l'une des conséquences les plus or-dinaires del'artérile : lorsqu'il s'agit d'un vaisseau d'un cali-bre ordinaire, une ligature serrée suffit pour le couper en tra-vers; sur les parois de l'aorte, celte disposition se manifeste par des ruptures, des déchirures et des fentes, dont il sera question plus loin, et qui prédisposent soit aux anévrismes ordinaires, soit aux anévrismes disséquants.

Symptômes. — La rigueur avec laquelle les caractères ana-tomiques de l'aortite aiguë ont été discutés ne permet plus aujourd'hui de regarder comme des cas bien auLhentiques ceux qui ont été rassemblés à une époque antérieure aux re-cherches modernes; on ne peut faire d'exception que pour le cas de M. Andral, où la présence du pus ne pouvait laisser au-cun doute sur la nature de la maladie. On ne saurait donc at-tribuer une grande valeur aux symptômes signalés avant cette époque : à la céphalalgie, aux pulsations aortiques, à l'anasar-que soudaine, ni enfin aux sensations pénibles éprouvées par le malade. Dans le seul cas où l'inflammation de l'aorte était hors de toute contestation (c'est-à-dire lorsqu'il existait des ab-cès) on a observé la marche suivante : 1° Une période d'inva-sion caractérisée par du malaise, de la dyspnée, des frissons, de la fièvre, et quelquefois par un œdème parliel, et des bruits vasculaires anormaux sur le trajet de l'aorte; 2° une période de rémission et d'amendement ; 3° une période où les accidents de l'infection purulente se développent subitement pour ame-ner la mort.

Cette terminaison funeste n'est pas la conséquence inévita-ble de l'aortite suppurée, ni même de l'ouverture de l'abcès dans la cavité du vaisseau, comme le prouve l'observation de Rokitansky; mais les signes de l'infection purulente, surve-nant brusquement après les deux premières périodes de la

maladie, sont, en réalité, les seuls indices qui permettraient d'établir le diagnostic avec quelque apparence de raison.

Pronostic. — L'aortite aiguë est toujours uneaffeclion grave: car, même dans les cas où ses conséquences ne sont pas im-médiatement fatales, elle prédispose à toutes les lésions qui résultent de la dégénérescence des parois artérielles, et plus spécialement aux dilatations anévrismales, ou à des rétrécis-sements permanents du vaisseau.

Étiologie. —Dans les cas bien avérés de celte maladie, les conditions suivantes paraissent avoir présidé à son développe-ment : 1° l'impression du froid; 2° les phlegmasies du cœur et du péricarde ; 3° les commotions violentes ; 4° les tumeurs et abcès du médiastin ; 5° les ulcérations de l'œsophage, de la trachée-artère et des bronches; 6° enfin les tumeurs anévrys-males, qui entretiennent presque toujours un certain degré d'inflammation chronique dans leur voisinage.

Il ne faut point oublier que, d'après Yirchow, la présence d'un caillot spontanément formé à l'intérieur d'une artère a pour conséquence d'en enflammer les parois sur les points auxquels il adhère. 11 faut donc s'attendre à trouver un certain degré d'artérite localisée au niveau de ces concrétions fîbri-neuses d'ancienne date, qu'il est si fréquent de rencontrer à l'intérieur de l'aorte.

Traitement. — 11 nous paraît inutile d'insister ici sur les moyens thérapeutiques qu'on a conseillé d'opposer à l'aortite aiguë; le diagnostic de cette affection est encore trop obscur pour qu'on puisse songer à la combattre d'une manière effi-cace.

L'histoire de 1''aortite chronique se confond avec l'étude des altérations athéromateuses et ossiformes, que nous allons aborder dans le paragraphe suivant.

Bibliographie. — Frank (J. P.) De curnndis liominum moröis. Manheim? 1792, IIb. I. § 118 et lib. II, $ 125. — Sasse. Diss. de vasorum sanguifero-rum inflammatione. Halle, 1797. —Portai. Cours d'anatomie médicale. T. III, p. 127. Paris, 1803. — Jermina di Mondavi. Annali universali di medicina. Milano, 1826. — Frank (Jos.). Praxeos medicee prœcepta universa. Lipsia}, 1824. — Bouillaud. Dict. de médecine et de chinirgie pratiques, art. Aortite, et Traité c/inique des maladies du cœur. Paris, 1841. — Bizot. Recherches sur le cœur et le système artériel. In Mém. de la Soc. méd. d'observation. T. I, 1887. — Corneliani. Su/la. non infiammabilità della membrana interna dei vasi interiali et venosi. Pavia, 1843. — Crisp. On the structure and diseases of blood Vessels. London, 1847. — Rokitansky. Heber einige der Wichtig-sten Krankheiten der Arterien. Wien, 1852 et Lehrbuch der pathologischen Anatomie. Zweiter Band, p. 299. Wien, 1856. — Virchow. Ueber die acute Entzündung der Arterien. In Arch. für path. Anat. Ild. I-, p. 272, et Ges. Abh., p. 380. — Leudet. De l'aortite terminée par suppuration. In Arch. yèn. de med. , 5° série, t. IL, p. 573, 1861 .

II. Atherome et dégénérations ossiformes de l'aorte.

De tous les vaisseaux artériels, l'aorte est incontestable-ment celui que les altérations athéromateuses et calcaires choisissent le plus souvent pour siège. Il est assez singulier de constater que les deux extrémités de ce vaisseau, sa portion ascendante et celle qui précèdent immédiatement sa bifurca-tion, sont plus spécialement exposées à ce genre de lésion. L'ordre de fréquence, d'après Lobstein, serait le suivant : 1° Crosse aortique ; 2° terminaison de l'aorte ; 3° aorte thoraci-que; 4° artère splénique; S0 aorte abdominale, etc. Rokitansky met en première ligne l'aorte ascendante; viennent ensuite la crosse aortique, l'aorte thoracique et abdominale; l'artère splé-nique est placée immédiatement après.

La fréquence extrême des altérations athéromateuses à la bifurcation de l'aorte est un fait que nous avons souvent vérifié nous-même, chez les femmes âgées de la Salpê-trière.

Nous ne chercherons point à discuter ici la nature et l'ori-gine d'une lésion dont l'étude appartient à l'histoire générale des affections artérielles; il nous suffira donc défaire observer que toutes les formes de cette altération peuvent se rencontrer

sur le trajet de l'aorte, depuis les taches opalines qui en si-gnalent le début et les saillies indurées qui leur succèdent, jusqu'à la calcification la plus complèle. C'est surtout à l'in-térieur de cette grande artère qu'on rencontre ces plaques os-siformes si bien organisées, qui jouissent d'une circulation capillaire, et présentent au microscope de petites cavités, dont l'analogie avec les corpuscules osseux est si remarquable (Rokilansky). C'est là que se forment également les collections athéromateuses les plus considérables ; le volume de ces dépôts graisseux, et leur tendance à subir un ramollissement puri-forme les a fait autrefois confondre avec des productions tu-berculeuses: le microscope a fait aujourd'hui justice de cette erreur.

L'existence de ces diverses lésions est une des causes les plus habituelles des dilatations simples ou sacciformes de ce vaisseau ; tantôt l'aorte s'élargit d'une façon irrégulière, mais sans offrir en un point donné une cavité ampullaire ; tantôt, au contraire, elle cède sur une portion limitée de sa circon-férence, et une poche anévrysmale est formée. Les ruptures de l'aorte, ainsi que nous le verrons plus loin, sont occasion-nées, dans l'immense majorité des cas, par une altération préalable des parois artérielles : à plus forte raison en est-il ainsi pour ces déchirures incomplètes qui donnent naissance aux anévrysmes disséquants.

Cependant l'ossification de l'aorte, si souvent accompagnée de concrétions fibrineuses, peut donner lieu à un résultat tout opposé, c'est-à-dire au rétrécissement ou à l'oblitération complète du vaisseau (Barth.) Celte dernière lésion est plus fréquente pour les artères périphériques qui naissent du point altéré : on les voit souvent devenir imperméables, soit par l'épaississement de leur tunique constituante, soit par la for-mation d'un caillot obturateur.

Parmi les conséquences les plus directes des altérations de

ce genre, il faut placer les affections concomitantes du cœur. L'hypertrophie du ventricule gauche et l'induration des val-vules aortiques accompagnent ordinairement les dépôts cal-caires de l'aorte ascendante: l'insuffisance aortique peut ré-sulter, en pareil cas, d'une dilatation excessive de l'orifice arté-riel, ou d'une rigidité anormale des soupapes naturelles desti-nées à le fermer.

Mais ce n'est pas tout: les coagulums sanguins formés au niveau des concrétions pétrées, quelquefois aussi ces concré-tions elles-mêmes peuvent se détacher de leurs insertions, et, parcourant l'arbre artériel, aller déterminer des obstructions emboliques : on voit alors survenir, si l'artère intéressée est volumineuse, une gangrène localisée. Si les fragments migra-toires sont assez petits pour atteindre les réseaux capillaires, il se produira des ramollissements cérébraux, des dépôts fibri-neux multiples et des altérations parenchymateuses, au sein des viscères envahis.

Nous avons observé nous-mêmes un cas de gangrène par embolie dans dépareilles circonstances. Quant aux embollies capillaires, elles sont fréquentes chez les vieillards atteints de ces dégénérations spéciales de l'aorte.

Enfin, si les masses athéromateuses, après avoir subi un tra-vail de ramollissement, deviennent parfois libres, au sein du torrent circulatoire, en perforant la membrane interne qui les en sépare, c'est alors que le microscope permet quelque-fois de constater, outre un excès de choleslérine, une quan-tité souvent considérable de corps granuleux et de globules -graisseux dans le sang même, à une distance très considéra-ble du point malade dans l'artère crurale par exemple; ces substances passent donc probablement dans le torrent circu-latoire; mais les saignées pratiquées pendant la vie, même sur le trajet de l'artère temporale, n'ont point fourni, jusqu'à présent, un fluide chargé de matières grasses, comme celui

qu'on trouve, à l'autopsie, dans les vaisseaux. Nous avons eu plus d'une fois l'occasion de constater ces faits à la Salpê-trière. On comprend d'ailleurs aisément ce transport des par-ticules athéromateuses qui voyagent dans le sang, lorsqu'on se reporte aux conditions anatomiques que nous venons de signaler. Tout récemment encore, M. Vulpian nous a montré une vaste ulcération athéromateuse de l'aorte, tapissée à l'in-térieur d'une boue semi-liquide; elle offrait une longueur de 6 à 8 centimètres. Rokitansky fait observer, à ce sujet, que, lorsqu'on laisse macérer une aorte affectée d'athérome, dans un dissolvant approprié, ou en retire souvent une proportion énorme de matières grasses.

Il est extrêmement probable que ces altérations ont des conséquences fâcheuses pour la santé générale, et que la pré-sence de cet excès de matières grasses dans le sang donne naissance à des lésions viscérales; mais il est difficile de dis-tinguer les accidents produits par les matières athéromateuses, de ceux qui résultent du déplacement des caillots sanguins altérés. (Voir plus loin le paragraphe consacré aux Concrétions fibrineuses de l'aorte, p. îï59-)

Les ulcérations, les érosions qui occupent chez certains sujets une portion considérable de la surface interne de l'aorte, se rattachent presque toujours à la fonte d'un dépôt athéromateux, ou à l'avulsion d'une plaque crétacée.

Symptômes et Diagnostic — Les signes physiques d'une induration calcaire de l'aorte manquent de précision, sauf quelques cas exceptionnels. Il a été quelquefois possible, soit en explorant l'aorte abdominale, soit en plongeant les doigts au-dessous de la fourchette sternale, de palper directement la crosse aorlique, ou la portion abdominale du vaisseau induré (Bamberger).

L'auscultation fait entendre un bruit de souffle au premier

temps, sur le trajet de l'aorte, quand les rugosités de ses parois sont extrêmement prononcées (Bouillaud, Ha-mernjk) ; et le second bruit offre toujours en pareil cas un timbre éclatant. Skoda considère le bruit de souffle qu'on en-tend quelquefois au second temps, sur le trajet de l'aorte, à une certaine distance de l'orifice aortique, et indépendam-ment de toute insuffisance des valvules sigmoïdes, comme un indice certain de l'ossification artérielle. M. Vulpian, en 1854, aprésente un castrés remarquable de ce genre à la Société anatomique ; mais de tels phénomènes sont si sou-vent liés aux affections valvulaires du cœur qu'il nous paraît bien difficile de reconnaître par l'auscultation seule une ossi-fication de l'aorte, indépendante de toule autre lésion. Lors-que la crosse de ce vaisseau a subi une ampliation notable, la percussion permettra quelquefois de constater cette aug-mentation de volume.

Les signes rationnels fournissent au diagnostic des indices plus sûrs. Il est rare qu'une ossification des vaisseaux péri-phériques ne s'accompagne pas d'une lésion semblable dans le tronc principal ; aussi toutes les fois que les artères acces-sibles à l'exploration, la radiale, la temporale, etc., présen-teront une induration manifeste et une surface inégale, on pourra presque constamment diagnostiquer une calcification des parois aorfiques (Piorry). Cette affection s'accompagne d'ailleurs d'une lenteur plus ou moins évidente du pouls; les veines superficielles, en raison de l'obstacle apporté à la cir-culation générale, sont tuméfiées et saillantes ; en outre, il existe un trouble général de la nutrition, un amaigrissement parfois assez prononcé, qui coïncide avec une teinte blafarde et terreuse de la peau. Enfin, l'arc sénile, dont la coïncidence avec l'état graisseux du cœur a été depuis longtemps signalée par M. Canton, peut se rencontrer parfois chez des sujets at-teints d'athéromes artériels. Quand de pareils symptômes se

trouveront réunis chez un vieillard goutteux, rhumatisant, ou adonné à l'usage des boissons alcooliques, on aura quelques raisons pour soupçonner une dégénérescence ossiforme de l'aorte : il ne faut cependant jamais oublier que, chez plusieurs sujets, des lésions de ce genre, malgré leur étendue, ne se révèlent par aucun symptôme extérieur.

La marche de celte affection est essentiellement chronique, et permet souvent aux malades d'atteindre un âge avancé. Les lésions viscérales, et principalement celles du cœur et du cerveau, sont ordinairement la cause déterminante de la mort.

Bibliographie. — Lobstein, Anatomie pathologique, vol. il, p. u50. — Crisp. Op. cit., p. 73. — Wirchow, Gesamm. Abh. p. 496. — Rokitansky, Ueber einige d. wicht. Krankh. der Arterien, p. 3, et Patholog. Anat., II p. 30.i. — Bamberger Krankheiien des Herzens. — Vulpian, Bulletin de la Société anatomique, 1874. — Charcot Rapport sur l'observation précédente, même volume.

III. Anévrismes de l'aorte.

Inconnus des anciens, les anévrismes de l'aorte n'ont été si-gnalés que vers la fin du XYIe siècle, à l'époque où le déve-loppement des connaissances anatomiques imprimait des pro-grès si rapides à toutes les branches des sciences médicales. On attribue à Fernel le mérite d'avoir appelé le premier l'attention sur les anévrismes internes, dont l'existence n'était même pas soupçonnée avant lui; mais cet auteur ne rapporte aucun fait à l'appui de ses opinions. Nous devons à Yésale la relation du premier cas où cette lésion ait été anatomique-ment constatée, après avoir été reconnue pendant la vie. C'était en 1557, quelques années plus tard, un anévrisme de l'aorte abdominale fut rencontré par Baillou, à l'autopsie d'un malade qui éprouvait depuis longtemps de violentes palpita-lions à la région épigastrique. Les faits de ce genre conti-nuèrent longtemps à passer pour exceptionnels. Cependant,

vers la fin du XVIIe siècle, grâce à Lancisi, Valsai va, et quel-ques autres pathologistes, on possédait déjà des notions plus justes à cet égard ; et dans le chapitre où il analyse, avec sa supériorité habituelle, les travaux de ses prédécesseurs, Mnr-gagni fait observer, avec raison, que les médecins de son temps étaient parvenus non seulement à se convaincre de la fréquence relative des anévrismes aortiques, mais encore à en établir le diagnostic, dans un grand nombre de cas.

On ne possédait cependant alors que des moyens d'explora-tion bien éloignés de la précision moderne et c'était exclusi-ment sur les symptômes physiologiques que s'appuyaient nos devanciers pour reconnaître, avec un bonheur qui nous étonne, l'existence de la maladie. D'ailleurs les conditions anatomiques qui président au développement des anévrismes n'étaient que très imparfaitement connues, au siècle dernier. Les travaux de Corvisart et de Scarpa, mais surtout les dis-cussions soulevées par les doctrines trop exclusives de ce dernier, onlintroduit, dans l'étude de ces lésions, une exacti-tude jusque alors inconnue.

Mais il faut bien en convenir, c'est la découverte de l'aus-cultation dont M. le professeur Bouillaud a si heureusement fait ressortir les conséquences à cet égard, qui marque le pro-grès le plus important que la science ait réalisé dans cette voie. Nous possédons aujourd'hui des moyens physiques d'exploration, dont l'application pratique a été perfectionnée par un si grand nombre d'observateurs que nous n'essayerons même pas d'en dresser ici le catalogue. Nous rappellerons seulement les éminenls services rendus à l'anatomie patholo-gique des anévrismes de l'aorte par MM. Ilogdson, 1815; Hope, Cruveilhier, llokilansky, Lebert et d'autres auteurs, que nous aurons souvent l'occasion de citer. L'anévrisme disséquant, déjà signalé par Laënnec, l'anévrisme artério-vei-neux de l'aorte, indiqué par Thurnam, en 1840, ont été l'objet

d'études approfondies, depuis quelques années, et la précision de nos connaissances à ce sujet laisse aujourd'hui peu de chose à désirer.

En même temps, les symptômes physiologiques, un peu délaissés depuis Laënnec, ont attiré de nouveau l'attention de quelques praticiens éminents, surtout en Angleterre, et la science du diagnostic a réalisé de nouveaux progrès sous ce rapport. Malheureusement, il faut convenir que la thérapeuti-que est restée en arrière et que les anévrismes de l'aorte sont aujourd'hui comme toujours, une affection presque fatalement mortelle. On ne saurait oublier, d'ailleurs, que les travaux qui ont éclairé d'une lumière nouvelle la théorie générale des ané-vrismes sont étroitement liés à l'histoire des lésions de l'aorte en particulier. Nous renvoyons donc à l'article Anévrisme 1 pour de plus amples développements, tout en nous réservant de signaler, dans le cours de cet article, les principaux auteurs qui ont contribué à compléter nos connaissances à cet égard.

Anatomie pathologique. — On peut observer, sur le trajet de l'aorte, les diverses variétés d'anévrismes spontanés qui ont été décrites sur d'autres points de l'arbre vasculaire. Ainsi la dilatation de toutes les tuniques donnera naissance à l'ané-vrisme vrai ; la déchirure des deux tuniques internes pro-duira Y anévrisme mixte externe, et la saillie de la membrane interne à travers les deux autres tuniques déchirées, prendra le nom à"anévrisme mixte interne. L'existence de cette forme anatomique n'est guère admise par les pathologistes moder-nes, mais une autre variété d'anévrisme mixte interne (An. hemiosum) est regardée comme très fréquente par les au-teurs allemands. Nous aurons plus tard à nous expliquer sur ce point. Contentons-nous, pour le moment, de faire observer

1 Du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales.

que les parois artérielles, môme dans les cas où elles n'ont pas été déchirées, sont toujours malades, car la dilatation pure et simple du vaisseau, sans aucune altération de structure n'est point, en général, considérée comme un anévrisme. Laënnec, d'ailleurs, établit que, chez les vieillards, rien n'est plus habituel que de voir l'aorte offrir un calibre exagéré dans toute sa longueur. Les conditions anatomiques qui prési-dent au développement des anévrismes spontanés se rédui-sent d'après Kokitansky, aux trois catégories suivantes :

1° Inflammation suivie de la formation d'un abcès dans la paroi artérielle. — Cette forme particulière est d'une extrême rareté ; nous n'en connaissons, jusqu'à présent, qu'un seul exemple. Un dépôt purulent, formé dans les tuniques exter-nes, a perforé la tunique moyenne et l'interne. 11 en résulte un anévrisme mixte externe, communiquant avec la lumière du vaisseau par un orifice au pourtour duquel les deux mem-branes internes s'arrêtent brusquement.

2° Déchirure spontanée des deux membranes internes. — C'est l'anévrisme disséquant, dont il sera question, dans un paragraphe spécial.

3° Altérations diverses des parois artérielles ; dépôts athé-romateux dans la tunique moyenne, se terminant par ulcéra-tion ; inflammation chronique ou épaississement de la mem-brane celluleuse ; adhérences des tuniques externe et moyenne, etc. — Il faut ajouter que la rupture de la poche anévrismale, et l'épanchement du sang sous les téguments de la poitrine, ou dans le tissu cellulaire sous-péritonéal, peuvent donner naissance à un anévrisme diffus. On a vu quelquefois cet acci-dent succéder directement à une perforation de l'aorte.

En laissant de côté ces faits exceptionnels, les anévrismes

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons et Cœur. 31

de l'aorte, selon le point de vue auquel on se place, peuvent être divisés, d'après l'état des parois, en anévrismes vrais, mixtes externes et mixtes internes, et d'après la forme exté-rieure, en fusiformes ou cylindroïdes, et en sacciformes. Cette dernière classification appartient à M. le professeur Cru-veilhier. Nous la suivrons dans le cours de cette description. — Pour ce qui touche à l'état des parois artérielles, nous ren-voyons le lecteur à l'article Anévrisme. Il nous suffira de si-gnaler, au fur et à mesure, quelques particularités qui se rattachent directement à notre sujet. Ces données étant une fois établies, nous allons procéder à une étude détaillée de cha-cune de ces formes anatomiques en particulier. {Fig. 46, etc.).

À. Lianévrisme cylindroïde peut souvent revêtir l'aspect fusiforme ; il présente alors un développement modéré, et se compose des trois tuniques, qui ont subi, à des degrés divers, les modifications spéciales que nous venons d'indiquer. C'est donc un anévrisme vrai. Lorsque le sac se développe tout autour de l'artère, il prend le nom d'anévrysme périphérique.

B. L'anévrisme sacciforme est celui qui se développe sur un point limité du vaisseau. Il peut s'implanter sur une ar-tère qui présente déjà la dilatation fusiforme, cette combinai-son est même assez fréquente. Il atteint souvent d'énormes dimensions, et peut offrir alors, dans sa configuration exté-rieure, les plus grandes diversités : tantôt il se développe en ampoule, il peut être alors périphérique, semi-périphérique, ou à bosselures, tantôt il se présente sous forme de ¡cochea collet, suivant l'expression de M. Cruveilhier.

L'état des tuniques artérielles est ici très variable. Quand la tumeur est un peu volumineuse, la membrane moyenne, plus ou moins amincie, persiste sur tous les points : c'est un anévrisme vrai. Lorsque la poche est arrivée à un développe-

ment plus considérable, cette membrane, détruite par places, est criblée de trous ; et sur les points où elle manque, la tuni-que externe indurée adhère à la membrane interne régénérée. Enfin, dans l'état le plus avancé, la tunique moyenne a com-plètement disparu : c'est alors un anévrisme mixte.

C. Vanévrisme en poche à collet présente quelques parti-cularités remarquables. Il est habituellement secondaire et repose sur une dilatation fusiforme. Capable d'acquérir les plus vastes dimensions, il se rompt quelquefois, lorsqu'il offre à peine le volume d'une fève ; d'autres fois, au contraire, il résiste après avoir subi un énorme développement. Les bords de l'orifice sont lisses et recouverts par la membrane interne altérée. Les formes anatomiques que peut affecter cette espèce particulière sont variables à l'infini : communiquant avec la lumière du vaisseau par une ouverture tantôt large, tantôt étroite, il semble quelquefois n'être qu'une excroissance déve-loppée sur une dilatation plus ancienne; d'autres fois levais-seau lui-même se prolonge au milieu de la poche anévrismale pour s'y terminer brusquement. Aucune description ne sau-rait ici suppléer aux effets du dessin.

L'état des tuniques artérielles mérite dans ce cas une attention spéciale. L'amincissement progressif de la mem-brane moyenne est ici le phénomène prédominant.

A l'orifice du sac, elle est encore nettement visible ; mais à l'intérieur de la cavité, elle s'amincit de plus en plus, et finit par disparaître entièrement. La poche se trouve alors formée parla membrane interne altérée, et accolée à la tuni-que celluleuse. Ce serait alors, d'après Rokitansky, un véri-table anévrisme mixte interne ; après la disparition de cette membrane, le revêtement intérieur du sac, se continuant sans interruption avec la tunique interne, on aurait une véri-table hernie de celle-ci, à travers l'ouverture de la moyenne.

L'opinion de M. Rokitansky est donc ici diamétralement opposée à celle de Scarpa, qui rattachait ces tumeurs sacci-formes à son anévrysma spurium, ou mixte externe.

Fig. 48. Fig. 40. Fig. 50

Fig. 46, 47,48, 49, 50. — Principales variétés des anévrismes saccitormes de l'aorte. — Fig. 46. Cavité de l'anévrisme communiquant avec le vaisseau par une large ouverture. — Fig. 47. —Cavité de l'anévrisme communiquant avec le vaisseau par une ouverture étroite. — Fig. 48 et 49. La tumeur est entée sur un anévrysme fusiforme. — Fig. 50. Les deux extrémités du vaisseau proéminent dans la cavité anévrismale. — Ces figures-sont empruntées à Rokitansky.

Cependant, on peut admettre que les choses se passent autrement dans quelques cas isolés. Un abcès des parois arté-

rielles s'ouvrant à l'intérieur du vaisseau, un dépôt athéroma-teux qui viendrait perforer la membrane interne (anévrisme kystogénique), pourraient également donner naissance à une poche limitée par un orifice circonscrit. Mais les cas de ce genre sont très exceptionnels; N. Chevers, après avoir exa-miné plusieurs centaines d'aortes malades, n'en a rencontré qu'un ou deux exemples.

Il faut cependant convenir, avec Bamberger, qu'il est sou-vent fort difficile de constater, sur les parois dégénérées d'une tumeur anévrismale, la présence ou l'absence de l'une ou l'autre des tuniques artérielles et que, par conséquent, les classifications anatomiques fondées sur ce principe ne présen-tent, après tout, qu'une importance secondaire.

D. Il est, au contraire, très intéressant d'étudier Y état des parois anévrismales, au point de vue de la résistance qu'elles peuvent offrir. A l'intérieur du sac, il existe une membrane qui présente une structure fibreuse ; et partout où la moyenne a disparu, elle est accolée directement à la tunique celluleuse. A l'intérieur, elle se confond souvent avec les dépôts fibrineux qui lui sont juxtaposés. Quelquefois elle subit une ossification complète: alors les concrétions intra-vasculaires éprouvent presque toujours une modification semblable.

Quand les anévrismes ont acquis des dimensions considé-rables, leurs parois s'unissent aux parties voisines, qui ser-vent à les renforcer. Il se produit alors des adhésions intimes qui s'opposent pendant longtemps à la rupture de la tumeur ; on comprend, dès lors, pourquoi les anévrismes dont les pro-grès sont rapides, ont une prédisposition à se rompre de bonne heure, longtemps avant d'avoir acquis un volume con-sidérable : c'est qu'ils n'ont pas eu le temps de contracter ces adhérences salutaires, qui auraient pu les maintenir.

E. La cavilé d'une poche anévrismale d'ancienne date ren-ferme habituellement des caillots fibrineux ; ordinairement stratifiés par couches d'inégale densité, ils prennent, au voisi-nage de la membrane interne de l'artère, une texture fibroïde. Leur consistance s'accroît de dedans en dehors ; les couches les plus anciennes sont naturellement les plus extérieures, et, en même temps, les plus solidement organisées. Quelquefois des masses fibrineuses, qui remplissent presque tout le sac, sont recouvertes d'une couche de même nature, qui se pro-longe sur la paroi artérielle, comme pour rétablir la conti-nuité du vaisseau. Ces dépôts intra-anévrismatiques sont quelquefois susceptibles d'ossification : ils peuvent, en tout cas, acquérir une sorte d'organisation, due, suivant les uns, à la lymphe plastique sécrétée par les parois vasculaires, sui-vant les autres, à la transformation de leurs éléments consti-tutifs ; c'est ce qui leur a valu le nom très impropre de caillots actifs, par opposition aux caillots dits passifs, qui résultent purement et simplement de la stase du sang.

Nous n'aborderons pas les discussions relatives au mode de formation de ces caillots et à l'action vitale qui préside à leur développement, au dire de certains palhologistes ; ces ques-tions, fort intéressantes d'ailleurs, se rattachent à l'étude des anévrismes en général, et ne sauraient être traitées ici. Disons seulement que les concrétions fibrineuses ne se for-ment pas indifféremment dans tous les anévrismes aortiques; la forme et le volume de la tumeur ont une grande influence sur leur développement. Règle générale, c'est dans les dila-tations sacciformes qu'elles se déposent le plus volontiers. Un orifice étroit, une cavité volumineuse, telles sont les con-ditions les plus favorables à leur consolidation. Il faut, sans doute, y joindre des conditions générales d'une nature in-connue; car, souvent, au lieu de prendre un aspect fibreux, une texture solide, ces coagulums sanguins subissent la dégé-

nérescence graisseuse, et se réduisent en bouillie. L'organi-sation de ces caillots, lorsqu'elle s'effectue, est un grand bienfait : ils fortifient les parois de la tumeur, s'opposent à sa rupture, en ralentissent le développement, et peuvent, dans certains cas exceptionnels, en amener la guérison spontanée. (Hodgson.)

Il ne faudrait point confondre ces produits avec les excrois-sances irrégulières qui végètent quelquefois à la surface in-terne des anévrismes peu profonds. Ce sont là de simples rugosités analogues aux végétations des valvules du cœur. On trouve quelquefois du pus dans les couches du caillot les plus voisines des parois de la poche : Lebert en a observé deux cas.

Rapports de la tumeur avec les organes voisins, et leurs conséquences. — Les organes voisins d'une tumeur anévris-male, soumis à une compression permanente, finissent par s'identifier avec les parois du sac, et subissent ultérieure-mentuneafrophie et une perforation consécutive. Quandl'aorte, à son origine, est le siège de la maladie, la veine cave su-périeure, l'artère pulmonaire et sa branche droite, les pou-mons, le péricarde, le cœur lui-même, peuvent éprouver des lésions de cette espèce ; l'œsophage, la trachée et les bron-ches, le pneumo-gastrique, le nerf récurrent, le plexus bra-chial, y sont plus spécialement exposés quand l'anévrisme occupe la crosse aortique ; s'il s'est développé sur l'aorte des-cendante, la veine azygos, le canal thoracique, les organes contenus dans le médiaslin postérieur, pourront être com-primés, oblitérés ou détruits ; au-dessous du diaphragme, les accidents pourront atteindre la veine cave inférieure, l'esto-mac, le foie, la rate, le pancréas, ou les diverses portions du tube intestinal. On a même vu des anévrismes abdominaux pénétrer dans la poitrine, et refouler l'un ou l'autre poumon

(Lebert). Les tumeurs anévrismales ont aussi la propriété d'amener la destruction des os qui subissent leur contact. Lorsque les portions horizontales et ascendantes de l'aorte sont affectées, la poche occupe habituellement la convexité ou la paroi antérieure du vaisseau. Ce sont alors les côtes et le sternum qui en subissent l'action perforante : quelquefois aussi la clavicule est soulevée, et l'articulation sterno-clavicu-laire peut se trouver luxée ; mais sur le trajet de l'aorte des-cendante, c'est presque toujours en arrière que proémine la tumeur1 ; aussi les vertèbres dorso-lombaires sont-elles assez souvent entamées : c'est en pareil cas qu'on a vu l'anévrisme comprimer la moelle épinière, et s'ouvrir dans le canal rachi-dien.

On ne saurait expliquer, par une action purement mécani-que, cette fâcheuse et singulière propriété des tumeurs ané-vrismales ; la nutrition des os paraît être, en pareil cas, profondément altérée: ce n'est pas une simple usure, mais une véritable atrophie du tissu des os. En effet, les disques inter-vertébraux, les cartilages costaux résistent à la pression des anévrismes qui détruisent le sternum, les côtes, ou les corps des vertèbres ; le périoste échappe souvent à l'action des tumeurs qui ont profondément rongé les os.

En général, les membranes artérielles ont disparu, et le sang vient directement baigner les surfaces osseuses. Bam-berger a vu la paroi antérieure d'un anévrisme perforant remplacée par les muscles intercostaux et la peau; les tuni-ques vasculaires avaient cessé d'exister sur ce point. De sem-blables faits n'ont rien d'exceptionnel, il est, d'ailleurs, uni-versellement reconnu que le volume d'un anévrisme n'est aucunement en rapport avec l'intensité des désordres qu'il

1 Nous avons communiqué à la Société anatomique en lh'64, un bel exem-ple d'anévrysme de l'aorte descendante ayant détruit dans une longueur de (i centimètres la 8e côte et fracturé la 9e. (Bull, de la Soc. anat., p. ZI).

détermine autour de lui. Souvent de vastes dilatations anévris-males séjournent au milieu de la cavité thoracique, sans y déterminer de lésions considérables, tandis que des tumeurs d'un volume médiocre arrivent à perforer les parois delà poi-trine ou détruire les vertèbres sur lesquelles elles reposent. La présence d'une poche anôvrismale peut aussi déterminer des déviations latérales de l'épine dorsale et même des gib-bosités (Lebert).

L'ouverture du sac peut naturellement se produire sur cha-cun des points que nous venons de signaler. On l'a vu se rompre dans le ventricule droit ; dans le ventricule gauche ; dans l'une ou l'autre oreillette ; dans l'artère pulmonaire ou l'une de ses branches : dans la veine cave inférieure ou su-périeure ; dans le péricarde ; dans l'un ou l'autre médiastin ; dans la plèvre gauche, et plus rarement dans la plèvre droite; dans les poumons, la trachée et les bronches ; dans une ca-verne tuberculeuse; dans l'œsophage, l'estomac, le tube in-testinal ; dans le péritoine ; dans les voies urinaires ; dans le canal rachidien après l'érosion des vertèbres: en un mot sur tous les points où l'aorte dilatée a pu contracter des adhé-rences. Il fout ajouter que certains anévrismes présentent un double orifice et communiquent ainsi deux fois de suite avec l'artère dont ils émanent (Cruveilhier). Un anévrisme diffus peut résulter de la rupture de la poche dans le tissu cellulaire sous-cutané, sous-pleural ou sous-périlonéal, lorsque des adhérences suffisantes pour circonscrire l'épanchement se sont organisées autour de la tumeur : c'est ce qui a lieu pour l'aorte abdominale, dans un seizième des cas (Lebert). Un des faits les plus singuliers de ce genre est celui de Stokes, dans lequel le sang s'était répandu entre le péritoine et le muscle transverse de l'abdomen.

On comprend aisément que l'ouverture du sac dans un au-tre vaisseau, ou dans une partie quelconque du système à

sang noir, n'amène pas une mort instantanée, mais seule-ment une modification dans la nature etles symptômes de la maladie. Mais ce qui paraît plus extraordinaire, c'est que l'ou-verture peut se faire dans une cavité séreuse ou dans un canal communiquant avec l'extérieur, sans donner naissance à une hémorragie foudroyante. Marjolin, cité par Laënnec, a présenté à la Faculté de médecine un anévrisme qui s'ouvrait dans le pé-ricarde, par une ouverture fistuleuse. On a vu des perfora-tions peu étendues faire communiquer la poche anévrismale avec la cavité de l'œsophage, et produire des hématémèses intermittentes. Dans un cas de ce genre, rapporté par Greene, le malade qui souffrait depuis longtemps d'une dys-phagie atroce, fut considérablement soulagé par l'expulsion d'une partie des caillots qui remplissaient la tumeur et qui furent rendus par la bouche. La mort ne survint que plusieurs jours plus tard, à fa suite d'une hématémèse.

Hùbner a vu un anévrisme de l'aorte s'ouvrir dans la tra-chée, fournir une hémoptysie abondante, puis se cicatriser, et laisser vivre le malade pendant un assez long espace de temps. Il mourut à la suite d'une hémoptysie foudroyante, occasionnée par une seconde rupture de l'anévrisme dans la trachée.

Un fait encore plus extraordinaire est rapporté par Walshe. Chez un malade, affecté d'un anévrisme perforant, la paroi thoracique ayant cédé une première fois, l'hémorragie fut im-médiatement réprimée par l'application d'un tampon de charpie, imprégné de substances coagulantes. De nouvelles hémorragies ayant été combattues par de nouveaux panse-ments, la vie du sujet fut prolongée pendant cinquante et un jours ; et lorsqu'il mourut, on put constater que sur deux points, dans une étendue égale à celle d'un penny et d'un halfpenny (10 centimes et 5 centimes anglais), la paroi tho-racique était complètement détruite et remplacée par un gâ-

teau de charpie ; les caillots sanguins reposaient directement sur le pansement ; et le doigt, plongé dans l'une ou l'autre des deux ouvertures, parvenait, sans rencontrer aucun obstacle, aux valvules sigmoïdes.

Les perforations qui intéressent les muqueuses {trachée, bronches, œsophage, intestin) paraissent assez souvent résul-ter d'une gangrène partielle, tandis que les parois des cavités séreuses sembleraient céder, au contraire, à une sorte d'u-sure purement mécanique. M. Leudet, dans un travail récent, considère les perforations de l'œsophage, occasionnées par des anévrismes de l'aorte, comme le résultat, non d'une éro-sion, mais plutôt d'une gangrène circonscrite, contrairement à l'opinion admise par quelques auteurs.

Quand la rupture se l'ait à l'extérieur, à travers la peau, elle succède généralement à l'élimination d'une eschare.

Il peut être intéressant de constater la fréquence relative de ces perforations sur les divers points que nous venons de signaler. Consultés à cet égard, les Bulletins de la Société anatomique de Paris, de 1826 à 1864, nous ont fourni les données suivantes :

Oreillette droite.............................................. 1

Péricarde.................................................... 8

Artère pulmonaire........................................... 2

n„ S gauche.............................................. 11

Plèvre ) i .. 0

^droite................................................ 8

Médiastin antérieur.......................................... 1

Poumon gauche.............................................. 6

Trachée..................................................... 3

Bronche gauche............................................. 3

Bronche droite............................................ 1

Les deux bronches, sans autre désignation ................... 3

(Esophage................................................... 3

Duodénum.............................................. 1

Péritoine................................................. 2

Sous le péritoine.......................... .............. 5

Tissu cellulaire de la paroi thoracique antérieure............ 2

Extérieur.................................................. 4

Mort sans rupture.................................. ........ 54

Nous trouvons, en outre, dans les Bulletins, trois cas où il

ceux de l'aorte abdominale. On peut en juger par les chiffres suivants :

Observ. recueilUies dans les Musées des Hôpitaux auteurs anglais de Londres

{ Thoracique.................. 175 207

Aorte ;

( Abdominale................. 59 46

La statistique de Lebert donne des résultats analogues : sur 83 observations, l'anévrisme occupait :

L'aorte ascendante................... 24 fois

La crosse de l'aorte.................. 27 »

L'aorte descendante thoracique....... 9 »

L'aorte abdominale.................. 9 »

D'après un travail plus récent du même auteur, les ané-vrismes de l'aorte abdominale siègent de préférence au voi-sinage du tronc cœliaque (52 fois sur 92).

Il existe quelquefois deux ou plusieurs tumeurs anévris-males de l'aorte chez le même sujet. Dans sa première statis-tique, Lebert a rassemblé 14 cas de ce genre.

Volume. —Il n'existe, pour ainsi dire, pas de limites aux dimensions que peuvent acquérir ces tumeurs, quand la vie du sujet se prolonge. Dans la cavité thoracique, on les voit atteindre et dépasser la grosseur d'une tête d'enfant à terme; dans l'abdomen, on a rencontré des anévrismes qui occu-paient toute l'étendue de l'aorte, depuis son passage à tra-vers le diaphragme jusqu'à sa bifurcation.

Pour terminer rénumération des conséquences anatomi-ques des anévrismes de l'aorte, nous signalerons l'oblitéra-tion des artères qui naissent d'un point voisin de la tumeur, ou de la tumeur elle-même ; une pression continue, ou l'or-ganisation d'un bouchon fibrineux peuvent en fermer la lumière.

Quant aux affections cardiaques, très fréquentes en pareil cas (25 fois sur 83, Lebert), il en est quelques-unes, telles que l'hypertrophie du cœur (et surtout du ventricule gauche) ou

sa dilatation, qui peuvent être envisagées comme le résultat d'une gêne de la circulation, occasionnée par l'anévrisme, mais les adhérences générales du péricarde, ainsi que les lésions valvulaires, doivent être regardées comme de simples coïncidences. Cependant, quand l'anévrisme est très voisin de l'origine de l'artère, il peut donner lieu à une insuffisance aortique par dilatation.

Symptômes. — Il est incontestable que des tumeurs ané-vrismales, mêmes volumineuses, peuvent rester complète-ment latentes pendant un long espace de temps ; on n'en reconnaît l'existence qu'à l'autopsie; et même dans les cas où la dyspnée, les troubles circulatoires et les phénomènes de compression autorisent le médecin à soupçonner une lésion de ce genre, il lui est impossible de parvenir à une certitude absolue aussi longtemps que les signes physiques lui font défaut. C'est ce qui arrive habituellement pour les anévris-mes éloignés des parois thoraciques et enveloppés en quel-que sorte par les organes voisins. Lorsqu'au contraire la tumeur est superficielle, il devient souvent facile d'en recon-naître la présence, même à une période peu avancée de son développement.

Les signes d'un anévrisme aortique doivent donc se diviser en physiques et en rationnels. Les premiers peuvent seuls fournir au diagnostic des bases positives : les seconds ne peuvent offrir que des probabilités plus ou moins acceptables. Nous aurons donc à passer successivement en revue ces deux ordres de phénomènes.

1° Signes fournis par l'inspection et la palpation. — L'exis-tence d'une tumeur pulsatile, sur un point qui correspond au trajet de l'artère, est le signe palhognomonique des ané-vrismes de l'aorte. Longtemps avant qu'une perforation des parois thoraciques ait eu lieu, on constate une voussure inso-

lite de la région ; quand l'aorte ascendante est affectée, c'est du côté droit du sternum, vers le deuxième ou troisième es-pace intercostal, que cette altération se développe ; quand l'anévrisme occupe la crosse de l'aorte, c'est la fourchette sternale qui en devient le siège : enfin, dans les cas exception-nels où l'aorte descendante offre une tumeur anévrismale faisant saillie en avant, c'est du côté gauche de la poitrine qu'elle viendra manifester sa présence. Lorsque la voussure est peu sensible à une inspection superficielle, on peut quel-quefois l'apercevoir, en se plaçant au niveau de la poitrine (Stokes), pour mieux saisir toute saillie qui dépasserait le plan horizontal. Appliquée sur ce point, la main perçoit une pulsation qui succède presque immédiatement au choc de la pointe du cœur ; quelquefois même, on y constate un frémisse-ment cataire (Thrill) plus ou moins prononcé. Ce phénomène offre une importance séméiotique d'autant plus grande qu'on est plus éloigné de la région précordiale; en se rapprochant du cœur, les données deviennent de moins en moins carac-téristiques, et l'on peut se demander si ce n'est point le cœur lui-même, qui, par suite d'une hypertrophie, amène ces pul-sations isochrones à ses battements et à la voussure qui les accompagne.

Stokes fait observer que les anévrismes sacciformes, vrais ou faux, quel que soit leur volume, donnent des pulsations bien plus manifestes que ceux qui sont moins nettement cir-conscrits. Il ajoute que l'impulsion anévrismatique donne habituellement un coup de force égale sur tous les points, tandis que le choc du cœur donne plutôt la sensation d'un corps mobile, qui vient frapper les parois de la poitrine par son extrémité.

En somme, l'existence de deux centres distincts de pulsa-tion est le signe presque pathognomonique des anévrismes de l'aorte ; mais ce phénomène ne peut être constaté que dans le

cas où la poche s'est développée à la partie antérieure du vais-seau. Lorsqu'elle en occupe la région postérieure, on aperçoit quelquefois un soulèvement en masse de toute la paroi thora-cique, qui, d'après Greene, est l'indice presque certain d'un anévrisme profond, et qui diffère complètement du soulève-ment partiel que peut produire l'hypertrophie du cœur.

Quand la paroi thoracique s'est laissée perforer, et que la tumeur vient faire saillie au dehors, le diagnostic devient moins difficile. On constate alors l'existence d'une masse ar-rondie, fluctuante et pulsalile, qui se laisse réduire souvent sous une pression continue, et fait subir à l'enveloppe cuta-née des lésions spéciales : la peau rougit, s'amincit et pré-sente autour du point malade des varices sous-cutanées. C'est alors qu'on aperçoit à merveille les pulsations de la poche ané-vrismale, qui soulève la main de l'observateur, pendant la systole, et s'affaisse pendant la diastole du cœur. Mais il faut avoir soin de distinguer ces battements des oscillations dans le sens antéro-poslérieur que le voisinage du cœur ou des gros vaisseaux peut imprimer aux fumeurs solides du médiastin.

Chez une jeune femme dont l'observation a été publiée par Gordon, il existait une petite tumeur arrondie et pulsatile sous l'extrémité sternale de la clavicule gauche ; on y perce-vait des pulsations énergiques, régulières et parfaitement isochrones au pouls. On crut à l'existence d'un anévrisme de l'aorte: mais la malade ayant succombé dans un état de ma-rasme prononcé, on découvrit à l'autopsie un kyste pileux du médiastin, qui contenait de la graisse, des cheveux et des dents. On trouve des faits analogues dans beaucoup d'auteurs, preuve évidente qu'un seul signe ne suffit jamais pour carac-tériser les anévrismes de l'aorte. Bamberger rapporte un cas où une masse cancéreuse, qui siégeait à gauche, derrière les parois thoraciques, fut prise pendant la vie pour un anévrisme aortique, grâce aux pulsations évidentes que lui communi-

quait le voisinage du cœur. Il faut donc, dit-il, s'attacher sur-tout à constater les pulsations transversales (battements d'ex-pansion) ; on les reconnaît en comprimant légèrement avec les doigts la base de la tumeur; les anévrismes donnent alors la sensation d'une ampliation générale, tandis que les tu-meurs solides ne font éprouver qu'un choc plus ou moins brusque. Il ne faut pas oublier cependant que les caillots fibrineux qui remplissent quelquefois la cavité du sac, lui font perdre les caractères d'une tumeur fluctuante et soumise à des battements expansifs.

Il est digne de remarque que la tumeur, lorsqu'elle se pré-sente à l'extérieur, est plus souvent située à droite qu'à gau-che, et que, dans la majorité des cas, elle est placée au-dessous de la clavicule, quel que soit d'ailleurs le côté de la poitrine qu'elle occupe. C'est là encore un élément de diagnostic ; mais il ne faut point oublier que l'on voit aussi la poche anévris-male perforer directement le sternum, et se montrer sur la ligne médiane, ou proéminer en arrière et se montrer sur les côtés du rachis. Ajoutons enfin, pour compléter le tableau, que presque toujours le malade éprouve un soulagement pro-visoire et respire plus facilement quand la poche anévrismale est parvenue à se faire jour au dehors, ce qui s'explique aisé-ment, par la diminution momentanée de la pression intra-thoracique.

Sur le trajet de l'aorte abdominale, la palpation permet assez aisément de percevoir les pulsations anévrismatiques ; leur siège habituel est au niveau du tronc cœliaque. Mais il faut éviter de confondre avec l'anévrisme les palpitations ner-veuses ou les tumeurs solides si fréquentes dans cette région, et qui, reposant sur l'aorte, en transmettent à l'extérieur les battements.

Nous avons déjà fait observer que la poche anévrismale peut s'ouvrir dans le tissu cellulaire sous-cutané ou sous-

Charcot. (Euvres complètes, t. v, Poumo?is et Cœur. 32

péritonéal: cet accident, lorsqu'il ne détermine point une mort instantanée, donne naissance à un anévrisme diffus. L'existence d'une pareille lésion sera facilement reconnue à la région thoracique. Les signes qui la révèlent sont plus obscurs à la région abdominale ; cependant, on constate presque tou-jours soit une diminution, soit même une suppression com-plète des battements d'expansion, qui peuvent reparaître plus tard. — Lorsque les téguments de l'abdomen ont contracté des adhérences avec la tumeur, on voit la peau devenir violacée, et subir peu à peu les diverses altérations que nous avons signalées plus haut.

2° Signes fournis par rauscultation et la percussion. — a) Auscultation. On ne doit pas s'attendre à rencontrer cons-tamment un bruit de souffle dans les anévrismes de l'aorte. Lorsqu'ils siègent à la portion abdominale du vaisseau, le souffle existe presque toujours ; mais quand la lésion occupe la partie sus-diaphragmatique de l'artère, on voit souvent manquer ce phénomène (Stokes). Quand il existe, le murmure est rude, sec et de courte durée : il commence et finit brus-quement (flope). On sait que le battement et le souffle ané-vrismal doubles avaient échappé à Laënnec, qui les croyait toujours simples. Stokes a décrit le battement double en 1833. On a, depuis celle époque, formé bien des théories pour expliquer la production de ces deux bruits. Bellingham croit que le premier est dû au frottement du sang contre les parois du sac, le second à la régurgitation qui s'opère pendant la diastole, dans l'aorte et les grands vaisseaux : le frémissement cataire est un indice de ce phénomène, qui n'a jamais lieu dans l'aorte abdominale ; aussi n'y perçoit-on jamais qu'un seul bruit, une seule pulsation. Nous verrons tout à l'heure que celte dernière assertion est exagérée.

Lyons admet, au contraire, que le second bruit, loin d'être

un phénomène passif, est dû à la systole du sac anévrismati-que, qui, après s'être laissé remplir, réagit sur son contenu pour en chasser l'ondée sanguine. Cette opinion, sauf quel-ques légères différences, est celle que M. Gendrin avait depuis longtemps formulée.

Sur le trajet de l'aorte thoracique, le bruit double est la règle, le bruit simple est l'exception, d'après MM. Barth et Roger. L'existence d'un souffle simple ou double dans les tumeurs anévrismaliques est, d'après ces auteurs, la consé-quence des dispositions anatomiques de la poche, suivant qu'elle est vide ou pleine de caillots, lisse ou couverte de rugosités, éloignée ou rapprochée du cœur. Au reste, il peut exister, à cet égard, une foule de combinaisons diverses ; nous en reproduisons ici le tableau, d'après Walshe :

1° Bruit double : chacun des deux bruits étant plus faibles que ceux du cœur ;

2° Bruit double: les bruits étant plus forts que ceux du cœur ;

3° Absence complète de bruit : impulsion systolique ;

4° Bruit de souffle clair au second temps : avec une impul-sion systolique ;

5° Bruit de souffle rude au premier temps ; faible et voilé au second temps ;

6° Bruit ronflant au premier temps, beaucoup plus fort qu'à la base du cœur ; avec un bruit de souffle au second temps ;

7° Bruit rude aux deux temps, plus rude au second temps qu'au premier ;

8° Mêmes conditions, avec rudesse excessive au second temps ,

9° Battement simple au premier temps, souffle au second (très rare) ;

10° Au premier temps, il existe un battement et un souffle,

qu on peut distinguer 1 un de 1 autre : au second temps, û existe un battement clair, sans aucun souffle.

Bien que plusieurs des distinctions admises par Walshe puissent paraître un peu subtiles, nous avons tenu aies re-produire en entier, parce qu'elles sont entièrement fondées sur des observations personnelles à l'auteur et il nous a paru utile de montrer, par cet exemple, combien de nuances diverses une oreille exercée peut découvrir, à l'auscultation d'une tumeur anévrismale.

Il importe, surtout, au point de vue clinique, de ne point confondre ces souffles anévrismatiques avec ceux qui résultent d'une affection valvulaire du cœur. Il est très utile, à ce point de vue, d'ausculter le malade par derrière : on trou-vera quelquefois, sur les côtés de la colonne vertébrale, des bruits pathologiques, encore plus marqués qu'à la région an-térieure. C'est ce qui existe assez souvent, par exemple, pour les anévrismes de l'aorte descendante. M. Gendrin insiste avec raison sur ce point. Il ne faut point oublier, cependant, que les lésions mi traies peuvent aussi donner naissance à un souffle intra-scapulaire (Stokes).

D'après MM. Barth et Roger, un bruit de souffle entendu immédiatement après le second temps, et indépendamment du second bruit du cœur, qui a conservé son timbre normal, est souvent l'indice d'un anévrisme de l'aorte ascendante; mais ce phénomène peut coïncider avec une dilatation simple de ce vaisseau, ainsi que l'un do nous a eu l'occasion de le constater. — Sur le trajet de l'aorte abdominale, le bruit de souffle est ordinairement unique, mais il est double clans quelques cas particuliers.

b) Percussion. Si l'importance de ce moyen a été quelque-fois exagérée, il faut pourtant reconnaître qu'il est souvent un utile auxiliaire pour le diagnosclic des anévrismes de l'aorte.

Quand la tumeur est voisine delà paroi thoracique antérieure, on obtient un son parfaitement mat au niveau de celte partie du sternum derrière laquelle se trouve l'aorte ; et la résis-tance au doigt est également augmentée. M. Piorry, en se fondant sur ce seul signe, est quelquefois parvenu à recon-naître des anévrismes intra-thoraciques latents ; et Skoda a vu deux fois des anévrismes de l'aorte descendante donner lieu à de la matité dans la région dorsale, tandis qu'on ne perce-vait aucun murmure à l'auscultation. Mais l'existence d'une matité circonscrite au voisinage du tronc aortique, même dans le cas où il est possible d'en dessiner nettement les con-tours, ne démontre qu'une seule chose, c'est qu'il s'est dé-veloppé une tumeur quelconque sur ce point ; pour en appré-cier la nature, c'est à d'autres moyens qu'il faut recourir.

Pour les anévrismes de l'aorte abdominale, la palpation donne de meilleurs résultats que la percussion : telle est du moins l'opinion de Bamberger et de la plupart des auteurs qui ont étudié la question au point de vue clinique.

3° Symptômes rationnels. —Nous arrivons maintenant aux symptômes rationnels, ceux qui résultent du trouble des fonctions circulatoires, et de la compression des organes voi-sins.

Le cœur est déplacé, quand il existe des anévrismes volu-mineux de l'aorte ascendante ou de la crosse aortique ; il oc-cupe une position plus horizontale, et se trouve refoulé à gauche : la pointe est par conséquent abaissée, et le choc du cœur se produit alors dans le sixième ou le septième espace intercostal ou plus bas encore (Bamberger). L'anévrysme est-il placé derrière le cœur, celui-ci se trouve alors ramené en avant contre les parois thoraciques, et son impulsion, d'après Hops, offre un caractère particulier [jogging), qui donne l'idée d'une secousse communiquée à cet organe.

Le pouls, dans les cas d'anévrisme de l'aorte thoracique, est presque toujours modifié: tantôt affaibli, tantôt annulé, il est presque toujours irrégulier, et présente des intermittences plus ou moins fréquentes. Quelquefois les pulsations radiales se trouvent abolies du côté gauche, tandis qu'à droite elles ont persisté. Magendie attribuait ce phénomène à l'existence d'un sac anévrismal dans lequel l'impulsion directe du cœur viendrait s'épuiser : en supposant la tumeur située au-delà du tronc brachio-céphalique, on s'expliquerait aisément la diffé-rence entre le pouls du côté gauche et celui du côté droit. D'après une note que M. Marey a bien voulu nous communi-quer, la forme du pouls artériel, indiquée par le sphygmogra-phe, pourrait fournir quelquefois d'utiles renseignements pour établir l'existence d'un anévrisme aortique, et le siège qu'il occupe. Les tracés que donne cet instrument peuvent varier, suivant les circonstances, mais leur caractère prédominant est le défaut de symétrie que présentent les pulsations des deux artères radiales, dont les battements à l'état normal sont iso-chrones et d'une égale intensité. La comparaison des deux tracés permet, en pareil cas, d'apprécier les différences les plus légères, il serait impossible, par l'exploration digitale,, de parvenir à un aussi grand degré de précision. D'autres foisr le tracé sphygmographique indiquera une modification du pouls analogue à celle qui existe dans l'insuffisance aortique : de semblables indications sont précieuses pour le diagnostic, chez les sujets qui présentent déjà les signes rationnels d'un ané-vrisme inlra-thoracique.

On parviendra souvent, par le même procédé, à distinguer des anévrismes de l'aorte ceux qui siègent sur le trajet de l'artère innommée, de la carotide ou de la sous-clavière gauche : nous verrons plus loin le parti que l'on peut tirer de ces données, au point de vue clinique. Dans les cas où l'aorte abdo-minale est affectée, le pouls crural donnera des signes analo-

gues à ceux que nous venons de signaler pour le pouls radial (Leberl). Souvent aussi les malades sont tourmentés par des battements violents des artères périphériques. Lebert a vu un cas où le visage offrait une sorte de pulsation capillaire : il rougissait à chaque systole, et pâlissait à chaque diastole du cœur.

La compression de la veine cave inférieure ou supérieure produit un état variqueux des branches afférentes de ces deux grands vaisseaux ; il en résulte de la cyanose, de l'œdème, et des congestions multiples: c'est ainsi que des complications, soit du côté de l'encéphale (vertige, apoplexie, coma, délire), soit du côté des reins (albuminurie) peuvent aisément surve-nir. Quand la tumeur siégeait à l'abdomen, on a quelquefois observé de l'ascite.

L'oblitération plus ou moins complète de la carotide ou de la sous-clavière amène parfois des troubles cérébraux, ou des lésions localisées aux membres supérieurs. Un œdème unila-téral de l'un ou l'autre bras, témoigne de la compression de la veine sous-clavière correspondante.

La dyspnée, l'un des phénomènes les plus constants de cette maladie, se présente dans les deux tiers des cas, selon Le-bert ; elle peut résulter d'une foule de lésions diverses : com-pression de la trachée, des bronches, du pneumogastrique, du nerf récurrent, de l'artère pulmonaire, du cœur, des poumons eux-mêmes; enfin, l'œdème de la glotte, conséquence assez fréquente des anévrismes de l'aorte, et les troubles apportés dans l'accomplissement des fonctions circulatoires, suffisent quelquefois pour provoquer des accès de suffocation. Au reste, la dyspnée occasionnée par ces diverses conditions a pour ca-ractère essentiel d'être intermittente, et d'offrir des paroxysmes souvent périodiques (Greene).

D'après un travail récent de M. Krishaber, la tumeur ané-vrismale, avant de paralyser le nerf récurrent par compres-

sion, aurait une action stimulante sur lui, de manière à pro-voquer un spasme de la glotte, qui expliquerait à la fois la dyspnée intermittente dont les malades sont atteints, et la dysphonie dont nous allons tout à l'heure étudier les carac-tères. Nous serions disposés à partager les idées de l'au-teur.

La toux, phénomène fréquent, que Greene dit avoir ren-contrée dans toutes les observations qu'il a recueillies, est pro-bablement liée aux lésions du nerf pneumogastrique, ou du laryngé inférieur. — Le timbre de la voix est presque tou-jours altéré: tantôt elle prend une raucité spéciale, qu'on attribue à l'œdème glottique ; tantôt elle change complè-tement de caractère.

Stokes a rapporté un cas où une voix de basse devient aiguë, parsuite de la torsion ou delà déviation de la trachée.L'aphonie dépend plus spécialement de la compression du nerf récurrent (Cruveilhier et Bourdon), qu'amène ultérieurement une atro-phie des muscles correspondants (Law). Comme la plupart des autres signes fonctionnels des anévrismes aortiques, ce phénomène est intermittent: c'est ce qui distingue les apho-nies d'origine purement laryngée de celles qui résultent d'une tumeur intra-lhoracique. Stokes ajoute à ces symptômes un sifflement venu d'en bas, qui n'existe point dans les affections locales du larynx.

L'inspection laryngoscopique fait quelquefois reconnaître en pareil cas, une paralysie tantôt unilatérale des cordes vocales, ainsi que l'ont constaté Traube, Tungel et plusieurs autres observateurs allemands. — Chez un malade atteint d'une aphonie presque complète, M. Potain découvrit une paralysie absolue de la corde vocale gauche, et fut amené, d'après ce symptôme, à soupçonner l'existence d'un anévrisme de la crosse de l'aorte, avec compression du nerf récurrent. L'au-topsie justifia complètement ce diagnostic.

Il est à peine nécessaire de signaler l'hémoptysie parmi les conséquences possibles des anévrismes aortiques. Ce phéno-mène est ordinairementla conséquence d'une congestion pul-monaire; il arrive très souvent, en effet, que les poumons sont engoués chez les malades atteints d'une lésion sembla-ble. Dans un travail récent, Habershon attribue ces conges-tions passives à la compression des nerfs pneumogastriques. Souvent aussi des épanchements pleurétiques viennent en-core se joindre aux autres causes de suffocation.

Les organes digestifs sont également exposés à souffrir du voisinage de ces tumeurs. La compression de l'œsophage amène une dysphagie quelquefois absolue; elle est souvent accompagnée d'une régurgitation des aliments : ce symp-tôme appartient évidemment aux anévrismes de la crosse, et de l'aorte descendante. Ceux de la portion abdominale, agis-sant sur l'estomac, ou sur le tube intestinal, déterminent des troubles de la digestion et de la défécation, des vomissements, des coliques, de la diarrhée et de la constipation. On signale aussi, en pareil cas, des congestions passives du foie.

La compression exercée sur divers points du système ner-veux est la cause de douleurs violentes, qui peuvent s'irradier le long du plexus brachial, ou se localiser sur les côtés de la colonne vertébrale. Ce dernier symptôme a fixé spécialement l'attention de quelques palhologistes. Law et Greene le con-sidèrent comme un indice précieux, dans les cas où l'ané-vrisme est encore latent. « La douleur, dit M. Gendrin, est un symptôme constant des anévrismes. » Elle se produit par élancements, répond aux mouvements de diastole de la tu-meur anévrismale, et s'exaspère par les mouvements, les im-pressions morales, le travail digestif, etc.

Elle paraît atteindre son maximum d'intensilé lorsque la tumeur siège à l'abdomen (Stokes). On la voit suivre quelque-fois le trajet des uretères, ou du cordon spermatique, et se

fixer sur le testicule au dire de Lebert. D'après cet auteur, les maux de reins sont l'un des premiers signes des anévrismes de l'aorte sous-diapliragmalique.

Des phénomènes dus à la compression peuvent aussi se manifester sur d'autres points. Gairdner a signalé la contrac-tion de la pupille, dans un cas où l'on pouvait invoquer la compression du grand sympathique. Ce phénomène avait été indiqué avant lui par Walshe et d'autres auteurs ; il a été ob-servé quelquefois, depuis cette époque. Nous savons déjà que la paraplégie peut résulter de la compression de la moelle épi-nière, ou du plexus lombaire : elle sera instantanée, quand la rupture du sac aura versé un flot de sang dans le canal ra-chidien (Laënnec). On a vu quelquefois une gibbosité mani-feste se produire au niveau de la tumeur vasculaire, par suite du refoulement et du déplacement des vertèbres voisines.

La gangrène des extrémités doit également se ranger parmi les conséquences possibles de cette maladie. Des embolies partant du sac anévrismal peuvent aller créer des obstruc-tions artérielles sur divers points du système circulatoire, et déterminer, en plusieurs endroits, un sphacèle circonscrit. On a même vu le nez tomber en gangrène quelques jours avant la mort (Cockle).

Au milieu de tous ces symptômes, la santé générale ne tarde pas à s'altérer : les anévrismes de l'aorte ont aussi leur cachexie, qui diffère de celle des maladies du cœur, en ce qu'elle est plus tardive à se manifester, et moins liée à des signes évidents d'une gêne de la circulation. Morgagni, qui l'avait observée, l'attribuait à la compression du canal thora-cique ; il citait à l'appui de cette hypothèse, des cas emprun-tés à Yalsalva et Santorini. Mais celte opinion paraît peu fon-dée. W. Turner a deux fois observé l'oblitération complète du canal thoracique, sans amaigrissement, chez des sujets atteints d'anévrismes aortiques ; l'un de ces deux malades of-

frait même un certain degré d'embonpoint. Les anastomoses des vaisseaux chylifères avec les lymphatiques du foie et du diaphragme, permettent, en pareil cas, au fluide nourricier d'aller se verser dans les veines (Cruikshank) ; d'ailleurs des communications anormales ou supplémentaires s'établissent avec les veines du cou, la veine azygos, les vaisseaux du rein, etc. Il est donc plus rationnel d'attribuer la cachexie aux souffrances du malade, et à la privation de sommeil qui en est la conséquence.

La rupture du sac est quelquefois annoncée par une dou-leur déchirante au niveau de la tumeur : elle donne nais-sance aux symptômes d'une hémorragie interne, et produit souvent la mort instantanée. Il n'en est cependant pas tou-jours ainsi ; nous avons déjà fait observer que des hémorra-gies intermittentes peuvent se manifester quelquefois, et per-sister pendant un certain temps, avant la terminaison.

Quand le sac vient à s'ouvrir dans l'artère pulmonaire, la veine cave inférieure ou supérieure, ou le cœur droit, on voit survenir les symptômes de l'anévrisme artério-veineux, qui seront étudiés dans un paragraphe spécial.

Marche, durée, terminaison. — Il est impossible, dans l'immense majorité des cas, de préciser la date à laquelle un anévrisme de l'aorte a commencé à se développer. Souvent, une mort subite vient frapper des individus qui jouissaient de toutes les apparences de la santé : à l'autopsie, on décou-vre une poche anévrismale rompue sur le trajet de l'aorte, Lebert a constaté ce fait dans un huitième des cas.

Les troubles de la respiration et de la circulation sont or-dinairement les premiers à se manifester ; vient ensuite la tu-meur dans un certain nombre de cas ; bientôt les symptômes de compression des viscères voisins se développent, les hé-morragies leur succèdent (hémoplisie, vomissements et sel-

les sanglantes, etc.), et la mort survient, soit avant, soit après la rupture du sac. Avant cette terminaison funeste, il se produit chez bon nombre de malades des améliorations passagères, bientôt suivies de rechute. La lecture de la plu-part des observations en fournit des exemples incontesta-bles.

Malgré l'impossibilité de fixer avec précision la durée d'un ?anévrysme de l'aorte, puisque le début de l'affection remonte à une époque inconnue, on peut mesurer l'espace de temps qui s'écoule entre les premiers accidents et la mort. Dans 30 cas rassemblés par Lebert, la maladie se termina :

1 fois dans l'espace de 6 mois

1 — — 6 a 12 -

1 — — 12 à 13 —

1 -- — 15 à 18 —

2 - — 18 à 24 — 6 — — 24 à 36 —

3 — — 36 à 4S —

La mort est incontestablement la terminaison la plus fré-quente des anévrismes de l'aorte ; quand elle ne succède pas à une hémorragie foudroyante, elle peut résulter d'une syn-cope, d'un accès de suffocation, d'une maladie intercurrente, enfin du marasme, de la cachexie occasionnée par les progrès incessants du mal.

La guprison est, à coup sûr, bien rare ; mais il en existe des exemples observés par des auteurs dignes de foi. Panaroli et Albertini en ont rapporté des cas ; M. Cruveilhier, Rokitansky, Dusol, Legrand, Goupil ont eu l'occasion de vérifier ce fait à l'autopsie. Odoardo Linoli a publié une observation de guéri-son d'un anévrisme de l'aorte abdominale, et Fuller en a ré-cemment fait connaitre un second cas. Il est important de signaler de pareils faits ; ils prouvent qu'on ne doit pas tou-jours désespérer du salut du malade.

Étiolooie. — Les causes de cette lésion sont jusqu'à pré-sent peu connues. L'âge, le sexe, les professions, les climatsr les habitudes paraissent exercer une influence incontestable à cet égard. Les hommes y sont plus prédisposés que les femmes dans la proportion de 10 à 3 (Lebert). La fréquence des ané-vrismes aortiques est plus grande entre o0 et 60 ans qu'à tout autre âge, ainsi que semble le prouver le tableau suivant, que nous empruntons à Lebert :

De 25 à 30 ans........... 1 cas

30 à 35 ........... 2 —

35 à 40 ........... 8 —

40 à 45 ........... 3 —

45 à 50 ........... 9 —

50 à 55 ........... 7 —

55 à 60 ........... 14 —

60 à 65 ........... 8 —

65 à 10 ........... 4 —

70 à 75 ........... 2 —

75 à 80 ........... 1 —

L'influence des professions est très incontestable, malgré ce qu'en disent la plupart des auteurs du siècle dernier ; on rencontre ce genre de lésions aussi bien chez les hommes voués à des travaux sédentaires que chez ceux qui sont habi-tués à déployer journellement une grande force musculaire (Bamberger, Lebert).

Les coups, les chocs, les violences extérieures sont quel-quefois le point de départ de ces lésions : la plupart des au-teurs en rapportent des exemples ; on sait d'ailleurs que les chutes d'un lieu élevé produisent souvent des ruptures de l'aorte. Nous croyons, avec M. Broca, que les anévrismes, en général, et ceux de l'aorte en particulier, sont plus fréquents en Angleterre que sur le Continent. Nous ne savons s'il faut invoquer, pour expliquer cette prédominance, le climat, le régime ou le tempérament de la race anglo-saxonne, mais

l'abus des liqueurs fortes et la fréquence des accidents gout-teux, même chez les gens du peuple, pourraient en offrir une explication plausible, si l'on admet qu'il existe une relation nosologique entre les manifestations habituelles de la goutte et le développement à l'intérieur des vaisseaux de dépôts alhéromateux ou calcaires.

Cette dernière lésion, en effet, paraît être la cause la plus générale et la plus efficace des anévrismes aorliques, si Ton accepte le témoignage unanime de tous les auteurs, et si l'on tient compte de la présence presque constante de pla-ques calcaires sur le trajet de l'aorte, ou dans d'autres parties de l'arbre artériel, chez les sujets qui présentent une dilata-tion anévrismale de ce vaisseau.

L'influence des excès vénériens, souvent invoquée, n'est pas encore bien démontrée ; mais une fois la lésion dévelop-pée, les écarts de cette nature doivent sans doute en accélérer les progrès.

Il semblerait impossible, au premier abord, qu'un ané-vrysme de l'aorte fût occasionné par une cause traumatique agissant directement sur l'artère ; en effet, les plaies de ce vaisseau, presque toujours immédiatement mortelles, ne lais-sent pas au sac anévrismal le temps de s'organiser. Cepen-dant, Guattani a rapporté une observation qui semble démon-trer que les choses peuvent à la rigueur se passer ainsi: un domestique ayant reçu une blessure à la région lombaire, près des apophyses épineuses, éprouva, quelques mois après sa guérison, des douleurs à ce niveau. Il mourut quelques années plus tard, et l'on trouva, au-devant des vertèbres lombaires, qui étaient saines, une poche anévrismale dont l'ouverture de communication avec l'aorte était placée à la hauteur de la cica-trice des téguments. Les tuniques artérielles étaient parfaite-ment saines à ce niveau, ce qui fait supposer à Guattani que l'instrument vulnérant avait traversé d'arrière en avant le

fibro-cartilage intervertébral pour venir atteindre les parties aortiques.

Diagnostic. — Reconnaître la présence d'un anévrisme de l'aorte avant l'apparition des signes physiques qui peuvent seuls le caractériser avec certitude, est un problème qui nous paraît insoluble, malgré tous les efforts qu'on a tentés dans ce but; et si, par un groupement habile de symptômes ration-nels, on est quelquefois parvenu à deviner une lésion de ce genre, il faut plutôt voir, dans un pareil succès, une heureuse inspiration du tact médical, qu'un résultat fondé sur des rè-gles certaines, et par conséquent toujours possible à repro-duire. C'est donc surtout au point de vue des signes physiques que nous allons nous placer pour étudier le diagnostic des ané-vrismes de l'aorte ; nous n'invoquerons les symptômes ra-tionnels que pour confirmer les données que fournit une exploration directe. Mais comme les phénomènes qui indi-quent l'existence de la tumeur sont modifiés par le siège qu'elle occupe, nous aurons à étudier successivement les ané-vrismes de l'aorte sus-diaphragmatique et ceux de l'aorte abdominale.

I. Diagnostic différentiel des anévrismes de la portion sus-diaphragmatique de l'aorte. — 1° Quand la tumeur a perforé les parois de la cavité thoracique pour venir former une saillie pulsatile, soit en avant, soit en arrière, sur les côtés de la co-lonne vertébrale, elle ne peut guère être confondue qu'avec les productions cancéreuses du médiaslin, qui partagent avec les anévrismes la propriété d'offrir des pulsations rhythmi-ques; mais on y chercherait vainement des battements d'ex-pansion proprement dits ; on n'y rencontre pas habituellement un bruit de souffle ; enfin, le pouls n'a point subi de modifica-tions spéciales. Si l'on ajoute que les cancers parvenus à un

tel volume sont toujours suivis d'une cachexie bien plus pro-noncée que celle des anévrismes, on aura rassemblé tous les caractères qui peuvent faire éviter une pareille erreur de diag-nostic.

2° Quand la poche est encore renfermée à l'intérieur du thorax, elle pourra être confondue avec une tumeur solide, un abcès du médiastin ; avec l'asthme, l'angine de poitrine, les indurations pulmonaires; avec les affections du larynx; avec les affections du péricarde et du cœur ; avec les lésions des gros troncs vasculaires voisins ; enfin les palpitations spon-tanées de l'aorte.

a) Les tumeurs solides du médiastin, qui sont presque tou-jours de nature cancéreuse ou tuberculeuse, coïncident avec les signes généraux de l'une ou l'autre diathèse. Elles pré-sentent une matité ordinairement plus étendue que celle de l'anévrisme, et n'offrent point de pulsations dans toute la sur-face qu'elles occupent, mais seulement dans les points qui cor-respondent à l'aorte sous-jacente. Enfin, la compression de la trachée ou des bronches produit une rudesse des bruits respi-ratoires plus caractérisée et plus étendue que celle qui résulte des anévrismes de l'aorte (Bamberger).

b) Les abcès du médiastin se rattachent très souvent à des affections chroniques du système osseux : du sternum, des côtes ou de la colonne vertébrale. Ils donnent lieu à une dou-leur sourde au niveau du point affecté, qui diffère de celle que produisent les anévrismes par sa continuité ; d'ailleurs, si la percussion accuse une matité plus ou moins circonscrite au niveau de l'épanchement, l'auscultation n'y fait point enten-dre aucun bruit de souffle.

c) C'est surtout par des signes négatifs que Y asthme se dis-

tingue des anévrismes intra-thoraciqucs; la palpation, la per-cussion et l'auscultation ne fournissent aucun des caractères qui signalent la présence d'une tumeur artérielle. D'ailleurs, on entendra presque toujours des râles sibilants pendant l'ac-cès, et l'on constatera souvent une sonorité exagérée de la poitrine qui correspond à l'emphysème pulmonaire. On sera quelquefois éclairé par la nature de l'expectoration et par le mode de production des accès, qui débutent presque toujours après le coucher du soleil et sont quelquefois occasionnés par des causes spéciales (vapeurs irritantes, etc). Enfin, l'influence de certains moyens thérapeutiques servira de pierre de touche dans quelques cas difficiles.

d) Vangine de poitrine est quelquefois occasionnée par des lésions du cœur ou des gros vaisseaux. C'est donc encore une fois à l'exploration physique qu'il faudra recourir pour déter-miner la cause réelle de cette manifestation symptomatique. Du reste, la douleur occasionnée parles anévrysmes de l'aorte se manifeste de préférence sur le trajet de la colonne verté-brale ; c'est, dans la majorité des cas, une rachialgie et non pas une sternalgie.

e) Les indurations pulmonaires, qui se rattachent ordinai-rement à une pneumonie, au cancer ou à la tuberculisation, ne présentent jamais une matité aussi nettement circonscrite que celle des tumeurs anévrysmales ; d'ailleurs, l'auscultation fait souvent reconnaître, au niveau du point malade, du souffle tubaire, des râles humides et d'autres phénomènes qu'on n'a point coutume de rencontrer dans les cas d'ané-vrisme.

f) 11 est souvent très difficile de distinguer les affections chroniques du larynx des lésions anévrismatiques de l'aorte :

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons et Cœur. 33

la suffocation, l'aphonie, la toux et d'autres symptômes ration-nels sont quelquefois communs à l'une et l'autre maladie. Quand les signes physiques fournis par l'exploration du tho-rax font défaut à l'observateur, il éprouve souvent un cruel embarras. Stokes a rassemblé, dans le tableau suivant, les principaux symptômes qui peuvent, en pareil cas, éclairer le diagnostic.

Anévrisme de l'aoi te.

?1° L'altération de la voix manque souvent.

2° Stridor, sans aphonie.

3° Variabilité dans l'état de la voix.

4° Stridor venant d'en bas.

'6° Respiration faible dans un pou-mon, forte dans l'autre.

6° Stridor, avec respiration forte dans un poumon.

7° Stridor et maLité dans la partie supérieure du poumon.

Maladies chroniques du larynx.

1° L'altération de la voix existe en général.

2° Stridor, avec aphonie.

3° Aphonie constante et progres-sive.

p Stridor laryngé. 5° Respiration forte des deux côtés. 6" Stridor, avec respiration faible des deux côtés. 7° Stridor sans matite.

Nous avons déjà montré tout le parti qu'on peut tirer de l'examen laryngoscopique, dans les cas de ce genre. Une paralysie des cordes vocales fera songer à une compression du nerf récurrent, conséquence assez fréquente des ané-vrysmes de la crosse aortique ; des traces d'inflammation chronique, des ulcérations, des nécroses, seront, au contraire, attribuées à une maladie purement locale. 11 ne faut pas ou-blier, d'ailleurs, que les affeclions chroniques du larynx peu-vent coïncider avec les anévrismes inlra-thoraciques.

g) L'œdème de la glotte est quelquefois capable de simuler une lésion de l'aorte; et réciproquement les anévrismes do l'aorte peuvent simuler l'œdème de la glotte, au point de pro-voquer la trachéotomie. On ne pourra éviter cette erreur, dans les cas difficiles, que par une exploration très attentive de tous les signes physiques qui peuvent mettre sur la voie du diag-nostic, car, dans l'œdème de la glotte, on voit souvent man-

quer le signe patliognomonique indiqué par les auteurs, c'est-à-dire la difficulté des inspirations, sans gêne aucune dans l'expiration.

Dans les diverses affections que nous venons de signaler, le pouls conserve habituellement ses caractères normaux. Il n'en est pas ainsi dans les affections du cœur et des gros vaisseaux, qui produisent aux extrémités du système vasculaire des trou-bles analogues à ceux des anévrismes.

h) La dilatation du cœur, qui n'est pas accompagnée, en général, d'un bruit de souffle, donne lieu à des pulsations étendues sur une vaste surface ; l'anévrisme, au contraire, offre une pulsation bien limitée: aussi rencontre-t-on, en pareil cas, deux centres de pulsations : l'un, qui correspond à la tumeur, l'autre à la région précordiale.

i) Les rétrécissements des orifices cardiaques qui, lorsqu'ils s'unissent à l'hypertrophie du cœur, peuvent simuler les ané-vrismes aortiques, s'en distinguent par le siège habituel des bruits anormaux; par l'absence des grands phénomènes de compression qui résultent des anévrismes volumineux; enfin, par une gêne plus manifeste des fonctions circulatoires (Skoda).

k) Les épanchements péricardiques ne donnent point nais-sance à l'impulsion limitée qui caractérise les tumeurs ané-vrismales, mais à une sorte de mouvement onduleux. Les signes stéthoscopiques ne sont pas les mêmes au début de la maladie ; d'ailleurs, la marche des accidents diffère complète-ment de ce que l'on observe dans les cas d'anévrisme intra-thoracique.

I) Les adhérences générales du péricarde, lorsqu'elles don-

II

nent lieu à des désordres prononcés de la circulation, et à une matité bien évidente sur un point donné, offrent une grande analogie symptomatique avec les anévrismes de l'aorte ; or ne peut guère les en distinguer que par un degré moins con-sidérable d'impulsion, et l'absence habituelle d'un souffle bien caractérisé.

m) La dilatation de C artère pulmonaire produit une tumeur impulsive avec frémissement cataire entre les cartilages de la seconde et troisième côte à gauche : ce siège est peu commun dans les anévrismes de l'aorte.

n) Les anévrismes du tronc brachio-cëphalique sont quel-quefois très difficiles à distinguer de ceux qui naissent delà portion transversale de la crosse de l'aorte. On peut cependant établir, en règle générale, que les symptômes physiques pré-dominent à droite dans le premier cas, et, à gauche, dans le second (Holland).

En effet, les tumeurs anévrismales du tronc innominé pro-duisent bien plus souvent que celles de la crosse aortique les luxations de la clavicule droite, ainsi que les déplacements la-téraux du larynx et de la trachée; le souffle est limité à droite (Crisp); il existe quelquefois une paralysie du bras droit, par compression du plexus brachial ; on observe sou-vent un œdème unilatéral à droite ; enfin, le pouls radial n'est plus isochrone des deux côtés, et semble quelquefois être en retard à droite (Dubreuil). 11 est souvent utile, d'après M. Marey, de consulter le sphygmographe pour résoudre une difficulté de ce genre ; car un anévrisme du tronc brachio-céphalique modifie le tracé des pulsations artérielles bien plus énergiquement à droite, et bien plus faiblement à gauche, que ne le ferait une lésion du même genre, sur le trajet de l'aorte. En tenant compte de cette indication, MM. Broca et Marey

sont parvenus à reconnaître un anévrisme du tronc innominé, qui fut guéri par la méthode de Brasdor,

Dans les anévrismes de ce genre, la marche de l'affection est plus rapide que dans ceux de l'aorte, selon Dubreuil; et, chose importante à noter, l'apparition de la tumeur, au dehors, ne procure au malade aucun soulagement. Nous savons que le contraire a lieu quand l'aorte est le siège de la lésion. Enfin, les symptômes qui résultent de la compression intra-thoraci-que sont plus prononcés dans les anévrismes de la crosse que ceux du tronc brachio-céphalique (Holland). La dyspnée, la toux, la respiration striduleuse sont beaucoup plus intenses ; la douleur est plus vive ; la congestion veineuse par compres-sion de la veine cave supérieure, qui n'existe presque jamais dans les cas où l'innominé est malade, est, au contraire, très fréquent lorsqu'il s'agit d'un anévrisme de la crosse aortique. Il en est de même de la dysphagie, ce qui paraît étrange au premier abord ; mais il faut tenir compte de la compression des nerfs pneumo-gastriques, qui amène un resserrement spasmodique de l'œsophage, d'après les expériences de M. Cl. Bernard.

o) C'est d'après les mêmes données qu'on établira le dia-gnostic différentiel des anévrismes de la. crosse, et de ceux qui siègent sur la carotide et la sous-clavière gauches: seule-ment, de part et d'autre, les symptômes se manifestent du même côté. L'état du pouls, les accidents localisés au bras ou à la région cervicale gauche, la moins grande intensité des troubles généraux ; enfin, l'élude attentive des signes, fournis par l'auscultation et la percussion, telles sont les principales indications qui permettent de préciser la nature de la lésion anatomique.

p) Quant aux palpitations nerveuses de l'aorte qui, soit à la

poitrine, soit dans l'abdomen, peuvent simuler l'anévrisme de ce vaisseau, elles surviennent, en général, chez des sujets hystériques, ou du moins très irritables, et s'accompagnent souvent de phénomènes dyspeptiques. La percussion fait constater l'absence de toute tumeur, et l'auscultation montre que le bruit de souffle, quand il existe, se prolonge indéfini-ment en longueur, et présente dans le sens transversal des limites fort étroites.

IL Diagnostic différentiel des anévrismes de la portion sons-diaphragmatique de l'aorte. — Dans la cavité abdominale, les tumeurs solides de l'estomac, du pancréas, du mésentère, des intestins, peuvent, par leur juxtaposition à l'aorte, simuler un anévrisme de cette artère. On a vu quelquefois un lobe hypertrophié du foie, un rein mobile, venir se placer au-devant de l'aorte, et en transmettre les battements à la paroi abdominale. Mais le caractère de l'impulsion n'est plus le même que lorsqu'il s'agit d'une tumeur artérielle ; on perçoit, à chaque pulsation du vaisseau, un soulèvement en masse, qui n'est jamais accompagné de battements d'expansion (Stokes); les bruits vasculaires, lorsqu'ils existent, ne pré-sentent jamais l'intensité du souffle anévrismal ; enfin, les rapports fixes de la tumeur, avec l'un des organes abdominaux permettront d'en préciser le siège, et les symptômes géné-raux d'une affection constitutionnelle en démontreront la na-ture.

Ajoutons enfin, que les anévrismes occupent en général le côté gauche de l'abdomen, et présentent des contours plus ou moins arrondis, tandis que les tumeurs d'une autre nature siègent de préférence à droite, et offrent des formes plus an-guleuses.

Stokes fait observer avec raison que l'ascite et l'état vari-queux des veinules abdominales sous-cutanées, qu'on ren-

contre si souvent dans les affections viscérales de l'abdomen, n'existent point dans les cas d'anévrisme de l'aorte abdomi-nale. Cette règle n'est cependant pas absolue, ainsi que le prouve l'une des observations de Gairdner.

Le cancer du pylore est peut-être, de toutes les affections abdominales, celle qui simule le mieux un anévrisme au dé-but ; et réciproquement, les anévrismes de l'aorte abdomi-nale, lorsqu'ils siègent à la région épigastrique, et s'accompa-gnent de troubles digestifs prononcés, pourront, dans les premiers temps de la maladie, être pris pour des cancers de l'estomac. Mais, dans cette dernière afTeclion, l'anorexie est plus absolue et plus opiniâtre que dans la première ; le ma-rasme se déclare plus tôt ; et les vomissements noirs, lorsqu'ils surviennent, ne peuvent guère laisser de doute dans l'esprit de l'observateur.

Lorsqu'il existe un anévrisme, au contraire, la douleur est un des symptômes prédominants ; elle se manifeste, dès le dé-but, et tend à s'irradier vers la région lombaire ; en outre, la tumeur pulsatile se développe de bonne heure, s'accroît rapi-dement et présente des battements d'une grande énergie. Grâce à ces divers phénomènes, on parvient, en général, à éviter toute erreur de diagnostic à cet égard; mais il est des cas, où le médecin se voit forcé de suspendre son juge-ment.

Pronostic. — Il est inutile d'insister sur la gravité des ané-vrismes de l'aorte. Cette affection, presque toujours mortelle, suit une marche régulièrement progressive, et se termine, dans la majorité des cas, par la rupture du sac. Cependant, telle n'est pas toujours la cause directe de la mort. Un accès de suffocation, une maladie intercurrente, peuvent emporter le malade, qui succombe quelquefois au marasme occasionné par les progrès de la maladie.

Quant à la gravité relative des divers anévrismes, on peut dire, d'une manière générale, que plus la tumeur est rappro-chée de l'origine du vaisseau, plus les phénomènes de com-pression seront pénibles, et plus la marche de la maladie sera rapide.

Traitement. — Nous venons de voir que les anévrismes de l'aorte entraînent presque inévitablement la mort dans un es-pace de temps qui peut varier de quelques mois à quelques années : il semblerait donc, au premier abord, que les moyens thérapeutiques ne peuvent avoir aucune prise sur une lésion pareille. Cependant, dans le cours d'une affection souvent lon-gue, et toujours douloureuse, il est d'une haute importance de pouvoir au moins apporter quelques soulagements aux souffrances du malade, dont l'existence peut d'ailleurs être prolongée par un traitement rationnel ; enfin, les observations peu nombreuses, à la vérité, mais parfaitement authentiques, qui démontrent la possibilité d'une guérison radicale, suffisent pour encourager les efforts du médecin, et ne lui permettent point, dès le principe, d'abandonner tout espoir.

On sait depuis longtemps que l'accumulation de couches fîbrineuses à l'intérieur du sac est le mécanisme employé par la nature dans la guérison spontanée des anévrismes. Mais si, dans les artères d'un calibre inférieur, ce phénomène peuî quelquefois se produire, on l'observe bien rarement sur le tra-jet de l'aorte, en raison de l'intensité du courant sanguin et du volume énorme du vaisseau malade : cependant, il existe dans la science quelques cas d'oblitération spontanée des ané-vrismes de l'aorte (Hodgson) ; mais il faut, en pareil cas, que la tumeur ait la forme d'un sac, et permette au sang de sé-journer assez longtemps dans son intérieur, pour qu'il puisse s'y coaguler. Les conditions anatomiques qui favorisent, en général, la cure spontanée des anévrismes, ont élé soigneu-

sèment étudiées par Hodgson,Broca, et d'autres observateurs ; et, sous ce rapport, les anévrismes de l'aorte ne diffèrent des autres tumeurs de cette espèce que par la difficulté plus grande encore d'obtenir ce travail réparateur, et l'impossibilité ab-solue de recourir à certains moyens pour le provoquer.

Nous allons passer en revue les principales méthodes adop-tées dans le but d'imiter, autant que possible, les opérations de la nature. Nous aurons ensuite à signaler les moyens pal-liatifs qui conviennent le mieux pour combattre isolément les symptômes les plus incommodes de cette maladie.

1° Moyens curatifs. — A. Méthode débilitante. — Ralen-tir le mouvement circulatoire pour favoriser le dépôt de con-crétions fibrineuses à l'intérieur du sac ; tel est le but de la méthode célèbre qui porte le nom d'Albertini et de Valsalva. Elle consistait à faire subir au malade des saignées copieu-ses et répétées à de courts intervalles, en le soumettant en même temps à la diète la plus sévère. Chaque jour, on dimi-nuait de plus en plus la nourriture et les boissons, au point de réduire le malade à ne pouvoir soulever la main qu'avec peine ; on augmentait alors insensiblement de jour en jour, de manière à lui rendre peu à peu les forces qu'il avait per-dues.

D'après les auteurs du siècle dernier, ce traitement aurait été quelquefois couronné du succès le plus complet. Il faut cependant tenir compte de l'immense difficulté que présen-tait le diagnostic des anévrismes internes, avant la découverte de l'auscultation et de la percussion; quelques-uns des suc-cès attribués à la méthode de Valsalva ne reposaient-ils pas sur des erreurs de diagnostic? Il est certain que chez le ma-lade dont la guérison présumée a servi de point de départ à ce système, les lésions constatées à l'autopsie, quelques années plus tard, ne répondaient point aux données actuelles de la

physiologie pathologique. En effet, le vaisseau ne présentait plus aucune trace de dilatation au niveau du point malade, mais seulement une induration calleuse en cet endroit. Nous1 savons aujourd'hui que, dans la majorité des cas, quand l'ar-tère n'est pas oblitérée, les anévrismes guéris constituent une tumeur remplie de caillots solidifiés à divers degrés d'é^ volution ; et s'il n'en est pas toujours ainsi pour des vaisseaux d'un calibre inférieur, il semble qu'une artère aussi volumi-neuse que l'aorte ne saurait revenir à l'état normal, sans offrir au moins quelques traces des lésions qui ont précédemment existé. 11 est donc permis de se demander si, chez le malade de Valsalva, il ne s'agissait pas d'une lésion athéromateuse plutôt que d'un véritable anévrisme de l'aorte.

11 paraît cependant démontré que des guérisons ont été opérées par la méthode débilitante, dans des conditions dont l'exactitude scientifique ne laisserait rien à désirer. Corvisart,-Laënnec, Chomel et d'autres observateurs en ont rapporté des exemples, et des cas analogues se rencontrent même danslesj auteurs contemporains. Le traitement de Valsalva pourra donc rendre des services dans quelques cas, bien qu'il soit aujour-d'hui rarement mis en usage, au moins dans toute sa rigueur., Il est, d'ailleurs, universellement reconnu qu'il ne convient pas indistinctement à tous les sujets, et qu'il ne faut jamais l'appliquer aux individus débiles, ou qui présentent des lé-sions trop avancées ; en pareil cas, d'après Morgagni, il ne servirait qu'à précipiter la terminaison fatale.

On s'est demandé si, chez un individu vigoureux, pour oh-» tenir les meilleurs effets de cette méthode, il convenait de pratiquer de petites saignées, répétées à de courts intervalles, ou des saignées copieuses à des intervalles plus éloignés. Hope, Pelletan, Laënnec, préconisent le premier de ces deux systèmes; Uodgson, Chomel, MM. Monneret et Fleury profes-sent l'opinion contraire. Chomel voulait même qu'on poussât

la saignée jusqu'à provoquer la syncope ; celte pratique, con-damnée d'avance par Morgagni, est aujourd'hui universelle-ment rejetée, en raison du danger de mort subite qu'elle en-traîne chez les individus atteints d'une aussi grave lésion du système circulatoire. La méthode débilitante peut d'ailleurs être combinée aux autres moyens que nous allons maintenant exposer.

B. Coagulants. — Les propriétés bien connues de Xacétate de plomb qui mérite une place parmi les astringents les plus énergiques, ont engagé les médecins à y recourir dans le traitement des anévrismes.

Employé d'abord en Allemagne, il a été préconisé, en France, par Dupuytren, Laënnec, Bertin, Dusol et Legroux. On le donne à la dose de 15 à 20 centigrammes, au début, pour le porter à 75 centigrammes ou même \ gramme par jour ; mais la colique de plomb, qui ne tarde pas à se manifester, ne permet pas, en général, d'en continuer longtemps l'usage. M. le professeur Lebert condamne définitivement l'usage in-terne de ce médicament qu'il croit plus nuisible qu'utile; ce-pendant, quand il existe une tumeur faisant saillie à l'exté-rieur, des applications d'acétate de plomb liquide peuvent amener quelque soulagement.

On a également eu recours à d'autres astringents à l'inté-rieur : l'alun a été présenta la dose de 1 à 2 grammes par jour et le tannin, sous forme de pilules, à la dose de 10 à 30 centigrammes : les effets de ces médicaments n ont pas, en généra], répondu à l'attente des médecins qui les ont em-ployés.

C. Digitale. — Les propriétés de cette substance, qui jouit d'une si grande puissance pour ralentir la circulation, l'ont fait quelquefois prescrire dans les cas d'anévrisme de l'aorte.

Si ce mode de traitement ne paraît donner aucun résultat dé-finitif, il semble obvier, du moins, à quelques-uns des symp-tômes les plus pénibles : il diminue les palpitations, fait cesser la dyspnée, et combat très efficacement la céphalalgie (Lebert). La poudre de digitale s'administre à la dose de 5 à 40 centigrammes. La digitaline doit se prescrire à la dose de 2 à 3 milligrammes par jour.

D. Viodure de potassium, entre les mains de M. le profes-seur Bouillaud, aurait amené la disparition complète d'un ané-vrisme de l'aorte. D'après Chuckerbutty (de Calcutta), ce mé-dicament serait quelquefois capable de rendre de grands services dans le traitement de cette affection.

E. Narcotiques. — Les préparations opiacées peuvent ser-vir d'auxiliaires utiles aux autres moyens de traitement; elles permettent souvent de combattre avec avantage la dyspnée, ainsi que les douleurs intolérables que les malades sont quel-quefois condamnés à ressentir. Douze à quinze gouttes de laudanum de Sydenham, — 5 à 4 0 centigrammes d'extrait thébaïque, — 1 à 2 centigrammes d'acétate de morphine, sont une dose convenable; on les administrera de préférence le soir.

F. Drastiques. — Ils ont été employés avec succès dans quelques cas par Ilope, qui donnait Y élathérium, à la dose d'un quart de grain par jour. Dusol etLegroux ont obtenu de bons effets de l'emploi de la médecine Leroy, chez un de leurs malades. Ces moyens paraissent rentrer dans la théorie géné-rale du système débilitant, lorsqu'ils ne sont pas employés contre l'un des symptômes de la maladie.

G. Régime. — En dehors de la méthode de Valsalva, il faut

procurer au malade une nourriture simple fortifiante et facile à digérer. Les viandes rôties, en formeront la base ; les bois-sons excitantes, le thé, le café, les liqueurs, le vin pur, de-vront être sévèrement proscrits. Le malade habitera une chambre maintenue à une température modérée ; il évitera les exercices violents et ne devra point se coucher dans une position complètement horizontale, afin d'éviter les accès violents de dyspnée qui pourraient en être la consé-quence.

Un système tout opposé, et qui constitue une véritable mé-thode de traitement, a été préconisée par Stokes et les au-teurs anglais. Loin d'affaiblir le malade, ils cherchent à le tonifier; ils lui prescrivent une diète généreuse, du vin, des boissons alcooliques, et ces moyens de traitement, qui n'ex-cluent pas au besoin la saignée, à titre de palliatif, paraissent avoir quelquefois réalisé des succès bien constatés.

H. Applications externes. — La glace employée à l'exté-rieur a de tout temps été vantée contre les anévrismes de l'aorte ; mais les douleurs intolérables occasionnées par ce moyen obligent souvent le malade à y renoncer. Lorsqu'il lui est possible de le supporter, on en obtient souvent les meil-leurs résultats, surtout quand la tumeur anévrismale est voi-sine de la surface. Tufnell a traité avec succès, par ce moyen, un anévrysme de l'aorte thoracique dont on pouvait sentir les pulsations en appliquant la main sur la poitrine ; la tumeur devint dure et parfaitement solide, et les pulsa-tions disparurent ; le malade reprit plus'tard son ancien mé-tier. Goupil parvint à guérir par des applications déglace un anévrysme de l'aorte descendante thoracique qui faisait saillie à gauche du sternum ; le malade étant mort, trois mois plus lard, d'une phtisie pulmonaire, on trouva le sac complète-ment oblitéré et rempli de caillots fibrineux ; le canal de l'ar-

tère était resté perméable1. Un des inconvénients de ce traite-ment, lorsqu'il est longtemps prolongé, est d'occasionner des bronchites opiniâtres, qui aggravent la dyspnée habituellement ressentie par les malades.

Les préparations de digitale, les sels de plomb en dissolu-tion, peuvent également être employés à l'intérieur quand il existe une tumeur faisant saillie en dehors.

Nous venons de signaler les principaux moyens qui peuvent être rationnellement mis en usage pour combattre les ané-vrismes aortiques. Quant aux autres procédés qui ont parfois amené l'oblitération du sac sur de petites artères, ils ne sau-raient être employés dans ce but lorsqu'il s'agit de l'aorte elle-même. Le galvanisme, en pareil cas, a toujours échoué. Quant aux injections coagulantes, elles présentent un double danger: celui de donner naissance à des concrétions polypeu-ses du cœur, en raison du voisinage de la tumeur, et celui d'amener des hémorragies mortelles à travers la perforation pratiquée au sac anévrismal dans le but d'y faire pénétrer le liquide coagulant.

La ligature de l'aorte abdominale a été quelquefois prati-quée dans les cas d'anévrismes de cette artère ; mais il ne nous appartient pas d'apprécier ici celte opération, qui sera étudiée plus loin.

2° Moyens palliatifs. Après avoir étudié successivement les principales méthodes curatives qui peuvent être appliquées aux anévrismes de l'aorte, il nous reste à faire la médecine des symptômes, en indiquant les meilleurs moyens de com-battre les accidents les plus pénibles qui résultent de cette affection.

« Il s'agit là du cas, cité plus haut en note (p. 488), que nous avons com-muniqué à la Société anatomique. Vanévrisme était guéri. Le malade est mort de phthisie pulmonaire (B.)

a) Dyspnée. — Les accès de suffocation, qui constituent l'un des traits les plus caractéristiques et les plus constants de la maladie, et qui peuvent amener brusquement une termi-naison fatale, doivent évidemment occuper le premier rang-dans les préoccupations du médecin.

De petites saignées, pratiquées à des intervalles éloignés, procurent au malade un soulagement provisoire ; mais l'em-ploi trop fréquent de ce moyen ne tarde pas à jeter le sujet dans une prostration profonde, et finit à la longue par aggra-ver les symptômes qu'il est destiné à combattre.

M. le professeur Lebert, auquel nous empruntons les ré-flexions précédentes, a souvent obtenu, en pareil cas, de bons effets de l'administration de l'opium à doses élevées, surtout lorsqu'il est combiné à la digitale. Il donne à ses malades, de deux en deux heures, un paquet composé d'un demi grain d'opium brut et d'un grain de poudre de digitale. On peut également administrer ces médicaments sous forme de potion. Quand la dyspnée devient très intense, on peut rapprocher les doses et faire prendre au malade un de ces paquets toute les demi-heures. On aura recours en même temps aux prépa-rations ammoniacales, aux pédiluves irritants et aux révulsifs cutanés.

Enfin, la trachéotomie elle-même peut rendre des services, dans quelques cas désespérés. Dans une observation rappor-tée par Gairdner, cette opération aurait prolongé la vie du malade pendant treize jours. Quoique cette opération paraisse, au premier abord, assez conlraire à la logique, il ne faut pas se hâter de la repousser, à l'exemple de Tiingel, qui ne tient compte ici que delà compression des voies aériennes : on sait en effet que souvent la dyspnée, chez les sujets affectés d'un anévrisme de la crosse, est une conséquence de la compres-sion des gros troncs nerveux voisins; et qu'une paralysie du larynx, une atrophie de ses muscles peuvent résulter d'une

lésion pareille. Il est aisé de comprendre en pareil cas l'utilité de la trachéotomie ; au reste, Gairdner distingue, au point de vue clinique, trois espèces de dyspnée : 1° une dyspnée pharyngienne, de nature spasmodique, accompagnée souvent, sinon toujours, d'une altération de la voix ; 2° une dyspnée bronchique, offrant les caractères de Fasthme essentiel ; 3"une dyspnée toute spéciale, qui résulte de la compression des poumons, du cœur ou des gros troncs vasculaires qui en émanent: c'est l'une des variétés de l'angine de poitrine. Il est évident que les cas de la première espèce sont les seuls où la trachéotomie puisse offrir quelques chances de succès.

Dans le travail récent que nous avons signalé plus haut, M. Krishaber insiste sur l'utilité de cette opération, dans les cas où la glotte éprouve un resserrement spasmodique, par suite de l'irritation du nerf récurrent. Mais il faut distinguer, d'après lui, les cas où il existe une véritable aphonie, de ceux où l'on n'observe qu'une raucité plus ou moins intense de la voix. Ces derniers se rattachent au spasme de la glotte, et peuvent seuls bénéficier de la trachéotomie ; les premiers, au contraire, correspondent à la paralysie des muscles tenseurs des cordes vocales, et ne sauraient être améliorés par l'opé-ration, car l'ouverture du larynx, loin d'être resserrée, se trouve au contraire largement ouverte.

b) Hydropisie. — On voit quelquefois des épanchements se produire dans les grandes cavités séreuses, chez les sujets affectés d'anévrysmes aortiques. On peut les combattre par les moyens les plus aptes à ralentir la circulation ; les prépara-tions de digitale sont ici très nettement indiquées ; l'acétate de potasse, le nitrate de soude ont été quelquefois employés. M. le professeur Lebert a vu souvent administrer avec de bons résultats, le vin diurétique des hôpitaux de Paris; mais il accorde une préférence marquée aux drastiques dans les cas de cette espèce. Il prescrit souvent des pilules renfermant cinq

centigrammes de jalap, de gomme-gutte et scammonée : on en prend deux ou trois par jour.

c) Hémorragies. — Nous avons vu qu'une tumeur anévris-male pouvait se rompre et fournir quelquefois des hémorragies assez abondantes, sans que la mort immédiate en devint la conséquence. Il est inutile d'insister sur la gravité d'un pareil accident. Lorsqu'on voit la peau qui recouvre le sac anévris-mal rougir, s'amincir et montrer une tendance manifeste à se perforer, il faudra recourir sur-le-champ à une compression énergique et continue, aux applications de glace à l'extérieur et aux préparations astringentes à l'intérieur ; l'extrait de ra-tanhia, le tannin, l'ergoline, seront utilement administrés. Lorsqu'une hémorragie a eu lieu par rupture du sac, il faut s'empresser d'étancherle sang par des applications de charpie imbibée d'alun, de perchlorure de fer ou d'aulres subslances coagulantes ; de pareils moyens ont souvent prolongé de plu-sieurs jours la vie des malades.

Nous croyons avoir démontré que si la médecine ne dispose pas de moyens héroïques pour combattre les anévrismes de l'aorte, elle est cependant loin d'être réduite à un rôle passif en présence de cette lésion formidable ; une thérapeutique rationnelle parviendra presque toujours à soulager les malades et pourra même les guérir dans quelques cas exceptionnels.

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Bibliographie. — Consultez : Les Traités des maladies du cœur, de Krey-sig, Burns, Corvisart, Hope, Williams, Walshe, Forget, Slokes, Bamberger, Fuller, etc. ; — Les Traités et Atlas d'anatomie pathologique, de Cruveilhier, Rokitansky, liasse, Lebert, Fôrster, Duchek, etc., etc. — Les Truites de pathologie d'Andral, Wunderlich. etc. — Les Traités d'auscultation de Skoda, Barlh et Roger, etc., etc. — Enfin les Bulletins de la Société anatoruique de Paris. — Vésale. In Th. Boneti Sepulchretum anatomicum, lib. IV, sect. 2, obs. 21. — Marchettis (Pierre de). Ilecueil d'observations rares. Obs. 48. Trad. Warmont. Paris, 1838. — Lancisi (J. M.). De motu cordis et anrurgsmatibus. Romœ, 1728. — Albertini. Animadversiones super quibusdam respirationis viliis. Bonon. Comm. t. I, 1731. — Knips Macoppe (Alex.). Epislola depohjpo aortœ, etc. Brixise, 1731. Cet ouvrage excessivement rare, cité par Dezei-meris dans le Dictionnaire en 30 volumes, n'existe pas à la bibliothèque de

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons et Cœur. 34

la Faculté de médecine de Paris; mais on en trouve deux exemplaires au-British Museum de Londres, le premier en date de 1693, le second de 1731. Une lecture attentive de cette dissertation nous a démontré qu'elle ne se rapportait nullement à un cas d'anévrisme de l'aorte, mais bien à l'histoire d'un polype de ce vaisseau. C'est donc par erreur que Dezeimeris avait donné une place dans la bibliographie des anévrysmes à ce travail, dont it n'avait même pas fidèlement rapporté le titre (Voir plus loin l'article Concrétions fibrineuse* de l'aorte.) — Morgagni. De sedibus et causis morbo-rum, etc. — Valcarenghi. De aneurysmate observationes. Crémone, 1741. — Kaller. Progr. de aneurysmate aortœ. Gœttingue, 1749. — Matani. De aneu-rysmaticis prœcordiorum morbis, etc. Florence, 1756. —Hunter (AV.). History of an aneurysm of the Aorta with Remarks on Aneurysms in general. In Med. Obs. and Inquiries, 1758, 1.1, p. 323. — Thompson. Account of and Aneu-rysm of the Aorta. In Med. Obs. and Inquiries, 1761, t. Ill, p. 57. — Bayford. Account of two Aneurysms of the Aorta. In Med. Obs. and Inquiries, 1767, t. Ill, p. 14. — Verbrugge (J.). Dissertatio de Aneurysmate, etc. Leyde, 1773.— Hall. Case of Aneurism in the Aorta, and in the left Carotid Artery, wick fu-sed into the Trachea. In Med. Obs. and Diquiries, t. VI, p. 23. — Guattani. De extern. Anew. Roma3, 1772. — Lauth (Th.). Scriptorum latinorum de Aneu-rysm, collectio. Strasbourg, 1788. — Scarpa. Sull'aneurysma. Pavia, 1804.

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Anévrismes disséquants de l'aorte. (Dissecting Aneurysm des auteurs anglais ; A. Dissecans, Rokitansky.)

Vers la fin du siècle dernier, la formation d'un sac anévris-mal entre les tuniques de l'aorte n'était pas une lésion entière-ment inconnue des médecins. Une altération de ce genre fut observée par Nicholls chez le roi George II, qui mourut d'une rupture du cœur en 1760 ; et Maunoir (de Genève) avait assez nettement signalé cette disposition analomique, dans un tra-vail publié en 1802. Cependant les anévrismes disséquants n'ont guère fixé l'attention des pathologistes que depuis Laënnec, qui leur imposa le nom qu'ils portent aujourd'hui. Depuis cette époque, divers auteurs, parmi lesquels nous cite-rons surtout Guthrie, Shekelton, Hope, Rokitansky, ont étu-dié cette lésion : Un résumé complet de leurs travaux a été publié par Peacock en 1849 ; plus tard, Rokitansky a exposé, dans son Mémoire sur les maladies des artères, le résultat de ses recherches ultérieures.

On croyait, dans le principe, que le décollement de la tuni-

que extérieure permettait au sang de s'infiltrer entre celle-ci et la moyenne. Nicholls avait cherché à prouver, par des expé-riences faites en présence de la Société royale de Londres, que lorsque les tuniques interne et moyenne d'une artère, sont divisées et que de l'air ou de l'eau sont injectés avec force dans ce vaisseau, la membrane extérieure se laisse dis-tendre, de manière à former un pelil sac. Ces données, que Nicholls appliquait au développement des anévrismes faux, paraissaient suffisantes pour expliquer la formation (d'ailleurs exceptionnelle) de l'anévrysme disséquant ; l'impulsion de l'ondée sanguine suffisait pour achever le décollement et pro-duire un canal nouveau.

Une opinion bien différente a été soutenue par Peacock, qui, s'appuyant sur de nouvelles expériences, considère la tu-nique celluleuse comme incapable de résister seule à l'effort du sang. Les liquides injectés avec force, dans une artère dont les deux tuniques internes ont été incisées, passent à travers les mailles de l'enveloppe celluleuse, contrairement à l'opi-nion de Nicholls : lorsqu'au contraire on s'est borné à entamer la membrane moyenne, sans la diviser complètement, on voit l'eau se frayer un passage à travers les lamelles super-posées qui constituent cette tunique. Tel serait d'après Pea-cock, le mécanisme qui préside constamment au développe-ment de cette lésion. Dans son dernier mémoire, Rokitansky, qui partageait autrefois l'ancienne manière de voir, reconnaît que, dans beaucoup de cas, l'auteur anglais a raison. 11 admet donc deux variétés principales d'anéyrisme disséquant ; dans la première, la tunique celluleuse est décollée, les deux autres rompues: le sang s'est exlravasé au-dessous de la membrane externe. Dans la seconde, au contraire, les portions exté-rieures de la tunique moyenne adhèrent à l'enveloppe celluleuse ; la membrane interne et les lamelles adjacen-tes de la moyenne sont déchirées ; c'est donc dans son

épaisseur même que s'est effectué l'épancliemcnt sanguin.

Les causes qui peuvent amener un décollement de la tuni-que celluleuse sont de plusieurs espèces; on peut y ranger: Io l'inflammation chronique de cette membrane qui, dans quelques cas a été trouvée indurée, injectée, épaissie et d'un rouge violacé; 2° les chocs, les chutes, les violences directes qui amènent un décollement de la celluleuse et une rupture des deux tuniques internes : en effet, la membrane extérieure, plus résistante que les deux autres, subit d'une façon diffé-rente l'action des causes traumatiques. Ainsi chez une jeune fille de 19 ans, qui fut tuée d'un coup de pistolet, on trouva les trois membranes de l'aorte perforées : la tunique externe était séparée de la moyenne à ce niveau (Rokitansky.)

Il est probable que dans cette première variété d'anévrisme disséquant, l'enveloppe extérieure commence par se détacher de la membrane moyenne, dont la déchirure n'est qu'un phé-nomène consécutif. Une fois l'ouverture produite, l'impulsion, incessante du sang achève de séparer les tuniques.

Les choses se passent tout autrement dans les cas de la se-conde espèce. C'est ici la friabilité de la membrane moyenne qui est en jeu : les lamelles les plus internes se déchirent et ne tardent pas à se séparer des autres, d'autant plus aisément que l'adhérence de ces diverses couches entre elles est dimi-nuée en raison même de leur friabilité.

La fente par laquelle le sang s'est extravasé présente habi-tuellement une direction transversale ou oblique: ordinaire-ment peu étendue, elle peut occuper les deux tiers ou la presque totalité de la circonférence du vaisseau. Dans un cas présenté par Goupil à la Société anatomique, il n'existait plus qu'une petite languette qui maintenait le bout supérieur fixé au bout inférieur. Rokitansky rapporte aussi un cas ana-logue.

La mort survient, en général, peu de temps après la rup-

ture et les lésions consécutives sont alors beaucoup moins étendues que dans les cas exceptionnels où, la vie s'étant pro-longée, le travail pathologique a pu se développer d'une façon plus complète. On peut établir à cet égard trois catégories, d'après Peacock:

Premier degré. — Déchirure plus ou moins étendue de la tunique interne et des portions internes de la moyenne : extravasation sanguine entre les lamelles de celle-ci (Morga-gni, Nicholls, Hodgson.)

Deuxième degré. — Le sang s'est frayé un passage entre les lamelles de la tunique moyenne, de manière à se créer un canal distinct, qui souvent vient s'ouvrir de nouveau dans la cavité de l'artère. C'est le cas le plus fréquent; il a été ob-servé par Laënnec, Guthrie, Shekelton, etc. — Sur 38 cas, rassemblés par Peacock, il y en a 30 qui appartiennent au deuxième degré.

. Le troisième degré, ou forme complète de l'anévrisme dis-séquant, est beaucoup plus rare. Ici le canal accidentel a pris une forme plus régulière ; il est tapissé d'une membrane qui ressemble à la tunique interne des artères ; il communique souvent avec les branches émanées du tronc principal, et l'ouverture par laquelle il correspond à l'aorte est lisse, ar-rondie et régulière. Des cas de cette espèce ont été rapportés par Shekelton, Pennock, Henderson et M. le professeur Bouil-laud. Rokitansky n'a jamais rencontré rien de pareil, mais il a trouvé des fentes artérielles cicatrisées, grâce à un exsudât plastique, qui avait recouvert les deux lèvres de la plaie et réuni la tunique externe décollée aux membranes sous-jacentes. Néanmoins, l'artère continue à présenter en cet en-droit une dilatation plus ou moins circonscrite.

Siège. — L'aorte ascendante est le siège le plus ordinaire de ces lésions, cependant la crosse et les autres parties de ce

?vaisseau peuvent être également affectées. Le décollement peut occuper une vaste étendue : on l'a vu se propager depuis l'aorte ascendante jusqu' aux vaisseaux poplités.

Dans un cas rapporté par Rokitansky, la dissection com-mençait au-dessous des valvules sigmoïdes et se propageait jusqu'aux iliaques primitives : le tronc brachio-céphalique, la •carotide et la sous-clavière gauche et la plupart des branches viscérales de l'aorte participaient à ce décollement. Mais de tels désordres ne peuvent se produire que lorsque la vie se prolonge pendant un assez long espace de temps.

Terminaison. — La mort est presque toujours occasionnée parla rupture du sac, qui peut s'ouvrir sur tous les points pré-cédemment signalés à propos des anévrismes ordinaires. Plus le siège de la perforation primitive est voisin du cœur, plus la terminaison est prompte à se produire. Sur 24 cas, rassemblés par Peacock, où l'aorte ascendante était affectée, la mort est survenue, 22 fois par l'ouverture du sac dans le péricarde, peu après le début des accidents. Sur les deux autres, le pre-mier mourut assez rapidement, par rupture de l'oreillette droite ; le seconde survécut sept à huit ans, et succomba aux progrès d'une affection du cœur. — Des 20 cas, rassemblés par Rokitansky, 15 moururent presque subitement ; 1 au bout de 5 à 6 heures ; 1 après une seule nuit ; les autres vécurent quelques mois. Les anévrismes disséquants de la crosse sont presque aussi promptement mortels que ceux de l'aorte as-cendante ; mais, à l'aorte abdominale, cette forme spéciale n'a pas une gravité exceptionnelle, et sa marche est à peu près la même que celle de l'anévrysme ordinaire.

Le tableau suivant, emprunté à Peacock et Rokitansky, in-dique la fréquence relative de cette lésion sur les différents points du vaisseau.

1

peacock rokitansky total

Aorte ascendante.................... 24 18 42

Origine du tronc brachio-céphalique. 2 » 2

Crosse de l'aorte.................... 5 2 7

Aorte descendante thoracique....... 2 » 2

Aorte abdominale................... 1 "

Bifurcation de l'aorte............... 1_»_i_

Nombre total des cas....................... 8Î

Étiologie. — L'anévrisme disséquant se développe habi-tuellement chez des sujets d'un âge avancé; la moyenne, d'après Peacock, serait de S6 cas. Skoda l'a rencontré une fois chez un jeune homme de 16 ans ; on ne l'a jamais observé au-dessous de cet âge. Enfin les deux sexes y sont également prédisposés ; sur 20 cas, Rokitansky l'a vu onze fois chez l'homme et neuf fois chez la femme ; sur 2i cas rapportés par Peacock, il existait douze fois chez l'homme et treize fois chez la femme.

On se demande pourquoi la rupture ou l'ulcération partielle des tuniques vasculaires, qui provoquent habituellement la formation d'un sac circonscrit, peuvent quelquefois occasion-ner le décollement des membranes. Gela tient probablement à ce que le travail pathologique qui accompagne le dévelop-pement d'un anévrisme ordinaire détermine une adhérence intime de toutes les tuniques ; c'est la présence ou l'absence de cette condition anatomique qui donne à la poche ané-vrismale la forme disséquante ou la forme circonscrite.

Symptômes. Aussitôt après la rupture des tuniques qui donne naissance à un anévrisme disséquant,le malade éprouve une douleur violente à la région précordiale, qui remonte vers l'épaule, et descend le long de la colonne vertébrale. Le pouls est faible et irrégulier; une dyspnée intense se mani-

feste, et, dans beaucoup de cas, la mort survient brusque-ment; quelquefois, au contraire, il se produit une rémission notable de tous les symptômes, et le malade semble aller mieux, jusqu'au moment où une syncope vient annoncer une seconde rupture, suivie cette fois d'une hémorragie fou-droyante. Dans les cas où la vie s'est prolongée, on a noté des symptômes cérébraux, du délire, de la somnolence, et quel-quefois de l'hémiplégie (Todd.). On a signalé, dans d'autres cas, une suppression complète des urines et des douleurs gra-vatives à la région lombaire. L'explication de ces phénomènes est encore inconnue.

Quand l'anévrisme disséquant se développe sur le trajet de l'aorte abdominale, il se comporte à tous égards, comme une tumeur anévrismale ordinaire.

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Anévrismes artério-veineux de l'aorte. Les anévrismes variqueux spontanés, qui résultent d'une ulcération qui inté-resse simultanément un tronc artériel et une veine contigue sont aujourd'hui depuis longtemps connus; mais ce sont les

Communications anormales établies entre l'aorte et le système à sang noir, qui ont pour la première fois attiré l'attention des anatomistes sur ce point.

L'ouverture des anévrismes de l'aorte dans l'artère pulmo-naire avait été signalée par Laënnec et par plusieurs autres observateurs, dès le commencement de ce siècle, mais on ne connaissait pas encore les communications de l'aorte avec les veines caves, inférieure ou supérieure. La première observa-tion de ce genre appartient à Syme (d'Edimbourg) ; elle fut publiée en 1831. Depuis lors le mémoire justement célèbre de Thurnam a fait connaître les principales variétés que peuvent •offrir les anévrismes variqueux de l'aorte, ainsi que leurs symptômes caractéristiques. Depuis cet auteur, on s'est plus spécialement occupé des communications anormales de l'aorte et de la veine cave supérieure ; l'observation de M. Cossy, la courte notice consacrée à cette question dans l'ouvrage de Valleix, les recherches de M. Mayne, et la thèse de Goupil, ont établi avec une grande précision les caractères anatomiques et les signes pathognomoniques de cette intéres-sante lésion. Tout récemment, M. Tripier a repris l'étude de cette question, pour combattre quelques-unes des opinions de ces devanciers. Nous signalerons en même temps le mémoire d'Aran, sur l'ouverture des anévrismes aortiques dans l'une ou l'autre oreillette, le travail de Wade, sur les communica-tions de l'aorte avec l'artère pulmonaire, et le diagnostic de cette lésion; enfin, l'observation fort intéressante publiée dans Y Union médicale, par M. le docteur Gallard.

Dans tous les cas jusqu'à présent publiés (sauf un), il exis-tait un anévrisme de l'aorte, qui s'ouvrant à un moment donné dans une cavité vasculaire, avait produit une communi-cation anormale éntrele tronc artériel, et un point quelcon-que du système à sang noir.

Dans les observations rapportées parThurnarn, l'ouverture

s'était faite trois fois dans la veine cave inférieure ; une fois dans la veine cave supérieure ; deux fois dans l'oreillette droite, une fois dans le ventricule droit, et onze fois dans l'artère pulmonaire. Depuis cette époque, des lésions de ce genre ont été plus d'une fois constatées. Sur vingt-neuf cas d'anévrisme artério-veineux de l'aorte, Sibson en a compté dix-sept où la perforation intéressait l'artère pulmonaire, et sept où la veine cave inférieure en était le siège. M. Tripier a réuni sept observations où la veine cave supérieure communi-quait avec l'aorte ; et le cas de M. Gallard vient encore grossir le nombre de ces faits. Aran rapporte cinq observations où la tumeur anévrismale s'était ouverte dans l'oreillette droite, et quatre où l'oreillette gauche était le siège de la perforation. Enfin, divers auteurs ont rapporté des cas de communication anormale entre l'aorte et le ventricule droit. Il est aisé de comprendre que sur tous les points où le système à sang noir se trouve en rapport avec l'aorte, des communications de ce genre peuvent se produire.

Dans la cavité thoracique, le siège de prédilection des ané-vrismes variqueux est l'aorte ascendante, et, plus particu-lièrement, ces trois dépressions connues sous le nom de sinus de Valsalva, dont les rapports intimes avec le cœur droit, et les gros vaisseaux qui en émanent, suffisent pour expliquer la possibilité d'une lésion semblable. Souvent un anévrisme formé sur ce point proômine dans l'intérieur d'une cavité car-diaque ou d'un canal vasculaire, et semble prêt à s'y ouvrir; un pas de plus et la communication est établie. Elle siège ha-bituellement au-dessous de l'origine du tronc brachio-céphali-que; cette règle est constante pour les anévrismes qui s'ou-vrent dans la veine cave supérieure. Ceux qui pénètrent dans les oreillettes paraissent occuper de préférence la crosse de l'aorte.

L'orifice est en général assez large et presque toujours ar-

rondi, cependant il présente quelquefois des contours irrégu-liers, et peut se réduire à une simple fente longitudinale. Dans l'un des cas rapportés dans le mémoire de Thurnam, l'oreillette droite et la veine cave supérieure communiquaient ensemble à travers la cavité de l'anévrisme artériel, qui pré-sentait une double ouverture.

Avant de s'ouvrir dans une branche quelconque du système à sang noir, la tumeur anévrismale lui fait éprouver une compression qui peut aller jusqu'à l'oblitération partielle. Toute la portion de la veine cave ou de l'artère pulmonaire qui correspond à l'ouverture est tellement adhérente aux pa-rois de l'aorte qu'il devient impossible de l'en séparer. Les vaisseaux afférents de la veine cave sont dilatés comme dans les cas d'occlusion complète de ce tronc vasculaire. Le siège de la tumeur est variable : tantôt extérieure au péricarde, tan-tôt comprise dans sa cavité elle peut répondre au premier, deuxième ou troisième espace intercostal.

Lorsqu'il s'agit de l'aorte abdominale, c'est avec la veine cave inférieure que la communication a lieu : elle siège habi-tuellement au voisinage de la bifurcalion de ces deux vais-seaux. C'est presque toujours par l'intermédiaire d'un ané-vrisme que l'ouverture se produit : toutefois, dans le cas de Syme, la communication était directe.

Symptômes et Diagnostic. — A. Quand la tumeur ané-vrismale occupe la portion sus-diaphragmatique de l'aorte, elle peut communiquer avec la veine cave supérieure, avec l'artère pulmonaire, ou avec les cavités du cœur. Ces trois variétés, qui se distinguent par quelques signes particuliers, ont cepen-dant des caractères communs.

Le début est ordinairement brusque ; les malades, qui pres-que toujours avaient précédemment éprouvé quelques troubles respiratoires ou cardiaques, liés à la présence d'un anévrisme

simple, sont pris tout-à-coup, spontanément ou à la suite d'un effort, d'une dyspnée intense, ou d'un sentiment de strangulation accompagné d'un vertige prononcé et de palpi-tations violentes ; les veines de la moitié supérieure du corps se tuméfient et la face devient cyanosée. Enfin le pouls, bon-dissant chez les uns, faible et petit chez les autres, offre sou-vent des intermittences et des irrégularités fort remarqua-bles.

Si la veine cave supérieuve est le siège de la communica-tion anormale, il se manifeste aussitôt après les symptômes nitiaux une tuméfaction soudaine, une coloration violacée de la face et du cou, qui, loin de disparaître après que le pre-mier malaise s'est calmé, envahissent rapidement les épaules, les membres supérieurs, et la partie correspondante du tronc. Un œdème prononcé se déclare sur ces points, tandis que les principaux affluents de la veine cave supérieure, et leurs tribu-taires, tous, subissent une dilatation énorme.

La percussion donne en général un son mat dans la région sus-claviculaire droite, quand l'œdème des parois thoraciques ne vient pas mettre obstacle à ce mode d'exploration. Une impulsion notable a été quelquefois notée sur ce point. L'aus-cultation y fait entendre un bruit de souffle souvent analogue à celui des anévrismes variqueux externes, et que Thurnam compare à un bruit d'ailes (whirring) ; tantôt intermittent, tantôt continu, il s'accompagne d'un frémissement vibratoire assez étendu, que la main peut quelquefois apprécier.

D'après M. Tripier, le bruit de souffle peut manquer com-plètement dans quelques cas, ainsi que le frémissement ca-taire.

Dans les cas ou Y artère pulmonaire est intéressée, les symp-tômes sont à peu près les mêmes; seulement la dyspnée est plus intense, et les phénomènes liés à la gêne de la circula-tion veineuse s'étendent à toute la surface du corps, au lieu

d'en occuper seulement la moitié supérieure. Enfin, le maxi-mum du bruit de souffle correspondrait au cartilage de la troisième côte gauche ; mais il ne faut point attacher à cette localisation une valeur trop absolue. Dans l'observation rap-portée par Wade, le second bruit du cœur était remplacé par un souffle prolongé qui s'entendait exclusivement à la base ; ce phénomène s'était manifesté à la suite d'un mouvement brusque, qui fut suivi d'une syncope instantanée. On s'était appuyé sur ces données pour diagnostiquer une communica-tion entre l'aorte et l'artère pulmonaire. Plus tard, il se déve-loppa un souffle continu à double courant, avec frémissement cataire, dans toute l'étendue de la région cardiaque. Le ma-lade ayant succombé à la suite d'une hémorrhagie intestinale, on trouva, à l'autopsie, un anévrisme de l'aorte, qui s'était successivement ouvert dans l'artère pulmonaire et le ventri-cule droit.

Quand l'aorte communique avec le cœur droit, les troubles de la circulation sont encore plus caractérisés que lorsqu'il s'agit de l'artère pulmonaire, le bruit de souffle est plus rude et présente le type continu, avec redoublement d'inten-sité pendant la systole.

C'est surtout avec les oblitérations de la veine cave supé-rieure qu'on serait tenté de confondre les anévrismes de cette espèce. Le début brusque des accidents, et l'existence d'un bruit de souffle continu saccadé, avec frémissement vibratoire, serviront, en pareil cas, à caractériser l'anévrisme artério-veineux ; cependant le second de ces deux phénomènes peut manquer assez souvent, d'après M. Tripier, et l'on ne pourra s'appuyer alors que sur l'invasion subite de la maladie.

Vemphyseme soudain, par perforation pulmonaire, pro-duit aussi des phénomènes d'asphyxie et de cyanose ; mais il existe une infiltration du tissu cellulaire par des gaz qui donne une crépitation manifeste sous le doigt ; d'ailleurs, on

ne constate point les troubles circulatoires du côté du système radial qui caractérise les anévrismes variqueux de l'aorte.

B. Quand Y aorte abdominale est le siège d'une communi-cation avec la veine cave inférieure, c'est en général, près de la bifurcation que l'ouverture anormale est située, comme nous l'avons vu.

Le début est brusque : la mort peut survenir dans l'espace de quelques heures ; quand la vie se prolonge, on voit se dé-velopper un œdème prononcé des membres inférieurs, avec dilatation variqueuse des veines sous-cutanées correspon-dantes. Parfois aussi l'on découvre dans l'abdomen une tu-meur pulsatile, offrant un bruit de souffle continu d'une grande intensité, et qui se propage au loin.

Pronostic. — Les malades sont voués à une mort certaine, qui peut survenir dans l'espace de quelques heures ou de quelques jours, et qui ne tarde jamais au-delà de quelques mois. Les malades succombent presque toujours dans un état d'asphyxie. Dans un seul cas (Wade) la mort a eu lieu par hémorrhagie.

Traitement. — Il se borne à l'emploi de moyens palliatifs ; on a pratiqué avec succès des petites saignées, fréquemment répétées; on a fait également usage des purgatifs drastiques et des boissons diurétiques.

Bibliographie. — Syme. Spontaneous varicose Aneurism. of the abdominal. Aorta and vena Cava. In Edimb. Med. and. Surg. Journ. vol. XXXVI ; 1831. Turnam. On Aneurism, etc., in Lond. Med. Chir. Trans. 2e série, vol. XXIII ; 1840. — Smith. Spontaneous varicose Aneurism. etc. In Dublin Med. Journ., vol. XVII, p. 154; 1840. — Cossy. Arch. gén. de méd. 4e série, t. IX. p. 33. — Valleix. Guide du médecin praticien. 2e édit. t. II, p. 76. — Aran. Sur l'ouverture des anévrismes de la crosse de l'aorte dans les oreillettes. In. Union médicale, 1833, n° 94. — Goupil. De l'anévrisme artérioso-veineux spontané de l'aorte et de la veine cave inférieure. Thèses de Paris. 1855. — Mayne. On spontaneous varicose Aneurism. In Dublin quaterly Journal,

nov. 1853, p. 287. — Wade. Médico-chirurgical, Transactions, t. XLIV. 1861. - Tripier. De l'anévrisme artério-veineux de l'aorte et de la veine cave su-périeure. Thèses de Paris. 1863. — Gallard. Union médicale, 1865.

IV. Dilatation simple de l'aorte.

En dehors des tumeurs anévrismales, constituées par une poche à forme variable, mais dont les limites sont nettement tranchées, l'aorte peut offrir sur divers points une augmenta-tion notable de calibre sans qu'il existe une solution de con-tinuité des tuniques vasculaires, ni une cavité entièrement distincte et séparée par un collet du canal de l'artère.

Les dilatations de l'aorte ont été signalées par Sénac, Mor-gagni, Burns et d'autres observateurs; mais Scarpa est le pre-mier qui les ait distinguées des anévrismes proprement dits. Hogdson en a donné plus tard une fort bonne description, à laquelle nous empruntons la plupart des considérations qui seront exposées dans ce paragraphe.

La crosse de l'aorte et la portion descendante de cette artère sont les points les plus spécialement prédisposés à subir cette lésion ; mais on peut aussi la rencontrer sur le trajet de l'aorte descendante, soit au thorax, soit dans la cavité abdominale. La dilatation peut s'étendre à toute la longueur de l'aorte ; il n'est pas rare, d'après Laënnec, de trouver, surtout parmi les vieillards, des sujets de taille ordinaire chez lesquels l'aorte présente un diamètre deux fois plus grand qu'à l'état nor-mal. Hunier a vu, en pareil cas, des fiexuosités évidentes se joindre à une dilatation manifeste, de sorte que l'artère s'était accrue en longueur aussi bien qu'en largeur.

Les parois de ces ampoules vasculaires sont toujours épais-sies, et souvent athéromateuses. Elles deviennent quelquefois le siège de fissures et de fentes, qui intéressent les deux tuniques internes du vaisseau; il peut en résulter un ané-vrisme faux consécutif. Il n'existe donc pas, au point de vue

analomique, une différence absolue entre ces deux ordres de lésions, elles dilatations, parvenues à un volume très consi-dérable, peuvent se comporter absolument comme des ané-vrismes, comprimer les organes voisins et même se terminer par rupture.

Les dilatations de l'aorte peuvent occuper toute la circon-férence du vaisseau, ou proéminer sur l'un des côtés. Les artères qui naissent du point dilaté, les intercostales aorliques le tronc cœliaque, l'artère innommée, participent, en général à cette amplialion ; la sous-clavière gauche, d'après Laënnec, ferait seule exception à cette règle, sans doute en raison de l'angle aigu sous lequel elle naît de la crosse aortique.

Il existe constamment une dilatation au-dessus des rétrécis-sements, ce qui se voit surtout dans les cas de sténose congé-nitale de l'aorte, au niveau de l'insertion du conduit de Botal : la crosse aortique est, en pareil cas, notablement agrandie.

Enfin, l'insuffisance des valvules sigmoïdes, lorsqu'elle a longtemps persisté, donne naissance aune dilatation aortique; et réciproquement, les dilatations de l'artère portées à un certain degré, peuvent occasionner une insuffisance valvu-laire. Sauf ce dernier accident, les dilatations simples de l'aorte n'occasionnent, en général, aucun trouble sérieux, et ne pré-sentent aucune tendance à subir cet accroissement rapide qui caractérise les anévrismes proprement dits. C'est seulement après avoir acquis un très grand volume qu'elles peuvent dé-terminer des accidents mortels.

Les dilatations simples de l'aorte, quoique ne donnant lieu, dans la majorité des cas, à aucun phénomène caractéristique, peuvent être quelquefois diagnostiqués à l'aide de la percus-sion ; souvent aussi elles donnent lieu à un bruit de souffle, surtout lorsque leurs parois sont couvertes d'incrustations cal-caires. Elles ne contiennent pas habituellement de caillots et ne se prêtent point à la formation de ces dépôts stratifiés qu'on

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons et Cœur. 3,'i

rencontre si souvent dans ies anévrismes ; cependant on j trouve quelquefois des concrétions fîbrineuses, surtout quand leur surface interne est jaunie d'aspérités (Burns).

Les dilatations simples de l'aorte sont des lésions essentiel-lement incurables, puisqu'elles n'ont aucune tendance à se laisser oblitérer par des caillots. Dans les cas où elles occasion-nent de la dyspnée ou des palpitations incommodes, on peut avoir recours à des moyens palliatifs : la digitale, les saignées générales et locales, les applications de glace pourront quel-quefois procurer au malade un soulagement provisoire.

Bibliographie. — Morgagni. De scd. et causis morhorum. Ep. XVII, XVIII cl passii». — Sénae. Traité de la structure du cœur, t.II,.p. 306. — Burns (Allan). Discases of the Heart, p. 206.— Scarpa. Del aneurisma, etc., p. 55. — Pelle-tan. Clinique chirurgicale, t. I, p. 89. — Ilodgson, ouvrage cité, p. 49. — Laënnec. Traité d'auscultation médiate, 2e édit., t. II, p. 688.

Y. Oblitérations i.t rétrécissements de l'aorte.

Les Oblitérations et rétrécissements aortiques, dont l'o-blitération n'est que le dernier terme, n'étaient pas entièrement inconnus avant l'époque actuelle. Les ouvrages de Bonet et de M. À. Séverin en renferment deux exemples; Morgagni en a signalé quelques cas et les conséquences d'une ligature jetée sur le trajet de l'aorte avaient déjà préoccupé les physiolo-gistes de son temps. Mais c'est surtout au commencement de ce siècle que la question a été sérieusement discutée. Les travaux de Scarpa, de Ilodgson et d'A. Cooper ont établi que l'occlusion, même absolue, de ce grand vaisseau, n'opposait pas un obstacle insurmontable à la circulation dans les mem-bres inférieurs. Depuis lors, le nombre des observations, rela-tives à ce genre de lésion, s'est considérablement augmenté. Le mémoire inséré par M. Barth dans la Presse médicale, en 1837, renferme une analyse approfondie de tous les faits pu-bliés jusqu'à cette époque, et l'ensemble de nos connaissances

à cet égard, a été complété par les recherches entreprises, en France et à l'étranger, sur les rétrécissements congénitaux de l'aorte. C'est cette dernière variété qui va d'abord nous oc-cuper.

I. Rétrécissements congénitaux, a) L'aorte peut offrir, dans toute sa longueur, une étroitesse exagérée qu'on peut consi-dérer comme un véritable arrêt de développement. Cette ano-malie, qui a été principalement étudiée par Rokitansky, se rencontre de préférence dans le sexe féminin ; elle s'accom-pagne souvent d'une atrophie des organes génitaux ou d'une croissance imparfaite qui imprime aux adultes une ressem-blance extérieure avec les enfants.

La petitesse du pouls et l'état de l'appareil sexuel sont les principaux indices d'un pareil état de choses ; chez quelques sujets, on entend un bruit de souffle doux sur le trajet de l'aorte. L'hypertrophie du ventricule gauche est une consé-quence assez fréquente de cette lésion, qui peut quelquefois amener une rupture du vaisseau, dont les parois sont notable-ment amincies.

Bibliographie. — Rokitansky. Lehrbuck der Path. Anatomie. Zweiter Band., p. 3:i7. Vvien, 185G. — Bamberger. Krankheiten des Herzens, p. 446. Wien, 1857. — Duchek. Handbuch der speciellen Path. und. Thérapie. Band. 1. p. 264. Erlangen, 1862.

b) Les conditions qui président à l'oblitération du canal artériel peuvent donner naissance à des rétrécissements con-génitaux de l'aorte, situés tantôt au-dessus, tantôt au-dessous du point d'origine de ce conduit.

C'est habituellement du sixième au douzième jour de la vie extra-utérine que le conduit de Botal cesse de livrer pas-sage au sang. Le mécanisme de cette oblitération a été expli-qué de plusieurs façons différentes. D'après l'ingénieuse hypothèse de Chevers, à mesure que les fonctions respira-toires se développent chez le nouveau-né, le larynx s'élève,

entraînant avec lui les nerfs laryngés ; il en résulte que le canal artériel, compris dans l'anse formée par le nerf récur-rent gauche, subit une constriction semblable à celle que pro-duirait une ligature et ne tarde pas à s'oblitérer. Lorsque cette compression est portée trop loin, l'aorte elle-même participe au rétrécissement; et quand il existe une anomalie dans les rapports du tronc vasculaire avec le cordon nerveux, le canal artériel peut demeurer perméable, tandis que l'aorte est frap-pée d'une occlusion plus ou moins complète. À l'appui de ses idées, l'auteur anglais rapporte l'observation de Römer, dans laquelle une constriction de l'aorte coïncidait avec une tension exagérée du nerf laryngé inférieur.

Hamernjk attribue l'occlusion du conduit de Bolal aune exsu-dation plastique qui, lorsqu'elle dépasse les limites physiologi-ques, peut envahir la cavité de l'aorte; ilcroit aussi, danscertains cas, à l'épaississement de la membrane interne de ce vais-seau par un dépôt stratifié. On peut rapprocher de cette ma-nière de voir l'opinion de M. Dumontpallier : d'après cet observateur, l'oblitération du canal artériel est déterminée par un travail inflammatoire, qui provoque la formation d'un bou-chon fibrineux, et peut se propager à l'aorte pour en occasion-ner le rétrécissement.

Rokitansky n'admet point l'intervention d'un caillot oblité-rateur, pour expliquer la transformation du conduit de Botal en cordon fibrineux ; celte métamorphose, d'après les recher-ches de Bochdalek, est le résultat d'un resserrement spontané, et l'anomalie qui nous occupe n'est autre chose que la persis-tance d'un état fœtal. En effet, à une période peu avancée de la vie intra-utérine, l'aorte ne distribue de branches qu'à la tête et aux membres supérieurs, et l'artère pulmonaire s'inflé-chit dans l'aorte abdominale par un prolongement né de sa bifurcation, qui sera plus tard le canal artériel. Un conduit étroit relie les deux moitiés de l'arbre aortique: c'est Yisthme

de 1 aorte, siège habituel des rétrécissements d'origine congé-nitale ; il naît immédiatement au-dessous de la sous-clavière gauche et vient se jeter dans la crosse de l'artère pulmonaire, à une hauteur variable. Plus tard, l'isthme de l'aorte subit une dilatation progressive et tend à se substituer peu à peu au canal artériel ; enfin, à la naissance, le développement des fonctions respiratoires oblige le sang tout entier à se rendre dans les poumons ; c'est alors que le conduit de Botal, aban-donné en quelque sorte par le torrent circulaire, devient une voie de communication superflue et ne tarde pas à s'oblitérer. En même temps, le ventricule gauche, recevant par les veines pulmonaires une masse de sang bien plus considérable qu'au-trefois, envoie à travers la crosse de l'aorte, et l'isthme qui lui fait suite, une ondée volumineuse, qui dilate la portion rétrécie du vaisseau et trace à la circulation générale la voie nouvelle qu'elle suivra désormais.

Qu'on suppose maintenant que, sous l'influence d'une cause inconnue, le conduit de Botal ait subi une oblitération prématurée, une circulation collatérale se développera inévi-tablement pour suppléera ce défaut ; et comme l'état des pou-mons pendant la vie fœtale s'oppose à ce qu'ils deviennent un lieu de passage pour le sang de toute l'économie, l'isthme de l'aorte n'éprouvera point cette dilatation qui survient d'une façon régulière après la naissance ; d'autres vaisseaux, e.' principalement les branches de la sous-clavière seront appelés à combler cette lacune et l'établissement d'une circulation supplémentaire maintiendra pour toujours l'isthme de l'aorte dans un état d'infériorité relative. Mais ce n'est pas tout ; le canal artériel se rétracte en se resserrant; il en résulte un tiraillement qui imprime à l'isthme aortique une flexion an-guleuse, et contribue à l'oblitérer en le déformant[Fig, 51).

En résumé, c'est à une occlusion prématurée du canal arté-riel qu'il faudrait attribuer ces rétrécissements congénitaux,

dont la situation peut offrir quelques légères différences, en raison de l'insertion plus ou moins oblique de l'isthme de l'aorte sur la crosse pulmonaire, et de la hauteur variable à laquelle ces deux vaisseaux se rencontrent.

Cette explication, déjà présentée par M. Reynaud, est adoptée par Peacock, et par la majorité des auteurs allemands. Elle nous paraît aussi la plus satisfaisante de toutes.

Figure 51. — Cette figure schématique, empruntée à Rokitansky, montre le mode de pro-duction des rétrécissements congénitaux de l'aorte. —A, aorte. — C, canal artériel, —ab. a'b', a"b', lignes indiquant la direction suivant laquelle s'opère la rétraction du ca-nal artériel après son oblitération. — 1, 2, 3, points d'insertion de l'isthme de l'aorte sur la crosse de l'artère pulmonaire.

Quand l'insertion de l'isthme aortique a lieu au point i, la rétraction du canal artériel s'opé-rant selon la ligne a'b', le rétrécissement aura lieu au niveau même du canal artériel. Quand l'insertion se fait au point 2, la rétraction ayant lieu selon la ligne ab, le rétrécis-sement sera placé au-dessus du canal artériel. Quand l'insertion se fait au point 3, la ré-traction ayant lieu selon la ligne a'b", le rétrécissement sera placé au-dessous du canal artériel.

Quant aux oblitérations aorliques chez les sujets dont le canal artériel est resté perméable, on les attribue encore à un arrêt de développement, qui aurait porté primitivement sur l'islhme de l'aorte, de manière à nécessiter la conservation du conduit de Botai, pour livrer passage au sang. Ce sont ces anomalies qui ont fait admettre aux anatomistes que l'aorte naissait quelquefois de l'artère pulmonaire.

La science possède aujourd'hui 55 observations de rétrécis-sements congénitaux de l'aorte. Ils se montrent de préférence dans le sexe masculin: sur 38 cas rassemblés par Peacock, 28 ont été observés chez l'homme. Les caractères anatomiques qui les distinguent des coarctations inflammatoires sont les suivants : 1° le siège qu'ils occupent, on les trouve soit au-dessus, soit au-dessous du canal artériel, mais toujours dans son voisinage immédiat; 2° le froncement des parois de l'ar-tère, qui semble, au premier abord, résulter d'une ligature ; 3° l'absence de toute lésion, de tout épaississement des tuni-ques. Ce dernier signe, invoqué par MM. Barth et Cruveilhier, n'est point considéré par tous les auteurs comme un signe caractéristique des rétrécissements congénitaux; il semblerait que, dans quelques cas, les parois de l'artère ont pu subir un travail inflammatoire plus ou moins prononcé.

Le resserrement de l'aorte peut exister à tous les degrés, depuis une diminution de calibre jusqu'à l'oblitération com-plète: cependant il est toujours possible, d'après Rokitansky, de glisser une sonde étroite à travers le cordon fibreux qui a remplacé l'artère, l'occlusion du vaisseau n'est donc jamais absolue. Les limites du rétrécissement sont quelquefois très nettement tranchées; dans d'autres cas, on voit diminuer progressivement le calibre de l'aorte, jusqu'au point où elle présente la plus grande étroitesse. A l'intérieur le vaisseau est souvent cloisonné par des replis qui n'intéressent que les tu-niques internes : la membrane celluleuse passe, à la manière d'un pont, au-dessus de ces dépressions (Dumonlpallier). La cavité de l'artère est souvent remplie de caillots adhérents.

Parmi les conséquences immédiates de celte lésion, on a principalement signalé l'hypertrophie du ventricule gauche, qui peut manquer quelquefois (Reynaud), et la dilatation de l'aorte ascendante au-devant de la coarctation.

Les artères intercostales, qui naissent les unes de la portion

ascendante, les autres de la portion descendante de l'aorte, et qui, même à l'état normal, s'anastomosent si largement entre elles, sont ici plus spécialement affectées au rétablissement de la circulation. La mammaire interne et l'épigastrique,les ar-tères scapulaires et les branches postérieures des intercos-tales, y contribuent également pour une large part. Tous ces vaisseaux ont subi une dilatation manifeste ; on a vu la mam-maire interne offrir le volume du petit doigt.

La persistance du conduit de Bolal a été notée six fois. On a souvent vu coïncider avec les rétrécissements congénitaux de l'aorte d'autres vices de conformation, dont les principaux sont : l'absence des valvules sigmoïdes, l'existence d'une communication inter-ventriculaire et la disparition complète des colonnes charnues qui s'insèrent à la valvule mitrale.

Les symptômes de cette anomalie sont presque exclusive-ment fournis par l'état de la circulation. On constatera un dé-veloppement insolite des artères périphériques sur plusieurs points à la fois; et le volume énorme de l'artère mammaire interne, de la thyroïdienne, de vaisseaux sus et sous-scapu-laires, frappera nécessairement l'attention de l'observateur. En même temps les pulsations de l'artère crurale, tantôt fai-bles, tantôt complètement abolies, indiqueront la présence d'un obstacle au cours du sang dans la partie inférieure de l'aorte. Enfin, l'auscultation, pratiquée sur les côtés du ster-num, fera entendre un murmure doux, que Bamberger com-pare au souffle placentaire.

Dans un cas rapporté par \Valshe, où l'existence d'un rétré-cissement congénital de l'aorte avait été admise, il existait un souille rude au premier temps, ayant son maximum à la base du cœur. Nous ne savons pas si l'autopsie a confirmé le dia-gnostic.

Les signes fonctionnels sont à la fois moins constants et moins caractéristiques. L'hypertrophie du cœur, qui accom-

pagne presque toujours ces rétrécissements, donnera lieu, chez quelques sujets, à des palpitations plus ou moins in-tenses. On a constaté d'autres symptômes d'une gêne de la cir-culation, parmi lesquels la cyanose,-la dyspnée, les hémop-tysies, occupent le premier rang. Des indices de congestion cérébrale ont été quelquefois observés. Enfin, à une période plus avancée de la maladie, on voit survenir de l'œdème et des épanchements liquides dans les cavités séreuses : mais le fait est rare.

Le diagnostic est quelquefois possible (Skoda, Walshe). Il s'appuiera principalement sur les phénomènes vasculaires. L'existence d'une circulation supplémentaire et la dilatation des artères périphériques feront soupçonner une sténose aorti-que, et les antécédents du sujet permettront de distinguer un rétrécissement congénital d'une oblitération accidentelle, dont le début remonterait à une période moins éloignée, et se rat-tacherait aux symptômes de quelque maladie antérieure: d'ail-leurs, la paralysie des membres inférieurs, fréquente dans le second cas, ne s'observe guère dans le premier. Une oblitéra-tion de l'artère axillaire (Bamberger) pourrait, à quelques égards, simuler cette maladie ; mais l'exploration du pouls radial et crural ne laisserait subsister aucun doute sur la vé-rité.

Le pronostic est moins grave qu'on ne pourrait le supposer au premier abord. Chez plusieurs individus, la vie s'est pro-longée au-delà de ses limites ordinaires : le malade de M. Rey-oaud avait 92 ans, et celui de Rœmer était un officier autrichien qui avait pris une part active aux longues et rudes guerres de 'Empire. On admet généralement que les affections du cœur m des poumons offriront, chez les sujets affectés de cette in-firmité, une gravité exceptionnelle. Sur 25 cas rassemblés par Rokitansky, la mort a eu lieu une fois par rupture de l'oreil-lette droite, une fois par rupture du ventricule droit; trois

fois, par la rupture de l'aorte au-dessus des valvules et une fois par la rupture d'un anévrysme disséquant. Dans tous les autres cas, la cause de la mort paraissait étrangère à ce vice de conformation.

On doit donc recommander, aux sujets chez qui cette lé-sion pourrait être soupçonnée, de s'abstenir scrupuleusement de tout excès, d'éviter les grands efforls musculaires, et de mener une vie calme et régulière: grâce à ces précautions, ils pourront souvent atteindre un âge avancé (Bamberger).

Bibliographie. — Nous avons pensé qu'il ne serait pas sans intérêt de présenter le tableau complet des cas de rétrécissement congénital de 1 aorte publiés jusqu'à ce jour. Nous empruntons donc à Forster le relevé sui-vant. 1. Paris. Journal de chirurgie, de Desault, t. II, p. 107, 1789. — 2. Gra-ham. Med. Chi): Trans., vol. V, p. 282, 1814. Ce cas a été reproduit pat II. Rainy, dans le Journal de Corvisart : ce qui est cause qu'il a été compté ?deux fois par la plupart des auteurs. — 3. Cooper (a.). Surgical Essays, b\ Gooper and Travers, 1818.— 4. Otto. Seltne Beobacht, t. II, p. 66. Berlin. 1824. — 5. Meckel und Hermann. Meckels Ar eh., p. 3 45, 1^27. — 6. Reynaud. Journal hebd. de méd., vol. I, p. 161, HÎS ; — 7. Pelletier. Arch. gen. d( méd., t. XVIII, p. 205 ; 1828. — 8. lordan. North. Jour, of Med. and Surg.. t. I, p. 101. London, 183!).- 9. Nixon. Dublin, Journ. of Med. Sc. July. 1832. — 10. Legrand. Du rétrécissement de l'aorte, Paris. 1834. — 11. Har-grave. Houst. Catalogue, t. XI, p. lût. — 12. Mercier. Bull, de la Soc. anat. t. XlV ; 1839. —13. Muriel. Guy's Hosp. Reports, oct. 1842. — 14. Himer. Oest. Méd. Jahrb., 1839. — 15. Craigie. Edim. Med. and Swg. Journ.. oct. '841. —16. Cruveilhier. Anat.path. liv. 40, pl. 111. — 17.Tiedmann. Vor, der Verengerung und Schliessung der Pulsadern.,p. 15; 1843. — 18. llamcrnjk. Oest Wochenschr, n° 10 ; 1843. — 19. Bokitansky. Haudb. der Palh. anat.. t. II, p. 595. — 20 et 21. Bochdalek. Prag. Viertelf IV Band., p. 160 ; 1845. — 22 et 23. Barth et Lebert. Observations lues à la Soc. méd. d'ols. en oct. ei nov. 1850. In Virchow's Archiv., t. IV, p. 333 et 348. — 24, 25 et 26. Grisp Diseases of Blood-Vessels, p. 31 ; 1847. — 27 et 28. Rokitansky. Denkschr. d. Wien Akad. Math. Naturui. Kl. IV. — 29. \Vise. Prov. Med. Journ., n° 147

— 30. N. Ghevers. Lond. Med. Gazette, May 1845. — 31 et 32. Oppolzer. Prag Viertel], 1848. — 33. Van Leeuven. Nedert. Lancet. aug. î84h. — 34. Haer lin. Virch.-Archiv., t. V, p. 273. — 35 et 36. Forster. Haudb der sp. path anat., 1 aufl., p. 167. - 37. WilHgk. Prag. Viertelj, X, "2, 1853. — 38. Flet-cher. Lancet, July, 1842. — 39. Houel. Anat. path., p. 472, 1857. — 40. Du montpallier. Gazette médicale, 1857.— 41. Jones. Trans, of the Pathol.Soc of London, t. VII, 1857. — 42. Dietrich. Deutsche Klin. Febr. 1848. — 43 Rosenstein. Virch. Arch., t. XII, 286.— 44. Skoda. Wien. Wochenschr, 1835

— 45. Lendet. Gazette médicale, 1858 et Comptes rendus de ta Soc. de biol. août 1857.— 46. Wood, Med. Times and Gazette, Febr. 12, 185J. — 47 Schmidt. Verslag orntrent de ziehten v. h. haart en de groote vaten. Rotter dam, 1853. In Canstatl's Jahrbericht, t. 58. - 48. Peacock. British Med. chir Beviewes, t. XXV, p. 467, april 1860. — 49. Barkes. Medico Chirurg. Transact.

t. XLIN, p. 43, !860. — SO.Rauchfuss. Virch. Arch., t. XVIII, 18G0. — 51. Uéraud. Gazette médicale de Paris, 1858. — 52. Schreiber. Wochenbl. d. Gescllschaft d. Aerzte in Wien, n» 2î, p. s:05, 1862. — A ces fails, il faut joindre les ob-servations suivantes, qui ne sont pas mentionnées par Forstcr, ou qui ont paru depuis la publication île son ouvrage.— 53. Walshe. Med. Times and Gazette, 1857. - 54. Viaud-Grandinarais. Bull, de la Soc. anat., 1857. Ana-lysé dans le rapport de M. Vidal. — 55. De Bary. Virchow's Arch., août 1865. Le nombre total des faits jusqu'à présent connus s'élèverait ainsi à cin-quante-cinq.

Rétrécissements accidentels. — Ils peuvent résulter, soit d'une altération intérieure du vaisseau, soit d'une rétraction spontanée, soit d'une pression extérieure.

a) Les affections diverses dont les tuniques artérielles peu-vent devenir le siège ; les productions athéromateuses, carti-lagineuses et calcaires, l'épaississement de ces membranes, leur déchirure partielle, et peut-être une inflammation locali-sée, favorisent le développement de caillots fibrineux, qui, d'abord insérés sur les parois du vaisseau, en réduisent pro-gressivement le calibre par leur accroissement, et peuvent enfin l'oblitérer. Les faits observés par M. Barlh, par Tiede-mann, Goodison, etc., etc., rentrent dans cette catégorie ; et d'après la lecture de ces observations, ce serait presque tou-jours dans la portion inférieure de l'aorte qu'on rencontrerait cette occlusion par thrombose. Ordinairement limitée à une assez faible étendue, elle peut quelquefois occuper une portion notable de l'artère, et pénétrer dans les branches principales qu'elle fournit.

Dans le cas de M. Barth, le caillot obturateur occupait toute la portion de l'aorte située au-dessous des artères rénales, et se prolongeait jusque dans les vaisseaux iliaques ; la fémorale droite et la plupart de ces branches étaient oblitérées ; il en était de même des artères mésentériques.

L'adhérence du caillot aux parois vasculaires est tantôt gé-nérale, tantôt partielle. Il présente une structure tantôt strati-fiée, tantôt homogène, et une densité plus ou moins considé-rable.

Les anévrismes de l'aorte, dont la cavité est remplie de dépôts fibrineux, peuvent amener une occlusion partielle du vaisseau par l'extension du coagulum qui les remplit et qui peut envoyer des prolongements dans le canal même de l'ar-tère. Enfin, les masses emboliques, quand leur volume est con-sidérable, peuvent s'arrêter dans la portion terminale de l'aorte, ou dans l'une de ses bifurcations primitives.

b) A une distance assez considérable du canal artériel, l'aorte peut offrir des coarctations spontanées. Sclilesinger a trouvé, chez une jeune fille de quinze ans, un rétrécissement tellement prononcé sur le trajet de l'aorte thoracique, qu'il se laissait difficilement traverser par une sonde étroite: au-des-sus de ce point, il existait une vaste dilatation ; au-dessous, l'aorte reprenait son calibre ordinaire. De semblables lésions ont été rencontrées également à l'aorte abdominale ; quelques auteurs les regardent comme congénitales ; mais il est permis de supposer qu'après avoir renfermé un caillot obturateur, qui a subi plus tard une résorption complète, l'artère est demeu-rée plus ou moins étroite au niveau de l'oblitération.

c) Les tumeurs de toute espèce, qui, développées au voisi-nage de l'aorte, exercent sur cette artère une compression toujours croissante, finissent quelquefois par l'oblitérer ; les cancers du médiastin, les masses tuberculeuses du poumon ou des ganglions bronchiques, les tumeurs abdominales, les ané-vrysmes volumineux de l'aorte elle-même sont capables de provoquer ce résultat. On voit alors l'artère et ses branches collatérales se dilater au-dessus de l'obstacle.

Symptômes. —Nous avons déjà signalé les principaux phé-nomènes qui sont la conséquence d'un rétrécissement congé-nital ; on les retrouve également chez les sujets atteints d'une obstruction accidentelle : mais il existe, dans ce dernier cas, un symptôme intéressant, que les vétérinaires ont été les pre-

miers à signaler ; nous voulons parler de la claudication in-termittente et de la paralysie des membres inférieurs ou pos-térieurs.

Les oblitérations de l'aorte abdominale ne sont pas extrê-mement rares, dans l'espèce chevaline. Lorsque la compres-sion, exercée par une tumeur voisine, n'en rend pas compte, il faut les attribuer, d'après M. Goubaux, à la rupture delà membrane interne. Il arrive souvent que, pendant le travail, les pieds de derrière viennent à manquer sur un terrain glis-sant; l'animal tombe alors à plat ventre, et l'extension forcée qui en résulte pour les membres postérieurs, peut amener une déchirure de la membrane interne de l'aorte, au point où l'effort est le plus vivement ressenti, c'est-à-dire vers la ré-gion lombaire. Il en est de même quand une ruade est éner-giquement lancée en l'air, sans que les pieds rencontrent un appui. On comprend donc qu'il est très intéressant de consta-ter les signes qui révèlent l'existence de cette lésion chez le cheval, afin d'en faire l'application à la pathologie humaine.

Quand l'oblitération des collatérales ne permet plus au sang de refluer au-dessus de l'obstacle, il se produit une paralysie permanente ; mais aussi longtemps que la circulation peut se rétablir par les anastomoses, on n'observe que des phénomè-nes de claudication intermittente ; l'animal marche bien quand il n'est pas fatigué, mais il commence à boiter dès que la course se prolonge ; bientôt, à bout de forces, il tombe sur le sol, où il reste étendu, en donnant tous les signes d'une vive douleur; les membres sont roides, contractés, refroidis. Au bout de vingt ou trente minutes, les symptômes s'amendent ; l'animal se relève, et reprend toutes les apparences de la santé.

L'un de nous (M. Charcot) a observé, chez l'homme, une lésion semblable, avec les symptômes correspondants. Il s'a-gissait d'une oblitération de l'artère iliaque primitive droite,

avec claudication intermittente dans le membre inférieur du même côté ; le malade était sujet à des accès de paralysie dou loureuse, provoqués par la marche, et dissipés par le repos. Celte oblitération avait été occasionnée par un anévrisme de la portion terminale de l'aorte, situé auprès d'une balle logée au voisinage du sacrum. (Yoir plus loin, p. 572.)

Ces faits qui correspondent aux données de l'expérimenta-tion physiologique chez les animaux, et aux effets bien connus de la ligature de l'aorte chez l'homme, offrent une impor-tance capilale, au point de vue du diagnostic. Si la paraplégie n'a pas été toujours observée chez les malades atteints d'une lésion de ce genre, ils ont éprouvé néanmoins de l'affaiblis-sement, de l'atrophie musculaire, et des fourmillements dans les jambes. Ces symptômes ont été jusqu'à la paraplégie com-plète chez un homme dont l'histoire est rapportée par Gull et qui présentait une dilatation tellement prononcée des ar-tères périphériques, qu'on ne pouvait mettre en doute l'exis-tence d'une oblitération de l'aorte.

Au reste, le cours du sang se rétablit plus facilement chez les sujets atteints d'une obstruction accidentelle que chez ceux qui présentent un rétrécissement congénital ; car, dans le premier cas, le siège de l'obstacle étant presque toujours situé plus bas que dans le second, les voies ouvertes à la circulation supplémentaire sont, à la fois, plus nombreuses et plus va-riées, et les vaisseaux pelviens peuvent entrer en jeu. C'est peut-être ce qui explique pourquoi, dans quelques cas de cette espèce, il n'existait pas une dilatation sensible des ar-tères collatérales (Barth). L'atrophie des membres inférieurs, dans de telles conditions, n'a presque jamais lieu.

Pronostic. —Le pronostic dépend essentiellement ici de la cause qui a provoqué l'occlusion de l'aorte. Dans les cas où il s'agit d'une compression exercée par une masse solide, il est

évident que la gêne de la circulation n'est qu'un épiphéno-mène de la maladie, dont la marche dépend essentiellement de la nature et du progrès de la tumeur. Lorsque, au con-traire, une altération intérieure du vaisseau est le point de départ des accidents observés, la gravité de l'affection dépen-dra du siège et de l'étendue du rétrécissement, ainsi que du degré de coarctalion qu'il présente. Ce n'est guère que dans les cas d'oblitération absolue qu'on observe la paralysie et le sphacèle des extrémités. Les ruptures de l'aorte ne survien-nent guère ici qu'à la suite d'efforts violents ; et la vie peut se prolonger assez longtemps, dans les cas d'obstruction acci-dentelle, comme nous l'avons déjà vu pour les rétrécissements congénitaux.

Bibliographie. — Velpeau. Exposition d'un cas remarquable de maladie cancéi eti.se avec oblitération de l'aorte. Paris 1825. — Barth. Presse -médicale, 1837, et thèse pour le doctorat, même année. — Tiedemann, Von der Veren-geruinj und Schliesswig der Pulsadern. Heildelberg, 181 S. — Andral. Anat. pathol., t. Il, p. 373. — Bouillaud. Dict. de Méd. et deChir. prat., Art. Aorte. — Dalmas. Dict. de Méd. en. 30 vol. — Goubaux. Mémoire sur les paralysies du cheval causées par l'oblitération de l'aorte postérieure, sic, aie. In Recueil de Méd. vêtér. prat. 1846. — Charcot. Sur la claudication intermittente obser-vée dans un cas d'oblitération complète a'une des artères iliaques primitives. In Gaz. méd. de Paris, 1859. (Voir plus loin, p. 000.) — Gull. Case of Pava-plegia from obstructed Aorta. In Guy's Hosp. Reports. 3i séries, vol. III,. p. 311 ; 1855.

YI. COiNCHÉTIOiNS FIBRINEUSES DE l'AORTE.

Les auteurs du XYIF siècle, qui avaient étudié avec intérêt la question à.es polypes du cœur, savaient aussi que des obs-tructions de ce genre pouvaient exister dans les gros vais-seaux. Un des monuments les plus curieux que possède la science à cet égard, est l'opuscule de Knips Macoppe, qui rap-porte une observation de ce genre, dans laquelle le diagnostic fut porté pendant la vie (!).

Un professeur célèbre de l'Université de Padoue, Carlo Patini, souffrait depuis longtemps d'une affection étrange

dont les plus habiles médecins n'avaient pu reconnaître la na-ture. Consulté à cet égard, par le malade, Knips Macoppelui adressa une lettre dans laquelle, après avoir discuté les diverses hypothèses qui pouvaient rendre compte des symp-tômes qu'il éprouvait, il s'arrêta à l'idée d'un polype situé à l'orifice aortique du cœur et venant obstruer le canal de l'aorte : il considère une affection pareille comme incurable et prédii en conséquence une mort prochaine à son illustre correspon-dant.

Nous apprenons par un appendice ajouté à cet opuscule pai le premier éditeur, que ce lugubre pronostic s'étant prompte-ment vérifié, l'autopsie eut lieu, à la grande gloire de Knips, et à la confusion de ses contradicteurs. On trouva un polype d'une forme très régulière, au point qu'il avait indiqué; et, conformément aux idées du temps, on crut qu'il s'agissait d'une sorte d'entozoaire du cœur, dont le développement est comparé, par l'auteur, à celui d'une plante. Telle est peut-être l'origine du mot végétation, appliqué aux concrétions fîbri-neuses du cœur et des grosses artères.

Cet opuscule ayant été souvent cité d'une manière inexacte, nous avons cru utile d'en donner ici une rapide analyse ; il nous fournit, en effet, des notions intéressantes sur la manière de voir des anciens à cet égard.

De nos jours, la question des polypes du cœur ayant été complètement élucidée, l'histoire des concrétions fîbrineuses de l'aorte présente un intérêt nouveau, d'autant plus que les travaux récents qui ont mis en lumière les conséquences des embolies artérielles, ont démontré qu'elles peuvent avoir pour point de départ des végétations de cette espèce.

Il est assez rare de trouver sur le trajet de l'aorte une thrombose oblitérante, mais les caillots pariétaux y sont assez fréquents, surtout lorsque la surface interne du vaisseau est dépolie et rugueuse. On les rencontre quelquefois à la surface

de dépôts alhéromateux ; cependant des concrétions fîbri-neuses peuvent se former sur des points où les parois arté-rielles sont parfaitement saines ; elles semblent alors adhérer, par simple juxtaposition, à la membrane interne. On les voit quelquefois acquérir un volume énorme, sans gêner manifeste-ment la circulation. Chez une femme âgée, M. Vulpian a trouvé une concrétion fibrineuse de 3 centimètres de long sur 2 de large : elle siégeait à 5 centimètres au-dessous de l'ori-gine delà sous-clavière gauche, et occupait le côté postérieur de l'artère, qui était saine à ce niveau.

Ces dépôts fibrineux, quel que soit d'ailleurs leur volume, subissent, tôt ou tard, la métamorphose régressive, et se transforment en une sorte de bouillie composée de granula-tions moléculaires et de globules graisseux, nageant dans un liquide séreux. Chez une femme qui mourut à la Salpêtrière, des suites d'un ramollissement cérébral, nous avons trouvé, immédiatement au-dessous de l'origine de la sous-clavière gauche, deux kystes puriformes de cette espèce, offrant une forme ellipsoïde, et un volume à peu près égal à celui d'un œuf de pigeon. La coque fibrineuse, blanche et résistante, qui en formait l'enveloppe, était d'une minceur extrême : toute la cavité du kyste était remplie d'un liquide offrant la plus grande analogie avec du muco-pus verdâtre, et présen-tant, au microscope, les éléments de la fibrine dégénérée. Il existait une multitude de petits coagulums semblables sur le trajet de l'aorte, dont les parois étaient parsemées de pla-ques athéromateuses ; et le sang de l'artère fémorale ren-fermait des gouttelettes graisseuses en assez grande abon-dance.

Bien que le siège de ces concrétions, placées au dehors de l'origine des artères carotides, ne permit point de leur attri-buer les accidents encéphaliques, on comprend que de telles collections sont de véritables nids à embolies, et peuvent aisé-

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons et Cœur. 35

ment fournir les matériaux d'oblitérations capillaires sur une multitude de points à la fois.

Les dilatations séniles de l'aorte sont souvent occupées par des coagulums de ce genre ; M. Vulpian en a récemment trouvé dans une ampoule qui occupait la partie inférieure de l'aorte abdominale. Chez quelques malades, il existe une véri-table dialhèse de concrétions fibrineuses; on en rencontre sur des points très divers du système artériel.

Dans l'aorte, ces sortes de végétations ont souvent une ten-dance à devenir pédiculées, ce qui en favorise le détachement. L'un de nous (M. Charcot) a vu chez une femme, morte de phlhisie pulmonaire, une concrétion fibrineuse de la grosseur d'une noisette dans l'aorte, immédiatement au-dessous de l'ori-gine des vaisseaux du cou. Elle adhérait aux parois artérielles par un pédicule très étroit ; elle était très mobile, et avait dû être ballottée par le torrent circulatoire. Il existait, chez le sujet de cette observation, des dépôts fibrineux multiples dans les deux reins.

Il nous serait facile de multiplier les cas de cette espèce; mais il est aisé de comprendre que de telles végétations, qui peuvent subsister longtemps dans l'aorte sans occasionner de troubles appréciables dans la circulation, sont destinées à s'en détacher tôt ou fard, en totalité ou en partie : il en résulte tantôt des altérations viscérales, tantôt des obliléralions d'ar-tères d'un gros calibre, qui expliqueraient les gangrènes su-bites dont les extrémités sont parfois atteintes chez les veil-lards. Nous avons quelquefois observé des cas de ce genre.

Lorsque les détritus fibrineux qui ont subi la régression graisseuse sont transportés dans le torrent circulatoire, des ac-cidents infectieux peuvent en être la conséquence. M. Vul-pian a présenté, l'année dernière, à la Société médicale des hôpitaux,un cas de ce genre. Un kyste fibrineux de l'oreillette gauche avait éprouvé la fonte puriforme ; sa rupture fut suivie

d'accidents apoplectiques et d'un état typhoïde, qui se ter-mina par la mort.

Nous savons déjà que les végétations fîbrineuses implantées sur l'aorte peuvent, elles aussi, subir ce travail régressif. Chez une femme âgée qui mourut à la Salpêtrière avec des symp-tômes typhoïdes très prononcés, M. Charcot trouva, pour toute lésion, des ulcérations athéromateuses et des kystes fibrineux de l'aorte qui, après avoir éprouvé la régression graisseuse, avaient versé leur contenu à l'intérieur de ce vaisseau : aussi le sang artériel, examiné sur plusieurs points, offrait-il des corpuscules granuleux et des gouttelettes huileuses en grande abondance. Il paraît donc démontré, d'après ces faits, que la bouillie alhéromateuse ou la fibrine altérée peuvent détermi-ner, une fois transportées dans le sang, des accidents analo-gues à ceux des infections générales les plus graves. — On peut rapprocher ces phénomènes des conséquences, aujour-d'hui si bien connues, de l'endocardite ulcéreuse.

Bibliographie. — Knips-Macoppe (Alex.). De aortœ polypo ¿pistola medica, edita ab Alex. Knips-Macoppe, philosopho et medico. Lugduni, 16'.)3. — Sumptibus ladorini ; et Brixiœ, 1731, sump'ibus Caroli Gromi. — Cet auteur est cité par Virchow, sous le nom de Knisma Kopp. — Bail. Kystes fibrineux de l'aorte. In Mémoires de la Société de Biologie, 1862. — Moreaud. Contri-bution à L'étude des kystes fibrineux de l'aorte. Thèses de Paris, 1864, no 156. — Lancereaux. Mémoires d'anatomie pathologique. Paris, 1863, p. 161. — Vulpian. Bulletins de ta Société médicale des hôpitaux de Paris, 1865, p. 10.

VII. Embolies de l'aorte.

Il est assez rare, en raison du calibre exceptionnel du tronc aortique, de rencontrer à l'intérieur de ce vaisseau des caillots migratoires; cependant on comprend qu'à la rigueur, des fragments détachés d'une tumeur pulmonaire, des masses so-lides développées au sein des cavités gauches du cœur, pour-raient quelquefois s'arrêter dans l'aorte elle-même. C'est ainsi que Cruwel, cité par M. le professeur Andral, a vu l'orifice

aortique occupé par une concrétion ossiforme ; c'est ainsi que MM. Vidal et Lancereaux, dans des cas de cancer pulmonaire, ont trouvé des débris cancéreux dans le cœur gauche et dans l'aorte elle-même. C'est au niveau de la bifurcation du vais-seau, que les obstructions de ce genre auraient naturellement le plus de tendance à se produire. Nous avons vu, dans le ser-vice de M. Moissenet, à l'hôpital Lariboisière, une oblitération embolique de l'artère iliaque primitive, immédiatement au-dessous de son origine, par des végétations détachées de la valvule mitrale : il en était résulté une gangrène du membre correspondant, qui se termina ultérieurement par la mort.

VIII. Entozoaires de l'aorte.

Indépendamment des animalcules qui peuvent existera l'é-tat libre dans le sang, on rencontre, chez les animaux, des helminthes, d'une nature spéciale, logés à l'intérieur des vais-seaux artériels.

Ruysch est le premier observateur qui ait signalé ce fait : c'est chez le cheval qu'il avait constaté cette lésion singulière. Soixante ans plus tard, Schulze découvrit un anévrisme ver-mineux dans l'artère mésocolique d'une vieille jument. Dans l'espèce canine, Morgagui et Courten ont trouvé plusieurs fois des vers logés dans l'épaisseur des parois de l'aorte ; mais, de-puis cette époque, c'est principalement dans la famille des so-lipèdes qu'on a constaté l'existence de ces entozoaires. Us oc-cupent habituellement des poches anévrismaliques dévelop-pées sur le trajet de l'artère mésentérique supérieure : on peut cependant les rencontrer sur d'autres points, et notamment sur le trajet de l'aorte elle-même; mais c'est toujours la por-tion abdominale de ce vaisseau qui en est le siège.

C'est à l'intérieur même des concrétions fibrineuses qui remplissent la cavité de l'anévrisme qu'on découvre ces vers?::

ils ont été décrits par plusieurs observateurs, sous le nom de Crinons; Rudolphi les a classés dans le genre strongle, et en fait une espèce à part sous le nom de strongylus armatus mi-no?'. M. Rayer, dans un mémoire approfondi sur cette matière, où les travaux de ses devanciers sont résumés et souvent rec-tifiés, a donné de cet entozoaire une description détaillée. Le défaut d'espace nous interdit de la reproduire ici: contentons-nous de faire observer que, sauf le volume, ces petits vers ressemblent, à presque tous les égards, au stro?igylus armatus major, qui habite l'intestin des solipèdes.

On regardait autrefois ces helminthes comme la cause pre-mière de la lésion artérielle; leur présence, d'après plusieurs observateurs, pouvait amener des ulcérations de la membrane interne des vaisseaux, et même provoquer une inflammation suppurative. M. Rayer, dans ses recherches, n'a jamais rien rencontré de pareil ; il fait observer d'ailleurs que ces tumeurs vermineuses appartiennent à la catégorie des anévrismes vrais, et sont constitués par la dilatation de toutes les tuniques. Sans doute, il existe un épaississement des parois artérielles et une hypertrophie de la tunique moyenne ; mais ces altérations, fort bien décrites par MM. Trousseau et Leblanc, n'autorisent point à croire que la formation de la poche soit postérieure à l'éclosion des vers qui l'habitent. Hering attribue le dévelop-pement de ces anévrismes, presque toujours situés sur le trajet des artères intestinales, aux tiraillements que ces vais-seaux éprouvent pendant le travail des animaux ; mais M. Rayer fait observer, avec raison, que l'anôvrsme par tirail-lement offre des caractères anatomiques qu'on ne retrouve point dans les anévrismes vermineux. Dans ces derniers temps, M. Davaine, revenant, en partie, aux opinions an-ciennes, attribue aux entozoaires la part principale dans le développement de ces tumeurs. Malgré les arguments plau-sibles qu'il présente à l'appui de ses idées, nous croyons pou-

voir dire que, jusqu'à présent, 1 étiologie de cette auection reste indéterminée.

Des anévrismes vermineux ont été récemment signalés chez l'homme, par Kussmaul et Maier ; au reste, comme ces lésions ne siégeaient pas sur le trajet de l'aorte elle-même, mais seulement sur certaines de ses branches principales, nous ne croyons pas devoir nous en occuper ici.

Bibliographie. — Ruysch. Opera omnia. Dilucidatio valvulanim arcessit. In Obs. Anat. 1737. — Schulze. De anevrysmate verminoso in arteria meso-colica equae. In Aet. phy. med. nat. Cur., t. I, p. 519. — Chabert. Traité des maladies vermijieuses dans les animaux. Paris, 1782, p. 19. — Ilodgson. On the Disease of Arteries. London., 18)5. — Trousseau et Leblanc. Arch. yen. de MM., t. XVI, p. 193 ; 1828. — Hcring. Mémoires sur les anévrismes internes du cheval. In Recueil de Médecine vétérinaire. Paris, 1830. — Rayer. Recher-ches critiques et nouvelles observations sur l'anévrisme vermineux et le stron-gylus armatus minor. In Archives de médecine comparée, n° 1. Paris, 1842. — Davaine. Trente des entozoaires et des maladies vermineuses de l'homme et des animaux domestiques, p. 389. Paris 1860.

IX. Hypertrophie et atrophie des tuniques de l'aorte.

Par suite d'une multitude d'affections diverses, les tuniques constituantes de faorte peuvent s'épaissir ou s'amincir soi' isolément, soit collectivement.

L'épaississement de la membrane interne est le premiei degré de l'altération alhéromateuse ; celui de la membrane moyenne est presque toujours consécutif aux lésions de la couche èpithéliale, et s'accompagne d'une friabilité et d'une induration marquées ; on ne l'observe guère que chez les vieillards. 11 en est de même pour la tunique celluleuse.

L'hypertrophie simultanée des trois tuniques coïncide ordi-nairement avec l'élargissement et l'allongement du vaisseau , on la rencontre d'une façon presque constante dans les dila-tations flexueuses du tronc aortique, qui ont été signalées pai divers auteurs chez les vieillards, et dont il a été question plus haut. Les exsudations dont les parois artérielles sont infiltrées,

à la suite d'une inflammation aiguë ou chronique, donnent souvent naissance à un épaississement permanent des trois tu-niques : on observe la même disposition au niveau des rétré-cissements accidentels, et surtout dans la portion dilatée de l'aorte, qui siège immédiatement au-dessus.

L'atrophie des trois tuniques, avec resserrement général du calibre du vaisseau, résulte d'un arrêt de développement, comme nous l'avons vu plus haut. Les atrophies partielles ou locales sont invariablement la conséquence d'une lésion de structure.

X. Ruptures et perforations de l'aorte par cause interne.

Les solutions de continuité de l'aorte, quelle que soit leur étendue, sont presque toujours immédiatement mortelles. Une hémorrhagie foudroyante se déclare soit à l'extérieur, soit à l'intérieur; le sujet pâlit rapidement, perd connaissance et expire.

Il existe cependant quelques cas exceptionnels dont l'issue n'est pas aussi promptement funeste. Les ruptures de l'aorte (hors le cas d'anévrisme) et nous en dirons lout-à-l'heure les causes, peuvent ne point intéresser toute l'épaisseur des tuni-ques artérielles ; dans ce cas, l'épanchement sanguin se fait entre les lamelles qui constituent les parois du vaisseau, et il se forme un anévrisme disséquant. Lorsqu'au contraire les trois tuniques ont été simultanément déchirées, une hémor-rhagie foudroyante a presque toujours lieu ; cependant, il arrive parfois que la vie se prolonge pendant quelques heures, et même quelques jours. On peut supposer, en pareil cas, que la tunique celluleuse, demeurée intacte après la rupture des deux autres, a pu momentanément résister à l'efTort du sang: la mort n'est survenue qu'au moment où elle a cédé. S'il ne s'est point formé, en pareil cas, un anévrisme disse-

quant, cela tient à la cohésion intime des tuniques, qui est la règle chez les jeunes sujets et chez ceux dont l'aorte n'a point subi d'altérations pathologiques, c'est effectivement chez les vieillards qu'on observe le plus souvent ce décolle-ment des membranes, qui permet au sang de s'infiltrer dans leur interstice. Les faits chirurgicaux dont nous n'avons pas à nous occuper ici spécialement, mais que nous pouvons invo-quer à titre d'exemple, viennent, du reste, à l'appui de cette manière de voir. Ainsi, un choc exercé sans intermédiaire sur le vaisseau lui-même, comme il arrive pour les plaies d'armes à feu, peut en dissocier les lamelles, tout en les perforant ; nous en avons rapporté plus haut un exemple, d'après Roki-tansky. Il semblerait donc que, toutes choses égales d'ailleurs, une secousse plus violente est nécessaire pour séparer les tu-niques d'une artère que pour les déchirer.

Dans la majorité des cas les ruptures de l'aorte succèdent à une altération de texture: la dégénérescence alhéromateuse, ^e cancer, l'amincissement des parois artérielles, sont au nom-bre des causes prédisposantes les plus efficaces. L'accident peut alors se produire spontanément, mais, en tout cas, comme il sera dit à l'article : Lésio?is traumatiques de l'aorte, du Diction., un effort peu considérable, une cause extérieure des plus insignifiantes en apparence suffisent pour le déterminer. Chez le vieillard dont Morgagni a rapporté l'histoire, la rup-ture fut occasionnée par un simple coup de bâton asséné à la région dorsale. Les individus affectés d'un rétrécissement ou d'une oblitération de l'aorte sont exposés aussi, on vient de le voir, à ce genre de mort ; mais nous répétons ici qu'il existe néanmoins quelques cas de rupture sans lésion préalable des tuniques ; presque toujours, en pareil cas, le sujet était tombé d'un lieu élevé et la déchirure de l'aorte s'explique par la tension violente qu'elle a dû supporter.

La fente artérielle est plus souvent horizontale que longitu-

dinale : on la trouve parfois oblique ou en forme de spirale. Son étendue, extrêmement variable, peut n'offrir que deux ou trois lignes, ou embrasser les trois quarts de la circonfé-rence du vaisseau. Sur tous les points de son trajet, l'aorte peut offrir des fissures ; néanmoins, la portion ascendante en est le siège habituel; voilà pourquoi l'hémorragie consécu-tive se fait plus souvent dans le péricarde que partout ailleurs.

Les perforations aortiques, à bien des égards, se rappro-chent des ruptures. Elles succèdent à des lésions développées dans les organes voisins ; c'est ainsi qu'un abcès formé dans le tissu cellulaire de la région cervicale a pu s'ouvrir dans la crosse de l'aorte et déterminer une hémorragie promptement mortelle ; c'est ainsi que la trachée, les bronches et l'œso-phage peuvent devenir le point de départ d'un travail ulcéra-tif qui finira par envahir les tuniques artérielles pour les per-forer. Il faut rattacher sans doute à ce mécanisme les cas où la présence d'un corps étranger dans l'œsophage a provoqué la rupture de l'aorte.

Il en sera de même lorsqu'une tumeur cancéreuse, après avoir envahi les parois du vaisseau, subit un ramollissement qui laisse à découvert la membrane interne : la pression du sang suffit alors pour la déchirer. Ainsi, M. Bucquoy a mon-tré à la Société anatomique une perforation de l'aorte occa-sionnée par un épithélioma de l'œsophage : l'ouverture faisait communiquer l'artère avec la bronche gauche, qui était elle-même perforée ; il y eut plusieurs vomissements de sang, avant la mort.

Un cas analogue a été observé par M. Lancereaux. La per-foration occupait l'aorte descendante et provenait d'un cancer épilhélial de l'œsophage, situé à quelques centimètres au-des-sus du cardia. Fuller a vu une perforation considérable de

l'aorte abdominale se produire à la suite d'une carie des deux dernières vertèbres lombaires. Il serait facile de multiplier les exemples de ce genre ; mais nous ne voulons pas insister plus longuement sur ce point. Comme pour les perforations anévrismales on voit souvent, en pareil cas, plusieurs hémor-rhagies successives se déclarer avant la mort.

XI. Cancer de l'aorte.

Bien que les artères ne soient jamais primitivement affec-tées de cancer, on les voit quelquefois se désorganiser au contact d'une masse encéphaloïde ou squirrheuse développée dans leur voisinage immédiat. Cette espèce d'infiltration can-céreuse est elle-même un fait exceptionnel, car les vais-seaux, et surtout les artères, résistent en général à la marche envahissante des tumeurs malignes; mais la science en possède incontestablement des exemples, et, dans quelques cas, rares à la vérité, l'aorte elle-même a subi ce travail pathologique. On a vu des végétations de mauvaise nature, insérées sur le péricarde, contracter des adhérences avec l'aorte, à son origine, pour en ronger les parois et déterminer une perforation ulté-rieure (Destouches). Quelques observations de ce genre sont disséminées dans les traités classiques.

Les tumeurs épithéliales peuvent également se propager à l'aorte par voie de contiguïté. Dans le cas présenté à la So-ciété anatomique par M. Lancereaux, l'œsophage avait été le point de départ de la lésion, les deux tuniques externes de l'aorte avaient été envahies, et la membrane interne s'était rompue.

Bibliographie. — Laënnec. Traité d'auscultation médiate, t. IV, p. 295, lre édit. — Broca. Ruptures de l'aorte, in Bull, de la Soc. anat., 1850. — Bucquoy. Bull, de la Soc. anat., 1851. — Lancereaux. Bull, de ta Soc. anal., 1855.

XII. Palpitations nerveuses de l'aorte.

Les battements épigastriques, dont Ilippocrate avait signalé l'existence, ont été probablement confondus, dans le prin-cipe, avec les pulsations qui résultent des anévrismes abdo-minaux ; mais depuis que les progrès de nos connaissances anatomiques nous ont permis d'éviter, au moins dans la plu-part des cas, une erreur semblable, il est avéré que, sous l'influence de causes inconnues, et en l'absence de toute lésion organique, l'aorte est quelquefois agitée de palpitations violentes.

Le creux épigastrique est le siège habituel de ces batte-ments, qui peuvent cependant exister sur le trajet de l'aorte ascendante, où ils occasionnent une tendance aux lipothymies, et sur celui de l'aorte descendante thoracique dans ce dernier cas, d'après Laënnec, les bruits du cœur s'entendent plus distinctement dans le dos qu'à la région précordiale.

On pourrait rapprocher de ces troubles nerveux de la cir-culation artérielle, les phénomènes singuliers qu'on observe dans la cachexie exophtalmique, où les battements violents des carotides et le bruit de souffle quelquefois perçus sur le trajet de l'aorte ascendante, ne sont en rapport avec aucune lésion organique appréciable.

L'histoire des battements épigaslriques ayant été déjà tracée à l'article Abdomen (t. I du Dictionnaire encyclop. des sciences méd., p. 136), nous terminerons ici Y étude des maladies de laorte \

' Ce travail fait en commun avec M. le Dr Ball, est extrait du Dictio?i-naire encyclopédique des science médicales.

VII.

Sur la claudication intermittente observée dans un cas d'oblitération complète de l'une des artères iliaques primitives 1.

L'observation intéressante, à plus d'un titre, qui fait l'objet de la présente communication, nous paraît pouvoir être rap-prochée des cas de claudication intermittente par oblitération artérielle, bien connus aujourd'hui en pathologie hippique et sur lesquelles nos collègues, MM. Goubaux et H. Bouley, aux-quels on doit d'importants travaux sur ce sujet, ont plusieurs fois appelé l'attention de la Société ; aussi, avant d'exposer les particularités du fait qu'il nous a été donné d'observer chez l'homme, croyons-nous utile de rappeler sommairement en quoi consiste, chez le cheval, cette variété de laclaudicalion intermittente ; quels sont les symptômes qui la caractérisent et les lésions qui les produisent. Pour ne point nous égarer sur un terrain qui nous est peu familier, nous ne cesserons de prendre ici pour guides les travaux des observateurs distingués que nous venons de nommer.

I.

L'animal qui, jusque-là, avait fait un bon service et qui peut d'ailleurs présenter toutes les apparences de la meilleure santé, est pris tout-à-coup, pendant le travail ou la course, de boite-

1 Mérn. de la Société de Biologie, 1858, p. 225.

rie dans un ou plusieurs membres, le plus souvent dans les deux membres postérieurs à la fois. Si on lui accorde alors quelques heures de repos, cela suffit en général pour faire dis-paraître tous les accidents, et on peut le remettre au trot. Au commencement de cette nouvelle expérience on n'observe d'abord aucune irrégularité dans la progression ; mais au bout d'un temps variable, parfois de quelques minutes seule-ment, la boiterie se reproduit. Qu'on frappe, en ce moment, l'animal pour le forcer à accélérer son allure, et on le verra bientôt donner les signes de la plus vive anxiété; il est pris d'un tremblement général et trépigne violemment; ses yeux sont fixes et hagards, et sa physionomie, en un mot, exprime une souffrance profonde ; son corps se recouvre d'une sueur abondante ; sa respiration s'accélère et devient bruyante en même temps que les battements du cœur se précipitent; en-fin, à bout de forces, il se laisse tomber sur le sol, où il se roule quelquefois et se débat, à la manière des chevaux affectés de coliques violentes. Pendant ce temps une observation at-tentive des membres atteints de claudication permet de cons-tater les phénomènes suivants ; ces membres paraissent être le siège principal de la douleur, autant du moins qu'on peut en juger parles attitudes particulières et incessamment variées que leur imprime l'animal ; ils sont roides, comme contractu-res, placés dans la flexion ou dans l'extension forcée : les bat-tements des artères n'y sont point perçus ; la température s'y abaisse très manifestement, et la sensibilité y est considérable-ment diminuée ou même tout-à-fait éteinte, si bien que l'ap-plication de moxas n'y provoque point de douleur. On a vu dans un certain nombre de cas la peau du membre affecté rester sèche alors que le reste du corps était baigné de sueur. Au bout de vingt ou trente minutes, quelquefois plus, quelque-fois moins, tous les symptômes s'amendent ; l'attitude de-vient plus tranquille, la respiration se ralentit ; les battements

du cœur reprennent leur rliytme normal, l'expression de souf-france s'efface ; enfin le membre atteint de boiterie récupère sa mobilité, prend sur le sol un appui solide, en même temps que la température et la sensibilité y redeviennent normales, Bientôt l'animal a repris toutes les apparences de la santé. A le voir alors quelque temps après la disparition de ces acci-dents, «parfaitement droit sur ses quatre membres, libre dans ses allures, l'œil vif et expressif, les narines au vent l'oreille mobile et attentive, on a vraiment peine à le recon-naître ». Une fois la maladie constituée, ces accès de paralysie douloureuse, si singuliers et si caractéristiques, mais qui peu vent, on le conçoit, présenter quelques variantes dans chaque cas particulier, ces accès se manifesteront à coup sûr dès que les conditions que nous avons indiquées se seront reproduites Ainsi, tant que le cheval reste au pas, sa démarche assurée présente tous les caractères de l'état normal ; mais àpeinea-t-i trotté pendant quelques minutes que la claudication réparai! tout-à-coup. Ce retour fatal des accès constitue une sorte d'in-firmité incurable ; aussi les animaux atteints de ce genre de boiterie sont-ils en général promptemenl sacrifiés. On a pu ce-pendant suivre, dans plusieurs cas, la maladie jusque dans se; phases les plus avancées ; on a remarqué alors qu'avec le temps les accès se rapprochent ou, pour mieux dire, devien-nent plus faciles à provoquer sous l'influence des mouvements que nécessitent le travail oula course. Enfin, la paralysie tend à devenir permanente, et certaines paraplégies plus ou moins complètes ont été précédées, chez le cheval, par les phénomè-nes de la claudication intermittente. J'ignore si le sphacèle du membre a jamais été observé comme conséquence ultime de cette affection.

A cet ensemble de symptômes, répond constamment, ainsi qu'on s'en est maintes fois assuré, une oblitération plus ou moins complète des troncs artériels principaux du membre af-

fecté. L'artère, dont les diverses tuniques peuvent être à peu près exemptes d'altérations, est remplie plus ou moins complè-tement et distendue, par un caillot fibrineux décoloré, jaunâ-tre, résistant, élastique, formé de couches concentriques, en un mot, de formation ancienne. Ce caillot est quelquefois inti-mement uni à la membrane interne dont on ne la détache qu'avec peine, d'autres fois il n'y adhère que faiblement. Dans le cas de beaucoup le plus commun, où les deux membres pos-térieurs ont été simultanément atteints de claudication, il siège dans l'aorte postérieure et se prolonge quelquefois dans les iliaques interne et externe; si, au contraire, la boiterie portait exclusivement sur un des deux membres antérieurs, c'est le tronc brachial correspondant et quelques-unes de ses principales branches qui se trouvent oblitérées. Dans tous les cas, et ceci est un point important à noter, les branches de troisième et quatrième ordre sont partout libres, ou si elles renferment des caillots fibrineux, ceux-ci sont évidemment de date récente et ne remplissent pas complètement la lumière des vaisseaux, si bien que la circulation artérielle interrom-pue par l'oblitération des troncs principaux a pu se rétablir dans les branches secondaires d'une manière plus ou moins complète par la voie des anastomoses.

L'existence de caillots fibrineux oblitérants, dans les troncs artériels principaux du membre affecté, n'est d'ailleurs pas ici une condition essentielle ; des vices anatomiques d'un autre ordre pourront, on le conçoit, dans certaines circonstances données, produire au même degré l'oblitération de ces mêmes troncs artériels, et déterminer à leur tour la claudication in-termittente : c'est ainsi que dans un cas fort intéressant, pré-senté, il y a deux ou trois ans, à la société par M. Bouley et, dans lequel la boiterie portait sur le membre antérieur droit on a trouvé le tronc brachial correspondant oblitéré par une tumeur anévrismale qui s'était formée dans l'épaisseur même

de la paroi du vaisseau (anévrisme disséquant).— Oblitération plus ou moins complète des troncs artériels principaux d'un ou de plusieurs membres, perméabilité des branches artérielles secondaires, permettant le rétablissement plus ou moins facile de la circulation, au-dessous de la partie oblitérée par la voie des collatérales, telles paraissent être, en résumé, les seules conditions nécessaires à la production de l'espèce de claudi-cation intermittente dont il s'agit.

II.

Les mêmes conditions anatomiques se sont trouvées réunies chez le malade dont nous allons rapporter l'histoire, et les symptômes correspondants à ces lésions, ont été, comme on va le voir, semblables à ceux qu'on observe en pareil cas, chez le cheval.

Observation.— Artère iliaque primitive droite en partie trans-formée en anévrisme, en partie complètement oblitérée. (Oblitération ligamenteuse). — Claudicationintermittente dans le membre inférieur droit ; une communication s'établit entre l'anévrisme et la cavité de l'intestin; hémorragies gastro-intestinales répétées ; mort, à la suite de ces hémorragies.

Le nommé Letébure (Jean), âgé de 54 ans, peintre en bâtiments, rentre, le 5 août 1851, à l'hôpital de la Charité, salle Saint-Michel, n° 7 (service de M. Rayer). C'est un homme vigoureux, d'une bonne constitution et qui n'a pas trop abusé des boissons alcooli-ques. Il a d'abord servi, sous l'empire, puis en 1830, en Afrique, où il reçut une balle qui pénétra à ce qu'il paraît, dans le flanc droit, et ne put être extraite. De retour dans ses foyers, il a exercé la profession de peintre en bâtiments. Trois ou quatre accès de coli-ques de plomb, qui n'ont d'ailleurs pas été très intenses, étaient les seules affections médicales de quelque importance qu'il eut ja-mais éprouvées, lorsque, il y a huit mois, il fut pris tout-à-coup,

en sortant de dîner, d'un vomissement de sang de couleur ruti-lante, non mélangé aux aliments ; puis il rendit par l'anus une grande quantité de sang noir et poisseux, et tomba en syncope. Il s'ensuivit une grande prostration, mais au bout de deux ou trois jours, tout était rentré dans l'ordre, et le malade put repren-dre son travail.

C'est à partir de cette époque que se sont montrés les phénomè-nes que nous allons essayer de décrire, et sur lesquels nous appe-lons plus particulièrement l'attention. Lorsque Lefébure est obligé de faire une course et qu'il a marché pendant plus d'un quart d'heure, il éprouve, dans toute l'étendue du membre infé-rieur droit, un sentiment de faiblesse accompagné d'engourdisse-ments. S'il veut néanmoins continuera marcher, des douleurs sourdes accompagnées de fourmillements, ne tardent pas à appa-raître et se manifestent d'abord dans la verge, pour de là se ré-pandre ensuite dans la cuisse, la jambe et le pied droit ; puis sur-viennent des crampes accompagnées de roideur générale du membre, qui refuse enfin tout service. Le malade se voit alors obligé de s'asseoir pour prendre quelques minutes de repos; pen-dant ce temps, les symptômes se sont dissipés rapidement, et bien-tôt la marche est redevenue possible ; mais au bout d'une ving-taine de minutes, ils se reproduisent derechef, et un nouveau temps d'arrêt est devenu nécessaire. Ces sortes d'accès de paraly-sie douloureuse se montrent souvent jusqu'à cinq ou six fois, pen-dant une course de une heure de durée ; jamais ils ne surviennent spontanément, c'est-à-dire lorsque le malade est en repos, couché, assis, ou même dans la station verticale ; la marche seule les pro-voque, et encore faut-il qu'elle soit, ainsi qu'on l'a vu, prolongée pendant un certain temps. Dans leur intervalle, le membre inférieur droit fonctionne tout aussi bien que le gauche, et, en particulier, il n'est pas le siège de sensations anormales. II nous a été impos-sible de savoir si, pendant les accès, la température s'y abaisse, et si la peau y est affectée d'une anesthésie plus ou moins mar-quée.

Ces accès de paralysie douloureuse, produits parla marche, mais disparaissant après quelques minutes de repos, sans laisser de tra-Ciiarcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons et Cœur. 37

ces après eux, ont pendant longtemps constitue, chez le malade, une sorte d'infirmité qui ne l'empêchait pas de se livrer à ses oc-cupations habituelles. Mais dans ces derniers temps, les vomisse-ments de sang et l'entérorragie ont reparu à plusieurs reprises, laissant après eux une grande prostration. Enfin, il y a un mois de cela, ils se sont reproduits avec une intensité inaccoutumée. De-puis cette époque, l'affaiblissement est extrême; il y a des palpi-tations de cœur au moindre mouvement; des battements très vio-lents et souvent très pénibles se font sentir dans l'abdomen au voisinage de l'ombilic; le membre inférieur droit est devenu en outre, d'une manière permanente, plus faible que le gauche ; les douleurs dont il est le siège, lorsque le malade a marché pendant quelque temps, sont plus pénibles que par le passé et semblent avoir pris le caractère névralgique : elles partent du flanc et de l'hypocondre droits, et se répandent dans la cuisse et la jambe droites, le long des nerfs sciatique et crural.

État du malade après sonentrée à l'hôpital. — Anémie profonde : teinte jaunâtre et comme cireuse de la peau, souffle intense à la base du cœur, au premier temps ; souffle continu à double cou-rant dans les vaisseaux du cou ; pas de signes d'hypertrophie car-diaque; des battements énergiques sont perçus lorsqu'on appli-que la main sur la région épi gastrique, mais on ne sent point là de tumeur. L'auscultation et la percussion restent également sans résultat, et il n'y a dans cette région, ni souffle ni matité anormale. Les fonctions delà vessie et du rectum ne sont point troublées; l'urine n'est pas albumineuse. L'appélit est assez prononcé; le malade est assez fort pour descendre au jardin et s'y promener ; mais à peine a-t - il fait quelques pas que les engourdissements et les douleurs se manifestent dans la jambe et la cuisse droites. Ce membre est d'ailleurs aussi volumineux et aussi bien nourri que son congénère ; il est, comme ce dernier, un peu œdémateux; on constate, à plusieurs reprises, que la peau n'y est pas anesthésiée, et que la température n'y est point sensiblement abaissée.

Le 12 août, les palpitations cardiaques et abdominales sont de-venues de plus en plus violentes. Il y a un peu de fièvre et de l'inappétence; le malade ne veut plus quitter son lit. Il éprouve

tons les soirs, vers six heures, une douleur vive paraissant limi-tée au trajet du nerf scialique, et qui dure environ une heure. Ces accès se reproduisent régulièrement pendant cinq jours; mais l'administration du sulfate de quinine en diminue d'abord l'inten-sité, et les fait disparaître ensuite complètement.

Le 20 août, tout à coup, vers trois heures de l'après-midi, le malade est pris d'une syncope. Lorsqu'il est revenu à lui, il rend en vomissant une pleine cuvette de sang rouge, en partie liquide, en partie coagulé. Les syncopes se reproduisent plusieurs fois dans le courant de la journée et de la nuit, et la mort survient le len-demain matin, vers neuf heures.

Autopsie. — Abdomen. Après avoir rejeté sur le côté le paquet intestinal, on découvre une tumeur anévrismale du volume d'un œuf de poule, formée aux dépens de l'iliaque primitive droite et située à peu près sur la ligne médiane, au milieu de l'angle sacro-vertébral. Cette tumeur s'ouvre en haut et à gauche, dans l'ex-trémité inférieure de l'aorte par un large orifice ovalaire (un cen-timètre et demi environ dans le plus grand diamètre), qui tient lieu de l'orifice d'abouchement de l'artère iliaque droite, et dont les bords sont incrustés de plaques calcaires; en haut, à droite et en avant, elle s'ouvre, en outre, par un orifice arrondi, dont le diamètre est de 4 ou 5 millimètres, dans le jéjunum, au moment où cette partie de l'intestin vase confondre avec le duodénum. Cette tumeur a des parois épaisses de 2 millimètres environ, très résistantes, d'une consistance qui rappelle celle des fîbro-carti-lages. Elle est tapissée à l'intérieur par une couche épaisse de lamelles fibrineuses superposées, et sa cavité est presque complè-tement remplie par des concrétions fibrineuses de date plus récente. Elle est, ainsi que nous l'avons dit, formée aux dépens de l'iliaque primitive droite. Ce sont les deux tiers supérieurs de ce vaisseau qui ont subi la dilatation anévrismale, son tiers infé-rieur, au contraire, est complètement oblitéré et remplacé par un cordon ligamenteux, dans l'étendue d'un centimètre. Au-dessous de ce point, le vaisseau reparaît un instant, mais il donne nais-sance presque aussitôt aux artères iliaque externe et iliaque interne

droites. Celles-ci présentent à peu près les rapports de 1 état nor-mal, mais leur calibre paraît très manifestement rétréci, si on les compare, sous ce rapport, aux caractères correspondants du côté opposé.

L'artère iliaque primitive gauche est assez fortement comprimée par la tumeur anévrismale, qui la repousse en haut et à gauche, de sorte qu'elle présente, dans la partie supérieure de son trajet, une courbure et un aplatissement assez prononcés.

La veine iliaque primitive droite est perméable, un peu aplatie seulement par la tumeur, dans son tiers supérieur ; la veine cor-respondante gauche, au contraire, est complètement oblitérée, dans les deux tiers supérieurs, et transformée en un cordon liga-menteux qui fait corps avec les tissus cellulo-lîbreux, qui fixe la tumeur contre le sacrum et la colonne vertébrale. Plus bas, la veine reparaît et acquiert bientôt un calibre relativement consi-dérable.

Au voisinage de l'articulation sacro-iliaque droite, presque en contact avec la veine iliaque primitive, on rencontre une balle de fusil de fort calibre, enveloppée de tous côtés par une couche épaisse de tissu cellulaire dense qui la fixe aux parties voisines.

Quant aux voies par lesquelles la circulation s'opérait, tant dans les veines du membre inférieur gauche que dans les artères du membre inférieur droit, elles n'ont malheureusement pas été étu-diées avec soin. Tout ce que nous pouvons dire, c'est qu'à droite, les artères lombaires étaient très dilatées et tortueuses, et qu'à gauche, la veine iléo-lombaire avait acquis un volume très consi-dérable. — L'aorte abdominale ne présente pas traces de dégé-nérescence athéromateuse ; on peut en dire autant de l'aorte tho-racique, ainsi que de la crosse aortique.

Cœur de volume normal ; aucune altération valvulaire. Pou-mons emphysémateux, anémiés, sains, d'ailleurs.

Le duodénum et le jéjunum sont remplis et distendus par un caillot tibrineux, décoloré, consistant, formé de couches concen-triques. De ce caillot part une sorte d'appendice, lequel pénètre dans l'orifice qui établit leur communication entre la cavité de l'intestin et celle de l'anévrisme. — L'iléon et le gros intestin sont

remplis par une sorte de bouillie de couleur lie de vin, évidem-ment constituée par du sang altéré. L'estomac contient une cer-taine quantité de sang d'une coloration moins foncée.

Les autres viscères sont pâles et exsangues, mais ils ne sont pas autrement allérés.

Le cerveau, la moelle épinière, les cordons nerveux des plexus lombaires et sacrés ont été examinés ; ils n'ont pas présenté de lésions appréciables. Nous avons noté particulièrement que les nerfs des plexus lombaires et sacrés n'étaient nullement compri-més par la tumeur anévrismale. — Les muscles de la cuisse et de la jambe droites ne nous ont point paru présenter d'altérations no-tables.

En résumé, une tumeur anévrismale s'est développée aux dépens des deux tiers supérieurs de Y artère iliaque primitive droite, très vraisemblablement comme conséquence du choc produit par une balle de plomb de fort calibre ; au-dessous de ce point, le tronc artériel s'est, à la longue, rétréci ; puis il s'est oblitéré complètement et s'est transformé en une sorte de ligament fibreux. Cependant les artères iliaque interne, iliaque externe, crurale, etc., sont restées perméables; la circulation toutefois, s'y est rétablie d'une manière incomplète, car leur calibre s'était manifestement amoindri. Tel a été, suivant toute probabilité, l'ordre de succession des lésions qui ont été sui-vies des phénomènes de claudication intermittente. Mais déjà, à l'époque où ces phénomènes ont paru pour la première fois, c'est-à-dire huit mois avant la terminaison fatale, une commu-nication s'était établie entre la cavité de l'anévrisme et celle de l'intestin ; de là des hémorragies gastro-intestinales plusieurs fois répétées, et dont l'une, d'une intensité extrême, a déter-miné la mort.

Toutes les circonstances de ce fait si complexe, et à plusieurs égards si exceptionnel, mérileraient sans doute d'être exami-nées en particulier. Mais pour ne point outre-passer les limites

dans lesquelles nous voulons restreindre cette communica-tion, nous nous bornerons à mettre en relief les troubles fonc-tionnels remarquables, qu'a présentés le membre inférieur droit.

Ces troubles fonctionnels ont consisté, comme on l'a vu, en engourdissement et fourmillements douloureux partant delà verge pour se répandre dans la cuisse, la jambe, le pied et bientôt suivis de faiblesse extrême et de raideur générale du membre. Ils constituaient des accès qui se déclaraient soudai-nement et à coup sûr, pendant la marche, alors que celle-ci avait duré un quart d'heure ou vingt minutes environ. Jamais ils ne se manifestaient lorsque le malade était en repos, ou lorsqu'il s'était livré à la marche pendant moins d'un quart d'heure. Un repos de quelques minutes suffisait toujours pour faire disparaître tous les accidents.

Il eût été important de rechercher si, pendant les accès, la température du membre s'abaissait et si la sensibilité cutanée y était amoindrie ou abolie : malheureusement, il existe sous ce rapport, dans notre observation une lacune regrettable. Dans l'intervalle des accès, ces phénomènes n'existaient certaine-ment pas, et le membre inférieur droit, qui alors exerçait ses fonctions aussi librement que le gauche, n'était le siège d'au-cune sensation pénible. Aussi le malade a-t-il pu, pendant près de sept mois, malgré l'existence de ce qu'il appelait son infirmité, se livrer tant bien que mal aux travaux nécessités par sa profession de peintre en bâtiments.

Dans les derniers temps de la vie, les accès de paralysie douloureuse se sont rapprochés; ou, pour parler plus exacte-ment, ils se reproduisaient plus promptement sous l'influence delà marche; ils étaient aussi plus intenses. En dernier lieu, enfin, la faiblesse du membre affecté était devenue per-manente.

III.

Si l'on compare cet appareil de symptômes à celui que nous avons essayé de dépeindre, lorsqu'il s'est agi du cheval, il pa-raîtra moins complet, et, si je puis ainsi dire, moins saisis-sant ; mais il n'y a là rien qui doive surprendre, puisque c'est seulement au prix d'expériences cruelles et dont les conditions ne sauraient être reproduites chez l'homme, qu'on voit surve-nir chez les animaux les accidents graves, tels que respiration précipilée et inégale, anxiété vive, mouvements convulsifs, etc., dont il a été question ailleurs. Quoiqu'il en soit, tout af-faiblis qu'ils puissent paraître, les traits essentiels et caractéristi-ques de l'affection n'en sont pas moins, chez notre malade, très nettement accusés, et l'on est par là tout naturellement porté à admettre que chez lui, c'est bien, comme chez le cheval, à l'oblitération artérielle qu'il faut rapporter les phénomènes de paralysie intermittente. Mais celte interprétation, déjà si vrai-semblable, paraîtra tout-à-fait légitime, si l'on remarque que toute autre hypothèse qu'on pourrait imaginer pour expliquer les phénomènes en question, est réellement inadmissible; celle, par exemple, d'une lésion quelconque du système ner-veux central ou périphérique, qu'on pourrait être surtout tenté d'invoquer, n'est nullement justifiée par les faits nécroscopi-ques. Nous avons vu, en effet, que le cerveau, la moelle épi-nière et les nerfs des plexus lombaire et sacré ont été trouvés tout à fait exempts d'altération. Les nerfs, en particulier, ont été examinés avec soin, ils neprésentaient aucune modification de texture appréciable; ils n'étaient en aucune façon compri-més ou déplacés par la tumeur anévrismale.

Nous ne voulons point dire par là que les nerfs ne sont nul-lement affectés dans la claudication intermittente produite par oblitération artérielle ; nous pensons, au contraire, que leurs

fonctions sont profondément perverties pendant les accès; mais ceci nous conduit à indiquer, en peu de mots, quelle est, dans notre opinion, la raison physiologique des phénomènes observés en pareil cas. Tous ces phénomènes dépendent, à ce qu'il nous semble, de l'anémie locale, ou, pour mieux dire, de l'ischémie, à laquelle se trouvent soumis les divers tissus, et, en particulier, les muscles des membres affectés, par suite de l'interruption du courant sanguin dans les troncs artériels prin-cipaux. Les phénomènes de la nutrition des parties vasculai-res, des muscles, par exemple, se résolvent, en définitive, en des actes chimiques, à l'accomplissement desquels la présence d'une certaine quantité de sang chargé d'oxygène est tout à fait nécessaire. Lorsque les muscles fonctionnent, lorsqu'ils se contractent, pendant la marche ou la course, ces actes chimi-ques s'exécutent avec bien plus d'énergie que cela n'a lieu pendant le repos, et exigent, par conséquent, l'afflux d'une quantité de sang artériel plus considérable, dans un temps donné. Or, dans les cas qui nous occupent, par suite de la di-minution de calibre des artères au-dessous du point d'oblité-ration, et de l'imperfection de la circulation supplémentaire, la quantité de sang qui parvient aux muscles, suffisante, tout au plus, pour y entretenir la vie lorsqu'ils sont au repos ou qu'ils fonctionnent peu énergiquement, ne suffit plus lorsqu'il s'agit de contractions énergiques et prolongées, comme le sontcelles que nécessite la marche ou la course. Les muscles subissent alors, très vraisemblablement, des modifications analogues à celles qui surviennent, dans les belles expériences de M. Brown-Séquard. Chez les animaux auxquels on a pratiqué la ligature de l'aorte abdominale, ils perdent au bout d'un certain temps, une grande partie de leur irritabilité. Le repos chez les sujets atteints de claudication, de même que l'ablation de la ligature chez les animaux mis en expérience, en rétablissant les condi-tions normales, suffisent pour que les tissus puissent récupé-

rer, au bout de quelques minutes, leurs propriétés physiologi-ques. Mais les muscles ne sont pas seuls à souffrir par le fait de l'ischémie ; les nerfs eux-mêmes sont profondément affec-tés ; et, par exemple, dans les expériences auxquelles nous avons fait allusion, la peau devient le siège d'une anesthésie très marquée, tandis que, presque en même temps, les nerfs moteurs cessent d'être excitables.

Quant aux douleurs violentes à caractère névralgique, c'est là un effet habituel de l'interruption brusque, mais incomplète du courant artériel, ainsi que le démonlrent les expériences de M. Cruveilhier. Il parait donc y avoir dans les nerfs, sous l'in-fluence de cette interruption, une excitation dont le méca-nisme, il est vrai, nous échappe, quant àprésenl. On conçoit que cette excitation, quelle qu'en soit la nature, doive portera la fois, et sur les nerfs moteurs et sur les nerfs sensififs, et par là, on peut comprendre pourquoi on a observé, dans un cer-tain nombre de cas, des contractures auxquelles les modifica-tions du tissu musculaire dont j'ai parlé, ne sont, d'ailleurs, sans doute pas étrangères.— On le voit, la physiologie peut nous donner, jusqu'à un certain point, la clef des principaux phénomènes observés pendant l'acccès de la paralysie du membre et la contracture ; pour ce qui est de l'abaissement de température, c'est une des conséquences les plus immédia-tes et les moins contestables de l'ischémie. Nous proposons d'ailleurs cet essai de théorie avec réserve, et nous le soumet-tons à la critique de ceux de nos collègues qui se sont plus par-ticulièrement voués aux études physiologiques.

Il sera intéressant de revoir les faits, aujourd'hui assez nombreux, de paralysie permanente produite par l'oblitéra-tion des artères principales d'un membre, pour rechercher si la claudication intermittente n'y figurerait point, dans un certain nombre de cas, parmi les symptômes observés à une certaine époque de la maladie. Nous avons entrepris ce travail et nous

devons déclarer que, jusqu'à présent, il nous a presque toujours donné des résultats négatifs. Cependant, dans le cas si remar-quable oblitération complète de F aorte, dont M. Barlh a fait l'objet d'un travail important, nous voyons que la maladie, au début de l'affection qui devait aboutir à une paralysie complète, n'a éprouvé, pendant plusieurs mois, dans les membres infé-rieurs, d'autres accidents que des fourmillements, accompa-gnés d'un sentiment de froid, qui se faisaient sentir exclusi-vement pendant la marche, et qui ne se manifestaient jamais pendant le repos au lit; or ce sont là des phénomènes, évi-demment comparables à ceux qui se trouvent relatés dans no-tre observation.

De tout ceci, nous croyons pouvoir conclure que la claudi-cation intermittente, telle que nous l'avons décrite, doit être comptée au nombre des accidents qui surviennent chez l'homme à la suite de l'oblitération des artères principales d'un membre. Mais quelles sont les conditions anatomiques particulières, qui produiront cette claudication, par opposition à celles qui, dans des circonstances en apparence semblables, déterminent soit la paralysie permanente, soit des douleurs névralgiques plus ou moins fugaces, soit enfin la cadavérisa-tion et la gangrène du membre? C'est là un problème de physiologie pathologique qui, pour être résolu d'une manière satisfaisante, réclame encore, ce nous semble, de nombreuses recherches cliniques et expérimentales et sur lequel nous ap-pelons l'attention des observateurs.

VIII.

Leçon sur la claudication intermittente par oblitération

artérielle

Sommaire. — Cas de gangrène par oblitération artérielle. — Amputation de la jambe. — Guérison. — Comment ce fait se rattache à la clinique des maladies nerveuses.

Claudication intermittente par oblitération artérielle chez le cheval. — Les caractères cliniques : boiterie simple (monoplégie) ; boiterie double (pa-raplégie), etc. — Ses conditions anatomo-pathologiques. — l'athogénie. — Expérience de Stenson : ligature de l'aorte. — Rigidité cadavérique pendant la vie. — Cas d'oblitération de l'artère sous-clavière : gangrène de l'avant-bras. — Cas d'oblitération de l'artère iliaque primitive: claudi-cation intermittente. — Fréquence de l'oblitération artérielle. — Impor-tance de son étude au point de vue clinique.

Messieurs,

J'ai fait placer sous vos yeux un malade qui fera l'objet de la leçon d'aujourd'hui. C'est un homme âgé de 38 ans, qui est entré chez nous, à la Salpêtrière, le 9 octobre 1885, et qui bientôt a présenté les premiers symptômes de la gangrène, par oblitération artérielle, du pied, puis de la moitié inférieure de la jambe gauche. Envahissement lentement progressif et aggravation sur place du travail de gangrène, douleurs atroces, insomnie absolue, inappétence, modifications inquié-tantes de l'état général, tel a été le tableau que le malade nous a présenté pendant une longue période de trois mois. Je con-

1 Leçon du 31 mai 1886, recueillie par le Dr J. Babinski, chef de clinique à la Salpêtrière. — Une version italienne de cette même leçon a été publiée par le Dr Giulio Melotti, de Bologne : Nuove Lezioni sulle malattie del sis-tema nervoso. Milano, 1887. (Extrait du Progrès médical, 1887, n»» 32 et 33).

sullai alors mon excellent collègue de la chirurgie, M. Terril-Ion, qui a bien voulu, dans cette circonstance, me prêter son concours.

L'amputation au niveau du tiers supérieur de la jambe fut résolue et pratiquée bientôt avec un plein succès. Aujourd'hui, le malade est privé de son membre, c'est bien entendu, mais il ne souffre plus. L'état général est devenu excellent. Tout fait espérer qu'il pourra bientôt marchera l'aide d'un pilon, car la cicatrisation s'est faite dans d'excellentes conditions, et bientôt il pourra reprendre, au moins en partie, ses occupa-tions, et de nouveau, gagner sa vie. C'est là un heureux succès dont tout l'honneur revient, du reste, à mon collègue M. Ter-rillon l, qui a eu l'heureuse audace de pratiquer l'opération, dans des conditions reconnues par la chirurgie classique comme éminemment défavorables; qu'il reçoive nos félicita-tions sincères et que le malade, qu'il ne faut pas oublier, car il est pour quelque chose dans l'affaire, les reçoive égale-ment, car on peut le lui dire en toute sincérité, il l'a échappé belle. Tout est bien qui finit bien, comme il est dit dans une bien jolie pièce de Shakespeare. Rendons grâces aux Dieux.

Cependant, nous direz-vous, voilà un cas fort intéressant, sans doute, mais en quoi concerne-t-il votre enseignement, particulièrement consacré à la Clinique des maladies du sys-tème nerveux? Eh bien, Messieurs, le mal, antérieurement à l'époque où le malade a présenté les terribles symptômes de l'ischémie complète et permanente, qui ont abouti à la gangrène, s'est manifesté pendant une période de plusieurs mois, sous l'influence de ce que j'appellerai Xischémie inter-

1 M. Terrillon a fait une communication au sujet de ce malade à la Société de chirurgie (séance du 9 juin 1886). La dissection du membre amputé lui montra que les artères de la jambe étaient considérablement diminuées de volume, que leurs parois étaient épaissies et que leur lumi re était réduite aux dimensions d'un crin de Florence.

mitfente ou fonctionnelle du membre, par une série de symp-tômes d'ordre neuro-musculaire, lesquels, s'ils eussent été convenablement interprétés, eussent permis, à coup sûr, de prévoir le terrible mal qui se préparait et eussent conduit à mettre en œuvre des moyens préventifs qui, peut-être, au-raient conjuré l'issue fatale. Mais hélas 1 Messieurs, il n'en a rien été. Pendant cette période de trois mois, où le diagnostic était possible, facile même pour les initiés, le malade a con-sulté un peu partout et partout les erreurs les plus singulières ont été commises, même par des médecins éclairés ; les choses ont marché et l'issue a été celle que vous savez. Eh bien ! Messieurs, vous l'avez compris, ce sont ces symptômes prodro-miques prémonitoires qui s'observent dans certains cas d'obli-tération artérielle, que je voudrais vous faire connaître, en m'appuyant sur l'histoire si instructive du malade que vous avez sous les yeux et sur quelques autres histoires du même genre que j'ai recueillies à diverses époques ou qui ont été consignées par d'autres, depuis plus de vingt-cinq ans que j'ai introduit dans la pathologie humaine ce syndrome si in-téressant, dont l'étude est si importante en pratique, et dont, cependant, je suis conduit à m'en convaincre à chaque ins-tant, la connaissance est encore si peu répandue parmi les cliniciens.

J'ai proposé, Messieurs, de désigner le syndrome dont il s'agit dans un petit mémoire qui date de 1859 (Soc. de Biolo-gie), sous la dénomination de : Claudication intermittente par oblitération artérielle, dénomination empruntée à la médecine hippique, où l'affection est depuis longtemps connue »?„ On pourrait tout aussi bien l'appeler paralysie douloureuse inter-mittente ischémique ou par oblitération artérielle. Le carac-tère fondamental est, en effet, que, dans le membre ischémie

1 Voir le Mémoire, p. 572.

l'impuissance motrice douloureuse, nulle dans l'état de repos, survient seulement par accès, évidemment déterminés par le fonctionnement du membre, c'est-à-dire pendant l'exercice de la marche. A cet égard, il s'agit, vous le voyez, d'une ischémie fonctionnelle.

Mais avant d'entrer dans le détail des phénomènes observés en pareil cas chez l'homme, je crois qu'il est indispensable de vous dire ce qu'ils sont chez le cheval, où ils se rencontrent sous une forme beaucoup plus accentuée et en quelque sorte presque expérimentale.

Donc, je le répète, c'est dans la médecine vétérinaire et plus explicitement la médecine hippique, que le syndrome de claudication intermittente par oblitération artérielle a été décrit, et c'est là où j'ai été en chercher la description pour la transporter, un jour que l'occasion s'en est offerte, dans la pathologie humaine.

C'est à Bouley jeune, qu'on doit la première description de celte affeclion singulière; elle date de 1831. Plus tard, Gurlt et Herwig Pont décrite, à leur tour, en 1838 et 1843. Enfin, un excellent travail sur la question, publié en 1846 est dû au pro-fesseur Goubaux (d'Alforl). C'est en me fondant sur les docu-ments fournis par ces divers auteurs que, dans mon mémoire de 1859, j'ai donné de la claudication intermittente par obli-tération artérielle du cheval une description que je crois de-voir reproduire aujourd'hui devant vous dans ses principaux traits.

Donc, voici un cheval de trait qui jusqu'ici, avait fait un bon service et qui, aujourd'hui encore, présente toutes les appa-rences de la santé. Tout à coup le voilà pris, comme on dit en clinique vétérinaire, d'une boiterie dans un ou le plus sou-vent dans deux membres à la fois; ce seront généralement les deux membres postérieurs ou un seul des membres antérieurs.

On accorde à l'animal un temps de repos, et tout renlre

dans l'ordre ; le voilà de nouveau au trot, et après quelques minutes, 1/4 d'heure peut-être, la boiterie recommence.

Alors, je suppose, on frappe l'animal, et c'est ici que l'expé-rience sur l'animal, qui chez l'homme, tout naturellement, ne saurait être faite, aggrave les résultats, les accentue et les rend bien plus saisissants qu'ils ne le sont chez ce dernier. Je suppose, dis-je, qu'on frappe l'animal, alors deux ordres de phénomènes sont observés pendant la durée de la crise. Parmi ces phénomènes, les uns sont relatifs à l'allure générale, les autres sont locaux, en quelque sorte, et relatifs au membre atteint de claudication.

Le pauvre animal qui fait, sous l'excitation du fouet, tous ses efforts pour continuer la marche malgré la boiterie, pré-sente des symptômes qui, en clinique vétérinaire, sont recon-nus pour exprimer une vive douleur : respiration anxieuse, battements de cœur précipités, tremblement général, sueurs abondantes partout, excepté, nous le verrons, dans le membre affecté. Enfin, il tombe sur le sol, se roulant et se débattant comme font les animaux atteints de coliques violentes. Pour ce qui est maintenant du membre ou des membres affectés de claudication, ils doivent être l'objet d'une attention spé-ciale : 1° d'abord la façon dont l'animal fait des efforts pour agiter ses membres indique que là est le siège de la douleur ; 2° on constate cependant au moyen de l'application de moxas que la sensibilité des parties superficielles y est éteinte; 3°la température s'y abaisse et les battements artériels cessent d'y être perçus ; 4° enfin les membres dont l'impuissance motrice est cause de la claudication, se montrent rigides, résistant aux mouvements passifs, manifestement contractures, en un mot.

Tels sont, Messieurs, les phénomènes de la crise. L'animal est tombé à terre, il s'est roulé comme on l'a dit ; on l'aban-donne à lui-même, il prend un temps de repos, 20, ¿0 minu-

tes. et pendant cette période on assiste successivement au rétablissement de l'état normal : 1° la circulation se rétablit dans les membres; on sent de nouveau les battements arté-riels, et la température y est redevenue normale ; en même temps que la douleur, l'anesthésie et la contracture ont dis-paru.

Le pauvre animal se dresse et son allure redevient normale : « à le voir l'œil vif, expressif, les narines au vent, l'oreille » mobile et attentive, « dit M. Goubaux », on a peine à le re-» connaître. » De fait, si vous le remettez au trot, il part sans boîterie et vous pouvez croire que tout est chez lui rede-venu normal. Mais bientôt vous seriez détrompés, car au bout de quelques minutes, d'un quart d'heure de marche, tout recommence, la crise reparaissant avec tous les caractères que nous avons relevés plus haut.

Messieurs, une fois cette maladie constituée, elle persiste telle qu'elle, constituant en quelque sorte une infirmité incu-rable. Ainsi, voilà un cheval qui, au pas, marche avec une al-lure normale; mais à peine a-t-il été mis au trot, que bientôt surviennent les phénomènes de la claudication qui s'amendent après un temps de repos, pour reparaître 1 /4 d'heure après que l'animal est remis au trot et ainsi de suite indéfini-ment.

Ces animaux-là, reconnus incurables, sont généralement sa-crifiés. Que deviendraient-ils si on les laissait vivre pour en faire un sujet d'études cliniques ? Quelques-uns, conservés dans ce but, ont présenté, par la suite, des accès de claudication de plus en plus rapprochés, et, en fin de compte, ils ont été frappés de paraplégie permanente. Je ne vois pas que, parla suite, les chevaux affectés de ce genre de claudication aient jamais présenté de sphacèle dans les membres atteints, comme on pourrait s'y attendre en pareille circonstance. Mais cela tient peut-être à ce que la vie de ces malheureux ani-

maux, devenus désormais inutiles, a été trop tôt sacrifiée.

Voilà l'ensemble des phénomènes, le syndrome que nous allons rencontrer tout à l'heure chez l'homme, atténué à la vé-rité et ne présentant pas ce haut développement, cette inten-sité que l'on n'obtient chez le cheval qu'au prix d'expériences cruelles.

Mais avant d'en venir à l'homme, il importe de vous faire connaître les conditions anatomiques qui, chez le cheval, pré-sident au développement de l'affection.

Le plus souvent il s'agit d'une oblitération de ïaorte posté-rieure et des branches qu'elle donne, ou bien encore de l'o-blitération du tronc de l'artère principale d'un seul membre ; c'est dans le 1er cas qu'il y a boîterie double, paraplégique, c'est dans le 2e qu'il y a boîterie monoplégique. L'oblitération est le plus souvent déterminée par la présence d'un caillot dé-coloré, ancien, adhérent aux parois artérielles ; mais la cause de l'oblitération peut être différente ; c'est ainsi, par exemple, que dans un cas rapporté à la Société de biologie, en 1851, par M. Bouley, l'oblitération était déterminée parla présence, dans-la paroi même du vaisseau, d'un anévrisme disséquant. Mais, quoi qu'il en soit, le caractère commun à toutes ces oblitéra-tions qui produisent non la parésie et la gangrène du membre, mais le phénomène de la claudication intermittente, c'est que si le tronc principal du membre est oblitéré, les branches ar-térielles secondaires de ce membre sont perméables et per-mettent le rétablissement facile de la circulation au-dessous de la partie oblitérée, par la voie des collatérales.

Telles paraissent être les seules conditions nécessaires à la. production de la variété de claudication intermittente dont il s'agit.

Quelle est la raison physiologique des phénomènes qui vien-nent d'être décrits et dont nous connaissons le point de départ

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons et Cœur. 38

anatomique ? Yoilà une question qui, pour être traitée conve-nablement, exigerait de bien longs développements. Je me réserve, afin de ne pas nuire à l'exposé de la partie descriptive, d'y revenir une autre fois. Pour le moment, je veux me borner aux considérations suivantes :

Io Tous les phénomènes que nous avons successivement observés pendant la crise de claudication ischémique se re-trouvent et apparaissent successivement dans l'expérience fa-meuse de Stenson *, reprise plus tard par Brown-Séquard 2 et Stannius 3, et qui consiste à lier l'aorte chez un animal et à ob-server ce qui se produit dans les membres inférieurs. Pour qu'elle puisse nous servir de terme de comparaison, l'expé-rience doit être modifiée de façon à ce que les phénomènes, qui dans une ligature de l'aorte placée au-dessous des rénales pourraient résulter de l'anémie du renflement lombaire spinal, soient exclus.

I/expérience ainsi modifiée consiste à lier l'aorte immédia-tement au-dessus de sa division. Dans ce cas-là, la moelle n'est pas anémiée, et la ligature ayant été faite, la circulalion par la voie des collatérales n'a pas pu s'établir ; ce sont les tissus des membres inférieurs seuls, os, nerfs et muscles, qui sont ischémies, anémiés, et c'est de cette anémie seulement

1 Stenson. — Elementorum Myologice spécimen, 1667.

2 Brown-Séquard. — Mémoires sur les propriétés et usages du sang rouge et du sang noir, 1858. Dans l'expérience de Stenson, il se développe très rapi-dement après la ligature une paraplégie motrice et sensitive, puis les nerfs et ensuite les muscles deviennent inexcitables; enfin les muscles sont pris de rigidité. Brown-Séquard affirme que les muscles qui, dans l'expérience de Stenson, deviennent rigides, peuvent reprendre, après l'avoir perdue, leur excitabilité directe et indirecte, quand on enlève la ligature, ou quand on injecte du sang d'un autre animal. D'après llermann (Die Regulirund der Zufuhr arteriellen Blutes. — llnndhuch der Physiologie, 1 Bd., 1 Theil, p. 125, et seq.), il n'est pas démontré que le muscle complètement inexcitable et complètement rigide puisse recouvrer ses propriétés. Dans leurs expériences, Brown-Séquard et Stannius n'auraient fait que faire re-vivre l'excitabilité musculaire presque éteinte.

3 Stannius. — Untersuch. über Leistungs Falûgkheit der Muskeln und Tod-tenstarre. (Vierordfs Archiv. fur physiol. Heilk., 1852, XI.)

que dépendent tous les symptômes (Exp. de Schiffer) !. Or, successivement, on voit que la température du membre s'a-baisse, les artères cessent de battre, les mouvements devien-nent difficiles, la paralysie est complète au bout d'une heure, l'animal souffre ; la peau du membre est cependant anesthé-siée. Enfin, deux heures environ après le début de l'expé-rience, il se produit dans le membre parésiô une véritable rigidité.

Si la rigidité ayant commencé, on enlève la ligature, on voit, au bout de quelques minutes, l'état normal reparaître et la rigidité cesser. Si, au contraire, l'expérience se prolonge, la rigidité devient permanente et la nécrose du membre se produit. Cette rigidité qui, par le rétablissement de la circula-tion, a pu disparaître tout à l'heure, alors qu'elle était encore peu accentuée, n'était autre chose, Messieurs, qu'une esquisse de la rigidité cadavérique. Cela est si vrai que si vous laissez cette rigidité s'établir en prolongeant trop longtemps le main-tien de la ligature, elle est bientôt suivie delà cadavérisation du membre, et, chose importante, lorsque l'animal succombe, au moment où le temps de la rigidité cadavérique est venu, elle s'empare de tous les membres, à l'exception de celui-là justement, sur lequel elle s'était produite pendant la vie, sous l'influence de l'ischémie. Dans cette expérience, nous assistons donc au développement de la rigidité cadavérique partielle sur le vivant2. Les mêmes phénomènes peuvent-ils s'observer

1 Ueber die Bedeutung Stenson'schen Versuchs. — Julius Schiller. Centralbl. fur Wissensch. Heil an. 1869, p. 579. Dans l'expérience de Schiffer, les ré-sultats sont bien différents de ceux qu'on observe dans l'expérience de Stenson. La paralysie se produit bien plus lentement. Si l'on excite les nerfs, il n'y a plus de secousses musculaires, parce que les terminaisons nerveuses motrices sont paralysées; il y a aussi anesthésie de la peau, parce que les terminaisons sensitives sont affectées, mais les Ironcs ner veux n'ont pas perdu toutes leurs fonctions puisque leur excitation provo que de la douleur.

2 Je rappellerai que M. Volkmann et après lui M. Léser ont décrit un genre particulier de contracture, surtout aux membres supérieurs, à la

chez l'homme ? Très certainement. J'en ai fait connaître, dans le temps, un exemple fort remarquable et tout à fait décisif Il s'agit d'une femme de 60 ans, cachectique, atteinte de can-cer rectal, qui, une nuit, sentit dans la main gauche des four-millements qui l'empêchaient de dormir. Le matin, le coude et la main étaient contractures, les doigts violacés, tandis que le reste du membre était livide. Le membre était froid et in-sensible. Cela dura deux jours. Le troisième, le membre était devenu flasque, et une teinte violacée livide occupait l'avant-bras ; il y avait une petite escharre au coude. La malade suc-comba le troisième jour. À l'autopsie, on trouva un caillot décoloré dans la sous-clavière, un autre à la partie inférieure de l'humérale. Quelle est donc la nature de cette contracture, qui s'est manifestée pendant la vie dans le membre ischémie ?

Très certainement c'était la rigidité cadavérique observée, comme vous le voyez, sur le vivant, car après la mort, la rigi-dité s'est manifestée sur toutes les parties du corps, à l'excep-tion de celle où elle avait paru déjà pendant la vie.

Mais j'en reviens à la claudication. Je pense que l'interpré-tation des phénomènes, qui se produisent dans l'expérience de Stenson, est applicable aux phénomènes qui se produisent dans la claudication intermittente ; ainsi, pendant l'accès, nous observons ces mêmes phénomènes de douleur, d'anesthésie,

suite et en conséquence de l'application d'un bandage trop serré. Cette contracture serait une conséquence de l'ischémie produite dans le mem-bre, par le fait de la compression excessive exercée parle bandage et elle devrait être assimilée, suivant les auteurs cités, à la rigidité qui se montre sur les parties ischémiées, dans l'expérience de Stenson, ou encore chez l'homme à la suite de la ligature de l'artère principale d'un membre. (Pour plus de détails voir : J.-M. Charcot. — Leçons sur Les maladies du système ner-veux, 1887, t. III, p. 403.) M. Léser cite quelques cas de brusque inter-ruption de la circulation dans un membre, par ligature, dans lesquels une contracture des muscles, analogue à la nridité cadavérique, a précédé la gangrène du membre.

1 Benni, thèse de Paris, 1867 et J. Simon, art. Contracture dans le Nou-veau dictionnaire de médecine, t. IX, p. 1869.

de refroidissement du membre, de parésie, de contracture enfin, que nous avons relevés dans l'expérience de Stenson. Mais pourquoi se produisent-ils dans des cas où, comme nous l'avons vu, la circulation collatérale est libre, tandis que dans l'expérience de Stenson elle ne l'estpas? C'est que, Messieurs, les circonstances ici sont bien différentes. Dans l'expérience de Stenson, les membres ne fonctionnent pas ; dans la clau-dication intermittente, ils fonctionnent. Or, quand un muscle fonctionne, se contracte, vous savez qu'il appelle à lui, pour s'alimenter pendant le temps de l'effort, cela est bien connu, une quantité de sang supplémentaire. Or, dans la claudication ischémique, en raison de l'oblitération du tronc principal, la quantité de sang qui peut suffire à l'entretien de l'organe pen-dant le repos, n'est plus assez grande pour le nourrir conve-nablement pendant le travail. La nutrition des muscles se modifie profondément comme celle des nerfs, sous l'influence de la fonction produite et de l'ischémie, et c'est ainsi que je m'explique l'apparition des douleurs, puis de la contracture, qui, ici comme dans le cas de l'expérience de Stenson, serait une esquisse de rigidité cadavérique heureusement modifiée, peu après sa production, par le rétablissement des conditions physiologiques pendant la période de repos.

Mais je ne veux pas insister sur ces détails, que je repren-drai, je le répète, dans une autre occasion. Je veux relever seulement pour le moment que la rigidité qu'on trouve dans l'accès de la claudication, est, en somme, une contracture relevant de l'ischémie du muscle, et qu'on peut considérer comme une esquisse de rigidité cadavérique. Et, de fait, quand, comme cela a eu lieu chez notre homme, la claudication a été trop longtemps méconnue, elle fait place à la cadavérisation et à la gangrène du membre.

Mais il est temps d'en venir à la description de la claudication

intermittente ischémique chez l'homme. J'en ai donné la pre-mière description dans le mémoire auquel j'ai fait allusion déjà1 ; dans ce cas, il s'agissait d'un homme de 51 ans, qui, pendant près de huit mois, avait présenté les phénomènes que voici : dans le membre inférieur droit, après un quart d'heure de marche, fai-blesse, engourdissement, puis raideur générale du membre; cessation des troubles après un repos de cinq à dix minutes. Avec la reprise de la marche, retour des accidents. Ce sont bien là, vous le voyez, en petit, bien entendu, mais parfaite-ment reconnaissables, les phénomènes que nous avons recon-nus et discutés chez le cheval. Le malade meurt tout à coup d'hémorragie gastro-intestinale. A l'autopsie, anévrisme de l'iliaque primitive droite à sa naissance ; le tronc de celle-ci était oblitéré. La circulation s'était admirablement rétablie dans le membre, par la voie des collatérales.

Depuis la publication de ce travail, plusieurs observations du même genre ont été recueillies par divers auteurs. Vous les trouverez pour la plupart consignés dans l'excellente thèse de M. le docteur Alexandre Sabourin, soutenue à la faculté de Paris en 1873 2.

Mais, je le répète une fois de plus, ces symptômes, malgré leur caractère en quelque sorte spécifique, sont encore chaque jour méconnus; c'est à cette circonstance qu'est dû probable-ment en partie la rareté apparente de ces faits, alors que les cas d'oblitération artérielle, présentant les conditions favora-bles au développement des phénomènes de la claudication, sont, au contraire, si vulgaires.

A l'appui de ce que je viens de dire, je puis citer d'abord le cas même de notre amputé, qui, pendant plus de trois mois, antérieurement à l'époque où il s'est présenté à nous — son

1 Soc. de Biologie, Loc. cil. Voir p. 572.

2 A. Sabourin. — Considérations sur la claudication intermittente par obli-tération artérielle. Thèse de Paris, 1873. — Un cas relatif au membre supé-rieur a été publié par W. Nothnagel. (Berlin, klin. Wochens., 1867, p. 36.)

observation est, à cet égard, fort explicite — avaitprésentédans le membre qui devait être finalement frappé de sphacèle les symptômes de la claudication ischémique les plus caractéristi-ques, bien que toujours méconnus par les médecins consul-tés.

Je puis citer encore le fait suivant, fort intéressant à divers points de vue et qui est bien propre, je crois, à montrer qu'il sera désormais possible d'éviter la terminaison par sphacèle, lorsque les accidents de la claudication pourront être reconnus à temps et mis en valeur comme ils le méritent.

Le malade en question, M. N., est un homme de 45 ans que j'ai vu en octobre dernier. Je signalerai chez lui l'existence d'un arc sénile avec d'autres signes non équivoques d'artério-sclérose et, dans les antécédents deux ans avant le moment où je l'ai examiné, une perte soudaine de la vision de l'œil gau-che par thrombose de l'artère centrale de la rétine, circons-tance, dans l'espèce, bien digne d'être particulièrement signa-lée.

Les troubles du côté du membre inférieur apparurent 16 mois après cette perte subite de la vision d'un œil. — Le malade, un jour, remarqua qu'il ne pouvait marcher plus de cinq minutes sans éprouver une douleur dans le pied et dans le mollet droit, suivie d'engourdissement, de crampe. Après quelques minutes de repos, la douleur cessait et la marche re-devenait possible, pendant cinq minutes, et ainsi de suite. Une jarretière placée sous le genou limiterait en haut les parties af-fectées pendant la crise. A ces phénomènes est venu se joindre plus tard le symptôme suivant : lorsque le malade posait le pied à terre, l'avant-pied devenait rouge violacé; depuis un certain temps cette coloration est devenue permanente. Voici ce que je constate le jour de la consultation : la coloration dont je viens de parler s'exagère, si on comprime l'artère fé-

morale et la veine dans le triangle de Scarpa ; le membre ma-lade est beaucoup plus froid que celui du côté opposé; un peu d'anesthésie au gros orteil ; il y a une petite eschare à la partie externe du petit orteil gauche. Je fais marcher le ma-lade devant moi, pendant quatre ou cinq minutes. Au bout de ce temps il éprouve les sensations habituelles ; de plus son mollet se tuméfie, son pied se fléchit, les tendons deviennent saillants ; il y a, en un mot une véritable crampe très doulou-reuse.

Malgré la netteté des symptômes qui viennent d'être rap-portés, le diagnostic était resté incertain; on avait parlé de rhumatisme, de troubles vaso-moteurs, etc., etc. Et l'on avait fait suivre au malade divers traitements, je dois le dire, plutôt nuisibles.

Me fondant sur la connaissance de plusieurs cas du même genre, pour lesquels j'avais été consulté et en particulier sur celui d'un diabétique atteint de claudication ischémique, où le sphacèle du membre avait été évité, non seulement en soumet-tantle malade au régime et au traitement classiques, mais en-core en lui prescrivant, pour une période de plusieurs mois, de ne jamais marcher à pied, ou tout au moins, de ne jamais mar-cher assez longtemps pour déterminer les phénomènes de clau-dication, je fis ici une prescription analogue. J'ai revu le ma-lade huit mois après la consultation ; il avait suivi notre pres-cription dans toute sa rigueur pendant plus de quatre mois. Il peut maintenant marcher un quart d'heure, vingt minutes et plus, même, sans souffrir. Récemment il a été à pied du Théâtre-Français à la rue de Lyon, sans avoir éprouvé de douleur.

Je suis convaincu que ce malade nous doit de lui avoir évité le sphacèle du membre avec toutes les tristes conséquences qu'il entraîne 1 ; c'en est assez, sans doute, pour vous faire

i Dans ces derniers temps il s'est produit chez ce malade quelques symptômes permanents : 1° douleur très vive dans le gros orteil, précédée

comprendre, Messieurs, pourquoi j'ai tenu à fixer dans votre esprit la symptomatologie si frappante d'ailleurs, et si nette-ment caractérisée, de la claudication par oblitération arté-rielle 1.

par une sensation de froid perceptible à la palpation qui survient vers les 3 heures du matin et le réveille; 2° Le gros orteil est douloureux à la pres-sion; il est constamment plus rouge et plus froid que les autres parties ; 3« Au moment de la douleur de la nuit le gros orteil se redresse. Il n'y a donc pas guérison absolue; le gros orteil finira peut-être par se sphacéler ; mais il y a en tous cas, loin de cet accident à la perte de la jambe et du pied; et il est bien possible même que la gangrène du gros orteil aurait pu être évitée si on eut reconnu dès l'origine l'affection, et si l'on eut pris, en temps opportun, les précautions nécessaires.

» J'ai eu plusieurs fois encore, depuis que cette leçon a été faite, l'occa-sion de voir en consultation des malades (trois sujets mâles), atteints de claudication ischémique, chez lesquels, malgré l'évidence des symptômes, la nature de l'affection avait été jusque là méconnue. Je suis resté par là de plus en plus convaincu de l'utilité qu'il y a à appeler de nouveau l'at-tention sur ce syndrome, d'ailleurs si intéressant à tous égards.

IX.

Rhumatisme articulaire aigu; phénomènes comateux; hémiplégie; infiltration d'une substance plastique con-crète, contenant des globules pyoïdes dans plusieurs viscères, et en particulier dans le cerveau et la rate ; lésions dysentériques de la muqueuse de l'intestin grêle et du colon1.

Un homme vigoureux, âgé de 29 ans, journalier, entre, le 24 mai, à l'hôpital de la Charité, pour y être traité d'un rhuma-tisme articulaire sub-aigu, datant d'une huitaine de jours, et occupant la plupart des articulations, particulièrement l'épaule gauche. Le malade a été déjà traité pour la même affection, à plusieurs reprises ; mais il a joui, dans les intervalles des atta-ques, d'une bonne santé et n'a pas été sujet à des palpitations ou à quelque autre phénomène indiquant la persistance d'une lésion cardiaque. Pendant les dix ou douze premiers jours de son séjour à l'hôpital, rien de remarquable, si ce n'est que le malade est profondément anémique et qu'il présente peu de réaction fébrile. L'auscultation du cœur démontre l'existence d'une lésion vascu-laire. Le traitement employé pendant cette période de la maladie a consisté en l'administration, chaque jour, de deux pilules conte-nant chacune 5 centigrammes d'extrait thébaïque. L'épaule gau-che paraissant surtout douloureuse, on y applique un large vési-catoire.

Aucun amendement n'avait encore été obtenu, sous l'influence de ce traitement, lorsque peu à peu surviennent du subdelirium prononcé, surtout la nuit, un mouvement fébrile plus intense que

1 Extrait des Comptes rendus de la Société de biologie, 1851, p. 89.

de coutume et un peu de diarrhée. L examen des divers organes fait reconnaître, au niveau du lobe inférieur du poumon gauche, l'existence d'un souffle bronchique très manifeste, mélangé de quelques râles sous-crépitants fins. Cependant la matité, dans ces mêmes points, n'est pas très prononcée. Peu de toux, pas d'exaspération, pas de point de côté. A peine quelques râles sous-crépitants, dans les autres parties de l'organe pulmo-naire.

Ces phénomènes locaux, coïncidant avec une exacerbation de la fièvre, font songer à une pneumonie, et une saignée générale de 8 onces est prescrite. Cette saignée n'est suivie d'aucune modi-fication dans l'état du malade: notons, en passant, que le sang est un peu plastique, et que le caillot est recouvert d'une pelli-cule couenneuse, très mince. Le lendemain de la saignée, un large vésicatoire est appliqué sur le côté malade, et en même temps on prescrit une potion contenant 0,10 centigrammes de tartre stibié. Nul amendement n'est remarqué les jours suivants, pendant lesquels, au contraire, l'adynamie et le subdelïrium sem-blent augmenter graduellement; cependant on continue l'emploi du tartre stibié à la même dose.

Le 5 juin, à la visite du matin, on remarque que le malade ne peut plus mouvoir la jambe gauche ni le bras du même côté ; en même temps la commissure des lèvres semble un peu déviée en haut et à droite.

Quand on pince le malade de ce côté, il n'éprouve rien, tandis que, si on le pince avec une force égale du côté opposé, il donne des signes de douleur.

Chaque jour depuis lors jusqu'à l'époque de la mort, les mêmes phénomènes ont pu être constatés, et jamais on n'a remarqué ni convulsions cloniques, ni contractures dans les membres paraly-sés. Toutefois, à plusieurs reprises, le malade a accusé une dou-leur assez intense et spontanée tout le long du membre inférieur gauche, paralysé du sentiment et du mouvement.

Pendant celte période de la maladie, l'adynamie va croissant; le coma se prononce de plus en plus; en môme temps la diarrhée augmente à tel point qu'on est forcé de cesser l'usage du calomel,

qu'on avait administré à Ja dose de 1 gramme à l'époque où l'on avait remarqué l'existence de l'hémiplégie.

Le 12 juin, on remarque que les selles devenues très fréquentes et involontaires tachent les draps du lit en vert roux; il semble que ces selles soient presque exclusivement composées de muco-pus et de glaires striées de sang.

Le 14t juin, le malade est pris d'un délire bruyant, il se plaint beaucoup de douleurs spontanées dans les membres paralysés. En même temps la face est devenue profondément terreuse; la lan-gue s'est séchée, et des râles laryngo-trachéaux se font entendre à distance. Le malade de temps à autre expectore des crachats d'as-pect presque purulent. Je noterai qu'on n'a jamais remarqué qu'il y eût des frissons, bien qu'on y ait pris garde. — La mort a eu lieu le lo juin.

Autopsie, faite vingt-quatre heures après la mort. — Absence complète de roideur cadavérique.

Cerveau. — A la face inférieure du lobe cérébral droit, dans le tissu cellulaire sous-arachnoïdien qui recouvre la scissure de Syl-vius, on trouve une sorte de fausse membrane verdâtre qui enve-loppe de toutes parts les ramifications des artères cérébrales cor-respondantes. Après avoir enlevé cette production, on trouve le tissu cérébral qui avoisine les couches optiques et le corps strié, ramolli et d'une teinte manifestement verdâtre. Le ramollissement a atteint la paroi externe du ventricule cérébral lui-même; mais, chose remarquable, la couche optique et le corps strié sont restés sains au milieu de l'altération des parties voisines, ce qu'on peut aisément constater par une série de coupes faites à diverses hau-teurs. Les méninges en général étaient épaissies, rouges, injec-tées; on y voyait par place des macules blanchâtres ; mais en les enlevant on n'entraînait pas avec elles la substance cérébrale.

Thorax. — Le cœur est un peu hypertrophié. On trouve les val-vules mitrales et tricuspide épaisses, cartilagineuses, insuffisantes. Les valvules mitrales, en particulier, sont ulcérées à leur bord libre, qui porte des végétations. Dans la paroi musculaire antérieure du ventricule droit, au voisinage du sillon auriculo-venlriculaire, on

trouve un point induré, jaune verdatre, sans ramollissement au centre, analogue en tout aux productions que nous rencontrerons dans d'antres viscères. Il semble qu'il y ait là infiltration plasti-que dans la trame même du muscle. Rien à noter dans le péri-carde.

Les poumons, palpés et percutés, paraissent tout à fait sains ; seulement ils sont emphysémateux dans toute leur étendue (em-physème vésiculaire ultime). Par les surfaces des sections prati-quées dans le parenchyme il s'écoule des bronches de tout calibre une grande quantité de muco-pus très épais, très cohérent, d'as-pect vraiment purulent. Une substance analogue et très abondante s'est écoulée par la trachée-artère lorsqu'on l'a coupée pour en-lever les poumons. Seule, l'extrémité inférieure du lobe inférieur du poumon gauche présente un certain degré de splénisation non inflammatoire. Cette portion du poumon était amincie et avait été manifestement comprimée par la rate, ce dont on avait pu s'assurer lorsque tous les organes étaient encore en position. De là, évidemment, provenait le souffle bronchique qui a été observé à une certaine époque de la maladie.

Abdomen. — Le foie a son volume et sa coloration normales ; on le divise en tous les sens, et on n'y rencontre rien de parti-culier.

La rate a un volume considérable, et elle est très épaisse ; mais, chose à noter, elle dépasse à peine le rebord des fausses côtes gauches. Elle s'est développée du côté du diaphragme, qu'elle a refoulé en haut, en même temps qu'elle a comprimé médiatement le poumon, comme nous l'avons déjà dit. En même temps, elle s'est recourbée sur elle-même, sur sa face interne. Il est à noter encore que son grand axe est dirigé presque verticalement de baut en bas. Les diamètres sont: celui du grand axe, 23 centi-mètres ; du petit axe, 9 ; de l'épaisseur, 5 Cet organe est très pesant, rénilent, et quand on l'incise, on voit qu'il a acquis une consistance particulière. Le tissu en est friable et rappelle tout à fait la sensation qu'on éprouve quand on comprime en l'écrasant un morceau de poumon hôpatisé au deuxième, mais surtout au troisième degré. La surface de section est généralement couleur

lie de vin, marbrée de grandes taches, dont les unes sont d'un blanc jaunâtre, les autres d'un jaune verdâtre, d'autres enfin presque vertes. En général, ces taches ont des contours bien nets, bien arrêtés, et tranchant vivement sur la coloration plus foncée du reste de la surface de la section. La consistance des parties de couleur lie de vin et celles des parties jaunes est à peu près la même ; cependant ces dernières sont un peu plus molles et comme ramollies au centre ; mais nulle part il n'y a de vrais foyers. Les parties violettes, lesquelles, soit dit en passant, de-viennent d'un rouge vif au contact de l'air, ces parties, dis-je, l'emportent un peu en étendue sur celles qui ont l'aspect puru-lent. Je terminerai en disant qu'en raclant la surface de section, on enlève une substance épaisse, crémeuse, analogue au produit plastique et purulent de l'inflammation du poumon au troisième degré.

Reins. — Les deux reins ont, à la coupe, leur aspect normal, quant à la texture et à la coloration ; seulement, ils contiennent çà et là, surtout au voisinage de la capsule, des taches jaunes analogues par leur aspect et, comme nous le verrons, parleur composition microscopique, à celles que nous avons rencontrées dans la rate ; mais elles sont plus dures, à peine friables et entou-rées d'une sorte d'auréole violacée. Examinée attentivement, au niveau des tâches jaunâtres, la substance du rein paraît conservée, en ce sens qu'on y observe à la loupe une foule de stries indi-quant les pyramides de Ferein.

Les intestins, examinés à l'extérieur, sont parsemés de taches d'un bleu noirâtre, visibles à travers le péritoine, analogues par leur aspect à des ecchymoses. De ces taches, les unes sont grandes comme des pièces de 5 fr., les autres toutes petites comme des têtes d'épingle. Ces taches sont répandues également sur l'intes-tin grêle et le gros intestin ; on en voit une très grande, au niveau du grand cul-de-sac de l'estomac. L'estomac présente à sa face interne une sorte d'ecchymose d'un noir très foncé, qui semble située sous la muqueuse; mais la muqueuse elle-même est ra-mollie à son niveau. Injection vive et pointillée dans le duodénum. Dans les régions où les valvules conniventes sont très apparentes,

on trouve un développement de quelques follicules isolés, dont le contenu est blanc; et çà et là, on voit, à travers la muqueuse, quelques taches violacées. Nulle autre altération de cette mem-brane. Dans Yiléon, les plaques de Peyer sont blanchâtres, mais non hypertrophiées. Quelques follicules clos développés ; quel-ques taches noirâtres visibles à travers la muqueuse, qui n'est pas autrement altérée.

Colon. — Dans le colon ascendant, teinte rougeâtre de la mu-queuse; beaucoup de follicules saillants, mais aucune altération de la muqueuse. Le colon transverse et le descendant, bien qu'ayant une teinte pâle, offrent des altérations remarquables de la muqueuse. Celle-ci a été enlevée par places comme par l'em-porte-pièce, laissant à nu la tunique celluleuse ; et c'est bien la muqueuse qui a disparu, caries parties qui en restent sont très reconnaissables à la loupe, parla présence des follicules liberku-niens qui les caractérisent anatomiquement. C'est surtout au niveau du rectum que cette altération est prononcée. Les matières contenues dans ce colon sont une espèce de glaire, contenant çà et là du muco-pus plus ou moins strié de sang.

La plupart des grandes articulations ont été ouvertes ; on n'y a absolument rien rencontré. Les narines et la bouche n'ont rien produit non plus à noter. Plusieurs veines prises au hasard (veines des membres inférieurs et supérieurs, veine cave) ont été ouvertes dans la plus grande partie de leur étendue ; elles ne pré-sentaient pas d'altération.

Les dépôts plastiques que nous avons notés dans plusieurs vis-cères rappellent par leur aspect ceux qu'on rencontre dans certaines maladies générales, en particulier dans la morve, la syphilis. L'auréole violacée qui les environne dans le rein est ana-logue à celle qu'on rencontre dans les véritables abcès multiples de la résorption purulente. Mais est-ce bien à du pus infiltré dans la trame des tissus qu'on avait affaire dans le cas qui fait le sujet de cet article? C'est ce que l'examen microscopique seul pouvait décider. Or, au microscope, les dépôts plastiques du rein et de la rate ont paru composés d'une matière amorphe conte-nant une foule de granulations élémentaires et de globules ar-

rondis et composés de beaucoup de granulations, mais n'ayant pas de contours bien nets, analogues en tout à ceux qu'on a dési-gnés, dans ces derniers temps, sous le nom de globules pyoïdes. Il n'y avait pas de véritables globules purulents.

Ce fait nous en rappelle un autre analogue, sous beaucoup de rapports, que nous avons observé, il y a deux ans, dans le service de M. Béhier, à l'hôpital de Bon-Secours.

Une vieille chiffonnière, âgée de 70 ans, dans un état de mai-greur extrême, présentant une teinte jaunâtre de la peau très pro-noncée, n'offrait de remarquable à l'examen clinique qu'une aug-mentation de volume énorme, il est vrai, delà rate et du foie. On la supposait affectée d'une altération cancéreuse de ces deux organes. Elle était sourde; son intelligence paraissait altérée, elle ne pouvait, en un mot, donner aucun renseignement sur son état antérieur. De temps à autre, elle avait des syncopes, et c'est pen-dant une de ces syncopes qu'elle mourut.

A Y autopsie, le foie paraît, à la coupe, semé d'une vingtaine de points noirâtres non énucléables, gros comme des noisettes. Le tissu de la rate, dur, friable, d'une teinte rouge sombre, est mar-bré de grandes taches verdâtres, dont quelques-unes paraissent contenir à leur centre du pus rassemblé en foyer. Quelques gan-glions mésentériques sont développés, et il en est qui contiennent au centre des dépôts analogues à ceux qui avaient été rencontrés dans la rate et dans le foie. La veine porte et les branches prin-cipales, la veine cave, ne contenaient pas de pus. L'examen mi-croscopique des dépôts du foie y a démontré l'existence de glo-bules analognes à ceux du pus par quelques-uns de leur carac-tères, mais en différant, sous beaucoup d'autres (pyoïdes).

Ces deux cas nous paraissent appartenir à un même groupe pathologique. La multiplicité des dépôts plastiques, dans plusieurs viscères, le foie, la rate, les reins, rappellent ce qu'on voit dans la morve, l'infection purulente, etc. Mais,

dans les cas qui nous occupent, ce n est pas du pus véritable qui constituait la matière des dépôts observés dans les vis-cères, mais bien un produit tout particulier que nous désigne-rons, faute de mieux, sous le nom de substance plastique concrète, contenant des globules pyoïdes.

Nous avons pensé que nos observations, tout incomplètes qu'elles sont, pourraient acquérir une certaine utilité, si d'au-tres cas analogues venaient à se présenter par la suite, et les rendraient, pour ainsi dire, moins inattendues.

Charcot. Œuvres complètes, t. v. Poumons et Cœur.

39

X.

Gangrène du pied et de la jambe gauches. — Dépôts fibrineux multiples dans les reins, la rate, le foie. — Engorgements hémoptoïques dans les deux pou-mons 1.

Observation. — La nommée Fromentin (Marie), âgée de 86 ans, autrefois jardinière, est entrée à l'hospice de la Salpêtrière, le 17 décembre 1842. Elle est admise à l'infirmerie, ie 29 novem-bre 1852, service de M. Cazalis.

30 novembre 1852. — Cette malade, vu l'affaissement de son in-telligence ne peut nous donner aucun renseignement sur le début de sa maladie actuelle. Dès son entrée à l'infirmerie, elle se plaint de douleurs vives avec fourmillements dans les deux membres inférieurs, surtout dans le gauche qui présente déjà une diminu-tion de chaleur très notable, où elle éprouve une sensation très pénible de froid. Cependant, le sentiment persiste dans ces deux membres; la malade ne peut les mouvoir sans y éprouver une vive douleur, on n'y observe pas d'oedème, pas de changement de couleur des téguments. L'examen physique des divers organes n'y fait reconnaître aucune lésion importante. Le cœur seul paraît volumineux; on y entend un double bruit de souffle assez doux, dont le maximum siège vers la pointe et qui ne se prolonge pas dans les vaisseaux du cou. Les battements y sont intermittents, très irréguliers, le choc peu énergique. Le pouls radial est très irrégulier, et présente des intermittences nombreuses. Les deux artères fémorales, examinées dans l'espace inguinal, paraissent

1 Extrait des Mém. de la Soc. de Biol., 1855, p. 213.

volumineuses, mais ne semblent pas ossifiées. La température du corps est assez élevée ; il n'y a pas eu, assure-t-on, de frissons, pas de douleurs à la pression ou à la percussion, le long de la co-lonne vertébrale.

Le 5 décembre, les douleurs dans les deux membres inférieurs et spécialement dans le gauche sont devenues progressivement extrêmement vives. Elles sont à peu près continues, mais on ob-serve qu'elles présentent vers six heures du soir, une exacerbation très manifeste.

La peau du tronc devient plus chaude, le pouls est plus irrégu-lier encore que par le passé. Il se manifeste un peu de délire et l'état adynamique se prononce. Le membre inférieur gauche a une température très basse ; il prend une coloration bleuâtre, surtout sensible sur le dos du pied, mais qui gagne, dans l'espace ie deux ou trois jours, toute l'étendue des deux tiers inférieurs Je la jambe ; on y observe en même temps un peu d'empâtement, pji conserve à peine l'impression du doigt.

Les battements de l'artère crurale gauche sont devenus moins sensibles que ceux de l'artère correspondante du côté droit, les-quels ont cependant aussi un peu diminué d'intensité. Une tache violacée apparaît, vers la même époque, au niveau de la malléole interne du pied droit. On ne peut toucher la jambe gauche sans que la malade pousse des cris violents; elle ne peut elle-même la remuer. Quand on pince la peau de ce membre, la douleur accu-sée par la malade paraît très vive, plus vive même que par le passé. Insomnie et délire continus.

Le {^décembre, le dos du pied gauche a une coloration uniforme violet foncé, parsemé çà et là de macules d'un rouge vif. Cette teinte violette se limite du côté des orteils et du côté de la cuisse par un bord sinueux, mais nettement tranché. Le membre, qu'on n'a cessé, depuis l'apparition de la gangrène, de recouvrir de compresses trempées dans le vin aromatique, et qu'on a conti nuellement mis en contact avec des vases remplis d'eau tiède, ne présente pas une température inférieure à celle du corps. La ma-lade ne cesse de s'agiter et de pousser des cris, surtout vers le soir, tant est vive la douleur. Le délire continue (potion, depuis le 5 de-

cembre; de 1 à 3 pilules d'extrait d'opium, de 0,05 chaque jour).

Il y a toujours de la chaleur de la peau, une intermittence très prononcée des battements du cœur et du pouls; pas de frissons, pas de dévoiement. La langue est sèche et recouverte d'un enduit fuligineux. L'artère crurale gauche ne présente plus que des bat-tements très faibles.

Le 15 décembre, les douleurs dans les membres spbacélés ont manifestement diminué. Les pupilles sont très contractiles, les conjonctives très injectées. — Mort, le 17 décembre, à une heure de l'après-midi.

Autopsie. — Organes circulatoires. — Le cœur est très volumi-neux. Le ventricule droit est distendu par une grande quantité de sang noir, comme poisseux, à demi-coagulé. Ses parois ont une épaisseur normale. Les valvules sont en bon état. Le cœur gauche est manifestement hypertrophié : les parois sont très épaisses, la cavité contient un peu de sang noir à peine coagulé. Les valvules mitrales sont légèrement opaques; elles ne sont pas insuffisantes. Les valvules sigmoïdes de l'aorte contiennent quelques concré-tions calcaires.

La crosse de Vaorte présente aussi quelques incrustations. L'aorte descendante thoracique, à part quelques plaques athéromateuses, est, dans toute son étendue, saine. L'aorte abdominale, un peu avant sa bifurcation, dans l'étendue d'un décimètre, est transfor-mée en un tube résistant, osseux, moniliforme; sa cavité ne con-tient pas de caillots. Les artères iliaques primitives ne contiennent pas de caillots, elles ne sont pas ossifiées; leurs parois sont sim-plement blanches, opaques, épaissies. L!artère crurale gauche elle-même est libre dans l'étendue de 4 centimètres au-dessus de l'ar-cade crurale. Plus bas, cette artère, dont les parois sont simple-ment épaissies et opaques, est remplie par un caillot noir, moyen-nement résistant, et adhérant à peine à la membrane interne, qui présente une couleur violacée, mais qui est peu friable.

L'artère tibiale gauche, dans ses deux tiers supérieurs, présente le volume d'une plume à écrire d'assez fort calibre; plus bas, elle diminue brusquement de volume, et devient tout à coup moitié

moins grosse. Dans sa partie supérieure, cette artère est remplie de caillots d'une coloration rosée, consistants et adhérant assez intimement aux parois de l'artère, qui paraît fortement distendue. En certains points, l'adhérence du caillot est telle qu'il est difficile de le détacher. La membrane interne de l'artère présente une einte rouge foncée, et dans les points où les caillots sont adhé-rents, on aperçoit, par transparence, des plaques blanchâtres qui paraissent sous-jacentes, mais pas de véritables plaques calcaires. D'ailleurs, la membrane interne est friable, mais elle n'est ni ul-cérée, ni même érodée. Les autres membranes artérielles sont im-bibées de sang et friables, mais pas autrement altérées. Plus bas, dans la portion de l'artère qui a conservé son calibre, on rencon-tre un caillot noir, peu consistant, et n'adhérant nullement aux parois artérielles. — Les artères tibiale postérieure et péronière présentent des altérations analogues.

Les grosses veines du membre sphacélé, la veine fémorale elle-même et les veines d'un calibre moyen, sont fortement distendues par du sang noir à demi-coagulé.

Toutes les parties du membre inférieur qui correspondent aux points où il existe une coloration violacée ecchymotique, sont in-filtrées par une sorte de sanie brunâtre, qui s'écoule quand on les divise. Les muscles, en particulier, ont une teinte pâle et leur tissu est ramolli.

L'artère crurale du côté droit est remplie par un caillot ana-logue à celui qu'on rencontre dans l'artère correspondante du côté gauche.

Les poumons sont congestionnés; ils renferment çà et là, sur-tout au voisinage de leurs bords antérieurs, des noyaux durs, du volume d'un œuf de pigeon, d'une coloration noire foncée, d'une structure granuleuse dont les bords sont bien arrêtés (apoplexie pulmonaire.)

La, rate est très épaisse; elle présente 10 centimètres dans son petit diamètre. Son tissu s'écrase facilement par la compression, et laisse alors s'écouler une boue d'un brun noirâtre. Cet organe présente, vers son bord supérieur un noyau d'une coloration rou-geâtre, de 2 centimètres de diamètre environ dans tous les sens,

dont les bords sont nettement limités et qui tranche vivement, par sa coloration, sur la teinte violet-foncé du reste de l'organe.

Reins. Un très grand nombre de noyaux analogues à celui qu'on a vu dans la rate, et de divers volumes, se montrent dans les deux reins. Ces deux organes sont en outre, un peu ramollis. Leurs plus gros vaisseaux contiennent beaucoup de sang noir; on remarque aussi une infiltration sanguine, très prononcée et d'une teinte noire, dans ie tissu propre du rein, infiltration surtout évidente au pourtour des noyaux fibrineux décolorés.

Le foie est volumineux, d'une consistance un peu molle, d'une coloration foncée. Il laisse écouler beaucoup de sang noir quand on l'incise. Il renferme çà et là un certain nombre de noyaux ou plaques fibrineuses analogues à celles qui ont été signalées dans les reins et dans la rate. Mais ces noyaux sont ici moins bien déli-mités, et ils ne consistent qu'en des espèces de taches. Les autres organes n'ont rien présenté qui méritât d'être noté.

Les tumeurs multiples qui ont été rencontrées dans les reins, la rate et le foie de cette malade étaient composées, ainsi que nous l'a démontré l'examen microscopique, de fibrine amorphe et de nombreuses granulations moléculaires; elles ne contenaient pas de globules purulentes. Tout nous porte à croire qu'elles ont été le résultat d'hémorragies parenchymateuses. Quelques-unes d'entre elles contenaient, en effet, outre la fibrine amorphe et les granulations, des globules du sang, par-fois en grand nombre, et présentant divers degrés d'altération. Il est très vraisemblable que les engorgements hémoptoïques circonscrits que renfermaient les poumons se fussent eux-mêmes décolorés à la longue, par suite de la disparition des éléments colorés du sang, si la malade eût pu résister plus longtemps à l'affection à laquelle elle a succombé. Nous avons vu dans une autre circonstance (Comptes rendus si Mémoires de la Société de biologie, t. III, p. 89, 1851)l, de semblables noyaux fibreux disséminés dans divers viscères, coexister chez

1 Voir plus haut, p. 602-609.

un même individu avec des foyers hémorragiques sous-séreux, sous-muqueux, etc. Dans ce dernier cas, quelques-uns de ces noyaux s'étaient ramollis à leur centre, transformé dès lors en une masse demi-liquide, d'une consistance comme crémeuse et d'une couleur jaune-verdâtre. On eut pu croire qu'il s'agis-sait de foyers purulents multiples, si l'on se fut contenté d'un examen superficiel. L'examen microscopique est venu démon-trer que la matière liquide n'était pas formée de pus, mais bien de fibrine désagrégée et de globules que nous désignions alors sous le nom de globules pyoïdes, mais qui, suivant toute probabilité, n'étaient autres que des globules blancs du sang. Il paraît que ces globules résistent beaucoup plus longtemps à la destruction qui s'empare tôt ou tard des éléments du sang sortis des vaisseaux, que ne le font les globules rou-ges.

Dans l'observation que nous rapportions en 1851, et que nous rappelons ici, le malade, atteint de rhumatisme articu-laire aigu, avait succombé à la suite d'une affection cérébrale à marche aiguë, et caractérisée surtout par du subdélirium suivi de coma, et une paralysie bien marquée de tout le côté gauche du corps. On trouva, lors de la nécroscopie, outre les dépôts fibrineux viscéraux multiples et de nombreux caillots hémorragiques, un ramollissement de la substance cérébrale au voisinage des couches optiques et du corps strié du côté droit, et dans le cœur des végétations fîbrineuses, siégeant sur les valvules mitrales, qui étaient, d'ailleurs, comme ulcérées à leur bord libre. Aceite époque, les accidents qui ont déterminé la mort de ce malade étaient pour nous inexplicables. Nous penchions à croire qu'on pouvait comparer les affections loca-les qui ont été trouvées à l'autopsie à celles qui se rencontrent chez les sujets qui succombent à la morve aiguë, à l'infection purulente, et à d'autres maladies dites générales. Les obser-vations qui ont quelques rapports analogues à la note publiée,

il y a longtemps, par M. Legroux, Allibert et Duplayl, auraient pu alors nous servir de terme de comparaison; mais il n'y était pas fait mention des dépôts fibrineux multiples qui fixaient surtout notre attention. D'intéressants travaux qu'on doit à des médecins étrangers et dont les plus importants sont, sans con-tredit, ceux du prof. Virchow8 et du docteur Senhouse Kir-kes3 sont venus, dans ces derniers temps, jeter définitivement quelque lumière sur ce genre d'affection, qu'il n'est sans doute pas très rare de rencontrer dans la pratique.

Ces travaux tendent à faire admettre que des parcelles de matière athéromateuse, des fragments de plaques osseuses artérielles ou de végétations valvulaires désagrégées, peuvent se détacher, sous l'influence de causes mécaniques ou autres, être entraînés au loin par le courant sanguin, s'arrêter, par la suite dans les vaisseaux trop étroits pour leur donner passage, les obturer plus ou moins complètement et déterminer ainsi, suivant le lieu où ils se fixent, la production de dépôts fibri-neux viscéraux multiples, de gangrènes des organes profonds ou des membres, de certaines espèces de ramollissement céré-bral, etc. Cette théorie est fort ingénieuse, elle peut rendre compte d'un certain nombre de faits qui, sans elle, trouve-raient difficilement leur explication ; mais il est, et il sera tou-jours fort difficile, quelque soin qu'on apporte dans ce genre de recherche, de retrouver, au milieu des caillots qui les en-veloppent, ces particules fibrineuses, athéromateuses ou os-seuses qui, véritables corps étrangers mêlés au sang et circu-lant avec lui, viendraient déterminer l'occlusion des vaisseaux.

1 Legroux. — Thèses de Paris, 1827, n° 215. — Allibert, Thèses de Paris, 1828, no 74. — Duplay. Avchiv. générai, de Médec, t. I, 2e série, 1833, p. 177, 178, etc., etc

2 Virchow. — Traube's Beitrage zu Exper. pathol. und physiol., 1846, Heft 2 § I. — Handbuch der speciel. Pathol. und Therap. Erlangen, 1854, Bd. I. II. I. S 157, etc.

3 Senhouse Kirkes. — Med. chir. Trans., 1852, vol. XXXV p. 281, et Arch. gén. de Méd., 1853, p. 279.

Leur existence, cependant, a pu, assure-t-on, être démontrée quelquefois déjà, à la suite d'une investigation minu-tieuse.

Quoiqu'il en soit, les observations sur lesquelles s'appuie la partie purement descriptive des travaux dont il vient d'être question, établissent plusieurs faits importants; ainsi elles font voir : 1° que ces dépôts fibrineux multiples des reins, du foie, mais surtout de la rate, se rencontrent assez particulière-ment chez des individus qui, pendant la vie, ont présenté les signes d'une affection organique du cœur, et chez lesquels, après la mort, on a trouvé les valvules sigmoïdes de l'aorte ou mitrales recouvertes de végétations fîbrineuses qui souvent pa-raissaient ramollies ou comme déchiquetées. Cette existence fréquente des deux altérations a été remarquée par un assez grand nombre d'auteurs. —(Rokitansky, Hodgkin, et Jackson (de Boston). On a particular dérangement of the Spleen, in Medico chir. Trans.; London, 1846, vol. XXIX. — Virchow, loc. cit.; Kirkes, loc. cit. et autres). Nous l'avons rencontrée nous-même dans un assez bon nombre de cas. — 2° L'oblitéra-tion des artères volumineuses avec ou sans gangrène des mem-bres et le ramollissement cérébral s'observent quelquefois, soit isolément, soit simultanément, en même temps que les dépôts fibrineux et les hémorragies interstitielles, ainsi que l'ont vu les auteurs que nous venons de citer et d'autres encore. — 3° Il arrive parfois aussi que les premières de ces affections locales soient les seules qui coexistent avec les végétations fîbrineuses valvulaires, et que les dépôts fibrineux fassent dé-faut ou du moins passent inaperçus (Pioch. Gaz. médic, août 1847, n° 34. — Tuffnel. Dublin quarterhj Rev., t. XV, 1853, p. 371). — 4° Enfin, il peut arriver encore, entre autres combinaisons possibles, que les végétations valvulaires man-quent et que les dépôts fibrineux et l'oblitération d'une artère ?volumineuse, suivie de gangrène d'un membre, existent seuls.

C'est ce qui avait lieu chez la malade qui fait l'objet de notre communication.

Nous pourrions, àla rigueur, supposer que chez cette malade, quelques fragments des plaques osseuses qui existaient à l'o-rigine de l'aorte et à sa terminaison ont été détachées par une cause quelconque et ont déterminé la coagulation du sang dans les artères de la jambe gauche et aussi la production des hé-morragies multiples et parenchymateuses ; mais ce serait là une hypothèse purement gratuite, car, malgré un examen assez attentif des parties, nous n'avons rien rencontré qui soit de na-ture à la justifier. D'un autre côté, les détails de l'observation ne nous permettent pas de croire que l'inflammation, ou toute autre affection des artères du membre inférieur gauche, aient existé primitivement et aient provoqué la formation des cail-lots qui oblitéraient ces vaisseaux. Les caillots se sont formés d'abord, et l'artérite, si toutefois elle existait réellement, s'est développée ensuite. Nous ignorons quelle a pu être la cause première de cette coagulation spontanée du sang dans les ar-tères des membres inférieurs. La rigidité des parois de l'aorte abdominale a sans doute favorisé son action, mais elle n'a certainement pas été le point de départ de tous les accidents. Il nous semble que cette cause, quelle qu'elle soit, devra ren-dre compte, non-seulement de la gangrène qui a frappé un des membres, mais encore de la présence des dépôts fibrineux et des hémorragies circonscrites disséminées dans plusieurs viscères.

On pourrait peut-être admettre qu'elle n'est autre qu'une modification survenue dans les propriétés plastiques du sang, et supposer que ce liquide a acquis une tendance particulière àla coagulation; mais d'où proviendrait cette altération du sang? Serait-elle primitive, ou, au contraire, faudrait-il la su-bordonner à une affection des organes? Ce sont là des ques-tions que nous ne pouvons point aborder pour le moment;

qu'il nous suffise de faire remarquer que la gangrène sponta-née des membres n'est certainement pas toujours une affec-tions toute locale, et qu'il est des cas où elle n'est, ainsi qu'on le voit par l'histoire de notre malade, qu'une des manifesta-tion d'une affection qui, dès l'origine, frappe à la fois plusieurs points de l'économie. A l'appui de cette manière de voir, rap-pelons que, dans des circonstances où la maladie affecte une marche très aiguë, l'apparition de la gangrène est parfois pré-cédée pendant plusieurs jours, ainsi que nous l'avons vu en particulier tout récemment, chez un homme âgé de 26 ans, par des accidents généraux graves à forme typhoïde.

APPENDICE

APPENDICE

i.

Sur l'infarctus hémoptoïque du poumon, à l'occasion d'un travail de M. le docteur Heschl 1

(Voir p. 127)

L'histoire de cette variété d'hémorragie intra-pulmonaire qui produit dans le poumon l'altération qu'on désigne sous les noms d'engorgement, d'infarctus hémoptoïques, et qui survient habi-tuellement dans les phases ultimes des maladies organiques du cœur, principalement lorsqu'il s'agit d'un rétrécissement de la valvule mitrale, cette histoire est restée jusqu'à ces derniers temps telle ou à peu près telle que l'ont faite les travaux de MM. Laënnec, Cruveilhier, Andral et Rokitansky; et, en particu-lier, la belle description anatomique que Laënnec a donnée de l'engorgement hémoptoïque du poumon a été reproduite sans avoir subi de modification importante, ou même dans son inté-grité la plus parfaite, par tous les auteurs qui ont eu à s'occuper du sujet. Cependant cette description, si remarquable pour l'épo-que à laquelle elle a été tracée, laisse dans l'ombre bon nombre de points importants dont l'étude ne pouvait pas manquer d'être abordée de nos jours, où le goût des investigations anatomiques minutieuses est si universellement répandu.

On s'accorde assez généralement à reconnaître que, dans l'en-gorgement hémoptoïque du poumon, le sang est épanché dans la 1 Extrait de la Gazette hebdomadaire, 1857, p. 519.

cavité même des vésicules ou alvéoles pulmonaires; c'est même à celte particularité que les noyaux indurés doivent l'aspect gra-nuleux qu'ils ont en commun avec les fragments du poumon frap-pés d'hépatisation rouge. On sait aussi que les vaisseaux capillaires qui traversent ces noyaux, les veines qui en partent et les artères qui s'y rendent sont habituellement gorgés de sang ou même remplis de caillots plus ou moins volumineux, plus ou moins décolorés, et parfois très adhérents à la paroi vasculaire. Les tuyaux bronchiques eux-mêmes sont souvent obstrués par du sang coagulé. Mais quelle est la signification de ces diverses alté-rations? Dans quel ordre, suivant quelles lois, par quel méca-nisme s'opèrent-elles ? Quelles sont les modifications qui survien-nent dans la nutrition des diverses parties constituantes du parenchyme pour en modifier la texture intime, avant que le sang ne se soit répandu au dehors de ses voies naturelles, et qui seules peuvent expliquer pourquoi l'iiémorragie s'effectue dans tet point du poumon plutôt que dans tel autre? Ce sont là des questions de quelque intérêt, parmi tant d'autres du même genre qui ressortissent encore à l'anatomie et à la physiologie patholo-gique de l'apoplexie pulmonaire. Elles sont loin d'être résolues: à peine ont-elles été sérieusement abordées. C'est à l'étude des questions de cet ordre qu'est consacré le travail du docteur Heschl sur l'infarctus hémoptoïque du poumon. Les conclusions aux-quelles l'auteur est arrivé ne sont certes pas le dernier mot de la science ; mais elles pourront tout au moins, nous l'espérons, ser-vir de point de départ pour les recherches ultérieures.

Parmi les travaux qui ont été écrits sur le même sujet, et que l'auteur passe en revue avant d'exposer ses propres recherches, il en est deux qui ont joui d'une certaine faveur, du moins en Allemagne ; nous les croyons peu connus en France : auss jugeons-nous utile d'en rapporter l'exposé, du moins sommaire-ment.

C'est d'abord un mémoire publié en 1846, dans le Journal de Prague, parle professeur Bochdalek (Prager Vierteljahrs., 9 Bd., 1846, S. 1), et ensuite un article qui fait partie d'un ouvrage pu-blié à Erlangen, en 1850, par le docteur Dittrich (Beitrôge zur

Path. Anat. der Lungenkrankheit., S. 1). D'après Bochdalek, les caillots qu'on rencontre, ainsi que l'a démontré M. Cruveilhier, dans celles des ramifications de l'artère pulmonaire qui se rendent au noyau hémoptoïque, sont l'indice d'une inflammation de ces vaisseaux, lis existent non seulement dans les ramifications qui ont un demi-millimètre, 1 millimètre, ou même 3 millimètres de diamètre, mais on les trouve encore parfois dans les branches principales. Ils existent aussi dans les capillaires qui font suite aux dernières ramifications artérielles. C'est même là que l'in-flammation se manifesterait probablement tout d'abord, pour se propager ensuite, par voie de continuité, jusque dans les troncs vasculaires du plus fort calibre. Les caillots sont plus ou moins pâles et décolorés, plus ou moins ramollis et friables, plus ou moins adhérents aux parois artérielles ; on les voit parfois creu-sés de petits foyers contenant un liquide verdâtre et d'aspect pu-rulent. Quant aux parois du vaisseau, elles sont plus pâles que de coutume, ou, au contraire, d'une teinte rouge-foncé, et en tout cas opaques et friables. Ces altérations diverses, qui, suivant l'au-teur, mettent hors de doute l'existence de l'inflammation des ra-mifications de l'artère pulmonaire et des capillaires auxquels elles aboutissent, sont d'autant plus manifestes que l'infarctus hémop-toïque est de date plus ancienne. Malheureusement pour la théorie, elles sont loin d'avoir la valeur que le docteur Bochdalek leur prête. U paraît, en effet, bien démontré aujourd'hui, et les expé-riences de Virchow n'ont pas peu contribué à établir cette dé-monstration, que toutes ces modifications que subissent les cail-lots fibrineux dans les artères, comme aussi dans les cavités du cœur et quelquefois même dans les veines, sont loin d'être une conséquence nécessaire de l'inflammation. Bien plus, elles se ma-nifestent le plus souvent dans des circonstances où la coagulation du sang dans les vaisseaux est évidemment la conséquence du retard que ce liquide a subi dans son cours, par suite de la pré-sence d'un obstacle purement mécanique. La substance d'aspect purulent, que renferment les cavités qui existent parfois au centre des caillots, n'est généralement pas du pus, au moins dans les artères et dans les cavités cardiaques; elle consiste en un amas Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons et Cœur. 40

de granulations moléculaires ou manifestement graisseuses qui sont le résultat delà désagrégation de la fibrine l. L'altération des parois vasculaires, enfin, est en général consécutive à la for-mation des caillots; elle est parfois l'expression de l'inflammation des tuniques artérieiles ; mais, le plus souvent, elle est simple-ment due à des phénomènes d'imbibilion. On comprend d'ailleurs difficilement, dans la théorie de Bochdalek, la relation qui existe-rait entre l'artérite, qu'il a cru constater, et l'hémorragie qui s'effectue dans les alvéoles du poumon pour constituer l'infarctus hémorragique.

Dittrich paraît surtout guidé, dans son étude de l'apoplexie pulmonaire, par le travail bien connu de Paget sur l'apoplexie du cerveau. On sait que, d'après ce dernier auteur, bon nombre d'hémorragies intra-encéphaliques seraient en grande partie la conséquence de l'altération graisseuse que subit parfois la paroi des vaisseaux sanguins de petit calibre qui traversent la substance du cerveau. Dittrich a constaté que, dans les cas où il existe dans les poumons des indurations hémoptoïques, les parois des artères pulmonaires présentent très fréquemment, à un degré plus ou moins prononcé, l'altération athéromateuse. Il a rencon-tré surtout, en pareil cas, la métamorphose graisseuse et la fria-bilité des tuniques vasculaires qui en est habituellement la consé-quence, sur des branches de deuxième, troisième et quatrième ordre. Mais il ne paraît pas l'avoir directement observée sur des vaisseaux ayant moins d'un demi-millimètre de diamètre, et c'est par analogie seulement qu'il est conduit à admettre, du même coup, que cette modification de texture existe également dans les plus petits vaisseaux, et qu'elle peut rendre compte de l'hémor-ragie qui s'opère dans les points des poumons où les vaisseaux présentent le plus haut degré d'altération.

Le professeur Heschl, dans un récent travail (Prager Vierteljah-

1 Voir sur ce point spécial les travaux de MM. Gulliver (Med. Chir. Trans., 18:i9, p. 144) ; — Virchow (Zeitsch. für ration. Med., Bd V, S. 226, et Gesam. Abhandl., passim) ; — Donders et Jansen (Nederland La?icet, Bd I. p. 232, 305) ; — Rokitansky [Path. Anat., Bd. II, p. 477) ; — Charcot (Mém. de la Soc. de Biologie, 1851, p. 189, et 1854,p. 301.—Voir, dans ce volume, p. 363 et 379); — Robin et Verdeil (Traité de chimie anat., t.III, art. Fibrine).

reschrift, 1857, Bd. 2, p. 21), fait remarquer, après d'autres au-teurs, que l'on rencontre habituellement dans le tissu pulmo-naire, conjointement avec l'induration hémoptoïque, des altéra-tions dont les unes sont pour ainsi dire générales et portent, bien qu'à des degrés divers, sur toute ou presque toute l'étendue des deux poumons, et dont les autres sont locales et s'observent dans les points mêmes où l'apoplexie s'est effectuée ou doit s'effectuer. Ces altérations représentent autant de degrés préparatoires de l'épanchement. Les premières constituent une sorte d'induration, de carnificalion du parenchyme, que Skoda a désignée sous le nom d'hypertrophie du poumon, Virchow et Rokitansky sous ce-lui d'induration pigmentaire {Pigment-Induration). Voici, en deux mots, quels sont les caractères essentiels de cette espèce anatomi-que que MM. Ch. Robin et Isambert ont étudiée à nouveau dans un mémoire lu à la Société de biologie en 1855 (t. II, 2e série, p. 163) : une matière amorphe de nouvelle formation est interpo-sée aux éléments normaux, aux fibres élastiques du tissu pulmo-naire. Cette matière est semée d'abondantes granulations d'hé-maloïdine, qui tantôt s'infiltrent d'une manière générale, tantôt, au contraire, sont rassemblées en amas ou mamelons séparés par des intervalles d'étendue variable. Souvent des grains d'hé-matoïdine se rencontrent également dans les alvéoles pulmonaires, et les cellules épithéliales qui tapissent les canalicules respiratoi-res en renfermentelles-mêmes un certain nombre. Cetle induration spéciale du parenchyme pulmonaire, qui paraît dépendre à la fois d'un travail d'exsudation et d'une tendance générale aux hé-morragies interstitielles, est, pour ainsi dire, exclusivement pro-pre aux affections organiques du cœur, de longue durée. Elle paraît exister constamment dans les cas où l'on rencontre l'in-farctus hémoptoïque.

Quant à celles des lésions préparatoires de f'hémorragie qui sont circonscrites, elles se présentent sous plusieurs aspects, qui correspondent toutefois à des degrés divers d'une même altéra-tion.

Ce sont d'abord des noyaux dont le volume varie depuis celui d'un pois jusqu'à celui d'une noisette, à contours nets comme

ceux de 1 infarctus proprement dit, à aspect granuleux. Leur nombre varie de un à cinq. Ils sont d'une couleur d'un gris rou-geâtre, ou d'une couleur gris jaune, dans fes cas où l'induration pigmentaire du poumon est très prononcée. Ils sont friables el laissent s'écouler, quand on les presse, un liquide visqueux. L'examen microscopique y a fait reconnaître les particularités suivantes : les cellules épithéliales paraissent très volumineuses ; elles renferment habituellement d'abondantes granulations grais-seuses, et quelquefois, en outre, des corpuscules colorés (héma-toïdine). On observe des cellules épithéliales à deux noyaux, des globules de pus, mais en petite quantité. Quant aux parois mômes des alvéoles, elles ne présentent pas d'autres modifications que celles qui appartiennent à l'induration du poumon. C'est ainsi que les fibres élastiques ont conservé leur structure normale; les vaisseaux seuls paraissent quelquefois distendus par le sang. A ces caractères, on ne saurait méconnaître, suivant le docteur Heschl, qu'il s'agit là de noyaux pneumoniques. Ces noyaux siè-gent en général, surtout au voisinage du hile du poumon, entre les ramifications des bronches d'un certain volume. Il est rare qu'ils n'existent pas en certain nombre, concurremment avec les infarctus hémoptoïques, et il est étonnant que les auteurs qui ont écrit sur l'apoplexie pulmonaire n'en aient pas fait mention et n'aient pas signalé cette coïncidence.

A un degré plus avancé, les alvéoles sont, comme ci-dessus, remplies de cellules épithéliales dégénérées; mais la dégénéra-tion de ces cellules est plus prononcée. Leurs parois sont moins distinctes, les amas de granulations ont une teinte moins foncée, etc. Quant aux parois des alvéoles, la seule particularité nouvelle qu'il y ait à y noter, c'est que les vaisseaux sanguins du réseau capillaire sont dans un état de plénitude extrême. Cependant, malgré cette extrême injection des capillaires, il peut ne pas exister un seul globule sanguin dans la cavité même de l'al-véole.

Mais souvent aussi, au centre des noyaux qui ont passé par celte deuxième phase de l'altération préparatoire, on rencontre quelques alvéoles au sein desquels l'extravasation s'est effectuée.

Des lors, aux éléments qui remplissaient les vésicules pulmonai-res, il s'est mêlé un nombre plus ou moins grand de globules san-guins. L'hémorragie vésiculaire est dès lors constituée. Elle peut envahir toute ou à peu près toute l'étendue du noyau pneumoni-que, qui présente ainsi les caractères de l'infarctus hémoptoïque proprement dit. D'où cette conséquence, que l'hémorragie n'est ici, pour ainsi dire, qu'un accident qui a lieu dans le cours du deuxième stade d'une variété particulière d'inflammation paren-chymateuse.

Quelques-uns des noyaux pneumoniques, arrivés au deuxième degré de l'altération, au lieu de se transformer directement, comme on l'a vu en infarctus hémoptoïque, peuvent avoir subi une autre métamorphose. Le tissu malade a pris une coloration jaune brun sale; il est devenu plus mou, plus friable encore. L'examen microscopique y fait reconnaître que les différents éléments du parenchyme ont perdu leurs contours nets ; ils sont tous devenus éminemment granuleux et sont dans un état de véritable dissolu-tion. Dans certains points même, on ne rencontre plus rien autre chose que des globules de graisse et des granulations pigmentai-res. Ces altérations correspondent au premier degré de la gan-grène. La nécrose des tissus qui n'ont pas encore subi la fermen-tation putride n'est appréciable qu'à l'aide de l'investigation mi-croscopique ; mais elle peut atteindre un plus haut degré, et la fétidité qu'exhalent les parties désagrégées ne laisse bientôt plus aucun doute sur son existence.

La pneumonie qui prépare la formation des noyaux hémoptoï-ques est donc d'une nature spéciale. Elle ne tend pas à la suppu-ration, mais bien à l'hémorragie et à la gangrène. Cette dernière terminaison est le cas le plus rare ; mais il n'est pas improbable que les modifications de texture qui y conduisent, à savoir la désa-grégation, la dissolution proprement dite des tissus, existent tou-jours à un moment donné, et que c'est en vertu de cette dissolu-tion que les parois vasculaires et les trabécules du poumon don-nent issue, en se rompant, à l'extravasation hémorragique. On peut d'ailleurs rencontrer, comme on sait, l'hémorragie et la gan-grène dans un même point du parenchyme du poumon.

Pour ce qui est des conditions particulières qui impriment à la pneumonie préparatoire de l'apoplexie ces allures toutes spéciales, l'auteur les trouve principalement dans l'existence préalable de cette altération, qui porte sur l'ensemble des éléments du poumon, et qui dérive de l'obstacle prolongé qu'éprouve la colonne san-guine dans son passage au travers des voies respiratoires. Nous voulons parler de l'induration ou carnification congestive (indu-ration pigmentaire de Virchow, hypertrophie pulmonaire de Skoda) dont il a été fait mention plus haut.

Il faut, suivant le docteur Heschl, bien distinguer l'infarctus hémoptoïque proprement dit, de Y obstruction sanguine des vésicu-les pulmonaires. Dans le cas où un gros vaisseau s'est ouvert dans les bronches, le sang pénètre sous l'influence des lois de la pesan-teur, ou mieux encore par suite de l'espèce d'aspiration, de suc-cion qui s'opère pendant l'acte de l'inspiration, jusque dans les plus petits tuyaux bronchiques et dans les vésicules pulmonaires elles-mêmes. Il en résulte des noyaux indurés, de couleur noire, grenus, bien circonscrits, et ayant en un mot tout l'aspect de l'in-farctus hémoptoïque véritable. La confusion entre ces deux états anatomiques, si différents au fond, sera cependant impossible, pour peu qu'on y regarde de près. En effet, dans l'infarctus, ainsi qu'on l'a vu, les globules de sang sont mêlés à des cellules épithé-liales granuleuses, dégénérées, etc.; tandis que, dans l'obstruc-tion pure et simple, ces cellules conservent leurs caractères nor-maux, et en même temps les vaisseaux des trabécules pulmonai-res ne présentent dans leur texture aucune modification.

Tel est en résumé, le travail du docteur Heschl. Nous le répé-tons, nous ne croyons pas que ce travail soit appelé à fixer défi-nitivement la science, relativement à la pathogénie del'infarctuà hémoptoïque du poumon; mais il paraît être du moins le fruil d'études consciencieuses, et il ne peut, par conséquent, manquer d'être utile aux médecins qui seraient conduits à reprendre ce sujet.

II.

Des pneumonies lobaires abortives.

Dans le compte rendu des maladies régnantes du mois de mars 1865, fait à la Société médicale des hôpitaux, par M. le docteur T. Gallard, nous trouvons la note suivante sur les pneumonies abortives.

«M. Charcot a trouvé un point de l'étiologie de ces pneumonies des vieillards enfermés dans les hospices, sur lequel il est du de-voir de la commission d'attirer votre attention. Il a remarqué que cette maladie épargne les infirmes, qui sont forcément confinés dans leurs dortoirs et ne peuvent quitter le lit, tandis qu'elle sévit presque exclusivement sur les valides qui vont et viennent. Et il pense qu'un grand nombre de ces derniers contractent la maladie dans les lieux d'aisances insuffisamment clos, et dans lesquels ils sont d'autant plus exposés à se refroidir, que, en raison de leur grand âge, ils y font un séjour prolongé.

« A côté des pneumonies si graves dont il vient d'être question, M. Charcot en a observé d'autres que, en raison de leur marche, il désigne sous le nom de pneumonies abortives — c'est la dénomina-tion dont il s'est servi — il ne m'appartient pas de la juger, et je la reproduis en me demandant si elle sera généralement adoptée. Quoi qu'il en soit, le fait que notre collègue a voulu exprimer est réel, et, pour ma part, j'ai eu plusieurs fois déjà occasion d'obser-ver de ces pneumonies qui, après un début brusque par du fris-son, du point de côté, de la fièvre, et quoique ayant présenté des signes stéthoscopiques incontestables, tels que râle crépitant ou

sous-crépitant fin, et souffle tubaire, se résolvent d'une faço presque subite.

» Ces faits ont, ce me semble, la plus grande analogie avec ceu que notre collègue M. Marrotte, a décrits, il y a quelques années, sous le nom de fièvre synoque péri-pneumonique.

A la suite de la lecture du compte rendu, M. Charcot a donné l'explication suivante :

M. Cuarcot : Voici quelle est la valeur de la qualification d'a-bortive donnée par moi à une certaine forme de pneumonies des vieillards: elle s'applique à ces affections thoraciques qui se déve-loppent à l'époque où les pneumonies deviennent communes, se manifestent d'abord avec tous les caractères propres à la phleg-masie pulmonaire : point de côté, frisson, signes stéthoscopiques, etc., puis cessent brusquement au deuxième ou au troisième jour. C'est une série analogue de faits que l'on observe au milieu des épidémies de typhus, par exemple, et pour lesquels on a créé la dénomination de typhus aborlif *.

Plusieurs des observations de pneumonie lobaire abortive, avec courbes thermiques, recueillies à cette époque par M. Charcot, se trouvent rassemblées dans la thèse de doctorat de M. G. Bergeron (Recherches sur la pneumonie des vieil-lards, 1866.)

1 Bulletin de la Société médicale des hôpitaux de Paris, deuxième série, tome II, 1865, p. 86 et 90.

PLANCHES

EXPLICATION LES PLANCHES

PLANCHE I.

Fig. 1. — Fragment de parenchyme pulmonaire atteint d'induration grise générale, dite pneumonie chronique. a, b, Matière amorphe remplissant les canalicules (vésicules pulmo-naires) et leurs interstices; elle est parsemée de grosses granula-tions réfractant fortement la lumière, et vient d'une portion de tissu passant à la teinte jaune.

c, Matière amorphe plus foncée, à granulations plus petites.

d, e, f, Faisceaux de fibres élastiques pulmonaires.

Fig. 2. — Cellules épithéliales pavimenteuses des canalicules respirateurs non encore oblitérés, devenues vésiculeuses, trois ou quatre fois plus grandes qu'à l'état normal et à surface bosselée.

a, c, d, Noyaux de ces cellules entourés de fines granulations.

¿, Plis de la surface d'une de ces cellules (on en voit de semblables sur les autres).

Fig. 3. — Cellules analogues et finement granuleuses dans toute leur étendue. On trouve, dans les cas de ce genre, à la surface des bron-ches pourvues d'anneaux cartilagineux, des cellules prismatiques encore chargées de cils vibrátiles ; ces cellules sont quelquefois deux à six fois plus larges qu'à l'état normal et renferment de deux à douze noyaux environ.

Fig. 4. — Faisceaux de corps fusiformes fibro-plastiques qui accompagnent parfois les faisceaux de fibres élastiques autour des canalicules pul-monaires, dans les cas analogues à celui représenté fig. 1, et pro-venant de la même préparation. a, b, c, Extrémité libre des corps fusiformes.

Fig. 5, a, b, c, d, — Tissu dur, fibroïde, des cas dits de pneumonie chro-nique au degré d'hépatisation le plus avancé et avec coloration jaunâtre.

a, b, Portion très granuleuse de ce tissu avec granulations jaunâtres graisseuses.

c, d, Portion du tissu montrant l'aspect fibrillaire avec des granula-tions jaunâtres en chapelets le long de fibrilles.

e, Noyaux devenus irréguliers et granuleux, pris à la face interne d'une cavité ulcéreuse communiquant avec une bronche dilatée à côté du tissu précédent. Ils offrent les caractères des corps dits corpuscules de lubercides.

f, Corps fusiforme très granuleux, allongé, tiré de la même prépara-tion.

Fig. 6. Leucocytes (globules de pus) plus ou moins granuleux, tels qu'on les trouve en quantité variable, dans les cas semblables à ceux présentés fig. 1. a, b, c, Leucocytes encore peu granuleux.

d, e, f, Degré plus avancé d'hypertrophie et de passage à l'état gra-nuleux.

G fiar cot QBT1VP8S completes.

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PLANCHE II.

Fig. 1. — Anthracose pulmonaire.

Fig. 2. — 1, particules de charbon. Les cellules qui entrent dans la com-position de cette figure représentent des cellules épithéliales con-tenant de volumineuses particules de charbon. Elles proviennent d'un cochon d'Inde soumis à l'inhalation du poussier de charbon de bois, par M. Charcot.

Fig. 3. 4 et S. — Elles sont relatives à de la sidérose artificielle chez un cochon d'Inde soumis à l'inhalation de l'oxyde de fer pendant un an et demi.

Fig. 3. — 1, l1, alvéoles. — 2, epithélium. — 3, parois alvéolaires.

Fig. 4. — 1, grande plaque à plusieurs noyaux. — 2, 21 tissu élastique de la paroi alvéolaire.

Fig. S. — Divers détails de prolification des cellules épithéliales. — 1, 1*, cellules épithéliales remplies de particules d'oxyde de fer.

harcot œuvres complètes

T.V. PL.II

Planche faite d après les dessins appartenant à la collection de l'auteur

TABLE DES MATIÈRES

PREMIÈRE PARTIE Maladies des Poumons

PREMIÈRE LEÇON

les instituts pathologiques et la clinique. — la structure lobulaire du

poumon.

Sommaire. — Objet du cours : lésions inflammatoires aiguës et chroniques des voies bronchiques et du parenchyme pulmonaire ; — tuberculose du poumon. — Solution apparente. — Nécessité d'une révision; exemple de la phtisie tuberculeuse, dualité ou unicité de la tuberculose. — Difficultés de ces étude.; — Méthode qu'il convient d'employer. — Manière d'envi-sager l'anatomie pathologique ou la somatologie morbide. — Relations entre l'anatomie pathologique, l'anatomie normale et la clinique. — Système allemand : séparation complète de la clinique et de l'anatomie pathologique. — Instituts anatomo-pathologiques. — Anatomie médicale de structure. — Structure lobulaire du poumon. — Parties similaires ou éléments de texture. — Lobules. — Espaces interlobulaires et intralobulai-res. — Comparaison entre le foie et le poumon..................... 1

DEUXIÈME LEÇON

la structure lobulaire du poumon (suite).

Sommaire. — Histologie normale. — 'Bronche intra-lobulaire. — Bronchioles terminales. — Lobules secondaires ou acini pulmonaires (système des conduits alvéolaires de M. Schultze; — lobulettes de M. IL Waters); — Texture des acini: conduites alvéolaires ; — alvéoles pariétaux; — in-fundibula. — Espaces interinfundibulaires et interalvéolaires...... !(?

TROISIÈME LEÇON

structure des bronches et des cavités respiratoires. — epithélium

pulmonaire.

Sommaire.— Des parois des canaux respiratoires: tuniques fibreuse externe, musculeuse, fibreuse interne, muqueuse à cils vibrátiles. — Modifica-tions de structure, suivant les dimensions des canaux aériens---- 27

QUATRIÈME LEÇON

de l'épithélium pulmonaire.

Sommaire. — Importance de la couche épithéliale. — Réalité de son exis-tence. — Sa disposition chez les animaux (triton, grenouille, reptiles, chat, etc.) ; — chez le fœtus humain................................ 39

CINQUIÈME LEÇON

pathologie générale de l'épithélium pulmonaire.

Sommaire. — L'épithélium pulmonaire se développe aux dépens du feuillet moyen du blastoderme comme les endothéliums. — Pathologiquement, l'épithélium pulmonaire se comporte à la façon des endothéliums et des épithéliums. — Développement des poumons: cellules hypoblastiques et tissu mésoblastique.

Caractères des inflammations aiguës des tissus vasculaires. — Irritation nutritive. —Irritation formative. — Cellules géantes. — Prolifération par scission........................................................... 34

SIXIÈME LEÇON

anatomie pathologique générale de l'épithélium pulmonaire (Sllité).

Sommaire. — L'épithélium pulmonaire se comporte à la façon des endothé-liums : démonstration. — Broncho-pneumonie expérimentale : lésions au bout de six heures et vers le deuxième et le troisième jour. — Pneumo-nies épithéliales, pneumonokonioses. — Expériences: introduction de pou-dre d'oxyde de fer dans les voies respiratoires ; pénétration au fond de ces voies et dans les cellules de l'endothélium; localisation dans les acini, sous forme lobulaire.

Faits pathologiques qui montrent que l'épithélium pulmonaire se comporte aussi à la façon des épithéliums : cancer mucoïde (Malassez) ; pneumo-nie fibroïde des tuberculeux (Thaon) ; carnisation (Legendre), ou forme pseudo-lobaire de la broncho-pneumonie ; caractères de ces lésions. 62

SEPTIÈME LEÇON

des cirrhoses viscérales épithéliales en général.

Sommaire. — Caractères anatomo-pathologiques communs à certaines for-mes de la broncho-pneumonie subaiguë ou chronique. — Retour à l'état embryonnaire du revêtement épithélial et des parois des alvéoles. — Pro-duction de phénomènes analogues dans les cirrhoses viscérales. — Rein contracté ; atrophie, cirrhose. — Cirrhose rénale ; analogie avec la cir-rhose broncho-pneumonique....................................... 72

HUITIÈME LEÇON

des cirrhoses viscérales épithéliales en général (suite).

Sommaire. — Cirrhoses biliaires. — Notions relatives à la structure du foie.

— Altérations dû foie dans la cirrhose biliaire. — Parallèle entre les cirrhoses biliaires, la cirrhose broncho-pneumonique, la cirrhose rénale (rein contracté). — Développement embryonnaire du foie. — Origine des cirrhoses: èpithéliale ou conjonctive? — La lésion èpithéliale est la pre-mière en date. — Arguments à l'appui............................. 82

NEUVIÈME LEÇON

séparation de la pneumonie lobulaire et de la broncho-pneumonie, description de la broncho-pneumonie.

Sommaire. — Séparation de la pneumonie lobaire et de la broncho-pneu-monie. — Description de la broncho-pneumonie: vue d'ensemble des lé-sions multiples qu'elle présente. Leur nature inflammatoire. — Lésions élémentaires principales: bronchite, splénisation, nodules péri-bronchiques ; dénominations synonymes adoptées par les auteurs. — Analyse histolo-gique de ces lésions : 1° Examen topographique du lobule pulmonaire, à l'aide d'un faible grossissement : nodules péri-bronchiques plus ou moins étendus, entourés de zones de splénisation. —2° Emploi d'un fort grossis-sement : altérations de la pneumonie catarrhale dans les zones de spléni-sation; fréquence d'un réseau fibrineux,dans les nodules péri-bronchiques;

— Terminaisons : résolution; passage à l'état subaigu et chronique... 98

DIXIÈME LEÇON

broncho-pneumonies expérimentales. — état foetal et son rôle dans la broncho-pneumonie. — irritation èpithéliale.

Sommaire. — Pathogénie de la broncho-pneumonie. — Broncho-pneumonies produites expérimentalement: Io par les injections de liquides irritants dans les bronches ; 2 par la section du pneumogastrique ; 3° par la section des nerfs récurrents. — Les lésions broncho-pneumoniques qui succèdent

à celte dernière opération évoluent parallèlement à celles de la broncho-pneumonie de l'homme. — Pénétration des corps étrangers dans les ca-naux bronchiques: importance de leur rôle pathogénique. — Pénétration du muco-pus bronchique dans les alvéoles et altérations lobulaires consé-cutives.

Rôle accessoire de l'état fœtal dans la broncho-pneumonie. — L'irritation épithéliale dans les glandes et dans le poumon. — L'irritation épithéliale progresse des bronches jusque dans le lobule où elle détermine la spléni-sation. — Moins constants que la splénisation, les nodules péri-bronchi-ques sont en rapport avec les dispositions anatomiques des vaisseaux

bronchiques terminaux dans le lobule............................. 108

De la pneumonie chronique........................................ 111

Introduction........................................................ 117

Chapitre Ier. — De la pneumonie chronique simple.................. 121

Chapitre II. — De quelques lésions du parenchyme du poumon dans

leurs rapports avec la pneumonie chronique...................... 166

Appendice : Cas de pneumonie chronique ulcéreuse.................. 176

ONZIÈME LEÇON

des pneumonies chroniques (cirrhoses du poumon).

Sommaire. — Caractères distinctifs des pneumonies chroniques.

I. Pneumonies lobaires chroniques. — Ses modes de terminaison ; résolution rapide et résolution lente. — Des pneumonies lobaires prolongées. — Pneumonie chronique succédant, à courte échéance, à la pneumonie lobaire. — Pneumonie lobaire prolongée. — Pneumonie lobaire chronique succédant à plusieurs pneumonies lobaires aiguës développées dans le même point. — Pneumonie lobaire récurrente: Exemples. — Formes de la lésion: induration rouge, induration grise ou ardoisée.

II. Broncho-pneumonie chronique. — Causes. — Formes. — Caractères histo-logiques.

III. Pneumonies chroniques pleurogènes. — Rôle des lymphatiques dans leur production. — Nature de la pneumonie qui accompagne l'évolution de la tuberculose pulmonaire............................................ 178

DOUZIÈME LEÇON

des pneumonokonioses.

Sommaire. — Le terme pneumonokoniose a été proposé par Zenker (1867). — Division des pneumonokonioses : 1° Pneumonokoniose anthracosique; 2° Pneumonokoniose siliceuse : 3° Pneumonokoniose sidérotique.

Anthracose pulmonaire physiologique. — La matière noire pulmonaire est pour la plus grande partie constituée par du charbon, elle pénètre dans le poumon avec l'air inspiré. — Travail de Pearson (1813;. — Mode de dis-

tribution de la matière noire : a) dans le poumon ; b) sur la plèvre dia-phragmatique ; c) sur la plèvre costale. — Ses caractères chimiques, elle n'est soluble que dans le réactií de Millón. — Théorie de la provenance intestinale du charbon pulmonaire (Villaret, 1862). —Cette théorie s'appuie: 1° Sur le fait que le charbon introduit dans le tube digestif peut passer de là dans le poumon ((Esterlen, 1845). — Mensonides et Donders, Orfila., Ch. Robin); — 2° Sur le rôle de l'épithélium bronchique dont les cils vibrátiles empêcheraient les poussières de pénétrer dans le poumon. Expériences de Rindfleish, de Ch. Bernard, de Villaret. Il est démontré aujourd'hui que l'obstacle opposé par les cils vibrátiles n'est pas absolu. Expériences de Knauff (1867). Expériences de M. Charcot. — Faits analogues observés chez l'homme, observation de Traube (1860). — La matière noire pulmo-naire diffère du pigment hématique par ses caractères morphologiques et ses réactions chimiques. — Mode de formation et caractères micro-chi-miques du pigment d'origine sanguine............................. 208

TREIZIÈME LEÇON

des pneumonokonioses (suite).

Sommaire. — L'accumulation progressive, dans les poumons, de poussières charbonneuses, silicieuses ou autres, est compatible avec le fonctionne-ment normal, tant qu'elle reste contenue dans certaines limites, elle con-stitue la pneumonokoniose physiologique. — Au-delà de cette limite elle produit des lésions et des troubles fonctionnels, la pneumonokoniose devient pathologique.

Sidérose pulmonaire (Zenker, 1867).

Anthracose pulmonaire pathologique. — Synonymie. — Phtisie des mineurs, observation de Greenhow. — Anthracose des mouleurs en cuivre, en bronze et en fonte. — État du poumon: Io coloration noire généralisée; 2° noyaux d'induration ; 3° cavernes pulmonaires.

Pneumonokonioses siliceuses ou alumineuses ou chalicose (Meinel, 1869). — De même que pour l'anthracose il existe une chalicose physiologique, se développant avec l'âge (Kussmaul, 1S66; Riegel, 1875). — Chalicose pa-thologique. — Maladie des tailleurs de meules (Peacock, 1860). — Phti-sie des aiguiseurs (Rolland, Hall, Desayrre). — Anatomie pathologique; noyaux d'induration, hypertrophie fibroïde de la gangue conjonctive; pig-mentation du tissu induré; formation de cavernes. — Caractères chimi-ques; emploi de l'acide fluorhydrique. — Maladie des potiers et des cé-ranciers ou peigneurs de lin (Greenhow)............................ 219

QUATORZIÈME LEÇON

anatomie pathologique de la phtisie pulmonaire.

Sommaire.— Résumé de Fanatomie du poumon. — Tubercule miliaire ou no-dule tuberculeux péribronchique. — Localisation dans le vestibule de l'acinus et sur les bronches d'un certain calibre. Caséification.— Exemples: phtisie pneumonique et phtisie granuleuse

Charcot. Œuvres complètes, t. v, Poumons et Cœur. 41

aiguë. — Mortification caséeuse du tubercule; sa cause. — Ramollisse-ment des tubercules : Formation des cavernes. —? Cavernes acineuses, lobulaives, polylobulaires, lobaires. — Période de réparation. — Tu-bercules de guérison; tubercules stationnaires ; tubercules fibreux. — Lésions spécifiques de propagation. — Granulation grise. — Infection par les voies lymphatiques. — Rôle accessoire de l'inflammation pneumonique, dans l'évolution de la néoplasie tuberculeuse: opinion de Cruveilhier, Hérard et Cornil ; — de M. Charcot.................... 233

QUINZIÈME ET SEIZIÈME LEÇONS

tuberculose du poumon et pneumonie caséeuse.

Sommaire. —Caractères anatomiques du tubercule. —Tubercule élémentaire ou follicule tuberculeux. — Cellules géantes : mode de formation. — Cel-lules géantes angioplastiques. — Tubercule aggloméré : son siège pri-mitif. — Doctrine de Laënnec. — Doctrine allemande. — Opinion de l'au-teur. — Phtisie à marche rapide simulant la pneumonie pseudo-lobaire. — Phtisie pneumonique aiguë ; phtisie galopante. — Analyse histologique

de deux cas. — Nature tuberculeuse de la phtisie pneumonique. — For-mes aiguë et chronique de la pneumonie caséeuse. — Résumé...... 266

Structure et mode de développement des cellules géantes dans le tubercule......................................................... 289

DEUXIÈME PARTIE Tuberculisation et cancer.

I. Purpura hemorragica et tuberculisation générale aiguë........... 299

IL Sur la paraplégie douloureuse et sur la thrombose artérielle qui

surviennent dans certains cas de cancer........................ 308

TROISIÈME PARTIE Altérations du sang. — Leucocythémie et mélanémie.

I. Observations de leucocythémie.................................. 317

II. Delà mélanémie, altération du sang par des granules et des cor-puscules de pigment.......................................... 326

III. Note sur des cristaux particuliers trouvés dans le sang et dans certains viscères d'un sujet leucémique et sur d'autres faits microscopiques observés sur le même sujet................... 348

QUATRIEME PARTIE

Maladies du système vasculaire. — Embolies artérielles et veineuses. — Thromboses. — Endocardite. — Paralysies ischémiques, etc.

I. Cas de tumeurs fibrineuses multiples contenant une matière pu-

riforme, situées dans l'oreillette droite du cœur, suivi de cas analogues et de quelques remarques critiques................ 363

II. Remarques sur les kystes fibreux renfermant une matière pu-

riforme observés dans deux cas d'anévrisme partiel du cœur.. 379

III. Végétations des valvules auriculo-ventriculaires gauches, avec

hypertrophie du cœur et hydropisie ascite ; ulcérations mul-tiples de la muqueuse de l'estomac ; tumeurs gélatineuses dans le foie, chez un chien âgé de douze ans................ 397

IV. Note sur l'endocardite ulcéreuse à forme typhoïde, à propos d'un

cas d'affection ulcéreuse de la valvule tricuspide avec état typhoïde et formation d'abcès multiples dans les deux pou-mons........................................................ 400

V. Sur la mort subite et la mort rapide, à la suite de l'obturation de l'artère pulmonaire, par des caillots sanguins, dans les cas de phlébite oblitérante en général............................ 421

VI. Maladies de l'aorte............................................. 463

Aortite......................................................... »64

Athérome et dégénérations ossiformes de l'aorte................ 473

Anévrisme de l'aorte........................................... 478

Oblitération et rétrécissement de l'aorte........................ 546

Concrétions fibrineuses de l'aorte............................... 539

Embolie de l'aorte.............................................. 563

Entozoaires de l'aorte.......................................... 564

Hypertrophie et atrophie des tuniques de l'aorte................ 566

Ruptures et perforations de l'aorte par causes internes......... 567

Cancer de l'aorte............................................... 570

Palpitations de l'aorte.......................................... 571

VII. Sur la claudication intermittente observée dans un cas d'oblité-

ration complète de l'une des artères iliaques primitives....... 572

VIII. Leçon sur la claudication intermittente......................... 587

Sommaire. — Cas de gangrène par oblitération artérielle. — Amputation de la jambe. — Guérison. — Comment ce fait se rattache à la clinique des maladies nerveuses.

Claudication intermittente par oblitération artérielle, chez le cheval. — Les caractères cliniques : boîterie simple (monoplégie), etc. — Les conditions anatomo-pathologiques. — Pathogénie — Expérience de Stenson : liga-ture de l'aorte. — Rigidité cadavérique pendant la vie. — Cas d'oblitéra-

tion de l'artère sous-clavière: gangrène de l'avant-bras. — Cas d'oblitéra-tion de l'artère iliaque primitive : claudication intermittente. — Fréquence de l'oblitération artérielle. — Importance de son étude, au point de vue clinique........................................................... 587

IX. Rhumatisme articulaire aigu ; phénomènes comateux : hémi-

plégie; infiltration d'une substance plastique concrète, conte-nant des globules pyoïdes dans plusieurs viscères, et en parti-culier dans le cerveau et la rate ; lésions dysentériques de la muqueuse de l'intestin grêle et du côlon.................. 002

X. Gangrène du pied et de la jambe gauche. - Dépôts fibrineux

multiples dans les reins, la rate, le foie. — Engorgements hé-moptoïques dans les deux poumons........................... 61 0

APPENDICE

i. Sur l'infarctus hémoptoïque du poumon, à l'occasion d'un travail

de M. Heschl................................................... 623

II. Des pneumonies lobaires abortives............................... 631

Explication des planches........................................ C3'i

FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.

TABLE ANALYTIQUE

a

Abcès, du poumon, 139, 143, 149; — de l'aorte, 4 81.

Accès épileptiformes (dans la méla-némie), 338.

Acinus pulmonaire, 20, 23. 26, 236;

— nombre, formes, dimensions, texture des —, 21.

Adénopathie trachéo - bronchique, 259.

Affaissement pulmonaire, 166, 168.

Albuminurie (dans la mélanémiej, 342; — dans les anévrismes de l'aorte, 503.

Aliénation mentale dans la méla-némie, 312.

Alvéoles pariétaux, 23, 25.

Aneithésie cutanée, 313.

Anévrismes disséquants de l'aorte. 531, 576; — historique, 531 ; — causes, 533 5 — terminaisons, 533, 535; ?— pathogénie, 534 ; — Siège, 534; — ouverture dans le péri-carde, 535; — étiologie, 536; — symptômes, 536 ; — bibliographie, 537.

Anévrismes de l'aorte, historique, 478; — anatomie pathologique, 480; — mixte externe, 480, 484 ; mixte interne, 480; — abcès de la paroi, 481; — déchirure spontanée des deux membranes internes, 481; — dépôts athéro-mateux ulcérés, 481;— an. cylin-droïde, sacciforme, 482, 494; — variétés de l'an, sacciforme, 482;

— an. vrai, 482; — an. en poche à collet, 483 ; — état des parois,485,

— compression des organes voi-sins,487, 503, 505; — perlorations des organes voisins, 489, 491 ; — ouverture du sac, 489; — ouver-ture dans l'artère pulmonaire, 538 ; — mort par hématémèse, 490; — siège, 492; — volume,493;

-symptômes, 494; — voussure, 494; — pulsations, 494, 495; — thrill, 495 ; — perforation de la paroi thoracique, 496; — an. diffus, 490; — adhérence à la paroi abdominale, 498; — Aus-cultation, 498 ; — Souffle, 948, — doubles battements, 498; — per-cussion, 500 ; — an. de l'aorte abdominale, 501 ; — palpation, 501 ; — symptômes rationnels, 501; — pouls, 502; — troubles circulatoires, 503; — Spasme de la glotte, toux, 504; — modifi-cations de la voix, 504 ; — exa-men laryngoscopique, 504 ; — dou-leurs, 505, 507, 519 ; — gangrène des extrémités, 506; — cachexie, 5C6;- rupture du sac, 507;—mar-che, durée, terminaison, 5u7 ; — mort, 508; — guérison, 508; — étiologie, 509; — diagnostic, 511 ;

— an. de la portion sus-diaphrag-matique, 511; — diagnostic diffé-rentiel des an. de la crosse, 517; pronostic. 519; traitement, 520;

— moyens curatifs, 521; — sai-gnées, 521; — coagulants, 523;

— digitale, 5 3, 526;— iodure de potassium, 525; — narcotiques, drastiques, régime, 524; — glace, 523; — sels de plomb, 526 ; — li-

gature de l'aorte abdominale, 528; — moyens palliatifs, 527; — bibliographie, 529.

Anévrismes artériels (Communica-tion des an. avec l'intestin), 581, — du tronc brachio-céphalique ; 517; — de la carotide, de la sous-clavière, 517; — de l'iliaque primitive, 581, 598.

Anévrismes artério-veineux de l'aorte, 537; — siège, 539; — ori-fice de communication, 539; — symptômes, 540 ; — bruit de souffle, d'ailes, S'il ; — communi-cation avec l'artère pulmonaire, 541; — pronostic, 543; — traite-tement, 541; — bibliographie. 543.

Anévrismes partiels du cœur, 380, 385 ; — concrétions fîbrineuses des — , 385; — observations, 385, 390; — asthme cardiaque, 312,385.

Anévrismes valvulaires, 402.

Anévrismes vermineux, 566.

Angine de poitrine, 513.

Anthracose pulmonaire, 205 ; — phy-siologique, 206; — observations, 214; — différence avec le pig-ment hématique. 217; — patholo-gique, 223 ; — des mouleurs en cuivre, 224, 225.

Aorte (Abcès de 1' — ), 420,470; — os-sification, 474; — ulcérations dans l'athérôme), 476; — calcification des parois, 417; — palpitations nerveuses; 517, 571; — ligature de 1' — abdominale, 52tf, 558, 594 ; — Communication de 1' — avec la veine cave inférieure, 538, — l'artère pulmonaire, 531, — avec le cœur droit, 543; — rétrécisse-ments congénitaux, 545, 546 ; — isthme de 1' —, 549; — rétrécis-sements accidentels, 555; — coarctations spontanées, 556; — compression de 1'— par tumeurs, 556; — thrombose oblitérante de 1' —, 560; — embolies de F — , 563; — entozoaires de F — , 564; — hypertrophie et atrophie des tuniques de F — , 566; — ruptures, 567; — perfo-rations, 56'j; — cancer, 570; — oblitération complète, 586; — tu-meurs fîbrineuses, 617 (Voiraussi anévrysmes).

Aortite, historique, 464; — anato-mie pathologique, 468; — symp-tômes, 471 ; — pronostic, étiolo-gie, traitement, 472; — bibliogra-phie, 473.

Apoplexie capillaire, 333; — dans la mélanémie, 340.

Apoplexie pulmonaire, 613, 626.

Appendice, 623.

AResénile dans l'athérôme, 477.

Artère pulmonaire, 13, 106; ^— terminale, ¿'37; — oblitération de F — , 421; — inflammation, suite de phlébite, 436, — dilata-tion de F — , 516; — ouverture des anévrismes de l'aorte dans F — 538, 541 ; — Crosse de F —. •(49; — caillots de F ?— dans l'in-farctus hémoptoïque, 625.

Artérioles (dans les nodules tuber-culeux), 280.

Arthrites fongueuses, 267.

Asthme cardiaque (voir anévrismes partiels).

Atélectasie, 113, 166.

Athérome artériel, 4 67, 470; — Siège, fréquence, 4"3; — na-ture et origine, 473; — ramol-lissement, 475; — ulcérations, 476; — diagnostic, 477; — mar-che; — bibliographie, 478.

Atrophie musculaire, 310: — des tuniques de l'aorte, 567.

B

Battements épigastriques, 571.

Bourgeons, tuberculeux, 273 ; — sessiles, pédiculisés, 273.

Bronches sublobulaires, 17, 215; — intra-lobulaires, 18, 236; — di-vision dichotomique, 18; — de 2e ordre, 18 ; —de 3° et 4e ordres, 19; — à l'état fœtal, 22; — intra-pulmonaires, 29; — struc-ture des — de calibre, 29; — tunique fibreuse des —, 30; — plaques cartilagineuses des — ,30 ; 33, — tunique musculeuse des — 30, 33; — couche fibreuse in-terne des —, 31 ; — altérations

des — dans la broncho-pneumo-nie, 106.

Bronchioles, 13; — terminales, 19, 236.

Bronchite spasmodique, 31, 114. Bronchophonie, 147. Broncho-pneumonies, 36, 40, 62, 65, 70, 74, 100; — pseudo-lobaire,71 ;

— dénominations diverses, 102;

— lésions.102; — aiguë, 101; — nature inflammatoire, 104; —va-riabilité des lésions, 107; — ter-minaisons, 107; — expérimen-tales, 108; — par section des pneumogastriques et des récur-rents, 109; par introduction de corps étrangers, 111; — chroni-ques, 179, 1S9; — subaiguë, 191 ; suraiguë caséeuse, 245; — rôle de la — dans la tuberculose, 262.

Bruit respiratoire, 159 ; — absence du — ; 159.

C

Caillots (— hyalins dans la mélané-mie), 331 ; — principal, 448 ; — pro-longé, 448, 448, 450; — fibrineux des anévrismes, 486, 497; — ac-tifs, 486; — formation des —fibri-neux, 486; — dégénérescence graisseuse, 48"! ; — organisation, 487 ; — oblitérants, 575 ; — modi-fications, 625.

Canal artériel (mécanisme de l'obli-tération du — ), 547; — oblité-tération prématurée, 549.

Canal thoracique, 260; — cholé-doque, hépatique, 82, 115.

Canalicules aériens, 19; — indé-pendance des — , 19, 23; — pa-rois des —,28; — lésions —, 74.

Canaliculi contorti, 77. Canaux collecteurs, 77. Cancer mucoïde, 69; epithelial, 95;

— pulmonaire, 160,161, 564; —du sein, 308, 313; dépôts secondaires vertébraux dans le — du sein, 308; — utérin, 312; du pylore, 519; — de l'aorte, 570; — biblio-graphie du — de l'aorte, 510.

Capillaires biliaires, 85.

Carnification, 103,112, 114, 167,174,

190, 262, 62«. Carnisation, 70, 73, 160, 168, 190

192.

Caséification, 243, 214, 254, 262, 27 2 ; — causes,245.

Cavernes, 343.264.265, 268; — for-mation, 226; — anciennes, 248 ; — lobulaires, 248 ; — polylobulaires et lobaires, 248; — parois des — 249; — réparation des — 250; — de guérison, ¿51 ; — distinctions des— guéries, 252 ; — latérales, 274.

Cellules cylindriques à cils vibra-tiles, 32; — caliciformes, 32; — épil thélioïdes, 267, 291 ;— scrofu-leuses, 267; — épithéliales du poumon, 283.

Cellules géantes, 59, 64, 68, 244, 267, 268; — nature, 269; — an-gioplastiqucs, 269; — rapports des — avec les vaisseaux san-guins, 270, 272, 281, 282; — di-mensions, 289 ; — structure, 289;

— prolongements, 291; — siège, 291; — noyaux, 292; — forme, 293; — accotement, 294.

Cellule vaso-formatrice, 270. Céphalalgie dans la mélanémie. 338.

Chalicose physiologique, 227; — pathologique, 229 ; — étiologie, 229; — anatomie pathologique, 231; — histologie. 2H; — carac-tères morphologiques et chimi-ques, 232.

Cirrhose pulmonaire, 71, 168, 179, 287 ; — viscérale, 72, 75; — du rein, 79; biliaire, 82, 8i, 89, 95, 96; —expérimentale, 82; — par obstruction, 83; — bypertrophi-que avec ictère, 84; - broncho-pneumonique, 89; — origine épi-théliale de la — pulmonaire, 90, 96; — épithéliale, 95, 96; — vul-gaire, 96.

Claudication intermittente dans les rétrécissements aortiques, 557;

— par oblitération artérielle chez le cheval, 572, 589; — historique, 590; boiterie simple, 572, 590; — conditions anotomo-pathologi-

ques chez le cheval, 593; — cail-lots fibrineux oblitérants des artères dans la — , 575; — obser-vation de — par compression arté-rielle, 575,516 ; — symptômes, 573, 591 ; — paralysie douloureuse par accès, 574, 577, 582; — trou-bles fonctionnels, £S2; — état du système nerveux, 581, 583; — physiologique pathologique, 584; — douleurs névralgiques, c85;— contractures, 585, 596; — dou-leur, 591 ; — sensibilité, 591 ; — température, impuissance mo-trice, 591 ; — pathogénie, 594; — expériences, 594; — nature isché-mique de la contracture, 597; — observation de — ischémique, chez l'homme, 599. Collapsus pulmonaire, 112, 114, 166.

Coma dans la mélanémie, 338; — dans les anévrismes de l'aorte, 503.

Communication interventriculaire congénitale, 416.

Complexus alvéolaires,24.

Concrétions cardiaques suppurées, 377, 385; — dans la phtisie pul-monaire. 378 ; — dans la phlé-bite, la pneumonie, 318.

Concrétions fibrineuses de l'artère pulmonaire, 4 '.8; — métamor-phose régressive, 449, 561 ; — ori-gine veineuse, 452.

Concrétions fibrineuses de l'aorte, 474, 559; — siège, 561; — pédi-culisation, 552; — conséquences, 562; - état typhoïde, 563; — bi-bliographie, 563; — vers dans les — , 564.

Conduits alvéolaires 20, 23, 237 ; — parois des — 23; — épithélium cylindrique des —, 2h ; — char-pente des — ,35; — charpente conjonctive, 36; — charpente musculaire,37 ; — embryonnaires, 244.

Contracture dans les anévrismes partiels du cœur, 382;—? dans la claudication intermittente, 585, 596.

Corps granuleux, 312.

Crachats muqueux, 454; — rouilles, 454.

Craquements humides, 265. Chinons, 565.

Cristaux particuliers du sang dans la leucocythémie, 349 ; — carac-tères, '352.

Cyanose dans les anévrismes de l'aorte, 503; — dans les rétrécis-sements de l'aorte, 553.

Cytoblastions, 268.

D

Dégénération vitreuse, 268, 294 ; — caséeuse, 215 ; — caséeuse cen-trale, 276.

Délire dans la mélanémie, 338; — dans les anévrismes de l'aorte, 503.

Dilatation des bronches. 71, 106, 159, 168, 191, 192, 247, 257; — mécanisme, 169.

Dilatation du cœur, 515.

Dilatation simple de l'aorte, histo-rique, 544 ; — siège, 544 ; — pa-rois, 544: — diagnostic, 545; — bruit de souffle, 545: — traite-ment, 546 : — bibliographie, 54B :

— descendante, 551;— sénile, 562.

Dyspnée dans les anévrismes aor-tiques, 503, G27; — dans les ré-trécissements aortiques, 553.

e

Embolies, mécanisme, 4M ; — dans les anévrismes, 506 ; — artériel-les, 560 ; — de l'aorte, 563.

Embolies capillaires, 64, 402, 419;

— dans l'athérôme, 547. Emphysème, H3; — soudain, E43. Encéphale (altérations pigmentaires

de F —), 338. 339. Endartérite, 467.

Endocardite ulcéreuse, historique, 400: — siège des ulcérations, 40 :

— lésions de l'endocarde, 401 ;

— symptômes typhoïdes, 4 03, 418: — symptômes locaux, 4C4;

— étiologie, 405; — observation, 405 ; — signes d'auscultation, 417;

Entozoaires de l'aorle, historique, 564;— siège, 564; — anatomie pathologique, 565; — bibliogra-phie, 566.

Epistaxis (dans la phtisie), 300.

Epithelioma pavimenteux, 94; — cylindrique, 94.

Epithélium des bronches, 29 ; — des conduits aériens, 29, 32 : — des bronchioles, 34 : — des con-duits alvéolaires, 35.

Epithelium pulmonaire, S9 ; — du triton, 42; — de la grenouille, 43; — imprégnation par le nitrate d'argent, 42; — noyaux, 4:1: — continuité et uniformité, 43, 51 ;

— des reptiles, 44; — polymor-phe, 44 ; — éLat fœtal de 1' — , 45:

— du nouveau né, 4! ; — dimen-sion des cellules de 1' —,48; — caractères, 49 ; — réalité de 1' — 50; — origine embryogénique, 52, 54; — régénération de 1' —, 91; — indépendance des cellules de P —, 92; — bourgeonnement, 94 ; — métamorphose cubique, 287;— dans l'induration hémop-toïque, 628.

Espaces interlobulaires, 12, 239; — portes, 85 ; — interinfundibu-laires, 26; — interacineux, 26; — interalvéolaires, 26;— périlobu-laires, 240 ; — grands et petits, 250.

Etat fœtal, 103, 102, 113, 114, 166.

Excavation pulmonaire, 140, 144, 176.

Exsudais gélatiniformes, 283. F

Fibres élastiques des bronches, 30, 31, 245, 261; — expectoration des -, 265, 272.

Fibres de Reissessen, 31.

Fièvre intermittente, ?27; — épi-démie de —, 328, 337; — état des reins dans la —, 344; — dyspnée, hémoptysie, œdème pulmonaire dans la —, 345.

Fièvre hectique, 148, 264, 265 ; — dans la phtisie, 250, 263.

Fièvre synoque, 632.

Fissures du l'oie, 83.

Foie, espaces, 85; — fissures, 85; — cellules, 86; — développement, 88; — tumeurs fibrineuses, 614.

Follicules tuberculeux, 266 ; — ag-glomérés, 271, 272; —isolés, 290: — zones des —, 291.

G

Gaîne lymphatique, 269.

Gangrène (des extrémités dans les anévrismes aortiques), 506; — du membre inférieur, 364; — par oblitération artérielle, 587; — de l'avant-bras, 596; — du pied et de la jambe gauches, 610.

Gangrène pulmonaire, 145;— cir-conscrite, 161; — sèche, 313; — dans l'induration pulmonaire. 629.

Gibbosité par compression d'un anévrisme, 489.

Globules blancs, à noyaux dans 'la leucocylhémie, 351; — sans no-yau, 352.

Globules rouges, (Métamorphose régressive, :-i34 ; —dans la leuco-cythémie, 3U, 357.

Granulations du rein, 77; — de la pneumonie, 182.

Granulations tuberculeuses, 243; — zones, 244; — grises, 258, 260, 279, 305; — histologie, 267, 272, 275.

H

Hématoïdine (Cristaux d'—), 330. Hématose,19. Hémiplégie, 313.

Hkmoptysies, 155; — dans la fièvre intermittente, 3*5; — dans les anévrismes de l'aorte, i0o; — dans les rétrécissements aortiques 553.

Hémorragies intestinales (dans la mélanémie), 345; — dans les ané-vrismes de l'aorte, 529; — dans les solutions de continuité de l'aorte, 567; — gastro-intestina-les, 581, 5«8.

Hémorragies méningées, dans la mélanémie, 340.

Hépatisation planiforme, 99; — rouge, lü2 ;— lobulaire généra-lisée, 102, 103 ; — partielle, 103;

— grise lobulaire, 103; — grise pseudolobaire, 103, 105; — grise, HO; — indurée, 121, 187; — jaune, 123, 188; — granuleuse, 167; — broncho-pneumonique, 283.

Hydropisie dans les anévrysmes de l'aorte, 528.

Hypertrophie du cœur, dans l'a-névrisme partiel du cœur, 38E ;

— dans l'athérôme, 475; — dans les anévrismes de l'aorte, 493;

— dans les rétrécissements aor-tiques, 547, 551, 552; — des tu-niques de l'aorte, 566.

I

Induration brune, 34, 37; — pul-monaire, 117, 513; — rouge, 121, 182, 187 ;— jaune, 123, 287; — hémoptoïque, 626; — pigmen-taire, 630; — cellules fusiformes dans Y— rouge, 122; — cellules fusiformes dans 1' — grise, 129;

— albumineuse, 123. 188; — ar-doisée, 124.

Induration grise, 175, 182, 188, 287;

— ses caractères, 125; —modifi-cations histologiques, 127 ; — adhérence au thorax et à la plèvre, 129; — siège et étendue des lé-sions, 111; — foyers gangreneux, 131; — observations, 132, 138.

Induration pulmonaire, 161, 168;

— autour des foyers tuberculeux, gangreneux, des kystes, 173; — chez les ivrognes, 162; — méla-nique, 171; — atrophique, 191.

Infarctus, 276; — de la rate, 402;

— des reins, 402; — du foie, 402.

Infarctus hémoptoïque du pou-mon, 623, 625, 627; — historique, 624; — caractères, 629.

Infection par les voies lymphati-ques, 259; — locale, 258; — gé-néralisée, 258.

Infiltration grise tuberculeuse, 174;-- gélatineuse, 174, 287.

Inflammation (Produits d' — vul-gaire), 276.

Infundibula, 24; — pariétaux, 25; terminaux, 237.

Injections de nitrate d'argent, 65.

Inopexie, 312.

Insuffisance aortique, 494, 545. Irritation nutritive, formative, 59;

— èpithéliale, 115. Ischémie pulmonaire, 461; — du

membre inférieur intermittente

et fonctionnelle, 589.

K

Kystes puriformes du cœur, 368, 374, 379; — dans les anévrismes partiels du cœur, s 80 ; — compo-sition, 381; — mode de produc-tion, 381; — symptômes, 382; — phénomènes ataxiques, 382; — contractures, 382; — de la sous-clavière, 561 ; — de l'artère pul-monaire, 625.

l

Labyrinthe rénal, 77. Laryngoscope (Examen au — dans

les anévrismes de l'aorte),

504.

Larynx (Affections chroniques du—) 518.

Leucocythémie (Observations de —) 317, 349; — foie, rate, sang dans la —, 322; — globulins, globules blancs, 323, 352; — globules blancs à noyau, 324, 351 ; — cris-taux du sang, 349.

Lobules pulmonaires, Il ; — indé-pendance réciproque, dimensions, forme, 12; — trame conjonctive des—, 12;— comparaison avec le lobule hépatique, 14; — secon-daires, 19, 20, 24; — primitifs, 20, 24, 2H6, 289.

Lobulettes, S0.

Lymphangites tuberculeuses des chylifères, 260.

M

Maladies des aiguiseurs, 171; —

des mouleurs en cuivre, 172; — des potiers, 232.

Matière noire pulmonaire, 207 ; — théorie de Pearson, 207; — dispo-sition de la —, 208; — de la plè-vre, 208,209; — siège de la — dans le poumon, 209;— aspect microscopique, 210 ; —caractères chimiques, 210;— provenance, 211 ; — obstacles à l'introduction delà —,211; — origine intesti-nale, 212; — expériences, ¿13.

Matière puriforme des caillots san-guins, 368,373; composition, 370, 316.

3Iatière tuberculeuse, 274 ; — évo-lution, 275.

Médiastin (tumeurs du — ) 312; — abcès du —, 312.

Mélanémie, 217, 326; — historique, 327 ; — rate dans la — 331 ; — foie, cerveau, dans la —, 332; — reins dans la —, 333: — étiolo-gie, 335; — dans les fièvres in-termittentes, 336; — symptômes céphaliques, 337, 342; — époque d'apparition, 338; — accès fébri-les, 338; — symptômes, 341; — albuminurie, 342, 343; — aliéna-tion mentale, 342 ; — hemorrha-ges intestinales, 345.

Mésartérite, 466.

Métamorphose fibreuse, 12.", 165; — caséeuse, 275, 276; — régressive! 449.

Muqueuse bronchique, 3?, 34; — cellules cylindriques à cils vi-brátiles de la—,32; — cellules caliciformes de la —, 32 ; — résis-tance de la —, 33.

N

Néphrite, interstitielle, 76, 89 ; — parenchymateuse, 77; — albumi-neuse,dans la fièvre intermittente, 344.

Nodules péribronchiques, 103, 105, 106, 110, 116, 192. 234, 2H6; — er-ratiques, 280, 286; — coupe, 241 ; — zones, 41; — extension, 242, 285; — localisation, 242, 280; — métamorphose caséeuse, 242,

243; — aspect microscopique, 2P0; — secondaires, 260, 2/5, 284, 286.

Noyaux pneumoniques, 628. O

Oblitération artérielle chez le che-val, 572, 584; — dans la claudi-cation intermittente, 5'3.

Oblitération (de l'aorte), 546, 568;

— d'une artère fémorale, 313; des artères voisines d'un ané-vrisme. 493; — de la carotide, de la sous-clavière, 503, 596; — de l'iliaque primitive, 557, 564, 5"i6;— permanente des artères d'un membre, 585.

Oblitération de l'artère pulmonaire 421 ; — lésions des tuniques arté-rielles, 422; — altérations du sang, 422; — étiologie, 422; — théorie de l'embolie, ^23, 450; — observation d' —, 424, 431 ; — cause de mort subite après l'ac-couchement, 433, 442, 443;— ob-servation d' —, 434, 435, 436; — sans altérations des parois arté-rielles, 438 ; — observations d' — sans altérations des parois, 438, 439, 440, 441; — expérimentale, 446; — époque d'apparition, 452;

— phénomènes ultimes, 453, 454;

— symptômes, 455;— diagnos-tic, 457; — limitée, 457 ; — obser-vation d' — limitée, 458: — mé-canisme de 1' — 461.

Oblitération fibrineuse des veines 312.

Œdème de la glotte, (dans les ané-vrismes de l'aorte), 503, 514.

Œdème simple dans les anévrismes de l'aorte, 503.

Œdème pulmonaire, 64; —dans la fièvre intermittente, 345.

Ophthalmies dans l'endocardite ul-céreuse, 402.

P

Palpitations nerveuses de l'aorte, 571.

Paludéens (coloration de la peau chez les —), 345.

Paralysie de la paupière supé-rieure, 302; — subite par throm-bose, 313.

Paraplégie douloureuse, 309; — troubles de la motilité, 309: -statistique, 310; — époque d'ap-parition, 310 ; — étude anato-mique, 310 ; — dans l'oblitéra-tion accidentelle de l'aorte, 55S ;

— dans la claudication intermit-tente, 574, 577, 589.

Perforations de la trachée des bronches, de l'œsophage, de l'in-testin par des anévrismes, 491;

— progressive, 4M ; — aortiques, 569.

periaortitis, 468. Périartérite, 110, 111, 466-Péribronchite, 71, 106, 110, 111. Péricarde (Kpanchements dans

le—), 515 ; — adhérences du —,

515.

Péripneumonie, 167; — chronique ulcéreuse, 112; — fièvre, 632.

Phénomènes ataxiques dans les kys-tes puriformes du cœur, 382.

Phlegmatia alba dolens puerpérale, 424 ; — mort subite dans la - , 430 ; — origine de la —, 437.

Phtisie galopante, 148, 278 ; — chronique, 173,201, 257, 264 ; — fibroïde, 179 ; — anthracosique, 223 ; — des mineurs, 223, 224 ; — pneumonique, 243 ; — granuleuse aiguë, 243, 262 ; — granuleuse apyrétique et pyrétique, 263, 307 ; — ulcéreuse, 235 ; — aiguë pneumonique, 263, 273, 285 ; — subaiguë, galopante, 204 ;— des-tructive aiguë, 277 ; — éruptions érythémateuses dans la — aiguë, 30C ;— tuberculeuse, : 07.

Pigment d'origine hématique, 215;

— divers aspects, 329 ; — granu-lations de —, 329 ; — corpuscu-les, cellules de —, 326, 3."0 ; -réactions chimiques, 330 ; — nombre des grains de —, 30 ; — répartitions du —, 33'.

Pleurésie chronique partielle, 159. Plèvre, 235.

Pneumogastriques (Effets de la sec-tion des —), 63.

Pneumonie, lésions, 64 ; — èpithé-liale, 65 ; — desquamative, C5, 1(6 ; — expérimentale, 65; — rôle de la — dans la phtisie, 261, 262, 277.

Pneumonie caséeuse, 274, 276, 2:77 ;

— périodes, 234; — aiguë pseudo-lobaire, 279.

Pneumonie catarrhale expérimentale, 95 ; — 101, 167, 264, 274.

Pneumonie chronique, 96, '17, 121, 139, 2R6 ; — inter-lobulaire, 97 :

— historique, bibliographie, U9;

— étiologie, 161; — pronostic, 163 ; — observations de —, 140 ;

— traitement, 163 ; — nosogra-phie, 164;— formes, 165.

Pneumonie chronique des nouveau-nés, 128.

Pneumonie chronique ulcéreuse, 145 ; — observations de —. 176 ; - débuts, 146 ; — symptômes, 146; — terminaisons, 148; — exa-men physique, 149.

Pneumonie chronique non ulcéreuse, 149; — observations de—, 150;

— symptômes locaux, 154; — auscultation et percussion, 15^;

— signes négatifs, 156; — dia-gnostic, 157.

Pneumonie chronique du sommet, 158.

Pneumonie chronique interstitielle, 179, 181 ; — lobaire, 179; — pleu-rogène, 179, 200;— observations de — pleurogène, 183, 200 ; — in-terstitielle lobulaire, 22 2.

Pneumonie fibroïde, 69, 71, 73, 96, 179, 201, 257.

Pneumonie lobaire (résolution de la —), 179; — prolongée, 181; — récurrente, 183; — abortive, 631 ;

— étiologie de la — abortive, 631.

Pneumonie lobulaire, 70, 73;— ma-melonnée, 102;— généralisée, 278;-— pseudo-lobaire, 102.

Pneumonie morbilleuse, 100, 102.

Pneumonie planiforme, 102.

Pneumonies des apoplectiques, 111,'

— des vieillards, 99, 631 ; — à noyaux hémoploïques, 629.

Tneumonokoniose, 66; — expéri-

mentale, 67; — lobulaire, 67, 103. Ill, 203; — anthracosique, 20S;

— siliceuse, 205;— sidérotique, 205

Polypes du cœur, 559.

Poumon, structure lobulaire, 101, 235; — analogie avec une glande, 51, 115; — développement, 57, 74;

— vaisseaux, 58; — processus de destruction du —, 261 ; — engor-gements hémoptoïqucs du —, 614, 623, 626; — infarctus hémop-loïques du —, 623, 625; — indu-ration pigmentaire, 630.

Prolifération cellulaire par scis-sion. 60, 65, 67.

Protoplasmique (substance —), 267;

— prolongements angioplasti-ques, 269.

Purpura hemorrhagica dans la phti-sie, 299; observations de —, 301.

R

Rales sous-crépi tan ts, 147.

Ramollissement blanc, 312; — cé-rébral clans l'endocar.lite ulcé-reuse,— 402 ; dans l'athérome,475.

Rate (— dans la mélanémie, 331 ;

— structure, 334; — pigmenta-tion, 343;— tumeurs librineuses de la -, 614.

Récurrents (section des —), 61, 65.

Rein, développement, 79; — défini-tif, 80 ; — rouge, 77, 7'»; — modi-fications épithéliales du — rouge 79; — contracté, ^9; — tumeurs fibrineuses du - ,614.

Respiration rude, 147; — bronchi-que, 158.

Rétrécissements aortiques congéni-taux, historique, 546;— biblio-graphie, 547; — différence des — avec les coarctations inflamma-toires, 55i;— rétablissement de la circulation dans les —, 552; — symptômes, 552; — diagnostic, 553; — pronostic, 553; — traite-ment, 554.

Rétrécissements aortiques acciden-tels — pathogénie, 55; — occlu-sion par thrombose, 5 5;— adhé-rence d'un caillot, 555; — symp-tômes, 536; — paralysie des membres inférieurs, 357 ; — clau-dication intermittente, 557; — pronostic, 558; — terminaison, 559;— bibliographie, 559.

Rétrécissements des orifices car-diaques, 515.

Rétrécissements thoraciques, 156.

Rhumatisme articulaire aigu, 602; — phénomènes comateux, 603 ; — infiltration plastique concrète contenant des globules pyoïdes dans le cerveau et la rate, 604, 605 ; — lésions dysentériques de la muqueuse de l'intestion grêle et du côlon, 607 ; — nature des pro-duits plastiques, 609.

Ruptures de l'aorte, 567 ; — étiolo-gie, 568; — anatomie pathologi-que, 5fi8.

s

Sarcome angioplastique, 269.

Sang (formation et déformation des éléments du —), »35-; — altéra-tion pigmentaire du —, 337.

Sidérose, 66, 203, 220.

Sinus de Valsalva, 5^8.

Solidification jaune du poumon, 27", 285.

Souffle tubaire, 147; — inlersca-pulaire, 384; — dans les anévrys-mes de l'aorte, 498; — dans l'ané-vrisme artério-veineux de l'aorte 54i, 542; — dans la dilatation de l'aorte, 545.

Spasme de la glotte, 504.

Splénisation, 102, 103,279, 283; — par lobules, 102, 105, 110, 114; — processus de la —,113, 192.

Squirrhe du poumon, 138.

Strongylus armatus, 565.

Substance plastique concrète à globules pyoïdes du cerveau et de la rate, 604, 605; — Sa nature, 609.

t

Tissu cytogène, 267.

Thorax (Perforation de la paroi du

du — par les anévrismes), 493.

Thrill dans les anévrismes de l'aorte, 495.

Thrombose artérielle, 312, 313; — oblitérante de l'aorte, 560; — de l'artère centrale de la rétine, 599 ; — de l'artère numérale, 313 ; pathogénie, 314.

Thrombose veineuse, 312.

Toux dans les anévrismes de l'aorte, 504.

Trachéotomie dans les anévrismes de l'aorte, 52'.

Tubercule miliaire, 235, 274 ; — siège, 235 ; — aspect microscopi-que, 235, 244; — extension, 245;

— ramollissement, 246; — de guérison, 252; — stationnaire, 252; — fibreux, 252, 253, 255, 267 ;

— aggloméré, 253, 2u8, 271, 273, 274, 2Î6, 281; — organisation, 257;— propagation, 258;— gé-néralisation, -¿61 ; — variétés ana-tomiques, 262 ; — confluence, 264;

— élémentaire, 266, ¿81; — opa-cité centrale, 268 ; — stroma, 268 ; — formation autour d'un vaisseau, z71 ; — formation au-tour d'un conduit glandulaire, 272 ; — développement autour des bronchioles, 273; — cru, 214;

— réticulé ou cytogène, 289; — submiliaire, 290.

Tuberculose, 2, 157; — doctrine de la dualité de la —,2; — curabilité delà—,253;— forme broncho-pneumonique de la —, 271; — miliaire, 272; — miliaire aiguë, 299; — rôle de la broncho-pneu-

monie dans la — pulmonaire, 262, Typhus abortif, 632.

U

Ulcérations de la muqueuse de

l'estomac, 397. Ulcères du poumon, 189. Uretère (Effets de la ligature de

P-), 82.

v

Vaisseaux lymphatiques, 107, 236, 238, 273; — pigmentation des—, 345.

Vaisseaux sanguins, 236, 237.

Végétations, globuleuses, 379; — valvulaires, 397.

Veine cave supérieure (Communica-tion de la — avec l'aorte), 538; — oblitération de la —, 542.

Veine cave inférieure (communica-tion de la — avec l'aorte abdo-minale), 543.

Vertiges, (dans la mélanémie), 338.

Vésicules pulmonaires (obstruc-tions sanguines des —), 630.

Vibrations thoraciques, 155, 160.

Vices de conformation du cœur, 416, 552.

Voix (modifications de la — dans les anévrismes de l'aorte), 504.

Z

Zone embryonnaire du tubercule, 282, ¿83, 284, 286,287; — épithé-lioïde,294.

FIN DE LA TABLE ANALYTIQUE.

Châteauroux. — Typographie et Stéréotyp. A. MAJESTÉ.