(1893) Oeuvres complètes de J. M. Charcot. Tome 4. Leçons sur les maladies du système nerveux
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(1893) Oeuvres complètes de J. M. Charcot. Tome 4. Leçons sur les maladies du système nerveux

OUVRES COMPLETES

DE

J. M. CHARCOT

LEÇONS

sur les

LOCALISATIONS DANS LES MALADIES DU CERVEAU

et

DE LA MOELLE ÉPINIÈRE RECUEILLIES ET PUBLIÉES

pah

BOURNEVILLE et E. BRISSAUD

TOME IV

avec 89 figures dans le texte

PARIS

BUREAUX DU PROGRES MEDICAL

14, rue des Carmes.

Félix ALCAN

éditeur

108, boulevard Saint-Germain, 108

1893

PREMIÈRE LEÇON

De la localisation dans les maladies cérébrales.

Sommaire. — Préambule. — Aridité apparente de l'étude des localisations cé-rébrales. — Principes de ces localisations.

De l'encéphale au point de vue morphologique. — Nécessité d'une nomencla-*' ture exacte. — Topographie des circonvolutions.

Importance de l'anatomie comparée. — Circonvolutions du cerveau du singe, lobes frontal, pariétal et sphénoïdal. — Centres psycho-moteurs. — Diffé-rences dans la composition de l'écorce grîsTdës diverses régions de l'encé-phale.

I.

Messieurs,

Nous consacrerons la première partie du cours de cette année à Xétude anatomo-pathologique de Vencéphale. Dans un auditoire composé de médecins, c'est là un sujet dont l'importance ne saurait échapper à personne. Mais, si je ne me trompe, il s'y attache parmi quelques-uns, par suite sans doute de ses abords, en apparence peu attrayants, un assez mauvais renom. J'espère être suffisamment heu-reux pour vous persuader bientôt, Messieurs, qu'un tel jugement serait injuste et j'ai la conviction qu'à l'aide d'une méthode, plusieurs fois éprouvée déjà, à l'aide aussi d'une certaine dose de patience et d'un peu de bonne volonté — et ce n'est pas de mon côté, je vous le promets, qu'elle fera

Ciiarcot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 1

défaut — nous parviendrons, sans trop de dificulté et sans trop de fatigue, à l'accomplissement de la tâche que nous allons entreprendre.

Aujourd'hui, pour ne pas vous conduire de plein pied, et sans préparation,, dans le domaine que nous devons par-courir ensemble, je voudrais, en manière d'introduction, vous présenter quelques observations relatives à des faits généraux, dont nous trouverons à chaque pas l'application dans nos leçons ultérieures.

Comme je ne crois guère à l'efficacité des généralités privées de leur substratum matériel, surtout en matière d'anatomie pathologique, j'invoquerai un certain nombre d'exemples, qui nous serviront, pour ainsi dire, de point d'appui. Ces exemples, je les détacherai d'un des chapitres les plus importants de la pathologie de l'encéphale, celui où il est traité de la localisation dans les maladies cé-rébrales.

Différentes raisons me décident à ce choix. En premier lieu, le sujet est un de ceux où l'heureuse influence des étu-des anatomo-pathologiques sur les affaires de la clinique se fait le mieux sentir. C'est, en effet, sur le principe des loca-lisations cérébrales qu'est fondé ce qu'on pourrait appeler le {diagnostic régional des affections encéphaliques, cetudril Vers lequel, dans la section spéciale delà pathologie que nous envisageons, doivent tendre tous les efforts du clinicien.

D'un autre côté cette question des localisations cérébrales vient d'entrer dans une phase nouvelle et elle fixe l'attention de tous, non seulement en France, mais encore à l'étranger. Bien que nous ne voulions pas sacrifier plus qu'il ne faut à la mode, nous ne saurions cependant nous soustraire à l'attrait qu'offrent toujours les investigations récentes, les faits nou-vellement mis en lumière.

J'ajouterai enfin que, à propos du dernier concours d'à-

grégation de médecine, cet intéressant chapitre a été exposé, avec une grande distinction, sous forme de thèse, par mon ami et ancien élève, M. le Dr Lépine, agrégé de cette fa-culté. Je serai heureux, je vous l'avoue, de pouvoir uti-liser les observations délicates qui abondent dans ce tra-vail et de mettre à profit les richesses d'érudition que l'au-teur y a accumulées.

Il ne saurait s'agir, cela va de soi, dans ces leçons pré-liminaires que d'une esquisse faite à grands traits. Tous les sujets qui vont être ébauchés devant vous devront être repris plus tard, soumis à une étude plus approfondie et fouillés, en quelque sorte, jusque dans leurs moindres dé-tails.

II.

11 n'est pas nécessaire actuellement, je pense, d'entrer dans de longs développements pour faire comprendre ce qu'on entend par localisation, quand on parle de physio-logie et de pathologie cérébrales. Le terme est, depuis longtemps, passé dans la langue usuelle et chacun sait ce qu'il signifie. Je me bornerai à vous rappeler que le prin-cipe des localisations cérébrales est fondé sur la proposition suivante : L'encéphale ne représente pas un organe homo-gène, unitaire, mais bien une association, ou si vous le vou-lez une fédération constituée par un certain nombre d'or-ganes divers. A chacun de ces organes se rattacheraient physiologïquement des propriétés, des fonctions, des fa-cultés distinctes. Or, les propriétés physiologiques de cha-cune de ces parties étant connues, il deviendrait possible d'en déduire les conditions de l'état pathologique, celui-ci ne pouvant être qu'une modification plus ou moins pronon-

cée de l'état normal, sans l'intervention de lois nouvelles.

11 importe de rechercher maintenant sur quels fonde-ments repose cette proposition. Pour en arriver là, nous devrons faire appel tour à tour aux données fournies par l'anatomie normale, la physiologie expérimentale et enfin par l'observation clinique appuyée sur l'examen métho-dique et minutieux des lésions organiques. Je ne saurais trop faire ressortir que les documents du dernier ordre de-vront figurer constamment parmi les plus importants et les plus décisifs. Car, si les premiers peuvent mettre souvent sur la voie des localisations, seuls ceux-là permettront de juger en dernier ressort et de fournir la preuve, du moins pour ce qui concerne l'homme, objet spécial de nos études.

A. D'après ce quiprécède, le moment est venu d'envisager l'encéphale d'abord sous le rapport morphologique. Nous n'al-lons pas entrer, vous l'avez compris, dans une description en règle. Je me propose d'indiquer seulement quelques traits géné-raux qu'il est indispensable de connaître pour le but que nous poursuivons et, afin de simplifier une situation fort complexe, je me limiterai au cerveau, c'est-à-dire à la masse de substance nerveuse, composée de deux hémisphères et située à l'extré-mité supérieure de ce qu'on désigne sous le nom de pédon-cules cérébraux.

Les deux hémisphères, vous le savez, sont symétriques ou peu s'en faut, et identiques quant à leur structure, de telle sorte que, anatomiquement parlant, ce que l'on dit de l'un peut s'appliquer rigoureusement à l'autre. Chacun d'eux est recouvert et comme enveloppé d'une couche de substance grise. La partie centrale est formée par une masse de subs-tance blanche dans laquelle sont creusées les cavités ventri-culaires et où apparaissent comme enclavés les noyaux gan-glionnaires centraux, à savoir les couches optiques et les corps striés.

Une coupe transverse, pratiquée au niveau des eminences raamillaires, est bien propre à montrer ce qu'il y a de plus

Fig. 1. — Coupe verticale et transversale du cerveau faite en arrière des tu-bercules mamillaires ou en avant des pédoncules. — S, commissure grise ; — 0, 0, couches optiques — V, ventricule latéral ; — V, sa corne sphé_ noïdale ; — P, P, capsule interne ou pied de l'expansion pédonculaire ; — L, L, noyau lenticulaire; — K, capsule externe ; — M, M, avant-mur ; — R, troisième ventricule ; — A, corne d'Ammon; — B, centre ovale.

saillant dans la disposition réciproque des parties centrales {Fig. i).

Immédiatement au-dessus de la protubérance, vous voyez

la face inférieure du pédoncule cérébral, dont le pied ou étage inférieur est issu, pour une bonne partie, comme nous le verrons, des pyramides antérieures bulbaires. En re-montant, à la partie inférieure et médiane de la coupe, vous découvrez deux grand tractus blancs (P, P.) qui se diri-gent en divergeant vers la partie corticale des hémi-sphères. Ils sont compris entre deux masses de substance grise, l'une interne et supérieure (0), l'autre inférieure et externe (L). Ces deux tractus blancs sont les prolongements des pédoncules à travers les hémisphères cérébraux.

Les pédoncules cérébraux, en effet, d'abord irrégulière-ment quadrilatères, en pénétrant dans les hémisphères, s'aplatissent de haut en bas, s'étalent d'arrière en avant, et, quand ils ont franchi le détroit de la région ganglionnaire, s'épanouissent en rayonnant dans tous les sens: en avant, vers l'extrémité frontale ; au centre, vers les régions pa-riétales ; en arrière vers l'extrémité occipitale. Dans la nomenclature de Burdach, on désigne la partie aplatie, inter-ganglionnaire, des pédoncules sous le nom de capsule interne; son rayonnement a été décrit par Reil, sous le nom de couronne rayonnante, le pied de la couronne rayonnante est le point d'émergence des pédoncules au-dessus des ganglions cérébraux. On peut caractériser cette disposition des pédoncules dans les hémisphères en disant qu'ils se déploient en éventail.

Indiquons maintenant brièvement, sauf à y revenir plus tard, la situation respective des ganglions cérébraux par rap-port à cet éventail.

Lorsque, suivant la coupe classique, les ventricules laté-raux ont été ouverts, vous vous souvenez avoir vu, faisant saillie sur leur plancher deux masses de substance grise ; l'une antérieure et externe a la forme d'une virgule, d'une larme batavique , dont la grosse extrémité ou tète est en avant et

ùoiiL la petite ou queue est en arrière et en dehors, nous l'ap-pellerons noyau caudé du corps strié; l'autre, interne et pos-térieure, ovalaire, est la couche optique; les couches optiques de chaque côté sont séparées par la profondeur du troisième ventricule.

Ces deux masses grises, intra-ventriculaires, le noyau caudé du corps strié et la couche optique reposent au-des-sus et en dedans de l'éventail pédonculaire. Ait-dessous de ce même éventail, plus volumineux que les deux autres se trouve un troisième noyau, ayant à peu près la forme d'une lentille plane-convexe, d'où le nom de noyau lenti-culaire (Burdach) (1). Comme il occupe d'avant en arrière la même étendue que les deux autres, sur les coupes trans-versales (frontales des Allemands, perpendiculaires à la grande scissure inter-hémisphérique), on le rencontrera toujours en même temps qu'eux sur la surface des sections.

L'étude des coupes transversales, pratiquées méthodi-quement, d'avant en arrière, progressivement, suivant certains points de repère pris à la base des hémisphères, est indispensable à bien connaître pour l'anatomiste, au-quel elle indique les rapports des noyaux entre eux et avec le pédoncule, et, pour le clinicien qui doit déterminer avec précision les parties lésées.

Je vous décrirai l'aspect de ces coupes frontales, à me-sure que les besoins de la description l'exigeront. Aujour-d'hui, il vous suffira d'en connaître une des plus postérieu-res, celle qui est pratiquée immédiatement en avant des pédoncules cérébraux. (Fig. 1).

Vous reconnaissez ici, en PP, la partie aplatie des pé-doncules, la capsule interne. En dedans se trouve la sec-

(1) Dans la nomenclature, usitée chez nous, on l'appelle noyau extravenlt'i-culaire du corps strié.

lion de la couche optique (0) et de la queue du corps strié (C). En dehors de la capsule interne, vous rencontrez le noyau lenticulaire du corps strié (L) avec ses trois seg-ments. Ces noyaux gris sont, peut-être., autant de cen-tres doués de propriétés, de fonctions distinctes, mais, ne l'oubliez pas, le fait n'est pas jusqu'ici péremptoirement démontré. Plus en dehors encore, vous découvrez succes-sivement la capsule externe (K), l'avant-mur (M), une petite bande blanche innommée, et, enfin, l'écorce grise de l'in-sula de Reil (D).

Je n'ai pas l'intention d'entrer actuellement dans aucun détail de structure ; je désire insister seulement, Messieurs, sur ces dénominations, toutes minutieuses qu'elles puissent paraître, et si, depuis longtemps, je me suis efforcé de les in-troduire dans la nomenclature française, c'est que je les con-sidère comme de la plus haute utilité, quand on veut, lors de l'autopsie, déterminer la localisation exacte des lésions. Qui oserait affirmer que telle ou telle région, qui n'a pas d'appellation dans la nomenclature usitée chez nous, n'a pas une importance physiologique de premier ordre ? D'ailleurs, comment désigner cette région sur le protocole d'autopsie si elle n'est pas dénommée? Les désignations que je viens de donner fournissent autant de points de repère, et sont par-tant d'une utilité incontestable. Est-ce qu'une bonne carte stratégique est jamais trop complète ? C'est ainsi que, préci-sant l'endroit occupé par un foyer hémorrhagique, — la cap-sule externe ou interne, les noyaux de la substance grise, le pied de la couronne rayonnante, etc., — vous parviendrez à constater, s'il y a lieu, des différences symptomatiques en rapport avec des différences relatives au pronostic. Un exem-ple, emprunté à l'histoire de l'hémorrhagie cérébrale, vous prouvera sur le champ que ce n'est point là un travail super-flu. Si un foyer hémorrhagique n'a intéressé que la capsule

externe, le malade guérira, suivant toute vraisemblance, sans qu'il y ait persistance de l'hémiplégie, malgré l'étendue de la lésion et sans infirmité; s'il occupe, au contraire; la capsule interne, dans le cas où le malade survit, il persiste toujours une paralysie avec contracture indélébile.

L'importance d'une élude exacte et minutieuse de la configuration des circonscriptions du cerveau et, en même temps, d'une nomenclature appropriée, est surtout bien mise en evidence lorsqu'il s'agit de ces plis qui se dessi-nent à la surface des hémisphères, et qu'on désigne, en gé-néral, sous le nom de circonvolutions. Pendant longtemps, on a pu croire que ces circonvolutions étaient disposées pour ainsi dire au hasard, échappant par conséquent à toute description. 11 appartenait à deux observateurs fran-çais, Leuret et Gratiolet, de démontrer qu'il y a là, au con-traire, un plan régulier, qu'on peut suivre depuis les mam-mifères inférieurs jusqu'à l'homme, en passant, par le singe. Il y a lieu de distinguer, d'ailleurs, parmi les circonvolu-tions les plis fondamentaux, ainsi appelés parce que leur disposition et leurs rapports sont absolument fixes, et les plis secondaires ou accessoires, dont il faut savoir faire abstraction, parce qu'ils sont variables.

Sans une bonne topographie des circonvolutions, vous le comprenez aisément, il est'de toute impossibilité de faire un pas dans l'histoire des localisations cérébrales les plus importantes. Prenons un exemple. Comment parler des lé-sions qui produisent l'aphasie si l'on ne sait pas déterminer avec précision le siège et la configuration de la troisième circonvolution ? Comment encore retrouver chez l'homme les régions dites psycho-motrices, découvertes chez les animaux par les recherches de Fritsch, Hitzig et Ferrier, si l'on ignore la disposition des plis et des sillons sur la

substance grise du lobe pariétal et des parties postérieures du lobe frontal ? Combien d'observations, propres à éclairer ces intéressantes questions de localisation, sont demeurées sans valeur, parce que, faute d'une connaissance suffisante des parties altérées, la dénomination exacte de ces parties n'a pu être donnée ! Aussi, afin d'obvier dans la mesure du possible à cette lacune des descriptions anatomiques de l'état normal du cerveau, ai-je pris depuis longtemps l'habi-tude de figurer sur des schémas, dessinés d'après nature, le siège des lésions encéphaliques. En l'absence de ces précau-tions, on ne peut obtenir des notions exemptes de critique. Au reste, cette étude ne présente pas, tant s'en faut, les dif-ficultés qu'on est porté tout d'abord à supposer. Si des rensei-gnements plus complets n'ont pas, jusqu'ici, pénétré dans les livres classiques, ils abondent ailleurs. Sans parler des ouvrages fondamentaux de Leuret et Gratiolet, de Bischoff, d'Arnold, de Turner, etc., qu'il est indispensable de toujours consulter, je vous recommande l'usage du petit manuel d'Ec-ker (1), recueil de bonnes planches topographiques où vous trouverez, avec la synonymie, une nomenclature réduite à des termes fort simples. Ces planches d'après mon conseil, ont été utilisées par M. H. Duret dans son important mémoire sur la circulation de l'encéphale. Enfin, nous possédons en France sur la matière un excellent travail. C'est une thèse de M. Gromier, faite sous l'inspiration de M. Broca. Elle est intitulée : Etude sur les circonvolutions cérébrales chez l'homme et chez le singe (1874).

L'anatomie comparée, de son côté, est d'un secours puis-sant pour l'étude des circonvolutions. Entre le singe et

{l) Die llirnwindungen des Menschen nach eiqenen Unlersuchungen, insbe-sonders iiber die Eentwicklung derselben beim Fôtus uud mit Eilckscht au/' des Bcdur/'niss der Aerzte,, Brunswick, 1860. — Il existe do ce travail une tra-duction anglaise.

l'homme, par exemple, la ressemblance est frappante (l ) en

Fig. 2. — Face externe du cerveau du singe magot (Pithecus Innuus), (D'après Broca et Gromier).

Sillons : s r, sillon de Rolando ; —s c f, sillon courbe frontal s s', scissure de Sylvius ; — s p e, scissure perpendiculaire externe (sillon pariéto-occipi-tal externe) ; — sp, scissure parallèle.

Plis : p fa, pli frontal ascendant ; 1, 2, 3, premier, deuxième, troisième plis frontaux ; — le chiffre 3 qui manque devrait être entre les lignes ponctuées D et E ; — p va, pli pariétal ascendant ; — l p p a, lobule du pli pariétal ascendant ; — p m i, pli marginal inférieur ; — p c, pli courbe ; — l o, lobe occipital ; — l q r, lobeorbitaire.

Situation des centres pour les mouvements volontaires sur le cerveau du singe, d'après Ls descriptions de Ferrier :A, centres pour les mouvements volontaires du membre antérieur ; —B, centres pour le membre postérieur :

— C, mouvements de rotation de la tête et du cou ; — D, mouvements des muscles de la face ; — E, mouvements de la langue, des mâchoires, etc. ;

— F, certains mouvements des yeux, vision ; — G, centre en rapport avec les mouvements des oreilles et l'audition^

ce qui concerne les plis et les sillons fondamentaux, et telle disposition, qui paraît en quelque sorte inintelligible chez

(1) Lire à ce sujet dans la dernière édition de l'ouvrage de Darwin: « The Des-cent ofman » (London, 1874) une intéressante note (p. 199) du professeur Hux-ley : Note on the Ressemblances and Différences in tfie Structure and the Dé-veloppement of the Brain in Man and Apes.—Pansch. Die furchen und Wulste am Grosshirn des Menschen, 1879. — P. Broca. Etude sur le cer-veau du gorille, 1878.

l'homme, s'explique sans peine en raison de sa plus grande simplicité quand on examine le cerveau du singe. Aussi,, voudrais-je essayer de vous présenter un aperçu très som-maire des circonvolutions envisagées chez le singe, avant de vous entretenir des circonvolutions du cerveau humain. Cette étude vous offrira d'autant plus d'intérêt que l'expé-rimentation a déjà désigné, sur quelques-unes des circon-volutions du singe, la réalité de ces points dits psycho-mo-teurs dont il y a lieu de rechercher en se fondant, non plus sur l'expérimentation, mais sur la clinique et sur l'anatomie pathologique, l'existence dans les points corres-jUOJOxlajoi^ .du £,j*yii .de J'jDXUxuxtâ,

Voici la représentation d'un cerveau de singe, vu latéra-lement (Fig. 2), d'après une figure empruntée à l'ouvrage de M. Gromier. 11 s'agit du Magot (Pithecus innuus), un singe d'ailleurs d'assez bas étage. Je m'attacherai, pour le moment, à la description de la face externe de l'hémi-sphère, les faces interne et inférieure n'ayant pour le sujet qui nous occupe qu'une moindre importance.

On aperçoit, en premier lieu, deux long sillons : l'un est le sillon de Rolando (sr), l'autre (ss) la scissure de Sylvius. Ces deux sillons fondamentaux convergent en un point et délimitent la face externe du lobe frontal.

On voit ensuite et plus en arrière une autre scissure, scissure perpendiculaire externe ou pariéto-occipitale (spe). Elle sépare nettementchez le singe le lobe occipital du lobe temporal et du lobe pariétal. Cette séparation est beau-coup moins évidente chez l'homme par suite de la présence de ce qu'on appelle les plis de passage qui comblent plus ou moins complètement ce sillon.

Le lobe pariétal et le lobe sphénoïdal se distinguent moins exactement chez le singe et, pour établir la démarcation, il faut prolonger la scissure de Sylvius par une ligne imaginaire

passant par un pli désigné sous le nom de pli courbe (pc) ou gyrus angularis.

La surface externe de l'hémisphère cérébral se trouve donc divisée en quatre lobes : le lobe frontal, le lobe pariétal, le lobe sphénoïdal et le lobe occipital.

Chacun de ces lobes est partagé à son tour en lobes secon-daires, qui portent le nom de plis ou circonvolutions, par des scissures ou sillons de deuxième ordre.

Lobe frontal. — Le sillon prœcentral ou sillon courbe frontal (se f) limite en avant, surle lobe frontal, une circon-volution parrallèle à la scissure de Sylvius : c'est la circon-volution frontale ascendante et, afin de donner plus d'intérêt à cette énumération un peu sèche, je vous ferai remarquer que, suivant Ferrier, l'extrémité supérieure de cette circonvolution est occupée par les centres moteurs (A) du membre supérieur du côté opposé.

Des sillons perpendiculaires à la direction du précédent di-visent le reste du lobe frontal en trois étages ou circonvolu-tions. 1° L'extrémité postérieure du premier étage constitue, au dire de Ferrier, un centre G dont l'excitation fait mouvoir la tête. — 2° Selon le même auteur, la partie postérieure du deuxième étage serait le centre des mouvements de la face, D. — 3° Enfin, dans le troisième étage serait placé, chez le singe, un centre qui préside aux mouvements des lèvres et de la langue, E\ c'est là que l'on rencontre chez l'homme, le siège de la faculté du langage articulé : c'e*t la troisième circonvolution ou, ainsi que le disent les Anglais, la circonvo-lution de Broca (Broccis Convolution). Je ne veux pas me montrer moins Français que ne le sont les Anglais, et je suis heureux de saisir l'occasion qui se présente de reconnaître les services signalés qu'a rendus notre éminent collègue à la cause des localisations cérébrales.

Lobe pariétal. — Le lobe pariétal, dont l'étude est si dif-ficile chez l'homme, est, en revanche, très facile chez le singe. La scissure interpariétale le scinde en deux lobules secon-daires : 1° Le lobule pariétal supérieur (Ippa), qui est le cen-tre (B) des mouvements du membre inférieur, d'après Fer-mer ; 2° le lobule pariétal inférieur ou lobule du pli courbe, à cause de sa connexité avec le pli (pc) du même nom ; 3° enfin un sillon, plus marqué chez les singes supérieurs, isole de ces lobules la circonvolution pariétale ascendante. Dans une partie de ce lobule réside le centre moteur du membre supérieur (À), qui s'étend jusqu'à l'extrémité supérieure de la circonvolution frontale ascendante.

Lobe sphénoïdal. — Le lobe sphénoïdal a une disposition aisée à comprendre. 11 est limité sur la face convexe de l'hé-misphère par le bord inférieur de cette face et par la scissure de Sylvius. La scissure parallèle, ainsi qualifiée parce qu'elle suit la direction de la scissure de Sylvius, divise ce lobe en deux étages. Nous trouvons dans l'étage supérieur la circon-volution marginale et, à l'extrémité de la scissure parralèlle, le pli courbe dont l'ablation, au dire de Ferrier, produirait la cécité temporaire dans l'œil du côté opposé (F).

Lobe occipital. —- Un sillon transverse partage ce lobe en deux étages. Nous n'avons pour le moment rien de parti-culier à vous indiquer sur son compte.

Après cette étude sommaire des circonvolutions cérébrales chez le singe, celle des circonvolutions correspondantes chez l'homme devient des plus simples. L'énumération que je vais en faire, en me servant d'une figure, faite d'après une planche empruntée au bel ouvrage de Foville, vous fera reconnaître sans peine cette vérité {Fig. 3)

Vous y retrouvez la scissure de Sylvius (s s) et le sillon de Rolando (R), circonscrivant en bas et en arrière le lobe fron-tal sur lequel vous voyez la circonvolution frontale ascendante (A) ou pariétale antérieure et les première, deuxième et troi-sième circonvolutions frontales (F1, F2, F3),

Fig. 3. — Face convexe d'un hémisphère du cerveau de l'homme. (Vue du lobe pariétal, dessin demi-schématique.)

Scissures: R, scissure de Rolando; — ss, scissure de Sylvius; sp, scissure parallèle ; o p, scissure pariéto-occipitale externe : — i p, scissure interpa-riétale.

Circonvolutions et lobules: A, cire, frontale ascendante (cire, pariétale anté-rieure ou cire, centrale antérieure) ; — F1, F2, F -\ première, deuxième et troisième circonvolutions frontales; — B, cire, pariétale ascendante (cire, pariétale postérieure ou cire, centrale postérieure); — P l, lobule du pli pariétale; — P 2, lobule du pli courbe ; — P :i, pli courbe; — T T 2, T 3, première, deuxième et troisième circonvolutions temporales.

La scissure pariéto-occipitale (op), comme je vous le disais tout à l'heure, sépare d'une façon très confuse, chez l'homme, en raison de l'existence des plis de passage, le lobe occipital des lobes pariétal et sphenoidal.

Vous pouvez distinguer aisément enarrière du sillon de Ro-lando, entre ce sillon et la scissure interpariétale (ip), la cir-convolution pariétale (B). Au-dessus et en arrière de la scis-sure interpariétale, vous découvrez successivement le lobule du pli pariétal ou lobule pariétal supérieur (P1), le lobule du pli courbe (P2) et enfin le pli courbe (P3).

Quant au lobe spliénoïdal, ou temporal, il présente ici, de môme que chez le singe, une scissure qui remonte jusqu'au pli courbe : c'est la scissure parallèle. Entre elle et la scissure de Sylvius, on voit la premiète circonvolution temporale (T1) ; au-dessous d'elle et en arrière deux autres circonstances tem-porales (T2, T3).

Vous avez ainsi, Messieurs, autour du lobe pariétal, de la scissure de Sylvius et du sillon de Rolando, un certain nom-bre de points de repère, qui pourront vous guider à l'autop-sie (1).

III.

Ainsi se trouvent constitués, Messieurs, '4ksurface)de l'en-céphale, des appartements dont la fixité ne saurait être mé-connue. Ces divers départements, qui correspondent aux circonvolutions fondamentales, représentent-ils autant de centres fonctionnels distincts? C'est là une question que la seule considération des dispositions architectoniq^u^ extérieu-res n'est pas en mesure de résoudre.

Je voudrais actuellement, faisant appel à l'intervention du microscope, rechercher avec vous si l'élude de la structure di la substance grise corticale, faite comparativement dans les

(1) Pour Tanatomie comparée du cerveau chez les mammifères et particuliè-rement chez les primates, on consultera aussi avec fruit la traduction du livre de Huguenin (Analomie des centres nerveux), par Keller et M. Duval.

diverses régions désignées par l'anatomie descriptive, n'est pas de nature à fournir sur le sujet qui nous intéresse des renseignements plus significatifs.

Depuis longtemps l'examen à l'œil nu a fait reconnaître des différences dans la composition de l'écorce grise, suivant les régions de l'encéphale que l'on envisage. Considérons, par exemple, à ce point de vue, l'étage inférieur du lobe occipital. Dans les parties de ce lobe qui entourent la corne postérieure des ventricules latéraux, la substance grise n'a pas l'aspect à peu près uniforme qui lui est propre dans d'autres régions du cerveau, les lobes antérieurs, si vous voulez. Vicq d'Azyr, en effet, avait déjà observé que, dans ces parties du lobe occi-pital, la substance grise des circonvolutions est divisée très nettement en deuxbandes secondaires, séparées par une bande blanche que nous appelons aujourd'hui le ruban de Vicq d'Azyr. Encore à l'œil nu, la circonvolution delà corne d'Am-mon, celle deTinsula de Reil, se distinguent, quant à l'aspect, de l'écorce grise des circonvolutions appartenant aux autres régions des hémisphères.

Pour bien apprécier la valeur de ces renseignements, il me paraît tout à fait indispensable d'entrer dans quelques détails minutieux.

Charcot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations.

2

DEUXIÈME LEÇON

Structure de l'écorce grise du cerveau.

Sommaire. — Caractères généraux de la structure de l'écorce grise du cerveau.

1° Cellules ganglionnaires ou nerveuses ; — cellules pyramidales.

Notions Sur les cellules nerveuses des cornes antérieures de la substance grise de la moelle épinière (cellules motrices). — Dimensions, forme, corps, noyau, nucléole, protoplasma, fibrilles et granulations ; --- réseau nerveux; — prolongements du protoplasma: prolongement nerveux.

Comparaison des cellules nerveuses motrices de la moelle avec les cellules pyramidales.

Cellules pyramidales : dimensions ; - cellules de la petite espèce; — cellules de la grosse espèce ou cellules géantes. — Constitution de ces cellules : configuration, corps, noyau, nucléole; — prolongements cellulaires; pro-longement pyramidal ; — prolongements rappelant ceux du protoplasma ; prolongement basai.

2° et 3° Eléments cellulaires globuleux: cellules allongées.

4° et 5° Tubes médullaires; — névroglie.

Rapports de ces éléments entre eux; — type à cinq couches, [ mportance de l'examen de la structure de la substance grise corticale par circonvolution. — Division au point de vue de la structure de l'écorce grise en deux régions. Travaux de Betz.

1.

Messieurs,

La structure de l'écorce grise du cerveau, quelle que soit la région des hémisphères où on l'étudié, présente des carac-tères généraux que nous devons envisager avant d'exposer les caractères distinctifs. On peut dire que toutes les parties de l'écorce grise sont composées des mêmes éléments essen-

tiels. Sans doute, chacun de ces éléments constitutifs peut offrir, suivant la région où l'on observe, des déviations im-portantes du type normal ; mais dans l'étude régionale de la structure de la substance grise, il faudra tenir grand compte aussi des variétés du mode d'agencement de ces éléments.

Après avoir examiné ces éléments isolément, nous recher-cherons comment ils se disposent pour constituer l'écorce grise. Notre description commencera naturellement par les éléments qui, sans conteste, jouent le rôle fondamental, je veux parler des cellules ganglionnaires ou nerveuses, qui forment en définitive l'élément caractéristique de la région ; on les désigne d'habitude sous le nom de cellules pyrami-dales.

Le meilleur procédé pour faire bien connaître les propriétés morphologiques de ces éléments n'est peut-être pas de les en-visager exclusivement en eux-mêmes. Aussi ai-je estimé pré-férable de recourir à la méthode comparative, me fondant sur l'adage vulgaire: « La lumière naît du contraste. »

Permettez-moi donc, Messieurs, de vous rappeler à titre d'introduction, les principaux traits de la constitution d'un des éléments cellulaires nerveux dont Fétude est la mieux connue à l'heure qu'il est: je fais allusion aux cellules ner-veuses des cornes antérieures de la substance grise de la moelle épinière, dites encore cellules motrices. La descrip-tion abrégée que je vais vous tracer de ces cellules nerveuses nous servira pour ainsi dire d'étalon. J'aurai à relever, dans la comparaison qui s'en suivra, plus d'une différence, mais j'aurai aussi à mentionner d'une façon spéciale plus d'une analogie remarquable.

Les cellules motrices sont des cellules sans membrane dis-tincte dont le diamètre est variable, sans s'éloigner toutefois de 0.050 p.. M. Gerlach dit cependant qu'il peut aller jusqu'à 0, 120 ^. Leur forme est plus ou moins globuleuse, rarement

allongée. Leur corps est constitué par un protoplasma qui paraît grenu lorqu'on envisage la cellule non vivante ; mais dans le sérum, ou après l'action de l'acide osmique sur une cellule fraîche, le corps paraît composé par un protoplasma transparent au sein duquel existent, ainsi que Schultze l'a fait voir, de nombreuses fibrilles. Ces fibrilles, par l'altération cadavérique, subissent la fonte granuleuse. II. y a dans la cel-lule un noyauovlmre et un nucléole brillant. Enfin, je signa-lerai encore dans le protoplasma la présence habituelle, même dans les conditions physiologiques, de granulations pig-mentaires brunes.

Mais une des particularités les plus importantes de ces cel-lules, c'est qu'elles sont hérissées de nombreux prolonge-ments qui, au moment où-ils se détachent de la cellule, figu-rent un tronc volumineux, lequel s'amoindrit à mesure qu'il subit, chemin faisant, des divisions dichotomiques. Les der-nières de ces ramifications sont tout à fait grêles et il est dif-ficile de les suivre bien loin. M. Gerlach, d'après des prépa-rations au chlorure d'or, assure que ces ramifications se ter-minent en une sorte de réseau anastomosé qu'il désigne sous le nom de réseau nerveux. Ces prolongements sont compo-sés d'ailleurs, comme le corps cellulaire lui-même, d'un proto-plasma grenu et de longs filaments parallèles qui peuvent être suivis jusque dans le corps de la cellule. On les appelle pro-longements du protoplasma, pour les distinguer d'une autre espèce de prolongement dont je vais maintenant vous entre-tenir.

Un histologisle allemand, Deiters, a découvert., il y a quel-ques années, un fait important, vérifié depuis cette époque par tous les anatomistes. Il consiste en ce que la plupart des cellules nerveuses motrices, toutes, peut-être, possèdent, en outre des prolongements que nous avons décrits, un prolon-gement, un seul, pour chaque cellule, qui se différencie des

autres par des caractères particuliers. Ce prolongement porte le nom de prolongement nerveux, et vous allez saisir dans un instant la'raison de cette qualification. Il se détache du corps de la cellule ou d'un de ses prolongements les plus gros, sous la forme d'un filament très grêle, mais qui, peu à peu,' devient de plus en plus volumineux. Ce prolongement ne se ramifie point et il se colore moins vivement par le carmin que les prolongements du protoplasma.

Enfin, si on réussit à le suivre suffisamment loin, on le voit se recouvrir, à l'instar d'un nerf ordinaire, d'un cylindre de myéline, si bien qu'il y a lieu de le considérer, à son origine, comme un cylindre axile et, à une certaine distance, comme un nerf complet. La connexité des cellules nerveuses, par la voie de ce prolongement, avec les tubes de la substance mé-dullaire, n'est donc pas douteuse.

Tels sont, Messieurs, les principaux caractères des cellules nerveuses motrices spinales; il est temps de mettre en regard d'elles les cellules pyramidales de l'écorce grise (Fig. 4).

Ces cellules présentent des dimensions très variables. Il en est de très petites relativement: ce sont les plus nombreuses. Ces cellules pyramidales, qu'on pourrait appeler de la petite espèce, ont en moyenne 0.010 ^ de diamètre à la base. Celles delà grosse espèce, moins multipliées que les précédentes, occupent d'ordinaire la région la plus inférieure de la couche des cellules pyramidales. Leur diamètre atteint jusqu'à 0.022 y. (Koschewnikoff).

Enfin, il y a des cellules pyramidales géantes. (Riesenzel-len). Elles ont été étudiées avec soin par M. Betz (1) (de Kiew) et-par M. Mierzejewski. On les rencontre dans des régions spé-

(i; M, Betz vient de publier une note détaillée sur les éléments de la subs-tance grise du cerveau (CenlralhlalJ, f, d. Med, Wiss. 1881). (Note de la 2e édition,)

ciales, bien déterminées, de l'écorce grise. Le diamètre de ees cellules gigantesques va quelquefois de 0.040 jx à 0.050 p., c'est-à-dire qu'il égale celui des cellules des cornes antérieures de la moelle,

Quoi qu'il en soit de ces différences dans les dimensions, la constitution des cellules pyramidales paraît être, au fond,

toujours lámeme. ISous l'étudierons en consé-quence, pour plus de commodité, sur les cel-lules de la grosse espèce ou, encore, sur les cel-lules géantes.

La' dénomination de cellules pyramidales peut être, jusqu'à un certain point, prise au pied de la lettre : leur configuration se rap-proche, en effet, de celle d'une pyramide plus ou moins allongée. Le corps de la cellule rap-pelle ce que nous avons dit tout à l'heure , et Schultze déclare y avoir reconnu la structure fi-brillaire. Le noyau, suivant beaucoup d'au-tres, est anguleux et re-Fiçj. 4. produit en quelque sorte

la forme générale de la cellule. Le nucléole, lui, n'offre rien de particulier.

Les prolongements cellulaires présentent des particulari-tés dignes d'intérêt. L'un d'eux pourrait être appelé prolon-gement pyramidal caril continue, pour ainsi dire, le corps de la cellule en s'effilant progressivement. 11 pousse dans son parcours quelques prolongements latéraux et se divise par-lois en forme de fourche à son extrémité qui se dirige tou-jours vers la surface de la circonvolution. Il résulte de cette direction que la cellule est orientée de telle façon que la hase est parallèle au bord intérieur ou médullaire de la zone d'é-corce grise.

D'autres prolongements de la même catégorie partent, soit des angles, soif de la base. Ceux-là se ramifient de manière à rappeler des prolongements de protoplasma des cellules motrices spinales. Ces prolongements se résolvent-ils dans l'écorce grise en un réseau nerveux, ainsi que cela a lieu, d'après M. Gerlach, pour les cellules spinales? Quelques au-teurs l'affirment.

Mais il existe certainement, Messieurs, pour les cellulel pyramidales de la grosse espèce et les cellules géantes, — peut-être aussi pour les petites cellules — un prolongement spécial analogue au prolongement cylindrique des cellules motrices spinales. C'est, dans un cas comme dans l'autre, un filament grêle à son origine et qui va ensuite en s'épaississanf légèrement. Sur des dissociations heureuses, il est possible, à une certaine distance de la cellule, de voir ce prolonge-ment se recouvrir d'un cylindre de myéline. M. Koschewni-koff (1) a mis ce fait hors de doute en dissociant des cellules

(1) A. Koschownikoff. — Axencyl'niderforsalz der Nervenzellen im kleinen Hirn des Kalbes. In Schnitze'ß Archiv, p. 332, 1869. — Axencylinderforsntz der Nervenzellen aus der Grosshirnrinde. — Idem, 1869, p. 375. — Beiz, — Centraiblatt, 1874, p. 579. — Micrzcjewski. — Éludes sur les liions céré-brales dans la paralysie générale. In Archives de physiologie, p. 194, 1875. — .1. Batty Take. — Morisonian Lectures. In Edinb. med. .Journal, p. 39i mai 1874.

des lobes antérieurs du cerveau d'un sujet qui avait suc-combé à une encéphalite et, depuis la publication de son tra-vail, on a pu constater maintes fois la vérité de sa descrip-tion. Ce prolongement basai (Fig. 4, b), pour employer l'expression usitée par M. Meynert, est toujours dirigé vers la substance médullaire des circonvolutions.

Toutes ces explications montrent qu'il est impossible de méconnaître les analogies qui rapprochent d'une part les cel-lules pyramidales de l'écorce grise — au moins les grandes cellules et les cellules géantes — et d'autre part, les cellules motrices des cornes antérieures et ces analogies, déjà pres-senties d'ailleurs par M. Luys (1), il nous faudra plus tard les prendre en considération.

Les cellules pyramidales ne sont pas les seuls éléments cellulaires qu'on rencontre dans l'écorce grise. On y trouve encore des petits éléments cellulaires, ayant une forme glo-buleuse, rarement pyramidale, mesurant de 0.008 à 0.010 ¡x (Meynert) (2), hérissés quelquefois de petits prolongements, disséminés un peu partout ou composant, sur certains points, une couche assez dense. Divers auteurs les regardent comme des éléments nerveux incomplètement développés ; d'autres leur dénient ce caractère et les comparent aux éléments qui constituent la couche granuleuse de la rétine.

M. Meynert range encore, parmi les éléments nerveux des zones corticales, des cellules allongées, en général fusifor-mes, ramifiées, et qui, en certains endroits, composent une cinquième couche. Ces cellules ont le plus souvent leur grand axe dirigé parallèlement aux fibres du système d'asso-

(1) J. Luys. — Recherches sur le système nerveux, etc.,p. 162 et suiv. Pa-ris, 1865.

(2) Meynert. — Stricker's Handb., t. II et traduction anglaise, t. II, p. 381 et suiv.

dation constitué par des fibres médullaires qui unissent une circonvolution à la circonvolution voisine (fibrœ arcuatœ) ; elles semblent faire partie de ce système.

Voilà quels sont, Messieurs, les éléments cellulaires ner-veux, ou réputés tels, qui entrent dans la structure de l'écorce grise. A côté d'eux, il en est d'autres que nous devons men-tionner : les tubes médullaires et la névroglie. Les tubes médullaires, qui pénètrent dans la snbstance grise sous forme de faisceaux, ne nous arrêteront pas pour le moment ; nous y reviendrons. Quanta la névroglie, connue encore sous le nom de formation épendy maire (Rokitansky), elle sert de gangue unissante. Je n'entrerai pas dans le détail des particularités de structure, relatives à la névroglie de la sub-stance grise, je rappellerai seulement que, dans ces derniers temps, plusieurs auteurs l'ont considérée comme constituée par des cellules conjonctives d'un genre à part, dont le corps, pourvu d'un très petit protoplasma, serait hérissé de prolon-gements non ramifiés [cellules araignées de Roll et Golgij. Ces prolongements enchevêtrés et cimentés par une certaine quantité de substance gélatineuse interposée entre eux, com-poseraient toute la masse delà névroglie. Nous aurons à dis-cuter, par la suite, cette interprétation. Sans nier l'existence de cellules rameuses, à l'état normal, dans certaines régions (cellules de Deiters), je me bornerai à dire que, très vrai-semblablement, la substance grise est faite, à cet égard, sur le même modèle que la substance blanche. En d'autres ter-mes, la névroglie se rapporterait ici au type du tissu conjonc-tif ordinaire : faisceaux conjonctifs et cellules plates (Ranvier) ; seulement, dans la névroglie, les filaments fibrillaires se-raient plus déliés que partout ailleurs. Je néglige actuelle-ment l'étude des vaisseaux qui devra nous arrêter prochaine-ment d'une façon toute spéciale.

C'en est assez, je pense, concernant l'histoire individuelle des divers éléments qui composent la substance grise. Il convient d'examiner maintenant quel est le mode d'agence-ment de ces éléments, et quelles sont les différences qui peuvent se produire, soit sous ce. rapport, soit sous le rap-port de la constitution des éléments eux-mêmes, dans cha-cune des régions que dessinent les sillons fondamentaux à la surface des hémisphères.

Il est un mode d'agencement susceptible d'être considéré comme représentant le type le plus vulgaire, le plus répandu, c'est celui où l'on distingue, sur des coupes minces, examinées au microscope, cinq couches superposées. 11 se rencontre à peu près partout dans les lobes antérieurs. Voici comment les élé-ments sont répartis :

1° La. première couche, la plus rapprochée des méninges, est presque exclusivement constituée par la substance con-jonctive. Les éléments nerveux y sont très rares ; cependant, Kolliker et Arndt (1) décrivent vers la surface, sous la pie-mère, une couche de tubes nerveux parallèles, très délicats. Là aussi les cellules nerveuses sont très disséminées^'//. 5,1). A l'œil nu, cette couche offre l'aspect d'une petite zone blanche. Ce défaut de coloration paraît être en rapport et avec la pau-vreté de cette couche en éléments nerveux et avec le petit nombre des vaisseaux capillaires qu'elle renferme. En effet, les artérioles qui pénètrent dans la couche corticale ne fournissent de nombreux capillaires que plus profondément. Cette parti-cularité de structure est très bien indiquée sur une planche de Efenle (2) et sur une figure du mémoire de M. Duret (3).

(1) R. Arndt. —Sludiety ueber i\ie Archiéectonick der Grosshirnrinde des Menschen, in Arc/t. fur Mikruscop. Anatomie. — 3° Bd. 1867, p. 441, Taf. XXIH, fig. 1 a, et fig. 2.

(2) J. Henlc. — llandb. der Nerwenlehre, p. 274, fig. 201. Braunsehweig, 1871.

(3) Archives de Physiologie. T. VI, pl. VI, fig. 2 et 3.

Fifj.5. — Celte ligure estemprun-tée au travail de M. Meynert(i). Les numéros 1, 2, 3, 4, 5, dési-gnent l'ordre des couches de l'é-corce grise: m, la substance mé-dullaire.

(1) Th. Meynert. — Vom Ge-hirne der Süuqethiere. Siricher's Handbuch: T.' II, p. 704.

2° La deuxième couche {Fig. 5, 2) est marquée par une agglomération de cellules nerveuses pyramidales de la petite espèce, très nombreuses, très tassées, et qui lui communiquent une couleur grise très manifeste.

3° La troisième couche (Fig. 5, 3) est en grande partie formée par des cellules pyramidales, les unes de dimension moyenne, les autres volumineuses. Celles-ci, plus espacées que celles-là, sont situées de préférence à la partie la plus in-férieure de cette couche, et pénètrent même dans la couche sui-vante. Outre les cellules, on trouve encore dans cette troisième couche des faisceaux de fibres médullaires qui s'enfoncent perpendiculairement à la surface de Técorce grise et forment, dans l'intervalle des groupes de cellules pyramidales, des es-pèces de colonnes. Cette disposition a été fidèlement repré-sentée par M. Luys (1) et par Henle (2). C'est dans la zone la plus inférieure de cette couche qu'existent dans certaines ré-gions les cellules géantes. Il semblerait que la rareté des cel-lules et la présence des fibres médullaires dût donner à cette couche une coloration blanche, il n'en est rien ; la réalité est que, en raison sans doute de la présence du pigment des cel-lules et de l'abondance des vaisseaux capillaires, cette région de l'écorce des circonvolutions présente à l'œil une coloration jaunâtre.

4° Viennent ensuite la quatrième couche (Fig. 5, 4) où l'on aperçoit des granulations ou cellules globuleuses, à ca-ractère mal déterminé, et la cinquième , où nous retrouvons les cellules fusiformes, dont nous avons parlé il y a quelques instants (Fig.o, 5).

(1) Allas, etc., pl. XX, fig 4,

(2) hoc. cit., fig. 198, p. 271,

Ces investigations sommaires nous ont mis à même d'ap-précier l'intérêt que peut offrir l'examen de la structure de la substance grise corticale, fait par circonvolutions. On sait d'ailleurs depuis longtemps que certaines régions de l'écorce grise diffèrent d'une manière très notable, au point de vue de la structure. Mais l'élude la plus féconde à cet égard, et la plus récente, est celle qu'a entreprise M. Betz, et dont les ré-sultats ont été insérés dans le Centralblatt de l'an passé (1).

M. Betz s'est proposé pour but d'étudier circonvolution par circonvolution les modifications de texture que peut présenter la substance grise. A ce point de vue, il y a lieu de distinguer, d'après lui, à la surface des hémisphères, deux régionsfonda-mentales qui sont à peu près limitées parle sillon de Rolando.

En avant de ce sillon, l'écorce grise est caractérisée par laprédominancesur les cellules globuleuses des cellules pyra-midales de grande dimension. La région orbitaire est com-prise dans cette circonscription.

En arrière, la région comprend tout le lobe sphénoïdal, l'occipital et la partie médiane jusqu'au bord antérieur du lobe quadrilatère. Là, les couches granuleuses l'emportent sur les grandes cellules, qui sont relativement rares.

11 y a, d'ailleurs, dans chacune de ces régions, un départe-ment spécial qui mérite de nous arrêter. Occupons-nous d'a-bord de celui de la région postérieure.

1° Les éléments nerveux, bien développés, sont, ici, des cellules assez volumineuses. Pour M. Meynert, c'étaient les plus grosses qu'on pût rencontrer dans l'écorce des hémis-

(1) P. Betz, in Kiew. — Anatomischer Nachweis zweier Gehirncentra. In Centralblatt, 1874, n°s 37 et 38 ; — ibid., 1881.

phôres, avant la découverte des cellules géantes. Elles ont quelquefois 0,030 \- de diamètre. Mais les prolongements de protoplasma sont peu nombreux ; le prolongement basai est dirige horizontalement et fait quelquefois communiquer deux cellules entre elles. Le territoire où Pon observe cette dispo-tion comprend : a) le cuneus : b) la moitié postérieure du lo-bule lingual et fusiforme ; c) tout le lobe occipital ; d) les deux premières circonvolutions sphénoïdales et le pli de pas-sage. Selon M. Betz, cette région serait destinée aux fonctions de sensibilité. Il y a longtemps déjà que, pour d'autres raisons d'ordre anatomique sur lesquelles nous reviendrons, les par-ties postérieures du cerveau ont été désignées comme le siège du sensorium.

2° Le département du lobe antérieur qui mérite une men-tion particulière pourrait êlre appelé, vous allez voir pour quelle raison, le département des cellules pyramidales gi-gantesques ou cellules motrices par excellence. 11 comprend la circonvolution frontale antérieure dans toute son étendue, la circonvolution pariétale antérieure dans son extrémité su-périeure, enfin une partie que nous étudierons prochainement sous le nom de lobule paracentral et qui siège à la face in-terne des hémisphères, à l'extrémité des circonvolutions fron-tale et pariétale (ascendantes dans ces régions). C'estlàqu'exis-tent à peu près exclusivement les cellules géantes. Leur ré-partition n'y est pas uniforme, car elles sont plus nombreuses qu'ailleurs aux extrémités supérieures des deux circonvolu-tions médianes et surtout dans le lobe paracentral. Elles sont disposées en groupes ou en îlots. On les trouve dans les points qui viennent d'être indiqués chez les singes de toute espèce, aussi bien chez les inférieurs que chez les chimpanzés. Enfin, chez le chien, M. Betz a observé ces mêmes cellules dans les points désignés par Fritsch et Uitzig comme centres moteurs,

autrement dit dans les parties quiavoisinent le sulcus crucia-tus. Ce qui augmente l'intérêt de ce fait, c'est que, chez le chien, les cellules géantes pyramidales n'existeraient que dans les régions dites psycho-motrices.

11 ne vous a pas échappé sans doute, Messieurs,, que, chez le singe, cette répartition des grandes cellules nerveuses est à peu près l'apanage des circonvolutions où l'expérience a mon-tré, entre les mains de M. Ferrier, l'existence des points mo-teurs, c'est-à-dire des circonvolutions centrales. C'est là un résultat intéressant, fourni par l'étude histologique et qui, combiné aux données expérimentales ou anatomo-palhologï-ques, ne pourra pas manquer de jeter quelque jour sur l'his-toire des localisations cérébrales.

TROISIÈME LEÇON

Considérations sur la structure normale de l'écorca grise des circonvolutions. (Suite.)

Sommaire. — Description d'une coupe de l'écorce grise du cervelet. — Type de stratification en cinq coaches des éléments cellulaires nerveux. — Régions où existe ce type de stratification. — Département des cellules pyramidales ou cellules gigantesques. — Relation entre ces cellules et les centres psycho-moteurs.

Description de la face interne des hémisphères cérébraux. — Lobule para-central. — Circonvolutions ascendantes. — Faits cliniques et expérimentaux relatifs au développement des cellules pyramidales géantes.

Structure de 1 ecorce grise des régions postérieures de l'encéphale.

Messieurs,

Avant de serrer de plus près la question qui, dans ces leçons préliminaires, nous sert d'objectif — il s'agit, vous ne l'avez pas oublié, de la théorie des localisations dans les maladies cérébrales — je dois mettre la dernière main aux considéra-tions que j'ai été amené à vous présenter dans la dernière leçon relativement à la structure normale de l'écorce grise des circonvolutions, étudiée comparativement dans les divers dé-partements des hémisphères cérébraux.

A. Cette structure, j'ai dû l'envisager tout d'abord dans son type vulgaire, c'est-à-dire le plus généralement répandu. On pourrait, avec M. Meynert, le désigner sous le nom de

type de stratification en cinq couches des éléments cellu-laires nerveux ou réputés tels.

Je vais vous rappeler, très sommairement, quels sont les traits les plus caractéristiques de cette structure. A cet effet, il est nécessaire de reporter votre attention sur la figure 5 qui représente une coupe de la troisième circonvolution frontale, coupe prise au fond d'un sillon de séparation.

Pour établir un contraste, je crois utile de vous tracer la description d'une coupe de l'écorce grise du cervelet, emprun-tée comme la précédente à M. Meynert. Dans l'écorce grise du cervelet, vous remarquez successivement: l°une couche épaisse,, pauvre en éléments cellulaires et qui reçoit les pro-longements protoplasmiques des cellules nerveuses situées dans une couche sous-jacente ; — 2° plus bas, une couche où l'on retrouve, suivant M. Meynert, des cellules fusiformes et des fibres médullaires parallèles à la ligne limitante ; — 3° au-dessous, les cellules de Purkinje qui occupent la limite supérieure d'une couche granuleuse très accentuée ; — 4° plus bas enfin, la substance médullaire (1).

Si maintenant vous jetez un coup d'oeil sur la figure qui re-présente les cinq couches de l'écorce grise du cerveau propre-ment dit, vous voyez par là que la substance grise corticale n'est point faite exactement sur le même modèle, clans les diverses circonscriptions de l'encéphale. J'aurai tout à l'heure à faire ressortir des différences très prononcées encore, sinon aussi tranchées, suivant la région des hémisphères qu'on exa-mine ; mais je dois revenir auparavant sur le type à cinq couches.

B. Le mode d'arrangement, ainsi désigné, se retrouve dans toute l'étendue des régions de l'hémisphère, situées en avant du sillon de Rolando, et un peu en arrière de lui dans une

(l) Voir aussi : Ilcnlo. —Nervenlckfê, etc., ftg. 162, 163 A, 163 B. Charcot. Œuvres complètes, t, iv, Localisations 3

partie des lobes pariétaux, mal délimitée encore du côté du lobe occipital. Nous verrons dans un instant que ce type se montre très notablement modifié dans les parties postérieures de l'encéphale comprenant : 1° tout le lobe sphénoïdal ; 2° le lobe occipital, et 3° enfin les parties de l'écorce grise de la face interne qui sont circonscrites par l'extrémité postérieure du lobe et par un sillon qui délimite en arrière une région parfaitement distincte que nous allons décrire tout à l'heuro sous le nom de lobe carré.

a) Mais je crois nécessaire, pour plus de clarté, de reven'r sur un point que j'ai relevé déjà : c'est que, dans les régions des hémisphères où règne sans partage le type à cinq couches, il existe, je le répète, tout un département où la structure de l'écorce se distingue par un détail intéressant. 11 s'agit de la présence constante dans ce département de cellules pyrami-dales comparativement énormes, et que, pour ce fait, on a qualifiés de cellules gigantesques. Tout en conservant la forme pyramidale propre aux éléments cellulaires nerveux de la région, ces cellules, vous le savez, se différencient non-seulement par leurs dimensions, mais encore par la netteté du prolongement nerveux et par le développement des pro-longements de protoplasma. Ces derniers traits permettent de les rapprocher des cellules nerveuses motrices des cornes antérieures de la moelle épinière.

Les régions où se rencontre cette importante particularité sont à proprement parler les régions centrales de la surface externe de l'hémisphère, à savoir : la circonvolution fron-tale ascendante, la circonvolution pariétale ascendante, surtout dans leur partie supérieure; enfin, un petit lobule situé à la face interne de l'hémisphère, lobule jusqu'à ces der-niers temps resté innommé et que M. Betz a proposé de désigner sous le nom de lobule paracentral (LP).

Je vous rappellerai que l'existence de ces grandes cellules dans l'écorce grise et leur localisation dans les régions indi-quées ci-dessus ont été pour la première fois reconnues par

Fig.6. — Face interne de l'hémisphère cérébral, dessinée d'après nature, -h S cm, Scissure calloso-marginale; — Spo, Scissure pariéto-occipitale ; — Se Scissure calearine ; — S/, Sillon transversal du lobule paracentral ; — S?*, Extrémité supérieure de la scissure de Rolande — LP, Lobule paracentral ; — LQ, Lobe carré ou avant-coin ; — LC, Lobule cunéiforme ou coin ; LO, Lobe occipital; Cil, Circonvolution de l'Hippocampe; CA, Circonvolution de la corne d'Ammon ; CC, Circonvolution du corps calleux ; CF, Face interne de la l''° circonvolution frontale. — I, Corps calleux; — 2, Cavité du ventri-cule latéral : — 3, Couche optique ; —4, Partie antérieure et externe du pé-doncule cérébral: — 5, Corps godronné (1).

M. Betz et M. Mierzejewski. Les résultats, obtenus par ces au-teurs, ont été confirmés récemment par M. J. Balty Tuke dans des leçons professées à Edimbourg (2). J'ai pu, à mon tour, en reconnaître l'exactitude.

(1) Consultez, sur la topographie de la face médiane du cerveau, la planche vin de l'Atlas de Foville et la flg. 4 de l'ouvrage d'Ecker.

(2) Edinlmrgh Med. Journ., nov, 1874, p. Wèà.

Je me suis efforcé de faire ressortir devant vous que ces régions, remarquables par une particularité de structure, sont justement celles où, chez le singe, d'après les expérien-ces de M. Ferrier (1), siégeraient les centres psychomoteurs pour les membres. N'est-ce pas là, Messieurs, une coïnci-dence gui méritait de vous être signalée ?

Laissez-moi aussi revenir sur ce fait que, chez le chien, les parties réputées excito-motrices par les expériences de M. Ferrier lui-même et par celles, antérieures, de Hitzig, se distingueraient, d'après M. Betz, par la présence des cellules pyramidales gigantesques qu'on ne retrouve nulle part ail-leurs, dans l'écorce, chez ces animaux. Mon insistance est justifiée, je l'espère, par la nécessité qui s'impose de fixer aussi exactement que possible tous ces détails dans votre es-prit.

b) Ces faits donnent évidemment un intérêt tout spécial aux régions de l'hémisphère où se rencontre cette particula-rité anatomique. Je pense donc qu'il est. fort utile de bien connaître ces régions topo graphiquement afin de pouvoir les désigner avec précision dans le protocole des autopsies. En conséquence, je vous demanderai la permission d'entrer à ce sujet dans quelques développements. Nous aurons là, d'ailleurs, l'occasion toute naturelle de décrire la configura-tion de la face médiane des hémisphères, région qui, jusqu'à, ce jour, est demeurée, à mon avis, un peu trop dans l'om-bre.

Déjà, la disposition des circonvolutions ascendantes, de leur origine au bord supérieur de l'hémisphère, nous est con-nue, de telle sorte que notre attention pourra être concentrée

(1) West Riding Asylum, t. IV, p. 40 cl 50. — Proceedings of the royal Society, n° 151, 1874. — British med. Jour»., duc. 19, 1874,

sur les dispositions qui s'observent à la face interne de l'hé-misphère. Sur cette coupe (Fig. G), qui a divisé le corps calleux d'avant en arrière, vous reconnaissez, d'abord au centre, la surface de section de cette grande commissure (Fig. 6, 1) ; au-dessous, le septum lucidum, la face interne de la couche optique (Fig. 6, 3), puis, la surface de section des pédoncules cérébraux (Fig. G, 4).

Prenons, pour nous mieux orienter, un point de repère sur la face externe, dont la connaissance nous est maintenant familière, et suivons, en remontant, le sillon de Rolando jus-qu'à son extrémité la plus interne (Sr). Ce sillon s'arrête quelquefois un peu en dedans de la scissure interhémisphé-rique ; mais, d'autres fois, il arrive jusqu'à elle en détermi-nant sur le bord supérieur de l'hémisphère une'sorte d'enco-che (Sr).

Le lobe paracentral (LP) est situé immédiatement au-des-sous de ce point. Il est limité ainsi qu'il suit : en arrière, par une scissure oblique qui n'est autre que le prolongement postérieur de la scissure calloso-marginale (cette scissure, prolongée, borne en arrière la circonvolution pariétale ascen-dante) ; en bas, par la partie horizontale du sillon calloso-marginal (Scm), sillon qui le sépare de la circonvolution dite du corps calleux (gyrus fornicatus) ; — en avant par un sillon, en général peu profond, mais qui, se continuant parfois sur la face externe de l'hémisphère, dessine en avant la partie interne de la circonvolution frontale ascendante et limite de cette façon le lobule paracentral.

Nous avons donc sous les yeux un petit lobule, de forme quadrilatère, dont le plus grand diamètre est d'avant en ar-rière. En général, un sillon peu profond (S£), situé à égale distance du bord supérieur et du bord inférieur, le parcourt dans sa longueur. En somme, et tenant compte tant de sa structure que de ses rapports, on pourrait dire que le lobe

paracentral représente l'extrémité interne renversée sur la face médiane de l'hémisphère, des deux circonvolutions as-cendantes.

Ce point établi, les notions que nous avons encore à expo-ser, concernant la topographie de la face interne des hémis-phères, ne sont pas difficiles à présenter : 1° en avant du lobe paracentral, vous reconnaissez la surface médiane de la première circonvolution frontale (C F) ; 2° au-dessous, et séparée de la précédente par le sillon calloso-marginal, est la circonvolution du corps calleux (CC) (gyrus fornicatus); 3° ce pli se continue en arrière avec un lobule parfaitement circonscrit qu'on appelle le lobuleq uadrilatère (avant-coin, Vorzivickeï). Ce lobule (L Q) appartient à proprement parler au lobe pariétal; c'est, pour ainsi dire, la face interne ou médiane du lobule pariétal supérieur.-En arrière, la -scissure temporo-occipitale, très accentuée à cet endroit parce qu'elle n'est par interrompue, comme sur la face externe, par des plis de passage, sépare nettement le lobe carré (ou quadrila-tère) du lobe occipital; 4° immédiatement en arrière du lo-bule carré, dans le domaine du lobe occipital, il y a à remar-quer un lobule triangulaire dont la pointe est en bas et en avant, la base en arrière et en haut et qui est limité en ar-rière par une scissure profonde, la scissure calcarine, ce pe-tit lobule (L C) s'appelle le coin (cuneus, Zwickeï) ; 5° au-dessous du triangle vous reconnaissez la promiscuité déjà signalée à propos de la face externe entre le lobe occipital et le lobe sphénoïdal. Là, il convient de distinguer surtout deux circonvolutions dirigées dans le sens antéro-postérieur. Ce sont : a) le lobule occipito-sphénoïdal latéral ou lobule fusi-forme; b) le lobule occipito-sphénoïdal médian ou lobule lingual; 6° je me bornerai à mentionner seulement, plus en avant et en plein lobe sphénoïdal, le lobulede l'hippocampe, le crochet qui fait partie du système de la corne d'Ammon (C A).

Nous aurons assurément dans le cours de ces leçons l'oc-casion d'utiliser les données topographiques que nous venons de recueillir, mais j'ai hâte d'en finir avec cette description qui, pour le moment, constitue en quelque sorte une digression.

- G. J'en reviens, Messieurs, au lobule paracentral et aux circonvolutions ascendantes. Celles-ci ont déjà une histoire en pathologie expérimentale, et, plus tard, il y aura lieu de vous montrer qu'elles ont aussi une histoire dans la patholo-gie humaine. Je ne sache pas que, chez le singe, le lobule paracentral qui existe comme chez l'homme, au moins chez les singes supérieurs, ait jamais été l'objet d'investigations physiologiques.

a) Ici s'offre naturellement l'occasion que je dois saisir de signaler un fait, à la vérité encore unique dans son genre, mais qui, néanmoins, dès à présent, prête un certain intérêt à ce lobule, dans la pathologie humaine. Ce fait, que je vais résumer, a été recueilli par un observateur attentif. M. San-der (1).

Un enfant, qui mourut à l'âge de quinze ans, avait été frappé, dans le cours de sa troisième année, de paralysie spinale infantile. Cette affection avait atteint et atrophié plus ou moins tous les membres et surtout ceux du côté gauche.

L'autopsie fit reconnaître dans la moelle toutes les lésions découvertes parles auteurs français. Un examen minutieux du cerveau fit voir que les deux circonvolutions ascendantes sur la face externe étaient beaucoup plus courtes que dans l'état normal. Elles laissaient un peu l'insula de Reil à décou-vert, et, de plus, elles étaient dépourvues de replis. Le

(1) Centralblatt, 1875.

lobule paracentral était tout à fait rudimentaire et con-trastait, sous ce rapport, avec toutes les autres circonvolutions qui avaient acquis un développement parfait. Enfin, les lé-sions étaient plus prononcées dans l'hémisphère droit que dans le gauche, ce qui est en rapport avec cette circonstance que les lésions spinales étaient plus accusées à gauche qu'à droite.

L'auteur émet l'opinion que, dans ce cas, les membres ayant été de bonne heure complètement paralysés, par suite d'une lésion spinale profonde, les centres psychomoteurs, frappés d'inertie à une époque où ils étaient encore en voie d'évolution, ont été, en conséquence, frappés d'arrêt de dé-veloppement. J'avoue que cette interprétation me paraît mé-riter d'être prise en considération. Il esta regretter, toutefois, que l'on n'ait pas songé à rechercher dans les centres psycho-moteurs l'état des cellules nerveuses.

Un cas, observé par M. Luys, se rapproche dans une cer-taine mesure du précédent. Dans un cas d'amputation an-kmon collègue, à la Salpêtrière, a noté une atrophie jyip^ (nrcortvolulions cérébrales du côté opposé au membre ampute\ Malheureusement, le siège de l'atrophie, à ma con-?HM^'sârîce du moins n'a pas été précisé.

b) Je me trouve ainsi conduit à vous entretenir d'un autre fait, concernant encore le département de l'encéphale qui nous occupe. Ce fait est le suivant : D'après les études de M. Betz, les cellules pyramidales géantes n'existeraient qu'en petit nombre chez les très jeunes enfants; c'est plus tard seulement que leur nombre s'accroîtrait, et cet accroisse-ment s'effectuerait, selon toute vraisemblance, sous l'in-fluence de l'exercice fonctionnel (1).

(1) Reizbarkeit der Grossliirnrinde. la Centralblatt, 1875, n° 14.

Ce fait mérite d'être rapproché, d'une part, de celui de M. Sander, et, d'autre part, aussi d'une observation de l'or-dre expérimental, enregistrée tout récemment par M. Soit-mann(l). Cet auteur, et je crois queM. le professeur Rouget (de Montpellier) a, de son côté, noté quelque chose de sem-blable, aurait remarqué que, chez les chiens nouveau-nés, l'excitation des régions répondant au siège des points psycho-moteurs ne produisait aucun movement musculaire dans les membres correspondants, tandis que quelque temps après la naissance, vers le neuvième ou le onzième jour, ces points deviennent excitables.

Ces observations, encore peu nombreuses, mais dont il est juste de tenir compte, sembleraient indiquer que les centres psycho-moteurs ne sont pas préétablis, si l'on peut ainsi dire, tant sous le rapport anatomique qu'au point de vue physiologique. Ils se développeraient avec l'âge, par le fait, sans doute, de l'exercice fonctionnel.

A l'appui de cette vue, je vous présenterai une remarque par laquelle je terminerai ce qui a trait au sujet spécial qui vient de nous arrêter. Les régions à grandes cellules^appar-tiennent au type à cinq couches et elles ne se caractérisent en définitive, anatomiquement que par la présence même ce ces cellules géantes. Or, ces dernières, morphologiquement, ne diffèrent pas d'une façon foncière des cellules pyramidales de la grosse espèce, lesquelles, ainsi que cela appert des re-cherches de Koschewnikoff, possèdent, elles aussi, en outre des prolongements de protoplasma, les prolongements ner-veux, attributs des cellules motrices.

Il paraît naturel de se demander si ces cellules et même celles de la petite espèce qui les représentent en miniature

(l)-Voy. p. 193, l'exposé des recherches analogues faites par MM, Parrot, Schlossbergcr et Weisbach. (Note de la 2e éd.)

ne seraient pas susceptibles, dans de certaines conditions, sous l'action par exemple d'une excitation fonctionnelle anor-male, d'acquérir du développement et de donner de la sorte naissance à des centres moteurs supplémentaires, destinés à remplacer les centres primitifs qu'une lésion quelconque aurait détruits. Ainsi s'expliquerait, par exemple, comment les mouvements volontairespeuvent se reproduire dans un mem-bre, malgré la destruction d'un centre moteur, phénomène dontla guérison plusieurs fois constatée de l'aphasie, en dé-pit de la persistance de la lésion de la troisième circonvolu-tion frontale, nous fournirait le paradigme.

D. Pour achever l'exposé de la structure de l'écorce céré-brale, je n'ai plus qu'à vous donner quelques renseignements très sommaires sur les particularités de cette structure dans les régions postérieures de l'encéphale.

Les régions où se rencontrent ces particularités compren-nent, je vous le répète, le lobe occipital tout entier, le lobe sphénoïdal et les parties postérieures et médianes de l'hémis-phère jusqu'au bord postérieur du lobe quadrilatère.

Le caractère général de l'écorce grise, dans ces régions, c'est que les cellules nerveuses pyramidales y sont, en règle, peu nombreuses et peu volumineuses, tandis que les granu-lations, au contraire, prédominent d'une manière notable. Ce n'est point qu'il n'existe là de grosses cellules nerveuses, mais elles sont comparativement très rares, solitaires, pour employer l'expression de M. Meynert. M. Betz ajoute qu'elles n'ont pas de prolongement nerveux distinct et que les pro-longements de protoplasma sont eux-mêmes à peine déve-loppés.

Les circonscriptions du cerveau où cette disposition s'ob-serve correspondent pour beaucoup d'auteurs ou sensorium commune. Si cette interprétation était exacte, il s'en suivrait

que les cellules, dont nous venons de parler, seraient des cellules sensitives. Cette hypothèse se fonde encore sur d'autres considérations anatomiques et sur des données patholo-giques que j'aurai ultérieurement à relever avec plus de détails.

QUATRIÈME LEÇON

arallèle entre les lésions spinales et les lésions cérébrales.

Sommaire. — Conditions indispensables pour l'étude des localisations céré-brales dans les maladies chez l'homme. — Nécessité d'une bonne observa-tion clinique et d'une autopsie régulière.

Histoire naturelle des lésions encéphaliques.

Parallèle entre les grands compartiments de l'axe cérébro-spinal. — Systéma-tisation des lésions delà moelle épinière.— Localisations spinales. — Le cer-veau est placé sous un autre régime pathologique que les autres parties du névraxe : rareté des localisations. — Différences des lésions.— Fréquence des lésions vasculaires dans les maladies du cerveau. — Nécessité de l'étude de la distribution des vaisseaux. — Aperçu extérieur des artères cérébrales.

Messieurs,

J'espère avoir été assez heureux pour vous faire bien saisir, dans les leçons précédentes que, sans l'acquisition préalable de connaissances solides et précises en anatomie normale, il eût été téméraire de nous engager dans le domaine que nous nous proposons de parcourir ensemble. La subordination, par un côté, de l'anatomie pathologique à l'égard de l'anatomie normale est, en effet, surtout manifeste dans toutes les ques-tions relatives à la pathologie cérébrale. Vous allez, dans un instant, le reconnaître une fois de plus.

T.

Permettez-moi, en inaugurant la séance d'aujourd'hui de vous rappeler les conditions indispensables pour aborder les problèmes qui concernent les Localisations cérébrales dans les maladies chez l'homme. Ces conditions fondamentales sont les suivantes : Io une bonne observation clinique recueil-lie, autant que possible, à la lumière des données de la physiologie expérimentale ; 2° une autopsie régulière, c'est-à-dire parfaitement explicite, anatomiquement parlant.

Les études topographiques auxquelles nous nous sommes livrés déjà nous ont fait faire un grand pas, car elles nous mettent à même de déterminer, mieux peut-être qu'on ne l'a fait jusqu'ici, le siège, l'étendue et la configuration des lésions révélées à l'autopsie.

Mais, Messieurs, il faut bien l'avouer, pour le point de vue spécial que nous envisageons, les observations anatomiques les plus exactes et les plus minutieuses ne pourront pas être toujours utilisées. Il importe ici, comme ailleurs, d'apprendre à faire un choix parmi les observations, et, sous ce rapport, il se présentera plus d'une difficulté que nous aurons à sur-monter.

Pour vous faire bien reconnaître la situation, le mieux est, je pense, de jeter tout d'abord un coup d'œil général sur ce que j'appellerais volontiers Vhistoire naturelle des lésions encéphaliques.

Io Quelles sont les altérations susceptibles d'atteindre l'en-céphale (le cerveau en particulier) ? 11 ne s'agit pour le mo-ment, cela va de soi, que des formes les plus usuelles, les plus vulgaires et aussi des lésions partielles, des lésions en foyer, ainsi qu'on les dénomme encore, qui seules, en pareille matière, peuvent être mises à profit.

2° Quelles sont, en second lieu, les conditions anatomiques générales qui président soit au développement, soit au mode de répartition de ces lésions? Car, Messieurs, dans cet ordre de choses rien ne se fait au hasard, même dans l'encé-phale.

Pour parvenir à ce but, je me propose de faire appel encore une fois à la méthode comparative, ce puissant levier dans les sciences naturelles. J'établirai, au point de vue de l'anatomie pathologique, une sorte de parallèle entre les grands compar-timents de l'axe cérébro-spinal ou autrement dit du névraxa, si vous voulez bien faire usage de ce mot pris dans la nomen-clature de M. Piorry, — à savoir : 1° la moelle épinière ; 2° le bulbe rachidien; 3° le cerveau proprement dit.

A. On peut dire qu'un grand fait domine la physiologie pa-thologique de la moelle épinière : c'est l'existence très répan-due, dans ce domaine, des lésions dites systématiques. Nous entendons désigner par cette expression, que j'emprunte b M. Vulpian, les lésions qui, systématiquement, — la dénomi-nation est parfaitement appropriée — se circonscrivent sans en dépasser les limites à certaines régions nettement déter-minées de cet organe complexe. Je vous prie à ce propos de reporter vos yeux sur la figure 7, qui vous remettra en mé-moire nos études antérieures.

Il est, vous ne l'avez pas oublié, des lésions qui se bornent aux cornes antérieures de substance grise (Fig. 7, D, D). Ce sont dans le mode aigu, la paralysie infantile; dans le mode chronique, les diverses formes d'amyotrophie spinale à mar-che progressive. — Il en est d'autres qui se limitent aux faisceaux latéraux et qui se traduisent par une parésie des membres avec tendance à la contracture. Vous n'ignorez.pas que les faisceaux de Goll peuvent être lésés isolément et que la région des bandelettes externes (Fig. 7, B, B), dans l'aire

des faisceaux latéraux, est seule le substratum anatomiqne nécessaire des symptômes spinaux tabétiques.

C'est ainsi que, guidée dans ses premiers pas par l'expéri-mentation chez les animaux et éclairée par la clinique, l'ana-tomie pathologique est parvenue chez l'homme à décomposer l'organe complexe qu'on appelle la moelle épinière, en un cer-tain nombre de compartiments, de départements, d'organes secondaires.

Fi;/. 7.— A, A, cordons latéraux; — A' faisceaux de Tiirck : —B, B, zonesradi„ culaircspostéricures ; — G,G, cornes postérieures ; — D,D, cornes antérieures; — F, zone radiculaire antérieure; — E, cordons de Goll.

Aux lésions systématiques de ces diverses régions répon-dent autant d'ensembles symptomatiques ou syndromes qui leur ont fait prendre place dans la clinique, et ainsi ont été constituées, dans la pathologie de la moelle épinière, un cer-tain nombre d'affections élémentaires. L'analyse fondée sur la connaissance de ces affections élémentaires est d'un grand secours pour débrouiller les hybrides, les formes complexes.

Nul doute, que l'étude de ces lésions systématiques n'ait puissamment contribué à faire sortir du chaos, où elle était restée pendant longtemps plongée, la question des localisa-tions spinales.

B. Les lésions systématiques se retrouvent encore dans le bulbe rachidien, dans la protubérance, dans les pédoncules cérébraux eux-mêmes. Je citerai, comme exemples, les dégé-nérations secondaires de la moelle, consécutives aux lésions de l'encéphale, la sclérose symétrique et primitive des cor-dons latéraux, la paralysie bulbaire par lésion isolée des noyaux d'origine des nerfs, etc. Mais, au-dessus de ce point, ce mode d'altération pathologique paraît cesser d'exister, et l'on peut dire, quant à présent, que dans le cerveau les lésions systématiques font défaut.

Ainsi, dans le cerveau, aujourd'hui, on ne connaît point, à proprement parler, de lésions systématiquement limitées aux couches optiques, aux différents noyaux du corps strié, aux diverses circonscriptions de l'écorce grise. Ce n'est pas, cepen-dant, que des localisations anatomiques étroites, appropriées aux recherches, ne puissent se produire dans l'encéphale; mais elles sont relativement rares et en quelque sorte accidentelles.

Quelle est la raison matérielle de ce fait singulier? C'est que l1encéphale est placé, si je puis ainsi m'exprimer sous un au-tre régime pathologique que les autres parties du névraxe. On peut dire, en effet, d'une façon générale, que dans l'encé-phale et plus particulièrement dans le cerveau, c'est le système vasculaire (artères, veines, capillaires) qui domine la situation

Je vous rappellerai à ce sujet l'importance des ruptures va? culaires qui occasionnent l'hémorrhagie en foyer intra-encé phalique ; le rôle prédominant des oblitérations vasculaires pa thrombose, par embolies, dont l'effetest de déterminer l'isché mie, puis le ramollissement partiel du cerveau.

Je viens d'énumérer, Messieurs, les causes anatomiques les affections organiques les plus vulgaires de l'encéphale.

C. Si nous nous reportons maintenant à la moelle épinière et au bulbe, nous avons à signaler, avec l'encéphale, un con-traste remarquable. L'hémorrhagie par rupture vasculaire, dé-pendant elle-même de Paltération bien connue sous le nom à'anévrysmes mîliaires, le ramollissement consécutif au ré-trécissement artériel, soit qu'il s'agisse de la thrombose, soit qu'il s'agisse de l'embolie, sont choses à peu près ignorées dans la moelle épinière.

Le bulbe établit pour ainsi dire la transition entre la moelle épinière et l'encéphale, car là on note, d'une part, des lésions systématiques qui rappellent ce qu'on voit dans la moelle et, d'autre part, un certain nombre d'hémorrhagies et d'ischémies ou de ramollissements, déterminées par des lésions vasculai-res.Ces dernières affections s'accusent plus encore dans la pro-tubérance, dont la pathologie, par ce côté, se rapproche plus étroitement de celle de l'encéphale. L'hémorrhagie par rupture d'anévrysme miliaire et le ramollissement par oblitération vasculaire y sont des accidents vulgaires.

D. Ces considérations, Messieurs, nous conduisent naturel-lement à comprendre que la raison des localisations anato-miques les plus communes dans l'encéphale devra être cher-chée surtout dans le mode de distribution des vaisseaux. Car le vaisseau primitivement lésé étant connu, on pourra en dé-duire, comme l'a dit excellemment M. Lépine, la configuration et les limites du territoire intéressé.

Nous sommes ainsi amené à rentrer encore une fois dans le domaine de l'anatomie normale, pour vous présenter quelques vues d'ensemble relatives à la vascularisation de l'encéphale. C'est là, Messieurs, je n'hésite pas à le dire, un sujet tout à

Gharcot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 4

fait digne de votre intérêt, d'autant mieux que toutes les ques-tions qui y touchent ont été profondément remaniées par des études auxquelles notre pays, tant s'en faut, n'est.pas demeuré étranger.

II.

11 nous suffira, pour le moment, d'envisager le système ar-tériel, bien que les lésions du système veineux aient, elles aussi, une influence marquée sur le développement des alié-nations encéphaliques. Le but prochain est de vous montrer, par quelques exemples, jusqu'à quel point une connaissance approfondie des conditions normales de la circulation du cer-veau est nécessaire à l'intelligence d'un bon nombre de lésions anatomiques dont cette partie des centres nerveux peut être le siège.

. Vous-vous souvenez comment les gros troncs artériels, les deux carotides internes et les deux vertébrales, concourent à la formation de la circulation artérielle de la base de l'encé-phale (1).

Les carotides internes, à leur sortie des sinus caverneux, rencontrent perpendiculairement la base du cerveau, et, im-médiatement, se divisent en deux branches: l'une, antérieure,

'1) On sait que les ramollissements et les hémorrhagies du cerveau sont beaucoup plus fréquents à gauche qu'à droite. M. Duret, dans son mémoire, .croit avoir trouvé l'explication de ce fait dans, les dispositions anatomiques, que présentent, à leur origine, la carotide primitive et la vertébrale du côté gau-che. La carotide droite vient du tronc innommé, gui s'incline sur la crosse de V aorte, tandis que la carotide gauche monte presque perpendidulairement, et son axe- se continue directement avec celui de la portion verticale ou ascen-dante de l'aorte. Il en résulte qu'un caillot, lancé dans l'aorte par une contrac-tion du cœur, y pénètre directement. — La vertébrale droite naît de la sous-clavière, après qu'elle a décrit sa courbe, quand elle est horizontale ; la vertébrale gauche, au contraire, prend son origine sur le sommet de la courbe de la sous-olavière.

est la cérébrale antérieure ; l'autre, qui se dirige latérale-ment, porte le nom à'artère sylvienne ou cérébrale moyenne. (Fig. 8, S.). Une anastomose transversale (communicante antérieure) réunit, près de leur origine, les deux cérébrales antérieures, et associe d'une façon plus ou moins complète,

Fig. 8. — Schéma de la circulation artérielle de la base de l'encéphale. — C,G, carotides internes.— GA, cérébrale antérieure. —S, S, Artères deSylvius. — V, V, vertébrales. — B, tronc basilaire. — GP, CP, cérébrales postérieu-res. — 1,2, 3, 3, 4, 4, groupes des- artères nourricières. — La ligne ponctuée ---circonscrit le cercle ganglionnaire.

la circulation de chacune des carotides internes. Cette dispo-sition vasculaire, crée un système spécial, auquel on peut don-ner le nom du système antérieur ou système carotidien. Les vertébrales (V, V), dirigées obliquement d'arrière en

avant, convergent vers la ligne médiane et s'unissent en un seul tronc, le tronc basilaire (B). Celui-ci, vers le bord an-térieur de la protubérance, se divise en deux branches, qu'on appelle les cérébrales postérieures (C P). Ainsi se trouve cons-titué un second système artériel, le système postérieur ou ver-tébral.

Le système carotidien et le système vertébral, unis par deux anastomoses très variable dans leur volume et leur dis-position (1), les communicantes postérieures, forment, à la base de l'encéphale, un cercle vasculaire connu de tous les anatomistes sous le nom d'hexagone, ou mieux de polygone de Willis.

Aux angles antérieurs du polygone de Willis, on voit les deux cérébrales antérieurs ; des angles antéro-latéraux par-tent, en se dirigeant en dehors, les deux sylviennes ; enfin, l'angle postérieur est formé par les cérébrales postérieures. C'est du cercle de Willis et des deux premiers centimètres de ces divers troncs artériels que naissent les artères nourricières des ganglions centraux : corps striés et couches optiques.

Ces artères nourricières forment six groupes principaux :

Le premier — groupe médian-antérieur, I, — a son ori-gine dansla communicante antérieure et dans le commencement des cérébrales antérieures. Les artérioles qui le composent nourrissent la partie antérieure de la tête du noyau caudé.

Le second — groupe médian postérieur, 2, — vient de la moitié postérieure des communicantes postérieures et de l'o-rigine des cérébrales postérieures. Il nourrit les faces internes

(1) M. Duret a attiré l'attention sur les variations fréquentes et sur les ano-malies du cercle de Willis et des communicantes. Souvent celles-ci sont fili-formes et tout à fait insuffisantes à rétablir le cours du sang dans le cas d'obli-tération. Certaines anomalies expliquent aussi les cas de ramollissement d'un hémisphère entier par un caillot oblitérant la carotide interne près de sa bifur-cation.

des couches optiques et les parois du troisième ventricule.

Le troisième et le quatrième — groupes antêro-latêrauœ droit et gauche, 3, 3 —, composés d'un nombre d'artérioles beaucoup plus considérables, qui naissent de la sylvienne, vascularisent les corps striés et la partie antérieure de la couche optique.

Le cinquième et le sixième — groupes postero-latéraux, 4, 4 —, sont fournis par les cérébrales postérieures après qu'elles ont contourné les pédoncules cérébraux; ils nourris-sent une grande partie des couches optiques.

Une ligne circulaire, tracée à deux centimètres du polygone de Willis, et l'entourant complètement, limiterait la région d'origine des artères ganglionnaires. On décrirait ainsi un cercle ganglionnaire, dans lequel serait compris le cercle de Willis. (Fig. 8).

Les régions corticales (circonvolutions des deux hémis-phères cérébraux) sont irriguées par les grosses artères que nous avons vu former les angles et les côtés du polygone de Willis.

La cérébrale antérieure contourne le corps calleux et se répand sur une partie de la face inférieure du lobe antérieur ou frontal (gyrus reclus et circonvolutions supra-orbitales) et sur une bonne portion de la face interne de l'hémisphère. (Première et deuxième circonvolutions frontales; lobule paracentral ; lobule quadrilatère ou avant-coin).

La cérébrale postérieure, née de la basilaire, entoure le pédoncule cérébral correspondant, et se divise en trois bran-ches, qui vont à la face inférieure du cerveau et au lobe occi-pital (gyrus uncinatus , circonvolution de l'hippocampe ; deuxième, troisième et quatrième circonvolutions tempo-rales; coin; lobuluslingualis).

Uartère sylvienne se distribue à la partie du lobe frontal qui n'est pas vascularisée par la cérébrale antérieure, et sur

toute l'étendue du lobe pariétal. 11 nous sera nécessaire, plus tard, d'exposer en détail la distribution de chacune des quatre branches de cette artère importante et de décrire exactement leurs territoires vasculaires.

Telle est la distribution générale des artères qui se rendent sur les faces interne, externe et inférieure du cerveau. Pour savoir comment s'effectue la distribution inférieure des terri-toires vasculaires, il faut recourir à des coupes. Ainsi, sur une coupe pratiquée dans le domaine de l'artère sylvienne, la circulation des noyaux gris paraît confondue avec celle de l'é-corce grise et des noyaux blancs sous-jacents: mais c'est là une illusion, ainsi que nous le démontrerons dans la prochaine leçon.

CINQUIÈME ET SIXIÈME LEÇONS

Circulation artérielle du cerveau.

Sommaire. — Travaux de M. Duret et de M. Heubner. — Artères principales du cerveau. — Système des artères corticales; — vaisseaux nourriciers. — Système des artères centrales ou des ganglions centraux.

Artère sylvienne ; ses branches : artères des noyaux gris centraux ; — bran-ches corticales, ramifications et arborisations ; — artères nourricières de la pulpe encéphalique : elles sont longues (artères médullaires) ou courtes (ar-tères corticales).

Effets de l'oblitération de ces diverses artères. — Ramollissements superfi-ciels, plaques jaunes. — Communication entre les territoires vagculaires : opinion de Heubner ; opinion de Duret. —Artères terminales (Cohnheim).

Autonomie relative des territoires vasculaires du cerveau. — Localisation des lésions de l'écorce.

Branches de la sylvienne : frontale externe et inférieure ; — artère de la circonvolution frontale ascendante ; — artère de la circonvolution pariétale ascendante ; — artère du pli courbe ; — artères cérébrale antérieure et cé-rébrale postérieure : leurs branches.

Messieurs,

Je me propose de reprendre aujourd'hui le sujet «que je n'ai fait qu'ébaucher dans la dernière séance et de le fouiller plus profondément. Si j'ai été assez heureux pour bien faire, ressortir que le système vasculaire à sang rouge domine pour ainsi dire la situation dans le champ de la pathologie cérébrale, j'ai dû vous convaincre, du même coup, de la nécessité d'é-tudes préalables, concernant les rapports qui existent, à l'état physiologique, entre ce système et les divers départements qui composent le cerveau proprement dit,

Gomment comprendre, en effet, la raison de la localisation de ces foyers d'hémorrhagie ou de ramollissement qui consti-tuent un des principaux chapitres de l'anatomie pathologique du cerveau, si l'on n'est pas parfaitement éclairé sur le mode de distribution des vaisseaux artériels dont l'altération est le point de départ, la condition première de ces lésions diverses?

Il ne saurait, d'ailleurs, s'agir ici de la pure contemplation de faits d'anatomie normale. L'application se présente, en quel-que sorte, d'elle-même et d'une façon immédiate. Je l'ai déjà montré et je le montrerai, je pense, mieux encore aujourd'hui.

Je m'arrête d'autant plus volontiers, Messieurs, sur ce point de l'anatomie de la circulation cérébrale que vous ne trouve-rez, à cet égard, dans les traités les plus justement estimés que des renseignement vagues, tout à fait insuffissants pour l'objet de nos études. Tout ce que nous savons de précis sur ce sujet est de date récente et résulte d'études provoquées par les be-soins de l'anatomie et de la physiologie pathologiques.

Mes emprunts seront faits surtout à l'important travail de notre compatriote M. Duret, travail qui a été exécuté dans le laboratoire de la Salpêtrière. Je ne dois pas vous laisser igno-rer, toutefois, que M. Duret, dans la voie où il s'est engagé, a rencontré un émule. Cet émule est un médecin allemand, M. le Dr Heubner, professeur à l'université de Leipzig. Ces deux auteurs ont poursuivi leurs recherches simultanément, mais sans se connaître, et ils sont arrivés, du moins pour les points essentiels, à des résultats identiques. Cela est assuré-ment une garantie de l'exactitude des descriptions nouvelles qu'ils nous ont données.

Seulement, dans un ouvrage récent qui traite de l'altéra-tion syphilitique des artères cérébrales (1), M. Heubner émet la prétention d'avoir été l'initiateur. C'est là une prétention

(1) Die luetisçhe Erkrcmfoing der Hirnarterien, p, 188 * Leipzig, 1874,

insoutenable. Les premières recherches de M. Duret, relatives à la circulation du bulbe et de la protubérance, ont été com-muniquées à la Société de biologie dans la séance du 7 dé-cembre 1872. Par une coïncidence remarquable, ce même jour, 7 décembre, le résumé des recherches de M. Heubner, sur la circulation du cerveau, était publié à Berlin dans le Centralblatt. Un mois après, en janvier 1873, M. Duret a publié une note dans le Mouvement médical (1) concernant la partie de ses recherches ayant trait également à la circula-tion du cerveau. Les investigations de M. Duret ne sont donc pas postérieures de deux années à celles de M. Heubner, com-me ce dernier l'insinue : elles sont absolument contemporaines. C'est là un fait dont M. Heubner aurait pu facilement se con-vaincre, puisqu'il a pris connaissance du dernier mémoire de M. Duret, inséré dans les Archives de physiologie (1874), et où l'historique de la question est exposé dans tous ses détails (2).

J'ai cru utile d'insister sur cette chronologie, afin de bien déterminer, devant cette manie d'annexion, la large part qui appartient à notre compatriote.

1.

Mais j'en viens à l'objet particulier de nos études. Vous sa-vez de quelle façon trois troncs, émanés du cercle de Willis, se partagent la circulation artérielle de chaque hémisphère céré-bral. Ce sont : 1° la cérébrale antérieure ; 2° la cérébrale

(1) 18 et 25 janvier, 1er février, 8 et 15 novembre 1873.

(2) Les recherches de M. Duret présentent un intérêt pathologique considérable, car elles ont été faites surtout dans le but de rechercher l'explication de l'as-pect des lésions trouvées à l'autopsie. A l'aide de plus de deux cents observa-tions qui lui ont été confiées par M. Gharcot, il a pu, au point de vue anatomi-que, établir la classification des hémorrhagies et des ramollissements cérébraux.

moyenne ou artère sylvienne, issues l'une et l'autre de la caro-tide interne ; 3° la cérébrale postérieure, branche de la basi-laire, provenant elle-même de la confluence en un seul tronc des deux artères vertébrales.

A. Chacune de ces artères, dans chaque hémisphère, règne pour ainsi dire, surun domaine particulier, etjevousai déjà fait connaître, très sommairement au moins, la topographie géné-rale et les limites de ces grands territoires vasculaires. Ces territoires doivent être considérés, non seulement à la sur-face des hémisphères, mais encore dans la profondeur de ceux-ci à l'aide de coupes.

Notre attention doit se fixer, en premier lieu, sur la surlace du cerveau, comprenant les faces externe, supérieure, interne et inférieure ; et en second lieu, sur les coupes frontales qui montreront l'importance prépondérante du territoire de la sylvienne.

Nous verrons tout à l'heure que ces territoires ou provinces peuvent être divisés en un certain nombre de départements secondaires, correspondant à la distribution d'autant d'artères secondaires, émanant des troncs principaux.

B. Ne nous arrêtons pas plus longtemps à cette première vue d'ensemble et entrons de suite dans le détail. Chacune des trois artères principales donne naissance à deux système; très différents de vaisseaux secondaires. Le premier de ces sys-tèmes peut être désigné sous le nom de système des artèret corticales. Les vaisseaux qui le composent se répandent dam l'épaisseur de la pie-mère et s'y divisent selon un mode spécial, avant de fournir les petits vaisseaux qui pénètrent dans h pulpe cérébrale et qui sont, à proprement parler, les vaisseaua. nourriciers de l'écorce grise et de la substance médullaire sous-jacente.

Le second système est le système central ou des ganglions centraux (masses grises centrales). Les vaisseaux qui entrent dans sa constitution partent de chacune des trois artères principales, tout près de leur origine, et s'enfoncent immé-diatement, sous formes d'artérioles, dans l'épaisseur des mas-ses ganglionnaires.

Ces deux systèmes, bien qu'ils aient uñe origine com-mune, sont tout à fait indépendants l'un" de Vautre et à la périphérie de leur domaine, il s ne communiquent, sur-aucun point.

C. Nous devons étudier ces deux systèmes dans chacun des grands territoires vasculaires. Dès notre entrée dans cette étude, nous aurons à relever des traits communs et quelques traits particuliers. Tout d'abord, nous nous occuperons de l'ar-tère sylvienne, la plus importante et la plus compliquée des trois artères cérébrales. L'histoire des deux autres s'en trou-vera ensuite aisément simplifiée.

II.

L'artère sylvienne pénètre dans la scissure de Sylvius dont il faut écarter les lèvres pour bien mettre à nu le vaisseau arté-riel. Mais auparavant, elle adéjàfburni, par son bord supérieur dans une région qu'on appelle V espace per foré antérieur, une série d'artères qui s'insinuent parallèlement les unes aux autres dans chacun des trous de cet espace perforé lequel est formé par delà substance blanche. Ce sont là les artères des noyaux gris centraux ou, d'une façon plus spéciale, les artères du corps strié. Nous laisserons de côté, pour l'instant, le sys-tème des noyaux gris pour ne nous attacher qu'au système cortical.

Dans le fond de la scissure de Sylvius, se voit l'insula de Reil au niveau duquel l'artère sylvienne se divise en quatre branches qui méritent chacune un nom particuler. Ces bran-ches suivent les sillons qui séparent les circonvolutions de l'insula auxquelles elles fournissent des vaisseaux. Elles se

pigt 9, — Distribution de Vartère sylvienne (Figure demi-schématique.) — S, tronc de l'artère sylvienne qui pénètre dans la scissure de Sylvius et dont les branches divergent entre les circonvolutions de l'insula. — P, branches perfo-rantes destinées aux noyaux gris centraux. — 1, artère de la circonvolution de Broca, ou frontale externe et inférieure. — 2, artère frontale ascendante. —3, artère pariétale ascendant*5.—4 et 5, artères pariéto-sphénoïdale et sphénoïdale.

F1, F2, F3, lre, 2e et 3e circonvolutions frontales. — Fa, circonvolution fron-tale ascendante. — Pa, circonvolution pariétale ascendante. —-LPs, lobule pa-riétal supérieur. — LPi, lobule pariétal inférieur. — Pc, pli courbe. — Lo, lobe occipital.

recourbent ensuite, de dedans en dehors, pour remonter à la surface de l'hémisphère, où elles se distribuent, ainsi que nous le disions tout à l'heure, sur un certain nombre de circonvo-lutions fondamentales, formant là autant de petits territoires secondaires qui correspondent à chacune de ces circonvolu-tions {Fig. 9.)

Nous n'insisterons pas davantage quant à présent sur cette description, et nous allons examiner plus à fond le mode sui-vant lequel les artères corticales se divisent et se ramifient dans l'épaisseur de la pie-mère avant de pénétrer dans la pulpe cérébrale.

immédiatement, je dois vous faire remarquer que les bran-ches, issues de la sylvienne, se partagent en rameaux de troi-sième ordre, au nombre de deux ou trois pour chaque tronc secondaire. Ces rameaux tertiaires constituent ainsi une sorte de squelette vasculaire sur lequel est greffé tout un système arborisations. C'est un système particulier très original de petits vaisseaux qui partent non-seulement des extrémités des rameaux, mais encore de leurs troncs eux-mêmes. Contrairement aux assertions de la plupart des auteurs, M. Duret affirme que ces arborisations ne s'anastomosent pas entre elles, tandis que les rameaux communiquent quel-quefois avec ceux des territoires voisins (Fig. 10.)

Les ramifications et les arborisations sont situées dans le plan de la pie-mère Du côté de la face interne de cette mem-brane, elles donnent naissance aux artères nourricières de la pulpe encéphalique, lesquels pénètrent celle-ci perpendicu-lairement. Tous ces vaisseaux nourriciers sont déjà des capil-laires, suivant la nomenclature de M. Ch. Robin. Ce caractère les distingue des vaisseaux des ganglions centraux qui s'en-foncent dans la substance .blanche de la base du cerveau (espace perforé antérieur) alors qu'ils ont encore les dimensions et la structure des artères.

Le moment est venu d'observer déplus près, sur des cou-pes susceptibles d'être examinées au microscope, les particu-larités relatives à ces artères nourricières.

Sur des coupes d'ensemble d'une circonvolution faites per-pendiculairement à la surface, on distingue d'abord,à la péri-phérie, la substance grise qui se montre sous la forme d'un

feston ayant une épaisseur de 2 à 3 millimètres; puis, en de-dans, la substance médullaire composée de fibres rayonnantes et de fibres commissurales reliant une circonvolution à sa voisine. Comment, sur de pareilles coupes, se comportent lès artères ? On y distingue aisément deux sortes d'artères nour-ricières, ainsi que-l'ont reconnu, du reste, depuis longtemps plusieurs auteurs et en particulier Todd et Bowmann. De ces artères, les unes sont longues, les autres sont courtes.

Fig. 10. — V, artère principale. — B, arborisation primitive. — GC, arbori-sations secondaires. — 1,1, 1, artères médullaires. — 2, 2, artères corticales. —¦ 3, réseaux des artères corticales dans la pulpe cérébrale (1).

1° Les artères longues ou autrement dit médullaires se détachent des ramifications ou bien sont la terminaison des arborisations. On en voit douze ou quinze sur une coupe de circonvolution; trois ou quatre à la surface libre; les au-

(1) Cette figure est empruntée au travail de M. Duret inséré dans les Ar-chives de physiologie, 1874, p. 312.

très se distribuent sur les deux versants ou dans le sillon de séparation. Les artères du sommet sont verticales ; l'une d'elles occupe en général la partie médiane de la circonvolution; les artères du versant sont obliques ; celles qui occupent le fond des sillons se montrent de nouveau verticales. Ces artères pénètrent dans le centre ovale jusqu'à une profondeur de trois à quatre centimètres ; elles progressent sans communiquer entre elles autrement que par de fins capillaires, et constituent de cette façon autant de petits systèmes indépendants. Di-sons enfin qu'elles s'approchent, par leur terminaison, de l'extrémité du système des artères centrales, mais qu'il ne s'établit aucune communication entre les deux systèmes. Il résulte de cette disposition qu'il y a là, sur les confins des deux domaines, une espèce de terrain neutre où la nutrition s'opère moins énergiquement. Ce terrain neutre est plus spé-cialement le siège de certains ramollissements lacunaires séniles centraux.

2° Les artères nourricières courtes ou corticales ont la même origine-que les longues; elles sont seulement plus grê-les, plus courtes et s'arrêtent pour ainsi dire en chemin. Les unes vont jusqu'à la limite de la couche grise, du côté du centre médullaire; les autres s'étendent moins loin et se ter-minent dans l'épaisseur de la couche grise. Ces artères courtes donnent naissance à des vaisseaux capillaires qui, conjointe-ment à ceux qui émanent des artères longues, forment les mailles d'un réseau.

Dans les circonvolutions, le réseau possède les caractères suivants (Fig. 11) : 1° la première couche, «, a une épais-seur d'un demi-millimètre; elle est peu vascularisée ; 2° la seconde couche, 6, correspond aux deux zones de cellules ner-veuses; là, le réseau vasculaire est très serré, à mailles poly-gonales très fines; 3° sur la limite de cette couche, c, les

mailles deviennent plus larges ; 4° enfin, dans la substance nfédullaire, d, les mailles sont plus larges encore et allongées verticalement.

Fig. 11. —1, 1, Artères médullaires. — 1' Groupe d'artères médullaires du sillon situé entre deux circonvolutions voisines.— 1" Artères des fibres commis-surales de Gratiolet. — 2, 2, 2, Artères corticales ou de la substance grise.

a, Réseau capillaire à mailles assez larges situé sous la pie-mère. — b, Réseau à mailles polygonales plu? serrées, situé dans la région de la couche grise. — c, Réseau de transition à mailles plus larges. — cl, Réseau capillaire de la substance blanche.

Des renseignements qui précèdent, il résulte que, au point de vue de la distribution artérielle, l'écorce grise et l'écorce blanche sous-jacente sont solidaires puisque les vaisseaux qu'elles reçoivent dérivent également des artères qui rampent dans la pie-mère. Ceux-ci sont-ils oblitérés sur un point ? La substance grise et la substance blanche souffriront simul-

tanémenl dans les parties correspondantes, et pourront subir cette sorte de mortification qu'on nomme le ramollissement cérébral ischémique. La disposition réciproque des parties permet de vous donner un schéma du ramollissement superfi-ciel.

Vous vous rappelez la distribution générale des vaisseaux nourriciers. Ils se dirigent parallèlement les uns aux autres vers les parties centrales comme autant de rayons. La région blanche et la région grise de l'écorce peuvent donc, en tant que départements vasculaires, être divisées en un certain nom-bre de cours dont la base est vers la surface de l'encéphale et le sommet tronqué dirigé vers les parties centrales. C'est, en effet, la forme qu'affectent la plupart des ramollissements dits superficiels. Cela remet immédiatement en mémoire l'as-pect des infarctus de la rate et du rein. Si le ramollissement est ancien, c'est-à-dire s'il date déjà de quelques semaines, la substance grise paraît déprimée, en raison delà destruction que ses éléments ont subie et de l'effondrement concomitant de la substance blanche sous-jacente.

La partie superficielle du foyer forme ce qu'on appelle une plaque jaune. La coloration jaune appartient exclusivement à la substance grise, la substance blanche sous-jacente, ra-mollie, étant seulement blanchâtre ou quelquefois légèrement teintée de jaune.

A. Nous avons supposé, dans ce cas, qu'il s'agissait de l'oblitération d'une branche de deuxième ou de troisième or-dre. L'oblitération du tronc de la sylvienne elle-même pour-rait avoir pour effet d'amener la nécrose de toute l'écorce grise et de l'écorce blanche sous-jacente.

Les parties centrales seraient totalement épargnées si l'obli-tération siégeait au-dessus de l'origine des artères du corps strié.

Chahgot. Œuvres Complètes, t. iv, Localisations, 5

B. Il ne faudrait pas croire, Messieurs, que toutes les obli-térations de ce genre produiront nécessairement, toujours, à coup sûr, des effets aussi désastreux. Il est des cas, rares à la vérité, où une telle oblitération portant soit sur une bran-che de Y artère sylvienne, soit sur le tronc de cette artère, — je prends ici la sylvienne pour exemple, mais ce que je vais en dire pourrait s'appliquer tout aussi bien à la cérébrale antérieure ou à la cérébrale postérieure — il est des er, s dis-je, dans lesquels l'oblitération en question ou bien reste sans résultat appréciable, ou bien ne détermine que des effets passagers.

S'il en est ainsi, Messieurs, cela tient à ce que les trois grands territoires vasculaires qui se partagent l'écorce du cerveau et les départements en lesquels ils se divisent, ne sont pas, rigoureusement parlant, des territoires isolés, auto-nomes. Ils peuvent communiquer et communiquent en effet, dans la règle ordinaire. Mais, ces communications sont-elles faciles, constantes, ou, au contraire, sont-elles des voies acci-dentelles, indirectes souvent impraticables ? C'est là un pro-blème sur la solution duquel nos auteurs ne sont pas d'accord.

M. Heubner prétend que les communications en question sont très faciles, qu'elles se font par l'intermédiaire de vais-seaux qui n'auraient pas moins d'un millimètre de diamètre. Il fonde cette assertion sur des résultats d'injections qui lui auraient montré constamment que la matière poussée dans l'un quelconque des départements, soit par le tronc principal, soit par les rameaux, pénètre toujours avec rapidité dans les autres territoires.

11 fait appel .aussi à des cas pathologiques qui indiquent que Foblitération d'un des vaisseaux du système cortical ou de ses branches ne s'est révélé pendant la vie par aucun symptôme évident, cas dans lesquels, la mort étant survenue, la pulpe cérébrale, dans les parties correspondantes à l'obli-

téralion, n'a présenté, à l'autopsie, aucune trace de ramollis-sement.

En premier lieu, pour ce qui concerne les faits pathologi-ques invoqués par M. Heubner, nous devons reconnaître qu'ils existent en réalité, cela est incontestable. Toutefois, si j'en juge d'après les observations très nombreuses que j'ai été à même de recueillir, ils sont véritablement rares.

Il est certain, d'un autre côté, que, dans le domaine de l'ana-tomie normale, les choses sont loin d'être toujours, tant s'en faut, telles que M. Heubner les a vues. Les observations de M. Duret, à cet égard, ont été multipliées et à peu près toujours concordantes.

Voici, brièvement, ce qu'elles nous apprennent:

On place une ligature sur les trois artères principales de la base de l'encéphale, des deux côtés, immédiatement au-delà de l'origine dans le cercle de Willis. On pousse alors dans la sylvienne une injection. Celle-ci remplit d'abord le territoire de la sylvienne et, dans la majorité des cas, elle en dépasse les limites. La matière à injection envahit les lerritoires voi-sins en y pénétrant peu à peu. Cette invasion se fait de la pé-riphérie vers le centre du territoire envahi. Eue s'opère par l'intermédiaire de vaisseaux de petit calibre appartenant au système des ramifications, n'ayant par conséquent qu'un quart ou un cinquième de millimètre de diamètre, contraire-ment à l'opinion de M. Heubner qui prétend qu'il s'agit, en pareille circonstance, de vaisseaux artériels d'un millimètre de diamètre.

Le nombre des anastomoses de temloi^e à territoire est d'ailleurs très variable. Il est des cas où l'on peut injecter iso-lément un seul des trois grands territoires, les anastomoses ne suffisant pas pour permettre à l'injection d'entrer dans les territoires voisins. La communication qui se fait dans la zone périphérique d'un territoire vasculaire explique pourquoi l'obli-

tération d'un tronc principal a souvent pour conséquence le ra-mollissement isolé des parties centrales du territoire, les par-ties périphériques demeurant indemnes.

Telles sont les conclusions de M. Duret. Elles sont, à mon sens, plus conformes aux faits pathologiques que celles de M. Heubner. J'ajouterai que M. Cohnheim qui, de son côté, s'était livré à un certain nombre d'injections partielles des artères encéphaliques, avait conclu dans le même sens que M. Du-ret. Si les artères de l'encéphale, a-t-il dit, ne sont pas abso-lument des artères finales ou terminales, — nous allons dire ce que M. Conheim entend par ce mot — elles se rapprochent considérablement de ce type.

Sous le nom d'artères terminales ou finales [Endarte-rien), M. Conheim (T) catégorise ingénieusement les artères ou les artérioles qui, dans leur trajet,depuis leur origine jusqu'aux capillaires, ne fournissent ou ne reçoivent aucun rameau anas-tomotique. Un exemple d'artères terminales, commode pour l'étude, est fourni par la langue de la grenouille qui est trans-parente et sur laquelle il est aisé de suivre, de visu, tous les effets d'une oblitération sous le microscope. Vous voyez sur ces dessins schématiques les conséquences diverses d'une oblitération d'une artère terminale. Ils se produisent d'une manière fatale. Si nous considérons, par opposition, une ar-tère à anastomoses, le cours du sang se rétablit en général avec facilité, au-dessous du point lésé, par les anastomoses. Mais, celles-ci peuvent être oblitérées à leur tour, et il s'ensuit qu'une artère qui, dans les conditions normales, n'est point une artère terminale, le devient accidentellement.

La circulation de l'encéphale fournit un grand nombre d'exemples d'artères terminales. Ainsi, sans compter les rami-

(1) Untersuchungen ueber die embolischen Processe. Berlin, 1872.

ficalions qui existent dans la pie-mère, nous pouvons signa-ler les artères nourricières. Nous verrons encore que le système des artères des ganglions centraux est construit tout entier et rigoureusement sur ce modèle. Le même type se retrouve dans les autres systèmes circulatoires où se produisent soit pathologiquement, soit expérimentalement, ces lésions par oblitération vasculaire que l'on a coutume de désigner sous le nom infarctus. Tels sont la rate, le rein, le poumon et la rétine. Tous les viscères, et cette remarque appartient à M. Conheim, où les infarctus ne se produisent pas dans la règle, ne sont pas soumis à ce mode de distribution artérielle.

Je clos cette digression qui, je crois, n'aura pas été inoppor-tune et j'en reviens à l'autonomie relative des territoires vas-culaires du cerveau. Cette autonomie n'est pas l'apanage ex-clusif des grands territoires ; elle se retrouve encore dans les départements secondaires en lesquels les premiers se divisent et qui correspondent aux ramifications artérielles de deuxième ou de troisième ordre. Entre ces régions de second ordre, de même qu'entre les grands territoires, les communications sont possibles, mais le plus souvent très difficiles. Il résulte de cette disposition que l'oblitération d'une de ces branches secondaires pourra avoir et aura souvent pour conséquence de déterminer la mortification d'une région très limitée de l'écorce. C'est là un point capital pour l'étude des localisa-tions cérébrales. Il pourra se faire que la lésion, ainsi limitée, corresponde justement à une des circonvolutions ou à un groupe de circonvolutions, douées de propriétés spéciales et se traduise pendant la vie par des phénomènes spéciaux.

Cette localisation étroite des lésions de l'écorce, produite par l'oblitération de branches artérielles de deuxième ou de troi-sième ordre, sera surtout intéressante à étudier, vous le com-prenez aisément, dans le domaine de la sylvienne. C'est dans cette grande région, en effet, que l'expérimentation tend à

Fig. 12. — Territoires vasculaires de la face supérieure du cerveau. — P, lobe frontal. — P, lobe pariétal. — 0, lobe occipital. — S, fin de la branche hori-zontale de la scissure de Sylvius. — G sillon central. — A. circonvolution centrale antérieure. — B, circonvolution centrale postérieure. — F F 2, F 3, circonvolutions frontales supérieure, moyenne et inférieure. — F1, f 2, sillons frontaux supérieur et inférieur. — f 3, sillon frontal vertical (sulcus prsecentralis). — P l, lobule temporal supérieur. —P2, lobule temporal in-férieur ou P 2, Gyrus supra-marginalis. —P'2, Gyrus angularis. — ip, Sulcus intcrparietalis. — cm, sulcus calloso-marginalis. —po, po, fissura parieto-occipitalis. — t !, sillon temporal supérieur. — 0 première circonvolution occipitale. — o, sulcus occipitalis transversus.

Artères. — 1° La ligne (...) circonscrit la distribution de la cérébrale antérieure : 2° la ligne (.—.—.), du côté gauche de la figure, limite la distribution de l'ar-tère sylvienne, —I. Artère frontale externe et inférieure. — II. Artère pa-riétale antérieure. — III. Artère pariétale postérieure. — IV. Artère pariétale sphénoïdale ; 3° La ligue (.—.—.—.), du côtédroit de la figure, limite la dis-tribution de la cérébrale postérieure. (Cette figure et les figures 16 et 17 soni empruntées au travail de M. Duret, inséré dans les Archives de physio-logie, 1874.)

placer les fameux centres moteurs et c'est là aussi que la cli-nique, avec le secours de l'anatomie pathologique, a placé le siège de la faculté du langage articulé.

11 nous importe, par conséquent, de bien connaître chacune des principales artères émanées de la sylvienne et d'examiner de plus près leur mode de distribution dans les circonvolutions fondamentales de la région.

L'artère sylvienne se partage en quatre branches principales ou tout au moins donne naissance à quatre branches princi-pales. La distribution de ces branches a été soigneusement étudiée par M. Duret et par M. Heubner. (Voyez Fig. 9 et 12).

La première est désignée par M. Duret sous le nom de fron-tale externe et inférieure. C'est, à proprement parler, l'artère de la troisième circonvolution frontale (circonvolution de Broca). Plusieurs fois j'ai vu, pour mon compte, l'oblitération de ce seul tronc artériel produire un ramollissement limité au seul territoire de la troisième circonvolution et, plus explici-tement, à sa postérieure. Voici, à l'appui, un fait concluant. 11 concerne une femme, nommée Farn..., observée à la Salpê-trière dans mon service. Elle avait été frappée d'aphasie. 11 n'a-vait existé aucune trace de paralysie soit du mouvement, soit de la sensibilité. L'aphasie, dans ce cas, était le symptôme unique et l'atrophie de la troisième circonvolution a été aussi la seule lésion correspondante, révélée par l'autopsie. [Fig. 13 et 14.) C'est làMessieurs, incontestablement un bel exem-ple de localisation cérébrale (1).

La deuxième branche de la sylvienne est Y artère pariétale antérieure de Duret; j'aimerais mieux l'appeler artère de la circonvolution frontale ascendante. [Fig. 9,2 elFig. 12,11).

La troisième est Y artère pariétale postérieure qui serait

(1) Nous avons publié l'observation complète de celto malade dans les n09 20 et 21 du Progrès médical (1874). B.

Fia. 14. — 3, troisième circonvolution du côté droit, ayant ses dimcn- Fig. 13. — 3, circonvolution de Broca du côté gauche atrophiée danH. sions normales. sa partie postérieure.

F. circonvolution frontale transverse.— R, R, sillon de Rolando.-—P, P,'circonvolution pariétale transverse.—S, S, scissure de Sy'vin« —T insula

mieux nommée, suivant nous, artère de la circonvolution pariétale ascendante.(Fig 9, 3 et 7^?V/ J 2, III).

La quatrième branche se rend au pli courbe et à la pre-mière circonvolution sphenoidale (Fig. 9, 4, 5 et Fig. 12, IV).

Les deux circonvolutions auxquelles se rendent la seconde et la troisième branche de la sylvienne seraient, d'après

Fig. 15. — Fa, Circonvolution frontale ascendante. — Vaste foyer de ramol-lissement cortical ayant détruit la circonvolution pariétale ascendante, une bonne partie de la circonvolution frontale ascendante, et la plus grande par-tie de la circonvolution de Tinsula. Les masses centrales étaient indemnes.

les expériences de Ferrier sur le singe, le siège des centres moteurs des membres. Vous voyez, d'après la distribution ar-térielle, que ces deux circonvolutions pourront être lésées isolément.

J'ignore si la destruction complète de ces deux circonvolu-tions centrales a été jamais réalisée ; mais voici un fait dans le-quel la destruction a porté sur la totalité de la circonvolution poriétale ascendante, qui, chez le singe, est le siège, selon Ferrier,-du centre des mouvements du membre supérieur et,

pour une partie, du membre inférieur. Dans ce cas, la circon-volution en question est remplacée par une plaque jaune dé-

Fiff. 16. — Territoire vasculaire de la face interne du cerveau. — CC, corps calleux coupé suivant le plan médian. — G f, gyrus fornicatus. — H, gyrus hippocampi. — h, sulcus hippocampi. — U, Gyrus uncinatus. —c m, sulcus calloso-marginalis. - F première circonvolution frontale vue du côté du plan médian. — fin du sillon central. — A, circonvolution centrale anté-rieure. — B, circonvolution centrale postérieure. — P Avant-coin (Vorz-wickel). — O z, coin (Zwickel). — P o, scissure pariéto-occipitale. — 0, sillon occipital transverse. — Oc, fissure calcarinc; o c', sa branche supérieure ; o c', sa branche inférieure. — D, Gyrus descendens. — T *, gyrus oceipito-temporalis-lateralis (lobulus fusiformis). — T 8, gyrus occipito-tcmporalis-medialis (lobulus lingualis). — Artères. — 1° Les régions circonscrites par la ligne (...) représentent le champ de distribution de l'artère cérébrale an-térieure. — II. Artères frontales interne et antérieure. — II. Artères fronta-les, interne et postérieure. — 2° Les régions circonscrites par la ligne (.—.—.) représentent le champ de distribution de la cérébrale postérieure. — II. Ar-tère temporale postérieure. — lit (inférieur). Artère occipitale.

primée. La circonvolution frontale ascendante est respectée en partie, mais manifestement atrophiée. Or, bien que la couche optique etle corps strié fussent dans ce cas tout à fait indem-

Fig. 17. — Territoire vasculaire -de la face inférieure du cerveau. — F 1, gyrus reclus. — F 2, circonvolution frontale moyenne. — F 3, circonvolution frontale inférieure. — F 4, sulcus olfa^toriui. — F b, sulcus orbitalis. — T 2, deuxième circonvolution temporale ou circonvolution temporale moyenne. — T 3, troisième circonvolution temporale ou circonvolution temporale infé-rieure. — T 4, gyrus occipito-temporalis-miiialis 'lobulus lingualis). — t 4 sulcus occipito-temporalis inférieur. — t 3, sillon temporal inférieur. — t 2, sillon temporal mo /en. — po, fissure parieto-occipitalis. — oc, fissura calca-rina. — H, gyrus bippocampi. — U, gyrus uncinatus. — Ch, chiasma. — ce, corpora caudicantia. — KK, pediculi cerebri. — G, genou du corps calleux.

Artères. — La ligne (.....) circonscrit la distribution de la cérébrale antérieure

{Artères frontales internes et inférieures). La ligne (.—.—.—.—) circons-crit la distribution de la cérébrale postérieure. — 1, artère temporale anté-rieure. — II, artère temporale postérieure. — III, artère occipitale.

nés —cette intégrité est mentionnée d'une façon très explicite dans l'observation — il existait une hémiplégie complète, per-manente, dans les membres supérieur et inférieur du côté opposé (Fig 13).

C'est là, Messieurs, un résultat qui contraste singulièrement avec ce qui a été consigné dans deux autres observations re-latives à des lésions étendues occupant d'autres parties de l'écorce grise du cerveau. C'est ainsi que, dans un cas de des-truction limitée au lobe carré (plaque jaune), il n'existait aucun indice de paralysie correspondante. — Dans un autre fait, il s'agit encore d'une plaque jaune laquelle intéressait une large étendue de la face inférieure du lobe sphénoïdal qui, vous le savez, est artérialisé par la cérébrale postérieure. Eh bien, pendant la vie, il n'avait pas existé non plus dans ce cas la moindre trace d'hémiplégie.

Ces exemples, que je pourrais aisément multiplier, suffiront, je pense, pour vous convaincre qu'il sera possible un jour chez l'homme, et très vraisemblablement dans un avenir peu éloigné, de juger en dernier ressort, et sur des documents in-discutables, la doctrine des localisations en ce qui concerne du moins les parties superficielles du cerveau.

Après les développements dans lesquels je suis entré au su-jet de l'artère sylvienne, je crois devoir être bref dans l'ex-posé de la subdivision en départements secondaires des grands territoires vasculaires corticaux de la cérébrale antérieure et de la cérébrale postérieure.

III.

La cérébrale antérieure est beaucoup moins fréquemment le siège d'altérations graves que ne l'est la sylvienne. Cette particularité tient en partie, sans doute, à sa direction par rapporta la carotide in terne {Fig. 12, 16 et 17,)

Cette artère fournit trois branches principales : la première nourrit les deux circonvolutions frontales inférieures ; la deuxième, dmne importance plus grande, se distribue moins souvent que la sylvienne, mais beaucoup plus communément que la cérébrale postérieure, à la circonvolution du corps cal-leux {Fig. 16), au corps calleux CC, à la première circon-volution frontale F1 (faces interne et externe), au lobule para-central et, sur la face convexe du lobe frontal, à la première et à la deuxième circonvolution frontale (Fig. 17), enfin à l'extrémité supérieure de la circonvolution frontale ascendante. La troisième branche de la cérébrale antérieure est destinée au lobe carré qui peut être lésé pour son propre compte, ainsi que j'en ai fourni tout à l'heure un exemple.

IV.

La cérébrale postérieure (Fig. 12, 16,17) est le siège fréquent d'altérations par embolie ou par thrombose. Aussi les ramollissements ischémiques des lobes postérieurs sont-ils bien plus communs que ceux des lobes antérieurs. Le terri-toire de cette artère se partage en trois départements secon-daires répondant à trois artères de second ordre : La, première de ces artères se rend à la circonvolution du crochet ; la deuxième à la partie inférieure du lobe sphénoïdal, compre-nant la circonvolution sphénoïdale inférieure et le lobule fu-siforme ; la troisième \a au lobule lingual, au coin et au lobule

"ipital proprement dit.

SEPTIÈME LEÇON

Circulation des masses centrales (noyaux gris et capsule interne).

Sommaire. — Circulation artérielle des noyaux gris centraux. — Hémorrhagie intra-encéphalique. — Différences analomo-pathologiques entre les parties périphériques et les parties centrales du cerveau. — Rareté relative de l'hé-morrhagie cérébrale dans les parties périphériques ; sa fréquence dans les parties centrales.

Origine des arlèpes du système central. —Altères terminales ; leurs carac-tères.— Indépendance des systèmes artériels cortical et central. — Analogies entre les artères de la protubérance, du bulbe et des ganglions centraux. — Leur mode d'origine explique la prédominance danc ces parties des ruptures artérielles. — Les branches qui composent ce système naissent des cérébrales antérieure et postérieure et de la sylvienne. Disposition des noyaux gris : leur forme et leurs rapports. — Considérations sur la capsule interne : ses parties constituantes (faisceaux pédonculaires di-rects; faisceaux pédonculaires indirects ; faisceaux rayonnants).

Messieurs,

J'ai mis, dans la séance précédente, la dernière main, à la description anatomo-médicale du système cortical des artères du cerveau. Aujourd'hui, je me propose d'appeler votre atten-tion sur la circulation artérielle des noyaux gris centraux. Vous savez que, sous ce nom, on désigne les couches optiques, les corps striés et ce qu'on pourrait appeler leurs annexes. C'est là, Messieurs, une étude qui doit réclamer tous nos soins; car les phénomènes qui se produisent dans ces noyaux, en con-

séquence des lésions vasculaires, ne le cèdent en rien par leur importance clinique, à ceux qui surviennent dans les parties superficielles de l'hémisphère à la suite des altérations du système artériel cortical. Nous retrouverons dans les régions centrales du cerveau qui vont nous occuper, les altérations ischémiques signalées à propos des couches superficielles de l'encéphale, mais nous y rencontrerons, en outre, sur une grande échelle, des lésions qui ne se montrent au contraire que rarement à la périphérie. Je veux parler de l'hémorrhagie intra-encéphalique vulgaire, l'une des causes anatomiques les plus habituelles du syndrome apoplexie.

Il existe, à cet égard, une opposition assez intéressante à relever entre lesparties périphériques etles parties centrales du cerveau. Dans celles-là, l'hémorrhagie intra-encéphalique est relativement rare, tandis qu'elle est commune dans celles-ci. C'est là un fait dont témoignent déjà éloquemment les statistiques anciennes d'Andral et du Durand-Fardel et que les statistiques récentes ne font que confirmer. Ainsi, sur 119 cas rassemblés par Andral et Durand-Fardel, 102 fois la couche optique et le corps strié ont été le point de dé-part de l'hémorrhagie, 17 fois seulement le foyer a pris naissance soit dans le centre des lobes antérieurs ou pos-térieurs, soit à la périphérie de l'encéphale. En revanche, le ramollissement ischémique du cerveau prédomine, suivant la remarque judicieuse de Durand-Fardel, dans les parties péri-phériques. Les faits que j'ai recueillis à la Salpêtrière confir-ment de tous points ces données.

Nous aurons à indiquer, dans un instant, quelques-unes des conditions propres à expliquer cette opposition remarquable ; qu'il me suffise pour le moment de bien fixer vos idées sur ce point, à savoir que si les études auxquelles nous nous sommes livrés, concernant le système artériel cortical, étaient une introduction nécessaire au chapitre qui traite du ramollissement

ischémique de l'encéphale, les développements dans lesquels nous allons entrer aujourd'hui sont la préface obligatoire de l'histoirje non moins intéressante de l'hémorrhagie intra-encé-p'ïialiqùe.

I.

Vous n'avez pas oublié, Messieurs, comment les artérioles qui constituent le système central naissent de chacun des trois gros troncs artériels du cerveau, au voisinage immédiat de leur origine dans le cercle de Willis. Les artères qui for-ment ce système sont, en général, des vaisseaux d'une cer-aine importance, quant au calibre. Ce sont, en effet, des artérioles d'un millimètre et demi à un demi-millimètn de diamètre, pour les artères du corps strié, d'après M. Du-ret.

Leur mode d'origine rappelle celui de ces jeunes rejetons qu'on voit dans les forêts pousser à la base des arbres. Cette comparaison, que j'emprunte à M. Heubner, en outre de son caractère pittoresque, est assez juste; mais il ne faut pas la pousser trop loin, car les artères du système central, dès leur point de départ, se dirigent perpendiculairement à la direction du tronc principal.

Cette direction perpendiculaire nous remet en mémoire ce que nous avons vu à propos des artères nourricières de l'é-corce de l'encéphale. Toutefois, il convient de ne pas oublier qu'il existe une différence entre les artères nourricières corti-cales et les artères des noyaux gris centraux : les premières, en effet, sont, à proprement parler, des capillaires — sui-vant, du moins, la définition de M. Robin — et les secondes, au contraire, des vaisseaux d'un certain calibre.

Un autre caractère des noyaux centraux c'est que, selon

l'acception donnée à ce mot par M. Colinheim, ce sont des artères terminales par excellence. Si une discugwsvîi pu s'élever, ainsi que nous l'avons vu, au sujet de fauSriftpttiie des territoires vasculaires de l'écorce, il n'en est plu* ftp môme pour ce qui regarde les artères centrales. Celles-ci soxt tOflfc à fait indépendantes les unes des autres; c'est là un point sur lequel nos auteurs sont parfaitement d'accord.

Ainsi, dit M. Heubner, on peut, à l'aide d'une seringue de Pravaz dont la pointe du trocart est émoussée, injecter une à une chacune des petites artères qui se rendent aux di-verses parties du corps strié ou de la couche optique. Malgré toutes les précautions possibles, on ne parviendra jamais à injecter la couche optique ou le corps strié tout entier. Vous n'injecterez que de petits départements de chacun de ces corps ; si l'injection est poussée trop fortement, on produit des ruptures, mais le territoire vasculaire ne s'étend pas pour cela au-delà des limites qui lui sont assignées.

Les expériences multipliées de M. Duret plaident dans le même sens. Il convient d'ajouter que, dans aucune circons-tance, par cette voie des artères centrales, on ne fait pénétrer Vinjection dans le domaine des artères corticales. La réciproque, je le rappelle, est également vraie, c'est-à-dire qu'aucune injection, poussée dans Tune quelconque des artères du système cortical, ne se répand- dans le domaine des artères centrales.

Il n'est peut-être pas sans intérêt de faire ressortir les ana-logies qui existent sous le rapport du mode d'origine des ar-tères nourricières entre les parties basilaires de l'encéphale et la protubérance, voire même le bulbe.

Dans la protubérance, la ressemblance est frappante, les artères médianes naissent à angle droit de l'artère basilaire qui est un tronc volumineux, et elles pénètrent jusqu'aux parties postérieures, parallèlement les unes aux autres, sans

Charcot. Œuvres Complètes, t. iv, Localisations. 6

s'anastomoser, reproduisant de la sorte le type des artères terminales.

Dans le bulbe, la même disposition existe, mais elle est, en quelque sorte, atténuée par une modification spéciale. Les artères médianes du bulbe ne naissent pas directement des gros troncs de l'artère vertébrale; elles prennent leur origine dans les artères spinales.

Il est possible déjà, si je ne me trompe, de trouver, dans ce mode d'origine et de distribution des artères de la protu-bérance et des ganglions centraux, une des raisons d'ordre mécanique, capables d'expliquer la prédominance de :s ces parties des ruptures artérielles.

Rappelez-vous que, à la superficie du cerveau où, ainsi que je vous l'ai annoncé, les hémorrhagies sont comparativement rares, les artères, ne s'introduisent dans la pulpe qu'après avoir fourni un long trajet dans la pie-mère et s'être trans-formées en des vaisseaux très ténus, qui sont à proprement parler des capillaires; rappelez-vous, dis-je, ces particulari-tés, et vous comprendrez bien plus facilement les différences que j'ai à vous signaler en ce qui concerne les artères cen-trales.

1° Le chemin du cœur aux gros ganglions de la base est rès court. Les artères qui se rendent à ses ganglions émanent en qn3lqu3 sorte directement des artères du "erele de Willis, c'est-à-dire d'artères de troisième ordre, en partant du cœur. C'est là une circonstance évidemment favorable aux ruptures artérielles. Elle est, à la vérité, compensée dans une certaine proportion par le mode d'origine des vaisseaux qui s'opère à angle droit et aussi par la différence considérable de calibre.

2° Mises en regard des artères corticales, les artères cen-trales sont volumineuses, je fais allusion surfout aux artères

du corps strié puisqu'elles ont un diamètre d'un demi-milli-mètre à un millimètre et demi.

3° J'ajouterai que l'absence d'anastomoses est encore une condition fâcheuse, car, en cas d'une pression exagérée dans un vaisseau, le dégagement est impossible en raison de l'ab-sence bien établie des collatérales.

Les trois gros troncs artériels du cerveau, ainsi que je l'ai répété en commençant, prennent tous une part à la vascula-risation des régions centrales, mais cette part est fort inégale. La cérébrale antérieure, par exemple, envoie seulement quelques vaisseaux à la tête du corps strié et encore l'exis-tence de ces rameaux n'est-elle pas constante. La cérébrale postérieure a, dans l'espèce, un domaine beaucoup plus vaste et beaucoup plus important. Elle fournit aux couches optiques, dans une grande étendue, à l'étage supérieur des pédoncules cérébraux et aux tubercules quadrijumeaux. Mais incontestablement, c'est, ici encore de même que pour le système cortical, les artères sylviennes qui jouent le rôle prépondérant. Ces artères donnent toutes les branches qui se rendent au noyau caudé, à l'exception du petit domaine des branches inconstantes de la cérébrale antérieure, et aux divers segments du noyau lenticulaire.

Nous prendrons en conséquence les branches de l'artère sylvienne pour type de nos descriptions. Il nous sera aisé, après cela, de compléter l'histoire du système nourricier cen-tral par quelques mots relatifs aux branches de ce système issues soit de la cérébrale antérieure, soit de la cérébrale postérieure.

II.

Mais, avant d'entrer dans le détail de la description de ces vaisseaux, il est tout à fait nécessaire, Messieurs, d'envisager

de plus près que nous ne l'avons fait jusqu'ici, les parties aux-quelles ils vont se distribuer. Dans l'exposé qui précède, nous nous sommes bornés, pour ainsi dire, à nommer ces parties et à indiquer, d'une façon sommaire, ce qu'il y a de plus général dans leur configuration. Maintenant cet aperçu rapide devient insuffisant. 11 nous faut entrer dans les développe-ments nécessaires pour acquérir une connaissance anafomi-que plus profonde.

Il s'agit, et je n'ai pas besoin d'insister à cet égard, de par-ties très intéressantes, au point de vue de la théorie des loca-lisations cérébrales, à savoir la couche optique, le noyau caudé, le noyau lenticulaire et enfin la capsule interne : tels sont les divers compartiments dont la réunion forme ce qu'on pourrait appeler le système central, par opposition au système cortical.

Rappelez-vous comment le pédoncule cérébral, arrondi au moment où il aborde la couche optique, s'aplatit après qu'il l'a dépassée de dedans en dehors, en même temps qu'il s'é-largit d'avant en arrière à l'instar d'un éventail. Sur cet éventail, laissez-moi continuer la comparaison, les noyaux de substance grise sont disposés ainsi qu'il suit : en dedans et en arrière, la couche optique ; en dedans encore, mais en avant et au-dessus, le noyau caudé ; en dehors de l'éventail et au-dessous de la couche optique et du noyau caudé est situé le noyau lenticulaire qui s'étend en avant et à peu près aussi loin que la tête du corps strié et, en arrière, aussi loin, ou peu s'en faut, que l'extrémité postérieure de la cou-che optique.

Je ne veux faire qu'indiquer en passant, la forme et les principaux rapports des noyaux gris que je viens d'énumé-rer :

1° La couche optique a l'aspect d'un ovoïde aplati. De ses

deux faces, la supérieure regarde le ventricule latéral et l'inférieure, qui est aussi interne, le ventricule moyen. Elle se sépare difficilement par la dissection en raison de ses connexions très multipliées et très étroites avec les parties contiguës.

2° Le noyau caudé a la forme d'une virgule — ou encore d'une pyramide, — dont la grosse extrémité est dirigée en avant et en dedans et la queue en haut et en dehors. La face supérieure fait saillie dans le ventricule ; la face interne, fictive, est, en grande partie, appliquée sur l'extrémité su-périeure de la capsule interne. Ce noyau est très facile à détacher par la dissection ; toutefois, il faut rompre, pour l'isoler, les nombreux faisceaux qu'il reçoit par la capsule interne.

3° Le noyau lenticulaire, bien que recouvert dans toute sa périphérie, peut être aisément isolé des parties avoisinan-tes, sans trop d'artifice, comme nous le verrons. Sa configu-ration générale est celle d'un ovoïde avec une extrémité antérieure, l'autre postérieure. On distingue, dans sa compo-sition, deux parties : ^a) Le tiers antérieur, plus obtus et constitué par une masse uniforme de substance grise, se confond à son extrémité la plus antérieure avec le noyau intra-ventriculaire du corps strié; —b) La seconde portion, qui répond aux deux tiers postérieurs du noyau lenticulaire, est aplatie de haut en bas, de manière à offrir un angle tourné en dedans vers la capsule interne. La face interne et supérieure est intimement unie à la capsule interne, et la face inférieure est parallèle à la base du cerveau. La face externe est en rapport avec la capsule externe et par son intermé-diaire avec l'avant-mur et l'insula, L'insula la recouvre mé-

dialement dans toute son étendue. Une préparation qu'il est intéressant de faire, consis'e à enlever avec soin successive-ment la substance grise des circonvolutions de l'insula, l'a-vant-mur et la capsule externe ; on tombe enfin sur la face externe du noyau lenticulaire.

Sur des pièces durcies, la séparation entre la capsule externe et la face externe du noyau lenticulaire s'opère pour ainsi dire sans artifice, avec la plus grande facilité. C'est que, en effet, il n'y a pas de faisceaux médullaires, — et vous verrez qu'il n'y a pas non plus de vaisseaux — qui re-lient la capsule externe au troisième segment du noyau len-ticulaire.

On peut dire, d'après les relations qui viennent d'être indi-quées, que les trois noyaux ou masses grises centrales, couche optique, noyau caudé, noyau lenticulaire, sont en quelque sorte, comme l'a dit M. Foville, appendus à la cap-sule interne, prolongement des pédoncules cérébraux, à la manière de cotylédons.

Du côté des ventricules, la couche optique et les noyaux caudés sont isolés, le noyau lenticulaire est isolé, lui aussi, virtuellement du moins, du côté de l'insula. Ces noyaux de substance grise forment donc comme un système distinct des autres parties du cerveau, tant par leurs connexions que par leur mode de vascularisation.

Des coupes verticales vous feront sans peine comprendre les rapports des parties centrales. Je n'insisterai pas, pour le moment, sur les détails de structure relatifs aux différents noyaux ; j'y reviendrai quand l'occasion se présentera. Mais je crois indispensable maintenant d'entrer dans quelques développements à propos de la constitution de la capsule in-terne.

La capsule interne est, pour une portion au moins, la pro-longation, non pas de tout le pédoncule cérébral, mais seu-lement du pied ou crustra, étage inférieur. Le tegmentum ou étage supérieur, qui est séparé du pied par le locus ni-ger, entre en connexité surtout avec les tubercules quadriju-meaux et la couche optique : il ne prend point une part di-recte à la formation dé la capsule interne.

Une opinion, déjà ancienne, considérait la capsule interne comme une émanation complète et immédiate du pied de la couronne rayonnante. C'est là une erreur qui a été relevée par MM. Luys et Kolliker. Ces auteurs ont, en effet, démon-tré que des fibres provenant du pied s'arrêtent en chemin pour pénétrer dans les divers noyaux. Cependant, j'estime qu'ils sont allés beaucoup trop loin, en avançant que la cap-sule interne, est formée tout entière : 1° de fibres de la cou-ronne rayonnante qui se terminent dans les ganglions ; 2° de fibres qui, partant des ganglions, se répandent dans la cou-ronne rayonnante.

Se fondant sur des observations anatomiquos, à la vérité fort délicates, MM. Meynert, Henle et Broadbent, ont émis l'opinion qu'il existe un troisième ordre de fibres, lesquelles se continuent directement, d'un côté, avec la couronne rayonnante el partant avec l'écorce grise, de l'autre côté, avec le pied du pédoncule.

La réalité de l'existence de ces derniers faisceaux repose, ainsi que nous le verrons, sur un certain nombre de preuves pathologiques. J'invoquerai, entre autres, certains cas de dé* génération descendante observés par Vulpian et par moi. Dans les cas auxquels je fais allusion, il s'agissait de plaques jaunes ayant détruit dans une grande étendue les circonvolutions médianes, sans altération concomitante du corps strié et ayant donné lieu à une dégénération descendante qui pouvait être suivie à travers l'isthme, jusque dans les régions les plus in-

Fig. 18. — N C, noyau caudé. — C 0, couche optique. — N L, noyau lenticu-laire avec ses trois segments. — A M, avant-mur. — CE, capsule externe. — G I, capsule interne. — P P, pied du pédoncule. — C A, corne d'Amman. — N I, insula de ReiL — F L, fibres du pédoncule destinées au noyau lenticulaire.

— F G, fibres pédonculaires destinées au noyau caudé. — F S, fibres du noyau lenticulaire qui se jettent dans le lobe sphénoïdal. — F N, fibres du noyau lenticulaire qui vont à la périphérie. — F K, fibres du noyau caudé qui vont à la périphérie. — F T, fibres de la couche optique qui vont à la périphérie,

— F D? fibres directes. — (Schéma d'après M, Huguenin.)

terieures de la moelle épinière. On doit à M. Gudden, une série d'expériences que j'aurai encore à citer plus tard et dont les résultats plaident dans le môme sens.

Henle (1) va peut-être trop loin quand il écrit dans sa des-cription du système nerveux que la capsule interne est com-posée surtout de fibres contenant celles du pied. — Toujours est-il — et nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet — que les faits du domaine pathologique et ceux du domaine expérimental qu'il est possible d'invoquer en faveur de ces fibres sont nombreux et importants. Ils ont même permis d'avancer, nous en verrons.la démonstration plus loin, que parmi ces fibres directes, les unes (ce sont les antérieures) sont centrifuges et en rapport avec les mouvements des mem-bres, tandis que les autres (les postérieures) sont en rapport avec la transmission des impressions sensitives (Fig. 18).

En résumé, la capsule interne, d'après les recherches modernes (2), serait constituée ainsi qu'il suit :

Io Par des faisceaux pédonculairesdirects qui traversent la capsule sans s'arrêter aux ganglions ;

2° Par des faisceaux pédonculaires indirects. Parmi ceux-ci : les uns se rendent aux corps striés qu'ils abordent par la face inférieure ; les autres vont aux noyaux lenticu-laires qu'ils pénètrent par le premier segment. Très nom-breuses dans ce segment, elles le sont de moins en moins dans le second et le troisième et c'est à cette inégale répartition qu'est due la différence de couleur des trois segments qui composent le noyau lenticulaire.

(1) Henle. — Nervenlehre, p. 261.

Í2) Huguenin. — Allg. Patholog.der Krankk. des Nerven Systems. Zurich, 1873, p. 94, fig. 70; p. 85, fig. 63 ; p. 119, fig. 82 ; p . 127,

Il n'est pas question de fibres pédonculaires provenant du pied de la couronne rayonnante pour la couche optique, celle-ci ne recevant pas du pédoncule cérébral d'autres faisceaux que ceux du tegmentum.

Fig. 19. — 1, 2, 3, noyau lenticulaire. — B, portion basilaire du noyau caudé — I n, insula. — K, substance blanche intermédiaire à lïnsula et à Técorce grise de l'insula. — A M, avant-mur. — Caps, ex., capsule externe. — Caps-in., capsule interne. — C A, commissure antérieure. — H, nerf optique et son ganglion optique. —A, commissure dans la cavité centrale de la masse de substance grise. — G, pilier descendant do la voûte. — Substance grise du troisième ventricule. G 0 L et G 0 E, parties interne et externe de la couche optique. — N C, iipyau camlé, — F fibres émanées du tapehim. — F3, fibres émanées des deux segments internes du noyau lenticulaire. — S Th, S ch 1 et Z, les quatre couches de la substance innominée. [Figure d'après M. Meynert.)

A ces faisceaux qui, du pied du pédoncule, se rendent aux noyaux gris centraux, succèdent dans la partie supérieure de la capsule interne des faisceaux qui, prenant origine dans les

noyaux gris, vont concourir à la formation de la couronne rayonnante et se dirigent vers la couche grise corticale. Ces faisceaux portent le nom de faisceaux rayonnants (Stab-kranzbùnclel). Il y a lieu de distinguer: 1° les faisceaux rayonnants des corps striés; 2° les faisceaux rayonnants de la couche optique ; 3° les faisceaux rayonnants issus du noyau lenticulaire, lesquels se détachent principalement du bord supérieur du second et du troisième segment (Fie/. 19).

Il suit de cet exposé que quatre ordres de faisceaux entrent dans la composition de la couronne rayonnante et rattachent la capsule interne à l'écorce des circonvolutions.

Ce sont : 1° les faisceaux rayonnants de la couche optique ; 2° ceux du corps strié ; 3° ceux du noyaux lenticulaire — ces divers faisceaux rattachent à l'écorce grise les noyaux gris centraux ; 4° les faisceaux directs qui, du pied du pédoncule, se rendent à l'écorce grise sans s'arrêter dans les noyaux gris centraux.

On peut, dans la capsule interne elle-même et encore dans le pied de la couronne rayonnante, reconnaître ces divers modes de provenance sur des coupes minces convenable-ment durcies et examinées à un faible grossissement ; à la vérité, cette recherche n'est pas exempte de difficultés ; mais un peu au-dessus de ce point tous les faisceaux s'entrecroisent dans les directions les plus variées, soit entre eux, soit avec les fibres commissurales, de manière à donner naissance à un lacis inextricable qu'on appelle la substance blanche centrale. Nous nous rendrons prochainement un compte exact de l'in-térêt qui s'attacha aux dispositions que nous venons d'étu-dier.

HUITIÈME ET NEUVIÈME LEÇONS

Artères centrales. — Lésions isolées des noyaux gris

Sommaire. — Origine du système artériel des masses ganglionnaires centrales — Participation, dans des proportions variables, des grandes artères du cer-veau, à la constitution de ce système. — Description des artères striées : artères striées internes ; — artères striées externes ; (lcnticulo-striées ; —lcn-ticulo-optiques).— Artères terminales.

Conséquences de l'oblitération des artères centrales émanant de la syl-vienne.— Ramollissement des corps opto-striés. —Hémorrhagieintra-encé-phalique. — Diagnostic régional.

Lésions isolées des noyaux gris, sans participation de la capsule interne. — Hémiplégies cérébrales centrales et corticales. — Lésions de la capsule in-terne. — Variété des symptômes suivant le siège qu'occupe la lésion dans la capsule interne.

Nouvelles considérations anatomiques : Fibres pédonculaires directes se rendant à la substance corticale du lobe occipital; — leur rôle relativement à la sensibilité. — Preuves fournies : 1° par les lésions de la région posté-rieure lenticulo-optique de la capsule interne(hémi-anesthésie cérébrale); — 2° par l'expérimentation.

I.

Messieurs,

Les trois grandes, artères du cerveau prennent part, vous ne l'avez pas oublié, à la formation du système artériel des masses ganglionnaires centrales ; mais elles y prennent une part inégale,

a) Ainsi, c'est de beaucoup à Y artère sylvienne que revient la prédominance. Elle fournit : 1° à la plus grande partie du noyait caudé, 2° au noyau lenticulaire tout entier; 3° à une portion de la couche optique] 4° à toute l'étendue de la

capsule interne.

Fig. 20. — Coupe transversale des hémisphères cérébraux, faite à un centimè-tre en arrière du chiasma des nerfs optiques. — Artères du corps strié. — Ch, chiasma des nerfs optiques ; — B, section de la bandelette optique ; — L, noyau lenticulaire du corps strié ; — I, capsule interne ou pied de la cou-ronne rayonnante de Reil; — C, noyau caudé ou intra-ventriculaire du corps strié; — E, capsule externe ; — T, noyau taeniforme, avant-mur; — R, cir-convolution de l'insula; — V, V, coupe des ventricules latéraux; — P, P, piliers du trigone; — 0, substance grise du troisième ventricule qui se con-tinue en arrière avec la couche optique.

Territoires vascalaires. — I, artère cérébrale antérieure ; II, artère sylvienne ; — III, artère cérébrale postérieure. — I, artère carotide interne ; —2, artère sylvienne ;— 3, artère cérébrale antérieure; — 4, 4, artères externes du corps strié (lenticulo-striées) ; —5, 5, artères internes du corps strié (artères lenti-culaires). Les artères lenticulo-striées ne sont pas représentées ici. (Cette figure est faite d'après une planche de M. Duret.)

b) Dans ce système, la cérébrale antérieure a, au con-traire, des attributions fort modestes. Elle artérialise seule-ment la tête du noyau caudé et encore sa participation n'est-elle pas constante.

c) Quant à la cérébrale postérieure, son rôle est plus im-portant et assez caractéristique. Cette artère dont la distribu-

Fig. 21. — Coupe verticale et transversale du cerveau faite en arrière des tu-bercules mamillaires ou en avant des pédoncules. — S, commissure grise ; — 0, 0, couches optiques ; — V, ventricule latéral; — V, sa corne sphé-noïdale ; — P, P, capsule interne ou pied de l'expansion pédonculaire ; — L, L, noyau lenticulaire ; — K, capsule externe; —M, M, avant-mur; — R, troisième ventricule;— A, corne d'Ammon.

Territoires vasculaires. — I, artère cérébrale antérieure; — II, artère syl-vienne ; —III, artère cérébrale postérieure.

tion est très étendue, puisqu'elle envoie des branches aux plexus choroïdes, aux parois ventriculaires, etc., fournit, en

ce qui concerne les masses centrales, aux régions suivantes : Io à la partie externe et postérieure de la couche optique ; 2° aux tubercules quadrijumeaux ; 3° à l'étage supérieur du pédoncule.

Les planches que je fais passer sous vos yeux {Fig. 20 et 21), et sur lesquelles les territoires vasculaires sont séparés par des lignes ponctuées, vous rendront plus facile la compré-hension de tous ces détails.

Seule, la description des artères striées nécessite quelques développements. Quand elle sera faite, nous pourrons vous exposer brièvement les notions qu'il est essentiel de connaître relativement aux artères centrales issues soit de la cérébrale antérieure, soit de la cérébrale postérieure.

Emanées du bord supérieur de la sylvienne, les artères striées pénètrent dans les trous de l'espace perforé antérieur où bientôt on les perd de vue. Mais une préparation fort sim-ple permet de les suivre dans la première partie de leur trajet intra-cérébral. J'appelle votre attention sur la disposition que je vais décrire, parce qu'elle est indispensable à l'intelligence de faits importants à savoir pour la théorie de l'hémorrhagie cérébrale vulgaire.

Cette préparation consiste à détruire successivement l'écorce grise de l'insula, la substance blanche sous-jacente, l'avant-mur et enfin la capsule externe. On met ainsi à nu la surface externe du noyau lenticulaire dans toute son étendue. Si la préparation a été faite avec quelque soin, sur un cerveau bien injecté, — et cette préparation est facile parce que, dans sa partie frontale au moins, le noyau lenticulaire est, pour ainsi dire, naturellement détaché de la capsule externe, — on peut suivre la première partie de la distribution des principales ar-tères striées. On voit, grâce à cet artifice, qu'elles forment comme un éventail à la surface du noyau gris. Mais, à une assez courte distance de leur origine, elles s'enfoncent dans

l'épaisseur même du troisième segment où on les perd de vue.

Maintenant, Messieurs, c'est sur des coupes transversales qu'il faut suivre la distribution ultérieure des artères striées.

Une première coupe, pratiquée en arrière du chiasma (Fig. 20), nous montre seulement le noyau caudé et le noyau lenti-culaire, la couche optique étant plus postérieure. On retrouve sur cette coupe, dans leur trajet plus profond, les artères que nous avions tout à l'heure sous les yeux. En outre, on décou-vre d'autres artérioles plus petites à lasurface externe du noyau lenticulaire, et qu'on peut appeler internes ; après s'être dé-achées du tronc de la sylvienne, ils s'élèvent presque verti-calement dans les deux premiers segments du noyau lenticu-laire et dans les parties attenantes de la capsule interne.

D'un intérêt plus grand sont les artères striées externes, celles qui, dans la première partie de leur trajet, rampent sur la face externe du noyau lenticulaire. Elles doivent être divisées en deux groupes : le premier groupe est antérieur et les ar-tères qui le composent sont les artères lenticulo-striées ; le second groupe est postérieur ; les artères qui le constituent sont les artères lenticulo-optiques.

L'une des artères du groupe antérieur est surtout importante à cause de son volume et de son rôle prédominant dans l'hé-morrhagie intra-encéphalique : on serait, en quelque sorte, autorisé à lui imposer le nom artère de l'hémorrhagie céré-brale. Après avoir pénétré dans le troisième segment, elle traverse la partie supérieure de la capsule interne, puis arrive dans l'épaisseur du noyau caudé. Elle se continue ensuite jus-qu'aux régions les plus antérieures de ce noyau, en se diri-geant d'arrière en avant.

La distribution de cette artère striée, ainsi que celle des ar-tères lenticulo-striées, doit être étudiée sur des coupes prati-quées en avant de celle qui a jusqu'ici servi à notre démons-tration.

Les artères lenticulo-optiques sont disposées sur le même modèle ; seulement, après avoir traversé la partie la plus pos-térieure de la capsule interne, elles abordent la partie externe t antérieure de la couche optique où elles se répandent.

Je vous rappellerai, Messieurs, qu'il s'agit là ^artères ter-ninales, et que, si les injections sont poussées trop fort, il j'opère de petites ruptures sur les différents points du trajet les vaisseaux, imitant ainsi tant par le siège que par la forme es foyers d'hémorrhagie qui se produisent dans l'état patho-logique.

Nous n'avons rien de spécial à dire sur la branche ou les branches de la cérébrale antérieure, si ce n'est qu'elles n'existent pas constamment et qu'elles peuvent donner lieu à des hémorrhagïes très circonscrites, mais d'une gravité réelle, en ce sens que le foyer s'ouvre souvent dans les ventri-cules.

Quant à Xartère cérébrale postérieure, elle mérite dans l'espèce, je le répète, qu'on s'y arrête plus minutieusement. Toutefois, je ne veux m'occuper ici que des artères qu'elle en-voie à la couche optique.

Ces artères sont de deux ordres : 1° Vartère optique posté-rieure interne, née de la cérébrale postérieure, tous près de son origine au tronc basilaire, qui fournit à la face interne de la couche optique, et est capable, dans son trajet ultérieur, d'occasionner des hémorrhagies, peu étendues à la vérité, mais sérieuses comme étant fréquemment suivies d'inondation ven-triculaire ; — 2° Vartère optique postérieure externe, qui vient de la cérébrale postérieure, quand elle a déjà contourné le pédoncule cérébral et dans lequel elle monte obliquement, avant d'entrer dans la portion postérieure de la couche optique. Les ruptures de ce vaisseau déterminent des hémorrhagies

Ciiarcot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 7

qui l'usent souvent dans l'épaisseur du pédoncule cérébral. Elle mérite toute votre attention, car, comme nous le verrons plus tard, les lésions dans son territoire produisent un cortège de symptômes tout à fait spécial.

II.

Nous venons de recueillir chemin faisant des faits intéres-sants au plus haut degré, pour la théorie des localisation cérébrales pathologiques. Ces faits, nous allons maintenant les serrer de plus près, en commençant par ceux qui concer-nent les masses ganglionnaires centrales.

A. — a) Le système tout entier des artères centrales, éma-nant de la sylvienne, peut être oblitéré en conséquence de la thrombose ou de l'embolie du tronc artériel principal. Alors, le ramollissement porte sur la masse des noyaux gris tout entière ou peu s'en faut, — les districts répondant à la distri-bution des artères cérébrales antérieures et des artères opti-ques postérieures étant seuls épargnés. C'est là une localisa-tion très sommaire, en général d'une gravité extrême, et qui résume, si l'on peut ainsi dire, cliniquement, toute lapatho-gie des centres ganglionnaires. Le syndrome qui se rattache à ce ramollissement total des corps opto-striés, — ainsi a-t-on désigné quelquefois l'ensemble des masses centrales — n'est autre que Vhémiplégie cérébrale vulgaire, avec accom-pagnement de Yhémianesthésie cérébrale.

b) L'analyse peut pénétrer dans cet ensemble complexe. 11 ne faudrait pas croire, toutefois, que nous soyons en mesure

aujourd'hui de reconnaître à des symptômes particuliers les destructions de la couche optique, celles du noyau caudé, celles du noyau lenticulaire et, à plus forte raison, celles de ses divers segments.

c) Mais il est possible, cependant qu'il survienne, en rai-son même du mode de distribution artérielle que nous avons fait connaître, telle localisation anatomique, susceptible de se déceler par des symptômes spéciaux, et permettant, par con-séquent, un diagnostic régional. Cette condition se réalise quand le ramollissement affecte toute ou presque toute l'éten-due soit du territoire des artères lenticulo-striées, soit du terri-toire des artères lenticulo-optiques. Nous verrons, en effet, que les symptômes sont différents dans les deux cas : présents dans le second cas, les symptômes de l'hémianesthésie cérébrale font défaut dans l'autre.

B. — Ce qui vient d'être dit relativement au ramollisse-ment ischémique, est applicable à l'hémorrhagie intra-encé-phalique. Celle-ci est, vous le savez, fréquente, prédominante dans ces régions; les artères striées sont, en effet, très sujettes à la forme spéciale de sclérose artérielle qui produit les ané-vrysmes miliaires. On extrait communément, d'un foyer hémorrhagique récent, une artère striée ou optique dont les prolongements portent de petits anévrysmes (1).

Le plus souvent, contrairement à l'opinion généralement répandue, l'épanchement de sang, — ainsi que M. Gendrin l'avait depuis longtemps bien reconnu (2) — se fait tout d'a-bord, en pareil cas, non dans l'épaisseur même du corps strié, mais en dehors de lui, et, pour préciser davantage, au contact

(1) Voir la Planche V des Archives de Physiologie, 1868.

(2) A. N. Gendrin. — Traité philosophique de médecine pratique, l, 1,1838. Voir page 443, nas 789 796 ; p. 465, n°s 808-^09; #10, t?t ». 478. n° 830.

de la surface externe du noyau lenticulaire, entre celte surface et la capsule externe qui se trouve comme décollée. Ainsi se produisent ces foyers aplatis qui, sur des coupes transversales, apparaissent comme des lacunes étroites, linéaires, dirigées à peu près verticalement, parallèlement au noyau gris de l'a-vant-mur. (Fig. 22). Quandl'épanchement sanguin estabon-

Fig. 22. —Foyer hémorrhagique extra-lenticulaire. (Coupe pratiquée en arrière du chiasma); pas d'hémianesthésie. — A, corps calleux ; — B, B, ventricule latéral; — C, C, noyau caudé ; — D, D, noyau lenticulaire; — E, E, ré-gion antérieure ou lenticulo-striée de la capsule interne ; — F, capsule externe ; — F', foyer hémorrhagique ayant détruit la capsule externe ; — G, G, avant-mur : — H, H, insula : — I, chiasma des nerfs optiques.

dant, le foyer s'agrandit surtout en travers, et en raison de la résistance plus grande des parois crâniennes, du côté de l'insula, les masses centrales, pour ainsi dire énucléées, sont refoulées, en bloc, du côté de la cavité ventriculairefi^. 22).

Je viens d'indiquer des cas très vulgaires, mais il peut arri-ver aussi qu'un épanchôment provenant des extrémités arté-rielles terminales, se produise dans l'épaisseur même, soit des corps striés, soit des couches optiques.

Quoi qu'il en soit, les seules localisations de ce genre, acces-sibles à la clinique, sont ici encore, comme pour le cas du ramollissement, celles qui répondent à l'envahissement du do-maine lenticulo-strié, ou à celui du domaine lenticulo-opti-que.

11 y a lieu de remarquer, dès à présent qu'en ce qui concerne l'hémorrhagie, il se présente pour l'interprétation des symptô-mes, des difficultés qui n'existent pas, du moins au même de-gré, dans le ramollissement. Si l'on n'en est pas informé, on sera exposé à rapporter aux effets de la destruction une par-tie des accidents qui sont tout simplement le résultat d'un phénomène de voisinage. Je fais allusion à la compression que, dans les premières périodes, un épanchement de sang ne manque jamais de produire, à une certaine distance, sur les parties voisines, pour peu qu'il ait quelque étendue. C'est là un point sur lequel je reviendrai, d'ailleurs, dans un instant.

III.

On peut, en somme, réduire à un très petit nombre de pro-positions les faits acquis définitivement, relatifs audiagnostic régional des diverses parties qui entrent dans la composition des masses ganglionnaires centrales du cerveau.

1° Pour ce qui regarde d'abord les lésions isolées de chacun des noyaux gris centraux, sans participation de la capsule interne, nous ne sommes pas encore, ainsi que je l'ai annoncé, en mesure aujourd'hui de les reconnaître à des caractères cli-niques spéciaux,

a) Ainsi, on est dans l'impossibilité de distinguer, pendant

la vie, une lésion limitée au noyau lenticulaire, d'une lésion circonscrite dans le noyau caudé et les lésions de la couche optique, — bien que sur ce dernier point il y ait lieu, peut-être, de faire quelques réserves, — se confondent clinique-ment, en général, avec celles qui se produisent dans les deux compartiments du corps strié.

Les symptômes qui accompagnent ces lésions limitées aux noyaux gris centraux, sont ceux Yhémiplègie cérébrale vul-gaire. Celle, forme d'hémiplégie cérébrale peut être dite cen-trale, pour la distinguer des paralysies motrices qui résultent quelquefois de la lésion de certaines régions superficielles et que, par opposition j'appellerai hémiplégies cérébrales cor-ticales.

b) Dans la majorité des cas, la paralysie liée aux lésions des noyaux gris centraux porte sur le mouvement seul; les troubles de la sensibilité, se présentant avec les caractères qui distinguent V hémianesthésie cérébrale, s'y adjoignent parfois, cependant, dans des circonstances particulières qui vont tout à l'heure fixer notre attention.

c) L'hémiplégie, liée aux altérations ainsi circonscrites dans les noyaux gris, est communément transitoire, passagère, peu accusée, non indélébile, en tous cas, et, partant comparative-ment bénigne. Il est clair qu'en formulant cette proposition, j'éloigne toute complication capable de modifier profon-dément le tableau, telle que serait, par exemple, l'irruption d'un foyer d'hémorrhagie, même de petite dimension, dans une cavité ventriculaire. Des symptômes graves, à savoir: la contracture précoce, des convulsions épileptiformes, sur-viendraient à peu près nécessairement en pareil cas, et la mort plus ou moins rapide est la conséquence à peu près obli-gatoire d'une semblable complication.

La bénignité relative des lésions limitées à la substance des noyaux gris tient sans doute pour une part à cette circonstance que ces noyaux ne sont à peu près jamais lésés dans leur tota-lité. Ainsi, jamais le noyau caudé, par exemple, — et ce fait s'explique par le- mode de distribution des vaisseaux qui s'y rendent — n'est détruit dans toute son étendue, du moins isolément, c'est-à-dire, sans la participation de la capsule in-terne ou des autres noyaux gris. D'un autre côté, le caractère transitoire de la paralysie résultant de ces lésions partielles des masses ganglionnaires centrales peut indiquer, ainsi que nous le verrons, l'existence d'une sorte de suppléance fonc-tionnelle pouvant s'établir au besoin, soit entre les diverses parties du noyau caudé, soit entre le noyau caudé et les di-vers segments du noyau lenticulaire.

2° En revanche, les lésions de la capsule interne, alors même qu'elles sont absolument limitées à ce tractus blanc, et qu'elles n'intéressent enrien la substance des noyaux gris, ces lésions dis-je, produisent l'hémiplégie cérébrale vulgaire, sous une forme, en général, très accentuée et plus ou moins persistante. Ainsi, même très circonscrites, principalement lorsqu'elles sont situées très bas du côlé du pédoncule, ces lésions déterminent une paralysie motrice qu'accompagne à peu près nécessairement la contracture tardive, symptôme d'un fâcheux augure dans l'espèce parce qu'il annonce dans la règle que la paralysie résistera à tous les moyens thérapeu-tiques.

3° Il convient, d'ailleurs, d'établir ici une distinction impor-tante. Ainsi que nous l'avons annoncé, en effet, les symptômes varient remarquablement suivant le siège qu'affecte la lésion dans la capsule interne.

Si elle occupe un point quelconque des deux tiers anté-

rieurs de la capsule, région où ce tractus blanc sépare l'extré-mité antérieure du noyau lenticulaire de la tête du noyau eau-dé, et qui appartient, comme vous le savez, au domaine de l'artère lenticulo-striée, la paralysie portera exclusivement sur le mouvement ; aucun trouble durable de la sensibilité ne viendra s'y adjoindre.

Fig. 23. — Foyer cl'he'morrhagie extra-lenticulaire au niveau de la partie postérieure de la couche optique; — hémianeslhésie cérébrale. — A. corps calleux et piliers postérieurs de la voûte. — B, B, cavité des ventricules latéraux. —G, G, couches optiques. — D, D, noyaux lenticulaires. — EE, région postérieure ou lenticulo-optique de la capsule interne. — F, capsule externe. — GG, avant-mur. — HII, insula. — I, I, corne d'Ammon et corne sphénoïdale du ventricule latéral. —ff, foyer hémorrhagique extra-lenticu-laire intéressant par en haut la capsule interne. — SS, extrémité postérieure du noyau caudé.

Si, au contraire, ayant envahi le domaine des artères lenti-culo-optiques, la lésion porte sur le tiers postérieur de la cap-sule, dans la région où celle-ci passe entre l'extrémité pos-térieure du noyau lenticulaire et la couche optique, la présence de Yhémianesthésie cérébrale sera pour ainsi dire chose fatale. Le plus souvent, la lésion siégeant en quelque sorte sur un terrain mixte, la paralysie du sentiment s'accompagnera d'une

hémiplégie motrice plus ou moins accentuée. Mais il peut arriver que l'hémianesthésie cérébrale se présente isolée, du moins à titre de phénomène permanent dans le cas par exemple où les parties les plus reculées, les plus postérieures de la capsule interne seraient seules altérées d'une façon dé-finitive (Fig. 23).

J'ai à dessein, dans l'exposé qui précède, fait allusion ex-clusivement aux lésions de la capsule interne véritablement destructives, à celles en d'autres termes qui, soit par dila-cération, soit par nécrose produisent dans ce tractusune perte de substance irréparable. Il importe de distinguer ce cas de celui où la capsule interne serait intéressée non pas directe-ment, mais seulement à distance en quelque sorte, par le fait d'un phénomène de voisinage, en conséquence d'une lésion limitée aux noyaux gris qui l'environnent de tous côtés. Ainsi, la distension d'un de ces noyaux dans un cas d'hémorragie interstitielle pourrait avoir pour effet de déterminer la com-pression des faisceaux nerveux qui composent la capsule in-terne et consécutivement de suspendre le fonctionnement de ces faisceaux. Mais comme, en pareille circonstance, les fibres nerveuses de la capsule sont seulement comprimées et non pas détruites, les phénomènes paralytiques, résultant de cette compression — en dehors toutefois du cas d'une tumeur —• pourront n'être que tout à fait passagers.

La combinaison que je viens de signaler à votre attention se rencontre fréquemment dans la clinique de l'hémorrhagie intra-cérébrale ; elle crée, vous le voyez, une situation assez complexe et par laquelle l'interprétation des symptômes pour-ra être rendue difficile, C'est ainsi que, si l'on n'est pas pré-venu de ces difficultés, on sera tenté — et la faute a été bien des fois commise — de rapporter à la destruction de l'un quel-conque des noyaux gris, couches optiques ou corps striés, des

symptômes qui sont uniquement la conséquence d'une aclion de voisinage, d'une compression s'exerçant sur la capsule interne.

Fig. 24. — Cette figure montre le siège, le mode de formation et d'extension des liémorrhagies répondant à la partie antérieure de la capsule interne. (Hémiplégies.) — Rupture d'e l'artère lenticulo-striée. — G, noyau caudé du corps strié. — I, uipsule interne.— E, capsule externe. — T, avant-mur. — 1, foyer primitif (au lieu d'élection), dans la partie antérieure de la capsule interne (hémiplégie).— 1', 1", 1"', extension progressive du foyer primitif (com-pression ou destruction delà capsule interne). — 2, foyer primitif dans la cap-sule interne (hémiplégie).—2', 2", 2" , extension successive do ce foyer. (Des-truction de la capsule externe, refoulement ou destruction du noyau caudé.)

Permettez-moi — le sujet en vaut la peine— d'entrer à ce propos dans quelques développements.

Supposons qu'il s'agisse de la formation toute récente d'un foyer d'hémorrhagie dans le lieu d'élection. Le sang se sera donc épanché, en dehors du noyau lenticulaire, dans l'espace virtuel dont il a été question plusieurs fois déjà ; en outre, le troisième segment clu noyau lenticulaire autrement dit put a-

men sera le plus souvent en partie dilacéré. Je vous ai dit comment, en pareille occurrence, la paroi externe du foyer composée des circonvolutions de l'insula, de Tavant-mur et de la capsule externe, résisLe à l'effort du sang extravasé, tandis que les noyaux gris sont le plus souvent refoulés dans leur

Eig. 25. — Cette figure montre le siège, le mode de formation et d'extension des hémorrhagies r 'pondant à la partie postérieure de la capsule interne. (Hémianesthésies). — Rupture de l'artère lenticulo-optique. — 0, couche optique. —I, capsule interne. —L, noyau lenticulaire —E, capsule externe.

— T, avant-mur. — G, noyau caudé. — I, foyer primitif (au lieu d'élection) dans la partie postérieure de la capsule interne (hémianesthésie;. — 1', 1", 1"', extension progressive du foyer primitif (compression ou destruction de la capsule interne). — 2, foyer primitif dans la capsule interne (hémianesthésie).

— 2', 2", 2"', extension successive de ce foyer (destruction de la capsule in-terne, refoulement ou destruction de la couche optique).

ensemble vers les cavités ventriculaires. 11 est clair que les éléments de la capsule interne seront nécessairement plus ou moins fortement comprimés en conséquence d'une semblable altération (Fig. 24). Au point de vue des symptômes produits, deux conditions peuvent se présenter.

2334

Tantôt le foyer sanguin reste circonscrit aux parties du noyau lenticulaire qui correspond à la moitié ou aux deux tiers antérieurs de ce corps, c'est-à-dire au domaine de l'artère lenticulo-striée. En conséquence, la partie antérieure de la capsule interne sera seule intéressée, médiatement, par com-pression. L'effet produit sera une hémiplégie, exclusivement motrice, du côté opposé du corps (Fig. 22). Tantôt, s'éten-dant de proche en proche, d'avant en arrière, le foyer se sera répandu jusque sur les parties les plus postérieures du noyau lenticulaire , la compression portant alors aussi sur la partie postérieure de la capsule interne, les symptômes d'hémia-nesthésie cérébrale viendront se surajouter à ceux de l'hémiplé-gie motrice. Les deux figures 24 et 25 vous permettront faci-lement de reconnaître le siège précis, et le mode de forma-tion et d'extension des divers foyers des hémorrhagies centra-les (Voyez aussi Fig. 23).

Tels sont les faits. Un mot maintenant concernant leur interprétation : après avoir reconnu pendant la vie les symp-tômes susdits, à savoir : L'hémiplégie motrice avec hémianes-thésie et post mortem l'existence d'un foyer intéressant le noyau lenticulaire, irez-vous conclure du rapprochement de ces deux ordres de faits, que le noyau lenticulaire tient sous sa dépendance, à la fois le sentiment et le mouvement volon-taire du côté opposé du corps?Cette conclusion serait peu légi-time, car si le malade eût survécu, l'épanchement s'étant résorbé et n'étant plus représenté que par une cicatrice linéaire ochreuse, l'hémianesthésie et même la paralysie motrice, mal-gré la destruction d'une partie du noyau lenticulaire, auraient sans doute disparu dans les conditions indiquées, sans laisser de traces.

Ce qui vient d'être dit, Messieurs, au sujet de l'hémorrhagie du noyau lenticulaire, s'applique également aux hémorrhagies qui se font dans l'épaisseur de la partie postérieure de la cou-

che optique. Ces hémorrhagies se développent en conséquence de larapture de l'artère optique externe antérieure ou lenticulo-optique. Elles se traduisent en général cliuiquement par une hémiplégie plus ou moins accentuée, mais aussi, en outre, à peu près toujours, par une hémianesthésie plus ou moins complète, pourvu que le foyer atteigne des dimensions suffi-santes. Faut-il en conclure directement que, — comme tant d'auteurs l'ont dit et le répètent encore aujourd'hui — la cou-che optique est le siège du sensorium, commune ? Non, in-contestablement ; il serait facile, d'ailleurs, de citer nombre de faits où une lésion des tractus de la partie postérieure de la couche optique, déterminée par un épanchement sanguin, après avoir, dans les premières phases de la maladie, c'est-à dire lors qu'existent les conditions de la compression, produit des troubles sensitifs et sensoriels, cesse d'être accompagnée de ces symptômes dans les phases ultérieures, c'est-à-dire au moment où, par suite de la résorption de l'épanchement, la compression de la région postérieure ou lenticulo-optique de la capsule interne n'existe plus.

Il serait superflu, je pense, d'insister plus longuement ; je crois avoir suffisamment mis en relief que, dans le diagnostic régional relatif aux diverses parties des masses centrales du cerveau, c'est la participation ou la non-participation des deux régions de la capsule interne qui domine la situation.

IV.

Les propositions que je viens d'énoncer offrent, Messieurs, un intérêt pratique qui n'échappera à aucun de vous. Mais elles ne vous ont été présentées jusqu'ici, en quelque sorte,

que sous forme de postulat. Il convient actuellement de les établir sur une démonstration régulière, ou, en d'autres ter-mes, de placer sous vos yeux les documents qui leur servent de fondement dans le domaine de la pathologie de l'homme.

Nous devons nous efforcer aussi de donner la théorie des faits dont il s'agit, c'est-à-dire d'en pénétrer, dans la mesure du possible, la raison anatomique et physiologique. Pour réa-liser ce projet, nous sommes obligés de revenir de nouveau à l'anafomie normale du cerveau afin de compléter à certains égards les notions déjà acquises. Ce sera une de nos dernières ncursious dans ce domaine.

Dans l'exposé qui précède, le rôle prédominant qui, dans la pathologie des masses centrales, appartient aux lésions des deux gtands départements de la capsule interne, s'est montré à vous dans toute son évidence. Par là se trouvent justifiés déjà les quelques développements dans lesquels nou: sommes entrés à propos de la constitution anatomique de ce grand tractus. A présent, il faudra aller plus loin et rechercher ce que présente de particulier, anatomiquement, la région anté-rieure ou lenticulo-striée de la capsule, par opposition à la région postérieure ou lenticulo-optique dont la lésion déter-mine, seule, l'apparition du syndrome hémianesthésie céré-brale. Nous commencerons par ce dernier point.

A. Des recherches anatomiquesrécentes, dues à M. Meynert, nous ont fourni à cet égard des données importantes. Elles ont été exposées avec détails dans le livrex d'un de ses au-diteurs, M. Huguenin, professeur à Zurich (1). Elles se com-posent de dissections et, pour une part aussi, delà compa-raison de coupes minces, durcies, examinées par transparence.

Le cerveau étant placé sur sa base, on ouvre les ventricu-les latéraux, de manière à mettre à découvert la face supé

(i)AHgem. l'ath. der Krankk., etc., p, 119, fig. 82. Zurich, 1873.

périeure des masses centrales, celles-ci attenant encore aux diverses parties de l'isthme; après quoi, à l'aide d'une dis-section minutieuse, on enlève successivement: 1° le teymen-tum, ou étage supé- c

rieur du pédoncule ; 2" les tubercules quadri-jumeaux ; 3° la couche optique tout entière.

Cela étant fait, on a sous les yeux l'étage inférieur du pédoncule (pes, crustà), et, plus haut, dans la région de la capsule interne, le faisceau des fibres pédonculaires se ren-dant au noyau caudé. Les fibres appartenant également à la capsule interne, qui se rendent au noyau lenticulaire, occupent un plan situé au-dessous et en dehors du faisceau précédent. En observant avec attention la partie la plus interne et la plus postérieure de l'éventail formé par le système des fibres ner-veuses, mises à nu parla préparation, on distingue un faisceau en quelque sorte détaché de l'ensemble, et qui, sans pénétrer dans l'épaisseur des noyaux gris, se recourbe en arrière, où d atteint le bord inférieur du noyau lenticulaire. (Fiy. 26).

C'est là, vous le voyez, un faisceau direct, puisque les fibres

Fig. 26. — A, corpus striatum. — B, noyau lenticulaire. —C, fibres pédonculaires se rendant au corps strié. — D, faisceau de fibres pédoncu-laires directes se rendant à la substance cor-ticale du lobe occipital. Ce schéma est emprun-té à l'ouvrage de M. Huguenin. [Loc. cit., fig. 82, p. 119.)

qui le composent pénètrent dans la couronne rayonnante sans s'être arrêtées dans la substance grise des masses centra-les ; c'est, de plus, ainsi que cela ressort de la description, un faisceau séparé.

Quelle est la destination de ces fibres nerveuses? Chez l'homme, il est à peu près impossible de s'en rendre compte, mais chez certains singes, d'après M. Meynert, on pourrait aisément en suivre le parcours dans l'épaisseur de la substance blanche du lobe occipital, immédiatement en dehors de la corne postérieure du ventricule latéral. Elles se termineraient finalement dans l'épaisseur de la substance grise corticale de ce lobe (1).

B. Existe-t-il quelque raison d'ordre anatomique susceptible de faire penser que le faisceau dont il s'agit est réellement composé de fibres centripètes, ayant pour fonction de trans-porter à la surface des régions postérieures du cerveau les impressions sensitives ? M. Meynert pense qu'il en est ainsi, et il se fonde sur ce que, suivant lui, ces fibres pourraient, par la comparaison de couches minces, être suivies par en bas jusqu'à la protubérance, le long du pédoncule cérébral (pied, étage inférieur), dont elles occuperaient la partie la plus externe. Parvenues à la protubérance, elles se placeraient àla partie postérieure du faisceau pyramidal, et conserveraient à peu près ce siège dans la pyramide antérieure elle-même, jusqu'au niveau de l'entrecroisement. Parvenues à ce point, — contrairement à ce qui a lieu pour les faisceaux les plus internes de la pyramide, lesquels passent dans les cordons latéraux de la moelle, — elles iraient, après s'être entrecroisées, se mettre en rapport avec les faisceaux spinaux postérieurs. Je ne saurais garantir la parfaite authenticité de cette der-

(1) De récentes recherches entreprises dans le service de M. Charcot, à la Salpôtrière, confirment pleinement la description anatomique de M. Meynert en ce qui concerne ce faisceau postérieur (Note de la 2e éd.)

nière partie du trajet assigné par M. Meynert aux fibres qui composent la partie la plus postérieure de la capsule interne.

Tel est, à l'heure qu'il est, le contingent de l'anatomie nor-male, s'efforçant, de son côté, d'une façon indépendante, d'éclairer la question qui nous occupe. Toutintéressantes qu'elles soient, ces données, sans le concours de celles fournies par l'a-natomie pathologique et l'expérimentation, seraient tout à fait insuffisantes pour la solution du problème, et c'est le cas de répéter, une fois de plus, que la physiologie et la pathologie ne sauraient se déduire de la seule contemplation des faits de l'anatomie pure.

C. Le moment est donc venu de faire intervenir les preuves cliniques et anatomo-pathologiques. Aujourd'hui, les argu-ments abondent de ce côté. 11 me suffira de signaler les obser-vations de Ludwig Tûrck, l'initiateur dans la voie que nous parcourons (1), celles de son compatriote M. Rosenthal (2), celles que j'ai recueillies à l'hospice de la Salpêtrière, celles en-fin que M. Veyssière et M. Rendu ont rassemblées, le premier dans sa thèse inaugurale (3), le second dans sa thèse pour l'a-grégation (4).

Du concours, en effet, et de la comparaison de ces obser-vations, il résulte unanimement: 1° que les lésionsportant sur la région postérieure lenticulo-optique de la capsule interne ont pour conséquence obligatoire la forme d'hémianesthésie, que j'appelle cérébrale, et dans laquelle les sens auxquels président les nerfs cérébraux proprement dits, nerfs optiques

(1) L. Tûrck, voir Charcot. — Leçons sur les maladies du système nerveux. T- I. 2e édit., p. 315.

(2) Rosenthal. — Klinik der Nervenkrankheiten, 2° As ft. Stuttgart, 1875.

(3) R. Veyssière. — Recherches cliniques et expérimentales sur l'hémia-nesihésie de cause cérébrale. Thèse de Paris, 1874.

(4) H. Rendu. — Des anesthésies spontanées. Thèse d'agrégation. Paris 1875, p. 27 et 95.

Charcot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 8

et nerfs olfactifs, sont intéressés de manière à reproduire

fidèlement les caractè-res de l'hémianesthésie des hystériques ; 2° que, au contraire, dans tous les cas où, respectant cette région, les lésions intéressent seulement la partie de la capsule comprise entre le noyau lenticulaire et la tête du noyau caudé, i'anes-thésie fait défaut. Cesdonnées,fournies , par l'anatomie patholo-' gique et la clinique, offrent incontestable-ment par elles-mêmes ; et en dehors de tout secours étranger, une importance capitale, mais combinées aux

données de l'anatomie pure, elles sont en quelque sorte mise? « en valeur ».

Ce n'est pas tout, l'expérimentation a, de son côté, apporté son contingent de faits et ceux-ci plaident absolument dans le même sens.

On peut dire que sous l'inspiration des données pathologi-ques, l'expérimentation s'est, ici, corrigée elle-même. Elle avait cru en effet, autrefois, reconnaître que le centre des impressions sensitives n'est ni dans le cerveau proprement dit, ni dans les couches optiques, mais plus bas, dans la pro-tubérance, ou peut-être dans les pédoncules cérébraux.

Fig. 27. — Coupe transversale d'un cerveau de chien, cinq millimètres en avant du chiasma des nerfs optiques. —S, S, les deux noyaux caudés du corps strié. — L, noyau lenticulaire, — P, P, expansion pédonculaire (capsule interne). — Ch, chiasma des nerfs optiques. — x, section de la capsule interne (région antérieure ou lenticu-lo-striée), produisant l'hémiplégie du côté oppo-sé du corps sans anesthésie. — R, stylet à res-sort de Veyssiè''e, opérant la section de la cap-sule interne.

Contre cette assertion la pathologie protestait en montrant qu'une lésion située plus haut que ce point, dans certaines régions du cerveau lui-même, détermine constam-ment une hémianesthé-sie totale. Lesnouvelles recherches expérimen-tales faites en France dans le laboratoire de M. Vulpian, par MM. Duret et Veyssière, ont donné des résultats conformes aux ensei-gnements de la patho-logie.

Un instrument ingé-nieux, consistanten un

trocart d'où s'échappe en temps voulu un ressort, est intro-duit à travers la paroi crânienne, dans les masses centrales, à un e profondeur et dans une direction calculées à l'avance, d'après des expériences préalables. On parvient ainsi, avec un peu d'ha-bitude, aléser isolément les deux parties de la capsule interne.

Si, dans les expériences ainsi instituées, la lésion atteint la région postérieure de la capsule, l'hémianesthésie du côté opposé du corps s'ensuit fatalement ; le plus souvent, il s'y associe un certain degré de paralysie motrice : celle-ci, au contraire, se montre seule, sans accompagnement d'anesthésie, toutes les fois que la lésion a respecté le tiers postérieur de la capsule et porte seulement sur un point quelconque de ses deux tiers antérieurs. (Fig, 27 et Fig. 28.)

Tels sont-, en somme, les résultats fondamentaux de ces ex-périences.

Fig. 28. — Coupe transversale du cerveau du chien au niveau des tubercules mamillaires. — 0, 0, couches optiques. — S, S, noyaux caudés.

— L, L, noyaux lenticulaires. — P, P, capsule interne, région postérieure ou lenticulo-optique.

— A, A, cornes d'Ammon, — x, section de la partie postérieure ou lenticulo-optique de la cap-sule, déterminant l'hémianesthésie. (Cette figure est empruntée, ainsi que la précédente, au mé-moire de MM.Garvillc er Duret, inséré dans les Archives de physiologie normale et pathologi-que, 1875, p. 468 et 471).

Tout concourt, vous le voyez d'après ce qui précède, à faire connaître, dans la partie postérieure de la capsule interne, l'existence de faisceaux de fibres nerveuses centripètes, ayant pour rôle de conduire vers le centre les impressions sensitives venues du côté opposé du corps.

Emanés du pied du pédoncule central, ces faisceaux, au sor-tir delà capsule, vont concourir directement, sans être entrés en communication avec les noyaux gris des masses centrales, à la formation de la couronne rayonnante. Près de leur origine, c'est-à-dire à la partie inférieure de la capsule, ces faisceaux, resserrés pour ainsi dire dans un espace étroit, pourront être affectés d'un seul coup en grand nombre, par une lésion même très minime et il s'en suivra une anesthésie très accentuée. On comprend qu'au contraire plus haut, au niveau du pied de la couronne rayonnante, une lésion de même étendue, en raison de la divergence des fibres, devra produire des effets beaucoup moins prononcés. C'est ce qui a lieu, en réalité. 11 existe toutefois plusieurs exemples d'hémianesthésie bien ac-cusée, en rapport avec des lésions peu profondes du pied de la couronne rayonnante.

11 importerait maintenant de décider si les lésions étendues des lobes occipitaux et en particulier de leur écorce grise dé-terminent, elles aussi, l'hémianesthésie croisée. Malheureu-sement les observations qu'on pourrait invoquer à cet égard ne sont pas suffisamment explicites et la question, jusqu'à plus ample informé, doit rester en suspens (1). Quoi qu'il en soit, il y a lieu de reconnaître, dès à présent, que les faisceaux qui composent la partie postérieure de la capsule interne et leurs émanations directes, ne sauraient êtres considérés com-

(1) Dans les observations de ramollissement superficiel du lobe occipital que j'ai recueillies, il s'agit aussi souvent d'hyperesthésies, de sensations pénibles de tout genre dans les membres du côté opposé, d'hallucinations de la vue, etc., que d'hémianesthésie ou d'amblyopie.

me un centre des impressions sensitives et sensorielle?. Ces faisceaux ne peuvent représenter qu'un lieu de passsge, un carrefour où les fibres centripètes dont il s'agit, se trouvent toutes représentées avant de diverger vers les parties superfi-cielles du cerveau.

DIXIÈME LEÇON

De l'hémianesthésie cérébrale (suite). — De l'am-blyopie croisée. — De l'hémiopie latérale.

Sommaire. — Résumé des caractères de l'hémiariesthésie cérébrale. — Ses ressemblances avec l'hémianesthésie des hystériques. — L'anesthésie inté-resse la sensibilité générale dans ses diverses modes et les sens spéciaux.

Ue l'amblyopie hystérique. — Examen ophthalmoscopique. — Exploration fonctionnelle : Diminution de l'acuité visuelle ; — Rétrécisssmcnt concentri-que et général du champ visuel, etc.

De l'amblyopie croisée avec hémianesthésie de cause cérébrale : Mêmes symp-tômes.

Les lésions des hémisphères cérébraux qui produisent l'hémianesthésie déter-minent également l'amblyopie croisée et non l'hémiopie latérale.

De l'hémiopie. — Hypothèse de la semi-décussation. — Ilémiopie homologue unilatérale. — Variétés de l'hémiopie.

Messieurs,

Dans la dernière séance, j'ai essayé d'établir qu'une forme particulière de l'hémianesthésie est une conséquence néces-saire des lésions qui portent, sur la région postérieure de la capsule interne ou son émanation, dans la couronne rayon-nante, leur action soit destructive, soit compressive ; je dirai encore : soit suspensive, me réservant de faire connaître bientôt la valeur du terme.

J'ai fondé cette proposition non-seulement sur des faits d'a-natomie pathologique et de clinique, mais encore sur des faits d'expérimentation. J'ai exposé aussi quelques données d'ana-

tomie pure, qui, à la vérité, demandent .à certains égards une confirmation, mais qui, tels qu'ils sont, nous permettent d'en-trevoir déjà le mécanisme de la production de l'hémianesthé-sie en question.

Il est cependant un certain nombre de traits relatifs à ce composé symptomatique et à son interprétation anatomique et physiologique, que, à dessein, j'ai laissé dans l'ombre, afin de ne point surcharger le tableau. Je me propose d'y revenir aujourd'hui.

I.

Permettez-moi tout d'abord de résumer en quelques mots les caractères cliniques de cette espèce d'hémianesthésie que je vous ai proposé de qualifier du nom à'hémianesthésie cé-rébrale, pour la distinguer de toutes les autres formes d'ob-nubilation ou de suppression dimidiée de la sensibilité ne reconnaissant pas pour origine une lésion du cerveau propre-ment dit.

C'est seulement dans ces derniers temps que l'hémianesthé-sie cérébrale, par lésion organique grossière— Coarsedisease, comme dit M. H. Jackson, avec une liberté toute anglaise — a été l'objet d'études attentives. Le tableau qu'elle présente reproduit, vous le savez, exactement les traits de l'hémianes-thésie des hystériques ; celle-ci, quant à présent mieux connue, peut nous servir de prototype.

Il s'agit, vous le savez, dans l'hystérie, d'une anesthésie unilatérale. L'anesthésie totale ne se montre là que dans des cas relativement exceptionnels. Un plan antéro-postérieur, passant par la ligne médiane du corps, établit la limite de l'in-sensibilité qui, sur le tronc, déborde cependant un peu en

avant le sternum et en arrière la crête des apophyses épineu-ses. C'est là, du reste, un détail d'importance secondaire.

La tête, les membres, le tronc, d'un côté du corps, sont donc affectés en même temps. Il peut naturellement y avoir des degrés dans la lésion fonctionnelle, mais elle porte fré-quemment sur tous les modes de la sensibilité commune ; ainsi la sensibilité au tact, à la douleur, à la température sont souvent et simultanément obnubilées ou supprimées.

L'insensibilité s'étend aux parties profondes ; elle affecte les muscles qui peuvent être excités par l'électrisation sans que le malade en ait conscience. Les membranes muqueuses ne sont pas davantage épargnées. Ajoutons enfin, —et c'est là le point que je veux aujourd'hui faire ressortir surtout — que l'hé-mianesthésie n'atteint pas uniquement la sensibilité commune, elle frappe aussi les appareils sensoriels sur le côté du corps où siège l'anesthésie cutanée, et cette hémianesthésie senso-rielle n'intéresse pas seulement le domaine des nerfs qui pren-nent naissance dans le bulbe, tels que les nerfs du goût et de l'ouïe, elle porte aussi sur les nerfs de l'odorat et de la vision, dont l'origine est dans le cerveau proprement dit.

Tel est, Messieurs, le tableau très vulgaire de l'hémianes-thésie des hystériques. Si, à celle-ci, nous comparons actuelle-ment l'hémianesthésie cérébrale oaganique, nous reconnaîtrons qu'une parfaite ressemblance peut être constatée, jusque dans les moindres détails.

Cette ressemblance a été relevée déjà soigneusement par nous-même relativement à la sensibilité commune (1) et par M. Magnan, en ce qui concerne les troubles de l'ouïe, de l'odo-rat et du goût (2). Je ne vois rien à ajouter à ce qui a été dit sur

(1) Charcot. — Leçons sur les maladies du système nerveux, lre éd., 1872.

(2) Magnan. — De l'hémianesthésie de la sensibilité générale et des sens dans l'alcoolisme chronique. (Gaz. hebdom., 1873, p. 729 et 746.)

ce sujet. Dans ces derniers temps, nous nous sommes plus particulièrement occupés des phénomènes qui ont trait à la vision. Et, dans mon servies à la Salpêtriôre, M. le Dr Landolt s'est livré à ce propos à quelques recherches dont les résultats méritent d'être exposés sommairement.

Il ne me paraît pas sans intérêt d'entrer dans quelques dé-veloppements pour vous montrer que, même sous le rapport des troubles visuels, — et c'est là, vous le reconnaîtrez bien-tôt, une proposition grosse de conséquences, — les choses se passent chez les sujets atteints de lésions cérébrales en foyer, absolument comme chez les hystériques. On peut dire qu'en réa-lité, abstraction faite de sa mobilité proverbiale, l'amblyopie unilatérale des hystériques ne diffère par aucun caractère essen-tiel de l'amblyopie cérébrale croisée reconnaissant un point de départ organique.

Envisageons d'abord le cas de l'amblyopie hystérique.

II.

1° Ici la diminution plus ou moins prononcée, voire même — ceci est beaucoup plus rare, — laperte absolue de la faculté visuelle de l'oeil du côté correspondant à l'hémianesthésie, est un premier fait aisément saisissable.

2° Une étude plus minutieuse permet de constater les par-ticularités suivantes : il n'existe, dans le fond de l'œil, aucune altération visible à l'ophthalmoscope. La papille et la rétine sont dans des conditions tout à fait normales. L'examen com-paratif du fond de l'œil des deux côtés ne dénote aucune diffé-rence appréciable dans lavascularisation desparties.

Si l'ophthalmoscope ne décèle pas d'altération appréciable dans l'amblyopie des hystériques, il n'en est plus de même de

l'exploration fonctionnelle, de l'interrogatoire portant sur les phénomènes subjectifs. Voici ce qu'apprend ce mode d'explora-tion.

3° L'acuité visuelle, étudiée d'après les règles ordinaires, se montre fréquemment réduite de moitié ou même davantage.

4° Il existe un rétrécissement concentrique et général du champ visuel.

5° Enfin une analyse délicate a permis de reconnaître cer-taines particularités qui méritent de nous arrêter un instant: Il s'agit (hirétrécissement concentrique et gênerai du champ visuel pour les couleurs.

Déjà plusieurs auteurs, M. Galezowski entre autres, avaienl fait remarquer l'existence fréquente de l'achromatopsie et d( la dyschromatopsie chez les hystériques. C'est sur ce point que portent particulièrement les observations faites par M. Lan do! dans mon service.

Je vous rappellerai que, à l'état normal, toutes les région; du champ visuel ne sont pas, tant s'en faut, également apte: apercevoir les couleurs. 11 est des couleurs pour lesquelles li champ visuel est physiologiquement plus étendu que poui d'autres et ces différences dans l'étendue du champ visuel ê reproduisent toujours, chez tous les sujets, suivant la mêm loi pour chaque couleur. Ainsi, c'est pour le bleu que le cham] visuel est le plus vaste ; viennent ensuite le jaune, puis l'o rangé, le vert ; enfin, le violet n'est perçu que par les partie les plus centrales de la rétine. Or, Messieurs, dans l'état pa thologïque qui nous occupe, ces caractères de l'état norme se montrent en quelque sorte exagérés à des degrés variés. E effet, les divers cercles qui correspondent, dans l'exploration aux limites de la vision pour chaque couleur, se rôtrécisser

concentriquement d'une façon plus ou moins accentuée sui-vant la loi reconnue pour l'état normal.

D'après cela, vous prévoyez sans peine les nombreuses com-binaisons qui pourront se produire dans les cas d'hystérie où ce genre d'amblyopie est parvenu à un haut degré. Le cercle du violet pourra se rétrécir jusqu'à devenir nul ; puis, la ma-ladie progressant, ce'sera le tour du vert, puis du rouge, puis de l'orangé. Lejauneetle bleu persisteront jusqu'à la dernière limite : ce sont, en effet, l'observation le démontre, les deux couleurs dont la sensation, chez les hystériques, se conserve le plus longtemps. Enfin, au degré le plus élevé, il pourra se faire que toutes les couleurs cessent d'être perçues et alors les objets colorés n'apparaîtront plus, en quelque sorte, aux yeux du malade que sous l'aspect où ils se présentent dans une aquarelle « à la sépia ».

Telle est, Messieurs, la série des phénomènes que nous avons maintes et maintes fois constatés dans l'amblyopie des hystériques. Eh bien, ils se sont tous retrouvés constamment, avec leurs nuances variées, dans plusieurs cas d'amblyopie croisée accompagnée d'hémianesthésie et relevant d'une lésion en foyer du cerveau que nous avons récemment étudiés à ce point de vue : même diminution de l'acuité visuelle ; même rétrécissement concentrique et général du champ visuel pour les couleurs, même absence de lésions pathognomoniques du fond de l'œil, appréciables à l'ophtjialmoscope, etc. (1).

(1) De nouvelles recherches faites par M. Landolt clans mon service ont ap-pris que le rétrécissement du champ visuel pour les couleurs, dans l'hystérie ovarienne avec hémianesthésie, se fait constamment sentir dans les deux yeux à la fois : seulement, il est incomparablement plus prononcé dans l'œil corres-pondant au côté frappé d'anesthésie. Cette même particularité s'est rencontrée dans tous les cas d'hémuinesthésie cérébrale reconnaissant pour point de dé-part une lésion organique, qui ont été examinés à ce point de vue. En consé-quence, le terme: amblyopie croisée, employé dans ces leçons, ne saurait être pris, absolument, au pied de la lettre, puisque l'obnubilation de la vue Porte, à la vérité inégalement, sur les deux yeux.

J'insiste particulièrement sur ce dernier caractère, parce qu'il permet de séparer nettement le trouble fonctionnel dont il s'agit d'autres troubles visuels qui reconnaissent également pour cause une lésion organique intra-crânienne. Je fais allu-sion ici à ces altérations du fond de l'œil, facilement recon-naissables à l'ophtalmoscope, que l'on désigne vulgairement sous le nom de papille étranglée, de neuro-rétinite et qui se montre si fréquemment en conséquence de tumeurs encé-phaliques quels qu'en soient la nature et le siège (1), à la suite de lésions variées agissant plus ou moins directement sur les bandelettes optiques.

En vous faisant reconnaître, Messieurs, que l'amblyopie croisée est une conséquence des lésions en foyer du cerveau qui déterminent l'hémianesthésie, j'ai relevé un fait d'une im-portance majeure pour la théorie des localisations cérébrales. Mais il ne saurait vous échapper que ce fait est en contradic-tion formelle avec les données généralement répandues. En effet, si l'on en croit la théorie mise en avant dès 1860 par Alb. de Graefe (2),'et qui paraît régner encore aujourd'hui sans partage, ainsi qu'en témoigne un intéressant travail publié ré-cemment par M. le Dr Schoen (3), ce n'est pas l'amblyopi* croisée que déterminent les lésions absolument unilatérale; du cerveau; c'est un trouble visuel qui en diffère, à savoir : Vhémiopie latérale homologue ; en d'autres termes, une lésion cérébrale en foyer, du côté gauche, devrait, dans la théorie en question, entraîner la suppression ou l'obscurcis-

(1) Voir sur ce sujet l'intéressant travail du Dp Annuske : Die neuritis optica bei tumor cerebri, in Archiv fur Ophthalmoîogie, 19 Bd., Ahth. III. 1873. p. 165.

(2) A. de Graefe. — Gazette hebdomadaire, 1860, p. 708. — Voir aussi. (Vortrage aus der V. Grœfe'schen Klinick Monatsbl. fur Augenheilkunde. 1865, mai.

(3) Schoen, — Archiv der Ileilkunde, 1875, lor heft.

sèment de la moitié droite du champ visuel, et inversement pour le cas d'une lésion de l'hémisphère droit.

Je crois devoir prolester contre ce que cette théorie offre, pour le moins, de trop absolu et lui opposer la proposition suivante : Les lésions des hémisphères cérébraux qui pro-duisent l'hémianesthésie déterminent également V amblyo-pie croisée et non Vhémiopie latérale.

Je ne suis pas en mesure, remarquez-le bien, de décider quel'hémiopie latérale ne saurait être jamais la conséquence d'une lésion en foyer du cerveau ; mais je suis disposé à croire que dans les cas de ce genre — si réellement il en existe — il s'agit surtout d'un phénomène de voisinage, par exemple d'une participation plus ou moins directe des bandelettes op-ijqiies. Je ne crois pas qu'il existe quant à présent une seule observation montrant clairement, en dehors de ces circons-tances, l'hémiopie latérale développée en conséquence d'une lé-sion de la partie postérieure de la capsule interne ou du pied de la couronne rayonnante, tandis que les faits existent en cer-tain nombre où une telle lésion a déterminé l'amblyopie croi-sée, se présentant avec tous les caractères que nous lui avons tout à l'heure assignés.

III.

Quelques détails, relativement au symptôme hémiopie et àla cause anatomique présuméede son développement, doivent ici trouver leur place.

Vous savez comment l'existence, tantde fois constatée dans ta clinique, de ce singulier phénomène, a depuis longtemps suggéré une hypothèse anatomique, d'après laquelle, chez lhomme, les nerfs optiques subiraient dans le chiasma non pas un entrecroisement complet, mais bien ce qu'on appelle

la scmi-décussation. Cette hypothèse date de loin. On l'attri-bue généralement à Wollaston, mais la réalité est que Newton l'avait déjà émise, dès 1704, dans son Traité d'optique et qu'en 1723 Vater l'avait à son tour invoquée pour expliquer trois cas d'hémiopie qu'il avait observés (1). Je vous rappelle-rai en quoi elle consiste.

Parmi les tubes nejveux qui composent les bandelettes et les nerfs optiques, il y avait, comme il a été dit, à distinguer ceux qui s'entrecroisent dans le chiasma et ceux qui n'y su-bissentpas l'entrecroisement. Ces derniers (voyez Fig. 29, a\b) c'est-à-dire les tubes nerveux non entrecroisés occuperaient le côté externe dans la bandelette, dans le chiasma, puis enfm dans le nerf optique et dans la rétine ; tandis que, dans tous ces points, les faisceaux qui s'entrecroisent (b',a) occuperaient le côté interne. Il résulte de cette disposition que les faisceaux non-entrecroisés delà bandelette gauche seraient affectés, par exemple, à la moitié gauche de la rétine de l'œil gauche, tan-dis que les faisceaux entrecroisés de la môme bandelette four-niraient à la moitié gauche de l'œil droit ; la distribution des faisceaux de la bandelette optique droite s'opérant, bien en-tendu, d'après le même principe, mais en sens inverse.

En d'autres termes les faisceaux qui composent la bande-lette optique du côté gauche seraient destinés à la moitié gau-che (GG) de chaque rétine, et l'inverse aurait lieu (DD) pour les faisceaux nerveux provenant de la bandelette optique du côté droit.

Il ne faut pas oublier que cet arrangement des fibres ner-veux optiques est, anatomiquement parlant, tout hypothétique. Si, en effet, plusieurs auteurs, entre autres Hannover (2).

(1) Knapp. — Archiv of scîentific médecine. New-York, 1872.

(2) Hannover. — « Pas Auge », Beilrage zur Analomie, Physiologie und Pathologie dièses Organs. Leipzig, 1872,

Longet, Cruveilhier, Henle (1) et tout récemment encore M. Gudden (2) ont cru pouvoir lui prêter l'appui de preuves ana-tomiques, il en est d'autres, tels que MM. Biesiadecki (3), E. Mandelstamm (4) et Michel (S) qui contradictoirement, et fai-sant appel à des arguments du même ordre, ont essayé de dé-montrer que les fibres nerveuses des nerfs optiques subissent dans le chiasma, même chez l'homme, un entrecroisement complet. On peut dire qu'en somme, à l'heure qu'il est, la question est loin d'être résolue.

On ne saurait donc voir, je le répète, dans la semi-décus-sation, qu'unejiypothèse ; mais c'est une hypothèse qui, in-contestablement, bien mieux que toutes celles qu'on a essayé de lui substituer, rend compte des faits observés dans la cli-nique. En jetant les yeux sur le schéma que je vous présente, vous reconnaîtrez comment elle peut aisément servir à l'in-terprétation des divers modes de l'hémiopie {Fig. 29).

Occupons-nous d'abord de Vhémiopie homologue unilaté-rale, la seule qui, d'après les auteurs, pourrait se produire comme conséquence directe d'une lésion en foyer intra-céré-brale. Il est clair que, d'après la théoiie, une lésion siégeant au point R, de manière à interrompre dans leur trajet les fais-ceaux delà bandelette optique gauche (b ô'), ceux qui s'en-

(1) Henle. —Nervenlehi^e. Ueber die Kreulzung im Chiasma, nervoriim opti-corum.

{%) Gudden. — Archiv für Ophtalmologie. 1874, t. XX, 2e abiti.

(3) Biesiadecki. — « Ueber das Chiasma nervorum opticorum des Menschen und der Thiere. » Wiener Setzber. math. Naturwiss. Classe. B. d. 42. Jahrg. 1861, p. 86.

(4) E. Mandelslamm. — Ueber Schnervenkreuzung und Ilomispie ». {Archiv für Ophthalmologie, t, XVI, 1873, p. 39.)

(5) Michel. — Ueber den Bau des Chiasma nervorum opticorum. — Même recueil, p. 59, Taf. I, fig. îv. — Bastian. — The Lancet, 1874, July 25, p. 112.

Voir aussi : Bellouard. — De Vltémianopsie, précédée d'une étude d'ana-tomie sur Vorig ine de l'entrecroisement des nerfs optiques, th. de Paris, 1880 ; et Grille. —De Vhémiopie avec hémiplégie ou hémianesthésie, th. de Parise 1880. (Note de la 2e éd.)

trecroisent dans le chiasma (') et ceux qui ne s'y entrecroi-sent pas (b) aura pour effet d'affecter la moitié gauche de cha-que rétine (GG), ou en d'autres termes soit d'obnubiler, soit

Fig. 29. — Schéma des line à faire comprendre les phénomènes de l'hémiopie latérale et de l'amblyopie croisée. — T, Setni-décussation dans le chiasma.

— T Q, Décussation en arrière des corps genouillés. —C 0, Corps genouillés.

— a\ 6, Fibres non entrecroisées dans le chiasma. — b\ a, Fibres entre-croisées dans le chiasma. — b', a', Fibres provenant de l'œil droit rappro-chées en un point de l'hémisphère gauche LOG. — LOD, Hémisphère droit

— K, Lésion de la bandelette optique gauche produisant l'hémiopie latérale droite. — LOG, Une lésion en ce point produirait l'amblyopie croisée droite.

— 2, Lésion produisant l'hémiopie temporale. —N, N, Lésion produisant l'hémiopie nasale.

de supprimer complètement toute l'étendue du champ visuel du côté droit (hémiopie latérale droite). L'hémiopie latérale gauche surviendrait au contraire, à la suite d'une lésion affec-

tant de la même façon la bandelette optique du côté droit.

Ainsi parle la théorie, et de fait, nombreux sont les exemples qui démontrent qu'en réalité l'hémiopie latérale est laconsé-quence d'une lésion p'ortant son action sur l'une des bande-lettes optiques (1). L'effet restera le même, quel que soit le siège occupé par la lésion sur la bandelette, depuis l'origine de celle-ci dans les corps genouillés, jusqu'à sa terminaison dans le chiasma. L'hémiopie latérale devra se produire d'ail-leurs non-seulement par le fait d'une lésion propre à la bande-lette elle-même, mais aussi,à titre dephénomène de voisinage, en conséquence de lésions — hémorrhagies ou tumeurs — développées dans les parties qui sont en rapport plus ou moins immédiat avec ce tractus, telles que, par exemple, l'é-tage inférieur du pédoncule cérébral (pes) ou encore pulvi-nar.

Les autres modes de l'hémiopie ne sont pas d'une interpré-tation plus difficile. Une lésion, une tumeur par exemple, située en T, c'est-à-dire sur la partie médiane du chiasma, de façon à intéresser seulement les fibres optiques entrecroisées (a, b'), devra paralyser la moitié gauche (G) de la rétine de l'œil droit, ainsi que la moitié droite (D) de la rétine de l'œil gauche et déterminer, par conséquent, ce qu'on appelle l'hé-miopie temporale. M. Saemisch a pu, dans un cas de ce genre, annoncer, pendant la vie du malade, que tel était, en effet, la siège de la lésion et l'autopsie est venue justifier pleinement ses prévisions (2).

Au contraire, l'hémiopie dite nasale, caractérisée par la sup-pression de la partie médiane du champ visuel se produirait si le cours des fibres directs a' b, était seul interrompu, au niveau du chiasma, par exemple, en conséquence de lésions

(1) Voir entre autres le cas de E. Mullcr dans Archiv fur Ophlhalmolof/ie, VIII. Bd. 1, S. 160.

(2) Voir aussi E. Muller in Meissner's Jahresbericht. 1861. S. 458.

Ciiaucot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 9

occupant symétriquement de chaque côté les points N, N. C'est là, on le conçoit, une combinaison qui doit se présenter très rarement. Il en existe cependant quelques exemples ; un, entre autres, décrit avec soin par M. Ivnapp (1). 11 s'agissait, dans ce cas, d'une compression produite sur les points indiqués par les artères cérébrale antérieure et communicante posté-rieure, augmentées de volume et indurées par le fait de l'al-tération athéromateuse.

Je n'insiste pas plus longuement sur ces formes dé l'hé-miopie, qui, quant à présent, ne nous intéressent pas direc-tement, et j'en reviens à l'hémiopie latérale. Ce genre de trou-ble visuel, c'est là un fait qui paraît bien établi, est le résul-tat obligatoire de la lésion d'une des bandelettes optiques. Est-il également, comme on l'affirme généralement, la consé-quence nécessaire d'une lésion qui rencontrerait les fibres nerveuses optiques, au-delà des corps genouillés (G, G), dans leur trajet profond, intra-cérébral (en L 0 G, L 0 D) ? A mon sens, la clinique et l'anatomie pathologique contredisent cette assertion, présentée tout au moins d'une façon trop absolue et je ne puis que répéter ici ce que je disais tout à l'heure, à ce propos : Je ne crois pas qu'il existe, quant à présent, une seule observation montrant inévitablement l'hémiopie latérale déve-loppée en conséquence d'une lésion infra-cérébrale, en dehors de toute participation des bandelettes optiques, tandis que les faits existent où une lésion de la partie postérieure de la capsule interne ou du pied de la couronne rayonnante a, en même temps que l'hémianesthésie, déterminé l'amblyopie croisée, trouble visuel bien différent de l'hémiopie.

Cela étant, comment comprendre dans une vue schémati-que cet effet d'une lésion cérébrale, tout en connaissant le

(1) Archiv of scientific and practical médecine,1873, p. 293.

fait incontestable de l'hémiopie, conséquence d'une lésion des bandelettes optiques ?

Pour en arriver là, il suffirait d'apporter au schéma vulgaire de la semi-décussation une modification légère. On admet communément que les fibres nerveuses provenant de l'œil droit et de l'œil gauche qui composent chacune des bandelettes optiques continuent leur trajet au-delà des corps genouillés, sans nouveau remaniement jusque dans la profondeur de l'hé-misphère du côté correspondant, et cette vue s'accorde avec l'idée régnante qu'une lésion des fibres nerveuses optiques, dans leurs parcours intra-cérébral, équivaut à une lésion de la bandelette optique et produit conséquemment l'hémiopie.

Je propose d'admettre, au contraire, que seuls les faisceaux de la bandelette qui se sont entrecroisés dans le chiasma («, b) effectuent leur trajet profond, tels quels, sans entrecroi-sement nouveau, tandis que les faisceaux directs subiraient, eux, au-delà des corps genouillés, avant de pénétrer dans la profondeur de l'hémisphère (L 0 G, L 0 DJ, sur un point indéterminé de la ligne médiane, peut-être dans les tuber-cules quadrijumeaux (T Q), un entrecroisement complet, il résulte de cet arrangement que les faisceaux b\ «' réunis, par exemple, en un point de l'hémisphère gauche L 0 G, repré-sentent la totalité des fibres provenant de la rétine de l'œil droit, et que les faisceaux b, a, représentent la totalité des fibres provenant de l'œil gauche. Le parcours des fibres op-tiques, d'après cela, en ce qui concerne leur trajet profond, se trouve en quelque sorte ramené au type de l'entrecroise-ment complet et l'on comprend que dans un appareil ainsi conslitué, tandis qu'une lésion de la bandelette optique pro-duit l'hémiopie latérale, au contraire, une lésion située pro-fondément dans l'épaisseur de l'hémisphère produira l'am-blyopie croisée.

Je vous apporte cette hypothèse pour ce qu'elle vaut; elle ne repose, quant à présent, sur aucune donnée anatomique. Elle fournit, quoi qu'il en soit, si je ne me trompe, un moyen facile de se représenter sous une forme très simple les faits assez complexes révélés par l'observation clinique.

ONZIÈME LEÇON

Origine des parties cérébrales des nerfs optiques.

Sommaire. — Rapports entre l'amblyopic croisée et l'hémianesthésie sensitive

résultant d'une lésion de la capsule interne. Origine cérébrale des nerfs optiques.

Couronne rayonnante de Reil. — Faisceaux rayonnants cortico-optiques : Fibres antérieures (racine antérieure de la couche optique; ; — Fibres moyennes (expansions latérales) ; —Fibres postérieures (expansions cérébrales des nerfs optiques). — Rapports anatomiques entre les expansions cérébrales des nerfs optiques et les fibres centripètes de la couronne rayonnante (hémianesthésie sensitive).

Bandelettes optiques. —Origine de la racine externe (couche optique, corps ge-nouillés externes, tubercules quadrijumeaux antérieurs). — Origines de la ra-cine interne (corps genouillés internes, tubercules quadrijumeaux postérieurs).

Connexion entre les amas de substance grise et l'écorce grise de l'encéphale : faisceaux rayonnants cortico-optiques.

Effets des lésions des tubercules quadrijumeaux antérieurs.

Faits d'hémiopie latérale supposés d'origine intra-cérébrale.

Messieurs,

J'espère être parvenu à mettre en relief l'existence de Y am-blyopic croisée, comme symptôme de lésions occupant la partie postérieure de la capsule interne ou les irradiations correspondantes du pied de la couronne rayonnante.

Du même coup, j'ai essayé d'établir que la proposition de Graefe, à savoir que l'hémiopie homologue serait — à l'exclu-sion de l'amblyopie croisée — le seul trouble fonctionnel de la vision pouvant résulter d'une lésion d'un des hémisphè-res cérébraux ; j'ai essayé, dis-je, de montrer que cette pro-position est pour le moins beaucoup trop absolue et que les

arguments sur lesquels elle repose devront subir une révi-sion complète.

Aujourd'hui, je voudrais rechercher avec vous si Fanatomie normale peut faire comprendre pourquoi le trouble sensoriel dont il s'agit, c'est-à-dire l'amblyopie croisée, est un accom-pagnement fréquent, pour ainsi dire habituel, de l'hémianes-thésie sensitive résultant d'une lésion de la capsule interne.

Cette hémianesthésie de la sensibilité commune, vous ne l'avez pas oublié, a pu trouver sa raison d'être dans l'exis-tence d'un faisceau de fibres centripètes directes, c'est-à-dire ne s'arrêtant pas dans les noyaux gris des masses centrales et qui, à l'issue de la capsule interne, formerait la partie la plus postérieure du pied de la couronne rayonnante.

Existe-t-il quelque connexité, quelque rapport plus ou moins immédiat entre ce faisceau sensitif et les faisceaux sen-soriels destinés à mettre en communication l'appareil de la vision avec l'écorce grise du cerveau ? Pour aborder cette question, il nous faut, au préalable, étudier l'origine des par-ties profondes ou cérébrales des nerfs optiques. Nous allons toucher là un sujet difficile, obscur encore surplus d'un point. Je ne puis cependant me dispenser de vous en indiquer les principaux côtés, ne serait-ce que pour signaler la voie dans laquelle devront, à l'avenir, être dirigées les recherches, et où l'anatomie pathologique est appelée très vraisemblable-ment à jouer un rôle prépondérant.

D'après le plan général, les nerfs encéphaliques doivent rencontrer, avant de pénétrer dans le cerveau lui-même, un ou plusieurs amas de substance grise, qu'on est convenu d'appeler les noyaux d'origine, et ce sont des expansions nées dans ces noyaux, qui, d'une façon indirecte, mettraient ces nerfs en rapport avec l'écorce grise des hémisphères cé-rébraux.

A priori, rien ne porte à croire que les nerfs optiques

échappent à cette loi. De fait* ils n'y échappent point, mais les dispositions sont ici très compliquées et mal connues d'ailleurs dans certains détails.

I.

Je m'arrêterai tout d'abord un instant sur quelques dispo-sitions relatives à la constitution d'une partie delà couronne rayonnante de Reil (1).

(1) Les divers faisceaux pédonculaircs ou autres qui forment la couronne rayonnante [fibres convergentes (Luys), Système de projection de 1er ordre,

FigSO. — Empruntée à M. Meynert (Stricker's Handbuch, t. il, p, 793. — Fig. 233) Coupe antéro-postërieure du cerveau du cercocebus cinomolgus.

F, Extrémité frontale. — O, extrémité occipitale. — H, la corne d'Ammon. — RR, la substance grise corticale. — S ii, Sulcus hippocampi. — ll, 2- segment du noyau lenticulaire. — G T, l'avant mur. — C s, la queue du corps strié. — P, le pulvinar. — G, le corps genouillé externe.

pv. Fibres propres unissant deux circonvolutions. — are, fasciculus arcuatus. — une, fasciculus uncinatus. — Ig, fasciculus longifudinalis inferior. — C a, commissure anté-rieure. — inf, corne postérieure des ventricules latéraux.

(Meynert 1 composent pour une bonne part la masse centrale blanche appelée centre ovale, que l'écorce grise des hémisphères enveloppe et renferme, sui-vant la comparaison de Foville, à la manière d'une bourse. Ils ne représentant

Dans le schéma que je vous présente et que j'emprunte à M. Huguenin (/oc. cit., pl. 69, page 93), l'ablation des par-ties supérieures des hémisphères, y compris le corps calleux, a mis à nu les cavités ventriculaires. Vous remarquerez par-ticulièrement l'étage inférieur ou corne postérieure du ven-tricule (f) qui joue ici, dans la topographie, un rôle important (Fig. 32).

On a détaché le noyau caudé dont les contours se trouvent représentés par une ligne pointillée ; on a enlevé également son appareil rayonnant, c'est-à-dire le plan des fibres rayon-nantes cortico-striées (Fig. 31, FK). De la sorte se trouve à découvert le plan des faisceaux rayonnants cortico-optiques (FT, Fig. 31 ; hh, ii, kk, Fig. 32). Il est possible de distin-guer alors dans ces derniers faisceaux trois groupes de fibres : 1° Les unes antérieures (hh,Fig. 32), sont dites racine anté-rieure de la couche optique (Vordere Stiel) ; elles se dirigent vers les régions frontales ; 2° d'autres sont moyennes ou laté-rales (ii, Fig. 32. Expansions latérales) ; 3° d'autres enfin, postérieures, sont désignées d'après Gratiolet, qui, lèpre-pas la totalité de cette masse. Celle-ci contient, en outre, des faisceaux tout à fait étrangers aux précédents, mais qui s'entremêlent avec ceux-ci. Les derniers faisceaux constituent ce que M. Meynert appelle le système d'association. On peut ramener, d'une façon très générale, à deux ordres les faisceaux qui com-posent ce système. — Les uns consistent en commissures qui unissent l'une à l'autre des parties homologues des hémisphères cérébraux. Tels sont, par exem-ple, les corps calleux, la commissure antérieure. Les autres sont composés de fibres à direction générale antéro-postéricure qui mettent en relation les points divers d'un même hémisphère.

La figure ci-contre (Fig. 30), empruntée h M. Meynert (toc, cit., fig. 233) et représentant la coupe antérieure du cerveau d'un singe (cercocebus cino-molgus) montre bien la direction des principaux faisceaux de ce système d'as-sociation antéro-postérieure. On voit : en pv, les faisceaux des fibres propres, fibi'œ propriœ, bien décrites par Gratiolet, qui mettent en rapport les circonvo-lutions voisines ; en arc, le fasciculus arcuatus dont les fibres au-dessus du corps calleux s'étendent du lobe occipital au lobe frontal ; — en Ig, le faisceau longitudinal inférieur qui unit le lobe occipital à l'extrémité du lobe sphénoï" dal, enfin, en une, le fasciculus uncinatus dont la direction est presque verti-cale et qui établit une relation entre le lobe frontal et le sphénoïdal.

Fig. 31. — N G, noyau caudé. — GO, couche optique. — N L, noyau lenticu-laire avec ses trois segments. — A M, avant-mur. — G E, capsule externe. -G I, capsule interne. — P P, pied du pédoncule. — CA, corne d'Ammon. — N I, insula de Reil. — P L, libres du pédoncule destinées au noyau lenticulaire.

F G, fibres pédonculaircs destinées au noyau caudé. — F S, libres du noyau lenticulaire qui se jettent dans le lobe sphénoïdal. — F N, fibres du noyau lenticulaire qui vont à la périphérie. — F K., libres du noyau caudé qui vont à la périphérie. — F T, fibres de la couche optique qui vont à la périphérie. P D, fibres directes. — (Schéma d'après M. Huguenin.)

mier (I), les a bien étudiées, sous le nom d'expansions cérébrales optiques ou des nerfs optiques (/•, k, Fig. 32).

Fig 32.—Radiations de la couche optique — (Schéma emprunté à l'ouvrage de

M. Huguenin, p. 93, fig. 69.) «, couche optique. — b, corps strié. — c, voûte à 3 piliers. — d, tubercule^

quadrijumeaux. — f, corne postérieure du ventricule latéral. — g , corne

d'Ammon. —h,h, racine antérieure du thalamus. — i,i, radiations latérales

— Icl{, radiations optiques de Gratiolet.

(1) Voir Gratiolet. — Anal, comparée t. Il, p. 181 etsuiv. — Luys, loc. cit. p. 173.

Sehstrahlungen.) Les faisceaux du dernier groupe, qui sont l'objet particulier de notre étude, ne sont séparés de la cavité de la corne postérieure que par l'épendyme et le tapis (tape-tum), expansion particulière du splenium du corps cal-leux.

C'est dans cette région même, mais sur un plan plus profond, que se répandent les expansions cérébrales du faisceau de fibres centripètes dont la lésion détermine Phémianesthésie sensitive de cause cérébrale. Il existe donc une relation de voisinage, de contiguïté entre ces faisceaux et les expansions optiques et cette relation serait bien propre à expliquer anatomiquement la coexistence fréquente de l'hémianesthé-sie et de l'amblyopie croisée s'il était bien établi que les faisceaux qui portent le nom d'expansions optiques sont réellement un prolongement plus ou moins direct des nerfs optiques.

II.

Pour examiner ce dernier point, il convient de prendre un détour et d'étudier ce qu'on sait relativement à ces noyaux de substance grise, où les nerfs optiques prennent leur première origine à la base de l'encéphale, en quelque sorte en dehors du cerveau proprement dit.

Quelques renseignements préliminaires, concernant l'ar-chitecture extérieure des parties que nous devons considérer, me paraissent devoir trouver place ici.

Si, après avoir détaché de l'encéphale l'isthme tout entier, y laissant attenantes les couches optiques, on examine la pré-paration ainsi obtenue par sa face postérieure, on y remarque ce qui suit : 1° En avant, se voient de chaque côté les cou-

ches optiques que sépare le troisième ventricule ; 2° en ar-rière, les tubercules quadrijumeaux tant antérieurs que posté-rieurs; 3° en dehors, les bras conjonctifs antérieurs en relation par leur extrémité interne avec les tubercules qua-drijumeaux antérieurs, et les bras conjonctifs postérieurs en relation avec les tubercules postérieurs. On voit encore dans la même région, lorsqu'on soulève l'extrémité postérieure des couches optiques ou pulvinar, en dedans le corps ge-nouillé interne, en dehors une masse grise un peu plus volu-mineuse qui est le corps genouillé externe. . En arrière et au-dessus de ces parties se voient la ganse de Reil, les processus cerebelli ciel testes, les pédoncules céré-braux, les corps restiformes, les pédoncules cérébelleux moyens.

Les corps genouillés internes et externes sont notoirement les deux premiers noyaux de substance grise avec lesquels les nerfs optiques entrent en rapport dans leur trajet vers l'en-céphale. On sait comment ces nerfs, en arrière du chiasma, prennent le nom de tractus optiques ou bandelettes optiques et comment celles-ci, dans la partie qui correspond aux deux tiers postérieurs, sont divisées en deux tractus qu'on peut considérer comme des racines dont l'une est interne et l'autre externe.

L''externe est, à la fois, la plus volumineuse et la plus im-portante. Elle fournit elle-même plusieurs faisceaux qui se mettent en rapport avec divers noyaux gris. 1° On peut dis-tinguer d'abord un faisceau qui s'arrête dans les corps ge-nouillés externes. Ces derniers consistent en des amas assez volumineux de substance grise, renfermant des cellules gan-glionnaires étoilées ou fusiformes, d'assez grande dimension, qui se trouvent bien représentées dans l'ouvrage de Henle (fig. 177, p. 249). 2° Un second faisceau,'situé en dedans du précédent, pénètre dans l'étage inférieur du thalamus, environ

12 millimètres en avant de l'extrémité du pulvinar. Sur une coupe transversale telle que celle qui est figurée dans le tra-vail de Meynert (fig. 249, II, R), le faisceau en question est situé entre le corps genouillé externe et le pied.du pédoncule. L'existence de ce faisceau, affirmée par Gratiolet, est aussi très explicitement reconnue par Meynert, Henle et Huguenin. 3° Un troisième faisceau qui, d'après Gratiolet, serait le plus apparent et le mieux connu des racines du nerf optique, contourne le corps genouillé externe et pénètre dans celui des tubercules quadrijumeaux antérieurs qui occupe le côté cor-respondant (1). La description que donne à cetégard Gratiolet, confirmée par MM. Vulpian et Huguenin (2), est parfaitement exacte en ce qui concerne la plupart des mammifères (3). Elle ne l'est plus au même degré pour le singe et pour l'homme où l'existence du faisceau, parfaitement réelle d'ailleurs, ne peut être anatomique.ment démontrée que par un examen très attentif (4).

Vous voyez par ce qui précède que la racine externe des nerfs optiques prend son origine dans trois noyaux de subs-tance grise, à savoir : 1° la couche optique ; 2° le corps ge-nouillé externe ; 3° les tubercules quadrijumeaux antérieurs (nettes). Ce sont là certainement les principales sources des nerfs optiques chez l'homme ; ce sont vraisemblablement les seules chez un grand nombre d'animaux. C'est ce que sem-

(1) Gratiolet, loc. cit., p. 180.

(2) Huguenin. — Westphall's Archiv. V. Bd., 1" heft., 2 heft. 1875.

(3) Voir pour les cerveaux du lapin et du chien les planches du travail de M. Gudden {Arch. f. ophthal, XX. 1875) ; pour le cerveau du chat les plan-ches de Forel. (Beitrage zurKeuntness der Thalamus opticus. Sitz. Bericht. iïvAkad,, LXV1 Bd. 1872. T. II. fig. 10).

(4) Un quatrième faisceau, situé en dehors de celui qui s'arrête dans le corps genouillé externe, se répandrait sur le thalamus et prendrait part à la formation du Stratum zonale. Déjà indique par Arnold et Gratiolet, ce faisceau est décrit et représenté par Meynert, p. 436.

blent établir, tout au moins, les intéressantes expériences de M. Gudden (T), consistant en l'extirpation des globes oculaires pratiquée chez de très jeunes lapins. Lorsque, au bout d( quelques mois, les animaux ainsi opérés sont sacrifiés, on reconnaît que l'atrophie consécutive porte, en ce qui con-cerne les parties centrales, sur les tubercules quadrijumeauN antérieurs, les couches optiques et enfin les corps genouillés externes ; au contraire, les tubercules quadrijumeaux posté-rieurs et les corps genouillés internes ne prennent aucune pari à l'atrophie.

Moins importante que l'externe, Xaracine interne des nerfs optiques ne doit pas être cependant négligée, surtout lors-qu'il s'agit de l'homme. On sait qu'elle entre manifestemenl en connexion avec le corps genouillé interne. Ce dernier ne contient que des cellules nerveuses rudimentaires (Henle) et ne peut être, par conséquent, considéré comme un centre au même titre que le corps genouillé externe. Soit après avoir traversé le corps genonillé, soit par un trajet direct, les fais-ceaux nerveux de la racine interne vont en définitive aboutir aux tubercules quadrijumeaux antérieurs.

Tout récemment, M. Huguenin (Arch. furpsyhiatrie,1875, V Bd., fasc. 2, p. 344) a soutenu que la racine interne des nerfs optiques chez l'homme tout au moins, est anatomique-ment en rapport avec les tubercules quadrijumeaux posté-rieurs soit directement, soit par l'intermédiaire du corps genouillé interne. D'après cela, les tubercules quadrijumeauN postérieurs ne seraient pas, chez l'homme, exclus de l'appa-reil des nerfs optiques, comme ils paraissent l'être chez le? animaux. Cela n'est pas en contradiction avec ce qu'ensei-gnent certains faits d'induration grise tabétique des nerf

(1) Gudden. — Arch. furophthalmol., XX.

optiques. Tout récemment encore, chez une femme alaxique, aveugle depuis une quinzaine d'années, l'induration grise des nerfs optiques pouvait être suivie au-delà du chiasma, sur les bandelettes optiques, jusqu'aux corps genouillés. Les tuber-cules quadrijumeaux, tant antérieurs (nettes) que postérieurs [testes), avaient à peu près conservé la coloration blanche de l'état normal, mais ils avaient subi, les uns. et les autres, une réduction de volume des plus manifestes [cas de la nommée Magdaliat (1)]. J'ai observé plusieurs faits en tout semblables à celui qui précède.

11 nous faut rechercher actuellement comment ces divers amas de substance grise qui viennent d'être énumérés sont mis en relation avec l'écorce grise de l'encéphale. La con-nexité s'établit, ainsi que je l'ai fait pressentir, par un sys-tème de fibres qui constitue la partie la plus postérieure des radiations de la couche optique (faisceaux rayonnants cortico-optiques) et qu'on désigne quelquefois sous le nom de radia-tions optiques de Gratiolet. Vous pourrez suivre les détails anatomiques assez complexes, relatifs à ce point, sur la figure suivante que j'emprunte au travail de M. Meynert et qui con-cerne le singe (Cercocebuscinomolgus.) (Fig. 33).

On voit sur cette planche comment des faisceaux de fibres ou radiations, partant des eorps genouillés externes, Ge, et internes Gi, du pulvinar TA1, des tubercules quadrijumeaux antérieurs Qw, — ces derniers par l'intermédiaire des bras conjonctifs antérieurs, B.s — vont après un trajet récurrent s'associer au faisceau Om, qni n'est autre que l'ensemble des fibres centripètes pédonculaires directes dont nous avons déjà donné la description (Leçons VIII et IX, Fig. 26), et

(1) Les bras conjonctifs antérieurs et postérieurs, eux aussi, étaient dans ce cas remarquablement atrophiés ; ils avaient une coloration d'un blanc mat, un Peu teintée de jaune.

Fig. 33. — Cette figure est empruntée à l'ouvrage de M. Meynert (Stricker's llanclbuch. II, p. 721. fig. 243). Elle représente une coupe longitudinale et horizontale de la moitié gauche du cerveau du Cercocebus cinomolgus.

F, extrémité frontale. — 0, région occipitale. — F S, entrée de la scissure de Sylvius. — I, insula. — Cl, avant-mur. — T, corps calleux. — S, septum. — Ca, commissure antérieure.

A, corne d'Ammon. — V, corne antérieure du ventricule latéral. — Vp, corne postérieure. — Vm, Vm, ventricule moyen. — Cm, commissure moyenne. Aq, aqueduc.

Li, Lti, Lui, les segments du noyau lenticulaire. — Na, tête et Ne, queue du noyau caudé.

Th, partie de la couche optique située en avant des corps genouillés. — TA.

couche optique ; pulvinar. Qu, tubercules quadrijumeaux. — Gi, corps genouillé interne. — Ge, corps

genouillé externe. — P, pied du pédoncule cérébral. Om, faisceaux médullaires qui, du lobe occipital, vont au pulvinar auxBS,

bras des tubercules quadrijumeaux antérieurs, aux B I, bras des tubercules

quadrijumeaux postérieurs, aux deux corps genouillés, au pied du pédoncule

cérébral.

qui tiendraient sous leur dépendance la sensibilité commune de tout un côté opposé du corps.

A cet ensemble de faisceaux se trouvent mêlées sans doute des fibres provenant du tractus olfactif, par l'intermédiaire de la commissure antérieure dont les extrémités, comme on sait, suivant la description de Burdach et de Gratiolet se diri-gent en arrière, dans l'épaisseur des lobes occipitaux et sphénoïdaux. Les faits cliniques conduisent à supposer qu'il s'y mêle aussi des fibres nerveuses entrecroisées, en rapport avec les nerfs auditifs et gustatifs. Si cette disposition, à l'heure qu'il est tout hypothétique, venait à être vérifiée ana-tomiquement, on comprendrait comment l'obnubilation croi-sée de l'odorat, du goût et de l'ouïe, font, au même titre que l'amblyopie, habituellement partie intégrante du syndrome hémianesthésie cérébrale (1).

La région de l'encéphale que je signale à votre attention et qui répond à la partie la plus postérieure du pied de la cou-ronne rayonnante, pourrait donc être considérée, d'après ce qui précède, comme un carrefour où, dans la profondeur de l'encéphale, se rencontrent dans un espace très circonscrit toutes les voies sensitives et sensorielles. C'est un carrefour, ce n'est pas un centre. Le centre cérébral proprement dit doit être cherché sur le prolongement des fibres médullaires, dans l'écorce grise des lobes occipitaux et sphénoïdaux.

Nous aurons à revenir sur ce point, à propos des localisa tions dans le système cortical.

III.

\ous avez pu remarquer, dans l'exposé analomique qui vous

(1) D'après la théorie, les hémianesthésics cérébrales devront se distinguer de celles qui résulteraient d'une lésion de la protubérance ou d'un pédoncule céré-bral par la non-participation, dans ces derniers cas, de la vision et de l'odorat.

Chargoï. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 10

a élé présenté, que les tubercules quadrijumeaux sont le seul point où les faisceaux des nerfs optiques, après leur entre-croisement dans le chiasma, se rapprochent de nouveau les uns des autres, vers la ligne médiane. Est-ce sur ce point que se fait l'entrecroisement supplémentaire, qui, d'après l'hypo-thèse que j'ai proposée, ramènerait les nerfs optiques à la con-dition des autres nerfs? C'est là une question qui, actuelle-ment, paraît fort difficile à résoudre par les seuls moyens de l'anatomie. Sans doute, il existe sur la ligne médiane, entre les tubercules quadrijumeaux, de nombreux entrecroisements de faisceaux, constatés anatomiquement. Mais on ne saurait décider si ces fibres entrecroisées sont réellement en con-nexité avec les nerfs optiques et surtout si elles sont le pro-longement des fibres optiques non entrecroisées dans le chiasma. L'expérimentation et surtout l'anatomie pathologi-que auront vraisemblablement le premier pas dans la solu-tion delà question en litige. Déjà les expériences de Flourens ont montré chez des mammifères et des oiseaux que l'ablation des tubercules optiques ont pour effet l'amblyopie ou l'amau-rose croisée. Mais il s'est agi là d'animaux dont les axes ocu-laires sont dirigés en dehors et chez lesquels, sans doute, l'entrecroisement dans le chiasma est complet.

Chez l'homme, les éléments pour la solution du problème font encore défaut. Chez lui, les lésions des tubercules qua-drijumeaux ne sont pas rares, mais elles sont ordinairement bilatérales et, en conséquence, amenant la cécité bilatérale, elles ne peuvent rien décider. De fait, on est encore à se de-mander, si la lésion des tubercules quadrijumeaux antérieurs produira, à l'exemple d'une lésion de la bandelette optique, l'hémiopie latérale, ou si, au contraire, elle produira l'amblyo-pie croisée, comme cela devrait être dans mon hypothèse. En faveur de celle-ci, je ne pourrais citer encore qu'une obser-vation rapportée par M. le Dr Bastian, et dans laquelle une

lésion unilatérale des tubercules quadrijumeaux antérieurs aurait produit l'amblyopie croisée.

Mais ce fait, à l'heure qu'il est, reste isolé et il est relaie d'ailleurs avec trop peu de détails pour qu'on puisse le consi-dérer comme décisif (1).

IV.

11 me resterait à rechercher si l'amblyopie croisée est le seul genre de trouble fonctionnel de la vision qui se puisse pro-duire par le fait d'une lésion du cerveau proprement dit, ou si, au contraire, l'hémiopie ne peut pas, elle aussi, comme l'assurent les auteurs, survenir en conséquence de cerlaines lo-calisations pathologiques dans l'hémisphère. C'est là un point qu'on n'est pas en mesure, je pense, de décider quant à pré-sent. J'incline toutefois, en l'absence d'autopsies contradic-toires, à croire que, dans la majorité des faits d'hémiopie qui ont été rapportés à une lésion du cerveau, celle-ci, ou n'oc-cupait pas les régions profondes de l'hémisphère, ou bien s'étendait jusqu'aux parties basilaires, de façon à intéresser plus ou moins directement l'une ou l'autre des bandelettes optiques.

Pour montrer que les lésions de la profondeur du cerveau produisent l'hémiopie, c'est toujours de l'hémiopie latérale qu'il s'agit en pareille circonstance, on invoque surtout le cas où le trouble visuel se développe brusquement, à la suite d'un ictus apoplectique, en même temps que les membres d'un côté du corps sont frappés d'hémiplégie motrice et, quel-quefois, aussi, d'anesthésie. Rien de mieux établi, en clini-que, que l'existence des faits de ce genre, dont M Schoen,

(1) H. C. Bastian. — The Lance t, 1874, 25 juillet.

tout récemment, dans un intéressant travail, citait plusieurs exemples (I). Mais le contrôle de l'autopsie a, jusqu'ici, tou-jours fait défaut, et l'on peut se demander si la lésion incri-minée, dans ces faits, occupait réellement la profondeur, ou, au contraire, la base de l'encéphale. 11 paraît établi, vous ne l'avez pas oublié, que la destruction ou la compression d'une des bandelettes optiques a pour conséquence l'hémiopie laté-rale et d'un autre côté, la relation anatomique qui existe en-tre les bandelettes et certaines parties de l'isthme, telles, en-tre autres, que les pédoncules cérébraux, est chose notoire. Cela étant, il ne saurait échapper qu'une lésion convenable-ment localisée, par exemple dans un des pédoncules céré-braux, pourra avoir pour résultat de déterminer, en même temps que l'hémiopie latérale, une hémiplégie motrice, et peut-être, en outre, l'hémianesthésie. Une lésion, telle qu'un foyer hémorrhagique brusquement développé dans l'épaisseur de la partie postérieure des couches optiques, pourrait, elle aussi, on le comprend, être suivie des mêmes effets. On ne peut, évidemment, voir, dans ces diverses combinaisons, que des phénomènes de voisinage.

Quoi qu'il en soit, il importe de reconnaître que, parmi les faits d'hémiopie latérale supposés d'origine inlra-cérébrale qui ont été rapportés, il en est un certain nombre qui échap-pent, en partie, à l'interprétation que je viens de proposer. Tels sont ceux, entre autres, où l'hémiopie latérale droite se développe de concert avec l'aphasie, et quelquefois, en outre, diverses modifications de la sensibilité ou du mouvement dans les membres du côté droit du corps (2). Ces faits ne consli-

(1) Arch. der Heilkunde, p. 19. 1875.

(2) Plusieurs faits de ce genre ont été relatés dernièrement par M. Bernhard. {Berliner Klin. Wochen., 82, 1872, et Centralblatt, 1892, 39), et par M. Schoen (toc. cit.). Voir aussi H. Jackson. — A case of Ilemiopia voith Hemianes-thesia and Remipleqia. In The Lancet, Aug. 29, 1874, p. 306.

tuent pas un groupe homogène; dans une première catégorie, il s'agit d'une forme particulière de la migraine (1), c'est-à-dire d'accidents essentiellement transitoires, revenant par accès, marqués surtout par la coexistence du scotome scintillant, d'une hémiopie latérale plus ou moins prononcée, et, quelque-fois, en outre, d'un certain degré d'aphasie et d'engourdisse-ment dans la face et les membres du côté droit du corps. La céphalalgie, les nausées et les vomissements terminent habi-tuellement la scène. Il est clair qu'on ne saurait invoquer ici l'intervention d'une altéralion matérielle grossière, durable. Il n'en est pas de même dans les cas de la seconde catégorie, où le concours de l'aphasie, de l'hémiplégie et de l'hémiopie existe à titre de phénomène permanent (2).

Dans l'état actuel des choses, je ne vois pas commentées cas divers, révélés par la clinique, peuvent être anatomique-ment expliqués dans l'hypothèse d'une lésion unique. Mais je ne puis que signaler ces difficultés, dont la solution est réservée à l'avenir.

(1) Voir sur cette forme de la migraine les travaux de Tissot, de Labarraque, de Piorry, de Latham (On nervous sichk or headache. Cambridge, 1873) et surtout l'ouvrage récent de M. Ed. Liveing [On megrim, etc. London, 1873;.

(2) Une tumeur volumineuse, toutefois, pourrait, on le comprend, déterminer tous les accidents signalés à propos des faits de la deuxième catégorie. Cela s'est produit dans un cas publié récemment par M. Hirschberg, dans les Ar-chives de M. Virchow (Virchow's Archiv. t. 65, 1 heft, p. 116). Le malade qui fait l'objet de cette observation avait présenté, en outre d'une hémiopie latérale droite, très caractérisée, de l'aphasie et une hémiplégie des membres du côté droit. A l'autopsie, on trouva dans l'épaisseur du lobe frontal gauche une tu-meur du volume d'une pomme, caractérisée sous le nom de gliome vasculaire. Le tractus optique du côté gauche était très aplati. Je ferai remarquer que les vues exposées dans la présente leçon trouvent dans ce fait leur confirmation, puisque l'hémiopie qui y est relatée pouvait être rattachée à la compression subie par le tractus optique.

DOUZIÈME LEÇON

Des dégénérations secondaires.

Sommaire. — Région antérieure ou lenticulo-striée des masses centrales (cap-sule interne dans ses deux tiers antérieurs, noyau caudéet noyau lenticulaire)-

— Influence des lésions de ces régions sur la production de l'hémiplégie motrice. — Faits expérimentaux. — Concordance entre eux et les faits de la pathologie humaine. — Différence entre les lésions du noyau caudé et celles de la partie antérieure de la capsule interne.

Des dégénérations secondaires ou scléroses descendantes. — Lésions qui les produisent; importance du siège et de l'étendue de ces lésions.

Caractères des scléroses descendantes : étendue ; — aspects de la lésion sur le pédoncule cérébral, la protubérance. la pyramide antérieure et le faisceau latéral de la moelle.

Analogies et différences entre les scléroses latérales consécutives de cause cérébrale et les scléroses fasciculées primitives des faisceaux latéraux. — Symptômes liés aux scléroses secondaires : impuissance motrice, contrac-ture permanente. — Atrophie musculaire produite par l'extension de la sclé-rose latérale aux cornes de substance grise.

Sclérose descendante consécutive à une lésion du système cortical. — Dé-monstration des fibres pédonculaires directes : faits anatomo-pathologiques.

— Le siège des lésions corticales qui produisent des dégénérations secon-daires répond au siège des centres dits psycho-moteurs.

Messieurs,

Nous devons actuellement porter de nouveau notre atten-tion sur la région antérieure des masses centrales, afin d'étudier de plus près, au point de vue de l'anatomie et de la physiologie pathologiques, les effets des lésions qui s'y pro-duisent.

Cette région qu'on pourrait désigner sous le nom de lenti-culo-striée, par opposition à la région postérieure ou lenticulo-optique, comprend, vous ne l'avez pas oublié: 1° les deux

Fig. 34. —A,, coucha optique. — Arri, avant-mur. - CC, corps calleux. — Ce, capsule externe. — I, insula. —L, foyer de ramollissement ancien de la partie moyenne du noyau caudé et de la capsule interne. Le foyer, qu consiste en une sorte de large caverne, n'est séparé du ventricule latéra que par la membrane épendymaire, M, qui a résisté.

tiers antérieurs de ce tractus blanc qu'on appelle la capsule interne; 2° en dedans de celle-ci, la grosse extrémité ou tête du noyau caudé ; 3° en dehors, du côté de l'insula, les deux tiers antérieurs environ du noyau lenticulaire.

L'observation — et il s'agit ici d'une observation bien des fois répétée — démontre, ainsi que je l'ai fait remarquer déjà dans le cours de ces leçons (Leçons VIII et IX, p. 92-93), que

l'hémiplégie motrice vulgaire, sans accompagnement de troubles de la sensibilité, est la conséquence, en quelque sorte fatale, de toutes les lésions, même minimes, qui s'établis-sent dans les diverses parties que je viens d'énumérer, à la condition toutefois que les lésions en question produisent la destruction ou la brusque compression des éléments nerveux de la circonscription affectée et non pas seulement un simple déplacement lentement effectué, comme cela se voit si sou-vent dans les cas de tumeurs.

J'ai fait remarquer, en outre, qu'à cet égard, il y a lieu d'établir une importante distinction. C'est ainsi que les lésions, même étendues et profondes, qui restent limitées dans la sphère des noyaux gris (noyau caudé ou noyau lenticulaire), ne dé-terminent, en règle générale, que des symptômes relative-ment peu accentués et peu durables, tandis que les lésions relativement légères qui intéressent le tractus blanc (capsule interne), donnent lieu à une hémiplégie motrice non seule-ment très prononcée, mais encore de longue durée, souvent même incurable (Fig. 34).

Je voudrais rechercher avec vous la raison de ces différences. Je m'occuperai d'abord de l'intensité relative des symptômes paralytiques dans le cas des lésions de la capsule interne, com-parée à leur faible degré dans le cas des lésions limitées aux noyaux gris, après quoi, j'envisagerai le caractère transitoire de l'hémiplégie dans les cas du dernier genre, par opposition à la permanence qu'offre ce symptôme, à peu près nécessaire-ment, lorsqu'il s'agit d'une lésion de la capsule interne.

1.

Pour ce qui a trait au premier point, je vous remettrai en mémoire, une fois de plus, quelques-unes des particularités de

la constitution anatomique de la capsule interne. Ce tractus contient, vous ne l'avez pas oublié : 1° des fibres pédonculai-res directes, c'est-à-dire nées sous l'écorce grise et qui pénè-trent dans l'étage inférieur du pédoncule cérébral sans s'être mises en rapport avec les noyaux gris lenticulaire ou caudé ; 2° des fibres pédonculaires indirectes, lesquelles, au contraire, prennent leur origine dans le noyau lenticulaire ou caudé et n'ont aucune relation avec l'écorce grise. Nous faisons abs-traction, en ce moment, des faisceaux de fibres qui s'étendent de la substance corticale aux noyaux gris des masses centrales.

Nous supposerons que les diverses fibres pédonculaires, les directes comme les indirectes, sont des fibres à direction cen-trifuges et qu'elles transmettent à la périphérie l'influence motrice développée soit dans l'écorce grise du cerveau, soit dans les noyaux gris lenticulaire et caudé.

Dans cette hypothèse, il est facile de comprendre qu'une lésion un peu accentuée portant sur la capsule interne, prin-cipalement sur la partie la plus inférieure, au voisinage, du pied du pédoncule cérébral, là où toutes les fibres sont ras-semblées dans un espace étroit, aura pour effet de supprimer du même coup l'influence de l'écorce grise, et celle des deux noyaux gris, tandis qu'au contraire, une lésion limitée au noyau lenticulaire, laissera subsister l'action du noyau caudé, de cer-taines régions de l'écorce grise, des deux noyaux gris à la fois, avec ou sans participation des fibres pédonculaires de la capsule interne.

Je n'attache pas à cette vue théorique plus d'importance qu'elle n'en comporte. Je ferai remarquer, toutefois, qu'elle s'adapte assez bien aux faits relevés par l'observation clinique chez l'homme; j'ajouterai qu'elle n'est en rien contredite — vous allez en juger — par les expériences faites chez les ani-maux.

On sait depuis longtemps (1) que les troubles moteurs pro-duits chez la plupart des animaux par la destruction méthodique des diverses parties de l'encéphale, du cerveau en particulier, s'éloignent, d'une façon générale, considérablement de ceux qui se manifestent chez l'homme, en conséquence des lésions que la maladie détermine dans les parties correspondantes.

Dans l'interprétation de ces faits expérimentaux, et dans leur application à la pathologie humaine, il convient de tenir compte, entre autres circonstances, de l'espèce plus ou moins inférieure de l'animal, de son âge plus ou moins avancé. Ainsi, l'ablation de tout un hémisphère cérébral, chez un pigeon, et. à plus forte raison chez un reptile, ne produit pas de trouble moteur qu'on puisse comparera une hémiplégie. Les choses se passent à peu près de la môme façon chez le lapin. Une faiblesse à peine accentuée dans les membres d'un côté du corps, chez cet animal, est la seule conséquence d'une pareille lésion; la station et le saut sont encore possibles, alors que le cerveau tout entier a été détruit, pourvu, toutefois, que la protubérance demeure intacte (2). Chez le chien, les résultats sont déjà très notablement différents. Si je m'en rapporte même aux dernières expériences faites, dans le laboratoire de M. Vulpian, par MM. Carville et Duret, les accidents, qui, chez cet animal, succèdent à l'ablation méthodique des diverses parties du cerveau, se rapprocheraient beaucoup de ceux qu'on observe chez l'homme, dans les cas de lésions en foyer des hémisphères cérébraux (3).

(1) Voir à ce sujet Longet. — Traité de physiologie, t. HT, p. 431, et Vul-pian. — Leçons sur la physiologie générale, etc., p. G76.

(2) Vulpian, Longet.

(3) Les expériences de ce genre sont nécessairement très difficiles et exig^n1 es précautions les plus minutieuses. Les plus démonstratives sont sans cou-

'teste celles qu'ont entreprises MM. Fr. Franck et Pitres, rapportées dans U thèse de M. Issartier (1878), Voir pour plus de détails, page 277. (Note dt la 2« éd.) '

Il est au moins très vraisemblable que ce rapprochement serait plus complet et plus manifeste encore si l'expérimen-tation portait sur le singe. Voici, d'ailleurs, l'exposé sommaire des principaux résultats

obtenus dans leurs expé-riences par MM. Carville et Duret : 1° L'ablation, chez le chien, de la sub-stance grise dans les ré-gions dites motrices de l'écorce cérébrale déter-mine une parésie tempo-raire dans les membres du côté opposé du corps ; 2° L'extirpation du noyau caudé détermine une pa-résie analogue, mais plus accentuée. Il ne saurait être question, quant à présent, du noyau lenti-culaire dont l'ablation isolée, en raison de sa po-sition topographique, n'a pu être effectuée (1); 3° si la lésion porte, au contrai-re, sur la partie inférieure de la capsule interne, il se produit du côté opposé du corps, dans le membre antérieur et dans le postérieur, non plus une simple parésie, mais bien

(1) Il est difficile d'utiliser à cet égard les expériences de M. Nothnagel fai-es à l'aide d'injections caustiques Ces injections ont à peu près nécessairement Pour effet de déterminer des phénomènes d'excitation qui compliquent assuré-ment la situation.

Fig. 35. — Coupe transversale d'un cer-veau de chien, cinq millimètres en avant du chiasma des nerfs optiques. — S, S, les deux noyaux caudés du corps strié. — L, noyau lenticulaire. — P, P, expansion pé-donculaire (capsule interne). — C/i, chiasma des nerfs optiques. — x, section de la cap-sule interne (région antérieure ou lenticulo-striée), produisant l'hémiplégie du côté op-posé du corps sans anesthésie. — R, stylet à ressort de Veyssière, opérant la section de la capsule interne.

une paralysie motrice bien dessinée et qui rappelle l'hémiplé-gie qu'on observe chez l'homme en conséquence de la lésion de ces mêmes parties. (Fig. 35.) Tenu suspendu par la peau du dos, l'animal ainsi opéré peut encore reposer sur ses mem-bres sains, mais les membres affectés pendent flasques, iner-tes, et ne sont plus susceptibles que de mouvements pure-ment réflexes.

En somme, vous le voyez, Messieurs, d'après ces intéres-santes recherches qui méritent d'être reprises et multipliées, la contradiction depuis longtemps signalée entre les animauxet rhomme,relativement à l'influence des di-verses parties d'un hé- L mi sphère du cerveau sur le mouvement des membres du côté opposé du corps, cette contradiction, dis-je, semble ne plus exister lorsque, pour terme de comparaison,on fait appel à des espèces relativement haut pla-cées dans l'échelleani-male. (Fig. 36).

C'est peut-être ici le lieu de rappeler que chez le chien encore — ainsi que cela résulte de ces mêmes expériences de MM. Carville et Duret et de celles M. de Veyssière, — les lé-sions de la partie postérieure de la capsule interne produisent, ainsi que cela s'observe criez l'homme, l'bémianesthésie croisée.

Fig. 36. — Coupe transversale du cerveau du chien au niveau des tubercules mamillaires. — 0, 0, couches optiques. —S, S, noyaux caudés.

— L. L, noyaux lenticulaires. — P, P, capsule interne, région postérieure ou lcnticulo-oplique.

— A, A, cornes d'Ammon. — x, section de la partie postérieure ou lenticulo-optique de la cap-sule, déterminant l'hémiancsthésie. (Celte figure est empruntée, ainsi que la précédente, au mé-moire de MM. Carville et Duret, inséré dans les Archives de physiologie normale et pathologi-que, 1875, p. 468 et 471.

II.

Les considérations qui viennent d'être exposées peuvent être utilisées, si je ne me trompe, pour faire comprendre pourquoi les hémiplégies résultant des lésions destructives, limitées à la substance des noyaux gris, en règle générale, sont passagères, tandis que celles qui résultent des lésions intéressant la substance de la capsule interne sont , au contraire, de longue durée, et souvent même absolument incurables.

On conçoit aisément, dans l'hypothèse proposée, comment le noyau lenticulaire, le noyau caudé et les régions dites motrices de l'écorce grise des hémisphères, pourront se sup-pléer mutuellement dans leurs fonctions tant que les fais-ceaux conducteurs qui forment la capsule auront conservé leur intégrité et continueront à entretenir la relation entre l'un quelconque des centres gris en question, et les parties périphériques, tandis que cela ne saurait plus avoir lieu, dès que la continuité de ces faisceaux aura été décidément inter-rompue.

J'ajouterai que, suivant toute vraisemblance, la supplé-ance peut s'établir, non-seulement entre les divers noyaux gris, mais encore entre les diverses parties d'un même noyau gris. Il est démontré, tout au moins en ce qui concerne le noyau caudé du corps strié, que les lésions destructives par-tielles portant sur les régions les plus diverses de ce noyau, se traduisent uniformément par une hémiplégie plus ou moins accentuée et transitoire, mais totale, c'est-à-dire inté-ressant à la fois la face et les membres. Il n'y a, à cet égard, aucune différence à relever entre la tête, la queue et la partie moyenne du noyau caudé. Il semble, d'après cela, ainsi que

l'a fait remarquer avec raison M. H. Jackson, que chaque parcelle du corps strié représente, en petit, le corps strié tout entier. L'expérimentation, d'ailleurs, donne des résultats conformes à ceux fournis par l'observation clinique, en mon-trant que les excitations partielles du noyau caudé, produi-sent toujours, quoiqu'on fasse, des mouvements d'ensemble dans le côté opposé du corps et jamais des mouvements dis-sociés, localisés par exemple dans un membre ou une partie d'un membre (1).

Dans le cas d'une lésion destructive de la capsule interne, une lente régénération des éléments nerveux pourrait seule, au contraire, permettre le rétablissement graduel des fonc-tions. Or. ce travail de restitution, s'il s'accomplit en réalité quelquefois ne se produit en tout cas, très certainement, que dans des circonstances exceptionnelles. Il est mis hors de doute, en effet par des observations aujourd'hui très nom-breuses, que les foyers qui détruisent, dans une certaine éten-due, les fibres motrices de la capsule interne ont pour consé-quence à peu près obligatoire la production d'une lésion fas-ciculée qui, commençant immédiatement au-dessous du foyer, peut être suivie, du côté correspondant, dans le pied du pédoncule, la protubérance, la pyramide antérieure, jus-qu'au niveau de l'entrecroisement bulbaire, et, au-dessous de ce dernier, dans la moelle épinière du côté opposé au foyer, tout le long du faisceau latéral, jusque dans le renfle-ment lombaire.

ni.

Je crois opportun d'entrer actuellement dans quelques dé-veloppements à propos de l'anatomie et de la physiologie

(1) Expérience de Ferrier, Carville et DureL

pathologiques de ces dégénérations secondaires ou scléroses descendantes, comme on peut les appeler encore. C'est qu'en effet, elles sont incontestablement une des causes prin-cipales de la persistance de l'impuissance motrice, dans les cas qui nous occupent. Il faut également, à mon avis, leur rapporter, pour la majeure partie, la contracture perma-nente, dite tardive (1), qui, dans ces mêmes cas, s'empare tôt ou tard des membres paralysés, et joue, d'une façon générale, un rôle prédominant dans le pronostic des hémor-rhagies de cause cérébrale.

Io Arrêtons-nous tout d'abord devant un fait qui domine réellement la question : les lésions cérébrales en foyer, con-sidérées relativement au siège qu'elles occupent, ne sont pas toutes également propres à déterminer la production des sclé-roses consécutives.

Ainsi, parmi ces lésions, il en est qui ne sont jamais sui-vies de scléroses descendantes, tandis que d'autres les pro-voquent, pour ainsi dire, à coup sûr. Au second groupe appartiennent les lésions destructives, mêmes circonscrites, qui, suivant l'importante remarque de L. Türck, intéressent les faisceaux de la capsule interne, dans leur trajet entre le . noyau lenticulaire et le noyau caudé : c'est-à-dire dans les deux tiers antérieurs de la capsule. Par contre, les lésions qui demeurent limitées à la substance des noyaux gris des masses cérébrales, à savoir : le noyau lenticulaire, le noyau caudé, et enfin la couche optique, ne produisent pas la sclé-rose consécutive.

fl) On doit, comme on le sait, au B"' Todd, d'avoir établi une dislinclion entre la contracture précoce et la contracture tardive des membres chez les apoplectiques. La première se montre dès le début, et est toujours à peu près constamment transitoire ; l'autre n'apparaît guère que du quinzième au tren-tième jour après l'attaque, siège' toujours dans les membres du côté opposé à la lésion, et s'y établit le plus souvent d'une façon permanente.

Ce fait remarquable a été parfaitement mis en lumière par L. Tûrck (1) dès 1851. Nous en avons reconnu la parfaite exactitude, M. Vulpian et moi, dans les recherches que nous avons faites en commun, sur ce sujet, à la Salpêtrière, de 1861 à 1866 (2). Les importants travaux de M. Bouchard l'ont également confirmé f3). Nous avons constaté aussi, après L. Tûrck, un certain nombre d'autres faits, non moins intéressants, dont voici l'énoncé :

2° Les foyers situés en dehors des masses centrales, dans le centre ovale de Vieussens, pour peu qu'ils atteignent cer-taines dimensions, produisent encore la sclérose descendante, à condition qu'ils ne soient pas trop éloignés du pied de la couronne rayonnante.

3° Les lésions de la substance grise corticale des hémisphè-res, lorsqu'elles sont très superficielles, telles, par exemple, que le sont habituellement celles qui accompagnent les mé-ningites, ne produisent pas la sclérose descendante.

4° Au contraire, les lésions corticales, à la fois étendues en surface et en profondeur, c'est-à-dire intéressant en même temps la substance grise et la substance médullaire sous-ja-cente, ainsi qu'on le voit dans le cas de ramollissement isché-mique, résultant par exemple de l'oblitération d'une branche volumineuse de l'artère sylvienne (voir la Fig. 37), ces lé-sions-là, dis-je, alors même qu'il n'existe aucune partici-pation des masses centrales, déterminent, dans de certaines

(1) L. Tiirck. — Ueber Secundare Erkrankung eingelner Riickenmarks-trange und ihrer forsetzungen zum Gehirne. — Sitzungber. dei* mathnatur Glass. d. K. AK. 1851. Idem xi. Bd. 1853.

(2) A. Vulpian. — Phi/siologie du système- nerveux. Paris, 1866.

(3) Ch. Bouchard. — Des de'généralions secondaires de la moelle épinière. In Arch.gén. de médecine, 1866.

conditions, des scléroses consécutives aussi prononcées que celles qui dépendent d'une lésion des régions antérieures de la capsule interne.

Parmi ces conditions, il en est une capitale, relative au siège du foyer cortical et qui mérite d'être relevée tout par-ticulièrement. Il résulte, comme on le verra, de mes ob-

Figf 37. — Ramollissement ischémique du système cortical, sans participation des masses centrales. — H, le foyer de ramollissement. — J, la scissure de Sylvius. — E, capsule interne. — D, noyau lenticulaire. — F, capsule ex-terne. — G, avant-mur. Il existait dans ce cas une lésion descendante très accentuée.

servations que les ramollissements superficiels (plaques jau-nes) étendus, lorsqu'ils occupent soit le lobe occipital, soit les parties postérieures du lobe temporal ou encore le lobe sphénoïdal, soit enfin les régions antérieures du lobe frontal ne sont pas suivis de scléroses fasciculées consécutives, tan-dis qu'il est de règle que celles-ci surviennent, au contraire, lorsque le foyer intéresse les deux circonvolutions ascendantes (pariétale ascendante, frontale ascendante) et les parties atte-nantes du lobe pariétal et du lobe frontal. (Fig. 38). Je revien-

Charcot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 11

drai plus loin d'une façon toute spéciale sur ce point impor-tant que je ne fais qu'indiquer pour le moment.

5° En somme, le siège et l'étendue de la lésion paraissent être, dans l'espèce, les deux conditions fondamentales ; la nature de l'altération n'a pas d'influence marquée. Le siège

Fig. 38. —Vaste foyer de ramollissement cortical ayant détruit la circonvolu-tion pariétale ascendante, une bonne partie de la circonvolution frontale as-cendante, et la plus grande partie de la circonvolution de l'insula. Les mas-ses centrales étaient indemnes.

et l'étendue voulus étant donnés, pourvu qu'il s'agisse d'une lésion destructive, c'est-à-dire capable d'interrompre le cours des fibres médullaires, la sclérose descendante devra s'en suivre. Les foyers d'hémorrhagie et de ramollissement, les encéphalites simples ou syphilitiques occupent à cet égard à peu près le même rang. 11 n'en est pas de même de certaine:-tumeurs qui, pendant une longue période de leur évolution, ne font que refouler et écarter les éléments médullaires sans en interrompre la continuité. C'est pourquoi elles peuvent se

rencontrer, même dans les régions de l'écorce signalées plus haut comme des lieux d'élection, sans accompagnement de scléroses fasciculées consécutives.

IV.

Relativement à l'anatomie des scléroses fasciculées, je ren-voie pour les détails à l'important mémoire publié par M. Bouchard. Je me bornerai ici à vous remémorer quelques faits auxquels nos études actuelles prêtent un intérêt particulier.

Io Je vous rappellerai d'abord que les scléroses consécutives à une lésion en foyer d'un hémisphère cérébral occupent toujours une moitié du système des faisceaux latéraux. Elles sont plus ou moins accentuées, plus ou moins étendues suivant la lar-geur du faisceau ; mais toujours elles l'envahissent dans la to-talité de sa longueur, jusqu'à l'extrémité inférieure du renfle-ment lombaire ; jamais elles nes'arrêtent en chemin. Elles sont toujours descendantes, en ce sens que, prenant origine au niveau du point lésé, elles se propagent seulement au-des-sous de ce point. On ne peut pas les suivre au-dessus, du côté de l'écorce grise. Il ne faut pas considérer, comme le fait d'une sclérose consécutive, les atrophies d'une ou plusieurs circonvolutions ou même de l'hémisphère tout entier qui s'ob-servent lorsqu'une lésion centrale en foyer s'est développée chez de très jeunes sujets. 11 s'agit là d'un arrêt de dévelop-pement comparable à l'atrophie que, dans les mêmes circons-tances, présentent les membres du côté du corps frappé d'hé-miplégie (hémiplégie spasmodique infantile).

2° Le seul examen macroscopique, dans les cas un. peu anciens et un peu accentués, permet déjà de reconnaître quel-

ques-uns des caractères les plus saillants de l'altération. Supposons qu'il s'agisse d'un foyer ochreux interrompant dans l'hémisphère gauche le cours des fibres de la capsule interne dans son tiers moyen. En pareil cas, le pied du pé-doncule cérébral du côté gauche paraîtra plus aplati et plus étroit que celui du côté opposé. De plus, on y remarquera une bande grisâtre siégeant sur la partie moyenne du pédon-cule (1) et qui, sur une coupe antéro-postérieure, ne s'éten-dra pas au-delà de la couche grise de Sœmmering. — La co-loration grise disparaît au niveau de la protubérance ; on la retrouve au-dessous de celle-ci, dans le bulbe, où elle occupe la pyramide antérieure dans toute son étendue du côté cor-respondant à la lésion cérébrale ; la pyramide lésée est d'ail-leurs étroite et aplatie; par en bas, les dentelures de l'entre-croisement bulbaire y apparaissent plus nettement que dans les conditions normales par suite du contraste qui existe entre le côté sain et le côté malade.— Au-dessous de l'entre-croisement, c'est dans la moitié de la moelle, opposée à l'hémisphère lésé et plus explicitement dans le faisceau laté-ral, que l'altération scléreuse doit être cherchée ; la région lésée apparaît sous la forme d'un espace triangulaire, de co-loration grise, situé immédiatement en dehors et en avant de la corne grise postérieure correspondante et dont l'étendue s'amoindrit progressivement à mesure que les sections por-tent sur des régions delà moelle, de plus en plus inférieures.

3° L'étude, faite à l'aide du microscope sur des coupes con-venablement durcies et préparées, concourt puissamment à compléter ces données. Elle fournit, en premier lieu, le moyen de déterminer avec plus d'exactitude la topographie

(1) Le siège qu'occupe cette bande varie suivant le siège de la lésion centrale elle se rapproche d'autant plus du bord interne du pied du pédoncule, que la lésion de la capsule est située plus en avant.

de la lésion, et de faire reconnaître par exemple, dans la moelle, la limitation précise, systématique, à l'aire des fais-ceaux latéraux. Les autres faisceaux blancs, et les cornes grises, restent parfaitement indemnes. On constate en même temps que les racines nerveuses, tant antérieures que posté-rieures, que les méninges ne présentent aucune trace d'alté-ration. Enfin, l'examen microscopique fait reconnaître encore la nature du processus morbide et met en évidence les carac-

Fig. 39, 40, 41. — Coupes transversales de la moelle épinière, chez une ma-lade atteinte de dégénération secondaire (sclérose fasciculée latérale consé-cutive, de cause cérébrale) à la suite d'un ramollissement cérébral ayant in-téressé les lobes opto-striés et la capsule interne dans l'hémisphère droit.

A, région cervicale. — B, région dorsale. — G, région lombaire. On voit la sclérose descendante occuper dans le renflement cervical la partie cervicale du faisceau latéral et devenir superficielle à la région lombaire.

tères d'une induration grise, d'une sclérose qui ne diffère en rien d'essentiel de celle qui s'observe dans le cas de sclérose fasciculée primitive (1).

4° C'est ici le lieu de faire remarquer les analogies qui, au point de vue anatomo-pathologique, existent entre les sclé-roses fasciculées consécutives de cause cérébrale, et ces sclé-

(1) L'extension, dans certains cas, de la lésion au-delà de ses limites habi-tuelles, l'envahissement, par exemple, des cornes grises antérieures dont il sera question plus loin, est incontestablement un des arguments les plus déci-sifs qu'on puisse invoquer pour établir la nature irritative du processus mor-bide.

roses fasciculées primitives et symétriques des faisceaux laté-raux que je décrivais l'an passé à propos des amyotrophies spinales.

Ces analogies sont considérables, puisqu'une même altéra-tion, l'induration grise, se montre localisée, dans les deux cas, dans le même système. Mais il y aussi des différences qui méritent d'être signalées: ainsi, dans les scléroses primitives, la lésion fasciculée est nécessairement double, c'est-à-dire

Fig. 42.— Coupe transver- Fig. 43.— Coupe Fig Ai.— Coupe trans-sale de la moelle épinière pas- transversale passant versale passant par k sont par la partie moyenne par le milieu de la milieu du renflement du renflement cervical. région dorsale. lombaire.

qu'elle occupe le système des faisceaux latéraux des deux côtés à la fois, et non pas d'un seul côté, comme cela a lieu toujours dans la sclérose consécutive, lorsque le foyer qui en a été le point de départ est unilatéral. J'ajouterai qu'elle est toujours beaucoup plus étendue dans le sens transversal, et qu'il y a lieu de croire, d'après cela, qu'en outre des fibres cérébro-spinales ou pyramidales seules affectées dans la sclé-rose consécutive, elle envahit le système des fibres spinales propres au faisceau latéral. (Comparez les Fig. 39, 40 et 41, et les Fig. 42, 43 et 44.)

Enfin, la sclérose primitive a une grande tendance à en-vahir dans les régions spinales voisines, soit les faisceaux blancs, soit surtout les cornes antérieures de substance grise, ce que ne fait pas, dans la règle, la sclérose consécu-

tive (!)• 11 y a cependant, sous ce rapport, le chapitre des exceptions qui sont, comme on le verra dans un instant, pour le point de vue que nous envisageons en ce moment, particu-lièrement intéressantes.

(i) Voici quelques détails plus précis relativement aux différences qui exis-tent, anatomiquement, entre la sclérose latérale consécutive, et la slcérose la-térale primitive, amyotrophique. Il s'agit d'observations faites sur des coupes transversales durcies, alors même que la sclérose secondaire a intéressé "à peu près toutes les fibres de la pyramide antérieure, la lésion n'occupe, dans le faisceau latéral de la moelle, qu'une région relativement étroite. Celle-ci se présente, sur une coupe transverse faite au renflement cervical, sous l'appa-rence d'un triangle, à bords bien nettement délimités, dont le sommet est di-rigé en dedans vers l'angle qui sépare les cornes grises antérieures des pos-térieures et dont la base, un peu arrondie, n'atteint jamais la zone corticale de la moelle et, de plus, n intéresse pas davantage le bord antéro-externe de la corne postérieure. (Fig. 39.) Dans la région dorsale, la partie sclérosée diminue progressivement de diamètre et tend à revêtir la forme ovalaire {Fig. 40). Enfin dans le renflement lombaire [Fig. 41), c'est de nouveau, comme dans la région cervicale, un espace triangulaire, mais dont la base devenue tout à fait super-ficielle confine à la pie-mère.

Dans la sclérose latérale primitive, la zone scléreusc occupe d'une façon gé-nérale la même région que dans le cas précédent, mais ses limites sont beau-coup plus étendues. Ainsi, en avant, la lésion tend à envahir le domaine des zones radiculaires antérieures, et, en dedans, elle s'avance jusqu'au contact de ce faisceau de fibres nerveuses, peut-être sensitives, qui constituent la partie profonde des faisceaux latéraux. (Voir Fig. 42, 43, 44). Il faut ajouter que les bords de la tache scléreuse sont ici diffus, mal délimités. Dans quelques cas on les trouve, en dedans, pour ainsi dire confondus avec la substance grise. On sait que celle-ci est régulièrement envahie par l'altération scléreuse dans le cas de sclérose latérale amyotrophique, tandis que cela n'a lieu que d'une fa-çon tout à fait exceptionnelle dans la sclérose consécutive de cause cérébrale. iVoir, pour plus de détails, page 280 et suivantes.)

Il y a lieu de penser, en considérant ce qui précède, que la sclérose consé-cutive n'affecte qu'une partie des fibres nerveuses qui forment les faisceaux latéraux, à savoir les fibres cérébro-spinales ; tandis que, dans la sclérose pri-mitive, il y a envahissement du système latéral tout entier comprenant non-seulement les fibres cérébro-spinales et pyramidales, mais encore des fibres propres, qui commencent dans la moelle et s'y terminent, des fibres à propre-ment parler spinales.

V.

Les faits, rassemblés chemin faisant dans l'exposé qui pré-cède nous mettent à même de justifier la proposition qui inaugure le présent chapitre. Nous venons d'établir qu'au point de vue anatomique, il existe une analogie considérable entre les formes primitives et la forme consécutive de la sclé-rose fasciculée latérale. Cette assimilation peut être poursuivie sur le terrain de la clinique. On sait, en effet, que l'impuis-sance motrice, une contracture passagère d'abord, puis per-manente, des membres, avec trépidation spontanée ou pro-voquée, etc„ forment l'ensemble symptomatique qui révèle., pendant la vie, l'existence des scléroses spinales fasciculées, primitives, c'est-à-dire indépendantes de toute lésion céré-brale. Or, tous ces symptômes se reproduisent avec leurs ca-ractères essentiels, dans les cas de sclérose consécutive à une lésion du cerveau, et constituent, en définitive le tableau cli-nique de l'hémiplégie permanente, vulgaire. On peut donc dire aujourd'hui qu'entre la lésion « sclérose latérale » et le phénomène « contracture permanente », il existe une rela-tion dont, à la vérité, la raison physiologique nous échappe complètement, quant à présent, mais dont la réalité néan-moins est établie sur un grand nombre d'observations fi).

Ce n'est pas, dans mon opinion, la rétraction de la cicatrice cérébrale, comme le veut le docteur Todd, non plus que l'en-céphalite survenue au voisinage du foyer, comme le soutien-nent actuellement encore beaucoup d'auteurs, qui pourront

(1) La contracture permanente des membres, comme le montre entre autre l'histoire de l'hystérie, peut se montrer sans accompagnement de sclérose spi-nale latérale ; mais, lorsque cette lésion existe, la contracture permanente est un de ses symptômes habituels.

rendre compte de l'apparition des contractures dites tardives, chez les hémiplégiques ; c'est au contraire l'existence d'une myélite chronique, produite dans le faisceau latéral, en con-séquence de la lésion du cerveau, qu'il convient de faire in-tervenir ici. Je m'abstiendrai d'entrer à ce propos dans une discussion en règle, et je vous renverrai une fois encore au travail déjà cité de M. Bouchard, où nous trouvons rassemblés tous les documents qui peuvent être invoqués en faveur de l'opinion que je soutiens.

Développée à l'occasion d'une lésion cérébrale en foyer, la sclérose consécutive acquiert, vous le voyez, à un moment donné, une existence en quelque sorte indépendante, auto-nome ; elle se traduit par des symptômes particuliers. Il peut arriver que, en raison même de cette autonomie, la lésion se répande au-delà des limites qui lui sont d'habitude assignées dans les faisceaux latéraiix et envahisse dans la moelle des territoires voisins, les cornes de substance grise, par exemple : on comprend qu'en pareil cas d'importantes modifications puissent survenir dans le tableau symptomatique ; c'est ainsi que les muscles des membres paralysés qui, d'ordinaire, dans l'hémiplégie permanente, conservent pendant fort longtemps leur texture normale, et ne s'amaigrissent qu'à la longue, su-bissent dans certains cas une atrophie dégénérative plus ou moins rapide, en même temps que la rigidité déterminée par la contracture fait place de nouveau à la flaccidité. Dans plu-sieurs exemples de ce genre, nous avons constaté, M. Pierret et moi, en outre de la sclérose latérale classique, une lésion de la corne grise antérieure du même côté, ayant amené la destruction des grandes cellules nerveuses de la région. L'en-vahissement des cornes grises postérieures pourrait expliquer de la même façon l'apparition dans l'hémiplégie vulgaire de certaines anesthésies partielles. Enfin, l'extension du proces-sus irritatif, soit à toute l'étendue du faisceau latéral du côté

correspondant, soit même au faisceau latéral du côté opposé, rendra compte sans doute du fait que, contrairement à l'obser-vation commune, la contracture prédomine quelquefois con-sidérablement, à un moment donné, dans le membre infé-rieur, ou s'étend même parfois au membre inférieur du côté opposé (1).

VI.

Je ne me suis guère occupé, jusqu'ici, de la sclérose fasci-culée d'origine cérébrale, qu'en tant qu'elle dépend d'une lé-sion des masses centrales ; je voudrais maintenant m'arrêter un instant sur celle qui se produit à la suite d'une lésion du système cortical. En tant qu'affection spinale ou bulbaire, la sclérose latérale, dans ce dernier cas, ne diffère aucunement de ce qu'elle est dans le premier. Les conditions particulières de développement constituent seules une différence et moti-vent quelques nouveaux détails.

Vous n'avez pas oublié comment nous avons été conduits à admettre, à titre, d'hypothèse très vraisemblable, l'existence de fibres pédonculaires directes, c'est-à-dire qui, après leur issue du pied du pédoncule, traverseraient la capsule interne sans entrer dans les noyaux gris des masses centrales, et ne s'arrêteraient, par conséquent, que dans la substance grise cor-ticale. En outre des arguments déjà mis en œuvre, quelques faits d'expérimentation peuvent êtreinvoqués encore en faveur de l'existence de telles fibres, même chez des animaux placés assez bas dans l'échelle, le lapin, par exemple. Ainsi, dans les expériences déjà citées de M. Gudden (2) et pratiquées

(1) Voir à ce propos Bastian. — Paralysis front Brain Diseuses, etc., p. 141 London, 1875.

(2) Archiv f. psychiatrie, Bd. II. 1870, pl. VIII.

nous le savons,chez de très jeunes animaux, on voit, huit mois iaprès l'ablation des parties antérieures d'un hémisphère, — les masses centrales,couche optique etcorps strié, étant demeurées intactes, — on voit, dis-je, après cette mutilation, la capsule interne du c ôté correspondant s'atrophier d'une façon remar-quable. Il est clair que cette atrophie n'aurait pas lieu, si la ca-psule interne, comme le veulent quelques anatomistes, était exclusivement composée de fibres pédonculaires indirectes, c'est-à-dire se terminant dans l'épaisseur des noyaux gris cen-traux.

Chez le chien, le hasard a fait rencontrer à MM. Carville et Duret (1), une lésion qui avait détruit la substance blanche de toutes les parties frontalesd'un lobe, sans affecter directement les noyaux gris centraux non plus que la capsule interne. Dans ce cas, il y avait une atrophie très accusée du pied du pédoncule, de la protubérance et de la pyramide bulbaire du côté correspondant à la lésion cérébrale.

La réalité, chez l'homme, de ces fibres pédonculaires direc-tes, semble être, à son tour, attestée par la production même de ces dégénérations qui,ainsi que nous l'avons dit,se dévelop-pent en conséquence des lésions étendues et profondes de la substance grise corticale.

Ces fibres pédonculaires directes, après leur épanouisse-ment dans la couronne rayonnante, se répandent-elles indis-tinctement dans toutes les régions de l'hémisphère? sont-elles, au contraire, affectées à des départements particuliers de l'é-corce grise ? Les faits que j'ai réunis dans le but d'étudier cette question plaident en faveur de la seconde hypothèse. Ces observations, recueillies dans mon service à l'hospice de la Salpêtrière, pendant le cours des quinze dernières années, sont relatives à des cas de ramollissement ischémique an-

[i)Archives de physiologie, 1875.

ciens(l). La lésion, dans ces cas, se présentait sous la forme de plaques jaunes, plus ou moins étendues en largeur, intéressant plus ou moins profondément la substance blanche subjacente, et occupant les régions les plus diverses de la surface des hé-misphères. Dans toutes les observations, il est expressément mentionné que le ramollissement avait complètement respecté les masses centrales : couches optiques, noyau caudé, noyau

Fiç/. 45. — Fa, vaste foyer de ramollissement cortical ayant détruit la circon volution pariétale ascendante, une bonne partie de la circonvolution frontal ascendante, et la plus grande partie de la circonvolution de l'insula. Les mas ses centrales étaient indemnes.

lenticulaire, capsule interne. Mes observations peuvent être ramenées à deux groupes.

Le premier comprend les cas dans lesquels, pendant la vie, il n'avait pas existé d'hémiplégie permanente, et où, à l'autop-sie, la dégénération consécutive faisait défaut. Dans tous, les

(1) La plupart de ces observations sont accompagnées de dessins faits d'après nature : ceux-ci permettent, on le comprend, de préciser le siège et l'étendue des lésions et suppléent, par conséquent, à l'insuffisance malheureusement très habituelle des descriptions.

circonvolutions desservies par l'artère sylvienne, et en parti-culier les circonvolutions frontale et pariétale ascendantes, étaient restées indemnes. Les plaques jaunes occupaient l'une des régions suivantes, savoir : une partie quelconque des lo-bes sphénoïdaux, le lobe carré, le coin, un lobe occipital ou les deux lobes occipitaux tout entiers, une région quelconque des deux tiers antérieurs des lobes frontaux.

Dans tous les cas du second groupe, il y avait eu, au con-traire, hémiplégie permanente, et la sclérose consécutive était parfaitement accentuée. Le trait commun à ces cas est que, constamment, la lésion intéressait plus ou moius l'une ou l'autre des circonvolutions ascendantes frontale et pariétale, principalement dans leur moitié supérieure, et souvent toutes les deux à la fois ; il y avait, en outre, le plus souvent, parti-cipation des régions les plus voisines des circonvolutions fron-tales et pariétales. La figure que je fais passer sous vos yeux vous montre un bel exemple de ce genre (Fig. 45.)

Vous voyez, d'après ce qui précède, que, comme je vous l'avais annoncé, la production des scléroses secondaires, en conséquence des lésions destructives de l'écorce des hémis-phères paraît être subordonnée au siège qu'occupent ces der-nières lésions. Je vous ferai remarquer, en terminant, que ces départements du système cortical, dont, à l'exclusion des autres, l'altération détermine le développement des dégénéra-tions secondaires, correspondent à celles qui, chez le singe, sont désignées par l'expérimentation comme renfermant les centres dits psycho-moteurs ; ce sont aussi ceux dans lesquels la substance grise corticale contient les cellules pyramidales les plus volumineuses.

DEUXIÈME PARTIE

Des localisations spinales,

(Anatomie et physiologie du faisceau pyramidal).

PREMIÈRE LEÇON

Introduction. — Topographie delà moelle épinière. -Affections systématiques.

Sommaire. — Introduction. — Progrès de l'anatomie pathologique du système nerveux. — Beaucoup de maladies nerveuses sont cependant inaccessibles à l'anatomie pathologique.

Historique rapide de l'ataxie locomotrice et de la sclérose en plaques long-temps considérées comme des névroses. — L'étude des lésions, avec le con-cours de l'expérimentation, peut fournir les bases d'une interprétation phy-siologique des phénomènes morbides.

Constitution de la moelle épinière. — Lésions systématiques. — Faisceau pyramidal (faisceau direct et faisceau croisé). — Faisceaux de Goll et de Burdach. —Celte décomposition des diverses parties de la moelle s'annonce dès la période de développement de l'organe. — Recherches de Pierrot, de Flechsig.

Affections élémentaires. — Localisations bulbaires et médullaires.

Messieurs,

Conformément au programme que je me suis tracé, je dois traiter, dans le cours de cette année, de l'anatomie patholo-gique du système nerveux.

Déjà, à plusieurs reprises, dans cet enseignement, qui date aujourd'hui de sept années, j'ai eu l'occasion d'entrer dans quelques développements sur divers points relatifs à ce grand chapitre. Ainsi, il y a sept ans, à propos des inflammations considérées en général, j'ai présenté une esquisse anatomo-pathologique des scléroses spinales. L'année d'après, traitant

Chargoï, Œuvres complètes, t. iv. Localisations. 12

des dégénérations et des atrophies, je me suis appliqué à. montrer le rôle éminent, et alors peu connu, que jouent les. altérations de certaines parties des centres nerveux sur le développement de divers troubles trophiques et, en particu-lier, des atrophies musculaires. Enfin, il y a quatre ans, j'essayais dans une série de leçons, de faire connaître la mé-thode anatomo-clinique qui permettra d'établir sur des bases solides la doctrine des localisations cérébrales chez l'homme -Mais en somme, Messieurs, ces divers sujets n'ont été abordés toujours que d'une façon incidente, à titre d'éléments pouvant contribuer à la solution de questions plus générales, D'ailleurs, malgré l'intérêt qui s'y attache, ce ne sont, à tout prendre, que des épisodes dans l'histoire anatomo-pathologique du système nerveux. Il m'a semblé qu'il serait utile d'envisager actuellement en eux-mêmes les faits qui composent cette his-toire et de les» considérer dans leur ensemble.

Les temps paraissent, du reste favorable pour entreprendre cette étude. D'innombrables matériaux, relatifs à cette ques-tion, ont été laborieusement recueillis dans le cours des der-nières années. Ils étaient restés disséminés dans divers re-cueils. On a senti, à un moment donné, un peu dans tous les pays, le besoin de les coordonner, afin de les faire entrer dans l'enseignement classique. C'est ainsi qu'ont paru récemment, tant à l'étranger qu'en France, plusieurs grandes monographies et mêmes plusieurs traités dogmatiques concernant spéciale-ment la pathologie du système nerveux. Dans ces ouvrages, les documents nouveaux tiennent toujours, à côté des docu-ments de date plus ancienne, une place honorable, ou même souvent ils y occupent le premier rang.

11 vous suffira, Messieurs, de parcourir ces livres pour y reconnaître la marque d'un progrès sérieux et pour constater qu'une grande part dans l'accomplissement de ce progrès ap-partient à la recherche anatomo-pathologique, rendue plu*

pénétrante par l'emploi des moyens perfectionnés de l'histolo-gie moderne

C'est là, Messieurs, le point qui nous touche particulière-ment, en raison du caractère spécial de notre enseignement. Je voudrais aujourd'hui m'y arrêter un instant. Il ne s'agira pas, dans l'exposé qui va vous être présenté, d'un historique en règle, mais seulement d'une introduction, d'un sommaire.où seront signalés à grands traits quelques-uns des principaux résultats obtenus. Chemin faisant, nous parviendrons peut-être à dégager l'idée dominante qui semble avoir inspiré ces travaux.

I.

En premier lieu, il importe de reconnaître, parce que l'illu-sion en pareille matière est lapire des choses que, malgré tous les efforts, il existe encore à l'heure qu'il est un nombrecon-sidérable d'états pathologiques ayant évidemment pour siège le système nerveux, qui ne laissent sur le cadavre aucune trace matérielle appréciable, ou ne s'y révèlent tout au plus que par des lésions minimes, sans caractère déterminé, inca-pables, en tout cas, de rendre compte des principaux faits du drame morbide. Tels sont, par exemple, le tétanos et la rage. L/antique groupe des névroses, bien qu'il ait été sérieusement entamé sur plusieurs points, est là, toujours présent, à peu près inaccessible à l'anatomo-pathologiste. L'ôpilepsie vraie, la paralysie agitante, l'hystérie même la plus invétérée, la chorée enfin, s'offrent encore à nous comme autant de sphynx qui défient l'anatomie la plus pénétrante. Aussi sommes-nous forcés de confesser, dès l'origine, que, dans le domaine neuro-pathologique, l'anatomie pathologique n'a d'application directe que dans un certain nombre d'états morbides.

II.

Mais, prenons les choses comme elles sont dans la réalité, et attachons-nous seulement aux formes pathologiques dans lesquelles l'existence constante d'une lésion matérielle a été bien et dûment constatée. Le champ, ainsi limité, sera encore assez vaste.

On dit souvent que le progrès de l'anatomie pathologique et ceux de la pathologie vont de pair. Cela est vrai, sans doute en général, mais cela est vrai, surtout en ce qui concerne les maladies du système nerveux. Quelques exemples suffiraient pour montrer que la découverte d'une lésion constante dans les maladies de ce genre, est un résultat d'une portée décisive.

La description qu'a donnée Duchenne (de Boulogne) des symp-tômes de l'affection qu'il a appelée Yataocie locomotrice, est incontestablement Tune des plus vivantes, des plus saisis-santes qui se puissent voir ; c'est un véritable chef-d'œuvre. Cependant, combien d'hésitations ont régné dans l'esprit des praticiens, jusqu'au jour où la lésion décrite autrefois par Cru-veilhier fut, par les recherches de MM. Bourdon et Luys, rap-portée au type clinique. Mais quelques auteurs pensaient en-core que l'affection, à son origine, pouvait être une névrose. Toute illusion se dissipa, lorsqu'on eut reconnu que la lésion spinale est déjà parfaitement constituée et facilement recon-naissable dès les premières phases du mal, alors qu'il ne se révèle encore cliniquement que par quelques symptômes fu-gaces, à peine appréciables. L'examen ophthalmoscopique qui, dans l'espèce, répond, en quelque sorte, à une investi-gation anatomique faite sur le vivant, en faisant reconnaîtra l'existence de l'induration grise du nerf optique, bien des an-nées souvent avant le développement des autres symptômet

tabétiqucs, dépose absolument dans le même sens. La lésion est donc là, toujours présente à un degré quelconque. Elle ne fait pas défaut dans les formes frustres anormales, si variées, si différentes du type normal. Sa présence constante a permis de rattacher avec assurance ces formes, dont le nombre semble augmenter chaque jour, au type régulier, seul visé dans la description classique de Duchenne (de Boulogne).

Le développement de nos connaissances, relativement à la maladie connue sous le nom d!'induration multiloculaire des centres nerveux, àe sclérose en plaques, prêterait à des con-sidérations du même ordre. La maladie n'a été bien connue dans son type classique que lorsqu'elle a été rattachée à la lé-sion cérébro-spinale. Le type régulier est rare ; les formes anor-males sont fréquentes, au contraire, et nombreuses. Elles n'ont pu être rattachées au type dont elles s'éloignent clinique-ment que parce que l'anatomie pathologique a servi de fil con-ducteur.

Dansles exemples que je viens de faire passer sous vos yeux, l'intervention de l'anatomie pathologique, — et c'est là ce que j'ai voulu faire ressortir, — offre, en quelque sorte, un carac-tère purement pratique. Il s'agit surtout, vous l'avez remarqué, de fournir à la nosologie, pour la détermination des composés morbides, des caractères plus accentués, plus fixes, plus ma-tériels, si l'on peut ainsi dire, que ne le sont les symptômes eux-mêmes; aucune idée spéculative n'intervient, et l'on ne s'occupe guère de saisir la nature des rapports qui unissent les lésions aux symptômes extérieurs.

Sans méconnaître, Messieurs, l'importance des résultats ob-tenus dans cette voie, il est certain qu'aujourd'hui, l'étude des lésions peut, sans rien perdre de sa portée pratique, être adap-tée à un autre point de vue et prétendre à des visées plus hau-tes, en quelque sorte plus scientifiques. Elle peut, en d'autres termes, avec le concours des données expérimentales, fournir

les hases d'une interprétation rationnelle, ou autrement dit physiologique, des phénomènes morbides.

III.

C'est là ce que je voudrais faire ressortir maintenant devant vous, par quelques exemples significatifs, choisis parmi les résultats nouvellement introduits dans la pathologie des cen-tres nerveux : cerveau, bulbe rachidien, moelle épinière ; je commencerai parce qui concerne celle-ci, en raison de sa cons-titution comparativement moins complexe,

a) L'anatomie de la moelle épinière, faite à l'aide de simples grossissements, ne fait reconnaître, vous le savez, dans l'état normal, qu'une constitution relativement simple. La coupe transverse de la région cervicale inférieure fait voir un axe de substance grise et un manteau médullaire. Dans la subs-tance grise, vous distinguez : 1° les cornes antérieures avec les cellules dites motrices et l'origine des racines antérieures; — puis les cornes postérieures où se rendent les racines pos-térieures. Vous voyez enfin que les cornes sont rattachées l'une à l'autre par une commissure. Pour ce qui est du man-teau médullaire, formé par l'assemblage de tubes nerveux à direction presque partout longitudinale, on y distingue deux régions : 1° les faisceaux antéro-latéraux, limités par le sillon antérieur et le sillon collatéral postérieur ; 2° les faisceaux postérieurs, limités par la commissure et les cornes postérieu-res. A peine prend-on en considération l'espace limité par les sillons intermédiaires postérieurs.

b) La méthode expérimentale n'a pas sensiblement modifié ces données de l'anatomie descriptive dans son analyse de?

fonctions des divers faisceaux blancs et des diverses parties de la substance grise. Elle a distingué les propriétés des fais-ceaux antéro-latéraux pris en bloc (1), celle des faisceaux pos-térieurs, celle des deux grandes régions de la substance grise, et elle n'est pas allée beaucoup au-delà.

c) L'étude méthodique des lésions pathologiques, vous allez le voir, a démontré que la constitution du cordon spinal est réellement plus compliquée.

Un grand fait domine, Messieurs, Yanatomie de la moelle épinière : C'est l'existence très répandue dans ce domaine des lésions dites systématiques. On entend, dans l'espèce, par cette expression empruntée à l'enseignement de M. le profes-seur Vulpian, les lésions qui se cantonnent et se circonscrivent dans certaines régions bien déterminées de l'organe sans inté-resser les régions voisines.

Je place sous vos yeux une sorte de plan topographique qui montre les diverses régions que peuvent occuper les lésions systématiques jusqu'ici connues (Fig. 46).

Les faisceaux postérieurs, considérés en physiologie comme formant un tout, sont, au contraire, divisés nettement par l'a-natomie pathologique en deux parties bien distinctes. C'est ainsi que la partie voisine du sillon postérieur, à savoir les cordons de Goll, peuvent être seuls lésés. — D'autres fois, les lésions intéressent la région des cordons postérieurs la plus voisine des cornes postérieures, c'est-à-dire les faisceaux radiculaires (Pierre!) ou faisceau cunéiforme (Burdach).

Les faisceaux antéro-latéraux peuvent subir une décompo-sition du même genre. Ainsi, à la suite de lésions cervicales de siège déterminé, on voit apparaître dans la partie anté-

(1) Voir cependant le travail de Woroschiloff, Sachs. Academ., etc. Leipzig, 1875.

rieure des faisceaux latéraux, au voisinage du sillon médian une lésion nettement circonscrite. La lésion occupe un fais-ceau défibres (peu ou pas distingué à l'état normal) et qui rè-gne depuis le bulbe jusqu'à la moelle dorsale. C'est le faisceau de Turck ou faisceau pyramidal direct. Cette lésion d'un faisceau pyramidal direct est toujours accompagnée d'une lé-

sion du même genre et qui occupe la partie postérieure du faisceau latéral du côté opposé dans une région toujours la même et dont nous aurons à étudier les limites précises : cet espace répond au faisceau pyramidal croisé.

Entre la base du triangle, qui représente la coupe du fais-ceau pyramidal croisé, et la pie-mère, existe de chaque côté, un espace en pareil cas respecté (au moins dans la région cervi-cale) : cet espace correspond à la surface de section transver-

Fi/7.46. — A, A, cordons latéraux. — A, faisceaux de Tûrck. —B, C, zones ra culaires postérieures. —G, C, cornes postérieures. —D, D, cornes anté-rieures. — P, zone radiculaire antérieure. — E, cordons de Goll.

sale du faisceau cérébelleux direct (Flechsig). Ces faisceaux cérébelleux, eux aussi, peuvent être lésés systématiquement.

On ne connaît pas, jusqu'ici, d'exemples de lésions portant sur la région qui entoure les cornes antérieures et qui seule

Fie/. 47. (D'après Flechsig).— F. p. d., faisceau pyramidal direct. — P. f. partie fondamentale. — F. c. d., faisceau cérébelleux direct. — F. p. c. faisceau pyramidal croisé. — F. f., faisceau radiculaire. — F. G., faisceau de Goll.

persiste à l'état normal, après cette dissection opérée parla maladie, dans les faisceaux antéro-latéraux. Cette région a reçu les noms de zone radiculaire antérieure (Pierret) et de région fondamentale des faisceaux latéraux (Flechsig).

Ajoutons que, en ce qui concerne la substance grise, il est toute une série de lésions, tant aiguës que chroniques ou su-

baignes qui ont pour caractère de se localiser systématique ment dans les cornes antérieures de substance grise, où elles intéressent nécessairement l'appareil des grandes cellules nerveuses motrices.

Ainsi, voilà, de par l'anatomie pathologique, les anciens cordons postérieurs décomposés en deux faisceaux secondaires et les anciens cordons latéraux divisés en trois faisceaux se-condaires.

d) Mais ces faisceaux que la maladie peut affecter isolément, comme par une sorte de sélection, répondent-ils à autant de régions, de systèmes anatomiques distincts, et en même temps, doués d'un mode de fonctionnement particulier? C'est ce que semblent mettre hors de doule, dès à présent, d'un côté, l'anatomie de développement de la moelle et, d'un autre côté, l'élude des symptômes qui révèlent cliniquement ces lésions systématiques.

A. Considérons d'abord le premier point. Il ne s'agit pas du premier développement, de celui qui répond aux phases em-bryonnaires, mais du développement de la moelle, à l'époque où le fœtus est à terme, ou encore de la moelle épinière du nouveau-né. D'après les études très importantes de M. Flechsig et celles de M. Pierret, que je me borne à indiquer ici, parce qu'elles seront l'objet d'un exposé en règle, toutes les parties de la moelle ne sont pas encore définitivement constituées lorsque l'enfant vient au monde.

Ainsi, sur une planche de Flechsig que je fais passer sous vos yeux et relative à la moelle d'un nouveau-né, vous pouvez constater les particularités suivantes : Toutes les parties tein-tées en noir sont les parties développées : le cylindre-axe est entouré de sa gaine de myéline. Les parties non développées, en raison du mode de préparation, restent au contraire tout

à fait claires, parce que si le cylindre-axe existe, la gaine de myéline fait encore défaut (1 ).

Or, quelles sont les parties demeurées claires? Par le fait d'une coïncidence qui ne saurait être fortuite, ce sont juste-ment, dans les cordons antéro-latéraux, les mêmes faisceaux pyramidaux croisés et directs que la maladie lèse quelquefois isolément.

Eh bien, selon les recherches de M. Flechsig, comme nous le verrons plus tard, ces faisceaux seraient en relation directe avec les régions motrices de l'écorce du cerveau. Or, ces régions elles-mêmes, chez les animaux qui, de même que l'homme, ne possèdent à l'époque de la naissance que la vie automatique, ne sont pas encore développées. 11 s'ensuit que, d'après cela, les faisceaux pyramidaux pourraient être consi-dérés comme une sorte de commissure, réunissant les parties du cerveau, présidant aux déterminations motrices volontaires avec les parties de la moelle présidante la vie automatique.

Voici un plan topographique {Fig. kTl) qui résume assez exactement les études de M. Flechsig sur cet intéressant sujet du développement successif des faisceaux spinaux. Vous pou-vez vous assurer, par vous-mêmes, qu'il coïncide de tous points avec le plan qui nous a servi à indiquer le siège des lésions spinales (Fig. 46). C'est ainsi qu'il vous sera facile de voir que les faisceaux spinaux où siègent les lésions systémati-ques, et doués par conséquent à'autonomie pathologique, sont ceux-là même dont l'autonomie est signalée aussi par l'étude du développement.

B. 11 est devenu plus que vraisemblable, d'après les consi-dérations qui précèdent, que ces mêmes faisceaux doivent être doués encore d'autonomie fonctionnelle. Pour éclairer la question, c'est ici le lieu d'interroger la clinique. L'obser-

(1) Intervention de l'acide osmique.

vation a été recueillie pendant la vie du malade, et, après la mort, l'investigation anatomique est poursuivie conformément aux méthodes prescrites. Veuillez remarquer que nous nous trouvons, dans ce cas, où il s'agit de lésions systématiques, c'est-à-dire nettement délimitées, dans les conditions pour ainsi dire idéales que recherche l'expérimentateur, lorsqu'il s'efforce de reproduire la lésion des parties qu'il suppose avoir les fonctions spéciales dont il entreprend l'analyse. On peut même avancer que, dans le cas particulier de la moelle épi-nière, l'expérimentateur se heurte à des difficultés presque insurmontables que les lésions systématiques résolvent tout naturellement. 11 est impossible, à l'expérimentateur le plus habile, d'enlever un faisceau spinal dans toute sa longueur, opération à laquelle, d'ailleurs, l'animal ne survivrait pas. Il ne lui est guère possible, non plus, d'atteindre isolément, dans la profondeur de la moelle, les cornes antérieures pour y dé-truire les amas de cellules nerveuses microscopiques qui y sont contenues : la maladie détermine quelquefois toutes ces alté-rations nettement circonscrites.

J'ajouterai que les lésions systématiques spinales évoluent le plus communément suivant le mode chronique, et que leur symptomatologié n'est pas compliquée en général par ces phé-nomènes de retentissement sur les parties voisines, phéno-mènes qu'occasionnent à peu près nécesssairementles trau-matismes expérimentaux et qui rendent si difficile, en pareille circonstance, l'analyse physiologique des phénomènes mor-bides.

Mais ces phénomènes qu'on essaie de dégager par l'analyse, — et ceci, Messieurs, nous ramène en pleine pathologie, — constituent justement la symptomatologié propre à chacune des lésions à l'étude. J'aurai à vous faire reconnaître, par la suite, que cette symptomatologié diffère en réalité profondé-ment, suivant que la lésion porte sur les faisceaux pyramidaux,

sur les faisceaux cunéiformes, sur les cornes antérieures de substance grise, et aussi suivant le mode, de la lésion qui occupe les faisceaux.

Pour le moment, je me borne à relever ce fait que j'estime fondamental en pathologie spinale : c'est que les maladies systématiques, que nous venons de citer, doivent être con-sidérées comme autant d'affections élémentaires, dont la connaissance approfondie pourra être appliquée à l'élucidalion des affections plus complexes, non systématiques, ou, en d'autres termes, anatomiquement distribuées dans le cordon nerveux d'une façon diffuse et inégale.

L'analyse dirigée conformément à ces principes n'a pas encore fourni tout ce qu'elle promet; toutefois, je ne crois pas errer en déclarant qu'elle a contribué, pour une part sérieuse, aux progrès récents accomplis dans la pathologie de la moelle épinière.

Je me vois obligé de remettre, à une époque où je traite-rai régulièrement ces sujets, quelques considérations que je désirais vous soumettre, dès aujourd'hui, et qui concernent les localisations bulbaires et les localisations clans les hémisphères du cerveau. Le temps presse, et je vais con-clure.

Si j'avais réussi àplacer dans leur véritable jour les tra-vaux relatifs à l'anatomie morbide des centres nerveux, vous n'auriez pas manqué de reconnaître la tendance principale qui s'accuse dans tous ces travaux. Tous semblent en quel-que sorte, dominés par ce qu'on pourrait appeler Vesprit de localisation lequel n'est en somme qu'une émanation de l'esprit d'analyse.

L'idée de localiser n'est certainement pas chose nouvelle en anatomie pathologique ; elle est aussi vieille que cette science elle-même, bien que Bichat l'ait, à la vérité, le pre-mier formulée avec netteté, en môme temps qu'il en faisait

ressortir toute la portée scientifique ; mais peut-être n'avait-elle jamais été poursuivie avec autant de rigueur et de logi-que.

Qu'entend-on, en somme, par ce terme : localisera En anatomie pathologique, localiser c'est : déterminer dans les organes, dans les tissus, le siège, l'étendue, la configu-ration, les altérations matérielles et palpables ; en physiolo-gie pathologique, c'est, mettant à profit les données de l'ob-servation clinique et s'éclairant des données expérimentales, établir le rapport entre les troubles fonctionnels constatés durant la vie et les lésions révélées par l'autopsie.

Ces deux points de vue se présenteront bien souvent dans le cours de nos études, et ils devront être, de notre part, l'objet d'une attention égale, car, je le répète, Messieurs, ce n'est pas seulement l'anatomie pathologique contemplative, étudiant la lésion en elle-même et pour elle-même que nous devons connaître, c'est encore l'anatomie pathologique mise au service de la nosologie et de la clinique, appliquée, en un mot, à la solution de tous les problèmes pathologiques qui sont de son ressort.

DEUXIÈME LEÇON

Du faisceau pyramidal. — Développement de ce faisceau.

Sommaire. —Affections systématiques de la moelle épinière. — Elles réponden à une topographie anatomique normale, mise eu relief par l'anatomie patholo gique, la clinique et l'anatomie de développement.

Recherches de Parrot, de Schlossebcrger, de Weisbach. — Chez l'en-fant nouveau-né, le cerveau n'est pas complètement achevé. — Prédomi-nance des actes réflexes. — Observations de Soltmann et Tarchanoff sur es cerveaux des animaux nouveau-nés doués de mouvements volontaires. — Chez l'homme, à la naissance le cerveau est un organe à peu près indifférent.

Faisceaux pyramidaux croisés. — Faisceaux pyramidaux directs (cordons de Tûrck). —Leur trajet dans les diverses régions de la moelle épinière. — Leur trajet dans le bulbe. — Entrecroisement des pyramides. — Différents types de décussation. — Importance de la connaissance de ces types au point de vue de l'interprétation des faits pathologiques.

Messieurs,

J'ose espérer qu'un fait principal s'est dégagé de l'exposé que je vous ai présenté dans notre dernière réunion, c'est qu'il existe, dans le domaine de la pathologie spinale, un cer-tain nombre de maladies offrant ce caractère remarquable que la lésion à laquelle elles se rattachent, se fixe et se cantonne, pour ainsi dire, dans de certaines régions bien circonscrites du cordon nerveux ; que ces maladies constituent, en quelque sorte, autant d'affections élémentaires, dont l'étude appro-fondie devra fournir de précieux documents pour l'élucida-

tion des affections plus complexes, anatomiquement non sys-tématisées.

Ces affections élémentaires ou systématiques, comme vous voudrez les appeler, sont celles, qu'en bonne logique, nous devons considérer tout d'abord.

Mais avant d'en arriver là, Messieurs, je voudrais essayer de vous faire voir que certains documents tirés de l'anatomie normale permettent de reconnaître comme autant de parties distinctes, anatomiquement et physiologiquement, ces mêmes régions que l'anatomie pathologique et la clinique ont déjà mises en relief.

Cette démonstration, je vous l'ai présentée à l'état d'ébau-che. Aujourd'hui, je voudrais la reprendre et la pousser assez loin, pour qu'il vous soit permis d'en tirer, au point de vue que nous envisageons spécialement, les enseignements nom-breux qu'elle comporte.

Ces enseignemenls, vous savez que nous devons les cher-cher, non pas dans l'anatomie de l'adulte qui ne nous fournit à cet égard, que des données tout à fait insuffisantes, mais bien dans l'anatomie de développement. Je vous rappellerai également qu'il n'est pas nécessaire pour le but que nous vi-sons, de remonter jusqu'au premier développement, au déve-loppement embryonnaire ; mais qu'il suffit de considérer l'état anatomique des diverses parties du névraxe, tel qu'il se présente chez l'enfant qui vient au monde.

I.

A. On a depuis longtemps remarqué, Messieurs, que chez les enfanls nouveau-nés, tandis que la moelle épinière et le bulbe rachidien sont déjà relativement 1res avancés dans leur

développement, il est loin d'en être de même pour ce qui concerne le cerveau proprement dit.

Le cerveau des nouveau-nés, disait Bichat, ne ressemble guère à celui de l'adulte que par sa configuration extérieure ; et l'on sait aujourd'hui que les principaux détails de sa struc-ture y sont à peine esquissés.

A cette époque de la vie, suivant la description qu'en a faite M. le professeur Parrot, description devenue classique, le cerveau est un organe mou, d'une coloration grise, uni-forme, où les deux substances, la grise et la blanche, sontcon-fondues. Lorsqu'on prend entre les mains un fragment de cette pulpe nerveuse et qu'on lui imprime quelques oscillations, on croirait tenir une masse gélatineuse, de la colle de pâte.

L'examen histologique et l'analyse chimique ont conduit à des résultats qui rendent compte, en grande partie, de ces apparences macroscopiques. Partout le tissu conjonctif, autre-ment dit la névroglie, prédomine ; le réticulum est homogène, moins nettement fîbrillaire que chez l'adulte. Les éléments cellulaires y sont en grand nombre, et leur masse protoplas-mique (comme l'ont montré MM. Parrot et Jastrowitz) ren-ferme physiologïquement une certaine quantité de graisse sous forme de granulations. Par contre, les tubes nerveux sont absents à peu près partout, ou tout au moins à peine ébauchés : ça et là, on les aperçoit disséminés sous la forme de cylindres axiles non encore recouverts de leur gaîne de myéline.

La constitution chimique répond à cet étatanatomique. Les analyses de Schlossberger, celles de Weisbach ont appris, par exemple, que dans le centre ovale la proportion d'eau est représentée par 92,59 0/0 ; dans le cervelet et le pont de Varole par 85,77 ; et, dans la moelle allongée par 84,38. Or, la proportion d'eau se trouve ici précisément en raison in-verse du développement histologique.

Chargot, Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 13

Ainsi, en résumé, chez l'enfant qui vient au monde, la structure du cerveau en est encore, en quelque sorte, à l'état rudimentaire, tandis que dans le bulbe et la moelle épinière, elle se présente déjà avec des caractères qui la rapprochent de l'état adulte.

B. Un coup d'œil jeté sur la physiologie du nouveau-né conduit à des considérations du même genre. Chez l'entant nouveau-né, a dit Virchow, reproduisant une vue déjà émise par Billard, la vie du système nerveux est en quelque sorte

Fig. 48. — Région cervicale. —F. p. d., Faisceau pyramidal direct. — F.p. c, Faisceau pyramidal croisé.

exclusivement concentrée dans le bulbe et la moelle épinière. Il est à peu près certain que les déterminations volontaires sont alors absentes et que les actes accomplis, si compliqués qu'ils paraissent, la succion, par exemple, sont purement ins-tinctifs, en un mot, d'ordre réflexe.

Les récentes expériences de Soltmann, confirmées par MM. Bouget et Tarchanoff plaident dans le même sens. Chez les animaux adultes, contrairement aux enseignements de h

physiologie d'il y a dix ans, l'excitation électrique des régions dites psychomotrices détermine des mouvements dans les membres ou les autres parties du côté opposé du corps ; et l'ablation de ces mêmes régions produit un état parétique plus ou moins prononcé dans ces mêmes membres, qui tout à l'heure entraient en mouvement sous l'influence des excita-tions. Eh bien, Messieurs, il résulte des recherches de M. Solt-mann, que les parties excitables de l'écorce du cerveau n'existent pas encore chez les petits animaux qui naissent aveugles et, comme ceux de l'homme, privés de déterminations

Fig. 49. — Région lombaire. — F. p. c., Faisceau pyramidal croisé.

volontaires : tels, le lapin, le chien; tandis que, par contraste, ces régions excitables ou centres moteurs existent déjà, d'après les observations de ïarchanoff, chez les animaux qui naissent les yeux ouverts et doués de mouvements volontaires. En même temps, d'après ces mêmes recherches, le cerveau de ces animaux présente un développement histologique et une constitution chimique qui diffèrent peu des conditions de l'é-tat adulte.

Il n'est peut-être pas sans intérêt de faire remarquer, en passant, que ces faits d'ordre anafomique et physiologique ont leur pendant dans la pathologie du nouveau-né. Il est, par

exemple, une chose bien connue de tous les auteurs qui ont particulièrement étudié la pathologie de cet âge, à savoir que toutes les lésions cérébrales, même les plus graves, ne se traduisent par aucun symptôme spécial; à proprement parler, elles restent latentes et ne peuvent être diagnostiquées. Ainsi s'exprime M. le professeur Parrot à l'occasion des lésions cé-rébrales qu'il subordonne à l'athrepsie, stéatose en foyer ou diffuse, ramollissement blanc ou rouge du cerveau, hémor-rhagie intra-encéphalique ou méningée, etc.

Vous le voyez, Messieurs, à cet âge, le cerveau n'existe pas encore ; au triple point de vue anatomique, fonctionnel et pathologique, c'est un organe indifférent.

11.

Les considérations qui précèdent auront servi, tout au moins, à accuser un contraste. En effet, il est bien entendu que la moelle épinière est, chez l'enfant qui vient de naître, beaucoup plus avancée dans son développement que ne l'est le cerveau proprement dit; si bien qu'à certains égards, elle se rapproche de l'état adulte. On peut en dire autant du bulbe rachidien. Toutefois, — et c'est là le point qu'il s'agit mainte-nant de faire ressortir, — l'organisation de ces deux parties du névraxe est encore bien imparfaite. Pour vous en convain-cre, jetez les yeux sur les figures que je vous ai déjà présen-tées et rappelez-vous les méthodes mises en usage pour faire ressortir immédiatement les différences qui existent entre les parties développées et celles qui ne le sont pas. L'acide osmi-que, vous ai-je dit, est fixé, dans les éléments nerveux déve-loppés, par la myéline. Or, vous voyez sur cette coupe de moelle épinière que quatre faisceaux bien nettement délimités sont respectés par le réactif, ce qui équivaut à dire que ces

faisceaux ne sont pas encore développés. Ce sont : 1° les deux faisceaux dits pyramidaux directs] 2° les deux faisceaux pyramidaux croisés. Et précisément ces faisceaux corres-pondent aux régions occupées par la lésion, dans une des formes les plus intéressantes des affections systématiques que nous nous proposons d'étudier en détail. C'est assez vous dire l'intérêt qui s'attache pour nous à l'étude anatomique de ces faisceaux.

Ils n'appartiennent pas exclusivement à la moelle épinière ; on peut en suivre anatomiquement le parcours et en reconnaître les principales dispositions dans le bulbe rachidien, dans les pédoncules cérébraux et jusque dans la profondeur des hé-misphères. Dans celte description, nous serons guidés par les travaux commencés à Paris par M. Pierret et surtout par ceux de M. Flechsig. Enfin, nous mettrons à profit une étude de M. Parrot, fondée sur une centaine d'observations et dont les résultats doivent être présentés demain à la Société de Biologie.

1° Voyons donc, Messieurs, quel trajet parcourent ces quatre faisceaux pyramidaux, et commençons, si vous le voulez bien, par les faisceaux croisés (Fig. 48 et 49).

Immédiatement au-dessus de l'entrecroisement bulbaire ils occupent une situation qu'ils ne quitteront plus, attendu qu'on peut les suivre dans la partie inférieure de la moelle épinière jusqu'à la deuxième ou troisième paire sacrée. Sur cette grande étendue, ils occupent la moitié postérieure du cordon latéral où ils sont représentés par un faisceau compact de forme trian-gulaire, touchant en arrière à la substance gélatineuse, tandis que. en dedans, un petit espace sépare le sommet de ce trian-gle du processus réticulaire. Quant à la base du triangle, diri-gée en dehors, elle est séparée de la pie-mère par une zone de substance nerveuse lui formant une sorte de manteau et cons-

tituée par les faisceaux cérébelleux directs. Mais cette disposi-tion n'occupeque la moitié supérieure du cordon médullaire; au-dessous de la région dorsale, les faisceaux cérébelleux s'épuisent, et, dans la région lombaire, où il n'en reste plus trace, les faisceaux pyramidaux croisés touchent à la pie-mère. Sur les coupes transversales, le diamètre de ces faisceaux triangulaires diminue régulièrement de haut en bas, comme si les fibres qui les composent s'épuisaient elles-mêmes che-min faisant ; mais c'est surtout au niveau du renflement cer-vical et du renflement lombaire que cette diminution de diamè-re est le plus appréciable.

2° Pour les faisceaux pyramidaux antérieurs ou directs, dé-signés aussi sous le nom Tle cordons de Tûrck, ils siègent à la face interne des cordons antérieurs, et présentent là une forme ellipsoïde, à grand axe antéro-postérieur. En général, on peut les suivre jusqu'au milieu de la moelle dorsale ; mais cette disposition souffre de nombreuses exceptions ; tantôt, ils ne dépassent pas la région cervicale, tantôt, au contraire, ils descendent jusqu'à la région lombaire.

Ces quatre faisceaux sont composés de fibres à direction parallèle, et, lorsqu'ils sont développés, ils renferment des tubes nerveux de toutes dimensions. Comment se comportent-ils à leurs extrémités ? Puisque leur diamètre diminue à mesure qu'ils descendent plus bas dans la moelle, on est en droit de conclure que les fibres nerveuses qui les composent s'arrêtent successivement en chemin. Les cornes antérieures de subs-tance grise paraissent naturellement désignées comme étant le point vers lequel ces fibres convergent. Mais, pénètrent-elles dans les racines antérieures? Non, caries racines antérieures et les cellules nerveuses sont déjà très développées alors que les faisceaux pyramidaux ne le sont pas encore ; elles ne passent

pas non plus, du moins pour la plupart, dans les commissures qui ont également atteint leur développement; donc elles s'ar-rêtent dans la substance grise antérieure où elles entrent pro-bablement en rapport avec les grandes cellules motrices.

III.

Maintenant, Messieurs, nous devons essayer de poursuivre les faisceaux pyramidaux dans la moelle allongée.

En premier lieu, il est bien facile de voir que les faisceaux pyramidaux spinaux ne sont autre chose qu'une émanation, un prolongement des faisceaux pyramidaux bulbaires.

Soit une coupe transversale du bulbe pratiquée à la partie moyenne des olives. On reconnaît immédiatement le siège et les rapports des pyramides, et l'on constate que certaines par-ties du bulbe sont déjà parvenues à un développement avancé ; tels sont les noyaux de l'hypoglosse avec les filets intra-bulbai-,res des nerfs hypoglosses, et tout le champ des faisceaux antéro-latéraux.

Or, chacune des ces pyramides donne naissance à deux des faisceaux spinaux, un direct, un croisé. Le faisceau direct descend dans l'intérieur du cordon antérieur correspondant; l'autre, ou faisceau croisé, s'entrecroise avec le faisceau cor-respondant qui se détache de l'autre pyramide, et va gagner la partie postérieure du faisceau antéro-latéral où il occupe les rapports de situation que nous avons indiqués plus haut.

C'est ainsi que s'opère la semi-décussation désignée géné-ralement sous le nom d'entrecroisement des pyramides, et dont toutes les particularités sont décrites longuement dans les traités classiques.

Mais ce que l'on connaît moins dans ce fait de l'entrecroi-sement des pyramides, c'est qu'il est sujet à de très nom-

breuses variétés, à en juger du moins par les observations de M. Flechsig qui portent sur une soixantaine de cas.

Les variétés en question, d'après M. Flechsig, peuvent d'ailleurs être ramenées à trois types :

1er type. C'est le plus vulgaire (75 0/0. Il consiste dans la

Fig. 50 et 51, d'après Plechsig. — a, prédominance du faisceau pyramidal direct. — 6, type de décussation totale. Le faisceau pyramidal direct fait défaut.

semi-décussation symétrique, chaque pyramide fournissant un faisceau direct et un faisceau croisé. Dans la grande majorité des cas, le faisceau direct est beaucoup moins important que le faisceau croisé. Il est représenté par 3,9 0/0 des fibres de la pyramide, tandis que le faisceau croisé renferme 97 ou 91 0/0 de ces fibres. Mais, il existe dans ce type une variété très inté-ressante que M. Flechsig a mentionnée et que M. Pierret avait également observée. Il suffit de renverser les propor-tions que je viens de vous signaler : le faisceau direct est repré-senté par 90 0/0 du chiffre total des fibres tandis que le faisceau croisé ne contient seulement que 10 0/0 de ces fibres. Le nombre des fibres entrecroisées est donc en pareil cas si in-signifiant qu'il peut n'en être pas tenu compte.

Vous comprenez, Messieurs, tout l'intérêt des cas de ce genre, au point de vue des paralysies cérébrales directes. On entend par là, ainsi que vous le savez, les paralysies qui, contraire-ment à la règle, se produisent du même côté que la lésion.

L'existence de ces paralysies est incontestable, mais à coup sûr moins fréquente qu'on a bien voulu le prétendre dans ces derniers temps. Le nombre de 200 que l'on met en avant pour le besoin de certaines théories pourrait être considérablement réduit par la critique. Néanmoins quelques observations bien recueillies ne laissent prise à aucun doute : telles sont celles de MM. Brown-Séquard, de Callender, de H. Jackson, Reynaud et quelques autres encore.

Généralement, pour expliquer des faits, on invoque la théo-rie de Longet qui suppose qu'en pareille circonstance l'en-trecroisement fait défaut ; mais ce n'était là de la part de Longet qu'une pure hypothèse. En effet, les anatomistes ont toujours considéré l'entrecroisement des pyramides comme une dispo-sition absolument constante. C'est ainsi que M. Serres affir-mait avoir examiné 1100 sujets sans rencontrer une seule exception à la règle. Eh bien, Messieurs, cette opinion nous paraît trop absolue et les recherches de M- Flechsig le démon-trent. Dans bien des cas, si l'entrecroisement ne fait pas abso-ment défaut, il peut, comme je vous l'ai dit, n'être représenté que par un nombre de fibres si restreint que l'on peut le con-sidérer comme tout à fait négligeable ; et alors le faisceau di-rect l'emporte de beaucoup sur le faisceau croisé, circonstance suffisante pour expliquer la paralysie directe.

2e type. Celui-ci a été observé 11 fois sur 100. C'est la dé-cussationtotale; autrement dit les faisceaux directs manquent complètement.

36 type. Plus fréquent que le précédent puisqu'il se pré-

sente dans la proportion de 40 0/0, il mériterait la désigna-tion de type asymétrique. En pareil cas, il n'existe que trois faisceaux : une seule des pyramides se divise en deux faisceaux d'un direct, l'autre croisé ; la seconde, au contraire, s'entre-croise dans sa totalité.

Enfin, Messieurs, il me reste à vous signaler le remarqua-ble rapport de compensation qui existe entre les deux faisceaux issus d'une même pyramide, selon les cas auxquels je viens de faire allusion. Plus l'un est volumineux, plus l'autre est grêle, —inversement.

A cette asymétrie dans la decussation correspondent, cela va de soi, des asymétries dans la moelle, et il importe de les connaître, parce qu'on pourrait au premier abord les rappor-ter dans certains cas à un état pathologique.

TROISIÈME LEÇON

Du faisceau pyramidal dans les pédoncules céré-braux, la capsule interne et le centre ovale.

Sommaire. — Trajet du faisceau pyramidal au-dessus de la région bulbaire.

— Trajet dans la protubérance. — Trajet pédonculaire. — Etendue du fais-ceau pyramidal dans l'étage inférieur: opinion de M. Plechsig.—Développe-ment relativement précoce du faisceau pyramidal dans le pédoncule.

Division de la capsule interne en trois régions sur les coupes horizontales.

— Segment antérieur, segment postérieur, genou de la capsule. — Localisa-tion du faisceau pyramidal dans le segment postérieur de la capsule interne.

Du faisceau pyramidal dans le centre ovale. — Observations chromologi-ques de Parrot. — Formation de l'anse rolandique. — De toutes les régions du manteau de l'hémisphère, ce sont les régions dites motrices qui se dévelop-pent les premières.

Messieurs,

Dans la dernière leçon, me fondant principalement sur les recherches de M. Flechsig, contrôlées par nos propres obser-vations, nous avons pu reconnaître la topographie des fais-ceaux pyramidaux dans les diverses régions de la moelle épi-nière et indiquer les rapports qu'ils affectent à l'égard des autres parties constituantes de cet organe complexe entre tous. Puis, remontant au-delà de l'entrecroisement, nous avons re-trouvé dans le bulbe ces cordons pyramidaux réunis en deux faisceaux bien distincts que vous avez appris à connaître en

anatomie descriptive sous le nom de pyramides antérieures. Aujourd'hui, Messieurs,nous devons remonter plus haut encore et déterminer, autant que possible, le trajet des faisceaux pyramidaux dans les autres parties de l'isthme, c'est-à-dire dans la protubérance et les pédoncules cérébraux, et enfin dans le cerveau proprement dit, où vous allez le voir, ils parais-sent prendre leur origine.

1° Dans la protubérance, les éléments nerveux qui, tout à

Fifí. 52. — Schéma de la coupe des pédoncules chez le nouveau-né (d'après Flechsig). — El, étage inférieur. — FP, faisceau pyramidal.

l'heure, composaient les pyramides du bulbe, ne se présentent plus sous l'aspect de faisceaux compactes ; ils se dissocient et s'entremêlent avec les fibres protubérantielles proprement dites, où ils contribuent à former un réseau au milieu duquel il est au moins fort difficile de les distinguer.

Il n'en est plus de même dans les pédoncules cérébraux, où nous allons les voir se reconstituer en quelque sorte à l'état de faisceaux bien limités.

2° Vous connaissez tous, Messieurs, ces deux colonnes qui rattachent la protubérance aux hémisphères cérébraux et qu'on appelle les pédoncules du cerveau. Je suppose qu'une coupe ait été pratiquée perpendiculairement à la direction des fibres qui s'accusent si nettement à la face inférieure de ces colonnes, un peu au-dessus de la protubérance, soit, par exem-ple, au niveau de l'origine des nerfs moteurs oculaires com-muns. Reconnaissons d'abord les particularités qu'offre à considérer, chez le nouveau-né, une coupe de ce genre.

Le pédoncule est divisé par les auteurs en deux parties (1) : 1« l'étage inférieur qu'on appelle encore le pied (pes, crusta) ; 2° l'étage supérieur ou tegmentum, autrement dit, la calotte (Haube des Allemands). Au-dessus de ces parties, se voit sur la coupe en question la section verticale des tubercules quadrijumeaux antérieurs. Enfin, vers la partie médiane, vous voyez la lumière de l'aqueduc de Sylvius autour duquel se développe un amas de substance grise, représentant les cor-nes spinales antérieures ; là, sont disposés des groupes cel-lulaires où prennent racines les nerfs moteurs oculaires com-muns. En avant de ce point, on distingue les prolongements des faisceaux antérieurs spinaux (partie fondamentale des fais-ceaux antéro-latéraux) ; ce sont des fibres qui s'entremêlent avec celles des processus cerebelli ad testes. Ces processus

(1) Dans cette figure et surtout dans la précédente, on peut remarquer que la région du faisceau pyraminal n'occupe que la quatrième partie environ de l'étage inférieur (troisième quart en procédant de dedans en dehors). Telle est du moins l'étendue assignée à ce faisceau par M. Flechsig. Je dois dire qu'un certain nombre d'examens de la région pédonculaire chez le nouveau-né me laissent à supposer que cette région est plus étendue que M. Flechsig ne le fait entendre. Pour ce qui est des dégénérations secondaires dans le faisceau pyra-midal intra-pédonculaire, je suis en mesure d'affirmer qu'elles correspondent à des dimensions sensiblement plus grandes que ne le font supposer les recher-ches de Flechsig. Un bon nombre d'observations anatomiques, recueillies dans ces derniers temps dans mon service de la Salpètrière, ne permettent pas de conserver le moindre doute à cet .égard. Il résulte de ces observations que le aisceau pyramidal occupe au moins les deux quarts moyens de l'étage inférieur.

se montrent sur la coupe sous la forme de noyaux rouges (Rothe Kerne, V. Stilling.) Ces diverses parties, qui consti-tuent à proprement parler le tegmentum, sont déjà dévelop-pées chez le nouveau-né, et vous savez qu'en remontant vers l'encéphale, nous les verrions aboutir à la couche optique, où elles se perdent. Elles ne prennent donc aucune part à la

formation de l'expansion pédonculaire. Si je me suis arrêté à vous en décrire l'ensemble, c'était afin de mieux détermi-ner la topographie de la région dans laquelle nous devons nous orienter. Dès maintenant, nous pouvons en faire abs-traction.

Fig. 53. — Coupe horizontale de la région pédonculaire dans un cas de de-génération secondaire. — P, étage inférieur du côté sain. — L. locus niger. — P, faisceau interne de l'étage inférieur du côté malade. — D, dégénération secondaire occupant environ les deux quarts moyens de l'étage inférieur. (D'a-près les cas récents auxquels il est fait allusion).

il nous importe, au contraire, de considérer attentivement l'étage inférieur des pédoncules, le pied des pédoncules. Chez

Fig. 54. — Coupe horizontale de l'hémisphère droit, parallèle à la scissure deSylvius. -- Ne, noyau caudé. —Sa, segment antérieur de la capsule interne. — n1, noyau lenticulaire. — G, genou de la capsule. — Sp, segment postérieur delà capsule interne. -- Go, couche optique. -- F, Foyer circonscrit dans le segment postérieur de la capsule et occupant une partie du trajet intra-hémis-phérique du faisceau pyramidal.

l'adulte, cette partie est nettement séparée du tegmentum par une bande transversale de substance grise qui n'est au-

tre que le locus niger de Sœmmering. Les cellules nerveuses de cette région ne sont pas encore pénétrées de matière pig-mentaire à l'époque de la vie, que nous considérons. Quoi qu'il en soit, c'est au-dessous de cette bandelette que se trouve la région àupied; et c'est-là qu'il nous faut rechercher la trace des faisceaux pyramidaux.

La section de l'étage inférieur pédonculaire peut être divi-sée en trois segments, de dimensions à peu près égales (seg-ments interne, externe et moyen). Dans les deux premiers, les tubes nerveux ne sont pas encore recouverts de leur enve-loppe médullaire et apparaissent sur les coupes comme des espaces clairs. Il n'en est pas de même du segment moyen. Celui-ci se présente sous la forme d'un espace de forme rhom-boïde et opaque, parce qu'en ce point, les fibres nerveuses ont acquis leur développement complet. Or, c'est précisément cet espace de substance opaque qui, d'après M. Flechsig, représente les prolongements reconstitués des faisceaux pyra-midaux (Voy. la légende relative à la figure précédente).

Ainsi, vous le voyez, tandis que dans la moelle et le bulbe du nouveau-né les faisceaux pyramidaux se distinguaient des parties voisines en raison même de l'état rudimentaire auquel ils devaient leur coloration claire, c'est le contraire qui a lieu dans les pédoncules.

Les fibres nerveuses qui composent les faisceaux pyrami-daux de l'étage inférieur sont déjà recouvertes de myéline; elles portent, par conséquent, la marque d'un développement avancé, et c'est cette circonstance qui les fait contraster avec les parties avoisinantes.

Voilà, Messieurs, un fait incontestablement remarquable, puisqu'il semble indiquer que le développement des faisceaux pyramidaux procède du cerveau proprement dit. M. Flechsig' n'a pas manqué de le relever. 11 a même été conduit par ses observations, à émettre l'hypothèse que c'est dans la substance

grise de l'écorce ou, autrement dit, dans les cellules ganglion-naires qui s'y trouvent, que les fibres nerveuses des futures pyramides prennent leur origine; là, elles commenceraient à apparaître sous forme de bourgeons. Ceux-ci, se dévelop-pant progressivement, descendraient peu à peu dans les pé-doncules, et, après avoir traversé la protubérance et le bulbe, arriveraient dans la moelle épinière, dont ils atteindraient en dernier lieu l'exlrémité inférieure. Je laisse, bien entendu, à M. Flechsig la responsabilité de son hypothèse, et je vais désormais me borner à exposer les données sur lesquelles elle s'appuie n'ayant pas encore eu l'occasion de contrôler de visu cette dernière partie de ses recherches.

3° Suivant M. Flechsig, vous l'avez prévu, le faisceau pyra-midal peut être suivi au-delà du pied dans la profondeur de l'hémisphère. On peut tout d'abord reconnaître sa présence au milieu des masses ganglionnaires opto-striées, dans la région qu'on appelle la capsule interne et qui, en somme, pour une assez bonne partie au moins, n'est autre que l'expansion des faisceaux qui forment l'étage inférieur des pédoncules. A l'é-gard de la capsule interne, quelques indications topographiques ne seront pas superflues.

Si l'on pratique la section horizontale de l'un des hémisphè-res cérébraux, suivant une ligne parallèle à la fissure laté-rale postérieure (de Henle) et un peu au-dessus de cette fissure, le segment inférieur de l'hémisphère que nous avons sous les yeux nous offre surtout à considérer les particularités suivantes.

En arrière et en dedans, au voisinage de la ligne médiane, est la couche optique ; en avant de la couche optique, la tête du noyau caudé : en dehors, le noyau lenticulaire dont les bords internes forment par leur réunion, comme une sorte de coin qui s'avance dans l'angle formé par le noyau caudé et

Ciiaiicot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 14

la couche optique. Mais les masses ganglionnaires internes (couche optique et corps strié) sont séparées de la masse ex-terne (noyau lenticulaire) par un gros tractus blanc coudé qui n'est autre que la capsule interne, c'est-à-dire pour une cer-taine partie, l'expansion pédonculaire.

Vous reconnaissez, Messieurs, d'après la disposition topo-graphique de ce tractus, que deux parties bien distinctes le composent : 1° une partie antérieure comprise entre la face interne et antérieure du noyau lenticulaire et la tête du noyau caudé ; 2° une partie postérieure, intermédiaire à la face externe de la couche optique et au bord postéro-interne du noyau len-ticulaire. Ces deux parties se réunissent sous la forme d'un an-gle obtus que l'on pourrait appeler, avec M. Flechsig, le « ge-nou de la capsule interne».

Eh ! bien, Messieurs, c'est dans la partie postérieure de la capsule qu'il faut, d'après M. Flechsig, chercher l'origine du trajet intra-hômisphérique du faisceau pyramidal.

Dès l'époquo à laquelle nous le considérons, ce faisceau pourrait être reconnu là, dans le segment postérieur sous l'aspect d'un espace elliptique, tranchant par son opacité sur les parties voisines ; composé par conséquent de fibres ner-veuses déjà très développées, il n'affecterait aucune relation de continuité avec les masses ganglionnaires adjacentes ; et si, par la pensée, vous partagez cette partie postérieure de la capsule interne en trois régions d'égale étendue, c'est la ré-gion moyenne qui occuperait précisément le faisceau pyra-midal.

Mais ce n'est pas tout : plus loin encore que la capsule im terne, le faisceau pyramidal peut être poursuivi jusque dans l'épaisseur du centre ovale, et même jusqu'à la couche grisé corticale.

4° Pour rechercher les fibres pyramidales dans cette dernière

parlie de leur trajet, il nous faut considérer une coupe fron-tale. Cette coupe, faite un peu en arrière de la scissure de Ro-lande et parallèlement à sa direction divise, par le milieu, la circonvolution pariétale ascendante (dans le système topogra-phique de M. Pitres, c'est la coupe pariétale proprement dite). Elle permet de voirie segment postérieur de la capsule interne dirigé obliquement en haut et en dehors ; — le noyau lenti-culaire accolé à son bord externe, la couche optique coupée

Fig. 55. — Coupe pariétale de l'hémisphère (Pitres). — 8, corps calleux. --9, queue du noyau caudé. -- 10, couche optique. -- 11, capsule interne (segment postérieur). — 12, noyau lenticulaire.—13, capsule externe. --14, avant-mur.

en travers, par le milieu, la bordant du côté interne et sur-montée par la section de la queue du corps strié. Voilà bien la région où passe, suivant M. Flechsig, le faisceau pyramidal. Parvenues dans le centre ovale, les fibres de ce faisceau com-mencent àse dissocier, à s'éparpiller en tous sens et il devient impossible de les suivre. Cependant, une portion du faisceau

reste cohérente, et continue son chemin vers l'extrémité supé-rieure des circonvolutions centrales. Donc, en sortant delà ré-gion capsulaire, elles se portent en dehors, de manière à con-tourner la paroi du ventricule ; puis elles se recourbent légè-rement en dedans, et, à partir de ce moment, poursuivent leur trajet vertical vers le but que nous venons de signaler.

En somme, Messieurs, cette partie de l'écorce grise dans laquelle vont se perdre les extrémités terminales du faisceau pyramidal appartient, vous le voyez, à la région que l'on dési-gne sous le nom de zone motrice. (Lobule paracentral, extré-mité supérieure des circonvolutions frontale etpariétale ascen-dantes.)

Tels sont les résultats des recherches de M. Flechsig en ce qui concerne le trajet intra-encéphalique du faisceau pyrami-dal. Surplus d'un point, ces résultats semblent avoir besoin de confirmation et l'auteur lui-même ne parait pas leur accor-der une confiance absolue. Mais ce qu'il faut en retenir, c'est l'ensemble du trajet que nous avons successivement étudié dans les diverses régions du névraxe. L'hypothèse à laquelle l'auteur en question paraît avoir été conduit d'après la somme des faits par lui observés, est que les fibres pyramidales pren-draient naissance dans la substance corticale de la zone mo-trice ; là, commencerait leur développement, et de là elles des-cendraient, comme nous l'avons dit tout à l'heure, par bour-geonnement, pour former les faisceaux pyramidaux dans la capsule d'abord, puis dans le pédoncule et la protubérance, puis dans le bulbe, et successivement, suivant les progrès de l'âge, dans les parties plus inférieures du névraxe.

S0 Mais c'est ici, Messieurs, qu'il convient de faire intervenir les recherches de M. le professeur Parrot, auxquelles je faisais allusion dans la leçon précédente. Ces recherches, communi-quées tout récemment à la Société de biologie, ne visent pas

précisément le sujet traité par M. Flechsig, mais elles y tou-chent cependant et peuvent contribuer à y faire la lumière. Si, d'une façon générale, elles confirment les résultats annoncés par M. Flechsig, elles tendent toutefois à les modifier sur un point important, je veux parler du trajet intra-encéphalique au sujet duquel l'auteur allemand formulait l'hypothèse dont je viens de vous parler.

Les recherches de M. Parrot sont fondées sur 96 autopsies d'enfants nouveau-nés n'ayant pas dépassé un an d'âge ; le cerveau a été examiné à l'aide de coupes méthodiques sur lesquelles il s'agissait de reconnaître, à l'œil nu, les différences de couleur qui correspondent aux diverses régions de la masse cérébrale suivant l'âge de ces nouveau-nés. Il est certain que les faits chroenologiques, ainsi que les appelle M. Parrot, peuvent fournir des indications relatives au développement des différentes parties des hémisphères. Les parties grises, transparentes en effet, peuvent être considérées comme les parties fœtales, embryonnaires, tandis que les parties blanches sont développées, adultes. La coloration blanche, en un mot, correspond à la structure achevée des tubes nerveux (cylin-dre-axe recouvert de sa gaîne de myéline). Or, au point de vue que nous envisageons, voici ce qu'il me paraît intéres-sant de relever surtout dans les importantes recherches de M. Parrot.

Cette figure que M. Parrot a mise très obligeamment à ma disposition, représente une coupe verticale d'un hémisphère; c'est une coupe antéro-postérieure, parallèle au plan médian, et pratiquée à un centimètre et demi environ de la scissure inter-hémisphérique. Il s'agit d'un enfant de 17 jours. Vous voyez qu'à cette époque les régions antérieures et postérieures ont une coloration grise très foncée, ce qui signifie qu'elles sont encore à l'état fœtal; ce n'est qu'au bout d'un mois que la substance du lobe occipital commencera à blanchir; et,

quatre mois après seulement, c'est-à-dire vers le cinquième mois, les régions antérieures commenceront à se développer ; encore ce développement ne sera-t-il achevé que vers le neu-vième mois.

Mais, déjà, vous le voyez, vers le dix-septième jour, lapartie médiane ou sous-rolandiqne du cerveau est marquée par la présence de fibres nerveuses revêtues de myéline. En ce point, les faisceaux du centre ovale se présentent sous la forme de deux tractus blancs qui semblent marcher à la ren-

Fig. 56.-- Coupe verticale ante'ro-postérieure, un peu en dehors de la face in terne de l'hémisphère. On y reconnaît des parties diversement colorées, les unes blanches, les autres grises. — AR représente l'anse rolandique sous-jacente à la scissure de Rolando,HR.— G,capsule interne émergeantdelamasse grise centrale,

contre l'un de l'autre. L'un, le premier en date (ce dont on peut juger d'après l'étude du cerveau d'enfants moins âgés), repose sur les masses ganglionnaires centrales, où il paraît avoir son centre de formation, et s'avance dans la direction du sillon de Rolande L'autre forme une espèce d'anse blan-

che circonscrivant la dépression du sillon de Rolando au-des-sous de l'écorce grise (M. Parrot l'appelle anse rolandique), et se porte au-devant du faisceau précédent.

Ces tractus blancs, vous le voyez bien, répondent tout à fait par leurs rapports anatomiques à la description que donne M. Flechsig du trajet intra-hémisphérique des faisceaux pyrami-daux ; seulement, et c'est ici que l'opinion risquée par M. Fle-chsig se heurte aux résultats obtenus par M. Parrot, il exis-terait pour cette partie du faisceau pyramidal, deux centres de formation : l'un siégerait dans un point quelconque des noyaux centraux, il serait le premier par l'âge ; l'autre aurait son point de départ dans la substance grise des circonvolutions rolandiques, autrement dit des zones motrices. Somme toute, je vous le répète, il n'y a guère que ce seul objet de dissi-dence entre les deux observateurs, et Ton peut, dès à présent, conclure des recherches de M. Flechsig, que de toutes les régions du manteau de l'hémisphère, ce sont 'les régions dites motrices qui se développent les premières, se mettent en rap-port avec le système bulbo-spinal par l'intermédiaire des faisceaux pyramidaux.

Ici se terminent, Messieurs, les considérations que j'ai voulu vous présenter concernant Tanatomie du système des faisceaux pyramidaux, faite d'après les documents fournis par l'examen du développement des centres nerveux. Cet exposé préliminaire, un peu long peut-être, était indispensable poui entreprendre l'étude des lésions systématiques des faisceaux pyramidaux, connues sous le nom de dégénérations secon-daires. Ces lésions ne sont pas intéressantes au seul point de vue de l'anatomie pathologique pure ; il s'y rattache un en-semble de faits cliniques qui les rendent dignes de toute l'at-tention des médecins.

QUATRIÈME LEÇON

Dégénérations secondaires. — Degeneration du fais-ceau pyramidal dans le pédoncule, la protubérance, le bulbe, la moelle épinière. — Degeneration excep-tionnelle du faisceau interne du pédoncule. — Divi-sion de l'étage inférieur du pédoncule en trois régions

Sommaire. — Introduction à l'étude des dégénérations secondaires. — Dégé-nérations de cause cérébrale ; elles sont descendantes. — Dégénérations de cause spinale ; elles sont tantôt descendantes, tantôt ascendantes. — Dege-nerations de cause périphérique.

Conditions de la dégénération descendante de cause cérébrale. — Une ques-tion de localisations domine la situation. — La nature de la lésion importe peu pourvu que cette lésion soit destructive. — Lésion consécutive du pédon-cule; elle divise l'étage inférieur en trois régions. — Dégénération dans la protubérance, dans le bulbe, dans la moelle épinière.

Localisation de la lésion degenerative dans la région opto-striée. — Etudes de M. Flechsig. — Le faisceau pyramidal proprement dit n'est pas seul ca-pable de dégénération descendante. — Dans la capsule interne, il occupe au moins les deux tiers antérieurs du segment postérieur. — Le faisceau pos-térieur (fibres sensitives de Meynert) ne dégénère jamais.

Messieurs,

Après les préliminaires qui nous ont jusqu'à présent occu-pés, nous pouvons entrer aujourd'hui dans le domaine de l'anatomie pathologique. Je me propose de traiter devant vous des lésions systématiques de la moelle épinière.

Je commencerai l'étude des formes diverses qui composent cette classe, par les altérations connues généralement sous le nom de dégénérations secondaires.

I.

Les lésions dont il s'agit sont dites secondaires parce qu'elles se produisent consécutivement à une autre lésion, lésion en foyer le plus souvent, développée primitivement dans dif-férentes parties du névraxe, cerveau proprement dit, bulbe, moelle épinière, ou même dans les nerfs périphériques. Une fois nées, ces lésions consécutives peuvent acquérir une in-dividualité, une autonomie réelle, et il s'y rattache quelque-fois toute une histoire clinique qui se surajoute à l'histoire de la maladie originelle et qui parfois même la domine.

A ce point de vue, les plus intéressantes des lésions secon-daires sont celles qui affectent le système des faisceaux pyra-midaux. Je relèverai par avance, Messieurs, que toutes les lé-sions systématiques des faisceaux pyramidaux ne sont pas se-condaires ; il est des lésions de ce genre (et c'est là un point sur lequel j'aurai à insister par la suite), qui se développent à titre d'affections primitives, protopathiques, c'est-à-dire en dehors de toute influence d'une lésion primordiale.

Je ne saurais trop insister, Messieurs, sur ce point que l'his-toire des dégénérations spinales secondaires est tout-à-fait di-gne de fixer l'attention du médecin. Si, en effet, ces lésions ont pu pendant longtemps être considérées comme un objet de pure curiosité scientifique, comme propres seulement à inté-resser le physiologiste ou l'anatomiste, on peut affirmer qu'il n'en est plus de même aujourd'hui. Les travaux récents ont suffisamment mis hors de doute que ces affections-là tiennent

à tous égards une place importante dans la pathologie des centres nerveux (1).

II.

Les dégénérations secondaires de la moelle épinière forment un ensemble assez complexe et il importe d'abord d'y établir des divisions.

1° Dans un premier groupe sont réunies les dégénérations secondaires de cause cérébrale, c'est-à-dire celles qui procè-dent d'une lésion en foyer occupant certaines parties de l'en-céphale. Ainsi les lésions de ce groupe peuvent résulter : a) soit d'une lésion primitive du cerveau proprement dit, b) soit de lésions siégeant dans les diverses régions de l'isthme (a les pédoncules, 6 la protubérance, y le bulbe rachidien). Les dégénérations qui ont une semblable origine sont communé-ment dites descendantes, parce qu'elles semblent, en réalité, descendre de l'encéphale, où elles ont pris naissance, vers les parties périphériques.

2° Dans son second groupe, on doit placer les dégénéra-tions secondaires de cause spinale, c'est-à-dire celles qui sont consécutives à la formation d'une lésion en foyer dans un point quelconque de la moelle épinière. Nous verrons pour-

(1) Il est inutile de revenir une fois de plus sur l'historique do cette question. Nous rappellerons seulement qu'après les travaux de L. Tûrck, Charcot et Vulpian, c'est dans le mémoire classique de M. le professeur Bouchard qu'on trouvera les documents les plus intéressants relatifs aux dégénérations secon-daires. M. Bouchard a, le premier, mis en usage les procédés de durcissement et de coloration dans l'investigation des lésions médullaires, et le premier aussi a cherché a établir la symptomatologic de la lésion dégénérative (B.),

quoi ces lésions consécutives peuvent être dites descendantes pour une part, et ascendantes pour une autre part.

3° Une troisième catégorie réunit un petit nombre de faits, fort curieux du reste, mais qui n'ont pas encore trouvé place dans la pratique. La dégénération est ici de cause périphéri-que et siège dans les faisceaux postérieurs de la moelle épi-Bière. Les exemples connus sont au nombre de cinq ou six à peine ; mais toujours ce sont les nerfs de la queue de cheval, et là, plus explicitement, les racines postérieures, qui ont dû être considérées comme le point de départ de la lésion spinale.

m.

Nous nous occuperons en premier lieu des dégénérations du premier groupe, de celles qui ont une origine encéphalique ; et même, pour restreindre encore notre premier champ d'étude, nous n'envisagerons d'abord que les lésions fasciculées secon-daires, engendrées par un foyer siégeant dans le cerveau pro-prement dit.

Avant d'entrer dans le détail, indiquons les caractères les plus généraux du groupe.

1° La lésion originelle existe dans le cerveau proprement dit, cela est bien entendu. Mais elle n'intéresse pas indistinc-tement tel ou tel point de l'hémisphère. En d'autres termes, il y a dans les hémisphères des régions très-étendues où les lésions en foyer sont impuissantes à provoquer des- dégéné-rations secondaires ; et il en est d'autres, par contre, où ces altérations déterminent à coup sûr des lésions descendantes consécutives. Vous le voyez, Messieurs, une question de lo-calisation domine en quelque sorte la situation,

2° Quant à la nature de la lésion originelle, rien n'est plus variable. Tumeurs intra ou extra-encéphaliques, foyers d'hé-morrhagie ou de ramollissement, toutes les altérations pos-sibles auront le même caractère, pourvu toutefois — et c'est là une condition sine quâ non — pourvu que la lésion soit destructive c'est-à-dire qu'elle produise, dans le lieu où elle s'établit, une véritable perte de substance aux dépens des éléments nerveux. Aussi les anciens foyers d'hémorrhagie ou de ramollissement figurent-ils beaucoup plus communément parmi les lésions qui causent les dégénérations secondaires que ne font la plupart des tumeurs, celles-ci pouvant déprimer ou refouler les éléments nerveux sans les détruire.

3° En dehors d'un cas particulier qui sera mentionné en temps et lieu, les dégénérations de ce groupe ont pour carac-tère général d'affecter exclusivement le système des faisceaux pyramidaux et de se limiter, de se cantonner dans ce système.

Si la lésion primordiale n'occupe qu'un des deux hémisphè-res, la dégénération se propage dans le faisceau pyramidal croisé du côté opposé ; si, au contraire, il existe un foyer dans chacun des deux hémisphères, les deux moitiés du système pyramidal peuvent être simultanément envahies.

Et je le répète à dessein, Messieurs, il s'agit là d'une lésion systématique par excellence. Les faisceaux voisins restent toujours indemnes, et (à moins de circonstances particulières que nous aurons à relever) la substance grise et les racines des nerfs périphériques demeurent également intactes.

4° Pour ce qui est de la nature de la dégénération au point de vue anatomique, c'est là une question que je réserve. Est-elle le résultat d'un processus purement passif comme le veulent quelques auteurs, ou, au contraire, irritatif, comme

d'autres le prétendent? Ou bien les deux opinions doivent-elles être combinées, en ce sens que, passif dans une pre-mière période, le processus deviendrait actif dans une deuxième? Voilà des questions intéressantes sans doute, mais,

Fig. 57. — A, dégénération dans le pédoncule cérébral (faisceau pyramidal). — B, faisceau pédonculairc interne, dégénérant quelquefois, mais exceptionnel-lement. — G, faisceau externe (centripète ?), ne dégénérant jamais. — D, protubérance ; elle est asymétrique déprimée du côté de la lésion. — E, py-ramide dégénérée, grisâtre, atrophiée, s'entreeroisant en F avec celle du côté opposé.

je vous le répète, nous ne les aborderons que par la suite. Pour le moment, je veux me borner à considérer la topogra-phie des dégénérations secondaires, et vous allez voir, ainsi que je vous l'annonçais tout à l'heure, qu'il s'agit bien là de lésions systématisées dans le domaine des faisceaux pyra-midaux.

JV.

Prenons la lésion secondaire au moment où elle émerge, en quelque sorte, de la profondeur de l'encéphale. Elle appa-raît d'abord dans le pédoncule ; nous la suivons ensuite dans la protubérance, puis dans le 1 ulbe, enfin dans les diverses régions de la moelle épinièrc.

Remarquez d'abord, Messieurs, que si la lésion est très prononcée et très ancienne, passez-moi l'expression, elle vous sautera aux yeux. Du même côté que la lésion hémisphéri-que, vous reconnaissez une atrophie réelle de l'étage inférieur du pédoncule, de la protubérance, de la pyramide correspon-dante, laquelle présente en même temps une teinte grise (Fig. 57). Du côté opposé à la lésion, au-dessous de l'entre-croisement des pyramides, vous constaterez également une asymétrie de la moelle épinière résultant de l'atrophie du faisceau antéro-latéral. C'est sous cet aspect que la lésion a été connue des anciens auteurs. Mais notez bien ceci. Mes-sieurs, que dans la grande majorité des cas, les choses ne vont pas aussi loin, et que l'intervention du microscope est indispensable.

1° Dans le pédoncule, et c'est là un fait intéressant à rele-ver, la partie dégénérée est grisâtre et se présente sous la forme d'un espace triangulaire, occupant la partie médiane de l'étage inférieur. La base de ce triangle est du côté de l'encéphale, tandis que le sommet est du côté de la protubé-rance. Ainsi, la surface du pied du pédoncule se trouve en quelque sorte divisée en trois régions ; a) une région médiane

représentée par le faisceau pyramidal dégénéré ; — b) une ré-gion externe, qui jamais, sous aucune condition (autant quej'en puis juger, du moins d'après les nombreuses observations que j'ai faites à ce sujet), ne devient le siège de dégénéra-tions, circonstance fort remarquable sur laquelle nous revien-drons ; — g) enfin, une région interne qui, parfois, mais exceptionnellement et dans des circonstances toutes spécia-les que nous aurons également à envisager par la suite, est envahie par la dégénération du faisceau pyramidal, ou même peut dégénérer pour son propre compte, sans participation du faisceau médian.

Lorsqu'on a pratiqué des coupes minces de la région pé-donculaire, on peut s'assurer immédiatement que le faisceau médian dégénéré correspond exactement au faisceau pyrami-dal, que l'anatomie de développement permet de retrouver dans le pédoncule. A un faible grossissement, on voit que la lésion se présente sur une section normale, sous la forme d'un espace quadrilatère occupant la partie moyenne du pied, s'étendant depuis la substance grise de Scemmering, qui forme sa limite supérieure et répond au côté le plus étroit du parallélogramme, jusqu'à la surface du pied, qui représente le côté le plus large.

Les fibres nerveuses étant pour une bonne partie détruites dans l'aire de ce parallélogramme ou remplacées par du tissu conjoncfif, il en résulte sur les coupes colorées au carmin une teinte rouge bien franche contrastant avec l'aspect relati-vement pâle des parties voisines, ce qui permet la détermina-tion topographique exacte de la lésion.

2° Dans la protubérance, le faisceau pyramidal dissocié est plus difficile à reconnaître au milieu des fibres transver-sales propres à la région. Cependant on distingue encore assez facilement les faisceaux secondaires dégénérés, surtout

par comparaison avec le côté sain, dans les régions inférieu-res ou bulbaires de la protubérance, là où ces faisceaux se-condaires commencent à se rapprocher et à se grouper de nouveau pour constituer un peu plus bas le faisceau pyrami-dal.

3° Dans toute l'étendue du bulbe, la lésion se reconnaît

Tig. 58. —Coupe transversale de la moelle dans la région cervicale. - A, dé-génération du faisceau pyramidal dans un cas de lésion des centres moteurs hémisphériques. — B, dégénération du faisceau direct. -- C, espace de subs-tance blanche correspondant au faisceau cérébelleux. — D, région intermé-diaire entre la corne postérieure et le faisceau pyramidal ; cette région est toujours respectée dans la dégénration descendante.

avec une grande facilité ; vous pouvez en juger par l'exa-men d'une coupe pratiquée perpendiculairement au grand axe du bulbe rachidien et passant par la région moyenne des olives.

La lésion bulbaire est exactement circonscrite dans le faisceau pyramidal du côté de la lésion encéphalique primor-diale.

4° Si maintenant nous considérons une série de coupes transversales de la moelle, pratiquées dans les diverses ré-gions du cordon nerveux, nous reconnaissons aussitôt le cor-don antéro-latéral du côté correspondant à la lésion cérébrale; et du côté opposé à la lésion, le faisceau pyramidal croisé (Fig. 58). Vous voyez, Messieurs, comment ce dernier fais-ceau peut seul être poursuivi jusqu'à l'extrémité inférieure de la moelle lombaire, et comment dans les diverses régions spinales, ses rapports se modifient conformément aux ensei-gnements qui nous ont été fournis par l'anatomie du déve-loppement (Fig. 55).

La démonstration que j'ai voulu vous présenter est donc complète; et la lésion dégénérative descendante, dans le cas qui nous occupe, est, ainsi queje l'avais annoncé, littéralement cantonnée dans le système des faisceaux pyramidaux.

V.

Après avoir déterminé la topographie des lésions dites dégé-nérations secondaires, il nous faut actuellement nous arrêter sur un des points les plus importants de leur histoire.

Quel est le caractère commun à toutes les lésions destructi-ves en foyer, qui, s'étant développées dans la profondeur de l'hémisphère, donnent lieu après un certain temps aux dégé-nérations? Je le répète, il s'agit là surtout d'une question de siège ou, autrement dit, de localisation, et c'est là justement ce qu'il importe de démontrer.

L'hémisphère cérébral, — je vous le faisais remarquer dans la dernière séance — peut être considéré d'une façon très gé-nérale comme composé de deux parties jusqu'àun certain point anatomiquement, fonctionnellement et pathologiquemcnt dis-tinctes. Ce sont, d'un côté, les masses ganglionnaires centrales,

Ciiarcot. OEuvres complètes, t. iv, Localisations. 15

et d'un autre côté ce qu'on appelle quelquefois le manteau, à savoir la substance blanche semi-ovalaire et l'écorce de substance grise qui les recouvre.

1° Arrêtons-nous en premier lieu aux masses grises centra-les. Une analyse très sommaire de la région y fait reconnaître (sur une coupe transversale par exemple) le tractus blanc à direction antéro-postérieurequ'on appelle la capsule interne; en dehors de ce tractus, le noyau lenticulaire ; en dedans, la couche optique et le noyau caudé.

Il n'est pas rare, tant s'en faut, Messieurs, de voir des lésions en foyer destructives étroitement localisées dans l'un ou dans l'autre de ces noyaux. Cela est très vulgaire, particulièrement pour ce qui concerne le noyau lenticulaire et surtout la partie externe de ce noyau. C'est là que siègent le plus communément, vous le savez, les foyers ocreux, derniers vestiges des hémor-ragies intra-encéphaliques. Les foyers plus ou moins volumi-neux limités à la couche optique, ceux qui se circonscrivent dans la tête du noyau lenticulaire ne sont pas non plus fort rares. Or, Messieurs, et c'est là un point mis en lumière déjà par Ludwig Tûrck, l'initiateur dans l'étude méthodique des dé-générations secondaires, ces dégénérations ne se produisent jamais lorsque la lésion, restant limitée dans le noyau de substance grise, quel qu'il soit, ne s'étend pas à la capsule interne de manière à en altérer profondément les fibres.

La lésion de la capsule interne est donc, en ce qui concerne les foyers des masses centrales, la condition sine quà non de la production des dégénérations secondaires.

2° Mais, Messsieurs, toutes les lésions destructives de la cap-sule ne donnent pas lieu à ces dégénérations. Quelques-unes il est vrai, pourvu qu'elles aient une certaine étendue qu'on peut évaluer au minimun à un demi-centimètre de diamètre,

les déterminent à coup sûr ; mais d'autres bien plus étendues ne les*produisent jamais. Quelle estla raison de ces différences? Tout, vous allez le reconnaître, dépend uniquement du siège que la lésion occupe dans le tractus blanc.

Le problème consiste donc à délimiter les régions capsulaires où la lésion destructive est suivie de dégénération,par opposi-tion à Celles où cette même lésion ne produit pas les mêmes résultats.

11 y a quatre ans, j'ai formulé à ce sujet la proposition sui-vante : « Les dégénérations secondaires se produisent quand la lésion porte sur les 2/3 antérieurs de la capsule interne ; elles ne se produisent pas quand la lésion porte sur le tiers postérieur de la capsule (1). » Cette proposition a été critiquée par M. Flechsig qui s'est livré sur ce sujet à des études ap-profondies. La révision des faits à laquelle j'ai dû me livrer à l'occasion de ses critiques m'a conduit à reconnaître qu'elles sont fondées sur plusieurs points. J'ai dû, en conséquence, corriger ma formule et je dirai dans un instant en quoi con-siste la modification que je propose.

• Vous vous souvenez que l'élude topograpliique que nous avons faite nous a conduits à reconnaître dans la capsule in-terne l'existence de deux segments, l'un antérieur, l'autre pos-térieur, ces deux segments s'unissant l'un à l'autre au niveau de la région que M. Flechsig propose d'appeler le genou de la capsule. Or, Messieurs, j'ai reconnu que les lésions limi-tées au segment antérieur déterminent une dégénération secondaire, mais que cette dégénération n'affecte pas le fais-ceau pyramidal proprement dit : elle se traduit à l'œil nu par la présence d'une bandelette grise qui occupe le segment interne du pied du pédoncule et n'intéresse pas le segment moyen. 11 existe donc, suivant toute vraisemblance, en dedans

U) Yoy. Première Partie, Leçon VlII, p. 103.

du faisceau des fibres pyramidales qui s'entrecroisent au ni-veau de la décussation bulbaire, un faisceau de fibres centri-fujes provenant du segment antérieur de la capsule interne. 11 est aussi très probable que ces fibres s'arrêtent en bas dans un point quelconque de la protubérance, car lorsque ce fais-ceau est dégénéré, on ne peut le suivre dans la pyramide cor-respond inte ; à plus forte raison ne descend-il pas dans la moellaépinière. Si j'ai méconnu l'existence isolée de ce fais-ceau, c'est que les lésions capsulaires que j'avais examinées n'intéressaient pas seulement le segment antérieur, mais aussi le segment médian, le genou de la capsule; et, dans ce cas, la lésion complexe de la capsule s'étendait par en bas dans la bulbe et la moelle épinière (1).

La région de la capsule qui nous intéresse quant à présent, et dont nous voulons déterminer autant que possible les limi-tes, doit être cherchée dans le segmentpostérieur ou lenticulo-optique de la capsule. Si vous divisez d'avant en arrière ce segment antérieur en trois parties à peu près égales, — on ne saurait en pareille matière prétendre à la précision mathé-matique — la région de la capsule qui répond aux deux tiers antérieurs est justement celle dans laquelle, d'après les obser-vations de M. Flechsig et mes observations récentes, une lésion destructive, même peu étendue, ne saurait exister sans qu'il s'en suive une dégénération descendante du fais-ceau pyramidal correspondant. On pourrait l'appeler région pyramidale de la capsule, puisque les fibres nerveuses qui la traversent semblent être une émanation directe des fais-ceaux pyramidaux.

Pour ce qui est du dernier tiers du segment postérieur de la capsule, j'indiquerai en passant (car c'est un point sur le-

(1) Voy. in Progrès médical, septembre l819.Fails pour servir à l'histoire des dégénérations pédonculaires.

quel j'aurai à revenir), que celte région paraît contenir seule-ment des fibres centripètes, et qui, en tout cas, ne semblent pas susceptibles de subir la dégénération descendante. Toujours est-il, que les lésions en foyer qui se produisent en ce point se traduisent cliniquement par un ensemble symptomatique bien connu aujourd'hui sous le nom d'hémianesthésie cérébrale (1). Cet ensemble symptomatique est,je vous le rappelle,caractérisé ainsi qu'il suit: 1° perte ou simple obnubilation de la sensibilité générale dans toute l'étendue de la moitié opposée du corps; 2° de ce mêmecôté les sens spéciaux,y compris la vision et l'odo-rat,sont simultanément affectés. D'après ces données anatomo-cliniques fondées aujourd'hui sur un assez grand nombre de bonnes observations, la région en question pourrait être consi-dérée comme une sorte de carrefour où se trouvent à un mo-ment donné réunis, dans un espace étroit, les conducteurs de la sensibilité générale et spéciale provenant de la moitié opposée du corps.

Ce fait mérite d'être rapproché de cet autre fait que dans le pied du pédoncule, — du moins d'après mes observations d'ailleurs assez nombreuses, — jamais le segment externe n'est frappé de dégénération secondaire. Or, les fibres de ce segment externe sont celles que M. Meynert, dirigé par des considérations d'anatomie pure, considère comme des fibres centripètes, prolongeant les fibres sensitives spinales et les reliant aux régions postérieures de l'hémisphère. Les fibres de ce segment externe du pied remonteraient donc direc-tement dans le tiers postérieur du segment postérieur de la capsule. Ce n'est là qu'une hypothèse, sans doute, mais c'est une hypothèse assez vraisemblable et qui méritera dans les recherches ultérieures d'être prise en considération.

D'après cela les trois régions de la capsule sont représen-

(l) Voy. p. m,

fées dans le pied du pédoncule par les trois faisceaux dont il a été déjà question : 1° en dedans, un faisceau correspondant à tout le segment antérieur de la capsule (celui-là dégénère rarement); 2° un faisceau médian qui répond aux deux tiers antérieurs du segment postérieur de la capsule; c'est le fais-ceau pyramidal, dont la dégénération est si commune ; un fais-ceau externe, qui ne dégénère jamais, composé de fibres cen-tripètes destinées à former le tiers postérieur du segment pos-térieur de la capsule.

Je ne voudrais pas, Messieurs, vous donner cela comme un résultat définitif, mais comme un aperçu nouveau destiné à servir de guide dans les recherches avenir.

Quoi qu'il en soit, un fait, si je ne me trompe, se dégage nettement de la discussion qui précède; c'est que, en tant qu'il s'agit des masses grises centrales, les lésions destructives, portant primitivement ou secondairement sur les deux tiers antérieurs du segment postérieur de la capsule, sont les seules qui déterminent la dégénération descendante des faisceaux pyramidaux. Or cette région de la capsule est précisément celle dont il s'agissait d'établir la circonscription, et ainsi se trouve terminée la première partie de notre démonstration.

CINQUIÈME LEÇON

Dégénérations secondaires [mite). — Délimitation du faisceau pyramidal dans le manteau de l'hémis-phère.

Sommaire. -- Dans l'étude des degenerations secondaires de cause cérébrale, le siège du foyer cérébral est le point capital. — Importance de la connaissance des plis du cerveau. -- Circonvolutions motrices. — Vicq d'Azyr (1785). Rolando (1829). Lèuret (1839).

Etude histologique des circonvolutions. — Cellules géantes de Betz et Miere zejewsky. — Description antérieure de Luys.

Analyse histologique et anatomique comparée des circonvolutions. — Hitzig, Ferrier, Betz, Bcvan Lewees.

Vue schématique du faisceau pyramidal dans l'hémisphère cérébral, — Région rolandique du manteau. Lésions en foyer de cette région ; elles-donnont lieu à des dégénérations secondaires, tant à la suite de l'altération des fibres du centre ovale qu'à l'occasion des destructions corticales.

Messieurs,

Il nous faut actuellement considérer l'écorce du cerveau ou autrement dit, le manteau de.l'hémisphère, car là aussi les lésions en foyer donnent lieu à des dégénérations secon-daires.

Il y a longtemps qu'on sait — L. Tûrck le savait déjà — qne les lésions en foyer, dites périphériques, par opposition aux lésions qu'on appelle centrales parce qu'elles occupent la région opto-striée, déterminent, elles aussi, dans de certai-nes circonstances, des dégénérations secondaires assimilables

à celles qui se produisent en conséquence des lésions de la capsule interne. Mais quelles sont ces circonstances dans les-quelles les dégénérations résultent de lésions occupant l'écorce cérébrale ?

C'est dans ces derniers temps seulement, Messieurs, qu'on a fait remarquer qu'ici encore la condition fondamentale est relative au siège du foyer. L'étendue du foyer primitif, la nature même de l'altération qui le constitue, pourvu toutefois que ce soit une altération destructive, ne sont dans l'espèce que des conditions vraiment accessoires. Il s'agit donc pour nous en ce moment, vous le voyez, de déterminer topo gra-phiquement dans le manteau, la région que les lésions en foyer doivent intéresser pour qu'il s'en suive une dégénéra-tion descendante des faisceaux pyramidaux.

I.

Pour atteindre sûrement le but que nous nous proposons, une petite digression me paraît indispensable. D'ailleurs, Messieurs, en suivant la voie détournée où je vais vous con-duire, nous relèverons, chemin faisant, plusieurs faits de to-pographie cérébrale qu'on a maintes fois l'occasion d'utiliser dans le genre d'études que nous avons entreprises (1).

Si l'on considère la surface des hémisphères cérébraux de l'homme et qu'on y cherche des points de repère pour s'orien-ter dans ce dédale qu'on appelle depuis longtemps les plis du cerveau, on est nécessairement frappé par la disposition re-marquable que présentent les deux grandes circonvolutions moyennes, pour la première fois figurées et décrites par Vicq d'Azyr, dans son grand Traité cV anatomie et de physiologie

(l)Voy. première partie, p. 16,

(1785, pl. IH). « Elles sont, dil Vicq d'Azyr, obliquement dirigées de haut en bas; elles sont plus allongées, moins contournées que dans les autres régions du cerveau. » Ces deux circonvolutions ont été décrites avec plus de détails par Rolando, en 1829, dans l'ouvrage intitulé « De la structure des hémisphères du cerveau ». Il les désigne sous le nom de processus entéroïdes verticaux. En réalité, Messieurs, ces deux circonvolutions constituent un des caractères morpholo-giques fondamentaux de la surface du cerveau de l'homme, et on les retrouve chez la plupart des singes. Vous savez qu'on les désfgne aujourd'hui, l'antérieure, sous le nom de circonvolu-tion frontale ascendante,\ postérieure,sous le nom de circon-volution pariétale ascendante. Elles sont séparées l'une de l'autre par un sillon que, depuis Leuret (1839), on appelle le sillon de Rolando. Sur la face externe de l'hémisphère elles s'étendent depuis la scissure de Sylvius jusqu'à la fente inter-hémisphérique ; et l'on sait, d'autre part, qu'elles se plongent en quelque sorte sur la face interne de l'hémisphère pour y constituer un petit lobule, dit lobule paracentralou ovalaire au niveau duquel les deux circonvolutions prolongées se con-fondent. Or, Messieurs, la région de l'écorce grise de l'hé-misphère sur laquelle j'appelle votre attention se distingue de toutes les autres, non seulement par sa configuration très particulière, mais aussi par quelques détails de structure qui méritent d'être relevés.

L'étude histologique, vous ne l'ignorez pas, a fait recon-naître dans l'écorce de l'hémisphère l'existence des cellules ganglionnaires ou nerveuses qui, en raison de la forme sous laquelle elles se présentent, sont appelées généralement cellu-les pyramidales de l'écorce grise. Ces cellules offrent des dimensions très variables; il en est de très petites, relative-ment bien entendu. Celles-là sont les plus nombreuses (cel-lules pyramidales de la petite espèce). Il en est de plusvolii-

mineuses, qui occupent la partie moyenne de la substance grise. Enfin, il existe des cellules pyramidales dites géantes, décrites avec soin par Betz et Mierzejewsky, et dont le diamè-tre atteint quelquefois ûmin 040 à 0,nm050, c'est-à-dire égale le diamètre des grandes cellules ganglionnaires dites motri-ces, des cornes grises antérieures de la moelle épinière (1),

Mais ce n'est pas seulement sous le rapport des dimensions qu'il y a lieu d'établir un rapprochement entre les cellules des cornes antérieures de la moelle et les grosses cellules py-ramidales. Il existe, en effet, entre ces deux sortes d'éléments de très manifestes analogies déstructure. Ainsi, outre les pro-longements protoplasmiques qui se ramifient et se subdivisent, on trouve encore dans les grosse cellules pyramidales et^ar-ticulièrement dans les cellules gigantesques, une disposition bien caractéristique qui consiste en un prolongement spécial, indivis, identique au prolongement cylindrique décrit par Deiters sur les cellules ganglionnaires spinales. C'est, dans un cas comme dans l'autre, un filament grêle à son origine et qui va ensuite s'épaisissant légèrement à mesure qu'il s'éloigne du protoplasma cellulaire. Par des dissociations heureuses, il est possible, à une certaine distance de la cellule, de voir ce prolongement se recouvrir d'un cylindre de myéline. Toutes ces explications montrent bien qu'il est impossible de mécon-naître les analogies qui, malgré les différences de forme et de siège, rapprochent d'une part les grandes cellules pyrami-dales de l'écorce cérébrale et d'autre part les cellules mo-trices des cornes antérieures, Ces analogies avaient d'ailleurs été pressenties déjà par M- Luys, et j'aurai bientôt l'occasion de le mettre de nouveau en relief,

Or, Messieurs, les plus grosses de ces cellules pyramidales, et surtout les cellules géantes, ne se voient pas indifférem-

(1) Voy, p. 22.

ment dans toutes les régions de l'écorce ; elles affectent au contraire de se cantonner dans une circonscription bien dé-terminée de la surface du cerveau, et cette circonscription est précisément celle dont tout à l'heme nous indiquions la con-figuration et les limites. C'est, en effet, dans l'épaisseur de la

Fin.59.— Cerveau du chien (lac©supérieure).— S.Cr, sillon crucial. —G. S, gyrus sygmoïde (région des circonvolutions à grandes cellules pyramidales).

substance grise des circonvolutions frontale et pariétale as-cendantes, dans leur moitié supérieure principalement, ainsi que dans le lobule paracentral, que se rencontrent les cellules pyramidales de la grande espèce, et exclusivement les cellules géantes: elles sont là disposées en groupes, en îlots, en nids comme dit M. Betz. Aussi la région des circonvolutions mé-dianes pourrait-elle être appelée le département des cellules Pyramidales gigantesques.

Il est très remarquable que cette particularité de structure n'appartient pas seulement à l'homme. On la retrouve chez le singe, comme l'a montré encore M. Betz. Là aussi c'est dans les circonvolutions médianes et dans le lobule paracentral que l'on observe les plus grandes cellules pyramidales. Le même auteur a également fait voir que ces cellules se ren-contrent chez le chien dans les régions désignées depuis les travaux de Hitzig et Férrier sous le nom de centres moteurs, c'est-à-dire dans la substance grise des circonvolutions qui avoisinent le sulcus crucialis.

Les observations de M. Betz ont été tout récemment con-firmées, non seulement en ce qui concerne l'homme et le singe, mais aussi le chat et le mouton, par M. Bevan Lewees (Brain, 1878).

Ceci me conduit à relever, Messieurs, que les circonvo-lutions centrales, médianes, rolandiques, si vous voulez les appeler ainsi, sont celles dans lesquelles l'expérimentation pour ce qui a trait au singe, l'observation anatomo-clinique pour ce qui a trait à l'homme, a permis de localiser les régions dites psycho-motrices ou plus simplement motrices ; et je sai-sis l'occasion de vous faire remarquer en passant, que cette dénomination de centres moteurs n'implique dans mon esprit aucune idée physiologique absolument arrêtée, etqueparlà j'entends seulement désigner, par opposition aux autres, celles des régions de l'écorce du cerveau dont la lésion occasionne des troubles moteurs dans certaines parties déterminées du côté opposé du corps.

Ici se termine notre digression (1). Peut-être avez-vous pensé, Messieurs, que les considérations qui viennent de vous être présentées sont étrangères à notre objectif qui est, en somme, l'histoire pathogénique des dégénérations secondaires

(1) Voir pour plus de détails les Leçons sur les localisations dans les malo,' dies du cerveau (3e leçon).

de cause cérébrale. 11 n'en est rien cependant. En effet, cette partie de l'écorce grise dont j'ai voulu faire ressortir les principaux caractères morphologiques, histologiques et physio-logiques, appartient à la région dont nous nous sommes pro-posé de déterminer les limites.

Faites partir de la couche profonde de toute cette zone grise,

Fig. 60. — A, coupe horizontale du noyau caudé. — B, du noyau lenticulaire. — G,de la couche optique.— D, lobule paracentral. — E,circonvolution frontale ascendante. — F, pariétale ascendante. — G, sillon de Rolando — H, segment antérieur de la capsule. — K, région pyramidale de la capsule interne dans le segment postérieur. — L, portion sensilive de la capsule correspondant au tiers postérieur du segment postérieur.

«des fibres nerveuses se dirigeant vers la portion de la capsule interne que nous appelions ^Yècèdemment pyramidale, et vous •obtiendrez ainsi uns vue schématique qui ne s'éloigne pas beaucoup de la réalité concrète.Géométriquement, notre région peut être représentée ainsi qu'il suit : c'est une pyramide à quatre faces. Le sommet tronqué regarde en bas (c'est la ré-gion pyramidale de la capsule interne). La base de la pyra-mide est convexe, elle regarde en haut et.en dehors. Elle n'est

autre que l'écorce grise les circonvolutions médianes ou ascen-dantes. La face antérieure est représentée par une coupe fron-tale passant d'un côté par l'extrémité postérieure du pied des trois circonvolutions frontales, et de l'autre par l'extrémité antérieure de la couche optique (c'est à peu près la coupe pree-rolandique ou pédiculo-frontale de Pitres). La coupe fron-tale post-rolandique ou pédiculo-frontale, passant d'un côté par la ligne fictive qui sépare les deux tiers antérieurs du seg-ment postérieur de la capsule de son tiers postérieur, repré-sente la face postérieure de la pyramide en question. 11 est facile de comprendre, sans qu'il soit nécessaire d'y insister davantage, commentles deux autres faces, l'interne et l'externe, pourraient être obtenues.

Voilà une représentation géométrique sans doute assez gros-sière; c'est bien cependant à peu près dans ces limites que se trouve renfermée la région qu'on pourrait appeler rolancli-que, du manteau, et qui représente dans le grand cerveau, comme un petit cerveau à part, doué de propriétés physiolo-giques spéciales ; c'est également dans l'écorce de ce segment cérébral qu'il faut chercher le point de départ des dégénéra-tions secondaires. En effet, en tant qu'il s'agit de lésions en foyer dites périphériques, c'est-à-dire siégeant en dehors des masses opto-striées, ces lésions ne déterminent la production des dégénérations secondaires du faiceau pyramidal que lors-qu'elles intéressent la région centrale ou rolandique du man-teau de l'hémisphère. En dehors de cette région, les lésions destructives en foyer, quelle que soit leur étendue, ne pro-duisent pas la dégénération descendante du faisceau pyramidal.

II.

Telle est, en résumé, Messieurs, la formule qui, relative-ment à la question qui nous occupe, exprime en quelque sorte

l'état de nos connaissances actuelles. Je n'entrerai pas dans le détail des faits sur lesquels elle repose, renvoyant aux travaux de MM. Pitres, lssartier, Flechsig, où sont rassem-blés tous les documents relatifs à ce sujet. Je me bornerai sim-plement aux remarques suivantes ; il n'est pas démontré encore que les lésions destructives limitées à la substance grise corticale de la région rolandique produisent des dégéné-rationssecondaires.Cependant,quelques faits empruntés à fana-tomie pathologique de la paralysie générale (1) semblent dé-montrer qu'il en est réellement ainsi.

Les lésions même peu étendues (1 à 2 centimètres cubes), intéressant à la fois la substance grise et la substance blanche adjacente, telles que les plaques jaunes ou les foyers artifi-ciels d'hémorrhagie cérébrale, surtout quand elles portent sur les deux tiers supérieurs des circonvolutions ascendantes et le lobule paracentral, produisent des dégénérations secon-daires très accentuées des faisceaux pyramidaux.

Les lésions en foyer intéressant le centre ovale dans la région rolandique, sans participation de l'écorce grise, déter-minent, au même titre que les lésions superficielles, des dé-générations secondaires très accentuées du faisceau pyrami-dal (2).

Pour en finir avec l'histoire particulière des dégénérations secondaires de cause encéphalique, il ne me reste plus qu'à vous dire un mot sur ce qui touche aux foyers limités à Tune quelconque des parties de l'isthme. Vous trouverez, consignés dans la monographie de M. Bouchard, la plupart des faits con-nus de dégénéiations secondaires consécutives à des lésions localisées dans la protubérance ou le bulbe. La comparaison de ces faits montre que la condition nécessaire pour que, en

(1)-Cas de Déjerine cité par lssartier.

(2) Flechsig (2e mémoire.— 4 cas empruntés à Tûrck);

pareil cas, la dégénération secondaire se produise, est que le foyer intéresse le trajet des faisceaux pyramidaux. S'il en est ainsi, un foyer même très limité placé dans le bulbe, au ni-veau de l'entrecroisement par exemple, devra déterminer une dégénération descendante des deux faisceaux pyramidaux. Cette combinaison s'est trouvée réalisée dans une intéressante observation publiée par M. Hertz (1).

Un foyer de ramollissement, gros comme une lentille, sié-geait sur le lieu même de l'entrecroisement des pyramides ; il en est résulté une dégénération secondaire symétrique des faisceaux pyramidaux, qu'on pouvait suivre dans toute l'éten-due de la moelle épinière.

(1) Deutsch. Arch. 3D3, 1874.

SIXIÈME LEÇON

Dégénérations secondaires de cause cérébrale (fin). — Amyotrophies consécutives.

Sommaire. — Les lésions dégenératives du faisceau pyramidal permettent d'é-tablir nettement les rapports anatomiques de ce faisceau. — La terminaison des fibres de ce faisceau dans la moelle épinière donne matière à plusieurs hypothèses. — L'aboutissant de la fibre pyramidale est la cellule antérieure.

— Généralement cette cellule arrête le travail de dégénération descendante.

— Quelquefois elle est envahie elle-même. — Troubles trophiques qui sont la conséquence de la dégénération propagée aux cornes antérieures.

Il existe donc autre chose que des rapports de contiguïté entre le faisceau pyramidal et la substance grise delà moelle épinière. — Atrophie musculaire des hémiplégiques. — Observations de MM. Gharcot, Vulpian, Hallopeau, Leydcn, Pitres, Brissaud.

La propagation se fait-elle parle tissu conjonetîf ou par les fibres nerveuses elles-mêmes ?

Messieurs,

J'en aurais fini avec l'histoire particulière des dégénérations secondaires de cause encéphalique, si je ne devais encore, avant de passer outre, arrêter un instant votre attention sur quelques faits de détail qui n'ont pas trouvé place dans l'exposé qui précède.

L'anatomie des faisceaux pyramidaux, faite d'après l'étude du développement de ces faisceaux et des dégénérations des-cendantes qui s'y produisent, a permis d'établir, vous l'avez reconnu, que les fibres nerveuses qui les composent prennent leur origine dans l'écorce grise des circonvolutions rolandi-

Charcot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 16

ques; que, de plus, procédant de ce point de départ, elles descendent jusqu'à la moelle sans avoir présenté d'autres re-lations que des relations de contiguïté avec les différentes parties de l'encéphale et du bulbe qu'elles traversent. Or, on peut supposer, — bien que ce fait ne soit pas démontré, — que dans l'écorce grise, ces fibres nerveuses sont en rela tions plus ou moins directes avec les grandes cellules pyra-midales de la région. Mais en bas, dans la moelle épiniôre, où et comment se terminent ces fibres ?

Nous avons reconnu que dans la moelle, le faisceau pyra-midal s'amoindrit progressivement à mesure qu'il descend vers le fîlum terminal. Ce fait démontre suffisamment que les fibres nerveuses qui les constituent s'épuisent peu à peu dans le parcours descendant de ce faisceau à travers les di-verses régions spinales. D'un autre côté, certaines observa-tions d'anatomie normale montrent dans les différents étages de la moelle des fibres dirigées d'arrière en avant et de dehors en dedans qui semblent établir une connexion entre les fais-ceaux pyramidaux et les cornes antérieures de substance grise.

Relativement au mode de terminaison de ces fibres ner-veuses qui semblent être une émanation directe des fibres constituantes du faisceau pyramidal, plusieurs hypothèses se présentent: ou bien les fibres pyramidales passent directe-ment dans les racines antérieures ; ou elles se terminent dans la corne grise sans aller au-delà; enfin, il est possible que quelques-unes d'entre elles se prolongent dans la commis-sure et gagnent le côté opposé de la moelle.

Contre la première hypothèse, on peut faire valoir les faits suivants : l'anatomie de la moelle du nouveau-né montre (d'après M. Flechsig dont nous pouvons confirmer sur ce point les assertions), que tandis que le développement des fais-

ceaux pyramidaux est encore à peine esquissé, celui des cel-

lules des cornes antérieures et des racines antérieures est

Fig, 61. — Schéma indiquant l'ensemble de l'appareil du faisceau pyrami-dal depuis les cellules de l'écorce grise du cerveau jusqu'aux plaques ter-minales dans les fibres musculaires. — A, Cellules géantes des circonvo-lutions dites motrices. — B, Cylindres axes. — C, Cylindres axes recouverts de myéline formant le faisceau pyramidal dans le cordon latéral de la moelle épinière. — D, D, D, Cellules des cornes antérieures de la moelle.— E, E, F, Kéticulum de la substance grise où s'épuisent successivement les fibres nerveuses du cordon latéral. - F, F, F, Racines antérieures représentées schémU'iucmcnt par des cylindres axîles qui proviennent des cellules anté-rieure. ..-t qui se terminent dans des libres musculaires, C, G.

déjà très avancé. Il n'y a donc pas continuité entre les fibres des faisceaux pyramidaux et les fibres des racines anté-rieures.

Ce fait trouve en quelque sorte son pendant dans l'histoire des dégénérations descendantes. En effet, alors même que la lésion d'un des faisceaux pyramidaux est des plus prononcées, il est de règle que les racines antérieures émanant de la corne grise du côté correspondant neprésentent aucune modification de structure, aucune diminution de volume appréciable.

La substance grise de la corne antérieure elle-même, au voisinage du faisceau pyramidal dégénéré, ne laisse voir égale-ment, dans les conditions ordinaires bien entendu, aucune trace d'altération ; aussi les grandes cellules nerveuses sont parfaitement intactes et la corne elle-même n'offre aucune di-minution dans son volume.

Mais, Messieurs, cela ne prouverait point qu'il n'existe aucune connexité entre l'extrémité terminale des fibres pyramidales et les cellules motrices multipolaires ; il est même très vrai-semblable— c'est l'opinion émise par la majorité'des auteurs — que cette connexité existe. La deuxième hypothèse que je formulais tout à l'heure serait donc conforme à la vérité ; cependant, il faut le reconnaître la disposition anatomique suivant laquelle s'établit ce rapport est restée jusqu'ici inconnue.

Quoi qu'il en soit, s'il en est ainsi, la cellule nerveuse mo-trice dans le cas de dégénération descendante devra être con-sidérée comme l'obstacle qui arrête dans la substance grise le travail de dégénération et l'empêche de se propager aux tubes nerveux des racines antérieures qui ont très certainement — la physiologie le démontre — des relations médiates avec les fibres des faisceaux pyramidaux. Cette hypothèse, comme vous allez en juger, trouve un appui dans certains faits pathologiques appartenant à l'histoire des dégénérations descendantes, faits

sur lesquels je vous demande la permission d'arrêter un ins-tant votre attention.

On a depuis longtemps remarqué que, dans la règle, les muscles des membres du côté paralysé chez les sujets atteints d'hémiplégie permanente de cause cérébrale, ne présentent d'autres altérations atrophiques que celles qui, très tardive-ment, résultent de l'inertie fonctionnelle à laquelle ces mus-cles sont condamnés. Mais à cet égard, il existe encore tout un chapitre d'exceptions, et il peut arriver que, contrairement à la règle, les muscles des membres frappés d'hémiplégie subissent, à un moment donné, une atrophie plus ou moins rapide, en même temps qu'ils offrent des modifications plus ou moins profondes dans leurs réactions électriques. J'avais été amené à penser que cette anomalie devait se rattacher à quelque particularité anatomo-pathologique et, dans un cas, j'ai constaté, en effet, ce qui suit (1) :

Il s'agissait d'une femme atteinte d'hémiplégie gauche à la suite d'une hémorragie en foyer de l'hémisphère droit. Les membres du côté paralysé qui, de très bonne heure, avaient été pris de contracture, commencèrent à diminuer de volume deux mois après l'attaque. L'atrophie musculaire était unifor-mément répandue sur toutes les parties des membres paralysés et elle s'accompagnait d'une diminution très notable de la contractilité électrique. Cette atrophie musculaire progressa très rapidement, la malade vint à succomber, et à l'autopsie, nous reconnûmes sur des coupes durcies de la moelle épinière qu'en outre de la sclérose fasciculée, il existait dans la corne antérieure du côté correspondant une altération dont le point le plus saillant était précisément l'atrophie et même la dispari-tion complète d'un certain nombre de cellules motrices.

M. Hallopeau, dans le service de M. Vulpian, a observé

(1) Voy. Leçons sur les maladies du syst. nerveux, 1.1, p. 62et t. II, p. 269,

quelques faits du môme genre; M. Leyden en a vu également au moins un, bien qu'il n'ait pas, je le crois du moins, relevé le rapportentre l'altération des cellules nerveuses et l'atrophie des muscles.

Tout récemment, M. Pitres (1), à propos d'un fait du genre de ceux qui nous occupent, observé dans mon service il y a quatre ans, est entré dans des détails anatomo-pathologiques

Fig. 62. — Coupe de la moelle e'pinière entre la septième et la neuvième paires rachidiennes.— A, corne antérieure du côté droit contenant dos cellules mo-trices parfaitement saines et en nombre normal.— B, corne antérieure gauche ? les cellules motrices ont disparu, sauf la partie la plus externe et à la partic antéro-interne. — C, sclérose du faisceau pyramidal dans le cordon latéral. (D'après Pitres).

très importants. 11 s'agit, dans ce cas, d'un foyer ocreux, ves-tige d'une ancienne hémorragie cérébrale. Le foyer du volume d'une grosse amande avait totalement divisé le tiers mo-yen de la capsule interne du côté droit. Pendant la vie, l'atro-phie musculaire qui avait attiré l'attention, occupait le membre supérieur gauche à peu près dans sa totalité. Au contraire, les muscles du membre inférieur paralysé ne présentaient pas d'atrophie notable.

(1) Arch. de physiologie normale et pathologique, 1876, p. 664,

Eclairé par les faits antérieurs, j'avais cru pouvoir annoncer que cette atrophie musculaire insolite, survenant dans le cours de l'hémiplégie cérébrale avec contracture secondaire, trou-verait son explication dans une destruction partielle des cel-lules de la corne antérieure gauche, au niveau de la région cervieomrachiale, L'examen microscopique fait avec le plus grand soin par M. Pitres est venu pleinement confirmer mes prévisions.

La sclérose descendante existait du côté gauche dans toute la hauteur de la moelle ; mais, en outre, dans un point limité du renflement cervico-brachial, entre la septième et la neu-vième paires rachidiennes, dans une hauteur de 2 à 3 centi-mètres, on constatait dans la corne de la région antérieure une disparition complète de la plupart des groupes cellulai-res qui se voient normalement dans cette région (groupes postérieur et antéro-externe). De plus, les racines antérieures, dans les régions correspondantes du renflement cervico-bra-chial, étaient beaucoup plus grises que dans les points symé-triques du côté droit.

Les faits de ce genre forment un groupe assez homogène pour qu'il soit évident qu'il ne s'agit pas là d'une coïncidence fortuite.

Un des enseignements qu'ils fournissent est que l'extré-mité terminale des fibres pyramidales, comme nous le disions tout à l'heure, est en relation d'une façon quelconque avec les cellules nerveuses des cornes antérieures. Dans la règle, lorsqu'il existe une dégénération secondaire du cordon laté-ral, la cellule résiste, en raison de sonanatomie, à l'envahis-sement du processus morbide et protège, si l'on peut ainsi dire, la racine antérieure correspondante. Mais, dans certains cas exceptionnels, et peut-être cependant moins rares qu'on ne le croit d'habitude, sous l'influence de conditions incon-nues, la cellule est atteinte à son tour, elle, s'atrophie et

consécutivement les racines correspondantes subissent la désintégration dégénérative. La conséquence dernière de cet envahissement du système des nerfs centrifuges est l'a-trophie et la dégénération des muscles auxquels les racines malades étaient destinées, suivant un mécanisme que nous devrons étudier en détail dans une occasion prochaine (1).

11 importe pour la théorie de remarquer que, dans le cas de M. Pitres comme dans ceux qui l'ont précédé, la dégéné-ration descendante du faisceau pyramidal ne présentait au-cune anomalie dans sa disposition au voisinage de la corne altérée. L'îlot de dégénération était, comme toujours, séparé de la substance grise par un tractus blanc ; en d'autres termes, on ne trouvait nulle part d'extension directe de la lésion du faisceau latéral à la corne antérieure correspon-dante.

Cette observation vient donc à l'appui de l'idée que la pro-pagation se fait non par l'intermédiaire du tissu conjonctif, mais bien suivant le trajet et par la voie des fibres nerveu-ses qui, partant du faisceau pyramidal, gagnent les cornes antérieures de substance grise. L'anatomie indique que cette relation s'établit à l'aide de petits faisceaux de fibres nerveu-ses, qui, de distance en distance, se détachent du faisceau pyramidal, une étude attentive permettra peut-être, dans les cas de dégénération descendante où ces fibres sont altérées, de les distinguer au milieu des fibres restées saines de la ré-gion des processus réticulaires. Cette constatation, d'ailleurs fort difficile, n'a pas encore été faite.

Messieurs, nous venons d'entrer dans des détails qui vous

(1) Depuis que cette leçon a été faite (21 avril 1879), de nouveaux cas d'à trophie musculaire consécutive à des dégénérations secondaires de cause encé^ phalique ont été observés dans le service de M. Charcot. L'étude complète de ces observations a été publiée dans la Revue mensuelle de médecine et de chi-rurgie, numéro d'août 1879,

paraîtront peut-être bien minutieux. Mais assurément, vous n'aurez pas à les regretter, car nous venons, passez-moi l'ex-pression, de mettre la main sur une donnée de premier ordre et que nous aurons à utiliser bientôt pour l'interprétation physiologique des amyotrophies relevant d'une cause spi-nale.

SEPTIÈME LEÇON

Dégénérations secondaires de cause spinale. — Dé-générations ascendantes du faisceau cérébelleux et descendantes du faisceau pyramidal.

Sommaire. — Degenerations secondaires de cause spinale. — Leur fréquence. — Le cas vulgaire par excellence est celui de la compression de la moelle dans le mal de Pott. — Pachyméningite caséo-tuberculeusc. — Lésion trans-verse totale. -- Il faut que cette lésion soit destructive pour qu'il s'ensuive une dégénération.

Division des dégénérations consécutives à la lésion transverse totale. — Dégénérations descendantes. Dégénérations ascendantes. — Celles-ci portent sur les faisceaux latéraux et sur les faisceaux postérieurs. — Faisceaux céré-belleux de Flechsig.

Dégénérations dans le cas de lésion transverse partielle. -- Elles n'ont lieu que quand la lésion destructive porte sur les faisceaux blancs . — Cas de l'hémiparaplégie spinale avec anesthésie croisée.

Lésion unilatérale de la moelle épinière déterminant, à la longue, une al-tération degenerative des deux cordons latéraux. ¦— Ce fait constitue une ex-ception des plus rares. — Observations de Miïller. — Déductions anatomiques qu'il est permis de tirer de cette observation. -- Double entrecroisement de certaines fibres du faisceau pyramidal.

Messieurs,

Jusqu'à présent, nous nous sommes exclusivement occu-pés du faisceau pyramidal, et nous n'avons envisagé cet appareil qu'au point de vue de l'anatomie normale et de l'a-natomie pathologique. La symptomatologie ne présente pas un intérêt moindre et nous nous y arrêterons également. Mais, auparavant, je crois utile de vous tracer un exposé d'en-

semble des dégénérations médullaires de cause spinale, tout en conservant pour principal objectif le faisceau pyramidal dont l'histoire doit nous occuper particulièrement cette an-née. Cette voie, un peu détournée en apparence, doit cepen-dant nous ramener aux symptômes, et vous serez alors plus aptes à apprécier leur valeur dans la séméiologie dès affec-tions spinales.

Nous allons donc nous occuper, Messieurs, de ces lésions systématiques dont je vous ai déjà entretenus, lésions fascicu-lées, tant ascendantes que descendantes, qui se produisent dans certaines régions de la moelle comme conséquence de Js formation d'une lésion destructive en foyer

Ces dégénérations secondaires de cause spinale sont très vulgaires, car, en raison des dimensions relativement étroi-tes de la moelle épinière, il ne peut guère s'établir une lésion destructive de ce cordon nerveux, sans que la dégénération secondaire, à un degré ou sous une forme quelconque, en soit la conséquence.

î.

Considérant d'abord la lésion en foyer, cause de tous les accidents, nous envisagerons un cas fort simple, et en même temps, dans l'espèce, fort vulgaire. Il s'agira, si vous le vou-lez, de la compression lente de la moelle épinière, telle qu'on l'observe si communément dans le mal de Pott. On connaît très bien, depuis les recherches de Michaud, le mécanisme ordinaire de ce genre de compression (1). L'agent de la com-pression, en pareil cas, est la dure-mère épaissie. Sur la face externe, au contact des dépôts caséo-tuberculeux issus du

(1) Sur la méningite et la myélite dans le mal vertébral, 1871*

corps des vertèbres et ayant amené la destruction du liga-ment vertébral postérieur, il s'est produit une inflammation égalemeut caséo-luberculeuse (pachyméningite externe ca-séo-tuberculeuse). Par le fait de cet épaississement de la dure-mère, la moelle se trouve refoulée et par conséquent comprimée, dans une étendue qui varie selon la hauteur de la néoformation caséeuse, généralement sur une longueur de deux ou trois centimètres. Quelquefois, elle est, sur ce point seulement, repoussée d'avant en arrière; d'autres fois, elle est comme enserrée de toutes parts, en quelque sorte étranglée (1).

Mais il ne s'agit pas là d'un phénomène purement mécanique. En effet, il se produit bientôt dans l'organe, au lieu compri-mé, une réaction d'ordre inflammatoire ; en d'autres termes, une myélite partielle est la conséquence à peu près obligatoire de la compression spinale. Quoiqu'il en soit, il se développe en cet endroit une lésion destructive qui, dans la région lésée, porte indistinctement sur la substance grise et sur tous les faisceaux blancs tant antérieurs que postérieurs : c'est ce qu'on peut appeler une lésion transverse totale.

Il est bien entendu que cette même altération se produira, en dehors du mal de Pott, avec les mêmes caractères et les mêmes effets pour ce qui concerne les dégénérations secon-daires, quelle que soit la cause de la compression. Ainsi, les tumeurs cancéreuses, sarcomateuses, les psammomes nés pri-mitivement en dehors de la moelle épinière, pourront, en prenant de l'accroissement-, déterminer la myélite transverse par compression, avec toutes ses conséquences.

Et d'ailleurs, Messieurs, la compression proprement dite n'est pas un fait nécessaire. Les tumeurs intra-spinales, gliô-

(1) Voy. Leçons sur les maladies du système nerveux faites à la Salpéfrière, Œuvres complètes, t. II, p. 83,

raes, syphilomes, tubercules solitaires, les myélites syphili-tiques, traumatiques ou autres seront suivies des mêmes effets que la myélite par compression, pourvu que soit remplie la condition expresse de la destruction des éléments nerveux.

Ainsi, dès l'instant que la lésion totale et transverse agit comme un processus destructeur, quel que soit le point de départ de ce processus, le résultat sera toujours le même. Les seules variétés sont en rapport avec le siège: ainsi, les dégé-nérations présentent certaines particularités, suivant que la lésion initiale occupe telle ou telle région de la moelle épinière ; il en est de même dans les cas où la lésion transverse est partielle, c'est-à-dire quand elle ne porte que sur une partie de l'étendue transversale de l'organe. Mais, ainsi que vous le reconnaîtrez, la loi générale qui préside au développement des dégénérations secondaires de cause spinale ne se trouve point par là sensiblement modifiée.

II.

Pour plus de simplicité, nous envisagerons d'abord le cas d'une lésion transverse totale, et nous supposerons que celle-ci siège dans la région dorsale supérieure.

Il y a à considérer, vous le savez, les lésions dégénératives descendantes, c'est-à-dire irradiées au-dessous de la lésion, et les ascendantes qui irradient au-dessus.

Io Degenerations secondaires descendantes, a) Immédia-tement au-dessous du foyer, dans l'étendue de un ou deux centimètres au plus, toute l'aire des faisceaux antéro-latéraux est altérée ; seuls les faisceaux postérieurs restent indemnes.

b) Plus bas, voici ce que l'on observe : deux bandelettes de

sclérose dans les faisceaux antéro-latéraux représentent la lésion dégénérative; ces deux bandelettes ne sont autre chose que les cordons de Tûrck.

Dans la portion latérale proprement dite des faisceaux antéro-latéraux, la dégénération n'occupe que les deux fais-ceaux pyramidaux croisés. Mais les cordons de Tilrck disparais-sent rapidement, à moins d'anomalie, et les faisceaux pyrami-daux seuls conservent les caractères de la dégénération descendante. Ici, de même que dans les dégénérations de cause cérébrale, à moins de complications, la substance grise et les racines antérieures restent indemnes.

2° Déyénérations ascendantes. — Les dégénôralions as-cendantes portent sur deux points : a) les faisceaux latéraux ; h) les faisceaux postérieurs.

a) La lésion des faisceaux antéro-latéraux n'a rien de com-mun avec la lésion descendante. Les faisceaux pyramidaux sont ici absolument indemnes. Ils ne sont pas capables de dégénération par en haut, de même que les faisceaux posté-rieurs ne sont pas capables de dégénération par en bas.

La lésion se présente sur la coupe, sous la forme d'une bandelette mince qui commence au niveau de l'extrémité pos-térieure de la corne grise postérieure correspondante, et s'é-tend en avant, jusqu'au voisinage d'une ligne transverse qui passerait par l'extrémité antérieure des cornes antérieures et quelquefois même au-delà,

C'est une bandelette très mince qui, par son bord externe, reste partout en contact avec la pie-mère. Cette lésion, déjà connue de Turek, peut être suivie jusque dans les régions les plus supérieures de la moelle. On la retrouve dans les corps restiformes et jusqu'au niveau du cervelet

Le faisceau qui subit cette dégénération ascendante en

semble pas être également développé chez tous les sujets. Les fibres qui le composent paraissent prendre leur origine dans les régions les plus supérieures de la moelle dorsale. En con-séquence, leur dégénération ne se produirait pas si la lésion en foyer siégeait dans les parties inférieures de la moelle dor-sale ou au-dessous. Le faisceau en question, que M. Flechsig désigne sous le nom de faisceau cérébelleux direct, augmente

Fig. 63.— A, Coupe de la moelle épinière (région dorsale supérieure). — B, Région cervicale. — F c, Faisceau cérébelleux dégénéré au-dessus de la lé-sion spinale. — G c, Cordon de Goll.

sensiblement d'épaisseur de bas en haut. M. Flechsig suppose que ses fibres naissent de la colonne vésiculaire de Clarke ; mais ces connexions anatomiques sont, quant à présent, fort obscures. Je n'ai rien de plus à vous dire sur ce faisceau dont la lésion ascendante, que l'on sache, ne se traduit par aucun symptôme particulier.

i) La lésion ascendante des faisceaux postérieurs offre plus d'intérêt.

A. Immédiatement au-dessus du foyer, dans l'étendue de deux ou trois centimèties au plus, le faisceau postérieur est lesé dans toute son étendue.

B. Mais plus haut, la lésion semble s'effiler et n'occupe plus que la partie médiane, qui, dans les régions supérieures delà moelle épinière (renflement cervico-brachial), correspond au faisceau de Goll. (Voy. Fig. 63, G c.) La dégénération peut, d'ailleurs, comme le faisceau lui-même, être suivie par en haut dans les pyramides postérieures du bulbe, jusqu'au niveau du quatrième ventricule, tandis que la lésion du reste du fais-ceau ne remonte pas au-dessus du foyer d'origine à une dis-tance dépassant deux ou trois origines nerveuses.

D'ailleurs, Messieurs, j'entrerai plus tard dans quelques dé-, veloppements relativement à cette altération des faisceaux postérieurs, que nous rencontrons pour la première fois, et que nous devrons étudier avec plus de détails encore, à une époque où nous aurons à revenir sur l'ataxie locomotrice.

III.

Actuellement, il me reste à indiquer brièvement quelques modifications que présente le type qui vient d'être décrit, lorsque la lésion, au lieu d'être transverse totale est trans-verse partielle.

A. 1° D'abord il importe de faire ressortir que les dégénéra-tions, tant ascendantes que descendantes, n'ont lieu que quand la lésion destructive porte sur les faisceaux blancs. Ainsi, les altérations même profondes de la moelle épinière, quand elles sont limitées à la substance grise, ainsi que cela se voit, soit sous une forme aiguë comme dans la paralysie infantile, soit sous une forme chronique comme dans l'amyo-trophie spinale protopalhique, ne sont jamais suivies de dégé-nérations descendantes, à moins de propagation accidentelle aux faisceaux blancs.

2° Dans les faisceaux blancs, au contraire, la lésion consé-cutive est en quelque sorte obligatoire ; si la lésion primitive est du domaine du cordon antéro-latéral et si elle respecte le faisceau pyramidal, cette dégénération sera peu étendue, car l'altération ne porte en pareil cas que sur des fibres commis-surales^trôs courtes. Nous verrons tout à l'heure ce qui advient, lorsque la lésion en foyer intéresse uniquement les fibres des faisceaux postérieurs.

B. A présent, il nous faut un instant considérer une combi-naison qui se rencontre assez fréquemment dans la pratique,

Fiff. 64. — 1, Coupe transversale de la moelle épinière au niveau de la quatrième vertèbre dorsale. Toute la moitié droite de la moelle et toute l'étendue des cordons postérieurs sont détruites.— 2, Coupe de la moelle au niveau de la troisième vertèbre dorsale (sclérose des deux cordons postérieurs et des deux faisceaux cérébelleux). — 3, Au-dessus, la dégenération n'occupe plus que les deux cordons de Coll. — 4, Moelle au niveau de la sixième dorsale (dé-génération de tout le cordon antéro-latéral). — 5, Plus bas, à la hauteur de la 7e ou 8e vertèbre dorsale, la dégénération du faisceau latéral droit est accompagnée d'une dégénération du faisceau pyramidal gauche.

à savoir une lésion transverse et unilatérale de la moelle épi-nière. Il est rare que la lésion soit mathématiquement unila-térale, c'est-à dire qu'elle ne déborde pas un peu l'axe antéro-postérieur ; mais, au lieu de rester dans les généralités, pre-nons un exemple concret.

11 s'agit d'une lésion syphilitique de la moelle qui se traduit par les symptômes de l'hémiparaplégïe spinale (d'uncôté,para-

Charcot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 17

lysie et hyperesthésie ; de l'autre côté, absence de paralysie motrice, mais anesthésie) (4), L'autopsie démontre que la lé-sion destructive intéressait latotalité du faisceau antéro-latéral gauche et la totalité des faisceaux postérieurs. Au-dessus de ce foyer, circonscrit nettement dans la région que nous venons d'indiquer, on constate une dégénération secondaire des deux faisceaux de Goll ; et au-dessous on distingue, dans l'aire du cordon antéro-latéral, le triangle de dégénération du faisceau pyramidal gauche. C'est ainsi, remarquez-le bien, que les choses se pass mt en général pour ce qui concerne le faisceau pyramidal.

Mais, voici une exception à la règle, qu'il n'est pas inutile de considérer, parce qu'elle vous rendra compte peut-être de quelques symptômes dont l'explication serait autrement assez difficile. J'ai vu parfois les deux faisceaux latéraux affectés par une lésion unilatérale. L'altération, il est vrai, n'était pas sy-métrique et égale ; celle du côté primitivement atteint était plus développée que l'autre. Cette disposition s'est trouvée réalisée de la façon la plus remarquable dans un cas de sec-tion traumatique de la moelle épiniôre, observé par W. Millier.

11 s'agit d'un homme de vingt-un ans, qui reçut un coup de couteau au niveau de la quatrième vertèbre dorsale. La moelle épiniôre, à ce niveau, fut interrompue dans le trajet de tout le cordon antéro-latéral droit et des cordons postérieurs (voy. Fi g. 64). Cet homme présenta les symptômes suivant : à gau-che, anesthésie et conservation des mouvements ; à droite, hyperesthésie et paralysie du membre inférieur. La mort eut lieu au bout de quarante-trois jours, et, à l'autopsie, on cons-tata que la dégénération descendante occupait non seulement le cordon antéro-latéral droit dans sa totalité, mais aussi le faisceau pyramidal gauche.

(1) Voy. Œuvres complètes. Leçons sur les maladies du système nerveux, T. II, p, 121.

J'ai observé des faits du même genre ; M. Haloppeau en a signalé également dans certains cas de dégénération secondaire de cause cérébrale. Cette propagation d'une altération primiti-vement unilatérale au côté opposé peut s'expliquer, Messieurs, par l'hypothèse que je présentais dans la dernière séance, à propos du mode de terminaison des fibres du faisceau pyra-midal dans la substance grise. Je disais que la plupart de ces fibres s'arrêtent dans les cornes antérieures où elles se mettent en rapport avec les cellules motrices. Mais il possible que quelques-unes d'entre elles passent dans la commissure anté-rieure, surtout dans la région dorsale et gagnent le faisceau la-téral du côté opposé, pour descendre avec lui dans la région lombaire. Il existerait donc pour ces fibres un double entre-croisement, l'un dans le bulbe (pyramide antérieure), et l'au-tre dans divers points disséminés sur toute la hauteur de la région dorsale ; si j'insiste sur cette particularité, c'est que peut-être on peut expliquer ainsi les paraplégies plus ou moins complètes et les paralysies des deux membres inférieurs, qui se produisent parfois dans des cas de lésion unilatérale spinale ou de lésions cérébrales en foyer.

HUITIÈME LEÇON

Degenerations ascendantes de cause spinale; faisceaux de Goll et faisceaux de Burdach. — Dégénérations spinales de cause périphérique.

Sommaire. — Dégénération secondaire des cordons postérieurs. —Ces cordons * sont decomposable*, chacun en deux systèmes anatomiques distincts. —L'au-"fonomie de éfe-d^ux systèmes repose sur des considérations relatives au développement, à l'anatomie de structure et à l'anatomie pathologique.

Développement des cordons postérieurs. — Travaux de Pierret, de Kolliker ,—Apparition indépendante des faisceaux de Goll et du faisceau de Burdach. ^D$isron ultérieure des deux appareils par les sillons postérieurs intermé-diaires de Sappey.

Structure des faisceaux de Goll. — Noyaux de ces faisceaux sur le plan-cher du quatrième ventricule. — Structure des faisceaux de Burdach.

Lésions systématiques isolées, soit dans le faisceau de Goll, soit dans le faisceau de Burdach. — Les lésions du faisceau de Goll ne donnent pas lieu aux symptômes de l'ataxie locomotrice. — Compression de la moelle épi-nière produisant la dégénération totale du faisceau de Goll et la dégénération partielle du faisceau de Burdach.

Dégénérations de cause périphérique. — Il n'en existe encore que trois ou quatre observations. —Théorie probable de ces dégénérations.

Messieurs,

Ainsi que je vous l'ai annoneé dans notre dernière réunion, nous allons revenir aujourd'hui sur certains faits importants, relatifs aux dégénérations ascendantes de cause spinale ; je veux parler surtout de la lésion des faisceaux postérieurs. Mais, au-paravant, vous devez être renseignés sur quelques particulari-tés de l'anatomie normale de ces faisceaux.

Il s'agit d'abord de reconnaître que, dans toute la hauteur de la moelle épinière, les faisceaux postérieurs décrits en ana-tomie descriptive ne constituent pas un seul et même système. Au contraire, ils doivent être décomposés en deux faisceaux secondaires représentant, en quelque sorte, deux systèmes, deux organes parfaitement distincts anatomiquement et qui fonctionnent isolément, aussi bien dans l'état normal que dans l'état pathologique.

Fig. 65.— Coupe transversale de la moelle cervicale d'un embryon humain de six semaines. (Grossiss. 50). — G, Canal central. — E, Revêtement épithé-lial de ce canal. — G, Substance grise postérieure. — V, Cordon antérieur. H, Gordon postérieur. — CA, Commissure antérieure. — M, Racine antérieure. — S, Racine postérieure. — V, Partie postérieure du cordon antérieur (ou cordon latéral). — E, Portion amincie de substance nerveuse fermant en arriè-re le canal central (d'après Kolliker).

Or, cette autonomie des deux systèmes constitutifs des fais-ceaux postérieurs est fondée sur des considérations empruntées : 1° les unes à l'anatomiede développement ; 2° d'autres à l'ana-tomie de structure ; 3° d'autres enfin, à l'anatomie pathologi-que. Nous passerons successivement en revue les trois ordres de faits sur lesquels est fondée la distinction dont il s'agit.

Je m'empresse de vous rappeler que les développements qui vont suivre ne seront, pour une grande partie, que l'ex-

posé de recherches très importantes publiées par M. Pierre! dans les Archives de physiologie en 1872 el 1873, c'est-à-dire à l'époque où il me faisait l'honneur de travailler sous ma direction.

1

A. Un mot d'abord sur le développement des faisceaux pos-térieurs.

a) Chez l'embryon humain de six semaines, les faisceaux postérieurs ne sont encore représentés que par deux bande-lettes qui coiffent en quelque sorte les cornes postérieures (1).

(1) Nous reproduisons ici, par comparaison, les figures demi-schématiques publiées dans les leçons de M. le professeur Charcot, sur les scléroses symé-triques des cordons latéraux, d'après les préparations de M. Pierret(B).

Fia. 66. Fig. 67. Fig. 68.

Fig. 66.— Coupe de la moelle d'un embryon humain d'un mois. — a, Cor-nes antérieures. — 6, Cornes postérieures. — c, Canal central. — d, Raci-• nos antérieures. — e, Racines postérieures. — a, Zone radiculaire antérieure

— 6, Zone radiculaire postérieure.

Fig. 67. — Coupe de la moelle d'un embryon humain âgé d'un mois et demi.

— a, b,c, etc., comme dans la figure précédente. — l, Cordon latéral.

Fig. 68. — Coupe de la moelle d'un embryon humain âgé de deux mois. — a,b, c, etc., comme dans les figures précédentes. — l, Faisceau latéral. — 7n, Développement des faisceaux de Coll. — n, Développement des faisceaux de Turck (faisceaux antérieurs.)

Ce sont là les rudiments des faisceaux de Burdach ; les faisceaux

médians ou faisceaux de Goll ne sont pas encore développés.

Fig, 69. — Coupe transversale d'un embryon de huit semaines (Grosslss» 50). — H, H, Partie saillante des cordons postérieurs. — H, H, qui plus tard for-meront les cordons de Goll. — C A, Commissure antérieure. — V, Cordon antérieur. — G, Substance grise antérieure. — G, Substance grise posté-rieure. — H, Cordon postérieur. Entre les deux saillies, H. H, des cordons postérieurs, C, représente l'épithélium du canal central (d'après Kolliker).

Fig. 70. — Coupe transversale de la moelle cervicale d'un embryon de neuf à dix semaines (Grossiss. 35). — E, Epithélium du canal central. — E, Obli-tération de ce canal, sa partie postérieure. — V, V, Cordons antérieurs. — H', H'. Cordons postérieurs. — H, H, Cordons de Goll. — V, W, Racines antérieures — H, W, Racine postérieure. — G, Ganglion intervertébral (d'après Kolliker).

b) Ceux-ci ne commencent à apparaître que vers la hui-tième semaine sous forme de deux bourgeons qui semblent émaner des faisceaux de Burdach.

Toujours est-il que, vers la dixième semaine, ils en sont tout à fait distincts. Ils se voient dans toute la hauteur de la moelle.

c) Par les progrès du développement, les faisceaux de Goll, dans certaines régions, se fusionnent avec les faisceaux de Burdach, sans toutefois se confondre avec eux. Mais, dans la région cervicale, ils restent distincts, même au point de vue de l'anatomie macroscopique, c'est-à-dire qu'ils sont, à ce niveau, limités de chaque côté par les sillons postérieurs intermédiaires (Sappey.)

Voilà pour ce qui concerne l'anatomie de développement.

B) L'anatomie de structure, faite dans l'état normal chez l'adulte à l'aide de coupes pratiquées dans diverses directions, sur des pièces durcies, montre à son tour ce qui suit :

a) Les faisceaux de Goll sont composés de fibres parallèles, à long parcours, formant de longues commissures qui mettent en rapport des étages très-éloignés de substance grise centrale. Par en haut, ce système de fibres commissurales se termine dans unamas ganglionnaire qui se voit sur le'plancher du quatrième ventricule et qu'on appelle noyaux des faisceaux de Goll. Remarquez encore que les faisceaux de Goll n'ont aucune con-nexion avec le prolongement intra-spinal des racines posté-rieures.

b) Il n'en est pas de même des faisceaux de Burdach qui, eux, au contraire, sont traversés par une partie des fibres émanant des racines postérieures. Des fibres de ces racines»

les unes, au moment où elles abordent la moelle, plongent directement dans la substance grise des cornes postérieures ; les autres n'atteignent la substance grise que dans région du cou (cerviœ cornu posterioris), après avoir traversé, suivant un chemin beaucoup plus long, les faisceaux de Burdach où elles dessinent une courbe à convexité externe.

c) Mais ce groupe de fibres radiculaires émanant des racines postérieures ne constitue pas à lui seul, tant s'en faut, la tota-lité des faisceaux de Burdach. La grande masse de ces fais-ceaux est formée, au contraire, par des fibres verticales, ar-ciformes beaucoup plus courtes que les fibres du faisceau de Goll, et qui s'intriquent dans des directions très variées.

Telle est, d'après ce qu'enseigne l'étude directe de l'ar-rangement des fibres nerveuses, la constitution particulière des deux faisceaux du cordon postérieur.

C) Vous venez devoir, Messieurs, que l'anatomie de dévelop-pement et l'anatomie de structure concourent à démontrer l'indépendance mutuelle de ces deux faisceaux. Voici mainte-nant une vérification nouvelle, et qui, cette fois, nous est four-nie par l'anatomie pathologique.

a) Le faisceau de Goll a pu se montrer,dans certains cas, lésé isolément,systématiquement,dans toute son étendue,sans par-ticipation aucune des faisceaux de Burdach : celaaété démon-tré par M. Pierret à propos d'une observation recueillie dans mon service. Le même fait a été rencontré depuis par d'autres observateurs, et toujours on a vu le faisceau se dessiner net-tement dans toute la hauteur de la moelle. A la région lombaire, il se montre sur les coupes transversales sous la forme de deux petits nodules, circonscrits de toutes parts par les fibres des faisceaux de Burdach. Ces deux faisceaux ont, en effet, dans

cette région,une importance majeure,en raison surtout du grand nombre des fibres radiculaires postérieures qu'ils reçoivent. A la région dorsale, au contraire, les faisceaux médians l'empor-tentpar leurs dimensions sur les faisceaux de Burdacli. Enfin, à la région cervicale, les faisceaux de Burdacli deviennent de nouveau considérables ; mais les faisceaux de Goll ne sont pas pour cela moins volumineux, et il est même très important de remarquer que c'est dans cette région qu'ils sont le plus nettement isolés des parties avoisinantes, grâce à la plus grande profondeur des deux sillons postérieurs intermé-diaires. Je tiens encore à vous rappeler, en passant, que les symptômes observés dans les cas de lésions isolées, systématiques, des faisceaux de Goll, ne sont pas ceux de l'ataxie locomotrice progressive.

b) Ce qui vient de se présenter, à propos des faisceaux de Goll, se reproduit également pour ce qui a trait aux faisceaux de Burdacli. Ceux-ci peuvent, eux aussi, subir une altération isolée, autonome en quelque sorte, sans aucune participation des faisceaux de Goll. Ainsi, chez un sujet qui présentait tous les symptômes de l'ataxie locomotrice, aussi bien clans les mem-bres inférieurs que dans les membres supérieurs, les faisceaux de Burdach étaient seuls lésés, et cela dans toute la hauteur de la moelle épinière. Quant aux faisceaux de Goll, ils étaient absolument indemnes : le même fait a été constaté depuis dans plusieurs autres observations.

g) Maintenant, Messieurs, nous sommes en mesure de com-prendre la disposition singulière que présente la lésion des faisceaux postérieurs,quand elle résulte de la compression dé-terminée par une tumeur, en supposant que cette compres-sion doit avoir pour effet la destruction, sur un point de leur' parcours, des fibres des faisceaux de Goll et de celles des fais-

ceaux do lîurduoh.La lésion, portant sur les fibres commissu-rales courtes du faisceau de Burdadi, détermine par en haut une dégénération à court trajet dans ces faisceaux, et nous ver-rons tout à l'heure pour quelle raison cette degeneration est ascendante; enfin, la môme lésion, en tant qu'elle porte sur les longues fibres commissurales des faisceaux de Goll, déter-mine une degeneration également ascendante de ce faisceau, laquelle pourra être suivie dans toute l'étendue de la moelle épinière jusqu'au plancher du quatrième ventricule.

Fig. 71. — A, Sclérose de la totalité des cordons postérieurs (faisceaux de Goll et zones radicuîaires). — Ataxic locomotrice vulgaire.

Fig. 72. — B, Sclérose des deux zones radicuîaires postérieures (les faisceaux de Goll sont respectés). — Ataxic locomotrice.

Fig. 73. — G, Sclérose limitée aux faisceaux de Goll (dégénération ascen-dante).

tl) Si maintenant, au lieu d'un cas de compression, vous imaginez le cas d'une myélite trans verse partielle et limitée ail faisceau postérieur, le résulLat sera absolument le même au moment où la continuité des fibres aura été interrompue. A ce propos, je veux vous faire remarquer, Messieurs, que, dans l'ataxie locomotrice, la disposition la plus habituelle des lésions rappelle, à quelques modifications près, ce qui vient'd'être dit au sujet des degenerations ascendantes. La lésion fondamen-tale porte à l'origine sur les faisceaux radicuîaires dans toute la hauteur de larégion dorso-lombaire ; mais, comme il s'agit là surtout d'un processus inflammatoire, cette lésion ne reste

Fig. 11.

Fig. 72.

Fig. 73.

pas confinée dans son foyer d'origine ; elle s'étend de proche en proche, dans toutes les directions, partie suivant le trajet des fibres nerveuses, partie suivant les tractus conjonctifs, et gagne ainsi, d'un côté, les cornes postérieures, de l'autre, les faisceaux de Goll. La conséquence de celte propagation est que les fibres des faisceaux de Goll, étant intéressées dans la partie inférieure de leur trajet, dégénèrent de bas en haut de la même façon que s'il s'agissait d'une compression directe, et que la lésion ainsi produite peut être suivie, comme il vient d'être dit, jusqu'au plancher du quatrième ventricule.

Telle est, Messieurs, la lésion vulgaire de l'ataxie locomo-trice, celle qui se rencontre 90 fois sur 100 chez les sujets qui succombent à cette maladie.

II.

C'est d'après le principe exposé à l'occasion de l'ataxie locomotrice vulgaire qu'il faut interpréter les dégénérations secondaires constituant le troisième groupe qu'il nous reste actuellement à considérer. A côté des dégénérations secon-daires de cause cérébrale et de cause spinale dont l'étude des-criptive est désormais terminée, il faut placer, vous disais-je, le groupe des dégénérations secondaires de cause périphérique.

Ce groupe est, à l'heure qu'il est, composé de trois ou quatre observations seulement ; mais il est probable, qu'à un moment donné, il prendra une certaine importance. Je me bornerai donc à citer, à titre d'exemple, l'observation de M. Cornil, la première en date, et une observation de M. Th. Simon (1).

Dans tous les cas observés jusqu'à ce jour, la lésion siège (1) Arch. f. Psych. v. Westphal, V,Bd, 1874, p. 114.

eh dehors de la moelle épiriière, sur les racines de la queue de cheval, au-dessus du ganglion ; elle consiste en une tumeur sarcomateuse ou myxomateuse qui englobe et comprime les faisceaux nerveux. Il n'est pas douteux, Messieurs, que la lé-sion spinale, dans les observations auxquelles je fais allusion, relève non pas de la lésion des racines antérieures, mais de celles des racines postérieures. La dégénération consécutive est caractérisée alors ainsi qu'il suit : 1° elle occupe exclu-sivement les faisceaux postérieurs ; 2° dans la région lom-baire, le faisceau postérieur est envahi totalement dans son étendue transverse ; 3° mais au-dessus de cette région, le faisceau de Goll est seul affecté, et il l'est totalement dans son étendue en hauteur, c'est-à-dire jusqu'au plancher du quatrième ventricule. C'est, vous le voyez, quant à la topo-graphie, une assez exacte reproduction des lésions de Tataxie vulgaire.

Maintenant, voici comment les choses doivent se passer, du moins théoriquement et d'après les principes que nous avons précédemment formulés. Conformément à la loi de Waller, les racines postérieures dégénèrent par en haut, au-dessus de la lésion, du côté de la moelle, et la dégénération de ces fibres peut être suivie dans le trajet intra-spinal, c'est-à-dire dans l'épaisseur des faisceaux de Burdach. La lésion qui, à un moment donné, revêt le caractère inflammatoire se communique aux fibres commissurales courtes du faisceau, et, de proche en proche, elle gagne dans la région lombaire le faisceau de Goll, qui, suivant la règle, dégénère par en haut dans toute son étendue. Si les choses se passent ainsi que le veut la théorie, on devrait donc, dans un cas récent de dégé-nération secondaire de ce genre, reconnaître à l'autopsie une lésion limitée aux faisceaux de Burdach et n'intéressant pas encore les faisceaux de Goll. L'avenir apprendra s'il en est réellement ainsi.

NEUVIÈME LEÇON

Des dégénérations secondaires spinales ou céré-brales au point de vue des lois de Waller. — Expériences de Schiefferdecker, Franck et Pitres.

Sommaire. — La raison dos dégénérations secondaires spinales est du même ordre que celle des altérations wallériennes. — Lois de Waller,

Dégénérations descendantes et ascendantes — Les faisceaux qui dégé-nèrent par en bas sont comparables aux nerfs centrifuges des racines anté-rieures, Les faisceaux qui dégénèrent par en haut sont assimilables aux racines postérieures.

Expériences de Westphal, Vulpian, Schiefferdecker. — Epoque du débu des dégénérations. — Les dégénérations expérimentales ressemblent de tous points aux dégénérations pathologiques chez l'homme. — Le faisceau pyra-midal n'est pas compact chez le chien. —Diffusion des fibres dégénérées dans le cordon antéro-latéral.

Expériences de Franck et Pitres. — Dégénération dans la capsule interne à la suite de l'ablation du gyrus sigmoïde.

Exception spéciale à la sclérose en plaques. — Desideratum histologique.

Messieurs,

L'étude des dégénérations secondaires, à laquelle nous vou-lons aujourd'hui mettre la dernière main n'a guère été jus-qu'ici qu'à peu près exclusivement descriptive. Presque tou-jours, en effet, nous avons constaté et décrit ;mais, en géné-ral, nous n'avons rien expliqué. Si nous savons, par exemple, que la dégénération de certains faisceaux de la moelle se fait constamment dans le sens ascendant, tandis que la dégénéra-

lion d'autres faisceaux se fait invariablement en sens inverse, nous ignorons absolument pourquoi il en est ainsi et sur quel principe la loi est fondée. Devons-nous nous contenter de ces notions en quelque sorte purement empiriques?Ou bien, au contraire, pouvons-nous tenter l'édification d'une théorie pa-thogénique des dégénérations secondaires ? C'est là ce que nous venons actuellement rechercher avec vous.

I.

Tous les auteurs s'accordent aujourd'hui, Messieurs, à re-connaître avec M, Bouchard, que le paradigme des dégéné-rations secondaires spinales doit être cherché dans le domaine des nerfs périphériques. Il s'agit de la série des faits décou-verts, de 1849 à 1858, par le physiologiste anglais Waller et sur lesquels repose ce qu'on appelle la Loi wallérienne. Je serai bref sur ce sujet, qui appartient cependant aussi bien à la pathologie qu'à la physiologie, parce que j'aurai Foccasion d'yrevenir prochainement. D'ailleurs, vous trouverez dans les leçons de Cl. Bernard sur la Phyiologie du système nerveux tout ce qui concerne cette question, sur laquelle je me conten-terai de rappeler un instant vos souvenirs (1).

La théorie de Waller est fondée sur ce fait général que lors-qu'on coupe un nerf, de manière à le séparer de son centre, ce nerf s'altère, chez les animaux supérieurs, suivant une direction déterminée. Ainsi, coupez un nerf spinal mixte au-dessous du confluent des deux racines : constamment c'est le bout périphérique qui dégénère, et il dégénère dans toute son étendue ; et la dégénération porte aussi bien sur les fibres centiprètes que sur les fibres centifruges qui le composent.

(1) Cl. Bernard. -- Leçons sur la pl ysiologie et la pathologie du système nerveux, t. I, p. 237,

La cause de l'entretien de la vitalité dans les fibres ner-veuses, ou, autrement dit, leurs centres tropbiques doivent donc être cherchés dans la direction du névraxe. Mais où siè-gent-ils en réalité? Pour les découvrir, il fallait pratiquer des sections méthodiques, tant des racines antérieures que des racines postérieures, sur divers points de leur parcours.

1° La section des racines antérieures, en quelque endroit qu'elle soit faite, est toujours suivie de la dégénération du bout périphérique, le bout central restant indemne : donc le centre trophique de ces racines et des tubes nerveux qui en émanent est dans la moelle épinière, « probablement dans la substance grise », disait Waller. Aujourd'hui, grâce aux travaux récents d'anatomie pathologique, on peut dire, avec beaucoup plus de précision, qu'il est dans les cornes anté-rieures, et plus précisément encore, dans les cellules dites motrices.

2° En est-il de même pour les racines postérieures? Non assurément; et c'est ici la partie la plus originale et la plus inattendue de la découverte de Waller. La section étant pra-tiquée sur le trajet de la racine postérieure la partie qui dégé-nère est non pas la périphérie de la racine, c'est-à-dire 14 portion attenante au ganglion, mais bien la partie centrale, celle qui tient à la moelle, et la dégénération peut être suivie dans toute rétendue du trajet intra-spinal des faisceaux radi-culaires jusqu'à la substance grise ; de telle sorte que le centre trophique, pour les nerfs sensitifs, doit être cherché dans le ganglion intervertébral ; cela est si vrai que, si l'on, extirpe ce ganglion, la dégénération frappe la racine tout en-tière et aussi toutes les fibres centripètes du nerf mixte.

Vous comprenez aisément, Messieurs, et sans qu'il soit nécessaire d'y insister davantage, l'application qui peut être

faite de ces données aux dégénérations secondaires spinales. Les fibres des faisceaux qui dégénèrent par en bas, au-dessous du point lésé, sont comparables aux nerfs centrifuges issus des racines antérieures. De ce nombre sont : Io les faisceaux pyramidaux composés de fibres dont le centre trophique serait dans les cellules pyramidales de l'écorce grise de la région rolandique ; 2° les fibres courtes des faisceaux laté-raux, dont les origines se superposent de haut en bas dans les divers points du centre gris spinal.

Au contraire, les faisceaux qui dégénèrent par en haut sont assimilables aux racines postérieures dont le centre trophique est périphérique. De ce nombre sont : Io les faisceaux céré-belleux directs dont le cenlre trophique est dans la moelle elle-même, tandis que leur centre de terminaison est dans le cervelet ; 2° les faisceaux de Goll dont le centre trophique occupe la substance grise des régions inférieures de la moelle et dont les centres de terminaison répondent à la substance grise de la région bulbaire. Enfin, la même interprétation s'applique aux fibres commissurales courtes des faisceaux de Burdach, qui, elles également, dégénèrent de bas en haut.

II.

L'assimilation que nous venons de faire des expériences de Waller aux faits d'anatomie pathologique relatifs aux dégéné-rations secondaires, toute plausible qu'elle puisse paraître, semblerait plus légitime encore si ces dégénérations des fais-ceaux nerveux pouvaient être reproduites expérimentalement, à coup sûr, comme c'est le cas lorsque il s'agit des nerfs sec-tionnés.

Or, Messieurs, les travaux récents tendent à établir que les choses sont réellement ainsi. Les dégénérations fasciculées

Charcot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 18

secondaires, tant de cause cérébrale que de cause spinale, peuvent être reproduites expérimentalement chez les animaux. Considérons, d'abord, les dégénérations secondaires de cause spinale. Les premières tentatives, faites par MM. Vulpian et . Westphal, n'avaient pas donné de résultats décisifs. Cela tient, vous allez le reconnaître, à des circonstances qu'on ne pou-vait prévoir tout d'abord. La moelle épiniôre du chien (sujet de la plupart des expériences de ce genre), bien que faite sur le modèle delà moelle de l'homme, s'en distingue cependant par quelques particularités anatomiques dont je vais vous faire saisir les traits principaux, en exposant les travaux du dernier auteur qui ait écrit sur les dégénérations secondaires expérimentales.

Il s'agit des recherches de M. Schiefferdecker, publiées dans les Archives de Virchow pour 1876. L'auteur a eu à sa dispo-sition-une centaine de chiens qui avaient servi aux expériences de MM. Goltz et Frensberg ; c'est là un matériel tout à fait exceptionnel, non seulement en raison du nombre, mais encore en raison de la qualité des sujets. Ën effet, ces ani-maux chez lesquels la moelle avait été coupée en travers au niveau de la 12e vertèbre dorsale, contrairement à ce qui a lieu, en général, à la suite d'une semblable mutilation, avaient pu, à force de soins, être conservés pendant plusieurs semai-nes et même pendant plusieurs mois. L'examen est fait, après la mort, sur des coupes durcies et l'on étudie successi-vement les dégénérations ascendantes et les dégénérations descendantes. Voici, en quelques mots, les principaux ré-sultats obtenus.

En premier lieu, la dégénération est un fait constant : abso-lument comme dans le cas de nerfs spinaux sectionnés. — L'apparition des premières traces du processus morbide a pu être fixée, comme date, avec une assez grande exactitude. Dans la première semaine, déjà, on en reconnaît souvent les

traces ; mais, après quatorze jours, ie résultat est absolument certain. — Au bout de quatre ou cinq semaines; le plus haut degré de l'altération est atteint. Je ferai remarquer, à ce pro-pos, que, chez l'homme, c'est au bout d'un ou deux mois seulement, que les premières traces de la dégénération secon-daire ontpu être reconnues. Mais il faut considérer, Messieurs, qu'en raison des circonstances, les observations sont beau-coup moins nombreuses et moins multipliées qu'elles ne l'ont été chez les animaux, dans le travail de M. Schiefferdecker.

1° Pour ce qui est de la distribution des dégénérations, tant ascendantes que descendantes, elles sont, d'après M. Schief-ferdecke.-, à peu de chose près, ce qu'elles sont chez l'homme ; il y a cependant, chez le chien, quelques particularités que je vous demande la permission d'indiquer en deux mots : 1° S'il s'agit d une dégénération ascendante, les lésions rappellent exactement ce que l'on voit chez l'homme en pareil cas, à savoir, dégénération ascendante des faisceaux de Goll et de la partie postéro-latérale des faisceaux latéraux qui correspond aux faisceaux cérébelleux directs.

2° Mais ce sont surtout les dégénérations descendantes qui,

¦ Fig. 74. —A, Coupe de la moelle au-dessous de la lesion. — H, Coupe de la moelle au-dessus de la lésion. — On voit en A la diffusion de la sclérose descendante dans le cordon antéro-latéral sauf à la partie antérieure où la dégénération est bien circonscrite aux faisceaux de Tùrck. En 13, dégénéra-tion des cordons de Goll et du faisceau cérébelleux direct.

comparées à ce qu'on voit chez l'homme, présentent quelques particularités. On peut dire, en effet, que les fibres pyramida-les ne forment pas généralement, comme chez l'homme, des faisceaux compactes (les fibres des faisceaux pyramidaux directs font cependant exception); et, dans le reste des cordons an-téro-latéraux, des fibres capables de dégénérer sont dissémi-nées unpeupartout. Cependant, elles se rassemblent de manière à former un groupe un peuplus compact dans la région pyra-midale du cordon latéral, et, sur ce point, les fibres dégénè-rent dans un long trajet, tandis que, partout ailleurs, elles dégénèrent seulement dans un court trajet. En somme, mu-tatis mutandis, ces dégénérations secondaires, de cause spinale, soit ascendantes, soit descendantes, sont absolument comparables à celles qui se voient chez l'homme.

III.

Ce qui vient d'être dit des dégénérations secondaires de cause

spinale, nous pouvons le répéter des dégénérations secondai-res de cause cérébrale, également déterminées artificiellement chez le chien.

Il faut d'abord, puisqu'il s'agit du chien, vous rappeler ce que nous avons déjà dit des circonvolutions motrices de cet animal. Quelles sont les parties homologues des régions rolandiques de l'homme? C'est là, Messieurs, un point sur lequel l'anatomie comparée ne semble pas, quant à présent, s'être définitivement prononcée. Quoi qu'il en soit, l'expéri-mentation a reconnu, à la surface du cerveau du chien, des régions excitables et motrices qui, fonctionnellement, ont la même signification que les circonvolutions rolandiques. Ces régions motrices du chien sont, en quelque sorte, groupées autour du sillon crucial et elles occupent, pour la plupart,

une circonvolution désignée sous le nom de gyrus sigmoïde.

Jusqu'ici, vous le savez, Messieurs, les lésions pratiquées dans le but de déterminer les dégénérations secondaires, chez le chien, n'ont guère porté que sur l'écorce et la partie atte-nante du manteau. Mais, il est on ne peut plus vraisemblable, que les résultats seraient conformes si les lésions intéressaient les régions correspondantes de la capsule interne.

Bref, quand on enlève le gyrus sigmoïde sur un hémis-phère, les dégénérations secondaires se produisent chez le chien, absolument comme s'il s'agissait chez l'homme d'une lésion portant sur un point des régions motrices. A cet égard il me suffira de vous citer quelques observations expérimen-tales: 1° une observation de Gudden dans laquelle une lésion de la capsule interne chez un jeune chien, était accompagnée de dégénération dans la pyramide et dans la moelle ; 2° une observation de M. Vulpian qui signale, cinq mois après l'abla-tion du gyrus sigmoïde, une atrophie de la pyramide corres-pondande avec une dégénération secondaire ; 3° enfin, les observations de MM. Franck et Pitres (1), qui font mention de résultats absolument identiques. D'ailleurs, Messieurs, il n'est pas excessivement rare de voir certaines lésions se dévelop-per spontanément chez le chien sur cette même région sig-moïde'et, plusieurs fois enpareilcas,on a remarqué l'existence de dégénérations secondaires. Ainsi, vous trouverez des obser-vations de ce genre dans la thèse récente de M. Issartier, observations relevées par MM. Déjerine, Carville et Duret.

MM. Franck et Pitres à qui l'on doit de si importantes re-cherches relativement à toutes les questions que nous agitons en ce moment ont été encore plus loin. Ils se sont évertués à étudier expérimentalement la marche du processus morbide.

On sait aujourd'hui de science certaine qu'au-dessous du gy-

(1) Voy. thèse inaugurale dlssartier, 1878.

rus sigmoïde, partie excitable de l'écorce, il existe dans le manteau une languette triangulaire de substance blanche qui relie la substance grise de l'écorce à la capsule interne, et qui, au même titre que la région de l'écorce d'où elle dérive, répond aux excitations expérimentales, tandis que toutes les autres parties du manteau sont privées de cette propriété.

Or, Messieurs, il semblait résulter des expériences de MM. Albertoni et Michieli, que le faisceau blanc perd son excitabi-lité quatre jours après l'ablation du gyrus sigmoïde. Ainsi sé-parées du centre trophique cortical, ses fibres perdent leurs propriétés physiologiques, tout comme s'il s'agissait d'un nerf périphérique. MM. Pitres et Franck ont confirmé ces résultats:,, avant même que la lésion ne soit appréciable, elle existe déjà sûrement, car déjèf elle se traduit par la perte des propriétés des éléments nerveux.

Par conséquent, Messieurs, vous le reconnaissez, tout con-court admirablement à appuyer la théorie que je vous ai pro-posé d'admettre. Il existe cependant, je ne saurais vous le cacher, un point noir dans nos horizons. Je veux parler d'une exception notoire, qui, jusqu'à ce jour du moins, semble con-tredire la loi : dans a sclérose en plaques les lésions, alors même qu'elles sont très étendues, ne produisent pas de dégénérations secondaires. J'ai émis, dans le temps, l'hypothèse que cela tient à la persistance plus longue des cylindres axiles dans les foyers de sclérose multiloculaire. Mais je ne vous garantis pas la valeur absolue de mon explication, qui repose cepen-dant sur l'observation d'un fait réel. Peut être, faute d'un exa-men suffisant, certaines dégénérations descendantes sont-elles passées inaperçues? Quelles que soient les hypothèses, je crois qu'il sera nécessaire de reviser, sous ce rapport, l'anatomie pathologique de la sclérosé en plaques ; et, d'ailleurs, c'est

là un point que je ne fais qu'indiquer pour le moment. Nous trouverons, sans doute, l'occasion d'y revenir dans la suite (1).

(1) Dans une note récente communiquée à la Société de biologie, MM. Franck et Pitres ont établi que la dégêncration du faisceau pyramidal chez le chien peut affecter les m^mcs caractères anatomiques que chez l'homme. Jus-qu'en certain point les fibres du faisceau pyramidal sembleraient donc se réunir en un groupe assez compact. Voici d'ailleurs les conclusions des recher-ches de MM. Franck et Pitres :

« Chez le chien unohésion corticale siégeant dans la zone motrice peut être suivie de dégénération secondaire de la moelle épinière.

1-Cette 'dégénération semblable anatomiquement à cellequi se produit chez l'homme dans les mêmes circonstances, en diffère au point de vue de la symp-tomatologié en ce qu'elle ne s'accompagne pas de contracture musculaire ». Progrès médical, 18S0. p. 147.)

Voy. également : Tripier, De l'anesthésie produite par les lésions des cir-convolutions cérébrales in Revue mensuelle de médecine et de chirurgie, nu-méro du 10 janvier 1880.

DIXIEME LEÇON

Détermination du trajet des faiscaux blancs de la moelle épinière par l'étude des degenerations secon-daires. Analyse expérimentale des fonctions des faisceaux pyramidaux.

Sommarre. — Tous les faisceaux blancs de la moelle sont capables de dégé-nération systématique. — Faisceaux à fibres longues. — Faisceaux a fibres courtes. — Schéma.

Cordons postérieurs. — Faisceaux intrinsèques. — Faisceaux de Burdach et faisceaux du Goll. —Faisceaux extrinsèques. — Faisceau cérébelleux direct.

Cordons antéro-latéraux. — Faisceaux intrinsèques. — Faisceaux extrin-sèques. — Faisceau pyramidal.

Résultats fournis par l'expérimentation. — Les faisceaux antéro-latéraux sont-ils excitables? L'excitabilité du faisceau pyramidal est manifeste chez l'homme, dans tout le trajet cérébro-spinal de ce faisceau. — Expériencesz de Vulpian, Schiff. — Hémisections spinales. — Vivisections de Woros-chiloff. — Influence du faisceau pyramidal sur l'activité réflexe de la moelle épinière. — Les faisceaux pyramidaux sont les conducteurs des incitations volontaires.

Messieurs,

Vous n'avez sans doute pas oublié la proposition que j'é-mettais au début même de nos études sur les dégénérations secondaires. Ces lésions, vous disais-je, offrent de l'intérêt, non pas seulement au point de vue de la pure anatomie patho-logique ; elles sont, pendant la vie, l'occasion de troubles fonc-tionnels particuliers, qui s'ajoutent à la symptomalogie des

lésions primitives qui leur ont donné naissance, et quelque-fois même, la dominent. A ce titre, elles méritent de fixer toute l'attention des cliniciens. Le moment est venu de justi-fier notre assertion, et de vous montrer le côté pratique des études délicates et compliquées que nous avons jusqu'ici pour-suivies.

C'est donc l'aspect clinique des dégénérations secondaires que nous allons maintenant considérer. Mais, avant d'en venir là, il est deux points encore sur lesquels je voudrais, en ma-nière de préparation, arrêter un instant votre esprit.

Pour comprendre la nature et l'origine des troubles fonc-tionnels qui se rattachent aux lésions dégénératives descen-dantes des divers faiceauxde la moelle épinière, nous devons, sans doute, invoquer surtout les notions anatomo-pathologi-ques que nous avons laborieusement recueillies sur tous les points qui concernent ces lésions.

Cependant, pour mènera bonne fin notre entreprise, cela ne suffirait encore pas.

1° Il nous faut, en effet, être fixés sur quelques points rela-tifs à la structure de la moelle épinière, à l'arrangement des fibres nerveuses et des éléments cellulaires qui la compo-sent, à leurs relations mutuelles, etc. Il est vrai que, chemin faisant, nous avons recueilli un certain nombre de documents qui concernent tout spécialement ce sujet; mais, il importe maintenant, je crois, d'envisager la question non plus par-tiellement) mais dans une vue d'ensemble.

2° D'un autre côté, nous devons faire appel aux notions fournies par l'expérimentation sur la physiologie des fais-ceaux spinaux. Il est vrai que les méthodes anatomo-cliniques sont seules appelées à prononcer, en dernier ressort, sur la physiologie des diverses parties du système nerveux, en ce

qui concerne l'homme; il est également-vrai que l'expérivh mentation sur les animaux fournit, dans l'espèce,- dies données!) importantes, majeures, en montrant la voie dans laquelle les investigations anatomo-cliniques doivent être dirigées.

Je commencerai donc immédiatement par le premier point. On a dit souvent que l'anatomie morbide éclaire quelquefois Panatomie normale, et qu'alors elle peut même décider des questions que celle-ci, livrée à ses propres forces, ne serait pas capable de résoudre.

L'histoire anatomo-pathologique des dégénérations secondai-res jusiifie en partie cette proposition. Pour ce qui a trait à l'arrangement des éléments constituants de la moelle épinière, elle fournit, en effet, certains renseignements qui ne le cèdent en rien aux données de l'anatomie pure, et même, quelque-fois, leur sont très supérieures.

Voici, en deux mots, les quelques aperçus que je veux vous présenter, concernant Fanatomie de structure de la moelle épinière.

I.

De tout ce qui précède, vous avez pu conclure que les

faisceaux blancs qui composent le manteau Ae la moelle épi-nière subissent tous la dégénêration secondaire quand leur" fibres constituantes sont interrompues dans leur parcours. Mais, à cet égard, il y a deux catégories à établir.

A. Quelques-uns de ces faisceaux sont constitués par des fibres longues, c'est-à-dire parcourant, d'une seule traite,; de» longues parties du névraxe. Celles-là sont le siège des dég€k; nérations secondaires qu'on peut appeler à long trajet. De1 ce nombre sont: a) les faisceaux pyramidaux (dégénération.

descendante) ; ¡3) les faisceaux de Goll (dégénération ascen-dante) ; y) les faisceaux cérébelleux directs (dégénération ascendante).

B. D'autres faisceaux sont constitués par des fibres cour-

£ig. 75. —A, faisceaux antérieurs. -- B, faisceaux postérieurs. — R, circon-; volutions rolandiques. — C, cervelet. — Ra, racines antérieures. -- Rp, raci-nes postérieures. — F, faisceau pyramidal. — Fc, fibres intrinsèques centri-fuges (cordons antérieurs).— K, fibres extrinsèques centripètes (faisceau céré^ belleux direct). — Fp, fibres intrinsèques centripètes (faisceau de Burdach). - G, fibres longues postérieures (cordon de Goll).

tes. De ce nombre sont : a) les faisceaux antéro-latéraux-, ou mieux, ce qui reste de ces faisceaux quand on fait abstraction •des faisceaux pyramidaux et des faisceaux cérébelleux directs. Us dégénèrent de haut en bas ; (3j les fibres propres des fais-

ceaux de Burdach, et celles-ci dégénèrent de bas en haut. Dans les deux cas, la dégénération est à court trajet.

Si, maintenant, munis de ces données nous envisageons la constitution de la moelle tout entière, nous pouvons cons-truire un schéma (Fig. 75), qui ne s'éloigne pas, d'ailleurs, notablement de celui qu'avait exposé M. Bouchard, dans le travail auquel je vous ai déjà plusieurs fois renvoyés.

La moelle épinière peut être considérée comme constituée essentiellement par un axe gris autour duquel sont grou-pées toutes les autres parties. Les parties fondamentales de cet axe, c'est-à-dire les éléments cellulaires ganglionnaires, sont les unes motrices ou kinésodiques ; les autres, destinées à la transmission des impressions sensitives ou œsthésodiques. Ces deux sortes d'éléments sont, du reste, reliés entre eux de mille façons, par l'intermédiaire— pense-t-on — d'un réseau nerveux. Quoiqu'il en soit, l'axe gris donne naissance, eri avant, aux racines antérieures qui sont en connexion directe avec les cellules des cornes antérieures, par l'intermédiaire du prolongement de Deiters. D'un autre côté, les racines pos-térieures sont en relation avec les cellules sesthésodiques.

Mais la moelle, ainsi compliquée dans sa structure, est ainsi encore fort incomplète. Il s'agit d'indiquer la relation de

l'axe gris avec les divers faisceaux de fibres blanches, qui com-posent le manteau. 11 y a lieu de considérer ici, successive-ment, les faisceaux antéro-latéraux et les faisceaux postérieurs. Nous commencerons par ces derniers.

Parmi les faisceaux qui composent les cordons postérieurs, les uns peuvent être dits intrinsèques, les autres extrinsè-ques (j'emploie la nomenclature proposée par M. Bouchard), Les intrinsèques se ramènent à deux groupes : 1° dans les faisceaux de Burdach, les fibres intrinsèques sont des commis-sures courtes qui mettent en communication les cellules ses-thésodiques dans toute la hauteur de la moelle. Chacune de

leurs fibres a son centre tropliique en bas, et dégénère, vous le savez, dans le sens ascendant. 2° Dans le faisceau de Goll, au contraire, on trouve des fibres commissurales longues, qui dégénèrent également de bas en haut, et dont le centre trophique est par conséquent situé plus bas que le centre de terminaison. Ces fibres intrinsèques du système spinal posté-rieur n'ont avec l'encéphale que des relations indirectes et encore peu connues.

Pour ce qui est des éléments extrinsèques, ils sont représen-tés par les faisceaux cérébelleux directs qui, par leur extrémité inférieure, plongent dans la substance grise où ils ont leurs centres trophiques, et, par en haut, dans le cervelet, qu'ils met-tent ainsi en relation avec la moelle épinière proprement dite.

Dans les faisceaux antéro-latéraux, il y a également à con-sidérer des parties intrinsèques etdes parties extrinsèques. Les premières sont représentées par les fibres commissurales cour-tes, qui, probablement, mettent en relation les cellules mo-trices des divers étages. Le centre trophique de ces fibres est au-dessus du centre de terminaison, puisqu'elles dégénèrent de haut en bas.

Quant aux fibres extrinsèques de ces faisceaux elles ne sont autres que les faisceaux pyramidaux, tant directs que croisés; et, pour ce qui concerne leur direction, leur origine, leur ter-minaison, l'étude anatomo-pathologique et l'étude expérimen-tale ont été des plus fructueuses. II ne paraît pas douteux ac-tuellement que ces faisceaux sont comme un pont, comme une véritable commissure établissant des rapports directs entre certaines régions du cerveau proprement dit et les cellules ki-nésodiques des divers étages de l'axe gris. L'origine des fibres qui constituent ces faisceaux est dans l'écorce des circonvolu-tions, probablement dans les cellules pyramidales de la subs-tance grise. C'est là qu'est leur centre trophique. Ces fibres traversent l'encéphale, parviennent au bulbe, et, enfin, à la

moelle épinière, sans avoir contracté de rapports avec lespar-ties qu'elles traversent, sinon des rapports de contiguïté ; et, ainsi, elles s'épuisent successivement dans leur trajet descen-dant, dans les diverses régions de la moelle où elles entrent en connexion avec les cellules motrices, par l'intermédiaire d'une disposition anatomique encore peu connue.

II.

Gren est assez sur l'anatomie. Considérons maintenant le côté physiologique, et voyons les principaux résultats que l'expéri-mentation a fournis sur le mode de fonctionnement des fais-ceaux médullaires. Nous commencerons parles cordons antéro-latéraux.

L'idéal serait que la physiologie pût nous éclairer sur le fonc-tionnement particulier de chacun des faisceaux secondaires, que l'anatomie de développement et l'anatomie pathologique nous ont appris à isoler dans cette partie du manteau spinal. Malheureusement, l'expérimentation n'a pas tenu compte, en général, de ces distinctions. J'aurai cependant l'occasion de vous signaler quelques tentatives faites récemment à cet égard, et qui relèvent le rôle particulier des faisceaux pyramidaux dans la transmission des incitations volontaires.

i° En ce qui concerne les dégénérations ôjui se produisent dans les faisceaux antéro-latéraux lorsque leurs fibres sont in-terrompues dans leur trajet, nous avons déjà vu que ces fibres se comportent suivant les mômes lois que les nerfs périphéri-ques centrifuges. Or, tes faisceaux antéro-latéraux peuvent-ils être rapprochés encore des nerfs moteurs par leurs autres pro-priétés ? — Non pas absolument. Car nous savons que la sec-tion des nerfs centrifuges est suivie d'atrophie musculaire,tan1 dis que l'interruption des fibres antéro-lalérales n'entrainepas

le môme résultat. C'est que les^raçin^s.antérieures..ne santpas un simple prolongement des tubes nerveux de ces faisceaux ; _(eiles en sont séparées par les cellules ganglionnaires qui sont leurs véritables centres trophiques. Il n'y a donc pas identité, et l'on ne doit s'attendre qu'à des analogies.

Les faisceaux antéro-latéraux sont-ils excitables comme le sont les nerfs? En d'autres termes, l'irritation de leurs fibres nerveuses par des agents mécaniques, chimiques ou électriques, est-elle suivie — comme c'est le cas lorsqu'il s'agit des nerfs -de contractures musculaires ? Il est parfaitement établi aujour-d'hui, Messieurs, par les recherches de M. Vulpian et par celles plus récentes de MM. Fick et Engelken, que les faisceaux antéro--latéraux sont par eux-mêmes excitables comme le sontlesiierfs. Mais les effets de cette excitation sont beaucoup moins accen-tués quant à la généralisation et à l'intensité des contractions. Il, est remarquable aussi que l'excitation physiologique de la vo-lonté l'emporte ici de beaucoup sur l'excitation artificielle. Les cellules des cornes antérieures sont sans doute un obstacle qui entrave la propagation des excitations jusqu'aux racines anté-rieures.

Mais il était surtout intéressant de rechercher si les cordons pyramidaux sont plus ou moins excitables que les faisceaux antérieurs. Or, l'expérimentation dans ces recherches rencontre des difficultés très sérieuses. Les auteurs s'accordent à recon-naître que, chez le chien, c'est dans les faisceaux antérieurs que d'excitabilité est le plus prononcée. Il est possible, en effet, qu'il en soit ainsi chez le chien, où, d'après les observations de M. Schiefferdecker, les faisceaux de ïiirck appartenant au système des faisceaux pyramidaux et composés parconséquent de fibres longues, auraient à cet égard une importance considérable.

Cependant, en est-il de même chez l'homme, où, au con-traire, les faisceaux de Tiirck ont peu d'importance, les faisceaux antérieurs proprement dits étant composés de. libres commis-

surales courtes, c'est-à-dire formant un faisceau dont le trajet est interrompu à chaque instant par des cellules ganglionnaires? On peut douter qu'il en soit ainsi. D'ailleurs nous connais-sons l'excitabilité du prolongement du faisceau pyramidal dans le manteau de l'écorce cérébrale, et nous savons qu'il consti-tue là une languette nerveusesous-jacenteaux circonvolutions rolandiques, douée d'une excitabilité très manifeste ; on peut donc admettre que, chez l'homme, cette même excitabilité doit exister dans toute l'étendue du prolongement de ces faisceaux dans la moelle épinière.

2° A. On convient assez généralement aujourd'hui, en phy-siologie expérimentale, que la transmission des excitations mo-trices volontaires se fait exclusivement par la voie des faisceaux blancs antéro-latéraux. C'est du moins ce que les expériences de M. Vulpian, contraires sur ce point à celles de M. Schiff, semblent avoir établi d'une façon péremptoire. Chez la gre-nouille (et a fortiori chez les mammifères), la section des faisceaux latéraux à la région dorsale — les faisceaux posté-rieurs et la substance grise étant épargnés — abolit les mouve-ments volontaires dans le train de derrière, d'une manière définitive, c'est-à-dire, non seulement le jour de l'expérience, mais encore les jours suivants. Au contraire, la section des faisceaux postérieurs et de la substance grise laisse persister les mouvements volontaires dans les pattes postérieures.

B. Le résultat des hémisections spinales est aussi très im-portant à considérer. Les expériences de Schiff, répétées par M. Vulpian et d'autres observateurs, ont modifié à cet égard les anciens enseignements qui remontent à Galien. On croyait à la transmission absolument directe. On sait aujour-d'hui (il s'agit des animaux), qu'elle est en partie directe et en partie croisée. Quand vous coupez la moitié latérale

de la moelle chez un cochon d'Inde, par exemple, la paralysie est d'abord très accentuée du côté correspondant ; il existe aussi un peu de parésie de l'autre côté. Mais bientôt, si l'ani-mal survit, la paralysie diminue du côté de l'hémisection, quoique persistant toujours à un certain degré. Cela tient à l'existence de commissures qui unissent les faisceaux antéro-latéraux d'un côté aux faisceaux correspondants de l'autre côté. Mais, si vous pratiquez une seconde hémisection du côté d'abord respecté, la paraplégie devient complète dans les deux membres.

C'est donc nécessairement par les cordons antéro-latéraux, et par eux seulement, que passent les incitations motrices vo-lontaires. Il n'y a pas ici, comme pour la sensibilité, conduc-tion différente par tels ou tels éléments de la moelle épinière.

Ainsi, tandis que la transmission des impressions sensitives est encore possible quand la moelle a subi, à différents niveaux, deux hémisections en sens inverse, il y a dans le même cas paraplégie complète absolue de la motilité.

III.

Mais sont-ce bien les faisceaux antéro-latéraux en bloc qui transmettent ainsi les ordres de la volonté, ou sont-ce plus par-ticulièrement les faisceaux pyramidaux? L'expérimentation a presque toujours reculé devant cette analyse. « Une vivisection coupant isolément et complètement les faisceaux antérieurs ou les faisceaux latéraux, dit M. Vulpian, n'est pour ainsi dire pas réalisable (I). »

Il suffit, pour s'en convaincre d'examiner la configuration d'une coupe transversale de la moelle épinière. Et cependant,

(1) Dict. encycl. des se. ?ne'd. Art. Moelle.

Gharcot. Œuvres complètes, ò. iv, Localisations 19

Messieurs, dans les derniers temps, M. Woroschiloff, mettant à profit les instruments perfectionnés qui sont d'un emploi journalier dans le laboratoire de Ludwig, a pu pratiquer sur la moelle épinière du lapin des sections très variées, quant au siège età l'étendue des parties intéressées, et il est arrivé ainsi à produire des combinaisons qui lui ont permis de dégager le rôle des faisceaux pyramidaux dans la transmission des incita-tions volontaires. Il a confirmé par ce moyen les résultats ob-tenus antérieurement sur le même sujet par Miescher, Na-wrocki et Dittmar.

Il s'agit, dans les expériences de Woroschiloff, de recon-naître l'influencedes faisceaux spinaux sur l'exécution de quel-ques mouvements volontairesd'une analyse facile (saut, courses marche, etc.). L'étendue et la configuration des lésions sont étudiées par M. Woroschiloff avec le plus grand soin, sur des coupes durcies et reproduites photographiquement dans le tra-vail en question.

Permettez-moi d'exposer quelques-uns des résultats aux-quels ces recherches ont conduit. Ils nous intéressent tout particulièrement, puisqu'il s'agit surtout, vous le voyez, de dégager la fonction spéciale du faisceau pyramidal.

1° La section des faisceaux postérieurs ne modifie en rien les mouvements volontaires (Fig. 76) (2).

2° Il est très remarquable que toute la moitié antérieure de la moelle puisse être sectionnée, sans qu'il s'en suive aucune modification dans l'exécution des mouvements volon-taires. On voit par là que la moitié postérieure suffit à cette

(1) Béricht d. Gesellsh. d. Wissensh, zu Leipzig, 1874.

(2) Sur ces schémas, la partie foncée représente 1 étendue de la section mé-dullaire.

transmission. Il n'y a donc pas de fibres longues, directement cérébrales, dans les faisceaux antérieurs (Fig. 77).

3°La substance grise peut être coupée dans toute son éten-

Fig. 76. Fig. 77.

due, les faisceaux antéro-latéraux subsistant, sans qu'il se produise aucune modification dans les mouvements volontai-res. (Fig. 78).

4° Si, au contraire, la substance grise est intacte et que les faisceaux antéro-latéraux soient coupés des deux côtés, les membres postérieurs sont complètement paralysés. Ceci veut dire que la substance grise ne suffit pas à la transmission des incitations volontaires (Fig. 79).

Fig. 79. Fig. 78.

5° Dans le cas de section des faisceaux latéraux et posté-rieurs, l'animal ne se sert que de ses membres antérieurs. Le train de derrière est complètement paralysé (Fig. 80).

6° Enfin, si la section est totale, un seul faisceau latéral étant respecté, le membre inférieur du côté sectionné estcom-

plètement paralysé. Au contraire, du côté où le faisceau la-téral est épargné, le membre obéit encore à la volonté ; si on l'étend, l'animal le retire (Fig. 81). C'est donc bien par les faisceaux pyramidaux que se fait la transmission des incitations volontaires.

Mais il est possible que ce rôle des faisceaux pyramidaux ne

Fig. 81.

Fig. 80.

soit pas exclusif ; il représente sans doute la voie la plus facile, la plus habituelle. Cependant, quaud le chemin est coupé il en est d'autres vraisemblablement que peuvent suivre, au moins dans certains cas, les commandements venus du cer-veau. C'est là un point sur lequel nous aurons à revenir.

Pour en finir avec ces prodromes physiologiques, il ne nous reste plus qu'à dire un mot de l'influence exercée par les fais-ceaux pyramidaux sur l'activité réflexe spinale.

Déjà, nos études relatives au développement nous ont fait reconnaître que les faisceaux pyramidaux doivent être considérés comme de grandes commissures, établissant des relations fonctionnelles entre le cerveau et la moelle épinière, Celle-ci vit en quelque sorte isolément, tant que ces faisceaux ne sont pas encore développés, jusqu'à cette époque les mou-vements du nouveau-né sont entièrement d'ordre réflexe.

IV.

Les mouvements réflexes sont mis au contraire sur le deu-xième plan quand le développememt des faisceaux pyrami-daux est accompti, et ce sont dès lors les mouvements volon-taires qui prédominent.

L'influence modératrice du cerveau sur les actes réflexes est d'ailleurs mise dans tout son jour quand on observe ce qui se passe après une section de la moelle. Mais il est facile de montrer que c'est surtout pour les faisceaux antéro-latéraux que cette influence s'exerce. En effet, la section peut être telle que la sensibilité soit conservée; de plus, un seul côté de la moelle peut être affecté, les faisceaux antéro-latéraux sont donc bien les conducteurs des incitations volontaires.

Cependant, la physiologie expérimentale n'a pas encore dé-cidé si c'est par la voie des faisceaux antérieurs ou des fais-ceaux pyramidaux que cette influence s'exerce. Mais nous verrons que les faits pathologiques résolvent la question que l'expérience physiologique laisse indécise.

Telles sont les notions préliminaires que j'ai cru devoir vous présenter relativement au fonctionnement des divers faisceaux spinaux, tel qu'il se révèle dans les recherches expérimentales. Nous pouvons maintenant aborder avec fruit la clinique des dégônérations secondaires,

ONZIÈME LEÇON

Séméiologie générale des degenerations secondaires du faisceau pyramidal.

Sommaire. — Description de la maladie spinale secondaire. — Attitude du malade au lendemain de l'attaque apoplectique. — Pronostic à formuler dès le début. — Ce pronostic est basé sur le diagnostic anatomique du siège de la lésion.

Détermination exacte du territoire vasculaire aux dépens duquel s'est pro-duite l'héinorrhagie cérébrale. — Le foyer est circonscrit ou il a des chances d'agrandir. — L'intégrité du faisceau pyramidal est la condition sine qua non de la guérison.

Symptômes précurseurs de la contracture secondaire. — Epilepsie spinale, clonus du pied. — Statistique. — Propagation de l'épilepsie spinale au côté sain. — Phénomène de la main. — Réflexes tendineux

Messieurs,

Je me propose d'envisager aujourd'hui les dégénérations secondaires par le côté clinique. Autrement dit, je vais essa-yer de vous présenter un tableau des désordres fonctionnels qui se rattachent à ces lésions et qui servent, pendant la vie, à en révéler l'existence.

Après cela, mettant à contribution les données de l'ordre expérimental que je vous ai brièvement exposées dans la der-nière leçon, nous tenterons de parvenir à l'interprétation phy-siologique de ces symptômes.

I.

.Vous n'ignorez pas, sans doute, Messieurs, que la question que je vais aborder a été traitée d'une façon très-lumineuse par M. le professeur Bouchard, dans ce travail de 1861, que j'ai maintes fois déjà mis à contribution ; et la symptomato-logie des dégénérations secondaires en est, incontestablement, l'une des parties les plus originales.

A plusieurs reprises, dans cet enseignement, j'ai présenté l'exposé des symptômes liés aux dégénérations secondaires, et, pour la majeure partie, toujours conformément à celui qu'en a donné M. Bouchard. Il en sera de même encore ceLte fois-ci. Cependant, quelques données nouvelles ont été intro-duites depuis 1866, dans cet intéressant chapitre, et j'aurai à vous les faire connaître. J'aurai aussi à proposer quelques modifications sur ce qui touche à l'interprétation physiologi-que des phénomènes.

Les divisions à établir dans le sujet pour les besoins de la démonstration sont naturellement toutes tracées. Nous passe-rons successivemeut en revue les dégénérations consécutives de cause cérébrale et celles qui reconnaissent pour cause une lésion spinale.

II.

Pour bien comprendre l'intérêt pratique de l'étude que nous allons entreprendre, il convient de considérer l'état d'un ma-lade frappé tout à coup d'hémiplégie, en conséquence de la formation, dans le cerveau proprement dit, d'un foyer d'hémor-rhagie ou de ramollissement.

Pour plus de précision, arrêtons-nous, si vous le voulez bien, au cas de l'hémorrhagie intra-encéplialique ; et, suppo-sons qu'il s'agisse, dans l'espèce, d'un cas d'une certaine in-tensité. Ce que nous en dirons pourra, à quelques modifica-tions près, d'ordre secondaire, s'appliquer ensuite aisément au cas de ramollissement apoplectiformc.

Je supposerai encore que le malade a surmonté les pre-mières difficultés de la situation. Les phénomènes comateux, la torpeur intellectuelle de l'attaque apoplectique se sont déjà dissipés. La fièvre, les contractures dites précoces, l'érythème des régions fessières, tous ces symptômes de fâcheux augure, si toutefois ils ont existé, ont actuellement disparu. En un mot, nous en sommes au douzième ou au quinzième jour après l'at-taque, et il est devenu certain, qu'à moins de complication fortuite, le malade vivra.

Mais voici, Messieurs, la question fort importante qui se présente à Fesprit du médecin et qui, d'ailleurs, lui sera cer-tainement adressée par les personnes intéressées ou par le malade lui-même. —Actuellement, il existe encore une para-lysie motrice complète, absolue, ou peu s'en faut, de tout un côté du corps. Le membre supérieur est complètement flasque et retombe lourdement sur le lit, quand, après l'avoir soulevé, on l'abandonne à lui-même. Le malade, d'ailleurs, est inca-pable d'imprimer le moindre mouvement aux diverses par-ties de ce membre ; il en est de même du membre inférieur, bien que peut-être à un moindre degré. Enfin, la face, du même côté, dans le domaine du facial inférieur, est, elle aussi, affectée.

Ainsi, la commissure labiale du côté sain est élevée, en même temps que les lèvres de ce côté sont légèrement en-trouvertes; tandis que, du côté paralysé, elle est tombante, en même temps que les lèvres sont amincies. Il est inutile, pour le moment, d'entrer dans plus de détails,

Or, la question en litige est la suivante : le malade vivra, il recouvrera, sans doute, pour la majeure partie, l'activité de ses facultés intellectuelles; mais récupérera-t-il, un jour ou l'autre, l'usage de ses membres paralysés ? Pourra-t-il se servir de sa main, de son bras? Pourra-t-il même sortir du lit, se tenir debout, marcher? Ou, inversement, est-il pour tou-jours condamné à une impuissance motrice le privant de l'u-sage régulier de ses membres? En un mot, demeurera-t-il à l'état d'infirme, confiné dans sa chambre et obligé de faire appel à l'assistance des autres pour l'accomplissement des actes les plus impérieux de la vie ordinaire?

Tel est, Messieurs, le problème qui se pose dans les condi-tions particulières que nous avons déterminées. Eh bien! en pareille occurrence, le médecin instruit, en même temps qu'il s'efforcera de trouver dans l'examen du malade des indices ca-pables de lui fournir la solution de cette question fort difficile, ne manquera pas, fût-ce même instinctivement, de se remet-tre en mémoire les connaissances anatomo-pathologiques et physiologiques propres à l'éclairer. Il pensera analomique-ment, si je puis ainsi dire, et physiologiquement, en même temps que cliniquement.

Il ne se contentera de données empiriques que faute de mieux, et il voudra, si faire se peut, pénétrer la raison des choses. Nous ne pouvons mieux agir, je crois, qu'en l'imitant; représentous-nous donc l'état des parties lésées chez le ma-lade qui est là sous nos yeux, et sur l'avenir duquel on nous demande de nous prononcer.

m.

Ceci va nous mener à une digression, mais je ne doute pas qu'après avoir parcouru le chemin détourné où je vais

vous conduire, la tâche que nous nous proposons d'accom-plir nous sera rendue plus facile.

Il s'agit, vous ne l'avez pas oublié, dans l'exemple choisi, de l'hémorrhagie intra-encéplialique se présentant dans sa forme la plus vulgaire. — Où siège le foyer ? Quelles parties a-t-il détruites? 95 fois sur 100, peut-être, les choses seront telles que nous allons les imaginer.

Rappelons-nous quelques-unes des particularités anatomi-ques qu'offre à considérer la région des masses centrales, car c'est dans cette région que se fait l'épanchement, dans la très grande majorité des cas.

Examinons à nouveau la coupe horizontale que je vous ai plusieurs fois présentée déjà, J'appellerai surtout, cette fois, votre attention sur les rapports du noyau lenticulaire. Si, en dedans, il est limité par la capsule interne, en dehors, il est limité par un autre tractus blanc, la capsule externe, qui le sépare de l'avant-mur {claustruni) et de la région de Yinsula.

Or, Messieurs, sur des'pièces convenablement durcies dans l'alcool, il serait facile de montrer que la face externe du noyau lenticulaire, dans son tiers antérieur surLout, n'est que très lâchement unie à la capsule externe. En réalité, il n'y a pas de connexions anatomiques intimes entre la bandelette blan-che et la face externe du noyau gris. Il existe en ce point comme une sorte de ventricule virtuel ; et si c'est dans cette région, ainsi que l'a depuis longtemps fait remarquer Gendrin, que commence à se former l'épanchement sanguin dans les cas ordinaires, la raison n'en est pas difficile à comprendre. A cette même région appartiennent, en effet, les artères nourricières, dont les lésions préparent en quelque sorte l'hémorrhagie intra-encéphalique.

Si, sur un cerveau préalablement injecté, vous étudiez, guidés par les importants travaux de M. Duret, les disposi-

tions des artères nourricières des masses centrales, vous rele-vez surtout ce qui suit.

Les plus importantes de ces artérioles proviennent du tronc de la sylvienne dont elles se détachent perpendiculairement ; elles pénètrent dans la substance nerveuse au niveau de l'es-pace perforé antérieur.

On voit là une série de petits perfuis dont chacun donne passage à une de ces artérioles ; et, remarquez-le bien, con-trairement à ce qui a lieu sur les vaisseaux artériels corticaux destinés à nourrir la substance grise et le manteau, les vais-seaux qui s'insinuent dans l'épaisseur des masses centrales ne sont pas, quant à la structure et à leur calibre, des capil-laires, mais bien des artères véritables .

La disposition que présentent les vaisseaux lenticulo-striés, une fois qu'ils ont pénétré dans l'épaisseur des masses cen-trales, peut être aisément mise en relief par une dissection fort simple. On enlève successivement l'écorce grise des cir-convolutions de l'insula, la substance blanche sous-jacente, l'avant-mur, enfin la capsule externe ; on met ainsi à nu la surface convexe du troisième segment du noyau lenticulaire, et l'on voit alors s'épanouir sur cette surface, à la manière d'un éventait, les artérioles lenticulaires. Les plus volumi-neuses sont les plus antérieures. Toutes, se dirigeant d'avant en arrière et de bas en haut, pénètrent vers l'extrémité supé-rieure du noyau dans son épaisseur, et, là, on les perd de vue.

Pour bien reconnaître le trajet ultérieur de ces vaisseaux et leurs ramifications dans l'épaisseur des noyaux gris, il con vient de pratiquer maintenant à travers ces noyaux des coupes transversales. L'examen d'une de ces coupes bien choisies nous suffira pour le but que nous nous proposons. 11 s'agit d'une coupe faite un peu en avant du chiasma. Là, se voit une des artères striées les plus volumineuses et les plus impor-

tantes, en raison de son rôle fondamental dans l'hémisphère cérébral. Après avoir pénétré dans la profondeur du troi-sième segment, elle traverse la partie supérieure de la capsule interne et arrive jusqu'au noyau caudé. Les autres artérioles sont disposées à peu près d'après le même plan.

Ces artères sont des artères terminales, c'est-à-dire qu'elles ne communiquent pas entre elles, nonplus qu'avec les artères corticales. Une injection poussée un peu fort les rompt facile-ment, et produit de petits foyers qui imitent ceux que l'on voit dans l'hémorrhagie cérébrale.

Enfin, Messieurs, elles sont particulièrement sujettes à la forme d'artériose qui conduit à la formation des anévrysmes miliaires, cette lésion préparatoire de l'hémorrhagie intra-encé-phalique vulgaire. Il est très commun, chez des sujets qui ont été frappés autrefois d'apoplexie par hémorrhagie cérébrale, d'extraire des pertuis de l'espace perforé un certain nombre d'artérioles portant des anévrysmes miliaires.

Lorsque l'hémorrhagie se fait aux dépens de ces artères ainsi altérées, — et ce cas est très fréquent, — le sang se répand dans le ventricule virtuel dont nous parlions tout à l'heure, entre le noyau lenticulaire et la capsule externe qui se trouve en quelque sorte décollée. De cette façon, se forment ces foyers aplatis, qui, lorsque le sang épanché s'est résorbé, se présentent sous la forme d'une cicatrice ocreuse linéaire, limitant le contour externe du noyau lenticulaire.

Quand le foyer en question est encore récent, pourpeu que l'épanchement soit notable, il devra nécessairement repousser les noyaux gris vers les ventricules, en raison delà résistance plus grande qu'opposeront les parois crâniennes du côté de l'insula. Vous voyez donc que, si les choses en restent là, aucune partie importante ne sera détruite ; la capsule interne en particulier sera seulement médiatement comprimée. En pareil cas/malgré l'intensité que les premiers symptômes auront

pu présenter, un tel malade, s'il a résisté à ce qu'on appelle les phénomènes de choc, pourra guérir, c'est-à-dire pourra tôt ou tard recouvrer la presque intégrité de ses mouve-ments.

Mais, d'autre part, ce foyer peut s'agrandir ; il peut s'étendre suivant la direction des artérioles, couper en travers la cap-sule interne, et, enfin, pénétrer dans la cavité ventriculaire. Si un tel accident se produit, le cas est des plus graves ; le malade succombe le plus habituellement, et par là même la question se trouve résolue.

Si l'inondation ventriculaire n'a pas eu lieu, si seulement les fibres de la capsule ont été déchirées, pour peu que la déchirure porte sur celles de ces fibres qui appartiennent au faisceau pyramidal, le cas est encore des plus sérieux ; non pas en ce qui concerne la vie du malade qui, par ce fait, n'est point menacée, mais en ce qui concerne le retour du mouve-ment dans les membres frappés d'hémiplégie. Très certaine-ment, alors, l'intégrité de ces mouvements est définitivement compromise.

C'est qu'en effet, Messieurs, une telle lésion destructive entraîne nécessairement le développement d'une lésion spinale descendante, qui, elle, à son tour, ainsi que nous allons le montrer, entretient fatalement la persistance indéfinie plus ou moins complète de l'impuissance motrice dans les membres paralysés.

Ainsi, vous le voyez, quelques millimètres déplus ou de moins dan s l'étendue de la lésion, suivant une certaine direction, ne sont pas ici chose indifférente. Tant que les fibres du fais-ceau pyramidal sont épargnées, quelle que soit l'étendue du foyer, le mal est réparable. Il ne l'est plus ou ne l'est guère si les fibres de ce faisceau ont été non pas seulement compri-mées, mais détruites sur un point de leur trajet. Tel est le résumé de la situation.

IV.

C'en est assez pour le côté anatomo-pathologique. La ques-tion s'offre à nous actuellement dans les termes suivants. Est-il possible de reconnaître cliniquement, à de certains carac-tères, chez des individus frappés d'hémiplégie depuis quatorze ou quinze jours, que le faisceau pyramidal a été détruit sur un point de son parcours, ou, autrement dit, la dégénération secondaire se révèle-t-elle par des symptômes qui lui sont propres ?

On peut, Messieurs, répondre par l'affirmative. Il est certain que l'existence des dégénérations secondaires, dans les con-ditions que nous avons supposées, peut être habituellement reconnue. Le grand symptôme révélateur, dans l'espèce, est cet ensemble de phénomènes que l'on désigne vulgairement sous le nom de contracture tardive des hémiplégiques. Il nous faudra donc porter toute notre attention sur ce symp-tôme remarquable. Mais il ne se manisfeste habituellement, d'une façon un peu décisive, que vers le deuxième ou le troi-sième mois après l'attaque. Faudra-t-il attendre, pour se pro-noncer, que ce terme soit révolu ? N'existe-t-il pas, dans la symptomatologie des hémiplégies apoplectiques, des indices moins tardifs, capables de révéler l'existence des lésions spi-nales consécutives?

En réalité, Messieurs, la période des contractures tardives dans l'hômiplôgie incurable est précédée par une période pro-dromique durant laquelle on observe certains phénomènes qui, s'ils ne permettent pas d'affirmer à coup sur l'exis-tence de la dégénéralion, en rendent au moins la présence très vraisemblable. Seulement, l'apparition de ces phénomè-nes doit être provoquée par l'observateur. Ce sont des signes

qu'il faut apprendre à mettre en évidence ; ils ne se révèlent que par la mise en œuvre do certaines pratiques. Aujourd 'hu je me bornerai à vous rappeler que l'un d'eux, le plus ancien-nement introduit dans la sémiotique neuro-pathologique, est connu en France sous le nom de trépidation provoquée, d'épilepsie spinale provoquée. Les auteurs allemands fappel-ent le phénomène du pied {Fussphœnomen), ou encore le clonus du pied.

Mais c'est là un signe qui appartient à la clinique française. Dès 1863, ainsi qu'en témoignent des observations qui datent de cette époque, il était journellement mis à profit dans les services de la Salpêtrière, par M. Vulpian, par moi-même e^ par nos élèves. Depuis lors, nous n'avons jamais cessé d'étu-dier ce phénomène dans ses relations avec les différentes affec-tions des centres nerveux et d'en chercher la signification. Ainsi, j'ai montré depuis longtemps qu'il fait habituellement défaut dans l'impuissance motrice liée au tabès ataxique, à la paralysie de cause cérébrale ou spinale de l'enfance et encore dans d'autres états du même genre, tandis qu'il ne manque jamais dans les paralysies de cause cérébrale ou spinale dans lesquelles la contracture existe ou tend à s'établir (1).

Voici, au demeurant, en quoi consiste ce phénomène. Quand on soulève le membre inférieur paralysé d'un hémiplégique, en plaçant une main sous le jarret de façon que la jambe du malade soit abandonnée à elle-même, ballante, si, à l'aide de l'autre main, on relève brusquement la pointe du pied, immédiatement on provoque une série de secousses dont l'en-semble constitue une sorte de mouvement rhytmé, de trem-blement à oscillations plus ou moins régulières ou persistan-tes.

La trépidation spinale offre d'autant plus d'intérêt dans la

(1) Dubois. — Thèse de Paris, 1868,

règle, qu'il n'en existe pas trace à l'état normal. Ainsi M. Ber-ger (1), sur 1,400 sujets sains en apparence (des soldats pour la plupart), qu'il a observés à cet effet, ne l'a rencontrée que trois fois. Je répéterai encore à dessein que, dans le domaine pathologique, ce n'est pas un phénomène banal, puisque dans certaines affections spinales il fait défaut, tandis que dans d'autres il est de règle qu'il soitprésent. C'est, en somme, un des caractères du groupe des paralysies spasmodiques ; et les hémiplégies centrales avec dégénération secondaire des fais-ceaux pyramidaux appartiennent à cette catégorie.

Quand la contracture tardive s'est produite, il esta peu près constant. Mais il la précède souvent de plusieurs semaines.. Chez une malade actuellement couchée dans l'infirmerie de la, Salpêtrière, il a commencé à se manisfester huit jours après l'at-taque, et quinze jours plus tard la rigidité du membre infé-rieur inaugurait peu à peu la série des accidents spasmodiques. Chez une autre malade, il n'a paru qu'un mois après l'attaque et la raideur musculaire a commencé à paraître dans le cours du deuxième mois. M. Déjerine a fait voir récemment que ce symptôme se révèle parfois dans les deux membres inférieurs, et nous verrons qu'il en est quelquefois de même de la con-tracture.

Chez les hémiplégiques qui jouissent encore de quelques mouvements, cette même trépidation, qui s'étend dans cer-tains cas au membre tout entier, peut aussi se manifester à l'occasion d'un mouvement volontaire.

Il s'agit là d'un phénomène réflexe ; je me propose d'ailleurs de le démontrer plus au long dans la suite. Qu'il suffise, pour le moment, de vous faire remarquer que son intensité est pro-voquée par l'emploi de la strychnine, atténuée au contraire, d'après M. 0. Berger du moins, par celle de l'opium.

(1) Arch. d. Heilk., 1879, n° 4.

Un phénomène analogue se produit quelquefois lorsque la main d'un hémiplégique est brusquement soulevée par le bout des doigts. Souvent aussi, ces malades en élevant le bras paralysé, éprouvent une trépidation semblable à celle qui se produit au membre inférieur dans les mômes circontances. Mais le phénomène de la main, provoqué ou spontané, est beaucoup plus rare que le phénomène correspondant connu sous le nom de phénomène du pied.

Ces deux signes, comme nous le montrerons, appartiennent à la même catégorie que ceux qui ont été récemment intro-duits dans la sémiotique des affections spinales par M. West-phal, puis par M. Erb, sous la dénomination collective de réflexes tendineux.

Ghàbgot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 20

DOUZIÈME LEÇON

De la contracture tardive des hémiplégiques et de ses variétés cliniques.

Sommaire. — Influences diverses qui exagèrent la contracture ou même la pro-voquent prématurément. — Strychnine, faradisation, traumatisme. — Con-tracture traumatiquc (observation). — Analogie des contractures hémiplégi-ques par traumatisme et des contractures hystériques.

A quelle époque survient la contracture secondaire des hémiplégiques.— Attitude des membres. — La contracture affecte tous les groupes antagonis-tes. — Attitudes vicieuses.

Contractures paralytiques, par adaptation, myopathiques. — La contracture des hémiplégiques n'est pas une rigidité passive. — Expériences de Gaillard (de Poitiers).

Tonicité musculaire normale. — Théorie d'Onimus. — Expériences con-firmât! ves de Boudet de Paris et Brissaud. — Le tonus musculaire est une action réflexe permanente.

Types et variétés des attitudes des membres contractures. — Contracture de la face. — Terminaisons diverses de la contracture hémiplégique.

I.

Messieurs,

Je vous disais, en terminant la dernière leçon, que dans l'hémiplégie permanente de cause cérébrale, la période des contractures tardives est précédée d'une période prodromique pendant laquelle s'observent certains phénomènes, qui, s'ils ne permettent pas toujours d'affirmer l'existence de la dégé-nération, la rendent cependant fort vraisemblable.

Ces phénomènes, ajoutais-je, ne se présentent pas d'eux-mêmes. Ce sont, en d'autres termes, des signes qu'il faut mettre en évidence à l'aide de certaines pratiques, d'ailleurs fort simples.

En dehors du cas que nous considérons actuellement, dans le cours de nos études sur les affections organiques cérébrales et spinales, nous retrouvons maintes fois ces mêmes phéno-mènes avec tous les caractères que je cherche à mettre en relief, mais, à la vérité, presque toujours au milieu de circons-tances relativement beaucoup plus complexes. C'est pourquoi il faut saisir l'occasion qui, aujourd'hui, se présente à nous, d'observer ces phénomènes dans les conditions les plus favo-rables à l'analyse physiologique.

Je vous ai déjà entretenus de l'un deux, le plus ancienne-ment introduit dans la séméiotique neuro-pathologique. Il est actuellement, vous le savez, désigné en France sous les noms de trépidation provoquée, d'épilepsie spinale provoquée, et en Allemagne, sous le nom de phénomène du pied, clo-nus du pied. Dans le domaine pathologique, ce n'est pas, tant s'en faut, un phénomène banal.

11 est de règle qu'il fait absolument défaut ou s'atténue dans certaines affections spinales, l'ataxie locomotrice par exemple, les poliomyélites antérieures aiguës ou chroniques (paralysie infantile, atrophie musculaire progressive spinale protopathique, et toutes affections de la même catégorie), tandis que, dans d'autres, il est habituellement présent. C'est, en somme, un des caractères du groupe cliniqne des para-lysies spasmodiques, et les hémiplégies cérébrales avec dégé-nération des faisceaux pyramidaux appartiennent à ce groupe.

Une fois la contracture tardive établie, la trépidation spi-nale est, à moins de circonstances exceptionnelles, un symp-tôme constant, et même il la précède toujours de plusieurs' semaines.

Ainsi, chez une malade couchée actuellement dans l'infir-merie de la Salpôtrière, et frappée il y a quelques mois d'hé,-miplégie, la trépidation provoquée s'est manifestée huit jours après l'attaque, et c'est seulement quinze jours après, c'est-à-dire au bout de trois semaines environ, que la contracture a commencé à paraître.

Chez une autre malade, le phénomène du pied n'est der venu appréciable qu'un mois après l'attaque, et la contrac-ture ne s'est établie que vers la fin du deuxième mois.

En outre, M. Déjerine, ainsi que je vous l'ai déjà dit, a fait récemment la remarque intéressante et très exacte que le membre inférieur, du côté non paralysé, devient quelque-fois le siège de la trépidation provoquée. Il n'est pas rare même, en pareil cas, que la contracture permanente s'em-pare de ce membre, de telle sorte que l'hémiplégie se com-pljique en quelque sorte d'une paraplégie avec rigidité, qui met ainsi un obstacle presque invincible à la station et à la marche, par suite de quoi le malade reste confiné au lit pour la fin de ses jours.

Enfin, chez les hémiplégiques qui jouissent encore de quel-ques mouvements, cette même trépidation du pied, qui, quel-quefois, s'étend à toutes les parties du membre, peut se ma-nifester à l'occasion d'un mouvement volontaire.

Provoquée ou spontanée, la trépidation en question est un phénomène d'ordre réflexe, j'aurai à le démontrer. Qu'il me suffise de faire remarquer, pour le moment, que son inten-sité s'accroît sous l'influence de la strychine, qu'elle s'atté-nue au contraire par l'emploi du bromure de potassium à haute dose, et de l'opium même, selon M. Berger, fait qui me semble beaucoup moins bien établi que les précédents.

Il importe de relever, Messieurs, que, contrairement à ce qui a lieu pour la trépidation provoquée du pied, le phéno-mène du genou appartient à l'état normal. Chez tout sujet

sain, à bien peu d'exceptions près, il existe à un certain de-gré ; ainsi, dans cette statistique de M. Berger que j'invo-quais dans la leçon précédente (1), le réflexe rotulien n'a manqué qu'une fois sur cent. M. Eulenburg (2) a fait la re-marque fort intéressante qu'il est très accentué chez le nou-veau-né dès le premier jour, et qu'il s'atténue en général au bout de quelques semaines.

Ce dernier fait, s'il se confirme, peut avoir une grande portée, puisqu'il semble, par lui-même, signaler déjà le phé-nomène comme un réflexe spinal. Nous n'avons pas oublié, en effet, que chez le nouveau-né les faisceaux pyramidaux ne sont pas encore complètement développés et que, par consé-quent, l'influence modératrice qu'on prête au cerveau pro-prement dit sur les actes réflexes spinaux ne peut encore, à cette époque de la vie, s'exercer par cette voie.

Quoi qu'il en soit, il ressort clairement de ce qui précède, que le phénomène du genou n'acquiert une signification pa-thologique que dans les circonstances suivantes : 1° ou bien il fait complètement défaut, ainsi que cela a lieu habituelle-ment dans l'ataxie locomotrice, par exemple, ou dans les po-liomyélites antérieures ; 2° ou bien il s'exagère notablement comme dans les paralysies spasmodiques. Chez les hémiplé-giques menacés de contracture, il précède même assez géné-ralement l'apparition du phénomène du pied ; et s'il arrive qu'il soit peu prononcé, sa présence n'est pas sans significa-tion, eu égard à l'intensité encore moindre du même symp-tôme du côté non paralysé.

(1) Centralhlatt f, d. Nervenkr., 1879.

(2) Ibid., 1878.

II.

Le clonus du pied et celui de la main appartiennent, ainst qu'il nous sera facile de le montrer, àla même catégorie que ceux* dont il va être maintenant question et qui ont été récemment, introduits dans la séméiotique des affections cérébro-spinales par M. Westphal d'abord, puis par M. Erb (i). Ces phénomè-nes nouveaux sont collectivement désignés sous le terme géné-rique de réflexes tendineux. De tous, le mieux étudié, le plus facile à provoquer, celui qui en même temps, offre le plus d'intérêt pratique, est connu sous le nom de réflexe patel-lalre, réflexe du tendon rotulien, phénomène du genou, etc. Voici comment on le met en évidence.

Le membre qu'on veut explorer est soutenu, comme dans le cas précédent, par la main gauche de l'observateur placée sous le jarret.

On frappe, à l'aide du bord cubital de la main droite, un petit coup sur le milieu du tendon rotulien (il est plus sûr encore de se servir du marteau à percussion de Skoda). Une simple chiquenaude appliquée sur le point indiqué, donnerait au besoin le même résultat, du moins dans certaines circons-tances pathologiques. Presque immédiatement après le choc, la jambe du malade se redresse, s'élève plus ou moins brus-quement, décrivant une trajectoire plus ou moins étendue selon les cas, puis retombe aussitôt après. Quelquefois, cependant, un seul choc est suivi de deux ou trois oscillations successives; le phénomène a acquis alors son plus haut degré d'intensité.

(1) Arch. /'. Psych., t. V, 1875.

III.

Comme son nom l'indique, le phénomène du genou est certainement d'ordre réflexe ; c'est un réflexe spinal, et déjà quelques observations cliniques permettraient de le prévoir. Ainsi, M. Erb a fait remarquer (1) qu'en percutant le tendon rotulien de manière à provoquer le phénomène du genou, il se produit quelquefois simultanément un mouvement d'ad-duction de la cuisse opposée. Dans un cas de paraplégie par compression spinale — et ceci est encore une observation de M. Erb — le signe du genou avait fait défaut tant qu'avait duré la paralysie. Il reparut lorsque le malade put recouvrer l'usage de ses membres. Ceci tend à démontrer que l'exis-tence du phénomène est surbordonnée à l'intégrité de cer-taines régions médullaires.

Il faut ajouter encore que, d'après les observations de M. Nothnagel, confirmées par celles de M. Erb (2), l'excitation vive de certaines parties plus ou moins éloignées du lieu où se produit le phénomène du genou suffit quelquefois pour en empêcher la production. Ainsi, un pincement de la peau du ventre ou la faradisation intense du membre du côté opposé suffisent pour mettre obstacle à la contraction du triceps cru-ral. Vous voyez qu'il s'agit ici d'un phénomène d'arrêt, ana-logue à ceux qu'on détermine quelquefois chez les animaux sur lesquels on étudie les diverses conditions de l'activité réflexe spinale.

Mais la nature réflexe du signe du tendon, s'il pouvait sub-sister quelque doute à cet égard, est aujourd'hui mise en évi-

(1) Ziemsseiïs liandb.

(2) Arch. f. Psych., VI, 1876,

denceparl'expérimentation-. DéjàMM. Fûrbinger etSchultze (1) avaient reconnu que les réflexes tendineux et, en particu-lier, celui du genou existent chez les animaux, chez le lapin par exemple, à l'état normal, tout aussi bien que chez l'homme, et qu'ils cessent de se produire lorsque la moelle épinière est détruite. Tout récemment M. Tschirjew a repris ces expérien-ces et est parvenu à déterminer, avec une grande précision, les conditions de ce phénomène (2).

La région de la moelle dont l'intégrité est nécessaire pour que le phénomène du genou se produise chez le lapin, est exacte-ment comprise entre la cinquième et la sixième vertèbres lom-baires. Quand cette région delà moelle est détruite, le phéno-mène ne se produitplus. Au contraire, les sections qui portent au-dessous ou au-dessus de ce niveau n'ont pas cet effet.

Or, c'est dans la région indiquée que prennent origine les ra-cines de la 6e paire lombaire qui fournissent,ainsi que Krau se l'in-dique dans son Traité de Vanatomie dulapin, àlaplus grande partie du nerf crural. Si donc vous coupez les racines posté-rieures ou les racines antérieures delà sixième paire, le réflexe cesse d'exister des deux côtés. Il manque d'un seul côté, si l'on sectionne la racine antérieure ou la racine postérieure de ce côté. Ainsi, voilà la nature réflexe du phénomène bien établie, et il s'agit là assurément d'un réflexe spinal.Ajoutons que les recherches de Sachs ont montré qu'il existe des nerfs qui ne peu-vent être que des nerfs centripètes, dans l'épaisseur du tendon du triceps et particulièrement à la limite des parties tendi-neuses et des parties charnues. Ce sont ces nerfs qui, distendus au moment où le tendon rotulien est percuté, transmettraient l'excitation à la moelle lombaire. Cette excitation, portée jus-qu'à la substance grise par la voie des racines sensitives de la 6e

(1) Centrabl. f. d. Nervenkrankh., 1875.

(2) Arch. f. Psych., VIII, 1878.

paire, se réfléchit sur le muscle triceps par la voie de la racine motrice correspondante qui n'est autre qu'une des principales origines du nerf crural. J'ajouterai que, d'après les observations de M. Berger, l'emploi de la strychnine qui met en évidence, dans les cas pathologiques, le phénomène du pied, accroît dans les mêmes circonstances, l'intensité du phénomène du genou.

Il existe d'autres réflexes tendineux, en tout comparables à celui qui vient d'être décrit, sur les diverses parties du mem-bre supérieur. Seulement, autant que j'en puis juger par les quelques observations que j'ai faites, ils sont très peu accen-tués à l'état normal. Au contraire, chez les hémiplégiques dans les conditions spéciales que nous étudions, ils deviennent très manifestes et acquièrent en conséquence un intérêt réel. Ainsi dans ces conditions-là, c'est-à-dire lorsque existe une cer-taine tendance à la contracture dans le membre supérieur, ou lorsque cette contracture s'est déjà établie, la percussion du tendon du biceps détermine une brusque flexion de l'avant-bras sur le bras ; la percussion du tendon du triceps provoque un mouvement inverse ; et, de même, on arrive aisément à produire des mouvements de flexion des doigts, de flexion et de pronation de la main, en percutant à l'extrémité inférieure de l'avant-bras les tendons des divers muscles qui accomplis-sent ces mouvements.

IV.

J'en aurais fini, Messieurs, avec l'étude de ces symptômes, si je ne tenais à vous signaler les indications précieuses que peut fournir au point de vue même de l'interprétation clinique, l'analyse graphique de ces contractions musculaires réflexes, qui, dans l'état pathologique, subissent des modifications si importantes. Déjà M. Tschirjew avait appliqué la méthode .

graphique à l'étude des phénomènes que je vous signale, et déterminé la durée du temps de ce réflexe chez les su-jets sains. Récemment, M. Brissaud a repris ces expériences, dans mon service, avec le concours de M. François Franck, elles résultats qu'il a obtenus, particulièrement chez les hé-miplégiques, méritent d'être mentionnés ici tout spécialement, en raison des enseignements que nous en pouvons tirer. D'ailleurs, il suffit de jeter les yeux sur ces deux tracés (Fig. 82 et 83), pour constater du premier coup la différence qui

Fig. 82. — Rétlexe rotulien (hémiplégie avec contracture), côté sain. Le temps-du réflexe est de 40 millièmes de seconde. La courbe de contraction a la forme normale.

existe entre la contraction réflexe du triceps crural du côté de l'hémiplégie, et celle du muscle correspondant du côté sain (1).

(1) Sur ces tracés la première ligne représente les variations du raccourcis-sement du muscle pendant la contraction. La seconde ligne, coudée vers la gauche, indique le moment précis où le marteau frappe le tendon rotulien. La troisième ligne, graduée, indique la durée du temps du réflexe, en cinq cen-tièmes de seconde. Une correction est nécessaire pour défalquer du temps du réflexe le temps perdu, correspondant à la transmission de la déformation du' muscle jusqu'au cylindre enregistreur, dans les tubes de caoutchouc de l'ap-pareil. En tenant compte de cette correction, le temps du réflexe n'est plus que de 36 millièmes de seconde du côté sain et de 32 millièmes du côté contracture;

Tous les caractères de ces tracés concourent à démontrer l'exagération du pouvoir réflexe du centre spinal dans la

Fig. 83. — Réflexe rotulien. Côté contracture. Le temps perdu du réflexe est de 36 millièmes de seconde. La courbe musculaire est beaucoup plus élevée ; la contraction est plus brusque, et de forme différente. (Dicrolismc.)

moitié de la moelle qui correspond aux membres paralysés. En effet, tandis que du côté demeuré sain, l'acte réflexe a

Fig. 84. — Exagération de la contracture du triceps crural à la suite de la percussion du tendon rotulien.

lieu après un laps de temps qui équivaut à 40 millièmes de seconde, il se produit dans le triceps du côté paralysé au bout de^6 millièmes de seconde seulement, En outre, l'amplitude

de la contraction est de beaucoup supérieure, du côté malade, à ce qu'elle est du côté sain ; c'est-à-dire que, d'une part, le raccourcissement du triceps est plus considérable, et que, d'autre part, il dure plus longtemps.Enfin, la forme de la contrac-tion du muscle en question est notablement différente,encesens qu'elle paraît se faire presque toujours en plusieurs temps (di-crotismo ou polycrotisme). Quelquefois même, à la suite d'une série d'oscillations de plus en plus élevées, le muscle, au lieu de revenir à son état primitif, reste pendant quelque temps plus raccourci (Fig. 84), qu'il ne l'était au moment de la percussion rotulienne ; si bien que l'on a alors, en quelque sorte, sous les yeux, une ébauche de contracture.

V

Tels sont, Messieurs, les phénomènes qu'il importait sur-tout de relever dans la phase prémonitoire de la période des contractures tardives chez les hémiplégiques. Nous les retrou-vons, je le répète, avec tous leurs caractères, dans un grand nombre d'affections organiques cérébro-spinales autres que celle qui nous occupe spécialement aujourd'hui. J'ai seule-ment voulu vous les faire connaître une fois pour toutes dans leurs principaux détails, puisque l'occasion s'en présentait.

Actuellement, j'en reviens encore à la période prémonitoire de la contracture. Cette période peut être marquée par quel-ques autres signes, plus rares que les précédents, d'une moin-dre importance pratique, mais qu'il convient cependant de signaler à votre attention, parce qu'ils sont de nature à jeter une certaine lumière sur la question de théorie, encore fort controversée.

A. Je parlerai, en premier lieu, des phénomènes connus

sous le nom de mouvements associes, syncinésies, comme les nomme M. Vulpian.

Dès 1833, Marshall Hall avait relevé un certain nombre de faits de ce genre parmi lesquels, d'ailleurs, plusieurs avaient été constatés avant lui. On sait que, sous l'influence d'un bâillement, d'un éternuement, il se produit parfois chez les hé-miplégiques un mouvement automatique dans le membre su-périeur, alors même que ce membre est complètement pa-ralysé et que le malade est dans l'impossibilité absolue de le mouvoir volontairement. Mais, pour la première fois, en 1872, M. Onimus fit remarquer que dans des circonstances analogues à celles que nous envisageons, l'occlusion de la main du côté non paralysé, le mouvement individuel de l'un quelconque des doigts entraînent la production de mouve-ments semblables dans la main ou les doigts du côté para-lysé. Ces mouvements provoqués par association sont, je le répète, tout à l'ait involontaires ; et même en général, c'est seulement au prix d'un grand effort de volonté, que les ma-lades peuvent les empêcher de se produire. M. Westphal a également signalé quelques faits curieux qu'il avait remarqués, de son côté, chez plusieurs sujets atteints d'hémiplégie infan-tile. Mais, je ne puis qu'indiquer ces faits en passant, car ils ne sont pas d'une observation très vulgaire, ils n'offrent d'in-térêt qu'au point de vue de la théorie.

B. Également très sérieux à ce même point de vue, mais très importants en outre à considérer pour le côté pratique, sont les effets produits sur les membres paralysés des hémi-plégiques frappés de contracture, par l'usage de certains mé-dicaments, et, en particulier, de la noix vomique ou de la strychnine. Déjà, nous avons vu l'emploi de cet agent théra-peutique mettre en relief, en les exagérant ou en les produi-sant de toutes pièces, les réflexes tendineux. Nous allons le

voir, maintenant, précipiter en quelque sorte les événements et déterminer l'apparition des phénomènes de la contracture.

Vous n'êtes pas assurément sans avoir entendu parler des travaux de Fouquier, professeur de cette Faculté, sur l'usage de la noix vomique dans le traitement de la paralysie. C'est ainsi qu'est intitulé le second mémoire publié sur ce su-jet par notre auteur, vers 1820. Le premier datait de 1811 (1). Ce travail est très intéressant à consulter. On y trouve l'ori-gine de toutes les connaissances acquises aujourd'hui sur le sujet qui nous occupe. Il comprend quinze ou seize observa-tions relatives : les unes à la paraplégie par compression ou par myélite, les autres à l'hémiplégie vulgaire de cause céré-brale.

Eclairé par les expériences de Magendie, Fouquier s'était proposé pour but de produire chez ces paralytiques, un téta-nos artificiel, et il pensait trouver là un moyen curatif. Parmi les remarques que fait l'auteur à la suite des observations qu'il relate, je relèverai la suivante :

« Fait remarquable, dit Fouquier, la noix vomique peut dé-terminer la contraction des muscles paralysés, sans atteindre les parties saines. Prise à dose convenable, elle n'agit que sur les parties malades. Il semble que celles-ci ressentent d'au-tant plus vivement l'effet du médicament, qu'elles sont plus complètement privées du mouvement.... Voilà, ajoute-t-il, des faits qu'il nous serait impossible de rapporter aux lois de la physiologie. »

Sans doute, à l'époque où ce travail était publié, ces faits méritaient bien d'être jugés incompatibles avec toutes les don-nées de la physiologie pathologique. Mais, aujourd'hui que l'action delà strychnine sur les centres nerveux a été étudiée

(1) Ce deuxième travail est inséré dans le tome V des Mémoires de l'ancienne Société de la faculté de médecine; il a été réimprimé dans le tome II de la Bibl. de thérap., publiée par Bayle, en 1830. Page 141.

par la méthode expérimentale, l'interprétation du phénomène en question est devenue très simple.

Une autre remarque de Fouquier est que, dans ses contrac-tions provoquées dans les membres paralysés par l'emploi de la noix vomique, les membres thoraciques se placent dans la flexion, et les membres abdominaux dans l'extension. Nous verrons bientôt l'intérêt de cette remarque.

Mais, voici le dernier point, sur lequel je veux surtout ap-peler votre attention. •

« Les paralytiques dit Fouquier, — et il s'agit ici de l'hé-miplégie aussi bien que de la paraplégie, — conservent sou-vent, après l'administration de la noix vomique, une raideur considérable des membres, bien que l'usage du médicament soit depuis longtemps suspendu. » Ainsi, vous le voyez,voilà une contracture durable déterminée parla strychnine,ce même mé-dicament qui mettait en relief, tout à l'heure, les réflexes ten-dineux. C'est là une circonstance déjà propre à montrer que les réflexes tendineux et la contracture sont des phénomènes connexes. J'aurai l'occasion de revenir très prochainement sur ce point.

TREIZIÈME LEÇON

De la contracture tardive des hémiplégiques et de ses variétés cliniques.

Sommaire. — Influences diverses qui exagèrent la contracture. — Strychnine. — Traumatisme.

La contracture est toujours imminente chez les hystériques. — Elle se pro-duit dans les mêmes circonstances.

Epoque de son apparition chez les hémiplégiques. — Elle vient par grada-tions. — Elle détermine des attitudes et des déformations des membres qui sont toujours les mêmes. — Interprétation de ces attitudes. — Théorie de l'action des antagonistes. — Expériences de Gaillard (de Poitiers). — Tonus musculaire.

Messieurs,

Je relevais, en terminant la leçon dernière, diverses influ-ences qui, dans l'hémiplégie durable de cause cérébrale, peuvent accroître l'intensité des phénomènes connus sous le nom de réflexes tendineux. À propos des effets de la strychnine, je vous montrais que cet agent provoque également, dans ces mêmes circonstances, l'apparition de la contracture tardive, alors que celle-ci est en quelque sorte imminente, que tout est préparé en un mot pour qu'elle se produise.

C'est là un fait qui mérite d'être mis en relief, parce qu'il semble indiquer que la contracture tardive et l'exaltation des réflexes tendineux sont des phénomènes connexes, se ratta-chant à une condition commune.

Je voudrais vous faire remarquer encore que d'autres causes qui, en apparence, n'ont aucune analogie avec l'usage théra-peutique de, la strychnine ou de quelques autres médicaments, peuvent cependant déterminer, elles aussi, prématurément, j'apparition de la contracture chez les hémiplégiques, ou la rendre plus intense, lorsque déjà elle s'est établie.

I.

1° On sait depuis longtemps, en électrothérapie, que la fara-disation intempestive et mal réglée des membres paralysés, chez les malades de cette catégorie, peut avoir pour résultat de provoquer ou d'exagérer les contractures permanentes. Ce qu'on sait moins, c'est qu'un traumatisme portant sur les mem-bres paralysés peut être cité parmi les causes de ce genre. A titre d'exemple propre à mettre en relief la réalité du fait, je mentionnerai le cas suivant observé récemment à l'hospice de la Salpêtrière par mon collègue, M. Terrier, qui en a immédia-tement saisi l'intérêt théorique et l'a en conséquence recueilli avec grand soin (1).

Il s'agit d'une femme âgée aujourd'hui de 52 ans, et qui avait été frappée subitement d'hémiplégie, il y a six ans, vraisem-blablement en conséquence d'un ramollissement partiel. L'hé-miplégie avait persisté à un certain degré depuis cette épo-que, mais elle se traduisait seulement par une légère rigidité du membre supérieur droit; le membre inférieur était à peu près complètement libre; elle marchait assez facilement et fai-sait même des courses relativement longues. Le 29 mars dernier elle fit une chute sur le siège, ses jambes étant fléchies et ainsi se fit une contusion, d'ailleurs légère, de la partie antérieure de

(1) Voy. Revue mensuelle de Médecine et de Chirurgie, 1879, n° 12. Charcot. Œuvres Complètes, t. iv, Localisations. 21

lajambequi devint, les jours suivants, un peu gonflée elcvchy-nrotique. Mais voici le point intéressant; le lendemain de l'aaçci-dent, le membre inférieur droit, c'est-à-dire correspondant à la paralysie, étaitdevenu rigide dans toutes ses parties ; on pou-vait le soulever tout d'une pièce, le pied avait pris l'attitude de l'équin varus, bref il s'agissait là d'une contracture vraie,aussi caractérisée que possible. Déplus, la contracture s'était consi-dérablement accrue dans le membre supérieur ou elle était auparavant à peine accentuée, contracture en flexion, rendant fort douloureux les mouvements spontanés ou provoqués. Au-jourd'hui, six semaines après le traumatisme, la contracture des membres s'est amendée, mais elle persiste à un haut degré, et le phénomène du pied ainsi que le réflexe rotulien sont très exagérés dans le membre inférieur.

2° Les faits de ce genre ne sont sans doute pas très rares : j'en ai, pour mon compte, recueilli deux ou trois. A ce pro-pos, il ne sera peut-être pas sans intérêt d'établir un rappro-chement au point de vue spécial que nous considérons en ce moment, entre l'hémiplégie permanente, résultant d'une lésion cérébrale organique, et l'hémiplégie ne relevant d'au-cune altération appréciable, qui s'établit quelquefois chez les hystériques. On sait que, chez les hystériques hémi-an esthési-ques en particulier, les membres du côté où siège l'insensibilité sont fréquemment atteints d'une parésie plus ou moins pro-noncée. Cette parésie peut s'aggraver au point de devenir une paralysie complète,véritablement flaccide.J'ai reconnu que les réflexes tendineux sont, en général, manifestement exagérés sur les membres ainsi paralysés, et qu'on peut souvent, lors-qu'il s'agit du membre inférieur, y p ovoquer la trépidation épi-leptoïde. Or, en pareille occurence,il m'est arrivé plusieurs fois de déterminer dans les membres frappés d'impuissance, l'ap-parition d'une contracture plus ou moins intense et plus ou

moins permanente par l'application sur ces membres de cou-rants galvaniques faibles, ou môme par la simple application d'un aimant. Ce résultat permet peut-être de comprendre pour-quoi la contracture se développe très souvent, en apparence d'emblée, chez certains sujets nerveux, en conséquence d'une action traumatique banale. J'ai récemment appelé l'atten-tion sur ces faits singuliers que Brodie connaissait déjà. Ainsi, à la suite d'une chute sur le poignet, d'une pression un peu forte exercée sur le dos du pied, j'ai vu se développer chez certains sujets, presque immédiatement, dans le membre cor-respondant, une contracture qui ensuite a persisté à l'état per-manent, pendant plusieurs semaines et même pendant plu-sieurs mois. L'apparition de la contracture ainsi produite est souvent la première révélation de la diathèse hystérique. Mais, en y regardant d'un peu près, on reconnait presque toujours que, du côté où cette contracture s'est développée, il existe une anesthésie plus ou moins nette, une douleur ovarienne, un certain degré de parésie, accidents relativement bénins mais qui, tout porte aie croire, ont précédé l'apparition de la contracture. Le terrain était donc en quelque sorte déjà pré-paré, et le traumatisme a joué là tout simplement le rôle d'agent provocateur.

Je me borne, pour l'instant, à indiquer ce rapprochement entre les contractures des hystériques et les contractures des hémiplégiques. J'aurai sans doute l'occasion d'en tirer parti par la suite.

II

A. Il est temps, en effet, de revenir à la description de la contracture hémiplégique dont je ne vous ai donné encore qu'un aperçu sommaire.

Dans les circonstances habituelles, c'est-à-dire lorsqu'elle survient spontanément, elle ne s'établit guère que vers le mi-lieu du deuxième mois, quelquefois plus tardivement, rarement plus tôt; il est exceptionnel par exemple qu'elle se montre vingt jours seulement après l'attaque, comme l'a vu M. Vulpian chez un de ses malades.

Quoi qu'il en soit, elle ne se déclare pas brusquement, mais vient par gradations. Il est rare d'ailleurs que les malades nous renseignent exactement à cet égard. Mais s'il vous est donné d'assister à cette période de transition,vous reconnaîtrez qu'avant de s'installer d'une façon définitive, la contracture apparaît d'abord, de temps à autre, d'une façon passagère. Vous la trouvez un jour, Je lendemain elle a disparu, puis elle réapparaît encore.

Enfin la voilà devenue permanente. Dans l'immense ma-jorité des cas, c'est le membre supérieur qu'elle occupe en premier lieu. On trouve alors les doigts plus ou moins forte-ment fléchis dans la paume de la main, le coude placé dans la demi-flexion, et l'avant-bras dans la pronation. Successive-ment, cette contracture peut affecter toutes les parties para-lysées, et même la face, bien que le fait soit relativement as-sez rare.

Elle a en outre pour effet de déterminer des déformations, des attitudes des membres presque toujours les mêmes, et dontje compte vous donner dans un instant une brève des-cription, car il n'est pas sans intéi(t de reconnaître que ces déformations ne se font pas auhasarc et qu'elles reconnaissent une loi.

Cependant, il importe avant tout de considérer de près la contracture elle-même et de bien déterminer les caractères qu'elle affecte chez les hémiplégiques, attendu que nous re-trouverons ce même phénomène avec toutes les particularités que nous allons décrire, dans un grand nombre d'affections

spinales autres que celle qui nous occupe en ce moment , et c'est là, vous allez le voir, Messieurs, un phénomène étrange, paradoxal en quelque sorte, bien difficile à interpréter en tout cas avec les données de la physiologie actuelle.

Veuillez remarquer que ces membres immoblies placés dans une position déterminée, désormais presque définitive, sont dans un état tel que l'observateur qui veut les mouvoir éprouve une résistance plus ou moins prononcée, parfois presque invincible, quel que soit le sens dans lequel on opère le déplacement. Ainsi, pour ne parler que du coude, il est, avons-nous dit,dans la demi-flexion. Eh bien ! il est aussi dif-ficile d'exagérer la flexion de cette jointure que d'en déterminer l'extension. Il y a résistance presque égale dans les deux sens, et l'on acquiert ainsi la conviction que les muscles antagonis-tes sont contractures à peu près au môme degré.

Les attitudes vicieuses représentent donc la résultante de l'action opposée des antagonistes. Si le biceps est tendu à la façon d'une corde, le triceps est également dur et rigide, et si l'on est parvenu à vaincre un instant la résistance, soit dans une direction, soit dans l'autre, le membre abandonné à lui-même reprendra presque aussitôt son attitude primitive.

B. 1° Ce fait suffit déjà pour montrer que le phénomène en question est tout autre que celui qui produit les déformations propres à certaines paralysies et qu'on désigne quelquefois sous le nom de contractures paralytiques, contractures par adaptation (Daily). Les déviations qui se voient dans la para-lysie spinale infantile, au moins dans ses premiers temps et lorsque le phénomène n'a pas encore été troublé par diverses circonstances qui peuvent survenir ultérieurement, offre le type le mieux caractérisé de ces contractures dites paralyti-ques. Supposons qu'il s'agisse d'une paralysie atrophique des muscles qui, normalement, opèrent la flexion dorsale du pied.

La tonicité musculaire, d'une façon incessante, et les premiers efforts du malade, d'une façon intermittente, s'exerceront ex-clusivement sur les muscles gastrocnémiens dont l'activité se traduit par la flexion plantaire ; et, de la prédominance d'action de ces muscles résultera, à la longue, l'attitude du pied-bot équin. Mais il est toujours facile, quand le cas n'est pas trop ancien, de rétablir momentanément l'attitude normale, sans résistance de la part des muscles paralysés, lesquels sont à la fois privés de tonicité et de mouvements volontaires.

2° Il serait également facile de distinguer la contracture per-manente des hémiplégies des contractures dites myopathiques, c'est-à-dire de celles qui tiennent à une lésion du tissu mus-culaire lui-même, comme la cirrhose par exemple, ainsi que cela se voit dans certaines paralysies faciales. Dans la contrac-ture tardive, au contraire tout au moins lorsqu'elle n'est pas très ancienne, il n'y a pas — l'autopsie l'a maintes fois dé-montré — d'altération du tissu des muscles ; et lorsque celle-ci s'est produite, après un laps de temps généralement assez long, elle consiste én une simple émaciation. Pendant la vie, l'exci-tation faradique révèle d'ailleurs dans ces muscles contractures une excitabilité normale, quelquefois même un peu exaltée.

En somme, Messieurs, la contracture des hémiplégiques n'est pas une rigidité passive. Elle répond au contraire à un état d'activité musculaire. C'est, on n'en saurait douter,un phéno-mène comparable à la contraction normale; seulement c'est une contraction durable, permanente.

Cette persistance même de l'activité des muscles constitue justement le caractère paradoxal que je relevais tout à l'heure. Jour et nuit, en effet, pendant des mois et des années, ces muscles vont rester rigides, quelquefois dans une attitude telle qu'un effort de volonté pourrait seul, dans l'état normal, la prolonger pendant quelques instants.

D'après les expériences de Gaillard (de Poitiers), on ne peut tenir, dans les conditions ordinaires, les bras tendus horizon-talement pendant plus de dix-neuf minutes. Lé sujet le plus vigoureux ne saurait rester élevé pendant plus de trente mi-nutes debout sur la pointe des pieds par la contraction des muscles jumeaux. Au contraire, la contracture dont il s'agit maintient les membres inférieurs indéfiniment dans des atti-tudes forcées, parfois presque violentes.

Ce caractère de permanence de la contracture ne paraît pas moins singulier, si l'on songe à l'intensité des phénomènes chimiques de nutrition dont un muscle est le siège pendant l'acte de contraction.

3° Il existe cependant un phénomène qui, sans trop forcer les analogies, semble pouvoir être rapproché du phénomène de la contracture permanente des hémiplégiques. Je veux par-ler de la tonicité ou du tonus musculaire.

Vous n'ignorez pas, Messieurs, que certains muscles, comme les sphincters par exemple, sont manifestement dans un état de contraction permanente, et qu'il en est de même, à un moin-dre degré toutefois, de tous les muscles delà vie animale.

Ceux-ci, dans les conditions dites du repos, sont, je le ré-pète, dans un état de raccourcissement actif incessant, et qui ne disparaît que lorsque le nerf moteur correspondant a été sectionné. La contraction tonique du muscle se traduit encore comme l'a montré Cl. Bernard, par une modification chimique du sang qui a traversé ce muscle. Ainsi, la quantité d'oxygène contenue dans le sang artériel qui pénètre dans un muscle étant représenté par 7, Il % la quantité contenue dans le sang veineux à la sortie du muscle en contraction n'est repré-sentée que par 4, 28 °/0. Quand, le nerf moteur étant coupé,' la tonicité du muscle est abolie, la quantité d'oxygène du sang-veineux devient donc presque égale à celle du sang artériel.

Mais, dans le muscle à l'état de simple tonicité, le nerf étant intact, elle n'est plus que de 5 %. Cela montre bien que la consommation d'oxygène dans la tonicité représente presque le tiers de la quantité totale contenue dans le sang des vaisseaux afférents.

Je vous rappellerai que, pour expliquer ce fait paradoxal en apparence d'une contraction permanente, indéfinie du muscle, M. Onimus a proposé d'admettre qu'il s'agissait là de contrac-tions atteignant successivement et non simultanément les divers faisceaux des muscles; de telle sorte que les uns se repo-seraient tandis que les autres entreraient en contraction.

Cette hypothèse de M. Onimus a été sanctionnée du reste par des expériences que MM. Boudet de Paris et Brissaud ont faites tout récemment dans mon service, à la Salpêtrière^sur le bruit musculaire. A l'aide d'un appareil d'auscultation micro-phonique doué d'une délicatesse exquise, l'analyse des bruits musculaires dans l'état normal et dans l'état pathologique a pu être poussée aussi loin que possible, et voici, en deux mots, les résultats que cette nouvelle méthode d'investigation a four-nis au point de vue spécial que nous envisageons. Tandis que le muscle qui se contracte normalement produit un bruit de rou-lement régulier, sonore (bruit rotatoire), constant dans le chiffre de ses vibrations, le muscle contracture ne produit qu'un bruit sourd, irrégulier, saccadé, avec des interruptions et des reprises ; en d'autres termes, ce qui le caractérise c'est son inter-mittence. Il semble donc avéré, qu'ici, les fibres musculaires entrent en activité les unes après les autres, en se suppléant sans cesse.

Je dois ajouter que, d'après les renseignements de la phy-siologie, cette contraction légère mais permanente des mus-cles, qu'on appelle le tonus musculaire, dépend-d'une stimu-lation également permanente exercée par le centre nerveux spinal. « La moelle épinière, dit M Vulpian, agit d'une façon

incessante sur tous les muscles où elle produit, par la voie des nerfs moteurs, le tonus musculaire ... Cette action continue de la moelle est sans cesse provoquée par des stimulations excito-motrices centripètes provenant des muscles eux-mêmes ou des téguments. » C'est donc un phénomène dans lequel le pouvoir réflexe de la moelle épinière est en jeu.

Or, il nous serait bien facile de relever un certain nombre de faits qui tendent à établir que la contraction permanente des muscles, dans le cas de contracture, reconnaît une ori-gine analogue, c'est-à-dire qu'elle dérive, elle aussi, d'une action spinale permanente, exaltée par certaines conditions pathologiques. Ainsi, les phénomènes qui précèdent le déve-loppement de la contracture et l'accompagnent se rattachent, vous l'avez deviné, à une exagération de l'activité spinale. L'emploi de la strychnine qui fait apparaître les réflexes ten-dineux provoque de la même façon l'apparition des contrac-tures ou les exagère, si celles-ci existent déjà ; et, inversement, les agents qui dépriment l'activité réflexe spinale diminuent également l'intensité de ces contractures. C'est de la sorte qu'agit le bromure de potassium administré à haute dose.

Mais je ne m'arrêterai pas plus longuement à ces considé-rations physiologiques que nous reprendrons plus tard, et je reviens au côté descriptif.

III

A. La contracture est dite permanente ; cependant, Messieurs, dans la réalité, elle s'amende naturellement chez la plupart des malades, sans jamais toutefois disparaître complètement, dans certaines circonstances comme le som-meil, le repos au lit. Elle reprend au contraire son intensité ou s'exagère, ainsi que M. Hitzig a eu raison de le faire res-

sortir, à l'occasion d'une émotion, quand le malade se lève ou cherche à exécuter un mouvement. Nous verrons comment on a proposé d'expliquer ce phénomène qui a été rattaché par M. Hitzig à la catégorie des mouvements associés.

B. Un mot encore sur les attitudes des membres dans l'hé-miplégie ancienne. 11 est très remarquable de voir que ces attitudes se rapportent dans la règle à un type fondamental. Dans les membres supérieurs, la flexion prédomine, tandis que dans les membres inférieurs, c'est l'extension. Fouquier avait déjà montré que le même phénomène se manifeste lorsque la contracture temporaire est déterminée chez les hé-miplégiques par l'emploi de la strychnine. Je ferai remarquer qu'il en est de même dans l'épilepsie partielle.

1° Considérons d'abord le membre supérieur. C'est, avons-nous dit, le type de flexion qu'on y observe : ainsi M. Bou-chard a constaté cette attitude 26 fois sur 30 cas. L'épaule est tantôt abaissée, tantôt élevée ; mais le bras en tout cas est accolé à la paroi thoracique par le fait de la contracture du muscle pectoral. Nous venons de voir également que le coude est à demi-fléchi en général, que l'avant-bras est en prona-tion et que les mains sont tenues fermées.

Toutes les variétés du type se ramènent aux suivantes : a) Le coude restant fléchi, l'avant-bras au lieu d'être en pro-nation se montre en supination, b) Le coude au lieu d'être fléchi se place dans l'extension. L'avant-bras est plus ou moins étendu. C'est là un type assez rare et qui du reste présente plusieurs variétés : c) tantôt l'avant-bras est dans la pronation, d) tantôt il est dans la supination. Je ne crois pas qu'il existe, pour le membre supérieur, d'autres at-titudes que celles que je viens de signaler. La main ouverte est un fait rare.

2° Pour ce qui est du membre inférieur, il est de règle, ainsi que je vous l'ai dit, qu'il soit rigide dans l'extension. Le pied prend alors l'attitude du varus équin. Toutes choses égales d'ailleurs, la contracture est là habituellement moins accusée que dans le membre supérieur. Un degré même

Fig. 85. — Hémiplégie ancienne. — Contracture en flexion des deux membres

inférieurs (1).

assez prononcé d'extension du membre inférieur n'empêche pas la marche quia lieu, comme on dit, « en fauchant ».

C'est un cas heureusement rare et très fâcheux que le dé-veloppement de la contracture dans les groupes fléchisseurs du membre inférieur. La cuisse est alors fléchie sur le bas-

(1) Pig. empruntée à la thèse de Brissaud.

sin, la jambe sur la cuisse, le talon touche aux fesses, et cette flexion même s'étendant quelquefois dans le membre du côté opposé il est clair que la marche est rendue dès lors dé-finitivement impossible {Fig. 85).

3. Enfin, il n'est pas exceptionnel que la contracture des muscles s'établisse à la face, du côté paralysé, dans le domai-ne du facial inférieur bien entendu. Cette contracture ne se produit d'abord que de temps à autre, temporairement, quand le malade rit ou pleure ; puis, à la longue, elle devient per-manente. La commissure labiale est très élevée, le sillon naso-labial se creuse, l'œil même paraît quelquefois plus petit que celui du côté sain. Par contraste, c'est donc le côté sain qui semble paralysé, et, au premier abord, on peut croire à une paralysie alterne.

4° Je vous ai présenté la contracture tardive des hémiplé-giques comme un état particulier des muscles, qui, une fois constitué, subsiste en permanence pendant toute la vie ou au moins pendant de longues années. Cela est exact assuré-ment. Mais il arrive souvent que les muscles finissent par souffrir et s'amaigrissent. Dès lors le spasme musculaire cesse d'exister; il n'y a plus à proprement parler contracture. Ce-pendant les attitudes trop longtemps gardées peuvent persis-ter encore, car les parties ligamenteuses s'étant raccourcies, les surfaces articulaires s'accommodent à leur situation nou-velle, et les mouvements volontaires, s'ils devaient reparaître, resteraient forcément à tout jamais limités.

Cette terminaison, Messieurs, est-elle la seule possible? La contracture ne disparaît-elle jamais avant l'époque où survient l'atrophie des muscles et la rétraction ligamenteuse? Quelques auteurs le pensent. En tous cas, il est très certain qu'il survient quelquefois dans lacontractureunamendement notable

et que, par ce fait, des mouvements volontaires peuvent être accomplis à nouveau. C'est là ce qu'on peut appeler des cas de guérison, guérison à la vérité très relative. Ils sont mal-heureusement rares. J'en ai observé plusieurs ; sans doute quelques modifications sont alors survenues dans les parties lésées, permettant non seulement la disparition des contrac-tures, mais encore, dans une certaine mesure, le retour de la motilité.

La lésion persiste-t-elle dans la moelle épinière, et, en pareil cas, y a-t-il suppléance? Comment, en outre, celle-ci s'exerce-t-elle? Ou bien s'est-il passé quelque chose d'ana-logue à la réparation des éléments nerveux au sein du fais-ceau pyramidal induré ? C'est là une question incontestable-ment fort intéressante, mais bien obscure encore et dont je vous dirai un mot à propos des contractures permanentes de cause spinale où le même phénomène se produit.

QUATORZIÈME LEÇON

Hémiplégie spasmodique de l'enfance. — Mouve ments associés. - Indépendance des arcs diastal-tiques pour les réflexes tendineux et cutanés.

Sommaire. — L'hémiplégie spasmodique de l'enfance a les même* caractères que l'hémiplégie des apoplectiques. —Causes anatomiques de cette hémiplé-gie. — Atrophie des membres, du thorax, du bassin.

Intermittences de la contracture hémiplégique. — Influence des mouve-ments volontaires sur l'intensité de la contracture. — Syncinésies. — Rôle des mouvements associés dans les variations de la contracture. — Pronostic de la contracture.

Raison physiologique de ce phénomène. -- A la suite de la lésion cérébrale il faut distinguer deux périodes dans le développement de la lésion spi-nale secondaire. — L'exaltation des réflexes ne résulte pas seulement des -la suppression de l'influence modératrice cérébrale.

La lésion des cornes antérieures dans l'hémiplégie permanente est une lésion irritative. — Elle agit comme la strychnine. -- Exagération du tonus musculaire. — Indépendance des arcs diastaltiques réflexes. — Ataxie loco-motrice ; hystérie avec hémianesthésie ; hémiplégie de cause encéphalique.~ L'bypothèsc de la lésion irritative dynamique explique mieux que les autres théories les symptômes spasmodiques de la sclérose descendante.

L

Messieurs,

En vous présentant, à la fin de la dernière leçon une des-cription abrégée des diverses attitudes qu'affectent les membres paralysés chez les hémiplégiques atteints de contracture per-manente, je vous faisais remarquer que les variétés assez nom^

breuses en apparence qu'offrent ces attitudes, peuvent être ramenées à un petit nombre de types toujours les mêmes: type de flexion avec pronation pour le membre supérieur, type d'ex-tension ou d'équinisme avec varus pour le membre inférieur. Telle est la règle, tel est le genre de déformations qu'on ob-serve dans les cas vulgaires. Les autres attitudes que vous pourrez reconnaître représentent des anomalies,des exceptions.

1° La loi que nous venons d'énoncer à propos de l'hémiplé-gie permanente des adultes se retrouve dans l'hémiplégie du-rable des jeunes enfants. Vous n'ignorez sans doute pas que, chez les jeunes enfants, de un à sept ans par exemple, des lé-sions en foyer de natures diverses, —lorsqu'elles intéressent le faisceau pyramidal dans son trajet intracérébral — sont sui-vies d'une hémiplégie plus ou moins prononcée, laquelle per-siste à un certain degré pendant toute la vie. La lésion, cause de l'hémiplégie, est, ainsi que l'a fait voir M.Cotard, alors mon interne, de nature très variée (1). Tantôt il s'agit d'un ramol-lissement partiel se présentant sous la forme d'une plaque jaune ou d'un foyer d'inflammation celluleuse; tantôt la lésion cérébrale est consécutive à l'hémorragie méningée ; tantôt — et ce dernier cas est assurément le plus fréquent — elle consiste en une sclérose partielle ou généralisée de l'un des hémisphères cérébraux. Les lésions en question sont généralement cortica-les, c'est-à-dire qu'elles occupent le manteau et non les masses centrales. En outre, l'hémisphère cérébral affecté présente dans l'ensemble une atrophie plus ou moins prononcée, d'où la dé-nomination d'atrophie partielle du cerveau sous laquelle sont généralement connus les cas que je signale à votre attention. Les dégénérations secondaires descendantes se présentent là avec tous les caractères qu'on leur connaît chez l'adulte, et c'est

(1) Sur l'atrophie partielle du cerveau^ 1868.

en pareille circonstance qu'on observe les plus beaux exemples d'atrophie des pédoncules, de la protubérance et de la pyra-mide bulbaire du côté correspondant à la lésion (1).

Cliniquement, les faits de ce genre sont quelquefois dési-gnés sous le nom d'hémiplégie spasmodique infantile (Heine). C'est qu'en effet la contracture permanente se montre là très prononcée. Les déformations se rapportent d'ailleurs, ainsi que je l'annonçais précédemment, au type décrit à pro-pos de l'hémiplégie de l'adulte. Ainsi, pour le membre supé-rieur, le type de flexion avec pronation est ici encore la règle, et, pour le membre inférieur, c'est l'extension en varies équin. Seulement, dans l'histoire de l'hémiplégie spasmodique infan-tile, une particularité très intéressante doit être relevée, à savoir l'existence presque constante d'un raccourcissementdes membres paralysés. Les os sont plus courts, moins volumineux que du côté sain ; et cet arrêt de développement ne porte pas toujours uniquement sur les membres ; ainsi, quelquefois, du côté paralysé, le tronc est incomplètement développé ; la cage thoracique est étroite, le bassin est rétréci et oblique. C'est de la sorte que la paralysie atrophique résultant d'une lésion de la substance grise spinale entraîne, lorsqu'elle se déclare dans l'enfance, un raccourcissement par arrêt de déve-loppement du membre où siègent les lésions musculaires, alors même que ces membres remplissent une partie de leurs fonctions, tandis que ce racourcissement ne saurait naturelle-ment exister lorsque la môme lésion se développe dans l'âge adulte.

2° Dans la description cependant assez détaillée que j'ai donnée de la contracture permanente des hémiplégiques, il

(1) Voy. les observations publiées par M. Bourneviilc (Progrès médical, n° 16, p. 299, avril 1S79 ; — Revue phot. des hôpitaux, 1869, p. 153; — Bul-letins de la Soc. anal., juillet 1876 ; — Gaz. méd., 1876, p. 595, 610: —/«-nogr. phot. de la Salpétrière, 1878, etc., etc.)

est quelques points que j'ai négligé de faire ressortir et sur lesquels je vous demande la permission d'arrêter encore un instant votre attention. L'un d'eux surtout mérite d'être relevé, parce que quelques auteurs lui ont accordé une grande impor-tance au point de vue de la théorie. ^/Je vous ai présenté la contracture tardive des hémiplégi-ques comme étant un phénomène permanent, dans l'accep-tion rigoureuse du mot. Nuit et jour, vous disais-je, dans le sommeil comme dans la veille, les membres sont rigides et contractures. Il en est réellement ainsi dans la règle, aumoins dans les cas très accentués. Toutefois, il est certain que le repos au lit, le sommeil peuvent avoir pour effet de rendre les membres momentanément plus flexibles ; mais aussitôt que le malade se lève, ou s'il veut imprimer un mouvement soit au membre malade, soit au membre sain, aussitôt la con-tracture reparaît dans toute son intensité. Cette augmentation, ce retour de la rigidité sous l'influence des mouvements volon-taires est surtout bien mis en relief si, comme le conseillent MM. Seguin et Hitzig, le malade étant contracture à droite, on l'invite à soulever un poids de la main gauche. Plus le poids est lourd, plus la contracture s'exagère dans le côté droit. Ces faits sont considérés à juste titre comme rentrant dans la catégorie de ces syncinésies ou mouvements associés dont je vous ai déjà dit quelques mots.

Voici, d'ailleurs, comment M. Hitzig propose d'expliquer les phénomènes sur lesquels j'appelle l'attention. A l'état nor-mal, les incitations volontaires, parties de la substance grise des hémisphères, sont transportés à la moelle par des fibres . nerveuses qui se mettent en rapport avec des groupes de cellules ayant entre elles des connexions particulières ; et ce sont ces groupes cellulaires qui exécutent le mouvement voulu. Il y a, du reste, des groupes élémentaires, pour les mouve-

Charcot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 22

ments élémentaires ; des groupes associés pour les mouvements plus compliqués* les mouvements d'ensemble. Ces groupes sont répartis de chaque côté de la moelle ; les uns président aux mouvements du côté droit, les autres à ceux du côté gau-che. Cependant, par l'intermédiaire du réticulum de la subs-tance grise, des relations sont établies d'un côté à l'autre, entre les groupes homologues. Dans l'état normal, ces con-nexions n'empêchent pas que le mouvement voulu conserve son indépendance, son individualité ; mais dans certains cas pathologiques, lorsque les éléments ganglionnaires sont surex-citables, le moindre ébranlement qui se produit d'un côté et y détermine un mouvement volontaire peut se communiquer de l'autre côté et y provoquer, suivant les cas* soit un mouve-ment volontaire, soit un mouvement spasmodique qui n'est autre que la contracture, laquelle persiste pendant quelque temps après cet ébranlement.

Dans certains cas, des relations du même genre peuvent s'établir entre des groupes cellulaires très éloignés les uns des autres, et on comprend que, dans ces cas, les mouvements volontaires exécutés par les membres du côté sain retentissent sur le côté malade.

Les faits mis en relief par M. Hitzig, dans l'intéressant mémoire que je vous ai déjà signalé et sur lequel je reviens encore une fois, sont exacts ; mais la part qu'il leur attribue dans le fait de la contracture elle-même est je crois, exagérée, et il faut considérer comme exceptionnels les cas dans lesquels les membres contractures des hémiplégiques présentent, sous l'influence du repos, une relaxation complète. M. Hitzig a imaginé un mécanisme qui peut faire comprendre pourquoi la contracture s'aggrave sous l'inflence des mouvements volontaires, mais il ne nous a pas fait comprendre pourquoi cette contracture, ainsi que cela a lieu dans la majorité des cas, s'établit en permanence.^-

3° Il importe, en dernier lieu, de rechercher ce que devient la contracture avec le temps. Souvent, très souvent, une fois constituée, elle persiste pendant toute la vie. Toutefois, on pourrait citer un bon nombre de cas où, à la longue, elle s'atténue et cesse môme d'exister. En général, c'est sans grand profit pour les malheureux infirmes ; si, en effet, l'état spasmodique a disparu, les muscles ont subi des modifications plus ou moins profondes dans leur texture et présentent une émaciation extrême. D'ailleurs, les parties ligamenteuses se sont adaptées à la situation créée par une attitude trop longtemps gardée, et, en somme, malgré le retour possible de quelques mouvements volontaires, la déformation per-siste.

II.

Actuellement, Messieurs, en manière de conclusion, je me propose de rechercher avec vous la raison physiologique des phénomènes que nous avons envisagés jusqu'ici par le côté descriptif. Il s'agit de reconnaître, en un mot, par quel lien les symptômes se rattachent aux lésions. C'est là une entreprise toujours délicate, et, dans le cas particulier, les questions qui vont se présenter à nous ne sauraient, faute d'éléments suf-fisants, recevoir, quant à présent, une solution difinitive. Vous voudrez bien, en conséquence, considérer la plupart des explications que je vais vous proposer comme éminemment provisoires et devant être modifiées un jour ou l'autre.

1° Je vous rappellerai que la lésion consécutive des fais-ceaux latéraux représente à l'origine, pour la majorité des auteurs,un processus purement passif. C'est dans une seconde période seulement, correspondant au deuxième ou au troi-

sième mois, que se manisfestent dans le faisceau pyramidal altéré les marques évidentes d'un processus irritatif dont le tissu conjonctif est le siège et qui légitime la dénomination de sclérose.

a) Dans la première phase, les tubes nerveux étant sépa-rés de leurs centres trophiques qui sont en même temps leurs centres d'excitation fonctionnelle, la situation équivaut à peu près, dans les cas très accentués, à une section du faisceau py-ramidal. Cette première phase qui correspond aux quatre ou cinq premières semaines est déjà marquée, vous le savez, par une exaltation des phénomènes cutanés et par une exaltation des réflexes tendineux. Ici, on pourrait, à la rigueur, invo-quer la supression de l'influence modératrice cérébrale qui, dans le cas de section expérimentale des faisceaux latéraux, tendrait à expliquer l'exagération des propriétés réflexes dans les parties de la moelle situées au-dessous de la section.

Mais cette condition est évidemment insuffisante pour ren-dre compte de la contracture. La contracture n'existe pas chez le nouveau-né, et vous savez que les faisceaux pyramidaux du nouveau-né ne sont pas encore développés; il faut donc cher-cher ailleurs.

b) Du reste, la contracture ne se manifeste qu' à l'époque où le faisceau pyramidal est déjà devenu le siège de lésions irri-tives. Je vous rappellerai d'abord les connexions anatorniques établies entre les extrémités des fibres nerveuses du faisceau pyramidal et les cellules motrices de la corne correspondante. Ces connexions sont telles que, dans certains cas, la lésion des tubes nerveux se propage aux cellules ganglionnaires qui s'a-trophient et au tissu conjonctif voisin. Il se produit ainsi une sorte de poliomyélite antérieure dont la conséquence est une atrophie musculaire survenant dans les membres paralysés.

2° Mais ces cas, vous le savez, loin d'être exceptionnels, ne constituent pas cependant la règle. Ordinairement, les choses ne vont pas jusque-là. 11 faut supposer, —et c'est ici que je vous demande une première concession, — que, sous l'in-fluence de l'irritation dont les tubes nerveux en voie de des-truction sont le siège, les éléments cellulaires (cellules gan-glionaires) s'affectent à leur tour. Or, cette lésion, communi-quée aux cellules motrices, serait purement dynamique ; elle ne correspondrait à aucune modification anatomique apprécia-ble ; cette lésion, si vous le voulez, nous la qualifierons, d'« ir-ritation » ; elle est analogue à celle que détermine la stry-chnine, mais plus durable. Les propriétés des éléments gan-glionnaires, sous l'influence de cette modification, non seule-ment ne s'éteignent pas, mais encore s'exaltent; et, ainsi, l'ir-ritation se propagerait en rayonnant à une certaine distance par la voie du réticulum nerveux, jusqu'aux autres éléments ganglionaires de la même région et, en particulier, aux cel-lules œsthésodiques. Une exagération du pouvoir réflexe, dans tous ces modes, dans les parties correspondantes de l'axe gris, serait naturellement la conséquence de cette surrexcita-bilité des éléments ganglionnaires et nous founirait la clef de certains phénomènes tels que l'exaltation des réflexes cutanés et tendineux. Sans forcer les choses, on pourrait ad-mettre même que la lésion irritative dont il est ici question provoque également une exaltation de ce mode de l'activité réflexe spinale qui, à l'état normal, entretient la contraction musculaire permanente connue en physiologie sous le nom de tonus.

III.

Il n'est pas inutile de vous faire remarquer, Messieurs, — car c'est là un fait d'un grand intérêt pratique, que les deux

modes d'activité réflexe spinale dont il s'agit, sont vraisem-blablement représentés dans la substance grise par deux sys-tèmes diastaltiques distincts. L'observation clinique démon-tre, en effet, que si ces deux modes d'activité réflexe sont souvent affectés simultanément, ils peuvent être néanmoins aûectés séparément. Voici quelques exemples tendant à prou-ver qu'il en est fréquemment ainsi.

1° Dans l'ataxie locomotrice, les réflexes cutanés persistent le plus souvent et sont même quelquefois manifestement exaltés. Cependant, les réflexes tendineux disparaissent de très bonne heure. Il en est de même du tonus musculaire. Les muscles, en conséquence, sont flasques et cette diminution du tonus contribue incontestablement pour une bonne part à donner à la démarche et aux mouvements des membres, les-quels conservent d'ailleurs pendant longtemps une grande énergie, leur caractère saccadé, brusque, non mesuré. La si-tuation pourrait être représentée, en pareil cas, par le schéma suivant (voy, Fig, 86). L'arc diastaltique des réflexes cutanés n'est pas affecté ; l'arc diastaltique des réflexes tendineux et du tonus l'est au contraire profondément et dès l'origine. C'est un des grands caractères de l'affection.

J'ai observé précisément, il y a pende jours, un exemple bien remarquable de cette indépendance des arcs réflexes. Un pharmacien de la province, M. X..., est venu me consul-ter pour des accidents céphaliques de tabès (migraines, verti-ges, etc.) quirobsèdent déjà depuis plusieurs années. L'incoor^-dination motrice ne s'est déclarée cependant que depuis huit ou dix mois environ; bien entendu, les réflexes tendineux sont abolis dans les membres inférieurs et il est absolument im-possible de provoquer la moindre réaction du triceps crural, quelque intense que soit la percussion du tendon rotulie n»

Mais il existe sur la face antérieure de la cuisse une plaque d'hyperesthésie dont l'excitation détermine une violente con-traction réflexe des muscles fléchisseurs delà jambe; ainsi, lorsque le malade frappe un peu fort, avec la paume de la main, la région hyperesthésiée, la jambe se rétracte convulsi-

Fig. 86. — Arcs diastaltiques tendineux et cutané dans l'ataxie locomotrice.

— A, cellule motrice de la moelle épinière. --E,E, cellules aesthésodiques. — M, le muscle. -- P, la peau. -- R, segment postérieur ou centripète c\e l'arc diastaUteme, P. A, M, arc diastaltique cutané conservé intact daps l'ataxie.

— K, racine antérieure ou nerf moteur. — T, segment postérieur ou centri-pète de l'arc diastaltique. — M, A,M, arc diastaltique musculaire pu tendi-neux affecté dans l'ataxie.

vement en arrière, au bout de deux ou trois secondes seule-ment. La nature réflexe de cette contraction est bien évidente, attendu que tout effort de volonté est impuissant h l'em-pêcher. Voilà donc un ataxique chez lequel l'arc diastaltique tendineux est interrompu, tandis que les voies conductrices

des impressions sensitives cutanées sont manifestement in-tactes.

2° Je puis citer au moins un cas dans lequel les réflexes ten-dineux sont exaltés, tandis que les réflexes cutanés sont abolis.

Fig. 87. — Arcs diastaltiqu.es tendineux et cutanés dans l'hystérie. —A, cel-lule motrice de la moelle épinière. -- E,E, cellules aisthésodiques. — M, le muscle. -- P, la peau. — R, segment postérieur centripète de l'arc diastalti-que. — E, racine antérieure ou nerf moteur. — P,A,M, arc diastaltique cutané affecté dans l'hystérie avec hémianesthésie ethémiparésie.-- T, seg-ment postérieur ou centripète de l'arc diastaltique. — M,A.M, arc diastalti-que musculaire ou tendineux dont les propriétés sont conservées ou même exagérées dans l'hystérie.

Ce cas est celui de l'hystérie avec hémianesthésie et hémipa-résie. Les réflexes tendineux du côté correspondant à l'hémia-nesthésie (phénomène du genou, trépidation spinale), se mon-trent très prononcés ; quant à la sensibilité cutanée, elle est

nulle ;toutes les excitations, mêmes les plus violentes, restent sans résultat; elles ne sont suivies d'aucun mouvement réflexe (voy. Fig. 87).

3° Au contraire, dans le cas de l'hémiplégie durable liée à une lésion organique en foyer, que nous considérons particu-lièrement, les deux systèmes diastaltiques sont affectés, mais inégalement. Les réflexes cutanés ne sont que modérément exaltés ; les réflexes tendineux et le tonus surtout, qui est un

phénomène connexe, le sont à un très haut degré. -#

IV.

s*

Quoi qu'il en soit, Messieurs, étant admise l'hypothèse de l'irritation des éléments ganglionnaires de la substance grise centrale, au contact des extrémités des fibres nerveuses du faisceau pyramidal, on peut se rendre compte de divers phé-nomènes relevés chemin faisant, dans le cours de notre étude descriptive.

1° La strychnine agira particulièrement sur les membres paralysés ; son action, bien que s'étendant à toute la moelle, se montrera, toutes choses égales d'ailleurs, plus intense dans les parties de l'axe gris préalablement excitées.

2° L'influence irritative des traumatismes portant sur les membres affectés sera transmise à l'axe central soit par les nerfs centripètes cutanés, soit par les nerfs centripètes mus-culaires.

3° Enfin, dans la catégorie des mouvements associés, nous sommes en mesure d'interpréter aisément l'aggravation de la

contracture sous l'influence des mouvements volontaires im-primés au membre sain. Il suffit d'admettre ici que l'irritation s'étend par une sorte de diffusion aux éléments ganglionnaires de la substance grise du côté non paralysé. Cette môme diffu-sion de l'irritation pourrait aussi expliquer les cas d'hémiplégie sur lesquels M. Déjerine a appelé l'attention, et dans lesquels la trépidation ou même la contracture se montrent sur le côté resté sain. J0T

L'intensité de l'irritation hypothétique des éléments gan-glionnaires d'où dérive la surexcitation réflexe se montrera d'ailleurs variable suivant les cas et suivant les sujets, ainsi que l'étendue des régions sur lesquelles elle se propagera. Ceci fait comprendre que la contracture permanente liée à la sclérose consécutive du faisceau pyramidal est, dans l'espèce, un symptôme contingent et non pas un symptôme nécessaire, pathognomonique. Dans la règle, il est toujours présent ; mais il peut fort bien arriver qu'il fasse défaut alors même que la sclérose latérale n'existe pas (1). La contracture permanente, en d'autres termes, n'est pas, si Von peut ainsi dire, une fonction de la sclérose du faisceau pyramidal. Voilà une donnée dont il est très important de se pénétrer pour la saine interprétation d'un grand nombre de faits de la pathologie spinale, et que nous aurons d'ailleurs très prochainement l'oc-casion de mettre à profit.

Messieurs, il me resterait à montrer que la théorie que je viens d'émettre, tout imparfaite qu'elle soit, est supérieure ce-pendant à celles qui ont été proposées pour résoudre la ques» tion en litige.

La théorie de l'encéphalite a vécu. Il n'y a pas, en effet, d'encéphalite dans le cas d'hémorrhagie cérébrale en foyer,

(1) Dans Je cas de contracture hystérique, par exemple.

à moins qu'on ne veuille donner ce nom au travail de végé-tation conjonctive qui se fait à la limite de l'épanchement sanguin. Or, les foyers d'hémorrhagie ne produisent la con-tracture que quand ils sont localisés de telle façon qu'ils dé-truisent la continuité du faisceau pyramidal ; d'ailleurs, nous verrons la sclérose primitive des faisceaux pyramidaux donner naissance à la contracture, alors qu'il n'existe aucune lésion encéphalique.

On a admis aussi que la contracture résulte de l'irritation des tubes médullaires restés inaltérés au sein des parties sclé-rosées. Ces tubes étant fort rares et quelquefois même faisant complètement défaut, alors que la contracture existe, je ne vois pas bien comment l'irritation de ces tubes pourrait pro-duire la contracture. Il faut donc, ici encore, invoquer l'affec-tion des éléments ganglionnaires de la substance grise.

QUINZIÈME LEÇON

Rôle physiologique du faisceau pyramidal dans la contracture permanente ; hémiplégie, myélite par compression, tabès dorsal spasmodique.

Sommaire. -- Relations des extrémités périphériques du faisceau pyramidal avec les cellules des cornes antérieures. -- Lésions de ces cellules. — Elles sont de nature irritative. -- Phénomènes cliniques : actes réflexes. — Théo-ries relatives à la pathogénie de la contracture.

Théorie de l'encéphalite. — Théorie de l'irritation des tubes nerveux mélan gés à ceux du faisceau pyramidal.

La cause immédiate de la contracture est dans la substance grise elle-même. — Preuves fournies par la pathologie spinale proprement dite. — Myélites-transverses. — Paraplégie spasmodique. — Tabès dorsal spasmodique.

Messieurs,

A de certains indices qui ne sauraient guère échapper à un professeur depuis longtemps aux prises avec les difficultés de l'enseignement, j'ai cru reconnaître que la théorie proposée pour rendre compte physiologiquement de la contracture per, manente des hémiplégiques n'a pas été saisie dans tous ses détails, par quelques-uns de mes auditeurs. Je vous demande, en conséquence, la permission de revenir en quelques mots sur mon exposé. Ce n'est pas, tant s'en faut, que j'attache une importance exagérée à cette théorie, dont je suis le premier à reconnaître toutes les imperfections. Si j'y insiste, c'est que je la crois vraiment supérieure à toutes celles qui, antérieure-

ment, ont été proposées pour résoudre la question en litige ; c'est surtout parce qu'elle me semble faciliter l'interprétation de faits que le médecin est destiné à rencontrer journellement dans la pratiqne des maladies cérébro-spinales.

I.

1° J'ai rappelé tout d'abord les relations anatomiques, vrai-semblablement très directes, qui paraissent exister entre les extrémités terminales des fibres nerveuses du faisceau pyra-midal et les cellules motrices des cornes antérieures, dans toute la hauteur de la moelle épinière; et j'ai proposé d'admettre que la lésion irritative, dont ces tubes nerveux en voie de destruction sont le siège, retentit sur l'élément ganglionnaire. Ainsi communiquée aux cellules motrices, cette lésion serait purement dynamique, ne s'accompagnant d'aucune altération matérielle appréciable par nos moyens d'investigation, com-parable, si vous le voulez, à la modification que produit dans ces mêmes éléments l'intoxication strychnique, mais avec cette différence, toutefois, que la lésion du strychnisme est un phénomène essentiellement transitoire, tandis que celle dont j'ai supposé l'existence est éminemment durable, aussi durable que l'est la contracture permanente elle-même.

Cet état irritatif une fois admis, il y a lieu de reconnaître qu'il ne reste pas localisé dans l'élément ganglionnaire moteur. Il s'étendrait par diffusion aux autres éléments ganglionnaires de la région, avec lesquels il affecte d'ailleurs des connexions anatomiques plus ou moins directes, par l'intermédiaire de ce qu'on appelle, depuis les travaux de Gerlach, le réticulum nerveux. C'est ainsi que les cellules aesthésodiques qu'on sup-pose être l'aboutissant principal des tubes nerveux centripètes seraient touchées à leur tour d'une façon analogue. Or, les

cellules motrices ou kinésodiques et les cellules sensitives on œsthésodiques constituent la partie centrale des divers systèmes diastaltiques, par la voie desquels s'effectuent les actes réflexes spinaux; et, en conséquence de la lésion supposée, les pro-priétés des diverses parties de ce système doivent être exal-tées. S'il en est ainsi, les moindres excitations venant de la périphérie, en retentissant sur les parties centrales des arcs diastaltiques doivent se traduire par des phénomènes réflexes plus énergiques qu'à l'ordinaire. Ainsi les excitations perma-nentes émanant, à l'état normal, des muscles ou de leurs apo-névroses, par la voie des nerfs musculaires centripètes, dé-terminent le phénomène d'activité réflexe incessante connu sous le nom de tonus et dont l'expression physiologique est une contraction légère et permanente des muscles. Dans l'état pathologique, ces mêmes excitations se traduiraient par une contraction également permanente, mais très intense, re-présentant en quelque sorte le tonus musculaire poussé à sa suprême puissance : et telle serait en somme la cause de la con-tracture permanente des hémiplégiques.

2° Je vous rappellerai après cela comment, me fondant sur des considérations d'ordre clinique, j'ai été amené à vous faire remarquer que les divers modes d'activité réflexe spinale que sépare l'analyse pathologique, paraissent être représentés dans la substance grise de la moelle épinière par autant de systèmes diastaltiques distincts. L'observation démontre, en effet, que si les divers modes d'activité réflexe peuvent être affectés quelquefois simultanément et au même degré, ils peuvent être aussi lésés séparément. Rappelez-vous les cas particuliers dont j'ai fait mention, l'ataxie locomotrice et l'hystérie.

Au contraire, dans l'hémiplégie, que nous avons considérée spécialement, les deux systèmes paraissent frappés d'une façon à peu près égale. Toutefois, il résulte de quelques observations

faites par M.Rosenbaeh (1), que dans les premiers temps qui suivent l'attaque, après la période où tous les réflexes peuvent être momentanément abolis, les réflexes tendineux apparais-sent beaucoup plus tôt que les réflexes cutanés. Certains d'entre eux surtout sont remarquables à cet égard par exemple celui du crémaster, déterminé par l'application d'un corps froid sur la cuisse du côté correspondant (2), ou encore le réflexe pro-duit par l'excitation de la peau du ventre du côté paralysé (Bau-ch repZexe de Rosenbach).

Des recherches suivies, faites dans les directions que je viens d'indiquer, fourniraient vraisemblablement des données inté-ressantes relativement au diagnostic et au pronostic dans un certain nombre de maladies cérébro-spinales,

3° En dernier lieu, je rappellerai encore les quelques exem-ples que j'ai invoqués pour montrer que les phénomènes cli-niques, relevés chemin faisant dans notre étude descriptive des contractures permanentes, trouvent une interprétation facile dans l'hypothèse proposée.

à) Tous les éléments ganglionnaires de la substance grise spinale sont sans doute affectés simultanément par la strychnine introduite dans le sang en circulation. Mais ceux-là réagis-sent naturellement les premiers, qui sont les plus excitables. L'influence du traumatisme sur le développement de la con-tracture s'explique à peu près de la même façon.

V) Si l'on suppose que par la voie des commissures, Pirrita-tion ganglionnaire s'est répandue d'une corne grise à l'autre, on comprendra comment les mouvements volontaires qui

(1) Arch. f. Pstjch., VI Bd., S. 845.

(2) Jastrowitz. — Berlin, klin. Woûhenseh., 1875.

ébranlent la substance grise de la corne gauche, par exemple, retentissent sur la corne droite, et déterminent là soit un mou-vement homologue involontaire, soit une aggravation de la contracture. On comprendra aussi pourquoi l'exaltation des réflexes et même la contracture pourront, à un moment donné, se produire sur le côté sain.

II.

C'est là, Messieurs, où nous nous étions arrêtés. Il nous restait encore à vous montrer que notre théorie est supérieure à toutes celles qui ont été proposées.

1° L'ancienne hypothèse de l'encéphalite développée autour du foyer n'est pas soutenable. Il n'y a pas d'autre encéphalite autour des foyers d'apoplexie que le travail de végétation con-jonctive qui aboutit à la formation de ce que l'on appelle les cicatrices ; et, d'un autre côté, jamais les foyers ne déter-minent la contracture permanente que lorque, en raison de leur localisation, ils sont placés de façon à interrompre le cours des fibres du faisceau pyramidal — circonstance dans laquelle la dégénération secondaire est en jeu. . D'ailleurs, nous pouvons citer au moins un exemple d'une lésion intéressant sytématiquement les faisceaux pyramidaux, primitivement et indépendamment de l'intervention de toute lésion cérébrale en foyer, de toute encéphalite.

Il s'agit d'une affection que j'ai plusieurs fois déjà étudiée avec vous, et dont je veux seulement détacher aujourd'hui un épisode. J'ai proposé d'appeler sclérose latérale amyotro-phique cette maladie dans laquelle les deux systèmes de fais-ceaux pyramidaux sont affectés dans la moelle et le bulbe.Seu-

lement,par en haut, lalésion ne peut pasêtre suivie ordinaire-ment au-delà du pédoncule cérébral ; elle semble donc se développer de bas en haut (1). L'altération retentit sur la substance grise des cornes antérieures de la moelle et sur les parties grises analogues du bulbe rachidiem, et elle se fait sui-vant deux modes. Dans certaines régions, c'est une lésion destructive des éléments cellulaires. La conséquence est alors une atrophie des muscles où se rendent les nerfs émanant des régions ainsi lésées de la substance grise. Dans d'autres parties, c'estune simple lésion fonctionnelle irritalive. des éléments ganglionnaires. Il en résulte que, dans ce» parties, outre la paralysie plus ou moins prononcée, il y a uni exagération notable des réflexes tendineux, et même à ut certain moment, une contracture parfois considérable dea membres. La contracture et, à son défaut, l'exagération des réflexes musculaires et tendineux distinguent, cliniquement, d'après mes observations, cette forme d'atrophie musculaire spinale de celle dans laquelle les éléments cellulaires sont dé-truits sans participation des faisceaux blancs. Je n'insiste pas plus longuement ; il me suffit de relever que la théorie pro-posée trouve ici une éclatante confirmation.

2° Une autre explication pathogénique de la contracture permanente est la suivante : on suppose qu'elle résulte de l'irritation de tubes nerveux n'appartenant pas au faisceau pyramidal, mais se mêlant à ses fibres. Ces tubes nerveux n'étant pas séparés de leurs centres trophiques, ne dégénére-raient pas, mais resteraient simplement irrités au sein des parties sclérosées. Je ferai remarquer que les tubes de ce genre sont rares au millieu du faisceau pyramidal ; que quel-

(1) Quelques faits récemment observés établissent cependant la possibilité des lésions intra-encéphaliques du faisceau pyramidal. Voy. Charcot, Clini-quedela Salpëtrière. (Progrès médical, 1880, n° 3).

Ghahcot. Œuvres complètes, t. iv,Localisations. 23

quefois on ne trouve pas un seul tube sain au milieu des parties sclérosées, et que,d'ailleurs, en supposant que ces tubes appartinssent au système des fibres commissurales courtes, ils ne pourraient jouer un rôle dans la production delà contrac-ture, que par le fait de la participation de la substance grise.

III.

Veuillez considérer, Messieurs,que dans la théorie proposée, et c'est par là que je terminerai, la cause immédiate de lacon-tracture est dans la substance grise et non dans le faisceau latéral lui-même. Il s'agit donc là d'une lésion consécutive, deutéropathique, aléatoire en quelque sorte, dont le degré pourra varier, suivant les sujets, suivant les âges, et dont l'exis-tence même n'est pas dans l'espèce un fait absolument né-cessaire

C'est là une remarque importante, car elle fait comprendre que la contracture permanente, bien qu'elle se rattache à la sclérose pyramidale primitive ou consécutive par un lien assez étroit, n'en est pas cependant un symptôme nécessaire, patho-gnomonique. Ainsi, quoique sclérose et contracture s'obser-vent, en général, simultanément, on peut voir la sclérose sans contracture et la contracture sans sclérose comme, par exemple, dans le cas de l'hystérie. On conçoit, en effet, que l'irritation ganglionnaire qui provoque la contracture s'établisse primitivement, ou en conséquence de lésions autres que celle des faisceaux latéraux. Le fait ne me paraît pas avoir été dé-montré, mais je le considère comme très possible. En somme, Messieurs, je le répète à dessein, la situation peut être résu^ mée en un mot : la contracture permanente n'est pas une fonction du faisceau pyramidal.

IV.

Il n'en est pas moins certain que partout où dans la patho-logie spinale la sclérose des faisceaux pyramidaux existe à un titre quelconque, la contracture permanente figure parmi les symptômes habituels.

1° Prenons le cas des dégénérations consécutives descen-dantes de cause spinale et supposons qu'il s'agisse d'un mal de Pott avec compression de la moelle épinière. Considérons exclusivement les troubles moteurs et admettons qu'ils ou-vrent la scène. Cela, d'ailleurs, n'est pas rare. Ici, il n'y a pas un début brusque, soudain, nettement déterminé comme l'apoplexie ; les phénomènes paralytiques se développent le plus souvent avec lenteur, progressivement.

Quoi qu'il en soit, à un moment donné, s'accuse une cer-taine faiblesse parétique, puis à la longue, une paralysie véri-table, résultat évident de l'interruption des conducteurs des incitations motrices dans les cordons antéro-latéraux et plus particulièrement dans les faisceaux pyramidaux. Notez bien, Messieurs, ce fait que la paralysie en question n'a rien d'une paralysie avec contracture.

Mais au bout de quelques jours ou de quelques semaines, la scène change : a) des secousses, des crampes se font sentir, accompagnées d'une rigidité temporaire, rappelant les phé-nomènes correspondants observés chez les hémiplégiques. — b) D'ailleurs, auparavant, les réflexes tendineux (phénomène du genou, etc.) étaient assurément beaucoup plus prononcés que dans le cas de lésion: encéphalique unilatérale. — c) Il en est de même des autres modes de l'activité réflexe. C'est en effet dans le cas de compression spinale que les mouvements

réflexes sont le plus intenses ; ils sont alors parfois compara-bles à ceux qu'on observe chez les grenouilles strychnisées ; l'acte d'uriner, d'aller à la garde-robe, l'introduction d'un ca-théter déterminent des secousses énergiques, des mouvements convulsifs involontaires dans les membres paralysés. — d) Enfin, tôt ou tard la contracture se manifeste et il est bien, rare qu'elle fasse complètement défaut, à moins qu'il ne s'a-gisse d'une localisation particulière, par exemple lorsque la-compression s'exerce sur la partie la plus inférieure du renfle-ment lombaire. Dans la règle, c'est une contracture en exten-sion qui se produit ; et cependant, il n'est pas rare de voir les membres inférieurs se ramasser sur le bassin en flexion for-cée ; il semble même que cette attitude soit plus commune* dans les myélites par compression que dans les myélites trans-verses spontanées.

Il n'est pas non plus inutile de relever que tous ces phéno-mènes occupent un seul membre quand la compression est unilatérale, et ce membre est naturellement celui qui réponcL au côté où siège la lésion. Mais, en général, les symptômes spasmodiques tels que la trépidation épileptoïde et la contrac-ture sont beaucoup moins accentués que quand il s'agit d'une lésion transverse totale.

2° Que devient cette contracture? Tantôt les sujets s'affai-blissent, des eschares se forment, la fièvre hectique se déclare, et simultanément le pouvoir réflexe et la contracture dis-paraissent. Tantôt, au contraire, une amélioration progres-sive permet d'espérw une issue plus heureuse, et dans un-certain nombre de cas, la guérison absolue, complète, a pu être constatée. L'état spasmodique se dissipe, les mouvements Volontaires s'exécutent de nouveau ; seulement les membres conservent encore une certaine rigidité due à la rétraction ten-dineuse, mais la chirurgie peut y remédier. De ce mode de

terminaison si favorable, M. Bouchard a relaté cinq cas. Pour ma part, j'en ai observé six ou sept.

Quant à déterminer les conditions anatomiques de ces gué-risons presque inespérées, les examens microscopiques ne sont pas encore assez nombreux pour qu'on puisse rien dire d'absolument précis à cet égard. Néanmoins, dans le cas observé dans mon service et étudié par Michaud, tout porte à croire qu'il s'était agi d'une régénération véritable.

Mais je ne puis à ce propos oublier de faire remarquer que les résultats de l'expérimentation sont bien peu favorables à l'idée d'une régénération, et pour ne parler que des expérien-ces les plus récentes, j e vous rappellerai que Eichorst et Naunyn ayant cru observer cette régénération chez les chiens, Schief-ferdecker chercha à vérifier ces observations sur les chiens opérés par Goltz. Ces animaux étaient en nombre et quelques-uns d'entre eux avaient survécu dix, douze et même quinze mois à l'opération. Or, même dans ces conditions, aussi favo-rables que possible, Schiefferdecker ne put découvrir aucune trace de régénération dans le segment inférieur de la moelle ; la cicatrice fibrillaire traitée par l'acide osmique, ne renfermait pas de tubes nerveux.

3° La myélite transverse primitive reproduit, à peu de mo-difications près, le tableau que je vous ai présenté de la myélite par compression, et ici encore le syndrome paraplégiespas-modique peut être, d'après les conditions qui précèdent, rat-taché à la sclérose consécutive descendante.

Mais la paraplégie spasmodique peut assez fréquemment se présenter dans la clinique sous une forme qui pendant bien longtemps n'a pas été remarquée comme elle le mérite. Ici le malade n'est pas, ainsi que dans la plupart des cas supposés précédemment, condamné à garder le lit. Il peut souvent, dès d'origine du mal, marcher sans appui et faire même d'assez

longues courses. Mais alors sa démarche est toute particulière. Ollivier (d'Angers) en avait présenté un tableau fidèle dans sa description delà myélite chronique; et tout récemment encore, M. Erb qui en a fait une étude minutieuse l'a désignée sous le nom de démarche spasmodique (spaticher Gang). M. Seguin qualifie le même syndrome de paraplégie tétanoïde.

Lorsque le malade est couché, la raideur des membres est déjà très sensible ; lorsqu'il est assis, elle s'accuse encore da-vantage ; les jambes s'étendent sur les cuisses et les pieds res-tent suspendus en l'air sans qu'il soit jamais possible au malade de les appuyer à terre. Enfin, dès les premiers mouvements de marche, « le tronc se redresse et se renverse en arrière comme pour contrebalancer le poids du membre inférieur qu'un trem-blement involontaire agite avant qu'il soit appuyé de nouveau sur le sol. » Le pied est pris de trépidation chaque fois qu'il est porté en avant et le tremblement par moments s'étend à tout le corps.

Il n'est pas douteux que ce genre de paraplégie se rattache le plus souvent à des lésions spinales vulgaires, compression, myélites, etc. ; d'ailleurs, outre la rigidité des membres, il existe encore d'autres symptômes concomitants ou antérieurs, qui ne permettent pas d'hésitation à cet égard. Mais dans d'au-tres cas, la maladie date de l'enfance, ou bien elle s'est déve-loppée lentement, progressivement en l'absence de tous symp-tômes autres que la rigidité musculaire qui, des membres inférieurs où elle reste fréquemment confinée, tend parfois à gagner les membres supérieurs.

M. Erb a émis l'idée que ces cas se rapportaient à une forme pathologique spéciale qu'il a proposé de caractériser du nom as paraplégie spasmodique. Il aconsidéré même comme très vraisemblable que l'affection dont il s'agit se rattache à une sclérose primitive des cordons latéraux. J'ai partagé et je par-tage encore l'opinion de M, Erb en ce qui concerne le caractère

particulier de bon nombre de ces cas qui affectent dans la clinique cette forme de la paralysie spasmodique ; et j'ai pro-posé de les rassembler dans un groupe nosographique parti-culier, sous le nom de tabès dorsal spasmodique (1). Ainsi, le tabès dorsal spasmodique serait une maladie particulière, et la paraplégie spasmodique représenterait un syndrome com-mun à plusieurs maladies, au tabès spasmodique entre autres.

Mais je suis le premier à reconnaître que le tabès dorsal spasmodique, en tant qu'espèce nosographique distincte, ne saurait avoir d'existence réelle et définitive tant que l'anato-mie pathologique n'aura pas parlé en faveur de son autonomie. S'il s'agit là effectivement d'une affection à part, l'autopsie révélera une lésion également spéciale, peut-être la sclérose primitive des faisceaux pyramidaux soupçonnée par M. Erb. Si, au contraire, les nécropsies démontrent qu'il s'agit tantôt d'une myélite transverse syphilitique ou autre, il est clair que l'autonomie clinique n'est qu'une apparence.

La question n'est donc pas encore décidée. Je ferai remar-quer seulement que les premiers résultats de l'épreuve ana-tomo-pathologique ne sont pas favorables à la doctrine de l'unité morbide du tabès dorsal spasmodique. En effet, quel-ques cas que j'avais rattachés à ce groupe nosographique ont dû, après l'autopsie, en être détachés et ramenés à une affec-tion depuis longtemps connue comme pouvant donner lieu aux symptômes de la paraplégie spasmodique. Je veux parler de la sclérose en plaques ; mais c'est là un point qui mérite d'être étudié avec certains détails et que le temps ne nousper-inet pas d'aborder aujourd'hui.

(1) Voir à ce sujet la thèse de M. Bétous, Etude sur le tabès spasmodiquei

SEIZIÈME LEÇON

Myélites transverses et tabès dorsal spasmodique.

Sommaire. — Myélites trans verses et hémisections de la moelle épinière. — Paralysie des deux membres inférieurs dans le cas de lésion spinale unila-térale. — Hypothèse anatomique qui donne la clef de ce phénomène. — Opinions de Kolliker, Gerlach, Krause, Schiff, Vulpian, Schiefferdecker.

Contracture permanente et démarche spasmodique dans la myélite trans-verse. -- Description d'Ollivier (d'Angers). — Cette description s'applique à la paraplégie tétanoïde de Séguin (démarche spasmodique d'Erb).

Formes lentes de la myélite transverse.

Tabès dorsal spasmodique. — Théorie de Erb. Localisation spinale. — L'a-natomie pathologique n'a encore fourni aucune preuve. — Diagnostic avec la sclérose en plaques.

Tabès dorsal chez l'adulte et chez l'enfant, — Paralysie spasmodique infan-tile. — Etiologie, pathogénie, autonomie nosographique du tabès dorsal. --Opinions et observations contradictoires.

Messieurs,

Je me propose de poursuivre et de terminer aujourd'hui la revue des affections spinales organiques dans lesquelles la contracture permanente des membres paralysés est un symp-tôme habituel, appartenant au tableau classique de la mala-die. Mon but est, vous ne l'ignorez pas, de vous faire ree on*" naître que l'existence régulière, constante ou à peu près d'une lésion soit primitive, soit consécutive des faisceaux pyrami-daux est un trait commun à tous les maladies dont il s'agit. Dans le cours de cet exposé qui, au premier abord, semble

viser principalement une question de pure théorie, nous avons rencontré déjà et nous rencontrerons encore des données d'une certaine portée pratique, et dont vous trouverez maintes fois l'application dans la clinique des maladies cérébro-spinales.

I.

1° Notre attention s'est portée tout particulièrement sur la myélite transverse, et nous avons considéré les cas dans les-quels la lésion occupe sur un point toute l'épaisseur du cordon spinal. Je dois vous dire quelques mots relativement à ceux dans lesquels la lésion transverse s'est localisée sur une partie seulement de l'épaisseur de la moelle épinière, de manière à reproduire, en quelque sorte, la lésion désignée en patholo-logie expérimentale sous le nom de section hémilatérale. Ce genre de localisation spinale en foyer se rencontre, ainsi que je l'ai fait remarquer, assez souvent dans la pratique. Il n'est point rare que les altérations de la myélite par compres-sion, traumatique, spontanée, ou syphilitique, soient des lé-sions en foyer hémilatérales.

Dans cette catégorie de faits, je vous rappellerai deux exem-ples choisis entre beaucoup d'autres pour les besoins de la dé-monstration : 1° le cas d'une lésion traumatique consistant par exemple en un coup de couteau ayant détruit en travers une moitié de la moelle épinière ; 2° le cas très commun de la myélite spontanée syphilitique. Ici la lésion porte à la fois sur une des colonnes de substance grise, sur les faisceaux postérieurs et sur les faisceaux antéro-latéraux ; mais le point essentiel que je tiens à relever, c'est la lésion consécutive du cordon latéral, lésion descendante, et nous savons que cette lésion dégénérative est due à l'interruption du cours des fibres du faisceau pyramidal.

2° Déjà, Messieurs j'ai eu l'occasion de vous signaler un fait qui a été observé dans plusieurs cas, à savoir, que la sclérose descendante n'est pas toujours limitée au côté correspondant, et qu'elle s'étend quelquefois au côté opposé, comme dans le cas de M. Mûller dont je vous ai dit les principaux détails.

Pour expliquer ce fait, en apparence singulier, j'ai émis l'hypothèse que quelques-unes des fibres de chacun des faisceaux pyramidaux, déjà entrecroisées à la partie du bulbe, subissent dans la moelle une seconde décussation, au moins chez certains sujets ; et il est nécessaire d'admettre, dans mon hypothèse, que les fibres entrecroisées deux fois, ne sont pas interrompues dans leur cours par laprésence d'une cellule gan-glionnaire, et que, venant du faisceau pyramidal du côté droit, elles vont faire partie du faisceau pyramidal du côté gauche.

La théorie dont il s'agit est principalement fondée, quant à présent, sur le fait anatomo-pathologïque en question ; il ne sera donc pas sans intérêt de rechercher si elle ne compte pas en sa faveur quelques données del'anatomie normale.

Bon nombre d'auteurs, Kolliker, Gerlach, Krause, décrivent dans la commissure antérieure un entrecroisement auquel prennent part des fibres de provenances diverses. Mais tous s'accordent à reconnaître que ces fibres, venues d'une des cornes de la substance grise, franchissent la ligne médiane et vont faire partie du faisceau antérieur du côté opposé. Dans ces descriptions, il n'est pas question de fibres mettant en communication directe le faisceau pyramidal du côté opposé. Cependant, à l'aide de préparations faites avec le chlorure d'or, M. Schiefferdecker, qui a étudié ce sujet avec beaucoup de soin, prétend avoir reconnu des fibres nerveuses qui, parties du faisceau latéral droit, se porteraient directement à la com-missure antérieure, et qui, arrivées en avant du canal central, pourraient être suivies, jusqu'à une certaine distance, de j'autre côté de la ligne médiane.

Ces fibres pénètrent-elles dans les faisceaux antérieurs ou s'arrêtent-elles dans la substance grise? Passent-elles au con-traire, dans le cordon latéral opposé? Cela n'est pas démon-tré ; toutefois, cela n'est pas possible. Je doute que l'anatomie normale, réduite à ses propres ressources, puisse décider la question : mais il n'est pas invraisemblable que dans les cas pathologiques on arrive à suivre le trajet des faisceaux dégé-nérés , et si la disposition supposée existe réellement, elle expliquera, non seulement, le fait parfaitement établi d'une sclérose descendante des deux faisceaux pyramidaux dans le cas de lésion unilatérale, mais encore ce fait déjà reconnu en physiologie expérimentale, qu'une lésion transverse hémilaté-rale, produit une paralysie motrice aussi bien dans le membre opposé que dans le membre correspondant à la section.

A. ce propos, je vous rappellerai encore que les expériences de M. Schiff et de M. Vulpian ont eu pour résultat de modifier, sous ce rapport, l'enseignement traditionnel qui remonte jus-qu'à Galien. On croyait que la transmission des incitations volontaires par les faisceaux blancs était exclusivement directe. On sait aujourd'hui que, si elle est surtout directe, elle est cependant en partie croisée. En d'autres termes, la section d'une moitié latérale de la moelle épiniôre, chez un cochon d'Inde par exemple, produit une paralysie des deux côtés, paralysie, à la vérité, beaucoup plus accentuée du côté de la lésion qu'elle ne l'est du côté opposé.

3° C'est ainsi que les choses se passent, à peu de chose près, chez l'homme, au moins chez un certain nombre d'indi-vidus. La paralysie du côté de la lésion n'est jamais aussi com-plète qu'on aurait pu le supposer, si la transmission des in-citations volontaires était directe ; et, d'autre part, il est rare que le membre du côté opposé à la lésion ne présente pas, lui aussi, un certain degré de paralysie. Cette disposition hypothé-

tique offre donc certains avantages, puisqu'elle permet en-core la marche, alors même que la lésion hémilatérale est très profonde, en répartissant en quelque sorte la paralysie des deux côtés. Du reste, dans le cours ultérieur des événements les réflexes cutanés, tendineux ou autres, la rigidité et la contracture doivent apparaître en pareil cas, absolument comme s'il s'agissait d'une myélite transverse totale. Seulement, il est très rare que ces phénomènes y soient fort accentués ; et, toutes choses égales d'ailleurs, ils sont toujours beaucoup plus prononcés du côté correspondant à la lésion.

II.

J'en reviens, après cette digression, à la myélite transverse totale. Nous nous sommes arrêtés, vous le savez, à étudier les divers modes de terminaison que peut présenter la paralysie en semblable occurence, alors que déjà la contracture perma-nente s'est établie. Je vous ai fait remarquer qu'à côté des cas de guérison totale, complète, il y a à signaler des cas de guérison imparfaite ; les mouvements reparaissent dans les membres inférieurs, grâce à l'amendement de la rigidité mus-culaire ; mais cette rigidité persiste cependant à un certain degré, et, bien que le malade puisse peut-être sortir du Jit et marcher, il ne progresse qu'à pas lents et pénibles. Veuillez remarquer la situation dans laquelle se trouve le malade sup-posé. Ainsi que je vous le disais dans la précédente séance, lorsqu'il est au lit, la rigidité est considérablement diminuée ; mais elle existe encore à un certain degré ; d'ailleurs les ré-flexes tendineux sont beaucoup plus prononcés qu'à l'état normal, et la trépidation spinale survient à l'occasion du moindre mouvement volontaire. Lorsqu'il s'assied sur un siège un peu élevé, les jambes ont de la tendance à rester ho-

rizontales ; en tout cas, les pieds ne touchent pas à terre. Enfin le malade se dresse et se tient debout. Par ce seul fait, ses deux membres se raidissent et se collent l'un à l'autre, ani-més en même temps de trépidation épileptoïde. D'abord, en quelque sorte fixé au sol, il parvient, non sans efforts, à dé-tacher ses pieds et il commence à progresser. C'est ici qu'il

Fig. 88.

convient, Messieurs, de vous présenter le tableau remarqua-blement fidèle, tracé par Ollivier (d'Angers).

« Chaque pied, dit-il, se détache avec peine du sol, et dans l'effort que fait alors le malade pour le soulever entièrement et le porter en avant, le tronc se redresse et se renverse en arrière comme pour contrebalancer le poids du membre infé-rieur, qu'un tremblement involontaire agite avant qu'il soit appuyé de nouveau sur le sol.

» Dans ces mouvements de progression, tantôt la pointe du pied est abaissée et traîne plus ou moins sur la terre avant de s'en détacher, tantôt elle est relevée brusquement, en même

temps que le pied est rejeté en dehors. J'ai vu quelques ma-lades qui ne pouvaient marcher au pas, quoique appuyés sur une canne, qu'en se renversant le tronc et la tête en arrière de telle sorte que leur attitude avait quelque analogie avec celle que détermine le tétanos. »

Tout cela, Messieurs, est exact, quoique peut-être un peu forcé, comme l'est nécessairement la description d'un type. Ce type présente en outre une variante. Le malade qui, en pareil cas, se sert généralement de deux béquilles ou de deux cannes, marche littéralement sur la pointe des pieds, par suite de la contraction exagérée des gastrocnémiens. Son corps se penche en avant et figure un plan incliné, de telle sorte qu'il est à chaque instant menacé de tomber la face contre terre. Cette variété, décrite par Erb, serait plus commune que le type d'Ollivier (d'Angers).

Il est très remarquable de voir que cette description, d'ail-leurs très vivante, d'Ollivier, et qui ne s'applique pas à des cas exceptionnels, soit restée, en quelque sorte, lettre morte jus-que dans ces derniers temps; elle n'a pas été remarquée même à l'époque où Duchenne signalait avec tant de soin les carac-tères de la démarche des ataxiques ; si bien que cela a été comme une révélation quand M. Erb (de New-York) d'abord en 1871, puis plus tard M. Erb fd'Heidelberg), en 1874, appe-lèrent de nouveau l'attention sur la démarche particulière que présentent certains paralytiques et qu'ils proposèrent de dési-gner, l'un sous le nom de tetanoïd paraplegia, l'autre, sous le nom de démarche spasmodique [spartischer Gang).

Vous comprenez, Messieurs, que, malgré l'intérêt qui s'at-tache à ce fait de la démarche spasmodique, on ne saurait voir là le caractère d'une maladie particulière, contrairement à ce qui a lieu pour la dém,arche des ataxiques, qui est en quelque sorte pathognomonique. C'est un symptôme commun à plusieurs maladies spinales et pour arriver au diagnostic

nosographique, il faut nécessairement invoquer les symptômes concomitants.

m.

Nous avons jusqu'ici des cas de myélite transverse à début aigu ou subaigu, où les accidents arrivent rapidement à leur plus haut degré pour rétrograder ensuite. Mais il ne faut pas ignorer qu'il existe des cas dans lesquels l'affection revêt, dès l'origine, les allures d'une maladie chronique primitive. La lésion est ici encore transverse, mais elle est incomplète et son évolution est lente. Le malade, par exemple, n'a jamais été confiné au lit ; c'est un paraplégique chez lequel les symp-tômes parétiques ont pu passer plus ou moins longtemps ina-perçus. Mais la démarche a le caractère spasmodique dès l'origine, et, si lente que doive être l'évolution du mal, on doit s'attendre dans la règle à voir la paraplégie s'accompa-gner des autres symptômes nécessaires pour caractériser no-sographiquement le genre de raffection.

IV.

Cependant, Messieurs, il existe et il n'est pas rare de ren-contrer dans la clinique un certain nombre de cas où les symptômes de la paralysie spasmodique, développés primiti-vement comme dans le cas qui précède, se montrent en quel-que sorte isolés de tout autre symptôme, depuis l'origine jus-qu'à la terminaison du mal, sans altération de la sensibilité, sans troubles dans les fonctions du rectum, de la vessie, etc., sans douleurs pseudo-névralgiques, sans accidents céphaliques concomitants. L'affection se caractérise particulièrement aussi

par une évolution lente et par une tendance marquée à l'en-vahissement progressif des membres supérieurs.

Ce genre de paraplégie spasmodique a paru assez spécial à quelques médecins — et je suis du nombre,—pour qu'ils aient été amenés à penser qu'il ne s'agit pas là de cas vulgaires de myélite transverse (par compression, syphilitique ou autre), accidentellement dépourvus de leurs attributs ordinaires et se présentant, comme on dit, sous la forme fruste ; mais qu'il s'agit d'une affection particulière, d'une maladie autonome, se rattachant vraisemblablement à une lésion de localisation spé-ciale.

M. Erb est entré le premier dans cette voie en 1875. Je l'y ai bientôt suivi, ainsi qu'en témoignent mes leçons de 1876. M. Erb a désigné cette affection prétendue spéciale sous le nom de paralysie spinale spasmodique. JJai proposé, puisqu'il s'agis-sait d'un état morbide particulier, le nom de tabès dorsal spasmodique, le terme de « paralysie spasmodique » ne pouvant représenter qu'un syndrome commun à plusieurs maladies spi-nales. La description donnée par M. Erb ne diffère d'ailleurs par aucun trait essentiel de celle que j'ai donnée après lui. Je ne me suis écarté de M. Erb que sur un point. M. Erb a affirmé, ou peu s'en faut, que la lésion à laquelle les symptômes doivent être rattachés est actuellement connue : elle ne serait autre que la sclérose symétrique et systématique des faisceaux laté-raux. En ce qui me concerne, tout en reconnaissant la locali-sation proposée par M. Erb comme très vraisemblable, j'ai tenu à rester sur la réserve ; j'ai fait remarqur que toutes les observations de sclérose symétrique sans participation des cornes grises antérieures sont de date ancienne. « Ce sont, disais-je, de vieux souvenirs un peu effacés et qu'il faudrait raviver. Il faut attendre pour se prononcer à cet égard, le contrôle d'observations nouvelles. »

A l'heure qu'il est, Messieurs, ainsi que je le montrerai tout

à l'heure, l'observation anatomo-pathologique n'a encore four-ni aucune preuve, et, de ce côté, la solution du problème reste en suspens. Toujours est-il qu'en attendant, la description cli-nique mérite de subsister par elle-même.

V.

Mais avant d'en arriver là, je voudrais, me conformant à ce que je vous annonçais dans la leçon dernière, vous dire quel-ques mots d'une maladie cérébro-spinale assez bien détermi-née aujourd'hui, anatomiquement et cliniquement, et qui, dans quelques-unes de ses formes frustes, peut se traduire presque exclusivement par la paraplégie spasmodique, de telle sorte que sous cette apparence, l'affection dont il s'agit pourrait être et a été en effet confondue avec celle que j'ai appelée le tabès dorsal spasmodique. Je veux parler de la sclérose en plaques disséminées.

Je me bornerai à rappeler que les foyers scléreux disposés sans ordre dans les diverses parties du névraxe, dominent gé-néralement dans la moelle, où elles occupent de préférence les faisceaux antéro-latéraux. Il y a lieu de signaler ici un point important dont je vous ai déjà dit un mot. C'est que ces pla-ques scléreuses, une fois développées, resteront isolées dans les faisceaux de la moelle, sans donner lieu à la dégénération secondaire; il y a là une exception flagrante à la loi wallérienne. Peu importe, d'ailleurs ; qu'il nous suffise, pour le moment, de considérer l'affection exclusivement par le côté clinique.

D'abord, nous devons relever, ainsi qu'on devait s'y atten-dre, d'après la multiplicité des lésions et la variabilité de leur siège, que les symptômes de la maladie en question sont eux-mêmes variés et nombreux; troubles céphaliques, tels que nys-tagamus, amaurose, embarras de la parole, troubles intellec-

Ghàrcot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 24

tuels, vertiges ; troubles spinaux, parmi lesquels, le plus ha-bituellement il y a lieu de mentionner surtout un tremblement particulier des membres supérieurs, quelquefois remplacé par de la contracture, une paraplégie spasmodique, etc. ; je laisse de côté l'atrophie musculaire qui s'observe également dans les cas où la substance grise est atteinte, et les symptômes tabé-tiques quand il existe des lésions des faisceaux postérieurs. Teh sont, en résumé, les signes qui permettent, lorsqu'ils se trou-vent tous réunis, de diagnostiquer facilement la maladie.

Mais il se peut que tout cet appareil se décompose en quel-que sorte pièce à pièce et que bon nombre de symptômes fas-sent défaut. Ainsi, dans telle forme, on n'observera que de;-troubles céphaliques, vertiges, nystagmus, etc. Dans telle au-tre, au contraire, il n'existera que des symptômes de para-plégie spasmodique presque isolés: je dis presque isolés, car, en y regardant d'un peu près, on discerne l'existence actuelle ou passée de quelques-uns de ces phénomènes concomitants qui se présentent en si grand nombre dans les cas types. Ainsi, en présence d'une paraplégie spasmodique, il faut se re-mettre en mémoire la série des accidents qui peuvent se trou-ver réunis dans un cas complet de sclérose multiloculaire. Il doit être fort exceptionnel que deux ou trois d'entre eux ne se montrent pas associés, à une certaine époque de la maladie avec la paralysie spasmodique, si celle-ci relève d'une sclérose en plaques; et c'est surtout d'après ce principe que le diagnos-tic peut être établi.

VI.

Maintenant, Messieurs, je vais, en deux mots, présenter une esquisse de l'état morbide que M. Erb et moi nous croyons de-

voir, jusqu'à plus ample informé, considérer comme une ma-ladie particulière, le tabès dorsalspasmodique.

1° La description clinique peut être tracée d'ailleurs enquel-quesmots. Lamaladiesedéveloppechez dessujets âgés de trente àcinquanteans, particulièrement chez deshommes, en l'absence de toute cause occasionnelle appréciable. Il n'y a point de trou-ble de la sensibilité ; le mal se produit lentement, progressi-vement, se révélant d'abord par une simple lourdeur des jam-bes, puis par une parésie véritable accompagnée de raideur ; enfin la démarche prend le caractère spasmodique, et le ma-lade est souvent obligé de s'aliter, mais seulement quelque-fois après de longues années. Il va de soi que les réflexes ten-dineux sont très exagérés, tandis que les réflexes cutanés con-servent leurs caractères normaux.

2° La maladie, telle qu'elle se déclare dans le premier âge, mérite une mention spéciale (Erb, Seeligmûller, Stromeyer). La rigidité commence souvent à se produire peu après la nais-sance, sans accompagnement d'accidents cérébraux. La nour-rice s'aperçoit que les membres sont rigides et qu'il devient dès lors plus difficile d'habiller l'enfant ; quelquefois le tronc lui-même est raide. Arrive l'âge de marcher, et l'on constate que la station debout et la marche sont impossibles ; il faut attendre que l'enfant ait trois ou quatre ans pour le voir se dresser péniblement en s'appuyant aux meubles. La manière dont les enfants de cet âge, soutenus sous les bras, progres-sent tant bien que mal, est très caractéristique. Les hanches sont légèrement fléchies, les genoux sont dans l'adduction, col-lés l'un à l'autre avec tant de force que les jambes et les pieds s'embarrassent en s'entrecroisant. Enfin, la flexion plantaire des deux pieds qui reposent sur les orteils détermine une inclir naisondu corps en avant qui met encore obstacle à la marche.

D'ailleurs, les réflexes tendineux sont exaltés ; il n'y a pas d'atrophie musculaire et les muscles ont conservé leur excita-bilité normale. 11 existe donc un contraste bien tranché, sous

Fig. 89.

tous les rapports, entre cette affection et la paralysie spinale infantile, et ainsi nous voyons qu'à côté des paralysies spinales infantiles il existe une paralysie spasmodique infantile, bien distincte, et nettement séparable de celle-ci.

A leur tour,les extrémités supérieures sont affectées, l'ayant-bras sé raidit, demi-fléchi, dans la pronation, les doigts repliés dans la paume de la main. Jamais, je le répète on n'a cons-taté d'accidents céphaliques et la colonne vertébrale ne présente rien d'anormal. La pathogénie de l'affection est par consé-quent extrêmement vague. M. Seeligmûller invoque l'accou-chement prématuré, à sept ou huit mois, la consanguinité. Mais ce sont là des prétextes plutôt que des raisons. Somme toute, les autopsies manquent.On ne peut cependant s'empê-cher de songer qu'à l'époque où la maladie débute le faisceau latéral est en pleine voie de développement et que cette con-dition, sous de certaines influences, peut ne pas être défa-vorable à la production d'une lésion inflammatoire.

3° Chez l'adulte, une lésion du même genre, également li-mitée au système des faisceaux latéraux, rendrait compte de tout l'ensemble des phénomènes. Mais, encore une fois, à l'heure qu'il est, l'hypothèse n'a pas reçu de vérification. Il y a donc là un problème intéressant d'anatomie pathologique à résoudre, et je ne saurais trop vous engager à y appliquer toute votre attention, s'il vous arrivait de vous trouver en pré-sence d'un cas de ce genre.

4° Je viens de dire que le tabès spasmodique n'a encore d'exis-tence qu'en clinique et que si, en réalité, comme je le crois, il s'agit bien là d'une espèce morbide, celle-ci manque encore tout à fait de substratum anatomique. Néanmoins, dans ces derniers temps, un certain nombre d'auteurs se sont appliqués à démontrer que la maladie en question n'est qu'une construc-tion nosographique artificielle, et que les lésions d'une myé-lite quelconque, spontanée, compressive, syphilitique ou autre peuvent donner lieu à cet ensemble, qui ne représenterait plus dès lors une affection spéciale.

A l'appui de cette théorie, on a publié quelques observations où l'on a cru reconnaître les caractères assignés par M. Erb et par moi à ce que j'appelle tabès dorsal spasmodique, et où à Fautopsie, on avait rencontré les lésions spinales les plus va-riables. J'ai examiné ces observations avec grand soin, etje ne crois pas qu'aucune d'elles possède réellement la signification qui leur a été donnée.

_ Par le côté clinique, ce sont des cas de myélite vulgaire par compression,syphilitiques en effet, anormaux à quelques égards mais où l'on retrouve toujours plus ou moins accentués les trou-bles de la sensibilité, les fonctions de la vessie et du rectum, si caractéristique dans cette forme de myélite; à l'autopsie existaient des lésions diverses, et présentant toutefois ce trait commun, essentiel dans l'espèce: c'est que les altérations dont il s'agit avaient entraîné avec elles une sclérose latérale. Cela montre seulement — ce qu'on savait du reste — que la dé-marche spasmodique, ou, si vous voulez la paralysie spasmo-dique peut se manisfester sous les formes de myélite les plus diverses. Mais dans l'espèce morbide, la démarche n'est pas tout; elle n'est qu'un des éléments de la maladie.

Cela démontre aussi que le diagnostic est difficile et qu'avant de se décider il faut y regarder d'un peu près. Je m'y suis trompé moi-même au moins une fois, ainsi que je me suis plu aie reconnaître hautement, à l'occasion d'un cas présentée ma clinique comme un exemple de tabès spasmodique. L'au-topsie démontra qu'il n'en était pas ainsi, et qu'il s'agissait d'une sclérose en plaques. Mais, en relisant l'observation, nous nous aperçûmes que la malade avait accusé des vertiges, qu'elle avait éprouvé du tremblement des extrémités, symptômes de valeur qui auraient pu mettre sur la voie du diagnostic véri-table. Depuis cette époque, j'ai également rapporté à leur ori-gine légitime pendant la vie des cas qui eussent pu être rat-.-

tachés au tabès spasmodique ; cette fois l'autopsie est venue confirmer mon diagnostic.

Ainsi les choses restent ce qu'elles étaient avant la publica-tion des observations adverses auxquelles je viens de faire allusion. Et, en résumé, si, faute d'observations anatomiques suffisantes, l'existence nosographique autonome du tabès dorsal spasmodique n'est pas encore solidement établie, on peut dire, d'un autre côté, que, malgré les critiques, elle n'est pas encore sérieusement ébranlée. C'est d'ailleurs une ques-tion dont la solution ne peut manquer d'être donnée un jour prochain.

Vous voyez donc, Messieurs, par l'exposé qui précède, que. la contracture permanente est un symptôme commun aux affections organiques spinales — et elles sont nombreuses — où il existe une lésion des faisceaux latéraux. Il importe toute-fois de ne pas oublier que la contracture permanente n'est pas l'indice certain d'une lésion organique de la moelle épinière car il existe nombre de cas où les faisceaux latéraux sont affec-tés peut-être fonctionnellement, mais à coup sûr sans lésion ma-térielle. Sous ce rapport, le cas de l'hystérie auquel j'ai fait souvent allusion, est un exemple des plus démonstratifs.

DIX-SEPTIÈME LEÇON

Des amyotrophies spinales et des localisations dans la substance grise de la moelle épinière.

Sommaire. — Lésions systématiques de la moelle épinière. — L'étude de ces lésions doit précéder celle des lésions non systématisées. — Rôle physio-logique de la substance grise. — Transmission des impressions sensitives et des impulsions motrices.

Les lésions systématiques de la substance grise paraissent cantonnées dans la région des cornes antérieures. — Elles sont presque toutes de nature irritative ou inflammatoire. — Poliomyélites antérieures systématiques. — Elles sont aiguës, subaiguës ou chroniques. -- Caractères fondamentaux de ces affections. — Troubles de la motilité. — Troubles trophiques. — Inté-grité des fonctions de la vessie et du rectum. -- Abolition des réflexes.

Délimitation du groupe des poliomyélites systématiques. -- Amyotrophies protopathiques et deutéropathiques.

Formes aiguës : paralysie spinale infantile, paralysie spinale de l'adulte. — Forme subaiguë : paralysie générale spinale antérieure subaiguë de Du-chenne (de Boulogne). — Forme chronique : atrophie musculaire pro-gressive de Duchenne et Aran.

Poliomyélites non systématisées. — Myélites centrales, sclérose épendymaire, sclérose en plaques, sclérose latérale amyotrophique.

Du système neuro-musculaire en général.

Messieurs,

Vous n'avez certainement pas perdu de vue ce tableau, ou, pour mieux dire, ce plan topogaphique que je vous ai pré-senté déjà dans la séance qui a inauguré le cours de cette année, et que, depuis lors, j'ai eu maintes fois l'occasion de placer à nouveau sous vos yeux; il est destiné, vous ne l'avez

pas oublié, à faire embrasser d'un coup d'œil les diverses ré-gions de la moelle épinière dans lesquelles, par une sorte de sélection, se cantonnent celles des lésions spinales qu'on appelle aujourd'hui lésions systématiques.

Cette dénomination de lésions systématiques, que j'ai empruntée à l'enseignement de M. Vulpian, est, ainsi que je vous l'ai fait remarquer bien des fois déjà, parfaitement ap-propriée. En effet, ces départements, ces régions que la ma-ladie peut affecter isolément, sans participation des régions limitrophes, représentent autant de systèmes distincts anato-miquement et fonctionnellement ; ce sont, en quelque sorte, autant d'organes destinés chacun à un rôle physiologique particulier , et, conséquemment, ainsi le veut la logique des choses, l'affection de chacun de ces organes doit, dans les con-ditions pathologiques, se traduire par une symptomatologie propre ; de telle sorte que, les symptômes étant connus, il sera permis au clinicien de remonter jusqu'à la lésion et d'en déterminer le siège.

On est tout naturellement conduit par ce qui précède, à considérer les maladies systématiques, dans le domaine de la moelle épinière, comme autant d'affections élémentaires, dont la connaissance approfondie devra être appliquée au débrouil-lement des affections plus complexes, non systématisées, ou, autrement dit, distribuées dans le cordon nerveux, d'une façon diffuse et inégale, c'est-à-dire qu'en bonne méthode, l'étude des lésions systématiques spinales doit nécessaire-ment précéder celle des lésions spinales non systématisées.

J'ose espérer, Messieurs, que les développements dans les-quels nous sommes entrés à propos des lésions du système des faisceaux pyramidaux ont justifié, pour une part, ces pro-positions que j'ai plusieurs fois émises devant vous. Il vous ont mis à même tout au moins, si je ne m'abuse, de recon-naître la signification de ce syndrome, désigné sous le nom de

paralysie spasmodique et qui, ainsi que vous 1 avez vu, joue un rôle si prédominant dans la pathologie spinale.

I.

Aujourd'hui, Messieurs, je voudrais diriger toute votre atten-tion sur une région que nous avons déjà rencontrée plusieurs fois, incidemment, dans le cours de nos études, mais qui n'a pas encore été, de notre part, l'objet d'une exploration régu-lière. Je veux parler de l'axe gris spinal, ou, comme on dit encore plus brièvement, delà substance grise.

Inutile de faire ressortir à vos yeux que, bien qu'elle occupe dans la moelle épinière un espace relativement restreint, la substance grise est cependant, au point de vue physiologique , la partie la plus importante du centre spinal. Il suffira de rap-peler qu'elle est le lieu de passage obligé pour la transmission des impressions sensitives et des impressions motrices volon-taires ou réflexes ; de telle sorte que, si cette voie venait à être coupée, l'accomplissement de toutes ces fonctions serait du même coup rendu impossible.

Mais en outre, il semble aujourd'hui péremptoirement dé-montré que toutes les parties de la substance grise ne sont pas indistinctement affectées à l'exécution de ces diverses fonc-tions. Dans cet espace si limité, il y a lieu, en effet, d'établir physiologiquement plusieurs régions bien distinctes. Ainsi, à ce point de vue, la substance grise centrale doit être distin-guée des cornes ou colonnes de substance grise. La première seule, avec les cornes postérieures pour une certaine part, jouent un rôle dans la transmission des impressions sensitives, tandis que les cornes antérieures paraissent destinées exclu-sivement à la transmission des impulsions motrices et n'ont aucun rapport avec la sensibilité.

II.

Ces résultats, fondés sur l'expérimentation, ont trouvé leur confirmation dans le domaine pathologique. La maladie, en effet, mieux encore que ne le peut faire le plus habile physio-logiste, produit des altérations qui affectent isolément certains départements de la substance grise.

A. Or, Messieurs, ici se présente un fait capital dans l'his-toire de ces lésions systématiques de la substance grise. C'est que les seules, méritant véritablement ce nom, que l'on con-naisse aujourd'hui, affectent de se cantonner dans une région toujours la même, et cette région est celle des cornes anté-rieures.

Les affections dont il s'agit ont donc, vous le voyez, pour ca-ractère anatomique univoque, non seulement de se circonscrire dans les colonnes antérieures, mais encore de constituer une lésion exclusive, systématique dans l'acceptation rigoureuse du. mot, c'est-à-dire emprisonnée dans la région, sans participa-tion (sinon accidentelle) des régions, voisines.

Les lésions qui reconnaissent cette localisation étroite sont presque toutes de nature irritative ou inflammatoire. On a pro-posé, dans ces derniers temps, de les distinguer par une déno-mination qui tend à indiquer, du même coup la nature du pro-cessus et le genre de la localisation : on les a appelés polio-myélites antérieures systématiques ; systématiques, caria substance grise antérieure peut être affectée incidemment, se-condairement, dans des cas d'affections spinales d'Un autre ordre. Il faut ajouter encore le qualificatif aiguë ou chroni-que, suivant que l'affection évolue selon l'un ou l'autre de ces deux mots.

En raison même de cette localisation, et aussi en raison de la spécificité physiologique de la région intéressée, les affec-tions de ce groupe, ainsi qu'on pouvait le prévoir, se présen-tent dans la clinique avec un certain nombre de traits com-muns et propres aies distinguer de toutes les affections spinales occupant dans le cordon médullaire un siège différent.

B. En quelques mots, voici les caractères fondamentaux du groupe :

1° Les muscles sont frappés d'impuissance motrice. La para-lysie est plus ou moins complète; mais — et ceci est le fait fondamental, — les muscles des parties affectées sont en outre le siège de lésions trophiques plus ou moins profondes, se ré-vélant en particulier par des réactions électriques spéciales. C'est là un fait qui distingue du premier coup ces paralysies de celles qui résultent d'une lésion des faisceaux blancs et spécialement des faisceaux latéraux, cas dans lesquels la nu-trition des muscles n'est nullement affectée,

2° Les muscles de la vie animale seront seuls intéressés, ou tout au moins les muscles de la vessie et du rectum res-teront indemnes. Le caractère que je vous signale actuelle-ment, Messieurs, est assez singulier pour que vous en preniez acte avec soin ; quant à présent, il n'est pas facile d'en don-ner la raison physiologique.

3° Il n'existera dans ces affections aucune modification, si-non accidentelle et transitoire, de la sensibilité. Ce trait dis-tingue les affections systématiques de celles qui occupent, d'une façon diffuse, la substance grise; et ces dernières en

outre des troubles de la sensibilité, affectent une tendance marquée aux troubles trophiques cutanés, aux escharres, etc., tendance qui ne se montre jamais dans le cas des lésions sys-tématiques.

4° Dans la plupart des cas, surtout quandil s'agit des formes aiguës ou subaiguës, les divers réflexes sont ou diminués ou complètement abolis. Vous avez prévu que l'épilepsie spinale non plus que la contracture n'appartiennent pas aux affections de ce groupe, seulement en raison de la distribution souvent inégale des lésions musculaires trophiques, vous rencontrez en pareille circonstance des déviations ou déformations pa-ralytiques.

III.

A. Les poliomyélites antérieures systématiques forment, en somme, un groupe nosographique assez naturel. Le symptôme dominant et pour ainsi dire unique, exclusif, c'est, vous le comprenez la lésion musculaire trophique. Aussi ces altérations ont-elles été parfois désignées sous le nom d''amyotrophies spinales ou de cause spinale. Mais il convient d'ajouter le qualificatif protopathique qui indique que la lésion de la ré-gion spinale d'où dérive cette lésion musculaire est le fait fondamental. Au contraire, on appellera amyotrophies spi-nales deutèropathiques les diverses affections de la moelle épiniôre dans lesquelles la lésion des cornes antérieures n'est que secondaire, accidentelle, et où l'altération trophique des muscles se trouve par conséquent entremêlé cliniquement avec d'autres symptômes.

B. Le groupe des poliomyélites antérieures systématiques

renferme des affections qui appartiennent à la clinique jour-nalière, et auxquelles le médecin doit s'intéresser particulière-ment. Je crois donc nécessaire de les rappeler à votre atten-tion par une énumération concise.

Ainsi que je l'ai dit, les lésions spinales antérieures systé-matiques évoluent, tantôt suivant le mode aigu, tantôt sui-vant le mode chronique. Je ne comprendrai dans cette énu-mération que les espèces à l'égard desquelles l'anatomie pa-thologique s'est, à l'heure qu'il est, prononcée d'une façon définitive.

1° Une première classe est composée par le groupe des

amyotrophies spinales protopathiques aiguës.

a) L'espèce paralysie spinale de V enfance est la maladie qu'ont étudiée avec prédilection Duchenne (de Boulogne) et Heine. C'est, dans le groupe dont il est ici question, une ma-ladie modèle pour l'étude anatomo-physiologique. En effet, les lésions sont parfaitement circonscrites ; d'autre part, la symp-tomatologie est elle-même très limitée, très précise, et tous les détails qu'elle comporte, ou peu s'en faut, peuvent être aujourd'hui facilement interprétés à la lumière des faits pa-thologiques.

b) Laparalysie spinale de l'adulte est en quelque sorte la même maladie transportée dans la pathologie de l'adulte. Pen-dant longtemps, le rapprochement avait été fait uniquement sur la foi d'une symptomathologie vraiment très spéciale; mais le contrôle anatomique s'est définitivement prononcé en faveur de ce rapprochement. Il n'en est pas de même, quant à présent, du second groupe, que je me bornerai à mention-ner.

2° Poliomyélites antérieures subaiguës. Celles-ci répon-dent à l'affection décrite par Duclienne sous le nom de para-lysie générale spinale antérieure subaiguë, c'est encore, surplus d'un point, un chapitre d'attente, car, je le répète, les observations anatomo-pathologiques relatives à cette forme n'ont pas encore fourni de résultats péremptoires.

3° Enfin la poliomyélite antérieure systématique chro-nique est représentée par la forme d'amyotrophie dont Aran et Duchenne ont tracé le tableau clinique et à laquelle ils ont donné le nom d'atrophie musculaire progressive. Cruveil-hier avait reconnu dans cette affection une lésion des racines antérieures spinales. Les travaux modernes ont démontré que cette altération, mentionnée et décrite par Cruveilhier, se rat-tachait à une lésion systématique irritative des cornes grises antérieures. La maladie en question a été aussi désignée quel-quefois sous le nom d'amyotrophie spinale progressivepro-topathique.

IV

Telles sont, Messieurs, les grandes espèces du groupe des amyotrophies liées aux poliomyélites antérieures. En regard, ne fût-ce que pour établir un terme de comparaison et provo-quer un contraste, il convient de faire figurer un instant di-verses affections spinales dans lesquelles la lésion des cornes antérieures peut exister sans doute, mais ne constitue pas le fait anatomo-pathologique capital, unique.

Ici la lésion originelle est en dehors de la substance grise, en dehors du moins de la région des cornes antérieures qui ne se trouvent affectées que consécutivement, par extension. Mais

l'altération trophique se produit cependant en raison de la participation des cornes antérieures. On voit donc que le symp-tôme est, en quelque sorte, surajouté à ceux de la maladie principale, et, en pareil cas, le clinicien doit s'attendre à avoir sous les yeux un ensemble symptomatique complexe, car, de fait, il n'est peut-être pas une lésion spinale, aiguë ou chro-nique qui ne puisse, à un moment donné, envahir les cornes antérieures et y déterminer la lésion des éléments ganglion-naires d'où dérive l'amyotrophie spinale.

Pour ne pas m'arrêter à ces remarques générales et néces-sairement un peu vagues, permettez-moi de faire appel à un certain nombre de cas concrets.

1° a) Parmi les lésions spinales diffuses non systématisées, on peut citer, dans le mode aigu, les myélites centrales ou poliomyélites diffuses. Ici, la lésiou trophique des muscles, analogue à celle de la paralysie infantile, est chose fréquente. Mais il se produit concomitamment des troubles de la sensibi-lité, un dérangement plus ou moins profond des fonctions de la vessie et du rectum, une formation d'escharres, etc., et si le malade survit et que les faisceaux blancs participent au pro-cessus anafomique morbide, on voit se développer une con-tracture permanente liée à tous les autres signes de la para-lysie spasmodique.

b) Dans le mode chronique, je vous citerai la sclérose péri-épenclymaire la méningite-spinale hypertrophique,enfi\i la sclérose en plaques qui, dans certaines circonstances, peu-vent prendre le masque de l'atrophie progressive. Il existe même des lésions non inflammatoires qui peuvent avoir un résultat identique : telles sont l'hydromyélie, les tumeurs in-tra-spinales (gliomes, sarcomes, etc.).

2° Parmi les lésions systématiques, il faut mentionner la sclérose postérieure qui, dans bien des cas, s'étend à la subs-tance grise. Mais la forme morbide sur laquelle, dans cette énumération, je tiens surtout à appeler votre attention est la sclérose latérale amyotrophique. L'affection reconnaît, je vous l'ai dit, deux éléments anatomo-pathologiques : une lé-sion des faisceaux latéraux et une lésion des cornes antérieu-res. Et celle-ci n'est pas accidentelle, elle fait en quelque sorte partie intégrante de la maladie, bien qu'elle se développe, tout porte à le croire, secondairement. Il s'agit donc là d'une lésion systématique, à éléments combinés, comme on dit en Allemagne. C'est cette forme que j'ai cru devoir étudier avec détails plusieurs fois déjà devant vous, parce qu'elle montre que les lois de localisation formulées à propos de la subs-tance grise spinale se retrouvent dans le bulbe. Vous savez en effet que les noyaux d'origine de l'hypoglosse, du facial, qui représentent les cornes antérieures de la moelle allongée,sont souvent le siège exclusif des lésions pathologiques ; de sorte qu'il existe des amyotrophies bulbaires protopathiques, qui peu-vent être opposées aux amyotrophies bulbaires deutéropathi-ques.

V.

Ce coup d'ceil d'ensemble vous permettra, Messieurs, d'en-visager de plus près le sujet, en vous plaçant au point de vue de l'anatomie et de la physiologie pathologiques. Il vous fau-dra, en d'autres termes, chaque fois que vous étudierez ce su-jet, porter tout particulièrement votre attention sur ces alté-rations de la substance grise, d'où dérivent les symptômes d'amyotrophie. Mais ici, comme partout ailleurs, l'investiga-tion anatomo-pathologique, pour être fructueuse, suppose né-

Ciiaroîot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 25

cessairement une connaissance approfondie des conditions normales ; et sans vouloir entrer bien entendu dans tous les détails que comportent un pareil sujet, je vous signalerai spé-cialement quelques points relatifs à l'anatomie et à la physio-logie des régions que vous aurez à explorer. Non seulement vous devrez dans cette étude préparatoire considérer la subs-tance grise elle-même, mais encore les nerfs moteurs qui y prennent origine, et aussi les muscles striés auxquels ceux-ci transmettent le mouvement.

C'est qu'en effet, Messieurs, les diverses parties qui vien-nent d'être énumérées sont en quelque sorte solidaires ; ana-tomiquement et physiologiquement, elles représentent un sys-tème. La cellule nerveuse motrice, avec ses prolongements multiples, peut être à la vérité considérée comme un petit organe indépendant : elle forme le lien qui rattache plusieurs systèmes les uns aux autres, mais n'appartient exclusivement à aucun d'eux.

Cependant il importe de remarquer que, de tous ces pro-longements de la cellule antérieure spinale, le plus important, le plus caractéristique au double point de vue physiologique et morphologique, est celui qui met l'organe cellulaire en continuité directe avec les nerfs moteurs , de telle sorte que le tube nerveux moteur, dans sa partie essentielle qui est le cylindre axile, n'est qu'une émanation de la substance même dè la cellule motrice. Aujourd'hui, l'on sait en effet que, par son extrémité périphérique,ce prolongement de l'élément ganglion-naire entre en relation pour ainsi dire immédiate avec l'élé-ment musculaire. Avant 1840, sur la foi des travaux de Valen-tin, Burdach, on croyait que les extrémités périphériques des nerfs musculaires se terminaient en formes d'anses, dans l'in-tervalle des faisceaux primitifs. Mais Doyère a fait une décou-verte capitale, lejour où il a démontré que chez les tardigra-des, le nerf moteur se termine par un filament unique au

niveau d'un monticule qui fait corps avec le faisceau primitif, et qu'on appelle encore à l'heure qu'il est Véminence ou la colline de Doyère. ,

Chacun sait aussi qu'en 1862, M. Rouget a été plus loin; il a fait voir que, sous le sarcolemme, c'est-à-dire dans la substance même du faisceau primitif, le monticule de Doyère est formé par un amas de substance granuleuse dans lequel se termine le tube nerveux, réduit au cylindre axile. Les travaux de Krause, de Kühne et enfin ceux de Ranvier ont confirmé ces données d'une façon générale, en les complé-tant par une foule de détails importants. Mais le grand fait découvert par Rouget, c'est justement cette connexité étroite du nerf centrifuge et de la substance des muscles.

Ainsi, Messieurs, vous le voyez, il existe d'un côté entre l'élément ganglionnaire et le cylindre axile, qui n'est en somme qu'un prolongement de cet élément, un rapport de continuité immédiat, comme il en existe un d'autre part entre l'extrémité terminale de ce prolongement et la subs-tance de l'élément musculaire.

Il y a donc, ainsi que je l'annonçais, anatomiquement par-lant, une solidarité intime entre la cellule motrice, le nerf moteur et la fibre musculaire; en réalité, on peut les consi-dérer comme trois éléments consécutifs d'un même système; et dire même, sans forcer les choses, que la cellule spinale plonge directement dans la substance de la cellule muscu-laire par l'intermédiaire de son prolongement axile.

Mais, il importe de le remarquer, Messieurs, dans cette association, l'un des éléments est, pour ainsi parler, domi-nateur \ les autres sont subordonnés. L'intégrité des mus-cles comme celle des nerfs dépend de celle des éléments ganglionnaires. Il est démontré en effet que la lésion de l'élé-ment ganglionnaire retentit nécessairement sur le muscle par la voie du nerf; que la lésion du nerf retentit sur le

muscle, qui, par conséquent, occupe le dernier rang dans l'as-sociation ; car il n'est nullement démontré d'un autre côté, quant à présent du moins, qu'une lésion des muscles ou des nerfs moteurs puisse retentir sur l'élément ganglionnaire et en altérer la nutrition.

Telles sont les considérations que je tenais à vous pré-senter, Messieurs, sur cet ensemble d'éléments qu'on pourrait désigner sous le nom de système neuro-musculaire, et dont l'étude préliminaire est indispensable à quiconque veut aborder avec fruit la topographie pathologique des diverses régions de la substance grise.

APPENDICE

Sclérose latérale amyotrophique. — Autonomie et caractère spasmodique de cette affection.

Observations.

Dès le début de l'étude que M. Gharcot a consacrée à l'his-toire des contractures, dans ses dernières conférences de la Salpêtrière, a pris place, en première ligne, l'analyse détaillée d'un cas typique de sclérose latérale amyotrophique. Cette affection, dont la première description date à peine de cinq ou six ans, a été, dans ces derniers temps, l'objet de critiques assez nombreuses, visant surtout la nature spasmodique et l'autonomie nosographique que M. Charcot lui a attribuée. C'est pour affirmer, une fois de plus, le caractère essentiellement spasmodique de cette maladie, au moins dans sa première période, que M. Charcot, en inaugurant ses leçons cliniques de cette année, a cru devoir présenter un exemple, en quel-que sorte idéal, de sclérose latérale amyotrophique, et en discuter les points fondamentaux.

On peut dire, d'une façon très générale, que certaines para-lysies se traduisent principalement par de la rigidité ou de la contracture spasmodique des masses musculaires ; tandis que d'autres sont marquées par l'absence de ce symptôme ou môme par un état opposé, la flaccidité des membres. Cette

division dichotomique, toute sommaire qu'elle soit, suffit à montrer l'intérêt pratique qui s'attache à l'interprétation du symptôme contracture.

Depuis quelques années, les observateurs ont, en outre, constaté l'importance de divers phénomènes qu'on peut dési-gner sous le nom générique de réflexes tendineux, l'examen minutieux qu'on en a fait peut jeter un grand jour sur les conditions pathologiques qui favorisent l'apparition des con-tractures. Ces réflexes, lorsqu'ils ne dépassent pas une certaine mesure, appartiennent aux conditions normales. Mais, lors-qu'ils se montrent manifestement exaltés, ils constituent un symptôme morbide d'une importance réelle, tant au point de vue purement clinique qu'au point de vue de la théorie phy-siologique.

Or, dans l'état actuel de nos connaissances physiologiques, la contracture spasmodique permanente des muscles passe, à juste titre, pour un phénomène étrange, inexplicable, ou peu s'en faut, paradoxal en quelque sorte. Cependant, des recher-ches nombreuses, récemment entreprises en France et à l'é-tranger, tendent à établir que l'exaltation des réflexes tendi-neux et la contracture sont des faits connexes, pour ainsi dire équivalents, ou tout au moins appartenant à la même série ; que l'interprétation physiologique, qui convient à l'une, con-vient également à l'autre ; de telle sorte que, par là, la con-tracture permanente spasmodique se trouverait dépouillée de son caractère paradoxal.

Mais, voici le cas concret sur lequel M. Charcot appelle l'at-tention; il est des plus précieux au point de vue de la thèse qu'il se propose de développer.

Il s'agit d'une femme, actuellement âgée de quarante-sept ans. Elle est confinée au lit et parait absolument immobile, inerte. D'ailleurs, son intelligence est parfaite, et, quoiqu'elle ne puisse plus se faire comprendre, elle se rend très bien

compte de son état. On constate, à première vue, que cette femme est paralysée de tous les membres, que la tète elle-même ne se tient plus en sa position normale et qu'elle pen-che tantôt à droite, tantôt à gauche, sans pouvoir être jamais volontairement redressée. On se figurerait donc assez naturel-lement que cette malheureuse est frappée d'une paralysie to-tale, flaccide. Il y a cependant loin de là, à la réalité, un exa-men plus minutieux est indispensable pour se rendre compte de l'état relatif des différentes parties du corps.

En ce qui concerne les membres inférieurs, on s'aperçoit, en effet, qu'ils ont une attitude assez particulière : les pieds sont étendus, les genoux sont collés l'un à l'autre; les deux jambes paraissent rigides. Néanmoins, on peut les fléchir et on n'éprouve pas une très grande résistance. Toutefois, cette résistance est plus considérable que dans les conditions ordi-naires ; il suffit, pour s'en assurer, de provoquer cette flexion passive successivement chez cette malade et chez un indi-vidu sain ; on constate alors que la raideur existe vraiment, ou, en d'autres termes, que la flaccidité du membre est rem-placée par ce qu'on a appelé la flexibilitas cerea. Si l'on per-cute avec un marteau de Skoda le tendon rotulien, immédia-tement, la jambe tressaute et même, parfois, reste animée pendant quelque temps des mouvements rapides de l'épilepsie spinale. Enfin, ces deux membres sont émaciés, mais non atrophiés, et ce que l'on observe sur l'un peut être observé sur l'autre. Quant à la sensibilité, elle est partout intacte; la malade ne présente à cet égard, aucun trouble morbide, et, on peut affirmer, qu'à moins de circonstances exceptionnelles, elle n'en présentera jamais.

Pour ce qui est des fonctions de la vessie et du rectum, il n'y a rien non plus à signaler d'anormal ; de telle sorte, que si l'on s'en tenait simplement à l'état des membres inférieurs en faisant abstraction des caractères morbides dont il sera ques-

Lion tout à l'heure, on ne relèverait chez cette malade que des symptômes de paraplégie spasmodique.

Mais les membres supérieurs présentent, eux aussi, des caractères bien particuliers ; et d'abord, leur attitude seule est des plus remarquables. Ils sont à demi fléchis sur la poi-trine, dans la supination, les mains tournées en avant, les doigts recroquevillés. De plus, ces membres sont extrêmement amaigris et en apparence flasques, si bien qu'à les consi-dérer isolément, on pourrait se croire en présence d'un cas d'atrophie musculaire progressive. Il n'en est rien cependant, et, là encore, il s'agit d'une paralysie spasmodique. En effet, si l'on examine de près ce qui reste des masses musculaires du bras et de l'avant-bras, on distingue, en certains points, un frémissement cutané correspondant à des contractions fibril-laires spontanées et passagères; en outre, la flexion provoquée de ces membres détermine la même sensation de résistance que dans les membres inférieurs; enfin, la percussion du tendon du triceps détermine un réflexe manifestement exa-géré; et, si, au lieu de provoquer l'action réflexe de ce mus-cle, on frappe légèrement la face antérieure de l'avant-bras aux différents points qui correspondent aux tendons fléchisseurs des doigts, la griffe s'accuse davantage sous l'influence de chacun de ces chocs, caractère des plus importants dans l'es-pèce, puisque le réflexe tendineux des fléchisseurs des doigts, est peu prononcé ou même fait défaut, le plus souvent, à l'état normal. Il faut également signaler ce fait, que les deux membres supérieurs sont symétriquement affectés, à d'infimes différen-ces près, et que la sensibilité y est partout conservée intacte.

Si, maintenant, on analyse les détails que présente l'atti-tude de la tête et l'expression du visage, voici ce que l'on peut observer. Le cou est impuissant à maintenir la tête; le menton vient lutter contre le sternum et si la malade est un peu renversée en arrière, la tête est entraînée par son poids,

et les muscles antérieurs sont absolument incapables de la ramener dans sa position régulière. Pour ce qui est de la face, elle présente une physionomie qu'on peut caractériser d'un mot : paralysie labio-glosso-laryngée. Mais il s'agit ici d'une paralysie labio-glosso-laryngée un peu différente de celle qu'a décrite Duchenne, et le masque tout spécial qui en résulte per-met de reconnaître, souvent à première vue, ce genre de ma-ladie. Des rides en grand nombre, des sillons profondément creusés, et particulièrement les sillons naso-labiaux, ainsi que ceux delà région frontale, les commissures tiraillées, les yeux grands ouverts comme si les paupières avaient de la peine à se fermer, impriment un cachet vraiment spécifique à ce visage qui, par son aspect pleurard, se différencie aisément du mas-que inerte de la paralysie de Duchenne.

D'ailleurs, après cela, plus rien qui ne se rencontre dans la paralysie labio-glosso-laryngée protopathique ; aujourd'hui, en effet, la malade ne peut plus articuler un seul mot, elle émet un son monotone, nasillard, à chaque instant interrompu par un mouvement de déglutition pénible. Elle peut cepen-dant faire saillir légèrement sa langue ridée, petite et trem-blottante, entre les arcades dentaires faiblement écartées. Mais elle est incapable de siffler, de souffler, d'avaler même, sans s'engouer à chaque instant, et elle laisse sa salive couler sans cesse de sa bouche entr'ouverte.

L'examen minutieux de tous ces symptômes est, à coup sûr, des plus intéressants et des plus instructifs. Il fait voir un mélange de certaines paralysies musculaires, en apparence flaccides, avec un ensemble de phénomènes spasmodiques aussi nettement caractérisés que possible ; et c'est précisément là que réside le problème de la paralysie spasmodique. Or, l'histoire de la malade en question permet de saisir les con-ditions de la combinaison bizarre de tous ces phénomènes, en quelque sorte incompatibles.

Il y deux ans et demi que la femme Den... a éprouvé les premiers symptômes de l'affection, qui, aujourd'hui, touche à sa dernière période. Elle a d'abord ressenti quelques dou-leurs térébrantes dans les reins et dans les cuisses. Puis, elle a commencé à se sentir faible sur ses jambes, marchant péni-blement « comme si elle avait un boulet à chaque pied ». Trois mois plus tard, s'est déclarée la paralysie des membres supérieurs, caractérisée par de l'impuissance motrice, des con-tractions fibrillaires et de la raideur. Vers le sixième mois, commence à se manifester la difficulté du langage.Peu à peu, tous ces symptômes s'accentuent, et, après dix mois de mala-die, la femme D... était devenue absolument impotente. A cette époque (mars 1878) elle était soignée par M. le docteur Huchard, dans un service de l'hôpital Laënnec, et l'on peut dire que l'affection était alors arrivée à sa période d'état. Elle était alors si parfaitement caractérisée que M. Huchard put, immédiatement, porter le diagnostic de sclérose latérale amyo-trophique. Mais, ce qu'il y a de très important à signaler, pour ce qui concerne l'état de la malade dans cette phase de son affection, c'est que tous les accidents spasmodiques possibles sont relatés avec le plus grand soin, sur l'observation recueillie alors par M. Huchard: secousses continuelles dans les membres, tremblements fibrillaires, contracture des fléchisseurs, trépi-dation spinale intense, à ce point que le moindre contact la provoque et qu'elle peut, à la suite de cette excitation, persis-ter pendant plus d'une minute ; raideur des reins, raideur du cou, en un mot, sorte dé tétanisation généralisée, associée à une atrophie musculaire progressive bien et dûment carac-térisée.

C'est seulement au bout de dix-huit mois que cette femme fut admise dans le service de M. Charcot, à la Salpêtrière, et, alors, pour la première fois, se manifestèrent quelques trou-bles de la déglutition, ainsi que les accidents dyspnéiques tran-

sitoires (avril 1879). Jusqu'à cette date, qui peut être consi-dérée comme l'apogée de la période spasmodique, tous les symptômes de l'hyperexcitabilité réflexe n'avaient fait que s'accroître. Mais, dès lors, et à mesure que la complication atrophie musculaire s'accentuait, ils diminuèrent progres-sivement d'abord dans les membres supérieurs, puis, dans les membres inférieurs, et c'est ainsi, qu'aujourd'hui, la ma-lade présentée par M. Charcot n'offre plus, en quelque sorte, que les vestiges des accidents spasmodiques dont elle avait été antérieurement affectée à un si haut degré.

Cette observation, aussi complète que possible, réalise dans tousses détails le type que M. Charcot avait signalé, en 1874, comme étant la détermination clinique d'une lésion médul-laire, caractérisée par une sclérose symétrique des cordons latéraux, combinée avec une altération dégénérative des cor-nes antérieures de la substance grise ({).

Mais les faits de cette nature ne sont pas fortuits, acciden-tels, et les exemples purs clé cette variété morbide sont et deviennent plus frappants, à mesure qu'on analyse avec plus de soin les cas si communs d'affections spinales, décrits jadis sous la désignation collective de myélites chroniques.

L'occasion s'est présentée de montrer, à côté de la malade dont il vient d'être question, un homme atteint d'accidents absolument identiques, et que M. le docteur de Lorne a bien voulu conduire à la Salpêtrière, pour permettre à M. Charcot de faire voir la ressemblance étonnante des deux cas.

Ici, l'affection est de date beaucoup plus récente. L'homme dont il s'agit, âgé de trente-cinq ans, est malade seulement depuis un an. En janvier 1879, il a éprouvé de la faiblesse dans le bras gauche, et il n'a éprouvé que cela pendant deux

(1) Cette femme est morte le 31 mai 1880. L'autopsie a confirmé le diagnos-tic; les détails nécroscopiques seront publiés.

mois. Mais, au mois de mars, surviennent en quelques jours un affaiblissement de la jambe gauche, puis du membre su-périeur et inférieur droits, une difficulté considérable de pro-nonciation (pour certaines lettres en particulier, les g et les 1), et un amaigrissement rapide du bras et de la main gauche. A cette époque, dit M. Gharcot, on aurait été presque en droit d'affirmer l'existence de la sclérose latérale amyotrophique. D'ailleurs, peu à peu, les symptômes de la maladie s'ajoutèrent les uns aux autres et voici dans quel état se présente actuelle-ment le client de M. de Lorne.

Les deux bras sont paralysés ; la griffe est bien prononcée à chaque main, et les éminences thénar et hypothénar ont dis-paru. Ces membres pendent inertes et flasques en apparence, de chaque côté t du corps ; cependant, quand on cherche à les fléchir, on éprouve une assez grande résistance, aussi bien du reste, que pour les étendre après qu'ils ont été fléchis. Les jambes ne sont pas paralysées au même degré, mais elles sont très faibles et le malade tombe à chaque instant. Cette parésie est nettement spasmodique. En effet, quand il marche, il ne fléchit pas les genoux, et il dit lui-même « qu'il marche comme avec des jambes de bois ». La progression est, aussi, rendue plus pénible par une trépidation spinale spontanée, qui gêne ses mouvements à tout instant, et qui lui donne une attitude sautillante tout à fait bizarre. Enfin, les réflexes, et particulièrement les réflexes tendineux, sont considérable-ment exagérés dans tous les membres. Le signe du tendon rotulien, surtout, est beaucoup plus prononcé que dans les conditions normales, et il est suivi, la plupart du temps, d'une trépidation prolongée. Le signe du pied (trépidation provoquée par le redressement de la pointe du pied) existe aussi, à un très haut degré.

Quant à la paralysie labio-glosso-laryngée, elle n'est encore qu'à ses débuts, mais rien ne manque : faciès caractéristique

de la double paralysie faciale, voix nasillarde, parole pâteuse, langage monotone, impossibilité de siffler, difficulté déjà in-quiétante des deux premiers temps de la déglutition, etc.

Tels sont les deux cas, presque absolument identiques, adoptés par M. Charcot, comme base de la discussion qui va suivre. 11 est d'abord incontestable que ces deux malades sont atteints de la même affection, à cette différence près que, chez le second, les progrès du mal sont plus rapides par le fait des accidents bulbaires relativement prématurés qui ont, à très courte échéance, suivi les symptômes de la paralysie atro-phique des membres. Mais, à part cette légère différence, les deux observations offrent une similitude remarquable, et, pour ce qui a trait au pronostic, le résultat final sera indu-bitablement le même, c'est-à-dire la mort dans un bref délai.

Il s'agit donc d'une maladie bien spécialisée, autonome, et, dans les cas typiques comme les deux précédents, le dia-gnostic est absolument certain; la constatation de la lésion se fera, chez l'un et l'autre sujet, conformément à l'appellation anatomique de sclérose latérale amyotrophique, et il serait permis de dire d'avance que cette altération existe, en quelque sorte, comme si on l'avait faite. D'ailleurs, le diagnostic, pen-dant la vie a été porté déjà dans des cas de ce genre, avec la plus grande précision, par nombre d'observateurs, MM. Ri-gai, Huchard, Seguin, Nixon, Pick et Kahler. Ce n'est pas que, dans l'affection dont il s'agit, il existe des symptômes vrai-ment propres, pathognomoniques ; mais, il ne faut pas ou-blier, qu'un nombre relativement très restreint de phénomènes élémentaires peuvent, en se groupant de mille façons, cons-tituer les formes si nombreuses et si variées des affections qu'on rencontre dans la clinique des centres nerveux. L'ar-rangement, l'enchaînement des symptômes, font seuls des dif-férences; et c'est ainsi que les vingt-quatre lettres de notre al-

phabet, diversement agencées suffisent à toutes les produc-tions si ingénieusement variées de notre littérature.

Toujours est-il que, dans l'espèce, cet arrangement, ce groupement de quelques symptômes qui, suivant la descrip-tion de M. Charcot, constituent un des éléments principaux de la détermination de la maladie en question, ont permis aux cliniciens qui viennent d'être nommés, d'affirmer, pendant la maladie, un diagnostic que la nécroscopie est venue plus tard justifier de tous points.

Malgré la remarquable concordance des faits déjà nombreux, qui. ont pu être taxés de sclérose latérale amyotrophique, l'acceptation de cette variété nosographique ne s'est pas impo-sée à tous les médecins neuro-pathologistes, et entre autres à M. le professeur Leyden dont l'opinion sur ce sujet, formulée plusieurs fois dans diverses publications périodiques alleman-des, vient d'être traduite, en France, dans un traité didactique des maladies de la moelle épinière. La compétence de M. Ley-den justifie les développements par lesquels M. Charcot a cru devoir réfuter les critiques du professeur de Bertin.

Les arguments fournis par M. Leyden à l'appui de la théorie qui confond, entre autres, dans un même groupe, la sclérose latérale amyotrophique et l'atrophie musculaire décrite parDu-chenne et Aran, peuvent être résumés sous les quatre chefs qui suivent:

Io Dans la sclérose latérale amyotrophique, la paralysie se-rait atonique ; il n'existerait pas de symptômes spasmodi-ques ;

2° L'atrophie musculaire serait le symptôme dominant; et il ne s'agirait pas d'une paralysie atrophique, en ce sens que le stade de paralysie initiale ferait défaut;

3° Il n'existerait qu'une seule forme de paralysie bulbaire : celle qu'a décrite Duchenne (de Boulogne) ;

4° Enfin les lésions de la sclérose latérale amyotrophique n'auraient rien de spécifique : l'altération de la substance blanche de la moelle porterait aussi bien sur les faisceaux an-térieurs que sur les faisceaux latéraux (pyramidaux).

Si les faits avancés par M. Leyden étaient conformes à la réalité, il est certain que l'autonomie de la sclérose latérale amyotrophique serait compromise.

Mais, pour réduire à néant les conditions indispensables de cette autonomie, il ne fallait à M. Leyden rien moins que nier la constance et même l'existence de l'ensemble des caractères essentiels sur lesquels repose la description de M. Charcot.

Aussi, les signes cliniques et anatomiques qui donnent à la sclérose latérale amyotrophique une allure si particulière, sont-ils précisément ceux-là même auxquels s'est adressé le professeur de Berlin, pour en récuser formellement la valeur. M. Charcot a profité de la présence des deux malades dont il vient d'être question, pour mettre une fois déplus en évidence l'exactitude des faits contestés par M. Leyden.

I. En ce qui concerne la nature spasmodique de la maladie, les deux exemples précédents sont aussi démonstratifs que possible; la femme de Den... en particulier, qui, à l'heure actuelle, semble frappée d'une paralysie atonique généralisée, a éprouvé, pendant un an et demi, une foule d'accidents spasmodiques permanents, tels que contractures partielles, contractures de la totalité d'une région musculaire, soubre-sauts, trépidation spinale, etc., etc. ; et même aujourd'hui, en dépit de l'atrophie extrême des membres supérieurs, on peut encore provoquer un réflexe tendineux exagéré des fléchis-seurs des doigts, par la percussion de certains points de la région anti-brachiale antérieure.

Charcot. Œuvres complètes, t. iv, Localisations. 26

Mais la description de la sclérose latérale amyotrophique n'est pas de date si ancienne qu'on ne puisse en compter les cas. La statistique fournira donc la solution de la question en litige. *

Or, en établissant le relevé des observations publiées jus-qu'à ce jour, voici les résultats auxquels on arrive : sans comp-ter les observations de M. Leyden lui-même, dont il sera question plus loin, onze cas sont relatés avec les détails très circonstanciés de la vérification nécroscopique; c'est dire qu'il s'agit là de faits irrécusables. Dans tous ces cas, la contracture a été l'objet d'une mention spéciale. Pour sa part, M. Charcot a déjà fait cinq autopsies (1) ; et une fois seulement (cas de la femme Pic... (2), la contracture ne figure pas au nombre des symptômes consignés dans l'observation ; mais l'exagération des réflexes tendineux y est signalée, et nous savons, aujour-d'hui, que ce phénomène est en quelque sorte de la même espèce que la contracture elle-même. Quant aux six autres observations accompagnées d'autopsie, elles sont également affirmatives à l'égard de la contracture (Seguin, Worms, Hum Kussmaul, Rigal, Pick et Kahler). Dans l'observation de M. Worms, en particulier, on voit spécifier la flexion forcée des avant-bras, avec une trémulation convulsive des membres inférieurs. Quant aux faits de Rigal et de Pick et Kahler, ils étaient si nettement caractérisés que le diagnostic a pu être formulé de très bonne heure ; et, d'ailleurs, l'autopsie Ta plei-nement justifié. Nous rapporterons ici le résumé de ces deux observations, car chacune d'elles est la reproduction fidèle du type décrit par M. Charcot.

(1) Gombault. —Etude sur la sclérose latérale amyotrophique, observa-tions I, II, III, IV.

(2) Cette observation sera publiée ultérieurement.

Observation I. (Kahler et Pick) (1).

Catherine Mally, âgée de soixante-quatre ans, femme de mé-nage, commence à éprouver des secousses dans le bras gauche, puis dans le bras droit, au mois de mai 1877. Bientôt après, les deux bras s'affaiblissent, les avant-bras se rétractent, de ma-nière à demeurer dans un état de demi-flexion légère ; mais la malade peut travailler encore.

En septembre, la faiblesse des bras s'accentue, et l'amaigris-sement y est déjà sensible. La jambe gauche d'abord, puis la jambe droite, deviennent peu à peuimpuissantes ; la malade est obligée de s'aliter. Elle remarque alors qu'elle prononce moins bien que par le passé.

En octobre, l'affection progresse rapidement. La femme Mal... prononce assez difficilement, pour que son mari ait de la peine à la comprendre.

En octobre 1878, elle entre à l'hôpital. L'état où elle se présen-tait alors est le suivant. Œdème des membres inférieurs. Pouls 90. Respiration 18. Ses bras sont ramenés sur l'épigastre ; les mains sont contracturées dans la flexion et pronation ; les pha-langes sont fléchies. Ses membres sont très émaciés ; l'avant-bras est même complètement atrophié. Lesjambes sont tendues, absolument paralysées, sans atrophie proprement dite. La rigi-dité est prononcée, surtout dans les muscles adducteurs de la cuisse. La tête est immobile. Les mouvements des yeux sont libres, mais le visage est inerte, surtout à droite. Le cou a con-servé quelques mouvements de latéralité, mais toujours la tête s'abandonne, tantôt pour se renverser en arrière, tantôt pour retomber sur la poitrine. Généralement, elle incline un peu à droite. Au commencement du mois de janvier, se sont produits, pour la première fois, quelques troubles de la déglutition. La voix est nasillarde ; la parole est incompréhensible. La bouche, béante, laisse la salive s'écouler. La langue est molle, plissée, excavée de fossettes, animée de tremblements fibrillaires, Les réflexes sont exagérés partout (réflexes tendineux des membres supérieurs et des membres inférieurs ; trépidation spinale;.

(1) Beitrage zur Pathologie und pathologische?i Anatomie des Centralner-iiensystems. Leipzig, 1879.

1er février. La déglutition devient impossible.

11 février. Les troubles respiratoires sont plus prononcés ; râles bronchiques.

14 février. Ralentissement de la respiration. — 15 février. Mort.

Observation II (Rigal) (1).

X..., âgé de trente-cinq ans, journalier, a été pris de faiblesse et de raideurs dans le membre supérieur gauche, vers le mois de janvier 1876. Peu à peu, le membre supérieur droit fut frappé de la même manière, et, très rapidement, survint un amaigris-sement notable des mains.

Au mois d'avril, c'est-à-dire quatre mois environ après le début de l'affection, les membres inférieurs s'affaiblirent et le malade y accusa des crampes et des soubresauts.

En mai 1876, il entre à l'Hôtel-Dieu, dans le service de M. Ri-gal. Voici, en résumé, l'état dans lequel il se trouve. Les bras sont appliqués au-devant de la poitrine ; les avant-bras sont demi-fléchis. Les doigts sont en griffe et on a dû placer un rou-leau de bois dans la main, afin que les ongles ne s'y implantent pas. Quand on veut modifier la résistance de cette contracture on détermine une exagération de la flexion, avec quelques mou-vements de trépidation. Cependant de faibles mouvements vo-lontaires sont encore possibles.

Les membres inférieurs sont paralysés et contractures, mais le malade peut encore marcher : — toutefois, la progression exagère toujours la raideur des jambes.

Le tronc, la face, le cou sont également raides. La tête est un peu inclinée en avant. L'orifice buccal est agrandi; les com-missures sont tiréesen dehors. Impossibilité de siffler.La langue est libre, la déglutition n'est pas troublée. Les yeux sont grands ouverts et l'occlusion des paupières est pénible.

Au mois de novembre 1876, c'est-à-dire onze mois après le début de l'affection, la contracture a diminué dans les membres supérieurs; mais les membres inférieurs sont dans un état spas-

(i) Cette observation sera commentée dans un mémoire que MM. Combattit et Debovc doivent publier dans le prochain numéro des Archives de physiologie.

modique permanent. Le tronc et la tête sont encore raides. La parole et la déglutition s'embarrassent; les différents symptômes de la paralysie bulbaire s'accentuent rapidement ; le malade succombe en janvier 1876, treize mois après les premiers symp-tômes de parésie.

Dans les deux observations qui précèdent, ainsi que dans toutes celles qui sont accompagnées de renseignements né-croscopiques, le diagnostic a été complètement confirmé. Mais, comme les cas de ce genre ne sont pas encore bien communs, il est assurément permis d'invoquer, à l'appui de la même thèse, les observations sans autopsie, où le tableau clinique est tellement ressemblant, que le diagnostic ne sau-rait hésiter un instant. Il en est ainsi, par exemple, des deux malades présentés par M. Charcot au début de sa leçon. Et voici encore, en abrégé, deux faits bien conformes au type, spécialement en ce qui concerne les accidents spasmodiques de la première période. L'observation III est le résumé d'un cas récemment publié par M. Nixon (1) ; quant à l'observa-tion IV, elle concerne une malade de la province qui a été perdue de vue par M. Charcot, mais dont l'affection était as-sez avancée déjà, pour que le doute fut impossible.

Observation III (Nixon).

Il s'agit d'un homme de 35 ans, charretier, qui, au mois de février 1878, fut pris d'une légère douleur dans le bras gauche, avec faiblesse et rigidité du même membre. Le mois suivant, le bras droit se prit à son tour, et le malade put, à partir de ce moment, constater l'amaigrissement de ses deux bras, qui étaient également animés de secousses musculaires fréquentes.

Au mois d'avril, survint la faiblesse des membres inférieurs. De temps en temps, la progression est gênée par la trépidation spinale. A mesure que la maladie s'accentue, les membres infé-

(1) Dublin Journal of medi science, 1879;

rieurs deviennent raides comme des bâtons, « they got like-stiks », et le malade cherche à les fléchir avec ses mains.

Dans le temps où les membres se raidissent, la physionomie se transforme ; la déglutition devient difficile, le malade remar-que qu'il ne peut plus cracher... et ainsi de suite. L'affection évolue, et voici, en quelques mots, sa situation au neu-vième mois. La lèvre inférieure est pendante ; l'expuition est impossible. La langue se meut encore, mais elle est petite,trem-blottante, froncée, atrophiée. L'articulation des mots est exces-sivement embarrassée. — Les membres supérieurs sont pro-fondément atrophiés, surtout au niveau des éminences thénar et hypothénar mais il n'y a plus de rigidité constatable. Pour ce qui est des membres inférieurs, ils ne sont nullement atrophiés et le malade peut marcher encore, mais il a la démarche spas-modique et éprouve de la trépidation spinale.

Observation IV (Charcot).

Mme Mont..., âgée de cinquante-quatre ans, sans profession, à Cambrai, a ressenti, pour la première fois, de la raideur et de la pesanteur dans la main droite au mois de novembre 1877. Au mois de mai 1878, c'est-à-dire après un intervalle de six mois, le bras gauche se prit de la même manière, et la faiblesse de la main droite- s'accusa de plus en plus. En septembre, commen-cèrent quelques engourdissements dans la jambe gauche, bientôt suivis d'une grande faiblesse. Le mois suivant, la jambe droite fut envahie à son tour. En même temps, l'articulation des mots devint pâteuse, la parole prit un caractère étrange, scandé, la voix commença à être nasillarde. En janvier 1879, les symptômes paralytiques s'exagèrent ; mais la malade a pourtant de la tré-pidation spinale, surtout en marchant. Elle vient consulter M, Charcot, à la Salpêtrière, en avril 1879. Faciès caractéristique ; rides transversales du front, contracture de la partie inférieure de la face, soulèvement des commissures. Paralysie légère des muscles labiaux (la malade dit qu'elle bave continuellement pendant la nuit; dans la journée même, elle est souvent obligée de s'essuyer la commissure droite). — Elle regarde de côté, ne tourne pas la tête à cause de, la raideur de son cou. — La parole

est monotone, on dirait que la malade récite tout ce qu'elle dit. Par moments, elle a des accès d'oppression. — Les mains pendent maigres, recroquevillées, impotentes ; la face palmaire est dirigée en avant. — La marche est pénible ; les genoux, sont serrés, et la trépidation est une cause de gêne incessante. Faux-pas à chaque instant. Exagération des réflexes tendineux. Après la percussion du tendon rotulien, la jambe devient raide, et il faut attendre quelque temps avant qu'on parvienne à la fléchir aisément. Diagnostic : Sclérose latérale amyotrophique au onzième mois. Cette malade a été perdue de vue.

11 est incontestable que les deux cas, dont l'histoire abré-gée vient d'être rapportée, sont, à part la durée de l'évolu-tion clinique, de tous points semblables à l'observation de la malade présentée par M. Charcot. On peut même dire qu'ar-rivée à une période aussi avancée, la maladie ne comporte aucune difficulté de diagnostic. Mais l'intérêt essentiel de ces deux faits, au point de vue où se place M. Charcot, consiste dans la multiplicité et la généralisation des symptômes spas-modiques qui s'imposaient à l'observation la plus superficielle. Us n'étaient, d'ailleurs, prononcés à ce point, que parce que l'atrophie musculaire n'avait pas marché vite. Quoi qu'il en soit, les malades des observations III et IV sont à coup sûr affectés de sclérose latérale amyotrophique, au même titre que les deux malades dont il a été question tout d'abord : et, bien que l'autopsie n'ait pas été faite encore, on est aussi cer-tain de l'existence de la lésion que si on l'avait actuellement sous les yeux. Or, comme ces quatre cas sont péremptoires au sujet des manifestations spasmodiques (contractures, etc.), il ne subsiste sur un total de 15 observations classiques, qu'un seul cas où il n'ait pas été fait mention de la contracture en propres termes, bien que l'exagération des réflexes tendineux ait été signalée ; aussi, ce cas unique lui-même n'est-il pas tout à fait en défaut. La conclusion tirée de la statistique est

donc loin d'infirmer le caractère spasmodique de l'affection.

Mais il existe, dit-on, des cas contradictoires ? On a cité des faits dans lesquels la contracture n'a pas été observée ? — Si l'on fait appel encore à la statistique, voici, en quelques mots, à quels résultats on arrive ;

1° Les cas prétendus contradictoires ne dépassent pas le chiffre de cinq ou tout au plus de six : et cela est déjà une in-fériorité par rapport aux observations de cas positifs qui sont au nombre de quinze ;

2° Dans l'un de ces cas contradictoires (Shaw, de Broklyn), la contracture, prétend-on, n'a pas été observée. Mais a-t-elle existé à un moment donné pour disparaître par la suite ? Et les réflexes tendineux ont-ils été étudiés ? Il n'en est pas question ;

3° Dans un autre des cas du même groupe (Pick), s'il n'y avait pas de contracture, la malade était sujette à des secousses involontaires. Or, les secousses involontaires, comme l'exa-gération des réflexes tendineux, sont des phénomènes analo-gues ou de la même origine, et qui confinent à la contracture. Quant aux réflexes, il n'en est pas plus question dans cette observation que dans la précédente.

4° Il ne reste donc, en fait de cas contradictoires, que les quatre ou cinq cas de M. Leyden lui-même. Or, pour ce qui est des réflexes tendineux, M. Leyden ne croit pas que, dans aucune de ses observations, l'absence des réflexes n'ait pas été signalée. A cet égard, cependant, l'observation II de son mémoire fait exception, car il est dit : « les réflexes tendineux du genou sont nettement conservés (1). » Quant

(1) Schnenfcflexeam Unie sind deutlichvorhanden (Arch. f. Pysc/i. 1878, VIII, Bd ; 3. Heft ; P. 675.)

à Ja contracture, elle n'existerait jamais ; tout au plus pour-rait-on admettre un certain état de rigidité déterminé par la position habituelle des membres, et cette rigidité serait sensible au genou, à l'épaule, au coude.

Outre que la rigidité articulaire pure et simple, dans le cas d'une paralysie flaccide, semble une chose bien invrai-semblable, n'est-il pas vraiment plus naturel d'envisager cette rigidité comme un faible degré de contracture, comme cet état caractéristique du muscle malade et cependant actif, et qui, en un mot, suffît à maintenir entre les surfaces arti-culaires une adhérence assez grande, pour faire naître la sensation de résistance particulière à la fleocibilitas cerea ? D'ailleurs, M. Leyden ne s'en est pas tenu là. 11 a énuméré d'autres signes de contracture, comme la flexion des doigts avec impossibilité de les étendre, et tremblement provo-qué (1). Il s'agit là d'un phénomène vulgaire dans l'état de contracture permanente, et relevé depuis longtemps dans la contracture des hémiplégiques. Dans le même genre, M. Leyden signale la trépidation à l'occasion des mouvements de progression, cette trépidation sur laquelle M. Charcot a tant insisté comme étant une cause de gêne considérable dans la marche. Or, chez un des malades de M. Leyden, non seulement la marche était rendue difficile, mais elle était pour ce motif même devenue impossible : « Le patient peut à peine se tenir debout, et il est obligé de se rasseoir immédiatement, parce que ses jambes commencent à trem-bler (2). »

Tels sont les cas dont M. Leyden s'est servi pour tenter de démontrer que la sclérose latérale amyotrophique n'affectait pas l'allure d'une maladie spasmodique. La conclusion qu'on

(1) « Die Finger können nicht gestreckt werden, und beim Versuch der Bewegung, tritt ein eigenthümliches leichlhes Zittern. » Loc, cid

(2) Loc. cit.

pouvait tirer déjà des observations précédentes s'impose dès lors avec plus de vigueur. Mais les cas de M. Leyden n'en sont pas pour cela moins précieux ; ils doivent même être consultes avec fruit, comme des exemples cliniques de para-lysie spasmodique, où l'ensemble des symptômes propres à la contracture peut être modifié, à un moment donné, par l'apparition de l'atrophie musculaire. L'intervention plus ou moins précoce de cet élément séméiologique nouveau, jette une certaine perturbation dans le consensus des phénomènes qui constituent par leur groupement, l'état de contracture. Mais, si l'un de ces phénomènes disparaît, un autre, tout à fait connexe, en quelque sorte homologue, pourra parfois subsister longtemps encore : c'est pour cela que les caractè-res de la contracture, qui assurément, sont très variés, demandaient à être recherchés minutieusement sous toutes leurs formes ; si, dans les observations de Pick etdeKahler, invoquées par M. Leyden, la contracture proprement dite n'a pas été observée, on eût été amené à découvrir le carac-tère spasmodique de l'affection, en analysant avec soin les caractères des réflexes tendineux dont il n'est fait aucune mention.

II. — La seconde objection de M. de Leyden peut être résumée de la façon suivante : dans la sclérose latérale amyotrophique, décrite par M. Charcot, il ne s'agit que d'une atrophie musculaire primaire progressive ; l'atrophie musculaire est le symptôme dominant ; et ce n'est pas à pro-prement parler, mie paralysie atrophique, en ce sens qu'il n'y a pas un stade antérieur de paralysie simple.

C'est là une assertion que M. Charcot relève et réfute par les observations de M. Leyden lui-même. En effet, à ne con-sidérer que les membres inférieurs, où l'atrophie est tardive eL par conséquent exceptionnelle (la mort, en général, sur-

venant auparavant), il est incontestable que, de prime-abord, ces membres paraissent frappés d'une paralysie toute simple. Tel est le cas du malade cité dans l'observation I du profes-seur de Berlin (1). « Aux membres inférieurs, les masses musculaires ne sont pas précisément atrophiées, mais flas-ques, et leur énergie est extraordinairement diminuée. » Il en est absolument de même dans l'observation II du même travail : « Les extrémités inférieures sont sensiblement affai-blies, sans atrophie remarquable » ; — et un peu plus loin : « les jambes ne sont pas atrophiées d'une façon frappante, mais les muscles sont flasques, et leur force très notable-ment amoindrie ; le malade peut à peine se tenir debout (2) ». M. Westphal a fait une remarque absolument identique ; il signale l'impuissance motrice très prononcée des membres inférieurs, avec conservation des réflexes tendineux : « Les membres inférieurs, dit-il, sont flasques : le malade ne peut marcher debout sans être aidé (3). » Donc, pour ce qui concerne les membres inférieurs, aucun doute n'est possible : l'atrophie est précédée d'une période plus ou moins longue de paralysie. Mais, aux membres supérieurs même, quand l'atrophie ne survient pas trop brusquement, cette paralysie peut se montrer comme un symptôme isolé de la maladie qui commence, et, sous ce rapport, les observations II, III et IV sont très concluantes.

III. — Quant à l'identité de nature de la paralysie labio-glosso-laryngée de Duchenne, avec les accidents bulbaires delà sclérose latérale amyotrophique, l'insinuation de M. Ley-den est démentie par des faits récents qu'il suffit d'énumérer. Sans compter les observations, déjà publiées, de MM. Charcot,

(1) Loc. cit., p. 670.

(2) Loc. cit., p. 675.

(3) Tome III, p. 338.

Joffroy et Duchenne, Eisenlohr, etc., M. Charcot signale les cas de MM. Sabourin et Pitres, Dejerine, Duval et Raymond, comme étant de ceux en présence desquels il n'est plus per-mis de confondre les deux maladies dans une seule et même description, par le côté anatomique tout, au moins.

IV. — Enfin, la dernière objection de M. Leyden est la suivante : anatomiquement, la lésion n'a rien de spécifique ; elle ne porte pas exclusivement sur les faisceaux latéraux (pyramidaux); les faisceaux antérieurs sont pris, et il faudrait que la lésion pût être suivie an-dessus du pont de Varole, pour qu'on fut en droit de conclure à la nature systématique de l'affection.

Pour ce qui est de la coexistence d'une altération du cor-don antérieur, M. Charcot fait remarquer tout d'abord que si on l'observe, c'est en quelque sorte fortuitement, qu'il est des cas, ainsi que l'a reconnu M. Flechsig, où elle fait défaut. En second lieu, cette altération est toujours d'une infime im-portance, relativement à la sclérose du cordon latéral (pyra-midal) ; il suffit, pour s'en convaincre, de jeter les yeux sur les figures très exactes, d'ailleurs, que M. Leyden a jointes à son mémoire (1). On peut ainsi s'assurer que la coloration morbide du cordon antérieur est très pâle, très diffuse, tandis que le cordon latéral est vivement teint par le carmin. Cela veut dire simplement que la dégénération, primitivement localisée au faisceau pyramidal, a déterminé dans son voisi-nage, par contiguïté et non par continuité, une réaction in-flammatoire relativement légère. D'ailleurs, cette propagation de l'altération systématique aux parties voisines, n'a pas même échappé aux anatomo-pathologistes français, qui ont adopté sans réserves l'opinion de M. Charcot.

(1) Loc. cit. Taf. Xlf, fig. 2, A. T.

(2) Dcbovc et Gombault. loc. cit., p. 762;

Dans un travail cité, précédemment, MM. Debove et Gom-bault l'ont signalée et décrite, mais sans lui attribuer, plus d'importance qu'elle n'en mérite : « Les racines intra-spinales ne sont pas saines, et il est probable que leur lésion a amené, à la partie antérieure des cornes de substance grise, cette altération légère du cordon antérieur, désignée dans l'obser-vation, sous le nom de zone de rayonnement. »

Si, d'autre part, on considère, non plus dans la moelle épinière, mais dans le bulbe, la grande distance qui sépare les pyramides antérieures des noyaux moteurs, on est bien obligé d'admettre que la sclérose du faisceau pyramidal a des rapports très étroits avec l'altération dégénérative de la substance grise.

Enfin, le desideratum qui manquait encore à la description anatomique de la sclérose amyotrophique, à savoir la prolon-gation pédonculo-cérébrale de la sclérose latérale, vient d'être rempli par MM. Pick et Kahler, dans l'observation dont la par-tie clinique a été résumée plus haut: « Dans la partie externe du tiers moyen de l'étage inférieur des pédoncules cérébraux, ces auteurs ont trouvé de nombreux corps granuleux. Ces points ont été reconnus sclérosés sur des coupes pratiquées, après durcissement dans l'acide chromique. Les sillons com-pris entre les circonvolutions frontales et occipitales étaient grêles et durs, et les sillons précentral et central très larges et très profonds. • Des corps granuleux existaient aussi dans le pied du pédoncule,chez une femme autopsiée par M. Charcot(Pick).

On le voit, tout concourt à confirmer l'autonomie clinique et anatomo-pathologique de la sclérose latérale amyotrophi-que ; et, à mesure que le nombre des faits grossira, l'unité nosographique de cette affection ressortira avec plus d'évi-dence (1). Il en sera donc de la sclérose latérale amyotrophi-

(i) Quelques faits nouveaux, depuis que ces lignes ont été rédigées, sont venus augmenter la série des cas authentiques de sclérose latérale amyotro-

que, comme il en a été delà sclérose en plaques ou de l'ataxie locomotrice. Voilà, certainement, deux maladies spinales dont l'autonomie n'est contestée par personne : et, cependant, les formes anormales, les formes frustes diffèrent singulière-ment du type décrit par Duchenne. Bien plus, on pourrait dire que ce sont ces formes mêmes qui, une fois ramenées à l'interprétation véritable, ont le plus contribué à la conception synthétique de l'ataxie et de la sclérose multiloculaire. Mais, cette synthèse ne serait peut-être pas réalisée encore pour l'ataxie locomotrice elle-même, si Duchenne n'avait eu le mérite de préciser les caractères d'un type, d'un étalon, auquel pussent être comparées les nombreuses variétés de l'espèce. L'his-toire delà sclérose latérale amyotrophique, à l'heure actuelle, en est donc au même point que l'ataxie locomotrice progres-sive à l'époque de Duchenne (de Boulogne). 11 fallait d'abord en réaliser le type fondamental ; tel a été l'objet que c'est pro-posé M. Charcot dans ses travaux antérieurs, et dans les con-férences que nous venons d'analyser.

phique ; et, si nous ne craignions les répétitions, nous les résumerions ici, comme nous avons fait pour les observations de Nixon, Rigal, Pick et Kahler. Voy. entres autres, l'observation très complète d'Adamkiewcz, analysée dans le Progrès médical, 1880. (Separatabdruck' aus den Gbarité Annaleïn. V. Jahrgg.)

Note additionnelle à la dixième leçon (page 114) sur l'hémianesthésie cérébrale et l'amblyopie croisée

Dans une leçon toute récente (mai 1887), M. Charcot, re-venant sur les conditions anatomo-pathologiques et cliniques de l'hémianesthésie sensitivo-sensorielle produite par une lé-sion organique intra-hémisphérique, faisait remarquer que l'obnubilation visuelle peut se manifester sous la forme d'une véritable amblyopie croisée. A l'appui de cette proposition, voici une observation clinique assez démonstrative pour se passer de commentaires.

Observation. Edouard M..., mécanicien, âgé cl e 40 ans, entre à la Salpêtrière le 20 avril 1887, pour une hémiplégie gauche. Son père et sa mère sont bien portants. Il a un frère sujet aux migraines. Il a eu une sœur qui a succombé à l'âge de quarante ans à une maladie du cœur. Lui-même a éprouvé des migraines depuis fort longtemps et toujours du côté gauche. En 1868, étant au service militaire, il a eu une première attaque de rhumatisme articulaire aigu avec complication cardiaque. Au mois de décem-bre 1885 survenait une seconde attaque, également compliquée d'endocardite et nécessitant l'application de vésicatoires sur la région précordiale. Cette maladie dura six semaines.

Au mois de février 1886, trois semaines après avoir quitté l'hô-pital, il était pris subitement à minuit, en montant dans son lit d'une perte de connaissance qui durait deux heures. Le lende-main on le transportait à l'hôpital Necker dans le service de M. Rigai qui diagnostiquait une hémiplégie gauche avec hémianes-thésie sensitivo-sensorielle complète. Une difficulté de parole com*

pliquée de déviation de la bouche à droite persista pendant une quinzaine de jours: la langue était tirée vers la gauche.

Le malade fut alors admis dans le service de clinique de la Salpêtrière où Ton constata les symptômes suivants: insuffisance aortique, hémiplégie gauche, plus prononcée au membre supé-rieur; exagération des réflexes tendineux du côté malade; refroi-dissement du même côté; contracture de la main (les doigts fermés) ; mouvements associés ; commissure buccale droite rele-vée; langue tirée à gauche (pendant longtemps les alimentss'ac-cumulaient à gauche) ; diminution de la sensibilité générale et spéciale (le malade ne sent pas le froid, il est insensible aux pin-cements) ; perte partielle du sens musculaire (il sait, les yeux étant fermés, où l'on met sa main paralysée et il va à sa recherche, mais il ne sait pas qu'on soulève ou qu'on écarte les doigts ; les mouvements forcés desjointuressont douloureux; diminution de V'on%e, de l'odorat, du goût à gauche; diminution de Vacuité vi-suelle à gauche, et rétrécissement concentrique du champ visuel de ce fôté seulement ; diminution de la sensibilité de la conjonctive ; per-sistance de la sensibilité cornéenne (rien au fond de Vœil). En dehors de cette hémianesthésie, il n'existe absolument aucun phénomène pouvant être rapporté à l'hystérie.

A la suite de l'application d'un aimant, l'état du malade pré-senta les modifications suivantes (7 mai) :

Le pincement et la piqûre du bras gauche sont sentis jusqu'à l'interligne articulaire radio-carpien, mais la main gauche est encore complètement anesthésiée. La sensibilité gustative est toujours abolie sur tout le côté gauche de la langue. L'olfaction est en partie récupérée. L'odeur de l'ammoniaque est perçue, mais non pas celle de la benzine ni celle de l'eau de Cologne. Le rétrécissement du champ visuel a disparu.

Un nouvel examen pratiqué le 12 mai permit de constater le retour de la sensibilité de la main gauche (la différence avec l'au-tre côté est désormais à peine appréciable). Il n'y a plus d'anes-thésie pour le froid et la chaleur ; l'odorat est complètement revenu; seule la fonction gustative est encore légèrement émous-sée,enfin, il n'existe plus trace du rétrécissement du champ visuel.

Celte observation tend à démontrer entre autres que toutes les hémianesthésies qui peuvent être modifiées par l'aimant ne sont pas nécessairement, pour cela, de nature hystérique.

Charcot, CEuvrcs complètes, t. iv. Localisations. 27

TABLE DES MATIÈRES

PREMIÈRE PARTIE Localisations cérébrales

PREMIÈRE LEÇON.

De la localisation dans les maladies cérébrales.

Sommaire. — Préambule. — Aridité apparente de l'étude des localisations cé-rébrales. — Principes de ces localisations.

De l'encéphale au point de vue morphologique. — Nécessité d'une nomencla-ture exacte. — Topographie des circonvolutions.

Importance de l'anatomie comparée. — Circonvolutions du cerveau du singe, lobes frontal, pariétal et sphenoidal. — Centres psycho-moteurs. — Diffé-rences dans la composition de l'écot'ce grise des diverses régions de l'encé-• phale............................................................... 1

DEUXIÈME LEÇON.

Structure de l'écorce crise du cerveau.

Sommaire. — Caractères généraux de la structure de l'écorce grise du cerveau.

1° Cellules ganglionnaires ou nerveuses ; — cellules pyramidales.

Notions sur les cellules nerveuses des cornes antérieures de la substance grise de la moelle épimère (cellules motrices). — Dimensions, forme, corps, noyau, nucléole, protoplasma, fibrilles et granulations ; — réseau nerveux; — prolongements du protoplasma: prolongement nerveux.

Comparaison des eellules nerveuses motrices de la moelle avec les cellules pyramidales.

Cellules pyramidales : dimensions ; - cellules de la petite espèce; — cellules de la grosse espèce ou cellules géantes. — Constitution de ces cellules : configuration, corps, noyau, nucléole; — prolongements cellulaires; pro-longement pyramidal ; -= prolongements rappelant ceux du protoplasma ; prolongement basah

2° et 3° Eléments cellulaires globuleux; cellules allongées.

4° et 5° Tubes médullaires; — névroglie.

Rapports de ces éléments entre eux; — type à cinq couches.

importance de l'examen de la structure de la substance grise corticale par circonvolution. — Division au point de vue de la structure de l'écorcc grise en deux régions. Travaux de Betz.................................... 1e.»

TROISIÈME LEÇON.

Consideration sur la structure normale de l'ecorce grise des circonvolutions (suite).

Sommaire. — Description d'une coupe de l'ecorce grise du cervelet. — Type de stratification en cinq couches des éléments cellulaires nerveux. — Régions où existe ce type de stratification. — Département des cellules pyramidales ou cellules gigantesques. — Relation entre ces cellules et les centres psycho-moteurs.

Description de la l'ace interne des hémisphères cérébraux. — Lobule para-central. — Circonvolutions ascendantes. — Faits cliniques et expérimentaux relatifs au développement des cellules pyramidales géantes.

Structure de l'ecorce grise des régions postérieures de l'encéphale........ o'I

QUATRIÈME LEÇON. Parallèle entre les lésions spinales et les lésions cérébrales.

Sommaire. — Conditions indispensables pour l'étude des localisations céré-brales dans les maladies chez l'homme. — Nécessité d'une bonne observa-tion clinique et d'une autopsie régulière.

Histoire naturelle des lésions encéphaliques.

Parallèle entre les grands compartiments de l'axe cérébro-spinal. — Systéma-tisation des lésions delà moelle épinière.— Localisations spinales. — Le cer-veau est placé sous un autre régime pathologique que les autres parties du névraxe : rareté des localisations. —Différences des lésions.— Fréquence des lésions vasculaires dans les maladies du cerveau. — Nécessité de l'étude de la distribution des vaisseaux. — Aperçu extérieur des artères cérébrales. M

CINQUIÈME ET SIXIÈME LEÇONS,

Circulation artérielle du cerveau.

Sommaire. — Travaux de M. Durel et de M. Heubner. — Artères principales du cerveau. — Système des artères corticales; — vaisseaux nourriciers. — Système des artères centrales ou des ganglions centraux.

Artère sylvienne: ses branches : artères des noyaux gris centraux; — bran-ches corticales, ramifications et arborisations ; — artères nourricières de la pulpe encéphalique : elles sont longues (artères médullaires) ou courtes (ar-tères corticales).

Effets de l'oblitération de ces diverses artères. — Ramollissements superfi-ciels, plaques jaunes. — Communication entre les territoires vasculaires . opinion dcHeubner; opinion de Duret. —Artères terminales (Gohnheim).

Autonomie relative des territoires vasculaires du cerveau. — Localisation des lésions de l'écorce.

Branches de la sylvienne : frontale externe et inférieure ; — artère de la circonvolution frontale ascendante ; — artère de la circonvolution pariétale ascendante ; — artère du pli courbe ; — artères cérébrale antérieure et cé-rébrale postérieure : leurs branches.................................. 5~

SEPTIÈME LEÇON.

Circulation des masses centrales (noyaux gris et capsule interne).

Sommaire. — Circulation artérielle des noyaux gris centraux. — Hémorrhagie intra-encéphalique. — Différences analomo-pathologiques entre les parties périphériques et les parties centrales du cerveau. — Rareté relative de l'hé-morrhagie cérébrale dans les parties périphériques; sa fréquence dans les parties centrales.

Origine des artères du système central. —Artères terminales ; leurs carac-tères.— Indépendance des systèmes artériels cortical et central. — Analogies entre les artères de la protubérance, du bulbe et des ganglions centraux. — Leur mode d'origine explique la prédominance dans ces parties des ruptures artérielles. —Les branches qui composent ce système naissent des cérébrales antérieure et postérieure et de la sylvienne.

Disposition des noyaux gris : leur forme et leurs rapports. — Considérations sur la capsule interne : ses parties constituantes (faisceaux pédonculaires di-rects; faisceaux pédonculaires indirects ; faisceaux rayonnants).......... 78

HUITIÈME ET NEUVIÈME LEÇONS.

Artères centrales. — Lésions isolées des noyaux gris.

Sommaire. — Origine du système artériel des masses'ganglionnaires centrales. — Participation, dans des proportions variables, des grandes artères du cer-veau, à la constitution de ce système. — Description des artères striées artères striées internes ; — artères striées externes ; (lenticulo-striées : — len-ticulo-optiques). — Artères terminales.

Conséquences de l'oblitération des artères centrales émanant de la syl-vienne.— Ramollissement des corps opto-striés, —Hémorrhagie intra-encé-phalique. — Diagnostic régional.

Lésions isolées des noyaux gris, sans participation de la capsule interne. — Hémiplégies cérébrales centrales et corticales. — Lésions de la capsule in-terne. — Variété des symptômes suivant le siège qu'occupe la lésion dans la capsule interne.

Nouvelles considérations anatomiques : Fibres pédonculaires directes se rendant à la substance corticale du lobe occipital; — leur rôle relativement à la sensibilité. — Preuves fournies : 1° par les lésions de la région posté-rieure lenticulo-optique de la capsule interne (hémianesthésie cérébrale) ; — 2° par l'expérimentation.............................................. 92

DIXIÈME LEÇON.

De l'hémianesthésie cérébrale. — L)e l'amblyopiè croisée. — De l'hémiopie latérale.

Sommaire. — Résumé des caractères de l'hémianesthésie cérébrale.— Ses ressemblances avec l'hémianesthésie des hystériques. — L'anesthésie inté-resse la sensibilité générale dans ses diverses modes et les sens spéciaux.

De l'amblyopiè hystérique. — Examen ophthalmoscopique. — Exploration fonctionnelle: Diminution de l'acuité visuelle : — Rétrécisssment concentri-que et général du champ visuel, etc.

De l'amblyopiè croisée avec hémianesthésie de cause cérébrale : Mêmes symp-tômes."

Les lésions des hémisphères cérébraux qui produisent l'hémianesthésie déter-minent également l'amblyopiè croisée et non l'hémiopie latérale.

De l'hémiopie. — Hypothèse de la semi-décussation. — Hémiopie homologue unilatérale. — Variétés de l'hémiopie............................... 118

ONZIÈME LEÇON.

f

Origine des parties cérébrales des nerfs optiques.

Sommaire. — Rapports entre l'amblyopiè croisée et l'hémianesthésie sensitiva

résultant d'une lésion de la capsule interne. Origine cérébrale des nerfs optiques.

Couronne rayonnante de Reil. — Faisceaux rayonnants cortico-opliques : Fibres antérieures (racine antérieure de la couche optique) ; — Fibres moyennes (expansions latérales) ; —Fibres postérieures (expansions cérébrales des nerfs optiques). - Rapports anatomiques entre les expansions cérébrales des nerfs optiques et les fibres centripètes de la couronne rayonnante (hémianesthésie sensitive).

Bandelettes optiques. —Origine de la racine externe (couche optique, corps ge-nouillés externes, tubercules quadrijumeaux antérieurs). — Origines de la ra-cine interne (corps genouillésinternes, tubercules quadrijumeaux postérieurs)

Connexion entre les amas de substance grise et l'écorce grise de l'encéphale :

faisceaux rayonnants corlico-optiques. Effets des lésions des tubercules quadrijumeaúx antérieurs. Faits d'hémiopie latérale supposés d'origine intra-cérébrale............. 133

DOUZIÈME LEÇON.

¦

Des degenerations secondaires.

Sommaire. — Région antérieure ou lenticule—striée des masses centrales (cap-sule interne dans ses deux tiers antérieurs, noyau caudéet noyau lenticulaire)-

— Influence des lésions de ces régions sur la production de l'hémiplégie motrice. — Faits expérimentaux. — Concordance entre eux et les faits de la pathologie humaine. •— Différence entre les lésions du noyau caudé et celles de la partie antérieure delà capsule interne.

Des degenerations secondaires ou scléroses descendantes. — Lésions qui les produisent; importance du siège et de l'étendue de ces lésions.

Caractères des scléroses descendantes : étendue ; — aspects de la lésion sur le pédoncule cérébral, la protubérance, la pyramide antérieure et le faisceau latéral de la moelle.

Analogies et différences entre les scléroses latérales consécutives de cause cérébrale et les scléroses fasciculées primitives des faisceaux latéraux. — Symptômes liés aux scléroses secondaires : impuissance motrice, contrac-ture permanente. — Atrophie musculaire produite par l'extension de la sclé-rose latérale aux cornes de substance grise.

Sclérose descendante consécutive à une lésion du système cortical. — Dé-monstration des fibres pédonculaires directes : faits anatomo-pathologiques.

— Le siège des lésions corticales qui produisent des dégénérations secon-daires répond au siège des centres dits psycho-moteurs.............. 150

DEUXIÈME PARTIE Localisations spinales

PREMIÈRE LEÇON.

Introduction. — Topographie de la moelle tïpinière. — Affections

systématiques.

Sommaire. — Introduction. — Progrès de l'anatomie pathologique du système nerveux. — Beaucoup de maladies nerveuses sont cependant inaccessibles à l'anatomie pathologique.

Historique rapide de l'ataxie locomotrice et de la sclérose en plaques long-temps considérées comme des névroses. — L'étude des lésions, avec le con-cours de l'expérimentation, peut fournir les bases d'une interprétation phy-siologique des phénomènes morbides.

Constitution de la moelle épinière. — Lésions systématiques. — Faisceau pyramidal (faisceau direct et faisceau croisé). — Faisceaux de Goll et de Burdach. —Cette décomposition des diverses parties de la moelle s'annonce dès la période de développement de l'organe. — Recherches de Pierrot, de Flechsig.

Affections élémentaires. — Localisations bulbaires et médullaires____ 177

DEUXIÈME LEÇON.

Du faisceau pyramidal. — développement de ce faisceau. |

Sommaire. —Affections systématiques de la moelle épinière. — Elles répondent à une topographie anatomique normale, mise en relief par l'anatomie patholo-gique, la clinique et l'anatomie de développement.

Recherches de Parrot, de Schlossberger, de Weisbach. — Chez l'en-fant nouveau-né, le cerveau n'est pas complètement achevé. — Prédomi-nance des actes réflexes. — Observations de Soltmann et Tarchanoff sur les cerveaux des animaux nouveau-nés doués de mouvements volontaires. — Chez l'homme, à la naissance le cerveau est un organe à peu près indifférent.

Faisceaux pyramidaux croisés. — Faisceaux pyramidaux directs (cordons de Tûrck). —Leur trajet dans les diverses régions de la moelle épinière. — Leur trajet dans le bulbe. — Entrecroisement des pyramides. — Différents types de décussation. — Importance de la connaissance de ces types au point de vue de l'interprétation des faits pathologiques................ 191

TROISIÈME LEÇON,

Du faisceau pyramidal dans les pédoncules cérébraux, la capsule interne et le centre ovale.

Sommaire. — Trajet du faisceau pyramidal au-dessus de la région bulbaire.

— Trajet dans la protubérance. — Trajet pédonculaire. — Etendue du fais-ceau pyramidal dans l'étage inférieur: opinion de M. Flechsig.—Développe-ment relativement précoce du faisceau pyramidal dans le pédoncule.

Division de la capsule interne en trois régions sur les coupes horizontales#

— Segment antérieur, segment postérieur, genou de la capsule. — Localisa-tion du faisceau pyramidal dans le segment postérieur de la capsule interne.

Du faisceau pyramidal dans le centre ovale. — Observations chromologi-ques de Parrot. —Formation de l'anse rolandique. — De toutes les régions du manteau de l'hémisphère, ce sont les régions dites motrices qui se dévelop-pent les premières............,........,.......,...........,........ 203

QUATRIÈME LEÇON.

Degenerations secondaires. — Dégénération du faisceau pyramidal dans le pédoncule, la protubérance, le bulbe, la moelle épi-nière. — degeneration exceptionnelle du faisceau interne du pédoncule. —. Division de l'étage inférieur du pédoncule en trois

régions.

Sommaire. — Introduction à l'étude des dégénérations secondaires. — Dégé-nérations de cause cérébrale ; elles sont descendantes. — Dégénérations de cause spinale ; elles sont tantôt descendantes, tantôt ascendantes. — Dégé-nérations de cause périphérique.

Conditions de la dégénération descendante de cause cérébrale. — Une ques-tion de localisations domine la situation. — La nature de la lésion importe peu, pourvu que cette lésion soit destructive.— Lésion consécutive du pédon-cule ; elle divise l'étage inférieur en trois régions. — Dégénération dans la protubérance, dans le bulbe, dans la moelle épinière.

Localisation de la lésion degenerative dans la région opto-striée. — Etudes de M. Flechsig. — Le faisceau pyramidal proprement dit n'est pas seul ca-pable de dégénération descendante. — Dans la capsule interne, il occupe au moins les deux tiers antérieurs du segment postérieur. — Le faisceau pos-térieur (fibres sensitives de Meynert) ne dégénère jamais.............. 216

CINQUIÈME LEÇON.

dégénérations secondaires (suite). — délimitation du faisceau pyramidal dans lè manteau de l'hémisphère.

Sommaire. -- Dans l'étude des dégénérations secondaires de cause cérébrale, le siège du foyer cérébral est le point capital. — Importance de la connaissance des plis du cerveau. — Circonvolutions motrices. - Vicq d'Azyr (1785). Rolando (1829). Lèuret (1839).

Etude histologique des circonvolutions. — Cellules géantes de Betz et Miere zejewsky. — Description antérieure de Luys.

Analyse histologique et anatomique comparée des circonvolutions. — Hitzig, Ferrier, Betz, Bevan Lewees.

Vue schématique du faisceau pyramidal dans l'hémisphère cérébral. — Région rolandique du manteau. — Lésions en foyer de cette région ; elles-donnent lieu à des dégénérations secondaires, tant à la suite de l'altération des fibres du centre ovale qu'à l'occasion des destructions corticales....... 231

SIXIÈME LEÇON.

Dégénérations secondaires de cause cérébrale {fin}. — Amyotrophies consécutives.

Sommaire. — Les lésions dégenératives du faisceau pyramidal permettent d'é-tablir nettement les rapports anatomiques de ce faisceau. — La terminaison des fibres de ce faisceau dans la moelle épinière donne matière à plusieurs hypothèses. -- L'aboutissant delà fibre pyramidale est la cellule antérieure.

— Généralement celte cellule arrête le travail do dégénération descendante.

— Quelquefois elle est envahie elle-même. — Troubles trophiques qui sont la conséquence de la dégénération propagée aux cornes antérieures.

Il existe donc antre chose que des rapports de contiguïté entre le faisceau pyramidal et la substance grise delà moelle épinière. — Atrophie musculaire des hémiplégiques. — Observations de MM. Gharcot, Vulpian, Hallopeau, Leyden, Pitres, Brissaud.

La propagation se fait-elle par le tissu conjonctif ou par les fibres nerveuses elles-mêmes ?.............'........................................ 241

SEPTIÈME LEÇON

Dégénérations secondaires de cause spinale. — Dégénérations ascendantes du faisceau cérébelleux et descendantes du faisceau pyramidal.

Sommaire. — Degenerations secondaires de cause spinale. — Leur fréquence. — Le cas vulgaire par excellence est celui do la compression de la moelle dans le mal de Pott. — Pachyméningite caséo-tuberculeusc. — Lésion trans-verse totale. -- Il faut que cette lésion soit destructive pour qu'il s'ensuive une degeneration.

Division des degenerations consécutives à la lésion transverse totale. — Dégénérations descendantes. — Dégénérations ascendantes. — Celles-ci portent sur les faisceaux latéraux et sur les faisceaux postérieurs. — Faisceaux céré-belleux de Flechsig.

Dégénérations dans le cas de lésion transverse partielle. — Elles n'ont lieu que quand la lésion destructive porte sur les faisceaux blancs. —Cas de l'hémiparaplégie spinale avec anesthésie croisée.

Lésion unilatérale de la moelle épinière déterminant, à la longue, une al-tération degenerative des deux cordons latéraux.— Ce l'ail constitue une ex-ception des plus rares. — Observations de Millier. — Déductions anatomiques qu'il est permis de tirer de celte observation. — Double entrecroisement de certaines fibres du faisceau pyramidal................................ 250

HUITIÈME LEÇON.

Dégénérations ascendantes de cause spinale. — Faisceaux de Goll et faisceau de Burdach. — Degenerations spinales de cause péri-phérique.

Sommaire. — Degeneration secondaire des cordons postérieurs. — Ces cordons sont décomposables, chacun en deux systèmes anatomiques distincts. —L'au-tonomie de ces deux systèmes repose sur des considérations relatives au développement, à l'analomie de structure et à l'anatomie pathologique. Développement des cordons postérieurs. — Travaux de Pierret, de Kolliker

— Apparition indépendante des faisceaux de Goll et du faisceau de Burdach.

— Division ultérieure des deux appareils parles sillons postérieurs intermé-diaires de Sappey.

Structure des faisceaux de Goll. — Noyaux de ces faisceaux sur le plan-cher du quatrième ventricule. — Structure des faisceaux de Burdach.

Lésions systématiques isolées, soit dans le faisceau de Goll, soit dans le faisceau de Burdach. — Les lésions du faisceau de Goll ne donnent pas lieu aux symptômes de l'ataxie locomotrice. — Compression de la moelle épi-nière produisant la dégénération totale du faisceau de Goll et la dégénération partielle du faisceau de Burdach.

Dégénérations de cause périphérique. — Il n'en existe encore que trois ou quatre observations. —Théorie probable de ces dégénérations........ 260

NEUVIÈME LEÇON.

Des dégénérations secondaires spinales ou générales au point de vue des lois de waller. — Expériences de schiefferdecker, franck et pitres.

Sommaire. — La raison des dégénérations secondaires spinales est du même ordre que celle des altérations wallériennes. — Lois de Waller.

Dégénérations descendantes et . ascendantes . — Les faisceaux qui dégé-nèrent par en bas sont comparables aux nerfs centrifuges des racines anté-rieures. — Les faisceaux qui dégénèrent par en haut sont assimilables aux racines postérieures.

Expériences de Westphal, Vulpian, Schiefferdecker. — Epoque du début des dégénérations. — Les dégénérations expérimentales ressemblent de tous points aux dégénérations pathologiques chez l'homme. — Le faisceau pyra-midal n'est pas compact chez le chien. —Diffusion des fibres dégénérées dans le cordon antéro-latéral.

Expériences de Franck et Pitres. — Degeneration dans la capsule interne à la suite de l'ablation du gyrus sigmoïde.

Exception spéciale à la sclérose en plaques. — Desideratum histolo-gique............................................................. 270

DIXIÈME LEÇON.

Détermination du trajet des faisceaux blancs de la moelle épinière par l'étude dés dégénérations secondaires. — analyse expérimen-tale des fonctions des faisceaux pyramidaux.

Sommaire. —Tous les faisceaux blancs de la moelle sont capables de dégé-nération systématique. — Faisceaux à fibres longues. — Faisceaux à fibres courtes. — Schéma.

Cordons postérieurs. — Faisceaux intrinsèques. — Faisceaux de Burdach et faisceaux du Goll. — Faisceaux extrinsèques. — Faisceau cérébelleux direct.

Cordons antéro-latéraux. — Faisceaux intrinsèques. — Faisceaux extrin-sèques. — Faisceau pyramidal.

Résultats fournis par l'expérimentation. — Les faisceaux antéro-latéraux sont-ils excitables? L'excitabilité du faisceau pyramidal est manifeste chez l'homme dans tout le trajet cérébro-spinal de ce faisceau. — Expériences de Vulpian, Schiff. — Hémisections spinales. — Vivisections de Woros-chiloff. — Influence du faisceau pyramidal sur l'activité réflexe de la moelle épinière. — Les faisceaux pyramidaux sont les conducteurs des incitations volontaires......................................................... 280

ONZIÈME LEÇON. séméiologie générale des générations secondaires du faisceau

pyramidal.

Sommaire. — Description de la maladie spinale secondaire. — Attitude du malade au lendemain de l'attaque apoplectique. — Pronostic à formuler dès le début. — Ce pronostic est basé sur le diagnostic anatomique du siège de la lésion.

Détermination exacte du territoire vasculaire aux dépens duquel s'est pro-duite l'hémorrhagie cérébrale. — Le foyer est circonscrit où il a des chances de s'agrandir. —L'intégrité du faisceau pyramidal esta la condition sine qua non de la guérison.

Symptômes précurseurs de la contracture secondaire. — Epilepsie spinale, clonus du pied. — Statistique. — Propagation de l'épilepsie spinale au côté sain. — Phénomène de la main. — Réflexes tendineux................ 294

DOUZIÈME LEÇON.

DE la contracture tardive des hémiplégiques et de ses variétés

cliniques.

Sommaire. — Influences diverses qui exagèrent la contracture ou même la pro-voquent prématurément, — Strychnine, faradisation. traumatisme. — Con-

tracture traumatique (observation). — Analogie des contractures hémiplégi-ques par traumatisme et dos contractures hystériques.

A quelle époque survient la contracture secondaire des hémiplégiques. — Attitude des membres. — La contracture affecte tous les groupes antagonis-tes. — Attitudes vicieuses.

Contractures paralytiques, par adaptation, myopathiques. — La contracture des hémiplégiques n'est pas une rigidité passive. — Expériences de Gaillard (de Poitiers).

Tonicité musculaire normale. — Théorie d'Onimus. —Expériences con-firmatives de Boudet de Paris et Brissaud. — Le tonus musculaire est une action réflexe permanente.

Types et variétés des attitudes des membres contractures. — Contracture de la face. — Terminaisons diverses de la contracture hémiplégique... 306

TREIZIÈME LEÇON.

De la contracture tardive des hémiplégiques et de ses variétés

cliniques.

Sommaire. — Influences diverses qui exagèrent la contracture. — Strychnine. — Traumatisme.

La contracture est toujours imminente chez les hystériques) — Elle se pro-duit dans les mômes circonstances.

Epoque de son apparition chez les hémiplégiques. — Elle vient par grada— tions. — Elle détermine des attitudes et des déformations des membres qui sont toujours les mêmes. — Interprétation de ces attitudes. — Théorie de l'action des antagonistes. — Expériences de Gaillard (de Poitiers). — Tonus musculaire........*............................................... 320

QUATORZIÈME LEÇON.

Hémiplégie spasmodique de l'enfance. -- Mouvements associés. --Indépendance des arcs diastaltiques pour les réflexes tendineux et cutanés.

Sommaire. — L'hémiplégie spasmodique de l'enfance a les même* caractères que l'hémiplégie des apoplectiques. —Causes anatomiques de cette hémiplé-gie. — Atrophie des membres, du thorax, du bassin.

Intermittences de la contracture hémiplégique. — Influence des mouve-ments volontaires sur l'intensité de la contracture. — Syncinésies. — Rôle des mouvements associés dans les variations de la contracture. — Pronostic de la contracture.

Raison physiologique de ce phénomène. -- A la suite de la lésion cérébrale, il faut distinguer deux périodes dans le développement de la lésion spi-

nalc secondaire. — L'exaltation des réilexes ne résulte pas seulement des la suppression de l'influence modératrice cérébrale. La lésion des cornes antérieures dans l'hémiplégie permanente est une lésion irritutive. — Elle agit comme la strychnine. — Exagération du tonus musculaire. — Indépendance des arcs diastaltiqucs réflexes. ¦— Ataxie loco_ motrice ; hystérie avec hémianesthésie : hémiplégie de cause encéphalique.— L'hypothèse de la lésion irritative dynamique explique mieux que les autres théories les symptômes spasmodiques de la sclérose descendante.... 335

QUINZIÈME LEÇON.

RÔLE physiologique du faisceau pyramidal dans la contracture per-manente ; hémiplégie, myélite par compression, tabès dorsal spas-modique.

Sommaire. — Relations des extrémités périphériques du faisceau pyramidal avec les cellules des cornes antérieures. — Lésions de ces cellules. — Elles sont de nature irritative. -- Phénomènes cliniques : actes réflexes. — Théo-ries relatives à la pathogenic de la contracture.

Théorie de l'encéphalite. — Théorie de l'irritation des tubes nerveux mélan-gés à ceux du faisceau pyramidal.

La cause immédiate de la contracture est dans la substance grise elle-même. — Preuves fournies par la pathologie spinale proprement dite. — Myélites transverses. —Paraplégie spasmodique. — Tabès dorsal spasmodique. 348

SEIZIÈME LEÇON.

Myélites transverses et tabès dorsal spasmodique.

Sqmmaire. —Myélites trans verses et hémisections de la moelle épinière. — Paralysie des deux membres inférieurs dans le cas de lésion spinale unila-térale. — Hypothèse anatomique qui donne la clef de ce phénomène. — Opinions de Kolliker, Gerlach, Krause, Schiff, Vulpian. Schiefferdecker.

Contracture permanente et démarche spasmodique dans la myélite trans-verse. — Description d'Ollivier (d'Angers). — Cette description s'applique à la paraplégie tétanoïde de Séguin (démarche spasmodique d'Erb).

Formes lentes de la myélite transverse.

Tabès dorsal spasmodique. —Théorie de Erb. Localisation spinale. — L'a-natomie pathologique n'a encore fourni aucune preuve. — Diagnostic avec la sclérose en plaques.

Tabes dorsal chez l'adulte et chez reniant. — Paralysie spasmodique infan-tile. — Etiologie, pathogenic, autonomie nosographique du tabès dorsal.—¦ Opinions et observations contradictoires.. ¡.. i....................... 360

DIX-SEPTIÈME LEÇON.

Des amyotrophies et des localisations dans la substance grisé de la moelle épin1èré.

Sommaire. — Lésions systématiques de la moelle épinière. — L'étude de ces lésions doit precèdei' celle des lésions non systématisées. —Rôle physio-logique de la substance grise. — Transmission des impressions sensitives et des impulsions motrices.

Les lésions systématiques de la substance grise paraissent cantonnées dans la région des cornes antérieures. — Elles sont presque toutes de nature irritative, ou inflammatoire. — Poliomyélites antérieures systématiques. — Elles sont aiguës, subaigues ou chroniques. — Caractères fondamentaux de ces affections. — Troubles de la motililé. — Troubles trophiques. — Inté grité des fonctions de la vessie et du rectum.— Abolition des réflexes.

Délimitation du groupe des poliomyélites systématiques. — Amyotrophies protopathiques et deutéropathiques.

Formes aiguës : paralysie spinale infantile, paralysie spinale de l'adulte. — Forme, subaiguë : paralysie générale spinale antérieure subaiguë de Dn ehenne (de Boulogne;. — Forme chronique : atrophie musculaire pro-gressive de Duchenne et Aran.

Poliomyélites non systématisées. — Myélites centrales, sclérose épendymaire, sclérose en plaques, sclérose latérale amyolrophique.

Du système neuro-musculaire en général............................... 376

I. — Sclérose latérale amyotrophique. -- Autonomie et caractère spasmodique de cette affection................................................... 391

II. — Note additionnelle sur rhémianesthésie cérébrale ou l'amblyopie croisée............................................................ 415

APPENDICE.

TABLE ANALYTIQUE

A

Affections Elémentaires, 47, 189, 191.

Amblyopie chez les hystériques, 121,

— chez les hémiplégiques, 123. — Rapports entre 1' — croisée et l'hé-mianesthésie sensitive résultant d'une lésion de la capsule interne, 131, 415.

Amyotrophies spinales, 381 ; — protopathiques,deutéropathiques,ai-guës et chroniques, 382 ; — pro-gressive protopathique, 383. — (V. Atrophie musculaire progres-sive); — deutéropathique, 389.

Anévrysmes mtliaires, 49, — leur impomato dans la pathogénie de l'hémorrhagie cérébrale, 99, 300.

Anse rolandique, 213.

Antagonistes (Contractures des —), 325.

Aphasie, 9; — dans la migraine, 149.

Apoplexie, 79, 296. — Pronostic de 1' —, 297. (V. Hemorrhages cé-rébrale.)

Arcs diastaltiques, 342. — Indé-pendance des —, musculaire et cu-tanée, 344.

Artères du cerveau, 49 ; — de la base de l'encéphale, 50 ; — leur division en systèmes, en groupes, 50 ; — cérébrales postérieures,com-municantes,sylviennes, etc., 50, 53, 69, 77 ; — Recherches de Duret et Heubner, 56 ; — corticales, 58 ; — centrales ou ganglionnaires, 59 ;

— Indépendance des systèmes corti-cal et central, 59 ; — Branches de

Charcot. Œuvres- complètes, t.

la sylvienne,60,61,69 ; — finales,68 — nourricières, 62, 299 ; — courtes et longues, 63 ; — terminales, 67, 299 ; — Anatomie descriptive de ces artères corticales, 70, 76 ; — Anatomie descriptive des artères centrales, ou ganglionnaires, 80, 81, 82,83, 92, 97 ; — striées, lenticulo-striées lenticulo-optiques, 95, 96.

Ataxle locomotrice, 180, 268; — Réflexes dans 1' —, 337.

Atrophie cérébrale, 335.

Atrophie musculaire dans l'hémi-plégie, 246 ; — dans la sclérose latérale amyotrophique, 397 ; — progressive, 307, 383.

Attitude des membres dans le cas de contracture permanente, 324, 329 ; — Variétés et types, 330 et suiv.

Avant-coin, 38.

Avant-mur, 8, 298.

Axe gris central, 378.

B

Bandelettes optiques, 127; — leurs racines externes et internes, 141, 143.

Bruit musculaire, 328.

Bulbe rachidien. Il est le siège de lésions systématiques, 49; — sa circulation, 82; — son dévelop-pement, 190.

c

(Capsule interne, 7, 8 ; — ses rap-ports avec le pied du pédoncule, 87 ; — sa constitutions 89 ; — ses

rv.

lésions, 103 ; — Variétés des symptômes suivant le siège de ces lésions, 104, 108 ; — Régions de la —, 109,229 ; — Influence des lé-sions de la — sur le développement des dégénérations secondaires. 151 ; — Trajet du faisceau pyra-midal dans la —, 210 ; — Genou de la —, 210, 227 ; — Localisations dans la —, 226 ; — Lésions des-tructives de la —, 300, 301.

Cellules ganglionnaires ou pyrami-dales, 21 ; — Leur analogie avec les cellules motrices de la moelle épinière, leur structure, leurs pro-longements, 21, 22, etc. ; — géan-tes, 23, 31, 34, 41, 233, 235 ; — araignées, 25 ; — motrices anté-rieures, 19, 244 ; — kinésodiques, 284 ; — œsthésodiques, 284.

Centres moteurs, 11, 42; — leur développement, 213.

Centre ovale de Vieussens, 211.

Centres trophiques, 273.

Champ visuel, 122. (V. Amblyopie).

Chromologiques (Faits), 212.

CircoNVOLUTioNS, 10; — chez le singe, 11; —chez l'homme, 14 ; — leur description. 10 et suiv. ; -- fonda-mentales, 16; — ascendantes, 39 ; — Scructure des —, 233.

Claustum, 298.

Clonus, (V. Phénomène du pied et Phénomène du genou.)

Colline de Doyère, 387.

Conduction différente, 296.

Contracture précoce, 99, 289 ; — permanente, 102 ; — ses rapports avec la dégénération secondaire, 159 ; tardive, 103; — Prodromes de la --, 301 ; Influence de la stry-chnine sur la --, 317 ; Influence du traumatisme. 321; — chez les hys-tériques, 316 ; —-Attitude des mem-bres dans la —, 323; — myopathi-que, 325; — Guérison exceptionnelle de la —, 331 ; — Rôle physiologique de la —, 345 ; — dans la sclérose multiloculaire,359; — dans le tabès dorsal spasmodique, 365, 373 ; — Valeur séméiologique de la —, 374 : — dans la sclérose latérale amyotrophique, 392.

Convulsions épileptiformes, 102.

Gordons médullaires, 184 ; — de Goll, de Burdach, pyramidaux, etc. (V. Faisceaux); — postérieurs (dé-génération), 261.

Cornes antérieures (Lésions des), 340 ; — lésion irritative, 341 ; — dans la moelle allongée, 385.

Corps calleux, 38 ; — Circonvolution du —, 39.

Corps strié. Sa situation, 4 ; — ses rapports avec la capsule interne, 91 ; — sa circulation, 95, 96.

Couches optiques. Leur situation, 4 ; — Leur importance au point de vue des localisations, 84.

Coupes transversales, 8 ; — parié-tales, 211, 238; — du bulbe, 199.

Couronne rayonnante, 7 ; — ses rapports avec la capsule interne 90; -- sa constitution, 135; — ses fibres postérieures, 139.

Crucial. (V. Sillon.)

CrUSTA. (V. PrBD du pédoncule.)

d

Decussation. (V. Entrecroise-ment) .

Déformations paralytiques des mem-bres, 317. Dégénérations secondaires ; 157 ;

— leurs causes, 157, 217 ; — de cause cérébrale, 218 ; — Dans les

— de cause cérébrale, le siège du foyer cérébral est le point capital, 232 ; — Séméiologie générale des —, 294 ; — de cause spinale, 218, 250; —descendantes et ascendantes 253,254 ; — Faisceaux de Goll et de Burdach, 267 ; — reproduites par l'expérimentation, 275, 281 ; — de cause périphérique, 218, 268.

Démarche spasmodique, 366 ; — Elle peut se manifester dans les formes de myélites les plus diverses, 366.

DlASTALTlQues. (V. arcs.)

E

Etage supérieur, 113.

Etage inférieur, 6 ; — sa division, en faisceaux distincts, 112 ; — Fais-ceau centripète de Meynert, 113,

229 ; — rôle de ce faisceau, 116 ;

— Faisceau pyramidal dans V —, 204 ; — Structure et développement des éléments de 1' —, 208.

Egorge cérébelleuse, 32 ; — type

à trois couches. Ecorce cérébrale, 42; — type à

cinq couches, 33. Electrothérapie, 321. Embryogénie, 186. Eminence de Doyère, 386. Encéphalite, 352.

Entrecroisement des pyramides, 199 ; — ses variétés et ses types,

• 200, 201 ; — double des fibres py-ramidales, 258.

Epilepsie spinale pbovoquée, 807.

Erythème des fesses, 296.

Excitabilité du faisceau pyramidal, 287.

Expansion pédonculaire, 206. F

Faisceaux spinaux, 183 ; leur auto-monie, 187 ; — leur développe-ment, 261.

— cunéiformes ou de Burdach, 184 ;

— leur développement, 264, 265.

— de Goll, 264 ; — Noyaux des —, 264 ; — leur développement, 263, 264; leur dégénération, 267.

— cérébelleux directs, 255.

— antéro-latéraux, 183, 218.

- pyramidaux, 196 ; — leur trajet. 197 5 _ dans la protubérance, 203 ;

— dans les pédoncules, 204, 208 ;

— dans la capsule interne, 209 ; — leur origine cérébrale, 215 ; — Dé-génération des —, 221 ; — Schéma des — intra-encéphaliques, 237 ;

— Développement des —, 242 ; — leur terminaison, 233.258 ; — leurs centres trophiqnes, 273 ; — chez le chien, 275 ; — Rôle physiologique des —, 286 ; — son excitabilité, 287 ; — transmission volontaire, 290. (V. Dégénération secon-daire.)

— pyramidaux directs ou de Tùcrk, 198.

— pyramidaux croisés, 197, 198, 222.

— Division des — en extrinsèques et intrinsèques, en f. à fibres longues et f. à fibres courtes, 282 et suiv.

Filum terminale, 249.

Flexibilitas cerea, 393.

g

Ganse de Reil, 140.

Genou de la capsule interne, 204.

Graphique (Analyse) des réflexes.

(V. Réflexes). Gyrus amgularus, 13. (V. Pli

courbe.)

Gyrus fornicatus, 38. (V. Corps

calleux.) Gyrus sygmoïde, 277.

H

Hémtanestiiésie, 98 ; — cérébrale, 103, 451 ; — liée aux lésions posté-rieures de la capsule interne, 103, 111 ; — preuves expérimentales, 114; — Caractères de 1'—, 119; — sensorielle, 120 ; — des hysté-riques, 120, 322 ; — Rapports entre l'amblyopic croisée et V — sensi-tive résultant d'une lésion capsu-Iaire, 134 ; — dans les lésions de la protubérance ou du pédoncule, 145 ; — expérimentale, 156.

Hémiopie, 125 ; — homologue uni-latérale, 127, 129; — Formes de 1' —, 129, 130 ; — Causes de 1' — latérale, 148.

Hémiparaplégie spinale, 257.

Hémiplégie, 98; — Troubles trophi-qnes dans 1' —, 245 ; — post-hémor-rhagique, 296 ; —¦ Contracture tar-dive de 1' —, 302 et suiv. ; — dans l'hystérie, 322.

— spasmodique de l'enfance, 163,336.

Hémisections spinales, 288, 361.

Hémisphères cérébraux. Leurs li-mites, 4.

Hémorrhagie cérébrale, 79 : — sa rareté relative dans les parties pé-riphériques, 79 ; — Artères de 1'—, 96 ; — Siège, mode de formation et extension de 1' —, 106 ; — Hé-miplégie consécutive à 1' —, 296.

Hémorrhagie méningée, 335.

Histoire naturelle des lésions en-céphaliques, 45. Hystérie (Contracture dans 1'), 323.

I

Ictus appoplectique, 296. Induration multiloculaire. (V-

Sclérose en plaques.) Infarctus cérébral, 69. Influence modératrice du cerveau,

293.

Insula de Reil, 8, 298. Irritation et lésions irritatives, 340, 341, 349, 355.

K

Kinésodiques (Cellules). (V. Cel-lules.)

Ii

Lésions. ( V. Systématiques.)

Lobes cérébraux, 13 et suiv.

Lobule paracentral, 30, 34, 39; Exemples de lésions du —, 40.

Lobule quadrilatère,39.(V. Avant-coin).

Localisation. Signification de ce mot, 3 ; — Conditions indispen-sables pour l'étude des —, 45 ; — des affections systématiques, 48, 183 ; — dans les maladies céré-brales et de l'importance de la — sur les dégénérations secondaires, 220 ; — spinales, 189.

Locus niger, 87, 207.

M

Mal de pott, 348.

Manteau de l'hémisphère, 210 ; —

spinal, 182,275. Méningite spinale hypertrophique,

378. Migraine, 148.

Mouvements associés, 317 ; — per-manents, théorie de Hitzig, 338,346; — secondaire, 358. Myopathiques. (V. Contractures.)

Nates, 143. (V. Tubercules quadri-

jumeaux. Nerfs (Structure des), 386. Nerfs optiques, 143. Neuro-musculaire (Système), 387. Neuro-rétinite, 124. Noix vomique (V. Strychnine.) Nouveau-né (Cerveau du), 192; —

Absence de contracture chez le —,

340.

Noyau caudé, 6; — sa circulation 78: — ses rapports avec la cou-ronne rayonnante, 136.

Noyaux gris de l'encéphale, 4 ; — leur circulation, 78 ; leurs lésions indépendantes de celles de la cap-sule interne, 102.

Noyau lenticulaire, 8 ; — au point de vue des localisations, 84 ; — ses hémorrhagies, 108.

P

Paciiyméningite caséo-tuberculeuse, 251.

Papille étranglée, 124.

Paralysie spinale infantile, 39, 307 ; — quelle place occupe-t-elle dans le groupe des poliomyélites, 382.

Paralysie spinale de l'adulte, 382.

Paraplégie spasmodique, 358 ; — té-tanoïde, 358, — dans la myélite, 367 ; — Interprétation de la —, 377.

Parésie hystérique, 322.

Pied du pédoncule, 5 ; — dans ses rapports avec la capsule interne, 86, — sa constitution, 87 ; — Lé-sions du —, 153; — Fibres pé-donculaires directes et fibres pé-donculaires indirectes, 170 ; — Faisceau pyramidal dans le —, 205 ;

Pédoncules cérébraux, 4 ; — leurs rapports de continuité avec la cap-sule interne, 153 ; — leur division en trois régions, 206 ; — Dégénéra-tion systématique dans les —. 222, —Atrophie des —, 336.

Phénomène du genou, 310. — de la main, 205.

— du pied, 304. (V. Trépidation

spinale. )

Plaques jaunes, 74, 171, 335. Plis du cerveau, 10, 232. Pli courbe, 13.

Poliomyélite antérieure, 340 ; —

— systématiques, 379 ; — leurs ca-ractères cliniques, 380 et suiv. ;

— aigus et subaigus, 383 ; — chronique, 384.

— diffuse, 384.

Processus cerebelli ad testes, 205.

Prolongement nerveux des cellules, 21 ; — pyramidal, 23; — basai, 24.

Protubérance. Elle est le siège de lésions systématiques, 48 ; — sa circulation, 81 ; -- Trajet du fais-ceau pyramidal dans la —, 204 ; — Dégénération systématique dans la

— , 223 ; — Atrophie de la -, 336. Pulvinar, 141.

Putamën, 106,107.

Pyramides antérieures, 184 ; —, Atrophie des —, 336. (V. Entre-croisement.

r

Racines nerveuses, 272.

Radiations optiques, 143.

Ramollissement général par isché-mie, 64; — Sa fréquence dans les parties périphériques de l'encé-phale, 79. — Foyers localisés de —, 239.

Réflexes : chez le nouveau-né, 194 ;

— tendineux, 305 et suiv. ; — pa-tellaires, 311 ; — tendineux en gé-néral et leur analyse graphique, 314 et suiv. ; — dans la sclérose latérale amyotrophique, 353 ; — dans la paraplégie spasmodique, 365 ; — abdominaux, 351.

11ÉSEAU nerveux de GeRLACH ou ré-

ticulum nerveux, 20, 350. rlbsenzellen, 21. (v. cellules

géantes.) Rigidité des membres, 358 ; — dans

le tabès dorsal spasmodique, 371. rolandique. (v. zone.) Ruban de Vicq d'Azir, 17.

S

Scissures du cerveau, 14 et suiv.

Sclérose descendante. (V. Dégé-nérations secondaires.)

Sclérose péri-épendymaire, 378.

Sclérose en plaques, 181 ; — Ab-sence des dégénérations secondaires dans la —, 278 ; - Contracture dans la —, 359 ; — Paralysie spas-modique dans la —, 369.

Scléroses fasciculées systémati-ques, 161 ; — Autonomie des — 162 ; — consécutives et primitives, 163, 164.

Sclérose latérale amyotrophique, 48, 352 ; -- La — est une lésion systématique à éléments combinés, 385 ; -- Anatomie de cette affec-tion, 401 ; — Observations et dis-cussion de ces observations, 401, 415.

Scotome scintillant, 149.

Semi-décussation, 126, 199.

Sensorium commune, 42, 109.

Signe du tendon. (V. Phénomène du genou.)

Sillon de Rolland, 14.

Sillon crucial, 31, 235, 277.

Sillons postérieurs intermédiai-res, 268.

Spasmodiques. (V. Paraplégie et

Tabès.) Splenium, 139.

Strychnine. Son influence sur la contracture, 308 ; — Expériences thérapeutiques de Fouquier, 318 ; — Expériences de Vulpian, 328, 345.

Suppléance fonctionnelle, 100, 157.

Syncinésies. (v. Mouvements as-sociés.)

Syphilitique (Myélite), 359, 361.

Systèmes d'association, 24.

Systématiques (Lésions) en gûiéntL. 47 ; — elles répondent à une topo-graphie anatomique normale, mise en relief par l'anatomie patholo-gique, la clinique et l'anatomie de développement, 191 et suiv. ; — au point de vue de la pathologie et de la physiologie, 371.

Systématisation des lésions, 46, 377.

Système neuro-musculaire, 381.

T

Tabès dorsal spasmodtque, 359 ; — Théories du —, 368 ; — Diagnostic du — avec la sclérose en plaques disséminées, 369.

Tapetum. 139.

Tëgmentum, 87, 206.

Territoires vasculaires, 66.

Testes. (V. Tubercules quadriju-

meaux.) tétanos artificiel, 318.

Thalamus, 140 (V. Couche optique.)

Tonicité musculaire, 327, 350.

Tonus musculaire, 327 ; — Théories d'Onimus, 328 ; — Irritation phy-siologique des cornes antérieures 341, 350.

Topographie spinale, 177, 187.

Tractus optiques. (V. Bandelettes optiques.)

Traumatisme (Influence du) sur la contracture permanente, 321, 345, 352.

Trépidation spinale, 303, 307, 308.

Trophiques (Troubles), 245.

Tubes médullaires, 25, 193, 353.

Tubercules quadrijumeaux, 140; — leurs rapports avec les racines des nerfs optiques, 142 ; — lésions des —, 145.

V

Volonté (Transmission des ordres de la) par l'intermédiaire du fais-ceau pyramidal, 289 ; — hypothè-ses et opinions soutenues depuis Galien, 363.

w

Wallériennes (Lésions), 271. Z

Zones radiculaires, 186. Zone rolandique, 210, 236; — chez le chien, 277.